Acquisition de titres propres et participations croisées
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À propos de ce livre électronique
Cet ouvrage examine en détail les conditions et exceptions applicables à l'acquisition, à la détention et à l’aliénation d’actions propres ainsi qu’au régime des participations croisées (à savoir, la situation dans laquelle se trouvent deux sociétés détenant des actions l’une dans l’autre), tant entre société mère et filiale qu’entre sociétés indépendantes, dans le but de mettre en évidence les principaux problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre de ces règles et de formuler un ensemble de conseils pratiques qui permettront aux praticiens de déjouer les écueils de cette réglementation complexe.
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Aperçu du livre
Acquisition de titres propres et participations croisées - Arnaud Coibion
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.
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© Groupe Larcier s.a., 2016 Éditions Larcier Espace Jacqmotte
Rue Haute, 139 – Loft 6 – 1000 Bruxelles
Tous droits réservés pour tous pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
ISBN 9782804488710
La Collection Droit des sociétés a pour vocation d’accueillir des ouvrages consacrés au droit des sociétés. Y sont traités en profondeur des sujets d’actualité tels que la convention de cession d’actions, la solution des conflits entre actionnaires, les voies possibles pour les sociétés en difficulté, la transparence, etc. Ces ouvrages se veulent d’une grande qualité scientifique et ancrés dans la réalité de la vie des affaires. Ils s’adressent à tous les acteurs de la vie des sociétés : professeurs, magistrats, avocats, juristes d’entreprise, notaires, réviseurs...
Sous la direction d’Olivier Caprasse, Vice-Doyen de la Faculté de droit de l’Université de Liège et avocat au barreau de Bruxelles.
Dans la même collection :
JONET J.-M., EVRARD M., Joint ventures : des noces au divorce. Droit des sociétés, résolution des différends et arbitrage, 2006
DE CORDT Y., SCHAEKEN WILLEMAERS G., La transparence en droit des sociétés et en droit financier, 2008
THIRION N. (sous la direction de), Droit international et européen des sociétés, 2009
LECLERCQ D., Les conventions de cession d’actions. Analyse juridique et conseils pratiques de rédaction, 2009
COIBION A., Les conventions d’actionnaires en pratique. Contraintes juridiques, typologie et application aux opérations de Private Equity, 2010
LELEU Y.-H., LOUIS S., Sociétés et régime matrimonial de communauté, 2010
CAPRASSE O., AYDOGDU R., Les conflits entre actionnaires. Prévention et résolution, 2010
GOFFIN J.-FR., Responsabilités des dirigeants de sociétés (3e édition), 2012
BRULS Chr. (sous la direction de), Les multinationales, 2012
Préface
La littérature juridique est traversée depuis un certain temps déjà par deux grandes variétés d’écrits au moins. Certains auteurs prennent pour parti d’examiner et de critiquer les institutions juridiques du point des finalités, politiques, morales, sociales ou économiques, qu’elles sont censées réaliser au sein de leur périmètre d’application. D’autres s’attachent à une description méthodique du système en vue de le rendre intelligible pour ceux auxquels il est destiné. Cette seconde variété de doctrine, soucieuse d’être utile pour le praticien, n’est certes pas moins féconde que la première, si elle peut paraître parfois plus aride ou plus austère. Les deux doivent, à mes yeux, être lues, comprises et utilisées dans une perspective de complémentarité plutôt que d’opposition.
L’ouvrage que MM. Coibion et de Selys Longchamps ont rédigé ensemble relève de la deuxième catégorie mentionnée ci-dessus. Les auteurs ont choisi de s’attaquer à un sujet d’une haute technicité, qui, de longue date, a retenu l’attention du législateur, de la jurisprudence et de la doctrine : le « rachat » de titres propres et, par extension en quelque sorte, le régime des participations croisées, envisagés sous le prisme des contraintes juridiques en matière d’auto-contrôle. S’il est loin le temps où le rachat d’actions propres donnait encore lieu à des discussions fondamentales quant à sa nature même – on songe à la célèbre discorde qui a autrefois divisé à ce propos la Cour de cassation et la Commission bancaire (¹) –, la matière dont MM. Coibion et de Selys Longchamps nous présente l’image actuelle n’en a pas moins conservé un intérêt majeur, accru par la sophistication des règles qui la composent.
L’écueil de ce type d’entreprise est connu : c’est celui de la paraphrase dénuée d’intérêt, lorsqu’elle n’obscurcit pas plus qu’elle éclaire. Le texte que nous propose MM. Coibion et de Selys Longchamps l’évite, et de manière magistrale. Précision irréprochable dans l’analyse, clarté d’exposition, élégance et sobriété du style : il est rare de trouver toutes ces qualités réunies à un degré aussi élevé. C’est grâce à elles qu’en refermant l’ouvrage que nous présentons, le lecteur aura le sentiment de s’être (re)trouvé en présence de sujets presque familiers. Que l’on ne s’y trompe pas cependant : il fallait toute la science, l’expérience et la fermeté de vues des auteurs pour qu’ils puissent en aller ainsi, à propos d’une règlementation dont la technicité – censée garantir la sécurité juridique – va rarement de pair avec l’intelligibilité spontanée.
Les auteurs n’hésitent pas à prendre des positions tranchées sur certaines questions qui continuent à prêter à discussion – preuve, s’il en est besoin –, qu’une règlementation, aussi sophistiquée et « arithmétisée » soit elle, n’élimine pas nécessairement les controverses et manque en cela son but principal, qui est d’assurer la sécurité juridique. Le point de vue développé par les auteurs est le plus souvent déterminé par une analyse prudemment littérale des textes en vigueur (²). Ce sera le grand mérite de ces prises de position que de contribuer ainsi à l’animation du débat.
Le droit des sociétés est une matière en permanente (r)évolution. Près de cinquante modifications sont intervenues depuis l’adoption du Code des sociétés en 1999 et le mouvement n’est pas destiné à s’arrêter là. Le rachat d’actions propres fait partie des sujets d’attention, en ce qu’il intéresse aussi la protection du capital et les règles par lesquelles on pense atteindre à cette protection sont au centre d’une réflexion plus fondamentale, où le système actuel, basé sur des critères formels d’arithmétique bilantaire (voy. l’article 617 du Code des sociétés), se trouve confronté à d’autres systèmes, plus « réalistes, faisant appel à des tests
de solvabilité et de liquidité. Le régime du rachat de titres propres sera touché par les réformes qui feront suite, le cas échéant, à ces débats. L’ouvrage de MM. Coibion et de Selys Longchamps n’en conservera que plus d’intérêt, dans la mesure où, en contribuant à une meilleure lisibilité du régime actuel, il aidera à mieux comprendre la portée de ses éventuelles évolutions.
Xavier Dieux
Décembre 2015
(1) On relira avec bonheur l’étude que les Professeurs Van Ryn et Van Ommeslaghe avaient consacrée à la question, sous un arrêt de la Cour de cassation du 6 octobre 1959, R.C.J.B., 1960, p. 612.
(2) Voy., par exemple, les positions prises au n° 49 concernant la possibilité de dépasser le plafond des 20 % en cas de rachat destiné à une annulation immédiate des titres dans réduction de capital et au n° 86 concernant le « safe harbour » applicable aux programmes de rachat portant sur des titres cotés.
Introduction (¹)
1. On le sait, dans les sociétés de capitaux, la responsabilité des associés est limitée à leurs apports. En contrepartie, le capital est en principe intangible, c’est-à-dire que la société ne peut, par des distributions aux associés, faire descendre la valeur de son actif net en dessous du montant du capital augmenté des réserves indisponibles.
Comme l’écrivait le Professeur Heenen, le capital constitue le « centre de gravité » des sociétés de capitaux. La protection du capital, considéré comme le gage des créanciers de la société, est dès lors l’une des priorités du législateur. Le capital ne peut être fictif, c’est-à-dire formé par des avoirs inexistants ou frauduleusement gonflés.
De même, en vertu des articles 442 (visant la souscription au moment de la constitution) et 585 (visant la souscription lors d’augmentations du capital) du Code des sociétés (« C. soc. »), une société ne peut en aucun cas souscrire ses propres actions. Une violation de cette interdiction implique soit la mise en cause de la responsabilité solidaire des signataires de l’acte constitutif (art. 457 C. soc.), soit celle des administrateurs sur pied de l’article 610, 3°, du Code des sociétés.
L’acquisition, la détention et l’aliénation de titres propres sont gouvernées par un régime juridique propre, dont l’objectif est de limiter les risques de fictivité du capital social et ceux de l’autocontrôle.
Le principe selon lequel une société anonyme peut acquérir, détenir et aliéner ses propres titres moyennant le respect de certaines conditions est énoncé aux articles 620 et suivants du Code des sociétés.
2. Au sein des sociétés, et notamment des groupes de sociétés, le rachat de titres propres constitue, outre une technique purement financière (régulation de cours, instrument de placement, etc.), un moyen « politique » de renforcement indirect du contrôle du majoritaire. En effet, le rachat peut dans certains cas constituer une alternative à une offre publique lancée par le majoritaire pour consolider sa position et offrir une possibilité aux petits porteurs de céder leurs titres. Le rachat peut également servir, au même titre qu’une distribution de dividende, de méthode de remontée de liquidités vers la société mère.
Nous verrons ci-dessous que la loi offre une protection tant aux créanciers de la société, qui seraient préjudiciés par la fictivité du capital, qu’aux actionnaires minoritaires, qui doivent bénéficier du principe de l’égalité de traitement.
3. Dans la mesure où le rachat d’actions propres est avant tout justifié par des raisons financières et commerciales, le présent ouvrage examine, brièvement, dans un premier temps, les justifications économiques de la décision d’effectuer le rachat d’actions propres. À titre introductif également, les considérations juridiques générales qui sous-tendent le régime de droit positif seront ensuite évoquées.
Les régimes de l’acquisition, de la détention et de l’aliénation des titres propres seront successivement examinés en détail, ainsi que les multiples régimes dérogatoires prévus par le Code des sociétés. Nous consacrerons par ailleurs un chapitre particulier à l’examen des règles spécifiques applicables aux sociétés cotées.
Enfin, les règles applicables aux participations croisées entre sociétés, calquées dans une large mesure sur celles du rachat de titres propres, seront commentées en raison de leur pertinence particulière dans les groupes de sociétés. Les trois régimes distincts mis en place par le législateur seront abordés successivement : les participations croisées entre une société mère et une société filiale directe, celles entre une société mère et une société filiale au sens large, et celles entre sociétés indépendantes.
Pour la facilité des praticiens, des exemples de clauses d’habilitation à l’acquisition et l’aliénation d’actions propres et de description des opérations réalisées à inclure dans le rapport de gestion de la société concernée sont joints en annexe au présent ouvrage.
(1) Les prémisses du présent ouvrage se trouvent dans la contribution au recueil publié à l’occasion du dixième anniversaire des séminaires Vanham & Vanham (J.-M.
Nelissen
Grade
et A.
Coibion
, « Acquisitions de titres propres et participations croisées : quelques considérations pratiques ») ainsi que dans la contribution publiée dans l’ouvrage collectif Droit des sociétés – Millésime 2011 (A.
Coibion
et G.
de
Pierpont
, « Assistance financière, rachat d’actions propres et apports en nature : assouplissement nécessaire ou coup d’épée dans l’eau ? », in Droit des sociétés – Millésime 2011 (Y.
De
Cordt
et A.-P.
André
-
Dumont
dir.), Bruxelles, Larcier, 2011).
I. Justification économique et historique des règles régissant le rachat de titres propres et les participations croisées
4. Les justifications économiques de l’opération de rachat d’actions propres sont multiples et ont été abondamment décrites par les économistes au cours des deux dernières décennies (¹).
Section 1. Stabilisation des cours
La technique de rachat d’actions propres peut être utilisée pour soutenir le prix de titres sur le marché lorsque ceux-ci sont soumis à une forte pression à la vente par des investisseurs à court terme, afin d’atténuer cette pression et de contribuer ainsi à renforcer la confiance dans les marchés financiers (²).
Section 2. Distribution de dividendes
L’opération de rachat d’actions propres a souvent pour but d’assurer aux actionnaires une rétribution en espèces à la suite de la réalisation d’une partie des actifs de la société. Le but recherché est alors similaire à celui du paiement d’un dividende tout en donnant lieu à des conséquences fiscales plus avantageuses (³). Une société peut être tentée d’effectuer un rachat d’actions propres dans ce contexte (plutôt qu’une distribution de dividendes (⁴)) afin de ne pas affecter négativement le « price earnings ratio » (⁵) de ses actions.
Enfin, par comparaison avec une distribution classique de dividendes, le rachat d’actions ne crée pas de phénomène d’accoutumance pour les actionnaires, qui réagissent souvent négativement à la réduction d’un dividende l’année suivante. Le rachat offre également une plus grande flexibilité à chaque actionnaire, qui est libre soit de céder ses actions contre espèces soit de conserver ses titres et de profiter de l’effet du rachat des actions d’autres actionnaires sur la valeur de ses propres actions (en particulier si l’acquisition est suivie d’une annulation) (⁶).
Section 3. Stock option
Les sociétés ont fréquemment recours au rachat de titres pour compenser l’émission de stock options et éviter ainsi que le nombre de titres en circulation après l’exercice de ces options soit trop élevé, ou encore pour constituer une réserve d’actions émises pouvant être distribuées au personnel au moment de l’exercice des stock options.
De telles options sur actions peuvent être accordées au personnel par exemple pour impliquer celui-ci dans la gestion de la société, pour le rétribuer à moindre coût, ou encore pour attirer, fidéliser et motiver les travailleurs clés de l’entreprise (⁷).
Section 4. Instrument de placement
Dans un contexte économique dans lequel une trésorerie pléthorique constitue un handicap, les rachats d’actions propres permettent de restituer une partie de cette trésorerie aux actionnaires (⁸).
En outre, une société cotée peut parfaitement tenter de spéculer sur ses propres titres : l’annonce du lancement d’un programme de rachat d’actions propres est généralement bien accueillie par les marchés financiers, qui considèrent une telle annonce comme une indication que la société estime ses titres sous-évalués (⁹). Une telle opération peut toutefois s’avérer être à double tranchant, puisque la décision d’acquérir ses propres titres peut être interprétée comme un signe que la société n’a pas d’autre projet d’investissement rentable (¹⁰).
Section 5. Mesure de prévention des offres publiques d’acquisition
Ensuite, la technique de rachat d’actions propres peut être utilisée afin de rendre moins intéressante une éventuelle offre publique hostile sur les titres de la