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Études médico-légales - Psychopathia Sexualis: Deuxième partie
Études médico-légales - Psychopathia Sexualis: Deuxième partie
Études médico-légales - Psychopathia Sexualis: Deuxième partie
Livre électronique317 pages4 heures

Études médico-légales - Psychopathia Sexualis: Deuxième partie

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À propos de ce livre électronique

Une étude à visée scientifique qui a participé à vulgariser des notions fondamentales de la sexualité humaine.

POUR UN PUBLIC AVERTI. Conçu à l'origine comme un traité de psychiatrie destiné aux médecins et juristes, Psychopathia Sexualis devient rapidement un best-seller parmi les profanes, malgré le langage délibérément scientifique et des sections en latin. Cet ouvrage, qui a par ailleurs popularisé les termes de sadisme et masochisme, en référence aux œuvres du marquis de Sade et de Sacher-Masoch, a connu des éditions successives enrichies de nouveaux témoignages, écrits par des lecteurs s'étant reconnus dans les cas décrits par le psychiatre. Aujourd'hui, cette monographie présente un intérêt historique indéniable, car elle est l'un des premiers ouvrages sur la sexualité.

La deuxième partie d'un traité fleuve qui jette les bases de la sexologie.

EXTRAIT

Les pages qui vont suivre, s’adressent aux hommes qui tiennent à faire des études approfondies sur les sciences naturelles ou la jurisprudence. Afin de ne pas inciter les profanes à la lecture de cet ouvrage, l’auteur lui a donné un titre compréhensible seulement des savants, et il a cru devoir se servir autant que possible de termes techniques. En outre, il a trouvé bon de n’exprimer qu’en latin certains passages qui auraient été trop choquants si on les avait écrits en langue vulgaire. Puisse cet essai éclairer le médecin et les hommes de loi sur une fonction importante de la vie. Puisse-t-il trouver un accueil bienveillant et combler une lacune dans la littérature scientifique où, sauf quelques articles et quelques discussions casuistiques, on ne possède jusqu’ici que les ouvrages complets de Moreau et de Tarnowsky.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Le docteur Richard von Krafft-Ebing (1840-1902) est un psychiatre austro-allemand. Il exerce dans plusieurs institutions psychiatriques mais choisit rapidement d'enseigner et de vulgariser sa discipline en donnant des conférences et des séances d'hypnose en public. Il publie divers ouvrages sur la criminologie, la médecine légale et la psychiatrie, mais c'est grâce à son travail de terrain, ses expertises et ses observations que naît Psychopathia Sexualis (1886), son œuvre la plus rééditée et traduite.

À PROPOS DE LA COLLECTION

Retrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.
Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans « l'Enfer des bibliothèques », les auteurs de ces œuvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement.
Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.
LangueFrançais
Date de sortie27 mars 2018
ISBN9782512008460
Études médico-légales - Psychopathia Sexualis: Deuxième partie

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    Aperçu du livre

    Études médico-légales - Psychopathia Sexualis - Dr. von Krafft-Ebing

    PRÉFACE

    Peu de personnes se rendent un compte exact de la puissante influence que la vie sexuelle exerce sur les sentiments, les pensées et les actes de la vie intellectuelle et sociale.

    Schiller, dans sa poésie : Les Sages, reconnaît ce fait et dit : « Pendant que la philosophie soutient l’édifice du monde, la faim et l’amour en forment les rouages. »

    Il est cependant bien surprenant que les philosophes n’aient prêté qu’une attention toute secondaire à la vie sexuelle.

    Schopenhauer, dans son ouvrage : Le monde comme volonté et imagination¹, trouve très étrange ce fait que l’amour n’ait servi jusqu’ici de thème qu’aux poètes et ait été dédaigné par les philosophes, si l’on excepte toutefois quelques études superficielles de Platon, Rousseau et Kant.

    Ce que Schopenhauer et, après lui, Hartmann, le philosophe de l’Inconscient, disent de l’amour, est tellement erroné, les conclusions qu’ils tirent sont si peu sérieuses que, en faisant abstraction des ouvrages de Michelet² et de Mantegazza³, qui sont des causeries spirituelles plutôt que des recherches scientifiques, on peut considérer la psychologie expérimentale et la métaphysique de la vie sexuelle comme un terrain qui n’a pas encore été exploré par la science.

    Pour le moment, on pourrait admettre que les poètes sont meilleurs psychologues que les philosophes et les psychologues de métier ; mais ils sont gens de sentiment et non pas de raisonnement ; du moins, on pourrait leur reprocher de ne voir qu’un côté de leur objet. A force de ne contempler que la lumière et les chauds rayons de l’objet dont ils se nourrissent, ils ne distinguent plus les parties ombrées. Les productions de l’art poétique de tous les pays et de toutes les époques peuvent fournir une matière inépuisable à qui voudrait écrire une monographie de la psychologie de l’amour, mais le grand problème ne saurait être résolu qu’à l’aide des sciences naturelles et particulièrement de la médecine qui étudie la question psychologique à sa source anatomique et physiologique et l’envisage à tous les points de vue.

    Peut-être la science exacte réussira-t-elle à trouver le terme moyen entre la conception désespérante des philosophes tels que Schopenhauer et Hartmann⁴ et la conception naïve et sereine des poètes.

    L’auteur n’a nullement l’intention d’apporter des matériaux pour élever l’édifice d’une psychologie de la vie sexuelle, bien que la psycho-pathologie puisse à la vérité être une source de renseignements importants pour la psychologie.

    Le but de ce traité est de faire connaître les symptômes psycho-pathologiques de la vie sexuelle, de les ramener à leur origine et de déduire les lois de leur développement et de leurs causes. Cette tâche est bien difficile et, malgré ma longue expérience d’aliéniste et de médecin légiste, je comprends que je ne pourrai donner qu’un travail incomplet.

    Cette question a une haute importance : elle est d’utilité publique et intéresse particulièrement la magistrature. Il est donc nécessaire de la soumettre à un examen scientifique.

    Seul le médecin légiste qui a été souvent appelé à donner son avis sur des êtres humains dont la vie, la liberté et l’honneur étaient en jeu, et qui, dans ces circonstances, a dû, avec un vif regret, se rendre compte de l’insuffisance de nos connaissances pathologiques, pourra apprécier le mérite et l’importance d’un essai dont le but est simplement de servir de guide pour les cas incertains.

    Chaque fois qu’il s’agit de délits sexuels, on se trouve en présence des opinions les plus erronées et l’on prononce des verdicts déplorables ; les lois pénales et l’opinion publique elles-mêmes portent l’empreinte de ces erreurs.

    Quand on fait de la psycho-pathologie de la vie sexuelle l’objet d’une étude scientifique, on se trouve en présence d’un des côtés sombres de la vie et de la misère humaine ; et, dans ces ténèbres, l’image divine créée par l’imagination des poètes, se change en un horrible masque. A cette vue on serait tenté de désespérer de la moralité et de la beauté de la créature faite « à l’image de Dieu ».

    C’est là le triste privilège de la médecine et surtout de la psychiatrie d’être obligée de ne voir que le revers de la vie : la faiblesse et la misère humaines.

    Dans sa lourde tâche elle trouve cependant une consolation : elle montre que des dispositions maladives ont donné naissance à tous les faits qui pourraient offenser le sens moral et esthétique ; et il y a là de quoi rassurer les moralistes. De plus, elle sauve l’honneur de l’humanité devant le jugement de la morale et l’honneur des individus traduits devant la justice et l’opinion publique. Enfin, en s’adonnant à ces recherches, elle n’accomplit qu’un devoir : rechercher la vérité, but suprême de toutes les sciences humaines.

    L’auteur se rallie entièrement aux paroles de Tardieu (Des attentats aux mœurs) : « Aucune misère physique ou morale, aucune plaie, quelque corrompue qu’elle soit, ne doit effrayer celui qui s’est voué à la science de l’homme, et le ministère sacré du médecin, en l’obligeant à tout voir, lui permet aussi de tout dire. »

    Les pages qui vont suivre, s’adressent aux hommes qui tiennent à faire des études approfondies sur les sciences naturelles ou la jurisprudence. Afin de ne pas inciter les profanes à la lecture de cet ouvrage, l’auteur lui a donné un titre compréhensible seulement des savants, et il a cru devoir se servir autant que possible de termes techniques. En outre, il a trouvé bon de n’exprimer qu’en latin certains passages qui auraient été trop choquants si on les avait écrits en langue vulgaire.

    Puisse cet essai éclairer le médecin et les hommes de loi sur une fonction importante de la vie. Puisse-t-il trouver un accueil bienveillant et combler une lacune dans la littérature scientifique où, sauf quelques articles et quelques discussions casuistiques, on ne possède jusqu’ici que les ouvrages incomplets de Moreau et de Tarnowsky.


    1. T. II, p. 586 et suiv.

    2. L’Amour.

    3. Physiologie de l’amour.

    4. Voici l’opinion philosophique de Hartmann sur l’amour : « L’amour, dit-il dans son volume La Philosophie de l’Inconscient (Berlin, 1869, p. 583), nous cause plus de douleurs que de plaisirs. La jouissance n’en est qu’illusoire. La raison nous ordonnerait d’éviter l’amour, si nous n’étions pas poussés par notre fatal instinct sexuel. Le meilleur parti à prendre serait donc de se faire châtrer. » La même opinion, moins la conclusion, se trouve aussi exprimée dans l’ouvrage de Schopenhauer : Le Monde comme Volonté et Imagination, t. II, p. 586.

    3 (suite)

    Neuropathologie et psychopathologie générales de la vie sexuelle

    3°. – Association de l’image de certaines parties du corps ou du vêtement féminin avec la volupté. – Fétichisme

    Dans nos considérations sur la psychologie de la vie sexuelle normale, qui ont servi d’entrée en matière à ce livre, nous avons montré que, même dans les limites de l’état physiologique, l’attention particulièrement concentrée sur certaines parties du corps de personnes de l’autre sexe et surtout sur certaines formes de ces parties du corps, peut devenir d’une grande importance psycho-sexuelle. Qui plus est, cette force d’attraction particulière pour certaines formes et certaines qualités agit sur beaucoup d’hommes et même sur la plupart ; elle peut être considérée comme le vrai principe de l’individualisation en amour.

    Cette prédilection pour certains traits distincts du caractère physique de personnes de l’autre sexe, prédilection à côté de laquelle il y a aussi quelquefois une préférence manifeste pour certains caractères psychiques, je l’ai désignée par le mot « fétichisme », en m’appuyant sur Binet (Du fétichisme en amour, Revue Philosophique, 1887) et sur Lombroso (préface de l’édition allemande de son ouvrage). En effet, l’enthousiasme et l’adoration de certaines parties du corps ou d’une partie de la toilette, à la suite des ardeurs sexuelles, rappelle à beaucoup de points de vue l’adoration des reliques, des objets sacrés, etc., dans les cultes religieux. Ce fétichisme physiologique a été déjà traité à fond plus haut.

    Cependant, sur le terrain psycho-sexuel, il y a, à côté du fétichisme physiologique, un fétichisme incontestablement pathologique et érotique, sur lequel nous possédons déjà de nombreux documents humains et dont les phénomènes présentent un grand intérêt en clinique psychiatrique et même dans certaines circonstances médico-légales. Ce fétichisme pathologique ne se rapporte pas uniquement à certaines parties du corps vivant, mais même à des objets inanimés qui cependant sont toujours des parties de la toilette de la femme et par là se trouvent en connexité étroite avec son corps.

    Ce fétichisme pathologique se rattache par des liens intermédiaires et graduels avec le fétichisme physiologique, de sorte que – du moins pour le fétichisme du corps – il est presque impossible d’indiquer par une ligne de démarcation nette où la perversion commence. En outre, la sphère totale du fétichisme corporel ne se trouve pas en dehors de la sphère des choses qui, dans les conditions normales, agissent comme stimulants de l’instinct génital ; au contraire, il y trouve sa place. L’anomalie consiste seulement, en ce qu’une impression d’une partie de l’image de la personne de l’autre sexe, absorbe par elle-même tout l’intérêt sexuel, de sorte qu’à côté de cette impression partielle, toutes les autres impressions s’effacent ou laissent plus ou moins indifférent.

    Voilà pourquoi il ne faut pas considérer le fétichiste d’une partie du corps comme un monstrum per excessum, tel que le sadiste ou le masochiste, mais plutôt comme un monstrum per defectum. Ce n’est pas la chose qui agit sur lui comme charme qui est anormale, c’est plutôt le fait que les autres parties n’ont plus de charme pour lui ; c’est, en un mot, la restriction du domaine de son intérêt sexuel, qui constitue ici l’anomalie. Il est vrai que cet intérêt sexuel resserré dans des limites plus étroites, éclate avec d’autant plus d’intensité, et avec une intensité poussée jusqu’à l’anomalie. On pourrait bien indiquer comme un moyen pour déterminer la ligne de démarcation du fétichisme pathologique, d’examiner tout d’abord si l’existence du fétiche est une conditio sine qua non pour pouvoir accomplir le coït. Mais, en examinant les faits de plus près, nous verrons que la délimitation basée sur ce principe n’est exacte qu’en apparence. Il y a des cas nombreux où, malgré l’absence du fétiche, le coït est encore possible, bien qu’incomplet, forcé (souvent avec le secours de l’imagination qui représente des objets en rapport avec le fétiche) ; mais c’est surtout un coït qui ne satisfait pas et même fatigue. Ainsi, en examinant de plus près les phénomènes psychiques et subjectifs, on ne trouve que des cas intermédiaires dont une partie n’est caractérisée que par une préférence purement physiologique, tandis que pour les autres il y a impuissance psychique en l’absence du fétiche.

    Il vaudrait peut-être mieux chercher le critérium de l’élément pathologique du fétichisme corporel sur le terrain de la subjectivité psychique.

    La concentration de l’intérêt sexuel sur une partie déterminée du corps, sur une partie – ce sur quoi il faut insister – qui n’a aucun rapport direct avec le sexus (comme les mamelles ou les parties génitales externes), amène souvent les fétichistes corporels à ne plus considérer le coït comme le vrai but de leur satisfaction sexuelle, mais à le remplacer par une manipulation quelconque faite sur la partie du corps qu’ils considèrent comme fétiche. Ce penchant dévoyé peut être considéré, chez le fétichiste corporel, comme le critérium de l’état morbide, que l’individu atteint soit capable ou non de faire le coït.

    Mais le fétichisme des choses ou des vêtements peut, dans tous les cas, être considéré comme un phénomène pathologique, son objet se trouvant en dehors de la sphère des charmes normaux de l’instinct génital.

    Là aussi les symptômes présentent une analogie apparente avec les faits de la vita sexualis physiquement normale ; mais en réalité l’ensemble intime du fétichisme pathologique est de nature tout à fait différente. Dans l’amour exalté d’un homme physiquement normal, le mouchoir, le soulier, le gant, la lettre, la fleur « qu’elle a donné », la mèche de cheveux, etc., peuvent aussi être des objets d’idolâtrie, mais uniquement parce qu’ils représentent une forme du souvenir de l’amante absente ou décédée, et qu’ils servent à reconstituer la totalité de la personnalité aimée. Le fétichiste pathologique ne saisit pas les rapports de ce genre. Pour lui, le fétiche est la totalité de sa représentation. Partout où il l’aperçoit il en ressent une excitation sexuelle, et le fétiche produit sur lui son impression⁶.

    D’après les faits observés jusqu’ici, le fétichisme pathologique paraît ne se produire que sur le terrain d’une prédisposition psychopathique et héréditaire ou sur celui d’une maladie psychique existante. De là vient qu’il se montre combiné avec d’autres perversions primitives de l’instinct génital et qui ont la même source. Chez les individus atteints d’inversion sexuelle, chez les sadistes et les masochistes, le fétichisme se rencontre souvent sous ses formes les plus variées. Certaines formes du fétichisme corporel (le fétichisme de la main ou du pied) ont même avec le masochisme et le sadisme des relations plus ou moins obscures.

    Bien que le fétichisme se base sur une disposition psychopathique générale et congénitale, cette perversion en elle-même n’est pas primitive de sa nature comme celles que nous avons traitées jusqu’ici ; elle n’est pas congénitale, comme nous l’avons dit du sadisme et du masochisme. Tandis que, dans le domaine des perversions sexuelles qui nous ont occupé jusqu’ici, l’observateur n’a rencontré que des cas d’origine congénitale, il trouvera dans le domaine du fétichisme des cas exclusifs de perversion acquise.

    Tout d’abord, pour le fétichisme, on peut souvent établir qu’une cause occasionnelle a fait naître cette perversion.

    Ensuite, on ne trouve pas dans le fétichisme ces phénomènes physiologiques qui, dans le domaine du sadisme et du masochisme, sont poussés par une hyperesthésie sexuelle générale jusqu’à la perversion, et qui justifient l’hypothèse de leur origine congénitale. Pour le fétichisme, il faut chaque fois un incident qui fournisse matière à la perversion. Ainsi que je l’ai dit plus haut, c’est un phénomène de la vie sexuelle normale, de s’extasier devant telle ou telle partie de la femme : mais c’est précisément la concentration de la totalité de l’intérêt sexuel sur cette impression partielle, qui constitue le point essentiel, et cette concentration doit s’expliquer par un motif spécial pour chaque individu atteint de ce genre d’aberration.

    On peut donc se rallier à l’opinion de Binet que, dans la vie de tout fétichiste, il faut supposer un incident, qui a déterminé par des sensations de volupté l’accentuation de cette impression isolée. Cet incident doit être placé à l’époque de la plus tendre jeunesse, et coïncide ordinairement avec le premier éveil de la vita sexualis. Ce premier éveil a eu lieu simultanément avec une impression sexuelle provoquée par une apparition partielle (car ce sont toujours des choses qui ont quelque rapport avec la femme) ; il enregistre cette impression partielle et la garde comme objet principal de l’intérêt sexuel pour toute la durée de sa vie.

    Ordinairement, l’individu atteint ne se rappelle pas l’occasion qui a fait naître l’association d’idées. Il ne lui reste dans la conscience que le résultat de cette association. Dans ce cas, c’est en général la prédisposition aux psychopathies, l’hyperesthésie qui est congénitale⁷.

    Comme les perversions que nous avons étudiées jusqu’ici, le fétichisme peut se manifester à l’extérieur par les actes les plus étranges, les plus contraires à la nature et même par des actes criminels : satisfaction sur le corps de la femme loco indebito, vol et rapt d’objets agissant comme fétiches, souillure de ces objets, etc.

    Là aussi tout dépend de l’intensité du penchant pervers et de la force relative des contre-motifs éthiques.

    Les actes pervers des fétichistes peuvent, comme ceux des individus atteints d’autres perversions, remplir à eux seuls toute la vita sexualis externe, mais ils peuvent aussi se manifester à côté de l’acte sexuel normal, selon que la puissance physique et psychique, l’excitabilité par les charmes normaux se sont plus ou moins conservées. Dans le dernier cas, la vue ou l’attouchement du fétiche sert souvent d’acte préparatoire nécessaire.

    D’après ce que nous venons de dire, la grande importance pratique qui se rattache aux faits de fétichisme pathologique se montre dans deux circonstances.

    Premièrement, le fétichisme pathologique est souvent une cause d’impuissance psychique⁸.

    Comme l’objet sur lequel se concentre l’intérêt sexuel du fétichiste, n’a par lui-même aucun rapport immédiat avec l’acte sexuel normal, il arrive souvent que le fétichiste cesse, par sa perversion, d’être sensible aux charmes normaux, ou que, du moins, il ne peut faire le coït qu’en concentrant son imagination sur le fétiche. Dans cette perversion, de même que dans beaucoup d’autres, il y a tout d’abord, par suite de la difficulté à obtenir une satisfaction adéquate, une tendance continuelle à l’onanisme psychique et physique, surtout chez les individus encore jeunes et chez d’autres encore que des contre-motifs esthétiques font reculer devant la réalisation de leurs désirs pervers. Inutile de dire que l’onanisme, soit psychique soit physique, auquel ils ont été amenés, réagit d’une façon funeste sur leur constitution physique et sur leur puissance.

    Secondement, le fétichisme est d’une grande importance médico-légale. De même que le sadisme peut dégénérer en assassinat, provoquer des coups et des blessures, le fétichisme peut pousser au vol et même à des actes de brigandage.

    Le fétichisme érotique a pour objet, ou une certaine partie du corps du sexe opposé, ou une certaine partie de la toilette de la femme, ou même une étoffe qui sert à l’habillement. (Jusqu’ici on ne connaît des cas de fétichisme pathologique que chez l’homme ; voilà pourquoi nous ne parlons que du corps et de la toilette de la femme.)

    Les fétichistes se divisent donc en trois groupes.

    A. – LE FÉTICHE EST UNE PARTIE DU CORPS DE LA FEMME

    Dans le fétichisme physiologique, ce sont surtout l’œil, la main, le pied et les cheveux de la femme qui deviennent souvent fétiches ; de même dans le fétichisme pathologique, ce sont la plupart du temps ces mêmes parties du corps qui deviennent l’objet unique de l’intérêt sexuel. La concentration exclusive de l’intérêt sur ces parties pendant que toutes les autres parties de la femme s’effacent, peut amener la valeur sexuelle de la femme à tomber jusqu’à zéro, de sorte qu’au lieu du coït, ce sont des manipulations étranges avec l’objet fétiche qui deviennent le but du désir. Voilà ce qui donne à ces cas un caractère pathologique.

    Observation 73 (Binet, op. cit.). – X…, trente-sept ans, professeur de lycée ; dans son enfance a souffert de convulsions. A l’âge de dix ans il commença à se masturber, avec des sensations voluptueuses se rattachant à des idées bien étranges. Il était enthousiasmé pour les yeux de la femme ; mais comme il voulait à tout prix se faire une idée quelconque du coït et qu’il était tout à fait ignorant in sexualibus, il en arriva à placer le siège des parties génitales de la femme dans les narines, endroit qui est le plus proche des yeux. Ses désirs sexuels très vifs tournent, à partir de ce moment, autour de cette idée. Il fait des dessins qui représentent des profils grecs très corrects, des têtes de femmes, mais avec des narines si larges que l’immissio penis devient possible.

    Un jour, il voit dans un omnibus une fille chez laquelle il croit reconnaître son idéal. Il la poursuit jusque dans son logement, demande sa main, mais on le met à la porte ; il revient toujours jusqu’à ce qu’on le fasse arrêter. X… n’a jamais eu de rapports sexuels avec des femmes.

    Les fétichistes de la main sont très nombreux. Le cas suivant que nous allons citer n’est pas encore tout à fait pathologique. Nous le citons comme cas intermédiaire.

    Observation 74. – B…, de famille névropathique, très sensuel, sain d’esprit, tombe en extase à la vue d’une belle main de femme jeune, et sent alors de l’excitation sexuelle allant jusqu’à l’érection. Baiser et presser la main, c’est pour lui le suprême bonheur.

    Il se sent malheureux tant qu’il voit cette main recouverte d’un gant. Sous prétexte de dire la bonne aventure, il cherche à s’emparer des mains. Le pied lui est indifférent. Si les belles mains sont ornées de bagues, cela augmente son plaisir. Seule la main vivante, et non l’image d’une main, lui produit cet effet voluptueux. Mais, quand il s’est épuisé à la suite de coïts réitérés, la main perd alors pour lui son charme sexuel. Au début, le souvenir des mains féminines le troublait même dans ses travaux. (Binet, op. cit.)

    Binet rapporte que ces cas d’enthousiasme pour la main de la femme sont très nombreux.

    Rappelons à ce propos qu’il y a enthousiasme pour la main de la femme dans l’observation 24 pour des motifs sadistes et dans l’observation 46 pour des raisons masochistes. Ces cas admettent donc des interprétations multiples.

    Mais cela ne veut pas dire que tous les cas de fétichisme de la main ou même la plupart de ces cas demandent ou nécessitent une interprétation sadiste ou masochiste.

    Le cas suivant, très intéressant et observé minutieusement, nous apprend que, bien qu’au début un élément sadiste ou masochiste ait été en jeu, cet élément semble avoir disparu à l’époque de la maturité de l’individu et après que la perversion fétichiste se fut complètement développée. On peut supposer que, dans ce cas, le fétichisme a pris naissance par une association accidentelle ; c’est une explication très suffisante.

    Observation 75. – Cas de fétichisme de la main communiqué par le docteur Albert Moll. – P. L…, vingt-huit ans, négociant en Westphalie. A part le fait que le père du malade était un homme d’une mauvaise humeur excessive et d’un caractère un peu violent, aucune tare héréditaire ne peut être notée dans sa famille.

    A l’école, le malade n’était pas très appliqué ; il n’a jamais pu concentrer pendant longtemps son attention sur un sujet ; en revanche, dès son enfance, il avait beaucoup d’amour pour la musique. Son tempérament fut toujours un peu nerveux.

    En 1890 il est venu me voir, se plaignant de maux de tête et de ventre qui m’ont fait l’effet de douleurs neurasthéniques. Le malade avoue en outre qu’il manque d’énergie. Ce n’est qu’après des questions bien déterminées et bien précises, que le malade m’a donné les renseignements suivants sur sa vie sexuelle. Autant qu’il peut se rappeler, c’est à l’âge de sept ans que se sont manifestés chez lui les premiers symptômes d’émotion sexuelle. Si pueri ejusdem fere ætatis mingentis membrum adspexit, valde libidinibus excitatus est. L… assure que cette émotion était accompagnée d’érections manifestes.

    Séduit par un autre garçon, L… a été amené à l’onanisme à l’âge de sept ou huit ans. « D’une nature très facile à exciter, dit L…, je me livrai très fréquemment à l’onanisme jusqu’à l’âge de dix-huit ans, sans que j’aie eu une conception nette ni des conséquences fâcheuses ni de la signification de ce procédé. » Il aimait surtout cum nonnulis commilitonibus mutuam masturbationem tractare ; mais il ne lui était pas du tout indifférent d’avoir tel ou tel garçon ; au contraire, il n’y avait que peu de ses camarades qui auraient pu le satisfaire dans ce sens. Je lui demandai pour quelle raison il préférait un garçon à un autre ; L… me répondit que ce qui le séduisait dans la masturbation mutuelle avec un camarade d’école, c’était quand un de ses camarades avait une belle main blanche. L… se rappelle aussi que souvent, au commencement de la leçon de gymnastique, il s’occupait à faire des exercices seul sur une barre qui se trouvait dans un coin éloigné ; il le faisait dans l’intention ut quam maxime excitaretur idque tantopere assecutus est, ut membro manu non tacto, sine ejuculatione puerili ætate erat  voluptatem clare senserit. Il est encore un incident fort intéressant de sa première jeunesse dont le malade se rappelle. Un de ses camarades favoris N…, avec lequel L… pratiquait la masturbation mutuelle, lui fit un jour la proposition suivante : ut L… membrum N…i apprehendere conaretur ; N… se débattrait autant que possible et essayerait d’en empêcher L…. L… accepta la proposition.

    L’onanisme était donc directement associé à une lutte des deux garçons, lutte dans laquelle N… était toujours vaincu⁹.

    La lutte se terminait régulièrement ut tandem coactus sit membrum masturbari. L… m’affirme que ce genre de masturbation lui a procuré un plaisir tout à fait particulier de même qu’à N… Il se masturba fréquemment jusqu’à dix-huit ans. Instruit par un ami des conséquences de ses pratiques, L… fit tous les efforts possibles et usa de toute son énergie pour lutter contre sa mauvaise habitude. Cela lui réussit peu à peu, jusqu’à ce qu’il eut accompli son premier coït, ce qui lui arriva à vingt et un ans et demi ; il abandonna alors complètement l’onanisme qui lui paraît maintenant incompréhensible, et il est pris de dégoût en songeant qu’il a pu trouver du plaisir à pratiquer l’onanisme avec des garçons. Aucune puissance humaine, dit-il, ne pourrait aujourd’hui le décider à toucher le membre d’un autre homme ; la vue seule du pénis d’autrui lui est odieuse. Tout penchant pour l’homme a disparu chez lui et le

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