Vilains loulous sous le ciel bleu de Ré la blanche: Polar régional
Par Robert Béné
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À propos de ce livre électronique
Magali est une rétaise vivant à Paris. En instance de divorce, elle tombe sous le charme, lors d'une réception, de Jean-Gabriel Nantureau, un mythomane fauché se parant de titres qu'il n'a jamais eus. Lorsqu'elle l'emmène à l'Île de Ré dans la belle et confortable maison qu'elle a héritée de ses parents, Nantureau pense qu'il a tiré le bon numéro. Finie la vie de clochard en smoking, pense-t-il. Mais Christian Gaillard, le mari de la coquette Magali, ainsi que Raymond et Marie, les parents de la jeune femme, ne sont pas dupes des intentions de l'amant de celle-ci. Ils le seront encore moins lorsque apparaîtront successivement deux vilains loulous qui viennent réclamer, plutôt méchamment, l'argent que Nantureau ne leur a jamais remboursé. Il s'en suit une série «d'accidents», tant sur mer que le soir au clair de lune, ce qui pourrait faire croire qu'il y a une certaine justice sur terre. C'est du moins ce que pense le vieux Raymond en buvant son petit blanc entouré de sa femme, de sa fille, de son gendre et de quelques bons amis.
Terminé, la quiétude de l'île de Ré, pour la jeune Magali et son entourage ! Plongez-vous sans tarder dans ce polar maritime empli de suspense.
EXTRAIT
Alors qu’il savonnait son crâne, lisse comme une boule de billard, il essayait de se remémorer les règles de navigation qu’il avait apprises avec sa première femme au début de leur mariage et se demandait, lui qui persistait à ne pas porter de lunettes pour avoir l’air plus jeune (car il ne supportait pas les lentilles), s’il arriverait à lire le sondeur et les cartes marines. Inquiet, il se demandait également s’il saurait manœuvrer les voiles. En se frottant le dos, il se dit qu’il valait mieux qu’ils louent un catamaran à moteur. En s’essuyant, il se regarda dans le miroir et se demanda : « Pourvu que je n’aie pas le mal de mer depuis que je n’ai pas mis les pieds sur un bateau. J’aurais l’air de quoi, elle qui me prend pour un vieux loup de mer ? »
À la même heure, Antoine Dupin beurrait les toasts que Jacqueline, son épouse, faisait griller. Bien que peu bavarde tant qu’elle n’avait pas pris son petit déjeuner, celle-ci lui dit, sans lâcher le grille-pain des yeux :
— Tu sais ce que m’a confié Clémentine, l’autre soir ?
— Non.
— Elle m’a raconté – mais il ne faut surtout pas le répéter – que son futur mari est propriétaire d’un yacht mouillé en rade du Lavandou et qu’il va l’emmener faire une croisière en Grèce. Elle en a de la chance, elle.
Le nez plongé dans sa tasse, le commissaire en retraite sentit comme un reproche, mais il se contenta de lever ses épais sourcils. Devinant qu’il était sceptique, sa femme précisa :
— Un catamaran de dix-huit mètres, La Rose des Vents.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
L'auteur sait nous plonger dans l'atmosphère particulier de la vie sur l'île de Ré. Et ce nouveau roman policier nous réjouit par sa qualité de l'intrigue simple mais extrêmement prenante. - meknes56, Babelio
À PROPOS DE L'AUTEUR
Robert Béné est originaire de l’île de Ré où il vit (Sainte-Marie). Auteur à succès, il est très attaché à sa terre d’origine et est déjà l’auteur d’une série de romans policiers intitulée Ré la Blanche.
En savoir plus sur Robert Béné
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Aperçu du livre
Vilains loulous sous le ciel bleu de Ré la blanche - Robert Béné
vilains loulous
sous le ciel bleu
de ré la blanche
© – 2019 – 79260 La Crèche
Tous droits réservés pour tous pays
Robert Béné
vilains loulous
sous le ciel bleu
de ré la blanche
L’histoire qui suit est une œuvre
d’imagination. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne pourrait donc être que fortuite et ne peut engager la responsabilité de l’auteur.
I
Il ne le clamait pas par-dessus les toits, mais il suffisait de l’entendre parler pour deviner que Raymond Borderon était un Rétais, un vrai, un pur jus. Et il avait la coquetterie de ne pas donner sa date de naissance, car il était fier d’être sec et costaud comme un vieux chêne. Quand il se mettait à parler de la période non seulement « d’avant le pont », mais aussi « d’avant les bacs », c’est-à-dire du temps des bateaux à vapeur et de l’armée allemande qui occupait l’île, les néo-Rétais qui l’écoutaient, après un rapide calcul mental, estimaient qu’il devait avoir près de quatre-vingts ans. En revanche, il était plus difficile de savoir s’il avait été paysan ou pêcheur car, comme la majorité des Rétais nés avant l’invasion touristique, il avait été à la fois les deux.
En dépit de ses allures rustres, Raymond Borderon avait su séduire la belle et douce Marie, une Rétaise de vieille souche comme lui. Mais si les parents de Raymond ne lui avaient pas donné le choix et lui avaient mis dans les mains, aussitôt le certificat d’études, une boelle¹ et un marochon², les parents de Marie avaient encouragé leur fille à poursuivre des études. Après son bac, elle suivit donc des cours dans une école commerciale et entra comme secrétaire au Crédit Agricole de La Couarde. Aussi la surprise fut-elle donc grande dans le village quand on apprit que ce rustre de Raymond courtisait la délicate Marie et qu’ils faisaient même des projets de mariage pour le printemps suivant.
Le mariage fut une belle cérémonie avec musique, fanfare et bal dans la salle des fêtes, coups de fusil en l’air et rues sablées³ sur le cortège des mariés. Plus de la moitié des habitants de la commune y furent invités. Dix mois plus tard, et là sans surprise, Marie laissait son travail pour mettre au monde la petite Clémentine et se consacrer entièrement à l’éducation du fruit de son amour avec Raymond.
C’était il y a une bonne quarantaine d’années.
L’enfant était tout le portrait de sa mère. Elle en avait la féminité, les yeux verts et l’épaisse toison aux reflets roux. De sa mère, elle avait aussi la douceur de la voix et la vivacité intellectuelle en même temps qu’une certaine langueur romantique que trahissait son regard. Aussi Raymond accepta-t-il de l’encourager à poursuivre ses études.
— Elle est douée comme sa mère. Moi, hi suis con comme un bourrin⁴.
Ce fut alors qu’elle revenait de la fac de Poitiers pour passer le week-end dans l’île que la jolie Clémentine rencontra Christian Gaillard dans le train. Lui venait de débarquer d’un tanker, à Rotterdam :
— Vous êtes de l’île de Ré ? Moi aussi, lui déclara-t-il dès qu’ils eurent échangé quelques paroles.
— Curieux que nous ne nous soyons jamais rencontrés. On aurait pu se voir au Bastion ou à la Pergola… ou au Buckingham. J’y vais souvent le samedi soir avec mes copines.
— Curieux, admit Christian. Il est vrai que je suis souvent absent, avoua le marin. Et quand je suis dans l’île, je passe beaucoup de temps à la pêche. Beaucoup plus qu’en boîte de nuit.
Curieux, peut-être, mais pendant ce mois où Christian Gaillard resta en congés dans l’île, celui-ci ne quitta guère la séduisante Clémentine, l’accompagnant même jusqu’à la fac le lundi matin. Aussi, quand il reçut un télégramme de son employeur lui proposant de rembarquer sur un pétrolier en escale à La Corogne, il répondit affirmativement non sans avoir demandé à Clémentine si elle voulait bien correspondre avec lui.
De sa jolie voie douce, Clémentine répondit oui.
à peine embarqué, il écrivit pour lui demander si elle voudrait bien l’épouser à son retour.
De sa belle écriture, elle répondit oui.
C’est à la même époque qu’elle abandonna ses études de langues pour un poste de secrétaire traductrice à Paris, à la direction de la compagnie pétrolière pour laquelle naviguait son jeune mari.
Cela c’était il y a une bonne vingtaine d’années.
Tout de suite, la vie parisienne plut à la coquette Clémentine, alors que Christian, quand il venait en congés, étouffait dans le studio qu’elle avait loué vers Boulogne-Billancourt. Un studio « à peine plus grand qu’une cabine de tanker », selon lui, où il la retrouvait quand il débarquait. En marchant sur les boulevards, en faisant passer le temps devant des vitrines qui n’avaient aucun intérêt pour lui, écrasé par les grands immeubles qui l’entouraient, par la foule cosmopolite qui le bousculait, il avait la nostalgie de son île, de ses petites maisons blanches et de ses ruelles vides de monde l’hiver et, surtout, de son canot qui l’attendait sur la cale sèche du port de Saint-Martin.
Petit à petit, la tension monta dans le couple et souvent, lorsque le marin débarquait, pour éviter les scènes de ménage, il préférait se rendre directement à l’île de Ré plutôt que de retrouver sa femme dans son « placard » (toujours selon une expression du marin), perché au quatrième étage. Il confiait alors à ses beaux-parents toute la peine qui l’accablait, car il aimait toujours Clémentine.
Les braves gens furent témoins du délitement progressif du jeune couple. Ils eurent beau tenter de rafistoler les morceaux, ils ne purent rien faire pour recoller cet amour qui se brisait chaque jour davantage. Une grande désolation envahit Raymond et Marie. Dès qu’ils abordaient ce sujet de conversation avec Clémentine, celle-ci devenait irascible. S’ils en touchaient deux mots à Christian, il s’enfermait dans un mutisme tel qu’il le faisait à bord quand ses collègues recevaient du courrier et pas lui.
Quand son employeur lui offrit un poste sur une plate-forme pétrolière, il accepta pensant qu’il verrait plus souvent Clémentine. Mais jamais celle-ci ne vint le retrouver lors de ses courts séjours à terre, que ce fût à Oslo, Copenhague, Port-Gentil ou Dubaï, prétextant qu’elle ne pouvait pas quitter son emploi. à ce rythme, la vie du couple se détériora rapidement et un jour, Christian reçut une lettre de Clémentine : elle lui faisait part de son intention de divorcer.
C’était il y a à peine deux ans.
1. Petit outil à manche recourbé utilisé dans les champs pour labourer principalement autour des pieds de vigne (avant que n’arrive le tracteur) et des pieds d’asperges quand il y en avait encore (patois rétais).
2. Petit outil utilisé pour détroquer les huîtres (patois rétais).
3. Habitudes qui perdureront jusque dans les années 1960.
4. Moi, je suis con comme un âne (patois rétais). On disait aussi bourrou.
2
Jean-Gabriel Nantureau était, prétendait-il, issu d’un milieu bourgeois. D’ailleurs, il ne manquait jamais de déclarer dans les cocktails, en buvant une coupe de champagne pour faire couler les petits fours qui remplaçaient les repas qu’il ne pouvait pas s’offrir, que son grand-père, malgré son grand âge, possédait toujours une étude notariale en Normandie ; que son père était médecin et sa mère avocate. Quant à ses deux frères, l’un était colonel dans l’armée de l’air et l’autre attaché d’ambassade à Washington.
— Et vous ? Que faites-vous ?
Jean-Gabriel Nantureau grattait alors, de la pointe de son index à l’ongle bien taillé, le sommet de son crâne lisse jusqu’aux oreilles et plongeait un regard qui mettait mal à l’aise celui, ou celle, qui s’était aventuré à poser cette question. Avant de répondre, il affichait un sourire qui soulevait un peu plus la joue droite que la gauche et lui faisait fermer l’œil, à la suite d’un avc qui l’avait partiellement paralysé et dont il s’était sorti in extremis :
— Moi ? Mais je vis des dividendes que me rapportent mes nombreuses sociétés, chère madame. à cinquante-cinq ans, j’en ai bien le droit, non ? répliquait-il en se rajeunissant d’une décade.
Et, avant qu’on ne lui pose davantage de questions, il s’esquivait pour rejoindre un autre petit groupe qui papotait politique ou business. Il en profitait pour chiper un autre petit four et une autre coupe de champagne. C’est ainsi, lors d’une soirée similaire, au cours de l’inauguration d’une nouvelle agence Mercedes sur les Champs-élysées, qu’il rencontra Clémentine Borderon, épouse de Christian Gaillard, originaire de l’île de Ré comme elle. Elle profitait de la beauté que lui offrait sa quarantaine svelte et élégante pour faire des heures sup comme hôtesse dans des manifestations à l’instar de celle organisée aujourd’hui par Mercedes. Le restant de la semaine, elle était toujours secrétaire dans la compagnie de navigation située rue Galilée et pour laquelle travaillait également Christian, son mari.
Lorsqu’elle lui tendit le plateau chargé de coupes d’où s’échappaient des bulles, comme à son habitude, il plongea son regard dans les yeux verts de la jeune femme. Clémentine Borderon essaya de soutenir ce regard que souvent les femmes trouvaient séduisant alors que les hommes avaient tendance à le trouver plutôt inquiétant, mais elle ne put empêcher le plateau de trembler légèrement entre ses deux mains et les coupes tintèrent joyeusement en s’entrechoquant.
Ce mouvement indépendant de sa volonté n’échappa pas au vieux brisquard qu’était cet habitué des salons d’inauguration. Il avait plus d’une fois exercé la puissance de son regard envoûtant sur les jeunes secrétaires lorsqu’il venait proposer ses services à leur directeur. Ses yeux qui ne clignotaient pas, sa longue silhouette svelte, bien qu’absente de muscles, dans son smoking taillé sur mesure à une époque d’opulence maintenant lointaine, et sa voix suave étaient autant d’atouts dont il jouait à la perfection.
— Jusqu’à quelle heure s’éternise cette soirée ? lui demanda-t-il, histoire de dire quelque chose.
— Je pense qu’elle ne va pas tarder à se terminer, car le traiteur range déjà ses plats. D’ailleurs, moi, je pars dans dix minutes.
Les lèvres minces de l’ancien don Juan réprimèrent un sourire, mais ses yeux ne purent retenir un éclat de gourmandise qui n’était pas dirigé vers les petits fours :
— Alors permettez-moi de vous offrir tout à l’heure, pour clore agréablement la soirée, un pot à la terrasse du