Etre né quelque part
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À propos de ce livre électronique
Malika première enfant de la famille née en France grandit parmi les siens. Curieuse de la vie, avide de savoir, plongée dans la candeur de son enfance, elle vous fait découvrir avec ses mots alignés page après page son vécu à la fois paisible, passionné, tourmenté et particulier de cette époque…
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Aperçu du livre
Etre né quelque part - Malika Boudchicha
978-2-312-05532-9
Préface
Je suis arrivée à une étape de la vie où le besoin d’écrire emplit mon esprit.
Une multitude de souvenirs se bousculent dans ma tête. J’aurais voulu être un peintre pour faire une toile de tout ce qui fut ma vie.
Pour pouvoir d’une courbe ou d’une aquarelle exprimer mes joies, mes peines, mes sensations, mes émotions, mes angoisses, mes regrets, mes sentiments, mes bonheurs, mes malheurs.
Je n’ai jamais été douée pour la peinture, c’est ce qui me rend admirative de ces artistes capables de le faire. À défaut, je vais me servir de mots, de mes mots que j’aligne sur ces pages blanches, témoins d’une époque passée. Si ce témoignage, pouvait aider quiconque ã éviter les erreurs que j’ai faites dans ma vie cela m’apporterait une satisfaction profonde.
Je suis une enfant d’immigrés pas vraiment Française, pas vraiment Algérienne, à cheval entre les deux cultures voilà comment j’ai vécu ma vie.
Nous, enfants d’immigrés, nous sommes une race à part et je sais que chacun d’entre vous se reconnaîtra entre mes lignes.
Puissent-elles vous apporter la lumière que j’ai longtemps cherchée
À tous les enfants d’immigrés.
Ce sont les circonstances de ma naissance qui ont transformés ce qui devait être une catastrophe familiale, l’arrivée de la quatrième fille, en un ravissement. Mes parents attendaient ma venue en mars 62 et j’arrivais dans ce monde prématurément, deux mois plus tôt. Ma mère a dû subir une césarienne, ce fut la deuxième. Elle en avait eu une, une année plus tôt. Le fils qu’elle portait n’avait pas survécu né à six mois, il décéda deux heures après sa naissance. Je perdais par la même occasion, le grand frère tant désiré que je n’ai jamais eu.
Le médecin annonçait à mon père que sa femme était sauvée mais que la petite fille était morte. Mort-née voila comment je fis mon entrée dans sa vie. C’est l’obstination d’une infirmière qui me réanima pendant une demi-heure en me trempant sans relâche dans un bain d’eau chaude puis d’eau froide qui me ramena à la vie. Je pesais un peu plus de deux kilos mon père rassuré, m’accepta aussitôt. Me donna le prénom d’une résistante algérienne qu’il avait hébergée. En fait elles étaient deux sœurs Louisette et Malika deux vaillantes militantes venues d’Alger pour libérer l’Algérie coloniale. À sa sortie d’hôpital, ma mère était désespérée devant le corps si frêle et si menu qu’elle devait soigner. Mon père engagea alors une infirmière pour s’occuper de moi. Elle habitait Chauny, il devait payer en plus de ses services, le ticket de train par lequel elle allait et venait chaque jour. Je réalisé aujourd’hui son sacrifice et son dévouement pour moi. Lorsque j’eus la taille d’un bébé normal, c’est Annette qui s’occupait de moi. et je ressentais pour cette femme un sentiment maternel inexplicable. Elle était douce et affectueuse, elle me surnommait nénette.
Je ne l’ai jamais oubliée, elle était grande et mince avec de beaux traits, ses cheveux noirs, mi-longs étaient ondulés. Ce qui retenait le plus mon attention c’était sa démarche assurée et sa voix mélodieuse. J’appris des années plus tard qu’elle n’avait pas eu de chance.
Elle dut divorcer d’un mari alcoolique en abandonnant ses neuf enfants, remariée à un Algérien, connu de mes parents, elle eut trois autres enfants dont l’aîné était plus jeune que moi.
La demeure où nous habitions était pauvre mais sécurisante. Il y avait un jardin au fond duquel se trouvait les toilettes. Il y régnait une atmosphère particulière dans laquelle je n’ai vécu nulle part ailleurs.
En fait, ce n’était pas seulement une maison mais aussi une poste, c’était là que transitait le courrier de la résistance algérienne en France. Mes deux parents étaient militants.
Il en était de même pour mon landau qui leur servait également de transfert de fonds ! Effectivement tous les mois sept millions de francs, une somme clossale à l’époque, était collectée pour venir en aide aux familles des personnes emprisonnées et aussi décédées.
Quarante francs étaient remis à chacune d’elles. C’était un impôt imposé par le FLN. Mon landau était placé sur le siége arrière avec à l’intérieur, l’argent collecté, recouvert de mon matelas et moi par-dessus.
Mon père avait pour mission de la transporter à Soissons. Bien que l’armistice fut signée en mars 62 la collecte et donc le transfert se poursuivirent encore deux mois après. Si bien que j’étais devenue la mascotte de ses résistants. Le jour de l’indépendance le 5 juillet 62 c’était la fête à la maison tout le monde chantait et dansait ils se réjouissaient de leur victoire en me portant à bout de bras !
Les jours passèrent et je grandissais c’était une véritable joie pour moi lorsque mes grandes sœurs rentraient de l’école ou lorsque mon père arrivait du travail le soir.
J’attendais qu’il se restaure qu’il fasse un brun de toilette et qu’il se change pour sortir avec lui. Il troquait son bleu de travail contre ses vêtements propres et repassés. Il était droit comme un i avec ses cheveux noirs, son regard bleu et sa moustache bien taillée. Il incarnait pour moi l’élégance et la beauté masculine. Ma tenue avait aussi de l’importance avant de sortir je devais porter ma plus belle robe et ma plus belle culotte, celle en dentelle.
Il m’arrivait de le rappeler avec empressement dans mon langage enfantin. J’aimais être seul avec lui dans sa deux chevaux grise. Le bruit du moteur et les secousses que l’on ressentait lorsqu’on roulait sur les routes pavées sont pour moi un souvenir si lointain et si présent à la fois.
J’avais aussi un pêche mignon qui agaçait mes parents. J’adorais casser la vaisselle ! Rien ne me plaisait plus que d’entendre le fracas de la faïence brisée sur le plancher. J’épiais le moindre moment d’inattention de ma mère pour ouvrir le buffet ou encore je tirais un coin de la nappe en avançant !
Si bien qu’un jour à midi, ma mère dressa le couvert. Elle déposa la marmite au milieu de la table, les verres, les cuillères et la corbeille à pain.
Mon père s’installa et dit « – où sont passées les assiettes ?
Il n’y en a plus une seule, me désignant du doigt, elle les à toutes cassées ! »
Je compris la gravité de mon acte, j’étais honteuse.
Il sortît et revient rapidement avec une pile d’assiettes entre les mains.
Il les tendit à ma mère. En me regardant froidement me dit : « – casse-les encore ! vilaine ! »
C’était la première fois que mon père me grondait. Après un silence crispant, je fondais en larmes honteusement affligée.
Lorsque le soleil se montrait, pas souvent, on laissait la porte de la maison ouverte. J’en profitais pour faire une petite escapade. Je descendais la rue, deux ou trois pâtés de maisons plus loin.
Je m’asseyais sur les marches d’une maison inhabitée, pour ne pas être dérangée, mon chat sur les genoux. je restais là, à profiter de ce moment d’évasion. Plus rien ne comptait mis à part le ronronnement de mon chaton, la chaleur de son corps poilu qu’il ramassait en boule sur mes cuisses. et voir l’ombre des maisons qui grandissait au fur et à mesure que le temps passait.
Les maisons étaient serrées les unes contre les autres recouvertes d’un toit de tuiles rouges.
Sur les trottoirs, il y avait des fontaines. Elles étaient semblables à des garnitures d’un goût ancien.
Ma tranquillité fut interrompue par la voix d’une des mes sœurs.
– Ah ! t’es là toi !
Elle me tirait par la main m’entraînant de son pas pressant. Je la suivais en courant mon chat sous le bras. À peine sur le seuil de la porte ma mère me grondait quelques mots en arabe dont je ne comprenais pas vraiment le sens. Le ton affectueux de sa voix était le seul élan de tendresse dont je garde le souvenir.
Il me reste aussi de ma petite enfance ces airs de chansons yéyé que j’entendais à la radio et que je reprenais à tue tête Nous reçûmes la visite d’un cousin de mon père HAMID arrivait d’Algérie, il était venu