Faits curieux de l’histoire de Montréal
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Mais comme la collectivité des habitants avait parfois besoin de quelqu’un pour veiller à l’intérêt commun et assumer des obligations au nom de tous, Louis XIV permit, dès 1644, aux colons de Ville-Marie et autres lieux, d’élire un représentant nommé syndic, qui resterait en fonction pendant trois ans consécutifs et ne recevrait aucun émolument.
Aux attributions déjà signalées, le roi, en 1648, en ajouta une autre. Les Syndics de Montréal, Trois-Rivières et Québec reçurent alors mission de choisir parmi les habitants, tous les trois ans, deux des membres du Conseil qui administra la Nouvelle-France entre 1648 et 1662.
Ces fonctionnaires dont le rôle fut utile et qui, en somme, ont été les Maires de Montréal au dix-septième siècle n’occupent certainement pas dans notre histoire locale, la place qui leur est due : plusieurs ignorent leurs noms et bien peu savent quelque chose de leur vie. Pourquoi ne leur accorderait-on pas une parcelle de notoriété ?
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Aperçu du livre
Faits curieux de l’histoire de Montréal - Édouard-Zotique Massicotte
PRÉFACE
Si l’on a pu dire que la curiosité est la source des malheurs du genre humain, que notre mère Ève par son action a ouvert la cassette de Pandore, il n’en reste pas moins vrai que la curiosité a été pour l’humanité l’occasion de tous les progrès, la mère des inventions, l’origine des découvertes.
La curiosité est parente de l’esprit d’observation. Et c’est ce qui permit à Newton de découvrir la loi de la pesanteur et de l’attraction centripète, à Franklin d’inventer son paratonnerre, à Christophe Colomb d’ouvrir des terres nouvelles à la vieille Europe. Les Gutenberg, les Laplace, les Leverrier, les Branly, les Pasteur, les Claude Bernard, les Blériot, les Perry, les Livingstone, les Jacques Cartier, les Champlain et tous ceux qui les ont imités ou qui leur ressemblent ont été des curieux.
La liste des curieux est plus longue que les nomenclatures des dictionnaires. Souvent les initiateurs d’une science ou les pionniers d’une invention sont inconnus et ce sont ceux qui ont perfectionné leur œuvre qui en ont recueilli toute la gloire. L’on sait, et que cet exemple suffise, comment Colomb n’eut pas même l’honneur de donner son nom au continent qu’il avait découvert et que nous habitons.
Aux curieux nous devons tant que je suis tenté de dire que nous leur devons tout. Vivent les curieux !
Cultivons la saine curiosité.
Mais nous n’en connaissons pas de plus légitime, de plus utile, de plus instructive, de plus négligée, que la curiosité des choses du passé ; grande et petite histoire des peuples, des familles et des individus.
En effet, c’est par l’étude du passé que l’homme apprend à se gouverner, à régler sa conduite, à diriger ses pas ; c’est dans l’histoire que les rois et les gouvernants vont chercher des flambeaux pour éclairer leur politique, des exemples ou précédents pour justifier leur action présente ou méditée. L’histoire a été avec raison appelée « la sage conseillère des princes » et Voltaire a dit d’elle qu’elle était le livre des rois. Elle est au même titre le livre des individus, car les passions de l’homme ne sont pas autres que celles des peuples et tout chef de famille est un petit roi dans un empire restreint.
L’étude de l’histoire nationale est l’école des patriotes de tous les pays. C’est aux mœurs des ancêtres que font appel les orateurs grecs et latins dans leurs harangues. C’est dans l’étude de l’histoire du Canada que les Papineau, les Morin, les Lafontaine, les Laurier et les Landry, ainsi que tous les patriotes de l’heure, à quelque politique qu’ils appartiennent, ont réchauffé leur patriotisme. C’est à l’histoire que la jeunesse canadienne consacre, de nos jours, beaucoup de son étude et il n’y a pas de doute que la génération qui se lève et pour qui travaillent avec ardeur les Groulx, les Chapais, les Roy et les Massicotte et tant d’autres curieux de chez nous, mieux éclairée par les leçons du passé, sera prête pour la lutte et la défense de ses droits. C’est imbus de la science historique que nous souhaitons les jeunes de notre époque et ce sont les livres comme ceux de monsieur Massicotte, que j’appellerais « les vestibules ou les portiques de l’histoire », qui les amèneront à savourer les lectures plus graves, plus sérieuses de la grande histoire, de celle qu’ont entreprise d’écrire chez nous M. l’abbé Groulx et l’honorable Thomas Chapais.
Ces « Faits curieux de l’histoire de Montréal » que monsieur Massicotte édite, ne s’adressent pas seulement aux jeunes ; ils conviennent à tous ceux qui sont curieux, qui aiment les récits vivants, les faits rares et documentés. J’ai parlé tout à l’heure de portiques et de vestibules, mais le fait est que les livres de monsieur Massicotte sont plus justement comparables à des mines riches, tant ils regorgent de menus renseignements pour quiconque y voudra puiser.
Occupant une position avantageuse, privilégiée, que bien des curieux lui envieraient, si elle n’était un Pactole qu’au figuré, M. Massicotte a dans les archives montréalaises, déterré des paillettes précieuses parmi le sable des paperasses, des minutes, des cahiers et des liasses et ces trouvailles, il les a livrées, en partie, les unes au Bulletin des Recherches historiques, les autres au Canadian Antiquarian, aux Mémoires de la Société royale du Canada et aux journaux quotidiens.
Mais ces publications ou sont inaccessibles au grand public, ou disparaissent au lendemain de leur naissance. Les premières ont une circulation restreinte ; les autres par leur nature sont éphémères et difficilement conservées. Plusieurs des travaux que M. Massicotte y a consignés méritaient d’être mis à la portée du peuple et vulgarisés par une édition populaire. C’est ce que la grande maison d’édition canadienne, la librairie Beauchemin, a compris, lorsqu’elle pria l’auteur de ce livre de réunir quelques-uns de ces écrits pour sa collection de livres de fonds. C’est heureux, car les découvertes de M. Massicotte et de ses collègues ont eu pour résultat de corriger sur certains points de notre histoire les assertions de nos historiens d’hier. Nos archives sont encore inexploitées et celles de Montréal renferment des éléments qui réunis et connus, permettront d’écrire la vie sociale, publique et, matérielle de nos aïeux. L’histoire jusqu’ici n’est guère que religieuse et politique et combien de points sont obscurs ? La petite histoire jettera de la lumière sur la grande.
M. Massicotte est un curieux des choses de notre histoire et spécialement de Montréal. Il peut vous dire rue par rue, maison par maison les menus faits de la vie passée de la métropole. Tous ceux qui liront son livre seront charmés et payés de leur curiosité. « Savant ne puis, curieux suis », disait un ex-libris que nous avons vu quelque part. Si nous ne pouvons tous être savants, du moins pouvons-nous être curieux. Et souvent science naquit de curiosité.
Soyons curieux du bien, du beau, du vrai et le diable en sera furieux.
Soyons curieux et nous serons sérieux.
Casimir Hébert.
LES SYNDICS DE VILLE-MARIE AU XVIIe SIÈCLE
Nos premiers Maires
Sous le régime français, il n’y eut pas d’organisation municipale, au sens où on l’entend aujourd’hui. Selon les époques, notre ville fut gérée par les gouverneurs particuliers, les intendants, les subdélégués des intendants ou les juges.
Mais comme la collectivité des habitants avait parfois besoin de quelqu’un pour veiller à l’intérêt commun et assumer des obligations au nom de tous, Louis XIV permit, dès 1644, aux colons de Ville-Marie et autres lieux, d’élire un représentant nommé syndic, qui resterait en fonction pendant trois ans consécutifs et ne recevrait aucun émolument.
Aux attributions déjà signalées, le roi, en 1648, en ajouta une autre. Les Syndics de Montréal, Trois-Rivières et Québec reçurent alors mission de choisir parmi les habitants, tous les trois ans, deux des membres du Conseil qui administra la Nouvelle-France entre 1648 et 1662.
Ces fonctionnaires dont le rôle fut utile et qui, en somme, ont été les Maires de Montréal au dix-septième siècle n’occupent certainement pas dans notre histoire locale, la place qui leur est due : plusieurs ignorent leurs noms et bien peu savent quelque chose de leur vie. Pourquoi ne leur accorderait-on pas une parcelle de notoriété ?
Apprenons d’abord comment ils étaient élus, en recourant à l’historien Faillon qui a extrait des archives tous les détails propres à nous faire comprendre la procédure suivie :
« Avant de convoquer les habitants en assemblée publique et régulière pour élire un syndic, il était nécessaire d’avoir la permission du gouverneur particulier ; et après que celui-ci avait autorisé l’assemblée, le procureur fiscal adressait une requête au juge, qui, à son tour, faisait publier et afficher par le greffier l’ordonnance du gouverneur, notifiant le jour et la fin de l’assemblée.
« Avant que le Séminaire de Ville-Marie eût établi un juge pour la seigneurie de Montréal, le greffier était présent à l’élection du syndic et en dressait un procès-verbal. Mais depuis que M. d’Ailleboust exerçait les fonctions de juge, il présidait en personne à l’assemblée, qu’on convoquait au son de la cloche, et s’y faisait accompagner par le procureur fiscal et par le greffier…
« Les élections de 1667 et de 1668… furent faites dans le hangar des habitants situé à la commune. Néanmoins, pour mettre sans doute plus d’appareil à cet acte important, l’élection se faisait quelquefois dans la salle du Séminaire (rue Saint-Paul), ou même dans la salle d’audience du château. » (Paillon, Histoire de la Colonie, III, p. 361).
Le même auteur veut nous concéder des syndics depuis 1644 à 1672, mais c’est une conjecture seulement. Il existait un syndic, à Montréal, en 1651 ; nous trouvons les noms de sept autres pour les années 1656 à 1672, et c’est tout.
Y en eut-il plus ? Personne n’en a fourni la preuve jusqu’à présent ; force est donc de se borner aux huit notices suivantes :
Jean de Saint-Père.
Né à Dormelles, en Gatinois (département de Seine-et-Marne), vers 1618, de Saint-Père semble être venu à Montréal en 1643 avec Louis d’Ailleboust, sieur de Coulonge. Le 25 septembre 1651, il épousa à Montréal Mathurine Godé, fille du vieux menuisier Nicolas Godé. De cette union naquirent deux enfants : un fils qui se noya à l’âge de sept ans et une fille qui devint la femme de Pierre Le Gardeur de Repentigny. En 1654, le 24 juin, M. de Saint-Père fut nommé « receveur des aumônes qui seraient faites en faveur de la construction de l’église projetée de Montréal. »
Cet excellent colon dont les annales font des éloges, fut tué par les Iroquois, le 25 octobre 1657, en même temps que son beau-père et un serviteur nommé Jacques Nail ou Noël. C’est M. de Saint-Père qui reçut, le 2 octobre 1651, en qualité de procureur-syndic, le don que fit M. de Maisonneuve de « 40 arpents de terre pour servir de commune aux habitants de Ville-Marie. »
Depuis quand M. de Saint-Père était-il en fonction ? On ne peut le dire.
Marin Jannot dit Lachapelle.
Né en 1627, il vint à Montréal avec la recrue de 1653 ; il exerçait le métier de charpentier. Ce colon se noya le 20 juillet 1664. Une pièce judiciaire du 28 novembre 1656 démontre qu’il était dès lors syndic et nous lisons dans un acte de Basset qu’il occupait encore cette charge le 3 avril 1660.
L’abbé Faillon fait une curieuse erreur à son sujet. Il note que Marin Jannot succéda au sieur Lachapelle tendis que Jannot et Lachapelle ne sont qu’un seul et même personnage comme cet historien, d’ailleurs, le dit correctement, dans