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Camila
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Livre électronique109 pages1 heure

Camila

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À propos de ce livre électronique

Dans un décor empreint de douceur et de mélancolie, Camila retrace les derniers moments d'une vie marquée par la maladie et l'amour. Femme passionnée d'origine espagnole, elle traverse les épreuves avec son compagnon, tout en s’accrochant à des moments de grâce, de voyages et de souvenirs heureux.
Le narrateur, rongé par la douleur de la perte imminente, nous entraîne dans un voyage intime fait d’espoir et de résignation. Entre tragédie et célébration de la vie, ce récit offre une profonde réflexion sur la résilience humaine face à l'inévitable.
La complexité des relations humaines et la lutte contre la maladie dessinent un portrait vibrant d'humanité et de résilience, invitant à réfléchir sur la fragilité et la force que chacun a en soi.

À PROPOS DE L'AUTEUR

René Poques, un Gascon composé de terre, d'océan et de montagnes abruptes. Un parcours aussi tourmenté que riche, Tour à tour assureur, professeur agrégé, entraîneur de rugby, maire, montagnard, responsable associatif, golfeur et conciliateur de justice. Un chemin ovale.
LangueFrançais
ÉditeurLibre2Lire
Date de sortie18 nov. 2024
ISBN9782381575636
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    Aperçu du livre

    Camila - René Poques

    1

    La température est faussement douce ce 29 mai 2022, le jour de la fête des mères, un dimanche insouciant d’anniversaire pour ma petite fille.

    Inutile de baisser le store gris de la chambre 112, un gros nuage traître enveloppe ma compagne Camila qui en profite pour quitter ce monde troublé, vers les 15 heures d’après l’appel de l’infirmière de l’hôpital. La mort est impatiente de nous prendre Camila, de lui effacer son sourire ravageur de séductrice patentée, de lui fermer ses beaux yeux couleur châtaigne et surtout son clin d’œil complice de jeune fille en fleur malgré ses 67 ans.

    La mort est une condamnation à perpétuité, une mise à l’index définitive, une entrée dans la nuit noire et silencieuse, une belle saloperie. La peine capitale, l’échafaud guillotine de la vie.

    Camila est d’origine espagnole, c’est le prénom dérivé de Camillus, ce qui veut dire assistante de cérémonie. En langue arabe, c’est plutôt synonyme de parfaite ou d’accomplie. Ce qui perturbe sa position de bourgeoise d’extrême gauche.

    Elle est née à Bierge, un petit village coquet dans l’Aragon, dans une nature belle et sauvage, hérissée de coquelicots d’aspect froissé. Sa maison natale est devenue l’Hosteria de Guara, une lourde bâtisse rénovée vers Abiego, proche de Rodellar, de Yaso. Maison trapue surmontée d’une cheminée se terminant par une pierre pointue et sculptée, qui sert à éloigner les sorcières et les mauvais esprits.

    Au pays des canyons, Mascun, Gorgas Negras et autre Peonera. Bierge est une municipalité du Somantano de Barbastro, à la confluence des torrents Alcanadre et Isuala, sur la colline paresseuse du Monte Cascallo. La naissance de sentiers vers Morrano, San Roman et Alberuela de Laliena. Des chemins tortueux et brûlants, caillouteux tout comme la fin de vie de Camila. Où la mort embrase parfois nos vies.

    Camila, ton dernier cadeau de maman reste dans sa boîte blanche avec un couvercle imprimé de fleurs colorées. Pour l’éternité, pas le temps de te le donner. Tes deux enfants et moi-même n’avons cessé de te parler ces 5 derniers jours de coma, de te caresser, d’observer ton doux visage endormi. D’embrasser ta peau. Nos mots sont simples et rares comme une pluie faible. Nous hésitons à monter la voix pour ne pas titiller la mort toujours prête à saisir sa chance. L’ensemble du personnel est remarquable d’attentions, d’écoute, d’empathie et de partage. Une douceur réconfortante.

    Le tout encadré par un médecin brillant d’humour, d’efficacité, malgré ses tenues de plage sous sa blouse blanche. Je suis persuadé que son accoutrement fait parfois sourire la mort si présente dans son établissement. Une structure rurale parfaitement tenue, avec ses jardins auréolés d’arbres centenaires et de glycines odorantes, des longues grappes de fleurs couleur pourpre foncé ou violet clair. Les couloirs irréguliers reflétant le théâtre de la vie avec ses cris, ses frayeurs incontrôlées, ses chants de larmes et sa pincée de rires forcés qui nous préparent tous au confinement éternel. La mort immortelle, elle est le symbole du silence, un passage sans le bruit du vent.

    Après quelques soubresauts personnels, disons à indice sismique plutôt élevé, je passe quinze années merveilleuses avec Camila, une fille sans le moindre point commun avec moi. Quinze années dont dix années de cancer du sein et de tout le reste, la maladie fait parfois preuve d’un excellent appétit sur le même individu. Un acharnement têtu et aveugle. Les 5 dernières deviennent sacrément corrosives pour son corps, mais sans réelle influence sur notre équilibre malgré les difficultés croissantes. C’est devenu mon quotidien sans en avoir pleinement conscience. Finalement, rester au pied de son lit pendant 5 longues années, lui tenir la main et tout assurer le plus souvent seul, ce n’est pas si terrible, c’est même gratifiant, valorisant pour mon âge. Aussi bizarre que cela paraisse, ce sont les meilleurs moments de ma vie. Dans tous les cas, pas les plus mauvais ! De belles journées froides sans soleil.

    Par contre, cette période s’avère chaotique pour concilier les volets personnels et professionnels. À titre d’exemple, devenu avocat sur le tard après un poste de professeur agrégé à l’Université, un baveux faiblement pénaliste, j’éprouve des tiraillements à assumer sur tous les fronts. Je pense notamment à l’affaire criminelle Estéban Amador qui me grignote la tête au moins quatre ou cinq printemps.

    2

    Après quelques réflexions et surtout le contact pressant avec 2 amis avocats, aussi par orgueil personnel maintenant si déplacé, je lance une procédure patiente et aléatoire auprès du Conseil National des barreaux boulevard Haussmann à Paris, pour bénéficier d’un vote dérogatoire prévoyant une dispense de formation et de diplôme purement juridique.

    Durant le printemps 2015, quelques mois après l’attentat Charlie Hebdo par les frères Chérif et Saïd Kouachi, je rencontre le bâtonnier local à maintes reprises. Maître Jean-Albert est le coordinateur avisé des avocats inscrits dans son barreau de campagne. Un homme mûr au profil bedonnant, ventru de la bedaine et du cerveau, un interlocuteur attachant et charmant, rompu aux infidélités douteuses. Habitué aux plats régionaux d’hiver, aux alcools forts, un peu moins aux salles de fitness. Après une enquête réseau approfondie et discrète sur ma modeste personne, son conseil me déclare un avis favorable à la condition expresse de m’associer avec certains collègues réputés de bonne moralité, et d’éviter surtout les cabinets d’avocats d’affaires au capitalisme aiguisé, à l’euro virevoltant. En clair, un entregent constitué de têtes bien élevées à la vivacité d’esprit qui convient.

    Un agrément du Conseil National, un congé sabbatique de 5 années maximum auprès de l’éducation nationale surprise et l’affaire est dans le sac, plutôt sous la robe, une toge noire avec un rabat blanc achetée d’occasion via mes futurs compagnons d’armes. Mon parcours cimenté de l’agrégation, de responsabilités diverses comme maire et assureur risques industriels m’autorise à brûler des étapes aussi coûteuses que fastidieuses.

    Mes deux associés sont Pierre-Henri et Jean-Dominique, des prénoms composés de vieilles familles bourgeoises désargentées, avocats de père et de mère en fils. Prise de risques minimale. De sympathiques acolytes hors d’âge, comme l’Armagnac de mon pays gascon. Ils m’acceptent avec une retenue désuète et mesurée, moi le vilain petit canard qui vote socialiste et qui n’est pas passé par la faculté de Droit, encore moins par le certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Sous la robe qui se morfond froissée au fond du cartable de cuir noir craquelé et élimé, leurs tenues en civil sont plutôt d’une autre époque, surmontées par des tignasses savamment ébouriffées. Entre curé de campagne et professeur foldingue. Des types échevelés pas vraiment aussi droits que la justice, toutefois rasés volontairement à l’arrache pour faire genre.

    Même si la majorité des avocats sont généralistes, Pierre-Henri prend un réel plaisir sur le champ des procédures et affaires familiales, les séparations de couples, les pleurs et les joies, le droit des grands-parents, l’adoption, la filiation et les majeurs protégés. Disons que sa compétence est unanimement reconnue dans le milieu poussiéreux de la justice. Sa bonhomie ronde et souple, ses lunettes à écaille de tortue, ses yeux faussement malins et son regard de travers influencent les décisions.

    Quant à Jean-Dominique le vieux beau, son activité est éclectique, il louvoie facilement afin de remonter au vent, entre le droit de la construction via les compagnies d’assurances, les accidents de travail, le droit social et autres branches opportunes. Un pensionnaire attendu et avisé du Conseil des Prud’hommes où son taux de réussite est devenu enviable, l’ennemi juré des employeurs indélicats. Après, il accepte ce

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