Kabyle Races Berberes
Kabyle Races Berberes
Kabyle Races Berberes
quelques
[ntres
au-dessusdupetitbourg
fran-
ais
de Fort Nations! s'lve une
esplanade
a-
rienne.
Des
aigles
roux en rasent les
murs,
les ailes
tendues. On est l comme en
plein ciel,
et
on
y
jouit
d'un
spectacle merveiH~ux.
Une
ligne
de trs hautes
montagnes
se brise eu
artes et en chancrures sur
~s
profondeurs bleues
du sud.
Au-dessous,
des
crtes
ondulent comme
les
vagues
d'un
Ocan, des~yaUes
effroyables
se
creusent,
des
pitons
sedressentcomme des
cueils
lo tout est
cultiv, bch,
plant
de beaux arbres.
Sur les crtes des
villages longs,
sur les
pitons des
villages ronds blanchissent
couverts de tuiles rou-
Dans
les
valles,
des hameaux et
quelques
maisons
disperses
sont
noys
d'ombre.
Pas une
ville
centrale,
par
une route ne
parait, qui
mette en
contact tous ces
petits
mondes
rien ne
s'y
dcou-
vre
qui
y
centralise la vie.
Vous -interrogez.
On vous
rpond
les
villages
des crtes et ceux des
pitons
sont des
villages
de
~guerre,
chacun a ses
figuiers,
ses
oliviers,
ses
~champs,
son
assemble,
ses
lois,
ses ambitions et
~ses anciennes
vengeances.
Il
y
a eu
l,
il
y
a
peut-
-tre
encore des haines
inexpiables
et des amitis
~profondes,
des divisions infinies et des alliances
~trs
larges,
tout ce
que
vous
pouvez imaginer
de
Splus
contradictoire. Leurs habitants n'ont
qu'un
~seul
et mme
costume, la
chemise
blanche,
le bur-
H
PRFACE
sous
Manc,
ia. calotte
rouge t!s
Be
padcn!. qu'uM-
seuie et
mme
langue.
cei!e des vieux
Libyens
m-
le d'arabe
ils
professent
is mme
relig-Ien,
risiA-
misme, qu'ils
comprennent
d'ailleurs
assez ma.!
1-eurs
visages
sont
tellement. (M'rentsquTiest
presque
impossible
de deviner
quels
ont.
!.jeu?s
pres.
Le Germain
s'y
heurt.e
au
Romain,
hs
CImnaneQ
a i'Indou
et l'Arabe.
i!s forment toM
uae section
net.te,
ne ta.ch3~
dans
d'
Nord,
et
i!s h'o&t
rt-az- L
de Noss faisons
comme les
Arabes
nous
im:,
appeiotts !e3
~M~
t<Qebae!
M, parce
ce sont-"
iears
!ig-aes
les
puissantes
qui
ontd"abo!'dieM.~
tte
a nos
soidcts,
et de i chacun
d'eux est
d~-
OebaiH M, L~t~M/
iis ont eux-mmes
cette dnomination
hizarre et
trangre..
Tous ces traits discord&ats
et
lou~ts--
sea diversits
sa fondent
enanescri.ed'nn:~qHa.&<~
ncas e-u
milieu d'eux
pour
les
tcdie~,
sans
pris.
Ce
que
nous
pfenotM
de loin
POIW"
dso~onc
n'est
qae
diffrent, oe nus
de iM.s
conceptions ordian'es.
Ce
des
LIUM-
est
su?pyen8Qt sans
doute, n&isorgmse,consti~:
pour
vivre, et
si bien
'fssta&tqa'ii
a vu
passer
d
'7~
empires
ceux
des
Csars,
des
des Su!ta.ns
de
St&mboHi;,
en oe
graveg~
aReIntes. BoanoBS-Mi
sans son caractt;e-a,,
distmetifetsa.
mafqae propre.
C'est,
eQ face ti
Botre socit
moderne,
!e 1 net de
qn'!)n
a
toujours appel,
sans les bien
compr
encore,
les socits
barbares;
c'est
si 1
veut,
!a. Grce
primitive
ou !a Germanie vue
Cs~r.
En
quel temps
des hoBMMs<mt-i!s
d
remonter ses vaUes
noires, uyant
des
<a~
qni inc~ndiientles'plainesetwironmw'
~B~CE ~i
se
je
~f~:~
ie
g.
"lovau
qui. s'y
fut certainement us
pet:t. sroHpe
sis!ent
ie exciusifet i~
~~ de vivre. Un
~`'`~~
suivit ses
traces,
e!. s. d'eux s'-
s~3~'
moBtag'ae
l
plus ~3s ~t~s~~ qu'il put
~;
son ~s~~s~~~a dfiance. Des
on bdt. des
oa
x~
's
oh Veilla
M
nuit,
et un
jour vint
o a v~g"`~r~.s'~
parce qu'on
vivait face & face. ~~v?~`3~
.etn
!es ans de e<.
~~a.m~ s..m.i~.
i%.a5L ~I~ les ans -le
~~?L
et
?~ G'.e'3^y
.&~vZi~J ~
tantt
moins,
et une sorte de
imit
par
s'iaMir.
~~s~s~a~
(tans des
es
forteresses ies
efome~
g'e d'y
-3mr
pe's'y
si
qa'iis
n'eureot ~~s~
qu'une
.iB~,qB'an
nom,
qu'une
Ycioni~
~z~~
Hs
~ comme 'les ~g~;s scut
cjrps.
~~s
qu~ p~
leurs
~s$
ne
combattre,
honores comme s~sa
es comme
amantes, ellesaLissi2
`~s
~t~m ~a_~
E<!e&ne
~s~=a~~
~~ar~j
~es
~rs~s,
et ~~I~i~r~s~
car ie
caprice pa
~<.
a''L'~'~u~s dans la
!m
sa
mortel.,
as
et;
des r"$~
~'s~~
et,
des ~$~ ~~i~`~
1 es
~~1'i$~f~~
tant
venues,
Ot 'tros'sen-
`,`, ~1~`
es ~~ia~ une cette As~z~
tour
se Oa ~~s le
et d-es
~~~s
~a:~g~
`
r~
s~
v~ ~s et
conditions,
elles
~~s~,
~s les unes ~~$~~se 4Aeur
PRFACE !Y
premier
rle fut de restreindre
l'indpendance
des
familles
qui
les
composaient.
Une lutte
plus
ou
moins
pacifique
s'engagea
entre le droit nouveau
de ta cit et!e droit
anttque decescorpshomogenes
qui
avaient
regard
la libert absolue comme ta
condition
mme de leur existence. A la
fin,
la cit
l'emporta,
et de la somme de ses victoires
gardes
dans la mmoires des
Anciens,
ou inscrites
surdes
registres,
rsulta
ta Rgle, ta
Loi
par excellence,
l Kanoua,
codepnat et~ pour
une
part,
code
etvit,
qui fut,
dans ce monde
dcnu-sa')\agr;, le premier
indice du
triomphe
de i humanit. Toutefois lesfa-
miHes
n'abdiqurent pas
sans s tre
dfendues,
et
\gacdrcntmme
trois de leurs
p)usredoutabtespri-
vi!ges, !a disposit'~n
dela
femme,
la revendication
de i&
terre,
la libre
vengeance du sang
vers.
Uuc fois crs les
villages
cbcrchcreut s'cntrc-
dtruire,
comme avaient fait les. famiHcs
du pr-
ge
en mme
temps
la ncessit
qui avait
~dj soud
les familles dans
leurs
enceintes
tes
~"rapprocha
des uns
des
autres
et les tribus se for-3
nirent, elles
aussi
diriges par
des conseils
et des
thefs
lus.
Des montagnes couronnes
de
cinq
ou~
six fortins devinrent
des units et comme
des per-
sonnes
vivantes
leurs
guerriers
en
descendirent
ensemble sous te commandement dtours
Anciens~
pour combattre
dans les
ravins
qui tes entourent;~
el!es~se
laissrent
imposer
des
rglements
d'utitite~
publique
et
mme des lois. Enfin ces
tribus,
~eur~
tour,
lasses
parinstantsdecombatset
d'inquitudM~
finirent
par
conclure de
longues
trves dansleacan-~ 4
ions
ou ta natare tes
avait runies en
masse pe'~
prs
compactes, et
des confdrations
s'organts~
rent lamis
pacinques
et dfensives. U
y a~
encore
s faut
en croire
Ammift
Mareeitin~lt~
~ncor.e: s
.1 faut eucrolre A~mle~ M~r~eUI~l'j~~W
Rhaldoun,
Marmo!, quelques partics~et~KaLy!
ont eu des rois.
PRFACE v
Rien
de
p!us simple
en thorie
que lasuperposi-
tion de ces
tages
mais une socit n'est
pas
un
difice de
pierre
c'est un tre vivant
compos
d'-
tres vivants
qui
luttent sans
cesse,
et les uns contre
les
autres,
pour
l'existence. Le
viltage
tait loin
d'avoir absorb les
familles,
la trihu les
viHngcs,
la
Ligue
les tribus. Dans la mme enceinte des
quartiers spars par des
murs ou
par
des
rues,
et
communiquant par
de
larges portes
semblables
celles du
dehors,
attestent encore
que
les familles
taient
toujours, prtes
rompre
les contrats anti-
ques qui tes
unissaient. Si elles taient
trois,
deux
s'associaient
pour
opprimer
la troisime dans le
conseil du
village;
si elles taient
quatre,
elles se
partageaient
nettement en deux
camps.
Un des deux
partis s'appelait toujours
le
parti
f
d'en bas
Co/'<S'OM<!fMtt,
l'autre celui
u
d en haut
("o/'0-
/'e~a.
Les
gens
d'en haut avaient-ils le
dessous,
ils
s'a!)!aicnt sans
hst!er aux
gens
d'en haut d'un vil-
lage
voisin,
et ceux d'en bas faisaient de
mme, de
sorte
que
tous
ls villages,
d'un bout l'autre du
Djurdjura,
taient diviss comme des damiers en
cases de deux couleurs. La
paix
ne
s'y
maintenait
que par
un miracte
d'quiMbrc.
Les t''ibus leur
tour menaaient souvent de se
sparer
les unes des
autres,
pour
former de nouvelles
ligues. Rien
n'-
tait
plus
flottent, plus incertain, que
les fameuses
~&<6~.Etn~mot,
chaque village, chaque
tribu,
chaque
co&fdration,
fermentait de mcontents
qui
mditaient
sa
ruine,
et les voisins
s'y
dtes-
taient comme d<!S
trangers.
De l une vie sombre
et
prilleuse, pleine
de
soupons
et de rancunes,
sans dlassements ni
:plaistrs,
applique toujours
aux durs
travaux
de la
~culture
et de la
guerre.
H n'est certes rien de
plus
~admirable
que
les
longues pentes qui
descendent
PM-TACE V!
du
pied
des
villages
kabiles
jusqu'au
lit des tor-
rents
qui
les
enveloppent,
stries de sillons
pro.
fonds,
verdoyantes
de
figuiers et dechamps d'orge,
assombries
par
des massifs d'oliviers.
Lopins petit
carr de
terre,
et le
plus
malais,
y
est
fouill la
pioche,
et
acquiert
une valeur
incroyable.
La rai-
son vraie de
ce
prodige
dans
l'Afrique
du Nord est
que
les hommes
qui
en ont tir leur vie ne
pou.
vaient
pas
aller ailleurs. Ctoisonns dans des
territoires
minuscules.
ils
avaient tout autour
d'eux des ennemis
dclars,
au
mpins
des rivaux
prts
prendre
leurs
places,
S'en
loigner
tait
s'exposer
l
misre,
courir
peut-tre
au-devant
de la
mort,
et
cependant
cette existence consacre
par
l'habitude leur semblait bonne
parce
qu'ils
n'ea
connaissaient
pas
d'autre
qui pt garantu'
leur se-.
<;unt.etleur honneur. Ils aimaient
rester pau-
vres dans leurs nids
d'aigles qu'ils jugeaient~inaG'
cessibles.
ZD
Plus d'une fois ils ont t attirs dans le
remous
des
grands empires
de
Maroc,
de Tunia ou deStam-
boul.. Il ont
oergiquement
refus d'eo faire
partie,
aimant mieux rester eux-mmes
que
devenir ci-'
toyens
du monde. tts
ont mme
rsist aux sduo-
tiona de l'Islam. Us en ont
reu
les articles de
foi
ils croient en Dieu
unique
et en son
prophte
iUet"
tr mais
la
fraternit
muaulmaBe,
la
diacJ pUn
musulmane,
la loi musulmane drive des
rvla-~
tiooa
divines,
ils a'en sont dfendus
pendant
des&
sicles avec
une
pre
et sinErulireconatance.
o~
vain des
prdicants et dMSaintavenoapw
cen'
taines de
prs
ou de trs
loin,
de
Bougie,
de
St'f~
d'Alger,
deFeif.de
Tarondant.et de Paghdtn~,
;sont
mtroduite&mmUen d'eux,
y
soot
Testt, oa~
fat souche de famiUes
paciSquea
et
oavanteta'~
mitieude leur~ fa!XHl!@'
tgnQraatettat !)eIH({MuaM~
PR~CE
v~
en vain ils
leur
ont donn
t'exempte
de
la
paix,
du
pardon
rciproque,
et de la
concde
des
vrais
croyants
en vain ils ont bti entre
leurs
villages
de
guerre,
dans
des votes
ouvertes,
des hameaux
sans murailles comme
pour
les inviter descendre
de leurs
refuges.
Ils n'ont
accept
et encore avec
mnance,
que
leur intervention
!ann
des batailles
meurtrires
que
tesfamiues,
les
partis,tes villages,
se
livraient
de
temps
autre
ils
ont repouss
com-
medes
prsents funestes
les
nouveauts civilisatrices
qui
leur semblaient
devoir
les
amollir
et les
avilir
plus
tard sous le
joug
d'un maitre. Ils
ont
voulu,
en
dpit
du
Koran
lui-mme,
que
leurs
femmes res-
tassent
prives d'hritage,
ou du moins
n'hritas-
sent jamais
de
ta terre,
pour
maintenir
leurs famil-
les
homognes
sur
leur sot
si
pniblement
conquis
ou conserv. Ils
n'ont jamais
<tdmis, encore
malgr
la
parole expresse
du
prophte, que
le
pardon
va,
lt
mieux
que lavengeance.
Us
n'ont abattu aucune
des
cloisons
qui
les
sparaient
les uns des
autres,
et leupa
villages
sont rests dresses contre leurs
vit-
lages,
lem's tribus
contre leurs
tribus,
comme une
protestation
de l'humanit
primitive
contre les com-
promis
et la
moUesse
universe))e
du m"nd'' <
viHs.
L'heure sonna
cependant
o leur
indpendance
disparut dans une tempte.
Abd-el-Kader,
cet
ex-
traordinaire
patriote
sans
patrie, qui
tait
venu
mendier
vainement leurcopcours,
la leur avait
pr-
dite.
Les
Franais
sont montas
l'assaut de leurs
montagnes
comme
une
met'en furie,
ils
les ont
sub-
mergs
en
quelques jours,
et le
Fort
Napolon,
au-
jourd'huiFortNational,
nrpcin8ur)eurplushaut9
montagne
cultive
est la
France m~mg
imp)aot
S~ au milteu d'eux
pomma
pour
l'ternit.
Quelqu'vir
dente
que
~t
leur dfaite ayant
mms
qu'ils
gus-;
~,r-_
vm rnFACH
sent
combattu,
quand
l'arme du Marchal Randon
tait
campe
au
pied
des
pentes
des
Beni-Raten,
et
surtout
quand, matresse
de la crte
qui
commande
la
Kabylie
entire,
elle avait
tousleursvillages
sous
ses
pieds,
ils ont voulu verser le meilleur de leur
sang
avant de
poser
les
armes,
et c'est l un trait
de vaillance
dsespre qui
leur fait
honneur;
mais
justement
dans ces combats
suprmes
leur socit
apparut
bien ce
qu'elle
tait,
d'une structure im-
parfaite
et d'une tonnante
iaiblesse,
malgr
son
apparence
redoutable. Si les
villages
de
chaque
tribu restrent
groups
ensemble,
si mme des tri-
bus marchrent d'un commun
accord,
du
moins
l'arme
franaise
ne rencontra nulle
part
devant
eUeune
Kabylie compactect
unanimement rsolue.
Ce
que
ces
Ligueurs
taient en
temps
de
paix,
ils le furent et le demeurrent
jusqu'au
derniermo-
ment de leur
rsistance,
diviss en fractions
ja-
louses les unes des
autres,
plus
ennemis de"leurs
voisins
qu'ils
ne l'taient de leurs
vainqueurs,
et
on eut ce
spectacle trange
des vaincus de la veille
demandant la faveur de se mler nos
rangs,
et
mme de marcher notre avant
garde,
si bien
que
la dernire de leurs
tribus,
celle des Hloulen l'ex-.
trmit de notre
ligne
de
conqute,
fut rduite
merci,
incendie et
pille par
toutes les autres
runies,sousies
yeux
de nos soldats.
Ceuxquipu-
rent en tre
surpris ignoraient ce (qu'est
l'tat bar-
bare. La rsistance des
kabyles n~ut
en rien la for-
me
d'une rsistance
nationale,
pa~ce que
la nation
kabylen'existaitpas.
L'insurrection de
4871
n'a
pas
fait
jaillir
du
sol~
une
Kabylie nouvelle,
et
maintenant
une question~
se
pose.
Que deviendra ce
pe~tmondMuele de&tin~
remis entre
nos
mains;.
que
devoQS-nous
et
que~
:11., reIDlSen, tre
nos
ID!lns;,q,ue de.von~ nQu,' .!I, i.~t,q",Q". e,
pourrons-nous
en faire ? Nous
avonsjsagempntTcs-~
PRFACE IX
pect
son
organisation
sociale,
ses lois d'un
ge
re-
cul,
ses coutumes
quelquefois choquantes.
Nous
n'y
avons encore exerc
que
les droits essentiels
de la
souverainet,
la
notice,
la
rpression
des dlits
et des
crimes,
l'imposition
d'une
capitation
et de
quelques-unes
de nos taxes. Irons-nous
plus
loin ?
quelle
heure
prcise
et dans
quelle
mesure ?
Avons-nous une conscience assez claire des devoirs
minents
qui
drivent de notre
conqute,
et som-
mes-nous certains de leur rendre en bienfaits l'-
quivalent
de leur libert
perdue?
L'avenir
y pour-
voira,
dit-on. Cela ne suffit
pas.
Il faudra
que
nous
y pourvoyons
nous-mmes,
qu'aprs
avoir t forts
nous
soyons charitables,
que
les
conqurants
d'hier,
que
les administrateurs
d'aujourd'hui,
de-
viennent les instituteurs et les
guides
de
ce peuple
ignorant
et craintif travers le monde moderne.
Dj
des
symptmes
favorables se
rvlent,
ne se-
rait-ce
que
nos coles
dj plus
nombreuses
que
les
mosques
de
l'Islam,
qui
nous
permettent
de
concevoir de belles
esprances
mais le moment
est
critique
et nous devons bien savoir
qu'une par-
tie de notre honneur devant la
postrit dpenddes
rsolutions
qu'il
nous faut
prendre.
En
attendant,
ne cessons
pas
de voir et d'tu-
dier,
mditons sur un tel
sujet,
communiquons-
nous nos observations et nos
ides,
voyageons,
li.
sons, et,
si nous le
pouvons,
faisons de bons li-
vres.Envoici
unniein
defaitsetde
renseignements,
complet
dans sa
Mrme,
loyal
et utile. L'auteur
y
a
rsum tout ce
qu'un
homme du monde doit savoir
de la
Kabylie,
tout ce
qu'un
travailleur assidu
peut
glaner
d'attrayant
et de
profitable
dans nos biblio-
thques dj longues
sur son
histoire,
ses coutu-
mes et sa condition
prsente.
Si l'amiti
que
je
lui
porte
m'empche
de le
louermieux,
elle ne m'mter-
PhfAOE
x
dit
pas
au moins de lui souhaiter
vivement l'excel-
lent accueil
qu'il
mrite. Un
proverbe
des
Touareg
dit J ette le bienfait derrire
toi,
il retombe de-
vant toi. ))
J e suis certain
queJ Mf. Liore!
en vriuera
l'exactitude. Son v!ume est une bonne action
qui
ne
manquera pas
de trouver sa
rcotnpense
presde
ses lecteurs.
E.
MA80CMAT.
Quiconque
a
pass quelque temps
Alger,
cette
ville blouisse.nte de lumire et
d'originalit,
avec
ses cascades de maisons bleues et
blanches,
ses
rues
escarpes., parcourues
tout le
jour
et en tous
sens
par
la foule la
plus cosmopolite,
la
plus
bi-
zarre,
I~plus
bariole
qu'on
puisse imaginer,
n'a
pu
oublier cette admirable baie ou la mer bleuie
par les
reflets d'un ciel
sans tache,
vient
expirersur
la
poussire
dore des
grves.
Les
pentes
de Mus-
tapha, paMemes
de
nombreuses
villas,
enfouies
dans l'ombre
verdoyante
des
orangers
et des n-
Giers du
J apon, perdues
sous le
mystrieux
feuil-
lage
des
oliviers,
puis
le
promontoire
tincelant du
~cap Matifou,
les
premiers
contreforts de
l'Atlas,
proses
au lever et au ccucher du
soleil,
d'indigo
pendant
le
jour, captivent pendant
de
longues
heu-
res
et
pour toujours
nos
regards
merveills. Tout-
~-ooup,Ia
vue s'arrte.
L-bas,
au-dessus et au del
des premiers monts,
se dresse fier et
majestueux,
Ile
tamgout (pic)
de
LallaKhadidja.Pendant l'hiver,
~ia neige,
cette chevelure des
pics,
vieux comme le
AVANT-PROPOS
AVANT-PROPOS xn
monde,
aime se
reposer
aux branches de ses
cdres sculaires.
Puis,
Oiys mystrieux qui
t'effeuilles sans bruit
(<).
tu
disparais
au
printemps, pour porter
la
prosp-
rit et la fracheur dans les valles de cette
rgion
splendide qui s'appelle
la
Kabylie.
La
Kabylie,
combien
peu
l'heure actuelle la
connaissent;
combien
peu
mme
l'ont vue? En
1876,
M.
Masqueray.
un savant
qui
a rendu les
plus grands
services notre colonie en nous la fai-
sant connatre et
auquel je
dois un amour sincre
pour
cette nouvelle
Fraace, pouvait
crire Les
touristes,
qui
n'ont vu la
Kabylie que
de la ter-
rasse de Fort
National,
ont
eu,
sous les
yeux, un
des
plus
beaux
paysages
du
monde,
mais ne savent
rien des
villages Kabyles.
On leur a
montr
des
groupes
de maisons
grises,
couvertes de
tuiles
rouges,
sur toutes les
pointes
environnantes,
et ils
sont revenus satisfaits. A
Alger
mme, on
se vante
d'avoir visit Fort national .
(Impressions
de
voyage,
Revue
politique
et ~era!fe. <9 et 26 fe-
vrieri8'76).
Les
temps
sont-ils
beaucoup changs?
Nous ne
le
croyons
certes
pas.
Et
cependant, quel plus
admirable
pays
mrijte-
rait d'attirer
davantage
notre
attention
quelle
<o
lonie devrions-nous visiter avec
plus
de
soin,
avec~
plus de sollicitude ?
e ;-
La
Kabylie,
a-t-on
dit,-
est la clef de
l'Algrie.
Tant
que
les innombrables et
intrpides
habi-J !
AVAKT-PROPOS xtn
tants du
quadrilatre montagneux
compris
entre
Dellys,
Aumale,
Stif et
Collo,
conserveront des
dispositions pacifiques,
le reste de
l'Algrie,
ft-il
en
feu,
noire domination n'en serait
pas compro-
mise.
Inversement,
un soulvement
gnral
de ces
contres
ncessiterait,
pour
tre
rprim,
de trs
srieux eSbrts
M (Faut
Bert,
Lettres sur la
J ~a~y-
lie).
Ds
lors,
il faut
que
la
Kabylie
soit mat-
riellement
et
moralement
nous.
Que
faut-il faire
pour conjurer
ce
pril
en con-
servant la
Kabylie ?
Il faut la connatre. Pour
que
la
Kabylie
soit matriellement
nous,
il faut
que
nous sachions
qu'elle peut
nous
procurer
les
plus
grands avantages,
si nous voulons bien nous occu-
per
d'elle;
il faut
que
nous sachions o doivent
tendre nos
entreprises pour utiliser
sa situation
exceptionnelle
et les excellentes
dispositions
de
ses habitants.
Pour'que la Kabylie soit
moralement
nous,
il
faut
que
nous connaissions son
histoire,
ses
murs,
ses
coutumes, pour
tre mme de
ju-
ger
et de
comprendre
le caractre de ceux
que
nous
devons rattacher intimement la France.
Aussi bien est-ce une tche fort
attrayante.
D'autres l'ont
dj remplie
et fort
bien,
me dira-
t-on.
Qu'importe,
il nous semble
que
nous
pou-
vous,
nous
aussi,
nous crier
que parler
des
Franais
de cette
partie
de notre
Afrique,
la der-
nire
conquise,
la
plus originale,
la moins battue
jusqu'ici
par les publicistes et
les
touristes,
leur
parler
surtout des
dispositions
intimes de ce
peuple,
leur raconter le bien
qu'on
commence
lui
faire,
Seurindiquer les
lueurs
d'esprance que
ces bons
cessais
font
nattre, ce n'est point
causer en l'air ni
X!V
AVANT-PROfOS
de choses d'outre-tombe.
Puis
qui
sait ? Peut-tre
ces
pages
tomberont-elles
sous les
yeux
de
quel-
ques
vieux amis
de
l'Algrie.
Alors,
si ce
qu'on
dit est
vrai, que
ce cher
pays
a la vertu
magique
d'inspirer
la
sympathie
jusqu'
se faire
prfrer
quelquefois
la terre natale
') ~), peut-tre
verrons-
nous
plus
de
Franais
venir tenter de vivre
heu-
reux et de s'enrichir
sur ce nouveau
sol au lieu
d'aller
essuyer presqu'invitablement
l'tranger
tous les revers d'une
migratioa
maladroite,
Ce
butnesufnrait-il
pas justifier un
tinuvel
appel,
en faveur de
l'Algrie,
dont
la
Kabylie
est
une des
plus majestueuses
et des
plus souriantes
rgions.
Ecrire un livre sur la
Kabylie pour
la faire con-
natre au
plus
grand
nombre,
tel sera notre
but,
Mais
quel
sera ce livre ? Notre ceuvre
modeste con-
sistera
vulgariser ce qui
a t dit et crit Tsur
ce
pays.
Il
y
aurait une
prtention
bien nave . vou-
loir faire une tude
personnelle
sur la
Kabylie,
alors
que
d'excellente
auteurs ont si utilement d-
crit cette
rgion.
MM.
Hanoteau et
Letourneux,
Devaux, Masqueray,
Daumas et
Fabar, pour
ne
citer
que
eeux'-Ia,
ont dvoil ses
origines,
ont mis
nu les
parties
les
plus
secrtes et
les
plus
igno-
rea de cette
partie
de l'Afrique,
et
}eu!'a tudes
n'ont
pas
besoin
d'tre
compltes.
Mais mal-
gr
l'exeeUence
de ces
travaux,
nous nous
som-
mes
pris
a
regretter qu'aucun auteur
n'ait
crit
jusqu'
ce
jour
un
livre,
o& serait
runi,
dans
an~
forme
simple
et
complte,
tout ce
qu'il
importe de~
cpnBaMM
de
lat~abylie.
Nous
avons aenti
l
aue~
(1)
p, .~aptt~M,
~t
~9~
AVANT-PROPOS XV
lacune,
et notre seule ambition serait d'arriver
la combler.
Ds
lors,
runir dans un ordre
mthodique
tout
ce
qui
a
t
dit sur la
Kabylie,
a t
l'objet,
de
nos soins les
plus
assidus.
Simple compilation,
dira-t-on,
o sera relat tout ce
qui
a t
publi
sur cette
rgion.
Oui,
compilation,
mais
compita-
tion
que
nous
avons juge utile,
si l'on considre
que grce
elle,
beaucoup
de
personnes, n'ayant
ni le
temps,
ni la
possibilit
de
pouvoir
exercer
leurs recherches dans des crits nombreux
et
pars, pourront
avoir sous la
main
un
ouvrage
dcrivant la
Kabylie
telle
qu'elle
est et
telle
que
des tudes srieuses nous
l'ont fait connatre.
En
crivant l'histoire d'un
peuple, qui pourrait
chapper
ce
reproche
de
compilation ?
L'his-
toire ne saurait
appartenir
au domaine
de l'ima-
gination,
elle ne s'prit
qu'avec
des documents
dj.
existants,
elle ne
repose que
aur dea faits
dj~
constats.
L'oeuvre de l'historien
rside
tout
entire dana la
clart,
dans l'ordre,
dans la
mthode,
dans la
scrupuleuse
exactitude des faits
et dans une
rigoureuse
impartialit,
qualits
es-
sentielles
pour
la confection de l'histoire. D'ailleurs
que
de faita nouveaux
relater
depuis
les
vne-
ments
de 1871
et
jusqu'ici
rasts
indit, que
de
coDsidratioas
philosophiques
nouvelles
dduire,
au fur et a masure
que
notre colonisation
devient
l'objet de
controverses
presqu'a~ssi
nombreuses
que
sternes.
E~t'i! maintenant besoin
d'ajouter que
lele&.
~.teut'trpHy~a ici, nn
nombre considrable
de cita-.
tiens,
manant (les
attieura
jauiasa,nt
d'une ~uto-
AVAXT-pnOPOS XVt
vite inconteslable. Non
seulement,
ce
procd
pourra
assurer notre livre une valeur trs
appr-
ciable,
mais pour
ceux
qui
voudraient
pousser plus
loin leurs
investigations,
il aura
l'avantage
de leur
fournir toutes les indications des sources aux-
quelles
nous avons nous-mmes
puis.
Notre rle ainsi
dtermin,
notre seul effort
consistera
n'apporter que
des
donnes certai-
nes,
des documents irrfutables
puissions-nous
arriver ce
rsultat,
et nous nous estimerons trs
heureux.
Pour tre tout la fois clairs et
prcis,
nous
avons divis cet
ouvrage
en dix livres.
Le
premier
livre contiendra tout ce
qui
se
rap-
porte
la
description gographique, physique,
gologique, etc.,
de
iaKabylie.
Dans le second
livre,
nous donnerons un
&peru
de l'histoire de la
Kabylie depuis
les
temps les plus
reculs
jusqu' l'poque
de notre
conqute.
Le troisime livre
comprendra
l'histoire de la
conqute
et celle des vnements
qui
ont
pu
se
produire depuis
cette
poque jusqu'
l'insurrec-
tion de i8'H.
L'insurrection de
i8'H,
dans ses causes et ses
effets, fera l'objet
de notre livre
quatrime.
Nous
relaterons,
dans ce mme
livre,
les faits
accomplis
depuis
cette anne dsastreuse
jusqu'en
i88~.
Dans le
cinquime
Hvre,noustudierona
l'his-
toire de la dernire
insurrection,
l'insurrection
i8Si. Nous rechercherons ses causes et les resul-~
tats
qui
en ont t la
consquence. Nous exami-~
grons,
non sans
curiosit,
l'attitude des
Kabytea~
pendant
toute
cette priode;
g
AVAM-PHOPOS
XVI)
Le sixime
livre sera consacre au
parabole
qu'ji
y
a lieu d'tabHr
entre l'tat actuel de la
Kabylie
et celui antrieur
notre
conqute,
au
point
de
vue
de l'administration
du
pays,
de l'tat social de
l'individu,
de ses droits et des
lgislations qui
fu-
rent
ou
qui
sont
aujourd'hui
en
vigueur.
Les
murs,
les
usages
et les coutumes des
Ka-
byles
feront
l'objet
de notre livre
septime.
Nous
mettrons
dans cette tude un soin tout
spcial,
si-
gnalant
les modifications
que
la
conqute
a
pu
apporter
et
les causes de ces
changements.
Le huitime livre nous
enseignera
l'tat des let-
tres,
des
sciences,
des
arts,
de
l'industrie,
de l'a-
griculture
et du
commerce,
tant dans la
priode
qui
a
prcd
notre
occupation que depuis
cette
poque.
Enfin,
dans une neuvime et dernire
partie,
nous rsumerons les divers
systmes
de colonisa-
tion
prconiss
pour
arriver l'assimilation
du
Kabyle
au
Franais.
Nous tudierons ce
qui peut
faire
accepter ces systmes
et ce
qui,
au
contraire,
doit les faire
rejeter.
En forme de
conclusion,
nous
exposerons,
dans
le dixime et dernier
livre,
un
systme
de coloni-
sation,
fond sur les donnes
que
nous aurons re-
cueillies,
et
qui
sera le rsultat des tudes
aux-
quelles
nous nous serons livrs.
Avant de terminer cet
avant-propos, qu'il
me
soit
permis
de remercier ici bien sincrement
mon
savant matre et
ami,
M.
Masqueray.
En voulant
bien m'autoriser mettre son nom en tte
de cet
ouvrage
et en crivant la
prface
de ce
livre,
il
~m'a
donn le
gage
d'une bienveillante amiti
dont
?je
ne cesserai de m'honorer.
Que
mon excellent
X~U!
AVANT'PROPOa
ami Sidi Ziu ben si
Moula,
Prsident des At Ifa-
ten,
veuille bien aussi
accepter
mes rem~rciments
pour
l'amabilit
qu'il
a eue d me
communiquer
ceftauM documents. Continuant avec zle l'uvra
de Sidi Mouia-t
Ameur,
son
pre, Kabyle
fran-
ais
par
le CfBur et
par
les services
qu'il
a rendus
notre
colonie,
il mrite hautement
cet
hommage
public que je
suis heureux de lui
rendre.
Alger-Mustapha, le
16 mars 1892.
1
LIVRE PREMIER
GOGRAPHIE DESCRIPTIVE
Tout
d'abord,
et avant de commencer l'tude
qui
fera
l'objet
de ce
premier
livre,
il est ncessaire de
rechercher
la
signification
du mot
cKabyiie
. H ne
faut
pas y
attacher une valeur
ethnique qu'il
n'a
pas
et
qu'il n'a jamais
eue.
Kabylie
vient de l'arabe
K'abUa*,
dont le sens
tymologique
est
en face les uns des
autres,
dans leurs dserta
et tous de valeurs
gales
H.
En
voyant
la runion de toutes ces
tribus,
de tous ces
villages,
situs en face les uns des
autres,
dans des con-
trs
plus
ou moins
inaccessibles,
et avec une
appa-
rence
d'galit parfaite
chez les
individus,
on a
appli-
qu
toute la
rgion
le mot
Kabylie
En ralit < K'abila veut dire <
confdration,
agglomration
M ce
qui
au
pluriel peut s'exprimer par
<les
ligues
C'est l le vritable sens de ce mot.
Le mot
< Kabyles
n'est d'ailleurs
pas employ
seu-
lement en
Algrie
en
Arabie,
on
appelle
de ce nom les
Arabes
Ajar
ou
Danakil,
qui occupent
la contre situe
l'est de
l'Abyssinie;
au
Maroc,
les
Imazighen
du nord
portent
aussi ce nom.
On a dit et
rpt que
les habitants
de J urjura
ne se
donnent
pas
le nom de
Kabyles
mais celui de Imazi-
ghen t, (au singulier
<
Aozigh ),
c'est--dire tes
'hommes libres. A notre
avis,
cela est
inexact
ils se
disent Gouaoua ou Zouaoua. Le mot
< Imazighen
a
vient du
touareg
<AmaheD),
au
pluriel
Imohart,
qui signifie pillard,
et
par
extension,
libre.
Quelques
changements
de
prononciation
et d'criture font
qu'au
.Maroc,
l'on dit AmazirH au lieu de <Amab"rH et
Imaziren au lieu de e Imohar . De < Im~ziren <
~Imazighen,
il
n'y
a
qu'un pas.
Mais nous le
rptons,
~J es Kabyles
ne se donnent
pas
ce nom entre eux.
~& XABTLtE 2
Ceci
dit,
examinons la
configuration gographique
de la
Kabylie
cette tche nous sera
singulirement
facilite
par
la
remarquable
carte du marchal Randon
et
par
celles dresses sous la direction de
]'tat-major,et
aussi
par les
excellents travaux de MM.
Carette,
Hano-
teau et Letourneux, etc.
La
Kabylie du J urjura, qu'on appelle
aussi la Grande
Kabylie,
est cette
partie
de
l'Algrie,
comprise
entre
la
Mditerrane,
au Nord le cours de t sser
depuis
son embouchure
jusqu'aux
ruines du
pont
de Ben Hini
l'Ouest
le
J urjura
et le
prolongement
occidental de
cette
chane, jusqu'
l'Isser,
au
Sud
et
l'Est,
le
pro-
longement
oriental du
J urjura
suivant la
ligne
de crte
qui passe par
les cols
appels Tizi-n-Tirourda,
Tizi-
Ichelladhen, Tizi.n-Cheri,Tizi-n-Tizberbar,
Tizi-Ouk-
fadou,
va tomber la mer
quelques
lieues dans l'Est
du
cap
Corbelin. Ces limites sont
peu prs
celles de
la division de
Dellys <(1).
Telle est la
description
faite
par
MM. Hanoteau et
Letourneux.Sinous voulons
dterminerd'une
faon plus
complte
cette
configuration,
nous n'avons
qu'
suivre
sur une carte la
ligne
suivante. Partant de la Mditer-
rane au
Nord,
auprs
de El
Meurdja
Toula,
nous des-
cendons en
ligne presqus perpendiculaire jusqu'au
ni-
veau des Ouled el Arbi. nous inclinons
l'Est jusqu'aux
Ouled ben
Chatat,
et
jusqu'
la rencontre de l'Isser
la hauteur deHaouch ben
Teldj.Laligne passe
en
de
de l'Isser
pour
venir
presque jusqu'
Bou
Small,
elle
incline alors
presque
horizontalement
jusqu'au
cours
de,
l'Isser,
qu'elle
suit
presque
sans discontinuit
jusqu'
rafQuentsif
eIDjenta. De eetendroit,
la
ligne redescend
au Sud dans la direction de Doukkara Ouled
Bjelladaet
de Chabet-el-Akra
elle se
prolonge
encore Un
peu &u
Sud, puis
aprs
avoir-suivi
quelque
temps
la
direction
de
l'Ouest
l'Est,remont
pour passer
El'
Ah'mra, El
Djema&,Ait
T'el'ha.De l elle va au Sud du ct de
Bo~dj~
Bouira et remonte
Tizi Ouzaboab,
passe
aayamgoat~
(pic)
Azer,
suit la
direction
Oaest-Nord-EstpOQrpMter~
.if,
(i) Hanoteau et LetoafueM.J aFN~Me. T.
1.
GO&RAP~tE OESCatPTtV 3
AtAggad,Azrcu Gougan,
Azrou en
Temedoul'n,Tizi-
n-Kouilal,
Tizi-R-Takherrat, Tizi-n At-Ouban,
Tizi-n-
Tirourda, Tizi-n-Tizit. De
ce point.
cette
ligne remonte
trs franchement vers le Nord-Est en
passant par
Tizi-
Ichettadhen. Tizi-berth,
Tizi-n-Cheri,
Tizi-n-Tezber-
bar,
Tizi Oukfadou
jusqu'
la hauteur et t'oueat de
Tahourirtiiniin:
elle inc~ne alors l'ouest
jusqu'
la
hauteur et l'est de
Ahamii,
puis
remonte au nord
jus-
qu'auprs
de Talbant. De ce
point
elle va i'est
jusqu'
Tizi-n-Temissa,
reprend
sa direction au Nord en
pas-
sant
par Tizi-n-Toumelilin,
Tahariktou
Amara,
Tinri
at
Moussa,
At Abde! Mounen
jusqu'
Etrouck. Elle
suit la direction
Ouestjusqu'
Tizi Bou
Nman,Cheurfa,
et se
dirige
vers le Nord et l'Ouest de Ir' il MeUouten
jusqu'
la mer.
La surface totale de la
Eabyiie
considre comme
formant l'ancienne subdivision de
Dellys
est de 365904
hectares
mais en ralit sa
superRcie
est de 525008
hectares
~arrondissement de Tizi Ouzou seul a une
tendue de 352021 hectares.
Pays
extrmemeut
montagneux,
sans
plaines,
car
l'on ne saurait donner raisonnablement
ce nom des
sortes d'ondulations de terrain
fJ anquessur
la
pente
des
montagnes,
les valles
y
sont troites et encaisses.
~fon~a~tM.
On
peut
diviser le
systme orographique
de cette
rgion
en
quatre
chanes la chane du
J urjura,
la chane
deaMatka,
la chane du
littoral,
et un chat-
non,
plutt qu'une
chane
proprement
dite,
sparant
l'Isser du Sebaou.
I. C&aMM
cfttjM~'M<'<t.
Cett&
chane,
la
principale,
celle
qui
forme
pour
ainsi
dire le
noyau
autour
duquel
vient se rattacher tout
le
systme montagneux
de
t&contre,e6t
forme
par
je J ap-
jaNt
et
eesprotongements
de tst et de !'Ouest.EUe est
ooa~MfteMnMte~tant
edte
appte parles
Bomaiaa
4 LA XABtU
Mons Ferratus
w,
t te Mont bard de fer
M,
trs
pro-
bablement cause de la rsistance
opinitre que
ceux-
ci rencontrrent de la
part
des
Kabyles,
rsistance
qui
les
empcha
de
pntrer
dans l'intrieur du
pays.
Sa
longueur
ne
dpasse gure
40 kilomtres et s'tend
du
Tizi-Oujaboub (col
du
roseau)
au col de Tirourda
(Tizi-n'-Tirourda)
Sa direction est
presque parallle
la
mer,
dont elle n'est
loigne que
d'une dizaine de
lieues environ. Elle se courbe l'Ouest vers le
Nord,
dans !a direction de
Bougie
en s'abaissant
peu
peu
jusqu'au
littoral de la mer.
Quand
les
Kabyies
veulent
dsigner
le
J urjura,
ils le
nomment
plus spcialement
Adrar
(la montagne,
la
seule
pour eux):
s'ils
emploient
le mot
J urjura,
ils le
prononcent
Djerdjera
.
Spar par
le massif
qui
domine le
Tamgout
de Lalla-
Kbadidja,
le
J urjura comprend
deux
parties
bien dis-
tinctes. A
t'Est,
une
partie qui se
relie au massif
par
le
Tizi-n-Kouilal;
l'ouest,
l'autre
partie,
relie au mme
massif par
la Tizi-n'-Takerrat.
L'altitude de ces
montagnes
est leve. Le
Tamgout
de
Lalla-Khadidja
n'a
pas
moins de 2308 mtres au
dessus du niveau de la
mer
"Azrou
Gougan (rocher
des
bufs)
a 2209
mtres
le
Tamgout
des Azer a 2066
mtres
et le
pic que
l'on
dsigne
sous le nom d'Ai-
guille,
2036 mtres.
Tous ces
pics
sont accessibles
jusqu'
leur faite dans
la belle
saison,et les bergers Kabyles
vont
frquemment
y
conduire leurs
troupeaux
de chvres. Mais
partir
du
mois de novembre
jusqu'au
mois de
mai,
ils deviennent'
absolument
impraticables,
ensevelis sous des couches
de
neige peu
dure et
par
suite
sujette
de
frquents
boutements.
Les
cols,
qui
relient ces
pics, permet-
tent le
passage
d'un versant l'autre
pendant la
belle
saison,
mais
pendant
l'hiver deviennent d'un accs
dinicite et
dangereux.
lis ont d'ailleurs. des attitudes
relativement trs leves. Le Tizi Bohtma
(col
de la
prairie)
est 168L
mtres l'Aoual
1941
mtres
!e Thabbourt
Tamellalt (porte blanche)
i628 m-
tres
le Thabbourt
Bouzgueur (porte
du
buf)
A
GO&BAPH1E
DESCMPTIVE 5
1784
mtres
le Tizi-n-Eouittat 1578
mtres
le
Tizi-n-Thakerrat
1808 mtres et le Tizi-n At Ouban
(col
des descendants
Ouban)
:\1766 mtres. D'autres
cols
moins
importants
livrent autant de
passages pour
communiquer en
de nombreux endroits et sont d'un
accs facile.
L'aspect gnral
de la chane du
J urjura
est tout la
fois
sauvage
et
grandiose.
Les crtes
effiles,
les flancs
abrupts,
sur
lesquels poussent
seuls des cdres
plu-
sieurs fois
sculaires,
leur donnent un
aspect que
l'on ne
rencontrerait en aucun coin de la Suisse.
Lorsque
l'alti-
tude
baisse,
le cdre
disparat, (il
ne
pousse gure
au
dessous d'une altitude de mitfe
mtres)
et fait
place
aux
chnes verts
qui
forment un
espce
de
tapis
de verdure
aux
pieds
des
pies gants.
Ce n'est
point
non
plus,
ni
la
majest
des
Pyrenes,
ni la svrit des
Alpes
c'est
un enchevtrement de
pics
et
d'escarpements,
sems
profusion
dans le
plus capricieux
dsordre. Dans les
valles
que coupe, chaque instant, unecrte,un piton,
la
vgtation
est luxuriante. Sur
lespentes, partoutdes
jardins,
des
oliviers,
des
figuiers
et des
vignes puis
de
grands
frnes,
des
ormes,
des chnes
verts,
des lau-
riers
roses
le tout travers
par
une foule de
petits
ruis-
seaux ns de la
montagne,
et descendanten
millepetites
cascades
jusqu'au
torrent,
au fond de la valle.
Perpendiculairement
la direction du
J urjura,
de
nombreux contreforts se dtachent de son massif
prin-
cipal
les
plus importants
sont
au nombre de huit.
Nous
empruntons
textueilement leur
description
l'ou-
vrage dj
cit de MM. Hanoteau et Letourneux.
Le
premier
de ces
contreforts, en partant
de l'Ouest,
est
occup par
la tribu des At Ououkda)
(gens
de la
prai-
rie)
de la confdration des At Sedka. Sa
longueurest
d'en vironsept
kilomtres. La crte descend
rapidement
vers
Tizi-el.Bordj (col
du fort~ en
passant par
les vil-
lages
des Ait
ou-Ahlan,
789 mtres au-dessus du ni-
veau de la
mer,
et At Mohammed
ou-Touddert, &
755
mtres;
puis
elle remonte au Nord vers le
village
de
Taourirt-en-Tezgui,
682
mtres,
o elle se
bifurque
en deux
crtes secondaires
couronnes,
l'une
par
les
tA KABTUB 6
villages
des AU Said
ou~Daly.
879
mtres,
et TabttGh"
cht'
(l'olivier sauvage),
et t'antM
par
t'AXtb des Art
Sidi
Louns,
898
mtres, eHmame)oad'Ir'HGu6zta
(!a
crte des
chansons).
Le
deuxime,
dequatre kilomtres
de
longueur, est
habit
par
les deux tribus des At bou
Akkach
et des
Art
Ouasif,
de la confdration des
Igaouaouen. Sa crte
est couronne
par
les
vidages deTiguemmounin,
Zak-
noun, Tikichourt,
672 mtres
d'altitude;
Tikidount,
670; Zoubga,A)t
bou Abderrahman et Art
Abbs,
7i0.
Le troisime est l'un des
plus importants
du
sys-
tme Les trois tribus desAt
Boudrar(gens
de la mon-
tagne),
At. Ouasif et Art Yenni s'en
partagent
la
pro-
prit.
Sur sa
crte,
qui
n'a
pas
moins de dix kilom-
tresde
dveloppement,
s'tvent
)esvi)iages
de tr 'il-n-
Etsedda. At Ali
ou'Harzoun,
Thasaft
Ouguemmoun.
At
Erbah',
Taourirt
el-Hadjadj,
Taourirt
Mimoun,
At
e~Arba et At el Absen.
<
Lea altitudes de ces
villages
sont
mtros
At Ali on-Harzoun 1,032
Thasaft
Ouguemmout).
806
AtEt-tmh' 79t
Taourit
et Hadjadj.
819
Taourit Mimoun. 88S
At el-Arba 888
At el-Ahsen. 880
Le
quatrime,
le
cinquime,
le sixime et
icsep.
time,
qui
vont en diminuant de
longueur,
appartien-
Taent encot'e aux
Igaouaouen
et sont
occups par
tes At
Boudrar,
At At'taf et Ak'bit.
*Enn,
le huitime
contrefort,
le
plus
considrabie
de
toua,
a sa racine la hauteur du col de Tirourda. Sa
crte~
d'abord normale ta direotio
gnrale
du J ur.
jura
s'inH~chit l'Ouest et dcrit ttc
quart
deCercla
de20kitomtres
environ,
qui enveloppe
toustMeon*
tr~forta dont nous venons de
parler.
Cette
arte est~a-
tonnee
ptt' !es viitages daT'Mrou~Tiferdhoud.T~Mt' ,`,.
GOG3APHM DESCRIPTIVE 7
fout,
Azrou
Oui:e!ia). Aguemmoun
Izem
(mamelon
du
Lion),
Icherridhen et
par
Fort
Napolon (1).
Les
altitudes de ses
principaux
sommets sont
mtres
MameioBd'Ourdja.
1.356
Tiferdhoud. i.i82
Mamelon du Sebt des At
Yahia -t.220
Tas~enfout.
i.037
Aguemmoun
Izem 1.015
Icherridhen.
i.055
Mame!ond'Aboudtd(iepieu)
i.OSO
Fort
Napojoo
(Fort
Na-
tiona))
961
< Ce contrefort
auquel
nous donnerons le nom de
contrefort de Fort
Napolon,
est un vritable rameau
de la chane
principale.
De son faite se
dtachent,
comme autant de ctes d'un
corps
vertbr,
des artes
(lui l'arc-boutent
droite et
gauche.
A son
extrmit,
prs dport Napoton,
il
s'panouit
en
plusieurs
artes
habites par
les fractions
de la confdration des
At
Iraten. Les tribus
qui occupent
les artes tatratessont:
du ct du
J urjura,
les AK bou Yousef et At
Menguel-
lat,
des
Igaouaouen,
et les
Aouggacha,
des At Iraten
du ct du
Sebaou,
les
Atttsourar',
At
Yahia,
At
bou
Cbab, At Kbetiti et At Fraoucen.
Un bonne route
stratgique,
suivant le fate de ce
contrefort,
avec amorces sur
les crtes
principales,
mettra toutes les
populations
des deux flancs la
merci
de nos
colonnes.
Les
Kabyles
l'ont bien
compris
aus-
si,
disut-its,
en
parlant
de Fort
Napolon, qui occupe
la tte de cette
route,
que
c'est
une
pine
plante
dans
l'it de la
Kabylie.
<A l'est du col de
Tirourda,
le mme
systme
se con-
tinue
jusqu' une
certaine distance. Mais les trois ou
(1)
Foft
Napolon
eat devenu, depuis r}mprM~n
du
)ivre
MM. Banote:m et
Letourneux,
Fort p!atipnat.
8 LA KABYLIE
quatre
contreforts habits
par
les Illilten et les Illoulen
Oumalou n'ont
plus qu'une importance
secondaire.
IL Chane des ~fa<M<'a.
Cette chane
parat
tre le
prolongement
du contre-
fort deFort NationaLEHe n'en est d'ailleurs
spare que
par
la rivire des At
At'ss!. Forme
par
une srie
d'artes,
ses
principaux
sommets sont le Souk el
Arba des ISissen
oumet-Li),
896 mtres au-dessus
du niveau de la
mer,
la Koubba de Timezerit 892
mtres et l'Arba des At
Douala
891 mtres. La route
du
Djema
des Issers
Dra-el-Mizan et Fort Natio-
nal la
coupe
en
plusieurs endroits,
notamment aux
cols Tizi
R'ennif,
Tizi-n-TedeIs et Tizi-n-Tleta. S'a-
baissant
tout--coup, pour
n6
former
que
des mame-
lons entre l'oued
Bougdoura
et la rivire des At
Assi,
il
se relve et forme la
montagne
des At bou Khatfa.
Ill. Chanon du Bou-Berak.
Ce
chanon, auquel
nous donnons le nom de son
sommet le
plus
lev,
le Bou Berak
(648
mtres)
se
dtache de la chane des Ma&tka. Un
peu
au nord du
col d'Azib
Zamoum,
il se
dirige
en deux crtes distinc-
tes vers le
Nord,
et
spare
le bassin de l'Isser de celui
du Sebaou.
II. Chane du littoral.
Enfin,
au nord du col
d'Akfadqx,
se dtache
une
chane
qui longe
le bord de la mer
jusqu'a
la hauteur
:=
de Dellys. Le Tamgout des At Djepnad (i,~00m.), !e
jtiamelon d'An el-Arba
(876 mtres)
sont les
points;
les
plus
levs de cette chane.
,r
Rivires et cours d'eau. Tout d'abord en suivant
le
littoral mditerranen, oous trouvons un cettain non;- `~
GOMAPBUE DESCRIPTIVE
9
i.
bre de ruisseaux et de
petites
rivires
que
nous ne fe-
rons
qu'numrer
dans l'ordre o ils se trouvent eu ai
lant de l'ouest l'est. Ce sont: l'oued
Meiek,
l'oued
Amara,
I'oued
eI-Deliny,
l'oued
Sidi-Mog~red,
l'oued el-
Hammam.
l'oued
el-Frescha,
l'oued
ei-Moussa,
l'oued
el-Arb,
l'oued
Sidi-Ahmani,
i'oued
Garrouba,
l'oued
Oubay (grossi
des eaux de l'oued
Ibahal),
l'oued
Brika,
l'oued
Tazibt,
l'oued
Smehah,
l'Ir'zer
Izeraren,
i'Ir zer
Takran ou
Riler,
l'Ir'zer
Termieh,
l'Ir'zer
Hattoucbe,
l'Ir'zer
IIassan(qui reoit
l'oued
Maiacbe,! Ir'zerTemda,
l'Ir'zer
Bou-Medik.
Terga
bou zeren el
Kabir,
l'Ir'zer
Taouza,
l'Ir'zer Guizetzou
(grossi
de l'Ir'zer Barcaeh el
tir'zer
M' Boubdal,
l'tr'zer
Guizane,
l'Ir'zer
Ikerbeck,
l'Ir'zer
Mleta,
Terga
raba,
l'AsifGourar.
Puis sur ce mme littoral les
deux principales
rivires
de la
Kabylie,
l'sser et le
Sebaou.
L'lsser
n'appartient
la
Kabylie que
dans une
partie
de son cours. Une
quantit
assezconsidrabtede
petites
rivires viennent
grossir
ses eaux. A droite nous trou-
vons
l'oued bou
Merdja (qui reoit
lui-mme l'oued
bou
M'zar),
l'oued
Aoudja (grossi
de l'oued
Mahmad,
l'oued Maguine, l'oued Hamouda,
i'oued
Ouaba),
l'oued
Sidi-Moussa,
l'oued
Gutar,
l'oued Menael
(form
par
l'oued
Freah,
l'oued bou
Mazane,
l'oued
Saisafane,
l'oued bou
KedraJ 'oued Chender,l'oued Kebour-Adessi),
l'oued beni Sbeah
(qui
a
pour
affluents l'oued
Descbs,
l'oued
Besbes).
l'oued
Djemaa (grossi
de l'oued
Cheragal,
I'oued Temelech et son affluent l'oued
Guergaba,
l'oued
el
Hammam,
l'oued
Sakabs,
l'oued
Boussilioun,
l'oued
Achour,
I'oued
Barla,
l'oued
Merasvel,
I'oued Beni
Ibaae, l'oued
Ain
Zebouira,
l'oued
M'Khazin,
l'oued el
Arbd
grossi
de l'oued el
Madgen
et l'oued Nachouf. A
gauche,
c'est--dire sur la
ligne oppose
la frontire
que
nous avons
assigne
la
Kabylie,
se trouve un cer-
tain nombre d'affluents
parmi lesquels
nous nous con-
tenterons de citer: l'oued
Rekaye,
l'oued el
Djenan,
"I'oued
beni Mian,
l'oued Bou
Ameur,
l'oued
Arhia.i'oued
.Tisacasin,
l'oued
Tifa,
l'oued Tifich, l'oued
Oucedfa,
l'oued-Toursout,
l'oued
Hamoud,
l'oued
Dordja.
L'oued Sebaou
qui
est le vrai Sauve de la
Kabylie,
LA &A6?HE
iO
fleuve d'ailleurs ni flottable ni
navigable, reoit
de nom-
breux torrents et de nombreuses rivires. Sur la rive
droite de son
cours,
nous citerons l'oued
Seboudj,
l'oued el
Hammam,
l'oued
Sebi,
l'oued
Trouin,
l'oued
Allal,
l'oued.
Chegga,
l'oued Taleb. l'oued
Naceufl'oued
Naceuf,
l'oued
Chellata,
l'oued Rha
(avec
ses affluents
l'oued R'dour et l'oued
el-Koudiat),
l'oued
Izelella,
l'oued
Mimoun,
l'oued Ali ben
Nesser,
oued el-Archa
(qui
reoit
l'irzer Tah'serou et l'irzer
Safsaf),
l'oued
btita
(avec
l'irzer Ouichfiten,. l'irzer
Issiguen,
l'irzer
guer).
Fasif
Thaima, FsifTrouririn,
l'Asif
Guilmaa,
rirzarTamda
(sifTasida,
sifbou
Guein,
Fsifr'uzer
Djerir),
l'irzer Imdouzen
(grossi
de l'irzer
Amkorave,
l'irzer ou
Djarar;
l'irzer
Bezerou),
l'oued Dis
(qui
ne
compte pas
moins de
sept affluents,
l'irzer
Tirinis,
l'irzerHaddi,
l'irzer
Agouni
ou
Cbarki,
l'irzer Azou-
marten,
l'irzer
Tezrart,
l'irzer
Tougnatine,
l'irzer
Aboud),
l'oued
Straouia,
l'irzer
Ba)ed,
l'irzer
etAbrotj),
l'irzer
Imerdane, F&sif SaheU,
l'oued
Sedi,
l'oued Ti-
rourda,
l'oued
Zoubga.
Nous trouvons sur sa rive
gau-
che l'oued
Besbs, Foued Rezerouana,
l'oued ben
Arous,
l'oued Zerouzia et l'oued
Chaouaou,
l'irzer
cbdacene,
l'irzer Bou
Aicha,
l'irzer
el-Meda,
Firzer
A-Ermain,
l'irzer bou
Medoun,
l'oued
Faraoun,
l'oued
Bougdoura
(qui reoit
les eaux de F&sif
Mokdoal,
Fasif
Tala,
sif
~Guiferane),
Fsif
Agoun,
l'oued
Borni,
l'oued el Ham-
nam,
l'oued
Zaoua,
l'oued
Rorfa,
Fasif
Taghiout,
F&sifTteta,
l'oued
Aguergoun),
l'oued
Sebt, (avec
l'oued
M'Dja
et l'oued
Defali),
l'oued Tizi
Ouzou, Fsifef-Me-
leah,
l'oued
Assi,
l'oued
Djemaa (et ses
affluents,
l'irzer
N'tala Guilfou,
Fasif
n'ait Etilfri,
Fasif
N'Tieta,
Foued el
Hammam,
l'Asif e!
Arba, F&sifDjerrah, Fstt~
n'at
Ayed),
Firzzbou
Idghaghene,
l'irzer bou
Khala!,
Fasif bou
Ameur,
l'oued
Babda(&8ifNteiarbout,
Firzer v
n'atKhetHiet son affluent Firzer Mahmoud,
Fasif
el
s
Had,
F&sif
Lemkrerda,
Fsif
Tagounits (F&sif Aouana)~
L'oued
Sahel,
qui
roule seseaux en dehors de ta
EA"
bylie, au
sud et de Fautre e6t de
la chane
principa!~
du
J urjura,
se voit
gro6Si par quelques
rivires on
tor-~
Knts
qui pfenneUt
Bis~ance 6n
&aby!!e. CMUtt:~
GOGRAPHIE DESCRIPTIVE
l'oued
Adjiba,
l'oued el
Berd, (grossi
dei'sifArzertert
t'sif
Oummerba,
t'sif Erzerou
Bourgane,
l'sif Sif
Bouiedane,
l'irzer tizi
Khouilal),
l'oued Ouakour
(et ses
affluents l'oued
Selloum,
l'irzer
Ouakbour),
l'oued Ti-
giridene
(qui reoit
les eaux de l'oued
Arbalou), et
enfin
auprs
de
Tazmalt,
l'oued beni Mellikeuch et ses af-
fluents,
l'oued Irouazene et l'oued Tala.
Deschotts
nombreux, tels
que
ceux d'El
Goulita,
d'El
Teremsen,
d'An
SafsaF,
d'El
Gudour,
Rhamoun,etc.
compltent
le
rgime
des eaux.
Les deux
ports
de mer de la
Kabylie
sont
Djidjelli
et
Bougie
ce sont les deux
seuls 'endroits,
o les navires
puissent
trouver un
refuge
peu prs
sr et o abou-
tissent d'ailleurs les diverses routes les
plus
suivies
par
le commerce
Kabyle
et les caravanes venant du Sarah.
Parmi les
baies,
nous ne trouvons citer sur le litto-
ral,
en dehors des baies formes
par
les
ports
de
Bou-
gie
et de
Djidjelli que
les baies Mersa
Djinet
et Mers el
Fahi.
Climat.
Le climat de
Kabylie
est bien
din'rent,
suivant
que
l'on se trouve un endroit ou un autre
de cette
rgion.
En
effet,
il faut tenir
compte
des diff-
rentes altitudes et des
positions
des
pays
dont on
veut dterminer la
climatologie.
Aussi diviserons-nous
nos observations
ce
sujet
en trois
parties rgion
du
bord de la mer.
rgion
des
valles, rgion
des contre-
forts de la
montagne.
I. Rgions
du bord de la mer. Dans ces
rgions,
le
climat
y
est en
gnral
doux et
tempr,
cependant
moins
qu' Alger
mme. Cela est du aux diffrences
parfois
trs
grandes qui
se succdent en
vingt-quatre
heures dans l'tat
atmosphrique.
Les carts de
temp-
rature sont
frquents
et souvent
considrables
aussi
pour l'hygine
et notamment
pour
les
personnes
at-
teintes
parla phtysie,
ce climat est-il
beaucoup
moins
favorable
que
celui
d'Alger.
H.
Rgion
des valles. Dans les
valles,
le
grand
LA KABYLIE 13
nombre de ruisseaux et de
torrents,
presque toujours
desschs eu t mais
qui dbordent frquemment
en
hiver,
l'existence
des ebotts o l'eau
sjourne
un
temps
plus
ou moins
long,
donnent lieu des infections
palus-
tres, ne prsentant pas gnralement
de
gravit excep-
tionnelle Les fivres
rgnent
en t dans une
grande
partie
de cette
rgion,
o d'ailleurs la
vgtation
n'est.
pas vigoureuse. Quelqo~s tamarix,
des roseaux et des
joncs, des ricins
et des
lauriers-rose,
cette
plante
mau-
dite,
forment
peu prs
la seule
parure
des bords des-
schs des oueds et des irzers. Les eaux ne sont
pas
potables
en
beaucoup
d'endroits. A Tizi
Ouzou,
l'eau
livre
la consommation est amene
par
des conduites
en fonte de la
montagne
du Belloua. Les vents
qui
r-
gnent
le
plus
souvent dans cette
contre,
sont ceux
d'est
l'ouest et du sud-ouest au nord-ouest. Les
pluies
y
sont trs
frquentes,
et
partir
de la fin d'octobre
elles commencent
pour
ne cesser
que
vers la fin d'avril
ou les
premiers jours
du
moi~
de mai. La
temprature
est assez variable et si 'elle descend en hiver un de-
grs
au-dessous de
zro,
elle monte en t
jusqu' qua-
rante
degrs
et
quelquefois plus.
in.
Rgion
des contreforts de la
montagne.
L'altitude
de ces
rgions
ne
dpasse gure
1000 mtres. Fort-Na-
tional est situ 96i mtres
d'altitude,
et
quelques
vil-
lages,
en
petit
nombre
d'ailleurs,
dpassent
seuls cette
hauteur. Nous citerons
parmi
ces
derniers,
Iferahounen
desAt'tItsourar' a 1196
mtres;
Ta!a-n-Tazartll4a
mtres
Tiferdhoud des at bou Yousef 1182
mtres
Ichepriden des At Iraten 1055
mtres;
Halouan des
Igouchdhal
991
mtres;
Tililit,
des At
Menguellat,
971 mtres;
Ait
Salah,
des Ait
Idjer
966
mtres;
Ait
eI-Arba,
des Ait
Yeani,
888 mtres.
Le climat de ces
rgions
est celui des
montagnes.
Fortifiant
pour
ceux
qui
sont dous d'un
temprament
robuste,
il devient funeste
pour
ceux
qui
ont une cons-
titution faible ou
qui
sont
prdisposs
la
phthisie
les variations
brusques
et
frquentes
de la
temprature
`.
y sont
& redouter. Ce
n'est point qu'il fasse trs
froid
dans ces contre?, le
thermomtre baisse rarement
au
GOGRAPHIE DESCRIPTIVE 13
dessous de 3
degrs;
mais l'cart de cette
temprature
avec celle de la
journe, la plus
hante,est
frquemment
del3l5degres.
Les
pluies
sont
abondantes
an un
an,
MM. Hanoteau
et Letourneux,
ont
pu
relever le chiffre de iOf
jours
de
pluies,
et celui de
17 jours
de
neige; cespluies
sont
g-
nralement
prcdes
de vents d'ouest ou de nord-ouest.
Gologie, minralogie.
On retrouve en
Kabylie
les
terrains observs dans tout~
I'A)grie.
i Le terrain
primaire
ou cristallin et le terrain de
transition forment
plusieurs
i)ts.
Le
premier
ilt forme le territoire des Ait Assa ou
Mimoun et celui des At Bou
Khalfa,
droite et
gau-
che sur les rives du Sebaou et au nord de Tizi Ouzou.
On
y trouve,
dans les couches
calcaires,
une
quantit
de cristaux de
pyrite
ou sulfure de fer.
Le second ilt de ce mme terrain
comprend
les ter-
ritoires des Ait
sourar',A!tFraoun,
Ait
Menguellat,
At
Iraten,
Ait
Yenni,
louadhien, Ibethrounen, Matka,
Imzaten et [mkirren. Sa
composition
est
particulire-
ment faite de
granit
et de
gneiss,
et de micachiste et de
calcaire
mtamorphique.
Le troisime
ilt,
situ
auprs
de
Bordj
Menael et
habit
par les
Iflissen Oum-el-Lil n'est
peu prs
com-
pos que
de
gneiss
et de
granit.
2 Le terrain silurien a t retrouv dans le
J urjura
au nord de
l'Azrou-n-Tidjer,
l'endroit dit Tizi-n-
Djem,
et sur la route du co! du
Tirourda,
au sud de
l'Azrou-n-Tidjer.
3 Le terrain devonien.
4" Le terrain
jurassique.
Ces deux terrains se trouvent dans les mmes
para-
ges que
le terrain silurien.
5" Le terrain crtac se retrouve
Premirement Dans le versant sud du
J urjura,
sur la rive
gauche
de l'Oued
Sahel,
chez les Ait MeHi-
leuk et
les
Ait Addour. Il forme l un
vaste
massif,
LA KABTfME
qui
s'tend sur une
longueur
encore
indtermine,
de
l'est l'ouest.
Deuximement Non loin de
Tizi-Oujaboub,
sur les
ruines de i'Oued
el-Deroudj.
Troisimement Aux abords de la
plaine
du
Hanza,
au sud de Bekouka.
Quatrimement
Dans la
partie
Est
du
Djebel
sidi
Khelef,
prs
de l'oued Bekham.
Cinquimement
Sur la rive
gauche
de l'oued
Djelada,
affluent de droite de l'oued Soufflot.
Siximement A droite de
l'J sser,
sur le territoire des
Inezliouen et dans le
cirque
form
par
l'oued
Magraoua
et ses affluents.
Septimement
Enfin dans le massif
montueux des
At Khalfoun et des Ammal.
6 Le terrain tertiaire est
reprsent
en
Kabylie
par
deux de ses
tages,
l'infrieur ou
nummulitique
et le
moyen ou
miocne.
On rencontre le
nummulitique
sur l'Oued
Sebt,
puis
l'est de
Bordj
Bour'ni' Tizi
Nani, prs
du
Tamgout
Aixar,
et enfln au
pic
de Lalla
Khadidja.
Le
terrain
tertiaire
moyen
forme le territoire com-
pris
entre
Tizi
Oujaboub
et les Ait
Khalfoun,
celui des
rives de l'oued
Djema.
7" Les terrains
quaternairesou
d'alluvions
anciennes,
se rencontrent dans le bassin de
l'Isser,
sur le littoral du
cap Djined, puis
dans la
plaine
de Dr el Mizan.
8"
Enfin,
aux
environs
de
Dellys, auprs
de
Mers
el
Hadjadj
et entre l'oued el Arba et le
cap Djined,
l'on
trouve le terrain
plutonique
rcent.
Sources minrales. H
existe
quelques
sources min-
rales en
Eabyhe: parmi
(es
priBsipaes,
nous citerons
Les sources
gazeuses
et
atca!!cesdeBenAarou&,
situes douze
kilomtres de Dra el Mizan. Leurs eaux
forment des
eaux
de
table trs
agrables
et dont
on
pourrait
tirer un
bon part!, st
ma&enreusemeat, ~tM
ne se
dcomposaient pas
aussi
facilement elles at~
(MO&RAMtE SE9CMPTTVE iS
alors un
got d'hydrogne
sulfur si
prononc qu'elles
deviennent absolument
insupportables. L'analyse
de
ces eaux donne un rsidu de 4
grammes
7704 de sels
divers
pour
un
kilogramme
d'eau. Parmi ces
sels,
se
trouvent le chlorure de
sodium,
le sulfate et le carbo-
nate de
soude,
les carbonates de chaux et de
magnsie,
l'oxyde
de
fer,
et du silice.
2 La source de
Hadjer
et-Hammam se trouve au
pied
du
J urjura,
chez les A!t At't'af. Ses eaux
jaillissent
la
temprature
de
i4-40,
et
dposent
du travertin
blanc.
L'analyse
de ces eaux donne le rsultat suivant:
Silice. < 0.008
Oxydedefer. 0,004
Carbonate de chaux
0,032
Carbonate de
magnsie.
0,024
I.
Sulfate de chaux
0,007
Chlorure de
magnsium.
0,013
Carbonate de
soude 0,094
Total
par
litre d'eau .==
0,i82
3 Au bord de la
mer,
sur la
route
de
Dellys
Tizi
Ouzou et non loin de
Taourga,
existent
quelques
sources
ferrugineuses, froides,
mais trs
peu
abondantes.
4 Une autre source
ferrugineuse, thermale,
remar-
quable par
sa
puret etjainissantl9''se
trouve
auprs
de Fort-National. Son
analyse
donne
Mica,
quartz,
etc
0,042
Carboaate de chaux.
0,930
Carbonate de
magnsie.
0,024
~'otat.
0,996
Mtaux et cfi~rM.
D'aprs
une notice minralo-
gique
dresso
par
le service des mines en
i889,
nous
pouvons
tablir ainsi
qu'il
suit,
la liste des mtaux et
des carrires connues
jusqu'
ce
jour
en
Kabylie.
jP~!M~.
On le trouve
Nador-Chair,
situ 10 ki-
lomtres
ouest,
38
sud,
de
Pateatro
l'oued
ArhtUM,
UBABYU 16
8 kilomtres
ouest,
26 nord
de Palestro;
Tellat,
situ
3 kilomtres
nord,
15 est du mme endroit. Tous ces
gtes
sont encore
inexploits.
A Coudiat-Rhiran et
l'oued
Bordjia,
situs 7 kilomtres sud-ouest de Pa-
lestro,
et
Belloua,
trois kilomtres nord-est de Tizi
Ouzou,
se rencontrent les mmes
gisements.
Dans le
voisinage
trs
proche
des dolomies
plombi-
fres,
on connait des t)ots
basiques
assez nombreux.
,Zinc. Les crtes de filons marneux sont trs nom-
breux et un certain nombre
correspond
des
gtes
de
blendes utilisables. Assez
frquemment
l'on voit se
former du sulfate de zinc la surface du
terrain,
et si
cela se trouve
auprs
du tombeau
d'un marabout,
l'on
voit aussitt des arabes
accourir,
prendre
cette
poudre
blanchtre,
la
mlanger
avec de
l'eau,
et s'en servir
pour soigner
leurs maux
d'yeux.
Il va sans
dire,
que
sans tenir
compte
de la
composition
de la
poudre, qui
n'est en somme
que
du sulfate de
zinc,
la
gurison
sera
attribue la
puissance
du saint marabout.
Des recherches
auxquelles
s'est livr le service d~a
mines,
il rsulte
que le
zinc se trouve:
A Draamine
(8 kilomtres
est 15 sud
det'Arba)expto-
ration.
A Tersent
(il
kilomtres sud-est de
l'Arba)
(explo-
ration.
Ces deux
expirations suspendues depuis
1880.
A R'arbou
(13
kilomtres st27 sud de
t'Arba,(expto
ration
suspendue depuis
1885.
A
Sakamody (14
kilomtres
Est,
31 sud de
l'Arba),
trs active
exploitation
en 1889.
A Guerrouma
(15
kilomtres 5
ouest,
33" sud de Pa-
lestro)
aussi
exploit
en 1889.
Des affleurements de stibine doivent exister en
Kahy-
lie,
aux environs de Fort National. mais le fait
n'a pas
t,
notre
connaissance,
encore vrifi.
CK/crM. A Tarazeouine et
Azerou.ioigns
de t'Ar-
ba d'environ 8 kilomtres sud et
par
39"
Est,
on trouve
du cuivre
gris;
mais ce
gisement
est encore
inexplor.
~er. Le fer existe dans un certain nombre d'en-
droits et
notamment a
GOGRAPHIE DESCMPTTVE 17
Guedara
(2
kilomtres 5 sud de
Menervi))e)
inex-
plor.
Oued Gueddache
(3
kilomtres
200 mtres
nord,
i8<*
Est de
Menerville)
aussi
inexplor.
Bordj
Cad
Ladi (6
kilomtres 5 sud 9" Est de la mme
ville).
Et An Oudrer
(6 kilomtres sud 20 Est de ce mme
lieu).
Ces deux derniers endroits encore
inexplors.
Sources sales. A
29
kilomtres Est 30" sud de
Boura,
on trouve les sources sales d'oued Sebka.
Marbres.
Depuis peu,
on
exploite
une carrire de
marbres l'oued
Kessari,
situ 7 kilomtres nord-est
de Dra el
Mizan.
Pierres
M~ Elles se trouvent
principalement
dans les environs de
Dellys.
On trouve
galement
le calcaire chaux
hydraulique
de
Dellys
et le calcaire de Dr el
Mizan,
qui
fournissent
un bon ciment.
7?M<o:'?'c Naturelle. Premirement. Dans le
rgne
animal
qui
est trs richement
reprsent,
nous trou-
vons
i Sur les cimes leves et sur les
grands rochers,
le
vautour fauve ou
griffon,
le vautour
charognard
ou
p-
rnoptre,
le
gypate barbu, l'aigle fauve, l'aigle
ravis-
seur,
l'aigle
bonetti,
l'aigle bott (mais rare), le faucon,
t'mriUon, la cresserelle,
le milan
d'Egypte (quelque-
fois mais trs
rare),
et le merle d'eau
(dans
les torrents
qui
roulent travers les
rochers);
20 Dans les rochers
plus
accessibles,
dans les brous-
sailles et les
ravins, situs
une hauteur
moyenne,
les
singes,
les renards
d'Algrie,
le renard
dor,
le
putois,
le
porc-pic hupp,
le
petft due,
le chevche mridio-
nal,
le
corbeau,
le
choucas,
les
coracias,
le merle
bleu,
la
huppe,
les
pigeons.
3"
Dansles
forts, tes
bois et les broussailles des val-
!es,
le lion
(celui-ci
se rencontre en
Kabylie,
il
n'y
est
LA KABYME 18
pas
sdentaire et vient des contres
lointaines),
ta
pan-
thre
(encore
assez
commune),
les
sangliers (beaucoup
trop
nombreux),
te chat de
montagne,
te
lynx
de Bar-
barie,
la chouette
hulotte,
le
bibou~
les
brachyotes
vul-
gaires,
le
grand
duc,
l'ascalaphe savigny,
la
pie
de
Mauritanie
(chnes),
le
coucou,
le
pic
de
Numidie,
t'n-
goulevent,
la
palombe,
la
bcasse,
la
bcassine,
le rate
des
gents,
la tortue de terre.
4 Dans les valles et dans les
plaines,
le
mulot,
le
rat
d'Algrie,
le busard des
marais,
l'oiseau Saint-Mar-
tin,
le merle rose
(mais
on ne le trouve
qu'aprs
la venue
des
sauterelles),
la
linotte, J 'alouette,
la
caille,
le
plu-
vier,
le
vanneau,
la
perdrix
de mer ou
glarole.
S Dans les
vergers,
la musette. la
musaraigne
car-
relet,
le hrisson
d'Algrie,
le
loir, l'tourneau,
les moi-
neaux,
la
pie griche,
le bec
figues.
6 Dans le
maquis,
le rat
ray
bandes.
7 Dans les marais et dans la
plaine
de
Sebaou,
l'-
chasse,
ia
genette
de
barbarie,
la
genette
bonaparte,
la
loutre;
l'ortolan des roseaux
( Dellys
et
Bougie),
te
martin-pcheur,
le
hron,
le flamand
(prs
de
Dettys),
la
poule
de
Carthage,
la
poule
d'eau,
l'oie
sauvage,
les
canards
sauvages
et la sarcelle.
8" Enfin un
peu partout,
le
chacal,
la
hyne raye,
le
raton,
le rat
noir,
le rat
d'Alexandrie,
la
souris,
le
livre,
le
lapin,
la
buse, l'pervier,
le milan noir
(rare),
le
geai
tte
noire,
le
moineau,
le
pinson
aux
joues
grises,
ta. soulcie ou moineau de
bois,
le
verdier,
le-
chardonneret,
le cini et le serin de
Provence,
la
grive,
la touiterelle,
la
cigogne,
la
perdrix, la grenouille,
ta
rainette,
le
crapaud.
9 Sur les ctes de la mer le
phoque
ventre
blanc,
le
goland,
la
mouette,
l'hirondelle
de mer,
l'huitrieri
le-couton chaud, le eourlis.'
10 Parmi les
reptiles
nous citerons: les
lzards,
la
tarente,
le
chatcide,
les
couteuvres,
t'Mpic~la viprine,
les salamandres.
11 H
y
a
peu
de
poissons
dans
tes cours d'eau d'un
peu
d'importance,
et nous ne
pourrona gure citer que
'atose. le mulet
com~ut!,
t'Mguitte
ordinaire et le
b~.
bus
cattensts.
GO&RAfBt DESGttIPTtVE i9
12" Les insectes sont trs nombreux et
beaucoup
sont
nuisibles. Dans le nombre de ces
derniers,
nous devons
citer la
sauterelle,
dont la
prsence
est si dsastreuse.
Deuximement. Dans le
rgne vgtal,
nous citerons:
i Dans les forts et-les
bois,)e
chne
lige.
le chne
z'en,
le chne feuilles de
chtaignier,
te
micocoulier,
l'aune,
le
frne, l'orme,
le
saule,
l'rable
grandes
feuilles,
le cerisier
sauvage,
le
laurier,
le
lentisque,
le
myrte, l'arbousier,
les
gents pineux,
la
bruyre
arbo-
rescente,
etc.
2 Sur le versant du
Djurjura,
les
cdres,
les
gn-
vriers,
les
houx,
le
nerprun
des
Alpes, l'if,
etc.
3
Dans les
plaines
et les
vergers,
l'olivier
(qui
est
naturellement un &rbre de haute
futaie),
le
figuier (qui
peut
se cultiver
jusqu'
1100 et mme 1200 mtres
d'altitude),
'.e chne
glands doux,
la
vigne (que
le
Kabyle
ne
plantait
avant notre
occupation que pour
manger
les raisins ou faire du
vinaigre.
!t
iguorait
la
fabrication du
vin,
il n'en est
pas
de mme maintenant
et
dj
il
y
a de nombreux
vignobles
cultivs
par l'indi-
gne. Quand
leur
vinaigre
leur
systme
de fabrication
tait
des
plus primitifs,
il consistait
uniquement
lais-
ser l'air
pendant
environ
cinquante jours
du
verjus
cras,
le
liquide
ainsi obtenu formait le
vinaigre).
L'o-
ranger
est maintenant bien cultiv dans le
pays;
avant
1871 il l'tait
beaucoup
moins. Enfin les
cerisiers,
les
poiriers,
les
pommiers,
tes
pchers,
les abricotiers et
les
amandiers sont
plants
un
peu partout,
et fournis-
sent une assez
grande
quantit
de fruits.
S" Les
lgumes tes plus
cultivs sont:
teeartichaux,
les
oignons,
les
haricots,
~e
coriandre,
le
fenouil,
tes
citrouilles,
les
melons,
les
pastques
les
tomates,
les
choux,
les
concombres,
les
poivrons,
les
piments,
les
pommes
de
terre,
les
pois,
les lentilles.
6 Les
crales sont
l'orge,
le bl
dur,
le
sorgho
blond ou
bechna, qui
constitue de belles
rcoites,
d'un
rendement trs
abondant,
le
mars,
la
vesce,
la
gesse
et le millet.
~M~ttatU! tfom~t~MM.EnKttbytie~nous
ne trouvons
pour
tn08i dire
pM
de
chevaux;
en revanche le
mulet,
L&KABYUK 20
au
pied
solide et
agile,
rend les
plus
grands
services.
Les moutons et les chvres sont nombr&ux.Les bufs et
les vaches fournissent
au point
de vue d<. l'alimentation
et
du travail de
grands avantages.
Les
pires,
animaux
impurs pour
les
Musulmans,
sont levs e~
grand
nom-
bre en
Kabylie.
Les
poules,
les
pigeons
sont
l'objet
de
grands
soins dans cette
rgion.
Le chien
kabyle
M mrite une mention
spciale.
Issu
du croisement du chacal et du
chien,
cet aLimal est
un
gardien
sr et fidle. Son
aspect rappelle beaucoup
celui du chacal.
Division administrative.
Autrefois,
avant et
pen-
dant les
premiers temps
de la
conqute,
l'unit
politi-
que
et administrative en
Kabylie
tait
reprsente par
le
village;
ce
village pouvait
tre form
par
deux ou
plusieurs
hameaux et
prenait
alors le nom de
Tou6k .
Plusieurs
villages
runis donnaient naissance la tribu
et
plusieurs
tribus constituaient les
TakebiltQuebilaM,
la confdration.
Plus tard,
sous le
rgime
militaire,
la
Kabylie
fut divise en
quatre
cercles,
celui de Fort-Na-
tional,
celui de Tizi
Ouzou,
celui de Dr el Mizanet celui
de
DeHys.
Aujourd'hui
cette division a
compltement disparu,
et le territoire
qui
formait la
Kabylie
du
J urjura
se
trouve
comprendre
l'arrondissement de Tizi
Ouzou,
(divis
en douze communes de
plein
exercice et six com-
munes
mixtes) plus quelques
communes de l'arrondis-
sement
d'Alger
et de l'arrondissement de
Bougie.
(Voir
pouR~pIus
de dtails sur cette
division,
livre
VI,
Mt/a).
C~t/M
fer
et roM<M. Une
pfemtre ligne permet
d'aller de Mnerville
(station-de l ligne d'Alger
Cons-
tantine) jusqu'
Tizi-Ouzou. Une secoEde
ligne <te
Bou-
gie
Beni
Mansour, pass~ par
Tazma!t et
livre
aihat~
GOGRAP8!E
DE8~MPT!VE 21
passage
au
voyageur par
le col de
Tirourda, qui
est
proximit.
Une voie en construction devra
rejoindre Dellys
Boghni.
Parmi les
routes,
nous citerons celles de
grande
communication
i La route de Mnerville Fort
National, passant
par
Blad
Guitoun,
les
Issers,
Bordj Mna!e!,
Hausson-
villers,
Mirabeau et Tizi Ouzou
(78
k. 982
m.)
2" La route de Fort National Beni
Mansour,
par
Michelet
(An
el
Hamman)
et le col de
Tirourda, (54
k.
300).
3 La route d'Azoffoun Ben
Chicao,
par
Mekla le
col
d'Agouni, Chergui, Freha,
Fort
National,
Boghni,
Dr
el Mizan,
Souk el
Khemis,
la valle de
l'Isser, Souk
el
Arb,
et tes Beni bou Yacoub.
(241
k. 972
m.)
4" La route de Tizi Ouzou
Bougie, par
la rive droite
du Sebaou en
pnssant par
Temdu
et Azazga (30 km).
5 La route de Blad Guitoun Dra el
Mizan, par
Is-
serville,
Tzi
R'niff,
Bou Faima
(39
km. 3i4
m).
6 Cette._de
Dellys
au
camp
du
Marchal, par
Rebe-
val,
(43
k.
756).
7
Celle
de Rebeval Haussonvillers.
8" Celle de
Dellys
Mekla,
par
Tizi Ouzou
(35
k.
900).
9" La route de Tizi Ouzou Dra El
Mizan,
par
les
gorges
de l'oued Esari
(38
k. i39
m.)
10" Celle du
camp
du Marchal
Boghni,
avec em-
branchement sur la rive
gauche
de l'Oued
Boudgoura,
(36 k. 482).
Ces deux dernires ne sont
que
des chemins vicinaux.
En outre de ces difFurentes
routes,
il
existe,
en
Kaby-
lie,
un nombre incalculable de sentiers et de ravins
qui
relient entre eux tous les
villages.
Population.
La
statistique
de 1891 nous donne les
!'su!tatS suivants
32 t~&AMLtN GOGRAPHU: PESCMPTFVE
23
['
AMONDISSEHENTDETJ ZIOUZOU franais Nsd'MratiihM
d'origine nturaliss
COMMUNES natnra)iss. B<octobre 1S?0
<
Bois
sacr, pteioexerctce.
274
Bordj
Menuet. 293
j
<pteia
exercice. i.074 M
mixte.
97
)M
(pteinexercice.
57i 4
Dr~eiMizanj~j~
g~
J
ti'~t~.t'<{P~in
exercice. 295
FortBaHonatj~
H5 j
Haussonviner,ple)D
exercice. 811
Isserville 424
Mkla 150
Mirabeau 136f 36
f 1
Rebeval z 216
Tizi Ouzou i.04l 10
Tizi Reniff 150
Azeifoun mixte. 369 i3
J urjura
100
Haut-Sebaou 869 i2
Pop. de l'arr. de Tizi Ouzou.
6.747 82
f
~iH
Si nous
ajoutons
& ce ch~Tre de
375.<09b~!taat$, ?:~
celui des habitants
rpartis
dans ls communes de
plein
exercice et dans les communes mixtes de t'arron-.
dissement
d'Alger
et de celui de
Bougie,
faisant
~afti
du~rritoireKaby~aona avivant)
Aun Chi<t<~af~~
d'environ
SOC.OOOhabitants/Mais
empj~oos- 'da
~S~
faire
remarquer, que
~ansce chinre setrouv'cbm~
t~
on par
dceet dn
<~
>~d
'atitea
g~gts
uratis~
franais
Nati.oahtt~
dcret
Kabyles,
Tunisiens.
MarocatM.
To~L
M~-
Arabes.
etSTO.
M 7.H3
) 21 7.408
13.883
256 14.432
34 11.692 202 13.044
22.522
6 22.625
4 3.521 1 6 59 4.165
41.571
D 3 68 42.004
9.117 7 22 9.434
52.643 10 52.768
12.984
4 49 13.548
6.726 1 49 7.200
7.350
7.500
5.436 2 13 5.588
4.412
1 81 4.710
8 24.650
2 169 25.880
4.229
< 5 4.384
11 39.358
5 96 39.852
59.709
13- 59.822'
1 40.424
39 41.048
83 367.340
24 1158 375.409
prise
toute la
population.
Les
Kabyles
forment
peu
prs
les trois
cinquimes
de cette
population,
soit
par
~t coBBq<tent300.000.
MM. Banoteau etLetourneux,
re-
connaissant d'ailleurs
t'impossibilit
de
prciser,
axaient
S!78.909 te nombre des
Kabyles existant
en Ka-
byiioeni870.
LA KABYUE 24
Villages
et hameaux de la
Kabylie
du
J urjura
avant notre
occupation.
.4&6~0)M
(Touf.,
toufik; vill., village; tr., tribu conf.,
conf-
dration fract., fraction
F.
N.,
ancien cercle de Fort
National;
T. 0.,
ancien cercle de Tizi
Ouzou D.,
an-
cien cercle de
Dellys; D. M.,
ancien cercle de Dr-el-
Mizan.
Arous,
vill, tr. des ait
Oumalou,
conf. des ait Ira-
ten,
F. N.
ASr,
vi!L tribu des
Aanr,
conf.
des
ait
Ouaguen-
noun. T. 0.
Aafir,
touf. mme
nom,
tribu des
Ibouazzounen,
conf.
des Iflissen oum el lil. D. rr.
Aafir, vill,
tribu
ir'Emrasen,
conf. des Iflissen oum
el lil. D.
Aafir,
vii!. tribu des at
Chennacha, conf. des
Iflissen
oum el lil. D.
Aafir,
touf. ait
Kercha,
tribu nt&en ou
Moussa,
conf.
InissenoumeltU. D.
Aafir,
vill. tribu dit Yahia ou
Moussa,
conf. des Inis-
sen oum el lil. D.
Aanr, vill,
tribu
Taourga,
conf. ait
Ouaguennoun.
D.
Aafir, rafan,
vil!, tribu
Irafan,
conf.
(es IQiSMn
oum el lil. D.
Aafirir'Erbien,touf. ir'Erbien.tnbuBtanouMouMa,
conf. Iflissen oum el lil. D.
AaSr
Oukou6, viU.
tribu &t
Stggaern,
conf. ait,
Oaaguennoun.D.
Aarour,
vill. tribu. des ait
Khalifa,
conf. des Matka.
T.O.
GOGRAPHIE DESCRIPTIVE 25
Abada,
vil!, tribu des at
Slegguem,
conf. des ait
Ouaguennoun.
D.
Abd
el
Ouiret,
vi)!. tribu des Isser ouled
Smir,
conf.
des
Ouagueunoun.
D.
Abd el Zad,
vi)i. tribu des isser
Droua,
conf. Oua-
guennoun.
D.
Abedoun,
touf.
Tagounits,
fract.
des
Imessouhal,
trib. des At Yahia. F.
N.
Abid,
viii. tribu
Zemoul,
conf.
Ouagueonoum. U.arr.
Achattam,
tribu des At P,'oubri. T. 0.
Acheroufen
Mira,
touf. des at
Mira,
trib. des at
Adas,
conf. des Ait
Djennad.
T. 0.
Acbtouh
(la tente),
touf.
Tizi Rached,
trib. des ait
Akerma,
conf. des at Iraten.
F. N.
Ach Oufalkou, vill. tribu des ait
Ahmed,
conf. Iflis-
sen el lebahar.
D.
Aouaf,
vill. tribu des Beni
thour,
conf. des ait Oua-
guennoun.
D.
Adrar AmeHa!,
touf. du mme
nom,
tribu desouad-
hien,
conf.
des at Sedka. D. M.
Adrar N'at
Haroun,
viH. tribu des at
Z'juaou,
conf.
uissen el lebahar. D.
Adrar
N'at
Kodah,
touf. tala
n'Tegana,
tribu des
atKodea.
T. 0.
Afensou,
Yit!. trib. des ait
Akerma,
conf. des at Ira-
ten. F. N.
t
Agadir,
touf.
Adeni,
trib. des
trdjen,
conf. des at
Iraten.
F. N.
)
Agaoua,
touf.
Taka,
tribu
Inkeren,
conf. uissen oum
et Ut. Dm.
Agouilal,
touf.
amara,
tribu des ait
Khalfoun,
Dm.
Agoutid, touf.
des ait
Melloul,
trib. des Izer'faouen.
T.O.
Agoulmin
touf.
Ikhelidjen,
trib. des at Ousammeur,
conf. des At Iraten. F. N.
Agoulmin,
vi!t. tribu des at Khe!i)i. T. 0.
Agouni
Aarous,
touf. Tizi
Hibe),
tribu et conr.
dea
Maatka. T. 0.
Agouni Ahmed,
viH. tribu dee at
Yenni,
conf~
des
Ait
Iraten,
F. N. art.
tA <U~YM6 ?
Agouni
Assa,
toaf.
r'it
Mektetouf,
tribu des at
H'asan,T.O.
Agouni Bou&aft
viH.trib. des ait
Fraouen.
T. O.arr.
Agouni
Bouaklan,
vili. tribu
Atouch,
conf. tut Oua-
guennoun.
D.
Agouni
Bouffai,
vitt. tribu des at
Zmenzr,
conf.
dsAtAissi. T. 0.
Agouni
Boulmou,
touf.
Taguemmount
Bouttoou,
tribu
des azzouaen. T. 0.
Agouni
Bou
Meh'ala,
~Ht. tribu des
atnraouen,
tract.
ds lamraouien Bouadda. T. 0.
Agouni
Bouslen,
touf. Ir'il
&'TiguemmoutHQ,
trib.
des
Aouggacha,
conf. des at Iraten. F. N.
Agouni
Bouslen,
touf. ait
If~rek,
trib. et conf. des
Maatka. T. 0.
Agouni
Bour'er,
vill. trib. des at
Oumalou,
tonr.
ds At fraten. F. N.
Agouni guesad,
touf.
Taka,
fract.
Taka,
trib. des
attYahi&,
F.P:.
Agouni
Guir'eran vill. tribu des aH.
BouchQn~Cba,
cenf. des ait Sedka. D. M. arr.
Agouni guir'it,
touf. ir'il
lazzonzen,
tribu da9 &2-
zouzen. T. 0.
Agouni Hammich,
vi)t. tribu
Istiten,
COnf.
Onaguen-
no~h.D.
Agouni Ifilkan,
touf.
Agouni IfUkan~
trib. d~S itt
Ziki.F.N.
Agouni
Imezzain,
touf. des at
MacheSou,
trib. des
zer'faeen. T. 0.
Agouni
Messaoud,
touf. ait
bou Ali,
tribu aM &t
Kodha. t. 0.
Agouni
Mira,
toaf. <de9 &t
Mira,
tttbu ~es ~t
~M,
conf. des a~t
Djennad.
T. 0.
Ageaai
&'rreh&n,
tout. d~ ~3Mi bMett ~U ?~-
sef,
trib. des Izer'faduen. T. 0.
Agouni
Chnreran)
tribu des 9ttt
~~e&Ma~&,
<68nf.
des Ait S~dka. B. M.
Agouui Oujilban, touf.
de Tizi
Rached,
~tb. dft
AkortM,
coaf, <~s<Mt Mtteat !< M.
GOGBAfHtR BBSCt~PTIVE
s?
Agouni
Oujilban,
touf. mme
nom,
tribu at
Akerma,
conf. ait Iraten. F. N.
Agouni
Oufourfcu,
vii!. tribu des at
Chebla,
cont.
des
at Sedka. M.
Agousim,
touf.
d'Agousim,
trib. des Illoulen Ouma-
iou.F.N.
Aguebet
ed
Djemel,
viU. trib. Isser ed
Djedian,
eoaf.
at
Ouagnemmoun.
D.
Aguemmoun.
vill. trib.
des At Zouaou,
conf. Missen
el Lebabar. D.
Aguemmoun, vill.
trib.
des at Akerma,
conf. des
at
Iraten. F. N.
Aguemmoun,
touf. Alma n
Tegoumma,
tribu des
at H'asan. T. 0.
Aguemmoun,
touf. du mme
nom,
tribu des Ifer-
dioun,
conf. des at Assi. T. 0.
Aguemmoun
Izem,
vill. tribu des
Aouggacha,
conf.
des at Iraten. F. N.
Agueraradj,
touf. at el
Addeur,
tribu des at Kod
ba. T. 0.
Aguer
Saffen,
touf. du mme
nom,
tribu des Imes-
dourar,
conf. des ait
Idjer.
F. N.
Aguergour,
touf. at
enzar,
tribu at
Khalfoun,
D. M.
Ah'
Adoucb,
vill. fract. des
Imesdourar,
triba des
At Itsourar. F. N.
Ah'
Amil,
tout. du mme
nom,
tribu des at
R'oubri,
T.O.
Ah'
Arik,
vill. tribu des
Imesdourar,
eonf. des at
tdjer.
F. N.
Ahanouts,
touf. du mme
nom,
tribu des at Assa
ou
Mimoun,
coaf. des at
Ouaguennoun.
T. 0.
Ahel e!
Oued,
vill. tribu des Ouled
Smir,
conf. des
ait
Ouaguenaoun,
D.
Ahora,
touf. du mme
nom,
tribu des
mesdoHrar,
conf. des at
Hjer.
F. N
Aboubelli, touf, Taboudouch,
tribu des at mer.
T. 0.
Aiach,
vUt. tribu des at
Amran,
conf. des Iflissen
oumet til. D.
Aiadhi,
tout. at
AMhi,
tribu d'tr'i!en Zeb't. T. 0.
LA KABYLIE
28 ~0
Ain
Chegga,
touf.
Rouachda,
tribu lezhout).
D.M..
Ain el
Hamra,
vi)). tribu des Isser ouled
Smir,
conf.
des
Ooaguennoun.
D.
Ain el
Kerem,
vill. tribu des Issers
el
ouidan,
conf.
des
Ouaguennoun.
D.
Ain ez
Zerzour,
touf.
Cheurfa,
tribu et conf. des
Maatka. T. 0.
Ain
Faci,
touf. Dra ben
Khedda,
tribu des lam-
raouien,
fract. des lamraouien Bouadda T. 0.
Ansis,
touf.
Terga
ah'
aggoun,
tribu d'ir il en Zekri.
T. 0.
Ain
Zaouia,
vit), tribu Aktan ou Abids. D. M.
Aissa ben ali. vill. tribu des Isser
drouu.,
conf. des
Ouaguennoun.
D.
At
alahaou,
viti. tribu
Atouch,
conf. at
Ouaguen-
noun. D.
Ait
Abbad,vill.
tribu
Irafan,
conf.Missenoum
et !i).D.
At Abbs,
vill tribu des at
Ouasif,
conf. des at
Betbroun. F. N.
At Abdallah,
touf.
Abizar,
tribu des aK
Adas,
conf.
des at
Djennad.
T. 0.
Ait Abdatiati. vi! tribu des
Hiiten,
conf. des !)iH-
ten. F. N.
AtAbda))ab,
touf.
Ichalalen,
tribu Ibouuzzounen.
conf,
des Iflissen oum ei H). D.
At
Abdallah,
touf. lhaidousen,
tribu Illaen ou.
Moussa, conf. des IHissen oum el lit. D.
Ait AbdaXah ou
Ali,
vit), tribu at
Mek)a,conf.
des
IHifiseB oum c! lit. 0.
At Abd el
Ali,
vi!L tribu des at
Amncd,
conf. des
at Sedka. D. M.
AtAbd el
Krirn,
viH tribu des
Iouadhien,conf.
des
at Sedka. D. M.
At
abd-el-Ouahab,
Touf. mme
nom,
tribu at Ali ou
IHou!,
conf. at
Sedka,
D. M.
At abd er Rahman,
touf. ait sidi ali ou
moussa,
tribu et conf. des Mat':a. T. 0.
At Abd er
Rahman,
touf. ait
Hakem,
fract. at i
Matas,
tribu
Frikat,
conf.
igouchdal,
D. M.
Ait
Abed,
touf. ]
mouthas,
tribu des at
Khatfoun,
D. M.
GOGRAPHtE DESCRIPTIVE 29
Ait
Abed,
touf. mme
nom,
tribu Cheurfa Guir'il
Guek'K'en,
conf.
Igouchda),
D. M.
Ait
Aggad,
touf. mme
nom,
tribu at
Irguen,
conf.
ait
Sedka,
D. M.
At
Ahmed,
touf. du mme
nom,
tribu et conf. des
MAatka.
T. 0.
Af,
Ahmed,
vill. tribu, des
Ir'emrasen,
conf. Iflissen
oum et lit. D.
At Ahmed vii. tribu at
Mekla,
conf. Iflissen oum
e!ii). D.
Ait
Ahmed,
touf.
lhadousen,
tribu Iltaien ou
Moussa,
conf. des Iflissen oum
ei ii),
D.
At
Ahmed,
touf.
Taka,
fract. de
Taka,
tribu des
ait
Yahia,
F. N.
Ait Ahmed ou
Ifrek,
touf. du mme
nom,
trib. et
conf. des
M&atka,
T. 0.
Ait Ahmed ou
Iouns,
touf. d'At e!
Aziz,
trib. des
AkhH,
conf. des
ai'tMengueUat-
F.
N.
At
Ah'onari,
vi)t.
tribu ait bou
r'Erdane,
conf.
Igou-
chdal,
D. M.
At
Ahsen,
vill. tribu des
lhassenaouen,
conf. des
at assi T. 0.
Ait
Aiadh,
touf.
Berk'is,
tribu des at
Ziki,
F. N.
Ait Acha. vill. tribu d'El
Djeur Alemmas,
conf. des
atidjer,
F.N.
At
Alem, vill.
trib. et conf. des at
Menguellat.
F.
N.
Ait
At'ssa,
touf.
Ihazzamen,
tribu des at
Khalfoun,
D. M.
AtAssaou
Yahia,
vill. tribu et conf. des Illilten
F.N.
At Assa ou
Zeggan,
touf. du mme
nom,
tribu et
conf. des
Matka,
T. 0.
At
Assi,
YiH. tribu des at
Flick,
T. 0.
Ait
Atgan.
vill. tribu des ait
Amran,
conf. des
Iflissen oum el m D.
At Ali touf.
Tirmithin,
trib. des ait
Khelifa,
eonf.
des Matka
T.
0.
At
Ali,
touf. at Taleb ou bel
Kassem,
tribu
Imkiren,
conf. Iflissen oum el
lil,
D. M.
At
Ali,
touf. mme
nom,
tribu des at
Khalfoun,
D. M.
LA tABTMt 30
Ait
Ali,
touf.
Taka,
tribu
Imkiren,
Conf. Missen oum
eIIHD.M.
At Ali touf. mme
nom,
fract, ait
Khellouf,
tribu
Frikat,
conf.
Igouchdal,
D. M.
At
A)!
touf.
Ikhelidjen,
tribu des ait
Ousammeur,
conf. des At
Iraten,
F. N.
At AU ou
Abdallah,
viU. tribu des
lazzouzen,
T. 0.
At Ali ou
Assa,
touf. mme
nom,
tribu Amechras
eoaf.
igouchdal,
D. M.
Ait ali ou Ali,
vi!). tribu des ait
Douala,
conf. des
Ait
Assi,
T. 0.
At ali ou el Mahdi touf. at sidi ahmed ou
Yousef,
tribu des Izer faouen T.
0.
At ali ou Hazoum vi! tribu des ait
Boudrar,
conf.
des ait Bethroun F. N.
At Ali ou
Moband,
touf.
de ce
nom, tribu
des Illoulen
Oumalou,
F. N.
At ali ou
yahia,
touf. ali ou
Yahia,
fract. des Imes-
dourar)
tribu des ait
ttaourar,
F. N.
At
Ameur,
touf.
Tirmithin,
tribu des ait
Kheiifa,
oonf. des at
Matka,
T. 0.
At
Ameur,
vill. tribu ait bou
Addou,
conf.
isouchdat'
D. M.
At
Ameur,
vit), tribu des ait
Bourouba,
conf. des
luissen oum
et lit,
D.
At
Ameur,
ou
Moussa,
vill. tribu
laakeren,
conf.
at
Ouaguennoum,
D.
At Ameur ou
Sad,
nom du touf.
comprenant
les
hameaux
Tililit,
Aourir-n-Ameur ou
Sad,
Ir'UBou-
gueni, Thasega MeHout,
r'it
Kecir, Tamekerest,
Tar'
ezzout,
tribu eL conf. des at
Meuguellat,
F. N.
At
Ammara,
touf.
atenzar,
tribu
aitKbaifoun,
D. M.
At
Amran,
vi)). tribu mme
nom,
conf. des ICissen
oum el
iil, D.
At Anan n Ettebel vi)!. des At
Zmenzer,
conf. des
at
Assi,
T. 0.
At
Auteur, touf. du mme nom,
fract.
desmesdourar,
tribu des at
Yaha,
F. N.
AtAnzar,
touf. du
mme nom,
fract.
deetmesdourar,
tribu des ait
tttourar,
F.
N.
GOGRAPHtB I)ZSCRIPTIVE 3t
Ait
Arbi,
vit!, fraction des
Imesdourar,
tribu des at
Itsourar,
F. N.
At
Arif,
touf. mme
nom,
tribu ait
Arif,
conf.
luis.~en oum
el Ut,
D.
At
at'AUa,
vill. trib. at Yahia ou
Moussa,
conf.
Iflissen oum el
ii),
D.
At
Atelli,
viii. tribu des at
Ousammeur,
conf. des
At
Iraten,
F. N.
At Aziz,
vi)). tribu des Illoulen
Oum:t)ou.
F. N.
At
Azouan,
touf. at
Ferah,
tribu des
Imesdourar,
conf. des at
Idjer,
F. N.
At
Baali,
touf.
llemmasen,
tribu at
Ismail,
coof.
Igouchdal,
D. M.
At
Babas,
touf. at
Ali,
act. at
KheHouf,
tribu
Frikat,
conf.
Igouchdal,
D. M.
Ait Bali, touf.
Koukou,
fract.
des Imissouhal,
tribu
des at
Yahia,
F. N.
At bel
Abbs,
touf.
Imezzar'en,
fract.
atKhetJ ouf,
tribu
Frikat,
conf.
Igouchdal,
D. M.
At bel
Hizem,
vill. tribu ait
Slegguem,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
At
Belil, touf. mme
nom,
tribu
Ibouazzounen,
conf.
Missen oum el
lil,
D.
At bel
Kassem, touf,
ait
Ameur,
tribu des at
Adas,
conf. des at
Djennad,
T. 0.
At bel
Kassem,
touf. at
Brabam,
tribu des at
AIssa,
ou
Mimoun,
conf. des nt
Ouaguennoun,
T
0.
At bel Kassem ou
Assa,
touf.
Imoutbas,
tribu des
ait
Khalfoun,
D. M.
At bel
Kassem ou
Sad,
touf.
Ibedach,
tribu des at
Adas,
conf. des at
Djennad,
T. 0.
Ait bel
Khettab,
vill. tribu Ait
Bourouba,
conf. des
Iflissen
oumel H!,
D.
At Berkath,
touf.
Abora,
tribu des
Imesdourar,
conf.
des at
Idjer,
F. N.
Ait
Berjal,
vill. tribu des at
louadhen,
conf. des at
Sedka,
D. M.
At bou Abd er Rahman vii). tribu des at
Ouasif,
oonf. des at
Bethroun,
F. N.
LA KABYLIE 32
At
Bouadif,
touf. ait
Khercha,
tribu Iltaien ou
Moussa,
conf. iflissen oum el lil. D.
At bou
Ali,
vill. trib:] des at
Douala,
conf. des
Ait
Assi,
T. 0.
At hou
DouR!a,touf.atHidja,
tribu at bou
r'Erdane,
conf.Igouchda),
D. M.
At bou
Doukhan,
touf.
Amara,
tribu ait
Khalfoun,
D.M.
Ait bou el
Melah,
touf. at Ali n ait
Koufi,
tribu des
ait
Koufi,
conf. des
Igouchdal, D.
M.
Ait
Bouftouh,
touf. ir'il em
bil,
tribu at
Mends,
conf.
Igouchda),
D. M.
At bou
Hami,
touf. at
Imrour,
tribu
Amechras,
conf.
Igouchdal,
D. M.
Ait
Bouder,
touf.
louennour'en,
tribu at
Mekla,
eonf.
des tuissen oum el
J il,
D.
At bou
Kha)fa,vi)L
tribu des
lamraouen,
fraction
des Iamraouien
Douadda,
T. 0.
Ait Boukhedimi. touf.
Imouthas,
tribu at
Khatfoun,
D. M.
At bou
Mahdi,
touf mme
nom,
tribu des at
Ahmed,
conf. des at
Sedka,
D. 111.
At
bouMancour, tout. Imezzar'en,
fract.
atKheUouf,
tribu Frikat conf.
Igouchdal,
D. M.
Ait bon
M'aza,
touf. du mme
nom,
mme fract.
tribu et conf.
que
le
prcdent,
D. M.
At bou
Itehach,
touf.
Ihazzamen,
tribu des at
Khalfoun,
D. M.
At. bou Seliman, vit!, tribu des at Flick. T. 0.
At bou
Yahia,
touf. du mme
nom,
tribu des ait
Douala,
conf. des at
Assi,
T. 0.
Ait
Douzerdani,
touf.
Bouzoula,
tribu at
Ismail,
conf.
gouchda)
D. 111.
At Braham touf. at
ati,tribu
des at
Khatfoun.
D. M.
At
Brahim, touf. Amara,
mme tribu
que
le
prc-
dent,
D. M.
At
Chban,
touf.
Meh'aban,
tribu ait
Mends,
conf.
tgouchda),
D. M.
At
Chban,
touf. at Abd el
Ouabnh,
tribu at Ali ou
tUout,
conf. ait
Sedka,
D. M.
&OGBAPHIS DESCRIPTIVE 33
Ait
Chaouch,
vit), tribu at
Bourouba,
conf. ISissen
oum el lil, D.
AtChfa. touf.
Taguemmount Boulmou,
tribu des
Iazzouzen,
T. 0.
At
er'ir, touf.
Meh'aban,
tribu at Mends, conf.
Igouchdal,
D. M.
At
Chelala, -ill.
tribu des
louadhien,
conf. des ait
Sedka,
D. M.
Ait
Daoud,
touf. at
Daoud,
tribu des at
Attaf,
conf.
des at
Meugueilat,
F. N.
At
Daout,
touf. Thafsa
Boummad,
tribu des at
Bouchennacba,
conf. des at
Sedka,
D. M.
Ait
Djebara,
touf. at
Anteur,
fract. des
Imesdourar,
tribu des at
Yah.
F. N.
At
Djima,
touf.
Sahel,
tribu des ait
Khelili,
T. 0.
AtDjimn,
vit), tribu
atBouAddou,conf. Igouchda),
D. M.
At Douala touf. ait
Maallem,
tribu et conf. comme le
prcdent,
D. M.
AtEddjema,
touf. ait
Mislan,
tribu
Akbil,
conf.
des at
Meugueitat,
F. N.
At el
Ac,
touf. at
Enzar,
tribu at
Khalfoun,
D. M.
At el
Ahsen,
viH. tribu des at
Yenni,
conf. des ait
Dethroun.
F. N.
At el
Ahsen,
vii). tribu des HIouten
Oumalon,
F. N.
At el
Ara,
touf.
Ibedach,
tribu des at
Adas,
conf. des
at
Djennad.
T. 0.
At el
Arba,
vill. tribu des at
Yenni,
conf. des at
Bethroun,
F. N.
At el
Aziz,
nom du
tpuk
compos
des at
Ouaggour,
at Ahmed ou
louns,
at
Racbed,
at
Mahmoud,
et tir
ilt en
tala,
de la tribu des
Akbil,
conf. des at
Meuguellat,
F.N.
Ait el
Delloul, touf.
Tim'ereras,
tribu at
Ahmed,
eonf. at
Sedka,
D.
M.
At el
Djouher,
touf. Oted
Salem,
tribu
Inezlioun,
D.M.
At el
Hadj.
vit), tribu des at
Bourouba,
conf.
lflissen oum el
lil,
D.
M <AMUK
8&
At
el
Hadj
Ali,
touf. at
Eozar,
tribu art
Rhatfoan,
D. M.
At el
Hadj Ali,
vit). tribu cheurfa
guir'it guek'k'en,
coEf.
Igouchdal,
D. M.
At et
Hamri,
vill. tribu des ait
Bourouba,
conf.
Iflissen oum el
lil,
D.
Ait el
Haoussin,
touf. des
Iketouen,
tribu des ait
Assa ou
Mimoun,
conf. des at
Ouaguennoun,
T. 0.
At el
K'adhi,
touf.
Tizit,
tribu des
Illilten,
F. N.
At el
Kad,
touf. mme
nom,
tribu des ait Bonchen-
nacha, conf. des
at
Sedka,
D. M.
At
el
Kassem,
vill. tribu at Bou
r'Erdane,
conf.
tgoucbdat,
D. M.
At el
Majoub.
vHi. tribu des bni
Thour,
conf. des at
Ouaguennoun, D.
Ait el
Manour,
vill. fract.
Imesdourar,
tribu des
At
Itsourar,
F. N.
At el
ouathek,
touf.lazzouzen,
tribu des At
Akerma,
conf. des at
Iraten,
F. N.
At
Erbah,
vill. tribu ait
Ouasif,
conf.
at Bethroun,
F. N.
At
Ezzam,
touf. du mme
nom,
tribu et conf. de
Matka,
T.
0.
At
Fars,~ill.tribu Atoucb,coDf.
ait
OuaguenDouu,D.
At
Fer&ah,
touf. du mme
nom,
tribu des Imes-
dourar,
conf. des At
Idjer,
F. N.
At
Ferah,
vill. tribu des ait
Ousammeur,
conf. des
atIraten,
F. N.
Ait
H'adda,
touf. at el
Aziz,
tribu des
Akbil,
coof.
des ait
Meuguettat)
F. N.
Ait
Hag,
vill. tribu des
Irdjen,
conf. des at
Iraten,
F.N.
Ait
HaggouL,
Touf.
Aguemmoun,
tribu
Iferdioun,
conf. des at
Assi,
T. 0.
At
Hakem,
touf. mme
nom, fract.
ait
Matae,
tribu
Frikat,
conf.Igouchdal,
D. M.
At
Htai,
vill.
tribu des ait
Douala,
conf. des ait
Assi,
T. 0.
At
Htt,
touf.
Ibedah,
tribu
desattAdaa,
c~nf.
des
ait
Djennad,
T.
0,
GOCtRAPHtE MsCRiPTiVE
38
t
Haia),
vi)t. tribu des
touadhien,
conf. des ait
Sedka,
D. M.
Ait Halima,
touf. du mme
nom,
tribu et conf. des
Matka. T. 0.
At Haili,
vill. tribu et conf. des at Iraten. F. N.
At Hamadouch. vill. tribu
laskeren,
conf. ait Oua-
guennoun.
D.
At
Hamt,
vill. tribu des
Akbi!,
conf. des ait Men-
guettt.
F. N.
At Hamich,
touf.
Amara,
tribu des at Khalfoun.
D. M.
Ait
Hamida,
touf.
hadriin,
tribu des ait
Kouti,
conf.
Igouchdal.
D. M.
Ait
Hamidan,
touf. Bour
Guir'zer,
fract. at
Matas,
tribu
Frikat,
conf.
igouchdat.
D. M.
Ait
Hammad,
vit), tribu de Iazzouzen. T. 0.
AitHammar,
touf.
hadriin,
tribu at
Koufi,
conf.
Igouchdal.
D. M.
Ait
Hammou, touf. Iferahouen,
fraet. des
imesdor!ir,
tribu
des at Itsourar. F. N.
At
Hammou,
viH. tribu ait
Chennacha,
conf. des
Iflissen oum ellil.
D.
At
H'Anich,
touf. Bour
Gulr~er,
fract. at
Matas,
tribu
Frikat,
conf.
rgouchdal.
&. M.
At
Haroun,
touf.
Koukou,
fract. des
Imessouhat,
tribudSatYahia.F.N.
At
Hichem,
touf. du mte
oom,
faction des Imes-
doufr,
tfibu des at Yhia. F. N.
At
Hichem,
vill. tribu des at~be)i)i. T. 0.
Attalich,
touf. at
Nancouroa
Ahmed,
tribu
des ~t
Fraouen.
T. 0.
At
labour,
vit!, tribu
desrdjela,
conf.
d~t ait l~a-
ten. F. N.
At
hko~.to~.&tt~Taoun,
tribu des
Aog~ha,
conf. des ait ratea. F. N.
At
Ichir,
viU. tribu
tmz&tetl,
<M~.
MiS~ oan
Ht.D.M.
At
Idir,
vill. tribu des at
Douaia,
~conf. ds at
A~i. T. 0.
LA KABTUB 36
Ait Idir ou
Ali,
touf.
Iferahounen,
fract. des Imes-
dourar,
tribu des at tsourar. F. N.
At
Ifrek,
touf. mme
nom,
tribu et conf. des Matka.
T.O.
Ait
Iften,
vll. tribuait
SaM,
conf. ait
Ouaguennoun.
D.
Ait
lhaiem,
touf. ait
Mimoun,
tribu des
Aouggacha,
conf. des ait Iraten. F. N.
Ait
Ike!ef,
touf. du mme
nom,
tribu d'El
djeur
Alem-
mas, conf.
des ait
Idjer.
F. N.
Ait
Ikhelef,
nom du
toufik, comprenant
Azrou
Ouk'ellal,
Tizi bou
Afrioan,
Ikef
Ousammeur,
Tasken-
fout et El
Korn,
tribu et cocf. des at
Menguellat,
F. N.
At
Iken,
touf. at
Said,
tribu des at
H'antela,
conf.
des Ait
Idjer.
F. N.
Ait
Illoul,
touf. ait
MeUout,
tribu des Izer'faouen.
T.O.
Ait Imr'our. touf. mme
nom,
tribu Amechras conf.
Igouchdal.
D. M.
Attr'en,
vill. tribu ait hou
Addou,
conf.
~ouebdal.
D. M.
Ait
Ir'it,
touf.
lhadousent
tribu Iltaien ou
Moussa,
conf. Iflissen oum et Ht. D.
Ait Isad,
touf. du mme
nom,
tribu des ait
R'Oubri.
T.O.
Ait
Ismat,
touf.
ait
Braham,
tribu des ait Assa ou
Mimoun,
conf. des ait
Ouaguennoun.
T. 0.
At
Izid,
touf.
mme
nom,
tribu des ait
Zmenzer,
conf. des ait Assi. T.O.
Ait Izid
Ouguemmadb,
touf. at
Izid,
tribu des at
Zmenzer,
conf. des
ait Assi. T. 0.
At
K'ara,
touf. Ir'zer
Nechbel,
tribu ait
Koufi,
conf'
Igouchdal.
D. M.
Ait
Kassi,
touf.
Imouthas,
tribu att Eha!foun. D. M.
At
Keggar,
touf. At
Khetifa,
tribu des ait bou You-
sef,
conf.
des ait
MengueUat,
F. N.
Ait
Khalfa,
touf. Ait
Maallem,
tribu ait
bou Addou,
conf.
Igouchdal.
D. M.
At
Khalfoun,
vill. tribu des ait
Mahmoud, conf. de~
Ait Assi. T. 0.
1
GOGRAPHIE
DESCRIPTIVE 37
3
At
Khelifa,
toufik
conprenant
les
hameaux,
ait
Khelifa, lchelliban,
ait
Keggar,
ait Sidi
Ahmed,
tribu
ait bou
Yousef,
conf. des Ait
Menguellat.
F. N.
Ait
Khelifa,
touf. de ce
nom,
tribu des ait Bou You-
sef,
conf. des
at Menguellat.
F. N.
At
Ehir,
vitt. tribu des atKhetiti. T. 0.
At
Matta,
touf.
Cbab,
tribu Inezlioun. D. M.
At
Mahiou,touf.Ihaddaden~tribuet
conf.
des Maatka.
T.O.
AtMabmoud,
touf. ait el
aziz,
tribu des
Akbil,
conf.
des Ait
MengueHat.
F. N. arr.
At Melek,
touf.
Abizar,
tribu des at
Adas,
conf. des
ait
Djennad.
T. 0.
At
Malek,
touf. ir'il em
bil,
tribu at
Mends,
conf.
des
tgouchdal.
D. M.
Ait
Mamer,
touf. at
Ouarezdin,
tribu Iltaien ou
Moussa,
conf. des Iflissen oum el lil. D.
At
Manour,
touf.
Abizar,
tribu des ait
Adas,
conf.
des ait
Djennad.
T. 0.
Ait
Manour,
touf. Taddart Tamek'
K'erant,
tribu
des
Ihassenouen,
eonf. des at Aissi. T. 0.
Ait
Manour,
touf. ait Sidi Ali ou
Moussa,
tribu et
conf. des Maatka. T. 0
At
Manour
ou
Ahmed,
touf. du mme
nom,
tribu
des
aitFraouen.
T. 0.
Ait
Mebah,
touf. du mme
nom,
tribu des at Ameur
ou
SaTd,
conf. des at Assi. T. 0.
AitMeddour,
touf. at Yousef ou
Ali,
fract. des Imes-
souhal,
tribu des ait Itsourar. F. N.
AitMekki,
vill. de la tribu des
aitFraouen.
T. 0.
Ait
Mellal,
touf. de ce
nom,
fract. des
Imesdourar,
tribu des at Yahia. F. N.
At
Mendil,
touf. du mme
nom,
fract. des Imesdou-
rar,
tribu des at Yahia. F. N.
Ait
Meraou,
vill. tribu des
Aouggacha,
conf.
des at
Iraten. F. N.
At
Messaoud ou
At'ssa,
vill. tribu
Imkiren,
conf.
tuissen oum el lit. D. M.
Ait
Messaoud ou
Yahia,
touf. Bour
Guir'zer,
fract;
at
Matas,
tribu
Frikat,
conf.
Igouchdal.
D. M.
tA &ABVM 38
Ait
Mislan,
touf. du mme
nom,
tribu des
Akbili
conf. des ait
Menguellat.
F. N.
Ait
Mohammed,
vill. tribu des ait
Bourouba,
conf.
des Itlissen oum el tU. D.
Ait Mohammed ou
Said,
vill. tribu des ait
Atnran,
conf. des Iflissen oum el lil. D.
Ait Mohammed ou
Sad,
mme touf. tribu
Imkiren,
conf.
des Iflissen oum el lil. D. M.
Ait Mohammed ou
Toudert,
tribu
Aoukdal,
conf. ait
Sedka. D.
M.
Ait
Moussa,
touf. de
Tir'zert,
tribu des
Iferdioun,
conf. des ait Assi T. 0.
At
Moussa,
touf. ait
Daoud,
tribu des at
Attaf,
conf.
des ait
Menguellat.
F. N.
Ait
Moussa,
touf.
Ibedach,
tribu des ait
Adas,
conf.
des ait
Djennad.
T. 0.
Ait Moussa ou
Braham;
vill. de la tribu de& aK
Fraoucen.
T. 0.
Ait
n'naceur, touf. Ouled Salem,
tribu cezHoun.D.M.
Ait
Ouaban,
vill. tribu des ait
Boudrar;
conf. des
at Bethroun. F. N.
Ait
Ouachchioun,
touf.
Ikhetouien,
tribu des at Assa
ou
Mimoun,
conf. des at
Ouaguennoun.
T. 0.
At
Ouaggour,
touf. art et
Azi~,
tribu des
Akbil,
conf.
des ait
Menguellat.
F. N.
Ait
Ouahand,
touf.
AhatioutS)
tribu ds &? Ase bu
Mimoun,
conf. des ait
OuaguetliaouB.
T. 0.
At0u&h&nd,
touf. des at
Mira,
tribu de~ At
Adas,
conf. des ait
Djennad.
T. 0.
Ait
Ouahlan,
Tin. tribu
Aoukda!,
conf. ait Sedka.
D.M.
Ait ou
Assa,
touf. des ait
Macheaon,
tribu dei
hr'~ouen. T. 0.
Ait ou
Ali,
vill. tribu
CheurfaGuir'HGuek'k'n,
cbnf.
Igtouchdat.
D. M~
Ait
Ouali,
touf.
Ziri,
fract. des
tmeadourar,
tribu
des at Yahi&. F. N.
Ait
Ouandelous,
touf. des ait
Mettoat,
tribu de~
b~r'fabueh. T. 0~
GO&M~StS MSS~tttPTtV 39
Ait Ouanecj
vilh tribu des ait
Z!t)eazer~
eoaf. des
at Assi. T. 0.
At Ouanouch, touf.
goun&n Ameur,
des tribu des
ait Assa ou
Mimoun,
conf. des ait
Ouaguettnoun.
T.O.
Ait
Ouaouli,
vit), tribu des
Ir'emrasen,
eonf. des
Iflissen oum el lil. D.
At
Ouaretb,
vi)t. tribu des
lamraouien,
fract. des
lamraouen Bouadda. T. 0.
At
Ouarzdin,
touf. mme
nom,
tribu Iltaien ou
Moussa,
c.onf. des Iflissen oum el )i).
D.
Ait Ouatas. viH. fraction des
Imessouba!,
tribu des
at Yahia. F. Is.
At
OuazeR,
viH; tribu
Atouch,
conf. ait
Ouaguen-
noun. D.
At eu
a)ab,tottf.Amar,tribu
des
&tKba]foun,T.O.
At
Ouchchen,
touf. des ait el
Addeur,
tribu des ait
KodMa.
T. 0.
Ait ou el
Hadj,
vitt. tribu des at bou Addou. conf.
Igoucbdat.
D. M.
At
Ougaoua,
iouf. Ahanouts,
tribu des ait Assa ou
Mimoun,
onf. des ait
Ouaguennoun.
T. 0.
Ait
Ouggareth,
touf. At
Mira,
trib. des ait
Adas,
conf. des ait
Djennad.
T. 0.
At
Ougoumad,
touf. Tala
n'braham,
tribu ait MeH"
ds,
conf.
tgoachdat.
D. M.
Ait
Ougouni,
vill.
tribaBourooba,
conf. Miasenoata
et M. D.
At
Ouhanich,
touf. Bou
Adenan,
tribu des dit Bou~
drar,
conf. des at BetbrouM. P. N.
At
Oumezzian,
touf.
Tafour'alt,
tribu
Iniktrett,
cof.
NisBeti buttt et ti). D. M.
Ait ou
Naceur,
touf.
Amara,
tribu des ait KhaUbaa.
D.M.
Ait ou
Ramhdau,
touf. des at
rahata,
tribu des ait
Assa ou
MiniodR,
conf. des ait
Ouaguennoun.
T. 0.
Ait
Ouri,
vill.
fibu Cheurfa,
conf.
OaagaemMm.
D.
Ait ou
Yahia, touf.
T&guemmotttit,
tribtt <Ht Ali ou
illoul,
conf. ait Se<ka. D. M. arr.
Ait
Rabah,
touf.
iM~tt,
tribu des at
Ads,
coaf.
des ait
Djennad.
T. 0. arr.
LA &ABTUt 40
Ait
Rached,
touf. ait el
Aziz,
tribu des
Akbil, conf.
des Ait
Menguellat.
F. N.
Ait
Rebouna,
vit[. tribu des ait
Zouaou,
conf. IQis-
sen el lebahar. D.
Ait Sada,
vill. tribu des ait
Attaf,
conf. des ait
Menguellat.
F. N.
Ait
Sad,
touf.
Ir'erbien,
tribu lltaien ou
Moussa,
conf. Iflissen oum el i. D.
Ait
Sadi,
touf. Ir'zer
nechbel,
tribu
ait Koufi,
cocf.
Igouchdal.
D. M.
Ait
Said,
vitt. tribu des ait
Bourouba,
conf. Iflissen
oum et li). D.
Ait
Said,
touf. du mme
nom,
tribu des ait
H'antela,
conf. des ait
Idjer.
F. N.
Ait Said
Ahaddad, touf. des ait
Mameur,
tribu des
ait
Adas,
conf. des ait
Djennad.
T. 0.
At
Said ou Dali. touf.
Tah'achchat,
tribu
Aoukdal,
conf. ait Sedka. D. M.
Ait Said ou
Zeggan,
vill. tribu des
Irdjen,
conf. des
ait
Iraten,
F. N.
Ait
Salah,
viH. tribu des
Imesdourar,
conf. des ait
Idjer,
F. N.
Ait
Salah,
touf. Bou
Adenan,
tribu des ait
Boudrar,
conf. des ait Bethroun. F. N.
Ait
Seliman,
touf. ait Yousef ou
Ati,
fraction lmes-
souhal,
tribu des ait Itsourar. F. N.
Ait
Seliman,
v~tL tribu Arch
alemmas,
conf. Iflissen
oum et tit. D.
Ait
Seliman,
vill. tribu ait Yahia ou
Mous"'j
conf.
Iflissen oum el lil. D.
Ait
Seliman,
touf.
atetKaid,
tribu des ait Bonchen-
haebd,
conf. des ait Sedka. D. M.
Ait Seliman ou
Ali,
touf. ait ali n'ait
Koufi,
tribu ait
Koufi,
conf.
Igouchdal.
D. M.
Ait
Sellan,
vill. tribu des ait bou
Yousef, conf.
des
ait Menguellat. F. N..
Ait si
Ahmed,
touf. ait
Khetifa,
tribu des ait bou
Yousef,
conf. des ait
Menguellat.
F. N.
Ait si
Ali, vill.
tribu des ait
hmed,
conf. Iflissen el
lebahar. D.
&OGRAPH)E DESCRIPTIVE 41
At si
Amara,
touf.
Taka,
fract. des
Taka,
tribu des
at Yahia. F. N. 1
At
Sider,
touf. Taourirt
Boudls,
tribu des Illilten.
F. N.
At si
Sad,
touf.
Izerzen,
tribu des at Adas, conf.
des at
Djennad.
T. 0.
v
At Sidi abd el
Aziz,
touf. at
Enzar,
tribu des ait
Kbatfoun. D. M.
AtSidi
Athman,
vill..tribu des bou
Akkacb,
conf.
des at Bethroun. F. N.
At Sidi
Ameur,
vit), tribu
Irafan,
conf. Missen oum
el fil. D.
At Sidi
Ameur,
touf.
Ihazzamen,
tribu des ait Khal-
foun. D. M.
Ait Sidi el
Mahdi,
mme touf. et tribu que le
prc-
dent. D. M.
Ait Sidi Mohammed et
Hadj,
vill. tribu des ait Mah-
moud,
conf. des ait Assi. T. 0.
Ait Sidi
Sad,
touf.
Taourirt-n-tidits,
tribu et conf.
des ait
Menguellat.
F. N.
At Sidi
Sad,
touf.
Ahora,
tribu des
Imesdourar,
conf. des ait
Idjer.
F. N.
Ait Sidi Salem ou
Mekhelouf,
touf.
Tamar'oucbt,
Iribu des ait
Douala,
conf. des ait Assi.
T.
0.
At Sidi
Yahia,
touf. at bou
Mahdi,
tribu des at
Ahmed,
conf. des ait Sedka. D. M.
Ait. Sliman ou
Ameur,
viH. tribu
Bourouba,
conf.
Iflissen oum et Ht. D.
Ait
Talla,
touf.
Imouthas,
tribu des ait Khalfoun.
D. M.
At
Taleb,
touf. ait
Mameur,
tribu des at
Adas,
conf.
des ait
Djennad.
T. 0.
At
Tamaoucht, touf,
at
Ferah,
tribu des Imes-
dourar,
conf. des at
djer,
F. N.
Ait
Tek'oubbet,
touf. ir'zer
nechbel,
tribu a!t
Koufi,
conf.
igouchdal,
DM.
AK t'elh'a vii). tribu ait
Ismail,
conf.
Igoucbda),
D.M.
A!t
Ter'erbith,
touf. tala
yala,
tribu
Imza)en,
conf.
iSiasen oum ei
Iil,
D. M. arr.
M KAMHS 42
At Tizi, touf. aift ea~aF,
trtbuat
~hatfou~D.M.
Ait
Tsarik,
viU. tribu at Yahia
oumouasa,
osaf.
des
jQissen
oum el
lit,
D.
At
Yahia, touf, Imouthas,
tribu des at
Kbatfoua,
pM.
At Yahia touf. ait
Khercha,
tribu
UtaiM
ou
moussa,
ecof. des itllissen oum et
lit,
D.
At Yasine,
vit), tribu des at
Abmed,
oonf. iStiaso
e!
lebahar,
D.
At
Yousef,
vi)L tribu at
Zerara,
conf. iflissen el
hbahar,
D.
At Zetia),
viit. tribu des At Bou
Chaib,
T. 0.
At
Ziri,
touf. de
ce
Mtn,
fract. de8lmesdourar,tPibu
des at
Yahia,
F. N.
Ak'atous, touf. at bou
m'aaa,
fract, at Matas, tribu
Frikat,
conf.
igouchdal,
D. M.
Akaoudj,
touf. mme
nom,
tribu dpa Ait Assa
ou
Mimoun,
cnnf. des ait
ouaguennoun)
T. 0.
Akaouj,
touf. aourif
ouzomntour,
tribu des Akbi),
coof. des at
Menguellat,
F. N.
Akbou,
touf.
Agouni Qujitban,
tribu des aK
Akerma,
conf. des
atiraten,
F. N.
Akenjour,
touf. mme
non),
tribu des at
Zmen~er,
con des
ait
Assi.T.
0.
Akhetendja,
tpuf.
tala
ya)a,
tribu
imeatM,
eonf. iOis-
sen oum
et tit,
D. M.
Akhendouk yiU. tribu nt
sad, conf. at
Ouaguen-
noun,
D.
Akfanich, touf.
des
at Mtra,
tfibudesat
adas,6onf.
des lt
Djennad,
T. 0.
AJ cherib Assa,
touf,
AtHaggoun,
tribu
dea ait
Bou
R'erdane,
conf. des
Igouchdal,
D. M.
Akerrau; em bou
Yala,
vi!. tribu
dea
att
k~aUti,
T. 0.
A)dan
em
Chamtat,
vill, tribu des
t&m~aaen,
fr<tct.
des lamraouen
Bouadda,
T. 0.
A~rpuka, tftuf. Q<M-thi BouaUt~ch, tftbH
des at tfhe-
lifa,
conf. des
Maatka,
T. 0.
Ali ba Baon, ~iU. tP:~u
des
ttMer e) oa~M,
Mnf.
ouaguennoun~
P,
GOGRAPBtE
C~SCRIPTIVE 48
Alloum,
tout. des at
aiadhi,
tribu d'Ir'U en
Zekri,
T.O.
A~a,
touf.
ilemmasen,
tribu ait
Ismail,
conf.
tgour
chdal,
D.M.
Alma
Bouaman,
vill. tribu at
Slegguem,
conf.
at
Ouaguennoun, D.
Alma
em
Besseri,
vill. tribu at
mends,
conf.
Igou~
chdal,
DM.
Alma
HaHa!,
touf. des ait
sidi
yahia,
tribu des
~er'faouea,
T. 0.
Alma
n
Tegoumma,
touf. mme Born,
tribu des ait
H'asam,
T. 0.
Alma
ouguechtoum,
touf.
mme
nom,
tribu
des
At
Flick,
T. 0.
Aima ou
Hadry,
touf.
lazzouzen,
tribu des At
R'oubri,
T.O.
Amalou,
touf. Tikobam. tribu
deslamraouen,fract.
des lamraouen
oufella,
T. 0.
Amalou, touf.Uemmasen,
tribu at
[smai!,
conf.Igou.
chdal,
D. M.
Amazzeur,
Titl. tribu des Isser ouled
Smir,
conf. des
ouaguennoum~
D.
Amazzeur,
viU. tribu
Taburga,
couf. ait
Ouaguen*
noun,
D.
Amazout,
viit. tribu des at
Fraoucen,
T. 0.
Ameddah, touf.
tala
yala,
tribu imzalen,
conf. iflissen
0!)m
el
}U,
D.
Amek'erez,
touf.
du mme
nom,
tribu des ait
Ziki)
F.N.
Amezzaourou,
vill. tribu ait
Ismail,
conf.
igouchdal,
D.M.
Ammouch,viH.
tribu
Irafan,
conf. iflissen oum et
ti),
D.
Amna),
vU!. tribu
Zemoul,
conf.
Ouaguennoun,
D.
Amrous touf.
M~aHa,
tribu
atKouo,
conf.
Igouchdal,
D.M.
Amsloun,
touf. des at Bou
Yahia,
tribu des at Do-
uala,
conf. des ait
Aissi,
T. 0.
Aoeggah,
touf. Bou
Arfa,
tribu
et OQnMdcation
des
Maatka,
T.
0.
LA EABTUE
44
Ant'Assem,
touf.
imouthas,
tribu
atKba)foun,D.
M.
Aouicba,
touf.
kettous,
tribu des
lamraouen,
frac-
tion des lamraouien
Bouadda,
T. 0.
Aoulain,
vill. tribu des ait
Messelem,
conf. des at
Ouaguennoun,
D.
Aourir,
touf. ouled
assa,
tribu
oezHoun~
D. M.
Aourir touf.
Hemmaseo,
tribu at
Ismail,
conf.
Igou-
chdal,
D. M.
Aourir n
atisaad,
vill. tribu des
at R'oubri, T.
0.
Aourir n' ameur ou
Sad,
touf. Ameur ou
sad,
tribu
et~conf. des at
Menguellat,
F. N.
Aourir
Ouzemmour,
touf. du mme
nom,
tribu des
Akbit.
conf. des ait
Menguellat,
F. N.
Arbi,
vil!, tribu ait
Ahmed,
conf. iflissen el leba-
bar,
D.
A,rbai, vill. trib.
des ait
Stegguem,conf.
at
Ouaguen-
noun. D.
Ar'rib,
vill. tribu des at
Kodba,
T. 0.
Asker,
touf. de ce
nom,
fract. des
Imessouhal,
tribu
des
Itsourar,
F. N.
Atsafatb,
vill. tribu ait
Mekla,
conf. iflissen oum el
ti),
D.
Azaib,
vil!, tribu des
Cheurfa,
conf. des at
Ouaguen-
noun,
D.
Azeffoun,
touf. des at
Melloul,
tribu des
Izer'faouen,
T. 0.
Azemmour
Aban,
touf. at
Mohamed
ou
sad,
tribu
imkiren,
conf. iflissen oum
el-lil,
D.M.
Azeraraten,
viU. tribu
Ibouazzounen,
conf. iflissen
oum
el lil,
D.
Azib,
touf. Azib en
Zamoun,
tribu ait Amran. conf.
Iflissen oum el
!H,
D.
Azib,
vi)t. tribu at
Slegguem,
conf. ait
Ouaguen-
noun.
D.
Azib bouadda touf.
Bou Naman,
tribu des
aitli'asan,
T. 0.
Azib
Bouchkel,
touf. azib
cheikh,
tribu Aklan ou
Abids, D. M.
Azib
Boundjiah,
touf.
Tiguerin,
tribu du mme
nom,
T.
0.
GOGRAPHIE DESCRIPTIVE 45
3.
Azib
Bouzgueur
touf. des ait sidi
Yahia,
tribu des
Izer'faouen,
T. 0.
Azib
Chefer,
touf.
Tak'k'ouren,
tribu des at
R'oubri,
T.O.
Azib el
Meurdj,
touf. ir'il
lazzouzen,
tribu deslazzou-
zen,
T. 0.
Azib
Cheikh,
touf. mme
nom,
tribu Aklan ou
Abids,
D. M.
Azib en
Djebla,
touf.
Tikoban,
tribu des
lamraouen,
fract. des lamraouien
Oufella,
T. 0.
Azib eu
Taklits,
viH. tribu isser ed
djedian,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
Azib en
Tifaou,
vill. tribu at Yahia ou
Moussa,
conf.
Iflissen oum el
lit,
D.
Azib el Tolba vitl. tribu des at
Slegguem,
conf.-at
Ouaguennoun,
D.
Azib ir
erbien,
touf. mme
nom,
tribu Iltaien ou
Moussa,
conf. des Iflissen oum el
iU,
D.
Azib n'ait sidi Sad, touf. Taourirt en
Tidits,
tribu et
conf. des at
Menguellat,
F. N.
Azib
Kassi,
touf.
Taguemmount
Boulmou,
tribu des
lazzouzen,T.
0.
Azib
Ouchettab,
touf. des at sidi Ahmed
ouYousef,
tribu des
Izer'faouen,
T. 0.
Azib
Ouhaddad,
touf. des at
Braham,
tribu des ait
Aissa ou
Mimoun,
conf. des ait
Ouaguennoun,
T. 0.
Azib Oulal
Allal,
touf. Dra. tribu des
lamraouen,
fraction des lamraouien
Bouadda,
T. 0.
Azra touf. Taroust,
tribu d'ir'il en
Zekri,
T. 0.
Azara,
vi)t. tribu
tifra,
conf. Iflissen el lebahar,
D.
Azrou,
touf.
ahamil,
tribu des ait
R'oubri,
T. 0. arr.
Azrou tout.
Alma Ouguechtoum,
tribu des at
Flick,
T. 0.
Azrou,
vi)i. tribu des beni
thour,
conf. des ait Oua-
guennoun
D.
Azrou vill. tribu
irafan,
conf. iflissen oum el
'it,
D.
Azrou,
vill. tribu at sidi
hamza,
conf. at
Ouaguen-
nouu,
D.
Azrou bou
Ammar,
touf. at el
Addeur,
tribu des ait
Kodeah. T. 0.
t &AB<ua M
Azrou
Bouar,
vill. tfibu
atouch,
conf. at
Ouaguen-
noun,
D.
AzrouU,
vill.tribu
atSad,
ooa~
atOuaguennoun.D.
Azrou Mesguen,
touf. Tala
ntegana,
tribu des at Ko-
dah,
T. 0.
Azrou-n-athlllilten, vill.tribu
et
conf.des Illilten,F.N.
zrou-a-at
Saber,viH.
tribu des Beni
thour,
conf. des
at Ouaguenaouc,
D.
Azrou
Ouk'Ellal,
touf. des
att Ikhe!ef,
tribu et eonf.
des at Menguellat. F. N.
Bab ed
dar,
touf.
Issenadjen,
tribu des at
Zouaou,
conf. Iflissen
el lebahar,
D.
Bach
Assas,
vill. tribu des
Isserdroua,
oonf. aitOua-
guennoun,
D.
Barkat,
touf.
imouthas,
tribu des at
Khalfoun,
D.M.
Barlia, vill.tribu taourga eonf. atOuaguennoun.B.
Beoha)i,
vill tribu at
Slegguem,
conf. at
Ouaguen-
Doun,D.
Becbchaba~touf. Adeni,
tribu des
Irdjen,
cont. des
at Iraten,
F. N.
Bechcbar,
viti. fract des
Imeedourar,
tribu des ait
Itsourar,
F. N.
Bechcbar,
vit!, tribu des Isser ed
Djedian,
conf. des
at Ouaguennoun, D.
Bek'Ennou,touf.
at
IsAad,
tribu des ait
R'oubri,T.O.
Be)ias,touf.de
TiziKached,
tribu
desattAkermaj
conf. des at
Iraten,
F. N.
Bel
R'ezti,
vi)). tribu des ait Bou
Cbab,
T. 0.
Ben
Aoul,
vi! tribu tsser
Droua,
conf. at
Ouaguen-
noun,
D.
Benamara,
viU. tribu desbeni
tbouF,
mme conf.
que
te
prcdent,
D.
Ben Arous vUt. tribu
Isser Droua,
conf.
atOuaguen-
neun, D.
Ben
Bakhti,
vi)f. tribu sser
Droua.
conf. at
Ouaguen-
noun,
D.
Ben
Delhoum,
vi)L tpibu Isser el
ouidan,
Maf. ait
Ouaguennoun,
D.
jn
GastatQ,
viti. tribu iMeca!
euttNt ttt Qua-
guennoun, D.
GO&RAPHtB DESCRIPTIVE 47
Ben
Hammouda,
vin.
tribu
Isaeretouidan,
oonf.
Oua-
guennoun,
D.
Ben Haroun,
vitt. tribu
Harchaoua,
D. M.
Ben
Nechoud, vill.
tribu des beni
thour,
conf. des at
Ouaguennoun,D.
Ben Seb vUL tribu Isser el
ouidan,
conf. ait Oua-
guennoun,
D.
Ben Seria vill. tribu Isser el
ouidan,
conf. ait ua-
guennoun,D.
Ben
Tarzi,
vit!, tribu Isser el
ouidan,
eonf. at Oua-
guennoun,
D.
Beni
Attar,
viU. tribu
Taourga,
conf. ait
Ouaguea~-
noun,D.
Beni Khettir vill. tribu Isser el
ouidan,
conf. aitOua-.
guennoun,
D.
Bensari vill. tribu Isser Ouled
Smir,
oonf. ait Oua.
guennoun,
D.
Bent
Ecbcharef,
vill. tribu des beni
thour,
conf. art
Ouaguennoun,D.
Berber,
touf. des at
Mira,
tribu des at
Adas,
coof.
d96 at
Djennad,
T. 0.
Berk'is,
touf. du mme
nom,
tribu des ait
Ziki,
F. N.
Bimran,
vill. tribu des
Ibethrounen,
conr. des
Maatka,
T. 0.
Bider,
vit),
tribulrafan, conf. desMissenoumeHi~D.
Bilou,touf. Ikhelouien,
tribu des atAissa ou
Mimoun,
conf. des ait
Ouaguennoun,
T. 0.
Bou
Aem,
touf.
Akenjour,
tribu des at Zmenzer,
oonf. des at
Assi,
T. 0.
Bou
Achir,
viU. tribu des at Khelili. T. 0.
Bou
AMet,
touf. Taourirt n'ait ou ali
Napeur
fract.
des
Imesdourar,
tribu des art
Itsourar,
F. N.
Bou AMet touf.
Beni Athman,
tribu
tsBerDroua,oonf.
ait
Ouaguennoun.
D.
Bou
Assi,
touf.
Izarzen~
tribu des at
Adas,
conf. des
ait
djennad.
T. 0.
Bou
Assi,
vill. tribu
atChennacha,
conf. ICieseB oum
el lil,
D.
Bou
Ament,
vill tribu des Beni thour,
conf. Ait Ona-
guennoun,
D.
LA KABYLIE
48
Bou Ameur vill. tribu Isser el
oudan,
conf. At Oua-
guennoun,
D.
Bou
Aoun,
viH. tribu des Tifrit n ath ou
Malek,
conf.
des
At
Idjer,
F. N. arr.
Bou
Arfa,
touf. du mme
nom,
tribu et conf. des
Maatka,
T. 0.
Bou
Arous,
vill. tribu
Chennacha,
conf. Iflissen oum
et tit,
D.
Bou
Bta,
vill.
tribu
isser el
ouidan,
conf.
Ouaguen-
noun,
D.
Bou
Boudi,
touf.
Taguemmount Ijirmenen,
tribu de
Tiguerin,
T. 0.
Bou
ahba,
touf.
iouennour'en,
tribu at
Mekla,
conf. Iflissen oum el
lil,
D.
Bou
ara
el
erir,
vit). tribu Isser el
ouidan,
conf.
Ouaguennoun,
D.
Bou
ara
el Kebir vitt. tribu Isser el
ouidan,
conf.
Ouaguennoun,
D.
Bou
Chetta,
vill. tribu
Isser
el
ouidan,
conf.
Ouaguen-
noun, D.
Bououar,
touf. du mme
nom,
tribu des at Asser
ou
Mimon,
conf. des ait
Ouaguennoun,
T. 0.
Boudjan,
touf. at
Aggoun,
tribu ait bou
r'erdane,
conf.
Igouchdal,
D. M.
Bou
Djina,
touf.
Iserradjen,
tribu anr. conf. des at
Ouaguennoun,T.
0.
Bou el
Maiz,
touf.
Kerrouch,
fraction des
Imessouhal,
tribu des at
Itsourar,
F. N.
Boufadal,
vitt. fract. des
Imesdourar,
tribu des a.t
Yahia,
F. N.
Bou
Fdekil,
touf.
imezzar'en,
fract. ait
Khellouf,
tribu
Frikat,
conf.
Igouchdal,
D. M.
Bou
Guechtouli,
vill. tribu Isser
droua,
conf. Oua-
guennoun,
D.
Bouguettoni,
touf.
koukou,
fract. des
Imessouhal,
tribu des at
Yahia,
F. N.
Bou
Haiber,
touf. des at
Boudha,
tribu des ait
R'oubri,
T. 0.
Bou
Hamdoun,
touf. des at
Mahmed,
tribu et conf.
des
Maatka,
T. 0.
COGRAPHtE DESCRIPTIVE
49
Bou
Harchaou,
vill. tribu des beni
Thour,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
Bou Hinoun,
vill. tribu des at
Zmenzer,
conf. des
atAssi.T.O.
Bou
Hef,
touf. des
lazzouzen,
tribu des art
R'oubri,
T.
0.
Boujeah,
touf.
Ifnaec,
tribu des at
Oumalou,
conf.
des at
Iraten,
F. N.
Boujelil,
touf.
Tamazirt,
tribu des
Irdjen,
conf. des
at
Iraten,
F. N.
Boujelil,
touf. ait el
addeur,
tribu des at
Kodhea,
T.
0.
Bou
Kellal,
vill. tribu des ait
Ahmed,
conf. Itlissen
el lebahar,
D.
Bou
K'enach,
vit). tribu des beni
Thour,
conf. ait
Ouaguennoun,
D.
Bou
Kerram,
viH. tribu at
Chennacha,
conf. des
Missen oum el hl D.
Bou
Kheroub,
touf. des at
Mameur,
tribu des at
addas,
conf. des aH
Djennad,
T. 0.
Bou
Manour,
vill. tribu des at
Flick,
T.
0.
Bou
Mati,
vitt. tribu at
Stegguem,
conf. at
Ouaguen-
noun. D.
Bou
Messaoud,
touf, Tizi
guefrs, fract.
des Imessou-
hal,
tribu des at
Itsourar,
F. N.
Bou
Mris,
vil), tribu des at
Zouaou,
conf. Iflissen
el lebahar,
D.
Bou
Misra,
vill.tribu
Irafan,conf.Iflissen
oum
el lil,D.
BouN&naan touf. du mme
nom,
tribu des at
H'asain,
T. 0. arr.
Bou Noueuh' touf. mme
nom,
tribu at
Ismaif,
conf.
Igouchdal,
D. M.
Boureuch,
touf.
Tizer'ouin,
tribu des at
H'asaio,
T. 0.
Bour'ni vill. tribu Aklan ou
Abids,
D. M.
Bousada,
touf.
Magoura,
tribu d'Ir'il en
Zekri,
T. 0.
Bou
Sahel,
touf. Tizi
Rached,
tribu des at
Akerma,
conf. des at
Iraten,
F. N.
Bou
Sahel,
touf.
lzarzen,
tribu des
atAdaa,
conf. des
atCjennad.T.
0.
LA KABTLM
60
Bou
Smal,
touf. beni
athman,
tribu Isser Droua,
conf.
Ouaguennoun,
D.
Bou Taka vi. tribu
Im-zalen, conf.
Iflissen oum el
HI,
D. M..
Bou Taka
(ou
encore Bou
Tebena),
touf.
izerrouten,
tribu
Imzaten. conf. Iftissen oum
el !U,
D. M.
Bou
Thetchour,
touf.
Taka,
fraction des
Taka,
tribu
des ait
Yahia,
F. N.
Bou Yala
vUt.
tribu des at
Khelili,
T. 0.
Bou
Zeggan,
touf. du mme
non~,
tribu d'E)
Djeur
Alemmas,
conf. des at
Idjer,
F. N.
Bou
Zeh'arir,
vill. tribu des at
Fraoucen,
T. 0.
Bou
Zerka,
touf. des at
Melloul,
tribu des Izer'
faouen,
T. 0.
Brahim bel
Hadj,
vill. tribu Isser
Droua,
conf.
Ouaguennoun,
D.
Chabet
el
Akra,
vill. tribu
Harchaoua,
D. M.
Chabet Ikhelef,
touf. du mme
nom,
tribu
Inezlioun,
D. M.
<
Chaba,
vill. tribu Isser
Eddjedian
conf.
at Ouaguen-
noun D.
Chana,
viU.
tribu at
Slegguem,
conf. at
Ouaguen-
noun,
D.
Chebabath,
touf. Bou
Noueub,
tribu
attismai~conf.
Igouchdal,
D.M.
Ghebet,
viH. tribu des at
R'oubri,
T. 0.
Chelala,
vill. tribu
ir'emrasen,
conf. luissen oum el
tit,
D.
Chelout,
vill. tribu
Irafan,conf.
Iflissen oum el
lil, D.
Chendouch,
touf.
Rouachda,
tribu
Inezlioun,
D. M.
Cherarda,
vit).
tribudesbeniThour,conf.atOuaguen-
noun.
D.
Cheurfa,touf.des Iazzouzen,
tribu des att
R'oubri,T.O.
Cheurfa,
vill. tribu du mme
nom,
conf. des ait
Ouaguennoun,
D.
Cbeurfa,
touf. at
Ali,
fract. at
Khellouf,
tribu Frikat,
conf.
Igouchdal,
D. M.
Cheurfa
Bour'zik,
vill. tribu des at
Ic'Mr,
T. 0.
Cheurfa
et Bour bou eL
Hadj,
touf. des at
Ezzaim.
tribu
et conf. des
Matka,
T. 0.
GOGRtPHtB DESCRIPTIVE !H
Cheurfa em
Bahaloul,
touf. du mme
nom,
tribu des
ait
R'oubri,
T. 0.
Cheurfa en
Tiguert
en
tala,
touf. des
Izer'faouen,
tribu du mme
nom,
T. 0.
Cheurfa
Ibaharizen,
touf.
Tiguerin,
tribu du mme
nom, T. 0.
Cheurguia,
vii. tribu des beni
Thour,
conf. ait
Ouaguennoun,
D.
Chouabet vill. tribu Isser
Droua,
conf. ait
Ouaguen-
noun,
D.
Chouioha,
viii. tribu Isser el
Ouidan,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
ouma,
vill. de la tribu des ait Bou Chab, T. 0.
Dar el
Bidha,
viU. tribu
Taourga,
conf. ait
Ouaguen-
noun,
D.
Dar
Mendil,
viit. tribu Isser Ouled Smir. conf. ait
Ouaguennoun,
D.
Dar
Rabah,
vill. tribu des beni
Thour,
conf. ait
Ouaguennoun,
D.
Decheret Ali
v)!f. tribu Isser el
Ouidan,
conf. ait
Ouaguennoun,
D.
Djama
n ait sidi
Sad, touf.
Taourirt-n-Tidits,
tribu
et conf. des ait
MongueHat,
F. N.
Dielouha,vill. tribu Irafan,
conf.lflissen oum
e) iif.D.
Djemat
es
Sahridj,
vit).tribu des
at Fraoucen,T.O.
Djerabat vill.
tribu Isser
Droua,
conf. ait
Ouaguen-
noun,
D.
Djibeur,
touf. ait Enzartribu
atKhalfoun,D.
M.
Douia en
Nouaceur,vill.tribu
laser Ouled
Smir,
conf.
ait
Ouaguennoun
D.
Doukkara,
vili. tribu
Harchaoua,
D. M.
Draa Ben
Khedda,
touf. du mme
nom,
tribu des
Iamraouen, fraction des lamraouen
Bouadda,
T. 0.
Dra en
Nesissa,
vill. tribu Isser el
Ouidan,
conf. ait
Ouaguennoun, D.
Dr el
Mizan,
touf. Ouled
assa,
tribu
Inezlioun,
D. M.
Dr&
Kbe)ifa,
touf.
Itama,
tribu des
lamraouen,
fraction
des Iamraouen
Bouadda,
T. 0.
E Ctbt,
vith tribu dee Bni
Thouf,
cepf.
des ait
Ouaguennoun,
D.
LA KABYLIE 52
E ouama,
touf. ait
Haggoun,
tribu ait bou
r'Erdane,
conf.
Igouchdal,
D.
M.
Eh Chegga,
vitt. tribu des Beni
Thour,
conf. des
ait
Ouaguennoun,
D.
Eddjema
touf.
Adeni,
tribu des
Irdjen,
conf. des ait
Iraten,
F. N.
Eddjemaa Bouchchafa, touf. Taguemmount
Boulnou,
tribu des
lazzouzen,
T. 0.
El
Ainseur,
touf. Ouled
Salem,
tribu
Inezlioun,
D. M.
El
Am'ra,
vitt. tribu ait el
Aziz,
D. M.
El Anatra vit!, tribu ed
Djedian,
conf. at
Ouaguen-
noun,
D.
El
Ardja
(Voy.
El
Hardja).
El
Aziba,
vill. tribu Isser ed
Djedian,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
El
Djennad,
vitt. tribu Isser Ouled
Smir,
conf. Oua-
guenuoun.
D.
Et
Foudia,
touf. Ouled
Salem,
tribu
Inezlioun,
D. M.
El
Guechala,
vill. tribu Isser
Droua,
conf. ait Oua-
guennoun,
D.
El Guenanna vitt. tribu Isser
Droua,
conf. at Oua-
guennoun,
D.
El H'amadna vitt. tribu Isser Ouled
Smir,
conf. ait
Ouaguennoun, D.
El Hammam touf.
taka,
tribu
Imkiren,
conf. Illisaen
oum el
lit,
D. M.
El Hamrouni vitt. tribu Isser ed
Djedian,
couf. ait
Ounguennoun,
D.
El
Haouara,
touf. de
Bordj
Sebaou,
tribu des lam-
raoulen,
fraction des lamraouen
Bouadda,
T. 0.
El Hara
Bouadda,
touf.
Ameleha,
tribu des ait
R'oubri,
T. 0.
El Hara
Oufella,
touf.
Ameleha,
tribu des at
R'oubri,
T.O.
El H'ara
Ouourgan,
touf.
lazzouzen,
tribu des at
Akerma,
conf. des at
Iraten,
F. N.
Et Harcha touf. de sidi
N&man,
tribu des
lamraouen,
fraction des lamraouien
Bouadda,
T. 0.
El
Hardja,
vill. tribu Isser Ouled
Smir,
coiaf. ait
Ouaguennoun,
D.
GO&RAPmE
DESCMPTrVE 53
El
Kear,
touf.
Taourga,
tribu
Taourga,
conf. at
Ouaguennoun, D.
El
Kela,
touf. at
abram,
tribu des at Assa ou
Mimoun,
conf. des at
Ouaguennoun,
T. 0.
El
Keta,
touf. des
atMacheflou,tribudesIzer'faouen,
T. 0.
El
Keta,
vil), tribu Isser
Droua,
conf. at
Ouaguen-
noun,
D.
El Keta
Ichennoufen,
vit). tribu des ait
Khetiti,
T. 0
El
Khibia,
touf. des at
Melloul,
tribu des
Izer'faouen,
T. 0.
El
K'ontra,
touf.
lazzouzen,
tribu des at
Akerma,
conf. des ait
Iraten,
F. N.
El
K'orn,
touf. des at
Ikhelef,
tribu et conf. des
at
Menguellat,
F. N.
El Kouad'hi touf. des at
Halima,
tribu et conf. des
MAatka,
T. 0.
El
K'oubbeth,
touf. at Ali ou
Mohand,
tribu des
U)ou!en Oumalou, F. N.
El
Koudia,
viiL tribu des
lazzouzen,
T. 0.
El
Kous,
vit), tribu Isser el
Ouidan,
ccnf. at
Ouaguennoun,
D.
El Kouanin vill. tribu Isser ed
Djedian,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
El Machera vit), tribu
atouch,
conf.
at Ouaguennoun,
D.
El
Mden,
vill. tribu at
Mesellem,
conf. des ait
Ouaguennoun,
D.
Et Mekhakhcha. vitt. tribu Isser Ouled
Smir,
conf.
at
Ouaguennoun, D.
El
Mela&b.'vitt.
tribu Isser
Droua,
conf. at
Ouaguen-
noun. D.
El Menacera touf. at Arif. tribu Arif. conf. Iflissen
oum el
lil,
D.
El
Mesboub,
vill. tribu des at
Fraouen,
T.
0.
El
Mier
Bouadda,
touf. el
Mier,
tribu des
Aouggacha,
conf.de9atlraten,F.N.
El
Mier Oufella,
touf. el
Mier,
tribu des
Aouggacha,
conf. des at
Iraten,
F. N.
t~ ~Ae?tM
Et
Mourass,
touf.
Tanalt,
fract. des
Imessouhal,
tribu des at
Itsourar,
F. N.
El
Oukalla, touf. Taourga,
tribu
Taourga,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
El
R'edar,
vi)t. tribu
Taourga,
cent. at
Ouaguen-
noun,
D.
El
R'eicha,
vill. tribu Isser Droua,
conf. at
Onaguen-
noun,
D.
El
R'erraf vitt.
tribu
Isser Ouled
Smir,
conf.
ait
Ouaguennoun, D
Et
R'erraf,
YtH. tribu Isser ed
Djedian,
eonf. ait
Ouaguennoun,
D.
En Madhor
em
bou Beker, to~f.
Taboudoucht,
tribu
des ait
Irzer,
T. 0.
Esmacbia, vill. tribu Isser
ed
Djedian,
coof.
ait
Ouaguennoun,D.
Ezzimoula,
vitt. de la tribu des
lamraouien,
fraction
des lamraouien
Bouadda,
T. 0.
Feliki,touf.des aftpoudha,tribu
des
at R'oubri,T.O.
Guellai,
vitt. tribu
Isser el Ouidan,
touf. at
Ouaguea~
noun, D.
Guergour,
touf.
K'erouan,
tribu
Inezlioun,
D. M.
Hadouda,
Yitt. tribu at Sidi
Hamza,
conf. ait
Ouaguennoun,
D.
Hadouda,vill.tribu Atouch,
conf.atOuaguennoun.D.
Hadous,touf.deMek'na,
tribu des ait
R'abri,
T.O.
Hatit,vni.
tribu atYahiaou
Moussa,
conf. Iflissen
oum
et tit,
D.
Hatouan,
touf. Ouled
Assa,
tribu
Inezlioun,
D. M.
Halouan,
vill. tribu at
Igmat.conf.
Igoucbdat,
D.M.
Haouch abd el
Kak,
viti. tribu
Isser
Drou&,
conf. &t
Ouaguennoun,
D.
Haouch Badhi vill. tribu Isser Ouled Smir. conf. at
Ouaguennoun,D.
Haouch bel
Kheir,
vill. tribu Isser Ouled
Smir,
conf.
at
Ouaguennoun,
D.
Haouch ben Delala Yitt. tribu Isser
Droua~ eonf.
ait
Ouaguennoun,
D.
Haouch ben Mach
vitt,
trH~u escp
HFona, CQBf. ait
Ouaguennoun~
!).
GO&R~PHt~ PSaOfttPJ IVE
Haouch ben
Ouati.YUL tribu tsser Ouled Sctur,
conf.
at
Ouaguennoun,
D.
Haouch ben Taeb vif),
trjbu Isser Droua, conf.
at
Ouaguennoun. D.
Haouch ben
Teidja
viU. tribu Isser
Droua,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
Haouch bou
Derba,
viU. tribu J aser ed
Djedian,
conf.
ait
Ouaguennoun,
D.
Haouch
Cbrif,
viU. tribu
Isser
Ouled
Sn~r,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
Haoucb el
Cad
Solfaoi, vill. tribu
Isser Ouled
Smir,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
Haouch el
Oudjani,
vift.
tribu
et conf. comme
le
pr-
cdent,
D.
Haouch
en Nekhet vill. tribu Isser Ouled
Smir,
conf.
ait
Ouaguennoun,
D.
Haouch
MahnMud,
vit), tribu ssar
ed
Djedian,
cont.
at
Ouaguennoun,
D.
Haoueb
Salem,
vm.
tribu
I~ser
ed
Djedian,
conf. at
Ouaguennoun,D.
Haouch
Sebeak, vit), tribu Isser
Droua,
conf. ait Oua-
guennoun,
D.
Hendou,
touf. des at et Addeur,
tribu des ait
Kodbea~
T.O.
Henia,
touf.
K'erouan,
tribu
Inezlioun,
D. M.
lab~ch, touf.des Izer'faouen,tribu du n)menom,T.O.
lachchouben,
touf. des
at Melloul, tribu des Izer'
fapuen, T.
0.
lacheriten,
touf.
lhadousen,
tribu
Iltaen ou Moussa,
conf.
tOinsen oum et ti),
D.
ladjaben,
touf. du tnme
nom,
tribu et couf. des
Maatka.T.'O.
ladjelilen,
touf.
Maalla,
tribu at
Kouu,
oonf.
Igou-
chdat. P. M.
ladjemab,
touf. des
atMameur,
tribu des
atAdas,
conf. des at
Djennad,
T. 0.
Iafadjen,
vit), tribu
laskeren,
conf. at
Ouaguen-
HPun, p.
Ia)c;t<~ Y!tt. tribu MtYabiaou
Moussa,
Qoaf.Miaeen
pmn
ellil,
D.
LA KABYLIE 86
Iak'k'ouren,
touf. du mme
oom,
tribu des at R'ou-
bri, T. 0.
laoudaren,
touf.
Meh'aban,
tribu ait
Mends. conf.
Igouchdal,
D. M.
laoumren,
touf.
Ichekeren,
tribu
Imzalen,
conf.
Iflissen oum el lil. D. M.
larbithen. touf. at
Hakem,
fract. at
Matas,
tribu
Frikat,
conf.
Igouchdal,
D. M.
lasktaouin. touf. ait Moussa ou
Aissa,
tribu des ait
Akerma,
conf. des ait
Iraten,
F. N.
lazzounen,
vitt. tribu des ai't
BoucLennacha,
conf.
at
Sedka,
D. M.
Ibachiren,
touf.
lazzouzen,
tribu des ait
Akerma,
conf. des at
Iraten,
F. N.
Ibadisen Yi)t. tribu ait bou
Addou,
conf.
Igouchdal,
D.M.
Ibahalal,
touf.
Tamazirt,
tribu des
Irdjen,
conf. des
ait
Iraten,
F. N.
Ibahatat,
touf. tt arif. tribu art
Arif. conf. Iflissen
oum
el lil,
D.
Ibaharizen,
touf. de ce
nom,
tribu de
Tiguerin,
T. 0.
Ibaharizen, tuf,
at Taleb ou bel
Kassem,
tribu Im-
kiren,
conf. I&issen oum
el lil,
D. M.
Ibakouken,
vin. tribu ait
Mesellem,
conf. ait Oua-
guennoun,
D.
Ibazizen,
touf. des at
Mameur,
tribu des ait
Adas,
conf. des
ait Djennad,
T. 0.
Ibekkaren. touf. At
Said,
tribu des ait
H'antela,
conf.
de~-at
Idjer,
F. N.
Ibelaiden, touf.
at
Said,
tribu
atMekIa,
conf. Iflissen
oum el
tii,
D.
Iberkanen,
touf. ait
arif,
mme nom de
tribu,
conf.
Iflissen oum
et H),
D.
Iber'r'outhen,
touf. des art
Melloul,
tribu des tzer'
faouen. T.O.
Ibeskrien,
touf. des ait el
Addeur,
trib.) des at Ko-
dha,
T.
0.
Ibouacb,
touf.
Ibaharizen,
tribu de
Tiguerin,
T. 0.
Ibouarouren,
touf.
Ibedach,
tribu des ait
Adas,
conf.
des ait
Djennad,
T. 0.
GiOGRAPtttE DESCRIPTIVE 57
Ibouathen,
touf.
Bou
Noueub',
tribu at
Ismail,
conf.
Igouchdat.
D. M.
Iboudhaifen, touf.
Ibedach,
tribu des at
Adas,
conf.
des~at Djennad,
T. 0.
Ibouharen,
vij).
tribu arch
Alemmas,
conf. Iflissen
oum el
Ht,
D.
Iboujellaben
touf. ir'zerNecbbe). tribu
aitKoufi,
conf.
des
Igouchda),
D. M.
Ibouyousefen,
touf.
Tazrout,
tribu des at
H'antela,
conf. des at
Idjer,
F. N.
Ibouziden, viil. tribu ait
Amran,
conf. Iflissen oum
el
lil,
D.
Ichalalen,
touf. des at Sidi Ahmed ou
Yousef,
tribu
des
Izer'faouen,
T. 0.
Ichalalen,
touf.
mmenom,
tribu
Ibouazzounen,
conf.
Iflissen oum el
ii,
D.
Ichekeren,
touf. mme
nom,
tribu
fmzalen,
conf.
Iflissen oum e!
lii,
D. M.
Ichekkaben,
touf.
Taboudoucht,
tribu des at Irzer.
T. 0.
lebelliban,
touf.
atKbeiifa,
tribu des atbou
Yousef,
conf. des at
Menguellat,
F. N.
Icherdiouen
Bouadda,
touf.
Taguemmount
Ouker-
rouch,
tribu des at Ameu ou
Fad,
conf. des at
Assi,
T.O.
Icherdiouen
Oufella,
touf. at
Mecbah,
tribu des at
Ameu ou
fad,
conf. des ait
Assi,
T. 0.
Icherkiin,
touf. de ce
nom,
tribu et
conf. des
Maatka,
T.O.
Icherkiin, vill.
tribu des at
Ahmed,
conf. Iflissen el
lebahar, D.
Icherridhen,
vill. tribu
des Aouggacha,
conf. des at
Iraten,
F. N.
Ichikar vin. tribu
Istiten,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
Ichtouanen,
vill. tribu
laskeren,
conf. at
Ouaguen-
noun,
D.
Idebaken touf. at Ali ou
Assa,
tribu
Amechras,
conf.
Igoucbdat,
D. M.
Idefasen,
vHi. tribu deslazzouzen.,
T. 0.
tA ttBMttB 8
Idjadhiden,
vill. tribu
tr'emrasen,
eonf. jaissea oum
e!ti!,D.
Ifaikt~n,
vit). tribu des ait
Zerara,
conf. lflissen el Le-
bahar,
D.
Ifedjdan,
viih tribu ait
Slegguem,
conf. ait
Ouaguen-
noun,
D.
tferahounea,
touf. de M
nom,
fract. des
imesdourar,
tribu des ait
Itsourar,
F. N.
Inr'a,
vitt. tribu des
aitR'oubri, T. 0.
Ifnaen,
touf. du
mme nom. tribu des ait
Oumalou,
conf. des
ath'ate,
F. N.
Ifouzathen,
touf.
Maalla, tribu ait Kou6,
conf.
Igou~
chda!, D.
M.
Ifouzzar,
tonf.
Ak'aoudj,
tribu des ait Aissa ou Mt-
moan,
conf. des ait
Ouaguennoun,
T. 0.
Igariden,
touf.
ladjaben,
tribu et conf. des
Maatka,
T.O.
Igouchdal,
touf. des ait Sidi Ahmed on
Yousef,
tribu
des
Izer'faouen,
T. 0.
I~oufa),
~Ul. tribu des ait
bou
Cbab,
T. 0.
Igoul fan,
vin. tribu des ait
Fraoucen,
't. 0.
goulfac
vill. tribu Isser ed
Djedian,
conf. Ait Oua-'
guennoun,
D.
Igounan,
touf. Tizi
rached,
tribu des at
Akerma,
conf. des ait
Iraten,
F. N.
Igounan meur,
tout. de ce
noco,
tribu de~ ait Assa
ou
Mimoun,
conf. des ait
Ouaguennoun,
T. 0.
Igonrs)
touf. Ait
MeUa!,
fraet. des
Imesdourar,
tribu
des ait
Yahia,
F. N.
tgreb~
touf
narer'n&.tnbu
des Illoulen
Oma!ou,F.N.
Igueraoun,
touf.
Agousim,
Tribu des HIouin Ouma-
tott,
F. N.
Iguerasen,
touf. Bou
Zeggan,
tribu El
Djeut
AIe<n*
mas,
conf. dee ait
Mjef,
F. K.
Iguer AdetUun,
vitl. tribu
Aoukdal,
eonf. ait
8edim<
D. M.
Iguer Ab!Bed,
tt)f. &R Bidi Ali ou
Moussa,
Mbu et
eonf. des
Maatka,
T. 0.
Iguer A'.hman,
touf.
Iak'k'ottren,
tribu des ~K tt'ou-
bri, T. 0.
GOGRAPSt DESCRIPTIVE 89
Iguer
Bouran,
touf. des At bou Ali, tribu des ait
Kodha, T.
0.
Iguer
Eftahtouf.
taiaKheHouf,
tribu
ai'tismaii, conf.
Igouchdal.
D. M.
Iguer
el
K'crar,
touf. Ir'il
Igoulminen,
fract. des Imes-
souhal,
tribu des ait
Itsourar,
F. N.
Iguer
el
Kermoud,
touf. des At Sidi Ahmed ou
Yousef,
tribu des
Izer'faouen,
T. 0.
Iguer Ener,
vi)l. tribu des ait
Zerara,
coof. Iflisseo
el lebahar D.
Iguer
en
Salem,
vill. tribu des ait
Ahmed,
conf. J is-
sen el lebahar D.
Iguer Guedmimem,vill.
tribu des ait bou Chab.T.O.
Iguer Iguemmoumen,
touf.
Tabarourt,
tribu d'Ir'il
en Zekri. T. 0.
Iguer Mahdi,
touf. de ce
uom,
tribu des at Ziki.F.N.
Iguesdem,
touf. ait
Ziri,
fract.
desImesdourar,
tribu
des at Yahia. F.N.
Iguessoumen,
tonf.
tama,
tribu des
Iamraouieh,
fraction des lamraouen Bouadda. T. 0.
lhaddadea,
touf. at
Mimoun,
tribu d'js
Aouggacha,
conf. des ait Iraten. F. N.
lhaddaden,
touf.
Tir~zert,
tribu
Iferdioun,
conr. des
ait Assi. T. 0.
lhaddaden,
touf.
Ir'erbien,
tribu Iltaien ou
Moussa,
conf. Iflissen oum el Ht. D.
Ihaddaden,
viH. tribu
Irafan,
Conf. Iflissen oum
el
li),
D.
haddadM,
vi!i. tribu des ait
Ahmd,
conf. iflissen
el Lebahar. D.
lhadika.ouen
Bouadda,
touf. Tikoba:n,
tribu deslam-
raouien,
fract. des lamrouien oufella. T. 0.
lhadikaouen
Oufella,
mmes touf. tribu et fract.
que
le
prcdent.
T. 0.
Ihadrlin,
touf. mme
nom,
tribu
ait
Koun,
conf.
Igouchdai.
D. M.
lhafah,
viM. tribu dea at
Zer&ra,
conf.
des Nissen
el
Lebahar. D.
!h'&!tOHsen,
touf. ait
Ikhelef,
tribu E!
DjurAlemmas,
conf. des ait
Idjer.
F. N.
LA KABYLIE 60
lhalalen touf. des at
Isad,
tribu des at R'Oubri.
T.O.
Ihalalen,
vill. tribu ait Yahia ou
Moussa,
conf.
lilissen oum el ti). D.
lhambam,
touf. at
Mameur,
tribu des at
Addas,
conf. des at
Djennad.
T. 0
lhammadeu,
vill. tribu Arch
Alemmas,
conf. lflissen
oum el lit. D.
Ibammichen,
touf.
Abizar,
tribu des at
Adas,
conf.
des at
Djennad.
T. 0.
lhammichen,
touf.
tzerzen,
mme trib. et conf.
que
!e
prcdent.
T. 0.
Ibamouchen,
touf.
Taboudoucht,
tribu des ait Irzer.
T.O.
Ibamziin,
touf.
Abourer's,
tribu des Illoulen Ouma-
lou. F. N.
tbamziouen,to'if.
des
aitMeHou!,tribu
des Izer'faouen.
T. 0.
Ibandouchen,
touf. Ir'il
Iazzouzen,
tribu des lazzou-
zen. T. 0.
Ihassanen,
touf. des ait
Isad,
tribu des at R'oubri.
T.O.
lhassenouen, YH).
tribu
Amechras,
conf.
Igouchdal.
D.M.
Ihassounen,
vm. tribu Atouch. conf. ait
Ouaguen-
noun. D.
lhat't'alen,
touf. Izerrouken. tribu
Tmzaten,
conf.
Iflissen oum el lit. D. M.
Ihazzamen,
touf. mme
nom,
tribu
atKhatfoun.D.M.
Ijebbaren,
touf. Tizi en
Medden,
tribu ait
lsmail,
conf.
Igouchdal.
D. M.
Ik'arathen,
touf.
rouachda,
tribu Inezlioun.
D.
M.
Ikef
Ousammeur,
touf. at
Ikeief,
tribu et conf. des
ai't
Menguellat,
F. N.
lkemmouden,
touf. du mme
nom,
tribu des Ibe-
throunen,
conf. des Maatka. T. 0.
Ik'ermouden,
touf. des ait
Mameur,
tribu des at
Adas,
conf. des at
Djennad.
T. 0.
Ikhalfounen,
touf.Bou
Noueuh',tribu atismai), conf.
Igouchdal.
D. M.
GO&RAPBtE DESCRIPTIVE 61
4
Ikhedachen,
touf. Taourirt n ait ali ou
Naeur,
fract.
des
Imesdourar,
tribu des ait Itsourar. F. N.
Ikhedachen,
touf.
Iakkachen,
tribu ait
Mekta,
conf.
Iflissen oum el )i). D.
Ikherban, touf.Taguersift,
tribu des ait Kodha T.O-.
Iliherdouchen,
touf. r'il
Gueltounen,
tribu des lUou-
len Oumalou. F. N.
Ikherdas,
touf. ait
ali,
fract. at
Khellouf,
tribu Fri-
kat,
conf.
Igouchdal.
D. M.
Ikbftilen.
touf.
Tizit,
tribu des Illilten. F. N.
Ikhouchaten,
touf. Taddart
oufella,
tribu des ait
Douala,
cocf. des at Assi. T. 0.
Iknache,
vill. tribu des ait
Zerara,
conf. des Iflissen
el Lebahar. D.
Ikoussa,
touf.
Tazrout,
tribu
des ait
H'ante)a,
conf.
des at
Idjer.
F. N.
Illilan,
vill.
tribu
Atouch,
eonf. ait
Ouaguennoun.
D.
Imahmouden,
touf.
Ibedacb,
tribu des
atAdas,
conf.
des
atDjennad.
T. 0.
Imanceren,
touf. du mme
nom,
tribu des ait Aker-
ma,
conf. des ait Iraten.
F,
N.
Imakhouklen,
touf.
Amara,
tribu des ait
Khalfoun,
D. M.
tmanouren.
touf.
K'isoun,
tribu des aitilick.T.O.
Imatouken,
touf. des
Ikhelidjen,
tribu des ait Oa-
sammeur,
conf. des ait Iraten. F. N.
Imediksen,.
touf. des ait Sidi
Yahia,
tribu des
Izer'faouen. T. 0.
Imedjk'anen,
touf,
ait
Imrour,
tribu Amechras,
conf.
Igouchdal.
D. M.
Imegrouhen,
touf.
Ibedach,
tribu desaitAdas,
conf.
des at
Djennad.
T. 0.
Imebanden,
vill. tribu
Imkiren,
conf. Iflissen oum
el HL D. M.
Imek'k'echeren,
touf, Bououar,
tribu
des ait Assa
ou
Mimoun,
conf. des ait
Ouaguennoun.
T. 0.
Imeksanen,
vUi. tribu ait Yahia ou
Moussa,
conf.
Iflissen oum el fit. D.
ImekHchen, touf. Akaoudj,
tribu des ait Assa ou
Mimoun,
conf. des at
Ouaguennoun.
T. 0.
M SB~tM
M~i~he~
~i. tf~
M~t~a,
cottf. Masses ~tua ei
lil. D.M.
Imeni&a,
touf. Tt~za- ~n M~
M&~oQ-,
tfiba des
at
Adas,
conf. des ait
Djennad.
T. 0.
~met~a~eh.
toaf, A&Sr,
tib
bouazxuaeQ,
conf.
laissa ttm
H). B.
Imesbahen,
touf.
Abizar,
tribu TimizafeaSidi Mait-
toi~,
tribu d~s at
AdM,
co~f. ~es &t
Djennad.
T. 0.
Imessounen,
viH. tribu de~ ait
Zouacu,
conf. d~s
Iflissen el
Lebahr. B.
tm'ezdaten,
co~f. aift
Mohammed,
tribu deSbethrou-
nen,
conf. des Maatka. T. 0.
tM~o~T,
touf. TTaourm a a! ait ou
Na6u!
fract.
des
Imesdourar,
tribu des atitsourr. F. N.
ttnezzufen.to!
Tafbttt'aK,
Mb~
iBi&h~eR,
coaf.
Iflissen oum el lil. D. M.
tm&Mehen, touf. aft
Bellil,
MbQ
tbo~~z~aoen,
cotf. Miissea <<yume) !H D.
Imoulek,
vill. tribu at Yahia on
Moussa,'eo~f.
Mi~
~~na~t~B. <
Imouthas,
touf. mme
nom,
mba des aH
Khatfbaa,
B. M.
Iouriachen,
vill. tribu Arch
alemmas,
conf. Iflissen
o~i n! ?. ).
~r'a~ade?.
to~. art
A~a-a~,
trtb~
aa.irga~oof.
ait
Sedka. D. M.
!t'bir'e,
tM~.
~aMta,
Mba Mt
&c~na,
<0~.
tgo~i-
chdal. D. M.
h-ha~t, towf.
T~mi~a!- Le"baf, tr~a ~eS~MM~~a~o,
fract. des lamraouien Oufella. T. 0.
~n<tons6&,
viH. tribu et ta~f. 4es
M~al~tt,
T.
Ir'eran,
touf. at
Sad,
tribu des
aitt!BM&,
<%19!
des art
M~t'.
F. N.
Ir'erbien,
touf. des
at Mameur,
tribu desa~A~&S
co~'f. d$ ait
)j6!mad.
T.O.
Ir'erbien touf. MTM
~M&,
Mba !!??& ~6 MMSS&
eonf. Mrs~ea um el Mi. !).
Ir'erbien
Bouadda,
touf. Tasoukt tt~ba de< <!b
el
Mo'MMn,
(MOf.'des a~t Aitssi. T. C.
GOGR~am
BE~CJ UPTtVE 63
tr'erbteoOttfeUa.
touf. Tasoukit tr~bu des at abd
el
Moumen,
conf. des at Assi. T. 0.
tr ersathen,
touf.
at Ali ou
Aissa,
tribu
Amehras;
conf. Igouchda1.
D. M.
trezzouguen,
touf.
amara~
trtbu d~ ait ~batfoun.
D. M.
h''U
AH.t&uf. ~tt ta.&sQt)zea,tribu destaz&onzen.T.O.
Ir'il
Ameur,
vill. tribu des
at Zerara,
conf. Iflissen
e)
lebahar,
Il
Ir'il Ameur ou
Yahia,
touf.
des ait
nfacheflou, tribu
des ber'faouea. T. 0.
Ir il Bou
alid,
touf. tala
aziz,
tribu
tmkiret),
coof.
Misgen oma el lil. D. M.
Ir'il
Bouammas,
vill. de )~ tribu des at
Boudrar,
conf. des
aitRethroun. F. N.
Ir'ti
BonaaQH,
touf.
tabbouden,
tribu des a Ouma-
lou. conf. des at Iraten. F. N.
h-'i)
Boucbchen,
touf. Ikhelouen.
tribu des at Assa
ou
Mimoun,
conf. des at
Ouaguenpoun.
T. 0.
Ir'il hou el
Mer'era, touf.
Thafsa
Boummad,
tribu
attBonchennacha,
conf. at Sedka.
D. M.
<
Ir'il.
Bonguem.
touf.
des at Ameur ou Sad,
tribu des
at Menguellat,
confedraHon
du mme nom.
F.
tr H
Boub'Amama,
touf
tabboudef),
tribu des at Ou-
ma.lou,
conf. des at Iraten. F. N.
Ir'il RouD~fous.
Ir'it
Bousouel,
vill. tribn des ait
Zouaou,
conf. des
)f!issenet Lebahar. D,
fr'U
Bouzrou,
vill. tribu
Iferdioun,
conf.
des
Ait
Aijssi.
T.
0.
Ir'U el
mal,
touf. mme
nom,
tribu des at ZmenzeT,
conf. des at A!ssi. T.
0.
Iri! em
Bil,
touf. mme
nom,
tribu at
Mends,
conf.
goushdaL
0. M.
Ir'it em bou
kiasa,
touf. des at
Said, tribu dea at
R'Aot~a,
conf. des at
Idjer.
F. N
r'if em
Bouzid,
touf.
Ibahar~en,
tnbu d~
Tiguer<a.
T. 0.
Ir'U en
T<tza~-t, vi)!.
tribu dea at
Ake~ma,
conf.
des
ait traten.
F. N.
LA KABYUB
64
tri) en
Tegerfiouin,
vill. tribu ait
Mends,
conf.
Igouchdal.
D.
Ir'il en
Tessibboua,
touf. des ait
Said,
tribu des ait
H'anteta,
conf. des ait Iraten. F. N.
Ir'il en
Tiguemmounin,
touf. du mme
nom,
tribu
des
Aouggacha,
conf. des ait Iraten. F. N.
Ir'il en
Tizi,
touf. des ait
Is&ad,
tribu des at R'oubri.
T. 0.
Ir'i)
Guefri,
vit). tribu des ait
Akerma,
conf. des ait
Iraten. F. N.
Ir'il
Gueltounen,
touf. mme
nom,
tribu des Illoulen
~umatou.F. N.
Ir'il
H'affadh,
touf. de
Koukou,
fract.
Imessouhal,
tribu des ait Yahia. F. N.
Ir'il
lggachen,
vill. tribu des at Irzer. T. 0.
Ir'il
lazzouzen,
touf. mme
nom,
tribu des Iazzou-
zen. T. 0.
Ir'it
Ichikhounen,
touf. de
Taka,
fract. du mme
nom,
tribu
des ait Yahia. F. N.
Ir'il
Igouenni,
touf.
Agousim,
tribu des aIt.Ziki.
F.N.
Ir'il
Igoulmimen,
touf. du mme
nom,
fraction Imes-
souhal,
tribu des
ait Itsourar. F. N.
Ir'il
Igou)mimen,
vi)). tribu des
louadhien,
conf. des
ait Sedka. D. M.
Ir'il
Imouta, vi)). tribu Ir'il
Moula,
conf.
Igouchdal.
D. M.
Ir'i)
Irs,
vi)). tribu des ait
Ahmed,
conf. Itlissen el
Lebahar. D.
Ir'i)
K'cir,
touf. at Ameur ou
Sad,
tribu et conf.
des
at
MengueHat.
F. N.
Ir'il
Ler'ze),
touf. des ait Sidi
Yahia,
tribu des
Izer'faouen. T. 0.
Ir'il
Medjout,
vi)). tribu
Ir'emrasen,
conf. Iflissen
oum el )i). D.
Ic'i)
Mehand,
touf. des ait Sidi Ahmed ou
Yousef,
tribu des Izer'faouen. T. 0.
Ir'i)
Mehani,
vill. tribu des at Irzer. T. 0.
Ir'il
Mekhelouf,
touf. du mme
nom,
tribu des ait
H'asan. T. 0.
GO&RAPHtE
DESCMPTJ VE 65
Ir'il
Mimoun,
vUL tribu des ait
Douala,
conf. des ait
Assi. T. 0.
Ir'il n Ath
chila,
viit.
trjbu
des ait Abd el
Moumen,
conf des at Assi. T. 0.
Ir'il n at Yahia ou
Ali,
vi)I. tribu ait
Chilmoun,
conf.
Iflissen oum el lil. D.
Ir'il
Nekaouch,
touf.
lazzouzen,
tribu
at Mekla,conf.
Iflissen oum el til. D.
Ir'il n
Etsedda,
touf. Bou
Adenan,
tribu des ait Bou-
drar,
conf. des at Bethtrounen. F. N.
Ir'il
Ouberouak,
touf. ait
Mohammed,
tribu des Ibe-
throunen,
conf. des Maatks. T. 0.
Ir'il
Oufella,
touf. Tala n
braham,
tribu at
Mends,
conf.
Ig-oucbda!.
D. M.
Ir'il
Oumalou,
touf. des at
Macheflou,
tribu des
Tzer'faouen. T. 0.
Ir'il
Oumecheddal,
touf. T;zi
rached,
tribu des ait
Akerma,
conf. des ait Iraten. F'. N.
Ir'i)
Ousiouan,
vit), tribu et conf. des Maatka. T. 0.
Ir'il
Zoua;gar'en,
touf.
Cheurfa,
tribu et conf. des
Maatka. T. 0.
Ir'ir,
viH. tribu
Irafan,
conf. Iflissen oum el ]il. D.
Irjaounioun el
Bour, vill. tribu des
lamraouen,
fract.
des lamraouen Bouadda. T. 0.
Irjaounioun
en
Techt,
viii.memu tribu et mme frac-
tion
que
]e
prcdent,
T.O.
IrzerGouns,
vi!t. tribu
Irafan,
conf. Iflissen oum el
H). D.
Ir'zer n
Egna,
vill. tribu at
Meseilem,
conf. ait Oua-
guennoun.
D.
Irzer n Etsouith,
touf.
Agoumi Oujilban,
tribu des
at Akerma. conf. des ait Iraten. F. N.
Ir'zer n
tkheief,
touf.
lazzouguen,
tribu des at R'ou-
bri. T.
0.
Isah'nounen,
vill. tribu des aft Oumalou. conf. des
ait Iraten. F. N.
Isebouaken,
touf.
ladjaben,
tribu et conf. des Maatka.
T.O.
Isek'kan,
vit), tribu des ait
Zouaou,
conf. Iflissen el
Lebahar. D.
M KABTU
?
Isethan,
tout.
Tgmmount,
tribu ait
rgeh,
conf.
at Sedka. D. M.
tsnadjen,
touf. mme
nom,
tribu des ait
Zouaou,
conf. Iflissen
el
Lebahar. D.
srradjh,
touf. du mme
nom,
tdbudes
Afir,
conf.
des at
Ouaguennoun.
T. 0.
tsiakhen,
viH. tribu
touch,
conf. at
Ouaguen
Bun,D.
sikben,
touf. des at
Bouaddha,
tribu des at R'ou-
bri. T. 0.
tsiltbn
umeddour,
vill. tribu des
Iamraouen,
fraction
des
lamraQuienOufiia.
T. 0.
Isomatnh,
touf.
tDoudoucht,
tribu des a!t trzer.
T..O.
tstitb,
vill. tribu du mme
nom,
conf. des tut Oua-
guennoun. D.
tama,
touf. mme
noni,
tribu
des
lamraoutn,
frac-
tion des
J amraomen
Bouadda. T. 0.
tteMcnen,
touf.
Rbuacbda,
tribu
Ineztioun.P.
M.
zatcnn,
vin. tribu
toueh,
conf. at
Ouaguen-
neun. D.
Izanhouten,
touf. ait
Arif,
tribu ait
Arif,
conf. Inis-
sen c.um et !ii. D.
Izerrouden,
touf.
atArif,
tribu at
Arif,
conf.Iflissen
Oum e! ti!. D.
Izerrouken,
vill. tribu
Atouch,
conf. ait
Ouaguen-
hbn. D.
.Izitounen, touf, Iakkachen,
tribu at
Mekla,
onf.
uissen Oum el H). D.
Izouggar'en.
vii). tribu at el Aziz. D. M.
Kf
iAogb.
viH. tribu des
lamraouieh,
fract. des
lamraouien Bouadda. T. 0.
Kanis,
touf. des ait
MUout,
tribu des tzer' Fabdn.
T. 0.
Kantidja,
tout.
Icherkiih,
tribu et conf. des Maat.ka.
T. 0.
.L-
Kr,
Ahmd vii!. tribu tsser
Croua,
coif. M Oua-
guennoun.
D.
1
Khnout,
viH. tribu ait
Steggiiem,
conf. des ait bua-
guennoun.
D.
GOGRJ '~ &~CRlPTtYE
Fy
Kefma.,
touf. Ouled
Salem,
tribu hiezHdun. D. M.
K'erouan,
touf. mme
nom,
tribu Inezlioun. t). M.
Kettous,
touf. de ce
nom,
tribu des
lamraouien,
fract.
des lamraouien Bouadda- T. 0.
K'isoun, touf, du mme
nom,
tribu des at Flick. T.O.
Koukou, touf. de ce
nom,
fraction
Imessouhal,
tribu
des ait. Yahia. F. N.
Kouria,
vill. tribu Isser Ouled
Smir,
conf. ait Oua-
guenuoun.
D.
Lalla
Aouda, vill. tribu Isser
ed Djedian,
conf. des at
Ouaguennoun,
D.
Lamer'na,
vill. tribu Isser ed
Djedin, conf.
comme
le
prcdent.
D.
Le
Brarat, vill. tribu des beni Thour conf. at Ou-
gdennoun.D.
Leggata,
vi)I. tribu Isser el
Ouidan,
conf. at Oua-
guennoun.
D.
Leggata,
vil), tribu
Isser Droua,
conf. at
Ouaguen-
noun. D.
Lekar,
vill. tribu des
ajit
Flick. T. 0.
Lemella,
touf. ad Sad.
tribu at
Mekla,
conf. iMis-
sen oum el lil. D.
Lr'rous,
vi)). tribu des at
Fraouen.
t. 0.
Maifa,
touf. mme
nom,
tribu ait
Koufi,
conf.
Igouchdai.
D. M.
Magach,
tout. tir'it
Bouksas,
tribu des at F)ick.
T.
o-
Magoura,
touf. du mme
nom,
tribu d'ir'il en Zekri.
T. 0.
Maharchia,
vi)t. tribu Isser
Ed
Djedin,
conf. ait
Ouaguennoun. D.
Mahmoud,
viH. tribu des ait
Fraoucen.
T. 0.
Makouda,
viH. tribu at Sidi
Hamza,
conf. ait (J u-
genhoun.D.
Marnera, eu Sidi Ali
ou Moussa,
touf. des t Sidi Ait
ou
Moussa,
tribu et conf. des Maatka. T. 0.
Mammeur,,tou[.J chekeren,
tribu
[rhzaieh,
conf. Iflis-
sen.dum
i !ii. D.
&t.
Mandoura, vn).
trinu t~sr et
bui'dan,
coni. ~t
ua-
guennoun.
D.
LA KABYLIE 68
Maoua vi)!. tribu Isser el
ouidan,
mme conf.
que
le
prcdent.
D.
Maoua,
viit.
tribu,
des ait
Fraouen.
T. 0.
Marer'na,
touf. du mme
nom,
tribu des H!ouien Ou
malou. F. N.
Massoum,
viti. tribu
Isser el Djedian,
conf. at Oua-
guennoun. D.
Mayach, vill.tribu
at
Sad,
conf.atOua~uennoun.D.
Mazer,
viii. tribu
Cbeurfa,
conf.
atOuagennoun.
D.
Meella,
vi)L tribu des Illoulen Oumalou. F. N.
Mechchouka.
vit), tribu des aift
Stegguem,
conf. ait
Ouaguennoun.
D. M.
Mecherek,
vill. tribu at ali ou
i))ou], conf. at Sedka.
D. M.
Mehagga,
vit), tribu El
Djeur Alemmas,
conf. des
ait ldjer. F. N.
Mekara,
vill. tribu at
Chilmoun, conf. Inissem oum
e! lit. D.
Mekla,
vit), tribu des
lamraouien,
fract. des lam-
raouien Oufella. T. 0.
Mek'na,
viii. tribu des at R'oubri. T 0.
Melban,
touf. Tala
Hammou,
tribu et conf. des
Maatka. T 0.
Men&am. touf.
Bououar,
tribu des at Aissa ou Mi-
moun,
conf. des at
Ouaguennoun.
T. 0.
Mendjiah,
touf.
lkelouien,
mme tribu et conf.
que
le
prcdent.
T. 0.
Men,
touf. Taourirtn a~A!i ou
Naceur,
fract. imes-
dourar,
tribu des at Itsourar. F. N.
Merabtin
Semr'oun,
vill.
tribu atSaid,
conf. at Oua-
guennoun.
D.
Mer'anim vit), tribu at
Amram,
conf. Iflissen oum
el lil. D.
Mestiga,
touf.
Adeni,
tribu des
Irdjen,
conf. des ait
Iraten. F. N.
Meurz el
Mal,
vitt. tribu Cheurfa
guir'il gu~k'k'en,
conf.
Igouchdal.
D. M.
Mezegguem,
vi)). tribu des Illoulen Oumalou. F. N.
Milidj,
vill. tribu Isser ed
djedian,
conf.
atOu&guen-
noun. D.
GOGRAPHIE DESCRIPTIVE
69
Moudrabin,
vi!i. tribu Isser el
ouidan,
conf. at Oua-
guennoun.D.
Moua, touf.
atisa.d,
tribu des
atR'oubn,
T. 0.
Mrra. vi)i. tribu des at
Khelili,
T. 0.
Ouabachou,
vi)i. tribu
Taourga,
conf.
atOuaguen-
noun. D.
Ouaitslid,
vill. tribu et conf. des
atMengueiat.
F. N.
Ounennus,
vi)i. tribu des
at Ahmed,
conf. Iflissen el
lebahar. D.
Ouar'zen, viij. tribu et conf.
desatMengueIIat~
F.N.
Oulad bel
Ad,
vi)). tribu Isser ed
Djedian,
conf. at
Ouaguennoun.
D.
Ouled
Abdallah,
vill. tribu Isser el
Ouidan,
conf. at
Ouagueonoun.
D.
Ouled Abdallah vill. tribu Isser ed
Djedian,
conf.
at
Ouaguennoun.
D.
Ouled Ahmed ben assa vil), tribu Isser
Droua,
conf.
at
Ouaguennoun.
D.
Ouled
Aissa,
vi)). tribu Isser
Droua,
conf. at Oua-
guennoun.
D.
Ouled
Ali,
vill. tribu Isser Ouled
Smir,
conf. at Oua-
guennoun.
U.
Ouled
allal
vi)). tribu Isser el
ouidan,
conf. at Oua-
guennoun.
D.
Ouled amara vill. tribu Isser Droua, conf. at Oua-
guennoun.
D.
Ouled
Amer,
vit!, tribu Isser
Droua,
conf. at Oua-
guennoun.
D.
Ouled
Bakhti,
vill. meT)e tribu et conf.
que
le
prc-
dent,
D.
Ouled bel
Arbi,
vi)I. tribu Isser ed
Djedian,
conf.
at
Ouaguennoun.
D.
Ouled bel Kassem ou
Ali,
vil!, mme tribu et conf.
que
le
prcdent.
D.
Ouled ben
Ali,
vill. tribu Isser Ouled
Smir,
coBf. at
Ouaguennoun. D.
Ouled ben
Chban,
vitl. tribu Isser
Droua,
conf. at
Ouaguennoun.
D.
Ouled ben
Noua,
vi!). tribu Isser Ouled
Smir,
conf,
at
Ouaguennoun.
D.
t* tULBJ UN 7C
Ouled
Brtd},.
Tttt. thbtt tssef ed
D~edM.B~ecaE.
at
Ouaguennoun.
D.
Ouled
boa Ami. yiii.
tftbaisseF Droua,
conf. 'ft Oaa-
guennoun.
D.
Ouled
boaada,
vill. mme tribu et eonf.
qaa pr-
cdent.
D.
Ouled b&R
R&hta,
Titi. tribu Isser Ouled Saur conf.
OHSgaenn&sa.
D.
Ouled
debbou,
vill. tribu Isser
Droua,
conf. at 0<M.-
gasanaBB
D.
Oa~edD~ettada
,vtH.
tribu HttrcboNSL. D. M.
OuiedefArba,
vit).
tribuIsserOutedSmtr,eQaf.Qua-
~oeanooD.
D.
Ouled el
Arbi. vitt. tribu Isser el
Ouidan,
eoaf. at
OaagueDROOB.
D. M.
Ouled
Embarek,
viii. tribu Isser el
OHidsc,
conr.
ait
OuagaeanoMa.
D.
Ouled Embarek vit), tribu Isser ed
D'jediaa,con(.
aK
Ouxgueonoua.D.
Ouled
Guesmir,
vill.tribu Isser Droua,
eonf.
a~t
Oua-
guennoun,
D.
Ouled
Hamidan,
vi! tribu des Beni
Thour,
mwe
eoaf.
que
le
prcdent,
D.
Outed
Hamouda,
vi)). tribu Isser Ouled
Smif, conf.
ait
OuaguecaouQ,
D.
Ouled
Keddacha,
viii. tribu des
beni Thour, conr. att
Ouaguennoun,
Ouled
Khelif,
ville tribu Isser
Droua, mme ccmf.
que
le
pro~deat,
D.
Ouled
Manour,
vill, tribu tsser e!
Ouidan,
coof. at
Ottagueoaotm,
D.
Ouled
Mohammed,
vi. tribu Isaer
QttDjodi&a,
<:aaf.
at
Ouagneanoun,
D.
Ouled
Moussa,
Ttit.thba
Zemoul, coef.
MtOua~MH~
noun,
D.
Ouled
Nebri,
vill. tribu Isser Ouled
Scair, eQBf.at
Ouaguennoun,
D.
Ouled
Rabab,
vi)t. tribu Isser
Drom~
cottf. MtO~'
guennoun,D.
GOGRAMOE .MEaCB)PT!VE Tt
-Med R&ched Tii. t~ba i~ser ed
Djediae,
c&nf. ait
Ouaguennoun,
B.
Ouled R~b'Bao~n, viii. tribu Isser
Broaa~
coaf. at
Ouaguennoun,D.
OH!ed
R~era~ vHt.
h'i~u tsser
Nted Sstr,
conf. ait
Ouaguennoun,
D.
(~u)ed SaAf&. vill. Iriba Isser
DroTjft,
<;&uf. at Oua-
guennoun,
D.
Oa.ied
Std<;i?c<k,
'vN'L tnba Isser Ouled
Smif-,
'cocf.
at
Oa&g'u&BBMtT),
D.
Ouled si el
Arbi,
vil), tribu Isser Ouled
Smif, conf.
a!!t
(~s&g&eBno~n,
D..
Ouled
si el
Mokdad,
viti.
tribu et conf. comme teeut-
va~t,
B.
Ouled Sidi
Amari,
viti. tribu Isser ed
Djedi&B,
oemf<
at
BgtMn~&aTB,
&.
~et~ SidiMahfM
~~M.
tt~.a tes~ssm-~H~d
8mir,
conf.
des ait Ouaguennoun,
D.
OuIedSida
SetBMSs~,
vfH. tn~a Is~r'cted
~Bmr,
cemf.
at'(hta~a~DMf&
D.
~ated ~i
Bjittati,
~)1,
tribn taser~d
!)jediaD,
'o<Mf.
ait
Ouaguennoun,
D.
<~aM
'Smir.,
vit. tN~ba !ssar
Bra~&,
'oo~ mt 'Ooa-
guennoun,
D.
~ated'St~i,
viU.tm'bN ~serOtaed
~m~r,
-coaf. ait
Ouaguennoun,
D.
~9~ed Ta!~
~N. M~t }sNa''ed
B'~ifm,'CM~tut
Ouaguennoun,
D.
Ouled ~a~m ~iSt. tt~a tBsefSt
'(DuM~tm, oanf.
mit 'Oc&-
guennoun, D.
'Mod
~Ra&, viM..tprbB t)oasM~Bnet),
oc~f. ~es tfhs-
sen oum el
]i~
D.
<Mk~s,
'te'af. des a9& Sidi AbBae~ M
V<tM&f,
tr~u
des
Izer'faouen,
T. .
'@BSMBS~ea,
vin.tnba'4es'Mt~ocai3<
oocf. Mmseii
el lebahar,
D.
<~aMa)tade~,
viR. <~m '~s
~sssanea~OB.
oeof. d~s
at
Assi,
T. 0.
'(~mnsaee,
'~U.%mba
&'a~o,
'c~ ta~asea~Hm -et
htD.
LA KABYLIE
12
Our'erizen,
touf.
Taguemmount Oukerrouch,
tribu
des ait Ameu ou
fad,
conf. des ait Assi, T. 0.
Ourfia,
touf.
Imanceren,
tribu des ait
Akerma,
conf.
des at
Iraten,
F. N.
Ourthi
Bouakkach,
touf. mme
nom,
tribu des ait
Khelifa,
conf. des
Maatka,
T. 0.
Outouba, vill. tribu at Sidi
hamza,
conf. at Oua-
guennoun,D.
Rabta.
touf. Ouled Salern. tribu
!oez)ioun,
D. M.
Rafa,
vill. tribu Isser el ouidan. conf. ait
Ouaguen-
noun,
D.
Rebodh,
touf. des ait
el Addeur,
tribu des Ait Kodha.
T. 0.
Rebodh vill. tribu des
Cheurfa,
conf. des ait Oua-
guennoun,
D.
Reihdi vill. tribu
Irafan,
conf. Iflissen oum el
)i),
D.
R'errou, touf. des ~tSidiYahia,
tribu
deslzer'faouen,
T. 0.
Rezazoua,
touf.
Chab,
tribu
Inezlioun,
D. M.
Rouachda,
touf. mme
nom,
tribu
Inezlioun,
D. M.
Sah'et,
vill. tribu des ait
H'anteta,
conf. des ait
Mjer,
F. N.
Sehaou el
Kedim,
mme
tribu,
conf. ait
Ouaguen-
noun. D.
Sem'roun,
vi!). tribu ait
Sad,
conf. des at
Ouaguen-
noun,
D.
Senadkias,
touf. Chabet
ikhelef,
tribu
Inezlioun,
D.
M.
Sennana,
viU. tribu tmza.len. conf. Iflissen oum et
lil,
D. M.
Si Abdallah ou
Moussa,
vill. tribu des beni
thour,
conf. at
Ouaguennoun,
D.
Si bou
Djem&a,
touf. ait taleb ou bel
Kassem,
tribu
Imkiren,
conf. Iflissen oum el lil D. M.
Sidi Ahmeur ou el
Hadj,
vill. tribu El
Djeur
Alem-
mas. conf. des at
Idjer,
F. N.
Sidi ali
Moussa,
touf.
Chabetlkhelef,
tribu
Inezlioun,
D.M.
Sidi
Naman,
touf. du mme
nom,
tribu des lam-
raouien, fract. des lamraouien
bouadda,
T. 0.
GOGBAPHtE
DESCRIPTIVE 73
La mer Romaine
(la Mditerrane)
forme la limite
septentrionale du Maghreb.
Ces deux mers communi-
quent
entre elles au
moyen
d'un canal troit
qui passe
entre
Tanger,
sur la cte du
Maghreb,
et
Tarifa,
sur
celle de
l'Espagne.
Ce canal
s'appelle Ez-Zogag (le
d-
troit).
Sa moindre
largeur
est de huit milles. Un
pont
le traversait
autrefois,
mai; les eaux ont fini
par
le cou-
vrir. Elle renferme
plusieurs
{tes,
telles
que Maor-
que. Minorque,
Ivia,
la
Sicile,
la
Crte,
la
Sardaigne
et
Chypre.
Puis,
notre auteur cite les villes
qui
existent sur le
littoral de la mer
Romaine,
sur le
Maghreb.
Ce sont
Tanger,
Ceuta, Badis, Ghassaa, Houein, Oran, Tens,
Alger, Bougie, Tunis, Sua. Et-Mehda, Sfax,
Gabs et
Tripoli, puis
Alexandrie.
Du ct du sud-est et du
midi,
le
Maghreb
a
pour
limite une barrire de sables mouvants, formant une
ligne
de
sparation
entre le
pays
des Berbres et celui
desNoirs.
3
Quant
ses
limites du cot
de l'orient, tes gographes
admettent
que
la mer de Colzom
(la
mer
rouge)
forme
la timite orientaledu
Maghreb.
On voit
que
les
go-
gtaphes,
en
assignant
la merde Cotzom comme limite
au
Maghreb,
font entrer
l'Egypte
et Barca dans la cir-
conscription
de ce
pays.
Le
Maghreb
est donc
pour
eux
une !)e dont trois cts sont entours de mers. Les ha-
bitants du
Maghreb
ne
regardent pas
ces deux contres
comme faisant
partie
de leurs
pays
selon
eux,
il com-
mence
par la province
de
Tripoli,
s'tend vers l'occi-
dent et renferme
tifrikia,
le
Zab,
le
Maghreb central,
le
Maghreb-et-Acsa,te Sous-el-Adna,
et le
Sous-et-Acsa,
rgions
dont se
composerait
le
pays
des Berbres dans
les
temps
anciens.
On le
voit,l'tendue
du
pays
Berbre est
immense,et
la-
Kabylie, qui
nous
occupe,
tient une bien
petite place
dans le
Maghreb
central,
dont elle faisait
partie.
HtSTO!RE
DE LA KAYUE AVANT 1830 93
Nous connaissons
maintenant,
et les hommes
qui
habitaient ces
contres,
et la
description
de ces con-
tres elles-mmes,
voyons
d'o viennent les
Berbres,
queiie
est
leur
origine.
Une
opinion
gnralement
adopte,
et
exprime
d'ailleurs
par
Ion
Khaldoun,
veut
que
les Berbres
n'aient t amens dans le
pays qu ils occupaient,
ni
par
la
conqute
musulmane,
ni
par
celle des
Romains
del il en
rsulterait,
dit M.
Renan,
que
ie
Kabyle
a n'est ni un
Vandale,
ni un
Carthaginois
c'est le
vieux
Numide,
le descendant des
sujets
de
Massinissa,
de
Syphax,
de
J ugurtha
. Cette
opinion cependant
ne peut
tre
accueillie,
le
Kabyle
n'est
pas
un Numide.
Ce
peupte
serait un
peuple
autochtone,
ayant
su de-
puis
des
temps prhistoriques, maigre
de terribles in-
vasions,
conserver son
sol,
ses murs et son
langage
particulier.
<
C'est en effet un
spectable
bien
curieux,
crit M.
Renan, que
celui d'un
peuple
rfractaire
pen-
dant tant de sicles l'influence
trangre,
et
parlant
encore
aujourd'hui
une
langue presque identique
la
langue touareg,
cette
langue qui
a conserv avec tous
les idiomes
sahariens
qui
se
parlent depuis
le
Sngal
jusqu'
la
Nubie,
la
plus
troite
parent
N'est-on
pas
ds lors en droit d'en conclure
que
la
famille
Kabyle
est vraiment une famille
atlantique
ou
saharienne `1
Cependant
M.
Masqueray,
dans son livre
'<
ForMa-
tion des cits de
/e!e
ne
parat pas dispos
ac-
cepter
cette thorie. H veut
plutt
considrer
que
<
l'Afrique
a
reu, depuis
les
temps
les
plus
anciens,
des
fugitifs
et des
conqurants
de toute
provenance
.
La cte de
l'Afrique,
dit M.
Masqueray,
continue
celle de
l'Egypte, puis
se relevant vers le Nord
depuis
Gabs
jusqu' Cap
Bon, fait face la Palestine. Elle
enveloppe
ainsi le tiers du bassin orientt de la Mdi-
terrane. D'autre
part,
elle touche
presque
l'Espa-
gne
elle est relie l'Italie
par
Maite et la Sicile. Les
peuples
refouls
jusqu'aux pointes
de nos deux
gran-
des
presqu'les
occidentales ont
toujours pu
se
rpan
dre sur ses hauts
plateaux
et dans ses dserts infinis.
M
<~py~
04
A
~intrieur
du
pays,
aucune
chane, aucun neuve,
ne
s'y oppose
une
invasion orientale, Au
contraire, des
plis
de
terrain
parattfes y
forment
de
iarge
voies
orientes vers le
nord-est, par tesq~eUes
des
nations
s'avanceraient
sans obstacle de
la
Tunisie jusque
dans
J e
cur du Maroc. Les solitudes de fa
Cyrnaque
n'ont
pas
arrt le flot des
immigrants
arabes
du onzime
sicle, et, depuis
)a
Tripotitaine jusqu'
l'Ocan Atian-
tique, par
le
Djerld,
le
Zb,
j~aghouat, Figuig
et la
val-
te
de t'ouad
Drah,
une
route
natureUe,
jatonne
d'oa-
sis,
accompagne
la bordure
dsertique.
D'autre
part,
les
montagnes qui, par
leur
direction,
semblent se dres-
ser comme des barrires
devant
les envahisseurs du
Nord,
ne
sont, si l'on
excepte
Deren
(Atlas marocain)
encore si mal
connu,
ni trs
hautes,
ni
continues
elles
peuvent
tre tournes
de
tous cts sans
peine
elles
ne sont bonnes
qu'~
servir de
refuges
des vaincus
les
peuplades
agglomres
sur
le
Pjurjura
ou sur
1 Aou*
ras,
comme sur
des
llots,
n'ont
jamais
t
matresses
des
plaines qt'i
les environnent, Cette
rgion,
toute en-
tire est un thtre bien fait
pour
la rencontre de l'O-
rient
et du
Nord,
un
rceptacle
ouvert & toutes les ra
ces
de
l'Asie et de
t'Europe occidentale,
un
champ
o
des
miUions d'hommes diffrents sont venus se
com-
battre sans cesse, et (maternent confondre ieur
sang,
leurs coutumes et leurs ides.
M.
Carette,
dans son
ouvrage,
<
J ~tC~/<M'<!<M!
M~tt-
~Me l'Algerie,
annes 1840'i843
Ee
veut
pa~
s'arrter
plus longtemps
aux
jeux
de
mots
purtig
d'Ibn Khaldoun,
d'Abd-et-Bar,
de
Tbari, qui
tmoi-
gnent
de la navet
et de la credutit des
auteurs ara-
bes a.
Il
admet comme
'<
l'hypothse
ta
plus
raison-
nable,
cette
qui suppose,
dans
chaque pays,
l'existence
d'une
race d'hommes
antrieurs
{'origine
de t8UtM
les
traditions
cette race
peut
se modifier
plus
ou moins
profondment
dans t~ suite des sictes mais ni J e r$-
nouvellement
priodique
et
rgulier
dss
gn~ations,
ni tes
bouteversements accidentels
qui
viennent t'~t~
teindre, ne
peuvent
faire
dispafa!tfs
certains t~tte ca*
r<M~d~tea qM,
tcat~ !ea
~paq~eet
reprodM~eat,
HISTOIRE DE LA K~MDE AVANT 1830 95
sauf
quelques nuances,
l'expression
du
type
originel
.
Et enfin de
compte,
M. Carette se
range
l'avis d'Ibn
Khaldoun, lorsqu'il
crit Ce
qui
est hors de
doute,
c'est
que
bien des sici~s
avant t'isiamisme,
les Berb-
res taient connus dns le
pays qu'ils
habitent,
et
qu'ils
ont form avec leurs
nombreuses
ramifications,
une
nation entirement distincte de
toute autre.
o
Mais d'o vient cette nation ?
A cette
question
Ibn Khaldoun
dclare
que
le fait
rel,
la seule
opinion
vraie,
ce
que
l'on
doit
croire,
est
ceci Les Berbres sont enfants de
Canaan,
fils de
Cham,
fils de No. Leur aeul se nommait
Mazigh;
io'.rs frres taient
les
Gersens
(Akrikecb)
les Philis-
tins,
enfants de
Balushim,
fils de
Misram,nts
de
Cham,
taient leurs
parents.
Le
roi,
chez eux,
permit
le titre
de Djalout (Goliath).
Cette
opinion
est-elle la vraie ?2
Elle
parat
trs
vraisemblable,
si l'on considre:
d'une
part, que
ies
gographes
de
l'antiquit appli-
quaient
aux
peuples
de race Africaine,
la
dnomina-
tion de Mazices
(Mazikb)
et d'une autre
part que
< te
nom mme des
Zenata,
qui occupent
encore la bordure
dsertique
et une
partie
des
steppes
de
l'A)gne,
nom
glorieux
dans l'histoire du
moyen
ge, correspond
exac-
tement
Cbananens. Zenata ou Zanata tant la forme
arabe de l'Africain
Ixanaten,
dont le radical est
Xana
Kana .
(Masqueray).
Cependant
ce
savant auteur,
s'il
admet que des
Chana-
nens soient
venus
se
rfugier CRAfrique, probablement
aprs
l'envahissement
de
leurpays par les
Isralites,
d-
clare que nui
ne
peut
dire exactement
quelsont
t les
habitants
primitifs
de cette rgion.On conjecture, ajoute-
t-il,
que
ia race
ngre qui
a domin dans
tout le
Sahara
s'avanait
autrefois
jusqu'au
bord des hauts
plateaux,
quand
le
climat
plus
humide,
les rivires
plus
abon-
dantes, les forts
plus paisses, permettaient
l'l-
phant d'y
vivre.
Il est admissible aussi
que
des hom-
mss bruns et de
petite taiUe~
semblables aux.
Ligures,
aient form le
fepds
de la
poputatto~
du Te)}
et de la
cte.
L'tendue de e~v~rnes
p~histonq~
ea est son
LA KABYLIE 96
dbut,
et les monuments
mgalithiques
n'ont
pas
encore
livr leur secret. Des
squelettes replis,
la tte
presque
toujours
tourne vers le
nord,
des colliers de verrote-
rie,
des
poteries grossires, quelques
ornements de
bronze,
voil tout ce
qu'ils
renferment. Ils
peuvent
tre
trs anciens
pour
la
plupart;
mais
quelques-uns
sont
contemporains
de la
priode
romaine .
M. Carette semble
adopter
la version d'Ibn Khal-
doun,
mais ce
qui
le
jette
dans
l'embarras,
c'est de sa-
voir,
tant dona
que
les Berbres descendissent de
Djatout,
de
qui
descendait lui-mme ce
Djalout.
Ibn
Khaldoun,
ayant pris
le soin de nous dire
que
le mot
Djalout
tait le titre
quivalent
celui de
roi,
il
parait
en rsulter
que
M. Carette a fait une confusion
sur
l'emploi
du mot
Djalout,
et
que
ds
lors,
il
n'y
a
pas
rechercher
queUe
tait
l'origine
d'un
prtendu Dja-
lout en tant
qu'individu.
Citerons-nous les
opinions
de Abou-Omar-Ibn-Abd-
el-Berr,
d'ali-Ibn-abd-el-Aziz-el-Djordjani,
d'Et-Taberi,
d'Et-Masoudi,
d'El
Bekri,
etc. Ce serait fort
long
et
fort
inutile,
Ibn Khaldoun
prenant
la
peine
de nous in-
diquer que
toutes
ces
<
hypothses
sont errones et bien
loignes
de la vrit.
Tous sont
d'origine
Cbananenne,
crit Ibn
Khaldoun,
cependant
il fait une rserve
pour
les
Sanhadja (ceux
qui portent
un
voile)
et les Ketema
qui,
suivant lui et
suivant
l'opinion
de
gcnatogi?tes
arabes
eux-mmes,
seraient
d'origine
arabe.
Puisque
Ibn Khaldoun a
pris
le soin de nous dire
que l'origine
chananenne des Berbres tait seule
exacte,
nous
esprions peut-tre qu'il
nous donnerait
quelques
dtails sur l'histoire de ce
peuple
et sur sa
naissance
malheureusement,
nous n'avons trouv
dans ses crits
que
cette
phrase
dcourageante
t
Depuis
le
Maghreb (el Acsa) jusqu' Tripoli,
ou
pour
mieux dire
jusqu'
Alexandrie et
depuis
la mer romai-
ne
(la Mditerrane) jusqu'au pays
des
noirs,
toute
cette
rgion
a t habite
par
la race
Berbre,
et cela
depuis
une
poque
dont on ne connat ni les vne-
ments
antrieurs,
ni mme le commencement.
Ainsi
HISTOIRE DE LA KABYLIE &VAMT i830 ~'7
6
nous voi! bien
avertis,
on ne Mit rien des vsemjnts
antrieurs et on ne
peut
fixer uue
poque
o a-trait
commenc
l'occupation
Berbre.
En
prsence
d'une dclaration
qui
annonce d'une
faon
aussi
premptoire l'impuissance
dans
laqueUe
se
trouve l'historien arabe de trouver les moindres traces
de l'histoire du
peuple
Berbre,
et
malgr
le vif
pen-
chant
qu'il a,
il faut bien le
reconna!tre,pou-
la fan-
taisie,
il
parat
bien tabli
que
l'on ne
pourra
reconst:-
tuer l'existence des
premiers temps
de ce
pejpte. Puis,
pour
l'intrt mme de notre
sujet, quand
ce but serait
prosprer
dans la
montagne.
Voil. donc au mot
transtulisti une
singulire confirmation;
seulement
la tradition
Kabyle
refuse de
l'appliquer
aux tribus du
Djurjura.
Ce n'est l
qu'une lgende;
mais l'auteur
qui
glorifie
Maximien d'avoir
transport
les
plus
ers mon-
tagnards
de
Mauritanie, n'est,
le bien
prendre, qu'un
pangyriste.
Qui
a raison? e. Le
problme
se
pose,
mais nous ne
croyons pas pouvoir
le rsoudre. Pour-
rait-on alors dire
que
les
Touareg,
ne sont
que
les des-
cendants de ses
transports
de Maximien ? Ce
qui
est
certain,
c'est
que
les
Quinquegentiens
infestaient
l'Afrique,
du moins c'est ce
qu'affirme Eutrope.
Cela
prouverait qu'ils
venaient donc
piiler
leurs
voisins
Maximien aura eu l'occasion d'en saisir sur ce terri-
toire un trs
grand
nombre,
de l la
transportation.
mais
transportation qu'il
faut ainsi rduire une cer-
taine
quantit.
Une
inscription
trouve en d860 Bou-
gie
nous fait connatre
qu'AurliusLitua, gouverneur
de la Mauritanie
csarienne,
a
attaqu
les
Quinquegen-
tiens rebelles et a
remport
sur eux la victoire. M. Ber-
brugger
avait en 1848 dcouvert Cherchell
une inscrip-
tion
indiquant que
cet Aurlius Litua tait le lieutenant
deDiccltienet de Maximien. Or
ce succs d'Auriius Li-
tua est, cela est certain
aujourd'hui, postrieur
297;
des
inscriptions
ont
permis
de
placer
sa vritable date
ce
fait
d'armes;
c'est en 290.
Par
suite,
il en
rsulte,
ce
que
nous concluions
il
n'y
a
qu'un
instant,
qu'il
existait
encore des
Quinquegentiens malgr
la
transportation
de
Maximien, qui
n'avait
pu
tous les attendre. Une au-
tre
preuve
de cette
existence,
c'est
que quelques
annes
plus tard,
au
quatrime
sicle de notre re. l'histoire
cite le nom de Nubel ou
Nabal,
roi des J ubalnes de la
Montagne-de-Fer,
du
Djurjura.
Dans le reste de
l'Afrique
et
jusqu'
cette
date,
une
grande quantit
de colons
d'Italie, deGaule, d'Espagne
M
rpandent
dans le
pays.
Sous
Vespasien,
on ne
comp~
LA &ABTHE iit
tait
pas
moins,
dans la Mauritanie
Csarienne,
de 13
colonies
romaines,
trois
municipes
libres,
deux colonies
en
possession
du droit
)atin,
et une colonie
jouissant
du droit
italique.
Du
temps
de
Pline,
~aNumidie avait
douze colonies romaines ou
italiques, cinq municipes
et trente villes libres.
Quelques
rvoUes ont lieu ce-
pendant,
mais elles sont vite
rprimes.
Tout d'abord
sous le
rgne
d'Antonin le
Pieux,
puis
sous le
rgne
de
Maximin,
les habitants de la Province
Africaine,
fati-
gus
de la
tyrannie
de ce
prince,
se soulvent et l-
vent au
pouvoir
le
proconsul
de la
Province,
nomm
Gordien. Mais
peu
de
temps aprs,
une arme de vt-
rans romains et de barbares fait cder les rvolts
pres-
que
sans
combat;
Gordien se donne la
mort;
et la
pro-
vince
d'Afrique
rentre dans l'ordre.
Sous l'administration de Probus
qui gouverna pen-
dant les
rgnes
des
empereurs
Gallien,
Aurlien et Ta-
cite
(de
268
280)
on fit de
grands
travaux d'utilit
publique, voies, temples, ponts,
etc. Sous cette mme
administration les
Marmarides,
voisins de
l'Egypte~
demandrent, Rome leur soumission.
Maxence eut 46
rprimer
l'insurrection fomente
par
un
paysan pannonien
nomm Alexandre. le fit avec
une
grande rigueur.
Girta fut trs maltraite ainsi
(juo
Cartb.tge.
La
premire
de ces villes ne
put
mme tre
rpare
elle ne fut reconstruite
en entier
que que)-
ques
annes
plus
tard,
par
Constantin, vainqueur
de
Maxence,
et
prit
le nom de Constantine.
En
330,
Constantin
transporte
le
sige
de
l'Empire
de Rome
Constantinople; peu aprs (395) l'empire
Ro-
main aura vcu
pour
faire
place
l'Empire
d'Orient.
Mais avant de voir
quelles
seront les
consquences
de ta
chute de
l'empire d'occident,
nous devons d'abord
par-
ler de la rvolte des
Quinquegentiens qui depuis
364
ap.
J . C. avaient recommenc leurs insolentes incuf-
aions sur les territoires environnant le
J urjura.
Ce fut
Thodose, le
meilleur
gnral del'emph'esougYalenU-
uien
l~.quifutchargd'allercMtierlea rebeUes.tgma-
Mn,
le chef des
Isaflenses,
osa se
porter
au devat du
cumteThodoe?
et
t'aborda eph" <~pt{ t D'~
ee'~
HISTOIRE DE LA KAB~UE AVANT 1830
i~
et,
que
viens-tu faire ?
Rponds.
Nous
comparerons
plus
tard cette attitude avec celle de nos
Kabyles
vis*
-vis d'Ab-el-Kader.
Les
Quinquegentiens
avaient alors leur tte
Firmus,
un des 61s de Nubel. Nous trouvons dans Ammien Mar-
cellin le rcit df, cette vritable
guerre,
au commence-
ment de
laquelle
Icosium et Csarea
(Cherchell)
tom-
bent entre les mains de Firmus
qui
ne
dtruit,
il est
vrai, que
la seconde.
Mais Firmus a
appris
l'arrive de Thodose il s'a-
git pour
lui de savoir comment ce
gnral
va
pren-
dre ses
positions.
Pour ne
pas
tre
inquit,
il fait
proposer
une soumission et une remise
d'otages,
mais
il a bien soin de ne
pas
livrer ces derniers et
quand
il
voit
que
Thodose a tabli sa base
d'oprations
sur les
bords de l'oued
Sahel,
il abandonne toute
ngociation.
Dius et
Mascizel,
deux des frres de
Firmus,
prennent
le commandement des Tendenses et des M~ssinenses.
<
Ds
qu'on
eut en vue ces ennemis si difficiles
join-
dre,
des voles de traits
s'changrent, puis une
furieuse
mle
s'engagea.
Au milieu de ce cri de douleur
qui
s'-
lve d'un
champ
de
bataille,
dominait le lamentable
hurlement des barbares blesss ou faits
prisonniers.
Le
ravage
et l'incendie de la contre furent les suites de
notre victoire. Firmus,
non moins troubl
qu'affaibli
par
ce double
chec,
eut encore recours aux
ngociations
comme dernire ressource. Des vques vinrent de sa
part implorer
la
paix
et livrer des
otages
Pour
rpon-
dre au bon accueil
qui
leur fut
fait,
ils
promirent,
suivant leurs
instructions,
des vivres tant
qu'
en fau-
drait,
et
remportrent
une
rponse
favorable. Le
prince
maure,
alors un
peu
rassur,
vint
lui-mme,
prcd
par des prsents,
s'aboucher avec le
gnral.
Il s'tait
pourvu
d'un coursier
qui pt
lotirerd'aSaireau besoin.
Frapp
en
approchant
de
l'aspect
de nos
tendards,
et
surtout de la martiale
figure
de
Thodose,
il
s'lana
de cheval et se
prosternant presque jusqu'
terre con-
fessa ses
torts les larmes aux
yeux
et
implora
son
par-
don et la
paix.
Thodose,
mu
par
le seul intrt de
l'empire,
le
relve,
l'embrasse
et lui donnant ainsi con-
LA KABYLIE
il6
fiance,
en obtint ainsi des vivres.
<t (AmmienMarceI)in).
Mais la
guerre
n'tait
pas
termine,
et
Firmus,
sous
le
masque
de la soumission et de
l'humilit,
cachait le
projet
de tomber sur
l'arme,
comme la
foudre,
au mo-
ment o elle serait le moins
prpare
cette
agrs~
sion
D. A
quelque temps
de!.
Thodose
apprit qu'une
coalition
tait forme contre
lui,
suscite
par
les insti-
gations
et les brillantes
promesses
d~
Cyria,
sur de
Firmus.
Cette
princesse disposait
d'immenses trsors
et montrait toute l'obstination
de son sexe dans ses ef-
forts
pour
soutenir son frre. Thodose rflchit alors
sur l'extrme
ingalit
de ses
forces,
il
n'avait que
trois
mille
cinq
cents hommes et c'tait
risquer
sa
perte
et
celle de cette
poigne
de soldats
que
de les commettra
avec une telle multitude. Brlant de combattre
et rougis-
sant de
cder,
il
opra
nanmoins avec lenteur un mou-
vement en arrire
que changea
bientt
en pleine retraite
l'imptuosit
des masses
qu'il
avait devant lui.Enfls de
cet avantage,
les barbares le
poursuivirent
avec fureur
(ici
ii y a
una lacune de
plusieurs lignes
dans le texte
d'Ammien
Marcellin),
Thodose se vit rduit
accepter
le combat et c'en tait fait de lui et des siens
quand
tout
coup l'paisse
nue d'ennemis
qui
l'environnait s'ou-
vrit
l'approche
d'un
corps
d'auxiliaires
maziques
prcds
de
quelques
soldats romains et laissa
passer
nos bataillons enferms. <t
(Ammien Marcellin,
Liv.
XXIX.
V).
Ce ne fut
qu'aprs
une
guerre
de trois an-
nes,
que
Thodose
put
dBnitivement teindre la r-
volte.
Firmus,
trahi
parigmazen,
le roi des
Isaflenses,
dont nous avons cit
plus haut l'orgueilleuse
demande
a
Thodose,
fut fait
prisonnier
mais
pendant
une
nuit,
<
il
prit
le moment oses
gardes
taient
profondment
endormis,-et s'chappa
sans bruit de son
lit,
en s'ai-
dant des
pieds
et des mains.
Le hasard lui fit trouver
ttons une corde dont il se servit
pour
se
pendre
la muraille et il mourut ainsi sans
longues
souffrances.
Ce
suicide,
ajoute
Ammien
Marcellin,
contraria vivement
Igmazen, qui
s'tait uatt de l'honneur de conduire vi-
vant le
rebelle au
camp
romain.
Il fit nanmoins
charger
le cadavre sur un
chameau
et
porta
le
corps
HISTOIRE BE LA KABTUE AVANT 1830 H7
7.
Thodose. Le
peuple
et les soldats
qui
se trouvaient
prs
de Subicare furent
appels
venir reconna!tre
les traits de
Firmus;
puis
Thodose,
aprs
cet vne-
ment,
rentra en
triomphe
Sitifis
(Stif).
Les J ubatnes ne se rendaient
point dignes
anctres
et devanciers des
Zouaouas,
ils surent dtier
l'nergie
et les efforts de Tbodose. Ammien MarceHit: nous d-
clare en
effet,
que
Thodose dut
<
recuier devant l'-
pret
de ces cimes
leves,
et les dfils tortueux
qui
en
sont
les seuls
passages .
En
395,
la chute de
l'Empire
d'Occident amena en
Afrique beaucoup d'migrs
et
parmi
eux,
des hommes
justement
clbres,
Apule,
Tertullien,
saint
Cyprien,
saint
Augustin,
etc.Les
lettres et les arts fleurissent
dans ces
contres,
nagure sauvages,
mais
pour
la Ka-
bylie,
le Mons
Ferratus,
nous ne
pouvons
constater
aucun
changement.
D'ailleurs il est bien certain
qutes
Romains n'taient
point
< tablis dans cette
rgion.
Le
poste ]e plus
avanc
qu'ils possdrent
sur leur li-
gne
frontire tait
Djemaat Sahrid.f,
et cette
ligne
fron-
tire allait.
passer
Ausia
(Aumale) Tubusuptus (Tikla)
et
Tigisis (auprs
de
Taourga).
Le vaste
quadritatre
de la
Kabylie
tait donc en dehors de leur
pouvoir.
Ett
ce
qui
tablit bien ce
que
nous
avanons,
c'est l'absence
de traces
d'occupation
militaire romaine au centre du
pays.
Vers les bords de ia
mer,
on rencontre des ruines
qui indiquent
au contraire cette
occupation
militaire.
Cela d'ailleurs ne doit avoir aucune
consquence
bien
srieuse,
car avant
i857,
nous n'tions
pas
matres du
Djurjura,
et
cependant
nous
occupions
des-forts ou for-
tins
placs
dans les mmes
conditions, par exemple,
Taourirt-tri).
Le moment arrivait o la domination romaine aiait
disparattre.
Pendant
que les
Barbares
ravageaient l'Italie,
il
y
eut
quelques
tentatives de rvolte en
Afrique,
mais en
g-
nrt elles furent faibles et vite
rprimes.
Gildon,
fils
de Nubel comme
Firmus,
mais
qui
n'avait
pas
fait
cause commune avec ce
dernier, reut pour prix
de sa
Ndetit~ le
gouvernement gnral
de
l'Afrique.
Ce
pon-
LA KABVUE
il8
voir,
il
t'exera pendant douze ans, puis
ensuite,
rvant
de
rgner
sur un
pays libre,
il se
spara
ouvertemeut
de
['Empire.
1/ftaiie aux abois
par
suite de la
perte
de
ses
possessions Africaines,
entreprit
une
guerre
contre
ee'Giidon. Le thtre de cette
guerre
fut
laprovince
de
Tunis,
et Gildon ne succomba
que par suite
de l'alliance
de son frre Mascizel avec ies Romains.
Gildon, vaincu,
f~t trame
en
triomphe
Rome et se donna la mort
dans sa
prison quelque temps aprs (an 398).
Cette ex,
pdition
fut le dernier fait d'armes de la domination
romaine.
En
428, Boniface,
qui
commandait
pour l'empereur
Vespasien,
devint,
par
suite des manuvres
d'Atius,
suspect,
et fut
quelque peu
maltrait.
Furieux,
il fit
venir
d'Espagne
Gensric et ses Vandales. Mais ii dut
regretter
bien vite son mouvement de
vivacit,
car au
lieu
d'aUis.
il ne trouva en eux
que
des matres
qui
le
vainquirent
et
trent
l'Afrique
l'Empire.
En
437,Gen.
srie
prit possession
de
Carthage,
ou il fit
une,
entre
victorieuse.
La nouvelle domination dure un sicle et
pendant
cette
priode,
il n'est
pas question
de la
Kabylie
noua
passerons
donc
rapidement
sur cette
poque, indiquant
seulement
-grands
traits les vnements saillants
qui
se
produisirent.
Les Vandales se
rpandirent
en
grand
nombre
enTripolitaine,
en
Sardaigne,en
Sicile,
en Corse~
et dans
tesBa!ares,
et Gensric
poussa
mme son excur.
sion
jusqu' Rome, qu'it
vint mettre au
pillage.
Rome
dpouiUe
vit son ancienne rivale,
Carthage,
s'enri-
chir du butin et des richesses
que
Gensrio lui enteva.
Toutefois il serait
injuste
de croire
que
la
priode
vandale
ft pour l'Afrique
une
priode
de dvastation.
Les Vandales n'eurent
point.)a pense
do dtruire les
pro-
grs
de la civilisation htine.
Ils ne se considraient
gure que
comme
une grandu garnison
&
qui
le
pays
devait la
subsistance
l'ancienne administration de-
meurait avec ses cadres et sa
hirarchie
les lois im-
pria)es
continuaient d'tre en
vigueur;
c'taient des
fonotionnaires romains
qui
levaient
l'impt
dans les
meoeB formes
qu'autrofMt
~aM ~
~MM,
tM muBt-
HISTOIRE DE LA KABYLIE AVANT 1830
ii9
cipalits
conservaient leur
large autonomie,
le
defensor
civitatis
sigeait
touiours dans son
tribunal,
les
appels
taient
ports
devant un
magistrat suprme
rsidant A
Carthage, te jor<B~<M!M<~M~tct'M
romanis in
~KO
.A/W-
cd? F<tM~t~o)'Mm
e (Wahl,
~MMm~ de l'histoire s~t~H-
ne de
l'Algrie).
La
puissance
vandale
commena
toutefois dcro-
t"e ds la mort de
Gensric,
son
fondateur,
et cette d-
cadence
ne va
qu'en
s'accentuant,
chaque jour,
sous ses
quatre successeurs, Runerick, Gunthamond,
Tbrasa-
mond et Hitderick. < Le
peu d'aptitude
.des barbares
accepter
une
organisation rguhre,
la turbulence des
guerriers,
les divisions des
chefs,
ces causes
partout
les mmes
produisirent partout
les mmes effets. Dans
cette
Afrique dbilitante,
les
Vandales,
charms
par
le
climat,
tourdis
par
les
splendeurs
d'une civilisation
raffine, perdirent
en
peu
de
temps
leur
nergie
mili-
taire. Ils s'habillaient avec
recherche,
abusaient de la
bonne
chre,
couraient les
thermes,
les
cirques,
les
thtres. Les bons
rapports que
la
politique prvoyante
de Gensric avait tablis avec les
indignes
ne furent
pas
entretenus. Des rvoltes
clatrent,
non
seulement
eE
Mauritanie,
mais dans la
Numidie,
en
Byzacne,
en
Tripolitaine.
Avec les
gens
de l'Aurs retranchs dans
leurs
montagnes,
avec les nomades
qui lanaient
des
traits l'abri de leurs
chameaux,
les
Vandales,
lourds
cavaliers,
sans autres armes
que l'pe
et la
lance,
n'a-
vaient
pas
la
partie
belle. Les
places ayant
t dman-
teles
par
Gensric,
nui obstacle n'arrtait les incur-
sions.
(Wahl,
mme
ouvrage).
Si nous
joignons
en outre cet tat
lamentable,
les
luttes
religieuses toujours
si vives en
Orient,
les
que-
Telles ardentes des Ariens et des
Donatistos,
nous com-
prendrons
encore
plus
facilement combien la
puissance
Vandale tait branle et chancelante.
Cependant
sous
J e
rgne d'Hilderic,
ces
guerres religieuses
cessent un
peu, le catholicisme reprend la
faveur
officielle,
mais
les Ariens se
soulvent bientt.
Gtimer, envoy
contre
eux,
dtrne
Hilderich,
l'emprisonne
et se fait
procla-
mer ro~&aa
plaa.
TA KABYUE
i20
A cette
nouvelle,
J ustinien,
Empereur d'Orient,
qui
convoitait la
succession entire de
Rome,
crut l'occa-
sion
propice pour
intervenir. II fit
engager
Gelimer a
rendre Hilderich son trne et sa
libert et sur son
refus,
envoya
son
gnral
Blisaire la
conqute
de
l'Afrique.
Blisaire
dbarqua
avec trente mille
hommes sur le
sol Africain. Une anne de
campagne,
pendant laquelle
il est
juste
de citer la bataille de
Tricamron,
suffit
pour
tablir la
conqute
de J ustinien.
L'empire
des Vandales
tait dtruit sans retour
(533-534
ap.
J .
C.).
Il avait
commenc,
nous
l'avons vu
plus haut,
en
428
sa du-
re fut donc de cent six ans
La
priode Byzantine commence,
mais le calme ne
renat
pas. D'ailleurs,
la
possession
africaine
d'alors
n'est
plus
celle
d'autrefois,
et nous ne
trouvons
pas
traces,
dans
l'histoire,
de
fait se
rattachant
la Kabylie.
Procope, qui accompagne Btisaire,
fait cet avti
L'Aurs est la
plus grande montagne
que
nous connais-
sons. Nous ne
communiquons que par
mer
de la
province
de Zaba
(Constantine)
avec la ville de Cesare
(Cherchel,
l'ouest
d'Alger)
ne
pouvant
nous
y
rendre
par terre,
car les Maures
demeurent matres de tout le
pays qui
nous en spare.
<
Cela
videmment nous d-
montre
que
les
Byzantins
ce
connurent
point
le
J ur-
jura,
Les
administrateurs,
les
exarques,
envoys
de
Gfce,
ne
tardrent
pas
commettre des exactions telles
que
des rvoltes
prirent
bientt
na.ssanee.
Le successeur de
Blisaire,
Salomon,
apaisa
momen-
tanment ces
troubles,
mais
aprs
sa
mort,
des rvoltes
nouvelles
surgirent.
Sous les
rgnes
de
Tibre,
de Mau- t
rice et de
Phocas,
l'administration est confie l'exar-
que
Gennadius et il
est
supposer
quetoutestcalme,car
nous ne trouvons rien
signaler
dans l'histoire de l'A-'
frique.
Sous
Hraclius,
le
pays est
toujours paisible
et
l'ordre est si loin
d'tre
menac,
que l'Afrique
four-
nit cet
empereur
de
nombreux soldats
pour
la
guerre
contra les Perses.
A
partir
de cette
poque,
des troubles renaissent.
B;o
H!STO!P.E DE LA KABYLIE AVANT 1830 i3i
648,
la
Tingitane
tait tombe entre les mains
des Goths
d'Espagne qui
bientt la dlaissrent et l'abandonnrent
aux
indignes
redevenus
indpendants
en
646,
le
gou-
verneur
Grgoire
s'attieavec tes
indignes,
et les liens
qui
unissaient,
faiblement il est
vrai, l'Afrique
et Cons-
tantinople
se trouvent
rompus.
Alors
qu'allait-il
ad-
venir de
l'Afrique ?
Ici se
pose
un
point d'interroga-
tion difficile
rsoudre,
si un vnement
capital,
l'in-
vasiou
arabe,
ne ft venue donner cette contre une
destination
et une existence nouvelles. Elle venait en
tout cas mettre fin la domination
Byzantine (647).
Bossuet,
dans le Discours sur l'histoire universelle,
dit Pendant
que
la
puissance
des Perses tait si bien
rprime,
un
plus grand
mal s'leva contre
l'empire
et
contre toute la chrtient. Mahomet
s'rigea
en
pro-
phte parmi
les Sarrasins
(622)
il fut chass de la
Mecque par
les Siens. A sa fuite commence la fameuse
Hgire,
d'o
les Mahomtans
comptent
leurs annes. Le
faux
prophte
donna ses victoires
pour
toute
marque
de sa mission. I! soumit en neuf ans toute l'Arabie de
gr
ou de
force,
et
jeta
les fondements de
l'empire
des
Califes. Tout
prissait
en Orient. Pendant
que
les
empereurs
se consument dans des
disputes
de
religion
et inventent des hrsies
(634-635)
les Sarrasins
pn-
trent
l'empire
ils
occupent
la
Syrie
et la Palestine
(636),
la Sainte Cit leur est
assujettie
la Perse
(637)
leur est
ouverte
par
ses divisions et ils
prennent
ce
grand royaume
sans rsistance. Ils entrent en
Afrique
(647)
en tat d'en faire bientt une de leurs
provin-
ces.
Ce fut en effet cette
poque que
commena
la
dp-
mination
arabe
et
l'irruption
des hordes
~natiqjtjtes
qui
venaient
prcher
la nouvelle doctrine,
la
religion
de
Mahomet,
les Csars de
Byzance
ne
pouvaient op-
poser qu'une
administration affaiblie et
corrompue,
qu'une population
mcontente et
puise par
des luttes
intestines.
La
premire
invasion des arabes en
Afrique
date de
648,B(iustekhaUfat d'Othman;
une seconde ta suivit
,bMotten664;
eHCnen 681
ap.
J .C.
(t'an62derhgire)
LA
BABYMB
iaa
Sidi Okba, gouverneur
pour
le Khalife
J zid,
soumit
compltement le
Maghreb. Cinq
annes
plus tard,
Car-
thage prise par
Hassan Bbn Noman tait dtruite et ne
devait
plus
renatre de ses ruines
(686 ap
J .
C).
Cependant,
au dbut,
les Berbres
opposrent quelque
rsistance cette nouvelle invasion. Nous les
voyons
en
effet,
barrer le
passage
Sidi
Okba,
lorsque
ce der-
nier revient avec trois cents hommes seulement du
Maroc.
Attaqu
avec
nergie
et dans
l'impossibilit
de
se
dfendre,
Sidi Okba dit ea
prire,descendit
de
cheval,
brisa le fourreau de son
pe
et se fit tuer en dfendant
chrement sa vie. L'auteur de cette rvofte tait
Koceila,
qui
avait t reconnu chef
par
toutes les tribus da
1ouest. Mais bientt une arme arabe vint
pour venger
la mort
d'Okba,
et Koceita
prit
dans une bataille. La
rsistance se concentre dans les
montagnes
de
t'Aurs,
et
une
femme,
la
Kanena,
qui
commandait la
puissante
tribu des
Djeraoua,
mit en fuite les Arabes
ayant
leur tte Hassan
(688-689).
Pendant
cinq
annes,
la Kahena.
gouverna
les Berbres. En
693-894,
abandonne
par
eux,
elle trouva la mort dans le Mont
Aurs,
un endroit
appel
Bir ei-Kabena, le
puits
de
la Kahena. Les Berbres se soumirent et embrassrent
l'islanisme, avec autant de facilit
qu'ils
avaient em-
brass la
religion
des
Romains,
le catholicisme.
Le fils
atn de cette femme
reut
le commandement des
Dje-
raoua et celui du Mont Aurs.
A cette
poque
les Berbres se
disputrent
la
posses-
sion de l'Ifrikia et du
Maghreb; Moua
ben
Noceir,
le
gouverneur,
les fit rentrer dans l'obissance.
Suivrons-nous
maintenant,
dans les nombreuses fi
transformations,
les sectes
religieuses qui pendant
tant
de sicles et
jusqu'
la
priode turque
vont nhercher
s'arracher mutuellement le
pouvoir
et la domination? P
Cette tche ne rentrerait
pas
dans le cadre
que
nous
nous sommes
trac;
aussi bien ne
jetterait-eHe
mme
pas
un
jour
bien
grand
sur l'histoire de notre
Kabylie.
t est
certain,
cela
est hors de doute
maintenant, qu'
toutes les
poques,
tes Befbres
duJ urjura ont prt
leur
concoure,
tantt
aux
uns, tantt
%M <mtrM,et
mSTOIRE DE
LA SABTME AVANT i830
IS3
presque toujours auparti qui pouvait
leur
assurer t'ia-
dpendance.
Mais il ne faut
pas oublier, que quels que
furent les
conqurants, quels que
furent les efforts de
ceux
qui
cherchaient la
victoire,
le sol mme du J ur-
jura
restait
inviol,
nul ne se
proccupait d'y
mettre le
pied,
et nul ne le tenta. Nous avons t les seuls
qui,
en
1857,
aient form et aient ralis cette ceuvre considre
comme la
ptu
hardie et la
plus impraticable.
L'histoire
du
peuple Kabyle,
dans le
pays
mme,
ne saurait tre
crite;
tout au
plus pourrons-nous,
dans
t'expos
d'ail-
leurs trs bref
que
nous allons faire des
priodes
arabe
et
turque,
noncer la
part que
les Berbres ont
pu pren-
dre aux
divers vnements de l'histoire
africaine.
L'invasion musulmane ne met
gure pius
d'un sieste
pour changer
l'tat
politique
et mme
l'aspect
du
pays.
Partout les Arabes ont. substitu des noms nouveaux
aux
appellations
romaines. Les
monuments,
les
glises
surtout,
sont
pills,
dtruits, incendis
et les nouveaux
conqurants
tirent
disparaitro
les traces de deux cent
quatre vingt
treize
glises piscopales.
La
tranquillit
reparut
souple
gouvernement
de
Moua
ben
Nocer
il
est vrai
qu'il emploie
les turbulents Berbres faire la
conqute del'Espa-gne
son successeur Mohammed ben
lezid russit maintenir cette trve. Mais bientt des
schismes et des
hrsies,
une sorte de
protestantisme
oriental,
vient ramener la discorde, et
pour
les Berbres
ce ne fut
qu'un prtexte pour
tcher d~devenir les mai-
tres et de
s'emparer
du
pouvoir.
Aux Khalifes Omniades vinrent succderiez Khalifes
Abassides
(~
et l'anarchie fut son comble. Heureuse-
mept
surgirent
dans ces dsordres deux
dynasties
afri-
caines
qui
ramenrent une
espce
d'unit le
Maghreb,
menac de se morceler en une foule de
petits
tats ce
sont la
dynastie
des Beni-Edris
(Kdrissites)~
et celle
des
Bni-Aghtab (Aghlabites).
La
premire rgna
Tlemcen
et
exera
son
pouvoir
surCeuta, Tanger,
et le
territoire des anciennes Mauritacies
Tengitane,
Siti~
fienne et
Csarienne. La seconde eut
pour sige
de son
(1).
On
appela Khalifes,
tes vicaires ou
successeurs
de Mahomet.
LA EABYUE i2A
empire Kairouan,
puis
ensuite Tunis. Pendant cette
p-
riode,
les dissensions ne
manquent pas,
mais toutefois
l'unit ne fut
plus
menace.
Ces deux
dynasties
firent
place,
au IX"
sicle,
celle
des
Fathimites,
dont ie rle fut si considrable
par
la
suite. La
croyance
sur
laquelle repose la puissance
des
Fathimites,
mrite
ta~peine
d'tre
expose
ici. L'un
des principaux points
de ia
croyance
des
chiites,
une
secte importante
de
l'islanisme,
est de
regarder Ali,
le
gendre
du
Prophte,
comme son successeur immdiat
et
lgitime.
Il est vrai
que
Abou
Bekr,
Omar et Othman
prcdrent
Ali dans les fonctions de
Khalife,
mais -cela
importe peu
et cela
n'empche
en aucune
faon que
la
souverainet ne doive
appartenir qu'aux
descendants
d'Ali. Or de cet Ali descendent en
ligne
directe douze
imans,
dont le
dernier,
d'aprs
une tradition admise
parles
orthodoxes
eux-mmes,
a
disparu
t'ge
de 122
ans
pour
ne
pas
devenir la victime de ses ennemis.
Cet
iman, qui s'appelait
Mohammed
el-Madhi,
vit en-
core
aujourd'hui
et
c'est lui
qui
doit
apparattre
dans le
monde avant la fin des
sicles,
aux cts de J sus et
d'Elie,
pour
runir tous trois en une seule nation tous
les
peuples
de la terre. Il est facile maintenant de se
Bgurer quel
parti
certains audacieux ont su tirer de
cette
croyance.Et
le
premier
de ceux-ci fut ie Fathimite
ObidAUah.U
prtendit
descendre d'Ali
et tre par suite
le fils de Fathma le
Prophte, qu'Ali
avait
pouse.
H
gagna, grce
cette
gnalogie
tant soit
peu improvi-
se,
de nombreux
partisans
chez les Berbres et la
~te d'une
arme
put
vaincre ses ennemis.
Les Fathimites
transportrent
en
Egypte
leur rsi-
dence, sous
la
conduite de
Moaz-el-Din-Illah,
petit
fils
d'Gheid AHah.
Moazconna.iegouvernament
de
l'Afrique
unefarniHesenhadja,
mais la tribu berbre des Zenata
~(les Kabyles)
furent froisss de cette
suprmatie
accor-
~deauxSeahadja,
etaidreEtdaass&rvotte AbouYzid
a
l'homaM
r&ne H
tandisqu'un
de leurs
chefs, Ziri,
se
dciaratt
indpendant
et fondait la
dynastie
des Zi-
rites.
Cette
nouwSHe
dynastie 8t$ientt place &ceUede$
HISTOIRE DE LA KABYLIE AVANT 1830 i~'
Almoravides
(vers
1050
ap. J . C.),
fonde
par
Abdallah
ben Yasim. Le successeur du
premier
Almoravide fut
le cthre
Youcef-ben-TachSn,
qui
un moment se
trouva la tte d'un Etat
comprenant l'empire
actuel
du
Maroc,
une
grande partie
de
l'Algrie
et les
plus
belles
provinces
de
l'Espagne
(l'Andalousie,
Grenade,
Malaga
et
Svitte) .Youef
mourut en l'an 406 de
l'hgire.
AuxAtmoravidps succda la
dynastie
des Almoha-
des,
issue comme la
premire
des tribus Berbres. Son
premier
chef fut Abou Abdallah Mohammed
qui
avait
t reconnu comme et-Mahdi en S15
de
l'hgire (il21
deJ .
C.).
L'anne
prcdente
il avait
soulev les
Kabyles,
tesBerbres.contretesAfmoravides.SonsuccesseurAbd-
el Moumen fut !e
reprsentant
le
plus
ittu~tre des races
berbres
qui rgnrent
sur
l'Afrique.
Son
empire
s'-
tendit
du
Maghreb depuis
Barca
jusqu'
l'Ocan Atlan-
tique
il avait en H5i
ap.
J . C. enlev
Milianah, Alger,
Bougie,
Bne
etConstantineauxBeni-Hammed, princes
de la famille de Zirites
qui
en taient
les matres. Abou
Yaeoub
Youef
el
Mansour,
le
gtorieux,
son
Sis,
eut
pendant
vingt-deux
ans
l'empire d'Espagne
et
l'empire
d'Afrique -gouverner,
et il avait sa cour dans les deux
pays.
Les
longs sjours
d'Abou Yacoub et de ses suc-
cesseurs en
Andalousie,
dit M.Wahi,
les
obligrent
d'abandonner des
oualis
ou lieutenants
presque
ind-
pendants,
les
gouvernements
de
Tlemcen, d'Oran,
de
Bougie
et des autres centres
de leur autorit en
Afrique.
Ce fut une des circonstance't
qui
de
)oinprparreat)es
voies la ruine des Almohades. Mais ce
qui
dona le
signal
de la dcadence des Almohades
et
qui
brisa l'u-
nit de leur
empire,
ce fut la
perte
de
lagrande
bataille
de
Tolosa,
sous
le rgne de Mohammed Abou-Abdallah,
surnomm
El-Naer,
fils et successeur
de Yacoub. Al-
phonse
IX brillait de
rparer
sa dfaite d'Alarcos
(
la
suite de cette
victoire,Abou
Yacoub Youef el
Mansour,
s'tait
empar
de
Seville, Calatrava, Gaudalaxara,
Ma-
drid et
Escalona).
Instruit de ses
dispositions,
Mohair-
med el
Naer
donna des ordres
pour qu'on
se
dispost
la
guerre
sainte. Six cent mille musulmans
rpondi-
rent cet
appel,
et
depuis
longtemps
le
Djehad (guerre
LA KABYLIE
126
sainte)
ne s'tait annonc d'une manire aussi formida-
ble. De son
ct,
le
pape
Innocent Ht avait fait
prcher
une croisade
pour repousser
les ennemis de la chrtient.
De nombreux chevaliers
franais, allemands, italiens,
vinrent s'unir
auxttoupes d'Alphonse
LX. Les deux ar-
mes se rencontrrent dans les
plaines
de
Tolosa,
au
pied
de la Sierra Morna. Les musulmans furent mis
dans une
complte
droute,
et
d'aprs
le
rapport
de
plusieurs
historiens et mme de tmoins
oculaires,
deux
cent mille
pfirent
sur le
champ
de
bataille,
tandis
que
la
perte
des chrtiens fut
insignifiante. (Les
Arabes ont
donn cette bataille le nom de
El-Akhab,
c'est -dire
journe
du
cb&timent). Quoiqu'il
en
soit,
cette victoire
de la chrtient contre les forces runies de tous les
peu-
ples
musulmans de l'ouest
marqua
le commencement
de la dcadence de l'islanisme
enEspagne.
Les
progrs
des princes
chrtiens ne s'arrtrent
plus,
et
l'Europe
occidentale,
qui
avait eu tant souffrir de l'invasion
arabe,
dans la Pninsule et dans le midi de la
France.
fut
dfinitivement dlivre des alarmes
auxquelles eUe
tait sans cesse en
proie.
Le
drapeau
musulman ne se
releva
pas
de cet
chec,
et la
puissance
des Almohades
en fut branle
jusque
dans ses fondements
La fin de cette
dynastie
donna naissance celles
i des Beni Mrin dans les
provinces
de
Fez,
du
Maroc,
de
Mekneah
2" des Beni Hafez dans la
province
de Tu-
nis
3 et des Beni Zian
Tlemcen,
dont le territoire
comprenait
alors la
plus grande partie
de
l'Algrie.
Pendant tout ce
temps,
il n'est
pas question
des Ber-
bres du
J urjura
ils se trouvaient certainement en
dehors de tous ces
changements,
de toutes ces modifica-
tions de
gouvernement,
tels
que
nous les trouverons
dans les
quinze premires
annes
qui
ont suivi notre
occupation, n'attirantpoint
sur eux l'attention et
n'ayant
point
l'air de se
proccuper
de notre
voisinage,
venant
mme tantt s'enrichir dans nos t"ansactions commer-
ciales,
tantt combattre nos cots en vue d'un butin.
L'heure allait
cependant
sonner o la domination
Arabe aurait vcu.
L'Espagne, pour
se
venger
des d-
faites
qu'elle
avait
jadis
esauves,
vint
jusque
sur
(e~
HISTOIRE DE LA KABYLIE AVANT 1830 427
ctes africaines
s'emparer
de
MetiUa,
de
Mers-et-Kbir,
d'Oran. En 1509 le cardinal Ximns laissait a l'amiral
Pierre de Navarre le soin d'tendre la
conqute
da l'Es-
pagne.
Ce dernier fit voile sur
Bougie
et s'en
empara
sans
coup
frir.
Alger, Dellis, Mostaganem, Tlemcen,
et
mme Tunis offrirent au
vainqueur
leur soumission et
s'engagrent
lui
payer
tribut
(1510).
La domination
espagnole
semblait devoir succder
la domination
arabe. Les
Espagnols
avaient construit
sur un roc isol et formant ite devant
AIge~'
un fort
qui
devait leur assurer la conservation de leur
conqute
mais la
rigueur qu'ils dployrent
vis--vis des habi-
tants de la ville entraina ceux-ci se soulever. En 1516.
lors de la mort de Ferdinand le
Catholique,
Satem-ben
Toumi.chef
du
pays des Bni Mezghana
dont
Alger
tait
la
capitale,
demanda un
pirate clbre, Aroudj,
!e
premier
Darberousse,
son assistance
pour
chasser )'s-
pagne
de la Terre Africaine.
Avec
Aroudj commena
la dernire
priode
avant
notre
occupation,
la
priode turque (1813-1830).
Que
devint la
Kabytie pendant
les 315 ans
que
la do-
mination
turque
maintint la
Rgence d'Alger
en son
pouvoir ?
Hado.l'historien
espagnol qui
dans son
Epi-
tome de los
)-f;/M
de
~?'~e~
nous a laiss le document
le
plus complet
de la
priode
des soixante-dix
premires
annes de
t'Odjeac,
nous dit
que, pendant
la
plus grande
partie
du XVI"
sicle,
le
corps
Kabyle
des Zouaoua for-
mait le tiers de la
garnison
de la ville
d'Alger. Mais,
la Grande
Kabylie
n'tait
point
soumise un
impt
rgulier
et il est bien certain
que
la domination
Turque
ne
put s'y
exercer. Tous les deux ans
cependant
les chefs de Kouko et de
Kalaa,
offraient un
prsent
d'une valeur de
quatre
cinq
cents
ducats,
en
change
duquel
ils recevaient des armes de
prix
et de riches
vtements
N
(de
Grammont,
Histoire
d'Atger,
sous la
domination
turque).
Ce n'tait l
asaurmertpas
un
paiement d'impt,
et la
Kabylie
restait,
demeurait in-
dpendante, prte
tous If
coups
de
main,
et rservant L
ses services ceux
qu'elle
voulait favoriser. C'est
ainsi
que
de
temps
en
tecaps~
dans
)'ht6t8tre
de cette
LA
KABYLIE 128
poque,
nous trouvons mentionn le nom de
Kabyles.
Ce n'est donc
point
l'histoire de leur
pays
intrieur, ce
ne sont
point
les faits
que
se
passaient
dans leurs
montagnes, que
nous
pouvons
citer l un mur
imp-
ntrable et infranchissable met un obstacle
complet
nos recherches et nos
investigations.
Et il faut nous
contenter
de suivre
simplement
et de loin en loin le
mouvement
du
peuple Kabyle
en dehors de son
pays.
En
1541, l'Empereur Chartes-Quint,
mu
par
les
plaintes
de ses
sujets
et
plein
de dilance remontre
de la
puissance barbaresque,
dont l'extension devenait
un vritable
danger pour
tous les riverains de la Mdi-
terrane,
vint avec son armada
pour s'emparer d'Atger.
Il
comptait
sur certains
aliis,
rsidant dans la
rgence,
et notamment surAhmed ben el
Kadi,
sultan de
Kouko,
qui
s'tait laiss
gagner par Abdallah,
fils de l'ancien
roi de
Bougie,
et
auquel l'Espagne
servait une
pension.
Mais,
le
Kabyle
Ahmed ben el
Kadi, ayant appris
le
dsastre de la flotte de
Charles-Quint,
jugea prudent.
de
ne point quitter
sa
montagne.
Cependant
<
aussitt
dbarrass
des
Espagnols, Hassan-Aga,
se mit en de-
voir de
punir
le sultan
de Kouko, dont
il connaissait les
intrigues
avec les vaincus. A la fin d'avril
1542,
il mar-
che sur la
Kabylie
avec une arme d'environ six mille
hommes: Ahmed ben el
Kadi,
etray,
demanda son
pardon
et l'obtint
prix d'or;
il
s'engagea
payer
tri-
but et donna en
otage
son
fils aln,
g
de
quinze
ans,
qui portait
le mme nom
que
fui.
(de
Grammont,
His-
toire
~)'). Hassan-Aga
rentre dans la vie
prive
et nous ne trouvons
pas
de trace nous
permettant
d'-
tablir
que
le sultan de Kouko et
rempli
sa
promesse.
En
1550,
nous
voyons
huit mille
Kabyles
comman-
ds
par
Abd-el-Aziz, sultan de Labez
(Beni Abbs)
se
joindre
aux
troupes qui
mirent en droute les Marocains
et les
repoussrent
de
Ttemcen jusqu'
la
Ma!oua
la
valeurdes
Kabyles,
le
courage
d'Abd el
Aziz,
leur
chef,
qui
un moment fut forc de faire violence Hassan
Corso
pour l'obliger
livrer
bataitte,
avaient assur le
succs de ce beau fait d'armes.
En
1552,
tes chefs de
Touggourt
et de
Ouargla, ayant
HISTOIRE DE LA KABYLIE AVANT 1830
~9
refus le
paiement
du
tribut,
Sala
Res,
alors
Beglierbey
d'Afrique,
tt marcha
contre eux avec 3000
mousquetai-
res,
mille
spahis
et huit mille auxiliaires
kabyles
commands
parAbd-et-Aziz.
Il
pritTuggourt d'assaut
au bout de
quatre jours
de
sige, conquit Ouargla
sans
rsistance,
chtia durement les habitants de ces deux
villes,
fit
payer
une amendenorme aux deux chefs r-
volts, reut
la
soumission du
Souf,
et
reprit
la toute
d'Alger
avecun immense
butin,
quinze
chamem char-
gs
d'or et
plus
de
cinq
mille esclaves
ngres
des deux
sexes;
les vaincus furent astreints un nouveau
tribut,
auquel
ils ne cherchrent
plus
se drober. La
msin-
telligence
ne tarda
pas clater entre le Beglierbeyet
le chef
kabyle;
celui-ci,
mcontent r'" la.
part qui
lui
avait t alloue sur les
prises
faite dans le
Sud,
se
trouva bientt en butte aux
soupons
des Turcs et fut
dnonccommerebeUe
par
son ancien ennemi Hassan-
Corso,
qui ne pouvait
lui
pardonner
le ddain avec le-
quel
il l'avait trait en
i550,
lors de la
campagne
du
Maroc. I) fut mand
Alger
et
log
au
palais
de la J e-
nina o l'on avait
l'arrire-pense
de s'assurer de sa
personne:
il en eut
avis,
se sauva cheval
pendant
la
nuit, et,
arriv dans la
montagne,
ouvrit immdiate-
ment les
hostilits, commenant
ainsi la lutte la
plus
longue,
la
plus
dure
que
les
A)griens
eurent
jamais
supporter
en
Kabylie.
Sala marcha contre
lui,
en
dpit
de la mauvaise saison
dj
bien
avance
il le battit
dans une
premire
aSait'e sur la
montagne
de Boni. El
Fectel,
frre
d'Abd-el-Aziz,
fut tu dans le
combat,
mais il avait
empch
tes Turcs de
pousser plus
avant
leur victoire. Dbarrass de
l'ennemi,
le sultan
kabyle
fortifia
Kalaa,
et se fit des allis dans le
voisinage
au
retour du
printemps,
Sala fit marcher contre lui son fils
Mohammed,
avec mille
mousquetaires, cinq
cents
spa-
his et six mif)e cavaliers auxiliaires: la bataitte
s'enga-
gea prs
de
Kataa
les Turcs furent
envelopps et
vain-
cus,
et les dbris de leurs
troupes
eurent
beaucoup
de
peine
regagner Alger.
L'anne
suivante,
ils voulurent se
venger
de cette d-
faite
par
une nouvelle
expdition,
commande
par
Si-
tLA <CA6TU
130
nan Rets el
Ramadan,
la tte de trois ou
quatre
mille
hommes. Abd-el-Aziz fut de nouveau
vainqueur
il at-
teignit
l'ennemi sur l'Oued el-Lhm et en fit un terrible
massacre on dit
que
les deux chefs de
l'expdition
purent
seuls
regagner
M'sila avec
quelques
cava)'ers.
(De
Grammont,
mme
ouvrage).
En
1S58,
trois mille
Kabyles
se
joignent
aux
janis-
saires du
Beglierbey pour chasser
les chrtiens de Bou-
gie
cette
vii)e,oMige
de
capituler,
vit la foi
jure
vio-
le et
le
pillage
et la
prise
de nombreux
captifs
offri-
rent encore
une fois un riche butin aux Turcs et ie~rs
auxiliaires
indignes.
On le voit,
les
Kabyles
ne
ngligeaient
aucune occa-
sion de
guerroyer, quand
ils devaient en tirer un avan-
tage
aussi
lorsque Hassan-ben-Kheir-ed-Din, fut
nom-
m
pour
la seconde fois
Beglierbey d'Afrique,
il
com-
prit
qu
avait
besoin d'un
appui
dans
l'intrieur
et
pour
se
mnager
cet
appui,
il
pousa
la fille du sultan
de
Kouko,
Ahmed ben el Kadi cette alliance
d'auteurs
tait
sage
un autre
point
de
vue,
car le sultan de
Labez, Abd-el-Aziz,
se dclarait
indpendant
et ne r-
vait rien moins
que
de se crer un Etat dont
Bougie
serait devenue la
capitale.
Quand
ce dernier
apprit
l'alliance du
Beglierbey
avec son
rival,
!e sultan de
Kouko,
il
s'empara
aussitt des
bordj
de
Medjana
et
de
Zamora,
dont il massacra les
garnisons.
a Toute la
Kabylie
fut en feu
pendant prs
de deux ans et le dbut
de la
campagne
fut cruel
pour
les
janissaires, qui
fu-
rent battus
deux fois de suite et
impitoyablement
mas-
sacrs. Au mois de
septembre
1359,
Hassan sortit d'Al-
ger
la tte de six mille
mousquetaires
et six cents
spa-
his, auxquels
vinrent se
joindre quatre
mille
Kabyles
de
Kouko;
Ahmed
ben-el-Kadi,
avec le reste de ses
contingents, devait,
au moment de
faction,
envahir le
territoire des Beni Abbs. Le chef de
ces derniers avait
runi au-dessous de Kalaa une arme de seize dix-huit
mille
hommes,
et
pris
l'initiative de
t'attaque, qui
fut me-
ne assez
vigoureusement pour jeter pendant
un instant
le dsordre
parmi
les
Turcs;
enfin,aprs
quelques heures
d'un combat
incertain,
Abd-el-Aziz
ayant
t tu d'un
HISTOIRE DE LA tt~BYH AVANT 1830 i3l
coup
de
feu,
ses
troupes
se dbandrent. Le lendemain
elles s'taient rallies
peu
de distance sous le com-
mandement de
Mokrani,
frre du
dfunt,
que
la con-
fdration venait de reconnatre comme souverain. La
lutte
recommena,
et le nouveau chef se mit faire la
guerre
aux
Algriens,
ia
guerre
d'embuscades,
laquelle
se
prle
si bien la
configuration
du
pays.
Les envahis-
seurs
perdirent beaucoup
des leurs dans une srie de
petits engagements quotidiens, qui
les lassrent et les
puisrent
d'au tant
plus qu'on
entrait dans la mauvaise
saison,
si dure dans ces
montagnes. Sur
ces
entrefaites,
Hassan
apprit que
le Chrif se
disposait
envahir la
province
de l'Guest et
que
le roi
d'Espagne
assemblait
une nouvelle
armada;
ces nouvelles
l'engagrent
of-
frir Mokrani des conditions de
paix
fort
acceptables,
et le chef
kabyle s'engagea
recevoir l'investiture du
Beglierbey,
et lui
payer
un faible tribut annuel, sous
forme de
prsents. (De
Grammont,
mme
ouvrage).
N'est-il
pas
vraiment curieux de constater
chaque
pas,
cet
esprit
minemment
pratique
du
Kabyle, qui
le
pousse
aussi bien la
paix qu'
'a
guerre,
suivant
qu'il
espre
un
butin,
ou
qu'il
redoute un insuccs? Et com-
bien de fois ne
ferons-nouspas
cesmmes constatations
pendant
les trente
premires
annes de notre
occupa-
tion ?
Douze mille
Kabyles
des Zouaoua et des Beni Abbs
prennent part
en ao&t 156~
l'entreprise projete
con-
tre Oran et Mers-el-Kebir
par
le
Beglierbey
Hassan.
En
1569,
sous le clbre
Beglierbey, Eutdj Ali,
six
mille
Kabyles prennent part
t'expdition
dirige
con-
tre Tunis. Nous retrouvons mille Zouaoua en 1578 fai-
sant
partie
de
l'expdition
contre le Maroc.
Sous le
gouvernement
des Pachas triennaux
(de
1589
1659)
les
Kabyles
restrent
presque
tout le
temps
en
tat d'insurrection. Ds la l~' anne de cette
priode
(1589)
les Beni Abbs se
rvoltent,
ils refusentde
payer
l'impt; par
l'intermdiaire
d'un marabout
vnr,
voyant qu'ils
ne
pourraient
tre
victorieux,
ils firent
demander la
paix qu'ils
obtinrent
moyennant
le
paie-
ment des frais de
guerre.
En
1892,
nouvelle iBsurree-
LA KABYUE 132
tion des
Kabyles,
ils
battent les Turcs et viennent blo-
quer
Medah. Trois ans
aprs (1595)
les
Kabyles
rvol-
ts
couprent
la route
aux Mahallahs
qui
furent
obligs
de faire un
long dtour,
pour porter
secours la
gar-
nison de
Constantine; et ce fait
se renouvellera d'ailleurs
souvent;
en
outre,
les
indignes
de la
province
orientale,
encourags par
une
impunit force;
ne voulurent
pas
leur tour
payer
le tribut et l'obissance. L'anne
i598
prsenta
encore
le
spectacle
de faits
plus graves.
Les
Kabyles
vinrent
ravager
la
plaine
de la
Mitidja
et
camper
dans les
jardins
de Bab
Azoun
ils
bloqurent
Alger pendant onze jours.
Une sortie
faitepar
les Turcs
et habilement
dirige
les
contraignit
s'loigner.
En
1600,
soutenue
par l'Espagne,
la
Kabylie
rvolte
inflige
Soliman une dfaite
fomptte
l'anne
suivante,
elle
mit en droute ce
mme
pacha
devant
Djemma Saharidj.
Mais dans
toutes ces
rvoltes,
nous n'oublierons
pas
que
les
Kabyles n'agissent que
dans le but de s'enri-
chir,
o de
s'exonrer d'un
impt:
viennent les chr-
tiens,
et leur
haine
fanatique
les feront servir demain
ceux
que
la veille
encore ils ne cessaient de combattre.
Et voici un
exemple frappant
de ces
trop
vifs et
trop
frquents
revirements
d'esprit, qui
eux seuls suffi-
raient
lgitimer
notre
conqute.
Un
Franciscain,
le P.
Mathieu,
qui
avait t
longtemps captif
Kouko
et
y
avait
acquis
la faveur des
chefs,
leur
persuada
de
consentir un
dbarquement
Mers-et-Fhm
ils de-
vaient livrer comme
place
d'armes le
petit
fortin de
Zeffoun,
occup
en ce
moment
par
Abdallah,
neveu du
sultan de
Kouko
celui-ci,
s'tant assur de recevoir
cinquante
mille
cus,
s'tait
engag
donner son fils
en
otage.
Soliman Pacha fut inform de l'affaire
par
quelques
espions,
et fit circonvenir
Abdallah,
moiti
prr menaces,
moiti
par promesses. Le jour
o le vice-
roi de
Mayorque (c'tait pour
ce vice-roi
que
le P. Ma-
thieu avait
ngoci)
arriva avec
quatre galres
montes
par
un bon nombre de vieux
soldats,
it lui fut fait du
rivage
de
grandes dmonstrations
d'amiti. Le P. Ma-
thieu
dbarqua
avec
plusieurs
officiers et une centaine
d'hommes
mais ne
voyant pas
venir
l'otage promis,
il
HISTOIRE DE LA KABYLIE AVANT <830
i33
8
conut quelques soupons.
Abdallah chercha en vain
l'entraner dans le
fortin,
o le fils du
chef,
lui
disait-il,
se trouvait.
Enfin,
voyant qu'il
se
disposait
regagner
son
navire,
il se
jeta
sur lui et le
massacra,
ainsi
que
tout son monde les
galres s'empressrent
de
gagner
le
large,
et les
Kabyles portrent
les ttes des chrtiens
Alger,
o ils
furent,
dit le P.
Dan,
frustrs de la r-
compense promise
.
(De Grammont, mme ouvr.)
Les
Kabyles,en 1608, essayrent
de vendre
l'Espagne
Mers-el-Fhm,
mais leur
projet
fut
djou,
car le
Pacha, averti, envoya
aussitt une
garnison
dans cette
place.
Deux ans
plus
tard,
les Zouaouas
ravagrent
la
Mitidja
Mustapha
Koua
les mit en droute et russit
s'emparer
de Kouko,
<dontles abords taient
occups
par
les Turcs
depuis
1606;
suivant leur
tactique
habituelle,
les
Kabyles s'empressrent
de demander
l'aman;
on le leur accorda.
Sous Kosrew
Pacha,
1625,
les
Kabyles disputrent
celui-ci le
passage
du chemin de
Constantine,
mais ils
furent vaincus. Ils n'attendirent
pas longtemps pour
reprendre
les armes, car en
1628,
toute la
Kabylie
tait en
pleine
rvolte.
L'anne 1628 fut encore trs malheureuse
pour
l'Odjeac.
Les
Kabyles
refusrent de
payer l'impt.
Mourad
Bey,
la tte de six mille hommes,
marcha
contre
eux,
mais les Turcs furent
compltement
battus
Guedjal
et les dbris de leur arme
reprirent
en
dsordre la route
d'Alger
et durent sans doute faire un
grand
dtour car la
Kabylie
du
Djurjura
leur tait
ferme,
rvolte
qu'elle
tait
depuis plusieurs
annes
dj,
et
groupe
autour de celui
qui prenait
le titre de
sultan de
Kouko,
Ben-Ali. L'anne suivante
(1639)
les
Turcs voulurent recommencer la lutte et
essayer
de
prendre
leur
revanche,
mais ils ne
purent
russir et
se
virent obligs
de souscrire aux conditions suivantes
imposes par
les
Kabyles
1 abandon de ce
qui
tait
d sur
l'impt
2 retour immdiat et
par
le chemin le
plus
court
Alger;
3 reconstruction du bastion de
France
4 amnistie
pour
les Coulourlis. H est
pr-
LA XAt~Mt!
~4
sumer
que
tout au moins cette dernire clause ne fut
pas
excute
par
le
Divan,
une fois
que
les
janissaires
furent hors de
pri)
car c'est cette
poque qu'il
faudrait faire remonter la fondation de la colonie des
Zouetna,
et ce fut dans
cette
colonie
que
les Coulourlis
furent renferms. Aussi les
Kabyles,
blesss
par
ce
manque
de
parole,
continurent-ils les hostilits dans
le
Djurjura.
De 1641
1643,
!a rvolte
Kabyle
prend
une
grande
extension. Le
pacha
Yousef,
qui
dirigea
une
expdition
contre les
insurgs,
fut fort maltrait et revint sans
succs,
aprs
avoir subi de
grosses pertes.
Une autre
expdition
suivit le mme sort.
Quand
et comment
prit
fin !a rvolte de
Kouko ? il est difficile de donner une
rponse
bien
satisfaisante,
mais il est vraisemblable de
dire
qu'elle
cessa vers la fin de 1643 ou le commence-
ment de
1644;
en effet en cette mme anne Moham
med Pacha
put
retirer ses forces et en
disposer pour
se rendre dans la Province de Constantine afin de
combattre l'insurrection des tribus du Hodna.
Ne,serait-
it
pas
aussi vraisemblable
d'accepter
la version
suivante,
qui pour
nous est
pleine
de vraisemblance. En
1644,
Ali-Bitchnin,
un des res les
plus
influents
Alger,
s'allia aux
Kabyles,
et
pour
assurer son
pouvoir,
lui
qui
rvait de se rendre
indpendant
et de se dbarras-
ser de la
mitic.avait
pous
la fille
du sultan de Kouko,
union
qui
lui assurait ds maintenant le concours des
Berranis
Kabyles,
alors fort nombreux
Alger.
Cette
alliance n'avait-eite
pas natureitementpour
effet de sus-
pendre
momentanment les hostilits entre la
Kabylie
et
t'Odjeac ?
Nous ne serions
pas loign
de le croire
et en tous
cas,
notre
supposition repose
sur une donne
srieuse
qui peut
la
justifier. D'ailleurs, lorsque
Bit-
chnin fut
oblig,
dans cette mme anne
1644,
de cher-
cher un
refuge
contre ses ennemis
personnels,
il se re-'
fugia
Kouko,
chez le
sultan,
son
beau-pre,
et
Alger,
tout le monde
pensait
voir revenir Bitchnin la
tte d'une arme
Kabyle.
Il n'en fut
rien,
il est
vri,car
Bitchnin russit
apporter
assez
d'argent
tgrpor
M'ttvoif
plus
redouter ttue
YN~eMe
(jttefconqu?.
HISTOIRE DE
~A ~~T!,tE
AVANT 1830
4~
Aux Pachas avaient succd les
Aghas,
mais
toujours
la
t~abylie
tait
en
rvolte,
refusait d~
payer l'impt,
et, depuis
l'embouchure
du Sebaou
jusqu' Bougie,
re-
connaissait
pour
mir
indpendant
Si Ahmed
ben
Ah-
med,
qui
rsidait
Tamgout.
D'ailleurs les
Kabyles
taient
toujours prts
la lutte
aussi
bien
pour que
contre
Alger.
Un
vnement
d-
montre
jusqu'
l'vidence ce
que
nous
nonons.
Lais-
sons la
parole
M. de
Gramn~ont, qui,
ce
sujet,
nous
donne les dtails les
plus
exacts
et les
plus
prcis.
Le
conseil
Royal
avait dcid
l'occupation
de
Djijelli
(pour
mettre un terme
aux
pirateries
dsolantes des Al-
griens)
a et
les
prparatifs
avaient
t faits
pendant
le
printemps
de 1664. Le 19
juillet,
le duc de
Beaufort
paraissait
devant
]a
cte de Barbarie avec soixante
btiments,
dont
seize vaisseaux de
guerre,
douze na-
vires, vingt-neuf barques
de
transport,
et un
briot,
t'arme
de
dbarquement
tait
d'environ
sept
mille
hommes,
sous
tes ordres du
comte de
Cadagne.
Le
21,
la flotte mouilladeyant
Bougie
t il fut un instant
ques-
tion
de
s'emparer
de cette ville,
qui
se trouvait com-
pltement pourvue
de
dfenseurs
c'tait ce
qu'il y
avait de
prfrable
tous
gards
et l'on ne
peut pas
comprendre que
les
chefs
de l'arme aient cd
l'op-
position
du chevalier de
Clerville,
qui
fut le
mauvais
gnie
de
l'expdition, depuis
le commencement
jusqu'
la
fin.Le
22 au
matin,
on
jeta
l'ancre
devant
Djijelli,
dont on reconnut les
abords;
le
lendemain,
le dbar-
quement
fut
effectu,
et
la
vitle
prise aprs
un combat
assez vif. Ds le
surlendemain,
les
Kabyles attaqurent
le
camp,
et les deux mois suivants s'coulrent en es-
carmouches
journalires.
Pendant
ce
temps,
les Turcs
sortaient
d'Alger,
et faisaient demander le
passage
aux
indignes
ceux-ci Bottant entre la
rpulsion que
leur
inspirait
le chrtien et la
haine sculaire
qu'ils
nourris-
saient
contre
l'Adjem,
taient
fort
hsitants,
et le
gn-
rat eut
pu,
avec
un
peu
de
diplomatie,
les faire
pen-
cher
en
sa
faveur. Mais le
dsordre le
plus complet
r-
gnait
dans le
commandement
dp l'arme
on ne
faisait
~tt
~'Ht~,
et tp
tempu
e'~eoutatt en
<es d~cur
LA KABYLIE
136
sions et en vaines
quereiles.
Le mal venait de la
cour,
o les
pouvoirs
de chacun n'avaient
pas
t bien dfi-
nis
Cadagne
se considrait commele matre absolu des
oprations
de
terre, et,
n'osant
pourtant
pas s'opposer
ouvertement au duc de Beaufort, traduisait son
dpit
par
le silence et
l'abstention
le
marchal de
camp
La Guillotire donnait des ordres comme s'il n'avait
pas
eu de
chef;
enfin
Clerville,
vritable fauteur de toute
cette
anarchie, intriguait
tantt d'un
ct,
tantt d'un
autre,
dpensant
cette funeste
besogne
le
temps qu'il
aurait d
employer
fortifier le
camp.
Ce
personnage,
qui
avait t
adjoint
l'expdition
en
qualit d'ing-
nieur en
chef,
trs
probablement charg
d'une surveil-
lance occulte,
esprait
obtenir la concession des
comptoirs
de Stora et de
Collo,
o il
voyait
la source
d'une immense
fortune
il avait fait
partager
ses rves
M. de la
Guillotire,
et ii t'entra'na dans
l'opposition
qu'il
fit toutes les mesures
qui
eussent sauv la situa-
tion. Il avait
dj.
en
interprtant
sa
faon
les ordres
royaux, empch
la descente
Bougie
a
que Gadagne
offrait de
prendre
en huit
heures*,
il avait
nglig
dessein d'assurer les
lignes, s'opposant
mme ce
que
les autres officiers
y
fissent
travaitfer;
si bien
que,
le
jour
de
l'attaque suprme
des
Turcs,
plus
de trois mois
aprs
ie
dbarquement,
les soldats n'taient
pas
encore
couverts hauteur de
poitrine et que
les
vingt premiers
coups
de canon de l'ennemi dtruisirent les
ouvrages
bauchs
peine.
Enfin, aprs
avoir
rpt
cent fois
<
que
les retranchements taient inutiles et
que
les la-
vandires de l'arme suffiraient dfendre le
camp'
i
il fut le
premier
donner
t'exempte
de la dmoralisa-
tion et conseiller la retraite sans combat. Tout cela
semble
prmdit par
lui,
et l'on
peut
croire
qu'il
dsi-
rait voir chouer la tentative de
Djijelli,
dans
l'espoir
qu'elle
serait
reprise
sur un des
points
o il
esperait
s'enrichir.
Cependant
les Turcs avaient obtenu le
pas-
sage. Quelques prsents
aux
principaux chefs,
les
pr-
dications du marabout
S;di-Hamnud,
sans doute chre-
ment
achetes,
la
profanation
d'un cimetire dont les
matriaux servirent la
construction d'un
petit
fortin
HISTOIRE DE LA KABYLIE AVANT 1830 137
8.
amenrent ce rsultat. Les
janissaires
arrivrent le 1~
octobre,
et
aprs quelques tirailleries, attaqurent,
le
5
quatre
heures du
matin
l'action dura
cinq
heures
et fut trs
chaude
elle se termina
par
la retraite des
Algriens qui
eurent 700 hommes tus ou hors de com-
bat. Les
Kabyles
se
moqurent d eux,
et
projetrent
mme un instant d'aller
piller
leurs tentes.
Avions-nous tort de dire il
n'y
a
qu'un
instant
que
le
Kabyle
sait faire
volte-face suivant les vnements ?
Mais aussi n'est-il
pas juste d'ajouter que
la
dplorable
attitude des
chefs,
cette rivalit dans les divers
pou-
voirs,
sont aussi fort
critiquer ?
Et combien de fois
depuis
1664,
n'avons-nous
pas
eu
dplorer
de sem-
blables faits?
De cette
poque
1692,
nous ne trouvons rien dire
sur les
Kabyles.
Est-ce dire
qu'ils
s'taient soumis ?
Non,
car les
impts qu'ils
devaient verser arrivaient
peu
ou n'arrivaient mme
pas
dans les caisses de l'Od-
jeac.
A cette dernire
poque,
nous constatons
qu'un
con-
tingent Kabyle (Zouaouas)
vient
grossir
la
troupe
du
Dey
Chaban, dirige
contre le Maroc.
Quand
la
troupe
tur-
que
revint
Alger,
elle dut livrer dans les rues un com-
bat
sanglant;
les
Kabyles,
excits
par
le
bey
de
Tunis,
s'taient allis avec les Baldis et avaient rsolu de chas-
ser
la Milice. On
gorgea quatre
ou
cinq
cents
insurgs
et
leurs tribus durent
payer
un
grand impt
de
guerre.
En
1718,
la
Kabylie
se rvolte de rechef: elle se re-
fuse
payer l'impt
il est vrai
qu'une
famine
pou-
vantable
ravageait
la
Rgence,
et cette famine fut telle
qu'on
vendit, dit-on,
de la chair humaine au march.
Les
Kabyles
descendirent dans la
plaine qu'ils ravag-
rent,
et dtruisirent le
Bordj
Menael. Cette insurrection
dura
plus
de trois
ans;
elle cda la
vigueur que
d-
ploya
Ali
Khodja,
cad de la
Mitidja,
les
Kabyles
du-
rent s'enfuir au del de l'Isser. L'insurrection
se rveilla
en
1734,
et les
Kabyles ayant empch
le
passage
des
routes,
occasionnrent une famine terrible
Alger,
les
bls ne
pouvant plus
arriver dans cette ville.
Toujours
remuants,
les
Kabyles
refusent sans cesse
14
KABTUE ~38
de
payer l'impt cependant
ils sont assez calmes
jus-
qu'en juillet 1757,
pour qu'on
n'ait
pas
relever une
insurrection
proprement
dite. Mais cette
poque,
ils
s'emparrent
de
Bordj Boghni,
le dtruisirent de fond
en comble.
Bordj
Bouira est
l'objet
de leurs
attaques
au mois d'aot de la mme anne
1757,
et
jusqu'
l'an-
ne
suivante,
ils se livrrent au
pillage
des
campagnes
environnantes.
Dix ans
plus
tard
(1767)
les
Kabyles
se rvoltent de
nouveau. L'insurrection
commena
par
la. dfection des
Flissas, qui
refusrent de
payer l'impt
une
troupe
de
janissaires
fut
envoye
contre
eux,
mais elle se fit infli-
ger une sanglante
dfaite. Trois cents Turcs
y
trouv-
rent la mort. Le
Dey
accusa
l'Agha
de lchet et sans
autre forme
de
procs
le fit
tranger.
Le
Khodjet
el
Kheil
Et Ouali le
remplaa
et se
dirigea
l'anne sui-
vante vers
l'ennemi avec 4000 soldats et 12000 hom-
mes des
contingents
de Titeri et d'Oran. Le
Bey
de
Constantine,
dit M. de
Grammont,
appuya
le
mouve-
ment en
marchant sur
Stif
car toute )a
montagne
tait
en feu et
plus
de
quarante
mille
Kabyles
mar-
chaientsous tes ordres du marabout Si Ahmed ou-Saadi.
Le combat
s'engagea prs
de
Amnouch
l'arme
a!g-
rienne fut
crase,
perdit
mille deux cents
Turcs,
trois
mille hommes des
goums,
son
gnra)
et ses
bagages.
Elle fut
poursuivie jusque
sous les murs de la ville !es
vainqueurs
se
rpandirent
dans )e Sahel et dans la Mi
tidja qu'ils dvastrent, coupant
les
routes,
et enlevant
les convois de
bl,
ce
qui
amena une terrible disette.
En
1769,
le
Dey Mohammed,
fit
partir
une nouvelle ex-
pdition
dont le chef
reut
t'ordre de ne
pas trop
s'en-
gager
et de se borner
occuper
des
positions solides
cette habile combinaison
produisit
de bons
rsultats
les
montagnards,
bloqus
leur
tour,
se
virent en
proie
la
famine. et la discorde se mit
parmi eux
les
Flissas et les Maaktas se rurent les uns contre les au-
tres,
et cette
guerre
civile dura environ
sept
ans. Au
mois de
juillet 1712,
les tribus de la
montagne
de Bli-
dah et
celles de Isser demandrent la
paix
ep octo-
bre
1713,
le
Bey
de
Constant<ne
apaisa
)estrqnbtM du
HISTOIRE DE LA KABYLIE AVANT i830 139
Hodna et
envoya Alger
soixante
ttes,
quatre
eeats
paires
d'oreilles et
cinquante prisonniers.
Telle fut la
fin de cette insurrection
pendant laquelle
Alger
avait
eu subir une anne de
scheresse,
une invasion for-
midable de
sauterelles,
trois tremblements de
terre,
et
les dvastations commises
par les
Turcs rentrs de
cap-
tivit.
En
1774,
la
guerre
sainte,
le
Djehad <,
est
prch
en
Kabylie par
des Marabouts sous l'ordre du
Dey,
pour repousser
une
attaque
des
Espagnols.
Cette
guerre
sainte russit et les <
potes
clbrrent l'envi ia
gloire
des combattants du
Djehad
les
Kabylestaient
du nombre.
Les
Kabyles
rvolts
depuis quelques
mois furent en
janvier
1790 battus
par l'Agha
des
Spahis;
mais l'insur-
rection continua
quand
mme,
et
pendant
unan,
on
put
craindre un soulvement
gnral.
Il
y
avait
dj quelque temps que
la
Kabylie
n'avait
fait
parler
d'elle,
lorsqu'en
1804,
elle se souleva sous
la conduite de Mohammed ben Abdallah ben
e!
Harche,
marabout
marocain,
qui
russit rassembler
plus
de
soixante mille
Kabyles, pour
tenter l'assaut de Constan-
tine. Mais sans ordre et sans
discipline,
i!s furent vite
repousss par
le Caid
Hadj-Ahmed-ben-Labiad
et Os-
man
Bey.
El Harche ne se tint
pas pour battu,
il se r-
fugin,
dans le Hodna o il forma de nouveaux contin-
gents.
Osman
Bey reut
l'ordre de marcher contre
lui,
malheureusemeut il
engagea
la lutte chez les Beni Fer-
guen,
sur l'Oued
Zhour,
sans aucune
prcaution.
Il
fut
bientt
envelopp par
les
Kabyles,
et succomba
avec
cinq
cents Turcs et son
goum.
Le
Dey dsigna
alors Ah-
dallah-Bey pour rparer
cette dfaite. El Harche fut
battu
par
iui Mila et dut
s'enfuir;
pendant que
)e
Res Hamidou svissait contre
Djijelli.
L'anne sui-
vante vit renaitre
l'insurrection,
et les
Kabyles
voisins
de
Bougie
vinrent d'ailleurs sans
succs mettre le
sige
devant cette
ville,
conduits
par
El
Harche,
aid
par
le
Marabout Ben-Barkat. Peut-tre le
pouvoir
d E) Harche
se ft
tabli,
si ses
dprdations
et les dsordres
qui
se
commettaient n'eussent fait rvolter
quelques-uns
de
LA KABYLIE
140
ses auxiliaires et de ses voisins. Ainsi les Ouled
Mokran,
s'attirent
aux
Turcs,
et lui
infligrent
une srieuse d-
faite d'abord
prs
de
Stif,
puis
Rabta,
o il trouva
la mort
(1807).
El Harche
disparu,
un de ses
prtendus
neveux,
Mohammed
ben Abdallah,
releva le
drapeau
de
l'insurrection,
et
pendant
quatre
ans lutta
presque
sans
trves
Mustapha Bey, charg
de le
poursuivre,
le fit
prir grce
une embuscade dresse
par
Si-Amokran.
Quand
le
Bey
de
Tunis,
Hamouda.
dirigea
une
exp-
dition contre
Constantine,
les Flissas
empchrent
tes
troupes d'Alger
de marcher contre les
cinquante
mille
Tunisiens commands
par
le Kiabia, Soliman. Le
Dey
dutpariemeuter
avec eux et l'on dut
payer
et acheter
fort cher leurs chefs.
Quant
tout fut
rgt,
les
Kabyles
se
joignirent
alors aux Turcs dans
l'espoir
d'avoir
part
au butin. Soliman et les Tunisiens furent
battus,
et l'es-
praace
des
Kabyles
ne fut
pas
due
le butin fut
norme et le
Dey reut quarante
mules
< charges
d'o-
reilles . Mais
quelque temps
de
l,
les
Kabyles ayant
eu ce
qu'ils
dsiraient,
abandonnrent les Turcs a'u Kef
et rentrrent chez
eux,
suscitant ainsi
ces derniers un
grand
embarras
qui quelques jours aprs
occasionnait
leur dfaite.
En i8i0. nouvelle rvolte des
Kabyles qui
les amne
battre le
camp
de l'Est. Rentrs chez
eux, les Kabyles
restentquetquesannespeuprs calmes,
mais de i8i8
i82< l'insurrection est
complte. Le bey
de Constantine
Ahmed russit
aprs quelques
annes obtenir leur
soumission
peine
deux annes s'taient elles cou-
tes
qu'il
failut de nouveau recourir la
rpression
et
la lutte. Le motif d'ailleurs de cette nouvelle efferves-
cence est assez curieux. L'an des fils deSidiAhmed
Tedjani,
Mohammed
el Kebir,
appuy
sur de nombreux
serviteurs
religieux,
avait dctar son
indpendance,
et rsistait dans An
Madhi
Yahia
Agha, charg
de
lui
imposer
l'obissance,
voulut
joindre
son arh:e
les
goums
des
Amraoua;
ceux-ci dclarrent ne devoir
le service rjititaire
qu'en Kabylie
seulement il
y
eut
ce
sujet
un conflit
qui
embrasa tout le
pays.
Les
Guetchoula
prirent
les armes et dtruisirent
Bordj-
HISTOIRE DE LA KABYLIE AVANT 1830 141
Boghi.
Mohammed ou Kassi battit Yahia devant Ma-
kouda,
?t se
disposait
agrandir
le terrain de la
lutte,
quand
il fut traitreusement
assassin, en 1820,
Bordj
Sebaou. Ce meurtre n'tait
pas
fait
pour apaiser
les
troubles
en
1823,
les tribus voisines de
Bougie
atta-
qurent
les
Turcs
les Beni Abbs
occuprent
les Bi-
bans, que
Ben Kamuun eut
beaucoup
de
peine
leur
faire
abandonner
il leur brla douze
villages,
en aot
1824. Yahia
fondit sur eux avec mille
janissaires
et
huit mille
goumiers,
et leur brla trente
villages;
cette
fois ils demandrent
l'aman,
ainsi
que
les Beni
Djen-
nad,
que l'Agha
venait de razier fond. Mais la r-
volte continuait sur l'Oued
Sahel,
et le 28
octobre,
les
insurgs
massacraient le Cad turc. L'anne
suivante,
Yahia se
prsentait
devant Kala avec une forte
colonne,
battait de nouveau les Beni
Abbs,
et incendiait tout
sur son
passage;
cette dure
leon
ne les
empchait pas
de recommencer en
1826 l'Agha
les traita encore cette
fois avec sa
rigueur
accoutume,
apaisa
les troubles du
Bellezma,
et installa dans son commandement le nou-
veau
Bey
de Constantine <.
(Histoire ~er,
de Gram-
mont).
Nous avons termin maintenant cette
tude,
un
peu
longue,
mais
que
nous avons
juge utile,
pour
bien
montrer
quelle
fut de tout
temps
l'attitude des
Kabyles
indpendants
ou du moins
prtendant l'tre,
ils ces-
saient d'tre neutres et devenaient
combattants,
l o
il
y
avait un butin
faire,
quel que
ft d'ailleurs celui
qui
les
appelait
au combat. Et-il t
politique,
de
iaisser dans
l'Algrie
un
peuple
aussi
belliqueux,
aussi
remuant? Et avait-on le droit d'crire comme on l'a
fait, que
la
conqute
de la
Kabylie
tait une
guerre
in-
sense, impraticable
et
impolitique?
Nous ne J e
pen-
sons
pas,
et le
lecteur,
aprs
avoir constat dans ce
deuxime livre les
phases
si nombreuses d'insurrec-
tions et de rvoltes, de dfections et de
trahisons,
ne
~aurait
tre,
il
nous
semble,
d'un autre avis.
LIVRE III
mSTQIR~PEP!J ]S LA. qONQU~TE(183Q) J USQU'EN
1871
5ans entrer
dans
des
dtails htstorigues
fort
longs
et
antrieurs
1830,
il est
cependant
utj)e de
rappeler
1)
ta mmoire du lecteur
les faits
importants
qu~
nous
Srent
prendre possession del'A)grie,et
par
sutfe,
nous
eptra!nrent
a conqurir
la
~abyiie.
Tout
le
monde
sait
que)Ie pirater'e
exerga{ent )es
~)griens dans le
si~e
dernier et
au cpmmencemenf
de ce)uL~-ci.
Quoique
f'~igrie f<tt
p'ace
sous
la
domi-
oation
turque~
p'eta.~t
en
vain
que
)es nations
europ-
ennes rpclatnatent du Sultan la reddition des
esclaves
que
tes aorsaires retenaient
dans
Aiger QH
la
rparation
desYQlsetdes
dommages que ceu%-ci
faisaient
sut)ir
aux navires
s'exposant
dans la
Mditerrane,
quel
que
ft d'aiHeurs ieur
pavillon.
~n 1817, nous
faisions
un trait
qui
nous
remettait
en
possession
de la CaDe et nous accordai }e mpno-
pple
de ta
poche
du corail. On
avait
st{pu!
uno rede-
vance
annueUe
de 60
000 francs )a
prennre
et
la se-
conde annes, }e6 engagements, pris
envers nous,
furent
excuts,
mais
pendant
la
tro~sime anne, arbitraire-
ment ef sans
que
nous ayons
pu
nous
fa;re rendre
jusr
tice.
la
redevance fut leve cta sp}xante mitle & deux
centnulie francs.
En
18i8
up brick franea~,
pris par
!e
grps
temps,
fut
jet
ta
CjOte
prs depjCtpe. I~es Habitants de cett
viMe
s'empressrent de
venir
pt}~r
ce bernent/et ~os
rciamations & ce
sujet
ne furent
pas pt~s
out~es
qua
celles que naus
C.e suje.!
n~fijre.lJ ~ PII,/iP. lij/
Q9ptes
qQ.tl
ceUes
que
nous
avtpns
fprmu~e
en
t9l7,
En
1823,
on viole le domicile de notre
agent
consu-
laire
Bne,
sous le
prtexte
de faire des recherches
retatives
ia contrebande.
Il va sans dire
qu'on
ne
msTOtR ME LA C~
(1830-1871)
i~
trouva rien et
qu'on
n'accorda aucune
rparation pour
ce
procd
injurieux
et vexatoire.
Quelque temps aprs,
des btiments
romains, por-
tant te
pavillon
franais,
pavillon que
nous avions aloM
accord au
Saint-Sige,
sont
capturs
et
pitis.
Toute
rclamation fut vaine.
De tels
procds
devaient ncessairement veiller
notre
susceptibilit
et en
1~27, une
dernire insulte
faite M.
Deval,
notre consul
Alger,
devait mettre
le feu aux
poudres.
Le
Dey
avait,
par
l'entremise de
notre
consul,
envoy
une lettre Charles X. Dans une
runion
qui
eut lieu
quelques jours plus
tard,
]e
Dey
demanda ]~t. Deval te motif du silence du roi. Notre
consul laissa
comprendre
au
Dey que
le roi avait autre
chose faire
que
d'entamer des
ngociations
avec un
dey d'Alger.
Ce dernier se
dpartant
de son calme et
de sa froideur
ordinaires,
frappa
notre consul au
visage
d'un
coup
d'ventail
plumes.
M. Deval se retira aus-
sitt
d'Alger
et la France dclara le blocus
du port
de
cette
ville mesure,
dont se soucia d'ailleurs fort
peu
le
Dey.
A ce
moment,
la France ne
songeait pas
faire un6
conqute
elle voulait
que
la Mditerrane devint sre
pour
la
navigation,
et
pour
arriver
ce rsultat,
elle
proposa
aux
puissances
intresses dfaire
occuper
Tunis,
Alger
et
Tripoli par
Mehemet
Ait,
pacha
d'E-
gypte,
dont le
gouvernement
aurait
prsent plus
de
garantie
que
celui
qui
existait alors.
L'Angleterre
ne
voulut
point
accder ce dsir. La
France, qui
avait
alors
beaucoup
souffert des
ranons,
des Vo)s et des
esclavages qu'on
avait
pratiqus
sur ses
nationaux,
rsolut de faire une
expdition
sur les ctes
d'Algrie.
L'Angleterre,
ce
moment,
devint furieuse et mena"
~ante
et curieux
spectacle, pendant que
t
gouverne-
ment de l Porte ne faisait aucun obstacle cette ex-
pdition,lui cependant qui
avait seul un intrt direct a
maintenir sa
possession
en
Afrique,
~Angleterre
s'muf
outre mesure. Devant notre attitude ferme et
qui
et
ncessit une vritabte
guerre,
si
l'Angleterre
eut sou-
fntf s~
prtentions,
ceff-ct n'insista
pas
et se
rgna:
LA KABYUB i44
Ds
lors,
on
s'occupa
vivement en France de
prparer
la
prochaine expdition.
Le 25 mai
i830,
tous les
pr-
paratifs
tant
achevs,
l'on mit la voile
et bientt l'on
ne
voyait plus
Toulon,
lieu du
dpart.
Le 28 on
passait
devant
Majorque
et l'on continuait la
route sur l'Afri-
que, lorsque
le 30 un fort
gros temps ob)igea
la flotte
trouver un abri. On mit alors le
cap
sur Palma et
jusqu'au
10
juin,
on dt rester en
inaction. Ce
jour,
10
juin,
on
put reprendre
la marche et le
12,
on
aper-
ut ia
terre africaine. Le
13,
la flotte dfila devant la
ville,
doubla le
cap
Caxine etse rendit dans les
parages
de
Sidi Ferruch,
cinq
lieues
d'Alger.
Il
y
avait l tout
au
plus
une centaine d'Arabes: Le
dbarquement
se fit
le
14,
et aussitt
commena
une srie de
combats,
les
i5, 17,18,19, depuis Staoufi jusqu' Alger,
dans les-
quels
nous emes le succs.
Alger, voyant
notre marche
rapide,
se dcida
ca-
pituler,
et la convention
prliminaire
suivante fut ar-
rte.
lo L'arme
franaise prendra possession
de la ville
d'Alger,
de la Casbah et de tous les forts
qui
en
dpen-
dent ainsi
que
de toutes les
proprits publiques,
de-
main 5
juillet
1830,
10 heures du
matin,
heure
franaise.
2" La
religion
et les coutumes des habitants
seront
respectes.
Aucun militaire de l'arme
franaise
ne
pourra
entrer dans les
mosques.
a 3 Le
Dey
et tous les Turcs devront
quitter Alger
dans le
plus
bref dlai. On leur
garantit
la
conservation
de leurs richesses
personnelles.
Ils seront libres de
choisir le lieu de leur retraite.
Le divan ou conseil du
gouvernement
du
Dey
fut
convoqu
et lecture lui fut donne de ces
dispositions.
M. Bracewitz nous raconte
l'impression que
8t cett
dclaration sur le
Dey
et sur les Turcs. A
peine
avait-il
lu l'article
premier qu'une
rumeur sourde se fit aus-
sitt entendre.
Quand
le silence se fat
rtabli,
il donna
connaissance de l'article
deuxime,
qui
fut
reu
avec
des
marques d'approbation.
Mais l'article troisime eut
le don de me:, en fureur tout
l'entourage
du
Dey.
HISTOIRE M LA KABYLIE
(1830-1871)
US
9
M. Bracewitz entendit
prononcer contre
lui des menaces
de
mort;
il
regarda
le
Dey,
comme
pour
lui
rappeler
ce
qu'il y
aurait
craindre,
si une violence
quelconque
tait
tente
ce
dernier,
trs froid et trs triste
imposa
le silence ceux
qui poussaient
des cris de
rage
et
montraient leurs
poignards.
Les Turcs finirent
par
se
rsigner,
et le chef de la
Rgence
et les ministres
signrent
tous la
pice
sui-
vante
t
Article premier.
Le fort de ia
Casbah,
tous les forts
qui dpendent d'Alger
et le
port
de cette
ville,
seront
remis aux
troupes franaises
ce matin
dix heures
(heure franaise).
Article deuxime. Le
gnral
en chef de l'arme
franaise s'engage
envers S. A. le
Dey d'Alger
lui
laisser la libre
possession
de toutes ses richesses
per-
sonnelles.
Article troisime. Ls
Dey
sera libre de se retirer
avec sa famille et ses richesses dans le lieu
qu'il
nxera:
et tant
qu'il
restera
Alger,
il
sera,
lui et toute sa fa-
mille,
sous la
protection
du
gnral
en chef de l'arme
franaise.
-Une
garde
lui sera donne
pour
la sret de
sa
personne
et de sa famille.
Article
quatrime.
Le
gnral
en chef assure tous
les soldats de la milice les mmes
avantages
etla mme
protection.
<
Article
cinquime.
L'exercice de la
religion
maho-
mtane restera libre. La libert des habitants de toutes
classes,
leur
religion,
leurs
proprits,
leur commerce
et leur industrie ne recevront aucune atteinte. Leurs
femmes seront
respectes
le
gnral
en ~hef en
prend
l'engagement
sur 1honneur.
<
Article sixime.
L'change
de cette convention sera
fait avant dix heures et les
troupes
franaises
entreront
aussitt
aprs
dans la Casbah et successivement dans
les autres forts de la ville et de la marine x.
Dans la
matine,
le
Dey
fit demander un sursis de
deux heures
pour
la
remise d'Alger
aux mains du
g-
nral en chef. Ce dlai lui fut
accord,
et nos
troupes
ce
prr possession
de la ville
que
vers midi.
LA
RtpTLiN 146
Ainsi
disparut, aprs
trois sicles
d'existence,
le
gouvernement, l'odjeac,
fond
par
Barberousse.
Nous obtenions ainsi un heureux
rsultat;
nous en-
trions dans la
capitale
de
l'Algrie,
sans avoir eu
bombarder
et
saccager
ta
ville,
cela nous donnait
dj
de
grands avantages
d'un autre
ct,
nous trou-
vions,
soit en
espces,
soit en diverses
valeurs,
une
somme de
cinquante-cinq
millions six cent
quatre-vingt-
quatre
mille
cinq
cent
vingt-sept
francs;
c'tait beau-
coup
plus qu'il
ne fallait
pour
couvrir nos frais d'ex-
pdition,
car il nous restait un excdant relativement
considrable.
La reddition et
l'occupation d'Alger
eurent
pour
autre
rsultat de nous faire ouvrir les
portes
de
Bne,
te 2 aot
suivant, aprs
six ou
sept petites
tentatives
d'engage-
ment,
sans
importance,
ainsi
que
les
portes d'Oran,qui
se rendit le
24juiUet.
A
peine
tions-nous matres
d'Alger, que
la nouvelle
de la
chute
de Charles
X fut
apporte par
un navire
marchand
(le
15
aot).
Il
y
eut alors
parmi
ceux
qui
commandaient t'arme,
un moment d'hsitation.
n~voufait
soutenir
la
lgitimit,
et ce
sujet,
il se
passa
des faits
qui
dmontrent une fois de
plus,
com-
bien une ide
politique peut
entratner les meilleurs es-
prits
commettre
des fautes. Nous voulons
garder
toute
impartialit pour
raconter les vnements relatifs
cette <t hsitation s et nous laissons la
parole
un t-
moin
qui
ne saurait tre
suspect,
M. Plissier. Nous
empruntons
ses~MM~a~erteMM~le
rcit suivant:
@
< M. de Bourmont
(le premier gouverneur
de l'Al-
grie)
runit le i3 aot tous
les officiers
suprieurs
la
Casbah.
L,
ces messieurs s'excitant les uns les
autres,
reprirent,
il est
vrai,
un
peu
de
vigueur.
On
dit
que
des
pes
furent tires et
que
plus
d'un colonel
jura
sur le
fer de mourir
pour
la
lgitimit.
M.
de
Bourmont,
en-
tran
par
ses
fils,
braves
et
loyaux jeunes gens,
abso-
lutistes de bonne
foi,
partagea
un instant cet enthou-
siasme. Il fut en effet
question
de conduire l'arme en
Normandie
pour y
soutenir les droits de la famille
dchue. Une communication aussi absurde <ians le
fond
B)STO)M: DE
t,& KAPYUE (1830-1871)
i~7
que purile
dans la
forme,
transmise des ctes de Pro-
vence
par
le
marquis d'Alberta s,
avait donn
quelques
esprances
aux ennemis de la rvolution et fait
pencher
de teurct la cohue des
politiques expec' nts.
Le duc
d'Escars eut la froide
intrpidit
de mettre cette
pice
ridicule l'ordre de la 3 division on s'en
moqua.
Des ordres furent donns
pour
faire rentrer
Alger
les
troupes que
nous avions Bneet Oran. Le
g-
nral en chef
expliqua
cette mesure
parla
crainte d'une
prochaine rupture
entre
l'Angieterre
eL la France.
< M.
Desprez,
chef d'tat
major,
fut
charg
de sonder
les
dispositions
de l'amiral
Euperr.
Celui-ci
tergiversa
et
rpondit par
des
faux-fuyants,
travers
lesquels
ce-
pendant perait
un
esprit d'opposition
toute mesure
extrme. 11
promit
du reste de ne
point
arborer le nou-
veau
pavillon
avant l'arme de terre et
ajouta
<
qu'il
coulerait le navire
qui
oserait le hisser sans son ordre.
M. de
Bourmont,
sr de ne
point
tre
trop press par
la
marine,
se trouva
soulag
d'un
grand poids.
Son h-
sitation dura
jusqu'au
d 6 aot. Un
grand
nombre
d'officiers devait se rendre chez le
gnral
en chef et
le
sommer
d'arborer les couleurs nationales. La nou-
velle de ce
projet parvint
aux oreilles de Bourmont et
hta indubitablement sa dtermination. M. le
gnral
Hurel
se
prsenta
le
16,
au
soir,
la 3" division
qui
tait celle o il
y
avait le
plus
de fermentation et en-
gagea
les officiers
renoncer leur
projet,
leur disant
que
ce serait commettre en
pure perte
un acte d'insubor-
dination,
puisque
nous allions tre satisfaits. En effet
l'ordre du
jour qui
substituait le
pavillon
tricolore au
pavillon
blanc
parut quelques
heures
aprs
Le
lendemain,
sur le mle et sur la
casbah,
le dra-
peau
tricolore flotta
pour
la
premire
fois.
Le
gnerai
de Bourmont avait
espr
conserver son
poste,
mais il fut bientt remerci.
Dcourag par
cette
quasi
disgrce,
il s'enferma dans ses cantonne-
ments, quoique
le
Bey
de
Tittery
lui et dclar
la
guerre,
et
a laissa les Arabes de la
plaine
bloquer
l'ar-
ptee dans ses
lignes. (FilUas.).
Le 23
juillet,
l'arme
ff~c~sc s'tait
troue
attsqu~o p~r
dix
m;He Arabes,
LA AYLE i~8
au milieu
desquels
il
y
avait un
grand
nombre de Ka-
byles
nous ne
pmes
rsister assez
vigoureusement
ce
choc,
et l'effet
produit par
notre
peu
de succs en
cette occasion fut mauvais.
Au
gnra)
de
Bourmont succda le
gnral
Clauzel;
il
prit
son commandement te
2 septembre
1830.
Par
arrt du 1" octobre de la mme
anne,
il crait deux
bataillons
indignes
sous le nom de bataillons de zoua-
ves. Ce nom de
zouaves tait tir de celui de
a
Zouaouas
j',
tribu babitantles
gorges
les
plus recules
du
J urjura.
Les
zouaouas~
dit M.
Bibesco,
dans la
Revue des deux
mondes,
avril
d865,
forment la
plus
grande
confdration du
J urjura.
Ils
louaient jadis
leurs
services militaires aux
princes barbaresques
et avaient
la
rputation
d'tre les meilleurs fantassins de la R-
gence
de l leur nom donn aux deux bataillons de
zouaves
qui
furent crs
par
un arrt du 1~ octobre
1830 et
composs
d'abord de soldats
indignes
avec ca-
dres
franais.
Plus
tard,
les
indignes disparurent
d'en-
tre les
zouaves,
mais le nom de zouaves
restt,
et l'on
sait
qu'il
a
dj
fait le tour du monde.
L'histoire du i' de
zouaves, par
Descoubs,
nous si-
gnale
les nombreux traits de
courage
et d'hrosme
accomplis par
cette arme d'lite.
Nous laisserons de
cot,
partir
de ce
moment,
tout ce
qui
a trait
l'Algrie pour
ne nous
occuper
que
de la
conqute
de la
Kabylie
nous nous efforce-
rons donc de rtablir
par
ordre de dates tous les faits
concernant cette
conqute.
Tout d'abord nous devons
signaler
ici un vnement
qui
se
produisit quelques jours aprs
la
capitulation
d'Alger.
M. de Bourmont tait
gouverneur, lorsoue
le
3 aot
i830,
un
jeune
homme
originaire
de
Bougie,
nomm
Mourad,
se
prsenta
chez lui. CeMourad se
pr-
tendait le chef d'un
parti
trs
important
en
Kabylie.
Il
venait offrir de traiter de la soumission de cette con-
tre,
et demandait
pour
toute
rcompense
en raison du
service
qu'il
rendait ainsi notre
cause,
un
titre
de
caid
pour
lui-mme et un brevet de
capitaine
de
port
pour
un de ~es amie.
Ignorant
absolument,
et ce-
qc'e-
HISTOIRE DE
LA KABMJ E
(1830-1871)
i49
tait
la Kabylie,
et ce
qu'taient
les
Kabyles,
M. de
Pour-
mont
put
croire
que
l'offre de Mourad
tait,
srieuse
et
ralisable. Il fit donc armer un brick de l'tat
pour
le
tranpporter
avec
plusieurs
de ses affilis
Bougie.
A
peine dbarqu, Mourad,
soit
qu'il
se soit
exagr
la
disposition pacifique
de ses
compatriotes,
soit
qu'il
et
simplement
tent d'arriver au
pouvoir
en
s'ap-
puyant
sur l'autorit
franaise,
ne trouva
personne
prt
se
soumettre,
car bien au
contraire,
il fut mas-
sacr
par
les
Kabyles
et le brick dut
regagner prcipi-
tamment
Alger.
Cela tait fcheux toute
espce
de
point
de
vue,
mais ce
qui
le fut bien
davantage,
ce fut
l'inaction dans
laquelle
nous,restmes vis--vis de cette
attaque.
Les
Kabyles purent
croire
que
nous n'tions
pas plus
forts
que
les
Turcs,
et
pensrent que
s's nous
payaient, quand
ils le voudraient
bien,
un
impLc quel-
conque,
nous n'avions
plus
rien
exiger
d'eux. D'un
autre
ct,
ils restaient
toujours
les ennemis
pillards
et
cruels que
nous connaissions.
En
1831,
un brick de l'Etat iait
naufrage
sur la cte
de
Bougie, l'quipage
est entirement
massacr,
le na-
vire est
dpouill
de fond en comble.
En
1832, tef~oc~,
brick
anglais,
est insutt et il
doit
gagner
le
large pour
viter une
attaque.
Les An-
glais,
furieux de cet
vnement,
nous menacent de
prendre Bougie,
si nous ne
sommes pas
assez
capables
et assez
puissants pour
faire
respecter
le
pavillon
des
nations,
nos amies. Notre marine subit d'ailleurs le
mme
sort,
dans le courant de cette mme anne
1832
le
~fa?'MMtK,brick
de
guerre,
fut
attaqu;
et dut r-
pondre au
feu des
forts,
occups
encore
parles Kabyles.
Aprs
ces
faits,
le nouveau
gouverneur,
le duc de
Rovigo,
tenta la soumission de ce
pays
en entrant en
relation avec Si Sad-Oulid-ou-Rabah. Cet
homme,
habile,
astucieux et intress nous aurait certainement
desservi,
si bien vite et fort
heureusement,
l'on n'et
cess les
ngociations
avec lui.
Un homme de
Bougie,
nomm
Boucetta,
propose
alors
ses services. Le
capitaine
Lamoricire est
dsign
pour
partir
avec
lui.
foua deux viennent
Bougie,
bord
LA KABYLIE
iSO
du brick le Zbre,
ils descendent dans la
ville,
et Bou-'
cetta
peut
recevoir le
capitaine
Lamoricire chez
lui,
dans sa
propre
maison. Mais le bruit de leur
prsence
s'est vite
bruit
ils doivent tous deux
dguerpir
au
plus
vite,
se
rfugier
sur le brick et faire lever l'ancre.
En
prsence
de ces
faits,
d'une
gravit incontestable,
le ministre de la
guerre
dcida de
former,
Toulon,
un
corps expditionnaire,
tt fit mander en secret le mare-
chat de
camp Trzel,
chef d'tat
major,
le
capitaine
La-
moricire,
Boucetta et
quatre
des
concitoyens
de ce
dernier,
qui
avaient bien voulu
sejoindre
lui.
Tous,
sur l'ordre du
ministre,
se rendirent Toulon. L ils
trouvrent deux bataillons du 59" de
ligne,
deux bat-
teries d'artillerie, une
compagnie
de
sapeurs
du
gnie,
une section d'ouvriers d'administration et une
petite
escadre
compose
de la
Il'icloii-e, frgate,
t'At'MMe et
la
Ctrcc, corvettes,
le brick le
6,'y?)M.
et trois
gabarres,
l'Oise,
la OM)'anee et Carat'sKe. Ils
devaient,
avec ces
troupes,
se rendre directement
Bougie pour prendre
la
place.
On
appareilla
le 22
septembre 1833 Ie'29,
au
point
du
jour,
on entrait dans la rade de
Bougie.
Itexiste
Bougie une inscription commmorative
de
cet
vnement,
dit M.
Carette,
mais elle se trouve
pla-
ce dans un
lieu o il est difficile de la lire et mme de
la
voir,
c'est
pourquoi peu
de
personnes,
dans la ville
mme,
en connaissent l'existence. Comme elle
appar-
tient dsormais
l'histoire,
on croit devoir ta trans-
crire ici elle a t
copie par
M. le commandant ce la
Mare,
membre de la commission
scientifique
Ludovico
Philippo regnante
Et Trezel duce MDCCC
Franci hanc urbem Mari
agressi
vi armorum Barbaris
abstulerunt A. MDCCCXXXHI..
1
La dfense de cette ville fut
peu importante
les ha-
bitants se rendirent
presque
sans
rsistance,
mais les
Kabyles
des environs
reurent
nos
troupes
avec une-
vive fusillade. La nuit est
tranquille,
on croit les Ka-
byles loigns
il n'en est rien. GrAce
t'obscurit,
ils
sont entrs dans
Bougie,
se sont
glisss
dans les
jar-
dins,
dans les
ruelles,
et
lorsque
le
jour apparat,
30
septembre,
commence une v~ntaM
guefredea MM,
HISTOIRE DE LA KABtUB
(i830-18'7i)
151
qui
dure trois
jours
entiers. Enfin les
Kabyles,
las de
notre
rsistance, puiss par
le
combat, disparaissent.
Nos
troupes occupent
enfin la ville dans
laquelle
on
s'enferme. La surveillance tait trs
grande
elle occa-
sionna un accident
regrettable. Boucetta,
l'homme
qui
jusque-l
nous avait
loyalement
servi et
paraissait
bien
dispos
notre
gard,
fut tu dans la nuit du 2 ou 3
octobre
par
un factionnaire
qui, voyant
un
burnous,
crut la
prsence
d'un
Kabyle.
Ce mme
jour
3 octo-
bre,
dans une sortie habilement
dirige,
nous russ-
mes
prendre
des tours et des ruines
qui
existaient
autour de la
ville;
une
petite
colonne lance sur Gou-
raya
fut
oblige
de battre en retraite. Il fallait donc
avoir des renforts et ne
pas
rester sous le
coup
d'un
chec. Le 5
octobre,
le Croco~t/e et le
Ramier,
venant
d'Alger,
dbarqurent
dans le
port
de
Bougie,
le co-
lonel du
gnie Mercier,
un bataillon du 4" de
ligne,
deux
compagnies
du 2" bataillon
d'Afrique,
des muni-
tions et du matriel.
L'ennemi
occupait
le
village
de
Dar-Nassar,
le mou-
lin de Demous et les crtes du
Gouraya.
Ses
positions
taient excellentes, et
chaque jour,
c'tait de sa
part,
une srie
d'attaques
vraiment
fatiguantes
repous-
ser
c Chaque jour,
c'tait une fusillade nouvelle
soutenir tout le
long
des
remparts,
soit du ct de la
montagne,
soit du ct de la
plaine.
On se trouvait
comme
assig.
Le
gnral
Trzel arrte le
projet
d'une
vigoureuse
offensive. E!!e s'excute le i2 octobre.
b
(Daumas
et
Fabar).
Ce
jour !,
nos
troupes,
habilement
diriges,
russi-
rent merveille. Deux colonnes
partirent
avant le
jour,
elles
gravirent
les
pentes
du
Gouraya
et
s'emparrent
du marabout de Lalla
Gouraya,
sans
prouver
beau-'
coup
de rsistance de la
part
des
Kabyles,
fort
surpris
de notre audace et
peu
nombreux une heure aussi
matinale. Cette
position
devient
poste franais
et est
aussitt fortifie. Une autre colonne se
dirige
vers le
moulin de Demous deux mille
Kabyles
nous
y
atten*
dent. Le choc est
considrable
un
instant,
l'ennemi
parat prendre
le
deMM,
mais bientt eerr de trs
LA KABYUE 152
prs,
il est
oblig
de lcher
pied
et refoul
jusqu'
Dar-
Nassar.
Ce double succs nous donne
quelques jours
de tran-
quillit.
Nous ne sommes
l'objet
de nouvelles et
peu
importantes attaques que
le 25 octobre et le
premier
novembre,
pendant que
nous continuons tablir nos
travaux de dfense. Le 4
novembre,
l'ennemi revient
encore nous
harceler quelques coups
de canon bien
points l'loignent promptement.
Le commandant Duvivier est
dsign pour
com-
mander la
place
et maintenir nos
positions.
)
prend
le
commandement de l'effectif
qui
se monte trois mille
hommes. A son
arrive,
il trouve nos soldats
malades,
les
bestiaux dans un tat
dplorable.
Duvivier dcide
aussitt de
prendre
des
pturages
dans la
valle,
ainsi
le
btail
pourra
se nourrir et le soldat consommant
une viande
saine,
verra l'amlioration de sa sant.
Pour
arriver ces
fins,
on commence le blockhaus de
la
plaine.
Les
Kabyles ne
nous laissent
pas
en
paix
de
ce
ct
leurs
attaques
sont
frquentes,
mais
elles
sont
toujours repousses. Les principales
escarmouches du-
rant cette
priode
sont celles du 5 et du
6 janvier,
et
celle du
18 janvier
1834.
Le 2 mars
suivant,
on
dirige
une
reconnaissance.au-
tour du moulin de Demous. Le 5 ~u mme
mois,
une
colonne se
dirige
sur Kialna. La tribu des
Mzaas, qui
l'occupe,
est
oblige
d'vacuer ce
village.
Nos
troupes
y
mettent
le feu. La lueur de l'incendie tout la lois
consterne et rend furieux les
Kabyles.
Les i8,
19 et 20
avril,
quelques
escarmouches ont
lieu,
mais sans
grands
rsultats.
Le 25
avril,
nous
attaquons
les
villages
de
Dar-Nas*
sar etde
Gumra
ces
villages
tombent en
notre pouvoir,
ils sont aussitt incendis.
Le 29
avril,
un
groupe
assez nombreux de
Kabyles
occupe
le moulin de
Demous;
le colonel
Duvivier ~1 y
avait
quelque
temps
qu'il
avait
reu
ce
grade)
fait
charger
sur
l'ennemi,
le
disperse
et lui fait
quatre
pri-
sonniers.
Si
nous
tions
favoriss
au
point
de vue du succs
HISTOIRE DE LA KABTUE
(1830-187~)
{53
9.
militaire,
nous avions
beaucoup
dplorer
l'tat sani-
taire des
troupes.
Rduites un
trop petit nombre,
beaucoup
d'hommes valides devenaient
indisponibles,
car leur
prsence
tait ncessaire
pour soigner
les ma-
lades. Les
Kabyles,nous voyant tranquilles,
reprenaient
courage
le 8
mai,
le 5
juin,
ils vinrent nous
attaquer.
Mais nous nous contentons de les
repousser
sans les
poursuivre
cela accrut leur audace. Aussi le 23
juil-
let,
ils
pntrent
dans la
plaine que
nous
possdions,
nous enlvent 357 ttes de btail et tuent ou blessent
dix-huit de nos hommes. Cette razzia de bestiaux nous
causa un trs
grand mal,
car l'on dut avoir
recours,
pour
l'alimentation de nos
soldats,
aux viandes sa!es.
L'tat sanitaire devint de moins en moins bon. Le 13
aot,
nous
essuyons
encore le feu de
l'ennemi,
qui
en-
courag
par
notre
peu
d'offensive,
tente le 9 octobre
d'enlever nos
ouvrages
suprieurs.
Et il fautbien avouer
que
ce
jour,
ces
ouvrages
coururent un
grand danger.
Nos
gabions
furent
incendis,
et
lesKabytespntra'snt
dans la
place,
au moment
o, grce
la lueur de l'in-
cendie,
des obus mitrailles de l'artillerie mobile et du
camp suprieur
vinrent les
balayer.
Le 24
aot, le
poste
est en tel mauvais
tat,
et nos
troupes
sont si
fatigues que
l'on se demande si l'on
ne va
pas
tre
oblig
d'vacuer
Bougie.
Ces dcoura-
gements
avaient d'ailleurs
dj exist
au mois d'oc-
tobre
prcdent,
le
gnral
Voirol avait montr beau-
coup
de froideur au
sujet
de cette
expdition
de Bou-
gie )),
et mme avait mis l'avis de dlaisser ce
poste.
On ne voulut
pas cependant s'y
rsoudre cette
poque,
sans une nouvelle
enqute.
Le
gnral
Trezel
fut
envoy
Bougie
et ne conclut
pas
l'abandon.
Le nouveau
gouverneur,
le comte d
Erlon,
visita lui-
mme la
place
et voulut son maintien. Aussi les
op-
rations
reprirent-eDes
aussitt. Le 5
dcembre,
pendant
plus
d'une
lieue, on
effectue une
charge
sur les hauteurs
de Demous et dans la
plaine
environnante. Le
8,
une
reconnaissance est
dirige
surles deux rives de la Sum-
mam
pendant quelques
heures,
une vive fusillade re-
tentit,
et nous restons matres de la
place.
LA KABYME
1~
Ces diffrentes
oprations
mettaient notre discr-
tion les
villages kabyles
situs dans un
rayon
de
plu-
sieurs lieues.
Malgr
ces succs
certains,
cette marche
progressive
vers la
conqute
et la soumission de la
Kabylie,
on ac-
cueille
peu
favorablement les nouvelles de cette
exp-
dition
que
l'on
qualifie
de
excentrique
et sans but d-
termine <.
En janvier,
en fvrier et
en mars 1835,
il
ne se passe
rien mritant la
peine
d'tre
signal.
L'hiver est trs ri-
goureux,
etde
chaque
ct,
l'on ne fait aucune tentative
offensive. Ds le 1'
mars,
le colonel Duvivier
qui
com-
prenait quel
intrt nous aurions dominer la
plaine,
ordonna un
grand
dboisement vers les hauteurs du col
et l'ouverture d'un
grand
nombre de
passages
dans les
ravins et les fourrs. Nous
pouvions esprer
sur d'ex-
cellentes
oprations, lorsque
la mauvaise administra-
tion
suprieure
vint malheureusement tout
entraver,
tout
compromettre i
Malgr
les avis du colonel Duvivier
qui
recomman-
dait de se dfier de Si
Sad-Oubil-ou-Rabah,
et de ne
compter que
sur ses
propres
forces et sa
persvrance
pour
arriver mener bien cette
campagne,
un sous-
intendant civil
parvint
insinuer au
gouverneur gn-
ral l'ide de le
dsigner pour
tenter de
passer
un trait
avec ce
Kabyle
Si Sad-Oubil-ou-Rabah.
Ne connaissant en rien les murs de cette
contre,
le
gouverneur
eut la faiblesse de croire ce
que
lui
annonait
le sous-intendant
civil,
et sans
prvenir le
co-
lonel Duvivier consentit
envoyer
ce
personnage
une
confrence avec le
prlendu
chef des
Kabyles.
C'tait
contraire tout la fois aux
rgles
de la
guerre, qui
ne
veulent
point qu'aucune
communication soit faite avec
l'ennemi sans l'ordre du commandant du
corps
de l'ex-
pdition,
et aux biensances
qui
auraient
exig qu'on
en
prvint
au moins le colonel Duvivier. Ce fut un em-
pitement
de l'autorit civile sur l'autorit
militaire,
et
ds maintenant nous
pouvons
dire
que
les conflits de
cette nature n'ont
pas
t rares en
Algrie,
et
que
ce
fut l une des
causes les
plus
snenses d
notre
dtfB-
HISTOIRE DE LA KABMJ E
(1830-1871)
1SS
culte arriver
promptement
une colonisation efficace
et relativement facile.
Laissons MM. Daumas et Fabar la
parole
ils nous
raconteront exactement
quelle
fut la mission de ce sous-
intendant civil et
quelles
furent les suites de cette con-
frence tente
par
ce fonctionnaire.
<
Le bnficiaire de cette sincure
imagina,
sans
doute
pour
se rendre
utile,
d'entrer en relations avec
Si
Saad-Oubii-u~-Rabah,
par
l'intermdiaire du bou-
giote
Medani. Le 27
mars,
il
s'embarqua
en
compagnie
de ce dernier sur un canot du
port, pour
aller un ren-
dez-vous du chef
kabyle.
La confrence
commenait
peine
sur les
grves,
l'embouchure de la
Summam,
qu'elle
fut
interrompue
coups
de fusils
par
des Ka-
byles opposants.
Une
petite
collision s'en suivit,
et les
gens
d Oulid-ou-Rabah
couprent
deux ou trois ttes
leurs
agresseurs.
Pendant ce
temps
le commissaire
royal,
fort
effray, regagnait
la
rage
son
embarcation,
et
malgr
les instances du scheikh
qui
lui
montrait,
comme
preuve
de sa bonne
foi,
les
trophes sanglants
du
combat,
il n'en voulut entendre ni voir
davantage.
Or le thtre de cette confrence avorte se
trouvait,
comme on
sait,
sous les
yeux
de
Bougie.
On en distin-
gua parfaitement
tous les
dtails
le commandant
su-
prieur
en fut instruit de
suite
il fit courir une em-
barcation au devant de celle
qui
rentrait,
et le
ngocia-
teur fut conduit
bord du
Liamone, brick-stationnaire,
comme
inculp d'intelligences illgales
avec
l'ennemi,
crime
que
nos lois
punissent
de la
peine
de mort <.
< Mais l'tonnement devint
extrme,
quand
on eut de
plus amples
informations. Il rsulta d'une lettre offi-
cielle
que
le
gouverneur
mme avait autoris
directe-
ment cette
ngociation
clandestine,
l'insu du com-
mandant
suprieur.
La
dignit
de
celui-ci,
les moindres
notions
politiques
ou
militaires,
ne
pouvaient
tre m-
connues
plus
gravement.
Le
pis
fut
qu'on persvra
dans cette
voie,
et
qu'on
sacrifia tous les
principes
J 'espoir
d'un trait de
paix quelconque.
Le colonel du
gnie
Lemercier vint
Bougie
avec la mission
sp-
ciale d'en
poser
tes bases.
LA KABYLIE
186
<
Ici
on ne sait vraiment
pas
ce
qu'il
faut admirer
davantage,
de l'insolence du chef
kabyle qui exigea,
pour premire
condition. le
rappel
du colonel Duvi-
vier,
ou
de la faiblesse du
gouverneur franais qui put
prter
l'oreille une ouverture semblable. Grce au
ciel, l'apparence
fut un
peu
sauve
sur ces
entrefaites,
le commandant
suprieur qui
blmait la
ngociathn
dans le fond comme dans la
forme,
et dont la
suscepti-
bilit se trouvait fortement
mue,
demanda du service
en France. Il
remit,
le H
avril,
le commandement
pro-
visoire de
Bougie
au colonel
Lemercier,
et
quitta
cette
ville le
14,
aprs
un
sjour
de dix-huit mois
qui
avait
profit singulirement
sa renomme militaire
D (Dau-
mas
et Fabar,
la
Kabylie)
J .
Ce fut
pendant
ces derniers
jours, le
12
avril,
que
fut
conclu avec Si Sad-Oulid ou-Rabah un trait de
paix,
trait
qui
ne
fut jamais
excut en
quelque partie que
ce
fut,
et
qui
restera comme un monument curieux
d'ignorance
en ce
qui
concerne les
murs,
la
politique
et le
gouvernement kabyles. (Daumas et Fabar).'
Nous
croyons
d'ailleurs intressant
pour
le lecteur de
reproduire
ici le texte de ce trait.
Trait de Paix.
Entre son
Excellence
le
Gouverneur
gnral d'Alger
et de ses
dpendances,
et
l'honor,
le vertueux scheik
Sad-Oulid-ou-Rabah.
Le colonel du
gnie
Lemercier,
directeur des fortifica-
tions, porteur
de
pleins pouvoirs
du
gouverneur g-
nral,
et le
scheikSad-Oulid-ou-Rabah,
sont convenus
de ce
qui
suit
Art. i". A dater du
jour
de la
signature
du
prsent
trait,
toute hostilit cessera entre les
Franais
et les
Tribus Kabales
(le
nom de ces tribus n'tait
pas spci-
fi,
ce
qui
mettait Oulid-ou-Rabah fort son
aise) qui
obissent au scheik Oulid-ou-Rabah. Les deux
parties
contractantes
s'obligent
maintenir
par tout
ce
qui
est
en leur
pouvoir,
la
paix
la
plus
durable sur ce
pays,
trop
longtemps
teint
du
sang
des
chrtiens
et
des mu-
sulmans,
HISTOIRE DE LA ~ABYUE
(i830-i87i)
1S7
Art. 2 Les
troupes franaises
continueront
occuper
Bougie,
tous ses
forts,
tous ses
postes
extrieurs.ainsi
que
tout le territoire
qui dpend
de la ville et
qui
com-
prend
toute
la plaine jusqu'
l'oued-bouMessaoud
(ri-
vire
Summam).
Cette
partie
de la
plaine
contient des
marais
malfaisants, qu'il
faut absolument desscher
pour
le bien de tous. et
qu'on
ne
peut
couler
que
dans
la
grande
rivire dont
s'agit.
Art. 3. Le
gouvernementfranais, pourprouver
com-
bien il est confiant dans les
dispositions pacifiques
des
tribus du scheik
Sad-Oulid-ou-Rabab,
dclare
que
tous les musulmans des tribus
amies,
qui
voudront ha-
biter la ville de
Bougie, pourront s'y
tablir en toute
sret. Leur
religion
sera
protge
et
respecte.
Art. 4. Les
Kabales,
et en
gnral,
tous les musul-
mans, pourront
entrer et circuler librement dans la
ville. Les marchs leur seront
ouverts,
et
protection
leur sera
donne pour
la vente des denres, des bestiaux
et de tout ce
qu'ils apporteront.
Art. 5. Le consul
ngociant dsign par
le cheik
Sad,
autoris
par
le
gouverneur gnral,
rsidera
Bougie. Il
sera
charg
de
rgler
avec l'autorit fran-
aise
toutes les discussions commerciales des Kabales
avec les
sujets
du
gouvernement franais
et
en
gnral
avec tous les
Europens.
Art. 6. Le
prsent
trait sera excut de
suite,
en
vertu des
pleins pouvoirs
dont M. le Colonel du
gnie
Lemercier est
porteur.
Ce trait sera
cependant envoy
au
gouverneur gnral pour
tre ratifi
par
lui.
Fait en double
expdition,
A
Bougie,
le 9 avril 1835.
Art.
supplmentaire
Si
quelques
tribusrcatcitrantes
'continuent faire la
guerre,
le scheik Oulil ou Rabab
s'engage
se
joindre
aux
Franais pour
les soumettre
et
rciproquement.
Ce trait
~ign,
nous
croyions
avoir enfin un
peu
de
repos.
Les vnements se
chargrent
de nous montrer
l'inanit de nos
esprances.
Ds le 24
avril,
douzejours
peine
aprs
la
signature
de
Si
Sa&d Qutit-ou~bab,
LA KABrUN
158
nous sommes de nouveau
attaqus.
Le 26 du mme
mois,
les
Kabyles
massacrent trois soldats
franais.
En
mai,
les
attaques
sont
frquentes;
en vain on se
plaint
de l'inexcution des conditions
Si
Sa&d
celui-ci ne
communique
avec le lieutenant-colonel Girod
que pour
lui dire
qu'il
ne
peut s'opposer
la rsistance et aux
attaques
des tribus
hostiles,
que
lui-mme est dans un
tat
prcaire, qu'il
lui faut de
l'argent.
Une de ses let-
tres se termine
par
ce
post-scriptum quenous
trouvons
curieux de
reproduire
t
P. S.
Envoyez-moi
trois cafetires
pourfaire
le caf.
Envoyez-moi
aussi une mdecine
pour
les
yeux.
<
Envoyez-moi
une mdecine
pour
fortifier.
Envoyez-moi
du
sucre,
du
papier
et de la cire
cacheter,
car
lorsque je
vous
cris,
je
n'ai rien
pour
cacheter mes lettres .
Pendant trois
mois,
ce sont d'incessantes escar-
mouches,
qui fatiguent beaucoup
nos
troupes.
Aussi
le lieutenant-colonel Girod en arrive
promptement
proposer
de nouveau l'abandon du
poste.
Le 12
sep-
tembre,
un avis du
gnrt
Clauzel annonce la
pro-
chaine vacuation de
Bougie cependant
avant d'ac-
complir
cette
vacuation,
le
gnral
tient voir
par
lui-mme l'tat de ce
poste.
It
dbarque
le 28 octobre
et en
prsence
des travaux
que
l'on a
faits,
des efforts
que
l'on a d
dployer pour
lutter ainsi
jusqu'au
dernier
moment,
il se refuse fuir la
lutte;
il dcide de con-
server
Bougie,
de le fortifier et de !e laisser la
garde
d'un effectif rduit au minimum
jusqu'aprs
la
conqute
intrieure. Aussitt on se met
t'uvre,
on construit
le fort Clauzel et un mur d'enceinte on
largit
les
rues,
on cre des
places
d'armes et de rassemblement. Pen-
dant ce
temps
les
Kabyles qui
cherchent tous tes
moyens
de nous
dcourager,
reviennent nous
attaquer.
Du 7 au 19
novembre,
ce ne sont
qu'escarmouches
sur
escarmouches
mais nos efforts
triomphent
encore une
fois,
et nous
repoussons
avec succs leurs
attaques.
L'hiver est
calme,
et le
premier
fait d'armes -relever
se
pl~ce
la date du 15 avril 1836. Nous faisons une
charge vigoureuse
sur
cinq
cents
Kabyles qui
6e tiea-
HISTOIRE DE LA KABtUE!
(1830-1871)
159
nent
embusqus
sous le fort
Clauzel;
nous nous
empa-
rons du
village
d'Eydoun, qui, quelques
heures
aprs,
n'est
plus qu
un amas de cendres.
Au lieutenant colonel Girod avait succd le com-
mandant Salomon de Musis. Ce
dernier,au lieu
de conti-
nuer la
lutte,
reprend
les
ngociations
avec le frre de Si
Sad-Oulid-ou-Rabah, un
nomm Mohammedou-Am-
zian. C'tait tout au moins
impo!itique,
et cela occa-
sionna l'assassinat du commandant Salomon de Musis
dans les circonstances
que
nous allons
indiquer,
et
que
nous trouvons relates dans
l'ouvrage
de M le colonel
Lapne FMt~wo~
de
sjour Bougie.
<
La
catastrophe qui
fait
l'objet
de ce
qui
va
suivre,
l'issue d'une
confrence,
au
premier aspect
si
pacifi-
que, prsente
sans
contredit,
le dtournent le
plus
ex-
traordinaire
depuis l'occupation
de
l'Afrique.
Nous en
exposerons
les motifs
prsums,
les
apprts
et les hor-
ribles dtails. M. Salomon
exerait
un commandement
important
sur sa
personne
et ses actes
reposait
une
grande
responsabilit
il est
mort,
l'histoire doit com-
mencer
pour
lui.
L'obtention d'un nouveau
grade
tait
l'objet
constant
de la
proccupation
de cet ofucief
suprieur
il
y
di-
rigeait
ses
idees,
ses vues et ses dmarches les
plus
ac-
tives. Chef de bataillon de la rvolution de
juillet,
nomm
par
le
gnral Lamarque
Bordeaux,
o il tait
employ
comme officier du
corps
royal
d'tat
major,
le commandant
Salomon, pour jouir
de son nouveau
grade,
avait d
attendre
le terme
lgal
de
quatre
ans
de
capitaine.
Ce
prcdent
chatouillait son amour-
propre
il aimait calculer l'avenir
d'aprs
le
pass.
Toutefois,
une
prvention
dfavorable l'entourait en-
core
elle tait relative la malheureuse rencontre de
la
ltassauta,
proche
la Maison Carre
Alger,
le 23 mai
1832. Arriv
Bougie
le 18
janvier
1834,
aprs que
son bataillon
y
fut tout
runi,
M. Salomon saisit avec
avidit la
premire
occasion de se
distinguer.
Le co-
lonel Duvivier la lui offrit le 5 mars
suivant,
la re-
traite de Klaina. Le
premier
chargea
donc avec l'esca-
dron de
chasseurs, quoique
ce ne fut
pas
l sa
place;
LA KABTUE 160
il eut un cheval tu sous lui. Ce trait lui valut la croix
d'officier. Mais des
passages poignants
relatifs ce
mode de
rhabilitation, consigns
dans la
correspon-
dance
officielle,
et des
renseignements
le
concernant,
taient tombs sous ses
yeux pendant
son commande-
ment
suprieur.
Cela devait mal le rassurer sur sa for-
tune miiitaire future. Il
n'ignorait pas
mme
que
le
choix
qu'on
avait fait de lui
pour
son nouveau
poste
Bougie,
n'tait d
qu'
ses instantes dmarches faire
valoir ses
titres,
son
anciennet,
ce
qu'il appelait
ses
droits,
son bataillon tant en effet la seule
troupe
d'in-
fanterie attache la
place.
Dans sa
proccupation
de
dtruire les
prventions,
rchauffer le zle de ses
pro
tecteurs,
entraner le
suffrage
de l'autorit militaire su-
prieure
d'Alger
et du
ministre,
il tait
incompltement
rassur sur le
compte
rendu des
oprations
du mois
de
juin prcdent,
bien
diriges cependant
et brillantes
pour
la
garnison.
Il voulut se
signaler par
un service
plus
relev, plus
clatant il
essaya
de la
diplomatie
avec les Kabailes, Il exhuma avec
apparat
ces entre-
vues tant discrdites
depuis
un an des
Ouled-ou-Rabah,
non sans escorte de
prvenances
et de cadeaux.
Quoi-
que spectateur, depuis
18
mois,
de ridicules
mcomptes
sur cette
matire,
les
ayant
reconnus,
en
ayant
ri le
premier,
ainsi
que
des
largesses
de certains de ses
pr-
dcesseurs,
lui-mme cdait
compltement
cette
manie. Enfin il avait mis des chefs Kabailes sur le
pied
de lui crire dans les termes
que
voici a Flamar Blir
au commandant
suprieur
de
Bougie.
J e vous cria
pour que
vous sachiez
que pour la paix
et le
commerce,
je
vous avais demand du
calicot,
plusieurs pains
de
sucre et vous ne m'avez rien
envoy.
Si vous
m'envoyez
tout ce
que je rclame, j'aurai quelque
chose vous
dire. Si au contraire vous ne
m'envoyez rien,
vous tes
chez vous et moi
je
suis chez moi. Tous les cheikhs de
la tribu sont venus vers moi
pour
me demander les ca-
deaux
que je
vous avais
pri
de
m'envoyer.
Salut"
Le 16
juillet,
le commandant Salomon demande
cet homme
(Amzian,
frre du dfunt
Oulid-ou-Rabah)
une nouvelle entrevue. Voici !a lettre J e
te
fais savoir
HISTOIRE DE LA KABYUE
(i830-i87i)
161
pour
le
bien,
si Dieu le
veut,
que je
dsire te voir et
te
parier
lundi
quatre
heures du
soir,
sur les bords
de la
mer,
la
petite
rivire. Amne ton frre
(ou
neveu)
Ou-Rabah,
et nous ferons des choses
agrables
tout
le
monde,
si Dieu le veut . Amziam
aprs quinze
jours
de
rflexion,
crit
la
lettre tendue et froide-
ment insidieuse
que
voici cachant avec adresse ses
pro-
jets
ultrieurs sous une
apparence
de
bonhomie,
il
y
ajoute
des rcits
secondaires,
intresss
cependant,
mais cartant tout
soupon
de
trahison,
mme
de
faus-
set
Le cheikh fait des
compliments
au nouveau co-
lonel de
Bougie,
et des
compliments
notre fils
Medani.
J e fais savoir ce
qui
suit
pour
le
bien,
si Dieu le veut.
J 'ai
reu
votre lettre. J 'ai
compris
tout
ce
qu'elle
con-
tient. Vous me dites
que
nous aurons une entrevue en-
semble,
dans
laquelle
nous aurons une heure de
paix.
J e vous dis
encore,
mon cher
ami, que j'ai compris
tout le contenu de la lettre et l'endroit
dsign
o doit
avoir lieu la
runion
c'est trs
bien,
cela sera
pour
le
bien et
pour
la
paix, pour
vous et tous les musulmans
il
n'y en
aura aucun
susceptible
de
s'y opposer.
Ceux ci
seront tous comme
vous,
contents et satisfaits. Dans la
saison
prsente,
tout J e monde vous fera du
bien,
et
nous
surtout,
nous sommes
pour
vous aider la
paix.
Il ne faut
pas
tre fch de notre
empressement
tout
ce
que
Mdan:,
notre
mdiateur,
vous
dira,
il faudra
le
faire,
et nous
aussi,
et ne
pas y manquer
ce sera
dans votre intrt et
pour
notre
tranquillit commune,
si Dieu le veut. J e vous fais savoir
par
le
porteur
de la
lettre, Bcbir-Ben-Amar,
que j'tais dj parti
de ma
tribu avec
Huja-Mohobe, lorsqu'il y
est arriv. I) m'a
trouv Beni
Abbs
c'est de cet endroit
que j'ai
r-
pondu.
C'est
pour
cela
que je
n'ai
pas pu rpondre plus
tt
pour
me rencontrer
avec
vous;
mais
je
viendrai
mercredi ou
jeudi
a l'endroit
que
vous
dsignerez;
et
vous,
Sidi
Medani,
continuez votre travail et
portez
avec vous les
objets
votre connaissance. Vous
appor-
terez aussi les cadeaux
pour
mes
cavaliers;
ce
sont
les
mmes
qui
ont
accompagn
!e
porteur
de la
lettro.
Ce-
lui qui
a
apport
la
lettre,
il faudra lui donner
quinze
LA KABYLIE
i62
francs
pour
sa
longue
course et les
fatigues qu'il
a
prouves
pour
me trouver Beni Abbs. Salut de la
part
de Mohammed-Amzian et
Huja-Mohobe.
P. S. Il
faudra donner aussi
quelque
chose a l'officier de cava-
lerie
qui accompagne
le
porteur
de la lettre et l'habiller.
Il faut
que
Bechir Ben Amar retourne une autre fois
avec la
rponse.
Salut. J e vous
prie
de
m'envoyer
du
tabac
priser,
la
rose,
pour Huja Mobobe,
et d'autre
tabac
pour
les fils de
Rabah,
et du sucre. Salut.
Ainsi non
seulement,
Amzian viendra au rendez-vous
mais il le
prouve
il confie la
dpche
['missaire
Bchir et insiste fortement
pour
une
prompte rponse.
Le commandant Salomon tait trs souffrant le
2,
quand
il
reut
cette
lettre
il ne
peut y rpondre
ni ce
jour,
ni les
jours
suivants. Le
4.,
il n'est
gure
en meil-
leure
disposition.
Le cavalier ariive
Bougie,
dix
heures du
matin,
et
presse
le commandant de descendre.
Celui-ci
hsite,
ne veut
pas,
il est
malade, languissant
dans son lit. Dans -tous les
cas,
il dclare ne vouloir
dpasser
la maison crnele. Le
cavalier, pour'aug-
menter l'assurance de M. Salomon dans les bonnes dis-
positions
d'Amzian,
lui
rpte
ce
langage
perfide, dj
tenu
parBcbir, depuis
son
arrive,
le
2,
que
les Fenaas
et les Mzaas ont retir leurs burnous des mains d'Am-
zian,
et
que
la
guerre
est dclare entre celui-ci et les
deux tribus. Ce cavalier est connu
Bougie
il circule
en ville et dans les lieux
publics
et
rpand
cette nouvelle.
Le malheureux
commandant,
entran
par
la
fatalit,
se
dcide,
et d'une main
appesantie par
la
maladie,
dicte l'iman
pour
Amzian,
les
lignes que voici,
les
dernires
qu'il
ait crites
(?) (sic)
a
J e te fais
savoir,
mon cher
ami,
que j'ai
t trs fch du mal
qu'on
a
fait Abderrahman. Si tu avais t rellement mon
ami,
tu aurais
empch
tout
cela
tu dois bien
penser
que je
ne suis
pas
content d'une
pareille
chose. Si tu
veux faire la
paix
avec
moi,
viens ce
soir,
six
heures,
la maison
crnele;
nous
parlerons
de nos affaires et
tout
s'arrangera
l'amiable;
mais il faut de la fran-
chise et
point
de
dtours*. M. Salomon envoie cette
lettre
par
le cavalier. U est
positif
qu'il
voulait
ajourner
E)STO!RE DE LA KAMLIE
(1830-1871)
i63
l'entrevue,
et la remettre au dimanche
suivant,
7
aot.
Il ne se dcide descendre
que
sur cette
perfide
insi-
nuation,
qu'Amzian
lui fait faire
par l'espion Bchir,
que
si le
commandant ne
s'empresse pas,
il
ira,
lui
Amzian,
conclure directement la
paix
avec le
lieute-
nant
gnral
Alger.
Ces mot- troublent le
comman-
dant
Salomon
il n'est
plus
A
lui,
tant il a
peur
de
manquer
l'occasion favorable. Il sort donc avec le
Kad,
l'interprete Taponi
et l'arabe
Belkassem,
employ
la
police maure,
et descend la maison crnele.
M. le
sous-intendant militaire
Fournier,
qui
est
prsent,
parlant d'affaires,
l'accompagne
il est bien aise d'as-
sister cette confrence o
peuvent
mme tre traites
quelques questions
utiles
pour
le futur
approvision-
nement de
bufs.
Cependant
Amzian refuse avec obs-
tination d'arriver
jusqu'
la maison crnele. Ceci
provoque plusieurs
alles et venues de cavaliers et de
Kodjas.
Medani
lui-mme,
cheval,
s'avance
par
ordre
du
commandant
suprieur;
mais
joint par quelques
cavaliers,
il reconnat distinctement,
plusieurs
Fenaas.
Medani se
replie, effray,
sur M. Salomon. Il lui dit
plusieurs reprises
Il
y
a l des
figures inconnues;
cela
n'indique
rien de bon n. H lui conseille de ne
pas
s'avancer. De son
ct,
Amzian,
que l'interprte Tapon:
et Belkassem avaient t
joindre
1600 mtres de la
ville,
refuse
obstinment d'aller
plus
loin. On tombe
enfin d'accord sur le terrain de la
confrence
c'est
celui de la tour du
rivage.
Le commandant Salomon
s'y trouve,
avec l'inter-
prte,
le
Cad,
M. Fournier et le
capitaine Blangini
de
la
compagnie franche, Belkassem, Bchir,
plus
deux
soldats du 2
bataillon,
sans
armes,
apportant
les ca-
deaux et devant servir le caf. Un chasseur d'ordon-
nance cheval croise
peu
de
distance
six autres
sont 300 mtres vers la ville. Les
premires
baon-
nettes de la
compagnie
franche taient 130
mtres,
mais caches et embarrasses dans les broussailles.
Les cadeaux sont
distribus
ils consistent en un bur-
nous
rouge
et une
pice
de calicot
pour
Amzian,
du ca-
ticot
et du socfe
pour
les cavaliers. Ceux-ci avaient
LA EABYUE
164
reu
ces dons
l'cart mais,
le caf
pris,
ils se
rap.
prochent peu
peu
du
lieu,
au nombre de
quinze,
en-
tourent bientt le commandant et cherchent mme le
dborder, l'isoler
compltement
du
capitaine
Blan-
gini
et du
sous-intendant,
qui
se tiennent discrtement
quelques pas.
L'officier en fait la
remarque
M. Sa-
lomon
et, d'un
signe
impratif,
ordonne aux cavaliers
de s'arrter.
Le
jour baissait,
il tait
sept
heures moins
vingt
minutes. Amzian dut donner le
signal.
Il s'est vant du
moins
plus
tard
qu'il
avait,
jug
la
proccupation
et
aux
regards inquiets
de sa malheureuse victime
que
la
dfiance de celle-ci
croissant,
elle
pouvait rompre
subi-
tement la
confrence et
chapper
la mort. Le
cavalier,
porteur
de l'arme
courte, charg
du rle de
principal
assassin,
le
mme
qui,
un
instant auparavant
le com-
mandant,
cause de sa bonne mine
guerrire,
avait
donn
cinq francs,
se
glisse
entre M. Salomon et les
autres
spectateurs.
Plac absolument derrire
lui,
il
se
penche
sur son cheval
pour
armer son fusil
court
ou
tromblon,
et
l'appuyant
directement au dos du mal-
heureux
commandant,
il fait feu. Cette subite dtona-
tion
frappe
tous les
Franais prsents
de
surprise,
d'horreur etde consternation. Le commandant tombe
pench
en avant sur son cheval. Trois autres
coups
de
fusil,
tirs bout
portant
l'aine et au
bas-ventre,
le
renversent sur le
carreau,
sans vie et dans le
plus
hor-
rible tat.
L'interprte Taponi
est
entour
il a la
poi-
trine brise
par
la
dcharge
d'un canon
lanant
huit
balles,
tires
bout
portant.
Le
capitaine Blangini,
plac
au milieu des
coups
de
fusils,
est
manqu
mais
il est
terrass,
ainsi
que
son
cheval,
par
un
Kabyle
de
taille colossale
qui
lui assne un violent
coup
de crosse
sur
t'paute
le sous intendant M.
Fournier,
se retire
'de cette
bagarre,
comme
par
miracte,
sain et sauf. H
en est de mme des
quatre
hommes de suite ou servant
le caf. Le Kad
Medani,
renvers
d'abord,
se relve
seul,
et
par
un instinct
puissant
de
conservation,
fuit
vers la
maison
crnele l,
ses forces lui
manquent
et it
tombe.
Cependant
to
capitaine Blangini, que
s~
HISTOIRE DE tA &ABYD
(1830-1871)
165
chute avait
prserv
de
blessures
plus graves,
tendu
terre,
fortement
iux;
n'est
pas
un instant abandonn
par
son
intelligence
habituelle et son
courage.
Au mi-
lieu des balles et du
pitinement
des chevaux des cava-
liers,
qui
achevaient
le commandant et
l'interprte,
il crie aux armes 1 en
avant )
L'-propos
de cet officier
et le calme au milieu d'un vnement si
trangement
horrible,
avec
lesquels
il
provoque
l'arrive des se-
cours,
]e
sauvent,
ainsi
que
le
sous-intendant,
ie Kad
et les
quatre
autres
spectateurs
de l'entrevue. C'en tait
fait d'eux
tous,
si les tirailleurs de la
compagnie
fran-
che n'eussent accouru sur le terrain et t aux cava-
liers ennemis le
temps
de
recharger
les armes.
L'enga-
gement
fut
court,
mais vif. Le
capitaine Blangini,
l'-
paule
tuxe,
presque
dmise,
tait
dj
debout l'arri-
ve de sa
ummes,
les
disperse
en tirailleurs et
pour-
suit les cavaliers. Ceux-ci voulaient
assassiner,
mais
non se battre leur but tait atteint.
Aussi,
aprs
la
premire dcharge,
Amzian avait donn le
signal
de la
fuite,
en tournant de suite bride le
long
de la mer.
Les chevaux des deux victimes taient
entrans
les
cadavres nous restaient. i.
Le
garnison
fut fortement irrite la nouvelle de cet
assassinat horrible et se serait
porte
des excs trs
probablement
funestes nos
intrts,
si le commandant
Lapne, appel
au commandement
suprieur par
an-
ciennet de
grade,
n'avait
pas
calm son effervescence.
Le 1'' octobre
1836,
le lieutenant colonel Chambou-
leron tait nomm au commandement du
poste
de Bou-
gie.
Pendant le
temps
o i) est la tte de nos
troupes,
il
n'y
a
qu'un
seul fait
digne
d'tre
cit;
ce fut la
prise,
suivie de
l'incendie,
du
village de Tarmina,
vis -vis de
Dar-Nassar. On
profite
de ce moment de
trve, pour
fortifier nos
positions.
On
construit le fort
Lemercier,
les tours Doriac et Salomon.
Les
Kabyles
ne donnaient
plus signe
de
vie cepen-
dant ce moment l nous savons
qu'ils
furent
pousss
la
guerre.
Quel
fut leur but en refusant l'offre d'Abd-
et-Kader ? H faut croire
qu'au
fond ils
dtestaient au
moins tout autant tes Arabes
que nous mmes
ils ne
LA
KA~TLM 166
partageaient
pas
leur fanatisme
aveugle,
et ils n'avaient
en somme aucun intrt aider ces derniers. L'his-
toire nous a conserv le souvenir de la confrence
que
les
Kabyles
eurent avec le clbre
Emir;
il est int-
ressant de le
rappeler
ici,
cela nous montrera un des
cts du caractre
Kabyle.
<
O sont les chefs
qui
vous commandent ? deman-
dait Abd-el-Kader.
< Nous n avons
pas
de chefs
trangers
notre nation. nos chefs sont tirs d'entre-
nous
nous obissons aux amins et aux marabouts.
< S'i! en est
ainsi, je
recommande aux mines d'tre
bien avec mon
Khalifa,
de le servir et d'obir ses or-
dres.
< Nous ne demandons
pas
mieux
que
de
vivre en bonne
intelligence
avec votre
Khalifa
mais
qu'il
ne nous
parle jamais d'impts,
comme il a
dj
fait dans les
plaines,
car nos anctres n'en ont
jamais
pay
et nous voulons suivre leur chemin. Vous
donnerez au moins la zecca et l'achour
(1) ajouta
l'Emir
ces contributions sont
d'origine
divine.
Oui nous donnerons la zecca et
l'achourprescrits par
la loi
religieuse,
crirent les
Kabyles
en
s'animant,
mais nos zaouas
(2)
les recueilleront et nos
pauvres
en
profiteront
telle est notre habitude. Vous vous tes
annonc chez nous en
qualit
de
plerin,
et nous vous
avons offert la diffa
(3).
Cessez ce
langage
dont vous
pourriez
mal vous
trouver;
sachez bien
que,
si vous
tiez venu comme
maghzen (4)
au lieu de couscoussou
blanc,
nous vous aurions rassassi de couscoussou noir
(de poudre).
< Si vous me
dites,
rpliqua
Abd-el-
Kader,
l'Est est
plus
fort
que
l'Ouest,
je
vous
rpon-
drai Dieu fait marcher la victoire ma
suite,
cause
de la
puret
des motifs
qui
me
guident.
Vous savez au
surplus
ce
que
dit le Koran
que d'lphants
ont t
inquits par
des moucherons et
que
de lions ont t
tus
par
le dab. Sachez bien
que, stje
ne m'tais
oppos
1 La zekka est
l'impt pay
sur les
troupeaux,
l'achour,
celui
paye
sur
la terre.
La zaouia est le couvent ou l'cole
(voir
plus loin, livre
VIf).
3 La diu'a est le
repas
offert un
Mte,
en son
honneur.
4
Maghzen, gouvernement.
arsTOiRE ne n
KA~Li<
(~830-~871)
i67
aux
empitements
des
Franais,
si
je
ne leur avais fait
connatre leur
impuissance, depuis longtemps dj
ils
auraient
nag jusqu'
vous comme une mer en
furie,
et vous auriez vu alors ce
que
n'ont
jamais
vu les
temps passs,
ni les
temps prsents.
Ils n'ont
quitt
leurs
pays que pour conqurir
et faire esct~'e le n-
tre. J e suis
l'pine que
Dieu a
place
dans ieur
il;
si vous
m'aidez,
je
les
jetterai
dans la mer Dans le
cas
contraire,
ils vous
aviliront. Rendez-rjci donc
des actions de
grces
de ce
que je
suis l'ennemi mor-
tel de votre ennemi.
Rveillez-vous de votre
apathie
eroyez-te, je
n'ai rien
plus
cur
que
le bonheur
et la
prosprit
des
Musulmans. J e
n'exige
de
vous,
pour triompher
des
infidles, qu'obissance, accord,
et marche conforme notre sainte
loi,
comme
je
ne vous
demande,
pour
soutenir mes
armes, que
ce
qui
vous est ordonn
par
Dieu, matre du monde.
Obissez donc Ben
Salem;
il sera
pour
vous la bous-
sole
qui
vous
indiquera
le bien. J e
prends
Dieu t-
moin de la vrit et de la sincrit de mes
paroles
si
elles n'ont
pu
trouver le chemin de vos
curs, vous
vous en
repentirez
un
jour,
mais d'un
repentir
inutile.
C'est
par
la raison et non
par
la violence
que
j'ai
vou)u
vous
convaincre,
et
je prie
le Tout-Puissant
qu'il
vous
claire et vous
dirige.
J e ne suis venu vous trouver
qu'a-
vec une
poigne
de
monde,
parce que je
vous
croyais
des hommes
sages, capables
d'couter les avis de ceux
qui
ont vu ce
que
vous n'avez
pu
voir
je
me suis
tromp,
vous n'tes
que
des troncs noueux et inflexi-
bles Nous vous
jurons, rpondirent
lesKabyles,
que
nous sommes des
gens
senss et reconnaissant l'-
tat des
choses,
nous ne voulons
pas que personne
s'i-
nitie nos
affaires,
ou cherche nous
imposer
d'autres
lois
que
les ntres. Nous savons encore ce
qu'il
nous
convient de
faire,
eu
gard
aux
principes de
la
religion.
Comme nous vous l'avons
dit,
nous donnerons nos
mosques
la zekka et
l'achour;
mais nous n'entendons
pas que des trangers
en
profitent.
Quand
aux chr-
tiens,
s'ils viennent
jamais
chez
nous,
nous leur
appren-
drons ce
que peuvent
tes Zouaouas la tte et aux
tA &ABYME
~8
pied3
nus
<
Assez assez
1 interrompit
Abd-el-Ka-
der,
le
plerin
s'en retournera comme
il est venu.
Que
la volont de Dieu soit faite
Allez donc en
paix,
reprirent
les
Kabyles, puisque
vous tes venu
simple-
ment nous visiter. Les
plerins
et les
voyageurs
ont
toujours
t bien
reus
chez
nous
nous
pratiquons
l'hospitalit;
nous avons de la fiert et nous
craignons
les actions
qui peuvent
attirer sur nous le blme ou la
dconsidration.
Une autre
fois, prsentez-vous
avec la
splendeur
d'un
prince,
trainez votre suite une arme
nombreuse,
et demandez-nous ne ft-ce
que
la valeur
d'un
grain
de
moutarde,
vous n'obtiendrez de nous
que
de !a
poudre.
Voil notre dernier mot.
J
Le
l*~ janvier
1838,
le lieutenant-colonel Bedeau suc-
cde au lieutenant-colonel Chambouleron.
Pendant
qu'un corps expditionnaire agit
vers
Djidjelli,
celui-ci,
pour occuper
les
Kabyles,
et faire
diversion,
les
attaque
Mellala,
sur les bords du Summam. Notre
campagne
de ce ct et t
fructueuse;
malheureusement
on fut
oblig d'envoyer
une
partie
de notre effectif au
corps
expditionnaire
de
Djidjelli.
De cette
poque jusqu'au
mois de mai
1842,
nous ne
trouvons
que peu
de chose
signaler; cependant
la
lutte reste
toujours
ouverte,
et le
drapeau
franais
n'est
pas toujours
l'abri de l'insolence des
Kabyles.
Les commandements
sont successivement con6s en
octobre
1839,
au lieutenant colonel de
Tussac
en d-
cembrede
la mme
anne,
au
cotonetDubarret~
en aot
1840 an colonel de
Polignac
en dcembre 1840 au
lieutenant-colonel
Daugustin;
en dcembre
1841,
au
lieutenant-colonel Gaulier.
En
1841,
Ben
Salem,
un
agitateur
remuant et
qui
avait
plusieurs reprises
excit les
Kabyles
contM
nous,
entreprit
de nous susciter de nouvelles
attaques.
Il dit aux
Kabyles
Vous
voyez que
les chrtiens
sont bout. Ruins en hommes et en
argent,
ils com-
mencent abandonner le terrain. Encore un
vigoureux
effort de votre
part
et la victoire duKhoran est assure
Les
Kabyles
n coutrent
point
sa
voix
ils
pensrent,
et en cela ils eurent
raison, que
si les
Franais
avaient
StSTORE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
169
10
quitt
le
terrain,
c'tait
pour porter
ailleurs des trou-
pes qui,
dans cette
rgion,
leur taient inutiles et leur
demandaient un
approvisionnementdifficile
et onreux.
Aussi,
a.u
grand
scandale de Ben
Salem,
ils ne
boug-
rent
point.
En t842,
quelques
reconnaissances furent
diriges
avec un
plein
succs
par le
commandant Ducourthial.
Plusieurs tribus viennent nous et font leur soumis-
sion
ce sont les Beni
Moussa,
les
Issers,
tes Krachnas.
Le chef des Beni
Slyman,
Ben
Mahy-ed-Din,
fait aussi
sa soumission. Ce Ben
Mahy-ed-Din,
dont nous au-
rons
parler
dans la
suite,
fut
toujours
notre fidle al-
li et servit trs utilement notre cause.
Le
gouverneur gnral
avait dcid une
expdition
contre les
Kabyles.
Aussi le 5
mai,
il vint se mettre
lui-mme la tte d'unf colonne
d'expdition campe
sur les bords de l'Isser.11
pntra
dans!a vaHe de l'oued
Soufflat
qui
remocfe vers Bel
Kraroub,
o Ben Salem
et les
Kabyles qu'i!
avait russi entraner se tenaient
sur la dfensive.
-Aprs
une lutte habilement
dirige,
l'ennemi est
repouss jusqu'
la vatte de l'Isser. Ben
Maby-ed-Din, qui
avait combattu
gnreusement pour
nous,
est nomm Khalifa du
Sbaou
mais cette nomi-
nation ne fut
pas
tout d'abord du
got
de nos tribus
soumises.
C'tait un
effrayant
ple-mle
de burnous nous
ne voulons
pas
de Ben
Mahy-ed-Din,
criait-on de tou-
tes
parts
il nous a ruins
par
les
impts
il ne vaut
pas
mieux
que
les
Salem,
pas
mieux
qu'Abd-<Kader;
il te
trahira,
car il les a servis
jusqu'
la fin . Les
plus mutins,
les mieux
soudoys peut-tre,
demand-
rent sa tte et la ruine de son
bordj-el-Aad.
Ben Ma-
hy-ed-Din,
assis sur une
pierre
quelques pas
de la
tente du
gouverneur gnral,
semblait seul
tranger
ce tumulte.
<
Ce n'tait l au reste
que l'explosion
sauvage
et~
brutale d'une
populace jusqu'alors nergiquement
do-
mine et cherchant briser celui
qui
seul
pouvait
la
dominer
encore.
<
Le
gouverneur gnrt
le
comprit, imposa
d'un
LA
KABYUE
i70
geste,
silence la foule et lui cria
J e
n'accepte pas
les raisons
que vous
donnez
pour refuserBenMahy
ed-
Din
car s'il a servi son matre
jusqu'
la
fin,
il a fait
acte d'honnte
homme
ce
que
vous
craignez,
ce n'est
point qu'il
me
trahisse,
mais
qu'il
vous maintienne
comme il l'a
dj
fait. De
gr
ou de
force,
vous
l'accep-
terez
pour
Khalifa et
je
vous ordonne de le reconnatre
l'instant J .
<
Alors se
passa
une scne
caractristique
de murs
arabes.
A
peine
le
gnral Bugeaud
et-i)
prononc
ce der-
nier
mot,
avec
t'imprieuse nergie qu'on
lui
connat,
que
les
plus acharns,
ceux
qui
tout l'heure deman-
daient la tte de Ben
Mahy-ed-Din,
se
prcipitrent
pour
lui baiser les
pieds
et les
mains;
tous
implorant
sa
protection,
celui-ci
pour
une
place,
celui-l
pour
un burnous
d'investiture
les
injures s'taientcbanges
en sollicitations.
Ben
Mahy-,ed-Din
accueillit les
prires,
comme il
avait
reu
les menaces R
(Daumas
et
Fabar).
Le 7
mai,
le
gouverneur
gnral, camp
Bbrdj et-
Arib,
ruine ce fort et
reoit
la soumission des Aribs. Le
i0,co)onnese
trouve
auprs de Bordj-Hamza.
Les
Kabyies
sont sans
dfense,
aussi
vingt villages
vien-
nent-ils solliciter l'aman. On le leur
accorde,
mais
moyennant
le versement de 6000
houdjous
et la re-
mise de six cents fusils.
Une
attaque
est
dirige par
les
Ouled-el-Aziz
ils
sont bientt
repousss
et nous suivons notre marche
en avant
jusqu'au
Mont
Sidi Rahmoun,
dont nous nous
emparons
d'un des contreforts. Le
gouverneur g-
nrt estimant
qu'il
a assez fait et
qu'il
est
temps
de
rtrograder, reprend
la route de la
Mitidja pour
ren-
trer
Alger.
Ben
Mahy-ed-Din, qui pendant
toute cette
campagne,
s'est battu
courageusement,
vient
accompagner
notre
arme
jusqu'au pont
de Ben Hini.
Quand
ilnous
quitte,
il a un bras cass en
deux,
et
une terrible blessure un
pied.
Il
promet d'organiser
la crmonie
d'investiture
des chefs de tribus
soumises
crmonie
que
le
gou-
TefBear
gnrt
axe
au 17
oetob<pe 4849,
&
tgM',
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(i830-i87t)
ni
Ce
jour-l,
notre
Khalifa vint avec son
frre,
trois
aghas
et H2 cads. Tous se trouvrent runis
Alger,
chez le
gouverneur gnral,
dans la cour de
marbre.
Le Cadi et le
Muphti d'Alger s'y
trouvaient aussi. Le
gouverneur gnral prit
la
parole
dans cette cr-
monie. Son
discours,
la fois sobre et
nergique,
m-
rite de
prendre place
ici.
Avant,
dit le
gnrt Bugeaud, que je
vous re-
mette ces
vtements,
signes
distinctifs de la nouvelle
autorit
que je
vais vous
confrer,
au nom et
par
la
permission
du
glorieux,
du sublime Sultan Louis Phi-
lippe,
roi des
Franais,
que
Dieu le
protge
de sa toute
puissance,
il est de mon devoir de vous faire
compren-
dre
l'importance
de cette investiture. Vous contractez
aujourd'hui l'obligation
d'tre udtes au
gouvernement
du roi des
Franais,
de traiter ses ennemis comme vos
ennemis,
de
regarder
ses amis comme vos
amis,
d'o-
bif ses
dlgus franais
et musulmans.
Vous tes venus ici
librement,
vcus tes libres en-
core
d'accepter
ou de refuser les
obligations graves que
vous allez contracter. Si vous
n'tes pas
dtermins
les
accomplir,
si vous ne vous en sentez
pas
la
force,
il
en est
temps
encore,
ne
prenez pas
cet
engagement
car
l'engagement
est lourd celui
qui
ne
peut
le rem-
plir
si au
contraire,
vous tes dtermins le
tenir,
que
Dieu vous
protge
et vous
guide pour
le bien de
tous
et pour
le vtre.
J 'aime la
guerre parce qu'elle
est dans mes devoirs
et dans les habitudes de ma
vie;
mais
j'aime
encore
mieux la
paix, parce que
la
paix
est favorable aux
hommes et
qu'elle
leur
permet d'acqurir
des richesses
par
la culture et le commerce.
Abd-el-Kader s'levait en vous foulant aux
pieds,
la France veut vous
gouverner pour que
vous
prosp-
riez. Elle veut
que
chacun
puisse jouir paisiblement
du fruit de son travail et s'enrichir sans avoir crain-
dre d'tre
dpouill;
elle
respecte
vos
murs,
elle fait
observer
votre religion,
elle choisit
parmi
vous un chef
capable
et
digne
de vous commander elle voua de-
mande en retour d'tre
fidles
rengagement que
=
J ~ RABYUE i72
vous contractez
aujourd'hui
d'assurer la libert des
routes,
de
faire
que
la femme et l'enfant
puissent
com-
mercer chez
vous avec ia mme scurit dont vous
jouirez
dans nos villes et dans nos marchs.
Si vous tes ndtes ces
promesses,
vous
y
trouve-
rez d'immenses
avantages,
car la France est
puissante
et vous deviendrez
grands
et
puissants
avec elle. Si
vous
pouviez
oublier
l'engagement que
vous contractez
aujourd'hui,
malheur 1 car
je
vous le dis
(et je
vous ai
montr si
je
tenais ma
parole
et si
je pouvais
vous at-
teindre dans vos
montagnes),
les enfants se
rappelle-
raient
longtemps
la faute de leurs
pres.
J e ne vous
tuerais
pas, je
ne massacrerais
pas
les femmes et les
vieillards comme le fait celui
que
vous
appelez t'mir
mais
je
vous ferais
jeter
bord
d'un
vaisseau,
conduire
prisonniers
en France et vous ne reverriez
jamais
vo-
tre
pays.
La
guerre,
cette
anne,vous
a
ruins
je
vous fais re-
mise des
impts,
mais
disposez-vous
les
acquitter
exactement l'anne
prochaine.
Et
vous,
aghas, rappelez-vous que
vous n'avez
pas
exercer le
pouvoir
dans votre'
intrt,
mais dans celui
des hommes
qui
sont
placs
sous votre
commande-
ment. Renoncez ces habitudes d'avidit
qui
ont
trop
souvent dshonor les chefs musulmans et
que je puni-
rai svrement. La
justice
est la seule base solide d'un
gouvernement,
et Dieu a
toujours frapp
les matres
injustes, quelle que
soit leur
religion.
Au nom du roi des
Franais, que
Dieu le
protge
et
le comble
de
gloire,
Si
Mohammed-ben-Mahy-ed-Dinje
vous nomme Khalifa de la
province
de Sebaou.
Aghas
et
Kads,
vous reconnaisse?:
pour
Khalifa Si
Mohammed-ben-Mahy-ed-Din
vous lui obirez et le res-
pecterez
comme votre
chef,
comme le
reprsentant
de
la France et comme votre intermdiaire entre nous et
vous.
Que
Dieu vous
protge
1
Le Khalifa
rpondit
<
Que
Dieu bnisse l'heure o
je
t'ai
rencontr,
noble
gnral,
Khalifa du roi de
France;
qu'il m'inspire
l'es-
prit
des bonnes oeuvres
et
la force de
lep accomptir;
HISTOIRE DE LA RABYUE
(1830-1871)
1?3
qu'il
fasse sortir de ma
bouche, qui
est celle de tous
les Arabes
que
tu vois devait
toi,
des
paroles dignes
de
rpondre
celles
pleines
de force et de
sagesse
dont
nos oreilles viennent d'tre
frappes.
Nous ne sommes venus dans cette enceinte rvre
que
bien
pntrs
des
dispositions qui
doivent nous
animer. Dieu a ouvert nos
yeux
la
vrit aussitt
que
tu nous as donn
l'aman,
nous sommes venus toi.
Que
Dieu bnisse cette heure t
Devenus
agents
d'une nation noble et
gnreuse,
notre
tche nous
paratra
douce et
facile;
et combien elle
est
plus
conforme aux
rgles
de notre
religion
t
Noble
gnral,
nous sommes certains dmarcher dans
la voie
droite,
en te
prenant pour modle;
tu as t
terrible avec tes
ennemis,
tu les as
crass,
tu as fait
courber sous ton bras victorieux, les
plus
audacieux,
et aussitt
aprs
la
victoire,
tu as oubli ta force
pour
ne
plus songer qu'
la
misricorde,
la
plus
belle
qualit
que
Dieu
puisse
donner aux sultans.
Tu nous as donn
l'exemple
d'une bont
que
nous ne
pouvions comprendre,
en
pardonnant
une tribu en-
tire
qu'un signe
de ta
prunelle pouvait
rduire la
mi~f et
jeter
dans
l'esclavage
Dieu te
rcompensera
de tant de modration
par
la soumission et le bonheur
de ceux
qu'il
t'a
appel
commander.
Ton arrive dans le
pays
des
Arabes,
a t le lever
d'un astre
heureux
tu as renvers la muraille
qui
s'-
levait entre les chrtiens et les
musulmans,
et tous tes
ennemis ont t forcs de reconnatre
que
le
doigt
de
Dieu t'avait
dsign pour
les
gouverner;
tous ont en-
trevu
par
toi des
jours
de
paix
et de
tranquillit;
tous
t'ont
spontanment
dcerne le nom bni de Fortun
Bou
Sad,
pre
du bonheur a.
J e te
promets
ici devant le
muphti
et le
cadi,
nobles
reprsentants
de notre
religion,
je
te
jure
au nom de
tous les chefs ici
prsents, que
nous serons fidles
ton
roi,
que
nous obirons tes ordres et
que
la tra-
hison
n'entrera jamais
dans nos curs.
Que
Dieu
rpande
ses
grces
et ses faveurs sur
tous
ses
serviteurs
qui
ont des intentions
pures
et
qui
abhor-
LA EABttj)E
n~
rent le
mensonge
t
Que
Dieu
protge
le roi des Fran~
ais
t
Puis la
t~ndoura,
les burnous
d'investiture,
et les
riches
prsents
furent
distribues.
Pendant ce
temps,
Ben Salem
essav;i it encore d'ex-
citer la
guerre
sainte les tribus de la Haute
Montagne.
Ds le
dbut de
l'anne
1843,
il
renouvelle
dmarches
sur
dmarches
mais les
Kabyles
refusent de
prendre
l'offensive.
Ben
Salem,
aprs
avoir
appris
la dfaite
d'Abd-el-Khader,dfaite
o celui-ci avait d laisser aux
mains de
l'ennemi sa
smala,
se retira
chez les Oued
Tlata,
auprs
des
Flissas,
pour
attendre
tesvnementg.
A cette mme
poque,
en
i843,
maigr
les rsultats
obtenus,
on
agita
fortement en France la
question
de
savoir,
si nous
devions
conqurir
ou non la
Kabylie.
Des
discussions
interminables
s'engagrent
ce
sujet
des
brochures furent
imprimes
traitant
t d'insense o
la
guerre que
nous avions
entreprise;
et dans ta Re~Me
indpendante
du 25
mars i844 nous trouvons
sous la
signature
de M.
Duprat
les
quetques
passages suivants,
fort
curieux et
capables
de nous
dmontrer combien
nous
tions
peu
Sxs sur
l'tendue de
notre
conqute
et sur les
prcautions
que
nous devions
prendre pour
l
conserver
< C'est une
guerre nouvelle,
que
l'on
songe
entreprendre.
ti ne
s'agit plus
d'attaquer
les
Turcs ou les
Arabes,
ces
possesseurs
des
villes et de la
plaine,
mais les
Kabyles,
dans le nid mme de leurs
montagnes,
travers cet
Atlas,
sur
lequel
ils ont de-
vanc
toutes les autres races du
Maghreb.
On a la
pen-
se
d'atteindre et de
frapper
les ans de cette
terre,
ses
habitants les
plus durs,
les plus
fiers et les
plus nergi-
ques.
On
parle
de
porter plus
loin nos armes et d'al-
ler, par
del
ces
plaines
etces
villes o nous
comman-
dons,
atteindre ce
troisime centre
(la
Kabylie)
o
s'est
retugine
la race
primitive
la suite des secousses
con-
tinuelles
qui
ont
branl ces
rivages. Que
faut-il
pea-
ser de ce
mouvement
qui
doit
cotera
laFrancede nou-
veaux
sacrifices ? Est-il bien
sage,
bien
politique ?
Ne~
peut-on pas
dire au
contraire
que c'est
une entreprise
malheureuse,
aveugle, ineease,
antipathie
&
i'~pHt
HISTOIRE DE LA KABYUE
(1830-1871)
1~
de notre
civilisation,
hostile aux vritables intrts de
notre
puissance
dans
l'Afrique septentrionale ?
Les con-
qutes
de
l'antiquit
l'murent
(la Raby'ie)
et la se-
courent sans la saisir
compltement.
Mais ces ar-
mes ont succomb tour tour dans une lutte o elles
avaient combattre la fois
contre le
climat,
contre le
sol et contre i'homme. Un
Kabyle
du
J urjura,
qui
nous demandions des dtails sur ces
contres,
nous di-
sait
un jour, en
nous
rappelant
les dsastres des Turcs
a
hada djebel
el
cobour,c
est la
montagnedestombeaux.
Voil le
peuple,
voil le
pays
contre
lequel
on veut di-
riger
notre arme
d'Afrique.
Il
appartient
la
presse
et
plus
encore au Parlement de
protester
contre un
pa-
reil dessein.
L'Afrique,<idisaient
les Grecs au
rapport
d'Aristote,
produit
sans cesse des
phnomnes
tran-
ges.
Si cette
expdition
contre les
Kabyles
s'excute,
elle
pourra compter
au nombre de ces
phnomnes qui
tonnaient la Grce.
Quoi
qu'il
en soit le
marchal BugeaudL,
et il tait
bon
juge
en la
matire,
voulait la
guerre
il avait
fort bien
compris qu'aux yeux
des
Arabes,
nous ne
serions absolument matres du
pays, que lorsqu'il n'y
aurait
pas au
milieu de nous des tribus
rputes
invin-
cibles et
toujours
prtes
nous susciter des embarras.
Aussi son
premier
soin fut d'adresser aux
Kabyles
la
proclamation
suivante
A tous les chefs des
Flissas, Amerouas,
Beni-Khal-
foua,
Nezlyouas, Guetchtoulas,
Ouled el Aziz et Har-
chaouas.
Salut
Tout le
pays gouvern
autrefois
par
Abd-el-Kader,
est maintenant soumis la
France
de tant de
tribus,
vous tes les seules
qui
ne soient
pas
venues nous. Il
y
a
longtemps que j'aurais pu, moi,
aller chez vous avec
une forte
arme
je
ne l'ai
pas
fait
parce que j'ai
voulu vous donner le
temps
de la rflexion. Plus d'une
fois, je
vous ai dit
Soumettez-vous,
car vous obissiez
au
vaincu,
vous devez obir au
vainqueur.
Chassez
de
vos
tRota~as
le ~hatif~ Ben
Salem,
moins
qu'il
LA KABYUE
176
ne vienne demander l'aman au roi des
Franais, qui
le
lui donnera.
Non seulement vous n'avez tenu aucun
compte
de
mes avertissements
paternels
non seulement vous ne
vous tes
point rapprochs
de nous et ne vous tes
point
unis vos voisins les ssers et les
Khracnas,
nos
amis
mais encore vous avez recueilli Ben
Salem,
le
rebette,
et les dbris de sa
troupe rguHre ;vous
avez
souffert
que,
de chez
vous,
il
portt
le vol et le meurtre
dans nos tribus.
J e ne
puis
tolrer
plus longtemps
cet tat de choses
etje
me dcide aller vous en demander satisfaction.
Avant de me mettre en marche
cependant,
un senti-
ment d'humanit me
pousse
vous donner un dernier
conseil. Si vous ne le suivez
pas, que
les maux de la
guerre
retombent sur vous.
Venez me trouver mon
camp
sur
l'Isser,
chassez
Ben Salem de votre
pays,
soumettez-vous la
France,
et il ne vous sera fait aucun mal.
Dans le cas contraire,
j'entrerai
dans vos
montagnes,
je
bruterai vos
villages
et vos
maisons, je couperai
vos
arbres fruitiers et alors ne vous en
prenez qu'
vous
seuls. J e serai devant
Dieu,
parfaitement
innocent de
ces
dsastres, car
j'aurai
fait assez
pour
vous les
par-
gner. ?
Les Flissas
rpondirent
cette
proclamation
dans les
termes suivants
< Au trs honor
seigneur
le
gouverneur gnrt,
commandant les
Franais
Alger.
Nous avons
reu
la lettre
par laquelle
vous nous
donnez des conseils. Nous avons
compris
tout le con-
tenu de cette
dpche,
mais nous l'avons trouve en
opposition
avec les
prcdentes,
ce
qui
nous a caus le
plus grand
tonnement,
car nous avons reconnu
que
vous vous tiez cart des
rgles
suivies
par
tous les
souverains.
Lorsque
la
guerre
tait active entre vous et El
Hadj-
Abd-el-Kader,
vous nous criviez en ces ternies t J e `
n'ai d'autre ennemi
que
El
Hadj-Abd-et-Kader; quanta
vous,
vous
tesKabytes, gttrdeza~Mtralit~etH
M~
HISTOIRE DE LA KABYUE
(1830-1871)
177
vous arrivera aucun mal de notre
part.
Nous
n'exigeons
rien de
vous,
nous ne
prtendons
crer aucun
usage
vous jouirez
d'une
protection toujours
croissante;
nous
ne vous demandons
que
la
tranquillit,
la scurit des
routes et le commerce.
Forts de ces
promesses,
nous avons
gard
la neutra-
lit
nous vous avons laiss lutter avec votre
ennemi.
Vous vous en tes
pris
ensuite aux
Arabes
alors
vous nous avez crit vous tes des
montagnards
et
aucun des
usages
introduits chez les Arabes ne vous
seront
appliquas
livrez-vous au
commerce,
nous n'a-
vons
pas
d'autre dessein sur vous. a
Nous vous avons encore laiss combattre les Arabes
jusqu'
ce
qu'ils
soient devenus
votre
proie.
L'anne
dernire,
vous nous avez crit en d'autres
termes;
nous
pensmes d'abord que
vous
agissiez
ainsi
pour
flatter
l'amour-propre
des Arabes. Nous ne
vous
avons
pas rpondu, comptant
sur vos anciennes
pro-
messes,
et sachant surtout
que
les souverains n ont
jamais pour
coutume de revenir sur leurs
engagements.
Cette anne vous nous avez renouvel vos
lettres,
nous
ordonnant d'aller vous
trouver,
de vous
servir;
nous
menaant
dfaut,
de marcher contre
nous,
de br)er
nos demeures et de
couper
nos arbres. Tout homme
sens
a lieu d'tre
surpris
d'un semblable
langage,
sur-
tout venant d'une
personne qui,
comme
vous,
connat
nos
habitudes,
notre
tat qui
sait
que
nous ns don-
nons rien et ne recevons aucune
investiture,
que
nous
ne l'avons
jamais
fait
qu'en
notre
qualit
de
Kabyles,
nous ne reconnaissons.
pour
chefs
que
des
Kabyles
comme noua et
pour
arbitre souverain Dieu
qui punit
l'injuste.
Nous
possdons
votre
correspondance
du
jour
de
votre arrive
Alger,
et mme celle de vos
prdces-
seurs
nous
possdons
les lettres
que, pendant
vos
marches,
vous semiez sur les routes. Auriez-vous ima-
gin par hasard,
que
nous ne savons
pas
nous conduire
et
que
nous n'avons aucun homme
capable
de nous
diriger sagement
t N'tions-nous
pas
senss de croire
qu'un
chef si
grand que
vous ne
nous tromperait
pas ?
LA KABYLIE i~s
Dans cette
confiance,
nous avons laiss le terrain libre
entre vous et vos ennemis. De la
sorte,
vous avez vaincu
Abd-el-Kader, puis
les
Arabes,
privs qu'ils
taient de
nos secours.
Maintenant vous
agissez
comme si nous n'tions mu-
sulmans
que par Abd-el-Kader,
comme si nous ne
pou-
vions combattre
que
sous ses ordres.
Dtrompez-vous
nous sommes
musulmans,
quoique
sans
souverain
notre
pays
forme le tiers de
i'Atgrie
et le tiers de nos
montagnes
se
composent
de forts naturels. Enfin Dieu
secoure les musulmans ne nous
comptez donc
M au
nombre de vos
sujets.
Nous ne vous demandons
qu'une rponse
cette
lettre. Dites franchement ce
que
vous
exigez
nous
choisirons ensuite.
Si vous maintenez vos anciennes
promesses, envoyez-
nous une lettre revtue du sceau
royal,
nous la clas-
serons avec les
prcdentes,
et aussi nous continuerons
le
commerce. nous maintiendrons la scurit des routes,
comme
nous l'avons fait
depuis
votre avertissement.
Mais vous nous
prescrivez
de chasser Ben-Salem com-
ment
pourrions-nous y consentir,
puisqu'il
est musul-
mans ainsi
que
nous ?
Que
rpondriez-vous
qui
vous
demanderait d'exiler un des vtres ?
Si au contraire votre dessein formel est de
possder
toute
l'Algrie,
si vous mettez votre ambition con-
qurir
des
gens qui
ont
pour refuge
des
montagnes
et des
rochers,
nous vous dirons la main de Dieu est
plus
leve
que
la vtre.
Sachez
que
la
perte
et le
gain
nous sont iBdin'rents
nous avons
toujours
eu
pour
habitude de braver l'exil
ou la
mort,
par
suite des
guerres
civiles ou
cause des
mirs. Nos
montagnes sont spacieuses,
elles forment
une chane
qui
s'tend Tunis. Si nous te
poUvbM
vous
rsister,
nous reculrtts d
proche
eu
proche-
jusqu'
ce
pays tranger,
dont le
chef, que
Dieu
l'aide,
est en tat de lever des
troupes;
celles
qu'il sontpres'
que
toutes
composes
ds ntres leur
eiemple,
noud-
nous inscrirons soldats.
'Ne
pensez pa6
non
ptus
que
la
perte
de
ao<~ctte~
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(i830-'t87i)
n9
ou de nos arbres
puisse
nous mettre votre merci. Nos
rcoltes sont )e
plus
souvent la
proie
des sauterelles ou
prissent
sous des
boulements,
et nanmoins nous
vivons. Souvent
aussi,
nos arbres se desschent et ne
produisent pas plus que
s'ils taient
coups;
maintes
fois encore nos tribus se
ravagent
entre elles. Dieu nous
donne la
nourriture.
Ne
prtez
donc
point
l'oreille aux discours des hom-
mes de rien
qui
vous disent les
Kabyles
se rendront
si vous menacez leurs biens. Vous tes le
reprsentant
d'un
grand roi,
tenez vos
premiers engagements
et
le mal n'existera
pas
entre
nous.
Dans tous les
cas, faites'nous
promptement
connatre
ce
que
vous aurez
dcid
nous
agirons
en
consquence,
suivant la volont de Dieu.
Ecrit
par
toute ta tribu des Ftissas
marabouts,
cheikhs et
gens
du
peuple
.
A cette
missive,
le marchal
Bugeaud rpondit
e
21 avril
par
la lettre suivante
<
De la
part
de M. le
Marchal,
gouverneur gnral
de
l'Algrie,
tous les
Kabyles
de
l'est,
mais
principa-
lement aux
Flissas, grands
et
petits,
marabouts et cul-
tivateurs.
Que
le salut soit sur vous et
que
Dieu vous
dirige
dans la voie droite t
Nous avons
reu
votre
lettre,
nous l'avons lue avec
attention,
nous en avons
parfaitement compris
le con-
tenu. Vous dites
que
vous
possdez
tous les crits
qui
vous ont t adresss
par
les chefs
Franais depuis
leur
entre
Alger
et
que
tous retamaient seulement votre
neutralit,
les bonnes relations et le commerce. Pour-
quoi
dope,
6
Kabyles,
sans aucune
provocation
denotte
part,
avez-vous commenc la
guerre
contre nous t
Pouvez-vous nier tre sortis de vos
montagnes,
ds les
premiers
temps, pour
nous
attaquer
dans
la plaine
jusque
sur l'Oued
Kerma,
et mme derrire les
murs de Biidah ? Plus
tard,
quand
clatrent les
grandes
hostilits entre nous et
Abd-el-Kader,
n'avez
vous
pas
embrass la cause de celui-ci la fase
du ciel ?
N'avez-vous
point
pris part
au
pillage
et
f incendie
de
!{t
Mitidja?
N'tes vous
pas
venus
guer-
LA KABYUE 180
royer jusque
dans le Sahel ? N'avez-vous
point dirig
vos
attaques
sur
Bordj-el-Harrach (Maison Carre) ?
`.'
N'est-ce
pas
sous ses murs
qu'a pri,
tu
par
un
boulet,
votre chef si Haousein Ben
Zamoun, qui
vous menait
au combat contre
nous,
comme son
pre
l'avait fait
avant lui ? Pouvez-vous contester un mot de tout cela ?
J 'arrive une
poque plus rapproche quand je
fus
amen sur les confins de votre territoire
par
la nces-
sit
d'y
attendre le Khalifa de notre ennemi
dclar,
qui
lui-mme ne cessait de
prcher
et
d'organiser
la
guerre
contre
nous,
quand je
vins
attaquer
Ben Salem
et dtruire son fort de Bel
Kraroube,
je
vous crivis en
effet.
Que
vous
disais-je
alors ? J e vous
proposais
d'ou-
blier tous mes
griefs accumuls,
condition
que
vous
abandonneriez la cause de l'mir et de son
Khalifa,
que
vous assureriez les relations commerciales et la libert
du transit. L'avez-vous fait? Comment avez-vous tenu
les conditions de mon aman ? Vous avez amen vos
contingents
Ben
Salem
ils
pnt
march sous
son
dra-
peau,
ils m'ont
attaqu
le
premier
dans l'oued Soufuat
j'ai
d les
dissiper
sur le
Djebel
Rahmoun,
d'o Us me
menaaient
encore. Ben Salem tait rduit la condi-
tion d'un
simple fugitif
vous dites
que
la
religion
vous
prescrivait
de lui donner
l'hospitalit.
J e sais
qu'en pays musulman,
comme en tout
autre,
il
suffit t
d'accorder l'homme de discorde un asile momentan
et un libre
passage
pour
s'tre
acquitt largement
du
devoir de
Fhospitaht.
D'ailleurs,
si vous n'eussiez at-
tribu Ben Salem
que l'importance
d'un
rfugi
vul-
gaire,
si vous l'eussiez fait retomber dans
l'impuissance
et dans
l'oubli,
peut-tre aurais-je pu
fermer les
yeux.
Mais il vient au milieu de
vous,
il
plante
son
drapeau
et vous vous
rangez
l'entour. N'avons-nous
pas
eu lieu
d'en tre doublement
surpris
de votre
part,
sachant vos
prtentions
ne reconnattre aucun sultan ?
Adopter
le
Khalifa
d'Abd-el-Kader,
n'tait-ce
pas
reconnattre l'-
mir ? Ce n'est
pas tout.
Qu'avez-vous
fait
pour
le transit
et les relations
commerciales~?
Si vous ne vous en
tes
pas
mls
directement,
vous avez
toutefois permis que
les
cavaliers de Ben Salem
exerassent
la
police
de vos
H!STO!BE DE
LA KABYLIE
(1830-1871)
{81
1.1
routes, pour enlever,
pour
maltraiter et
dpouiller qui-
conque
se rendait sur nos
marchs. Lui ou
vous,
avez
recueilli les
assassins,
les
voleurs et les
intrigants
qui
fuyaient
devant nous le
rgne
de la
loi,
et i'on au-
rait
p"
croire
que
tous les dmons de la discorde s'-
taient i tirs dans vos
montagnes. Enfin,
dans l'tat
actuel des
choses,
Ben SaJ em a chez vous les dbris de
ses
cavaliers,
de ses
fantassins,
de ses
approvisionne-
ments
militaires;
il s'intitule votre chef dans sa corres-
pondance,
et vous
prouvez-vous-mmesia
vrit de ce
langage
en
vous rendant ses convocations et en
pr-
tant l'oreille ses
pernicieux
conseils. 0
Kabyles,
vous
ne
pouvez
rien
rpondre
tout ce
qui prcde.
Sachez-
le
bien
le Roi des
Franais
ne commet aucune
injus-
tice: il ne chtie
q'-e
des
coupables.
Vous l'tes envers
nous
vous l'tes
depuis longtemps
et de toutes les ma-
nires sans en avoir
jamais reu
aucun
sujet.
Vous
avez ferm les oreilles toutes nos
propositions
conci-
liantes et nous ne
pouvons plus
nous fier sur la
persua-
sion
pour
vous les faire
admettre
nous
prenons
le
parti
de vous les
imposer parla
force. Htez-vous donc
de vous soumettre et de venir mon
camp,
si vous
voulez viter bien des maux dont
je
ne serais
pas
res-
ponsable
devant
Dieu, aprs
vous avoir
prodigu
tant
de fois mes
avertissements.
Aussitt cette
rponse reue,
les tribus voisines fu-
rent
convoques
chez les Plissas et si les
Kabyles
re-
connurent
qu'au
fond les faits cits
par
J e Marchal
Bugeaud
taient
exacts,
ils dcidrent nanmoins
que
l'on ne devrait
pas
se rendre aux chrtiens sans avoir
fait
parier
la
poudre.
Il
n'y
avait
plus qu'
commencer la
campagne.
Le 26 avril
18-M,huitmit)e
hommes se trouvrent
runis la Maison Carre. De
l,
cette colonne alla
camper sur les bords de l'Oued Khamis et de l'Oued
Corso,
sur la rive
gauche
de
l'Isser,
ct des
Haouch-
ben-Ameur. Ce fut l
que
le
goum,
command
par
Ben
Mahy-ed-Din;
vint
rejoindre
nos
troupes.
Le 2
mai,
nous
campions
Bordj Menaet, auprs
des
montagnes
des
Flissas. Le
7,
nos
troupes
traver-
L &AM.I i82
sent avec
beaucoup
de difficults l'Oued Nessa. Cette
rivire, grossie par
de
grandes pluies, n'avaitpas
moins
de cent mtres de
largeur
et un mtre de
profondeur.
Le
10,
nos soldats
aperoivent
les
Kabyles
au nom-
bre de huit ou dix mille hommes. Le
lendemain,
tout
est
tranquille.
Le 12. une
attaque
des
Kabyles
sur
l'Oued Nessa est promptement repousse
eUe marchal
Bugeaud
se
porte
sur
Bordj-Sbaou.
L on crut des
ngociations,
les
Kabyles paraissaient disposs
se
soumettre
lorsque
leurs femmes les menacrent de ne
plus jamais
leur faire de
couscous,
ne voulant
pas
di-
rent-elles nourrir des lAches.
Pendant ces
indcisions,
les ofsiers
franais
calcu-
laient
quel pouvait
tre le nombre deseEnemis
Mes-
sieurs,
dit froidement le
Marchal,
ne discutez
pas
sur
le
nombre,
ce nombre vous
importe peu.
J e voudrais
pour
ma
part qu'ils
fussent
quarante
mille,
car
nous en
tuerions
davantage
et la
leon
serait
plus durable,
sans
que pour
cela notre succs en devnt moins
assur. J e
vous l'ai
dj
dit maintes fois au del d'un certain
nombre,
au del du nombre
qui
leur
permet
de nous
envelopper
et
d'agir
en totalit contre
nous,
les
masses
confuses,
tumultueuses,
ne gagnent
aucune force relle
par
leur accroissement
numrique;
au
contraire,
le d-
sordre,
la confusion
augmentent
en raison
directe de
leur multitude ).
Par des marches fort heureusement,
excutes,
nous
parvenons
nous
emparer
des
crtes,
qui
mettent sous
notre
main,
tous les
villages parpills
dans un
rayon
de
plusieurs
lieues. Les
Kabyles
sentent bien
que
la r-
sistance est
impossible;
aussi le 18 mai la
plus puis-
sante tribu du
Sebaou,
les
AmrouaS)
vient solliciter
l'aman. Elle est suivie
par
d'auttes tribus. L'aman
fut
accord,
et le 25
mai,
le Marchal
Bugeaud
donna
l'investiture des cads choisis dans
chaque
tribu
le
Marchal
repartit
le
27
la remise des brevets d'inves-
titure devait avoir lieu
Alger
le 6
juillet
suivant.
Le Marchal laissa dans la
partie
nouvellement con"
quise
trois bataillons
qui oecuprett
t le col des Ben
Acha.
HISTOIRE DE LA ikfryij~
(1830-1871)
i8
Peu de
temps aprs,
en octobre
1844,
le
gnral
Comman fait des reconnaissances
auprs de Dellys et
essuiR
quelques
revers. Le
gouverneur gnral, pour
ne
pas
laisser l'ennemi le
temps
de
reprendre
cou-
rage,
vient ie 27 octobre
engager
une action
auprs
du
village
d'Abbizar,
o l'ennemi se tenait. I! le met en
fuite. Les chefs des Beni
Djennad
et les Flisset-el Bahr
demandrent aussitt et obtinrent t'aman.
Dans les
premiers
mois de l'anne
1845,
une certaine
agitation rgna
dans la
Kabylie.
Le 21
juin
les
gnraux
d'Arbouville et
Marey
durent se
diriger
vers les Ouled Aziz et les Beni Yal
pour
les chtier.
Ils furent
attaqus par
Ben Salem
qui
s'tait mis
l tte de deux tribus. Le Marchal
Bugeaud
vint
de nouveau
rejoindre
nos
troupes,
il ut brler
quelques
vidages
des Beni
Ouaguennoun,
et cela suffit
pour
calmer l'effervescence et
empcher
de nouvelles tenta-
tives
d'attaques.
Nos soldats se
promenrent
chez les
Beni
Raten,
chez les Beni
Djennad sans
tre
proccups.
Nous
croyions
ds lors tre
tranquilles pendant quelque
temps.
Il n'en fut
rien,
cr au mois de
juillet
les
Kabyles,
ayant t'eu
des nouvelles
d'Abd-el-Kader,
nouvelles
apportant presque toujours
un cho de batailles
gagnes
et de succs
inesprs,
menacrent assez fottement
notre
occupation.
Ben
Mahy-ed-Din
dut
appeler
le
gnral
Bedeau. Celui-ci se
joignant
au
gra!
D'Arbou-
ville russit
couper
court t'insurrection en
quelques
jours.
L'anne 1846 fut
importante.
Ds le mois de
janvier
Abd-el-Kder vint
ravager
la
plaine
des
Issers.
Ceux-
ci,
soumis la France
depuis dj
un certain
temps,
appelrent
leur secours le
gnrt
Gentil. A notre
arrive,
les cavliers dAbd-el-Kader
oprrent
une
razzia de btait et se
replirent
Cherrak-el-Teboul,
o ils tablirent un
camp.
Nous nous mmes aussitt
leur
poursuite,
et nous
attaqumes
ce
camp
de Cherrak-
et-Tbot,
situ sur la
pente
Nord des Plissas. Nous
nous ~n rendmes matres et il nous resta aux
mains,
306
cne~aCx,
600
fusils,
tout te btail
pris
aux
Issers,
de~
gel!
as
drapeaux,
des
atrjnes,
et
sfpecialement,
LA KABTUE
184
dans
une
tente,
des lettres
portant
le cachet d'Abd-el-
Kader et des lettres lui adresses
par l'Empereur
du
Maroc.
De son
ct,
ds le i5
janvier,
le Marchal se rend
chez les Beni
Khalfoun,puis,
les
jours suivants,s'engage
dans la haute
montagne.
Le
19,
on
signale
la
prsence
d'Abd-el-Kader,
sur les rives de l'Oued
Kseb,
on va
pour
attaquer
le
camp,
mais Abd-el-Kader avait fui et
on ne
put
le
rejoindre.
On sut seulement
plus
tard
que
le 7 mars le colonel Camou l'avait rencontr et mis en
droute dans le
sud,
alors
qu'il
cherchait nous
chapper aprs
s'tre enfui de la
Kabylie
Le commandant Morlot de
Wengy, pendant
cette
anne,
en conservant )e
poste
de
Bougie,
avait russi
frapper
ou intimider
quelques
tribus
qui
nous firent
des offres de soumission.
La razzia de Cberrak-el-Tbout
produisit
une somme
de
44,000
francs. On
commena par
indemniser les
Issers des
pertes qu'ils
avaient
pu subir
cet acte de
justice
et de
protection produisit
un excettent'effet
sur les
Kabyles.
Ils avaient d'ailleurs t
dj frapps
de notre
conduite, lorsque, aprs
la razzia de Cherrak-
el-Teboul,
leurs chefs taient venus notre
camp.
On
les
y reput
sans leur demander aucun
compte
de la
manire dont ils avaient
pu
se
comporter
notre
gard.
Nous tions arrivs d'heureux
rsultats,
notre con-
qute
allait s'affermissant de
jour
en
jour,
et
cepen-
dant en
1847,
il restait
toujours
un
noyau
en
Kabylie, que
nous n'avions
pas
ennre soumis. La
conqute
de cette
rgion
tait
cependant
absolument ncessaire
pour par-
achever notre uvre. Le Marchal
Bugeaud,
en
parlant
du
J urjura,
disait cette
poque
< nous ne sommes
pas
assez forts
pour
aller l De leur
cot,
les crivains
de la
conqute
de la
grande Kabylie,
MM. Daumas et
Fabar,
constataient
qu'en
1847 notre domination n'tait
ni
absolue,
ni
complte, ni
tout--faitencore inbranla-
ble. I) nous fallut dix ans
pour
raliser ce
complment
de domination
qui
nous tait devenu
indispensable.
Quelques
faits mritent
cependant
d'tre relats avant
d'aborder la
campagne
de
i857,
qui
nous ouvrit relle-
ment la
Kabylie.
HISTOIRE DE LA KABYLfE
(< 830-1871)
i8S
Aprs
avoir
reu
la soumission des Beni
Abbs,
nos
troupes
allrent
camper
le 15 mai 1847 Sidi
Moussa,
o elles
essuyrent
une vive fusillade. Le
d6,
nous
attaquons
les
positions
et nous
russissons
prendre
les deux tours
qui
dominent le
pays
et
que
le Khalifa
Mokrani
appelait
les cornes du
Taureau. En
prsence
d'un
pareil succs,
tous les
Kabyles
fuient devant nous:
les
villages
sont incendis sur notre
passage par
nos
troupes.
a
C'tait
prs
de ces
tours,
entre les deux
hameaux,
au
pied d'Azrou,
que
s'tait arrt le
Marchal,
entour
d'un
grand
nombre d'officiers. Tout-
coup,
un homme
s'avance au milieu du cercle. C'est un
Kabyte;
mais la
propret
de son
vtement,
la
dignit
de sa
dmarche,
l'expression
de sa
physionnomie
annoncent un chef. Il
adresse la
parole
au Marcba) avec
beaucoup
de vh-
mence
J e viens te demander l'aman
pour
les miens et
pour
moi.
Qui
es-tu ? 2
L'un des chefs des Beni Abbs.
Hier je
les excitais
moi-mme au combat. C'est moi
qui, plus
vivement
qu'aucun autre,
ai
repouss
les
paroles pacifiques
de
ton Khalifa
Mokrani. J e
l'aperois
tes cts, il
peut
tmoigner
contre moi. Tout ce
que j'ai fait, je
l'avoue.
Maintenant tu nous as
vaincus,
et aussi franchement
que je
t'ai
combattu, je
viens te dire Nous sommes
prts
t'obir;
veux-tu nous accorder l'aman ?
Tu l'auras si tu te soumets mes conditions.
Nous sommes dans ta main. Fais d'abord cesser
la
poursuite
et l'incendie
aprs,
ordonne ce
qu'il
te
plaira
nous t'excuterons.
J e ne veux
pas
traiter
sparment
avec chacune
des fractions de la
tribu
il faut
que
toutes viennent
la
fois;
alors
je rappellerai
mes soldats.
Retire-les de suite.
Moi, je
te
parle
au nom de
tous les chefs. Demain
soirja
les
amnerai tous ton
camp.
Pourquoi
seulement demain soir? q
J 'ignore
o ils
sont
cette
heure. Tout le
monde
LA
~TL~E ~6
fuit au hasard et
dp
cent cts diSerects. Une
journe
sera courte
pour
les rallier tous.
Et s'ils refusent de te suivre ?`~
Ils
ne refuseront
pas. que
veux-tu
qu'ils
devien-
nent ? S'ils
refusaient, je
viendrai
seul ton
camp
et
je
te servirai de
guide pour
brler les autres
villages.
Va donc les rassembler. J e resterai encore
aujourd'hui
et demain dans le
camp que j'occupe
au
pied
de vos
montagnes.
J e t'attendrai.
(Daumas
et
Fabar).
Comme l'on faisait
remarquer
au Marchal
qu'en
ralit il n'avait aucun
gage
de )a bonne foi de ce
Kabyle,
celui-ci
rpondit
Dis-tui
que j'ai
confiance
en sa
parole.
La confiance est
compagne
de la force.
Sans aucune
garantie
de sa
part, je
vais
suspendre
ma
victoire. On
vacuera
les
villages,
on teindra les
feux,
on
respectera
tous les
champs qui
n'ont
pas encpre ).
dvasts,
qu'il parte.
J e vais lui
signer
tout l'heure
un
laisser-passer pour
franchir nos colonnes
parses;
qu'il songe
tenir sa
promessse
ou ma
justice
sera
inflexible. Le
Kabyle rpondit.
Si
je manque
ma
parole, que
Dieu me fasse tomber entre tes mains et
que
tu m'envoies
prisonnier
Paris 1 Demain avant le
coucher du
soleil,
je
t'amnerai tous les chefs des Beni
Abbs. Dans tous les cas
je
viendrai seul. <
Le
lendemain,
vers 3
heures,
tous les chefs venaient
la tente du Gouverneur. L'aman leur fut accord
aux conditions suivantes un
impt
annuel de
cinquante
mille francs et la
promesse
d'obir
notre
~haHfa
Mokrani. Celui
qui
s'tait
prsent
la veille
rpondit
Nous sommes vaincus. Nous excuterons tes volonts.
Nous obirons Mokrani. non
cause
de
lui, mais
cause de toi. C'est toi seul
qui
nous
as
vatncu&; lui,
sans cela ne
nous et jamais
commands.
Aucun
homme,
ni de sa
race,
ni d'une
autre,
ne l'avait
pu
faire
avant
toi.
a Le vieux
Kabyle
tenait ainsi
protester
contre
sa soumission
vis--vis
d'un
chef
arabe.
Ce
fut,
en
Kabylie, que
se
passa
le fait
lgendatre,
relatif au
fameux air
de
1~
casquette
du
pre
~ugeaud.
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(i830-87{)
~67
Une
nuit,
la
vigilance
de nos
avant-postes
fut en
dfaut et
quelques Kabyles
vinrent excuter sur le
camp
une
dcharge
meurtrire et si bien nourrie
que
nos soldats hsitrent se relever. Les officiers donnent
l'exemple
et s'lancent vers les
agresseurs.
Le marchal
Bugeaud
tait arriv l'un des
premiers,
les assaillants sont vivement mis en fuite. Chacun
rentrait au
camp
!a lueur des feux du
bivouac,
lors-
que
le marchal
remarqua que
chacun souriait en le
regardant.
Il
porta
la main sa tte,
et ne
put
s'em-
pcher
de sourire lui-mme en constatant
qu'il
tait
coiff comme
jadis
le bon roi d'Yvetot. Il demanda
aussitt
sa
casquette,
et dans le
camp,
ce ne fut
qu'un
cho de mille voix: la
casquette,
la
casquette
du
marchal. Or cette
casquette,
un
peu originale,
avait
eu le don d'attirer souvent l'attention des
soldats
aussi
le
lendemain,
quand
les clairons sonnrent la
marche,
le bataillon de zouaves se mit chanter en
chur;
As-tu vu
La
casquette,
La
casquette.
As-tu vu
La
casquette
Du
pre Bugeaud ?
q
Le
marchal, qui
aimait raconter cette
anecdote,
disaitsouventau clairon depiquet:
<
sonne ta
casquette
ce
fut
de ce nom
que s'appela
dsormais la fanfare de la
marche.
Le i6
mai,
le lieutenant
gnrt
Bedeau vint
camper
en face
des Reboutas,
et incendia
plusieursvillages
aux
environs
pour
punir l'agitation
de
Muley
Mohammed.
H ne fut
pas d'aUteurs l'objet
d'une
seule
attaque.
Le
18,
on culbute les Beni
Ourtilan,
et
dans
leurs
villages,
on dtruit
les maisons des
agitateurs. Consterns;
ils
viennent
tous
nous
demander de leur accorder l'aman.
Le i9, nous
recevons
la soumission des Beni HafSf et
des
Guifsar.
Le 23
mai,
l'arme entire se
trouve
runie
il
y
a ta
ouinj~
mttte hommes qui campent
aux environs et
en
LA KABYLIE
188
face de
Bougie.
Les
Kabyles,
en
voyant
un tel
spectacle,
comprirent
quelle puissance
il faudrait
rsister,
et
l'un d'eux ne
put s'empcher
de dire Nous avions
bien
appris que
c'tait folie nous de
rsister,
tant
votre force tait
grande
mais nous ne l'avions
pas
vue.
Maintenant notre il est satisfait.
Le 24
juin
eut lieu l'investiture de soixante chefs
Kabyles
devant la tente du marchal.
Six
coups
de canon retentirent et le
gouverneur
gnra!
s'exprima
ainsi
a J e suis
venu, rempli
d'intentions
pacifiques,
vous
oSrirl'ordreet la
prosprit. Quelques-uns
d'entre vous
m'ont accueilli de
suite,
d'autres ont voulu me
repousser.
A ceux-l
j'ai
rendu
guerre
pour guerre,
vous savez ce
qui
en est arriv. J e serais eu droit de les
punir;
mais le roi des
Franais,
que je reprsente,
est
grand
et misricordieux. Voici
quelle
est sa volont.
Vous ouvrirez librement au
commerce,
aux chrtiens
comme aux
musulmans,
le
parcours
de toutes vos
routes,
notamment celle de
Bougie
Setif.
Les tribus
rpondront
de tous les mfaits
qui
seraient
commis sur leur territoire elles
y
veilleront
par
des
postes.
Vous fournirez des
moyens
de
transports
nos co-
lonnes,
toutes les fois
que
vous en serez
requis
vous
paierez
un
impt modr,
dont le montant
pour chaque
tribu est
dj
fix le
premier
semestre devra tre ac-
quitt
tout de
suite,
ou au
plus
tard dans le dlai d'un
mois. Il vous est interdit de faire la
guerre
entre vous.
L'autorit
franaise jugera
tous vos
diffrends,
comme
elle
punira
tous les
perturbateurs.
Ecartez avec soin Abd-el-Kader et les chrifs
qui
vous
prchent
la
guerre
car ils
empcheraient
l'effet de nos
bonnes intentions envers vous.
`
Nous
n'occuperons pas
votre
pays,
nous ne
garde-
rons
pas
vos
routes
mais nous viendrons de
temps
en
temps
vous
visiter,
avec une arme comme
celle-ci,
et
alors nous chtierons ceux
qui
se
seraient rendus cou-
pables
de la
plus lgre
infraction.
Chacune de ces
phrases,
disent
MM. Daumas et Fa-
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(i830-lC'71)
189
n.
bar,
tait
traduite
successivement et suivie d'acclama-
tions. La solennit se
termina,
au bruit de la
musique
militaire et
du
canon,
paria
distribution des burnous
et d'un
grand
nombre de cadeaux. Les
tribus
livraient
en
change
un cheval ou un mulet de soumission.
Le
25,
le Marcha!
s'embarqua
Bougie
mais avant
son
dpart
il
annona
en
prsence
d'une centaine d'offi-
ciers venus
pour
le saluer
bord, qu'il
allait se dmet-
tre de ses hautes fonctions. Ce fut une douloureuse
nouvelle
pour
t'arme.
Le
gnra)
Gentil fut
charg
de ramener )a colonne
du
gouverneur.
Sa marche fut excute sans aucun in-
cident. Les
tribus, devanant
l'chance Sxe,
acquit-
trent lors de son
passage
le premiersemestre d'impt.
Seul le lieutenant
gnral
Bedeau eut un
engagement
trs secondaire avec
quelques perturbateurs
dont
il eut
vite raison.
En 1848 et en
1849,
nous ne trouvons
rien de sail-
lant
signaler.
Le 21 mai
1850,
dans un
dispersement
des
Kabyles
des Beni
Himmel,
le
gnrt
Barral fut mortellement
bless.
En
1831,
une vaste insurrection suscite
par
un fana-
tique prchant
la
guerre
sainte.
Bou
Baghla,
menace
notre influence
etnotre pouvoir
en
Kabylie.
Vainement
le
gnral d'Hautpoul,
alors
gouverneur gnral,
de-
mande avec insistance l'autorisation
d'attaquer
la Ka-
by!ie.
On lui refuse cette
autorisation;
mais on lui en-
joint
de runir
pour
la fin du mois
d'avril,
huit mille
hommes
qui
formeront un
corps expditionnaire
aux
ordres du
gnrt
St Arnaud. Cette colonne aura
pour
mission d'affermir i'autorit des
cheiks,
nos
allis,
d'
tendre nos relations et de
dbloquer Djidjelli.
Lorsqu'en
1854,
clata ia
guerre
d'Orient,
notre ar-
me
d'Afrique
fut
appele
en
Europe.
Bou
Baghla
avait
cru bon le moment
pour prcher
de nouveau la
guerre
sainte. Malheureusement
pour
iui,
le marchal
Randon,
gouverneur
de
l'Algrie, prit
des mesures trs
promptes
et trs
nergiques.
Deux
divisions,
sous les ordres des
gnraux de
Mac Mahon et
C~mon, partirent
Funed'A!-
1~ ~BYL~E ~p
ger.
et
l'autre de
Constantine,
et se
portrent
dans
!e
massif
compris
entre
Dellys
et
Bougie.
Elles se runi-
nirent,
remontrent la valle du Sebaou et envahirent
'tout le territoire des Beni
Yaya (14 juin).
Devant nos
forces et la
promptitude que
nous avions
dploye,
les Beni
Idjers
demandrent
l'aman,
et nous emes
sous notre autorit toutes les tribus
places
entre le Se-
baou,
Dellys
et
Bougie.
Les deux annes suivantes furent
marques par
des
vnements malheureux
pour
nous. En
18SH.
la tribu
des Ben Iraten fit soulever les Beni
Aguennoun.
Nos
allis des environs furent
pills,
nob
postes
ouverte-
ment insults. L'audace des
insurgs
fut telle
que
huit
mille hommes
d'entre eux
essayrent
d'incendier la
forteresse de Br-el-Mizan. Le marchal Randon atten-
dait
1~
fin de la
guerre d'Orient,
pour
chtier les
agita-
teurs,
ses
troupes
n'tant
pas
suffisantes. En
i856,
ce
fut le tour de la tribu des Guetchonta. Leur insurrec-
tion resta aussi
impunie par
les mmes motifs.
Enfin le marchal
Randon
vit
approcher
le moment
de
frapper
le
grand coup
sur la
Kabylie
et ds les
pre-
miers mois de l'anne 1857 il
prpara l'expdition qui
devait achever
compltement
notre
conqute.
Au dbut de cette
anne,
le marchal
Randon, gou-
verneur de
l'Algrie, convoqua 35,000
hommes de trou-
pes rgulires
et
quelques
milliers d'auxiliaires arabes
et
Kabyles.
Le
plan adopt
fut aussi
simple que
bien
rgl.
Nous laissons un tmoin
oculaire,
M.
Carrey,
le
soin de nous le faire connatre.
<
Un
corps
de
25,000
hommes
environ,
de
troupes
rgulires,
formant trois
divisions,
sous le commande-
ment direct du
marchal, composera
l'arme active
proprement
dite. Chacunede ces
divisions,
sesubdivise
en
deux
brigades,
sous les ordres immdiats
de
deux
gnraux
de
brigades.
Un
corps
de cavalerie et une r-
serve d'artillerie sont annexs cette arme.
Ce
corps principal
doit entrer dans la
grande
Ka-
bylie par
le
nord,
et
cette fin
se concentrer
dans la
valle
du
Sebaou,
aux
pieds
des
montagnes
ennemtes,
prsdufortdeTizi-Ouzou.
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
i91
Une colonne dite
d'observation,
compose
de deux
bataillons d'infanterie,
de deux escadrons de
cavalerie,
d'une section
d'artillerie et d'un
goum
arabe,
sous les
ordres
d'un
colonel,
doit se concentrer sur la frontire
ouest
de la
Kabylie,
f, rentre de la valle de
Boghni,
autour dufortde
Dra-ct-Mizan,
centre de ses
oprations.
Une seconde
colonne, compose
de deux bataillons
d'infanterie,
deux escadrons de
cavalerie,
une section
d'artillerie et un
goum arabe,
sous les ordres d'un co-
lonel,
doit
occuper galement
un
poste
d'observation
militante sur tes versants sud du
Djurjura,
dans la
valle de l'oued
Sahel,
quatre
lieues de la colonne
prcdente,
chez les
Beni
Mansour.
< Une troisime
colonne,
compose
de
deux
compa-
gnies
de
troupes rgulires
et de
goums
arabes,
sous
les ordres d'un
lieutenant.colonel,
doit s'tablir sur les
versants
sud du
Djurjura,
dans la vaUe de
l'Oued Sa-
hel, Tazmalet
(Tazmalt),
chez les
Beni
Abbs, tribu
rcemment soumise.
'<
Enfin une division
entire, compose
de 5000 hom-
mes
avec
artillerie, gnie,
etc. sous les ordres
d'un
gnrt
de
brigade,
doit se
concentrer
sur les frontires
sud-est du
pays
ennemi,
en face du col de
Chellata,
l'un des
passages
de la
grande
crte rocheuse du
Djur-
jura.
<
Des
contingents Kabyles,
soumis la
France )6t
~uscits
par
elle,
doivent
prendre part
ta.
lutte,
mais
spartnent, pour
leur
compte,
selon
leur mode de com-
bat,
leurs
haines,
leurs
volonts
du moment
(Carrey,
Rcits de
Kabylie).
Cette
situation
de nos forces forme
ainsi un vrita-
bte sige
tout
autour
de la
Kabylie;
c'est en vrit un
vaste ~tet qui englobe
tout le territoire insoumis et
dont tes
mailles se resserrant
chaque jour
de
plus
en
plus
viendra enserrer les
Kabyles jusqu'au
dernier.
Dans le courant d'avril ou les
premiers jours
de mai
1857, chaque troupe
se met en mouvement
pour
venir
prendre
les
positions qui
lui ont t
assignes.
Le ma-
rchal
R.andon
quitte Alger
le l?
mai et arrive ce mme
jpur
Ttz~-Quzou. t~e i8, il visite le fort et le
camp,
le
LA KABYLIE
i92
<9,
il s'avance
pour
choisir ses
points d'attaque,
le 20
il tablit son
quartier gnral
au centre de l'arme ac-
tive.
Tout est
prt pour
la
lutte
mais avant de
passer
aux
faits, voyons
comment nos
troupes
sont
disposes,
et
par qui
elles sont commandes.
Trois
camps
sont forms.
Le
premier,
droite du
quartier gnra!
du
marchal,
est celui de Sikhou
Meddour;
il est
occup par
la
pre-
mire division aux ordres du
gnral
Renault. Cette
division
comprend
deux
brigades,
l'une commande
par
le
gnral
de Liniers
(cinq bataillons)
l'autre
par
le
gnral Chapuis (six bataillons).
Le colonel deFnton
commande la cavalerie tablie autour de ce
camp.
Le second
camp,
celui d'Abid
Chambal,
se trouve ta-
bli la gauche du
quartier
gnral. La
seconde
division,
aux ordres du
gnral
Mac
Mabon,
l'occupe,
elle est
organise
en deux
brigades
chacune de ces
brigades
comprend
six
bataillons,
l'une commande
par
le
g-
nral
Bourbaki,
l'autre
par
le
gnral Perigot.
Le troisime
camp, camp
d'Hanis,
est au centre et
aux ordres du
gnral
Yusuf. Les
gnraux
Gastu et
de
Ligny
commandent les deux
brigades
de cette divi-
sion elle
comprend
douze bataillons.
Ces trois
camps
forment le
corps expditionnaire.
Quant
aux colonnes
d'observation,
elles sont com-
mandes
Lai~
par
le
gnral
Maissiat. Elle est
compose
de
5.000
hommes formant tout l'effectif
disponible
de la
division de Constantine. Elle arrive le 26
juin
en face
des Beni Mettikeuch.
La
2",
aux ordres du
cotonetMarmier, comprend
deux
compagnies
de fantassins
(tirailleurs indignes
et chas-
seurs
d'Afrique),
40
spahis
et un
goum
de trois cents
chevaux. Son
rote,
tout
passif,
consiste
primitivement
surveiller les
Mellikeuch,
de son
camp
nx chez les
Beni Abbs.
La 3
colonne,
compose
du i8 bataillon de chas-
seurs,
de trois
compagnies
du 2" bataillon
d'Afrique,
de
deux escadrons du 7"
hussards,
d'une section d'artil-
terie
et d'un
goum
de cent
cinquante cavatiera arahe,
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-~871)
d93
est
place
sous le commandement du colonel
d'Argent
et
vient
camper
chez les Beni Mansour.
Enfin
la dernire colonne dite
d'observation,
aux or-
dres du colonel
Drouhot,
assist du commandant Beau-
prtre, quitte
le 13 mai le fort de Dra-el-Mizan et
campe
le 23
Bordj-Boghni
forme de deux bataillons du
65e
de
ligne,
de deux escadrons du 7
hussards,
d'une
section d'artillerie et d'un
goum
arabe,
elle a
pour
ob-
jet
de
surveiller,
ainsi
que
la 3
colonne,
les tribus
qui
l'environnent
jusqu'
l'arrive de l'arme
principale,
pour
faire avec
elle,
s'il
y
a
lieu,
soit une
jonction,
soit
une
diversion sur les derrires de
l'ennemi.
La
campagne
commence avec ces
dispositions, qui
taient incontestablement fort
sages
et fort habiles.
Le marchal a
projet pour
le 22 mai
l'attaque
du
territoire des Ait
Iraten,
mais un
temps
affreux de
brouillards,
empche
la sortie du
camp.
Les marabouts
kabyles
ne
manquent point
de tirer de ce fait un
pr-
sage
heureux < Le
Roumi, disent-ils,
vient si nom-
breux
que depuis Alger jusqu'au Sebaou,
on ne
peut
pas jeter
un
grain d'orge
sans
qu'il
retombe sur une
tte d'homme. Mahomet veille sur ses enfants et va dis-
perser
sans combat cette
lgion
de fourmis voraces.
Et ce
qui augmente singulirement
leur
confiance~
c'est
qu'une
forte
pluie,
et les
grondements
du tonnerre se
mettent de la
partie,
et durent toute la
journe
du 23.
Mais vers le dclin du
jour,
avec cette
rapidit
vraiment
extraordinaire
que
chacun maintes fois constate en
Algrie,
le
temps
s'claircit,
et l'on
peut prsager pour
le lendemain matin une belle
journe.
Les
prvisions
taient
justes
aussi trois heures du
matin le
corps expditionnaire peut
se mettre en mou-
vement. Le
gnrt
Yusuf,
dont la division doit enle-
ver une des
positions
les
plus
difficiles,
le village d'Ighil
Guefri, dit au marchal, en
le
quittant:
Vous serez
obi,
Monsieur le
Marchal
sept
heures,
nous fume-
rons le
cigare
dans le
village d'Ighil
Guefri.
Tout
coup,
gauche,
on
entend des feux roulants
et le canon
gronde,
c'est
la division de Mac-Mahon
qui
est
engage;
un
pais
brouillard de fume de
poudre
empche
de
suivre son mouvement.
LA~pY~fE
A
droite,
au bas
d'ighil
Guefri,
des
coups
de feu se
font aussi bientt entendre. Le
gnral
Yusuf
est entr
en p.ctfon.
La division Renault reste seule silencieuse.
Le
marchal,
qui a pris position
surun
mamelon,fait
lancer des
fuses sur tes hauteurs
pour protger
l'as-
cension du
gnral
Yusuf. 11 est bientt
obtig
de
faire
cesser cette
opration,
les
troupes
arrivent en effet
presque
sur les hauteurs et les balles des fuses
pour-
raient atteindre nos
soldats,
qui disparaissent
au mi-
lieu des
figuiers.
Une flamme violente
apparat
aux
yeux
du
marchat
et de son tat
major
ce sont les
deux hameaux
qui
couvraient Tacherahit
qui
brtilent,
incendis
par
la di-
vision
Mac-tahon
et bientt
Tacherahit,
est iui-mme
livr aux
flammes,
il est
cinq
heures du
matin,
et
la division de Mac-Mahon a commenc son mouve-
ment
a. quatre
heures
prcises )
It est vrai
d'ajouter
que
la marche tait admirablement
rgle.
La
brigade
Bourbaki,
partie
en
avant,
sans
sacs, comprenait
le
2" de
zouaves,
le 54" de
ligne,
le 1' bataillon
du
2
trangers,
et le H bataillon de chasseurs
pied.
Trois
sections
d'artillerie la suivent de
prs.
Derrire elle
vient la
brigade Prigot, par
bataillons en
masse,
savoir: le 93 de
ligne,
le 3~de
zouaves,
et
tei~batait-
)on du 3 tirailleurs
algriens.
Un
escadron
du 1~ chas-
seurs
d'Afrique
et un escadron de
spahis
suivent
& gau-
che dans la
plaine, menaant
les bas versants
de )a
montagne attaque
et de celle des
Fraouen,
tribu voi-
sine et amie des Ben Iraten.
La
brigade
Bourbaki a devant elle un
premier plan
de terrains en
pentes
douces, plant
de
figuiers,
se-
m
d'ouvrages
en terre et de hameaux
avancs,
qui
abritent des
Kabyles rpandus,
sans
ordre,
en
tirail-
leurs
puis
Tacherahir,
situ 300 mtres
au-dessus
de
la
vallee,
doublement fortifi
par
la nature et les Ber-
bers. Prcdes d'une
ligne
de
tirailleurs,
les
troupes
entrent sous les
figuiers
et culbutent dans le ravin de
l'oued Boukal les
premires
embuscades
ennemies,
tan-
dis
que
l'artillerie
ravage
coup
d'obus leurs
premiers
ouvrages
ou hameaux
fortiMs et
bientt Tacberab~r
lui mme.
(Carrey, e gqP,III~~).
r
tuimme..(Carrey~e6~).
HISTOIRE DE
j[~
EApY~tE
(1830-~871)
i9S
Bourbaki, san~
perdre
une
minute, escalade,
300
mtres au dessus et sous le feu de
l'ennemi,
une autre
bourgade
retranche,
appele
Blias.
L,
il arrte ses
troupes pendant
dix
minutes,
puis
les
ralliant,
leur fait
gravir encore,
deux cent
cinquante
mtres au-dessus
de
Blias,
les
pentes
d'un
piton garni
de rochers et o
se trouve Afensou. En trente
minutes,
ses
troupes
arri-
vent au sommet
< ma)gr l'ennemi,
les
ravins,
les es-
carpements,
et six heures du
matin, s'y rpandent
victorieuses, ayant,
en deux
heures,
sousle feu
toujours,
parcouru
deux
grandes lieues,
gravi sept
cent
cinquan-
te mtres en
hauteur,
pris
trois
villages
et,
devant
elles,
sur toute la
route, balay
les
Kabyles
entasss et hur-
lants,
comme un vent
d'orage
balaie des
poussires.
(Carey,
mm.
ouv.).
L'avant-garde
de Bourbaki ne se trouve
plus qu'
une lieue et demie du
plateau
deSouk el Arba
(FartNa-
tional).
Elle n'en est
spare que
par
le
village
d'Imase-
ren, dont
le 2 zouaves
s'empare
eu une demi-heure
ainsi
que
de Bou
Arfa,
autre
mamelon
gauche.
Les
oprations
de la
brigade
Bourbaki sont termines
pour
cette
journe
le
gnral prend
soin de se fortier
dans
ses
positions, positions
trs
importantes, puisque
du
haut
de ces deux
mamelons,
il domine Souk el
Arba.
Pendant
que l'avant-garde
de la division de Mac-
Mahon effectuait ce
beau
fait
d'armes, l'arrire-garde
oprait
son tour et
par
la mme
route,
son
ascension,
mais non sans avoir
combattre un ennemi nombreux
et hardi. Les
Kabyles, voyant
s'avancer sur eux les
trois divisions
franaises, comprirent qu'ils
allaient tre
pris
sans retraite
possible
ils descendirent donc aussi-
tt dans les ravins de droite et de
gauche,
et
arrivrent
en nombre assez
considrable,
entamer
Far~re-garde
de la
brigade Prigot.
Le 11 chasseurs
pied
et le 2~bataillon du
93",
vi-
vement
presss,
les
reoivent
J a
baonnette,
ot
par-
viennent les
repousser
dans les
ravins
mais alors
commence une fusillade
qui
ne dure
pas
moins de
qua-
tre
heures
elle arrive
prendre fin,
et nos
troupes
tablissent leurs
bivouacs
it est deux heures.
LA KABTUE 196
La marche de la division de
Mac-Mahon tait admi-
rable en
cette journe
non moins belle fut cette de la
division Yusuf.
Nous l'avons
perdue
de
vue,
au moment o le mar-
chal venait de
suspendre
le lancement des fuses et o
les
troupes pntraient
sous un
plant
de
figuiers.
La
colonne
de
droite,
aux ordres du
gnrt
Gastu et for-
me de 2 bataillons du 1" zouaves et de deux bataillons
du 6(P de
ligne,
a
pour
mission d'enlever
Iguil
Guefri.
I) doit en
passant
enlever le marabout de Si
Ktaoui,
situ dans la
plaine
sur un mamelon
spar.
Elle
part
une demi-heure avant les deux
autres,
sans
sacs,
sans
bidons,
sans
gamelles.
Le
gnral
Gastu
gagne
au mi-
lieu d'un
profond
silence,
le mamelon de Si Klaoui et
arrive au bas de la
cte, garnie
de
figuiers, qu'il
doit
escalader. Subitement la fusillade
ctate
comme il fal-
lait si
attendre,
les
Kabyles
s'taient
embusqus.
Le
gnral
fait sonner la
charge
et monte les
Kabyles
dis-
paraissent rapidement.
Nos soldats avancent
cependant
< comme
rass,
colls la
montagne qui
les
protge.
a
et l une balle arrive son but un soldat s'arrte
ou tombe son camarade le
repose
terre, puis reprend
sa route et tout est dit: c'est l'affaire de l'ambulance
ou du
prtre. L'honneur,
le devoir et le clairon sonnent
la
charge,
il faut monter chacun monte
presque
sans
tirer,
sans
s'occuper
de
l'ennemi, ddaigneux
de ses
balles.
(Carrey,
Rcits de
Kabylie).
On arrive dans
gbi) Guefri,
o se trouvent seulement
quelques Kaby-
les
qui
n'ont
point
voulu fuir. Ils accueillent nos sol-
dats
par quelques coups
de feu. A six heures
prcises,
une heure avant le moment
indiqu par
le
gnral
Yu-
suf,
le i~ de zouaves et le 60 de
ligne pntrent
de
tous cts dans le
village.
Un lieutenant du i~ batail-
lon,
M.
Bousset, gravit
te
premier
les murailles
Kaby-
les
il est
vingt
pas
devant tous les autres.
Quand
le
gnral
Gastu,
ayant appris
ce beau
fait,
flicita
ce jeune
lieutenant,
celui ci
rpondit simplement je
vous re-
mercie,
mon
gnra),
mais
je
n'ai rien fait de
plus que
les autres
je
suis
lieutenant,
il fallait bien conduire
mes
hommes,
D'Ir'it
Gaefri et
sans
arrt,
la
brigade
HISTOIRE DE LA KABTJ E
(1830-1871)
191
Gastu marche sur
Taguemmount
o elle est
rejointe
par
la colonne de
Ligny.
Cette seconde colonne
partie, d'aprs
les
ordres,
une
demi-heure
aprs
la colonne
Gastu,
arrive
auprs
de
Taguemmount,
sans avoir rencontr un
ennemi,
sans
avoir eu tirer un
coup
de
feu. Elle fait sa
jonction
avec la
brigade Gastu,
et toutes deux marchent vers la
division
Mac-Mahon, qu'elles atteignent
en bas de
Tir'ilt el
Hadj Ali,
avant
sept
heures du
matin.
Le
gnral
Yusuf s'tait mis la tte de la 3
colonne,
dite de rserve et
compose
du 68 de
ligne
et du 1"
bataillon du 75" avec
l'artillerie,
le
gnie
et les ambu-
lances. H arrive
auprs
des deux autres colonnes et
prend possession
des
positions qu'il
doit
occuper.
Il
envoie le 1' bataillon de zouaves la
poursuite
des
Kabyles rfugis
dans un vaste
ravin,
sit-u entre le
g-
nrt Renault et lui.
Les deux divisions Mac-Mahon et Yusuf avaient rem-
pli
une tche
ardue;
la division Renault dans cette mme
journe
russit
compltement
ses
oprations
non moins
difficiles.
Camp
Sikhou
Meddour,
le
gnral
Renault avait
devant lui un troit
plateau
se reliant Souk el
Arba,
occup par
les
Irdjen,
fraction des ait Iraten. Il lve le
camp
cinq
heures et demie du
matin;
il a form avec
ses
troupes
trois colonnes celle de
droite,
aux ordres
du
gnral
de
Liniers, comprend
4
compagnies
du 8 ba-
taillon de
chasseurs,
2 bataillons du 33" de
ligne,
un
bataillon du 90". La colonne de
gauche,
colonel
Rose,
se
compose
du i~ bataillon
du 1*~
rgiment
de tirail-
leurs
algriens,
d'une
compagnie
du 8" chasseurs et
d'un bataillon du 90". Le
gnral Chapuis
commande la
3" colonne dite de
rserve,
comprenant
un bataillon de
tirailleurs
algriens,
deux
compagnies
du 8 bataillon
de chasseurs
pied
etdeux bataittoas du
4i".L'artitterie,
place
sur un mamelon
avanc,
balaye,
devant les trou-
pes
en
marche,
le
village
de
Djemma.
Puis la tte d'un
peloton
de
spahis
et d'un escadron de chasseurs d'Afri-
que,
le colonel de
Fnelon,
commandant en chef de la
cavalerie,
chasse tes
Kabyles pars
dans la
plaine,
LA
KABYUE
498
La colonne de Liniers s'avance
par
le
plateau
de Tak-
sebt
jusqu' Tiguert
Hala,
escaladant des
pentes abrup-
tes,
dfendues une une. C'est l
qu'elle opre
sa
jonc-
tion avec la 2" colonne. En
effet,
le colonel Rose tant
arriv
Taranimt,
aprs
une monte difficile,
et un
vif
engagement,
s'tait
dirig
vers
Tiguert
Hala
qu'il
occupait
iors de l'arrive de la colonne de Liniers.
Toutes deux
runies,
ces colonnes dominent tous les
pitons, garnis
de
villages,
situs vers la droite sur la
valle de l'oued Assi.
Le
gnral Chapuis,
avec la colonne dite de
rserve,
avait
accompli
sa
jonction
avec le
gnral
de Liniers
dans le
village
de
Djemma
et avait ainsi assur les com-
munications avec le
camp
de Sikhou Meddour.
Sur les ordres du
gnral Renault,
la 2 colonne arr-
te
Tiguert Hta,
se
dirige
sur les
villages
de Tamze-
rirt et d'at Sad.
Protg par l'artillerie,
le colonel
Rose enlve ces deux
villages,
et s'tablit sur le
plateau.
d'Ouailel.
C'est l
que
le
gnral
Renault vient ins-
taller son
bivouac
il a
devant
lui Ibachiren et les
quel-
ques villages qui
le
sparent
de Souk el
Arba,
point
de
jonction
6x
pour
les trois divisions.
Cependant
l'ennemi
ne cesse de tirer
et m~tgr
les
postes avancs,
ses battes arrivent
jusque
dans le
camp.
Le
gnral
Renault fait
occuper par
les tirail-
leurs du colonel Rose les hauteurs
qui
commandent les
villages
d'Ibachiren et
d'Azouza,
situs en avant de son
camp,
tandis
que
deux bataillons des 41 et 90 de
ligne,
conduits
par
le
lieutenant
colonel
Mry
de la
Canorgue
et le commandant
Thouvenin,
s'chelonnent sur un
long
contrefort de
droite,
dominant le
village
d'Ait
Hag.
A deux
reprises,
les
Kabyles
tentent
des
attaques
vigoureuses
sur ces diffrents
points d'avant-garde;
ils
viennent si
prs, qu'en plusieurs
endroits les soldats
peuvent
les
repousser
la
baonnette
mais une
batterie
d'obusiers de
montagne
lance
sur eux
quelques
obus,
qui portent
en
plein
et
prviennent
de nouvelles atta-
ques.
La i~ division a
encore
s'emparer
des
villages
placs
sa
droite,
sur
des cqn),re-forts, qui descendent
sparment, et par des
pentes
rapides~tiMU'~
ta yat~e
BISTO!RE DE
LA )ABTfJ E (1830-1871) ~9
de l'Oued-Aissi. Les
Kabyles
de ces
villages,
embus-
qus
derrire
leurs
maisons,
ou se
reployant
tous ins-
tants dans le fond de leur ravin
impraticable,
tirent sur
les soldats encore
dcouvert,
blessent ou tuent
beau-
coup
de monde
et,
par
instants,
font des retours of-
fensifs jusque
sur
Tiguert
Hala et toute ]a crte
occupe
par
la
premire
division
a (Carrey,
mme
ouvr.)
Le commandant Gibon fait
diriger
un feu
plongeant
sur les
villages,
ce
qui
assure aux
troupes l'emplace-
ment
dfinitif de leurs
positions.
Pendant toute la
journe, l'avant-garde de
la division
Renault reste
engage,
et ce n'est
qu'au
coucher du
soleil
que
cette dernire
peut
se maintenir dans les
po-
sit,ions
qu'elle occupe, grce
son
nergie
et celle de
ses chefs.
La nuit
arrive, chaque
division
occupe
les
positions
que
nous avons
indiques,
et le Marchal a tabli son
camp
autourdeTir'iltel
Hadj Ali.
De ce
point, nous pou-
vons voir
les
trois
divisions
et le
pays
environnant,
et
ce n'est
certes
pas
un
spectacle peu
curieux
que
celui
des
incendies
allums
par
des
Kabyles,
nos allis du
moment, chez
les
Kabyles,
nos ennemis
d'aujourd'hui.
Les Matkaontlivr aux flammes les
villages
des Douella
et des
Mahmoud
les Fraouen
ont t
l'objet
de la ven-
geance
des
At
Djennad.
Avant de
poursuivre
ce
rcit,
il
est juste
de se rendre
compte
de la force des ennemis
que
nous avions eus a
combattre. Les
Kabyles
combattent
pour
leur
crte,
pour
leur
Ir'il,
c'est dire
qu'ils
se dsintressent de la
lutte
qui
clate chez leurs
voisins.
Aussi n'avions-nous
en ralit
que
de
faibles
contingents
devant nous. Il
n'y
avait
pas
chez
eux
cette union
qui
et
pu
nous tre
funeste;
et c'est
rendre
hommage
la vrit
historique
que
de
copstater
cette
situation. D'un autre
cte,
il
faut
remarquer
le mouvement fort habilement combin
de
nos
troupes.
L'attaque
ne se fait
pas
de
front,
mais
en tournant l'ennemi,
qui,
chaque
instant,
se
trouve
pris
entre
plusieurs
feux.
Cette journe
du
2~
mai,
fertile
en
beaux
faits d'armes,
Cote
cppendapt
}a
Ff~ceun
f~ang prcieux.
Soixante
LA KABYLIE 200
six soldats sont morts sur le
champ
d'honneur,
quatre
cent
quatorze
autres,
dont trois
officiers,
sont vacues
sur les ambulances.
Le 25
mai,
le soleil se lve et la lutte recommence.
La division Renault n'a
pas
assez de
troupes pour
occuper
tous les
villages
des
Irdjen qu'elle
a con-
qurir
et
garder
les crtes
qui
donnent communication
avec la
plaine.
Elle doit
donc,
dans de
multiples enga-
gements,
dtruire les
positions qui
lui semblent
dange-
reuses. Ds
sept
heures du
matin,
le
gnral
Renault
fait lancer
quelques
obus sur les
villages
d'At Halli et
d'At Yacoub. Les
Kabyles pouvants
fuient de tous
cts,
et les commandants Paturel et
Ris,
la
tte
de
deux bataillons du 41" et du 23' de
ligne,
envahissent
ces deux
villages. Quelques
instants
aprs,
l'incendie
lve vers le ciel ses flammes terrifiantes. De son
ct,
le
gnral
de Liniers
s'empare
du
village
de At
Hag
et
le brute.
La division Mac
Mahon,
dans cette
journe,
doit subir
d'incessants combats
d'avant-garde.
Les
Kabyles
revien-
nent la
charge
et cherchent enlever la
position
avance d'Imaseren ils sont
repousss
la baonnette.
Mais leur
tactique change embusqus
dans les buis-
sons,
ils cherchent toutes les occasions de
s'approcher
de tout soldat
qui
se dcouvre et tirent sur lui. Cette
lutte se
prolonge jusqu'au
milieu du
jour, quand
tout
coup
vers
midi,
l'on voit des burnous blancs arriver
de tous cts sur le
plateau
de Souk el
Arba,
qui peu
peu
se couvre de leur foule
agglomre
une discussion
violente,
mte de
gestes
et de cris
confus, parat
s'-
lever entre les
Kabyles,
runis sur ce
point
au nombre
de 3000 hommes environ. Tout
coup,
cette foule se
disperse
en
poussant
des cris
bruyants,
et
quelques-uns
tirent des
coups
de fusils dans la direction du
petit
village d'Icheraouia, plac
sur le haut du
plateau
de
Souk el Arba. C'est la fln de la lutte
(Carrey,
mme
ouvr.).
On voit en effet
quelques-uns
des At Iraten s'avancer
en
parlementaires
jusqu'aux postes
de la division Mac
Mahon
ils
portent
des branches
vertps
la
main.
C'est
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
20i
le
signe pour
eux,
sinon de la
paix,
tout au moins de
la trve. Est-ce
par
allusion la colombe
qui rapporta
No
le rameau
d'olivier,
prsage
de la fin du
dluge?
Il serait trs aventureux de se
prononcer
mais cette
comparaison
est curieuse tablir. On les conduit de
poste
en
poste jusqu'au
bureau arabe.
L,
on leur fait
remarquer qu'ils
ne
reprsentent pas
les
cinq
fractions
des At Iraten et
par consquent qu'on
ne
peut
traiter
avec eux. Avec une
loyaut qu'il faut justement
recon-
natre et
qui
est native chez
eux,
ils reconnaissent la
justesse
de cette
observation,
et se contentent de de-
mander une trve
jusqu'au
lendemain six heures du
soir,
s'engageant
la faire
respecter
et
promettant
de
revenir avec des
pouvoirs
suffisants. Le marchal ac-
cda leur
demande,
et la trve fut excute la lettre.
Le
26, vers
quatre
heures,
<
les
envoys
des At
Iraten,
au nombre de
quarante
cinquante environ,
traversent
le
camp
et arrivent
jusqu'
la tente du
marchal,
con-
duits
par
le chef du bureau
politique,
le colonel de
Neveu. Sous leurs vtements
de laine,
sales et
dchirs,
sous leur allure
sauvage
et
jusque
sous le sentiment
de leur
impuissance,
les
Kabyles gardent
une attitude
digne. Draps
dans leurs
longs
burnous
capuchons,
qui
les
enveloppent
comme des
cagoutes
de
moines,
la
barbe
entire,
la tte nue et
rase,
le teint bruni
par
le
soleil,
ils marchent
pas
assurs et
calmes;
quelques
blesss de la veille ou des luttes
prcdentes
suivent
avec
peine
le
gros
de la
troupe
et
l,
sous un bur-
nous,
un
peu
de
sang parait rougetre.
Mais aucun
visage
ne trahit la
souffrance,
et
nul
d'entre eux ne se
pare,
ni ne s'humilie de ses blessures.
Runis en un seul
groupe, passant
au milieu de leurs
ennemis,
sans fuir ni chercher les
regards,
ce sont des
vaincus,
qui
se soumettent A leurs
vainqueurs,
triste-
ment,
mais sans
honte,
rsigns,
courbant la tte sous
la volont de Dieu.
Malgr
les combats de la veille et
du
jour, malgr
son
penchant
railler tout ce
qui
n'a
pas
son allure
franaise,
audacieuse et
hardie,
le soldat
garde
le silence sur leur
passage.
C'est
que
le
respect
du malheur est un sentimeut
franais,
s'it en fut. Au-
t.A A~H
dessus de ces hommes
demi-sauvages,
mais dfendant
aussi le sol sacr de la
patrie,
au-dessus de ces vaincus
tombs sous le
nombre,
eux
aussi,
il
y
a comme une
double
aurole,
qui, malgr tout,
fait monter an cur
et des
respects
et des souvenirs 1
Le marchal est dans sa
tente,
entour des officiers
du bureau
arabe
t'interprte principal
de
l'arme,
M.
Schousboe,
est
debout,
la
porte,
aid d'un
Kabyle,
charg
de
rpter
ses
paroles
une seconde fois. Tou-
jours
silencieux, graves,
sans
saluer,
les Beni-Rten
s'asseyent
terre,
en
cercle,
devant le
gouverneur.
L'un
deux,
presque
vieillard,
la
figure expressive,
aux
regards intelligents,
la barbe
grisonnante,
s'as-
seoit un
peu
en avant des
siens,
charg
de
rpondre
pour
tous.
Le marchal se tourne vers eux et
prononce chaque
phrase
d'une voix
ferme
l'interprte
traduit en
arabe;
le
Kabyle rpte aprs
lui dans le dialecte de sa
nation,
coute la
rponse,
la redit en arabe
l'interprte, qui
la transmet au
marchal.
i
La voix de M. Schousboe est claire comme sa
diction;
son
interprtation
est
lgante
et fidle comme toutes
les traductions
qui passent par
sa
plume
ou
par
sa
bouche. Nul
auditeur,
soit
musulman,
soit
chrtien,
ne
perd
une seule
parole.
Vous tous
qui
tes
ici, reprsentez-vous
entire-
ment la tribu des
Beni-Raten,
et
pouvez-vous
vous en-
gager pour
elle? q
Oui,
nous sommes les amins
(I) dlgus par
toute
notre
nation,
et nous avons mission de
parler
pour
tous
les fils des Raten. Ce
que
nous aurons
accept sera
ac-
cept par
tous.
Pourquoi
avez-vous
manqu
aux
promesses
de
soumission
que
vous m'avez faites en 1854 au sebt des
Beni-Yahia, puis,
en
~855,
Alger,
et foment des r-
voltes chez les tribus soumises ?
Si
quelques
hommes des Beni-Raten ont fait
cela,
tous ne l'ont
pas fait;
mais nous reconnaissoM nos
L Un amin est un
tnttire,
nu CMefde
village.
HISTOIRE DE LA KABtLiB:
(1830-1871)
2~
fautes et nous
venons ici
pour
nous excuser du
pa-s
et nous soumettre aux
Franais.
Avez-vous cette fois l'intention de tenir fidlement
vos
promesses
et d'excuter les conditions
qui
vous se-
ront
imposes?
Nous
promettons que
notre tribu sera fidle aux
promesses que
nous te ferons en son nom.
Voici
quelles
sont les conditions
que
je
vous im-
pose
si elles ne vous conviennent
pas.
vous retour-
nerez vos
villages,
vous
reprendrez
vos
armes,
nous
reprendrons
les
ntres,
et la
guerre
dcidera. Mais si
vous nous forcez
combattre,
aprs
le
combat,
nous
couperons
vos
arbres,
et dans vos
villages
nous ne lais-
serons
pas pierre
sur
pierre.
Nous sommes tes
vaincus,
nous nous soumettons
aux conditions
qu'il
te
plaira d'imposer.
Vous reconnatrez l'autorit de la
France
nous
irons sur votre territoire comme il nous
plaira;
nous
ouvrirons des
routes,
construirons des
bordjs;
nous
couperons
les bois et les rcoltes
qui
nous seront nces-
saires
pendant
notre
sjour
mais nous
respecterons
vos
figuiers,
vos oliviers et vos maisons.
Tous
gardent
le
silence;
leur orateur
prsident
s'in-
cline.
Vous
payerez
comme contribution de
guerre
et
juste
indemnit des dsordres
que
vous avez
causs,
150 francs
par
fusil.
Les Beni-Raten ne sont
pas
tous riches, et beau-
coup parmi
eux n'ont
pas
assez
d'argent pour payer
cette somme.
Lorsque
vous avez foment la rvolte des tribus
qui
sont autour de
vous,
chacun de vous a su trouver
de
l'argent
les riches ont
pay pour
les
pauvr3s;
vous
ferez comme vous avez
fait
les riches
prteront
aux
pauvres,
afin
que
tous
payent
et
que
chacun
supporte
la
peine
des fautes de sa nation.
Une sorte de brouhaha de rclamations confuses s'-
lve
parmi
les
Kabyles
quelques-uns parlent
ou
gesti-
culent,
mais le chef les
apaise peu
peu,
et
rpondant
pour
tous
LA EABtUE
204
Nous
payerons
la contribution
que
tu demandes.
Comme
preuve
de vos bonnes
intentions,
vous me
livrerez
des
otages, qui
vous seront
dsigns, je
les
garderai jusqu'au payement intgral
de la
contribution,
et mme
plus longtemps,
selon votre conduite.
Tous
restent silencieux. Le chef incline la tte.
-A ces
conditions,
vous serez admis sur nos mar-
chs,
comme
les tribus
kabyles
soumises vous
pourrez
travailler
dans la
Mitidja
et
gagner, pendant
la rcolte
prochaine,
de
quoi payer
votre contribution de
guerre
et bien
au del.
Les
Kabyles
coutent
toujours, impassibles
en
appa-
rence.
Le marchal
reprend
Pour vous
convaincre,
ds
prsent, que
nous ne
voulons
ni emmener les femmes et les
enfants,
ni vous
prendre
vos
terres,
comme on vous a dit
que
nous
avions
coutume de
faire,
vous rentrerez dans vos vil-
lages immdiatement,
aussitt
que
vos
otages
nous se-
ront
livrs
vous
pourrez
circuler
en libert /travers
les
camps,
avec vos femmes et vos
enfants,
et on ne
prendra
personne,
ni sa
maison,
ni ses
arbres,
ni son
champ,
sans lui en
payer
la valeur.
Les
Kabyles gardent
le silence leurs
visages impas-
sibles ne trahissent aucun sentimeni. de
regret
ni de sa-
tisfaction.
Vous
pourrez,
comme
par
le
pass,
vous choisir
des
amins,
mais il devront tre reconnus et investis
par
la France vous
pourrez
mme
garder
vos institu-
tions
politiques
de
villages, pourvu que
vos chefs sa-
chent vous maintenir en
paix.
Un frmissement de
joie
court
parmi
tous ces
hommes des conversations demi-voix
s'engagent
entre
eux,
et il est facile de
voir,
leurs
gestes
et
leurs
figures,
la satisfaction
que
leur cause cette
pro-
messe inattendue.
Le marchal les
congdie
en les
renvoyant
aux chefs
du bureau
politique, chargs
de choisir les
otages
et
de veiller au
payement
de la contribution de
guerre,
qui
devra commencer ds le lendemain. Le commun
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
20K
la
dant
Pchot,
aid du
cad,
notre
partisan, dsigne
im-
mdiatement les
otages,
d'aprs quelques
listes traces
l'avance,
et fait sortir des
rangs
ceux d'entre eux
qui
se trouvent
parmi
les
envoys.
Fidles
leurs paroles,
les
Kabyles dsigns
vontsans
murmurer s'asseoir
part
sur
vingt
et
quelques,
un
seul demande retourner dans son
village pour
runir
l'argent qu'il
doit
payer, aprs quoi
il reviendra se li-
vrer. Les autres retournent vers ie
plateau
de Souk-el-
Arba et leurs
bourgades
avances.
A
partir
de ce
moment,
pas
un
coup
de feu ne re-
tentit,
pas
un soldat ne subit mme une
injure.
Mais
pas
un arbre n'est
coup, pas
une
maison, pas
une demeure
habite n'est mme fouille. Les
Kabyles
circulent
travers le
camp,
vendant des
armes,
des
bestiaux,
des
tgumes
les enfants entrent dans les tentes et
regar-
dent
tout,
de ces
grands yeux
tonns et nafs
qui
ne
savent encore rien cacher. Une uvre de
pacification
victorieuse commence.
(Carrey,
Rcits de
Kabylie).
La soumission des at Iraten eut
pour
effet de
dtermineria soumissiond'un nombre assez considrable
de tribus. Les
Fraoucen, Bouchait), K~e)i)i, R'oubri,
Douella, Setka, Mahmoud,
demandrent l'aman
qui leur
fut
accord,
et sauf la
quotit
de
l'amende,
les condi-
tions de t'aman furent les mm( s reconnaissance de la
souverainet de la
France,
tibr~:
parcours
du
territoire,
livraison
d'otages,
paiement
immdiat do la contribu-
tion de
guerre.
Le
marchal,
peu
confiant dans ces
premiers
et
importants succs,
voulut assurer la domination fran-
aise
sur ce
pays
rcemment
soumis,
et
pour
cela
rsolut de faire
immdiatement excuter une route
qui
permit
de
communiquer rapidement d'Alger
Souk et
Arba. Aussi il fit tablir son
camp
ds le 28 Souk el
Arba,
pendant que la
division Renault conserve son
camp
de Ouailel et
que
la division Mac-Mahon
occupe
sur 'a
gauche
les hauteurs de Aboudid. La division
Yusuf
accompagne
le
gnrt gou 'erneur.
Le
gnrt
de Chabaud-Latour est
charg
de fortifier
Souk el Arba et de faire excute! les travaux de la
L~YLM
2~
route
carrossable de cet endroit Tizi Uuzo. Ls tra-
vaux commencent le 3
juin.
Pendant
que
l'on creuse les fondations du fort et
que
l'on
prpare
la
route,
les
Franais
ne
perdent
en rien
l'occasion de se
rjouir
d'aussi beaux rsultats.
Aussi
voyons-nous
dans le livre de M.
f'.arrey~
le menu d'une
carte du
jour
tout--fait
homrique
et
que
nous
repro-
duisons ici
L'tat-major
d'une division donne
un dner
d'intimes,
et le menu du
repas
circule dans le
camp
avec
dessins,
commentaires et additions de chacun
CARTE DU J OUR PORTE
A SIX SERVICES,
VU LES
VAUTOURS.
Zf<M'S-<<PMM'e
Set,
poivre,
resel,
cornichons
(extra).
Potage rput gras.
1~ serptce
(quatre entres),
savoir
Yin
et eau
discrtion puf
trs-nature!
truites saumones
(lisez
Mouton arabe avec
lgumes
sardines de
Dellys)
kabyles ou ragot
fran-
ais
de
circonstance
2" serptce
Repos.
3e ser~tce
Raisin non de
Corinthe, gruyre
on tte d mort.
4" service
Conversation anime,
dans
laquelle
on dit du me! de
son
prochain,
et naturellement de ses chefs.
5" service
Paradoxes
par
rcits militaires
par
6e MTP:C~
Caf trs t'eu et rhum indiscrtions
d toute
nature.
~dM. OM Mfa Orti
pttr
G&M~c~e
h~tSaa~, <?
HISTOIRE DE
~A ~BYUE (1830-1871) 3P7
costume
de
Crime (chemise jadis
blanche et
pantalon
idem) en
vaisselle
plate
dite de
campagne.
Pendant
toute la dure
du
repas,
M. fera silencieusement
entendre
une
symphonie
de
lui,
dite le
claquement des
mchoires.
Les
travaux avancent
et,
le 14
juin,
le trac du fort
est
prt
<
les fondations
de l'un des bastions sont
dj
creuses.
L'Empereur
a
permis
de
baptiser
la forteresse
future
du nom de
Fort-Napolon.
Le marchal veut
donner la
pose
de la
premire pierre
la conscration
d'un
souvenir
la
fois
religieux
et
patriotique.
Le
travail est
suspendu
tout
un jour pour cette crmonie
une
amnistie gnrale
des
punitions
et une
ration
de
supplment
sont
accordes
aux
troupes.
Le i4
juin
est le
jour
anniversaire des batailles de
Marengo
et de Friedland et du
dbarquement
des
Franais en Algrie.
C'est fonder sous d'heureux
auspices
un fort destin
la
pacification
de ia
Kabylie,
que
l'associer, par
une date
commune,
ces deux
grandes gloires impriale
et
royale.
Le
gouverneur
de
l'Algrie
a choisi
ce
jour
anniversaire.
Chaque anne,
depuis vingt-six aps,
la France
algrienne
clbre cette
date de naissance
par
une messe d'actions de
grces
les aumniers
des
trois divisions de l'arme
expdition
paire
accomplissent
d'abord
dans
chaque camp
ce
pieux
sacrifice annuel.
Par
leurs soins,
un autel est dress sur des caisses
biscuits et des tambours
amoncels
une croix de bois
et de
branches
vertes domine
l'autel
les couleurs de la
France
et les fanions
des
gnraux
flottent son
ombre
des
caissons,
des
trophes
d'armes et des
instrumepts
de travail
emprunts
au
gnie
sont dis-
poss
de
chaque
c~,
comme ornements. Le
marchal,
les
tats-majors
et Hne
partie
des
troupes
viennent se
ranger
tout
autour,
debout. La
musique
et les tambours
d'un rgiment
servent
d'orgue;
le
prtre,
assist d'un
soldat,
monte
l'autel.
Quelques-uns,
ceux
qui
savent
prier en public,
prient d'autres,
dans leurs
coeurs,
remercient la Prpvidepcp pour
la
conqute qu'elle
a
permtse. tq~ pensent
avec
reconnaissance
ceux
qui
LA KABYLIE
208
sont morts
pendant
cette
longue
lutte d'un
quart
de si-
cle, martyrs
sacrs dont le
sang
a
conquis
notre terre
d'Afrique,
si belle de
gloires,
de dvouements et d'ave-
nir
franais
t
Le
soir,
vers trois
heures,
sur l'un des sommets du
plateau
de
Souk-el-Arba,
tout est
dispos pour
la cr-
monie de la fondation du fort. Le
marchal,
escort
des
gnraux
et des
tats-majors,
se rend sur
l'emplace-
ment destin l'un des bastions.
L,
sous une croix en-
toure de
trophes
militaires,
est une table sur la-
quelle
sont
dposs
les
procs-verbaux
tout
prpars
de
la crmonie et les
pices
de monnaie
d'usage, qui
doi-
vent tre enterrs comme
tmoins,
sous la
premire
pierre
de la forteresse future.
Le
gnral
de Chabaud-Latour lit le
procs-verbal,
redig par
ses soins. L'abb Suchet bnit le
sol,
et dans
un discours remercie la
Providence,
l'Empereur
et le
gouverneur, qui
ont fait monter la croix du Christ sur
ces
montagnes
infidles.
En
quelques paroles,
le marchal
rappelle
ls anni-
versaires
glorieux, qui protgent
de leurs souvenirs, la
fondation du
fort,
fait remonter
jusqu' l'Empereur
t'uvre
que
sa volont souveraine lui a
permis
d'ac-
complir,
remercie les chefs et les
soldats,
qui,
dans
leurs
sphres
diverses,
concourent avec lui la
pacifi-
cation de la
Kabylie,
et flicite
l'aumnier,
compagnon
insparable
de tous les
triomphes remports par
la
France sur le sol africain.
Aussitt
aprs,
le marchal et ses
gnraux signent
successivement les
procs-verbaux
de la crmonie une
bote en
tain,
contenant ces documents et les
pices
de
monnaie,
est soude sance
tenante, puis place
sous la
premire
pierre.
Chacun des
signataires
vient
l'y
scel-
ler son tour et
dposer
sa truette de
mortier,
autour
de cette base
historique
de l'difice futur. Une salve de
vingt
et un
coups
de canon
retentit,
rpercute par
les
chos sonores du
Djurjura
et,
le
soir,
le marchal ru-
nit diner toute l'arme en la
personne
des onze
gn-
raux
qui
la
commandent MM.
Renault,
de Mac-Mahon
et
J usuf, gnraux de division
de
Chabaud-Latour,
de
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
209
Tourville,
Chapuis,
de
Linires, Prigot, Eourbaki,
Gastu
et de
Ligny, gnraux
de
brigade.
Le lendemain ds
l'aube,
les soldats du
gnie
com-
mencent construire le
premier
bastion du fort. Un
long
foss
marque
sur le sol les fondations de l'enceinte
totale de la forteresse.
(Carrey.
mm.
ouvr.).
L'effet
produit par
la construction de ce fort fut cn-
sidrable et nous ne
croyons pouvoir
mieux It traduire
que par
ce rcit
rapport
dans le mme livre.
<
Quelques paroles chappes
un de leurs vieux chefs
rsument dans une
mtaphore orientale,
toute
pleine
de
tristesse
potique,
les sentiments de la race
berbre,
sur
les constructions
qui
s'lvent
Venu
pour apporter
Souk-el-Arba les contributions
de
guerre
de son
village,
le
vieillard, aprs
avoir ac-
quitt
sa
dette,
se
prend
tout
coup
regarder
les fon-
dations de la forteresse
futr.re puis
s'adressant au chef
du bureau
arabe, qui
vien'. de recevoir son
argent,
Sidi
marchal va-t-it donc habiter
Souk-el-Arba,
dit-il P
Non,
c'est un
bordj qu'il
fait construire.
Un
bordj 1 oui,
on m'avait bien dit la vrit. Re-
garde-moi,
quand
un homme va
mourir,
il se recueille
et ferme
tes yeux.
Amm des
Kabyles, je
ferme les
yeux,
car la
Kabylie
va mourir.
Et
pendant quelques
minutes l'amin reste les
yeux
ferms comme un mourant.
Le
22juin,
le
marchal,
escort d'une
partie
des
g-
nraux,
put
visiter la route
qui
tait ds lors acheve
jusqu'
la
plaine.
Le
23,
deux
pices
de 12
purent
arri-
ver Souk el
Arba,
le Fort
Napolon
la brche tait
faite,
nous tions au cur de la
Kabylie
Fort
Napo-
lon tait bien devenu
pour
les
Kabyles l'pine
dans
leur oeil. <
Le marcha) ne s'endormit
point
sur ces
succs,
et
comprit qu'aprs
avoir
frapp
le
grand coup,
il fallait
faire
davantage
aussi ds le
24 juin,
la
lutte va recom-
mencer,
moins terrible il est vrai.
Ce jour l,
les trois divisions levrent le
camp.
La
division
Mac-Mahoa
se
dirigea
contre les at
Menguellat,
~YMB ~0
pendant que }es divisipns Repault
et
Yusuf
se
partaient
en avant vers
les ait
Yenni.
En
avant
de fa
montagne d'~cheriden,
le
gnrt
de
Mac-Mahon
dispose
l'artillerie et concentre
s~ troupe
environ ~2QQ mtres
du
village.
11
donne
l'ordre d'ou-
vrir le feu.
L'artillerie
gronde,
mais bientt ta fume
empche
de
voir devant
soi. Le
gnral ordonne
de
cesser le
~eu,
et
envoie
!e
gnra)
Bourbaki
sur
le
vo-
lage
d'Icherriden. Les
troupes
s'lancent et arrivent
au
sentier
escarpe qui
conduit au
village.
Aussitt une
fusillade
effroyable retentit,
tous les
Kabyles qui jusque
l se
sont
tu,
dchargent
leurs
fusils tous
ensemble,
et
tes
balles,
pluie meurtrire,
vont
frapper
dans
nos
rangs.
Le clairon
rsonne,
et nos soldats
impassibles
gravissent
les
penfes abruptes,
et entrent
dsns
le
village,
tuant les
Kabyles qui
ont eu l'audace de les
attendre.
Les
Kabyles
en fuite se sont
rfugis
du
ct des
At
Yenni
et surtout du ct
d'Aguemmoun Izen
le 2~
trangers
et les
zouaves le~
poursuivent
avec succs et
les refoulent, Nous avions
perdu
44 hommes,
dont
deux
officiers,
et nous avions 327
biesss,
dont 22 officiers.
Quelles
taient les
pertes
de notre
enpemi?
elles
taient
grandes,
mais ne
purent
tre values. Les actes de
bravoure
ne
manqurent point
en ce
jour,
et
Lorsque
notamment le
marcba!
voulut
complimenter
le
capi-
taine
Mariptti,
de la
lgion trangre,
en lui
disant:
< il faut
mnager
votre
vie,
monsieur Mariotti c'est la
seconde
fois
en
1856,
vous
ayez
t
cit
pour
votre au-
dace
vous vous ferez
tuerqueiquejour
celui-ci
t-
pond~vivement:
Oh)
Monsieur
le
Marchal,cettefois
il
p'y
avait
pas
de
danger
mes soldats taient derrire
moi.
Quelle
sublime
parole
dans sa
navet
et
quel
honneur
pour
celui
qui
l'a
dite
1
Dans cette mme
journe,
les divisions Yusuf et
Re-
nault s'avancrent sur les At Yenni. La division Re-
nault descend dans la vaHe de l'oued
Assi, o~
elle es-
suie le feu des
Kabyles
embusqus,ma~ dont
elle a vite
raison, pendant que
la division Yusuf
longe
le
contre-
fort d'At Frah chez les Ait Iraten. La nuit arrive
ef
les
troupes
restent dans leurs
cantonnements, p~s l'aube,
HISTOIRE DE
1~ ~~ByLJ E (1830-187~
3U
la marche
recommence
elle est
pnible,
et un soldat
sans se
plaindre,
constate
cependant
<
que
si
le Bon
Dieu avait eu le sac au dos
quand
il a fait les
montagnes,
il ne les aurait
pas
faites comme cela Enfin le divi-
sion Yusuf
parvient
au sommet du contrefort
qui
se
rattache ia crte
principale
des Benni
Yenni,
devant
At el
Hassen,
le
premier village Kabyle
de cette tribu
La division Renault vient
l'y rejoindre.
Pendant
que
la
division Yusuf se met en
mouvement,
)e
gnral
Re-
nault
dispose
son artillerie de
montagne
contre At el
Hassen. Malheureusement
l'artillerie,
quand
elle com-
mena
le
feu,
pouvait frapper
dans les
rangs
de la di-
vision Yusuf. Le marchal
qui
s'est
plac
sur le chemin
des
avant-gardes,
au dessus du sentier Kabile
qui
con-
duit At el
Hassen,
voit le
danger
et envoie un de ses
officiers d'ordonnance,
le lieutenant
Bibesco,
avertir
le
gnral
Renault de la
position critique
de la division
Yusuf. Pendant ce
temps,
le
gnral
Gastu avec les
deux bataillons du f''
zouaves,
ses
ordres,
fait ex-
cuter une
charge.
En
quelques
minutes,
nos soldats
p-
ntrent dans At el
Hassen,
dont les
Kabyles
se sont en-
fuis.
Aprs quelques
heures
de
repos,
le marchal
donne J 'ordre la division Yusuf d'enlever le
village
de
Taourirt
Mimoun, qui
bientt est en nos mains.
La jour-
ne est
termine
le
gnral
Renault
campe
autour de
Ait
et Hassec,
le
gnral
Yusuf At el Arba et a Taou-
rirt Mimoun.
Sept
hommes sont
morts,
et 35 blesss
sont vacues sur les
ambulaqces.
Cette victoire fut la
ruine des At
Yenn~ qui
ne
purent
rsister davan-
tage.
Aprs cette journe,
il re fut
pas peu
curieux de voir
nos allis de
la veille,
les At
Iraten, Fraoucen, etc.,
venir entre
tes
deux
camps,
pour
t
pitter
et dvaster
leurs rivaux les Beni
Yenni,
leurs allis de la veitte.
C'st la coutume
Kabyle.
Le
24,
Icbriden,
leurs
groupes encomprent
les
crtes voisines du territoire
mengaillet. Soit que
la di-
vision
Mac Mahon mne sa
marche
victorieuse
jusque
sur les
villages
de leurs
voisins,
soit
qu'elle
succombe
g~i route~pus sont
debout
pour )a
cure. Mais t'arme
LA KABYLIE 2i2
s'arrte Ichriden
sur leur
propre territoire;
les con-
tingents kabyles
se retirent et attendent.
Le
25,
ils suivent les divisions Renault et
J usuf, jus-
qu'en
vue des Beni-Yenni. L'arme victorieuse s'em-
pare
du territoire et des
villages
de )eurs voisins. Tous
arrivent. Le
triomphe
est
peine
assur
qu'ils
accou-
rent isolment ou
par groupes
de
bourgades, poussant
devant eux leurs mulets
pour charger
le butin
qu'ils
convoitent,
amenant leurs enfants
par
les mains, soit
afin
de mieux
jouir
en famille du dsastre de leurs anciens
amis,
soit
pour
s'en retourner chez eux avec
plus
d'-
paules
charges
1 Peu
peu
leur foule accrue encom-
bre les trois
villages
At
el
Hassen surtout
fourmille
de burnous de
Kabyles.
Il
y
en a dans
chaque
maison,
pius
encore
que
de soldats. Le beni Raten ou Mah-
moud,
inform des mouvements de
ses voisins,
sachant
par exprience
la
guerre
comme le
pillage berber,
ne
cherche ni
vivres,
ni
argent,
ni
bijoux.
Il sait bien
que
les Yenni ont tout enlev. Mais il dracine et
emporte
sa convenance les
taux,
les soufflets de
forge,
les ba-
huts,
les
portes,
et
jusqu'aux poutres
des
maisons
charge
son mulet tant
que
la bte
peut
en
porter
re-
garde
et l dans la demeure vide ce
qu'il pourrait
prendre
encore avant de
partir puis, tranquillement,
comme s'il
accomplissait
un
devoir,
amasse contre un
mur
du papier,
des
chiffons,
du
bois,
met le feu et
part
1
Bientot l'incendie se
propage pour
faire le
mal,
l'homme
prend peines
et se
multiplie,
comme
pour
une
joie
naturelle. Les soldats imitent les
Kabyles
on ne
voit
qu'uniformes
allant de maison en
maison,
des ti-
sons dans les mains. Le feu est
partout.
Afin d'activer
l'incendie,
chaque
homme
transporte
bahuts, bancs,
portes, poutres.
Tout se fait en
riant,
travers des
pro-
pos
joyeux,
sans
but,
sans
haine,
sans
colre
chacun
travaille
pour
son
compte, pour prendre
sa
part
de
plaisir
et de destruction 1
Entre
tous,
les Turcos
kabyles
font fureur
chaque
fois
qu'ils
s'abordent entre
eux,
on les entend maudire
leur manire ces Yenni
qui
ont tout
emport.
C'est des filous 1 crie l'un en
poussant
de
paule
une cloison
qui
s'eroute.
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(i830-18'7i)
2i3
Yenni 1hurle un
autre,
carottiers
besef,
macache
douros
(les
Yenni sont des
voleurs
on ne trouve
pas
d'argent).
La fusil dans une
main,
le feu dans
l'autre,
chaque
Turco
va,
bondissant de chambre en
chambre,
frappant
tout
coups
de
crosse,
activant les feux. A travers ses
bonds,
il
pousse
des cris
gutturaux, qui n'ontplus
rien
de l'homme. Ses lvres
fortes,
ses dents blanches s'ou-
vrent des rires froces. La sueur du
plaisir passionn
fait luire sa face noirtre. Ses
yeux
sont brillants. On
dirait
qu'il
se
retrouve,
dans la destruction et l'incen-
die,
comme dans ses lments favoris. Ses aeux
peut-
tre,
les Vandales de
Gensric,
devaient
avoir,
au sac
de
Rome,
et ces
enivrements,
ces rires
sauvages,
et
cette fureur
joyeuse.
et
l,
au dtour d'une
ruelle,
on dcouvre un Ka-
byle,
la
figure
presque
cache dans son
burnous,
un
Yenni sans doute sa tte est
charge
de branches ver-
tes
pour qu'on
le confonde avec ses
ennemis
il est
l,
seul, timide, regardantd'un regard
muet sa maison
qui
brle.
Il peut regarder
l'aise chacun est
trop occup
pour
s'informer de 'ui.
Bientt, d'ailleurs,
lui aussi
prendra
sa revanche. Dans huit
jours,
il
ira,
de com-
pagnie
avec ses brleurs
d'aujourd'hui,
brler les Illi-
ten,
les
Irdjer,
les
Oumalou,
ses
prsents
allis.
Peu
peu,cependant,
le feu s'tale et
grandit
les flam-
mes tourbillonnent au-dessus des trois
villages.
Vaine-
ment le marchal donne l'ordre ~'teindre l'incendie
est dans mille endroits la
fois;
les
bourgs yenni, plus
que
tous ceux de la
Kabylie,
sont riches en
poutres,
en
madriers,
en
portes
ils brlent comme un
village
eu-
ropen.
La
petite ville
d'Ait-el-Hassem
ptille
et flambe
ainsi
qu'une
fournaise.
Malgr
la nuit
venue,
on voit clair comme en
plein
jour.
Autour de la ville en
feu,
des soldats errent sans
cesse avec des tisons embrass. Sur
la gauche,
At-el-
Arba et Taourirt
Mimoun,
en feu
galement,
clai-
rent les couronnements des ravins
qui
les entourent.
Partout des torrents de flammes se
dressent,
se
cou-
chent et se relvent aux souffles du vent. On
entend
~Byu~ s~
s'effondrer
les
pouces
et
les
tpits
)a
mpsque
d'At et
lassem,
environne
de Sammess
crouie,dans
le
brnit
et la fume Mais.
quoi qu'on
diseet
qu'on pense
et
qu'on
fasse
ici-bas,
la
guerre
est la
guerre. Depuis
des
milliers
d'annes
que
l'homme la
promen par
le
monde,
au
hasard
de ses
passions,
elle
ne
change
pas,
l'homme
non
plus (Carrey, ~ec:~
de
~a~~e).
Le
marchal
voulant
proter des avantages
de ce
succs,
installa
Tar'ne
dans les
catnps
d'At-el-Hassem
etd't-el-Ar~a.
Dans
IL nuit du 26 au 27
juin,
une
alerte subite
fut
donns
aux
avant-gardes
de ia
3"
cHvis~pn. Les Kabyles
de
Taourirt el
~adjadj,tentrent une attaque;
ils furent
repoussas
sans
que nous
ayons
eu
subir aucune
perte.
Aussile marchal dcide la
prise
de
Taourirte)
Hadjadj.
pans la sore
du 27, l'artillerie de la 3 division
se
met
ep
batt~e,
et
ds
le lendemain,
dans la
marne
le
g-
n.eral~usuf sp
met
ia tte de
la cojonne
du
centre.
taB[!is
que
les
deux
autres
colonnes
sont.
dirtgees
par
les
gnraux
jfjastu
et de
Ligny
et
oprent
droite et
gauche.
Ainsi toute la
3~
division, par suite
de
cette
disposition
en
trois colonnes,
pourra,
facilement englo-
ber
les terrains et le
mameiot)
o se trouve Taourirt el
tadjadj).
Le marcha.1
avec son
tat major prend
place
a ct de
1 artillerie,
en
dehors
des
retrancheipents.
Pendant que
l'artillerie
ouvre
le feu et tire
avec
une
prcision rmarquabte
sur le
village,
les
gnraux
de
Lygny
et Gastu s avancent
par
)es
deux Canes,
droite
et
gaucher
Aussitt
qu'ils on},
disparu derrire
les ar-
bres,
l'artillerie cesse
son
feu~ quelques instants aprs
une fusiHade
clate,
la
colonne du
cehtre s'avance vive-
ment
sur
le
village Kabyle pt y
pntre
au
moment
o
les zouaves de la colonne Gastu viennent
de
faire Sot-
tersurle
toit le
plus
lev l'tendard de leur
b~tai!-
!on. Aussitt on se met
Mapprspite
des
fuyards, pen-
dant
que
le
marchal suit
la
route effectue
par
la co-
lonne du centre et
arrive
lui-mme
dans J e
village.
Pour rduire les Beni
~enm et
prcipiter
leur soumis-
sion en les
effrayant, !emarcha)
donne
l'ordre d'in-
cendier T&ourirt el H~dj~.Le~u
accomplit
son
oeuvre
HISTOIRE DE L~ K~YUB
(1830-1871)
2i~
dvastatrice
maintenant les At Yenni n'ont
plus
un
village, plus
un
abri. De
plus,
le
marchal leur fait sa-
voir
que
s'ils ne se
soumettent
pas
ds le
lendemain,
il
fera
couper
tous les arbres
jusqu'au
dernier. Cette me-
nace
produisit
son effet et ds le 29 c'est
netongue pro-
cession de
Kabyles
venant
demander
lepardon,
l'aman.
Tout d'abord les At
Boudrar,
puis
les At
Ousif,
les
At Yenni. Seuls les Ait
Menguettat
hsitent
encore
le
marchal,
qui
tarde d'en
finir,
donne ordre la di-
vision Renault d'envahir le territoire de ces derniers.
Le
2juit)et,
ce
mouvement a
lieu. Nous nous
emparons
successivement d'Aorirt et de
Tidits,
abandonnes
par
les
Kabyles
Tidits devient l
proie
des
Sammes
nos soldats tablissent leur
camp prs
de ces ruines fu-
mantes.
Le silence
rgne
autour du
camp,
on sent
que
J a lutte
est
presque
termine;
etnectivment,
tesAtMengtIa~
viennent au devant, du
gnrt Mac
Mahon,
qui
ce mme
jour, 2 juillet, par Aguemoun
Isen et les At
Iraten, est
venu
camper
Djemma
el Korn its sollicitent t'amn.
Nous trouvons la division Mac Mahon
Djemma
e!
Eorn,
le
2 juittet,
nous l'avions laisse l date du 24
juin,
retranche
Icherriden,
chez les At
Iratn; voyons
quelles
furent les
oprations
de cette divi~on
pendant
cet intervalle de
temps.
Le
gnra!
Mac
Mahon, pres
la journe d'tcherridn,
jugea opportun
de ne
point
compromettre, par
une
attaque
inconsidre
d'Ague-
moun
t~en,
dos succs
passs.
Aussi
bien,
il se rendait
parfaitement compte que
l tait l vrai
foyer
de rsis-
tance,
dans une
montagne
hrisse de
retranchements,
cachant dans
chaque repli
un
Kabyle
et sod fusil. D'ail-
leurs,
il he se
dissimulait
point que
sa division ft af-
faiblie
ses
pertes, depuis
le commencement de la cam-
pagne,
taient de 831 hommes hors de
combat,
dont 27
olficirs.Il
jugea
bon ds lors de se tenir arm dans ses
positions d'IcherrMen,
et de
temporiset,
en attendant
que les
tribus isoles viennent faire ieur soumission et
affaiblissent ainsi la dfense
d'Agumon
Isn. Cette
tactique
fut couronne N'an
plin
succs. Ds ! 28
juin,
les At Iraten Afoifs ocrent d'assurer tes ed~mncsictions
LA EABTUE 2i6
entre Icherriden et
Aboudid,
et un
contingent
de
180
Ait Iraten
repoussent
les
Menguellat qui inquitaient
nos convois. Le
26,
les
Fraouen
viennent se
joindre
eux,
et forment ainsi un
groupe
de 2000 hommes
qui
s'offrent
pour
nous assister dans la lutte. Les habitants
d'Aguemoun
font dire au
gnral, que
si les chrtiens
viennent
attaquer
le
village,
ils se mettront du ct
des
chrtiens,
mais
qu'en
ce moment ils ne
peuvent
lutter seuls contre tous ies
Kabyles trangers
leur
village qui
veulent le dfendre. Nos nouveaux allis
font
plus,
ils offrent d'enlever
Aguemmoun pendant
la
nuit du
29
mais le
gnral
Mac
Mahon,
avec une
pru-
dence et une
sagesse
dont il a tant de fois fait
preuve,
suit les conseils du
Cad Ahmed
qui
redoutait une sur-
prise
et
voyait peut-tre
l une trahison
masque;
Il refuse
d'appuyer
le
mouvement avec ses
troupes.
D'ailleurs,
dans cette mme
journe,
n'avait-on
pas
vu
un
grand
nombre de
Kabyles quitter
la
montagne
d'A-
guemoun
Isen et se retirer vers le
Djurjura,
ne voulant
plus supporter
la lutte
etpr~s
se soumettre dans leurs
tribus ?
En
effet le
lendemain,
30
juin,
le
village
et les
travaux fortins semblent au
gnral
moins
occups
que
d'ordinaire.
A trois
heures,
sur l'ordre du
gnral
Mac
Mahon,
la
brigade Perigot,
fractionne en trois co-
lonnes,
dbouche
d'Icherriden.
<
Le colonel de Cha-
bron,
commandant deux bataillons de
zouaves, prend
sur la
gauche,
le colonel
Paulze-d'Ivoy,
avec deux ba-
taillons,
l'un du &3" de
ligne
et
l'autre de tirailleurs in-
dignes,
tourne
par
la
droite;
le
commandant
Niepce,
suivi de son bataillon de chasseurs
pied, occupe
le
centre,
marchant directement sur le
village,
avec l'ordre
de se laisser
dpasser par
les colonnes latrales. Les
contingents allis, dirigs
par
le lieutenant
J obst,
s'a-
vancent sur la
gauche
de la colonne de
gauche,
un
peu
en avant
d'elle,
dcrivant un
plus grand cercle,
pour
tourner entirement
Aguemoun-Isen
et les
derrires de
l'ennemi.
La 1~
brigade,
sous les ordres du
gnral Bourbaki,
reste
campe
Ichriden,
se tenant
prte appuyer
au
besoin le
mouvement de la
brigade Prigot.
HISTOIRE DE LA KBYUE
(1830-187~)
2H
Les
Kabyles
dfendent un
instant
les
premiers
retran-
chements
mais droite, le 1er de
zouaves,
dirige par
le commandant La
Brousse;
gauche,
les tirailleurs
algriens
et les
voltigeurs
du 93 de
ligne,
conduits
par
le
capitaine
J ean,
abordent rsomment les
positions
en-
nemies et les
emportent.
Partout ailleurs les
Kabyles
se retirent sans combattre
qu' peine, effrays
surtout
par
le mouvement de nos
contingents allis, qui
les
tournent
sur leur extrme droite. En moins d'une
heure,
la 2"
brigade
est matresse de toute la
montagne
d'A-
guemoun.
Plusieurs
obus,
lancs contre des retranche-
ments levs
par
~ennemi sur sa
ligne
de
retraite,
d-
cident
la fuite
quelques
centaines de
Kabyles
acharns
dans une dfense
suprme. (Carrey,
A'c:~
Kabylie).
Le 1'~
juillet
tout est calme et la division
peut
se
mettre
en marche sans tre
inquite pour
se
trouver,
ainsi
que
nous l'avons
dit,
Djemma-el-Eorn,
le
2
juillet.
Le
pays
des
Menguellat
est entre nos
mains,
et le
marchal
reoit
les soumissions des
Ataf,
des Akbiles,
des Bou
Yousef,
des
Zaoua,
des A'it
Agache,
des A'it
Yabia. Puis Scheik el
Arab,
surnomm la tte et le bras
des At
Iraten,
se rend discrtion. Les Zouaouas sont
soumis, la
grande Kabylie
est
conquise.
Cependant, il y
a encore
quelques foyers de
rsistance,
mais les
Kabyles
encore insoumis ne se font aucune
illusion sur leurs
prochaines
dfaites
par orgueil,
ils
veulent eux aussi avoir leur
journe
de
pof'dre.
sans
aucun
espoir
de devenir victorieux. Lalla Fathma
elle-mme,
leur
prophtesse respecte, a,
dit-on,
prdit
le
jour
de sa
captivit prochaine, etprtresse rsigne,
soumise au Dieu
qu'elle enseigne,
attend
dsormais,
sans mme se
dfendre,
l'heure fatale
marque par
Allah.
Pendant
que
le
corps expditionnaire
a
accompli
les
faits
que
l'on
connat,
les colonnes dites d'observation
ont aussi concouru au succs de la
pacification.
Nous
avons vu
prcdemment (page 189)
o se trouvaient ces
colonnes
d'observation, voyons
maintenant leur ceuvre.
La colonne
Maissiat, campe prs
de
Bordj
Akbou
le
13
LA EABYUE 218
26
juin,
se met en marche ds le 27
pour
le col deChel-
lata. Ce col forme un des
passages
accessibles
pour
re-
joindre
de l'autre ct du
Djurjura
le
corps expdition-
naire,
mais le
passage
est command
par
un
rocher,
aux flancs
escarps,
fortifi et dfendu
par
un ennemi
nombreux,
c'est le Tizi-bert. Les
troupes commenent
immdiatement
l'attaque,
elles sont divises en deux
fractions
la
brigade
Desmarest, compose
d'un batail-
lon du 7i s et de deux autres
bataillons,
l'un du
i''
tranger,
l'autre de tirailleurs
indignes,
s'lance
gauche
la
brigade Margadel, comprenant
un bataillon
mixte et des
zouaves,
se
dirige
vers rentre mme du
col de Chellata.
A l'arrive de nos
troupes,
les
Kabyles
se
rfugient
sur
le Tizibert,
mais lecolonel
Hesmarets,
avec
quelques
salves d'artillerie fait
balayer
le
rocher,
et commande
ses
troupes
de l'escalader.
Malgr
un feu bien nourri
et les
pierres que
lancent les
Kabyles,
nos valeureux
soldats ont vite fait de
parvenir
au
sommet,
avant
que
tous ses dfenseurs aient eu le
temps
de
fuir
aussi
quelques-uns
sont-ils
massacrs,
pendant que
les
fuyards obligs
de
passer
sous les baonnettes des
zouaves,
se voient fort mattraits.
Le
28,
le
gnral
Maissiat laisse au
repos
ses
troupes,
mais ds le
lendemain,
it fait
attaquer
M'zien,
village
qui
renferme un assez
grand
nombre de
Kabyles.
La
brigade Margadel, charge
de cette
attaque,
enlve le
village
au
pas
de
course,
le dmo!t entirement et re-
prend
la route du
camp
de Chellata. Les
Kabyles,
croyant que
nous battions en
retrait",
redoublent leur
feu
meurtrier,
le colonei
Margadel,
bless
t'paule,
d-
ploie
une
nergie
surhumaine et assure la rentre au
camp.
Cette
journe
nous cote cher 17 hommes sont
morts;
97
blesss,
dont 8
officiers,
sont hors de combat.
Le
30,
le
gnral charge
le colonel Desmarest de mar-
cher contre At
Aziz,
situ six kilomtres du
camp.
La
tribu des Illoulen
Oumaiou;
qui occupe
ce
village, parat
dispose
le dfendre outrance. D'ailleurs l'endroit
est bien
choisi,
les ravins
escarps qui
conduisent At
Aziz sont
presque
inaccessibles
pour
des
pieds
humains.
HISTOIRE DE
I~A KABTU
(!830-1871)
2~
Malgr
de tels
obstacles,
nos
troupes
courent sus
l'ennemi. EHes arrivent si
prs, que
nos soldats s'effor-
cent de saisir lesfusils
Kabyles
travers les
meurtrires,
et la lutte a lieu l'arme blanche.
(J ue)ques
instants se
passent
et les
premires
barricades ;ont renverses. De
maison en maison des combats
singuliers
se
livrent,
et
peu
peu
les
Kabyles
s'enfuient
par
!.eravin de
gauche,
laissant de nombreux morts derrire eux.
Le colonel Desmarest fait aussitt dtruire le
vidage,
et
opre
sa retraite
par
colonnes. Mais les
Kabyles,
comme les vieux
Numides,
leurs
anctres,
reviennent
attaquer
nos
troupes pendant
ce
mouvement;
grce
i.
l'nergie
du colonel
J olivet,
i!s sont bientt forces de
renoncer la lutte. Nous avions
perdu
en cette
journe
19
hommes,
dont un
officier,
et nou i avions 64
blesss,
dont 3 ofSciers.
A
partir
de cette
date,
30
juin, jusqu'au
il
juillet,
le
gnrt
Maissiat
attend sur les hauteurs du col de Chel-
iata,
l'arrive
du
corps expditioncaire, toujours prt
descendre sur les
Kabyles
et suh ant le
langage
ex-
pressif
d'un amin des A!t
Iraten,
cette arme est une
nouvelle balle
qui
va droit au front de la
Kabylie.
Nous avons
laiss,
chez les Beni
Abbs,
la colonne
Marmier
charge
d'observer les MeDikeucb. Cette
tribu,
qui
donna
l'exemple
d'une rsistance
opinitre,
avait
combattre
pendant
les derniers
jours de juin,
des en-
nemis nombreux
et diffrents. D'un
ct.
au
nord,
les
At
Boudrar,
leurs ennemis
jurs,
et les
Ousif,
les me-
naaient.
A
l'ouest,
le colonel Marmier les tenait en
chec. Le
7 juillet,
la colonne Marmier et les Ait Boudrar
les
attaquent
simultanment. Les Meltikeuch sentent
que
tout est
perdu
aussi viennent ils au devant du co-
lonel
implorer
leur
pardon,
en souscrivant d'avance
toutes les conditions
qu'on
voudra leur
imposer.
Pendant ce
temps
la 3~ colonne
d'observation,
aux
ordres du colonel
d'Argent,
surveille chez les Beni Man-
sour ies Mecheddala,
les Beni
Kani,
les
Bakil,
les
Cheurfa,
les Ouakor. Le
28 juin, apprenant l'apparition
du
gnral
Maissiat sur les hauteurs de Chellata et t'oc-
cnpatfon
du territoire des At Ye~ni
par
tes divisions
LAKABYLIE 220
Renault et
Yusuf,
le colonel
d'Argent dirige
une
attaque
contre les Beni Kani et les Ouakor.
Aprs
un moment
d'hsitation,
o les
Kabyles paraissent
rester mattres
du
terrain,
notre
attaque
russit
pleinement,
et les Beni
Ouakor,
les
Cheurfa,
les
Kani,
les
Baki],
font demander
l'aman.
La dernire colonne
d'observation,
la colonne Drou-
hot
que
nous avons laisse le 23 mai au
Bordj Bogni,
vient
camper
chez les
Mechtrass, qui
en
prsence
de
notre
attitude,
d'ennemis deviennent nos allis. Le 24
juin,
elle entre chez les
Ouadias,
brle un de leurs vil-
lages
et s'installe sur une
crte,
en vue de toute la Ka-
bylie, toujours prte
fondre sur les At Yenni. Ds le
1''
juillet,
ces derniers sont
soumis
ds lors la mis-
sion de la colonne Drouhot
parat
termine. Elle re-
prend
le chemin de Dra el
Mizan,
mais elle veut ch-
tier la seule tribu de la valle de
Boghni qui
ne
soitpas
venue demander
l'aman.
celle des Benibou Addou. Les
Beni Sedka et les Guechtoula sont leurs
ennemis,
le co-
lonel Drouhot
profite
des
contingents que
ceux-ci
lui
offrent et le 8
juillet,
les Beni bou
Addou, malgr
leur
nergique rsistance,
voient tomber en notre
pouvoir
leur territoire. Trois de leurs
principaux villages,
Ta-
karadjite,
Tamkadente et Khalfa sont
incendis,
toutes
les moissons sont
coupes
ou livres aux
flammes,
le
pays
est
conquis,
et la rsistance de ses habitants est
chtie. La colonne Drouhot rentre le il
juillet
Dra
el Mizt.n sans avoir t
inquite
dans sa retraite.
La
campagne
serai',
termine,
si
quaire
tribus seu-
lement,
les Beni
Itsourar,
les
Illiten,
les Illoulen ou
Malou,
les
Idjer,
ne refusaient
pas
leur soumission la
France. Le
marchal,
qui comprend
la ncessit de
svir
immdiatement contre ces
rebelles,
sous
peine
de
voir se relever chez les
Kabyles un espoir
et un
orgueil
funestes,
fait marcher le
corps expditionnaire
sur ces
tribus rcaJ c'trantes. Le mouvement des
troupes com-
mence le 5
juillet.
La division Mac Mahon
quitte
le
camp
de
Djemma
el
Korn, chez
les Menguellat,
et vient
camper
au sebt des At
Yahia
elle est environne des
contingents Kabyles,
nos
nouveaux allis. La division
HISTOIRE DE LA KABYUK
(1830-1871)
221
Yusuf,
quitte
le territoire des At Yenni et va
parcou-
rir le
pays
des Ait Boudrar et des
Ataf,
situ sur les
dclivits
mmes du
Djurjura,
l'ouest de la division
Maissiat.
Le marchal veut faire
apprcier
la force de
la France ces tribus
sauvages,
et dtruire le
prestige
d'inviolabilit
que leur territoire garderait
encore
malgr
la soumission de ses habitants. Selon les ordres
prcis
qu'il
a
reus.
le
gnral
Yusuf
paye
sur toute sa
route,
et dans
chaque village,
de
larges
indemnits
pour
les
dgts
occasionns
par
le
passage
ou )e
sjour des trou-
pes
travers tes moissons. Les
Kabyles
reconnaissent
cette libralit
quitable
du
vainqueur
en
apportant
en
abondance des
galettes
de mas. du
lait,
des
figues.
des
gtandsdoux,
etc.,
et toutes les
productions
diverses
de leur
pauvre
territoire. Partout,
sur le
passage
de
la troisime
division,
les
populations
se
prsentent
sans
armes et dans une attitude
amicale. Les amins des vil-
lages
viennent au-devant
du
gnrt,
et au moment o
la division Yusuf
quitte
le territoire des
Beni-Boudrar,
le marabout
El-Hadj-Hamaz,
l'instigateur
du dernier
soulvement de la basse
Kabylie,
vient demander l'a-
man et se rendre discrtion.
La troisime
division sillonne
pendant
trois
jours
les
territoires
de ces deux
tribus,
et,
le 9
juillet,
vient s'-
tablir droite de la division Mac
Mahon,
chez les Beni-
Bouyoueef.
en face des Itiiten.
La division Renault
quitte
son
camp
de
Tidits,
situ
l'une des extrmits
du
pays
des
Menguettat,
traverse
le territoire de cette
tribu,
et vient
remplacer
la divi-
sion Mac Mahon
Djemma-el-Korn,
sur la route
qui
mne au
Djurjura.
La division Maissiat
et la cavalerie
gardent
les
postes
d'observation
qu'elles occupent.
Le
gnral
Maissiat demeure
camp
Chellata,
au-
dessus
des Illoulen-ou-Malou, qu'il
menace de
prendre
revers,
en descendant sur eux du haut du
Djurjura.
La cavalerie reste
Sikhou-Meddour,
dans la valle
du
Sbaou,
qu'elle peut
remonter en un seul
jour, jus-
qu'au pied
du
pays
des Ittouten ou-Matou
et des
Idjer,
sur !e San'!
gauche
du
gnrt
de Mac Mahon.
t4 ~APYH
222
Plus de
trente-cinq
mille
hommes en
armes sont
~b-
tonns
autour des tribus
insoumises, appuyant
de leur
pression
les dernires
ngociations
tentes
par
le bu-
reau
arabe
politique )' (Carrey,
mme
ouvrage).
Le marchal
quitte
aussi le 5
juillet
son
camp
d'At
el
Hassem,
et vient
Djemma
etKorn,
camper
avec
la
division Renault..
Le
9 juillet,
la
guerre
recommence,
et les
premiers
envahis sont les Beni Itsourar. Leur rsistance
est
nulle,
et
les
Kabyles
soumis,
nos
contingents
allis
aujour-
d'hui,
prcdent
nos
troupes pour porter partout,
se-
lon leur coutume,
le
pillage
et l'incendie. La division
Mac
Mahon ne fait
que
traverser le territoire dfi Itsou-
rar,
en
flammes,
suivant les allis berbres
qui
la con-
duisent
jusqu' Tamesguida, auprs
du
paysdesittoulen
ou Malou.
La division Yusuf a
pu,
sans aucune rsis-
tance,
aller
camper
la droite du
gnral
Mie Mahon
sur un
piton qui
domine le col de
Tirourda,
en face
des Illiten. Cette division
prend
le
village
deTiferaouen,
situ sur le ravin des
Illilten,
sans une bien
grande at-
taque.
La division Renault
opre
cette fois comme arrire-
garde,
et reste
Taourirt el
Amram,
en arrire de la
troisime division.
La division
Maissiat, ainsi, que
la
cavalerie,
occu-
pent toujours
leurs
positions
de Chellata et de Sikhou
Meddour.
Tout le territoire des Itsourar est en notre
pouvoir,
seuls restent
conqurir
les territoires des Illoulen ou
Malou,
des
Illilten et des Idjer.
Le 10
juillet
commencent les
oprations
contre
ces
tribus.
La division Renault
campe
Tamesguida, menaant
la frontire Nord des Illiten. La
division Yusuf
menace
la
frontire nord-ouest de la mme tribu en
occupant
la
ligne qui
s'tend
depuis Tamesgutda jusqu'
Tife-
raouen.
La division Mac
Mabon
place
son bivouac
au
pied
de
la principale montagne
des
Illoulep
ou
Malou.
La
cava}er{e,
aux ordres du colonel de
~neto!
HISTOIRE DE
LA
J &ABTLIE
(1830-4871)
223
quitte
Sikhou
Meddour,
et se rend la droite de la di-
vision Maissiat sur la frontire
sud-est des At
Idjer.
Tout
est prt pour
terminer au
plus
vite cette chasse
l'homme, car
vraiment
parler,
ce n'est
plus
une
guerre
vritable.
Le H
juillet,
vers le
soir,
les nouvelles des
quatre
di-
visions,
de la cavalerie et des
contingents Kabyles,
ar-
rivent au
camp
du
marchal;
en voici
l'analyse
suc-
cincte
qui
va nous mettre au courant des diffrentes
op-
rations effectues en cette mmorable
journe.
La division Maissiat a
parcouru,
sans tre
inquite,
les lltouten ou Malou et s'est
jointe
la division Mac
Mahon au
piton
de Tabbana.
La cavalerie a aussi
pntr
sur le territoire de la
mme tribu
jusqu'auprs
du
village
de
Tabouda,
dont
les
habitants
effrays
sont venus demander l'aman au
colonel de Fnelon et son side
pour
chasser de leur vil-
lage
les At
Idjer,
descendus leur secours.
La division
Mac
Mahon,
aprs
avoir
parcouru
tous
les
villages des bas
contre-forts des Illoulen ou Malou et
avoir incendi les
principaux,
s'est runie aux
troupes
de Constantine et
bivouaque
ct d'elles.
Le
gnral
Renault s'est
empar
des
villages
des
Itsourar,
Ighir
et
At
Hammou,
aprs
des rsistances
assez
opinitres.
Puis Ali
et Tifilkout tombrent aussi
en
son
pouvoir.
La division Yusuf
prit
le
village
de Taourirt
Oudets,
celui
d'AtAbdattah, les sommets
d'Ackhour, une
des
positions
dominantes du
pays,
le
village
d'Abizez.
Atandecettejournb,
aot le territoire
des
Idjer
n'est
pas
envahi,
mais la
tribu est vaincue
d'avance,
dmoralise et
par
nos succs et
par
un vnement
qui
chez les
peuples
berbres,
superstitieux
l'excs,
vint
encore nous servir. Cet vnement fut la
prise
de Lalla
Fathma,
la
prophtesse
vnre de toute la
Kabylie
M.
Carrey
nous
pardonnera, aprs
lui avoir fait
dj
tant
d'emprunts,
de
prendre
encore le rcit de cette
capture
dans son livre sur la
Kabylie;
mais son
rcit,
si
dtaill et si
intressant,
nous fait
presque
un devoir
de
le
reproduire
ici;
ie
lecteur
ne saura
que
nous sa.
LA KABYLIE
224
voir
gr
de faire
passer sous
ses
yeux ces lignes
si
cap-
tivantes.
< Le territoire des Illilten est
remarquable
entre tous
par
le dsordre tourment
de son sol.
Regard
du haut
du
Djurjura, on
le
prendrait pour
une mer tumultueuse
immobilise
pendant
une
tempte.
Dans la
partie
la
plus
inextricable de ce
pays,
deux
villages kabyles,
Takleh et
Tirourda, vgtent,
cachs
la nature entire
par
les
montagnes qui
les entourent.
Ensevelies dans une
gorge
troite,
l'entre mme du
col de Tirourda,
l'un des rares
passages
de la
grande
montagne,
ces deux
bourgades
sont,
par
leur
position,
les demeures de recel les mieux situes de toute la Ka-
bylie.
H faut
pntrer jusqu'
elles
pour
les dcouvrir
leurs habitants ont ct
d'eux,
quelques
minutes
de
course,
le
passage
de
Tirourda,
c'est--dire une
route ouverte
pour
fuir
et comme
refuge,
le
Djurjura
tout un monde de rochers
sauvages, inaccessibles,
nus
le
pays
des
neiges
l'asile des chamois et des
aigles,
mais l'asile de la libert
Ces deux
villages appartiennent
aux marabouts de
la tribu
des
Illilten.
L
rgne
encore
aujourd'hui,
quoique
absente et vaincue une femme dont l'in-
fluence s'tendait
nagure
sur toute
la
Kabylie
Lalla-
Fathma, prophtesse
berbre.
La famille de cette druidesse musulmane est
puis-
sante et
respecte depuis
des sicles son
frre,
mara-
bout comme
elle,
s'est
toujours
montr l'un des
plus
ar-
dents dfenseurs des liberts
kabyles,
et,
contrairement
aux murs des
marabouts,
a
pris part
tous les com-
bats
qui
se sont donns contre les chrtiens. Il est cou-
vert de cicatrices de
guerre
c'est un vieillard
alerte,
brave, national,
prudent
et consult
par
tous comme
un
sage.
Trop intelligent,
trop
initi aux
miracles,
trop pro-
che
parent
des
augures pour
croire en eux,
le rus ma-
rabout sait
que
toute rsistance est
impossible,
et
qu'une
soumission
peut
seul flchir ses ennemis. Afin d'obte-
nir des
conditions
meilleures,
Sidi-Thaieb est
parti
lui-
m~TORE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
225
13.
mme
pour
le
camp
des
Roumis
l il a
expos
au
g-
nral Yusuf:
t
Qu'ami
devou de la
France,
mais
n'ayant pas pu
convertir les Illilten la
soumission,
il est venu vers
les
chrtiens,
afin de leur dire du moins ses intentions
personnelles que, pour prouver
sa
sincrit,
il s'of-
fre les conduire
par
des sentiers facilps
jusque
sur les
sommets dominant" du
territoire de sa
tribu,
!a seule
condition
que
les
villages
de
son kadat seront
par-
gns.
A l'aide de ces
procds purement
humains,
te vieux
chef
espre
conduire les
troupes
o il
voudra,
et sauve-
garder
ainsi ses richesses
propres,
le
prestige religieux
de sa
sur, rmigration
et
jusqu'
l'honneur des lUit-
ten,
en leur laissant une
journe
de
poudre insigni-
fiante.
Les chrtiens
partis
sans avoir envahi son
territoire,
son influence et celle de sa sur
grandiront
de tout le
succs de sa
ngociation.
Dans le cas
contraire,
Lalla-
Fathma n'a-t-elle
pas
tout
prdit
l'avance ? C'tait
crit 1
La subite amiti de
Sidi-Thaieb,
l'ennemi invtr de
la
France,
a sembl
trange
dans le
camp franais
mais la soumission des
villages
du marabout offre une
rsistance de moins et des allis de
plus
ses
proposi-
tions ont t
acceptes.
Fid)e sa
parole,
la vieux chef a
envoy
aux hom-
mes de son kai'dat la dfense
expresse
de
prendre part
la
lutte,
et est rest avec les
chrtiens,
afin de
guider
leur ascension.
La troisime
division,
campe depuis
deux
jours
en
face du
pays
ennemi,
a vu venir et dfiler
l'migration
incessante des
Illilten,
sans se rendre
compte
des motifs
qui
la
dirigeaient. Chaque
soldat a suivi avec des re-
gards
de convoitise
due
ces moissons de butin
vivant,
disparaissait
tour tour devant
lui, fuyant
sans doute
vers le col de Tirourda
pour passer
chez les
MeHikeuch,
de l'autre ct du
Djurjura.
Seul,
le
gnrt
J usuf a
appris
en
partie
la vrit
par
ses
espions
toute
rmigration
est reste dans les villa-
LA EABYUE 226
ges
situs sur les sommets d'Ackour les Illilten sont
rassembls autour
d'elle,
afin de la dfendre tout
prix,
et,
en cas
d'insuccs,
de
protger
sa fuite
par
J e
pas-
sage
de la
grande montagne.
C'est dans le but de vaincre
plus
facilement cette r-
sistance
suprme,
de
couper
la retraite de
l'ennemi,
et
surtout de
conqurir
la
gloire
d'une
capture dcisive,
que
le chef de la 3e division a tent
l'occupation
hasar-
de du
pic
d'Azrou-N'tohour.
L'opration
a russi et l'ascension du lendemain a
combl les souhaits du
gnrt.
L'ennemi troubl s'est
mal dfendu les
villages
du marabout n'ont
pas pris
part
la
lutte
la 3~
division,
matresse du
pays,
campe
sur les sommets d'Ackour une
partie
des trou-
peaux
et des vivres des Illilten est tomb en son
pou-
voir.
De son
ct,
Sidi-Thaieb
triomphe
dans son habilet
diplomatique.
Hiss sur un
mulet,
en tte de la
brigade
Gastu,
il a
dirig
l'ascension des
chrtiens,
par
le ct
gauche
des rochers
d'Ackour,
en vitant
soigneusement
les sentiers de droite.
qui
mnent Takleh
etTirourda,
ses deux
villages. A quelques
dtours des chemins
par-
courus,
les
Kabyles
de son
kadat,
emports par
leur
haine,
ont tir du haut des rochers sur les
troupes
mais les
soldats,
suffisamment
occups
suivre leurs
sentiers de
chamois,
hts
d'arriver,
n'ont
rpondu
qu'en passant
ces
coups
de feu isols et lointains. Le
gros
de la
brigade
Gastu n'a
pas
dvi de la route en-
seigne par
le
marabout.
Les Roumis ont
pris
des bestiaux et des vivres
quelques vit'ages brfent
mais sa nation vient d'avoir
sa
journe
de
poudre
sans
pertes graves
ses
deux
bourgades,
dont sa
prsence
au
camp garantit
les sou-
missions,
n'ont
point
t envahies les chrtiens sont
camps
toin d'elies. Ses richesses
personnelles,
Lalla-
Fatbma sa
sur,
ainsi
que
les
femmes,
les enfants et
les richesses
principales
des tribus du
rocher,
sont
en
tasss chez
lui,
t'abri du
pril
dans
quelques
jours
les
Franais
vont
partir,
laissant ses
villages
seuls
in-
viols,
son
prestige religieux
et
poHtique
seul
debout,
dans la
Kabylie
entire 1
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
227
Mais nul ne
peut
fuir sa destine
Lalla-Fathma,
quoique prophtesse,
a bien lu dans le livre ferm de
l'avenir. L'humeur
guerrire
de
quelques
soldats
parti-
sans vient renverser tout
coup
les combinaisons du
sage vieillard,
et
pour
tout un
peuple, pour
des centai-
nes de
gnrations peut-tre,
couronner une femme
exatte de la double aurole des
prophtes
et des mar-
tyrs.
Insens ou
sage. jeune
ou
vieux,
fort ou
faible,
l'homme marche dans la vie
plus aveugle
et
plus
du
qu'un aveugle
de carrefour dans une route inconnue 1
Le
prsent,
mesure
qu'il
lui
vient,
lui
chappe.
L'a-
venir,
qu'il prtend rglementer
sans
cesse,
l'avenir fuit
devant
lui,
comme )n
mirage
de
l'quateur.
Nous n'a-
vons rien su~ la
terre,
rien
que
l'ombre incertaine d'un
pass qui
n'est
plus.
Les
Kabyles
d'Abizez,
du
premier village
illilten situ
sur les rochers d'Ackour. se sont enfuis
prcipitamment
aux
approches
de la division
Yusuf, laissant
dans leurs
maisons une
partie
de leurs vivres. Leur foule
fugitive
se bte
pour
atteindre le
viHage
de
Lalla-Fathma,
et se
rfugier
sous
t'~de
tutlaire de la
prophtesse.
Mais
des
femmes,
des enfants sont
parmi
eUe ses
groupes
dfilent lentement dans les troits sentiers de la monta-
gne
ils sont encore en vue de leur
village
et
dj
les
uniformes infidles couronnent les hautes cimes d'Ac-
kour.
Eo tte de la
brigade
Gastu.
quelques
zouaves
d'a-
vant-garde
dcouvrent les
fugitifs
et se lancent leur
poursuite, malgr
la distance
qui
les
sparent
d'eux
ils vont
rapides,
acharns. Une valle
profonde
rgne
entre eux et les
Kabyles
ils
ctoyent
sa rive
escarpe,
courant sur la crte
qu'ils occupent,
fusillant,
travers
ie
ravin,
la foule
entasse, qui
fuit sur l'autre rive. Mais
la crte finit
brusquement
la rive
oppose
tourne,
et
les derniers burnous blancs
disparaissent
derrire la
montagne.
Altrs de
chasse,
les zouaves descendent
dans la valle.
Les
fugitifs
se
pressent
incessamment
pour
chapper
J 'ennemi.
Les balles des Roumis tombent
a
et l sur
LA KABYLIE 228
eux,
acclrant encore leur fuite confuse. Des
blesss,
hommes,
femmes, enfants, bestiaux, tombent,
impuis-
sants fuir
etdescris,
des
mugissements,
des
plaintes
de
soun'rance,
viennent travers
l'espace jusqu'aux
troupes
tablies sur les sommets d'Achour.
La
peuplade perdue
arrive enfin
Takleh,
la
pre-
mire
bourgade
des
marabouts,
et l
rpand
l'alarme.
Les chrtiens les
suivent,
tuant sans
piti;
avant une
heure,
ils entreront dans le ravin du
vittage.
Mais Lalla-Fathma est dans
Takleh,
entoure d'une
foule
kabyle
elle rassure les femmes et les enfants. les
cache dans ses
demeures,
et
promet
tous sa
protec-
tion divine. A force de
piti pour
son
peuple
en
larmes,
elle croit
peut-tre
elle-mme en son
pouvoir
cleste 1
Quand
les amours de leur cur dbordent leur rai-
son,
les
femmes,
musulmanes ou
chrtiennes,
mres,
soeurs, amies,
toutes celles
qui aiment,
s'exaltent
jus-
qu'au
sublime,
et
pour
l'idole
qu'elles adorent,
oublient
tout,
mme leur faiblesse de femme )1
Les hommes
kabyles
s'arment
pour
un dernier com-
bat. Leurs
femmes,
leurs enfants sont l ils ne son-
gent plus
fuir. Us
s'embusquent
dans leurs
maisons,
autour du
vittage,
sous les
arbres,
et,
le fusil au
pied,
chacun d'eux attend l'ennemi.
Les zouaves
cependant
vont
toujours
savants de la
guerre
et des murs
africaines,
flairant razzia dans le
pays
dont le marabout les
teignait
sans
cesse,
ils s'a-
vancent au
hasard, isolment,
par vingt sentiers,
mais
tous dans la direction des
fugitifs.
Quelques-uns
arrivent ainsi
jusqu'au ravin deTakleh,
prs
du
village;
sans
regarder
s'ils sont
suivis,
sans
s'occuper
des
coups
de feu
qui
les
accueillent,
ils
pn-
trent hardiment dans la
bourgade kabyle.
C'est la
consigne
traditionnelle de leurs
rgiments,
d'aller devant eux sans
compter jamais
ni
l'ennemi,
ni
eux-mmes.
Ils sont
cinq
zouaves ils entrent. Mais aussitt de
toutes les maisons une nue de
Kabyles
sort en armes
et se
jette
sur eux. Les soidats se dfendent comme ils
peuvent
dans la
ruelle mme
qu'Us
ont envahie. L'uq
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
229
est
tu
tous les autres sont blesss deux ou trois rus-
sissent,
malgr
leurs
blessures,
s'chapper
travers
les balles.
Cependant
de nouveaux zouaves en
qute
d'aventu-
res,
la suite des
premiers,
arrivent du ct
de Takleh,
attirs
par
les
coups
de feu.
Les derniers venus sont
quarante
cinquante
hom-
mes au
plus,
dont un
clairon,
sans ofScier. Les Illilten
sort entasss
par centaines,
sur leurs maisons et autour
de leur
bourgade.
Ignorants
du
danger
des
leurs,
les soldats s'arrtent
la vue de cette
foule,
puis,
sans
commandement,
par
habitude,
pour
la
forme,
s'embusquent
et de suite font
feu sur l'ennemi. L'ennemi
rpond.
Mais les
chapps
du
village
arrivent,
appelant
au se-
cours. En
dpit
du
plomb kabyle qui
siffle,
les zouaves
se rassemblent.
A
paroles haletantes,
les nouveaux venus racontent
le
danger
de leurs camarades rests seuls et blesss
dans la
bourgade.
Cependant
l'ennemi tire
toujours
deux ou trois
zouaves sont atteints les autres
hsitent,
sans avan-
cer,
et sans
reculer,
frmissants. Malheur t seuis contr"
un
village
entier
1 quarante
contre une foule En
quel-
ques
secondes les blesss
augmentent
le clairon sonne
en vain
l'appel
au
secours, le
cacolet,
l'alarme Il
sonne,
sonne rien ne
rpond
sa fanfare
perdue
retombe
sans chos l'horizon reste dsert.
Tout
coup,
l'instant
suprme,
des uniformes d-
bouchent d'un ravin deux officiers
d'tat-major,
les
capitaines Desplats
et
Fourchault,
suivis de
quelques
hommes,
arrivent en courant.
DelaCrimelaKabylie,
tous les soldats d'avant-
garde
connaissent le
capitaine
Fourchault.
Un
zouave,
en deux
mots,
lui conte
l'aventure,
et
montre les
Kabyles
entasss
< Nos hommes sont l-bas! Eh
bien,
allons les
chercher)
rpond
le
capitaine;
et tirant son sabre du
fourreau,
il se
jette
devant les soldats en criant
Clairon,
la
charge
En avant
e
LA KABYUE 230
Tous
ensemble,
les deux officiers en
tte, partent
au
pas
de
course,
en
rptant
En avant 1en avant 1
Une
pente
douce et dcouverte
rgne jusqu'au village.
Tous vont
criant, courant,
descendant la
montagne
comme une avalanche.
Les
Kabyles rpondent par
des
hurlements, et,
du
haut des
maisons,
de
chaque ruelle,
de
chaque
arbre,
font feu de tous leurs fusils.
Quelques
soldats
tombent,
les autres courent tou-
jours.
Derrire
eux,
par
hommes
isols,
de nouveaux
zouaves
arrivent, et,
suivant les
premiers,
descendent
comme eux la
montagne.
Les
Kabyles, effrays, croyant
voir venir l'arme en-
tire,
s'enfuient de tous cts. En
quelques
minutes les
soldats sont matres du
village,
et, du haut de ses mai-
sons fusillent leur tour
l'ennemi, qui
se sauvent
par
groupes
entasss.
Aussitt le
pillage
commence les
vainqueurs
se r-
pandent
en tous sens dans la
bourgade.
La moisson est
riche cette fois l'ennemi n'a rien
emport.
Il
y
a du bu-
tin
pour
la division entire.
Des
yatagans,
des
flissats,
des armes de toute
espce,
des fusils encore chauds du
combat,
sont sems dans
les ruelles et les cours. Des
haicks,
des
burnous,
des
tapie
sont amoncels dans les maisons. Des
bijoux
ka-
byles
en
argent
orns de
coraux, colliers,
bracelets,
pendants
d'oreilles,
etjusqu'
des sacs
remplis
de dou-
ros ou de
boudjoux,
sont tals sur les meubles. En ar-
mes,
bijoux
eu vtements de
luxe,
chaque
homme ra-
masse
plus qu'il
n'en
peut porter.
Cependant
le nombre de soldats
grossit incessamment,
aux
appels
de leurs
clairons,
les zouaves arrivent de
tous cts.
Chaque
maison est
explore.
Dans l'une d'el-
les,
la
plus grande,
on dcouvre une foule entire en-
ferme et refusant d'ouvrir.
Un soldat court chercher un officier. Le
capitaine
Fourchault arrive
bientt,
suivi d'un flot de zoua-
ves
tout d'abord il trouve
ple-m'd
dans la cour de
la maison huit ou dix
Kabyles,
couverts de branches
vertes en
signe
de
soumission,
etSidi-Thaieb
lui-mme,
HISTOIRE
DE LA tABYUX 1830-187t 231
venu,
lui
aussi,
au bruit des
coups
de feu et
stoque-
ment assis ct de sa mule.
En
parcourant
le
village,
les soldats ont dcouvert
le cadavre du zouave tu au commencement de la lutte
et deux blesss vivants
encore,
respects par
les
Kaby-
les. Dans l'ivresse du
combat,
ils n'ont vu
que
le ca-
davre
quelques-uns
mmes ont
pris
ses blessures
bantes
pour
des mutilations
aprs
la mort. Nul n'a r-
ucbi,
ni la
lgitimit
de la
dfense,
ni aux blesss
retrouvs. La soif de
vengeance
les
altre,
et tous de-
mandent,
grands cris,
fusiller les
prisonniers.
Le
capitaine
Fourchault se
place
devant les
captifs
et
rappelle
les zouaves eux-mmes. Le
sang
vers en
combattant est du
sang
de
guerre
le
sang
vers
aprs
la lutte est du
sang
de meurtre
il
souille
ceux
qui
le
versent. Les soldats
s'apaisent.
Un
jour
viendra t Ces
quelques
vies humaines sau-
ves seront
plus
chres au souvenir du
capitaine, que
toutes ses
gloires
de combats
Quand
notre souveraine
tous,
quand
la mort
vient, quand
le cur dfaitte
sous 1&
douleur,
quand
les
jours
couls dfilent devant
t'agonie,
les clmences
accomplies
soutiennent
l'me
car
pour
le
voyage
inconnu vers le monde
inconnu,
jusqu'aux pieds
du
juge,
on se sent escort
par
ses
bienfaits.
Cependant
la maison
qui
contient la foule des
Kaby-
les est
toujours
ferme. Par les hautes fentres en meur-
trires sortent des
gmissements
confus de femmes et
d'enfants.
L'officier
place
sur le devant de la maison
quatre
zouaves,
avec ordre de faire feu en cas de
rsistance,
et
charge
deux hommes de chercher un blier
impro-
vis,
pour
enfoncer la
porte.
En trois
coups,
les deux battants tombent l'intrieur.
Aussitt une femme
kabyle, petite, presque
massive,
mais belle
encore,
apparat
sur le seuil de la maison.
Son
regard rayonne.
Son
visage
est tatou la mode
berbre. Elle est vtue
de fins burnous et couverte de
bijoux.
D'un
geste imprieux,
elle carte les baonnettes des
LA KABYLIE 232
zouaves,
s'avance
hautaine, presque menaante; puis
tout
coup, apercevant
Sidi-Tba'eb,
fait un
pas
vers
lui et se
jette
dans ses bras.
C'est Lalla-Fathma.
Pendant
quelques
minutes,
les soldats et les
Kabyles
la
regardent
en silence. Elle
pleure par sanglots
ct
du marabout.
Soutenue
par
son
rang,
exalte
par le danger,
arme
de toutes ses armes de
femme,
elle
s'est jete
devant
l'ennemi,
comme un
pontife pour
sauver son
peuple.
Mais,
la vue de son
frre,
le
pontife
a
fait place
la
sur.
La prophtesse
n'est
plus qu'une
femme
captive
1
Cependant,
sur un
signe
du
capitaine, quelques
sol-
dats
pntrent
dans la maison et ramnent tour tour
des femmes et des enfants en
pleurs, qui
ne sortent de
leur asile
qu'en
se laissant traner
par
les mains.
Pendant ce
temps,
les
troupes
arrivent en foule dans
Takleh. Le bruit de la fusillade est
parvenu jusqu'au
camp
de la
division,
et le
gnral
Yusuf a
envoy
l'un
de ses aides de
camp,
le
capitaine
de
Vittermont, pour
ramener les soldats
engags
isolment et lui rendre
compte
de ce
qui
se
passe.
Le commandant
Ammeler,
venu avec le
gros
de son
bataillon,
prend
le commandement de ses
zouaves,
d-
fend aux hommes de mettre le feu nulle
part,
fait ras-
sembler tous les
prisonniers,
et
place
des
gardes
au-
tour
d'eux,
afin de
protger
les femmes contre les abus
de la victoire.
Les soldats dcouvrent incessamment de nouveaux
Kabyles,
dans les maisons voisines de la demeure des
marabouts. En
quelques
minutes,
plus
de deux cents
prisonniers
sont runis autour de Lalla-Fathma. Un
mulet de razzia est amen
pour
la
prophtesse,
et le
commandant
Ammeler
la
dirige,
ainsi
que
tous les
cap-
tifs,
sur le
camp
du
gnral
Yusuf.
Prs de
quatre
cents boeufs et un
grand
nombre de
chvres,
de
moutons, etc.,
destins
augmenter
l'or-
dinairede la
division,
suivent te convoi
jusqu'au camp.
Les soldats
gardent individuettement,
selon les hasards
de leur
capture,
les
mulets,
les chevaux et te butio,
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
233
Sidi-Thaieb,
le frre de
Lalia-Fathrna,
le chef des Il-
lilten,
accompagne
le convoi des
prisonniers.
Ses ri-
chesses
sontdisperses
sa sur
et toute sa famille sont
captives
sa tribu est humilie et
ruine;
lui-mme
ignore
son sort. It
marche
cependant ct
de sa
sur,
silencieux,
sans
paratre souffrir,
et
dj rsign.
C'est
que
la
rsignation
est la
grande
vertu des
peu.
pies
de l'Orient.
Religieux plus que
nous
chrtiens,
les
musulmans,
mieux
que nous,
savent subir )e
malheur;
mieux
que
nous,
ils savent s'incliner devant des arrts
qu'ils
ne
peu.
eut
comprendre,
et leur tche
accomplie,
se
rsigner
sous la volont de Dieu.
Le
jour
mme,
le
gnral
Yusuf envoie les
captifs
au
camp
du
marchal,
sous la conduite du
capitaine
Four-
chault,
escort de trente soldats.
Except
la
proph-
tesse,
tout le convoi est
pied,
Les enfants sont
ports
par
les
Kabyles prisonniers.
Ma!s cet office
maternel
leur
rpugne
outre
mesure,
et maintes
reprises
le ca-
pitaine
est
oblig
de les
menacer,
pour
les
empcher
de rendre aux femmes ces fardeaux inaccoutums.
Telles sont les difficults du terrain
que
le convoi
met
huit heures
parcourir
un
trajet
de
quatre lieues,
et
n'arrive
Tamesguida qu'
la nuit close.
Le
camp
du marchal est tabli sur une crte dont
les
parois
accidentes ne
permettent que
difficilement
l'approche.
La nuit est noire et froide le vent du nord souffle
un brouillard
imprgn
de senteurs de fume.
et l,
dans le lointain
obscur,
les
villages
incendis dardent
des flammes
rouges.
Dans le
camp,
sur le crte de la
montagne
et ses
premires
dclivits,
les feux des bi-
vouacs clairent sous des lueurs
vagues
un sol
ingal
et
pierreux.
Le
gouverneur
est
devant sa
tente,
cau-
sant avec
quelques
officiers. Tout
coup
le
capitaine
Fourchault arrive tout couvert de
poussire,
comme
puis
de
fatigue
il s'incline devant le chefde l'arme:
< Monsieur le
marchal, dit-il,
je
vous amne Lalla-
Fathma et deux cents
prisonniers
Puis,
sur la demande du
marchal,
le
capitaine
ra-
conte brivement les combats et les
captures
de la ma-
tine.
LA KABYLIE
234
Presqu'aussitt,
une femme
enveloppe
de burnous
blancs,
arrive sur un
mulet,
met
pied
terre avec
l'aide de
Sidi-Thaieb,
et,
appuye
sur son
bras,
suit le
gouverneur
sous sa
tente.
L,
la prophtesse
s'asseoit,
regarde,
sans affectation
mais sans
timidit,
tous ceux
qui
l'entourent,
puis
r-
pond
d'une voix claire aux
questions
de
J 'interprte.
Le marchal lui fait demander
pourquoi
les hommes
de son
village
ont
rompu
la convention faite
par
son
frre,
en tirant sur les
troupes franaises,
Allah t'a
voulu,
dit-elle ce n'est ni
par
ta
faute,
ni
par
la mienne. Tes soldats ont
quitt
leurs
rangs
pour pntrer
dans mon
village.
Les miens se sont d-
fendus. J e suis ta
captive.
J e ne te
reproche rien
tu
ne me dois rien
reprocher.
C'tait crit.
Le marchal lui fait adresser encore
quelques
de-
mandes sur la soumission
prochaine
de sa tribu elle
rpond
sans embarras
chaque question.
Les
officiers,
ies soldats et surtout les turcos se
pressent
afin de la
voir. Elle ne chercheni ne fuit les
regards puis, toujours
appuye
sur le bras de son
frre,
remonte sur son mu-
)et
et se
dirige
vers la
partie
du
camp qui
lui est assi-
gne par
les officiers du bureau arabe.
Derrire
elle,
les autres
prisonniers,
un instant arr-
ts autour de la tente du
marchal, reprennent
leur
marche. Leur
longue
et triste foule dfile
lentement,
suivant
pas
pas
la
prophtesse.
Les femmes et les en-
fants sont deux
deux,
sur des mulets
pris
ct de
Tamesguida,
au
camp
de la 3"
division
tous les hom-
mes sont
pied.
Aux lueurs vacillantes des feux de
bivouac,
on voit
passer
des
femmes,
hves, fatigues, pleurantes
ou tris-
tement
rsignes.
Voici tantt neuf heures
qu'elles
vont,
sans
manger, par
des sentiers de
torrents,
travers
leurs
pays
envahi,
leur
bourgades
incendies, ruines,
vaincues,
captives,
sans autre
espoir que
la
misricorde
d'un
conqurant
infidle.
De fois
autres,
un
sanglot
s'lve au-dessus des
bruits du
convoi
des
petits
enfants,
demi-nus dans
les
bras
de leurs
mres,
je~ent
en
passant
teu~
va~is-
HISTOIRE DE LA
KAB.YDE
(1830-1871)
235
sements
de douleur.
D'autres,
plus ges dj,
pied,
pendus
a ix mains deteurs
pres,
vont
pitinant
de
iatigue,
et toutes larmes
pleurent.
et l un
mulet,
sous son double
fardeau,
s'agenouille malgr songuide.
Ceux
qui
le
suivent,
emports
les uns dans les autres
par
la
pente
du
terrain,
trbuchent aux
pierres
de la
montagne
ou roulent sur le sol. Une
femme,
un enfant
tombent et alors des
cris,
des
gmissements,
des mur-
mures de
souffrance,
montent de cette foule
par rumeurs
confuses.
Cependant
le marchal a donn aux
officiers, chargs
des
prisonniers,
l'ordre de faire
prparer
des tentes et
des vivres. Mais mesure du dfil successif de toutes
ces
souffrances,
sa sollicitude
inquite augmente.Il
en-
voie successivement deux de ses aides de
camp,
avec
ordre de
surveiller
eux-mmes l'installation des
cap-
tifs.
Puis,
fin de
compassion,
troubl
jusqu'au
coeur,
il
appelle
le lieutenant
Bibesco,
J e
plus jeune
de ses of-
ficiers,
et lui mettant la main sur
I'pau)e
Allez,
mon
ami,
allez de
suite
faites-leur
porter
mes vivres de
campagne,
tout ce
que
vous
trouverez,
tout
donnez-leur cela vous-mme.
Et,
en achevant ces
mots,
il rentre
brusquemment
dans
sa
tente,
pour
cacher l'motion dont il ne
peut
se dfendre 1
Ah ne vous en dfendez
pas,
monsieur le ma-
rchal. Pour un mchant
qui
sourit des motions du
cur,
des milliers d'hommes les
respectent
et les ho-
norent. La sainte
piti peut
voiler les
yeux
d'un chef
sans les ternir. La
bont
est fille de la
force,
et vous
le
pouvez
demander a.
l'histoire
les seuls victorieux
rests
grands
dans la mmoire des hommes ont
grandi
par
leur clmence
plus
encore
que par
leurs
conqutes.
Grce aux soins
empresss
de
tous,
officiers et
soldats,
quatre
tentes sont dresses de
l'eau,
des
vivres sont
apports.
Le
gnral
de Chabaud-Latour
dirige lui-mme les efforts de ses soldats du
gnie, qui
se
dcuplent d'intelligence
et de
zle,
comme
toujours.
L'tat-major
entier du marchal est
l,
surveillant tout.
Le~ of~c~rs font a~umer
des
feux
et distribuer
les
LA KABYLIE 236
vivres
les soldats
s'empressent
en tous
sens,
ou for-
ment autour des
captifs
un cercle silencieux et
sympa-
thique.
La
piti
du vaincu est la
premire gloire
de la
France.
Cependant
les
prisonniers
sont entasss en un seul
groupe,
sur un tertre
isol,
au centre du
camp.
Ils se
tiennent serrs les uns contre les
autres,
comme des
naufrags
dont le navire sombre. C'est
que
tous les tres
de !a
cration,
les hommes comme les
animaux,
se ras-
semblent et se
pressent
aux heures d'effroi.
Vainement les officiers des bureaux arabes s'efforcent
de la voix et du
geste pour sparer
leur
troupe
amon-
cele. Les hommes
se dtachentlentement, un un; mais
plus
on sollicite les
femmes,
plus
elles se serrent
per-
dues autour de Lalta-Fathma. A la lueur des
feux,
on
voit leurs mains s'treindre aux vtements de la
proph-
tesse,
comme les tourments de l'enfer la
barque
du
Dante.
Enfin
Lalla-Fathma,
entrane
par
son
frre,
entre
sous une tente. Aussitt la foule des femmes et des
en-
fants se
prcipite
sa suite. Vainement ta tente se
remplit
dchirer sous le nombre toutes veulent entrer. Vai-
nement Sidi-Thaieb les sollicite de le suivre sous les
tentes
voisines,
toutes restent
l, muettes,
passives,
ef-
fares. Celles
qui
n'ont
pas pu
trouver
place
sous l'abri
de leur
prtresse
tutlaire se tiennent contre la
porte,
serres
plus qu'un
essaim d'abeilles. Pendant
prs
d'un
quart d'heure,
les
gestes,
les
paroles,
tout est inutile.
Mais,
aux
prires
de son
frre,
Lalla-Fathma donne
quelques
ordres voix basse aussitt les femmes et
les enfants
qui
sont en dehors suivent Sidi-Thahieb sous
une tente
voisine;
celles
qui
sont avec la
prophtesse
restent autour
d'elle,
malgr
leur
nombre,
assises
terre,
entasses faire craindre
qu'elles
n'touuent.
Des miasmes ftides
planent
sur cette
foule,
enferme
dans un
troitespace.Lesenfants gmissent comme
suf-
foqus plusieurs
femmes s'vanouissent sous la
presse
et le
manque
d'air. On veut ouvrir la
porte
de la tente
qu'elles
ont
close,
elles la retiennent mains
crispes.
Le marabout et
quelques
Kabyles prisonniers
sont
HISTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1S71)
237
obligs d'employer
la fone
pour
entraner au dehors
une
partie
des
compagnes
effares de ia
prophtesse
berbre.
Une
premire
distribution de biscuit leur est
faite;
chacune des
captives reoit
sa
part
en
silence;
mais
pendant quelques
minutes, toutes s'abstiennent de
manger.
A leurs
yeux
incertains et craintifs. on voit
qu'un soupon
fatal
combat en elles les tentations de la
faim.
Cependant
les
Kabyles
et les enfants
mangent
dj peu
peu
toutes les imitent et
broyent
lentement
quelques
morceaux de biscuit casss
grand'peine par
leurs mains dbiles.
Pendant ce
temps
des sentinelles sont
places
autour
des tentes
occupes par
les
femmes,
moins
par
crainte
des vasions
que pour empcher
les invasions
galantes.
Quelques
soldats ont
tmoign
dem; voix d'une vive
admiration
pour
les
captives.
Les tentes sont
ouvertes
le soldat
franais
en
campagne
est
plus
sducteur en-
core
que
dans les
jardins
de nos
cits,
et sur
payses
ennemies,
au soir d'une rencontre
inespre,
sous la
nuit,
ses sductions
pourraient
devenir
entreprenantes
jusqu' conqutes
forces.
Peu
peu
le silence se fait dans le
camp.
La lassitude
upaise
la fois les
angoisses
des
captives
et la curiosit
des soldats.
Chaque
femme s'installe de son
mieux,
entre ses voisines de chambre les enfants s'endor-
ment les
premiers,
et le
repos,
sinon le
sommeil, rgne
jusqu'au
retour du soleil.
Le marchal a donn des ordres
pour que
les
prison-
nires et les enfants soient
conduits,
le
lendemain,
dans
les
villages
de nos
allis,
les
Bouyoucef, qui
les
garde-
ront
jusqu'
la soumission dfinititive des Illilten. Les
hommes resteront dans le
camp, prisonniers
sur
parole.
Dans la
matine,
des mulets sont amens
pour
les
enfants et les femmes. Avec l'aide des
Kabyles
ou des
turcos,
chacune d'elles s'instaite sur sa monture
la
faon
des
cavaliers,
drape
dans ses
burnous, depuis
le
col
jusqu'aux pieds.
On
peut
voir au
plein jour
ce triste et misrable con-
voi. La
plupart
semblent rassures dsormais
elles ne
LA KABYLJ B 238
pleurent plus;
mais leurs
visages
fltris ont
gard
les
traces de leurs
angoisses passes.
Presque
toutes ont des
types
de
figure originaire-
ment
beaux,
de
grands yeux noirs,
des traits
rguHers
mais on sent
que
des
privations
de toute nature ont
tiol ces
populations
misrables
jusqu'
la famine.
Queiques-uaes
ont des
goitres,
ce flau des monta-
gnards.
Toutes ont un
aspect
chtif. Leurs faces sont
ples,
hves, maigres,
sans chairs. On dirait
que
leurs
veines
appauvries
ne roulent
qu'un sang
dcolor, sans
chaleur et sans vie.
Leurs vtements sont
ngtigs,
sales et en lambeaux.
Leurs cheveux
s'chappent
en tous
sens,
dpeigns,
mal retenus sous des foulards de soie mal noues leur
tte. Mais toutes ont aux oreilles des
bijoux
en
argent,
orns de coraux
quelques-unes
ont deux anneaux
chaque
oreille,
l'un en
haut,
l'autre en bas. Les bur-
nous sont attachs
par
de
grandes
broches en
argent.
Ettes ont des
bagues
aux
doigts,
des bracelets aux
jambes.
Seule la
prophtesse,
formant
disparate
avec son
peuple,
est
soigne jusqu' l'lgance. Matgr
son em-
bonpoint exagr,
ses traits sont beaux et
expressifs.
Le kolh tendu sur ses sourcils et ses cils
agrandit
ses
grands yeux
noirs.Ettea du carmin
sur les j oues, du
henn
sur les
ongles,
des
tatouages bleutres,
pars
comme
des mouches sur son
visage
et ses
bras
ses cheveux
noirs, soigneusement natts,
s'chappent
d'un foulard
clatant,
nou
tafaon
desfemmescrolesdes
Antilles
des voiles de
gaze
blanche entourent son col et le bas
de son
visage,
remontant sous sa coiffure comme les
voiles de la Rebecca
d'Ivanhoe
ses mains fines et
blanches sont
charges
de
bagues.
Elle
porte
des bra-
celets,
des
pingles,
des
bijoux plus qu'une
idole an-
tique.
Pendant
quelque temps,
te convoi reste dans te
ctnp,
attendant l'ordre du
dpart.
Tous les
prisonniers
Ittit-
ten,
tous nos attis
kabyles
et la
plupart
des
turcos,
se
pressent
en foule autour des
prisonnires.
Entre ces
hommes diviss
d'intrts,
d'existence ou de
tribus,
RtSTOIRE DE LA KABYLIE
(1830-1871)
239
mais tous enfants de mme
race,
on sent
que
les liens
d'une commune
patrie
se resserrent devant les souf-
frances
de leurs femmes et de leurs enfants. Les uns
aident
les
captives
s'installer sur les mulets
qui
les
portent,
leur serrent les mains en
signe
d'adieu,
ou
leur
parlent
doucement voix amicales et
consolantes,
gestes
attendris; d'autres,
des
pures,
des
frres,
des
poux
sans
doute,
rattachent
e
et l une broche
qui
s'chappe, quelque
foulard
dnou, quelque
burnous
entr'ouvert
comme au sortir du
bal,
un mari ferme
d'une main attentive les vtements de sa
jeune
femme.
Quelques-uns quittent
en hte un des burnous
qui
les
couvrent,
et chacun d'eux vient
pieusement
taler sa
dpouille
sur les
paules
d'une
mre,
d'une
sur,
d'une
fiance,
de celle
qu il
aime
plus que
lui-mme.
Mais
le
plus grand
nombre entourent la
prophtesse,
et chacun
tour tour baise
respectueusement
une main
qu'elle
tend,
an
hasard,
avec l'aisance sacerdotale d'une
femme
ne
pour
les
hommages.
Les turcos
passent
confondus avec les
Kabyles,
non
moins
respectueux que
leurs
coreligionnaires.
La
pr-
tresse
mahomtane leur abandonne ses
doigts
baiser,
ainsi
qu'aux
hommes de son
peuple,
et de fois autres
daigne
murmurer sur l'un deux une
parole
amicale.
Tous ta
quittent
en
s'inclinant,
comme des fidles bnis
et contents de l'tre.
Les soldats
franais,
attirs
par
curiosit sur le
pas-
sage
du
convoi,
se
pressent
afin de voir LaIta-Fathma.
Ils arrivent silencieux tout
d'abord, pitoyables
aux
souffrances
d'un ennemi vaincu. Mais bientt leur
foule,
peu respectueuse par
naissance, parodie
un un les
gestes
onctueux de la
prophtesse.
La
captive respecte
n'est
plus qu'une
prtresse
de thtre. La
piti
s'efface
la
troupe perd
ses
gards gnreux
devant les allures
protectrices
de la souveraine maraboute
ce
long
bai-
sement des mains fait courir de
proche
en
proche
tout
un flot de lazzis mots
peu
couverts
et le rire fran-
ais,
le vieux rire
contempteur
des vaines
parades,
claire seul dsormais les
figures
martiales tre'lieuses
des soldats.
LA KABYLIE 240
Le convoi s'branle
enfin,
Kabyles
et turcos l'escor-
tent en silence
jusqu'
rextrmit du
camp,
et revien-
nent leurs
postes
divers. La crte de
Tamesguida
re-
prend
son
aspect
de la veille
(Carrey,
Rcits de
.K(t&)/e).
Le
jour
mme et le
lendemain,
ce n'est
qu'un
dfil
continuel des
envoys
des
Illilten,
des
Itsourar,
des
Illoulen ou
Malou,.des Idjer
tous
apportent
les sou-
missions de leurs tribus.
LaKabylieest compltement
vaincue soumise,
peut-
tre
cependant
il tait
sage
d'en douter Et l'anecdote
suivante est
pleine d'enseignements
cet
gard.
Un
soldat adressant la
parole
un vieillard de la tribu des
Illilten lui dit d'une voix amicale
<
Amigo:
prsent,
vieux Chinois.
J
Amigo, rpond
le
Kabyle,
macache barout D.
(Oui,
ami,
parce que je
n'ai
pas
de
poudre).
Quoi
qu'il
en
ft,
notre
expdition
avait
pleinement
russi,
et ce
que
n'avaient
pu
faire lesdominations car-
thaginoise, romaine, byzantine,
vandale, arabe,
turque,
notre domination l'avait
accompli.
Il
n'y
avait
plus
de
Kabylie indpendante,
dont l'e sol
vierge
n'avait encore t foul
par
aucun
conqurant
il
n'y
avait
plus
de Mons Ferratus
inviol,
il
n'y
avait
plus
en
Algrie
ce
foyer permanent
d'insurrections,
qui
fit verser tant de
sang
aux autres
conqurants
de la
terre Africaine.
Notre tche tait
acheve,
la
campagne close
le <4
juillet,
l'arme
expditionnaire
se dissout.
La division Renault
campe
Fort
Napolon (depuis
Fort
National).
La division Mac Mahon se
disperse
sur Constantine
et sur Oran.
La
division Yusuf
regagne
la
province d'Alger.
La division Maissiat retourne Constantine.
La cavalerie du colonel de Fnelon rentre aussi
Alger.
Les colonnes
Marmier, d'Argent
et Drouhot
regagnent
leurs
garnisons, pendant que
les
contingents Kabyles
rentrent dans leurs
foyers.
Le
marchale
avec une seule
compagnie
de chasseurs
HISTOIRE DE LA &ABYUE
(1830-1871)
241
i4
et son tat
major,
traverse sans aucun incident toute la
Kabylie
du
Djurjura.
et revient
Alger prendre
son
poste
de
gouverneur.
Cette
campagne
a donn la France
plus
de
250,000
habitants,
bons
ouvriers,
laborieux,
conomes elle a
fait rentrer une contribution de
guerre
de
2,000,000
de
francs dans les caisses de
l'Etat,
et ce
qui
est le
plus
important,
elle a
affermi,
dans une mesure
indiscutable,
notre
conqute
et notre domination en
Algrie.
<
Amigo,macacbeBarout.
Ami,
parce
ce
que je
n'ai
pas
de
poudre,
avait dit le vieil
Illilten,
quelque
temps aprs,
la
poudre
arrivant,
l'amiti
disparut
et
nous fmes
obligs
de
reprendre
les armes contre cette
rgion que
nous avions le droit de considrer comme
conquise.
En d864et
1866,
deux fractions
seulement,
se rvol-
trent mais,
sans
qu'il y et
lieu
d'organiser
une
exp-
dition,
elles furent
promptement
rduites
l'impuis-
sance.
LIVRE
QUATRIME
INSURRECTION DE 1871.
Au lendemain de nos
dsastres,
au moment o la
France tait foule aux
pieds par
un
ennemi,
surpris
lui-mme de tant de
victoires,
l'heure o notre beau
pays
semblait
expirer
sous les ruines et sous
l'impuis-
sance,
une insurrection clate en
Algrie
et c'est des
soldats
puiss,
des chefs abattus
par
les
revers,
qu'il
faut confier en toute hte la mission de
reconqu-
rir une
partie
de notre belle colonie.
A
quel
mobile obissaient donc les
Arabes,
et
quel
mauvais sentiment soulevait les
Kabyles?
Etait-ce l'es-
poir
de s'affranchir d'un
joug trop pesant ? Espraient-
ils,
ces vaillants
montagnards
de la
Kabylie, reprendre
leur
indpendance ?
A ces deux
questions,
il faut
rpon-
dre non. En tous
cas,
on ne
comprendrait gure
leur
attitude
pendant
la
guerre
contre
l'Allemagne.
Non seu-
lement,
pendant
cette triste
priode
de mauvais
jours,
ils ne cherchrent
point
profiter
du
dpart
de nos
troupes,
mais ils sont venus en assez
grand
nombre
notre
secours,
et ce ne fut
qu'un juste hommage que
M.
Warnier leur
rendit,
lorsqu'il
vint dclarer la tribune
de
l'Assemble,
que
la France devait tre fire de nos
indignes, qui
tombrent morts au
champ
d'honneur,
au nombre de dix
mille,
tant
Reischoffen, qu'
Sedan
et Orlans. Et
cependant quelle plus
belle occasion
pour
eux de
prcher la guerre
sainte ? Paris tait
cern,
tait
bombard,
et
qu'avions-nous
en France de
troupes
disponibles?
Nos
soldats,
nos
ofQciers,
n'taient-ils
pas
en
grand
nombre
captifs
en
Allemagne ?
Que
serait-il
arriv,
si ce moment l une rvolte et clat ?7
Il faut donc chercher les causes du soulvement dans
un tout autre ordre d'ides.
Tout
d'abord,
quelques-uns
ont laiss entendre
que
l'Allemagne
n'tait
pas trangre
ce mouvement rvo-
lutionnaire. Notre belle contre
d'Afrique
a le don de
!NSCRR~TJ ON PF
1871
243
plaire
beaucoup
de
monde,
et dtacher de nous cette
riche
colonie,
pour
]a
conqurir ensuite, pouvait parai-
tre tre un
plan
d'une
raiisation fort dsirable. Nous
ne nous arrterons
pas
longtemps
sur cette
prsomp-
tion nous ne savons
encore au
juste
ce
que
l'Allema-
gnea putenter
contre
nous,
si elle a tent
quelque
chose:
qu'il
nous suffise de savoir et de nous
souvenir,
que
si
des fusils
f chassepot
ont t trouvs dans des villa-
ges Kabyles,
ces derniers ne les avaient certainement
pas
reus
du
gouvernement franais
ou ne les avaient
pas pris
nos soldats. Si cette cause
existe,
ce ne serait
pas
la seule.
Cherchons donc une autre cause ou un
cornptment
de cause ce mouvement insurrectionnel. Eh
bien,
il
faut avoir le
courage
d'avouer
que
]a rvoite des indi-
gnes
en
1871,
fut
pour la plus grande partie
notre
uvre.
M. l'amiral de
Gueydon, gouverneur gnra),
i'a fort
bien
dit,
ce furent lanaturalisation des J uifs et les auda-
ces
impunies
de la
presse
radicale
qui poussrent
les
Arabes se rvolter contre la
France,
pour laquelle
ils
n'avaient
point
eu
peur
d'affronter les
dangers
et ia
mort sur ses
champs
de bataille. Ce furent l les deux
causes, disons-nous,
de cette terrible
rvolte,
que
M.
Rinn,
dans son bel
ouvrage
sur l'insurrection
de
1871,
a
appele,
l'Insurection de Mokrani.
Nous disons
que
tout d'abord la naturalisation en
bloc des Isralites fut une des
principales
causes dter-
minantes de ces malheureux vnements. H faut
peu
connattre la race Arabe et le caractre musulman
pour
ne
pas
deviner ce
qui
se
passa parmi
ces
fanatiques
lorsque
le fameux dcret de
Crmieux,
vint la date
du 24 octobre
1870,
changer
l'tat social des J uifs de
l'Algrie. Quoi
1 ds le dbut de la
guerre,
les
grands
chefs Arabes des trois
provinces
de notre
colonie,
avaient dans une adresse
(1)
l'empereur
Napolon III,
(i) Sire,
la France a dclar la
guerre
la Prusse. Votre Ma-
jest
va se mettre la tte des armes
franaises
votre
fils,
h-
ritier
de votre
gloire
et de votre
nom,
vous
accompagne.
A la
nouveUe qu'une natiot)
avait os6 s'attirer votre
courroux,
une
LA KABYLIE 244
offert leur
argent
et leur
sang pour
la dfense de la
France,
on leur avait refus ces
offres,
persuad qu'on
colre subite a envahi nos
curs
le feu
spontan
de l'enthou-
siasme
a embras nos mes. Nous aussi nous votons combat-
tre les ennemis de la France
qui
sont les ntres. Pourrions-nous
agir
autrement, nous,
chefs
indignes, que
vous avez combls de
bienfaits? Votre
glorieuse
nation a taiss au
peuple
Arabe sa re-
ligion
et ses
coutumes
elle a
permis
nos enfants
d'aspirer
toutes les
dignits
civiles ou militaires: elle s'est m)ee a nous
au lieu de nous tenir l'cart. Cette conduite
gnreuse,
dont la
France ne s'est
pas dpartie
un seul
instant, depuis quarante
ans,
nous a enchaines
pour toujours
sa destine.
Dj
notre
sang,
de l'orient
l'occident,
a t
rpandu
avec celui de vos sol-
dats sur les mmes
champs
de bataille en
Cochinehine,
en Cri-
me,
au
Mexique,
en
Italie,
et en tant d'autres
pays.
Nous do-
ma:'dons
a votre Majest, qu' ''exempte
des Franais,
it nous soit
permis
de mettre nos biens et nos
personnes
votre
disposition.
Nous ne sommes ni aussi nombreux ni aussi riches
que
vos
sujets
mais ce
que
nous
pouvons
offrir autant
qu'eux,
c'est le
courage,
c'est la
volont, l'nergie,
le dvouement. Vous nous
avez abandonn la
proprit
de nos terres,
vous nous avez con-
serv nos
croyances religieuses
et
garanti
notre
honneur,
nous
devons notre aide a la France. Nous
supplions
votre
Majest
d'accepter
la modeste offrande de nos fortunes et le secours de
nos bras. Verser notre
sang pour
la 'France est un droit
pour
nous
plus
encore
qu'un
devoir,
car vous l'avez dit J e suis le sul-
tan des Arabes aussi bien
que
celui dej
franais.
Nous atten-
dons avec une
respectueuse impatience que
votre
Majest
veuil-
le bien nous
autoriser,
soit marcher au
combat,
soit ouvrir
parmi
nous des listes de
souscription,
afin
que
nous
puissions
encore
de
quoique
manire contribuer a la
gloire
de vos armes.
Que
Dieu vous donne la victoire.
Ont
si~ne.
Mohammed ben
Hadj
Ahmed el
Mokrani,
bachagha de
la
Medjana.
El
Hadj
Ahmed Bouakkaz ben Achonr.
Mohammed
Sghir Bea~ana,
cad de Biskra.
Sliman ben
Siam.
a~)'a
honoraire de Miliana.
Sad ben
Boudaoud,
caid du Hodna.
Beikassem ben fjahrcnfb.
bachagha
do
Djelfa.
Mohammed Sad ben Ali
Cherif, bachagha
d'Akbou.
Ahmed Bed ben Cheikh
Messaoud,
cad des Ameur
Dahra
(Setif.)
Ahmed Bel
Kadi,
cnid de Balna.
Douadi ben
Keskes,
cad des Ameur Guebala
(Setif.)
Sghir b~'t
Laroussi,
cad des
Righa
Guebala
(Stif.)
Abderrabman ben Gandouz et
Mokrani,
cad d'Am Tun'.
Ben Yahia ben
Asaa,
bachagha
du
Titery.
Ali ben Mabieddin,
agha
des Beni Sliman
(MiUdja).
INSURRECTION DE
1871 245
14.
tait
qu'elles
seraient
inutiles,
et
pour
les
rcompenser
de cette attitude dvoue et
dsintresse,
on ne trou-
vait rien de
mieux,
aprs
la chute du Sultan de
France,
que
de les humilier le
plus gravement,
en levant la
dignit
de
citoyens franais
les Isralites) Il faudrait
dsormais voir les
J uifs
prendre part
la vie
politi-
que
du
pays conquis
sur les
Musulmans
les voir
voter,
devenir
ligibles,
et les voir
surtoutjuges
dans le
jury,
ce
qui pour
tout Musulman tait la
plus grave injure.
Ce fut cette
nouvelle,
tout un moi
considrable,
tout
un cri de colre et de haine contre les J uifs et contre
nous.
Presque
au mme
moment,
l'on dcida de subs-
tituer au
rgime
des bureaux arabes le
rgime
civil en
Algrie
cela
produisit
encore un effet dsastreux sur
les
indignes, qui
s'indignrent qu'un
J uif
gouver-
nt la France et
l'Algrie
et
que
le
rgime
civil ft im-
pose parce
<J uif Les
attaques
d'une certaine
presse
vint encore
ajouter
leurs craintes et leur mconten-
tement.
<
Le dlire de la Sevr rvolutionnaire s'em-
para
Alger
et Constantine de
quelques nergum-
ns
qui, malgr
les efforts des officiers et des
gens
de
cur comme les
Warnier,
les Lucet et
autres,
donn-
rent aux
indignes stupfaits
le
spectacle
inou de
chefs et de fonctionnaires
franais
mconnus,
injuris,
arrts ou
expulss.
Nos
sujets, qui par
tradition et
par
temprament
ont le ftichisme de l'autorit, virent la
menace et l'insulte
prodigues impunment
et leurs
chefs hrditaires ou traditionnels et aux officiers fran-
ais
plus spcialement prposs
au maintien de notre
domination en
Algrie
ils furent la fois consterns
et
inquiets
en entendant les rcriminations brutales et
les reactions violentes contre les condescendances du
Kaddour ben el
Mokh,
aghades Bordjia.
Boualem ben
Cherifa,
bachagha
du
Djendel (Miliana).
Ahmed Bou
Mezrag
el Mokrani,
cajd de
l'Ouennougha
Sa:d ben
Abid, cad
du Sahel Gu6b)i
(Stif.)
Ahmed ben Zidan,
cad des Guerkour
(Stif.)
Ahmed
Boutakhas-Bengana,
c"d des Gheraba.
(Les
noms
marques
d'un
asterirme
sont ]9
noms
des
cbef~
qui
se revotrent 0)
1871.)
LA
XAPYUE 346
systme imprial
l'gard
des chefs
indignes.
(Rinn,
ouvr.
prcit).
Les chefs
indignes
se demandaient avec anxit ce
qui
allait se
passer,
et
parmi
eux le
bachagba
de la Med-
jana,
El
Hadj Mohammed-ben-et-badj-Ahmed-eI-Mo-
krani,
le
plus
craindre de
tous,
surveillait attentive-
ment toutes les fautes
que
nous lui
paraissions
com-
mettre. Ce
Mokrani,
esprit fin, sceptique
et
ambitieux,
russit entraner
quelques
nobles mcontents et les
populations
nombreuses soumises l'action
politique
et
religieuse
des
Khouans
Rahmanga.
Commandeur de
l'ordre national de la
Lgion
d'honneur,
devenu l'hte
de
Napolon
III
Compigne,
combl
d'honneurs,
et
de dfrences en
France,
le
Bachagha
Mokrani fit
cepen-
dant
partie
des mcontents dont il devint bientt le
chef. C'est
que
en
Algrie,
avant
1870,
nous avions
souvent froiss
l'amour-propre
des
grands chefs,
que
nous nous tions
engags
protger
en
change
des
vastes territoires
qu'ils
nous
apportaient.
Il est vrai
qu'au
moment o ces
promesses
avaient t
faites,
c'tait ds le dbut de notre
occupation,
et nous ne
savions encore ce moment ce
que
nous ferions de
l'Algrie.
<
Les
gnraux
en chef et les
gouverneurs,
qui
la
mtropole
refusait de
l'argent
et les
moyens
d'ac-
tion,
avaient alors
trait de
puissance
puissance
avec
les chefs venus en allis et
acceptant
notre suzerainet.
A ces
prcieux
auxiliaires,
nous n'avions rien demand
de
plus que
de se faire tuer notre service et de nous
payer
un
tribut;
en retour de
quoi,
nous leur avions
garanti
les
dignits,
honneurs et
privilges
dont ils
j ouissent
en fait comme en droit. Nous avons tenu notre
parole,
tant
que
nous avons eu besoin de nos allis
pour conqurir
ou
gouverner
mais le
jour
o nous
nous sommes crus assez forts
pour
nous
passer
d'eux,
nous avons trouv
que
nos
engagements
avaient t
bien
imprudents
et nous n'avons
plus
vu dans ces at-
lis de la
premire heure,
que
des individualits
gnant
l'oeuvre de
progrs
et de civilisation
que
la France en-
tendait
accomplir
en
Algrie pour justifier
sa
conqute.
Nous avons alors
essay
de faire
comprendre
ces
gens
INSURRECTION
DE 1871
247
de vieille
souche, ayant
conserv les murs et les
pr-
jugs
du XM1" et du XIVe
sicle,
les
conceptions
huma-
nitaires et
politiques
des socits
modernes
ils ne com-
prirent qu'une chose,
c'est
que
nous voulions amoin-
drir leur situation et leur
imposer
les mmes devoirs
et les mmes
obligations auxquels
nous avions astreint
les
agents
et les collectivits vaincus les armes la
main et subissant les volonts du
vainqueur.
De l bien
des
malentendus,
bien des
mcontentements, que
s'ef-
forcrent d'attnuer les officiers des bureaux
arabes,
chargs
de la dlicate mission de contrler ces chefs et
de
discipliner
leur concours au mieux des intrts de
notre action
gouvernementale.
(Rinn).
Le
Bachagha
Mokrani
en 1870,
avait donn sa d-
mission au Marchal de Mac
Mahon,
qui
l'avait ac-
cepte,
mais,
en
prsence
de la situation
qui
tait faite
la France
par
la dclaration de
guerre
l'Allemagne,
il tait rest son
poste
et
avait,
nous l'avons
dj
dit,
offert d'aller combattre en France. Si l'on et
accept
cette demande et celle de
presque
tous les
grands
chefs
arabes,
l'insurrection et-elle ec)at? Il est
permis
d'en
douter.
Quoi
qu'il
en
soit,
les dcrets du 24 octobre ex-
citrent en Mokrani une trs
grande
mauvaise humeur
<
J e consens obir un
soldat, disait-il,
mais
je
n'o-
birai
jamais
un
juif
ni un marchand. < Et
quand,
le
14 janvier i87i,
!e
garde
des sceaux Crmieux si-
gnait
Bordeaux une dclaration aux
indignes,
il ne
se
figurait pas quel
effet
produirait
sur eux un docu-
ment
qui
n'tait
point
d'ailleurs
conu
dans un
style
qui pt
convenir un
peuple
aussi
oppos
aux innova-
tions. Un
juif
adressait une
proclamation
des musul-
mans
1 Un
juif parfait
comme un chef d'Etat f Aussi
la notification
qui
lui fut faite de cette
dclaration,
le
bachagha
Mokrani
rpondit par
crit J e n'obirai
jamais un juif. Si
unepartie
devotre territoire est entre
les mains d'un
juif,
c'est fini. J e veux bien me mettre
au-dessous d'un sabre, dt-it me trancher la
tte;
mais
au-dessous d'un
juif, jamais 1 jamais 1 jamais (Rinn,
mm.
ouv)
Par deux fois encore le
Bachagha
donna sa dmis-
LA KABYLIE 248
sion,
mais
chaque
fois elle ne fut
pas accepte
c'est
alors
que
Mokrani,
le 15
mars,
crivit les deux lettres
suivantes
la
premire
adresse au
gnral Augeraud,
la seconde au
capitaine
Ollivier
a
J e vous remercie des excellentes choses
que
vous
m'avez
dites
je
vous remercie de la bont
que
tou-
jours
vous m'avez
tmoigne j j'en garderai
le meilleur
souvenir. Mais
je
ne
puis vous rpondre qu'une
chose
j'ai
donn ma
dmission au marchal de Mac
Mahon,
qui
)'a
accepte.
Si
j'ai
donc continu servir la
France,
c'est
parce qu'elle
tait en
guerre
avec la
Prusse,
et
que je
n'ai
pas
voulu
augmenter
les difficults de la
situation.
Aujourd'hui
la
paix
est faite et
j'entends
jouir
de ma libert. Vous le
savez, je
vous l'ai dit
je
ne
puis accepter
d'tre
1 agent
du
gouvernement
civil,
qui
m'accuse de
parti pris
et
dj dsigne
mon succes-
seur.
Cependant
on verra
plus tard
si on a eu raison
d'agir
ainsi et si c'est moi
qui
ai eu tort. Mes serviteurs
sont arrts Stif et
Aumale,
et
partout
l'on affirme
que je
suis
insurg. Pourquoi?
Parce
que
l'on veut me
condamner. Eh bien
je n'changerai
avec ces
gens
l
que
des
coups
de
fusil,
et
j'attendrai.
J 'cris M. Ollivier
que je
refuse mon mandat de fvrier et
qu'il
ait se
tenir sur ses
gardes,
car
je m'apprte
combattre.
Adieu
< Mohammed ben el
Hadj
Ahmed el Mokrani.
La lettre au
capitaine
Ollivier tait
conue
en ces
termes
<
J 'ai
reu
la lettre
par laquelle
vous me transmettez
les instructions du
gnral
de
Constantine,
qui
a crit
que
ma dmission n'tait
pas accepte
et
que je
restais
responsabtedes
tribus
places
sous moncommandement.
Veuillez,
je
vous
prie,
lui faire connatre
que
Monsei-
gneur
le marchal de Mac Mahon avait
accept
ma d-
mission et
que,
si
j'ai
attendu
jusque
aujourd'hui pour
revendiquer
ma
libert,
c'est seulement en raison de la
guerre
soutenue
par
la France contre la Prusse. Au-
jourd'hui
la
paix
est faite eL
je
suis dli de mes
pro-
messes. Veuillez l'informer aussi
qu'il
ne saurait m'im-
poser
aucune
responsabilit pour
les faits
qui
se eom-
INSURRECTION DE ~871 249
mettent
ef raison de l'anarchie existante. Vous con-
naissez
~ause
qui m'loigne
de
vous
je
ne
puis
que
vous
rpter
ce
que
vous savez
dj. je
ne veux
pas
tre
t'usent
du
gouvernement
civil. J e vous renvoie
mon mandat de
fvrier, je
refuse de le
toucher,
et
je
ne
veux
plus,
dans les circonstances o nous
sommes,
exercer
l'emploi que j'occupais.
J e
m'apprte
vous
combattre que
chacun
aujourd'hui prenne
son fusil.
Transmettez vite,
je
vous
prie,
monsieur le
gnral
Augeraud
la lettre
que je
vous envoie son adresse.
Restez avec le
bien,
et
que
le salut de Dieu soit sur
vous .
Le
18aars,
la lutte
commenait, aprs qu'Et
Mokrani
eut fait
couper
la
ligne tlgraphique
et eut fait
parve-
nir les deux lettres ci-dessus.
Nous n'examinerons
pas
les dtails des
premiers
faits
de l'insurrection,
cela ne saurait entrer dans notre
sujet
il nous suffira d'numrer
simplement
les dates
des vnements
qui,
en dehors de l'insurrection
Kabyle
proprement
dite,
ne sauraient demeurer
ignors
l'im-
portance
de ces vnements ne devait d'ailleurs
pas
chapper
aux
Kabyles.
Les
premiers
succs d'El Mokrani durent ceux de Bou
Arreridj
il nous tint enferms dans le
bordj, aprs
avoir dvast et incendi la
ville,
abandonne
par
nous
faute de dfenseurs
pour
la
protger
mais ces succs
furent vite
vengs par
notre
attaque
du
bordj
de
la Med-
jana, bordj
d'El
Mokrani,
qui
tomba en notre
pouvoir
le 8 avril.
Ce
jour
mme. 8
avril,
de nombreux
Kabyles
se trou-
vaient runis
Seddouk,
au march des Mcisna
(march
franc dont la cration ne remontait
qu'au
30 mars
prcdent) lorsque
le chef de l'ordre des
Rahmanya,
Cheikh el
Haddad,
se
prsenta
devant la
foule,
entour
de ses deux fits et de ses
mokaddem
il rcita la
prire
habituelle aux Khouans de Sidi Abder Rhanan Bou
Goubrine,
puis proclama
la
guerre
sainte en remettant
ses fidles un
drapeau que
le
prophte
Mohammed
lui avait
apport
la
nuit,
et
jetant
son bton au milieu
des
assistants,
il s'cria
qu'avec
l'aide d'Allah et du
LA KABYDB
250
Prophte,
il serait aussi facile de
jeter
les
Franais
dans la mer.
t
(Rinn).
Cheikh
Haddad,
qui depuis longtemps
tait demeur
dans
la
retraite, g
alors de
plus
de
quatre vingts
ans,
fit natre un immense enthousiasme chez les
assistants,
et
procura
au
bachaga plus
de cent mille soldats en
quelques jours.
Mais
pourquoi
ce chef de l'ordre des
Rahmanya
vient-
il
prcher
la
guerre
sainte,
le
Djehad ?
En voici
l'expli-
cation.
Le
bachagha
El Mokrani
voyaitla Medjana
entre nos
mains,
et ses
rivaux,
les Ouled
Abdesselem,
taient nos
allis.
Compromettre
les Ouled Abdesselem aux
yeux
des
Franais
pour qu'ils
ne
puissent pas
un
jour
de-
mander le commandement de la
Medjana,
tel fut le but
de El Mokrani. Mais comment obtenir ce rsultat? H ne
pouvait
faire une dmarche
personnelle,
dmarche
qui
froissant d'ailleurs son
orgueil,
n'aurait eu
presque
au-
cune chance de succs. Et Mokrani
pensa que
ce
qu'il
ne
pouvait
faire lui
mme,
il J e ferait faire
par
un in,
termdiaire
capable d'imposer
sa volont aux u)ed
Abdesselem.
Il dvolut son choix sur le vieux Cheikh
el
Haddad,
dont te fils
Aziz, particulirement
froiss ou
du moins
prtendant
l'tre
par
les
Franais,
tait l'ami
personnel
deBen
Abdesselem.
EtpourdterminerCheikh
el Haddad
servir ses
projets,
El Mokrani
s'engagea
reconnatre la
suprmatie religieuse
et
politique
de la
Zaouia de Seddouk sur toute la
Kabylie.
Il n'en fallait
pas
tant
pour
dterminer ce chef de l'ordre des Rah-
manya
car outre les
avantages que
cela lui aurait
procur,
il
voyait,
humili,
le marabout de
Chellata, Si
Mohammed Sad oen Ali
Cherif,
ce marabout
qui clip-
sait
toujours
la renomme naissante des fils du for-
geron qui rgnaient
Seddouk
Puis la Zaoua de
CheUata,
plusieurs
fois
sculaire,
avait
toujours
t
pour
les Khouans un obstacle
presque
infranchissable
dans leur uvre de
propagande
C'tait donc tout la
fois
pour
Cheik
el-Haddad,
et le
triomphe
de sa secte
religieuse,
et celui de ses dsirs les
plus
vifs et les
plus
secrets,
dominer
son
riva!
politique,
INSURRECTION DE
1871 2Si
L'accord entre El Mokrani et le Cheikh el Haddad
tant
intervenu,
le
Djehad
est
prch
Seddouk,
tel
que
nous venons de le dire. Mais il faut bien
remarquer
que
Cheikh el
Haddad,
en
proclamant
la
guerre
sainte,
mit bien
plutt
en avant l'intrt matriel des
Kabyles
que
la cause
religieuse,
)a cause sainte. Il 3avait
que
le
fanatisme
pur
n'aurait
que peu
de chances de succs
auprs des
tribus tandis
que
leur affirmer
que la France
allait
prendre
aux
indignes
leur territoire
pour
les
distribuer aux
Franais dpouills,
ruins et vaincus
par
les
Prussiens,
leur dire
que
dsormais leurs terres
deviendraient la
proprit
des
J uifs,
devenus les chefs
de notre nouveau
gouvernement,
c'tait mettre le feu
aux
poudres.
Ils taient d'ailleurs entretenus dans cette erreur
par
la lecture
quelque peu
commente en notre dfaveur
des arrts
publis
dans certains
journaux.
H suffira
de
reproduire
ici t'arrt du 5 mars 1871 et la circulaire
du 11
mars,
pour
deviner
quel parti
Cheikh et Haddad
et son fils Aziz
pouvaient
tirer de tels documents.
It est
institu,
disait t'arrt du 5
mars,
dans
chacun des
dpartements d'Alger,
d'Oran et de
Cons-
tantine,
une comn ission
spciale qui
sera
charge
d'tudier,
d'examiner et de
proposer
au
gouvernement
les
moyens d'appeler
en
Algrie
les victimes
de la
guerre.
Art. 2. La commission du
dpartement
d'Alger
est
compose
ainsi
qu'il
suit etc.
La
circulaire du 11 mars tait
conue
dans les termes
suivants
Aux
principaux
membres de la tribu des
Illoula,
soff el
Fouqni,
soff el Outani.
(Salutations).
J e viens de me soulever ainsi
que
plusieurs
tribus
qui
ont march avec
moi
Dieu les
rcompensera,
et l'Islam leur saura
gr
de leur dvoue-
ment. H
n'y
a
que
vous
qui
coutez les conseils du
dmon
vous vous combattez les uns les autres et vous
vous faites une
guerre impie,
o celui
qui
tue et celui
qui
est tu sont
galement
destins
l'enfer,
tandis
que
vous
ngligez
une
guerre
sainte
qui
assure le
paradis
celui
qui
tue et celui
qui
est tu. 0 mes amis J e
vous envoie notre frre Si el
Hadj
Bouzid ei Mokrani e~
mon Khalifat Sid Moh~mmed Larbi ben
Hamouda,
avec
10 cavaliers des
principaux
des
Hachem je
vous envoie
galement
Si Mohammed Bel
Kassem,
Si Mohamed Ben
Boudiba,
Si Ben Naceur et Si Mahfoud el
Mouhoub,
mokaddems et notables des Beni Abbs.
J 'espre que
vous
accepterez
ce
qu'ils
vous
proposeront
dans le but
de vous
rconcilier,
alors
je
serai sans
inquitude
et
nous nous
occuperons
du
Djehad.
Les
croyants
n'ont
LA KABYLIE 2~
plus
rien
attendre des
infidles.Quant
Ben Ali
Cherif,
il ne faut
pas
vous en
proccuper j'y
ai
pens, et,
si
les circonstances le
permettent, j'accomplirai
la volont
de
Dieu, je
le ferai
prisonnier, je
dmolirai son
bordj
et son
azib,
et tout son bien sera attribu aux
combat-
tants de la terre saiute. H a
quitt
la voie de son
pre
et de ses anctres. Ceux-ci amenaient le monde des
tnbres la
lumire,
tandis
que
lui il veut le ramener
de la lumire aux tnbres. Il ne faut
plus
couter ce
qu'il
vous dira. Vous n'avez certes
pas plus
d'attache-
ment
pour
lui
que je
n'en ai eu moi-mme
pour
toute
cette
famille
mais
puisque aujourd'hui
Ben Ali Chrif
prfre
l'incrdulit
l'Islam,
et
qu'il prend
le
parti
de
l'infidle, j'ai
retir ma main de la
sienne, je
n'ai
plus
d'amiti
pour
lui. On dit
qu'il
veut se sauver
Alger,
car il n'a
point
de
courage
et toute foi est teinte dans
son
cur
mais sa fuite ne
m'importe gure,
mon dsir
est
que
vous vous
rconciliiez, qu'il n'y
ait
plus
de
guerre
entre vous et
que
nous nous unissions ferme-
ment avec les autres tribus. De la
part
de El
Hadj
Mohammed
Mokrani,
mir des
Moudjehedines,
23
mars 1288
(sic).
S'il est vrai de dire
que
les
gens
de Ben Ali Chrif
rent un fort mauvais accueil aux
envoys
d'El
Mokrani,
il faut
cependant
reconnatre
que
cette lettre
produisit
un
peu plus
tard l'effet
qu'en
attendait son auteur.
Ben Ali
Chrif, pour
servir nos
intrts,
affecta de ne
point comprendre
cette
proclamation
et
envoya
un
missaire Cheikh
el Haddad
pour
obtenir des clair-
cissements. Le soir mme cet missaire revenait avec
la lettre suivante
que
Ben Ali Chrif
envoya
sur le
champ
au
gnral
Lallemand.
< A notre ami Sidi Mohammed Sad Ben Ali
Chrif,
Bachaga
et ses fils Mohammed
Cherif,
cad des Beni
Adel,
et Abderrahman.
<
~Salutations).
Si vous tes des
croyants,
levez-
vous
pour
la
guerre
sainte,
nous-mmes sommes
dj
soulevs et nous avons donn l'ordre tous de suivre
notre
exemple.
Tout
croyant
doit mourir
pour
la
religion
de l'Islam.
Qu'on
se hte donc et
qu'on
ne se
J NSCRRCT)ON DE 1871
sss
laisse
pas
sduire
par
les vaines
promesses
de bonheur
des
Franais.
On ne doit
plus
avoir confiance en eux.
Avec
eux,
on ne
peut plus gagner que
l'incrdulit sans
acqurir
le moindre honneur. Si vous dites
qu'on peut
encore
compter
sur
eux,
prouvez-les
et
jugez-tes
d'aprs
ce
qu'ils
ont fait avec nous. Vous savez avec
quel
zle nous avons
toujours
servi le
gouvernement
Franais
nous recommandions aux tribus de rester
soumises,
surtout cette
anne
vous
savez,
et tous
savent,
les efforts
que
nous avons fait
pour
maintenir
les tribus dans l'obissance et
pour
les
empcher
de
suivre le
bachagha
de la
Medjana.
et cela
jusqu'
ces
derniers
jours.
Le commandant de
Bougie
a crit tous
les cads et tous les Chiouks du cercle de ne
point
aller chez le Cheikh Ben
Haddad,
qui,
disait-i),
est un
rebelle. Le
capitaine
est venu lui-mme la ferme de
Ahmed
Oukratri
l il a runi les
gens
du
pays
et leur
a dit de ne
point
venir chez
nous, ajoutant que
nous
tions
rebelle,
alors
qu'il n'y
avait eu de notre
part
aucun
symptme
de rebellion et
que pas
un
coup
de
fusil n'tait
parti
de chez nous contre eux. Nous
n'avions
pas
lev l'tendard de
la rvolte, si bien
que
tout le monde nous accusait d'tre
plus
attach l'in-
crdulit
qu't'Istam. Si, pour rcompenser
nos
efforts,
on nous a traits de rebette et fait du
mal,
comment
osez-vous
croire, vous,
dont la situation est
quivoque,
qui
n'avez
pas
rendu les mmes services
que
nous,
que vosspuissiezesprerd'eux quelque';hose
d'heureux) 1
Dieu veuille
qu'ils
aient
perdu l'esprit,
car on dit
qu'
J 'approche
de la mort
l'intelligence
s'affaiblit
or ils
sant
ainsi,
ils ne
distinguent plus
l'ami de l'ennemi.
Enfin, que
ceux d'entre vous
qui
veulent la
guerre
sainte se lvent avec nous au nom de Dieu et du
Prophte
c'est en eux
que
nous
plaons
notre
confiance,
et nous serons
victorieux,
s'il
plat
Dieu. Par ordre
de autre Cheikh Mohammed Amzian Ben el Haddad.
20 Moharem 128~
(10
avril
i87i)..
Le 10
avril,
Si Aziz fit
couper
les fils
tlgraphiques
qui
reliaient
Bougie
Fort National et fit allumer sur
les sommets environnants des feux
qui
suffirent
pour
LA KABYLIE 256
annoncer
que
la
guerre
sainte
tait dclare. Aussi
dans
chaque
tribu, les Mokaddem
se mirent-ils J 'oeuvre
avec
enthousiasme;
en
quelques jours,
nos
places
fortes,
Bougie, FortNationat.DeHys,
Tizi
Ouzou, Dra-el Mizan,
taient
assiges
ou
bloques;
nous avions devant nous
une insurrection
qu'il
nous fallait combattre sur
vingt
endroits fa fois.
Pour rendre le rcit de ces douloureux vne-
ments
plus
clair,
nous avons
adopt
une division des
faits
par
contre. Nous verrons successivement les
places
de l'insurrection et nos efforts
pour
la
combattre
devant
Bougie,
Fort National et dans le
J urjura,
Dellys
et la
rgion
du Sebaou la
mer, Tizi-Ouzou,
Dr
et Mizan,
et
plus
succinctement devant
Palestro,
les Issers et autour du
Hamza,
ces
rgions
ne rentrant
pas
absolument dans les dlimitations de
la Kabylie
du
J urjura.
t.
Bougie
et ses environs. Nous avons vu la
lettre du
Bachagha
el Mokrani la tribu des
Illoulen,
et celle
du Cheik et Haddad Ben Ali
Chrif;
ce dernier tait
fort
peu
rassur,
puisque
dans le
rapport qu'il
adressa
au
gnral Lallemand,
il disait
Si cette situation
ne
change pas
d'ici deux ou trois
jours,
nous nous
trouverons
compltement
sans
communication,
moins
que
les
troupes
ne nous
portent
secours. il
faudra,
pour
ramener les
esprits
dans la bonne
voie,
beaucoup
de
troupes,
et
j'ose presque
dire faire une nouvelle
conqute.
Ben Ali Chrif ne se
trompait que
fort
peu,
les vnements le
prouvrent,
et on doit lui savoir
gr
de la franchise avec
laquelle
il a
agi
vis--vis de la
France. H avait donn sa dmission,
nous l'avons
dj
dit,
et il se
croyait
relev de ses fonctions
quoique
celle-
ci n'et
point
t
accepte,
aussi terminait-il son
rapport
par
ces
paroles
fort
dignes
J e vous ai
promis
en
quittant Alger
et en venantici de ne
plus m'occuper
des
affaires,
mais
d'employer
toute mon influence donner
de bons conseils
pour empcher
les
esprits
de suivre
INSURRECTION DE 1871 257
les mauvais
exemples
des
insurgs.
J e crois avoir
jusqu' prsent rempli
cette mission dlicate et
d'aprs
ma
conscience,
Dieu fera ]e reste en ramenant les
esprits gars.
J e ne
puis plus
rien dans le commande-
ment mais,
dans le cas
prsent,
c'est la dfense
qui
parle,
et tous les vrais curs dvous la France
doivent la servir dans
n'importe quelle
circonstance.
C'est dans ces rares
exceptions que
l'on reconnat les
vritables serviteurs. Vous
pouvez compter,
mon
gnra),
entirement sur
moi,
sur mon fils
Chrif,
et
je
crois
pouvoir
vous dire sur les
Illoulen;
enfin sur
tous ceux
qui
suivront mes conseils.
Le 9
avril,
le commandant Reilhac
partit
de
Bougie
et vint El Kseur, dont
tous les tablissements euro-
pens
avaient t vacus l'ouest.
Le H
avril,
Ben Ali Chrif dnonce au commandant
suprieur
de Fort National
que
Cheikh el Haddad a
p-
ntr chez les At
Idjer,
o i)
prche
la
guerre
sainte.
Il demande en outre son ami Ali
Oukaci,
de
Temda,
de venir son secours.
Le
i2,
Aziz russit faire rentrer dans l'insurrection
l'un des
on's
des
Illoulen,
il avait runi ses contin-
gents
sur le Dra
Takaat,
ayant
en face de
lui,
les Bni
Our'tis,
ses
allis,
qui gardaient
le dfil de Takerat.
Ses forces taient fort bien
organises. Chaque
fraction,
si elle ne venait conduite
par
son
chef,
recevait un
chef militaire et un Mokaddem. Il runissait les
grou-
pes susceptibles
de
pouvoir
vivre
ensemble,
et nom-
mait alors des cads.
Les
forces,
dont Aziz
disposait, peuvent
tre values
9000
hommes,
divises en deux colonnes la
pre-
mire,
commande
par
lui-mme
comptait
5000 hom-
mes
elle avait
pourkhatifatou
commandant en second
Abdallah ben Abdetkader el
Ouarani,
Mokaddem des
Beni Sliman. El
Bachir ben Ali, ancien
sergent
de tirail-
leurs,
mdaill,
et Abdallah ben
Latta, ancien tirailleur,
taient lieutenants
instructeurs. La seconde colonne
sous les ordres de Cheikh et
Haddad, comprenait
4000
hommes. Elle avait en outre
pour
chefs,
les deux
Mokaddem Amor ou
Boudjema et Boudjema ben Mah-
LA KAPYME 258
man des at Ameur et
Hammou,
ancien
sergent
m-
daill.
Le 13
avril,
Aziz fit sommation Ben Ali
Chrif,
Chrif Amzian ben el Mihoub
d'Imoula,
et
quelques
autres
chefs,
d'avoir
envoyer
leur adhsion et leurs
contingents,
les
menaant
de razzia en cas de refus.
Le
14,
Aziz
passe
en revue ses
contingents, puis,
aprs
avoir
accompli
cet acte
Aziz met
pied
terre,
et sous la direction de son frre
an,
Cheikh
Mahmed,
les
contingents
font une
grande prire pour
l'extermi-
nation des
Franais, prire
dont il sera
parl
dans les
tribus,
car les musulmans sont convaincus
que plus on
est nombreux
pour
faire une
prire, plus
cette
prire
est
efficace,
et il n'est
pas
donne i.ous
les jours
de
voir,
en
Algrie,
dix mille fidles se
prosternant
ensemble
derrire un iman. Le rcit de
cette crmonie
fit,
en
effet,
grande
impression
chez les
indignes,
et
il
con-
tribua
amener de nouvelles recrues aux fils de Cheikh
el Haddad
(Rinn).
Le
15,
Aziz avec Mohammed ou
Madhi,
Amar ben
Si
Mohammed,
Hadj
Mahmed ou
Amzian,
Sliman fben
el
Harrouch,
Tahar ben
Kaa
ou
Ali, attaqua
)e
bordj
du cad Si Cherif Amzian ben El
Mihoub,
serviteur
fidle de la
France
depuis
1847 et chef
religieux
des
~mou)a.
Aziz fit
piller
les maisons du
vi))age
et les in-
cendia ainsi
que
le
Bordj.
Le
16,
Aziz
porte
son
camp
Adrar el Gherbi et
pen-
dant ce
temps
Si
Mahmed,
Sidi
Ach,
s'empare
de !'u
sine Honorat et de l'azib de Sad ou Moussa
qu'il
rduit
en cendres. Non content de cet
exploit,
il fait dclarer
par
les
Illoulen
Ben Ali Cherif
que
si dans trois
jours
il n'a
pas
adhr
la
guerre
sainte, il sera victime des
mmes violences
que
Si Chrif Amzian. Ben Ali
Chrif,
fort
inquiet,
demande au
gnral Lapasset
de venir
son
secours malheureusement
celui-ci, qui
n'a
que
2000
hommes,
ne
peut
tenter de forcer les duls de
Sidi Ach ni ceux de
Takerat,
et
il ne
peut qu'exhorter
Ben Ali Chrif
<
agir
pour
le mieux en attendant des
jours
meilleurs.
Le 17,
nouveau succs
pour
Cheikh
Mahmed
qui
d-
!NSURRECT)ON DE 1871 259
truit l'usine Dufour. Aziz de son ct
impose
au Beni
Djellit
une forte contribution de
guerre
eu
gard
leur
peu
d'ardeur au
Djehad,
puis
le
18,
chez les
Senhadja,
incendie l'azib d'Ahmed
Oukratri,
interprte
militaire
en retraite
qui
s'tait
rfugi
Bougie.
Les terres du
cad
Hammou-Hanoun,
le moulin Lambert so.it
pi'J s,
aux
Fennaya, par
Cheikh Mahmed. Ce fut
prs
de ce
moulin
que
les
rebelles,
pour
la
premire
fois,
eurent
essuyer
les
premiers coups
de feu de nos
troupes
rgulires, troupes jeunes
au
point
de vue de
l'exp-
rience et dont le
gnrt Lapasset
se dfiait un
peu, ju-
geant
avec sa
perspicacit inconteste, que
les
jeunes
soldats ne
pouvaient attaquer
le dfil des
Fenaya,
gard par
des
montagnards
solides et
expriments.
Dans la nuit du 18 au
19,
le
gnral
dut se
replier
jusqu'
Iril ou
Azouz jusque
et un
peu
en avant du col
de <:Tizi
car,
dans la
journe,
Aziz avait incendi le
caravansrail de l'Oued Amizour et
s'avanant
au mi-
lieu
des Diebabra, ses allis,
menaait
de
couper
nos
troupes
la retraite sur
Bougie.
Le 19 et le 20 furent
employs par
Aziz
piller
tout ce
qui appartenait
aux
Franais
ou
leurs allis en
avant
de la crte
que
tra-
verse le col de Tizi.
Le mme
jour,
les Illoulen Ousammeur recevaient
chez
eux
un
envoy, porteur
de la
pice
suivante
<' Aux notables des Illoulen Ousammeur a
<
J 'ai
reu
votre lettre dans
laquelle
vous m'an-
nopcez
que
Ben Ali Chrif
dtourne
les
gens
de t~
guerre
sainte et cherche les
empcher d'y prendre
part,
et cela
po~r
suivre les avis des
infidles,
abandon-
nant ainsi les traditions de ses
pres
et de ses anctres.
En ce
moment
je pars pour l'ouest,
ta rencontre de la
colonne
qui
est sortie d'Aumale aussitt mon
retour,
je
viendrai avec mes
contingents camper
Akbou,
et
faire ma
jonction
avec le Cheikh Aziz et ses
troupes.
Nous dtruirons t'bzib de Ben Ali
Chrif,
son
bordj
et
les maisons de
to~s ceux
qui
auront
pris
son
parti.
Nous renverserons ses
combinaisons,
nous
prendrons
ses
biens;
scm
impUt
ne lui aura servi rien. Enfin
je
vous recommande de vous entendre et de runir tous
LA KABYLIE
260
vos efforts
pour
la
guerre
sainte.
Rappelez-vous
les
paroles
du
Prophte
Dieu
exemptera
des feux do i'en-
fer
quiconque
aura couvert ses
pieds
de
poussire
dans
la voie de Dieu. De la
part
de Si el
Hadj
Mohammed el
Mokrani. 20 avril 1288.
Aprs
la
rception
de cette
lettre,
Ben Ali Chrif se
trouvait videmment dans une situation fort
dlicate;
il
esprait toujours qu'un
succs du
gnral Lapasset
lui
permettrait
de
gagner Bougie
avec sa famille et
chaque
jour,
le silence et la solitude se faisaient autour de lui.
Le
2i,
Aziz
dirigea
sa marche sur
Bougie par
la
route
de
l'Oued
Sahel. < Sa marche fut aussitt
signa-
le
par
nos
claireurs,
et le
gnral Lapasset
fit sortir
ses
troupes
sa cavalerie barrant la
plaine;
l'artillerie
et
l'infanterie marchant mi-cte sur les
pentes,
droite de la route. Vers le i3
kilomtre,
hauteur de
la ferme
de Noailles,
les chasseurs
d'Afrique
et les
spa-
his rencontrrent
l'avant-garde
des
rebelles;
ils la char-
gent
et la
culbutent,
non sans un combat assez vif dans
lequel
nous avons trois
goummiers
tus et six hommes
blesss,
dont deux
spahis.
Cet chec sembla avoir
arrt la marche d'Aziz et
dj
on
croyait
la
journe
termine,
quand
on vit dboucher de
Kseur,
le
gros
des
contingents
rebelles
on les laissa
approcher, et,
quand
ils furent
une bonne
porte,
l'artillerie concen-
trant son feu sur des
groupes compacts,
les crase de
ses obus. La colonne d'Aziz se
replie
en
dsordre
la
cavalerie et les
goums chargent
avec entrain et ach-
vent la droute en
poursuivant jusqu'
Taourirt Larba
les
fuyards, qui
laissent
plus
de 30 morts sur le ter-
rain. On rentre au
camp
cinq
heures et demie sans
tre
inquit
et tout
joyeux
de ce
premier
succs. La
joie
fut de courte dure. Le
gnral Lapasset
recevait
dans la soire un ordre du
gnral
Lallemand lui
enjoi-
gnant,
la date du
20,
de
s'embarquer
immdiatement
avec sa colonne et de venir
Alger
couvrir la ville et la
Mitidja
menaces. Le
gnral
ta;t navr. Le mme
jour,
suivant les ordres
reus d'Alger,
on
compltait
la
mise en dfense de la
place
de
Boxgie
le
pont
de ba-
teaux de la Summam tait
retir,
les
troupes
de la
INSURRECTION DE i871 26J
1~i.
garnison
se retranchaient entre les deux
lignes
de d-
fense de la
ville
les forts du
Gouraya, Lemercier,
Clauzel, Desfosss, Barrt;
la tour
Dourire,
celle du
plateau,
le
petit phare, la
casbah et les
rempirts.
taient,
arms et
occups
les colons taient mis en demeure de
se
rfugier
derrire nos
lignes.
Le 22. le
gnrt
levait
son
camp
l'improviste
et rentrait
Bougie
le lende-
main il
s'embarquait
bord du Ktber et du
J ura,
et le
24,
il tait en route
pour Alger.
It ne restait
Bougie
que
1500 hommes dont 600 mobiles. Ce
dpart
du
g-
nral
Lapasset
fut un
grand malheur pour
la
province
de Constantine, o le champ
restait libre aux contin-
gents
arms des
Rhamanya
de
Seddouk,
dont le nombre
tait tel
qu'aucune
influence locale ne
pouvait plus
leur
faire obstacle sans
l'appui
de nos baonnettes.
(Rinn).
Aprs
avoir tenu
bon, malgr
toutes les
menaces,
Ben Ali
Chrif,
voyant
notre
dpart,
demanda alors
rejoindre
son ami Ali Oukaci Tizi-Ouzou offrant de
laisser sa famille Akbou et
Chellata,
comme
gage
de ce
qu'il
n'allait
pas
sa
joindre
aux
Franais.
Cette
demande fut accueillie et dans la matine du
24,
il
put
gravir
la route de
Cbettata.
et arriver le soir mme
dans la tente d'Aii Oukaci.
Cheikh Mahmed
s'avana
aussitt sur
Bougie
et ta-
blit ses forces 6 ou 7 kilomtres de la ville dans trois
camps
Bon
Chama,
Tizi et
Tirihane.
Ainsi Bou-
gie
se trouve troitement
bloque par
terre. Le
25,
Cheikh Mahmed tenta sa
premire attaque
contre Bou-
gie,
du ct des forts Lemercier et Clauzei Mais le
commandant Reilhac est l et a
pris
toutes ses
disposi-
tions. Le
capitaine
Bidault,
chef du bureau
arabe,
com-
mande aux
contingents
fidles tandis
que
derrire
tdi,
la tte de 250 hommes du 45
mobile,
se trouve le
capi-
taine Pierron. Au moment o les rebelles s'avancent
contre les forts et arrivent une distance de 300
mtres,
le
capitaine
Bidault s'lance sur
eux,
soutenu
par
trois
compagnies
du 80" et l'artillerie de la
place,
il
repousse
l'ennemi et enlve la baonnette la
position qu'il
occu-
pait.
La retraite
sonne,
et les
Kabyles
Se
prcipitent
sur nous en
vocifrant
ils sont d'ailleurs immdiate-
M ~B?m;
~2
ment
arrts
par
le feu
de deux
pices
de
quatre qui
leur
infligent
des
pertes
srieuses.
L'engagement
avait
dur
quatre
heures.
Aprs quelques jours
de
repos,
nos
goums
voulurent
enlever aux Mezaa le
village
de Tala
Ourian,
mais ils
furent
obligs
de battre en retraite fort heureusement
ils furent
protgs par
nos trouoes. Rendus furieux
par
cet
insuccs,ils
tentrent cette mme
attaque
le
30,
mais
sans
plus
de bonheur. A
partir
de ce
moment,
jusqu'au
8
mai,
la situation reste la mme de
temps
en
temps
quelques coups
de feu isols
signalent
la
prsence
trop rapproche
de l'ennemi.
Le 6
mai,
la nouvelle de la mort du
bachagha
El Mo-
krani
parvint
Si
Mahmed
ben Cheikh
el Haddad alors
Tizi
prcisment
ce
moment,
la J ~M'M
d'Arc,
le
L:'mMr,
le Renard taient dans le
port
de
Bougie.
Cheikh
el
Haddad,
pour
tenter de
conjurer
le mauvais effet
que
la nouvelle de la mort de El
Mokrani
pouvait produire,
rsolut
d'attaquer Bougie pour occuper l'esprit
de
ses
contingents.
Aussi le
8,
il
se
dirigea
avec une
partie
de
ses trois
camps
vers la ville. I)
occupa
les maisons su-
burbaines,
et ce ne fut
qu'aprs quatre
heures de
combat,
qu'il
fut
repouss.
Le lieutenant de vaisseau
Fort avec la
compagnie
de
dbarquement
de la J eanne
d'Arc russit le chasser ainsi
que
ses hommes de la
maison o ils avaient
pu
rsister aussi
longtemps.
Le
12,
vers la 8n du
jour,
nos
troupes aperurent
quelques groupes qui s'avanaient
dans la
plaine quel-
ques
obus les
loignrent.
Le
13,
vers
sept
heurs du
matin,
un
long
dfil de
rvolts, musique
en
tte,
drapeaux
flottants au
vent,
descendaient les hauteurs du col de Tizi. A neuf
heures,
Bougie
commence le
feu,
et les
capitaines
Bidault et
Desdiguire engagent
l'action. Le commandant
Astruc,
du 45
mobiles,
incendie le
bois
des
Cavaliers,
sur la
route des
Mezaa,
etla
compagnie de dbarquement
deia
jMOMe
d'Arc,
se rend matresse de
plusieurs
fermes oc-
cupes par
les
Kabyles.
A
l'embouchure
de la
Summan,
un canot
vapeur
et le canot
major
de corvette renfor-
cent le feu du fort Ctauzt.t.
Seule,
une
pluie
torrentielle
INSURRECTION DE 1871
263
vint mettre fin au
combat,
vers
quatre
heures du soir.
Les
pertes
de l'ennemi furent values 400 hommes
hors de
combat,
nous n'avions
que
3 morts et 20
blesss.
Aziz,
qui
le 12 avait eu une dfaite El
Guern,
dans
un
engagement
contre la colonne du
gnra)
Saussier
et
qui
en outre
reut
la nouvette du
dbioquement
de
Tizi-Ouzou
parie
gnra) Lallemand,
se
prit
rflchir
que
la fortune
pourrait
lui tre
contraire
aussi se d-
cida-t-il adresser une lettre dans
laquelle
il voulait
bien consentir nous accorder la
paix
si nous la de-
mandions. Ce chef-d'uvre de fatuit et
d'orgueil.
m-
rite la
peine
d'tre connu voici le texte de cet
trange
document.
Louange
Dieu,
il est un. 14 mai 1871. Aux
seigneurs
les chefs
grands
ou
petits; que
de nombreux
saluts soient sur vous Voici ce
que j'ai
vous faire
savoir au
sujet
de la
guerre qui
a clat entre vous et
nous,
avec la
permission
de Dieu. Ce sont vos
cads,
vos cadis et vos chiouk
qui
en sont la
cause
et
cepen-
dant ils accusent ceux
qui
sont
trangers
cette
rup-
ture et
qui
n'ont fait aucun mal au
gouvernement.
C'est
ainsi
qu'ils
ont
tromp
les autorits de
Bougie
vous
avez
ajout
foi ce
qu'ils
ont dit contre
nous,
alors
que
ce sont eux
qui
sont la fois les ennemis du
gou-
vernement et ceux des Musulmans.
Lorsque
le
gouver-
nement leur a confi le commandement et la direction
des
tribus,
ils ont sans
piti
ruin les
musulmans
lors-
que
le
gouvernement
a fait
appel
leur fortune
et leurs
hommes,
il
n'ont
pas rpondu
cet
appel. Ils
ont
orga-
nis des
coffsdans
les tribus et ont accus
d'intrigues
ceux mmes
qui
voulaient la
paix,
le
bien,
la
prosp-
rit des tribus. Alors nous nous sommes levs
pour
le
Djehad,
sans tre en
force,
sans trsor
pour
faire face
la
guerre,
et
n'ayant que le
concours de Dieu et la
haine
que
nous avions dans le cur contre les cads. C'est l
notre trsor et notre force
contreceuxquine s'occupaient
qu'.
faire le mal dans les tribus. J e vous
prviens par
la
prsente
lettre
que,
si vous demandez faire la
paix
pour
avoir
quelques
annes de
tranquillit, je
serai le
LA KABYLIE
264
premier
y
consentir. Nous ne faisons la
guerre
sainte
que
contre ceux
qui
veulent le mal du
gouvernement
et des
musulmans,
contre ceux d'o vient tout le
mat..
Si
)e gouvernement
maintient les
cads,
nous resterons
debout,
avec l'aide de
Dieu, pour
faire la
guerre
sainte,
jusqu'
ce
que
Dieu nous
gratifie
d'un
gouvernement
autre
que
le
vtre,
et avec
lequel je
ferai la
paix.
J us-
que l,
nous nous
liguerons
contre
vous,
s'il
plat
Dieu. Ecrit
par
ordre du Cheikh
monseigneur
Aziz ben
Cheikh el Haddad.
Est-il besoin de dire
qu'une
telle lettre devait rester
et resta sans
rponse ?
Le 16
mai,
une
jonction
des
contingents
de Bou Mez-
rag, partis
le 13 de Beni
Mansour,
s'opra
avec ceux de
Chek el Haddad. Le
17,
nouvelle
attaque contre Bougie,
vers trois heures de
l'aprs
midi. Le fort Lemercier
pa-
rat avoir surtout t
l'objectif
des
agresseurs. J usqu'
deux heures du
matiu,
la lutte se
prolongea,
mais
malgr l'nergie
de
quelques
assaillants
qui
russirent
A
passer
entre les forts
aprs
avoir tu les sentinelles
avances,
cette tentative choua.
Bou
Mezrag
et Aziz se rendirent chez les
Amoucha,
laissant Cheikh Mahmed seul reformer ses
contingents.
Le
20,
ils se runirent dans le
village
de
Tassa,
au Mo-
kaddem El Koreicbi ben Sidi
Sadoun
puis
se
dirigrent
ensemble vers Ouled Bezze du
Tababort,
l'est de
Bougie, presque
au sud de
Djidjelli.
Cheik
Mahmed,
rest devant
Bougie,
fut
l'objet
d'une
attaque
de notre
part
le 24. Le rcit de cette lutte est
racont d'une
faon
fort intressante dans le livre de
M.
Rinn
nous lui
empruntons
ce
passage, qui
difiera
le lecteur sur l'habilet des mesures
prises par
le com-
mandant Reilhac.
Fatigu
de la fusillade entretenue
jour
et nuit
contre nos
avant-postes par
des isols
qui
venaientnous
harceler
jusqu'au
parc
fourrages,
le commandant
Reilhac avait voulu attirer l'ennemi sur un terrain
pr-
par
et lui
infliger
un chec
qui l'empcht d'agir pen-
dant
quelques jours.
Dans ce
but,
il avait
envoy
un
petit goum
simuler une
attaque
sur Tala
Ourian,
et
INSURRECTION DE 1871
265
lorsqu'il
avait vu
l'ennemi se masser dans l'oued
Sghir
et dans les ravins
voisins
pour couper
la retraite
notre
goum,
il les avait fait
attaquer
la fois de front
par
des
sagas
bien
organises,
gauche
et droite
par
des
spahis
et des
Mokhaznya qui,
encadrant le
goum
de
Bachir
Ouraba,
taient alls au
galop
tourner les deux
ailes de
l'ennemi. A ce moment le
premier goum
avait
fait demi-tour et tait venu
prendre
revers les re-
belles
attaqus
de tous les cts. Le succs avait t
complet pas
un de nos
auxiliaires n'tait rentre sans
rapporter
un
trophe,
une
tte,
un
fusil,
un
sabre,
une
cartouchire,
un
burnous,
etc. Nous n'avions eu
que
quelques
hommes
lgrement
biesss. Le
lendemain,
i!
avait
fallu,
comme
prcdemment,
commander des
corves de
fossoyeurs indignes pour
enterrer les ca-
davres abandonns
par
les rebelles.
(Rinn).
Ce fut la dernire lutte
digne
d'tre
signale jus-
qu'au
30
juin
la situation du blocus resta la mme de
temps
en
temps quelques coups
de fusil ou de canon se
faisaient
entendre,
mais sans avoir aucune
importance.
L'heure
approchait,
o
Bougie
allait enfin tre d-
bloque.
Dans la
journe
du 30
juin,
une habile sortie
de nos
troupes
amena cet heureux rsultat. Un autre
vnement devait encore mouvoir les
indignes.
Cheikh Msbmed ben Cheikh e! Haddad tait
captif.
Celui-ci en effet n'attendait
depuis quelques jours que
l'ordre de son
pre pour
aller se constituer
prisonnier.
lorsque
Aziz lui fit
parvenir
ce mot ie le'
juillet
dans
la soire. Le
2,
il se mit en route
pour Bougie.
Arriv'
prs
de la ville, il rencontra Sad Ouraba tous deux
descendirent de
cheval,
pour
se donner
l'accolade,
ainsi
qu'il
est
d'usage parmi
les
indignes qui
se considrent
comme
parents.
Sad
Uuraba, traitreusement,
terrassa
son
ami,
et le
ligotant,
l'amena
Bougie
o il le
remit entre les mains de notre nutorit. Sad
Ouraba,
grce
cette
prtendue capture,
fut
acquitt par
l'arrt
de la cour d'assises
d'Alger
du 19 avril
1873,
tandis
que
Cheikh Mahmed fut condamn
cinq
ans de rclu-
sion.
Aussitt
aprs
ces
nouvelles,
de nombreuses fractions
M EABTUE
866
vinrent
Bougie
du 3 au 8
juillet
demander l'aman ce
furent
les Ouled
Tamzalt,
les
Ouled
Amer
Youb,
les
Touuja, ~anhadja,
Bni Melloul
Fennaya,
Beni
Immel,
Mezaa,
Beni
Mimoun, Mcisna,
A Ouaret ou
Ali,
Beni
Mahmed,
Beni
Hassec,
At Ahmed ou
Garet,
Beni
Oughtis
Imzalen, Beni Khatele, Illoulen, Mza!a,
Beni
Amrous.
De son ct Si Cheikh el
Haddad,
voyant
la lutte im-
possible,
informait le
gnral
Lallemand et le comman-
dant
suprieur
de
Bougie
de
l'approbation qu'il
donnait
la soumission de ses fils.
Cependant
Bou
Mezrag
et
quelques
mokaddems, gravement compromis,
voulaient
soutenir la
lutte,
et le 7
juillet,
les Beni
Djelil reurent
la lettre
suivante, que
d'ailleurs ils
s'empressrent
de
nous
communiquer
Louange
Dieu. A la
totalit
des
champions
de
l'Islam de la tribu des Beni
Djelil, grands
et
~~tits,
saluts Vous vous tes levs
pour
le
Djehad.
Vous avez
suivi
Aziz
ben
Cheikh
el
Haddad,
et
support
le
poids
de la
guerre.
Dieu vous en
rcompensera.
Nous
venons
d'apprendre qu'Aziz
a t
pris par
la colonne
Franaise
et
depuis
il a
crit aux
gens
de se soumettre aux
infi-
dtes;mais,
sachez-le
bien,
champions
de
l'Islam,
celui d'entre vous
qui
est un vrai
croyant
ne doit
pas
s'arrter ces
paroles d'Aziz, parce que
Dieu lui
a re-
tir la raison et la
foi
cela arrive comme il est dit
dans les haddit du
prophte
Beaucoup
travaillent
pour le ciel,
ils
y
arrivent la distance de deux em-
pans puis par
un retour
subit,
ils
travaillent pour
l'en-
fer o ils sont
prcipites.
Aziz est dans ce
cas
Dieu
~t les
paroks
de son
Prophte
sont sincres. 0 cham-
pions
de
l'Is!am,
nous venons
vous
mander
par
cette
lettre de nous informer si vous tes
toujours prts
continuer le
Djehad
si cela
est,
nous irons
prs
de
vous,
nous marcherons avec
vous,
nous nous eatr'ai-
derons afin d'arriver au rsultat de nos vux
pour
le
bien de la
religion.
Ne vous
proccupez
donc
pas
de ce
qu'a
crit Aziz. Son arrestation ne dimiuue en rien nos
forces,
sa
prsence
ne les
augmentera.it pas.
Il n'est en
ralit
qu'un simple
morte!
qu'ont
suivi les vrais
cro-
J NSUMECT:QM BS
1871
867
yants,
et il n'aura
point
la
bndiction de Dieu
parce
qu'il
vous a
tromps
et
trahis.
Le
gouvernement
Fran-
ais
s'est affaibli
par
suite des combats t'vrg contre
les fils de Ben Hamza des Ouled Sidi Cheikh et contre
les Ouled Nals de
Laghouat,
car ces derniers sont re-
venus l'Islamisme. Si vous tes de vritables
croyants,
informez-nous,
nous nous aiderons mutuellement car
nos frres des Ouled Mokran
parcourront
les tribus
pour
cette cause. Ne
craignez
rien et ne
perdez pas
cou-
rage.
Si vous donnez
votre adhsion l'acte
d'Aziz,
vous vous en
repentirez
comme
lui-mme se
repent
aujourd'hui. Salut,
par
ordre du
protecteur
de la reli-
gion
Ahmed
Bou
Mezrag
ben
el
Hadj
Ahmed el Mo-
krani, bachagba
de la
Medjana
.
Quoique
renfermant
un
grand
nombre d'inexacti-
tudes et traduisant un
grand embarras,
cet
appel pro-
duisit nanmoins certains effets.
et
quelques jours
aprs, Bou Mezrag
venait
}a tte de
10,000
hommes
prendre position
sur les
crtes d'Ilmaten
Dra el Arba.
Mais Bou
Mezrag, aprs
avoir
pill
et
incendi
la
tribu
des
Beni
Djelil,
et au moment o
il
menaait
celle des
Bni
Himme),
fut
oblig
de se
replier
sur
~e
camp
de
Pra
el Arba. En effet
le
gnral
Saussier tait
arriv
Tala Ifacen et
campait
au lieu dit
Merdja
Ahmaren.
Le il
juillet,
quatre
heures
du matin,
le
gnral
Saussier
s'approchait jusqu'
un kilomtre
des contin-
gents
rebelles,
fort
heureusement
dpourvus
d'artil-
lerie,
autrement nos
positions
n'eussent
pas
t te-
nables.
Lei2,
midi,
Bou
Mezrag, drapeaux
au
vent,
marche
sur le
camp.
Mais,
avant d'tre
abords,
nos soldats se
dploient
en colonnes et
parviennent
cerner
les r-
volts. La cavalerie
se
dirige
vers l'Oued
Bousselem,
coupant
le chemin de retraite des
montagnes
de Tala
Amokran. Sous un feu
meurtrier,
les
Kabyles
sont
anantis.
De
nombreux morts,
que)ques
fusils
chassepot,
cou-
vrent le terrain.
Cheikh
el
Haddad demande
alors
par
lettre au
gn-
ral Saussier l'aman
pour
lui et les
siens.
Le
gnrat
lui
LA KABYLIE 268
fait
rpondre qu'il
vienne se
prsenter
le
lendemain
son
camp
de
Merdj
Oumena,
18
kilomtres de Dra el
Arba.
K Le
13 juillet,
)a
colonne, aprs
avoir suivi la route
des crtes et tre
passe
dans la valle de l'oued Sabot
par
Tizi Lekehal venait d'tabHr son
camp, lorsqu'on
vit
arriver,
port
sur une civire et suivi d'une
longue
file deKhouans sans
armes,
le
grand
matre de l'ordre
des
Rahmanya.
Ce fut un
spectacle imposant que
la
reddition de ce vieux
pontife octognaire, quand,
des-
cendu de sa civire et soutenu
par
ses
petits fils,
il
s'approcha
de la tente uu
gnral.
Son
ge.
ses mal-
heurs,
sa
figure
de cire macie
par
toute une vie d'as-
ctisme et de
rclusion,
la
dignit
de son
attitude,
frap-
frent les
plus
indiffrents et les
plus sceptiques
de nos
soldats.
Quant
nos
cads,
spahis
et
auxiliaires,
il fat-
tut un service d'ordre afin de les
empcher
de se
prci-
piter pour
toucher ou
pour
baiser
respectueusement
les
pans
de son
burnous. Cheikh el Haddad
rpta
au
gnral
Saussier la
mme
phrase qu'il
avait crite au
gnral
Lallemand
J e suis comme un mort entre vos
mains
je
suis entre les mains du Misricordieux et du
Puissant
qui
a
pour
attribut de sa
dignit
le
pardon
et
la misricorde B. Le
gnral abrgea
une entrevue
qu'il
savait tre
pnible pour ce vieillard,
se borna
rpondre qu'il
attendait les ordres du commandant en
chef et du
gouverneur.
Puis il fit conduire dans une
tente
particulire
Cheikh et Haddad
qui
s'enferma avec
ses
petits
fils et
quelques
serviteurs. Le
lendemain.
nos auxiliaires demandrent la
grce
d'aller baiser la
main du vieux cheikh
qui, pendant
toute cette
journe
du
14, reut
les
marques
de la dfrence et du
respect
de ceux-t
mme
qui
l'avaient combattu avec le
plus
d'ardeur. Le
15,
un
peloton
de hussards le conduisit
la colonne
Ponsard,
qui
alors tait auxFumaa avec un
dtachement de soutien
Tiktat
le
18,
il arriva Bou-
gie
et fut enferm au
fort Barrt. La soumission de
Cheik el Haddad mit 6n a la
coalition
qui, depuis
le
huit
avril,
unissaitl'aristocratie
indigne
ettes Khouans
Rabmanya
(Rinn).
!NStiRRECT)ON DE 1871 i 269
Traduit devant la cour d'Assises
d'Atger,
Cheikh el
Haddad fut condamn le 19 avril 1873
cinq
ans de
dtention.
II.
Fort National et le
J urjura. Depuis
1857,
les
Kabyles
du cercle de Fort
National,
l'esprit prati-
que
et
positif,
avaient
presque
sans
exception accept
les statuts de la secte des
Rahmanya.
Ces
doctrines,
qui
flattaient leurs
go~tsgaiitaires,
ne leur
imposaient
que
des
pratiques religieuses
fort
peu gnantes
aussi
eurent-elles un
grand
succs
parmi
eux.
Quand
tell
avril,
Si Mabmed ben Cheikh el Haddad se
prsenta
au march des
Idjer, accompagn
de Ali Amzian ou
Merzoug,
amin el oumela des Illoulen ou
Matou,
son
succs fut
grand.
Il
prchait
le
Djehad
des convertis,
c'est le cas de le dire.et avec une habiet merveilleuse,
il fa:3ait ressortir notre
impuissance
en
Europe.
Aussi
cette
proclamation
fut-elle une vraie trane de
pou-
dre. Le
12,
les Mokaddems Mohammed Na'ft Brahim de
Taourirt Ali
Naeur.
si Ahmed
Sghir
ou Bechar et
d'EI
Hadj
Mohammed ou Yahia
Ahfir,
eurent un re-
tentissant succs en lisant cette mme
prociumation
au
march des At ltsourar. Chez les At bou Y ousef mme
enthousiasme, grce
au mokadden Mohammed Sad
Nat
Sad,
l'ancien amin el oumena Ali Nat ou Bellit
et de Et Haoussine ou
Koukou,
l'homme accrdit de
Mokrani.
Aussi,
ds le
12,
les hostilits commencrent.
Ces trois
personnages
se rendirent Tizi
Djemaa
et d-
valisrent la maison cantonire confie la
garde
de
Chaban Nat Ider. Il est vrai de dire
que
ce
dernier,
parce
qu'il
tait du mme
viiage
de Tiferdhour*
proba-
blement,
ne se t
pas
faute d'aider au
pillage.
Ce mme
jour,
12
avril,
le chef du bureau
arabe,
en
tourne
pour essayer
de faire reconstruire la
Hgne
t-
lgraphique
de
Bougie,
n'avait
cependant
rien remar-
qu
d'anormal chez les At
Menguellat.
Le
14,
dans la
mme
tribu,
Et
Korn,
un officier du bureau arabe et
Si Moula Nat Ou Ameur vinrent l'avertir
que
l'ordre
LA
EABYUE 270
lui tait donn de runir les
contingents
des tribus et
de les
placer
sous son commandement. Ils taient d'ail-
leurs
accompagns par
cent At Iraten arms. En outre
Ben Ali Chrif lui crivait
que
les Illoulen Oumalou
taient
prts
prendre part
l'insurrection.
Aprs
avoir donn l'ordre aux
contingents
des At
Iraten de se rendre le 15
Aguemmoun Izem,
le
capi-
taine Ravez ne
fut
pas peu surpris d'apprendre que
ceux-ci refusaient de marcher. I) attendit
jusqu'au 16,
et ce
jour,
vers 10 heures du
matin,
les At
Menguellat,
sous la conduite de l'amin en
tquebitt,
Amar Amzian
Nat Houta de
Tililit,
attaqurent
son
petit camp,
dont
toutes les
troupes
taient
composes uniquement
de 6
spahis, 8 mokraznya
et soixante des
Kabyles
amens
par
Si Moula Nat Ou Ameur.Parmi les chefs des insur-
gs
se trouvaient
un mokadden,
Si Mohammed ou Ma-
louk de Taourirt.
Oblig
de battre en
retraite,
le
capi-
taine Ravez dut abandonner les tentes et les
bagages,
traverser Icherriden o il te trouva aucune hostilit
et rentrer vers trois
heures de
l'aprs-midi
Fort Na-
tional,
o des nouvelles
peu
rassurantes taient
/par-
venues. Le lieutenant-colonel Marcbattaitarriv dans
le Fort et activait sa
dfense
une
dpche reue
vers deux heures
annonait que
le
renfort d'hom-
mes, que
l'on
envoyait d'Alger,
avait t
retenu Tizi-
Ouzou
cette
dpche
fut la dernire
expdie,
car
partir
de ce
moment,
la
ligne tlgraphique
fut
coupe
par
les
Indignes.
Notre
position
Fort
National tait difficile. Nous
n'avions en
effetautourde
nous,
chez les
Iraten, qu'une
majorit
d'hommes
obissant
l'inuenc du mokad-
dem Mohammed ou Ali ou
Sahnoun des
Isahounen,
qui
s'tait mis la tte du
of Oufella,
dont El Haous-
sine et son
parent
d'El
hadj Areski,
se
disputaient
la
prdominance, depuis
la mort d'El
hadj
Ahmed Yatta-
ren,
notre alli. Dans le
of
oppos,
le
of Bouadda,
Si
Lounis Nat Ou Ameur n'avait
que peu
de
partisans
Doua donner. D'un
autre c6t,ta
place
n'tait
pas
en tat
d'tre
dfendue bien
facilement, tant
au
point
de
vue
des
positions qui
commandaient te fort am environs
INSnRMCTtQN DE 187i {
21 i
qu'au
point
de vue du
petit
nombre
de
soldats dont
nous
disposions
(472
franais et 111
indignes, spahis,
mokhaznya
et
volontaires).
Les
Kabyles,aprs
avoir incendi .es maisons
abandon-
nes
par
les
colons,
vinrent, dans
la
soire du 17
avril,
occuper
toutes les crtes
qui
environnaient la ville. Vers
s
9
heures,
au moment o la retraite militaire sonnait
sur la
place
d'armes,
les
Kabyles poussrent
mille cla-
meurs et tirrent de tous cts des
coups de
fusil,
tan-
dis
que
l'incendie
prpar
d'avance
par
un amas de
broussailles,
dtruisait les btiments non
occups
de
l'Ecole des arts et mtiers. Nos ennemis s'acharnent
sur les
portes
de la ville
qu'ils
criblent littralement
de
balles,
mais sans
pouvoir
les faire ouvrir
ou les d-
truire. Grce aux lueurs de
l'incendie,
car dans la
guerre
il arrive souvent
que
les actes les
plus
violents
et les
plus
condamnables retombent sur leurs
auteurs,
nos sol-
dats ont toute facilit
pour diriger
leur tir et faire
prou-
ver l'ennemi des
pertes
srieuses. Nous avions deux
blesses,
dont l'un M. le
capitales
du train
Rasigt!e,
mourut
quelques
jours plus
tard.
Les mokaddems Mohammed ou
Ali,
Arezki Nat Ha-
madouch des At Iraten et Mohammed Nat Braham
des At Iraten
paraissent
avoir
t les chefs
de
cette
premire attaque.
En dehors de Fort National
et
800 mtres
de la
lace,
le
capitaine
du
gnie Demarey,
commandant
'Ecole des arts
et
mtiers,
s'tait tabli avec 20 hom-
mes de la
garnison
dans un seul des btiments de l'E-
cole. I) avait donc assist
t'incendie des autres bti-
ments,
sans avoir t
inquit par
les
Kabyles.
Mais
le
18
avril,
le
capitaine Demarey, voyant
surgir
autour
de lui de nombreux
contingents,
demanda des ren-
forts. Le commandant
du
Fort estima
sagement
qu'une
sortie
gnrale
tait une
opration trop dangereuse
et
donna le
signal
convenu
pour que
le
petit
dtache-
ment,
avec le
personnel
de
l'Ecole,
rentrt au fort. Pro-
tg
par
l'artillerie de la
place,
le
capitaine Demarey
put accomplir
cet ordre sans
grandes pertes,
nous
n'avions
que
trois blesss.
Aussitt
aprs
notre
dpart,
les
Kabyles
mirent te
feu l'Ecole abandonne.
LA KABYLIE 272
Le blocus commence alors autour de la
place
et se
continuera
pendant
soixante
jours.
Pendant cette
prio-
de,
nous
devons
signaler
les faits suivants. Le 26
avril,
les
Kabyles envoyrent
un
parlementaire porteur
de
trois lettres l'une adresse au commandant
suprieur,
crite en termes convenables, offrait une
capitulation
les deux autres
promettaient
l'aman aux musulmans
qui
nous abandonneraient. Aucune
rponse
ne fut faite
ce
parlementaire, qui
se rendit aussitt l'Arba d'A-
boudid rentre
compte
de sa dmarche. Les
Kabyles
r-
solurent alors de tenter un assaut
gnra)
et
aupara-
vant dcidrent
que chaque viHage
devrait confection-
ner
cinq
chelles
pour
aider cette
opration.
Le 30
avril,
il fallut commencer abattre dans le
fort,
che-
vaux et
mulets,
car les
provisions
de viande de bouche-
rie
taienteonsommes; chaque
homme ne recevait
que
300
grammes
de viande frache
pour
deux
jours.
De-
puis
le 16
avri!,
l'on c'avait aucune nouvelle de l'ext-
rieur,
et le 1"
mai,
au moment o deux
Kabyles,
nos
aHi~,
essayaient
de
pntrer dans la place, ils
furent
saisis
par
les
rebelles,
et fusills
par l'ordre
du inokad-
dem Mohamed ou Ali sur la
place
du march de Tala
Issalaben,
en
prsence
d'une
grande
foule. Le
2 mai,
nos soldats n'etaient
pas peu surpris
d'entendre le ca-
non
gronder;
c'tait un nomm El Haoussine ou Ham-
douch du
village d'Adeni,qui
avait
transport
de Taza-
rart
jusqu' Imanseren,une
vieille
pice
de canon avec
laquelle
il
lanait
de
temps
en
temps
des boulets de 16
centimtres
pesant
900
grammes.
Le tir et
pu
durer
longtemps
sans nous causer
grand
mal. Il n'en tait
pas
de mme du tir
journalier
des
Kabyles, qui,
assez fr-
quemment,
blessait nos hommes. Le 4
mai,
le
temps
changea;
il devint
pluvieux;
des brouillards trs
pais
durent faire redoubler notre surveillance. Pendant la
nuit,
nous tions
obligs
d'allumer des torches d'tou-
pes imprgnes
de
ptrole.
Le 10
mai,
les
Kabyles qui avanaient toujours
leurs
travaux
d'attaque,
commencrent creuser des
galeries
de mine.
Pntrantdanst'gout principal, ils attaquaient
le mur
que
le colonel avait fait di6er
!'intrieur torg
INSURRECTION DE i8'H i 273
du commencement de
l'investissement,
lorsque
des
soldats du
gnie
russirent
percer
un trou troit
par
lequel
un canon
chassepot
fut ijtroduit. Le tir
toigna
vite les
Kabyles
et
pour
les
empcher
de
revenir,
on
instatta des
pots
suffocation.
Ne
renonant pas
ce mode
d'attaque,
les
Kabyles
dirigrent
leurs travaux de
galerie
vers le saillant du
bastion
8
le t2
mai,
)e chemin extrieur fut rendu
impraticable par
suite d'une sortie
Ce mme
jour,
d2
mai,
fut un
jour
de
joie.
Si Lounis
Nat
Ameur,
escort de
cinquante
hommes
d'Azouza,
parvint
remettre au lieutenant colonel Marchal une
lettre du
gnra!
Lallemand,
date du 30
avril, puis
apporta
la nouvelle du
db)oquement
de Tizi Ouzou et
de la mort du
Bachagha.
Une sortie est alors tente avec le concours
de Si
Lounis Nat Ameur. Le
capitaine
Ravez,
les lieutenants
Fiak et
Villard,
la tte de 80 mobiles de la Cte-d'Or
et de
quelques
indignes
rests nos
allis,
s'tanccnt
avec une furia toute
franaise
et
s'emparent
des
villages
d'Imanseren, Ourfia,
Afensou et Tir'ilt el
Hadj
Ali,
qui, quelques
instants
aprs,
ne forment
plus
qu'un
amas de cendres. Tant d'audace dconcerte les
Kabyles, qui s'enfuient,
entrans
par
le
Moqaddem
Mohammed Ali ou
Sahnoun,
Httratement fou de
peur.
Pendant
que lapetiteet
vaillante colonne
accomplissait
ce beau fait
d'armes,
le
capitaine
Demarey
dtruisait
tous les travaux avancs des
Kabyles auprs
du fort.
Malheureusement M.
Fiak,
lieutenant du bureau arabe
et
sept
hommes taient
blesss;
deux avaient t tus.
Le
i3,
les
Kabyles,
pour se
venger
de leur
dfaite,
se
rendirent Tamazirt et dtruisirent tout ce
qui appar-
tenait nos
auxiliaires,
les At ou
Ameur, pour
les
punir
de leur aide et
pour
chtier
la fidlit de Si
Lounis Nat Ameur.
Le i7
mai,
les
Kabyles
tentrent un nouvel effort
contre Fort National.
Ils avaient
pu
amener
jusqu'
lmaseren un vieux canon
turc,avec lequel
ils
essayrent
de lancer
quelques
boulets. L'un russit
percer
la
porte d'Alger,
deux autres
endommagrent
l'angle
de
LA KABTH 27~
la maison du commandant de
place
et le
poste
de la
porte d'A)g~,
mais sans
que
cela
produist
un bien
grand
mal. Le feu ne dura
gure
d'ailleurs,
car ce
n'tait
pas peu
de chose
que
de
forger
au fur et
mesure les boulets
pour
nous les
envoyer.
C'est cette date du i7 avril
que
se
place
un vne-
ment digne d'tre rapport un peu longuement, l'engage-
ment de volontaires
appels
Imessebelen .
M.
Robin,
dans un article de la Revue
Africaine,
anne
1874,
page
401,
nous donne d'excellents ren-
seignements
sur cet
usage, renseignements,
nous dit-
il,
qu'il
doit en
grande partie,
Si Moula n-at ou
Ameur.
Il ne doit
pas
h demand d'Imessebelen dans les
guerres
de tribu
tribu,
ni dans les
guerres d'agres-
sion
cette coutume est rserve
pour
la dfense du
sol contre une nation
trangre
ou
pour
son
expulsion
du territoire
qu'elle
aurait envahi. C'est
toujours
un
marabout
entour de la vnration
gnrale, qui
pro-
voque
les enrlements de cette
nature, aprs,
avoir
pris
l'avis des notables du
pays.
H fait
publier
dans les
tribus et sur les
marchs,
que
las circonstances
exigent
que
des hommes se fassent tuer
pour
la dfense du
territoire,
que
le
paradis
est assure
ceux qui
mourront
et il
indique le jour
et le lieu o les
volontaires seront
inscrits. L-enrlement se fait en
prsence
d'une assem-
ble de notables des tribus intresses.
Chaque
Amesse-
bal
(singulier d'Imessebelen) qui
se
prsente,
donne au
Khodj,
son
nom,
ceux de sa
tribu,
et de son
village
il fait connatre s'il a encore son
pre
et dclare
qu'il
accepte
les conditions
qui
seront fixes
pour
le
combat.
H
n'y
a
pas
de
dshonneur,
pour
un
jeune homme,
se
retirer,
si son
pre
lui refuse son consentement et le
rclame l'assemble des notables. Ce sont ordinaire-
ment des
jeunes gens
non maris
qui
se font
inscrire,
mais les hommes maris ne sont
pas
exclus.
Lorsque
l'enrlement est
termin,
on convient du
programme
que
les lmessebelen doivent suivre on Qxe te
poste
ou
les
postes qu'ils
devront
occuper,
les armes
q'Hs
devront
prendre,
la distance
jusqu' laquelle
ils auront
INSURRECTION DE 18'7{ ~5
droit de reculer et la limite
laquelle
ils devront
arrter la
poursuite
de
l'ennemi,
si l'on craint des
embuscades. Les Imessebelen ne se mlent
pas
aux
autres
combattants,
ils ont
toujours
leurs
postes
part.
Il est interdit d'enlever leurs
morts,
on ne les
emporte
qu'aprs
le
combat
les blesss ne
peuvent
tre enlevs
que
s'ils sont tout--fait hors d'tat de
combattre,
les
chefs
dsigns par
les J messebeien en sont
juges.
Ces
prescriptions
ont
pour
but
d'empcher,
autant
que
possible,
le
mlange
des Imessebeten avec les autres
combattants. Toutei ces
dispositions
sont crites ta
suit** de la liste des Imessebelen.
Quand
tout est bien
arrt,
le marabout
qui
a
provoqu
l'enrlement,
fait,
avec tous les
assistants,
la
prire
des morts sur les
?.messebeten
ceux-ci restent debout et ne se mlent
pas
aux
prires.
A
partir
de ce
moment,
les Imessebelen
n'ont
plus
s'occuper
de
rien,
c'est
qui
leur
apportera
des
armes,
des vtements,
des
plats
de
couscous et des
friandises
les
femmes,
les enfants
s'empressent
autour d'eux
pour
les
servir,
leur accor-
dent,
par
avance,
la vnration
qu'on
doit des
martyrs
de
l'indpendance
du
pays.
Les Imessebelen.
qui
sont
tus,
sont
enterrs,
dans
chaque
village,
dans un
cimetire
part, qu'on appelle
Tamekebert Imesse-
belen,
et
qui
devient un lieu vnr o l'on va faire ses
dvotions. Les femmes et enfants de ceux
qui
ont
succomb sont nourris aux frais de la
Djema
et sont
traits avec
gards.
Les Imessebelen
qui chappent
la
mort,
soit
parce qu'ils
ont survcu aux blessures
reues
dans le
combat,
soit
parce que
la victoire a couronn
leurs
efforts,
jouissent partout
d'une
grande
-'onsidra-
tion,
iis ont le
pas
sur tout le monde et nui n'oserait
leur chercher
querelle
la
Djema pourvoit
leur
entretien,
s'ils restent
estropis
des suites de leurs
blessures et n'ont
pas
de
moyens
d'existence suffisants.
Ceux
qui
manquent
leurs
engagements,
en
prenant
la
fuite,
ne sont
plus que
des
parias, objets
du
mpris
gnral;
on ne leur
parle plus,
on na
prononce plus
leur
nom,
ils sont morts. ils ne
peuvent
trouver une
femme
qui
consente les
pouser
et,
s'ils ont des
filles,
ils ne
peuvent
les marier D.
LA KABYLIE 276
Ne
pouvant
vaincre
par
les voies ordinaires,
les no-
tables dcidrent d'avoir recours aux imessebelen.
L'attaque
des imessebe)en devait avoir lieu dans la
nuit du 21 au 22 mai, et devait consister
a monter
l'assaut au
moyen
des iSO chelles
prpares par
les
villages.
Leur
plan
fut dvoil au commandant
par
l'a-
min el Oumena des at
Attaf,
Bou Saad Nat Kaci.
Le dimanche
soir, 21,
tout tait
tranquille
et silen-
cieux, lorsque
vers deux heures du
matin,
l'on enten-
dit de Fort National un chant
religieux
venant des hau-
teurs de Tablabalt. A
Ourfia,
quelques
instant
aprs,
le
mme chant
rsonnait,
suivi d'un court silence.
<Puis
tout
coup,
dit M.
Rinn,
mille cris
sauvages
retentis-
sent de tous les
ravins,
la fusillade clate de tous
cts,
des
gerbes
de balles
passent
sur le
fort;
les 2280 imes-
sebelen sont au
pied
du
mur,
disposant
leurs chelles
pour
l'escalade.
A ce
moment,
le fort
s'enveloppe
d'un
ruban de feu ce sont les dfenseurs
qui
avec un rare
sang froid,
fusillent bout
portant
tout ce
qui
se
pr-
sente, pendant que
l'artillerie,
croisant ses feux dans
toutes les
directions,
crase
ple-mle
ceux
qui
reculent
et ceux
qui
accourent la rescousse. Pendant une
heure,
la lutte continue
acharne,
et au
jour
l'ennemi a dis-
paru,
laissant au
pied
du mur une
vingtaine
d'chelles
que
les
gens
du makhzne vont chercher et
rapportent
en
trophe,
sans tre
inquits
dans leur sortie. Pen-
dant ce
temps
on
voyait,
du haut des
remparts,
de
longues
files de
Qbals (Kabyles) qui
suivaient la route
d'Alger
et
qui emportaient
des morts ou des blesss sur
les chelles transformes en civires.
Le
gnral
Lallemand en
apprenant
cette vaillante
dfense,
adressa le
26,
la lettre suivante au colonel
Marchal
Temda,
25 mai.
Mon cher
colonel,
J e vous fais
compliment
sur le succs de la nuit du
21
complimentez
de ma
part
votre brave
petite
gar-
nison. Vous avez d
comprendre
le but
que j'ai ponr.
suivi
depuis
le
premier jour
de mon
dpart d'Alger.
INSURRECTION DE 1871 277
18
J 'ai
sauvegard
la
Mitidja
srieusement
menace,
puis
dbloqu
Tizi Ouzou
j'ai pacifi
la rive droite du Se-
baou,
en attendant les renforts dont
j'avais
besoin
pour
tenter ia
grande
affaire de votre dblocus. Ces renforts
et un
grand
convoi de
ravitaijtement, je
vais les rece-
voir. Il faut m'accorder huit
jours
encore
pour que
j'assure
mes communications
par
la soumission des
Maatka et des Beni Assi. J 'irai en
besogne le plus
vite
possible.
Tenez ferme comme vous avez fait
jusqu'
prsent,
c'est une belle
page
de
plus que
vous crivez
dans les annales de la
guerre
d'Afrique.
Le 22 et le
23,
les
Kabyles
revinrent
pendant
la nuit
prendre possession
des embuscades et enlever leurs
morts. Le
24,
le
capitaine
Ravez
attaqua
les
Kabyles
et, protgeant
les
sapeurs
du
gnie, parvint
faire d-
truire les
ouvrages
ennemis.
J usqu'au
1S
juin,
nous ne trouvons rien de bien sail-
lant
relever.
Le
lendemain,
46 juin,
Fort Nation?) devait tre d-
bloqu.
Les
gnraux
Lallemand et
Grez, qui campaient
le 13
Tizi-Ouzou,
s'taient mis en marche le
i5, peu
avant minuit. Au
point
du
jour,
leurs cotonnes se
trou-,
vaient au
pied
du massif des At Iraten. Le
gnra!
Lat~
lemand se trouve devant Taksebt et Souk el
Had
te
gnral
Grez a devant lui la Koubba de Sidi Hallou.
Aprs
avoir bombard
Taksebt,
le colonel Barachin se
porte
en avant et enlve la
position.
L'artillerie de cam-
pagne
commence dans cet
endroit,un
tir
qui,se
croisant
avec celui de l'artillerie du
gnral
Crez,
dtruit m-
thodiquement
Souk et Had. Les rebelles ne
peuvent
soutenir la
lutte; quatre
bataillons de zouaves ont bien
tOt
pu
se rendre matres de la
place.
Nos deux colonnes
s'avancent,
celle du
gnral Lal!emand,
en suivant le
massif
d'Adeni,
celle du
gnral
Crez vers Ir'il
Guefri,
au milieu du feu incessant des
Kabyles qui
dfendent
le
terrain
pied
pied.
Adeni,
Tala Amara. Ir'il
Guefri,
les
contreforts du
Toumdja
tombent en notre
pouvoir.
Nous sommes ds lors matres de toutes
les
positions
qui
commandent Fort National. La
garnison
du fort
qui,depuis
le lever
du jour,entretient
une vive fusillade
LA KABTU 2?8
avec les
assigeants embusqus, fait,
vers 10 heures
du
matin,
une sortie
gnrale.
La
petite troupe
est
divise en deux
colonnes l'une,
commande
par
le co-
lonel Marchal.
se
dirige
vers
Imanseren l'autre,
aux
ordres du
capitaine
Ravez,
marche sur
Aguemmoun.
Les
Kabyles
en
grand
nombre rsistent
pendant prs
d'une
heure
enfin
Aguemmoun
et Imanseren brlent
et sont
emports
d'assaut. Il est midi. A ce
moment,
les colonnes Lallemand et Grez arrivent au-dessous de
ces
villages.
La
garnison
du Fort rentre Fort Na-
tional. A deux
heures,
elle tait
prsente
au
gnral
en
chef, range
en bataille
prs
de la
porte d'Alger.
Le
17,
un service funbre fut clbr en
plein
air
par
l'aumnier de Fort
National,
en l'honneur des officiers
et
soldats, qui,
au nombre de
trente-trois,
avaient
pay
de leur vie
l'hroque
dfense de la
place.
Le
18,
le
gnral
en chef adressa aux survivants de
cette brave
garnison
l'ordre du
jour
suivant
Officiers,
sous-officiers et soldats.
Quoique bloqus
et entours
par
des bandes sans
nombre de
Kabyles, calmes, rsolus,
pleins
de'con-
fiance,
vous avez
courageusement support
les
priva-
tions,
les
fatigues
et les
dangers
d'un
sige
de 63
jours.
En se
rvoltant,
les
insurgs
se flattaient d'avoir facile-
ment raison de votre
petit nombre;
mais
grce
vous,
grce
votre vaillant
chef,
dj
connu
par
sa belle d-
fense d'Ammi
Moussa,
tous les efforts des
Kabyles
se
sont briss contre votrejsistance
nergique
la France
n'a
pas
cesss d'affirmer sa
puissance
au centre mme
du
pays insurg
de tous les
points
de la
Kabylie,
on
aperoit toujours
cette
place,
dsormais
glorieuse, que
quelques gens
de cur ont conserve leur
patrie
et
la civilisation.
Officiers,
sous-officiers et soldats.
J e serai heureux de faire connattre au
gouvernement
une dfense
qui
vous honore
grandement
devant le
pays
et de mettre en relief la belle
part, qu'y
ont
pris,
les
mobiliaade la
Cte d'Or et de la milice locale.
Au
camp
devant Fort
National,
le 18
juin
n.
Ce
que
nous
disioas,
dans la
campagne
de
18~7 des
INSURRECTION DE 1811 2?9
Kabyles qui
ne se battaient
que pour
leur
Ir'jl
(Crte)
tait encore vrai en
1871. Ali Oukaei n'avait
pas
com-
battu dans )a
journe
du
16 juin
tout d'abord les Ait
Iraten et les Imraouen taient d'anciens ennemis,
puis
pourquoi
combattre
pour
i'Ir'it des autres. Nous n'a-
vions uanc eu ei rai't
que
les
contingents
de Fort
National devant nous.
Nous
croyions que
notre victoire amnerait de
grands
rsultats,
il n'en fut
pas
ainsi sauf
quelques Kabyles,
dont les
villages
avaient t incendis ou
pris d'assaut,
nous ne vmes
gure
de fractions venir demander l'a-
man.
LesMokaddem,
exaltant devant
leurs
compatriotes
la dfense
hroque
d'Icherriden en
d857, annonaient
que
cet endroit serait le tombeau des
Franais
!es Ka-
byles
le crurent et se concentrrent sur cette
position.
Le
gnral
La]Iem"Qd avait tabli son
camp
Abou-
did,
4 kilomtres d'Icherriden. il fit brier Tablabalt
et Taourirt Amokran
pour
donner rflchir aux masses
tablies Icherriden. Le 23
juin,
nous conservons nos
positions,
tout en constatant
que
l'ennemi a tabli des
retranchements sur une
longueur
de
plus
de deux kilo-
mtres.
Enfin le moment
d'agir
est
venu
le 24
juin
est le
jour
de l'anniversaire du
premier
combat d'Icherriden
en
1867,
c'est ce
jour
l
que
le
gnral
Lallemand met
en marche ses colonnes. A dix
heures,
nous
prenons po-
sition sur le mamelon situ en avant de la
longue
crte
d'Icherriden
et 1e feu de l'artillerie commence. Trois
colonnes
s'avancent
l'une
droite,
sur la route de Ti-
rourda,
est commande
par
le colonel
Faussemagne
l'autre
gauche
est aux ordres du lieutenant colonel
NoUat
au
centre,
se trouve la colonne du colonel
Barachin.
Aussitt notre feu
commenc,
ce n'est
qu'une
fusil-
lade
ininterrompue
de la
part
des
Kabyles.
Ceux-ci,
se
souvenant
qu'en t867,
nos soldats de la
lgion
avaient
pris
le
village par
une
attaque
de
gauche,
ont eu le soin
de
couper par
une
longue
tranche le flanc de l'escar-
pement.
Il fallait donc
changer
de
tactique.
Le cotun~t
pfotlat
renonce
attaquer
de
front,
mais descendant le
LA Ej~BYHE 280
flanc de
l'escarpement
il aborde la tranche
par
son
extrmit
infrieure qu'i)
a
justement
considre comme
tant la moins bien
garnie. Aprs
un effort
digne
des
plus
grands tcges,
il
y pntre,
remonte la tranche
et
inflige
aux
Kabyles
des
pertes
trs
srieuses,
pro-
fitant de la
stupfaction que
leur cause cette
attaque
latrale. Il tait onze
heures,
et au mme
moment,
le
27" bataillon de chasseurs enlevait le centre des
posi-
tions
pendant que
les retranchements de la
gauche
des ennemis taient
pris par
une
compagnie
du 80e de
ligne.
Les
Kabyles
s'enfuient,
chargs jusque prs
d'A-
guemmoun
Izem
par
le
capitaine Happ
et ses clai-
reurs.
Quelques
autres sont
repousss par
le ~r de ti-
railleurs
jusqu'
la rivire des AtYenni.
Hien,
disait le
gnral
Lallemand, ne
peut
donner
une ide de la force et du nombre
d'ouvrages que
les
Kabyles
avaient difis.
J amais,
depuis
l'ouverture de
la
campagne,
nous n'avions rencontr autant de con-
tingents, jamais
l'ennemi n'avait montr un tel achar-
nement. Tous ses efforts ont t
inutiles l'entrain
et
la
vigueur
de nos
troupes
ont t
tels,
et le tir de notre
artillerie si
prcis, que,
tandis
que
nous n'avons eu
que
2 tus et 60
blesss,
dont
plus
de trente
lgre-
ment,
nous avons
inflig
aux
Kabyles
des
pertes
nor.
mes
plus
de 200 cadavres sont tendus autour de notre
camp.
Les
consquences politiques
de ce succs ne
tarderont
pas, je l'espre,
se faire sentir.
Ces
prvisions
taient
justes.
Le
26,
les At Men-
guettat
et les At Yahia vinrent demander
l'aman
le
27,
ce fut le tour des Ait Bou
Aggach.
De son
ct,
le commandant
Letellier,
alors
Freha,
reut
son
camp
tautted'Aomarben
Zamoun, accom-
pagne de
sa
bette mre,
nttedeMahieddin.Ette apportait
une lettre du vieil Aomar ben Mahieddin
priantle
com-
mandant de les faire conduire Aomar ben
Zamoun,
prs
de
qui
elles seraient
plus
en sret. En ralit, ces deux
femmes,
trs
intelligentes,
venaient avec la mission
non
dguise,de
savoir
quelles
taient les conditions
qui
serait faites aux membres de la famille
Mahieddin,
s'ils
se
soumettaient. Lp commandant Letellier
envoya
les
INSURRECTION DE 1871 281
i6.
deux femmes
Aomarben Zamoun, et,
pourle surplus,
transmit leur demande au
gnera) (Rinn).
Les At
Fraouen,
At
Khelili,
Ai't bou Chab et Ait Gobri vin-
rent ce mme
jour,
26
juin,
demander l'aman. Le len-
demain,
le commandant recevait une lettre de Ali Ou-
kaci lui
annonant
que,
le
28,
vers le milieu du
jour,
il
lui ferait conduire les 45 colons de
Bordj
Mnaiet dont
il avait
pu
sauver la vie.
Cette promesse
fut
accomplie;
le
28,
vers deux
heures,
Mohammed Amokran
Oukaci,
Mohammed
Sad,
Moussa ou Ahmed des
Issers,
et
Ahmed ben Mahieddin de
Taourga, accompagnaient
nos colons. Les deux derniers se constiturent
prison-
niers Amokran Oukaci
repartit promettant
de revenir
avec Ali
Oukaci,
pour
faire tous deux leur soumission.
Le
30,
en
effet,
Ali
Oukaci, Amokran
Oukaci,
Mobam-
med Lounis Oukaci et Aziz ben Cheihk el Haddad arri-
vaient le
soir,
vers
cinq heures,
au
camp
du
gnral
en
chef,
tabti au
village
d'At Hichem.
Le 6
juillet, voyant
tout le haut
J urjura paciue,
le
gnral
Crez
quitta
le
gnral
en chef et
prit
}a
route de Dra el Mizan
pour
rentre: Aumale. Le
8,
il
arriva a Souk e! Had des
lac'tdhien,
o il
reut
la
soumission des tribus
voisines;
le
9,
il tait A<n Sot-
tan,
chez les lhasnaouen o le Mokaddem AmarBenAh-
med des Ait Mends et El
hadj
Mahmed el
Djaadi,
vin-
rent l'aire leur soumission en s'excusant de leur rvotte
<' Nous avions cru la France
morte, dirent-ils
nous
savions
qu'un grand juif gouvernait
ce
qui
restait
d'elle
nous ne
pouvions, nous, gens
de
t'Istam,
obir
un juif.
Le
10juillet,la
colonne Crez
campait
la Zaoua de
Sidi Abderrahman bou Goubrin.
Le H
juillet,
les At
Koufi,
les At Ali et les At
Idjer
Nechbel,ne
voulant
pas se soumettre,i500
hommes d'in-
fanterie,
6
pices
d'artillerie et de la cavalerie march-
rent
contre teursvittagesquifurentpittesetineeEdis.
Ces
faits dterminrent la soumission
desAt'tKou,!el,
et
celle des At
Ghedran,
le 13. Les deux
jours suivants,
les At
Irguen
et les Art Chebla
implorrent
leur
par-
don.
Seuls,
les At Maallen et
tes At
Djinia, grce
aux
KABYUE a82
menes
de
l'amin
el
Oumena,
Mohammed
N-At Moussa
et de Sat-N-at
Taleb,
Ameur N-at el
Hichein,
el
hadj
Mobammed
Amedjkan,
restaient rebelles. Le
gnral
Crez,
se servant d'un
procd dj employ
en
1859,
imposa
aux tribus soumises
l'obligation
d'entretenir un
blocus autour des
villages
des
insurgs.
Le 20
juillet,
la soumission tait demande Dra el Mizan. Le
i9,
le
gnral
Crez tait
parti pour
Aumale,
avec les
prin-
cipaux
chefs de
l'insurrection,
faits
prisonniers.
Le
gnral
Lallemand resta de son ct une semaine
Fort National. Il
rorganisa cette place, reutlesotages
et
procda
l'arrestation des
meneurs
il n'eut d'ail-
leurs
plus, depuis
le
30 juin,
aucun
engagement
contre
les
Kabyles.
in.
Dellys
et
Rgion
du Sbaou la mer. Au com-
mencement
d'avril
1871,
lorsque
la
proclamation
de
Cheikh el Haddad fut
publie,
le
Mokaddem
ben Ali
Ben
hmed ben Mahieddin
(neveu
de El
Hadj Aornar, qui
en 1844 avait t battu
par
le marchal
Bugeand)
en-
traina dans la rvolte sa
famille,
les mokaddems des
Beni
Ouaguennoun,
des Beni
Thour, des
Beni
Slyem,
puis
certains mokaddems des
Issers,
notamment,
Mo-
hammed
Chrif ben el Haoussin el
Grebissa,
chef de la
Zaouia de Grebissi et
prsident
du
Medjels
de
Dellys.
El
Hadj
Aomar fut
proclam agha
des combattants du
Djehad,
mais
dut,
cause de son
grand ge,
confier le
commandement ses
cinq
fils
Ahmed, Mohammed,
Is-
mail, El
Hadj
Sad et Ali.
L'insurrection
commena
par
une nefra sur le
march
de
Rebeval,
le i7
avril.
Cette
nefra,
rprime par
des
gendarmes,
des
spahis
<. des
milicieRs,
avait
pour
but
d'effrayer
les colons et de les
dterminer se
repliersur
Dellys.
Pendant ce
temps,
le Cad
Lounis ben Mahieddin
informait le
gnral
Hanoteau du
projet qu'avaient
form
les Beni
Ouaguennoun d'attaquer
les
villages
et
les fermes
des environs.
Aussitt &n
St
parvenir
ces
mmes
colons t'ayis d'avoir
se
replier sur Dellys
cette
INSDRRECnON DE 1871
a~
vacuation
des
villages-et
des fermes se fit sans incident.
Quelques
colons n'avaient
pas
voulu fuir et abandonner
leurs
maisons,
ils eurent le
regretter
bien vite. En
effet ce mme
soir,
vers onze heures et
demie,
une
bande de ~5
pillards,
conduite
par
Mohammed Srir ben
Khelil vint
attaquer
coups
de
fusil, auprs
de la ferme
J eannin,
un
groupe
de Khamms.
Le
i8,
dans )a
matine,
neuf colons de
Rebeval,
re-
grettant
leur
dtermination,
voulurent
regagner Dellys,
mais Sad ou
Allal,
la tte de
quelques Kabyles,
les
arrte. On leur fait des
protestations
d'amiti.
Trop
confiants,
ils se laissent
approcher
et aussitt les re-
belles cherchent les dsarmer. Six
s'enfuient,
mais
bientt
poursuivis,
ils tombent sous les balles des r-
volts. Les trois autres avaient russi s'enfermer dans
la maison d'cole et commencent un feu meurtrier sur
leurs
agresseurs.
Mais
que pouvaient-ils
contre
plus
de
cent
indignes. Malgr
les
protestations
du Mokaddem
Chrif el
Grebissi,
celles d'une vieille femme trs res-
pecte,
Fatma bent
Yahia, qui
veulent conserver ces
trois
franais
comme
otages,
les rebelles excits
par
un
nomm
Omar ben Mohammed
Oukaci,
de
Berlia,
met-
tent
le
feu
un amas de broussailles
qu'ils
ont entass
autour
de la maison les trois malheureux deviennent
la
proie
des flammes.
Le mme
jour.
Ben Ncboud est incendi.
Le
19,
toutes
les maisons de la banlieue de
Dellys
sont
dvastes,
sans
que
nous
puissions
tenter une sor-
tie contre les
rebelles,
cause du nombre restreint de
nos
troupes.
Cela donna confiance aux
Kabyles qui,
dans la nuit
du i9 au
20,
rdrent assez
prs
des rem-
parts. Quelques coups
de feu les
loignrent.
Le 23 avril. un
engagement
a lieu avec nos ennemis
qui
veulent videmment nous
attaquer
vers la mer entre
le bastion i3et la batterie 15. Fort
heureusement, la
veille,
le 22, le J ura
tait
entr en rade avec un renfort
d'environ mille mobiles de
l'Hrault.
L'aviso le Limier
et
l'aviso
le
Daim,
croisant leurs
feux,
parvinrent, grce
aussi
l'nergique
dfense
de nos
troupes,
forcer
t'ennemi se
replier
sur Bou Medas.
LA KABYUE 284
Pendant ces
quelques jours,
nous n'avions aucune
nouvelle des tribus intrieures du cercle de
Dellys.
Il
fallait se
renseigner
et le
gnrt
Hanoteau
envoya
son
interprte
militaire
Guerin,
le 23
avril,
en mission
auprs
du cad des Isser el
Ouidan,
Dali Ahmed ben
Hossen.
L'interprte
Gurin
s'embarqua,
sur le
Daim,
avec deux
indignes qui
nous taient tout
dvous,
et
dbarqua
l'embouchure de l'Isser. Il fit demander au
cad une confrence. Celui-ci vient au bord de la
mer,
mais,
avec une
impertinence
absolue,
ne met
pas
le
pied
terre devant
l'envoy
du
gnral
commandant la
subdivision;
il le salue sans
quitter
la selle.
L'interprte
Gurin,
justement
froiss d'un tel
manque
de conve-
nances,
dclare
qu'il
n'a
pas
besoin d'entretenir le cad
de sa mission et lui annonce
que
son
bordj
serait bien-
tt canonn. A ces
mots,
le cad se
ravise,
et donne les
explications qu'on
lui demande. I! refuse nammoins de
laisser emmener son
jeune
fils
Dellys
comme
gage
de ses
manifestations
pacifiques. L'interprte
Gurin
put
librement
gagner l'embarcation,
qui
le reconduisit
bord.
Dans les
journes qui
suivent,
il
n'y pas d'attaques
proprement
dites. Pour nous
gner,
les
indignes
cou-
pent
les conduites d'eau d'ain
Kandok,
d'El Assoua et
brisent la
porte
du chteau d'eau de la conduite dite de
Bouabada
quelques
sorties nous
permettent
de rta-
bl;r ces
travaux,
sans tre srieusement
inquits.
J usqu'au
5
mai, mort du
bachaga
El
Mokrani,
aucun
fait ne mrite d'tre
signal,
sauf
cependant l'organisa-
tion
plus comp)tede)a place, que
des renforts venus de
France
permettent
d'tablir. A cette
date,
nos ennemis
avaient
dj perdu quelque confiance,
c'est ce
qui expli.
que que
ce
jour-l,
les Krachna vinrent au
c.imp
de
Markout demander leur
pardon
au
gnral
Lallemand.
Le
6,
commena
la marche de la colonne
Lalletnand,
marche au cours de
laquelle
se
passrent
les faits sui-
vants. Deux cads des
Zouatna,
Hassen ben Tatar et
Omar ben
Hanimed,
vinrent offrirent la soumission de
leurs
tribus,
dans
l'aprs-midi
de ce mme
jour,
6 mai.
Le
7,
la
brigade
Fourchault
razzia les
villages
de<
INSURRECTION DE 1871 285
Ouled
Abdelhadj
et des Ouled ben
Salah, puis
le vil-
iage
de Sehana et ceux situs sur la rive droite de
) Ouedfa.
pays
d'ailleurs
dserts,
o
seul, le
cad E)
Hadj
Ahmed ben Dahman se
prsenta
au
gnrai
et
resta au
camp
comme
otage.
Le
8,
)a colonne Lalle-
mand se
dirige
vers le col des Beni Acha. Le
9,
l'ex-
trmit de la
plaine
des
Issers,
une masse de
rebelles,
les At Kba]foun.
Amraouas,
Flissa et
Isser,
se
rpandit
deux
colonnes,
l'une commande
par
Ali
Oukaci,
sur
les crtes du bord de la
mer,
l'autre sous les ordres de
Sad ou Ali des At
Khalfoun,
sur les hauteurs du vil-
tage
de Souma. Une fusillade
clate,
notre artillerie
gronde,
les
Kabyles
sont
rejets
derrire l'oued Isser. Le
soir, pour affirmer leurs
sentiments de
soumission,
les
Kabyles
fidles la France
apportent
une diffa extra-
ordinaire.
Le
10,
la mme colonne marche sur Souk
el Djemaa,
puis
sur le
village
en ruine de
Bordj
Menael,
et arrive
en vue du caravansrail d'Azib Zamoun. Ce fut
l,
que
Omar ben Zamoun et son fils vinrent au devant du
g-
nral Lallemand
pour protester
de leur fidlit notre
cause.
Le
H,
on
reprend
la marche sur
Tizi-Ouzou,
mais
la colonne fait halte l'Oued Sebt o elle est
jointe par
le chef
de bataillon Letellier,
commandant
suprieur
du
cercle de Tizi Ouzou. Celui-ci annonce au
gnrt
que
la ville est encore aux mains des
rebelles,
qui occupent
les ravins des Asnaoua et les
pentes
du Belloua. A trois
heures,
et
aprs
avoir form une tte de colonne com-
pose
de 4
bataillons,
de
l'artillerie,
des mitrailleuses
et de la
cavalerie,
on arrive sur le
bordj.
Avec un en-
train
endiabl,
nos soldats enlvent d'assaut le
village
franais
et le
village kabyle,
et
repoussent
l'ennemi
jusque
dans le lit de la rivire des Beni Aissi. Les Ka-
byles, embusqus
dans les ravins des
Asnaoua,
sont
galement repousss,
et le
village
de Timizat devient
)a
proie
des nammes. Le
camp
est tabli sur le Kef
Nadja.
Les H, i2,
13 et 14 mai furent
employs
ravitail-
ler et armer Tizi-Ouzou.
L'occupation
de Tizi Ouzou
LA KABYLIE 386
par
nos
troupes produisit
un
grand
effet sur les tribus
voisines;
aussi ds la nuit du 10 au 11
mai,
l'aspectdes
incendies d'Azib Zamoun dtermina les
gens
de Ma-
hieddi-a abandonner les crtes
qui
dominaient DeI.
lys.
On
profita
de cette vacuation
pour tenter,
le
11,
une
reconnaissance,
commande
par
le
capitaine
Hu-
ber,
chef du bureau arabe. Cette
opration
russit
plei-
nement. At Ouazeroual.
Takdemt,
Touadet et el As-
souaf, villages
dserts
par
les
habitants,
furent incen-
dis,
et les
quelques
hommes de la reconnaissance
(15
spahis
et 10
goumiers)
rentrrent dans la
place
sans
avoir t
inquits.
Le 12
mai,
le Cad Dali Ahmed des Isser
Djedian
vint
sa mettre notre
disposition.
Le
gnral
Hanoteau lui
demanda la confirmation de son bon vouloir
par
des
actes. Deux
jours
aprs,
le
14,
Bou Archoua et Ouled
Keddach, villages
des Beni
Tour,
taient incendis
par
le
cad~
notre alli.
Le
13,
le
capitaine Huber, charg
de nouveau d'aller
livrer aux uammes les
vittages
du sud-est de
Pettys,
se
dirigeait
avec 25
spahis
et
quetques goumiers pour
remplir
sa
mission,
lorsqu'il
fut
attaqu
vivement
par
~s Ouled
Saber,
au moment o les
spahis
mettaient
le feu aux
villages
des Ouled
Madjoub
et des Ouled
Ben amara. Notre sortie russit
nanmoins,
et la
petite
troupe
se retira lentement et
regagna Dellys, poursuivie
par
les
Kabyles jusque
sous le canon de la
place.
Le 15 mai, la toute de
Dellys
Tizi-Ouzou
par Bordj
Sebaou,
Kouanin et Rebeval tant
libre,
la cotonne'
Lallemand se
dirigeait
vers
Dellys
pour
ramener un
ravitaillement venu
d'Alger.
Ce mme
jour,
le
gnral
Hanoteau confia au chef de
bataillon
Heyot
la mission de reconnatre la
position
d'Azrou N'aYt Saber.
L'avant-garde
de cette
petite
troupe (il y
avait trois cents
hommes) put
traverser
sans tre
inquite
les ruines d'At el
Medjoub
el
Ben amara. Mais
tout--coup,
l'ennemi se
prsente
en
ligne
de tirailleurs. Le commandant
Heyot
divise sa
troupe
en deux colonnes
qui attaquent
simultanment le
village
d'Azrou N-at Sabeur. Le
village
est
pris
et aus.
]NSURMettON DE 1871 t
287
sitt
incendi. Puis le commandant
Heyot reprend
la
route
je
DeHys.
Les
Kabyles voyant
notre retraite veu-
lent
nous
inquiter
de
nouveau,
ils sont
repousss,
et
le
commandant,
appuyant
sur la
droite,
va incendier
Brarat,
peu prs
abandonn. Dans cette
journe,
les
rebelles
faisaient une
perte considrable,
Mohammed
ben Ahmed ben
Mahieddin,
neveu du vieil El
Hadj
Aomar
Mahieddin,
avait t tu.
Le
16,
tandis
que
le convoi de la colonne suit la
route le
long
du
Sebaou,
le
gnral
Lallemand se
dirige
vers les toufiks El
Keaa,
Et Oukalla et Aafir. A notre
attaque,
les
Kabyles rpondent vigoureusement.
Ils sont
nombreux,
car ils sont venus
pour
les
funraittes de
Mohammed Ben Ahmed Ben Mahieddin.
Aprs
une
vive fusillade. nous
rejetons
les
Kabyles
dans les
ravins;
mais nous ne saurions rester dans ces
positions,
o il
est
impossible
de
camper.
Le
gnral dirige
ses
troupes
vers le col de Bab en Zaoua.
L,
les
Kabyles
nous
attendaient. La
brigade
du colone!
Faussemagne, qui
n'a
pas pris part
l'action dans la
matine,
mne avec
beaucoup
de
vigueur l'attaque
contre cette
position
dont le 21 chasseurs
pied
et le 4"
zouaves se
rendent
matres.
Ismat,
l'un des fils d'El
Hadj Aomar,
et l'un des fils du Cad
Lounis,
Rabia el
Kahla,
ou
vulgairement
nomm Rabia le
noir,
trouvrent la mort
dans ces combats. Nous avions 5 morts et 8 blesss.
Deux cents cadavres Kabyles restaient sur le terrain.
Aprs
avoir
camp
le 17
Bab-en-Zaoua, Ila
colonne
reprit
la marche sur
Dellys
en suivant la crte
qui
spare
l'Oued
OuJ ecy
de l'Oued Brika. Au-del d'AYn el
Arba des AYt
Stegguem,
environ 5000
Kabyles
nous
attendent
embusqus
derrire les rochers. L'artillerie,
sans
avancer,
commence le
feu,
tandis
qu'
droite et
gauche
nos
troupes
tournent la
position. Surpris par
cette
attaque
latrale, qui
si souvent nous fit
russir,
les
Kabyles
s'enfuient devant nos soldats ceux-ci les
poursuivent
pendant plus
de trois kilomtres. Le soif
mme,
le
gnra'
Lallemand arrivait
Dellys qui
se
trouvait dsormais
<J ~b!oque.
Le 20
mai,
aprs,
uu
''epos
d'un
jour
Dellys,
le
LA EABYDE 288
gnral
Lallemand alla
camper
l'Oued
Oubay, puis
le
21,
traversa An et
Arba,
et le
22,
tablit son
camp
Tifilkout,
chez les At
Ouaguennoun
le mme
jour
une reconnaissance est faite contre Semroun des At
Sad,
o nos soldats essuient une courte fusillade.
Aprs
la
prise
du
village,
on
t'incendie/non
sans avoir
charg
une
quarantaine
de mulets de
grains
trouvs dans les
amphores.
D'autres
engagements
assez vifs ont lieu sur
le versant
nord,
mais sans
que
la rsistance soit bien
acharne. Nos
spahis
ramenrent 200 btes
cornes,
400 moutons et 300 chvres.
Le
23,
le
gnral
marche contre
Tleta,
des
Iflissen,
dont on
s'empare, aprs
avoir
nettoy
les retranche-
ments
par quelques coups
de canon.
Le
24,
les At
Djennad,
les At
Ouaguennoun,
les
Izerfaouen,
les Iflissen el Bahr et les At
Flick,
vinrent
demander l'aman.
Le
25,
abandonnant les
crtes,
la colonne descend
dans la valle du Haut Sebaou et
prend
ses
campements
chez les
Amraoua,
tandis
que
deux colonnes
tgres
et
l'artillerie s'avancent sur Temda et sur Mekta
pour
dtruire ce
qui appartenait
aux Ouied
Kaci
le
26,
le
gnra! transporte
le
camp
Freha,
aprs
avoir brute
Mekla.
De
Freha,
il est facile de constater la
prsence
de
nombreux
contingents
runis
Djemaa Saharidj.
Le
27
mai,
le
gnral
faisait marcher sur la ville dix
bataillons sans sacs et tou son artillerie. Celle-ci
malgr
ses feux
convergents,
ne
peut empcher
l'ennemi
d'envoyer
constamment de nouveaux dfen-
seurs sur les deux
positions qui
commandent la bour-
gade,
et
lorsque
le colonel
Faussemagne
lance ses tirail-
leurs,
ceux-ci rencontrent une
nergique
rsistance
mais i!s ont raison de la
courageuse
tenacit de
l'ennemi
ils couronnent les
positions
et l'artillerie
s'y
installe. De
l,les
obusiers canonnent les habitations et
fouillent les ravins de leurs feux
plongeants.
On entre
alors dans les rues vacues et on met le feu aux
maisons,
sous les
yeux
des
rebelles
qui poussent
dea
cris de
rage, pendant que
notre tir
longue porte
les
empche
de
tenter des retours offensifs
(L. Rinn).
INSURRECTION DE i87l
289
17
Le
28, aprs
avoir
camp
Tazazerit, incendie
notre
dpart,
le
gnral reprenait
J e chemin de Tizi-
Ouzou o il arrivait le 29. H
y
resta
jusqu'au
6
juin
pour
attendre des renforts
d'Alger
et un ravitaillement
de
Dellys.
I[
partit
en effet dans la nuit du o au 6 et se
dirigea
sur le Khemis des
Maatka,
pendant que, pour
tromper
les
Kabyles
sur notre
marche,
une
partie
de la
garnison
de Tizi-Ouzou marchait sur Bou
Hinoun,
o
les
Kabyles
avaient concentr leurs
contingents.
Malgr
la dfense
nergique
de Mohammed el Haoussine ou
Ali,
aminet
Oumena,
Sliman ou
Mohand,
ancien
spahi.
et les Mokaddems El
Hadj
Mobammed ou Chban
et Si Sad
Abouyahiou,
les
positions
des At Khalifa
tombaient au
pouvoir
de notre colonne
principale.
A
trois
heures,
nous
campions
Imezdaten, aprs
avoir
pris
Taddert
Tamokran, Ahrouka,
Tirilt en Terah chez
les At
Khalifa,
Ikemmouden,
Biamran,
Tadderl
Oufetta~
Imezdaten chez les
Ibetrouhnen,
ce dernier
village
vaillamment dfendu
par
l'Amin el
Oumena,
Ali-N-Sad ben Mohammed.
Aprs
avoir
reu,
le
7,
la
soumission des At
Khaiifa,
des
Ibethrounen,
la coionne
se miten
marche,
le
8,
vers
midi, pour
Souk el Khemis.
L se trouvait le Cad Ali Oukaci. Le colonel Fausse-
magne
russit assez facilement
prendre
ce
village
pendant que
le 21 bataillon de chasseurs
pied
s'em-
parait
au
pas
de course des
positions qui
le
couronnaient.
La nuit fut
peu tranquille,
car les
Kabyles
tiraient
chaque
instant sur notre
camp.
Le lendemain
matin,
l'avant-garde
de la colonne Crez
apparut
vers le
sud
le moment tait
propice pour attaquer
les crtes.
Pendant
que
le colonel Baracb:n enlve le
village
d'Agouni
Bouffai,
le colonel
Faussemagne
se
dirige
vers
les hauteurs de
CoudiatFekrin, puis
trois bataillons de
la colonne
Cerez,
aux ordres du
cotone) Mric,
abordent
du ct
oppos
la
position
de KataAberkan. L'ennemi
obligde fuir,se
renferme dans Tir'ilt
Mahmoud.mais
il
est contraint bientt d'abandonner ce
village.
Ce fut l
que
le
gnral
Lallemand tablit son
camp,
tandis
que
le
gnral
Crez
occupait
les environs de la Zaoua de
Si Ali
Moussa. Le soir
mme,
les Maatka faisaient leur
LA KABYME 290
soumission. Le
10,
le
gnral
Lallemand traverse les
villages
des At
Abdelmoumen,
soumis de la
veille
le
gnral
Grez incendie de son
ct,
sur la
droite,
les
villages
des tribus ou fractions insoumises. Le
camp
est
tabli
Aguemmoun,
tout
auprs
d'Ir'it
Taboucht,
que
l'artillerie commence bombarder. Un vif
engage-
ment nous laisse matre de ce dernier
village.
Le
H,
!e
camp
reste au mme
endroit;
les
troupes
se
reposent.
Seul un dtachement va reconnatre les
villages
abandonns des At Doualla et des At Mahmoud. On
avait
remarqu
la veille
qu'un
certain Si Sad ou Amar
N-at
Goudjil,
avait excit les
Kabyles
au
combat;
pour punir
cette attitude
hostile,
l'on fit sauter la
mine la Eouba de Sidi Mohammed cl
Hadj,
un de ses
anctres. Le colonel Mric fit
galement
sauter le
minaret d'une zaoua du toufik
Taguemmoun Azouz,
pour punir
les habitants de n'avoir
pas
livr les
otages
promis
et notamment leur mokaddem.
Le 12,
on
campait
au Tleta
(des
At
Zmenzer),
o l'on
reut
un
grand
nombre de soumissions. Le
13,
les gnraux
LaUemand
et Crez arrivaient Tizi-Ouzou o ils
apprenaient que
les Abid Cbemia! et les amraouen du bas s'taient eux
aussi soumis.
Nous avons
vu,
en
parlant
de la dfense de Fort
National et de la lutte dans le
J urjura,
la suite des
oprations
des deux colonnes Lallemand
et Crez
il est
donc inutile
d'y
insister de nouveau.
IV. Tizi-Ouzou. Nous avons vu comment Tizi.Ouzou
avait t
dbloqu par
le
gnral
Lallemand nous
n'avons
que peu
de chose dire
pour expliquer
les
faits
qui
s'taient
passs
ds le dbut de la rvolte des
Kabyles
et
qui
avaient mis cette ville en
tat de
sige.
Le mouvement
insurrectionnel,
dans le cercle de Tizi-
Ouzou,
commena
le 10 avril et fut suscit
par
te Mo-
kaddem Mohammed ou Ali Oukadi de Bou
Binoun.
<Mohammed ou Ali
Oukadi,
dit M.
Rinn,
tait
un pr-
dicateur exalt et
entranant
il avait une
'Vritable
tNsuRt~frt~ M 18'7i ~1
loquence,
et,
de
plus,
il tait
depuis longtemps
aim
et estim
dans le
pays,
en raison de sa charit et de
ses vertus
prives.
Au
dbut, ce fut surtout contre Ali
ou Kaci
qu'il
excita les
gens,
en disant
qu'il
fallait com-
mencer
par
dbarrasser le
p~ys
de tous les Mtournini) n
ou
rengats qui
servaient les
Franais,
alors
que
la
volont de Dieu tait si manifestement hostile aux
chrtiens
< puisque aujourd'hui
ils taient
vaincus,
sans
arme,
domins
par
les
juifs,
et renis
par
des
gens
aussi srieux et aussi estimables
que
Cheikh el
Haddad et Mokrani
<.
Ali
Oukaci,
qui
tait tenu en
grande
dfiance
par
le
commandant
Leblanc,
ne voulut
point
se
rfugier
au-
prs
de cet officier
suprieur
et au milieu de colons
qui
l'accusaient de
trahison
il
reut
le 12
avril,
une lettre
de Ben Ali Chrif lui demandant son secours contre
Aziz,
et sollicita ce
sujet
l'autorisation du comman-
dant de
place, pour pouvoir s'y rendre;
mais ce dernier
n'osa
pas prendre
sur lui d'accueillir cette demande.
Ali
Oukaci,
qui
nous avait
toujours
bien
servi,
fut trs
froiss de ces mfiances et surtout de la
perquisition
que
l'on fit chez lui
pour
retrouver un missaire dan-
gereux,
Ali Amzian N'ait
Oukerzoug,
ancien amin el ou-
mena des Illoulen Oumalou. Pendant cette
perquisition,
on dit Ali Oukaci
qu'on
viendrait certainement l'arr-
ter
bientt;
il
prit
la fuite et se rendit Mekla. Le com-
mandant
Leblanc,
averti de la
perquisition
infructueuse
opre
au domicile de Ali
Oukaci,
ordonna l'arrestation
de ce
dernier,
et
apprenant
sa
fuite, chargea
un offi-
cier de se rendre Mekla
pour
s'en
emparer.
Inutile de
dire
que
cette tentative choua
compltement
il n'-
tait
pas croyable qu'un
officier,
en
temps
de
trouble,
pt
arrter un
grand
chef entour de ses serviteurs et d'un
grand
nombre
derebelles; ceux-ci, ayant en
effet
appris
la dcision d'Ali
Odkaci,
taient venus se mettre sa
disposition
etle fliciter d'avoir abandonn notre
parti.
(( H
n'y
avait
plus pour
nous
qu' parfaire
la inise
en dfense du
bordj
et nous
prparer y
recevoir les
250 habitants du
village franais
de
Tizi-Ouzou et,
comBie o n'tait
p!ts
ctssz f&rt
pour agir,
it et t
LA KABTUE 292
sage
de chercher
gagner
du
temps
et de ne
pas
sor-
tir d'une
prudente expectative.
Mais le commandant
Lebianc, persuad qu'Ali
Oukaci tait l'me de l'insur-
rection,
persista
dans son ide de
s'emparer
de cette
personnalit
f
(L. Rinn.)
Aussi le
13,
une
petite troupe,
forme de deux
pelo-
tons de chasseurs
d'Afrique, quelques spahis
et Khie-
las,
avec des auxiliaires
indignes, prirent
la route de
Temda. A moiti
chemin,
cette
petite colonne
fut arrte:
nos auxiliaires
passrent
l'ennemi,
et c'est au
prix
du
plus grand pri!, que
nos
soldatspurent
rentrer Sik-
kou
Meddour,
o nous avions encore un
poste
d'auxi-
liaires
indignes
fidles.
Cent trente hommes arrivaient avec le commandant
Letellier,
Tizi-Ouzou. Cet officier
suprieur prit
le
commandement de la
place
et obtint de conserver cet
effectif,
qui
devait tre
dirig
sur Fort National. Le
16,
il s'enfermait dans le
bordj
avec les 254 habitants
de Tizi-Ouzou. Il avait sous ses ordres 563 hommes.
Ds le
16,
vers le
soir,
les hommes de
Tim~zar
Ler-
bar abandonnrent le
postequenous
leur avions
confi
le
17,
mme dfection
denotreposte
Sikkou Meddour.
Enfin,
ce mme
jour, 15,000
rebelles s'avancent vers le
col de Tizi-Ouzou en trois
bandes,
mettant le feu aux
meules et aux fermes isoles. Le
18,
ils viennent
piller
le
village franais
de Belloua et
l'incendient,
malgr
les
efforts de nos hommes
qui
tentent de le
sauver;
cra-
ss
par
le
nombre,
ces derniers sont
obligs
de rentrer
au
bordj.
Le
19,
l'ennemi investit
compltement
le fort et
essaye
de brter la
porte
du bureau arabe. Le
20, notre garni
son
opre
une
sortie,
et-avec une
vigueur
extraordi-
naire,
force l'ennemi se
replier
assez loin.
Le commandant Letellier
reut
quelques jours aprs
un
parlementaire qui
venait lui demander au nom d'Ali
Oukaci de lui fournir un
appui
arm
pour
le conduire
avec tout son
monde, gardant
armes et
bagages,
l o
il voudrait se mettre en sret Un nouveau
parle-
mentaire revint le
30, mais,
sans bien
entendu,
obtenir
comme la
premire
fois autre chose
qu'une rponse
INSCRMCTJ ON DE 1871
293
fort dure. Une troisime
fois,
un missaire revint,
quoi-
que prvenu prcdemment qu'on
ne l'accueillerait
pas
il trouva la
mort,
avant d'avoir
pu
se faire entendre.
Depuis
cette
poque jusqu'au
il
mai,
rien
signaler.
Nous
savons,
par
ce
que
nous avons dit
plus
haut,
comment le
bordj
et Tizi Ouzou furent dlivrs.
V. Dra el Mizan. Certes l'insurrection et clat
plus
tt dans le cercle de Dra el
Mizan,
si l'oukil de la Zaouia
de Bou
Goubrin,
El
Hadj
Mahmed ben Mohamed e!
Djaadi,
n'et
pas pendant quelque temps
us de son
autorit
spirituelle pour empcher
les tribus voisines
de suivre les
partisans
des Ouled Mokran. Il suffit de
lire ce
qu'crivait
de
lui, Si el
Mahfoud,
un ami
parti-
culier des Ouled
Mokran,
pour
tre diS ce
sujet.
Nous trouvons trace de ces
apprciations
dansune lettre
du
bachagha
adresse Si Mahfoud.
< Nous vous avons crit
pour
vous
apprendre que
nous nous tions
levspour
le
Djehad;
vous nous avez
rpondu.
Votre lettre nous est
parvenue,
nous l'avons
lue;
vous nous dites
que
vous tiendrez la
parole que
vous nous avez donne et
que
vous voulez vous insur-
ger,
mais
que
vous avez
peur
des Beni Ismail et de leur
cheikh Mahmed el
Djaadi, lequel,
fort de
l'appui
de sa
tribu,
refuse de seconder vos
projets,
et les entrave en
disant aux siens Ne vous rvoltez
pas, gardez-vous
de suivre les
partisans
du dsordre
qui
courent une
perte
certaine:
jamais
nous ne serons avec eux. lors-
que
vous avez entendu
cela,
votre ardeur s'est
ralentie;
c'est en effet une chose
trange
1 Ce cheikh et les autres
devraient tre les
premiers
appeler
les tribus au
Dje-
had et se vouer au
triomphe
de la
religion.
Et
cepen-
dant,
c'est lui
qui
dit tous
qu'il
ne rsultera aucun
bien de cela
pour personne!
Quel
langage
1 Son
cur,
certainement,
dborde
d'impit.
Il sera dvor de re-
mords.
Quant
vous,
mes
amis,
si vous tes fidles
la
parole donne,
vous marcherez en masse sur
Bordj
I~KJ ~Tt~
Boghni, puis tous,vous
vous
porterez
contre
Dr~
et Mi-
zan
et si
le cheik
Et
Hadj
Mahmed
el
Djaadi
et sa
tribu vous barrent le
passage, frappez-les,
tuez-les et
n'ayez
aucuee
crainte,
Dieu
rcompensera
ses servi-
teurs. e
D'ailleurs l'Oukil Et
Hadj
Mahmed el
Djaadi
n'tait
pas
le seul
qui
ft hostile la
rvolte
les
partisans
de
Cheikh el Haddad taient dans la mme
disposition.
Aussi
quand
le 9
avril,
on
apprit
la
proclamation
du
Djehad,
tous les mokaddems restrent indcis. Deux
jours aprs,
le Bachadel Si Mohammed Areski des
Mecbtra et Si Akli Nat Bouzid des At
Mends,
tous
deux
reqqab
de Cheik el
Haddad, arrivrent,
et aussi-
tt une runion eut lieu Alma
Dinar,
le soir mme.
Aprs
la
prire
en
commun,
ces deux
envoys
lurent
une lettre de Cheik el
Haddad, puis
russirent,
en la
commentant
longuement,
entraner les Mokaddems
dans le
parti
de l'insurrection. Le 16
avril,
afin de
pr-
cipiter
les
vnements,
les
partisans
des Ouled
Mokran,
firent une nefra
Boghni.
Le chef
du bureau
arabe,
M.
le
capitaine Thouverey,
rtabtit l'ordre
aussitt,
mais
le commandant
suprieur
du
cercle,
M.
Moutz,
com-
prit qu'il
fallait
prendre
des
dispositions pour repous-
ser une
attaque
imminente.
It fit
occuper
le
bcrdj
de
Boghni par
25 hommes et un
officier,
mit le
village
europen
en tat de dfense et se mit en mesure de
pro-
tgert'usineGaro.
Le
18, les Maatka vinrent vers
cet ta-
blissement,
mais,
le
voyant gard,
n'osrent tenter l'at-
taque.
Prvenu
qu'ils
reviendraient avec les Mechtras
dans la
soire,
le commandant fit conduire les ouvriers
et le
grant
de l'usine
bordj Boghni
et remit les clefs
aux amins el oumena des Beni
Ismal,
des
Frikat et
des
Mechtras,
resta nos allis. Le
19,
3
heures,
les
Maatka et les
gouchdal pillaient
et incendiaient t'u-
sine. Le soir
mme.
Et Djaadi,
voyant
sa situation me-
nace,
se mettait la
tte
du
Djehad
et
passait,
le len-
demain 20. la revue des
Kabyles.
Parmi
eu~
se
trou-
vaient les amins el oumena Si Ahmed ben
Betkassetn,
Rabia ben Ali et
le baohadei Mohammed Aresk); puts Ah-
med
ou
Lounis,
les
cads Abmed
ben
As~,
Mphammeg
INSURRECTION DE 187i 29S
ben
Abid,
Ahmed Amar Amzian. Le commandant Moutz
envoie contre les rebelles le
goum
des
Inezlioun,
la tte
desquels
se trouve le cad Ali ben Telaach et ses frres.
Ceux-ci
partent
avec
beaucoup
d'entrain,
ils vont arri-
ver sur les
rebpiles, quant
tout
coup
on les voit s'ar-
rter,
descendre de
cheval,
et se
prcipiter
au devant
de Mahmed el
Djaadi
en embrassant les
pans
de son
burnous.
Presque
aussitt,
toute la
troupe
d'El
Djaadi
se
dirige
vers les
cinq
barricades
qui
dfendent l'accs
du
village. Voyant que
les Ben Telaach
essayent
de
couper la
retraitesur le
bordj,
le commandant
rappelle
les soldats des barricades etles fait rentrer dans
la place.
Le
village
est
pill
et en
partie
incendi,
les rebelles ne
conservent
que
les maisons faisant face au
bordj pour
s'embusquer
dedans et
diriger
leur tir. Le
22,
les
Kaby-
les
envoyrent
un des leurs
proposer
l'vacuation du
bordj
avec
promesse
de laisser
partir
les colons et la
garnison;
l'missaire fut mis en
prison
aussi
pareille
offre ne fut
plus jamais
faite.
J usqu'au
5
juin,
nous ne trouvons rien
signaler.
Ce
jour l,
la colonne du
gnral
Crez arriva et
dbloqua
Dra el Mizan. Parti de Zbourboura neuf heures du ma-
tin,
le
gnral
Crez avait confi
l'attaque
de droite au
lieutenant colonel
Nollat,
et celle de
gauche
au lieu~-
nant colonel Dsandr. Arrivs
auprs
des
crtes,
nous
nous trouvons en
prsence
de
quatre
mille
Kabyles
en-
viron
le cad des
Harchaoua,
Ahmed ben
Assa,
com-
mande les Guechtoula et les Gaouaoua venus de Fort Na-
tional
Ben Telaach est la tte des tribus rvoltes de
Dr el Mizan.
Aprs
une
nergique
dfense,
et
quelques
retours
offensifs,
nous
occupons
toutes leurs
positions,
grce
la manuvre si souvent
employe
en
Kabylie
et
non moins souvent
heureuse,
de tourner l'ennemi sur
les flancs de ses crtes. A trois
heures,
Dra el Mizan
voyait
cesser un blocus
qui
n'avait
pas
dur moins de
quarante
six
jours.
Le 6
juin,
les Harchaoua faisaient
leur soumission. Le
gnral
Crez se
dirigea
alors,
par
Bordj Boghni, pour
aider au
dbloquem-ntde
Fort Na-
tional
nous avons vu
prcdemment
les faits
qui
s'ac-
complirent
dans cette
rgion.
LA KABYLIE
296
VI. Palestre. Les Issers. Autour duHamza. Nous ru-
nissons ensembie les
principaux pis
des des faits
qui
se sont
passs
dans ces
rgions;
aussi bien n'ont-ils
qu'indirectement
trait notre
sujet, puisqu'ils ont t
accomplis
en dehors des limites
que
nous avons fixes
la
Kabylie
du
J urjura. Nanmoins,
en raison de la
proximit
des
territoires,
et des secours
que
les
Eaby-
les donnrent leurs
voisins,
il nous a sembl utile
d'indiquer,
dans les
grandes lignes seulement,
la marche
des vnements insurrectionnels.
A
Palestro,
un drame
pouvantable
devait avoir
lieu,
mais il serait inexact d'en rattacher
l'existence aux
mmes causes
que
celles de tous les vnements dont
nous venons de
parler.
Ce ne fut
plus
le
Djehad,
mais
seulement un intrt
local, qui
arma la main des indi-
gnes,
et voici en deux mots toute cette affaire. Au mois
de novembre 1869, un arrt crait le
village
de Pales-
tro et lui donnait 546 hectares
pris
sur les
terrains
do-
maniaux,
s'tendant du
pont
de Ben
Hinni,
sur
l'Isser,
autour d'un ancien
gte d'tape.
Le 17 mars
1870,
le
village
s'installait et tout dans les
premiers temps pa-
raissait marcher
souhait,
lorsqu'on
dcida
d'y
crer
un march. Les Ammal et les at Khalfoun voulurent
s'y
opposer,
c'tait la ruine ou une atteinte
porte
leur
march
mais on ne tint
pas compte
de leurs rcrimi-
nations. D'irritations en
irritations;
les
Kabyles
en arri-
vrent le 19 avril,
au march des at
Khalfoun,
se
donner rendez-vous
pour
la nuit mme dans les ravins
qui
environnent
Palestro,
afin
d'attaquer
le
village
ds
le
point
du
jour.
Cette
attaque
n'eut
pas
lieu. Elle avait
t diffre
pour peu
de
temps.
En
effet,
des enfants de
colons,
envoys
le 20 avril
ds le
matin, pour prendre
du foin aux
meules,
revien-
nent en disant
que
celles-ci sont incendies et
que
des
balles ont siffl leurs oreilles.
Quelques
instants
aprs,
on
apprenait que
la route
d'Alger
tait
barre
le maire
faisait sonner le tocsin et mettre le
village
en tat de
dfense.
Les trois maisons de la
gendarmerie,
de la
INSURRECTION DE 1871 297
i7.
cure et des
ponts
et chausses avaient t d'avance d-
signes
comme devant tre
exclusivement
occupes
a
(L. Rinn).
Oii runit les habitants et les miliciens dans
ces
corps
de btiment. Le
21,
les
Kabyles
prennent pos-
session des autres maisons du
village.
Pendant toute
cette
journe,
Mohammed Ben
Lounis, Mokaddem,
tou-
jours
sur sa mule
noire,
toujours portant
la bannire
de Baba
Ali,
se
promena, au pas, impassible
et
psalmo-
diant
pleine
voix ses
prires
au milieu d'une
grle
de
balles
qui, par
un hasard
malencontreux, n'atteignirent
ni
lui,
ni sa mule
(Mme
auteur).
Dans la nuit
du21,
la
porte
du
presbytre
fut
enfonce,
mais
ceux qu'il
renfer-
mait
purent gagner par
une
porte
de derrire la
gendar-
merie. Le
22,
les
insurgs
concentrrent leur fusillade
sur la
gendarmerie
et sur la maison des
ponts
et chaus-
ses. Bientt un
Kabyle,
Belkassem ben
Ouchfoun,
homme de confiance du cad des Amma). offrit aux colons
qui
rendraient leurs
armes,
la vie sauve et une escorte
pour gagner en
sret le Fondouk. A ces
propositions
le
capitaine Auger
et l'abb
Monginot
rpondent qu'ils
n'entreront en
pourparlers qu'avec
les chefs investis. Si
Sad ben
Ramdan,
amin des
Ibazamen,
s'approche
et
engage
sa
parole
ainsi
que
celle de l'amin el Ou-
mena des at Khalfoun. Les
assigs
insistent
pour que
les cads viennent eux mmes.
M(L.
Rinn~. Malheureuse-
sement le
capitaine Auger
veut
que
les colons
gardent
leurs armes. On
discute,
on
parlemente,
mais en
vain;
bientt les
coups
de feu se font
entendre
ceux
qui peu-
vent rentrer la
gendarmerie, s'empressent
de le
faire
les autres sont tus
surplace,
et
parmi
eux. t'abb
Mon-
ginot.
Le
capitaine Auger
est
protg par
t'anaa de l'amin
etOutemaSaM-ou-Ati et est sauv. Bientt la
porte
dela
gendarmerie
cde sous l'effort des ass.nttants et trente Eu-
ropens
sontmassacrs en
quelques
instants. Se
prcipi-
tant sur la maison des
ponts
et
chausses,
les rebelles
jettent
au
pied
des murs les meubles et la
paille
enlevs
la
gendarmerie
et les livrent aux flammes.
H
La
porte
cependant
tombe consume
par
le
feu
les
assigs
vacuent le rez de chausse et
coupent
coup
de hache
l'escalier
eobras;
mais ils ne
peuvent
tenir au
pre-
LA KABTU6 298
mier
tage,
o la fume les
asphyxie,
et ils
sontobligs
de se
rfugier
sur la
terrasse,
dont le
parapet
n'a
que
40 centimtres de
hauteur,
ce
qui
les
oblige
rester
couchs et se dcouvrir
pour
tirer. L, sur un
espace
de 4~ mtres
carrs,
sont entasses
quarante cinq per-
sonnes
un soleil de
plomb frappe
les ttes
nues,
des
flammches brlent les vtements flottants des
femmes;
une
grle
de
pierres
lances avec une infernale adresse
ne cesse de blesser et de meurtrir ces malheureux. Une
femme est mortellement
frappe plusieurs
colons sont
tus en voulant
tirer;
la vote de la terrasse se fen-
dille sous l'action du feu et menace de
s'crouler
un
homme se suicide de
dsespoir
les femmes
s'affolent,
pleurent,
crient,
demandent se rendre cote
que
cote
mieux vaut tre tu d'un
coup que
souffrir ainsi 1 Ces
pleurs
et ces cris sont entendus des
assigeants
Sa'd
ou
Ramdan,
amin des
lhazzamnes,
s'avance en
parle-
mentaire,
son fusil sur
l'paule,
il
rpte qu'on
n'en
veut
pas
la vie des
Europens, qu'on respectera
ceux,
qui
rendront les armes. On lui dit d'aller chercher le
cad. L'amin el
Oumena,
Sad ou
Ali,
arrive il s'en-
gage, publiquement
et
par
serment,
ne faire aucun
mal ceux
qui
se rendront et se fieront sa
parole.
Pour
changer
ces
quelques
mots,
il fallait crier du
haut de la
terrasse,
car on n'avait nul
moyen
de des-
cendre,
et la voix
portait
d'autant
plus
mal
que
c'tait
Madame
V.
femme d'un ancien officier de bureau
arabe,
qui
servait
d'interprte
elle seule savait assez
bien l'arabe
pour
soutenir une conversation en des
circonstances aussi
graves.
Elle invita Sad ou Ali
faire mettre une chelle le
long
du mur et venir s'en-
tretenir avec les
colons,
ce
qui
fut fait aussitt.
L,
aprs l'change
de
quelques paroles, qui
donnrent,
confiance aux malheureux
colons,
il fut convenu
que
les fusils seraient
passs
immdiatement
par
la fentre
du
premier tage, que
les
bijoux, argent
et valeurs,
seraient
remis,
afin d'oter tout
prtexte
des attentats
provoqus par
la
cupidit
des mauvais
sujets.
Quand
tous les colons furent descendus et
runis,
les
indignes
ieg
comptrent
haqte
voix;
ito
taient
quarante
INSURRECTIONDE 1871
299
neuf
hommes, vingt
femmes et onze enfants. Ils furent
mis en route sous la conduite de Sad ou
Ramdan,
chez
qui
ils
passrent
la nuit, au
viifage
des tbazzam-
nes,
couchs sur le sol. Le dimanche
23,
ils furent diri-
ges
sur le
village
de Hamicha et ils furent
logs
chez
l'amin el Oumena Sad ou
Ali,
o ils retrouvrent le
capitaine Auger
et le fils Bassetti. L on donna
aux
femmes
quelques tapis
et
quelques
nattes
pour
se cou-
cher. Ils devaient rester 23
jours
avec cette installation
rudimentaire et avec la nourriture habituelle des
pay-
sans
qbals;
deux
repas
de
galette d'orge,
de
figues
sches et
d'oranges.
Une fois
par semaine,
le
jour
du
marche,
un morceau de
mouton, gros
comme la moiti
du
poing.
Ils furent du reste traits tout le
temps
avec
une bienveillante
sollicitude,
et ils s'en montrrent re-
connaissants
plus
tard en
signant
une
ptition pour
de-
mander )a
grce
de Sad ou
Ali,
condamn mort
par
la cour d'assises
(L.
Rinn,
insurrection de
~S7jf).
Cependant,
le
23,
le colonel Fourchault
partit
huit
heures du soir de l'Alma et
aprs
une marche de dix-huit
heures,
parvint
Palestro,
le
24,
deux heures de l'a-
prs-midi.
Un
spectacle
affreux
l'y
attendait. Palestro
n'tait
plus qu'un
amas de ruines
fumantes,
dans les-
quelles
on retrouva tout d'abord
quarante-deux
cada-
vres d'hommes mutits et carboniss.
Quatre autres
victimes furent retrouves
plus
tard. Et tout autour de
cette
dvastation,
le
calme,
le
silence,
le
dsert,
sans
pouvoir
se
renseigner
sur le sort des autres habitants.
Le
25,
le colonel venait
peine
de
quitter Palestro,
lorsque
de tous
cts,
il fut
attaqu par
les
Zouatna,
les
Sanbadja,
les ait
Khalfoun,
les
Ammal,
qui
le har-
celrent
jusqu'au
col de Tamizirt. Il leur
infligea
des
pertes
relativement srieuses et rentra te soir au Fon-
douk. Le
26,
il rentrait au
camp
de l'Alma
pour pren-
dre
part
aussitt un autre
engagement.
Quant
aux survivants de
Palestro,
ils ne
purent
faire
parvenir
de leurs nouvettes
que
le 9
mai
i)s taient
remis,
le
13,
entre les mains du
gnra!
Crez.
L'pilogue
de cette horrible affaire fut la condamna-
tion
par la
cour d'assises
d'Alger,
le 21
janvier
1872,
L KABYLIE 300
de
quarante-quatre
meneurs. Sad ou
Ali,
El
Hadj
h-
med ben
Dahman,
Sad ben
Ramdan,
et
cinq
autres
furent condamns mort 23 furent condamnes la
dportation,
douze
cinq
ans de dtention et un seul
sept
annes de rclusion. Sad ou
Ali,
la demande
des survivants de
Palestro,
fut
graci
et la
peine
de
mort fut
remplace pour
lui
par
la
dportation quatre
autres eurent la mme
faveur
trois seulement furent
donc
excuts,
El
Hadj
Ahmed ben
Dahman,
cad des
Ammal,
Boudjena ben Ahmed, domestique
de M. Bas-
setti et un nomm Sliman ben Ahmed.
Les Issers.
Quand
le
Djehad
fut
proclam,
Omar Ben
Zamoun,
voulut
empcher
)es
Kabyles
des Issers de
prendre part
la
rvolte,
mais. menac de ruine et de
piiage,
il se vit contraint se mettre la tte du
mouvement insurrectionnel. Les hostilits ne com-
mencrent
que
le 18
avril;
ce
jour
l en
effet,
deux
charretiers conduisant des voitures de denres avaient
t assassins sur la route de
Dellys.
Aussi la
diligence
se rendant dans cette
ville,
arrive Azib
Zamoun,
dut-
elle
interrompre
son
voyage.
Les
voyageurs
et
plusieurs
colonstrouvrent un
refuge
dans iecaravansrail d'Axib
Zamoun,
et
garantis par
l'Anaa d'Omar Ben Zamoun
purent
rester 21
jours
en sret dans cette
petite place.
A
Bordj Mnael,
les faits de ce
jour,
18
avril,
furent
plus graves. Aprs
avoir
exig
de
l'adjoint franais,
la
remise de toutes les armes et des munitions des
colons,
les
insurgs
laissrent ces derniers
quitter
le
v.ilage,
qu'ils
incendirent aussitt.
Puis,
les rebelles se
dirigrent vers
le col des Beni
Acha(devenu aujourd'hui
le
village
de
Mnerville)
Il
y
avait l de8
Flissa,
des
Isser,
des Beni
Amran,
des Khrachna et des Beni Acba.
Nous ne suivrons
pas
l'insurrection dans la
partie
septentrionale
de ia
Mitidja
il nous suffira de
rappeler
que
ce futseulement le 5
mai, que
les Khrachaa vinrent
demander leur soumission.
INSURRECTION DE 1871 t 30i
Autour du Hamza. Le Hamz& est la contre dcouverte
situe autour de Bc'nra. De ce
ct,
trois tribus se
rvoltrent
les Beni
Mased,
les Ouled Salem et les
S&ndhaja.
Les
faits, qui
se
passenttout
ct du massif
du
J urjura,
seront seuls relats ici. Les Beni Abbs
avaient Fourni
quelques
armes aux
rebelles,
mais en
ralit n'taient
pas
hostiles notre domination. Il en
tait de mme de~ Beni Mansour. Le 22
avril,
le
gnral
Crez tait
Boura,
prt
se
porter
vers Dra el Mizan
ou vers Beni
Mansot'r, lorsque l'Agha Bouzid
lui
apprit
que
Bou
Mezrag
devait venir au secours des tribus de
l'Oued
Sahel. La
gnral partit
le 25 de Boura et
campa
El
Adjiba
).e mme soir. Le lendemain nous trouvions
sur notre route environ trois mille
Kabyles
nous barrant
le
passage.
Les escadrons d'claireurs culbutrent vive-
ment les
goums
ennemis,
mais la rsistance des
Kabyles,
blottis au milieu des
oliviers,
ncessita une action assez
chaude et l'intervention de la cavalerie. A midi et
demi,
le
gnrt
tait Beni Mansour
dbloquant
la
place,
qui
tenait
depuis cinquante-deux jours.
L'ennemi
voyant que
nous installions notre
camp
cet
endroit,
prit possession
autour de Cheurfa et de Bou
Djellil
des
Beni Abbs. Le
gnrt Crez, craignant
ce
voisinage,
envoya
une colonne
lgre
sous les ordres du lieutenant
colonel Nollat
pour s'emparer
de Cheurfa.
Aprs
une
rsistance
nergique,
les
Kabyles
se voient
obligs
de
cder la
place,
et le
village
est livr aux flammes. D'un
autre
ct,
le commandant Barberet et le
capitaine
Rapp
et ses tirailleurs se
dirigeaient
vers Bou
Djellil.
Ils
s'emparaient aprs
une lutte
opinitre
des
positions
occupes parles
rvolts en avant de ce
village.
Le
27,on
dtruit le
village
des At Bou
ali, qui
commandait
le
Bordj,
et le
28,
les
villages
abandonns d'At
Mansour,
d'Ir'il, de
Tir'ilt, Taourirt
et Bouiflan taient la
proie
des flammes.
Enfin, le
28,
ce mme
jour,
Bou
Mezrag
arriva
Bou
Djellil,
o
aussitt
il
commena
organiser
ses
contingents.
Le
29,
le
gnral
Grez tait en route
depuis
une
heure, ayant
laiss dans le
bordj
25 zouaves sous
te commandement du
capitaine
Odon,
lorsque
de~
LA KABYUE 302
coups
de
feu,
au bas de la fort
d'Ahnif,
furent tirs
sur son
arrire-garde.
La colonne fait face en
arrire,
prend
ses
dispositions.
Au centre se trouve l'infanterie
en deux
colonnes,
aux ordres du colonel
Mric;
droite
la cavalerie du colonel
Goursaud
gauche
les clai-
reurs du
capitaine Rapp
et le
goum
du
capitaine
Abdel
kader,
Cad des Ouled Ferrah, A
sept
heures,
l'attaque
de Bou
Mezrag commence
il a
plus
de 4000 fantassins
et 200 cavaliers.
Enveloppes par
les ailes de droite et
de
gauche,
ne
pouvant
tenir devant notre
infanterie,
les
contingents
rebelles se dbandent et s'enfuient. La
lutte et la
poursuite
ne
prirent
fin
qu'
onze heures et
demie. Une
partie
des armes de Bou
Mezrag
tombrent
entre nos
mains,
lui-mme fut sur le
point
d'tre fa~t
captif.
On ramassa
plus
de cent
fusils,
armes de
luge,
et le
Khodja
de Bou
Mezrag ayant
t tu
par
Moham-
med ben
Brahim,
Cad des
Mahia,
le cachet du Ba-
chagha,
dont le
Kodja
tait
porteur,
tomba entre nos
mains. Bou
Mezrag,
retir chez les
Mecheddalla,
ne
put
de nouveau rallier autour de lui des
combattants
il
repartit,
dans la
nuit,
pour
la
Medjana.
Le
gnral
Crez se
dirigea
alors
pour dbloquer
Dr el
Mizan,
nous avons vu l'heureux rsultat de cette
opration.
Le colonel Goursaud
campait
le 8
juin
Boura. Le
13,
les At
Mansour,
les
Cheurfa,
les At Khani et
autres,
firent une tentative contre le
Bordj
de Beni Mansour
pour essayer
de resserrer le blocus.
Le
capitaine Odon, ayant
fait
occuper par
25 tirail-
leurs le
village
des At Bou
ali,
couvrant la face sud du
Bordj,
dfendit la face nord
par
une autre
ligne
de
tirailleurs
embusqus
sur un cOteau dominant la rive
gauche
de l'Oued Mahrir. L'action fut trs active et ne
dura
pas
moins de six heures.
Aprs
des
pertes
relative-
ment
considrables,
les
Kabyles
abandonnrent le
terrain. Le 4
juillet,
le colonel Goursaud
gravit
les
pentes
du
J urjura
jusqu'au
Teniet
Djaboub,
o se
tenaient les Ouled el Aziz et une
partie
des
Igouchdal
de Dra el Mizan.
Aprs
avoir tourn ou
pris quatorze
barricades,
nos
troupes
crasent les
Kabyles qui,
enrays,
ne
savent
plus
rsister. Partout l'on voit du
INSURRECTION DE 1871 303
sang;
et cent cadavres
gisent
sur un seul
point
du
terrain de cette lutte
effroyable.
Nous
perdions
un
officier,
M. le sous-lieutenant
Crouzet,
(t tu bout
portant.-en
enlevant une barricade la tte de sa
section,
et 3 hommes. En
outre,
29biesss,
dont M. le
capitaine
Thomas des tirailleurs x.
Aprs
ce
succs,
la colonne
s'installa Maalit
Ramdan,
auprs
du Tizi
Djaboub.
Le 6 eut Heu une reconnaissance dans les
villages
des
Ouled Aziz. Le
H,
une
partie
de la colonne
prit part
t
avec la colonne Grez
l'attaque
des
villages
des At
Koufi. Le
i2,
le commandant de
Monleveau, dirigeant
une
reconnaissance,
brta le
village
des
Merkhalla,
qui
n'avaient
pas
excut leurs
engagements.
Le
i8,
le
Hamza
tait
paci
et le colonel Goursaud
regagnait
Boura.
L'insurrection
termine,
l'on
commena
le
procs
des
coupables,
et les
Kabyles, ruins, ayant
une
grande
partie
de leurs
villages incendis,
durent amrement
regretter l'aveuglement qu'ils
avaient eu de suivre
quelques
chefs dans une rvolte tmraire et incon-
sidre.
Quant
ces
derniers,
les condamnations
qui
furent
prononces
contre eux
par
la Cour
d'assises,
dut
les faire rflchir la vitalit et
l'nergie
d'une
France
qu'ils croyaient
morte.
LIVRE
CINQUIME.
INSURRECTION DE 1881.
S'il
s'agissait
de faire ici le rcit de l'insurrection de
1881,
l'on
pourrait,
avec
juste
raison,
nous
reprocher
de sortir de notre
sujet.
Rien
en
effet,
ayant
trait
cette nouvelle
rvolte,
n'a eu
de contrecoup
en
Kabylie,
o
le calme et la scurit n'ont cess d'exister un seul
moment.
Mais,
c'est
justement
cette attitude
pacifique
que
nous serons heureux de constater ici en
quelques
pages
fort courtes d'ailleurs.
Tout
d'abord, quelle
fut cette insurrection de i88i?
quel
en fut le chef? 2
Il faut remonter en 1878
pour
trouver la cause
de
ce mouvement. Un homme de race
mdiocre,
fanatique,
Bou
Amema,
vint tablir dans le sud oranais une cole
de
fanatisme,
qui
prit
un tel
dveloppement, que
la
tribu o cette ecole
existait,
fit dfection au bout de
quelques
semaines. Bou
Amema, profitant
de l'inaction
que
l'on mit le vouloir
poursuivre, disparut
et se
rfugia
El Abiod Sidi Cheikh. On donne alors l'ordre
de se saisir de
lui,
mais ce
qui
doit faire l'tonnement
de
tous,
l'ordre n'est
pas
excut.
Pourquoi ?
M.
Gastu,
la Tribune de la
Chambre,
lors de la fameuse inter-
pe))ationdu30juinl881
sur les
responsabilits gou-
vernementales,
l'a en vain demand. Il est vrai
d'ajouter
avec l'honorable
dput, que
l'on
pourchassa
trois des
mokaddems de Bou
Amema,
Merzoug
Ben
Sliman,
Taeb Ben
Djerrriani
et Belkassem. Mais
par
une seconde
tranget,
on confia cette mission des
indignes, qui
revinrent videmment sans avoir obtenu un rsultat.
Bou
Amema, poursuivi,
se disant
perscut, exploite
contre nous l'insuccs
que
nous avions
prouv
au
sujet
des indemnits rclames lors de la razzia du
Ksar de Brezina. Le
massacre de la
mission Ftatters,
INSURRECTION DE 1881 305
quelques
mois
auparavant,
et
qui
n'tait
que
]e
plus
lche des
assassinats,
est
reprsent par
Bou Amema
comme une
grande
victoire,
qui
annonce
que
le moment
est venu de
jeter
les Roumi la mer. L'influence reli-
gieusedes
Ouled Sidi Cheik s'exerce efficacement en vue
de
proclamer
le
Djehad
Bou Amema se trouvera bien-
tt la tte de
contingents
assez srieux.
Toutes ces
menes, l'effervescence
qui rgnait
dans
le
sud,
devaient enfin nous faire ouvrir les
yeux.
On
signale
au douar de
Djemma
des Ouled Sial
Cheraga
la
prsence
d'un
dangereux partisan
de Bou Amema.
On se dcide
agir
et l'on envoie le lieutenant Wein-
brenner
pour
arrter ce dernier. Cet officier
part
avec
trois
spahis,
et arrive au douar de
Djemma
des Ouled
Sial
Cheraga.
Le
lendemain,
21
avril, il
ordonne ses
hommes de
s'emparer
de la tente de Ben
Djermani,
le
partisan
de Bou Amema les
gens
du
douar,
non seule-
ment
protestrent,
mais voulurent
s'y opposer.
Le lieu-
tenant Weinbrenner ordonna, de
passer
outre et se mit
en devoir de se
diriger
vers la
tente,
lorsque, feignant
de se
soumettre,
lesgens
du douar''invitent une diffa.
Sans aucune
dfiance,
notre officier et les trois
spahis
mettent
pied
terre et vont commencer
manger,
lors-
que
les
indignes
se
jettent
sur eux et tuent le malheu-
reux lieutenant et deux de ses
spahis.
Le
28,
un nouvel assassinat tait de nouveau com-
mis le courrier de SaMa
Gryville
tait massacr
sur la route
pendant
son
trajet.
Tous ces faits amenrent l'envoi de nor
troupes
dans
le Sud oranais les
oprations
militaires furent nom-
breuses et
pnibles,
et ncessitrent notre
prsence
pendant
de
longs
mois dans cette
rgion.
Mais nous
n'avons
pas
nous
occuper
de ces
faits, trangers
la
Kabylie du J urjura
constatons seulement l'attitude des
Kabyles pendant
cette insurrection.
Il
est bien certain
que
leur concours l'insurrection
fut
sollicit l'on a encore
prsent
la mmoire la
demande
que
leur fit Abd el Kader en
1837,
puis
les sol-
licitations,
dont ils furent
l'objet
de la
part
des
parti-
sans d'El Mokrani en
1871,
sollicitations
qui
dtermi-
LA BABYLIE
306
nrentle
plus grand
nombre
prendre part
au
Djehad.
D'ailleurs,
cela est avou
par
certains
Kabyles,
trs
dignes
de
foi,
et
qui
ne sauraient tre
suspects
de
parler
ainsi,
pour
donner
plus
de
prix
la neutralit
qu'ils
ont conserve.
Il faut chercher les causes de la
tranquillit
et du
calme en
Kabylie
dans les raisons suivantes.
Le
Kabyle
a affirm une fois de
plus
la
grande
din'-
rence qui
existe entre lui et l'Arabe. Peu
fanatiques,
les
Kabyles
dans leur
esprit pratique,
ont
pu
se demander
ce
qu'ils
auraient
gagner
dans la lutte
engage par
Bou Amema contre la France. Le
Djehad, prch par
les Ouled Sidi
Cheikh,
les a laiss bien
froids
ils
n'ont
vu dans la
guerre
sainte
entreprise par
Bou mema et
ses
partisans, qu'un moyen pour
ces
derniers, ptris
d'une ambition
dmesure,
de jouer
des rotes
plus
ou
moins
importants,
dans des situations
plus
ou moins
brillantes.
En
1871,
les
Kabyles
avaient
entrepris
la
lutte,
s'-
taient enrls sous les bannires du
Djehad, par
suite
des erreurs dans
lesquelles
on les avait entrans.' Ce
n'tait
point
le fanatisme
qui
les faisait
agir;
mais bien
l'intrt. On leur disait
chaque jour,
on leur
rptait
chaque
instant
que
la France tait
morte,
qu'un grand
J uif
s'tait empar
du
pouvoir, que
leurs terres seraient
prises
et donnes aux
Franais
vaincus et
ruins,
qu'il
y
allait
pour
eux d'une
question
de vie ou de mort. On
se servait avec une extrme habilet des dcrets Cr-
mieux du 24 octobre
1870,
des circulaires o il tait
question
de faire venir tes Alsaciens-Lorrains
dposs-
ds
par l'Allemagne
est-il bien
surprenant que
celui
qui
vit seulement
par
sa
terre, qui y
est attach comme
son seul bien
par
toutes les fibres du
cur,
ait entre-
pris,
en
prsence
de menaces aussi
terribles,
une lutte
dsespre ?
Et les
responsabilits
ne
doivent-elles
pas
remonter
beaucoup plus
haut ? Le
paysan kabyle
tait-
il si
coupable
de vouloir dfendre son
champ,
son vil-
lage, son
ir'il ?
Mais en
1881,
rien de
tout cela ne
pouvait
tre
mis
en
Muvre, Ce n'tait bien l
qu'une entreprise religieuse,
INStJ RMC~ON DE
1881 307
c'tait
le Djehad pur
et
simple,
et le
Kabyle
n'a
point
ouvert l'oreille aux
propositions
des rebelles.
H avait
peut-tre
et mme trs certainement
prsents
la mmoire les ruines et les malheurs de l'insurrec-
tion de i87i. Les revers nous rendent
sages
et
modrs
aprs l'incendie,
le
pillage,
les
champs dvasts,
les r-
votts ont vu la
guiliotine
se dresser
Alger
et leurs
chefs
payer
de leur vie les entranements
qu'ils
avaient
subis;
le
bagne
s'est ouvert
pour
recevoir de nombreux
insurge;
ia
dportation
a enlev du sol
natal,
loin de
leur
touffik,
loin de leur
off,
loin de leur
Djema,
un
grand
nombre de rebelles tout cela a eu
pour
contre-
coup
efficace de faire natre dans
l'esprit
des
Kabyles
un commencement de raisonnement et de
rflexion,
qui
leur a
dmontr, que
l'insurrection tait
pour
eux
le
pire
de tous les maux.
D'un autre
ct,
il faut bien tenir
compte
du
change-
ment
d'esprit,
de caractre et mme de
murs, qui
s'opre chaque jour
en
Kabylie.
Les relations commer-
cif)!es
plus frquentes
entre eux et
nous,
une
plus
grande
facilit dans les
communications,
une instruc-
tion encore bien
dfectueuse,
mais nanmoins
qui
a
rendu d'utiles
services,
ont certainement contribu
leur dmontrer ce
qu'est
la
France,
ce
que
sont les
Franais.
Des liens d'amiti se sont nous entre cer-
tains d'entre eux et certains d'entre
nous,
liens d'ami-
ti
durables,
ns d'une mutuelle
sympathie,
sans cal-
cul,
comme sans
dtour,
et le
plus grand
bien
pour
tous
peut
natre de ces
rapports
amicaux.
Puis,
cer-
tains ont vu la France se relever si
promptement aprs
les dsastres de
i870,
qu'ils
n'ont
pu s'empcher
de
constater la
vitalit,
la force et la richesse de notre
pays,
et ils se sont dit
que raisonnablement,
il leur
serait bien
difficile,
sinon
impossible,
d'entrer en lutte
contre nous
pour recouvrer une indpendance
absolue.
Tels
furent certainement les motifs
qui empchrent
les
Kabyles
de
prter
l'oreille aux discours
plus
ou
moins
intresss des
rebelles,
et en cela ils firent bien.
Que
pouvait
faire Bou Amema leur
profit ? Appeler
sur eux tous les flaux d'une
guerre
sans
piti,
la d-
vastation,
le
pillage
et
l'incendie,
LA KABYUE 308
Nous ne nous tendrons
pas davantage
sur ce
sujet;
il nous a suffi de constater cette attitude
pour
com-
prendre
combien le
Kabyle
s'est modifi.
Aujourd'hui
pouvons-nous
dire
que
cette modification se soit encore
accentue ? Nous
rpondons
affirmativement. Les
Kabyles comprennent davantage
de
jour en jour
les n-
cessits d'une
paix qui
leur
procure
un travail rmun-
rateur. Ils commencent
comprendre
dans ses
gran-
des
lignes
la vie
moderne,
cette vie d'affaires ou-
trance,
et ils
acceptent
avec
empressement
les amlio-
rations
qu'apporte
le
progrs
dans l'industrie.
Que feraient-ils,
si en ce moment une rvolte cla-
tait en
Algrie?
Assurment il est difuciie de se
pro-
noncer sur une
pareille question,
mais il nous
semble,
sans vouloir faire
preuve
d'un
optimisme
bien
grand,
que
la
Kabylie
resterait calme comme en 1881. Leurs
Prsidents,
hommes de
courage,
mais aussi hommes
intelligents
et
instruits,
sauraient immdiatement faire
comprendre
leurs
administrs, que
la
Kabylie,
dans
son
propre
intrt comme dans celui de sa
gloire,
ne
doit se mettre en avant et
occuper
le
premier rang que
sur la route du
Progrs
et de la Civilisation.
LIVRE SIXIME
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE
Autrefois.
Aujourd'hui.
Nous avons tudi d'une
faon
aussi
complte que
possible,
et la
configuration physique
de la
Kabyiie.
et
son
histoire;
nous allons aborder maintenant l'tude
de l'administration de cette contre.
Nous diviserons ce livre en deux
parties
cette divi-
sion ne
s'impose-t-elle
d'ailleurs
pas
naturellement ?
Avant notre
conqute,
la
Kabylie
s'administrait elle-
mme
par
un ensemble de
coutumes,
de Kanouns ou r-
glements, qui
fatalement ont d se trouver modifis
considrablement sous la domination
franaise par
suite,
nous examinerons notre
sujet
dans l'ordre chro-
nologique, comprenant
la
priode
antrieure i830
sous la
rubrique
<Autrefois et celle
postrieure
1830 jusqu'
nos
jours
sous cette autre
rubrique
Au-
jourd'hui
e.
Autrefois
M.Masqueray,
dans son trs intressant et savant
ouvrage
sur
< l'origine
et la formation des cits de
l'Atgrie;
recherche les
principes
de ces sortes
de
cits,
et il arrive leur trouver
pour
bases
primi-
tives,
l'individualisme et l'amiti libre. Chez nos
Africains
sdentaires, crit-il,
la famille ne de la
guerre,
constitue
par
la ncessit de vivre au milieu
des luttes
qui
dchirent les
peuples privs
de
gouver-
nement, compose
tantt de descendants d'un seul an-
ctre,
tantt d'individus de
provenance
diverse,
tantt
d'un
groupe principal
etde
fractions qui
sont venues
s'y
souder,
intimement unie
par
les
dangers
dont tous ses
LA KABTUE 310
membres sont
menacs,
incapables
de subsister sinon
par
l'humble dvouement des faibles autant
que par
le
courage
des
forts,
met tout en
commun,
richesse et
pauvret,
douleur et
joie,
et doit
tre,
sous
peine
de
prir,
ordonne comme un
rgiment, discipline
comme
un
quipage.
La libert individuelle
y
est inconnue. L'in-
dividu n'est
qu'un grain
de ce b)oc de
granit,
une
par-
tie minime de cet tre
presque
vivant,
dans les veines
duquel
un seul et mme
sang
coule ou est
suppos
cou-
ler. L'individu
y porte
un nom
commun, n'y jouit que
d'un bien
commun, n'y a qu'un intrt commun, qu'une
vie commune. Le
jour
o sa famille
frappe par
une
famille voisine le choisit
pour
son
excuteur,
il faut
qu'il tue,
et s'il est
tu,
sa mort est un
dommage
aussi
grand pour
ses cousins
que pour
son
pre.
J su-
fruitier,
jamais
propritaire,
sinon
d'objets
de mince
valeur,
il ne
peut
tester
qu'en
faveur de sa
famille,
et sous la surveillance de ses
proches parents qui
le
traitent comme un
mineur.
Que
dire de la femme?
Egale
de l'homme en
principe,
elle est
astreinte;
le
servir,
parce qu'il
faut
que
la maison soit tenue
pen-
dant
que
les
guerriers combattent,
veillent ou la-
bourent,
et c'est elle
qui remplit
les vides
que
la vieil-
lesse ou les balles font
parmi
les hommes. Son devoir
est double et d'une
rigueur extrme,
en
dpit
de ce
que
la coutume a
pu
faire
pour l'allger.
Mais on ne
peut
concevoir
l'Afrique,
ni aucune autre
rgion
du monde
civilis,
comme couverte
uniquement
de familles iso-
les. Il faut
que
ces
petits
tats se dissolvent
peu
peu
et donnent naissance des socits nouvelles dont l'es-
prit
leur est contraire. En
effet,l'individu
ne
saurait p-
rir.
Quelque grave
et
persistant que
soit le dsordre
gnral
dont il redoute les
suites,
quel qu'troitement
disciplin que
soit le
groupe
dans
lequel
il s'est rfu-
gi,
aurait-il
renonc,
de cceur ou de
bouche,
tous
ses droits
pour
viter la mort
qui
l'aurait
frapp par-
tout
ailleurs,
il
chappe toujours par quelque
endroit,
et saisit l'occasion
d'agir
en homme
libre,
ds
qu'il
croit le
pouvoir
faire sacs lser les intrts ni t'hooneut
de ses frres. Les relations
commerciales, qui
commet~
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE 3H
cent
par l'change
des
produits
du travail
personnel,
lui en offrent le
moyen
chaque
instant de sa vie. S'il
n'est
pas
sollicit
par
le
lucre,
au moins le besoin le
pousse
un
jour,
hors de sa famille. vers un homme
sorti comme lui du hameau voisin. Il en rsulte des
contrats
qui
se renouvellent eL se
multiplient.
Les com-
bats fcnt
place
aux
trves
un
ancien
champ
de ba-
taille devient un
march. Bientt des associations se
forment,
non seulement
commerciales,
mais
agricoles.
Un homme
qui possde
dans sa famille
plus
de terre
qu'il
n'en
peut
labourer avec ses bufs s'associe avec
un de ses voisins d'une autre
famille, qui
se trouve
dans une situation
contraire,
ou bien deux
laboureurs,
galement pourvus
des deux
parts,
s'entendent
pour
dfricher un terrain
vague
l'un fournit la
semence,
l'autre les
instruments. Ils
oprent
avec
plus
de scu-
rit
qu'ils
ne le feraient seuls dans leurs familles rci-
proques
car leur uvre tant
indivisejouit
d'une
pro-
tection double. En cas de
guerre,
leur
champ
commun
serait le dernier
ravag.
L'amiti nat enfin.
L'tranger
de la veille devient un hte
qui
franchit
quand
il lui
p)a!t,
confiant
et sans
armes,
la
palissade
du hameau.
Sa
personne
est alors sacre. Des
mariages
achvent
et scellent ces
alliances
prives.
La
jeune
fille
est,
il est
vrai,comme
perduepoursa
famille
quand
elle semarie
l'tranger,
et
l'usage
est mme rest dans le
Mezab,
de
simuler un combat
pour
1& dcfendre. Les amis du
pre
accueillent ceux du mari
par
une salve de tromblons
chargs
poudre,
et la bande
qui
doit tre victorieuse
compte toujours quelques
brlures.
Cependant
la na-
ture cre des liens durables entre les
gendres
et les
beaux-pres,
et
malgr
le
proverbe
Kabyle qui
veut
que
les
pires
conseils soient ceux de l'oreiller
e,
ces
unions
contribuent
grandemcnt
la
paix
on a vu des
femmes africaines se
jeter,
comme les
Sabines,
entre
leurs
pres
et leurs
poux prts
. se combattre.
Il se
forme
ainsi,
en dehors de deux familles dont les mem-
bres
communiquent
de leur
plein gr,
une innnit de
relations
qui
s'entrecroisent. C'est comme
un tissu
qui
s'tend entre
elles,
sans cesse accru de fils
nouveaux,
LA KABYLIE 3i2
sans cesse
paissi.
11 n'est bientt
personne
dans l'une
qui
ne
compte
un ami dans
l'autre,
et tous les
intrts,
toutes les affections de ces individus se confondent tel-
lement la
longue qu'on
n'en saurait
p!us
faire le
par-
tage.
Alors,
et c'est
l le
signal
de l'union
absolue,
les
nouveaux amis enterrent leurs morts
ensemble,
ces
hommes,
dont la
sympathie
libre a cr un monde nou-
veau,
ne se
spareront plus;
les membres d'une troi-
sime
famille, puis
d'une
quatrime,
entrant l'un
aprs
l'autre dans cette socit encore
indcise,
ou bien c'est
en mme
temps que
les hommes de
quatre
ou
cinq
fa-
milles diverses confondent leurs intrts. Toutefois
cette fusion est
promptement
circonscrite,
parce que
la mme
loi, qui
forme un
groupe nouveau,
en produit
alentour
plusieurs
autres
semblables,
et
que
tous ces
groupes,
loin de se rien
cder,
se considrent avec m-
fiance comme les familles isoles de la
premire
heure. Ainsi nat la cit chez nos Africains
sdentaires,
quelque
nom
qu'elle porte,
Taddrt chez les
Kabyles,
Thaquelth
dans
l'Aours,
Arch chez les Beni
Mezb,
Tireremt au
Maroc
elle
n'est compose que d'individus,
elle ne connat
que
des
individus,
elle ne
protgera
et
ne
punira que
des individus .
Quel
tableau
plus
saisissant et
plus complet pourrait-
on
imaginer, pour
nous montrer
le jeu
de ces associa-
tions,
la formation de ces
groupes,
bientt devenus ci-
ts,
organiss pour
la vie et
pour
la lutte?
C'est bien
l videmment
l'origine
de la cit Africaine.
Une fois
forme,
il faut
qu'elle
se
maintienne,
forte
et
intacte,
respecte
et mme redoute au
dehors,
mais
surtout inviolable
pour
les membres
qui
la
composent,
et l'abri de toutes
querelles,
de tous
dissentiments,
chez ceux
qui
la forment.
Aussi la cit devient-elle une
personne
vritable,
ayant
sa vie
propre,
son action
distincte,
son rle net-
tement
tranch,
et les
familles,
aux
dpens desquelles
elle se
constitue,
ne sont
que
les instruments de sa vo-
lont
(Masqueray).
La famille
par rapport
la
cit,
n'est
qu'une pe-
tite fraction de la
cit,
et dans leur
langage expressif
ADMINISTRATION D]! LA
KABYLIE
3i3
18
et
imag,
les
Kabyles
comparant
cette
dernire la
branche
d'un
caroubier,
disent
que
la
famille n'est
qu'une
Kharrouba,
une eusse,
remplie
de
grai-
nes,
et
qui
est
pendante
cette branche. De la cette
consquence;
une
famine,
ur
e Kharrouba, peut
tre
sacrifie, peut disparatii-e,
cela n'entranera
qu'une
con-
squence
relativement
faible,
il
y
aura une
gousse
de
graines
a en moins dans la cit et tout sera
dit;
au
contraire,
la
cit, elle,
a droit
l'obissance,
au res-
pect,
la
protection
de
tous que
deviendraient toutes
les
Kharrouba
si la
branche t
prissait ?
La
cit,
avons-nous
dit,
est une
personne
vritable
ayant
sa vie
propre;
il en rsulte
que,
comme toute
personne,
elle a des droits exercer et des devoirs
remplir.
Elle a droit au
respect
de
tous,
car son
honneur, (la
horma) l'exige
et cette
horma,
cet
honneur,
est la
chose
laquelle
la cit doit tenir le
plus.
Moins il
y
aura
de discussions
parmi
les membres de la
cit,
et
plus
son honneur sera
grand
et commandera le
respect.
Mais la horma du
village
ne se calculera
pas par
le
plus
ou moins
grand
nombre d'individus
qui
le
compo-
sent,
qu'importe
ce nombre 1 L'honneur d'un
village
sera
plus
considrable
que
celui d'un
autre,
parce qu'il
sera mieux
ordonn,
et
que
l'ordre
rgnera toujours
dans ses murs. On n'est
pas
noble,
disait Ibn Khal-
doun, parce qu'on
descend
directement d'anctres
qui
se sont illustrs
par
leur vaillance ou ont
occup
de
hauts
emplois,
mais
parce qu'on
fait
partie
d'une tribu
(cit)
dont tous les membres sont demeurs intimement
unis
depuis
une haute
antiquit
Qu'un
village,
dou
d'une heureuse
constitution,
ne voie
jamais
le doulou-
reux
spectacle
de discussions
intestines,
il aura le
plus
d'honneur,
la horma la
plus
envie. N'est-ce
pas
l ce
qui peut expliquer
dans bien des cas
l'attitude tout-
-fait noble de
beaucoup
de nos
indignes
pauvres
et
sans
naissance ?
(Masqueray).
L'honneur de
l'individu,
l'honneur de la Kharrouba
laquelle
il
appartient,
doivent cder le
pas
la horma
du
village;
l'honneur d'une Kharrouba
exige-t-ctte
I.A KAMMB
314
une
vengeance
d'une Kharrouba
voisine,
le village
aura
le droit de faire entendre sa voix et
d'empcher
les re-
prsai)tes,
s'il
juge que
ces dernires
peuvent
entraner
un dsordre
public.
Sa voix est
toujours
coute
par
la
Kharrouba,
qui, par
une
discipline admirable,
consent
laisser sa
vengeance
inassouvie
pour
ne
point
trou-
bler la
paix gnrale.
Comme toute
personne
vritable,
la
cit,
le
village,
fait
preuve
d'existence
par
ses actes. En
effet,
elle
agit
frquemment,
soit dans les
rapports
de tribus tri-
bus,
soit dans ceux des individus
individus. Ce sont
ces
actes, preuves
de sa vie
administrative,
que
nous
allons examiner successivement avec soin.
Pour bien dcrire le fonctionnement administratif
d'un
village,
et ne rien omettre des
rouages qui
en as-
surent
l'excution,
nous tudierons son
organisation
intrieure,
c'est--dire celle
qui s'applique
ceux
qui
le
composent, puis
ensuite nous
apprendrons
conna-
tre son
organisation extrieure,
c'est--dire celle
qui
rgit
les relations avec
l'tranger,
avec les "its et tes
tribus voisines.
Chaque village
a une
Djemat ou'thadjemath,
assemble
gnrale
de tous les
citoyens qu'il
renferme
dans ses murs. Cette assemble constitue son autorit
dirigeante,
et
possde
tout la fois les
pouvoirs politi-
ques
et administratifs.
La
Djemat
est donc la runion de tous les
citoyens
du
village,
et
par
l il faut
entendre,
la runion de tous
les hommes
qui
ont atteint
1 ge
o l'on
peut supporter
les
fatigues
du
rigoureux jene
du Ramadhan. Celui
qui
a
accompli
ce
jene peut
assister aux sances de la
DjemAat,
il
peut y prendre
la
parole,
et a voix dlibra-
tive:
Rien de
plus
curieux
que
ces assembles o
tous,
riches ou
pauvres, puissants
ou
faibles;
viennent
discuter les intrts
gnraux
du
village.
Les dcisions de la
Djemat
sont
souveraines,
elles
sont d'ailleurs formes la
majorit,
et
par
suite bien
folle serait la minorit
qui
tenterait de
s'opposera
l'excution d'un de
Ms arrts
il est
juste d'ajouter
que
nous n'avons
pas
trouv traces d'une telle
indiscipline.
ADMINISTRATION BE LA EABYLIE
318
C'est
iaDjemat qu'il appartenait
de fixer les kanouns
ou
rglements qui
devront
rgir
l'avenir le
village,
ou
mme de modifier ceux
dj
existants et conservs
peu prs uniquement par la tradition,
quand des
vne-
ments
graves,
des
consquences malheureuses,
com-
mandent
imprieusement
ces modifications. Les
Kaby-
les ne conservent
point
en effet avec un
aveuglement
coupable
toutes les
coutumes,
par
cela seul
qu'elles
sont
anciennes
ils ne
sont
point
rfractaires au
progrs
et
ne
craignent pas. par
leurs dcisions de la
Djemat,
de
substituer un
rglement
nouveau, mais
pratique,
un
rglement
ancien,
contenant
desprescriptionssurannes
et devenues inutiles ou nuisibles.
Ces kanouns ou
rglements~ qui
ne concernent
que
le
village
o ils ont t
faits,
forment l'ensemble des
coutumes
qui
doivent
rgler
la conduite de
chacun.Sorte
de code civil et
criminel,
le kanoun n'est
que
le reflet
des
proccupations qui assigeaient
les
Kabyles,
alors
qu'ils
avaient dfendre leurs
intrts,
leur vie. Nous
donnons ici un
kanoun,
applicable
au
village d'Agou"
ni-n-TeselIent de la tribu des
Akbil
ce sera certes ie
meilleur
moyen pour
le lecteur
de se rendre un
compte
exact des
prescriptions qu'il
renferme.
TRIBU DES AKBIL.
Kanoun du
village d'Agouni-n-Tesellent,
Ceci est le kanoun
qu'ont adopt
d'un commun accord
les
gens d'Agouni-n-Tesellont
il a t
copi
sur
l'ancien. Mais autrefois le nombre des dlits tait moins
grand qu'aujourd'hui;
les
gens
taient
plus sages.
Maintenant
que
le dsordre a
augment, que
le fort
cherche
opprimer
le
faible,
les
gens sages
ont dcid
d'lever le chiffre des amendes et
d'ajouter
de nouveaux
articles l'ancien kanoun.
1. L'amin
qui
refuserait de se conformer aux
pres-
criptions
du
prsent
kanoun
payerait
iOraux
d'amen-
de et devrait se retirer.
2.
Celui
qui
aiderait l'amin violer le
prsent
kanoun,
que
ce soit un dhamen ou tout
autre,
paye
10
raux
d'amende contre l'amin.
LA XABYUE 316
3. L'amin met en
dpt
chez un Dhamen
l'argent de
la
DjemAa.
Il choisit lui-mme ce dhamen.
4. L'amin donne un
repas
aux notables le
jour
de
son entre en fonctions et le
jour
de sa sortie.
5. Si l'amin donne sa dmission sans
l'agrment
du
village,
il
paie cinq
raux.
6. Si un dhamen ou deux temman donnent leur d-
mission,
ils
paient 1/2
ra!
chacun,
et t'amin ne se
retire
pas
cause de cette dmission.
Si trois temman donnent ensemble leur
dmission,
t'amin doit se retirer.
7. Si l'amin
nglige
de faire
payer
des amendes dues
au
village,
il
paie
une amende de 10 raux.
8.
Lorsqu'un
amin cesse ses
fonctions,
l'argent
de la
communaut
qui
est entre ses mains est
employ
en
une timecheret
laquelle
ont droit tous les
habitants,
petits
ou
grands.
9. Celui
qui prend
sa
part
de viande dans une time-
cheret,
avant
d'y
tre autoris
par
l'amin, paie
2 francs
50 centimes
d'amende, quand
mme le
coupable serait
un enfant.
10. Ceiui
qui prend
sa
part
de viande dans une
ligne
autre
que
celle
qui
lui est
dsigne paiera
un ral et
prendra
sa
part
dans la
ligne
lui
dsigne.
11. Celui
qui enjambera par
dessus l'endroit o se
distribue la
viande,
30 centimes.
12. Est
puni
de
1/3
ral
d'amende,
celui
qui
refuse
de
prendre
sa
part
de viande
(pour
ne
pas
donner
d'argent)
dans les timecheret faites l'occasion de la
fte de
t'choura,
27 du mois de
redjeb,
27 du mois de
ch&ban
(cinq jours
avant le
ramadhan),
l'occasion d'un
enterrement ou le
jour
o l'on commence les labours.
13. Le nombre des
plats
de couscous fournis
par
le
village
l'occasion d'un enterrement est ainsi fix:
Sept pour
un homme
majeur.
Trois
pour
un enfant
g
de
plus
d'un an
jusqu' sa
majorit.
Tr,ois
pour
une femme.
Trois
pour
un marabout.
Pour un enfant au-dessous d'un
an,
le
village
ne
donne rien.
ADMINISTRATION DE LA KABYUE
3H
IN.
14. Celui
qui
refuse de donner
l'hospitalit
des
gens
venus
pour
un
enterrement
paie
un
rat
il
est,
en
outre,
contraint donner
l'hospitalit.
15. Celui
qui
refuse de recevoir des htes du
village,
aprs
y
avoir t invit
par
l'amin,
paie
un
quart
de
rea!.
16. Les habitants
reoivent
les htes du
village
tour de rle. Celui
qui
refuse de
recevoir, quand
c'est
son
tour,
paie
un ral d'amende.
17. L'amin
donne,
sur les fonds de la
Djemat,
ta
maison
qui reoit,
la
viande,
la
farine,
te beurre. Elle
a
pour profit
les
issues, foie, cur,
etc. La
graisse
intrieure est
pour
les htes et non
pour
la maison
qui
reoit.
18. L'amin et les temman ont droit chacun un
morceau de
viande, lorsqu'on
tue un animal
pour
des
htes.
19. La
peau,
les
pieds,
la tte et la
viande,
en
excdent,
sont vendus au
profit
de la
Djemat.
20. Les
htes, qui
ne
prennent que
le
repas
du
jour,
reoivent
du
pain prpar par
les temman avec la
farine du
village.
Le
dhamen,
qui
refuserait de
prparer
du
pain
en- cette
circonstance,
paierait
un
quart
de
rat.
2t. Celui
qui
nettoiera avec
trop peu
de soin la fa-
rine du couscous offert aux
trangers qui
viennent un
enterrement
paiera
un ral. Le couscous doit tre de
mme
qualite que
celui
qu'on
sert ses amis.
22. Celui
qui,
en
temps
de
guerre,
ne se rend
pas
ta runion de la
Djemat, ciaqraux.
23. En
temps
de
guerre,
les temman montent la
garde
comme les autres habitants.
24.
Lorsque
la
Djemat
a dcid
qu'on
ferait ta
guerre
un autre
village,
l'habitant
qui
refuserait de
se battre
paierait
50 raux.
25. Le dhamen
qui
refuse
d'accompagner
l'amin
pour
examiner une affaire concernant le
village,
un
quart
de
rat.l.
26.
Lorsqu'un
individuaexerc de
justes reprsailles,
(ousiga)
contre un habitant d'un autre
village,
et
que
LA KABYLIE 518
la
guerre
s'ensuit avec ce
village,
celui
qui
refuserait
de se battre
paierait
50 raux.
27. Celui
qui
arrive la
DjemAat aprs l'appel,
un
huitime de ral.
28. Celui
qui
ne se rend
pas
l'appel
de
l'amin,
quand
il
convoque
le
viiage pour
un
enterrement,
paie
60 centimes.
29. Celui
qui engage quelqu'un
quitter
sa kha-
roubba
pour
entrer dans une
autre, cinq
raux ou
i2 fr. 80.
30.
Celui qui
ne va
pas
une corve de bois de cons-
truction
paie
un
quart
de ral.
31. Si une femme s'abstient d'aller une
corve d'eau
commande
par l'amin,
elle
paie
un huitime de ral.
Cette amende est
paye par
l'homme
qui preud
la
part
de cette femme dans les
partages
de viande.
32. Celui
qui
aura donn
laDjem&at
un animal
pour
une timecheret n'aura
pour
lui
que la peau,
moins de
conditions contraires faites
par
lui.
33. Si l'hritier d'un homme
qui
a fait un
legs
ta
Djem&at
refuse de livrer le
legs,
il
y
est
contraint et
paie
une amende
gale
au
legs.
34. Si un
homme
lgue
au
village
le tiers de ses
biens,
le
village n'accepte que cinquante
raux.
35. Si un
homme a
donn
par
testament une somme
pour
offrir un
repas
au
village,
ses hritiers sont tenus
d'excuter ce testament.
36. Si
l'homme, qui
a t
vol,
ne
peut
se faire
payer
la
rparation
lui
due,
les notables la feront
payer.
37. Celui
qui
n'obit
pas
un ordre de l'amin
paiera
l'amende
qui
lui sera
impose par
l'amin.
38. Celui
qui
rclame une dette le
jour
de la runion
de la
Djemat
ou un
jour
de
timecheret,
ou un
jour
o
a lieu un
enterrement,
ou un
jour
de travail
pour
les
chemins,
paiera
60 centimes.
39t Celui
qui
rclamera une
dette,contracte
hors du
village,
un
tranger qui
estl'hte d'un
habitant,
paiera
2 fr. 50.
c
40. Celui
qui
rclamera une
dette;
des
dommages-
intrts,
ou
qui
demandera le serment dans la CM~
pagne
ou
pendant
la
nuit,
paiera
60 centimes.
ADM!N!STRAttdN t)E LA KABYLIE 3i9
41. Celui
qui
a contract une dette et ne la
paie pas,
aprs
en avoir t somm trois
fois,
paie
un ral si le
crancier est
tranger;
si le crancier est du
village,
le
dbiteur
paie
un
quart
de ral.
42. Si un habitant contracte une dette envers un
tranger,
il n'est
passible
d'aucune
peine,
s'il
rgle
son
affaire~
sans
contestation
mais si l'affaire occasionne
un
procs
et du
bruit,
le dbiteur
paie
une amende
gale
la dette
qu'il
a contracte.
Si ce dbiteur ne veut
payer
ni sa
dette,
ni
l'amende,
ceux
qui
viendraient son
aide,
mme
par
des
paroles,
seront
punis
chacun de
cinq
raux d'amende.
43. Celui
qui
sort sans
permission
du
village
dans
les trois
jours (mehlal) qui
suivent la mort d'un
habitant,
paiera
60 centimes
(1/4
de
ral).
44. Celui
qui,
sans le consentement des
parents
d'une
femme,
poussera
des cris de
joie,
de manire faire
croire
qu'il
doit
l'pouser,
paiera
30 francs d'amende et
ne se mariera
pas
avec la femme.
45. Celui
qui, aprs
avoir
pous
une
femme,
la
laisse dans la maison de son
pre pendant
une anne
entire,
paie
10
raux,
si le
pre
de la femme
porte
plainte.
46.
Celui,
dont la femme a
quitt
sa maison sans sa
permission pour
aller chez ses
parents,
d'o elle ne
veut
pas
revenir,
et
qui
vend cette
femme,
(tamenafekt)
et la marie un
autre, paie
50 francs d'amende
(20
raux).
47.
Lorsqu'une
femme se sauve de chez son mari et
se
rfugie
dans la maison d'un homme
qui
n'est
pas
son
parent,
si celui-ci ne
l'expulse pas
immdiatement,
ii
paie
10 raux.
48. Si un homme
meurt,
sa femme a le droit d'em-
porter
ses vtements de laine et de
coton,
les
pendants
d'oreilles,
la coiffure et les
bijoux que
son mari lui
aura donns.
Quand
aux
objets qu'elle
a
reus
de ses
parents,
elle les
emporte
tous.
Celui
qui
voudrait
priver
une femme des
objets
mentionns ci-dessus elle donns
par
son
mari,
paiera
5 raux et rendra
& !a femtne les
objets.
LA KABYLIE
320
49. Si un homme en
mourant,
laisse une
femme,
des
uttes,
des
surs,
en un mot des
femmes,
ses
proches
parentes,
elles auront droit d'habiter la maison du
dfunt et auront la
jouissance viagre
du tiers de sa
succession.
Si ces femmes
peuvent exploiter
les
biens,
elles sont
libres de le
faire,sinon
les
proches parents
les
exploitent
aux conditions ordinaires de la coutume.
Elles choisiront elles-mmes les individus
qu'elles
veulent
charger
de leurs affaires au dehors.
Si une de ces femmes vient
mourir,
les hritiers du
dfunt donnent au
village
10 raux de
edaka
pour
acheter de la viande.
50. Si les hritiers refusaient d'excuter les
prescrip-
tions de cet
article,
ils
paieraient
5 raux d'amende et
seraient contraints de se conformer la loi.
51. Les biens d'un
orphelin
ne
peuvent
tre vendus
que
du consentement et en
prsence
des notables du
village.
Celui
qui
contreviendrait cette
disposition
paierait
10
raux,
et la vente serait nulle.
52. Celui
qui
donne sa
procuration
un
tranger
paie
25 raux
d'amende. De mme celui
qui,
dans le
village,
donne sa
procuration
un individu
qui
n'est
pas
de sa
famille, paie
25 raux.
Celui
qui
veut donner sa
procuration
doit choisir
pour
son mandataire un de ses
parents
ou,
s'il ne le
veut
pas,
l'amin.
53. Celui
qui
se
dispense
de donner un
repas
de fte
obligatoire auquel
le
vittage prend part
l'occasion
d'une
naissance,
d'une
majorit,
etc.
paie
un ral et
demi.
54.
Lorsqu'il
meurt un enfant
g
de moins d'un
an,
le
village
n'est
pas
tenu de donner du couscous
pour
les htes
qui
viennent son
enterrement mais,
pour
un enfant
depuis
un an
jusqu'
sa
majorit,
il doit
donner trois
plats.
Aprs
la
majorit,
le
village
donne le nombre Sx
pour
un homme.
55. Si l'hte d'un individu va la
fontaine,
celui
qui
le
reoit
paie
un huitime de
ral.
ADMINISTRATION DE LA KABYUE 32i
56. Si un habitant du
village
est
dpouiit.
hors du
village,
d'un
objet qui
lui
appartient, par
le crancier
d'un autre
habitant,
ce dernier est tenu do
payer
im-
mdiatement sa
dette,
afin
que
ic
premier
rentre en
pos-
session de
l'objet qui
lui a t enlev
pour
servir de
garantie.
57. Si un individu du
village
est retenu dans un autre
village pour
servir de
rpondant
un autre
qui
a com-
mis
quelque
mfait,
celui-ci est contraint d'aller dans
le
village
o est retenu le
prisonnier,
afin de
rgler
ses affaires en
personne.
58. Celui
qui prte
gros
intrts
paie
10 raux d'a-
mende et n'a droit
qu'a
son
capital,
Nous avons
adopt
cette
disposition pour inspirer
de la crainte ceux
qui
voudraient
prter
intrt.
59.
L'emprunteur paie
5 rau.x d'amende.
60. Celui
qui
a servi de tmoin
pour
ce
prt paie
2 raux d'amende.
6t. Celui
qui
a crit
pour
constater le
prt paie
3
r.mx.
62. Celui
qui
a servi d'intermdiaire entre le
prteur
et
l'emprunteur paie
un
quart
de ral.
(Suivent
des
imprcations
contre ceux
qui
se rendent
coupables
du dlit
d'usure).
63. Celui
qui
renvoie sa femme chez ses
parents peut
prenore
la
part
de cette femme dans les
partages
de
viande,
pendant
un an.
Si
aprs une
anne
rvolue,
il ne
reprend pas
sa
femme, il paie
la
Djemaat
5 raux
pour prix
de la
viande
qu'il
a touche
pendant
l'anne.
64. Celui
qui
convient avec un individu
tranger
sa famille de se donner
rciproquement
leurs biens
(au
dernier
vivant) paiera cinq raux;
la convention sera
nulle.
65. Celui
qui
au moment de la
guerre, quitte
le vil-
lage,
sans
permission, paie
l'amende fixe
par
l'amin.
S'il revient et
que
l'amin
qui
l'a
frapp
d'amende
soit encore en
fonctions,
celui-ci fera
payer
l'amende. Si,
le
coupable
refuse de rentrer dans le
village,
on achte
de la viande
pour
la valeur de
l'amende;
l'amin et tes
LA KABYUE 322
temman font la
dpense par parties gales,
se
partagent
les biens du
coupable
et en
jouissent jusqu'
son
retour.
Si le
coupable revient,
il est contraint de
payer
l'a-
mende,
que
l'amin ait t
chang
ou
que
ce soit tou-
jours
le mme
qui
soit en fonctions.
66. Celui
qui
achte terme
et,
au terme
fix,
fait
intervenir les notables
auprs
de son crancier
pour
obtenir un
sursis, paie
5
raux,
moins
que
ce soit le
crancier
qui
t'ait
engag
faire cette dmarche.
67.
Lorsqu'un jeune
homme a
jen
en secret
(pour
viter de faire
partie
de la
Djemat),
il doit l'anne
suivante
jener publiquement,
sinon il
paie
un ral
d'amende.
68.
Lorsqu'une
femme marie et demeurant chez son
mari,
a t
frappe d'amende,
c'est le mari
qui paie.
Si la femme ne demeure
pas
chez son
mari,
mais
chez ses
parents,
ce sont ceux-ci
qui paient.
69. Celui
qui
vend une
partie
du bien
communal,
dans le village
ou hors du
village, paie
iOraux et la
vente est nulle.
f
70. Celui
qui
refuse trois fois d'aller devant la
justice
faire vider un
procs paie
5 rau.x
d'amende,
et la
Djemat
fait
juger
le
procs
d'office.
71. Celui
qui prend
un essaim d'abeilles sur un arbre
appartenant
autrui
paie
5 raux
d'amende,
et
paie
au
propritaire
la valeur de l'essaim.
72. Si un individu laisse son voisin
engager
le fate
et les
pannes
de sa maison dans son
mur,
il ne
peutplus
les lui faire enlever.
73.
L'tranger qui
vient travailler dans le
village
est
soumis au kanoun du
village,
comme les habitants.
74. Celui
qui, aprs
avoir achet
pour
un certain
prix
aux enchres la
peau
d'un animal tu
pour
une
timecheret,
veut revenir sur le march et faire
changer
le
prix, paie
un
quart
de ral.
75. Si un
tranger,
venu
pour
travailler dans le vil-
lage,
se sauve
pour
ne
pas payer
une
amende,
l'habi-
tant ch~z
lequel
il est
log
est
responsable
et
paie
sa
place.
76. Si un
habitant est accus de vol
par
un
tranger,
celui
qui tmoignerait
contre lui
paierait
50 raux.
ADMINISTRATION DE
LA KABYM!! 33
77. Le
tmoignage
d'un
tranger
contre un habitant
n'est
pas
valable. Sur un
pareil tmoignage,
un habi-
tant
n'est
puni
ni d'amende ni de
rparation.
78. Celui
qui
tue son
parent pour
en hriter n'h-
rite
pas
de celui
qu'il
a tu. Le meurtrier
paie
100
rauy d'amende. On
gorge
tous ces
bestiaux,
on d-
truit sa
maison,
qu'il y
ait un amin au moment du
meurtre ou
qu'il n'y en
ait
pas (si
ce n'est en cas de
guerre
civile
par exempte).
79. Celui
qui
fait tuer un habitant
par
l'ennemi
paie
100 raux
d'amende
on
gorge
ses
bestiaux,
on d-
truit sa
maison,
il est exil du
village pendant
trois
ans.
80. Celui
qui
fait enlever le
troupeau
d'un autre
par
l'ennemi,
comme le
prcdent.
81. Celui
qui
aide un individu commettre un crime
ou un dlit
paie
la mme amende
que
ce)ui
qui
a com-
mis le crime ou le dfit.
82. Celui
qui
tue un
parent,
mais non
pour
en h-
ritei, paie
12 raux.
83. Si deux
parents s'entre-tuent,
leurs hritiers
paient
10
raux pour
chacun d'eux.
84. Il
n'y
a
pas
de
punition pour
celui
qui
exerce une
vengeance par
suite d'une dette de
sang.
85. Celui
qui
tue un homme
ayant
des relations avec
sa
femme, sasur,salle,
sa
tante,
etc. n'est
pas-
sible d'aucune amende.
86. Celui
qui
tue un
voleur,
ne
paie pas d'amende,
87. Celui
qui
tire un
coup
de fusil contre une mai-
son,
20 raux. Si le
propritaire
de la
maison,
contre
laquelle
un
coup
de fusil a t
tir,
veut user de
repr-
sailles et tire contre celle du
premier,
il
paie
40 raux.
88. L'individu
qui
en
frappe
un autre avec un sabre
ou une hachette
paie
10 raux.
89. Celui
qui
se
prsente
la
Djemat
avec un
sabre,
'mais
qui
nb s'en est
pas
servi,
paie
2 r~ux.
90. Celui
qui
se rend arm d'un fusil l'endroit o
a lieu une
r~xe,
mais ne se sert
pas
de son
fusil, paie
5
raux.
91. S'il se sert du
fusil,
il
paie
10 raux.
LA KABTUE 324
92. Celui
qui
s'arme d'une
massue,
ferre ou non
ferre, paie
2
raux,
s'il n'a
pas frapp.
S'H
frappe,
il
paie
5 raux.
P3. Celui
qui
se bat avec un hte de la
Djemat paie
5
lux,
si l'hte n'a
pas
tort. Si l'hte est dans son
tor~,
celui
qui
s'est battu avec lui n'est
pas puni.
94. Celui
qui
se bat avec l'hte d'un
particulier paie
5 raux.
95. Celui
qui
fait le
geste
de
frapper
avec un sabot
(Kobkab)
ou une
pierre,
mais ne
frappe pas, paie
un
demi-ral.
S'il
frappe,
:i
paie
5 raux.
96. Celui
qui frappe
avec une
bague
arme de cro-
chets
(takhatem,
bague
ongles) paie cinq
raux.
97. Celui
qui
met son
doigt
une
bague
crochets,
mais ne s'en sert
pas, paie
un demi ral.
98. Celui
qui
se bat avec un individu
tranger
au
village paiera
une
amende,
si la
Djemat
du
village
auquel appartient
son adversaire
punit
ce dernier.
Dans le cas
contraire,
il ne
paie
rien.
99. Celui
qui
exerce des
reprsailles
tort
paie cinq
raux,
et rend ce dont il s'est
empar.
S'il exerce des
reprsailles
avec
juste
raison,
il ne
paie
rien.
100. Celui
qui frappe
la femme
d'autrui,
10 raux.
Si le mari de la femme
frappe
veut la
venger,
il
paie
vingt
raux.
101. Celui
qui
saisit
quelqu'un par
le devant du bur-
nous
(ce qui
chez nous se traduirait
par t'expreseicn
prendre
au
collet) paie
un demi-ral.
102. Si deux individus sont gur le
point
de se battre
et
qu'un
autre
interpose
entre eux son naa
(de paix),
celui
qui
viole cette naa
paie cinq raux
d'amende,
non
compris
l'amende
pour
bataille.
103. Celui
qui
viole l'naa de
paix
de l'amin ou des
notables du
village paie
10 raux.
104. Si des enfants du
village
se battent avec des en-
fants d'un
village
voisin,
ils
paient
un huitime de ral
d'amende,
si les autres enfants sont
punis sinon,
ils
ne
paient
rien.
105. Celui
qui
se bat avec l'amin du
village paie 2
raux
d'amende
l'amin ne
paie
rien.
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE 325
d9
106. Le dhamen
qui
se bat avec un habitant du vil-
lage,
l'occasion d une amende
frappe par la Djemat,
ne
paie
pas
d'amende. Son adversaire
paie
5 raux.
107. Quand
deux individus du
village
se battent et
que
les notables interviennnent et rtablissent la
paix,
si l'un des combattants
appelle
son aide d'autres in-
dividus
pour
recommencer la
lutte,
il
paie cinq
raux.
La
paix
impose par
les note'' ne doit
pas
tre
trouble.
108. Si deux individus se battent et
qu'un
tmoin
dise
Laissez-les se battre il
paie
un demi-ral.
109. L'individu
qui,
en se
disputant
avec un
autre,
le
provoque
sortir avec lui dans la
campagne paie
un ral. S'il lui dit seul' nent d'entrer avec lui au vil-
lage,
il ne
paie
rien.
HO. Celui
qui,
sur le
march,
emploie
une ruse
pour
faire battre les
gens
ou susciter du dsordre
paie
un
demi-ral,
si le dsordre n'a
pas
lieu.
111. L'individu
qui
en suit un autre dans la cam-
pagne,
pour
se
battre,
paie
un
demi-ral,
s'il
n'y
a
pas
eu bataille. S'il
y
a eu
bataille,
il
paie
5 raux.
112. Si des enfants se battent entre
eux,
ils
paient
chacun un huitime de ral.
il3. Si un habitant du
village
se bat avec un
tranger
hors du
village,
et
qu'un
autre habitant vienne en aide
l'tranger,
le second habitant
paie
2 raux.
114. Si deux individus se
disputent,
celui
qui frappe
te premier
paie cinq
raux. S'ils commencent simulta-
nment la
bataille,
ils
paient
chacun deux raux et demi.
115. La femme
qui frappe
la
premire
une autre
femme
paie
2 raux et demi. Si elles se
frappent
simul-
tanment,
chacune
paie
un ral et un
quart.
116. Si un homme ou une femme entre dans la mai-
son d'autrui et
frappe quelqu'un
de la
maison,
il
paie
cinq
raux. L'habitant de la maison ne
paie
rien s'il
riposte.
117. Les individus
qui
se
battent, depuis
le coucher
du
soleil, jusqu'au
lever, paient cinq
raux.
118. Celui
qui
se mle une bataille la
nuit, pour
aider l'un des
partis, paie
dix raux.
LA KABYU 326
119. Adultre en
temps
de
guerre,
amende 100 raux
(230
francs).
Le
coupable
est exil du
village pendant
un an.
120. Adultre en
temps
de
paix,
amende 50 raux
(125 francs),
exil
pendant
un an.
121. Prendre fait et cause
pour
celui
qui
a commis
l'adultre,
50 raux
(125 francs).
122. Celui dont la femme a commis l'adultre et
qui
veut,
pour
se
venger,
commettre l'adultre avec la
femme du
coupable, paie
100 raux d'amende.
123. Si les enfants se sodomisent
rciproquement,
ils
paient
chacun 3 raux. Si un
petit garon
fornique
avec une
petite
fille,
3 raux.
124. Si un enfant a subi un attentat la
pudeur,
et
qu'il
veuille
prendre
sa revanche sur celui
qui
l'a com-
mis,
il
paie
six raux.
125.
Quand
un individu tient des
propos
sur une
femme et l'accuse
d'adultre,
pour que
les bruits re-
viennent au
mari,
s'il est reconnu
que
l'accusation est
fausse ou
que
ces
propos
ne sont
pas justifis,
il
paie
50 raux.
La femme est
punie
comme l'homme
pour
ce mme
dlit.
126. Si un individu
pauvre
est mis l'amende
par
la
djemat,
cette amende sera
paye, quand
mme il ne
resterait rien au
coupable aprs
le
paiement.
127. Si un individu
qui
ne
possde
absolument rien
est mis l'amende et ne
peut payer,
la
djemat
reste
toujours crancire;
il
paiesur son travail jusqu'
l'ex-
tinction de sa dette.
128. Celui
qui
va habiter un autre
village, pour
ne
pas payer
une
amende,
et reviendra
quand
l'amin aura
t
chang,
devra
payer
l'amende
qui
lui aura. t im-
pose.
Celui
qui
l'aura aid faire
disparatre
son bien
du
village paiera cinq
raux
d'amende
(12
fr.
50).
129. Celui
qui
se dshabille
pour
se laver dans la
fontaine d'en haut ou dans celle d'en
bas, depuis
le
lever
jusqu'au
coucher du
soleil,
paie
60 centimes
(un
quart
de
ral).
130. Si une femme se lave nue daa~ la fontaine d'en
haut,
60 centimes.
ADMIN!STRATtOS DE LA KABYLIE ~2?
131.
L'horhme
qui
entre la fontaine
pendant que
les
femmes
y
sont,
ou la femme
qui y
entre
pendant que
les hommes
y sont,
un
quart
de ral.
132 La femme
qui
)avera des vtements dans les
fontaines
d'en haut ou d'en
bas,
30 centimes.
133. Les femmes
qui
vont la fontaine doivent
pas-
serpar
le chemin du bas et revenir
par
le chemin du
haut.
134. Celui
qui
tient des
propos
inconvenants la
fontaine,
1 fr. 25.
i35. Celui
qui
dtournera l'coulement de l'eau dans
les
villages
ou dans les
jardins,
un
quart
de rat.
136. Celui
qui
lave ses
vtements,
avec ou sans sa-
von,
dans la fontaine d'en
haut,
paie
5 raux.
137. La femme
qui
casse,
avec
intention,
la cruche
d'une autre,
un
demi-rald'amende et un
quart
de rat
la
propritaire
titre de
rparation.
138. L'homme
qui
casse la cruche d'une
femme,
avec ou sans
intention,
paie
un rat d'amende et rem-
bourse la
propritaire
la valeur de la cruche.
139. Si une femme insulte un
homme,
un ral.
140. Si un homme insulte une
femme,
deux raux.
141. Celui
qui coupe
mchamment
le jarret,
la
queue
ou l'oreille d'un
animal,
paie
5 raux
(12
fr. 50
cent.)
142. Si l'animal meurt de sa
blessure,
il en rend la
valeur.
143. Si l'animal ne meurt
pas,
il donne au
propri-
taire 10 raux
(25 francs)
de
rparation.
144. Celui
qui,
dans la
campagne,
cassera des tuiles
cuites ou non cuites
paiera
62 fr. 50
d'amende,
et 62 fr.
50 de
rparation.
148. Celui
qui dtrait,
avec
intention,
une chose
ap-
partenant
autrui,
avant la dcision de
justice, paiera
12 fr. 50
cent. d'amende.
146. Celui
qui
chante
prs
de la maison
d'autrui,
prs
de la
mosque
ou dans un
quartier tranger,
un
quart
de rat
(60 centimes).
i47. L'homme de
garde
peut
chanter.
~48. Ce!m
qui
dit t'ami~ <r
Tuas
m&ng l'argent
de la
Djemat a p&re
tfr. 23 ceat.
LA KABYLIE 328
149. Celui
qui
fera ses
ordures
depuis
Tadekkart
(le
figuier nain) jusqu'
l'embranchement des routes
etjus-
qu' Thagounits-en-Tasaft
paiera
un huitime de ral
(30
centimes).
150. Celui
qui
fera ses ordures
depuis Tassart jus-
qu'Tamkherrout,
un
huitime de ral.
151, Celui
qui
urine
aux environs de la
mosque paie
un huitime deral.
152. Celui
qui reproche
un autre ses dfauts ou ses
vices
paie
5 raux.
153. Celui
qui prend
le
parti
d'un
coupable
et
parle
en sa faveur
paie
5 raux.
154. L'homme ou la femme
quipassera
dans la cour
des Oulad Sidi
eddik
et des Oulad sidi Youcef
(mara-
bouts) paiera
un
quart
de ral.
155. Celui
qui
sortira de sa
maison,
par
une
petite
porte
de derrire
(Takherradjith) paiera
un
quart
de
ral.
(Cela
a
pour
but
d'empcher que cettepetite porte
ne devienne
simplement qu'un passage pour pouvoir
surveiller ce
qui
se
passe
autour de
soi).
156. Celui
qui
en
temps
de
guerre
fera un
passage
dans la haie
qui
entoure le
village,
un ral.
157. Si une femme sert
d'entremetteuse,
elle
paie
dix
raux,
et si le mari de la femme
laquelle
elle a
servi de
proxnte
la
tue,
il n'est
passible
d'aucune
amende.
158.
Quand
un homme a un frre
qui
introduit dans
la maison des
gens
de mauvaise
vie,
il doit l'avertir
devant tmoins de cesser son
genre
de
vie
si ces aver-
tissements restent sans
effet,
il
peut
tuer son frre et
n'est
passible
d'aucune amende.
159. Celui
qui
fait un faux
tmoignage,
si.le fait est
prouv, paie
dix raux.
160. Celui
qui
court seul dans les rues du
village
ou
ceux
qui
luttentdevitesse dans les rues du
village paient
un huitime de ral.
161. Celui
qui
introduit dans le
village
un
tranger
pour
tuer ou voler
paie
cent raux.
163. Si l'hte d'un
habitant commet un attentat la
pudeur,
celui
qui
l'a
reu paie
50 raux.
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE
329
163. Celui
qui
dit un autre: h 1 J uif b! mad-
jousi )
h btard
paie
un
quart
de ral.
164. Un mineur
qui
insulte un homme
paie
un hui-
time de ral. S'i)
jene
en
secret,
il
paie
comme un
homme.
165. Celui
qui
revient sur son
tmoignage
paie
5
raux.
166. Celui
qui
met la zizanie
(nemina)
entre les
gens,
en
rapportant
l'un ce
que
dit
l'autre,
cinq
raux.
167. Celui
qui
accuse un autre de mettre la
zizanie,
un
quart
de r!i).
168. Celui
qui s'emporte
contre Fiman du
village,
un ral. Celui
qui
le
frappe, cinq
raux.
169. Celui
qui
veut se faire
justice
lui-mme et n'at-
tend
pas
ta dcision de la
djemat paie
le double de
l'amende tixe
ponr
le dlit
qu'il
commet.
170. Celui
qui, par
son
tmoignage,
en fait condam-
ner un autre
par
la
djemat
et
qui
revient ensuite sur
son
tmoignage, paye
l'amende
qu'avait
encourue celui
qu'il
avait
calomni.
17i.
Celui
qui
adresse une
parole
inconvenante la
djemat,
un
quart
de ral.
172. Celui
qui appelle quelqu'un libertin,un
huitime
de ral.
173. Si des habitants du
vittage
vont exercer de
jus-
tes
reprsailles
contre un
tranger,
et
qu'un
habitant
veuille
interposer
son naa
pour empcher
les
repr-
sailles,
il est
puni
d,
jinq
raux,
et son Anaa n'est
pas respecte.
174. Celui
qui
violente une femme des
villages
voi-
sins ou des htes du
village
est
puni
comme s'il et
vio)ent une femme du
village.
175. Celui
qui
fume,
un demi ral.
176. Celui
qui prise
du tabac dans la
djemat,
un
ral.
177. Celui
qui pile
du tabac dans la
djemat,
un
huitime de rat.
178. L'hte du
vitta~e qui
fume dans la rue ou dans
la
djema&t
un huitime de ral.
179. Celui
qui
se tient dans le
corps
de
garde
d'en
LA XAHVHB shM
haut un
jour
de soleil
(c'est
sur le
passage
des
femmes)
pa.ie
un huitime de ral. Les enfapts
peuvent y rester,
ils ne
paient pas
d'amende.
180. Celui
qui rpond
de l'eau dans
la
rue
paie
un
huitime de ral
(cela peut
occasionner des
chutes).
Le
jour
de
runion dans !a
mosque,
il est
permis
de
verser de l'eau dans la rue
(pour
les
ablutions).
181. Celui
qui passe
l'ennemi.
50
raux;
ceux
qui
1 imiteraient
paient
la mme
somme
jusqu' vingt.
Si
le
nombre
de gens qui passent
l'ennemi
dpasse vingt,
le
premier
seul
paie
l'amende de 50 raux.
182. Vol
pendant
la
guerre, amende,
250
francs;
rparation
au
propritaire
123
francs.
183. Vol en
tempfj
de
paix
amende,
50
raux rpa-
ration,
25 raux.
Le voleur
rendra,
en
outre,
les
objets
vols ou leur
valeur.
Si le voleur nie on refuse de
jurer,
la victime
jurera,
et le voleur rendra les
objets
rc!ams.
184. Prendre fait et cause
pour
un
voleur,
amende
50 raux
(125 francs).
185. Si celui
qui.
a t ~o) rend au voleur une
par-
tie de ce
que
ce dernier doit
lui
payer,
il
sera
frapp
d'une amende de ~i0 raux.
186. Celui
qui
vote
sur la
route, dans notre
pays
ou
ailleurs,
paie
une amende de 50
raux
(125 francs).
187. Celui
qui
achte ou
reoit
un
objet qu'il
sait
avoir t
vol,
12 fr. 50 d'amende.
188. Celui
qui
volera de la viande dans
une timecheret
paierait
francs 50 centimes
d'amende pj
rendra
la
va-
leur de la viande vole.
189. Celui
qui
recle
un
objet
vot, t25 francs d'a-
mende.
190.
Celui
qui
vole dans !'intrieur
du
village,
60
raux
d'amende,
35 raux de
rparation (et
il rend
les
objets vots).
L'amin ettestemman sont
chargs
de
faire
payer
les
rparations;
s'ils
s'y r~fusentj
ils
sont
punis
de Su
rsaux d'amende.
191. Ceiui
qui ayant
t Yotg, r~nd an TQ!Mf~'ar'-
gaot
da
)a
rpar~oa iaquaHe
tt ?
drot~pate~
!~9U~
d'amende,
ADMINISTRATION DE LA KABYHE 334
192. Celui
qui
vole du bl en tas
paie
50 raux d'a-
mende,
25 raMX de
rparation.
193.
Cetiti
qui
vole des
figues
ou des olives sur des
c'aies
paie
50 raux
d'amende,
25 de
rparation et
rend
L's
objets
vots.
194. Celui
qui
vole une ceinture ou un vtement de
j;)eu
de valeur
paie
10 raux
d'amende,
dix de
rpa-
''ation et rend les
objets
vols.
195. Celui
qui
vole des abeilles dans
la cour
paie
10
.rcaux
d'amende,
10 autres de
rparation.
196. Celui
qui
vole des
Sgues,
des olives ou des
jgtands
dans un
jardin
ou
qui coupe
du bldanslacani-
j'pagne
paie
10 raux d'amende.
i97. Celui
qui
vole dans un
jardin
des
citrouilles,
des
courges,
des
oignons, des aulx,
des
poivrons,
etc.
paie
10 raux d'amende et 5 de
rparation.
198. Celui
qui
vole des fves ou des
pois
dans un
jardin paie
10 raux d'amende et 5 de
rparation.
199. Celui
qui
vole des
noix,
des
raisins,
des
grena-
des,
des
poires,
des
pommes
ou tout autre
fruit,
qu'il
en vole
peu
ou
beaucoup, paie
10 raux
d'amende,
5
de
rparation.
200. Celui
qui
vole des
figues
fraches,
4 raux d'a-
mende,
4 de
rpar&tion.
201. Celui
qui
vole du bois de construction dans l'in-
trieur,
6 raux d'amende et 2 de
rparation.
202. Celui
qui
vole une
poule
et
l'gorge pour
la
manger,
50
raux,
soit 125 francs
(En
outre c'est un
acte
qui
dshonore son
auteur).
203. Celui
qui
vole des vtements
ou du
linge,
au
schoir, paie
10 raux
d'amende,
5 de
rparation.
204. Celui
qui
vote un soc de
charrue
ou une
pioche,
dans la
campagne, paie
5 raux d'amende et 2 de
rpa-
ration.
205. Celui
qui
vole un hte dans le
village,
est
puni
comme s'il et vol un habitant.
206. Celui
qui
arrachera un
grenadier,
un
prunier,
un
noyer,
un
pommier,
un
figuier, paiera
5 raux d'a-
menbe et 5 raux de
rparation.
207. Celui
qui emploie
la ruse,
en
disant un autre
LA KABYLIE
332
homme
qu'il
est
Mrvoy
par
un de ses amis
pour qu'il
lui rende ou donne un
objet, paiera
5 raux et rendra
l'objet qu'il
a obtenu
par
ruse.
28S~~6lui
qui
lvera les vtements d'un autre et d-
couvrira sa
nudit,
ou lvera ses
propres
vtements
pour
montrer sa nudit
(ce
dernier acte constitue une
manire trs usite de
s'insulter) paiera
60 centimes.
209. Celui
qui montera,
sans motif sur la maison
d'autrui, paiera
4 raux d'amende et le
dommage
au
propritaire.
210. Celui
qui
fera
pattre
dans tar'ezzouth
(terrain
situ au bord d'une
rivire) paiera
un huitime derat.
211. Celui
qui
fera
patre
dans un
jardin
d'artichauts
ou
de cardons un huitime de ral.
212. Celui
qui
arrache une
haie, pour
se chauffer ou
non,
un
quart
de ral.
213. Celui
qui
va chercher de la
paille (
la
meule)
aprs
le coucher du
soleil, quand
mme la
paille
lui
appartiendrait, paie
un
quart
de ral.
214. Celui
qui, pendant le jour,
volera des
feuilles,de
frnes,
paiera
un ral d'amende et un ral de
'rpara-
tion. Si le vol a lieu
pendant
la
nuit,
l'amende et la r-
paration
sont fixes 5 raux.
215. Celui
qui
vole de la
paille paie
20
raux d'a-
mende et 10 raux de
rparation.
216. Celui
qui, ayant reu
un
dpt, dispose
d'une
partie
de ce
dpt, paie
10 raux
(et
rend la valeur de
ce dont il a
dispos).
217.
Quand
quelqu'un
confie
quelque
chose son
beau-pre,
ou son
ami,
ou son
parent,
si le
dposi-
taire en dtourne une
partie,
il
paie
10 raux.
218. Celui
qui rpand
de la cendre dans les rues
paie
1/8
de ral.
219. Celui
qui
lance une
pierre
sur les tuiles d'une
maison
paie,
s'il est
majeur,
5
raux,
et 2
raux,
s'il
est mineur.
220. Celui
qui
dmolit en
partie
la maison d'autrui
ou casse des tuiles
paye
50 raux
d'amende, 28 de r-
paration, plus
la valeur du
dgt
commis.
%21. Celui
qui
vole du bois brler au
bcher,
dans
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE
333
19.
le
village
ou dans la
campagne, paie 2
raux
d'amende,
2 de
rparation
et la valeur du bois vol.
222. Ce)ui
qui
arrache un
montant de treille
paie
deux raux d'amende et deux raux de
rparation.
223. Celui
qui
charme un arbre
quelconque, petit
ou
grand, paie
50 raux
d'amende,
25 de
rparation
et la
valeur
de l'arbre.
224.
Celui
qui
arrache les
lgumes
d'un
jardin paie
10 raux
d'amende,10de
rparation
et la valeur
du dgt.
225. Celui
qui
incendie de la
paille,
un tas de
bl,
une rcolte sur
pied, paie
50 raux
d'amende,
25 de
rparation
et rend la valeur des
dgts.
226. Celui
qui coupe
les branches des oliviers de la
mosque, pour
les
brler, paie
un ral.
227. Celui
qui fague
des oliviers ou des chnes de
la
mosque
sans
qu'il
en
rsulte de
dommage pour
l'ar-
bre, paie
un huitime de ral.
228. Celui
qui
fait
patre
une bte de somme sur le
terrain communal et lui met des entraves
qui
laissent
entre les
pieds
de la
bteptus que
la
longueur
d'un em-
pan. paie
un huitime de rat.
229. Celui
qui
fait
patre
dans le cimetire
neuf,
des
chvres,
moutons, bufs,
mulets ou
nes,
paie
un
quart
de ral.
230. Celui
qui,
marabout ou
Kabyle, prend
des
figues
sur l'arbre
pour
les donner
manger
aux
bestiaux,
paie
un ral.
23i. S'il
y
a contestation sur un
bornage,
et
que
l'un
des
plaideurs
enlve une borne avant
que
la
djema se
soit rendue sur les
lieux,
il
paie
5 raux d'amende.
232.
Celui qui
incendie un
moulin,
celui
qui
en brise
les
meules,
ou
qui
enlve le fer du
mcanisme,
paie
10
raux
d'amende,
10 raux de
rparation
et la valeur
du
dgt.
233. Celui
qui
entaille un olivier avec une hachette
paie
un
quart
de ral.
234. Celui
qui
enlve du bois dans la haie d'une mai-
son,
un
quart
de ral.
235. Celui
qui
arrache le tuteur d'un
Bguier, paie
un huitime de ral.
LA KANFME M4
236. Celui
qui
adpesse t'amin une
parole
inconve-
nante
paie
un demi-ral.
237. Celui
qui
adresse une
parole
inconvenante un
dbamen,
un
quart
de ral..
338. La femme
qui jette
des
balayures
dans la
rue,
un huitime de ral.
239. Celui
qui
en automne conduit dans les
vergers
des moutons ou des
chevreaux, paie
un
quart
de ral.
340. Celui
qui
introduit un mulel dans un
verger,
pendant
la rcolte des
figues,
un
quart
de ral.
341. Celui
qui
fait
patre
sur le terrain
d'autrui,
un
huitime de ral.
243. Fait de
bestialit,
s'il est
prouv,
5 raux.
243. Celui
qui
fait boire les animaux avant son
tour,
un
quart
de ral.
244. Celui
qui
commet des
dgts
dans une
proprit
communale un
rat;
celui
qui
se bat
pour empcher
ces
dgts
n'est
pas passible
d'amende.
245. Pour les dlits de
pture. l'argent
accord
comme
rparation
reste
quinze jours
entre les mains du
propritaire
ts
aprs quoi.
il le rend cetui
qui
l'a-
vait
pay.
S'il refusait de le
rendre,
il
paierait
un ral
et un
quart.
246. Celui
qui
se tient sur le chemin ou aux abords
de
la fontaine ou
qui y
fait des
ordures,
paie
un hui-
time de ral.
247. Celui
qui,
au moment d'une rixe dans le
village,
monte sur la maison d'autrui
pour
lancer des
pierres,
dix raux.
24. Celui
qui passe
dans
le jardin potager
d'autrui,
un demi-rat.
349. Si i'naa d'un habitant du
village
est
viole,
et
qu'il y
ait meurtre d'homme ou enlvement de trou-.
peau.
le
village prend
fait et cause et fait la
guerre;
celui
qui
refuse
paie
50 raux.
La lecture de ce
document,
peut-tre
un
peu long,
offre certainement un
grand
intrt au leoteur. C'est
qu'en
effet ce Kanoun est comme la
reproduction
Sdte
des
proccupations
du
village
entier.
Rien
qu'en par-
courant
ces
divers
articles,
nous noua trouvons
initis
ADMINISTRATION DE H EABYMZ 33S
i'pteu);
t'autre,
Ourkhou.
Ils
appartenaient
ia
LA KABYLIE
340
famille dont Sidi Ameur el K'adhi fut
plus
tard le
repr-
sentant,
et hatitaient la
montagne
de
Fiouan,
au dessus
de
Djemates-Sah'ridj.
A la suite de discussions dont
les motifs sont rests
inconnus,
ils se brouittrent et se
sparrent.
Boulchet'ouch resta
Djemat es-Sah ridj,
et Ourkhou se retira chez les Ifnaen. Bientt la
guerre
clata entre eux, et les tribus
pousant
leur
querelle,
formrent cette occasion les deux
grandes ligues qui
continurent
pendant plusieurs sicles,
la lutte achar-
ne commence
par
les deux frres.
Les
partisans
d'Ourkhou formrent le
of
Oufella et ceux de Boukhet'
ouch,
le
ofBouadda.
La famille de Boukhet'ouch existe encore
Djemat
es-S,ah'ridj,
o elle forme une kharouba nombreuse.
appele
Iboukht'ouchen . Celle d'Ourkhou n'est
plus
reprsente que par
un seul
individu,
qui
habite chez
les Ifnaen.
Une
partie
des
tribus,
dont se
composaient
les deux
ligues,
dissoutes
aujourd'hui, payent
encore une rede-
vance annuelle aux descendants d'Ourkhou~ et de
Boukhet'ouch. Cette circonstance est cite
par
les Ka-
byles
comme une
preuve premptoire
l'appui
de la
lgende.
Nous
n'avons,
disons-le une fois
pour
toutes, qu'une
trs mince confiance dans la tradition locale chez les
Kabyles,
les
plus
indiffrents des hommes aux choses
du
pass;
nous n'oserions
cependant repousser
d'une
manire absolue cette
tgende peut-tre
est-il
permis
d'y
voir une reminiscence confuse de l'histoire du
pays,
une sorte de
mythe
dans
lequel
les frres ennemis
per-
sonnifient les
partis politiques auxquels
ont d donner
naissance les dchirements
produits par
la chute de la
dynastie
berbre
qui rgnait
Bougie.
I) ne serait
pas
impossible,
en
effet,
que
les familles de Doukhet'ouch
et d'Ourkhou eussent
occup
un
rang
assez
important
pour justifier l'espce d'hommage qui
leur est encore
rendu
par
d'anciens
partisans.
On a souvent
parte, !'poque
de la
guerre,
de
parti
franais
et de
parti
national chez les
Kabyles.
Ces
mots,
employs pour
caractriser la situation
du
paya
ADMINiSTRATION DE LA KABYLIE
341
et la faire
plus
aisment
comprendre
du
publiefranais,
ont
pu
donner croire
qu'une
fraction de la
popula-
tion
Kabyle appelait
de ses vux notre domination.
C'est une erreur
dangereuse,
et
qui
ne
pourrait
nous
conduire
qu'
des
dceptions
et de fausses mesures.
Des hommes
isols,
des
ofs
mme,
ont
pu
nous
servir,
mais
toujours
en vue d'intrts trs distincts desntres.
Si la
guerre
venait
renatre,
nous aurions
probable-
ment encore avec nous l'un des
ofs
de
chaque
tribu
mais il
n'y
a
pas
de raison
pour prvoir que
ce serait
l'un
plutt que
l'autre.
Esprons que
les bienfaits de la
paix, l'quit
et la
sagesse
de notre
administration,
amneront un
prompt changement
dans les sentiments
des
Kabyles
et adouciront le
regret
de
l'indpendance
perdue.
Les
Kabyles acquittaient
volontairement des
impts
pour
les besoins de leur
administration;
les uns ordi-
naires,
tes autres ventuels et rclams
d'urgence par
suite des circonstances.
C'est la
Djema qui
surveillait la
rpartition
de l'im-
pt
de
faon
ce
que
ce dernier ft
rparti d'aprs
la,
fortune et les ressources de chacun.
Le
premier impt
ordinaire tait l'achour ou
impt
sur la
rcolte,
mais
toujours
infrieur au dixime et
payable
la fin de la rcolte. Le fet'era tait le second
impt,
destin aux
pauvres
seulement,
et
peru
l'-
poque
de la
petite
fte
(a'fd ec-erir)
le
jour
de la
rup-
ture du
jene (fet'er). Chaque
famille devait fournir
autant de fois
quatre
mesures
(d'un
demi-litre environ
chacune)
de
froment,
d'orge,
de
figues
et de
glands.
Enfin il
y
avait des
prestations
en nature
pour
les
travaux au
profit
du
village rparation
ou construc-
tion de
chemins,
mosques,
fontaines,
djema et
autres
travaux d'utilit
publique,
comme mise en valeur des
proprits
communales,
labourage
et moisson de ces
terrains,
etc.
L'impt
extraordinaire se dcidait
d'aprs
les vne-
ments, soit
guerre,
soit
manque
de
rcoltes,
etc.
Comme chez les
Kabyles,
il
n'y
avait
pas
de marchands
de
dtails,
les marchs taient en
grand honneur
d'ail-
LA
~ABYUE; 342
leurs c'tait
pour
eux un lieu de
runion,
o l'on se com-
muniquait
tous les faits se
rapportant
la vie
politique
et
religieuse
des
villages.
Aussi
y
avait-il des
rglements
nombreux
pour
l'administration du Souk. Plac sous
l'anaa
du
village
o
Hsetient,
le march est un endroit
sacr et
neutre,
o nulle discussion ne doit
s'lever,
o aucune voie de fait ne doit
tre
commise,
sans atti-
rer sur son auteur la svrit des Kanouns. H
y
a des
mesureurs
publics
sur le
march,
et tout
vol,
toute
fraude sont trs svrement
punis.
Nous allons maintenant voir ce
qu'tait
en
Kabylie
la
proprit
avant notre domination.
Dans les
Beni-Menguettet
comme dans toute la
Kabylie,
les caractres
gnraux
de la
proprit
diffrent de ceux
que
nous sommes habitus trouver
en
Algrie.
Le droit romain a laiss dans les kanouns
kabyles
des traces
ineffaces,
et il est mme
assez
singulier que
les Berbres,
qui
ont
toujours
refus de
se soumettre la constitution de Rome comme ses
armes,
aient conserv une
partie
de sa
lgislation.
Ce
fait
trange
tient videmment aux
immigrations
dans
le
Djurdjura
des
peuplades
no-latines refoules
par
les
invasions vandales et arabes.
Il
n'y
a
pas
de
proprit
arch en
Kabylie
la
proprit
titre
priv,
dite
melk,
est seule admise avec la nuance
du mechmel. Le mechmel est une terre
qui, par
la
volont du
donateur,
ou
par
suite de son
acquisition,
faite
collectivement,est
reste commune aune
karrouba,
un
village,
une tribu.
Le mechmel a
quelquefois
le caractre de
habous,
quand
il a t
affect
par
un donateur l'entretien des
mosques
ou
des uvres de bienfaisance.
Il a un caractre bien
empreint
de
socialisme
kabyle,
quand
ses revenus sont affects
la
coutume
de
ta
timecheret
(achat
de viande en
commue).
Il a le caractre de communal
lorsque,
achet soit
par
la caisse du
taddert,
soit
par
une contribution
volontaire de ses
habitants,
il est affect au
pturage
des
animaux,
l'affouage,
la
glande.
Il
a
le caractre
de
btendomaniaL
quand
une tribu
ADM!N]SmAT!ON DE 1~ KABYLIE
~3
le
possdait
en
commun,
aprs
l'avoir
conquis
sur une
autre
tribu,
soit
par
la force des
armes,
soit
par
suite
d'un accord commun.
Les biens mechmels
de
toute
nature
pouvaient
s'ali-
ner suivant les mmes formes
que
les biens ordinaires.
Nous
ne donnerons donc
aucun dtail
sur leur mode
de
vente,
d'acquisition,
de location. Les dlits commis
sur les biens mechmels avaient
jadis
un caractre de
gravit
tout
particulier, parce qu'ils
se commettaient
aux
dpens
de la horma du
village
ou de la tribu.
Aussi
de
simples
dlits de
pacage
entra!naient-i)s des
combats en
rgle.
Les
sources, ravins,
rivires
taient,
suivant les
cas,
biens communaux ou biens melks.
On
peut
dire,
en
rsum,
que
la
proprit
est cons-
titue
dans les
Beni-Menguellet
absolument comme en
France,
c'est--dire
qu'il y
a des terres
possdes
titre
priv
et
d'autres
qui correspondent
aux biens com-
munaux et domaniaux des
pays
de droit latin. Le
mechmel habous seul est
d'importation
arabe auss:
ne le trouve-t-on
que
dans les environs des zaouas
fondes
par
tes marabouts
marocains
il
n'en
existe
pas
dans
la tribu
qui
sous
occupe.
Les biens melks
(nous
nous servirons de ce mot
pour
dsigner
les
proprits prives)
sont soumis une foule
de
coutumes
et
d'usages
locaux.
Tout
d'abord, signalons
deux
particu)ahts qui
sont
la
consquence
de la vie
politique et
sociale des
Kabyles.
Rests
indpendants
dans leurs
montagnes,
ils ont
rsist toute tentative
de
conqute,
non seulement
par
la force des
armes;
mais encore
par
leurs institu-
tions.
Pour
empcher l'tranger
de
prendre pied
dans
leurpays,
ils
dcidrent
que
les femmes
n'apporteraient
aucune dot
leur mari
et
n'auraient aucune
part
dans
l'hritage paternel,
et
que l'tranger (ft il
d'un
village
voisin)
ne
pourrait
acheter
aucun
terrain dans la tribu.
Etait
except
bien videmment de cette
rgle t tranger
accuetUi
par
le
yittage 9t
qui
en
tait
devenu
citoyen.
Du reste,
le droit de
premption (chefaa), qui
tait
r~sepY~ o<M seuieme~ ~ux
parentSj
mais 4
tout
LA KABYLIE 344
village, empchait, par
son
extension,
toute intrusion
d'lments
trangers.
Grce ces
restrictions,
les biens
se transmettaient de mle en mle sans
pouvoir
sortir
du
village,
et c'est ainsi
que, jusqu'
la
conqute,
les
tadderts
kabyles
ont
pu
conserver
intgralement
leurs
territoires.
Depuis,
et surtout
aprs
i87i,
les conditions
ont bien
chang
les
Kabyles
ne se croient
point
astreints cette coutume de leurs
pres,
et les Beni-
Meoguellet
en
particulier
ont ouvert leur sol leurs
voisins.
Les biens melks sont
rgis par
le droit
romain,
avec
des nuances
que
nous allons
signaler
Certains immeubles
qui,
en
pays
latins,
sont
toujours
proprits
domaniales ou
communales,
sont
quelque-
fois
possds
titre
priv.
1" Les mines et les carrires sont
toujours proprit
du matre du sol.
20 Les cimetires
appartiennent,
en tant
que terre,
la
plupart
du
temps
une seule famille. Tout le
village y
inhume ses
morts;
si les inhumations
cessent,
le sol
revient la famille
propritaire.
3" Les immeubles destins la
prire
ou l'assem-
ble commune
(Djema) peuvent
tre
proprit
d'un
particulier
ou d'une
famille;
le
village
n'a
que
le droit
de
s'y
rassembler.
Certaines servitudes
qui peuvent parattre tranges
grvent
le
plus
souvent les
proprits particulires, par
exemple
Le
premier tage
d'une maison
peut
tre construit et
appartenir
un autre matre
que
le
propritaire
du rez-
de-chausse
Les arbres
peuvent
tre
indpendants
de la terre
qui
les
porte
leurs
rejetons
mmes,
dans une circon-
frence de trente
pas, appartiennent
au
propritaire
de
l'arbre,
qui
doit les enlever
quand
ils sont
enracins;
Le
propritaire
du sol ne
peut couper
les racines de
Farbre,
mais il a le droit de labourer
jusqu'
son
pied.
Si un torrent enlve une
parcelle
de
proprit,
un
arbre,
par exemple,
et le
transporte
sur l'autre rive ou
en
aval,
le
propritaire
a le
droit,
suivant
l'expression
ADMINISTRATION DE
LA KABYLIE 348
kabyle,
de suivre sa
proprit.
Mais si l'arbre ou le
terrain
transports
recouvrent le sol d'un
tiers,
c'est ce
tiers
qui
devient
propritaire
de la chose
transporte.
Les
lots,
lais et relais
qui
se forment dans les oueds
appartiennent
aux
riverains.
Les filles ou les femmes
rpudies
ou
veuves,
bien
que n'ayant
aucun droit la succession
paternelle,
ont
droit d'habitation dans les immeubles
appartenant
aux
mles de leur famille.
En dehors de la
plupart
des servitudes
prvues par
les lois
franaises,
on
peut
encore citer les suivantes
Le
bornage
frais communs des terres est
obliga-
toire
La clture des terrains cultivs aux abords des
villages
est
obligatoire (haie
sche ou
vive)
Tout
propritaire
qui
laisse des
sauvageons
non
greffs
sur son
terrain,
peut
les voir
greffs par
un
tranger, qui
dans ce cas a droit la moiti de la
rcolte de l'arbre
amlior
Tout
propritaire qui
arrache un arbre non mort doit
en
planter
dix il n'en est
pas
de mme s'il se contente
de le
couper,
les
rejetons
reconstituant la
vgtation
primitive.
Ces deux
usages
sont malheureusement
tombs en
dsutude
depuis
l'insurrection de 1871.
Le
propritaire
d'arbres
isols,
sis sur un terrain
ap-
partenant
autrui,
a droit de
passage
sur ce terrain
pour
labourer ses
arbres,
les
tailler,
rcolter les fruits.
Le
passage
des meules moulin et
poutres
btir
est autoris sur tout
terrain
il en est de mme
pour
les
charrues,
les bufs de
labour,
les mulets conduits
par
la bride.
L'herbe
qui
pousse
sur une
proprit
ouverte et
qui
n'est
pas enlevee,est proprit
de celui
qui
s'en
empare
ce
qui implique
le droit de vaine
pture.
Toutefois le
propritaire
du sol
peut
se rserver l'herbe de son
champ
en
y plantant
des roseaux secs ou des branches
de lauriers-roses.
Le
voyageur
a droit de
puiser
de
l'eau,
de
couper
de l'herbe
pour
ses
animaux,
de recueillir le bois sec
LA R4YL! 346
pour
son
feu,
de stationner o bon iut
semble,
d
manger
des
figues
vertes sa
faim,
sans en
emportera
il est considr comme hte de Dieu.
La
possession
a
toujours
t considre comme va-
lant titre cela devait tre chez un
peuple
o les lettrs
sont une trs rare
exception
le droit du
premier
occu-
pant
a
toujours
t
respect.
Une fois la
proprit
ainsi
tablie,
les modes de transmission des immeubles
sont devenus trs nombreux. Voici les
principaux
La
rep!t!cN<!<Mt
tout
propritaire qui
abandonne
une terre
qui
a
perdu
sa
fertilit,
la
perd
au
profit
de
celui
qui, par
son
travail,
la revivifie. Ce mode d'ac-
quisition
est trs rare dans les
Beni-Menguellet, chaque
propritaire
fumant et cultivant son
champ
avec achar-
nement.
La succession
paternelle
se
partage
entre tous les
hritiers directs
mles,
l'exclusion absolue des fem-
mes. Si le dfunt ne laisse
pas
d'hritier mle
direct,
ce sont les hritiers au second
degr qui hritent,
ainsi
de suite
jusqu' puisement
de la
ligne
masculine. S'il
n'a aucun hritier
connu,
le
village s'empare
des
biens,
fait une timecheret avec le
prix
des
meules,
et les iol-
meubles deviennent mechmels et sont revendus au
profit
de la caisse du tddert.
L'enfant
posthume
hrite a~ mme titre
que
tes
autres
on a mme admis la bizarre coutume arabe
qui
consiste
reporter
de
plusieurs
annes en arrire la
paternit
d'un enfant il est dit alors
t
endormi dans
ie sein de sa mre et hrite comme ses frres
putatifs.
La
femme,
bien
qu'exhrde
par
la loi
kabyle, peut
possder
des
terres,
si elle les a
gagnes par son
travat
et son conomie. Si elle
meurt,
son
hritage appartient
son mari dont elle est la
chose
d'faut de~
tnari,
son fils ou son frre. Elle
peut
neaitmoins faire dona-
tion
spciale d'un&partte
de se~
biens; quoique
Hi-
gales,
ses
dispositions
testametn~re~ sont
tot~oari~re~
pectes
celui
qui
les
atMquerttit
ou n'ett tieddrNit
pM
compte
serait dshonor.
Les
biens,
entre
ert~Ts,
fesst
itdivi~;
tMiarAui
ne
peut
tre forc a rester dan?
fiatttvi'sioa
tes
pa"'
tages
se font
simple
demande d'un interesse.
ADMINISTRATION bE tA KABYLIE 341
Le droit de tester est absolu
un
pre peut
dshriter
son fils dans ce
cas,
le
testateur fait
gnralement
b-
nficier ses
petits-fils
de
l'exclusion
prononce
contre
leur
pre.
Une
maison,
un arbre mme
peuvent appartenir
plusieurs propritaires diR'rents,
qui peuvent
se dsin-
tresser
prix d'argent
ou
rester indivis.
La licitation est admise dans tous les cas o elle est
juge
ncessaire.
La donation entre-vifs est trs
frquente
elle se
constate
gnralement par tmoignage
ou se fait en
pr-
sence de la
Djemaa
assemble il est rare
que
le cadi
intervienne. Les femmes sont
aptes
recevoir une do-
nation,
et la femme
peut galement
faire don de son
avoir
particulier.
Les donations sont
toujours
rvocables
par
le dona-
taire.
Les ventes
s'oprent
de
gr
gr;
il est bien rare
qu'on ait
recours au ministre du
cadi,
institution arabe
qui dpta!t
aux
Kabyles.
Cependant
les contrats
par-devant
le notaire musul-
man deviennent de
jour
en
jour plus frquents.
Avant la
conqute franaise,
l'acte de vente se faisait
verbalement devant la
Djema
ou devant des mara-
bouts
si ceux-ci savaient
crire,
ce
qui
tait
rare,
ils
en dressaient une sorte d'acte
que
les
propritaires
conservent encore
prcieusement.
Les formes
de vente taient
nombreuses
les
princi-
pales
taient
La vente
simple
sous
conditions
La
tounia,
par laquelle
le vendeur ou ses hritiers se
rservent le droit de rachat au cas seulement o l'ache-
teur voudrait ultrieurement se dfaire de
l'immeuble,
condition d'en donner un
prix gal
celui offert
par
le tiers
acqureur
L'aM~eMf,
par laquelle
le vendeur et ses hritiers se
rservent le droit de racheter
l'immeuble,
en cas de re-
vente
par l'acqureur, moyennant
le
prix
x
pour
la
vente
primitive
La ~~te
terme, qui
consiste rserver entre les
LA
KABTUE 348
mains de
l'acheteur,
pour
un
temps plus
ou moins
long,
le
prix
ou une
partie
du
prix
de la vente. Cet
argent
ainsi
plac rapporte
de forts intrts.
Les terres
peuvent
tre en outre mises en
gage
ou
rahnies
(antichrse).
Les modes de contrats de location sont trs nom-
breux et trs
compliqus
nous nous contenterons d'-
numrer les
plus employs.
La location
pour
gage
le
propritaire
remet un
crancier le droit d'user de sa terre
jusqu'
restitution
de la somme due. Les fruits
que
le crancier retire de
la terre
reprsentent
l'intrt de son
capital
c'est une
sorte
d'hypothque,
la seule admise dans les Men-
guellet.
A
l'chance,
le crancier ne
peut disposer
du
gage.
La location
prix d'argent
elle est
gnralement
va-
lable,
comme toutes les
suivantes,
pour
une anne
agri-
cole seulement.
Deux
Kabyles possdant
l'un des
figuiers,
l'autre des
oliviers,
s'associent
gnralement
l'un fournit l'autre
les
figues,
et il
reoit
en
change
des olives.
Un
Kabyle possdant
un
espace
de terre consid-
rable
peut
en louer une
partie
un autre
Kabyle, qui,
pour prix
de
location,
cultivera le
surplus
chacun
prend
alors les fruits
pousss
sur son lot.
Le
propritaire peut
donner son terrain un associ
qui
doit lui remettre une
part
des
produits.
Cette
part
varie du
cinquime
aux trois
quarts.
Chaque
associ a
le droit de cueillir les
figues
necessaires son entretien
et celui de sa
famille, lorsque
le terrain est
complant
en
figuiers,
ce
qui
est la
rgle gnrale
dans les Beni-
Menguellet.
Le
propritaire peut
louer son terrain un associ
sans aucune rtribution. Mais le
preneur
devra le com-
planter
d'arbres
fruitiers. A
l'expiration
du
bail,
le
terrain et les arbres sont
partags,
ou bien le
propri-
taire donne une
partie
des fruits au locataire.
Le
propritaire qui possde
sur son terrain des sau-
vageons
d'oliviers
peut
les donner
greffer
un as-
soci.
Lorsque
tes arbres sont en
rapport,
ils
partagent,
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE 349
so
un tiers au
locataire,
deux tiers au
propritaire,
le
plus
souvent.
Deux
propritaires peuvent
mettre en commun leurs
terres, boeufs, semences, outils, etc.
et
partager ga-
lement les fruits de leur travail.
Le
propritaire peut
fournir la terre et la
moiti de
la
semence;
l'associ son
travail,
ses bufs et l'autre
moiti de la semence. Le
partage
se fait aux deux cin-
quimes
ou moiti.
Le
propritaire peut
fournir la
terre,
un
associ la
semence,
l'autre le travail et ses boeufs. Le
partage
se
fait
par
tiers.
Le
propritaire peut
fournir la
terre,
la moiti de la
semence et son
travail; l'associ,
l'autre moiti de la
semence et les bufs. Le
partage
est
variable,
suivant
la
qualit
de la terre.
Le
propritaire peut
fournir la
terre,
un buf et la
moiti de la
semence l'associ,
un autre
buf,
la
moiti de la semence et une somme
d'argent
fixe. Le
travail se fait en commun et le
partage par
moiti.
Le
propritaire peut
se contenter de
prendre
un
khamms. M fournit tout
alors.
J e khamms ne devant
que
son travail.
Les modes de
louage peuvent,
comme on le
voit,
va-
rier infiniment. Il existe encore un autre
genre
de lo-
cation,
le
louage
en vert. Un
propritaire qui
a besoin
d'argent,
cde sa rcolte en vert un associ
qui
lui en
donnera une
part,
ou retiendra tous les fruits au mo-
ment de la rcolte.
Le
propritaire
d'un terrain btir ou de ruines
peut
charger
un associ de construire sur le terrain ou de
relever les ruines. Au bout d'un certain
temps,
la
maison ainsi btie revient au
propritaire
du sol.
Les arbres
isols,
ceux dits
abandon
,
qui n'ap-
partiennent pas
au
propritaire
du
sol,
sont
toujours
rservs dans les contrats de
louage.
Le
plus souvent,
du
reste,
les arbres font
l'objet
de contrats
spars.
Les
frnes,dont
les feuilles servent nourrir tes
boeufs,
se louent
gnralement pour
une certaine
quantit
de
journes
de travail de ces bufs.
1A KitBME
sse
Il est bien rare
qu'un Kabyle
loue an terrain un
ngre,
sauf dans les fractions de marabouts. Par
contre,
un
Kabyle qui
loue du terrain une femme ne discute
jamais
les conditions du
contrat,
il serait dshonor.
Tels sont les
principaux
modes
d'acquisition,
de
transmission et de location des immeubles dans les
Beni-Menguellet.
D
(Extrait
du
rapport
d'ensemble sur les
oprations
de dlimitation de la tribu des Ait
Menguellat).
A la tte de
chaque village
existait une administra-
tion,
qui comprenait
un
amin,
un
ukit,
des temman
et des okkals.
L'amin est le
maire,
l'administrateur du
village
de
plus
il
remplit
certaines fonctions
judiciaires.
H est aussi
appel
Ameksa c, mot
qui
vent dire t
berger
nous
voyons
immdiatement
par
cette dnomination
quel
est son rle. Voici le mode d'lection de l'amin.
Les notables du
village
se runissent en comit secret
et choisissent celui
qui
leur
parait
le
plus apte
rem-
plir
les fonctions d'amin. Si ce choix ne
peut
avoir
lieu,
par
suite de dissidence dans ce comit
secret,
on fait
appel
aux
marabouts,
la
djema
du
village
voisin ou
aux anciens de la
tribu, qui dsignent
le futur amin.
Trs
gnralement, lorsque
l'amin
quitte
ses
fonctions,
emportant
l'estime de
tous,
il
dsigne
celui
qui
doit lui
succder et ce choix est ratifi.
Quoiqu'il
en
soit,
aussitt ie choix
dtermin,
les no-
tables vont chez le nouvel
lu,
et lui offrent les fonc-
tions d'amin. Rarement celui-ci
accepte
aussitt: il d-
cline l'honneur
qu'on
veut lui
faire,
et on est souvent
oblig
de faire intervenir les marabouts et les femmes
pour
le
prier d'accepter.
S'il se dcide
enfin,
il
pose
ses
conditions,
trace une
espce
de
programme
de la
ligne
de conduite
qu'il
entend
suivre,
et
n'accepte
d-
finitivement que
s'il voit tous ses
projets accepts
sans
opposition. Aprs
cette
acceptation, la djerna
est con-
voqu
en sance
solennelle
les
notables, aprs
avoir
introduit le futur
amin,
font son
loge,
et demandent
aux
assistants,
s'ils veulent
l'accepter
comme amin.
Ceux-ci dclarent
l'accepter par des
acclamations una-
ADM)NYSTRAT!ES! BE. LA KABYLIE
nimes. Le fath'a est alors
rcit,
et le nouvel amin
pro-
nonce un discours de remerciement. Il
prend
aussitt
possession
de ses nouvelles fonctions.
Ce jour
l.
il
y
a
timecheret de viande
pour
le
village
si l'amin est
riche,
il en
supporte
peu prs
tous les
frais,
sinon ces frais
sont
supports par
le
village.
L'action de l'amin
porte
sur l'ordre
public,
surla mo-
rale,
sur l'excution des
Kanouns,sur
la
protection
des
personnes
et des
proprits.
Il
prside
les runions
pu-
bliques,
il a la surveillance et l'entretien des biens
communaux,
il fixe le tour des corves du
village
et
peroit
les amendes. En
outre,
il fait rentrer
l'impt,
prend
soin des
trangers
et de leur
hospitalit.
En
temps
de
guerre,
il
assigne
les
postes
et
dsigne
ceux
qui
doivent les
occuper,
il distribue les munitions. On le
voit,
ses fonctions sont nombreuses et
importantes,
ce
qui explique
le choix
que
l'on devait faire d'un
homme
ayant
des ressources et des loisirs.
L'oukil
tait l'adjoint
de l'amin.
D'aprs
M.
Masque-
ray, l'oukil n'estque
l'assesseur de ce dernier. H fortifie
pour
ainsi dire celui-ci et a
pour
mission
spciale
de
veiller aux finances, ce
que
ne
pourrait
faire
l'amin,
dj charg
de
trop
nombreuses fonctions. MM. Hano-
teau et Letourneux croient
que
l'oukil est un
person-
nage spcial charg
de la
comptabilit
des biens reli-
gieux,
de la
perception
des revenus de la
mosque,
et
ayant
mission de solder les
dpenses
ordinaires de la
Djema.
D'autres auteurs veulent voir dans
l'oukil,
un
adversaire de
l'amin, ayant
un
of
personnel
et faisant
ce
que
l'on
appellerait
chez nous de
l'opposition.
Mais
nous
croyons que
la version
de M.
Masqueray
doit
seule
tre admise.
Les Temman taient des
reprsentants
choisis dans
chaque
Kbarrouba,
et
ayant pour
mission de
faire
res-
pecter
les dcisions de la
Djema.
Enfin les
Oqqls
taient les notables
du
village.
Dsi-
gns
au nombre de
cinq
ou de
six.
ils taient
chargs
de
prvenir
et de
rprimer
les dsordres.
Ainsi se trouvait forme une
espce
de
snat,
qui
en
ralit
devenait le
gouvernement
de la cit
kabyle, Le~
LA K~BYUE 3S2
assembles
gnrales
n'taientsaisies d'une
question,que
lorsque
cette runion d'autorits l'avait
dj tudie,
bien souvent le vote n'tait
plus qu'une
formalit.
Si la
cit,
le
vittage,
se
composait
de
plusieurs
fa-
milles habitant
plusieurs
hameaux,
la runion de ces
hameaux,
au
point
de vue
administratif,
prenait
le nom
de
toufik,
et la
Djem~a
se tenait dans le hameau dont
l'amin tait
originaire.
Le
plus
souvent.
iesKabyies
pr-
fraient ne
point
se
diviser,
et au lieu
d'avoir plusieurs
hameaux,
ne formaient
qu'un
seul
village
ce
village
s'appelait
la taddert
(au pluriel, tiddar).
D'aprs
leurs situations
naturelles,
ou
d'aprs
leurs
intrts
communs,
les tiddar forment un Arch ou tribu.
Nous ne saurions mieux faire
que
de laisser la
parole
si autorise de M.
Masqueraynous
difier sur ce
sujet
Le Arch est
pour
nous une forme
spciale qui
tient
le milieu entre la fdration et la cit vritable
qui
est
la Taddert. Nous avons
dj
montr les Kharroubat vi-
vant
isols,
comme des tats
indpendants
avant
qu'el-
les
serunissentenTouafeq
et en Tiddar, Si
l'on'xcepte
peut-tre quelque
coin du Maroc encore
inconn";
cette
dissmination ne se rencontre
plus
dans
l'Afrique sep-
tentrionale.
Or les Tiddar
kabyles
sont entreelles comme
taient ces familles de la
premire
heure au moment
o elles se constiturent en cits. Considrons
par
exem-
ple
la Taddrt des Ait El
Ahsen,
celle des At
Et
Arba,
celle des Taourirt
Mimoun,'cette
de
Taourirt El Hadjadj,
celle
d'Agouni Ahmed,
et celle de
Tigzirt
dans le haut
Djurjura; elles
couvrent le sommet d'un
mamelon,
et
des ravins les
sparent
de
toutes
les masses montueu-
ses
qui
les environnent. Il est naturel
qu'elles
commu-
niquent
ensemble,
ne serait-ce
que pour repousser
les
attaques
de leurs voisines
pareillement
groupes.
Aussi
forment-ettes un tout.
dsign par
un nom
commun,
Arcb,
ou tribu des Beni-Yenni. A certaines
poques
ir-
rgutires,
dtermines seulement
plusieurs jours
d'a-
vance,
leurs Oumena
etque)quesnotab)esse
runissent
l'ombre des beaux
arbres,
en un lieu
galement
dis-
tant d'At el Arba et de
TaourirtMimoun,
d'o l'on d-
couvre d'une
part
la crte du
Djurjura
et de
l'autre
ADMtNtSTRATtOK DELAKABYLIE 353
30.
toute la
ligne
de fatte
qui spare
t Ouad
DjemaA
de
l'Ouad Sebaou. L ils
s'occupent
des
querelles qui
me-
nacent d'armer les
villages
les uns contre les
autres;
ils
empchent
tes
reprsaiites
ou du moins ils font en
sorte
qu'elles
soient
regardes
comme des faits indi-
viduels;
ils conviennent de divers
rglements pour
as-
surer la
police
des marchs, et c'est l un de leurs sou-
cis ies
plus graves
enfin ils dlibrent surtes relations
internationales de la
tribu,
c'est--dire sur tous ses
rapports
avec les tribus voisines.
Le
prsident
de i'assembfe choisi
par ses collgues est
dit Amin* comme le maire d'une Taddrt. Si
laguerre
clate,
c'est lui
qui reg.c
le nombre et la
composition
des
contingents.
Les
guerriers
descendent sur son or-
dre du sommet de la
montagne, partags
en
petits
corps chaque viHage
a fourni son
peloton et
danscha-
cun,
les Kharroubat forment des sections distinctes.
Ainsi combattaient les Germains deTacite.LesOumena
des
villages
et les Temman des Kharroubat font le
coup
de feu avec leurs
hommes
mais l'Amin du
Arch,
assist d'un
petit
nombre
d'Anciens,
demeure sur une
colline,
suit le combat des
yeux,
et dtache en cas de
besoin,
un de ses aides de
camp
vers tel ou tel
groupe
pour
donner un conseil. Il est Fam de la tribu,
impas-
sible et mattt-essed'cHe-mGme. Toutes les Tiddar de la
Kabylie groupes
en tribus
(Arch) pouvaient
offrir
un
spectacle pareil
avant notre
conqute.
H
y
a
plus,
le Arch est dans une certaine
mesure,
un
gouvernement
dont i autorit s'exera directement sur (es individus,
M. Lctouroeox
constate que
les
prestations
en nature
sont
obligatoires pour
le Arch comme
pour
la Tad-
dert.
que
dans
quelques
tocaiits fa tribu
peroit
une
amende en mme
temps que
le
village, pour
des crimes
ou dhts
graves,
tels
que
le
meurtre,
fe
vol, etc.,
enfin
que.
si une
question
dhcate
d'intrtpartieufier
ou
g-
nra) divise ).'t
djemaA
d'un
village,
et ne
peut
tre r-
sn)ue sans dsordre
par
ses
habitants,
les notables de
la tribu sont
appels
comme arbitres
C'est un fait
dj
considrable,
bien
qu'il
n'ait
pas
eu
en
Kabylie
toutes ses
consquences, que
l'action mme
LA KABYLIE
3S4
faible et intermittente d cette
juridiction suprieure.
Elle habituait
l'individu concevoir
peu
peu
un
monde
suprieur
. celui de son
village.
Dans cette so-
cit
indcise,
nous
distinguons
des traits
qui
nous sont
connus. Le Arch a sa
horma, dj
sensible
moins ir-
ritable
cependant que
celle de la
taddrt,
parce que
les
individus
qui
le
composent
sont loin d'tre
parfaite-
ment
unis. Il a son Anaa lui aussi
protge,
de lon-
gues
distances,
le
voyageur qui
lui a demand son
ap-
pui
il
interpose
sa neutralit en cas de
guerre
entre
deux tribus voisines. Il
peut
avoir ses biens mechmel,
et c'est ainsi
que
certains
villages
du
Djurjura, exploi-
tent en commun les
pturages
de leurs hautes valles
Ils
y
envoient' leurs
troupeaux
sous une
garde
com-
mune. Enfin unemme manire de
vivre,
l'exploitation
des mmes
produits,
un mme
genre
de commerce et
d'industrie,
entretiennent et
dveloppent
dans la tribu
(Arch)
un sentiment de fraternit tout fait semblable
celui d'o le
village
est rsult. On
peut remarquer
dans les rues
d'Alger,
des
Kabyles
de la
tribu
des
Bni
Djennad qui
viennent louer leurs services comme
terrassiers, maons, baigneurs,
ils amassent un
petit
pcule, puis
retournent dans leurs
villages.
Or, si on
leur
demande,
Alger
d'o ils
sont,
ils
rpondent
in-
variablement
< Des Beni
Djennd
La mention de
leurs
villages
leur
parait
inutile. Dans le
Haut-Sebaou,
sont de vastes forts o le chne abonde et surtout le
chne
Zen,
au beau
feuillage souple, pareil
celui du
chtaignier.
Au bord de ces forts, sont les
villages
de la
tribu des Beni
Ghobri,
les
plus rudes, peut-tre,
de tous
les
Kabyles
la
plupart
des individus
qui
les habitent
vivent du mme
mtier;
ils dpouillent
les chnes de
leur corce et tannent des
peaux
de chvres
qu'ils
vont
vendre dans nos villea. Ils font route
ensemble,
s'en-
tr'aident sans distinctionde
villages.
En dehors de leur
pays,
ils sont Beni-Ghobri. Les
Beni-Yenni,
dont la mon-
tagne
est comme le coeur de la
Kabylie,
sont intime-
mement
unis,
presque
tous,
ou du moins ceux
qui peu-
plent
les trois
gros villages
de At el
Arba,
Ait el Ah-
een
et
Taourirt
Mimoun,
parce qu'ils
exercent en com-
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE 3S
mun les mtiers de fondeurs, ciseleurs de
mtaux,
fa-
bricants d'armes blanches et de fusils. C'tait d'eux sur-
tout
que provenait
la fausse monnaie
prohibe
sur les
marchs
kabyles,
mais
exporte
au del du
Djurjura;
d'ailleurs,
sans user de cette
ressource,
il leur tait fa-
cile de
s'enrichir,
avant notre
occupation, quand
les At
Iraten
combattaient iebey
Mohammed et les
Amraoua,
dans la valle de
Sebaou,
ou
quand
les
montagnards
du
Djurjura
allaient en
grandes
baades arrter le ma-
rchal
Bugeaud,
Bou
Baretta,
sur les
pentes
du
Djebel
Faraoun. Ils taient les fournisseurs de ces
tranges
ar-
mes
qui comptaient plus
de couteaux
que
de
fusils,
et
de btons
que
de sabres.
Aujourd'hui
ils se contentent
de
fabriquer
des Hissas
pour
les amateurs
trangers,
et
des
bijoux d'argent
maills de vert et de
bleu,
pour
les femmes de leurs
villages
et des
environs;
mais leur
petit groupe
n'a rien
perdu
de sa cohsion. J 'ai recueilli
1 unanimit,
quand je
leur ai
propos
une cole fran-
aise.
Chez les Beni-bou-Drar et surtout chez les Beni-
bou-Aggache,
nous retrouvons le collectivisme de cer-
tains
montagnards
de
France, port jusqu'
l'extrme,
par
suite d'un cart entre )a densit de la
population
et la
superficie
du sol cultivable.
La crte des Beni bou
Aggache
est
longue
detrois
ki-
lomtres,
et
juste
de !a
largueur
d'un chemin en
moyenne
elle offre sur trois
points
seulement des sur-
faces
planes, qui
sont
occupes par
des
villages.
Des
deux
cts,
le terrain s'abaisse en
pente
raide vers deux
torrents
profonds.
C'est
peine
si on trouve un ressaut
pour piquer quelques figuiers,
ensemencer une
poigne
de bl. On ne sait o enterrer
les morts, on les
place
cte
cte,
on les
pose
les uns au dessus des
autres,
spars par
des
dalles,
au milieu de la mincevoie
qui
relie les
villages.
Les hommes et les animaux
passent
sans
mnagements
sur les tombes. Des ossements hu-
mains
apparaissent
sous les bancs
qui
bordent les mai-
sons. Et
cependant
sur ce tranchant
infertile,
on
compte
sept
mille
habitants
les
v illages
sont beaux et bien te-
nus
pour
des
villages kabyles
on
y
voit des rues r-
guUrea
et
beaucoup
de maisons blanchies
la chaux.
LA KABYLIE 356
Le commerce extrieur est la seule cause de cette ex-
traordinaire
prosprit.
Vous ne
rencontreriez-l,
du
printemps
A
l'automne,
que
des
femmes,
des vieillards
et une multitude
prodigieuse
d'enfants. Les hommes
valides sont tous
partis.
Le
plus petit
nombre est all
prendre quelques
ballots d'toffes chez les J uifs
d'Alger
et les dbite un
peu partout
dans la
Kabylie.
La
plu-
part
sont dans la
province
de Constantine. Ils
s'appro-
visionnent chez les J uifsetlesMozabites de Souk
Ahras,
chargent
sur des mulets
maigres des pies,
du
calicot,
des
foulards,
des
oranges,
tout ce
qui peut plaire
aux
Nomades et surtout leurs femmes et s'enfoncent dans
le sud. Il faut les voir entrer dans les
douars,
assail-
lis
par
les
chiens, qu'ils
cartent de leurs
longs
b-
tons. Ils se contentent du moindre
gain, acceptent
des
poignes
de laine
pour
un
miroir,
de
l'orge pour
du
poivre,
font mme
crdit,
et
passent
les nuits sous de
petites
tentes blanches comme des tentes
franaises.
non
sahssouponde lapartdesmarisarabes.Onlesren-
contre chez les
Nemencha,
Negrin, plus
loin
encore.
et l'on se demande
quelle
aberration nous fait
ngliger
ces
agents intrpides,
tout
prts
propager
notre lan-
gue,
et
porter
directement nos
marchandises,
au lieu
de
parler
un arabe
corrompu
et de dbiter notre d-
triment,
de mauvaises toffes
anglaises.
I) est ais de
comprendre que, jets
ainsi dans des
rgions qui
leur
sont
trangres,
tous les Beni bou
Aggache
oublient
leurs
villages
et ne se rclament
que
de leur tribu
quand
on les
interroge.
Ils vont mme
plus
loin ils se
disent
simplement
Gaouaoua. C'est comme
Gaouaoua,
qu'ils
se soutiennent et
qu'ils
se
vengent,
en cas de be-
soin,
avec la tenacit
qui
leur est
particufire.
J 'en ai
constat un
exemple
curieux Khemchela. Un Ka-
byle
des Beni bou
Aggache ayant disparu
chez les Ne-
mencha,
on vit venir au bureau
arabe,
un autre
Kabyle
qui
rclama le
prix
de son
sang
sans
pouvoir prouver
qu'il
tait son
parent.
H
ignorait
les
meurtriers,
mais
il soutenait
que
le
gouvernement
lui devait
justice
et
tait
capable
de les trouver. Comme l'instruction sem-
blait
impossible,
on tenta de
t'carter.
Il 6'obstina
pen-
ADMtMSTHATION DE LA KABYLIE 357
daut un mois la
porte
du
bureau,
trs
humble,
mais
innexibie. A )n fin on se mit en
campagne
le hasard
lit qu'on
trouva
quefques objets
vols au
Gaouaoua:
ics
('oupnh)cs
furent
-n'rts,
et ce
pauvre dgueniH
rct.uurun dans sa
montagne
conter
qu'il
avait fait res-
pecter
bien loin dans le sud l'honneur de sa tribu. C'est
ainsi
que
les Beni bou
Aggache
deviennent
homog-
nes
en
gnrt
c'est
que
le
Arch,
une fois
form,
se
consolide,
et se condense
pour
ainsi dire au-dessus des
Tiddar.
La KebiJ a enfin nait des circonstances
graves,
d'une
guerre.
C'est la runion des tribus en vue d'un
danger
important.
Les tribus cherchent mutueHement
s'ap-
puyer
l'une contre l'autre
pour opposer
l'ennemi
une
plus
grande
force. De cette union momentans nais-
sent des chefs.
Quoique
nous
ayons
fait
dj
de nom-
breux
emprunts
au livre de M.
Masqueray,
nous ne
pouvons
nous
empcher
de
reproduire
ici ce
qu'ii
dit
de ces
chefs;
comment
pourrait-on
mieux
expliquer
ce
qui
se
passe
alors.
<
Ces milieux o fermentent des lments si
divers,
runis et
presque
confondus
par
instants,
ces
agglom-
rations
parfois
considrables
qu'agitent
des
intrigues
incessantes,
enfin ces leves tumultueuses
qui toujours
attendent la victoire d'un homme
prdestin,
sont bien
faites
pour
tenter les
esprits
hardis,
qui
dans la
Kaby-
lie comme dans le reste du
monde,
estiment
que
la do-
mination est le bonheur
suprme.
Les
Washington y
sont
rares, et je
doute mme
qu'on
y
rencontre un seul
homme
capable
de
comprendre
le dsintressement du
fondateur des tats-Unis. Il ne faut
pas
confondre l'hor-
reur de la
tyrannie
avec l'amour de
l'galit.
Nos Ka-
byles,
dont la
plupart
descendent
probablement
de fu-
gitifs
et de rvolts de toute
espce,
dtestent
plus que
personne
les
impts
et les
corves,
mais ce serait as-
similer
trangement
leur demi barbarie
laplus
leve
des civilisations
que
croire
qu'un
seul d'entre eux refu-
st
par
une sorte de
pudeur
de s'lever au-dessus de
ses frres. Si l'on ne s'arrte
pas
A
l'aspect galitaire
de leurs
demeures,
l'uniform~
de leurs
coutumes,
LA KABTUE
358
la familiarit
quasi-rpublicaine
de leur
langage, que
nous admirons comme il
convient,
on
distingue
bien-
tt, je
le
rpte,
dans toutes leurs
relations,
depuis
cel-
les de
l'Aggbamms
avec son
patron,
jusqu'
celles de
l'Amin ou des Kebar avec leurs
justiciables,
une infinit
de
degrs
et de nuances. Avant notre
conqute,
la di-
gnit exceptionnelle
de l'Amin et des Kebar tait d-
fendue
par
des
amendes,
tout comme l'autorit de
nos administrateurs l'est
aujourd'hui
et ce n'est
pas
seulement dans la
Djema qu'un pauvre prenait
rare-
ment la
parole
contre un riche.
Nous le
voyons
s'lever,
le futur
grand chef,
dans la
premire
Taddert venue. C'est un homme
d'ge moyen,
matre d'une fortune considrable
pour
un
Kabyle.
Il
possde
un morceau de terre au
pied
du
village,
des
vergers,
des
figuiers,
des
champs
de fves et
d'orge.
une
petite
fort
d'oliviers,
en dessous. Plusieurs de ses
charrues labourent du.ns la
plaine.
II s'est fait btir une
ferme isole,
un
Azib,
qui pourrait
tre mise en tat de
dfense et devenir un
bordj.
Son
pre
ou lui-mme a
gagn beaucoup d'argent
dans le commerce. Ses douros
sont dans la
terre,
secrtement
enfouis,
ou
dposs
chez un marchand inconnu. Un tel homme est absolu-
ment
indpendant,
et c'est l une condition
premire
de
son succs. Sa Taddrt est
divise,
comme le sont tou-
tes les cits et tous les tats du.
monde,
en deux
parties
ou
of qui
s'enflent ou diminuent au moindre
souffle,
car un
of Kabyle
est l'idal de la libert
absolue;
on
y
entre et on en sort
pour
des motifs
futiles,
le
plus
sou-
vent
pour
de
l'argent.
Il devient
rapidement
tte d'un
of,
qu'il
lui est trs facile d'accrotre. Deux ou trois
bons avis donns en
temps
utile font de lui un
mat-
tre de Conseil
Qu'il
ramne des bufs vols
par
des
voisins,
ou leur fasse subir une
reprsaille
lucrative,
le voil < matre du Bras ou matre de la Poudre.
Grave dans la
Djemaa, toujours consult, toujours
cout,
il est le chef
rel,
rien ne se fait sans
lui,
qu'il
soit Amin ou non. Restent
gagner
les
villages
d'alen-
tour, qui, ajouts
au
sien,
constituent la tribu. I)
y par-
vient sans
changer
de
mthode,
car le
parti qu'il dirige
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE
3S9
n'est
pas
contenu dans son
pays
natal,
mais
ingale-
ment
rpandu
dans tous les environs et mme dans la
Kabylie
entire.
(Masqueray,
Cits de
~e).
Nous avons ainsi
dtermin suffisamment
l'organi-
sation administrative de la
Kabylie
avant la
conqute.
Qnel
fut son sort dans la suite ? '1
Aujourd'hui.
Lorsqu'en i830,
la France vint
pour
chtier et
rpri-
mer les mfaits et les crimes de droit commun
qui
taient
journellement
commis
par
les
corsaires,
elle ne
savait encore ce
qu'il
adviendrait de son
intervention.
Aussi de i830
jusqu au
22
juillet 1834,
ne saurait-il
tre
question d'organisation
intrieure. Tout cet
espace
de
temps
est
pris par
les faits
militaires,
et
l'occupa-
tion
que
l'on considrait comme
temporaire,
ne nous
fit
prendre
aucune mesure de
gouvernement.
En
1834,
alors
qu'une
ordonnance du 22
juillet
vint convertir
cette
occupation
en
conqute par
la cration d'un
gou-
verneur
gnrt
<
des Possessions
franaises
dans le
Nord de
l'Afrique
l'on dicta
quelques
mesures
pour
rglementer
l'intrieur du
pays,
mais sans
que
cette r-
glementation
et un caractre bien srieux. Le 15 avril
1845,
un dcret divisa le territoire
conquis
en trois
pro-
vinces,
mais l'on
distingua
immdiatement le territoire
colonis ou
civil,
le territoire arabe ou
militaire,
et le
territoire
mixte,
qui
se tenait entre les deux. On
par-
tagea
le territoire civil et le territoire mixte en cercles
et en
arrondissements, tandis
que l'autre,
le territoire
militaire,
restait sous
le
rgime
du sabre. Le dcret
du 11 aot 1846
rigea
en communes tout le territoire
civil et donna ces communes des conseifs
municipaux
lectifs. Peu de
temps aprs,
la constitution du 4 novem-
bre
1848 dclarait territoire
franais
tout le territoire de
l'Algrie
et l'enlevait au
rgime
des dcrets
pour
sou-
mettre notre colonie celui de lois
particulires.
Quel-
ques jours plus
tard,
le 9 dcembre
1848,
on cra trois
dpartements,
subdiviss en arrondissements et en com-
munes.
Quantaux
territoires
militaires,
ils restaient ad~
ministrs
par
les
gnraux
commandant tes divisions et
LA KABLtE 360
les
subdivisions,
mais sous l'autorit du
gouverneur
gnral.
Il va sans dire
que jusqu'
cette
poque~
il ne
peut
tre
question
de la
Kahylie
dans
laquelle
nous n'avions
pas
encore effectivement
pntr.
De 1858
1870,
il faut bien avouer
que
notre
pouvoir
en
Algrie
a eu maintes chances de sombrer. Le
projet
de cration d'un
royaume
arabe,
les donations de terres
immenses aux
grands
chefs
arabes,
taient autant de
fautes
qui
devaient amener la
perte
de
l'Algrie,
si
celle-ci, dj
pleine
de
force,
pleine
de
jeunesse,
et t
moins difficile
perdre.
La
Kabylie,
dans cet inter-
valle,avait
t divise en
quatre
cercles
mi)itaires,Fort
National,
Tizi-Ouzou,
Dra el Mizan et
Dellys.
L'anne
terrible, 187C-1871,
ne
permit
aucune mo-
dification la situation
intrieure,
mais les annes
qui
suivirent furent habilement
employes
augmenter
notre force et notre influence dans la colonie.
En
1872,
l'on
remplace
le
rgime
militaire
par
le r-
gime
civil,et
depuis,
cettat de choses n'a
point chang.
L'on
comprendra
facilement
que
nous n'insistions
pas davantage
sur ce
qui prcde
i[ nous a suffi d'in-
diquer
ces
grandes lignes pour
nous rendre
compte
su-
perficiellement
des administrations
passes; voyona
maintenant
quelle
est l'administration actuelle.
Aujourd'hui
le
gouverneur gnral
est un
gouverneur
civil,
nomm
par
le Prsident de la
RpubHque.
H ad-
ministre toute
t'tgrie
avec i'aide d'un
conseil de
gou-
vernement et d'un conseil
suprieur
de
gouvernement.
Le conseil
suprieur
cr
par
dcret du 10 dcembre
1860,
modifi
par
les dcrets du 24 octobre 1870 et it
aot
1875,
est form
par
le
gouverneur gnral,
le se-
crtaire
gnra!,
les membres du conseil de
gouverne.
ment,
les officiers
gnraux
commandant un territoire
territorial,
)es prfets
des
dpartements
et six conseil-
lers du consei!
gnral.
Le conseil de
gouvernement, y
cr
depuis
la
conqute, porta
des
quaiifications
nom-
breuses d'abord il
s'appela,
commission de
gouverne-
ment
(16 juillet 1830), puis
comit
(16
octobre
1830),
commission administrative
(l"~ juin 1831),
conseil d'ad-
ministration
(22 juillet 1834),
conseil
suprieur
d'ad-
ADM)N!STnAT)ON DE
LA KACYHE 361
2t
ministration
(15
avril
1845),
conseil de
gouvernement
(9
dcembre
1848),
conseil
suprieur
de
l'Algrie (21
novembre
1858),
conseUconsuttatif(10dcembre 1860),
conseil de
gouvernement,
le 24 octobre ~870.
Depuis
il
a conserv ce titre. Les membres
qui
le
composent
sont le Gouverneur
Gnral,
le Secrtaire
Gnral,
le
premier
Prsident de la cour
d'appel, l'Archevque
d'Alger,
le Procureur
Gnral,
le
gnra!
chef d'Etat
major,
l'amiral commandant
suprieur
de )a
marine,
le
gnral
commandant
suprieur
du
gnie, l'inspecteur
gnral
des
finances,
l'inspecteur gnral
des travaux
civils,
le recteur de l'Acadmie et
quatre
conseillers
rapporteurs.
Les
prfets
et les
gnraux
commandants
les divisions
militaires, peuvent
tre
appels
et ont
voix
dlibrative.
L'administration centrale est divise en deux servi-
ces,
celui des affaires arabes fonctionnant sous la di-
rection immdiate du
gouverneur gnral,
et celui des
ataires civiles soumis la direction du scrtaire
g-
nrt.
Le territoire de
l'Algrie
est divis en trois
dparte-
ments, Alger,
Constantine et Oran. Chacun de ces d-
partements comprend
un territoire civil et un territoire
militaire ou de commandement. Le
premier
de ces ter-
ritoires
augmente
au fur et mesure
que
la colonisa-
tion
s'tend;
le
changement
d'une
partie
de territoire
militaire en territoire civil se fait
par
dcret.
A la tte de
chaque dpartement,
en territoire
civil,
se trouve un
prfet.
Des
sous-prfets
administrent les
arrondissements de ce
dpartement.
Des conseils
gn-
raux
prennent part
la direction des
affaires
ils com-
prennent
des membres
franais,
tus
par
le
suffrage
universel,
et des assesseurs
musulmans,
choisis
par
le
gouverneur gnral.
En territoire
militaire,
le commandant de
poste
ou
de bureau arabe a l'administration de sa
section,
sous
l'autorit et !e contrle du
gouverneur gnral.
Chaque
arrondissement est divis en un certain nom-
bre de
communes,
mais
qui
ne sont
pas
toutes de mme
nature il
y
a des communes de
plein exercice,
des
LA KABYLIE
362
communes mixtes,
presque
toutes
aujourd'hui
com-
prises
dans le territoire
civil,
et des communes indi-
gnes
en territoire militaire.
Communes de
plein
ea~'c/M. La cration de ces com-
munes remonte au 28
septembre
1847. Ce sont les com-
munes situes en territoire
civil,
qui par
suite de leur
degr
de
colonisation,
peuvent
recevoir une
organisa-
tion
presque franaise
Aussi dans ces
communes,
trou-
vons-nous ua
maire,
des
adjoints,
des conseillers mu-
nicipaux.
Pour former ce conseil
municipal,
on
dresse
des
listes,
comprenant
1 les
citoyens Franais
ou na-
turaliss
~ les
indignes musulmans;
3" les indi-
gnes
isralites et les
trangers.
Chacune de ces trois
dernires
catgories
a droit
reprsentation, lorsque
sa
population
atteint cent
habitants
mais en tous
cas,
cette
reprsentation
ne
peut dpasser
le tiers du nom
bre total des membres du conseil
municipal.
Le maire est
toujours
un
Franais,
mais des
adjoints
indignes peuvent
tre
nomms
ce n'est
pas par
voie
d'lection
que
cela se
fait,
mais
par
arrt du
gouver-
neur
pour
les
adjoints indignes
des
communes,
chefs-
lieux de
dpartement
ou
d'arrondissement,
et
par
ar-
rt du Prfet
pour
les
adjoints indignes
des autres
communes. Les fonctions du maire n'ont
pas
besoin
d'tre
indiques ici
elles sont
presque
semblables
celles de nos maires
franais
quant
aux
adjoints
indi-
gnes,
leurs fonctions consistent fournir tous les ren-
seignements qui
intressent la
tranquillit publique
et la
police
du
pays,
assister les
agents
du
Trsor lors du
recouvrement des taxes et des
impts
il
peuvent avoir,
dans les communes
importantes,
un
garde champtre
qui
exerce aussi une surveillance et une
police
sur les
douars ou les tribus.
Les conseils
municipaux fonctionnent,
comme en
France,
d'aprs
des lois
qu'il
serait
peu
utile de
repro-
duire.
LMcOMMM~Mtt.c<M.La commune mixte diffre de
!a commune de
plein
exercice,
en ce
qu'elle
ne
pM-
ADMINISTRATION DE LA KAB?L]E 363
sde pas
de
franchises,
n'a
pas
de droits d'lection ni de
dcentralisation
municipale
elle a
plus
de tutelle
que
la seconde et
beaucoup
moins de liberts. Elle
possde
nanmoins une
personnalit civile,
un
budget
distinct,
des biens
communaux,
et est !e centre des actes de l'-
tat civil.
Tout
d'abord,
elles furent
diriges par
des commis-
saires civils ou des
syndics
subordonns ces commis-
saires.
L'arrt du 24 dcembre 1875 cra les adminis-
trateurs et les
plaa
la tte des communes mixtes.
Celles-ci ont donc l'heure actuelle a leur tte un
administrateur,
des
adjoints aux
administrateurs et une
commission
municipale.
L'administrateur
remplit
les fonctions de
maire,
il
est officier
de l'tat
civil, charg
de la
publication
des
lois,
des
dcrets,
des arrts il a la
police gnrale,
surveille la vente et la fabrication de la
poudre
et des
armes de
guerre,
veille l'immatricu!ation des armes
feu
que l'indigne peut
tre autoris
possder.
Il a
le droit
de
rpression par
voie
disciplinaire
des infrac-
tions
spciales
t'indignat.
Il
prside
l'tablissement
de l'assiette de
l'impt
et sa
perception, pour laquelle
il doit aux
agents
du trsor son
appui.
H
gre
les biens
communaux.
Par suite
de ses attributions de
police judiciaire,
il
arrive assez souvent en conflit avec le
juge
de
paix
et
malgr
les circulaires du 30 aot et du 24
septembre
1877
rglant
ces
conflits,
c'est un
spectacle
encore
trop
frquent
et vraiment
dsolant,
que
de voir les lut-
tes sourdes
qui s'engagent
entre les deux
reprsentants
de l'autorit.
L'effet
produit
par
ces dissensions n'est
pas
fait
pour
diuer
f indigne
sur notre
systme
d'ad-
ministration, qu'il
n'est
presque toujours que
tout dis-
pos
critiquer.
Auprs
de l'administrateur,
se trouvent un ou
ptu-
sienrs
adjoints qui
te
remplacent, lorsqu'il y
a lieu
de le faire. Puis
uns commission
municipale comprend
les
adjoints municipaux
franais (qu'il
ne faut
pas
confondre avec les
adjoints
des
administrateurs)
et des
membres
franais
et dei
adjoints indignes.
Cela forme
LA KABYLIE 364
une sorte de conseil o l'on dlibre sur le mode
d'administration des biens communaux, sur le mode
de
jouissance
et de
rpartition
des
p&turages
et des
forts
communaux, sur
)ebudget
de la
commune, etc.,
etc. Les
adjoints municipaux
franais
sont
chargs
de la tenue des
registres
de l'tat
civil,
et de
l'applica-
tion des
rglements
de
police
d&ns leur
section;
les
adjoints indigne6
servent d'intermdiaires entre l'admi-
nistration
franaise
et les douars ou les
tribus
ils
doivent avertir t'~utorit
franaise
de tous les crimes
et
detoustesdtitsquisecommettentdansteurfraetion
ils assistent les
agents
du Trsor dans les
oprations
du
recouvrement de
l'impt.
Communes
indignes.
Comme il
n'y
a aucune com-
mune de cette
espce
en
Kabylie,
il
n'y
a
pas
lieu de
s'en
occuper. Qu'il
suffise de savoir
que,
situes en
territoire de commandement ou territoire
militaire,
elles
ont leur tte le commandant du cercte et une com-
mission
municipale.
J ustice.
Autrefois,
les
Kabyles,
dans leurs
procs,
faisaient
appel
des arbitres.
Chaque partie
en choisis-
sait
un,
la
Djema
en nommait un
troisime,
et la sen-
tencetaitrespectepartes plaideurs.
Cela n'occasionnait
ni
frais,
ni
dplacements,
et l'affaire ne tranait
pas
en
longueur.
Ils ne connaissaient
pas
la
juridiction
des
cadis, iuridiction
essontiettement
Arabe,
mais
qui
avait
les mmes
avantages.
<
C'tait une
justice
locale, communale,
patriarcale,
parfaitement adapte
l'tat de leur socite. Elle tait
instinctive, intuitive, peu claire,
mal
gradue,
tout
ce
qu'on voudra
mais elle tait
rapide,
facile et
peu
coteuse. EUe
frappait
fort et
parfois
de
travers,
mais
elle
frappait
tout de suite.
L'amende,
le
bannissement,
les
coups,
on
savait le
compte;
il fallait en
passer par
l. La
justice
tait distribue sans
frais,
obie sans
frais.
(Ch. Benoist,
En~M~ Algrienne).
Notre domination
a remplac
tout
cela,
et ht&~ si te
contribuable
franais
necessede
se plaindre
desfraisetde
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE
365
)aienteurdeiajustice,I'indignepeut
exhaler les mmes
rcriminations. Et cela n'est
pas
la faute de nos
m&gis-
trats,de
nos juges
de
paix, qui accabls par
une
besogne
invraisemblable,
ne
peuvent
faire
mieux,
mais bien
celle de notre
organisation judiciaire,
absolument
vicieuse.
Ecoutons les dolances
des Kabyles
et reconnaissons
combien
elles sont
justes
et fondes.
Tout
d'abord,
il faut bien reconnatre l'insuffisance
du
personnel judiciaire
en
Algrie
il n'est
pas
admis-
sible
par exemple qu'il puisse rester,
la 6n d'une
anne,
juger
45088 causes devant les tribunaux de
premire
instance et 8058 devant la cour
d'Alger,
(statistique
au 31 dcembre
i887).
C'est
porter
une
grave
atteinte la
justice
et aux intrts des
justicia-
bles
que
de tolrer une
pareille
situation.
Le tribunal
de
Bougie ocfape
le seizime
rang parmi
les tribunaux
de France et
d'Algrie,
au
point
de vue du nombre des
affaires
juges,
il n'a
qu'une
seule
chambre;
le tribunal
de
Tizi-Ouzou,
qui
n'a lui aussi
qu'une
seule
chambre,
juge plus
d'affaires
que
celui de
Rouen,
qui
en a
trois
et il en est
peu prs
de mme
partout
ailleurs en
Algrie,
Bne,
Blidah,
etc.
Quand
aux
juges
de
paix, c'est bien
une autre affaire.
Si nous considrons
que
l'arrondissement de Tizi-Ouzou
a une
superficie
de 382021 hectares
et qu'il
ne
comprend
que
huit
cantons,nous
voyons que
la
moyenne
de la sur-
face du territoire o
un juge
de
paix
exerce ses fonctions
est de
quarante quatre
mille hectares
environ,
et en
Kabylie,
il existe la
population
la
plus
dense
la sta-
tistique
nous l'a faitconstater dans le
premier
livre. En
outre de ses fonctions de
juge
de
paix,celui-ci
doit se
livrer aux
instructions criminelles
et Dieu sait si la
moyenne
de ces instructions est leve
(un juge
de
paix
de
Kabylie
me disait
que
le chiffre tait
pour
lui de
quatorze environ,
soit deux et demi
par semaine),
comment veut-on
que
la
justice
soit rendue
~romp-
teinent,
alors surtout
qu'il
a lieu des
transports
de
toute
difficult,
tant
par
le
manque
de
moyens
de
locomotion ou de
circulation, que par
l'immense dis-
tance
qu'il
faut franchir.
LAKABVUE 366
Cette distance n'est
pas pour
le contribuable un des
inconvnients les moins
grands. Supposez qu'un
habi-
tant de
Tigzirt
soit demand devant le
juge
de
paix
de
Dellys pour
venir la
conciliation,
il a 27 kilomtres
faire
pour
suivre son affaire sur
citation,
mme
parcours; pour
une
comparution
de
tmoins,
mme
voyage; pour transport du juge,
celui de
t'interprte et
du
greffier,
mme
itinraire,
mais avec une
augmenta-
tion de frais facile
comprendre.
Et M. Ch.
Benoist,
dans son livre
Enqute Atg-
rienne nous difie ce
sujet.
H
y
a de l'effet la cause une
disproportion
mons-
trueuse. Voici un
exemple frappant. Sept indignes
ont
fait
dpoui))er
par
leurs chvres
djeunes
pousses
dans
un bois. On leur demande de donner
c~/raNCS pour te
garde.
Ils refusent de
s'arranger.
On les
poursuit.
Sait-
on combien ils ont
pay,
tout
compte fait? Cinq cent
MM'a'<<e/')'oNM.
Le
dommage
rel tait estim un franc.
Autre
exempte,
non moins
topique
un
indigne
a
achet un me)k
qui
lui cote
~MftO'e
cent ~'cn<6
/)'aHM.
Lu droit des vendeurs. comme il arrive
souvent,
est in-
certain et contest. H
y
a
procs. Lorsqu'on
m'a racont
l'affaire,
c tait la dixime fois
que l'indigne
alfait
Constantine. Cent kilomtres environ
pour
aller,
cent
kilomtres
pour
revenir,
il avait
fait,
pour
ce
champ
de 430
francs,
plus
de deux mille
Mom~r~,
dpens
dj prs
de six cents
/fc)!M,
et il n'tait
pas
sr
que
la
vente serait valide.
J e
l'accorde volontiers ce n'est
point
la faute des
juges.
Et
pourtant,
si,
c'est leur faute. Ou c'est ta faute
de
notre
organisation judiciaire.
Elle embrasse
trop
et
treint mal. Elle n'treint
pas
du
tout,
car
ce qu'elle
em-
brasse est insaisissable
pour
elle. Des
circonscriptions
trop
vastes,
une
langue que
le
juge ignore
et
qui
le con-
damne subir le
courtage
vreux des
interprtes.
De
l,
de la
distanc,
de
l'ignorance
de
la langue,
l'impos-
sibilit matriette d'une bonne
justice,
c'est--dire dmoe
justice
raisonne.
impartiale, prompte
et bon mar-
ch .
Noua
ferons-nouB l'cho
dea
reproche
ad~ts cb&
ADMINISTRATION DE LA KABYLIE M7
que jour
aux
interprtes ?
Non,
ce livre n'est
pas
une
enqute politique. Cependant,
il faut bien reconnattre
avec M. Ch. Benoist
que
<la J ustice se vend
toujours,
en arrire et l'insu du
juge, malgr le juge, par l'in-
terprte.
Et la conscience du
juge
ne
peut
tre claire
que par
ce
qu'on
lui dit. Le
magistrat
nesait
qu~
cj
que
t'interprte
veut lui faire savoir.
L interprte gare l'indigne
en lui
posant
la
ques-
tion et le
juge
en lui transmettant la
rponse.
On cite
des traits
qui,
s'ils n'taient
odieux,
seraient
comiques.
Un
interprte interroge
un
plaideur
< N'est ce
pas que
ta femme est malade ? Oui. fait l'Arabe. Aussitt
t'interprte
< H
avoue,
monsieur ie
juge.
Il
n'y
a
pas
demander.'
Qui
trompe-t-on
ici? C'est la
justice.
J
(Ch.
Benoist
En~Mpt~~rMKtx').
N'est-ce
pas
vraiment
effrayant
aussi bien
pour
les
plaideurs, que pour
les
tmoins,
les
juges
et leurs
auxiliaires?
Que
le
Kabyle regrette
la
justice
des
Djem&a, je
le
comprends.
Mais ce
que je
ne
comprends
plus,
c'est
qu'on l'empche
de se faire
juger par
cette
Djema, quitte
le laisser libre de tenter une vritable
expdition pour
venir en
appel,
s'il est
peu
satisfait de
ses
premiers juges.
Le
Kabyle prfrerait
cette
justice
de la
Djemat,
ses intrts seraient
sauvegards
moins de
frais,
il serait content de son sort
nous
aurions
supprim
un
rouage qui
ne
peut
raisonnable-
ment bien fonctionner dans les conditions o il est
tabli,
et chacun s'en trouverait mieux,
plaideurs,
tmoins et
magistrats.
Mais
non,
il
n'y
faut
pas penser;
ce serait
trop simple
et
trop pratique.
H faut
que
le
Kabyle
sache son
tour,
ce
qu'est
une
citation,
une
assignation, uneprocdure
avec
enqute,contre-enqute,
conclusions, avenirs, que sais-je
encore en un
mot,
tout ce dont tous les
Franais
demandent
avec une
touchante unanimit la
suppression,
depuis
tant
d'annes.
Aussi arrive-t-il souvent
que
le
Kabyle
recourt
encore
l'arbitrage. Chaque plaideur
choisit sou
juge,
et
le juge
de
paix, remplaant
la
Djem&a,
dsigne
le
troisime arbitre.
LA KABYLIE 368
Lorsque
)e
procs s'agite
entre
deux Kabyles,
le
juge
de
paix
se fait assister
par
un assesseur
Kabyle.
Si le
conflit a lieu entre deux
Arabes,
l'assesseur est lui.
mme un Arabe. Enfin s'il
s'agit
d'une contestation
entre
Kabyle
et
Arabe,
il faut deux
assesseurs,
l'un
Kabyle,
l'autre Arabe.
Que
tout cela est
compliqu,
et
que
l'on ferait bien de trouver autre
chose,
si l'on ne
veut revenir
la juridiction
des cadis ou de la
Djemaat.
/M~d~.
Nous avons vu
que
les
Kabyles, payaient
des
impts,
avant notre
conqute, impts religieux
destins
les uns au
budget
du
village,
les autres au
soulage-
ment des
pauvres.
Ds le 18
janvier 1850,
le
gnral
Randon tablit en
Kabylie
un
impt
dit de
capitation.
Cet
impt reposait
sur les bases suivantes tout homme en tat de
jener
et de
porter
les armes tait inscrit dans une des
quatre
catgories
suivantes 1 celle des
gens riches
2 celle
des
gens
d'aisance
ordinaire
3 celle des
gens
ne
possdant qu'un
revenu
mdiocre
4" enfin cette des
gens
ne
possdant
rien. Tout individu
compris
dans ia
i~
catgorie,
et
quel que
soit d'ailleurs le nombre
d'hommes dans la
famille, payait
un
impt
annuel de
15 francs dans la 2
catgorie l'impt
annuel et
par
tle tait fix 10
francs;
il n'tait
que
de 5 francs
seulement
pour
la 3
catgorie.
Quant
aux
autres,
ils
ne
payaient
rien.
En
plus
de cet
impt,
l'on avait tabli des centimes
additionnels
18 centimes additionnels communaux et
dix centimes additionnels
pour
la constitution de la
proprit indigne.
Aujourd'hui l'impt Kabyle
consiste en 1" Un
impt
de
capitation appel
lezma
augment par
arrt
du
gouverneur gnral
en date du 9
septembre 1884,
et tablissant six classes
d'individus l'indigent, qui
ne
paie rien
ceux
qui possdent
une fortune
moyenne,
10
francs
ceux
qui
ont une
aisance,
15
francs
les riches
50
francs
et les trs
riches,
100 francs.
En
plus,
le
Kabyle paie
la contribution foncire sur
les
proprits bties
elle s'lve entre 6 et 7 francs
par
ADMtNtSTRATtON DE LA KABYLIE 369
il.
individu. En outre il est d 3
journes
de travail
par
homme et
par
bte de somme.
La
patente, qui
est de trente francs en
moyenne,
est
due
par
ceux
qui
exercent certaines
professions.
D'aprs
ie
rapport
de M. Burdeau. sur ie
budget
de
1892,
des
366,638
Kabyles
de l'arrondissement de Tizi-
Ouzou,
il
n'y
aurait
que
85,969
habitants
qui payeraient
la lezma la
proportion
serait,donc
de i sur un
peu plus
de
quatre.
Division <K/mtK:<!<!t)e de
Kabylie.
Le territoire
de
la Kabylie
du
J urjura comprend aujourd'hui
i l'ar-
rondissement de
Tizi-Ouzou
2 une
partie
des com-
munes de
Boura, Blad-Guitoun,
MnerviHe,
Tablat,
Palestro et Beni-Mansour,
dans l'arrondissement d'At-
ger
30 et une
partie
des communes
de
Djidjeli,
Akbou, Amoucha, Guergour
et
Soummam,
dans l'ar-
rondissement de
Bougie.
L'arrondissement de Tizi-Ouzou
comprend
i2 com-
munes de
plein
exercice et 6 communes mixtes
Les i2 communes de
plein
exercice sont
Bois Sacr Isserville
Bordj
Menael Mekla
Dellys
Mirabeau
Dr el Mizan Rebeval
Fort National Tizi-Ouzou
Haussonviller Tizi-Reniff
Les six communes mixtes sont
Azeffoun Dr el Mizan
Dellys
Fort National
J urjura
Haut Sbaou.
UVRE SEPTIEME
MCEURgj COUTUMas ET USAQ~S.
Aprs
l'tude
que
nous venons de faire,
il est facile
de
comprendre que
ehex un
peuple possdant, d'aprs
notre manire de
voir,
des
qualits
si
perst)one!)aa,
tes
ntOtirs,
les
psages,
les coutumes, aient dos capactrea
tant
particuttera et
curieux. La Qert du
Kabyle,
son
temprament
vindicatif,
son administration
qui
nous
semble si diffrente de
oelle des
autres
peuples,
tout a
contribu faire Qaltre chee lui une existence
apoiate
qu'il
est intressant de mettre
en
iumire, Aussi notre
but est-it de
prendre
le
Kabyle
sop berceau j noue
le
suivront
pas
pas
dans
reofanoa,
dans)
t'adoiesoence,
dans
l'ge mr,
dans
la
vieillesse et noua
raccompa-
gnerons jusqu'
la tombe. Nous fouillerons dans la vie
entire de cet homme
pour y
dcouvrir le
r~te
qu'il
a
jou
dans cette ternelle comdie de la
Vie Humaine,
mettant nu
ses joies
comme ses
tristesses,
sa
gloire
comme sa honte.
<
A
peu prs
sur
chaque piton,
au
bord
de
chaque
prcipice,
le
plus
souvent
long
et troit comme la crte
qu'il
couronne,
se
dresse un
grs viUa~e
conatrt.ut
en
pierres,
couvert de toitures en tuiles
rouges,
entour
de
chemina oreax
et de haies
vives,
parob4
l
comme
un
nid
d'aigle.
A ce
seul
aspect,
on
devine
dj
un
peu-
ple
att&cb au sol
qu'il
habite et
accoutume vivre
sur
le
pied
de
guerre,
un
pays d'attaque,
de
rsistance,
et
de rudes
gens.
(P. J oaeph Dugas,
La
Kabylie).
Tels sont les
viiagps Kabyles,
L'accs en est trs
souvent
difficile
les chemins
qui y
conduisent tant
fort
peu praticables.
Toutes les
maisons,
rez-de-chausse difi en
pierres
brutes et de dimensions
ingates~
eont
adossea les
MURS,
COUTUMES ET USAGES
3Ti
unes contre les autres. Elles n'ont
jamais
d'ouvertures
vers l'extrieur du
village seule,
donnant sur la rue
principale
ou sur une
ruelle,
une
porte,
et
quelquefois,
une ou deux
petites
fentres tt oites et sans
vitres,
per-
mettent
l'entre de l'air et de la lumire. Ce
systme
de
construction tait trs
apprciable
autrefois,
car ainsi
le
village
tout entier formait une vritable forteresse
avec une enceinte
compose uniquement
des murailles
des maisons. Une
pierre
enleve dans le mur
permet-
tait l'habitant de
surveiller,
en
temps
de
guerre
la
marche de son ennemi et en mme
temps
formait une
meurtrire.
Une
rue,
l'entre du
village, part
dela seule ouverture
qui
existe
danst'enceintsfortiue,
sorte de brche ferme
par une porte,
vite
assujettie
en cas
d'alerte, au moyende
poutres toujours
proximit.
Cette rue n'a
point
d'autre
issue
elle aboutit
gnralement
une foule de ruelles
qui
conduisent un
minaret,
situ sur le
point 'culmi-
nant du
village,
observatoire o toute heure le
Kabyte
peut
surveiller ce
qui
se
passa
autour de lui. Prs de la
porte
d'entre du
village
et travers
par
la rue
mme,
s'lve un btiment
rectangulaire,
couvert en tuiles. A
l'intrieur de
simples
bancs de
pierre.
C'est l.
que
se
runit le Conseil du
village,
la
Djemsa.
Riches ou
pauvres,
les maisons
kabyles
se ressem-
blent toutes bien
peu
de chose
prs.
Elles
sont distri-
bues de mme la vie du riche difre si
peu
de celle
du
pauvre
les besoins et les
exigences
sont les
mmes,
pourquoi
le mme modle d'habitation
ne serait-il
pas
employ par
tous ? La
porte
s'ouvre,
soit sur la rue
principale,
soit sur une
ruelle
on ?ntre et l'on se trouve
dans une
grande pice,
o le
jour pntre
fort
peu.
Heureusement
que
souvent
la
toiture,
faite en tuiles mal
jointes,
laisse filtrer de nombreux
rayons
de
tumire
cela
permet d'y
voir un
peu plus
Partage, presque par
moiti,
psr un petit
mur d'une
hauteur de
quarante
cinquante
centimtres,
cette
pice
forme toute l'habitation
du
Kabyle.
Dans la
par-
tie la
ptus grande
et
peu prs
au
miHeu,
un trou est
Cfeuftdans te 90!. Ce
trou,
peu profond
d'ailleurs
et en-
LA KABYLIE 372
tour de
pierres,
sert faire le feu. C'est le
Kanoun,
le
foyer,
l'endroit sacr
par
excellence
pour
les
Kabyles.
C'est dans cette
partie, que
le matre de la maison se
tient,
c'est ):\
qu'il reoit ses parents
et ses
amis,
c'est l
que i'trangerestaccueitti.
Une
natte, tendue
par terre,
le longd'une muraille,
sertdelitau matre de
cans;
c'est
d'ailleurs tcseutameubtementde cette
pice.
It
estcepen-
dant vrai
d'ajouter, pour
tre
exact, que
des crussent
Hxs dans le
mur,
les uns destins
suspendre
d'abord
!e
fusil,
cet
objet auquel
le
Kabyle prodigue
tant de
soins,
ne le
touchant qu'avec un linge lorsqu'il
est sorti
de sa
gatne, puis
les autres tablir un mtier
pour
tisser les vtements de faine. Le fusil est le seul
objet pour lequel
!e
Kabyle
se
permette
u~ certain
luxe,
et le seul dont il est vritablement
soigneux.
Il n'est
pas
rare de rencontrer dans une maison dont tout le
mobilier ne vaut
pas
cent
francs,
un fusil
garni d'argent
ou de corail
qui
a cot 3 ou 400 francs. C'est un
meuble de fami'ie
respect, envelopp
avec soin
dans
un fourreau d'toffe,
il
occupe
une
place
choisie l'abri
de l'humidit et est
toujours
tenu dans un tat de
propret qui proteste
avec le reste de la maison et la
personne
du
propritaire (Hanoteau, Posies popu-
Mu'M).
Il n'en est
plus
ainsi
aujourd'hui,
o le
Kabyle
n'ayant pas,
sans
autorisation,
le droit de
possder
des
armes,
les cache
plutt que
d'en faire
parade.
En contre-bas dd
Kanoun,
se trouve l'addanin ou
curie. C'est la seconde
partie
de l'habitation
spare
du
Kanoun,
nous
l'avonsdj indiqu, par unpetit mur.
L'addanin met
t'abri,
auprs
de son
matre,
le mulet
ou le bourico . Le sol de t'adda!nin est creus d'en-
viron un
mtre,
l'animal
y
accde
par
une ou deux
marches,
faites avec
quelques
morceaux de
pierre
brute. Au dessus de
t'curie,mais
seulement du cote
oppos
la
descente,
se trouve un
plancher
en bois.
Troisime
partie
de cette habitation trs
complexe,
ce
plancher
forme l'endroit o le
Kabyle loge
tout la
fois tes
femmes,
les
enfants,
les
fourrages,
les sacs de
fves,
etc.
Auprs
de ce
plancher
et sur le rebord du
mur,
l'on voit
quelques jarres
en
terre,
dont une de
MOEURS,
COUTUMES ET USAGES 373
dimension vraiment
colossale,
d'une hauteur de 2m
2"'
50,
d'un diamtre de 2 3 m. Celle-ci renferme en
ses flancs toutes les
provisions
de
mnage, orge,
bl,
huile
les autres contiennent le lait et divers autres
provisions,
la
graisse,
la
poudre,
etc.
Et
puis,
si nous cherchons autre chose dans cette
maison.
il
n'y
a
plus
rien. c'est tout. Et si nous nous
tonnons,
nous les Roumi n de cette installation
pri-
mitive,
le
Kabyle
nous
regarde
d'un air fin et
narquois.
Que
lui faut-il de
plus ?
Sa
porte
ferme,
n'a-t-il
point
tOLt sa
porte?
H
a,
sous la
main,
la
famille,
les
bestiaux,
ies
provisions
d'hiver. Personne ne
peut
tou-
cher
quci que
ce soit sans
que
le matre le
sente,
et
si vous venez
l'attaquer,
il faut de lourdes haches et
de fortes
pinces pour
briser sa
porte
ou dfoncer sa mu-
raille.
N (Masqueruy.)
Il n'est
pas
besoin d'autre chose
pour
tre heureux et
tranquille.
en
pays kabyle.
C'est dans cette
maison,auprs
de
t'addanin, que
nalt
le
Kabyle.
Mais l'arrive de l'enfant dans ce milieu
pittoresque
est bien
diffrente,
suivant
qu'il
est fille ou
garon
de son sexe
dpendront
la
joie
et l'accueil
bruyant qu'on
fera ctater.
En
Kabylie,
l'homme est au
premier plan,
la femme
n'occupequ'une position trs
secondaire.
Pour le kabyle,
la naissance d'un
fils,
c'est la naissance de celui
qui
un
jour
fera un
citoyen
de
plus
dans le
village,
de celui
qui
viendra
plus
tard s'asseoir aux dlibrations de la
Ujema,
de celui enfin
qui pourra,
si les circonstances
le
demandent,
dfendre son
village,
fusil en main. Tu
ne voudrais
pas,
disait un
kabyle
au
capitaine
Devaux,
auquel j'emprunte
ce rcit, qu'
la venue de deux enfants
sur cette
terre,
nous ne fissions
pas
une dinrence entre
celui
qui
doit un
jour
dfendre son
of (parti)
un fusil
la
main,
et celle
qui
ne sera tout au
plus
bonne
qu'
faire du mauvais kouskoussou. Nos Kanoun
(rg!e-
ments de
village)
font de
grandes
diffrences entre
l'hom.ne et la femme
adulte;
ainsi,
par exemple,
une
femme ne
peut pas
tuer son
mari,
tandis
qu'un
homme.
Mais,
ripostai-je,
ces filles
que
vous
mprisez,
sont en dunitive
pour
vous une bonne au-
LA KABYUK 374
baine,
puisque
vous les vendez
quand
elles ont dix
douze ans.
<
Oui,
mais tout cela ne me donnera
pas grande
influence la
Djemaa,
tandis
qu'avec qua-
tre ou
cinq garons
bien
taills,
je
ne craindrais
plus
mes
ennemis,
quand
ma barbe blanchira et
que
ma vue
s'affaiblira.
C'est d'aitieurs ce
que
le
gnral
Daumas a
rsum,
en disant: La fille n'accrot en rien la force
de la tribu
devenue
grande,
elle se mariera et
quittera peut-tre
le
pays pour
suivre un nouveau matre.
Aussi la
femme,
qui d'ailleurs irtage
les mmes
ides
que
son mari sur la naissance d'un
garon
ou sur
celle d'une
fille,
a-t-elle soin de recourir aux
sortilges
de la sorcire ou d'aller en
plerinage
vers
quelque
saint marabout
pour
obtenir de
donner
le
jour
un
futur
citoyen.
Le
jour
de la naissance est
arriv,
les matrones ont
opr
la dlivrance de la
mre,
elles s'assurent du sexe
de l'enfant. Si c'est une
fille,
elles font le
simulacre
d'une incision cruciale avec le dos d'un couteau sur les
parties
sexuelles de
l'enfant
cette
opration remplace
pour
elle
l'opration
de la circoncision. Le troisime
jour
et le
septime jour aprs l'accouchement,
la fa-
mille se runit et l'on fte sans
bruit,
tout la fois le
rtablissement de la mre et la naissance de la ntte.
Mais le
sortilge
de la sorcire et le
pierinage
au
saint
marabout,
ont-ils
produit
leur
effet,
les
matrones
ont-elles reconnu un n!s ? Aussitt des cris
perants
se font entendre
(aslilou,
thir'rathin), qui
annoncent
au
village
la naissance d'un nouveau dfenseur. Les
hommes se rassemblent et
rpondent
aux cris des
femmes
par
de nombreux
coups
de fusil. Tous les
parents,
la
Kharoubba,
pare
de ses habits de
fte,
vient vers
t'accouche
pour
la
complimenter
et lui
apporter
des
prsents,
des
bijoux,
des
parfums,
des
cosmtiques,
des
tones,
etc.
Quelquefois mme,
mais
cela est assez
rare,
ces
prsents
consistent en sommes
d'argent.
La mre
peut
alors mettre
avec
orgueil
sur son front
le
Thabezimtb,
sorte de
bijou
rond
eUe le
portera,
ce
MCEURS,
CaUTOMESET USAGES 375
bijou, pendant
un
an; aprs
ce dlai elle
perd
cette
parure
et ne
peut
la
reprendre qu'aprs
la naissance
d'un auire fils. Le thabezimth
apprendra ainsi,
celui
qui
verra cette
femme,
qu'elle
a doan un
citoyen
son
village.
A la naissance d'un
garcon,
le
pre
doit au
village
une
redevance,
qui s'appelle
< ada Le chiffre de
cette redevance varie suivant la richesse du
village
il
est
gnralement
de
cinq, six,
sept
ou huit francs.
Treis
jours
aprs
l'accouchement,
premire
fte,
mais
pour
les femmes
seulement.
La mre se lve et
remet
sa ceinture.
Puis,
runissant les femmes de
sa
Kharrouba,
et celles du
village qui
lui ont
apport
des
ufs ou autres semblables
offrandes,
elle fte
gaiement
son heureuse dlivrance.
Quatre
jours encore,
par
suite
sept jours
aprs
['ac-
couchement,
et la
grande
fte
commence
c'est le
jour
des
rjouissances
solennelles offertes
par le pre
de l'en-
fant,
tout le
village. Toutd'abord,
au milieu des crie,
des bruits de
tam-tam,
des
chants,
et des
coupa
de
fusil,
on
gorge
des moutons et des chvres. Ces victimes
sont sacrifies en l'honneur du nouveau
citoyen,
et
pour
carter les mauvaises
inuueneesqui
pourraient
un jour
compromettre
son
avenir,
t'en fait couler sur son vi-
sage quelques gouttes
de
sang
encore chaud. Puis tout
le
viHage
se rend un
repas
de fte
qu'a
fait
prparer
le
pre,
et
o le couscous n'est
pas pargn.
Gnrate-
ment le menu de ce festin est laiss
t'approiation
du
pre,
et cela avec
raison
son amour
propre
tant une
garantie
srieuse
que
tout se
passera
trs bien. Dans
certaines tribus
cependant,
nous trouvons traces de r-
glements qui
fixaient d'avance le menu de ces sortes
d'agapes
et noua
voyons
mme,
que
nu! ne
pouvait
!e
dpasser
ou le diminuer sans encourir une amende.
Nous donnerons titre de curiosit le menu
obligatoire
d'un
repas
de
fte,
tel
que
l'avait
compos
le Kanoun
d'un des
villages
de la tribu des Cheurfa
guir'il
Guek'
Ken Un
plat
de
couscous,
contenant deux mesures de
froment -sur ce
couacous,
la valeur d'un
ral,
soit
denx
fr~ea
cinquante
centimes de
viande,
une
demi
mesure de beurre et trente oeufs.
LA KABYLIE 376
La fte se termine au milieu des
chants,
des sons
aigus
de la flute de
roseau,
du bruit cadenc des tam-
tams,
et des danses dans la famille.
On ne
songe plus
alors l'enfant.
Envetopp
dans
quelques linges, quelques
dbris de
burnous,
il
attend
que
ses
petites jambes
lui
permettent d'explorer
t'ha
bitation.
J usque
l,
it reste sur le fameux
plancher
en
bois,
au milieu des
fourrages,
des bottes de fves sches
et de
pois
chiches.
L'enfant
peut-il
marcher,
il est alors
indpendant.
Vous le rencontrez
chaque pas,
dans les ruelles du
village, jouant
avec les autres enfants de son
ge,
et
aOubf du traditionnel burnous ou de la
petite
robe bteus
ou
rouge
d'une
propret quelque peu suspecte.
A
quatre
ans,
si c'est un
garon,
il sera
l'objet
de
nouvelles
ftes,
de
grandes
rjouissances.
C'est cet
ge, que
J es
Kabyles ont
l'habitude de
procder
l'op-
ration de la
circoncision,
solennit considrable
pour
la
l'amille,
et mme
pour
le
village.
Le
pre
fixe tui-mme
le jour
o cette
opration
re-
ligieuse
aura lieu et en avertit ses
parents
et ses amis.
La nouvelle en est vite
rpandue
dans tout le
vittage.
L'avant-veille du
jour fix,
la fte commence. Toutes
les femmes de la Kharrouba. viennent dans la maison du
pre
de famille rendre visite la mre et
l'enfant,
et
toute la soire se
passe
en chants et en danses. La fte
n'est
interrompue que par
un seul acte
religieux
un
marabout se
prsente,
et
prenant l'enfant,
lui teint de
henn la main droite. Cette crmonie
termine,
les
chants et les danses
reprennent
de
plus
belle,
et l'heure
avance de la nuit vient seule mettre fin aux divertis-
sements.
Le
lendemain,
les
rjouissances publiques
ont lien.
L'enfant,
habill de vtements
neufs,
mont sur !'n
mulet et le front entour d'un
Akerzi,
bandeau de
soie
qui
lui fait
plusieurs
fois le tour de la
tte,
est
promen par
toutes les ruines du
village
au son des
(ltes
de roseau et des tam-tams. Sur son
passage,
les
hommes tirent des
coups
de
feu, accompagnement pres-
que indispensable
de toutes les ftes de
village usage
MURS,
COUTUMES ET SA&ES 377
que
nous
retrouvons,
et c'est ta un
rapprochement
assez
curieux,
dans certaines
rgions franaises.
Quand
cette
promenade
est
termine,
le
cortge
se
rend la maison
paternelle,
o les
parents
et les amis
viennent faire au
pre
de famille des cadeaux en
argent,
appels
EI-Khir. Toute la nuit est consacre la
fte,
nuit
bruyante
o les chants et les danses n'ont
que
de
courtes trves. Pendant cette
soire, les
parents s'ap-
prochent
de
l'enfant,
et,
l'aide d'un fit. attachent au-
tour de son burnous on nombre
plus
ou moins consi-
drable de
pices
de monnaie. Cela constituera
pour
l'enfant une sorte de
pcule, pcule sacr,
qui
lui
appar-
tient en
propre
et
auquel personne
ne
saurait toucher.
Ses parents
ou 6(-s
tuteurs peuvent
faire valoir
ce pcule,
mais ne
doivent jamais
'e
dissiper.
Le troisime
jour
se
lve,
jour
nx
par
le
pre pour
l'acte
idigieux
de la circoncision. La maison se trouve
alors envahie
par
une foule considrable
d'assistants,
qui,
dfaut de meilleures
places,
montent
jusque
sur
le toit.
L'oprateur, dsign
dans
chaque village
et dont les
fonctions doivent tre absolument
gratuites,
arrive. Il
pntre
dans la maison et circoncit l'enfant.
C'est alors un tohu bohu
indescriptible,
un bruit for-
midable o les cris des
femmes,
les
coups
assourdis-
sants des
tam-tam
les notes
aigus
des
fltes,
ies
coups
de feu
rpts
profusion,
rivalisent de sonorit. C'est
le
triomphe
de la
cacophonie
en dtir?.
Une vieille
femme,
nue
jusqu'
la
ceinture,
se
pr
cipite
sur
l'enfant,
le
charge
sur ses
paules
et le
porte
jusqu'
son lit en le maintenant
inclin,
les mains ra-
menes sur la
poitrine,
de manire ce
que
la
partie
incise
repose
sur sa
peau
dcouverte. Cette crmonie
bizarre, qu'on appelle
abibbi-en-temr' arth
(abibbi,
ac-
tion de
porter
sur le
dos,
temr'
arth,
la
vieille),
a
pris
naissance dans un
prjug populaire, qui
ne ?eut
pas
que
la chair vive ait contact avec autre chose
que
de la
chair <.
(Hanoteau
et
Letourneux).
L'enfant
couch,
les
pansements
ncessaires lui sont
faits,
et chacun
disparut
dans le
village,
non sans ac-
LA KABYLIE
378
compagnement
des mmes
cris,
des mmes
coups
de feu
et de la mme
musique. Gnralement,
les soins donns
& l'enfant consistent tout
simplement
en une
applica-
tion de miel et d'alun calcin et rduit en
poudre,
for-
mant ainsi une
pommade.
Quelquefois, aprs
ces soins
appliqus
au
corps,
on
s'occupe
d'un remde
pour
t'me. Il
parat que
c'est
le bon moment
pour repousser
les malfices du dmon.
On
prend pour
cela du charbon de racine de laurier
rose,
on
l'allume, on y
fait
brter une feuille du mme
arbrisseau et un
peu
de
benjoin. L'enfant, aprs
avoir
enjamb
ce feu
pendant quelques
instants,
est dsor-
mais l'abri des embches des
Djenoun (Devaux,
fe&a~/M
du
D/<t'f!;et)'a).
A l'occasion de cette
so!enait,
le
pre
doit,
dans la
plupart
des
tribus,
offrir un
repas
de fte au
village
entier. Dans certaines autres
tribus,
le
pre peut
rem-
placer
ce
repas par
le
paiement
d'une somme
d'argent
la
Djema.
L'enfant est
circoncis,
et
partir
de ce moment
jus-
qu'
sa
majorit,
il est
l'objet
de bien
peu
do'soins,
de
bien
peu
d'attentions.
L'instruction est
peu prs
nulle en
Kabylie.
Les
filles ne
frquentent
aucune
cole
quant
aux
garons,
on ne saurait
appeler
instruction,
le fait
d'apprendre
par
cur
quelques
sourates du Coran.
Et
cependant,
si le
Kabyle
ne sait ni
lire,
ni
crire,
i! tient honneur d'avoir des coles renommes et il
en
supporte
avec
plaisir
tous les frais. Ces coles ne
sont
frquentes que par
les enfants de
marabouts,
et
il n'est
pas
tr~s
rare de voir des filles de marabout sa-
chant lire
et crire.
Les coles se divisent en coles
d'enseignement pri-
maire et en coles
d'enseignement
secondaire. Etablies
par
le
village,
entretenues avec tes denier-
publics,
ce
sont de vritables
tabUssements
publics.
On cite
biea,
par
ci
par l,
quelques
coles
prives
tenues
par
un
marabout, plein
de
zte
mais ces cas sont rares.
Dans toutes les
coles,
la
langue Kabyle est prohibe,
bannie
du
programme.
Les cours sont faits en
arabe,
MURS,
COUTUMES ET USAGES 3?9
d'aprs
les mthodes usites chez les Musulmans.
1
n'y
a d'coles
d'enseignement primaire, que
l o
y
a assez d'enfants de marabout
pour
en
justifier
l'existence. Dans ce
cas,
la
Djema
se runit en as.
semble
spciale,
et
choisit,
aprs
avoir dcid la cra'
tion de cet
tablissement,
un instituteur. Celui-ci est
ordinairement l'iman de la
Djema.
La classe se fait
dans la
Mosque, qui
alors devient
a Djemaa-en-
Thaddart
expression,
que
nous ne saurions mieux
rendre
que par
cette
locution,
mosque,
cole de
village.
On le
voit,
l'installation est
peu
dispendieuse.
et le vote autorisant la cration de ce nouvel tablisse-
ment
publie,
ne
grve pas beaucoup
le
budget.
Si l'cole cote
peu,
l'instruction
qu'on y reoit
ne
vaut
gure
mieux. L'lve
y apprend
la lecture et l'-
criture
arabe,
puis
s'il arrive rciter
par
cur
quel-
ques
sourates du
Coran,
on le tient
quitte
il a
rempli
le
programme
de l'instruction
primaire.
Trois fois
par jour,
la voix du
Moudhen,
ou celle
de l'instituteur
lui-mme,
appelle
la ciasse les
enfants du
village.
Le
matin,
premire
sance de trois
heures; midi,
seconde sance de mme
dure;
et en'
fin,
avant le coucher du
soleil,
en
t,
troisime
et der-
nire sance de une heure et demie. Les
congs
et
les vacances sont as&ez nombreux ainsi le mer-
credi,
aprs
la classe du
matin
le
jeudi,
toute la
jour-
ne
et le
vendredi, jusqu'
midi, cong
hebdomadaire.
Les vacances sont de 70
jours
et se
rpartissent
de la
manire suivante
quinze jours
avant et
quinze
jours
aprs
les deux ftes de l'Ad
erir
et de i'Ad el
Kebir;
dix
jours
seulement l'Achoura,
L'poque
des vacances
s'appela
TeMuak-en-Telouihath
,
peinture
des
plan-
chettes. Cette dnomination
prend
sa source dans l'u-
sage
suivant. Les lves font des sries de dessin sur
des
planches.
Ils vont montrer ces travaux
et les faire
admirer aux femmes des
viltagea,
leur
demandant en
retour des ufa. Nous trouvons en
France,
dans cer-
taines
rgions,
en Normandie
par exemple,
un
usage
qui
a
beaucoup
d'analogie
avec cette
qute
aux ufs.
Loro de la fte de
Pques,
et
gnra)6ment le ~eudi
t~
KABYLIE
380
saint,
les enfants de nos
villages,
en vacances
pendant
ces
jours,
vont de ferme en
ferme,
demander des
ufs,
dits
ufs de
Pques
Il
y
a. l une concidence
qui
nous a sembl assez curieuse
pour que
nous la
signa-
lions.
Si vous assistez une classe dans une de ces
coles,
vous serez fortement tonn de voir les
procds
d'ins-
truction
qui y
sont en
vigueur.
Tous les
enfants,
sont
assis sur des
nattes,
runis en
demi-cercte,
autour de
l'instituteur. Ils tiennent entre leurs
mains,
une
plan-
chette en
bois,
sur
laquelle
a t co!!e une sourate du
Coran.
Tous,
ensemble et en mme
temps,
s'efforcent
lire haute voix cette
sourate
mais comme
chaque
planchette reproduit
une sourate
diffrente,
vous
n'entendez
qu'un
bruit de
voix.
o tous les mots se
confondent tel
point que
vous ne sauriez
distinguer
une seule
syllabe.
Quand
t'ive croit savoir sa
leon.
il va la rciter l'instituteur.
Celui-ci, grave
et
majestueux,
coute
l'lve,
tout en
appliquant
automati-
quement
et comme
par
dctanchement,
un
coup
de
baguette
sur )a tte ou sur les mains de
quelque
lve
distrait. Le matre a en effet le droit de correction*
manuetie,
et il s'en sert. Il tire les
oreilles,
et
use,
avec
gnrosit,
de sa
longue baguette
ou roseau. Les
punitions graves
consistent mettre l'lve en retenue
dans la
mosque,
et a
ty
laisser
un 'temps plus
ou
moins
long
sans boire ni sans
manger.
L'instituteur a droit certaines rmunrations et
certains
avantages, qui
rendent sa situation convena-
ble.
Le
village
tout
entier,
sauf les
marabouts,
qui
sont
cependant presque
les seuls en
proftter, paient
une
redevance au matre d'cole.
Quelquefois
en
outre,
la
Djemaa
lui fait donner
par chaque pre
de
famille,
dont l'enfant
frquente
l'cole,
une somme de
cinq
douze francs
cinquante centimes (de deux cinq raux);
et dans le cas o cette rtribution n'est
pas obligatoire,
il est en
usage
de lui faire
quelques
cadeaux.
L'instituteur est-il
tranger
au
village
et n'a-t-il
pas
de famille ? H est nourri
tour de rle
par
les
parents
M!J BS,
COUTUMES ET
USAGES 381
de ses
)ves,et
quel que
soit le nombre J 'enfants
appar-
tenant
une
maison,
le tour est tabli indiffremment
par
maison.
En
outre,
le
jour
o commencentles
tudes,
les
pres
de famille se cotisent et
offrent frais communs un
grand repas, auquel
sont convis
l'instituteur,
les
lves,
leurs
parents
et les
notables. C'est ce
qu'on appelle
le
Zerd
iketsaben
et ce
mme jour, chaque
lve doit
offrir son matre un adeau en
argent,
variant de
0
fr. 60 1 fr.
Chaque
succs de l'lve t'eote est
prtexte
un
repas,
offert l'instituteur et toute
l'cole,
et un ca-
deau,
insparable
de tout
progrs.
H suffit
pour
cela
que
l'enfant
apprenne
certaines sourates du
Coran, pour
que
la famille doive s'excuter.
Mais les
progrs
vont-ils en croissant de
plus
en
plus
et t'tve arrive-t-il savoir
par
coeur le Coran
entier;
c'est alors une fle o l'on
n'pargnera pas
le couscous
la viande.
En
somme,
pour
les rsultats
obtenus,
l'cole est une
charge
assez lourde
pour
le
pre
de famille.
Si
t'fve, aprs
avoir termin son
enseignement
pri-
maire,
doit continuer ses
tudes,
son
pre
l'envoie dans
un tablissement
d'enseignement secondaire,
mais dif-
frent,
suivant
qu'il le
destine l'tude
religieuse,
ou
l'tude du droit.
Il
y
a en effet deux sortes de
Thimamert
(forme
kabyle
du mot arabe Mmera dont
t'tymotogiesigni-
fie servir Dieu
par te jene
et
par
la
prire). (Hanoteau
et Letourneux.
Thimmerin-n-echcheri
est la Mmera du Droit.
Nous allons voir comment fonctionnent ces
Ma-
rnera ?
Les matires de
l'enseignement
dans les
Marnera
du
Coran,
sont
Le Coran et ses commentaires.
Les Riouaat ou tes
sept
versions admises
pour
la lecture du Coran.
LA KABTUE 382
La
Djaroumia
ou
grammaire
arabe du Cheikh
el Mohammed ben Daoud
e)-Sanbadji.
L'
Alfya ,
ou
grammaire
arabe en mille vers de
Ibn Malek.
Le a Touhid
, thologie
de la
religion
du Dieu uni-
que.
Le trait
d'arithmtique de K'alaadi, applique
sur-
tout au
partage
des successions.
L'arithmtique
et l'astronomie de Sidi Mohammed
es-Sousi.
La versification.
On ne demande
pas
aux tudiants ou tolba de com-
prendre
ces
livres;
cela n'entre
pas
dans le
programme
des tudes et l'on ne
s'en inquite pas
mais ce
qu'il
faut,
ce
qui
est absolument
exige,
c'est
que
l'lve
apprenne
toutes ces matires
par
cur. Le
professeur
ou Cheikh
n'a d'ailleurs d'autre mission
que
de s'assurer
que
l'-
lve rcite exactement les
textes,
sans en rien
omettre,
et en
prononant
les mots correctement avec les into-
nations
prescrites
et usuelles. En
ralit,
l'instruction
secondaire comme l'instruction
primaire
ne demande
qu'un
effort de mmoire.
Les Tbimamerin-ei-K'oran sont nombreuses en Ka-
bylie.
MM. Hanoteau et Letourneux n'en citent
pas
moina de treize
importantes,
qui
sont
i"
Oudris et Sidt Abd
er-Rahman,
chez les Illoulen
Oumalou.
2 Ben Ali
Cherif,
Ichelladhen,
chez les Illoulen
Ousammeur.
S" Sidi Mohammed ou
Malek,
Tifrit,
et Sidi Ameur
ou
el-Hadj,
chez les Ait
Idjer.
4* Sidi Moussa
Tenebdar,
chez tee Ait Our'lis.
8" Sidi Ali
Teralat,
Tizi
Guefrs,
et les Ait
Manour,
chez les Ait ttsonrar'.
60 Sidi Ali ou
Tateb,
Koukou,
chez les At Yahia.
7" Les
Cheurfa-em-Bahaloul,
chez les At R'oubri.
8oLea
Iealmounen,
ADjemattea-Sah'ridj,
chez les
AtFraoucen.
9 Arous et
Adeni,
chez f!?A~ Iraten.
10*
Sidi
MM~our~ t Tniaitj&r,
et
Mhchoaba,
chez
MUttS,
COUTUMES ET USAGES
383
tes Ait
Djennad.
ii" Sidi Ali ou Moussa et les
Cheurfa,
chez les Matka.
12" Sidi Mohammed
Amezzian,
chez les At bou
Khalfa.
13" Tha&zibt des
Cheurfa,
chez les At
Ouguennoun.
Ces
Marnera a du
Coran,
sont trs
frquentes par
les enfants de marabouts.
Le
programme
des tudes dans les
Marnera de
droit,
n'est
pas
moins
tendu
il
comprend
Le trait de
jurisprudence
de Sidi Khelil.
L'tude
desesprincipaux
commentateurs:
El Khorchi,
SidiAbdet-Baki.C~kh Salem,
Sidi
Chabeur Khitsi,
Sidi
Attab,
Sidi
et-Tata,
Sidi Baharam.
La
Djaroumia
.
L'
Alfya
.
Le
Touhid a.
Le trait
d'arithmtique
de
K'alaadi.
L'arithmtique
et J 'astronomie de Sidi Mohammed
es-Sousi.
Ces
cinq
derniers
ouvrages,
nous l'avons
dj vu,
forment aussi
partie
du
programme enseign
dans les
a Marnera du Coran.
La rdaction des actes.
La versification.
L'ensemble de ces
ouvrages
forme le droit
Kabyle,
droit
qui repose
sur trois bases bien distinctes
l" Tout
d'abord,
et avant
tout,
le droit
repose
sur le
Coran en ce
qui
a trait la foi et
l'hygine religieuses
texte sacr et
immuable,
le Coran
implique
un droit
absolu,
invariable en ces sortes de
questioas.
Mais il ne
rgit
le droit civil
proprement
dit, que
dans les cas o
la coutume n'est
pas
intervenue.
L'aada oucoutume
gnrate. S'~pptiquant
tout
ce
qui
touche au statut
personnel,
la transmission de
la
proprit
et aux conditions des
contrats,
l'ada est
un ensemble de
lois,
trassmises de
gnration
en
g-
av&tion
par
taaeutetr&ditionorate. Trs
respecte par
les
Kabyles,
les marabouts
t'acceptent
enx-<nme vo-
toatiers. EmaM~t de la souvortunet
poputaire,
t'aAda
a~
pas
de &a<:t~re immuable et
peat
~tre mdiBe.
LA KABYLIE 384
Pour reviser un
principe
ou une
rgle
consacr
par
t'ada,
une runion des tribus est
provoque par
les
amin. Une discussion
s'engage,
et,
lorsqu'une
des
opi-
nions a runi une
majorit
assez
imposante pour qu'il
n'y
ait
pas d'opposition possible,
on rcite le
fath'a,
et
la dcision est
proclame,
d'abord au sein de l'assem-
ble,
puis
sur les marchs et dans
chaque
village
(Hanoteau
et
Letourneux). Rciproquement, pour
in-
troduire dans t'ada une nouvelle
rgle,
on
convoque
une semblable
runion,
et la dcision
adopte
s'incor-
pore
t'ada
pour
l'avenir.
3 Enfin
i'rf~
qui
n'est
gure
autre chose
que
ce
que
nous
appellerions < usage
local e
et
qui ne rgit que
les choses du
village.
Par
suite,
il va sans
dire, que
l'rf est modifiable d'une
faon
souveraine
par
la
Dje-
ma du
village.
Dans les Marnera de droit comme dans celles du Co-
ran,
l'on
n'exige
des lves
que
la rcitation exacte des
textes peu importe
la
signification
de ce
que
l'on
ap-
prend,
cela est
insignifiant
et l'on ne s'en
~proccupe
pas.
Maintenant,
que
nous connaissons le
programme
des
matires
enseignes
dans les M&mera
voyons quel
usage
en font matres et tudiants.
Pour une < Marnera
il
n'y
a
qu'un professeur
ou
Cheikh. Mais comme ce
systme d'apprendre
tout
par
coeur ncessite de trs
frquentes rcitations,
les tu-
diants ou tolbas lui viennent en aide
par
un
moyen
trs
pratique,
en
appliquant
entre eux le
systme
d'ensei-
gnement
mutuel. A cet
effet,
les tolbas sont diviss en
quatre catgories
les Isebbak'in ou
prparateurs;
les
Imouden-n-ec-cebah', rptiteurs
du
matin
les tmaou-
den-en-temeddith,
rptiteurs
du
soir
et les
Ih'adja-
ren ou
commenants.
Le cheikh
indique,
dans la
journe, quel sujet
fera
l'objet
de sa
classe,
le lendemain matin. A la sance de
travail du soir
c Noudha,
veille
,
les
prparateurs
Isebbak'in
font la
leon
sur ce
sujet
aux trois
au~
trs
catgories d'tudiants,
c'est ainsi une
prparation,
sur
laquelle passera
ta
nuit,
et
qui permettra
aux l-
MOEURS,
COUTUMES ET USAGES 385
23
ves de
profiter
avec
plus
de fruit de la
leon
du matre.
Les
prparateurs
sont assists d'un
adoual
charge
de lire les textes haute voix et
phrase par phrase.
Cette
phrase
est
reprise par
les
prparateurs, pro-
nonce
avec la correction et l'intonation voulues et
suivie,
s'il
y
a lieu. des commentaires
qui
en ont t faits.
Le
matin,
la
premire sance,
le Cheikh
reprend
la
mme
leon
en s'adressant aux
quatre catgories
d'-
tudiants
runis
ainsi les
prparateurs pourront
se
per-
fectionner et
corriger
les fautes
qu'ils
ont
pu
commet-
tre. Cette
leon termine,
et sans
dsemparer~
les
Imouden-n e-cebah'.
rptiteurs
du
matin,
assists
aussi d'un adoual recommencent cette mme
leon
en s'adressant aux mouden-en-temeddith et aux
Ih'Adjaren.
Enfin )a sance de
l'aprs-midi,
les tmou-
den-en-Temeddith,
toujours
assists des
adoual,
remplissent
le mme
office,
mais vis--vis des commen-
ants
seulement.
Ainsi cette
leon
se trouve
rpte quatre
fois en
vingt-quatre
heures ou,
pour
tre
pius
exact,
huit
fois,
car il ne faut
pas
oublier,
qu' chaque
sance un
adoual
lit
une premire
fois la
phrase que rptera
ensuite celui
qui
fait la
leon.
Cette
charge
d'adoual est trs envie et elle est ven-
due deux fois
par
an au bnfice des
tudiants,
qui
avec le
produit
de ces vendes achtent de la viande. Le
poste
d'adoual du
professeur
vaut
cinquante francs
on
achte de
quatre
cinq
francs la
charge
d'adoual des
rptiteurs
du matin ou du
soir,
ou des
prparateurs.
L'poque
des
vacances,
les
congs
hebdomadaires,
les heures d'tude sont les mmes
que
dans
l'enseigne-
ment
primaire.
Si l'on
peut
acheter la
charge d'adoual,
comment
peut-on,
de
simple
tudiant,
obtenir le
poste
de
rpti-
teur ou de
prparateur ?
c'est excessivement
simple.
A
un
jour
dtermin et
qui
forme le dernier
jour
de l'an-
ne
scolaire,
le Cheikh runit tous les tudiants dans
la
mosque.
Tous sont assis devant le
Cheikh, qui
a
devant lui un
grand
roseau et un
paquet
de bouts de
roseaux
ayant cinquante
ou soixante centimtres de
LA KABYMK ?6
longueur. Aprs
la rcitation du
Fath'a,
le Cheikh
prend
en main le
long
roseau, et,
sans mot
dire, frappe
trois fois sur la tte de
chaque commenant qu'il
tve
la classe
des
rptiteurs
du soir. Puis il
dsigne
ceux
des
rptiteurs
du soir
qui passent
la
dignit
de r-
ptiteurs
du
matin,
et ceux des
rptiteurs
du matin
qui
sontnomms
prparateurs
et deviennent Isebbak'in.
Aprs
cette
crmonie,
on rcite de nouveau le fath'a
et l Cheikh remet
chaque
Isebbak'in ou
prparateur,
nouvellement
promu,
un des bouts de roseau c'est son
diplme, qu'il gardera
toute la vie et
qu'il place
de-
vant lui en faisant
la ieon.
Cette
distribution,
nous ne dirons
pas
de
prix,
mais
de
grades,
est
l'objet
de
fte,
de cadeaux au mattte de
la Mmrtt et au
Cheik,
et fait nattre l'occasion de
demnder
chaque
tudiant
qui passe
d'une classe
dans une autre le
paiement
d'un ral. La fte consiste
se
partager
en deux
ofs
ou
partis, comprenant
l'un
tes
commenants,
t'antre les
rptiteurs
et les Iseb-
bak'in. Ces deux
camps
rivalisent alors entre u~ dans
des lutter et dans des ~enices d'adresse.' Le
soir,
avec le
produit
d'une collecte
gnrale,
on achte de
la viande
pour
former un abondant kouskous.
Le
lendemain,
commence une vacance de un deux
mois,
sauf
pour
ceux
qui
restent veiller sur la Ma-
rnera
A la rentre des
classes,
celui
qui
a
reu
te roseau
aans t'eote
do6roit,
et celui
qui
a
appris
tout le coran
par
cceUr dans t'Ecote du
coran,
doivent donner une
Mafaka,
somme
d'argent proportionne
leur fortune.
Cette somme est aussrt&t
employe
acheter de la
viande.
Les mimera
de droit sont assez nombreuses
parmi
tes
plus
connues nous citerons
Ait
eI-Hadi,
Ait Std tMfhamMed Cil
e!-Hadj,
Chez
les
Ait
Mhmoud;
Mmera des Al!t
Ameur, famMirt,chez
tes AYUrateO.
OetteS des Cheurta et dTt-K'ouadhi
~etn&aft
e6-)
SahUTtj,
chez les A~
fr&ou~en.
~'y
a
pas
de htntte
d'&ge
pout
entref Mi
pour
8or-
MURS,
COUTUMES
ET USAGES
387
tir de ces <
Mamera
,
et l'on cite mme des
exemples
assez
frquents
de
gens qui y passent
leur
vie
mais
en
moyenne,
la dure de
l'enseignement
varie entre
cinq
et dix ans.
Un lem
est un
vrai
savant;
c'est
celui qui peut,
sur
une
question
de
droit
quelconque,
rciter tous les tex-
tes des auteurs
qui
l'ont traite.
Aprs
lui
vient
le taleb de 1' ordre. Pour tre ce
taleb,
il faut
indiquer
sans hsitation
tes
pages
des
livres o se trouvent les textes
qui parlent
d une
ques-
tion
pose
au
hasard.
Puis les autres Tolba
(pluriel
de
Taleb)
ont un
rang
plus
ou moins
lev,
suivant
qu'ils indiquent
avec
plus
ou moins d'hsitation ces
passages.
Est-il besoin maintenant
d'ajouter qu'en
ralit le
Kabyle
ne sait
rien,
qu'il
ait ou
qu'il
n'ait
pas frquent
une a Marnera ?. Ne
comprenant pas
un mot ce
qu'it
rcite,
s'attachant
uniquement
rpter
machinalement
des textes
qui pour
lui n'ont aucun
sens,
le savant ou
le
soi-disant
tel
n'estplus qu'une
sorte
de
phonographe
vivant,
pas toujours impeccable.
Quant
l'histoire,
la
littrature,
la
gographie,
les
sciences naturelles ou
mathmatiques,
il est fort
peu
de
Kabyles qui
aient entendu
parler
de ces choses.
Aussi
pouvons-nous
conclure
que
le
peuple kabyle
ne
reoit
aucune
instruction.
L'enfant
grandit,
ses forces se
dveloppent
et bien-
tt it va tenir en6n un
rang
dans le
village,
lors-
que
l'heure de la
majorit
aura sonn
pour
lui. Mais
quel ge
l'enfant est-il
majeur? N'ayant
ni
registres,
ni actes d'tat
civil,
le
Kabyle ignore gnralement
son
ge
U oe
peut
donc
dterminer
un moment
prcis
o
la
majorit
devrait commencer
lgalement.
Il s'en
rap-
porte uniquement
ce
sujet
au
dveloppement physi-
que
de l'individu. C'est habituellement vers i5 ou 16
ans
que
le
jeune Kabyle peut supporter
et
accomplir
te
jene
du Ramdban
cette
preuve
suffit et le rend t~
gaiement majeur.
Presque
tous les
jeunes Kabyles
sont
fiers d'accom-
plir !e jene
et
pendant
la dure du
Rhamdban,
on les
LA KABfL! 388
voit
parcourir
les
villages
allant se montrer leurs
parents,
leurs
amis,
pour
faire voir
qu'ils accomplis-
sent bien la
rgle.
Mais
quelquefois
il arrive
que
certains
parents, pour
soustraire leurs fils aux
charges
du
vittage, prtendent
que
son
dveloppement physique
n'est
pas
suffisant et
ne lui
permet pas
de
supporter
les
privations
et les fa-
tigues
du
jene.
Si la
Djema
a un
doute,
elle a le
droit de
procder
une
exprience,
d'o
dpendra,
en
cas de
russite,
la
majorit
de l'enfant et
l'obligation
djeuner.
< L'iman du
village
ou un marabout
prend
avec un fil mis en
double,
la mesure du cou du rcal-
citrant. Le fi! est ensuite
dpli
et les deux extrmits
sont
places
dacs la bouche du
jeune
homme. Le ma-
rabout
essaye
ensuite de faire
passer
la boucle forme
par le
fil
par dessus
la tte du
patient.
Si le fil retombe
derrire la
nuque,
l'enfant est immdiatement dcfar
majeur
et
paie
une amende
(Hanoteau
et
Letourneux). ').
Cette
preuve, quoique rpute
infaillible,
est
cepen-
dant
quelquefois remplace par
la
suivante,
non moins
curieuse. On exerce avec le
doigt
sur le bout du nez du
jeune
homme une
pression
assez
forte; si,
sons cette
pression,
le
cartifage
du nez forme une sorte de fente
son
extrmit,
il
n'y
a
pas
en
douter,
l'enfant est ma-
jeur
et est astreint au
jene.
Les femmes n'tant
pas appeles, d'aprs
la loi Ka-
byle,
a devenir
majeures,
ne sont soumises aucune
exprience.
Elles
jenent, quand
leur
dveloppement
physique
est
complet.
Ainsi donc est seul devenu
majeur, l'enfant qui
a ac-
compli
le
jene
du Ramdhan.
Pendant sa
minorit,
l'enfant est soumis une tu-
telle
tutelle
qui
dure toute
la vie
pour
la fille
qui
ne
se marie
pas,
et
qui
renat
pour elle,
lorsque
marie.
elle devient veuve ou femme
rpudie.
Le
pre
est,
pendant
le
mariage et
mme
aprs
la dis-
solution du
mariage,
soit
par
la mort de la
femme,
soit
par
la
rpudiation
de cette
dernire,
le tuteur
lgal
de
ses enfants mineurs il administre tous leurs
biens,
et
peut
vendre ces biens
pour
l'entretien
de
la
famille. U
MURS,
COUTUMES ET USAGES 389
M.
n'a besoin de consulter
personne
il ne rend aucun
compte
et n'est soumis aucune surveillance.
Le fils est sous la
puissance
de
son pre auquel
il doit
tout
ge respect
et obissance. H a ces mmes devoirs
vis--vis de sa mre. Il a droit des aliments et des
vtements,
mais ne
peut,
sans le consentement de son
pre, quitter
le domicile
commun,
ni
disposer
de
quoi
que
ce soit.
Si
l'enfant
est
irrespectueux
et
dsobissant,
le
pre
peut
user de son droit de correction
manuelle;
mais
tout abus de correction est svrement
prohib par
les
murs dans
quelques
tribus,
l'enfant insoumis
peut
tre condamn une amende
pour
la
Djema.
Si les
parents
tombent dans
l'indigence,
leur fils leur
doit des aliments et des
vtements,
et malheur celui
qui
leur refuserait ces secours. Condamn
par
la Kha-
rouba ou la
Djema, mpris par
tous ses
compatrio-
tes,
il est
presque oblig, quand
on ne
l'y
force
pas,
quitter
le
village.
Les filles ne
possdant jamais
rien,
n'ayant
aucune ressource
personnelle,
ne sont
pas
te-
nues cette dette alimentaire.
U est vraiment curieux de faire un
rapprochement
entre ces
dispositions
de lois et celles
qui rgissent
la
plupart
des codes des nations civilises.
D'ailleurs,
nous retrouvons souvent des
points
de contact entre les
coutumes
Kabyles
et nos institutions
europennes.
Un
tel
sujet
serait assurment
plein
d'intrt,
et si nous le
pouvons
quelque
jour.
nous n'hsiterons
pas
entre-
prendre
cette
etude, qui trop longue
et
trop spciale.
ne saurait trouver
place
ici. Pour ceux
qui
voudraient
connatre ces matires avec
plus
de
dtails,
nous ne
saurions mieux faire
que
de les
renvoyer
l'ouvrage
de
bIM. Hanoteau etLetourneux.
Dans le cas o le mari
rpudie
sa
femme,
il a le droit
de conserver tous ses
enfants,
mme ceux la mamefte.
Cependant,
dans
beaucoup
de
tribus,
la femme est auto-
rise ou mme est condamne
emporter
l'enfant
pour
l'allaiter. Dans ce
cas,
le mari doit
payer
la femme rc-
pudie
une certaine somme
d'argent pour
l'indemniser
de ses
dpenses
et de ses soins. It va sans
dire, que
si ta
LA KABYUE 390
femme,
au lieu d'tre
rpudie,
est
fugitive
et
insurge,
(nous
verrons bientt
l'explication
de ces
mots)
eUe n'a
droit aucune indemnit.
Le fils
majeur
est troitement surveill au
point
de
vue des
murs,
et la
loi
kabyle,
n'admettant
pas,
comme cela existait en droit romain et comme l'admetla
loi
musulmane,
l'existence
lgale
du
concubinat,
ne to-
lre aucune relation en dehors du
mariage.
< La coutume
Kabyle
est
intraitable pour
tout ce
qui
touche l'honneur des femmes en
pareille
matire,
un
geste,
un
attouchement,
une
simple
tentative de s-
duction,
s'lvent la hauteur d'un crime et souillent
une femme
presque
autant
que
le fait
accompli (Ha-
noteau et
Letourneux).
L'inceste est considr comme un crime
religieux
et
social,
et s'il
estvolontaire,
il entraine la mort des cou-
pables
et des enfants
qui
sont ns de telles
relations,
Garotts,
les condamns sont,
par
les soins de
l'amin,
conduits sur les lieux d'excution. C'est ordinairement
le lieu des assembles du
village
ou la
place
d'un mar-
ch bien
frquent.
Tous les habitants sont
convoqus
et doivent se tenir sur cette
place,
une heure indi-
que,
munis chacun d'une
pierre.
Sur un
signal
de l'a-
min,
les bras lancent tous en mme
temps
le
projectile
sur les
condamns,
qui
meurent ainsi
lapids.
La res-
ponsabiiit
de cette mort ne
peut
ainsi tre
impute
personne
le
village
tout entier n'tait-il
pas
l et tous
les
habitants n'ont-its
pas frapp ensemble,
sans
que
l'on
puisse
savoir
quelle pierre
a
pu
faire succomber
le
noupabte?
H y
a inceste entre ascendants et descendants en li-
gne directe,
entre frre et
soeur,
beau pre
et belle-
fille, gendre
et
belle-mre,
beau-frre et
beUe-sur,
frre et sur de lait.
Tout ce
qui
concerne les femmes intresse la < Hor-
ma
D. l'honneur du
village
entier;
aussi celui-ci inter-
vient-il souvent
pour exiger que
l'honneur du
village
soit satisfait en
forant
les
parents
punir
le
mfait.
En cas de
refus,
il
se substituerait la famille
pour
exercer la
rpression.
Mais
il
n'y
a
gure fie~ de sotH'
MDRS,
COUTUMES
ET USAGES
391
citer la svrit des
parents, qui
sont
toujours
les
pre-
miers
frapper,
au sein mme de !&
famille,
la femme
qui
a cout un sducteur et
qui
est devenue enceinte.
L'enfant n'est
pas pargn
tache vivante du dshon-
neur
qui rejaillit
sur la K.tiarouba et sur le
village
en-
tier,
il est vite immol.
La force de caractre
que dploient
les membres de
la famille dans ces excutions est vraiment
incroya-
ble,
et nous ne
pouvons
nous
empcher
de
reproduire
ici le rcit d'une de ces
expiations,
rcit relat
par
MM.
Hanoteau et Letourneux.
c Il
y
a moins de
vingt
ans
*,c'tait donc
postriear
l'anne
1883,
< la fille d'un marabout
vnr,
le
cheikh Chrif
Adjennad,
des
Iamraouien,
s'prit
d'un
ngre,
et
bientt,
il lui devint
impossible
de cacher
les
suites de leurs relations. Le
pre
en fut instruit La
honte tait sans
bornes; jamais
un noir n'a mt son
sang
celui d'une noble famille. Le misrabte
amant,
averti
temps,
s'tait drob
par
la fuite une mort
certaine. Restait la
jeune
fille. Le vieux marabout et
son Sis se rendirent en
plein jour
au cimetire du vil-
lage, et,
en
prsence
des
habitants,
creusrent silen-
cieusement la tombe d'une vivante. Leur uvre ache-
ve,
ils amenrent la
coupable, prs
de la fosse
bante,
qu'entouraient plus
de mille
personnes.
Son
pre
l'-
gorgea
d'une main
assure,
puis,
aid de son
fils,
il in'
huma le
cadavre,
et se retira le front
haut,
au
milieu
de la
foule, qui
s'cartait
respectueusement,
admirant
rhro!que
vieillard M.
L'adultre est aussi
regard
comme
une honte
pour
:6
village
o il est
commis,
et la
Djema applique
une
amende
toujours
trs ieve. Le meurtra est en effet
puni
moins svrement
qu'un outrage
aux
murs,
et
le baiser donn une femme sur un chemin cote cin-
quante
douros
(MOfrancs).
Pour88douros
(d25 francs),
c'est--dire moiti
prix,
vous
pouvez
tu~r un homme.
Le viol d'une
jeune
fille antratne unf condamnation
cent
douros,
et les attentats et
outrages publics
aux
murs sont tous
rprims
avec
rigueur.
Non
seulement,
la
loi
kabyie punit
les
actes, mais,
LA KABYLIE 392
allant
plus
loin
encore,
elle condamne les
propositions
verbales dshonntes et les doux
propos
tenus
par
le s-
ducteur. Si la
femme,
au lieu de
fuir,
les
coute, peu
importe
d'ailleurs
qu'elle
s'en soit trouve flatte ou ir-
rite,
elle devient
complice
et
partage
la faute et la
peine
avec le sducteur. Chacun doit la
Djema
une
amende de
cinq
douros
(vingt cinq
francs).
Combien de
nations civilises
parviendraient
ainsi
quilibrer leur
budget,
si une semblable loi tait en
vigueur ?
7
Quant
aux chant
obscnes,
aux propos
inconvenants,
ils sont
galement prohibs,
et l'amende est l
pour
rappeler
aux
dlinquants
cette
prohibition.
Est-il besoin
d'ajouter que
le
proxntisme
est non
moins svrement
puni.
Chasse du
village,
condamne
l'amende,
l'entremetteuse
peut
tre tue
impunment,
comme un animal
nuisible,
par
le mari
quila surpren-
drait
auprs
de sa femme.
Enfin le
Kabyle qui
se
permettrait
d'introduire chez
lui,
au sein de sa
famille,
des
gens
de mauvaise vie et
de
dsordre,
risquerait
fort,
aprs
un avertissement
pralable
et
srieux,
d'tre mis mort
par
les
siens,
sans autre forme de
procs,
et sans
qu'il y
ait lieu de
recourir une autre
procdure.
Evidemment l'on ne saurait
que
louer le
Kabyle
de
dfendre aussi
nergiquement
la vertu de la femme et
de
l'enfant,
si sa svrit n'tait
inspire que par
le
respect
d
l'enfant,
la jeune fille,
la femme.
Mais. hlas 1ce n'est
pas
l le mobile
qui
le fait
agir.
Il
protge
la femme
marie, parce qu'it
est
jaloux
il
dfend la vertu de la
jeune
fille ou de la femme rede-
venue
libre,
par
la mort de son mari
ou par
la
rpudia-
tion, parce que
cette
jeune
titte,
cette femme est une
chose
qu'il
vendra un
jour venu,
s'il a su conserver in-
tacte cette marchandise . Et la
preuve
en est dans ce
fait,
que
la loi
Kabyle
permet
de vendre et de li-
vrer aux caresses de l'acheteur son enfant
impubre.
Il est vrai
que
les
savants citent
l'exemple
du Pro-
phte, qui pousa
t'une de ses
femmes,
lorsqu'elle
n'tait
ge que
de
sept
ans.
D'ailleurs le
Kabyle
ne cherche
pas
se faire illusion
MOECRS,
COUTUMESNT USAGES
393
tui-mmesur le
genre
de contrat
qu'il passe
en
pou-
sant une femme. Unhomme dira:
our'cr'thamet't'outh
idhelli,
j'ai
achet une femme hier. Les
parents
et les
voisins du
pre
disent
itchase~ iHis,
il a
mang
sa
fille
Et si l'homme
< achte une femme
qui
lui
platt,
le
pre,
lui,
est libre de
manger
sa njie comme il
lui
convient,
sans avoir consulter celle-ci. La veuve
et la femme ne sont
pas
mme libres de leurs choix
appartenant
de
nouveau,
soit leur
pre,
soit leur
famille,
soit aux hritiers de son
premier mari,
au cas
de
rpudiation,
elles
peuvent
deux
reprises
refuser
celui
auquel
on veut les
vendre,
mais
aprs
ces deux
refus,
elles sont contraintes subir la volont de celui
qui
les a sous sa
puissance.
Le droit musulman
appliqu par
les
Kabyles,
mais
complt par
les dcisions du commentaire de Sidi
Khelil,
dicte certains
empchements
au
mariage.
Ainsi ne
peuvent
exister les
mariages
entre
parents
ou allis en
ligne
directe,
ascendante ou
descendante;
en
ligne
cottatrate,
entre
frre, sur, neveu, tante,
oncle,
nice. Mais cette
prohibition
ne
s'applique pas
entre bette-sur et
beau-frre,
nevea et femme de
l'oncle. Le
Kabyle qui,
nous le verrons tout
l'heure,
peut pouser lgalement plusieurs
femmes,
ne
peut
tre le mari des deux
surs
il ne
peut pouser
la
seconde sur
qu'aprs
le dcs de la
premire.
En6n
un dernier
empchement
rsulte de la succion du
lait dans le bas
Age
de
l'enfant,
et le
mariage
devient
impossible
entre
nourrisson, nourrice,
ses
enfanta,
son
mari ou ceux
auxquels
elle a donn son lait ainsi
que
leur descendance.
A ct de ces
empchements lgaux,
il est d'autres
empchements
d'un ordre
priv
et
qui cependant
sont
aussi
respects que
les
premiers, qui
sont d'ordre
public.
Le marabout ne saurait donner sa fille en
mariage
un
Kabyle,
ou lui cder sa
femme,
sans
s'exposer
une
dconsidration totale et mdmt, au
paiement
d'une
amende. Ainsi chez les Cheurfa Guir'il
Guek'ken,
LA
RABVUE ?4
l'amende est de 20 raux
(cinquante francs).
Et
c'est,
dit le Kanoun de cette
tribu,
une
punition pour
conserver intact l'honneur de notre Zaoua et
empcher
que l'exemple
ne soit suivi.
Le
Kabyle
de bonne famille n'ira
jamais prendre
une
femme dans une famille dont les membres exerceraient
la
profession
de
boucher,
de
danseur,
de
bourrelier,
de savetier ces
professions
sont
rputes
honteuses.
La femme adultre ne
peut, aprs
la
rpudiation,
et
si elle a
pu chapper
la
vengeance
de son
mari,
pouser
son
complice.
EcSn jamais l'opinion publique
ne
permettrait l'union
d'un
Kabyle
avec une femme de mauvaise
vie.
Nous avons dit
que
la
polygamie
tait
permise
en
Kabytie mais,
nous devons
ajouter que
cela est trs
rare de voir un
Kabyle pouser plusieurs
femmes. Si
la loi musulmane lui
permet
d'en
prendre quatre,
il
trouve
gnralement qu'une
seule lui
sufQt; d'ailleurs,
le
Kabyle
n'est
pas
riche et
pour
avoir
quatre
femmes,
non seulement il faudrait les
nourrir,
mais
d'abord,
it
faudrait les
acheter;
et ce serait l une mise de fonds
importante que
son avarice ou sa
pauvret
ne lui
permettrait pas
de faire. <J 'ai
pu
me
procurer
cet
gard
des
renseignements prcis pour
deux
villages
de
la commune mixte de Fort
National,
Aguemoun
et
Taourirt-Amokran
Aguemoun
ne
compte que
deux
polygames
sur 300 habitants. Taourirt
Amokran,
cinq
fois
plus
considrable,
n'en
possde
aucun. La
polyga-
mie ast
beaucoup plus frquente
chez les
Kabyles qui
passent
Alger
une
partie
de l'anne
pour
faire le
commerce ils ontsouvent deux
femmes,
l'une
Alger,
l'autre
enKabylie.
(Charveriat, ~Mtt~oM~
en
Kabylie).
Le
Kabyle,
qui
veut se
marier, doit,
s'il est
mineur,
obtenir le
consentement de son
pre
ou de celui
qui
le
reprsente,
la
mre
ne
pouvant
intervenir
qu'
dfaut
de
parent
mle dans !a branche
paternelle;
s'il est
orphelin,
il lui faut le consentement du tuteur
qui
lui
est donn
par
la
Djema.
Une
fois,
ce consentement
obtenu,
it
consulte,
comme doit le faire d'ailleurs lui-
mme le
Kabyle
majeur,
sa Kbarrouba. Dans cette
MURS,
GeCTUMES ET USAGES 39S
consultation,
on discute le choix de la femme
que
le
Kabyle pousera.
Une fois ce choix
fait,
un
parent
ou
un ami se rend, dans le
plus grand secret, auprs
du
pre
de la femme choisie ou de celui
qui
en
dispose.
Des
pourparlers s'engagent,
et
l'envoy
dbat avec
celui-ci
le
prix
de vente de la femme. Ce
prix,
sauf de
rares
exceptions,
ne varie
gure que
de 250 francs
500 francs. Si les
propositions
et le
prix
sont
accepts,
l'on
prend
rendez-vous
jour
fixe
pour
une entrevue
officieHe,
o
cependant
n'assistera
pas
la nanca. Puis-
qu'on
se
passe
de son
consentement,
on
peut
bien en
cette circonstance se
passer
de sa
personne.
Le fianc
connat d'ailleurs la femme
qu'il
veut
pouser
les
femmes et les filles
Kabyles
ne
portant pas
de voiles
sur le
visage,
il a eu souvent l'occasion de la voir dans
les ruelles du
village,
alors
qu'elle
rentrait du moulin
ou de la fontaine.
Au lieu
dsign,
le fianc ou son
pre
et le
pre
ou le
p!ae proche parent
de la fiance se runissent
en
pr-
sence de
tmoins,
pour rgier
dfinitivement les clauses
du contrat. Une fois l'accord bien
tabli,
on rcite en
commun et avact de se
sparer
le fath'a. Cette rcita-
tion du fath'a a fait
dsigner
cette entrevue sous le
nom de < fath'a et-badhena ou
a
fatih'a-n-esseur
c
(le
fath'a
secret).
Le fath'a-n-esseur lie troitement tes
parties
qui
ne
sauraient se
dgager.
Et si l'une d'eifs avait la tenta-
tion de ne
pas
excuter les conditions du contrat
qui
8'estform6cejour,e!)eyserattcontraiate
et encourrait
une amende fixe
par
la
Djema.
U
faudrait,
bon
gr,
mal
gr, payer
la
tbmanth,
prix
de vente
fix,
et
oprer
la livraison de la femme dans un
dlai,
qui,
s'il
n'est
dj
dtermin,
ne
peut
excder un an.
L'entrevue du fath'a secret
termine,
le futur
mari,
acccompagn de
ses
tmoins,
rentre chez lui.
Quand
i)
a franchi le seuil de sa
porte,
ses tmoins
parcourent
le
village,
en tirant des
coups
de feu et en
proclamant
ce nouveau
mariage.
Le futur fait alors
porter
la
Djema
des
figues
et
des noix. Tous les habitants
vont se
partager
ces fruits.
L KABTME
396
Le
soir,
un
repas
est offert
par
le fianc ses tmoins
et les femmes
du
village
viennent chez lui cJ brer cette
heureuse
nouvelle
par
des chants et
par
des danses.
Avant de
rompre
la
premire
entrevue,
celle du
fath'a secret,
les
parties
ont Bx un
jour proche,
o
devrait tre remise en entier ou en
parties
la tbmanth
ou Toutchith. Ce
jour prend
le nom de fatib'a
dheara
a,
fath'a
public. Lorsqu'il
est
arriv,
le
pre
ou
le mandataire
du fianc se rend avec ses
parents
et ses
amis la maison de la fiance.
L'argent
de la thamanth
est
port
en
grande pompe
ainsi
que
les
provisions pour
le
pre
de
la future femme,
s'il a t
stipul qu'on
devrait
en livrer. La
thAmanth,
qui
n'est
que
le
prix
nx
pour
l'achat de la
femme,
n'est
gnralement
pas
verse
intgralement
en ce
jour.
Les
parents
de la fiance se runissent et attendent le
cortge.
Quand
celui-ci est entr et a
pris place,
l'argent
de la thmanth est
compt
la vue de toutes les
personnes prsentes, puis
reste
expos
aux
regards,
tandis
qu'on
livre les
provisions,
si elles ont t
stipules
au
contrat,
et
que
le
reprsentant
du mari oSre divers
objets pour l'usage
de la femme. Ces
objets, joints
ceux
que
le futur mari
peut envoyer
avant la crmonie
du
mariage,
forment le a
panier
de la
fiance,
thakou-
fets-en-teslith.
Nous
empruntons
MM. Hanoteau et Letourneux la
description
exacte des
objets composant
ce
cadeau,
a
assortiment
complet,
mais seulement
par
chantillons
de tout ce
que
vendent les
colporteurs
et
qui compose
leur
aketsaf, (sac
en
peau
de
mouton).
Henn,
employ
une foule
d'usages pour
la toilette
et comme remde.
Benjoin (djaoui), pour les
incantations et les
fumiga-
tions mdicinales.
Herms
(guermez),
entre dans la
composition
du
fard.
Ecorce de racine de
noyer (agousim), pour
les
gen-
cives.
Zebed, parfum
de la civette.
Essence de
jasmin.
MURS,
COUTUMES ET USAGES 397
23
Essence de roses.
Musc.
Camphre (Kafour), employ pour empcher
les femmes
de concevoir.
Verroteries
(ak'k'ach).
Verroteries avec cuivre
(tarezzinj.
Amandes de
noyaux
de cerises
(et-kemah),
servant,
avec les clous de
girofle,
faire une
pte parfume.
Clous de
girofle
(Kronfel),
condiment et
parfum.
Galne
(tazou)t),
pour
les
yeux.
Alun
(azarif),
teintures et
pommades.
Noix de
galle
(ceb'ra) pour pomma
les et teintures
Alliage
d'antimoine et de cuivre
(hadida), pour
les
cosmtiques.
Gomme de cerisier
(habb el-melouk')
incantations
Bitume(Bekhourel-Soudan), incantationsetparfums.
Staphisaigre (habb ef-ras),
contre la vermine de tte.
El-fasoukh,
espce d'argile jaune,
antidote contre les
sortilges.
Habbala,
servant la
composition
des
philtres
amoureux.
Tsabtil,
antidote du
prcdent.
Colophane (asebrar).
Myrrhe.
Racine de
rglisse (asr'ar ziden),
remde.
Rglisse
de
Naples (dkorb
es
sous),
remde.
Sumbul
(sembet). plante aromatique originaire
de la
Perse,
employe
en
poudre pour
les
cosmtiques.
Sulfure
d'arsenic,
orpiment (deheb leafeur), pour
la
pommade pilatoire.
Argile
foulon
(sensat).
Chlorhydrate
d
ammoniaque (chenadjer el-fet'ah),
remde.
Gingembre (Skendjebir),
condiments,
incantations.
Alos socotrin
(lemeri ouseber). purgatif
et
employ
comme
collyre.
Poivre noir
(ifelfel aberkan).
Cumin
(Kemmoun),
condiment.
Muscade
(zoudjet et-tib),
condiment et remde
pour
les
jeunes
enfants.
LA KAB~UE
398
Cannelle
(kerfa).
condiment.
Fenouil
(zerara).
Lavande officinale
(et-kbezama).
Actate de cuivre
(azenjar), employ
contre les
oph-
thalmies.
Sucre candi
(Souker
el
kandid), pour
les
yeux.
Tartre
(terdhar),
teinture.
Gomme
laque
(touk),
teintures,
fard.
Indigo (nila),
teintures, tatouages.
Gomme
rsine
d'euphorbe
(ferbioun).
Soufre
(kebrit), pommade
contre la
gale.
Assa ftida
(el-h'entith),
remde contre les
coliques.
Safran
(zafran),
condiment et remde.
Mastic
du
ientisque
en
pain (mesetska),
remde
pour
les
jeunes
enfants.
Mastic en larmes
(louban).
Salsepareille (aehAba), pour
tisane contre la
syphi-
lis.
Borax
(tsenkar).
Natron
(trounia),
se met dans le tabac
priser,
Ocre
rouge (et-mor'eri), pour
les
poteries
et les in-
cantations.
Sulfure de
mercure,
cinabre
(el h'amra), pour
les in-
cantations.
Gomme
ammoniaque (oucheuk'),
remde
pour
les
enfants.
Mercure
mtallique (zaouak'), pour tes fumigations
contre la
syphilis.
Bichlorure
de mercure
(chelimou),
remde
pour
les
ulcres.
Habb
el-Baris, a pilules
de Parie
,
pilules deproto-
iodure on de bichlorure de mercure,
contre
laeyphitis.
Cantharides
(izan
el-Hend,
mouches de
Itnde),
aphrodisiaque
et remde contre la
gonorrhee~
Noix
vomique (bou zaka),
remde contre les rhuma-
tismes et les douleurs des os.
Compos
de
plusieurs
rsines, pour
les bleMttrcs
et
fractures
(el djebar).
Harmet
el-arbi
(fruits
du
Pegantua Harzna!t),
coatre
les
coliques.
M(UHS, GQPTPMPS ET USAGES
?9
Sulfate de
fer
(~adj'),
teinture
Vermillon
(el-bekem), employ
dansiez circoncisions
sur les cicatrices.
Styrax (e)-maa), employ
cornue
topique
sur les fu-
roncles et comme antidoLc contre l'influence des
c)je-
uoun.
gnies
Sulfate de cuivre
(tsousegga).
Sulfure d'arsenic
(radj).
Dbris
de camlon
(tata),
antidote contre les
mal-
fices.
Sel
gemme
(rnelah el-hai~,
sel de
vie '),
remde.
Cette
siagultre
corbeille
de
mariage, papier
de la
Hance,
est vraiment fait
pour
nous
tonner quelque
peu.
Rien
n'y manque,
tout
y
est
prvu
avec une
origi-
nalit
qui
ne
manque pas
de charmes.
Mais revenons la solennit du fatih a dhehara ou
fatb'a
public.
Nous avons laiss
la thmanth
expose
am
regards
de tous ainsi
que
les
provisions
et les cadeaux
pour
la
future;
oo va
pouvoir
maintenant
porter
en lieu
.sr,
et
l'argent
et tous ces
objets,
mais
auparavant,
le
fath'a
est
rcit par
tous les assistants.
Puis,au moment
de se
sparer,
on fixe
le
jour des
noces.
On choisit
gnralemeot
un
jeudi
en
voici la rai-
son. Le
jour des noces,
la femme franchira
pour
la
pre-
mire fois le
seuil du domicile
conjugal,
elle
passera
la
nuit sous le toit de l'habitation
commune,
qu~l
meil-
leur
<n'gufe pour
une
femme
que
de
s'y
rveiller
un
vendredi,
jour
fri des
Musulmans
Dans tout
ce
qui prcde
et
qui
a
tr~it
la
crmo*
nie
du f&th'a
publia,
nous devons faire
remarquer que,
ni ie
futur, ot
la
future,
s'y
Assistent,
Tout se
passe
en
dehors
d'eux,
~ins~par
le
fait, Us se trouvent
presque
seuls
trangers
la fte. Cela nous
apparaitra
d'une
fa$oa
peut'tf'e eacore plus
bizarre,
~ors
de la
clbra-
tion
dtt
HMM%M~
L&
ti)AaMntb, ~a~ p#y~ jpMf
4~ ~?'4 pu~~
LA KABYLIE 400
n'est
jamais
restitue,
soit
que
le
futur,
soit
que
la
future,
meurt avant
l'accomplissement
du
mariage.
Elle
appartient,
s'il
s'agit
du
mariage
d'une
fille,
au
pre,
ou son
dfaut,
au
parent qui
a le droit de la
vendre. Dans certains
villages, torsqueptusieursparents
au mme
degr,
ont le
pouvoir
de marier une
tille,
la
thamanth se
partage par parts gales.
S'agit-il
d'une
veuve,
elle rentre en
gnra!
dans sa
famille
qui peut disposer
d'elle de
nouveau,
et
qui
tou-
che la thmanth.
Certaines tribus
cependant
considrent la
veuve
comme un bien
dpendant
de la succession du mari.
Dans leur
langage expressif,
on ia dit
taaltakith
pendue .
Les hritiers du mari
peuvent
alors seuls la
vendre. Chez les at
Flick,
l'un de ces mmes hritiers
a le droit
d'pouser
cette
veuve,
sans tre tenu de
payer
la tbmanth.
Quant
la femme
rpudie,
comme elle est reste la
proprit
du mari. celui-l seul a le droit de fixer le
prix par lequel
la femme
peut
tre
rachete-;
le
prix
de ce
rachat,
lefdi
appartient intgralement
au
mari.
De ce
que
la femme ou ta fille forme un bien sus-
ceptible
d'tre
vendu,
il en rsulte ncessairement
que
celui
qui
a caus un
grave prjudice
cette
< chose
en doit te
prix.
C'est ce
qui explique que
la tbmanth
peut
tre due
par
l'auteur d'un
viol,
ou
pour
dtourne-
ment et adultre. Dans le
premier
cas,
la tbmanth est
due la famille dans le
second,
elle est due soit
cette
dernire,
soit au mari.
Pendant la
priode
de
temps qui spare
le
jour
du
fath'a
public jusqu'au jour
fix
pour
les
noces,
les fu-
turs
poux
se voient fort
peu, pour
ne
pas
dire
pas
du
tout. Et malheur celui
qui,
sans l'autorisation ex-
presse
des
parents,
chercherait voir sa
fiance;
une
svre amende le ramnerait des sentiments
plus
dis-
crets.
La veille des noces est arrive. Le futur mari offre
ses
parents
et ses amis
undtner,
aprs lequel
un
jeune
homme
prend
la main droite
du futur et la te:at de
MtJ RS,
COUTUMES ET USAGES
40i
henn. Pendant cette
crmonie,
les convives se met-
tent chanter ils
celbrent sur tous les tons et dans
tous les
rythmes,
les
louanges
du futur
poux
et celles
de la
f'imi)te,
et les
qualits
de toutes ces
personnes
doivent tre nombreuses n'en
juger que par
la lon-
gueur
de cette solennit musicale. A
partir
du
moment,
o le futur a vu sa main
droite teinte de
henn,
il
prend
ie nom d' isli
fianc,
et ne
peut
travailler
pendant
trois
jours
entiers.
La fte se
prolonge pendant
la nuit et le fianc doit
offrir ceux
qui prennent part
la
fte,
des
ufs,
de la
viande et des
gteaux.
Le tiers de ces
provisions appar-
tient de droit aux
chanteurs
les deux autres tiers sont
destins aux
jeunes
clibataires du
village.
Le
jour
fix
pour
la
crmonie se
lve,
le
mariage
va tre clbr.
Les
parents
du mari forment un
cortge
au devant
d'eux,
marchent les
musiciens
derrire
eux,
suit une
mule. Tous sont babitts comme aux
jours
de
fte,
et
les femmes n'ont eu
garde
d'oublier de se
parer
de
leurs
plus
belles
toffes,
de leurs
plus
riches
bijoux
On se rend ainsi en
grand
apparat jusqu'
la maison
de la fiance.
Autrefois,
le
cortge
s'arrtait devant la maison de
la fiance
puis commenait
un immense concert
de
louanges que
les femmes detaKbarrouba de
l'pou-
se et les femmes du
cortge
se
renvoyaient rcipro-
quement.
Cet
usage, que
nous
retrouvons,
en
France,
dans la
Basse-Bretagne (le bazvalan)
a t
supprim
dans les circonstances suivantes
que rapportent
MM.
Hanoteau et Letourneux.
<
Un membre de la
puissante
famille des at Berk'
ouk' ou
Iberk'ouk'en,
du
village d'Agouni
Boufir,
chez
les at
Fraoucen,
avait tu un homme des at
Ibidah',
de Taourirt Aden. Toute la famille des at Berk'ouk se
trouvait,
par
suite de ce
meurtre,
sous le
coup
d'une
dette de
sang (i).
Mais les
parents
du
mort,
se sentant
(1)
Nous verrons
plus
iain ce
que
c'est
que
cette dette de
sang
ou R'ek'ba.
LA a~MHK 4oa
trop
faibis
pouf ~'attaqtfef
&
tine famille trs tiom~
breuse et
craignant
de
nouV!)s
~Menes,
resJ nrnt
de r6noacef & la
tnganC
et d dsarmer !eurs eSne*
mis,
en !<]r
demandant une de
feurs jeunes
HttM en fn.
rige
poaf
ua de iet]~
j~hes g'B.
La dem&ad fut
accorde,
et l
pass paMU~aifottbhe,
iof~de
l ft~-
t6g
des ait Ibidath' se
prsettta a AgouH} BoOSf
pottf
fedevoit' ta fiance. Les femmes des ait Bei'trOt~
accueillirent ce
cortge,
et lui
chantreTjt l
Ceuptot
sti~aCt.
qui
tait une attusioa bfessdnte & !a
faibtesse
montre
pat'
les dit
tbidah'.
en ne
vengeant
pa~tthOft
de fHf
pafat
Soyet
ic~
bienvenuesj
maitresses de~ bonnets Mottanbt) I
No)i9
appartenons
& la famiHe
Berk'ouk'
Notre marche suit des chemins
sinueux,
Nous sommes
coutmniers
de
l'arbitraire,
Et
nous
mangeons
le droit des autres.
Les femmes des ait Ibidab'
ripostrent
aussitt
par
cet autre
couptet
Dieu vous rende le bien
que
~oua nous
souhaiter
Ma!treases du
tissage
bien
rgl Li
Mais l ternie
arrive,
nous sVona non~ faif
payer.
Cependant
an homnie des A~t
!btdab\
MMpMde J
t'insulte faite
sa
famille,
mit Mne baite dan~ ~fMM
Merah'ba
}9hot!htt
a soutb SubroHk'
t
Noukni d'atb Bertt'otik
Thikii enner's et' t'erouk'
Nennoun) ziada
nthets i medden el h'ak'ouk'.
Ad'iskount irh'ab
eikhfi
A Muth thiddi ik' iiascn
Moukai d'ibidah'
AineUasegcuk'iis~en;
Mezehouzou $' et'
t'olk;
Ar d'iaoudh
tidja), khaHeen.
Nous
appartenons
la famille
d'Ibidah'
Mous sommes des
gens
bien levs.
Nous
prtons
longue
ch'inc
MECRS~
COUTUMES ET USAGES ~o
et tendit roide mort le
pre
de la fiance. Il s'ensuivit
une bataille
gnrale, et,
durant de
)ongues
annes,
les
deux familles se .firent une
guerre acharne
dans la-
quelle prit
un
grand
nombre de leurs membres.
Telle fut )a
querelle sanglante qui
vint
supprimer
les chants de
louanges
dont s'accablaient les familles.
Par suite de cette
suppression,
le
cortge
entre im-
mdiatement chez la
fiance,
et aussitt et
pendant
cette
entre,
ce n'est
qu'un
bruit assourdissant de fltes
de roseau et de tambourins se mlant aux nombreux
ciats des
coups
de feu.
Un
marabout,
choisi
par
la
famille,
est
l,
dans la
maison,
entour des hommes les
plus
considrables des
deux familles.
Le fianc
(qui
d'ailleurs,
comme la
fiance,
n'assiste
pas
la
crmonie)
est
reprsent par
un
Oukil,
man-
dataire. Ce dernier s'avance vers le
pre
ou vers le re-
prsentant
de la
future,
et s'adressant solennellement
lui en
prsence
du
marabout,
lui dit J e te demande ta
fille
(ou
ta
soeur,
ou une
telle) pour
mon mandant. Le
pre
ou le
reprsentant (Ouali) rpond je
te la donne.
Le marabout rcite alors J e fatb'a et l'assistance debout
repte
ce fath'a.
On
dpose
alors aux
pieds
du marabout tous les bi-
joux, parures,
vtements
qui
sont offerts la future
pouse,
soit titre de don
nuptial,
soit en vertu de sti-
pulations particulires.
Quand
cette exhibition est
faite,
le marabout vrine
les
pouvoirs
de l'Oukil et voit s'ils sont suffisants. Pour
le
reprsentant
de la
Hance,
cette formalit est
inutile,
elle est
toujours
reprsente
sans mandat. Si
cependant
la future tait veuve ou
rpudie,
celui
qui
la
repr-
sente se rend
auprs
d'elle
pour
obtenir le droit de se
prsenter
en son nom.
L'Onkil et !?0ua)i
interpellent
ensuite
sparment
et
chacun trois
reprises d]ffrentes,
le marabout en lui
disant J e te fais mon mandataire. A
chaque interpel-
lation,
celui-ci doit
rpondre j'accepte.
Aprs
cette
formalit,
le marabout lit la
quatrime
sourate du Coran aiea femmes
M
et qui
est ainsi
conue
LAKABYJ J E 404
ir'i M
n'est
emptoyqu'en
t et constitue une boisson
trs
rafrachissante,
LA KABYHS 410
Aprs chaque repas,
les
Kabyles
ont soin de se net-
toyer
la bouche.
Ils
emploient pour
l'entretien des dents
et des
gencives
l'corce de racine de
noyer,
qui
n'a
qu'un
seul
dfaut,
lger
d'ailleurs,
celui de colorer
pas-
sagrement
en brun )a
muqueuse-des
lvres.
Cette habitude ne doit
pas
faire
prjuger
favorable-
ment d la
propret
des
Kabyles,
car ce n'est l
qu'une
exception
l'tat de salet dans
lequel
ils vivent.
Au milieu de rues encombres
par
des
dpts
d'im-
mondices,
sillonnes
par
des ruisseaux
remplis
d'eaux
mnagres
et de
liquides
s'coulant des curies
par
un
petit chenal,
le
Kabyle
ne
songe
remdier un tel
tat de choses
que lorsqu'il
est utile
d'engraisser
son
verger.
Alors il recueille
prcieusement
le fumier dans
lequel
il a
vcu,
et il tire ainsi
proQt
de la
malpropret
qu il
a su entretenir.
Les
habits,
qui propres
et convenablement
ajusts,
ont une certaine
originalit
et une certaine
grce,
sont
malheureusement
trop
souvent ensevelis sous une cou-
che de crasse et de boue
qui les
transforment
ep
mis-
rables haillons. Les riches
cependant
mettent
beaucoup
d'amour
propre
porter
des vtements
convenables
mais en
gnral,
on
peut
dire
que
le
Kabyle porte
ses
vtements
jusqu'
une usure trs
avance,
sans
jamais
avoir eu la
proccupation
de les faire laver.
Leur costume est d'ailleurs trs
simple.
L'homme
porte
une
large
chemise,
soit de coton-
nade,
soit de laine
grossire par
dessus cette che-
mise,
un ou deux burnous. Celui-ci n'a
que
bien ra-
rement
l'avantage
de
jouir
d'une blancheur
passable;
moins
qu'il
ne soit
neuf,
il
apparat toujours diapr
de taches de toutes
grandeurs
etde toutes
qualits.
On
hrite du burnous comme du
fusil;
c'est un meuble de
famille
et il en est
qui
tiennent tant cette
relique,
qu'aprs
avoir
essay par
tous les
moyens possibles
d'ajuster quelques
morceaux
d'toffes,
ils flnissent
par
le
porter
l'tat d'effil
(Devaux).
Les
Kabyles
marchent
pieds-nus
les
plus
riches
portent
des
babouches
ceux
qui
ont de
longues
routes
9 faire taillent dans
une
peau
de
chvre
un
quadrUa"
MURS,
COOTOMS tT
USAGES
tre
oblong,
l'extrmit
duquel
des cordes de
spar-
terie sont Qxes et
permettent
de t'attacher au
pied.
En
hiver,
ils se servent de
kobkab,
espce
de
patin
de
bois d'une seule
pice,
formant une semelle ia face
infrieure de
laquelle
se dtachent
deux planchettes
ver-
ticales de
cinq
dix centimtres de haut. Par suite de
cette
disposition,
le
pied
ne saurait toucher la
neige,
mais trs souvent cette chaussure est une cause d'en-
torses
graves,
sa hauteur n'tant
pas
calcule
par rap-
port
sa surface.
Si le
Kabyle,
en
temps
ordinaire,
marche
pieds-nus,
il ne saurait rester la tte dcouverte et il se coiffe avec
une ou
plusieurs
calottes de laine,
imbriques
les unes
dans les autres.
La calotte est rettement
parfois
un
objet
de curiosit.
Quand
un accident ne la met
pas
hors de
service,
elle arrive atteindre une existence
phnomnale, protge
qu'elle
est
par
une
paisse
cou-
che
graisseuse.
J e ne suis
pas
loin de croire
qu'il y
en
a de
quasi scutaires (Devaux).
Le costume de la femme est tout aussi
peu compli-
qu.
a
Une
grande pice
d'toffe de laine ou de
coton,
disent MM. Hanoteau et
Letourneux,
fait,
le
plus
sou-
vent,
tous les frais de leur habillement:
plie
en
deux,
suivant la
longueur,
elle se ddoubfb sur l'un des
cts du
corps
les deux chefs sont runis sur les
paules par
deux fortes broches de fer ou
d'argent,
et
serrs autour de la taille
par
une ceinture de soie ou de
laine. Les bras
passent par
des chancrures
mnages
dans les
plicatures
de ce
vtement,
qui
a
quelque
ana-
logie, par la
faon
dont il est
drap,
avec la
tunique
de
la statuaire
grecque
a.
Dans tes
jours
de
fte,
les femmes
adjoignent
il cette
unique
robe, quelques
mouchoirs en toffe
voyante,
uxes sur un hak de laine.
La coiffure est forme
par
une sorte de
capuchon
de
lin ou de
soie,
fix autour de
la tte par
desmouchoirs;
quetquefois
la
femme,
malgr l'paisseur
de sa che-
velure, y ajoute
des nattes
et des tresses de laine
noire;
mais ces nattes et ces tresses ne
constituent
qu'un
ornpn~nt et sont
toujours
T<9ib!es.
LA KABYLIE 4i2
La femme
kabyle,
elle
aussi,
marche
pieds
nus,
les
jambes
ornes de bracelets de
pied
Kbafkha) en
argent,
en
cuivre,
en
corne,
ou mme en bois.
Ce
got
des bracelets dnote assurment chez ces fem-
mes un
esprit
de
coquetterie, coquetterie qui
se mani-
feste en
beaucoup
d'occasions. Ainsi,
quand
vient le
soir,
la femme
kabyle dpose
ses habits de travail
pour
en revtir d'autres. Serait-ce
pour plaire
son
mari ?
Ce
que j'ai remarqu
coup sr,
et
qui pour-
rait
prouver que
le mari n'est
pour
rien
l-dedans,
c'est
que quand
les femmes vont
l'eau,
au bois ou au
moulin,
elles sont
toujours beaucoup
mieux
pares que
dans la maison
~(Devaux).
Les colliers faits avec des
peries
en
verroterie,
des
coquillages,
des
pices
de monnaie
franaises
et ara-
bes,
des
fragments
de
petites
glaces,
des boutons en m-
tal,
font fureur l-bas.
Que
dirons nous
des
cosmtiques
dont )a femme ka-
byle
fait un si
grand usage ?
'l
Ses
cheveux,
ses sourcils sont teints en
no~r,
seule
couieur
qui
soit la mode, et il est
juste
de dire
que
la
femme russit fort bien cette
opration.
Voici,
titre de
curiosit,
le
procd qu'elle emploie.
Dans une
quantit
d'huile d'otives suffisante
pour
obtenir une
pte pres-
que
liquide,
on
dlaye
un
mlange
de trois
parties
de
noix de
galle
et d'une
partie
d' < hadida
(atUage
de
sulfure d'antimoine et de
pyrite
de
cuivre).
Cette
pte
prpare,
on la chauffe
jusqu'
ce
qu'elle
obtienne line
belle coloration noire.
Applique
sur la
chevelure,
elle
y
est maintenue
pendant quelques jours, gnralement
trois,
au
moyen
de
linges qui
entourent bien la tte.
Aprs
ce
temps,
les cheveux sont rendus la
libert,
puis peigns
et bien huils.
Le Koheul
(su)fure
de
plomb
natif, gatne~
sert
teindre les cils. La femme
kabyle porte toujours
sur
elle sa bote
Koheu),
sorte d'tui en roseau dans le-
quel trempe
une
aiguille,
soit de
fer,
soit de bois. Cette
aiguille
est
passe,
toute
charge
de la matire colo-
rante,
entre les
cils,
et laisse ainsi sur les cils et sur le
bord libre des
paupires,
une coloration noire bleutre.
MCEORS~
COUTUMES ET USAGES 413
Le fard est trs
employ par
les
jeunes
filles,
et le
moyen
de le
composer
et de
l'appliquer
mrite,
il nous
semble,
une
description.Unecertainequantit degomme
laque,
de coloration bien
rouge,
est rduite en
poudre
et mie
par parties gales
avec de l'alun. Ce
mlange
est mis
part; puis
les femmes triturent des raisins
secs et avec la salive
qu'elles
obtiennent en mchant
l'corce de racine de
noyer, prparent
une
pte
la-
quelle elles ajoutent
la
gomme laque
et l'alun
pulvriss.
Cette
incorporation
termine,
elle roule le tout dans du
sembel
, poudre
odorante et
d'origine persane
et le
laisse scher. Pour se servir de ce
fard,
ainsi
prpar,
Hsuf6tdesemouiHerpra)aMement
les
joues
avec de
la salive et de frotter
la pte
sur la
peau, plus
ou moins
lgrement,
suivant le
degr
de coloration
que
l'on d-
sire obtenir.
Ceci
pourrait dj,
notre
sens,
suffire
pour parer
la femme. Nous devons
cependant
encore citer le ta-
touage.
Chez la femme
kabyie,
le
tatouage
est trs
frquent
et se
porte,
sur le
front,
sur le
menton,
sur tes
joues,
sur les
tempes,
sur les
bras,
sur le cou. Il forme une
srie de
dessins,
assez finement excuts et d'une va-
rit tout fait fantaisiste.
Chez
l'homme,
ce mme
tatouage
se
retrouve,
mais
pour lui,
cette
opration
n'est
qu'un prservatif
ou un
curatif contre certaines maladies.
L'on voit
frquemment
dans ces
tatouages,
la forme
de la croix. Faudrait-il en
conclure,
comme certains
auteurs ont cru
pouvoir
le
faire,
que
c'est un
usage ap-
port
dans cette race
par
la
religion
chrtienne,
une
poque
recule et
impossible
d'ailleurs dterminer ?q
Nous ne nous
prononcerons pas
sur cette
question, que
nous avons
dj
efueure dans notre tude sur
t'origine
de la race
Kabyle;
cela,
d'aprs
Ibn
Khaldoun,
serait
vrai,
puisque
cet auteur nous dit
pendant
la domi-
nation des
Romains,
les Berbres se
rsignrent
pro-
fesser la
religion
chrtienne et se laisser
diriger par
les
conqurants, auxquels,
du
reste,
ils
payaient l'impt
sans difScutt
(.Ht'~oM~
des
~'MfM).
.A KABYME 4~
Enfin la femme
kabyle,
comme la femme
arabe,
pile
certaines
rgions
de son
corps.
Les
procds qu'elle
emploie pour
obtenir ce
rsultat,
ne sont
pas toujours
sans
danger.
Le
mlange
de chaux
vive,
de sulfure
~Mt~
d'arsenic et de ssvc-B
vert,
produit
trs
frquent*
ment des vsications
profondes.
H est vrai
que
beau-
coup
se servent tout
simplement
de
glu.
Aprs
avoir
enduit la
partie
piler
d'une matire destine d-
truire la force d'adhsion du
poil,
eHe&
y appliquent
un
empltre
de cette
glu, qui,
retir
brusquement,
ar-
racbe tout ce
qui
s'est attach lui
a (Devaux~.
La
coquetterie
de la femme ne va
cependant pasjHS*
qu' prendre
des bains. Les ablutions
prescrites, par
le
Coran ne sont
pas
ou sont fort
pea pratiques,
et cela
aussi bien
pour
les femmes
que pour
les hommes. Aussi
peut-on
dire
que pour presque tous,
le savon
mou, qui
se dbite au march
pour
tes
usages industriels;
est une
denre de luxe au
point
de vue
cosmtique.
Les femmes
kabyles mnent,
en
rsum,
une vie
trs calme. Elles se
procurent quetques
dtstraetions<en
se runissant aux fontaines. en allant au bois.
Elles vont de
temps
en
temps
an moulin faire moudre
des
grains,
et
passent
encore
quelques
bans
moments,
causer le
plus qu'elles peuvent,
en attendant ia''vrai-
son de la
farine,
pour laquelle
elles tracassent
peu
!e
meunier. Aussi toutes ces
corves,
au lieu de leur r"
pugner,
sont,
bien
que
fort
rudes,
considres
par
elles
comme des
prrogatives qu'elles
dfendent avec achar-
nement contre les maris
jaloux, qui
voudraient ne les
laisser s'absenter
que
le moins
possible.
Entre
plusieurs
exemples, j
citerai celui d'une femme de la tribu des
At
Smahil
qui
vint un
jour porter plainte
au kadi de ce
que
son
poux
ne la laissait
aller,
ni au
bois,
ni i'eau.
Et
qui
donc
y
va ? demanda le Kadi.
C'est notre ne.
Tu dois t'estimer bien heureuse d'avoir un mari
qui t'pargne
une
pareille fatigue ?
q
Allons donc t J e suis au contraire la
plus
malheu-
reuse des femmes d'tre
ainsi rMtuM 4 ~auM do
taja-
tousie de ce
mchant.
MURS,
COMtJ MES ET
USAGES 4i8
Le
mari,
qui jusque-l
avait
gard
le
silence,
prend
la
parole
Si
je
suis
jaloux,
ce n'est
pas
sans motifs et
j'ai
assez
d'amour-propre pour
ne
pas
lui
permettre
d'aller au rendez-vous
qu'elle
don~e ses amants
voii la cause de ma conduite.
L'homme tait vieux et
laid,
la
plaignante
jeune
et
jolie,
toutes les
prsomptions
taient donc contre elle
aussi,
malgr
ses
pjeurs,
ses
prires
et ses
menaces,
elle dt se
rsigner
rentrer chez elle et continuer
tre la mieux traite des femmes kebates
r (Devaux).
Quoique
le rle des femmes soit
effac,
il est
cepen-
dant
quelquefois
arrive
qu'une
d'ette ievt la Voix et
qu'elle
fut coute comme un oracle, Plusieurs Koubba
en
Kabylie portent
te nom de femmes clbres
par
iar
pit
et leur influence.
Dans les
pays barbares,
dit M.
Maaqueray,
ta femme
qui porte
le bois et
l'aau,
arrache les herbes dans les
champs
et
reoit
sans
reproche
les ordres de son
matre,
tve
quelquefois
ia voix comme un tre d'un ordre in-
frieur
qui
rend un oracle. Les Germainade Tacite cro*
yaient que
les femmes avaient en elles
quelque
chose de
divin. Le
barbare,
en
effet,
s'tonne
lorsqu'il
it entend sa
femme
parler
mieux
que
les anciens et lui rvier le salut
qu'il impiore
de son Dieu. Une femme de bon conseil est
pour
lui una
puissance
occulte
qu'il
rvre comme les
Espagnols
se
prosternent
devant leurs madones. Il
y
a
des saintes en
Kabylie.
La
plus
haute cime du
Djerd-
jcra
est. consacre a Llla
Khredidja
En
temps
de
guerre,
ne
croyez pas que
la femme Ka-
byle
restera loin des combattants. Elle sera
l,
derrire
son
mari,
l'excitant ae battre
par
ses
chants,
par
ses
cris. Pares de te~ra
bijoux,
elles se tiennent
par
la
main et entonnent un chant de
guerre. Ayant
t
ap-
pet plusieurs
fois condu:<'e des
contingents
Kehales
l dfenae d'un
village
menac
par l'ennemi, j'ai
com-
pris,
n entendant ls excitations des
pouses,
des m-
res,
combioi! devait
y
tre sensible la fibre
guerrire
des combattants
(Devaux).
Et
lorsque
le combat
flnit,
les femmes n'ont rien
craindre, que! qu'ait
t teur
f!~ ~t)6
ani
t~ujourB
rt&onMa
t il
n'y
a
pas
LA KABYLIE 416
d'exemple qu'une
insulte,
quelle qu'elle
soit,
leur ait
jamais
t faite.
Ne voulant
pas
nous accorder la mme confiance
qu'
leurs ennemis
habituels,
les
Kabyles,
dans tous les
engagements qu'ils
eurent avec nous,
renvoyrent
les
femmes dans la
montagne, craignant pour elles,
soit la
captivit,
soit les mauvais traitements.
Les femmes sont encore
l, pour, aprs
le
combat,
emporter
les blesss et ensevelir les morts.
Le verset 38 de la
sourate
IV du
Coran,
dont nous
avons donn le texte en
parlant
de la crmonie
tgate
et
religieuse
du
mariage,
trace les droits et les devoirs
des
poux.
La femme doit obissance et
fidlit son
mari,
qu'elle
doit suivre
partout
o il va. Elle a !a di-
rection du
mnage,
et
si,
pour
un motif
plausible,
la
vie commune lui
parait
intolrable, elle a le droit de
fuir la demeure
conjugale
et de se
rfugier
dans la
maison
paternelle
ou chez son
plus proche parent;
la
coutume ne
permettra pas
au mari d'aller rechercher la
fugitive.
De son
ct,
ie mari doit
protection
sa
femme
il doit la
loger
dans le domicile
conjugal,
la
nourrir et la vtir suivant sa condition mais ces
deux
points
de
vue, seul,
il est
juge d'apprter
com-
ment il doit
agir.
Si la femme commet des
fautes,
il a
le droit de la
punir,
de la
chtier;
et si le
poing
est ou
lui semble
insuffisant,
Hbre a lui de s'armer d~un
bton,
d'une
pierre,
d'un
poignard
mme. Tout
ce qu'on
lui
demande,
c'est de ne
pas
aller
jusqu'
la tuer.
Le mari ne
peut
refuser sa femme le droit d'aller
visiter ses
parents
l'occasion d'un
mariage,
d'un d-
cs,
d'une
maladie,
ou d'une fte. Il ne
peut
non
plus
s'opposer
ce
que
le
pre
de la femme ne
Femmne
chez
lui,
quand
il le dsire.
Il doit fournir sa femme malade tous les mdica-
ments et tous les soins ncessaires son
tat,
appeler
un mdecin
(?) (nous
verrons dans le livre suivant
quel
est ce
mdecin),
et si la femme en
exprime
le
dsir,
il doit faire venir un marabout
pour procder
des in-
cantations ou crire des talismans.
Aprs l'enfantement,
la mre est
dispense
de
vaquer
MURS,
COUTUMES ET USAGES 4<7
tout travail
pendant
un mois et
quarante jours,
et
pendant
la
priode
de
convalescence,
sa nourriture
doit tre abondante et
dlicate,
et il faut entendre
par
l une alimentation
compose
de viande et de
pur
fro-
ment. Combien de nations civilises ne
dploreraient
plus
leur
dpopulation toujours croissante,
si des me-
sures semblables assuraient la mre un
repos, qui
lui
permt
de donner tous ses soins au nouveau
n,
et une
nourriture ncessaire
pour
faciliter un allaitement sain
et
gnreux?
q
Presque toujours
la femme
kabyle
allaite ses enfants
dans les cas
exceptionnels d'empchement,
le mari est
oblig
de fournir une nourrice.
Enfin les frais de funrailles de la
femme,
qui
n'est
ni
rpudie,
ni
insurge,
incombent au
mari,
peu
im-
porte que
le dcs ait eu lieu dans le domicile
conjugal
ou dans la maison
paternelle.
Quant
aux
prceptes d'hygine
dicts
par
le Coran
au
sujet
des
rapports
entre
poux,
ils sont en
vigueur
en
Kabylie et indiqus par
la coutume.
Nous avons vu
que
le
mariage
n'tait
gure qu'une
vente faite
par celui qui
a droit de
disposer
de la
femme,
moyennant
un
prix
dtermin. Il en rsulte
que
le mari
qui
a
achet, peut,
en rendant
l'argent,
rendre la
femme
qui
a cess de lui
plaire
la
plus grande
lati-
tude est laisse aux hommes cet
gard.
Outre les cas
lgaux,
o le
mariage
est dissous de
plein
droit,
le mari
peut
en
oprer
la dissolution
quand
bon lui semble et
sans aucun
motif,
par
la
rpudiation.
Avant de voir en
quoi
consiste cette
rpudiation,
nu-
mrons
rapidement
les cas o le
mariage
est dissous
lgalement.
Tout d'abord le
mariage peut
ne
pas
tre valable et
doit tre annul
i" Si la femme a t vendue
par quelqu'un qui
n'a-
vait
pas
le droit d'en
disposer.
2o Si la femme tait encore dans les liens d'un
pre
mier
mariage
non dissous
par
la volont formelle du
mari.
3 S'il
y
a inceste volontaire ou involontaire.
LA &ABYLE ~8
4" Si la femme d'un absent s'est remarie sans avoir
fait constater
par
ta
Djemat l'expiration
des dlaie
tgaux.
5" Si le
mariage
n'a
pas
t ctbr
publiquement.
6" La femme
kabyle
aurait le droit de demander la
nullit du
mariage pour
cause
d'impuissance
de la
part
de son
mari,
mais ce cas ne s'est
pas
rencontr en K&-
bylie.
Une
pareille imputation
serait une
injure qui
ne
saurait tre lave
que
dans
le sang. D'ailleurs,
il faut
le dire la
louange
des
Kabyles,
ils cachent trs soi~
gneusement
les secrets
conjugaux
et ne vont
pas
crier
sur les toits les msaventures
qui peuvent
leur arriver.
Un
Kabyle
croit
pouser
une
vierge,
et il a t
tromp.
Il ne se rcriera
pas,
et
n'invoquera pas
le droit mu-
sutman
qui
lui
permettrait
de
reprendre
son
prix
d'a-
ehat. Il attendra
patiemment; puis
un
jour
il
rpudiera
sa femme
pour
en tirer le meilleur
parti possible
en la
revendant,
soit & sa
famille,
soit un autre mari.
l"
EnHn
il
y
a encore lieu nullit du
mariage,
si
ce!ui-ci
a t contract
pendant
l'adda ou
dlai'd'expee*
tative, rsultant,
soit du
veuvage,
so4t
de la
rpudia-
tion ou de l'insurrection suivie de rachat
propos
de
cette
aT'dda,
nous
renvoyons
le lecteur la
page
421.
Dans tous ces
cas,
la thmantb doit tre
restitue,
car il
n'y
a
pas
eu une vente et ds lors il ne saurait
y
avoir
prix
d'achat.
Les enfants issus de ces
unions,
irrgulires lgale-
ment,
n'en sont
pas
moins considrs comme
lgitimes.
H
n'y
a
pas
eu faute et ds
tors,
il est
injuste
de
frapper
des innocents. M n'existe
qu'une
seule
exception
cette
rgle,
c'est dans le cas d'inceste volontaire. L'enfant
est
lapid
avec le
pre
et la
mre;
ainsi est
veng
l'honneur du
village
En outre le
mariage
se trouve dissous
1 Par la mort de la femme.
2 Par la mort du mari dans les tribus o& la
f~a~M
ne reste
pas
< taHakitb
<
p<Mtdue
& eea mari mort.
Dans ce
cas,
la veuve fait
partie
de la
emeceeMoa
4<t
mari;
nous verrons
plus
loin
les droits des hn~ens
sur cette femme.
MURS,
COCTCMES ET USAGES 419
.3o Par
l'absence
mais il faut
que
l'absence
soit
constate et
qu'il
se soit cout un dlai de
quatre
annes
depuis
le
dpart
du mari. Ce dlai constitue ce
que
l'on
appelle
l'adda.
L'expiration
de ce dlai
lgat
doit tre tablie devant un marabout avant de
pouvoir
faire contracter la femme un nouveau
mariage.
Cependant
certaines tribus ont trouv
ce dlai de
quatre
ans
trop insuffisant;
aussi les tribus du bord de la
mer,
et les At
Djennad,
les Izer'faouen
l'ont
port
sept ans
sa dure est de
dix ans chez les Ait Iraten et
les Igaouaouen.
Pendant
l'adda,
la mre a la surveillance et la tutelle
de ses enfants
mineurs
elle est nourrie et vtue sur
les biens du mari.
Si ce dernier venait
reparaltre,
alors
que
sa femme
serait
remarie,
il ne
pourrait
la faire rentrer chez
lui
il n'aurait
que le
droit de se faire restituer la thmanth
qu'il
avait verse.
4 Par la
rpudiation,
mais il faut
que
cette
rpudia-
tion soit suivie de rachat.
Le
Kabyle peut, quand
il le
veut,
et
simplement
parce que
cela lui
plat, rpudier
sa femme. Il n'est
tenu
d'apporter
aucun motif dans cette
rpudiation,
qui peut
s'effectuer de deux manires. il fixe un
prix
de rachat et dans ce cas la
rpudiation
s'appelle
berrou-n-tegourri.
Ou au
contraire,
en
rpudiant
la
femme il a soin de laisser le
prix
d'achat indtermin,
et la
rpudiation
devient le berrou embla
tegourri.
Dans le
premier
cas,
celui de
rpudiation
avec
fixa-
tion du
prix
de
rachat,
le mari renvoie sa femme en
disant < J e te
rpudie
et
je
mets sur ta tte telle
somme. o
Si cette
formule n'a t
prononce qu'une
fois
par
le
mari,
celui-ci
pourra
encore
reprendre
sa femme et
trouvera
un marabout
complaisant qui
voudra
peut-
tre bien consacrer de nouveau cette
union cependant
il lui en cotera assez
cher,
car le
pre
de la femme dont
il lui faudra
pour
cette nouvelle crmonie
le consente-
ment,
en
protera pour
demander un
supplment
de
thmaat.h
(Thumern&).
LA KABYLIE
420
Mais
par
deux ou
par
trois
fois,
le
Kabyle
a-t-il
prononc
cette mme
formule,
que
le
mariage
est
irrvocablement
dissous,
et le mari ne
pourra pouser
de nouveau sa femme
rpudie que lorsque
cette
dernire aura contract un
mariage
avec un autre
homme et sera devenue
veuve,
ou aura t
rpudie
par
lui. C'est
d'ailleurs,
ce
qui
est conforme la loi
musu)mane <si un mari
rpudie
sa femme trois
fois,
il ne lui est
permis
de la
reprendre que lorsqu'elle
aura
pous
un autre
mari,
et
lorsque
celui-ci l'aura
rpudie
son tour.
H ne rsultera aucun
pch pour
aucun des
deux,
s'ils se
rconcilient,
croyant pouvoir
observer
les limites de Dieu. Telles sont les limites
que
Dieu
pose
clairement aux hommes
qui
entendent le Coran,
Sour.
230.Chap.
Il.
La femme ainsi
rpudie peut
se marier avec un
autre,
la condition
expresse que
la somme fixe
par
le mari lui soit
paye, peu importe
celui
qui
donae les
fonds.
Il arrive
que
le mari fixe ou mette sur la tte de la
femme une somme tellement
exagre, que
cette
stipu-
lation constitue une vritable interdiction de second
mariage.
Dans ce
cas,
on considre
que
la
femme
ne
pourra jamais
trouver
acqureur
si haut
prix
et elle est dite alors < thmaouok't
(retenue, emp-
che).
Dans le second cas ou le berrou embla
tegourri,
la
rpudiation
se fait sans
que
le mari dtermine le
prix
de
rachat,
ii se contente de dire
ebrir'am, je
te
rpudie.
Ainsi il
pourra
lever le
prix
autant
qu'il
!e
voudra,
suivant
< l'acqureur qui
se
prsentera,
et, en tous
cas,
cela le met
plus
mme
d'empcher
veme de sa
femrrte,
en demandant un
prix
d'une
exagration
ridicule.
Prononce deux
fois,
la formu''
je
te
rpudie
ne
dissout
pas
le
mariage,
et le mari
peut reprendre
sa
femme
moyennant
le
paiement
d'une amende la
Djemaat.
Mais une telle conduite a
pour
le
Kabyle
de
graves
inconvnients. Sa considration s'en est alle
au moment o il l'a fait, rentrer
aprs
la
premire
MURS,
COUTUMES ET USAGES 421
24
rpudiation
au domicile
conjugal,
et son
tmoignage
n'a
plus
de valeur
lgafe.
(Hanoteau
et
Letourneux).
Si la formule a t
prononce
trois
fois,
le
mariage
est dunitivement dissous.
Toutefois,
dans tous les cas de
rpudiation,
lors du
paiement
au mari du
ledfi
ou
prix
de rachat, celui-
ci
doit,
la somme une fois
compte,
dclarer devant
tmoins et trois
reprises
diffrentes l'abandon
qu'il
consent faire de tous ses droits sur sa femme.
La femme ainsi
rpudie
doit,
jusqu'
son
rachat,
se retirer chez ses
parents, qui
la nourrissent. Elle
entranerait
pour
ses
parents
la restitution de la
th
manth ou le
paiement
du ledfi son
mari,
si elle
s'enfuyait
du
pays.
Dans les
grandes familles,
la
rpudiation
ne
s'emploie
pas.
Le
mari qui
a se
plaindre
de sa
femme,
prvient
les
parents
de celle-ci
qu'il
leur renvoie leur fille. Celle-
ci,
sous la conduite d'un
ngre
ou d'un
domestique,
et
monte sur un ne ou un mulet,
regagne
le domicile
paternel.
Et cela
quivaut
si bien une
rpudiation
formelle,
que
la femme ne saurait trouver
personne qui
voudrait
l'pouser,
et
que
si,
par
hasard,
son
mari,
celui
qui
l'a
rpudie,
la
reprenait,
il serait
t'objet
du
mpris
universel.
8 Enfin le
mariage peut
encore tre dissous
par
la
fuite de la
femme,
suivie de rachat.
Lafemme a-t-elle
des sujets de
mcontentement contre
son mari? Ette avertit un de ses
parents.
Celui-ci vient
au domicile
conjugal pour
la chercher
et l'emmne sans
que
le mari
puisse
rclamer
quoi que
ce soit. C'est une
vritable fuite de sa
part,
une
vraie
insurrection,
aussi
appelle-t-on
la femme
qui quitte
ainsi le domicile
conjugal
<
thamenafek't
<
insurge
Dans ce
cas,
le mari a le
droit,
soit de la
rpudier
en
recevant la tbmantb ou le
ledfi,
soit de la laisser toute
sa
vie,
< thamaouok't
empche.
Il ne doit
plus
rien
a
sa
femme, qui
retombe la
charge
entire de ses
parents.
C'est l une
consquence qui
fait trs souvent
rflchir la
famille,
avant de favoriser l'insurrection de
la femme.
LA KABYLIE 422
La fuite de la femme n'est admise
que
dans sa famille.
Si la femme
insurge
se
rfugiait
chez un autre
homme,
ou si elle contractait un nouveau
mariage
sans le
consentement du
mari,
il
y
aurait lieu
l'application
de
peines
trs
svres,
peines qui
vont
quelquefois
jusqu'
l'exil.
Telles sont les causes de dissolution des
mariages.
Mais
que
deviennent les enfants de ces unions
rompues ?
Que)
est leur sort ?
R
En
principe,
le
pre
a le droit de conserver tous les
enfants
quels que
soient leur
ge
et leur
sexe,
mme les
enfants en bas
ge.
Quelques
tribus ont
adopt
les
dispositions
du Coran
plus humaines pour les tout jeunes
enfants,
et reconnais-
sent comme
obligatoires
tes
prescriptions
de la sourate
II,
vers.
233,
ainsi
conu
Les
mres
rpudies
allaiteront leurs enfants deux ans
complets,
si le
pre
veut
que
le
temps
soit
complet.
Le
pre
est tenu de
pourvoir
la nourriture et au vtement de la femme
d'une manire honnte. Personne
ne doit tre
charge
au del de ses facults
que
la mre ne soit
pas
lse
dans ses
intrts,
cause de
l'enfant,
ni le
pre
non
plus.
L'hritier du
pre
est tenu aux mmes devoirs.
Certaines
tribus,
tout en confiant l'enfant en bas
ge
la
mre,
veulent
que
celle-ci donne l'allaitement sans
indemnit
le mari n'tant
tenu,
ni de la
nourriture,
ni
du vtement.
La femme
insurge,
ayant
commis une infraction
que
la coutume
totre,
mais sans
l'approuver,
ne
jouit
pas
des mmes
privilges
et n'a droit absolument
rien.
Nous avons vu
prcdemment
la svrit de la
coutume
Kabyle
au
point
de vue des
moeurs;
aussi
malheur la femme
veuve,
rpudie
ou
insurge qui
oublierait ses devoirs. L'enfant
qu'elle pourrait
mettre
au monde serait son
compagnon
de
supplice
car
pour
laver l'affront fait l'honneur du
village,
la mre et
!'enfant seraient
lapids
et la famille ne serait
pas
la
dernire
aller au-devant de l'excation
craelie,
mais
ncessaire. Est-il besoin
d'indiquer qu'en prsence
de
MURS,
COUTUMES ET USAGES 423
cette
svrit,
on a trouv dans J 'avortement un
pallia-
tif. L'enfant
mort,
la mre ne doit
qu'une
amende la
Djemat,
et reste la
disposition
de la
famille.qui
seule
verra si elle doit laver son dshonneur dans le
sang
de
la
coupable.
Mais la femme
rpudie
ou la
veuve,
enceinte lors de
la
rpudiation
ou lors du dcs du
mari,
ne
pourraient
recourir
l'avortement,
sans encourir la
vengeance
du mari et de ses
hritiers,
qt. 'ans
ce cas
cquirent
la dette de
sang,
la
Rek'ba.-
L'infanticide est
puni
comme l'avortement.
En
Kabylie,
l'on ne saurait rencontre! un enfant
abandonn. Les cas d'abandon ou
d'exposition
d'enfant
sont choses tout fai) nconnues.
Ainsi se
passe
la vie du
Kabyle,
entre son
champ,
son
verger,
sa maison et la mort vient.
C'est dans ces tristes
circonstances, que
nous allons
voir de nouveau
jusqu'o peut
s'lever la solidarit
qui
unit toute
la Kharrouba,
toute ia tribu.
A peine le Kabyle a-t-il
rendu le
dernier soupir, qu'aus-
sitt ses
parents
lui ferment les
yeux
etla
bouche.Puis,
prenant
le
cadavre,
l'tendent sur la terre nue. Alors en
signe
de
deuil,
les femmes
gmissent
et
poussent
des
cris
perants,
elles s'arrachent les
cheveux, s'grati-
gnent
ie
visage
et se couvrent de
cendre,
de
poussire,
de
suie, et
mme d'ordures
(d'aprs
Hanoteau et Letour-
neux).
La fatale nouvelle est immdiatement annonce dans
le
village par
le
crieurpublic,
et
partir
de ce
moment,
aucune
personne ne peut s'loigner du village;
le deuil
tant
publie, exige
la
prsence
de tous.
Si 1 inhumation n'a
pas
lieu
le jour
mme,
la famille
fait
appeler
des
marabouts,
qui passent
toute la nuit
dans la chambre
mortuaire,
claire
par plusieurs
lam-
pes.
Rien de
plus lugubre,
de
plus profondment
d-
solant
que
ce tableau. Les
marabouts, accroupis par
terre,
auprs
du
cadavre,
rcitent sans discontinuer les
versets du Coran. En attendant l'arrive de ces mara-
bouts,
les
parents
ou,
leur
dfaut,
les
voisins,
veillent
le
corps qui
ne
doit
pas
rester seul,
ne ft-ce
qu'un
mo-
ment.
LA KABYLIE 424
Le crieur
public
a
rpandu
le bruit de la
mort,
et les
notables se rendent immdiatement au domicile du d-
funt. Ils viennent
s'enqurir
du
legs que
le dcd a
pu
faire au
village.
Si celui-ci n'a
point
fait de
disposi-
tions,
ils demandent aux hritiers
quelle
somme ils en-
tendent verser la
djeimat.
Cette
somme,
qui, d'aprs
les
Kanoun,
ne
peut
tre moindre de
sept
dix douros
(35
SO
fr.)
si le dfunt a laiss des
enfants,
et de dix
vingt
cinq
douros
(50
125
fr.),
s'il n'en a
pas laiss,
est trs souvent
dpasse par
la
gnrosit
de la fa-
mille.
Cette formalit
accomplie,
tout le monde rcite le
fath'a,
puis
les notables se retirent et se
dirigent
vers
le cimetire.
L,
sous les ordres et sous les
yeux
de l'amin ou des
t'emman,
on creuse la fosse vers l'orient? C'est un
trou,
ayant
un
peu plus
en
longueur
et en
largeur que
les di-
mensions de la
personne
inhumer. Sa
profondeur
varie entre
quatre-vingts
centimtres et un mtre. Dans
le
fond,
la terre est
dispose
bien
horizontalement;
sur
les
cts,
l'on
dispose
une sorte de
retrait,
environ
cinquante
centimtres du sol
infrieur;
cela servira
placer
les
pierres plates qui
doivent recouvrir le cada-
vre. En mme
temps que
ces travaux
s'achvent,
on
achte des
bufs,
des moutons ou des
chvres, qui
sont
amens, abattus,
dpecs, pour
former une time-
cheret.
A la maison
mortuaire,
et ce
pendant,
on a lav le
corps
du dfunt et on l'a revtu de ses
plus
beaux vte-
ments. Puis on l'a ainsi
expos pendant quelque temps
la vue des
parents.
En
temps
de
guerre,
le
corps
de
celui
qui
est tomb
frapp par l'ennemi,
n'est
point
tav,
on laisse les vtements maculs de
sang qui
le
recouvraient,
et on l'inhume
ainsi
Dieu verra
que
le
mort fut un
martyr,
victime de son devoir.
Aussitt
que
tout est
prt
au cimetire
pour
l'inhu-
mation,
l'exposition
cesse et le cadavre est cousu dans
un suaire en
coton,
mais de
faon
ce
que
la tte
puisse
encore tre facilement dcouverte.
Les marabouts se
prsentent
alors, et
le mort est em-
MURS
COUTUMES ET USAGES
425
24.
port
sur une civire. Une natte ou un
tapis
recouvre
le tout.
Aider la
spulture
d'un
mort,
est une uvre
pie
aussi faut-il
voir, avec
quel empressement,
chacun se
prsente
tour de
rle,
pour
servir de
porteur.
Et il
n'est
pas
rare d'assister assez souvent un
spectacle
aussi curieux
que
navrant,
dans ces sortes d'inhuma-
tions. Dans
l'empressement que
mettent les
porteurs
se
succder,
car tous ont
peur
de ne
pouvoir
avoir le
temps
de
remplir
ce
pieux
office,
la civire est
par trop
incline et le cadavre du
malheureux roule
parterre.
Il
est remis
promptement
sa
place,
mais cela ne remdie
en aucune
faon
au mme zle
intempestif
et il doit
achever sa triste
promenade
dans un violent et continuel
routis.
Les marabouts forment la tte du
cortge,
en
pous-
sant vers le ciel des invocations
Allah,
et en flicitant
le mort du fort heureux
qui
lui est accord. Derrire
eux,
viennent la
civire,
et la
famille
puis
tout le vit-
fage.
Arriv au cimetire,
le
tapis, qui
recouvre la
civire,
esttenduet
lecadavrey
est
dpos.
Denouvelles
prires
recommencent
pendant lesquelles
on dcouvre le
visage
du dfunt
pour que
tous
puissent
le voir encore une
dernire fois.
Quand
ces
prires
sont acheves, deux
hommes
prennent
le
corps
et le
dposent
dans la fosse
de
faon
ce
que
la tte soit tourne du cot de l'Orient.
Puis on
dispose
au-dessus du cadavre des
pierres plates
qui le
recouvrent
presque
sans intervalle et l'on comble
la
fosse,
au milieu d'un
religieux
silence,
interrompu
seuiement
par
ia rcitation du Coran.
Le
fath'a,
qui
a accueilli la naissance du
Kabyle, est
l'adieu
que
lui adresse le
viiiage entier,avant
de
quitter
sa tombe.
La crmonie
religieuse
acheve,
chacun
prend
sa
part
de la thimecheret. Le
partage
est fait de
faon,
ce
que
la famille du dfunt ait une
part supplmentaire
pour pouvoir
recevoir
dignement
les
htes,
qui
ont
pu
venir l'inhumation. I) est mme
d'usage, que
les amis
du dfunt envoient ce
jour
l des mets tout
prpars,
LA KABYLIE
426
afin
que l'hospitalit,
donne en son
nom,
soit
digne
de lui.
Pendant trois
jours,
la famille
reoit
les visites de
condolance;
et le
troisime jour,
les hritiers doivent
donner,
en mmoire du
dfunt,
un
repas
tout le vil-
lage
les frais de ce
repas
sont
prlevs
sur la succes-
sion.
Pendant ces mm s trois
jours,
aucun habitant ne
peut
quitter
le
village
sous
peine
d'encourir l'amende.
Les
femmes, qui, pendant
leur
vie,
ont eu une
place
bien
infrieure,
deviennent
gales
devant la mort. Le
deuil est
public,
le crmonial est le
mme,
et si
une diffrence existe c'est dans le
quantum
de t'adda
que
doit
payer
le mari ou celui
qui dispose
d'elle la
Djemat.
Cette redevance n'est
que
de
cinq
sept
dou-
ros
(25
35
francs).
Pour l'enfant
mineur,
g
de
plus
d'un
an,
le deuil
est aussi
public,
mais
l'hospitalit
offerte aux
trangers
et la timecheret sont moins
somptueuses.
Pour l'enfant
g
de moins d'un
an,
l'inhumation se fait sans aucun
crmonial.
N'est-ce
pasun exemple vraiment admirable que donne
le peuple kabyle dans son respect
touchant
pour
fa mort!
Quel
peuple
de
l'Europe
civilise
pourrait
rivaliser avec
lui,au point
de vue de la vraie fraternit
qui
transforme
la mort d'un des siens en un deuil
public?Riche
ou
pau-
vre,
le dfunt a droit aux mmes
crmonies,aux mmes
honneurs,
et le monument de l'un ou de
l'autre, simple
pierre
fiche dans le
sol,
ne
permettra pas, aprs
la
mort,
de
distinguer quel
fut celui
qui
donna, quel
fut
celui
qui reut.
Il
peut
arriver
qu'au
moment du dcs et de l'inhu-
mation,
un
parent
ou un ami ft absent du
village et ne
pt
tre averti
temps;
le
privera-t-on
de revoir une
dernire fois les traits de celui
qu'il
aima?
Non,
et dans
une intention
pieuse,
il
peut
demander aux Tolba l'au-
torisation
de contemplerlemort.
Ces derniers
prsident
l'exhumation
qui peut
alors avoir
lieu, puis, aprs
cette triste
crmonie,
le cadavre est remis dans un nou-
veau suaire et
repos
dans la
fosse. Une
aum~e, faite
MCHS,
COOTDMES ET USAGES ta?
par
la
personne qui
a demand
l'exhumation,
est dis-
tribue ce
mmejour
aux
pauvres.
La violation de
spulture,
dlit trs rare en
Kabylie,
tait
punie
de la confiscation des
biens,
de
l'exil
quant
la violation de
spulture
dans le
but de mutiler un ca-
davre,
le cas ne s'est
jamais prsent.
Malgr
l'air d'abandon dans
lequel parait
tre le ci-
metire
Kabyle,
il est dfendu
expressment d'y
faire
pattre
)e cimetire abandonn ne
peut
tre labour
qu'aprs
un dlai
qui
varie de
vingt
cent ans.
L'inhumation dans la
Mosque
est chose trs
rare,
et
en tous
cas,
elle ne
peut
tre autorise
que par
une d-
cision formelle de la
Djemaat.
Cette
galit
devant la
mort,
cette fraternit dans le
deuil,
le
Kabyle
a su les
comprendre pendant
tout le
cours de son existence. Il
n'y
a
point
de
serfs,
il
n'y
a
pas
de
nobles
tous sont
gaux,
riches comme
pauvres,
forts comme faibles. Et il est vraiment
remarquable
de
voir
jusqu'o
a t
pousse
cette solidarit
qui
unit les
membres d'une mme socit
spectacle unique
et
qui
dpasse
tout ce
qu'on
a
pu
constater
jusqu'ici
dans
une socit vivante ou
ayant
vcu.
(Renan).
Le pauvre
n'a
point rougir,
ni souffrir de sa
pau-
vret,
et nul ne
songerait
tablir une diffrence entre
lui et le riche. En assistant une
Djemaat,
il est trs
difficile de dire
qui
sont les
pauvres
et
qui
sont les ri-
ches. La diffrence d'ducation et d'instruction n'exis-
tant
pas,
!a nob)essefoda)e
n'ayantlaiss aucunetrace,
il
y a,
dans une telle
socit,
des diffrences de
fait,
non
des diffrences de droit. Le dernier mendiant vients'as-
seoir
familirement
ct du
premier personnage
in-
fluent,
sans
que
celui-ci s'en tonne,
(Renan).
Pour le
Kabyle,
la
pauvret
est un accident
qui peut
atteindre tout le monde. Riche
aujourd'hui, pauvre
de-
main,
pourquoi
la misre motiverait-elle la
honte,
ou
exciterait-elle le ddaia n'est-ce
pas
le mme homme
qui
un
jour
donnera
l'aumne,
et
qui,
un autre
jour,
la
recevra ?
Combien de
peuples
europens enseignent
une doc-
trine si
phUosophique?
1
LA KABYLIE 428
Aussi le
pauvre
ne mendie
pas
il rclame modeste-
ment,
mais comme un
droit,
la
part
qui
lui est nces-
saire
pour
vivre celui
qui
donne ne semble
pas
faire
acte de
charit;
il
paie
une
dettejuste, sacre, laquelle
il ne doit
pas
se soustraire.
D'ailleurs,
il
y
a fort
peu
de mendiants dans un vil-
lage
chacun a l'amour
propre
de subvenir aux besoins
de ses
proches, quand l'ge,
les
infirmits,
ne leur
per-
mettent
plus
de travailler. Ce serait un
dshonneur,
que
de laisser mendier un
parent,
alors
qu'on pourrait
lui
venir en
aide;
et s'il l'aut
s'y rsigner,
ce
o'est.qu'
la
dernire
extrmit,
lorsqu'on
a
puis
tous les
moyens
dont on
disposait.
Les secours accords aux
pauvres
sont de deux sor-
tes,
suivant
qu'ils
manent de l'assistance
publique
ou
de l'assistance
prive.
L'assistance
publique
est trs active en
-Kabylie
et ne
fait aucune diffrence entre
l'tranger indigent
ou le
pauvre
du
village
il suffit d avoir besoin de ses secours
pour y
avoir droit. Gela ne se
passe
malheureusement
pas toujours
ainsi dans
beaucoup
de
pays
civiliss.
Dans tous les
vnements,
tristes ou
joyeux, qui
don-
nent naissance une adda ou
redevance,
la
Djemat
a fait la
part
du
pauvre.
De
plus,
les
gens
aiss sont
obligs, par
le code
pnal,
donner l'achour et le
fet'era. 11
est juste d'ajouter qu'ils
ne se contentent
pas
seulement de donner ces
impts,
mais
qu'ils prlvent
eux-mmes la dme relle de leurs biens et la donnent
aux
pauvres.
Le
village possde
des
jardins
de
figuiers
o,
seuls,
les deshrits de la fortune
ont le droit de rcolter ce
qui y vient
et
pour augmenter
ces
jardins,
il est rare
qu'un
homme riche ne
lgue pas,
en
mourant,
quel-
ques figuiers
ou
quelques
oliviers.
Aujourd'hui
ces
jar-
dins de
pauvres
font
partie
des biens communaux et
sont mis en
location
gnralement
le
village
les a
lous l'administration
pour
leur conserver leur des-
tination
primitive.
Dans les
endroits. o ces
jardins
de
pauvres
n'existent
pas,
ceux
qui
sont dans la ncessit sont
libres,
ea au-
MURS, COUTUMES ETUSAGES 429
tomne,
d'entrer dans tous les
vergers
et de
manger
des
fruits
pour
se
rassassier. Personne n'a le droit de les
empcher
ou de leur faire un
reproche,
mais la con-
dition
qu'ils n'emportent
absolument rien.
D'ailleurs le pauvre
un autre
moyen
d'apaiser
sa
faim. Il n'a
qu'
se
prsenter
t'heure du
repas
dans
une maison
quelconque,
et il est invit aussitt
pren-
dre sa
part
de couscous.
Toutes les fois
qu'il y
une
thimecheret de
village,
les
pauvres
ont leur
part,
comme tous les autres habi-
tants
et mme dans les distributions
religieuses,
ils
ont une
part d'argent,
en
plus
de leur
portion
de viande.
Ils ont
galement
leurs
places obligatoires
dans tous les
repas
offerts au
village,
l'occasion soit des enterre-
ments,
soit des ftes
religieuses particulires.
Enfin,
tous les biens communaux et ceux de la Mos-
que
leur sont
spcialement
rservs. Ils ont le
droit,
avant tous
autres,
de les affermer et
peuvent requrir
l'assistance
gratuite
des
gens
du
village pour
les aider
btir et
labourer,
pour
leur fournir les semences et
pour
faire les moissons et les rcoltes. En un
mot,
si
la charit nourrit
l'indigent,
elte va
plus
loin
encore,
en le mettant mme de
pouvoir gagner
sa vie
par
l'exploitation
des biens communaux.
S'il arrivait
que par
tous ces
moyens,
les
pauvres
ne
fussent
pas
efficacement
secourus,
la
Djemat
n'hsite-
rait
pas
crer immdiatement un
impt obligatoire,
auquel personne
ne
songerait
se soustraire.
Les
pauvres, trangers
au
village,
sont,
nous l'avons
dj dit,
traits comme les autres ils sont
logs
dans
la
Mosque
ou dans la
Djemat,
ils n'ont rien crain-
dre,
car ils se trouvent sous la
protection
de tout le
village.
Dans le cas o le
pauvre
est
aveugle,
comme il ne
pourrait
facilement se
dplacer,
l'amin
dsigne, pour
chaque jour,
deux
enfants,
qui
ont
pour
mission de
faire la
qute
en son nom et de lui en
apporter
le
pro-
duit.
Et si
l'indigent
vient mourir dans le
village,
son
inhumation a lieu aux frais de la
Djemat,
avec les
LA KABYLIE
430
mmes crmonies et le mme
apparat
tous doivent
y
assister.
On
peut
dire
que
la charit
kabyle
est
inpuisable
et
plusieurs reprises,
nous en trouvons de beaux exem-
ples.
Il nous suffira de relater le fait
suivant,
cit
par
M.
Renan,
pour
montrer
jusqu'o peut
a.Hersa
compas-
sion envers les malheureux. Pendant l'hiver de 1867-
1868,
lorsque
la famine dcimait les
populations
indi-
gnes
de
l'Algrie,
les
Kabyles
de la subdivision de
Dellys,
eurent nourrir des mendiants
trangers
accou-
rus de tous les
points
de
l'Algrie
et mme du Maroc.
Les
villages venaient
au secours des
rfugis,
sans s'in-
quiter-de
leur
origine,
avec une charit
pleine
de d-
licatesse. Pas un seul de ces malheureux n'est mort de
faim sur le sol
kabyle
ces actes de charit taient ac-
complis simplement,
sans bruit,
sans
ostentation,
et
comme un devoir tout naturel. Voil
qui
est admirable
et montre tout ce
qu'il
y
a d'excellentes
qualits
de
cur dans la race berbre.
Leurs devoirs de charit
remplis
vis--vis des ds-
hrits de la
fortune,
les
Kabyles
ne se tiennent
pas
pour quittes;
ils ont encore d'autres devoirs vis--vis de
leurs
semblables,
habitant le mme
village:
ce sont les
devoirs d'assistance mutuelle. Toutes les fois
que
son
voisin le demande
pour
lui rendre un
service,
te Ka-
byle
lui doit son
temps,
ses forces.
Quelqu'un entreprend-il
l construction d'une mai-
son dans le
village?
II a droit l'assistance du
village
tout entier.
Hommes, femmes,
enfants
mme,
concou-
rent,
dans la mesure de leurs
moyens,
aux travaux de
cette maison. La femme
apportera
l'eau,
le
sable,
les
matriaux de
peu
de volume et de
poids,
tandis
que
les
hommes valides du
village, convoqus par
1
amin,
transporteront
les bois de
charpente.
Personne ne
peut
refuser son
aide,
sous
peine d'y
tre contraint et
pu-
ni d'amende. De
mme,
nul ne
peut s'opposer
ce
que
l'on traverse sa
proprit,
si cela est ncessaire,
pour
la
construction nouvelle. Celui
qui
fait construire n'a donc
sa
charge que
l'achat des menus matriaux s'il est
rtche,
il
donnera,
suivant sa
position,
un ou deux
repas
MURS,
COUTUMES ET USAGES 43i
par
jour
ceux
qui travaillentpourlui
s'il
est pauvre,
il ne donnera
rien;
mais en tous
cas,l'assistance
sera la
mme.
Pour les travaux des
champs,
il en est de mme. Ce-
lui
qui
a besoin de faire
labourer,
de faire tailler ses ar-
bres,et qui,pourune
raison
quelconque,ne peutcommen-
cer ou achever ces
travaux,
n'a
qu'
faire un
appel
l'assistance
mutuelle,
son
champ
sera vite cultiv et ses
arbres
lagus.
Ce devoir d'assistance mutuelle est si
troit,qu'il
em-
pche
mme le
propritaire
d'une chose d'en tirer seul
profit,
si cette chose
peut
tre utile
autrui.
Ainsi, un Kabyle perd par accident
un
buf,
en dehors
des
jours
o la viande
pourrait
tre vendue au march.
videmment,
il
y
a
po~r
lui une
perte;
mais
cependant
il
pourrait pronter
de cette
perte,
en
disposant
de la
chair. U ne le
peut pas.
il doit
prvenir
l'amin. Ce der-
nier estime
quelle
est la valeur de l'animal et en donne
le montant au
propritaire.
La viande est alors
partage
entre tout le
village
et chacun
paie
la
part qui
lui est
chue. C'est ce
que
les
Kabyles appellent
une tham-
cunt,
un
aide,
un secours.De cette
facon,le propritaire
n'a rien
perdu,
et le
village apuprofiter
d'une occasion
exceptionnelle pour manger
de la viande.
De
mme, si,
dans l'intervalle de deux
marchs,
quel-
qu'un
tue un
animal
il doit en donner avis l'amin.
Celui-ci
charge
le crieur
public
d'en
rpandre
la nou-
velle,
afin
que
les maladeset les femmes'enceintes
puis-
sent en demander la
quantit qu'ils
dsirent.
La
protection que
se doivent dans le
village
les
Kaby-
les,
doit
s'appliquer
aussi en dehors du
village.
Si un
Kabyle
rencontre,
l'tranger,
un des habi-
tants de son
village,il
doit lui offrir ses services et l'as-
sister,
mme s'il doit
y perdre
ses
biens,
ou mme la
vie: dans le
cas,
o il n'aurait
pas rempli
sondevoirjus-
qu'aubout,ilse
verrait condamn l'amende et seraitde-
clar
responsable des pertes,que
sa lchet etson
gosme
auraient
pu
occasionner.
L'abandon d'un bless sur un
champ
de bataille est
ptuu p&f
l'amende
ouFex.il.et
celui
qui
s'en rend
coupa-
ble est Hvr au
mpris public.
LA KABYtJ E 432
En
hiver,
pour
communiquer
de tribus en
tribus,
il
faut franchir des cols trs souvent obstrus
par
la nei-
ge.
Les
Kabyles,
voisins de ces
passages,
ont le soin de
construire des cabanes en
bois,
o le
voyageur
trouvera
ce
qu'il
faut
pour
se chauffer et faire cuire ses aliments.
Et,
si la tourmente souffle avec
rage,
ils
partiront pour
sauver ceux
qui pourraient
se trouver menacs
par
le
gros temps.
La mme
protection
se doit de tribu
tribu,
et si un
individu
nglige
de venir en aide un
autre, parce que
celui-ci n'est
pas
de la mme K'bila
,
il est souvent
puni
et
toujours
fortement blm
par
sa
Djemat,
sur
a rquisition
de l'autre tribu.
Les
muletiers, qui
rencontrent sur leur route un mu-
let abattu ou ne
pouvant
marcher,
doivent aide et as-
sistance cetui
qui
se trouve
par
ce fait dans
l'embarras;
ils deviennent
responsables,
s'ils ne mettent en lieu sr
le fardeau
qui
leur a t confi.
L'usage
de la viande tant ncessaire la
vie,
et les
Kabyles pauvres
ne
pouvant
en acheter
que
trs rare-
ment,
comment leur en
procurer?
Les Kahoun ont
dcid
que
d
temps
en
temps,
on achterait en com-
mun des
bufs,
des
moutons,
des
chvres, pour
les
par-
tager
en
parts gales
entre tous tes habitants du mme
village,
riches ou
pauvres.
Ce
partage s'appelle
< Thi-
mecheret <.
Avec
quels
fonds fait-on ces achats en commun ?2
Tout
d'abord,
les
Kabyles
affectent cet
usage
une
partie
des revenus du
village.
On leur en a fait un
grand
reproche.
Les conomistes des
pays
civiliss
qui
com-
prennent l'emploi
des revenus d'une
ville, l'emploi
d'un
budget, pour
des travaux d'utilit
publique,
des am-
liorations,
etc. ont fortement condamn cette conver-
sion de fonds
publics
en
repas publics.
Ont-ils raison ?q
La
premire
condition d'un
peuple,
avant d'avoir de
beaux monuments et une voirie
sagement
administre,
n'est-elle
pas
de
pouvoir
vivre,
et
par
suite de se
nourrir ?2
Les amendes sont auM!
employes
aux thimecheret.
Chacun
a,
de cette
manire,
un intrt la
rpression
J KMS,
COUTUMES ET USAGES
433
25
des
dlits;
plus
il
y
aura
d'amendes,
plus
il
y
aura de
thimecheret. il est vrai
que
cela
prsente
bien
quel-
que
inconvnient.
Car,
si le
proverbe
ventre affam
n'a
pas
d'oreilles est
exact,
il
peut
arriver
que
dans
l'espoir
d'une
prochaine
et
abondante th:mecheret,
les
juges
et les tmoins ne ferment un
peu
l'oreille
quand
un
prsum coupable
veut s'innocenter. En tous
cas,
il aura cet
avantage
sur le condamn des
peuples
civi-
liss,
c'est
que,
mme
puni innocemment,
il aura tou-
jours quelque
chosf; en
compensation;
on ne lui enl-
vera
pas
sa
part
dans le
partage
de viande.
Quand
on
invoque Dieu,
pour
obtenir un succs
par
les
armes,
ou ses bndictions sur les
rcoltes,
chacun
apporte
les denres
qu'il
veut offrir )a
Djemat.
Ces
denres sont
vendues,
et
l'argent, qui provient
de cette
vente,
moins une
part
rserve aux
pauvres
et
l'iman,
sert acheter les animaux
qui
feront
l'objet
de la thi
mecheret.
A la
petite
fte,
l'ad
e-er'ir,
il
y
a lieu
partage
de viande. Les frais en sont faits
par
les adda ou
redevances
que
l'on doit
payer
l'occasion des nais-
sances,
des
circoncisions,
de la
majont
et des ma-
riages.
Mais,
dans ces
thimecheret,
le
partage
ne se
fait
pas galement; remarquons cependant que
la
part
des
pauvres
existe
toujours.
Enfin,
!es
jours
du
march,
et
ces jours-l
seulement,
il
arrive
que quatre
ou
cinq personnes
se runissent
pour
acheter en commun une certaine
quantit
de
viande. On dit alors
qu'il y
a Thimecheret
guidrimen
ou
d'argent
?.
Quels
que
soient les
partages,
on
y procde toujours
de la mme
faon.
L'amin s'assure
que
tous les morceaux
sont
gaux
et de mme valeur. Les habitants du
village
se runissent
par groupes
de
huit, dix, douze, vingt
ou
vingt-quatre. Chaque groupe
remet l'amin un
petit
baton sur
lequel
est un
signe
trs
peu apparent.
L'amin
prend,
chaque groupe,
ces
petits
btons,
et les
dpose
vivement un
par
un,
sur
chaque part. Chaque groupe
reconnat son lot et se le
partage par
tte. Le tout se
LA KABYLtE 434
passe
avec un ordre
parfait,
et est
excessivement rare
de voir s'lever une discussion.
Dans un
pays
o les lois d'assistance mutuelle tien-
nent une si
large place,
il n'existe ni
htels,
ni au-
berges,
mais
l'hospitalit y
est
pratique
avec
gn-
rosit et sans ostentation. L'hte est
sacr,
non seule-
ment
pour
celui
qui
le
reoit,
mais
aussi
pour
tout le
village.
Si le
voyageur
coana!t dans un
village
un
habitant,
il n'a
qu'
se
prsenter
lui,
et
aussitt,
il
est
bospi-
talirement accueilli
il
n'y
a
pas d'exemple qu'il
ait
t condait. S'il ne connat
personne,
il lui suffira de
dire au
premier
venu < ousir'd
dinebgui-en-thaddart
.
je
viens comme hte du
village
il sera aussitt
conduit chez l'amin
qui s'empressera
de le
faire
con-
duire dans une
maison,
o il sera trait
suivant son
rang.
Il
y
a en effet
quatre
classes d'htes.
1" Dans
la
premire,
se
pheent
les htes de distinc-
tion,
les marabouts
vnrs,
les chefs de
pof.
les
hommes
de
grande
famille. Ce sont les
inebgaoun-en-tenez-
liout
<,
ou <htes de
regorgement a car,
pour
les re-
cevoir,
on
gorge
un mouton ou un bouc. Si
l'tranger
est un
homme
de
grande considration,
chaque
jour
on tuera
pour
lui un
animal
ce
qui
excde la consom-
mation
qu'il peut
faire
est
vendu au
profit
du
village.
Si le tour de rote
dsigne pour
recevoir ces htes de
pre-
mire classe des
gens
peu
aiss,
ils
peuvent
n'offrir
que
des
YoJ aiUea,
maias'Us
pouvaient
faire
plus
et
que par
avarice ou
pour
toute autre
raison,
ils
ne le
fassent
pas, ils.
seraient dchus de leur
considration. Qn
parle
encore,
chez tea At
trateB,
d'une famille an t'hte ne
fut
reu
qu'avec
de la volaille alors
que
certainement
cette
famiUe
pouytjt
fournir de
ta
v~ndtt
I& dco'nsi-'
dration fut telle
qu'aujourd'hui
les
gens
de cette fa~
mille
s'appeuept
<
At bou thaiMit'
', ats derbomma
ia
poule
Pour ces
htes,
!e couscous est fait avec
de ta farine
de
pur
froment. H est
accommod au
heur~ et. au
cuei,
mai..
seulement
pour
les
gens
les
plus distingus.
Le
MURS,
COUTUMES
ET USAGES
village
ne fournit
que
la
viande,
le
beurre,
]e miel et
l'huile. Tout le reste incombe celui
qui reoit.
2 La seconde
catgorie
d'htes
comprend
les
voya-
geurs
de moindre
importance,
ce sont les
inebgaoun
bouksoum ak'ouran o ou
htes de viandes sches .
Peureux,
point d'gorgements
de
boucs,
de
moutons,
de volailles. On leur offre le couscous l'huile avec
la viande sche au
soleil,
< Akeddid a.
L'huile et la
viande sche sont fournies
par
la
Djemat.
3" Les <
inebgaoun
en
seksou sont les htes de 3
classe, trangers
de
rang infrieur, auxquels
on
donne
un couscous l'huile sans viande.
4
Enfin
les
inebgaoun
bour' eroum ,
les < htes
au
pain
forment la dernire classe
d'htes, qui
se
prsentent
seulement
pour
le
repas
du
jour.
S'its arri-
vaient
pour
le
repas
du
soir,
ils auraient le couscous
a t'huite.
Pour
que l'hospitalit
s'exerce d'une
faon
juste,
et
sans
trop
crer de
charge
l'un
plutt qu'
l'autre,
l'amin
dresse une liste et fixe tour de rle la maison
o l'hte sera
reu.
Sont
dispenss
de donner
l'hospitalit,
les
pauvres,
les marabouts, l'iman,
le
crieur
public
et
quelquefois
les veuves et les maisons o
il
n'y
a
que
des femmes.
Pendant les
repas,
l'amin ou les
t'emman
tiennent
compagnie
l'hte,
et celui-ci ne
peut
cesser de
manger,
que lorsqu'il
a affirm
par
serment
qu'il
est rassassi.
Alors les
amin
ou t'emman
peuvent
diner
aprs
eux,
vient le tour du
propritaire qui gnralement
a invit
les notables.
L'tranger repose
dans la maison de son
hte
on lui
donne les
tapis
et les nattes
qui
lui sont ncessaires.
L'hte n'a rien craindre de
qui que
ce soit tout
le
monde
dans le
village
le
respectera.
Quand
vous de-
venez t'bte d'un
Kabyle
vous tea
plac
sous sa
pro-
tection,
son
nala.
et sous
peine
d'infamie
il doit
y
faire
honneur,
au
risque
mme de
s'exposer
tous
les
dangers.
< Ouin r'a iddoun
d'et-na't'a,
ttieh'~ssoub
d'el
meggethatemmaisaoudhet-naas
<,dit
le
proverbe
arabe,
c celui
qui accompagne
son naia
(son
protg)
cet
cens mort
jusqu'
ce
qu'il
l'ait conduit en lieu
sr
LA KABYLIE
436
L'anaia est le sultan des
Kabyles;
aucun sultan au
monde ne lui
peut
tre
compar
il fait le bien et ne
prlve point d'impt.
Un
Kabyle
abandonnera sa.
femme,
ses
enfants,
sa
maison,
mais il n'abandonnera.
jamais
son anaa
~.(Daumas
et
Fabar).
Tels sont les
termes
employs par
les
Kabyles pour
dcrire et c-
lbrer cette coutume vritablement sublime
qu'on
ne
trouve nulle autre
part.
Cette
protection
ne s'exerce
pas
seulement dans la
kharrouba,
le
of,
le
village,
mais encore l'extrieur
et
quantit
de
guerres
de tribu tribu n'ont eu d'autres
causes
que
la violation d'une anaa.
Cette
protection peut
tre accorde
par
un
particu-
lier, par
un
of, par
un
village, par
un
tribu
mais l'on
conoit que
la violation de 1 anaa dans l'un ou l'autre
de ces cas a des effets
toujours graves,quoique
diffrents.
Celui
qui
a accord son anaa une
personne
doit
l'accompagner jusqu'au
but de son
voyage,
et s'il ne le
peut,
il doit lui remettre un
objet
bien connu
pour
lui
appartenir,
un
fusil,
un
bton,
un
chien,
etc' Cet
objet
sera le sauf-conduit
qui
cartera de
l'tranger
toutes les difficults et tous les
dangers
de la route. Et
si l'anaa est viole
pendant
le
voyage,
la famille de
celui
qui
l'a
donne,
sa
Kharrouba,
son
of,
son
village,
sa tribu et mme dans certains cas toute la confdra-
tion
laquelle
il
appartient,
devront
venger
l'insulte
qui
leur a t
faite,
et le mal
qu'a pu
subir leur
protg.
D'ailleurs la
plus grande
svrit est
dploye
vis--vis
de celui
qui
violerait l'anaa de son
village
ou de sa
tribu il
expie
son crime
par
la mort et la confiscation
de tous ses
biens
sa maison est en outre
dmolie
il ne
faut
pas
que
dans le
village,
il reste trace de celui
qui
a trahi la
parole
donne.
On ne sera
pas
ds lors
surpris d'apprendre que
bien
souvent,
une anaa
brise, viole,
a entran des
guerres
acharnes. Nous en trouvons cit un
exemple,
dans
l'ouvrage
de MM. Hanoteau et Letourneux voici le
rcit de ces auteurs.
a
Vers la fin du sicle
dernier, Youef
ou
Kassi,
pote
et chanteur renomm de la confdration des
MCRS,
COUTUMES ET USAGES 437
At
Djennad,
avait donn son anaa des marchands
d'huile
Our'Iis. qui
aDaient
A)ger.
Arrivs
Temda,
sur
le territoire des
Amraoua,
ces marchands furent d-
pouills par
Ben Ali Kat
Kassi,
de la
puissante
famille
des Ait ou Kassi.
Le
pote, indign
de cet
outrage, provoque
aus-
sitt une runion
gnral
des tribus de la confdra-
tion,
et la tte ceinte d'une corde de
paille, signe
de
deuil,
improvisa
devant l'assemble un chant
qui
se ter-
minait ainsi
<Rcemment nous
accompagnions
des marchands
Ben Ali a bris notre
anaa
Si nous la laissons fouler aux
pieds,
nous avons
craindre la
honte
Si nous )a faisons
respecter,
il
peut
en rsulter
de
grands
malheurs.
L'anaia est une
montagne
de
feu,
Mais c'est sur elle
qu'est
notre honneur.
Les Ait
Djennad,
sans autre
hsitation,
rcitrent
le fath'a et
envoyrent
dclarer la
guerre
aux Amraoua.
Les
hostilits,
commences
le
jour
suivant,
ne se ter-
minrent
qu'aprs que
Ben Ali et rendu ce
qu'il
avait
vol .
On le
voit,
cette
protection
est efficace et assure
l'tranger
une scurit
qu'il
rencontrerait difficilement
dans des
pays beaucoup plus
civiliss.
L'anaa
peut
exister de deux manires
lgalement
ou volontairement.
Les Kanouns ont
prvu
des
cas,
o i'anaa. est
force;
ces
anaas, qui
toutes rsultent des circonstances de
lieu,
se nomment
anaa-n-tagounits.
L'anaa force s'exerce sur la
personne,
mme tran-
gre, qui
en cours de route se voit
place
sous le
coup
d'une
attaque
imminente les Kanouns
obligent
le Ka-
byle
la couvrir de sa
protection.
L'anaa est encore force dans le cas o des
prison-
niers la rclament sur le
champ
de
bataille
dans
celui,
o l'individu
poursuivi
s'est
rfugi
chez un marabout
ou mme chez un
ennemi
enfin la
prsence
seule de la
femme
protge
l'individu
qui
dans tout autre cas
pour-
L kABYUF 438
rait tre
l'objet
d'une
attaque;
ainsi la femme ne sera
jamais
tmoin de
repr4sai)ies
l o elle
est,
la force
doit faire
place
la douceur.
L'anaa volontaire
a,
au
contraire,
besoin d'tre ac-
corde,
et elle n'est
pas
donne la
lgre par
le Ka-
byle.
U doit
s'enqurir
de la
dignit
de celui
qui
en
sera
l'objet,
car il ne saurait couvrir de sa
protection
celui
qui
aurait ls les intrts d'un habitant du
village
ou de la tribu. En
outre,
comme il sera
responsable
des
faits et
gestes
de son
protg,
il a tout lieu d'user de
circonspection
en cette occasion.
L'anaa est
gratuite
et celui
qui
voudrait en tirer un
profit, quelque
minime
qu'il put tre,
se verrait
l'objet
de la dconsidration
publique
et devrait
acquitter
une amende fixe
par
les Kanouns.
L'anaa accorde
par
un marabout
engage
toute sa
tribu.
Cette anaa se donne sans aucune formalit elle r-
sulte
simplement
de ta remise d'un
objet
du
protecteur
son
protge,
de
tchange
d'un
fusil,
ou
encore, par
le seu fait de couvrir de son burnous celui
auquel
on
veut accorder son anaa. Ainsi
aprs
un
combat,
ou en
cas
d'embuscade,
si l'on veut sauver
quelqu'un
des en-
nemis,
il suffit de le couvrir de son
burnous;
il devient
aussitt inviolable
pour
le
village auquel appartient
le
protecteur.
Le
Kabyle qui
a une telle confiance dans la
parole
d'autrui, mprise
souverainement la fourberie et le
mensonge.
It n'a
point
de railleries assez fortes
pour
le
menteur,
et un certain nombre de ses chants n'ont
pour
but
que
de le tourner en ridicule et de le morali-
ser,
en lui faisant voir
quels dangers
i)
s'expose.
Nous ne
croyons pas pouvoir
mieux faire
que
de citer
ici,
titre
d'exemple,
une de ces chansons
que
nous
trouvons dans un recueil de contes
populaires
tradUits
par
M. Rivire
(i).
Le Cbaca). Une
pine
taitentreedans sa
patte;
(i)
Aivire. ~cxet! de <-o)ttM
pot)~tft!t'M.
Leroux. t*t'is 1~.
T. IV.
MURS, COcrCMES ET USAGES 439
il rencontra une vieille
femme
qui allait
la fontaine:
0
mre,
lui
cria-t-il, tire-moi une
pine
e. Elle tira
l'pine
et la
jeta.
Le chacal lui dit
Mre,
donne-moi
mon
pine, x
Ah mon
fils,
je
l'ai
jete
N.
<
Donne-moi mon
pine.
Et il
pleurait parce que
la vieille lui avait
perdu
son
pine. < Tais-toi,
dit-elle,
et ne
pleure pas, je
te donnerai un uf <. Il la sui-
vit sa maison et la vieille lui donna un uf. Il alla
aussitt dans un
village
et
frappa
une
porte:
<
Gens de
la
maison,
hbergez-moi.
J I entra:
O
placerai-je
e
mon uf ? s
P)ace-ie dans la crche du boue. Du-
rant la
nuit,
il
mangea
i'ufet en
suspendit
la
coque
aux cornes du boue. Au
point
du
jour.
ifsefeva: < Don-
nez-moi mon uf.
a
c Nous te
ddommagerons
de
ton uf.
< Non,
c'est le bouc
qui
a
mang
mon
uf,
j'emmnerai
le bouc. On lui donna le
bouc,
il l'em-
mena. Il arriva un
village
et cria une
porte:
Gens
de la
maison/hbergez-moi.
H
a
C'estbien,
entre.
-O
ptacerai-je
mon bouc?
Attache ie la
crche du cheval Durant la
nuit,
il
mangea
le bouc
et en
suspendit
ies intestins aux oreilles du cheval. Au
point
du
jeur,
il se leva Donnez-moi mon bouc e.
Gens de la
maison, hbergez-moi.
O
placerai-je
ma vache ?
<
Attache-la au lit del
jeune
fille
Durant la
nuit,
il se
leva,
mangea
la
vache,
et en
plaa
ls intestins sur le dos de la
jeune
fille. Le lendemain
matin,
il demanda sa vache < Nous t'en donnerons une
autre 1.1) refusa: t< C'est la
jeune
nUe
que j'emmnerai
t.
t)6
lui remirent un sac dans
lequel
il
croyait emporter
LA KABYLIE
440
la
jeune
fille. Arriv une
colline,
il dlia le sac
pour
manger
sa
proie
aussitt il en sortit des lvriers. En
les
voyant,
il
prit
la fuite vers le
bois
les fvriers le
poursuivirent,
le saisirent et le
mangrent
Le
peuple
Kabyle
est excessivement vindicatif,
et,
trait
caractristique,
la
vengeance
est
pour
lui un de-
voir
sacr,
dont l'exercice est
rglement, encourag,
et mme ordonn
par
la coutume.
Cette
vengeance
s'exerce
par
la Rekba ou
Tbamegue-
ret. C'est la dette de
sang que
contracte la famille de
la victime. La maxime
it
pour ceil,
dent
pour
dent
n'a
jamais
trouv une
application
aussi
parfaite
etaussi
rigoureuse que
dans la coutume
kabyle;
devoir un tha-
megueret,
c'est devoir une
tte,
une
nuque
tte
pour
tte,
telle est la
rgte.
Mais encore faut-il
que
ces ttes
soient de mme
valeur,
et nous verrons tout- l'heure
que
le choix de la victime
pour payer
la dette de
sang
n'est
pas
chose indiffrente.
<
Le meurtre
qui
donne
naissance la Rek'ba
s'ap-
pelle
a ertat
t,<
un
prt
. Ce n'est en effet
qu~une
vie
<
prte jusqu'au jour
o dans la famille du meur-
trier,
une
personne
de mme valeur aura t tue
par
l'un de ceux
qui
avaient intrt la
vengeance.
Ce
jour
l le
prt <serarendu;)aviedet'unaura
rem-
bours cette de l'autre.
La Hek'ba
peut
tre exerce
par
chacun des membres
de la
famille,mais
elle ne s'exerce
que
sur une
personne
dtermine.
H
faut,
d'aprs
la
coutume,
que
la vic-
time-choisie en
expiation
soit
gale
ou meilleure
que
le tu. On discute ds lors les mrites de celui
qui
doit
bientt tomber sous la haine et la
vengeance implaca-
bles de la
famille,
et s'il vient
mourir,
on
remplace
celui-ci immdiatement
par
une autre
personne,
aussi
d'gale
valeur.
Une fois la victime
choisie,
le
vengeur
est
dsign
mais cette attribution
n'empchera pas
les autres mem-
bres de la famille d'exercer la
Rek'ba,
si l'occasion se
prsente
et est
propice.
On
peut
mme
charger
un
tiers
d'accomplir
la
vengeance, moyennant
une rtri-
bution,
convenue
d'avance,
et
pour
le
paiement
de ta-
MfEURS,
COUTUMESET USAGES 4414
25.
quelle
la coutume accorde au meurtrier une action en
justice.
Si le
Kabyle peut
achet le secours d'un bras tran-
ger pour accomplir
sa
vengeance,
il ne lui est
pas per-
mis de dtourner de sa tte
par prix d'argent
la Rek'ba
qui
le
menace
et s'il le
fait,
il est vou l'infamie
toutefois la honte ne
rejaillit point sur celui qui reoit,
mais seulement sur celui
qui
a
pay.
Peu
importe que
l'homicide soit
volontaire,
ou invo-
lontaire
il n'en donne
pasmoins
naissance la Rek'ba
htons-nous
cependant d'ajouter que
des
rglements
locaux sont venus
apporter
de nombreuses
drogations
cette excessive
svrit;
nous verrons en effet
plus
loin, qu'en
cas d'homicide
involontaire, accidentel,
l'usage permet
d'teindre
pacifiquement
la dette du
sang.
Tant
que
la Rek'ba n'a
pas
t
teinte,
c'est une vraie
chasse l'homme
qui
se fait tous instants et sans
qu'il y
ait de trve. Partout se dressent des
embuscades,
des
piges, que
la
victime, avertie,
s'efforce d'viter.
<
Un
prjuge populaire
veut
que
le
meurtrier,
s'il
par-
vient dans un dlai de trois ou de
sept jours (la
tradi-
tion varie cet
gard)
sauter
sept
fois
par
dessus la
tombe de la
victime, chappe
dsormais tout
pril
et
sauvegarde
mme du
dangersa
Kharrouba entire. Aussi
on
garde
avec soin la fosse encore frache et le meur-
trier rencontre
quelquefois
ta mort en cherchant l'im-
punit (Hanoteau
et
Letourneux,
La
Kabylie).
Est-il besoin
d'ajouter que
la Rekba dure
quelquefois
un
espace
de
temps
considrable et amne aussi des
complications fort graves
dans les relations de tribus
tribus. MM. Hanoteau et Letourneux citent un
exemple
d'une de ces clbres Rek'ba
que
nous
croyons
utile
de transcrire ici. < Un habitant du
village
des AK
el
Arba,
tribu des Ait
Yenni,
appartenant
une famille
nombreuse et
puissante,
Arab Nat
Teif Allah,
avait
poursuivi
de ses dclarations la mre de Said Nat Bel
Kassem.
Repouss par
elle,
it ne cessait de
provoquer
sa
famille,
brisant les tuiles sur le toit de la maison et
outrageant
les femmes
qui
se rendaient
la fontaine.
LA KABVUtC 442
Sad
vengea
l'honneur offens de sa mre en tuant l
coupable.
Pour
chapper
la
Rekba,
il se retira chez les
louadhien,
Taourirt Abdallah.
Il
y
vivait
depuis plus
de dix
annes,
lorsqu'un
membre de la Kharrouba
ennemie,
Sad Nat
Teif Allah,
qui
tait tomb dans la
misre,
se rendit
prs
de lui
et
lui offrit de racheter sa tte. Sad Nat Bel
K~ssem,con-
vaincu
que
ce
parlementaire
tait le
dlgu
de la fa-
mii!e
entire,
accepta
ses
propositions,
lui
compta
l'ar-
gent
at
reut
t'naia. Il revint
ensuite
chez les At el
Arba,
ou son
parent,
Mehammed Nat
Mehammed,
qui
l'avait
ramen,
lui donna
l'hospitalit.
Or,
Sad Nat Teif Allahavait
agi pour-son compte
et n'informa
point
ses
parents
du
pardon
accord. Ceux-
ci,
furieux du retour de leur
ennemi,
le firent suivre
par
deux des
leurs,
Ameur Amezzian et
Kassi,
qui profitant
d'une. occasion
favorable,
lui tirrent un
coup
de feu.
Said,
bless
grivement,
futentev
par
ses
frres,
qui
le
transportrent
chez les Iaoudhien.
Aprs
leur
dpart,
les TeifAllah eurent connaissance
du
pardon
accord
par
leur
parent. Indigns
de son
silence, qui
leur avait fait commettre un acte
honteux,
ils voulurent le mettre
mort
mais il leur
chappa
et s'enfuit chez les Ait Boudrar.
En
frappant
SaM Nat Bel
Kassem,
la famille des
Teif Allah avait viol t'naa de Mehammed Nat Me-
hammed,
qui
avait conduit la victime dans le
village
et lui avait donn un
asile.
L'outrage exigeait
une
rparation
que
Mehammed
voulut clatante. I! se rendit au Souk El-Tleta des Ait
Yenni et
y
acheta d'un marchand
tranger
un fusil
qu'il
refusa de
payer.
Le
vendeur
insistant
pour
obtenir ou
le
prix
ou une
caution,
les
gens
du march se rassem-
blrent. C'tait ce
que
voulait Mehammed
qui
dit
haute voix c Tu n as
pas
besoin de caution et mon
nom,
le
premier
venu des Aft Yenni te
t'indiquera j
mardi
prochain
tu lui diras de te montrer l'homme
dont les Teif Allah
ont cass t'anaa
et qui
ne s'est
pa<
veng.
MDRS,
COUTUMESET USAGES 443
Le
lendemain,
il alla
s'embusquer
devant la maison
de ses
ennemis,
et tua d'un
coup
de feu leur
chef.
El
Maouz,
un homme
respect, qui
avait la
parole
dans
la tribu.
Les Iouadhien donnrent asile
Mehammed.
Kassi,
frre d'El
Maoux,
chercha
pendant
un an un
brave
qui
voulut se
venger
de sa Rek'ba.
Enfin il russit
sduire,
moyennant
trois mille
francs,
deux hommes des At
Yenni, qui,
de mme
que
Mehammed,
s'taient enfuis chez les Iouadhien sous le
coup
d'une dette de
sang.
H tait
impossible
de se servir d'une arme
feu,
dont
la dtonation et attir l'attention et veill les
aoup'
ans;
ils
employrent
la ruse. Mebammed tait un
chasseur
passionn, grand
amateur de
gibier.
Un des
refugis
alla le chercher
pour
lui montrer une
perdrix
qu'il
venait de
prendre.
Mehammed le suivit sans d'
nanee,
entra dans sa maison
pendant que
l'un dea
trattres lui montrait
l'oiseau,
l'autre lui assnait un
violent
coup
de
maillet
(aicdouz)
sur la tte.
La victime
tomba
assomme,
et son cadavre fut
soigneusement
oa.'
ch.
Les Teif Allah,
avertis
par
un
signal,
se
prsentrent
dans la nuit et
reurent
le
corps qui
leur fut
pass par
une fentre. Ils
l'emportrent
sur un mulet
jusqu'
leur
village,
et
l,
aux
premires
lueurs du
jour,
lui enio*
vrent son burnous au bruit des
coups
de fusil. La
Rek'ba tait close.
Mais,
si nul
n'inquita
les Teif
Allah,
les deux refu-
gis qui
avaient
pour
de
l'or,
trahi leur
compagnon,
n'-
chapprent pas
la
juste
colre des
louadhien,
dont
ils avaient souill
l'hospitalit
et viol l'nalfa. Ils ne
purent
se drober
temps:
saisis
par les gens
du
village,
ils furent
lapids
avec tant de fureur
que
leurs cada-
vres furent
broys,
et
qu'il
ne resta d'eux
que
des d*
bris mconnaissables.
Ce rcit est
assurment le meilleur
moyen qu'on
puisse employer pour
faire
comprendre
au lecteur ce
qu'est
la Rek'ba
kabyle.
Dans un
paya,
ou
il
faut travailler
beaucoup pouf
LA KABYLIE 444
faire
produire
la terre des
rcoltes,
o d'un autre
ct les ressources sont faibles et o toutes les
disposi-
tions sont
prises, malgr
cela,
pour
venir en aide ce-
lui
qui
se trouve dans le
besoin,
il est tout naturel
que
le vol soit bt&m et fortement
rprim.
Aussi le voleur
craint tellement la
rpression,
que, pris
sur le
fait,
il
nie avec une effronterie sans
pareille.
On raconte
par-
tout en
Kabylie
l'anecdote du voleur
d'oignons.
Un
pro-
pritaire
avait
surpris
un
jour
dans son
potager
un
homme
qui remplissait d'oignons
le
capuchon
de son
burnous. C'tait videmment le
produit
du vol
qu'il
venait de commettre et
qu'il
faisait ainsi
disparatre.
Pourquoi
es-tu
venu,
lui demanda le
propritaire ?
qu'est-ce qui
t'a attir ici ? L'odeur des oi-
gnons rpondit
notre
homme,
avec le
plus grand
calme, c Et
pourquoi
en as-tu arrach ?
t
Mais
je
n'en ai
pas
arrach
voici ce
qui
m'est
arriv. J e
suis tomb:
pour
me
relever,
j'ai
d malheureusement
saisir tes
oignons par la tige pour
avoir un
point
d'ap-
pui. Mais que veux-tu,
tes
oignons
taient srma!
plan-
ts.
tenaient si
peu
en
terre,
qu'ils
me sont rests dans
les mains. Est-ce ma faute ? Mais
pourquoi
se
trouvent-Hs dans ton burnous ? < Ah
t a,
c'est
vraiment ce
qui
m'tonne H faut avouer
que
comme
explication
et comme
effronterie,
on ne saurait
gure
imaginer quelque
chose de mieux.
Le vol effraie tant le
Kabyle, que
l'ombre mme du
vol est
punie
si
quelqu'un cache,
soit
par
plaisante-
rie,
soit
pour
faire chercher au
propritaire,
une chose
quelconque,
l'amende sera vite
applique
et cette
amende se
justifie par
suite de
t'inquttude
dans la-
quelle
a d se trouver celui
qui appartenait l'objet
momentanment cach. De mme le fait de
prparer
un
timekeret outhanou.ga,
sorte de
pince monseigneur,
est
un fait
passiMe
d'amende. Cet
instrument n'eet
pas
en effet dans les
usages
courants et
journaliers,
Une
peut
servir
qu'
commettre ou
prparer
un vot,
c'est
~ionc un
acte
rprhensibte
et condamnable. La
pr-
paration
au
vol estd'ailleurs aussi
punie que
le
vol
lui-
mme
et
si un individu va
attendre sur
la route un
MCRS,
COUTUMES ET USAGES
445
autre homme dans l'intention de le
dvaliser,
soit
qu'il
renonce son mfait, soit
qu'il
en soit
empch, par
exemple parce que
l'autre individu est
trop
bien accom-
pagn,
il n'en ~era
pas
moins
puni,
si l'on
peut
tablir
le but
coupable
de sa dmarche.
<
L'~M~a~
est un
simple
recleur
qui
serait considr
comme
complice d'aprs
nos lois. En
Kabylie,
c'est
un homme
respect,
riche,
aim. Les voleurs lui
ap-
portent
leur
butin,
qu'il
se
charge
de mettre en lieu sr
et
d'couler;
il
s'occupe
aussi de faire retrouver aux
vols leurs
biens, moyennant
un droit nomm Bec~u'a.
L'oukaf est
gnralement
l'homme
le
plus
cout du
village,
il
peut aspirer
aux
plus
hauts
emplois (extrait
du
rapport
<fMMemMe sur les
oprations de
dlimitation de
la tribu des
Beni-Menguellet)
Nous avons ainsi
pass
en
revue,
tout ce
qui peut
nous intresser au
point
de vue des murs
kabyles
nous
pouvons
rsumer toute cette tude en
disant,
qu'a
cot
de
pratiques
et
d'usages
cruels
et sauvages,
it faut
bien reconnatre un fonds de charit et de solidarit
excellent chez~ ce
peuple
sobre,
laborieux et J ntetti-
gent.
LIVRE HUITIME.
RELIGION. LETTRES. SCIENCES. ARTS.
AGRICULTURE. INDUSTRIES ET COMMERCE.
I.
Religion.
Les
Kabyles professent
la
religion
musulmane or-
thodoxe
ils
appartiennent
au rite
malki, ayant adopt
les doctrines de l'Iman Malek.
Sans entrer ici dans des dtails
comp)ets
sur la reli-
gion
musulmane,
qu'il
nous suffise de dire en
quel-
ques
mots ce
qu'est
cette
religion
et
d'expliquer
ce
qu'il
faut entendre
par
le rite malki. La
religion
musul-
mane est essentiellement monothiste et
repose'sur
la
croyance
aux trois livres
rvis,!aBible,l'Evangile
et le
Coran. La Trinit
n'estpas
admise dans cette
religion;
il
en est de mme de ladivinit de J sus-Christ(Sidna Aissa)
qui
n'est considr
que
comme un
prophte prcurseur
de Mahomet. Dans la
pratique
de la
religion,
il existe
quatre
rites orthodoxes 1 le ritemalki
qui
est le rite
spcial
de
l'Afrique
et
par
suite de la
Kabylie
2 le rite
Hanfi
qui
est celui des ottomans
(c'est
cause de la
prsence
de
descendants des Turcs,
que
ce rite existe
dans les villes du littoral de
l'Algrie)
3 le rite Cha-
fte
propre l'Egypte
et
l'Yemen
4" et le rite Ha-
nebatits en honneur surtout aux Indes et en Extrme-
Orient. Ces
quatre
rites ne diffrent entre eux
que
sur
des
quesuons
secondaires de
droit civil et de
pratiques
religieuses,
sur
lesquelles
nous ne saurions
insister,
sans sortir du cadre
que
nous nous sommes trac.
A ct de ces
quatre
rites
orthodoxes,
se trouve une
secte bien
distincte.
les
Ibadites, secte
laquelle appar-
tiennent les M'zabites. Elle tire son nom d'Abd Allah
benibad.
Les musulmans,
qui
t)e vutqrent
pas accepter
REUmOK 447
en l'an de
l'hgire
38
(658-659
de notre
re) l'arbitrage
entre le khalife Ali ben Abou Taleb et son
comptiteur
Moaua,
furent les fondateurs de cette noovetie secte.
Pour
eux,
l'iman est
infaillible,
et ils ne
peuvent
ad-
mettre
que
les actes de l'imanat
puissent
tre soumis
l'arbitrage
humain. Ce fut l d'ailleurs la seule cause
de
leur-sparation
d'avec Ali Ben Abou
Taleb,
qui
of-
frait de livrer
l'arbitrage
son imanat.
Le
clerg
musulman est
compos
D'un
Muphti,
chef du culte.
De
l'Iman, charg
de
diriger
les
prires
et te service
religieux.
Du
Mouderrs,
qui dirige l'enseignement suprieur
dans les
mosques
de
premire
classe.
Du chef des lecteurs du Bach'Hazzab.
Des lecteurs ou
Hazzabin,
chargs
de la lecture des
textes
pendant
les offices.
Du Bach Moueddin ou chef des Moueddin ou
Muezzin,
qui appellent
la
prire.
Du
Mouakkatio,
fonctionnaire
prpos
la dtermi-
nation de l'heure des
prires
et des exercices
religieux.
Et des Nas el Hoadour ou
Tobba,
lves destins aux
fonctions du culte.
La foi du
Kabyle
est trs
nave
on lui fait croire
peu
prs
tout ce
que
l'on
veut,
ce
qui
fait d'ailleurs la
bonne fortune des
sorciers,
qui profitent
de cette
excellente
disposition
de
plus
sa foi est
aveugle.
Cependant
il faut immdiatement
ajouter que
le
Kabyle
~st
beaucoup
moins
religieux que
l'Arabe. Toutes les
fois
qu'il pourra
trouver avec le
Ciel des accommode-
ments,
par exemple, pour
diminuerla
rigueur
du
jene,
il est bien certain
que
l'ordre
du
Coran
sera aussitt
transform. Ainsi le
montagnard, pendant
le
ramadhan,
et dans le
temps
du
jour
o il ne doit ni
boire,
ni
manger,
ni
fumer,
ne se
privera pas,
s'il a
soif, de
mettre dans sa bouche un
petit
morceau
de
glace,
et il
soutiendra bien
qu'il
n'enfreint
pas
la
rgte sainte.
Que
dit le
Coran
il ne faut ni
boire,
ni
manger. Or,
)a
glace fond;
cela ne se
boit,
ni ne se
mange,
donc
ce!a p'est
pas
dfendu.
0
Normands,
mes
anus,
les
LA KABYLIE 448
Kabyles
ne seraient-ils
pas
un
peu
vos frres ? De mme
l'usage
du
porc qui
est considr
par
tout
musulman
comme une
impuret,
est banni
par
le
Kabyle,
sans
que
pour
cela,
ce dernier s'abstienne de la chair du
sanglier.
Le Coran ne
pai'J e-.t-il
pas seulement
du
porc,
l'animt
domestique ?
On a dit et l'on
rpte
encore trs souvent
que
le
Kabyle,
comme tout
musulman,
tait fataliste et
qu'il
recevait sans
songer
s'y
soustraire les diffrents
maux
que
la destine lui
apportait.
Cela n'est
pas,
et
quiconque
connat un
peu
le
Kabyle,
sait fort bien
que
celui-ci cherche
par
tous les
moyens possibles
viter
le
mal
il aura soin de
prvoir
tout ce
qui peut
lui
arriver de fcheux et s'entourera de toutes les
pr-
cautions
pour que
ces
prvisions
ne se ralisent
pas.
Mais l o il devient
beaucoup
plus sage
et
beaucoup
plus
raisonnable
que
nous,
e est
lorsque
l'vnement
a
tromp
son attente. Mektoub rebbi
,
Dieu l'a
voulu
s'crie t-il,
et sans se laisser aller desrcrittu-.
nations
vaines,
des
plaintes inutiles,
des
larmes
qui
ne remdient
rien,
il
accepte courageusement
le
sort
qui
lui est
fait,
essayant
d'en tirer te meilleur
parti
possible.
On
a traduit
quelquefois
ce
<
mektoub rebbi t
par
ces mots
c'tait crit
,
ce
qui implique
une ide
de fatalisme
qui
n'existe rellement
pas
dans le caractre
Kabyle.
Le vrai sens
que
nous devons donner cette
expression
est celui
que
nous
indiquons plus
haut
Dieu l'a
voulu,
Dieu t'a
crit
parce qu'it te
voulait.
Le
Kabyle,
s'il dteste le
chrtien,
n'a
pas
assez de
mpris pour
le
J uif,
et il faut reconnaltre
que, malgr
la
protection que
nous nous sommes
engags
accorder
tous et sur
laquelle par
suite tous
peuvent compter,
les
J uifs,
connaissant les
dispositions
des
Kabyles
leur
gard,
n'osent
gure
tenter
de vivre au milieu
d'enx.
habitant d'une
zaoua,
lieu d'habitation des mara-
bouts Cotntnenten effet l'homme de
guerre prouve-
rait-il un sentiment de
grande
considration
pour
celui
qui
ne se bat
point.
Car c'est l un des
privitges
de cette
caste, tes
marabouts sont
dispenss
de
prendre part
aux
luttes, auxcombats.Iissontgatementexempts
de contri-
butions de
guerre,
des frais
gnraux d'hospitalit
et
souvent de t'achour.
Presque toujours
ils sont invits
tous les
repas
extraordinaires,
ils sont consults dans
les affaires
importantes,
et interviennent comme con-
ciliateurs dans les discordes civiles. Ce rle de mdia-
teur habilement
exptoit par eux, grandit singulire-
ment leur
importance
tout en leur donnant des
profits
trs
apprciables.
Leurs
femmes,
pour se distinguer des
autres. sortent
voiles devant les
trangers,
et il est rare
qu'une tUte
de marabout
pouse
un
Kabyle.
Si les marabouts
pousent frquemment
des
femmes
kabyles,
ils savent
bien nanmoins leur faire sentir l'infriorit de leur
naissance,
et
jamais
ils ne lui donneront le titre envi
de <r tat)a
madame,
matresse
porte
seulement
par
la femme
d'origine maraboutique.
Le
marabout, chafg
du service du
culte,
prend
le
titre d'iman. C'est lui
qui
rcite
chaque jour
les
prires
obligatoires, prside
les ftes
religieuses,
fait l'office
du mouddiu
pour appeler
les fidles la
prire.
C'est
LA KABYLIE
452
lui aussi
qui
donne l'instruction
religieuse
aux enfants
du
village
et si les enfants de marabouts sont assez
nombreux,
il tient une cole o l'on
enseigne
les
premires
notions du Coran. H est encore le secrtaire
de la
Djemat
et de l'amin. Pour toutes ces fonctions
l'iman
reoit gnralement
une somme
qui
varie de
trente
quatre-vingts francs
il
reoit
nombre de
cadeaux en
nature,
et surtout a droit !a moiti ou au
tiers du fet'era ou
impt religieux (voir plus
haut
page 429).
H y
a en outre t'ouki!
qui
est
charg
de recevoir et
de conserver en
dpt
les revenus des biens de la
mosque mais, l'oukil,
nous l'avons
dit,
n'est
que
l'adjoint
de
l'amin, etpar
suite n'est
point
un
personnage
ayant
un caractre
religieux.
Si maintenant nous entrons dans une
mosque
un
jour
de fte
religieuse,
un
jour
de
ramadhan, par
exemple, quel
tableau avons-nous devant les
yeux?
La
grandeur
et la
simplicit
des
croyants,
le recueille-
ment
profond
de
l'assemble,
les
psalmodies
lentes et
captivantes
des
lecteurs,
tout concourt veiller ce
sentiment
inapprciable
et dlicieux
que
nous retrou-
vons sous les votes de nos
magnifiques
cathdrales
gothiques.
Quelle
que
soit la
croyance
qui
nous
guide,
il est incontestable
que
ce milieu
mystique
veille en
nous des ides de
respect
et d'admiration. Pouvons-
nous mieux faire
que d'emprunter
M.
Guy
de Mau-
passant
la
description
d'une de ces ftes
religieuses
de la
mosque ?
Le charme irrsistible de son
style,
le
coloris brillant dont il revt son rcit
pour
dcrire ce
que
son me de
pote
a ressenti au son de ce chant
monotone et cleste des
psalmodiants,
tout
cela,
it me
pardonnera
ici de le dire
malgr
toute l'admiration
que'j'ai pour
le
disciple
de l'immortel
Flaubert,
n'est
rien en
comparaison
de ce
que
l'on
voit,
de ce
que
l'on
entend
l-bas,
sous les votes
blanches,
sous la ctart
vacillante de
quelques lampes.
Et
cependant
est-il
pos-
sible de
dpeindre
mieux cette scnesurhumaine?
Qu'on
en
juge
en lisant les
lignes
suivantes
L'difice est tout
simple,
avec ses murs blanchis
RELIGION 453
la chaux et son sol couvert de
tapis pais.
Les Arabes
entrent
vivement,
nu-pieds,
avec leurs chaussures la
main. )s vont se
placer par
grandes
files
rgulires,
largement loignes
l'une de l'autre et
plus
droites
que
des
rangs
de soldats l'exercice. Ils
posent
leurs
souliers devant
eux,
par
terre,
avec les menus
objets
qu'ils pouvaient
avoir aux
mains
et ils restent im-
mobiles comme des
statues,
le
visage
tourn vers une
petite chapelle qui indique
la direction de la
Mecque.
Dans cette
chapelle,
le
Muphti
officie. Sa voix
vieille, douce,
btante et trs
monotone, vagit
une
espce
de chant triste
qu'on
n'oublie
jamais quand
une
fois seulement on a
pu
l'entendre. L'intonation souvent
change,
et alors tous les
assistants,
d'un seul mouve-
ment
rythmique,
silencieux et
prcipit,
tombent le
front
par
terre,
restent
prosterns quelques
secondes
et se relvent sans
qu'aucun
bruit soit
entendu,
sans
que
rien ait voil une seconde le
petit
chant tremblotant
du
Muphti.
Et sans
cesse,
toute l'assistance ainsi s'abat
et se redresse avec une
promptitude,
un silence et une
rgularit fantastiques.
On n'entend
point
l dedans le
fracas des
chaises,
les toux et les chuchotements des
glises catholiques.
On sent
qu'une
foi
sauvage plane,
emplit
oes
gens,
les courbe et les relve comme des
pantins;
c'est une foi muette
et tyrannique
envahissant
les
corps,
immobilisant les
faces,
tordant les coeurs.
Un indSaissable sentiment de
respect
ml de
piti
vous
prend
devant ces
fanatiques maigres, qui
n'ont
point de
ventre
pour gner
leurs
souples prosternations,
et
qui
font de la
religion
avec le mcanisme et la
rectitude des soldats
prussiens
faisant la manuvre.
c Les murs sont
blancs,
les
tapis, par
terre,
sont
rouges;
les hommes sont blancs, ou
rouges
ou bleus
avec d'autres couleurs
encore,
suivant la fantaisie de
leurs vtements
d'apparat,
mais tous sont
largement
draps,
d'allure
fire;
et ils
reoivent
sur la tte et les
paules
la lumire douce tombant des lustres.
Une famille de marabouts
occupe
une estrade et
chante les
rpons
avec la mme intonation
de tte
donne
par
le
Muphti.
Et cela continue indfiniment.
(Au Soleil, Guy
de
Maupassant.)
L~KAP~'E 4S4
Les ordres
religieux
sont assez
nombreux
en
Ajgrie,
on en
compte sept, qui
sont ceux
i" de Sidi Abdelk'ader
el
Djilali
2" De
Mouley T'aeb
3" De Sidi
Mohammed
ben
Assa,
dont les
membres
sont connus sous
le nom d'Assaouas.
4 De Sidi Mohammed ben Abd er-Rahman bou Kou-
berin.
5" de Sidi Abmed
Tidjani;
6deSidiYouefei-Hamati;
7" de l'ordre des
perkaoua,
qui
tire
son nom de
la
ville du Maroc,
Derka.
Toutes ces socits s'entourent de
mystres,
on ne les
appelle quedes
socits
secrtes,
et
leurs affilis se don-
nent
entre eux le
nom
de
< Kbouans frres.
La
Kabylie n'a
admis
qu'une
seule de
cesassociations,
celle deSidiMohammed
benAbd-er-Rabman,
l'homme
aux deux tombeaux
Bou Kouberin.
Nous trouvons dans
l'ouvrage
de M. le
gnral
de Ne-
veu, les ~taMatx,
la
tgeodequi
a valu ce nom au
mara-
bout fondateur.
Depuis
cette
poque,
le marabout a
reu
le surnom
de Bou
Kouberin,
pre
des deux
tombeaux
REU&ION 4Sf
26
L'ordre de Ben Abder Rahman bou Goubrin est
pour
les
Kabyles
un ordre
national
qui
exclut
presque
enti-
rement les autres ordres
religieux;
aussi
y
attachent-i)s
une
grande importance.
Abd el
Kader, qui s'y
connais-
sait en
hommes,
avait
compris que
choisir
cet ordre
religieux,
c'tait
coup
sr s'attirer la
sympathie
des
Kabyles;
cela et certes
russi,
si
pour
les
Kaby)es
l'amour de la
patrie
n'et
pas
domin les ides
religieu-
ses elles-mmes.
L'organisation
de cet ordre est trs
simple.
Chaque Khouan,
ou
frre,
obit un
Khalifa,
sorte
de vicaire du fondateur de l'ordre et
qui
dtient tous
les
pouvoirs spirituels.
Il a sous ses ordres des cheikhs
ou mok'addem
(ceux qui
marchent en
avant,
qui pr-
cdent).
Ces derniers
administrent,
sous son
contrle,
les diverses
circonscriptions.
Ce sont eux aussi
qui
con-
frent l'ouerd
(la rose), pour
initier les fidles
qui
veu-
lent devenir Khouans.
Quand
on ambitionne le titre de
Khouan,
il faut tre
prsent par
deux
parents,
eux-mmes
Khouans,
et se
prparer
cette admission
par
le
jene,
la
prire
et
l'aumne.
MM. Hanoteau et Letourneux nous initient au cr-
monial usit en
pareil
cas Le
mok'addem,
avec
un crmonial
qui rappelle
les
pratiques
de toutes
socits voues des formes
mystiques,
commence
par
imposer
au
postulant,
sous la foi du
serment,
discrtion toute
preuve
et obissance absolue aux
constitutions de l'ordre. H lui rvle
ensuite,
voix
basse,
certaines
formules, auxquelles
les
esprits,
for-
tement enclins au merveilleux attribuent des vertus
surnaturelles. C'est d'abord la
profession
de foi islami-
que
la ila :s.
Allah,
il
n'y
a de Dieu
que
Dieu
puis
viennent
sept
noms,
les
sept
attributs
principaux de
la
divinit,
qm correspondent
aux
sept cieux,
aux
sept
lu-
mires divines et aux
sept
couleurs fondamentales
< ia Allah 1 6 Dieu t D
expression
de son unit et de
sa toute
puissance;
i houa t lui
celui
qui
est,
le J hovah des
Hbreux,
reconnaissance
authentique
de
son existence
immuable;
< ia h'ak! le
juste!
oie
LA
K4Mt.)
48
vivant
<ia h'a )
K'ahar
le
vengeur
Ces
pr-
liminaires
termins,
le mokaddem fait connattre
au
nouvel initi toute l'tendue des
obligations qu'il
vient
de contracter .
Ces
obligations
sont de deux
sortes,
devoirs envers
les chefs et
pratiques religieuses.
M.
Brossetard, dans
son livre des
Khouans,
indique
ainsi
qu'il
suit,
les devoirs envers tes chefs
<
Le jour
o un novice se
prsente pour
tre
agr
par
les
frres,
il est essentiel de lui
adresser les
recom-
mandations
suivantes
qu'il jurera
de tenir
secrtes,
et
auxquelles
il
promettra par
serment de se
conformer
avec la
plus scrupuleuse
Sdiit
c Mon
enfant,
lui
dira-t-oa,
que
ton attitude
en
pr-
sence du cheik soit celle de ;'esclave
(mamelouk)
de-
vant son roi.
Le cheikh est l'homme chri de Dieu. Il est
sup-
rieur toutes les cratures et
prend rang aprs
tes
pro-
phtes.
< Ne vois donc
que
lui,
lui
partout.
Bannis de ton
cur toute autre
pense que
celle
qui
aurait
Dieu ou le
Cheik
pour objet.
Aie soin de ne te
prsenter
devant lui
que
dana l'-
tat le
plus parfait
de
puret physique
et morale.
(c Tu
respecteras
ses enfants et ses amis.
c
Tu honoreras ses actions de son
vivant et
aprs
a&
mort.
t De mme
qu'un
malade ae doit avoir rien de c&-
ch
pour
le mdecin de
son
corps,
de mme tu ea
te~u
de ne
drober au cheikh
aucune de tes
penses,
aucune
de tes
paroles,
aucune de tes
acttens~
eonaMre
que
le
cheikh est le mdecin
de ton me.
Mon
enfant,
tu serviras tes frres avec dvoue-
ment. Les
servir,
c'est
pour
toi comme un titre de no-
blesse.
Tu fermeras les
yeux
sur leurs
dfauts,
et tu ca-
cheras leurs
fautes,
si tu les connais. Celui
qui
dvoile
les actions
coupables
de ses frres dtache le voile
qui
couvre ses
propres pchs.
t Aime ceux
qui
les
aiment,
dteste ceux
qui
les
hassent,
car vous ne formez tous
qu'une
seule et mme
me.
< Pardoane teur les oflenses dont ils
peuvent
se ren-
dre
coupables
envers toi.
< Ferme ton oreille au mal
qu'on pourrait
te dire
sur leur
colnpte.
a Assiste-les dans la
maladie;
viens leur aide dans
l'adversit.
tf
Garde-toi,
dans tes
rapports
avec tes
frres,
de
l'hypocrisie,
du
mensonge
et de
l'orgueil.
<
Soustrais ton cur
l'envie
car l'envie consume
les bonnes uvres comme le feu consume le bois.
Quand
tu
parlesde
tes
frres,
applique-toi
vanter
leurs
rurits,
et fais voir
que
tu es fier de leur confra-
ternit.
< Pense avec eux du mme
esprit agis
avec eux d'un
mme
cur
avance d'un mme
pas
dans la voix du sa-
tut des
mes,
dans cette voie trace
par
le fondateur de
l'ordre,
le
plus grand
des hommes sur la terre
aprs
le
Prophte.
Lorsque
tu
parles
de la socit
laquelle
tu es ti
LA KABYLIE 460
par
tes
serments,
souviens-toi
qu'il
est convenable et
digne
de l'lever au-dessus de toutes les autres.
Les
pratiques religieuses
consistent dans le renonce-
ment
soi-mme,
la
retraite,
la veille,
l'abstinence,
l'oraison continue et la
prire
en commun
des
jours
dtermins
pour
louer Dieu et son
Prophte
et clbrer
les mrites du fondateur de l'ordre.
Si l'on rencontre des frres
qui
ne
remplissent pas
toutes ces
prescriptions,
soit cause de leur tat
social,
soit cause de l'tat de leur
sant,
il n'en est
pas
ce-
pendant qui
renoncent l'oraison continue et aux ru-
nions,
appeles h'adera,
o l'on clbre
en commun les
rites et les crmonies de l'ordre. Et il faut avouer
que
l'oraison continue est
dj
un exercice
religieux quelque
peu pnible.
Ainsi il consiste
rpter
trois mille fois
par jour
la formule: < ta ila illa Allah Mohammed
rasoul Allah
H < H
n'y
a de Dieu
que
Dieu Moham-
med est
l'envoy
de Dieu 1
Quant
aux h'adera ou as-
sembles,.elles
ont lieu
gnralement
le
vendredi,
soit
dans une
mosque,
soitdans la maison du
mok'addem.
Elles durent une
grande partie
de la
nuit,
et dn
s'y
li-
vre des
pratiques plus
ou moins
mystrieuses
et bi-
zarres.
Dans l'ordre
qui
nous
occupe,
les femmes sont ad-
mises
elles sont inities
par
des femmes
appeles
mok'addemat. Elles
prennent
alors le nom de
surs,
Khouatsat. Elles assistent aux assembles avec les hom-
mes,
et t ce
mlange
des deux sexes donne lieu des
scnes de dbauche
qui
nous ont t
signales plu-
sieurs fois en
Kabylie, et jettent
un certaine dfaveur
sur l'association
B (Hanoteau
et
Letourneux).
Si nous avons cru devoir nous tendre avec un
peu
de dtails sur
l'organisation
et le fonctionnement de ces
socits
secrtes,
c'est
qu'il importe
de les connattre et
de les surveiller. Ce ne sont en ralit
que
des associa-
tions ou socits
politiques,
dont les
membres,
habitus
obir
aveuglment,
ne sont
que
des instruments de
combat entre les mains d'hommes
toujours prts
fo-
menter la rvolte. A divers
poques,
nous
voyons quel
rle considrable ces socits secrtes ont
joue.
Les in-
LETTRES 461
26.
surrections
Kabyles
n'ont
gure
t suscites
que par
ces
foyers
de
rvoltes,
et
quoique le-Kabyle
ait
quelque-
fois fait entendre des cris
d'indignation
contre les saints
ou contre les marabouts
qui
devaient les
protger
et
qui
cependant
les laissaient mettre en
droute,
il ne faut
pas
se dsintresser de leur existence.
On trouvera un
pote
des Ait
Iraten, qui,
un
jour
en
1857,
s'criera
<
Infor-
tuns
quarante
saints,
o tiez-vous
quand
tu
brlais,
6 Bou
Ziki?
mais le lendemain on trouvera mille
Kabyles, qui
se runiront la voix d'un Khalifa ou d'un
mok'addem,
et
qui
se
jetteront
dans la
lutte,
tte bais-
se,
en se soumettant sans discussion.
Lettres.
Dans un
pays,
chez un
peuple,
o tout se conserve
par
la seule
tradition,
il est bien vident
qu'on
ne sau-
rait trouver une littrature nous offrant
quelque
monu
ment
remarquable.
Ce
que
le
Kabyle
crit est trac en
caractres
arabes,
dans la
langue
du livre saint
par
excellence,
le
Coran,
et
jusqu'
ce jour
l'on n'a
pu
trou-
ver un seul livre
crit en
langue
Kabyle.
Cette dcou-
verte se fera-telle
un
jour?
Il
parat
malheureusement
bien
probable que
ce rsultat ne sera
jamais
atteint.
A dfaut de littrature
crite,
on trouve en
Kabylie
une foule de
posies populaires qui
se chantent
pour
la
plupart
et
qui se
sont conserves
par
la tradition. Ce
ne sont
point
des uvres vraiment
littraires,
car les
Kabyles rputs
instruits ne voudraient
pas s'occuper
de ces sortes de travaux
qu'ils ddaignent;
mais,
com-
poses par
des hommes
du
peuple compltement
illet-
trs. ces
posies
sont
plus
naves et nous
dpeignent
avec
plus
de force et de vrit les
ides,
les sentiments
de
tout ce
peuple qui
se croit si bien l'abri de notre
c"riosit et de nos
investigations.
L'tude de ces
posies populaires
a t faite avec un
soin tout
particulier par
M.
Hanoteau,
dans son livre
Posies
popM/an'M
de la
Kabylie.
C'est assurment sur
cette matire
l'ouvrage
le
plus
intressant
et le
plus
complet qu'il
soit
possible
de
consulter
aussi
puise-
LA tABYUE 463
rons-nous abondamment une source aussi autorise.
Nous avons trouv
galement
dans ies CoM<M
~opM/at-
<'M de la
Kabylie
~M
Djurjura publis par
M. Rh
1re,
des chanta
qui
nous ont
paru appeler
tout
spciale-
ment notre
attention,
et nous ferons aussi . cet
ouvrage
des
emprunts
srieux. Enfin nous avons eu la bonne
fortune
d'obtenir
de notre ami Sidi Zin ben Si
Moula,
le
jeune
et trs
sympathique
Prsident des At Iraten, la
traduction de chants
beaucoup
plus
rcents encore. Nous
esprons
ainsi
pouvoir satisfaire,
aussi
compltement
que
nous le
permet
notre
cadre,
la
curiosit
du
lecteur.
Nous avons
adopt
la division suivante tout
d'abord,
nous nous
occuperons
des chants
patriotiques
et
politi-
ques.
Puis nous
passerons
aux chants
qui
ont
pour
ob-
jet
des
contes,
des
sentences,
des
maximes,
etc. Enfin
en troisime et dernier
lieu nous avons runi les
chants
qui
ont trait aux
femmes,
chants
d'amour
parfois gri-
vois
et moqueurs.
Cette division doit d'ailleurs tre
signale
ici
parce
que
ce ne sont
point
les mmes
chanteurs
qui
font en-
tendre ces
posies.
Les ameddah ou
fecieb, sont pour
ainsi dire nos an,
ciens bardes. A eux le
soin de chanter
Dieu,
ses
louanges,
ses bonts la
Patrie,
ses
gloires
et
sesmatheurs;te
cou-
rage
des
guerriers,
les
luttes
homriques,
e Ils
savent
aussi au besoin fltrir les hommes
qui
ont
manqu
leurs devoirs envers le
pays
et ne
mnagent
les
repro-
ches et les
sarcasmes
ni aux
personnes
ni mme aux
villages
et aux tribus.
Dans
ce rle de
dispensateurs
de
l'loge
et du
btame,
ils suivent
bien
plus qu'ils
ne diri- W
gent l'opinion
publique
et si les
vers
de
quetques-nns
d'entre eux ont exerc une vritable
influence sur leurs
concitoyens,
c'est
surtout
parce qu'Hs
formutaieot en"
peu
de mots les
sentiments un
peu
confus des
nuises.
`
Aussi
pourra-t-on
remarquer que leurs
chants
aSect~nt~
d'ordinaire la forme
lyrique,
et
que !es ~tits Bur tcs-~
quels
ils
veuient appeler
1 attention
sont
suBpten<en~in~
diqus.
Les
commentaires 'et tes
d vetoppemntaqu~C~
cesfaits
comportent
sont taisss
rtntet.~noe
et
~
rtnterprtaUoo
passionne
de
)~dttQtr~
LETTRES 463
Cette
catgorie
de
potes
chanteurs
jouit
d'une
grande
considration
parmi
les
Kabyles.
Mts active-
ment aux affaires du
pays,
ils ont
place
au conseil
et,
bien
reus partout,
ils sont traits comme des htes de
distinction. Les
prvenances,
dont ils sbnt
l'objet,
exal-
tent leur
orgueil
et leur donne une haute ide de la mis-
sion
qu'ils remplissent. Aussi,
malheur
qui
manque-
rait aux
gards qu'ils
croient devoirleur tre ds! celui-
la
risquerait
devoir son nom vou au ridicule
par
leur
verve mordante. Ils
parcourent
habituellement le.
pays
l'poque
des rcoltes. C'est la saison des cellectesabon-
dantes. Les
Kabyles
sont
trop pauvres pour
donner de
l'argent,
mais ils se dessaisissent volontiers d'une
par-
tie des
produits
de leurs
champs
en faveur de leurs
potes
favoris.
Beaucoup
de
villages,
et mme de tribus
entires,
leur font des cadeaux annuels
qui
prennent,
avec le
temps,
le caractre de vritables
pensions, pr-
vues au
budget
des
dpenses
de la communaut. Tant
soit
peu parasites
et trs' amis de la bonne
chre,
ces
potes
chanteurs
frquentent
de
prfrence
les bonnes
maisons.
lis j~aient,
en vers
iogieux, l'hospitalit g-
nreuse de leurs
patrons,
maisils ne
pardonnent pas un
mauvais dtner,
qu'ils regardent
comme une offense
per-
sonneHe.On trouvera
dans
ce recueil
plusieurs pices
de vers o les
potes exposent,
avec une trs nai've bon-
homie,
ieursprtentions orgueilleuses et
leurs
petites
rancunes d'estomac. Ces chanteurs ne font
usage, pour
accompagner la
voix,
que
du tambour de
basque,
avec
lequel
ils
indiquenteux-momes
le
rythme. Quelquefois
ils
sont suivis d'un ou
plusieurs
musiciens
qui, aprs
cha-
que coup!et,jouentune espce
de rilournelle sur la flte
en roseau.
(Hanoteau, AM'M~opM~atrM de la Kabylie).
Tout autres
sont les tebabla ou
tambourineurs,
chan-
teurs de l'amour
etdetagat,
ils sont
toujours
dans
toute
fteKabyte,
les
premiers
venus,
les derniers
partis.
On les
appelle
chaque fte,
un
mariage,
l'occasion
d'une naissance ou d'une
circoncision,
et
pendant pfu-
sieurs
jours
la maison rsonne de leurs
chants,
plus
ou
moins
grivois,
ce
qui
d'ailleurs
porte
atteinte leur
coa~draHo~
e~ne
leur
permet
~as
de
Dreodre
part
LA KABYLIE 464
la direction des affaires
publiques;
ils.sont
assimils
aux
bouchers,
aux mesureurs de
grain,
tous les
gens
dont le mtier est
rput
vil.
I. CHANTS
PATRIOTIQUES
OU
POLITIQUES.
Ces chants sont fort nombreux et
parmi
tous ceux
que nous
avons
trouvs,
nous citerons ici textuellement
d'aprs
la traduction de M.
Hanoteau,
la
prise d'Alger;
t'expditim
du Marchal
Bugeaud
en
1847,
dans l'Oued
Sahel;
i expdition dugnrat Petissierchez!esMatka,
en
1851, par
Ali ou Ferhat de
Bon-Hinoun; Bou-BerTa
l'insurrection des Amraoua en
1856 l'attaque
de Dra-
el-Mizan,
en
1856;
la 'soumission des ait
Iraten,
l'une
faite
par
Mameur-n essade et l'autre
par
Kassi-n-at-ou
Yahia
d'Adeni;
lasoumission
gnrale
de
la Kabylie
en
i857
la
complainte
de
Dahman-ou-Meal puis
les
chants de 1871.
,<
Prise
d'r, par E~-B<!<iBMMr-OM-e/-N<M~,
des
7mect6<Ms/eM.
Ho) ) o ma
tte,
debout
pas
de
repos
Que t'est-i!
donc arriv
d'heureux,
que
tu te laisses
surprendre par
le sommeil ? Le
genre
humain est
ananti;
Dieu
puis-
sant,
teins cet incendie
1
Du
jour
oteconsut est sorti
d'Alger,
le
Franais
puissant
a rassemb) ses
peuples.
Maintenant les Turcs
sont
partis
sans
espoir
de retour.
Alger
la belle leur
est enieve.
Malheureuse
nequ'itsavaientbMieaumiHeudes eaux,
avec des votes en chaux et
en briques) Le gardien
c-
leste
qui
veillait sur elle s'est
retir; qui peutrsister
la
puissance
de Dieu 1
J e suis mont la demeure du
Sultan,
o se tenait !e
conseil
;je
n'ai trouv
qu'une ptace nue
et vide. On ne
peut,
htas)
compter
sur
rif;m
chu
qui
se
croit
puis
sant,
la fortune le renverse.
Et ces
chaoucha
qui tgArdaieot,qu'ont-i!s pu
dire au'
LETTRES 485
pacha
et son
entourage ?
Il n'est
plus
le
temps
du
nounou (des jurons)
et de
l'orgueil
celui
qui
est ha-
bitu aux. honneurs se les voit ravir.
Les
trsors,
remplis d'argent
et d'or
tincelant,
ont t
enlevs sans bruit. Le Marchal les a
rassembls
c'est
le commandement
qui dirige.
Les forts
qui
entourent
Alger,
comme des
toiles,
sont veufs de leurs
ma!tres,
les
baptiss y
sont entrs.
C'est la
religion
du chrtien
qui
est
triomphante.
0 mes
yeux, pleurez
des larmes de
sang, pleurez
encore 1
Que
les bndictions soient
rpandues
sur
toi,
Pro-
phte
illustre 1 le soir et ]e
matin, je
chanterai tes
louanges,
matre du voile
lgant,
nombreuses comme
les arbres des
forts,
comme les caractres
qu'a
tracs
la
plume.
J e suis merveill de la
fragiit
des choses de ce
monde,
tout est
boulevers;
vous avez vu,
mortels t
les
prodiges
Les mers nous ont
apport
ces
pourceaux
qui
fouillent les bords des rivires.
Ce sont des btes de somme sans
croupires,
leur dos
est
charg,
leur chevelure inculte est enferme dans un
boisseau
(aorme
shako de t'arme en
i830);i!spar)ent
un
baragouin inintelligible,
vous ne
comprenez
rien
leur
parole.
Le combat avec ces
visages
de
malheur,
comme le
labour
d'un
champ
inculte,
que
n'entament
pas
les ins-
truments
aratoires,
est rudf; et
pnible, leurattaque
est
terrible.
Ils tratnent avec eux des canons et ils savent s'en ser-
vir,
les
impies quand
ils font
feu,
la fume forme
d'-
pais nuages:
ils sont
chargs
de mitraille
qui
tombe
comme la
grle
aux
approches
du
printemps.
Mon coeur
s'est bris comme un "ase
d'argile
au bruit
de cette voix
tonnante, je
l'ai entendue
se retourner
dans ma
poitrine.-J e
me suis enfui comme un buf
pris
de
vertige,
sans
penser
autre chose
qu'
me sauver
dela maison.
Le
samedi,
la
prire
du dhor
(entre
midi et une
heure)
tait
passe, quand
ils ont form leurs
rangs
ils se sont
rassembls vers FUe. Les bombes et les boulets obscur-
cissaient au loin le ciel.
LA kA~L<K
~66
Moulei-Hassen
(Fort l'Empereur)
si
renomm,
cons-
truit en
briques,
et
garni
de canons
disposs
avec
art,
a t dmoli et
dtruit;
ils l'ont ras
jusqu'au
niveau
du sol.
Infortune reine des cfts la ville aux beaux rem-
parts,Atger,
la colonne de
t'ls)ami<me,est
maintenant l'-
gale
des habitants du
tombeau
la bannire des Fran-
ais l'enveloppe
tout entire.
C'est de l'avis des saints
qu'a
t rendu cet
ai'rt
elle
aura, je pense,
commis
quelque iniquit
et aban-
donn le chemin
de la
justice;
car c'est une ville forte
et
peuple;
ce n'tait
pas peu
de chose
prendre.
Debout,
les hommes aux
perons, compagnons
du
Prophte!
et
toi,
notre
Prophte
de
pure
race;
et toi
aussi, Ali
Hader
(le gendre
du
Prophte)
au beau tur-
ban dispersez l'oppresseur
t Etes-vous donc consen-
tants,
ou bien n'existez-vous
plus?
C'est un
magicien puissant (le Franais) depuis long-
temps
il mditait ce
projet,
il l'a mri loisir. Lors-
qu'il
a vu le moment
propice
arriv,
il a
dbarque
dans
la broussaille
paisse.
Chaque jour
il s'avance
par tapes, plus
nombreux
que
les
grains
de
sable
en Une seule nuit il a
coupe
toute la broussaille. Il arrive sur nous comme un vol de
sauterelles,
il dvore les hommes comme le feu.
Malheureux Hader le
Noir,
au
long
sabre tranchant
comme les ciseaux Il est
enterr, je pense,
c'est
pour
cela
que
les
baptiss triomphent.
tiels
de Djfer
aussi et Khaled au
beau visage,
eux
qui
marchaient avec
lui,
ils nous ont livre le
pays
pour que
nous
l'habitions,
et le
baptis y
est entr ail
milieu de nous.
Les
turcs,
aux riches
brodequins
et aux
perons,veil-
lient en tout
lieu,
arms
et quipe;
Dieu leur a suscite
un mauvais
gnie, qui
sait o il a mfs chacun
d'eux?
L'aghaBou Me~rag,
le mle
guerrier, qui
n6 connais-
sait
pas
la paresse,
n'avait
personne
au-dessus de tut.
Ils t'ont livr au
baen qut
l'a retenu en
otage.
Le pacha,
pour qui
battaient ls
tambours.
le matre
des rtches
tapis
et de la Kasba
vote,
maintenant
d[u'i!
est
renvers,
on n'entend
plus partfr
t}e
lut.
iKTTMS
467
Les J uifs sont devenus les
chargs d'affaires,
ils se
donnent en marchant des airs de
fiert;
depuis que
les
baptiss
leur ont livr le
pays,
tout le
profit
est
pour
eux
ils habitent la ville sans bruit et sans conteste.
Les fondements de l'univers
s'croiltent,
le monde est
boulevers,
la base sur
laquelle
il
reposait est, je pense,
en ruines.
Nous,
les
survivants,
nous sommes dans une
barque
la surface des
eaux,
sans
commandant et sans
pilote.
Heureux celui
qui repose
sous le sable tes nouvelles
de ce monde n'arrivent
pas jusqn'
lui,
au moins il dort
en
paix.
Nous,
comme des btes de
somme,
nous man-
geons
l'herbe
qui pousse
sur les fumiers.
Toi,
qni
adorea le Dieu
unique, regarde
et
comprends,
homme sens
Tout
est facile
Dieu,
c'est lui le Tout-
Puissant,
il n'a
pas d'gal.
Qui
peut
rsister sa
puis-
sance ?
Ecoute ma
prire,
o
Dieu,
grand
et
pnissant,
toi
que
ne
surprend jamais
le
sommeil,
au
nom d'Hader!e
Noir et des
aompagnons
aux
perons
acrs,
tous tac~
t
que
noos aommes ici
prsents, purifie-nous
de nos
p~
cha,
si noua aoatmes souills.
E~pe~tttM!
dtt Marchal
~~aM~
en ~S~7 dans l'Oued
Sahel,
posire de
Si
~o&amm~-SaM-oM-A~-a~t
ou
<M-a~aA,
f~ ait
~fe~tteMeA,
J e
t'adresse
ma
prire,
Dieu de
magnificence
et de
bont,
crateur des
humaips,
an nom
des hommes
qui
t'adorent
et des saints
de tous les
pays,
accorde-nous
de mourir ep confessant la
foi,
prserve
nous des flam-
mes ternettes.
0 matre
souverain,
c'est toi
que
nous
implorons;
c'est de toi
que
nous dsirons tout
profit,
au
nom
des
hommes
qui
s'inclinent devant toi dans la
prire,
au
nom du
prophte
~ohammed,
mets
un
terme au
rgne
du
chrtien,
teigne
de nous
ce
Qau.
Le marcBat a
envoya
ses
proclamations,
on sait
qu'il
commet des
e~cs,
il est
habitu
imposer
aux hommes
rbbisaance;
c'est dans cette intention
qu'if
est venu
LA KABYLIE
468
jusqu'ici.
Toutes les tribus sont devenues des
juifs, per-
sonne ne meurt
pour
la
foi je
vais vous
indiquer
le vrai
chemin. Silence
donc dans l'assistance t
Mes larmes coulent torrents au souvenir de ce
qui
s'est
pass
dans cette
campagne depuis H'anif jusqu'aux
At-bou-Mesoud,
personne
n'a fait de
rsistance
les
hommes,qui
taient des
lions,
maintenant
portentle
bt.
Le chrtien a suivi la rivire se
dirigeant
vers son
but,
il ne craint
rien,
le
maudit,
rien ne
l'effraie,
ses
tambours de cuivre roulent comme le tonnerre. Lors-
qu'ils
commencent
battre,
ils donnent
le frisson. C'est
Bougiequ'ils
sesontdonnrendez~vous;ilsdescendent
Thabouda.
L'Islam a
manqu
ses
devoirs,
Dieu ordonne la
guerre
sainte,
et la
religion
du
Prophte
bienheureux
est en
lambeaux
nous ne la retenons
pas
mme
par
un
fil. Tout ce
qui
tait l sera rduit en
cendres,
moins
que
le Dieu de bont s'en ait
compassion.
Du moment
que
nous nous sommes soumis au chr-
tien,
nous n'avons
plus
rien
esprer
dans ce
monde
ni
dans
l'autre
la
religion
du
Prophte, nous
l'avons ven-
due,
et les hommes sont devenus des femmes.
Puisque
nous
craignons
la
mort,
nous serons rassasis de honte
et de
chagrins.
Honceuraux femmes chrtiennes t elles
peuvent par-
ler
haut;
elles au
moins,
ont donn le
jour
des braves.
Le
premier
venu se
pare
comme une nance l'Islam
n'est donc
plus qu'une
femme 1 Nous avons
eutouspour
aeule la lchet
juive,
except
les
compagnons
du Pro-
phte,
ces hommes valeureux.
Elve-toi dans ton
vol,
dploie
tes
ailes, gentil
faucon
aux belles
pattes
le matin l'heure de la
prire,
si tu
te lves avant
l'aurore,
dirige-toi
vers la tribu
d'Illoul,
va
passer
la nuit
Chellata.
Surtout,
vois-y
le fils du
Cheik,
arrte-toi chez
lui,
dis-lui
quelques
mots.
Par son
fait,
ses anctres sont
morts sans
hritier
certes son
pre
tait un homme
dou de vertus. Dieu lui enverra un mal
mystrieux,
car il a dtruit tout
respect pour
les saints.
Voici
que
chez nous est entr l'intrus
importun,
le
LETTKS
469
27
marchal
la
religion
de cuivre
(c'est--dire fausse)
son
visage
est
dpourvu
de
barbe
la
terreur
qu'il
ins-
pire
est celle d'une
panthre
il a fait de
notre
pays
un
dsert,
il
remplit
les hommes de
crainte,
il a soumis
l'Arabe et le
Kabyle
et a
pass
sur toutes les tribus.
Le dimanche
(16 mai, jour
du
combat)
a t
le jour
funeste;
le matin au
crpuscule,
le tambour rsonne
Ir'il
Ali,
la Kasba a t dtruite
jusqu'aux
fondations.
Combien le chrtien n'a-t-il
pas
enlev de
jeunes gens
et de femmes aux riches bracelets
Les chasseurs
coupent
la
retraite,
chacun s'enfuit
sans
s'inquiter
de ses
enfants celui,
que
ses
jambes
trahissent, tombe,
et son
corps
est
perc
de
coups
de
baonnette.
Ce sont les Ifenaen et Ait
Tamzalt,
qui
de
longue
main,
ont
prpar
ces vnements ils se sont entendus
avec le chrtien et lui ont livr le secret de toutes
choses
ils marchent tous avec ses
troupes
et sont de-
venus ses
sujets.
J e
plains
le lion des
pays
de
sable
il a
quitt
sa de-
meure, Hammou,
aux
yeux
du faucon du Sahel et ses
parents supportent patiemment
son absence 1 Le ves-
tibule o
il
s'asseyait
habituellement,
doit
prendre
son
deuil.
Avant
l'arrive des
paens,
les fils de son frre n'-
taient
que
des
enfants,
personne
n'avait d'autre vo-
lont
que
la
sienne,
le
gnral
coutait ses avis.
Il ha-
bitera les hauteurs du
Paradis,
et s'il a commis des
pchs,
Dieu les lui
pardonnera.
Nous avons d'excellents
marabouts
ils nous ont
ap-
port
le
livre
la
religion
le
permet,
nous ont-ils
dit,
puisqu'il
est l'ennemi du
Prophte,
soumettez-vous au
chrtien
(cela
ce vous
engage
rien,
votre soumission
ne
pouvant
tre valable aux
yeux
de
Dieu)
nous avons
tous alors courb la
tte,
mes
amis,
et le chrtien
leur a donn des burnous.
Prenez
gardez
vous,
hommes
trompeurs
t
je
vous
indique
la bonne
voie, comprenez
donc,
assistants f
Nous allons
faire
ce
qui
n'est
pas
dans
la
loi bien
plus,;
!)OU6
nous soumettons a. l'ennemi du
prophte.
La mort
LA KABYLIE 410
est invitable et notre dernier
sjour
est la demeure
d'onulnerevient.
Les Ait Our'lis sont habitus aux
coups ceux-t,
un
souffle les
renverse;
aucun d'eux n'a fait acte de foi
en ce
jour; sur-le-champ,
au
contraire,
ils ont
prpar
te couscous
pour
le
chrtien;
il ne leur
manque que
les Kiout et les chemali
(ceintures
de
femmes)
ce sont
des
femmes.
ils
n'inspirent
aucune crainte.
Quant
aux Ait Immel
et
aux At
Djelil,
ils ont
reu
te
coup
sur la
tte
ils n'ont eu connaissance de rien.
C'est Dieu
qui
l'a dcrt ainsi
pour eux
de mme
quand
tombe la
grle,
descendent sur la terre l'obseu-
ouht et le brouillard.
Les Imsissen ont assist
impassibles
au
dsordre;
ils
prennent
les ordres avec amour celui d'entre eux
qui
rpte
un air de
prire qui lui platt
ne fait
qu'grner
sans cesse son
chapelet.
Qu'ils
laissent donc de et
toutes leurs
prires!
Celui
qui
ne fait
pas
la
guerre
sainte ne doit tre
compt pour
rien.
0 mon
Dieu,
au
nom de
Timezerit,
au nom de ceux
sur
qui
a
pass
le
malheur,
dlivre-nous,
o
Seigneur,
du
chrtien,
&
saints,
chassez-le.
Tous soldats du
bey
Mahmoud,
les At MeIRkeuch
manient bravement le fer. Bien
pourvus
de
munitions,
its ont tout en
abondnce;
ils ont de belles ceintures et
de beaux
poignards.
Celui
qui
meurt en combattant
va au
paradis,
but de ses
dsirs,
o il
jouira
de
toutes
les dlies.
Elve-toi dans ton vol
(oiseau),
monte vers tes
cieax,
descend au milieu des
Zouaoua,
runis-les
tous,
ceux
du Sahel et de la
Montagne;
leur
poudre
est
pure
et
Me~
graine.
S'ils
prennent
une rsolution d'un commun <e-
eord,
l'amour-propre
et la soumission
Dieu tes con-
duisent
ils
loignent
les
gens
de mauvaise
volont
l'attelage
connat le laboureur.
Ils marcheront du mme
pas,
les Ait
Hjet,
tes tioBS
des
forts
ces braves
gens
ont resota de moarif tous
te mme
jour.
Dt leur
pays
restefdesert.its
ne se eou-
mettront
pas
au chrtien.
Dieu trs
haut,
ecute ma
prire,
toi
que
ae tntttt
LETTRES 47i
pas le sommeil,
au nom de ceux
qui
lisent les
pro-
phties, par ce qui
est crit dans ietivre
saint,
pardonne-
nous si nous avons
pch,
nous tous
qui
sommes ici
rassembls.
Expdition
du
gnral Pc~'Mt'ct',
chez les
J !faa<~<t,
en
chant
compos par
~OM-M'Aa~ ~f~<K(-~<MOMn.
Bndictions sur
toi, Prophte gracieux,
enfant chri
~u Dieu
qui
voit tout ton souvenir meut vivement le
cfur~
t~i es doux
l'me;
assiste-moi
quand je
des-
cendrai au
tombeau,
le
jour
des
comptes
est un moment
difficile.
Bou-Hinoun, village
du bord de la
plaine,
a t la
cause de tous nos
malheurs. Nous avons commenc les
hostilits en
automne,
la
poudre parlait
de tous cts.
Les
chagrins
sont venus fondre sur les
hommes,
honte
celui
qui
l'oublierait 1
Tous les Arabes
poussent
le cri de
guerre;
ils se sont
rassassis du
pillage
de nos
fruits
il court d'un
pied
lger, celui qui porte
un
panier
de branches et de
jonc.
Us ont
pris pour prtexte
le chrif
(Bou-Berla,
voir
le chant
suivant) qui
nous est venu en
oiseauvoyageur;
il s'est tabli u-dessus des
At-Arif,
son
camp
fait
place
aux
couard (ruines
situes
pres d'An-Facy)
il a
pris
le chemin de la valle. La
poussire
s'lve Chemlal.
Les
Amraoua,
aux vtements
lgants,
se sont ir-
rits
ils se sont
levs, et,
dans leur
colre,
ils ont crit
au chrtien.
Depuis
Tlemcen
jusqu'
Mascara,
le chr-
tien a amen des tirailleurs
noirs
ce sont des Sis d'A-
rbes
qu'il
a surtout amasss en
grand
nombre.
H
y
a
joint
des zouaves
qui
ne connaissent
pas
le
danger;
ils ne
comprennent pas qui-va-ia?
ces flaux.
Toute escouade de dix hommes est suivie d'un
of6c:er,
et chacun
d'eux,
dans sa
position,
commande avec au-
torit
la
montagne
rvolte,
ils la
passent
au
crible;
voil ce
que
font tes
jambes rouges.
Le chrtien descend dans la rivire Ben
Hini
il se
dirige
vers l'azib de
Bechchar,
de !
Boghni
il
n'y
a
LA KABYLIE 472
qu'un pas,
et nous n'avions
pas
un ami
pour nous pr-
venir.
Quand
nous
parvint
la triste
nouvelle,
nous in-
lerrompimes
la fte mme de
l'Aouacher;
le
tonnerre
grondait,
la
pluie
tombait comme
la farine du
crible,
!e soleil avait
disparu
nos
yeux.
0
gracieux
Sidi
Ali-ou-Mousa,
matre du
puissant
berhan
(pouvoir
surnaturel des
marabouts)
toi
qui
laisses Sidi-Khelil et le
Coran,
ta Koubba ressemblait
la
mosque
Ez-Zhar
(au
Caire)
les
draperies qui
en
ornaient le milieu ont t
brles;
la chaux et les bri-
ques
sont dtruites.
La confdration
qui
ne
pouvait supporter l'injustice
et dont tous les
guerriers portaient
des vtements de
couleurs
tranchantes,
a
ploy
comme un aune. Les
nobles curs ont t rassassis
d'humiliation
puis-
qu'ils
sont
tombs,
personne
ne
pourra
tenir,
marabouts
et
Kabyles
subiront la corve.
Nous voici en
fugitifs
dans
ton vestibule,
vnrable
Mohammed-ou-el-Hadj,
nous sommes sortis de notre
tribu
par
la
violence,
nous avons
quitt
nos
amis,
nos
intimes;
vous
qui
veillez sur la
rivire,
priez
Dieu
pour qu'il
nous reunisse eux.
0 Matre souverain
qui
vois
tout,
toi
qui
fais tomber
des
pluies fcondantes, pardonne-nous
si nous avons
pch,
nous tous
qui
sommes ici
prsents.
Chant sur Bou-Berla.
Bou-Berla,
l'homme ~a
mM~, fut un
aventurier qui par-
vint
fcpaHare
une
forte agitation
en
Algrie.
Si-Ldrbi-
~VaH-CA<rt/,
du
p<~e
des
Ait-Ali-ou-Mehand,
de la tribu
des
Illoulen-Oumalou,
a conserv datM chant suivant M
MMmot're,
<MM~
!')'fMpec<MC<Met?Mtt<
d'ailleurs.
Que
les bndictions soient
rpandues
sur
toi,
& Pro-
phte
Ton nom est doux la
langue,
Mohammed
l'Arabe,
au
visage
beau
comme le
paon
1
Assiste-moi
dans la nuit des
rponses,
le
jour
des
comptes
est un
moment difficile.
LETTRES 473
Ce chant est
rg)
sur le sin
(parce que
la lettre sin
est
adopte
comme
rime),
celui
qui
est
intelligent
com-
prend, je dirige
l'homme
intelligent; quant
!'imbci!e,
il coutera.
J e
parierai
du
chrtien lorsqu'il
se met en cam-
pagne,
il est
plus
nombreux
que
les sauterelles
quand
elles
pullullent
dans nos
champs. Depuis
Oran
jusqu'
la
Calle,
personne
ne
peut
l'arrter.
Montagnards
et
gens
de la
plaine,
chacun
apprte
la
nourriture;
il accumule de nombreuses
injustices,
avec
ses mekhazenis
(attachs
son
service)
et ses
spahis
chaque anne,
il mdite comment il
ploiera
la
montagne
son
joug
il veut en faire des
sujets pour
la corve
et la
diffa; ensuite,
quand
il aura bti au
Djemat,
ses
dsirs seront
accomplis.
J e dirai aussi ce
que
nous a fait l'homme de
l'ouest,
Ben-Abd-Allah
l'imposteur (Bou-Ber'la)
Eh ) mauvais
drle,
tu es
impuissant
1 ce
qu'il
t'est donn de faire
n'est
qu'une simple promenade;
le chrtien est redou-
table,
il
frappe
avec des
glands
de
plomb.
C'est cet homme de l'ouest
qui
causa nos
malheurs,
lorsqu'il
se
fit cavalier;
il se donnait comme chrif et
son
origine
est
inconnue
il a abus les musulmans
jusqu'
ce
qu'ils
l'aient
pris
en
dgot.
Les
At-Idjer
et les Illoulen btirent une maison
vote au
maugrebin pour qu'il
y
tablt sa
demeure
ils
comptaient
sur lui
pour les
dfendre,
et voil
qu'il
a
pris
la
fuite
il a
disparu,
on
n'entend
plus prononcer
son nom.
c
Oh 1 le
jour
o il abusa les
Azazga
ils le conduisi-
rent
chez eux
pour s'y
tablir
ils le
croyaient
un vrai
chrif,
il devait leur livrer
Mekia
omis voil
que
l'en-
nemi
l'a
frapp
et
borgn,
il est maintenant
priv
d'un
il.
Infortuns
Beni-Djennad
1 la tribu
puissante
est
brise guerriers
aux fusils
garnis d'argent,
la
poudre
bien
graine;
les chasseurs leur ont
coup
la retraite et
les ont livrs aux flammes.
Ils ont donn dix douros
par
tte,
et
Sidi-Manour
(marabout
trs vnr et enterr
au
village
de
Timizar)
LA KABYUE 474
qui
dormait Les saints
disparaissent,
ils s'en vont 1
Malheureux lion
prt
au
combat,
tu
(Sidi Manour)
as
abandonn la tribu l'incendie. Tout le monde est
venu la
piller.
0
Dieu,
nous
t'imptorons
au nom du
prophte
et des
savants
qui
instruisent la
jeunesse.
Pardonne tout ce
qui
est ici
prsent prserve-nous
de l'heure du tour-
ment.
Insurrection des AH!raouo en
~56,
par Ali-ou-Ferha,
de BoM-B~touH.
Bndictions sur
toi,
Prophte gracieux
C'est en ton
honneur
que l'improvisation
est douce
ton nom
chri
rjouit
le
cur. Prophte
aux belles dents assiste-moi
dans la nuit du
trpas, quand
le
corps qui
m'est cher
tombera en
pourriture.
J e voudrais tre l'oiseau
qui
a des ailes et s'lve
dans les cieux comme le
faucon
il
parcourt
la
~valle
du
Nil,
l o il
arrive,
il se
repose.
J 'irais
Baghdad,
la ville du
pardon, j'crirais pour
la
religion
et elle se-
rait
gurie.
Au
temps
du
bach-agha, nous
tions heureux et
pour-
tant nous le
maudissions
il commandait avec bonne
humeur et
gat,
sa maison
prodiguait
le
couscous
sa
parole
tait dure aux
hommes,
mais
aprs
avoir
puni,
il
pardonnait.
Les lzzouzen et les Ait Ferah
(des
At-Iraten)
sont
d'une race
glorieuse qui
ne
ploie
pas.
Nombreux sont
parmi
eux les hommes de
tte; quand
ils
prennent
la
parole
dans la
Djemat,
tout est
rgl.
Ils ont
mang
les Arabes des Tentes et laiss
chaque
famille dans les
larmes.
Etve toi maintenant
dan~ ton vol,
oiseau aux
yeux
perants,
va la
Mosque de Temda;
a
Bel-Kassem,
lion
prt
au
combat,
diras-tu,
ton
pays
est vendu
Eveille-le,
quand
mme il
serait accabl
par
le som-
meil.
LETTRES 47S
Quelle
a
t la cause de l'insurrection ? C'est
Ben-Ali,
le lion
prt
au combat. Il est venu des
pays trangers
pour
voir ses frres et ils l'ont
charg
de
liens;
mais
les cavaliers aux
perons
acrs l'ont tir de leurs
mains.
Dr-ben-Khedda
(viUage
Sdle aux
Franais)
excite
ma
surprise,
ce
qui
t&tt
pur
est maintenant
souill
ils
tirent
profit
de ce
gouvernement,
tous sont earts aux
spahis.
Si les
temps
viennent
changer,
nous
rgle-
rons ensemble nos
comptes jusqu'
l'os.
De Bne
Ouchda,
ce sont tous
gens
de la
cinquime
secte,
(comme
il
n'y
a en ralit
que quatre
sectes mu-
sulmanes
orthodoxes,
c'est dire
que
ce sont des hr-
tiques)
de Msila
Biskra,
de
Laghouat
Megasus,
to"te
guerre
a cess. Tenez
pour
sr
que
le
Kabyle
est
cern de tous cts.
0 matre
souverain,
qui
vois
tout,
toi
que
ne trahit
jamais
le
sommeil,
pardonne-nous
si nous avons
p-
ch,
nous tous
qui
avons cout ce chant.
.AMactMT~ Br<t-e!tX<Mt,
insurrection de 1856
par
B~-
Hadj-Mohammed
Bachir, At-Bou-Yahia,
tribu des
At-Assi.
Bndictions sur
toi,
Prophte pur
de toute souil-
lure, qui
intercdes
pour
ies musulmans t
que
le mat-
tre de toutes choses t'accorde sa faveur 1 L aurole de
la
gloire
brille
sur toi 1
Seigneur,
donne-nous la vic-
toire,
roi
qui
pourvois
nos besoins.
J e
parierai
de ce chrtien c'est un ennemi irrsisti-
ble, dangereuse
est sa
puissance.
J 'aime les fils de Mah-
moud,
c'est une
troupe
d'lite. Descendants d'une noble
race,
ils
frappent
le
fer,
ils tirent la
dtente lorsqu'ils
se lvent contre
l'ennemi,
ils le
pulvrisent
comme des
fves
ils le
poursuivent,
et
lui,
il
n'prouve qu'hu-
miliation. Le
Prophte,
ami du Dieu clment,
leur vien-
dra en aide.
Lesouadhien.voit
les
guerriers
irrsistibles,
c'est
chez eux
qu'a
commenc }a lutte.
La moiti d'entre
LA KABYUE 476
eux marche avec le
chrtien,
les
visages
de malheur 1
l'autre moiti avec les
musulmans,
Dieu les rende vic-
torieux Us sont descendus dans la
plaine,
Ed
Djoudi
a
pris
la fuite ils ont
pris,
dtruit son
bordj,
ils l'ont d-
moli
chaque angle.
Le combat
s'engage,
la fusillade
devient nourrie. Combien sont morts de
guerriers
d'-
lite aux
longues
moustaches 1
El-Hadj-Ahmed-ali-ou-Hammou
et son
parti
sont une
troupe
vaillante ils nous ont laiss un
glorieux
exem-
ple,
les cavaliers
toujours peronns, que
de
spahis
ils
ont tus Le
sang
coule
plus
abondant
que
les fontai-
nes. S'ils se vantent de lems
exploits,
honneur
eux,
les lions du
Sahara.
Taguemmount-ed-Djedid,
tes enfants sont de
pure
race
ils
frappent
le
fer,
ils fondent sur l'ennemi comme
des oiseaux de
proie
ce sont eux
qui
ont bless De-
vaux
(le capitaine, auquel
nous avons d faire de nom-
breux
emprunts
dans son livre Les EeAa~ du
D~t'-
jeira),
le
jour
du combat dans la
plaine.
Sid-el-Hadj-Ameur, depuis longtemps
est le matre
de la
victoire,
il conduit les
troupes
des
Zouaoua,
sol-
dats que
de
longs
fusils ils ont
apports lorsqu'ils
font
feu,
l'me de l'ennemi
s'envole
ils s'avancent dans la
plaine~ qui pourrait
lutter avec eux? Ils ont
pill
le
bordj
du
Merkanti,
grande
richesse
(moulin
huile
tabli
par
M. de Molines
prs
du vieux fort turc de
Boghni). Que
de butin ils ont
emport ) parmi
les tof-
fes ce n'tait
que
fins
tissus
que
de
grains
ils ont aussi
trouvs ce
que possdait
le Merkanti tait
prodigieux.
Il
n'y
a
qu'un
mauvais
sujet qui puisse
dsobir El-
Hadj-Ameur,
toutes les tribus sont venues
lui,
l'ar-
gent
aMue chez lui comme la
poussire.
Aprs
s'tre
rassembles,
les
Igouchdal, postrit
de
braves,
se
dirigrent
vers les
Inezlioun
le feu. 6t de
leur
pays
un
brasier,
Ils
portrent
l'incendie
jusqu'au
bordj. Pardieu,
ils n'avaient
pas
un bon
conseiller;
ils
convoitaient
Dra-el-Mizane,
tous
croyaient
la chose
facile.
Beauprtre, quand
lui
parvint
la
nouvelle,
ar-
rta son
projet
dans sa tte.
Que
de
poudre
brle l 1
les
musulmans furent maltraits. Le chrtien sortit
LETTRES ~7f
27.
plus
nombreux
que
les
plus
fortes nues de
sauterelles~
conduisant avec lui combien de
canons,
de
bombes et
de
boulets;
combien aussi de
charges
de
pioches
et de
haches Ses
troupes
sont
puissantes,
elles
dpassent
en
nombre les
tourneaux,
elles arrivent de son
pays, por-
ts sur des
vapeurs.
Ils nous a
apport
une invention
nouvelle,
les fusils au mtre
(fusil
longue porte).
Vous frmissez la vue des baonnettes
qui
se dressent.
Ah
peuple ignorant,
attends
encore;
vois ce
qu'il
a
apport
de
serpes
celui
qu'il
atteint est
perdu,
il d-
truit sa
maison
son cur est
irrit,
il veut
couper
les
arbres fruitiers.
Le voici
qui
se
dirige
vers les
At-Natas,
l s'lve
la fume. II laisse chacun ruin sur son
passage
il les
a
jets
tous dans les ravins. L'effroi est entr dans nos
curs
nous
craignons qu'il
ne nous
dporte.
Coulez,
mes
larmes,
plus
abondantes
que
la
grle,
c'est le chrtien
qui
a
remport.
la victoire ? Tout le
jour
nous
tremblons,
Dieu tu vois tout Nous ne dor-
mons ni la nuit ni le
jour,
chacun sent murmurer son
cur.
L'homme
intelligent,
qui
a t bien
avis,
est
parti,
il s'est mis
l'cart
il s'est
dirig depuis longtemps,
quar
le
jour
est
venu,
vers la
Syrie,
il
y
a tabli sa
demeure. L'imbcile s'est laiss
surprendre par
le som-
meil,
il n'ouvre les
yeux qu'aprs qu'il
a t enterr
vivant.
Viens notre
aide,
Sidi-Bel-Abbs
(marabout
c-
lbre),
ce chrtien est
oppresseur.
Vous tous
qui
veil-
lez sur le
monde,
nous demandons
que
vous enleviez
ce fardeau
qui
nous crase.
Le voil chez les
Ait-Bou-Maza,
son cur est en-
flamm de
colre,
il les a
coups
en morceaux comme
des
arbres,
l ce sont des musulmans
qui
ont t ex-
termins
par
la mort. Il
n'y
a
pas
se
repentir
de ce
que
l'on fait
pour
le
Prophte
celui
qui
meurt
pouse
une
houri,
il est
prserv
de
l'enfer;
il a effac ses
p-
chs,
s'il en avait d'inscrits.
Voici le chrtien Ir'zer
Nechchebel,
il s'avance vers
le
pays escarp;
il franchit le col comme la
neige,
le
LA KABYLIE 418
plomb
tombe
plus
serr
que
la
pluie,
te canon com-
mence &
tonner,
le boulet
rpand
la
terreur,
tout ce
qui
est atteint est
emport par
la bo~be
que
rien n'arrte.
Par ton
visage,
&
Hachimi,
donne-nous un
signe
1
Le voici
qui
est extermin
par
la
mort,
il vient de sur-
gir pour
lui un mauvais
prsage.
Les braves
guerriers
se sont
battus,
honneur aux matres de la
persv-
rance 1 Ils les ont
go:gs
tous comme des
brebis, pen-
dant la fte le
jour
des sacrifices.
Ceux-l,
s'ils se van-
tent de leurs
exploits, gloire
eux1 C'est l
qu'a
eu
lieu l'abatis. Ils l'ont rassasi de fouiller la
terre,
il
creuse avec des
pelles; que
de morts il a enterrs 1 Ce
qui
lui est arriv est un dsastre. Le
sang coule plus
abondant
que
les torrents dbords
par
un
jour
de
pluie.
O
tais-tu,
Bou-Nab
(saint marabout), lorsque
chez toi est entr le buveur de vin ?
qui
sait o tu t'-
tais oubli Kad de
Maer ?
Tu as laiss tomber la
tribu. les matres de la
victoire
ils ont
pay,
les mal-,
heureux,
jusqu' complet dpouillement.
Coulez,
mes
larmes, plus
abondantes
que
les fontaines.
J e t'en
prie,
mon
Dieu,
Dieu clment et misricor-
dieux
1
je t'implore
au nom du
Prophte,
au nom de
Bou-Beker et de notre
seigneur Omar,
fais
que
nous
habitions les hauteurs du
paradis,
tous tant
que
nous
sommes ici
prsents.
Soumission des
At(-a<9H,
cotHpa~iM
de
1857,
par
~NMteur-M-~Ma!
du
village
des TaMouzca
(~itt-7r<t~M).
J 'appellerai
sur toi les
bndictions,
o
Prophte, que
celui
qui
doit
comprendre
mdite t Ton nom est doux
comme le
miel,
par
lui il convient de commencer la
journe je
veux abandonner mes affaires
pour
chanter
en ton
honneur,
Prophte.
i vient de J e conterai une histoire
qui
vient de se
passer;
com-
prends,
toi
qui
es
intelligent
ce
qui
est arriv aux Ait
Iraten,
ne s'est
pas
vu
depuis
le commencement du
monde.
L'Alger
des Zouaoua
est
tombe,
le
jour
de la
fte
pendant
l'Aouacher.
LETTRES 479
Le
franais, quand
il se mit en
marche,
roula comme
les flots d'une
rivire
il a fait sortir des
troupes
nom-
breuses,
des zouaves
plus que
tout
autre
il s'est
abattu sur nous comme la
glace
ou la
neige lorsqu'elle
durcit la terre.
Il
envoya
ici un de ses
porteurs
de nouvelles et lui
remit une lettre
imprative
Venez, disait-il,
faites
le bien et vous resterez des soldats t. Les brouillons
ont
refus,
ils ont dchir la
lettre,
les
visages
de mat-
heur.
Cette
gnration
est voue au malheur elle n'as-
siste
qu'
des violences. Combien
n'y
a-t-il
pas cepen-
dant d'hommes d'honneur Chacun
d'eux,
sa
position
est
grande,
tous tiennent les
yeux
baisss. A
quoi
bon
une vie
plus longue ?
2
La tribu tait
pleine d'migrs
de tous cts cha-
cun se
rfugiait
chez les
At-Iraten,
la confdration
puissante;
allons,
disait-on,
habiter en lieu sr Et
l'ennemi est venu sur nos
ttes,
c'est
l'Arb
qu'il
s'-
tablit demeure
(
cause de la construction de Fort
National).
Il nous
y
a J )&ti des forts nombreux et les a
remplis
de
soldats
il s'est
pass
de notre
consentement,
,c
est
par
la force
qu'il s'en
est
empar.
Le
mercredi, l'aurore,
a t
pour
les hommes un
jour
terrible;
le
matin,
les toiles brillaient
encore,
bien
peu
des
plus presss
avaient
rompu
le
jene,
Icherriden a commenc la
bataille,
cavaliers et fantas-
sins s'entremlent.
La fume s'lve en
nuages
elle monte et descend
dans le ciel. De ceux
qui
taient l
prsents,
il en eot
peu
dont la vie se
prolonge;
celui
qui
meurt enlve
une
houri
il a lav ses
pchs,
il est
pur.
Le marchal est le matre de la
sagesse, (le
mar-
chal Randon est rest trs
populaire
en
Kabylie),
sa
tte mrit les
projets.
Lalla Fatma
que
nous
visitions,
la femme aux bracelets et aux
perles,
a
pour
tuteur le
gnral,
elle la soeur deSidi-Tahar
1
J e t'en
prie,
6
Dieu,
mon
Matre,
roi
qui
vois tout 1
au nom du
Prophte
et de ses
amis,
au nom
d'Ali,
vain-
LA
KABYU 480
queur
des
inudies,
pardonne
tout ce
qui
est ici
pr-
sent,
prserve-nous
des Gammes de l'enfer
Soumission des At-Iraten.
Ce MMtM
sujet,
la soumission des
At-Iraten,
devait tenter
lui aussi un autre
pote.
~aM<-K-~t( 0<(-yaAt<t,
~M
village
<A<~Kt
(Ait-Iraten)
voulut aussi en clbrer la
mmoire;
voici chant
qu'il cotapoM
sur ce triste cceM~MeN~.
Bndictions sur
toi,
Mohammed 1 J e chanterai tes
louanges,
tu es mon
capital.
0
misricordieux,
allge
nos
souffrances,
implore
le
pardon
de ton
Mattre,
qui
a accumul sur nous les malheurs et nous a
afftigs
du
chrtien.
Le
jour
de la
fte,
le matin avant
l'aurore,
les trou-
pes
commencent se
prparer
elles se divisent en
colonnes
pour gravir
la
montagne glorieuse.
Le canon
commence
parler,
l'ennemi franchit Bou Hatosan.
Prs du caroubier a lieu la rencontre le
sang
coule
plus
abondant
que
les ruisseaux dbords.
Honneur aux enfants de
Tiredjt (aux Irdjen)
et aux
quelques trangers qui
se trouvaient l 1 Les nobles
guerriers
font face l'ennemi
appuys
sur la
cuisse,
la
batterie
du fusil hauteur du
sourcil,
munis de ceintu-
res et de
cartouchires,
arms de
longs yatagans.
Celui
qui
meurt,
comptez-le
au nombre des
lus,
il
habitera les hauteurs du
paradis.
Que
de
chapelles
dvastes. D'abord c'est
Sid-Ali-Ou-
thair du col (de Bou-Hatouan),
La lunette la
main,
l'ennemi
contemple
Ouatlal,
c'est une vue douce son
cur. Infortuns
quarante s&ints,
o tiez-vous
quand
tu
brutais,
6 Bou-Ziki ?p
Si tout se ft
pass
comme
& OuaTlat,
notre tAche et
t facile avec de braves
~ens
ce
qui
nous a
perdus,
ce
sont les Ir'allen
(les
crtes)
ils ont
pris
la fuite comme
des
brebis. L'ennemi a saisi des femmes et des
enfants,
il les a enlevs d'Ibab&fat
(village
de
marabouts).
Malheureux Cheikh
Ben-Arab,
o tais-tu
cach,
LETTRES 481
saint ? Tu nous disais il ne
gravira
pas
la
montagne.
Et au dernier
jour,
il l'a vaincue
jusqu'aux
AKYenni.
J 'ai
piti
des malheureuses femmes des
Cheurfa,
de
ceux
qui occupent un rang lev.Lejourdelafte,avant
le lever du
soleil,
elles se mirent courir
pied
et se
jetrent
dans les broussailles commedes
sangliers;
tou-
tes
passrent
la nuit dans les
champs.
Infortune Fatma de Sommeur la dame aux ban-
deaux et au henn) son nom tait connu de toutes tes tri-
bus
l'ennemi l'a
enleve, elle a
disparu.
La voil chez
les Beni
Sliman,
mes
larmes,
coulez torrents.
Le
malheur, qui
a
frapp
cette
tribu,
n'a atteint
per-
sonne comme
nous
nous avons donn soixante reaux
chacun, injustice
de notre
seigneur
Dieu Nous n'avons
personne que
nous
puissions
attendrir,
personne pour
nous dire 6
Dieu,
mon Matre.
Pauvre
vi)lage
de
l'orgeuil
Adeni le brave Ils
taient habitus faire face aux
cavaliers,
tes cent cin-
quante jeunes gens
ils
portaient
des calottes et des
brima
(corde
en laine autour de la
tte)
ils
prennent
maintenant le chemin de la corve.
Hlas
que
de
veilles,
que
de nuits
passes
sans abri 1
nous avions des
glands pour
nourriture,
des
flgues
s-
ches,
voil ce
que
nous
portions
avec nous Ce n'est
pas
l ce
que
nous
croyons
devoir
arriver,
tous les ins-
pirs
taient
pleins d'orgueil.
0 mes
larmes,
coulez comme les
pluies
du
printemps,
ou comme les
pluies d'orage pendant
les liali
(priode
des
jours d'hiver).
Tu es
vaincue,
montagne
de la
victoire,
dont les At-Iraten sont les
plus
vaillants
guer-
riers. La fiert s'est teinte dans les
coeurs,
le soleil est
tomb sur les hommes.
Soumiuion
gnrale
de la
Kabylie, campagne
de ~57.
Posie
d'jE< Z~o~-J Mo~amme~ Atctr,
des
Ait-Bou-Yahia,
tribu des
Ait-Douala,
eoK/Mera/tOM
des ~H-AtMt.
Bndictions sur
toi,
o
Prophte )
nous te resterons
fidles dans ce nouveau chant harmonieux.
Prophte
LA KABYLIE 482
au beau
visage, que
le matre des cieux te comble de
faveurs assiste-moi dans la nuit du
trpas,
moi et
tout ce
qui
est ici
prsent.
J e commencerai ce chant avec fidlit. Le
jour
d3
la
petite
fte,
les
Franais, lorsqu'ils
sont
arrivs,
taient
plus nombreux que
les
tourneaux
pour
combattre e
les
At'Iraten,
s'avancent le commandant et le marchal.
Le canon commence
mugir,
les balles tombent ser-
res comme la
pluie,
les saints ont
disparu
de chez
nous,
Ben-Arab,
le matre du
berhan,
a t
loign par
les
mchants
qui
sait o ils ont
transport
sa demeure q
Le chrtien a laiss les arbres fruitiers abattus sur
la
terre,
6 mes
yeux,
le
sang
convient vos larmes!
Le cur se brise au rcit de ce
qui
nous est arriv. Les
At Iraten maintenant sont
vainea~sans
retour,
ils se
sont
disperss
dans les forts
paisses.
Que
de richesses
gaspilles
t l'huile coulait comme
des rivires. Chez les Ait
Hag,
l'ennemi
a, dit-on,
subi
un
chec,
on lui a fait
essuyer
de
grandes pertes.
Pour
les
Ibahalal,
cela a t un
dsastre,
le chrtien a enlev
les femmes et les enfants.
Ceux
qu'il
a
surpris
l
reposent
dans la
tombe
Dieu,
accorde la
rsignation
iaurs
parents
Le
voici arriv
l'arb,
il commence
y
btir. Les lar-
mes -coulent de tous les
yeux, je plains
le sort d'I-
cheraioun
(emplacement
de l'arsenal d'artillerie de Fort
National), qui
a t vendu.
Les Ait
Menguellat
sont des hommes
valeureux,
de-
puis longtemps
ils sont connus
pour
les ma!tres de la
guerre lorsqu'ils
donnent,
le combat devient
acharn
c'est Icherriden
qu'ils
en sont venus aux mains avec
le chrtien. Ce
jour
a t
pour
lui un
jour
de
dsastre,
ils l'ont
coup
en morceaux comme des branches d'ar-
bres
(nous
avions eu 44 hommes tus et 327 blesss.
Les Ait
Mellikeuch,
en
arrivant,
-fondirent sur l'en-
nemi comme des faucons. Chacun
d'eux,
de
quelque
ct
qu'il pousse
le cri de
guerre
est arm d'un sabre.
et d'un
yatagan
ils ont satit
gorg
des chr-
tiens
gloire
ces enfants de bravea.
Voici le chrtien
qui
descend choz
les.Ait-Ferah; il
LETTRES
483
s'avance en
colonnes,
il
marche avec
pompe
et
gai'
ment. Si
Mohammed-er'ir
n'est
dj plus qu'une
ruine,
l'ennemi a dvast ses
pommiers
et ses
beaux jardins.
C'est l
qu'il
et fallu
combattre c'est l
que
le
sang
aurait d couler? Cette
gnration,
par Dieu,
est
per-
vertie 1 Nous nous
associons la
religion
des
chrtiens,
que puis-je
y faire,
mon
me ? L'Istam refuse de faire
la
guerre
sainte ?
Prenez
garde,
hommes
trompeurs,
dans l'autre
vie,
it faudra rendre sas
comptes.
Le
chrtien nous a
pils
comme des
glands,
tous les
pauvres
ont t vendus.
Chacun s'est vu entirement
dpouill que d'argent
il
a
emport
A chacun il a serr la
gorge,
il les a
jugu-
ls tous comme des chevreaux.
Malheureux At-Yenni
gens
la
poudre meurtrire,
le marchal et ses officiers sont entrs chez eux comme
dans un
troupeau
de
brebis. Leurs maisons tombent
en
poussire, je pleure
sur leurs
difices,
ces belles bou-
tiques, pareilles
celles des
Algriens.
La
mosque
de Taourirt est
tombe,
elle
qu'avaient
btie les
Turcs,
elle
l'emportait
sur toutes en beaut et
en hauteur ils
en oat fait un monceau de
pierres
1
Prends le
deuil,
&
ma
tte,
ils ont dtruit les tombeaux
des saints.
Le chrtien a
pris
le chemin du
Djemat,
il se
rpand
partout
en colonnes. A son
approche,
la
poudre
reste
muette. Infortuns Zouaoua) L'honneur
kabyle
est
mort,
ils ont laiss le fer
s'chapper
de leurs mains.
Voici le chrtien
qui
franchit le col avec son infan-
terie et ses
goums;
il nous a vaincus
par
la
ruse,
il
nous a vaincus
par
ses munitions
nombreuses,
et Fatma
de
Soummeur est sa
prisonnire.
0 mes
yeux, pleurez
des larmes de
sang.
Nous sommes dans la douleur
jusqu'au
cou. Les
hommes de cur sont
anantis
ce
qui
reste n'est
qu'un
troupeau
de
brebis,
et
ceux-l,
des femmes valent
mieux
qu'eux
Ils ont livr Fatma au chrtien t mes
yeux, pleurez
des larmes de
sang
1
Le vestibule o elle se tenait
d'habitude,
n'a
plus
qu' prendre
le deuil.
Quand
son aeul tait
puissant,
LA KABYLIE 484
les visiteurs affluaient de toutes
parts
chez eux sans
cesse les brebis taient
gorges;
ils taient de
tont
temps
les matres de
l'hospitalit.
0
souverain,
mon
Mattre,
toi
qui
as cr les
cieux,
je t'implore
au nom du
Djilali,
au nom de ceux
pour
qui
tu as fait descendre le Coran du
ciel,
pardonne
nous tous
ensemble,
moi et tout ce
qui
est ici
pr'
sent.
Comp~a!K~
de
D<!Am<Mt-<Kt-~fe~.
Complainte
de
DaAMt<Mt-<Mt-jfcc<W f&KeCttMOMde celui-ci
coH<<NMKe
par
un conseil de
guerre pour
avoir <att<edassassi-
K<r le /MM<etMttt<
Gracter,
adjoint
<rM ~t)'MM orate de
Sti f.
Pour rendre cette
complainte plus
touchante,
le
pote
a
fait
assister cet ea;~CM(ton la m~'e
condamn,
cette version
est
fausse,
mais
m'aMtt-eKep<M
sa raison
<fc~poMt'cK/~am-
mer contre nous
<'Mptt<
des
Kabyles"
Cette
compJ ottMte
est
chante
par les femmes
<~ fOMed
S<tAef, /or~M'e~M
t<~
oc-
cupes
tourner le moulin
bras.
Le
chrtien,
quand
il se
pique d'honneur,
le
long
de
l'eau,
le
long
de
l'eau,
le voici
qu:
marche aux insou-
mis
il a tu
Dahman,
Dahman aux
yeux
de
faucon
quand
il cne. 0 ma
mre,
toi
que je
chris.
Le
chrtien,
quand
il
prend,
les
armes,
le
long
de
l'eau,
le
long de l'eau,
il
dispose
ses
canons
il a tu
Dahman,
Dahman aux
yeux
de faucon
qui
fond sur sa
proie.
0 ma mre toi
que je
chris.
L'eau de la fontaine est
frache,
le chrtien en a bu
en
paix.
0 douleur t Dahmao est mort dans la soire.
0 ma
mre,
toi
que je
chris.
L'eau de la fontaine est
glace,
le chrtien en a bu
debout,
Dahman est mort 1 J e
plains
ton
sort,
6 beau
jeune
homme la taille lance. 0 ma
mre,
toi
que
je
chris.
L'eau de la
fontaine est
chande,
le chrtien en a
bn
en
scurit. 0 douleur Dahman a servi de cible. 0 ma
mre,
toi
que je
chris 1
LETTRES
485
Dahman
pleure
dans la
Djemat
6
Imoula,
je croyais
que
ce
que j'ai
fait tait bien. 0 douleur malheur moi 1
J e n'ai
pas
de
soutiens. 0 ma
mre,
toi
que je
chris.
Dahman
pleure
dans le vestibule
Sauve-moi,
Sidi
Cbrif)
1 Non, je
ne te sauverai
pas,
tu as bless le
capitaine
de Stif. 0 ma
mre,
toi
que je
chris.
Dahman
pleure
su r le seuil
Sauve-moi, dame aux v-
tements clatants Non
je
ne te sauverai
pas,
tu as bless
le
capitaine
au
pied.
0 ma
mre,
toi
que je
chris.
Dahman
pleure
dans la maison
Sauve-moi,
Lalla
Zahra
1 Non, je
ne te sauverai
pas,
tu as
aujourd'hui
bless le
capitaine.
0 ma
mre,
toi
que je
chris.
Dahman
pleure
dans la chambre
Sauve-moi,
Lall
Taous 1
Non, je
ne te sauverai
pas,
tu as bless le
capi-
taine l'os. 0 ma
mre,
toi
que je
chris.
Dahman
pleure
sur la thakenna
(plancher
au-dessus
de
l'curie) Sauve moi,
o Lalla Dhrifa Non
je
ne te
sauverai
pas,
tu as bless le
capitaine aujourd'hui.
0 ma
mre,
toi
que je
chris.
Le chrtien
opprime,
il a emmen l'enfant de
Djetit,
it t'a conduit
Bougie,
it t'a donn en
spectacle,
il t'a
fait servir de
cible,
le
malheureux,
sous J es
yeux
de sa
mre. 0 ma
mre.
toi
que je
chris.
Le chrtien
opprime,
il a emmen l'enfant
marabout;
il t'a conduit
Bougie
il a inscrit son nom sur ses
livres,
il l'a fait servir de
cible,
le
malheureux,
l'ar-
rive de sa mre. 0 ma
mre,
toi
que
je
chris.
Le chrtien
opprime,
il a emmen 1enfant
d'Imoula;
il l'a conduit
Bougie,
il a inscrit son nom sur ses
papiers,
il t'a fait servir de
cible,
le
malheureux,
en
prsence
de sa mre. 0 ma mre,
toi
que je
chris.
Le chrtien
opprime,
il a emmen cet enfant excel-
lent
il l'a conduit
Bougie,
les chrtiennes en sont
merveilles. Par
Dieu,
6
Musulmans,
vous avez tous
rpudi
l'honneur
Kabyle.
0 ma
mre,
toi
que je
chris.
Nous devions mettre ici les chants de i87i et des chants
plus
rcents encore mais leur
importance
et
l'intrt,
qui s'y
ratta-
che,
nous ont
engag
les rserver
pour
les soumettre au
pubjic
dans une
prochamo
publication.
LA KABYLIE 486
Il. CHANTS SUR DES
CONTES, SENTENCES, MAXIMES,
ETC.
Nous avons
dj
cit
plus
haut,
dans le livre
prcdent,
un chant sur le
mensonge
intitul le
chacal
les
posies
de
cette espce
sont fort nombreuses en
Kabylie.
Nous
allons ici en citer
quelques-unes,
ainsi
que
certaines
maximes et certains
proverbes
fort en
honneur. De
mme,
nous trouverons dans
quelques chansons, que
nous
placerons
dans cette
catgorie,
les
reproches
amers-
du
pote
envers celui
qui
n'a
pas
su lui offrir un bon
couscous;
et sa mauvaise humeur va tellement
loin,
que
nous serons
obligs
de ne
point
le suivre dans tes dtails
inconvenants o il a l'air de se
complaire pour
exhaler
sa haine. Puis nous terminerons
par
des chansons de
femmes et sur les femmes.
Le
joueur
de
/?!~e.
Un
domestique gardait
les brebis
de son matre. Arriv aux
champs,
il
jouait
de la
Qute,
les brebis tendaient l'oreille et ne
broutaient pus.
Un
jour
le matre
apprit que
ses brebis ne broutaient
pas,
il suivit son
domestique
la
campagne
et se cacha dans
les broussailles. Le
berger
tira sa flte et se mit &
jouer
son matre
commena
danser,
si bien
que
les
broussailles le mirent en
sang,
TI revint sa maison
a
qui
fa
gratign
ainsi ? c lui demandrent ses femmes.
o Le
domestique a jou
de la
flte,
rpondit il,
et
je
me suis mis danser. D a
C'est un
mensonge,
s'-
crirent
celles-ci,
on ne danse
pas malgr
soi. a
<Eh 1
bien,
reprit
le
mari,
liez-moi ce
poteau,
et faites
jouer
le
domestique.
Elles lirent leur mari un
poteau,
et le
domestique prit
sa Qte notre homme
commena
danser,
il donna de la tte contre un clou
fix au
poteau
et mourut. Le fUs du mort dit
au
domestique
e Paie-moi la
perte
de mon
pre.
tl&
allrent devant la
justice.
Chemin
faisant,
ils ren-
contrrent un laboureur
qui
leur demanda o ils
allaient.
Devant la
justice.
<
Pourriez-vous me
dire
pourquoi?
Cet homme tu mon
pre.
rpondit
le fils du dfunt. < Ce n'est
pas
moi
qui
ai
LETTRES 487
tu, rpartit
le
berger, j'ai jou
de ia
Bute,
il a dans
et il est mort. D
C'est un
mensonge,
s'cria !e
laboureur,
moi
je
ne danserais
pas
contre
mon gr
prends
ta
flte,
nous verrons si
je
danserai.
Le
berger
prit
sa flte. H
commena jouer
et le laboureur se
mit
danser
si
bien,
que
ses
bufs,
abandonns eux-
mmes,
roulrent dans le ravin.
<
Paie-moi mes
bufs,
cria-t-il au
berger.
Viens devant la
justice ,
rpondit
celui-ci. Ils se
prsentrent
devant le cadi
qui
les
reut
au
premier tage
de sa maison. On s'assit et
les deux
plaignants exposrent
leurs
griefs.
Alors le
cadi dit
au
domestique
Prends ta
flte,
et
joue
devant
moi,
je
verrai comment tu
joues.
Le domesti-
que prit
sa
flte,
il en
joua,
et tous
de danser. Le cadi
dansa aussi et tomba comme tes
autres,
au rez de
chausse;
tous se turent. Le
domestique
resta dans la
maison du cadi et hrita des biens de chacun.
(Traduction
de M. Rivire. CoM~M
po~M~nrM
de la
J Ta~).
Le
juif infidle.
Un homme allait en
voyage.
Au
moment du
dpart,
il
dposa
chez un
juif,
son
ami,
une
jarre remplie
d'~or
il recouvrit l'or d'une couche de
beurre et dit au
juif
< J e te confie cette
jarre
de
beurre,
je
vais en
voyage,
A son
retour,
il courut chez son
ami < Donne-moi la
jarre queje
t'avais
laisse,
lui
demanda-t-il. Le
juif
la lui remit. Mais le
pauvre
voyageur n'y
trouva
que
du
beurre,
le
juif
avait enlev
For.
Cependant
il ne
parla
personne
du malheur
qui
lui
arrivait;
mais son
visage porta
bientt les traces
d'une secrte
tristesse,
son frre s'en
aperut
et lui dit
<
Qu'as-tu
donc? J 'avais conS un
juif
une
jarre remplie
d'or, rpondit-il,
il ne m'a rendu
que
du
beurre
je
ne sais comment faire
pour
recouvrer mon
bien. Son frre
reprit
< La chose est facile,
prpare
un festin
et invites-y
le
juif
ton ami. Le
lendemain,
le
voyageur prpara
un festin et
y
invita
le juif.
Pendant
ce
temps,
le frre du
voyageur
courut sur la
montagne
LA KABYLIE 488
voisine o il
s'empara
d'un
singe;
durant la nuit il
entra dans la maison du
juif
o il trouva un enfant au
berceau,
il enleva l'enfant du berceau et
y
dposa
te
singe.
Quand
le
jour
fut
venu,
la mre
aperut
le
singe
attach dans le berceau.
Elle
appela
son mari
grands
cris et lui dit
Vois
comment Dieu nous a
punis pour avoir
vot l'or de ton
ami,
notre enfant est
chang
en
singe.
Rendons le bien
vot. Ils firent aussitt
appeler
le
voyageur
et lui
rendirent son or. La nuit
suivante,
l'enfant fut
rapport
au
berceau,
et le
singe reut
la libert.
(Mme
traduction
que pour
le
prcdent conte).
Ali et Ou Ali. Ali et Ou Ali taient deux amis. Un
jour
ils se rencontrrent au march. L'un
portait
de la
cendre,
l'autre des crottes de mulet. Le
premier
avait re-
couvert sa marchandise avec un
peu
de
farine,
l'autre
avait cach la sienne sous des
figues
noires.
<
Viens, je
te
vendrai de la farine dit Ali.
Viens, je
te vendrai
ds
figues
noires
t,
rpondit
Ou Ali. Chacun
regagna
sa
maison
Ali
qui croyait apporter
de la
farine, trouva,
en vidant son
sac,
que
c'tait de la
cendre
Ou
Ali, qui
croyait porter
des
figues noires, trouva,
en vidant son
sac, que
c'taient des crottes de mulet. Un autre
jour,
ils s'accostrent de nouveau au march. Ali
sourit,
Ou
Ali sourit et dit son ami
<
Pour l'amour de
Dieu,
quel
est ton nom ?
.< <
Ali,
et le tien ?
o Ou Ali <
Une autre fois ils cheminaient ensemble et se dirent:
t allons voler. L'un vola un
mulet,
l'autre un
tapis.
Ils
passrent
la nuit dans la fort.
Or,
comme la
neige
tombait,
Ali dit Ou Ali
<
Cde-moi un bout de ton
tapis pour
me couvrir.
Ou Ali refusa
t
Tu te sou-
viens, ajouta-t-il, je
t'ai demand de mettre mon
tapis
sur ton mulet et tu n'as
pas
voulu. Un instant
aprs,
Ali
coupa
un morceau du
tapis,
car it mourait de
froid
Ou Ali se leva et
coupa
les babines du mulet.
Le
lendemain
matin,
leur
rveit,
Ou Ali dit Ali <0 mon
cher,
ton mulet
sourit.
o 0 mon
cher,
rpliqua
Ali,
LETTRES
489
les rats ont
rong
ton
tapis.
Et ils se
sparrent.
Quelque temps aprs,
ils se rencontrrent de nouveau.
Ali dit Ou Ali Allons voler. lis virent un
paysan
qui
labourait. L'un d'eux ~e rendit au ruisseau voisin
pour y
laver son
burnous,
il le trouva sec. Il
disposa
la lame de son sabre de manire lui faire rflchir les
rayons
du
soleil,
et
commena
battre son burnous
avec ses mains. Le laboureur vint au ruisseau et trouva
notre homme
qui
lavait sans eau
que
Dieu t'exter-
mine,
lui
dit-il,
toi
qui
laves sans eau.
<
Que
Dieu
t'extermine, rpondit
le
laveur,
toi
qui
laboures
avec un seul boeuf. L'autre voleur
guettait
le laboureur
et lui avait
dj
entev un buf. Le laboureur
regagna
sa charrue et dit au laveur. c Garde-moi ce
buf,
tandis
que j'irai
la recherche de l'autre. Ds
qu'il
fut hors de
vue,
le voleur emmena le buf. Le labou-
reur revint
et,
saisissant
l'aiguillon par
un -bout, il en
donna un
grand coup
sur le bras de la charrue en
s'criant < Brise-toi
maintenant, peu importe.
Les
voleurs se rencontrrent dans un bois et
gorgrent les
bufs. Le set venant
manquer,
ils allrent en acheter.
tts salrent leur
viande,
la
firent
rtir et en
mangrent.
Ali dcouvrit une source. Ou Ali ne
pouvant
trouver de
l'eau
mourait de soif
Montre-moi ton
eau,
dit-il
Ali,
je
boirai
Mange
du
se!,
mon
cher,
rpondit
Ali.
Que
faire ?
Quelques jours aprs
Ou Ali
dposa
de
la cendre sur les souliers d'Ati. Le lendemain il suivit
les traces de la
cendre,
il arriva la source et dcouvrit
ainsi t'eau
que
buvait son ami. Il
prit
la
peau
de l'un
des bufs et
l'apporta
la fontame. t
planta
deux
btons au-dessus de
Feau,
dressa ta
peau
sur les btons
et
disposa
les cornes du buf en face du chemin.
Durant la
nuit,
son ami se
dirigea
vers la
source
la vue de la
peau,
ainsi
tendue~
la
peur
le saisit et il
s'enfuit.
J 'ai:soif,dit
Ali.
t Mange
du
sel,
mon
cher, repondit
Ou
Ali,
le sel te la soif
Ou Ali se
retira,
et
aprs
avoir
mang,
courut exa-
miner la
peau qu'il
avait tendue. Ali
mangeait
du sel
et
mourait
de soif.
Pour l'amour de
Dieu,
dit-il
enfin,
LA KABYLIE 490
montre-moi o tu bois.' Ou Ali tait
veng, a Viens.Sgure
de
J uif, je
te montrerai de l'eau. H te fit boire la
source et lui dit Voil ce dont tu avais
peur.
La
viande tant
acheve,
ils
partirent.
Ou Ali alla chez Ali
et lui dit
Viens,
nous te marierons avec la ~te d'une
vieille femme.
< Or,
la vieille avait un
troupeau
de
boeufs. Elle dit Ali Mne ce
troupeau
aux
champs
et monte sur une des btes. Ali monta sur un des
bufs,
il tomba a
terre,
les bufs se mirent .courir et
le
pitinrent.
Ou
Ali,
qui
tait rest a la
maison,
dit
la vieille < 0 ma
vieille,
donne-moi ta fille en ma-
riage.
Cette-ci
appela
sa fille 1 a Prends un
gourdin,
lui dit-elle,
nous tut en donnerons
jusqu' coquet
crie
merci . La fille
apporta
un
gourdin
et administra
Ou Ali une rnde bastonnade.
Ali, qui gardait
le trou-
peau,
revint la tombe de la nuit et rencontra son
ami. < La vieille a-t-elle
accept ?
H
lui demanda-t-il.
<
Elle a
accept, repondit
Ou
Ali;
et le
troupeau
est-il
facile
garder
a
Du matin au
soir, je
n'ai eu
qu'&
me
reposer prends
ma
place
demain,
tu monteras sut
l'un des bufs . Le
lendemain,
Ou Ali dit la
vieille.
Aujourd'hui
ce sera moi
qui
mnerai le
troupeau.
Et en
partant,
il recommanda Ali de demander la
vieille la main de sa fille.
C'est
bien,
rpondit
Ali
Ou Ali arriva aux
champs,
un des bufs le saisit avec
ses cornes,
et le
tana
en
l'air
tous les autres firent
de
mme
il
regagna
la maison moiti mort.
Ali,
qui
tait rest la
maison,
demanda la vieille la main de
sa fille
Tu me la demandes encore ? fit-elle.
Elle
apporta
son
gourdin
et lui en donna
jusqu'
ce
qu'il
en eut assez. Ou AU dit -Ali
Tu m'as
jou un
tour . Ali lui
rpondit ?
Sans
doute,
elles m'ont
donn tellement du
bton,
que je
n'ai
pas
entendu le dernier
coup
-<
C'est
bien,
mon
cher,
Ali ne doit rien Ou Ati e Us
partirent.
Lavieille
femme
possdait
un
trsor,
Ou Ali dit donc Ali
J e le mettrai dans un
panier,
car tu sais
que
nous avons un trsor dans un trou
Ils reviennent chez la
vieille.
Ali
descend dans te
trou, prend le
tfsoretleme~dtmsie
ptuner.
Oe Ali
LETTRES 491
tire le
panier, l'emporte,
abandonne son ami devenu
prisonnier
et court cacher le trsor dans la fort. Ali
tait, dans
l'embarras,
car il ne savait comment sortir.
Que
faire ? il
grimpa
le
long
des
parois
du trou.
Quand
il se trouva dans la
maison,
il en ouvrit la
porte
et s'en-
fuit. Arriv au bord de la
fort,
il se mit . bler. Ou
Ali, croyant
trouver une
brebis,
accourut. C'tait son
ami,
Oh,
mon
cher,
s'cria Ali
je
t'ai enfin trouv 1
Dieu soit
bni maintenant, portons
notre trsor
Ils se mirent en marche. Ou
Ali,
qui
avait une
sur,
dit a
Ali
Allons chez ma sur.
Ils
y
arrivrent
la
tombe de la nuit. Celle-ci le
reut
avec
joie.
Son
frre lui dit <
Prpare-nous
des
crpes.
Elle
prpara
des
crpes
et des
ufs,
et leur servait
n
0 ma
sur,
s'cria Ou
Ali,
mon ami n'aime
pas
les
ufs;
apporte-nous
de
t'eau. ) Elle alla chercher de
l'eau. Ds
qu'elle
fut
sortie,
Ali
prit
un uf et le mit
dans sa bouche.
Quand
la femme
rentra,
il faisait des
tels efforts
pour
le rendre
qu'il
en tait tout essouff.
Le
repas
tait termin et Ali n'avait encore rien
mang, Ou
Ali dit sa
sur
c 0 ma
sur,
mon ami
se trouve
mai, apporte-moi
une broche .
Elle lui
apporta
une broche
qu'il
mit au
feu
quand
la broche fut devenue
rouge,
Ou Ali la saisit et
t'appli-
qua sur
la
joue
d'Ati. Celui-ci
poussa
un cri et
rejetta
'uf,
<
Vraiment,
dit la
femme,
tu n'aimes
pas
les
ufs Les deux amis
partirent
et arrivrent dans un
village.
Allons chez ma
soeur,
dit-AIi son ami.
Elle les
reut
bras ouverts. Ali lui
dit;
0 ma
sur,
prpare-nous
du
gros
couscous
Bs se mirent table la tombe de la nuit et celle-ci
leur servit
manger
0 ma.
sur,
s'cria
Ali,
mon
ami Ou AU n'aime
pas
le
gros
couscous Ali
mangea
seul.
Quand
it
fut rassasi,
les deux
amispartirent
sans
oublier le trsor. Chemin
faisant,
Ali dit Ou Ali r
donne-le moi
aujourd'hui,
je
le
dposerai
m&
femme .
'Enterre-moi,
lui
dit-il,
si OuAli
vient,dis-
lui
que
son ami est
mort, reois-le
en
pleurant.
J Ou
Ali
arriva,
et demanda la femme en
pleurs
de voir la
LA EABHJ E 492
tombeau de son ami dfunt. Il
prit
une corne de bufs
et se
mit,
creuser la
terre,
qui
recouvrait le
corps.
Arrire, arrire,
s'criate
prtendu
mort.
Lve-toi
donc, menteur,
rpondit
Ou Ali. Ils sortirent ensem-
ble.
Donne-moi le
trsor,
demanda Ou
Ali,
aujour-
d'hui je
le
porterai
ma maison . Il le
porta
sa mai-
son et dit sa femme Prends ce
trsor,
je
vais m'-
tendre comme si
j'tais
mort.
Quand
Ali
arrivera,
re-
ois-le
en
pleurant
et dis-lui
que
son ami est
mort,
il
est tendu dans la chambre coucher. Ali vint et r-
pondit
la femme
Prpare-moi
de l'eau
bouillante,
car ton mari m'a
recommand de le laver
quand
il serait mort
Quand
l'eau fut
prte,
la femme
l'apporta.
Ali saisit la mar-
mite et
la versa sur te ventred'Ou Ali
qui
se leva d'un
bond.
Il en fut
quitte pour
avoir le ventre brute. Les
~deux
amis se
partagrent
le trsor et Ali revint sa
maison.
(Traduction Rivire).
Les
<~MT/r<'rM.
Un voleur avait deux enfants.
Quand
il fut
mort,
ceux-ci se mirent travailler la
terre et ne
gagnrent rien
ils
essayrent
l'tat de
plu'fumeurs, i!s essayrent
tous les mtiers et ne
gagnrent
rien. Un
jour
ils dirent leur mre
que
faisait notre
pre ?
0 mes
enfants, rpondit-eUe,
votre
pre
travaillait la terre et vendait des
parfums.
a
Non,
reprirent
les
enfants,
ce n'tait
pas
l son
mtier)).
Us
ouvrirent le coffre aux
provisions, y prirent
des
pinces de
voleur
et dirent leur mre o demeure le
~~ompagn&n
de notre
pre
Il est un tel endroit
~pjdndttJ a,mre.
Les enfants se rendirent
chez
lui.
< O demeure un tel demandrent-Hs au
premier
cassant.
<t
Soyez.
les
bienvenus,
enfants, rpondit
l'in-
~Ohnu,
je
suis celui
que
vous cherchez,
Que
'Dieu .te
protge~ reprirent
les deux
frres,
puisque
tu
iais le
compagnon
de
notre pre
nous venons
appren-
dre de toi Fart de voler.
<
Votre
pre
est
mort,
rpondit celui-ci,
maintenant
qu'il
n'est
plus
de ce
LETTRES
493
M
monde, j'abandonne
)e mtier. t Allons
toujours
dirent les enfants
a
a Eh
bien,
allons. a
Ils
partirent
tous les trois. Arrivs
prs
d'un
chne,
ils
y aperurent
un nid
d'pervier
l'homme
grimpa
sur
l'arbre,
il
saisit
l'pervier
endormi et le
dposa
dans son
capuchon
sans le rveiller. L'an des enfants monta derrire lui
et
prit
l'oiseau du
capuchon
de son frre sans le
rveiller. En arrivant terre chacun
regarda
son
capuchon.
Point
d'pervier l'enfant
t'avait
dpos
sur ses
petits
sans le rveiller. Ils se remirent en route.
Ne trouvant rien
voler,
ils cernrent une maison
la
fin,
ils en escaladrent les murs et
grimprent
sur le
toit. Ils
y pratiqurent
une
ouverture;
l'un deux
descendit
dans la maison
qu'il
dvalisa et ils revinrent
chez eux Peu de
temps aprs,
leur
compagnon
mourut.
Or,
la maison
qu'ils
avaient
pille appartenait
au roi.
Celui-ci alla chez un vieillard et lui
dit
vieillard,
on
m'a
vol,
mais
je
ne vois
pas par
o,
Le vieillard lui
rpondit
<
Porte des
fagots
dans la
maison,
mets-y
le
feu,
tu trouveras le
passage
des
voleurs
par
o
schappera
la fume. aJ t revint chez le
vieillard et lui-dit < 0 vieillard
j'aj remarqu par
o
s'chappait
la fume.
Va,
rpondit
celui-ci,
place
un
pige.
La nuit
suivante,
les enfants
revinrent;
l'un d'eux entra
par
l'ouverture du
toit,
se
chargea
des
pices
d'or et de toute sorte de riches
objets.
Tout
coup
il se mit crier Tire-moi,
0
mon
frre,
tire-moi. L'enfant
tira,
rien ne vint. 0
mon
frre,
je
suis
pris.
<
Peu
importe que
tu me laisses ici.
Par mon
visage,
si tu
meurs,
moi aussi
je
mourai.
H
prit
un
couteau, s'approcha
de son
frre,
lui
coupa
la tte,
la
porta
sa maison dans un sac en
peau
et dit sa mre
<
Si tu veux
apprendre quelque
chose,
ne
pleure
pas
et
ne
meurs
pas.
Parte
rpondit-eie.
Le
lendemain,
le
roi
peine
lev,
courut au
pige
et
y
trouva un
corps
sans tte.
n alla chez le vieillard et lui dit: 0
vieillard,
celui
que
j'ai pris
n'a
point
de
tte.
D
Va, rpondit
l
vieillard,
plante
un clou dans son
cou,
un autre dans
pa
main
droite,
un autre dans sa main
gauche,
un autre
LA &ABYDE 494
dans son
pied droit,
un autre dans son
pied gauche
et
le matre du
corps
viendra le rclamer,
x Le jeune
homme dit sa mre.
0 ma
mre,
si tu veux enlever le
corps
de mon
frre,
prends
une cruche d'huile Sur ta
tte,
tu feindras de
l'avoir laisse tomber dans la
rue,
et tu t'crieras en
gmissant
0 mes chers
orphelins, que mangerez-vous ?
Ainsi fit la mre. Le roi la rencontra sur son
passage
t
Arrire, vilaine,luidit-il.))
(tHIas,seigneur,rpon-
dit
celle-ci,
cette cruche d'huile m'a
chapp,
et mes
enfants n'ont rien
manger,
a
< Va-t-en, reprit
]e
roi,
et it
remplit
l cruche de louis d'or. La mre courut
& sa
maison. Dans la
soire,
son fils se
prsenta
au
palais
du
foi,
et se mla au
corps
de
gardes.
< Comment
est fait
Azra~tn, l'ange
de ! mort ?
< demandrent
quelques soldats
il est habill de
blanc,
rpondirent
les
autres,
ses dents sont semblables celles d un
peigne,
son
visage
est noir comme la
suie,
il
po~e
en
main
un
groa
bton.
Sur ses
paroles, tejeu~e
homme
qui
tenait en main un
gourdin
se mit &
frapper
de cot et
d'autre,
et les
soldats
prirent
la fuit3. Il enleva le
corps
de son frre et le
porta
sa mre. Le lendemain
matin,
le roi visita la
prison
et dit aux
gardes
o est l'enfant
qui
tait ici hier? Les soldats
rpondirent: < Seigneur,
Azralfm est venu au milieu de nous et l'a enlev. Le
roi fit trancher la tte deux cents d'entre eux. tt alia
consulter le vieillard et lui dit
Ils ont enlev mme
celui-l.
Il n'a
pas
~ini de te
maltraiter,
rpondit
!c vieillard
sme des tr<ui< d'Or devant ton
palais
et
place
des sentinelles
peur
les
g&rder;
celui
qui viendra
enlever
l'argent,
c'est le
coupable en peMONne.
Le roi
tKtivit ce
cOhMil. Le
jeune
homme alta louer des
chameaux,
il enduisit leurs
pattea
de
glu
et les fit
paaser
devant !e
palais
en criant
Hao, nao,
hM
<f
Lea btes d8l6rentMU6 les
yeax
des
gardes
etohns et
enlevrent les
louis d'or. Le roi
vint,
iM lOttitt avaient
disparu,
j
n retourna chei! le vie!ltard et iui dit~
"Les louis d'or
qttej'avaitt
Mtn<
devacHopata~ct
disparu~
Prends une
gazelle,
rpondit
le
Tieittard,
1'?'<J J ..
MtTR~s
4M
pare-la
d'or et
d'argent,
et donne-lui la libert
d'entrer
o bon lui semblera.
Le r.oi revint au
palais,
il
para
une
gazelle,
d'or
et
d'argent,
et
la
laissa errer librement.
;n
La bte entra dans la
maison du voleur
qui
la
tua.
Le roi attendait le retour de la
gazelle,
elle ne
reparut
pas.
H dit aux habitants de la
ville
J 'enrichirai celui
qui
m'apportera
de la viande de
gazelle,
si Dieu lui est
favorable .
Une vieille femme
lui
Ht
rpondre
Ce
sera moi
qui
en
apporterai.
c Elle
se
mit courir de
maison en maison donnez-moi
un
peu
de viande
de
gazelle,
dit-elle, Les
gens
la
reoivent
volontiers
contre
la fivre. La mre du voleur
lui en donna un
morceau.
Le voleur la rencontra et lui demanda d'o
elle
venait
0
mon
ls,
rpondit-eDe, je porte
un
peu
de viande
de
gazelle que
les
gens
m'achtent volontiers contre ta
fivre,
n
Viens avec
moi;
lui
dit-i),
je
t'en donnerai
encore.
Arriv la
maison,
il tua la vieille. Le roi alla de
nouveau chez le vieillard et lui dit
J 'ai
envoy
une
gazelle,
on L'a
tue
j'ai
envoy
une vieille
femme,
on
l'a tue. Eh
bien,
rpondit
le
vieillard,
prpare
un
festin tous
les
habitants,
celui
qui
choisira les
mets sera le voleur en
personne.
Le roi mit des
soldats en
observation,
toute la ville
fut
invite,
on se
mit table.
t<e voleur choisit les mets
qui
l'attiraient
davantage.
Un des soldats
le
saisit
et lui
coupa
un ct de la
moustache. Le voleur en se
levant,
voulut saisir le
soldat par
la
sienne,
il le trouva
ras;
il se retira
l'instant
et se rasa
entirement. Les
soldats
coururent
chez !e
roi et
lui dire Nous
avons
trouv celui
qui
t'a
ptH,
nous lui
avons rag
un
ct
de la moustache.
Le roi accourut et trouva tous les
invits entirement
raas.
Psesprant
de dcouvrir celui
qu'il cherchait,
il
fit
publier 14
dclaration suivante
< que
l'auteur du
fait en
question
60
prsente, je
lui donne ma fille
gratis.
J e lui cde
mon trne et
je
deviens son
premier
ministre. Le voleur se
prsenta
au
roi
et
lui
dit
e
Seigneur;
c'est moi
qui
ai fait
cela, cela,
cela.
(Mme traduction
que
pour
les
prcdents
contes).
LA KABYLE
M6
IH. MAXIMES ET SENTENCES.
Dans ces maximes et ces
sentences,
nous retrouvons
les
principaux prceptes
en honneur chez les
Kabyles
aussi
pourrons-nous
les numrer sous la
rubrique
des
vertus,
que
la
pote
a voulu clbrer.
(La
traduction
est celle de M.
Hanoteau).
Sur le <rapa<7 l'oisivet
Celui
qui
aime l'oisi-
vet n'a
pas d'intelligence
au
cur;
il est mal
inspir,
car les besoins de ce monde sont de
longue
dure
Celui
qui prend
des
greffes
sur un
laurier-rose,
ne
fait
rien
d'utile,
c'est
manquer
de bons sens i
Sur /'am! Celui
qui t'aime, aime-le
celui
qui
te
hait,
fuis-le
celui
que
tout le monde
dsigne
comme
mchant ne
peut
tre
utile
il ne faut
pas
le recher-
cher
<
La trahison vient des amis ou des
attis
l'ennemi
n'a aucun
moyen
de te nuire. Ainsi
s'exprime
K'ata:
comprends,
toi
qui
es de race
pure
D.
Et
toi, coute,
homme confiant Celui
qui
s fie
son ami est sa
victime
il dit. J e le trahis
parce qu'il
le mrite .
$M!' la cAa~f Le bien
que
nous faisons n'est
qu'un prt
celui
qui
sme dans une bonne terre re-
trouve ce
qu'il
a
sem
il lui en est tenu
compte
chez
les honntes
gens.
Celui
qui
rend un service et le
rappelle
sans
cesse,
tout le bien
qu'il
fait est non
avenu
c est le
jugement
qui
lui
manque
Sur la
rsignation:
Eh 1 Messieurs les
savants,
prenez
la
bonne
voie,
puisque
vous la
connaissez
lais-
sez-nous dans notre
simplicit.
Dieu fera ce
qui
lui
semble bon. C'est lui
qui
a cr les
corps;
it sait ce
qu'ils
renferment .
<Celui
qui
ne
peut lutter, qu'il patiente,
c'est le
mieux. L'homme sens veille sur
lui-mme t'imb-
cile attend
qu'il
soit couvert de honte
pour ouvrir tes
yeux
H.
Sur
~'or~Me!?
Homme
puissant,
abaisse
ton
a-
puchon.
Malheureux, marche avec
humitit~rappeite-?
toi
que
le mattre
souverain abaisse
t'orgueit*.
LETTRES
497
M.
~My<< ~<'M.E
e
Celui, qui
veut revenir
Dieu, prie.
0
toi, qui observes scrupuleusement
!'heure
des
prires,
souviens-toi
qu'une
bonne
fin,
voil le ca-
pital
t t
Sur la modration du
langage
< D'o vient la dis-
corde,
si ce n'est des on-dit ?
Celui
qui
les
colporte
ne
s'attire
que dsagrment.
Le
mal,
voil ce
qu'il pr-
pare
.
Sur les
qualits
acqurir et les <aM~
e!)~er.'
La meilleure
qualit
est la
politesse
la
gravit
ajoute
la
considration
la
lgret
est
insipide
ta
vanterie est un vain
orgueil .
~M<*
cM'cotMjMe~'oK
Ne cde
pas
la bienveil-
lance celui dont
laparole
n'est
pas sre, repousse-le
Sur fMMMM des hommes entre eux: Le ressort
ploie
par
la force celui
qui
n'a
pas
de soutien
manque
son
but
si on
l'attaque,
H est
perdu
.
Sur
rA<Mp!'<(~:<e
a L'homme
inhospitalier peut
possder
ce
qu'il
voudra,
ne lui demandez
pas qu'il
souhaite la bienvenue celui
qui
se
prsente
chez lui
IV. CHANT D'UN POTE SUR LES RECEPTIONS
QU'ON
LUI FAIT.
Le
pote
commence
Que
les bndictions sans
nombre soient
rpandues,
sur
toi,
Prophte
1 0 Ma-
tre
souverain, qui jamais
ne
dors,
au nom des hommes
de
l'assemble,
au nom du
Prophte
et de ses
amis,pr-
serve moi des
dangers que je puis
craindre,
tu
connais,
Dieu,
celui
qui
est dans la
peine
.
J e suis
pote,
un artisan
qui faonne
des
chants,
je
suis matre en cet
art,
vous ne trouverez rien de dfec-
tueux dans mes
vers,
chaque
chose
y
est sa
place
J .
La modestie n'est
peMt tre pas la qualit
dominante de ce
pote ? Aprs
ce
~M'Mtm&n~e,
il va nous
expliquer
comment et
pourquoi
il a t md accueilli
par
Mohand ou Mohand.
J e vais d'habitude dans les
villages
nobles o
je
mange
du merchouch au beurre.
Un
jour j'avais
commis
quelque
faute,
le Dieu
qui
LA KABYLIE 498
nous assiste l'a voulu
ainsi, j'aiai
Ir'il
Hammad,
la maison de Moband-ou Mohand.
J 'y
trouvai une
espce
de
perche Sad,je crois,
est
son nom ses
jambes
taient brtes et couvertes de
rougeurs
la morve lui tombait dans la bouche.
Acba
(sa
femme) parlait
comme un
moulin
elle
nous en a donn celle-la avec sa
langue
eUe n'avait ni
crainte ni
vergogne,
c'est,
je pense,une
ancienne femme
de mauvaise vie. Elle ta sa
ceinture,
puis
ses
agrafes.
Son ventre tait
gonfl
comme un soufflet de
forge.
Quand
sa femme
poussait
des cris faire crouier ]a
montagne, quand
elle nous
injuriait,
il n'eut aucune
honte,
il ne fit rien
pour
l'en
empcher
c'est un
juif
et
non un musulman.
Ne
m'interrogez pas
sur les
femmes,
elles n'ont
que
de mauvais haillons et ressemblent aux chvres des Ait
Edrif;
elles sont crottes comme des bestiaux rassa-
sis de feuilles en automne.
Si elles vous
prparent
le
kouskous,
couvertes de
bave et de
morve,
vous diriez
qu'elles
ont
balay
la suie
du
plafond
celui
qui
en
mange
est
pris
de malaise et
de vomissements
plus
forts
qu'une
rivire
On le
voit,
il est
fort dangereux
de ne
point prparer
un
~MM
couscous
pour
ce
pcr<onHa~e
la
rputation
e/<
MM~re
cruellement.
iMat
que
de
~OMOM~M
adresses
ceux,
qui
MtfMJ '
aviss,
offre
une
hospitalit coH/brt<t&/<'
Peut-tre
Dieu,
m'tant
propice,
m'et donn en
partage
les Ait
Brahim,
de noble maison.
Leurs femmes
portent d'lgants Kholkhal,
qui
but-
lent aux
pieds
comme des
lanternes
leur ceinture bien
ajuste
ne
penche
d'aucun
ct,
leur
peau
est blanche
comme la
neige qui voltige,
leurs dents sont
ranges
dans la bouche comme des
pices
de
monnaie,
elles se
parent
de vtements aux couleurs
voyantes.
Si elles vous
prparent
le
Kouskous,
il est
propre
et
d'un blanc sans
mtango quand
ces nobles femmes
commencent
parler,
c'est le musc frais et choisi
LETTRES 499
Puis
pour
ter~tM)' son
chant, le pote qui,
dcidment
p(!)'s:<
aimer
beaucoup
les bonnes
choses,
se souhaite les
fli-
cits ternelles.
J e t'en
prie,
matre de la
perfection,
Dieu de dou-
ceur,
matre de toutes
choses, que
moi et tous les as-
sistants
runis,
nous habitions les
palais
du Paradis .
V. CHANT DES FEMMES
~HanO~MM cite cette chanson
qui,
dit-il,
est une de
celles
que
cAaK<e/i< les
femmes
en tissant la laine ou <o;
nant le moulin bras. Elle est ~'<BM!))'eexclusive des
femmes,
comme
toutes les chansons ~t
m~ne~MM'e,
et t<~'<n(
fort ~t/
/c:7e
d'en trouver
<'aM<eMr
chaque femme qui
se sent
i!M~
re
ajoute
son
couplet et expose
ses
~r!~
t J e commencerai mes chansons en
invoquant
]e nom
de Dieu toi
qui
as
l'esprit
veill,
coute moi 1 0 ma
tendre mre Htas
j'ai pous
un homme sans viri-
lit
sa
figure
est comme le coucher du
soleil, quand
vient l'heure du
souper.
0 ma tendre mre ) Htas )
j'ai pous
un
fumeur;
lorsqu'il
rentre la
maison,
il
n'apporte que
sa
blague
et sa
pipe
s'il est
surpris par
la
pluie,
il exhale l'odeur
du raton.
0 ma tendre mre ) hlas )
1 j'ai pous
un hibou sa
figure
est celle d'un
coq qui
monte son
perchoir.
0
seigneur
Dieu 1fais-moi bien vite
porter
son deuil.
0 ma tendre mre 1 tu as fait ce
qu'
voulu la tortue.
Il
n'y
avait donc
pas pour
toi d'autres hommes 1 Tu
m'as donne un
chaudron.Quel
effroi me
saisit,quand
il se trane vers mon
tapis.
0 ma tendre mre hlas t
j'ai pous
Rabah.
Le
jour,il
abaisse son
capuchon;
la
nuit,il
teint la
lampe
je
lui sacrifie encore cette
anne,
l'an
prochain
viendra
le tour de la fuite.
0 ma tendre mre 1 on a
dispos
de moi mon insu 1
Ils ont rcit le
fath'a,
et moi
je regardais.
C'est
une
bcasse
que j'ai pouse
demain, je
m'enfuirai.
0 ma tendre mre ) on m'a donne un bouvillon
LA KABYLIE
soo
non
dress
il a des
pattes
de
chat,
il
passe
la nuit sur
le
foyer.
J e m'enfuirai de
hezlui, je prendrai un jeune
homme aux beaux
yeux.
0 ma tendre mre hlas
1 je
suis marie chez les Ait
Assi 1 On m'a donn un bouvillon rtif son
front ja-
mais ne se
dride,
la faim a
pris
chez lui domicile
ja-
mais nous n'avons
apprt
un
souper.
0 ma tendre mre t hlas t
j'ai pous
un
clopp
indigent.
Les
puces
et les
poux
courent sur sa
per-
sonne ses dents sont
tombes
prs
du
foyer
mme,
il
n'y
voit
plus.
0 ma tendre mre 1htas )
j'ai pous
un
teigneux
1
Quand
nous nous
approchons
du
souper,
il laisse voir
sa nudit. J e
prie
Dieu
que
sa mre
pleure
bientt sa
mort .
V. CHANTS SUR LES FEMMES.
Le cAaK<eMf exalte les
~!<a/t<~
de la
femme qui
estime son
MM~'
il M'a
pas
assez
<f<M;Mre pour celle ~Mt
aM coH<ra:'re ne
se trouve
pas
heureuse
en mnage.
Voici une
partie
d'MH chant de ce
genre:
Salut toi,
aune t
mon mari est un homme d'honneur,
il ne fait
que
de belles
actions;
le deuil est dans l'assem-
ble o il n'assiste
pas.
Dieu me fasse mourir avant lui 1
peut-tre,
en lui
survivant,
serais-je opprime.
Dieu te
conserve,
femme aux vtements
gracieux
i
taille de
palmier
d'Hanif,
or
prcieux
et recherch 1
Salut,
o
pomme
de
pin )
ce muri
que j'ai
ne me
p!att
pas,
Dieu fasse
qu'il
me
rpudie aujourd'hui
t
Dieu
t'afflige,
femme aux
grosses
lvres 1 Ton mari
est renomm
pour
sa
bravoure,
it
prendra
une
jeune
fille au col
gracieux
et te mettra de cot comme la
meunire du moulin des ait Chibba.
Dans un autre
genre,
le
pote
clbre la beaut
<~M
femmes.
Il
<M/)!)'a
ae lire les
ttropAM ~tttM!M<e<,
<roMt)~et
LETTRES 501
dans des chants
Kom&reM.r, pour
se rendre
compte
de cette
posie.
0
Seigneur
Dieu,
qui
fais mrir les fruits
d'automne,
donne-moi
Tasadit,
aux vtements
gracieux.
0
Seigneur Dieu, qui
as cr les
grenades,
donne-
moi Fatima aux noirs sourcils.
0
Seigneur Dieu,
qui
as cr les
pommes, inspire
a
Yamina de me dire Viens
o,
0
Seigneur Dieu, qui
as cr les
poires,
donne-moi El
Yasmin,
aux sourcils
arqus.
0
Seigneur Dieu,
qui
as cr les
coings,
donne-moi
Dehabia. Puisse-t-elle devenir veuve t
0
Seigneur
Dieu,
qui
as cr les
figues-fleurs,
donne-
moi
Ani, prisse
le vieux.
0 Seigneur Dieu,
qui
as fait les
parts ingales,
tu as
donn aux
uns, les
autres sont
jaloux.
0
Seigneur Dieu,
qui
nous devons les
crpes,
donne-
nous
Adidi~loigne
de nous Azral
(l'ange
de la
mort).
0
pigeon,
sois mon
claireur, je
t'en
prie,
oiseau aux
plumes rouges, prends
de moi la
rcompensf que je
donne sans
compter, je
t'crirai une lettre ce
sujet.
Informe toi d~ ht cavale des
Djanad, abats-toi
sur le
sein de Mira.
Parle la
gazelle
de la
rivire,
nourrie dans le
Sahara, quand
elle
parait
au
rendez-vous,
cette
jeune
fille la
taille lgante,
son
visage
est comme le
soleil,
lorsqu'il
se lve sur le
thamgout,
la lumire le
prcde.
Elle m'a
dit,
o mon
bien-aim, j'ai appris
l'loge que
tu as fait de moi
rcemment
moi aussi
je
ferai ce
que
tu
dsires,
sois
discret, garde-moi
le
secret pour
toi
je
me suis
insurge: je
suis rentre chez mes
parents.
Emporte
cette mche de cheveux comme
gage.
Plus
loin,
le cAaN~ut' invite la
gat, la joie, les jeu-
MM
filles
du
pi7/a~c
0 clair de lune des
petites
ruelles 1 dis no5 amies
qu'eies
viennent
jouer
ici. Si elles ne viennent
pas,
nous irons tes trouver avec
des sabots de cuivre.
LA KABYLE 502
Mais toutes les
femmes,
mme en
J ~a&y~c, ne
sont
point
parfaites
aMMt,~a<M
les conseils ~oKMM aux
tNa?'M,t)o~ot)<-
nous ~'acce la
/~<M
de conduite d
suivre, quand
le ~Mor~
n'a
point penHM
de trouver dans le
mariage,
tout le
&oHA<!<r
~M'OM
tait en droit d'en a~Md~'e.
A mauvaise femme le divorce c'est le
mieux
avant
que
des enfants ne
vous
aient lis l'un
l'autre
elle
ne surveille
pas
ta maison et ne
soigne pas
tes intrts.
Quand
surviennent des
htes,
elle a
toujours
sur la
tangue,
<it
n'y
a rien a. Ainsi celui
qui
est
prs
de
l'autorit est
chaque jour frapp
d'amende
(car il
M'J tM~MC
aux devoirs de
l'hospitalile).
La femme est comme le fatte du
milieu,
c'est ce
que
je
vois de mieux lui
comparer:
beaucoup plus
e!ev
que
ses
frres,
c'est sur lui
que repose
toute la toiture.
La
femme,
homme de
cur,
rHcbis avant de la
prendre,
tu
pourrais
tomber sur une femme
de
basse
extraction
la
natterais-tu
tout
le jour, qu'elle
te couvri-
rait de honte.
Lorsque
la femme est de
mauvaise humeur, tu
peux
dire
que
c'est l'Hte
qui
ne lui
p!att pas;
elle ne fait
rien de
convenable,
sa
langne
est
toujours prte
l'attaque
son mari sera couvert de
confusion comme
la maison
qui possde
un chien
(le
chien
Kabyle,
souvent
hargneux,
effraie les
htes,
ce
qui
est chez les
Kabytes
une infraction
grave
aux devoirs de
l'hospitalit).
J e suis tonn de
l'garement
de mon
cur,
en
s'garant
il n'a
plus
de retenue.
Que celui
qui
se
marie
prenne
une femme de bonne
maison,
une SUe nobte et
chaste;
un mauvais
mariage
est
comme le coucher du
soleil,
l'obscurit le suit de
prs.
~a
?~ttco~f<br<M!<e
~'Mt)eyeMt)~/~o~e,
<tMp~'e<tMMt
tepo~:
Aujourd'hui
j'ai rencontre
une
jeuBa
<U)e.
~u~
pommettes vermeHIea comme !e
frntt de
raFbettMet'~
LETTRES 503
je
l'embrassai,
elle me dit c(
grand
bien te fasse toi
que je
chris comme la
prunelle
de mes
yeux
baise
ma.
petite
bouche
loisir,
ia
maison, j'ajouterai
ton bonheur .
Vil.
GENRES DIVERS.
En/t/
dans un
genre
tout
~~ercf~,
et o<
l'esprit
et la
!'(t)'~?*/e Me
font point t~e/aut,
le
~a~~e M~WnM
&eaM<M
de /<t
/<tM ~attca~e ~M'
a t nt~m~ de connatre
Le
jour
o nous fut rvl
&MMOtr,
nous avons
reu
un
coup
sur
mchoire,
nous avens t rassasis de
prison
c!ef.
Le
jour
o nous fut rvl
bonjour,
nous avons
reu
un
coup
sur le
nez
tes bndictions ont cess
pour
MUS.
Le
jour
o nous fut revte
merci,
noua avons
reu
lin
Coup
sur la
gorge
la brebis
inspH'e plus
de crainte
qu
nous.
Le jour
o nous fut rvl
<'<)cAo)t.un
chien valut
mieu~qe
noutt
pour
t'hontMur: le Khammas
(1)
&
achte un mittet.
Le
jour
o nous fut revte
frre,
nous avons
reu
un
coup-
ttuf la
genou
nous marchons dans la honte
jtMqu'au poitrait.
Le
jour
o& D6us fut rvl
taMe,
nous avons
reu
un
coup qui
aotia & fendus
fous
nous sommes devenus
des
porteurs
d6 fumier.
Aprs
cette numration
succincte,
parlerons-nous
de
t'xecution de ces chants ?`l
fl)
Le Khammas est le
mtayer;
le
pote
veut dire
par
l
que
le
Khammas, grce
l'argent qu'il
a
pu
toucher
pour
vendre
fi<tvoiX(HtxMecH6M d6
1862,
lui a
permis d'augmenter
son
ttmMntF de ferme.
LA KABYLE
504
Nous avons
pris
l'habitude,
la suite d'auditions
plus
ou moins
stupides,
fort en honneur
depuis
quelques
annes,
de considrer tous les chants ara-
bes,
Kabyles,
etc. comme un nasillement
prolong
et discordant. C'est un
tort,
et un bien
grand
tort
mon avis. Il m'a t donn
frquemment
d'entendre
dans la
campagne
ces
rapsodies
douces, pleines
d'har-
monies berceuses et de mlodies
naves,
et
j'avoue, que
ceschants ont
toujours
su
dvelopper
en moi un charme
pntrant. Quelquefois
la
phrase
musicale s'lve
religieuse,
chant de tristesse
rsigne
ou
d'esprances
timides,
avec une
ampleur
noble,
sans recherche.
D'autres
fois,
les
rythmes
s'accentuent,
les modulations
s'enchanent avec
prcipitation,
l'on sent vibrer l'me
et la
passion guerrire
du
pote.
Puis encore dans une
suite de rcitatifs
langoureux,
tendres,
l'on devine la
longue
caresse,
dont l'amant veut
envelopper
la bien-
aime. Et tout cela est
simple,
est
grand,
et vous berce
longuement
comme ces divines
mlopes
du chant
liturgique.
Les chants orientaux se ressemblent d'ail-
leurs
presque tous
il m'a t
donn,
grce
l'extrme
bienveillance de mon
ami,
J os. E.
Gautier,
de lire de
nombreux chants orientaux
partout j'ai
retrouv la
mme
lvation,
partout
la
grandeur
sublime de la
musique
sacre. J e ne doute
point que
ceux de mes
lecteurs
qui
ont entendu dans des exhibitions foraines
des chants
plus
ou moins
arabes,
se
permettent
de
douter,
peut-tre
mme de
sourire
mais
que
ceux l
aillent dans notre
Kabylie, qu'ils
entendent,
vers le
soir,
les femmes chanter devant les
portes, qu'ils
cou-
tent la mlodie
que
murmure le
paysan
en
regagnant
sa
crte,
son
ir'il
ils me diront ensuite en
quoi
sont
plus
belles nos chansons de
Provence,nos
mlodies bre-
tonnes.
Arts.
En
Kabylie,
nous ne trouvons ni oeuvres de
peinture,
ni
uvres de
sculpture.
On ne saurait en effet donner
ARTS S05
29
ces
noms,
des bauches
plus que grossires
se trou-
vant,
soit dans les
mosques,
soit dans
quelques
mai-
sons
particulires.
Le
dessin,
appliqu
aux toffes et la
dcoration des
vases,
ne
prsente
en
gnral
rien d'ar-
tistique, cependant
les formes des vases et
l'agencement
des couleurs dans les couvertures sont harmonieux.
Le seul art
qui
existe rellement en ce
pays
est la
musique.
Combien vont se rcrier ces
paroles ?
Quoi
1
il existe un art musical On
peut appeler
cet affreux cha-
rivari un art?
Oui,
et si nous
n'apprcions pas
les mo-
dulations
et les
rythmes
des chants
kabyles
et des
chants
arabes,
nous ne devons nous en
prendre qu'
notre
parfaite ignorance
en la matire.
M. Salvador
Daniel,
dans un
opuscule,
la
musique
arabe,
tude trs consciencieuse et fort
intressante,
nous
dclare,
que
dans la
musique arabe,
il veut
prendre
sa
part
des
jouissances qu'elle procure
ceux
qui
la
comprennent,
et
qu'il
est arriv ce rsultat
heureux en l'tudiant avec
soin
il n'entrerait
pas
dans
notre cadre de nous livrer des recherches
longues
et
des dissertations sans fin au
sujet
de cette
musique:
ceux
qui
voudraient
s'y
adonner trouveront en M. Sal-
vador Daniel le
guide
le
plus
sr et le
plus
clair.
Nous nous contenterons
d'indiquer
ici les diffrents
rythmes
et modes
employs
et leur
signification,
ainsi
que
la nomenclature et la
dsignation
des instruments
qui
servent leur excution.
Nous trouvons d'abord
quatre
modes
principaux
1 Le mode Irak
qui correspond
au
premier
ton du
plain-chant.
Il a
pour
base le r. Ce mode est
grave,
srieux,
et
s'emploie pour
les chants
religieux
et les
chants
de
guerre.
2e Le mode
Mezmoun,
troisime ton du
plain
chant,
a
pour
base le mi. Triste et
pathtique,
il
porte
la
mollesse,
et forme un chant effmin
qui
convient ad-
mirablement aux chansons d'amour et aux danses lentes
et
voluptueuses,
rythmant
avec
complaisance
les tor-
sions
plus
on moins
provocantes
de la taille.
3"
Lempde
Ed~eU
a.~MjCihase.la.tabet'jooBresptnd~p
6M~)~e t8n~dH~)l6tn-chtaat.jL:t
dtmet&udetjtenBMdt~
LA KABYLIE
506
son
rythme
ardent, fier, imptueux
ctterribie
l'ont
tout naturellement
dsign pour
les chants de combats.
4" Le mode
Djorka correspond
au
septime
ton du
plain-chant,
sa base est le
sol,
et il semble rsumer le
mode Irak et le mode Edzeil.
C'est,
dans ce
mode, que
le mueddin
appelle
les fidles la
prire,
c'est lui
qui
donnera au Guifsaria des
Kabyles
sa
grce
touchante
et saine. Nous
croyons qu'il
est
peu prs impossibie
d'oublier ses accents tendres et
plaintifs, lorsqu'une
foison a eu le bonheur de les entendre.
Nous nous souve-
nons de les avoir
perus
un soir
Tougourt.
alors
que
du
haut du
minaret, l'appel
la
prire
se faisait
entendre
ce fut l une de nos
impressions
les
plus vives, impres-
sion
que
nous avons encore ressentie
au
pied
du mi-
naret de Temacin et tant de fois
depuis auprs
de l'if
de la
mosque
Sidi Abd-er-Rahman
Aiger.
Aprs
ces
quatre
modes
principaux,
nous trouvons
quatre
modes,
dits modes infrieurs et
correspondants
aux modes infrieurs du
plain-chant.
Tout
d'abord
L'san,
mode
plaintif
&ur
lequel
les
Kabyles
chantent la
chanson de
Sebastopo! (Stamboul).
Le mode Mea a une
grandeur
et une
majest qui
conviennent bien
l'usage
qu'on
en a fait. Les femmes chantent le
El ou mouma
ou lascar
pour encourager
les
guerriers
au
combat
et
la chanson des Beni-Mansour est crite en ce mode.
Tandis
que
i'Sam a
pour
base le
la,
le Mea a
pour
base
le d. Le si donne naissance au mode
aka,
trs rare
d'ailleurs et
qui
se confond
frquemment
avec le mode
Mezmoun. EnSn le mode Rasd-edzeil a
pour
base le
r,
octave du
premier mode,
l'Irak. Il est
lugubre,
et
porte
aux. mditations divines et idales.
Tels
sont,
en
somme,
les huit
premiers
modes de
la
musique
arabe. Tous sont bass sur chacune des
sept
notes de la
gamme,
sans
dplacement
des demi-
tons.
Passons maintenant l'examen des instruments
qui
vont
permettre
d'excuter la
musique.
Dans sa
composition
la
plus simple,
nous trouvons
~a'~W~str~' afabo-ou k~byJ e ne c~mpretiti que
MDEONE 507
(Gosba)
est un roseau
perc
de trois
trous;
le tambour
(Tarr)
n'est
qu'une peau
sche tendue sur un cercle en
bois.
Si <l'orchestre t se
complte,
nous
y
verrons
figurer
La rata ou
raica,
espce
de musette
anche, perce
de
sept
trous et termine en
pavillon,
connu en Es-
pagne
sous le nom de Gaita.
L'accompagnement ryth-
mique
de la rata se
fait avec des
tymbales d'ingales
grandeurs, frappes
avec deux
baguettes.
Elles
s'appel-
lent Ataba!.
Le
djouak
est une flte six trous.
L'atambor est un tambour de
moyenne grandeur que
l'on
frappe
avec un os d'animal.
La Derbouka et le bendar sont deux instruments
percussion,
consistant en une
peau
monte sur un vase
en terre ou un
cylindre
de mme matire. On
frappe
ces instruments avec la main. C'est en somme le driv
du
tarf)
instrument form
par
une
peau
sche et tendre e
sur un cercle de bois en forme de tambour de
basque.
La kouithra est une sorte de
lyre
huit cordes
que
l'on met en vibration au
moyen
d'un bec de
plume.
Le violon ou
kemendjah
est semblable en tous
points
notre violon. Seulement
pour
le
jouer,
le musicien le
tient
toujours appuy
sur son
genou.
Le rebab est le
violon
primitif,
form de deux cordes
reposant
sur un
chevalet en roseau au-dessus d'une
peau
tendue sur
une bote bombe comme une caille de tortue.
La nouba est un morceau
complet comprenant
une
introduction
gnralement,
triste et
mlancolique,
un
motif d'un mouvement modr s'enchatnant avec un
aeoad d'allure
plus
vive,
puis
retour au
premier
motif
et enfin un
allegro
vivace tombant sur une dernire
note
longtemps
tenue. Le
prlude
excut tout d'abord
pour
faire conna!tre le
ton, s'appelle
bcherai.
Mdecine.
Est-il besoin d'e dire
que
la
mdecine,
en tant
que
semence,
est absolument
ignore par
les
Kabyles.
LA KABYLIE
508
Comment
pourrait-il
en tre autrement ? La mdecine
suppose
de nombreuses
connaissances,
son domaine
est
vaste,
le
champ
de ses
expriences
peu prs
illi-
mit,
elle
exige
l'tude et l'examen
approfondis
du
corps
humain,
de sa
structure,
des
fonctions
qui
r-
gissent la
vie.
Or, jamais
mdecin
Kabyle
n'a
song
ces
choses, qui pour
iui sont totalement inutiles
connattre. D'ailleurs il
n'y
a
pas
de
diplme pour
autoriser
lgalement
l'exercice de la
mdecine,
et rien
de
plus original que
le
procd employ pour
devenir
mdecin. Les
uns,
ceux
qui pourront plus
tard
prendre
le nom d'El
Hadj,
le
Plerin,
parce qu'ils
ont fait le
pirinage
. la
Mecque,
se sont arrts en
Egypte
ou en
Tunisie.
L,
ils sont rests
quelque temps
en service
chez un
mdecin,
cela
suffit;
d'ores et
dj,
ils ont les
quelques
donnes,
nous ne dirons
pas gnrales,
mais
superficielles, qui
leur
permettra d'acqurir
une
rputa-
tion.
D'autres,
et ce
systme
est encore
beaucoup plus
simple,
se contentent d'imiter ce
qu'il
ont vu faire un
autre mdecin. N'est-ce
pas
vraiment charmant et tout
la fois curieux
que
de voir cette science rduite une
imitation
plus
ou moins
intelligente ?
MM. Hanoteau et
Letourneux ont trouv
un
mdecin
qui
expliquait
de
la manire suivante
l'origine
de sa
profession
et de sa
science. Ce
mdecin,
Aomar Nat
Moussa,
amdaoui
(mdecin)
chez les Ait
Iraten,
et demeurant au
village
d'El-Mier Oufella,
avait
appris
la
mdecine de son
frre,
qui
lui-mme avait t
disciple
d'un
praticien
en
vogue
Tunis.
En
outre,
le
Kabyle
ne croit
pas
au
pouvoir
absolu
de la
mdecine,
et dans de trs nombreux cas il
prfrera
s'adresser au
marabout, qui, par quetques pratique
'a
particulires,
doit lui assurer la
gurison.
Ainsi un mal
ne se voit
pas,
et
cependant
le
patient
souifre.
Qui
peut.
occasionner cette
douleur,
ce
malaise,
sinon
l'esprit
cach,
le
dmon,
le
Djinn,
et
qui pourrait
chasser cet
hte
incommode,
sinon le marabout? Aussitt ce
dernier est
appel
et se livre une srie de remdes
plus
ou moins
fantastiques.
Tout d'abord il
conjurera
le
mal de
s'loigner,
si la
conjuration
ne suffit
pas, quel-
SUPERSTITIONS 509
ques fumigations
d'encens doivent
presque
fatalement
chasser les
dmons,
qui, parait-il,
sont trsrfractaires
cette odeur. Puis ensuite viennent les
prires,
les
sacrifices, l'gorgement
de
poules,
l'offrande de co-
mestibles. Une
pratique religieuse
fort en
usage
consiste
renfermer dans un
petit
sachet ou une
enveloppe
de
cuir ou de mtal un morceau de
papier
sur
lequel
sont
tracs des
fragments
de ver:et du Coran. On
suspend
ce talisman au cou du malade ou d'autres
parties
de
son
corps,
et la
gurison
doit intervenir, si le talisman
ast bon.
La
superstition
est d'ailleurs en
grand
honneur chez
les
Kabyles,
et
puisque
nous traitons ce
sujet,
nous
pouvons
numrer ici les
croyances populaires qu'on
attache l-bas aux dmons. Les amulettes sont trs
peu
en
faveur et l'on croit
peu
au mauvais
i),
mais il est bien
certain
que
certaines vieilles
femmes,
des
sorcires,
exercent des influences considrabtes sur les
mnages,
sur les amours. Ces vieilles femmes
possdent
des
philtres
et
jettent
des sorts
propres
faire aimer ou
faire har un
rival,
faire divorcer la femme
que
l'on
dsire soi-mme
pouser,
etc.
Ce
qui
fait l'effroi vritable
du
Kabyle,
c'est la
prsence
des dmons. J amais vous ne feriez sortir un
Kabyle
de sa
maison,
pendant
la
nuit,
s'il n'a
aupara-
vant
conjur
les dmons au nom du Dieu
vivant,
le
tout-puissant;
et s'il lui arrive de
passer
un endroit
o le
sang
fut
vers,
il fera aussitt cette mme
conjura-
tion
pour
carter bien vite les
dmons, qui,
avides de
sang,
rdent certainement dans ce lieu.
Les
superstitions
d'un autre ordre sont aussi trs
nombreuses. Tout l'heure,
nous noncerons celles
qui
ont trait
l'agriculture,
contentons-nous en ce moment
de
prvenir
le lecteur
qu'il
ne devra
entreprendre
un
voyage que
le
lundi,
le
jeudi
ou
samedi,
s'il veut
que
celui-ci
s'accomplisse
dans de bonnes conditions. Mais
surtout,
si on le
peut,
il faut choisir le
samedi,
c'est le
jour
de
prdilection
du
Prophte,
et avec cette
pr-
caution,
l'on aura
pour
soi toutes les meilleures chances.
Il est vrai
qu'il
est difficile de choisir le moment de
LA KA6TUE 8<Q
sa
mort
toutefois
il
serait
bon
de mourir
pendant
te
jeune
du
ramadhan; pendant
ces
bienheureux
quarante
jours,
les
portes
de l'enfer sont
fermes,
et seules les
portes
du
paradis
sont
toujours
ouvertes.
Il
ne
faut
jamais engager
un combat le
mardi
la
dfaite serait assure.
Nous avons
vu,
dans le livre
prcdent, que
le
jour
le
meilleur pour
la clbration du
mariage
tait le
jeudi,
(pa~e 397).
Si,
en se
levant,
on voit un
chacal,
c'est bon
signe
et
d'un heureux
prsage
le
voyage
sera
prospre,
si
au
dpart
on a la chance de voir ensemble
deux corbeau~,
mais il faut
qu'ils
soient
ensemble, si
l'on n'en
voyait
qu'un
il
faudrait
se tenir sur ses
gardes
et
l'inquitude
ne cesserait de
rgner pendant
le cours de la route.
En
rentrant le
soir,
vitez
d'apercevoir
un
livre,
c'est un
fort mauvais
signe.
Ces
superstitions
sont
tranges
en
vrit
mais
cependant
ne
nousbtonspas
de
les juger
avec
svrit,
ne
voyons-nous pas
tous les
jours
autour de
nous,
en
plein
monde
civilis
et
instruit,
une foule de
pratiques
tout aussi ridicules et
grossires capter
ta confiance de
nombreux
croyants?
Notre fonds de crdulit
n'est-il
point pour
nous tous le mme ?
L'Agriculture.
Comme dans
presque
tous les
pays
de
montages,
l'agriculture
est trs
en honneur
chez les
Kabyles. Plus
la nature semble avare de
places
et
de terrains
pour
la
culture, plus
l'homme tient
auj~tit
coin de
terre
qui
lui est
chu
n'est-ce
pas
l
e~e~a une
appticatton
cette
rgte
l'on
dsire
beauct~p Tot'aqu'on
a
peu,
L'agriculture
est non seulement
encourage,
ttM!<
elle est
protge par la coutume
et
souvent le
pr*
judtce
caus son exercice est
puni
d'une
faon tr~
svre. Aussi la
charrue
devient un
objet
MCF~,
e~cetu)
svre. Aussi la
~harrue
~!lvieqt uq
objet
1lI.l\cr, et c!lui
qui
la
fabrique
fait
une
uvre
sainte, une couvre
pieuse,
Cette
charrue f/i..t
Qn. e amv.re.s..ain.te, \,Il1e. I:e.u.. vre0 b ois
Cette charrue ae
oompase
de deux
~Mpche< qe
bois
L'AGRICULTURE Sii
formant un
compas
dont
l'angle
est
plus grand que
l'angte
droit. La branche du
bas,
la
plus longue, reoit
le soc en fer. L'autre est saisie
par
la
main,
et sert
diriger
le soc. A la
jonction
de ces deux
branches,
une
cheville
permet
de fixer la flche relie aux
jougs
des
animaux
employs
ce travail.
Le
jour
o commencent les
tabours~
c'est
grande
rjouissance
dans le
village. Chaque propritaire
donne
ses colons
partiaires
des
pains
et des
beignets.
C'est
l'occasion aussi d'une timecheret ou
partage
de
viande,
accompagnement
ncessaire de toute fte. Trois
jours
aprs,
le
propritaire
doit donner un
plat
de couscous
Quand
le
berger
d'un
village
revient,
au milieu du
jour, passer
la maison le
temps
de la
chaleur,
il ne
doit
pas
un seul instant se dessaisir du bton
qui
lui
sert de houlette. Celui
qui parvient
s'en
emparer
fait
passer
immdiatement tout le lait du
troupeau
dans !es
mamelles de ses vaches. Le
berger
convaincu d'avoir
vendu son bton ou de l'avoir
laiss prendre pendant
la,
sieste,
est mis l'amende ainsi
que
Fauteur du
prtendu
larcin.
La
maison,
o est n un
veau,
doit
pendant sept
jours
refuser du feu aux voisins sinon Fanimat
pren-
drait l'habitude de
manger
les vtements et deviendrait
dangereux
pour
les hommes. Le lait de la vache
pen-
MDDSTtttES
313
29.
dant cette
priode
est destin confectionner deux
mets
qui
ont des
proprits mystrieuses.
Le
premier,
appel
ir
ounan,
est
mang par tes
membres de la
famille,
!e troisime
jour
aprs
la naissance du veau
le second est
distribu aux voisins le
septime jour,
on le nomme ader's.
Si un
agneau
ou un chevreau nat dans les
champs,
le
berger, aprs
t'avoir
soigneusement essuy,
le
prend
par
l'oreille et lui crie trois fois < Mfie-toi
toujours
et souviens-toi
toujours que
le
berger
est ton
ami,
et le
chacal ton
ennemi.
t
Le
soir, quand
il le ramne la
maison,
il
reoit pour
sa
rcompense
un
gteau
beurr
(Chakerist imeksaouen, le pain
des
bergers) qu'il
doit
manger
la
place
mme o est n t'animt.
))
<La femme
qui
fait couver une
poule
ne
manque
jamais
de dire
sept
fois
pour empcher que
le tonnerre
ne dtruise les
poussins
dans
t'uf,
< ne crains
rien,
petit poulet.
il
y
aura du tonnerre.
d Dans une ruche
d'abeilles,
on trouve des
pr-
dictions
la grle
est
reprsente par
des boulettes de
cire
grosses
comme du
plomb
de chasse les sauterel-
les
par
une statuette de
sauterelle,
l'abondance
par
un
grand
vase. Nous devons constater
nanmoins,
ajoutent
MM. Hanoteau et
Letourneux,
qu'aucun
leveur
d'abeilles n'avait
prdit
l'invasion de sauterelles de
cette anne
(1866-1867).
Industries.
Les
Kabyles
exercent de nombreuses industries et
arriveraient facilement de trs heureux
rsultats,
s'i)s
employaient
des
procds
moins
primitifs
et s'ils com-
prenaient
mieux fa
puissance
de l'association dans l'in-
dustrie et dans les tablissements de crdit.
Nous examinerons
successivement
tes di<Trentes es-
pces
d'industries
auxquelles
ils se
livrent,en
indiquant
leurs
moyens
de fabrication.
Huiles. Les oliviers sont nombreux et la rcolte
des olives
peut
constituer de
grands profits.
Malheu-
t~ KAPVUE s~
posment,
et
part quelques
usines bties
par
des
co-
Ions,
l'huile est faite
par
des
procds
si
dfectueux
qu'en beaucoup
d'endroits, t:'est
peine
si elle est
mangeable. Quetques-uns, ayant compris que
leur
ma*
n're
de
traiter
les olives ne
pouvait
leur donner de
s-
rieux
bnfices,
se contentent de
vendre au?.
huileries
europennes
ou
franaises
le
produit
de
leurs
rcoltes
videmment c'est l une bonne ide et
dont
ceux
qui
l'exploitent,
ont d retirer des
avantages
mais Re
vaudrait-il
pas
mieux
procder
soi-mme
la fabrica-
tion
q
Quoi
qu'il
en soit,
voici
comment
le
Kabyle fabrique
t'buite.
Dans les
tribus
riches,
il
y
a des
moulins;
le
nombre
de ces
moutins est mme
assez considrable.
En voici
la
description
exacte Le moulin
se compose
de
deux
parties, l'appareil pour
triturer le
fruit,
est
form
par
une meule
pouvant se
mouvoir
verticalement
et circu-
tairement
dans une
cuvette
en
maonnerie,
et
le
pres-
soir. Ce
dernier est
compos
d'une table en bois
avec
rebords de 3
4
ceptimtres.
Sur cette table
s'abaisse,
au
moyen
d'une vis de
pression,
soutenue dans
une
traverse horizontale
par
deux montants
verticaux Sxa
en
terre, une espce
de tablier en
bois,
sous
lequel
tes
olives
tritures
se trouvent
presses.
A dfaut de
moulin,
le
Kabyle opre
de la
fa~on sui-
vante
Si les olives ne sont
pas
vertes,
elles sont
broyes
et
tritures au
moyen
d'une
grosse pierre oblongue.
Deux
femmes effectuent ce travail en
poussant
la
pierre
cha-
cune
tour de rote de
ct et
d'autre
elles
obtiennent
ainsi une
pte qui
est
plac
sous un
filtre.
Ce
nttre est
lev un
peu
au-dessus du
sol,
et l'huile s'coule
d'ette-
come dans un
rcipient,
Si les olives sont
vertes,
on verse
sur
elle de
!'eau,
chaude et on tes abandonne & t'air
pendant
un
certain
temps.
Quand
elles
paraissent propres
~tre
repriM~t
pour
la seconde
opration,
on les
enferme
dans des
sacf}
ou dans des
paniers, chargs
de lourdes
pierres.
Cette
pression
a
pour Sut de chasser d leurs
putpe~
t'M!;
tNDUSTBiES SIS
qui peut y
rester
puis,
aussitt les femmes J es font
ressortir de leurs sacs ou de
leurs
paniers
et ies
piti-
nent en les humectant de
temps
en
temps
avec de l'eau
chaude. Bientt il se forme
sous cette
trituration,
fort
pnible pour celles qui
!a
pratiquent,
une
pte qui
est
mise sur un filtre l'huile
s'coule de ce
filtre,
comme
dans le
premier procd, par
la nature mme des choses.
Est-il besoin de dire
que
ces huiles ont un
got
fort
peu agrable
elles ont contract la
plupart
du
temps
une rancidit
qui
nous
les rend trs difficiles ab-
sorber.
SacoM. Le savon est un article de luxe
pour
les Ka"
byles;
ils en
fabriquent cependant qui
sont de bonne
qualit
mais
l'usage
en est rserv
presque
inclusive-
ment
pour
le
lavage
des laines et des
peaux.
Pour
fabriquer
le
savon,
ils
prennent
des cendres de
bois et dela
chaux,
en
quantits gales.
Puis
aprs avoir
metang
ces
matires,
ils les font bouillir et les lessivent
jusqu' l'puisement complet
des matires alcalines. La
solution est ensuite dcante et filtre et on
y
verse de
l'huile chaude
jusqu' parfaite saponification.
rstMM~.
Le
tannage
des
peaux
d'animaux est une in-
dustrie fort
pratique
en
Kabylie,
surtout chez les Ait
Idjer,
les At R'oubri et les Atbou Chab.
La
peau, aprs
avoir t
pralablement
lave,
est
passe
dans un bain de lait de
chaux,
o elle
sjourne
pendant cinq
jours.
Aprs
ce
dlai,
on la remet dans un
nouveau bain de chaux o on
l'y
laisse
pendant quinze
jours, pour l'opration
du
gonflement.
Retire de ce der-
nier
bain,
on
procde
au
raclage
et au
lavage.Ces op-
rations
termines,
on met les
peaux
en fosse avec du tan
et du sel marin.
Chaque
semaine,
on fait la leve de la
fosse
jusqu'
ce
que
le
tannage
soit fini. Gnralement
on laisse dans le tan une
peau
de buf
pendant
50 ou 58
jours
une
peau
de chvre ou de mouton
n'exige qu'un
sjour
de
quinze jours.
Ce mode
s'emploie pour
obtenir les meilleurs cuirs et
dans le cas o l'on ne veut
pas
conserver sur la
peau
les
poils qui y
adhrent.
LA KABYLIE
Si6
Mais dans ce dernier cas et
lorsqu'on
veut obtenir un
tannage plus simple
et
plus conomique,
voici le
sys-
tme
qu'emploient
tous les
Kabyles,
tanneurs ou non
tanneurs. On
prend
la
peau
de l'animal et sur la face in-
terne,
les poils par consquent
en
dehors,
on met du sel
marin
jusqu'
imbibition
complte.
Puis l'on fait scher
la
peau
ainsi sature de sel en
l'exposant
au soleil et en
ayant
soin de la tendre
rgulirement par
des
piquets
en bois
pour
viter le retrait. Elles se conservent ainsi
assez longtemps ettespoilsnetombent point.
Les
outres,
qui
servent
transporter
les
liquides,
sont faites et tan-
nes
par
ce
procd.
Quand
elles commencent
vieillir,
pour
leur redonner une
plus grande propret
et une
plus longue conservation,
on les
remplitd'urine
de vache.
L'ammoniaque qui
se
dgage
de cette
urine,
dgraisse
les outres. On les
passe
de nouveau au
sel, puis
on les
fait scher.
Teintures.
-Les Kabyles teignent
leurs
cuirs, maisseu-
lement de deux
couleurs,
en noir et en
jaune.
J amais
ils
ne les
teignent
en
rouge.
Pour obtenir la teinture
noire,
ils se servent d'un m-
lange
de scories de
forges piles,
de sulfate de
fer,
de
figues
blanches et d'eau. Les
figues
en fermentant for-
ment un actate de fer. Cet actate de fer se combine
avec le sulfate de fer et teint le cuir en noir
grce
au
tannin.
Pour la teinture
jaune,
il suffit d'humecter et d'ten-
dre la
peau.
Puis
prenant
un
mtange
d'alun et d'corce
de
grenade
en
poudre,
on frotte vivement et on laisse
scher.
Les babouches
jaunes, que
l'on voit
partout,
ne sont
teintes
que par
ce
procd.
Laines.-Les laines sont assez rares. Pour tes dbar.
rasser du
suint,
on les
dgraisse
au
savon, puis
on les
fait scher.
Gnralement,
moins de ne servir
qu'
la con-
fection des
burnous,
les laines sont teintes.
Quatre
cou-
leurs sont
employes
cette
teinture
bleu
indigo, ~a-
]NDCSTmES 517
rance,
jaune
et noir.
Cependant quelquefois
et notam-
ment chez les Illilten et dans deux ou trois
villages
des
tribus
vo'sines,
on teint les
laines en
rouge.
Pour la teinture
bleu-indigo
et
garance,
nous n'avons
aucun dtail rvler on se sert tout
simplement d'un
bain
d'indigo
ou de
garance.
Le
jaune
s'obtient en
faisant un bain avec une
plante
que
l'on trouve assez
frquemment
en
Kabylie
et
qui
s'appelle
Ridolfia
Segetum.
Pour la teinture en
noir,
les
Kabyles
se servent d'une
dissolution
d'atun,
de tartre brut et de feuilles
piles
de
cytise.
Le
rouge
s'obtient
par
la
gomme laque.
PoM~'e.
Avantque
nous
nesoyonsvraiment
matres
de la
Kabylie,
c'est--dire avant
1857,
la fabrication de
la
poudre
constituait une industrie des
plus
actives.
C'est
qu'en
effet,
chez ce
peuple
o la
guerre
tait
pres-
queune
ncessit de
chaque jour,
il
fallaittoujourspou-
voir se
procurer
d'un moment l'autre des
quantits
relativement considrables de cet
engin. Sa composition
tait,
variable,
mais
cependant
l'on
peut
dire
que gn-
ralement elle tait forme
par
le
mlange
suivant
cinq
septimes
de
salptre,
un
septime
de
charbon,
un
sep-
time de soufre. Pour la
fabriquer,
le
Kabyle
mlan-
geait
et triturait ensemble
ces trois
matires,
avec des
pilons
en
bois,
dans des
mortiers aussi en bois. H
ajoutait
alors la
quantit
ncessaire d'eau
pour
former une
pte.
Puis
prenant
cette
pte,
il faisait le
grenage
la
main,
de la mme
faon que
tes femmes font le
grenage
du
couscous. Cette
opration
termine,
on faisait scbei ces
grains
au
soleil,
tendus sur un morceau d'toffe en
laine. On la lissait ensuite dans des calebasses
qu'on
agitait
en tous sens
pendant
un
jour
ou deux. Elle tait
seche de nouveau et tait ainsi
prte
tre
employe.
A
propos
de la
poudre,
MM. Hanoteau et Letourneux
racontent
tatgende suivante,
fort curieuse en
ce qu'elle
nous donne une nouvelle
preuve
de
l'esprit superstitieux
du
Kabyle.
c Les
habitants du
village
de
Kp~ou,
chez
les ait
Yahia,
conservent
mystrieusement
dans des
1~ KABYLIE i8
jarres
de
terre,
de la
poudre
laisse, dirent-ils,
par Sid
Ali ou
T'aieb,
Marabout
qui
vivait
quelque temps aprs
Sid-Ameur-el Khadi.
c'est--dire la fin du seizime
sicle ou au commencement du
dix-septime.
Nousavons
pu, ajoutent
les
auteurs,
nous
procurer
un chantillon
de cette
poudre
et M.
Bonnard,
pharmacien
en chef~e
l'hpital
de Fort
Napolon, qui
a bien voulu en fp.<re
l'analyse,
a trouv
qu'elle
tait
compose
de la manire
suivante
Salptre.
23,33
Charbon
56,67
Soufre. 20 <
a
D'aprs
une
prdiction rpandue
dans le
pays,
les
Franais
doivent tre
expulss
de
l'Algrie, lorsque
cette
composition
mise dans une arme
feu,
aur& les
qualits
d'une bonne
poudre
de
guerre,
et
chaque
anne on ne
manque pas
d'en faire l'essai .
Avons-nous besoin de dire
qu'on
pourra
attendre
longtemps,
et mme
toujours
sa
composition
ne !a
rend-elle
pas
d'ores et
dj
tout fait
impropre
tre
utilise ?
Cire.
Quoiqu'il y
ait
passablement
de ruches d'abeil-
les,
la fabrication de la cire est fort restreinLe et er.
somme trs
peu
intressante.
Aprs
avoir fait subir deux
bullitions la cire
p)onge
dans
i'eau,
pour
la dbar-
rasser des
corps
trangers
et en faire une
pAte,
on la
presse
dans une sorte de moulin semblable celui des-
tin la fabrication de l'huile.
P<~fW<M.
Danstout)epays,onreocontrecbaquepas
des
fabriques
de
poteries.
Les femmes seules
s'occupent
cette
fabrication,
sauf
p.r
la confection des
tulles,
laquelle
les hommes
prennent part.
Les
objets
de
mnage
en terre cuite sont
fort
nombreux
et
quelques-
uns affectent des formes vraiment
artistiques,
notant
ment certaines cruches eau.
L'enumrattn
de cesob-
jets, quoique
un
peu longue,
doit
prendre place
ici,
car
elle nous initiera aux dtails
particuliers
du
mnage
!NCp8TR!ES 819
kabyle.
Ce sont des
crucheseau
(asagou-~ ~chmoukh,
aziar);
des
pots
eau,
(aboukal,
thabonkalt)
des vases
lait et t'huile
(tassa,
thabouiddouth,;
des casseroles
galettes (aferrah,
Tadjin)
des marmites
(thasilt,
tha-
kedourth, thimesebboiuth, thimeserbah,
touggui
ou-
Mbboui)
des couvercles de martnites
(thadimth)
des
vases dont le fond est
perc
de trous
(aseksouth-en-
tam, aserksouth
ousoudem);
des
plats
couscous
(el-
djefna
bou
akal);
des
plats
sans
supports pour
mets
(thabakith,
tharahalith,
akeddoued,
thakessoult)
des
vases
pour
conserver l'huile
(thassebalt, thakhabith);
des
tatapes (et
mecbah bou
akal)
et des immenses
jar-
res faites dans la maison mme
pour
mettre les
provi-
sions
(Ikouf'an.
Akoufi au
singulier).
Toutes ces
poteries
sont
fabriques par
tes mmes
procds. L'usage
du tour est inconnu.
L'argile,
d'a-
bord sche
pendant
un
jour
oudeux.estdtayeavecun
peu
d'eau,
puis
da~s la
pte
ainsi
forme,
l'on
ajoute
des
dbris trs menus de vieilles
poteries.
Les femmes font
alors la forme des vases avec leurs
mains,
se servant
trs habilement d'une
raclette en bois et
polissant
les
parois
avec un caillou roul.
Quand
les
objets
ainsi fa-
briqus
sont
schs,
on
passe
dessus un chiffon
tremp
dans une solution
trs claire
d'argile foulon
cette
der-
nire
opration
a
pour
but de faire tenir
l'argile
et d'-
viter
les
gerures.
Puis
aprs quelques jours,
on
pro-
cde la dcoration des
vases,
s'il
y
a lieu. Les dessins
sont
rouges
ou noirs. On obtient les
premiers,
en em-
ployant
une solution d'ocre
rouge, appele
Mor'cri;
pour
les
seconds,
on fait
usage
de
peroxyde
de
manga-
nse,
appel
bousebou.
Les
objets
sont soumis la cuisson sur une aire
plane,
eatoure debois sec. Ce
procd
des
plus primi.
tn a l'inconvnient de ne
point
assurer une cuisson
ga!eet parfaite
des
produits.
On les laisse refroidir et
ils sont alors
propres )'usage.
Chez les Ait
Assi, il
est
d'usage
de
passer
sur les
poteries
encore chaudes un
morceau de rsine. Ce mode a
pour
effet de vernir la
surface des
poteries
et de leur donner une
couleur jaune.
La fabrication des tuiles
est,
nous l'avons
dj dit,
LA KABYLIE 520
opre par
les hommes et les femmes. On
prend
de l'ar-
gile
et de la
paille
hache et l'on en fait une
pte qui
sert former ces
objets.
La
paille
donne la terre une
consistance
plus
grande,
ce
qui
lui
permet
de scher
sans se fendiller. D'un autre
ct,
la
paille disparat
la
cuisson,
ce
qui
ren3 la tuile
plus
lgre,
mais ce
qu'il
y
a lieu de
remarquer
c'est
que
cette dernire ne
perd
rien de sa solidit
aprs
la cuisson.
r:'M!M. Les tissus
fabriqus
en
Kabylie
sont en
laine,
en laine et soie. ou en lin.
Les toffes en laine sont rserves
pour
la confection
des burnous. La laine
lave,
est dbarrasse des
corps
trangers par
des
peignages oprs
avec des
peignes
en fer. Le cur de cette
laine,
c'est--dire les
longs
Sis,
est fil la
quenouille (therouka)
et au fuseau
(thizdith).
La blousse
(ou
les fils courts et
embrouills), est
tisse
la main l'aide d'un
grand
fuseau de bois. Rien de
plus
curieux
que
de voir une femme
kabyle procdante
ces
diffrentes
oprations.
Pour faire l'toue. les femmes se servent d'un mtier
trs
primitif
qui
mrite une
description.
Cette
descrip-
tion nous
l'emprunterons
l'ouvrage
de MM. Hanoteau
et Letourneux.
Le
tissage
se fait au
moyen
d'un mtier
(azet'ta)
d'une
simplicit
toute
primive, lequel, n'ayant pas
d'a-
nalogue
en
France,
mrite une
description particulire.
On ne tisse sur ce mtier
qu'un
seul vtement la fois.
Les fils
composant
la chane
(oustou)
ont
pour longueur
la
largeur que
l'on veut donner au vtement. Ils sont
en nombre
plus
ou moins
grand,
suivant la
longueur
du vtement tisser. La chane est enroule sur deux
ensouples (ifeggaguen)
de section
rectangulaire;
elle
est tendue verticalement. Les
ensouples, loignes
l'une
de l'autre de
i'"30
environ,
sont
places
horizontale-
ment- et lies
par
des cordes deux montants
(thiri-
gliouin)
fixs eux-mmes la
charpente
de la
maison)
d'une
part,
et de
l'autre,
au
sol,
au
moyen
de
pierres
formant coins. Les fils de la chane sont divises en fils
INDUSTRIES 521
pairs
et en n)s
impairs.
Cette division est maintenue
l'aide d'un roseau
(ar'anim)
introduit entre
eux,
et con-
serv au-dessous
de l'ensouple suprieure.
Nous
suppo-
sons
que
les fils
pairs
se trouvent aussi en avant du m-
tier. Au
quart
environ de la hauteur du
mtier,
se trouve
une lisse
(ilni) qui
tend les fils
pairs
en les lestirant en
arrire,
de manire
partager chaque
fil en deux
par-
ties, formant entre elles un
angtede 160*'environ.
Cette
lisse n'est autre chose
qu'un roseau,
sur
lequel
sont en-
files les boucles
qui
retiennent les fils. Ce roseau est
lui mme tir en ar :<; l'aide de deux
perches
flexi-
bles
(ijebbaden) s'appuyant, par
la
partie suprieure,
contre les montants du
mtier,
et
pousses
en
arrire,
par
la
partie
infrieure,
au
moyen
de
pierres.
La lisse
reste im
iobile,
une fois )a tension voulue obtenue.
Une autt c: lissemobile
(tbaoukkast guelni)
ne se com-
pose que
d'un seul roseau. Elle se meut de bas en haut
et de haut en
bas,
et est
engage
entre les fils
pairs
et
les fils
impairs,
dans la
partie qui
se trouve au dessus
de la lisse mobile. Dans la
partie, qui
se trouve en des-
sous,
au
contraire,
ils forment un
angle ayant pour
som-
met la limite de i'tone
dj
tisse. Les fils
pairs
for-
ment le ct
quiose
trouve en avant du
mtier,
et les
fils
impairs,
le ct en arrire. Si on
loigne
la lisse
mobile et la lisse
fixe,
ce mouvement ne
change
rien
la
position
des fils
pairs,
tandis
que,
le sommet de l'an-
gle
form
par
les deux
parties
des fils
impairs ayant
t
relev,
les fils
impairs
sont ramens en avant des
fils
pairs
et
l'angle
form
par
ces
fils,
ayant toujours
pour
sommet la limite de l'toffe
dj
tisse,
a le ct
situ en avant du mtier form
par
les fils
impairs,
et
le second
par
les fils
pairs
c'est--dire
que
le mouve-
ment de bas en haut ou de haut en bas
imprim
la
lisse mobile renverse la
disposition
des fils de la chane.
Ajoutons qu'en
obtenant les deux
dispositions,
les fils
pairs sont
toujours
immobiles,
et
que
ce sont tes fils
impairs qui
sont tantt amens en
avant,
tantt en ar-
rire des
premiers.
La trame est introduite la
main,
et comme le
tissage
est fait
par
des femmes
accroupies,
le fil de la trame ne
rgne pas
d'une seule
pice
sur
LA
KABYLIE
522.
toute la
longueur
du
tissu,
elle a seulement
0"50
O'60,
c'est--dire ce
qui peut
tre
plac par
une
per-
sonne
qui
ne fait
usage que
de ses mains et ne
change
pas
de
position.
Si une seule femme tisse
l'toffe,
elle
est
oblig
de se
dplacer pour
continuer la trame dans
toute sa
longueur
mais le
plus
souvent deux et n~me
trois femmes travaillent au mme mtier.
Supposons
que
la lisse mobile soit la
partie
infrieure de sa
course;
les fils
pairs
seront en avant. On introduit la
trame en la
prsentant
de la main
gauche
entre deux
sries de fils de la chane. La main droite la saisit et la
tire en avant autant
que
le
permet
l'lasticit des fils
de la mme chane. En
reprenant plusieurs
fois la trame
et en se servant des deux mains on arrive l'avancer
dans la
position
voulue
puis
avant
qu e)le
ait t roi-
die,
on la serre contre les duites
prcdentes
au
moyen
d'un
peigne
en fer
(aaziel) que
l'on
promne
tout le
long
de la
partie
de trame
place.
La lisse mobile est
ensuite releve la
main
les fils
impairs
viennent en
avant et l'on introduit une nouvelle trame en sens
cpn-
traire
pour
les lisires de l'toffe et dans l'un ou l'autre
sens
pour
les
parties
intermdiaires.
Les tissus de laine ou de soie sont faits de la
mme
faon.
Ils ne servent
qu' la
confection'des haiks.
Enfin les toiles de lin font
l'objet
d'une
fabrication
trs restreinte.
Depuis
la
conqute,
elles sont
rempla-
ces
par
les cotonnades
que
l'on trouve un
peu
partout
et dans les marchs.
Cependant
l'on voit encore
quel-
ques
mtiers
pour
tisser la toile. Ils sont
beaucoup plus
grossiers que
ceux
qui
existaient en France
avant les
mtiers
mcaniques,
mais ils
reposent
sur les
mmes
bases.
Broderies.- Saufchez les
At Iraten, au
viltge
de
Taourirt Mek'K'eren,
on ne trouve
pas
de
broderies.
Encore ne consistent-elles dans cet
endroit, qu'en
bro-
deries
grossires
de fil de lin. Elles forment des coiffu-
res
qu'on appelle Ichouaouo
pour
les
femmes.
Bijoux.
-Les
bijoux
sont
trs
rpandue en
I~abyUe.
iNpns~Es 5~3
Riches
ou
pauvres,
les femmes
kabyles
mettent leur
coquetterie
en
porter
le
plus possible.
Aussi
y
a t-il
un
grand
nombre de
bijoux,
tous
d'espces
et
d'usages
diffrents. Ce sont des broches
appeles ibzimen;
des
diadmes, thiaabin
des
bijoux
ronds
(thibezimin)
or-
ns
de
pendants (thicherourin)
ou de
petites
boules
(thikensin) que portent
seules les 'femmes
qui
ont
donn naissance un
garon
des
colliers,
thizela-
geim
des
bracelets, eddah;
des anneaux de
jambes,
kholkhal
ce
qui n'empche pas
tous nos articles de
Paris,
en
cuivre,
en
verroteries,
de faire
l'objet
des
convoitises des femmes
kabyles.
Ces
bijoux
ne som
jamais
en or
l'argent
seul est
employ
leur confection
pour
les
bijoux
de
prix
le
cuivre est rserv
pour
les ornements sans valeur.
Mais
l'argent
quel
titre
est-il?
It nous serait difficile
de le
dire,
et
je
crois
que
nous aurons suffisamment in-
diqu
sa valeur
quand
nous aurons
dit,
comme tout le
monde,
c c'est de
l'argent kabyie
Pour la dcoration et l'ornementation des
bijoux,
les
orfvres
emploient
des maux et obtiennent des
effets,
sinon des
plus artistiques,
au moins trs
originaux.
Ces
maux sont faits avec des verres
bleus, vert
fonc,
vert
clair,
jaunes
et leur
application
est trs
simple.
Ces dif-
frents verres rduits en
poudre
sont
dlays dans
l'eau,
'dcants. Sur la
ptaque qui
doit les
recevoir,
l'on a fait
avec un fil en mtal soud le dessin dans
lequel
on veut
verser l'mail. Cette
opration
faite,
il suffit
d'exposer
letout une chaleur
convenable,
t'mai! se
liquefie
et
ee
dpose
ainsi
par
fusion. Le corail est trs souvent
employ pour
l'ornementation des
bijoux,
il est fix
ta place qu'il
doit
occuper
avec de la
cire
ce
qui, pour
le dire
en
passant,
ne lui donne
pas
une adhrence
ni une solidit bien
grandes.
Le
prix
des
bijoux
est trs variable. Il va sans dire
que pour
le Roumi l'on
aurait
bien tort de ne
pas
hausser
autant
qu'on
te
peut
le
prix
de
l'objet qu'il
con-
voite. I) 'est d'ailleurs si
facile,
mme
pour
un
Kabyle,
de dlaisser
l'objet
marchand
au
tiers,
voire mme
a~ quart
de tavaieur
primitivement
demande. Mais
LA KABYLIE
524
pour
les
gens
du
pays,
voici
gnralement
comment
se dterminait le salaire de l'orfvre.
Le
bijou
doit-il tre tout en
argent,
sans ornementa-
tion d'autre
matire, l'acqureur,
ou
plutt
celui
qui
commande le
bijou,
doit livrer un certain nombre
de
pices d'argent pour
la fonte de la matire
premire.
Suivant les difficults et la
complication
du
dessin,
l'orfvre
garde
un huitime ou un dixime de la valeur
des
pices
titre de rmunration.
Si au
contraire,
le
bijou
doit tre
dcor,
l'orfvre
garde
la moiti de la valeur des
pices qu'on
lui a re-
mises
pour
la
fonte,
mais il doit fournir le
cuivre,
les
maux,
le corail.
Outreles
divers bijoux
ci dessus
numrs,
les
bijou-
tiers
Kabyles
font encore des fourreaux de
yatagan,
des
capucines,
des
pommeaux
de
pistolet,
des
tuyaux
de
pipes,
des cuillers en
mtal,
etc.
etc.,
Sur
beaucoup d'objets,
et notamment sur les
armes,
on trouve des
ciselures,
des
gravures qui
dnotent chez
ceux
qui
les ont faites une assez
grande
habilet. La'
gravure
se fait soit au
burin,
soit la
pointe
sche.
Forges et /<ttWc<!<!OH
d'at'MM. Les
forges
ne
prsen-
tent rien d'intressant
signaler.
Quant
la fabrication
d'armes,
elle n'existe
plus
proprement parler.
On ne
fait
plus
en effet
que
des fusils de fantaisie et des Oissas
d'amateurs
pour
les touristes
d'Alger;
c'est dire
que
tout l'intrt de cette fabrication est
aujourd'hui perdu.
Bois. -Le bois est fort
peu
travaill en
Kabylie
et en
tout cas fort mal et fort
grossirement.
Nous ne ferons
gure qu'une exception pour
les
grands plats
dits
plats
couscous. Pour les
faire,
a se sert d'un tour
pdale
et
perche.
Fausse tMOMMi'e. Avant
1857,
la fabrication de la
fausse monnaie constituait une vritable
industrie,
que
redoutaient tes voisins des
Kabyles.
Les Turcs enraient
aux At Yenni des terres fertiles dans la vatte
pour
les
faire renoncer
fabriquer
la fausse monnaie. Ceux-ci
INDUSTRIES 525
rpondirent
t'envoy
du
dey
nous sommes tes fils du
J urjura,
nous sommes habitus le saluer
chaque matin,
que
le
Dey
lui dise de nous suivre dans la
plaine
.
(Daumas
et
Fabar).
Ceux
qui
se livraient cette fabrication taient les
Ait
Yenni,
surtout ceux du
village
d'At el
Arba,
puis
les At Ouasifet les
Kabyles
des At Ali ou Harzoun des
At Boudrar. lis coulaient les
pices
avec un
alliage
d'tain, d'argent
et de cuivre dans des moules de
glaise
mlange
de sable et renferms dans une
enveloppe
en
cuivre,
ou les
frappaient
entre des matrices en acier
obtenues
par
le
procd
suivant. Us
enduisaient d'une
couche de cire deux
plaques
d'acier bien
pJ anies. puis
pressant
la
pice
contrefaire entre
elles,
ils obtenaient
en creux sur la cire la trace des caractres de la
pice
(jamais
ils ne firent
d'effigie
figure).
Enlevant alors
dans les
parties
en creux la couche de
cire,
ils traitaient
les
plaques
d'acier
par
du bichlorure de
mercure, lg-
rement humect de salive. L'acide
chlorhydrique
mor-
dait l'acier et formait deux
matrices,
suffisantes
pour
le
frappage.
En
1862,
une tentative fut faite
pour
con-
trefaire nos
pices d'or,
mais le
complice,
dfaut de
l'auteur
principal,
fut arrt et
condamn;
ds ce
jour,
aucun essai de ce
genre
ne fut tent.
Il tait
permis
de vendre la fausse
monnaie au mar-
ch. Les
trangers,
avant de se rendre
dans un
pays
voisin,
venaient
y
faire leurs
provisions;
mais celui
qui
aurait voulu s'en servir en
Kabylie
aurait t
puni
trs svrement. Il faut
ajouter
que
la
plupart
du
temps,
la fausse monnaie se faisait sur
commande,
moyennant
une redevance de 0 fr. 60
par
douro ou
pice
de
cinq
francs.
Commerce. Le
Kabyle
a toutes les
qualits
nces-
saires
pour
faire un bon
commerant.
Il a le
got
du
travail,
la
patience
et la
tnacit,
joints
une finesse
presque
noi
mande;
il est
sobre,
conome et
positif.
H se
livre au
colportage
et des
changes
considrables.
LIVRE NEUVIME.
DES DIFFRENTS SYSTMES DE COLONISATION
APPLIQUS
A L'ALGRIE.
Depuis
1830
jusqu'en
1857,
nous n'avons
pas
occup
rellement la
Kabylie
et les
Kabyles
taient rests Ii
dans une
indpendance quelque peu inquitante,
ind-
pendance
que
nous devions
dtruire,
si nous voulions
faire la
conqute
dfinitive de
l'Algrie.
L'expdition
de 1857 nous donna tout le territoire
kabyle
et au lendemain de nos
succs,
nous avions un
immense
pays
organiser,
un
peuple
nombreux sou-
mettre et
diriger, qu'avons-nous
fait ? Htas 1 il faut
avoir la franchise de
t'avouer,
nous n'avons
entrepris
rien de bien
efficace,
ni rien de bien utile
jusqu'en
1871.
La faute en est ce
que
nous
ignorions presque
com-
pltement
la
Kabylie
et le caractre de ses habitants.
Nous avons trait ds le dbut les
Kabyles,
comme nous
aurions trait les
Arabes
de i des
mcomptes
sans
nombre,
et
des dsittusionS
dsesprantes.
Nous avions devant nous une race neuve
e, n'ayant
jamais
auparavant
subi le
joug
d'un
tranger, n'ayant
jamais
obi,
de mmoire
d'homme,
un
conqurant
quel qu'il
ft,
et du
jour
au lendemain nous nous trou-
vions amens
diriger
les
destines d'un
peuple
nom-
breux et
intelligent,
mais
compltement
rfractaire &
nos ides de domination. Nous avions t assez forts
pour
la
lutte,
mais notre
ignorance
nous laissait d-
sarms
pour pacifier
et assimiler nos
usages
ce
peu-
ple
essentiellement
indpendant.
Et
cependant
son ca-
ractre
laborieux,
son amour du
gain,
Son conomie
taient autant de
motifs,
autant de raisons
qui
devaient
rattacher
plus
vite les
Kabyles
nos institutions.
Aujourd'hui que
la
Kabylie
est
connue,
il va sans
dire
qu'il
ne
pent
tre
question
d'amener des Euro-
DIFFRENTS SYSTMES DE COLONISATION
~S2'_
pens
en
grand
nombre
pour
coloniser cette
rgion
la
population y
est
dj
trop
nombreuse,
et
par suite,
il ne faudrait
pas
tablir un courant
d'immigration qui
serait au bout de fort
peu
de
temps
trs
prjudteiable
ce
pays.
Bien loin de l notre
pense
au
contraire,
mais
aprs
avoir
jet
un
coup
d'il
rapide
sur la colonisation en
Algrie,
nous dirons ce
que
nous devrions faire des Ka-
byles.
De
l'Algrie,
tout le monde s'en
occupe
et,
comme
ces enfants entours de
trop
de
soins,
elle est
expose
dprir
faute de
trop
de conseils,
de
trop
de
program-
mes de colonisation. Un
Franais
a fait un
voyage
l'an
pass
dans notre colonie
africaine,
il a visit
Alger,
Oran, Constantine,
Biskra et s'est ht de
reprendre
Tunis le chemin de la
France, mais,
en ces six semai-
nes ou mme
moins,
que
n'a-t-il
pas vu, que
n'a-t-il
pas
entendu? Et malheureusement il
n'y
a
pas que
ce-
lui ci
qui
se fasse une
opinion
fausse de
l'indigne
al-
grien,
combien de ceux
qui
habitent
depuis longtemps
parmi
eux,
pourraient
raisonnablement
prtendre
les
connatre 7 Comment ne
pas reproduire
ici les
pages
si
justes
de M. de Caix de
Saint-Aymour, rpondant
la
question:
Qu'est-ce
donc qu'un indigne
de
l'Algrie?))
Pour M.
W.
conomiste
distingu, l'indigne
al-
grien
est un individu
qui
consomme
peu, qui produit
encore
moins,
qui
vole le chrtien
pour
la
plus grande
gloire d'Allah, qui
refuse
nergiquement
de s'assimiler
les besoins de notre
civilisation,
mais
qu'il
faut se
garder
nanmoins de
dcourager
et de
molester, parce
que
dans l'tat actuel des
choses,
on a absolument be-
soin de sa main-d'uvre dans les
exploitations
euro-
pennes
et
qu'il
est d'ailleurs
trop
nombreux et
trop
prolifique pour qu'il
soit
possible
de
songer
le faire
disparattre
comme un
pauvre canaque
ou uo
simple
peau rouge.
<
Pour M.
Y.
savant
ethnographe,
c'est un smite
plus
ou moins
mlange
d'lments
ethniques
trs inf-
rieurs,
susceptible
d'ailleurs d'une certaine
civilisation,
itttthMabaettMneQt irfraetaire la~atre
par
suite de ses
LA KAMUE 528
prjugs religieux et sociaux,
et
qui, par
une loi
fatale,
doit disparatre
dans un
temps
donn devant l'Euro-
pen,
ou se fondre dans la race
suprieure
des con-
qurants.
t
Pour
M. X. petit
manteau bleu
professionnel
de
toutes les
populations maltraites, colporteur patent
de toutes les ides humanitaires et
organisateur
brevet
des
congrs
de la
paix perptuelle, )'indigne algrien
est avant tout un
mconnu
c'est chez lui
que
s'est r-
fugie
la bonne foi banniedu reste de la
terre
ses chefs
sont les derniers
types
du
parfait gentilhomme qui
n'existe
plus parmi
nos fils
dgnrs,
et ses
fellahs,
draps
dans leur burnous
dpenaills,
sont la dernire
incarnation du travailleur libre et
indpendant,
con-
tent de
peu, pacifique
et soucieux de la
proprit
d'au-
trui. Il faut
donc,
avant
tout,
respecter
ses
traditions,
ses
gots
et mme ses
prjugs
et abandonner
plutt
la
partie que
d'tre
dsagrable
ce
pauvre
homme,
qui
nous sommes seulement
suprieurs par
la force
brutale et
qui,
au
fond,
vaut
mieux
que
nous.
i
Pour M. Z. ancien
gnrt
de notre brave arme d'A-
frique, l'indigne
est un monsieur
quelconque, portant
une chchia ou un
turban,
une
gandourah
ou un bur-
nous. Si le burnous est
propre
et
qu'il
surmonte des
bottes molles en cuir
rouge,
on
peut accepter
le salut et
le couscous du
monsieur
si le burnous est douteux et
qu'il
en sorte seulement des chaussettes non moins dou-
teuses,
enfonces dans des babouches
cules,
le mon-
sieur ne mrite
que
notre ddain le
plus
accentu,
enfin,
si sous
unburnoussordide,
onvoitapparatredespieds,
noirs de crasse ou de
boue,
ou blanchis par
la
poussire
du
chemin,
le
pauvre
diable a le devoir de s'attendre
recevoir un
coup
de botte.
quelque part,
s'il ne se d-
range pas
assez
vite,
ou une bourrade sur la
nuque
s'il
vous
regarde
de travers. A
quelque catgorie qu'il ap-
partienne,
riche ou
misrable,
propre
ou
sordide,
l'in-
digne
a
d'ailleurs
droit,
le cas
chant,
la mme
quantit
de
coups desabreoudefusil, dont la
rose san-
glante
fait
admirablement lever la
graine d'pinards.
.
En&apQU~
l&.m&j~it.daaNrtuMOtAjg~ieaa~pat!ta
DtFF~E~TS SysrMHS bE COLOK!SATiO!< 529
30
colons et
grands propritaires,
marchands ambulants
ou
gros banquiers,
courtiers d'assurance ou clercs
d'huissiers,
chefs de
gare, brigadiers
forestiers ou
gref-
fiers
de justice
de
paix,
faisant
partie
un titre
quel-
conque,
de notre mandarinat
administratif,
public
ou
priv, ('indigne
est untre
infrieur,
mprisabte.tai-
lable et corvable
merci,
que
laloi
protgematheureu-
sement d'une
faon ridicule,
auquel
nous ne devons
rien,
pas
mme de bons
exemples,
et
qui peut
s'estimer
trs heureux et se montrer trs honor de servir nos
intrts et de
partager
nos vices.
(Arabes
et
Kabyles).
A
quoi
servirait un commentaire
quelconque
des
tableaux si
saisissants,
d'une coloris si
vif,
et malheu-
reusement d'une si
scmputeuse
exactitude?
Nous avons
dit,
et nous ne saurions
trop rpter, que
leplusgrandtort
a t de confondre l'Arabe et
teKabyte.
L'Arabe est avant tout un nomade ou un demi-noma-
de. J I est ici
aujourd'hui,sous
sa tente ou son
gourbis
de
branchages; demain,il
sera
peut-tre a.une
lointaine
dis-
tance. H suit ses
troupeauxdansia
montagne
rautom-
ne,
et redescend avec
eux,
au
printemps
dans la valle.
Ce
qui
dmontre bien son caractre
nomade,
c'est de le
voir
toujours
sans une maison lui sans
un jardin,sans
un
verger.
J I
n'ensemence,
dans un
champ que
ce
qui
lui
est
ncessaire
aussi son
genre
de culture est-il bizarre.
H calcule ce
qu'il
lui faudra de
grain,
et commence
tracer avec sa charrue un ovale de la
grandeur qu'il
juge ncessaire pour
assurer sa
rcotte ;ii
laboure aiors
et ensemence son
champ,
mais il va sans dire
qu'il
a
respect
toutes les
pierres qu'il
a trouves devant le soc
de sa
charrue,
il en a fait le
tour,
mais ne les a ni
dpla-
ces,
ni
tes
quoi
bon,
l'an
prochain,
il ne sera
plus
ta, pourquoi
amliorer en
pure perte
un
champ
dont
il ne tirera
plus profit?
Que
nous sommes loin de la
culture des
Kabyles
t
L'Arabe ne
peut
donc facilement devenir un instru-
ment de
colomsation
qui
doit-on ds lors s'adresser?
Evidemment la colonisation devrait tre t'uvre des
Franais,
mais il faut avouer
que
nous avons montr
depuis
soixante ans un bien
petit empressement
venir
LA KABYLIE 530
crer,
au-del de taMditerrane une autre France. Le
chiffre de 26? 672
Franais d'origine
ou natura)iss
(?)
ne dmontre
pas pour
une
priode
de soixante annes
environ,
un courant
d'migration
srieux vers
l'Algrie,
alors
que cependant
cette
migration
est bien
plus
con-
sidrable
pour t'mrique.
Ce n'est donc
pas
l
qu'il
faut chercher un
appoint
de colons destins
peupler
l'Azrie.
Il ne faut
pas songer aux trangers,
dont
l'immigra-
tion ne
peut
tre
encourage qu'avec beaucoup
de
pru-
dence. Notre
J grie,
nous l'avons
dj
dit,
a le don de
plaire
beaucoup
de
monde
il
n'.y
a
plus aujourd'hui
d'entreprises
hasardeuses ou
prilleuses
tenter,
on
arrive
l'poque
o de
grands profits pourraient
se
raliser,
et
plus
d'un
peuple envie
cette colonie situe
la
porte
de
~'Europe
et d'une richesse difficilement
comparable
celte des autres colonies.
Or,
~lment
tranger est,
en proportion
de l'tment
franais,
con-
sidrab!e. En
<89i,
'aprs
le dernier
recensement,
il
y
a 215793
trangers pour
267672
franais.
Ces chiffres
ont leur
toquenc.
A
quel parti
s'arrter?
Les
projets
de colonisation n'ont
pas manqu,
et il
suffit de
relater
ici les
p!fs importants.
Tout d'abord, on avait
pens
ds les
premiers jours
de la
pacification
faire
migrer
vers notre colonie
des
Maronites,
Arabes chrtiens
qui
auraient
pu
tre
opposs
aux
Arabes
musulmans. Ce
projet
n'avait
que
le tort de mettre en
prsence
:'un de l'autre le fana-
tisme
chrtien et le fanatisme
musulman que
serait-tt
advenu ~t est trop
facUe
de le deviner.
Aujourd'hui
cela serit-H
posstbt ?
La
question,
si
elle se posait
de
nouveau,
ne devrait
ps,
notre
avis,
recevoir une so-
lution
favorable car,
outre que
les mme
dangers
exis-
teraient encore
aujourd'hui,
moindres il
est vrai, ii ne
faut paa perdre
de vue
que
ce
que nous
demandons
pour l'Algrie,
ce sont des colons cultivateurs or,
ce
n'est
point
dans
i~ursmontagnes)
d'accs difacites
~t
escarps, que
les Nronttes ont
pu
devenir de
bons
cul-
tivateurs. Ils
s'occupent
de ta
production
de la
soie,
mais ne se livrent aucune culture de crales.
DtFFRENTS SYSTMES DE COLONISATION
On a
propose
de
coloniser en introduisant
en Algrie
des
Annamites;
mais la race
jaune pourra-t-elle
mi-
grer
sans
esprit
de
retour,
et ne fournira-t-elle
pas
seulement un
appoint pour
la
main-d'uvre,
mais
ap-
point temporaire qui pourra
nous faire dfaut du
jour
au lendemain.
Depuis
1870,
les
indignes israHtes,
les
juifs,
ont
t
naturaliss
franais, au
grand
srandale d'ailleurs des
indignes
musulmans. Il a t
question
dernirement,
lors de la
perscution
des Isralites en
Russie,
de d-
tourner
le courant
d'migration
vers
t'Atgrie.
Mais
nous ne
saurions
trop
insister sur les inconvnients de
cette mesure
impolitique.
Que
nous
ayons
naturalis en
bloc les
Isralites, qui
se trouvaient sur notre
territoire,
cela tait
admissible
mais
que
nous fassiors venir en
Algrie
les
Isralites,
chasss d'une
puissance
euro-
penne,
c'est froisser trs
gravement
nos
indignes
mu-
sulmans,
sans
grand profit pour
nous mmes. Sur
~7,459
IsraHtes naturaliss
par
le dcret du 24 octobre
d870ou
ns de ces
Isralites,
veut-on
savoir,
combien
il s'en est
rpandu
ei. dehors des
villes.
Il
y
en a
0,024
et encore est-il utile
d'ajouter que
ceux-ci habitent les
villages pour
faire le
commerce
et la
banque; peut-on
dire
que
les Isralites,
que
nous
accueillerions, feraient
certainement souche
de
paysans
franais ?
Bien
tm-
raire,
celui
qui
l'affirmerait,
et H serait
plus
raisopna-
nte de
croire,
qu'une
fois un
petit pcule
amass,
ils
iraient
grossir dj
le
nombre trop
considrable
des
a
manieurs
d'argent,
honntes ou
coquins
Mais alors la colonisation de
l'Algrie
est
impossible
me
dira-t-on
t O
prendrez-vous
les
colons, puisque
vous
ne
voulez,
ni des
trangers,
ni des
Isr)ites.
ni
des
Asiatiques
et
que
le
Franais
ne veut
pas
venir lui-
mmecotoniser ?
Ce
coion, je
le
prepdrai
l o il se
trouve,
sous no-
tre
main,
dans le
pays mme, en KabyHe. Oui,
)eKa-
by]e. sobre, iaboriux, conome,
qui
de
tout
temps
a
su faire
produire
sur des
rochers,
au lieu des brous
sailles et des
ronces,
des
rcottps ajTaches
une nature
avare,
sera
le
o)iUeur)mept de
colonisation.
Cette
LA KABYLE 532
ide n'est ni
neuve,
ni
nouvelle;
le marchal
Bugeaud,
qui s'y
connaissait fort bien en hommes et en
choses,
avait mis ce
projet
de
co)onisation
plus
tard,
un
crivain
qui
connaissait bien la
Kabylie,
et un
officier,
qui y
avait fait une
campagne,
M. le baron
Aucapi-
taine a dans un
opuscule
intut Les
'a~/M
la rolo-
nisation de
/er!'e,
exprim
aussi son sentiment
ce
sujet, et
est arriv cette
conclusion, que
iacojr-nisa-
tion n'est
possible
raisonnablement
qu'en
se servant des
Kabyles.
A
l'appui
de cette mme
thse,
on me
permet-
tra de citer ici
l'opinion apporte
la tribune du
Snat,
le deux mars
1891, par
M. le snateur Guichard <
J e
dis
que
les
indignes
sont
appels
fatalement fertili-
ser le sol de
l'Algrie.
Sur ce
sol,
il
y
a
place
aussi
bien
pour
eux
que pour
les colons
franais
et
europens.
Ils sont
3,500,000,
ou
plutt 2,700,000,
car il faut en
excepter
700,000 environ, qui
sont des Arabes de
grande
tente,
vivant sur les hauts
plateaux
avec leurs
troupeaux;
ce sont des nomades soumis l'autorit
militaire qui
les
protge
ils concourent avec
e))es,
J a
dfense de nos
frontires du sud nous n'avons rien
leur demander de
plus
Mais alors il reste
2,500,000 Kabyles.
M.
Mauguin 2,500,000 Kabyles
t
M. Guichard
2,500,000 Berbres,
si vous
voulez,
absolument
aptes
au travail
agricole.
A
l'poque
des
Romains,
en tout
temps,
cette
popu-
lation-l a travaill le so).
Quand
le
conqurant
avait
la main
trop dure,
ils se
retiraient,
ils se
confinaient et
faisaient,
en
somme,
ce
qu'ils
font
aujourd'hui
ils ne
cultivaient plus
de leurs terres
que
ce
qui
leur tait n-
cessaire
pour
vivre. Ce sont ces
gens-l qu'i)
faudrait
faire revenir au travtui ceux
qui
travaillent et
qui
produisent
ne fomeutent
pas
d'insurrection. J e vous
demande, Messieurs,
d'o
pourrait
venir cette
opposi-
tion
encourager
ces
2,500,000
Berbres se mettre
au travail ? Ce n'est
pas
moi
d'exposer
ici les
moyens
qu'on
doit
employer pour
arriver ce but. Ils sautent
auxyenx.
Pour les
indignes qui
auront mis des terres
en
culture,
n'y
a-t-il
pas l'exemption
de certaines ser-
DIFFRENTS SYSTMES DE COLONISATION 533
30.
vitudes,
de certaines condamnations
auxquelles
ils
sont
assujettis
de
par
la loi sur
l'indignat ?
Ce serait
une
rcompense.
Il
y en
a une
autre
ce serait un lec-
torat
successif,
d'abord
communal,
ensuite
dparte-
mental. Est-ce
que
nous avons
jamais song
srieuse-
ment l'assimilation des Arabes ?
(J ournal
officiel).
Il est certain
que
ce raisonnement une trs
grande
valeur. La colonisation
par
les
Kabyles est
une chose
qui s'impose
mais
y
aurait-il des inconvnients srieux
tenter
t'prouve ?
Nous n'en
voyons pas qui
soient v-
ritablement discutables. Craindrait-on la cration d'une
Algrie kabyle
ou
berbre, grce
aux facilits
qu'on
aura donnes aux
Kabyles
de se
rpandre partout
sur le
territoire colonial ? C'est l un
danger,
disent
quelques-
uns voyons
si cela est exact.
D'ailleurs,
et me servant
ici des termes mme
qu'emploie
M. de Caix de Saint
Aycsour, parce qu'ils
rendent d'une
faon
absolue ma
pense, je
crois
qu'il
n'est
pas chimrique
de
croire,
<
que l'Algrie
nous
chappera
ou
que
nous serons
obligs
de l'abandonner un
jour,
ou de la conserver
par
pur
amour
propre
dans les conditions onreuses
et pr-
caires o nous la
possdons aujourd'hui,
si nous atten-
dons
que
sa mise en
production
se fasse
par
des colons
exclusivement
franais
ou mme exclusivement euro-
pens.
Cette dernire
hypothse,
d'ailleurs,
aurait
pour
nous
Franais,
absolument le mme rsultat celui de
nous faire
perdre l'Algrie.
<
Admettons
pour
un mo-
ment
que
la dissmination des berbres dans
l'Algrie
soulve un
danger,
ce serait le mme
que
celui
qui
nous menace
presque chaque jour,
la
perte
de notre
colonie. Mais est-il
trop optimiste
de
penser que
la co-
lonisation
par
les
Kabyles
n'amnera
pas
ce rsultat ?
Tout d'abord la manire de crer le
village
berbre
conjurerait presque
entirement cet ala. A ct de
deux. ou trois
villages,
situs dans les conditions stra-
tgiques
les
plus
favorables,
il faudrait
grouper quel-
ques
hameaux
kabyles
assez
loigns
les uns des autres
pour qu'ils
aientla vie
d'indpendance
dont
ilsjouissent
dans leurs
montagnes.
Au centre
europen,
seraient
places
les autorits
judiciaires
et de
police
le tout
LA KABTUE
M4
formerait une
gr-ande
commune,
o le
franais
et t'ea-
ropeD
trouveraient une
main-d'uvre assure,
et une
scurit d'autant
plus grande, que
les
Kabyles
auraient
ptus
d'intrt
prserver
leurs
propres proprits.
Au
bout de
quelques
annes d'une vie
active,
industrielle
et
commerciale,
les
Kabyles
deviendraient
dj
beau-
coup
moins rfractaires notre
organisation;
ils
pren-
draient certainement notre
manire
de
voir,
de
penser,
car leur
intrt
les y
amnerait
presque
forcment: le
plus grand pas
serait fait vers un avenir d'assimila-
tion,
sinon
complet,
tout au moins
fort
dsirable.
Dans le livre de M. de Caix de
Saint-Aymour,
le
mme
systme
est
prconis,
et nous
partageons
entirement
la
manire
de voir de cet
auteur,
qui envisage
les choses
humainement,
dpouilles
de toute
proccupation poti-
tique
ou
autre,
pour
ne
songer qu'
une colonisation
profitable
la
prosprit
de
t'Atgrie
et la
gloire
de
ta France. Dans
Arabes
et
Kabyles
nous trouvons
tout un
projet
o les conditions
exiges
de la
part
des
colons
kabyles,
o les
avantages
qui
leur seraientlac-
cords,
sont
exposs
avec nettet. Nous n'numrerons
pas
en entier les
rgjes exposes par
cet auteur
pour
arriver
la cration etau fonctionnement de ces
villages
kabyles.
Parmi
cetjjes-ct,
il s'en trouve d'une
impor-
tance
qui n'chappera
personne
c'est d'abord obli-
gation d'adopter
immdiatement un nom de
famille,
qui permettrait
d'tabtir les actes de l'tat
civil,
tels
qu'ils
existent
en
France
puis l'obligation
de
parier
le
franais
et
d'envoyer
les
enfants
l'cole
franaise
dirige par
un
mattre
franais, assist
d'un
taleb,
nomm
par
nous et
charg
du
programme religieux.
Mais
quoi
bon insister? Ce!a serait
si
peu
de
chose
en ralit
que
de tenter
un
essai 1
Nous ne
pouvons que
souhaiter de voir
prochainement
mettre
l'preuve,
ce
systme dcolonisation,
le
seul,
croyons-nous, qui pr-
sente
de vritables
chances
de succes.
L'avenir dirait si
nos
prvisions
taient errones.
LIVRE DIXIME.
L'AVENIR DE LA KABYLIE.
Nous
sommes
presque
arrivs au
bout de notre t-
che,
et nous n'avons
plus qu'
tirer une
conclusion de
tout ce
qui prcde.
Nous
avons
vu le
Kabyle
chez lui
dans le
pass
et dans le
prsent.
Que
doit-il devenir
dans l'avenir?
Cette
question
ne laissera
pas
de
surprendre quel-
ques personnes.
On ne
s'imagine pas
facilement de l'au-
tre ct de la
Mditerranne
qu'un Kabyie puisse
tre
autre chose
qu'un Franais.
Htas ce)a serait sou-
haiter,
car notre colonisation en
Algrie
aurait fait un
grand pas.
Mais en
est-il bien ainsi? H faut avant tout
avoir le
courage
d'avouer la
vrit
eh bien le
Kabyle
est encore bien loin d'tre un
Franais,
aimant la
France,
sa nouvelle Patrie. Et si nous voulions lui en
faire un
crime,
nous serions trs videmment dans le
tort,
car nous n'avons
pas
fait
pour
lui ce
que
nous de-
vions
faire.
L'Allemagne
a
pu prendre
l'Alsace et la
Lorraine,
cependant
les Alsaciens sont rests
Franais,
et cela,
parce que aprs
la
spoliation,
il
n'y
a eu au-
cune mesure
prise pour
rallier la nouvelle domina-
tion les
esprits
des
vaincus. Ce
qui
est vrai de l'Alsace
est
encore bien
plus
vrai
quand
on
parle
de
la
Kabylie.
Nous
avons
triomph
d'un
peuple jusqu'ici indpendant
depuis
tous
les
sicies
nous les avons
assujettis,
do-
mins
les avons-nous
gouverns ?
2
Loin de moi l'ide de
critiquer
les
premiers
essais
d'une
occupation
considre tout d'abord
comme
pro-
blmatique
mais
depuis que
nous avons
jet
notre d-
vo!u
sur cette
terre,
avec la ferme conviction de la con-
qurir
moralement et
utilement,
il semble
qu'on
ait
voulu
employer
les
systmes
les
plus
contradictoires
sans
but fixe, saps
but
pratique;
or le
Kabyle
est
par
-excellence le
type
de l'homme
pratique.
LA KABYLIE 536
D'o viennent nos erreurs ? D'o viennent ces tton-
nements administratifs? D'une seule
cause,
de
l'igno-
rance
que
nous avons des caractres arabe et
kabyle,
de la confusion
que
nous faisons sans cesse entre ces
deux hommes
pourtant
si diffrents.
Le
Kabyle,
au
point
de vue des
usages,
des
murs,
est
l'antipode
de
l'Arabe;
on l'a
trop
souvent
ignor
ou
oubli;
de l des
mcomptes
sans nombre.
Tandis
que
l'Arabe est
fanatique,
nomade
et,
il faut
le
constater,
indiffrent au travail et la
possession
d'un bien
quelconque,
le
Kabyle
est
commerant,
in-
dustrieux
il
possde
l'amour de la
proprit
et s'il
pratique
sa
religion,
il le fait
froidement,
sans
supers-
tition comme sans
fanatisme. L'Arabe n'est attach en
apparence
rien de
terrestre
le
Kabyle
est attach
la maison de ses
pres,
son
village,
son
champ,
ses
figuiers, par
toutes les fibres de son
coeur;
et il
n'est
pas
de
paysan
breton,
de
paysan
normand
qui
tienne
plus
sa terre
que
le
paysan
Kabyle.
< J e
pr-
fre voir un homme mort
qu'un
arbre
coup,
disaitttn
Kabyle
aucolonel Lapasset. Cette phrase ditmieux qu'on
ne saurait le faire tout
l'amour,
tout le culte
que
le
Kabyle
a
pour
son
verger.
Son
lopin
de
terre,
escarp
sur
quelque pente abrupte
de la
montagne,
se couvre
de
lgumes verts,
abondants et
superbes.
Et
quel
est
ce
champ?
C'est un coin de rochers
striles,
o avec
une
patience
toute
preuve,
le
Kabyle,
aid de sa
femme et de ses
enfants,
a
apport
dos la terre d'al-
luvion ramasse dans les ruisseaux. C'est la
conqute
du rocher
qu'il entreprend,
et il n'est
pas
rare de voir
un hectare de ce
terrain,
rendu fertile
par
un vrai mi-
racle de
persvrance,
se vendre
plus
de
quatre
mille
francs
que
vaut la terre sans rochers en
pays
arabe ?Y
Ne confondons donc
pas
l'Arabe et le
Kabyle
et ne
les traitons
pas
de
mme.
H a fallu des sicles
pour
que
toutes les anciennes
provinces
de la Gaule forment
un
jour
une France
unifie,
pourquoi
voulez-vous en-
treprendre aprs
soixante ans
d'occupation
l'unification
de races
opposes depuis
la nuit des
temps ?
9
Le
Kabyle
est-il rfractaire nos conseils ?
Yt suffit
L'AVENIR DE LA KABYLIE 537
de
parcourir
]e
pays pour
voir avec
quel empresse-
ment ses habitants savent
prendre
chez nous ce
qui
est
vraiment
pratique
et
profitable.
Le Coran dfend au
musulman, l'levage
du
porc,
l'animal
impur x
en
Kabylie
vous en trouverez des
troupeaux, parce qu'il y
a l un
profit
srieux tirer. La
vigne, que
les
Arabes
ne plantent point,
est cultive
par
les
Kabyles
qui
savent fort bien vendre sur nos marchs leurs rai-
sins.
Industrieux et
commerants,
les
Kabyles
ont su trs
vite tirer
parti
de leurs
aptitudes
et de leurs connais-
sances. N'est-ce
point par
des
quantits
innombrables
qu'ils
ont littralement inond nos
magasins
de leurs
bijoux,
de leurs articles de
fantaisie,
spcialement
faits
pour
le Roumi <.
Enfin le
Kabyle, intelligent,
ami du
progrs,
n'est
pas
si
loign qu'on
le croit de
prendre
nos
habitudes,
nos
moeurs,
notre vie.
Sans vouloir,
dans un livre d'in-
trt
gnra),
tirer
argument
de faitsisois et
spciaux,
qu'il
me soit
permis
ici de relater un
procs qui pas-
sionne la
presse franaise
l'heure o
j'cris
ces
lignes.
Une institutrice
kabyle
fut donne en
mariage par
son
pre,
il
y
a
quelques
annes,
un
Kabyle.
Le
prix
de
vente
(l'on
s'est fort mu de ce
mot),
avait t fix.
La
jeune institutrice,
ne voulut
pas accepter
le choix
fait
par
son
pre,
et se maria avec un instituteur Ka-
byle
qu'elle prfrait.
De ta
procs
le
premier Kabyle
rclame la livraison de la femme. Le
juge
de
paix
de la commune o ces faits se
passrent,
donna
pleine-
ment raison ce dernier et condamna la
jeune
fille
(?)
le suivre. Refus et
appel
de la
part
de celle-ci ? Comme
toute la
presse
criait au
scandale,
et
s'indignait
contre
le
juge
de
paix,
qui cependant
n'avait fait
qu'appliquer
un Kanoun
kabyle,
le Tribunal d'arrondissement,
ju-
geant
en
appel,
tait
peut-tre
fort embarrass.
Mais de
que!
embarras un tribunal ne saurait-il
sortir? Don-
ner raison la
jeune
fille,
il le
fallait,
la
presse
avait
nergiquement indiqu
cette
dcision,
me disait un Ka-
byle
en cela il avait
tort,
car les considrations mo-
rales taient assez
puissantes pour
dterminer la con-
LA KABYUE S38
science
desjuges etd'aitieurs.on
ne
sauraittrop
se
gar-
der de tels
jugements, quand
rien ne vient en
dmon-
trer j'absolue certitude. Donner tort au
Kanoun, c'"tait
amasser sur sa tte un
orage peut-tre gros
de
coas-
quences ?
Le
joint
fut trouv. Le second
mariage fat
valid. et le
premier
annul,
parce que.
l'on
avaK
viol la
forme. 0 Saint
Bridoison, que]
service tu
rendig
ce jour-l
Le fath'a n'avait
pastercitpubfiqueme~
et la
jeune
fille avait assist' ]a
premire
entrevue, ce
qui
n'est
nullement admis
par
les Kanouns
kabyles.
Un
Kabyle auquei je parlais
de cette
question
em-
barrassante,
me disait
Ce
que je
trouve
absoa
ment
insens,
c'est la situation
qui
nous est
faite.
Chez vous. en
France,
et il
ajoutait
en
souriant, je
de-
vrais dire chez
nous, la
loi
franaise rg)e
les
manages.
Chez
nous,
pas Franais,
mais
Kabyles
au
point de'~a
du
mariage,
nous restons soumis nos
usages,
nos Ka-
nouns. Le
pre peut disposer
de sa
fuie,
a vendre.
?,
quand
cela est
fait,
on crie
l'abomination de la
<!-
solation
parce que
l'on a
dispos
d'une
jeune
fille saas
son
propre
consentemeni. Eh bien de deux-
choses
l'une,
ou nous sommes
rgis p~r
nos
Kanouns,
ou
noa<
le sommes
par
la loi
franaise ? qu'on
nous le
dise
am
moins nous saurons comment
marier nos filles .S
tait trs
pratique
ce
kabyle
et
qui
ne serait
de
avis ?
Mais retenons bien cette
phrase
ou nous
sonn~
rgis par
nos
Kanouns,
ou
par
la loi
franaise, t~
qu'on
nous le dise. N'est-ce
pas
! un
demi-aveu
M
dmontre
que
les
Kabyles
ne seraient
pas
bien
)oiMe!t
d'adopter
notre loi ? D'un autre
ct,
le fait de
c~ti~
jeune
fille
voulant choisir librement son
mari, n'eet.~
pas
tui aussi un
signe
vident de la
transformation
Q<n
s'opre
dans les murs de ces habitants.
Ce
qui peut
encore
beaucoup
aider
J 'assimiia~~
des
indignes,
c'est
l'instruction.
Or,
par)erd'instp~%
l'Arabe,
c'est
parler
trs
inutilement,
et M. de
Ca~S
Samt-Aymour
a bien raison de
dire,
dans son
It~~
~-a~M et
Kabyles que parler
d'tablir des
dans toute
l'Algrie,
c'est--dire aussi bien en
pa~~
nomades
qu'en pays
de
sdentaires,
doit
provoquer
haussement
d'paules
chez tous les
hommes
qui
I/AVE~UiDELAKABYLIE 539
naissent
!'A)grie
autrement
que pour s'y
tre
prome-
ns
pendant
six semaines a, ia recherche du
pittores-
que
ou )a
poursuite
des
griefs
des
Arabes contre
les
colons. Et il
ajoute
Mais si. au
contraire,
vou-
lant
faire un effort srieux et un essai lovai de rensei-
gnement
franais
sur un terrain bien
prpar
le re-
cevoir,
on
commenait par
tablir des coles franaises
phez
les Berbres
sdentaires,
et
principalement
dans
l Ka.by)ie
du
Djurjura, je
suis
persuade
qu'on
ne trou-
verait pas
un coion
inteHigent qui n'approuvt
cette
mesure des deux mains et
qui
ne ft
dispos
lui
pr-
ter
son concours. Ceia est absolument exact et cette
tentative
qui dj
a
port quelques fruits,
devrait tre
Bttissa.mment
encourage par
la cration de nombreu-
ses
coles
en Kabylie. Les Kabyles
n'ont
pas
d'ensei-
gnement
national et si leurs instructeurs
arabes nous
factions
substituer des
professeurs
franais,
il n'est
p&s
chimrique
de croire
que par
l'infiltration
progres-
%t?
et de notre
tangue,
et
de nos ides de
progrs
in-
tbtstrie!
et
ccmmercia),
on arriverait leur assimita.-
tMMi
relativement trs
prompte,
s' Les hommes les
pias comptents
ne doutent
pas
de la
prompte
rus-
Mte de
l'enseignement franais iargement rpandu
dans
}$ Djurjura.
En dix
ans,
me disait un
jour
M.
Nasqueray,
directeur de la Facu't des lettres
d'Alger,
eo
dix.
ans,
si Fou
vouiait,
tous les
Kacyies parle-
raient franais
M.
H faut donc des coles et des cotes trs nombreuses
eaXabyHe
mais
quelles
coies? Des cotes
neutres,
c'est--dire
ceies
qui
maa.genUes croyances
des
pa-
rents. Auprs
du matre
franais, ii
faut ie
taleb.
!f
~~r
musutmn.
charg d'enseigner
aux ives le
Sfan. Mais c'est
encourager,
dira-t-on, le fanastisme
<tjE!at
nous avon? eu
dj
tant nous
plaindre
Tout
~S&ord
il est
impossible
de
songer
faire de l'anti-
c~'ca-Hsme
ea
Atgrie;
ceux
qui
le voudraient
tenter,
Se~rouveraient
qu'une chose,
leur
ignorance profonde
~caractre
musulman.
C&qu'ii
faudrait,
c'est
que
le
arabe
qui aujourd'hui enseigne,
tout fait en de-
de notre
taSuesce,
!e
Coran,
la
grammaire
arabe,
LA KABYLIE S40
le droit de Sidi
Khelil,
soit
remplac par
un taleb d'ori-
gine
berbre,
pay par
nous,
qui par
suite de sa si-
tuation,
ne choisirait
pas
exclusivement les
passages
du
Coran,
les
plus plus
violents contre
les
Roumis M
pour
les faire
apprendre par
cur ses lves. < Nous
aurions ainsi un
enseignement
du
Coran,
expurg
l'usage
de nos
sujets
musulmans
d'Algrie.
Et
qu'on
ne
me dise
pas que
cela est
impossible.
On trouve tout ce
qu'on
veut dans le
Coran,
comme dans tous les livres
sacrs de toutes les
reiigions. Pourne
citer
qu'un
seul
exemple,
ct
d'appels
brlants la destruction des
mcrants,
on rencontre des
passages
o les hommes
des
critures,
c'est--dire les chrtiens et les
juifs, sont
distingus
avec soin des infidles. On voit
par
ce seul
fait, quel parti
un homme
intelligent,
et
surveill,
peut
tirer du choix habile des versets
qu'ilfera
rciter ses
lves
(Caix
de
Saint-Aymour).
Ce
serait, qu'on
nous
permette
de le
dire,
un
clerg
national,
qui
liminerait
peu
peu
l'lment
fanatique,
les marabouts arabes.
Mais Fcote sans le
taleb,
l'enseignement
franais
sans
l'enseignement religieux,
n'ont aucune chance de suc-
cs. Il
y
a l une
question
de
prjugs
sociaux
qui
for-
ment une barrire infranchissabie. Et
que
nos libres-
penseurs
franc&is
ne s'en tonnent
pas
outre
mesure
ils sont eux-mmes soumis ces
prjugs
dont ils vou-
draient voir se
dpouiller
les autres. Combien de ceux
qui
se disent libres
penseurs
dans te monde comme il
faut recevraient chez eux des
couples
non maris &
l'glise ?
Cette rflexion de M. de Caix de
Saint-Aymour
n'tablit-elle
pas,
ainsi
qu'il
le dit lui-mme la
preuve
que
la
logique
de la conscience intime n'a rien voir
avec
l'intransigeance
de
traditions sculaires. !
faut,
en matire de
murs,
bonnes ou
mauvaises,
h
'aucoup
de
temps pour
dtruire ce
que
le
temps
a consacr
Il va sans dire
que l'enseignement franais
doit tre
appropri
suivant la condition sociale et les
proccu-
pations
d'avenir
de
l'enfant. Avec notre vritaMe ent-
tement vouloir l'uniformit dans notre administration
bureaucratique, quels que
soient d'ailleurs les centres
o eHe s'exerce et le caractre de ceux
qu'elle rgit,
L'AVENIR DE LA KABYLIE
54i
nous avons voulu
que
le
petit paysan kabyle apprenne
ce
que
l'on
enseigne
au
paysan franais.
Aussi est-ce
avec un sourire
que
nous lisons des
rcits,
tels
que
la
suivant,
relat dans le
journal
des Dbats du 7
mai,
et
reproduit
dans
l'ouvrage prcit,
Arabes et
Kabyles
auquel
nous
l'empruntons.
Un de nos
amis,
M.
Franck
Chauveau,
snateur et secrtaire de la
commission
d'tudes de
l'Algrie, lequel
a
t,
au
printemps dernier,
faire un
voyage
dans notre
colonie,
racontait dans une
interview
publie
dans le J ournal des Dbats du 7 mai
que,
visitant une
cole,
d'ailleurs trs bien
tenue,
il
avait demand au mattre
quelles
taient les connais-
sances
historiques
de ses lves. Oh t lui
rpondit
modestement
celui-ci,
ils n'en sont encore
qu'
l'his-
toire de Charles VI) Avant d'en arriver
l,
ajoute
M.
Chauveau,
on avait videmment
appris
aux
jeunes
Arabes,
toute l'histoire des
Mrovingiens, y compris
les msaventures de
Chilpric
et de
Frdgonde.
Voil
qui
devait
singulirement
les intresser x. Et l'auteur
ajoute
Ils
n'chappent pas
non
pkts,
trs certaine-
ment,
la nomenclature de tous nos chefs-lieux d'ar-
rondissements. M est si utile un
jeune
homme
kabyle
de Fort National de savoir
que
Hazebrouk est situ
dans le
dpartement
du
Nord,
et
que
Brive-la-Gaillarde
fait le
plus
bel ornement de laCorrzet. Il faudrait
donc avant tout faire table rase de tous ces
programmes
mtropolitains composer pour
nos lves
kabyles
des
livres
appropris
leurs besoins et leurs
aptitudes
cesse:
par.exemple,
de les
obliger
savoir ce
que
c'est
que
la
pragmatique
sanction de saint
Louis,
mais leur
raconter la croisade de ce roi contre
Tunis,
alors oc-
cup par
les ennemis de leurs
anctres;
ne
pas
leur
,faire
apprendre par
le menu les dtails de la
querelle
~de Franois
I' et de Charles
Quint,
mais leur montrer
te dernier
attaquant
leur
pays
Alger,
Oran,
tandis
'que le
roi de France
inaugurait
avec la Porte Ottomane
~ne
politique
amicale
qui
aboutit aux
capitulations,
et
~ui
fait encore
aujourd'hui
de la France la
plus
vieille
allie
du Sultan. En un
mot,
leur
enseigner
les annales
J eteur
pays depuis
les
temps
les
plus
reculs
jusqu'
LA KAHtUE 542
nos
jours,
ce
qui
leur fera voir naturellement
que
les
arabes taient leurs
oppresseurs
et
que
nous
sommes
encore les
plus gnreux
et les
plus
forts de leurs con-
qurants
telle doit tre la base de notre
enseignement
historique.
A
propos
de
gographie,
leur montrer la
France
grande
dans le monde
par
ses colonies, surtout
en
Afrique
les
persuader
ainsi
que
leur
pays
n'est
qu'une
infime
partie
de
l'Empire Franais
(?)
et leur
en faire conclure
qu'il
est
parfaitement
inutile de
penser
nous
jeter
la
mer enfin,
leur
prouver que
rien ne
les
spare
de
nous,
rien
qu'une religion que
nous
sommes dcids
respecter
comme nous
respectons
toutes les
autres,
aussi bien dans nos colonies
que
sur
notre sol
mtropolitain
telle est la mthode
suivre,
d'une manire
gnrale pour
arriver les
rapprocher
de nous en les dsolidarisant des Arabes et en
exploi-
tant leur haine et leur
mpris pour
les nomades
Dans les Lettres de
Kabylie,
de M. Paul
Bert,
voici ce
que
nous
lisons,
sur ce mme
sujet
<
l'instituteur en-
seigne
ce
qu'il sait,
ce
qu'on
lui a
appris
enseigner,
ce
qui
est estim dans les coles normales et
apprci
de MM. les
inspecteurs.
Un
jour,
dans
une cole de la
grande
Kabylie,
l'instituteur me montrait avec fiert
des enfants
qu'il prparait
au certificat d'tudes. C'est
l une
conception
dlirante. Le certificat
d'tudes,
les
casse-tte de
l'arithmtique,
les
Mrovingiens
les sub-
bilits de la
grammaire,
les bizarreries de
l'orthogra-
phe
Dans une
autre, je prends
le cahier de rdaction
du meilleur lve. Dicte.
je
vous le donne en
mille,
les remords de
Frdgonde
Mais ces
enfants,
fami-
liers avec Brunehat et les intrts
composs, je
leur
demandais en vain l'tendue de la
France,
le nombre
de ses
soldats,
le bien
qu'elle
a fait leur
pays.
leurs
devoirs envers elle. .
Cela
n'est-il pas trs juste?Et quel Franais,
connais-
sant un
peu
les choses
d'Algrie,
ne serait du mme
avi? ? La connaissance exacte de notre
pouvoir,
ide
qu'ils
se feraient d'une France une et
puissante,
les
rendrait
rsigns
l'invitable et a
l'indestructible <
et ils
pratiqueraient
la maxime
~tt'</MmMp!<'H<Mp
<t'mor
LAVE~HtDELAKAttYUL 543
~<M! Au contraire
aujourd'hui
sans donnes certaines
sur notre
mtropole,
ils
s'imaginent
volontiers
que
la
France n'est
qu'un compos
de tribus, semblables aux
leurs,
et ils sont un
peu encourages
dans cette
croyance
par
la diffrence du
langage qu'ils peroivent
fort bien
chez les
Marseillais,
les
Normands,
les Bordelais ou les
Bourguignons,
aussi bien
que par
leur
divergence
de
gots
et de leur manire de vivre.
A cet
enseignement,
il faut
joindre ['enseignement
manuel,
professionnel.
Quand
le
Kabyle
verra
qu'
rcote on
apprend
un mtier
qui rapporte
de beaux et
solides bnfices,
qu'on
forme des cultivateurs initis
tous nos modes de
culture,
il sera le
premier
en-
voyer
son enfant chez le maltre
franais.
Le
Kabyle
apte
nous rendre de nombreux services.
ayant
son
intrt en
jeu pour augmenter
ses
moyens
d'existence
ou son bien-tre, se miera fatalement d'une
faon
plus
intime notre
vie,
il
prendra
nos
habitudes,
pensera
la
longuecomme
nous
pensons
nous-mme,
deviendra
lui-mme tolrant en
voyant
la tolrance
que
nous
aurons montre vis--vis de
lui-mme
partir
de ce
jour,
son assimilation sera uvre
accomplie.
Il ne faudrait
pas
croire en effet
que
le
Kabyie
ins-
truit,
connaissant un
mtier,
restera dans ses mon-
tagnes
o il n'a
point
assez de terre
pour
vivre tant la
la
population y
est dense. De tous
temps
les
Kabyles
ont
migr pour
venir demander leur vie dans la Mi-
tidja,
dans la
province
de
Constantine,
et dans beau-
coup
d'endroits encore bien
plus teignes.
Qui
emp-
cherait de se servir de ce
got
ou
plutt
de cette n-
cessit
d'migration, pour
crer des centres
o !a colo-
nisation se ferait
par
les
Kabyles ?
`.'
U est certain
que
l'on trouverait une
grande quantit
de
Kabyles qui
ne demanderaient
pas
mieux.
que
de
venir en dehors de leurs
montagnes
cultiver des terres
que
nous leur concderions ou
que
nous leurs vendrions:
tout d'abord ils trouveraient cet immense
avantage
de
travailler
pour
eux,
au lieu de travailler
pour
un
maitre,
un
tranger.
En
outre,
les
Kabyis
seraient !'-
tment colonisateur
par
excellence
que
nous devrions
K~ LA KABYUE
t~veJ .
Imprimerie
E. J AM!N< 8<
rce R'eerdaiBe~
employer pour
faire de
t'AtgripMne
ver)tab)e
France.
Nous ne revenons
pas
sur ce
qui
a t dit ce
s~et
dans le livre
prcdent
notre seul dsir serait de
T~a~
cf
projet
faire
t'objet
d'une tentative. Le
KabyJ o~at
tirerait tout honneur et
profit,
et la France
aurait
solu un
proMme
qui s'impose
de
jour
en
jour
d'WM
faon
plus
imminente
ia. colonisation eSective
t'Aigene.
FIN DU DIXIME ET PERNR LIVRE.