Le Sionisme Et Le Régime Nazi Les Contacts Secrets

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Le sionisme et le rgime nazi

Klaus Polkehn





















Jignore pourquoi les articles de Klaus Polkehn sur le sionisme nont jamais t
traduits intgralement en franais.
Cette lacune est maintenant en partie rpare puisque, aprs larticle sur les relations
entre le mouvement sioniste et limprialisme, notamment allemand, dont je vous ai
dj livr la traduction, je vous propose un autre article qui tombe point nomm en
ce jour o les sionistes redoublent de condamnations morales, en attendant parfois des
mesures plus pratiques, contre ceux qui selon eux ne prendraient pas assez au srieux
ce quils appellent holocauste ou shoah.
Ne pas prendre au srieux cet holocauste, cest par exemple contester le chiffre
officiel de 6 millions de Juifs tus pendant la deuxime guerre mondiale ou nier
lexistence des chambres gaz.
Mais cest aussi situer le malheur des Juifs lpoque dans une histoire commune des
malheurs qui ont accabl et continuent accabler lhumanit. Cet prcisment lerreur
commise par le dput Anglais David Ward qui provoque un toll chez les sionistes
parce que, adepte convaincu de la religion de lholocauste, il pense tre autoris, au
nom de principes universels, critiquer les Juifs qui spolient et martyrisent le peuple
palestinien. Les Juifs en question sont bien entendu les sionistes et personne dautre.
Mais il est interdit de critiquer lentit sioniste parce que cest le plus souvent une
expression voile dantismitisme et que comparer peu ou prou ses agissements ceux
du nazisme relve du sacrilge.
Pourtant, sil est des gens qui devraient faire profil bas quand on parle du nazisme, ce
sont bel et bien les sionistes ainsi quon peut le constater en lisant le texte qui suit de
Klaus Polkehn. Ce dernier prsente de manire dtaille la somme des relations
connues entre la clique sioniste et le rgime nazi ds larrive au pouvoir dHitler, une
clique sioniste qui aurait d tre juge Nuremberg avec le reste de la bande.
Et contrairement aux apparences, la politique prosioniste des puissances europennes,
de lAllemagne tout particulirement, loin de sinscrire en rupture avec celle du
fascisme hitlrien, se situe en fait dans une tonnante continuit. Une continuit dont
la perception est cependant rendue trs difficile par tout le brouillard motionnel
entretenu sur la premire moiti du 20me sicle et une guerre quon a voulue
inanalysable par lopinion publique.


Angela Merkel et Benjamin Netanyahou

Larticle sur lequel jai bas ma traduction est en anglais (larticle original de Klaus
Polkehn est crit en allemand). Je nai pas reproduit limportant appareil de notes de
lauteur qui renvoie aux documents sur lesquels il sest appuy. Vous trouverez toutes
ces rfrences dans larticle en anglais disponible en format pdf (lien ci-dessous)

TheSecretContacts-ZionismAndNaziGermany1933-1941journal-of-palestine-studies
polkehn-klaus-vol-5-no-3-4-1976-pp-54-82_text (1).
Les contacts secrets : le sionisme et lAllemagne nazie, 1933 1941

Par Klaus Polkehn, Journal of Palestine Studies 1976 traduit de langlais par Djazari







































Lantismitisme devint une politique officielle du gouvernement allemand quand Hitler
fut nomm chancelier du Reich allemand le 30 janvier 1933. Le printemps 1933 avait
aussi vu le commencement dune priode de discrte coopration entre le sionisme et
le rgime fasciste allemand afin daccrotre le flux de capitaux et dmigrants Juifs vers
la Palestine. Les autorits sionistes avaient longtemps russi maintenir cette
coopration secrte, et ce nest que vers le dbut des annes 1960 que des critiques se
sont exprimes ici ou l. La raction sioniste a gnralement consist en des
dclarations selon lesquelles leurs brefs contacts avec lAllemagne nazie avaient t
entrepris seule fin de sauver des vies juives. Mais ces contacts taient dautant plus
remarquables quils avaient eu lieu une poque o de nombreux juifs et organisations
juives exigeaient un boycott de lAllemagne nazie.
A loccasion de la 16
me
convention du Parti Communiste Isralien, un document
propos au dbut de la confrence affirmait que aprs la prise de pouvoir par Hitler
en Allemagne, alors que toutes les forces antifascistes dans le monde ainsi que la grande
majorit des organisations juives avaient proclam un boycott contre lAllemagne
nazie, des contacts et une collaboration existaient entre les dirigeants sionistes et le
gouvernement hitlrien. Le document citait les propos tenus par le dirigeant sioniste
Eliezer Livneh (qui tait le rdacteur en chef de lorgane de la Haganah pendant la
deuxime guerre mondiale) lors dun symposium organis par le journal isralien
Maariv en 1966, qui expliquait que pour les dirigeants sionistes, secourir les juifs
ntait pas un but en soi, mais seulement un moyen (cest--dire pour tablir un Etat
juif en Palestine). Sinterroger sur la raction du mouvement sioniste face au fascisme
allemand qui, pendant ses douze annes au pouvoir, a assassin des millions de juifs
relve du tabou aux yeux des leaders sionistes. Ce nest que rarement quon peut
tomber sur des preuves authentiques ou des documents au sujet de ces questions. Cette
enqute rassemble des informations recueillies jusqu tout rcemment sur certains
aspects importants de la coopration entre les fascistes et les sionistes. La nature des
choses veut que cette enqute ne prsente pas une image complte. Cela ne sera possible
que quand les archives (surtout celles qui sont en Isral) dans lesquelles les documents
concernant ces vnements sont enferms double tour seront accessibles aux
chercheurs universitaires.
Lavnement dHitler
Pour les dirigeants sionistes, larrive dHitler au pouvoir tait grosse de la possibilit
dun afflux dimmigrants en Palestine. Auparavant, la majorit des juifs allemands,
qui se considraient eux-mmes comme allemands, navaient gure de sympathie pour
lentreprise sioniste. Les statistiques allemandes, compiles avant la prise du pouvoir
par les fascistes, classait la minorit juive uniquement en tant que confession
religieuse et ce sont les lgislateurs fascistes qui introduiront la notion de race en
tant que caractristique et incluront de la sorte mme les descendants assimils issus
de la communaut juive dans la catgorie [raciale, NdT] juive.
Selon les statistiques, 503 000 juifs vivaient en Allemagne en 1933, constituant ainsi
0.76 % de la population totale. 31 % de tous les juifs allemands rsidaient dans la
capitale Berlin o ils reprsentaient 4,3 % de la population de la ville. Les statistiques
allemandes indiquent aussi que la proportion de juifs dans la population de lAllemagne
avait diminu entre 1871 et 1933, passant de 1,05 % 0.76 %.
Ces juifs allemands taient dans leur crasante majorit non sionistes ou antisionistes
et, avant 1937, lUnion Sioniste pour lAllemagne (Zionistische Vereinigung fr
Deutschland, ZVFD) avait beaucoup de mal se faire entendre.
Parmi les juifs recenss en Allemagne en 1925, il ny en avait par exemple que 8739
(pas mme 2 %) susceptibles de voter dans les conventions sionistes (cest--dire en
qualit dadhrents dorganisations sionistes). Aux lections rgionales de la
communaut juive tenues en Prusse en fvrier 1925, seulement 26 des 124 personnes
lues appartenaient des organisations sionistes. Un rapport de Keren Hayesod
prsent la 24
me
session de la ZVFD en juillet 1932 constatait : dans le processus
dvaluation du travail de Keren Hayesod en Allemagne, on ne doit pas oublier qun
Allemagne, nous devons tenir compte non seulement de lindiffrence de larges cercles
juifs mais aussi de leur hostilit.
Par consquent, lpoque de lavnement au pouvoir dHitler, les sionistes taient
pour lessentiel une petite minorit insignifiante et peu influente et dtaient les
organisations non sionistes qui jouaient un rle dominant parmi les juifs. A leur tte
se trouvait la Centralverein deutscher Staatsbrger jdischen Glaubens (CVn ou Union
Centrale des Citoyens Allemands de Confession Juive), fonde en 1893 qui, ainsi que
son nom le laisse entendre, considrait les juifs allemands comme des allemands et
considrait que son premier devoir tait de combattre lantismitisme.
En accord avec cette position fondamentale, la CVn avait aussi nettement affirm son
rejet du sionisme. Cest ainsi quune rsolution adopte par la principale instance de
la CVn le 10 avril 1921 se concluait par ces mots : si le travail de colonisation en
Palestine ntait quune affaire daide et dassistance, alors, du point de vue de la
Centralverein, il ny aurait rien redire la promotion de ce travail. Cependant, la
colonisation en Palestine est dabord lobjet dune politique nationale juive et sa
promotion et son soutien doivent donc tre rejets. En consquence, ctait la CVn
qui, pendant les annes prcdant larrive dHitler au pouvoir, se tenait lavant-
garde des partis et organisations progressistes dans leur lutte contre lantismitisme.
Au sujet de cette attitude, lcrivain juif Werner E. Mosse remarquait : Alors que les
dirigeants de la CV considraient comme de leur devoir de reprsenter les intrts des
juifs allemands dans laction et le combat politiques, le sionisme prenait position pour
une non participation des juifs la vie publique allemande. Il rejetait par principe
toute participation la lutte mene par la CVn.
Lattitude des sionistes lgard de la menace dune domination fasciste totale en
Allemagne tait dtermine par certains prsupposs idologiques communs : les
fascistes tout comme les sionistes croyaient aux pseudo thories raciales, et les uns
comme les autres partageaient la croyance dans des gnralisations mystiques comme
le caractre national (volkstum) et la race, les uns et les autres taient chauvins et
penchaient pours lexclusivisme racial. Cest ainsi que lofficiel sioniste Gerhart
Holdheim crivait en 1930 dans une livraison du Sddeutsche Monatshefte consacre
la question juive (une publication dans laquelle, entre autres, des antismites notoires
faisaient connatre leurs opinions) : Le programme sioniste conoit la communaut
juive comme tant homogne et indivisible, sur une base nationale. Le critre qui
dfinit la communaut juive nest pas al confession ou la religion, mais un sentiment
global dappartenance une communaut raciale que runissent des liens de sang et
historiques et qui est dtermine prserver son individualit nationale. Ctat le
mme langage, la mme phrasologie que celle utilise par les fascistes. Il va de soi que
les fascistes allemands voyaient dun bon il les conceptions sionistes, tel Alfred
Rosenberg, le principal idologue du parti nazi qui crivait :
le sionisme doit tre soutenu vigoureusement de sorte ce quun certain nombre de
juifs allemands partent chaque anne en Palestine ou que, du moins, on leur fasse
quitter le pays. Considrant une dclaration de ce genre, Hans Lamm crira plus
tard : il est incontestable que dans les premires tapes de leur politique juive, les
nationaux socialistes pensaient quil convenait dadopter une attitude pro sioniste.
De manire trs perspicace, la CVn avait remarqu que la reconnaissance par les
sionistes de certains postulats des nationalistes allemands avait donn des munitions
aux antismites et, dans une dclaration de politique gnrale mise par la CVn il tait
mme question du sionisme comme ayant mis au mouvement [juif] un coup de
poignard dans le dos dans la lutte contre le fascisme.
Mais les sionistes pensaient que seul Hitler pouvait pousser les juifs allemands
antisionistes dans le bras du sionisme. Robert Welsch, qui tait alors rdacteur en chef
du journal sioniste allemand Jdische Rundschau dclarait le 8 janvier 1933 (trois
semaines aprs larrive dHitler au pouvoir) lors d une runion du comit local de la
ZVFD : Le caractre antilibral du nationalisme allemand [i.e. les tendances
ractionnaires de la bourgeoisie allemande K.P.] saccordaient avec la position
antilibrale du sionisme et nous nous trouvons maintenant devant une chance de
trouver, non une base pour une comprhension [mutuelle, NdT] mais pour la
discussion.
Lappel Hitler le 30 janvier pour prendre la tte du gouvernement fut suivi par une
mainmise sur toutes les positions dautorit par le parti national Socialiste, ce qui
signifiait que des antismites dclars taient dsormais au pouvoir. Les juifs allemands
regardaient ces vnements avec apprhension parce que dans le programme du parti
nazi figuraient le retrait de la citoyennet aux juifs (Point 5) la rvocation des Juifs
exerant dans la fonction publique (Point 6) ainsi que lexpulsion de tous les Juifs qui
avaient immigr en Allemagne aprs le 2 aot 1914 (Point 8).
Seuls les sionistes voyaient des avantages cette tournure des vnements (Lhistorien
britannique Christopher Sykes, qui ntait certes pas antisioniste, est de lopinion que
les dirigeants sionistes taient dtermins ds le tout dbut du dsastre nazi retirer
un avantage politique de la tragdie.
La premire expression publique de cela fut luvre du Dr Joachim Prinz, un rabbin
berlinois qui tait un sioniste convaincu et qui immdiatement aprs le 30 janvier 1933
dcrivit la prise de pouvoir par Hitler comme tant le dbut du retour des juifs leur
judasme.
Evoquant le terrorisme fasciste contre les juifs allemands, Prinz crivait : Nous
navons plus nulle part o nous cacher. Au lieu de lassimilation, nous souhaitons la
reconnaissance de la nation juive et de la race juive. Ce point de vue ntait pas du
tout celui dun individu isol. On pouvait lire le 13 juin 1933 dans lorgane officiel de
la ZVFD, le Jdische Rundschau:
Le sionisme reconnat lexistence dune question juive et veut la rsoudre dune manire
gnreuse et constructive. A cette fin, il veut sattirer le soutien de tous les peuples ;
ceux qui ont de la sympathie pour les juifs tout comme ceux qui leur sont hostiles,
dans la mesure o, du point de vue sioniste, ce nest pas une question sentimentale
mais un vritable problme traiter la solution duquel tous les peuples sont
intresss.
En recourant cette argumentation, le sionisme adoptait la mme ligne politique que
les fascistes.
Le 21 juin 1933, les sionistes firent une dclaration officielle sur leur politique lgard
de la prise de pouvoir par les fascistes : La dclaration de lUnion Sioniste pour
lAllemagne en Rfrence la Position des Juifs dans la Nouvelle Allemagne. Dans
une partie de ce long document, il tait soulign que Notre avis est quun des principes
du nouvel tat allemand dexaltation nationale rendrait possible une solution
satisfaisante. Dans son document, la ZVFD, jetait un regard sur lhistoire de la
situation des juifs en Allemagne, en se servant dun vocabulaire fasciste comme les
liens du sang et de la race et, exactement comme Hitler, postulait une me
spcifique pour les juifs. Les sionistes affirmaient ainsi : Pour le juif aussi, lorigine,
la religion, la destine commune et la conscience de soi doivent avoir une signification
dcisive dans sa faon de vivre. Ce qui ncessite de surmonter lindividualisme goste
qui sest rpandu lpoque librale, et devrait tre ralis travers lacquisition dun
sentiment commun dunit et en assumant avec joie notre responsabilit.
Aprs cette admission et cette reprise des thses fascistes, suivait une reconnaissance
ouverte de lEtat fasciste : Sur le sol du nouvel Etat [i.e. lAllemagne fasciste], qui a
tabli le principe de la race, nous volons organiser lensemble de la structure de notre
communaut de la mme manire, de sorte que, pour nous aussi, laboutissement de la
revendication de notre patrie puisse aboutir dans la sphre qui nous est alloue. En
conclusion, les sionistes condamnaient la lutte contre le rgime hitlrien mene par les
forces antifascistes qui avaient appel au printemps 1933 au boycott conomique de
lAllemagne nazie. La propagande pour le boycott quils sont en train de faire contre
lAllemagne est dans sa nature mme contraire au sionisme ds lors que le sionisme ne
veut pas combattre mais convaincre et construire.
Pour saisir toute la porte de cette dclaration du ZVFD, il faut ici aussi se souvenir
de ce qui la prcde. La perscution des juifs avait dj commenc et avait dj
atteint un premier point culminant avec un grand pogrom qui avait touch toute
lAllemagne le 1
er
avril 1933. Dans les premiers jours de mars 1933, les citoyens juifs
allemands avaient t maltraits dans des viles allemandes (par exemple des boutiques
juives avaient t pilles Brunswick le 11 mars et, le 13 mars, des avocats juifs avaient
t malmens devant le palais de justice de Breslau [aujourdhui Bratislava en
Slovaquie]. Les autorits fascistes avaient promulgu la loi sur la restauration de la
fonction publique [le 7 avril 1933] qui aura pour consquences, entre autres, la
rvocation de 2000 chercheurs et professeurs juifs des universits. Le 18
me
congrs
sioniste, qui stait runi lt 1933ny voyait pas de problme : quand, pendant las
session du congrs sioniste qui se tenait le 24 aot 1933, la situation des juifs en
Allemagne allait tre dbattue, le prsidium du congrs a fait en sorte dempcher la
discussion. Il avait aussi russi empcher lintroduction dune rsolution appelant au
boycott des marchandises allemandes, et avait la place insist fortement sur la
ncessit dorganiser lmigration des juifs allemands. Les protestations contre les
vnements en cours en Allemagne avaient t rduites au plus strict minimum.
Les fascistes rcompensrent les sionistes pour leur retenue et permirent au ZVFD
de poursuivre ses activits sans entraves. (Ctait au moment o tous les partis et
organisations dmocratiques et antifascistes en Allemagne taient soumis une
rpression des plus rigoureuses et o leurs cadres et leurs membres taient en prison
ou en camp de concentration) Dans le mme temps, les fascistes mettaient toutes sortes
dobstacles sur le chemin des organisations non sionistes. Ces entraves touchaient en
tout premier lieu la CVn parce que, avant 1933 dj, les fascistes voyaient dans la CVn
leurs principaux opposants juifs, ainsi quil est indiqu dans de nombreux exemples
tirs de la presse nazie.
La CVn avait toujours accus les sionistes de monter peu dintrt pour la lutte
[contre le fascisme et quils [les sionistes] suivaient une politique dindiffrence
[devant lemprise du pril fasciste] parce quil ne se sentait pas concern.
Le 1
er
mars 1933, les SA, des paramilitaires fascistes, occupaient le sige central de la
CVn pour le fermer. Le 5 mars 1933, la CVn tait interdite en Thuringe pour cause
de complot de haute trahison. Dans le mme temps, lEtat nazi se tournait contre
dautres organisations juives non sionistes, comme la Ligue du Reich des Anciens
Combattants , par exemple, qui reprsentait une tendance juive nationaliste
allemande. L Union Nationale des Juifs Allemands tait galement interdite.
Avec ce soutien fasciste, les dirigeants de lUnion Sioniste pour lAllemagne purent
obtenir pour la premire fois une position dominante auprs des juifs allemands. A
lautomne 1933, la Association du Reich des Juifs en Allemagne fut fonde et de
grandes organisations juives, dont le CV et le ZVFD y participrent. Le chef de cette
organisation tait le rabbin Leo Baeck dont la personne refltait lattitude ambivalente
de lorganisation lgard du sionisme ; Baeck tait la fois membre de la principale
instance du CV, et prsident du fonds de colonisation juive Keren Hayesod en
Allemagne.
Lorganisation nouvellement cre offrait aux dirigeants sionistes une plateforme plus
large pour leurs activits.
LAssociation du Reich navait pas t, comme on la parfois prtendu, cre sur
instruction des autorits fascistes. Ball-Kaduri crit :
Il sest avr que la cration de lAssociation du Reich se fit sans aucune interfrence
de lEtat ; une fois le processus de structuration achev, lorganisation a simplement
t dclare au ministre de lintrieur du Reich. la Gestapo ne sy tait pas du tout
intresse. Cest seulement le 4 juillet 1939 que lordonnance concernant la cration
obligatoire dune Union des Juifs du Reich en Allemagne fut promulgue, amenant
changer le nom de lorganisation qui passa de celui de Dputation celui dUnion.
Cette ordonnance rendait obligatoire ladhsion de tous les Juifs lUnion du Reich.
Le paragraphe 2 de cette ordonnance satisfaisait galement un des objectifs du sionisme
en affirmant : LUnion du Reich a pour objectif la promotion de lmigration de tous
les Juifs.
Le parti nazi, ses chelons les plus levs, autorisait des activits politiques de divers
types. A cet gard, par exemple, la police politique bavaroise notait le 9 juillet 1935 :
Les organisations sionistes collectent depuis un certain temps de largent auprs de
leurs adhrents et de leurs sympathisants avec lintention de promouvoir lmigration,
en achetant de la terre en Palestine, et dobtenir un soutien pour la colonisation en
Palestine. Ces collectes nont pas besoin dobtenir une autorisation administrative
parce quelles se font dans des cercles juifs ferms. De plus, la police de lEtat na pas
dobjections contre lorganisation de ces runions ds lors quelles portent sur ce genre
de fonds qui ont pour but de promouvoir la rsolution en pratique du problme juif.
Aprs 1933, les fascistes permirent aux sionistes de continuer avec leur propagande.
Tandis que tous les journaux en Allemagne taient placs directement sous supervision
du Ministre de la Propagande (les journaux publis par les communistes, le parti
Social-dmocrate ou les syndicats et dautres organisations progressistes taient
interdits) le Jdische Rundschau pouvait paratre sans entraves.


1936: runion berlinoise de la ZVFD, lorganisation sioniste en Allemagne (photo muse Yad Vashem)

Winfried Martini, correspondant lpoque de la Deutsche Allgemeine Zeitung
Jrusalem et qui, selon son propre tmoignage, avait des liens personnels troits avec
le sionisme observa plus tard ce fait paradoxal que de toute la presse, ctait la
presse juive i.e. sioniste] qui pendant des annes conserva une certaine marge de libert
qui avait t compltement retire la presse non juive. Il ajoutait que dans le
Jdische Rundschau, on pouvait trs souvent trouver des opinions critiques lgard
des nazis sans pour autant que cela se traduise par linterdiction du journal.
Cest seulement partir de fin 1933 que cela conduisit une interdiction de la vente
de ce journal des non juifs. Les Juifs devaient, cest ce que souhaitaient les fascistes,
tre convertis au sionisme mme si cela devait se faire avec une argumentation dirige
contre les fascistes. De la sorte, la diffusion de ce journal sioniste qui tait auparavant
assez faible connut une rapide augmentation.
Que le journal sioniste ait pu se fliciter dtre dans les bonnes grces des dirigeants
fascistes est comprhensible quand on examine la position de cet organe de presse vis-
-vis du boycott des commerces juifs du 1
er
avril 1933. Ce pogrom organis contre des
citoyens Juifs en Allemagne, qui avait soulev lindignation dans le monde entier et
provoqu colre et rpulsion chez tous les Allemands honntes navait pas t
condamn franchement par le journal qui lvaluait plutt comme une confirmation de
la justesse de la position sioniste : lerreur fatale de nombreux Juifs [de croire] que
quelquun peut reprsenter les intrts juifs sous une autre casquette [autre que juive
en tant que telle, NdT] est carte, crivait le Jdische Rundschau en parlant du
pogrom : Le 1
er
avril 1933 peut tre un jour de rveil juif et de renaissance juive.
La libert daction des sionistes incluait aussi ldition de livres ct de leur journal.
Jusquen 1938, plusieurs maisons ddition (dont entre autres, Jdische Verlag
Berlin-Charlottensburg et Schochen-Verlag Berlin) pouvaient publier sans entraves
de la littrature sioniste. Cest ainsi que purent tre publis en toute lgalit dans
lAllemagne fasciste des textes de Chaim Weizmann, David Ben Gourion et Arthur
Ruppin.
Les premiers jours de la domination nazie en Allemagne virent aussi le dbut dune
collaboration conomique entre les fascistes et les sionistes. En mai 1933, la compagnie
sioniste de plantation de citronniers en Palestine, Hanotea, avait dj sollicit du
ministre de lconomie du Reich la permission de transfrer du capital dAllemagne,
ouvrant ainsi la voie laccord de transfert (Haavara) qui interviendra plus tard.
La compagnie Hanotea achetait les marchandises allemandes dont elle avait besoin,
les payant avec des comptes bancaires en Allemagne dmigrants Juifs. Les migrants
quittaient alors lAllemagne et recevaient lquivalent en immobilier de ce qui avait
t prlev sur leurs comptes. Comme lexprience avec Hanotea semblait avoir t
une russite aux yeux des dirigeants sionistes, des ngociations furent entreprises
lt 1933 entre la partie sioniste et le ministre allemand de lconomie, ce qui aboutit
la signature de ce quon a appel laccord Haavara.
Les ngociations de 1933 sur la Haavara sont un des pisodes de lhistoire du sionisme
sur lequel un voile a t jet, vu quelles constituaient un exemple de coopration
conomique au moment o les forces antifascistes essayaient de prendre la tte dun
boycott de lAllemagne nazie. En voquant cette dmarche de boycott, Nahum
Goldmann qui occupait alors une position importante dans le mouvement sioniste,
crira plus tard :
Cependant, beaucoup dorganisations juives refusrent dy participer [au boycott], soit
parce que beaucoup de firmes juives taient en fait des reprsentantes commerciales
dentreprises allemandes, ou parce que certaines organisations juives, celles des Etats
Unis plus prcisment, avaient adopt la position selon laquelle in tait antipatriotique
dorganiser un boycott contre un pays avec lequel son propre pays entretient des
relations commerciales normales.
Cet expos est sans doute valable pour les raisons voques prises une une, mais il
occulte nanmoins la vrit, parce que ceux qui ont rompu le boycott ont dabord t
les sionistes eux-mmes.
Il y a des versions divergentes sur les circonstances qui ont amen laccord Haavara.
Selon une version, linitiative des ngociations avec les autorits fascistes serait venue
des lUnion Sioniste pour lAllemagne qui avait intress au projet Hoofien, le
directeur-gnral de lAnglo-Palestine Bank en Palestine. Hoffien, est-il rapport,
stait rendu Berlin en 1933 et tait entr sur place en ngociations avec
Oberregieunsgrat Hartenstein du ministre de lconomie du Reich. (raison pour
laquelle laccord Haavara est souvent appel aussi laccord Hoofien, une appellation
qui rduit la responsabilit de lensemble de la chose au seul personnage de Hoofien).
Dans la mesure o Hoofien tait impliqu (une implication sans doute ncessaire du
moment o il tait question daccords concrets sur des questions de transferts qui
requraient lexpertise dun banquier professionnel), on doit considrer quune affaire
dune telle importance ne pouvait pas rsulter dune initiative prive et quelle naurait
pu tre mise en uvre sans lautorisation des institutions sionistes. On peut de fait
apprendre par dautres publications que les ngociations taient chapeautes Berlin
par celui qui tait alors le chef du dpartement politique de lAgence Juive : Chaim
Arlosoroff. Finalement, laccord conclu en 1935 sera approuv officiellement par le
Congrs Sioniste Mondial !
Les mots mmes de Ball-Kaduri sont que laccord Haavara avait t conclu sous la
forme dune lettre adresse Herr Hoofien par le ministre de lconomie du Reich.
Les ngociations staient droules sereinement car les Nazis avaient encore un
penchant sioniste lpoque.
En vertu de laccord sign Berlin, deux compagnies furent cres : la compagnie
Haavara Tel Aviv et une compagnie sur baptise Paltreu Berlin. La procdure se
droulait de la manire suivante : lmigrant Juif payait avec son argent (la somme
minimale tait dun millier de livres sterling) sur le compte en Allemagne de la Haavara
( la banque Wassermann Bank de Berlin ou la banque Warburg de Hambourg).
Avec cet argent, les importateurs Juifs pouvaient acheter des marchandises allemandes
pour les exporter en Palestine tout virant une somme quivalente en livres
palestiniennes dans le compte de la Haavara lAnglo-Palestine Bank en Palestine.
Quand lmigrant arrivait, il trouvait dans son compte une somme quivalente celle
quil avait verse en Allemagne (cest l que Ball-Kaduri observe : aprs avoir dduit
des frais assez levs ).
En relation avec lmigration vers la Palestine permis par laccord Haavara, les
sionistes fondrent la Palestine Shipping Company qui acheta le bateau allemand de
transport de passagers Hohenstein quils rebaptisrent Tel Aviv. Le bateau fit
son premier voyage vers Hafa au dpart du port allemand de Bremerhaven au dbut
de lanne 1935. Pendant ce voyage, le bateau portait la poupe son nouveau nom en
caractres hbraques tandis que le swastika flottait sur son mt ; une combinaison
dabsurdit mtaphysique crira plus tard un des passagers. Le capitaine du navire,
Leidig, tait un adhrent du parti Nazi !


Le Hohenstein rebaptis Tel Aviv sera revendu en 1937 au Japon

Laccord Haavara vouait lchec la dmarche de boycott de lEtat nazi et maintenait
sans disruption pour lconomie fasciste laccs un large march lexport une
poque o le commerce mondial souffrait encore des traces de crise conomique
internationale de1929. Ce point avait t soulign dans un mmorandum par Stuckart,
le secrtaire dEtat au ministre de lintrieur du Reich. Dans ce mmorandum, dat
du 17 dcembre 1937, il tait observ : Les principaux avantages [de laccord Haavara]
sont les suivants : linfluence du groupe Haavara en Palestine a amen au rsultat
imprvu et inhabituel mais espr que, de tous les endroits, la Palestine est le pays
dans lequel les biens allemands ne sont pas boycotts par la partie juive En mme
temps, la procdure Haavara a rendu possible une acclration du mouvement
dmigration juive vers la Palestine, amenant au renforcement de la position des
sionistes en Palestine. Les immigrants qui viennent dAllemagne amnent avec eux un
plus haut niveau de comptences conomiques entre autres choses.
Ce qui rsultait aussi de la slectivit. Comme laccord requrait le versement par
lmigrant dun millier de livres sterling au minimum, seuls des membres de la
bourgeoisie juive taient en mesure de profiter de ce dispositif, tandis que les
travailleurs dorigine juive taient lasss leur destin. Ainsi, lvaluation suivante de
laccord de Haavara dans le cadre de lexamen de la politique raciale du fascisme peur
tre considre comme parfaitement juste : le principe de solidarit qui ncessitait que
les Juifs restent unis devant leurs perscuteurs avait vol en clats du fait dintrts
capitalistes.Pecunia non olet. Dans le mme temps, les dispositions prises par les
entrepreneurs Juifs dans le seul objectif de transfrer leurs capitaux de lAllemagne
fasciste vers la Palestine taient accueillies avec grande considration. On a affirm
que le capital envoy au Moyen Orient tait plac au service des Juifs. En ralit
cependant, cet argent servait en Palestine aux mmes objectifs quen Allemagne : le
profit de ses dtenteurs.
Le mme livre affirme que lInternationale Sioniste voulait que les migrants Juifs
dAllemagne arrivent sur le sol de Palestine non comme des sans le sou mais en tant
que propritaires dun capital qui contribuera ldification dun Etat capitaliste. Cest
partir de ce dsir qua grandi lintrt des sionistes pour sassocier avec des
antismites.
De fait, avant mme la cration dIsral, laccord de transfert donna une forte
impulsion lconomie sioniste en Palestine. Des sources sionistes parlent dune somme
de 139,6 millions de Reichsmarks une somme norme lpoque transfre
dAllemagne en Palestine. Une autre source situe le montant transfr 8 millions de
livres sterling. Ce nest pas une simple concidence si les projets les plus importants en
Isral ont t crs ou dirigs par des migrants partis dAllemagne. La plus grande
fonderie de Palestine et lindustrie du ciment par celui qui fut une poque directeur
de la compagnie des eux et dlectricit de Berlin, le Dr Karl Landau. Le Dr Arnold
Barth de Berlin, le Dr Siegfried Sahlheine de Hambourg et Herbert Frder de Breslau
furent les premiers organisateurs de la banque Leumi. Fritz Naphtals de Berlin et
George Josephthal de Nuremberg transformrent en entreprise gante linsignifiante
Arbeiterbank. Certains des plus importantes firmes israliennes furent fondes par
Yekutiel er Sam Federmann de Chemnitz ( Karl-Marx-Stadt lpoque communiste) ;
lentr Yekutiel dans le Whos Who en Isral (1962) le prsente comme un fondateur
de lIsrael Miami Group (Dan Hotel) ; le partenaire isralien du cimentier Isasbest ;
le fondateur et associ de Israel Oil Prospectors Corp, Ltd qui procda au premier
forage ptrolier Mazal 1 et prsida de nombreuses autres entreprises.
Les accords conomiques entre les sionistes et le fascisme allemand avaient
lapprobation de toutes les instances du Reich nazi. Le ministre des affaires trangres
avait dj adopt une attitude pro-sioniste en maintes occasions avant 1933 (il y avait
eu des rencontres entre Chaim Weizmann et les secrtaires dEtat von Schubert et von
Bullow).
Cest seulement aprs le dclenchement de la rvolte arabe palestinienne de 1936 que
les premires divergences dopinion sinstallrent dans les diverses institutions
fascistes sur lutilit de poursuivre les transferts dans le cadre de la Haavara. Le
ministre des affaires trangres se rendait maintenant compte que la politique de facto
pro-sioniste allait aliner les Arabes lAllemagne hitlrienne une perspective qui
ntait pas dans lintrt du Reich Nazi. Dhle, consul gnral dAllemagne
Jrusalem, tait le porte-voix de ce point de vue et, dans un long mmorandum dat
du 22 mars 1937, il observait que par notre promotion de limmigration juive la
position quavait pu roccuper lAllemagne allait tre mise mal. En adoptant cette
position, Dhle tait moins anim par un intrt pour les Arabesque par une inquitude
pour les intrts politiques du fascisme allemand. Il ajoutait que lAllemagne ne devait
pas trop se proccuper des sympathies des Arabes lgard de lAllemagne ds lors
que ce dont nous avions besoin tait moins davoir une politique arabe active que
dviter la promotion voyante accorde ldification dun foyer national juif.
Dhle craignait un revirement de lhumeur des Arabes et que nous soyons accuss
de participer activement la lutte contre eux.
Les inquitudes de Dhle taient partages par dautres autorits fascistes. Ainsi,
lOffice du Commerce Extrieur de lAuslandsorganisation du parti nazi (le bureau du
parti charg des affaires internationales) dclarait en toute franchise : Politiquement,
il [laccord de la Haavara] revient apporter un soutien efficace ltablissement dun
foyer national juif avec laide du capital allemand.
Le 17 dcembre 1937, il tait signal dans le mmorandum dj cit de Stuckart,
Secrtaire dEtat au ministre de lIntrieur, que depuis le dbut de la rvolte arabe
en Palestine les avantages procurs par la procdure [de Haavara] sont devenus plus
faibles tandis que ses inconvnients deviennent de plus en plus importants.
Stuckart tait davis que si la cration dun Etat juif tait invitable, alors tout ce
qui permettrait le dveloppement dun tel Etat devrait tre vit. Puis Stuckart
dclarait clairement : Il est hors de doute que la procdure de la Haavara a apport la
plus forte contribution au dveloppement extrmement rapide de la Palestine [i.e. des
colonies sionistes K.P.]. Cette procdure na pas seulement permis lapport de trs
grosses sommes dargent [dAllemagne] ; elle a aussi apport les hommes les plus
intelligents parmi tous les immigrants, et a en fin de compte fourni les machines et les
quipements industriels ncessaires aussi dAllemagne.
Les craintes de ces responsables (qui, ainsi que nous le verrons taient en contradiction
avec lopinion des SS et de la Gestapo) furent finalement communiques Hitler.
Hitler, ainsi quon peut le lire dans un mmorandum du dpartement de la Politique
Commerciale du ministre des affaires trangres en date du 27 janvier 1938, dcida
que la procdure de la Haavara devait continuer. Cette position dapprobation prise
par Hitler vis--vis du renforcement de la colonisation sioniste de la Palestine resta
inchange malgr les dolances manant du ministre des affaires trangres er
lAuslandorganisation du parti nazi relativement la monte de lhostilit des
Palestiniens lgard de lAllemagne. Cest ainsi que lAuslandorganisation au
ministre des affaires trangres exigea nouveau dans un mmorandum dat du 12
novembre 1938 que une initiative soit entreprise pour une annulation dun accord de
Haavara qui na que trop dur. Jon et David Kimche confirment le fait quHitler
avec une dtermination sans ambigit, avait ordonn la promotion dune
immigration de masse en Palestine, et quHitler avait en outre formul la dcision
fondamentale que lmigration juive devait tre encore plus encourage par tous les
moyens disponibles. Il est donc indiscutable que lopinion du Fhrer tait quune telle
migration devait tre avant tout oriente vers la Palestine.
Finalement, mme Winfried Martini confirme la position pro-sioniste des cercles
fascistes les plus importants pendant la rvolte arabe de 1936-39. Il crit que, en tant
que correspondant de la Deutsche Allgemeine Zeitung en Palestine, ses articles sur la
rvolte taient assez clairement favorables la partie juive, et que cela navait
soulev aucune objection de la part des responsables nazis.
Hitler resta donc le garant des transferts Haavara qui ne furent stopps quavec le
dclenchement de la deuxime guerre mondiale.
Coopration avec les services de renseignements nazis
Pendant les premiers jours de la domination fasciste sur lAllemagne, les sionistes
avaient un contact direct avec lappareil de rpression fasciste, ce qui se traduisit par
une coopration informelle entre la direction sioniste et les organisations de terreur du
Reich nazi (la Gestapo, la SS etc.). Ds avant 1933, le dirigeant sioniste Leo Plaut
avait une connexion avec la police politique et avec un cadre de la police,
lOberregierungsrat Rudolf Diels (suppos tre un camarade de classe de Plaut). Quand
Diels fut dabord nomm chef de la police secrte en 1933, il maintint ses relations avec
Plaut. En fait, Plaut avait mme le numro de la ligne secrte de Diels et pouvait
lappeler tout moment. On peut seulement spculer sur les dtails de leurs contacts
parce que les documents ce sujet sont enferms double tour aux archives de Yad-
Vashem Jrusalem. On peut cependant supposer que cest grce ces contacts quune
rencontre avait pu tre arrange entre le premier ministre Prussien Herman Goering
(plus tard condamn mort par le tribunal de Nuremberg pour crimes de guerre) et
les chefs des organisations juives allemandes. La runion eut lieu le 26 mars 1933.
Parmi les dirigeants sionistes prsents, se trouvait Kurt Blumenfeld, mais il a gard
le silence sur cet pisode sans ses mmoires.
De tels contacts se faisaient en secret, mais il existe des preuves concernant des
prparatifs en vue dune coopration entre les sionistes et la SS (lorganisation qui
chapeautait tout lappareil policier et du renseignement dans lEtat fasciste). Peu de
temps aprs la prise du pouvoir par les fascistes, le journal Der Angriff, contrl par
les chefs propagandistes Nazi, publiait un article sur un voyage en Palestine qui
prsentait en termes positifs la colonisation sioniste en Palestine. Le reportage, intitul
Un nazi voyage en Palestine, ne comportait pratiquement aucune critique.


Mdaille commmorative du sjour de Leopold von Mildenstein en Palestine

Le pseudonyme de lauteur Lim dissimulait lidentit du SS Untersturmfhrer
(quivalent du grade de lieutenant dans larme) Leopold von Mildenstein. Mildenstein
servait dans le SD (le service de scurit de la SS) qui tait lorigine le service secret
interne du parti nazi mais qui, partir de 1934, cessa dtre simplement la police du
parti et un instrument entre les mains du commandement de la police pour se
transformer en service secret intrieur principal de la dictature fasciste.
Le SD tait aussi devenu lorganisation de commandement politique et de formation
des cadres pour la police fasciste. Le fait que Mildenstein ait pu tre lhomme capable
dcrire des articles ouvertement pro-sionistes ntait pas une simple concidence
puisque, en 1934, le Bureau II du SD stait toff dun bureau II-112 ou
Judenreferat (bureau des affaires juives) dont il assurait la direction. Selon Martini,
Mildenstein avait t discrtement conseill par des officiels sionistes pendant son
sjour en Palestine. Le dpartement dirig par Mildenstein a eu la charge de la politique
juive du nazisme jusquen 1938 Cette politique avait t formule par lorgane officiel
de la SS, Das Schwarze Korps, dans les termes suivants : Le temps nest peut tre
pas bien loin qui verra la Palestine recevoir nouveau les enfants quelle avait perdu
il y a un millier danne. Nos vux ainsi que la bonne volont de lEtat les
accompagnent . Il y a eu des tentatives pour dcrire la politique pro-sioniste de la SS
comme refltant lattitude personnelle de Mildenstein plutt que lentente officielle
entre sionistes et fascistes. Mais il ny a pas que la citation extraite du Schwarze Korps
pour contredire cette thse : Mildenstein lui-mme, quelques annes plus tard,
republiera sous forme de livre ses notes de voyage parues dans lAngriff. Mais cette
fois-ci, il transformera sa tendance pro-sioniste initiale en antismitisme sans fard.
Les dirigeants sionistes qui avaient discrtement conseill le directeur du
Judenferat au SD pendant son voyage en Palestine poursuivirent leurs contacts
avec la SS et le SD. Naturellement, peu de dtails sont connus sur ces contacts dont
les traces sont des documents hautement classifis. Un des rares documents disponibles
sur ces relations est un mmorandum du professeur Franz Six dat du 17 juin 1937 qui
porte la mention Affaire secrte pour le commandement. ce mmorandum contient
des informations sur une visite de lmissaire sioniste Feivel Polkes Berlin. Polkes
tait membre de ltat major de larme sioniste clandestine, la Haganah, avec le grade
de commandant. LOberscharfhrer de la SS Herbert Hagen qui avait succd
Mildenstein la direction du Judenferat affirmait que Polkes avait le commandement
de lensemble de lappareil dauto-dfense des Juifs de Palestine.
En Palestine, Polkes avait t en relation troite avec le correspondant de la German
News Agency , le Dr Reichert qui tait actif dans le rseau despionnage du SD en
Palestine. Ce rseau tait dirig pat Otto von Bodelschwingh, un agent du SD tabli
comme agent commercial Hafa. Cest le Dr Richert qui avait obtenu un visa dentre
en Allemagne pour Polkes.
Polkes resta Berlin du 26 fvrier au 2 mars 1937, participant plusieurs runions
avec des agents du SD reprsentant le rgime nazi, dont deux avec le Hauptscharfhrer
Adolf Eichmann (Eichmann avait alors commenc travailler au Judenferat).
Polkes avait alors offert de collaborer avec le gouvernement allemand, disant
Eichmann quil tait par-dessus tout intress acclrer limmigration juive en
Palestine, de sorte ce que les Juifs deviennent majoritaires par rapport aux Arabes
dans son pays. A cette fin, il travaillait avec les services secrets anglais et franais et
ils voulait aussi cooprer avec lAllemagne dHitler.
Hagen avait not un peu plus loin dans son rapport sur la visite de Polkes Berlin :
Il avait aussi signal sa disponibilit rendre des services lAllemagne sous la forme
dinformations, dans tant quelles nentraient pas en conflit avec ses propres
objectifs
Entre autres choses, il soutiendrait avec vigueur les intrts allemands au Moyen
Orient Hhne avait comment loffre de Polkes en ces termes : derrire a, il y
a clairement la politique dimmigration de la Haganah.
La SS avait immdiatement rcompens les intentions coopratives de Polkes avec les
instructions prconises par Six. Une pression est exerce sur lassociation des Juifs
du Reich en Allemagne afin dobliger les Juifs qui migrent dAllemagne se rendre
seulement en Palestine et dans aucun autre pays.
Ctait exactement ce que voulaient les sionistes mais, ajoutait Six : Une telle mesure
va entirement dans le sens des intrts de lAllemagne et elle est dj mise en uvre
par la Gestapo.
Feivel Polkes, le commandant de la Haganah, stait mis en quatre pour faciliter le
dveloppement de la coopration entre sionistes et fascistes ; il avait mme lanc une
invitation Eichmann pour une visite en Palestine comme invit de la Haganah.
Six observait :
Dans le travail de mise en contact, le nom du SS Hauptscharfhrer Eichmann du
Dpartement II-II2 me vient lesprit avant tout autre. Il avait eu des discussions
avec Polkes pendant le sjour de ce dernier Berlin et il avait t invit visiter les
colonies juives en Palestine o il serait son guide.
Le voyage en Palestine entrepris par Hagen et Eichmann nest quun pisode dans
lhistoire de la collaboration entre le sionisme et lAllemagne nazie. Mais ctait un
vnement la fois significatif et rvlateur qui est devenu lobjet dune falsification
considrable. Au lieu dadmettre le fait que le tristement clbre assassin de Juifs,
Adolf Eichmann, avait un moment donn t invit en Palestine par la Haganah, les
auteurs sionistes ont renvers la faute et affirm que le but de la visite dEichmann
tait dentrer en contact avec les rebelles Palestiniens, voire de conspirer avec le mufti
de Jrusalem, Hadj Amin Al-Husseini. Linventeur de cette histoire semble tre le
sioniste bien connu Simon Wiesenthal qui, en 1947, avait dj prtendu quEichmann
avait implant un rseau dagents dans la colonie [allemande] de Sarona en Palestine
et avait pris contact avec le Grand Mufti. En 1951, Lon Poliakov avait publi quelque
chose de semblable dans Die Welt et Gerald Reitlinger la lui emprunta deux ans plus
tard pour son livre La solution finale dans lequel Eichmann tait suppos avoir t
envoy en Palestine pour prendre contact avec les rebelles Arabes.
A partir de l, la lgende a fleuri, avec lAmricain Quentin Reynolds affirmant mme
quEichmann avait rendu visite au Grand Mufti. Le biographe dEichmann, Commer
Clarke, tait all jusqu soutenir quEichmann avait emport avec lui 50 000 dollars
d or nazi pour les offrir aux rebelles Palestiniens.
Quand de tels mythes sont mis en regard avec la ralit des faits, une des raisons pour
lesquelles le gouvernement isralien tenait tant ce que le procs Eichmann ait lieu en
Isral et pas ailleurs devient claire ; cest seulement en Isral que les contacts des
sionistes avec les nazis pouvaient tre carts du regard de lopinion publique. Cest
seulement l-bas que la pression sur un Eichmann qui jouait sa vie dans ce procs
pouvait tre suffisante pour quil fasse de fausses dclarations devant la cour. Il est
vrai, dclara Eichmann pendant son procs, quun des objectifs de mon voyage en
Palestine en 1937 tait de prendre contact avec le Mufti Al-Husseini. Mais le rapport
sur leur voyage rdig par Hagen et Eichmann et dcouvert dans les archives secrtes
dHimmler, le chef de la SS, renvoie une image diffrente. On peut rsumer ainsi la
teneur du rapport sur ce voyage : Eichmann et Hagen quittrent Berlin le 26
septembre, se faisant passer pour des rdacteurs du Berliner Tageblatt et arrivrent
Hafa le 2 octobre 1937 bord du bateau Romania. Comme les autorits britanniques
avaient refus la permission de dbarquer aux deus missaires de la SS ( cause de la
rvolte arabe), Eichmann et Hagen allrent en Egypte. Sur place, ils rencontrrent non
pas Hadj Amin Al-Husseini, mais leur vieille connaissance, Feivel Polkes, lofficier de
la Haganah.
Le rapport de voyage dHagen et Eichmann contient une restitution exacte des
conversations avec Polkes qui eurent lieu les 10 et 11 octobre 1937 au caf Groppi du
Caire. Polkes avait dbord expos en toute franchise les projets sionistes devant les
hommes de la SS (les dclarations de Polkes telles que consignes par Hagen et
Eichmann ne sont pas seulement intressantes quant la coopration sionisme
fascisme, mais elles sont galement importantes comme tmoignage sur la politique
expansionniste des sionistes) :
LEtat sioniste doit tre tabli par tous les moyens aussi vite que possible afin quil
attire un flux dmigrants Juifs vers la Palestine. Quand lEtat juif sera tabli dans le
cadre propositions actuelles de la Commission Peel, et dans la ligne des promesses
partielles de lAngleterre, alors les frontires pourraient tre repousses plus loin
conformment sa volont [de lEtat juif].
Polkes avait ensuite fait lloge de la terreur antismite en Allemagne : les cercles
nationalistes juifs ont exprim leur grande satisfaction devant la politique allemande
radicale lgard des Juifs, ca cette politique devrait faire augmenter la population
juive en Palestine de sorte quon puisse envisager une majorit juive devant les Arabes
dans un futur prvisible.
Une fois de plus, Polkes avait soulign la ncessit dacclrer le dpart des Juifs
dAllemagne et avait ritr sa disponibilit donner des informations secrtes au SD.
Il avait offert immdiatement deux lments dinformation de ce genre ainsi
quEichmann le notait dans son rapport de voyage. Le premier tait conu pour susciter
lhostilit du rgime fasciste lgard du mouvement nationaliste arabe. Eichmann
avait not : Selon les informations de Polkes, le Congrs Panislamique Mondial en
convention Berlin est en contact direct avec deux leaders Arabes prosovitiques :
lmir Chakib Arslan et lmir Adil Arslan. Le deuxime lment dinformation
consign par Eichmann dans son rapport de voyage concernant ce parti qui stait
engag sans quivoque lavant-garde de la lutte contre la terreur fasciste et les
indignits antismites : le Parti Communiste Allemand. La radio communiste illgale
dont la diffusion est particulirement importante en Allemagne est, selon Polkes,
installe dans un camion qui circule le long de la frontire germano-luxembourgeoise
pendant les retransmissions. (Cette information donne un aperu intressant que o
les dirigeants sionistes voyaient leurs allis et o ils voyaient leurs opposants !)
Les rencontres entre Eichmann et Polkes ne sont pas des vnements isols et fortuits.
Elles sinscrivent dans le contexte dune coopration long terme entre fascistes et
sionistes. Aprs le voyage dHagen et Eichmann, la collaboration avait t cimente
par la Mossad Aliyah Beth, qui avait t cre par la Haganah comme organisation
pour limmigration illgale aprs le coup de frein limmigration en Palestine dcid
par la Grande Bretagne suite la Commission Peel. Fin 1937, i.e. quelques mois aprs
le voyage dEichmann, des envoys du Mossad prenaient leurs fonctions dans les locaux
de ma Reichsvereinigung [Union des Juifs du Reich] au 10 Meineckestrasse Berlin-
Charlottenburg, avec la permission des autorits fascistes de Berlin. Ces deux envoys,
Pina Ginsburg et Moshe Auerbach avaient fait le voyage de Palestine en Allemagne
cet effet.
Dans leur livre Secret Roads ; Jon et David Kimche ont situ larrive de Ginsburg
Berlin lt 1938. Ginsburg stait prsent lui-mme officiellement la Gestapo en
tant qumissaire de LUnion des Colonies Communautaires , dclarant quil tait
en mission spciale et que sa tche convergeait avec les intentions du gouvernement
nazi, son objectif tant lorganisation de lmigration des Juifs Allemands en Palestine.
Ctait seulement avec le soutien des dirigeants nazis que ce projet pouvait se raliser
sur une grande chelle. La Gestapo avait alors discut avec Ginsburg sur la manire
de promouvoir et daccrotre limmigration juive en Palestine lencontre de la volont
des autorits mandataires britanniques.
En attendant, les autorits fascistes avaient commenc changer ses mthodes de
pression sur les Juifs Allemands. Elles ne sen remettaient plus aux seules organisations
sionistes pour soccuper de lmigration en Palestine. A Vienne (lAutriche avait t
occupe par lAllemagne hitlrienne en mars 1938), lOffice Central pour lEmigration
Juive tait cr et plac sous la responsabilit dAdolf Eichmann. Ai dbut de lt
1938, Eichmann rencontrait Vienne un autre missaire du Mossad, Bar-Gilead. Ce
dernier demanda la permission dinstaller des centres (camps) de formation pour les
migrants afin quon puisse les prparer leur travail en Palestine. Aprs avoir rfr
de cette requte Berlin, Eichmann avait accord lautorisation et fourni tout ce qui
tait ncessaire pour linstallation des camps de formation. Vers la fi 1938, environ un
millier de jeunes Juifs avaient t forms dans ces camps.
Dans le mme temps, Ginsburg Berlin avait pu, avec laide des autorits nazies,
tablir des camps semblables. Jon et David Kimche crivent : Le Palestinien
[Ginsburg] qui tait venu Berlin prt tout, navait aucun tat dme dner avec
le diable et sassurer sa part du repas.
Dans son livre Eichmann Jrusalem, Hannah Arendt a comment les informations
fournies par les Kimches :
ces Juifs de Palestine tenaient un langage pas compltement diffrent de celui
dEichmannils avaient t envoys en Europe par les colonies communautaires en
Palestine, et ils ntaient pas intresss par des oprations de secours ce ntait pas
leur job. Ils voulaient slectionner du matriel adapt et leurs principaux ennemis
ntaient pas ceux qui rendaient la vie impossible dans les pays dinstallation ancienne
qutaient lAutriche et lAllemagne, mais ceux qui empchaient laccs la nouvelle
patrie ; cet ennemi tait clairement la Grande Bretagne, pas lAllemagne ils taient
probablement parmi les premiers Juifs parler ouvertement dintrts mutuels
La proposition dune alliance militaire avec Hitler
Tandis que la tendance majoritaire du mouvement sioniste, la tendance du parti
travailliste (Ben Gourion etc.) et les sionistes gnralistes (Weizmann et les
autres), camouflaient soigneusement leurs contacts avec les fascistes, et sexprimaient
publiquement contre eux, laile droite du sionisme, le parti Rvisionniste (anctre de
lorganisation terroriste Irgun Zvai Leumi et plus tard du parti Herut en Isral) avait
ouvertement et en maintes occasions avant 1933 exprim son admiration pour des gens
comme Mussolini et Hitler. On peut en trouver un exemple dans un procs tenu
Jrusalem en 1932 quand lavocat Cohen, un membre du parti Rvisionniste, avait
dclar en dfense dauteurs de troubles de lordre luniversit : Oui, nous prouvons
un grand respect pour Hitler. Hitler a sauv lAllemagne. Sans lui elle aurait pri il y
a quatre ans. Et nous nous serions rangs aux cts dHitler si seulement il avait
renonc son antismitisme.
Vladimir Jabotinsky, chef lpoque du mouvement rvisionniste, qui entretenait de
bonnes relations avec le mouvement fasciste en Europe avait aussi t accus de vouloir
des relations troites avec lAllemagne hitlrienne.
Il y avait alors une concurrence vidente entre les diffrentes factions sionistes pour
aboutir une collaboration privilgie avec les fascistes tout en dnonant dette mme
dmarche les unes chez les autres (Il faut mentionner ici lassassinat de Chaim
Arlosoroff).
Le journal sioniste Davar de juillet 1933 avait publi un article de David Ben Gourion
qui lanait une lourde accusation : Juste aprs laccession dHitler au pouvoir en
Allemagne, alors que les perscutions contre les Juifs et les marxistes taient au plus
haut, M. Vladimir Jabotinsky stait rendu Berlin et dans un discours public, avait
attaqu les communistes prsents dans le mouvement sioniste et en Palestine. Sil en
tait bien ainsi, alors cela signifiait que Jabotinsky voulait torpiller les ngociations
sionisto-fascistes afin de pouvoir entrer dans la partie comme partenaire des
ngociations avec les Nazis. Jabotinsky stait nanmoins attach rfuter laccusation
de Ben Gourion en soulignant que ce dernier avait pris la parole sur Radio Varsovie le
28 avril 1933 et avait appel la mise en place dun boycott mondial de lAllemagne,
avec ltablissement simultan dun Etat juif en Palestine, comme seule rponse
adquate la menace hitlrienne. Il y avait l une allusion transparente aux
ngociations de Haavara menes par laile majoritaire du sionisme. Mais Jabotinsky ne
pouvait pas contester le fait que le journal rvisionniste Hazil Haam, publi en
Palestine, semblait considrer ce mouvement [le fascisme] avec une sympathie et une
comprhension prononces. Les rdacteurs de ce journal lui avait-on dit, quoique
conscients de lantismitisme forcen dHitler, voyaient dans le National Socialisme les
lments dun authentique mouvement de libration nationale.
Pour lAllemagne fasciste, la collaboration avec la tendance sioniste majoritaire tait
sans aucun doute plus importante que la coopration avec lopposition rvisionniste.
Nanmoins, mme les Rvisionnistes furent autoriss poursuivre leurs activits
politiques en Allemagne. Les membres de lorganisation de jeunesse du mouvement
rvisionnistes, Brit Trumpeldor ( propose de laquelle Schechtman rapporte quelle
sadaptait certaines caractristiques du rgime nazi) tait la seule organisation non
fasciste en Allemagne tre autorise par les nazis porter un uniforme.
Ce furent finalement des membres de lIrgoun qui, dans leur intention de collaborer
avec le fascisme allemand un an et demi aprs le dbut de la deuxime guerre mondiale
(( un moment o le massacre des Juifs dans la Pologne occupe avait dj commence)
allrent jusqu faire aux autorits fascistes une offre incroyable de coopration.
(LIrgoun qui stait spare de la Haganah avant de la rallier nouveau en 1948, a
fait partie intgrante de lEtat dIsral depuis lors ; son vieux leader Menahem Begin
a t premier ministre dIsral de 1967 1970 et est actuellement la tte du groupe
parlementaire du Likoud au parlement isralien).
Quelques mois avant cette offre de coopration de janvier 1941, une scission tait
intervenue entre la faction de lIrgoun minoritaire alors qui soutenait la Grande
Bretagne en guerre contre lAllemagne nazie et au groupe de ceux qui, lintrieur de
lIrgoun, taient opposs une telle politique pro-britannique. Abraham Stern, un
membre du comit de lIrgoun, joua un rle dterminant dans ce dernier groupe qui
avait le soutien, lpoque, de la majorit des membres de lIrgoun. Cest par des
militants antibritanniques de ce groupe que fut faite la proposition de collaboration
de lIrgoun [avec le nazisme, NdT].


Miliciens du Betar Berlin en 1936


La nature de cette proposition est consigne dans un document dont le texte intgral
est encore secret. Il est voqu dans un rapport de lattach naval de lambassade
dAllemagne en Turquie un fonctionnaire qui tait charg de missions secrtes l-
bas. Le rapport, qui est toujours enferm dans des archives en Grande Bretagne parle
de contacts que lattach avait eu avec des missaires de lIrgoun Zvai Leumi
(Organisation Militaire Nationale OMN). Un mmorandum dat du 11 janvier 1941
parle des Lignes Fondamentales de la Proposition de lIrgoun concernant la
solution de la question juive en Europe et la participation active de lOMN aux cts
de lAllemagne.
On lit ce qui suit dans cette note :
Il est souvent dit dans les discours et les dclarations des plus importants responsables
politiques de lAllemagne Nationale Socialiste quun Ordre Nouveau en Europe a pour
condition pralable la solution radicale de la question juive par lvacuation
(Judenreines Europa)
Evacuer les masses juives dEurope est une pr condition pour rsoudre la question
juive ; mais elle ne peut tre rendue possible et complte que par linstallation de ces
masses dans la patrie du peuple juif, la Palestine, et par ltablissement dun Etat juif
dans ses frontires historiques.
Aprs avoir confirm de la sorte la convergence fondamentale des vus du sionisme et
du fascisme, les militants de lIrgoun proposaient une alliance avec leur organisation
ainsi que lindique la suite du document :
Cette manire de rsoudre le problme juif et donc den faire rsulter la libration du
peuple juif une fois pour toutes, est lobjectif de lactivit politique et des annes de
lutte du mouvement juif de libration : lOrganisation Militaire Nationale (Irgun Zvai
Leumi) en Palestine.
LOMN qui est bien au fait des bonnes dispositions du gouvernement et des autorits
du Reich allemand lgard de laction sioniste en Allemagne et lgard des plans
sionistes dmigration [il faut signaler ce sujet la coopration entre fascistes et
sionistes entre 1933 et 1939 K.P.] est dopinion que :

1. Une communaut dintrts pourrait exister entre linstauration dun ordre
nouveau en Europe en conformit avec la conception allemande et les vritables
aspirations nationales du peuple juif telles quelles sont incarnes par lOMN.
2. La coopration entre la nouvelle Allemagne et une nation hbraque renaissante
(vlkisch nationalen Hebrertum) serait possible et
3. Ltablissement de lEtat juif historique sur une base nationale et totalitaire et li
par trait avec le Reich allemand serait dans lintrt du maintien et du
renforcement de la future position de puissance de lAllemagne au Proche Orient.
Ce qui tait propos tait donc ni plus ni moins que ltablissement dun Etat fasciste
juif en Palestine qui serait lalli du fascisme allemand !
Sur la base de ces considrations, lOMN en Palestine propose de prendre activement
par la guerre au ct de lAllemagne, ds lors que les aspirations nationales
susmentionnes du mouvement de libration sont reconnues par le gouvernement du
Reich allemand. Aprs avoir ainsi propos de participer activement avec le fascisme
allemand au combat contre le bloc antihitlrien, les sionistes de lIrgoun poursuivaient
en prcisant un peu plus leur proposition dans le document :
Cette offre de lOMN dont la validit concerne les niveaux politique, militaires et du
renseignement, lintrieur et aussi, selon certains documents prparatoires,
lextrieur de la Palestine, tait conditionne par la formation militaire et lorganisation
de la main duvre juive en Europe sous la direction et le commandement de lOMN.
Ces units militaires prendraient part aux combats pour conqurir la Palestine en cas
de constitution dun tel front.
La participation indirecte du mouvement isralien de libration linstauration dun
Ordre Nouveau en Europe, dj dans sa phase prparatoire, serait associe une
solution radicale et positive du problme juif en Europe en conformit avec les
aspirations nationales susmentionnes du peuple juif. Ce qui renforcerait de manire
exceptionnelle la base morale de lOrdre Nouveau aux yeux du monde entier.
La coopration du mouvement isralien de libration serait aussi dans la ligne dun des
rcents discours du Chancelier du Reich Allemand dans lequel Hitler soulignait que
toutes les combinaisons et toutes les alliances pouvaient tre envisages dans le but
disoler lAngleterre et de la vaincre.
Il est inutile de commenter plus avant ce document tonnant. On doit seulement
ajouter que ce sont lantismitisme et le travail de liquidation qui avait dj commenc
pour liminer les Juifs Europens qui avaient empch le fascisme allemand daccepter
cette proposition dalliance. Mais deux ans plus tard, lIrgoun se lanait dans des
attaques terroristes contre des institutions britanniques au Proche Orient, travaillant
ainsi laffaiblissement de lalliance contre Hitler dans son combat contre le fascisme
allemand, un combat qui permettra aussi de secourir les Juifs Europens.



Conclusion
Chaque fois que la coopration entre les sionistes et les fascistes est rvle, les auteurs
sionistes recourent lexcuse toute prte selon laquelle les contacts avec les nazis
navaient t nous que dans le seul but de sauver des Juifs. Alors mme que certains
faits mentionns prcdemment contredisent cette thse, on peut poser les deux
questions suivantes aux tenants de cette thse : Ny avait-il vraiment aucun autre
moyen de sauver les Juifs Europens ? Etait-ce le vritable motif des sionistes pour
pactiser avec le diable ?
On ne peut douter du fait que la seule possibilit pour empcher le massacre de
millions de Juifs (ainsi que dviter la seconde guerre mondiale qui a caus des millions
de morts) consistait renverser la dictature fasciste quand elle en tait au tout dbut
de sa phase de domination. Mais les dirigeants sionistes ntaient pas intresss par
cette perspective leur seul objectif tant daugmenter le nombre de Juifs dans la
population de la Palestine. Comme ils partageaient la vision anti-assimilationniste du
nazisme concernant la race juive, ils ne considraient pas la dictature fasciste comme
une tragdie. Comme lavait expliqu David Ben Gourion : Ce que des annes de
propagande sioniste navaient pas pu faire, ce dsastre lavait ralis en lespace dune
nuit.
Non seulement les chefs sionistes ne firent rien contre le fascisme, mais ils entreprirent
des actions qui sabotrent le front antifasciste (en empchant un boycott conomique
avec leur accord Haavara). En pratique, ils rejetrent des tentatives pour sauver les
Juifs Allemands ds lors quelles navaient pas pour but linstallation des Juifs en
Palestine. Lexemple qui suit est celui de la confrence dEvian : quand aprs 1933 la
majorit des pays capitalistes refusa daccueillir les rfugis Juifs dAllemagne, le
prsident Amricain Roosevelt appela la runion Evian dune confrence sur les
rfugis. Cette confrence se tint du 6 au 15 juin 1938 avec la participation de 32 pays
capitalistes. La confrence choua tant donn que les participants refusrent
daccueillir les rfugis Juifs. On aurait pu supposer que le mouvement sioniste, qui
tait aussi reprsent Evian, aurait essay de faire pression sur les gouvernements
pour quils lvent leurs restrictions. Mais les sionistes dposrent au contraire une
motion ds le dbut de la confrence pour demander ladmission d1,2 million de Juifs
en Palestine. Ils ntaient pas intresss par dautres solutions et, comme lcrira plus
tard Christopher Sykes : Ils avaient manifest une indiffrence hostile lgard de
lensemble du processus ds le tout dbut la vrit ce propos est que la dmarche
tente Evian ne correspondait absolument pas lide sioniste.
Les dirigeants sionistes partagent donc la responsabilit de lchec secourir un plus
grand nombre de Juifs Europens. On doit en toute justice se souvenir que les Juifs
qui ont survcu la monstrueuse domination du fascisme ont t sauvs par les soldats
du bloc antihitlrien, et particulirement ceux de larme sovitique qui a consenti
un terrible sacrifice pour vaincre la dictature fasciste.

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