Discerner Et Se Décider en Conscience
Discerner Et Se Décider en Conscience
Discerner Et Se Décider en Conscience
Une petite introduction sur l'art de discerner et de choisir ce qu'il est bon de faire.
INTRODUCTION I. Petite grammaire anthropologique 1. Volont de Dieu et illusions de l'imaginaire 2. Articuler les vertus 3. Reprer les niveaux de conscience. II. Mise en uvre d'une grille de lecture de discernement 1. On discerne entre deux bonnes choses. 2. Avant la dcision : s'informer. 3. Prendre la dcision 4. Mettre en oeuvre la dcision 5. Vrifier les fruits attendus 6. et recommencer. III. Et en cas d'urgence ? IV. Et si je m'aperois que je me suis tromp? Conclusion
INTRODUCTION
Rflchir sur le discernement suppose que l'on ait acquis quelques repres sur la conscience morale. Nous supposons acquis les rsultats suivants : La conscience droite est d'abord ce got et cette soif du bien toujours en qute d'une perception et d'une connaissance plus universelle de ce bien. Ensuite, elle est une loi intrieure qui me convoque faire ce que je crois tre bien et viter ce que je crois tre mal. Enfin, elle est une instance de jugement entre ce qui est peru comme le bien faire et ce qui a t effectivement ralis. Notre conscience est aussi appele s'exercer, et si possible chrtiennement, lorsqu'elle se trouve affronte une situation inattendue. Ainsi lorsque nous rencontrons des personnes qui ont fait d'autres choix de vie que le ntre : un concubinage plutt qu'un mariage, ; ou que nous sommes agresss par des modes de vie incompatible avec le ntre : pratique raciste sur le lieu du travail, ; enfin lorsque tel ou tel nous appelle une responsabilit que nous n'avions pas envisage pour nous-mmes, tel service dans une association caritative, telle nouvelle mission confie par l'vque, . Dans tous ces cas, une situation nouvelle met en crise notre perception du monde, notre inscription dans ce monde qui est le ntre et dans lequel nous avions russi plus ou moins facilement faire notre trou, trouver notre rythme. La crise, au sens du grec "krisi", est le " moment dcisif ", exactement au sens o le moment critique est justement le plus petit commencement de mouvement (momentum, movimentum) qui suffit faire pencher le flau de la balance d'un ct plutt que de l'autre. " La krisi", c'est encore l'action de juger, d'apprcier ou encore le rsultat de cette action savoir l'arrt de justice. Voil qu'il va falloir faire appel notre capacit de jugement, notre conscience pour nous repositionner dans ce monde qui bouge sans nous en demander la permission. Nous sommes alors convoqus au discernement qui renvoie finalement la question : Que dois-je faire ? Quelle est la volont de Dieu ? Pour nourrir notre rflexion, ous nous appuierons sur des donnes anthropologiques et spirituelles. C'est--dire que lorqu'il s'agit de se dcider orienter notre vie dans un sens ou dans un autre, il s'agit d'impliquer tout l'homme, toute notre personnalit, aussi unifie que possible dans l'acte de discerntement. Car une fois la dcision prise, rien n'est pire que l'intellignece qui est convaincue de la dcision et le coeur qui la regrette.
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La distinction, et les moyens d'y parvenir, entre la connaissance de la volont de Dieu et ses propres dsirs mriterait des pages entires. D'un ct l'Eglise a toujours d faire face des "illumins" qui prenaient leurs dsirs pour la ralit. De l'autre, les sciences de l'homme et en particulier la psychologie ont permis un peu plus de faire le tri parmi tous les sentiments qui habitent le coeur de l'homme. Cette distinction n'est donc pas neuve. La Tradition croyante connat tout de mme quelques critres qui permettent chacun et la communaut d'y voir clair. Ainsi, Dieu ne demande jamais l'impossible au sens concret du mot. Dieu ne peut demander de faire du mal. Si c'est bien Dieu qui appelle, d'autres peuvent le dire et le reconnatre avec moi. Si Dieu appelle, il insiste dans le temps. C'est tout autre chose qu'une ide qui me traverse l'esprit. Lorsque Dieu passe vraiment dans une vie, il y a aussi des signes de paix et de joie et de conversion personnelle qui sont associs ce passage et qui durent dans le temps. La confrontation durable avec l'Ecriture permet de dgonfler quelques baudruches. Par exemple, nous pouvons faire attention au dsir de toute puissance qui habite chacun. Rentendre l'Ecriture peut aider dgonfler certaines psychologies trop enclines confondre got du pouvoir et service de la communaut : " Nous ne sommes que de simples serviteurs ". Attention aussi au mpris de soi-mme qui consiste se dnigrer et se complaire dans une attitude de mdiocrit. Ici aussi l'Ecriture peut encourager celui qui doute de lui-mme : " Ne dis pas "Je suis un enfant" " rponds Dieu Jrmie qui veut refuser la mission de prophte en invoquant sa faiblesse.
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Ainsi donc, articuler les vertus permet de raison garder en face des appels que l'on nous lance. On exercera l'estime de soi avec humilit mais sans fausse modestie non plus. La faon dont on ragit face un appel, une mission que l'on voudrait nous confier (tant au niveau intrieur qu'en face des autres) est un bon indice pour savoir si l'on confond nos dsirs avec la ralit d'un appel qui ne peut venir que d'ailleurs, de la socit et de Dieu lui-mme.
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interprter un dsir d'tre responsable, quelle instance prend en charge la dcision ? Parvenir distinguer au fond de soi ces trois dimensions ne peut qu'tre le fruit d'un long travail de discernement intrieur. Une conscience affine peut percevoir la tension qui existe au fond d'elle-mme, se tourner vers la profondeur de sa profondeur et dire Dieu : " Unifie mon cur, qu'il craigne ton nom " (Ps 85). Pour prendre les trois niveaux ensemble, quelqu'un de psychologiquement bless par des checs successifs peut, par droiture morale, faire part de ses rserves ceux qui veulent lui confier une responsabilit et finalement par confiance en Dieu qui l'appelle dans la communaut et assure du soutien de ses amis accepter la charge propose.
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D'UNE
GRILLE
DE
LECTURE
DE
Il est impossible d'avoir une grille de discernement universelle. Discerner pour un choix de vie dfinitif comme un mariage ou une vie religieuse n'est pas du mme ordre que le discernement faire lorsqu'on nous appelle prendre une responsabilit de secteur dans une association pour trois ans. Il y a des lments communs mais la mthode s'adapte l'objet. L'investissement se fait en proportion des enjeux. J'ai choisi de prsenter une grille de lecture pour le deuxime cas de figure : Comment rflchir face un appel qui nous est lanc prendre une responsabilit pour une dure dtermine dans l'Eglise, en Eglise ? Quatre tapes et une cinquime sont ncessaires. Chacun pourra adapter.
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3. Prendre la dcision
Il importe de pouvoir dcider nous-mmes et de ne pas, si possible, laisser la vie dcider notre place. Le chemin parcourir se fera avec d'autant plus de courage et de dtermination que la dcision sera ntre. Il est utile, enfin de savoir pourquoi telle dcision est prise et quels fruits on en attend et ventuellement de l'crire. La dcision se prend dans le calme et devrait nous laisser en paix. Une bonne dcision est celle qui contribue notre unit intrieure quitte intgrer un certain nombre de tensions qui ont t juges indpassables.
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C'est alors que l'on peut se jeter rsolument dans l'action. Il est prudent de ne pas remettre en cause une dcision mrement rflchie lors des difficults - par ailleurs probables et prvisibles si la premire tape du discernement a t bien mene - qui surviendront.
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6. et recommencer.
Lorsqu'un mandat est dure dtermine, il peut tre renouvelable. Auquel cas il faut recommencer le processus, fort de l'exprience acquise. Le danger serait de croire que l'exprience nous dispense d'une tape. En revanche elle peut nous aider tablir d'autres critres que l'on trouvera, pour l'occasion, plus pertinents. Nous aboutissons ainsi au schema suivant :
J'ai apprci la grille de lecture de Panorama publie en septembre 2006 p. 27 dans un dossier ralis par Christophe Henning. Je la livre telle quelle, elle complte et amliore srement mon travail. Le lecteur attentif de ce qui a prcd saura distribuer correctement les questions en fonction des 5 tapes que j'ai repres. 1. 2. 3. 4. 5. Poser les termes de la dcision : quel et l'enjeu de cette dcision pour moi ? Quels enseignements puis-je tirer de mes prcdentes dcisions ? Cette dcision s'inscrit-elle dans ce qui est le dsir profond de ma vie ? Ou bien est-ce une rupture ? Est-ce que je suis libre de dcider ? Ai-je le droit de dire "non" ? Est-ce que les consquences de cette dcision sont en accord avec mes convictions, ma foi, avec ce que je considre comme souhaitable dans mon existence ? 6. Est-ce que je peux lgitimement prendre le temps de la dcision ? Puis-je demander un temps de rflexion ? 7. Ai-je la possibilit de reconnatre que je ne sais pas ? Est-ce que j'ai besoin de me renseigner, de m'informer ? 8. Ai-je trouv une personne de confiance qui peut m'couter et m'aider pointer les questions que je dois examiner ? 9. Lorsque j'envisage de prendre une dcision, quel est l'tat dans lequel je me trouve ? Suis-je joyeux, paisible, serein, ou plutt inquiet, abattu, apeur ? 10. Ensuite, est-ce que je prends le temps de revoir ma dcision ? Doit-elle tre ajuste ? Toujours dans le mme article de Panorama (Septembre 2006, p. 24-29), Christophe Henning fait une typologie des tapes qui permettent d'analyser un processus de dcision. En voici les sous-titres, il sont eux aussi au nombre de 10. 1. 2. Se faire confiance. Oser le courage.
3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.
Cerner son dsir profond. Prendre conseil. Choisir en conscience. Accepter le renoncement. S'ajuster toujours. En toute libert. A l'coute de la volont de Dieu. Juger l'arbre ses fruits.
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III.
Et
en
cas
d'urgence
C'est rarement le cas mais il arrive que nous soyons plongs dans une situation qui exige de notre part une dcision trs rapide o les temps de la rflexion, de la consultation et de la prire nous sont inaccessibles. Dans ces cas-l, nous discernons, nous dcidons en fonction de notre " got pour le bien ". Et ne croyons pas qu'il est sans valeur. En effet, si nous avons pratiqu dans notre vie quotidienne ce travail de discernement, nous avons acquis un certain habitus, un certain " flair " qui, sans tre infaillible, demeure souvent dans une premire approche assez fiable. Et puisque l'on aura fait ce que l'on a pu dans les limites de notre humanit, mme si la solution retenue ne s'avre pas excellente, restons en paix avec nous-mmes. Plus n'tait pas notre porte. L'acceptation de ses limites permet de vivre. Reste qu'il vaut mieux, quand on peut, faire perdre aux situations d'urgence leur caractre d'urgence.
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Conclusion
Le travail sur le discernement n'a pu se faire sans l'acquisition d'une petite grammaire anthropologique sur l'intriorit de l'homme ni sans l'usage d'une mthode avec des tapes bien prcises. En gnral, les chrtiens vivent spontanment la plupart des tapes ci-dessus voques parce qu'ils pratiquent leur foi, prient, agissent, discutent avec d'autres Reprons nanmoins au terme de cette petite tude que la conscience oblige affiner un discernement et que le discernement nourrit en retour la " base de donnes " de la conscience. " Lequel d'entre vous, quand il veut btir une tour, ne commence par s'asseoir " Lc 14, 28.