Cicéron - Pro Caelio

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PLAIDOYER POUR M. CELIUS, ACCUS DE VIOLENCE PUBLIQUE. DISCOURS TRENTEQUATRIME. ARGUMENT.

Marcus Clius Rufus, chevalier romain, avait t l'lve de Cicron et de Crasses. Form cette excellente cole, il se distingua de bonne heure dans le barreau. Avant l'ge oh Ton pouvait demander les magistratures, il accusa C. Antonius, collgue de Cicron dans le consulat. Et ce qui est peine croyable, il le fit condamner comme complice de Catilina, quoiqu'il et port lui mme le dernier coup la conjuration, par la victoire qu'il remporta prs de Pistoie en Toscane. Encourag par ce premier succs, Il accusa L. Sempronius Atratinus de brigue et de corruption. Atratinus fut absous. Clius renouvela son accusation. Mais, avant que cette affaire ft termine, il se vit oblig de s'occuper de sa propre dfense. Clodia, sur de P. Clodius, et veuve de Mtellus Celer, vivait dans le plus grand dsordre. Clius n'avait point chapp au pouvoir de ses charmes ; mais il rougit bientt de ses liaisons avec une femme si scandaleuse, et rompit ouvertement avec elle. Outre de ses mpris, Clodia rsolut de le perdre, en le faisant accuser d'empoisonnement Quatre orateurs, Hrennius, Balbus, Clodius, et le fils d'Atratinus, partagrent la cause entre eux, selon l'usage de ce temps-l, et plaidrent tous quatre, l'un aprs l'autre.

Le chef principal de l'accusation tait l'empoisonnement; mais on chargea Clius de plusieurs autres crimes. On l'accusa d'avoir manqu aux devoirs de la pit filiale, d'avoir frapp un snateur, envahi les biens de Palla, excit une sdition Naples, corrompu les suffrages du peuple ; d'avoir fait assassiner les dputs d'Alexandrie. On voulut mme insinuer qu'il avait t complice de Catilina. Enfin, Hrennius s'tendit fort au long sur son libertinage et sur la dpravation de ses murs. Crassus et Cicron, qui plaidrent pour lui, partagrent entre eux sa dfense. Crassus se chargea de le justifier par rapport aux biens de Palla, la sdition de Naples, et l'assassinat des dputs d'Alexandrie. Cicron rpondit tout le reste. Il remporta une victoire complte. Clius, absous, voua une amiti inviolable son dfenseur. Il lia mme avec lui un commerce de lettres. Cette cause fut plaide devant le prteur Domitius, l'an 697, sous le consulat de Lentulus et de Philippe. Cicron avait alors cinquante et un ans. Clius embrassa depuis le parti de Csar dans la guerre civile, le suivit en Espagne, et fut nomm prteur, l'an 705; mais emport bientt par son caractre turbulent et ambitieux, et par les esprances de succs que lui donnaient ces temps de rvolutions, il voulut se faire un parti en Italie, rappela Milon de ton exil pour profiter du secoure de ses gladiateurs, et prit misrablement comme lui. Ils ne pouvaient ni l'un ni l'asure balancer la fortune de Csar.

PRO M. CAELIO ORATIO I. Si quis, iudices, forte nunc adsit ignarus

I. Juges, si un homme tranger nos lois, nos moeurs, nos habitudes judiciaires, assistait par hasard cette audience,

legum iudiciorum consuetudinisque nostrae, miretur profecto quae sit tanta atrocitas huiusce causae, quod diebus festis ludisque publicis, omnibus forensibus negotiis intermissis, unum hoc iudicium exerceatur, nec dubitet quin tanti facinoris reus arguatur ut eo neglecto civitas stare non possit. Idem cum audiat esse legem quae de seditiosis consceleratisque civibus qui armati senatum obsederint, magistratibus vim attulerint, rem publicam oppugnarint cotidie quaeri iubeat: legem non improbet, crimen quod versetur in iudicio requirat; cum audiat nullum facinus, nullam audaciam, nullam vim in iudicium vocari, sed adulescentem inlustri ingenio, industria, gratia accusari ab eius filio quem ipse in iudicium et vocet et vocarit, oppugnari autem opibus meretriciis: Atratini ipsius pietatem non reprehendat, libidinem muliebrem comprimendam putet, vos laboriosos existimet quibus otiosis ne in communi quidem otio liceat esse. Etenim si attendere diligenter atque existimare vere de omni hac causa volueritis, sic constituetis, iudices, nec descensurum quemquam

persuad sans doute de la gravit d'une cause qui occupe seule le barreau pendant que les ftes et les jeux publics ont ferm les tribunaux pour toutes les autres affaires, il croirait qu'il s'agit d'un forfait norme, dont la punition ne peut tre diffre sans consommer la ruine de l'tat. Si on lui disait qu'une de nos lois ordonne qu'on instruira tous les jours sans distinction le procs des sditieux et des pervers qui, les armes la main , auront os assiger le snat, faire violence aux magistrats, attaquer la rpublique, il ne dsapprouverait pas cette loi; il demanderait quel est le crime sur lequel vous avez prononcer. Et quand il apprendrait qu'il n'est ici question ni d'attentat, ni d'audace, ni de violence; qu'un jeune citoyen, dou des qualits les plus brillantes, plein d'ardeur pour le travail, aim du public, est accus par le fils d'un homme qu'il a poursuivi lui-mme et qu'il poursuit encore devant les tribunaux; qu'une courtisane est l'me de toute cette intrigue: alors cet tranger, instruit de la vrit, respecterait la pit filiale d'Atratinus; mais il penserait qu'on doit rprimer les fureurs d'une femme emporte; et vous, juges, il vous plaindrait de ne pouvoir 115 partager le repos dont jouissent les autres citoyens. En effet, si vous voulez, par une srieuse attention, vous former une juste ide de la cause, vous verrez qu'aucun homme,

ad hanc accusationem fuisse cui utrum vellet liceret nec, cum descendisset, quicquam habiturum spei fuisse, nisi alicuius intolerabili libidine et nimis acerbo odio niteretur. Sed ego Atratino, humanissimo atque optimo adulescenti, meo necessario, ignosco, qui habet excusationem vel pietatis vel necessitatis vel aetatis. Si voluit accusare, pietati tribuo, si iussus est, necessitati, si speravit aliquid, pueritiae. Ceteris non modo nihil ignoscendum sed etiam acriter est resistendum. II. Ac mihi quidem videtur, iudices, hic introitus defensionis adulescentiae M. Caeli maxime convenire, ut ad ea quae accusatores deformandi huius causa et detrahendae spoliandaeque dignitatis gratia dixerunt primum respondeam. Obiectus est pater varie, quod aut parum splendidus ipse aut parum pie tractatus a filio diceretur. De dignitate M. Caelius notis ac maioribus natu etiam sine mea oratione tacitus facile ipse respondet; quibus autem propter senectutem, quod iam diu minus in foro nobiscumque versatur, non aeque est cognitus, hi sic habeant, quaecumque in equite

moins qu'il n'y et t contraint, ne se serait jamais charg de cette accusation, et qu'il n'aurait os se prsenter ici avec la plus faible esprance, si quelque autre ne l'appuyait de tout ce que peuvent faire une passion violente et une haine implacable. Mais je pardonne au jeune Atratinus : il est du caractre le plus honnte et le plus vertueux; c'est mon ami. La nature, la ncessit, sa jeunesse, lui servent d'excuse : la tendresse filiale, s'il s'est port de lui-mme cette accusation; la ncessit, s'il en a reu l'ordre de son pre; l'inexprience de l'ge, s'il s'est flatt du succs. Les autres accusateurs n'ont pas droit la mme indulgence ; je ne leur promets aucun mnagement. II. Il me semble qu'il convient la jeunesse de Clius que je commence par rpondre tout ce qu'ils ont dit pour le dprimer lui-mme, et ternir l'clat de sa famille. On lui a fait deux reproches au sujet de son pre. C'est, vous a-t-on dit, un homme obscur, et il a eu beaucoup se plaindre de son fils. Clius le pre n'a pas besoin de mes paroles, et sa personne mme rpond aisment ceux qui le connaissent et aux plus gs d'entre nous; mais il en est d'autres dont il n'est pas aussi bien connu, parce que depuis longtemps sa vieillesse ne lui permet gure de paratre avec nous dans le forum : ceux-l je dirai que tous ceux qui ont pu jamais avoir quelque

Romano dignitas esse possit, quae certe potest esse maxima, eam semper in M. Caelio habitam esse summam hodieque haberi non solum a suis sed etiam ab omnibus quibus potuerit aliqua de causa esse notus. Equitis autem Romani esse filium criminis loco poni ab accusatoribus neque his iudicantibus oportuit neque defendentibus nobis. Nam quod de pietate dixistis, est ista quidem nostra existimatio sed iudicium certe parentis. Quid nos opinemur audietis ex iuratis; quid parentes sentiant lacrimae matris incredibilisque maeror, squalor patris et haec praesens maestitia quam cernitis luctusque declarat. Nam quod est obiectum municipibus esse adulescentem non probatum suis, nemini umquam praesenti Praestutiani maiores honores habuerunt, iudices, quam absenti M. Caelio; quem et absentem in amplissimum ordinem cooptarunt et ea non petenti detulerunt quae multis petentibus denegarunt. Idemque nunc lectissimos viros et nostri ordinis et equites Romanos cum legatione ad hoc iudicium et cum gravissima atque

rapport avec lui l'ont toujours trait et le traitent encore avec tous les gards et la considration qui sont dus au chevalier romain le plus distingu. Ne puis-je pas dire aussi que le reproche d'tre n d'un chevalier romain me parat bien dplac devant de tels juges, et dans une cause que je dfends? Vous prtendez que Clius n'a pas rempli les devoirs d'un bon fils: chacun de nous peut avoir son opinion ; mais le pre seul a le droit de juger. La dposition des tmoins fera connatre ce que pense le publie; l'affliction et les larmes de sa mre, la douleur, le deuil de son pre, cette tristesse peinte sur son visage , attestent les sentiments de sa famille. On lui a reproch de n'tre pas estim dans son pays : cependant nul homme rsidant et fix Pouzzol n'obtint de plus grands honneurs que ceux qu'on a dcerns Clius absent; c'est pendant son absence que ses compatriotes l'ont agrg au premier ordre de leur cit; et cet honneur, que beaucoup d'autres ont brigu vainement, ils le lui ont dfr sans qu'il le demandt; aujourd'hui encore, ils ont dput pour cette cause des snateurs et des chevaliers romains, chargs de faire son loge dans les termes les plus honorables. Je crois avoir tabli ma cause sur les fondements les

ornatissima laudatione miserunt. Videor mihi iecisse fundamenta defensionis meae, quae firmissima sunt si nituntur iudicio suorum. Neque enim vobis satis commendata huius aetas esse posset, si non modo parenti, tali viro, verum etiam municipio tam inlustri ac tam gravi displiceret. Equidem, Ut ad me revertar, ab his fontibus profluxi ad hominum famam, et meus hic forensis labor vitaeque ratio demanavit ad existimationem hominum paulo latius commendatione ac iudicio meorum. III. Nam quod obiectum est de pudicitia quodque omnium accusatorum non criminibus sed vocibus maledictisque celebratum est, id numquam tam acerbe feret M. Caelius ut eum paeniteat non deformem esse natum. Sunt enim ista maledicta pervolgata in omnis quorum in adulescentia forma et species fuit liberalis. Sed aliud est male dicere, aliud accusare. Accusatio crimen desiderat, rem ut definiat, hominem notet, argumento probet, teste confirmet; maledictio autem nihil habet propositi praeter

plus solides, en lui donnant pour base le suffrage de ceux avec qui Clius a eu ses premiers rapports. En effet, vous ne pourriez avoir une opinion favorable de sa jeunesse si elle avait dplu, je ne dis pas seulement un homme tel que son pre, mais une ville municipale dont l'autorit est si imposante. Tels sont les suffrages qui commencent la rputation; et moi-mme si je jouis de quelque renomme, c'est que la bonne opinion et le tmoignage des miens ont tendu et fortifi ce sentiment d'estime dont on dai- 116 gnait rcompenser mon zle et mes premiers travaux. III. Quant aux reproches qui regardent les murs, quant ces dclamations vagues, rptes par tous nos adversaires, Clius n'en sera jamais assez affect pour regretter de n'tre pas n difforme. En effet, ces injures sont devenues des lieux communs contre tous ceux qui, dans leur jeunesse, ont eu l'avantage d'une figure agrable. Mais il y a de la diffrence entre accuser et mdire. L'accusation exige quelque chose de positif; il faut articuler les faits, nommer la personne, apporter des preuves, produire des tmoins. La mdisance ne veut que faire outrage. Quand elle est violente et emporte, on la nomme invective; si elle est enjoue et spirituelle, on l'appelle raillerie. J'ai vu avec autant de peine que de

contumeliam; quae si petulantius iactatur, convicium, si facetius, urbanitas nominatur. Quam quidem partem accusationis admiratus sum et moleste tuli potissimum esse Atratino datam. Neque enim decebat neque aetas illa postulabat neque, id quod animum advertere poteratis, pudor patiebatur optimi adulescentis in tali illum oratione versari. Vellem aliquis ex vobis robustioribus hunc male dicendi locum suscepisset; aliquanto liberius et fortius et magis more nostro refutaremus istam male dicendi licentiam. Tecum, Atratine, agam lenius, quod et pudor tuus moderatur orationi meae et meum erga te parentemque tuum beneficium tueri debeo. Illud tamen te esse admonitum volo, primum ut qualis es talem te omnes esse existiment, ut quantum a rerum turpitudine abes tantum te a verborum libertate seiungas; deinde ut ea in alterum ne dicas quae, cum tibi falso responsa sint, erubescas. Quis est enim cui via ista non pateat, quis est qui huic aetati atque isti dignitati non possit quam velit petulanter, etiam si sine ulla suspicione, at non sine argumento male

surprise qu'Atratinus et t spcialement charg de cette partie de l'accusation; elle ne convenait ni son caractre ni son ge, et, vous avez pu le remarquer vous-mmes, la pudeur de ce vertueux jeune homme ne lui permettait pas d'insister sur cet endroit de son discours. Je voudrais qu'un des autres accusateurs moins dlicats et moins timides se ft rserv cet emploi; je lui parlerais avec plus de force et de libert, je rprimerais ma manire cette fureur de mdire. Mais vous, Atratinus, je vous mnagerai davantage. Je respecte votre pudeur, et je ne dois pas oublier ce que j'ai fait pour vous et pour votre pre. Je vous donnerai pourtant un avis : c'est d'tre toujours fidle votre caractre, de vous montrer aussi rserv dans vos paroles que vous tes dcent dans vos actions, et de ne vous permettre contre personne des reproches qui vous feraient rougir si on les rtorquait contre vous avec aussi peu de justice. En effet, cette ressource n'est-elle pas ouverte tout le monde? Vous tes jeune, vous devez beaucoup la nature : la calomnie ne peut-elle pas aussi donner une couleur de vraisemblance aux plus injustes reproches? Mais n'accusons ici que ceux qui vous ont forc de parler : ce qui fait honneur votre modestie, c'est que nous avons vu combien vous souffriez dire ces choses ; et

dicere? sed istarum partium culpa est eorum qui te agere voluerunt; laus pudoris tui, quod ea te invitum dicere videbamus, ingeni, quod ornate politeque dixisti. IV. Verum ad istam omnem orationem brevis est defensio. Nam quoad aetas M. Caeli dare potuit isti suspicioni locum, fuit primum ipsius pudore, deinde etiam patris diligentia disciplinaque munita. Qui ut huic togam virilem dedit nihil dicam hoc loco de me; tantum sit quantum vos existimatis; hoc dicam, hunc a patre continuo ad me esse deductum nemo hunc M. Caelium in illo aetatis flore vidit nisi aut cum patre aut mecum aut in M. Crassi castissima domo cum artibus honestissimis erudiretur. Nam quod Catilinae familiaritas obiecta Caelio est, longe ab ista suspicione abhorrere debet. Hoc enim adulescente scitis consulatum mecum petisse Catilinam. Ad quem si accessit aut si a me discessit umquam quamquam multi boni adulescentes illi homini nequam atque improbo studuerunt tum existimetur Caelius Catilinae nimium familiaris fuisse. At enim

ce qui n'en fait pas moins votre esprit, c'est que vous les avez dites avec grce et politesse. IV. Deux mots suffiront pour disculper Clius tant que son ge a pu l'exposer de tels soupons, la puret de ses murs, les leons et la vigilance de son pre l'en ont garanti. Je ne parlerai pas de moi; je m'en rapporte, juges, ce que vous en pensez. Je dirai seulement que son pre me l'amena aussitt qu'il lui eut donn la robe virile. Tant que Clius fut dans la fleur de l'ge, on ne le vit jamais qu'avec son pre, qu'avec moi, ou chez le vertueux Crassus, consacrant tous ses moments aux plus honntes exercices. On lui a reproch des liaisons avec Catilina, et c'est de quoi on ne doit pas mme le souponner. Vous savez qu'il tait encore dans l'adolescence lorsque Catilina demanda le consulat avec moi. Quoique plusieurs jeunes gens estimables se soient attachs cet homme pervers et corrompu, si jamais alors Clius s'est approch de lui, s'il m'a quitt un seul instant, qu'on dise qu'il a eu des liaisons trop intimes avec Catilina. Cependant nous l'avons vu depuis au nombre de ses amis. Cela est vrai ; mais je ne dfends ici que cet ge, qui, faible par lui-mme, est plus livr 117 aux sductions trangres. Pendant ma prture, il est

postea scimus et vidimus esse hunc in illius etiam amicis. Quis negat? sed ego illud tempus aetatis quod ipsum sua sponte infirmum, aliorum autem libidine infestum est, id hoc loco defendo. Fuit adsiduus mecum praetore me; non noverat Catilinam; Africam tum praetor ille obtinebat. Secutus est tum annus, causam de pecuniis repetundis Catilina dixit. Mecum erat hic; illi ne advocatus quidem venit umquam. Deinceps fuit annus quo ego consulatum petivi; petebat Catilina mecum. Numquam ad illum accessit, a me numquam recessit. V. Tot igitur annos versatus in foro sine suspicione, sine infamia, studuit Catilinae iterum petenti. Quem ergo ad finem putas custodiendam illam aetatem fuisse? nobis quidem olim annus erat unus ad cohibendum bracchium toga constitutus, et ut exercitatione ludoque campestri tunicati uteremur, eademque erat, si statim merere stipendia coeperamus, castrensis ratio ac militaris. Qua in aetate nisi qui se ipse sua gravitate et castimonia et cum disciplina domestica tum etiam naturali

toujours rest auprs de moi; il ne connaissait point Catilina : celui-ci tait alors prteur en Afrique. L'anne d'aprs, il fut accus de concussion. Clius tait avec moi; il ne fit aucune dmarche pour lui; il ne parut pas mme dans son affaire. Vint ensuite l'anne o je demandai le consulat. Catilina fut mon comptiteur. Jamais Clius ne se joignit lui; jamais il ne s'carta de moi. V. Ce ne fut donc qu'aprs avoir frquent le forum pendant tant d'annes, sans reproche et sans tache, qu'il fut li avec Catilina, qui demandait le consulat pour la seconde fois. Eh! jusqu' quel ge croyez-vous donc qu'on doive surveiller la jeunesse? Autrefois, lorsque nous recevions la robe virile, il fallait pendant la premire anne porter les bras sous la toge, et ne point quitter la tunique aux exercices du Champ de Mars; cette rgle tait observe mme dans te camp par ceux qui, ds cette anne, prenaient le parti des armes. A cet ge, celui que la puret de ses moeurs, que les principes d'une bonne ducation ou du moins un heureux naturel n'avaient point prserv de la corruption, ne pouvait viter la tache d'une juste infamie. Mais quand il avait pass sa premire jeunesse sans donner prise la mdisance, et qu'il tait une fois parvenu l'ge viril, le temps des preuves tait fini; on ne

quodam bono defenderet, quoquo modo a suis custoditus esset, tamen infamiam veram effugere non poterat. Sed qui prima illa initia aetatis integra atque inviolata praestitisset, de eius fama ac pudicitia, cum iam sese conroboravisset ac vir inter viros esset, nemo loquebatur. At studuit Catilinae, cum iam aliquot annos esset in foro, Caelius. Et multi hoc idem ex omni ordine atque ex omni aetate fecerunt. Habuit enim ille, sicuti meminisse vos arbitror, permulta maximarum non expressa signa sed adumbrata virtutum. Vtebatur hominibus improbis multis; et quidem optimis se viris deditum esse simulabat. Erant apud illum inlecebrae libidinum multae; erant etiam industriae quidam stimuli ac laboris. Flagrabant vitia libidinis apud illum; vigebant etiam studia rei militaris. Neque ego umquam fuisse tale monstrum in terris ullum puto, tam ex contrariis diversisque <atque> inter se pugnantibus naturae studiis cupiditatibusque conflatum. VI. Quis clarioribus viris quodam tempore iucundior, quis turpioribus coniunctior? quis civis meliorum partium

s'avisait plus de douter de ses murs. Clius, aprs plusieurs annes passes dans le forum, rechercha l'amiti de Catilina. Bien d'autres, de tout tat et de tout ge, ont fait comme lui. Juges, vous n'avez pas d l'oublier, Catilina savait prsenter l'apparence des plus grandes vertus sans en avoir la ralit. Li avec une foule de sclrats, il affectait d'tre dvou aux plus gens de bien. Ardent pour les plaisirs, mais capable d'application et de travail, il sut allier les excs de la volupt avec les fatigues de la guerre. Je ne crois pas qu'il ait exist dans l'univers un monstre compos de qualits et de passions si diffrentes, si contraires, ni qui parussent plus faites pour se combattre. VI. Quel homme tour tour possda mieux l'art de plaire aux plus illustres citoyens, et de s'unir intimement aux gens les plus infmes? Quel homme d'abord plus attach aux bons principes, et ensuite plus cruel ennemi de cette rpublique? plus avili dans ses dbauches, et plus infatigable dans le travail; plus avide dans ses rapines , et plus prodigue dans ses largesses? Mais ce qu'il y avait en lui de merveilleux, c'tait ce talent de se faire des amis, de se les conserver par ses soins attentifs, partageant avec eux tout ce qu'il avait, les aidant de son argent, de son crdit, de ses peines, de ses crimes

aliquando, quis taetrior hostis huic civitati? quis in voluptatibus inquinatior, quis in laboribus patientior? quis in rapacitate avarior, quis in largitione effusior? illa vero, iudices, in illo homine admirabilia fuerunt, comprehendere multos amicitia, tueri obsequio, cum omnibus communicare quod habebat, servire temporibus suorum omnium pecunia, gratia, labore corporis, scelere etiam, si opus esset, et audacia, versare suam naturam et regere ad tempus atque huc et illuc torquere ac flectere, cum tristibus severe, cum remissis iucunde, cum senibus graviter, cum iuventute comiter, cum facinerosis audaciter, cum libidinosis luxuriose vivere. Hac ille tam varia multiplicique natura cum omnis omnibus ex terris homines improbos audacisque conlegerat, tum etiam multos fortis viros et bonos specie quadam virtutis adsimulatae tenebat. Neque umquam ex illo delendi huius imperi tam consceleratus impetus exstitisset, nisi tot vitiorum tanta immanitas quibusdam facilitatis et patientiae radicibus niteretur. Qua re ista condicio, iudices, respuatur, nec Catilinae familiaritatis crimen

mme, s'il le fallait, et de son audace; c'tait la flexibilit de son caractre, qui prenait toutes les formes, qui se pliait et s'accommodait toutes les circonstances : srieux avec les esprits sombres et austres, gai avec les personnes enjoues, grave avec les vieillards, facile et complaisant avec la ,jeunesse, audacieux avec les sclrats, dissolu avec les dbauchs. Par ce caractre si flexible et si divers, il avait rassembl autour de lui tout ce que l'univers renfermait d'hommes mchants et audacieux; il s'tait attach mme plusieurs citoyens estimables, qu'avaient sduits ces dehors 118 d'une vertu simule. Jamais il n'aurait conu l'horrible projet de renverser cet empire, si la souplesse et la patience n'eussent servi comme de base cet assemblage monstrueux de tant de vices. Ainsi, qu'on ne reproche point Clius l'amiti de Catilina : cette faute lui serait commune avec une infinit d'autres, et mme avec de trs honntes gens. Moi aussi, oui, moi-mme, peu s'en est fallu que je ne fusse abus comme tant d'autres. Je voyais en lui un bon citoyen, un homme jaloux de l'estime des gens de bien, un ami solide et fidle. J'ai connu ses crimes avant de les avoir pressentis , et la preuve a prvenu le soupon. Si Clius a t vu aussi parmi ses nombreux amis, il regrettera, comme moi, d'avoir t tromp; mais il ne craindra

haereat. Est enim commune cum multis et cum quibusdam bonis. Me ipsum, me, inquam, quondam paene ille decepit, cum et civis mihi bonus et optimi cuiusque cupidus et firmus amicus ac fidelis videretur; cuius ego facinora oculis prius quam opinione, manibus ante quam suspicione deprendi. Cuius in magnis catervis amicorum si fuit etiam Caelius, magis est ut ipse moleste ferat errasse se, sicuti non numquam in eodem homine me quoque erroris mei paenitet, quam ut istius amicitiae crimen reformidet. VII. Itaque a maledictis impudicitiae ad coniurationis invidiam oratio est vestra delapsa. Posuistis enim, atque id tamen titubanter et strictim, coniurationis hunc propter amicitiam Catilinae participem fuisse; in quo non modo crimen non haerebat sed vix diserti adulescentis cohaerebat oratio. Qui enim tantus furor in Caelio, quod tantum aut in moribus naturaque volnus aut in re atque fortuna? ubi denique est in ista suspicione Caeli nomen auditum? nimium multa de re minime dubia loquor; hoc tamen dico. Non modo si socius coniurationis, sed nisi inimicissimus istius

pas que cette amiti soit un crime. VII. De vos inculpations hasardes contre ses murs, vous avez pass au reproche odieux de complicit dans la conjuration. Vous avez insinu, mais en hsitant et sans trop insister, que l'ami de Catilina s'tait fait son complice. Loin d'tablir rien de positif, notre jeune accusateur, malgr tout son talent, n'a mis gure de suite dans ses raisonnements. Et en effet, qui pouvait porter Clius cet excs de fureur? la dpravation de ses murs, la perversit de son caractre, le drangement de sa fortune? A-t-on mme jamais nomm Clius parmi ceux qu'on souponnait? C'en est plus qu'il ne faut pour dtruire une allgation dnue de vraisemblance ; j'ajouterai seulement que s'il et tremp dans la conjuration, ou plutt s'il n'et pas eu la plus grande horreur pour un tel crime, il n'aurait pas cherch signaler sa jeunesse en accusant des conjurs. Et je dois sans doute, en suivant cette ide, opposer la mme rponse tout ce qu'on a dit au sujet des brigues et de la corruption des suffrages. Clius, moins d'avoir perdu la raison, n'aurait jamais accus personne de brigue s'il s'en tait rendu coupable un tel excs. Il ne dnoncerait pas dans un autre une faute qu'il voudrait avoir dans tous les temps la libert de

sceleris fuisset, numquam coniurationis accusatione adulescentiam suam potissimum commendare voluisset. Quod haud scio an de ambitu et de criminibus istis sodalium ac sequestrium, quoniam huc incidi, similiter respondendum putem. Numquam enim tam Caelius amens fuisset ut, si sese isto infinito ambitu commaculasset, ambitus alterum accusaret, neque eius facti in altero suspicionem quaereret cuius ipse sibi perpetuam licentiam optaret, nec, si sibi semel periculum ambitus subeundum putaret, ipse alterum iterum ambitus crimine arcesseret. Quod quamquam nec sapienter et me invito facit, tamen est eius modi cupiditas ut magis insectari alterius innocentiam quam de se timide cogitare videatur. Nam quod aes alienum obiectum est, sumptus reprehensi, tabulae flagitatae, videte quam pauca respondeam. Tabulas qui in patris potestate est nullas conficit. Versuram numquam omnino fecit ullam. Sumptus unius generis obiectus est, habitationis; triginta milibus dixistis habitare. Nunc demum intellego P. Clodi insulam esse

commettre lui-mme. S'il pensait qu'on dt jamais l'accuser de brigue, le verrions-nous une seconde fois ramener devant les tribunaux la mme personne pour ce mme dlit? Quoique cette dmarche soit peut-tre imprudente, quoiqu'elle n'ait pas mon aveu, cette ardeur dcle du moins un homme qui aime mieux s'exposer poursuivre un innocent que de paratre se dfier lui-mme de sa propre innocence. On lui a object ses dettes, on a blm ses dpenses, demand ses registres : je ne rponds qu'un mot. Un homme sous la puissance paternelle ne tient pas de registres. Clius n'a jamais pris d'argent intrt. La seule dpense qu'on ait blme est celle de sa demeure : vous lui avez reproch un loyer de trente mille sesterces. Je commence comprendre que Clodius veut vendre ses maisons. La petite habitation que Clius tient de lui est loue, je crois, dix mille sesterces. Mais, pour lui plaire, vous vous tes permis un mensonge qui peut lui tre utile. Vous faites un crime Clius d'avoir quitt la maison paternelle : son ge, est-ce la ma- 119 tire d'un reproche? Aprs avoir triomph dans une cause qui intressait la rpublique, et qui m'a caus autant de peine qu'elle lui a fait d'honneur lui-mme, parvenu l'ge de demander

venalem, cuius hic in aediculis habitat decem, ut opinor, milibus. Vos autem dum illi placere voltis, ad tempus eius mendacium vestrum accommodavistis. Reprehendistis a patre quod semigrarit. Quod quidem in hac aetate minime reprendendum est. Qui cum et ex publica causa iam esset mihi quidem molestam, sibi tamen gloriosam victoriam consecutus et per aetatem magistratus petere posset, non modo permittente patre sed etiam suadente ab eo semigravit et, cum domus patris a foro longe abesset, quo facilius et nostras domus obire et ipse a suis coli posset, conduxit in Palatio non magno domum. . Quo loco possum dicere id quod vir clarissimus, M. Crassus, cum de adventu regis Ptolemaei quereretur, paulo ante dixit: Vtinam ne in nemore Pelio ac longius mihi quidem contexere hoc carmen liceret: nam numquam era errans hanc molestiam nobis exhiberet Medea animo aegro, amore saevo saucia. Sic enim, iudices, reperietis

des magistratures, il a pris un logement lui, du consentement, de l'avis mme de son pre. La maison paternelle tait trop loigne du forum; il s'est log peu de frais sur le mont Palatin, pour tre plus prs de moi et de ses clients. Crassus, en se plaignant de l'arrive du roi Ptolme, vous citait ces mots de la pice d'Ennius : Plt au ciel que jamais dans la fort du Plion ! Je pourrais continuer la citation : Jamais ma matresse errante, gare , ne m'aurait caus ces ennuis. Blesse d'un trait fatal, en proie aux fureurs de l'amour, Mde --- . Car je vous ferai voir, juges, quand j'arriverai cette partie de ma cause, qu'une autre Mde et le changement de domicile ont t pour ce jeune homme la source de tous ses malheurs, ou plutt le prtexte de toutes les calomnies. VIII. Ainsi, rassur par votre sagesse, je ne redoute point ces autres attaques que nous prparait le discours de nos adversaires. Un snateur, disaient-ils, devait dposer qu'il avait t frapp par Clius dans les comices pour l'lection des pontifes. S'il se prsente, je lui demanderai d'abord pourquoi il n'a pas aussitt attaqu Clius? ensuite, pourquoi il vient comme tmoin, l'instigation d'autrui, au lieu de paratre comme accusateur? pourquoi enfin il a mieux aim diffrer

quod, cum ad id loci venero, ostendam, hanc Palatinam Medeam migrationemque hanc adulescenti causam sive malorum omnium sive potius sermonum fuisse. VIII. Quam ob rem illa quae ex accusatorum oratione praemuniri iam et fingi intellegebam, fretus vestra prudentia, iudices, non pertimesco. Aiebant enim fore testem senatorem qui se pontificiis comitiis pulsatum a Caelio diceret. A quo quaeram, si prodierit, primum cur statim nihil egerit, deinde, si id queri quam agere maluerit, cur productus a vobis potius quam ipse per se, cur tanto post potius quam continuo queri maluerit. Si mihi ad haec acute arguteque responderit, tum quaeram denique ex quo iste fonte senator emanet. Nam si ipse orietur et nascetur ex sese, fortasse, ut soleo, commovebor; sin autem est rivolus arcessitus et ductus ab ipso capite accusationis vestrae, laetabor, cum tanta gratia tantisque opibus accusatio vestra nitatur, unum senatorem esse solum qui vobis gratificari vellet inventum.de teste Fufio. Nec tamen illud genus alterum nocturnorum testium perhorresco. Est enim

sa plainte que de la faire l'instant mme? S'il me donne une rponse nette et prcise, je chercherai alors quel est le mobile qui le fait agir. S'il agit de lui-mme, sans aucune impulsion trangre, peut-tre je me troublerai, comme il m'arrive quelquefois; mais s'il est l'agent et l'instrument de celle qui est l'me de toute l'accusation, je me fliciterai que, dans une cause appuye par tant de crdit et de moyens, il ne se soit trouv qu'un seul snateur qui ait voulu se prter vos vues. Je ne redoute pas davantage cette autre espce de tmoins nocturnes qui dposeront, diton, que Clius a pris des liberts indcentes avec leurs femmes, lorsqu'elles revenaient de souper. Certes de pareils tmoins doivent tre bien imposants, quand ils sont forcs d'avouer qu'ils n'ont pas mme tent la voie de l'arbitrage pour obtenir satisfaction d'une insulte aussi grave! IX. Vous voyez ds ce moment, juges, quel genre d'attaque on prpare contre nous; lorsqu'on voudra nous frapper, c'est vous de nous dfendre. Ceux qui nous accusent ne sont pas nos vrais ennemis; les traits qu'ils lancent contre nous sont fournis par une main secrte. Je ne prtends pas leur faire un crime d'une action qui mme les honore. Ils remplissent un devoir, ils soutiennent leurs amis, ils font ce que doit faire tout homme

dictum ab illis fore qui dicerent uxores suas a cena redeuntis attrectatas esse a Caelio. Graves erunt homines qui hoc iurati dicere audebunt, cum sit eis confitendum numquam se ne congressu quidem et constituto coepisse de tantis iniuriis experiri. IX. Sed totum genus oppugnationis huius, iudices, et iam prospicitis animis et, cum inferetur, propulsare debebitis. Non enim ab isdem accusatur M. Caelius a quibus oppugnatur; palam in eum tela iaciuntur, clam subministrantur. Neque ego id dico ut invidiosum sit in eos quibus gloriosum etiam hoc esse debet. Funguntur officio, defendunt suos, faciunt quod viri fortissimi solent; laesi dolent, irati efferuntur, pugnant lacessiti. Sed vestrae sapientiae tamen est, iudices, non, si causa iusta est viris fortibus oppugnandi M. Caelium, ideo vobis quoque causam putare esse iustam alieno dolori potius quam vestrae fidei consulendi. Iam quae sit multitudo in foro, quae genera, quae studia, quae varietas hominum videtis. Ex hac copia quam multos esse arbitramini qui hominibus potentibus, gratiosis, disertis, cum aliquid eos velle

courageux : offenss, ils se plaignent; irrits, ils s'emportent; provoqus, ils combattent. Mais si l'honneur les autorise poursuivre Clius, votre sagesse ne vous permettra pas d'couter un ressentiment tranger plutt que votre propre quit. Vous voyez quelle foule d'hommes de toute espce et de tout caractre remplit le forum. Ds qu'un citoyen puissant par sa fortune, par son crdit ou par son loquence, leur parait souhaiter quelque chose, avec quel zle ils prviennent ses 120 dsirs ! comme ils s'empressent de lui offrir leurs services et leurs tmoignages! Si quelqu'un de ces hommes officieux se produit dans notre cause, que votre sagesse repousse une ardeur trop empresse : ce sera tout la fois sauver Clius, mettre votre religion l'abri des surprises, et dfendre tous les citoyens contre les intrigues des hommes puissants. Je ne vous laisserai pas mme la merci des tmoins, et, dans cette cause, je ne souffrirai point que la vrit, par elle-mme immuable et constante, dpende de leur volont, qu'il est si ais de diriger, de tourner, et de conformer ses intrts. Je produirai des preuves; je rfuterai les accusations par des moyens plus clairs que le jour. Des faits, des motifs et des raisons, voil ce que j'opposerai aux raisons, aux motifs et aux faits.

arbitrentur, ultro se offerre soleant, operam navare, testimonium polliceri? Hoc ex genere si qui se in hoc iudicium forte proiecerint, excluditote eorum cupiditatem, iudices, sapientia vestra, ut eodem tempore et huius saluti et religioni vestrae et contra periculosas hominum potentias condicioni omnium civium providisse videamini. Equidem vos abducam a testibus neque huius iudici veritatem quae mutari nullo modo potest in voluntate testium conlocari sinam quae facillime fingi, nullo negotio flecti ac detorqueri potest. Argumentis agemus, signis luce omni clarioribus crimina refellemus; res cum re, causa cum causa, ratio cum ratione pugnabit. X. Itaque illam partem causae facile patior graviter et ornate a M. Crasso peroratam de seditionibus Neapolitanis, de Alexandrinorum pulsatione Puteolana, de bonis pallae. Vellem dictum esset ab eodem etiam de Dione. De quo ipso tamen quid est quod exspectetis? quod is qui fecit aut non timet aut etiam fatetur; est enim rex; qui autem dictus est adiutor fuisse et conscius, P. Asicius, iudicio est

X. Crassus a trait avec autant de force que d'lgance, et je m'en applaudis, tout ce qui concerne les troubles de Naples, le meurtre des Alexandrins Pouzzol, et les biens de Palla. Je voudrais qu'il et parl aussi du meurtre de Dion. Au surplus, que puis-je vous en dire? Celui qui l'a commis ne craint rien, et mme il s'en avoue l'auteur. P. Ascitius, qu'on accusait d'tre complice, a t absous. Quel est donc ce prtendu crime? Celui qui l'a commis ne le dsavoue pas; celui qui le nie a t absous : que doit craindre Clius, qui n'a rien fait, qu'on n'a pas souponn de complicit? Et si la haine des ennemis d'Ascitius n'a point prvalu sur la bont de sa cause, quel tort peut faire Clius le reproche d'un crime dont il n'a pas t souponn, et qui mme n'a jamais port la plus lgre atteinte sa rputation? Mais, dites-vous, Ascitius a d son salut la prvarication de l'accusateur. Il est ais de dtruire cette calomnie, et je le puis mieux que personne, puisque c'est moi qui l'ai dfendu. Au reste, Clius croit la cause d'Ascitius excellente; mais, quelle qu'elle soit, il la regarde comme trangre la sienne. Et ce n'est pas l'opinion de Clius seul; c'est en mme temps celle des deux frres T. Et C. Coponius, ces jeunes citoyens, aussi recommandables par la bont de leur caractre que par l'tendue de leurs

liberatus. Quod igitur est eius modi crimen ut qui commisit non neget, qui negavit absolutus sit, id hic pertimescat qui non modo a facti verum etiam a conscientiae suspicione afuit? et, si Asicio causa plus profuit quam nocuit invidia, huic oberit maledictum tuum qui istius facti non modo suspicione sed ne infamia quidem est aspersus? At praevaricatione est Asicius liberatus. Perfacile est isti loco respondere, mihi praesertim a quo illa causa defensa est. Sed Caelius optimam causam Asici esse arbitratur; cuicuimodi autem sit, a sua putat esse seiunctam. Neque solum Caelius sed etiam adulescentes humanissimi et doctissimi, rectissimis studiis atque optimis artibus praediti, Titus Gaiusque Coponii qui ex omnibus maxime Dionis mortem doluerunt, qui cum doctrinae studio atque humanitatis tum etiam hospitio Dionis tenebantur. Habitabat apud Titum, ut audistis, Dio, erat ei cognitus Alexandriae. Quid aut hic aut summo splendore praeditus frater eius de M. Caelio existimet ex ipsis, si producti erunt, audietis. Ergo haec removeantur, ut aliquando, in quibus causa nititur, ad ea veniamus.

connaissances. Personne n'a t plus afflig de la mort de Dion : ils taient unis avec lui par le got des lettres et par les noeuds de l'hospitalit. Dion, vous le savez, logeait chez L. Luccius, qui l'avait connu dans Alexandrie. Interrogez Luccius, interrogez son frre : vous entendrez de leur propre bouche ce qu'ils pensent de Clius. Ainsi cartons ces faits trangers pour venir enfin au vritable objet de la cause. XI. En effet, juges, j'ai remarqu que vous coutiez L. Hrennius avec la plus grande attention. Il devait surtout cette faveur son esprit et son talent. Je craignais cependant que, par son dbut adroit et insinuant, il ne vous rendt trop favorables son accusation. Il a parl fort au long du luxe, des passions, des vices de la jeunesse et de la corruption des moeurs; et cet homme doux et facile dans le commerce de la vie, connu par cette amabilit et cette politesse qui font aujourd'hui le charme de presque toutes les socits, s'est montr dans cette cause comme un matre rigide, comme un censeur atrabilaire. Jamais fils ne reut de son pre d'aussi svre r121 primandes que celles qu'il a faites Clius. Il s'est tendu sur le libertinage et l'abus des plaisirs. Que vous dirai-je, Romains? Je vous pardonnais de l'couter avec cette attention : une morale aussi chagrine, aussi austre,

XI. Animadverti enim, iudices, audiri a vobis meum familiarem, L. Herennium, perattente. In quo etsi magna ex parte ingenio eius et dicendi genere quodam tenebamini, tamen non numquam verebar ne illa subtiliter ad criminandum inducta oratio ad animos vestros sensim ac leniter accederet. Dixit enim multa de luxurie, multa de libidine, multa de vitiis iuventutis, multa de moribus et, qui in reliqua vita mitis esset et in hac suavitate humanitatis qua prope iam delectantur omnes versari periucunde soleret, fuit in hac causa pertristis quidam patruus, censor, magister; obiurgavit M. Caelium, sicut neminem umquam parens; multa de incontinentia intemperantiaque disseruit. Quid quaeritis, iudices? ignoscebam vobis attente audientibus, propterea quod egomet tam triste illud, tam asperum genus orationis horrebam. Ac prima pars fuit illa quae me minus movebat, fuisse meo necessario Bestiae Caelium familiarem, cenasse apud eum, ventitasse domum, studuisse praeturae. Non me haec movent quae perspicue falsa sunt; etenim eos una cenasse dixit qui aut absunt aut

me faisait frissonner moimme. Il a commenc par des faits qui ne m'ont pas beaucoup embarrass : il a prtendu que Clius tait trs li avec Bestia, mon ami; qu'il mangeait chez lui, qu'il frquentait sa maison, qu'il l'a soutenu dans la demande de la prture. Des faussets si videntes ne sont pas faites pour m'alarmer. Ceux qu'il dit avoir soup ensemble, ou sont absents, ou sont forcs de parler comme lui. Il ne m'inquite pas davantage quand, au sujet des Lupercales, il nous dit que Clius et lui sont de la mme socit. Ah! sans doute les premiers Luperques furent des ptres et des paysans grossiers, et l'origine de ces associations a prcd la politesse et les lois, puisque cette confraternit ne les empche pas de se rendre accusateurs les uns contre les autres, et que mme, pour instruire ceux qui pourraient l'ignorer, ils en font mention en accusant leurs confrres. Mais je laisse tout cela pour rpondre des choses qui m'ont paru plus importantes. La censure des plaisirs a t longue, mais plus douce : c'tait plutt une dissertation qu'une invective. C'est aussi ce qui l'a fait couter avec plus d'intrt. Pour mon ami Clodius, il s'est agit avec une extrme violence; son imptuosit ne s'est point ralentie, et la force de sa voix

quibus necesse est idem dicere. Neque vero illud me commovet quod sibi in Lupercis sodalem esse Caelium dixit. Fera quaedam sodalitas et plane pastoricia atque agrestis germanorum Lupercorum, quorum coitio illa silvestris ante est instituta quam humanitas atque leges, si quidem non modo nomina deferunt inter se sodales sed etiam commemorant sodalitatem in accusando, ut ne quis id forte nesciat timere videantur! Sed haec omitto; ad illa quae me magis moverunt respondeo. Deliciarum obiurgatio fuit longa, etiam lenior, plusque disputationis habuit quam atrocitatis, quo etiam audita est attentius. Nam P. Clodius, amicus meus, cum se gravissime vehementissimeque iactaret et omnia inflammatus ageret tristissimis verbis, voce maxima, tametsi probabam eius eloquentiam, tamen non pertimescebam; aliquot enim in causis eum videram frustra litigantem. Tibi autem, Balbe, respondeo primum precario, si licet, si fas est defendi a me eum qui nullum convivium renuerit, qui in hortis fuerit, qui unguenta sumpserit, qui Baias

ajoutait encore la vigueur de son discours. Je gotais fort son loquence, mais sans en redouter les effets; car ce n'est pas la premire cause o je l'ai vu faire plus de bruit que de mal. C'est vous, Balbus, que je rpondrai, en commenant par vous demander grce, si toutefois les lois divines et humaines permettent de dfendre un homme qui n'a jamais refus un souper, qui a fait usage de parfums, et qui a vu les eaux de Baies. XII. J'ai connu plusieurs de nos concitoyens, et l'on m'en a cit bien d'autres, qui aprs avoir, je ne dis pas tremp leurs lvres dans la coupe du plaisir, mais livr leur jeunesse entire la volupt, sont rentrs dans le bon chemin, et sont devenus des hommes essentiels et des personnages illustres. Tout le monde accorde quelques amusements la jeunesse; la nature elle-mme donne cet ge des passions imptueuses, et pourvu que dans leurs carts elles n'attaquent ni la vie ni la fortune des citoyens, elles paraissent excusables et dignes d'indulgence. Mais il m'a sembl que vous vouliez faire un crime Clius des dsordres de toute la jeunesse. Si l'on vous a cout en silence, c'est qu' l'occasion d'un seul, nous pensions aux vices de beaucoup d'autres. Il est ais de dclamer contre la dpravation. Le jour ne

viderit. XII. Equidem multos et vidi in hac civitate et audivi, non modo qui primoribus labris gustassent genus hoc vitae et extremis, ut dicitur, digitis attigissent sed qui totam adulescentiam voluptatibus dedidissent, emersisse aliquando et se ad frugem bonam, ut dicitur, recepisse gravisque homines atque inlustris fuisse. Datur enim concessu omnium huic aliqui ludus aetati, et ipsa natura profundit adulescentiae cupiditates. Quae si ita erumpunt ut nullius vitam labefactent, nullius domum evertant, faciles et tolerabiles haberi solent. Sed tu mihi videbare ex communi infamia iuventutis aliquam invidiam Caelio velle conflare. Itaque omne illud silentium quod est orationi tributum tuae fuit ob eam causam quod uno reo proposito de multorum vitiis cogitabamus. Facile est accusare luxuriem. Dies iam me deficiat, si quae dici in eam sententiam possunt coner expromere; de corruptelis, de adulteriis, de protervitate, de sumptibus immensa oratio est. Vt tibi reum neminem sed vitia ista proponas, res tamen ipsa et copiose et graviter accusari potest. Sed

suffirait pas, si j'essayais ici de tout dire :la corruption, les adultres, les moeurs scandaleuses, les dpenses, sont des sujets inpuisables. Quand vous ne parleriez que des vices en gnral, ils offriraient une vaste matire aux plus loquentes dclamations. Mais il est de votre sagesse, citoyens, de ne point perdre de vue l'accus; et si l'on excite votre svrit contre les vices, contre les moeurs et la licence du sicle, il ne faut pas qu'elle s'appesantisse sur un homme qu'on aura su vous rendre odieux par des satires vagues et gnrales, sans le charger d'aucun reproche personnel. Je n'ose, Balbus, rpondre comme 122 il le faudrait la svrit de votre discours. Je devrais prsenter comme une excuse l'ge de Clius, je devrais rclamer l'indulgence. Mais non; je ne profite point des privilges de l'ge; j'abandonne des droits communs tous. Seulement si la jeunesse d'aujourd'hui s'est rendue justement odieuse par ses dettes, par ses dsordres et ses excs, je demande que les fautes d'autrui, que les torts de l'ge et du sicle ne soient pas imputs Clius; et en mme temps que je rclame cette justice, je m'engage rpondre avec la plus grande exactitude aux reproches qui ne s'adressent qu' lui. XIII. Il y en a deux qui concernent l'un et l'autre la mme personne. Il est

vestrae sapientiae, iudices, est non abduci ab reo nec, quos aculeos habeat severitas gravitasque vestra, cum eos accusator erexerit in rem, in vitia, in mores, in tempora, emittere in hominem et in reum, cum is non suo crimine sed multorum vitio sit in quoddam odium iniustum vocatus. Itaque ego severitati tuae ita ut oportet respondere non audeo. Erat enim meum deprecari vacationem adulescentiae veniamque petere. Non, inquam, audeo; perfugiis nihil utor aetatis, concessa omnibus iura dimitto; tantum peto ut, si qua est invidia communis hoc tempore aeris alieni, petulantiae, libidinum iuventutis, quam video esse magnam, tamen ne huic aliena peccata, ne aetatis ac temporum vitia noceant. Atque ego idem qui haec postulo quin criminibus quae in hunc proprie conferuntur diligentissime respondeam non recuso. XIII. Sunt autem duo crimina, auri et veneni; in quibus una atque eadem persona versatur. Aurum sumptum a Clodia, venenum quaesitum quod Clodiae daretur, ut dicitur. Omnia sunt alia non crimina sed maledicta, iurgi petulantis magis quam publicae

question d'or emprunt Clodia, et de poison prpar pour Clodia. Tout le reste n'est qu'une dclamation vague, et ne peut tre du ressort des tribunaux. Dire que Clius est un adultre, un homme sans moeurs, un corrupteur de suffrages, c'est une invective et non une accusation; car on n'articule, on n'tablit rien de positif : ce ne sont que des injures jetes au hasard par un accusateur emport. Ici, j'aperois des faits prcis, une partie qui se plaint, un dlit, et des tribunaux tablis pour en connatre. Clius a eu besoin d'or : il en a emprunt de Clodia; il l'a reu sans tmoins, et l'a gard tant qu'il a voulu. Je vois la marque certaine d'une intime familiarit. Il a voulu faire prir cette mme Clodia, il a cherch du poison, sollicit, gagn des complices, marqu le lieu, apport le breuvage fatal. Voil les preuves d'une grande haine et d'une cruelle rupture. Dans cette cause, juges, nous n'avons affaire qu' Clodia, femme d'un grand nom, et qui mme est trs connue. Je ne dirai d'elle que ce qui sera ncessaire pour nous justifier. Mais j'en appelle votre sagesse, Cn. Domitius : vous voyez que cette femme est notre seule partie. Si elle ne dit point qu'elle ait prt de l'or Clius, si elle ne l'accuse point d'avoir voulu l'empoisonner, c'est manquer tous les gards que de compromettre

quaestionis. 'adulter, impudicus, sequester' convicium est, non accusatio. Nullum est enim fundamentum horum criminum, nullae sedes; voces sunt contumeliosae temere ab irato accusatore nullo auctore emissae. Horum duorum criminum video auctorem, video fontem, video certum nomen et caput. Auro opus fuit; sumpsit a Clodia, sumpsit sine teste, habuit quamdiu voluit. Maximum video signum cuiusdam egregiae familiaritatis. Necare eandem voluit; quaesivit venenum, sollicitavit servos, potionem paravit, locum constituit, clam attulit. Magnum rursus odium video cum crudelissimo discidio exstitisse. Res est omnis in hac causa nobis, iudices, cum Clodia, muliere non solum nobili verum etiam nota; de qua ego nihil dicam nisi depellendi criminis causa. Sed intellegis pro tua praestanti prudentia, Cn. Domiti, cum hac sola rem esse nobis. Quae si se aurum Caelio commodasse non dicit, si venenum ab hoc sibi paratum esse non arguit, petulanter facimus, si matrem familias secus quam matronarum sanctitas postulat nominamus. Sin ista muliere remota nec

ici le nom d'une femme respectable; mais si, en l'cartant de la cause, on fait crouler toute l'accusation, si alors il ne reste plus d'armes pour combattre Clius, que dois-je faire, moi, qui le dfends, si ce n'est de repousser ceux qui l'attaquent? Je le ferais avec plus de vhmence, sans mes dmls avec le mari de Clodia, je voulais dire son frre, je m'y trompe toujours. Mais avec elle j'userai de modration, et je n'irai pas plus loin que ne l'exigeront mon devoir et l'intrt de ma cause. Jamais je n'ai cherch tre l'ennemi des femmes, et encore moins de celle qu'on dit avoir toujours t l'amie des hommes. XIV. Cependant, avant de commencer, je lui demanderai quel doit tre le ton de mon discours. Veut-elle qu'il soit grave, svre, antique? aimet-elle mieux des formes douces, aimables et polies? Si elle prfre la svrit, il faut que j'voque des enfers, non pas un de ces agrables qui sont fort de son got, mais quelqu'un de ces hommes austres, longue barbe, tels que nous 123 les voyons dans nos vieilles statues, dans nos anciens tableaux, afin qu'il lui adresse des reproches, qu'elle ne me pardonnerait pas, si je parlais en mon propre nom. Eh bien ! prenons-le dans sa famille mme, prenons surtout l'illustre Appius Ccus ; il n'aura pas du moins le chagrin de la voir. S'il

crimen ullum nec opes ad oppugnandum M. Caelium illis relinquuntur, quid est aliud quod nos patroni facere debeamus, nisi ut eos qui insectantur repellamus? quod quidem facerem vehementius, nisi intercederent mihi inimicitiae cum istius mulieris viro fratrem volui dicere; semper hic erro. Nunc agam modice nec longius progrediar quam me mea fides et causa ipsa coget: nec enim muliebris umquam inimicitias mihi gerendas putavi, praesertim cum ea quam omnes semper amicam omnium potius quam cuiusquam inimicam putaverunt. XIV. Sed tamen ex ipsa quaeram prius utrum me secum severe et graviter et prisce agere malit, an remisse et leniter et urbane. Si illo austero more ac modo, aliquis mihi ab inferis excitandus est ex barbatis illis, non hac barbula qua ista delectatur sed illa horrida quam in statuis antiquis atque imaginibus videmus, qui obiurget mulierem et qui pro me loquatur ne mihi ista forte suscenseat. Exsistat igitur ex hac ipsa familia aliquis ac potissimum Caecus ille; minimum enim dolorem capiet qui istam non videbit. Qui profecto, si exstiterit, sic aget ac sic loquetur: 'mulier, quid

pouvait sortir du tombeau, voici ce qu'il lui dirait sans doute : Clodia, qu'avez-vous de commun avec Clius, avec un jeune homme, avec un homme tranger votre famille? pourquoi avoir t assez, ou son amie pour lui prter de l'or, ou son ennemie pour en craindre du poison? N'aviez-vous pas vu que votre pre, n'aviez-vous pas entendu dire que votre oncle, que votre aeul et son pre, et son grand-pre, ont t consuls? Ne saviez-vous pas enfin que vous avez t l'pouse de Q. Mtellus, ce grand homme, cet ami zl de sa patrie, qui ne parut jamais en public sans effacer, par l'clat de ses vertus et de ses honneurs, la gloire de tous les autres citoyens? Sortie d'une si grande famille pour entrer dans cette illustre maison, pourquoi vous tre lie aussi troitement avec Clius? taitil votre parent, votre alli, l'ami de votre poux? Rien de tout cela. C'est donc une fureur, une passion effrne. Si les portraits des hommes ne touchaient pas votre me, cette Q. Claudia, issue de mon sang, ne vous avertissait-elle pas d'imiter du moins les femmes dont les vertus ont honor notre famille? ne trouviez-vous pas un grand exemple dans Claudia, cette vestale qui, serrant son pre dans ses bras, empcha qu'un tribun ennemi ne le fit descendre du char triomphal ? Pourquoi imiter les vices de votre frre plutt que les vertus de votre pre et de vos

tibi cum Caelio, quid cum homine adulescentulo, quid cum alieno? cur aut tam familiaris fuisti ut aurum commodares, aut tam inimica ut venenum timeres? non patrem tuum videras, non patruum, non avum, non proavum, non <abavum, non> atavum audieras consules fuisse; non denique modo te Q. Metelli matrimonium tenuisse sciebas, clarissimi ac fortissimi viri patriaeque amantissimi, qui simul ac pedem limine extulerat, omnis prope civis virtute, gloria, dignitate superabat? cum ex amplissimo genere in familiam clarissimam nupsisses, cur tibi Caelius tam coniunctus fuit? cognatus, adfinis, viri tui familiaris? nihil eorum. Quid igitur fuit nisi quaedam temeritas ac libido? nonne te, si nostrae imagines viriles non commovebant, ne progenies quidem mea, Q. Illa Claudia, aemulam domesticae laudis in gloria muliebri esse admonebat, non virgo illa Vestalis Claudia quae patrem complexa triumphantem ab inimico tribuno plebei de curru detrahi passa non est? cur te fraterna vitia potius quam bona paterna et avita et usque a nobis cum in viris tum etiam in feminis repetita moverunt? ideone ego

aeux, ces vertus fidlement retraces par tous les hommes et toutes les femmes de mon sang? Ai-je rompu la paix avec Pyrrhus, pour que chaque jour vous scelliez les honteux traits de vos impudiques amours? faut-il que cette eau que j'ai amene Rome soit souille par vos dbauches? que cette route que j'ai construite vous voie sans cesse avec des hommes qui ne vous sont rien? XV. Mais en introduisant un si grave personnage, n'aije pas craindre qu'il ne se retourne vers Clius, et que cet austre censeur ne l'accable de ses reproches? C'est de quoi je m'occuperai dans la suite, et je me flatte alors de justifier Clius aux yeux des juges les plus svres. Mais vous, Clodia, ce n'est plus Appius, c'est moi qui vous parle : si vous pensez soutenir vos dmarches, vos discours, vos reproches, vos efforts, vos accusations, vous tes dans la ncessit de rendre compte d'une si grande familiarit, d'un commerce si intime, d'une liaison si troite. Les accusateurs rptent avec affectation les mots de libertinage, d'amours, d'adultres, de Baies, de rivages, de festins, de repas nocturnes, de chants de musique, de promenades sur l'eau; ils font entendre qu'ils ne disent rien sans votre aveu. Puisque vous avez voulu, aveugle par je ne sais quel dlire, tre compromise

pacem Pyrrhi diremi ut tu amorum turpissimorum cotidie foedera ferires, ideo aquam adduxi ut ea tu inceste uterere, ideo viam munivi ut eam tu alienis viris comitata celebrares?' XV. Sed quid ego, iudices, ita gravem personam induxi ut verear ne se idem Appius repente convertat et Caelium incipiat accusare illa sua gravitate censoria? sed videro hoc posterius atque ita, iudices, ut vel severissimis disceptatoribus M. Caeli vitam me probaturum esse confidam. Tu vero, mulier iam enim ipse tecum nulla persona introducta loquor si ea quae facis, quae dicis, quae insimulas, quae moliris, quae arguis, probare cogitas, rationem tantae familiaritatis, tantae consuetudinis, tantae coniunctionis reddas atque exponas necesse est. Accusatores quidem libidines, amores, adulteria, Baias, actas, convivia, comissationes, cantus, symphonias, navigia iactant, idemque significant nihil se te invita dicere. Quae tu quoniam mente nescio qua effrenata atque praecipiti in forum deferri iudiciumque voluisti, aut diluas oportet ac falsa esse doceas aut nihil

devant les tribunaux, il vous faut ou dtruire ces calomnies, ou confesser que vos reproches et votre tmoignage ne sont pas dignes de foi. Cependant, si vous voulez que je prenne un ton moins dur, je renverrai ce vieillard grossier et brutal; je choisirai encore quelqu'un de votre famille; par exemple, votre jeune frre, le plus lgant de tous nos Romains, votre plus tendre 124 ami; ce charmant petit homme qui passe toutes les nuits avec sa soeur ane, parce que, sujet des peurs enfantines, il n'a jamais os coucher seul. Imaginez que c'est lui qui vous parle : Ma soeur, quoi bon vous agiter ainsi, et perdre la raison? pourquoi ces cris et tout ce bruit pour si peu de chose? Vous avez aperu un voisin la fleur de l'ge; sa candeur, sa taille, sa fracheur, ses yeux vous ont touche; vous n'avez pu vous lasser de le voir; vous avez bien voulu, vous, d'une si noble famille, vous montrer avec lui dans les mmes jardins. Quoiqu'il dpende d'un pre conome et mnager, vos richesses n'ont pu vous l'attacher : il rsiste, il refuse; vos dons excitent ses superbes ddains. Eh bien! prenez-en un autre. Vos jardins sont sur le bord du Tibre vous les avez fait embellir avec soin dans l'endroit o toute la jeunesse vient se baigner. Vous pouvez choisir votre aise. Pourquoi vous obstiner aprs un

neque crimini tuo neque testimonio credendum esse fateare. Sin autem urbanius me agere mavis, sic agam tecum. Removebo illum senem durum ac paene agrestem; ex his igitur sumam aliquem ac potissimum minimum fratrem qui est in isto genere urbanissimus; qui te amat plurimum, qui propter nescio quam, credo, timiditatem et nocturnos quosdam inanis metus tecum semper pusio cum maiore sorore cubitabat. Eum putato tecum loqui: 'quid tumultuaris, soror? quid insanis? Quid clamorem exorsa verbis parvam rem magnam facis? vicinum adulescentulum aspexisti; candor huius te et proceritas voltus oculique pepulerunt; saepius videre voluisti; fuisti non numquam in isdem hortis; vis nobilis mulier illum filium familias patre parco ac tenaci habere tuis copiis devinctum. Non potes; calcitrat, respuit, repellit, non putat tua dona esse tanti. Confer te alio. Habes hortos ad Tiberim ac diligenter eo loco paratos quo omnis iuventus natandi causa venit; hinc licet condiciones cotidie legas; cur huic qui te spernit molesta es?' XVI. Redeo nunc ad

homme qui vous ddaigne? XVI. A prsent, Clius, je reviens vous; et je prends la svrit et l'autorit d'un pre. Mais quel pre choisir? M'crierai-je comme ce vieillard dur et emport, dans la pice de Ccilius : Oui, je suis enflamm de colre, ma fureur est son comble ; ou comme cet autre : O malheureux! sclrat ! Ces pres-l ont un cur de fer --. Que dire ? que vouloir? tous vos dportements me rduisent ne savoir que souhaiter.... Un tel pre dirait avec une rigueur vraiment cruelle : Pourquoi vous loger auprs d'une courtisane? pourquoi ne pas fuir, quand vous avez connu ses charmes perfides? pourquoi frquenter une femme qui vous tiez tranger? Dissipez, mangez tout, que m'importe? Si vous tombez dans la misre, tant pis pour vous. Il m'en reste assez pour passer mon aise le temps que j'ai encore vivre. A ce vieillard triste et chagrin, Clius rpondrait qu'aucune passion ne le fit jamais sortir du chemin de la vertu. Quelles preuves contre lui? Point de dpenses, point de dissipation, point de dettes. Mais on a tenu des discours. Eh! qui peut chapper aux propos dans une ville aussi mdisante? Vous tes tonn qu'on ait mal parl du voisin de cette femme, quand les discours des mchants n'ont pas pargn son propre frre? Mais il lui serait bien ais de

te, Caeli, vicissim ac mihi auctoritatem patriam severitatemque suscipio. Sed dubito quem patrem potissimum sumam, Caecilianumne aliquem vehementem atque durum: - nunc enim demum mi animus ardet, nunc meum cor cumulatur ira aut illum: O infelix, o sceleste! ferrei sunt isti patres: - egone quid dicam, quid velim? quae tu omnia - Tuis foedis factis facis ut nequiquam velim, vix ferendi. Diceret talis pater: 'cur te in istam vicinitatem meretriciam contulisti? cur inlecebris cognitis non refugisti?' cur alienam ullam mulierem nosti? Dide ac dissice; - per me <tibi> licet. Si egebis, tibi dolebit, <non mihi>. mihi sat est qui aetatis quod relicuom est oblectem meae. - Huic tristi ac derecto seni responderet Caelius se nulla cupiditate inductum de via decessisse. Quid signi? nulli sumptus, nulla iactura, nulla versura. At fuit fama. Quotus quisque istam effugere potest, praesertim in tam maledica civitate? vicinum eius mulieris miraris male audisse cuius frater germanus sermones iniquorum effugere non potuit? leni vero et clementi patre cuius modi ille est: fores ecfregit, restituentur;

se justifier, s'il avait affaire un pre doux et indulgent, tel que ce vieillard de Trence : Votre fils a bris une porte; on la rparera : il a dchir un habit; on peut le recoudre . Et en effet, sur quel article serait-il embarrass? Je ne parle plus de Clodia. Mais s'il tait une femme qui ne ressemblt point Clodia, une femme qui s'abandonnt tous les hommes, qui et toujours un amant en titre, dont les jardins, la maison et les bains fussent ouverts tous les dbauchs, qui entretnt mme des jeunes gens, qui par ses largesses supplt la parcimonie de leurs pres, une veuve licencieuse, prodigue de ses richesses, sans retenue dans ses passions, sans pudeur dans ses plaisirs; regarderaisje comme un adultre l'homme qui l'aurait salue d'un air de connaissance? XVII. Mais, dira-t-on, est-ce donc l votre morale? est-ce ainsi que vous formez la jeunesse? le pre a-t-il plac cet enfant auprs de vous, et vous l'a-t-il confi pour qu'il se livrt, ds l'ge le plus tendre, l'amour et aux volupts, pour que vous devinssiez vous-mme l'apologiste d'une 125 telle dpravation? Juges, si jamais il s'est trouv un homme d'une me assez forte, d'une vertu assez rare pour mpriser toutes les volupts, pour consacrer tous les moments de sa vie au travail du corps et aux contentions de l'esprit, un

discidit - vestem, resarcietur, - Caeli causa est expeditissima. Quid enim esset in quo se non facile defenderet? nihil iam in istam mulierem dico; sed, si esset aliqua dissimilis istius quae se omnibus pervolgaret, quae haberet palam decretum semper aliquem, cuius in hortos, domum, Baias iure suo libidines omnium commearent, quae etiam aleret adulescentis et parsimoniam patrum suis sumptibus sustineret; si vidua libere, proterva petulanter, dives effuse, libidinosa meretricio more viveret, adulterum ego putarem si quis hanc paulo liberius salutasset? XVII. Dicet aliquis: 'haec igitur est tua disciplina? sic tu instituis adulescentis? ob hanc causam tibi hunc puerum parens commendavit et tradidit, ut in amore atque in voluptatibus adulescentiam suam conlocaret, et ut hanc tu vitam atque haec studia defenderes?' ego, si quis, iudices, hoc robore animi atque hac indole virtutis ac continentiae fuit ut respueret omnis voluptates omnemque vitae suae cursum in labore corporis atque in animi contentione conficeret, quem non quies, non remissio, non aequalium studia, non

homme enfin pour qui le repos, le dlassement, les gots des jeunes gens de son ge, les jeux et les festins fussent sans attrait, qui ne connt d'autre besoin que la gloire et l'honneur, j'ose prononcer qu'un tel homme a reu en partage des qualits qui surpassent la nature humaine. Tels furent sans doute les Camille, les Fabricius, les Curius, et tous ces hros qui Rome doit sa grandeur. Mais ces vertus ne vivent plus dans nos murs; peine les retrouve-t-on encore dans les livres. Les ouvrages qui renfermaient ces maximes antiques, sont mme effacs, je ne dis pas seulement chez nous, qui les avons toujours mieux pratiques que nous n'avons su les enseigner, mais mme chez les Grecs, ce peuple savant, qui, sans avoir la force d'exercer ces vertus sublimes, avait du moins le talent d'en parler et d'en crire dans les termes les plus magnifiques : oui, chez les Grecs eux-mmes les prceptes ont chang avec les temps. Il en est qui ont os dire que le sage fait tout pour la volupt; et des hommes instruits n'ont pas rougi d'enseigner cette morale honteuse. D'autres, cherchant concilier des choses qui s'excluent par leur nature, ont voulu qu'on allit ensemble l'honneur et la volupt. Ceux qui ont soutenu que, pour arriver la gloire, il faut suivre, sans distraction, le chemin du travail, sont rests seuls dans leurs coles

ludi, non convivium delectaret, nihil in vita expetendum putaret nisi quod esset cum laude et cum dignitate coniunctum, hunc mea sententia divinis quibusdam bonis instructum atque ornatum puto. Ex hoc genere illos fuisse arbitror Camillos, Fabricios, Curios, omnisque eos qui haec ex minimis tanta fecerunt. Verum haec genera virtutum non solum in moribus nostris sed vix iam in libris reperiuntur. Chartae quoque quae illam pristinam severitatem continebant obsoleverunt; neque solum apud nos qui hanc sectam rationemque vitae re magis quam verbis secuti sumus sed etiam apud Graecos, doctissimos homines, quibus, cum facere non possent, loqui tamen et scribere honeste et magnifice licebat, alia quaedam mutatis Graeciae temporibus praecepta exstiterunt. Itaque alii voluptatis causa omnia sapientes facere dixerunt, neque ab hac orationis turpitudine eruditi homines refugerunt; alii cum voluptate dignitatem coniungendam putaverunt, ut res maxime inter se repugnantis dicendi facultate coniungerent; illud unum derectum iter

dsertes. C'est que la nature nous offre une foule d'enchantements capables de surprendre et d'endormir la vertu : elle ouvre aux jeunes gens plusieurs routes glissantes, o ils ne peuvent ni entrer ni marcher sans faire quelque chute; elle nous prsente l'agrable varit de mille sductions qui pourraient garer l'ge mme le mieux affermi par l'exprience. Si donc vous rencontrez par hasard un homme pour qui la beaut n'ait point de charmes, qui ferme tous ses sens toutes les jouissances, peut-tre quelques personnes avec moi le regarderont comme le favori des dieux, mais les autres ne verront en lui que l'objet de la colre cleste. XVIII. Laissons donc cette route solitaire, couverte aujourd'hui de ronces et d'pines; accordons quelque chose l'ge; que la jeunesse ait un peu de libert; ne refusons pas tout aux plaisirs; que cette raison exacte et rigide ne domine pas toujours; que l'ardeur du dsir et la volupt en triomphent quelquefois, pourvu que nous sachions les retenir dans de justes bornes; que les jeunes gens mnagent leur propre pudeur; qu'ils respectent celle des autres; qu'ils ne dissipent point leur patrimoine; qu'ils ne se mettent pas la merci des usuriers; qu'ils ne ruinent ni la fortune ni la rputation d'autrui; qu'ils ne se fassent pas un jeu d'attaquer, de

ad laudem cum labore qui probaverunt, prope soli iam in scholis sunt relicti. Multa enim nobis blandimenta natura ipsa genuit quibus sopita virtus coniveret interdum; multas vias adulescentiae lubricas ostendit quibus illa insistere aut ingredi sine casu aliquo ac prolapsione vix posset; multarum rerum iucundissimarum varietatem dedit qua non modo haec aetas sed etiam iam conroborata caperetur. Quam ob rem si quem forte inveneritis qui aspernetur oculis pulchritudinem rerum, non odore ullo, non tactu, non sapore capiatur, excludat auribus omnem suavitatem, huic homini ego fortasse et pauci deos propitios, plerique autem iratos putabunt. XVIII. Ergo haec deserta via et inculta atque interclusa iam frondibus et virgultis relinquatur. Detur aliqui ludus aetati; sit adulescentia liberior; non omnia voluptatibus denegentur; non semper superet vera illa et derecta ratio; vincat aliquando cupiditas voluptasque rationem, dum modo illa in hoc genere praescriptio moderatioque teneatur. Parcat iuventus pudicitiae suae, ne spoliet alienam, ne effundat patrimonium,

corrompre, de fltrir l'innocence, la vertu, l'honneur; qu'ils s'interdisent toute violence; qu'ils n'attentent la vie de personne; qu'ils soient exempts de crimes; qu'enfin, aprs avoir cd aux vains plaisirs de leur ge, ils reviennent aux affaires domestiques, celles du barreau, celles de l'tat, en sorte qu'on puisse dire qu'ils ont t dgots par la jouissance, et que l'exp- 126 rience leur a fait mpriser ce qui avait d'abord sduit leur raison. Aussi, de nos jours et du temps de nos pres et mme de nos anctres, on a vu beaucoup de grands hommes et de citoyens illustres, qui, sauvs des orages de la jeunesse, ont montr dans la maturit de l'ge les vertus les plus clatantes. Vous vous en rappelez plusieurs, sans qu'il soit ncessaire de nommer personne. Je ne veux pas que la tache la plus lgre vienne ternir la gloire de ces grands citoyens. Mais si je le voulais, combien ne citerais-je pas de personnages distingus, qui l'on peut reprocher une jeunesse licencieuse, un luxe effrn, des dettes normes, des dpenses, des excs auxquels la faiblesse de l'ge peut servir d'excuse, puisque dans la suite ils les ont couverts de l'clat des plus grandes vertus? XIX. Mais dans Clius (car

ne faenore trucidetur, ne incurrat in alterius domum atque familiam, ne probrum castis, labem integris, infamiam bonis inferat, ne quem vi terreat, ne intersit insidiis, scelere careat. Postremo cum paruerit voluptatibus, dederit aliquid temporis ad ludum aetatis atque ad inanis hasce adulescentiae cupiditates, revocet se aliquando ad curam rei domesticae, rei forensis reique publicae, ut ea quae ratione antea non perspexerat satietate abiecisse et experiendo contempsisse videatur. Ac multi quidem et nostra et patrum maiorumque memoria, iudices, summi homines et clarissimi cives fuerunt quorum, cum adulescentiae cupiditates defervissent, eximiae virtutes firmata iam aetate exstiterunt. Ex quibus neminem mihi libet nominare; vosmet vobiscum recordamini. Nolo enim cuiusquam fortis atque inlustris viri ne minimum quidem erratum cum maxima laude coniungere. Quod si facere vellem, multi a me summi atque ornatissimi viri praedicarentur quorum partim nimia libertas in adulescentia, partim profusa luxuries, magnitudo aeris alieni, sumptus, libidines

enfin, juges, puisque j'ose avouer ses faiblesses, je parlerai avec plus de confiance des inclinations qui l'honorent, et qui seront apprcies par votre sagesse), dans Clius on ne trouvera ni luxe, ni folles dpenses, ni dettes; vous ne pouvez lui reprocher ni les excs de la table, ni les garements de la licence. La premire de ces passions, loin de s'affaiblir, ne fait que s'accrotre avec l'ge. L'amour et ses charmes, qui ne matrisent pas longtemps une me forte (ses illusions se dissipent promptement), l'amour ne l'enchana jamais dans une lche oisivet. Vous l'avez entendu plaider pour lui-mme; dj vous l'aviez entendu comme accusateur. Si j'en parle, ce n'est point certainement par amour-propre, mais pour le justifier. Son style, sa facilit, la force des penses et des expressions n'ont pas chapp des hommes d'un got aussi sr que le vtre. Non seulement vous avez remarqu cet esprit naturel, qui souvent brille par luimme sans le secours du travail; mais si mon amiti pour lui ne me prvient pas trop en sa faveur, son discours me semblait annoncer les plus profondes connaissances, et montrer partout le soin et l'application. Or, vous le savez, juges, le got de l'tude n'est gure compatible avec ces erreurs qu'on reproche Clius. Eh! comment une me esclave

nominarentur, quae multis postea virtutibus obtecta adulescentiae qui vellet excusatione defenderet. XIX.At vero in M. Caelio dicam enim iam confidentius de studiis eius honestis, quoniam audeo quaedam fretus vestra sapientia libere confiteri nulla luxuries reperietur, nulli sumptus, nullum aes alienum, nulla conviviorum ac lustrorum libido. Quod quidem vitium ventris et gurgitis non modo non minuit aetas hominibus sed etiam auget. Amores autem et deliciae quae vocantur, quae firmiore animo praeditis diutius molestae non solent esse mature enim et celeriter deflorescunt numquam hunc occupatum impeditumve tenuerunt. Audistis cum pro se diceret, audistis antea cum accusaret defendendi haec causa, non gloriandi loquor genus orationis, facultatem, copiam sententiarum atque verborum, quae vestra prudentia est, perspexistis. Atque in eo non solum ingenium elucere eius videbatis, quod saepe, etiam si industria non alitur, valet tamen ipsum suis viribus, sed inerat, nisi me

des plaisirs, de l'amour, des passions, souvent fatigue par l'opulence, souvent tourmente par le besoin, pourrait-elle supporter les travaux du barreau? Elle n'en soutiendrait pas mme la pense. Les prix les plus flatteurs sont proposs l'loquence ; le talent de bien dire est lui-mme le plaisir le plus doux; la gloire, le crdit, les honneurs en sont la noble rcompense : pourquoi donc a-t-on vu dans tous les sicles si peu de gens se livrer cet exercice, C'est qu'il faut s'interdire tous les plaisirs, renoncer tous les amusements, aux jeux, aux festins, je dirais presque la conversation de ses amis. Ce ne sont pas les talents ni l'ducation qui nous manquent; mais ces sacrifices dtournent les hommes d'une si pnible carrire. Si Clius s'tait livr cette vie molle et voluptueuse, aurait-il, si jeune encore, cit devant les tribunaux un consulaire? S'il fuyait le travail, s'il tait enchan par les plaisirs, le verrions-nous se montrer tous les jours sur ce champ de bataille, braver les haines, intenter des accusations capitales? 127 s'exposer luimme, et, sous vos yeux, combattre depuis tant de mois pour son salut ou pour sa gloire? XX. Mais ce voisinage de Clodia, mais ces discours du publie, ces voyages de Baies ne disent-ils rien? Oui, certes, ils disent beaucoup; ils disent

propter benivolentiam forte fallebat, ratio et bonis artibus instituta et cura et vigiliis elaborata. Atqui scitote, iudices, eas cupiditates quae obiciuntur Caelio atque haec studia de quibus disputo non facile in eodem homine esse posse. Fieri enim non potest ut animus libidini deditus, amore, desiderio, cupiditate, saepe nimia copia, inopia etiam non numquam impeditus hoc quicquid est quod nos facimus in dicendo, quoquo modo facimus, non modo agendo verum etiam cogitando possit sustinere. An vos aliam causam esse ullam putatis cur in tantis praemiis eloquentiae, tanta voluptate dicendi, tanta laude, tanta gratia, tanto honore, tam sint pauci semperque fuerint qui in hoc labore versentur? obterendae sunt omnes voluptates, relinquenda studia delectationis, ludus, iocus, convivium, sermo paene est familiarium deserendus. Qua re in hoc genere labor offendit homines a studioque deterret, non quo aut ingenia deficiant aut doctrina puerilis. An hic, si sese isti vitae dedidisset, consularem hominem admodum adulescens in iudicium vocavisset? hic, si laborem fugeret, si

qu'une femme en est venue cet excs de dpravation, qu'elle ne cherche plus la solitude et les tnbres, qu'elle ne veut plus de voile ses dbauches, que dis-je? qu'elle se plait produire au grand jour ses plus honteux dportements. Une vertu svre, je ne puis le nier, interdit la jeunesse le commerce mme des courtisanes; mais ces principes s'accordent trop peu avec la licence du sicle, ou mme avec les usages et la tolrance de nos anctres. Quand cette libert n'a-t-elle pas eu lieu ? quand l'a-t-on condamne? quand l'a-t-on refuse? a-t-on jamais dfendu ce qu'on permet aujourd'hui? Je vais faire une hypothse; je ne nommerai aucune femme; vous serez les matres de choisir. Je suppose donc qu'une femme non marie ait ouvert sa maison tous les dbauchs, qu'elle ait embrass publiquement l'tat de courtisane, qu'elle se trouve des festins avec les hommes qui lui sont le plus trangers; je suppose que cette femme vive de cette manire Rome, la campagne, aux yeux de la foule qui s'assemble aux eaux de Baies; que non seulement sa dmarche, mais sa parure et sa suite, que non seulement la hardiesse de ses regards, la licence de ses discours, mais ses embrassements, ses caresses dissolues, ses bains, ses promenades sur l'eau, ses

obstrictus voluptatibus teneretur, hac in acie cotidie versaretur, appeteret inimicitias, in iudicium vocaret, subiret periculum capitis, ipse inspectante populo Romano tot iam mensis aut de salute aut de gloria dimicaret? XX. Nihilne igitur illa vicinitas redolet, nihilne hominum fama, nihil Baiae denique ipsae loquuntur? illae vero non loquuntur solum verum etiam personant, huc unius mulieris libidinem esse prolapsam ut ea non modo solitudinem ac tenebras atque haec flagitiorum integumenta non quaerat sed in turpissimis rebus frequentissima celebritate et clarissima luce laetetur. Verum si quis est qui etiam meretriciis amoribus interdictum iuventuti putet, est ille quidem valde severus negare non possum sed abhorret non modo ab huius saeculi licentia verum etiam a maiorum consuetudine atque concessis. Quando enim hoc non factitatum est, quando reprehensum, quando non permissum, quando denique fuit ut quod licet non liceret? hic ego ipsam rem definiam, mulierem nullam nominabo; tantum in

festins montrent en elle je ne dis pas une courtisane, mais la plus effronte de toutes les prostitues : si un jeune homme s'est rencontr par hasard avec elle, direz-vous, L. Hrennius, que c'est un sducteur, ou simplement un homme qui cherche s'amuser? direz-vous qu'il ait voulu corrompre l'innocence, ou satisfaire un caprice? Clodia, j'ai bien me plaindre de vous; mais j'oublie mes ressentiments. Je ne cherche point me venger des cruauts que vous avez exerces pendant mon absence contre ma famille. Que rien de ce que j'ai dit ne tombe sur vous. Mais, je le demande vous-mme, puisque nos accusateurs disent que vous tes et notre partie et leur tmoin, s'il existait une femme telle que je viens de la dpeindre, une femme qui, ne vous ressemblant en rien, fit profession ouverte de dbauche, regarderiez-vous comme l'excs de la honte et de l'infamie dans un jeune homme d'avoir eu quelques liaisons avec elle? Si le portrait que j'ai fait n'est pas le vtre, et je le dsire, quel reproche nos ennemis peuvent-ils faire Clius? mais s'ils prtendent que vous tes cette femme, pourquoi craindrions-nous des reproches que vous bravez vous-mme? Fournissez-nous donc des armes ; car enfin ou votre vertu absoudra Clius, ou votre impudence lui servira

medio relinquam. Si quae non nupta mulier domum suam patefecerit omnium cupiditati palamque sese in meretricia vita conlocarit, virorum alienissimorum conviviis uti instituerit, si hoc in urbe, si in hortis, si in Baiarum illa celebritate faciat, si denique ita sese gerat non incessu solum sed ornatu atque comitatu, non flagrantia oculorum, non libertate sermonum, sed etiam complexu, osculatione, actis, navigatione, conviviis, ut non solum meretrix sed etiam proterva meretrix procaxque videatur: cum hac si qui adulescens forte fuerit, utrum hic tibi, L. Herenni, adulter an amator, expugnare pudicitiam an explere libidinem voluisse videatur? Obliviscor iam iniurias tuas, Clodia, depono memoriam doloris mei; quae abs te crudeliter in meos me absente facta sunt neglego; ne sint haec in te dicta quae dixi. Sed ex te ipsa requiro, quoniam et crimen accusatores abs te et testem eius criminis te ipsam dicunt se habere. Si quae mulier sit eius modi qualem ego paulo ante descripsi, tui dissimilis, vita institutoque meretricio, cum hac aliquid

d'excuse, comme tous les autres. XXI. Me voici enfin dgag des cueils de ma cause; la route qui me reste maintenant est facile parcourir. Tout se rduit des griefs qui concernent la mme femme : il s'agit d'or emprunt Clodia, de poison prpar, diton, pour la mme Clodia par Clius. Clius a, dites-vous, emprunt cet or pour le donner aux esclaves de L. Luccius, afin qu'ils assassinassent Dion d'Alexandrie, qui logeait alors chez Luccius. Attenter 128 la vie d'un ambassadeur, corrompre des esclaves pour assassiner l'hte de leur matre, ce double attentat est horrible; c'est le comble de la sclratesse et de l'audace. Je demanderai premirement s'il a dit ou non Clodia ce qu'il voulait faire de cet or. S'il ne l'a pas dit, pourquoi l'a-t-elle prt? s'il l'a dit, elle est complice. Mais cet or, est-il bien vrai que vous l'ayez tir de votre trsor? votre Vnus, qui a dpouill tant d'hommes, l'avez-vous ellemme dpouille de ses ornements? Au surplus, puisque vous saviez pour quel horrible forfait il demandait cet or, puisque vous saviez qu'il voulait faire assassiner un ambassadeur, fltrir d'une tache ternelle Luccius, le plus vertueux et le plus intgre des hommes, votre me, et si noble et si belle, a d tre rvolte de l'ide d'un tel attentat; votre maison,

adulescentem hominem habuisse rationis num tibi perturpe aut perflagitiosum esse videatur? ea si tu non es, sicut ego malo, quid est quod obiciant Caelio? sin eam te volunt esse, quid est cur nos crimen hoc, si tu contemnis, pertimescamus? qua re nobis da viam rationemque defensionis. Aut enim pudor tuus defendet nihil a M. Caelio petulantius esse factum, aut impudentia et huic et ceteris magnam ad se defendendum facultatem dabit. XXI. Sed quoniam emersisse iam e vadis et scopulos praetervecta videtur esse oratio mea, perfacilis mihi reliquus cursus ostenditur. Duo sunt enim crimina una in muliere summorum facinorum, auri quod sumptum a Clodia dicitur, et veneni quod eiusdem Clodiae necandae causa parasse Caelium criminantur. Aurum sumpsit, ut dicitis, quod L. Luccei servis daret, per quos Alexandrinus Dio qui tum apud Lucceium habitabat necaretur. Magnum crimen vel in legatis insidiandis vel in servis ad hospitem domini necandum sollicitandis, plenum sceleris consilium, plenum audaciae! Quo quidem in crimine primum illud

ouverte tout le monde, n'a pas d recler ce secret affreux, ni votre Vnus, si humaine, en favoriser l'excution. Balbus l'a senti : il a dit que Clius n'avait pas instruit Clodia de son projet; qu'il lui avait donn pour raison la dcoration de ses jeux. Mais s'il a vcu avec elle dans une familiarit aussi intime que vous le prtendez, vous qui avez tant parl de son inconduite, il lui a dit sans doute quel usage il en voulait faire; et si cette familiarit n'existait pas, elle ne lui a point prt. Ainsi donc, femme que la fureur gare, s'il vous a dit la vrit, vous lui avez donn de l'or pour aider un crime; s'il n'a pas os vous la dire, vous n'avez rien donn. XXII. Qu'est-il besoin d'opposer nos accusateurs les raisonnements qui se prsentent en foule? Je pourrais dire qu'un forfait aussi atroce rpugnait au caractre de Clius; qu'il est incroyable qu'un homme d'autant d'esprit et de jugement n'ait pas rflchi qu'un crime de cette nature ne se confie pas des esclaves inconnus et trangers. Je pourrais encore, comme j'ai coutume de le faire, et comme le font tous les autres, demander l'accusateur en quel lieu Clius s'est concert avec les esclaves de Luccius, comment il leur a fait cette proposition. Directement? quel excs de tmrit! Par

requiro, dixeritne Clodiae quam ob rem aurum sumeret, an non dixerit. Si non dixit, cur dedit? si dixit, eodem se conscientiae scelere devinxit. Tune aurum ex armario tuo promere ausa es, tune venerem illam tuam spoliare ornamentis, spoliatricem ceterorum, cum scires quantum ad facinus aurum hoc quaereretur, ad necem legati, ad L. Luccei, sanctissimi hominis atque integerrimi, labem sceleris sempiternam? huic facinori tanto tua mens liberalis conscia, tua domus popularis ministra, tua denique hospitalis illa Venus adiutrix esse non debuit. Vidit hoc Balbus; celatam esse Clodiam dixit, atque ita Caelium ad illam attulisse, se ad ornatum ludorum aurum quaerere. Si tam familiaris erat Clodiae quam tu esse vis cum de libidine eius tam multa dicis, dixit profecto quo vellet aurum; si tam familiaris non erat, non dedit. Ita si verum tibi Caelius dixit, o immoderata mulier, sciens tu aurum ad facinus dedisti; si non est ausus dicere, non dedisti. XXII. Quid ego nunc argumentis huic crimini, quae sunt innumerabilia, resistam? possum dicere mores M. Caeli longissime a tanti sceleris atrocitate

un autre? qu'on nomme cet autre. J'puiserais toutes les prsomptions : on ne trouverait ni motif, ni lieu favorable, ni moyens, ni complice, ni espoir de consommer et de cacher le crime; nulle mesure prise, nulle trace d'un forfait aussi horrible. Mais tous ces moyens de dfense, qui appartiennent l'orateur, et dont le seul exercice du barreau, sans le secours du talent, pourrait tirer le plus grand parti, sembleraient annoncer en moi la rflexion et le travail; je les abandonne, afin d'abrger. Je puis ici, juges, produire un homme que vous verrez avec plaisir li comme vous par la religion du mme serment, L. Luccius, ce mortel vertueux, ce tmoin respectable, qui n'aurait pas ignor le complot de Clius, qui n'aurait ai nglig ni souffert un attentat fait pour compromettre son honneur et sa fortune. Un homme aussi instruit, aussi passionn pour les arts et les lettres, aurait-il vu d'un oeil tranquille le danger de celui mme que les arts et les lettres lui rendaient cher? Ce crime, s'il et t commis sur un tranger par des inconnus, dans les champs ou dans un lieu public, l'aurait pntr de douleur et d'indignation; il aurait cru devoir en poursuivre la vengeance; et il n'aurait pas cherch dfendre son hte? il pardonnerait 129 ses esclaves de l'avoir commis? il le verrait, avec une lche

esse disiunctos; minime esse credendum homini tam ingenioso tamque prudenti non venisse in mentem rem tanti sceleris ignotis alienisque servis non esse credendam. Possum etiam alia et ceterorum patronorum et mea consuetudine ab accusatore perquirere, ubi sit congressus cum servis Luccei Caelius, qui ei fuerit aditus; si per se, qua temeritate! si per alium, per quem? possum omnis latebras suspicionum peragrare dicendo; non causa, non locus, non facultas, non conscius, non perficiendi, non occultandi malefici spes, non ratio ulla, non vestigium maximi facinoris reperietur. Sed haec quae sunt oratoris propria, quae mihi non propter ingenium meum sed propter hanc exercitationem usumque dicendi fructum aliquem ferre potuissent, cum a me ipso elaborata proferri viderentur, brevitatis causa relinquo omnia. Habeo enim, iudices, quem vos socium vestrae religionis iurisque iurandi facile esse patiamini, L. Lucceium, sanctissimum hominem et gravissimum testem, qui tantum facinus in famam atque in fortunas suas neque non audisset inlatum a M. Caelio neque neglexisset neque tulisset. An ille vir

indiffrence, consommer dans Rome, dans sa propre maison? enfin, lui qui aurait vol au secours d'un homme ignorant et grossier, lui, pris de l'amour des lettres, il laisserait prir dans un pige funeste le plus savant des hommes? Mais c'est vous arrter trop longtemps, juges. Examinez le caractre du tmoin, et faites attention tous les mots de sa dposition. Qu'on lise la dposition de Luccius. DEPOSITION DE LUCCIUS. Que voulez-vous de plus? attendez-vous que la cause elle-mme et la vrit lvent ici la voix? Ce que vous venez d'entendre est le langage de l'innocence, l'expression de la cause. C'est la voix de la vrit. L'accusation manque de vraisemblance; le fait est dnu de preuves; et dans cette prtendue ngociation, rien de circonstanci, ni entrevue, ni lieu, ni temps; nul tmoin, nul complice nomm. L'accusation tout entire part d'une maison ennemie, diffame, cruelle, souille par le crime et la dbauche : et celle contre laquelle on dit que ce forfait horrible tait dirig est une maison o l'innocence, le devoir et la vertu sont respects ; elle produit un tmoignage appuy par la religion du serment. Il s'agit donc ici de dcider si une femme emporte, impudente et furieuse, a forg une accusation calomnieuse, ou si un homme respectable, sage, sans passion , a dpos selon

illa humanitate praeditus, illis studiis, illis artibus atque doctrina illius ipsius periculum quem propter haec ipsa studia diligebat, neglegere potuisset et, quod facinus in alienum hominem intentum severe acciperet, id omisisset curare in hospitem? quod per ignotos actum si comperisset doleret, id a suis servis temptatum esse neglegeret? quod in agris locisve publicis factum reprehenderet, id in urbe ac domi suae coeptum esse leniter ferret? quod in alicuius agrestis periculo non praetermitteret, id homo eruditus in insidiis doctissimi hominis dissimulandum putaret? Sed cur diutius vos, iudices, teneo? ipsius iurati religionem auctoritatemque percipite atque omnia diligenter testimoni verba cognoscite. Recita. L. Luccei testimonium. quid exspectatis amplius? an aliquam vocem putatis ipsam pro se causam et veritatem posse mittere? haec est innocentiae defensio, haec ipsius causae oratio, haec una vox veritatis. In crimine ipso nulla suspicio est, in re nihil est argumenti, in negotio quod actum esse dicitur nullum vestigium sermonis, loci, temporis; nemo testis, nemo conscius nominatur,

sa conscience : on ne peut hsiter. XXIII. Il nous reste rpondre sur le fait de l'empoisonnement. Ici je ne puis ni dcouvrir le motif, ni deviner la fin. Pourquoi Clius voulait-il empoisonner cette femme? Pour ne pas lui rendre son or? mais en avait-il emprunt? Pour ne pas tre accus du meurtre de Dion? lui avait-on reproch ce meurtre? en aurait-on mme parl s'il n'avait intent d'accusation contre personne? Que dis-je? Hrennius a dclar qu'il n'aurait pas ouvert la bouche contre nous si son ami n'avait pas t accus une seconde fois par Clius. Est-il donc croyable qu'une action aussi noire ait t commise sans motif? et ne voyez-vous pas qu'on ne nous suppose le premier crime que pour qu'il paraisse avoir t la cause du second? Enfin, quel a t son confident, son associ, son complice? qui a-t-il confi ce secret important, sa vie, sa personne? Aux esclaves de cette femme? C'est ce qu'ont dit les accusateurs. Mais si votre haine injuste lui refuse toutes les autres qualits, du moins vous lui accordez quelque esprit : en avait-il assez peu pour remettre toute son existence des esclaves trangers? Et quels esclaves? cette observation est de la plus grande importance ; des esclaves qu'il savait n'tre pas rduits aux conditions ordinaires de la

totum crimen profertur ex inimica, ex infami, ex crudeli, ex facinerosa, ex libidinosa domo. Domus autem illa quae temptata esse scelere isto nefario dicitur plena est integritatis, dignitatis, offici, religionis; ex qua domo recitatur vobis iure iurando devincta auctoritas, ut res minime dubitanda in contentione ponatur, utrum temeraria, procax, irata mulier finxisse crimen, an gravis sapiens moderatusque vir religiose testimonium dixisse videatur. XXIII. Reliquum est igitur crimen de veneno; cuius ego nec principium invenire neque evolvere exitum possum. Quae fuit enim causa quam ob rem isti mulieri venenum dare vellet Caelius? ne aurum redderet? num petivit? ne crimen haereret? num quis obiecit? num quis denique fecisset mentionem, si hic nullius nomen detulisset? quin etiam L. Herennium dicere audistis verbo se molestum non futurum fuisse Caelio, nisi iterum eadem de re suo familiari absoluto nomen hic detulisset. Credibile est igitur tantum facinus nullam ob causam esse commissum? et vos non videtis fingi sceleris maximi crimen ut alterius sceleris suscipiendi fuisse causa videatur? Cui

servitude, mais vivre librement et familirement avec leur matresse. En effet, qui ne voit, juges, ou qui ne sait que dans une maison o la matresse vit en prostitue, o il ne se fait rien qu'on ose produire au dehors, o rgnent les passions, le luxe, la dbauche et les infamies les plus inoues, des esclaves aux soins de qui tout est commis, par qui tout se fait, qui participent aux mmes volupts, qui l'on confie ce qui doit tre cach pour tous les trangers, qui retirent mme quel- 130 que profit du luxe et des dpenses de chaque jour : qui ne sait, disje, que de tels hommes ne sont plus des esclaves? Clius ne le voyait-il pas? S'il vivait avec cette femme aussi intimement que vous le prtendez, il savait qu'ils taient familiers avec leur matresse. Si cette intimit n'existait pas, quel si grand rapport pouvait, il y avoir entre lui et ces esclaves? XXIV. Et le poison luimme, o l'a-t-on achet? de quelle manire l'a-t-on prpar? comment, qui, en quel lieu a-t-il t remis? Clius l'avait chez lui, disentils; il en a fait l'essai sur un esclave achet pour cette preuve, et la promptitude de sa mort a montr la force du poison. Dieux immortels! pourquoi fermez-vous quelquefois les yeux sur les plus grands forfaits des humains, ou pourquoi votre justice en diffre-t-elle la

denique commisit, quo adiutore usus est, quo socio, quo conscio, cui tantum facinus, cui se, cui salutem suam credidit? servisne mulieris? sic enim est obiectum. Et erat tam demens is cui vos ingenium certe tribuitis, etiam si cetera inimica oratione detrahitis, ut omnis suas fortunas alienis servis committeret? at quibus servis? refert enim magno opere id ipsum eisne quos intellegebat non communi condicione servitutis uti sed licentius liberius familiariusque cum domina vivere? quis enim hoc non videt, iudices, aut quis ignorat, in eius modi domo in qua mater familias meretricio more vivat, in qua nihil geratur quod foras proferendum sit, in qua inusitatae libidines, luxuries, omnia denique inaudita vitia ac flagitia versentur, hic servos non esse servos, quibus omnia committantur, per quos gerantur, qui versentur isdem in voluptatibus, quibus occulta credantur, ad quos aliquantum etiam ex cotidianis sumptibus ac luxurie redundet? id igitur Caelius non videbat? Si enim tam familiaris erat mulieris quam vos voltis, istos quoque servos familiaris dominae esse sciebat. Sin ei tanta consuetudo quanta a

vengeance? J'ai vu, hlas! jamais douleur plus cruelle n'a dchir mon me; j'ai vu Q. Mtellus arrach tout d'un coup des bras et du sein de la patrie; ce grand citoyen, qui ne respirait que pour elle, trois jours auparavant s'tait montr avec gloire dans le snat et sur la tribune; il tait dans la force de l'ge; il jouissait du temprament le plus robuste, de la sant la plus brillante : en trois jours, je l'ai vu enlev indignement aux bons citoyens et la patrie entire; et dans ce temps mme, lorsque son me affaisse semblait anantie pour tout le reste, il rservait son dernier sentiment pour la rpublique. Je pleurais ct de lui; il leva sur moi ses yeux appesantis, et sa voix dfaillante m'annonait les orages et les temptes dont Rome tait menace. Frappant plusieurs reprises sur le mur de Q. Catulus, il prononait le nom de ce vertueux citoyen; il rptait le mien, et plus souvent encore celui de Rome : ce n'tait pas la vie qu'il regrettait; il tait afflig de nous laisser, la patrie et moi, privs de son appui. Ah! si une main criminelle n'et pas tranch tout coup le fil d'une si belle vie, avec quelle vigueur ce gnreux consulaire aurait-il rsist son audacieux parent, lui qui, pendant son consulat, tmoin des premires fureurs de ce factieux, avait dit en plein snat qu'il le tuerait de sa propre main ! Et c'est en

vobis inducitur non erat, quae cum servis eius potuit familiaritas esse tanta? XXIV. Ipsius autem veneni quae ratio fingitur? ubi quaesitum est, quem ad modum paratum, quo pacto, cui, quo in loco traditum? habuisse aiunt domi vimque eius esse expertum in servo quodam ad eam rem ipsam parato; cuius perceleri interitu esse ab hoc comprobatum venenum. Pro di immortales! cur interdum in hominum sceleribus maximis aut conivetis aut praesentis fraudis poenas in diem reservatis? vidi enim, vidi et illum hausi dolorem vel acerbissimum in vita, cum Q. Metellus abstraheretur e sinu gremioque patriae, cumque ille vir qui se natum huic imperio putavit tertio die post quam in curia, quam in rostris, quam in re publica floruisset, integerrima aetate, optimo habitu, maximis viribus eriperetur indignissime bonis omnibus atque universae civitati. Quo quidem tempore ille moriens, cum iam ceteris ex partibus oppressa mens esset, extremum sensum ad memoriam rei publicae reservabat, cum me intuens flentem significabat interruptis ac

sortant d'une telle maison que cette femme viendra parler des prompts effets du poison ! elle ne craindra pas que cette maison mme, que ces murs ne prennent la parole ! cette nuit funeste et dsastreuse ne la fera pas tressaillir d'effroi! Mais en parlant de ce grand homme, de ce respectable citoyen, les larmes ont touff ma voix; la douleur a troubl mon me. Je reviens ma cause. XXV. Cependant on ne dit pas o l'on a pris le poison, de quelle manire il a t prpar. Il a t remis, dit-on, P. Licinius, jeune homme plein de sagesse et de vertu, ami de Clius; on tait convenu avec les esclaves qu'ils se rendraient aux bains des trangers, et que Licinius s'y trouverait pour leur remettre la boite fatale. D'abord je demande pourquoi il fallait que le poison ft port dans ce lieu, pourquoi ces esclaves ne sont point venus chez Clius. Si ce commerce intime et cette troite liaison subsistaient encore entre Clius et Clodia, qu'aurait-on souponn en voyant chez lui un esclave de cette femme? Mais s'il existait dj de la msintelligence, s'il y avait une rupture, si la discorde avait clat, ne cherchons pas ailleurs la source 131 de tant de larmes, et la cause de toutes ces accusations. Voici le fait, dit notre adversaire : Les esclaves informrent leur matresse du

morientibus vocibus quanta inpenderet procella mihi, quanta tempestas civitati et cum parietem saepe feriens eum qui cum Q. Catulo fuerat ei communis crebro Catulum, saepe me, saepissime rem publicam nominabat, ut non tam se mori quam spoliari suo praesidio cum patriam tum etiam me doleret. Quem quidem virum si nulla vis repentini sceleris sustulisset, quonam modo ille furenti fratri suo consularis restitisset qui consul incipientem furere atque tonantem sua se manu interfecturum audiente senatu dixerit? ex hac igitur domo progressa ista mulier de veneni celeritate dicere audebit? nonne ipsam domum metuet ne quam vocem eiciat, non parietes conscios, non noctem illam funestam ac luctuosam perhorrescet? sed revertor ad crimen; etenim haec facta illius clarissimi ac fortissimi viri mentio et vocem meam fletu debilitavit et mentem dolore impedivit. XXV. Sed tamen venenum unde fuerit, quem ad modum paratum sit non dicitur. Datum esse aiunt huic P. Licinio, pudenti adulescenti et bono, Caeli familiari; constitutum esse cum servis ut venirent ad

dessein de Clius; et cette femme d'esprit leur enjoignit de promettre tout; et afin qu'on pt saisir le poison au moment o il serait remis par Licinius, elle leur ordonna de convenir d'un rendez-vous ces bains, o elle enverrait ses amis pour s'y cacher, et saisir Licinius quand il viendrait livrer le poison. XXVI. Il est ais de rpondre tout cela; car d'abord pourquoi choisir un bain public? Je ne vois pas comment des hommes en toge pouvaient s'y cacher. S'ils taient dans le vestibule, tout le monde pouvait les voir; s'ils voulaient s'enfoncer dans l'intrieur, ils ne le pouvaient pas commodment avec leur chaussure et leurs habits; et peut-tre ne les aurait-on pas admis, moins que cette femme puissante ne se ft assure de la complaisance du matre, on sait quel prix. J'attendais avec impatience le nom de ces honntes gens, qui attestent avoir saisi le poison. Jusqu' prsent, on n'en a pas nomm un seul; mais je ne doute pas qu'ils ne soient trs respectables, puisqu'ils sont les amis d'une telle femme, et qu'ils ont bien voulu qu'on les entasst dans un bain. C'est ce que, malgr tout son crdit, elle ne pouvait obtenir que de gens pleins d'honneur et de mrite. Mais laissons leur mrite, et jugez leur courage et leur prudence. Ils se sont cachs dans un bain : les tmoins courageux ! Ensuite ils se sont lancs un

balneas Senias; eodem Licinium esse venturum atque eis veneni pyxidem traditurum. Hic primum illud requiro, quid attinuerit ferri in eum locum constitutum, cur illi servi non ad Caelium domum venerint. Si manebat tanta illa consuetudo Caeli, tanta familiaritas cum Clodia, quid suspicionis esset si apud Caelium mulieris servus visus esset? sin autem iam suberat simultas, exstincta erat consuetudo, discidium exstiterat, hinc illae lacrimae nimirum et haec causa est omnium horum scelerum atque criminum. 'Immo' inquit 'cum servi ad dominam rem totam et maleficium Caeli detulissent, mulier ingeniosa praecepit his ut omnia Caelio pollicerentur; sed ut venenum, cum a Licinio traderetur, manifesto comprehendi posset, constitui locum iussit balneas Senias, ut eo mitteret amicos qui delitiscerent, deinde repente, cum venisset Licinius venenumque traderet, prosilirent hominemque comprenderent.' XXVI. Quae quidem omnia, iudices, perfacilem rationem habent reprendendi. Cur enim potissimum balneas

peu trop tt : les graves personnages! Voici comme ils arrangent leur narration : Licinius tait arriv; il tenait la bote dans sa main; il allait la remettre aux esclaves; il ne l'avait pas encore remise, lorsque ces respectables tmoins, qui n'ont pas de nom, s'lancrent tout coup : Licinius, qui avanait dj la main pour donner la bote, la retira; effray de cette brusque apparition, il prit la fuite. O pouvoir de la vrit, qui se dfend toute seule contre les surprises, contre les artifices, et tous les piges qu'on peut lui tendre! XXVII. Toute cette pice d'une vieille comdienne, qui en a jou bien d'autres, est fort mal conduite : il n'est gure possible d'y trouver un dnouement. En effet, comment Licinius a-t-il pu s'chapper des mains de tant de gens ? car il fallait qu'ils fussent en grand nombre pour l'arrter plus aisment, et rendre la preuve plus complte. Comment a-t-il t plus difficile de le saisir, parce qu'il a retir la main, qu'il ne l'aurait t s'il ne l'avait point retire? On les avait mis en embuscade pour arrter Licinius, pour le saisir sur le fait, soit lorsqu'il tiendrait encore le poison, soit aprs qu'il l'aurait donn. C'tait l'intention de Clodia; c'tait le devoir de ceux qu'elle employait. Vous dites qu'ils ont paru trop tt : je ne vois pas pourquoi. Dans quel dessein les avait-on cachs?

publicas constituerat? in quibus non invenio quae latebra togatis hominibus esse posset. Nam si essent in vestibulo balnearum, non laterent; sin se in intimum conicere vellent, nec satis commode calceati et vestiti id facere possent et fortasse non reciperentur, nisi forte mulier potens quadrantaria illa permutatione familiaris facta erat balneatori. Atque equidem vehementer exspectabam quinam isti viri boni testes huius manifesto deprehensi veneni dicerentur; nulli enim sunt adhuc nominati. Sed non dubito quin sint pergraves, qui primum sint talis feminae familiares, deinde eam provinciam susceperint ut in balneas contruderentur, quod illa nisi a viris honestissimis ac plenissimis dignitatis, quam velit sit potens, numquam impetravisset. Sed quid ego de dignitate istorum testium loquor? virtutem eorum diligentiamque cognoscite. 'in balneis delituerunt.' Testis egregios! 'dein temere prosiluerunt.' homines temperantis! sic enim fingitis, cum Licinius venisset, pyxidem teneret in manu, conaretur tradere, nondum tradidisset, tum repente

que leur demandait-on? de saisir le poison, d'acqurir une preuve incontestable du complot et du crime. Ont-ils pu se montrer plus propos que lorsque Licinius fut arriv, et qu'il tenait la bote dans sa main? Si 132 les amis de cette femme taient sortis brusquement, et qu'ils eussent saisi Licinius, aprs que la boite aurait t remise aux esclaves, il se serait rcri, il aurait prtendu ne l'avoir pas donne. Et comment le convaincre? diraient-ils qu'ils l'ont vu? D'abord, le poison se trouvant dans leurs mains, ils s'exposeraient eux-mmes au soupon d'un grand crime; ensuite on leur rpondrait que, de l'endroit o ils taient, il ne leur avait pas t possible de voir. Ils ont donc pris le vrai moment, puisqu'ils ont paru aprs l'arrive de Licinius, et lorsqu'il tirait la bote et avanait la main pour donner le poison. C'est donc ici, non pas une comdie rgulire, mais une de ces farces, ou, lorsqu'on ne trouve pas de dnouement, l'acteur s'chappe des mains qui le tiennent; l'orchestre joue, et la toile se baisse. XXVIII. En effet, je demande pourquoi l'arme qui marchait aux ordres de cette femme a laiss chapper Licinius chancelant, tremblant, dconcert, qui ne cherchait qu' fuir? Pourquoi ne l'avoir pas arrt? pourquoi ne pas lui arracher l'aveu d'un crime dont il tait convaincu par les

evolasse istos praeclaros testis sine nomine; Licinium autem, cum iam manum ad tradendam pyxidem porrexisset, retraxisse atque ex illo repentino hominum impetu se in fugam coniecisse. O magnam vim veritatis, quae contra hominum ingenia, calliditatem, sollertiam contraque fictas omnium insidias facile se per se ipsa defendat! XXVII. Velut haec tota fabella veteris et plurimarum fabularum poetriae quam est sine argumento, quam nullum invenire exitum potest! quid enim? isti tot viri nam necesse est fuisse non paucos ut et comprehendi Licinius facile posset et res multorum oculis esset testatior cur Licinium de manibus amiserunt? qui minus enim Licinius comprehendi potuit cum se retraxit ne pyxidem traderet, quam si tradidisset? erant enim illi positi ut comprehenderent Licinium, ut manifesto Licinius teneretur aut cum retineret venenum aut cum tradidisset. Hoc fuit totum consilium mulieris, haec istorum provincia qui rogati sunt; quos quidem tu quam ob rem temere prosiluisse dicas atque ante tempus non reperio. Fuerant ad hoc

yeux de tant de tmoins, par le fait lui-mme? tant d'hommes, pleins de vigueur et d'assurance, craignaient-ils un homme seul, faible, effray? On ne trouve ici ni preuve dans le fait, ni soupon dans le motif, ni dnouement dans l'excution. Aussi nos accusateurs, sans employer les raisonnements, les prsomptions et les indices qui ont coutume d'claircir la vrit, renvoient tout aux tmoins. Eh bien ! ces tmoins, je les attends, je me fais mme un plaisir de les voir. Oui, je suis impatient de connatre ces jeunes lgants, ces favoris d'une femme noble et riche, ces vaillants hommes posts par leur commandante, et retranchs dans un bain. Je leur demanderai de quelle manire, en quel lieu ils taient cachs : une baignoire a-t-elle t le cheval de Troie o se sont renferms ces hros arms pour la cause d'une femme? Je les forcerai surtout rpondre pourquoi tant d'hommes vigoureux n'ont point saisi, malgr sa rsistance, ou arrt dans sa fuite, un homme seul et aussi faible que vous le voyez? S'ils osent paratre, jamais ils ne se tireront d'embarras. Que dans les repas ils soient railleurs, plaisants, et mme fertiles en paroles, quand le vin commence les chauffer : on ne parle pas au barreau comme on cause dans un festin; un juge sur son tribunal impose un peu plus que des

rogati, fuerant ad hanc rem conlocati, ut venenum, ut insidiae, facinus denique ipsum ut manifesto comprenderetur. Potueruntne magis tempore prosilire quam cum Licinius venisset, cum in manu teneret veneni pyxidem? quae cum iam erat tradita servis, <si> evasissent subito ex balneis mulieris amici Liciniumque comprehendissent, imploraret hominum fidem atque a se illam pyxidem traditam pernegaret. Quem quo modo illi reprehenderent? vidisse se dicerent? primum ad se vocarent maximi facinoris crimen; deinde id se vidisse dicerent quod quo loco conlocati fuerant non potuissent videre. Tempore igitur ipso se ostenderunt, cum Licinius venisset, pyxidem expediret, manum porrigeret, venenum traderet. Mimi ergo iam exitus, non fabulae; in quo cum clausula non invenitur, fugit aliquis e manibus, dein scabilla concrepant, aulaeum tollitur. XXVIII. Quaero enim cur Licinium titubantem, haesitantem, cedentem, fugere conantem mulieraria manus ista de manibus emiserit, cur non comprenderint, cur non

convives table; enfin, la lumire du soleil n'est point celle des flambeaux. Si donc ils se montrent, je ferai baisser le ton de ces agrables. Mais s'ils daignent m'en croire, qu'ils rendent d'autres soins Clodia, qu'ils cherchent lui plaire par d'autres services, qu'ils russissent auprs d'elle par leur galanterie et leurs dpenses, que sans cesse ils soient ses genoux, rampent ses pieds; et qu'ils respectent les jours et la fortune d'un citoyens innocent. XXIX. Mais, dit-on, ces esclaves ont t mis en libert de l'avis de ses illustres parents. Voil donc enfin, dans la vie de cette femme, une chose qu'elle passe pour avoir faite avec l'autorisation de sa famille. Que prouve cet affranchissement? Ce n'tait qu'un moyen de prparer son accusation contre Clius, ou de soustraire les esclaves la question; peut-tre mme tait-ce 133 un prtexte pour les rcompenser de leur discrtion. Mes parents, ditesvous, l'ont approuv. Je le crois aisment : vous leur disiez que vous aviez acquis la connaissance de ces faits, non par des rapports trangers, mais par vous-mme. Faut-il s'tonner de l'anecdote qui est venue la suite de cette bote imaginaire? Il n'est rien qui ne paraisse croyable dans une telle femme. Cette anecdote s'est rpandue, elle a fait l'entretien de toute la

ipsius confessione, multorum oculis, facinoris denique voce tanti sceleris crimen expresserint. An timebant ne tot unum, valentes imbecillum, alacres perterritum superare non possent? Nullum argumentum in re, nulla suspicio in causa, nullus exitus criminis reperietur. Itaque haec causa ab argumentis, a coniectura, ab eis signis quibus veritas inlustrari solet ad testis tota traducta est. Quos quidem ego, iudices, testis non modo sine ullo timore sed etiam cum aliqua spe delectationis exspecto. Praegestit animus iam videre, primum lautos iuvenes mulieris beatae ac nobilis familiaris, deinde fortis viros ab imperatrice in insidiis atque in praesidio balnearum conlocatos. Ex quibus requiram quem ad modum latuerint aut ubi, alveusne ille an equus Troianus fuerit qui tot invictos viros muliebre bellum gerentis tulerit ac texerit. Illud vero respondere cogam, cur tot viri ac tales hunc et unum et tam imbecillum quem videtis non aut stantem comprehenderint aut fugientem consecuti sint; qui se numquam profecto, si in istum locum processerint,

ville. Vous comprenez ce que je veux, ou plutt ce que je ne veux pas dire. Si la chose est vraie, assurment on ne peut l'imputer Celius : pourquoi l'aurait-il faite? c'est probablement un tour jou par quelque libertin qui ne manque pas d'esprit. Si c'est un conte, la plaisanterie est innocente, et et elle n'en vaut que mieux. Aprs tout, elle n'aurait pas fait tant de bruit, ni trouv tant de crance dans les esprits, si toutes les infamies qu'on peut raconter ne paraissaient convenir au caractre de cette femme. Juges, ma cause est plaide; vous voyez quelle est l'importance de vos fonctions, et de l'arrt que vous allez prononcer. La loi qui a tabli votre tribunal intresse l'empire, la majest et la tranquillit de la patrie, la vie de tous les Romains. Q. Catulus l'a porte dans un temps o les citoyens taient arms les uns contre les autres, et la rpublique rduite au plus grand danger; et cette loi, aprs avoir teint l'incendie qui s'alluma pendant mon consulat, a touff les restes fumants de la conjuration. On veut aujourd'hui, en la rclamant contre la jeunesse de Clius, non pas venger la rpublique, mais satisfaire la passion et le caprice d'une femme irrite. XXX. Et l'on vient nous citer ici la condamnation de M. Camurtius et de C. sernius ! N'est-ce pas tout la fois le

explicabunt. Quam volent in conviviis faceti, dicaces, non numquam etiam ad vinum diserti sint, alia fori vis est, alia triclini, alia subselliorum ratio, alia lectorum; non idem iudicum comissatorumque conspectus; lux denique longe alia est solis, alia lychnorum. Quam ob rem excutiemus omnis istorum delicias, omnis ineptias, si prodierint. Sed me audiant, navent aliam operam, aliam ineant gratiam, in aliis se rebus ostentent, vigeant apud istam mulierem venustate, dominentur sumptibus, haereant, iaceant, deserviant; capiti vero innocentis fortunisque parcant. XXIX. At sunt servi illi de cognatorum sententia, nobilissimorum et clarissimorum hominum, manu missi. Tandem aliquid invenimus quod ista mulier de suorum propinquorum, fortissimorum virorum, sententia atque auctoritate fecisse dicatur. Sed scire cupio quid habeat argumenti ista manumissio; in qua aut crimen est Caelio quaesitum aut quaestio sublata aut multarum rerum consciis servis cum causa praemium persolutum. 'at propinquis' inquit 'placuit.' cur non placeret,

comble de l'absurdit et de l'impudence? Quand c'est Clodia qui vous envoie, osezvous bien prononcer le nom de ces deux hommes? osezvous rveiller un souvenir que le temps avait presque effac? Quel tait leur crime? pourquoi les a-t-on condamns? c'tait pour avoir veng cette mme femme par une violence atroce. On n'a donc parl de leur arrt que pour faire entendre le nom de Vettius dans cette cause, et rappeler la mmoire d'un scandale oubli. Il est vrai qu'ils n'avaient rien commis contre la loi qui condamne les violences publiques; mais ils s'taient rendus coupables d'un crime qui ne trouve grce devant aucune loi. Et M. Clius, pourquoi est-il accus votre tribunal? On ne lui reproche rien qui soit de votre ressort, rien mme, de quelque nature que ce soit, qui puisse provoquer votre svrit. Sa premire jeunesse a t consacre aux tudes qui nous forment pour le barreau et l'administration publique, et qui nous conduisent aux dignits et la gloire; dans ses liaisons avec des personnes plus ges que lui, il a prfr ceux dont il voulait imiter la vertu et la probit; parmi les amis de son ge, on l'a vu marcher dans le sentier de l'honneur sur les pas des plus vertueux et des plus illustres. Fortifi par quelques annes de plus, il partit pour l'Afrique, o il vcut dans la socit du proconsul Q. Pompius,

cum rem tute ad eos non ab aliis tibi adlatam sed a te ipsa compertam deferre diceres? Hic etiam miramur, si illam commenticiam pyxidem obscenissima sit fabula consecuta? nihil est quod in eius modi mulierem non cadere videatur. Audita et percelebrata sermonibus res est. Percipitis animis, iudices, iam dudum quid velim vel potius quid nolim dicere. Quod etiam si est factum, certe a Caelio quidem non est factum quid enim attinebat? est enim ab aliquo adulescente fortasse non tam insulso quam inverecundo. Sin autem est fictum, non illud quidem modestum sed tamen est non infacetum mendacium; quod profecto numquam hominum sermo atque opinio comprobasset, nisi omnia quae cum turpitudine aliqua dicerentur in istam quadrare apte viderentur. Dicta est a me causa, iudices, et perorata. Iam intellegitis quantum iudicium sustineatis, quanta res sit commissa vobis. De vi quaeritis. Quae lex ad imperium, ad maiestatem, ad statum patriae, ad salutem omnium pertinet, quam legem Q. Catulus armata dissensione civium rei publicae paene extremis temporibus tulit, quaeque

citoyen irrprochable et scru134 puleusement attach tous ses devoirs. Outre que les biens de son pre taient dans ce pays, il voulait s'instruire des moeurs des provinces; et son ge tait celui que la sagesse de nos anctres destinait ce genre d'instruction. Il revint Rome, emportant avec lui l'estime de Pompius, comme vous le verrez par le tmoignage de cet homme vertueux. Alors, suivant l'ancien usage, et l'exemple de ces jeunes gens qui sont devenus de grands hommes et d'illustres citoyens, il voulut se faire connatre. Au peuple romain par quelque accusation clatante. XXXI. Je voudrais que le dsir de la gloire l'et dirig d'un autre ct; mais ce n'est plus le temps de s'en plaindre. Il accusa C. Antonius, mon ancien collgue : le souvenir d'un grand service rendu la patrie ne sauva pas cet infortun; le soupon d'un crime projet causa sa perte. Depuis ce moment, Clius ne l'a cd aucun Romain de son ge ; nul ne fut plus que lui assidu au forum, appliqu aux affaires, ardent servir ses amis; nul n'eut autant de crdit que lui. Tout ce qui ne peut tre que le prix de la vigilance, de la rgularit, de l'application, il se l'est acquis par un travail opinitre et par un zle infatigable. Dans l'ge le plus glissant de la vie, je l'avouerai (votre bont et votre sagesse m'encouragent

lex sedata illa flamma consulatus mei fumantis reliquias coniurationis exstinxit, hac nunc lege Caeli adulescentia non ad rei publicae poenas sed ad mulieris libidines et delicias deposcitur. XXX. Atque hoc etiam loco M. Camurti et <C.> Caeserni damnatio praedicatur. O stultitiam! stultitiamne dicam an impudentiam singularem? audetisne, cum ab ea muliere veniatis, facere istorum hominum mentionem? audetis excitare tanti flagiti memoriam, non exstinctam illam quidem sed repressam vetustate? quo enim illi crimine peccatoque perierunt? nempe quod eiusdem mulieris dolorem et iniuriam Vettiano nefario sunt stupro persecuti. Ergo ut audiretur Vetti nomen in causa, ut illa vetus aeraria fabula referretur, idcirco Camurti et Caeserni est causa renovata? qui quamquam lege de vi certe non tenebantur, eo maleficio tamen erant implicati ut ex nullius legis laqueis eximendi viderentur. M. Vero Caelius cur in hoc iudicium vocatur? cui neque proprium quaestionis crimen obicitur nec vero aliquod eius modi quod sit a lege seiunctum, cum vestra severitate coniunctum.

ne rien dissimuler) , sa rputation souffrit quelque atteinte : la connaissance de cette femme, ce fatal voisinage, la nouveaut des plaisirs en furent la cause. Quelquefois les passions, longtemps retenues, contraintes et enchanes dans le premier ge, se dveloppent toutes ensemble, et leur explosion est terrible. Mais quels qu'aient t ces carts d'un moment, ou plutt ces bruits publics, car on a beaucoup exagr, Clius s'en est sauv, il s'en est entirement dgag; et, loin d'entretenir avec cette femme un commerce dshonorant, il est forc se dfendre contre sa haine et ses perscutions. Pour faire taire ces reproches de mollesse et d'oisivet, il a dnonc mon ami comme coupable de brigue; il l'a fait malgr moi : je m'y suis longtemps oppos, mais sans rien obtenir. Quoique absous, il le ramne encore devant les tribunaux; il n'coute aucun de nous. Je voudrais qu'il ft moins violent; mais je ne parle pas ici de prudence; cette vertu n'est pas de son ge : je parle de l'imptuosit de l'me, du dsir de vaincre, de l'ardeur pour la gloire. A l'ge o nous sommes, ces passions doivent tre plus calmes; mais dans la jeunesse, elles annoncent une riche moisson pour la maturit de la vie. En effet, les jeunes gens ns avec une me ardente ont toujours plus besoin d'tre retenus que d'tre excits la gloire; les grands talents,

Cuius prima aetas disciplinae dedita fuit eisque artibus quibus instruimur ad hunc usum forensem, ad capessendam rem publicam, ad honorem, gloriam, dignitatem. Eis autem fuit amicitiis maiorum natu quorum imitari industriam continentiamque maxime vellet, eis studiis aequalium ut eundem quem optimi ac nobilissimi petere cursum laudis videretur. Cum autem paulum iam roboris accessisset aetati, in Africam profectus est Q. Pompeio pro consule contubernalis, castissimo homini atque omnis offici diligentissimo; in qua provincia cum res erant et possessiones paternae, tum etiam usus quidam provincialis non sine causa a maioribus huic aetati tributus. Decessit illinc Pompei iudicio probatissimus, ut ipsius testimonio cognoscetis. Voluit vetere instituto et eorum adulescentium exemplo qui post in civitate summi viri et clarissimi cives exstiterunt industriam suam a populo Romano ex aliqua inlustri accusatione cognosci. XXXI. Vellem alio potius eum cupiditas gloriae detulisset; sed abiit huius tempus querelae. Accusavit C.

cet ge, sont comme ces arbres vigoureux qu'il faut souvent monder. Si donc on reproche Clius d'avoir montr trop de violence, d'opinitret ou d'acharnement contre ses ennemis; si mme on veut blmer en lui ces choses si peu importantes, la beaut de sa pourpre, cette foule d'amis qui l'accompagnent, le soin de sa parure, ce sont des excs que le temps corrigera bientt, et chaque jour l'ge en sera le remde. XXXII. Conservez donc, juges, la patrie un citoyen rempli d'excellentes qualits, attach au bon parti et tous les gens de bien. Je vous promets, et si la rpublique a lieu d'tre contente de mes services, j'ose lui rpondre que jamais il ne s'cartera de mes principes; l'amiti qui nous 135 unit m'autorise prendre cet engagement, et il s'en est impos lui-mme la loi rigoureuse. Aprs avoir dnonc un consulaire comme perturbateur de la rpublique, lui serait-il possible d'tre luimme un citoyen sditieux? Pourrait-il avec impunit corrompre les suffrages, lui qui ne souffre pas qu'un homme, absous de ce crime, jouisse du jugement qui l'absout? Deux accusations sont pour la patrie les meilleurs gages des sentiments et d la conduite de Clius. Je vous conjure donc, juges, et je demande en grce que dans une ville o l'on vient d'absoudre Sext.

Antonium, conlegam meum, cui misero praeclari in rem publicam benefici memoria nihil profuit, nocuit opinio malefici cogitati. Postea nemini umquam concessit aequalium plus ut in foro, plus ut in negotiis versaretur causisque amicorum, plus ut valeret inter suos gratia. Quae nisi vigilantes homines, nisi sobrii, nisi industrii consequi non possunt, omnia labore et diligentia est consecutus. In hoc flexu quasi aetatis nihil enim occultabo fretus humanitate ac sapientia vestra fama adulescentis paululum haesit ad metas notitia nova eius mulieris et infelici vicinitate et insolentia voluptatum, quae, cum inclusae diutius et prima aetate compressae et constrictae fuerunt, subito se non numquam profundunt atque eiciunt universae. Qua ex vita vel dicam quo ex sermone nequaquam enim tantum erat quantum homines loquebantur verum ex eo quicquid erat emersit totumque se eiecit atque extulit, tantumque abest ab illius familiaritatis infamia ut eiusdem nunc ab sese inimicitias odiumque propulset. Atque ut iste interpositus sermo deliciarum desidiaeque moreretur fecit me invito me hercule

Clodius, que vous avez vu pendant deux ans le ministre ou le chef de la sdition; qui, de ses propres mains, a livr aux flammes les temples sacrs, le dpt des registres publics et du dnombrement du peuple romain; un homme sans biens, sans honneur, sans espoir, sans asile, sans ressource, dont la bouche, la langue, les mains et la vie entire sont souilles d'opprobres; qui a renvers le monument de Catulus, dtruit ma maison, brl celle de mon frre; qui sur le mont Palatin, aux yeux de tous les habitants de Rome, a excit les esclaves y porter le fer et la flamme :oui, je demande en grce que dans cette ville o Sext. Clodius vient d'tre absous par le crdit d'une femme, Clius ne soit pas sacrifi la vengeance de cette mme femme, pour qu'on ne dise pas qu'une incestueuse, aprs avoir soustrait au glaive des lois le plus infme des brigands, a eu encore le pouvoir de perdre un jeune homme que tant de qualits honorent. Et quand vous aurez considr la jeunesse de Clius, jetez aussi les yeux sur la vieillesse d'un pre qui tremble pour un fils unique, son seul appui, sa seule esprance. Le sort de ce vieillard est entre vos mains; il implore votre piti, et compte moins sur ses humbles prires que sur les sollicitations de votre propre cur. Vous tes fils; vous tes pres : que le

et multum repugnante me, sed tamen fecit nomen amici mei de ambitu detulit; quem absolutum insequitur, revocat; nemini nostrum obtemperat, est violentior quam vellem. Sed ego non loquor de sapientia, quae non cadit in hanc aetatem; de impetu animi loquor, de cupiditate vincendi, de ardore mentis ad gloriam; quae studia in his iam aetatibus nostris contractiora esse debent, in adulescentia vero tamquam in herbis significant quae virtutis maturitas et quantae fruges industriae sint futurae. Etenim semper magno ingenio adulescentes refrenandi potius a gloria quam incitandi fuerunt; amputanda plura sunt illi aetati, si quidem efflorescit ingeni laudibus, quam inserenda. Qua re, si cui nimium effervisse videtur huius vel in suscipiendis vel in gerendis inimicitiis vis, ferocitas, pertinacia, si quem etiam minimorum horum aliquid offendit, si purpurae genus, si amicorum catervae, si splendor, si nitor, iam ista deferverint, iam aetas omnia, iam res, iam dies mitigarit. XXXII. Conservate igitur rei publicae, iudices, civem bonarum artium, bonarum partium,

spectacle de leur douleur rveille en vous le sentiment de la pit filiale et celui de l'indulgence paternelle. L'un touche au terme de la vie; ne lui enviez pas quelques instants que la nature lui accordait encore. L'autre, la fleur de l'ge, commence marcher, d'un pas ferme dans le chemin de la vertu; qu'il ne soit pas renvers comme par la violence d'une tempte soudaine. Conservez le, fils au pre, et le pre au fils; ne laissez pas croire que vous avez vu sans piti un vieillard qui bientt nul espoir n'tait plus permis, et que, loin d'encourager un jeune homme qui donnait les plus heureuses esprances, vous avez cherch le frapper, le perdre sans retour. Si vous le conservez pour vous, pour sa famille, pour la rpublique, vous l'aurez li vos intrts et ceux de vos enfants par les nuds d'une ternelle reconnaissance, et plus que tous les autres, vous recueillerez, juges, les fruits abondants et durables de ses efforts et de ses travaux.?

bonorum virorum. Promitto hoc vobis et rei publicae spondeo, si modo nos ipsi rei publicae satis fecimus, numquam hunc a nostris rationibus seiunctum fore. Quod cum fretus nostra familiaritate promitto, tum quod durissimis se ipse legibus iam obligavit. Non enim potest qui hominem consularem, cum ab eo rem publicam violatam esse diceret, in iudicium vocarit ipse esse in re publica civis turbulentus; non potest qui ambitu ne absolutum quidem patiatur esse absolutum ipse impune umquam esse largitor. Habet a M. Caelio res publica, iudices, duas accusationes vel obsides periculi vel pignora voluntatis. Qua re oro obtestorque vos, iudices, ut qua in civitate paucis his diebus Sex. Clodius absolutus est, quem vos per biennium aut ministrum seditionis aut ducem vidistis, hominem sine re, sine fide, sine spe, sine sede, sine fortunis, ore, lingua, manu, vita omni inquinatum, qui aedis sacras, qui censum populi Romani, qui memoriam publicam suis manibus incendit, qui Catuli monumentum adflixit, meam domum diruit, mei fratris incendit, qui in Palatio atque in urbis oculis servitia ad caedem

et ad inflammandam urbem incitavit: in ea civitate ne patiamini illum absolutum muliebri gratia, M. Caelium libidini muliebri condonatum, ne eadem mulier cum suo coniuge et fratre et turpissimum latronem eripuisse et honestissimum adulescentem oppressisse videatur. Quod cum huius vobis adulescentiam proposueritis, constituitote ante oculos etiam huius miseri senectutem qui hoc unico filio nititur, in huius spe requiescit, huius unius casum pertimescit; quem vos supplicem vestrae misericordiae, servum potestatis, abiectum non tam ad pedes quam ad mores sensusque vestros, vel recordatione parentum vestrorum vel liberorum iucunditate sustentate, ut in alterius dolore vel pietati vel indulgentiae vestrae serviatis. Nolite, iudices, aut hunc iam natura ipsa occidentem velle maturius exstingui volnere vestro quam suo fato, aut hunc nunc primum florescentem firmata iam stirpe virtutis tamquam turbine aliquo aut subita tempestate pervertere. Conservate parenti filium, parentem filio, ne aut senectutem iam prope desperatam

contempsisse aut adulescentiam plenam spei maximae non modo non aluisse vos verum etiam perculisse atque adflixisse videamini. Quem si nobis, si suis, si rei publicae conservatis, addictum, deditum, obstrictum vobis ac liberis vestris habebitis omniumque huius nervorum ac laborum vos potissimum, iudices, fructus uberes diuturnosque capietis. NOTES SUR LE PLAIDOYER POUR M. CLIUS. I. Esse legem, qu de seditiosis.... La loi Lutatia, porte l'an de Rome 675 par Lutatius Catulus, pour rprimer les violences et les sditions devenues trop frquentes. Nullam vim in judicium vocari.... Il sera question, dans la cause du meurtre des envoys d'Alexandrie, de l'assassinat de Dion, de la sdition de Naples. Sans doute ce sont des actes de violence. Mais il n'en fout pas conclure que le procs de Clius devait tre instruit tons les jours sans aucune interruption. La loi Lutatia ne l'ordonnait que pour les crimes qui viennent d'tre noncs par l'orateur. II. Equitis autem romani esse filium.... L'an de Rome 683, une loi d'Aurlius Cotta avait ordonn que les juges fussent pris l'avenir, non plus du corps seul des snateurs, mais des trois ordres de la rpublique, du snat, des chevaliers, et des tribuns du trsor, qui taient de l'ordre du peuple. VI. Me ipsum, me, inquam, quondam pne ille decepit. A son retour d'Afrique, Catilina fut accus de concussion ; et Cicron nous apprend lui-mme dans une lettre Alticus, qu'il se prparait plaider pour lui. VII. Sibi tamen gloriosam. Clius avait accus et fait condamner Caus Antonius, collgue de Cicron dans le consulat. Voyez la seconde Philippique, cbap. 23. Utnam ne in nemore Pelio.....On trouve la phrase entire, et quelques-uns des vers qui la suivent, dans

plusieurs ouvrages de Cicron, et surtout dans la Rhtorique Hrennius, ii, 22 : Utinam ne in nemore Pelio securibus Caesa cccidisset abiegna ad terram trabes ! C'est la nourrice de Mde qui, dans la pice d'Ennius, se plaignait de l'arrive du vaisseau qui avait apport les Argonautes. Crassus appliquait ces vers l'arrive du roi d'Egypte. Cicron continue la citation, et applique les vers suivants Clodia : c'est encore la nourrice qui se plaint des chagrins et des peines que lui cause la folle amour de Mde ; et l'application est d'autant plus heureuse; que, si l'on en croit Manuce, Atratinus, dans son discours, avait nomm Clius le beau Jason. X. Etiam de Dione. Le meurtre de plusieurs dputs alexandrins avait t dnonc au snat par Favonius. On ordonna que Dion, chef de la dputation, serait appel et entendu. Mais bientt il fut assassin lui-mme par les ordres du roi. L'argent de Ptolme et le crdit de Pompe touffrent cette odieuse affaire. XI. Besti. Bestia fut condamn comme coupable de brigue. Cicron avait t son dfenseur. Cest lui-mme qui nous l'apprend dans une lettre son frre Quintus, ii,3. Nam P. Clodius, amicus meus. Paul Manuce et quelques autres sont persuads qu'il ne s'agit pas ici du fameux Clodius. XIII. A Clodia. Il est probable qu'il n'est pas question d'or monnay, mais d'or travaill, de vases, d'ornements, etc. On en voit la preuve au chap. 21, o Cicron parle de l'or qui servait de parure la statue de Vnus chez Clodia, et que Clius destinait la dcoration des jeux. XIV. Ex amplissimo genere. On comptait dans la famille Claudia trente-deux consuls, cinq dictateurs, sept censeurs, et sept triomphateurs. XVI. Dide ac dissice. Dede te ac disjice. XIX. Subiret periculum capitis. Si l'accus tait absous, il pouvait quelquefois faire condamner l'accusateur la peine du talion. II. L. Lucceium. On peut croire que c'est l'historien L.

Luccius, qui Cicron demande dans une lettre fameuse (Epist famil., v, 12) de vouloir bien crire l'histoire de sa vie. XXV. Hinc ill lacrym. Ces mots sont tirs de l'Andrienne de Trence, , 1, 99. XXVI. Quadrantaria permutatione. Ceci est relatif une anecdote rapporte dans la Vie de Cicron. Plutarque y raconte qu'un des amants de Clodia lui remit, pour prix de ses faveurs, une bourse o elle ne trouva que de petites pices de cuivre, espce de monnaie qu'on nommait quadrans, et qui faisait le quart de l'as. Cette aventure devint publique, et fit donner Clodia le nom de Quadrantaria. Clius, en plaidant pour lui-mme, l'avait appele quadrantaria Clytmnestra, faisant allusion la mort de Q. Mtellus, son mari. (Quintilien, viii, 6.) Quant au sens grammatical de quadrantaria permutatio, il nous semble fort bien expliqu dans les notes de Benj. Weiske (Leipsick, 1806) : Quum permutatio non sit unius partis, sed qua vicissim, sive ultro citroque aliquid detur, quadrantaria permutatio inest in eo, ut illa dederit quadrantem pro balneo, balneator quadeantem reddiderit pro stupro. XXIX. Audita et percelebrata sermonibus res est. Les commentateurs ne nous apprennent rien sur cette anecdote dont parle ici l'orateur. XXX. Illa vetus Afrania fabula Tous ces faits sont inconnus

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