Cours de didactique du français, utilisé dans le cadre d'une licence 3 Science de l'Education
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!"#$%#$ '$ (#"$%#$( '$ )*+',#-."/% Croc-Spinelli Hlne - ISPEF, Universit Lumire, Lyon2. Rispail Marielle. Universit de Saint tienne, Jean Monnet. Anire Karine. IUFM de Rouen.
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Biiecteui ue publication : Seige Beigamelli ________________________________________________________________________________________________ Les couis uu Cneu sont stiictement iseivs l'usage piiv ue leuis uestinataiies et ne sont pas uestins une utilisation collective. Les peisonnes qui s'en seiviiaient poui u'auties usages, qui en feiaient une iepiouuction intgiale ou paitielle, une tiauuction sans le consentement uu Cneu, s'exposeiaient ues pouisuites juuiciaiies et aux sanctions pnales pivues pai le Coue ue la piopiit intellectuelle. Les iepiouuctions pai iepiogiaphie ue livies et ue piiouiques piotgs contenues uans cet ouviage sont effectues pai le Cneu avec l'autoiisation uu Centie fianais u'exploitation uu uioit ue copie (2u, iue ues uianus Augustins, 7Suu6 Paiis).
INTRODUCTION CHAPITRE 1 DIMENSION HISTORIQUE 1.1. Pdagogie ou/et didactique 1.!. "e# d$o%i$atio$# 1.&. Que'que# (e)*(e# +i#to(ique# 1.3.1. La mthode naturelle 1.3.2. Une pdagogie du projet 1.3.3. Innovation/rnovation 1.3.4. Noter, valuer 1.3.5. Lapport de !got"#i 1.,. De# que#tio$# co$te%)o(ai$e# 1.4.1. $e" re%her%he" "ur l&apprenant, de" re%her%he" "ur l&en"eignant 1.4.2. 'appro%hement du (ran)ai" ave% dautre" di"%ipline" 1.4.3. L*re de" +I, CHAPITRE !. "A CONSTITUTION DE "A DIDACTIQUE COMME CHAMP !.1. "e# di#ci)'i$e# co$t(i-utoi(e# !.!. "a$gue et co%%u$icatio$ 2.2.1. Le mod*le de -a#o."on 2.2.2. Le mod*le de /alo 0lto 2.2.3. ,ommuni%ation et en"eignement/apprenti""age du (ran)ai" !.&. Que'que# co$ce)t# de 'a didactique 2.3.1. Le triangle dida%ti1ue et "a %omple2i(i%ation 2.3.2. Le" %ara%tri"ti1ue" du %ontrat dida%ti1ue 2.3.3. Le" "ituation" dida%ti1ue" 2.3.4. La tran"po"ition dida%ti1ue en d.at 2.3.5. /rati1ue" "o%iale" de r(ren%e 2.3.3. Le rapport 4 5 le" po"ture" 5 le malentendu dida%ti1ue !.,. Que'que# )oi$t# .o(t# actue'# 2.4.1. Le travail en projet 2.4.2. 0pprenti""age, valuation et %ompten%e" 2.4.3. Le" di((rent" t!pe" de di"%our" 2.4.4. Norme" et variation" 2.4.5. ,urri%ulum CHAPITRE & / MONDE DE "0ECRIT1 MONDE DE "0ORA" &.1. "e %o$de de '0c(it &.!. Mo$de de '2o(a' &.&. Ec(it/o(a'1 'e# i$te(actio$# 3.3.1. Le" parti%ularit" de loral 3.3.2. Le" di"tin%tion" oral/%rit 3.3.3. 6ral et %rit en intera%tion &.,. P'ace de 'a 'a$gue da$# 'a c'a##e de .(a$3ai# &.4. "a $otio$ de 'itt(acie &.5. "2o(a' et '2c(it )ou( )e$#e( et a))(e$d(e 3.3.1. /arler et %rire pour pen"er 3.3.2. L&oral et l&%rit r(le2i(" &.6. "a )'ace de 'a 'itt(atu(e CHAPITRE ,. DIDACTIQUE DES 7RAN8AIS 9 DES SITUATIONS ET DES PU:"ICS SPECI7IQUES ,.1. "e ;eu$e e$.a$t 4.1.1. Le dveloppement %ogniti( 4.1.2. Lentre dan" le langage ,.!. "e# )u-'ic# $o$ .(a$co)+o$e# ,.&. "e .(a$3ai# au #eco$dai(e 4.3.1. L&tude de la langue, e2pre""ion" %rite et orale 4.3.2. La %ulture humani"te ,.,. "e .(a$3ai# )ou( 'e# adu'te# 9 < '0u$i=e(#it1 da$# 'e %o$de du t(a=ai' ,.4. A))(e$d(e +o(# de '0co'e CHAPITRE 4. DIDACTIQUE DU 7RAN8AIS ET SOCIETE 4.1. P(atique# 'a$gagi*(e# 4.!. "e )oid# de# i$te(actio$# 4.&. Didactique et )(atique# #ocia'e# 4.,. "e .(a$3ai# e$ co$tact a=ec d2aut(e# 'a$gue# 4.4. I$#titutio$1 )(og(a%%e#1 =a'uatio$# $atio$a'e# da$# 'e co$te>te .(a$3ai# 4.5. De# outi'# )ou( 'a c'a##e CONC"USION ?"?MENTS :I:"IO@RAPHIQUES INTRODUCTION Bonjour et bienvenue dans ce cours de didactique du franais 1 . Nous esprons faire avec vous un chemin agrable, parsem de dcouvertes, dtonnements, bref de questions plus que de rponses. Nous esprons surtout vous donner envie daller plus loin, denseigner et de vous renseigner, sur le franais, son enseignement et sa rencontre quotidienne avec dautres langues. Peut-tre enseignez-vous dj ? ou avez-vous envie denseigner, ou tes-vous sur le point dentrer dans la carrire - dans le sens de voie ou chemin ? Vous avez choisi de faire une pause et de rflchir avant de vous lancer. Car quelle est la diffrence entre enseignement et didactique ? On peut dire, quitte caricaturer un peu, que la didactique est une rflexion sur lenseignement. Cela veut dire que lun ne va pas sans lautre et que ces deux expriences se nourrissent lune de lautre ; la didactique prend sa source dans le dsir damliorer et de faire voluer les pratiques denseignement ; quant ces dernires, elles voluent grce aux analyses et aux propositions de la didactique. Loin de nous lide que lenseignant-e ne rflchirait pas ! Mais il est vrai que, pris-e dans le feu de laction et de la classe, on na pas toujours le temps de se pauser, de sinterroger, de choisir, dinventer. Disons, toujours pour simplifier, quun-e didacticien-ne est quelquun qui double son exprience denseignement dun temps de rflexion sur cet enseignement ; cette rflexion, quon pourrait appeler une activit mta (nous reviendrons sur cette notion), lui permet de dgager des questionnements, des savoir-faire, un regard critique, des pistes nouvelles, qui ont la particularit de dpasser son exprience personnelle et de pouvoir tre utiles dautres. Ce transfert du particulier au gnral ou au moins au collectif, permet la didactique dtre considre, au-del dune discipline, comme un domaine scientifique et de recherche part entire. Dans la mesure o ce domaine sintresse lducation et lcole, on peut dire quil fait partie des sciences de lducation ; dans la mesure o, pour le cours qui nous concerne, il vise lenseignement dune langue, le franais, on peut dire quil fait partie des Sciences du langage ; dans la mesure o, socialement, lenseignement du franais a t trs marqu, que ce soit en tant que langue maternelle ou en tant que langue trangre, par ses usages littraires, on peut dire aussi que ce domaine fait partie de la littrature. Vous avez dj devin que, pour tre plus exact, on dfinira la didactique du franais comme un champ lintersection dau moins trois domaines scientifiques : la littrature, les sciences de lducation et les sciences du langage. Cest la raison pour laquelle cest une quipe plurielle qui a construit ce cours, chacune dentre nous tant spcialiste dun aspect ci-dessus de la didactique. Toutefois nous partageons toutes trois lexprience de la formation denseignant-e-s, en IUFM et lUniversit. Bon voyage en notre compagnie ! De quoi est ne la didactique ? On peut dire quelle est venue de la constatation, peu glorifiante pour des enseignants, de lchec scolaire - les esprits chagrins diront : dun chec scolaire grandissant - et de lenvie de le dpasser en sinterrogeant sur ses causes. En effet, pendant des sicles, dun enfant ou dune personne qui ne russissait pas apprendre, on a dit : il / elle est paresseux / se, il / elle ne travaille pas assez, il / elle nest pas doue-e pour les maths, pour 1 Nous savons que le franais est une langue en partage dans plusieurs pays, dclars francophones ou pas. On nous pardonnera, sans nous y limiter, de prendre souvent nos exemples dans le contexte franais, que nous connaissons mieux que les autres. 1 les langues, pour la musique, etc. . Bref, ctait toujours de la faute de llve ! Pourtant, quelques penseurs et philosophes avaient commenc instiller le doute dans les esprits : Montaigne crivait dj dans ses Essais quil fallait se mettre (descendre ?) la hauteur de llve pour enseigner, Rousseau un peu plus tard rvait de professeurs qui comprendraient les lves et les couteraient : on annonait ainsi que les rats de lapprentissage pourraient ne pas venir des seuls lves. Au XX sicle, avec la gnralisation de lcole, le dsir de scolariser tout le monde, le passage de la russite sociale par la russite scolaire, on a commenc se rendre compte que, loin de donner ses chances toutes et tous, lcole fabriquait aussi des exclus sociaux . Au point que le phnomne, li au dveloppement des sciences humaines, la psychologie et la sociologie entre autres, a pos de nouvelles questions au grand jour : et si le maitre 2 , le professeur, lenseignant, avait aussi sa part de responsabilit dans lchec scolaire ? et sil existait plusieurs faons denseigner ? et si on devait aussi prendre en compte llve comme individu et pas seulement comme page blanche remplir ? et si les tudes ntaient pas faites pour crer une lite ? et si tout le monde pouvait russir ? La rflexion didactique est ne de cette pense gnreuse et optimiste et cest sur ce chemin, pas toujours confortable, que nous avons le dsir de vous entrainer. Vous trouverez dans notre texte de nombreuses rfrences des penseurs issus de plusieurs disciplines qui, de nos jours ou bien avant le 3 millnaire, ont essay de se poser des questions et de leur trouver des rponses pour que lcole devienne pour toutes et tous un endroit non seulement des apprentissages partags, mais aussi du dsir de savoirs et de la socialisation en devenir. Comme vous le constatez, on ne peut sparer quelque enseignement que ce soit (ici du franais) de son contexte social et des options qui laccompagnent. Cela signifie que le cours que nous vous prsentons ne prtend ni lexhaustivit ni lobjectivit : nous pensons que ces proccupations sont des leurres, car tout discours est situ socialement et idologiquement, quil vienne duniversitaires, denseignants, de formateurs ou de toute personne socialement engage. Nous allons donc vous prsenter brivement les options qui ont prsid la conception de ce cours de didactique du franais. Ce faisant, vous comprendrez le plan que nous avons adopt. Nous posons dabord que toute position pour penser la socit (et lcole est partie prenante de la socit) est le fruit dune histoire. Rien ne nait ex nihilo, et ce que nous vivons a t prpar par ce que dautres ont vcu avant nous. Cela explique limportance de la dimension historique dans les pages qui viennent : impossible de parler dvaluation, denseignement, dlves, de classe, dactivits, de grammaire, etc. sans se souvenir de ce quon en a dit et crit dans les annes, les dcennies qui prcdent - voire davantage. Une deuxime option est celle de l'exigence terminologique. Il nous a paru essentiel de dfinir les mots 3 que nous employons souvent couramment, mais sans les avoir questionns, avant davancer dans les chapitres. Que veut dire tre lve ? enseigner ? langue maternelle ? par exemple. Mettons-nous les mmes sens sous ces mots a priori si familiers ? Ce souci de rigueur est aussi pour nous une qualit denseignant, qui doit avoir des rpercussions dans la classe : faire partager la charge smantique des notions utilises en commun est sans doute le 2 Ne vous tonnez pas de ne pas trouver daccent circonflexe sur ce mot : nous avons pris le parti, comme nous le demandent les instructions officielles franaises, dadopter les NNO (nouvelles normes dorthographe) prconises par le JO du 6 dcembre 1990. Nous en reparlerons dans notre chapitre sur lorthographe. 3 Autant que faire se peut, nous mettrons en gras les dfinitions dans nos chapitres. 2 premier respect que nous devons llve et la classe, pour en faire des interlocuteurs part entire. Vous trouverez donc de nombreuses dfinitions dans nos pages, y compris des dfinitions contradictoires, si les divers auteurs sollicits ne sont pas du mme avis. Notre troisime option est un choix quon peut appeler scientifique. Nous essaierons de vous dmontrer que, fondamentalement, il nest peut-tre pas justifi deffectuer des sparations pourtant largement admises : par exemple franais langue maternelle / franais langue trangre, ou dans la classe / hors de la classe, crit / oral, familier / soutenu, premier degr / second degr, etc. et nous remettrons en question ces frontires, car elles sont souvent sources de difficults pour les lves et de blocages entre professeurs et lves. De plus, les relativiser nous permettra de constater que la didactique, comme tout domaine de recherche et dexercice, est soumise variations et quaucune vrit nexiste en la matire : ainsi, les choix officiels dans dautres pays ou zones francophones que la France diffrent dun endroit lautre. Ce qui est valable en Suisse ne lest pas en Belgique, les programmes du Qubec ne sont pas ceux de France, etc. Il est intressant denvisager lenseignement dune langue comme dpendante du contexte institutionnel dans lequel il sinscrit, et den connatre lvolution, pour mettre en valeur le fait que tout le monde cherche mieux faire et que les innovations pdagogiques sont des bricolages, des essais par lesquels on avance peu peu et ttons. Il va de soi, en outre, que les avances technologiques ont une place importante dans ces volutions et quelles jouent un rle pas toujours prvu dans les dmarches scolaires : nous leur consacrerons un chapitre. Ces incertitudes et questionnements croiss ne sont pas la preuve que notre discipline est indcise, mais plutt que nous mesurons nos russites laune de lhumain et que la complexit du domaine humain nous enjoint dtre modestes dans nos conclusions et rsultats, si nous voulons tre honntes. Vous aurez compris que le travail didactique rpond des exigences thiques. Nous avons donc structur le cours qui suit en 5 sections de la faon suivante : ! la premire est historique et replace la didactique du franais actuelle dans une continuit qui va de ce quon appelait la pdagogie jusqu lintroduction des nouvelles technologies dans la classe ; ! la deuxime sintresse la naissance du champ didactique, lintersection dautres domaines de recherche, jusqu dfinir ce qui fait sa spcificit ; ! on arrive ainsi, en 3 section, envisager les mondes de lcrit et de loral, dans leur particularit et leur intersection, dont dcoule la faon de les aborder dans la classe ; ! la 4 section aborde la pluralit de la didactique, on devrait sans doute dire des didactiques, vu la multiplicit des pratiques envisages, suivant quon enseigne en France, hors de France, des enfants, des adultes, etc. ! enfin la 5 section largit la rflexion aux relations entre cole, langues et socit pour montrer la fois comment les pratiques denseignement des langues sinscrivent dans des pratiques sociales et comment les interactions entre ces deux domaines daction les enrichissent mutuellement. Au cours de notre cheminement, nous aborderons les points principaux auxquels sont confront-e-s lves et enseignant-e-s dans une classe, tout en ouvrant quelques perspectives davenir. Nous illustrerons nos propos dexemples et dactivits dentrainement, ventuellement accompagnes de pistes de correction. 3 CHAPITRE 1 - DIMENSION HISTORIQUE Do viennent les questions que nous nous posons ? Do viennent les pratiques actuelles de nos classes ? Quels principes ont prsid lenseignement des langues avant notre poque ? Quels grands penseurs en ont guid lvolution ? Sans tomber dans lrudition, nous allons vous donner quelques points de repre indispensables pour vous guider dans les chapitres qui suivent. Une dfinition de dpart vous mnera des premires interrogations pdagogiques vers la rvolution informatique actuelle. 1.1. Pdagogie ou/et didactique ? Ces deux concepts apparus au XVIme sicle ont une tymologie grecque. Pdagogie , drivant de paidagogia , lui-mme compos de paidos (enfant) et de agein (conduire) renvoie lide mtaphorique d accompagner llve sur le chemin du savoir , le pdagogue tant, dans lAntiquit, lesclave qui mne lenfant sur son lieu dtude. Didactique , drivant de didaktikos , adjectif construit sur le verbe didaskein (enseigner) dsigne lorigine le genre rhtorique destin instruire, en fait, les procds du discours persuasif. Progressivement les deux termes rfrent lensemble des techniques denseignement, mais le second s'est trouv pendant longtemps peu employ. Au dbut des annes 1970, la distinction rapparait, mais sans modlisation prcise avant les travaux de Conne (1981), Brousseau (1883), Vergnaud (1983) qui sinterrogent sur les connaissances pralables des lves en mathmatiques avant lapprentissage. Ils reprennent le terme de didactique pour voquer les rapports qui se jouent entre le savoir codifi attach une discipline particulire, l'apprenant qui y est confront et l'enseignant qui doit organiser la relation. La pdagogie concerne davantage les conditions matrielles mises en place par lenseignant, les mthodes denseignement et la gestion des interactions matre/lves dans la transdisciplinarit. Selon Halt (1992), les travaux des didacticiens portent dans les annes 90 sur : - les objets denseignement : comment transposer un savoir savant en savoir enseigner ? (Chevallard, Johsua, 1991) (dominante dite pistmologique ) - les conditions dappropriation du savoir : comment les lves assimilent-ils les notions ? (dominante dite psychologique ) - lintervention didactique : quelles dmarches adopter pour surmonter les obstacles dans cette assimilation ? (dominante dite praxologique ) Didactique et pdagogie semblent donc complmentaires dans la formation des enseignants. 1.2. Les dnominations Avant de parler de didactique du franais, il faut dfinir les mots que nous allons employer au cours de ces pages. Car si nous nous sommes peu prs entendus sur le mot didactique , il nen va pas de mme pour franais , mme si la question vous tonne. De quel franais parlons-nous ? ou plutt : y a-t-il un ou plusieurs franais ? Les auteurs de manuels, suivant en cela quelques dnominations officielles, ont voulu depuis quelques dcennies sparer franais langue maternelle , qui serait le franais des locuteurs de France , ou de 4 pays francophones , et le franais langue trangre , qui dsignerait le franais de celles et ceux qui parlent la maison une autre langue que le franais. ces deux catgories, sest ajout de faon quasi officielle avec le livre de Jean- Pierre Cuq (cf. bibliographie), le franais langue seconde , expression destine dsigner le franais dun pays o cette langue est employe couramment, entendue dans la rue et lue dans une partie de la presse, mais o elle nest pas la langue familiale des enfants : autrement dit, les pays o le franais, pour faire vite, a t la langue du colonisateur et a laiss des traces dans la vie sociale (certaines zones dAfrique, de lOcan indien, de lAsie aussi, etc.). Mme commodes, ces catgories sont pourtant trompeuses. Suffit-il en effet de vivre et denseigner en France pour penser quon enseigne du franais langue maternelle (FLM) ? Si on regarde les prnoms de nos lves, leurs patronymes, on se rend vite compte que les coles, collges, lyces, sont le lieu des mlanges, des rencontres : les lves dorigine italienne, maghrbine, dEurope de lEst, dAfrique centrale, des les des Ocans pacifique et indien, se mlent aux fils de rfugis espagnols, de travailleurs polonais ou turcs, ou dArmniens ayant fui les massacres dans leur pays. Il y a ainsi de fortes chances pour que le franais quon leur enseigne en classe ne soit pas une langue maternelle (au sens propre : parle par la mre), mais une langue dcouverte au mieux dans la rue et ensuite lcole. On peut ajouter tous ceux qui parlent une langue rgionale (basque, breton, catalan, francique, .), tous ceux dont les parents parlent des langues diffrentes et communiquent dans une troisime langue avec leurs enfants, ceux qui parlent une langue du voyage , etc. Qui reste-t-il qui a vraiment appris le franais et rien que le franais dans sa famille ? videmment, toutes ces donnes risquent de changer la faon denseigner ou les contenus proposs aux lves. Et on voit que les notions de langue trangre, maternelle, seconde sont en fait sujettes caution. Vous-mmes qui nous lisez, vous avez srement aussi, dans vos familles, entendu et pratiqu, peut-tre, divers types de langues, officielles ou pas, et peut-tre que pour vous non plus le franais nest pas la langue premire. De toute faon, et pour viter ces confusions qui ont de lourdes consquences didactiques (peut-on enseigner de la mme faon le franais au monolingue qui ne parle que franais dans sa famille, et au bilingue dont les parents se parlent en vnitien et en italien, par exemple ?), une terminologie autre a t propose, entre autres par nos collgues suisses : ne pouvant pas toujours savoir ce qui se parle dans les familles, ils se contentent de nommer les langues que lenfant apprend lcole, et lordre dans lequel il les apprend, sans se risquer dire si ces langues sont maternelles, trangres, ou autres. On parle alors de langue premire (= la premire langue introduite l'cole), langue seconde (= la seconde langue introduite l'cole), etc. Dautres disent aussi, L1, L2, L3. Et cest cet ordre dintroduction dans le domaine des apprentissages scolaires qui va guider les mthodes employes et les contenus des savoirs - tout en garantissant une certaine garantie aux lves. Sauf cas contraire justifi dans notre cours, nous parlerons donc du franais L1, cest--dire langue avec laquelle les lves sont en contact quand ils entrent l'cole - que ce soit en France ou ailleurs. Cela nexclut pas quon tienne compte des langues dorigine des lves, mais cela suppose surtout quon ne suppose pas cette langue pr-connue avant lentre lcole, ne serait-ce que de faon orale, comme on le fait pour les langues dites maternelles - ce qui handicape fortement ceux qui nont pas ces pr-savoirs. 5 Nous en arrivons affirmer ici une option forte de notre cours, savoir quen disant L1, L2 ou L3, on dsigne une langue, toute langue possible, et pas seulement le franais. Celui-ci na pas besoin en soi dune didactique spcifique, mais dune didactique valable pour toute langue qui serait, comme le franais dans notre cas, appris comme premire langue scolaire par des lves. La didactique dune L1 est donc valable pour litalien, le hollandais ou le berbre ! Cest ainsi quon peut parler, de notre point de vue, dune discipline qui sappellerait didactique des langues et non pas didactique du franais , et se diversifie suivant les diverses situations des langues en question dans lcole. On peut prsent entamer notre voyage ensemble, en commenant par les grands noms qui ont donn une impulsion nouvelle lcole au dbut du XX sicle. 1.3. Quelques repres historiques 1.3.1. La mthode naturelle Clestin Freinet (1896-1966), instituteur militant, fut lorigine dun vaste mouvement de rnovation de lenseignement dont les fondements perdurent encore aujourdhui. Ds 1920, il tudie tous les mouvements dducation nouvelle qui se dveloppent dans la pdagogie internationale et exprimente avec ses lves ce qui deviendra La Mthode naturelle . Si cest lapprentissage de la lecture qui est particulirement rnov, la pdagogie Freinet vise galement tout un ensemble dacquisitions essentielles du point de vue relationnel et culturel. Ici ladjectif naturel renvoie lide : - de dveloppement biologique sans heurt (viter les carences affectives lorigine de blocages dans les mthodes ngligeant les besoins individuels, respecter lidentit personnelle et la diversit) ; - de processus de socialisation inhrente lhumain (prendre en compte le besoin de sexprimer librement et dentrer en communication avec autrui, dvelopper la structure du langage travers la relation de travail coopratif) ; - dacquisitions de connaissances selon son style propre (installer des stratgies personnelles dappropriation des savoirs, dvelopper une attitude de recherche fonde sur la curiosit naturelle). Des mthodes globales de lecture apparues ds la fin du XVIII sicle, Freinet retient le processus psychologique de vision globale dcrit par le genevois Claparde qui, en 1916, dmontre que pour lenfant le mot ou mme la phrase forment un dessin dont la physionomie gnrale le captive bien davantage que le dessin de lettres isoles quil ne distingue pas dans lensemble 4 . Mais Freinet reproche aux mthodes globales doublier les conditions mmes de la vie , dinventer des situations permettant lutilisation de mots ou phrases types, de ne pas partir de lexprience individuelle ou collective de llve. Quand on crit au tableau et imprime : Avec une pile et une ampoule, Mimile nous fait de la lumire , les mots sont intgrs naturellement, sans passe-passe scolastique, dans une pense et un vnement vcus . 5 Le travail centr sur le message crit conduit deux types dactivits 4 Claparde, E. (1916). Psychologie de lenfant et pdagogie exprimentale. Genve : Kundig. 5 Freinet C. (1968). La Mthode naturelle : apprentissage de la langue, Collection Ralits pdagogiques et psychologiques . Neuchtel : Delachaux et Niestl. 6 complmentaires : la lecture (dcouverte/comprhension du message) et l'criture (production/mission du message). Elles sont ici indissociables et si elles sattachent dabord au sens, le code 6 va prendre une importance croissante. Au dpart, il y a le texte libre, retranscription de la parole dun enfant comme par exemple : Aujourdhui on va la piscine tous ensemble. On va bien rigoler. Cette petite phrase crite par lenseignant sous la dicte dun lve sera lue par groupes de souffle qui correspondent aux lignes dcriture, on suivra avec le doigt les mots prononcs. Des indices spatiaux, graphiques (et donc dj orthographiques) seront pris, mis en correspondance avec ce quon connait dj et un rajustement permanent du savoir travers le dbat collectif se produit. Aujourdhui, des tiquettes correspondant aux lignes sont tapes sur le clavier de lordinateur. Les lves les remettent dans lordre et sen imprgnent. Par la suite les lignes seront coupes en mots. Auparavant, elles taient imprimes par les lves eux-mmes en coopration, partir des lettres dune casse quil sagissait de ranger une une dans un composteur en saidant dun miroir puisque ces dernires devaient tre ranges dans un sens ngatif, limpression finale, aprs encrage, renversant lordre. Peu peu, laccumulation de textes travaills collectivement permet la recherche dindices pour crire ses propres productions. La mthode de travail est rigoureuse : comparaison de mots lettre par lettre, comparaison de segments de mots, regroupement de segments connus pour former de nouveaux mots, vrification des hypothses par la recherche dans des outils de rfrences qui se construisent au fur et mesure : textes de base affichs, rpertoires de mots usuels, dictionnaires personnels, etc. Lobjectif est de rendre llve capable dappliquer de faon autonome des dmarches logiques de questionnement de lcrit. 1.3.2. Une pdagogie du projet Motiv par une situation de vraie communication, la recherche du sens de ce qui est crit ou de ce quil a crire, llve est plac au cur dune dmarche de rsolution de problme, et donc en situation de projet effectif. Ressentant personnellement lenjeu du lire-crire, il dveloppe ses propres processus dapprentissage de faon dynamique. En 1924, Freinet organise la premire correspondance interscolaire entre ses lves de Provence et ceux dune classe de Bretagne. En 1926, il introduit pour la premire fois limprimerie lcole qui va tre loutil de base utilis par les lves eux-mmes pour la diffusion des textes libres, de la correspondance avec lextrieur et du journal de lcole. Aujourdhui, les classes de CP/CE1 qui travaillent en mthode naturelle de lecture- criture ont abandonn le lourd appareillage de lancienne imprimerie, mais la 6 Par commodit, on appelle code lensemble des conventions partages, crites et orales, qui font que la langue nous permet de communiquer. Cest ce code qui demande tre enseign (lorthographe, lintonation orale, le choix du vocabulaire, lordre des mots dans la phrase, etc.) : il rend celui / celle qui le maitrise capable de transmettre du sens (par exemple lexprience de la douleur) un interlocuteur ou un lecteur ( jai mal , oue, oue , si tu savais comme le souffre , etc). On dit quon encode le sens que celui qui reoit le message le dcode pour le comprendre. 7 correspondance reste la base de lapprentissage et de la motivation. Certains crits documentaires ou littraires ont t introduits qui se sont rvls ncessaires la ralisation de divers projets partager avec les correspondants : critures de recettes, explications pour fabriquer des objets, affiches pour annoncer un spectacle lcole, cration dun journal de classe ou dun magazine, dalbums raliss suite des visites, de textes potiques, de contes, etc. 1.3.3. Innovation/rnovation Au dbut de la III Rpublique en France, le besoin sest fait sentir de fonder un Muse pdagogique qui sest ensuite accompagn dune bibliothque, dune cinmathque, dun service de publications de lducation nationale. Ces tablissements runis en 1955 sous le nom de Centre national de documentation pdagogique (CNDP), deviennent en 1956 lInstitut pdagogique national (IPN). nouveau scind en deux en 1970, cest en 1976 que sont officialiss dune part le CNDP, offrant les ressources documentaires, et dautre part lINRP, Institut national de recherches pdagogiques, regroupant des chercheurs institutionnellement proches du terrain (enseignants de primaires surtout, conseillers pdagogiques) auxquels se joindront des chercheurs universitaires qui vont augmenter ces ressources et influencer les dcisions ministrielles. Ces innovations correspondent un besoin nouveau. En effet, au dbut des annes 1970, le monde de lducation connait une priode de crise du savoir scolaire : les savoirs savants en linguistique se sont considrablement dvelopps et lcart devient trop grand entre les notions enseignes et les nouvelles recherches, et ce notamment dans le domaine de la langue. Mais il ny a pas encore de relle tentative de modlisation de lenseignement, le terme de didactique nest pas encore apparu. 7 On parle alors de linguistique applique qui se proccupe des mthodologies denseignement et cherche rpondre la question Comment enseigner ? (Galisson, 1977) 8 Cest dans le domaine linguistique que ces innovations ont eu le plus de retentissement. linstigation dun groupe de chercheurs, en 1970, parait Le Plan de Rnovation du franais lcole lmentaire (dit Plan Rouchette ). Dans le souci de prparer lenfant la vie sociale, culturelle et professionnelle, la priorit est donne la pratique de la communication, cette dernire tant comprise comme la facult de comprendre et de se faire comprendre dans des situations particulires o les formes langagires sont amenes varier. Les principes du Plan de rnovation reposent ainsi sur les apports des sciences du langage et de lducation. Celles-ci peroivent la communication comme une interaction entre des sujets, comme la mise en uvre dune dynamique susceptible de modifier le comportement du destinataire dans son contexte social. Le Plan de rnovation insiste donc sur l'importance de diversifier les pratiques et usages sociaux de la langue franaise 9 en relation avec des supports culturels sociaux 10 . Par ailleurs, linteraction se doit dtre permanente entre les divers apprentissages (oral et crit, lecture et criture, arts et littrature...) et entre les dmarches denseignement. On 7 Apparition du terme en 1981 dans le titre dune brochure de lINRP. 8 Galisson, R. (1977). tude de linguistique applique, n 27. 9 Par exemple les expressions rgionales ou francophones, les diffrents registres de langue, apports de langues trangres, le langage scientifique, technique ou professionnel sont intgrs lenseignement. 10 Par exemple, les albums, affiches, articles de presse, B.D., tlvision. 8 conseille par exemple de prendre en compte les dcouvertes des lves en situation de recherche grce l'accompagnement de lenseignant, de prendre en compte les diffrences langagires entre les enfants comme facteur denrichissement, comme une occasion de s'approprier les codes sociaux et leurs variations. Ce plan est trs vite attaqu parce quil soppose, dune part la transmission de la norme du bon usage de la langue que lon imitait alors des bons auteurs dans les morceaux choisis de leurs uvres, et dautre part la parole spontane des enfants. Mais cest partir de ce travail exprimental et aprs quelques modifications terminologiques que paraissent les Instructions officielles de 1972. Hlne Romian 11 expliquera plus tard que la dmarche propose repose sur un systme dinteractions pdagogiques au principe double : libration de la parole / structuration de la langue , prcisant que cette libration suppose en classe des situations de communication fonctionnelles , o couter autrui, prendre la parole, lire ou crire ont une signification, une raison dtre ncessaires la ralisation de projets collectifs, individuels (et entrent en interaction). Elles sont fonctionnelles aussi en ce que la parole orale ou crite y a une fonction explicite : dbattre dune dcision prendre, prsenter un pome quon aime, prendre des notes.. fonctionnelles enfin parce quelles rpondent des fonctions du langage diffrentes (et interactives). . La libration du langage consiste s'entrainer communiquer l'oral et l'crit. La situation de dpart dterminera la forme linguistique usite aussi naturellement que dans la vie : on ne parle pas un commerant comme on parle ses amis, ses parents, ses enfants, au public dune confrence.on ne raconte pas, on ne parle pas non plus au tlphone comme table. 12 . loral, des jeux de rle inspirs du quotidien seront donc proposs : chez le mdecin , la boulangerie , au volant, dans la circulation . lcrit, les dcouvertes des diffrents textes proposs par lenseignant en lecture (lettres, comptes rendus, posies, coupures de presse, rcits.), apprendre catgoriser les usages sociaux, les fonctions des crits et de s'initier aux premires rdactions. En fait, il convient que les lves prennent conscience non seulement des diffrentes fonctions du langage (Jakobson, cf.2.2.), mais aussi des lois qui structurent la langue dans ses diverses pratiques sociales. Celle-ci devient alors objet dobservation et de rflexion. La structuration du langage, quant elle, se fait par apprentissages progressifs selon une approche interactive et mtacognitive de la langue (cf.3.6.2). En maternelle, on peut utiliser les changes dans la classe pour mettre en place des exercices structuraux. Par exemple, en GS, lenseignante vise lapprentissage de lemploi de la construction Cest celui de./ Cest celle de. . Elle propose deux exemples : Je montre un objet et je vous demande : Est-ce que cest le cahier de Julie? Vous rpondez : Oui, cest celui de Julie. / Est-ce que cest la feuille de Martin? Vous rpondez : Oui, cest celle de Martin. . Aprs quelques essais avec les lves, il sagira de rflchir tous ensemble sur lemploi de celui et de celle . On proposera aussi des reconstitutions de textes lcrit, cest la grammaire textuelle qui est ici vise : comment linformation progresse dune phrase une autre grce lemploi des dterminants, des pronoms, des substituts nominaux ( Une petite fille devient dans la phrase suivante celle-ci puis cette tourdie , etc.), des ponctuations, des connecteurs ( Tout dabord. ensuite.finalement ). Un texte, par exemple, sera dcoup sous formes 11 Romian, H. (dir), (1985). Plan de rnovation de lenseignement du franais lcole lmentaire. Fascicule n 3 Et loral alors ? . INRP : Nathan, pp. 4-5. 12 Plan de Rnovation ou Plan Rouchette 9 dtiquettes correspondant une phrase ou quelques phrases. Il faudra sappuyer sur des indices morphologiques, syntaxiques ou lexicaux pour reconstituer la structure initiale du texte. Une analyse intuitive et implicite se produira dabord puis celle-ci deviendra explicite et permettra davancer dans lanalyse de la langue. Par exemple ici, une tude des emplois des dterminants pourra seffectuer : Dcoupage dun extrait de Le petit Nicolas de Semp et Goscinny (2007) remettre dans lordre. 1 Et dans ltang, il y a des ttards . 2 Dans mon quartier, il y a un square 3 Les ttards, ce sont des petites btes 4 o nous allons jouer souvent . 5 Dans ce square, il y a un tang . 6 qui grandissent et qui deviennent des grenouilles . (correction : 2, 4, 5, 1, 3, 6) Cest dans cette mouvance rnovatrice quEmile Genouvrier et Claudine Gruwez vont proposer ds 1972, les fruits de leurs travaux. Ils expliquent 13 mtaphoriquement que sils proposent des gammes , exercices contraignants au niveau de la grammaire de phrase, ils sont conscients que cest pour mieux maitriser la mlodie qui ne se construit au niveau de la grammaire de texte quaprs avoir travaill des automatismes et pris conscience des mcanismes de fonctionnement pour produire en toute libert . Ils sopposent la leon de grammaire traditionnelle qui repose sur la mmorisation de rsums, listes et dfinitions accumuls sans vritables liens et dont le seul objectif est de rpondre aux questions de dicte . Ils critiquent galement la dispersion entre les critres danalyse qui sappuient parfois sur la forme des groupes (avec ou sans prposition : COD, COI), parfois sur le sens (complments circonstanciels de manire, de moyen.), parfois encore sur la logique (sujet/objet). Ils se proposent alors deux objectifs : la matrise dune pratique et la matrise dun code 14 Pour remplir le premier objectif, des exercices structuraux sont proposs pour asseoir des automatismes linguistiques par imprgnation implicite. Ces derniers, une fois maitriss empiriquement, permettront daborder lexploration et la rflexion sur le fonctionnement du systme qui conduiront une description de la langue (essentiellement sur des critres formels partir de trois procdures : permutation, commutation, transformation). La dcouverte personnelle des lois qui rgissent les structures linguistiques permet progressivement la ralisation du deuxime objectif : la maitrise du code . 1.3.4. Noter, valuer Un des chantiers de l'INRP dirig par Hlne Romian a t celui sur l'valuation des crits l'cole primaire. Si vous coutez des enfants jouer la maitresse (tiens donc ! et pourquoi jamais au maitre ?), il ne se passera gure de minutes sans que celui / celle qui joue lenseignant-e ne distribue avec emphase bonnes et mauvaises notes ses ouailles. Preuve que lacte de noter est 13 Genouvrier E. & Gruwez C. (1973). Franais et exercices structuraux au CM1. Structures de la langue franaise. Paris : Larousse, p. 20. 14 Pour en savoir davantage, lisez les travaux du groupe EVA de lINRP, entre autre valuer les crits lcole primaire, sous la direction dHlne Romian (cf. notre bibliographie finale). 10 dbattre : Entendu dans une confrence sur lvaluation : Il ny a pas de mauvais lves, il ny a que de mauvais professeurs . Quen pensez-vous ? 1.3.5. L'apport de Vygotski La pense de Vygostki, mme de faon vulgarise, a eu du mal se faire connaitre, autant dans son propre pays (la Russie) que dans le monde, sous forme de traduction. Sa pense est pourtant fondamentale et, au dbut du XXe sicle, elle tait rsolument novatrice. Cest en fonction de ses rpercussions sur les apprentissages que nous vous en parlons dans ce cours. En effet, Vygostki, outre dautres apports de premire importance dans la connaissance psycho-cognitive, a insist dans son ouvrage Pense et langage sur l'importance des interactions dans la construction des savoirs. On voudrait ici insister sur deux aspects de ses travaux : ! il est dabord parmi les premiers avoir dmontr que lenfant (et plus tard, on le verra ladulte aussi) napprend pas comme un seau vide quil suffirait de remplir, mais grce des changes divers o il est actif et partie prenante. Autrement dit, cest en exerant son esprit critique, en posant des questions, en dcouvrant lui-mme de nouveaux faits, domaines ou notions, quil apprend et intriorise les savoirs. Il ne peut donc le faire quen discutant avec dautres personnes, en se frottant leurs avis, leurs expriences, leurs interrogations aussi ; ! de plus, contrairement ce quon pourrait croire, ce nest pas le dialogue avec le maitre ou ladulte qui est le plus fcond. Vygotski a dcouvert que les changes avec ses pairs , cest--dire avec des personnes du mme niveau (dge ou de savoir) sont aussi importants que ceux avec celui / celle qui sait . Cest en confrontant ses opinions et hypothses avec celles de ses semblables que lenfant (ou ladulte) apprenant va construire ses savoirs. Les consquences pour la didactique (des langues ou autres) sont de taille. Nous en soulignerons trois principales : ! les travaux de Vygotski mettent en valeur, si besoin tait, l'importance fondamentale de l'oral et des changes oraux dans la classe. Non pas seulement pour dvelopper le langage oral (ce peut en tre une consquence secondaire) mais pour construire des savoirs durables et enracins. En effet, cest par la verbalisation, par la parole change et confronte, quon donne peu peu forme ce quon dcouvre. Et on retient et comprend mieux ce quon a dcouvert ensemble que ce qui a t apport de lextrieur (par la voix magistrale entre autres) ; ! il sensuit que lorganisation de la classe, dune sance ou dune squence, doit intgrer cette dimension interactive et dlaisser peu peu le monologue magistral. Cest autour des changes et dbats, entre lves, et entre maitre et lves, que les activits les plus fcondes vont se mettre en place ; ! cela remet fondamentalement en question le rle de l'enseignant dans la classe, qui ne sera plus l pour apporter un savoir quil serait seul possder, mais pour lancer, organiser, faire durer , synthtiser les dialogues qui mettront au jour les savoirs ou savoir-faire viss. 12 profondment li lide que nous nous faisons de lenseignant. Quest-ce que noter ? cest mettre une note (un nombre, une lettre, un symbole, un logo .) sur un travail. En soi, cela na aucune valeur et le mme travail obtiendra des notes diffrentes selon la personne qui note, la situation de notation, lge et le niveau de llve, ce quil est cens savoir ou ne pas savoir, les objectifs de lenseignant, etc. Par exemple, le fait dcrire une lettre en classe peut tre not diffremment selon quon attend de llve quil connaisse les codes pistolaires, ou quil sache raconter ou expliquer, ou faire une demande, crire dans une langue standard ., selon que llve est francophone dorigine ou pas, dbutant ou avanc, selon quil est enfant ou adulte, etc. Une note objective nexiste donc pas, il ny a que des notations situes et relatives. Cela entraine deux consquences. La premire est qu'on note selon des critres, cest--dire des faons de voir, qui peuvent varier dun enseignant lautre, suivant la priode de lanne laquelle on est, etc. Il est indispensable dexpliciter ces critres auprs des lves, quel que soit leur ge, avant et aprs une tche : dans ce devoir, je vais noter telle ou telle chose, et je vais laisser de ct telle ou telle autre . Ces critres sont souvent, avant le travail not, des objectifs dapprentissage sur lesquels on aura travaill avant de vrifier par une tche note sils ont t atteints. Par exemple, on tudie et on sexerce former des noms au pluriel, puis une tche de vrification des acquis des marques du pluriel est propose aux lves et note 15 . La deuxime est que ces critres peuvent tre mis en valeur comme des avances du travail en classe, mais pas obligatoirement par des notes. On peut trs bien donner du poids, de la valeur un savoir fraichement acquis, ou en cours dacquisition, sans pour autant noter le travail qui le vrifie : cest dailleurs ce quon fait dans les petites classes en disant cest bien , ou cest trs bien , ou tu vas y arriver , un lve. Il na pas besoin de note pour savoir ce que vaut ce quil vient de faire. On a donc petit petit remplac, en didactique, la notion de noter par celle d valuer , plus large et surtout plus souple. valuer veut dire quon pse la valeur de quelque chose : cela peut tre ce que sait lenfant avant de commencer une nouvelle leon, ce quil a acquis en cours dune squence, ce quil sait en fin de squence, ce quil en a retenu en fin danne, etc. Cela peut tre aussi un travail collectif, le rsultat final dun projet, etc. Et on peut valuer diffrents moments, par des mots seulement, des actes (confier un objet, une tche, une responsabilit), des changes : par exemple les rponses un dbat cette sortie tait-elle russie ou pas ? pourquoi ? quavez- vous appris ? peuvent constituer une valuation fine et intressante pour tous. Qui peut valuer ? tout le monde ! et pas seulement lenseignant-e . Si on expose au grand jour les critres dvaluation, les lves eux-mmes peuvent sauto-valuer, ou valuer en groupe la production de chacun (co-valuation) ; on peut mme construire avec eux leurs propres critres ( alors, dites-moi, comment va-t-on voir quun expos est russi ? donnez-moi vos ides, je les marque au tableau ) et en faire une grille dvaluation que chacun-e connaitra et respectera au mieux. Conue ainsi, lvaluation peut devenir un moment-cl de la vie en classe, o on apprend juger son propre travail et vivre ensemble. 15 Pour en savoir davantage, lisez les travaux du groupe EVA de lINRP, entre autre Evaluer les crits lcole primaire, sous la direction dHlne Romian (cf. notre bibliographie finale). 11 Une pdagogie tout fait nouvelle dcoule des principes ci-dessus : on peut dire quil y a un avant et un aprs Vygotski 16 ! 1.4. Des questions contemporaines 1.4.1. Des recherches sur l'apprenant, des recherches sur l'enseignant Depuis la naissance de la didactique du franais dans le milieu des annes 70 porte par le projet de dmocratisation de l'accs la lecture, l'criture, les objets des didacticiens du franais ont volu. Un premier temps a t consacr comprendre les pratiques effectives d'enseignement du franais dans les classes. Le milieu des annes 1980 a marqu un second tournant en lien avec les avances des recherches en didactique des mathmatiques, mais aussi avec le dveloppement, entre autres, de travaux de la sociologie, de la psychologie cognitive, du constructivisme, des modles de l'valuation. La didactique du franais s'est alors centre sur l'apprenant, sur ses mcanismes d'apprentissage, sur l'analyse des erreurs des lves, sur les obstacles aux apprentissages. On peut prendre pour exemple les travaux d'Emilia Ferreiro (1986) sur les reprsentations que se font les enfants de la langue crite, sur les conceptualisations qu'ils se font de l'crit. Les didacticiens ont alors montr que des obstacles aux apprentissages pouvaient provenir des diffrences entre les pratiques langagires sociales et scolaires. Dans ce mme temps, les travaux du Groupe couen en 1985 ont port sur les processus de planification et de rvision de textes. Depuis les annes 2000, un troisime temps toujours centr sur l'apprenant s'intresse ses dimensions non seulement cognitives, mais aussi affectives, dans l'apprentissage, son rapport la lecture, l'criture, ses processus rflexifs. On peut citer les travaux de Barr-De Miniac (2000) sur le rapport l'criture ou encore ceux de Bucheton et Chabanne (2002) sur la rflexivit des pratiques langagires. cette poque, en lien d'une part avec la professionnalisation des enseignants devenue centrale face aux modifications du contexte socioprofessionnel et d'autre part avec la diffusion des thses socio-constructivistes, un courant de la didactique du franais s'intresse au rle des activits langagires dans la transmission et la construction de savoirs. La didactique s'intresse par consquent au rle du maitre en situation d'interactions avec ses lves et aux effets de ses macro et micro 17 faons de faire et de dire sur la construction des apprentissages, ce que les didacticiens nommeront gestes professionnels (Jorro, 2002 ; Bucheton, 2009). L'emploi de ce concept - tym. lat. gestum, action ou mouvement du corps pour faire ou signifier quelque chose - montre que ces chercheurs tudient l'activit relle des acteurs travers l'analyse des actions signifiantes. Cet emploi s'oppose 16 Sur le plan cognitif, ce dernier fonde ses affirmations sur lexistence de ce quil appelle la ZPD (zone proximale de dveloppement, traduction approximative), notion sur laquelle nous aurons loccasion de revenir plus loin. 17 Mettre micro ou macro devant un objet dtude signifie quon sintresse ses aspects gnraux, structurels (macro) ou au contraire ses aspects de dtail, voire microscopiques (micro). Par exemple, regarder la classe de faon macro signifie quon va regarder lambiance collective dune classe, son rythme, sa progression gnrale ; le faire de faon micro veut dire quon va observer tel ou tel lve en particulier, ou telle raction dans une activit, etc. 13 la conception rationnelle, dcontextualise et dsincarne de l'approche par comptences (cf. cahier des charges de la formation des matres de 2007). Les comptences professionnelles prsentent, la diffrence des gestes professionnels, des savoirs, des savoir-faire, savoir-tre professionnels gnriques, dcontextualiss, transversaux, non ancrs dans des situations didactiques prcises. Les didacticiens dnoncent cette approche comme peu opratoire pour permettre aux enseignants de sajuster dans l'interaction aux processus d'apprentissage des lves. 1.4.2. Rapprochement du franais avec d'autres disciplines l'cole, le franais est aujourd'hui apprhend la fois comme discipline autonome consacre l'apprentissage de la lecture, de l'criture, de l'oral, du fonctionnement de la langue et comme discipline transversale, du fait qu'il est le vecteur de transmission et d'acquisition des apprentissages scolaires dans les diffrentes disciplines. En effet, pour apprendre dans les diffrentes disciplines il est ncessaire de parler, lire, crire. Chaque domaine disciplinaire doit travailler des apprentissages en franais, par exemple, le travail sur la comprhension en lecture, ou l'apprentissage du lexique. Les enseignants doivent identifier les diffrents usages de la langue spcifiques aux disciplines, les genres de discours privilgis par les disciplines, comme la dmonstration en sciences, l'interprtation en lecture littraire, la description en gographie et identifier galement les savoirs langagiers faire acqurir dans chaque discipline. Par ailleurs, outre les finalits communicatives du franais vecteur d'apprentissage, on sait, depuis la diffusion des travaux de Vygotski, que le langage ne sert pas coder une pense prconstruite mais qu'il est un outil au service de la pense. Ainsi, le langage pour penser et apprendre (Chabanne & Bucheton 2002 ; Bautier & Rayou, 2009) est travailler comme objet d'enseignement dans les diffrents domaines disciplinaires. Il revient aux enseignants de proposer aux lves des tches complexes qui ncessitent non seulement de communiquer mais aussi de se questionner, de s'interroger, d'exprimer ses reprsentations, de discuter, de reformuler, de synthtiser, autrement dit d'utiliser des formes langagires rflexives au service du travail de la pense et de ne pas focaliser l'attention seulement sur des productions langagires terminales. Le chapitre de ce cours intitul L'oral et l'crit pour penser et apprendre vous permettra de creuser cette dimension des pratiques langagires rflexives. Pour conclure, la discipline franais n'est pas considrer comme une discipline close sur elle-mme, mais comme une discipline outil et objet des autres apprentissages disciplinaires du fait de la dimension transdisciplinaire du langage. Cette spcificit de la discipline franais conduit les enseignants devoir penser, dans leur enseignement, au sein de chaque discipline, en intgrant les spcificits disciplinaires, un travail de la langue comme outil de communication, mais aussi comme objet d'analyse, et comme moyen d'apprendre et de penser ceci en permettant la circulation entre ces diffrents usages de la langue. Cela suppose un travail de programmation de l'enseignement qui intgre ces trois aspects avec une dfinition claire des objectifs poursuivis et pour l'enseignement dans le secondaire une concertation entre professeurs de franais et professeurs d'autres disciplines. 14 Exercice : La situation prsente ci-dessous ainsi que le texte produit par un lve de 3me sont extraits d'un compte rendu d'une activit interdisciplinaire : la narration de recherche, conduite conjointement par deux professeurs de franais et de mathmatiques avec des lves de collge 18 . Pouvez-vous analyser le ou le(s) statut(s) du franais dans ce texte d'un d'lve de 3me, produit dans un travail en mathmatiques? L'enseignant demande aux lves de rsoudre des problmes et d'expliquer par crit ce qu'ils ont compris. Les lves sont rpartis en groupes de 3 ou 4 ; les groupes doivent rsoudre ces problmes et rdiger collectivement toutes les phases de rflexion qui accompagnent leur recherche. Ensuite chaque membre doit produire individuellement un texte dans lequel il revient sur l'ensemble de l'activit : ce texte est nomm narration de recherche. En voici un exemple : Vous trouverez comment rpondre cet exercice dans ce chapitre ainsi que dans le chapitre futur 3.6.2. L'oral et l'crit rflexifs . Pour des complments d'information vous pouvez consulter le compte rendu de cette exprience sur le site que vous trouverez rfrenc en note de bas de page. 1.4.3. L're des TIC Le dveloppement considrable de l're du numrique concerne galement l'cole. Depuis 2008, en France, les lves, pour obtenir le Brevet des Collges, doivent obtenir le brevet informatique et internet (B2i). On assiste progressivement un dveloppement des TIC (technologies dinformation et de communication) comme outil d'enseignement. La didactique du franais est particulirement concerne par le dveloppement des TIC, du fait que les mdias numriques transforment les pratiques dcriture, de lecture, de recherches, de communication en multipliant et en complexifiant les usages (Barr-De Miniac, 2003). La question qui se pose aux enseignants et aux didacticiens du franais est la suivante : dans quelle mesure les TIC peuvent-elles favoriser les apprentissages en lecture et d'criture ? 18 Vous trouverez le rcit de cette exprience rdige par Paulin, R. l'adresse suivante : http://www.math.jussieu.Ir/~leidwang/wwwIREM/Deslapins.pdI 15 partir de la mise en relief des spcificits du numrique, des recherches portent, entre autres, sur l'efficacit didactique de ces mdias pour favoriser le passage l'criture d'lves rsistants, pour dvelopper les conduites d'criture et de rcriture des textes, de rvision des textes. D'autres portent sur l'intrt des correcteurs orthographiques et de leur utilisation sur le dveloppement des comptences orthographiques. D'autres encore s'intressent aux postures de lecture que la recherche sur internet dveloppe, ou enqutent sur l'utilisation de logiciels d'aide la comprhension de textes. D'autres explorent la voie collaborative pour tudier, dans des changes entre classes, l'intrt du passage par la communication crite dans une communication distance sur les apprentissages. Ouvrons la rflexion au bouleversement socital produit par les nouvelles technologies. Comme le dit Serres (2012), avec Face book, le GPS, Google Earth, ikipdia (...) la plante, lhumanit, la culture sont la porte de chacun, partout et immdiatement. Le savoir n'a, aujourd'hui, plus le mme statut et les facults sociales, cognitives, affectives se trouvent modifies par l'utilisation des TIC. Nous savons que l'invention de l'criture, puis celle de l'imprimerie ont modifi les faons de penser. Aujourd'hui nous vivons, avec l'volution des TIC, une nouvelle re de mutation des faons de penser, un changement de paradigme. 16 CHAPITRE 2. LA CONSTITUTION DE LA DIDACTIQUE COMME CHAMP Cette partie interroge la spcificit de la didactique du franais dans ses relations avec les autres didactiques disciplinaires. Compte tenu du fait que la didactique suppose d'envisager l'acte d'enseigner en fonction de l'objet enseigner, la didactique du franais pose la question de la spcificit de la discipline franais . la diffrence des autres disciplines scolaires, le franais est la fois objet et moyen pour l'enseignement/apprentissage de toutes les autres disciplines, mais aussi une pratique culturelle extrieure l'cole. Il est l'objet de multiples considrations idologiques, culturelles, le lieu de tensions au plan politique : prenons pour exemple des dbats sur la norme enseigner. L'enseignement du franais ne peut se restreindre l'applicationnisme linguistique, il ne relve pas d'une science, mais de savoir-faire et de pratiques sociales et culturelles et s'appuie sur des rfrents thoriques htrognes. Comme dit dans notre introduction, la didactique du franais emprunte aux domaines de lducation, aux domaines du langage ainsi qu'aux tudes littraires. Dans cette partie est par ailleurs interroge la possibilit de transfert, la didactique du franais, des concepts labors par d'autres didactiques disciplinaires plus anciennement constitues. 2.1. Les disciplines contributoires Si les Sciences de l'ducation ont pour proccupation premire damliorer la connaissance des phnomnes qui influencent laction ducative et notamment de comprendre les causes de lchec scolaire par une rflexion sur la transmission- acquisition des savoirs et savoir-faire, celles-ci ont d se tourner vers des sciences dont lobjectif premier nest pas les apprentissages scolaires. Ainsi ds 1922, E. Durkheim 19 considre que la pdagogie doit prendre appui sur la sociologie en tant que science des institutions sociales, pour dterminer ce que devraient tre les institutions pdagogiques, elles-mmes microcosmes sociaux. Dans les annes 1970, ce sont les Sciences du Langage, en tant qutude des conditions de production de la langue qui ont fait merger lide que linteraction conversationnelle tait la matrice fondamentale de lusage du langage et que son rle est primordial dans le processus ducatif, quelle que soit la discipline. A cette poque, les thories de la sociolinguistique, comme celles de B. Bernstein 20 ou . Labov 21 ont permis de comprendre la diversit des usages de la langue qui engendrent peut-tre lchec scolaire. Plus rcemment, cest la mise en vidence du rle cognitif de loral et de lcrit qui a fait progresser les didactiques (Cf.3.6.). En 1969, J. Piaget 22 , rpondant en quelque sorte Durkheim, considre que la pdagogie exprimentale ne peut progresser sans lapport de la psychologie. On sintressera alors l'approche cognitiviste, apparue ds les annes 1950, qui considre quil est possible de modliser les processus mentaux de traitement de linformation mis en uvre par les sujets lintrieur de leur cerveau bote noire considre comme insondable par le paradigme behavioriste qui sattachait observer uniquement les stimuli dentre et les rponses de sortie. 19 Durkheim, E. (1922/1989). Sociologie et Education. Paris : PUF. 20 Bernstein, B.(1975). Langage et classes sociales. Paris : Ed.de Minuit. 21 Labov, . (1976) . Sociolinguistique. Paris : Ed. de Minuit. 22 Piaget, J. (1969). Psychologie et pdagogie. Paris : Denol-Gonthier. 17 Ces divers domaines thoriques se compltant, ils concourent lextension du champ des sciences de lducation. 2.2. Langue et communication Si le langage est considr comme la facult universelle et immuable propre tous les hommes de communiquer entre eux au moyen de systmes de signes (oraux, crits, comportementaux, culturels.), la langue est un de ces systmes de signes particuliers labors arbitrairement par une communaut historique et gographique qui la parle et ventuellement lcrit aussi. Cest un systme volutif en constante mutation. Le mot communication vient du verbe latin communicare , il apparait en franais au XIII sicle avec le sens du verbe latin dont il est originaire : avoir part , participer , tre en relation avec . partir du XVI sicle, lide premire de relation entre personnes est dplace mtonymiquement sur lobjet qui relie ces personnes. Le verbe devient transitif direct (suivi dun complment dobjet direct) et prend alors le sens de transmettre : communiquer une nou- velle . Nanmoins, les thories de la communication en tant que possibilit dchange dinformations napparaissent quau milieu du XX sicle avec le dve- loppement des moyens de transmission de linformation distance et notamment avec linvention du tlgraphe. cette poque, de nombreux thoriciens, essentiel- lement aux tats-Unis, proposent une conceptualisation de la communication . Voici les deux modles les plus connus qui se compltent mutuellement et que nous prsentons mme s'ils ont t fortement controverss. 2.2.1. Le modle de Jakobson Le linguiste bilorusse Roman Jakobson 23 , install luniversit de Harvard en 1949, largit ses recherches sur la phontique et la structure du langage lensemble des sciences de la communication. Il propose ds 1963 24 une analyse du contenu de la communication qui repose sur 6 facteurs correspondant chacun une fonction du langage. RFRENT fonction rfrentielle metteur fonction expressive (motive) MESSAGE Ionction poetique RCEPTEUR fonction conative (incitative) fonction phatique (relationnelle) CODE fonction mtalinguistique Schma de la communication de Jakobson 23 Auquel on a reproch entre autres choses son ct statique . 24 Jakobson, R. (1963). Essais de linguistique gnrale. Paris : Editions du Seuil. 18 CANAL Pour Jakobson, dans tout acte de communication, un metteur (destinateur) envoie un message un rcepteur (destinataire). Le message, dont le contenu smantique attach un contexte social est appel rfrent, se transmet par un canal physique et psychologique qui tablit le contact entre lmetteur et le rcepteur, tous deux comprenant le mme code (la mme langue). En outre, dans tout acte de communication, 6 fonctions du langage sexercent simultanment, mais avec une fonction dominante selon les messages. La fonction expressive permet lmetteur dinsister sur ses motions, son ressenti, ses volonts (Ah ! jai mal !). La fonction conative incite le rcepteur agir et ragir dans le sens impuls par lmetteur. (Ferme la porte !) La fonction phatique permet de provoquer et de maintenir le contact. (Tu mentends ?) La fonction mtalinguistique permet de sexprimer sur le code lui-mme pour vrifier notamment quon lutilise de faon identique. ( Bleu est un adjectif.) La fonction rfrentielle est oriente vers le contenu du message et sa comprhension dans la situation de communication. (Quest-ce ?) La fonction potique est attache la forme du message, pas seulement potique, mais signifiante par elle-mme. (Viens ! par opposition Pourrais-tu venir ?). 2.2.2. Le modle de Palo Alto Ce nouveau modle est n, dans les annes 50, dans une petite ville proche de San Francisco qui lui donna son nom. Un de ses principaux fondateurs est G. Bateson. Les travaux de ce groupe dnoncent la vision tlgraphique du modle prcdent, d'une communication comme simple transmission d'un message qui suit le sens d'une flche dun metteur vers un rcepteur. Avec le concept de feedback ou de rtroaction ce modle dpasse cette conception linaire et s'intresse laction en retour. Ainsi ce modle apprhende les phnomnes de communication humaine en mettant l'accent sur l'interaction, sur ce qui se joue entre les partenaires engags dans une situation de communication. Les comportements de chacun des communicants sont envisags comme des rponses aux comportements de lautre et le comportement de chacun dpend en grande partie de celui de(s) (l')autre(s). Par exemple quand un matre dit en fronant les sourcils : Il y a trop de bruit dans cette classe ! , il s'agit de sa part d'une rponse en retour aux comportements de ses lves. Ce modle prend en compte non seulement le langage verbal, mais montre que diffrents modes de comportements tels que des gestes, des choix vestimentaires, des attitudes, des usages de l'espace, du contexte interviennent dans toute situation de communication. 2.2.3. Communication et enseignement/apprentissage du franais Alors que les textes officiels de 1972 (Plan de rnovation) insistent sur la ncessit de faire sexprimer les lves dans de vritables situations de communication , une impulsion est donne lenseignement de loral devenu lgal de lcrit. Cela provoque une rflexion didactique intense dans les annes 1980 avec notamment la prise en compte des thories de la communication et des recherches linguistiques comme celles de J. Austin et de J.R. Searl. Pour ces derniers, les noncs ne servent pas uniquement dcrire le monde mais sont un moyen daction sur le rcepteur (affirmer, demander, ordonner, promettre.), cest 19 la thorie des actes de langage. 25 Les propositions qui sont faites en didactique de la communication pour permettre aux lves de prendre la parole et de dvelopper leur production dcrit reposent alors sur la cration de situations pragmatiques dans des contextes diversifis o llve doit prendre en compte la situation des metteurs et rcepteurs et la fonction dominante du langage utiliser : dbats, explications de procdures, dialogues sous forme de jeux de rle loral / lettres, textes narratifs, descriptifs, argumentatifs lcrit. la fin des annes 1980, loral nest pas encore peru comme objet autonome denseignement et cest aux modles de lcrit norm que lon se rfre encore pour lenseigner. Exercice : Une mre exaspre par la tenue vestimentaire de sa fille lui dit : Tu appelles a une jupe ! 1- Relevez dans cet nonc les diffrentes fonctions du langage telles que les a dcrites Jakobson. 2- En quoi peut-on dire, selon la conception de la communication de l'cole de Palo Alto, que la fille est l'initiative de la communication ? lments de correction : 1- Tu appelles a une jupe ! Les fonctions principales sont les fonctions rfrentielle (il sagit de dsigner le vtement incrimin), potique (lexclamation produite et le pronom pjoratif a au centre de la phrase expriment la dsapprobation de lmetteur et permettent de mettre en lumire la fonction expressive) et conative (lnonc a pour but de faire renoncer lmetteur ce choix vestimentaire.) Deux fonctions semblent moins importantes : la fonction mtalinguistique est ici utilise de faon ironique (et donc davantage potique), il ne sagit pas rellement dune demande de prcision de vocabulaire. La fonction phatique reprsente par lemploi du pronom tu introduit le lien entre lmetteur et le rcepteur qui sont lun en face de lautre. 2- La fille peut tre considre linitiative de la communication dans la mesure o sa tenue vestimentaire peut tre une marque de sa volont de sopposer sa mre. 2.3. Quelques concepts de la didactique 2.3.1. Le triangle didactique et sa complexification lorigine tait un triangle... puis vinrent les critiques... Cest J. Houssaye, ducateur et formateur qui, le premier, a formalis ce quil a appel le triangle pdagogique , mettant en relation un lve, un enseignant et un savoir (un contenu dapprentissage), reprsents symboliquement par les trois sommets dun triangle. 25 Austin, J. (1962). Quand dire, cest faire. Paris : Editions du Seuil, et Searle, J.-R. (1972). Les actes de langage. Paris : Hermann 20 Le triangle pdagogique Houssaye, 1993. Les relations ncessaires tout acte pdagogique sont caractrises par les cts du triangle. Adoptant la mtaphore du jeu de bridge, Houssaye fait remarquer que, le plus souvent, deux des actants sassemblent alors que le troisime fait le mort , cest--dire quil na plus part au jeu, mme si sa prsence est ncessaire, ses cartes tant visibles sur la table. Le troisime est aussi dsign comme le fou , celui qui a perdu la raison et quon ne laisse pas sexprimer. Trois processus pdagogiques se forment alors, selon celui qui joue le rle du mort : - processus ENSEIGNER : si lenseignant se proccupe davantage du savoir et llve fait le mort (modle classique transmissif o llve na qu engranger passivement les connaissances.) - processus FORMER : si lenseignant se proccupe davantage de llve, le savoir fait le mort et devient accessoire (modle des pdagogies libertaires de Neill ou Hambourg, des pdagogies non-directives de Rogers). - processus APPRENDRE : si llve est directement en rapport avec le savoir et que lenseignant fait le mort , se met nettement en retrait. (modles de Lducation nouvelle, de Freinet, des pdagogies diffrencies proposes par Meirieu (1992), mais aussi de lenseignement assist par ordinateur (EOA) ou mme des cours de formation distance). Si la pdagogie consiste mettre en relation deux sommets du triangle, la didactique exige davantage puisquelle sintresse aux rapports dynamiques sinstallant entre les trois ples. Ds quun dentre eux est nglig, la dimension didactique disparat. Selon Jonnaert (2009), dans ce triangle, ce ne sont plus seulement les sommets ou les cts qui comptent mais la surface dinteraction , qui est lespace de dialogue entre les trois ples. Une relation didactique est tablie dans ces rapports sociaux entre enseignant et lves quand lobjectif est de raliser une action denseignement-apprentissage dans le cadre spatio-temporel de la classe. Pour que les interactions se produisent vritablement entre les trois ples, un contrat didactique va permettre de dfinir les rles de chacun. La principale critique adresse ce modle porte sur la non prise en compte du contexte dans lequel s'inscrit tout acte pdagogique. La notion de triangle va tre remise en cause en franais. Michel Dabne (1995) propose un autre modle, celui de la constellation didactique qui montre linsuffisance (...) de la notion de triangle didactique et la ncessit de son inclusion dans le contexte social et le contexte ducatif prenant en compte non seulement les disciplines de recherche et les matires denseignement mais aussi les reprsentations et les pratiques sociales de la langue, des textes et des discours . 21 Savoir lve(s) Enseignant Processus enseigner Processus apprendre Processus former La constellation didactique. Dabne, M. (1995). 2.3.2. Les caractristiques du contrat didactique Guy Brousseau 26 (1986) montre que les situations d'enseignement/apprentissage sont, de fait, rgies par un contrat trs particulier qu'il nomme contrat didactique . Dans toutes les situations didactiques, le matre tente de faire savoir llve ce quil veut quil fasse mais ne peut pas le dire dune manire telle que llve nait qu excuter une suite dordres. Ainsi se ngocie un contrat didactique qui va dterminer explicitement pour une part, mais surtout implicitement, ce que chaque partenaire va avoir charge de grer. On appelle contrat didactique, lensemble des comportements de lenseignant qui sont attendus de llve, et de lensemble des comportements de llve qui sont attendus de lenseignant (...) Ce contrat est l'ensemble des rgles qui dterminent explicitement pour une petite part, mais surtout implicitement, ce que chaque partenaire de la relation didactique va avoir grer et dont il sera, d'une manire ou d'une autre, comptable devant l'autre. Un des problmes majeurs du contrat didactique est son caractre implicite. l'cole les enseignants et les lves sont censs respecter des accords sur ce que chacun peut et doit faire envers le savoir et envers les autres. Ces accords font rarement l'objet de discussion et de verbalisation. Ils se manifestent donc souvent au moment de leur rupture. Ceci est d au fait qu'enseignant et lves sont lis par ce contrat qu'ils ne maitrisent pas et qui est caractristique de la situation d'enseignement. Si le contrat didactique est transgress par l'un des partenaires c'est alors qu'il devient manifeste comme dans les problmes dits d'ge du capitaine 27 . 26 Brousseau, G. (1986). Fondements et mthodes de la didactique des mathmatiques , in : Recherches en didactique des mathmatiques, 7.2. Grenoble : La Pense sauvage. 27 On a propos 97 lves de CE1 et CE2 le problme suivant : Sur un bateau il y a 26 moutons et 140 chevres. Quel est l`ge du capitaine? 22 Un contrat didactique mal pos ou incompris est l'origine de beaucoup de malentendus(cf.2.3.7) chez les lves qui ne savent pas ce qu'on attend d'eux. Ces malentendus gnrent des difficults chez l'enseignant et les lves. Lide de contrat ne peut donc pas tre prise ici dans le sens habituel de convention conclue au terme de ngociations entre partenaires qui sentendent sur un projet et ses rgles pour une dure donne . Il semblerait au contraire que le contrat didactique ne puisse pas figer des rgles permanentes pour chacun des ples, ce qui irait lencontre non seulement de lasymtrie des rapports aux savoirs (lenseignant en sait toujours plus que llve et cest lui qui dcide du degr de son intervention) mais aussi lencontre dun dynamisme fond sur les changements du rapport au savoir (llve doit faire voluer ses connaissances dans une rupture par rapport au savoir initial). Le rle du contrat didactique est donc bien de gnrer ces changements et donc dvoluer lui-mme en fonction de ceux-ci sur le temps court de la relation didactique. En outre, par le contrat didactique, toute une srie de rgles implicites et explicites seront mises en place selon la coutume de la classe , la dcision de lenseignant, mais aussi en fonction du milieu scolaire, de la logique professionnelle de ltablissement et de la logique organisationnelle du systme scolaire de ltat ayant une influence spcifique. Le contrat didactique mettra en quilibre ces rgles dans le respect des diffrents partenaires et permettra chacun de mieux comprendre ce quil peut attendre de lautre. 2.3.3. Les situations didactiques Selon la thorie des situations didactiques de Brousseau (1986), trois niveaux permettent de faire voluer la relation didactique dans le temps. Au premier niveau, lenseignant propose une situation didactique : il y affiche clairement son objectif de faire apprendre en proposant une activit dont il expose les rgles. Llve sait quil aura dcouvrir un nouveau savoir. Prenons lexemple en CE2 dune squence sur la dcouverte et lutilisation du dictionnaire. Lenseignant aura mis en place une situation particulire lissue de laquelle les lves auront appris se servir du dictionnaire. Au deuxime niveau, vient la situation a-didactique. Au sein mme de la classe, llve a reconnu une situation o il peut rinvestir ses acquis, il est conscient que sa connaissance sera efficiente pour raliser une tche et que son action spontane rpondra aux attentes de lenseignant : il ira par exemple chercher un mot dans le dictionnaire pour comprendre son texte de lecture. Il y a eu opration de transfert des connaissances sans intervention du maitre cette fois. Au troisime niveau, la situation est non-didactique : dans la vie quotidienne, lenfant saura trouver une solution son problme grce ce quil a appris en classe. Le maitre napparait plus ici, mais le savoir est transfr : llve de CE2 saura chercher dans le dictionnaire familial un mot entendu la tlvision. Or comment sopre vritablement le passage du savoir savant au savoir enseign 28 , ce que sait vritablement llve au terme dun apprentissage ? Or, parmi les 97 eleves, 76 ont donne l`ge du capitaine en utilisant les nombres Iigurant dans lnonc. Ces rponses absurdes une question absurde montre que les lves ont intgr, comme systme d'attentes, le fait qu'un nonc comprend les donnes ncessaires la rponse sa question et qu'il faut utiliser toutes les donnes d'un problme pour rpondre aux questions poses, or pour l'enseignant llve doit trier ce qui est ncessaire pour la rsolution du problme pos. On est face une rupture du contrat didactique. Vous pouvez vous reporter au livre Baruk, S. (1988). L'ge du capitaine. De l'erreur en mathmatiques. Paris : Seuil. 28 Extrait du titre de louvrage de Chevallard et de Joshua (1991), La transposition didactique. Du savoir savant 23 Cest tout le problme de la transposition didactique . 2.3.4. La transposition didactique en dbat Le savoir enseign nest pas la simple vulgarisation dun savoir thorique (celui du chercheur) ni mme dun savoir expert ou savant(celui du professionnel, musicien, crivain.) : il est un choix socital, institutionnel, fragment pour des raisons de squentialisation des contenus et de progressions lintrieur du systme scolaire. Le savoir enseign est donc une cration originale qui mane autant des autorits politiques, administratives que des didacticiens eux-mmes. Par ailleurs, la difficult, pour une discipline comme le franais, est quelle vise surtout des savoir-faire langagiers dont lenjeu est linsertion dans la socit. Or ces savoir-faire entretiennent des rapports loigns avec les savoirs mtalangagiers trs disparates des chercheurs. . Reuter (1992, p.13) voque une discipline aux contours flous et historiquement mouvants (langue, texte, discours, littrature, image.) et prcise quil nexiste aucun consensus sur les contenus, qu lintrieur de multiples champs thoriques de rfrence diffrentes thories sopposent. Cest ainsi lenseignant dadapter lobjet dapprentissage au contexte de sa classe et au niveau de connaissances de ses lves, dans le cadre des programmes institutionnels, aprs avoir identifi les finalits pour ses lves. 2.3.5. Pratiques sociales de rfrence On appelle pratiques sociales de rfrence , des usages langagiers issus de la vie quotidienne qui vont servir d'exemples, sinon de modles, pour construire des activits dans la classe. Ce type de dmarche didactique a pour objectif de crer des liens entre ce que vivent les lves en classe et leur environnement langagier, au lieu de vivre ces deux espaces de faon spare, comme cela a trop longtemps t le cas. Par exemple, on sappuiera sur des affiches observes sur les murs de la ville ou du village pour crire des textes illustrs dimages, on sappuiera sur des boniments enregistrs au march pour prendre conscience des procds oraux argumentatifs ou des faire-part de naissance ou de mariage pour crire des textes courts informatifs. Au besoin, ces productions crites ou orales pourront prendre place dans une pdagogie du projet (voir le chapitre qui lui est consacr). Les pratiques sociales de rfrence servent donc actualiser les savoir-faire inculqus aux lves, en leur donnant du sens issu des situations relles dans lesquelles ces pratiques prennent place, au lieu de proposer des critres dvaluation bass sur une vision norme de la langue. Une production crite ou orale sera russie si elle rpond aux critres defficacit et de communication que demande la vie courante aux pratiques de rfrence. On voit les consquences, en particulier pour lvaluation, de ce type de rfrence : car lvaluation se rfrera au vcu social et non aux normes scolaires. On entre ainsi dans une rflexion sur la variation, o plusieurs formes linguistiques non normes pourront par exemple tre acceptables et acceptes, si elles font preuve de transparence smantique et defficacit sociale, comme dans une publicit, un titre darticle de journal, une formule rapide de restaurant, etc. au savoir enseign. Grenoble : La Pense sauvage. 24 2.3.6. Le rapport ; les postures ; le malentendu didactique Charlot (1999 : 3) dfinit le rapport au savoir comme l'ensemble (organis) des relations qu'un sujet humain, donc singulier, entretient avec tout ce qui relve de l'apprendre et du savoir : objet, contenu de pense, activit, relation interpersonnelle, lieu, personne, situation, occasion, obligation, etc., lis en quelque faon l'apprendre et au savoir . Cette notion permet : - de substituer au dterminisme sociologique de l'chec et de la russite scolaire, une logique comprhensive en prenant en compte la singularit du sujet et les logiques nourries de son histoire personnelle, familiale, sociale et scolaire qui sous- tendent ses faons de faire - de penser dans le contexte singulier de la situation qui lui est propose, d'envisager des leviers d'action. Le rapport l'criture sert dsigner l'ensemble des relations noues avec l'criture, c'est--dire les images, reprsentations, conceptions, attentes, jugements (Barr-De Miniac, 1997:12) qu'un sujet se construit dans la liaison avec un objet , autrement dit au contact de l'criture elle-mme. Comment ces concepts peuvent-ils aider un enseignant ? Prenons un exemple extrait d'un mmoire de CAPA-SH (Dulac, 2006) : c'est le cas de X, lve de CE1 g de 9 ans, qui nentre dans la lecture quau cours de lanne CE1 aprs avoir redoubl le CP. Pour cet lve de culture tzigane, les valuations l'entre du CE1 montrent qu'il est capable de dchiffrer des mots simples dans une phrase, mais quil nentre pas dans la comprhension littrale d'une phrase et que son temps de concentration dans des tches de lecture est trs court. Le sens qu'il donne au savoir lire est que lire lui servira lire les pancartes sur la route. Les entretiens avec les parents apprennent qu'ils parlent une autre langue que le franais la maison, qu'ils ne savent pas lire et que pour eux cet apprentissage et lassiduit lcole ne semblent pas importants. Cet exemple emblmatique met en lumire la dimension non seulement cognitive, mais psychoaffective et identitaire de l'criture scolaire qui, dans ce cas, peut tre perue par l'lve comme s'opposant sa culture familiale. Ce n'est qu'en comprenant ces phnomnes que l'enseignant pourra envisager des leviers pour permettre cet lve de rentrer dans la lecture. Exercice : 1- Le guide d'entretien suivant est extrait d'une recherche conduite par Barr-De Miniac, C. & Cros, F. & Ruiz, J. (1993) 29 avec des lves de collge. Aprs l'avoir lu, pouvez-vous dgager les intentions du chercheur ainsi que les fonctions des diffrentes questions ? Selon vous, serait-il intressant pour un enseignant d'avoir accs aux rponses produites par ses lves dans cet entretien ? Quelle est la nature des informations qu'il recueillerait ? En quoi ces informations pourraient l'aider dans son enseignement de l'criture avec ses lves ? 1. Si je te dis criture que rponds-tu ? 2. cris-tu ? Quand ? 3. Est-ce que l'criture s'enseigne ? 4. Qui t'a appris crire ? Quand ? Comment ? 5. Quel est ton premier souvenir d'criture ? 6. Est-ce que tu penses que tes professeurs crivent beaucoup l'cole / en dehors de l'cole ? 7. Est-ce que tes parents 29 Barr-De Miniac, C. & Cros, F. & Ruiz, J. (1993). Les collgiens et l'criture. Des attentes familiales aux exigences scolaires. Paris : ESF. p.64. 25 crivent ? 8. Aimes-tu crire ? 9. Prfres-tu crire l'cole ? Hors de l'cole ? 1- En guise de correction, donnons la parole au chercheur : Il s'agit d'un guide d'entretien qui permet de mettre au jour le rapport l'criture des lves. Ce guide cherche mettre au jour leur reprsentation de l'criture, de ses modalits d'apprentissage. Dgager le rle que les lves attribuent leur famille et l'cole pour rendre compte de leurs comptences et de leur intrt en matire d'criture, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif. 2. Voici deux rponses donnes par deux lves la question 1. Si je te dis criture que rponds-tu ? . Pouvez-vous dgager des diffrences de reprsentation de l'criture dans ces rponses ? En quoi ces rponses prsentent-elles des reprsentations diffrentes de l'criture ? M. Vous voulez dire expression ? Ben s'exprimer l'crit c'est beaucoup de choses. ce sont les lettres, les devoirs, les petits mots, quoi ! Et puis, je sais pas. Heu ... les pomes aussi.(p.110) B. Oui ben voil, symboliquement, a reprsente un peu l'cole ... Le scolaire. ... a sert travailler, se cultiver, s'informer, plein de choses, quoi ... Vous trouverez les rponses comment rpondre cet exercice dans ce chapitre. Pour des complments d'information vous pouvez consulter l'ouvrage rfrenc en note de bas de page. Le concept de posture dfinit la manire particulire dont un sujet ngocie la tche qu'il doit accomplir, la manire dont il la comprend, l'interprte, lui donne du sens et s'y implique (Bucheton, 1999). Si nous revenons au cas de l'lve tzigane, nous comprenons la forte corrlation entre son rapport la lecture et la faon dont il va s'engager ou refuser de s'engager dans les tches scolaires de lecture qui lui seront proposes. Les travaux de recherches de Jorro (1999), Bucheton (1999), Croc-Spinelli (2007), sur les postures de lecture d'lves confronts une lecture documentaire ou celle d'un roman de littrature de jeunesse, montrent que si on demande des lves de ragir un passage d'un texte lu, on constate que ceux-ci mobilisent diverses postures de lecteurs : - une posture de lecteur rcitant en rptant littralement des passages du texte lu, - une posture de lecteur interprte quand les lves tablissent des liens avec leur propre vie ou ragissent certains comportements des personnages ou encore quand, de faon plus distancie, ils dploient les implicites, ou apprcient les jeux d'criture littraire, - une posture d'vad du texte quand des liens distendus avec le texte ou une trs forte identification motive les conduise se saisir du texte pour s'vader dans leur propre monde interne. Comment favoriser une circulation entre des postures d'criture ou de lecture varies et adaptes aux situations ? Comment permettre des lves d'adopter une posture distancie, alors que leur rapport au langage est celui de l'immdiatet et de l'affectivit, peu favorable une pense critique comme le montrent les travaux de Bautier, Bucheton ? 26 Selon les rapports aux savoirs construits par les lves, les postures langagires mobilises, les lves peuvent interprter certaines tches diffremment de ce qu'attend l'enseignant ou encore l'enseignant interprte de que fait l'lve diffremment de ce que l'lve a voulu faire. On se trouve alors face une non comprhension du contrat didactique (cf. ch. 2.3.3.) ou pour le dire autrement un malentendu didactique . Comme pour le contrat didactique, il s'agit d'une construction conjointe de llve et de lenseignant (Bautier & Rayou, 2009, p.105). Ces auteurs prennent l'exemple d'une tche frquemment demande aux lves de moyenne section de maternelle : on demande aux lves de dcouper les vignettes de mots, puis de les remettre en ordre pour constituer une phrase. On voit alors le malentendu entre les attentes de l'enseignante qui portent sur les stratgies de lecture permettant la remise en ordre des mots, alors que l'activit de l'lve est centre sur le soin apport au dcoupage. Comment, pour l'enseignant, limiter les confusions entre la tche demande et lactivit intellectuelle sollicite quand les lves ne disposent pas des codes de l'cole ? Exercice : Bautier et Goigoux (2004 : 94) proposent l'exemple 30 ci-dessous, extrait de la transcription des changes entre un enseignant et ses lves de CP : il s'agit d'tudier un phonme. Pouvez-vous identifier l'activit vise par l'enseignant? Pouvez-vous interprter l'erreur de Kvin et la rponse de Farid ? Essayez d'utiliser dans cette analyse les concepts didactiques de ce chapitre. Un jour du mois de septembre, dans un cours prparatoire lors d'une sance relative l'apprentissage de la lecture : La matresse : Pouvez-vous me proposer des mots o lon entend le son [a] ? - Karen : Papa - La matresse : Oui - Farid : Maman - La matresse : Bien - Kevin : Tonton . En guise de correction, donnons la parole aux chercheurs : On peut faire l'hypothse que Farid traite le problme par analogie avec d'autres situations habituelles l'cole maternelle (et dans la vie quotidienne) o la proximit smantique par association est pertinent. Kvin ne parvient pas raliser un traitement exclusif de la dimension phonologique. En d'autres termes, il lui est trs difficile de dissocier la dimension phonologique du langage de ses autres dimensions (smantiques et affectives). Il n'a pas compris que les enjeux de cette sance en termes d'apprentissage portent sur l'identification du phonme a, il y a un malentendu didactique li trs certainement au rapport au langage de cet lve. 30 Cet exemple est extrait de l'article de Bautier, E. et Goigoux, R. (2004) Difficults dapprentissage, processus de secondarisation et pratiques enseignantes : une hypothse relationnelle , in Revue Franaise de Pdagogie, n 148. 27 2.4. Quelques points forts actuels 2.4.1. Le travail en projet La pdagogie du projet existe depuis longtemps : Clestin Freinet en a fix les principes (cf. le chapitre qui lui est consacr), mais il ne la pas invente. De nos jours, elle a t en partie renomme approche actionnelle en didactique des langues, mais elle recouvre la mme intention de dpart : apprendre en faisant ensemble. Il sagit dapprendre une langue (quelle soit nomme maternelle ou trangre ), non pas coups de leons suivre puis apprendre, mais en ralisant un projet commun, engageant des activits linguistiques et langagires diverses. Par exemple, on va organiser un voyage de fin danne la mer : cela va demander quon crive des compagnies de bus pour savoir leurs tarifs, quon contacte des assurances pour le trajet, quon fasse un budget, quon demande des autorisations linspection acadmique et la mairie, quon crive un journal pour raconter le sjour aux parents, quon prpare une exposition pour en faire profiter les autres classes de lcole, etc. Au cours de ces tches, chacun-e trouve sa place suivant ses gots et ses capacits ; on travaille ensemble et lvaluation passe moins par des notes que par la russite du but final et de ses tapes. On a mme une obligation de russite pour avancer, car tout le groupe est mis en danger en cas dchec ou de retard. On a de plus, bien sr, droit lerreur (une tractation peut chouer avec un partenaire), mais surtout on doit surmonter cette erreur et recommencer pour aller plus loin. Ce type de travail est particulirement formateur, on sen doute, car il place llve dans une responsabilit collective ; les apprentissages se font au cours de laction et de la ralisation de tous. 2.4.2. Apprentissage, valuation et comptences Le terme d apprentissage relve de plusieurs dfinitions : tantt il s'agit d'une accumulation passive de connaissances provenant dinformations extrieures (cest ce quon appelle le modle transmissif classique : on apprend parce quon vous transmet des informations sur un sujet donn), tantt il sagit d'une modification d'un ou plusieurs comportements observables en rponse des stimulations nouvelles (cest ce quon appelle le modle bhavioriste de Skinner : on apprend ragir de telle ou telle faon des lments extrieurs stimulants). Parfois aussi lapprentissage consiste recevoir des informations extrieures (comme dans le premier cas) mais qu'on ne va pas retenir telles quelles : on va les transformer (on dit les traiter ) personnellement par laction de facteurs psychologiques, cognitifs ou affectifs (cest ce quon appelle le modle cognitiviste issu des thories du traitement de linformation). Ces divers modles sont lorigine des diverses faons dont nous enseignons dans nos classes et vous pourrez les reprer, ou en reprer des traces, si vous observez des enseignants avec leurs lves. Il faut ajouter cela le fait que lapprentissage est vu aussi comme la transformation danciennes reprsentations que nous nous faisons dun objet de savoir vers de nouvelles reprsentations que nous appelons connaissances (cest la conception constructiviste de Piaget : on apprend en transformant petit petit nos reprsentations). Par exemple, de jeunes enfants ont une certaine ide du cercle avant davoir leur premire leon de gomtrie sur ce thme : cette ide va se transformer en dfinition et en concepts de plus en plus prcis (circonfrence, rayon, aire, etc.) au fur et mesure quils vont avancer dans sa connaissance ; ils vont alors en construire une nouvelle image, qui se 28 transformera de nouveau quand ils aborderont la sphre, etc. On assiste alors un processus rflexif et cratif de lapprenant sur ses propres acquisitions. Cette conception sest enrichie par la prise en compte de lenvironnement et des interactions avec toutes les personnes (enseignant, camarades, parents, milieux extrieurs, etc.) appeles mdiateurs qui incitent lapprenant rflchir sur ce quil vient dapprendre (cest la conception socioconstructiviste de Vygotsky et Bruner). Quoi quil en soit, une des tches de lenseignant est de vrifier le rsultat de lapprentissage pour orienter ses choix didactiques et tablir sa progression qui dpend du degr dacquisition des lves. Lorganisation rflchie d'une progression spcifique la classe (dans le cadre prescrit par les programmes nationaux) sera troitement lie aux diffrentes valuations indiquant les performances des lves. Tout d'abord il est distinguer l'valuation vise formative de l'valuation vise certificative - L'valuation diagnostique se situe en dbut de squence. Elle a pour fonction, avant de dbuter un apprentissage, de recueillir les reprsentations initiales des lves, d'identifier les acquisitions et les difficults ventuelles des apprenants, danalyser leurs besoins. Elle fournit des repres aux enseignants pour organiser la suite des apprentissages et proposer des situations didactiques qui soient adaptes aux besoins de leurs lves, autrement dit des situations qui se situent dans leur zone proximale de dveloppement 31 (cf. 1.3.5). - L'valuation formative se situe, contrairement aux deux autres modalits valuatives, en cours d'apprentissage. Elle a pour fonction d'aider l'lve apprendre. Elle suppose une orientation vers des tches complexes et une conception formative de l'erreur. Celle-ci s'oppose la conception de l'erreur comme faute qui a longtemps prvalu l'cole. En effet, pendant longtemps, les erreurs commises par les lves ont t considres comme des fautes qui tmoignaient de leurs faiblesses qu'il fallait sanctionner. Depuis l'apport des thories constructivistes et des travaux de la didactique, on sait que l'erreur est consubstantielle au processus d'apprentissage. Elle n'est plus considre comme une lacune mais comme une production par laquelle l'lve manifeste ses reprsentations, son mode de raisonnement, ainsi que ses rsistances. Pour l'enseignant, il s'agit de chercher comprendre les erreurs, de mettre en vidence les reprsentations que les lves se font de la tche, de comprendre les dmarches dapprentissage de chaque lve, d'valuer la pertinence des situations qu'il propose. L'valuation formative permet l'lve, grce l'lucidation des critres de ralisation des tches ou des critres de russite, d'identifier les procdures suivre pour atteindre les objectifs viss, de l'aider planifier ses faons de rsoudre les tches demandes, ou d'apporter des modifications ses faons de faire. Le critre de russite concerne le produit fini et permet l'lve de rpondre la question : quoi je vois que mon produit est russi ? Le critre de ralisation caractrise la dmarche qui permet la ralisation du produit russi et c'est ce qui permet l'lve de rpondre la question : qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour russir la tche demande ? . Cette modalit valuative accompagne donc l'lve dans la rgulation de ses apprentissages. 31 C'est la distance entre le niveau de dveloppement actuel tel qu'on peut le dterminer travers la faon dont l'enfant rsout des problmes seul et le niveau de dveloppement potentiel tel qu'on peut le dterminer travers la faon dont l'enfant rsout des problmes lorsqu'il est assist par l'adulte ou collabore avec d'autres enfants plus avancs (Vygostki, 1985). 29 L'valuation formative sert aussi pour l'enseignant mettre en place la remdiation ncessaire certains lves. Elle permet ainsi non seulement lenseignant dadapter les conditions denseignement, mais aussi llve dadapter son apprentissage. (Allal, 1991) . - L'valuation sommative se situe au terme d'une squence d'apprentissage. Elle permet en fin de squence dtablir un bilan des acquisitions et donne un repre llve sur les progrs accomplis. Il sagit galement de mesurer si les objectifs denseignement sont atteints. En effet, lenseignant vrifie ici la validit de ses choix didactiques et peut les rajuster en fonction des rsultats obtenus, notamment lors des squences suivantes. Les apprentissages demandant du temps, le rsultat de lvaluation sommative ne peut tre que partiel. Cette valuation s'appelle certificative quand elle se fait en fin de formation et qu'elle dbouche sur la dlivrance d'un diplme (Bac laurat). Ainsi lvaluation permettra de dterminer les comptences de llve. Lorigine de la notion de comptence provient du modle behavioriste et a t thorise par B.S. Bloom dans les annes 1960 aux tats-Unis pour voquer les activits mentales ralises dans une tche industrielle. Il sagissait alors de former les ouvriers en dcoupant et analysant les diffrentes tapes du travail. Le monde de lducation critique, depuis les annes 90, cette parcellarisation des tches et des situations et la perte de sens qui en dcoule pour dfinir la comptence comme un savoir-faire complexe qui permet d'accomplir une activit complexe. la diffrence de l'objectif pdagogique qui dsigne ce que l'lve doit apprendre, la comptence dsigne les comportements potentiels (affectifs, cognitifs et psychologiques) qui permettent un individu d'exercer efficacement une activit considre gnralement comme complexe 32 "La comptence est la mobilisation ou l'activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donnes" 33 Le Boterf distingue plusieurs types de comptences : des savoirs thoriques (savoir comprendre, savoir interprter), des savoir-faire procduraux (savoir procder, savoir oprer), des savoir-faire exprientiels (savoir y faire, savoir se conduire), des savoir-faire sociaux (savoir se comporter, savoir se conduire), des savoir-faire cognitifs (savoir traiter de l'information, savoir raisonner, savoir nommer ce que l'on fait, savoir apprendre). En France, il existe un rfrentiel institutionnel de comptences : le socle commun de comptences et de connaissances qui dfinit en termes de connaissances, de capacit et d'attitudes les comptences que l'lve doit maitriser la fin de la scolarit obligatoire (cf. 5.5). Cest travers des objectifs linguistiques cibls (ce qui veut dire quon pourrait organiser diffremment les progressions dans les programmes et donc dans les classes) que nos lves sont valus en franais. En France, ce sont les types de discours qui ont guid lcriture des programmes officiels, et donc les apprentissages des lves. Exercice 1: Vous dterminerez quel type d'valuation (diagnostique, formative ou sommative) correspondent ces situations. Situation 1 : En CM2, lenseignant dicte un texte de 10 lignes au prsent contenant des verbes en -yer, -eter, -eler. Situation 2 : En GS, lenseignant, en prsentant un nouvel album, demande aux lves sils connaissent dautres ouvrages de cet auteur. 32 Reuter, . (2007). Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques. Bruxelles : De Boeck. p. 67. 33 Le Boterf, G. (1995). De la comptence, essai sur un attracteur trange. Paris : Editions d'organisations. 30 Situation 3 : En PS, lenseignant demande llve de chanter et mimer le premier couplet de la comptine de l lphant . Situation 4 : En CP, lenseignant demande de dessiner lpisode de lhistoire qui vient dtre lue. Situation 5 : En CM1, lenseignant demande comment on peut faire pour trouver le sens du mot ininflammable . Situation 6 : En MS, lenseignant demande llve de raconter lalbum du dbut la fin en saidant des illustrations. lments de correction : Situation 1 : valuation sommative (une valuation diagnostique naurait cibl que les verbes) Situation 2 : valuation diagnostique Situation 3 : valuation formative (la comptine est en cours dacquisition) Situation 4 : valuation formative (le rcit nest pas connu entirement) Situation 5 : valuation diagnostique (pour savoir ce que savent dj les lves des prfixes et suffixes) Situation 6 : valuation sommative (le rcit est connu en entier) Exercice 2 : Vous dterminerez quel type d'valuation correspond la situation prsente ci-dessous extraite de Obin, J.-P. & Veslin, J. & Cardinet, J. (1992, p.89) 34 . Est-ce que l'valuation de l'enseignant prsente dans la partie : Analyse du travail de Mathieu porte sur le produit ou sur la dmarche de l'lve ? Quelle est la fonction des retours faire l'lve prsents dans la partie Quels retours lui faire ? 34 Obin, J.-P. & Veslin, J. & Cardinet, J.(1992). Corriger des copies, valuer pour fomer. Paris : Hachette ducation. 31 Vous trouverez comment rpondre cet exercice dans ce chapitre. Pour des complments d'information vous pouvez consulter l'ouvrage rfrenc en note de bas de page. 2.4.3. Les diffrents types de discours Lnonc, texte oral ou crit, plus ou moins long, produit lors de lacte dnonciation dun metteur sadressant un rcepteur dans un cadre spatio-temporel particulier se caractrise par sa cohrence globale qui dpend de facteurs smantiques et syntaxiques : rptitions des mmes lments smantiques repris par des substituts ( llve dort, le matre le rveille, ce dernier est en colre.), progression de linformation par apports dlments nouveaux sur le thme ( Il a envie de donner une punition.se ravise..reprend son cours.), enchainements logiques des informations qui ne doivent pas se contredire (.Le poisson ne mord pas ce matin, un triangle a trois cts. : incohrence par rapport au dbut du texte.) Au dpart, Adam sest demand, dans une rflexion trs novatrice : quoi sert ce que je dis ou ce que jcris ? quelle intention daction ai-je sur celui qui va recevoir mon texte ? Il a ainsi tabli une premire typologie, selon quun texte sert raconter, expliquer, etc. et a distingu : les types narratif, descriptif, explicatif ou informatif, injonctif, argumentatif, conversationnel ou dialogal, potique. Puis il a lui-mme 35 critiqu cette premire typologie des textes, qui rduisait la diversit 35 Dans larticle de Adam, J.-M. (2005). La notion de typologie de textes en didactique du franais. Une notion dpasse ? . Lille : Recherches n42, 11-23. 32 des ralisations discursives en ne sintressant qu leur fonction. En effet un texte possde une dominante (narrative ou argumentative, par exemple) mais il contient aussi diffrentes squences (sous-ensembles de phrases) qui peuvent correspondre dautres objectifs (dans un rcit, on trouve des passages de description, des dialogues, des argumentations, etc.). Lidentification de la dominante du texte peut mme parfois se rvler problmatique. Or, un texte se comprend aussi dans une situation de communication particulire, un contexte nonciatif socio-historique et culturel qui motive sa production et son interprtation. On parlera alors de discours qui correspond la modalit nonciative dans laquelle se produit lnonc. Adam propose alors la notion de genre du discours (cf.5.3) celle de type de textes: - Genres narratifs (prototypes : conte, fable, etc.) - Genres de largumentation (prototypes : plaidoyer, dbat, etc.) - Genres de lexplication (prototypes : conte tiologique, notice explicative, etc.) - Genres descriptifs (prototypes : portrait, petite annonce de vente, etc.) - Genres conversationnels (prototypes : la lettre personnelle, administrative, linterview, la pice de thtre, etc.) Adaptes au contexte scolaire ces approches permettent de donner des repres qui vont aider les lves se reprsenter lnonc oral ou crit produire. 2.4.4. Normes et variations La problmatique de la norme est assez rcente et bouleverse le monde enseignant propos des langues. En effet, pendant longtemps on sest content de dcider si telle forme crite ou orale produite par un lve ( jai t la noce , y en de beaux , quand cest quon mange ? , il fait chaud, voire mme trop chaud , etc. ) tait correcte ou incorrecte , voire de faon encore plus traditionnelle juste ou fausse . Et il tait facile de noter, (voir le chapitre sur lvaluation) de barrer, de corriger . Cela vaut bien sr autant pour le franais que pour les autres langues, dites trangres. On a donc enferm la (ou les) langue(s) de lcole dans un carcan de rgles respecter que personne bien sr ne respecte . sauf lcole elle-mme - on tourne en rond. Le rsultat ? les lves franais sont parmi les plus mauvais dEurope en langues : force dacadmisme jamais assimil et inutile, on les a dtourns des langues et de leur apprentissage. Or que nous disent les pratiques sociales que nous pouvons observer tous les jours autour de nous ? que les titres des journaux sont des phrases sans verbes, quune publicit peut commencer par une relative sans principale et tre totalement comprhensible, quon peut lire dans un sms tkt au lieu de ne tinquite pas et qu'on est compris, etc. Quest-ce dire ? que toutes ces formes rencontres quotidiennement sont fausses ? ou plutt quil nexiste pas une norme, une faon de bien crire et bien parler, mais plusieurs quon appelle alors variations . On avancera mme lide que bien possder une langue, cest savoir en adapter les lments crits et oraux la situation de communication et aux auditeurs ou lecteurs qui on sadresse : rien nest donc en soi juste ou faux mais adapt ou non adapt une situation donne. Cest donc la russite de la communication dans cette situation qui permet de dcider si la variation choisie par le locuteur ou le scripteur est bonne ou moins bonne . 33 2.4.5. Curriculum Depuis les annes 70, l'emploi du terme de curriculum s'est dvelopp, dans l'optique de reconstituer la culture scolaire dans un contexte alors li aux enjeux thiques et conomiques de la dmocratisation des tudes longues et de la massification scolaire. Le terme de curriculum (cf. Dumortier, 2010) dsigne la structuration d'un projet ducatif l'chelle d'un pays : ce concept met l'accent sur le fait que les contenus d'enseignement sont le produit d'une slection sociale et politique dans un ensemble de possibles, le produit d'une construction scolaire et ce pour tous les contenus disciplinaires. Plus prcisment, cette structure qui existe dans tous les pays dfinit les contenus, les rles des acteurs de l'ducation et leur rpartition, les objectifs des diverses formations et leurs principes pdagogiques. Il dfinit galement les supports didactiques, des pratiques, les procdures d'valuation des rsultats, ainsi que les profils de sortie des formations et les phases de ralisation du plan. Pour le didacticien d'une discipline particulire, le curriculum dsigne tout ce qu'il faut faire, au cours de la scolarit obligatoire, pour rendre possible l'appropriation par les lves des contenus de la discipline en question. Ainsi, un enseignant, travers le programme d'une anne, participe la ralisation de ce plan inscrit dans les contextes de son tablissement mais aussi de l'institution scolaire et de la socit. Ses squences didactiques sont des maillons intermdiaires de cette ralisation d'ensemble. Nous conclurons sur le fait que les curriculums varient selon les pays. Par exemple, les dcoupages de l'enseignement primaire, secondaire, suprieur diffrent : l'cole maternelle n'existe par exemple pas en Allemagne, la dure du collge peut tre de trois ans comme en Algrie, alors qu'elle est de quatre anne en France. Un autre exemple de variation est la possibilit pour un lve de redoubler ou pas une classe dans son cursus scolaire. Pour finir, dans de nombreux pays, c'est un examen terminal qui sanctionne la fin de l'enseignement secondaire et dtermine la poursuite d'tudes suprieures, alors que dans certains pays, comme la Sude, il s'agit d'un contrle continu. 34 CHAPITRE 3 - MONDE DE L'CRIT, MONDE DE L'ORAL Les enseignants ont lhabitude, pour se simplifier la vie, de sparer les activits crites et orales dans la classe : ils sparent ainsi les exercices, les notations, les moments de classe consacrs lun ou lautre monde. Il est vrai que les langues trangres nous ont habitus, par exemple, aux 4 domaines de comptences : lire / crire (rception / production lcrit), parler / comprendre (production / rception loral). Mais cette simplification va lencontre la fois de ce qui se passe dans la vie courante (on a souvent besoin de tlphoner, puis dcrire la mme personne pour confirmer une demande ou une rclamation) et dans les formes scolaires complexes (il faudra ds le lyce apprendre couter et prendre des notes en mme temps, deux pratiques orale et crite simultanes). Il serait donc profitable, didactiquement parlant, de mler ds les plus jeunes ges, les activits crites et orales pour que les enfants, et plus tard les adolescents, shabituent leur complmentarit et leur co-dveloppement. Par exemple, on apprendra rsumer lcrit un dbat quon vient de mener en classe, rapporter oralement sur un travail de groupe dbouchant sur un texte crit, commenter une exposition de pomes crits par la classe, etc. Ainsi les deux domaines ne seront plus spars, voire opposs : ils se dvelopperont de faon complmentaire et leur interaction sappuiera sur leur spcificit propre. Par exemple, on crit pour quune chose quon vient de dire puisse rester, on parle pour communiquer et chercher plusieurs une solution un problme. Cette complmentarit est particulirement bien mise en valeur dans la pdagogie du projet, o elle simpose par les tches complexes demandes par le projet. 3.1. Le monde de l'crit Les travaux de Lahire (2000) ont mis en vidence les ingalits sociales face l'crit et la place qu'occupe l'accs la culture de l'crit dans la russite scolaire, sociale, professionnelle, dans une socit o lensemble des pratiques sociales (politiques, conomiques, juridiques, religieuses, artistiques, techniques, didactiques...) sorganise autour des pratiques dcriture. Comment permettre l'ensemble des lves, mme ceux issus de milieux o l'crit a peu de place, de s'emparer de l'crit et de ses usages? Commenons par clarifier les spcificits de l'crit. crire dsigne le fait de tracer des signes graphiques codifis, conventionnels pour produire un message signifiant, lisible et comprhensible par un rcepteur. crire fait appel un double processus de formation des lettres et de production de sens. crire ne signifie pas seulement mettre de l'oral sur papier. L'criture n'est pas seulement un changement de modalit de communication ; elle induit un changement de mode de pense du fait de ses spcificits : elle permet, du fait de la permanence des traces de l'crit, d'inscrire, de fixer, d'abstraire et de rendre visible la pense (Reuter, 2011). Ces spcificits vont permettre le dveloppement de pratiques sociales varies. L'enseignement de l'crit doit alors avoir pour contenu les usages de l'crit et leur comprhension. Cette approche culturelle de l'enseignement de l'crit o le savoir crire et lire, coder et dcoder sont des comptences seulement contributives 35 l'appropriation de l'crit (Barr-De Miniac, 1995) s'oppose un enseignement trop souvent exclusivement centr sur les techniques et les codes. Pendant longtemps on n'accdait la lecture de textes qu'aprs avoir appris le code alphabtique, on n'apprenait crire qu'aprs avoir appris lire. Trop souvent l'enseignement de la lecture, de l'criture, de l'orthographe, de la grammaire, de la conjugaison, du vocabulaire ont t apprhends comme des entits spares, sans grande relation. Les univers de l'crit scolaire taient faits de rptitions d'exercices mcaniques peu stimulants, les lves n'avaient que rarement produire des textes complets. En fait, ds la maternelle, des pratiques de lectures et d'critures signifiantes peuvent permettre la dcouverte du langage crit, de ses usages sociaux en mettant les enfants en contact avec diffrents types d'crits (comme par exemple, le livre, l'affiche, le journal, la lettre, la recette de cuisine...) en leur permettant d'en connatre la fonction, de travailler la comprhension et la production de textes crits ainsi que la dcouverte du code crit. Certaines activits de productions d'crits utilisent la dicte l'adulte (l'adulte est le secrtaire du texte labor par les lves), l' criture invente partir des travaux d'Emilia Feirreiro (o les lves s'essaient eux-mmes des activits d'criture alors qu'ils ne savent pas crire) pour dvelopper leur conceptualisation du systme d'criture et leurs rapports l'crit. Pour l'apprentissage de la lecture au CP (contexte franais), Goigoux (2001) identifie quatre composantes impliques dans lenseignement de la lecture qu'il montre indissociables de celui de lcriture : lidentification et la production des mots, la comprhension de textes, la production de textes et lacculturation lcrit . Ce travail est entreprendre ds la maternelle, sans attendre que les lves identifient les mots. Les quatre composantes doivent tre prsentes dans l'enseignement/apprentissage de la lecture ds le CP, pour ne pas sparer code et sens. La question des mthodes d'apprentissage de la lecture a encore rcemment fait l'objet de dbats fortement mdiatiss (en 2005, lorsque un ministre veut imposer la mthode syllabique). Il y a plusieurs faons d'aborder l'acte de lire : - des mthodes ascendantes alphabtiques ou syllabiques partent de la plus petite unit, la lettre ou la syllabe associe un son pour conduire au dchiffrage de mots puis par la suite de phrases, - des mthodes descendantes axes sur la construction de sens en donnant la priorit la mmorisation des mots, lanticipation, la formulation dhypothses, - une mthode mixte o l'on vise construire la connaissance du code la fois par lanalyse et par la synthse des lettres et des syllabes (mthode aujourd'hui la plus utilise). Aujourd'hui les chercheurs en didactique de la lecture s'accordent prsenter la lecture comme une activit complexe qui ncessite de travailler de faon simultane et interactive les quatre dimensions prsentes ci-dessus et qui ne se limite pas au dcodage en lecture. La langue crite est composes de graphmes composs de une ou plusieurs lettres : ch, eau, ot, ant ... Ces graphmes servent transcrire les sons de la langue franaise appels phonmes et transcrits entre crochets : oe, , y, ... ils sont runis dans l'API (alphabet phontique international). On appelle dcodage en lecture l'activit qui consiste passer des graphmes aux phonmes. 36 . . Il ne suffit pas en effet d'en avoir dcod les mots pour saisir le sens d'un texte. 36 Voici un exemple du systme de conversion graphmes / phonmes ncessaire au dcodage du mot chapeau, form de quatre graphmes et de quatre phonmes : ch a p eau a p o a p o. 36 Nombreux sont les lves qui restent dans cette croyance. Certaines pratiques traditionnelles, comme les questionnaires crits, valuent la comprhension au lieu de l'enseigner. En revanche, travailler la comprhension en lecture suppose de rechercher des dispositifs qui favorisent la construction de sens, notamment les infrences qui sont des oprations logiques de dduction qui consistent, partir d'indices prsents dans le texte, rendre explicite une information qui n'est qu'implicite,. pour mettre en lien diverses donnes du texte. Cependant il ne suffit pas de favoriser l'activit infrentielle pour travailler la comprhension. Il est ncessaire d'accompagner la progression dans le texte d'une activit de retour sur sa lecture, de contrle par le lecteur de la pertinence de ses premires infrences avec l'arrive de nouvelles donnes pour les valider ou les faire voluer. Goigoux montre que les mauvais compreneurs ne remettent pas en cause les les reprsentations errones qu'ils se forgent ds les premires pages d'un livre. Ces dispositifs privilgient la reformulation ou les changes oraux entre lves sur des questions portant sur l'implicite, l'accs au sens peru, travers des interactions entre lecture, oral et criture. Insistons sur l'interaction entre la lecture et l'criture pour mettre en relief le fait que l'exprience du travail d'criture favorise la conception de la lecture comme moyen de communication entre un auteur et un texte. Rciproquement, la lecture nourrit le processus d'criture, dans les diffrentes phases du projet d'criture, dans la planification, la production ainsi que dans la rcriture. Les travaux portant sur l'criture comme processus se sont intresss aux brouillons d'crivains et aux brouillons d'lves (Fabre-Cols, 2002) pour montrer l'importance de la place de la rcriture dans le processus mme d'criture. La rcriture en tant que pratique transformatrice du matriau est distinguer de la correction. La rcriture suppose, de la part d'un lve, des oprations de suppression, d'ajout, de dplacement, de substitution et favorise une activit mtadiscursive, une activit de retour sur le fonctionnement du discours. Vous trouverez ci-dessous une activit qui vous permettra de connaitre diverses situations d'criture dans les classes et de les mettre en relation avec les concepts que nous venons de dfinir. Excercice: Dans les 5 cas suivants, quelles situations vous paraissent favoriser l'entre dans la culture crite l'cole et son appropriation ? Justifiez vos rponses. Cas n1 37 : Voici un extrait de manuel de lecture. Un maitre de CP l'utilise exclusivement pour travailler l'apprentissage de la lecture dans sa classe. Ses sances suivent la trame prsente dans l'extrait de manuel scann ci-dessous. 37 extrait de : Houblain, L.& Raymond,V.& Paturaud,V. & de Sagazan, B. (ed. 2011). J'apprends lire avec Daniel et Valrie. Paris : Nathan. p.3. 37 38 Cas n2 38 J-P. Jaffr (2000) prsente, dans l'article rfrenc en bas de page, une situation d'criture recueillie, en grande section de maternelle, au mois de novembre. la mi-novembre, une vingtaine d'enfants visite une exposition consacre aux uvres d'Aristide Caillaud, un peintre naf contemporain. 4 jours plus tard, ils crivent leurs impressions, aprs en avoir explicit le contenu lors d'une brve phase prparatoire. Emmanuel propose d'crire J'ai aim les peintures d'Aristide Caillaud et les fleurs , ce qui va lui prendre environ 8 minutes. Il commence par crire la date et comme l'atelier se droule le vendredi, il trace de mmoire VEN. Son voisin qui regarde ces trois lettres, ragit aussitt : C'est pas a ... c'est lundi qu'on a t l'exposition. Emmanuel en convient et prend donc une nouvelle feuille, hsite un instant puis va chercher l'tiquette LUNDI, qu'il recopie. Il hsite nouveau et dit avoir un problme avec la date. On l'aide par consquent trouver la bonne date - le 9 en l'occurrence - qu'il reproduit l'envers. Il ajoute ensuite NOVEMBRE qui est crit au tableau. Emmanuel s'attaque ensuite au texte qu'il a projet d'crire - et qu'il rpte alors sous sa forme initiale. une phase de prise d'informations graphiques succde une phase au cours de laquelle il va calculer des graphies plausibles, sachant ce qu'il sait alors du fonctionnement de l'crit. (...) Cette phase d'invention graphique est prsente sous la forme du tableau ci-dessous . la fin de l'atelier, Emmanuel relit son texte - phase impose tous les apprentis : Lundi 9 novembre, j'ai aim les peinture d'Aristide Caillaud. Sign, Emmanuel. Quelques apports du chercheur : Cette squence illustre les temps forts des ateliers d'criture avec notamment un comportement aussi autonome que possible des enfants. (...) Emmanuel utilise par ailleurs les sources d'informations disponibles (...) Et surtout, il n'hsite pas produire des solutions apparemment originales mais en ralit conformes aux mcanismes de base de l'criture du franais. (...) Pour crire son texte, Emmanuel utilise trois types de procdures qui sont reprsentatives, des degrs divers de ce que font les lves en GS dans les ateliers d'criture. Au dbut, il recourt la copie.(...) les ateliers d'criture rassemblent de multiples informations orthographiques. Celles-ci sont en gnral 38 extrait de : Jaffr, J.P. (2000). Ce que nous apprennent les orthographes inventes . In Fabre-Cols (Dir). Apprendre lire des textes d'enfants. Bruxelles : De Boeck Duculot. pp.64-66. 39 issues d'activits antrieures, qu'elles soient sociales (lecture de documents ou d'albums, par exemple) ou plus techniques (recherches de mots qui finissent ou qui commencent pareil, classement des prnoms, etc...). Certains mots plus frquents que les autres, et dont les enfants ont plus souvent besoin, sont classs dans des boites, des tiroirs, des fichiers ; d'autres figurent simplement en des lieux accessibles et connus des enfants (un jeu, une recette, une lettre, un livre). Cet exemple permet de montrer comment Jaffr travaille comprendre la dmarche des enfants qui apprennent crire et la nature des oprations cognitives qu'ils utilisent ce moment-l. Cas n3 39 : Maurel, M. & Fabre-Cols, C. (2001)prsentent une situation qui se situe, dans une classe de CP, vers la fin de l'anne scolaire (mars-avril). Cette classe a pour projet d'crire des histoires pour les lves de Grande section de maternelle. Les enfants crivent, par groupe de deux, un premier jet dont la rcriture fait, pour sa communication, l'objet d'un accompagnement par l'enseignante. L'enseignante fournit ensuite deux documents aux lves: une version initiale orthographiquement correcte du texte produit (DOC.1) ; une fiche-guide rsumant sa lecture critique (DOC.2) et proposant quatre questions, quatre problmes rsoudre (...) Vous trouverez, ci-dessous, les deux documents transmis par l'enseignante (DOC.1 et DOC.2) ainsi que la transcription des interactions entre les deux lves lors de l'utilisation de la fiche guide dans un travail de rcriture (DOC.3) Version initiale orthographie correctement (DOC.1) Il y avait une fois deux petites souris qui voulaient faire de la randonne. Mais soudain, la pluie se dclencha. Ils se sont dit : il faudrait se trouver un abri . L'une d'elles se dit : j'ai faim ! . Tout coup, regarde, un chapeau ! . Elles se mirent l'ouvrage ; l'une d'elles trouva un bton. Une fois que le chapeau ft prt, les deux amies firent un feu et s'endormirent . Fiche-guide (DOC.2) mon avis, votre texte est dj un trs bon texte. Vous avez, par exemple, fait parler les personnages et vous n'avez pas oubli les guillemets: tout cela est trs bien. Voici quelques problmes : 1. (...) 2. votre avis, est-ce important pour votre histoire qu'une petite souris dise qu'elle a faim ? Peut-on supprimer cette partie ? 3. Vous avez crit : Tout coup regarde, un chapeau ! Mais on ne sait pas qui prononce ces paroles. Essayez d'ajouter une information pour que celui qui lira votre histoire la comprenne bien. N'oubliez pas que vous tes les auteurs ! 4. (...) Retranscription des interactions entre les deux lves dans un travail de 39 extrait de : Maurel, M. & Fabre-Cols, C. (2001). Fondements et modalits de l'criture accompagne au cycle des apprentissages fondamentaux . In Lidil n23, 165-186. Les nouveaux crits l'cole nouveaux programmes, nouvelles pratiques, nouveaux savoirs. Numro coordonn par Fabre-Cols. 40 rcriture (DOC.3) Mathilde et Manon lisent la troisime question Mathilde : ben, les petites souris Manon : l'une d'elles Mathilde : l'une d'elles dit / regarde un chapeau Manon : tout coup, l'une d'elles dit Mathilde : tu vas le rajouter l Manon : (rcrit tout en lisant) tout coup l'une d'elles dit regarde un chapeau.../ bon c'est bon Mathilde : ben oui Mathilde ( propos du mot dit ) alors, qu'est-ce qu'on pourrait.../ ben/ dit je sais pas.../ faudrait mettre un e ou pas ? Manon : ben/dit non, c'est un t Mathilde : oui / regarde un chapeau / elles se mirent l'ouvrage ... / tu crois que les petits vont comprendre ? les fragments d'avant-texte oral figurent en italiques Cas n4 40 : Un projet de rdaction d'un guide touristique. Cette anne-l les enfants d'une classe de CM2 vont vivre une classe prhistoire en Dordogne.: ds le dbut de l'anne scolaire, l'enseignante intresse les enfants cette rgion, leur propose de demander par courrier de la documentation sur le dpartement, sur la rgion Aquitaine, etc. Bientt la dmarche se gnralise, et les lves vont runir de la documentation sur diffrentes rgions franaises (une quinzaine) ; ils raliseront par la suite, pour chacune d'elles - l'initiation l'informatique aidant -, un dpliant touristique aussi attirant que possible. Ce qui implique : -un ensemble de courriers, raliss par quipe de 2 destins diffrents offices de tourisme rpartis sur l'ensemble des rgions, de faon rcolter un nombre suffisant de dpliants publicitaires pour pouvoir procder leur classement, leur analyse, les constituer en modle de fonctionnement textuel (incluant les variantes remarquables) ; -une collecte d'informations dans des ouvrages de gographie et, dans la mesure du possible, dans des guides de voyage, de faon mobiliser des lectures abondantes et poser le problme de la slection des informations. Une fiche-rfrence du dpliant touristique a t labore par la classe ! Le dpliant touristique ! Forme gnrale Il peut tre en forme de livre (2 volets) Il peut avoir 2, 3, 4 ou 5 volets Il peut se dplier comme une carte routire Le titre ! Sa disposition Il peut tre droit, en arrondi, en escalier, angle droit Il est toujours accompagn d'une photo ou d'une image ! Sa place Il est sur la premire page, le plus souvent en haut On le trouve parfois en bas ou au milieu Il est quelquefois accompagn de sous-titres 40 extrait de : Devanne B. et le groupe lecture-criture de l'Orne (2006). Lire, dire, crire en rseaux. Des conduites culturelles. Paris : Bordas. Pratique pdagogique Cycle 3. 41 ! Ses caractres En majuscules, en gras, en relief et parfois en couleur Les textes et les illustrations ! La quantit de texte (...) Cas n5 41 : J. Boussion, M. Schttke et C. Tauveron (2000 : 126-127) prsentent une situation de classe recueillie dans une classe de CP. l'issue d'une visite au parc de Gvaudan, une classe de CP a pour projet la rdaction d'un texte documentaire sur les loups dans le journal de l'cole. Au moment d'crire les rubriques Disparition du loup et le loup aujourd'hui , l'enseignant conduit une discussion partir de la question : Alors d'aprs ce que vous savez pourquoi les loups ont-ils disparu ? Enseignante - Alors, d'aprs ce que vous savez pourquoi les loups ont-ils disparu ? LVE - ils sont tous morts. Ils n'avaient plus assez manger. On les a tus ... LVE - oui mais on nous a dit qu'on en remettait en libert . LVE - non pas n'importe comment . LVE - et puis il y a longtemps qu'on les a tus ... ENSEIGNANT - vous avez tous raison. On avait trs peur des loups.On les a chasss et tus. Ils ont disparu cause de l'homme. Vous avez tous lu le texte La disparition du loup . Qu'en avez-vous retenu ? Ce que vous venez de dire, mais encore ? LVE - Ils ne mangeaient pas souvent les gens . LVE - Oui mais il ne fallait pas qu'ils les mangent du tout . LVE - Maintenant on saurait se dfendre . LVE - Et aprs il y a plein de renards qui drangent les poules et les lapins. Et aussi les souris. Et puis on a lu qu'il y avait trop de souris et de rats. On pense l'histoire du joueur de flte et des rats partout. Enseignant - Vous avez peur qu'on remette les loups en libert ? LVE - On aurait tous peur . LVE - Oui mais le loup des Vosges n'a mang que des moutons. C'tait en t et il tait tout seul . LVE - Moi j'aurais peur des meutes... ENSEIGNANT - condition d'tre raisonnable, attentif l'quilibre de la nature, en prenant toutes les prcautions, les spcialistes pensent qu'on peut remettre quelques loups. Mais beaucoup de gens sont contre cette ide. (...) Donnons la parole aux chercheurs : Le projet central de l'enseignante est bien de former des enfants lecteurs et producteurs de texte. Pour autant, ou plus exactement pour cette raison mme, il s'attache tout particulirement favoriser les interactions verbales parce qu'il sait qu'elles sont une aide la construction de la pense. Il ne s'agit pas pour lui de faire parler les lves dans un jeu de questions/rponses, mais de les aider verbaliser et changer leur savoir et ce faisant le synthtiser, le recomposer et, sans paradoxe, le construire. (Boussion, J., Schttke, M., & Tauveron, C. ,2000). 41 extrait de : Boussion, J.& Schttke, M., & Tauveron, C. (2000). Lecture, criture et culture au CP. Paris : Hachette. (p.126-127). 42 3.2. Monde de l'oral On peut dire que l'oral consiste communiquer avec un interlocuteur, dans le mme temps et le mme lieu 42 . Ce mode communication est de plus frapp de rciprocit puisque le rcepteur peut devenir interlocuteur et le locuteur rcepteur : les rles sont interchangeables, dans une chronologie linaire. Les mthodes de langues dites trangres ont mis lhonneur loral par leurs mthodes communicatives : cela consiste poser la russite de la communication entre deux ou plusieurs personnes comme prioritaire par rapport la soi-disant correction de la langue employe. Or, comme cest loral que nous communiquons le plus, cette modalit et son tude sont passes peu peu sous les feux du projecteur didactique, y compris pour le franais en zones francophones. On sest en effet rendu compte cette occasion quil ne suffisait pas, contrairement ce quon croyait avant, de parler franais en famille pour comprendre tout ce quon vous dit, voire pour faire des progrs loral ou russir les tches orales demandes par lcole. Cest ainsi que le besoin denseignement de loral sest peu peu impos dans toutes les classes et tous les niveaux, sopposant au prjug selon lequel nauraient eu besoin de leons doral que les trs jeunes enfants et les trangers (rsultats dune enqute sur les reprsentations de loral, que nous avons faite en 1999). Mais que veut dire enseigner loral ? ou son pendant apprendre loral ? On se heurte ici une deuxime srie de prjugs, rduisant souvent loral laction de parler . Il sagirait alors de faire parler mieux les lves, de rparer leur vocabulaire pauvre et leurs phrases incorrectes : paroles courantes denseignants ., qui confondent souvent crit et oral, qui jugent loral laune de lcrit et qui pensent que cest en faisant des phrases correctes quon se fait le mieux comprendre . Autant de questions sur lesquelles la didactique de loral sest attache apporter des rponses peu en accord avec ce que pensent les non spcialistes. Quels sont donc les principes de cette didactique de loral ? Nous allons les rsumer en quelques points synthtiques dont vous excuserez le ct schmatique et que notre bibliographie vous aidera approfondir si ce sujet vous intresse : 1 - l'oral est un monde (cf. Peytard, Halt JF), comme lcrit, fait de plusieurs dimensions en interaction les unes avec les autres, et qui sont loin de se limiter des comptences linguistiques. On y produit (parler), on y coute (comprendre), on y change (interagir), on sinfluence lun lautre, on fait des sous- entendus (importance des implicites), on profite de connivences, de rappels de ce qui est connu et commun, on sappuie sur des situations de communication dans lesquelles sinscrivent ces changes. Dans ce cadre, les gestes ou le silence peuvent tre des actes de loral au mme titre que les paroles elles-mmes, quil faut autoriser, voire encourager dans la classe. 2 - l'oral, ce n'est donc pas savoir parler mais au moins autant savoir couter . Et cela sapprend, cela sentraine, cela svalue, cela se dveloppe, au mme titre que la production verbale. Les activits de rception (couter et comprendre), trs faciles organiser en groupe, devraient donc constituer une bonne moiti des sances doral, trop denseignants se plaignant de ne pouvoir organiser ces sances sous prtexte quils ont des classes trop nombreuses ! On 42 Bien sr, cette dfinition de dpart ne tient pas compte des avances technologiques, qui perturbent les frontires de dpart entre oral et crit. On peut, par le tlphone ou le magntophone par exemple communiquer oralement avec un interlocuteur qui est lautre bout du monde. 43 peut pourtant couter 10 comme 50 un texte lu, une information enregistre la radio, une chanson ou un conte issu-e dun disque, une conversation enregistre dans un lieu public, un entretien, une mission de tl, un document sonore disponible sur internet, etc. 3 - l'oral a une vie propre, ct de l'crit, mais pas au-dessous de lcrit ou pour servir lcrit. En dautres termes, lcole, on napprend pas parler POUR savoir crire ; on apprend parler ET crire. Et il faudra poursuivre lapprentissage de loral au-del de laccs lcrit. Alors que, malheureusement, les activits orales sont riches et inventives dans les petites classes ; puis elles diminuent, voire disparaissent souvent partir de 7-8 ans dans les classes, pour rapparaitre (en France) au moment du Brevet des Collges et de loral du Baccalaurat : moments un peu tardifs pour se rendre compte que nos lves sont mauvais loral , nont pas appris parler et que lcole leur a au contraire appris se taire ! 4 - l'usage de l'oral est une activit minemment sociale, partage par tous, qui prend ses modles dans la vie de tous les jours (convaincre, raconter, dbattre, sinterroger, expliquer, discuter) mme si certaines de ses utilisations sont particulirement dveloppes lcole : expliquer, analyser, questionner, par exemple. Il conviendra donc de partir des expriences vcues par les lves pour les amener rflchir sur les activits orales, leurs fondements, leurs qualits. Par exemple, on partira de situations courantes : comment convaincre ta maman de te donner de largent de poche ? diras-tu la mme chose pour convaincre ton papi ou ton grand frre ? . On mettra ainsi laccent sur linterlocuteur, sur sa demande et son coute - bref on abordera tout de suite et sans le dire les variations de loral. Bien crire na rien voir avec bien crire , car on ne raconte pas de la mme faon lcrit et loral, on nargumente pas de la mme faon, etc. 5 - dans ce foisonnement, quelle progression suivre ? plusieurs solutions sont possibles. On peut suivre le programme de lcrit et envisager les diverses faons (avec leurs deux versants rception / production) de raconter, dcrire, expliquer, argumenter, etc., selon ce quon appelle la typologie des textes , suggre par JM Adam, aborde au primaire en France, puis reprise au collge (cf.4.3). On peut aussi partir des actes de langage de la vie courante (demander, raconter, se demander, expliquer, faire rire, poser une question, contredire, mouvoir, objecter, se prsenter, etc., la liste est infinie) et en travailler quelques-uns loral, en voyant les nombreuses varits discursives et les procds linguistiques utiliss (formes ngatives, champ lexical, mots interrogatifs, structure des phrases, tournures de mise en relief, etc.). On peut aussi choisir la mthode genevoise des genres sociaux et partir de situations sociales : couter / raconter un conte, couter / faire une interview, suivre / diriger un dbat tlvis, etc. qui, tudis et dcortiqus, vont ainsi servir de modles pour construire des schmas structurels de base, faire voluer suivant les annes, les ges et les niveaux (cf.5.3). On peut enfin ne rien prvoir du tout et se laisser guider par les besoins issus de la pdagogie du projet, si cest par projet quon prfre travailler. 6 - Il est trs important d'valuer l'oral (cf. notre chapitre sur lvaluation) au mme titre que lcrit, ou que la rencontre crit / oral, dans les comptences de rception et de production : dans chaque cas, il faut expliciter aux lves le but poursuivi ( aujourdhui on va apprendre dire quelquun quon nest pas daccord avec lui, mais sans le vexer , ou aujourdhui, on va apprendre couter une fois une histoire et en retenir 3 lments essentiels ) pour quils sachent ce quon va valuer ou noter dans leur travail. 44 En quoi consiste alors la comptence orale ? Elle consiste savoir sadapter et adapter son message celui qui je parle et la situation de communication (concrte et symbolique) dans laquelle nous nous trouvons. 3.3. crit/oral, les interactions 3.3.1. Les particularits de l'oral Du latin os, oris , le terme oral se rapporte ce qui se produit par la bouche et plus particulirement par lappareil phonatoire : larynx, pharynx, bouche et nez. Le langage oral a la particularit dtre produit et peru en simultan par lmetteur qui peut donc exercer un contrle sur sa production. Historiquement ltre humain est pass de lmission vocale indistincte de sons lmission articule de voyelles et de consonnes (ralisations acoustiques tangibles appeles phones) et leur combinaison travers les syllabes et leurs regroupements qui vont produire un sens. Le langage oral peut tre considr comme un flux verbal linaire passant par un codage linguistique (choix syntaxiques, lexicaux.) et un codage prosodique constitu : - par l'intonation (montante dans les phrases interrogatives, descendante en fin de phrases dclaratives, etc.) Elle organise les tours de parole dans une conversation et facilite les interactions. - par l'accentuation qui met en relief selon lintensit (mesure en dB), la dure (mn) et la hauteur (Hz) de certaines syllabes, mots ou groupes (comme cest le cas en franais o les mots ne sont pas isols par un accent propre). - par le rythme qui est produit et peru par lalternance des accents et des pauses crant des groupes rythmiques (en moyenne 3 10 syllabes composant un syntagme termin par un accent) et des groupes de souffle. Dans lexemple ci-dessous, on a soulign les syllabes accentues dans les groupes de mots et marqu par des / les pauses qui sparent ces groupes. Il faudrait ajouter cela par des courbes la monte et descente puis remonte de la voix pour marquer linterrogation : Dis-moi / tu sais que jessaie de dormir ? / fais un peu moins de bruit / sil te plait ! . Les bruits lointains de la rue / bercent mes penses. Quand on pense que certaines personnes disent encore que le franais na pas daccents ! Mais la prise de parole ne se limite pas lutilisation de moyens linguistiques et prosodiques, le langage corporel, avec les gestes, les regards, les mimiques faciales, les postures, viendra ajouter des informations au cours de linteraction communicative. Souvent, au-del de laspect universel des signaux non linguistiques (rires, silences.), le dcodage ncessite une connaissance culturelle. (soupirs et reniflements sont des banalits pour les Japonais, mais indisposent les Franais). 45 3.3.2. Les distinctions oral/crit Elles peuvent tre dordres diffrents : - selon les conditions d'utilisation : La communication orale est immdiate entre les interlocuteurs et la situation spatio-temporelle permet de poser des rfrents communs qui nauront pas besoin dtre voqus explicitement, mais qui pourront tre ventuellement dsigns par des gestes. ( Tu peux me le donner ? Les pronoms ici utiliss sont compris dans le contexte particulier de cette conversation. On les appelle les dictiques). Il y a donc conomie de moyens linguistiques. La communication crite est coupe de la situation de communication aussi bien dans le temps que dans lespace, elle ncessite donc une prcision sur les rfrents que le rcepteur ne connat pas immdiatement (le pronom le naura plus de valeur dictique, mais anaphorique en rappelant un lment dj cit dans le texte comme le crayon ), mais aussi sur le contexte spatio-temporel. - selon les conditions de production : loral connat des degrs diffrents de spontanit entre la conversation entre amis o la parole est improvise, lentretien dembauche o il faut peser ses mots et la confrence lue daprs un texte crit (qui ici confre l crit oralis comme la rcitation ou la lecture orale.) Par rapport au texte crit sur lequel on a pu revenir diffrentes reprises pour apporter des corrections, des complments et des raffinements, le parler ordinaire tel que lont analys Gadet (1989) et Blanche-Benveniste (1990, 1997) est fait de reprises, hsitations (heu..), reformulations, noncs apparemment tronqus, des ruptures de constructions par rapport la norme crite, des lments phatiques ( tu sais / nest-ce pas ? ), des bruits de bouche, etc. Si en gnral le locuteur na pas conscience de ces phnomnes, il semble tout faire pour que son nonc soit comprhensible pour lauditeur, ce qui explique les rptitions et autres faux dparts pour se corriger. Or, quand ces paroles sont retranscrites, on peut souvent y percevoir le travail dlaboration de la pense en construction comparable au brouillon de lcrit. 3.3.3. Oral et crit en interaction Le langage oral peut tre considr comme un flux verbal linaire (improvis ou prpar) passant par un codage linguistique (choix syntaxiques, lexicaux.), un codage prosodique (intonation, accentuation, rythme), et une attitude corporelle (gestes, regards, mimiques, posture). Il est en cela diffrent du langage crit qui ncessite des prcisions linguistiques sur ce propos de quoi on crit et peut subir des corrections et complments sur le temps long de la rdaction. Voyons cependant en quoi ces deux formes linguistiques se rpondent. - Au niveau des ralisations phoniques et graphiques : dans la langue franaise 85 des graphmes correspondant un phonme, selon la description de Catach : les 15 restants sont des graphmes qui nont pas de ralisation sonore comme par exemple les s du pluriel. Peytard (1971 :.163) explique que le mme signe apparat susceptible de la double ralisation, graphique dans une circonstance, phonique dans lautre, sans que lon attribue la primaut lune ou lautre. La communication dpend dune situation o lon exploite lune ou lautre face du signe . - Au niveau des choix lexicaux : il apparait, daprs lenqute sur Le Franais 46 fondamental mene dans les annes 1950, quun noyau de 800 1000 mots (essentiellement dterminants, pronoms, conjonctions, prpositions) se retrouve autant loral qu lcrit. - Aux niveaux morphologique et syntaxique : les temps et les modes sont employs aussi bien loral qu lcrit mme si leurs conditions dutilisation diffrent. C'est dans lorganisation syntaxique du discours que l'oral et l'crit diffrent le plus. Voyons maintenant en quoi, dans lenseignement, oral et crit peuvent interagir pour conduire vers les apprentissages. Voici quelques exemples de situations didactiques. Quand l'oral interactionnel peut tre considr comme retour rflexif sur l'crit produire : - En situation de dicte l'adulte en cycle 1 ou 2, les lves sont conduits par ltayage du maitre structurer et organiser la langue orale pour quelle puisse devenir langue crite. Les programmes 2008 proposent (p.13 du B.O. n3 du 19 juin 2008, hors-srie) : la fin de lcole maternelle, [les lves] savent transformer un nonc oral spontan en un texte que ladulte crira sous la dicte. Prenons l'exemple d'un rcit racont l'oral par un lve : le maitre crit ce qui dit l'enfant. Ce faisant il est amen discuter avec l'lve de certaines formes linguistiques qui ne seraient pas acceptes ou pas comprhensibles l'crit. - En situation de dicte ngocie , les lves de primaire regroups par deux ou trois rendent une seule dicte collective, labore partir de leur dicte individuelle qui a donn lieu une ngociation dans le groupe. Les interactions des lves font se confronter leurs conceptions sur les graphies adopter, par exemple. Motivs par la volont de russir ensemble, les lves vont justifier leur choix, expliquer leurs stratgies, argumenter en faisant rfrence leurs connaissances antrieures qui seront alors mutualises. - En situation de texte fendu , les lves doivent reconstituer la partie manquante d'un texte coup la verticale : cette opration implique de prendre en compte des indices orthographiques, lexicaux et syntaxiques, mais aussi dindices de cohrence textuelle. La motivation est cre par la situation dnigme que posent les processus de lecture, puis de rdaction mis en uvre. Ces derniers, mis au jour travers les interactions orales, ncessitent une activit mtalinguistique intense. Cette activit ncessite d'tre accompagne par l'enseignant. L'crit peut galement apparaitre comme support de l'oral : - Pour faire un expos oral, les lves ont prendre des notes partir de divers documents, les agencer pour construire leur expos. Ensuite, ils prparent leur discours oral pour tre compris par leurs camarades. - En situation de restitution de rcit, les lves de cycle 2 ou 3 peuvent prendre des notes personnelles la lecture dun texte par lenseignant. Rpartis en groupes, ils confrontent leurs points de vue et peuvent construire une affiche permettant restituer le rcit l'oral. Dans ces situations, llve se sert d'crits intermdiaires (Bucheton et Chavanne, 2000) qui portent la trace de son cheminement intellectuel. Loral permet de construire lcrit et vice-versa ; quand le produit est collectif, le passage lcrit peut induire des verbalisations mtalinguistiques. 3.4. Place de la langue dans la classe de franais Faut-il faire des leons de grammaire ou intgrer l'apprentissage de la langue dans diffrentes activits ? 47 Si les choix radicaux de la grammaire des annes 1970, centre sur lanalyse des formes et des structures (Cf .1.3.) se sont rvls peu oprants dans la mesure o les lves de primaire ont beaucoup de mal faire abstraction du sens pour dcrire un phnomne linguistique, au fil des dcennies, on a rintroduit certains lments de lancienne grammaire smantique (le verbe exprime laction, le sujet laccomplit, le complment dobjet la subit, etc.) et on a essay dintroduire dautres recherches comme la thorie de lnonciation, initie par Benveniste, la linguistique textuelle, etc. Or il semblerait quen amalgamant les diffrents niveaux danalyse, en distinguant grammaire de phrase et grammaire de texte , la confusion sest accentue et ladaptation aux besoins des lves ne sest pas vritablement ralise. Bentolila voquait l inscurit linguistique 43 qui aujourdhui nuit non seulement au dveloppement de la personnalit mais aussi linsertion sociale. La comptence 1 du socle commun des connaissances en France sintitule La maitrise de la langue franaise . Il indique pour le premier palier, en fin de CE1, que les lves doivent 44 : - sexprimer clairement loral en utilisant un vocabulaire appropri - crire sans erreur sous la dicte un texte de 5 lignes en utilisant ses connaissances lexicales, orthographiques et grammaticales Et pour le deuxime palier, en fin de CM2 (p.27) : - sexprimer loral comme lcrit dans un vocabulaire appropri et prcis - rdiger un texte dune quinzaine de lignes (.) en utilisant ses connaissances en vocabulaire et en grammaire ; - orthographier correctement un texte simple de dix lignes - lors de sa rdaction ou de sa dicte - en se rfrant aux rgles communes d'orthographe et de grammaire ainsi qu' la connaissance du vocabulaire. . Il est clair que la grammaire, lorthographe et le vocabulaire sont considrs de faon trs norme comme des outils au service de la langue. Or, si les tableaux de progressions proposs en pages 32 (cycle 2) puis 35 36 (cycle 3) du mme B.O. indiquent les listes de leons qui donneront lieu des sances spcifiques , le problme qui se pose lenseignant est bien le rinvestissement de ces leons qui permettrait dvaluer une relle maitrise de la langue en situation de communication orale et crite. Dveloppons les trois dmarches denseignement aujourdhui connues : - une dmarche dductive : Un modle abstrait est propos qui sert de base de leon, il est valid postriori travers les exemples rencontrs. Les lves ont accepter les descriptions du manuel et du maitre puis les apprendre. Cette dmarche se fait plus rare aujourdhui, mais se trouve encore dans les manuels Bled par exemple. - une dmarche inductive : la plupart des manuels de langue aujourdhui proposent un extrait de textes littraires ou documentaires dans lequel les lves dcouvriront partir dune srie de questions des rgles de fonctionnement d'un phnomne linguistique (par exemple, l'emploi de l'imparfait) quils auront s'approprier par la suite(cf. ci-dessous, page 122 du manuel CM2, Mot de Passe, Hachette Education, 2011, dans la rubrique Je retiens ). Les exercices devront permettre lautomatisation des acquis. 43 Bentolila A., (2007). Le verbe contre la barbarie. Paris : Odile Jacob. 44 Bulletin officiel, hors-srie, n3 du 19 juin 2008, p.20 48 - une dmarche hypothtico-dductive telle que la propose C. Tisset (2010) 45 . Prenant appui sur la rsolution dune situation- problme, cette dmarche repose sur la rflexion de llve et de sa classe partir dun obstacle rel qui est apparu et quil sagit de surmonter. Par exemple, lors dun exercice de sciences o il faut dcrire les fourmis qui ont install leur fourmilire dans la cour de lcole, les lves s'interrogent sur labsence du e au mot fourmi : ils sont convaincus que tous les mots fminins prennent un e . Les lves proposent alors des hypothses sur le fonctionnement du e au fminin et formulent des explications. Le maitre, sans commenter les remarques qui peuvent parfois tre errones, les enregistre. Puis il propose des contre-exemples, des manipulations (selon les diffrents cas, cela peut tre des regroupements analogiques, des suppressions, des dplacements, des remplacements) pour orienter les recherches et faire progresser la rflexion commune. C. Tisset (id.p.20) considre que les lves vont ainsi passer de lpilinguistique au mtalinguistique, dune intuition sur le fonctionnement une explication rationnalisante. . Les interactions entre les lves sont ici comme ailleurs trs importantes, mais le rle de lenseignant est primordial pour que chacun puisse passer dune conception une autre, au moment prcis o son cerveau est prt abandonner ses anciennes 45 Tisset, C.(2010). Enseigner la langue franaise, la grammaire, lorthographe et la conjugaison lcole. profession enseignant, Paris : Hachette Education. 49 reprsentations et passer labstraction que demande la grammaire. La dcontextualisation de la notion sera ensuite aborde travers des exercices o la rflexion continuera de slaborer, o il faudra encore justifier son analyse et la confronter celle des pairs avant que le fonctionnement de la notion ne devienne un automatisme. Cependant de nombreuses recherches ont montr que lautomatisation des difficults orthographiques se fait sur le long terme et que la maturation du cerveau joue un rle important, certaines notions ne pouvant sacqurir avant 13 ou 14 ans, voire plus tard. Cest pourquoi il vaut mieux prvoir que lapprentissage soit continu de lcole primaire au collge. C'est dans cette perspective dappropriation continue des rgles de fonctionnement de la langue que D. Cogis 46 propose des alternatives aux leons dorthographe traditionnelles pour faire voluer les conceptions orthographiques. - l'orthographe intgre la squence de production d'crit : collectivement les lves sont amens soulever un problme orthographique ncessaire la ralisation de leur projet dcriture, cest ensemble quils trouvent la solution et lintgrent leurs diffrents textes. Par exemple, les lves sont tombs daccord sur le fait quil fallait utiliser le pass compos pour rapporter un fait divers insrer dans le journal de lcole. Ensemble, ils observent ensuite des textes de journaux (slectionns par le maitre) pour en dduire la rgle daccord des participes passs. - les rituels quotidiens d'orthographe : une phrase du jour est dicte aux lves. Lors de la correction collective, il sagit de faire merger les conceptions errones, de les discuter et de justifier les choix dfinitifs. Cela permet de revenir chaque jour sur des notions dj rencontres et de forger des automatismes. Par exemple, dans une cole de la campagne provenale, le maitre dicte en CM1 : Le berger doit mener ses chvres affames dans les prs. . La discussion portera sur les terminaisons en e et ractivera la distinction des noms en er et en , mais aussi la diffrence entre infinitif et participe pass. - les chantiers d'orthographe : partir de corpus analyss sur plusieurs sances conscutives et d'une question commune (par exemple en CM2 : quoi servent les accents en franais ?), les lves dcouvrent les fonctionnements particuliers qui sont en jeu. Plusieurs notions sont abordes qui permettent de concevoir la langue comme un systme et non comme un agglomrat de rgles sans rapport entre elles. D. Cogis (2000) reprend les thories linguistiques de N. Catach (1978) 47 et propose une adaptation de la grille typologique des erreurs pour permettre de donner des pistes aux enseignants (cf. tableau ci-dessous extrait des pages 212, 213 op.cit. en note 20). Habitus leurs propres classements, les lves peuvent laborer leur propre grille, travail de structuration intellectuelle qui oblige reprer les invariants des catgories et qui permet lintgration des notions. Dans ce type d'activit, les lves sapproprient lorthographe qui devient projet personnel et peut-tre mme source de plaisir intellectuel si elle nest plus seulement vue comme un objet dvaluation et de sanction 48 ! 46 Cogis, D.(2005). Pour enseigner et apprendre lorthographe, nouveaux enjeux- pratiques nouvelles Ecole/collge. Paris : Delagrave. 47 Catach, N.(1978).Lorthographe.collection : Que sais-je ? N 685. Paris : PUF 48 Les programmes officiels de franais en France demandent depuis plusieurs annes aux enseignants denseigner aux lves les nouvelles normes qui taient en 1990 seulement des propositions de simplifications orthographiques. Il sagit de simplifier lcriture franaise, en se basant la fois sur la 50 Exercice 1 : Vous dterminerez la dmarche d'enseignement choisie par l'enseignant (dductive, inductive, hypothtico-dductive) dans ces diffrentes situations d'tude de la langue. Situation 1 : En CM2, partir dun ensemble de phrases, lenseignant demande si le groupe de mots situ aprs le verbe peut senlever ou non. Les lves devront justifier leur choix loral ensuite. Situation 2 : En CE1, lenseignant prsente un tableau o sont classes les diffrentes graphies du son g, les lves doivent le commenter puis appliquer la rgle dans leurs exercices. Situation 3 : En CE2, les lves doivent rcrire une recette contenant des verbes prononciation actuelle, sur la simplification de rgles devenues obsoltes et incomprhensibles et sur la francisation des mots trangers. Nous ne pouvons nous y attarder mais vous les trouverez sur le site renouvo.org. 51 linfinitif en utilisant la 2 me personne du singulier : Tu dcouperas une tranche. et observer les changements. Situation 4 : En CM1, partir dune reprsentation du roi Louis XIV, les lves doivent simaginer tre des courtisans dcrivant dans le dtail le costume du roi des personnes ne layant pas vu. Les productions crites seront mises en commun pour analyser comment les dtails ont t donns (expansions du nom). Situation 5 : En CE2, partir dun texte au prsent o des verbes du mme groupe connaissent une variation de terminaison, on demandera de trouver pourquoi ces changements se produisent en relevant des indices (les diffrents sujets). lments de correction : 1: dmarche inductive 2: dmarche dductive 3: dmarche inductive 4: dmarche hypothtico-dductive ( partir dune situation problme) 5: dmarche inductive Exercice 2: Vous classerez les erreurs orthographiques de ce texte extrait d'une copie de CM2 partir du tableau de D.Cogis. Vous proposerez quelques pistes de remdiation pour cet lve partir du type d'erreur le plus rcurrent. Elle esseilla de dnnicher des bonnes gosse carote avec une rasine pointu. Lerbe tait mouiller. En saprochant du car plenter de carote, elle vit soudin lune delle boug. lments de correction : Elle esseilla de dnnicher des bonnes gosse carote avec une rasine pointu . Lerbe tait mouiller. En saprochant du car plenter de carote , elle vit soudin lune delle boug. Erreurs concernant le ple lexical : - Erreur phontique : gosse pour grosse : oubli dun phonme - Erreur de phonogramme : ! erreurs sur le choix d'un phonogramme/morphogramme lexical esseilla pour essaya rasine pour racine : erreur par mconnaissance de la loi de position s entre deux voyelles erbe pour herbe : oubli ou mconnaissance du h tymologique plenter pour plant soudin pour soudain ! erreurs sur le doublement de la consonne dnnicher pour dnicher : avec en plus ajout de laccent, en fait, erreur sur la jonction prfixe/radical carote pour carotte saprochant pour sapprochant car pour carr Erreurs concernant le ple grammatical : - Erreur de segmentation : (ici il sagit dune mconnaissance du statut des 52 mots : diffrenciation dterminant/nom, pronom rflchi/verbe, pronom indfini de formation complexe comme lune .) Lerbe pour Lherbe saprocher pour sapprocher lune pour lune - Erreur de marque nominale ou pronominale : de bonnes gosse carote pour de bonnes grosses carottes : marque de nombre, accord dans le groupe nominal rasine pointu pour racine pointue : marque de genre, accord dans le groupe nominal lune delle pour lune delles : marque de nombre pour le pronom - Erreur de marque verbale : car plenter pour carr plant : marque du participe pass boug pour bouger : marque de linfinitif. Il est noter quil ny a aucune erreur de majuscule ou de ponctuation, que les deux verbes au pass simple et celui limparfait sont correctement orthographis (Il faudrait toujours avoir un regard bienveillant sur les acquis des lves avant de sattacher la remdiation des erreurs). Les erreurs les plus frquentes concernent le choix des phonogrammes et notamment le doublement des consonnes qui reste une grande difficult de notre langue. Une remdiation possible consiste ici faire observer le mot, en le rapprochant des mots de la mme famille quand cest possible (planter, plante, plantation). On envisagera galement de programmer une leon sur la construction des mots drivs pour travailler la jonction prfixe/radical (ap/procher, d/nicher). On pourra aussi construire des exercices sur la rgle de fonctionnement de la graphie du son s ; en regardant travailler l'lve, on pourra voquer avec lui les difficults pour crire le son s avec ses variantes. Cela permettra galement dvoquer le s morphogramme de pluriel nominal ou adjectival. Un travail individuel est ncessaire au dpart, il pourra tre ensuite intgr une phrase dicte du jour o lon veillera donner la parole cet lve pour ractiver la rgle dans sa mmoire et lui faire acqurir peu peu les automatismes dont il manque. 3.5. La notion de littracie La notion de littracie est rcente mais trs utile. Vous la trouverez sous des orthographes diffrentes, dont nous navons pas la place ici de vous expliquer les nuances. Venue du monde anglo-saxon, elle dsigne l'ensemble des comptences langagires (crire, lire et mme parler et comprendre ensuite) utiles dans notre vie sociale. Ainsi on peut dire que tout le monde na pas les mmes besoins littraciques sur le plan professionnel, selon quon est maon sur un chantier, secrtaire de direction, guichetier la poste ou serveur de restaurant : chaque mtier ou situation dapprentissage suppose des ncessits diffrentes, dans les domaines de lcrit et de loral. De la mme faon, suivant leur origine familiale, socio-culturelle ou autre, les lves arrivent en classe avec des acquis en littracie diffrents et des demandes diffrentes. Certains didacticiens dfinissent un peu brivement la littracie comme le contraire de lillettrisme : cest une faon positive de nommer les besoins sociaux sur le plan langagier. Lessentiel est de retenir ce propos que la littracie appartient tous ; cest une notion volutive puisque nous navons pas les mmes besoins, sur les plans de lcriture et de la lecture par exemple, tout au long de notre vie, on ne peut donc jamais 53 parler de maitrise en littracie puisquon peut toujours repousser plus loin les besoins qui sont les ntres suivant notre place dans la socit. Le professeur de franais doit donc faire preuve de souplesse pour valuer les besoins littraciques de ses lves, au lieu de leur imposer des savoirs ou savoir-faire tout prts, construits en-dehors de leur vcu social. 3.6. L'oral et l'crit pour penser et apprendre 3.6.1. Parler et crire pour penser La recherche a mis en valeur ces dernires annes combien le proverbe Ce qui se conoit bien snonce clairement tait erron. En effet, ce nest pas quand on a une ide claire quon peut lexprimer avec clart, mais parce qu'on exprime une ide ( lcrit ou loral) quelle devient claire. Il en rsulte que cest en donnant le plus possible la parole aux enfants dans nos classes quon leur apprendra construire leurs penses et leurs rflexions : et pour cela, ils ont droit toutes les hsitations, tous les euh . , toutes les phrases interrompues et qui repartent dans un autre sens, quils le dsirent. Loral bien utilis devient un brouillon, un atelier de la pense, de la recherche du mot juste et, ce titre, il est fait de bribes, de retours en arrire, de boucles qui sont autant de signes de sa richesse. De la mme faon, crire aide construire sa pense : on est oblig de la mettre en ordre, de choisir un dbut et une fin, de se dcider pour un mot en laissant tomber dautres mots possibles, etc. Tout cela contribue faire merger notre message dans une linarit chronologique : tous ceux qui crivent le savent, tant quon na pas commenc crire, toutes les ides quon a dans la tte ne servent rien, cest comme si la pense ntait pas ne. L aussi, vous comprenez que cela doit entrainer des activits de classe o on encourage au maximum les lves crire, ds le plus jeune ge, pour que les penses prennent forme peu peu. Et, dans ce cadre, peu importent les maladresses ou lacunes, lessentiel est que se droule le discours qui construit la rflexion, au fur et mesure de sa production. 3.6.2. L'oral et l'crit rflexifs lcole, lenfant qui utilise le langage, on la vu (Cf.3.2.), sinsre dans le tissu social en tant que personne communicante et structure sa pense en dcrivant et ainsi en comprenant le monde qui lentoure. Ce faisant, il dveloppe ses comptences langagires. Or certains didacticiens 49 ont cherch montrer que par- del une transcription des ralits prexistantes, travers les activits de loral et lcrit, lenfant, en interaction avec les partenaires de sa classe, est amen rflchir dans des situations diverses, quelle que soit la discipline, et se construire des connaissances en laborant de nouvelles formes smiotiques pour ses reprsentations. Quelles sont donc ces situations o lcrit et loral sont rflexifs , cest--dire quils permettent, travers le langage, de prendre de la distance par rapport lexprience immdiate, de se dtacher de son vcu personnel hic et nunc pour accepter le discours et la pense de lautre et les intgrer sa propre reprsentation ainsi reconstruite ? La rflexivit se traduit galement dun point de vue mtalangagier et mtadiscursif dans la capacit revenir sur sa production pour expliquer un terme, reformuler un nonc, corriger 49 Didacticiens qui ont contribu louvrage de Chabanne J.-C. et Bucheton D. (2002) Parler et crire pour penser, apprendre et se construire, lcrit et loral rflexifs, ducation et formation. Paris : PUF. 54 la construction dun phrase, ajuster et dvelopper un argument en fonction de ce quon attend de la comprhension de lautre. Il sagirait donc de proposer des situations o les interactions entre maitre et lves et lves entre eux, sont inscrites dans un contexte connu et commun avec des rgles acceptes et devenues routines pour favoriser un climat scuritaire dans lequel chacun sautorise penser avec lautre et co-construire ses connaissances (Vygotski, 1934) 50 . Ces situations permettraient de rflchir les discours entendus dans le contexte de la classe, cest--dire ici de les reprendre en les transformant (Franois, 1984) 51 , en les faisant siens et ainsi en se construisant sa propre identit dans la diffrence avec lautre. Les discours disponibles dans la classe, et partir desquels on rflchit et on apprend sont autant ceux norms du maitre, des auteurs des diffrentes lectures que les discours des pairs et du sujet lui-mme qui peut tre invit retravailler son propre nonc. En outre, ces discours, dans la mesure o ils font cho laffectivit ou au systme des valeurs des lves ( oui, chez moi aussi il faut faire comme a ! Oui, moi aussi jai ressenti cela ! ), auront dautant plus de poids dans la construction des connaissances quil auront touch une corde sensible. Voici deux situations didactiques extraites de louvrage cit ci-dessous 52 dans lesquelles les crits et les oraux ont une porte rflexive et font apparaitre une dynamique cognitive : - La lecture-feuilleton d'un rcit littraire en GS : M.-T. Chemla et M. Dreyfus 53
analysent comment les interactions verbales entre pairs jointes ltayage du matre permettent de dvelopper des comptences de comprhension / interprtation dcrits complexes. Voici comment les chercheuses analysent ces situations : Les phases dcoute de la lecture oralise de lenseignante (ici sous forme de lecture feuilleton du roman de Michel Piquemal, Salamani, lindien solitaire, en gnral tudi au cycle 3) mobilisent les oprations mentales individuelles de saisie, de mmorisation et de hirarchisation des informations avec les diverses infrences ncessaires leur comprhension et interprtation. Les phases dinteraction orale permettent daccder non seulement la clarification de certains lments linguistiques non compris (vocabulaire, tournure syntaxique), la caractrisation plus prcise des personnages et de leurs actions mais aussi daccder aux univers que les autres se sont construits lcoute du mme crit, de concevoir quon peut avoir dautres motions, quun tel passage peut avoir dautres rsonnances dans lesprit de son camarade. Pour exemple, la reprise du passage de la mort du pre du hros permet de montrer comment, mme si au premier abord on peut y voir un empilement anarchique de donnes, il sagit en fait dune continuit syntaxique qui se dveloppe sur plusieurs tours de parole : 46 Rk Et puis il est tomb il a 54 47 Kl Il a cass 48 Rk Il sest fait mal 49 M Et le pre de Salamani sest fait mal 50 Rk Il est mort 50 Vygotski L. (1997), Pense et langage, trad. F. Sve, Paris , la Dispute ; 1 re d.,1985, Messidor/Editions sociales. 51 Franois F., Hudelot C. et Sabeau- Jouannet E. (1984) Conduites linguistiques chez le jeune enfant, Paris, PUF. 52 Chabanne J-C., Bucheton D. (2002). Parler et ecrire pour penser, apprendre et se construire, lecrit et loral reflexifs. Paris : PUF. 53 In Chabanne J-C., Bucheton D. (2002). Parler et ecrire pour penser, apprendre et se construire, lecrit et loral reflexifs. Paris : PUF. 54 Le numro correspond celui de la rplique dun lve dans la sance filme. Les initiales reprsentent lves, M tant la matresse et signifie une pause ou un silence. Les blancs graphiques permettent de montrer la continuit linguistique du propos dans les diffrents changes. 55 51 Bd Il ne pouvait plus bouger 52 M Bd 53 Bd ii 54 Mr Il sest assomm 55 M Bd dabord 56 Mr assomm 57 Bd Il sest fait trs mal alors il pouvait pas bouger alors il a brl assomm . M.-T. Chemla et M. Dreyfus mettent en vidence comment le prdicat il est repris diffremment selon les lves dans une co-construction du sens du rcit et particulirement comment Bd, sollicit directement par lenseignante, sappuyant sur le propos quelle vient de confirmer (sest fait mal), sur sa propre proposition (il ne pouvait plus bouger) et le participe propos deux reprises par Mr (assomm) construit une squence personnelle, causale et chronologique. Il sest construit du sens grce linteraction . - Les crits intermdiaires dans l'laboration d'une production d'crit en CE1 : J.-C. Chabanne et D. Bucheton analysent comment ce quils ont appel crits intermdiaires 55 (2000) sont porteurs de la trace de lactivit cognitive de llve. La situation dcrite ici ne consiste pas demander aux lves dcrire plusieurs jets dun mme texte o les diffrentes rcritures permettraient de rguler un problme de contenu ou de langage (tels que le proposent les modles des groupes EVA (1991) ou Ecouen (1988), Cf.1.3.). Mais il sagit, partir de diffrentes consignes, de diversifier ses postures dcriture pour sajuster la tche demande. Les conclusions de cette analyse montrent quil est possible dvaluer en quoi lactivit langagire crite diffrents moments, permet une rflexion personnelle sur : - la position nonciative adopter (nonciateur prsent ou non dans son texte, rorganisation des marquages des discours rapports, adaptation des actes de langage, etc.) - la construction de lunivers symbolique (mise en relation de divers contenus de pense et daffects pour crer une histoire avec ses personnages, ses descriptions qui expriment la reprsentation dun monde comprhensible pour le lecteur.) - la langue elle-mme (prise en compte des normes lexicales, syntaxiques, textuelles et discursives pour rpondre aux deux difficults prcdentes comme par exemple lutilisation du temps adquat pour signifier une diffrence entre un rcit et un discours rapport, pour exprimer une antriorit daction, etc.) Dans ces deux situations voques, la rflexivit langagire est dmontre, porteuse des mouvement cognitifs, identitaires et affectifs qui dfinissent lapprentissage ou le dveloppement. (opus cit.p.21). Exercice : Chabanne et Bucheton (2002) donnent l'exemple suivant : Une classe de CM2 de Perpignan a lhabitude de travailler le dbat philosophique de cette faon : partir dune lecture ou dune situation, une question est pose explicitement (ici : Lhomme est-il un animal ? ). Les lves sont invits 55 Il sagit en fait des crits transitoires personnels ou collectifs qui permettent soit une aide la mmorisation dune leon, dun futur expos oral, soit un bilan personnel dun savoir, soit une tape conceptuelle dans llaboration dun projet plus long. 56 rdiger, chez eux, une rponse dau moins 5 lignes sur leur cahier dcrits quotidiens (possibilit de faire des recherches, dchanger avec les parents si on le souhaite). Lors dun dbat rgl par un prsident de sance, les lves exposent leurs ides sur la question et dbattent. Pour la semaine suivante, les lves doivent rdiger un texte o ils donnent leur nouveau point de vue sur la question. Nous vous proposons ici les deux crits de Cindy et un extrait du dbat oral 56 . Vous reprerez en quoi le passage par l'interaction avec les pairs, lors du dbat en classe, permet de faire voluer le point de vue de Cindy. Vous observerez notamment : - les traces de son activit cognitive dans ses paroles, - son volution entre le premier et le deuxime crit. Premier crit de Cindy : Moi, je pense quoui car nous descendons du singe. Presque tous les animaux sont comme nous, ils ont un nez mais on ne dit pas forcment un nez pour un chien ou un cheval, une bouche, des yeux, et surtout un cur, ils respirent et aussi ils marchent, ils font leurs besoins et puis ils ont des enfants tout comme nous. Lhomme est intelligent .(p.59). Dbat en classe (paroles de Cindy uniquement, le numro correspondant la place de sa rplique dans les changes avec ses pairs) : 27 Cindy : Ben moi je pense que/merci/ que lhomme est un animal car heu/heu/il a pre/il a presque tout comme nous/en fait/il a une pense//les hommes chassent aussi/on a plein de choses comme /en commun /ils sont intelligents, on est intelligent et ils ont beaucoup davantages sur nous comme le flair/ils ont une trs bonne oue, oui, voil (...) (p.60) 81. Cindy : Ce qui diffrencie lhomme de lanimal/cest que lhomme/lhomme vit dans/ vit dans une ville/il a/il a une vie civilise la /lanimal lui/il peut/il peut/avoir/il peut vivre dans une ville ou il peut vivre dans la nature. 86. Cindy : Mais y parlent aussi les animaux 90. Cindy : Comment tu peux savoir que/la pense/que notre pense est plus dv/dveloppe que la leur ? 107. Cindy : Moi j pense que cest lintelligence apprendre des choses nouvelles/heu/penser aussi et dcouvrir des choses 166. Cindy : Jsuis daccord avec Olivier parce quon a plusieurs versions/y en a qui disent que quon descend dun mulot, dautres quon descend dun singe et puis voil 188. Cindy : Ceux qui disent que lhomme nest pas un animal/les animaux ne shabillent pas heu/ils ne/ils ne parlent pas . (p.61) Deuxime crit de Cindy : Oui et non Oui lhomme est un animal car ils ont la mme manire de vivre que nous, ils mangent, ils boivent, ils dorment . Lhomme ne descend pas du singe mais daprs dautres informations, lhomme pourrait galement descendre dun mulot ou dun rat . 56 d`apres les pages 59 a 67 de l`ouvrage de Chabanne J-C., Bucheton D. (2002). Parler et ecrire pour penser, apprendre et se construire, lecrit et loral reflexifs. Paris : PUF. 57 Aussi on dit que lhomme est un loup pour lhomme, cest dire quil est comme un animal capable de tuer les autres sans faire attention leur conscience . Et non car lhomme cre, invente des machines. Nous, nous en avons besoin alors queux se dbrouillent tout seuls. Lanimal ne peut pas trop penser. Ils nont pas la pense aussi dveloppe que nous. Lhomme nest pas un animal parce que lhomme est instruit. Il a un langage articul . (p.59) Donnons la parole aux chercheurs : Les premires paroles de Cindy ne consistent pas en une lecture de son premier crit. On suppose que dj habitue ce genre de dbat, elle sait quil ne sagit pas de lire mais dexposer un point de vue personnel. Par ailleurs, elle parle aprs 26 interventions dlves et ne peut se permettre de rpter ce qui a dj t dit (ce que certains font certainement quand-mme mais le prsident de sance est l pour veiller ce que cela ne se produise pas !) Nanmoins les propos de Cindy vont dans le mme sens que son premier crit : lhomme est un animal et elle se rfre aux points communs entre lhomme et lanimal : les attributs corporels notamment. Or, le flair est une reformulation linguistique pour nez : son langage sadapte donc la situation sous lcoute attentive de ses pairs. Elle propose aussi une comparaison sur les capacits intellectuelles : il a une pense (on suppose que le pronom se rfre lanimal, ici la rflexion de Cindy se cherche, sa syntaxe est hsitante mais elle donne des arguments avec des connecteurs comme en fait , des exemples comme le flair et elle faonne sa pense en parlant. partir de la rplique 81, Cindy ayant entendu de nombreux arguments fait voluer sa position : elle envisage les diffrences entre lhumain et lanimal, cette fois, ce quelle navait pas du tout fait auparavant que ce soit lcrit ou loral. Mais sa remarque 86 montre quelle reste encore ancre dans son ide premire que les animaux ressemblent en tout lhomme et elle leur accorde mme la parole ici, comme elle lavait fait auparavant pour lintelligence. Ainsi dans sa question 90, elle montre que non seulement le sujet lintresse particulirement mais aussi quelle nest pas encore convaincue de la diffrence dintelligence entre lhomme et lanimal. Sa rplique 107 est certainement la consquence dune question dun de ses pairs sur sa dfinition personnelle de lintelligence, ce dernier ayant peru que la difficult venait de ce manque daccord pralable sur le sens du terme employ. Dans ses deux dernires rpliques Cindy reprend les arguments de ses pairs pour dvelopper son propre raisonnement ; elle accepte plusieurs hypothses (166) et revient sur son ide premire de langage pour lanimal (188). Il y a bien co- construction des savoirs ici par lintgration des discours dautrui dans lnonc oral mais aussi dans lnonc crit. En effet, le deuxime crit senrichit linguistiquement : il devient un vritable texte argumentatif avec exposition des deux points de vue opposs et agencement rflchi des diffrents arguments. Sa premire position est expose en dbut de texte et ce quelle a appris en deuxime partie, ce qui semblerait montrer quelle y attache davantage dimportance. Il y a vritablement intgration de lide que lhomme a une intelligence plus dveloppe. Son crit en est la confirmation. Il semble, en outre, y avoir reprise de certaines phrases entendues dans le dbat 58 avec explication prcise: lhomme est un loup pour lhomme, cest--dire quil. et emploi dun vocabulaire spcialis sans faire attention leur conscience , langage articul . Le dispositif choisi par lenseignant semble vritablement avoir permis la circulation et lintgration de reprsentations cognitives et culturelles (mme si lide que lhomme descende dun mulot ou dun singe est revoir par la suite !) par des formes langagires communes mais aussi par certaines expressions que les lves navaient pas eu loccasion dutiliser auparavant (vocabulaire scientifique, philosophique). On peut alors parler dacculturation puisquil y a eu actualisation individualise de ces formes dans le deuxime crit. Les comptences mtalangagires et mtacognitives dveloppes dans ce dispositif relvent bien dun aspect de la rflexivit, avec prise de conscience de ses propres apprentissages . 3.7. La place de la littrature La littrature comme nouvelle discipline de lcole lmentaire franaise a fait, en 2002, son entre officielle dans les programmes de l'cole primaire et, avec elle, la lecture littraire. L'enseignement de la littrature tait jusqu'alors rserv au collge et au lyce, donc une certaine lite , et l'tude de la langue aux classes du primaire. Le structuralisme, dans les annes 70, provoque un premier tournant dans l'enseignement de la littrature au secondaire. Celui-ci tait jusqu'alors centr sur des lectures savantes lies la biographie des auteurs : l'emblme de cette approche tait le manuel Lagarde et Michard . On est pass ensuite une conception centre sur le texte et sa structure. La classification par courants littraires a fait place une classification par types de textes (narratif, descriptif, explicatif, argumentatif et prescriptif) (cf.2.2.2.), puis par genres littraires (rcit, posie, thtre, autobiographie, avec pour sous-genres du rcit, le roman, la nouvelle, le conte, le fantastique, la science-fiction, le policier etc.). La grande littrature est minore au sein des corpus tudis et complte par une littrature traditionnellement juge paralittraire : le policier, le fantastique, la science-fiction et par des genres dits mixtes qui allient l'criture, le visuel et l'audio tels que l'album, la bande dessine, la chanson, le cinma, la publicit, l'crit journalistique, etc... L'tude des textes littraires se fait alors grce de nouveaux outils : l'analyse structurale (schma de communication de Jakobson (cf.2.2.1), schma narratif de Propp, schma actanciel de Greimas) et ses concepts (par exemple la fonction potique, la fonction rfrentielle, la situation initiale, la qute, le hros, l'adjuvant, l'opposant...). Dans les annes 80, on a assist une volution des thories littraires marque par le passage du structuralisme aux thories de la rception avec notamment l'esthtique de la rception 57 de Jauss (1978), la thorie de l'effet esthtique de Iser (1976), la coopration interprtative de Eco (1985), la lecture littraire de Picard (1986). Dans le mme temps, la littrature de jeunesse, rel objet littraire et artistique, a obtenu ses lettres de noblesse lcole. Giasson (2000) synthtise les trois phases qui ont marqu l'enseignement de la littrature sous l'angle de leurs questionnements emblmatiques. Elle montre 57 ce qui signifie le fait de prendre en compte le lecteur. 59 qu'on est pass de questionnements du type : qu'a voulu dire l'auteur ? des questions du type: pouvez-vous rsumer l'intrigue en dgageant la structure du rcit, les relations entre les personnages ? et enfin avec la centration sur le lecteur des questions du type : quelles ractions avez-vous en lisant ce passage ? . Aujourd'hui, la plupart des didacticiens la lecture littraire partir notamment des travaux de Michel Picard (1986). Employer le terme de lecture littraire signifie que toute lecture de texte littraire n'est pas littraire par nature. Le texte n'existe qu' travers la lecture, il chappe toujours son auteur et a besoin du lecteur pour tre actualis dans une lecture singulire. Nous avons vu dans le chapitre 2.3.7 que face la lecture d'un texte, certains lves de cycle 3 mobilisent diffrentes postures de lecture et que si les lectures fusionnelles et distancies participent, toutes deux, la lecture littraire, les enseignants doivent chercher faire accder tous les lves une lecture symbolique et critique. Prenons le temps d'illustrer ici ce discours sur les postures par des propos d'lves. Pour exemple, une recherche (Croc-Spinelli, 2007) dont le recueil consiste dans l'enregistrement et la transcription d'un extrait de dbat littraire 58 conduit par une enseignante avec 8 lves de cycle 3 gs de 10 ans. Ceux-ci durant l'change ragissent, l'oral, un passage d'un roman de littrature de jeunesse, L'enfant Ocan de Jean-Claude Mourlevat. Ce recueil met en valeur la manifestation, en fin de sance, dune lecture distancie avec la caractrisation du genre littraire du texte partir d'une interprtation d'un premier lve portant sur le fonctionnement du texte, son genre / moi jai trouv un truc /(...) il y a une histoire qui se rapproche plutt de la ralit et une autre qui sloigne de la ralit ! / . Un autre lve complte cette interprtation avec l'utilisation d'une mtaphore : / on a dun ct de la feuille / on a lhistoire qui se passe dans la ralit / avec Yann comme dit Romain y a du magique / et de lautre ct de la feuille et ben il y a la vraie vie avec tous ces mots vulgaires et tous ces sentiments et quand on replie ces deux feuilles / elles se correspondent / . L'analyse de ces propos au regard du texte montre la pertinence de cette interprtation. Le texte se situe en effet entre conte et rcit raliste . Cette recherche montre, par ailleurs, le processus qui a conduit ces lecteurs cette interprtation : cette dernire n'est pas le fait d'lves isols, elle est le fruit d'une activit plurielle et collective de tout le groupe o des lectures faites de ractions subjectives immdiates / jai pas trop aim la fin / , de ractions valuatives / pour moi lhistoire elle est pas termine / permettent aux lves d'engager, dans l'interaction, un processus de distanciation en utilisant leurs savoirs sur les dnouements des rcits / autant une fin qui fasse rellement un dclic pour euh / pour vraiment quon finisse lhistoire / , en faisant appel leurs expriences de lecture / comme par exemple Sacre sorcire / . Ce processus de distanciation partir d'une activit de lecture plurielle permet aux lves d'aboutir lapprciation du caractre magique de cette fin / l cest plus magique / et de son inscription dans le monde des contes merveilleux / l / on dirait quelquun qui sort dun conte merveilleux / pour produire l'interprtation du genre voque au dbut de cette exemple. Cet exemple illustre la conception de la lecture littraire comme va et vient dialectique entre participation psycho-affective et distanciation critique (Dufays, 2006) o des ractions subjectives immdiates participent, dans l'change, la maturation du processus interprtatif. Il permet galement d'illustrer la place nouvelle que l'interprtation occupe l'cole primaire qui 58 Un dbat littraire dsigne une situation d'change autour d'un texte littraire. 60 s'oppose la conception traditionnelle de la comprhension et de l'interprtation comme des activits spares, avec le travail de la comprhension rserv l'enseignement primaire, celui d'une interprtation savante, aux classes du secondaire. Notre exemple permet par ailleurs d'voquer le dbat littraire comme dispositif didactique d'enseignement de la lecture littraire qui s'oppose aux dispositifs traditionnels de lecture de textes littraires qui privilgiaient l'explication du vocabulaire et les questionnaires de comprhension. Pour ceux qui souhaiteraient creuser la question des dispositifs didactiques favorables la lecture littraire, ils pourront notamment se rfrer aux travaux de Tauveron (2002) et de son quipe dans Lire la littrature l'cole ainsi qu' l'ouvrage de Giasson (2000), Les textes littraires l'cole . Ils y trouveront des dispositifs de questionnements des textes qui proposent l'articulation de l'oral, de la lecture et de l'criture. Nous vous proposons ci-dessous une activit en trois tapes qui vous permettra de diffrencier diffrentes pratiques de lecture dans la classe : vous essaierez de voir laquelle vous parait la plus riche pour les lves. Activit : 1- Dans une classe de cycle 3, l'enseignant demande aux lves de lire le texte suivant : (Cette situation est extraite de l'article de Cbe, S. & Goigoux, R. & Thomazet, S. (2004)) 59 . Ce matin, nous avons accueilli dans la classe, pour la premire fois, un camarade italien. Franois la fait asseoir ct de lui et lui a demand son nom. Avec une petite courbette qui nous a tous fait rire, le nouveau a dit, souriant toute la classe : Angelo . Il connat mal notre langue car il nest en France que depuis une semaine. Il comprend les explications du matre et peut parfois faire les problmes, mais il est incapable de suivre la dicte. Il semble avoir trs bon caractre et rit avec nous de bon coeur des fautes quil fait en parlant. Il chante trs bien et nous a promis de nous apporter demain les photos de son pays dont il a dcor sa chambre . Les lves sont ensuite invits rpondre des questions sur le texte. Vous trouverez ci-dessous les questions et les rponses fournies par un des lves : 1. Comment sappelle le nouveau camarade ? Il sappelle Franois 2. Depuis quand suit-il cette classe ? Depuis une semaine 3. Quel est lexercice le plus difficile pour lui en classe ? Cest les problmes 4. En quoi est-il trs bon ? Il est trs bon en caractre (ou coeur). 2- Voici deux types de questionnements diffrents possibles sur un texte littraire : 59 Cbe, S., Goigoux, R. et Thomazet, S. (2004) Enseigner la comprhension. Principes didactiques, exemples de tches et dactivits. In Lire crire, un plaisir retrouv , dossier du groupe national de rflexion sur l'enseignement du franais en dispositif relais, prface de Catherine Bizot, inspectrice gnrale de l'ducation nationale de lettres. Paris : DESCO (MEN) En ligne sur http://www.bienlire.education.fr/04-media/a-classerelais.asp 61 2.1- Quelles diffrences voyez-vous entre ces questionnements ? 2.2 -En quoi induisent-elles des activits diffrentes de l'lve face au texte ? 1er questionnement extrait de Giasson, J. (2000). Enseigner les textes littraires l'cole. Qubec : Gatan Morin. (le texte sur lequel portent les questions suivantes n'est pas prcis) Qu'as-tu remarqu dans l'histoire ? , Quelles motions as-tu ressenties ? , Cette histoire te fait-elle penser ta propre vie ? Pourquoi ? , Te fait-elle penser d'autres livres que tu as lus ? . 60 2me questionnement : (Le texte sur lequel portent les questions suivantes n'est pas prcis.) De quoi parle le texte ? Selon toi quest-ce que le texte veut dire ? Quest ce quil raconte, explique... ? Pourrais-tu trouver une phrase pour dire le type de conflit dans lequel est engag le personnage ? Comment ce conflit a-t-il t rgl ? Comment l'histoire se termine-t-elle ? 3 -Comparez les trois faons de travailler un texte littraire dans les deux tapes prcdentes. Comment les dfiniriez-vous ? En quoi suscitent- elles des activits diffrentes chez l'lve ? Voici comment Sylvie Cbe et Roland Goigoux et Serge Thomazet, chercheurs spcialistes de la comprhension en lecture, commentent la premire activit : Quand ils sont mis face des textes, ils tendent adopter une attitude plutt passive, attendant le plus souvent de disposer du questionnaire pour sy intresser vritablement. Leur premire lecture a une fonction de reprage thmatique ( de quoi parle le texte ? ), rarement de construction problmatique ( quest-ce que le texte veut dire ? Quest-ce quil raconte, explique... ? Quel est le problme ? ). Ce reprage superficiel leur suffit bien souvent pour rpondre aux questions. Ils mettent en uvre des procdures relativement rudimentaires qui demandent peu defforts : ils identifient un mot-cl dans la question (qui, quand, o, comment.) puis ils cherchent localiser, dans le texte, un indice (une majuscule.) ou un segment textuel (un complment de temps, de lieu.) qui renvoie ce mot-cl ou qui est en rapport avec lui. Ils recopient linformation trouve (la plupart du temps celle qui est place droite du mot-cl). 60 Extrait de Giasson, J. (2000). Enseigner les textes littraires l'cole. Qubec : Gatan Morin. 62 CHAPITRE 4. DIDACTIQUE DES FRANAIS : DES SITUATIONS ET DES PUBLICS SPCIFIQUES Ce chapitre a pour objectif de vous faire dcouvrir que tous nos lves ne sont pas de charmantes ttes blondes , ns en France et tranquillement lcole depuis la maternelle . Ils peuvent venir dailleurs, tre adultes, entendre le franais pour la premire fois en entrant dans la classe, etc. Nous ne prtendons pas couvrir toute les diversit des situations possibles, mais plutt vous sensibiliser au fait que, dans chaque situation diffrente, il faudra trouver une faon de les saluer, de les intresser, de les faire travailler ensemble. Autant de publics diffrents, autant de traitements didactiques diffrents. Lenseignement est le lieu de la crativit et de linventivit ., on ne vous lavait pas encore dit ? 4.1. Le jeune enfant La petite enfance (de la priode prnatale 7 ans) est la phase la plus importante dans le dveloppement biologique et crbral de tout individu. Elle est caractrise par une croissance rapide influence par lenvironnement. Nutrition adquate, prservation contre les maladies et stimulation intellectuelle et affective sont primordiales pendant les trois premires annes de la vie o se dveloppe le potentiel cognitif, social et motionnel. Toute carence dans lun de ces trois facteurs avant lge de trois ans peut laisser des squelles sur le dveloppement futur. 4.1.1. Le dveloppement cognitif De nombreux psychologues ont centr leurs travaux sur le dveloppement des connaissances. Parmi eux, J. Piaget (1957) 61 a dfini les stades du dveloppement de la pense logique. Pour lui, lenfant ne nait pas porteur de la connaissance quil dvelopperait naturellement selon un phnomne de maturation : cest le contact avec son environnement qui favorise lvolution et le passage dun stade un autre par un facteur interne dquilibration passant de laccommodation lassimilation des donnes du rel. Nanmoins, pour Piaget, le comportement du nouveau-n reste sous linfluence de son quipement biologique et du social (famille, environnement scolaire) et ne saccroit quau fur et mesure, lenfant vivant au dpart dans un gocentrisme social . Les travaux de . Doise, A ;-N. Perret-Clermont 62 et G. Mugny 63 la fin des annes 1970 intgrent la dimension sociale au modle piagtien du dveloppement cognitif. Ils ont montr que l'enfant progresse davantage dans des situations d'interaction. On parle de conflit socio-cognitif quand des partenaires d'apprentissage sont placs dans une situation dopposition et sont obligs de trouver une solution. Par exemple, en CM1, un groupe denfants doit ngocier lorthographe de la phrase : On tait des enfants terribles. . Lun deux propose dcrire Ont taient parce que, dit-il : ils sont plusieurs, les enfants . Ses camarades vont avoir des difficults lui faire admettre quil a tort : ils vont lui 61 Piaget J. (1957). Apprentissage et connaissances, Paris : PUF, Etudes dpistmologie gntique (vol.VII). 62 Perret- Clermont, A.-N. (1979). La construction de lintelligence dans linteraction sociale. Berne : Peter Lang. 63 Doise ., Dionnet S., Mugny G. (1978). Conflit socio-cognitif, marquage social et dveloppement cognitif , Cahiers de psychologie, 21, 231-243. proposer un remplacement ( nous tions ), lui faire comprendre que on est un pronom et pas le verbe avoir la troisime personne du pluriel au prsent, etc. Dans lesprit de lenfant, cest un vritable renoncement sa reprsentation initiale qui se joue ici cause de (ou plutt grce ) ses camarades. Pour Vygotski 64 (1985), le partenaire social reprsente la ressource indispensable sur laquelle lindividu peut prendre appui momentanment pour rsoudre une tche avant de parvenir leffectuer lui-mme. Le dveloppement nest pas subordonn des lois internes avec une succession dacquisitions mais il est activ par lapprentissage avec la collaboration dun partenaire plus expriment. Ainsi lenfant acquiert de nouveaux instruments de pense ou daction en sappuyant sur limitation, la sollicitation et laide dautrui dans sa zone proximale de dveloppement (cf. 1.3.5.) avant de devenir autonome. Pour J. Bruner 65 (1984), lenfant est amen trs tt, avec sa mre, prendre sa place l'intrieur de situations de communication selon des rituels dinteraction prenant lapparence de routines quil appelle formats ou scnario . Par exemple, si la mre habitue son enfant lcher lobjet quelle lui tend ds que ce dernier a dit merci , il shabituera vite utiliser le mot dans la mme circonstance. Il sagit dj de cadres sociaux vhiculant des valeurs que lenfant exprimente et interprte. Le savoir porte ainsi les traces des systmes symboliques en vigueur dans la socit. Chez Bruner comme chez Vygotski, le langage joue ici un rle essentiel, il est instrument de transmission des reprsentations et des significations sociales et culturelles. 4.1.2. L'entre dans le langage Lintention de communication se manifeste chez lenfant ds quil saperoit que ses pleurs, ses gestes et mimiques reoivent une rponse de ladulte. Quand lenfant est capable de langage articul, la communication, jusqualors paraverbale , stablit par des mots-phrases puis par des phrases plus complexes. Comme on le voit, entre 3 et 5 ans le langage senrichit et lcole maternelle se doit den dvelopper les trois dimensions : - la dimension symbolique : le langage permet lenfant une prise de conscience de son identit sociale personnelle au sein de la collectivit et favorise la construction de sa personnalit (lenfant apprend distinguer le je du tu et exprimer ses ressentis et ses dsirs en prenant sa place dans le groupe). Vers 4 ans lenfant acquiert la thorie de lesprit , il devient capable de faire des hypothses sur ce que ressentent les autres, de prdire un comportement en infrant la raction dune personne face une situation en simaginant sa place. Il sait ce qui fait peur, plaisir lautre. Il interprte des tats mentaux derrire les paroles (Lenfant a renvers son pot de peinture et ltale sur la table, la matresse lui dit : Eh bien vas-y, continue ! ; lenfant rpond : Jai pas fait exprs. : Lexcuse quil propose montre quil a compris lantiphrase de lenseignante.) Vers 5 ans, ses capacits dabstraction se sont largies et il devient capable de comprendre lhumour. 64 Vygotski, L.V..(1985). Pense et langage. Paris : Editions sociales. 65 Bruner J. (1987). Comment les enfants apprennent parler. Paris : Retz. - la dimension cognitive : le langage est instrument de reprsentation du monde, il permet de dcrire et de comprendre ce que lon voit, ce que lon fait (langage en situation) mais permet aussi dvoquer les vnements passs ou venir en se dcentrant du moment prsent pour se construire une reprsentation temporelle (langage dvocation). - la dimension mtalinguistique : le langage est aussi un objet de manipulation et dobservation. Lenfant acquiert progressivement la capacit de se servir de la langue pour manifester ses remarques sur la langue elle-mme (mtalangage). Au dpart, il sagit dun discours pilinguistique (Gombert, 1990) qui manifeste une intuition prcoce de lenfant sur sa langue (Oh, il a dit jai peindu le soleil.) Lenfant sait quune erreur de langage sest produite mais ne peut pas encore lexpliquer. Les comptines, les jeux phonologiques et la dicte ladulte permettront progressivement de lui faire prendre conscience du systme de fonctionnement de la langue avant lentre dans lapprentissage de la lecture et de lcriture. Ces trois dimensions sont dveloppes par les programmes officiels de 2008 de l'cole lmentaire en France. 4.2. Les publics non francophones Plusieurs moments de ce cours vous lont dj suggr : tous les lves que vous rencontrerez dans votre carrire nont pas le franais en partage de la mme manire. Certains le parlent chez eux, uniquement ou avec une autre langue, dautres lont dcouvert dans la rue ou la tl, dautres encore dans des films ou des chansons qui leur ont donn envie de lapprendre, dautres enfin seulement lcole parce que leurs parents ont dcid quils feraient du franais . Toutes ces situations sont diffrentes et, mme si on ne peut pas prendre en compte tous les cas particuliers, elles peuvent se classer dans certaines catgories pour vous aider y voir clair. Car vous pouvez vous douter que les mthodes denseignement vont varier suivant ces diffrences - ou du moins devraient varier. Si des enfants ont entendu le franais chez eux, ils auront les sons du franais dans loreille , ils sauront sans doute, avant daller en classe, les diffrencier et peut-tre les rpter et vous pourrez vous rfrer ces acquis pour aborder la langue - avantage que nauront pas ceux qui parlent une langue diffrente (trangre ou rgionale) dans leur famille. Cette familiarit phontique loral est primordiale pour la suite didactique de votre travail car elle dictera que vous preniez appui sur elle pour entrer dans lcrit et expliquer lorthographe qui est le lien entre des lments sonores (la phonie) et des lments visuels (la graphie). Les enfants non francophones dcouvrent en mme temps en classe loral et lcrit, ce qui suppose que lenseignement du franais soit alors bas sur leur relation : vous entendez ceci, vous crivez cela ; et cette prcision est de taille si on pense que nombre de langues parles par nos lves soit ne sont pas crites, soit ne sont pas connues deux sous leur forme crite. Pensons par exemple au berbre, parl par nombre dlves venus dAlgrie ou du Maroc, dont la graphie existe, mais que ne connait pas la majorit des berbrophones, surtout issus de limmigration. En outre, parmi ces lves non francophones, il faudra diffrencier ceux dont les langues sont plus ou moins proches du franais, de plusieurs points de vue : ! phontique et tymologique (les langues latines) ; ! culturel (les langues de cultures occidentales, quelles viennent dEurope, dAmrique, etc.) ; ! graphique (les langues qui scrivent avec lalphabet latin, amnag ou pas) etc. Cest la moindre des choses (jallais dire, la moindre des politesses) 66 quun enseignant se renseigne un peu sur les langues parles par ses lves, quil soit dans leur pays, professeur de franais ltranger, ou dans un pays francophone, professeur de franais des trangers . Ce ne sont pas des choses difficiles, il suffit souvent dobserver. Par exemple, enseigner le franais des Laotiens ou des Viet-Namiens (habitants de deux pays asiatiques proches, frontaliers et trs ressemblants bien des gards - ils sont trs nombreux dans nos classes en France) na rien voir : car le laotien scrit en criture lao, alors que le viet- namien scrit depuis quelques dcennies en criture latine. Notre graphie est donc acquise dans le second cas. Les exemples que nous prenons sont bien sr valables pour tout type de public, et pas seulement pour des enfants. Envisageons maintenant un autre aspect de la question. Venir dune autre langue, cest venir d'une autre culture dans laquelle on a grandi, qui a donn sa forme ltre quon est au monde. Or cest sur la fiert de ces racines quon peut se construire et apprendre. Lapprentissage du franais, une langue sentie comme trangre dans le sens de autre , peut tre senti comme une agression contre ces langues et cultures dorigine, quel que soit lge de la vie auquel il intervienne. Charge donc lenseignant de franais de mnager des transitions dune langue lautre, de valoriser des connaissances quil na pas : comment dit-on cela dans ta langue ? , de favoriser les rapprochements : qui a ce son dans sa langue familiale ? , de faire rflchir : savez-vous quil y a 27 mots pour dire la neige dans la langue inuit des Eskimos ? , etc. Il construira de cette faon de nouveaux apprentissages, qui ne viendront pas heurter ce qui est dj l. Ces faons de faire sont essentielles, autant chez les enfants que chez les adultes. Elles doivent aller jusqu laisser cohabiter les langues dorigine dans la classe de franais, quil sagisse de pallier un mot qui manque, de faire une plaisanterie, dexpliquer quelque chose de difficile un camarade, de jouer avec les mots dans un pome, etc. Cette cohabitation accueillie et assume, explicite, sera source de connaissances partages, de moments mtalinguistiques et favorisera la dtente cognitive qui permet dapprendre sans honte, sans la peur de se tromper. Contrairement aux ides reues, ces pratiques ne font pas du tout obstacle lapprentissage dune langue, car les proportions de la langue-cible (le franais) et les langues dorigine sinversent peu peu au fil des mois et la langue-cible prend naturellement la priorit au bout de quelque temps. 4.3. Le franais au secondaire Les tudes secondaires seffectuant, en France, au collge puis au lyce entre 11 et 18 ans correspondent une priode particulirement sensible du dveloppement physiologique et psychologique, tablissant le passage entre lenfance et lge adulte. Pour certains, elles marqueront la fin de la scolarit (obligatoire jusqu 16 66 cf. Le tour du monde de la politesse. Denol. Le Monde. 2012. ans en France), pour dautres, elles seront un tremplin vers les tudes suprieures. Tout le problme pour les didacticiens du Franais langue maternelle est donc dtablir un niveau faire atteindre en maitrise de la langue et en culture littraire permettant une insertion dans la socit du travail ou un parcours universitaire. 4.3.1. L'tude de la langue, expressions crite et orale Les Instruction officielles pour le collge 67 tablissent, tout comme celles du primaire, une distinction entre la grammaire, lorthographe et le lexique qui doivent faire lobjet de sances particulires, en sappuyant sur les acquis de lcole pour les enrichir et aborder des notions plus complexes. Nanmoins la grammaire de phrases reste lapprentissage privilgi. Les indices de cohrence textuelle et dnonciation (cf. 2.4.5.), les connecteurs temporels, spatiaux et logiques qui font progresser linformation, assurent la chronologie, expliquent les causes et les consquences des actions, les pronoms et les substituts nominaux qui rfrent un nom dj cit napparaissant quen classe de Quatrime avec cette restriction : dans la mesure o ils sont exprimables en termes simples et clairs et o ils dsignent des faits de langue dont la comprhension est primordiale. . (id.p.1) La progression orthographique poursuit galement celle tablie en primaire par un apprentissage raisonn et rgulier . La mmorisation des rgles permettront le rinvestissement systmatique dans des activits dcriture. Les Instructions officielles insistent galement sur la continuit des activits de dictes telles quon les exerce en primaire : Parmi tous les types de dictes auxquels le professeur peut avoir recours (dicte-copie, dicte dialogue 68 .), la dicte de contrle est une modalit indispensable dvaluation de la comptence orthographique. (id. p.2). Lenrichissement du lexique se dveloppe galement pour un rinvestissement lcrit comme loral, avec un largissement au vocabulaire abstrait ds la Quatrime en relation avec le maniement des ides et la structuration de la pense, afin de faciliter la transition du collge au lyce. (id.p.2). Les programmes de Seconde gnrale et technologique et de Premire des sries gnrales insistent sur le fait que Ltude de la langue se poursuit en classe de seconde, dans le prolongement de ce qui a t vu au collge et dans la continuit du socle commun : il s'agit de consolider et de structurer les connaissances et les comptences acquises, et de les mettre au service de l'expression crite et orale ainsi que de l'analyse des textes. Dans le cadre des activits de lecture, d'criture et d'expression orale, on a soin de mnager des temps de rflexion sur la langue. 69 . Les sances dtude de la langue nont donc plus un caractre systmatique, mais sont intgres aux autres activits, que ce soit pour lorthographe ou la grammaire de phrases, afin de combler les lacunes en morphologie et en syntaxe lors de la rdaction dcrits, pour la grammaire de textes et de discours afin de comprendre les textes lus, mais aussi pour le vocabulaire afin de favoriser l'expression d'une pense abstraite lcrit comme loral. 67
Bulletin officiel spcial n6 du 28 aot 2008. 68 La dicte copie consiste rdiger en commun un texte de synthse de leon, les problmes orthographiques sont rsolus en commun au fur et mesure. Le texte est ensuite recopi dans le cahier. La dicte dialogue consiste pour le maitre dicter un texte, les lves peuvent poser des questions sur lorthographe dun mot, il y a propositions et contre-propositions avec justification, puis choix individuel de lorthographe aprs ces changes. 69 B.O. spcial N9 du 30 septembre 2010. De mme, alors quau collge, lexpression crite et orale font lobjet de sances particulires partant du principe que loral senseigne comme lcrit 70 avec des exercices varis suivant une progression prcise dfinie par les programmes (productions dcrits en relation avec les textes tudis, et loral, dbats, expressions dmotions et changes darguments, lectures oralises, rcitations, etc.) au lyce, la pratique de lcrit et de loral vise avant tout la prparation aux examens du baccalaurat. 4.3.2. La culture humaniste Si lcole primaire privilgie la dcouverte des uvres du patrimoine , le collge comme le lyce ont pour vocation de fonder une culture humaniste 71 avec notamment la dcouverte des textes fondateurs au collge (La Bible, le Coran, lIliade et lOdysse, etc.) et les grands textes de la littrature dite classique au lyce. Ainsi, les programmes du lyce prcisent : Dans la continuit de l'enseignement qui a t donn au collge, il s'agit avant tout d'amener les lves dgager les significations des textes et des uvres. cet effet, on privilgie deux perspectives : l'tude de la littrature dans son contexte historique et culturel et l'analyse des grands genres littraires. . Le collge a, en effet, dj privilgi la dcouverte des formes et genres littraires (op.cit.p.3), ltude des types de textes (narratifs, descriptifs, explicatifs, argumentatifs, injonctifs) napparaissant plus sous cette expression controverse (Cf.2.4.3), mais tant remplace par la dcouverte des diffrentes formes de langage : celui de la littrature, de linformation, de la publicit, de la vie politique et sociale. (ibid.). Les repres en histoire littraire permettent dtablir, au collge comme au lyce, des liens transdisciplinaires avec lHistoire et les Arts et de construire une culture commune. Ltude des grands genres littraires (posie, thtre, roman, littrature dides) et de leurs principales caractristiques de forme, de sens et d'effets ont pour objectif au lyce de favoriser le dveloppement d'une conscience esthtique (op.cit.), et ainsi, par-del la culture littraire et les capacits de rflexion, permettent l'accs lenseignement suprieur. 4.4. Le franais pour les adultes : l'universit, dans le monde du travail Vous avez vu que, jusqu maintenant, nous avons parl de didactique du franais et ventuellement de didactique des langues en gnral, mais en mettant laccent sur des lves franais, assez jeunes, et donc implicitement sur lcole maternelle ou lmentaire, voire secondaire, car nous savons que nombre dentre vous visent un emploi dans lducation Nationale, au niveau primaire. Il serait toutefois injuste et erron doublier que lcole nest pas le seul endroit o lon apprend - entre autres les langues - et en tout cas quil ny a pas dge pour apprendre ! Dautres moments de cette partie ont mis laccent sur les enfants trs jeunes ou plus gs. Nous voudrions ici insister sur le fait quon peut apprendre aussi lge adulte ; et pas seulement pour des raisons professionnelles, comme vous le prsentera la section suivante. On peut croire quon crit et parle bien le franais, et se trouver dsaronn-e devant ce que demande luniversit sur le plan 70
B.O. spcial N6 du 28 aot 2008, p.3. 71 Sous-titre pour le chapitre II La lecture, p.3, B.O. spcial N6 du 28 aot 2008. langagier ; on peut tre lettr ou cultiv dans sa langue dorigine et se trouver dmuni-e en abordant, pour diverses raisons, le franais ou une autre langue. C'est sur ces cas que nous allons nous pencher. Il existe ce quon appelle un franais universitaire ou franais sur objectifs universitaires (que certains se sont amuss abrger en FOU .), qui rassemble les diverses techniques linguistiques et discursives que demandent les diverses tches universitaires : prendre des notes pendant un cours magistral, prparer un oral dexamen par des notes crites ou un Power Point projeter, prendre des notes sur un livre quon va rendre la bibliothque et dont il faut garder lessentiel, rdiger le compte rendu dune runion de travail ou dun travail de groupe, synthtiser oralement des lectures, etc. Tous ces travaux sont nouveaux pour de nombreux tudiants, quils soient franais ou trangers. Ne parlons pas de la rdaction dun rapport de stage, dun mmoire ou dune thse - ni de leur soutenance ! Tous ces exercices sapprennent au fur et mesure quon les dcouvre et on nen possde les codes que lorsquon nen a plus besoin, bien souvent . En tout cas, il est rare quun professeur les enseigne explicitement ou quun programme denseignement les prenne en compte. La didactique du franais se penche donc aussi sur ces domaines dapprentissage, dautant plus importants quils dterminent souvent des checs ou russites universitaires qui sanctionnent bien autre chose que la valeur de la personne dans une discipline donne, mais plutt sa connaissance ou non connaissance des codes linguistiques en vigueur. Par exemple, quelles sont les diverses dispositions possibles sur une page dune prise de notes efficace ? faut-il dire nous , je , ou on , dans un rapport de stage ? comment se prparer un entretien oral ? quel type dargumentation attend un enseignant dans un devoir dvaluation ? quelle est la proportion dauteurs quon peut citer dans un mmoire ? comment prsenter une bibliographie ? etc. autant de questions qui requirent des savoirs et comptences spcifiques, rarement identifies ou enseignes. On sest de plus rendu compte que ces codes sont loin dtre universels et que les codes anglais ne sont pas les codes franais ou les codes espagnols. On peut donc arriver luniversit sr-e de soi cause de russites les annes prcdentes dans son pays dorigine, mme proche de la France, et seffondrer face des codes culturels et linguistiques quon navait pas souponns. Comme dans la classe devant des enfants dbutants, tout nest que convention, rien ne va de soi, et la seule arme universelle est lexplicitation rgulire et sans arrt rpte des rituels en vigueur - qui de plus voluent avec le temps . Mettons-nous maintenant la place dun jeune homme du Laos qui vient suivre des cours de franais dans un Centre Culturel franais de son pays car il doit aller vivre quelques annes au Qubec avec sa famille ou des amis. Que doit-il apprendre ? assimiler ? connaitre durgence ? pour sintgrer au mieux ? Quels savoirs fondamentaux lui prsenter et comment le faire pour quil ne se sente pas rabaiss et pris pour un enfant ? comment le prendre par la main pour le mener dune culture une autre ? Ces questions se posent tous les enseignants qui ont affaire des adultes qui ont choisi dapprendre le franais, pour des raisons diverses et qui leur appartiennent, personnelles, de formation ou professionnelles. ces adultes il faudra sans doute parler dgal gal, revoir les modes dvaluation (voir notre chapitre sur ce thme) et dexigences, prendre en compte leurs motivations ; il faudra crer des dialogues entre eux et viter encore plus quavec de jeunes enfants des cours magistraux, viser sans doute moins une norme linguistique que des qualits communicatives, etc. Bref, vous vous rendez compte prsent combien ces questions didactiques dpassent les seuls points linguistiques quoi on peut tre tent de rduire lacte denseignement dune langue. Envisager le champ didactique, cest donc aussi savoir sortir de la classe, imaginer toutes les situations denseignement / apprentissage possibles ct de lcole, ouvrir nos comptences denseignant une mta capacit dcoute, puis dadaptation divers publics et leurs multiples raisons de vouloir apprendre une langue - en loccurrence le franais. Cest sur cet aspect social que nous clturerons ce cours dans le chapitre 5. 4.5. Apprendre hors de l'cole Pour apprendre (une langue surtout) il y a d'autres moyens que l'cole. Si on se rfre l'histoire, les langues se sont toujours transmises par les voyages, les guerres, le commerce, les missions religieuses, bref la mobilit humaine. Au niveau micro, c'est par la famille que les langues se transmettent, se mlangent, sont charges d'affectivit, de culture, etc. Les didacticiens emploient le terme d'apprentissages informels ou encore de frayage ou d immersion pour nommer les apprentissages qui se ralisent de faon spontane 72 . La plupart des apprentissages langagiers se font de manire informelle, dans l'interaction sociale, en parlant avec les autres. La plupart du temps, ils sont non intentionnels, et s'effectuent lors d'actions qui ne sont pas finalises par l'apprentissage, comme par exemple, en discutant avec des amis, en lisant des livres, des magazines, en coutant la radio ou en regardant la tlvision, mais aussi en allant sur internet... Ces apprentissages ne sont ni structurs par des objectifs ni par une temporalit donne. Pour enseigner certains apprentissages, comme celui de la lecture et de l'criture, ou encore les mathmatiques au plus grand nombre, l'homme a mis en place une forme d'apprentissage par l'tude dispense dans des institutions avec une organisation centre sur les apprentissages et non sur l'action immdiate et le souci de production. Ainsi, partir de 1830, l'cole s'est centre, avec un projet politique de francisation, sur les apprentissages fondamentaux lire/crire. Les didacticiens emploient le terme d'apprentissages formels . La didactique s'est alors et pendant longtemps coupe des modalits de transmissions informelles des pratiques langagires, en sparant acquisition et apprentissage. L'cole a privilgi des savoirs formels sur les langues. Ce modle a t critiqu par de nombreux didacticiens du franais dans la mesure o, selon eux, la vise de cette discipline doit prparer les apprenants tre capables de parler, lire, crire efficacement dans les diverses situations langagires de la vie qu'elle soit professionnelle, civile ou prive, plutt que de cibler l'acquisition d'aspects formels du langage. Ainsi, partir des annes 80, la didactique du franais a mis en avant la communication et les vises pragmatiques, avant la langue et ses rgles. Depuis, les savoirs de la classe de franais proviennent galement des pratiques sociales de rfrence, autrement dit des usages sociaux et crits du langage dans la socit. Si aujourd'hui l'cole intgre dans son enseignement les usages sociaux du 72 Brougre, G.& Ulmann, A-L. dir. (2009). Apprendre de la vie quotidienne. Paris : P.U.F. langage, il n'en demeure pas moins qu'elle slectionne ces usages, qu'elle les hirarchise. Ainsi certaines pratiques langagires extrascolaires ne sont pas ou peu lgitimes, se trouvant plus ou moins loignes du langage scolaire, comme par exemple, le slam, le rap, le tchat, les sms, certains plurilinguismes. Il n'est pas rare que des enseignants ignorent les pratiques langagires extrascolaires de leurs lves, leurs comptences interculturelles alors que, par exemple, ces derniers sont auteurs de blogs sur internet ou qu'ils tiennent des journaux intimes voire crivent pour un groupe musical de leur entourage. Il arrive en effet que les pratiques d'criture extrascolaires des lves soient d'une grande richesse et intensit, sans que pour autant ceux-ci les rinvestissent l'cole. Souvent, ils les taisent. La perspective (socio)didactique cherche tablir des ponts entre les pratiques langagires dans et hors lcole, comme moyens de circulation, en rinterrogeant les rapports entre la classe et son environnement, en comprenant les processus dappropriation dans, mais aussi hors de la classe. CHAPITRE 5. DIDACTIQUE DU FRANAIS ET SOCIT Mme si les pratiques peuvent se diversifier linfini, en fonction des situations diffrentes que constituent chaque classe et chaque public, heureusement des espoirs et objectifs communs nous rassemblent. Dans tous les cas, les enjeux de lenseignement du franais sont les mmes : il sagit de faire progresser nos lves, de leur faire dcouvrir et construire une aisance de plus en plus grande dans la langue et travers les langues en gnral. Il sagit aussi, par cette aisance, de faciliter leur intgration sociale, de les rendre capables dvoluer et dexercer leur esprit critique, dentrer en interaction avec la socit dans laquelle ils se trouvent. Cest la raison pour laquelle ce chapitre dveloppera divers points de contact entre la didactique du franais et son ancrage social. 5.1. Pratiques langagires Le concept de pratiques langagires permet Elisabeth Bautier (1981) d'aborder le problme des diffrences linguistiques et de leurs consquences sur le plan scolaire. Cette auteure dfinit ce concept comme les manifestations rsultantes dans les activits de langages de l'interaction des diffrents facteurs linguistiques, psychologiques, sociologiques, culturels, ducatifs, affectifs ... qui sont constitutifs des caractristiques individuelles et de groupe . Elle s'oppose ainsi aux recherches sur les origines des diffrences de russite scolaire qui se centrent exclusivement sur les diffrences de codes linguistiques pour s'intresser ce qui est fait avec le langage, aux usages du langage en considrant les relations de ces usages langagiers avec d'autres comportements sociaux. Ce concept met ainsi l'accent sur la multiplicit des facteurs linguistiques et non linguistiques que la mise en uvre du langage mobilise. Le langage n'est pas considr comme la ralisation d'une pense dj faite, mais comme une des dimensions dynamiques de la vie sociale d'un individu et de sa pense en construction. Les pratiques langagires sont dfinies comme des pratiques sociales avec des ritualisations, des normalisations des fonctionnements langagiers caractristiques des groupes sociaux d'appartenance. Toute situation de communication suppose une interprtation de ses enjeux, de sa fonction et de l'usage du langage qu'elle implique. Les recherches sur le rapport entre les pratiques langagires et les difficults scolaires, montrent que les reprsentations lies au langage et ses utilisations (...) s'exercent massivement dans les modes de transmission et d'appropriation des savoirs . Quels leviers d'action en termes d'enseignement ouvrent ces travaux ? Comment, par exemple, permettre un locuteur qui utilise, dans son vcu social, quasi exclusivement la langue pour faire, pour dire dans la connivence avec l'autre, d'utiliser la langue pour prouver, argumenter ? Prenons un exemple de Bautier elle-mme, relatif une situation en sciences en CE2. Face une consigne trs ouverte nonce par une enseignante, deux lves de CE2 produisent deux noncs trs contrasts: Aujourd'hui on va parler de l'eau, de comment on trouve l'eau . Une premire lve rpond : Elle [leau] a trois formes/ elle a leau gazeuse/ leau normale et leau en glace , alors qu'une seconde lve : Moi des fois je bois de leau chez moi / Je sens que le got il vient de la piscine. La premire lve interprte le cadre de travail sur le registre scolaire(au sens de la restitution de savoirs acquis) alors que la seconde rpond au niveau personnel et subjectif des sensations prouves, ayant interprt la situation comme offrant une possibilit de faire part de son exprience (...) le verbe trouver a t interprt sur le plan de l'exprience sensible et non sur le plan cognitif . Cet exemple montre l'importance de l'interprtation de la situation par les lves. Ces diffrentes faons d'tre des lves en face de la mme situation peuvent tre corrles des socialisations langagires, elles aussi diffrentes, leur analyse permet de mettre au jour des processus potentiellement diffrenciateurs de la scolarit des lves (...) . Les recherches montrent la forte prsence de cet usage du langage qui relve de la seule immdiatet du dire, dans la connivence avec l'autre chez les lves en difficult, de milieux socioculturels dfavoriss en particulier. Ainsi ce recueil, en montrant la pluralit des interprtations des lves ds lors quaucune contrainte explicite ne porte sur le type de texte produire (...) , met en vidence le rle structurant ou pas de la situation et des consignes de travail face des lves de milieux socioculturels dfavoriss qui se caractrisent, selon Bautier, par des usages du langage plus communicatifs et expressifs que cognitifs et laboratifs, qui manifestent une grande difficult penser la langue comme un objet d'analyse . 5.2. Le poids des interactions Tout au long de ce cours, vous avez rencontr plusieurs reprises la notion d'interactions laquelle nous avons voulu accorder une place centrale. On la trouve dans une premire acception qui dsigne le processus d'actions, ractions entre deux domaines langagiers qui ne sont plus apprhends comme disjoints (Kerbrat-Orecchioni, 1998) pour parler des relations qu'entretiennent les pratiques sociales des langues dans la socit et les pratiques d'enseignement des langues l'cole, ainsi que pour dsigner les relations entre l'oral et l'crit. Un second type d'emploi dsigne l'interaction comme une forme de discours produit collectivement, par l'action ordonne et coordonne de plusieurs interactants (Kerbrat-Orecchioni, 1998) quand il a t par exemple question du rle des interactions langagires dans la construction des savoirs. Depuis plus d'une dizaine d'annes, tant les programmes d'enseignement que les travaux de recherches font une place aux interactions langagires, autrement dit aux dialogues et changes verbaux dans la classe, et ce dans les diffrentes disciplines pour favoriser l'acquisition et l'apprentissage de conduites langagires. C'est sous l'influence des courants amricains de l'anthropologie de la communication (cole de Palo Alto), de l'analyse conversationnelle (cole de Chicago) que l'approche interactionnelle des changes en classe s'est dveloppe. Les participants cooprent, dans le respect des rgles implicites d'une culture donne, pour construire ensemble un discours en situation. Dans l'change, dans un contexte donn, les noncs sont constamment adapts par le locuteur en fonction des ractions des rcepteurs, de faon les rendre plus efficaces et comprhensibles par les interlocuteurs. Les diffrents locuteurs et rcepteurs participent l'interprtation des noncs dont ils ngocient le sens donner. Les interprtations et les ajustements rciproques concernent les noncs eux- mmes, ainsi que leurs objectifs et leurs enjeux, et sont lis aux reprsentations que chacun se fait des intentions de l'autre. Toute situation d'interaction court constamment le risque de l'incomprhension ou du malentendu d'autant plus quand il y a mconnaissance de la culture de l'autre et de ses habitudes communicatives. Prenons l'exemple d'un maitre de cycle 3 confront une lve d'origine chinoise qui ne prend la parole que sous l'injonction pour rpondre une question. Le maitre interprte l'attitude de cette lve comme un manque d'implication, une attitude d'ennui alors que, dans la culture chinoise, un lve ne doit pas demander d'explications son enseignant, ceci serait une marque de non respect vis--vis de l'enseignant, et de critique sur sa faon d'enseigner. L'attitude de cette lve chinoise trouve son explication dans le fait que la relation asymtrique entre le matre et l'lve propre la situation d'enseignement est beaucoup plus marque hirarchiquement dans la culture chinoise, alors qu'elle a volu vers une relation qui a une apparence plus galitaire dans certains contextes d'enseignement francophones. Elle trouve galement une explication dans le concept de face (Goffman, 1974), c'est--dire que, dans l'interaction, les participants veillent ce que personne ne perde la face, ne soit bless dans son amour propre, ce qui structure de manire implicite en partie le discours. Cet exemple, permet de mettre l'accent sur les diffrences interculturelles. Parler une langue implique d'en connatre le systme et surtout les usages culturellement construits. Comprendre la dynamique interactionnelle, c'est savoir ce qu'on peut dire ou non selon le contexte, comment, qui et dans quelles circonstances, ce qui dpend de conventions sociales implicites. Pour tout enseignant, en France, face la diversit du public scolaire, il est important d'tre conscient de l'importance des diffrences interculturelles et de comprendre comment et pourquoi une mme situation langagire est assure de faon diffrente selon les cultures, ce qui lui permettra d'viter nombre de malentendus. Dans une perspective interculturelle, l'enseignant de langue doit intgrer, dans son enseignement, les variations d'usages entre les cultures et les comparer. Par ailleurs, comprendre la dynamique de l'interaction suppose de prendre non seulement en compte les changes verbaux, mais aussi le non verbal, le regard, les mimiques, les postures, les gestes, ainsi que ce que l'on appelle le paraverbal, le dbit, l'intonation, voix, ce que les travaux de recherche ont mis au jour. Les enseignants connaissent bien le rle du regard pour grer la parole dans un dbat, les coups d'il et les petits mots comme hein pour maintenir l'attention, ou encore les hochements de tte qui montrent l'coute. Sur le plan mthodologique, cette approche suppose de partir de situations authentiques enregistres au filmes. Ainsi, nombre de recherches enregistrent ou filment des situations d'enseignement/apprentissage pour analyser, partir de la transcription des interactions et du codage de certains aspects non verbaux, l'efficacit du discours de l'enseignant dans l'interaction. Exercice 1 : 1- Identifiez et analysez les diffrences entre le schma de la communication produit par Jakobson prsent dans la partie 2.2. Langue et communication et celui de Charmeux (1989 : 94) 73 prsent ci-dessous. Quels sont les apports de ce second schma de la communication produit par E. Charmeux par rapport celui de Jakobson ? 2- quel schma vous rfreriez-vous pour dcrire des situations d'enseignement/apprentissage de la lecture ? de l'criture ? de l'oral ? Justifiez votre rponse. Schma de la communication d'E. Charmeux. (1989). En guise de rponse, donnons la parole E. Charmeux 74 : Ce qui apparat ici, c'est contrairement au schma traditionnel, la concidence entre le projet d'mission et celui de rception on ne comprend pas forcment ce qu'a voulu dire l'auteur , selon une formule chre nos souvenirs scolaires. La construction du sens en lecture, comme en rception orale, ne consiste pas seulement donner du sens un nonc , grce aux connaissances que l'on a de la langue et du monde (...), mais articuler cet nonc sur la situation pour l'riger en discours, et, par l'opration d'interprtation, en construire la 73 Charmeux, E. (1989). Le bon franais ... et les autres. Norme et variations du franais d'aujourd'hui. Paris :Milan Education. p. 94. 74 Charmeux, E. (1989). Le bon franais ... et les autres. Norme et variations du franais d'aujourd'hui. Paris Milan Education. p. 94. signification, c'est--dire la rapport entre le sens linguistique de l'nonc et les donnes situationnelles (qui parle ? pourquoi dit-il cela ? pourquoi le dit-il comme cela?)Recevoir un message, ou lire un texte, implique donc plusieurs oprations. Exercice 2 : Quels sont les rles des interactions verbales dans cet extrait propos par J ; Boussion, M. Schttke et C. Tauveron (2000 : 126-127) ? l'issue d'une visite au parc de Gvaudan, dans le Massif Central, une classe de CP a pour projet de rdiger, pour le journal de l'cole, un texte documentaire sur les loups. Au moment d'crire les rubriques Disparition du loup et Le loup aujourd'hui , l'enseignant lance la discussion suivante : ENSEIGNANT - Alors, d'aprs ce que vous savez pourquoi les loups ont-ils disparu ? LVE - Ils sont tous morts. Ils n'avaient plus assez manger. On les a tus ... LVE - Oui mais on nous a dit qu'on en remettait en libert . LVE - Non pas n'importe comment. LVE - Et puis il y a longtemps qu'on les a tus ... ENSEIGNANT - Vous avez tous raison. On avait trs peur des loups. On les a chasss et tus. Ils ont disparu cause de l'homme. Vous avez tous lu le texte La disparition du loup . Qu'en avez-vous retenu ? Ce que vous venez de dire, mais encore ? LVE - Ils ne mangeaient pas souvent les gens. LVE - Oui mais il ne fallait pas qu'ils les mangent du tout. LVE - Maintenant on saurait se dfendre . LVE - Et aprs il y a plein de renards qui drangent les poules et les lapins. Et aussi les souris. Et puis on a lu qu'il y avait trop de souris et de rats. On pense l'histoire du joueur de flte et des rats partout. Enseignant - Vous avez peur qu'on remette les loups en libert ? LVE - On aurait tous peur. LVE - Oui mais le loup des Vosges n'a mang que des moutons. C'tait en t et il tait tout seul. LVE - Moi j'aurais peur des meutes... ENSEIGNANT - condition d'tre raisonnables, attentifs l'quilibre de la nature, en prenant toutes les prcautions, les spcialistes pensent qu'on peut remettre quelques loups. Mais beaucoup de gens sont contre cette ide . (...) En guise de correction, donnons la parole aux chercheurs : Le projet central de l'enseignante est bien de former des enfants lecteurs et producteurs de texte. Pour autant, ou plus exactement pour cette raison mme, il s'attache tout particulirement favoriser les interactions verbales parce qu'il sait qu'elles sont une aide la construction de la pense. Il ne s'agit pas pour lui de faire parler les lves dans un jeu de questions/rponses, mais de les aider verbaliser et changer leur savoir et ce faisant le synthtiser, le recomposer et , sans paradoxe, le construire. Boussion, J.& Schttke, M., & Tauveron, C. (2000) 75 . 5.3. Didactique et pratiques sociales Les genres sociaux crits ou oraux (autre faon de crer des progressions) Ce qui suit est issu de deux moments de ce cours. Le chapitre 2 vous a initis la notion de pratiques sociales de rfrence : vous pouvez y retourner si vous voulez vous rafraichir la mmoire. Le chapitre 3 sur loral a abord la question des genres sociaux , dont on vous a dit que cest la mthode genevoise . Nous allons revenir sur ce point. Une tendance de la didactique des langues, soucieuse de lier ce qui se fait lcole ce qui se vit hors de lcole, a pour principe de sappuyer sur des observations quon peut faire dans la vie courante pour en dduire des activits et exercices dvelopper dans la classe. Lide est que tous les lves partagent, hors de la classe, des vcus communs : ils passent dans les mmes rues, de leur ville ou de leur village, devant les mmes affiches, voient des journaux dans les vitrines, entendent la radio et la tlvision, ctoient des commerants au march ou dans les magasins, etc. Toutes ces expriences les mettent en contact avec diverses faons dutiliser la langue ou les langues : on entend des marchandages sur un produit acheter, des dbats sur la place du village, les ordres dun gardien de parc ou de muse, les informations dun journaliste ; on voit des publicits sur les murs, les magazines ou entre deux missions de tl, on reoit des faire-part de mariage ou de naissance, on crit des cartes postales ou des textos, le docteur nous donne une ordonnance pour le pharmacien, on doit remplir un chque ou un formulaire dinscription etc. On peut dire ainsi que la vie sociale est rythme par tous ces usages linguistiques, qui nous offrent voir ou entendre sans arrt des textes crits ou oraux. Certains didacticiens se sont dit quon pourrait mettre profit cet norme rservoir dexpriences pour que celles-ci servent de modles utiliser dans la classe. On voit les divers avantages de cette ide : non seulement, celle-ci cre une certaine galit entre les lves, puisquelle fait rfrence des expriences communment partages, et non aux privilges dus au niveau dit culturel de certaines classes sociales ; par ailleurs, le fait de se rfrer ces pratiques sociales dans la classe vite lenseignant de justifier ses propositions de travail, car elles trouvent leur sens dans cette exprience mme. Ainsi, inutile dexpliquer quoi sert une publicit, un prospectus ou un annuaire : leur utilisation quotidienne leur donne sens et on postule quun enfant ou un adulte travaillera plus volontiers sur des produits dont il connat la fonction sociale que sur des produits qui lui paraissent gratuits et sans intrt (une rdaction, un rsum, etc.). Un autre avantage est la gamme infinie de ces produits sociaux, qui voluent avec le temps et les inventions de la modernit, varient suivant les lieux et les poques, lge des acteurs sociaux, et proposent donc des difficults trs variables sur le plan linguistique. On peut dire par exemple que, dans le domaine de la correspondance, un faire-part sera plus facile lire quune carte postale, qui sera elle-mme plus facile crire quune lettre. Et dans les lettres, on diffrenciera les lettres personnelles, les lettres administratives, etc. On appelle donc genre social , tout produit linguistique issu de l'usage social, entendre ou lire par les usagers sociaux. Contrairement des produits didactiques uniquement scolaires, les genres sociaux existent toujours 75 Boussion, J.& Schttke, M., & Tauveron, C. (2000). Lecture, criture et culture au CP. Paris : Hachette. (p.126- 127). en production et en rception, quasi en mme temps : ainsi un conte est racont par un-e conteur / se et cout par des auditeurs ; une information est donne par le journaliste de la radio en mme temps quelle est diffuse aux auditeurs ; une publicit est rdige par un publiciste pour tre distribue dans des boites aux lettres ou donne des passants dans la rue, etc. Ces genres sociaux, crits ou oraux, quon peut dcrire sur le plan linguistique, discursif, lexical, syntaxique, etc. ne se limitent pas leur dimension linguistique : puisquils sont bass sur un objectif de communication, ils devront intgrer aussi des lments iconiques, spatiaux, etc. pour de lcrit, intonatifs, dclamatifs pour de loral, etc. La langue ny est donc pas coupe des autres moyens dexpression, qui la compltent et grce auxquels elle prend une allure riche et complexe. Travaillant les genres sociaux, llve apprend aussi tre un acteur social. De ct de lenseignant, le travail par les genres sociaux permet de prendre appui sur des modles existants (de vraies informations radios, de vrais dbats tlviss, de vrais rglements de train ou de bus, etc.) quil sagira dobserver avant den reproduire les traits linguistiques les plus saillants. Lenseignant peut aussi crer des progressions en demandant de reproduire un seul trait linguistique (linfinitif, par exemple, pour les verbes dune recette) dun genre social, puis en complexifiant la tche : inclure des quantits, ajouter une liste dingrdients, dcrire le plat final obtenu, etc. Cette mthode facilite les co- et auto-valuations puisque lapprenant, ayant un modle sous les yeux, peut facilement, sil est guid dans le choix des critres, comparer ce quil a produit avec le modle social propos en dbut de squence. Il peut aussi, par la suite, lui ajouter une phase de remdiation pour sapprocher davantage de ce modle. Enfin, linfinit des genres sociaux offre lenseignant une palette inpuisable de modles qui vite la monotonie et lui permet de sadapter des publics nouveaux en empruntant ces modles leur quotidien. Voil pourquoi nos collgues suisses ont fait le choix de ce type de travail, tandis que nombre des enseignants franais sappuient depuis longtemps dans leurs classes sur des genres sociaux sans parfois en savoir le nom ! 5.4. Le franais en contact avec d'autres langues Nous arrivons vers la fin de notre parcours qui, vous avez pu le constater, va de la stricte vision de la classe de franais vers la place de ce franais dans divers contextes sociaux. Ces contextes nous mettent sous les yeux (et dans les oreilles) quelques phnomnes intressants, quant la vie des langues, et donc leur enseignement. En effet, que mcrit un de mes fils sur un rcent texto ? hello, mam, voy a riguardare la TV avec mes amis, ciao . Que lisez-vous ? une phrase que vous comprenez invitablement, dont on peut reconnatre des lments issus du franais, de lespagnol, de litalien, dune langue anglo-saxonne, un sigle international (TV) et une abrviation qui peut appartenir plusieurs langues, entre autres latines. Question : mon fils a-t-il conscience de ce mlange lorsquil crit ? sans doute non, et quand il ajoute salutipache comme disent les Corses , faisant sans doute allusion la formule salute i pacce quil a peut-tre entendue mais jamais lue, quelle langue crit-il ? Je serais tente, de faon un peu provocante, de rpondre quil crit du franais, du franais de jeunes Franais de 2012, mtiss dautres langues rencontres dans sa vie, mais aussi dans la vie du franais. En effet, si nous nous plaons du point de vue dune langue, il est invitable que les moyens de communication actuels (TV, internet, tlphone, texto, voyages de tous ordres, media, CD, etc.) et passs la mettent ou laient mise en contact avec dautres langues, puisque les frontires tant des inventions humaines, elles nexistent heureusement pas ltat naturel. Il sensuit que les langues se dplacent dans le monde avec leurs locuteurs, quelles se rencontrent, se croisent, empruntent lune lautre, se compltent, se font cho, etc. Et nous recevons, lisons, crivons, entendons, transmettons ces mlanges, dans nos usages quotidiens. Que faisons-nous dautre quand nous disons : je vais manger une pizza , sois un peu plus cool sil te plait , to be or not to be, cest la question ? etc. Notre vcu langagier est truff de mlanges, dinterfrences, demprunts, plus ou moins conscients, plus ou moins rcents, qui font vivre et voluer les langues. Certains vont disparaitre, comme les modes, dautres vont sincruster et faire partie de la langue. Face ces phnomnes subtils et passionnants, que devons-nous enseigner ? Que devons-nous accepter en classe ? Bref : dans quelle mesure le franais de lcole doit-il se soumettre un idal de puret qui certes a une histoire et sa raison dtre ? ou tre lcoute des autres langues qui le font voluer et feront la norme de demain ? Cest une question didactique bien difficile mais que tout enseignant de langue et de franais doit se poser. Car elle rgit tous nos rflexes dvaluation, de valorisation ou dvalorisation, de transmission, permission ou interdiction dans la classe ; elle rgle aussi le lien que nous voulons entretenir, dans notre enseignement, avec les usages sociaux. Il ne va pas de soi de prendre une position nette et dfinitive. Pour notre part, nous conseillons une position scolaire souple et nuance. Rgle 1 : montrer aux lves, dans des cours de vocabulaire abordables tout ge, que toute langue volue, que de nouveaux mots apparaissent, sont emprunts dautres langues, dautres disparaissent, changent de sens, se transforment, etc. Henriette alter, spcialiste de lhistoire des langues, parle de mots nomades , qui passent dune langue lautre, les enrichissent, leur ajoutent des nuances, de nouveaux sens, etc. Lapproche tymologique va alors dans le sens dune relativisation de la norme et des usages. Ce qui est correct un sicle donn ne lest plus au suivant, une forme condamne (par exemple Est-ce que . ? lcrit dans les annes 50) une poque est accepte une autre, et ainsi de suite. Nos langues sont le miroir de nos socits et de nos rencontres : les guerres ont insuffl de nombreux termes trangers en franais, comme les dplacements conomiques et les mobilits politiques. Les religions des autres influencent aussi notre langue en y intgrant leurs termes propres, comme toutes les habitudes sociales (sport, cuisine, art .) : le surf, la paella, le couscous, le rap, le net, en sont la dmonstration, autant dans leur dnomination que dans les lexiques qui les caractrisent. Il est trs utile que les enfants et apprenants de tous ges voient le franais (et toute langue) comme un grand fleuve qui charrie des alluvions, sen enrichit et en laisse dautres sur la rive, au fur et mesure quinexorablement il avance. Mais il serait faux de faire croire que tout langage, tout mlange, toute nouveaut, est admissible et sa place dans toute situation de communication. Rgle 2 : faire observer qu lcrit comme loral, les coutumes sociales nous invitent utiliser tel ou tel mot, tel ou tel style, telle ou telle formule, suivant qui nous nous adressons et dans quelle relation nous sommes avec notre interlocuteur : lexemple de la correspondance, et des formules douverture et de clture dans une lettre, sont un bon exemple de cette variation. On peut donc enseigner aux lves tout ce franais mtiss qui est celui des Franais de leur poque, tout en leur enseignant que certains mots dorigine trangre (ciao), ou dintroduction rcente (surfer sur la toile) ou limite un type de situation (il a gagn par ippon), ne sera pas accept par tout le monde. Rgle 3 : bref, cela signifie quon enseigne une langue dabord en fonction des situations de communication dans laquelle va se trouver lapprenant, et en prsentant la langue standard, norme, comme une variation possible, accepte dans des situations formelles (examen, cole, professionnel, administration, situation dvaluation, etc.). On commence donc par les variations, puis on arrive un standard commun , lment de ces variations, et non linverse : cest cet angle de vue qui est fondamental. Rgle 4 : et toujours envoyer un dictionnaire rcent, garant controvers mais traditionnel du standard de lpoque, en cas de doute. Lenseignant devrait dailleurs toujours avoir son dictionnaire sur son bureau et le consulter plusieurs fois par sance, pour inculquer cet automatisme aux lves. 5.5. Institution, programmes, valuations nationales dans le contexte franais Les programmes constituent le cadre national obligatoire de l'enseignement. Ils prescrivent les contenus, les dcoupages disciplinaires et les horaires des diffrentes disciplines pour le primaire, collge et le lyce. Les programmes pour l'lmentaire et le secondaire ont volu, depuis 1970, sous l'influence des travaux de la linguistique, des thories de la communication et des tudes narratologiques, et depuis 1989 avec la sortie de la loi d'orientation qui met l'enfant au centre du systme ducatif et qui a pour objectif de permettre 80 des lves la russite au bac. L'organisation institutionnelle de l'enseignement primaire est alors marque par un nouveau dcoupage du cursus en cycles et par l'apparition d'valuations nationales afin que les enseignants puissent reprer les difficults de leurs lves et mettre en place des remdiations. En 2002, la littrature (cf. 3.7.) apparait dans les programmes de l'cole primaire, l'enseignement de la grammaire rompt avec la conception traditionnelle pour dvelopper une dmarche rflexive sur la langue, toutes les disciplines sont concernes par la matrise de la langue. L'enseignement des langues trangres et rgionales a pour objectif de favoriser une analyse rflexive sur les langues. Cette rnovation de l'enseignement du franais est accompagne d'une srie de documents d'application. En 2007, les programmes apportent des prcisions sur les premiers apprentissages en lecture et sur l'enseignement du vocabulaire. Les programmes de 2008 prsentent une conception plus traditionnelle de l'enseignement de la grammaire qui privilgie l'identification de la nature et fonction des mots et des propositions au dtriment d'une grammaire outil au service de la lecture et de l'criture. On en revient la rdaction traditionnelle plutt qu' la production d'crits , do l'abandon des genres sociaux de l'crit et de l'enseignement du processus d'criture. L'enseignement de la littrature y est rduit. Pour le collge, dans les programmes de 1995, apparait la notion de squence qui constitue une organisation de l'enseignement du franais qui rompt avec un enseignement cloisonn de la lecture, de l'criture, de la grammaire, de l'orthographe, de la conjugaison et du vocabulaire. Ces squences didactiques articulent, sur plusieurs sances, la grammaire de texte et l'tude de texte en lecture et en criture pour l'tude d'un genre ou d'une uvre littraire. Des documents d'accompagnement aident les enseignants par des exemples de squences, des clairages notionnels. Dans les programmes publis en 2008, on ne trouve plus l'emploi explicite des termes de squence et de discours. Ils insistent nanmoins sur une organisation temporelle et cohrente des apprentissages. Ils prsentent un enseignement progressif de la grammaire, de la grammaire de phrase la grammaire de discours et de texte, laquelle n'est aborde qu'en 3me. La place accorde la littrature de jeunesse est rduite en faveur de l'analyse des uvres d'art. Pour le lyce, les programmes mettent l'accent, jusqu'en 1992, sur les apprentissages techniques du texte argumentatif et sur l'histoire littraire de faon quasi encyclopdique avec une preuve anticipe du bac de franais constitue du choix entre un rsum de texte argumentatif, un commentaire littraire ou une dissertation et de l'tude d'un texte l'oral. En 2001 le programme se recentre sur des objets d'tude. Les sujets de l'preuve anticipe du bac de franais consistent en un ensemble de textes distribus au candidat, reprsentatifs d'un objet d'tude du programme, corpus sur lesquels une ou deux questions demandent des rponses rdiges. Trois types de travaux d'criture sont aussi proposs au choix : un commentaire, une dissertation, ou une criture d'invention. En juillet 2006, le dcret d'application de la loi d'orientation pour l'avenir de l'cole de 2005 instaure le socle commun de comptences et de connaissances : ce que l'lve doit matriser 16 ans, la fin de la scolarit obligatoire. Ce socle fait une place prpondrante l'enseignement du franais. Il s'organise en 7 grandes comptences dont la premire est la matrise de la langue franaise et dont la cinquime, la culture humaniste, comprend la dimension culturelle de l'enseignement du franais. Ces comptences sont valides trois moments cls, au CE1, au CM2 et en troisime. Un dispositif d'valuation nationale en CE1 et CM2 porte sur les comptences du socle en lien avec les programmes, afin d'accompagner les lves en difficult. Depuis 2008, est mis en place un livret personnel de comptences l'cole primaire, et en 2009 au collge. Pour obtenir le diplme national du brevet des collges, l'lve doit attester de la matrise du socle commun. Les diffrents pays francophones accordent la mme importance la notion de comptence qui organise l'enseignement du franais et l'inscrit dans les pratiques sociales de rfrence. Par ailleurs, il existe deux valuations internationales sous formes d'enqutes. Le programme PISA (programme international pour le suivi des acquis des lves) organis sous lgide de lOCDE value les lves europens de 15 ans sur leurs comptences en comprhension de lcrit, en culture mathmatique et scientifique. Le programme PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) sous l'gide de lIEA value les comptences en lecture d'lves de fin de la quatrime anne de scolarit obligatoire (CM1). 5.6. Des outils pour la classe Quels sont outils de la classe de franais, au service de l'enseignement apprentissage, disponibles pour les enseignants et les lves ? Le manuel apparait tre l'outil de rfrence premier de prparation pour l'enseignant, notamment pour les enseignants dbutants, en dbut de carrire ou dbutant dans un nouveau cycle d'enseignement. Cet outil a fait dbat dans les annes 80. Le monde de l'ducation critiquait alors l'aspect prconu, dcontextualis, ferm des manuels qui proposaient des dmarches en dcalage avec la rnovation de l'enseignement du franais. Cette critique a donn lieu une multiplication de l'usage des photocopies qui permettaient alors aux enseignants de fabriquer leurs propres outils, de choisir des textes, des exercices, dans diffrents manuels, ou documents authentiques, permettant d'adapter ainsi les outils didactiques leur projet et aux besoins des lves. Depuis les annes 90, on est revenu sur cette utilisation massive des photocopies l'cole qui ont eu pour consquence de poser aux lves des problmes d'organisation de classeurs et de structuration des apprentissages et aux enseignants la question thique du photoco-pillage. Ainsi, les manuels scolaires ont t revaloriss et repenss pour tre adapts aux nouvelles conceptions de l'enseignement du franais en cohrence avec les programmes ministriels. Ils constituent un lien entre lcole et les parents, permettant ces derniers de suivre le travail fait en classe. Les manuels, pour la plupart, comprennent un livre du matre ou guide pdagogique , et pour les lves, des activits et exercices, des synthses de connaissance et de structuration des acquis. Certains manuels peuvent comprendre des disques, des images, des CD de films. Il est rare de rencontrer un enseignant de franais qui ne s'en tienne qu'aux ressources et aux supports du manuel. Il les complte de ressources personnelles, tant dans le choix des exercices que dans les textes proposs, ou encore avec des supports audio visuels, comme par exemple l'interview d'un crivain. Son enseignement peut tre galement enrichi par les apports personnels des lves : ceux-ci peuvent apporter des documents qui seront exploits lors des activits (extraits de journaux, publicits, documentaires...) Aujourd'hui, l're du numrique, se dveloppent des manuels numriques avec des fonctionnalits interactives, conus davantage comme des sites internet, donnant accs dautres contenus, permettant le travail collaboratif et la mutualisation de supports. ct des manuels proposant des dmarches pdagogiques et exercices, on trouve galement, dans les classes, disposition des lves, en ligne ou sous format papier, des livres de rfrence tels que les dictionnaires de langue, les dictionnaires des synonymes, les encyclopdies, des atlas, des guides de conjugaison. Des outils d'entranement tels que les fichiers d'exercices ou cahiers d'activits peuvent complter les manuels. Ces fichiers sont dans la plupart des cas autocorrectifs, ils peuvent galement se prsenter sous format papier ou sous format numrique. Depuis 2002, avec l'introduction de l'enseignement de la littrature dans les programmes de l'cole primaire et de listes d'uvres tudier, les textes supports ne se trouvent plus seulement dans des recueils de textes, mais les coles achtent des uvres de littrature de jeunesse. Par ailleurs, des enseignants proposent, sur la toile, de nombreuses ressources concrtes disposition de leurs collgues et des lves, telles que des prparations de squences, mais aussi de nouveaux outils d'criture et de communication avec, par exemple, la proposition de correspondances pour leurs classes par internet. Un autre outil disposition des enseignants consiste dans les revues professionnelles (par exemple, Les cahiers pdagogiques ou plus axes sur la recherche, la revue Pratiques , la revue Repres , la revue du Franais aujourd'hui ...) qui se trouvent, pour la plupart, sous format papier, mais galement consultables en ligne. Par ailleurs, l'enseignant doit rflchir non seulement au choix des supports, leur intrt pour son enseignement, mais aussi aux modalits de leur utilisation par les lves. Comment organiser l'exploitation de ces ressources par les lves ? Les cahiers et classeurs sont les supports de travail les plus utiliss dans les classes. Leurs dnominations et contenus jouent un rle considrable dans la conscience disciplinaire (Gigure J. & Reuter, ., 2003) et la reprsentation de l'image de la discipline. On trouve, dans certaines classes, un cahier d'expression crite, dans d'autres un cahier d'crivain, alors que dans d'autres classes le travail d'criture se fait dans le cahier du jour. Les outils qui servent crire sont les crayons papier , les stylos, les stylos de couleur, les stylos plumes, les surligneurs, le traitement de texte, ceux qui servent effacer comme la gomme, le blanco, l'ponge pour le tableau ou l'ardoise. On peut galement trouver des enregistreurs, tels que des dictaphones, voire des camscopes. Le choix de ces outils et de leurs utilisations a des incidences en termes de rapport l'criture scolaire des lves, l'oral mais galement en termes de traitement de l'erreur. En effet, le crayon papier et la gomme, l'effaceur et le dit blanco permettent de faire disparaitre les erreurs. L'ordinateur a modifi le rapport l'crit institu par la machine crire. Par ailleurs, l'ordinateur est particulirement utilis avec des lves handicaps pour leur rendre accessible l'criture. En France, depuis la loi du 11 fvrier 2005 les lves handicaps se trouvent tre scolariss en classe ordinaire quand leur handicap le permet. Quels sont les affichages d'une classe de franais ? Au CP, on trouve dans les classes, pour les lves, des pancartes, aides mmoire, prsentant l'alphabet ou encore des placards de sons prsentant les diffrentes graphies des phonmes. Des pancartes peuvent rappeler les rgles orthographiques. Des affiches peuvent galement annoncer des vnements ou encore mettre en valeur les travaux des lves. Un support permanent emblmatique du mtier d'enseignant est le tableau comme support de l'institutionnalisation du savoir, de la leon copier ou encore de la correction collective. Aujourd'hui, on commence trouver dans les classes franaises de plus en plus de tableaux blancs interactifs. On peut penser que ce nouvel outil modifiera, entre autres, les modalits d'laboration des textes des leons. CONCLUSION Nous voici arriv-e-s au bout de notre voyage ensemble. Nous esprons que vous nous avez suivies sans trop de mal. Vous avez sans doute peru nos diverses voix, dont nous navons pas cherch vous cacher les diffrences : comment faire autrement, dans un cours de didactique qui revendique la variation et la complexit comme guides ? Nous nous sommes aussi permis les redites, parfois sous des formes diffrentes, de choses essentielles auxquelles nous croyons : bis repetita placent, disaient les Latins. Lenseignement aussi est fait de rptitions. Peut-tre tes-vous du-e-s ? Non, ce cours nest pas un manuel cl en mains pour faire la classe . Non, vous ne saurez sans doute pas, aprs sa lecture, quoi faire en mettant les pieds dans une classe pour la premire fois. Au moins, vous saurez peut-tre ce quil ne faut pas faire ? . Rassurez-vous, personne ne sait dfinitivement comment faire et tout enseignant, quelle que soit son exprience, quel que soit son ge, est toujours un peu angoiss la veille de la rentre. Lenseignement est le lieu du doute et des questions ; la didactique nous aide y voir clair mais la modestie et la vigilance sont toujours de mise. Pour apprendre enseigner , il vous faudra encore beaucoup observer, discuter, lire, changer, essayer de nouvelles choses. On ne sait jamais enseigner, car la socit volue, nos lves aussi, comme nos conceptions et nos reprsentations. On est toujours en route ., cest ce qui fait que notre mtier est passionnant, cest ce qui fait que la didactique, science minemment sociale, a encore de beaux jours devant elle. A bientt sur le chemin ? Auteures du cours : Anire Karine. IUFM de Rouen. Croc-Spinelli Hlne. ISPEF, Universit de Lyon2. Rispail Marielle. Universit de Saint tienne, Jean Monnet. LMENTS BIBLIOGRAPHIQUES Les incontournables Adam, J-M. (2008 ; 1re d. 1997). Les textes : types et prototypes - Rcit, description, argumentation, explication et dialogue. Paris : Armand Colin. Bautier, E. (1995). Pratiques langagires, pratiques sociales. 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Dossier : Sexprimer en franais, Squences didactiques pour loral et lcrit Sous la direction de : Joaquim Dolz, Michle Noverraz et Bernard Schneuwly Volume IV, 7, 8, 9, Ed. De Boeck / COROME. Bruxelles, 2001. Squence 1 : La parodie de conte, Danile Marmillon ! page de couverture (1 page) ! tableau de dpart des 6 modules (2 pages) ! fiche 12 : le conte tahitien en puzzle (2 pages) ! fiche 13 : le texte sans alinas (1 page) ! fiche 15 : les temps de verbes (1 page) ! fiche 18 : les critres dvaluation (grille) (1 page) ! Annexe 7 : aide-mmoire (1 page) Consignes : 1) A partir du tableau de droulement de la squence : 3 pts ! des enfants de quel ge peut sadresser cette squence ? ! daprs vous, combien de temps peut-elle durer ? ! quelle place y ont la construction de la langue et les savoirs grammaticaux ? ! pouvez-vous reprer les lments macros et les lments micros de la squence ? ! pouvez-vous citer 2 ou 3 comptences vises ? 1) le puzzle sur le conte tahitien : fiches 12 et 13 : 3 pts ! daprs vous, quels sont les savoirs viss ? ! pouvez-vous indiquer quelques difficults que pourraient rencontrer les lves raliser ces activits, en les classant ? 1) la grille dvaluation : 3 pts ! imaginez comment on peut construire ou faire construire cette grille, dans la classe ; ! qui peut lutiliser et comment ? ! de quel type dvaluation sagit-il ? 4) Question longue : 5 pts + 6 pts - A lorigine, un conte est une production langagire orale : imaginez comment on pourrait enrichir cette squence dune partie orale. Quelles comptences peut-on viser ? Quelle activit imaginer ? Quelles consignes donner ? Quelle valuation ? - Quelles parties du cours vous semblent mises en valeur dans ces documents et cette squence ? Organisez librement votre rponse par un argument et exemplifi.
Enjeux de la place des savoirs dans les pratiques éducatives en contexte scolaire: Compréhension de l’acte d’enseignement et défis pour la formation professionnelle des enseignants