TMO Régions - Parler Breton Au XXIe Siècle

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Parler breton au XXIe siècle

L'éventualité de la disparition du breton comme celle d'autres langues à travers le monde est
une préoccupation forte du moment.

Un nouveau sondage réalisé en décembre 2007 par TMO Régions auprès d'un échantillon
représentatif des personnes âgées de 15 ou plus, d'une part en Basse-Bretagne, d'autre part
en Haute-Bretagne, permet de mieux comprendre dans sa complexité la situation de cette
langue qui se parle surtout en Basse-Bretagne, dans la partie occidentale de la région.

La démographie linguistique
Les premières données sont d'ordre démographique. Aujourd'hui, 13 % des personnes
interrogées se disent à même de parler le breton en Basse-Bretagne et 1 % en Haute-
Bretagne : le breton reste une langue fortement territorialisée.

Ces taux correspondent à 172 000 locuteurs en Basse-Bretagne et 22 500 en Haute-


Bretagne. Si on leur ajoute les 12 000 élèves scolarisés dans les filières bilingues, le nombre
total de bretonnants est de 206 000 personnes dans la Bretagne historique.

Base : l'ensemble des habitants dans les cinq départements.

Ces chiffres traduisent une évolution considérable de la démographie : en dix ans, le taux de
locuteurs a baissé de 7 points et le nombre en a diminué de 30 %.

Évolution de la démographie linguistique en Basse-Bretagne


de 1997 à 2007, parmi les 15 ans et plus.
Cette évolution est-elle due à l'augmentation de la population ou à un effet d'âge ? Il y a dix
ans déjà, les 2/3 des bretonnants avaient plus de 60 ans. Dès lors, le déclin du nombre de
locuteurs était largement inscrit dans la pyramide des âges des locuteurs de 1997 : les 9 000
jeunes bretonnants formés dans le cadre scolaire ne suffisent pas à compenser la disparition
de 83 000 locuteurs âgés.

L'âge reste le caractère discriminant : désormais, ce sont 70 % des bretonnants qui ont plus
de 60 ans. Alors que ces derniers sont au nombre de 120 000, il n'y a que 12 000 locuteurs
parmi les 15-39 ans, soit dix fois moins.

Base : l'ensemble des bretonnants, en Basse-Bretagne.

Le bretonnant type est en outre un retraité, de sexe féminin, résidant dans le Finistère. Ce
profil contraste bien évidemment avec le dynamisme des bretonnants qui sont aujourd'hui
impliqués dans de multiples activités en langue bretonne.

L'usage et les fonctions

Ce que révèle en outre le sondage, c'est que l'usage concret du breton par ceux qui le
savent s'étiole. Est-il la langue du foyer ? Assez peu : 16 % des locuteurs l'utilisent
fréquemment en couple. Est-il la langue du travail ? Encore moins : 2 % l'utilisent
habituellement dans le cadre d'une relation employeur salarié. Est-il la langue des relations
formelles ? Si peu.

Le breton est toujours aujourd'hui la langue de l'amitié et de la proximité : on le parle surtout


avec ses amis et ses voisins. Mais alors qu'en 1997 les 3/4 des bretonnants échangeaient
en breton avec leurs amis ne serait-ce que de temps en temps, seuls les 2/3 le font
aujourd'hui.
La pratique occasionnelle reste prédominante : 81 % des locuteurs déclarent utiliser le
breton moins souvent que le français. Seuls 12 % estiment le parler plus souvent et 7 %
aussi souvent. Près de 35 000 bretonnants le parlent tous les jours : ils sont la moitié moins
nombreux qu'en 1997.

Base : l'ensemble des bretonnants, en Basse-Bretagne.

Opinions et représentations

Les Bretons, dans leur ensemble, restent très attachés à la langue bretonne : près de 90 %
d'entre eux considèrent qu'il faut la conserver. Ils sont favorables à 83 % à son
enseignement.

Pour autant, son prestige n'est pas aussi fort qu'il y paraît : 43 % lui attribuent une note égale
ou supérieure à 6 (sur une échelle de 0 à 10) quand 55 % lui donnent une note égale ou
inférieure à 5. Par ailleurs, 2 % seulement considèrent qu'il est indispensable de le savoir en
Bretagne et 42 % que c'est assez utile. Ceux qui estiment à l'inverse qu'il ne sert à rien ou ne
représente pas beaucoup d'intérêt sont au nombre de 52 %.

Base : l'ensemble des habitants des cinq départements.


Quelles perspectives ?

Comment caractériser désormais la langue bretonne ? Elle se parle toujours en ce début de


XXIe siècle, et un bloc de 200 000 locuteurs, ce n'est pas insignifiant. Mais elle n'est pas
aujourd'hui un moyen de communication comme le sont le plus souvent les autres langues.
Elle l'a été : elle ne l'est plus tout à fait. On en est aujourd'hui à la 2e génération après
l'abandon du breton comme langue de la famille.

La nouveauté de la période récente est que le breton a désormais accès à de nouveaux


domaines comme l'éducation, les médias, et maintenant internet. De ce fait, on se trouve de
plus en plus clairement en présence d'une double diglossie : outre celle existant entre le
français et le breton, il en est apparu une autre entre un breton normé et celui dans lequel
s'expriment habituellement la plupart des locuteurs.

Sur le plan de la démographie, les tendances observées depuis dix ans risquent de se
prolonger. On peut entrevoir pour 2017 un nouveau recul de 4 points du taux de locuteurs
(qui s'établirait alors à 9 %) et une nouvelle baisse de 29 % du nombre de locuteurs (environ
120 000 dans dix ans).

Stabiliser le nombre des locuteurs du breton populaire ne paraît pas réalisable à court terme.
La seule variable sur laquelle il soit possible d'intervenir est la formation de jeunes locuteurs.
Mais une politique linguistique peut s'appuyer sur le large consensus dont bénéficie
durablement la langue régionale.

Fañch Broudic

Fañch Broudic est un spécialiste des sondages sur la langue bretonne. Il a publié de
nombreux travaux en sociolinguistique et en histoire sur la pratique sociale du
breton. Il est membre associé du CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique).
Site personnel : www.langue-bretonne.com

Les résultats complets du sondage sont analysés dans le livre de Fañch Broudic :
Parler breton au XXIe siècle, paru aux éditions Emgleo Breiz, à Brest.

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