Touratier
Touratier
Notions thoriques de
base pour procder lanalyse en
morphmes dun nonc
p. 11-24
TEXTEILLUSTRATIONS
TEXTE INTGRAL
b. Rapports paradigmatiques
5Pour viter le psychologisme adopt dans le Cours de F. de
Saussure <Hjelmslev a substitu> le terme de rapport
2. Le morphme
8Pour la linguistique moderne, lunit minimale significative est
le morphme (ou le monme).
a. Dfinition
9Le morphme est un signe linguistique minimal, le signe
linguistique tant dfini depuis Saussure comme lassociation
dun signifi et dun signifiant, cest--dire, pour reprendre les
propres mots de Saussure, que
le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept
et une image acoustique (Saussure, 1967,98).
b. Le monme de Martinet
15Une
terminologie
divergente
est
utilise
par
les
fonctionnalistes franais qui se rattachent Andr Martinet.
16Pour comprendre la porte plus large de lusage nonmartinettien du morphme, il faut partir du fondateur de la
linguistique structuraliste amricaine, Lonard Bloomfield. Dans
son matre-livre Language, il appelle forme linguistique toute
forme phontique qui a un sens (Bloomfield, 1990, 31), cest-dire aussi bien une phrase, un syntagme ou un mot. Bref sa
forme linguistique correspond au signe linguistique de
Saussure. Et il dfinit en ces termes le morphme :
Une forme linguistique qui ne possde pas de ressemblance
phontique et smantique partielle avec une autre forme, est
une forme simple ou unmorphme. <..> Des morphmes peuvent
prsenter des ressemblances phontiques partielles, comme le font
par exemple bird oiseau [b : d] et burr halo [b : ], ou
mme des homonymies comme air, aire, haire, hre, mais cette
ressemblance est purement phontique et non smantique
(Bloomfield, 1970,153).
24Mais attention, cela ne veut pas dire que toutes les catgories
morphologico-smantiques de la grammaire traditionnelle
correspondent forcment une valeur, cest--dire un signifi
de morphme. On pourrait montrer par exemple que ce que les
grammaires scolaires appellent prsent ou singulier nest
nullement un morphme. Le temps dit prsent est en fait le
nom que les grammaires donnent la forme verbale
comme nous chant--ons, qui na aucun morphme de temps l
o un imparfait comme nous chant-i-ons contient un morphme
de signifiant /i/ et de signifi non actuel . Contrairement ce
que donne penser son nom, le prsent ne signifie pas plus par
lui-mme lactuel que le pass ou lavenir. De la mme faon on
verra que le prtendu singulier nest que labsence dun
morphme de pluralit , et non pas un morphme signifiant
l unicit .
3. La commutation
27Pour identifier les morphmes, la linguistique moderne dite
structuraliste a propos dutiliser une procdure qui sappelle la
commutation, et dont la justification thorique est chercher
dans le fait que les relations syntagmatiques et les relations
paradigmatiques se conditionnent mutuellement. Comme nous
lavons
observ
prcdemment,
la
squence
syntagmatique enseignement est analysable en deux units
significatives
parce
quelle
combine
deux
segments
syntagmatiques plus petits qui appartiennent deux sries
paradigmatiques
diffrentes,
savoir
les
radicaux
verbaux enseign-er, chang-er, arm-er (qui sont des morphmes
lexicaux), et les suffixes -ment, -ant, - (qui sont des
morphmes grammaticaux).
a. Dfinition
28Mettre en uvre la commutation pour identifier des units
significatives consiste comparer des paires ou des groupes
dnoncs qui prsentent une opposition partielle la fois dans
lexpression et dans le contenu ; si lopposition nest pas
partielle (autrement dit, sil ny a pas une identit manifeste
un endroit ou un autre des noncs) et si cette opposition
nexiste pas la fois dans lexpression et dans le contenu, la
comparaison est sans intrt (Gleason, 1969, 56) pour
lanalyse en morphmes. Par contre sil y a une diffrence
partielle et au niveau de la forme et au niveau du sens, il est
raisonnable de supposer que la diffrence partielle de forme est
le support de la diffrence partielle de sens, quelle est
associable la diffrence de sens, et donc que ces deux
nous :
pronom
de
av- : radical
du
avoir
-i- : suffixe
-ons :
dsinence
de
chant- : radical
- : suffixe de participe pass.
1 personne
verbe
temporel
1 personne
du
e
du
pluriel
auxiliaire
dimparfait
du
pluriel
verbe chanter
4. Le mot
40Si le morphme doit tre lunit minimale de la description
linguistique, quen est-il du mot, que les grammaires ont
lhabitude dutiliser pour dcrire et analyser les langues ?
Lorsquil nest pas dfini simplement comme un segment
graphique, cest--dire comme un
lment de la langue constitu dun ou de plusieurs phonmes et
susceptible dune transcription graphique comprise entre deux
blancs (Le Petit Larousse Illustr, 1992,657),
45Tout ceci revient bien voir malgr tout dans le mot une
unit significative plus ou moins assimilable au morphme.
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b. Rejet du mot ?
53Cest ce que sont tents de penser des thoriciens comme
Martinet qui prfrent se passer du mot :
puisquil ny a pas moyen, crivit Martinet, de dfinir simplement le
terme mot de faon faire concorder cette dfinition avec lusage
ordinaire que lon en fait, les structuralistes font de ce terme un
usage aussi restreint que possible, et sont enclins refuser de dfinir
une unit linguistique universellement valable qui se situerait entre
le monme et la phrase (Martinet, 1969,110).
57Et il faut reconnatre que les linguistes qui ont explor des
domaines nouveaux comme la sociolinguistique, loralit ou
linteraction ne se sont gure soucis du conflit thorique entre
le morphme et le mot, et en sont assez spontanment revenus
aux mots.
58Si les praticiens ont incontestablement tort doublier ainsi le
morphme au profit du mot, il est permis de penser que les
thoriciens ont tort de rcuser le mot au nom du morphme.
Car le mot et le morphme, tout en ayant des proprits
apparemment communes, ne sont peut-tre pas des units
linguistiques de mme niveau. On sait que Tesnire, qui ne
travaillait pas que sur des langues comme le franais ou
langlais, o lordre des mots est le plus souvent ce qui indique
les fonctions syntaxiques, postulait deux sortes dorganisation
des units de la phrase, quil appelait lordre structural et
lordre linaire. Pour Tesnire, qui nutilisait pas la notion de
morphme, lordre structural des mots est celui selon lequel
stablissent les connexions syntaxiques (Tesnire, 1966 , 16),
cest--dire, en fait, les relations syntaxiques qui organisent et
hirarchisent les uns par rapport aux autres les diffrents
morphmes mis en uvre dans la phrase. Et il appelait ordre
linaire celui daprs lequel les mots viennent se ranger sur la
chane parle (Tesnire, 1966 , 18), cest--dire lordre o,
cause du caractre vocal et par consquent linaire du langage,
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