Le Martinisme Dévoilé...
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Actualite de
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ROSE-CROIX
ET MARTINISTES
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LE MARTINISME
des origines a nos jours
KABBALE E? MARTINISME
la voie du coeur
ORDRE
MARTINISME
TRADITIONNEL
entretien
avec le Souverain
G ran d M aitre
BELGIQUE : 7,00 / LUXEMBOURG : 7,00 / DOM : 6,20 / SU ISSE: 11,00 CHF CANADA: 8,25 CAD / GRECE : 7,00 / PORTUGAL CONT.: 7,00
SOMMAIRE
| Actualite de
; LHISTOIRE
MIIUCfilOUIBJII
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Actuellement en vente
Carnet d Uidnesses:
O.M.T., chateau d'Om onville. 27110 Le Tremblay
Tel. 33 (0) 2.32.35.4L28 Fax : 33 (0) 2.32.35.66.03
Internet: www.inartinisie.org
C ourriel: a moit & rose-croix.org
Photos de cotiverture
Montage centnil: portm it de Saint Martin -dessin de Simonetta Saenger (document
O.M.T.) :fo n d un temple martiniste (document O.M. T.)
Vignettes: Sceau des Elus-Cohen (document O.M .T.); arcane du tableau
nature! dessin de M arcel Dupre (document O.M.T.) : I Illum ination par le cam:
illustiution extmite d'Emblemata (1630). de D aniel Cnimer (document O.M.T.)
EDI TORI AL
Qu'est ce que
le Martinisme ?
Lorsque I'on evoque I'esoterisme occidental, on pense
generalement a la Rose-Croix et a la Franc-Magonnerie,
dont les origines historiques remontent respectivement
au XVII* et au XVlUeme siecles. Consideres jadis comme
des societes secretes, ces deux mouvements traditionnels,
auxquels Actualite de I'Histoire a deja consacre des
numeros speciaux, ont perdure a travers le temps et
existent toujours sous des appellations diverses.
I
Saint-M artin - dessin de Sim onetta Saenger
(O .M .T.)
FEVRIER - MARS
2010
DOSSIER_______________
Introduction
En creant IOrdre Martiniste vers 1889, Papus et Augustin Chaboseau faisaient renaitre de ses cendres une tradition reduite au
sommeil depuis les annees 1824. Cet Ordre est souvent associe
a l'occultisme de la Belle Epoque, e'est-a-dire a un esoterisme
qui sent un peu le soufre . Les enormes volumes de Papus,
consacres a la magie et aux sciences occultes. ont certes beaucoup contribue a laisser cette image s'imposer. Mais le Marti
nisme est-il vraiment cela ? Et d'oii vient-il ?
Comme toute societe initiatique, le Martinisme puise ses origines
dans des elements mythiques et historiques. Pour ce qui est du
mythe, la Tradition martiniste se presente comme 1'heritiere de
connaissances remontant aux origines de l'humanite. Enoch. Tils
de Seth, lui-meme troisieme enfant d Adam, les aurait recues
dun ange. Cette Tradition primordiale se serait ensuite transmise de generation en generation, d'initie en initie. et c'est ainsi
qu'au X V IIIemc siecle. Marlines de Pasqually sen trouvait etre
l'heritier. Pour ce qui est de I'histoire, c'est dans le Siecle des
Lumieres que le Martinisme trouve ses origines. Cette epoque,
qui precede la Revolution franqaise, est celle oil triomphe le culte
de la raison, de la connaissance intellectuelle.
A cette periode, deux courants de pensee opposes apparaissent en
France : le Scepticisme et 1'Illuminisme. Les progres enormes
realises par les sciences a cette epoque avaient conduit I'homme
a deduigner la religion. II voyait en elle une survivance des temps
ou l'humanite. encore dans lenfance, attribuait a des dieux imaginaires les phenomenes naturels et les maux dont elle souffrait.
Les courants les plus representatifs de cette attitude sont le Sensualisme et 1'Encyclopedisme. Quelques penseurs se sont inquietes de ce basculement vers le rationalisme. Parmi eux, on
trouve les mystiques que I'on regroupe sous la banniere de I'IIluminisme.
En effet, rilluminisme s'est pose a contre-courant de ce mouvemcnt qui relcguait au rang de superstition ce qui, jusqu'a pre
sent, donnait un sens a l'existence. Pour ces penseurs, c'est
au-dela de la religion qu'il faut chercher la verite des choses,
grace a une lecture en profondeur, esoterique, des textes religieux. Ce que I'on appelle rilluminisme. c'est done I'esoterisme
du X V IIIcmc siecle. La quote de ces philosophes est une recherche
mystique du sens de la vie. Ce qui la caracterise le mieux, cest
qu'ellc vise essentiellement a apprehendcr le Divin par 1experience interieure.
C'est dans 1'un des courants les plus importants de 1'Illuminisme,
YOrdre des Chevaliers Masons Elus-Cohen de I'U ni vers, par*
lois appelc plus simplement Ordre des Elus-Cohen. que le Mar
tinisme trouve ses origines. II s'agit de l'un des rites
ma^onniques les plus etranges. II possedc en effet une doctrine
qui semble plonger ses ratines dans le judeo-christianisme. qui
*
caracterise 1'Eglise originelle et utilise des rituels qui s'apparentent a une magie-angelique. une theurgie.
Cet Ordre a connu une existence assez breve, car apres la disparition de son fondateur survenue en 1774, soit une vingtaine
d'annees seulement apres la creation de I'Ordre, il entre en som
meil. II connait cependant une survivance, d'une part a travers les
Chevaliers Bienfaisants de la Cite Sainte, et d'autre part avec les
disciples de Louis-Claude de Saint-Martin, dont Papus et Au
gustin Chaboseau seront les descendants.
C'est sous cette forme qu'il existe encore de nos jours a travers
divers Ordres Martinistes, dont Tun des plus importants est VOr
dre Martiniste Traditionnel.
LE M A R T I N I S M E
L' o r d r e
d es c h e v a lie r s
Masons Elus-Cohen
de TUnivers
U n s y s t e m e d e h a u t s -g r a d e s
T u b t r v k
P k i> * r m ,K .s o k
.i . t h i r u s .
U n m y s t e r ie u x f o n d a t e u r
Le pere de Marlines de Pasqually etait un
espagnol, ne a Alicante. Certains histo
riens pensent qu il descendait des Marranes, mais aucun element ne permet de
Faff inner. On dit Marti nes de Pasqually
natif de Grenoble, dans la paroisse NotreDame. Cependant, la date exacte de sa
naissance reste inconnue. car son acte de
bapteme demeure introuvable. Les recentes decouvertes de Christian Mar
cenne permetlent de situer sa naissance
vers 1710.
Le nom meme de Martines de Pasqually
reste imprecis, car il en varia 1orthographe et la composition plusieurs fois.
Ainsi utilise-t-il tantot le nom de Joachim
Dom Martines de Pasqually, et tantot
celui de Jacques Delivon Joacin Latour
de La Case. Nous nous contenterons ici
demployer celui qui lui est generalement
attribue : Martines de Pasqually. Que tut
sa jeunesse ? Nous Fignorons, et on ne
sait rien a propos de ses etudes et de la
formation qu il requt. Ses lettres montrent quil maitrisait mal Fecriture de la
langue fran^aise. Certains rituels ElusCohen sont ecrits entierement en lalin ex. le De Circulo et quelques-uns comp>ortent des citations latines. II est done
possible quil possedait une culture classique. D apres les documents deposes par
Martines chez Perrens fils, notaire a Bor
deaux. il ressort quil a exerce la profes
sion de militaire pendant une dizaine
d annees, avec le grade de lieutenant.
Ainsi, en 1737, il sert en Espagne. dans la
E m m a n u el S w ed en bo rg
e t M a r t in e s d e P a s q u a l l y
Dans son livre Martinisme Willermosisme - Martinisme et Franc-Magonnerie
(1899), Papus presente Martines de Pas
qually comme un disciple d Emmanuel
FEVRIER - MARS
2010
DOSSIER
gions egyptiennc, juive ct chretienne
(1833). Dans ce livre, cct auteur dresse
unc biographic assez fantaisiste du fondateurdes Elus-Cohen. Faisant de lui un
disciple de Swedenborg, il prelend que
e'est ce theosophe suedois qui lui donna
Pidee de creer un rile en relation avee la
symbolique de I'Ancien et du Nouveau
Testament. D'apres lui. Marlines serait
dorigine allemande et mourut centenaire ! On peut s'etonner que Ragon et
Papus aient manque a ce point d* esprit
critique, car une etude memc rapide des
idees de Pasqually et de Swedenborg
montre quelles nont rien en commun.
Reghellini pretendait egalement que
Martines de Pasqually tenait sa doctrine
des juifs talmudistes el des chretiens de
saint Jean qui vivaient dans les lieux
dOrient qu'il avail visites pendant sa jeunesse . II parle de ses voyages en Turquic, en Arabic et en Palestine, sans
toutefois citer ses sources. Que ce soit
dans ses ecrits ou ses correspondances,
Martines na jamais fait etat de tels
voyages ; il semble done impossible d'accorder le moindre credit aux affirmations
fantaisistes de Reghellini.
Selon les dires de Martines. son pere etait
Franc-Ma^on et avail dirige une loge a
Aix en 1723. II aurait ete en possession
d'une patente stuartiste, datee du 20 mai
1738. charge qui etait transmissible a son
fils. Dans ses lettres, Martines de Pas
qually parle a mots couverts des maitres
qui lui ont transmis ses connaissances,
mais eest probablement de son pere qu'il
re^ut Iessentiel de sa formation mys
tique. Cependant. il dit parfois dans ses
textes : la Sagesse m a enseigne ,
comme pour montrer que son savoir provient aussi de sa propre experience spirituelle. Quoiquil en soit. Martines adapta
ses connaissances a son epoque et au
cadre quil avait choisi pour les diffuser,
a savoir, la Franc-Mavonnerie. L'etude de
ses ecrits, de ses instructions et de ses rituels montre qu'il connaissait parfaitement la Bible et particulierement
I Ancien Testament, qu il cite frequemment en renrichissant a l aide d elements
empruntes a la tradition talmudique.
La K a b b a l e
Bien quil soit errone d assimiler le Martinisme avec la tradition kabbalistique, la
doctrine de Martines de Pasqually possede une certaine affinite avec le fonds
general de la mystique juive. Cependant,
par ses rites, IOrdre fonde par Martines
de Pasqually se rapproche davantage des
kabbalistes chretiens de la Renaissance.
II disait tenir ses connaissances dun he
ritage esoterique dont sa famille etait en
possession depuis trois cents ans. Elle au
rait re^u cct heritage de 1 Inquisition.
Helas, nous ne savons rien a ce propos.
S'agit-il de documents renfermant des
connaissances et des pratiques dont Mar
tines sest fait le dispensateur, ou cct he
ritage lui venait-il dune societe
initiatique a laquelle sa famille appartenait ? Jean-Baptiste Willermoz disait que
l- J
' :
M a r t in e s d e P a s q u a l l y ,
F r a n c - M acon
Martines de Pasqually definit ainsi sa
mission : Je ne suis quun faible instru
ment dont Dieu veut bien, indigne que je
suis, se servir, pour rappeler les hommes
mes semblables a leur premier etat de
ma$on, afin de leur faire voir veritable
ment qu ils sont reellemcnt hommesDieux, etant crees a I image et a la
ressemblance de cet etre tout-puissant.
Jean-Baptiste W illermoz
LE M A R T I N I S M E
U n r it e j u d e o - c h r e t ie n
il se presenta a la loge Saint Jean des Irois
loges reunies, situee a Test de Toulouse.
Martinos y exposa une sorte de plan
parfait de la Franc-Ma^onnerie et ses
projets pour etablir l'ancien et le nouveau
temple des Chevaliers Levites. des Cohenim-Leviym et des Elus Coens . Les
freres de Toulouse se rnontrent scepticjues
et demandent a Marlines de Pasqually de
prouver la realite des connaissances qu'il
pretend detenir. Pour satisfaire a leurs
exigences, il tente de demontrer lefficacite de ses pratiques theurgiques. Apres
deux essais infructueux, notre theurge fut
remercie et invite a quitter les lieux. car
les responsables de la loge toulousaine ne
voulurent pas pousser Vexperience plus
loin.
A Foix. Martines eut plus de chance, et
c'est dans la loge Josue. etablie dans le
regiment present dans cette ville. qu'il va
recruter ses premiers disciples, comme le
lieutenant-colonel de Grainville et le capitaine des grenadiers Champoleon.
C'est la tjuil fonde un chapitre. le Tem
ple des Elus-Cohen. Cependant. c'est a
Bordeaux que commence reellement
l'histoire de cet Ordre. A cette epoque. en
avril 1762. le regiment de Foix est en garnison au Chateau-Trompette de Bor
deaux. Martines sinstalle lui-meme dans
cette ville, et c'est done tout naturellement que le travail commence a Foix
setend a Bordeaux. C'est la qu'il etablit
son Tribunal Souverain , e'est-a-dire
le centre principal des activites de TOr
dre des Chevaliers Masons Elus-Cohen
de I'Univers. Un jeune officier de ce re
giment, le sous-lieutenant de grenadiers,
Louis-Claude de Saint-Martin, va bientot
s'interesser a cet Ordre mysterieux.
Les voyages de Martines a Paris lui permettent egalement de trouver d'autres
disciples, tels Bacon de la Chevalerie, le
comte de Lusignan. Bonnichon dit du
Guers, Henri de Loos et Jean-Baptiste
Willermoz, qui se trouve alors dans la capitale pour ses affaires personnel les.
LOrdre s'etend rapidement a Paris, Ver
LA DOCTRINE DE LA REINTEGRATION
Contrairement aux divers systemes de
hauls grades ma^onniques, qui manquent
souvent d'unite doctrinale, celui de Mar
tines se developpe autour d'une doctrine
precise, celle de la Reintegration. Elle est
exposee dans le Traite sur la reintegration
des etres dans leur premiere propriete,
vertu et puissance spirituelle divine, un
texte d'instruction qu'il reservait a ses
L e s GRADES COHEN
Martines de Pasqually confiait ses enseignements a ses disciples au fur et a mesure de leur avancement dans les grades
composant la hierarchic de l'Ordre. Cette
hierarchic debute par les trois grades
bleus : Apprenti, Compagnon et Maitre, le plus souvent donnes en une seule
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2010
DOSSIER
ceremonie. Suivcnt les degres de Maitre
Paifait Elu (ou Grand Elu sous la bande
noire), d'Apprenti Elu-Cohen (ou Fort
marque), de Compagnon Elu-Cohen (ou
Double fort marque), de Maitre EluCohen (ou Triple fort marque, ou encore
Maitre ecossais). Viennent ensuite ceux
de Grand Maitre Cohen (ou Grand architccte), de Grand Elu de Zorobabel, (ou
Chevalier d'Orient), et de Commandeur
d'Orient (ou Apprenti Reaux-Croix).
Enfin, la hierarchic de IOrdre est couronnee par un degre supreme, celui de
Reau-Croix (ou
R+).
*
L'Ordre des Elus-Cohen est dirige par un
college de direction, le Tribunal Souverain, compose de Reaux-Croix. Ses
membres portent le litre de Souverains
Juges et font suivre leur signature des lettres S J. Au X V IIIe, le I et le J
ecrits en majuscules ont le meme graphisme, et cette similitude a entraine
quelques historiens a confondre les S.J.
de Martines avec les S.I. du Baron Hund.
Le titre de S.I. n'a jamais fait partie de la
hierarchic Cohen.
Chaque initiation met en scene et fait
vivre aux membres de IOrdre les divers
episodes de la vie de I'homme. D'abord
en evoquant 1emanation du pere de 1'humanite, Adam, dans I'lmmensite divine,
puis sa naissance dans un corps de lumiere, un corps glorieux , et sa chute
dans le monde de la matiere. Ces cere
monies illustrent les purifications que
Ihomme doit suivre pour retrouver sa
gloire perdue et parvenir enfin a sa re
integration . a son retour dans le Divin.
L'ensemble de ces grades est cense rendre le disciple sensible aux influences
spirituelles de son guide interieur, son
bon compagnon , terme par lequel les
Elus-Cohen designent leur ange gardien.
Lorsqu'un initie reussissait a realiser
cette jonction , c'est-a-dire a s'unir
spirituellement avec son bon compa
gnon , il pouvait alors esperer soulever
le voile du monde celeste en utilisant la
theurgie. Seuls les membres ayant atteint
le grade de Reaux-Croix recevaient les
cles secretes permettant de faire de tel les
experiences.
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Les Reaux-Croix pratiquent la theurgie
(du grec theos, Dieu. et ergon, ouvrage).
Litteralement. la theurgie est done 1ouvrage de Dieu . Au IIle siecle, Jamblique l'a introduite dans la philosophic,
comme auxiliaire a la sagesse purement
speculative dont se contentaient ses predeccsscurs. II la considerait comme une
magic superieure, visant non pas a obtenir des bienfaits materiels, mais a reali
ser progressivement lunion mystique
avec la Divinite. La theurgie de Martines
a les memes objectifs : elle a pour but de
mettre I'homme en relation avec le Divin
en utilisant des intermediates devenus
necessaires depuis la chute de I'homme,
les anges . ou plutot. en termes martinistes, aux esprits celestes et surcelestes.
Ces rites visent essentiellement a obtenir
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LE M A R T I N I S M E
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L a p r ie r e
Karl G o tth elf von Hund, createur de la Stricte Observance Tem plitre
L ' e n t r e e e n s o m m e il
A son arrivee a Bordeaux, meme s il vit
modestement. Martines de Pasqually ne
semble pas manquer d'argent. Cepen
dant, sa situation se degrade rapidement,
et en 1769, il a 1200 livres de dettcs. Or.
a cette epoque, nombre de Bordelais
s'enrichissaient grace au negoce du sucre
avec les Antilles. Les beaux-freres de
Martines de Pasqually setaient dailleurs
installes la-bas, tout comme nombre d'officiers du regiment *de Foix. II semble que
le fondateur des Elus Cohen avait luimeme des interets a Saint-Domingue, et
c'est la raison pour laquelle il s'y rendit
en 1772. II esperait y recouvrir la succes
sion d'un parent decode la-bas et pensait
mottre ainsi un terme a ses difficultes financieres.
Son sejour se prolongea. et en definitive,
le maitre ne centra jamais de voyage, car
il mourut a Saint-Domingue, le 24 septombre 1774. Quolquo temps avant sa
mort, il avait nomine Armand-Robert
Caignet de Lestere, 1'un de ses disciples
d'Haiti, pour diriger l'Ordre des ElusCohen. Mais ce dernier mourut lui-meme
en decembre 1779. Son successcur,
Sebastien de Las Casas, rentra en France
L e s d is c ip l e*s
FEVRIER - MARS
2010
L H O M M E
DOSSIER
D E
D E S I n.
DES ERREURS
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Des erreurs et de la v6rit&, d e LouisClaude d e Saint-M artin - 1 7 7 5
negociant en soieries a Lyon, fut egalement un membre eminent de I'Ordre. Initie dans la Franc-Ma^onnerie en 1750.
aloi*s qu'il n'avait que vingt ans, il occupa
rapidement une place importante dans la
Ma^onnerie lyonnaise. II entra chez les
Elus-Cohen et devint un disciple zele. Seduit par les enseignements de Martines
de Pasqually, il fut cependant degu par les
capacites d'organisateur de ce dernier. En
efifet, IOrdre des Elus-Cohen restait en
core en pleine gestation, et son fondateur
n'en finissait pas d'ecrire les rituels et les
instructions destines au fonctionnement
des loges.
L e s C h e v a l ie r s B ie n f a is a n t s
d e l a C it e S a in t e
Apres la disparition de Martines de Pas
qually. les deux disciples que nous venons
d'evoquer tentent. chacun a leur manicre,
de poursuivre le travail de leur maltre. Le
premier, Jean-Baptiste Willermoz. integre
la doctrine de la Reintegration dans le rite
maQonnique de la Stricte Observance
5
6
Templiere allemande du baron Carl Gotthelf von Hund (1722-1776), Ordre avec
lequel il etait en relation depuis quelques
annees. En 1778, loi^s d'un Convent, cet
Ordre se reorganise en adoptant cette doc
trine et devient celui des Chevaliers Bien
faisants de la Cite Sainte. Jean-Baptiste
Willermoz redige pour les degres superieurs de cet Ordre, ceux de Profes et de
Grand Profes, des instructions qui presen
ted, sans la nommer directement, la doc
trine de Martines. Cependant, Willermoz
ne transmet pas les enseignements theurgiques de Martines aux Chevaliers Bien
faisants de la Cite Sainte. Lors du Convent
de Wilhemsbad, en 1782, la reforme initiee par Willermoz est adoptee : cest la
naissance du Rite Ecossais Rectifie.
La floraison de ce rite sera entravee par la
Revolution franchise. Avant meme la dis
parition de Jean-Baptiste Willermoz, qui
meurt en 1824. il entrera en sommeil en
France. II survivra en Suisse, notamment
a Geneve, dans les milieux protestants
qui seront seduits par la symbolique
chretienne attachee a ce rite. Ce n'est
qu'apres la Premiere Guerre mondiale,
mace a Edouard de Ribaucourt et a Cami lie Savoire, qu'il renaitra en France.
L a v o ie in t e r ie u r e
La pensee de Martines de Pasqually trouva
egalement des developpements hors de la
Franc-Magonnerie, grace a Louis-Claude
de Saint-Martin. Quelques annees apres la
mort de Martines de Pasqually, ce dernier
abandonna la theurgie, la voie externe, au
profit d'une demarche plus interieure. En
effet, apres des annees de pratique, il jugeait la theurgie dangereuse, et peu sure
pour cheminer vers le Divin. Pour lui. le
creuset de 1'evolution spirituelle, c'est le
coeur de lhomme, et il n'est pas necessaire d'utiliser une quelconque magie ou
de faire appel aux anges. On appelle la
voie preconisee par Saint-Martin une
voie cardiaque , par opposition a la voie
theurgique. C est a la suite de sa decouverte des oeuvres de Jacob Boehme, que
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LE M A R T I N I S M E
la fin du XIX siecle, deux etudiants en medecine, Gerard Encausse (1865-1916) et Augustin
Chaboseau (1868-1946) frequentent les
services du docteur Luys a I'hopital de la
Charite. Au cours d'une discussion, ils
decouvrent qu*ils sont tous les deux depositaires d'une initiation remontant aux
disciples de Louis-Claude de Saint-Mar
tin. mais chacun deux est relie au Philo
sophe Inconnu par une filiation
differente : celle de Papus vient d*Henri
Delaage, tandis que celle d'Augustin
Chaboseau passe par Amelie de BoisseMortemart.
Pa p u s
Papus presente Henri Delaage (18251882) comme ayant ete initie par le chimiste Jean-Antoine Chaptal (1756-1832),
son grand-pere. dont il fait un disciple de
Saint-Martin. On ignore si le celebre chimiste, qui fut membre du Conseil d'Etat
et ministre du Consulat et de 1'Empire,
fut reellement en relation avec LouisClaude de Saint-Martin. On sait cependant qu'il avail etc initie dans la
Franc-ma^onnerie vers 1789 a la loge La
Parfaite Union de Montpellier. Notons
qu'Henri Delaage n'a jamais pretendu
avoir ete initie par son grand-pere. Au
H en ri D ela a g e
Henri Delaage est Kune des figures les
plus curieuses de son epoque. Homme de
bien, il etait connu du tout Paris, et Eliphas Levi voyait en lui un thaumaturge.
Ardent defenseur du magnetisme, il
our
L'Ordre Martiniste a la
Belle-Epoque (1889 a 1918)
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11
DOSSIER
A u g u s t in C h a b o s e a u
La filiation d Augustin Chaboseau passe
par un autre chemin. En 1886, alors qu il
est etudiant a Paris, ses parents, inquiets
de le laisser seul, lui recommandent d'aller rendre visite a une de leurs parentes,
la marquise Amelie de Boisse-Mortemart. Des leur rencontre, une grande
complicite s'installe entre Amelie et le
jeune Augustin. D'abord sur le plan litteraire, et ensuite sur la spiritualite. Augus
tin Chaboseau precise : Elle etait
mystique, ultra mystique. Nulle science
occulte n'avait de secret pour elle. II est
vrai qu'a cet egard elle avait ete stylee
par Adolphe Desbarolles. Ce qui la passionnait plus que tout, c'etait le Martinisme. Et il ajoute : Elle me preta les
livres d'Elm c Caro, de Jacques Matter,
d Adolphe Franck. Ensuite ceux de
Saint-Martin lui mcme. Apres quoi, elle
n'hesita pas a m initier, comme elle avait
ete initiee par Adolphe Desbarolles, dis
ciple direct d Henri de Latouche .
L a T r a d it io n o c c id e n t a l e
II est interessant de noterqu'en definitive
12
mo
Martiniste, comme Papus lui-meme et F.Ch. Barlet. etaient des membres de YH.
B. o f L Pendant quelque temps, ce mou
vement constitua d'ailleurs une sorte de
cercle interieur dans l'Ordre Martiniste,
cercle qui sera bientot remplace par VOr
dre Kabbalistique de la Rose-Croix.
L 'O r d r e M a r t in is t e
En 1890, Papus demissionne de la Socicte Theosophique, et des ce moment, le
Martinisme sorganise d une maniere
plus precise. Papus et Augustin Chabo
seau rassemblcnt quelques amis comme
Stanislas de Guaita. Lucien Chamuel, F.Ch. Barlet, Maurice Banes, Josephin Peladan, Victor-Emile Michelet et quelques
autres. Les initiations se font plus nombreuses, et 1'annee suivante, en juillet
1891, lOrdre Martiniste se dote d'un Su
preme Conseil compose de vingt-et-un
membres. On procede a une election pour
designer un Grand Maitre, et c'est Papus
qui est elu a cette charge. II refuse
d'abord cette fonction. pensant qu'elle
revient a Augustin Chaboseau. mais ce
dernier estime que Papus est plus a meme
que lui de diriger l'Ordre. Finalement, ce
dernier accepte, el l'Ordre prend rapide
ment un essor considerable. LInitiation,
revue mensuelle, devient son organe
Stanislas de Guaita
LE M A R T I N I S M E
U n A * . D1X rR A M C S
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O C T O B R E 1888
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L 'E g l is e g n o s t iq u e
official, et des loges sont creees un peu
partout en France. Paris en compte bienlot quatre : Le Sphinx, dirigee par Papus,
ou se font les etudes generates ; Hermanubis, dirigee par Sedir, ou Fon etudie la
mystique et la tradition orientales ; Velleda. dirigee par Victor-Emile Michelet,
qui se consacre a Fetude du symbolisme :
Sphinge, reservee aux adaptations artistiques.
Le Martinisme se devcloppe aussi dans
de nombreux pays comme la Belgique,
FAllemagne, FAngleterre, I*Espagne,
Tltalie, IEgypte, la Russie, laTunisie, les
Etats-Unis d'Amerique, VArgentine, le
Guatemala et la Colombie. Le nombre
des loges depasse la centaine en 1898.
L a F a c u l t e d es
S c ie n c e s H e r m e t iq u e s
Papus veut renover Fesoterisme occiden
tal : Puisqu'il existe des facultes ou Ton
peut apprcndre les sciences materialistcs,
pourquoi n'y en aurait-il pas une ou Ton
pourrait apprendre les sciences esoteriques ! . C'est a cet effet qu il cree
VEcole Superieure Libre des Sciences
HermetiqueSy un groupe donnant des
cours et des conferences sur Fesoterisme
occidental. Ce ccrcle exterieurde IOrdre
Martiniste deviendra plus tard le Groupe
A
A
Independant d Etudes Esotenques, puis
I'Ecole Hermetique et la Faculte des
Sciences Hermetiques. Les cours y sont
nombreux. el les sujets etudies vont de la
kabbale a l'alchimie et au tarot. en pas
sant par Fhistoire de la philosophic her
metique, soit environ une douzaine de
cours par mois. Les professeurs les plus
assidus sont Papus. Sedir, Victor-Emile
Michelet, F.-Ch. Barlet, Augustin Chaboseau, Sisera... Line section particuliere
etudie les sciences orientales sous la di
rection d Aueustin
Chaboseau. Une
wautre, presidee par Francois Jollivet-Castelot, se consacre a l'alchimie : cest la
Societe AIchimique de France.
L es p r e m ie r e s d if f ic u l t y
Papus avait parfaitement reussi a donner
au Martinisme une structure internationale. Cependant. il n'etait guere parvenu
a le relier au systeme philosophique qui
en constituait la source, celui elabore par
Louis-Claude de Saint-Martin. selon la
doctrine de Martines de Pasqually. La
cause de cet echec reposait sans doute sur
1'heritage trop fragmentaire qui lui avait
ete legue et qu'il qualifiait lui-meme de
pauvre depot, constitue par deux lettres
et quelques points . A la lecture des ouvrages de Papus, en particulier celui inti
tule Louis-Claude de Saint-Martin, sa
vie, sa voie theurgique, son a-uvre, ses
disciples (Chamuel, 1901), on sent qu'il
ne possede pas toutes les cles de la doc
trine martiniste. II la confond souvent
avec Foccultisme et la kabbale. En 1901,
le responsable de I'Ordre pour les EtatsUnis, le docteur Edouard Blitz, envoie a
Papus un Memoire confidentiel qui souligne avec raison les confusions de Papus.
Ce dernier napprecie guere, et les deux
homines se brouillent. Lenthousiasme
des premiers collaborateurs de IOrdre
sestompe. Des 1907, Victor-Emile M i
chelet prend une demi-retraite, et Sedir,
Fun des meilleurs collaborateurs de
Papus, se retire en 1910. Beaucoup de
ceux qui s interessent au magnetisme rejoignent YEcole de magnetisme fondee
par Henri Durville, un ami de Papus. Phi
lippe de Lyon lui-meme prend la direc
tion de la filiale lyonnaise de cette ecole.
Quant a Augustin Chaboseau. apres avoir
assure la fonction de redacteur en chef de
la revue Le Voile d'Isis et celle de secre
taire de redaction de Fsyche, il avait pris
FEVRIER - MARS
2010
13
DOSSIER
LE VOILE DISIS
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Sym bole utilise p a r ie s M artin istes (A la Gloire d e leschouah, Grand A rchitecte de I'Univers)
La m o r t de Pa p u s
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14
LE M A R T I N I S M E
Le Martinisme moderne et
ses obediences (1920 a 2010)
a Premiere Guerre mondiale avait
des responsabilites importantes a
considerablement reduit les activilepoque de Papus. mais il nexiste aucun
tes de 1*Ordre Martiniste, et la
element permettant de demontrer que
mort de Papus, survenue deux ans avantPapus 1 ait designe comme son succes
le retour a la paix, avait entraine la confu
seur. Du reste. les survivants du Conseil
sion parmi les Martinistes. D'une masupreme de lOrdre, comme Augustin
niere plus ou moins reguliere, certains
Chaboseau et Victor-Emile Michelet, ont
dentre eux tenterent de faire revivre
toujours conteste cette designation.
TOrdre, sans toutefois parvenir a lui reJean Bricaud. personnage original, fut
donner son unite. C est de cette situation
une figure centrale du Martinisme lyonconfuse que sont nees les diverses obe
nais. II appartenait a YEglise Gnostique,
diences martinistes que nous connaissons
lune de ces Eglises marginales Heurisaujourdhui. Leur genese etant complexe,
sant alors en France. Afin de ne pas sornous nous contenterons d evoquer les
tir de notre sujet, nous n'evoqucrons pas
plus importantes.
les peripeties de ce mouvement fonde par
Jules Doisnel en 1889, a la suite d une
J ea n B r ic a u d
experience spirite chez Lady Caithness.
En 1919. deux Martinistes revendiquent
Nous dirons simplement que l Eglise
la succession de Papus : d une part Jean
Gnostique dans laquelle Jean Bricaud
Bricaud (1881-1934) a Lyon, et dautre
etait eveque sous le nom de Tau Jo
part. Victor Blanchard (1878-1953) a
hannes, puis sous celui de Mgr Jean II.
Paris. Le premier ne se presente pas
ne suffisait pas a cet homme dynamique
comme le continuateur direct de Papus,
et ambitieux. Apres la mort de Teder. il
mais de Charles Detre (1855-1918). dit
se rendit a Paris et presenta aux Marti
Teder. II rapporte que ce dernier avait
nistes de la capitale un document attes
succede a Papus et precise quavant de
tant de sa nomination a la tete de l'Ordre.
passer a lOrient eternel. le 25 septembre
Ces derniers furent sceptiques devant un
1918 a Clermont-Ferrand, Teder 1aurait
document que Bricaud avait probabledesigne comme son successeur. Preciment compose lui-meme. Cette situation
sons quaucun temoin netant present a
ne le decouragea pas pour autant. De re
cette occasion, ces affirmations sont fratour a Lyon, il reussit a rassembler sous
giles. II est vrai que Teder avait occupe
son autorite un petit groupc de Marti
nistes.
L e s M a r t in is t e s ly o n n a is
II semble que Jean Bricaud tenta de repondre aux critiques formulees par
Edouard Blitz, a propos de la filiation
entre le Martinisme instaure par Papus el
celui du X V III1' siecle. en proposant dassocier plus directement ces deux mouvements. II reecrivit totalement les rituels
martinistes en leur ajoutant des elements
puises dans les catechismes de lOrdre
des Elus-Cohen. que Papus avait publics
en appendice de son livre : Martines de
Pasqually (Chamuel, 1895). Desormais,
1 initie au premier grade etait designe
Associe de lOrdre Martiniste et Apprenti Cohen, Maitre Secret de la Su
preme
Maqonnerie
initiatique
et
Illuminee .
Au premier abord, les textes composes
par Bricaud sont seduisants ; on y sent la
demarche d'un homme qui tente de trou
ver des points de passage entre lOrdre
fonde par Papus et celui instaure par
Martines de Pasqually. Cependant, en y
regardant de plus pres, on constate que ce
choix est pernicieux, car il donne naissance a un Martinisme hybride qui
non seulement melange le Martinisme
avec les Elus-Cohen. mais esalement
FEVRIER - MARS
2010
15
DOSSIER
puisqu'il Pavait totalement denature !
Le mouvement de Jean Bricaud resta
d'abord essentiellement lyonnais, mais il
connut par la suite une certaine extension
grace a la revue les Annates initiatiques.
Jean Bricaud chercha alors des appuis aupres de quelques Ordres ayant jadis participe au Congres Spiritualiste de 1908. II
se liera a des personnalites parfois douteuses comme Theodor Reuss (O.T.O.) ou
McBlain Thomson (American Masonic
Federation in America). Apres la mort de
son fondateur, en 1934, le Martinisme
lyonnais passera sous la direction de
Constant Chevillon. Nous reviendrons
sur sa succession un peu plus loin.
ROBERT AMBELAIN
Le* Survkances Initio liquet
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L e Martinisme
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L e T e m p l e d ' E s s e n ie
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A R C A N L
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LE M A R T I N I S M E
L 'O r d r e M a r t in is t e
ET SYNARCHIQUE
En prenant son independance, Victor
Blanchard donna unc note particuliere a
son groupe en le baptisant, a partir de novembre 1920 : VUnion Gene rale des
Martinistes et des Synarehistes, ou Ordre
Martiniste Synarchique (O.M.S.). S' il
ajoute au nom de lOrdre le qualificatif
de synarchique . cest par deference a
Saint-Yves dAlveydre, qui fut le maitre
intellectuel de Papus. Tout comme Jean
Bricaud Victor Blanchard revendiquait la
succession de Papus. Lun et 1autre se livrerent a une guerre de communiques
en se presentunt chacun comme etant le
seul legitime. Ainsi, dans le numero de
fevrier du Voile d'Isis (1921), Victor
Blanchard passe une annonce dans laquelle il rappelle que YOrdre M arti
niste ancien et prim itif, denomme
lesalement Ordre Martiniste et Synarchiqite, a repris officiellement ses travaux
le 3 janvier 1921, et que sa premiere
tenue a ete consacree a 1'inauguration solennelle et rituelique du Supreme college
de synthese initiatique d*Occident . II
precise que lors de cette reunion, il a
donne lecture des chartes delivrees par
Papus et Teder a lui-meme, et qu'en
consequence les Martinistes doivent se
rallier a lui avant le l cr mai. Passe ce
delai, il estime que toute autre formation
martiniste sera declaree illegitime. Beau
coup de Martinistes, etonnes par cette si
tuation. prefererent rester independants.
Ainsi en fut-il de membres aussi illustres
qu'Augustin Chaboseau et de plusieurs
survivants du Supreme Conseil de 1891.
comme Victor-Emile Michelet.
Sous la direction de Victor Blanchard.
l'Ordre Martiniste et Synarchique aura
d'abord une activite ties reduite. Ce n'est
qu'a la suite de la creation de la Federa
tion Universelle des Ordres et des Societes Initiatiques (EU .D.O .S.I.), en 1934,
que 1'Ordre prendra de 1'extension. Mais
peu de temps apres sa creation, soit des
la fin des annees 1920. Victor Blanchard
delaissa ses responsabilites pour prendre
part aux activitcs des Folaires, un Ordre
fonde par Zam Bhotiva (Cesare Accomani). Ce dernier, grace a la methode de
1'oracle de force astrale , pretendait
etre en relation avec un centre esoterique
rosicrucien de 1'Himalaya. Rene Guenon
sinteressa pendant un temps aux Polaires : cest lui qui relut et corrigea le
manuscrit de YAsia mysteriosa, manifeste public par Zam Bhotiva en 1930.
L 'O r d r e M a r t in is t e
T r a d it io n n e l
En 1931. alors que le Martinisme reste
divise, les membres du groupe Athanor
se decident a sortir de 1'ombre. L'un
d'eux, Jean Chaboseau, suggere a son
pere. Augustin, de reprendre la situation
en main en retablissant lOrdre Marti
niste sur ses bases initiates. N'oublions
pas qu'Augustin Chaboseau avait etc
avec Papus le cofondateur de lOrdre
P h il ip p e E n c a u s s e
*
o
M a r t in is m e e t
F.U.D.O.S.I.
Pendant ce temps, loin de la vie parisienne, Jean Bricaud etend ses activitcs
tout en propageant le rite de MemphisMisraim en Europe. Cependant. son au
torite ne fait pas l'unanimite. notamment
en Belgique. Ces problemes sont a l'origine d'une scission de la part des Marti
nistes belses. Profitant de la mort de Jean
Bricaud au debut de 1934, ils annoncent
dans la revue Adonhiram, organe officiel
V ic t o r - E m il e M ic h e l e t
On procede a l'election du Grand Maitre.
Comme le veut la Tradition, cest le
membre le plus ancien. Augustin Chabo
seau. qui est choisi pour assurer cette
fonction. Celui-ci ne fera guere usage de
ce titre, car des avril 1932, il prefere
transmettre cette charge a Victor-Emile
Michelet (1861-1938). Ecrivain remarquable. passionne d'esoterisme et de l i
terature, ce dernier est I'auteur de
poemes. de contes, de pieces de theatre
et de textes sur l'esoterisme. Ami avec les
plus grands ecrivains de son epoque, il
exerce d'importantes responsabilites
dans le monde des lettres. II est President
de la Societe de Foesie (1910) et de la So
ciete Beaudelaire (1921), puis membre
du Conseil de la M aison de la Foesie
(1931), et enfin batonnier de YAcademie
des Foetes (1932).
Sous sa direction, l'Ordre reste relativement discret. II tient ses reunions au siege
du Grand Prieurc des Gaules du docteur
Camille Savoire. II se manifeste quelquefois a travers le groupe Tan, qui public
alors un bulletin d'etudes psychologiques
et metapsychiques. et qui organise des
FEV R IER -M A R S
2010
17
Sym bole d e la F.U.D.O .S.I. (Federation Universelle des Ordres et Soci6t6s Initiatiques)
18
La g u e r r e de 1 9 3 9 -1 9 4 5
La Seconde Guerre mondiale va compromettre le developpement du Marti
nisme. Elle aura en effet de lourdes
consequences, car nombre de ses membres vont perdre la vie sur les champs de
bataille ou dans les camps de concentra
tion. En France, des le 14 aout 1940, le
Journal Officiel public un decret du gouvernement de Vichy interdisant toutes les
societes secretes. La piupart de leurs responsables sont alors arretes, et IOrdre
Martiniste Traditionnel entre officiellement en sommeil. Pendant cette periode,
Ausustin Chaboseau et Victor Blanchard
subisscnt perquisitions et interrogatoires.
Georges Lagreze est lui-meme oblige de
se cacheren Normandie, puis a Angers. II
reussit cependant a resteren relation avec
Ralph M. Lewis par Iintermediaire de
Jeanne Guesdon (1884-1955), Grand Se
cretaire de la juridiction francophone de
IA.M.O.R.C. Cette derniere assure esalement les fonctions de Grand Secretaire
de IO.M.T. en remplacement de Jean
Chaboseau, qui est mobilise.
La r e s u r g e n c e des E lus -Co h e n
Malgre cette situation, deux loges. Athanor et Broceliande, restent secrete me nt
actives et conferent quelques initiations.
C est ainsi quen 1942. Robert Ambclain
(1907-1997) est re^u dans YO.M.T.
D abord au premier degre, par Georges
Lagreze assiste d Henry Meslin et de
Jean Chaboseau, puis aux grades suivants
par Henry Meslin. Georges Lagreze
prend par la suite quelques libertes. Avec
1'aide de Robert Ambelain, il tente en
septembre 1942 de restaurer IOrdre des
Elus-Cohen. Or, aucun deux na etc ini
tio dans cet Ordre, etant donne quil est
en sommeil depuis la fin du xvnr siecle.
Jean Chaboseau denonce cette imposture
et reproche a Georges Lagreze d avoir
*o
Constant Chevillon
LE M A R T I N I S M E
L 'O r d r e M a r t in is t e R e c t if ie
Jules Boucher (1902-1955) reste egalcment convaincu de la legitimite de I'Or
dre fonde par Papus et Chaboseau.
Cependant, il estime necessaire de revenir a un Martinisme plus sobre, ne comportant qu'un seul grade, comme ce fut
L 'U n io n d e s O r d r e s M a r t in is t e s
En octobrc 1958, Robert Ambelain et
Philippe Encausse prennent contact avec
Henry-Charles Dupont pour linviter a se
joindre a eux en adherant a Y Union des
Ordres Martinistes, un groupe qu'ils
viennent de fonder pour rassembler les
divers courants martinistes. HenryCharles Dupont accepte cette proposition
qui rassemble Y Ordre Martiniste de Phi
lippe Encausse et I ' Ordre Martiniste des
Elus-Cohen de Robert Ambelain. Pour
marquer sa difference et mettre en evidence la note Elus-Cohen que Bricaud
avait donnee a son groupe. il prend alors
U n e p e r io d e d e c o n f u s io n
Jean Chaboseau senl que l'Ordre lui
echappe, et la publication d un article
dOctave Beliard, dans lequel ce dernier
exprime ses doutes sur la regularite de la
filiation regue par les fondateurs de 1*Or
dre Martiniste, contribue encore plus a le
destabiliser (Colliers de I'Homme-Esprit.
decembre 1946). Jean Chaboseau est
dautant plus aflecte qu'il suit que Robert
Ambelain prepare un ouvrage ou il uti
lise cct argument pour pretendre que seul
l Ordre des Elus-Cohen. renove en 1942,
propose une voie authentique (Le M arti
nisme contemporain et ses veritables origines, mars 1948). Devant tant de
critiques et d'impostures, et se sentant attaque de toutes parts, il prefere mettre
1Ordre en sommeil en septembre 1947.
1 0
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CD 0
Ju les Boucher
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L 'O r d r e M a r t in is t e
d e P h il ip p e E n c a u s s e
Deux ans apres le retrait de Jean Chabo
seau. Philippe Encausse publie Sciences
occultes, on 25 annees d 'occultisme
(1949). Bien quil reproduise dans cet ou
vrage la lettre de demission de Jean Cha
boseau, il ne semble pas partager
totalement son avis el invite les disciples
de Papus et d* Augustin Chaboseau a refaire une chaine d'union . Robert Am
belain repond a cet appel et propose de
relancer le Martinisme en France. Ce sera
chose faite en 1952. Cette opportunity
permettra a Robert Ambelain de beneficier de l appui du fils de Papus, pour
donner plus denvergure a son Ordre des
Elus-Cohen. qui ne rencontre guere de
succes. Philippe Encausse devient le
Grand-MaTtre d'un Ordre Martiniste qui
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FEV R IER -M A R S
2010
19
DOSSIER
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L 'O r d r e M a r t in is t e I n it ia t iq u e
A 1'epoque oil les etudiants parisiens se
revoltent, en juin 1968, soit un an apres
sa demission, Robert Ambelain jette un
pave dans la mare en lancant la crea
tion d'un nouveau mouvement : YOrdre
Martiniste Initiatique. II expedie alors a
toutes les obediences martinistes un do
cument de sept pages intitule : Ordre
Martiniste Initiatique - Origine, Principe
et Modalite de la rectification de 1968.
Ce lexte denonce comme sans valeur
toutes les organisations martinistes.
L 'O r d r e M a r t in is t e
T r a d it io n n e l
Pendant ce temps. IOrdre Martiniste Tra
ditionnel continuait ses activites aux EtatsUnis. car Ralph M. Lewis avait conserve
son titre de Grand Maitre Regional. Apres
etre reste relativement confidentiel. cet
Ordre se developpa dans plusieurs pays,
grace au parrainage de YAncien et Mys
tique Ordre de la Rose-Croix (surce mou
vement, voir le hors serie n 36 de
Actualite de I'Histoire , sept.-oct. 2009).
Sous la supervision de Ralph M. Lewis,
devenu le Souverain Grand Maitre de
IO.M.T.. il se reimplanta en France au
debut des annees 1960. 11 y connut rapidement une grande activite en ouvrant des
heptades (nom designant les loges de
IO.M.T.) dans de nombreuses villes. Parallelement, il setendit dans le monde entier pour devenir Iun des mouvements
martinistes les plus importants. En France,
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Christian Rehisse
LE M A R T I N I S M E
Louis-Claude de Saint-Martin,
sa vie, son oeuvre
Le Martinisme, tel que le suivent de nos jours les Martinistes, se rattache a la vie et a I'ceuvre
de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1903), connu egalement sous le pseudonyme de
Philosophe Inconnu . Nous ne pouvons done faire Timpasse sur une biographie de
ce personnage hors du commun, considere comme I'un des plus grands esprits franca is
du X I /III* siecle.
II y a trois vilies en France dont l'une
est mon paradis, et c'est Strasbourg... .
C est en ces termes que Louis-Claude de
Saint-Martin parlera plus tard dans son
Portrait de cette ville de France oil il
vecut trois ans. On etait alors en pleine
periode revolutionnaire, et ce furent
pourtant trois annees d'un itineraire interieur oil une alchimie subtile sopera en
lui. C'est la aussi qu'il tourna une page
de sa vie en decouvrant en leur langue
originelle les ecrits du mystique allemand
Jacob Boehme.
L e P h il o s o p h e I n c o n n u
Celui qu'on appela le Philosophe Inconnu est age de 45 ans quand il arrive
a Strasbourg, ce 6 juin 1788. A la veille
de la Revolution, cette vieille cite d 'A l
sace est consideree comme la ville fran<^aise la plus tolerante et la plus
accucillante, oil se donnent rendez-vous
les theosophes et les mystiques de tous
les pays d'Europe pour sentretenir librement. Ce X V III0 siecle est celui des Lumieres. oil la montee de Vesprit
scientifique, de I'intelligence philosophique et du liberalisme religieux, illustres par la renommee de Voltaire. Diderot
ou Rousseau, contraste avec une grande
credulite confinant au merveilleux et
bien sou vent au charlatan isme. Avant que
l'epoque de laTerreur ne vienne tout interdire, on voit apparaitre dans la ville,
des mages, des dev ins. des thaumaturges
et des occultistes de toute sorte. Stras
bourg est aussi une grande capitale ma^onnique puisque, comme Lyon et
Bordeaux, elle est le siege d'un des trois
Directoires ecossais.
Quelques annees auparavant, Cagliostro a
sejourne a Strasbourg et opcre des guerisons miraculeuses en excitant son art.
Cette ville est la capitale du Mesmerisme ;
depuis la plus haute societe jusqu'au petit
peuple. on y pratique le magnetisme
prcsquc a chaque coin de rue. Le grand
elan romantique du Sturm und Drang
a effleure cette cite de son souffle en la
personne de Goethe, qui, quelque vingt
ans aupaiavant, a sejourne a 1Auberge de
IEsprit avant de s installer rue du vieux
Marche aux Poissons. II y avait pris un
vif interet pour l'alchimie et y avait goute
aux disciplines hermetiques sous les
FEVRIER - MARS
2010
21
DOSSIER
S a je u n e s s e
Mais qui etait done Louis-Claude de
Saint-Martin ? Un gentilhomme du
X V I I I 0 siecle. au caractere doux et aimahle, que Joseph de Maistre decrivait
comme le plus sage, le plus instruit et le
plus elegant des theosophes niodernes .
Ne dans une noble famille d'Amboise le
18 janvier 1743. il manifeste ties tot des
aspirations pieuses et idealistes, ainsi
qu'une vive intelligence. Sa jeunesse est
eclairee par Vamour d une belle-mere
comprehensive qui marquera sans doute a
jamais son co:ur en eveillant en lui de no
bles sentiments. Conformement aux
voeux de ses parents, il passe du college a
Tecole de dioit et devient avocat. Mais cette
profession ne repond pas a son ideal : deja
nourri de lectures philosophiques. il
abandonne vite la jurisprudence pourentrer dans la carriere des armes. II integre
a 22 ans le regiment de Foix, en garni son
a Bordeaux. N'allons pas croire que Par-
D E
DESIR.
S o n p r e m ie r M a it r e
Les aspirations mystiques de Saint-Mar
tin trouvent a Bordeaux un element plein
de seduction : 1un de ses amis
officiers
*
est membre de IOrdre des Elus-Cohen
dirige par Martines de Pasqually. Celui-ci
est un personnage mysterieux, verse dans
la sagesse secrete, telle q if on la retrouve
dans les enseignements esoteriques
dEgypte, de Grece et dOrient. D originc israelite. il est devenu chretien et.
dit-on, a re^u de Swedenborg, le pere de
rilluminisme au X V III0siecle. un rite au
titre biblique : les Elus-Cohen . Par
quelles doctrines, quels talents et quel
charisme. ce thaumaturge au francais imprecis et chantant, sattacha-t-il SaintMartin, ce jeune philosophe de bonne
naissance, au point de rester son premier
22
L H O M M E
L Y O N ,
7 9 O.
OMt
LE M A R T I N I S M E
Q u e l q u e s p e n s e e s d e s a in t - m a r t in
L'homme est un etre charge de continuer Dieu la ou Dieu ne Se fa it plus connai
tre Lui-meme . (Le Ministere de I'Homme-Esprit).
C'est pour que I'homme porte sa tete dans les Cieux, qu'il ne trouve pas ici-bas de
quoi reposer sa tete . (Mon Livre Vert, n 40).
La science est pour le temporel; I'amour est pour le divin. On peut se passer de la
science, mais non de I'amour, et c'est par I'amour que tout finira, parce que c'est par
I'amour que tout a commence et que tout existe . (Mon Livre Vert, n 415).
Les grandes choses ne s'enseignent que dans le silence. Nous ne pouvons nous
lire que dans Dieu Lui-meme et nous comprendre que dans Sa propre splendeur...
. ( Ecce Homo ).
C'est un grand travail que de chercher a nous connaitre tels que nous som m es;
mais ilfaut ensuite travailler a nous connaitre tels que nous devrions etre. Ces deux
sciences sont liees et doivent continuellement nous occuper. Une troisieme science
vient apres ces deux, et est sans doute la plus difficile de toutes. C'est qu'apres avoir
appris a connaitre ce que nous devrions etre, ilfa u t travailler sans relache a le devenir . (Mon Livre Vert, n 993).
Crains les choses fo ciles: il est plus aise de converser que d'ecrire, plus aise d'ecrire
que de prier, plus aise de prier que d'agir . (Mon Livre Vert, n 9).
Le secret de notre avancement consiste dans la priere, le secret de la priere dans
la preparation, le secret de la preparation dans une conduite pure, le secret d'une
conduite pure dans la crainte de Dieu, le secret de la crainte de Dieu dans Son
amour. Ainsi, I'amour est le principe et le foyer de tous les secrets . (Mon Livre
Vert, n 178).
Je ne puis trop le rep eter: Ilfa u t craindre Dieu avec mesure, mais ilfa u t I'aimer
sans mesure . (Mon Livre Vert, n 431).
Primitivement, la tete devait etre reglee par le coeur; elle ne devait servir qu'a
I'agrandir. Aujourd'hui, la tete de I'homme regne sur son cceur, tandis que c'est au
coeur que le sceptre devait appartenir. C'est-a-dire que I'amour est superieur a la
science, attendu que la science ne doit etre que le flambeau de I'amour, et que le
flambeau est inferieur a celui qu'il eclaire . (Mon Livre Vert, n 58).
La seule initiation que je preche et que je cherche de toute I'ardeur de mon ame,
est celle par ou nous pouvons entrer dans le coeur de Dieu, etfa ire entrer le cceur
de Dieu en nous, pour y faire un manage indissoluble qui nous rend I'ami, le frere
et I'epouse de notre divin Reparateur. II n'y a d'autre mystere pour arriver a cette
sainte initiation, que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs
de notre etre, et de ne pas lacher prise, que nous ne soyons parvenus a en sortir, la
vivifiante racine; par ce qu'alors tous les fruits que nous devons porter, selon notre
espece, se produiront noturellement en nous et hors de nous . (Correspondante au
baron de Kirchberger).
Purifie-toi, demande, regois, agis : toute I'oeuvre est dans ces quatre temps .
(Mon Livre Rouge).
U n HOMME DE DESIR
Suite a cette rencontre particuliercment
decevante, Saint-Martin douta de la
theurgie et fut convaincu qu'elle navait
pas sa place dans Vceuvre de la Reinte
gration. Et c'est cet homme de^u qui ar
rive en 1788 a Strasbourg, accompagne
de L'Homme de Desir , livre qu'il
commenqa a Londres et qu'il finira dans
la cite alsacienne : Dieu est un eternel
Desir et une eternelle Volonte d'etre manifeste, pour que son existence se pro
page et s'etende a tout ce qui est
susceptible de la recevoir et de la sentir.
L'homme doit done aussi vivre de ce
Desir et de cette Volonte, et il est charge
d'entretenir en lui ces affections sublimes;
car dans Dieu, le Desir vient rarement
jusqu'a ce terme complet, sans lequel
rien ne s op ere. Et c'est par ce pouvoir
donne a I'homme d'amener son Desir
jusqu'au caractere de Volonte q u 'il
devrait etre reellement une image de
Dieu .
Les premieres impressions de LouisClaude de Saint-Martin sur Strasbourg ne
Louis-Claude de Saint-Martin
Jacob Boehm e,
Portrait de von Gottlob Glymann ohne
FEVRIER - MARS
2010
23
DOSSIER
se mil tout a coup a etudier I 'allemaml
pour aborder la lecture du plus gmnd des
philosophes mystiques du XVIT siecle.
Jacques Boehme. /... / Deuxpersonnes de
Strasbourg, Madame de Boecklin et Mon
sieur Salvnann , furent les initiateurs de
Monsieur de Saint-Martin a I 'etude du
mysticisme, disons mieux, de la theoSo
phie de Boehme .
S o n s e c o n d M a it r e
Frederic Rodolphe Salzmann est ne en
1749 en Alsace, a Sainte-Marie-auxMines. ou son pere etait pasteur. On la
parfois confondu avec son cousin Johann
Daniel Salzmann, qui fut Fami de
Goethe. Avec les freres de Turckheim.
autre grand nom alsacien. il organisera a
Strasbourg une Loge des Chevaliers
Bienfaisants de la Cite Sainte. Parallelement, il dirigera la Librairie Academique,
situee a l'ansle de la rue de la Chaine et
de la rue des Serruriers, et fondera une
L ' h o m m e d e d s ir , s e l o n L o u is - C l a u d e d e S a in t - M a r t in
Dans sa condition actuelle, l'homme est en etat d'exil. Rien ici-bas ne parvient a
le satisfaire pleinement. Certes, le monde materiel lui apporte des satisfactions, des
plaisirs et des joies. Mais au plus pr ofond de lui-meme, il sait que le bonheur
auquel il aspire n'est pas de ce monde et se situe ailleurs. Plus ou moins consciemment, il ressent egalement la nostalgie de I'etat glorieux qui etait le sien a I'origine,
d'ou une certaine melancolie. Au regard du Martinisme, quiconque aspire a comprendre cette melancolie et a retrouver sa purete primitive est un Homme de
Desir . Son desir, c'est le desir de Dieu. Sairt-Martin disait a ce su j& : II n'ya rien
d'aussi courant que I'envie et d'aussi rare que le desir .
Devenir un Homme de Desir, c'est vouloir reconstruire son Temple interieur et
reintegrer sa divine condition. Le Martiniste s'appuie sur deux piliers pour y parv e n ir: I'initiation et I'enseignement. La premiere marque le debut de son cheminement sur la v oie cardiaque, car c'est le momen t ou il r egoit le g erme de
Lumiere qui constitue le fondement de sa regeneration interieure. C'est aussi I'instant privilegie ou il rencontre son Initiateur et ou il est admis dans la filiation mar
tiniste, faisant de lui un maillon d'une chame initiatique remontant a Louis-Claude
de Saint-Martin. Precisons que cette initiation doit etre conferee dans un Temple
martiniste pour etre dument reconnue et faire du recipiendaire un veritable Initie.
Si elle est un preliminaire indispensable, I'initiation martiniste n'est que la repre
sentation terrestre d'une initiation transcendantale, celle que Saint-Martin appelle
l'initiation centrale et qu'il definit a in si: Cette initiation, est celle par laquelle
nous pouvons entrer dans le cceur de Dieu, et faire entrer le coeur de Dieu en nous,
pour y faire un mariage indissoluble... II n'y a d'autre mystere pour arriver a cette
sainte initiation, que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs
de notre etre, et de ne pas lacher prise, que nous ne soyons parvenus a en sortir, la
vivifiante racine; par ce qu'alors tous les fruits que nous devons porter, selon notre
espece, se produiront naturellement en nous et hors de nous .
Selon le Philosophe Inconnu, le travail de I'Homme de Desir provoque une trans
formation interieure, un engrossement spirituel qui porte la promesse d'une re
naissance interieure. Grace a ce travail, le Vieil Homme cede progressivement
la place a un Nouv el Homme . Ce Nouvel Homme, une f ois ne, passe ensuite
par tous les stades de revolution, jusqu'a atteindre sa complete maturite. Devenu
Homme-Esprit , il pourra accomplir son Ministere et devenir I'intermediaire
actif entre la nature et Dieu. Alors, la communication sera retablie entre le haut
et le bas, et la Terre pourra trouver le sabbat .
D'un poin t de vue martinis te, ce n' est qu' apres s' etre r egenere que I'Homme
participera a la reintegration du Tout dans I'Un et redeviendra le Temple de Dieu :
Hommes de paix, hommes de disir, telle est la splendeur du Temple dans lequel vous
aurez droit un jour de prendre place. Un tel privilege doit d'autant moins vous etonner qu'ici bas vous pouvez commencer a I'elever, que vous pouvez meme I'orner a
tous les instants de votre existence... Souvenez-vous que, selon I'enseignement des
sages, les choses qui sont en haut sont semblables a celles qui sont en bas; et concevez que vous pouvez concourir vous-meme a cette ressemblance, en faisant en sorte
que les choses qui sont en bas soient comme celles qui sont en haut .
24
LE M A R T I N I S M E
S a d o c t r in e
Le Nouvel Homme , ouvrage que
Saint-Martin ecrivit lors de son sejour en
Alsace, n'est pas encore petri de la pen
see de Boehme, et c'est sans doute pour
celaque le Philosophe Inconnu se sentait
insatisfait ct mecontcnt a Strasbourg.
Plus qu'une theorie sur la Regeneration,
il voulut ecrire une exhortation a la Re
generation, comme il le dira plus lard
dans sa correspondancc avec le baron
Kirchberger. S 'il est vrai qu'il redigea
cc livre a 1'instigation du Chevalier de
Silverhiclm, neveu de Swedenborg, il
Sa m o r t
C'est pendant 1'ete 1791 que LouisClaude de Saint-Martin fut brutalement
arrache de son paradis, Strasbourg : son
pere venait d'avoir une seconde attaque
de paralysie et le rappelait pres de lui. La
Divine
Providence
avail
conduit
I'Homme de Desir qu'il etait jusqu'a
Strasbourg, et elle cn eloignait mainlenant le Nouvel Homme qu'il etait de
venu. Mais si sa ville natale ne lui
pcrmettait pas de parler ou d'entendre
parler des verites qu'il aimait, il n'y
trouva pas non plus les fanatiques de la
Terreur qu'il aurait rencontres a Stras
bourg, ce qui lui fit dire : Toutes les cir
constances de ma vie ont ete comme des
echelons que Dieu pla^ait autourde moi.
pour mefaire monter jusqu 'a Lui . Estcc en ayant cela a l'esprit qu'il quitta ce
monde un jour de 1803. pour rejoindre le
Dieu qu'il venerait tant ?
Un Martiniste anonyme
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FEVRIER - MARS
2010
25
DOSSIER
L e M a r t in is m e
Un esoterisme,
une theosophie, une gnose
'esoterisme a un caractere univer
se!. Que ce soit dans le chamanisme, qui. selon de recentes
interpretations, remonterait aux temps
prehistoriques, ou dans les grandes reli
gions orientales comme occidentals, on
y retrouve la presence d'un savoir, d une
connaissance, dune sagesse qui sont re
serves a des inities et qui leur permettent
de faire Iexperience, apres un long apprentissage, de 1union avec une realite
supra-humaine. Ce cceur. ce noyau esote
rique. interieur, nourrit et vivifie lexterieur. 1aspect exoterique des religions.
Si I'esoterisme est aussi universel, c'est
parce qu'il correspond a la structure profonde du monde et de l'homme, a savoir
qu'il y a depuis la sortie de 1'unite originelle un interieur et un extericur des
choses, mais egalement un chemin menant de I'un a Fautre. Parce qu'il est eter
nel, I'esoterisme n'en a pas moins irrigue
d une maniere souterraine le monde
occidental a travers quatre courants
qui. bien que relies, ont garde leur specificite : 1'hermetisme. la kabbale, 1'alchimie et la theosophie.
La theosophie, dans son sens moderne,
est I'un des courants de I'esoterisme oc
cidental. Sa caracteristique reside dans le
fait qu'il est d'essence chretienne. La fi
gure du Christ y est omnipresente, mais
atteint une ampleur qu'il n'a pas dans la
religion exterieure. La theosophie s'est
developpee aux XV le et XV IIe siecles
avec les Rose-Croix, Paracelse, Jacob
Boehme, et sest perennisee ensuite a tra
vels les oeuvres de Martines de Pasqually
et de Louis-Claude de Saint-Martin.
Quant a la gnose. elle insiste sur la voie
ascendante qui mene vers la Connais
sance, bien qu'elle designe parfois aussi
cclle-ci, con^ue comme une sagesse qui
libere et guerit. Ainsi, toutes les voies
esoteriques authentiques sont des gnoses,
dans la mesure ou elles impliquent une
pratique initiatique qui permet d'acceder
a l'absolu. A la vue de ces definitions, il
nous a semble interessant d'etudier en
quoi le Martinisme est un esoterisme. une
theosophie et une gnose.
U n e sote rism e
L'esoterisme, nous 1'avons dit, est le
coeur. le noyau, de toutes les religions,
car. comme 1'enseigne le Martinisme,
elles prennent leur source dans une seule
Religion. Ce cceur, cet interieur commun
a toutes. permet d acceder a une realite
supra-humaine par une experience inte-
26
L'lllum ination p a r le coeur, illustration extra ite d' Em blem ata (1630), de Daniel Cramer
LE M A R T I N I S M E
U n e t h e o s o p h ie
Un chercheur a ecrit: La theosophie est
la doctrine chretienne des X V Ic et XV II1
siecles, representee par Paracelse, Wiegel, Fhtdd... et qui se caracterise par la
reflexion analogique et I 'illumination interieure, I 'experience spirituelle et les
notions d 'emanation, de chute originelle,
d 'androgynat, de Sophia, de reintegra
tion, d arithmosophie, et surtout de dou
ble force.... Nous retrouvons dans cette
definition des themes de la theosophie,
qui est une forme eminente de 1esoterisme occidental.
La theosophie est la connaissance des
mysteres divins incarnee par Sophia, la
Sagesse divine. Hochmah dans la kabbale. C est elle qui se transmet et devient
accessible a la comprehension humaine a
travers ce quon appelle la Tradition. Elle
est presente en toute chose, et bien sur en
l homme, comme un tresor cache. Dieu
se cache pour que I homme le cher che
dit un vieil adage. Et lhomme peut acceder a cette sagesse, car il possede en lui
des profondeurs qui sont en resonance,
en harmonie, avec les profondeurs des
Mysteres divins. Mais pour cela, il lui
faut operer la conversion du regard, descendre dans la nuit, et frapper a la porte
du sanctuaire qui souvre lorsque 1on est
pret a affronter la Lumiere de la Sagesse.
Or, les enseignements et les rituels mar
tinistes nont duutrc but que de preparer
a cette entree dans le sanctuaire ou soperent les noces chymiques.
Lautre figure centrale de la theosophie
est celle de Ieschouah. le Christ cosmique. Lunivers nest pas laisse a la de
rive. II est habite et souleve par le Feu
christique. Teilhard de Chardin, ce mys
tique moderne, en a fait le moteur de
revolution. Rayonnant en Tiphereth, Ie
schouah est le mediateur qui permet au
monde den-bas de sharmoniser avec le
monde d en-haut pour rejoindre Vunite
de Kether, et au-dela, le Dieu inconnaissable. Le Martinisme est bien une theo
sophie par sa filiation remontant par
Louis-Claude de Saint-Martin, ainsi que
par la place centrale qu il accorde a la So
phia. la Sagesse divine, et a la puissance
transfigurante du Christ cosmique.
U ne g n o se
af
Apollonius
, I'un des plus grands representants de la sa g esse antique
FEV R IER -M A R S
2010
27
DOSSIER
degre est une gnose sur des plans differents. Linconscicnt est la racine de notre
etre, le centre spirituel vers lequel il nous
faut converger pour puiser aux sources de
la Creation. Par lui, nous sommes en har
monic avec les rythmes cosmiques et
notre nature divine. Mais il existe aussi
en nous une region plus obscure, nee de
nos desirs refoules et de nos peurs se
cretes, bien etudice par les psychanalystes, en particulier par Jung, qui
I'appelait Pombre . C'est pourquoi la
voie initiatique reclame de 1initie prepa
ration. patience, perseverance et ferveur.
Quoi qu'il cn soit. le Martinisme est bien
une gnose par la structure de son enseignement, le cheminemcnt au sein de
chaque degre. et Part de combiner l'oratoire et le laboratoire.
OMt
OMT
Tetragram m e, de Serouya
Herm es Trism^giste (Pavem ent de la cath^drale de Sienne)
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28
ACTUALITE DE L'HISTOIRE
LE M A R T I N I S M E
Kabbale et Martinisme
e mot Kabbale vient du terme
hebreu qabalalt, qui signifie ce
qui est re^u (forme a partir de la
racine qihel, recevoir). C'est une tradition
qui s'est perpetuee au cours des ages.
C'est a la fois une voie de connaissance
fondee sur retude des textes bibliques
(en hebreu), et une voie de realisation
spirituelle basee sur un travail de perfectionnement individuel. Par extension, il
s'agit d'une sagesse voilee qui sest
transmise de bouche a oreille el d'initie a
initie. ce qui fait penser a la citation de
Francis Bacon : La gloire de Dieu est
de cacher une chose ; la gloire de
I 'homme est de la decouvrir . Pour pouvoir etudier la Kabbale, il faut developper deux qualites : 1'humilite et rumour
du prochain. En cela, c'est une voie
cardiaque assez proche du Martinisme. A
ce propos. Moshe de Kobryn n'a-t-il pas
L e s n iv e a u x d e l a K a b b a l e
La Kabbale ne doit pas etre etudiee
comme une methode speculative, une
methode theurgique ou une methode divinatoire. Ceci conduit a I'erreur et a la
confusion. La Kabbale est surtout une
voie pratique permettant d'aboutir a la
conduite juste (en respectant les 613
mitsvoth ou commandements de la loi
juive, avec kauanah ou intention mys
tique. Cette conduite juste peut se resumer en ceci: Ne J'ais pas a autrui ce que
tu n'aimerais pas q u 'il te fasse. c'est la
toute la Torah, le reste n 'en est que le
commentaire (Hi 1lei, Talmud. Traite
Chabhat 30b). Rappelons que la Torah
correspond au Pentateuque. l'ensemble
PORTAE LVCI
win w ur/iruit'
FEVRIER - MARS
2010
29
DOSSIER
Nous trouvons par exemple Adam ou Ha
Adam, Abram ou AbraHam. Or la lettre
He symbolise I'alliance avec Dieu. Elle
est legerement ouverte en haut a gauche,
cote cceur, et correspond a un H' aspire.
Elle est associee a un passage d'air et a
la fenetre, done a l'ouvcrture vers le haut,
au chemin de la remontee vers Dieu, et
par consequent a l'alliance avec Dieu.
Ainsi. Ha Adam correspond a Adam, au
premier homme, qui etait encore dans
l'alliance divine, dans le jardin d'Eden.
Lorsquil est chasse du Paradis, il devient
Adam (sans le He), celui qui n'est plus
dans I'alliance avec Dieu. Dans le mcme
ordre d'idce, Abram devient Abraham
apres avoir scelle son alliance avec Dieu
(apparition du He). De meme, dans cer
tains passages de la Genese, on trouve
des enonces oil le feminin est attendu.
L a s c ie n c e k a b b a l is t iq u e
Les Kabbalistes, selon leurs tendances,
abordent la symbolique des lettres de diverses manieres. Certaines methodes ont
ete mises au point pour evoquer des ana
logies entre mots ou passages de la Torah.
On irouve ainsi toute une batterie de codages comme la guematrie, la temourah.
W 3
COVRONNE
L ' u n io n m y s t iq u e
L'Adam Kadmon
30
ACTUALITE DE L'HISTOIRE
LE M A R T I N I S M E
L ' im p o r t a n c e d u coeur
Le coeur a une grande importance dans
la Kabbale. Un certain nombre d'indices
nous permettent d'en prendre cons
cience. Ainsi. la premiere lettre de la
Torah est un Beth (le premier mot de la
Genese est Bereshit). Cette lettre corres
pond a la preposition en. dans (interieur).
On peut done penser que le debut de la
Torah se situe en Dieu, faisant ainsi pen
ser a l'etat dorieux de Vhomme a son
origine. Dc meme, la derniere lettre de la
Torah est Lamed (le dernier mot est Is
rael). Cette lettre correspond elle aussi a
une preposition : pour, vers (direction).
On cn conclut que la finalite de la Torah
est daller vers Dieu. Celle-ci est done
une voie menant de Beth a Lamed, cc qui
forme le mot BaL (abondance, fertilite).
(Une autre signification de BaL est interdit , rigueur de la Loi ).
II est troublant de constater que le sens in
verse (Lamed Beth, au lieu de Beth
Lamed), suggerant le retour, lc flux op
pose, forme le mot cceur {LeB en hebreu). Le coeur est done, dans la Torah, la
voie a suivre pour retourner a Dieu. En
effet, le debut du mot c<x\\\ILeB (la let
tre Lamed) est situe a la fin de la Torah,
alors que la fin de ce mot (la lettre Beth)
est placee au debut de la Torah. Ainsi,
rhomme peut retourner a VUnite divine
en suivant les injonctions de son coeur.
II est surprenant egalement de constater
que la guematrie du mot cceur donne
32 (30 pour Lamed + 2 pour Beth), soit
les 32 sentiers de la sagesse. Ceci evoque
m t^ n
Tetragram m e, Nom sacr4 de Dieu dans la
tradition judo-chrtienne
K a b b a l e e t M a r t in is m e
Tout comme la Kabbale, le Martinisme
est une voie cardiaque, une voie de reali
sation spirituelle menant a la connaissance de soi et du monde divin. On
retrouve dans 1enseignement kabbalis
tique plusieurs notions martinistes,
comme la reintegration de 1'humanite (le
tikkoun ou la restauration de Yordre originel), la reincarnation (le gilgoul ou la
transmigration des ames), Vunion divine
(la kawanah ou le retournement vers
Dieu), la quete d'illumination (la devequth ou la contemplation), etc.
La Tradition martiniste rapporte que tous
les etres humains represented les cellules
d'un meme corps, celui de 1'humanite,
chacun ayant neanmoins son autonomic et
son individuality propres. Cette evidence
est la cle de la fraternite, car elle implique
que l'individu ne peut s'elever sans eleva
tion parallele de la collectivite. Un chemin
etroit et ardu, mais pur el lumineux. peut
conduire vers cet ideal: c'est le chemin du
juste milieu, qui dessille les yeux et I'esprit. et conduit a la serenite et au respect de
Iautre. Pour y parvenir. il faut equilibrer
les oppositions de la vie. symbolisees par
les piliers de 1'initiation, afin de mieux apprehender l'unite omnipresente, en haul
comme en bas, dans le macrocosme
comme dans le microcosme.
La voie du coeur
Huguette Ijifo rt
f e v r ie r - m a rs
2010
31
DOSSIER
I n t e r v ie w
C h r is t ia n B e r n a r d ,
Souverain Grand Maitre de lOrdre Martiniste Traditionnel
32
LE M A R T I N I S M E
Parce que c'est l'A .M .O .R.C . qui parraine I'O.M.T. depuis le debut du X X C
siecle, et que 90 % des Martinistes sont
Rosicruciens. Tous les Grands Maitres de
l'A .M .O .R.C . sont d'ailleurs eux aussi
Grands Maitres de I'O.M.T. En assumant
la responsabilite conjointe de ces deux
Ordres freres, cela permet de mener leurs
activites respectives en parfaite harmo
nic.
I T t O X * L
A % !
C ir t ifx c t t
f r a Initiator
tr
MUi .MimiWUMtWW
KOir w w v , { f i 2
S H n JM iM
B t ? . l ,W
y-U l.T H l.T lIJl.
tfMfftPi frnvsrf.~+4h i w v h
i>1*
S?
1*?/& + - iljjOtWxtai
''I
CC [ Christian BERNARD
O
1 Souverain Grand Maitre
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LESOTERISME
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MAGIE
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FEVRIER - MARS
2010
33
DOSSIER__________________
L'enseignement martiniste
34
LE M A R T I N I S M E
Le Temple de Salomon
Le Temple de Salomon, dans ses aspects historique et symbolique, est une reference
commune aux Martinistes et aux Francs-Magons. son etude fait partie de I'enseignement
de I'Ordre Martiniste Traditionnel. Pour I'illustrer, void un extrait de ce qui est dit a son sujet
dans I'un des manuscrits qui lui sont consacres.
omme le rapporte la Bible au pre
mier Livre des Rois (chap. 5 a
9) ct au second Livre des Cbro
il iques (chap. 3 et 4), le Temple de Je
rusalem fut construit par le roi Salomon
vers 960 avant I'ere chretienne. D'apres
la tradition juive. il fut edifie sur le mont
Moriah, a I'endroit meme ou Abraham
etait sur le point doffrir son fils Isaac en
holocauste. Ce Temple etait considere par
les Hebreux comme la dcmeure de Dieu
sur Terre. II ahritait YArche d'Alliance,
dans laquelle reposaient les Tables
de la
*
Loi que Moi'se avait revues de rEternel,
sur le mont Sinai.
Pendant l'Exode, cest-a-dire pendant le
peri pie qui raena le peuple hebreu
jusqu'en Israel, la Terre Promise. 1Arche
sacree reposait dans le Tabernacle. Celuici consistait alors en un temple demontable erige a 1'aide de tentes faites de
peaux, que Ton depla<;ait au rythme des
La reconstruction du secon d Temple. Extra it de Suburbia elus sicut tem pore christi flo ru it ,
peregrinations. Lorsque David scm para
de Christian van Adrichom (1533-1585)
de Jerusalem, il y fit amencr IArche
d'Alliance et projeta de construire un
Celle de droite etait appelee Yakhin et
en cause peu de temps apres sa mort. En
Temple permanent, digne de Dieu. Mais
effet. son fils Roboam. qui lui succeda en
celle de gauche Boaz .
rEternel rejeta ce projet, carce roi avait
Dans le Saint lui-meme se trouvait
931 avant 1'ere chretienne, avait un cafait couler trop de sang. Ce fut done son
Y Autel des Harfitms , encadre d'un
ractere impulsif, et son arrogance enfils, Salomon, qui avec 1'aide d Hiram,
cote par la <
<
Table des douze pains de
train a la separation des douze tribus
roi de Tyr. eut le privilege de mener a
proposition , et de Fautre par un
d'Israel. Durant cette periode de division,
bien cette construction.
Chandelier a sept branches . Selon le
d'autres lieux de culte. comme Bethel ou
Livre des Rois , le Saint etait separe du
Dan. concurrencerent le Temple de Jeru
D e s c r ip t io n
Saint des Saints par des vantaux de bois.
salem. On y raviva le culte du Veau d'or
Conlbrmement aux prescriptions donnees
et les anciens rites y etaient meles a celui
Cependant, le Livre des Chroniques
par Dieu Lui-meme, le Temple de Salo
indique que les deux pieces etaient delide Yahve.
mon fut bati en pierres non taillecs, et
mitees par une tenture pourpre, brodee de
Le royaume d'Israel resta longtemps di
aucun outil de metal ne fut employe pour
cherubins.
vise. Cinq annees a peine apres le debut
sa construction. II sapparentait a un batiDerriere les vantaux ou la tenture qui
du regne de Roboam. le pharaon Chement rectansulaire de soixante coudees de
donnait acces au Saint des Saints se trou
chanq profita de la situation p<^)ur s'emlong et vingt de large, e'est-a-dire d'envivait Y Arche d'Alliance . Elle avait
parer de Jerusalem et pilier le Temple.
ron trente metres sur dix. Sa hauteur etait
I'apparence d'un coffre dont le couvercle
Mais le coup fatal fut porte par les Babyde trente coudees, soit environ quinze me
etait orne de deux cherubins aux ailes deloniens. En 605 avant Jesus-Christ, Natres. 11 comportait trois parties distinctes.
ployees. Elle etait sacree pour les He
buchodonosor, roi de Babylone, lan<;a
D'abord le Oidani ou Vestibule , enbreux, car ils consideraient que Yahve y
une expedition contre Jerusalem. En 601,
suite le Hekal ou Saint , et enfin le
demeurait reellement. Seul le Grand Prele Temple fut saccage, les colonnes bri Debir ou Saint des Saints . Cet edi
tre pouvait entrer dans cette partie du
sees et une partie du mobilier emportee a
fice etait de loin le plus imposant de toute
Babylone. ou de nombreux Juifs lurent
Temple. II y penetrait une fois l'an. pour
la ville de Jerusalem.
prononcer le Nom divin et y venerer
deportes quelques annees plus lard. Puis
Chaque partie du Temple de Salomon
TEternel. Mais avant de le faire, il devait
en 586, Nabuchodonosor detruisit totaleetait agencee d'une fa^on particuliere. Le
prendre soin de s'y preparer par des pu
ment le Temple. On rapporte cependant
Vestibule comportait un vaste bassin de
rifications corporelles et spirituelles. En
que peu de temps avant ce drame, le probronze, la Mer d'Airain , destine aux
cas d'impurete, il risquait en effet la
phete Jeremie cacha I' Arche d'Alliance
purifications corporelles. II etait aussi
mort.
dans une caverne dont il seel la I'entrec.
dote d'un Alltel des Holocaustes , sur
Le Temple de Jerusalem etait un edifice
Alors qu'il etait parmi les exiles a Baby
lequel on sacrifiait des animaux. On acmagnifique construit avec les materiaux
lone, le prophete Ezechiel, qui avait precedait a la partie suivante du Temple, le
les plus nobles, tel le bois de cedre et de
dit la destruction du Temple, en revela la
Saint, par un double portail en bois de cy
cypres. II etait recouvert d'or fin en de
cause : Dieu avait voulu punirson peuple
nombreux endroits. Pendant le regne de
devenu idolatre et infidele. Mais le pro
pres et dolivier, decore de cherubins et
de palmes. De chaque cote de ce portail
phete avait annonce aussi qu'un nouveau
Salomon, il etait le cccur du culte israese dressaient deux colonnes de bronze.
lite, mais cette predominance fut remise
Temple serait construit un jour a Jerusa-
FEVRIER - MARS
2010
35
DOSSIER
lera ct qu'il aurait la forme d'un carre
(Ezechiel, ch. 40-48). Effectivement, la
Bible rapporte que Cyrus, roi de Perse, se
rendit maitre de Babylone en 539 avant
notre ere. Souverain ambitieux mais to
lerant, il rendit aux Juifs leur liberte et
leurs biens spolies par les Babyloniens.
Ainsi, apres avoir ete exile pendant
soixante-dix ans, le peuple d'Israel revint
a Jerusalem et, sous I'impulsion de Zorobabel, entreprit de batir un nouveau
Temple. Mais les conditions avaient
change ; la paix et 1'allegresse ne regnaient plus dans la Ville sainte comme
jadis a l'epoque de Salomon. Ce
deuxieme Temple fut done construit dans
I'agitation. Confrontes a de multiples
dangers, les ouvriers etaient plus occupes
a se defendre qu'a construire.
C o n s t r u c t io n
Alois que les materiaux du premier Tem
ple avaient ete tires des contrees les plus
riches et assembles sans aucun outil en
metal, il n'en fut pas de meme pour le se
cond Temple. Les ouvriers furent obliges
de creuser le sol pour extraire les debris
de 1'ancien edifice, et le batiment qu'ils
parvinrent peniblement a eriger etait tres
imparfait. Sa construction s'acheva la
S y m b o l is m e
5
O
36
LE M A R T I N I S M E
Le processus d'individuation
ou la realisation du Soi
Parallelement a I'enseignement officiel qu'ils etudient dans les Heptades et les Ateliers,
les membres de I'Ordre Martiniste Traditionnel ont la possibility de presenter des exposes
qu'ils ont eux-memes rediges sur un sujet de leur choix. Void un exemple parmi d'autres
de ces "planches".
elon Carl Gustav Jung, medecin
psychiatre de la premiere moitie du
X X Csiecle et pere de la vision spiritualiste de la psychologic des profondeurs, 1'individuation est le processus
de transformation qui libere I'etre huniain de son assujettissement d I 'inconscient. C'est l %
exploration de la nature
profonde de / 'homme, au moyen de I'alchimie des reves, sans intervention d'une
autorite exterieure . Jung precise encore
que le processus d'individuation est la
demarche par laquelle I 'individu sort du
cadre social, collectif pour realise/' son
destin propre, individuel, dont il est pre
gnant, comme I drbre est contenu dans le
germe . Par ce processus, 1homme de
vient pour ainsi dire autonome. et non
dissocie. Selon cet auteur, cest vers cela
que 1*homme doit tendre s' il effectue un
parcours normal, pour devenir simplement lui-meme.
Cependant, il faut preciser que 1*indivi
duation ne signifie pas tomberdans 1 individualisme, qui est Iexacerbation des
differences. L'individuation preconisee
par Jung est tout le contraire de Iegoccntrisme, car elle est I'union avec soimeme el avec le monde exterieur. Plus
tard. Jung a elargi ce concept a la trans
mutation alehimique, en le definissant
comme la reintegration dans VUnite
primordiale et ultime, la cessation de la
division, des dualites, des oppositions .
Mais en quoi Tindividuation, ainsi definie. peut-elle etre un processus conduisant a la realisation du Soi ou a 1eveil
spirituel. et quel interet peut-elle presen
ter pour les Martinistes ? C est a ces deux
questions que nous allons tenter de repondre, en nous appuyant sur quelques
elements tires de la vie et de 1oeuvre de
Jung.
L ' in c o n s c ie n t
Pour mieux comprendre ce vaste sujet, il
nous faut tout dabord avoir en memoire
quelques notions sommaires sur ce quest
linconscient, selon Jung. En realite, cest
Freud qui a etc le pionnier de l inconscient. avec la publication de son livre
paru en 1899 et intitule L'interpretation
du reve . Freud avait essentiellenient
mis a jour 1aspect pathologique de 1inconscient, constitue par des conllits, des
nevroses, des psychoses, etc.
Carl Gustav Jung a considerablement
elargi la notion d inconscient a linconscient collectif, alors que pour Freud son
Maitre, il etait strictement individuel. II
Ia aussi rendu plus noble, plus accessi
ble, plus rassurant. II lui a donne son au
tonomic en le liberant des refoulements
et en lui conferant un role spirituel im
portant. Enfin. la grandeur de Jung reside
aussi dans le fail que son oeuvre est le
fruit de sa propre experience interieure.
C est ce que revcle son autobiographic
quand il ecrit: Ma vie est I'histoire d'une
realisation du Soi par l'inconscient .
Mais que renferme notre inconscient ?
Par definition, linconscient est considere
comme I'immense reservoir de contenus qui sont nonnalement inaccessibles
d la conscience , 11 est, nous dit Jung.
un flot infini, un ocean d'images et de
formes . Pour les psychologues, Ien
semble de la psyche ou conscience
humaine possede des profondeurs insondables. Elle comprend une ties infime
FEVRIER - MARS
2010
37
DOSSIER
moire illimitee ou tout est grave de ma
niere indelebile. C'est un depot de toute
1'experience humaine ancestrale, accumulee depuis des millions d'annees.
Enfin, c'est aussi notre centre spirituel,
le centre de la veritable intelligence, du
pouvoir et de la sagesse. II est par-dessus
tout notre meilleur serviteur. Mais com
ment 1'inconscient est-il structure pour
avoir autant d'attributs ?
L'inconscient est constitue de couches
ties vastes qui s interpenetrent les unes
les autres. L'une. denommee inconscient personnel , renferme notre histoire
individuelle. nos experiences vecues, nos
complexes pathologiques et nos refoule
ments. Lautre appelee inconscient col
lectif ,
contient
les
experiences
emotionnelles de toute l'humanite, ainsi
que les pulsions instinctives et animales
remontant a des millions d'annees. On la
designe sous le nom d' inconscient collectif %parce qu'il a des contenus et des
modes de comportement qui sont les
memes partout, et chez tous les individus.
C'est le reservoir des grands mythes. des
38
contes, des rites, etc. C'est de la que jaillissent les symboles universels portant le
nom generique d ' archetypes . De
toutes ces couches, seul l'inconscient
personnel est susceptible de reveler des
maladies, notammcnt des nevroses.
L es a r c h e t y p e s
Comme on vient de le souligner, les ar
chetypes, en tant que contenus de 1'in
conscient collectif, sont des depots ou
une accumulation de tout ce que I'humanile a vecu, en remontant jusqu'a ses plus
obscurs commencements. II ne s'agit ni
d'un depot mort, ni d'un champ de
mines, mais d'un systeme de reactions et
de disponibilites qui determinent la vie
individuelle par des voies invisibles. Ce
sont done des types ties anciens ou.
mieux encore, originels, e'est-a-dire des
images universelles presentes depuis tou
jours.
Jung a identifie de nombreux archetypes
situes dans un champ independant du
temps et de l'espace. Parmi ceux-ci, il a
designe l'archetype qui influence le rap
port de notre moi avec le monde exterieur. sous le nom de Persona ,
e'est-a-dire le masque que nous laissons apparaTtre de nous-memes. Pour lui
la Persona est ce que quelqu 'un n 'est
pas en realite. mais ce que lui-meme et
les autres pensent de lui . Elle n'est
qu'une realite secondaire liee au fait que
nous avons un nom. un titre, une charge
ou une fonction dans la vie. C'est tout
simplement notre ego. II parlera aussi de
l'archetype de V Ombre . Selon Jung.
L'Ombre est la partie psychique de
nous-memes qui n'est pas dans la lu miere du conscient, parce qu 'elle est tombee dans l'inconscient . En psychologic
des profondeurs, 1'Ombre correspond a
1aspect sombre et negatif de notre personnalite, e'est-a-dire a nos propres defauts. Notre Ombre est aussi parfois ce
que nous n'aimons pas chez autrui, ce qui
chez lui genere de 1'hostilite et qui n'est
en realite que le reflet, la projection, de
ce que nous sommes nous-memes.
Jung a egalement cree les concepts
d' Animus et d' Anima pour desi
gner ce qui influence le rapport du moi
avec le monde interieur. L'Animus est la
personnification de la nature masculine
de l'inconscient de la femme, tandis que
1'Anima personnifie la nature feminine
de l'inconscient de l'homme. L'Anima
correspond a des qualites tel les que 1'in
tuition. Ia sensibilite, la receptivite, etc.,
alors que 1'Animus correspond a des qua
lites comme 1'autorite, la fermete, la rigueur, la force. Enfin, selon Jung, tous
les archetypes ont en leur centre un ar
chetype de l'ordre et de la totalite de
l'homme, le Soi, e'est-a-dire le Moi
divin. le Maitre interieur, le Guide spirituel. Jung a ecrit a ce sujet : Le Soi est
non settlement le centre, mais aussi le perimetre qui inclut conscient et incons
cient ; il est le centre de cette totalite
comme le moi est le centre de la
conscience
Le Soi est aussi le but de
L a m e h u m a in e
La deuxieme observation concerne la na
ture spirituelle double de l'homme. En
effet, celui-ci possede une Ame divine
parfaite, le Maitre interieur. qui a sa
source dans la Divinite elle-meme, et une
ame individuelle imparfaite. qui traduit
le degre d'expression que nous donnons
dans notre vie courante aux qualites de
1'Ame divine. Mais ces deux energies ne
sont pas vraiment distinctes : elles s'interpenetrent sur le plan vibratoire, et sont
indissociables. L'ame individuelle, leAdisciple, evolue done au contact de l'Ame
divine, le Maitre. celle-ci infusant de plus
en plus de sa Sagesse a la premiere par
suite de 1'assimilation, par 1' individu, des
legons de la vie et de la transmutation de
ses defauts en leurs qualites opposees.
C'est pourquoi les anciens alchimistes,
explorateurs de la nature profonde de
l'homme, parlant en symboles ou en nietaphores, disaient que Les excrements
ou le fum ier sont la matiere premiere a
partir de laquelle on pent fabriquer le
metal incorruptible ou or . Le metal in
corruptible est l'ensemble des vertus spirituelles de l'ame. C'est pourquoi ils
disaient aussi : Ce q u 'il y a de plus
eleve en ce monde est a rechercher dans
ce qu 'il v a de plus bas . Ainsi, lorsque
sest produite la conquete de 1'Ombre et
la prise de conscience de 1'Animus ou de
1'Anima, le Soi surgit. d'une certaine ma
niere, dans le reve, sous forme symbolique. C'est ce qui constitue I'un des
aspects fondamentaux du processus d'in
dividuation preconise par Jung, et que
nous allons aborder maintenant de ma
niere synthetique.
Tout le processus d'individuation peut se
resumer en une loi qui est a I'oeuvre dans
lunivers, dans la nature et dans l'homme
lui-meme. Les anciens alchimistes
avaient coutume de le caracteriser en
trois mots : <<mourir pour renaitre . En
effet, le destin auquel est convie tout etre
humain qui se soumet au processus d'in-
LE M A R T I N I S M E
T r o is e t a p e s
Selon Jung, le processus d'individuation
comprend trois etapes essentielles : 1'ana
lyse, la confrontation avec 1'Ombre, et la
confrontation avec 1' Anima ou VAnimus.
Uanalyse est ce qu'il appelle la grande
psychothempie menant a la realisation
du Soi. Elle est I'action de delier, de
dissoudre la conscience en ses differents
elements constitutes . C'est aussi le pre
mier grand arcane de la psychologic des
profondeurs, que Jung nomme la dis
solution de la conscience ou la reduc
tion du sujet en la Materia Prima. II
compare cette etape a la premiere grande
operation alchimique appelee Putre
faction ou Nig redo . Jung est venu a
l'alchimie alors qu'il etait deja bien
avance dans son experience interieure.
Cela lui a permis de rapprocher, sans les
confondre, les deux langages : celui de
l'alchimie et celui de la psychologic moderne.
La deuxieme etape. celle de la confron
tation avec 1'Ombre, la partie cachee de
notre inconscient, est le trait distinctif de
la psychologic des profondeurs. Ce stade
de I'oeuvre correspond d'abord a la prise
en consideration de nos defauts, puis a
leur transmutation en leurs vertus opposees. C'est done 1'etape de la Purifica
tion, dont les grands psychologues
connaissaient 1'importance et qu'ils nommaient la voie purgative . Dans la terminologie de Jacob Boehme. inspiree de
la Kabbale. c'est l a colere de Dieu opposee a Son oeuvre . Cette phase s?accompagne de conflits provoques par la
mise en presence des opposes, que Jung
appelle la collision des devoirs . En
effet, I'individu parvenu a cette etape fait
face a des litiges qu'il doit trancher seul,
sans reference, et s'expose aux critiques
de ceux qui I'observent sans soupgonner
son drame interieur. La collision des
devoirs, dit Jung, est la pierre de touche
de I'individuation . C'est par ce moyen
que s'opere le passage a un degre superieur de conscience, la naissance du Soi.
La confrontation avec 1'Anima, troisieme
etape du processus d'individuation, a
pour equivalent chez la femme le dia
logue avec 1'Animus. Pour Jung, la ren
contre avec l'archetype de 1'Anima est
L es r e v e s
Dans la pratique, le processus d'indivi
duation s'appuie sur 1'interpretation des
symboles reveles par les reves. II com
prend essentiellement deux volets : I'un
theorique et I'autre pratique. Le volet
theorique est constitue par la lecture et le
commentaire des livres anciens, 1'inter
pretation de leurs maximes et de leurs
images archetypiques. C'est pourquoi
Jung a souvent insiste pour que les psy
chologues aient une culture mythologique et religieuse etendue ; nous
pouvons ajouter hermetique, car cette
culture est la base de la comprehension
du sens de certains reves. En effet, pour
Jung, un reve est une production naturclle, au meme litre qu'un arbre ou une
flcur. Comme il se compose de symboles,
il offre un vaste champ a 1'interpretation.
Le symbole n'esl pas, pour Jung, une
simple allegoric ; il donne une image de
I'inconscient a un moment determine.
Le volet pratique consiste a mediter sur
les symboles et les images fournis par les
songes et a les interpreter. L'ecole de
L ' in d iv id u a t io n
En quoi consiste la methode de 1imagi
nation active ? Elle a pour but de choisir,
a I'etat de veille. un fragment de reve ou
un phantasme, et a fixer librement son at
tention sur lui. Le sujet observe ainsi, en
temoin vigilant, le libre jeu des images
qui peuvent defiler sur l'ecran de sa
conscience, tout en exer^ant, s'il le faut,
des choix selon son inclination interieure.
II s'agit la d'une entreprise de longue haleine. Mais cela fait progressivement en
trer I'individu en contact avec des zones
de plus en plus profondes de son ume, et
avec les energies qui en emanent.
Cette etude sommaire du processus d'in
dividuation, loin de nous avoir emmenes
dans un univers inconnu. nous interpelle
sur deux points : le role dynamique de
1'inconscient dans notre vie. et 1'impor
tance que nous devons accorder a nos
reves. Mais comment tirer un enseignement de nos reves, sans recourir neces
sairement a toutes les techniques du
processus d*individuation qui ne nous
sont pas familieres ? Ce que nous devons
faire, c'est d'abord nous convaincre de
1'importance et du role des reves dans
notre vie ; puis chercher a nous en sou
venir aulant que possible et les noter dans
un cahier specialement destine a ce but ;
enfin, prendre, dans une ou plusieurs se
quences du reve, les images et les idees
qu'elles renferment, travailler sur elles,
chercher a comprendre la symbolique
qu'elles convoient, et ecrire ce qui nous
vient a I 'esprit par association d' idees.
Une fois le sens du reve compris, il faut
faire l'effort necessaire pour agir au quotidien dans le sens du message qu'il vehicule.
Jean Massengo
FEV R IER -M A R S
2010
39
DOSSIER
De la Genese
au Prologue de Jean
L'article ci-dessous est extrait de la revue Pantacle, publication annuelle de
I'Ordre Martiniste Traditionnel. Cette revue, consacree a I'esoterisme et a la spiritualite
occidentale, est destinee avant tout aux Martinistes, mais elle est accessible a toute personne
interessee par les sujets traites.
a Genese presente deux recits de la
Creation qui different tant par leur
portee doctrinale que par leur style
litteraire. Le premier recit, celui des sept
jours de la Creation, appartient a la tradi
tion sacerdotale ; il a la forme d'un textc
destine a la proclamation liturgique. La
composition ordonnee est ponctuee de re
frains. C'est une veritable prose rythmec.
Des pieties de Jerusalem en auraient
commence la redaction avant lexil a Ba
bylone, et la mise cn forme definitive daterait du retour d'exil.
Le second recit. oil I'homme devint une
dme vivante , adopte une expression
plus humaine, plus narrative, voire poetique. II appartient a la tradition yahviste,
denomination en relation avec Iemploi
du tetragramme dans 1expression IHVH
(yhawe) Elohim. C'est 1'apparition de
cette expression qui permet de situer la
transition entre les deux recits, au milieu
du verset 4 du chapitre 2. Le recit sacer
dotal situe rhom m e dans Iunivers ; le
recit yahvistae presente un decor desertique transforme par Dieu en un jardin
luxuriant. Dans le recit sacerdotal,
I'homme napparait qu'au terme de la
creation de 1'univers, alors que le recit
yahviste presente I'homme dans sa rela
tion avec les animaux. la femme et Dieu.
G e n e s e , p r e m ie r r e c it
d e l a C r e a t io n ( G en 1 - 2 ,4 a )
Nous n'aborderons que le premier recit,
le texte sacerdotal, qui est le plus riche du
point de vue symbolique. Ce recit de la
Creation est le premier de la Torah - ou
Pentateuque terme definissant les cinq
premiers livres de la Bible.
Ce texte etait certainement utilise pour la
liturgie et l'instruction, d'oii sa structure
qui facilite la memorisation. Le mouvement est oriente vers la sacralisation du
septieme jour. ce qui nous permet de penser que ce texte etait destine a la celebra
tion d une fete en l'honneurdu Createur.
A Babylone, une telle fete etait celcbrce
a lequinoxe de printemps, en l'honneur
du dieu Marduk. Le poeme de la Crea
tion y etait lu le quatrieme jour.
Avant d'examiner le premier mot de la
Bible tysarb, arretons-nous sur sa pre
miere lettre : la lettre b (beith). C est la
seconde de 1'alphabet, associee au nom
bre deux . Symboliquement. elle nous
40
LE M A R T I N I S M E
Creation du ciel et de la terre, des arbres e t herbes, des astres et de tous les anim aux ,
gravure d e Jean Cousin, extra ite d e Figures de la Bible
L 'I m m e n s i t d iv in e
Avant le temps, Dieu emano des etres spirituels, pour Sa propre gloire, dons son
Immensite divine. Ces etres avaient a exercer un culte que la Divinite leur avait fixe par
des lois, des preceptes et des commandements eternels. Ils etaient done libres et
distincts du Createur, et I'on ne peut leur refuser le libre arbitre avec lequel ils avaient
ete emanes, sans detruire en eux la faculte, la propriete et la vertu spirituelle et
personnelle qui leur etaient necessaires pour operer avec precision dans les bornes ou
ils devaient exercer leur puissance. C'etait positivement dans ces bornes ou ces
premiers etres spirituels devaient rendre le culte pour lequel ils avaient ete emanes.
Ces premiers etres ne pouvaient nier ni ignorer les conventions que le Createur avait
faites avec eux, en leur donnant des lois, des preceptes et des commandements,
puisque c'etait sur ces conventions seules qu'etait fondee leur emanation .
Martines de Pasqually,
Traite sur la reintegration des etres (Diffusion Rosicrucienne)
FEVRIER - MARS
2010
41
DOSSIER
schema hebdomadaire. C'est ties habilemerit qu'il repartit les huit actions cica
trices en six jours. Nous devons observer
une correspondance entre les trois pre
miers jours et les trois derniers jours. Au
premier jour correspond le quatrieme. au
second jour correspond le cinquieme et
au troisieme jour correspond le sixieme.
C'est ce que nous allons detailler maintenant.
Le premier jour. Dieu cree la lumiere.
Une lumiere bien mysterieuse, puisqu'il
ne peut s'agir de la lumiere visible. En
effet, le soleil, la lune et les etoiles ne
sont pas encore crees. Cette lumiere ne
peut done etre que 1'energie primordiale
a 1origine de toute manifestation. La se
paration lumiere/tenebres peut s'inter
Le
L IV R E DE L 'H O M M E E T LE L IV R E DE LA N A TU RE
42
h
2r
7T\V
V
>
Im po rtan ce du sy m b o u sm e
DU NOMBRE TROIS
Ce premier chapitre est structure sur la
symbolique du nombre trois. Nous venons de voir la correspondance entre les
trois premiers jours et les trois jours suivants. Le second jour manifeste une hie
rarchic a trois niveaux : les eaux d'en bas.
les cieux et les eaux d'en haut. Le troi
sieme jour, les especes vegetales creees
sont au nombre de trois herbes. graminees et arbres. Le quatrieme jour, trois
sortes de luminaires apparaissent : le so
leil, la lune et les etoiles. Dans un premier
temps, il est precise qu'ils ont trois fonctions : separer le jour de la nuit. scrvir de
signes pour fixer les fetes et illuminer la
terre. Dans un deuxieme temps, il nous
est dit qu'ils sont la pour trois raisons il
luminer la terre, presider au jour et a la
nuit, et separer la lumiere des tenebres.
Le cinquieme jour. Dieu donne trois or
dres aux poissons et aux oiseaux: fructifiez, multipliez et emplissez. Le sixieme
jour, trois formes de vie animale appa
raissent sur terre : le betail, les reptiles et
les betes sauvages. L'ordre est donne a
LE M A R T I N I S M E
L a p a r o l e c r e a t r ic e
a
o
L 'e T U D E E T L A P R lfiR E
L'etude sans la priere, a dit autre
fois un sag e, es t un v eritable
atheisme, e t la prier e sans Vetude
une vaine presomption. C'est-a-dire
que celui qui croit pouvoir acquerir
une vraie lumiere par I'etude et par
la seule f orce de son applic ation,
pense e t agit c omme un a thee, et
que celui qui presume que pour obtenir la connaissance de la verite, il
lui suffit de la demander dans ses
prieres, sans faire aucun effort pour
la decouvrir et sans mediter sur ses
voies, n'est qu'un homme prsomptueux, lache ou indifferent pour elle.
Le pr emier n' acquerra qu' une
science vaine et dangereuse ; Tautre
restera dans l'ignorance.
Jean-Baptiste Willermoz
Mes Pens^es et celles des autres
M ichel Armengaud
FEV R IER -M A R S
2010
43
DOSSIER_______________
L'Ancien et Mystique
Ordre de la Rose-Croix
Depuis sa fondation, I'Ordre Martiniste Traditionnel est parraine par
I'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix. C'est ce qui explique pourquoi de nombreux
Martinistes sont egalement Rosicruciens. II nous semble done opportun de nous arreter
sur l'A.M.O.R.C., qui constitue actuellement le mouvement rosicrucien le plus actif
dans le monde. A cet effet, nous avons demande a Serge Toussaint, Grand Maitre de
la juridiction francophone, de nous le presenter. (II est aussi le Grand Maitre de la juridiction
francophone de I'O.M.T.).
44
N o n r e l ig ie u x
Mais avant de le faire, il me semble utile
de preciser que l'A .M .O .R.C . n'est pas
une religion, ce qui explique quil compte
parmi ses membres des personnes de
toutes confessions religieuses, parmi lesquelles des Juifs, des Chretiens, des
Bouddhistes, des Musulmans, des Animistes, ou autres. En cela. il ne se rattache pas a un Prophete ou un Messie tels
que Moise. Jesus, Bouddha ou Mahomet,
pour ne citcr que les plus connus. De
LE M A R T I N I S M E
firent connaitre en Allemagne, en Angleterre et en France par trois Manifestes devenus celebres dans le monde de
Fesoterisme : la
,
la
et les
Fatna Fraternitatis
Confessio Fraternitatis
Noces cliymiques de Christian Rosenkreutz , publies respectivement en 1614.
gen
Cercle de Tubin
Rosae-Crucis
Posit io Fraternitatis
d' ecoles
de mysteres
A p o u t iq u e
Outre qu'il n'est pas une religion, il faut
savoir egalement que FA.M .O.R.C. est
totalement apolitique. Pour etre plus pre
cis, toute discussion politique est interdite au sein de I'Ordre. Naturellement.
tout membre est entierement libre de ses
opinions et de ses actions dans ce domaine, mais il ne doit pas en faire etat
lors des activites rosicruciennes. Et cest
precisement parce que I'Ordre est apoli
tique quil reunit des personnes ayant des
opinions politiques differentes. parfois
meme opposees, sans que cela ne pose le
moindre probleme sur les plans relationnel et fraternel. Parailleurs, il encourage
ses membres a s'interesser au devenir de
la societe el a Fevolution du monde en
general. C'esl ainsi que nombre d'entre
eux s'impliquent a titre personnel dans
des associations diverses et s'investissent
dans des actions sociales, caritatives, etc.
En cela, ils ont a cceur d'assumer au
mieux leur role de citoyens.
Venons-en maintenant plus precisement
a ce qu'est FA.M .O.R.C., a savoir.
comme je l'ai indique en preambule, un
mouvement philosophique, initiatique et
traditionnel.
%' V I
T r a d it io n n e l
Sur le plan purement historique, I'Ordre
de la Rose-Croix remonte au X V II0 sie
cle, epoque a laquelle les Rosicruciens se
FEVRIER - MARS
2010
45
DOSSIER
I n it ia t iq u e
Voyons maintenant en quoi 1'A.M.O.R.C.
est un mouvement initiatique. II Test par
le fait qu'il perpetue un enseignement
graduel. ponctue par dcs initiations. Dans
les siecles passes, cet enseignement etait
dispense oralement, dans des lieux tenus
secrets, afin d'eviter les persecutions religieuses ou politiques. C est pourquoi
l'Ordre de la Rose-Croix etait considere
jadis comme une societe secrete. Depuis
le debut du X X Csiecle, l'A .M .O .R.C .
s'apparente plutot a une organisation dis
crete et transmet son enseignement par
ccrit. Celui-ci se presente desormais sous
la forme de monographics adressees aux
membrcs d'une manierc confidcntielle.
Ces monographies, qui consistent en des
fascicules de quelques pages, s'echclonncnt sur douze degres majeurs. De mois
en mois, dannce en annce. dc degre cn
degre. chaque membre de l'Ordre est
done initio a ce que les Rose-Croix enseignent depuis des siecles sur les mysteres de Vexistence. Ce processus
initiatique est particuliercment efficace,
car il permet aux connaissances acquises
de transcender I *intellect et de devcnir
une partie integrante de la conscience de
Iame, cc qui est le but de toute quete veritablement mystique.
Quel est done le contenu de Tenseigne
ment rosicrueien ? Sans entrcr dans les
details, je dirai qu'il traite des grands
themes auxquels les mystiques se sont
toujours interesses : la nature du Divin.
les lois de la Creation, I'origine et la fi
nal ite de l'univers. les concepts de temps
46
Art-**A.MOXC
|>W14
OM1
gions clablics, une connaissance esoterique sest transmise a travels les ages,
decole dc mysteres cn ecole de mysteres.
Et dc nos jours, 1A.M.O.R.C. cst Tun dcs
heritiers dc ccltc connaissancc seculaire,
doii son aspect traditionnel.
Sur Ic plan etymologique, rappelons quc
lc mot tradition vicnt du latin tmdere , qui vcut dire trammettre . Ap
plique a lA.M .O.R.C., ce mot se
rapporte a 1*heritage culturcl et spirituel
qu'il transmet a travers son enseignement. Or. comme nous venons de le voir,
cet enseignement cst ties ancien.
puisqu'il prend sa source dans FEgypte
antique, non sans avoir evolue au cours
dcs ages. Vu sous cet angle, le qualificatif traditionnel vehicule l'idee d'anciennete et d'authenticite. II integre
egalement la notion de filiation. C est ce
qui explique pourquoi il existe de nos
jours peu dc mouvements veritablement
traditionnels. Quoi qu'il cn soit,
lA.M.O-R.C. se rattache traditionnellement aux Rose-Croix du passe et se
consacre a perpetuer l'heritage qu'euxmemes avaient re^u de FAntiquite, et ce
dans Fesprit humaniste et spiritualiste qui
leurest propre. Au X V IICsiecle, Michacl
Maier, Fun d'eux. disait d'ailleurs : Nos
origines sont egyptiennes, brahmaniques,
issues des Mysteres d'Elen sis et de Sarnothmce, des Mages de Ferses, des Fythagoriciens et des Arabes
Sym bole cr4 p a r l'A .M .O .R.C . en 1998 d p a rtir d'un dessin realise p a r Frangois M&rindier, d
l occasion des Salons de la Rose-Croix tenus d Paris en 1893
Rappelons que Fenseignement rosicrucicn n'a aucun caractcre dogmatique. Autrement dit, les explications donnces sur
tel ou tel sujet constituent davantage une
source dc reflexion qu'une verite a laquellc il faut absolumcnt croirc. Une telle
demarche cultive un esprit tolerant tout
en posant les bases d'une personnaiite indcpendante dans le choix dc ses convic
tions philosophiques.
S'il est un fait que I'enseignement rosicrucicn se presente sous une forme ecrite
depuis le debut du X X Csiecle. il existe
dcs Loges chargees dc perpetuer F aspect
oral de la Tradition rosicrucienne. Ce
sont des lieux ou lcs mcmbres pcuvcnt se
reunir rcguliercment pour participer a des
LE MA R T I N I S ME
DOSSIER
travaux collectifs et partager des mo
ments de fraternite. C est egalcment dans
ces Loges que sont transmises les initia
tions rosicruciennes. Etant donne qu*i 1
existe douze degres dans renseignement
de rA .M .O .R .C ., tout membre qui le
souhaite peut done recevoir douze initia
tions dans le cadre de ses etudes. Si je
precise qui le souhaite . c'est parce
qu'elles ne sont pas obligatoires, mais
conscillees. Par ailleurst on n'est pas
oblige de se rendre dans une Loge pour
en beneficier. Partant du principe que
c'est en nous-memes que reside le plus
grand des Initiateurs, il est possible de les
effectuer chez soi, a laide d'une mono
graphic prevue dans ce but. Sans devoiler
le contenu de ces initiations, on peut dire
qu'elles consistent en des ceremonies
symboliques ayant trois buts majeurs :
admettre ritucllement le candidal dans un
nouveau degre, lui confier de nouvelles
cles esoteriques. lui permettre de communier avec la partie la plus divine de
son etre. Precisons qu'elles n'ont aucun
caractere magique, theurgique ou occulte, car la magie. la theurgie et l'occultisme ne font pas partie des pratiques
enseignees dans I'Ordre, et sont meme
deconseillees.
47
OMT
P h il o s o p h iq u e
FEVRIER - MARS
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47
DOSSIER
tuaires. Pour reprendrc les propos dc
Francois Jollivet-Castclot. eminent Rosicrucien du X X Csiecle. elle est le Grand
Livre de Dieu .
M y s t iq u e
Nous avons vu precisement on quoi
1'A.M.O.R.C. est un mouvement philosophique, initiatique et traditionnel. Mais
a plusieurs reprises, j'a i egalement em
ploye le mot mystique . Ceci merite un
bref commentaire. Dans le langage courant, ce mot est souvent utilise d une maniere pejorative pour designer une
personne dont on juge 1'ideal ou le comportement mysterieux, etrange, insolite,
voire marginal. Pourtant, ce terme designe simplement un individu qui s'interesse aux mysteres de la vie , au sens
traditionnel de cette expression. Par ex
tension. le mysticisme n'est rien d'autre
que la science des mysteres , la encore
au sens traditionnel. A ce propos, on peut
citer un extrait du discours que Margue
E s o t e r iq u e
Ce que Ton vient de dire a propos du mot
mystique me conduit a preciser brievement le sens du mot esoterique , que
j ai egalement employe a plusieurs re
prises. La encore, on donne souvent a ce
terme un sens pejoratif, pour ne pas dire
negatif. En realite, il designe une tradi
tion, une pratique ou un enseignement
qui n*est connu que d'un petit nombre
d'individus, non pas parce q u il est se
cret, mais parce que peu de personnes s*y
interessent. Vu sous cet angle, il est vrai
que FA.M.O.R.C. est un mouvement eso
terique, ce qui explique pourquoi ses
membres sont relativement peu nombreux et pourquoi il est peu connu du
grand public. A Tinverse, les religions
sont dites exoteriques, car elles sadressent aux masses et sont suivies par de ties
nombreux fideles. Cela dit, vous noterez
que la plupart dentre elles ont donne
naissance a des courants esoteriques qui
leur sont propres et dont le nombre
d'adeptes est limite : le Kabbalisme pour
le Judaisme, le Johannisme pour le Christianisme. le Soufisme pour Y Islam... Au
sens traditionnel. 1'esoterisme na done
rien de pejoratif, mais il constitue un domaine de connaissance a part entiere.
d'ou l'interet que lui portent deminents
historiens.
LA ROSE-CROIX
Qui done a marie la r
ose a la
croix ?, ecrivit Goethe. Nul ne le sait
vraiment. Quoi qu'il en soit, e
t
contrairement a ce que Ton pourrait
penser a priori, la R ose-Croix n'est
pas un symbole religieux et n'a pas
de connotation chrtienne. La croix
represente le c orps ph ysique de
rhomme, et la rose son ame qui \ j o lue de vie en vie v ers la perfection.
Autrement dit, elle symbolise la dualite de V etre humain, vu sous un
angle spiritualiste. Dans IA.M.O.R.C.,
les douze lobes de la cr oix corres
pondent aux douze degres de Tenseignement.
U n e F r a t e r n it e m o n d ia l e
48
J*
LE MA R T I N I S ME
=S.
R o s ic r u c ie n e t R o s e - C r o ix
l'A .M .O .R.C ., j aimerais tout simplement citer 1extrait d un texte de Comenius, celebre Rosicrucien du X V IIC
siecle, considere de nos jours comme le
Pere spirituel de l U.N.E.S.C.O. Cette ci
tation resume parfaitement ce qua toujours etc 1ideal Rose-Croix :
Nous voulons que tons les etres hitmains, ensemble ou pris isolenient,
jeunes ou vieux, riches ou pauvres, no
bles ou roturiers, hommes ou femmes,
puissentpleinement slnstruire et devenir
des etres acheves. Nous voulons qu'ils
soient ins fruits parfaitement et formes,
non settlement sur tel ou tel point, mais
egalement sur tout ce qui permet a
I 'homme de realiser integralement son
essence, d 'apprendre a connaitre la Ve
rite, a ne pas etre trompe par des fauxsemblants, a aimer le bien et a ne pas etre
seduit par le mal, a faire ce qu 'on doit
faire et a se garder de ce qu 'il faut eviter,
a parler sagement de tout avec tout le
monde ; enfin, a toujours trailer les
choses, les hommes et Dieu avec pru
dence et non a la Iegere, et a ne jamais
s'ecarter de son b u t: le bonheur .
Serge Toussaint
Grand Maitre de l'A .M .O .R.C . et de
ro.M.T.
Bibliographie
Etu d es :
ACTUALITY DE L HISTOIRE,
numero special: Fratic-Magonnerie et
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Franc-Maconnerie, Vega. 2008.
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CUVELIER-ROY. Xavier: Sursum
Corda Trois entretiens sur les sciences
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2003.
FEVRIER - MARS
2010
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