Revista Lenguaje - Construccion de La Prosodie Française PDF
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1 Cet article est issu du projet de recherche « Prosodie et apprentissage de langues étrangères »
qui a comme objectif de déterminer le parcours de construction de la prosodie de la langue
française, italienne et anglaise chez des étudiants vénézuéliens de la licence en langues modernes
de l’Université des Andes au Venezuela. Participent à ce projet les professeurs : Inés Blanco, Elsa
Mora, Carmen Contreras, Martha Moreno, Domingo Villegas et Elvia Zordan. Financé par le Conseil
de Développement ScientiÞque, Humanistique et Technologique de l’Université des Andes, il a
commencé en septembre 2008 et devrait se terminer en 2010.
introduction
la prosodie
L’accent
Malgré la diversité d’opinions sur le rôle joué par chacun des trois
paramètres (fréquence fondamentale, durée et intensité), la majorité des
études sur l’accent de l’espagnol signalent le caractère pluriparamétrique
de celui-ci, mais contrairement à la croyance assez généralisée (au moins
chez les non spécialistes), l’intensité n’a pas une grande inßuence dans
la déÞnition de l’accent en espagnol.
Mora, dans une étude sur la prosodie de l’espagnol du Venezuela
(Mora, 1996) montre que les deux paramètres concernés pour l’accent sont
la durée et la fréquence fondamentale. Elle constate que la syllabe accentuée
est toujours plus longue que l’inaccentuée (en moyenne 166,68 ms et 129,28
respectivement), ce qui paraît être une tendance quasi universelle. En
d’autres mots, l’accent de l’espagnol parlé au Venezuela se caractérise par un
allongement de la syllabe accentuée et par une variation de la Fo qui trouve
son sommet sur la syllabe non accentuée qui suit celle qui porte l’accent.
En ce qui concerne le français, il a été décrit comme une langue à
accent Þxe toujours sur la dernière syllabe du groupe, ce qui lui donne
un rôle démarcatif important. François Wioland (1991) fait la distinction
entre “accent rythmique” et “mise en relief” (pour d’autres, accent
primaire et accent secondaire). D’après lui, la mise en relief est produite
par une augmentation de l’intensité et de la durée, et par une rupture
mélodique, alors que l’accent rythmique, qui apparaît sur la dernière
syllabe de l’unité rythmique, se caractérise par un allongement et une
augmentation de l’énergie articulatoire, et la fréquence fondamentale
décrit un glissando montant ou descendant selon le type d’énoncé.
Ce!e distinction nous paraît particulièrement pertinente pour
l’enseignement du français langue étrangère à des hispanophones. En
e et, étant donné que l’espagnol est une langue à accent lexical, les
apprenants ont tendance à percevoir toute augmentation de l’intensité
et/ou rupture mélodique comme un accent, en conséquence, l’accent
français (Þnal de groupe) sera plus di"cilement perçu. Un travail
systématique s’impose donc dans le but de les entraîner à la perception
et à la production de l’accent du français et de leur montrer la di érence
entre la mise en relief (ou accent expressif) et l’accent rythmique.
Du point de vue de la perception, l’accent constitue une mise en
relief qui favorise le repérage des di érentes unités linguistiques, en
d’autres mots, un accent est un point de repère ou d’encrage pour la
compréhension. Dans ce sens, l’accent français a!irera l’a!ention de
l’auditeur sur la dernière syllabe du groupe et non pas sur chaque mot
comme c’est le cas en espagnol, ce qui voudrait dire que, face à une
production française, un auditeur hispanophone aurait des di"cultés à
segmenter et à repérer les mots précédant l’accent.
L’intonation
L’intonation a été définie de différentes manières selon l’intérêt
des auteurs. Certaines déÞnitions sont fondées sur les fonctions de
l’intonation et d’autres sur le rôle des paramètres concernés. En ce qui
concerne les traits acoustiques qui caractérisent l’intonation, la plupart
des auteurs sont d’accord pour dire que le paramètre le plus important
dans la fonction intonative est celui des variations de la fréquence du
fondamentale, dont le corrélât physiologique est la vibration des cordes
vocales, mais que la durée et l’intensité jouent aussi un rôle important.
Nous pourrions dire que l’intonation est une unité linguistiquement
pertinente qui fait partie de la construction de l’énoncé; c’est un
prosodème capable d’apporter un sens et qui agit aussi bien au niveau
segmental (sur le plan syntaxique) qu’au niveau suprasegmental (par
ses implications expressives) (Blanco, 2002).
La pertinence linguistique de l’intonation se voit justiÞée aussi
par le parallèle que l’on peut établir entre phonèmes segmentaux et
suprasegmentaux : la courbe mélodique a une fonction distinctive du
même type que le phonème (Dela!re, 1969) mais aussi une fonction
signiÞcative comme le morphème.
De nos jours, l’intonation est généralement acceptée dans ses deux
dimensions: motivée et arbitraire, linguistique et extra linguistique. En
e et, il existe d’une part, un ensemble de phénomènes de type émotionnel
et expressif individuels et des particularités dialectales, et d’autre part,
des constantes de type distinctif qui font partie de la structure de la
langue. Il faudrait, donc, suivant Fonagy (1991), accorder à l’intonation
une valeur de signe tout en étant de nature motivée.
En e et, l’intonation acquiert son statut de signe lorsqu’elle est
envisagée sur les deux plans (plan de l’expression et plan du contenu):
quand on parle en termes de courbe ascendante / courbe descendante nous
nous situons au plan de l’expression. En revanche, si on lui accorde une
valeur grammaticale, en la considérant en tant que courbes de continuation
/ courbes de Þnalité, elle relève du plan du contenu.
Quant à la di érence entre les deux langues qui nous intéressent
(français et espagnol), nous la trouvons, lorsqu’on révise les courbes de
base, dans les énoncés interrogatifs. En espagnol vénézuélien, les courbes
intonatives ne présentent pas une trajectoire de f0 clairement déÞnie car
on a signalé une courbe montante, une courbe descendante, une plus
grande variabilité dans la trajectoire de F0, le début plus haut que le reste
de la trajectoire, di érents niveaux tonals, etc. (Mora, 1993). Bref, à notre
sens, nous ne pouvons pas encore parler d’un type de courbe pour les
énoncés interrogatifs de la variante dialectale vénézuélienne, mais elle
peut, néanmoins, être identiÞée avec une relative précision (Mora, Rojas,
Méndez & Martínez, 2008).
Le rythme
Nous pourrions déÞnir le rythme tout simplement comme l’organisation
du temps dans le discours. Grâce à ce caractère temporel, le rythme
permet de segmenter la parole en unités de sens, ce qui nous donne les
groupes rythmiques. Ces unités se caractérisent par le nombre réduit
de syllabes prononcées (en moyenne trois ou quatre pour le français et
sept ou huit pour l’espagnol) liées entre elles par l’intonation, les liaisons
et les mouvements mélodiques. Ceux-ci sont également responsables
(ainsi que les pauses) de la coupure entre les groupes rythmiques ou le
passage de l’un à l’autre.
L’espagnol et le français ont été classés comme des langues à
rythme syllabique, c’est-à-dire que le patron qui indique la régularité est
la syllabe, mais elles présentent aussi des caractéristiques propres aux
langues de rythme accentuel. Ainsi, en français, c’est l’accent qui marque
les limites du groupe rythmique. L’organisation rythmique est donc
donnée principalement par la distribution des marques accentuelles,
sans oublier que la mélodie participe également à ce!e organisation (Di
Cristo & Hirst, 1993).
D’autre part, les séquences rythmiques sont temporellement
équilibrées soit par le nombre de syllabes qui les composent, soit par
une compensation concernant le temps de locution, c’est-à-dire qu’une
séquence formée par un petit nombre de syllabes sera produite plus
lentement qu’une autre qui en a davantage (Wioland, 1991).
Du point de vue de l’enseignement des langues, il nous paraît
essentiel de noter, d’une part, que chaque langue a une structure rythmique
particulière, et que lorsqu’on apprend une langue étrangère, il faut changer
de rythme puisqu’on est conditionné par celui de la langue maternelle.
La pause
La pause est un indice acoustique qui est en étroite relation avec le rythme
et l’intonation, elle sert fondamentalement à segmenter le discours et à
me!re en valeur certaines unités par rapport à d’autres et, souvent, elle
est, à elle seule, porteuse d’information. Ces interruptions de l’articulation
(Gili Gaya, 1988) obéissent surtout à des motivations expressives et sont
souvent précédées d’une variation de la fréquence fondamentale qui
produit une montée ou une descente.
Par ailleurs, la fréquence des pauses peut fournir des renseignements
sur le locuteur: l’émotivité ressentie au moment de parler ou le niveau
d’éducation. La durée, la fréquence de pauses ainsi que la place
qu’elles occupent dans le discours dépendent également de la stratégie
énonciative du locuteur. Dans ce sens, la “manipulation des silences”
répond à une intention bien précise comme c’est le cas dans les discours
des hommes politiques.
D’autre part, le temps de pause (comme le temps de locution et le
temps d’articulation) conditionne l’utilisation que chaque individu fait
des di érents indices acoustiques. D’après Guimbretière, “le locuteur
qui reprend son sou#e plus longuement, peut donner plus de pression
sonore et plus d’amplitude à sa gamme de variations mélodiques”
(Guimbretière, 1994). Ceci a été le cas aussi dans les échantillons que
nous avons analysés : le groupe a, qui fait des pauses plus longues et
plus nombreuses, produit des variations tonales moins importantes.
Enfin, les pauses sont des éléments fondamentaux dans la
structuration du discours et la planiÞcation de la parole, d’où l’importance
des études consacrées à l’observation de l’apparition et le comportement
de ce!e variable temporelle dans le processus d’apprentissage d’une
langue étrangère. Nous croyons que la manière de «pauser» de nos
locuteurs vénézuéliens contribue à donner à leurs productions orales en
français une structure rythmique di érente de celle des francophones
natifs. Le nombre de pauses, leur durée et leur distribution vont nous
aider à évaluer le rythme dans les discours de ces locuteurs.
méthode expérimentale
Test de perception
Les 15 locuteurs vénézuéliens ont été écoutés par 5 français que nous
avons considérés « experts » par leur formation en phonétique et par leur
expérience dans le traitement des faits suprasegmentaux. Etant donné le
rôle fondamental joué par les pauses et les proéminences tonales dans
la construction du rythme d’une langue (et donc dans la prosodie d’une
langue), les auditeurs avaient la consigne de signaler ces phénomènes
à l’endroit où ils les percevaient. Pour ce faire, ils ont été munis d’un
CD audio contenant l’enregistrement du texte en question, lu par les 15
locuteurs ainsi que 15 exemplaires de l’écrit correspondant où ils devaient
faire leurs notations. Ces 15 pages ne comportaient aucune indication
prosodique graphique.
analyse acoustique
La frquence fondamentale
Il est important de signaler que les proéminences observées dans les
graphiques de mélodies des trois groupes (a, b et c) marquent une montée
de f0 dans les mêmes lieux syllabiques, (ines, res, femmes, rrières, pas,
ger, nons, de la séquence : « Ses héroïnes préférées sont des femmes guerrières
qui n’hésitent pas à charger des cannons »). C’est-à-dire que la proéminence
perçue par la plupart des auditeurs consultés est celle produite par une
montée de fréquence, tel qu’on peut le voir dans la Figure 1.
350
300
250
200 moyenne a f0
moyenne b f0
150 moyenne cf0
100
50
0
e
Ro
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350
300
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moyenne a f0
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0
se ze Ro in pRe fe Re so de fam ge RiER
le rythme
Pour obtenir les résultats que nous allons présenter maintenant, nous
avons mesuré la durée de chaque syllabe des textes à étudier produits
par chacun des locuteurs des trois groupes.
Les syllabes
Nous avons pris la valeur moyenne de chaque durée de chaque syllabe pour
pouvoir donner la relation du comportement général de chaque groupe.
Nous pouvons observer qu’il y a une tendance à réaliser une proéminence
(marquée par une durée plus importante) sur les mêmes syllabes marquées
par la trajectoire de F0. Une di érence signiÞcative c’est le fait que les durées
sont plus importantes dans le groupe a (305 ms. en moyenne par syllabe) que
dans les groupes b (242 ms. en moyenne par syllabe) et c (243 ms. en moyenne
par syllabe). Ceci paraît nous montrer aussi un processus de régulation des
durées syllabiques. Au début de l’apprentissage, l’apprenant produit des
syllabes plus longues, ce qui pourrait correspondre à des hésitations dans
l’encodage de la nouvelle langue, durées qui tendent à s’ajuster au fur et à
mesure qu’il avance dans la progression, en se rapprochant des durées des
natifs qui, eux, font des syllabes de 189 ms. en moyenne.
Par ailleurs, la di érence entre les durées syllabiques des groupes
b et c n’est pas signiÞcative (p=.0728) alors que celle entre les groupes a
et b (p=.0193) et entre les groupes a et c (p=. 0028) l’est.
RiER
ge
fam
de
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natifs ms
Re moy. c ms
fe moy. b ms
pRe moy. a ms
in
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se
Les pauses
Étant donné l’importance des variables temporelles dans la structuration
discursive, nous avons étudié le nombre et le temps de pauses, ainsi que
le temps de locution et le temps d’articulation. Dans le tableau 1, nous
montrons les dites variables pour chacun des trois groupes (a, b, c) et
pour les francophones natifs.
conclusion
références
Blanco, I. (2002). Prosodie et gestuelle dans l’enseignement-apprentissage du français
à des locuteurs vénézuéliens. Tesis doctoral, Université de Rouen, France.
Dela!re, P. (1969). L’intonation par les oppositions. L.F.D.L.M., 64, 6-13.
De Salins, D. (2000). Éthnographie de la communication : la voix et ses valeurs
socioculturelles. E. Guimbretière (Dir.), La prosodie au cœur du débat (pp.
261-292). Rouen: Université de Rouen.
Di Cristo, A. & Hirst, D. (1993). Rythme syllabique, rythme mélodique et
représentation hiérarchique de la prosodie du français. Travaux de l’institut
de phonétique d’Aix-en-Provence, 15, 13-24.
Fonagy, I, (1991). La vive voix. Essais de psycho-phonétique. Paris : Payot.
Gili Gaya, S. (1988). Elementos de fonética general. Madrid : Gredos.
Guimbretière, E. (1994). Phonétique et enseignement de l’oral. Paris : Didier/
Hatier.
Mora, E. (1993). Entonación interrogativa. Tierra Nueva, 6, 75-87.
Annexe
Glossaire