Corrigé Bac 2018 Philo ES 3

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Bac 2018

Épreuve de philosophie
Série ES

Sujet 3. Texte de Durkheim sur le respect


Notion en jeu : la morale.

Avant-propos
Ces éléments de corrigé ne constituent en aucun cas un “corrigé type”, mais
seulement des exemples de traitement possible de ce sujet d’explication de texte.
En philosophie, la démarche de pensée individuelle et la logique de
l’argumentation sont ce qui rendra un travail bon le jour de l’épreuve.
Il n’y a pas un plan possible mais plusieurs, même s’il faut méthodiquement
procéder de manière linéaire (expliquer ligne après ligne, du début à la fin, et
montrer comment l’argumentation se déroule). Ce corrigé se veut donc avant tout
une explication d’un texte et des attentes que suppose cette épreuve différente
de la dissertation, et non un corrigé type comme on pourrait en trouver en
sciences dures : mathématiques…

Texte à expliquer
Expliquer le texte suivant :
« Quand nous obéissons à une personne en raison de l’autorité morale que nous
lui reconnaissons, nous suivons ses avis, non parce qu’ils nous semblent sages,
mais parce qu’à l’idée que nous nous faisons de cette personne, une énergie
psychique d’un certain genre est immanente, qui fait plier notre volonté et
l’incline dans le sens indiqué. Le respect est l’émotion que nous éprouvons quand
nous sentons cette pression intérieure et toute spirituelle se produire en nous. Ce
qui nous détermine alors, ce ne sont pas les avantages ou les inconvénients de
l’attitude qui nous est prescrite ou recommandée ; c’est la façon dont nous nous
représentons celui qui nous la recommande ou qui nous la prescrit. Voilà pourquoi
le commandement affecte généralement des formes brèves, tranchantes, qui ne
laissent pas de place à l’hésitation ; c’est que dans la mesure où il est lui-même et
agit par ses seules forces, il exclut toute idée de délibération et de calcul ; il tient
son efficacité de l’intensité de l’état mental dans lequel il est donné. C’est cette
intensité qui constitue ce qu’on appelle l’ascendant moral. Or, les manières d’agir
auxquelles la société est assez fortement attachée pour les imposer à ses
membres se trouvent, par cela même, marquées du signe distinctif qui provoque
le respect. »
DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie religieuse (1912)
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que
l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème
dont il est question.

Présentation du sujet
Ce texte de Durkheim a trait à une notion classique du programme de terminale
ES, “la morale”.
Il s’agit d’un texte visant à définir ce qu’est le respect. Et contre toute attente, ce
texte donne la part belle aux émotions et non à la réflexion… Ce qui peut expliquer
l’origine des tyrannies…

Analyse du texte. Introduction.


• Une explication de texte doit répondre à des attentes précises : lorsque
j’explique un texte je dois montrer quelle est la thèse de l’auteur sur un sujet
précis (son point de vue) et quelle stratégie argumentative il met en place pour
donner sa thèse (de quelle manière il s’y prend ? Quel type d’argumentation il
choisit ? Quels procédés sont les siens ? etc.).
• Il faut aussi voir si la position défendue par l’auteur est originale ou pas, et
qu’est-ce que cela nous apprend sur le sujet. En effet, si la connaissance de la
doctrine de l’auteur n’est pas requise, chaque extrait à expliquer fait partie d’un
thème au programme de philosophie, qu’on est censé connaître. Ainsi, on peut
faire dialoguer la position de l’auteur avec nos connaissances sur la question, afin
de voir si sa thèse est subversive ou classique, originale ou non.
• L’idéal serait aussi de mettre en évidence un enjeu : manière par exemple que
le texte a de faire résonner une question plus générale.
• Dans une première lecture du texte, afin de vous assurer que vous l’avez bien
compris (et que vous pouvez donc commencer l’explication), il faut pouvoir
répondre aux six attentes de l’Introduction, ce que nous allons donc faire ici.

Situation du texte
Dans ce texte, extrait du livre Les formes élémentaires de la vie religieuse,
Durkheim…

Thème du texte (de quoi cela parle, quel est le domaine général auquel il a trait).
... S’intéresse au respect, notamment à ce qui le provoque.

Problème du texte
Qu’est-ce qui fait le respect ? Est-ce qu’on respecte quelqu’un ou quelque chose
par réflexion, parce qu’on adhère à ses idées ? Ou par autre chose, comme
l’émotion ?

Thèse du texte (point de vue défendu par Durkheim)


Pour Durkheim, contre toute attente c’est bien l’émotion, le sentiment qui
s’éveille en nous face à quelqu’un, et non les idées ou la raison ou la sagesse, qui
incitent au respect. Le respect ne serait donc pas réfléchi, mais “senti”.

Proposition de plan

I. D’où vient le respect ? D’une personnalité qui nous inspire, nous impacte, et
nous influence psychologiquement.

« Quand nous obéissons à une personne en raison de l’autorité morale que nous
lui reconnaissons, nous suivons ses avis, non parce qu’ils nous semblent sages,
mais parce qu’à l’idée que nous nous faisons de cette personne, une énergie
psychique d’un certain genre est immanente, qui fait plier notre volonté et
l’incline dans le sens indiqué. »
↳ Le respect peut s’expliquer par l’autorité morale, il s’agit alors d’obéir de
manière assez peu raisonnée, par « inclination » comme le dit Durkheim, sans se
rendre compte si c’est là « sage » ou non. On peut penser que c’est là une question
de soumission psychologique (« une énergie psychique d’un certain genre ») et
d’apparence avant tout (« à l’idée que nous nous faisons de cette personne »).
Une attitude non approfondie, donc, qui tient du charisme d’une personne, de
l’image qu’elle renvoie, et non de la sagesse ou la rationalité de ses propositions.

« Ce qui nous détermine alors, ce ne sont pas les avantages ou les inconvénients
de l’attitude qui nous est prescrite ou recommandée ; c’est la façon dont nous
nous représentons celui qui nous la recommande ou qui nous la prescrit. »
↳ Durkheim le précise encore : le respect n’est pas motivé ou déterminé par un
quelconque calcul des avantages ou inconvénients, donc par une réflexion, une
délibération, mais par une image, par la représentation de la personne que l’on a
en face. Le respect est donc dû à une personnalité et non à des propositions ou à
des idées.

II. Le respect : le poids de l’émotion, un sentiment et non une réflexion.


« Le respect est l’émotion que nous éprouvons quand nous sentons cette pression
intérieure et toute spirituelle se produire en nous. »
↳ Comme le dit alors Durkheim, le respect est alors une « émotion », donc quelque
chose de non réfléchi, qui se manifeste suite à cette reconnaissance face à la
personne charismatique en face de nous.

« Voilà pourquoi le commandement affecte généralement des formes brèves,


tranchantes, qui ne laissent pas de place à l’hésitation ; c’est que dans la mesure
où il est lui-même et agit par ses seules forces, il exclut toute idée de délibération
et de calcul ; il tient son efficacité de l’intensité de l’état mental dans lequel il est
donné. »
↳ Durkheim va encore plus loin : ce qui nous incite au respect, le commandement,
se suffit à lui-même (« il agit par ses seules forces »), il ne s’agit pas de délibérer
ou de calculer, donc de réfléchir. Il s’agit simplement de l’effet qu’il procure dans
le mental de la personne, de l’intensité de ce dernier, donc. Là encore, le respect
est entièrement dû au sentiment, à l’émotion, et non à la réflexion.

III. La société use donc des émotions pour faire respecter ses choix aux citoyens.

« C’est cette intensité qui constitue ce qu’on appelle l’ascendant moral. »


- Donc, celui qui a une autorité morale et inspire le respect, le fait parce qu’il
parvient à nous émouvoir. Le charisme crée une intensité émotionnelle, c’est ce
qui force au respect.
« Or, les manières d’agir auxquelles la société est assez fortement attachée pour
les imposer à ses membres se trouvent, par cela même, marquées du signe
distinctif qui provoque le respect. »
- Ainsi donc, la société elle-même use de ce pouvoir émotionnel pour imposer des
manières d’agir aux citoyens. Ce sont des attitudes qui, donc, émoussent la
sensibilité et provoquent ainsi le respect. On voit très vite les déviances que cela
peut engendrer : un dictateur peut inciter au respect par l’émotion qu’il suscite
alors que ses actes sont les plus irrationnels qui soient. Cf. Kant et la définition du
sublime, ce qui m’émeut tellement que cela me terrifie et provoque en moi
respect et admiration…

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