Corrigé Bac 2018 Philo L 3
Corrigé Bac 2018 Philo L 3
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Épreuve de philosophie
Série L
Thème et thèse : Ce texte porte sur la question de la connaissance de soi, plus particulièrement la
connaissance de nos désirs, de nos espoirs et de nos craintes (ce qui relève de nos affects). Cette
connaissance semble possible puisque nous sommes conscients et selon Descartes transparents à
nous-même, à quelques exceptions près (ex. de son affection pour les filles louches). Cette
connaissance relèverait donc de l’introspection, d’une saisie de nous-même par l’esprit ou l’intellect.
Et nous semblons tendre naturellement vers cette connaissance. Nous désirons savoir qui nous
sommes.
Pour Schopenhauer, cette connaissance est loin d’être objective et se fait donc davantage au hasard
des événements vécus et par expérience que par anticipation. C’est la réalisation des effets qui nous
révèlent nos désirs et leurs causes. Et l’obstacle à cette objectivité étant l’ « amour-propre » (ligne 4)
on peut aussi en déduire que nous n’avons pas nécessairement le désir de nous connaître par peur
d’être blessé par ce que nous allons découvrir, par manque de « courage » (ligne10).
Schopenhauer invite donc à s’interroger sur les limites de la connaissance de soi (ou de la conscience
claire de soi) et sur ce que cela exigerait.
Ces limites sont-elles liées aux limites de la conscience (comme le propose Freud avec l’hypothèse de
l’inconscient) ou ne sont-elles que la conséquence d’un refus de se voir tel que l’on est et d’un besoin
de s’illusionner pour ne pas se décevoir ? On pense ici à la mauvaise foi notée par Sartre aussi, en lien
avec la question de la liberté soulevée dans la deuxième partie du texte.
Le texte est construit en deux temps : d’abord lignes 1 à 8, l’analyse d’un désir inavouable (celui de la
disparition d’un proche pour récupérer l’héritage) et ensuite lignes 9 à la fin, celui d’une crainte qui lui
permet cependant d’aller plus loin dans l’analyse de ce qui nous échappe, à savoir pas la crainte en
elle-même (dont nous avons conscience) mais ses véritables causes, nos véritables mobiles.
Dans la deuxième partie, avec l’exemple d’une crainte, ce qui était à noter c’est que :
- Schopenhauer renforce sa première partie en ajoutant que ce que l’on croit savoir sur soi s’avère
faux. Connaître, c’est connaître les causes réelles de nos actes ou du phénomènes étudié. Ici il ne
parle plus simplement du désir ou de la crainte. On ignore les vraies causes, ou plutôt « mobiles ».
On pourrait être conscient de nos désirs mais ignorants des causes qui nous déterminent. On
pouvait ici penser à Spinoza et à sa critique du libre-arbitre. Schopenhauer l’a critiqué lui aussi
soulignant que « chaque choix d’un homme est le produit nécessaire de son caractère et du motif
entré en jeu ». Et pour Schopenhauer on découvre donc ce caractère de manière empirique, par
expérience et non par une introspection biaisée par l’amour-propre qui amène à une représentation
de nous différente ce que nous sommes véritablement.
- L’exemple étant pris dans le champ de la morale, cela permet aussi à Schopenhauer de mettre en
doute la moralité de nos actes (lignes 15 à 17). Il oppose « aux raisons purement morales » (volonté
désintéressée de faire son devoir par devoir, Kant) la simple « peur » intéressée (mauvaise
réputation, peur de la punition, culpabilité…). C’était l’occasion de revenir sur la question de la
morale : déontologiste, conséquentialiste, sur la distinction acte moral et agent moral en lui-même.
On pouvait aussi penser à l’anneau de Gygès de Platon ou à l’acrasie, conséquence de la dualité de
l’homme: être de raison et de désir.
Ce texte était donc à la fois lisible et riche. Sommes-nous ce que nous pensons être ? Sommes-nous ce
que nous avons la « claire conscience » d’être ? Voilà les questions qu’invitaient à se poser ce texte.
Pour Schopenhauer, dans ce texte, l’amour-propre, le souci de « la bonne opinion » de soi-même, le
manque de courage expliquent le décalage entre représentation et réalité, on pouvait aussi y ajouter
sa théorie du vouloir-vivre et de la Mâyâ et envisager d’autres raisons comme l’inconscient de Freud
et peut-être pointer les limites de la mauvaise foi comme mensonge à soi. On pouvait enfin critiquer
l’idée que l’expérience vécue soit forcément révélatrice : la joie à la mort du proche parent ne pourrait-
elle pas s’expliquer par d’autres causes ?