Fondements de Science Politique
Fondements de Science Politique
Fondements de Science Politique
DE SCIENCE
POLITIQUE
Thierry BALZACQ
Pierre BAUDEWYNS
Jérôme JAMIN
Vincent LEGRAND
Olivier PAYE
Nathalie SCHIFFINO
FONDEMENTS
DE SCIENCE
POLITIQUE
FONDEMENTS
DE SCIENCE
POLITIQUE
Thierry BALZACQ
Pierre BAUDEWYNS
Jérôme JAMIN
Vincent LEGRAND
Olivier PAYE
Nathalie SCHIFFINO
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de spécialisation, consultez notre site web : www.deboeck.com
Imprimé en Belgique
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : octobre 2014
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2014/0074/111 ISBN 978-2-8041-7072-1
À nos professeurs qui nous ont tant apporté,
dont le goût de ce métier
À nos étudiants grâce auxquels nous puisons,
dans la force de la jeunesse, l’élan de l’apprentissage
À nos familles qui acceptent que nous consacrions
tant de temps à notre vocation
« Né citoyen d’un État libre, et membre du souverain,
quelque faible influence que puisse avoir ma voix
dans les affaires publiques, le droit d’y voter suffit
pour m’imposer le devoir de m’en instruire »
Jean-Jacques Rousseau,
Du contrat social, 1762
Sommaire
Avant-propos 19
Chapitre 2 Le pouvoir 65
Chapitre 3 L’État 95
9
Liste des acronymes
BP British Petroleum
GATT General Agreement on Tariffs and Trade (en français Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce)
GI groupes d’influence
JO Jeux olympiques
NB nota bene
TV télévision
UE Union européenne
16
Liste des acronymes
17
Avant-propos
Fruit d’un travail d’équipe, cette publication répond à plusieurs motivations, qui
expliquent un certain nombre de choix éditoriaux, ainsi que le contenu des cha-
pitres autour desquels elle s’articule.
1 Origine et motivations
Pourquoi un manuel de science politique de plus ? D’abord, parce que le format
« manuel » est beaucoup moins diffusé en science politique que dans d’autres
disciplines, comme l’économie, par exemple. Ensuite, parce que la plupart des
manuels de science politique sont en anglais, ce qui peut s’avérer problématique
pour un public francophone ne maîtrisant pas (encore) nécessairement toutes
les subtilités de la langue de Shakespeare. Enfin, parce que parmi les quelques
manuels de science politique qui ont été publiés en français, la plupart privilé-
gient une introduction à l’analyse politologique à partir de l’étude des phéno-
mènes politiques en France.
1
Dans le manuel, des encadrés mettent régulièrement en exergue certains éléments des développe-
ments : définitions, personnalités, événements, résumés d’une théorie. Une liste numérotée reprenant
l’ensemble des encadrés apparaît en fin de volume.
19
Fondements de science politique
Visant à faire d’une pierre deux coups, le manuel a poursuivi aussi un objectif
institutionnel : faire en sorte que les étudiants qui s’initient à la science poli-
tique en Belgique francophone le fassent autant que possible à partir d’une
base commune, et ce, quelle que soit la singularité de leur contexte d’apprentis-
sage (établissement d’enseignement supérieur fréquenté, volume différent de
crédits affecté au cours d’introduction à la science politique, programme d’en-
seignement différent dans lequel ce cours prend place…). Cette visée explique
l’insertion dans le chapitre « Qu’est-ce que la science politique ? » de sections
spécifiques sur le développement de l’enseignement et de la recherche en science
politique en Belgique francophone.
20
Avant-propos
2 Choix éditoriaux
Pour être à la hauteur des ambitions pédagogiques poursuivies, cinq grands choix
éditoriaux ont été posés.
Première option : faire de l’ensemble du manuel une œuvre collégiale, ce qui ren-
force l’autorité de son contenu. D’une part, on l’a dit, les thèmes abordés, les théo-
ries et concepts considérés comme fondamentaux, la manière de les présenter, les
exemples mobilisés pour les illustrer… ont ainsi été validés par les six professeurs,
et non par un seul. D’autre part, la construction de la matière a bénéficié d’apports
complémentaires de la part de chercheurs spécialisés dans des domaines différents
de science politique.
peut ainsi choisir de n’ouvrir que certains chapitres et de n’y saisir que certains élé-
ments, parmi les plus directement appréhendables. Cette perspective de modularité
explique aussi qu’un phénomène politique puisse être appréhendé de façon diffé-
rente dans plusieurs chapitres. Des renvois réguliers d’un chapitre à l’autre permet-
tent au lecteur de compléter l’approche d’un phénomène politique qu’il tire de la
lecture d’un chapitre.
Pour autant, nous n’avons pas souhaité évacuer totalement du manuel la part
essentielle que représentent dans la vie d’une discipline les controverses et dissen-
sions entre chercheurs. Le bien-fondé de toute thèse scientifique et de tout cadre
d’analyse peut toujours être contesté, l’est d’ailleurs fréquemment… mais doit l’être,
pour être pertinent sur un plan scientifique, selon des procédures d’enquêtes et de
raisonnement rigoureuses et contrôlées par les pairs. Dans son activité, le chercheur
est ainsi autant invité à produire des connaissances sur le monde ayant valeur scien-
tifique qu’à discuter du bien-fondé scientifique de celles produites par ses collègues
voire des siennes propres. Il se doit donc de faire preuve de réflexivité vis-à-vis de
sa propre activité de production de connaissances scientifiques et d’avoir une dis-
tance critique au savoir produit par lui et par ses pairs, de nourrir un « doute métho-
dique » à l’égard de tout produit scientifique.
C’est pourquoi dans les chapitres qui traitent de phénomènes politiques dont la
connaissance scientifique doit plus que d’autres à une ou plusieurs thèses d’au-
teurs en particulier, il a été décidé de faire écho aux principales critiques qui leur
sont adressées. Ainsi, par exemple, de la théorie de Lipset et Rokkan dans le cha-
pitre Clivages. Ce faisant, l’intention consiste à attirer l’attention du lecteur sur
l’existence d’un débat scientifique autour des thèses produites et à l’inviter à faire
22
Avant-propos
preuve de réflexivité à leur égard. Il ne s’agit ni de faire état, dans leur exhausti-
vité, de la dynamique des arguments et contre-arguments qui animent le débat, et
encore moins, d’en apprécier la valeur relative ou de « trancher le débat ». Ce sont
là des contributions à l’activité scientifique dont la place n’est pas dans un manuel
introductif à la science politique.
3 Plan du manuel
Il nous reste à préciser la logique de structuration des chapitres que nous avons
suivie.
Au niveau micro, l’analyse s’attache aux comportements des individus. La science poli-
tique étudie par exemple le comportement électoral des citoyens, qu’il est possible de sin-
gulariser. Il s’agit donc de comprendre et d’expliquer des unités d’analyse élémentaires,
au niveau individuel, par exemple : l’action d’un parlementaire, un ministre, un électeur.
Au niveau méso, l’analyse s’attache ici à l’action collective, conçue comme la résultante
d’actions individuelles (coordonnées ou informelles, prévisibles ou spontanées, etc.), et
plus encore, aux organisations collectives comme, par exemple, les partis politiques ou les
groupes d’influence. Ce niveau d’analyse est celui de l’agrégation, de l’addition d’actions
individuelles, et celui de collectifs organisés.
Quant au second ensemble de chapitres, sur les acteurs, il commence par le cha-
pitre 8 qui traite des acteurs collectifs publics (cf. encadré suivant), ciblant les
deux principaux organes qui, au sein de l’État, sont habituellement chargés de
la détermination de l’action publique : les parlements et gouvernements.
Le chapitre 9 porte également sur des acteurs collectifs mais privés cette fois,
c’est-à-dire situés en dehors de l’État, en se consacrant aux partis politiques
et groupes d’influence. Clôturant le manuel, le chapitre 10 est consacré aux
citoyens, appréhendés sur un plan individuel, mais aussi dans leurs mobilisa-
tions collectives.
25
Fondements de science politique
gouvernants :
– parlement
occupation + décision public institutions
– gouvernement
– chef d’État
Enfin, pour conclure, indiquons qu’il est loisible à tout lecteur désireux de partici-
per à l’amélioration du présent manuel de faire part de ses remarques et suggestions
éventuelles tant sur le plan du contenu que de la forme. Que ceux et celles qui pren-
dront le temps de transmettre leurs réactions en soient déjà vivement remercié(e)s.
2
La présentation des noms des auteurs en couverture suit l’ordre alphabétique.
26
CHAPITRE 1
QU’EST-CE QUE
LA SCIENCE POLITIQUE ?
Sommaire
1. Politique : un concept polysémique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28
2. Les conceptions maximaliste et minimaliste du politique . . . . . . . . . .34
3. Le concept et le processus de politisation . . . . . . . . . . . . . . . . . .38
4. Une démarche scientifique d’analyse des phénomènes politiques . . . .40
5. Science(s) politique(s) : au pluriel ou au singulier ? . . . . . . . . . . . . .42
6. De l’appréhension normative des phénomènes politiques
à la science politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44
7. Les caractéristiques d’une démarche scientifique non normative . . . .46
8. L’essor international de la science politique : de la fin du XIXe siècle
à la Deuxième Guerre mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49
9. Le développement international de la science politique à l’issue
de la Deuxième Guerre mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53
10. Le développement de la science politique en Belgique francophone . .57
11. La science politique : vue de l’intérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60
Questions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Résumé
Ce premier chapitre donne un aperçu général de ce qu’est la science politique. Le
nom lui-même de la discipline invite à la réflexion : que veut dire « politique » ?
L’activité d’hommes et de femmes ayant reçu un mandat ? Pour quoi faire ? Exercer
du pouvoir, piloter un État, organiser la vie en société ? Comment est-il possible
d’étudier scientifiquement ces acteurs et leurs actions ? Comment une science par-
ticulière dévolue à l’analyse des phénomènes politiques s’est-elle constituée ? Voilà
autant de questions dont le premier chapitre d’un manuel d’introduction à la disci-
pline doit se saisir.
27
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Toute science se caractérise par un objet (un domaine d’étude) et une démarche
(une manière de mener cette étude) propres. L’objet de la science politique réside
dans l’étude des phénomènes politiques. Le terme « phénomène » désigne tout
fait – événement, groupe, comportement, valeur, institution… – tel qu’on se le
représente dans notre esprit. Si la science politique s’appelle telle, c’est donc de
façon quelque peu impropre, puisque c’est son objet d’étude qui est politique, et
non l’activité de connaissance qu’elle déploie pour en rendre compte qui se veut,
elle, rigoureusement scientifique. Aussi, des appellations comme « science(s) du
politique » ou « politologie » – littéralement, discours raisonné sur la vie organi-
sée en société, « politicologie » en néerlandais –, auraient sans doute constitué
des expressions plus heureuses, d’un point de vue sémantique, puisque ce n’est
pas la science qui est politique, mais son objet. Mais qu’entend-on exactement
par « politique » ?
Sur la base de ce point de départ, nous pouvons aller plus loin. En effet, deux
entrées sont possibles dans cette définition générale de politique : l’entrée par
le pouvoir, la plus diffusée aujourd’hui en science politique, ou bien l’entrée plus
ancienne, par la communauté.
Max Weber (1864-1920) est l’auteur allemand notamment de L’éthique protestante et l’es-
prit du capitalisme (2004/1904-05, retravaillé en 1920), Le savant et le politique (2003/1919),
Économie et société (1995/1922, à titre posthume).
Le rôle fondateur de Max Weber dans la science politique ne doit toutefois pas être mécompris.
D’abord, sa contribution à la démarche scientifique notamment en science politique doit être
différenciée de son investissement en politique, notamment son éducation libérale puis sa sen-
sibilité socialiste, sa mobilisation pendant la Première guerre mondiale, son rôle de conseiller
lors de la négociation du Traité de Versailles signé en 1919, etc. D’autre part, Weber n’a jamais
voulu établir une science particulière dénommée « science politique ». Et pour cause, il enten-
dait contribuer à la fondation de la – alors toute jeune – sociologie, ce qu’il a fait de son vivant
en Allemagne, notamment par la création d’une revue. Enfin, les écrits de Weber ont parfois
attendu des décennies après sa mort, avant d’être traduits et rendus ainsi accessibles au plus
grand nombre de scientifiques à travers le monde. Il n’existe donc pas de lien direct entre
l’œuvre de Weber et le développement institutionnel de la science politique.
1.2. Le politique
Le politique correspond à la notion de « polity » en anglais. Il désigne la dimension poli-
tique d’une société, son ordre politique. Lui sont apparentées des notions anciennes
comme la cité, la « polis », la république – du latin « res publica », la « chose publique » –,
la patrie, communauté politique ou le régime politique (cf. chapitre Régimes poli-
tiques). Mais aussi des notions modernes comme l’État (cf. chapitre État) – à la fois
comme organisation représentative d’un groupement humain et comme organe de
gouvernement sur un territoire –, le système politique (cf. chapitre Système politique)
ou le « champ du pouvoir » au sens de Bourdieu.
S’inscrivant dans les approches structurelles du pouvoir (cf. chapitre Pouvoir), le sociologue
français Pierre Bourdieu (1930-2002) a fait appel à la notion de « champ » pour distinguer
différents cadres du jeu social. Par « champ », il entend tout espace d’activités sociales
spécialisées, doté de ses propres règles du jeu, ressources (« cartes à jouer » de valeur dif-
férente), enjeux, profits et intérêts pour le jeu (pour considérer qu’il vaille la peine de s’y
investir). Il est ainsi possible de distinguer un champ économique, sportif, culturel, mais
aussi littéraire, poétique… Bourdieu a isolé un « champ politique » (Bourdieu, 2000) et un
« champ du pouvoir ». Le premier se limite aux « professionnels de la politique » en concur-
rence pour décrocher des mandats de représentation (Bourdieu 1981 : 9), alors que le
second comprend les acteurs les plus importants des différents champs sociaux. Il constitue
donc un méta-champ, un champ des champs (Bourdieu 1989 : 155), un champ des pou-
voirs, celui au sein duquel se joue la domination d’un champ sur les autres. Pour Bourdieu,
l’État bureaucratique est l’exemple le plus abouti d’un méta-champ. Il surplombe les autres
champs sociaux en délimitant, avec plus ou moins de contrainte, leur périmètre, au tra-
vers d’un processus d’unification qui passe par un système de change – à l’image de celui
qui prévaut entre les monnaies – entre les « capitaux », à la fois ressources et profits en jeu
associés à ces différents champs sociaux.
Pour Paul de Bruyne (1995 : 1) de même que pour des auteurs comme Castoriadis,
Gauchet ou Lefort (cf. chapitre Idéologies, section 1), le politique est immanent à
la société, c’est-à-dire qu’il est impliqué dans celle-ci, grâce à trois fonctions qu’il y
assure : il promeut l’intégration sociale, assure un ordre social et définit des finali-
tés et des valeurs. Sans « le » politique, au sens de « polity », qui assure l’ensemble
des régulations relatives au conflit et à la coopération des individus et des groupes
au sein de la société, point de « vivre ensemble », de vie organisée en commun. Ceci
rejoint l’entrée par la communauté que nous avons évoquée plus haut. Nous sommes
donc ici dans une acception « noble » du concept, souvent délaissée aujourd’hui du
fait de la connotation péjorative qui est associée au terme « politique » (cf. infra,
section 1.3) en termes de luttes « intéressées » autour de la détention du pouvoir.
Cette conception noble correspond à celle d’Aristote (1993/env. –330 : 85-93) par
exemple, pour qui la politique est l’art du commandement social, l’activité pacifi-
catrice permettant à une société divisée de s’ordonner à une finalité supérieure :
30
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
celle de la vie en communauté et pour qui « l’homme est un animal politique » : celui
qui est parvenu à un degré élevé d’organisation (spécifiquement politique) par la
cité, par l’institution du politique.
1.3. La politique
La politique correspond à la notion de « politics » en anglais et désigne l’ensemble
des activités politiques, la vie politique, la mobilisation des acteurs politiques,
entendus comme producteurs d’activités touchant au politique (cf. section 1.2.),
ainsi que les rapports qu’ils entretiennent entre eux et les résultats que leurs inte-
ractions génèrent. Dans un sens étroit, « le plus politique » du terme (cf. infra, la
notion de « monde politique »), la notion vise l’action d’un élu, d’un ministre, d’un
chef d’État, ou d’un chef de parti d’opposition.
Dans un sens élargi (cf. infra, encadré no 1.6), la notion recouvre l’activité d’un repré-
sentant syndical, d’un lobbyiste professionnel agissant pour le compte d’une multina-
tionale, ou d’un citoyen signant une pétition en ligne pour promouvoir la protection
de telle espèce d’animaux sauvages. Elle s’étend aussi à l’action d’un agent public de
première ligne (un inspecteur des impôts, par exemple) ou encore d’un juge tranchant
un différend particulier sur la base des textes juridiques en vigueur, produits par les
acteurs politiques au sens strict.
La politique se construit en différents lieux. Ceux-ci peuvent être publics ou non. Dans le
domaine de l’analyse des politiques publiques, on fait la distinction parmi ces lieux, selon
leur mode de délibération, entre arènes et forums. Dans les arènes, les acteurs en pré-
sence négocient (parfois à partir de positions déjà prises). Ils essaient de construire un rap-
port de forces le plus favorable à l’accueil maximal de leurs revendications. Les arènes
(« policy venues ») sont des lieux institutionnels dans lesquels les acteurs portent et défen-
dent des problèmes ou des projets en fonction de la façon dont ils les perçoivent (« policy
images ») et les formatent (« policy framing ») (cf. infra, encadré no 1.4). Dans les forums,
les acteurs échangent des idées, s’engagent dans des discussions persuasives, essayant
de (se) convaincre (mutuellement), dans un esprit ouvert à de possibles changements de
position de leur part. Ces forums prennent une dimension particulière quand il s’agit, en
démocratie, de construire des dynamiques participatives (cf. chapitre Citoyens).
au sein d’associations que l’on nomme partis ». La politique se limite alors à l’ac-
tivité des partis, considérant comme non politiques les actions d’autres acteurs,
comme des syndicats, des ONG, des comités d’habitants ou des citoyens. Même si
leurs actions visent un changement d’orientation des normes juridiques en vigueur
et touchent ainsi à la façon dont le pouvoir est exercé dans une société et au
contenu de l’ordre commun qui y règne, et donc concerne – en plein – le politique.
Ainsi, à la question « Amnesty [International] se dit apolitique. Est-ce une bonne
chose ? », Éric David, professeur émérite de droit international répondait : « Oui,
car cela évite d’identifier Amnesty à un parti. Cela ne veut pas dire qu’Amnesty
ne fait pas de politique : le combat pour la promotion des droits humains est un
combat politique puisqu’il concerne la gestion de la cité » (La Libre Belgique, 28 mai
2011). Effectivement, dans son usage courant, « la politique » renvoie en fait sou-
vent, de manière réductrice et péjorative au phénomène « partisan », qui fait par
ailleurs lui-même l’objet d’une connotation péjorative.
1.4. Un politique
L’expression « un politique » désigne avant tout un type particulier d’acteur poli-
tique, un professionnel de la politique, entendu au sens restreint du terme, équi-
valent de « political man » ou « politician », en anglais, c’est-à-dire un « homme ou
femme politique », un « politicien ». Mais en français dans le langage courant, ce
mot est souvent connoté négativement. On retrouve ce sens dans le titre d’un
article publié le 25 mars 2011 sur le site de l’hebdomadaire belge Le Vif/L’express :
« À peine 13 % des Belges font confiance aux politiques ».
Cet ordre de phénomènes politiques fait l’objet d’un domaine spécialisé d’études
en science politique dénommé l’analyse des politiques publiques ou, plus récem-
ment, l’analyse de l’action publique (cf. infra, encadré no 1.4). Dès les années
1930, Lasswell (1961/1936) expliquait que la grande question de l’analyse des
politiques est « who gets what, when and how ? ». Dye (1984) considérait pour sa
part – dans les années 1980 – que les politiques publiques consistaient en ce
que les gouvernements décident de faire ou de ne pas faire. Cette conception
a ensuite été élargie à ce que les autorités publiques entreprennent dans une
société et l’impact que cela a sur celle-ci. Aujourd’hui, les politiques publiques
impliquent plusieurs échelons de pouvoir (du local à l’international) et des
réseaux complexes d’acteurs (des autorités publiques aux acteurs privés).
L’un des outils traditionnels d’analyse des politiques publiques consiste à se repré-
senter le processus de production d’une politique publique ou d’une action publique
d’un point de vue séquentiel, en faisant l’analogie à un cycle composé d’une suc-
cession d’étapes. Cela permet de (se) représenter le fait qu’une politique publique
ou une action publique soit un ensemble de décisions cohérentes, intentionnelles,
en vue – souvent – de résoudre un problème perçu comme collectif, rendu public
et politique.
33
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Source : adaptation des auteurs à partir de Jones (1970) et Knoepfel, Larrue, Varone (2006).
Enfin, de façon encore plus pointue, dans un sens plus spécialisé, « les » politiques
peuvent être conçues en science politique comme les produits, les « outputs »,
fournis par le système politique sous forme d’actions et de décisions (cf. chapitre
Système politique et notamment encadré no 4.13).
34
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
Bien sûr, la mise en œuvre de cette conception maximaliste du politique doit être
différenciée selon que nous parlons d’un régime autoritaire, voire totalitaire, ou
démocratique au sens de respectueux des droits humains (cf. chapitre Régimes
politiques). Un régime totalitaire – l’Allemagne nazie sous Hitler, l’Union sovié-
tique sous Staline, par exemple –, vise à politiser tous les aspects de la vie quo-
tidienne des individus : l’enseignement, la littérature, les croyances et pratiques
religieuses, la musique, l’architecture, le sport, la science, etc. L’objectif est de
permettre le contrôle maximal par l’appareil gouvernemental de la société, dans
toutes ses dimensions. Dans un régime de démocratie libérale, la réalité sociale
n’est pas tranchée et organisée de la sorte. Il est vrai que, par exemple, une mani-
festation sportive (par exemple, un match de football) peut activer l’attachement
de citoyens à leur État. De même, une œuvre artistique peut véhiculer un mes-
sage pour encenser ou critiquer le parti au pouvoir ou le chef d’un État. Un journal
ou une chaîne de télévision peut montrer une proximité avec une tendance poli-
tique plus qu’avec une autre dans sa manière de couvrir l’actualité. Mais, dans un
régime de démocratie libérale, le processus de politisation de la société (cf. infra,
section 3) ne résulte pas d’une stratégie délibérée et manifeste du pouvoir en
place qui en fait une fin en soi.
Cette conviction est aussi celle des mouvements politiques anarchistes (cf. chapitre
Idéologies). Elle habitait aussi le jeune Marx lorsqu’il décrivait comme horizon de la
révolution, après la phase socialiste transitoire du gonflement de l’État sous dictature
du prolétariat, la phase communiste de la disparition de l’État et de l’autogestion de
la société par elle-même. Dans une autre veine idéologique, un penseur libéral comme
Francis Fukuyama (1992) prophétise, autant qu’il appelle son advenue, la fin de l’his-
toire au sens de la pérennisation d’un système politique alliant démocratie libérale
et capitalisme de marché, dans lequel les fondamentaux ne font plus l’objet d’oppo-
sitions visant à en changer et qui tourne donc sur lui-même. Dans cette idée, égale-
ment avancée au temps de la systématisation de l’État social (Donzelot, 1984), la fin
de l’histoire signifie la fin du politique, au sens de la fin de luttes sur les fins dernières
d’une société et les principales modalités de son organisation.
– Protagoras dit à Socrate qu’il enseigne un savoir différent des autres sophistes : « Ce
savoir, c’est l’art de prendre des décisions dans les affaires privées comme dans les
affaires publiques, c’est-à-dire comment gérer au mieux sa maison et comment être le
plus apte à diriger la cité par les actes et les paroles ».
– Socrate : « Selon moi, c’est de l’art politique dont tu parles, et tu t’engages à former
de bons citoyens ».
– Protagoras : « Exactement, c’est là l’engagement que je prends ».
– Socrate : « D’où me vient cette idée que cet art ne peut s’enseigner ni ne peut se
communiquer d’un homme à l’autre (…). [J]e constate que lorsque nous nous réunissons à
l’Assemblée, si la cité doit s’occuper de faire construire un bâtiment, nous envoyons cher-
cher des architectes pour prendre leur avis sur ces questions ; quand il s’agit de navires,
nous consultons les charpentiers qui s’en occupent ; et ainsi de suite, à l’avenant, pour
tous les arts dont on estime qu’ils relèvent d’un apprentissage ou d’un enseignement.
36
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
Et si quelqu’un d’autre veut donner un conseil et qu’on pense qu’il n’est pas spécialiste,
serait-il beau, riche, ou bien né, nul ne l’écoute davantage. (…). En revanche, quand il faut
discuter du gouvernement de la cité, chacun est admis à se lever, pour donner son avis,
le maçon aussi bien que le forgeron, le cordonnier, le négociant ou l’armateur, le riche ou
le pauvre, le noble et le roturier, et nul n’encourt de critique comme dans le cas précé-
dent si, sans avoir rien appris, sans l’aide d’aucun maître, il s’apprête à donner un avis. Il est
donc clair qu’on estime qu’il n’y a rien là qui relève d’un enseignement. (…) Telles sont les
considérations qui me donnent à penser, Protagoras, que la vertu ne s’enseigne pas (…) ».
– Protagoras répond d’abord par une histoire. Contant les débuts de la civilisation humaine, il
dit : « (…) Si leur activité d’artisan suffisait à les nourrir [les hommes préhistoriques], elle ne leur
permettait pas de lutter contre les bêtes sauvages. Car ils ne possédaient pas encore l’art
politique, dont l’art de la guerre est une partie. (…) [À] chaque fois qu’ils se rassemblaient
en cités, comme ils ignoraient tout de l’art politique ils se faisaient du tort réciproquement,
si bien qu’ils se dispersaient de nouveau et de nouveau périssaient. Zeus alors, craignant la
disparition de notre race tout entière, envoie Hermès porter aux hommes respect et justice
pour unir les cités par des principes d’ordre et des liens d’amitié. Hermès donc demande à
Zeus de quelle manière il doit distribuer respect et justice chez les humains : – Dois-je procé-
der comme pour les arts, c’est-à-dire en instituant un seul professionnel, de médecine ou de
tout autre art, pour un grand nombre de gens ? Est-ce ainsi que je dois aussi établir respect
et justice chez les humains ou dois-je les distribuer à tous ? – À tous répondit Zeus. Il faut que
tous y aient part, car les cités ne pourraient exister si seulement un petit nombre d’humains y
avait part comme c’est le cas pour les autres arts. (…). Voilà la raison, Socrate, pour laquelle
les Athéniens, et tous les autres peuples, quand on discute de l’excellence d’un architecte
ou de toute autre profession, n’accordent qu’à un petit nombre de gens le droit de don-
ner un avis, (…). Mais quand ils discutent de l’excellence d’une décision dans le domaine
politique, ce qui implique nécessairement justice et sagesse, il est normal qu’ils admettent
que tout homme en parle car tout homme doit avoir part à cette forme de vertu, sinon il
n’y a plus de cité. Telle est, Socrate, la raison de ce comportement ».
– Protagoras conclut ensuite par un raisonnement : « Existe-t-il, oui ou non, une chose à
laquelle tous les citoyens doivent avoir part pour qu’une cité existe ? (…). Si cette chose
existe et si cette qualité unique n’est ni l’art du charpentier, ni celui du forgeron ou du
potier, mais est bien la justice, la sagesse, le respect de la loi divine, en un mot ce que
j’appelle la vertu propre à l’homme, si c’est bien là ce à quoi tous doivent avoir part, si
c’est là pour tout homme la condition sine qua non de tout savoir et de toute action,
(…) il faut l’enseigner à tout humain (…) » (Platon, 1993/env. -430 : 76-89 ; 319A- 325C).
Prenons l’exemple des Jeux olympiques (JO). Il a souvent été rappelé qu’il s’agit
d’une manifestation sportive dans laquelle le politique ne doit pas interférer.
Pourtant, selon les conjonctures, ils peuvent devenir une occasion pour des indi-
vidus ou des groupes d’attirer l’attention du monde entier sur une situation qui,
selon eux, le mérite. Entre autres illustrations, nous pouvons retenir que les JO
fournissant aux États une opportunité pour se positionner les uns par rapport aux
37
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Soulignons enfin que tous les problèmes d’ordre privé ne deviennent pas sociaux, et
tous les problèmes sociaux ne deviennent pas forcément publics. L’analyse des politiques
publiques s’attache à expliquer le processus par lequel un problème privé (par exemple,
la cohabitation de parents homosexuels) devient social (par exemple, des groupes repré-
sentant les gays et lesbiennes dénoncent comme problématique le fait que le mariage
et l’adoption soient limités aux couples hétérosexuels), voire politique (si des partis se
positionnent en faveur ou contre l’octroi de nouveaux droits aux homosexuels). Le pro-
blème acquiert une dimension sociétale et proprement politique, à partir du moment où
il implique débat et décisions publiques censées s’imposer à tous (par exemple, une loi
autorisant le mariage et l’adoption par les personnes de même sexe). Le problème pourra
donc faire l’objet d’une politique publique passant par les différentes séquences que nous
avons décrites plus haut (cf. encadré no 1.4 sur le cycle des politiques publiques). Cette
évolution d’un problème dépend in fine de la construction qu’en font les acteurs.
Avant d’aborder ce concept dans ces deux dimensions/volets, rappelons que les phé-
nomènes politiques peuvent être abordés à des niveaux d’analyse différents : micro,
méso et macro (cf. avant-propos, encadré no 0.3).
Certains problèmes peuvent être plus ou moins politisés selon les périodes et les
pays. Par exemple, longtemps, en Occident, la question des rapports hommes-
femmes n’était pas considérée comme politique. Ce qui est aujourd’hui considéré
comme des inégalités, notamment suite à la mobilisation d’un mouvement fémi-
niste, était perçu autrefois comme « naturel », « normal », allant de soi. De même,
en ce qui concerne la question de la pauvreté qui a été prise en charge, pendant
des siècles, seulement par des pratiques caritatives privées, avant que le mouve-
ment ouvrier ne fasse pression sur l’État pour qu’il intervienne dans ce domaine
(cf. chapitre État, section 3.3).
Système socio-politique
Professionnels Administrations
de la = pouvoir exécutif
communication administratif
dont médias
Monde
Société civile Politique
= citoyens = pouvoir
individuels législatif
ou organisés et exécutif
Groupes relais :
mouvements sociaux, Partis politiques Pouvoir judiciaire
groupes de pression = troisième
ou d’intérêt, lobbies, branche du pouvoir
etc. étatique
39
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Deuxièmement, la politisation peut être « idéaliste » par le fait que des personnes
considèrent la politique comme un combat pour de grandes causes prônant des
valeurs de manière forte. Par exemple, la lutte contre un régime autoritaire au
nom de la liberté (comme les étudiants mobilisés en Birmanie en soutien à l’oppo-
sante politique démocrate Aung San Suu Kyi et contre le régime de la junte mili-
taire birmane depuis le milieu des années 2000), le dépassement des clivages pour
l’indépendance d’un État (l’union en 1830 des catholiques et des libéraux dans le
dépassement du clivage clérical vs anti-clérical pour l’indépendance de la Belgique
face aux Pays-Bas dominés par les protestants, cf. chapitre Clivages), l’émancipa-
tion des travailleurs au nom de la justice sociale, etc. La politique est alors très
mobilisatrice. Elle permet à un groupe de se sentir uni (cohésion sociale). Dans la
doctrine marxiste, la politisation vise à donner une conscience politique à des indi-
vidus inorganisés et tout particulièrement aux travailleurs conçus comme « alié-
nés » : la « conscience de classe ». À l’extrême, dans le contexte de la propagande
employée par un régime non démocratique – au sens de la démocratie libérale –,
soulignons que la politisation peut avoir comme effet pervers d’anesthésier le plu-
ralisme, l’esprit de négociation et de compromis (par exemple, la Révolution bol-
chevique de 1917 en Russie, sous la direction de Lénine).
S’il n’est pas dénué d’intérêt, ne fût-ce que parce qu’il peut s’appuyer sur des don-
nées non directement accessibles aux scientifiques, il manque toutefois également
au savoir des praticiens tout le travail préalable nécessaire au savoir scientifique.
De plus, la mise en œuvre des procédures de production des connaissances scienti-
fiques permet une plus grande prise de distance sur les phénomènes dont on entend
rendre compte, amenant à les restituer dans un contexte plus vaste que la (micro-)
situation impliquant les acteurs concernés, et à les aborder avec moins de subjecti-
vité que lorsqu’on y est soi-même impliqué (cf. infra, section 7).
confidences des acteurs politiques, les journalistes politiques bénéficient d’une posi-
tion d’observation rapprochée des phénomènes politiques. Ils peuvent ainsi plus
directement « capter » une série d’éléments de connaissance qui font la spécificité
du savoir des praticiens.
Mais, revers de la médaille, à force de côtoyer les praticiens du monde politique, ils
peuvent avoir tendance à adopter leurs manières de voir, à l’instar de ces journalistes
sportifs qui relatent le déroulement des courses cyclistes en laissant de côté la pro-
blématique du dopage. De plus, dans le monde actuel des médias, en situation de
concurrence (également pour les financements publicitaires), les exigences de l’audi-
mat peuvent amener les journalistes politiques à produire une information selon des
procédures peu compatibles avec les exigences déontologiques de leur propre pro-
fession : vérification de la fiabilité des sources, recoupement des informations, etc.
En réalité, l’expression « sciences politiques » (au pluriel) revêt deux sens différents.
Dans un sens chronologiquement premier, le plus large, « les sciences politiques »
désignaient un certain nombre de disciplines générales des sciences humaines dont
la connaissance était jugée nécessaire pour comprendre – et pratiquer – la politique,
entendue comme processus de gouvernement d’une société humaine. Ainsi l’Acadé-
mie française des sciences morales et politiques, créée sous la Révolution française
en 1795 regroupait à la fin du xixe siècle les disciplines suivantes : « philosophie »,
« morale », « législation », « droit public et jurisprudence », « économie politique et
statistique », « histoire générale et philosophique »… Aucune « classe » spécialisée en
« science politique » n’y était établie dans la mesure où celle-ci n’existait pas encore.
Les expressions « sciences sociales » et « sciences humaines » peuvent être utilisées comme
des synonymes. Elles visent alors communément cet ensemble de sciences traitant des
phénomènes spécifiquement humains et non des phénomènes naturels, comme les
sciences de la nature (physique, biologie…). Aujourd’hui, la dénomination de sciences
sociales désigne souvent la science politique, la sociologie, l’économie,… à la diffé-
rence des sciences humaines, qui renvoient à l’histoire, la philologie ou la philosophie (les
« Humanities », en anglais), même si une partie des scientifiques de ces disciplines reven-
diquent leur rattachement aux sciences sociales (par exemple, la philosophie analytique,
l’histoire sociale et la linguistique post-sausurienne). Les sciences sociales se distinguent
alors des sciences humaines, moins du point de vue de leurs objets d’études que des
perspectives générales pour en traiter. Le paradigme, au sens kuhnien du terme (cf. infra,
encadré no 1.10), des sciences sociales conduit les chercheurs à appréhender l’homme en
société et le résultat de ces interactions (le « social »), et non l’Homme universel, considéré
42
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
Dans un sens ultérieur, plus restreint, l’appellation « sciences politiques » (au plu-
riel) désigne l’ensemble des sous-parties « politiques » qui se sont développées au
sein de la plupart des sciences humaines établies. Soit un certain nombre de sous-
disciplines qui, dans le cadre intellectuel de leur discipline d’appartenance, se sont
plus spécifiquement consacrées à l’étude des phénomènes politiques : la philo-
sophie politique, l’histoire politique, la géographie politique – la géopolitique –,
l’économie politique, la psychologie politique, la sociologie politique, l’anthropo-
logie politique, et le droit public. Remarquons que ce dernier était anciennement
dénommé « droit politique », comme en témoigne l’œuvre célèbre de Jean-Jacques
Rousseau, Du contrat social (1762), sous-titré « Principes de droit politique »
(cf. chapitre Régimes politiques, encadré no 7.4).
Et pourtant, « la science politique n’est pas née avec Platon, Hobbes ou Rousseau,
ces monstres sacrés de la philosophie politique. Entendue strictement, elle est une
discipline contemporaine, apparue dans le sillage des grandes sciences sociales »
(Braud, 2011 : 3). Comme l’exprime avec netteté le Que-sais-je ? qui lui est consa-
cré, la science politique actuelle se conçoit comme une branche particulière – (entiè-
rement) consacrée à l’étude des phénomènes politiques – des sciences sociales
modernes dont la volonté est d’étudier les phénomènes humains comme les
sciences de la nature étudient les phénomènes naturels. C’est-à-dire en cherchant
à les observer et analyser avec le même rapport de distance, d’objectivité, en suivant
ainsi les prescrits positivistes théorisés par Auguste Comte au début du xixe siècle.
44
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
Le positivisme est un concept forgé par Auguste Comte (1798-1857) dans le quatrième
volume de son Cours de philosophie positive (1839). Il vise à rompre avec la philoso-
phie classique en calquant l’analyse des faits sociaux sur la façon dont les sciences dites
exactes ou de la nature, telle la physique ou la chimie, analysent les phénomènes phy-
siques, depuis la découverte par Newton, au début du XVIIIe siècle, des « lois de l’attrac-
tion universelle ».
Il reste que, faisant lui-même partie de ce qu’il analyse, étant un humain parmi les
humains, celui qui étudie des phénomènes politiques aura plus de difficultés de
les traiter avec distance que l’astronome qui observe les planètes. Il lui importe alors
d’autant plus de prendre conscience de la relation sociale particulière qu’il entre-
tient à l’égard de son objet d’étude (cf. infra, la notion de « rapport aux valeurs » de
Max Weber), et des raisons qui le poussent à étudier tel objet, dans telle optique.
Dans une perspective positiviste, le scientifique se doit d’essayer de se rapprocher le
plus possible d’une objectivité totale dans l’étude des phénomènes qu’il analyse. Ce
que contestent les approches dites « critiques » (en référence à l’école de Francfort)
qui considèrent comme illusoire l’atteinte par le chercheur d’une complète neu-
tralité. Pour les critiques du positivisme, tout résultat de recherche – la qualifica-
tion du programme de tel parti comme de « centre-gauche », l’évaluation de telle
politique publique comme peu efficiente, le constat de la déliquescence de tel État,
etc. – est nécessairement orienté, aussi parce qu’il constitue, que le chercheur le
veuille ou non, une ressource argumentative potentielle pour les acteurs sociaux
et politiques engagés dans des luttes pour conserver ou transformer l’ordre social
et politique existant. Dès lors, les approches critiques préconisent que le chercheur
assume explicitement le caractère engagé, c’est-à-dire axiologiquement orienté, de
ses choix en matière d’objet et d’optique de recherche, et partant la dimension nor-
mative de son entreprise de recherche, plutôt que de chercher à les minorer comme
l’y enjoint le positivisme.
45
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Au contraire, dans une approche positiviste, l’attention est centrée directement sur
ce qui « est », sur les phénomènes politiques effectifs, dans une perspective où il s’agit
de savoir d’abord et avant tout comment ils se produisent, comment ils fonctionnent
et ce qui explique pourquoi ils fonctionnent de telle ou telle manière. Il ne s’agit donc
pas principalement de trancher la question de savoir si ce qui se produit est « bien »
ou « mal », légitime ou illégitime, ou bien légal ou illégal. Pour le dire dans les mots
de Max Weber, l’ambition de la démarche politologique est de séparer le plus stric-
tement possible les jugements de fait sur les phénomènes politiques des jugements de
valeur, en s’ancrant le plus possible d’abord dans le domaine des jugements de fait.
Ce qui ne signifie pas que le politologue écarte de son champ d’étude tout ce
qui est normatif. Au contraire, il peut lui être profitable pour comprendre tel
46
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
47
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Pour collecter des informations sur les phénomènes politiques qu’il étudie, le chercheur
en science politique peut mobiliser diverses méthodes, dont nous présentons ici quelques
éléments de base.
L’enquête : le chercheur interroge des individus pour qu’ils fournissent des informations sur
son objet d’étude. Il existe plusieurs techniques d’enquête différenciées selon leur degré
de profondeur, leur caractère qualitatif ou quantitatif, leurs modalités orales ou écrites,
etc. Les techniques d’enquête comprennent notamment : récits de vie, entretiens ouverts,
directifs ou semi-directifs, entretiens par questionnaires ouverts ou fermés (avec questions
à choix multiples).
Palliant l’absence d’une méthode d’investigation privilégiée, comme l’est le travail sur
archives en histoire, l’éclectisme méthodologique qui caractérise la science politique,
s’il la prive d’un cachet disciplinaire, lui confère de riches possibilités de saisir la nature
des phénomènes politiques. À condition, bien sûr, de recourir à cette ample palette de
méthodes et techniques à bon escient : maîtrise des méthodes utilisées, réelle plus-value
de leur emploi pour l’analyse des phénomènes étudiés, cohérence de leur mise en com-
plémentarité, etc. Raison pour laquelle il importe que le chercheur en science politique
s’interroge constamment sur la validité de ces méthodes et techniques pour en évaluer
soigneusement les mérites, mais aussi les limites. De cette façon, après avoir formulé
des hypothèses, le chercheur pourra les tester. De manière inductive, il pourra aussi
extrapoler des montées en généralités à partir des faits particuliers observés.
démarche scientifique est de pouvoir généraliser à partir des cas étudiés, qui sont tou-
jours pour partie singuliers. Bien sûr, les phénomènes politiques ne se répliquent jamais
totalement à l’identique. Néanmoins, la science politique juge possible et utile, comme
en physique ou en chimie, de mettre au jour des modèles généraux de compréhen-
sion et d’explication de la réalité. Ainsi, Davies (1962) a montré que la dynamique de
déclenchement d’une révolution peut être schématisée sous la forme d’une courbe en J
(cf. chapitre Citoyens, section 4.1, encadré no 10.11). De même, de nombreuses études
électorales menées au cours de la dernière décennie dans les États occidentaux établis-
sent une corrélation claire entre un faible niveau d’éducation, un faible intérêt pour la
politique instituée et, d’une part, une (plus) faible participation électorale, de l’autre,
une (plus) forte propension à voter en faveur des partis d’extrême droite ou « anti-
système » (cf. chapitres Clivages, section 9, et Citoyens, section 2.2).
En science politique, on considère dès lors comme indispensable que tout chercheur
ait le souci d’aller au-delà de la « simple » connaissance du cas qu’il étudie, pour en
tirer des enseignements qui contribueront à un savoir de portée plus générale sur
un ordre particulier de phénomènes politiques (les révolutions, les comportements
électoraux…). Cette ambition de « cumulativité du savoir » commande à tout cher-
cheur, avant d’entreprendre une étude quelconque d’un phénomène politique, de
faire le tour de la question, et de dresser à cette fin un « état de l’art », qui fait le
point des connaissances scientifiques existantes sur le sujet, et des méthodes et
techniques de leur production. Elle l’enjoint également, après son étude, de préciser
la manière dont celle-ci apporte une plus-value aux connaissances scientifiques pré-
existantes sur le sujet. C’est ce qu’on appelle la montée en généralité, nécessaire à
toute étude qui entend participer au développement des sciences sociales modernes.
Comme il a été dit, dans un premier temps, ces structures fédèrent des démarches
de connaissance des phénomènes politiques de nature très différente (cf. supra, sec-
tion 5). Toutefois, c’est également de la fin du xixe et du début du xxe siècle que datent
les premières œuvres considérées rétrospectivement comme pionnières par, et pour,
la science politique d’aujourd’hui. Les travaux déjà évoqués de Max Weber datent de
cette époque (cf. supra, encadré no 1.1), de même que ceux des auteurs rattachés à
l’« école élitaire italienne » : Gaetano Mosca (Sulla teorica dei governi e sul governo parla-
mentare, 1884), Vilfredo Pareto (Traité de sociologie générale, 1917), et Roberto Michels
(Les partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, 1914 pour l’édi-
tion française). Ce dernier est un des pionniers, avec Moïseï Ostrogorski (La démocra-
tie et les partis politiques, 1903), des études sur les partis politiques (cf. chapitre Partis
politiques et groupes d’influence, section 4.2.1). Comme le sont Arthur Bentley (The
Process of Government : A Study of Social Pressures, 1908), pour les groupes d’influence,
et André Siegfried (Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République,
1913), pour les comportements électoraux (cf. respectivement chapitres Partis poli-
tiques et groupes d’influence, section 8.2, encadré no 9.28 et Citoyens, section 3.1.1).
Docteur en physique de l’Université de Harvard, Thomas Kuhn (1922-1996) est un historien des
sciences naturelles qui, sur la base d’études empiriques fouillées, a défendu dans un ouvrage
devenu célèbre (La structure des révolutions scientifiques, 1972/1962), la thèse selon laquelle
le ressort du progrès scientifique tient plus dans des changements de paradigmes, d’op-
tiques sur les phénomènes étudiés, que dans l’accumulation des connaissances. Concept
central de sa théorie, la notion de paradigme tel que l’utilise Kuhn ne recouvre pas un sens
très stabilisé. On peut toutefois le définir comme un ensemble d’hypothèses de base et de
présupposés sur la nature d’un phénomène, qui fait consensus au sein d’une communauté
scientifique. Ces hypothèses étant tenues pour acquises, elles ne sont pas susceptibles d’être
mises en question lors du travail d’investigation. Elles orientent les études scientifiques sur ce
phénomène, et donc le champ des découvertes possibles à propos de ce phénomène.
Contre l’idée d’un progrès scientifique dont le ressort tiendrait avant tout à l’accumulation
des connaissances considérées comme scientifiques, Kuhn développe une vision sinusoïdale
du progrès scientifique qui dépendrait plus de révolutions scientifiques : de ruptures qui tien-
draient d’abord dans un changement de « grille de lecture » et d’appréhension générale
du phénomène étudié : un changement de paradigme.
À partir de l’étude des premiers travaux de science politique dans la première moitié
du xxe siècle aux États-Unis, John Gunnell, l’un des principaux historiens actuels de la
science politique états-unienne1, résume ce changement de paradigme de la manière
suivante. Au départ, dans la littérature qualifiée de science(s) politique(s), « ce à quoi
le terme “État” faisait référence ne correspondait pas aux institutions concrètes de
gouvernement mais au concept d’un peuple ou d’une communauté organique qui
précédait à la fois la constitution et le gouvernement et traduisait les idées de sou-
veraineté populaire et de démocratie » (Gunnell 2004 : 7 ; traduction des auteurs).
1
Nous avons pris le parti d'employer souvent le qualificatif « états-unien(s) », plus précis
qu’« américain(s) », pour désigner ce qui est en lien avec les États-Unis d’Amérique qui ne constituent
qu’une partie du continent américain.
51
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Ayant soutenu une thèse intitulée A History of Sovereignty since Rousseau, Merriam
(1876-1953) publie, en 1903, A History of Political Theories. Après la Première Guerre mon-
diale, à l’Université de Chicago, il dirige deux importants programmes de recherche : l’un
sur les partis politiques, l’autre sur les causes des guerres. De façon plus générale, on lui
doit la création au sein de l’APSA d’un Committee on Political Research, spécifiquement
consacré à coordonner et stimuler la recherche en science politique, et c’est en grande
partie grâce à ses efforts qu’est créé en 1923 le premier Social Science Research Council,
dont il devient le premier président.
En 1924, il fait paraître avec Harold Gosnell, une publication de référence sur l’étude des
comportements électoraux et des opinions politiques, intitulée Non-Voting : Causes and
Methods of Control. Œuvre pionnière car, pour la première fois, est employée la technique
de l’interview brève par téléphone d’un échantillon de population (sélectionné parmi les
abonnés du téléphone). Cette technique sera reprise ensuite par ce qui allait devenir
les instituts de sondages politiques, à partir de l’élection présidentielle états-unienne de
1932. En 1925, Merriam plaide dans New Aspects of Politics (2e édition, 1931) pour l’usage
par la science politique naissante de techniques répandues dans d’autres disciplines des
sciences sociales, surtout les méthodes expérimentales employées en psychologie.
52
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
« J’ai été frappé lors de la réunion destinée à former l’IPSA [International Political Science
Association/Association internationale de science politique] à Paris [en 1949] par le
manque d’associations de science politique dans le monde et par le manque de convic-
tion parmi les participants qu’une science politique était possible. En tant que disciplines
cherchant à utiliser le plus possible les méthodes objectives qui ont été développées dans
les sciences naturelles, les sciences sociales en sont devenues presque un phénomène
états-unien au cours de ces 50 dernières années. On n’a pourtant pas dépensé beaucoup
pour les sciences sociales aux États-Unis, mais cela a représenté infiniment plus que dans
les autres pays. L’une des tâches des associations internationales créées dans le domaine
des sciences sociales est donc d’essayer de diffuser au reste du monde ce que nous
connaissons à propos des sciences sociales aux États-Unis » (Quincy Wright, premier prési-
dent de l’IPSA, 1949, cité par Bernston E. ‘Schools of Political Science’ and the Formation
of a Discipline, Congrès IPSA 2009, non publié, p. 2. Traduction des auteurs).
9 Le développement international
de la science politique à l’issue
de la Deuxième Guerre mondiale
C’est au sortir de la Deuxième Guerre mondiale que la dynamique d’institution-
nalisation de la science politique dans le monde va passer à la vitesse supérieure.
Le comité d’experts en charge du programme sur les « méthodes des sciences poli-
tiques » endossa une position assez « œcuménique » à propos des méthodes mobi-
lisables, en retenant, en gros, toute méthode des sciences humaines (y compris la
philosophie politique et le droit public) appliquée à l’étude des phénomènes poli-
tiques. Cette position était en recul par rapport à l’intégration épistémologique plus
étroite réalisée aux États-Unis (cf. supra, section 8.3). Le comité distingua aussi
quatre grands axes d’études. Premièrement, la « théorie politique », plus proche de
la philosophie politique, y compris sur le plan normatif, consacrée essentiellement
à la définition de grands concepts (État, nation, démocratie…), et à l’étude de la
pensée politique à la fois les théories des « grands auteurs » (Hobbes, Rousseau,
Tocqueville,…) et les grandes idéologies (libérales, socialistes ; cf. chapitre Idéologies).
Deuxièmement, les « institutions politiques », recouvrant ce qu’on appelait alors les
« sciences gouvernementales et administratives », encore fortement imprégnées
d’une vision juridique des institutions politiques, dont les études étaient axées sur
les régimes politiques, les processus décisionnels tels que définis sur un plan for-
mel/institutionnel et l’action des pouvoirs publics. Troisièmement, les « relations
internationales », largement dépendantes d’approches juridiques, centrées sur le
droit international et les dispositions des traités régissant le fonctionnement des
organisations internationales, et/ou d’approches historiennes, articulées autour de
la chronique d’événements marquants des relations entre États, au cœur de l’his-
toire « diplomatique ». Enfin, le domaine de recherche « partis, groupes et opinion
publique », dont les méthodes d’analyse étaient alors les plus proches de celles des
sciences sociales modernes. Sur un plan pratique, les experts invitèrent aussi, avec
le soutien financier de l’UNESCO, à créer une Association internationale de science
politique (AISP ou IPSA selon l’acronyme anglais, le plus fréquemment utilisé).
Celles-ci sont parfois « redoublées » à une échelle sous-nationale, comme pour l’ABSP
et le PI, ou encore la Société québécoise de science politique (SQSP), par exemple, ou
bien à une échelle régionale, comme dans le cas de l’Association africaine de science
54
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
ENCADRÉ NO 1.13 : LES REVUES PUBLIÉES PAR LES ASSOCIATIONS FRANCOPHONES DE SCIENCE
POLITIQUE
Les revues généralistes de science politique les plus connues publiées – totalement ou par-
tiellement – en langue française émanent en général des associations « nationales » de
science politique. Ainsi en va-t-il de :
55
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Enfin, depuis 1998, il existe une association internationale des étudiants en science
politique dont l’acronyme est IAPSS (International Association for Political Science
Students), née à l’initiative des associations néerlandaise et italienne d’étudiants
en science(s) politique(s). L’IAPSS est forte aujourd’hui de 10 associations natio-
nales membres, représentant 1 000 étudiants et d’environ 10 000 membres indi-
viduels provenant de plus de 50 pays différents. Elle publie une revue, Politikon,
propose des cours et conférences de science politique en libre accès (IAPSS Open
Learning), organise des forums en ligne (IAPSS online Working Groups) et une confé-
rence annuelle, couplée à une assemblée générale.
56
QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ? CHAPITRE 1
Source : Comité d’experts en charge de l’évaluation des programmes en sciences politiques organisées
dans les universités francophones de Belgique, Analyse transversale, Bruxelles, Agence pour l’Évaluation
de la Qualité de l’Enseignement supérieur en Communauté française de Belgique/AEQES, 2010, pp. 12-13.
Cette caractéristique peut s’expliquer par le fait que jusqu’au début des années
1990, la grande majorité des enseignants dans les programmes en sciences poli-
tiques, y compris parmi ceux en charge des cours de science politique (au singulier),
n’étaient pas des politologues, au sens où ils n’étaient pas titulaires d’un doctorat
en sciences politiques. Dans certaines universités qui dispensent des programmes
de premier cycle en sciences politiques, l’engagement de premier(s) enseignant(s)-
chercheur(s) à temps plein, docteur(s) en sciences politiques, remonte seulement à
la fin des années 1990, voire même au début de la décennie 2000.
Cela dit, les programmes en sciences politiques organisés dans les universités belges
francophones ne cessent d’attirer davantage d’étudiants, les effectifs globaux ayant
augmenté de 50 % au cours de la décennie 2000, pour s’établir aujourd’hui à plus
de 3 000 étudiants par an.
Le CRISP voit le jour, sous la forme d’une société coopérative, à la fin 1958, sous l’impul-
sion de Jules-Gérard Libois (1923-2005), alors rédacteur en chef de l’édition belge de la
revue Témoignage chrétien. Ce dernier était l’initiateur à Bruxelles d’un groupe « Esprit »
réunissant de jeunes progressistes, chrétiens et laïques, inspiré par la démarche du philo-
sophe personnaliste chrétien français Emmanuel Mounier (1905-1950), créateur en 1932
de la revue du même nom, qui fait toujours référence dans le débat public francophone
de nos jours. Les groupes « Esprit » visaient à penser les grands enjeux du monde contem-
porain, afin de proposer des réponses politiques les plus appropriées, en dehors des insti-
tutions habituelles de savoir et dans une dynamique résolument pluraliste. Après un cycle
d’exposés sur l’étude des pouvoirs réels en Belgique, il fut décidé de créer le CRISP, afin de
donner un cadre plus stable à la production des réflexions. Le comité de direction d’ori-
gine comprenait – outre Jules-Gérard Libois –, notamment le philosophe Jean Ladrière
(1921-2007), professeur à l’UCL et le juriste François Perin (1921-2013), alors substitut au
conseil d’État, futur professeur à l’ULg et parlementaire régionaliste wallon puis libéral.
Jean Van Lierde (1926-2006), le premier objecteur de conscience belge, est le premier
employé à temps plein du CRISP. Il est rejoint, en 1960, par Xavier Mabille (1933-2012), qui
succédera plus tard à Jules-Gérard Libois au poste de directeur général et jouera un rôle
fondamental au sein du CRISP. La richesse factuelle et la rigueur font très tôt la réputa-
tion du Centre et de ses publications, nombreuses, à commencer par ses « Courriers heb-
domadaires » (CH) résultant souvent de collaborations avec des académiques, publiés
dès 1959, au rythme de 40 numéros/an, puis les Dossiers du CRISP et la collection « POL-
HIS » publiée chez De Boeck.
59
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Les politologues « internationalistes » se penchaient pour leur part sur les phéno-
mènes politiques internationaux, liés aux relations entre États : politiques étran-
gères, organisations internationales et, plus largement, modes de coopération et de
confrontation entre États et rapports structurels de puissance. Mais se rattachaient
aussi aux « internationalistes », les spécialistes « internistes » d’États non occiden-
taux, dont les travaux étaient réunis sous l’intitulé « area studies » : monde arabe,
pays d’Afrique sub-saharienne, États latino-américains ou asiatiques. Ces spécia-
listes étaient souvent localisés dans des centres d’études « du développement »,
dans le contexte international post-colonial de l’émergence du « Tiers-Monde »
et des « relations Nord/Sud », à présent marqué par l’importance des « puissantes
émergentes » dans le processus de « globalisation » (cf. les « BRICS » regroupant le
Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud). Ces spécialistes développaient
des approches de sociologie politique, souvent relativement éloignées des théories
classiques des relations internationales.
ils ont la nationalité. Secundo, il existe depuis 1979 un parlement composé d’élus
directs, qui, aujourd’hui, dans la plupart des domaines de compétences de l’UE, par-
tage le pouvoir de produire des normes juridiques (directives, règlements) à parts
égales avec le Conseil des ministres, composé d’un ministre par État, mais qui, dans
bien des domaines, peut décider à la majorité qualifiée, selon une logique de fonc-
tionnement supra-étatique (cf. chapitre État).
L’autre mouvement qui tend à faire éclater la frontière traditionnelle entre science
politique interne et science politique internationale concerne une sociologisa-
tion générale des démarches de recherche. Quel que soit le terrain spécialisé de
recherche, on observe une diffusion des modes d’étude des phénomènes politiques
qui étaient classiquement rattachés à la « sociologie politique ». À tel point que plus
d’un manuel en français de science politique s’intitule de « sociologie politique ».
En réalité, ceci s’explique par le fait que les approches traditionnellement quali-
fiées de « sociologie politique » étaient celles dont la démarche générale était la plus
proche de celle des sciences sociales modernes (cf. supra, section 7). Cette sociologi-
sation de la démarche de science politique tend donc à en raffermir l’ancrage dans
le socle épistémologique et méthodologique commun aux sciences sociales, contri-
buant ainsi plus largement à la « science socialisation » de la discipline.
rationalité relative, d’ajustement des moyens utilisés aux fins recherchées en fonc-
tion des informations en leur possession. L’action progresse au rythme des « coups »
posés par les acteurs, dont le sens peut être compris par rapport aux coups – pas-
sés et prévisibles – des autres acteurs, aux opportunités différemment réparties
entre acteurs de faire de « bons » coups et à une logique d’action commune à tous
les acteurs consistant pour eux à « maximiser leurs intérêts », c’est-à-dire à cher-
cher à faire triompher le plus possible leurs propres revendications. On retrouve
une telle appréhension des phénomènes politiques par exemple dans les modèles
stratégiques d’explication des comportements électoraux (cf. chapitre Citoyens,
section 3.1) ou dans les récits chronologiques de la production de tel traité ou de
telle loi ou du dénouement de tel conflit politique.
Le paradigme structuraliste se situe dans la lignée d'une part, des analyses conflic-
tualistes de Marx en termes de rapports de production et de luttes des classes
(cf. chapitre Idéologies), et de l'autre, dans celle des analyses intégrationnistes de
Durkheim en termes de fonctionnalité sociale (cf. chapitre Système politique). Il a
pour angle d’attaque des éléments du « jeu politique » qui dépassent les destinées
et intentions individuelles des différents acteurs. Ceux-ci se trouvent placés dans
conditions sociales, économiques, institutionnelles, culturelles qui déterminent leur
marge d’action dans une mesure telle que les acteurs en eux-mêmes sont interchan-
geables. Jusqu’à un certain point, l'intentionnalité qui sous-tend les actions qu’ils
produisent n’ont pas d’importance sur la suite de l’histoire, pour l’essentiel expli-
cable par des éléments structurels. Par exemple, les acteurs dépendent de modes
d’action institutionnalisés, hérités du passé, qui ont pour eux la force de l’existant.
C’est le « déjà là », mis en exergue par un des courants « néo-institutionnalistes »
de l’analyse des politiques publiques, celui que l’on appelle historique, puisqu’accor-
dant justement un poids structurel à l’histoire.
Ce chapitre a montré comment la science politique, à travers ses approches, ses sub-
divisions, ses auteurs aborde de façon spécifique les phénomènes dits « politiques ».
63
CHAPITRE 1 QU’EST-CE QUE LA SCIENCE POLITIQUE ?
Ceux-ci concernent le « vivre ensemble » tel qu’il s’impose à tous, à travers une
communauté politique, les actions des praticiens de la politique, des décisions pro-
grammées. Dans la suite du manuel, nous abordons en détail une série de phé-
nomènes politiques (l’État, le pouvoir, le gouvernement, etc.), en appliquant la
démarche scientifique que nous avons décrite ici.
Questions
1) Que recouvre le qualificatif « politique » ? À partir de quel moment une question
ou un phénomène devient-il politique ?
2) En quoi consiste la différenciation entre le, la, un et les politique(s) ?
3) Quels sont les critères en vertu desquels la démarche politologique est qualifiée
de scientifique ?
4) Quelles sont les principales étapes de l’institutionnalisation de la science poli-
tique ?
5) Quelles sont les trois grandes perspectives théoriques qui traversent l’ensemble des
études politologiques ? En quoi se différencient-elles ?
Bibliographie
RÉFÉRENCES DE BASE
• Cantelli F., Paye O. (2004), « Star Academy : un objet pour la science politique ? »,
in Y. Cartuyvels (dir.), Star Academy : un objet pour les sciences humaines, Bruxelles,
Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, pp. 65-89.
• de Bruyne P. (1995), La décision politique, Louvain – Paris, Peeters.
• Favre P., Legavre J.-B. (dir.) (1998), Enseigner la science politique, Paris, L’Harmattan.
• Lagroye J. (2003), La politisation, Paris, Belin, coll. « Socio-Histoires ».
• Sfez L. (dir.) (2002), Science politique et interdisciplinarité, Paris, Publications de la Sorbonne.
64
Index des personnes
A C
Albert II (Roi) 239, 304 Calvin, J. 228
Alexander, J. 135 Campbell, D. 78
Alexandre le Grand (Roi) 235 Castoriadis, C. 30, 194, 358
Almond, G. A. 133-134, 136, 145-149, Castro, F. 268
150, 154, 156-158, 317-318 Charlemagne (Roi) 238
Anne (Reine) 240 Charles le Chauve (Roi) 238
Arendt, H. 84, 140, 261-262 Chavez, H. 20
Aristote 29-30, 44, 68, 89, 226-229, 231- Chevrier, E. 43
232, 268 Chirac, J. 248
Aron, R. 71, 195, 260 Churchill, W. 268
Austin, J. L. 76 Cicéron 227
Clegg, S. 69, 82
B Coleman, J. S. 133-134, 136, 145-150, 154,
156-158, 317-318
Bachrach, P. 71-73 Colomy, P. 135
Badie, B. 55, 102, 114 Comte, A. 44-45
Bailey, K. D. 136 Crozier, M. 35
Balladur, É. 248
Baratz, M. S. 71-73 D
Barber, B. 233
Dahl, R. A. 69-73, 157, 233, 353
Barnett, M. 73
Davies, A. 49
Bartolini, S. 160-161
de Bruyne, P. 30, 285
Baubérot, J. 171
De Gaulle (Général) 241, 247
Baudouin (Roi) 178, 239, 293 de Jouvenel, B. 66
Beetham, D. 69, 91-92 De Rosas, J. M. 259
Beke, W. 249 De Wever, B. 249
Bentham, J. 36, 78 Debrix, F. 79
Bentley, A. 50, 344, 353 Dewinter, L. 160
Berg-Schlosser, D. 55 Di Rupo, E. 213, 246, 249
Bierstedt, R. 85 Dollfuss, E. 264
Bobbio, N. 186, 201, 205-207, 213, 337 Donzelot, J. 36, 204
Bodin, J. 44, 83 Dumont, P. 160
Bokassa, J.-B. 267 Durkheim, É. 63, 114, 134, 137, 199, 265
Bonaparte, L.-N. 266 Duvalier, F. 259
Boulding, K. E. 85, 139 Duvall, R. 73
Bourdieu, P. 30, 74-77, 146 Duverger, M. 231-232, 242, 247, 252, 255,
Braud, P. 44, 70, 82, 345-346 261, 294, 324-326, 339-340, 350
Buckley, W. 135-136 Dye, T. R. 33
415
Fondements de science politique
E Jones, C. 34
Jospin, L. 248
Easton, D. 34, 87, 89, 118, 133-134, 138, Jowett, G. S. 88
146, 150-153, 158
Edkins, J. 78 K
Édouard VII (Roi) 242
Kable, J. 86
Eisenstadt, S. 258, 264, 267
Kaplan, A. 66
Engels, F. 74, 196-197, 266
Katz, R. 324, 328, 330-331, 333-335, 337
Ericsson, R. 80
Khomeiny 96, 223, 262, 268
Esquirou de Parieu, M.-L. 43
Kirchheimer, O. 181, 324, 326-327
F Kitschelt, H. 181, 315
Knoepfel, P. 34
Fishkin, J. 233 Kuhn, T. 51
Flahaut, A. 249
Foucault, M. 35, 78-81, 110 L
Fraenkel, E. 233 La Palombara, J. 311-312, 314
Franco, F. 264 Ladrière, J. 59
Friedberg, E. 35 Lagroye, J. 38
Fukuyama, F. 36 Lapierre, J. W. 133-134, 154-158
Lasswell, H. D. 33, 66
G Lavau, G. 189, 315, 319
George V (Roi) 242 Lefort, C. 30, 194, 263
Giddens, A. 74, 82, 117 Lénine, V. I. 40, 196, 268
Gosnell, H. 52 Lijphart, A. 177, 244, 250
Gramsci, A. 77 Lincoln, A. 232
Grotius, H. 44 Lipset, S. M. 22, 89, 159-162, 165-171,
Guillaume III (Roi) 240 176, 178, 180-181, 187-191
Gunnell, J. 51, 53 Locke, J. 44, 209, 233
Lopez de Santa Anna, A. 259
H Lorwin, V. R. 59
Lothaire (Roi) 238
Habermas, J. 233, 365
Louis le Germanique (Roi) 238
Haggerty, K. 80
Lukes, S. 73-74
Haugaard, M. 69, 82
Hempel, C. G. 135 M
Hitler, A. 35, 187, 261, 267, 319
Hobbes, T. 44, 54, 67 Mabille, X. 59, 118
Hunter, F. 71, 73 Machiavel, N. 44, 62, 66-67, 91, 228
Magnette, P. 246
I Mair, P. 160, 249, 324, 328, 330, 333-335,
337, 340
Inglehart, R. 183-185 Malinowski, B. 135
Manin, B. 253-255, 272, 294, 326, 328
J
Mao 261, 267
Jacques II (Roi) 240 Marshall, G. 125
Janda, K. 323 Martindale, D. 135
Janet, P. 43 Marx, K. 36, 63, 74, 134, 193, 196, 197-
Janus 126, 231-232 199, 211, 213, 220, 262, 266, 268
Jean sans Terre (Roi) 239 Maslow, A. 185
Jobert, B. 61 Merkl, P. 316
416
Index des personnes
Merriam, C. 52 R
Merton, R. K. 146, 149-150, 315-316
Meynaud, J. 59, 343 Radcliffe-Brown, A. R. 135
Michels, R. 50, 233, 322 Reynders, D. 249
Milgram, S. 48, 90-91 Rocher, G. 145
Mill, J. S. 233 Rokkan, S. 22, 56, 116, 159-162, 164-171,
Miller, D. 221 175-176, 178, 180-181, 187-191
Mills, W. C. 71, 73, 137, 140 Rousseau, J.-J. 43-44, 54, 228-229, 233,
Mitchell, W. 145 365
Mitterrand, F. 248, 298
S
Mobutu 267
Mohamed (Prophète) 267 Salazar, A. O. 264
Montesquieu (de), C. 44, 227-229, 233- Schmitter, P. 264, 353
234, 239, 270 Scott, J. 70-71, 73
Morlino, L. 55 Seiler, D. L. 162, 167, 188, 236, 238, 242-
Morse, C. 143 243, 313-314
Mosca, G. 50 Siegfried, A. 50, 372
Muller, P. 61, 248 Socrate 36-37, 101, 236
Mussolini, B. 261, 267 Sorokin, P. 137
Spencer, H. 137
N Staline, J. 35, 91, 261
Napoléon Ier 266 Stepan, A. 266
Napoléon III 266 Sztompka, P. 135
Nye, J. S. 85-86
T
O
Tocqueville (de), A. 44, 54, 233, 255
O’Donnell, G. 264 Trujillo, R. L. 259
O’Donnell, V. 86, 88
Orwell, G. 261 V
Ostrogorski, M. 50, 322
Vande Lanotte, J. 249
P Vargas, G. 264
Varone, F. 34
Padioleau, J.-G. 61 Verba, S. 146
Pareto, V. 50, 136-137 Von Bertalanffy, L. 137, 139
Parsons, T. 67, 133-146, 149, 158, 162,
166, 168, 191 W
Pateman, C. 233
Périclès 235 Weber, M. 28-29, 45-46, 50, 70, 82-83, 89,
Perin, F. 59 92, 97-102, 111, 113-114, 132, 258,
Perón, J. 264 261, 264, 302, 311
Pétain (Maréchal) 266 Weiner, M. 311-312, 314
Philippe (Roi) 239 Wolin, S. 66
Pieters, D. 249 Wright, W. 324, 350
Platon 36, 44, 66, 101, 226 Wrong, D. H. 85
Poulantzas, N. 74-75, 77
Primo de Rivera, M. 264
417
Index des notions
B Centrisation 330
Champ 30, 76
Belgique 38-39, 55, 76, 87, 92, 97, 102- – de forces 75
103, 105-106, 108-109, 114, 118- – social 76
122, 126, 129, 149, 157, 166-167, Charbonneau (Commission) 87
170-180, 183, 185, 187, 189-190, Charisme 92, 99, 181, 261, 315
230, 234, 239, 249, 251, 273, 275, Chasse, pêche, nature et tradition (CPNT)
277, 278-279, 282-283, 286, 292, 174
298-299, 310, 319, 327, 341, 380 Chef 112
– belgo-belge 20 – de gouvernement 241-242, 245-247,
– flamand 178 299
– francophone 19, 57, 166, 173, 178, – de l’État 201, 238, 241-242, 244-248,
186, 379 292-293, 299
Benelux 243 Chiite 251
Bicaméralisme 245, 271, 274-275 Chine maoïste 261
Big brother 261 Chose publique 30, 103, 227, 231
Bill of rights 113, 234, 239-240 Christen Democraten en Vlaams (CD&V)
Bloc de l’Est 109, 125, 213, 233, 259, 295 166, 310, 326, 336
Bloc québécois 312 Christianisme 214
Boîte noire 52, 151, 154-158, 310 Cinquième République 232, 241, 247
Bourgeoisie 167, 178, 264 Cité-État 112, 115, 226
Brésil 61, 110, 264 Citoyen 40, 103-106, 221, 229-230, 246,
Bureau 321 357-388
– du Parlement 285-286 Classe (sociale) 134, 175, 189, 198, 217, 245
Bureaucratie 99, 101-102, 113, 125, 256, Classemoyennisation 251, 327
302 Classifications 186, 203-206, 298
Cléricalisme 172
C
Clientélisme 181, 265, 315, 352, 355
Caciquisme 259, 264 Clivage 25, 93, 159-191, 339
Cadres 113, 118, 124-125, 127, 129, 144, – capital-travail 163, 166, 168, 170, 174,
161-162, 191, 230 176, 180-181, 188
– d’analyse 19, 167-169, 176, 182, 188- – centre-périphérie 166, 168, 170, 172,
189 176, 179, 181, 189
– terminologiques 20 – communautaire 172-173, 180
Calvinisme 228 – Église-État 163, 168, 170, 175-176,
Cambodge 261 179-181
Canada 20, 105, 124, 129, 230, 273-274, – gauche/droite 174, 203, 206
298, 312 – philosophico-religieux 170, 172, 178, 180
Capacitaire 230 – politique 66, 192
Capital 69, 76, 211 – social 168
Capitalisme 197-198, 202, 205, 210, 212- – urbain-rural 163, 168, 170, 174, 176-
213, 261 177, 181, 183
Cartellisation 324, 329-330, 337, 339 Coalition 110, 204, 248-250
Catalogne 104, 121, 179 – gouvernementale 165, 174, 190, 239,
Catholique 163, 171, 178-179, 373 242-243, 248-249, 298-299, 339
Caudillisme 259, 264 – minimale gagnante (voir minimal
Centralisation 111-113, 115, 118, 125 winning coalition)
Centre démocrate humaniste (cdH) 166, Coercition 77, 82-85, 98, 112, 115, 146,
185, 337, 379 156, 221, 259
420
Index des notions
I L
Idéal-typique 40, 62, 92, 99, 101, 105-106, Laïcisation 171-172, 235
116, 122, 234, 259, 302, 324, 331 Langue 105
Identitarisme 186 Leadership 53, 302, 304
Identité 168, 170-172, 174, 176, 181, 187 Législatif (pouvoir) 242-243, 270
– politique 166, 177 Légitimité 68, 89-92, 99-100, 153, 199, 219
– sociale 181 – charismatique 92
Idéologie d’État 197, 202-203, 267-268 – primaire 292
Immunité de fonction 241 – rationnelle-légale 92
Impeachment 241 – traditionnelle 92
Individualisme 209, 211, 251 Liban 128, 177, 251
Influence (pouvoir d’) 70 Libéralisme 127, 208-210, 214, 266
Infranational 229 Libertas 187
Ingénierie électorale 328 Libertés
Initiative populaire 40, 190, 253 – civiles 262
Institutionnel (réforme) 278, 286 – politiques 262
Intégration sociale 30, 316 Liberticide 236, 257
Interactions 74, 135, 137, 145, 151, 156, Liège 57, 250
271, 295, 308, 338 Lijst De Decker (LDD) 190
Intérêt général 119, 227-228, 231, 290, Limites territoriales 320
310, 365 Lisbonne 187
Intériorité 310 Lobbying 290, 343
Intermédiaires (groupes/cadres) 160, 334, Lotharingie 236-238
337 Luxembourg 190, 250, 273, 282
Internationales de partis 320
Internationalisme 182, 214 M
Internet 366
Macédoine 226
Irak baathiste 267
Macro (niveau) 24, 38, 163, 178, 303, 355
Irlande du Nord 104, 177-178
Magna Carta 113, 126, 234, 239
Irresponsabilité (politique) 241
Majorité 229, 287
Isonomie 230
Majorité-opposition 256
Italie 88, 122, 129, 174, 176, 238, 243,
267, 282 Manipulation 85, 88, 196-197, 199
Italie fasciste 261 Marchandisation 202, 257
Maroc 97
J Maronite 251
Marxiste-léniniste 196, 260
Jordanie 267 Mass media 82, 88, 328
Journalisme (politique) 41-42 Matérialisme 183-185
Jugement 288 Mécanismes spéciaux de protection 250
– de fait 46 Meetingpartij 173
– de valeur 46, 348, 361, 367, 385 Méso (niveau) 24, 165, 355
Juges 246 Mexique 110, 259
Juif 261 Micro (niveau) 24, 40, 165, 303, 355
Juridique 92, 96, 100-101, 103, 120, 242, 308 Militant(s) 200, 202, 349
Minimal winning coalition 249, 298
K
Ministre 40, 240-241, 245, 247, 300-302,
Kernkabinet 249 304
Khmers rouges 261 Minorité(s) 103, 229
424
Index des notions
– politique européen 320 Pluralisme 72, 209, 233, 259, 263, 265,
– poujadiste 175 351-354
– régionaliste 166 Plurinational 106
– spécialisé 310, 314 Politeia 29, 227
– unitariste 173 Politikos 28
Parti catholique 166, 171, 176-177, 326, Politique(s) 28-40, 66-69, 124, 134, 231-232
335-336 – belge 241, 249
Parti communiste chinois (PCC) 309, 322 – publique(s) 33-34, 127, 290, 302
Parti communiste de l’Union soviétique Politisation 38-40, 115
(PCUS) 109, 196, 260 Politiste 19
Parti communiste français (PCF) 175, 189, Politologie 19, 28, 57-58, 80, 115, 123,
319 177, 311, 316, 361
Parti conservateur 176, 310, 340 Populisme 190-191, 227, 257, 365, 383
Parti de la liberté et de la justice 172 Portugal 125, 264
Parti de la liberté et du progrès (PLP) 180 Positionnement 176, 183, 205, 337
Parti de la lumière 172 Possédants 116, 174, 181
Parti démocrate 166, 174, 176 Post-Guerre froide (ère) 233
Parti des automobilistes 184 Post-matérialisme 183-185, 218, 257
Parti du Rassemblement modéré Poujadisme 243
(Moderata) 175 Pouvoir(s) 25, 28-30, 65-93, 201, 227-228,
Parti fédéraliste 173 231-232, 235, 239, 259-260, 263, 271
Parti libéral 166, 171, 180, 205, 336, 340 – approche institutionnaliste 69
Parti ouvrier belge (POB) 166, 175-176, – approche interactionniste 69
326, 335-336 – approche substantialiste 69
Parti populaire autrichien (ÖVP) 172 – dimension discursive 78
Parti réformateur libéral (PRL) 173, 327 – dimension rationaliste 70
Parti social-chrétien (PSC) 185, 327 – dimension structurelle 73
Parti socialiste (PS) 166, 336 – judiciaire 126, 288
Parti travailliste 166, 170, 175-176, 340 – spéciaux 255
Particratie / partitocratie 243-244 – symbolique 76, 299
Patronat 266, 356 Premier ministre 241-242, 245-247, 300
Pays Première Guerre mondiale 29, 52, 84, 107,
– « sous-développés » 258 173-174, 217
– du Sud 258 Premières nations 229
– en voie de développement 174, 258 Prémoderne 232
Pays-Bas 105, 123, 177, 238, 250, 273, Président 240-241, 245-247, 293, 299
298 Privatisation 130, 205
Pays-Bas autrichiens 238 Procès Eichmann 90
Péronisme 264 Processus de civilisation 80-81
Persuasion 85-89, 200, 263 Productivisme 183
Pétro-monarchie 267 Propagande 85-89, 259
Phénomènes politiques 24, 28, 40-42, 44- Protestant 163, 373
45, 134, 202 Protocole 239
Philosophie politique 207, 230-231 Provinces-Unies 238
Pilarisation 177-178, 250, 336
Q
Pilier 177, 250
– catholique 250 Qualunquisme 243
– libéral 250 Québec 87, 298
– socialiste 250 Question royale 178
426
Index des notions
R Renaissance 193-194
Répertoire d’action 81, 350, 355, 383
Race 105 Représentatif / représentative 232
Rassemblement wallon (RW) 166, 173 Représentation (parlementaire) 240, 271,
Réalignement 180 277
Reconnaissance internationale 102 Représentation systémique 155, 309
Recrutement (politique) 147, 317 Républicanisme 233
Référendum 252-253, 257, 365, 367 République centrafricaine 267
Réflexivité 22 République démocratique allemande (RDA)
Réforme 233
– institutionnelle 251, 273, 286 République dominicaine 259
– sociale 116 Réputation 71, 82
Régime Réseau libre 180
– autoritaire 186, 202, 233, 262-263 Responsabilité politique 246
– autoritaire patrimonal 258 Rétroaction (boucle de) 140, 154
– bonarpartiste 264, 266 Rétrocession 156, 329
– bureaucratico-militaire 264 Révolution
– consociationnel 251-252 – états-unienne (voir Révolution
– d’assemblée 252 américaine)
– de Cabinet 242 Révolution 163, 167, 182
– de concordance 252 – américaine 196, 234, 240
– de démocratie raciale 267 – anglaise 126, 196, 240, 271
– de la Terreur 240 – bolchévique 163, 175, 188, 196
– démocratique 35, 68, 153, 202, 232 – culturelle (Chine) 261
– d’étatisme organique 265 – française 118, 163, 196, 204, 211, 214,
– développementaliste post-colonial 266 234, 240, 289
– directorial 252 – industrielle 116, 162-163, 166-167,
– néo-corporatiste 310 170, 174, 183, 188, 210, 212, 214
– néo-patrimonialiste 267 – nationale 162-163, 166-167, 170, 172,
– non démocratique 257 272, 289-290
– non démocratique moderne 259 Roi 106, 112, 125, 238, 240, 245, 292
– non démocratique traditionnel 258 Rome antique (voir aussi Antiquité romaine)
– oligarchique clientéliste 264 258, 319
– parlementaire 247 Royaume-Uni 106-107, 114, 122, 125-126,
– partitocratique 308 128-129, 175-176, 187, 242-243,
– politique 25, 100, 102, 206, 225, 272, 360 271, 273, 288, 293, 382
– présidentiel 240, 246, 293
– représentatif majoritaire 244 S
– représentatif proportionnel 248 Saint-Empire romain germanique 123,
– semi-présidentiel 241, 247, 293 236-238
– sultanique 258 Savoir scientifique 41
– totalitaire 35, 202, 233, 259 Scandinavie 177
Régionalisation 120 Science(s) 195-197
Régulation 187 – état de l’art 22, 49
– politique 256 – humaines et sociales 42, 199
– publique 328 – politiques 19-20, 27, 295
Religion 105, 195, 198 Scrutin électoral 263, 279-284, 313, 374,
– nationale 163 377
– supra-nationale 163 Second Empire 266
427
Fondements de science politique
429
Table des matières
Sommaire 9
Liste des acronymes 11
Avant-propos 19
1 Origine et motivations 19
2 Choix éditoriaux 21
3 Plan du manuel 24
Chapitre 2 Le pouvoir 65
1 Pouvoir et politique 66
2 Trois dimensions du pouvoir 69
2.1 La dimension rationaliste 70
2.1.1 L’école élitiste 71
2.1.2 L’école pluraliste 72
2.1.3 De la décision à la non-décision 72
2.2 La dimension structurelle 73
2.3 La dimension discursive 78
3 Les ressources du pouvoir 81
3.1 La contrainte et la force 82
3.2 La persuasion et la propagande 85
4 La légitimité 89
4.1 Comment définir un concept aussi riche que celui de légitimité ? 89
4.2 Les effets d’un concept comme celui de légitimité 91
4.3 La célèbre typologie de Max Weber relative à la légitimité 92
Questions 93
Bibliographie 93
432
Table des matières
Chapitre 3 L’État 95
1 Le concept wébérien d’État 97
1.1 Les éléments matériels de la définition 98
1.2 La dimension de légitimité 99
1.3 Autorité constituée, État de droit et démocratie 100
1.4 Autorité bureaucratique, technocratie et démocratie 101
1.5 Légitimité démocratique et légitimité internationale d’un État 102
2 La théorie des trois critères ou les composantes de l’État 103
2.1 La population de l’État : citoyenneté, nation, minorités 103
2.2 Le territoire de l’État : un espace pour le définir 107
2.3 Le gouvernement : l’exercice d’un pouvoir de coercition effectif 109
3 Les formes historiques de l’État 111
3.1 L’évolution historique : de sociétés sans État vers
des sociétés étatiques 111
3.2 La centralisation institutionnelle : caractéristiques
des sociétés avec État 113
3.3 L’évolution des rapports socio-économiques et politiques :
État-gendarme, État-social, État social actif 115
4 Les formes d’organisation interne de l’État 117
4.1 L’État unitaire centralisé 118
4.2 L’État unitaire décentralisé 118
4.3 L’État décentralisé ou fédéral 119
4.4 Séparatisme et confédéralisme : éviter les pièges conceptuels 121
4.5 Les modes de coordination internationale des États 123
5 Les missions historiques de l’État et la mutation
de ses fonctions contemporaines 125
5.1 Les principales missions étatiques 126
5.2 Les fonctions de l’État dans un contexte de mutation 127
6 Les jeux d’échelles 131
Questions 132
Bibliographie 132
Questions 223
Bibliographie 224
440
“Un homme, une voix”
À quand remonte le suffrage universel, incluant également
les femmes ? Pourquoi y a-t-il un grand nombre de partis
avec un poids significatif en Belgique contre principale-
ment deux sur le plan fédéral aux États-Unis ? Quelle diffé-
rence y a-t-il entre le socialisme et le communisme ? Entre
un régime démocratique et un régime autoritaire, voire
totalitaire ?
Souvent perçue comme jeu de stratégie ou conquête
du pouvoir, parfois associée à des scandales et affaires de
corruption, la politique est pourtant principalement l’art
d’organiser le « vivre ensemble ». Cet ouvrage se veut une
boussole pour pénétrer la jungle politique, un décodeur
permettant de ne pas subir les événements sans les com-
prendre.
Fruit de la rédaction collective de six auteurs animés
par un souci pédagogique fort, ce manuel entend être
un véritable outil pour faire comprendre les phénomènes
politiques qui nous entourent. Destiné à un public franco-
phone, ses illustrations vont cependant bien au-delà de
l’aire belge, française, suisse ou canadienne. Chaque cha-
pitre peut être consulté de façon autonome, par des pu-
blics issus d’études et de niveaux différents. De nombreux
encadrés thématiques, des orientations bibliographiques
et un index enrichissent le propos.
Pour les étudiants, pour qui il constituera un ouvrage de référence tout au long de
leur cursus grâce à son caractère synthétique et progressif.
Pour les citoyens, pour qui il représentera une ressource pour mieux comprendre
le monde et l’actualité politiques.
INSCPO
ISBN : 978-2-8041-7072-1
www.deboeck.fr