16 Amines
16 Amines
Introduction
Classe
Les amines sont des composés azotés qui dérivent formellement de l'ammoniac NH3 par remplacement d'un ou plusieurs atomes
d'hydrogène par des groupes carbonés. Le nombre n des atomes d’hydrogène liés à l'azote, définit la classe de l’amine. Leur
découverte est due au chimiste allemand Wurtz en 1849.
n 2 1 0
Classe primaire secondaire tertiaire
On notera la différence entre la définition de la classe des amines et celle des alcools pour lesquels on s’intéresse aux atomes
d’hydrogène liés à l’atome de carbone fonctionnel. La fonction amine recouvre un ensemble très étendu de composés. On distingue
plusieurs séries :
• Acyclique : l'atome d'azote est relié à un ou plusieurs groupes alkyles. Exemple : la méthylamine CH3NH2.
• Alicyclique : l'atome d'azote est lié à un cycle non aromatique. Exemple : la cyclohexylamine.
• Aromatique : l'atome d'azote est lié à un cycle aromatique. Exemple : la phénylamine ou aniline.
• Hétérocyclique : l'atome d'azote est engagé dans un cycle qui peut être ou non aromatique. Exemples :
pyridine pipéridine
Amines acycliques
Les amines acycliques forment des série homologues appartenant aux trois classes. Les amines et des diamines simples qui sont assez
volatiles possèdent une odeur souvent nauséabonde. Celle de la triméthylamine rappelle le poisson pourri. La pentane-1,5-diamine qui
se forme lors de la décomposition des protéines s'appelle vulgairement cadavérine.
La structure en double hélice de l'ADN (hélice de type B ci-dessous) est assurée grâce à l'appariement de paires de bases par
l'intermédiaire de liaisons hydrogène. Adénine-thymine d'une part guanine-cytosine d'autre part. Le schéma ci-dessous représente
l'appariement de "type Watson et Crick." La tautomérie céto-énolique (thymine) ou la tautomérie imine-énamine (adénine), jouent un
rôle important. En effet, selon les tautomères, les bases peuvent former des liaisons H différentes.
James Watson, Francis Crick ont proposé la structure en double hélice de l'ADN dans un célèbre article de la
revue Nature en 1953 [47]. Leur argumentation s'appuyait notamment sur les travaux de diffraction aux rayons
X de Maurice H. F. Wilkins et Rosalind Elsie Franklin (King's College , Londres.) [39]. Watson, Crick et
Wilkins ont obtenu le prix Nobel de physiologie et médecine en 1962. [30]. Compléments sur les propriétés
physico-chimiques de l'ADN [22]. (photographie G. D. 2011.)
Alcaloïdes
Les molécules hétérocycliques, azotées, d'origine naturelle s'appellent alcaloïdes en raison de leurs propriétés basiques. Ils possèdent
généralement une activité biologique marquée. Donnons quelques exemples d'alcaloïdes.
• La caféine (C) peut être extraite du café et du thé [2] et [5]. La théobromine (T) est contenue dans le cacao.
• La quinine, présente dans l'écorce de quinquina, a été le premier médicament réellement efficace contre le paludisme.
Malheureusement la toxicité du composé limite son champ thérapeutique. On le réserve dans le traitement de certaines formes
aigües qui résistent aux autres antimalariques.
La première synthèse formelle de la quinine a été publiée en 1944 par R. B. Woodward et W. Doering. Elle conduisait en réalité
à la quinotoxine. Mais Woodward et Doering se sont appuyés sur les travaux de Rabe et Kindler qui avaient montré en 1918 la
possibilité de passer de la quinotoxine à la quinine en trois étapes. La faisabilité de cette synthèse a été l'objet de controverses,
le point faible étant le travail antérieur de Rabe non reproduit par Woodward. Ce n'est qu'en 2006 que ce débat a été
définitivement tranché [36].
Plusieurs synthèses totales de la quinine ont été publiées : Stork (2001), Jacobsen (2004), Kobayashi (2004). Les grandes lignes
de ces synthèses sont données à la référence : [35].
Remarque : la quinine possède la propriété d'être fluorescente sous l'action d'un rayonnement UV de longueur d'onde voisine de
350 nm. La fluorescence s'effectue dans le visible aux alentours de 450 nm. Cette propriété permet son dosage [44].
Le professeur R. B. Woodward (Université de Harvard) est considéré comme l'un des chimistes organiciens les plus brillants du
20 ème siècle. Le prix Nobel de chimie lui a été attribué en 1965 pour l'ensemble de ses travaux de synthèse organique et
notamment la synthèse totale de nombreux composés complexes d'origine naturelle. Parmi les nombreuses anecdotes qui
émaillent la carrière de ce chimiste hors du commun, signalons simplement qu'il conçut les grandes lignes de la synthèse de la
quinine alors qu'il était encore jeune élève au lycée. R. B. Woodward est décédé en 1979 [21], [25].
• Certains alcaloïdes sont des poisons violents. La strychnine et la brucine sont présentes à l'état naturel dans la noix vomique.
Elles ont été utilisées comme poison de flèche. L' acide lysergique et ses dérivés sont des composés très toxiques produits par
l'ergot de seigle. La coniine est un dérivé de la pipéridine.
• La strychnine et la brucine sont des amines tertiaires chirales. Elles peuvent être obtenues assez facilement sous forme
énantiopure. C'est la raison pour laquelle ont les utilise comme agents résolvants ou comme auxiliaire chiral dans certaines
synthèses asymétriques.
• La dihydroquinine (DHQ) et la dihydroquinidine (DHQD) entrent dans la composition de catalyseurs asymétriques permettant
la dihydroxylation énantiosélective des doubles liaisons éthyléniques, réaction mise au point par K. B. Sharpless en 1987.
• La spartéine, un alcaloïde présent à l'état naturel dans le lupin blanc, constitue un ligand chiral dans les réactions de
déprotonation énantiosélectives par des organolithiens.
• Par hydrolyse des alcaloïdes, on obtient souvent des molécules plus simples. L'hydrolyse de l'atropine, composé existant dans
certaines plantes de la famille des solanacées fournit le tropan-3-ol, achiral (composé méso) et le mélange racémique des acides
tropiques (3-hydroxy-2-phénylpropanoïques.)
• De nombreuses toxines possèdent dans leur molécule une ou plusieurs fonctions amine. La tétrodotoxine est présente à l'état
naturel chez plusieurs animaux et notamment dans le poisson tétrodon. Les cuisiniers japonais doivent être titulaire d'un
diplôme spécial pour préparer ce plat très apprécié au pays du Soleil levant mais qui provoque plusieurs intoxications mortelles
chaque année. C'est en effet l'un des poisons les plus violents connus. Sa structure a été déterminée conjointement par R. B.
Woodward et T. Kishi en 1965. Une monographie consacrée à cette molécule se trouve à la référence [15].
• La morphine est l'un des antalgiques les plus puissants connus.
Ethylamine
Aniline
Nomenclature
La méthode qui consiste à considérer une amine comme un dérivé substitué du nitrure d'hydrogène correspondant, appelé azane
(l'ammoniac NH3 est l'azane le plus simple), n'est presque jamais employée [40].
Nomenclature radico-fonctionnelle
• Amines primaires
On ajoute la terminaison amine au nom du groupe lié à l'atome d'azote. L'atome de carbone lié à l'azote porte le numéro 1.
propylamine 3-méthyl-1-butylamine 3-méthyl-1-phénylamine
On distingue les molécules symétriques et celles qui ne le sont pas. Les composés symétriques sont nommés en faisant précéder le
nom du groupe par un préfixe di, tri etc.
diéthylamine diphénylamine
Les composés non symétriques sont nommés comme des amines primaires substituées sur l'atome d'azote. Le groupe le plus long ou
le plus complexe est choisi pour constituer le nom de l'amine primaire. Les autres, précédés de la lettre N, sont énoncés dans l'ordre
alphabétique.
N-méthyl-2-méthylpropylamine N, N-diméthylphénylamine
• Amines hétérocycliques
azacyclohexane 1-azacyclopenta-2,4-diène
Beaucoup d'amines, notamment les amines hétérocycliques possèdent des noms usuels consacrés par l'usage : la phénylamine est
appelée couramment aniline. Le 1-aza-cyclopenta-2,4-diène est appelé pyrrole.
Nomenclature substitutive
hexan-3-amine hexane-1,6-diamine
Lorsqu'il n'est pas prioritaire, le groupement NH2 est désigné par amino.
La pyridine et le pyrrole sont des amines hétérocycliques aromatiques citées dans le chapitre sur les composés aromatiques.
Propriétés physiques
Température de changement d'état
Les propriétés physiques sont influencées par l'existence de liaisons hydrogène qui possèdent toutefois une intensité moindre que chez
les alcools de masse molaire comparable car l'atome d'azote est moins électronégatif que l'atome d'oxygène. Les amines de faible
masse molaire sont miscibles à l'eau.
Structure
L'atome d'azote est au sommet d'une pyramide y compris dans l'aniline ce qui est conforme aux prévisions de la méthode VSEPR.
L'angle a entre les liaisons est tel que a < 109° du fait de la présence du doublet non liant.
Dans la plupart des cas, la structure n'est pas rigide. La barrière énergétique séparant les configurations est généralement faible et la
fréquence d'interconversion est très élevée.
E (kJ.mol-1) n (MHz)
30 103
La hauteur de la barrière d'interconversion peut être déterminée en utilisant la spectroscopie de RMN lorsque la molécule possède des
atomes d'hydrogène diastéréotopiques qui s'interconvertissent lors du phénomène d'inversion comme dans la dibenzylméthylamine.
L'inversion de l'azote peut être impossible pour des raisons structurales. Lorsque la molécule est chirale, les deux énantiomères
peuvent être séparés. Le premier exemple de ce type concerne la base de Tröger. Le mélange racémique des deux énantiomères a été
dédoublé par Prelog et Williams en 1944. Dans cette molécule, la présence d'un système bicyclique interdit la racémisation.
L'inversion peut quelquefois être assez lente pour que les deux énantiomères puissent être identifiés, voire piégés, à condition d'opérer
à une température suffisamment basse. On rencontre ce type de situation dans la famille des aziridines substituées à l'azote.
Les ions ammonium quaternaires peuvent être obtenus à partir des amines grâce à la réaction d'alkylation d'Hofmann. Les
énantiomères peuvent être séparés et isolés.
En revanche, les sels d'amines tertiaires sont indédoublables en raison de l'existence d'un équilibre rapide entre l'amine et l'ion
aminium.
• Amines aromatiques
Le cas des amines aromatiques est plus complexe car des effets stériques et électroniques coexistent. L'atome d'azote de l'aniline est
au sommet d'une pyramide très aplatie. Le doublet non liant de l'atome d'azote de l'aniline est engagé dans la résonance avec le cycle
aromatique comme en témoigne le sens du moment dipolaire qui est dirigé du cycle vers l'atome d'azote et la valeur de l'énergie de
résonance de la molécule.
ER (kJ.mol-1) m (D)
172 1,56
On peut rendre compte de la structure électronique de l'aniline à partir des formes mésomères suivantes :
Spectroscopie
Spectroscopie infrarouge
La spectroscopie infrarouge constitue une méthode de choix pour l'identification des structures azotées. Les amines primaires et
secondaires peuvent en général être distinguées car elles possèdent des spectres assez caractéristiques.
• Amines primaires
Rappelons que chez les alcools la vibration d'élongation de la liaison O-H est :
s (O-H) = 3600 cm-1.
La fréquence d'absorption de la liaison C-N de l'aniline apparaît vers s (C-N) = 1300 cm-1 ce qui traduit un renforcement de la
liaison dû à la participation à la résonance du doublet de l'azote.
On observe un doublet chez les amines primaires qui est dû au couplage entre les deux vibrateurs N-H. Les vibrations peuvent être
symétriques ou non symétriques.
• Amines secondaires
Spectroscopie de RMN
Voici un tableau présentant les déplacements chimiques les plus importants du proton lié à l'azote. On a fait figurer les amides dans le
tableau à titre de comparaison.
Comme chez les alcools, le proton lié à l'azote est mobile. L'ajout de quelques gouttes d'eau lourde entraîne le déplacement du pic
correspondant.
Un moyen d'identifier les protons liés à l'azote consiste à enregistrer le spectre dans un solvant inerte puis en présence d'acide
trifluoroacétique qui protone l'amine. Le pic du proton lié à l'azote possède un déplacement chimique plus grand dans le cation que
dans l'amine.
Le spectre de RMN de l'isobutylamine est donné ci-dessous à titre d'exemple. Les protons liés à l'azote donnent un signal large pour
un déplacement chimique moyen d = 1,2 ppm (ce déplacement chimique est sujet à variations et il dépend beaucoup des conditions
expérimentales car les protons liés à l'azote sont mobiles.) Le signal large est dû aux associations entre les molécules d'amines qui
entraînent une multiplication du nombre de fréquences pour lesquelles les protons du groupe amino résonnent. Notons que le
couplage entre les protons du groupe amino et les protons du méthylène adjacent n'apparaît pas dans le spectre. Cela est dû au
phénomène d'échange chimique.
Le spectre RMN de l'aniline présente un singulet pour d = 3,2 ppm dû aux atomes d'hydrogène du groupe amino et un massif
complexe centré sur d = 6,5 ppm correspondant aux atomes d'hydrogène du cycle.
Il est intéressant de comparer les spectres du benzène de l'aniline et de l'ion anilinium. Le tableau ci-dessous résume les valeurs des
maximums d'absorption.
Le groupe -NH2 déplace le maximum d'absorption des bandes B et E du cycle aromatique vers les grandes longueurs d'onde (effet
bathochrome) tandis que leur intensité est accrue (effet hyperchrome). Ces effets peuvent être attribués à la conjugaison entre le
doublet de l'azote et le cycle. En revanche, l'ion anilinium dans lequel la résonance a disparu, possède un spectre très comparable à
celui du benzène.
Lorsque la conjugaison s'étend sur un plus grand nombre d'atomes comme dans les composés diazoïques, la longueur d'onde du
maximum d'absorption peut se trouver dans le domaine visible. Le composé est coloré. L'hélianthine est un composé dont la couleur
dépend de l'extension du système conjugué avec le pH.
Propriétés acido-basiques
Basicité
Elle est due au doublet non liant porté par l'atome d'azote. La plupart des amines manifestent des propriétés basiques en solution
aqueuse. La réaction prépondérante avec l'eau peu s'écrire :
Ainsi qu'on le constate sur le tableau ci-dessous, les valeurs numériques de la constante d'acidité Ka pour le couple ion
aminium/amine varient beaucoup d'un couple à l'autre.
Expérimentalement, en solution aqueuse, on constate que les amines acycliques sont plus basiques que l'ammoniac. Plus précisément,
on observe l'ordre suivant des basicités :
Cet ordre n'est pas facile à rationaliser car les écarts observés ont une faible amplitude. Plusieurs effets possédant le même ordre de
grandeur se superposent : électroniques, stériques, et surtout solvatation.
En série cyclique, la situation est plus compliquée. Ainsi, l'aniline est 100 000 fois moins basique que la cyclohexylamine : pKa
(CyNH3+/CyNH2) = 9,6 ; pKa (PhNH3+/PhNH2) = 4,6. On interprète habituellement ce résultat par le fait que le doublet non liant de
l'aniline est moins disponible dans cette amine aromatique que dans la cyclohexylamine du fait de la délocalisation électronique dans
le premier cas. Cependant, cet effet n'est pas isolé ; la solvatation joue aussi un rôle important.
Le cas des amines hétérocycliques aromatiques est aussi un sujet délicat.
• Dans la pyridine, le doublet de l'azote n'est pas impliqué dans le système aromatique. La pyridine est basique.
• En revanche, dans le pyrrole, le doublet participe à la conjugaison au sein d'un cycle aromatique. Le pyrrole ne manifeste pas de
propriétés basiques.
La basicité intrinsèque, peut être déterminée en phase gazeuse en utilisant les techniques de résonance cyclotronique ionique. Elle
peut être très différente de celle observée en présence d'un solvant. J. I. Brauman a montré dans les années 70 que la basicité
intrinsèque des amines croit régulièrement avec le degré de substitution de l'azote. Il est amusant de constater que des mesures
analogues faites sur l'acidité des amines montrent qu'elle varie également dans le même sens !
Les amines tertiaires ci-dessous sont fréquemment utilisées pour promouvoir des réactions d'élimination E2. Ce sont des bases
encombrées, non nucléophiles ce qui permet de limiter les réactions de substitution. Dans DBN et DBU, l'un des atomes d'azote forme
un système conjugué avec une cétimine ce qui renforce la basicité.
• DBN et DBU sont utilisées comme base dans de nombreuses réactions comme par exemple la réaction de Wadworth-Emmons
ou encore la réaction de Henry.
La transformation suivante, utilisée dans la synthèse de la cantharidine permet de passer d'un alcène à un diène. L'addition de dibrome
sur la double liaison éthylénique est suivie d'une double réaction d'élimination E2.
Les propriétés basiques des amines se manifestent par la formation de composés ioniques avec l'acide picrique. Ces composés,
facilement cristallisables, peuvent être purifiés aisèment. Ils servent à identifier les amines par repérage de leur température de fusion.
• en milieu aqueux, en présence d'acides forts, on obtient des sels d'aminium solubles dans l'eau ;
• il est possible d'opérer en milieu non aqueux avec des solutions de HCl dissous dans l'éther. Dans ce cas, le chlorhydrate
d'aminium précipite en milieu inorganique.
Amidures
Les amines primaires et secondaires sont des acides de Brönsted très faibles pKa > 30. Contrairement aux alcools qu'on peut
déprotoner, en quantité certes très faible, dans l'eau, la réaction n'est pas envisageable avec les amines. Les amines peuvent être
déprotonées en milieu non aqueux par des bases très fortes telles que le butyllithium nBuLi. On prépare ainsi plusieurs bases lithiées.
Par exemple le diisopropylamidure de lithium (iPr)2N-Li+, noté traditionnellement LDA.
Les bases dérivées de l'hexaméthyldisiliazane sont fréquemment utilisées. Ce dernier peut être préparé en faisant réagir l'ammoniac
avec le chlorure de triméthylsilyle.
L'aptitude du silicium à stabiliser une charge négative en a est bien connue. On prépare ainsi le LHMDS.
Le tableau ci-dessous regoupe quelques bases usuelles. Les bases analogues sodiques et potassiques de LHMDS sont également
utilisées lorsqu'on souhaite éviter la présence du cation lithium. Un exemple est fourni par la réaction de Wittig stéréosélective Z en
présence d'ylures non stabilisés.
On utilise généralement le LDA à basse température, typiquement - 78 °C. Cette base possède plusieurs atouts :
• solubilité en milieu organique, même à basse température dans des solvants comme le THF ;
• grande force (pKa = 36) ;
• nucléophilie très faible du fait de l'encombrement important des groupes isopropyles.
Les bases fortes précédentes sont utilisées dans la préparation d'énolates cinétiques de composés carbonylés. Un exemple est fourni
par la préparation de l'énolate cinétique d'une cétone a-méthylée avant son piégeage sous forme d'éther d'énol silylé.
Une autre méthode pour déprotoner les amines consiste à coupler la réaction acide-base avec la réduction de l'ion H+ grâce à un métal
alcalin.
Signalons que le sodium se dissout dans l'éthylamine liquide pour donner des paires ions-électrons solvatés comme dans l'ammoniac
liquide.
Complexation
Formation de complexes
Les amines sont des bases de Lewis et, à ce titre, forment de nombreux complexes avec les ions métalliques des éléments de
transition. Les amines simples sont des ligands comparables à l'ammoniac. Une diamine comme l'éthylène diamine (diamino-1,2-
éthane, symbolisée par én) possède deux points d'ancrage. C'est un ligand bidente (en anglais : bidentate.) L'augmentation très
importante de la constante de stabilité observée quand on remplace l'ammoniac par l'éthylènediamine trouve son origine dans l'effet
entropique. Dans la réaction de formation du premier complexe, le nombre de particules n'est pas modifié.
En revanche on constate un accroissement du nombre de particules dans la réaction de formation du complexe avec l'éthylènediamine.
La constante de formation du second complexe est beaucoup plus grande dans le second cas. Ce phénomène porte le nom d'effet
chélate (du grec chele : pince, en référence aux ligands polydentes.)
La myoglobine et l'hémoglobine comportent un complexe porphyrine-fer (II) appelé hème dans lequel on trouve quatre unités pyrrole.
La réaction suivante traduit la complexation d'un ion Fe (II) par une porphyrine.
Des complexes organométalliques chiraux tels que Fe (S,S) PDP, ont été mis au point assez récemment (catalyseur de White et Chen).
Ils permettent l'oxydation en alcools de liaisons C-H non activées sur des atomes de carbone tertiaire.
Piv désigne le groupe triméthylacétique (pivalique), un groupe protecteur de la fonction alcool (voir [17]).
Les organométalliques forment des complexes colorés avec l'orthophénantroline et la bisquinoléine ce qui permet d'effectuer leur
dosage par la méthode de Watson et Eastham.
Les organolithiens chélatés par des ligands chiraux comme la spartéine permettent des réactions de déprotonation énantiosélectives.
Cryptands
Les cryptands sont des macrohétérobicycles. On peut les considérer comme des structures prolongeant à trois dimensions celles des
polyéthers macrocycliques de type couronne synthétisés par C. J. Pedersen en 1967. Ils sont capables de former des complexes stables
et sélectifs avec un certain nombre de cations durs tels que les alcalins et alcalino-terreux. Ces complexes sont appelés cryptates.
• La solubilité dans l'eau du sulfate de baryum est multipliée par 10 000 en présence du cryptand [2,2,2].
• Les cryptands sont aussi des agents de transfert de phase. La densité de charge d'un cation camouflé au sein d'un cryptate est
fortement diminuée tandis que le caractère lipophile de l'ensemble est considérablement accru. L'anion associé peut être
véhiculé en phase organique est faiblement lié au cryptate. De ce fait, sa réactivité s'en trouve exaltée. On peut ainsi réaliser des
substitutions en utilisant l'ion fluorure comme nucléophile.
• L'aptitude de certains cryptands à complexer les cations alcalino-terreux a été mise à profit pour extraire le strontium (II)
radioactif d'organismes vivants.
• Signalons pour terminer une réaction remarquable réalisée par J. L. Dye et son équipe de l'Université du Michigan en 1974. En
dissolvant du sodium en présence de cryptand [2,2,2] ces auteurs ont préparé un composé ionique de couleur jaune d'or
contenant l'anion Na- !
L'étude des propriétés des complexes macrocycliques constitue un domaine en plein développement et ouvre la voie à une chimie
dans laquelle la notion de reconnaissance joue un rôle déterminant et qu'on appelle chimie supramoléculaire [18].
Alkylation
Bilan de l'alkylation d'Hofmann
La méthode a priori la plus simple pour alkyler l'atome d'azote d'une amine consiste à la faire réagir avec un dérivé halogéné. Avec
une amine primaire ou secondaire il y a substitution d'un atome H par un groupe alkyle. On obtient donc en principe l'amine
appartenant à la classe immédiatement supérieure. Avec une amine primaire, le bilan théorique s'écrit :
Ces équilibres diminuent le rendement de la réaction en privant l'amine de son caractère nucléophile.
On peut s'affranchir de cette difficulté en utilisant une base peu nucléophile comme l'ion carbonate qui réagit avec les ions H+ formés.
Mécanisme
Il s'agit d'une réaction de substitution utilisant comme substrat le dérivé halogéné et l'amine comme réactif nucléophile. Avec un
substrat primaire ou secondaire la réaction est de type SN2. Les substrats tertiaires sont peu exploitables en raison de la réaction
concurrente d'élimination. L'amine peut en effet jouer le rôle de base.
La perméthylation d'Hofmann ou méthylation exhaustive, consiste à méthyler tous les sites possibles de l'amine. On utilise
l'iodométhane comme agent alkylant. Avec ce substrat, la réaction est facilitée par le caractère d'excellent nucléoguge de l'ion iodure
et il ne peut y avoir d'élimination. De plus, l'iodométhane est liquide à la température ordinaire. En présence d'un excès
d'iodométhane, on obtient l'ion ammonium quaternaire.
La quantité de matière n d'iodométhane nécessaire pour atteindre l'ion ammonium permet de déterminer la classe de l'amine.
n (mol) 3 2 1
Classe d'amine primaire secondaire tertiaire
Par exemple, dans le cas ci-dessous, la réaction nécessite trois équivalents d'iodométhane. On en déduit que l'amine est primaire.
Remarque : la diméthylaniline peut être préparée en utilisant deux moles d'iodométhane pour une mole d'aniline.
D'un point de vue expérimental, il faut se rappeler que l'iodométhane est un agent alkylant très puissant et de ce fait, il est
extrêmement toxique pour l'organisme.
La réaction ci-dessous est extraite de la synthèse de l'acide lysergique (Woodward, 1956 [45]). Elle permet l'introduction d'une chaîne
latérale en a du groupe carbonyle après bromation régiosélective dans cette position.
Alkylation de l'ammoniac
L'alkylation de l'ammoniac constitue une méthode de synthèse des amines primaires. Puisque l'ammoniac est très soluble dans l'eau,
on peut utiliser des solutions aqueuses très concentrées. Le réactif est alors en grand excès par rapport à l'halogénure et la
polyalkylation devient négligeable. La synthèse de la 1-méthyl-2-phényléthylamine illustre cette manière de procéder.
L'atome d'azote d'un amino-acide est suffisamment nucléophile pour déplacer le fluor du dinitrofluorobenzène ou réactif de Sanger.
On peut ainsi déterminer la position de l'amino-acide N-terminal d'une protéine.
Les amines étant d'assez mauvais nucléofuges (à corréler empiriquement à une basicité élevée) la réaction doit être effectuée en
présence d'une base forte à chaud.
L'oxyde d'argent en suspension dans l'eau ou oxyde d'argent "humide", est très utilisé. Son rôle est double :
• C'est un oxyde basique, qui en présence d'eau, est une source d'ions OH- :
• L'ion Ag+ réagit avec avec I- pour donner de l'iodure d'argent AgI très peu soluble, ce qui décolle cet ion de la paire d'ions
formée avec l'ion alkylammonium.
La régiosélectivité de l'élimination suit la règle d'Hofmann. Si deux composés éthyléniques peuvent se former, le composé majoritaire
est celui qui possède la double liaison la moins substituée. Les résultats suivants concernent l’élimination d’Hofmann sur l’iodure de
(1-méthylpropyl)-triméthylammonium. Les diastéréo-isomères Z et E du but-2-ène sont très minoritaires par rapport au but-1-ène.
Plusieurs explications ont été avancées pour expliquer la régiosélectivité de l'élimination d'Hofmann. Dans la théorie de l'état de
transition variable développée par J. F. Bunnett, la formation du composé le moins substitué est à mettre en relation avec le fait que -
NR3 n'est pas un bon nucléofuge. Rappelons à cet égard la règle empirique corrèlant l'aptitude nucléofuge et la basicité. Les amines
ne sont pas des bases très faibles ce sont donc de mauvais nucléofuges.
Le mécanisme de l'élimination est de type bimoléculaire E2 mais se rapproche du mécanisme E1cB dans lequel on observe la
formation d'un carbanion. La régiosélectivité est alors déterminée par l'acidité cinétique de l'atome d'hydrogène porté par l'atome de
carbone en b. C'est l'hydrogène le plus dégagé qui est arraché le plus rapidement par la base conduisant au composé éthylénique le
moins substitué. Mis à part le cas de certaines éliminations sur les dérivés halogénés, la crotonisation des aldols en milieu basique
procède également de ce mécanisme.
Par une suite de méthylations et d'éliminations d'Hofmann on obtient un composé éthylénique (A) dont l'ozonolyse en milieu
réducteur fournit du méthanal et du butanedial. On peut remonter à la structure de l'amine en considérant successivement les réactions
ci-dessous :
• ozonolyse ;
• méthylation ;
• élimination d'Hofmann ;
• méthylation ;
• élimination d'Hofmann ;
L'exemple suivant concerne les deux dernières étapes de la synthèse du barrelène par H. E. Zimmerman (1960).
Utilisation des ions ammonium quaternaires dans les réactions par transfert de phase
Les ions ammonium quaternaires sont des amphiphiles. Ils comportent une partie apolaire et une partie ionique. Cette structure
originale leur permet d'être solubles en milieu aqueux sous forme ionique et d'exister en milieu organique engagés dans des paires
d'ions faiblement liés. Lorsqu'une réaction implique des espèces anioniques, l'une des difficultés est de disposer d'anions
suffisamment réactifs dans la phase organique. Une solution à ce problème consiste à véhiculer les anions dans cette phase grâce à un
contre-ion positif qui partage son affinité entre la phase aqueuse et la phase organique. Ces ions transporteurs sont recyclés au fur et à
mesure de la réaction, c'est pourquoi on parle de catalyse par transfert de phase. Le schéma ci-dessous résume les principaux
équilibres dans le cas d'une réaction de substitution :
La catalyse par transfert de phase a été découverte par le chimiste
polonais M. Makosza en 1965. Elle consiste à réaliser une réaction dans
un milieu diphasé organique / aqueux en présence d'un catalyseur
pouvant se partager entre les deux milieux, comme un ion ammonium
quaternaire R4N+ un éther couronne ou un cryptand. Cet ion peut
véhiculer les anions en phase organique où ils acquièrent une plus
grande réactivité. La réaction peut être réalisée à température assez
basse sans utiliser de solvant dipolaire aprotique.
Un site [14] est spécialement consacré à ce type de catalyse.
Un autre exemple d'utilisation de ce type de catalyse est l'oxydation de l'acétate d'isoeugénol en vaniline.
On peut aussi synthétiser des éthers en milieu biphasé organique/aqueux en utilisant les ions OH- comme base en présence d'un
ammonium quaternaire comme agent de transfert de phase.
Il est possible de réaliser des synthèses énantiosélectives en utilisant des ions ammonium quaternaires chiraux comme le sel de
cinchonidinium suivant obtenu à partir de l'alcaloïde cinchonidine
Dans l'exemple suivant, ce catalyseur est utilisé dans une réaction d'époxydation d'un dérivé de la benzoquinone.
Il s'agit d'une étape d'une synthèse récente d'un antibiotique, la manumycine C. L'excès énantiomérique est supérieur à 99,5 %.
Acylation
Bilan
Il s'agit de la réaction entre une amine primaire ou secondaire et un agent acylant : halogénure d'acyle, anhydride d'acide, acide
carboxylique. Elle fournit un amide. On observe une réaction du même type avec l'ammoniac. La présence d'au moins un atome
d'hydrogène sur l'azote est essentielle. C'est la raison pour laquelle les amines tertiaires ne peuvent être acylées.
Acides carboxyliques
La réaction entre une amine et un acide carboxylique engage l'essentiel des réactifs sous forme de sel d'aminium inerte vis à vis de la
réaction d'acylation puisque cet ion a perdu tout caractère nucléophile.
La réaction n'est donc généralement pas utilisée sauf dans quelques cas particuliers. La synthèse du phtalimide s'apparente à la
réaction précédente mais le composé azoté est l'ammoniac.
Au début du siècle, A. Einhorn a modifié le protocole initial en remplaçant les ions hydroxyde par la pyridine.
Plus récemment W. Steglich et L. M. Litvinenko ont introduit la diméthylaminopyridine (DMAP) qui s'est révélé un catalyseur
extrêmement efficace dans ce genre de réactions.
• addition nucléophile ;
• l’ion acylaminium est ensuite déprotoné par une base comme la pyridine.
Le rôle de la pyridine est double :
Notons que l'acylation des amines tertiaires s'arrête au stade de l'ion acylaminium intermédiaire car il n'y a pas d’atome d’hydrogène
sur l'azote. Les deux étapes sont alors équilibrées. En présence d'un excès d'eau, l'ion redonne l'amine et l'acide carboxylique parent
du chlorure d'acyle.
Il s'agit d'une catalyse nucléophile dont le principe est le même qu'avec la pyridine. La plus grande efficacité de la DMAP par rapport
à cette dernière, peut être interprétée par le fait que l'azote pyridinique possède une charge négative élevée comme en témoignent les
formes mésomères suivantes :
Protection régénération
Les amides peuvent être hydrolysés en milieu acide ou en milieu basique dans des conditions assez dures. La transformation d'un
groupe amino en groupe acétamido constitue un moyen de protection du groupe amino.
Exemple : la synthèse de l'acide amino-3-benzoïque peut être effectuée par oxydation du groupe méthyle de la 3-méthylaniline mais
les amines aromatiques étant très sensibles à l'oxydation, la réaction directe est impraticable. Il faut au préalable effectuer la
protection du groupe amino :
Le groupe est stable vis à vis des bases. La fonction amine est régénérée par hydrolyse acide.
Une préparation plus commode au laboratoire consiste à remplacer l'acide adipique par le chlorure d'acyle correspondant [2]. Un
polyamide voisin est appelé Nylon 6. Il est préparé par polymérisation du caprolactame.
Le nylon est utilisé comme fibre textile ainsi que dans la fabrication de
pièces mécaniques (paliers, engrenages etc.) Parmi les nombreuses
anecdotes concernant l'origine du nom choisi par Carothers, l'une
d'elles probablement apocryphe, est à mettre en relation avec le fait qu'à
l'époque une bonne partie de la soie provenait du Japon. Nylon serait
constitué des premières lettres de la phrase : Now You're Lost Old
Nippons.
D'autres polyamides ont acquis une grande importance ces dernières années : les polyaramides dont le représentant le plus connu est
le kevlar. Ce dernier allie une grande résistance mécanique et une masse volumique faible. On l'utilise dans la fabrication des gilets
pare-balles.
Synthèse de Bischler-Napieralski
L'acylation de la b-phényléthylamine par un chlorure d'acyle est la première étape d'une réaction permettant de préparer les
quinolidines substituées connue sous le nom de réaction de Bischler-Napieralski. Il s'agit d'une synthèse mettant en jeu plusieurs
étapes qui possède plusieurs points communs avec la réaction de Vilsmeier-Haack.
La réaction de Bischler-Napieralski a été appliquée avec succès à la synthèse de la papavérine alcaloïde quinolidinique extrait du
pavot (papaver somniferum). Ce composé est utilisée en médecine comme antispasmodique.
Lorsqu'on incise les capsules de pavot somnifère (papaver
somniferum), celles-ci exsudent un liquide laiteux. Après séchage, il
conduit à une résine brune qui constitue l'opium. L'opium contient
de nombreux alcaloïdes : codéine, papavérine, laudanosine,
morphine. La morphine (du grec Morphée : Dieu du sommeil) est
l'alcaloïde le plus important de l'opium qui en contient jusqu'à 23
%. Isolée par F. Sertüner, sa structure a été établie en 1925 par J. M.
Gulland, R. Robinson et C. Schöpf. La première synthèse de la
morphine (racémique) a été réalisée en 1953 par J. M. Gates. Il
s'agissait d'une synthèse linéaire comportant 29 étapes pour un
rendement total de 0.0014 % ! [20].
Sulfonylation
Bilan
La réaction entre un halogénure d'acide sulfonique et une amine primaire ou secondaire fournit une sulfonamide.
Les sulfonamides issus d'amines primaires possèdent un atome d'hydrogène mobile. Elles réagissent en milieu basique pour donner un
composé ionique soluble en milieu aqueux.
Cette réaction est à la base du test de qui permet la distinction des trois classes d'amines.
Test de Hinsberg
Ce test est basé sur la solubilité de la sulfonamide quand elle existe en milieu basique. Un mode opératoire pour la réalisation de ce
test est détaillé à la référence [3]. Les résultats sont résumés dans le tableau ci-dessous.
Les amino-alcools se déshydratent facilement en milieu acide pour donner des imines encore appelées bases de Schiff en souvenir du
chimiste d'origine allemande Ugo Schiff qui les a étudiées [64].
Une autre voie d'accès aux imines est la réaction de Staudinger (aza-Wittig.)
Les imines peuvent être regardées comme les analogues azotés des composés carbonylés. Elles possèdent comme ces derniers une
liaison double polarisée. On peut donc prévoir qu'elles donneront lieu à des réactions d'addition.
Les imines dérivant de l'ammoniac sont instables. Si l'on fait réagir le méthanal avec l'ammoniac on obtient un composé cristallin de
couleur blanche : l'hexaméthylènetétramine (HMTA). Au cours de cette réaction, l'aldimine intermédiaire, instable, ne peut pas être
isolée.
Le Tétraazatricyclo[1,1,3,3,7,7]décane ou
hexaméthylènetétramine(HMTA) est un composé curieux rappelant la
molécule d'adamentane. A la température ordinaire, il se présente sous
la forme de cristaux blancs, solubles dans l'eau, qui fondent à 280 °C.
L'HMTA est utilisé en médecine comme antiseptique sous le nom
d'urotropine (étym : qui fait bouger l'urée) en raison de ses propriétés
diurétiques.
Il s'agit d'une source de cation iminium qui est utilisée dans la
formylation de composés aromatiques activés (réaction de Duff) [46]
La réaction de déshydratation est favorisée lorsque le composé obtenu est fortement conjugué comme dans la synthèse de la
diphénylquinoxaline D [6].
Benzodiazépines
Les benzodiazépines sont des composés psychoactifs, anxiolytiques et hypnotiques. Elles sont utilisés notamment en anesthésie.
L'analyse rétrosynthétique des benzodiazépines [1,4] montre qu'on peut les obtenir en créant une imine et un amide.
L'amidification est souvent réalisée en utilisant l'aminolyse d'un ester comme le glycinate de méthyle. L'étape de cyclisation est la
formation de l'imine. L'exemple ci-dessous constitue une étape de la synthèse du diazepam.
Les autres benzodiazépines [1,4] sont obtenues à partir d'amino-benzophénone judicieusement substituées.
Des complexes métalliques utilisant des ligands salen diversement substitués, ont été synthétisés assez récemment par E. Jacobsen à
Harvard. Ce sont des catalyseurs efficaces de plusieurs réactions intéressantes en synthèse asymétrique :
• l'époxydation énantiosélective des composés éthyléniques est réalisable en utilisant un complexe du Mn (III) et un ligand chiral
de symétrie C2 dérivé du salen ;
Lorsque la réaction est effectuée en utilisant l'ammoniac comme composé azoté, il s'agit d'une synthèse d'amine primaire à partir d'un
composé carbonylé.
Le tétrahydroborate de sodium NaBH4 peut être utilisé comme agent réducteur mais se pose le problème de la réduction du composé
carbonylé. Un excellent réactif permettant la réduction des imines est NaCNBH3. Utilisé à pH 6-7, il ne réduit pas le groupe
carbonyle des aldéhydes et des cétones, ce qui permet l'amination réductive [40]. En revanche, ce réactif réduit les carbonylés à pH 3-
4. Le contrôle du pH est donc important dans cette réaction.
Réaction d'Eischweiler-Clark
Il s'agit d'une méthylation des amines primaires et secondaires au moyen du mélange méthanal-acide méthanoïque (acide formique).
La réaction procède en deux étapes. Raisonnons dans le cas d'une amine secondaire.
Réaction de Mannich
La réaction de Mannich consiste en l'addition d'un atome de carbone nucléophile sur un ion ion iminium formé in situ. Le réactif
nucléophile est l'énol d'un composé carbonylé ou d'un phénol. La réaction est facilitée lorsque l'ion iminium est issu de la
condensation entre le méthanal et une amine primaire ou secondaire car dans ce cas l'atome de carbone du réactif est très électrophile.
Les composés obtenus, appelés bases de Mannich, peuvent subir par chauffage une élimination conduisant à une a-énone.
La réaction précédente est donc particulièrement utile pour la préparation de ce type de composés qui constituent des substrats de
départ dans plusieurs synthèses.
La réaction de Mannich a été utilisée dans de nombreuses synthèses de composés appartenant à la famille des alcaloïdes. L'exemple
suivant est une étape de la synthèse de la strychnine par R. B. Woodward [38]
Application de la réaction de Mannich à la synthèse de la tropinone
La tropinone est une molécule bicyclique dont on retrouve le squelette dans de nombreux alcaloïdes. On peut l'obtenir par dégradation
de l'atropine présente à l'état naturel dans la belladone.
L'hyosciamine est l'un des principaux alcaloïdes d'une plante herbacée appelée
atropa belladonna (Belladone). Ses décoctions possèdent la propriété de dilater
la pupille de l'oeil. Elles étaient utilisées au XVIII ème siècle par les femmes
italiennes pour augmenter la profondeur de leur regard. Le nom de Belladone
vient de bella donna qui signifie jolie femme en italien. Le mélange racémique
de l'hyosciamine et de son énantiomère est appelé atropine. Il est utilisé
comme antidote de certains gaz de combat car il agit comme inhibiteur des
récepteurs parasympathiques. Son mécanisme d'action s'explique par sa
fixation sur les récepteurs de l'acétylcholine dans le système nerveux central et
périphérique. C'est le médicament de référence contre le malaise vagal.
La synthèse de la tropinone fut réalisée par le chimiste allemand R. Willstäter en 1901 (prix Nobel de chimie 1915, [27]). On la
considère généralement comme l'une des premières synthèses d'une molécule complexe. Elle comportait 15 étapes et le rendement
global était inférieur à 1 %.
Au cours de son étude remarquable des alcaloïdes qui devait le rendre mondialement célèbre et lui valoir le prix Nobel de chimie en
1947, le chimiste britannique R. Robinson (Université d'Oxford, [28]) en a donné une synthèse en 1917 qui est devenue un classique.
Elle est basée sur une double réaction de Mannich. Il s'agit d'un exemple de réaction domino (ou réaction en cascade) car les
évènements se déroulent les uns à la suite des autres sans qu'il soit nécessaire d'isoler un composé intermédiaire [43].
Le composé obtenu perd de l'eau en milieu acide pour conduire à un ion iminium.
En milieu biologique les alcaloïdes de la famille de la tropinone comme la cocaïne ou la scopolamine sont synthétisés selon une voie
comparable. On donne le nom de synthèse biomimétique à l'ensemble de procédés synthétiques dont l'objectif est de reproduire en
laboratoire les réactions observées dans le domaine vivant.
Enamines
Origine
Les énamines peuvent être considérées comme les analogues azotés des énols et des éthers d'énols. Les énamines possédant un atome
d'hydrogène sur l'azote (énamines primaires et secondaires) sont peu stables et se réarrangent en imines.
L'équilibre entre énamine (I) et imine (II) constitue un exemple de tautomérie dont le mécanisme est comparable à celui de la
tautomérie céto-énolique.
L'exemple ci-dessous concerne une énamine primaire.
Un autre exemple est celui de l'adénine qui présente deux formes tautomères : énamine (I) et imine (II). Dans la molécule d'ADN,
l'appariement avec la thymine s'effectue par des liaisons hydrogène impliquant la forme (I).
Les énamines tertiaires ne possèdent pas d'atome d'hydrogène lié à l'azote et ne peuvent pas donner lieu à l'équilibre de tautomérie.
L'équilibre n'est pas favorable au produit. Une méthode couramment utilisée pour déplacer l'équilibre, consiste à éliminer l'eau du
milieu réactionnel par distillation azéotropique en utilisant un décanteur de Dean-Stark. On trouvera des protocoles opératoires aux
références [7] et [29].
Les énamines sont stables en milieu basique et peuvent être utilisées dans certains cas comme groupement protecteur de la fonction
carbonyle. Le traitement de l'énamine par un excès d'eau en présence d'une quantité catalytique d'acide fournit l'amine et le composé
carbonylé parents. L'exemple ci-dessous concerne la réaction entre la cyclohexanone et la pyrrolidine.
Les énamines sont des intermédiaires très utilisés en synthèse organique. Comme le montrent les formes mésomères ci-dessous, une
charge négative peut se développer sur l'atome de carbone situé en b de l'azote.
Les énamines sont des nucléophiles qui peuvent réagir avec des substrats électrophiles acylant ou alkylant.
L'énamine réagit avec un équivalent de dérivé halogéné pour fournir un ion iminium.
Ce dernier, traité par l'eau, conduit à la cétone alkylée.
L'ion iminium (I) ne possède pas d'atome de carbone nucléophile. Le problème de la suralkylation ne se pose pas. La technique est
également applicable avec des agents alkylants suffisamment réactifs comme les halogénures allyliques ou benziliques. Avec des
agents alkylants de moyenne réactivité comme l'iodure d'éthyle c'est surtout la N-alkylation qui prédomine.
Une autre méthode d'alkylation régiosélective des cétones consiste à mettre à profit les propriétés des éthers de silyle.
Régiosélectivité
La réaction entre la méthylcyclohexanone et la pyrrolidine fournit l'énamine possédant la liaison double la moins substituée (A) à
l'exclusion de son isomère (B). La régiosélectivité de l'élimination est donc opposée à celle qu'on aurait si la règle de Zaytsev était
suivie.
L'examen des molécule (A) et (B) fournit l'explication de la régiosélectivité observée. La conjugaison entre le doublet de l'atome
d'azote et la double liaison impose que les atomes impliqués soient dans un même plan. Cette condition n'est pas réalisée dans (B) du
fait de la forte répulsion entre le groupe méthyle orienté de façon pseudo-axiale et un groupe méthylène du cycle [41].
Nitrosation
Formation de l'électrophile
La nitrosation est la réaction entre une amine et l'acide nitreux HNO2. Ce dernier est un composé instable vis à vis de sa dismutation
en NO - et NO. Il est préparé dans le milieu réactionnel en acidifiant une solution de nitrite de sodium par l'acide chlorhydrique. La
3
véritable entité électrophile est le cation nitrosonium NO+ qui est impliqué dans les équilibres suivants :
On peut donner une description de l'ion NO+ en utilisant la méthode de la mésomérie. Elle met en évidence l’azote électrophile.
La nature du produit de réaction entre un cation NO+ et une amine, dépend de la classe de l'amine.
Amines secondaires
On obtient une N-nitrosoamine.
Les N-nitrosoamines sont des composés cancérigènes. Un exemple de synthèse est celui de la diphénylnitrosamine [6].
Amines primaires
Il se forme un ion diazonium.
• Les ions diazonium aliphatiques sont très peu stables car le diazote est un excellent nucléofuge. On obtient un carbocation
susceptible de donner lieu à plusieurs réactions selon la nature des réactifs présents dans le milieu réactionnel.
• Les ions diazonium aromatiques donnent lieu à de nombreuses réactions qui sont étudiées dans un chapitre particulier.
Bromation
La bromation de l'aniline peut s'effectuer très facilement sans catalyseur. Le groupe amino est tellement activant qu'il suffit de
mélanger l'aniline et une solution aqueuse de brome, pour obtenir immédiatement un précipité blanc de tribromoaniline.
On peut réaliser une monobromation en procédant de façon indirecte. On commence par préparer un amide : le N-phényléthanamide
(acétanilide). En ce qui concerne le rapport ortho/para, le groupe acétamido est moins activant et aussi plus encombrant que le groupe
amino, on obtient le parabromoacétanilide (pF = 167 °C) dont l'hydrolyse fournit le composé recherché.
Nitration
La nitration directe de l'aniline est impossible car l'acide nitrique oxyde le groupe amino. Pour s'affranchir de cette difficulté, on
utilise un groupe protecteur.
• On commence par préparer un amide : le N-phényléthanamide par réaction entre l'aniline et le chlorure d'éthanoyle, ce qui
permet la protection du groupe amino.
• On effectue ensuite la nitration du N-phényléthanamide. Il s'agit d'une substitution électrophile sur un cycle benzénique
présentant déjà un substituant. Le groupe acétamido est activant. Il oriente la substitution en ortho et para. Des deux isomères
qui peuvent a priori se former, le dérivé para est majoritaire car la position ortho est plus encombrée que la position para.
• Il ne reste plus qu'à hydrolyser l'amide en milieu acide ou basique afin de régénérer le groupe amino. La 4-nitroaniline se
présente à la température ordinaire comme un solide de couleur jaune (pF = 148 °C.)
Comme on l'a vu plus haut, la structure de l'ion NO+ peut être décrite par méthode de la mésomérie. Elle met en évidence l’azote
électrophile.
Rappelons qu'avec les amines primaires, l'action de l'acide nitreux conduit à union diazonium. Avec les amines secondaires, on obtient
des N-nitrosoamines.
Formylation de Vilsmeier-Haack
La réaction de Vilsmeier-Haack constitue une méthode de formylation des amines aromatiques N, N-disubstituées et de certains
hétérocycles comme le pyrrole. On peut la regarder comme une extension de la réaction de Mannich. La préparation du réactif de
Vilsmeier est donnée ci-dessous.
La force motrice de la réaction est la formation d'une liaison P-O de grande énergie de liaison.
L'ion iminium n'est pas un électrophile très puissant. La réaction a lieu essentiellement avec les composés aromatiques activés.
Oxydation des amines
Notons que certains oxydes d'amines sont utilisés comme agents d'oxydation. Le N-oxyde de N-méthylmorpholine (NMO) est utilisé
comme cooxydant dans la syn-dihydroxylation vicinale des composés éthyléniques par le tétroxyde d'osmium.
Les réactions importantes des oxydes d'amines sont étudiées dans un chapitre particulier :
• Réaction de Polonovski-Potier ;
• Elimination de Cope
Oxydation de l'aniline
L'oxydation de l'aniline dépend de l'agent oxydant utilisé :
• On peut aussi utiliser un peroxyacide comme CF3CO3H, le groupe amino est oxydé en groupe nitro.
Bibliographie
Ouvrages expérimentaux
[1] Manuel d'expériences de chimie - UNESCO Société chimique de France - Université de Montpellier.
[2] P. Rendle, M. V. Vokins, P. Davis, Experimental Chemistry (Edward Arnold).
[3] L. F. Fieser, K. L. Williamson - Organic Experiments (D. C. Heath and Company).
[4] R. Adams, J. R. Johnson, C. F. Wilcox - Laboratory Experiments in Organic Chemistry (The Macmillan Company, Collier-Macmillan Limited).
[5] G. K. Helmkamp, H. W. Johnson Jr, Selected Experiments in Organic Chemistry (W. H. Freeman and Co).
[6] Vogel's Textbook of Practical Organic Chemistry (Longman).
[7] J. R. Mohrig, D. C Neckers, Laboratory Experiments in Organic Chemistry (D. Van Nostrand Company).
[8] R. Q. Brewster, C. A. Van der Werf, W. E. Mc Ewen, Unitized Experiments in Organic Chemistry (D. Van Nostrand Company).
[9] F. G. Mann, B. C. Saunders, Practical Organic Chemistry (Longman).
[10] M. T. Yip, D. R. Dalton, Organic Chemistry in the Laboratory (D. Van Nostrand Company).
[11] Journal of Chemical Education vol 55, 1977.
[12] S. Hünig, E. Lücke, W. Brenninger, Organic Syntheses, V, p 533.
Liens
Ouvrages théoriques
Articles