Textile Habillement

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LE TEXTILE HABILLEMENT

LA VOLONTE DE REMPORTER

LA NOUVELLE REVOLUTION INDUSTRIELLE

Le Textile Habillement : un secteur d’avenir pour la France ?

Quelle provocation, quelle légèreté s’exclameront certains : « Soyons réalistes, songez donc à
toutes ces fermetures d’usines qui font la une des médias ! Songez donc à toutes ces
entreprises vieillissantes qui n’auraient pas été capables de prendre le virage de la modernité
et de la mondialisation ! Songez encore à la puissance de la Chine, avec ses immenses usines
qui réinventent l’esclavage du XXIème siècle ! »

Est-ce pure démagogie que d’affirmer que ce secteur peut, à nouveau, se conjuguer au futur,
dans notre pays ? Si des difficultés existent toujours, dans le même temps de véritables voies
d’espoir se dessinent. Ce rapport se concentrera sur les possibilités d’avenir et de
développement. En effet, le Textile Habillement a éprouvé une Révolution Industrielle d’une
rare violence. Une nouvelle Mutation Economique de grande ampleur s’annonce, le Textile
Habillement dispose de réels atouts non seulement pour y faire face, mais pour remporter
cette bataille. A lui de saisir ses chances et de développer sans complexe ses potentialités.

Fin du XXème siècle, début du XXIème siècle : une Révolution Industrielle

Ce secteur a violemment souffert d’une Révolution Industrielle radicale, au cours des 20


dernières années, qui a combiné la révolution technologique de l’informatique avec la
transformation des circuits de distribution. La filière est passée d’une industrie de
manufacture qui « poussait » son offre vers des distributeurs indépendants atomisés, à un
modèle tiré par les clients/distributeurs dont les ressorts stratégiques s’appuient sur une
croissance des volume et une diminution des coûts. Ce renversement n’a été possible que par
les potentiels offerts par l’informatique et internet : sans ceux-ci, la production dans les pays
à bas coûts de main d’œuvre n’aurait pas pu s’imposer avec une telle force.

Cette lame de fond n’est pas distinctive du Textile Habillement. Ce secteur n’a été qu’un
précurseur dans l’incroyable et vertigineuse transmutation de nos économies et la montée de
la consommation de masse. Les forces qui ont restructuré, et restructurent aujourd’hui le
Textile/Habillement, sont d’ores et déjà à l’œuvre dans toute l’industrie.

Une nouvelle Révolution Industrielle pointe à l’horizon

La métamorphose des circuits économiques n’est pas achevée : d’autres changements, tout
aussi radicaux, s’annoncent. Un deuxième acte s’ouvre : la prise de pouvoir du

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 1


consommateur final, guidé par ses aspirations et non plus par ses besoins. Notre société de
consommation se détourne de « la masse » pour entrer dans l’ère de l’individuel. Cette
mutation profonde s’accompagnera, en parallèle, d’une authentique révolution
technologique dans le Textile.

Le consommateur final ne se reconnaît plus dans une offre standardisée de masse.


L’assouvissement de ses aspirations individuelles et multiples prend le pas sur la seule
satisfaction de ses besoins basiques. Parmi les très nombreuses tendances qui se révèlent, il
paraît incontestable que la personnalisation, l’émotion et le développement durable joueront
un rôle fondamental. Sous ce dernier vocable, il faut comprendre toutes une série
d’aspirations : non seulement écologistes et environnementales mais aussi sociales et
éthiques. Aussi, faut-il anticiper une modification de la consommation, une émergence de
nouveaux marchés. Cette transformation aura à moyen terme un impact majeur sur la
distribution et donc sur l’industrie, en les obligeant à transformer leurs concepts
d’entreprises, leurs modèles et leurs process. Les chaînes de distribution spécialisées
s’analysent comme un point de départ de cette métamorphose des marchés, et non comme un
aboutissement.

En parallèle, une véritable révolution technologique submergera les Textiles : nouvelles


performances techniques, nouvelles fonctionnalités, nouvelles sensorialités. Le Textile va
évoluer de multiples façons : il offrira de nouvelles libertés à l’Habillement, tout en
investissant de nouveaux univers en inventant des solutions originales.

De nouvelles opportunités à saisir

Dans cette perspective, l’industrie française dispose d’atouts réels pour saisir ces nouvelles
opportunités, car les coûts ne joueront plus un rôle aussi exclusif, aussi hégémonique.

Les nouveaux leviers de croissance sont complexes, fondés sur de multiples


convergences : les désirs et les rêves des individus, la transmutation des processus
d’innovation, l’immatériel, le croisement des technologies, la contraction et la fluidité
des circuits de production, la collaboration.

Ainsi, une voie d’espoir s’ébauche dans un paysage où le gris et le noir dominaient. Elle peut
Conduire le Textile Habillement à une véritable renaissance. Déjà le tiers du secteur a opéré
sa mue stratégique et cumule rentabilité et dynamisme. Une véritable ébullition a saisi toute
une frange de cette industrie ancienne : des réseaux d’échanges pleins d’énergie et de vitalité
se créent, les projets de recherche augmentent, des créateurs rencontrent des industriels, de
nouveaux entrepreneurs investissent le secteur, des entreprises se lancent sur de nouveaux
concepts, les salons renaissent et reconquièrent leur lustre, de vrais patrons de PME -
inventifs, lucides, réactifs, modernes- émergent. En parallèle, les marques de luxe continuent
à rayonner et à se développer malgré une concurrence féroce. Une nouvelle modernité s’est
emparée d’une fraction de ce secteur.

J’ai concentré cette mission sur les facteurs qui permettront au Textile Habilement de renouer
avec le succès et d’engager cette nouvelle Révolution Industrielle sous les meilleurs auspices.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 2


Ce rapport sera organisé en trois grands chapitres :

ƒ Une vision à moyen terme du Textile Habillement qui intègrera une analyse des
mutations de la consommation, et donc des objectifs finaux vers lesquels devra
tendre l’industrie

ƒ Les grandes orientations stratégiques, macroéconomiques, qui assureront un


avantage concurrentiel au Textile Habillement dans cette nouvelle Révolution
Economique

ƒ Les actions pratiques à mener, à court terme

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I- Une vision à moyen terme du Textile Habillement en France
1. L’industrie mondiale du Textile Habillement : un rapide historique

1.1. Une histoire rythmée par les Révolutions Industrielles

Le Textile/Habillement constitue une des industries les plus anciennes au monde. Dominique
Jacomet, dans son ouvrage « Mode, Textile et Mondialisation », en décrit les grandes étapes1.
Le Textile/Habillement a connu une Révolution Industrielle considérable par son ampleur et
sa durée, au XVIIIème et au XIXème siècle, et largement dominée par l’Angleterre. Cette
mutation économique est alimentée par la croissance démographique en Europe, puis
impulsée par l’innovation technologique et amplifiée par une nouvelle organisation de la
production. Les dates clés :

ƒ Invention de la navette volante en 1733


ƒ Première machine à filer le coton (spinning jenny), en 1765, qui remplace
le rouet
ƒ Première machine à filer le coton, en 1779, entièrement automatique (mule
jenny)
ƒ Invention du métier à tisser automatique, en 1784, qui utilise l’énergie
fournie par la vapeur
ƒ L’essor de la machine à coudre à partir de 1829
ƒ L’augmentation de la productivité tant de la filature que du tissage entraîne
une drastique rationalisation des méthodes de production. Il s’ensuit une
chute des salaires, une prolétarisation et une féminisation de la main-
d'œuvre, un basculement organisationnel du travail à domicile vers la
concentration des usines. En parallèle, la mécanisation s'impose durant la
première moitié du XIXème siècle, alors que le métier à tisser lui-même a
été mis au point vers 1780-1785. On retrouve un facteur caractéristique des
révolutions industrielles : la combinaison innovation technologique et
organisation industrielle.

Au milieu du XIXème siècle, le textile représentait 60% de l’industrie manufacturière en


Angleterre et l’industrie cotonnière représentait les 2/3 de la valeur ajoutée industrielle aux
Etats-Unis.

Après cette longue Révolution Industrielle, le secteur ne connaîtra plus de révolution


technologique jusqu’à une période récente, mais une série incessante de petits changements.

La création prend son essor et s’organise au milieu du XIXème siècle en France avec
l’apparition des couturiers et de la Haute Couture qui impose la nouveauté dans
l’habillement, avec la contrainte de collections annuelles. Pour la première fois, le goût des
consommateurs devient un facteur industriel.

La distribution organisée fait son apparition dans la seconde partie du XIXème siècle avec
l’ère des grands magasins dont l’entrée est libre, et qui offrent une large gamme de produits
dont les prix sont affichés : le Bon Marché s’ouvre en 1952. Mais c’est aux Etats-Unis que
1
La description qui suit est largement empruntée à cet ouvrage

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 4


les chaînes de magasins pourvus de centrales d’achat font leur apparition dans les années
1860-1880. Tous ces changements ne font pas disparaître les formes traditionnelles de
distribution, mais dynamisent la demande.

De nouvelles innovations technologiques après la Seconde Guerre Mondiale vont toucher


tout à la fois la productivité2, les fibres elles-mêmes : les fibres cellulosiques, puis
synthétiques et la naissance des textiles dits techniques. Les usages non vestimentaires
représentent désormais près de la moitié de la production totale du textile français. Le
caractère fonctionnel l’emporte sur l’esthétique. Les utilisations industrielles sont
nombreuses : agriculture, adhésifs, bâtiment et travaux publics, emballage, hygiène et santé,
loisirs.

En parallèle, la mode, la créativité imposent un rythme toujours plus rapide à l’industrie du


vêtement. Le fait nouveau est l’apparition de firmes, de taille importante, qui exploitent des
marques : Levi Strauss, Zara, Gap, etc…. De grandes firmes s’imposent dans le luxe (LVMH,
Armani), ou dans le haut de gamme (Ralph Lauren, Hugo Boss). Certaines marques
rayonnent sur 3 continents, en Europe, en Amérique et en Asie, à la poursuite du même type
de consommateur, celui des grandes métropoles urbaines.

1.2. La mondialisation

1.2.1. Un renversement total des circuits économiques

Les premiers frémissements de la mondialisation du Textile Habillement datent du milieu des


années 1960, mais ils restent modestes. La décennie des années 90 voit une
internationalisation massive, avec l’essor incomparable de la Chine.

Aujourd’hui, le marché mondial du Textile Habillement représente 480 Milliards $ et connaît


une croissance soutenue. Il est marqué par une hégémonie quasi-totale de l’Asie qui assure
plus de 80% des exportations mondiales inter zones3. L’Europe, quant à elle, ne représente
plus guère que 15% des exportations mondiales inter zones.

Plus qu’une réelle mondialisation des échanges, il s’agit d’une délocalisation massive de
la production au profit d’un nombre limité de pays, principalement en Asie. En effet, le
nombre des acteurs est restreint et la Chine joue un rôle prépondérant. Les principaux
exportateurs –par ordre décroissant- sont outre la Chine et l’Union européenne : la Turquie,
l’Inde, la Corée, Taiwan, le Pakistan, le Mexique.

2
D’après « Mode, Textile, Mondialisation » – Dominique Jacomet : la « spinning jenny » de 1765 permettait de
filer 1 kilo de fil en 10 heures contre 3 minutes aujourd’hui ; pour tisser 100 mètres de tissu, 100 heures étaient
nécessaires avec un métier à tisser mécaniques, contre 1 heure aujourd’hui avec un métier mécanique.
3
Les flux intra-zones ne sont pas pris en compte dans ce calcul

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 5


Les moteurs premiers de cette impressionnante délocalisation sont doubles :

ƒ La concentration de la distribution dans les pays occidentaux,


parallèlement à la montée de la société de consommation.

ƒ La révolution internet et des technologies de l’information qui


permettent de transférer aisément les informations et de suivre en
temps réel les flux.

Ce double phénomène explique le basculement massif de la production mondiale vers des


pays à faibles coûts salariaux. La faiblesse des coûts salariaux alimente cette lame de fond,
mais les délocalisations n’auraient jamais pris une telle ampleur, sans la concentration de la
distribution et le développement des technologies de l’information.

1.2.2. Le succès de la Chine : les faibles coûts de main d’œuvre, les clusters,
l’efficacité des chaînes logistiques.

La Chine constitue le grand gagnant du mouvement de délocalisation. Ce pays est devenu le


premier producteur mondial. Ses exportations, tant en Asie que dans le monde, représentent
plus du quart des exportations mondiales. Il faut noter toutefois que les exportations chinoises
de vêtements sont concentrées sur le bas et moyen de gamme, avec des prix inférieurs de 20 à
50% par rapport aux prix mondiaux4. En outre, la contribution du Textile Habillement à la
balance commerciale est considérable : 2,5 fois plus important que le solde de la balance
commerciale tous secteurs confondus.

Parmi les causes de cette transformation radicale, on cite fréquemment, et à bon droit,
l’extrême faiblesse des coûts horaires. Mais, elle n’explique pas seule l’ampleur du
phénomène. On trouve parmi les causes qui ont présidé à cette montée en puissance,
l’importance des clusters et des chaînes logistiques. Ces facteurs ont permis l’exploitation à
plein de l’avantage que présentent les faibles niveaux salariaux.

4
China Apparel Industry Development Report 2004-2005

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(a) Des coûts horaires parmi les plus faibles du monde

PAYS Prix-minute en $ Indices (base 100 USA)

Allemagne 0,444 156

France 0,326 115

USA 0,284 100

Portugal 0,165 58

Pologne 0,159 56

Turquie 0,146 51

Maroc 0,117 41

Chine 0,098 34

Inde 0,095 33
Source KSA - Extrait « Mode, Textile, Mondialisation » - D.Jacomet

Les écarts du coût du travail dans l’habillement en intégrant la productivité

Ces salaires extrêmement bas sont de surcroît couplés à une quasi-absence de tout droit du
travail, à l’inexistence de toute législation protectrice de l’environnement, et au non-respect
des règles les plus élémentaires de propriété industrielle. La Chine communiste a ainsi
réinventé les pires heures du capitalisme anglais du XIXème siècle qui a, lui-même, alimenté
les théories marxistes. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de la scène mondiale du Textile
Habillement, en ce début de XXIème siècle.

(b) Les clusters et l’émergence des chaînes logistiques

L’industrie du Textile Habillement chinoise s’appuie également sur 38 clusters textile et 48


clusters d’habillement, tous sur la côte chinoise, et principalement dans 4 régions (voir
annexe 2).

Plus de 80% des exportations chinoises proviennent de ces clusters. Quelques exemples :

ƒ Le cluster des vêtements d’enfants à Zhili dans le Zheijiang. Dans cette


ville, on trouve 5.700 entreprises spécialisées dans la confection pour
enfant, 80.000 personnes y sont employées -soit plus que tous les salariés
français travaillant dans l’habillement- et 70% des ménages tirent leurs
revenus de cette activité.
ƒ La confection et l’exportation à Pinghu dans le Zheigjiang. Cette ville a
attiré des investisseurs du monde entier avec la présence de 200 entreprises
à capitaux étrangers. 95% de sa production est exportée dans 56 pays.

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ƒ Le vêtement de loisir et de sport à Shaxi. La ville s’est spécialisée dans le
sportswear avec 1.000 entreprises de textile, de vêtements sur ce secteur.
ƒ Le cluster du denim à Xintang produit 200 millions de pièces de denim
chaque année. La ville compte 2.000 entreprises qui emploient 80.000
salariés. La production est fortement tournée vers l’étranger.

La force de ces clusters s’explique par :

ƒ Les forts liens entretenus avec l’international et les chaînes de distribution.


Ces clusters sont fortement orientés vers l’extérieur et ont développé des
services pour faciliter l’exportation. Par exemple : Humen a développé un port
industriel par lequel transite toute la production de la région, Xintang a mis en
place des réseaux ferroviaires pour acheminer sa production vers les ports de
la région, à des coûts de transport faibles. Par ailleurs, la proximité de grandes
métropoles internationales facilite l’accès aux marchés internationaux : Hong-
Kong et Shanghaï jouent un rôle essentiel de plateforme d’échanges.
ƒ Chaque entreprise intègre, en général, l’intégralité de la chaîne de production,
centrée sur le produit final : fabrication du tissu, confection, intégration de
savoir-faire en dehors du textile/habillement stricto sensu : plastique, métal,
etc….. Le concept strict de filière ne s’applique pas.
ƒ Les clusters les plus efficaces intègrent des structures de marchés de gros et
des plateformes de trading. Ils ont ainsi organisé de véritables canaux de
distribution pour la production « sans marque », grâce à près de 275.000
magasins qui ont réalisé un chiffre d’affaires total de 40 Mds $ en 20045 dont
les 2/3 sont concentrés sur 20 clusters. Ces plateformes sont complétées par
différents services : logistique, traduction, expositions, facilités financières.
ƒ Des efforts marketing collectifs : très souvent le cluster/la ville organise les
expositions, les visites d’usines, réalise un site internet commun ainsi que le
support de publicité pour les produits fabriqués localement.

Des chaînes logistiques très efficaces se sont mises en place pour exploiter ce potentiel
productif. Il existe un continuum entre deux extrêmes :

ƒ Les chaînes totalement contrôlées par les entreprises occidentales qui


organisent, planifient entre leurs unités de production. Elles représentent
44% des exportations chinoises.

Situation capitalistique Valeurs des exportations Taux de croissance en 2004


Entreprises publiques 5 Mds$ -5%
Entreprises privées à 38 Mds$ +16%
capitaux chinois
Entreprises contrôlées par 34 Mds$ +21%
des capitaux étrangers
Source : China National Textile & Apparel Council

5
Statistical Yearbook of China Commodity Exchange Market

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 9


ƒ Des chaînes logistiques, telles Li&Fung (voir infra), qui ne détiennent
aucune entreprise, mais qui coordonnent l’intégralité des activités pour le
compte de marques occidentales.

De faibles coûts de main d’œuvre, sans les clusters, ni l’efficacité logistique n’auraient jamais
permis à la Chine de s’assurer une telle hégémonie, compte tenu de l’importance du facteur
temps dans toute la filière Textile Habillement.

Face à la demande des chaînes de distribution concentrée, la combinaison des trois


facteurs : bas coûts de main d’œuvre, entreprises en clusters, chaînes logistiques
efficaces expliquent la puissance du succès chinois.

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2. L’évolution sur les vingt dernières années en France : un changement de paradigme

2.1. Les grandes restructurations du passé : la mort des manufactures

Le Textile Habillement français a payé un lourd tribut à la Révolution Industrielle de la fin du


XXème siècle. Au cours des vingt dernières décennies, le secteur a subi des pertes massives.
En moins de 20 ans, sur la période 1986-2004, cette industrie a perdu les 2/3 de ses effectifs.

La concentration de la distribution et la mise en place de chaînes logistiques ultra


performantes ont été les vecteurs principaux de ce mouvement. Le commerce indépendant
multimarque représentait encore 38% en 1985 contre 17% aujourd’hui. Les chaînes de la
grande distribution, avec leur puissance d’achat, leur stratégie fondée sur l’accroissement des
volumes et la baisse des coûts, se sont approvisionnées massivement et efficacement à
l’étranger.

1985 1997 2006


Magasins indépendants 38% 25% 17%
Petites chaînes spécialisées 13% 18% 26%
L’émergence des
Grandes surfaces spécialisées - 12% 12% chaînes spécialisées
Magasins de sport - 5% 8%
Grands magasins 26% 23% 21%
te par correspondance 12% 9% 8%
Autres 11% 8% 8%
Source IFM

La distribution a littéralement changé de visage, sous l’effet d’une irrésistible concentration


et l’apparition, plus récente, des chaînes spécialisées, pratiquement inconnues il y a 20 ans.
Ce canal de distribution a ainsi été multiplié par 3,5. Les chaînes spécialisées captent près de
la moitié des dépenses de l’habillement, aujourd’hui. Cette croissance s’est faite au
détriment des magasins indépendants, de la vente à distance et des grands magasins
généralistes. Depuis peu, on assiste également à l’apparition d’un commerce par internet qui
représente déjà 3%.
En vingt ans, suite à la transformation radicale de ses clients, le business model de l’industrie
du Textile/Habillement s’est renversé : d’une économie « poussée » par l’offre, on est passé à
une industrie tirée par la demande des distributeurs, demande principalement axée sur la
baisse des coûts de production. Les débouchés naturels de l’habillement français se sont
contractés. La manufacture était morte !

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Le consommateur français n’a pas profité des gains de productivité

Si la concentration de la distribution a entraîné une reconfiguration massive de l’industrie, à


l’autre bout de la chaîne, le consommateur n’en a pas bénéficié.

Les gains de productivité générés par le transfert de production dans les pays à bas coûts de
main d’œuvre n’ont ainsi pas véritablement profité au consommateur final, du moins en
France, comme le montre une étude réalisée par EURATEX.

EURATEX note tout d’abord une très grande disparité entre les pays européens, en terme
d’évolution des prix à la consommation, suite au démantèlement des quotas. En France, on
enregistre même une légère hausse des prix, ce qui constitue un véritable paradoxe
économique.

Clothing consumer prices 2005 & 2006 - Yearly changes


6,0%

5,0%

4,0% 2005 2006

3,0%

2,0%

1,0%

0,0%

-1,0%

-2,0%

-3,0%

-4,0%

-5,0%

-6,0%
cy

cz
gr

fr

tr
it
pt

at

lt
ro
bg
ee

se

lu
be
eu27
eu25

de
hu

ie

no
nl

si

fi

pl
lv

es

is
mt
sk

dk

uk

Evolution des prix à la consommation suite au démantèlement des quotas

EURATEX a confirmé ce premier diagnostic en effectuant une analyse approfondie sur la


période 2000-2006. Dans la plupart des pays, les gains de productivité ont été très
imparfaitement répercutés sur le consommateur.

Ainsi sur la période 2000-2006, les prix de vêtements, en France ont augmenté de 0,8%,
alors que les prix à la production baissaient de 67%. Au total, en Europe, les prix à la
consommation n’ont baissé que de 3%, alors que la baisse des coûts de production et
d’importation atteignait respectivement 32% et 23%. Seule l’Angleterre a pratiquement
intégralement répercuté les baisses des coûts sur le prix à la consommation.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 12


Le choc a touché en premier l’habillement, puis le textile

L’habillement a, le premier, subi le choc de la Révolution Industrielle. Les textiliens ont cru
longtemps pouvoir échapper au sort de leurs confrères de l’habillement frappés par les
délocalisations. Ils espéraient que la forte intensité capitalistique de leur métier, les
protégerait. L’industrie textile a même bénéficié d’une évolution positive entre 1995 et 2002,
avec une augmentation de 50% de ses exportations. La cassure s’est produite en 2003. Le
textile français n’a pas anticipé l’émergence d’une industrie textile à proximité des nouveaux
centres de confection.

EVOLUTION EFFECTIFS
Base 100 en 1993
140,0

120,0

100,0
Ensemble THC

Textile
80,0 HabillementCuirChaussur
e
Industrie

60,0 Tous secteurs

40,0

20,0

0,0
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Chiffres CEREQ – Septembre 2006

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2.2. Aujourd’hui

En avril 2007, les effectifs du Textile Habillement atteignaient près de 150.000 personnes6 :
86.000 salariés pour le Textile et 61.000 pour l’habillement. Le nombre d’entreprises
s’élèvent à près de 8.000.

POINT METHODOLOGIQUE

Les industries du textile et habillement correspondent aux codes


NAF 17 et 18 de la nomenclature. Elles ne recouvrent que très
minoritairement la distribution. Elles n’intègrent pas non plus
toute une partie amont : fibres synthétiques, machines.

Le tissu industriel est composé de PME, voir de TPE : 9 entreprises sur 10 ont moins de
50 personnes, et 6 sur 10 moins de 10 personnes7. La taille moyenne des entreprises qui
emploient plus de 20 personnes est de 76 personnes, à comparer à une taille moyenne de 140
personnes pour l’ensemble de l’industrie manufacturière.

Ces secteurs sont traditionnellement très présents dans des bassins d’emplois ruraux, avec un
impact économique et social fort. Ainsi, le Nord-Pas-de-Calais et la région Rhône-Alpes
emploient 43 % des effectifs des industries textiles. Le textile est également très présent en
Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne, Ile de France, Pays de la Loire, Picardie et Midi-
Pyrénées. L’habillement est implanté principalement en Ile-de-France, Rhône-Alpes, Pays
de la Loire, ces 3 régions employant près de 54 % des effectifs.

Le chiffre d’affaires global s’établit autour de 23 Milliards€ réparti de manière quasiment


équilibré désormais entre le Textile et l’Habillement. On distingue8 :

ƒ Des entreprises très performantes : elles représentent déjà le tiers du secteur


ƒ Des entreprises qui ont les capacités de se régénérer : environ la moitié

Il faudrait rajouter à ces chiffres, les performances de la distribution spécialisée. Ainsi, les
enseignes de l’habillement en France comptent 120.000 salariés et un chiffre d’affaires de 16
Milliards€ en France. Les enseignes françaises sont également très dynamiques à
l’international, puisqu’elles enregistrent un chiffre d’affaires de 7 Milliards€ sur les marchés
étrangers.
La productivité9 du secteur industriel continue de croître, plus rapidement dans l’habillement
que dans le textile, tout en restant inférieure à celle de l’industrie en général. Mais l’écart se
réduit. Il y a 20 ans, la productivité était 50% inférieure à celle de l’ensemble de l’industrie.
Aujourd’hui, elle est de 15 points inférieure.

6
Chiffres FORTHAC, ces chiffres incluent les entreprises de moins de 20 personnes.
7
Chiffres FORTHAC
8
Extrait Rapport « Reconversion des Salariés du Textile Habillement Cuir » - Clarisse Reille
9
Valeur ajoutée/Effectif

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 15


Quelques points positifs sont à noter dans la conjoncture, après des années d’indicateurs tous
systématiquement très négatifs10 :
ƒ L’habillement :
o Une hausse des exportations : +7%
o La stabilisation des prix à la production malgré une baisse des volumes
o Les salons du prêt-à-porter retrouvent leur leadership
ƒ Le textile :
o La production en volume continue à s’améliorer modestement : +1% sur les 7
premiers mois de 2007
o Les exportations sont légèrement mieux orientées : +1% au total dont +3%
hors UE
o Le chiffre d’affaires augmente : +2%
o Les industriels pronostiquent une hausse de leur production à 3 mois
ƒ OSEO enregistre une hausse régulière des projets d’innovation. Les 2 pôles de
compétitivité textile ont enregistré 50 Millions€ de projets en deux ans.
ƒ Plus qualitativement, on rencontre de nouveaux chefs d’entreprises, motivés,
dynamiques, innovants, créatifs, gérant une complexité incroyable et qui croient en
leur secteur. Une nouvelle génération arrive au pouvoir. Ces patrons de PME
constituent une véritable richesse pour notre pays. On assiste même, ponctuellement,
à des reprises d’entreprises par des personnes étrangères au milieu traditionnel du
Textile Habillement.
ƒ Mais surtout, le point le plus positif pour l’industrie est l’évolution du client final avec
la multiplication des collections. Déjà, en 2006, l’offre s’est articulée en moyenne
autour de 2 collections par saison, soit 4 collections par an. Les plus grandes marques
européennes prévoient de passer à 6,8 collections en moyenne11. Cette évolution
favorisera le circuit court et donnera des marges de manœuvre financières aux
entreprises qui s’y adapteront, notamment par le biais de la diminution du besoin en
fonds de roulement.

10
Fiche de conjoncture du SESSI septembre 2007
11
« Où va la mode ? Les stratégies d’achat des grands distributeurs et marques européens » - IFM pour Tissu
Premier, janvier 2007

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 16


3. Le futur : une nouvelle Révolution Industrielle pointe à l’horizon

Une nouvelle Révolution Industrielle pointe à l’horizon. Elle s’appuiera sur deux grandes
forces :

L’évolution du consommateur
L’innovation dans les textiles

Le consommateur occidental est devenu un être complexe, aux multiples aspirations.


L’évolution des technologies va lui permettre de matérialiser ses exigences. Les technologies
qui ont accompagné la montée de la consommation de masse, vont désormais permettre
l’individualisation de la consommation. Cette transformation impactera les circuits de
distribution et donc l’industrie. Ainsi, les chaînes de distribution spécialisée ne constituent
pas un point d’aboutissement, mais un point de départ dans l’émergence de nouveaux modes
de consommation, en jouant sur une des expressions des aspirations du consommateur : le
désir, la nouveauté.

En parallèle, le Textile va connaître un extraordinaire développement, tant dans


l’Habillement que dans une multiplicité de secteurs, par les nouvelles fonctionnalités qu’il va
offrir.

Cette diversification des marchés offre au Textile Habillement français de nouvelles


voies de développement et d’espoir.

Pour autant, il serait naïf d’affirmer que l’avenir du Textile Habillement est résolument rose.
Néanmoins, ce secteur, pour la 1ère fois depuis des dizaines d’années, entrevoit de vastes
possibilités inédites pour renaître, sous une forme radicalement originale. Ce mouvement
nécessitera une mobilisation forte et articulée des entreprises et de leurs mandants, ainsi
qu’une intervention cohérente des pouvoirs publics.

L’enjeu est d’assurer que la grande majorité des entreprises -la moitié du secteur-, qui
disposent aujourd’hui de marges de manœuvre, « transforment l’essai ».

Si tel était le cas, alors le secteur se trouverait dans une conjoncture relativement
stabilisée où, à grands traits, l’habillement aurait globalement achevé sa
restructuration, le textile serait sur le point de l’achever, tout en redéployant de
nouveaux marchés. Le secteur pourrait alors atteindre un plancher d’ici 3-4 ans e, terùe
d’effectifs, et croître, de nouveau, modérément dans 4-5 ans.

L’objet du présent rapport est de mettre en évidence les leviers d’une stratégie gagnante.
Avant de les examiner, il est essentiel d’éclaircir un certain nombre d’aspects :

ƒ Les aspirations du consommateur et les mutations de la distribution


ƒ L’explosion des modèles économiques
ƒ Les différents univers du Textile Habillement

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 17


3.1. La mutation de la consommation et donc de la distribution

3.1.1. Le consommateur du XXIème siècle tourne le dos à la consommation de


masse

Au cours des 20 dernières années, une première vague a transformé profondément le paysage
industriel : le basculement d’une distribution indépendante atomisée à une distribution
concentrée fondée sur des volumes importants et des bas coûts. Typiquement, le schéma
classique d’organisation de la grande distribution est fondé sur un modèle fordien : la
consommation de masse de produits standardisés. Mais le consommateur occidental ne se
reconnaît plus dans cette offre. Déjà, des indices d’insatisfaction apparaissent. Une étude
menée par l’IFM pour UPTEX montre que 70% des consommateurs estiment que la mode est
la même partout. Pas étonnant, dans ces conditions, que 40% des collections soient vendues
en soldes12.

Quels sont les grands traits de ce nouveau consommateur ?

ƒ Le consommateur prend le pouvoir. On assiste à une véritable volonté de reprendre la


maîtrise de sa consommation. Le consommateur peut même aller jusqu’à transformer sa
consommation en « manifestation de pouvoir » : exprimer son opinion sur telle entreprise,
participer à la protection de la planète, retrouver une relation plus responsable, plus
équilibrée, rechercher de nouvelles émotions, etc… Les technologies de l’information lui
donne les moyens de ce pouvoir.

ƒ Le consommateur occidental est aujourd’hui très bien informé et il est parfaitement


capable de développer des stratégies pour optimiser ses achats ou pour bénéficier des
meilleurs prix, en fonction des différents canaux de distribution et des types de points de
vente. La diffusion des nouveaux modes d’organisation du travail, qui reposent sur
l’autonomie et la responsabilité, a accéléré ce phénomène. Le consommateur est ainsi
devenu un professionnel de la consommation.13

ƒ Le consommateur est tenté par la participation, la co-invention. Il souhaite intervenir,


s’exprimer, suggérer, réagir, interagir avec les produits, les services, leur conception.
L’essor d’Internet favorise puissamment l’expression individuelle.

ƒ La consommation n’est plus strictement liée aux besoins, elle s’individualise, devient
hédoniste et joue sur les registres du plaisir, de la séduction et des valeurs. Elle
intègre désormais une forte composante émotionnelle. Cette vérité est extrêmement
nette en matière d’habillement. A titre d’exemple, une Américaine compte en moyenne 8
jeans dans son placard et porte régulièrement 6 d’entre eux14. Or, aucune nécessité
physiologique, sécuritaire, ou sociale (les 3 premiers degrés de la Pyramide de Maslow)
n’impose un tel foisonnement. Notre époque escalade les 3 derniers degrés de la
pyramide de Maslow. La mode inscrit le produit dans une époque déterminée, un contexte
de culture et de valeurs partagés15. Dans un tel contexte, la mode apparaît comme
l’expression de nouvelles aspirations et du coup elle devient une valeur transversale

12
Document UPTEX
13
Etude Prospective des grandes tendances de la consommation - CREDOC – DiGITIP - 2000
14
Données IFM
15
Article Christel Carlotti – Gildas Minvielle – Mode de Recherche – IFM – octobre 2007

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 18


dominante. L’industrie de la mode est appelée à considérablement étendre son pouvoir,
bien au-delà du seul habillement. La mode s’ajuste aux aspirations individuelles du
consommateur, qu’elles soient strictement personnelles ou connectées aux valeurs des
communautés (réelles ou virtuelles) auxquelles il appartient. Elle débordera sur d’autres
territoires, pour aller au-delà du plaisir esthétique renouvelé. Cette réalité va favoriser une
très forte augmentation du contenu immatériel dans les produits, le renforcement de
la personnalisation et donc la multiplication des marchés.

Accomplissement
personnel

Estime de
soi

Estime des autres

Amour, appartenance sociale

Besoins physiologiques

Besoin de sécurité

PYRAMIDE DE MASLOW

ƒ L’émergence d’une consommation responsable, consciente qui intègre dans un


même mouvement le désir, le plaisir mais aussi des valeurs de durée, de respect,
d’éthique. Elle s’accentue avec force depuis 2-3 ans.

Une récente étude du Credoc16 confirme cette montée en puissance des préoccupations
éthiques, sociales ou écologiques, qui s’affirme ainsi comme une des tendances
marquantes de la dernière décennie dans la sphère de la consommation.

16
Consommation et Modes de Vie – Credoc – Mars 2007

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 19


L’écologie n’en est qu’une expression. Le mouvement est plus vaste et plus profond. Il
rejoint un besoin de valeurs, de donner du sens à sa vie. Dans son étude sur les
Ecoconsommateurs, Alexandre PASCHE de cabinet ECOANDCO distingue 4 grands types
d’aspirations qui peuvent se mixer et s’hybrider de multiples façons chez les individus,
donnant potentiellement vie à de nouveaux marchés :

 L’écologie pratique, quotidienne


 Le développement durable
 L’alter mondialisme
 L’économie sociale et solidaire

Pour se développer cette nouvelle expression de consommation a un besoin cruel


d’offre. En effet, cette dernière est, à ce jour, anecdotique. Les quelques publicités qui
vantent à loisir le respect de la planète sont largement insuffisantes à crédibiliser la valeur
éthique d’un produit. Il s’agit de simple « greenwashing » et les consommateurs sont
suffisamment aguerris pour ne pas s’y laisser prendre. Une extraordinaire demande reste
aujourd’hui insatisfaite et le consommateur éprouve un cruel besoin d’explications, de
preuves irréfutables. L’émergence de l’éco consommation ira de pair avec la mise en
place d’une nouvelle offre, de nouveaux process de fabrication et d’un nouveau type de
communication qui intégrera une information certifiée.

Que faut-il retenir de ce bref survol des nouvelles tendances de consommation ?:

 Les marchés vont se multiplier pour répondre à des aspirations diverses.

 Le besoin de personnalisation augmente. Les diverses techniques de


production et d’organisation vont permettre d’y répondre.

 Le produit, voire sa fonction d’usage, inclura une part croissante et


incompressible de valeurs immatérielles. Il va s’enrichir d’une véritable
charge psychique.

 La conception même du produit, tout au long de la chaîne, constituera sur


certains marchés, un véritable atout de communication et de marketing.
Ceci représentera un axe extrêmement puissant de l’éco consommation

3.1.2. L’impact des nouvelles tendances de consommation sur la distribution

La transformation des modes de consommation influera fortement a distribution. Dans les


biens de consommation, il y a trente ans, le pouvoir économique était détenu par la
production, puis il a été capté par la grande distribution. Mais le mouvement n’est pas
achevé, le pouvoir va passer au consommateur. Beaucoup de distributeurs n’ont toutefois pas
encore saisi l’ampleur de la transformation en cours. Ils continuent à dépenser une grande
énergie à faire vivre un modèle qui a contribué à leur formidable développement, mais qui
s’essouffle. L’actuel débat sur les marges arrière en constitue l’un des derniers avatars.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 21


Pourtant, une première évolution traduit déjà un changement de la consommation : la montée
en puissance des chaînes spécialisées. L’émergence de chaînes comme Zara17, où les
collections sont renouvelées en permanence, marque un premier changement structurel qui
continuera à évoluer. En effet, le renouvellement des collections répond à un besoin de
séduction et d’individualisation. Mais les aspirations du consommateur sont désormais
beaucoup plus vastes et investissent notamment de Nouveaux Mondes de l’Imaginaire.

Déjà, quelques signaux apparaissent, par touches, dans le paysage. De nouveaux acteurs
troublent les codes, les règles établies, créent de nouveaux liens avec le consommateur,
offrent de nouvelles solutions. Le cabinet Martine Le Herpeur distingue cinq grands
registres18 :

ƒ Rupture et complémentarité :
Marc Jacobs propose régulièrement dans sa boutique du centre de Paris,
des produits à 10€.
Topshop à Londres invite un créateur ou un nom emblématique
(dernièrement Kate Moss) pour des collections temporaires.
Abercombie & Fitch crée la boutique invisible.
Baccarat invite la boutique nomade qui se déplace de ville en ville, dans
laquelle on ne peut accéder que par le biais d’une carte spéciale.
Zara lance une ligne moyen/haut de gamme, Massimo Dessuti.

ƒ Des nouveaux liens :


Apple Store à Londres s’est transformé en un véritable lieu culturel qui
exprime un nouveau style de vie.
Second Life est une simulation d’une société virtuelle permettant à chacun
de « vivre une seconde vie » en créant un « avatar ». Chacun peut ainsi
créer son environnement et y développer des activités les plus diverses.
Déjà, il s’y dépense près de ½ million de dollars (bien réels) chaque jour
pour acquérir de biens ou de services, matériels ou immatériels. Yves Saint-
Laurent a d’ailleurs lancé son nouveau parfum Elle sur Second Life.
Comptoir des Cotonniers où la direction organise des dîners avec leurs
meilleures clientes.
JLR et ses chemises en « demi sur-mesure ».
Boots met à disposition de ses clients des coachs.
M&Ms propose sur internet l’individualisation de ses bonbons.
Missha19, start-up sud-coréenne de cosmétiques, vend en direct ses produits
de très grande qualité. En court-circuitant la distribution traditionnelle, elle
a établi des relations individuelles avec ses clientes, qui lui permettent de
proposer de très bas prix. Mais de surcroît, Missha entretient un réseau de
1,8 millions clients qui sont intégrés dans une véritable communauté de
R&D qui rétroagit sur la conception même des produits.

17
Voir Annexe 3
18
Un grand nombre des exemples présentés est issu d’une présentation faite lors du colloque Empreintes par le
cabinet Martine Le Meur.
19
Exemple extrait d’un entretien de Langdon Morris qui est l’un des co-auteurs de 4th Generation R&D

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 22


ƒ La transversalité :
Multi-cible : notamment sur le tandem parents/enfants. Comptoir des
Cotonniers a été l’une des premières marques à explorer ce nouveau
marché, avec les modèles mère/fille.
Multi-canal : boutique et internet, etc…
Multi-format : Monoprix décline aujourd’hui plusieurs tailles de magasins,
en centre ville.
Multi-marques : si les magasins traditionnels déclinent, des multi-marques
rénovées ont un réel avenir. La cosmétique a été l’une des premières à jouer
cette partition avec les chaînes Sephora, Marrionnaud. De nouveaux types
de magasins voient le jour : Montaigne Market, Abou d’Abi.

ƒ Le parti pris :
Ipodisation : 1 produit design dans toute une gamme de couleur.
Soft Bank : portables de toutes les couleurs.
Anne Fontaine et ses chemises blanches.
Wedding Village : un centre commercial uniquement sur le thème du
mariage.
Three Minutes Happiness à Tokyo joue sur la poly sensorialité, le désir,
l’achat coup de cœur.

ƒ L’alliance du durable et du désirable :


Nature & Découvertes : le leader avant-gardiste de cette nouvelle
tendance, alliant désir et durable.
Les racines du ciel
Veja : une nouvelle marque de chaussures, créée par deux jeunes hommes,
étrangers au milieu de la mode, ciblant le streetwear mais en garantissant
un processus éthique.
Ethique Fashion : le salon du prêt-à-porter féminin accueille désormais un
ensemble de créateurs qui garantissent une éthique sur toute la chaîne de
conception, d’approvisionnement et de fabrication
Interface, un fabriquant de moquettes américain qui joue totalement la
carte de l’environnement en ayant complètement revu ses process et ses
gammes de produits. Il ne vend plus ses moquettes mais les loue et assure
leur renouvellement et leur recyclage.

Déjà, les premiers signes d’une transformation des marchés apparaissent. Une partie
significative de la distribution adoptera des approches plus qualitatives, tant sur le produit
final, les services que sur l’environnement de la vente, l’accompagnement du consommateur,
mais aussi la conception même du produit. Les réponses seront extrêmement diversifiées.
L’accent pourra être mis :
ƒ sur une créativité sans cesse renouvelée, jouant sur le charme ou la surprise
ƒ sur la customisation
ƒ sur l’innovation technologique qui pourra se coupler à la séduction pure, ou
à un processus dépolluant ou encore à une invention immatérielle pour
offrir un nouveau service
ƒ sur le plaisir allié à des process de fabrication éthiques, durables
ƒ etc…

Le champ des possibles est extrêmement vaste.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 23


Les distributeurs qui s’engageront dans cette voie, devront inventer un nouveau mode de
relations avec leurs fournisseurs, à la fois plus pérennes, plus respectueuses et plus
collaboratives. Ces nouveaux partenariats s’établiront sur la confiance, soit pour maîtriser le
temps dans un process qui intègre fortement la création, l’innovation, soit pour garantir au
consommateur final le respect de valeurs écologiques, environnementales ou sociales.

Au global, la mutation des modes de consommation va conduire à une fragmentation


des marchés, à l’émergence de nouvelles formes de distribution, à un très fort
accroissement de la valeur immatérielle attachée au produit, à la multiplication de
circuits courts et/ou de circuits « éthiques ».

3.2. L’explosion des business models au service de l’augmentation de la valeur


ajoutée sur les produits, mais aussi sur l’immatériel

Les entreprises gagnantes du Textile Habillement révèlent une extrême modernité :


l’importance de l’immatériel et les cycles de renouvellement rapides de l’offre. Par ailleurs,
les entreprises industrielles européennes, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le
savoir, produisent une offre raisonnablement éthique. En effet, les législations en vigueur -
tant au plan social, sanitaire qu’écologique- garantissent un certain niveau d’éthique. Tel
n’est clairement pas le cas de très nombreux produits d’importations qui bafouent les règles
de santé, d’environnement et de respect des personnes.

Ces composantes sont des leviers majeurs de compétitivité dans la nouvelle révolution
industrielle qui s’annonce. Elles sont valables pour toute l’industrie, et notamment les biens
de consommation.

Génériquement, une stratégie gagnante a toujours pour objectif l’augmentation de la valeur


ajoutée. Dans le Textile Habillement, fortement concurrencé, cette croissance de la valeur
ajoutée cible différents niveaux : le produit final lui-même, ses composants, mais aussi les
aspects immatériels comme la création, l’innovation au sens large et l’efficacité ou la qualité
de la chaîne logistique.

Le secteur, pour renouer avec le succès, devra non seulement travailler sur des produits
mais sur des facteurs immatériels. De surcroît, c’est par l’hybridation de ces deux
démarches que renaîtra l’avantage concurrentiel. La distinction autrefois nette entre
biens et services s’estompe.

L’enjeu pour les entreprises et le secteur est de passer de l’ère de la manufacture


hiérarchisée, verticale à un véritable réseau de valeur pour lui permettre de satisfaire
ses clients dans leurs attentes multiformes et affronter la complexité des marchés.

Le design stratégique est beaucoup plus complexe qu’il ne pouvait l’être, par le passé.
L’examen des succès dans ce secteur confirme cette réalité. On assiste, au contraire, à une
explosion de business models gagnants. Le MIT s’est livré à une enquête, sans précédent, sur
500 entreprises en les suivant pendant 5 ans20. Le secteur du Textile/Habillement a fait l’objet
d’une attention particulière. Les chercheurs du MIT ont ainsi mis en évidence une

20
« Made in Monde – Les nouvelles Frontières de l’Economie Mondiale » – Suzanne Berger

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 24


multiplicité de stratégies possibles, toutes également valables y compris pour un même
produit. Cette étude a également souligné que les stratégies uniquement fondées sur la baisse
des coûts, n’étaient pas pérennes.

En fait, à chaque succès correspond une combinatoire spécifique. Le Textile Habillement


se trouve confronté à une multiplicité de stratégies possibles et authentiquement innovantes.
R2ITH Ile de France aboutit à la même conclusion en analysant les succès du Textile
Habillement21.

Pas de recette miracle, pas de modèle unique à appliquer. Le succès dépend alors très
directement des qualités du chef d’entreprise, de son énergie et de sa capacité à mettre
efficacement en synergie différents leviers de croissance.

3.3. Le Textile/Habillement recouvre deux univers différents qui se rejoignent


par le Textile pour l’Habillement

Deux mondes industriels, deux secteurs prennent corps : la filière textile/habillement


d’une part, les matériaux souples innovants couramment appelés Textiles à Usage
Technique, d’autre part.

Les ressorts stratégiques de croissance et de développement de ces deux mondes diffèrent. Ils
ne sont pas antagonistes car les leviers de croissance de l’un sont valables pour l’autre, mais
les dosages des différentes composantes stratégiques sont différents. Par contre, l’activité des
textiles à usage de l’habillement concentre l’intégralité des exigences.

La Filière Textile/Habillement représente encore les ¾ du secteur. On peut y inclure


l’univers de la décoration. Cette filière affronte les enjeux stratégiques les plus complexes.
Elle est tirée par les exigences composites du consommateur final. Il est essentiel que tous les
maillons de la chaîne intègrent cette réalité.

LES RESSORTS STRATEGIQUES : créativité, marketing, innovation, chaîne


logistique filière, organisation commerciale, image et communication

L’industrie du Textile Habillement et du Linge de Maison se doit d’être excellente :


ƒ à chacune de ses étapes : fibres, tissus, ennoblissement, vêtements ou linge
de maison,
ƒ mais aussi sur toute la chaîne de services qui assure la livraison du produit
final au consommateur final : réactivité, souplesse, respect des délais,
proactivité, qualité.

Cette filière doit être capable de fournir des produits de qualité, innovants et créatifs tout en
offrant des solutions à ses clients, notamment les distributeurs. Cette filière devra de plus en
plus intégrer la notion de service globale, dès la conception des produits.

D’ores et déjà, les distributeurs achètent des produits mais aussi un ensemble de service, une
logistique d’ensemble.

21
« Les Business modèles gagnants dans l’industrie du Textile/Habillement »

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 25


La fragmentation des marchés va induire une forte demande d’achats de services globaux.
Parallèlement, l’accroissement du rythme des renouvellements va renforcer l’influence des
circuits courts. Pour satisfaire certains segments de marchés, les distributeurs les plus
innovants passeront des alliances avec l’industrie. « Les distributeurs ont aujourd’hui
besoin de s’appuyer sur leurs fournisseurs pour fonder leur compétitivité, non plus dans une
logique de « transfert de la rente » (jeu à somme nulle) mais dans une logique de construction
conjointe de valeur ajoutée (jeu à somme positive). Cette évolution des relations industrie-
commerce vers une logique plus partenariale est particulièrement nécessaire dans les
domaines du marketing et de la logistique »22

C’est une chance pour la filière malgré une complexité accrue. Ainsi, au-delà du nécessaire
travail de chaque entreprise pour améliorer son offre, cette filière doit, en parallèle, mener un
travail pour optimiser la chaîne de valeur globale. Il est tout à fait vital qu’elle se considère
de nouveau comme une véritable filière où les acteurs collaborent. Le Textile/Habillement
ne remportera que des succès moyens, si chaque acteur joue solo. L’enjeu est un double
mouvement qui nécessitera un intense travail collaboratif :

o L’amélioration du produit final tant par l’esthétique, la créativité, le marketing que par
la qualité intrinsèque de ses fonctionnalités et de ses composants
o La mise au point d’une véritable offre de services ce qui suppose un saut qualitatif
extrêmement fort de la chaîne logistique et de sa réactivité, dans son ensemble.

L’intégralité de la filière doit fonctionner en harmonie et veiller à ce qu’aucun maillon faible


ne vienne la mettre en danger.

Au sein de cette filière, une place particulière doit être réservée aux créateurs . Je distingue
ici le créateur, du styliste talentueux. Le créateur est souvent une personnalité hors norme qui
invente de nouveaux codes, qui a un talent exceptionnel et qui est guidé par sa seule intuition.
Le styliste crée, innove mais en écoutant les clients, dans une perspective industrielle. Les
enjeux prioritaires du monde des créateurs sont avant tout le bouillonnement créatif et
l’image de marque. Notre pays rayonne dans le monde tout à la fois par ses maisons de luxe
et sa capacité à inventer la mode. Pour garder cet avantage concurrentiel considérable, il est
nécessaire de favoriser une véritable ébullition créatrice.Aussi, notre pays doit-il maintenir
activement l’émergence de créateurs. Cette population est très particulière : peu réalisent des
chiffres d’affaires importants, beaucoup disparaissent par manque de vision industrielle, mais
une infime minorité émergera et constituera les grands noms de la Haute Couture française
du XXIème siècle.

22
Etude Prospective des grandes tendances de la consommation - CREDOC – DiGITIP - 2000

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 26


Les Matériaux Souples Innovants. Aujourd’hui, le Textile élargit son spectre au-delà
des seules applications vestimentaires traditionnelles. Nous assistons à une véritable
révolution industrielle technologique dans ce domaine. Ce nouvel univers a des perspectives
de croissance extrêmement fortes : tant par la multiplication des marchés que par la
croissance propre de chacun.

LES RESSORTS STRATEGIQUES : innovation technologique, marketing,


organisation commerciale

L’innovation technologique joue un rôle essentiel dans les leviers de croissance de ce secteur,
mais elle ne résume pas à elle seule la stratégie gagnante. Il y aurait même un grand danger à
penser l’avenir en chaussant les seules lunettes de la Recherche & Développement.
L’innovation technologique est une condition nécessaire mais très loin d’être suffisante
pour assurer la croissance. L’immatériel et le recours au marketing sont essentiels pour son
développement, tant au sein de la filière de l’habillement que pour investir de nouveaux
secteurs. Les entreprises, les pôles de compétitivité qui investissent dans le Textile Technique
doivent impérativement travailler sur les différentes facettes du marché des Matériaux
Souples Innovants :

ƒ S’aventurer dans de nouveaux secteurs demande des qualités spécifiques de


créativité, de transposition, d’écoute client.
ƒ Se développer dans l’habillement requiert également une grande
innovation, une analyse fine des besoins des consommateurs en terme de
matière, texture, fonctionnalité, sensorialité.

Plusieurs domaines peuvent être distingués :

ƒ Les textiles pour l’habillement : il s’agit d’un premier territoire qui


marque la jonction avec la filière habillement Ce secteur est majeur : le
textile pour l’habillement représente encore la moitié du chiffre d’affaires du
secteur textile et la croissance de l’habillement y puisera son énergie. Il doit
être traité, tout à la fois, comme un maillon de la filière habillement mais
aussi comme un matériau souple innovant. Or, ce dernier aspect semble
souvent très négligé, du moins en France. Une étude de l’IFM pour UPTEX a
mis en évidence les principales attentes des consommateurs : le confort, la
protection de l’humain et sa sécurité, la protection de l’environnement, la
légèreté et la miniaturisation, la poly sensorialité. Ce territoire des Matériaux
Souples Innovants affrontera les deux vagues de la nouvelle révolution
industrielle : l’innovation technologique et la multiplication des aspirations
du consommateur.

ƒ Le textile hors du contexte de la mode : le tissu sera alors le


support de fonctionnalités très innovantes : tissus anti-microbiens,
résistants au feu, ultra résistants, etc….Les secteurs touchés par ces
développement sont d’une extraordinaire variété : bâtiment, génie civil,
santé, transports, sports, agriculture, etc…. L’enjeu de ce secteur sera
d’être capable de comprendre et d’investir en innovant d’autres mondes
que celui, naturel, de l’habillement.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 27


ƒ En transversal, un nouveau sujet émerge : le développement durable ,
l’éco consommation. Cet aspect prendra au cours des prochaines années
une importance capitale. Il investira aussi bien le domaine des process
industriels, que les teintures, les matières elles-mêmes.

FILIERE Une filière tirée par les


Les créateurs TEXTILE exigences du client final
HABILLEMENT ƒ Créativité
ƒ Marketing
ƒImage, ƒ Innovation
communication
ƒ Chaîne logistique filière
ƒ Ebullition
créatrice
ƒ Organisation
commerciale
ƒ Image, communication

TEXTILE POUR
HABILLEMENT

MATERIAUX
SOUPLES
INNOVANTS

Comprendre les consommateurs


finaux
ƒ Innovation technologique
ƒ Marketing
ƒ Commercial

Les Univers du Textile Habillement et leurs ressorts stratégiques

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 28


II- LES GRANDES ORIENTATIONS STRATEGIQUES

Au cours de ma mission, j’ai rencontré de très nombreux industriels pour les interroger sur
les leviers de croissance de leur entreprise. Infailliblement, leurs commentaires
commençaient toujours par des blocages qui n’étaient pas spécifiques au Textile Habillement,
mais commun à l’ensemble des PME françaises. Leur importance m’a paru telle qu’il m’est
apparu impossible de les ignorer et de ne pas tenter d’y apporter des pistes de réponses.

Les deux freins majeurs au développement des PME en France


ƒ L’accès au financement des PME
ƒ La bureaucratie et l’hostilité administratives

Les leviers d’une stratégie gagnante du Textile Habillement

ÎUn préalable : rénover l’image de marque

Î5 axes stratégiques en interaction


ƒ L’indispensable montée des compétences
ƒ L’innovation dans tous ses états : immatérielle, technologique, hybride
ƒ L’excellence opérationnelle : un prérequis dans l’entreprise, mais un
nouveau territoire à conquérir la chaîne logistique de la filière habillement
ƒ La démarche commerciale
ƒ L’émergence d’un véritable réseau de valeur

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 29


A- LES DEUX FREINS MAJEURS AU DEVELOPPEMENT DES PME

Régulièrement, le constat de la faiblesse quantitative de nos moyennes/grosses PME est posé.


Force est de constater que notre société empêche les PME de grandir. Toute une série de
causes concourent à ce résultat désolant : les charges, la transmission des entreprises
patrimoniales, les aspect culturels, le manque de business angels, les effets de seuil etc.…….

De nombreux rapports ont déjà été consacrés au sujet. Des solutions sont régulièrement
proposées, certaines mises en oeuvre : politique en faveur des gazelles, France
Investissement, OSEO BDPME, etc….. Elles vont toutes dans le bon sens, mais elles ne
semblent pas provoquer le mouvement de fond dont notre économie a tant besoin.

A partant de ce constat, j’ai choisi d’étudier deux blocages majeurs dont la résolution ne
semble pas hors de portée. En effet, on peut toujours affirmer que les charges sont trop
élevées, que le droit du travail est trop complexe : c’est totalement exact ! Mais, il est
malheureusement peu probable que ces problèmes trouvent une issue à court terme. Je ne
rentrerai donc pas dans ce débat, pour me concentrer sur les 2 sujets qu’évoquent toujours, en
priorité, les patrons de PME :

ƒ la difficulté d’accéder à des financements dans des conditions normales


ƒ la bureaucratie et l’hostilité dont font preuve les pouvoirs publics, au
quotidien, vis-à-vis des PME

1. Le financement des PME

1.1. Halte au suicide collectif

Les PME ont du mal à accéder à des financements, dans des conditions « normales ».
Difficile dans ces conditions de se développer, d’innover, de s’internationaliser alors que ces
actions sont toutes simultanément nécessaires. Pour résumer rapidement la situation :

ƒ Le marché boursier reste quasi inaccessible aux PME.

ƒ Les fonds d’investissement qui sont des moteurs majeurs de croissance,


exigent des taux de rentabilité de 18 à 25%. Beaucoup de PME se trouvent
exclues de facto de leur radar.

ƒ La structure financière des PME est trop dépendante des délais de


paiement. Globalement, le crédit interentreprises est presque trois fois plus
élevé que les crédits de trésorerie : 413 Mds€ contre 145 Mds€ fin 200323.
De surcroît, les grandes entreprises et le BtoC bénéficient de ce système au
détriment des PME et du BtoB. En clair, les petites entreprises industrielles
financent les plus grands groupes, et notamment les chaînes de distribution.
Par ailleurs, l’Etat montre le mauvais exemple puisque ses encours aux
entreprises représente plus de 80 Mds€. La longueur des délais de paiement
en France constitue un véritable fléau pour les PME.

23
« Le financement des PME en France » - Crédit Agricole – Décembre 2006

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 30


ƒ Les conditions imposées par BALE II aux banques sont structurellement
défavorables aux PME.

ƒ Les banques prêtent relativement peu aux PME du fait de leur structure
comme le démontre une étude du Crédit Agricole24. En effet, il ne s’agit
pas d’un excès de « gourmandise » des banques vis-à-vis des PME, mais
d’un effet réseau :
•Selon la Fédération Française des Banques, les marge d’intérêt de crédit
aux entreprises, accordées par les banques françaises aux entreprises,
sont parmi les plus faibles des pays développés : deux fois moins qu’en
Italie et en Grande-Bretagne, trois fois moins qu’aux USA
• Insuffisance de « banques relationnelles » 25: 85% des concours
bancaires aux sociétés non financières sont accordés par les 6 grands
groupes français. Aux Etats-Unis, il existe une variété bien plus grande
d’institutions bancaires :
o les grands groupes qui jouent sur le volume et donc sur
des produits financiers standardisés ;
o les banques relationnelles locales qui corrigent la vision
financière par la « soft information ». Pour ce dernier
type d’opérations, les coûts unitaires de traitement sont
plus élevés, mais cela permet de financer des entreprises
plus atypiques qui ne rentrent pas dans le moule des
offres de crédit standardisées.

Extrait du rapport Crédit Agricole

Comme le note, le rapport du Crédit Agricole, les chargés d’affaires de


ces établissements sont plus proches « culturellement » des responsables
des PME, en particulier en termes de formation initiale. Ils subissent un
turn-over moindre et sont incités personnellement et financièrement à
investir dans des relations de proximité avec les PME, non strictement
financières. Dans le cas américain, les études économétriques

24
« Le Financement des PME en France » - Crédit Agricole – Décembre 2006
25
« Le Financement des PME en France » - Crédit Agricole – décembre 2006

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 31


démontrent que la banque relationnelle permet aux entreprises
d’augmenter leurs volumes de prêts, de diminuer le coût de financement
et de limiter les collatéraux.

1.2. Une réponse : un Fonds Commun de Créances

Pour être efficace, un dispositif de financement des PME doit :

ƒ Viser l’ensemble des PME sans exclusive. Il est inutile de mettre des
critères : technologiques, gazelles, etc…. Il est difficile de préjuger a priori,
de la capacité d’une PME, à croître sur le long terme. A titre d’exemple, le
groupe Inditex auquel appartient Zara a démarré par la création d’un petit
atelier de confection familial à La Corogne en 1963. Le premier magasin
Zara ne s’est ouvert, à La Corogne, qu’en 1975. L’expansion internationale
du groupe n’a commencé qu’en 1988. Clairement à ses débuts, le groupe
Inditex n’était ni une gazelle, ni une valeur high tech !
ƒ Eviter les analyses individuelles fouillées. En effet, notre système
bancaire n’est pas structuré pour assurer des relations denses de proximité.
ƒ Permettre aux PME, un accès à des quasi-fonds propres

Une solution pourrait être la création d’un Fonds Commun de Créances. Un tel système est
simple et pourrait être mis en place en quelques mois. Des groupes de travail, présidés par
le concepteur du projet Nicolas Crespelle, se sont déjà tenus en 2006 rassemblant le
Ministère des PME, la CGPME, la Deutsche Bank, KPMG, France Titrisation, Gide Loyrette.

Le principe du Fonds Commun de Créances, dans ses grandes lignes :

ƒ A partir de quelques critères simples de comptabilité, les demandes d’emprunts


sont « poolés » dans un Fonds Commun de Créances. L’analyse du risque se fait
alors statistiquement sur l’ensemble des demandeurs. Deux points importants :
•On évite l’analyse de risque individuel qui demeure un véritable
blocage pour l’accès aux financements
•Il faut au minimum 200 à 300 entreprises pour que l’analyse
statistique soit fiable
ƒ Le risque global est assuré conjointement par l’ensemble des emprunteurs.
Exemple, si le risque statistique global est de 4%, les PME qui empruntent 100
laissent 4 dans le Fonds pour couvrir ce risque
ƒ Un rehaussement de garanties est prévu
ƒ Le reste est titrisé suivant des techniques classiques.
ƒ Le remboursement se fait à l’issue du prêt, ceci permet aux PME d’obtenir des
quasi-fonds propres pour se consacrer à leur développement.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 32


2. La bureaucratie et l’hostilité administrative

2.1. Un véritable obstacle au développement des PME

J’avais mis en évidence lors d’un précédent rapport sur la Reconversion des Salariés du
Textile/Habillement/Cuir le poids de la bureaucratie administrative dans notre pays.

Rappelons quelques chiffres :

ƒ Une TPE de moins de 5 personnes doit remplir, chaque année, un


minimum de 210 pages pour établir 38 déclarations pour un minimum de 8
organismes différents. Ce chiffre monte très rapidement à 310 pages.
ƒ Elle doit exécuter plus de 40 actes d’envois pour transmettre ses déclarations
tout au long de l’année.
ƒ Une TPE doit réaliser plus de 30 actes de paiement dans l’année pour
s’acquitter de ses impôts, taxes, cotisations.
ƒ Les informations demandées peuvent faire référence à 4 périodes de 12 mois
différentes, ainsi qu’à des trimestres ou à des mois particuliers.
ƒ Seules 30 à 40% des déclarations servent à l’établissement d’une
contribution à payer
ƒ Les bases de calcul et d’informations classiques tels que Chiffres d’Affaires,
Masse salariale, Surface des Locaux, etc... doivent être retraitées de façon
différente pour chaque déclaration.

Une entreprise de 21 salariés doit remplir chaque année 400 pages pour établir 96
déclarations à destination de 15 organismes.

Le Textile Habillement est naturellement composé de PME : 9 entreprises sur 10 ont moins
de 50 personnes, et 6 sur 10 moins de 10 personnes26. Plus que tout autre, il est pénalisé par
cette lourdeur administrative. Les chiffres démontrent la difficulté à passer le fameux seuil
des 50 personnes. Le rapport « Une Stratégie PME pour la France » de Jean-Paul Betbèze et
Christian Saint-Etienne souligne largement ce point (voir annexe 1). L’idéal serait de mettre
en place des seuils positifs et non pénalisants.

26
Chiffres FORTHAC

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 33


Caisse Service des
de impôts
retraite locaux

Centres
techniques

DRIRE

Centre de
transfert des
données
sociales

ASSEDIC

OPCA OCTA

LES INTERLOCUTEURS

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 34


pages Simulation - 5 salariés
100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0
--> 14

-->31

-->14

-->28

--> 14

-->31

-->14

-->30

-->14

-->31

-->14

-->30

-->14

-->31

-->14

-->31

-->14

-->30

-->14

-->31

-->14

-->30

-->14

-->31
janvier février mars avril mai juin juillet août septembre octobre novembre décembre

service impôts établissement principal centre des impôts fonciers / local direction des douanes
administration des douanes Organic OPCA (dont FORTHAC)
CPDE ou ASCODE OCTA URSSAF
ASSEDIC Caisse retraite Caisse prévoyance
services de transfert des données sociales

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 36


SYNTHESE DECLARATIONS PAIEMENTS
année N
janvier fevrier mars avril mai juin juillet août sept octobre novembre décembre

15 31 15 28 15 31 15 30 15 31 15 30 15 31 15 31 15 30 15 31 15 30 15 31

liasse fiscale 50
déclaration IS 3
déclarations annexes 3
comptes au greffe
relevé d'acompte IS 2 2 2 2
solde acompte IS 4
2 2 2 2 2 2
TVA
2 2 2 2 2 2
déclaration des salaires 4
taxe d'apprentissage/contrib.add. 3
participation à la formation professionnelle
continue 2
participation à l'effort de construction 4
TVS 3
vignette auto
2 2 2 2 2 2
DEB
2 2 2 2 2 2
CSSS / contrib.add.
IFA
TGAP sauf installa° classées 2 1 1
TGAP "exploitant" installa° classées 1
taxe professionnelle 4
taxe foncière bâti / TEOM
taxe foncière non bâti
taxe sur les locaux en Ile de France 2

OCTA Organic DRIRE Adm. douanes

Service Direct. Greffe


impôts Douanes

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 37


Par ailleurs, les représentants des pouvoirs publics -au sens large- adoptent quasi
systématiquement une posture de contrôle qui frise l’hostilité et refusent de conseiller les
PME, les TPE. Les exemples foisonnent en la matière :

ƒ Un contrôle fiscal sur un crédit impôt collection réalisé, en pleine période des
défilés. Dans la même veine, le contrôle des heures de travail pendant les défilés.
ƒ Le recours au crédit impôt recherche et au crédit impôt collection semble
déclencher quasi automatiquement un contrôle fiscal, d’autant plus pénible que les
modalités de cet impôt sont complexes et s’apprécient sur 3 ans.
ƒ Le représentant de la DRIRE qui demande à une entreprise, seule sur sa zone
géographique, de limiter ses périodes d’activité car le bruit lui paraît trop élevé
alors même qu’aucun riverain ne s’est plaint.
ƒ L’inspecteur du travail qui oblige un commerce à fermer, suite à deux
embauches : un homme et une femme, parce qu’il n’y avait pas deux toilettes
distinctes.
ƒ Le contrôleur de l’URSSAF qui redresse une entreprise située en zone rurale et
qui donne des indemnités de transport à ses salariés, car certains salariés
effectuaient leur déplacement en co-voiturage.

Comment une petite entreprise peut-elle humainement faire face à cette somme de
contraintes, de suspicions ? Comment un chef d’entreprise de PME peut-il sereinement
penser à son développement ? Est-il véritablement dans l’objet social de l’entreprise à
répondre à autant de sollicitations administratives et à affronter une telle hostilité.

2.2. Les pistes de solutions

La question principale est celle de la faisabilité des process d’allègement. Une première
solution relativement accessible consisterait à mettre en place :

ƒ Une interface unique pour la collecte des informations. Un grand


nombre de données sont demandées plusieurs fois aux entreprises pour
satisfaire les besoins d’administrations différentes. La première piste
d’amélioration viserait à constituer un document qui réunirait toutes les
données nécessaires aux différentes entités administratives. Cette interface
aurait pour mission de dispatcher, informatiquement, les informations
nécessaires aux différentes administrations.

Une autre piste, plus longue à mettre en œuvre, consisterait à inciter les agents publics à jouer
un rôle de conseil auprès des PME, notamment les plus petites d’entre elles qui se trouvent
démunies face à l’Administration avec un grand A. En effet, il est difficile de trouver une
justification à ce harcèlement administratif à l’encontre des petites structures. Le temps et
l’énergie perdus par les chefs d’entreprise constituent un véritable handicap économique.
Mieux vaudrait conseiller, quitte à redresser par la suite, si les avis donnés ne sont pas suivis
d’effet.

Il s’agit d’un changement majeur dans l’exercice du fonctionnement des pouvoirs publics :
passer d’un esprit de contrôle à un esprit de service.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 38


B- LES GRANDES ORIENTATIONS STRATEGIQUES POUR UN
RENOUVEAU DU TEXTILE HABILLEMENT

Une nouvelle Révolution Industrielle est sur le point d’éclore. Le Textile Habillement peut
retrouver des marges d’action, des pistes de renouveau. Les stratégies gagnantes doivent
s’appuyer sur les forces motrices de cette mutation économique : les compétences,
l’innovation, l’excellence opérationnelle, la démarche commerciale, le réseau de valeur. Mais
au préalable, le secteur doit s’attaquer à son image de marque désastreuse et à ses
conséquences délétères.

Un préalable : restaurer l’image du secteur

Le Textile Habillement doit rapidement relever un véritable défi : celui de la transformation


de son image.

Aujourd’hui, une image vieillotte, ringarde colle à ce secteur. Elle s’enracine dans les images
de friches industrielles, d’ouvriers alignés dans d’immenses usines grises, de manifestations
de salariés licenciés après des années de service fidèle. Or, cette mauvaise image de marque
provoque de très nombreux effets négatifs que interagissent et qui s’autoalimentent :

ƒ Pour les chefs d’entreprise du secteur. L’absence d’image de marque positive, tournée
vers le futur constitue un frein. En effet, l’actuelle représentation symbolique du
Textile Habillement n’est porteuse d’aucune modernité, d’aucune vision stratégique,
d’aucune perspective d’avenir. Aucune énergie, aucun effet d’entraînement ne
peuvent s’en dégager. Chaque chef d’entreprise est ainsi laissé à ses propres
réflexions, à ses inquiétudes, à ses interrogations.

ƒ Le secteur financier est extrêmement réticent à s’intéresser à une industrie qui


véhicule la représentation d’un secteur voué au déclin et sans inspiration.

ƒ De nouveaux talents tergiversent à l’idée de s’investir dans le Textile Habillement car


ils n’en connaissent pas les potentialités.

ƒ Les jeunes hésitent à embrasser les formations du Textile Habillement, pensant qu’ils
sont voués au chômage

ƒ En matière de lutte contre la contrefaçon, les juges n’estiment pas toujours à sa juste
proportion l’importance économique du secteur, et n’accordent que de minces
compensations.

Or, une partie de ce secteur se révèle d’une très profonde modernité. Il a été le premier à
souffrir de la Révolution Industrielle de la fin du XXème siècle, il sera également le premier
à passer le cap de la nouvelle Mutation Economique qui s’annonce car il bénéficie d’une
extraordinaire intimité, d’une inestimable connaissance du consommateur. Il est temps que la
profession s’attache sérieusement à restaurer son image de marque. Faute de quoi, toutes les

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 39


actions engagées se révèleront laborieuses, car les efforts de conviction s’avèreront
considérables.

Au-delà de l’image de marque, la réflexion stratégique fait apparaître 5 grandes orientations


qui doivent fortement interagir entre elles :

ƒ La montée des compétences


ƒ L’innovation
ƒ L’excellence opérationnelle dans l’entreprise et dans la filière
ƒ La démarche commerciale
ƒ L’émergence d’un véritable réseau de valeur

Nous verrons en effet que, fréquemment, un thème rebondit sur un autre et l’enrichit. Par
exemple, l’innovation est fortement corrélée avec la montée des compétences et l’émergence
d’un réseau de valeur ; la démarche commerciale doit s’appuyer sur une solide organisation
opérationnelle et sur une innovation dynamique. Ces orientations sont loin d’être statiques,
elles sont au contraire dynamiques, quasiment biologiques dans les synergies qu’elles
opèrent.

1. L’indispensable montée des compétences

Les compétences sont au cœur des ressources stratégiques d’une entreprise, surtout dans un
secteur en forte mutation. Les compétences sont véritablement à la source des marges et du
succès. Or, il s’agit d’une des plus grandes faiblesses du Textile Habillement. Ces besoins
touchent tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise :

ƒ L’accroissement des aptitudes managériales des chefs d’entreprise.


Cet aspect est vital. En effet, les chemins de croissance qui s’ouvrent ne
sont pas balisés par la tradition. Le monde est mouvant, ouvert,
concurrentiel, divers. Le dirigeant d’entreprise doit désormais faire preuve
de très solides et nombreuses qualités : leadership, énergie, capacité à
déjouer les risques et à saisir les opportunités, habileté à la transversalité
entre différents mondes (distribution, créativité, mode, technologies,
process, ….), réactivité, sens de l’organisation, et surtout vision. Une
nouvelle génération de patrons de PME voit le jour. Beaucoup ont hérité
d’entreprises familiales qu’ils veulent développer, ils dégagent une
proactivité énergisante, un professionnalisme aigu, et une totale ouverture
d’esprit. Ces qualités doivent se diffuser dans l’ensemble du tissu
industriel.

ƒ L’augmentation des compétences des salariés en poste


Ce secteur garde encore les traces d’une organisation en manufacture : les
ouvriers non qualifiés y sont encore nombreux : 15% des effectifs en 2004,
bien qu’en forte diminution (le double en 1996). Le recours à la formation
professionnelle est encore faible par rapport à d’autres secteurs malgré les
efforts engagés via l’Accord Pilote.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 40


ƒ L’attraction de nouveaux talents
Le secteur peine à attirer des jeunes et de nouveaux profils, managers,
cadres, employés ou ouvriers. L’ancienneté y est encore forte : plus de la
moitié des salariés ont plus de 10 ans d’entreprise contre 38% pour
l’ensemble des secteurs.

Le Textile Habillement, dans son ensemble, a été traumatisé par la brutalité des
délocalisations et de la concurrence. Beaucoup d’entreprises ont disparu, il a fallu parer au
plus pressé : survivre commandes après commandes, livraisons après livraisons en assurant
des fins de mois tendues. Difficile dans ses conditions de « lever le nez du guidon », de se
former à de nouveaux enjeux managériaux, d’investir dans la qualification de ses salariés, de
déployer de l’énergie et de dégager des marges pour attirer de nouveaux profils.

Ce secteur est encore « étiqueté licenciements » alors qu’il a un besoin vital de compétences.
Or, de nombreuses entreprises éprouvent des difficultés à embaucher.

Une illustration dans le Choletais : une enquête réalisée27 sur 100


PME, représentant moins de 5.000 salariés, contrebat les idées reçues :

ƒ Aucune des entreprises répondante n’a licencié dans les derniers


mois
ƒ 70% des entreprises ont embauché au cours des 6 derniers mois,
près de 300 salariés soit une croissance des effectifs de 6% du total de
l’échantillon.
ƒ Le poste le plus recruté est celui de mécanicien(ne) de confection
ƒ Ces entreprises expriment toutes des difficultés à embaucher
(plus de 80%) et la majorité estime que les établissements de formation
ne forment pas convenablement les personnels dont ils ont besoin
ƒ 360 recrutements sont prévus dans les deux prochaines années
dont 80% en production, 7% en marketing, 7% en logistique
ƒ Les entreprises sont aussi bien intéressées par des profils juniors
que par des profils expérimentés
ƒ Les entreprises sont de plus en plus conscientes de la valeur de
leurs salariés âgés qui détiennent des compétences précieuses et parfois
très rares.

Le secteur a la chance de disposer d’un OPCA dynamique, inventif : le FORTHAC. Le


FORTHAC a joué et joue toujours un rôle absolument essentiel. Son implication dans
l’Accord Pilote, sa proactivité pour trouver des solutions adaptées aux PME en font un
acteur majeur du renouveau de la filière.

27
“Besoins en competences” - Ouest Mode Industrie - 2007

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 41


1.1. Le renforcement des capacités managériales

Il s’agit d’une étape critique dans le renouveau du Textile Habillement. En effet, la


rénovation du Textile Habillement passera par ses chefs d’entreprises. Déjà, une nouvelle
génération remarquable de patrons de PME a vu le jour, mais l’enjeu est de provoquer un
effet de masse, rapidement. Le FORTHAC est, à ce jour, peu impliqué dans cette sphère. La
crédibilité dont il jouit auprès des PME lui permettrait de jouer un rôle très positif.

Trois grandes étapes :

ƒ La proactivité au service d’une vision stratégique


ƒ Le management classique
ƒ Le management de la création

1.1.1. L’envie de se battre dans un monde complexe

Le plus urgent consiste à abattre les barrières mentales et donner l’envie aux chefs
d’entreprise de se projeter à 10 ans. En effet, une espèce de fatalité grise plane encore trop
souvent sur ce secteur. Des dispositifs, des moyens existent mais ils restent sous-utilisés.
Trop de PME continuent de subir leur environnement. Il est certain que la complexité et
l’hostilité administratives ne laissent pas de grandes marges de manœuvre aux patrons de
petites entités. Malgré ces obstacles bien réels, seules l’initiative proactive et la volonté de se
projeter dans le futur peuvent redonner aux entreprises des degrés de liberté.

Il est indispensable de se concentrer en priorité sur la volonté d’agir et l’initiative


proactive. Un véritable programme de coaching pour l’Initiative des PME doit être mis
en place en faveur des dirigeants.

Il est important d’atteindre rapidement une masse critique suffisante pour entraîner
l’ensemble du secteur. D’excellents exemples existent déjà, notamment en Rhône-Alpes et
démontrent la validité d’une telle approche.

1.1.2. Le management classique

Une fois articulée la vision stratégique, les patrons de petites PME doivent apprendre « à
lever le nez du guidon », à mieux gérer leur temps et à déléguer des responsabilités
opérationnelles.

Le Choletais, par exemple, élabore un programme destiné spécifiquement aux patrons de


petites entreprises.

Parallèlement, les PME doivent apprendre à analyser très précisément leur chaîne de valeur
ajoutée, à toutes les étapes du processus.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 42


1.1.3. Le management de la créativité

L’IFM est le premier à avoir théorisé sur la transformation de nature de la mode et de la


créativité. Ces valeurs ne sont plus intrinsèques à un produit : le vêtement. Elles s’en sont
affranchies pour devenir des valeurs transversales à un nombre croissant de secteurs.

La mode, un système caractérisé par :

ƒ L’importance de la création tournée vers l’esthétique dont les


racines sont culturelles et artistiques. La création de mode permet
d’offrir au consommateur un imaginaire qui crée un simulacre de l’objet
réel. Yves Saint Laurent disait « je ne suis pas un couturier, je suis un
fabricant de bonheur ».
ƒ Un cycle économique court en raison de l’importance de la
nouveauté
ƒ Des marques médiatisées qui signent les produits de la mode en
mettant en valeur la spécificité des produits. Elles affirment une histoire
réelle ou imaginaire qui offre au consommateur la possibilité d’afficher
leur identité individuelle et/ou une distinction sociale
ƒ Une faculté à épouser l’air du temps et parfois à le devancer
ƒ Contrairement au luxe, la mode est « imitée » par le marché de
masse. La « rue » l’emporte en dernière instance alors que le luxe donne
lieu à une consommation unique, ostentatoire de la part d’un nombre
limité de consommateurs.
Extrait document de travail IFM

Les caractéristiques très particulières de la mode et de la créativité induisent une spécificité


du management. L’IFM a ainsi constitué des formations de management de la créativité, à ce
jour essentiellement destinées à des grandes entreprises. Il est essentiel de faire diffuse,
localement, les principes du management de la créativité dans les PME.

1.2. La montée des compétences des salariés

La mission que j’ai effectuée sur la Reconversion des Salariés permet d’affirmer que les
solutions existent. L’Accord Pilote signé entre l’Etat et les Partenaires Sociaux a déjà permis
une action très significative, notamment au bénéfice des ouvriers.

L’ACCORD PILOTE : un outil majeur de la montée des


compétences dans les PME

Le premier Accord Pilote (2003-2005) a bénéficié à :


ƒ 9.000 personnes dont 71% d’ouvriers, 62% de femmes
ƒ 620 entreprises dont 67% ont moins de 50 salariés
ƒ Les formations longues ont été significatives : 126 heures pour 6.200
salariés

L’Accord a été renouvelé sur 2006-2008.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 43


Certaines entreprises déclarent que cet Accord Pilote leur a permis de gagner 5 ans dans la
prise de conscience et la montée des compétences internes.

L’IMPACT DE L’ACCORD PILOTE DANS LE CHOLETAIS

4.000 salariés ont bénéficié du soutien du FORTHAC soit le 1/3 des


salariés des PME locales et 50% des ouvriers de production.

Cette montée des compétences a essentiellement visé :


* la flexibilisation des outils
* la qualité
En effet, en 3 ans, la taille des ordres a été divisée par 2, accompagnée
par le doublement du nombre des clients et l’augmentation de la vitesse
des délais de livraisons.

Le Choletais estime que l’appui du FORTHAC et de l’Etat lui ont


permis de gagner 5 ans dans la transformation nécessaire de leurs
entreprises. Un travail de fond a ainsi pu être fait, permettant de
stabiliser les clients existants et d’en prendre de nouveaux.

Cette action leur permet désormais de se tourner vers l’avenir.

1.2.1. La Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences dans les PME

Longtemps ignorée dans le monde des PME, la gestion des compétences est désormais au
coeur du développement des entreprises. En effet, si une entreprise n’a pas de vision sur
les compétences dont elle a besoin, alors elle est probablement condamnée.

A ce jour, la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) semble


principalement destinée aux grandes entreprises. Le terme suscite même la crainte des PME
qui y voient une contrainte supplémentaire et un processus administratif complexe. La GPEC
doit échapper à cette ornière bureaucratique, elle doit s’adapter aux PME, souplement et
simplement.

Le FORTHAC a déjà travaillé sur le sujet, et a, d’ores et déjà, mis au point une démarche de
sensibilisation et de pré diagnostic pour les PME. Cette méthodologie très pragmatique
permet très rapidement de démontrer à une PME si ses compétences sont adaptées à ses
ambitions.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 44


LA GPEC DANS LES PME, GRACE AU FORTHAC
Le FORTHAC a mis en place une démarche simple et pragmatique.

Un ensemble de questions est posé. Quelques interrogations


caractéristiques constituent souvent un véritable déclencheur, du style :
* Faire mettre noir sur blanc la pyramide des âges et les formations
associées
* Pointer l’existence ou pas, d’une méthodologie pour préserver les
savoirs faire. En effet, certains métiers sont littéralement en train
de disparaître car l’offre de formation n’existe plus.

Les entreprises réalisent très souvent qu’elles risquent d’être livrées à


elles-mêmes, et de voir disparaître des savoir-faire qui leur sont
indispensables.

1.2.2. Le plan de formation : pleins feux sur les PMQ

La GPEC constitue souvent le détonateur d’un plan de formation consistant où


l’individualisation est la garante de l’efficacité. Le procédé le plus pertinent en la matière est
le Parcours Modulaire Qualifiant ou PMQ. A l’origine, le concept de Parcours Modulaire
Qualifiant a été développé par le Textile, puis repris par le FORTHAC.

Qu'est-ce que le PMQ ?


Le PMQ est une démarche de validation fine des acquis professionnels en situation de
travail. Cela signifie qu'il permet de mesurer très exactement les compétences d’un salarié,
de préconiser une formation individualisée. La façon de procéder est à la fois efficace,
simple et pragmatique. Elle correspond aux besoins particuliers des salariés, tout en
respectant les contraintes des entreprises, notamment des PME. Les plans de formation sont
alors totalement individualisés pour combler uniquement les faiblesses.

PMQ MODE D’EMPLOI

Le positionnement est effectué par 2 organismes évaluateurs, en 4


étapes : description de l’activité professionnelle, observation au poste de
travail, réponses à un questionnaire interactif, synthèse.

Cette évaluation dure entre 6 et 10 heures. Elle est effectuée selon les
disponibilités de chacun, en tenant compte des impératifs de production.
L’analyse des compétences se fait selon une matrice très fine de
modules.

Si le positionnement indique que des compétences ne sont pas acquises,


une formation personnalisée est proposée au salarié, sur ses seuls points
de faiblesse, et en fonction des contraintes de travail.

Le Parcours Modulaire Qualifiant est un outil qui se rapproche de la VAE (Validation des
Acquis en Entreprise) mais qui est plus opérationnelle que cette dernière. En effet, la VAE est
avant tout « reliée » à un diplôme et non pas, stricto sensu, à un acquis de métier. La

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 45


démarche VAE n’aboutit pas à des recommandations spécifiques pour permettre aux salariés
d’agir concrètement. Au contraire, dans la PMQ, le salarié connaît très précisément ses
faiblesses pour atteindre un niveau de compétences spécifiques et ce qu’il devrait faire pour y
remédier.

1.3. Nouveaux talents : WANTED

Le Textile Habillement, secteur d’avenir, a un besoin vital d’intégrer de nouveaux profils


pour se développer. L’ensemble du secteur se plaint d’une réelle difficulté à embaucher.
Plusieurs phénomènes concourent à cette situation :

ƒ Tout d’abord, l’image passéiste du secteur rebute beaucoup de jeunes, et


leurs parents, au moment de l’orientation et qui donc se détournent de ce
secteur.

ƒ La non adéquation de la formation professionnelle initiale. Il ne m’a pas


été possible de réaliser un sondage en bonne et due forme, mais je peux
témoigner que la quasi-totalité des entreprises et des acteurs professionnels
s’est plainte de l’inadéquation des formations dispensées par l’Education
Nationale. A titre d’illustration dans le Choletais : 73% des entreprises
considèrent que de nouvelles formations devraient être mises en place pour
mieux correspondre à leurs besoins.
Les principaux reproches adressés par les entreprises :
• le manque de formations adaptées pour certains profils,
• des contenus insuffisamment approfondis techniquement.
Ainsi, à titre d’exemple, la formation de tailleur ne serait plus
complète mais uniquement sur une partie du vêtement :
montage d’une manche.
• les lieux de formation trop éloignés des entreprises notamment
pour la mise en place de contrats d’apprentissage
• des contenus non adaptés aux métiers, trop théoriques,

ƒ Certaines agences de l’ANPE dissuadent des personnes expérimentées


issues du Textile Habillement de retourner dans ce secteur, au mépris de
toute réalité industrielle locale.

ƒ Le manque de culture technique et industrielle des stylistes. Les


stylistes sont amenés à travailler en entreprise, dans une optique
industrielle : vendre pour faire des bénéfices. Or, les formations dispensées,
dans la majorité des cas, sont très orientées « création pure », en
déconnexion de l’approche marché, de la connaissance des matières, des
contraintes de production et opérationnelles.

ƒ Plus généralement, le secteur éprouve un vaste besoin de compétences


mixtes : chercheur sachant comprendre le marketing, marketing intégrant
les contraintes industrielles, etc…. Le FORTHAC a commencé à
promouvoir des approches interprofessionnelles via les CQPI.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 46


1.4. L’Observatoire des Métiers : un outil d’anticipation

Dans un monde en mutation rapide, quelles ressources et surtout quelles compétences, à un


instant donné, à court et moyen terme ? Dans ce contexte, l’Observatoire des Métiers
construit par le FORTHAC, est particulièrement utile pour anticiper les besoins futurs
et mieux former les salariés.

Cet Observatoire peut également constituer une passerelle utile, avec la distribution sélective,
les enseignes de l’habillement. En effet, ces dernières se retrouvent dans une filière dont le
rythme principal est orchestré par la distribution agro-alimentaire. Or, les besoins en
compétences de la distribution de l’habillement rejoignent ceux de l’industrie. Cette
convergence ira croissant avec l’émergence de nouveaux marchés, de nouvelles formes de
distribution.

1.5. La problématique très spécifique des créateurs innovants

1.5.1. Faire jaillir de nouveaux créateurs

Aujourd’hui, de nombreux grands couturiers de maisons de luxe françaises sont étrangers. Il


est évidemment éminemment souhaitable que les grands créateurs étrangers reconnaissent
Paris comme la capitale mondiale de la mode. Mais, pour soutenir cette réalité et cette image
sur le long terme, la France doit générer de grands créateurs sur son sol. Or les écoles
françaises semblent avoir perdu leur capacité à faire éclore des talents exceptionnels.

La plupart des écoles dites de création souffrent de certaines faiblesses : cycles trop court,
absence de culture générale et d’ouverture internationale, par exemple.

L’IFM semble correctement positionné pour constituer la Grande Ecole de Création dont la
France a besoin. Il dispose déjà d’un embryon de formation ciblée sur la création.

1.5.2. Permettre aux créateurs de croître

Les créateurs innovants constituent un monde bien particulier au sein de la filière Textile
Habillement. Beaucoup y aspirent, mais bien peu seront élus. Toutes les marques de luxe sont
nées de marques de créateur, à l’origine. Au-delà de ce vivier indispensable pour les marques
de luxe du futur, le bouillonnement créatif est capital, en terme d’image, pour notre pays.

Or, le cycle d’exploitation est très lourd financièrement, pour un créateur : création d’une
collection, commandes, achat de tissus, livraisons, paiement. De plus, ces créateurs sont très
souvent fortement exportateurs, même avec des faibles quantités.

Une société de capital risque est dédiée à ce segment : Mode & Finances. La gestion en est
assurée par Natexis et le tour de table est composé de Natexis, la Caisse des Dépôts, Oseo,
Clarins, le Défi. Le débouclage en 2008-2009 sera l’occasion de faire le point sur ce type
d’intervention.

Par ailleurs, le DEFI étudie un projet destiné aux Jeunes Créateurs. Son objectif est de
garantir l’accès à des crédits de campagne pour les jeunes créateurs fortement exportateurs.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 47


2. L’innovation dans tous ses états : immatérielle, technologique, hybride, ouverte,
ascendante

L’invocation de l’innovation est devenue une règle générale dans les discours politiques ou
institutionnels, dans les entreprises. L’innovation tient le rôle de baguette magique. Elle
s’apparente à une sorte de pilule qu’il suffirait d’avaler pour s’immuniser28 contre les dangers
de concurrence. Pourtant ce mot innocent, qui remonte au XIIIème siècle, recouvre des
réalités extraordinairement riches, en général, fortement sous-estimées. Le terme innovation
est encore largement synonyme d’invention technologique élaborée dans le secret d’un
laboratoire industriel.

Or, l’essence de l’innovation a radicalement changé au cours des 10-20 dernières années.
Aujourd’hui, le succès d’un produit s’enracine rarement dans une unique innovation
technologique, qui par la seule magie de sa révélation, se transformerait en un succès
commercial. Le mythe du tout technologique est dangereux, c’est d’ailleurs un des risques les
plus dangereux que courent les Matériaux Souples Innovants, les Textiles Techniques.

Il est capital pour l’avenir du Textile Habillement, comme pour toute autre industrie, de bien
comprendre la complexité des phénomènes d’innovation.

2.1. L’innovation a muté

2.1.1. L’innovation ne peut plus se réduire à la seule technologie

Il est opportun de rappeler que si l’innovation représente incontestablement un puissant levier


de croissance et une condition de survie, elle n’est pas gagnante à tous les coups : 95% de ses
résultats restent dans les cartons29. Plusieurs explications s’entrecroisent :

ƒ L’innovation est un phénomène social. Il faut que des conditions sociétales,


économiques, politiques ou religieuses soient réunies pour se propager :
rappelons l’exemple du métier à tisser qui a été inventé dans les années 1780-
1785 mais qui ne s’est véritablement imposé qu’au cours de la première moitié
du XIXème siècle. Aujourd’hui, le consommateur a beaucoup évolué et il est en
attente de nouvelles solutions qui permettent l’expression de ses aspirations, de
ses émotions.

ƒ L’organisation du processus d’innovation dans les entreprises reste souvent


linéaire et cloisonnée.

ƒ L’innovation se cantonne fréquemment à l’intérieur des frontières de la


technologie. Elle est qualifiée de Techno Push. Cette réalité s’inscrit en étroite
corrélation avec les organisations.

28
Image employee par Maryline PASSINI, Agence de prospectives PROAME, dans un entretien pour « la
Fabrique du Futur 2 » édité par Pierre Musso, Laurent Ponthou et Eric Seuillet
29
Pierre Musso – Professeur de l’Université de Rennes II, co-auteur de “La Fabrique du Futur”

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 48


CLIENT
Développement Produit Etudes de marché
R&D Industrialisation ponctuelles
Demandes
d’améliorations
court terme

Cette approche a longtemps assuré le succès de groupes puissants comme IBM, ATT. Ainsi
trois générations30 de R&D se sont succédées, toutes imprégnées des principes originels -
prédominance de la technologie, linéarité des process, phénomène auto centré sur
l’entreprise - :

Î La première génération correspond à la création des premiers centres de R&D


dans les grandes entreprises, sur le modèle lancé par Edison en 1876, pour
imaginer et organiser les développements technologiques qui ont permis
l’industrialisation des économies occidentales
Î La deuxième génération correspond à la mise en œuvre, après la Seconde Guerre
Mondiale, d’organisations en projets, orientés par les business units, afin de gagner
en efficacité commerciale
Î La troisième génération, sans changer la structure de base, est liée à
l’introduction des méthodes de planification stratégique, de gestion de portefeuilles
de projets. Le marketing intervient via des études ponctuelles et des demandes
d’améliorations court terme.

Aujourd’hui, sauf exception, l’approche technologique exclusive est devenue largement


inopérante. Quelques exemples31 :

ƒ Le succès de Swatch ne doit rien à l’innovation technologique, mais à l’invention


d’un nouveau concept : la montre comme accessoire de mode. La Swatch est un
bel exemple de production industrialisée qui confère un sentiment de
personnalisation.
ƒ L’implantation de Honda aux USA constitue une formidable victoire
commerciale, mais elle n’est due ni à l’exploitation d’une technologie innovante,
ni même à un plan parfaitement maîtrisé. Un chercheur Richard Pascale32 a mis en
évidence que Honda n’a obéi à aucun plan précis. Honda a multiplié les erreurs
d’appréciation sur le marché au début et s’est même trompé de cible initiale. Son
succès est dû à un mélange de chance et surtout de capacité d’adaptation. Richard
Pascale souligne l’importance de l’agilité : l’adaptation permanente et la capacité
d’apprentissage sont au cœur de l’avantage concurrentiel.
30
“Fourth Generation R&D” – William Miller et Langdon Morris - 1999
31
Certains exemples sont extraits de “Objectif Innovation” – Jean-Yves Prax, Bernard Buisson, Philippe
Silberzahn - 2005
32
“Honda” – Richard Pascale – Harvard Business Review - 1983

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 49


ƒ L’Espace de Renault ne comportait aucune innovation technologique particulière
lors de sa mise sur le marché. Par contre, le concept de monospace était radical.
ƒ Dell a bâti son succès passé, non pas sur une innovation technologique, mais sur
l’extrême maîtrise du process de production.
ƒ Le PDA est un « assemblage » de technologies.
ƒ L’iPod triomphe grâce à son design très étudié.
ƒ Interface (leader des moquettes modulaires) a régénéré sa croissance par une
approche sans concession de développement durable.
ƒ Second Life a utilisé les progrès du 3D pour créer un monde virtuel, librement
accessible, se pliant à la fantaisie des individus.
ƒ Zara allie une parfaite maîtrise logistique au renouvellement permanent.
ƒ Les SMS constituent un exemple emblématique d’une innovation d’usage. Le
SMS était initialement conçu comme un système de signalisation entre un
téléphone mobile et sa station de base. Il a été détourné par les adolescents -à la
grande surprise des opérateurs- jusqu’à devenir un véritable phénomène de
société.

L’innovation, pour se matérialiser en succès commercial, doit respirer dans un espace


plus vaste que celui de la seule technologie. « Innovation et Technologie » ne se confondent
plus pour assurer la réussite.

2.1.2. L’innovation : un concept ouvert qui intègre le client

La créativité ne relève plus d’un processus linéaire, mais d’un foisonnement. Aujourd’hui, le
client doit être intégré au processus d’innovation. Dans un monde complexe, saturé de
biens, concurrentiel, le consommateur exerce son pouvoir dans ses actes d’achat.
L’innovation doit prendre sa source dans une réelle et profonde intimité avec les aspirations,
les émotions des individus. Nous sommes dans la 4ème génération de l’innovation33, ou
innovation ascendante.

4ème GENERATION DE R&D : LE CLIENT AU CENTRE

L’innovation est désormais pilotée par la connaissance client,


c'est-à-dire la connaissance acquise par l’entreprise, des désirs
des clients, de leurs réactions, de leurs idées, qui viennent à
chaque instant enrichir la création du produit ou service. Cette
approche induit un grand changement dans l’organisation même
de l’entreprise. L’entreprise doit mettre en place un processus
itératif de création et de gestion de connaissances combinant
les approches marketing et technologiques.

Comme le souligne Peter Drucker dans son best-seller mondial Management, les fonctions
d’innovation et de marketing créent de la valeur, en travaillant directement sur les
aspirations du client final : «l’entreprise n’a que deux fonctions de base et uniquement ces
deux-là, le marketing et l’innovation. Le marketing et l’innovation produisent des résultats, le
reste n’est que coûts ! ».

33
“Fourth Generation R&D” – William Miller et Langdon Morris - 1999

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 50


Cette nouvelle approche de l’innovation conduit à une transformation de l’organisation, pour
imprégner l’intégralité de la chaîne de la valeur ajoutée. Comme le souligne Eric Seuillet34,
on passe d’une innovation produit stricto sensu à l’innovation du procédé. Il s’agit par
exemple, de casser la linéarité des processus, de multiplier les interfaces, les métissages,
etc….L’innovation devient une valeur systémique qui oblige à l’ouverture. Non
seulement, elle ne peut plus être réservée au laboratoire de R&D ou à quelques ingénieurs,
mais elle contraint l’entreprise à s’ouvrir et à collaborer.

L’innovation devient « ouverte » et rend les frontières de l’entreprise poreuses. Le terme


d’Open Innovation a été conceptualisé par Henry Chesbrough35.

Nouveau marché

Marché naturel

D’après article “Era of Open Innovation”- Chesbrough

INNOVATION OUVERTE

Ce chercheur constate que l’innovation interne (complètement maîtrisée au sein de


l’entreprise) ne constitue plus un avantage compétitif, à elle seule. En effet, cette approche
souffre d’une double faiblesse : elle tend à écarter les atouts qui ne rentrent pas dans les
habitudes de l’entreprise et/ou elle ne permet pas de s’hybrider avec des opportunités
externes. En effet, toute entreprise doit se poser sans relâche les questions suivantes :

ƒ La transposition est-elle possible ? Quels sont nos savoir-faire transposables à de


nouvelles opportunités, à des champs nouveaux ?
ƒ L’hybridation permettrait-elle d’offrir une nouvelle solution ? Quelles sont les
technologies ou les concepts existants dans d’autres secteurs qui pourraient
permettre d’accroître la valeur ajoutée de mon offre ?

34
Intervention Colloque Empreintes – Cabinet e-Mergences et co-auteur de la Fabrique du Futur
35
“The Era of Open Innovation” – Henry Chesbrough – MITSloan Management Review - 2003

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 51


UN ECHEC DE L’INNOVATION FERMEE : LE PARC
DE XEROX

Le Centre de Recherche de Palo Alto (PARC) fut créé pour


développer de nouvelles technologies dans le domaine des
ordinateurs. De ses laboratoires sont sortis des innovations
majeures : le réseau Ethernet, la souris, l’interface graphique
(GUI), le langage Postcript. Mais aucune n’a été
commercialisée par Xerox, car l’entreprise restait autocentrée
sur sa culture de photocopieurs et d’imprimantes.

A l’inverse, une entreprise comme Procter & Gamble vient de décider la création d’un poste
de Directeur de l’Innovation Externe avec un objectif, à terme, d’intégrer 50% d’innovations
extérieures.

Aujourd’hui, aucune entreprise n’est plus capable de maîtriser seule, les technologies mais
aussi les concepts, compte tenu de la variabilité des désirs des consommateurs. La curiosité,
la collaboration doivent devenir la règle pour une innovation efficace.

2.1.3. L’innovation s’appuie désormais sur la prospective et sur l’imaginaire

L’intégration du client conduit l’innovation à s’enraciner dans la prospective et


l’imaginaire.

La prospective devient ainsi un ressort majeur de compétitivité. En effet, si l’intégration du


marketing dans les processus d’innovation est vitale, il ne peut pas se réduire au seul
marketing classique qui se contente d’une vision quasi statique. Or, peu de consommateurs
sont capables d’exprimer de manière structurée leurs besoins. Le succès passe par l’étude des
tendances, des signaux faibles, des faits porteurs d’avenir. Ainsi, dans les entreprises les plus
innovantes, les cabinets de design industriel les plus avancés, on voit surgir de nouveaux
personnages : des ethnologues, des anthropologues, des sociologues, des artistes, des
psychologues, des sémiologues. La mode, la fonction esthétique du vêtement ont déjà
l’habitude de travailler de manière prospective en recourant à des bureaux de style, comme
NELLY RODI. Ils matérialisent les tendances émergentes à 18-24 mois. Mais la prospective
ne se restreint pas à la seule esthétique, elle offre des perspectives plus larges.

L’innovation passe par un intense travail, itératif, qui s’appuie sur l’imaginaire : du
consommateur et des concepteurs au sens large. L’imaginaire devient un levier essentiel
dans le succès d’une innovation. Pour créer un lien individuel avec le consommateur,
l’entreprise doit apprendre à intégrer dans sa réalité opérationnelle de nouvelles notions pour
elle : le plaisir esthétique, les émotions, la sensibilité artistique, les valeurs de la vie, le désir,
le plaisir, le lien social.

« L’imagination est plus importante que la connaissance » disait Albert Einstein.

L’entreprise doit ainsi s’immiscer dans l’imaginaire du consommateur, en capitalisant sur ses
savoir-faire, ses techniques, pour lui proposer des pistes. S’enclenche alors un processus de
coproduction de l’innovation, qui s’enrichit grâce à des itérations entre concepteurs et

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 52


2.1.4. L’incroyable essor de l’innovation immatérielle

Une partie essentielle de l’innovation repose ainsi sur des facteurs immatériels. On peut
littéralement parler d’innovation immatérielle. L’immatériel inspire toutes les étapes du
processus d’innovation :

Î à l’origine pour imaginer de nouveaux concepts,


Î sur toute la chaîne de développement en intégrant des univers différents,
Î au niveau du produit en y intégrant une charge psychique et affective
Î pour élaborer des services

L’innovation immatérielle est systémique.

En effet, les processus d’innovation intègrent désormais toute une série de facteurs
immatériels : exploration de l’imaginaire du consommateur, prospective, transpositions,
processus collaboratifs intra et trans-entreprise, hybridation multi
technologique/esthétique/éthique, souplesse des organisations, émotions et valeurs intégrées
dans les produits eux-mêmes, développement de services.

L’innovation immatérielle devient une dimension incontournable de la croissance. Il


s’agit là d’un véritable changement de paradigme économique. La synergie entre
innovation, immatériel, industrie ou commerce n’est pas totalement nouvelle au plan
historique. On peut rappeler : la période de la Renaissance, du XVIIème siècle hollandais, le
Bauhaus. Mais, aujourd’hui, l’innovation immatérielle prend une puissance hors du commun.

Cette réalité est directement corrélée à la prise de pouvoir du consommateur, dans un monde
sursaturé de biens, et à la puissance des technologies de l’information. Ces dernières
interviennent à tous niveaux, presque subrepticement tant elles nous sont devenues
familières : traitement de données, échanges simultanées d’informations et interactivité,
simulations numériques, maîtrise des indicateurs, suivi de taux de satisfaction, logiciels,
visualisation 3D, création de communautés et de réseaux, réduction de « l’espace temps »,
etc….

Ainsi, au terme de cette immersion dans le pays de l’innovation, on comprend plus aisément
pourquoi tant de projets échouent. La tentation reste grande de foncer tête baissée sur des
programmes de R&D, sans se préoccuper véritablement de l’imaginaire, de la prospective,
des enjeux organisationnels, de l’instauration de collaborations, de la recherche
d’hybridations ou de transpositions, de l’identification de nouveaux services.

L’innovation immatérielle, dans son sens le plus vaste, est la source de vie de l’innovation
et de la croissance.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 54


2.2. L’innovation, dans toute sa modernité, doit immerger le Textile
Habillement

Le Textile Habillement n’est pas démuni face à ces exigences nouvelles de l’innovation. Un
de ses atouts majeurs est sa connivence avec certaines des expressions de l’imaginaire des
consommateurs : le désir, l’attrait pour la nouveauté, l’esthétique. Son enjeu est de s’appuyer
plus largement sur l’innovation immatérielle, et de renforcer l’innovation technologique
au sein des PME.

Créativité,
Design,
Marketing

Logistique,
Services clients

Innovation
technologique

Organisation
Process
Management

L’INNOVATION AU SERVICE DES


CLIENTS

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 55


2.2.1. Favoriser une émergence systémique de l’innovation immatérielle

L’innovation immatérielle touche désormais une multiplicité de domaines : l’esthétique du


produit final, la conception de nouvelles offres à partir des imaginaires clients, les services,
l’organisation, les collaborations. La créativité n’est plus l’apanage des artistes, du marketing.
La créativité se conçoit comme une fonction transversale de l’entreprise.

(a) La mode et le design

Le Textile Habillement est le premier secteur industriel à expérimenter la puissance de la


mode et du design comme levier de croissance. La mode et le design permettent d’introduire
l’imaginaire et l’émotion dans les logiques et les cultures industrielles et technologiques. La
question posée par le consommateur n’est plus celle de la possession d’un nouvel objet, mais
celle de la « nouvelle expérience » (J. RIFKIN). La création immatérielle, insérée dans les
biens et les services, constitue un avantage concurrentiel majeur dans la mondialisation et,
par conséquent, l’objet d’une concurrence farouche. Il n’est pas anodin, à cet égard, que la
capitale britannique lance « Creative London » pour promouvoir ses entrepreneurs de mode,
de design, de musique, de cinéma.

Le design permet de concevoir l’innovation du point de vue de l’utilisateur car il se connecte


directement à son imaginaire. La mode et le design sont naturellement en interaction :

ƒIls sont complémentaires. Les deux concepts désignent un acte de création mis au
service d’une fonction d’usage. Ils appartiennent au même univers culturel.

ƒLe design met un accent plus net sur la logique fonctionnelle de l’objet qui doit
apporter bien-être et confort ; les contraintes des matériaux et des technologies.
La mode, quant à elle, sublime la valeur symbolique ou d’estime du produit
grâce à sa dimension esthétique. Si la mode est un design à dominante
esthétique, il existe un continuum entre l’esthétique et le fonctionnel, le
design incorporant de plus en plus la dimension esthétique. Mode et design
apportent une réponse à la saturation du marché de « biens utiles ».

ƒLe design s’inscrit dans la prospective. Il peut ainsi nourrir la mode qui joue sur
des cycles courts. Il permet également l’émergence de produits durables,
permanents qui intègrent les fonctions de plaisir et de désir.

ƒLe textile peut constituer un lien puissant entre mode et design, si lui-même investit
les émotions, les aspirations, les valeurs du consommateur en lui offrant de
nouvelles sensorialités, des fonctions inédites, au-delà de l’esthétique. C’est
l’enjeu essentiel du Textile pour l’Habillement : augmenter sa technicité
pour répondre à l’imaginaire du consommateur.

L’imprégnation de la mode, de la créativité et du design dans les PME est essentielle.


Pourtant, elle n’est pas toujours aisée. Une expérience montre la voie : « L’opération
Charentaises » pilotée par l’IFM.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 56


Les Charentaises retrouvent une nouvelle jeunesse grâce à l’IFM

Le Conseil Général de la Charente a décidé de soutenir ses entreprises


locales. L’IFM a apporté son expertise en marketing et création,
l’objectif étant d’amener les entreprises à renouveler leur offre, par la
créativité, afin de toucher de nouveaux segments de marché. Le projet
s’est déroulé en 3 temps :

Il s’est agi, dans un premier temps, d’identifier avec chaque entreprise des
voies de développement à partir de l’existant.

Dans un second temps, 11 étudiants du Cycle International de Création


(de 8 nationalités différentes) ont « relooké » l’emblématique charentaise.
Ils en ont respecté la forme originale, les matières traditionnelles (le feutre
et le cuir) et la technique de montage spécifique (le cousu-retourné). Ils
ont, chacun, teint le feutre, réalisé la tige. Les cinq entreprises de
Charente associées au projet ont monté les prototypes. 176 paires, toutes
différentes, ont été exposées au Salon Maison et Objet en septembre
2006, sous le sigle « I < charentaises ». Quatre créateurs ont été primés.
Le résultat a suscité l’enthousiasme des visiteurs comme de la presse.

La troisième étape est celle de la commercialisation. Quatre entreprises se


sont associées pour fabriquer et vendre six modèles, créés par trois
designers. Il s’agit, à ce stade, de susciter un intérêt nouveau des
consommateurs sur un produit fortement banalisé.

(b) La logistique, les process, l’organisation, les services

L’innovation immatérielle doit également investir des domaines des process et de la chaîne
logistique pour augmenter la valeur des services au client. Il faut sans cesse avoir à l’esprit
qu’un client achète non seulement un produit mais tous les services associés : créativité,
design, fonctionnalités (techniques ou symboliques), livraison ponctuelle, qualité,
renouvellement, proactivité. Cela suppose une remise en cause constante et une intégration de
tous les chemins qui permettent de toucher le consommateur final.

Les technologies de l’information et de la communication constituent un puissant substrat


d’innovation en la matière. Par ailleurs, dans un secteur très marqué par la mode, l’innovation
dans la chaîne logistique confère de vraies opportunités stratégiques.

Cet aspect est fondamental pour assurer la renaissance stratégique du secteur. Il est très
dépendant de la montée des compétences dans les entreprises.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 57


2.2.2. L’innovation technologique au service des PME

Le caractère incontournable de l’innovation immatérielle n’affadit en rien l’importance de


l’innovation technologique même si elle doit se combiner avec l’immatériel. Sur ce dernier
aspect le problème est triple dans le Textile Habillement :

ƒ Le niveau global des ressources en R&D reste faible


ƒ Le transfert de l’innovation technologique sectorielle vers les PME manque
d’intensité
ƒ Les transpositions

a. Le faible niveau de la R&D dans le Textile Habillement

La R&D reste globalement faible dans ce secteur. Selon Euratex et Oseo, il existe 4 à 5
centres majeurs de R&D en Europe, concentrés en Allemagne :

ƒ 4 en Allemagne fortement soutenus par les Länder et appuyés par 17


centres textile
• ITV près de Stuttgart sur les fibres, les textiles médicaux et les
processus
• STFI en Saxe sur les non tissés
• ITA à Aix-La Chapelle sur les processus, les machines en filature,
tissage, textiles techniques, composites
• L’Institut Hohenstein dans l’habillement qui travaille sur la
physiologie des vêtements, la morphologie et la prise de mesure.
ƒ 1 en Suisse : l’EMPA qui poursuit des recherches fondamentales sur les
matériaux avancés.

Les laboratoires français apparaissent comme significativement plus petits. De plus, les
missions exactes des différentes entités ne sont pas toujours claires, avec des ambiguïtés sur
le positionnement entre recherche fondamentale, recherche appliquée, transfert de
technologie, expertise scientifique, tests, maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre. En tout état
de cause, un point de convergence est clair : la R&D de ce secteur est insuffisante, que ce soit
en France et en Europe, Allemagne exceptée.

Cette faiblesse globale de la R&D est un point de fragilité important du secteur.


technologique puissante.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 58


b. Réussir les transferts de technologie dans un tissu de PME : une question
centrale

Les PME ont rarement les ressources financières pour consacrer des moyens importants à la
R&D. Dans un tel contexte, les pôles de compétitivité et plus généralement les clusters
régionaux revêtent une importance vitale. R2ITH a contribué à mettre sur les fonds
baptismaux, les pôles de compétitivité en mettant des industriels en réseaux et en lançant des
projets de recherche collaboratifs. Aujourd’hui, ces pôles sont des composantes essentielles
de la renaissance du Textile Habillement, mais leur influence s’établit majoritairement sur 3
régions. Un danger les guette également celui du syndrome du tout technologique. Il est donc
nécessaire de continuer le travail entrepris par R2ITH au bénéfice des régions hors pôles de
compétitivité et en les ouvrant sur l’innovation immatérielle.

Mais il est impératif d’explorer d’autres pistes rapprocher la R&D des PME, pour rendre les
frontières de l’entreprise poreuses (voir supra sur innovation ouverte). Une initiative lancée
par le FORTHAC paraît particulièrement intéressante : les contrats de professionnalisation
supérieure en recherche au bénéfice des PME. Il s’agit d’une expérience qui a bénéficié d’une
dérogation exceptionnelle des pouvoirs publics.

FORTHAC : des contrats de professionnalisation au service de


l’innovation dans les PME

Le principe
Ces nouveaux cursus de formation en 3ème cycle et en alternance
permettent la réalisation, par un étudiant-chercheur, d’un projet de
recherche, proposé par une PME.

Placé sous la direction conjointe d’un tuteur/enseignant/chercheur et


d’un tuteur industriel, l’étudiant bénéficie à la fois des moyens et des
compétences de son école et d’un suivi individualisé.
Ces cursus sont innovants à double titre :
Via l’alternance, ils permettent aux entreprises de disposer en
interne, et pendant une période relativement longue, d’une ressource
sur ses préoccupations stratégiques. Parallèlement, ils donnent
l’occasion à l’étudiant de préparer son entrée dans la vie active, en
menant à bien un projet professionnel valorisé par un véritable contrat
de travail.
Via leur orientation recherche, ils privilégient une approche
transversale et permettent aux PME de bénéficier d’un véritable
« Vivier de Recherche » grâce à l’étudiant et le soutien scientifique de
l’école.
Les cursus concernés
Cette démarche innovante et expérimentale bénéficie d’une
dérogation exceptionnelle obtenue par le FORTHAC auprès de
l’Etat. A ce jour, elle est limitée à 3 cursus.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 59


Plus globalement, il est vital pour le secteur d’augmenter « le taux de transfert » de
l’innovation dans les PME.

c. La puissance des transpositions

Beaucoup d’innovations naissent par un acte de transposition, en dehors de toute logique


linéaire classique. Ainsi, les entreprises devraient en permanence se poser les questions
suivantes :

ƒ Quels sont nos savoir-faire, à la fois rares, précieux aux yeux de nos clients
et transposables à de nouvelles opportunités ?
ƒ Quels avantages incontestables nos compétences clés nous permettent
d’elles d’offrir à nos clients ?
ƒ Ces avantages peuvent ils être déployés sur des champs nouveaux ?
ƒ Quelle avance nos compétences clés pourraient elles nous conférer si nous
introduisions dans des secteurs où les concurrents exploitent des savoir-
faire très différents ?

L’écoute des clients, notamment issus de secteurs étrangers, ainsi que les relations avec des
chercheurs hors Textile Habillement, permettraient de créer un « réseau de valeur »,
particulièrement innovant et porteur d’avenir.

d. Un puissant levier pour le Textile

L’innovation technologique est un des leviers les plus puissants pour la croissance du Textile.

Une véritable révolution peut s’opérer dans ce domaine, sous une condition essentielle :
intégrer, dans la conception, le client. La tentation du tout technologique est l’un des
périls les plus sérieux qui guettent les Matériaux Souples Innovants. D’autant plus que, la
croissance des budgets de R&D, l’existence de subventions, l’image positive des Textiles
Techniques peuvent donner l’illusion que l’innovation technologique suffira à assurer le
succès commercial. Rien ne serait plus dangereux. Pour reprendre une formulation chère
aux scientifiques : l’innovation technologique est un condition nécessaire mais non
suffisante.

L’innovation technologique et l’intégration client sont vitales pour les 2 univers du Textile,
mais de manière légèrement différente :

ƒ Textile pour l’Habillement : les développements doivent cibler de nouvelles


fonctionnalités, de nouvelles sensations de matière en harmonie avec les
attentes du client final.

ƒ Textile hors Habillement : les entreprises doivent s’attacher à transposer et


enrichir des savoir-faire existants pour pénétrer de nouveaux secteurs aux
exigences très éloignées de celles de l’habillement.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 60


2.2.3. L’hybridation des différentes formes d’innovations

L’hybridation entre différents univers est en elle-même richement porteuse d’avenir. La


capacité à combiner le design, le marketing, la créativité, le savoir-faire productif et les
technologies constitue un avantage compétitif majeur.

L’expérience réussie de DesignTech l’illustre pleinement.

Design Tech ou l’alliance réussie du design et de l’entreprise

Design Tech a vu le jour début 2007, grâce à l’impulsion de Nelly


Rodi, au sein de R2ITH

Objectifs du projet :
Encourager, par la démonstration, le management par le design, en
introduisant un design décalé dans des entreprises qui ne l’utilisent
pas ou peu.
Le projet met en binôme 10 entreprises du Textile Habillement et 10
designers. Tous ces binômes n’avaient pas l’habitude de travailler
ensemble. La mission : développer conjointement un produit
commercialisable à l’issu d’un processus de création de design
industriel innovant.

Ce projet a fait l’objet d’un appui de l’IFTH et de la DGE.

DesignTech a nécessité au démarrage une grande coordination pour


« lancer » les projets de manière pratique. Les travaux engagés
permettent d’espérer un taux de réussite d’environ 60 à 70% : 6 à 7
projets devraient prochainement déboucher sur la commercialisation
de produits.

Ce travail impose à la fois une grande rigueur et une curiosité proactive. Il nécessite
persévérance. Dans le même temps, sa mise en place est totalement accessible en terme
financier pour des PME car ce type de démarche se concentre sur l’amont du process
d’innovation, donc à un stade où les moyens engagés sont faibles. Toutes les entreprises du
Textile Habillement devraient intégrer, dans leur « feuille de route », une telle initiative.

2.3. La protection des innovations : loin de la tolérance zéro

L’innovation doit aller de pair avec sa protection. C’est d’ailleurs, une des conditions
majeures de son développement. Les auteurs de l’ouvrage « Objectif Innovation »36
n’hésitent pas à lui attribuer le rôle de véritable déclencheur de la révolution scientifique et
industrielle du XIXème siècle. Il est intéressant à ce propos, de souligner que la France est à

36
Jean-Yves Prax, Bernard Buisson, Philippe Silberzahn

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 61


l’origine de la protection des inventions, au XVIIIème siècle, elle a été suivie par tous les
autres pays industrialisés, au siècle suivant.

Aujourd’hui, force est de constater que la contrefaçon est devenue un véritable fléau dans le
Textile Habillement. La protection des brevets existe mais reste imparfaite, la contrefaçon de
marques cible principalement le luxe ou le très haut de gamme.

Pire encore, la contrefaçon des dessins et modèles est devenue une composante quasi-
structurelle, de grande ampleur du secteur.

Les industriels pointent du doigt la grande distribution.

Il est impossible, dans ce rapport, de passer sous silence la violence des critiques des
industriels à l’égard de la grande distribution. J’ai dû rencontrer environ 200 industriels,
principalement des PME : il n’en est pratiquement pas une qui n’ait pas attaquée la grande
distribution, notamment sur le thème de la contrefaçon. On m’a cité, montré des dizaines et
des dizaines d’exemples de contrefaçons pratiquées par les chaînes les plus connues. Les
demandes d’échantillons constituent une sorte de voie royale de la contrefaçon : des
bureaux, des centrales d’achat demandent des échantillons et lancent ensuite des
fabrications similaires, dans des pays à faible coût de main d’œuvre.

Dans la plupart des cas, les PME renoncent aux poursuites car le dé référencement serait
immédiat et les compensations judiciaires trop faibles et trop longues à obtenir. Rares sont
celles, comme Deveaux, qui engagent des poursuites judiciaires.

Je ne suis pas en mesure de quantifier le phénomène. Toutefois, les affirmations étayées de


près de 200 chefs d’entreprises ne peuvent pas être passées ignorées. D’autant que tous,
outre leur écoeurement, considèrent que cette pratique généralisée constitue un frein très
sérieux à leur développement.

La contrefaçon dans le Textile Habillement : un phénomène de grande ampleur

Une entreprise comme Deveaux (voir Annexe 4), leader européen du textile crée 5.000
dessins et modèles, chaque année. Cette puissance de création interdit la délocalisation car
il serait impossible de concrétiser toutes ces idées, avec des fournisseurs disséminés aux 4
coins de la terre. Par contre, Deveaux est systématiquement l’objet de contrefaçons et
engage, en moyenne, 1 procès par semaine pour défendre ses droits.

Une autre illustration récente, lors du salon Lyon Mode City, 102 saisies en contrefaçon
ont été réalisées.

Quelques chiffres donnés par Euratex37 soulignent l’ampleur du phénomène :

ƒ 60% des procédures concernant des procédures en contrefaçon, suite aux saisies
des douanes en Europe, concernent le Textile Habillement
ƒ 30 millions de produits textiles et habillement ont été saisis pour contrefaçon en
Europe en 2006

37
Questions on How to Combat Couterfeiting and Piracy in Textiles and Clothing in Europe - Euratex

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 62


ƒ 85% des contrefaçons provenaient de Chine
ƒ On suspecte la Pologne et la Tchéquie d’abriter de véritables usines de
production de contrefaçon

La situation est difficile pour des PME, comme l’illustre l’exemple de PSSSY.

Le fléau de la contrefaçon pour une PME : le cas de PSSSY

PSSSY est une PME familiale de confection qui existe depuis 3


générations. Elle a su remarquablement se rénover par l’écoute
constante de ses clientes, aussi bien les jeunes filles que leurs
mères. Elle a compris l’importance du développement d’une
marque propre avec son univers particulier. PSSSY développe
ainsi constamment de nouveaux modèles et poursuit une politique
commerciale très dynamique en France et à l’étranger. PSSSY
réalise 40% de son CA en France, 30% en Europe, 30% hors CEE.
L’entreprise utilise principalement des tissus français pour garantir
une qualité maximale à ses produits, mais sa principale valeur
ajoutée reste la création. PSSSY est une marque très tendance
parmi les artistes, les people, les « stars » de la télé réalité.

Or, elle subit les assauts permanents de la contrefaçon :

ƒPSSSY a été contrefait par le groupe suédois H&M qui possède


500 points de vente dans le monde dont une trentaine en France.
H&M vient d’être condamné en première instance pour
contrefaçon, en France, mais uniquement sur la base des 3.000
pièces commercialisés sur le territoire français. La Sté PSSSY n’a
pas réussi à obtenir devant la juridiction française une
indemnisation pour les 35.000 vêtements livrés dans tous les autres
pays, y compris européens, où PSSSY est présent.
ƒPSSSY a décidé de s’ouvrir à l’Est, notamment en Russie. Elle
investit en communication, réussit à imposer son style moderne sur
ces marchés. Des industriels principalement Turcs, Grecs et
Bulgares achètent les collections dès leurs mises en circulation.
Les produits sont alors contrefaits en une semaine et arrivent ces
mêmes marchés à 25% du prix de vente affiché. PSSSY est ainsi
fortement pénalisé dans ses efforts de développement. Le même
scénario se reproduit en Asie.

La loi Longuet du 24 février 1994 a apporté de sérieux moyens pour lutter contre la
contrefaçon en France qui bénéficie de la législation la plus restrictive en la matière, en
Europe. Malgré cela, la lutte contre la contrefaçon des dessins et modèles a besoin de
s’intensifier, en France et surtout en Europe qui reste d’une inertie coupable en la matière.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 63


3. L’agilité opérationnelle et la chaîne logistique : des leviers stratégiques

La recherche continue d’opérations toujours plus efficaces, plus flexibles et plus réactives
constitue un objectif permanent d’un nombre croissant d’entreprises. Mais la filière Textile
Habillement présente une caractéristique supplémentaire importante : une stratégie
gagnante passe nécessairement par une meilleure harmonisation de la chaîne logistique
entre plusieurs entreprises, dans le but de fournir une solution globale aux distributeurs
et au client final.

3.1. La souplesse stratégique dans l’entreprise

Dans un monde de concurrence acharnée où l’offre est surabondante, l’excellence


opérationnelle est une obligation désormais incontournable. Cette excellence s’assimile à une
véritable « souplesse stratégique » selon les termes de Gary Hamel38.

Dans l’univers de la mode qui change à toute vitesse, où la maîtrise du temps s’est muée en
atout stratégique, où les cycles de demande sont courts et fluctuants, la souplesse stratégique
est une des racines de la rentabilité. Elle permet à l’entreprise de rester parfaitement à
l’écoute de son marché et de s’y adapter (voir exemple de Honda aux USA, supra). Cette
souplesse lui évite de se retrouver piégée dans des schémas, des process trop normés, trop
rigides, trop verticaux. Cette souplesse repose principalement sur un double fondement :

ƒ L’agilité opérationnelle
ƒ Un point mort bas

3.1.1. L’agilité opérationnelle

Les entreprises sont soumises à une double contrainte :

ƒ Une demande changeante très rapidement


ƒ Une désintégration générale du modèle classique du fonctionnement des
entreprises. Il y a encore 20 ans, l’intégralité de la chaîne de valeur était
linéaire et maîtrisée par l’entreprise. Aujourd’hui, la chaîne de valeur du
Textile Habillement est totalement déstructurée, modulaire.

Ainsi, la flexibilité opérationnelle est une réponse à la forte variabilité de la demande. Elle
permet l’incorporation très rapide des changements dans les designs.

3.1.2. L’abaissement du point mort

La concurrence mondiale, notamment des pays à bas coût de main d’œuvre, impose cette
quête toujours inachevée même si elle ne peut pas constituer une stratégie sui generis. Une
entreprise doit toujours se poser les questions clés suivantes :
ƒ Mon concept d’entreprise me permet il d’obtenir un point mort plus bas que les
modèles traditionnels d’entreprises, de mes concurrents ?

38
La Conquête du Futur – Gary Hamel

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 64


ƒ Comment puis-je infléchir mon concept d’entreprise pour abaisser encore le point
mort ?
ƒ Quels avantages m’apporteraient un point mort plus bas ? Quels bénéfices en
retireraient mes clients ?
ƒ Cela me permettrait il d’offrir une plus grande flexibilité ou d’offrir à nos clients une
plus grande variété ?

3.1.3. L’importance des processus

Les processus de base sont les méthodologies et procédures mises en œuvre pour transformer
les savoir faire, les actifs et autres intrants en valeur pour les clients.

Le modèle de fonctionnement linéaire et hiérarchique des entreprises a vécu. Le


fonctionnement devient modulaire, voire multi modulaire, compte tenu de la coexistence de
plusieurs chaînes de valeur ajoutée. Plus que jamais, il est nécessaire de penser les entreprises
suivant un modèle dynamique et non plus statique, une réalité biologique et non plus
strictement linéaire. Le management, les processus, la logistique, l’organisation, prennent une
place prépondérante.

Quelques questions clés pour une entreprise :

ƒ Quels sont les processus les plus vitaux ? Ceux qui apportent le plus de valeur à mes
clients, et qui n’ont aucun équivalent dans mon univers concurrentiel ?
ƒ A quel rythme est-ce que je les améliore ?
ƒ Existe t’il des possibilités d’amélioration fonctionnelle de certaines étapes
susceptibles d’en modifier la performance ou l’efficacité ?
ƒ Puis-je emprunter à d’autres métiers des méthodes rompant totalement avec nos
propres habitudes ?

Ainsi, chaque fois que l’on met à plat un processus de base, qu’on le repense complètement,
on peut déboucher sur une innovation en concept d’entreprise.

3.2. Un enjeu stratégique majeur pour la filière : la chaîne logistique

Qu’une entreprise soit contrainte à être excellente opérationnellement ne surprendra


personne. Par contre, les exigences ne s’arrêtent pas aux frontières de l’entreprise.

L’ensemble du secteur -notamment la filière Textile Habillement- doit affronter un enjeu bien
plus critique : celui de la globalité de la chaîne logistique qui converge vers le
consommateur final.

On parle souvent de la « supply chain ». Ce terme recouvre une série très vaste d’activités.
Elles recouvrent notamment l’approvisionnement des matières premières, le design du
produit en partenariat avec plusieurs co-traitants, la planification de la production, la
supervision des différentes étapes de stockage, le transport, la livraison, les retours clients et
fournisseurs. Une supply chain efficace est fortement dépendante du système
d’informations qui permet d’assurer la transparence et le partage des données, de maîtriser
l’ensemble des flux.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 65


L’ENTREPRISE

PRODUIT

UNE MEME
CHAINE SERVICES
LOGISTIQUE CLIENTS

L’ENVIRONNEMENT DE Frontières de l’entreprise


L’ENTREPRISE : fournisseurs,
sous-traitants, co-traitants,
livraisons, stylistes,
ennoblisseurs, etc….

OFFRIR AU CLIENT UNE SOLUTION GLOBALE

L’Espace Textile de Lyon a réalisé une enquête auprès de 100 acteurs du textile et du prêt-à-
porter féminin pour cerner les attentes de l’aval du Textile39. Il apparaît très clairement que
l’aval, le client attendent des solutions. Il ne souhaite pas entrer dans les difficultés et les
subtilités de l’amont. Cette tendance se renforcera avec la fragmentation des marchés.

39
Observatoire Européen du Prêt-à-Porter féminin – Octobre 2005

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 66


Extrait Observatoire 2005 – Espace Textile Lyon

Il ne suffit donc pas à une entreprise d’améliorer ses produits, son service client, il est tout
aussi impératif qu’elle coopère avec d’autres acteurs de la filière pour fournir au distributeur
et au client, une solution complète.

L’augmentation de la valeur ajoutée passe par les valeurs de coopération, collaboration.


Les alliances entre entreprises, non nécessairement capitalistiques, constituent des
réponses pertinentes pour aborder la nouvelle Révolution Industrielle.

L’ensemble de la chaîne doit être souple, flexible compétitive, réactive et efficace en


termes de coûts. Dans la fragmentation de la chaîne de la valeur ajoutée, des « zones » de
coordination, d’harmonisation sont indispensables, faute de quoi le chaos risque de
l’emporter. La production en Asie a remporté un incroyable succès, sous un double effet :
les faibles coûts de main d’œuvre, mais surtout la montée en puissance de chaînes
logistiques efficaces. Un certain nombre de grandes marques de l’habillement intègre en
interne cette fonction de coordination, de planification, mais il existe également des
entreprises dont le core-business est ciblée sur cette offre coordonnée de services. C’est le
cas par exemple de la société basée à Hong-Kong : Li & Fung.

L’économiste Gabriel BITRAN du MIT Sloan School of Management a mis en évidence


l’importance de ce qu’il nomme les « mini maestros »40. En effet, la défragmentation de la
chaîne de la valeur ajoutée n’est pas soutenable sur le long terme sans une coordination de
certaines fonctions. Cette réintégration peut d’ailleurs varier d’une industrie à l’autre, d’une
entreprises à l’autre.

40
« Emerging Trends in Supply Chain Governance » - Bitran with Gurumurthi and Lin Sam – MIT Sloan
School of Management - June 2006

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 67


Extrait de « Emerging Trends in Supply Chain Governance » - MIT Sloan

Chef d’orchestre logistique - Mini Maestro

Le cas de Li & Fung illustre parfaitement le rôle d’un « maestro »

LI & FUNG où comment une entreprise « virtuelle » est facteur de


croissance

Li & Fung est une société basée à Hong-Kong, née en 1906. Il s’agit de
la plus ancienne société d’import-export de cette ville. L’ensemble du
groupe pèse environ 7,5 Mds $ et compte 10.000 employés. Li & Fung
représente un cas extrême « d’usine virtuelle », où la matière
première est l’information et son traitement. Li & Fung se présente
comme un chef d’orchestre de la « supply-chain » globale, pour les
biens de consommation.

Une des branches de Li & Fung est spécifiquement dédiée à


l’habillement : ses clients sont des enseignes, en Europe ou aux USA.
Cette entreprise anime un réseau de 7.500 entreprises, dans 26 pays,
couvrant toute la filière, sans en posséder une seule et sans aucun intérêt
capitalistique. Li & Fung assure à chacune de ces entreprises entre 30%
et 70% de son activité ce qui lui permet d’obtenir les meilleures
conditions du marché.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 68


Illustration : à l’arrivée d’une commande par exemple de 10.000
vêtements, Li & Fung dissèque les process industriels. Il assure
directement à Hong-Kong plusieurs « modules » de valeur
ajoutée, notamment la planification logistique et le financement.
Ensuite, il « alloue » les différentes parties de l’approvisionnement et de
la confection aux entreprises du réseau qui sont les mieux adaptées et
qui disposent de capacités disponibles. Il peut ainsi s’approvisionner en
boutons au Japon, acheter et faire tisser des fils de laine en Corée,
teindre à Taiwan et confectionner en Thaïlande. Li & Fung assure
ensuite la livraison des produits dans les différents entrepôts de son
client.

En outre, Li & Fung aide les entreprises de son réseau à planifier sa


production, avance des lettres de crédit aux fournisseurs.

Toutes ces opérations reposent sur un système de collecte et de


traitement de l’information, très dense qui permet une allocation
optimale des ressources et un benchmark approfondi. Cette analyse
permet de verser des bonus aux entreprises qui, régulièrement,
enregistrent de bonnes performances. Les entreprises qui ont des
résultats médiocres reçoivent un feedback très détaillé. Ce système
informatisé est également le support d’un partage présenté comme
équitable des bénéfices entre les différents membres du réseau.

Ainsi, au-delà, de ses propres réseaux internes, l’entreprise doit également se penser comme
un membre d’une chaîne plus vaste qui, in fine, a pour objectif de satisfaire le client final.
Mettre au point un produit adapté au marché et l’intégrer dans une chaîne logistique
inefficace est profondément inutile ; il en est de même pour la conception d’un produit, sans
intégrer les contraintes de la chaîne logistique.

L’Espace Textile de Lyon a commencé à sensibiliser ses PME, à cet enjeu de coordination,
par une illustration très pédagogique des dysfonctionnements dans la chaîne de valeur qui
relie les textiliens à la vente du vêtement.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 69


Extrait Observatoire 2005 – Espace Textile Lyon

Une chaîne logistique partagée entre plusieurs PME est un levier stratégique majeur
dans la renaissance du Textile Habillement. Les entreprises doivent se focaliser sur les
besoins du client final et pas seulement son client direct.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 70


4. Le développement commercial

La manière dont toute entreprise va sur son marché, approche ses clients, est cruciale dans
son concept stratégique. Son dynamisme commercial, son lien avec le client sont sa raison
d’être.

Fréquemment, les PME du Textile Habillement s’adressent à des clients qui ne sont pas les
consommateurs finaux. Cette situation est toujours plus inconfortable, plus fragile qu’une
maîtrise complète de sa distribution. L’idéal est toujours une intégration vers l’aval, pour se
rapprocher du client final. Beaucoup de PME souhaiteraient s’engager dans une telle voie,
mais elles en sont empêchées par la limitation de leurs capacités de financement.

A très court terme, deux pistes peuvent être suivies pour dynamiser le développement
commercial : l’information du client et l’expansion internationale.

4.1. Transformer l’information du consommateur elle-même, en atout


commercial

L’analyse des facteurs incitatifs à l’achat indique des pistes de développement commercial41.
Elle rejoint totalement la démarche d’innovation immatérielle, par exploration de
l’imaginaire, des aspirations des clients :

France Allemagne Roy.-Uni Italie


Le produit présente des garanties d’hygiène 85 81 93 91
et de sécurité
Il existe un bon service après-vente 81 84 85 80
Le prix est compétitif 79 87 96 87
Le produit comporte un label de qualité 78 53 75 73
La marque vous inspire confiance 73 55 59 65
Le produit est fabriqué dans votre pays 68 48 68 59
Le produit a des garanties écologiques 68 54 80 70
Le produit est fabriqué dans votre région 63 46 53 48
Le fabricant soutient une cause humanitaire 58 47 61 61
Il est recommandé par une asso.de consom. 53 70 74 62
Le produit est fabriqué en Europe 49 29 34 39
Le produit comporte une innovation 42 55 44 46
technologique

Caractéristiques incitatives à l’achat d’un produit


(En % de personnes ayant répondu « beaucoup » ou « assez »

L’analyse des motivations d’achat, quoique un peu ancienne, montre la réalité de tendances
communes qui portent sur des attentes partagées par tous les consommateurs européens sur
les garanties d’hygiène et de sécurité ainsi qu’en matière d’éthique. Les spécificités
nationales demeurent fortement prononcées. Les consommateurs français expriment une

41
Etude Prospective des Grandes Tendances de la Consommation -Credoc et DiGITIP- 2000

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 71


attente de terroir plus forte et par une importance plus grande accordée aux signes extérieurs
de « rassurance » comme les labels et les marques.

Or, aujourd’hui, le consommateur est souvent mal informé sur le produit qu’il achète,
quand il n’est pas carrément désinformé :

ƒ L’innocuité des produits utilisés notamment sur les teintures et les fixateurs
ƒ L’information sur la fabrication
ƒ L’univers immatériel véhiculé par le vêtement
ƒ Le respect de normes environnementales tant au niveau des produits utilisés
que des process.

4.1.1. La sécurité des produits : un problème sous-estimé

L’affaire des jouets MATTEL a soudain attiré l’attention des Occidentaux sur des
contreparties malheureuses des délocalisations.

Il serait naïf de penser que le Textile Habillement serait exempt d’un tel risque. EURATEX a
constaté des défaillances notables lorsque des analyses sérieuses ont été effectuées sur un
échantillon aléatoire de produits vestimentaires pour vérifier, tout à la fois :

1. le correct étiquetage des produits (Directive 96/74/EC),


2. la présence de certains colorants cancérigènes interdits par la directive
2002/61/EC (AZO Dyes)
3. la présence de substances nocives (p.ex. formaldéhyde ; métaux lourds etc.) pour
lesquels seuls des niveaux « volontaires » existent (p.ex. label privé Oekotex) :

Des chiffres inquiétants : 20% des vêtements pourraient


présenter un danger

ƒ Près de 20% des échantillons ne respecteraient ni la directive


AZO, ni les niveaux volontaires de contrôle des produits nocifs en
Europe ;
ƒ Dans plus de 80% des cas ces produits ne respectent pas d’une
manière ou d’une autre les directives communautaires ;
ƒ L’étiquetage est déficient dans 2/3 des cas ;
ƒ Plus de la moitié des produits ne sont pas originaires de l’UE ;
ƒ La probabilité de trouver des produits non conformes
augmente fortement si le produit est originaire de Chine.

Un point important à souligner : si les producteurs détiennent une part de responsabilité par
leur absence d’éthique minimale ; la responsabilité des donneurs d’ordre est également
engagée. En effet, il leur incombe de mettre au point des cahiers des charges très précis et
d’exercer les contrôles nécessaires tout au long de la chaîne de fabrication.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 72


4.1.2. Un flou sur la réalité derrière les marquages d’origine

Certaines appellations sont trompeuses et leur interprétation floue. Ainsi pour le Made in
France :

ƒ Les Douanes ne s’intéressent qu’à l’origine de la confection.


ƒ La DGCCRF s’attachera à vérifier que le tissu et la confection ont bien été
réalisés en France
ƒ Degré supplémentaire de complexité : le Made in France évoque dans
l’imaginaire du consommateur une qualité, un univers de la mode bien
particulier. Un consommateur qui achète un vêtement Made in France,
n’achète pas seulement une confection française mais un supplément de
mode et d’exclusivité.

Dans le même ordre d’idées, certaines marques de Haute Couture recourent à des
fabrications délocalisées, tout en jouant sur l’image de luxe de la France.

Les principes flexibles qui régissent aujourd’hui le Made In France ne permettent pas au
consommateur d’obtenir une information fiable et claire.

Le récent rapport de Pascal MORAND, fin connaisseur du Textile Habillement, sur la


Mondialisation l’exprime très clairement 42:

«L’Etat doit encourager les entreprises à faire preuve de transparence et à jouer le jeu de la
mondialisation responsable. … Il est ainsi indispensable de reconstruire la « Marque France »
pour que nous soyons perçus à l’étranger comme une plate-forme de création et d’innovation.
A cet égard, il nous faut moderniser les règles actuelles du made in afin d’offrir un outil de
transparence aux producteurs et aux consommateurs, et de mieux valoriser la part
immatérielle de nos produits.

Il serait ainsi souhaitable de mettre en place un système de marquage en trois étages :

ƒ Instauration d’un label « 100% France » sur l’ensemble de la chaîne de


production
ƒ Affinement des règles actuelles du made in, en veillant à bien préciser les
pays dans lequel ont été effectuées les dernières transformations
substantielles
ƒ Création d’un label designed in pour valoriser la part immatérielle de nos
produits. …

Plus généralement, il faut prêter une plus grande attention aux interactions entre la
réglementation d’une part, le marketing et la communication des marques, produits et
services français, d’autre part, en privilégiant la clarté et la lisibilité par les consommateurs
dans un monde où le fond et la forme sont désormais totalement imbriqués. Il importe
également de ne pas mésestimer le pouvoir de régulation des consommateurs eux-mêmes…
le marquage est indissociable des imaginaires de consommation, et le choix des entreprises

42
Extraits de « Mondialisation : changeons de posture » - Groupe de travail présidé par Pascal Morand – Avril
2007

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 73


en matière de communication est fonction de leur positionnement immatériel. Il est
également vrai que la possibilité de prendre appui sur la marque France doit être largement
amplifiée».

4.1.3. La labellisation, l’information des pistes d’avenir

La labellisation peut s’avérer une piste très fructueuse pour des groupements d’entreprises ou
toute une industrie qui souhaiteraient garantir et communiquer sur la qualité de leur produit.
Le champ est vaste mais il est certain que la thématique « consommation responsable » est
très porteuse. Elle couvre l’intégralité du process : matières premières écologiques, process
de fabrication respectueux de l’environnement, transports économes en émission de CO²,
respect de règles éthiques et sociales. Par ailleurs, ces produits ne doivent pas pour autant
renoncer aux valeurs de plaisir, de désir et de séduction.

Il existe une réelle demande à laquelle, aujourd’hui, aucune offre structurée n’est proposée.

On estime que les « engagés » représentent déjà entre 10 et 20% du potentiel consommation
en France43. Près de 90% de la population se déclare sensibilisée à ces thématiques. Une
information absolument fiable et objective sera un support puissant à cette nouvelle tendance.
En parallèle, les exigences doivent toucher aussi bien les industriels nationaux que les
importations, preuves à l’appui. En effet, un certain nombre de groupes font du
« greenwashing » sans se préoccuper sérieusement de la qualité tout au long de la chaîne de
fabrication. Ils jouent ainsi sur la seule publicité, ou raffinement, font signer des chartes
éthiques à leurs fournisseurs tout en leur imposant des prix d’approvisionnement qui excluent
une qualité totale. Ces chartes se révèlent plus des sécurités juridiques pour se dégager de
toute responsabilité en cas de problème.

La mise en place d’une information fiable, objective et sincère constitue un véritable


vecteur de développement commercial, notamment dans le domaine de la
consommation responsable.

4.2. L’expansion internationale

Les conditions d’une expansion internationale réussie constituent un thème sui generis. La
vision internationale est une source permanente d’inspiration, de créativité, d’innovation. Le
monde est également une source d’opportunités et de victoires commerciales. Aujourd’hui, si
le marché stagne en Europe et en France, il augmente très fortement à l’étranger : Russie,
pays asiatiques, Amérique Latine. L’expansion internationale constitue alors une obligation
pour assurer la croissance de son entreprise.

Mais il ne faut pas se voiler la face, le passage à l’acte est d’une extrême complexité pour des
PME. L’ouverture internationale est non seulement coûteuse, difficile, consommatrice de
temps ; mais elle exige aussi une stratégie plus complexe, plus approfondie et plus structurée.
Un grand nombre de PME ont besoin de sur-mesure pour les accompagner dans leurs
premières démarches, d’un accompagnement personnalisé.

43
Recoupement de statistiques RTE, Monde, Aegis, Worms & Michael

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 74


Là, réside la véritable difficulté quand on aborde le sujet international pour les PME : on peut
imaginer toutes les procédures possibles, mais il faudrait toujours les assortir de conseils
personnalisés de proximité. Entre dispositif et service, il faut choisir le service. C’est
l’expérience que j’ai tirée de la création d’Entreprise Rhône-Alpes International.

Le modèle ERAI (Entreprise Rhône Alpes International)

Fondé, il y a maintenant 20 ans, ERAI a été conçu comme un


« service public efficace ». Il opère depuis un siège basé à
Lyon et 9 antennes dans le monde (Europe, USA, Canada,
Japon, Shanghai, Inde). L’objectif clairement affiché dès le
départ : aider concrètement les PME, y compris les plus petites
d’entre elles, à s’internationaliser.

Les interventions ont toujours collé strictement aux besoins


des entreprises. En fait, la recherche de solutions pratiques, de
résultats et la satisfaction des besoins des PME priment sur les
procédures. Celles-ci sont hyper légères par contre, les
interventions sont suivies très précisément et donnent lieu à
une évaluation finale : une notation inférieure à 16/20 donne
lieu à une alerte et à des mesures correctives. Une grande
liberté est ainsi laissée aux « ERAI », en contrepartie d’un
suivi rigoureux et d’une évaluation. La satisfaction de
l’entreprise sert de maître étalon aux actions et aux modes
d’intervention.

Cas d’une PME qui souhaite trouver un distributeur :


• Visite obligatoire d’un homme ou d’une femme ERAI dans
l’entreprise avant le démarrage d’une mission
• Rapide étude de faisabilité prix/adaptation du produit selon
le marché visé
• Recherche individualisée d’un partenaire adapté aux
besoins de la PME ; puis assistance aux négociations et à
la mise en place du projet

Pour les PME qui ont franchi le stade de la simple exportation


et de l’étape de la distribution par un tiers, ERAI a développé,
pour accompagner ses PME clientes, un nouveau concept
baptisé Implantis :
ƒRecrutement ou partage de commerciaux locaux,
hébergement dans les antennes
ƒEncadrement et reporting assurés par ERAI à l’entreprise.

Au cours de son histoire, ERAI a ainsi aidé concrètement


4.000 PME de Rhône Alpes à s’internaliser, dont la plupart ont
une moyenne de 50 salariés.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 75


Les institutions existantes doivent adopter les principes de service sur mesure, réactivité,
intimité avec l’entreprise, conseil permanent, proactivité, force de proposition etc…. La clé
du succès pour les PME est que le spécialiste quel que soit son origine (UBIFRANCE,
CCI, etc…) se considère comme un véritable commercial de l’entreprise dont il a la
charge, pendant une période donnée. Les questions de qualité relationnelle, de culture
d’entreprise et de management sont essentielles pour assurer d’une démarche efficace de
PME à l’international.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 76


5. Le réseau de valeur

Nous avons largement évoqué l’impact de la mutation du consommateur sur l’entreprise et


son environnement, avec une conséquence majeure : la nécessité de coopérer avec d’autres
acteurs que ce soit pour innover, développer un produit, améliorer ses process ou s’intégrer
dans une chaîne logistique fluide.

Le temps est passé où une entreprise -a fortiori une PME- pouvait trouver seule, en son sein,
toutes les ressources nécessaires à son développement. L’ouverture, la coopération, l’échange
constituent des facteurs clés de succès pour les PME du secteur. La multiplication des
interfaces est la source d’une multiplication incroyable de possibles, d’innovations encore
impensables, il y a 20 ans.

Un réseau de valeur est littéralement composé d’une myriade d’interfaces, de


connexions, d’interactions entre des réalités différentes.

La coopération, l’échange doivent devenir la norme dans ce secteur pour permettre son
renouveau stratégique. Les institutions doivent donner l’exemple et entraîner les
entreprises dans leur sillage.

R2ITH constitue un exemple à suivre : sur le thème prioritaire de l’innovation, il met en


réseau des entreprises, sans vision féodale, ni velléité impériale. Il a accompagné la création
des pôles de compétitivité qui, à leur tour, fonctionnent en réseaux et sont créateurs de
richesse.

On ne répètera jamais assez que la valeur d’un cluster dépend avant tout des synergies qui se
créent entre les différentes parties prenantes. Cette valeur est bien supérieure à la somme des
parties qui la compose. Les synergies constituent un des véritables actifs d’un cluster. Le
deuxième actif d’un cluster est constitué par l’image qu’il rayonne. Une image positive,
moderne, dynamique est de nature à fortement influencer l’évolution des entreprises qui le
composent.

Différentes institutions existent dans le Textile/Habillement, elles font un excellent travail


mais elles tendent à rester soit régionales, soit focalisées sur une « tranche » du secteur. Il
n’existe aucune instance, fut-elle informelle, où tous les acteurs principaux se retrouvent. Le
Défi qui a une large représentation, incluant la distribution -ce qui constitue un point très
positif- mais il n’intègre pas le Forthac, R2ITH ou l’IFM qui sont des leviers importants de
modernisation du secteur.

Quelques pistes non exclusives et non exhaustives pour contribuer au renforcement d’un
réseau de valeur :

ƒ Utiliser l’expérience de R2ITH et son acquis en matière de réseau, pour élargir


son horizon vers des projets plus qualitatifs, plus transversaux, avec une plus large
ouverture internationale. R2ITH doit continuer à fonctionner de manière souple, on
institutionnelle.

ƒ Un think tank pourrait rapprocher l’UIT, l’UFIH, l’IFM et R2ITH pour travailler
sur l’amélioration de l’image du secteur dans son ensemble.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 77


ƒ La mise en commun systématique des bonnes pratiques régionales ou
sectorielles. En effet, celles-ci ne diffusent pas assez vite. Inutile de réinventer la
roue en Aquitaine, si la région Rhône-Alpes, le Nord ou le Choletais ont déjà
trouvé une solution !

ƒ Le fonctionnement en filière du textile et de l’habillement est absolument


critique pour son succès tant au niveau logistique, créativité, réactivité, innovation.

ƒ Les clusters d’entreprises. Les pôles de compétitivité en sont un excellent


exemple mais ils ne sont pas exclusifs. Les entreprises doivent s’intégrer dans des
réseaux de coopérations et de collaborations, en y intégrant la dimension
immatérielle.

L’enrichissement du réseau de valeur est un véritable objectif stratégique.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 78


III- LE PLAN D’ACTIONS

Le Textile Habillement français peut mobiliser les ressources nécessaires pour affronter la
nouvelle Révolution Industrielle qui s’annonce. Cette dernière prendra deux formes :

ƒ La mutation du consommateur et sa prise de pouvoir va entraîner une


évolution de la distribution, avec l’apparition de nouveaux univers de
consommation. La filière Textile Habillement pourra retrouver des marges de
manœuvre sur ces nouveaux marchés.

ƒ Une très forte innovation technologique dans les Textiles tant pour
l’habillement que pour une gamme de nouveaux secteurs.

L’analyse des conditions de la renaissance du secteur fait apparaître trois types de


solutions :

ƒ Le desserrement de blocages au développement des PME en France

ƒ La restauration de l’image de marque du secteur

ƒ Cinq orientations stratégiques spécifiques au Textile Habillement :

o La montée des compétences


o L’innovation dans toute sa modernité
o La chaîne logistique
o La démarche commerciale par l’information et l’international
o L’émergence d’un réseau de valeurs

Le Plan se concentre sur les actions à plus fort effet de levier.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 79


PLAN D’ACTIONS
Le financement des PME et l’allègement des charges administratives

Les blocages qui entravent le développement des PME en France sont nombreux. Parmi eux,
deux peuvent être allégés par l’accès au financement des PME et la simplification
administrative.

ƒ La mise en place d’un Fonds Commun de Créances


Ce dispositif serait très utilement complété par une réduction des délais de paiement.

ƒ La création d’une interface unique de collecte des informations


administratives des PME
En outre, des mesures d’allègements des procédures lors du franchissement du seuil des 50
salariés seraient très positives dans le Textile Habillement.

Une autre mesure de fond paraît essentielle :

ƒ L’évolution des agents publics vers une fonction de conseil aux PME et non
systématiquement de contrôle
Le Projet de Loi de Finances 2008 commence à ouvrir ce type d’opportunités pour
les petites entreprises à propos des nouvelles dispositions du Crédit Impôt
Recherche. La généralisation de ce type de mesure est fondamentale pour les PME
françaises et leur croissance.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 80


PLAN D’ACTIONS
Restaurer l’image de marque du secteur

La reconstruction de l’image de marque incombe au secteur. L’enjeu est de bâtir une


véritable stratégie de communication qu’il faut se garder de confondre à un quelconque
activisme en matière d’interviews ou de communiqués de presse. Quelques entrevues avec
des journalistes au fil de l’eau n’ont strictement aucun impact.

La communication fait partie intégrante de la stratégie, elle renforce le sentiment de cohésion,


l’impact des démarches engagées. Elle s’inscrit dans la durée. Elle signe la valeur
immatérielle d’un secteur, tout comme une marque potentialise la valeur d’un produit. Il est
d’ailleurs étonnant de réaliser que toute personne, dans le Textile Habillement, comprend très
bien l’importance d’une marque, sa puissance émotionnelle, l’univers imaginaire qu’elle
suscite, sa puissance d’évocation. Par contre, dès que l’on évoque la communication du
secteur lui-même, ce sujet est largement sous-évalué, voire méprisé.

Il serait très utile que l’UIT et l’UFIH se rapprochent et échangent sur cet aspect essentiel.
D’ores et déjà, il m’a semblé utile d’indiquer quelques pistes de réflexion :

ƒ Première initiative : arrêter de présenter publiquement le Textile


Habillement comme un secteur qui souffre et qui perd des emplois
ƒ Définir un message fort qui sera, constamment, mis en avant, à l’exclusion de
tout autre.
ƒ Mettre en valeur les success stories, et systématiquement les faire connaître
auprès des médias par le biais de rencontres individuelles régulières.
ƒ Organiser les bases d’un Forum régulier qui réunirait toutes les composantes
de ce secteur en invitant des personnalités du monde de l’art, de la
philosophie, de la sociologie, de la finance, de la recherche ou des économistes
de renom.
Ce Forum constituerait tout à la fois un vecteur de communication puissant vers
l’extérieur, une source de fierté sectorielle, mais également un moyen
pédagogique de diffuser les axes stratégiques auprès des entreprises, de faire
diffuser l’innovation immatérielle.
ƒ Profiter de l’installation, en 2008, de l’IFM aux « Docks en Seine » pour
communiquer sur la modernité du secteur.
Les anciens magasins généraux du Quai Austerlitz reconvertis par les architectes
Jakob et Mac Farlane, avec une toiture terrasse végétalisée, constitueront un
nouvel ensemble architectural original et un nouveau pôle d’attraction parisien.
Un beau symbole !
ƒ Organiser des challenges de l’innovation grâce à des réalisations d’étudiants
en partenariat avec des PME du secteur.
Il serait tout à fait souhaitable d’élargir le cercle au-delà des écoles sectorielles,
pour attirer également des étudiants d’autres horizons : Grandes Ecoles
d’Ingénieurs, etc….
ƒ Explorer la faisabilité d’un label « éthique industriel » commun au Textile et
à l’Habillement. Cet aspect permettrait en outre d’intégrer un des puissants
leviers de développement, celui de la consommation responsable dont la tendance
ne fera que se renforcer au cours des prochaines années.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 81


L’idée serait de créer un label qui pourrait garantir aux consommateurs : le respect
des normes d’hygiène et de sécurité, une fabrication réalisée dans des conditions
respectant les recommandations de l’OIT, le non recours à la contrefaçon et au
dumping etc….. Ce label serait destiné aux entreprises « classiques » alors que la
plupart des labels éthiques s’appliquent à des petites communautés rurales.
ƒ Organiser un concours des écoles de stylistes chaque année avec des tissus
français.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 82


PLAN D’ACTIONS
Les principales actions stratégiques à engager

L’exploration des grandes orientations stratégiques a montré combien le champ des actions
possibles était vaste. Pourtant, il convient de restreindre, de choisir et d’échelonner dans le
temps les différentes initiative, à la fois pour :

ƒ Donner une véritable lisibilité à la stratégie à l’ensemble du secteur, à ses


entreprises mais aussi pour l’environnement.
ƒ Permettre l’appropriation par les différents acteurs et constituer le terreau commun
au message général de communication.
ƒ Passer à l’acte en se donnant des objectifs réalisables.

La stratégie, c’est choisir.

Le Mind Map recense les actions les plus pertinentes, elles sont au nombre de 5 :

ƒ La montée des compétences avec un objectif prioritaire augmenter les


compétences managériales dans les PME et plus généralement, faire du
FORTHAC, le cluster de compétences du secteur.
ƒ L’innovation dans toute sa modernité et sous toutes ses formes : immatérielle
et technologique, avec son indispensable contrepartie : la lutte contre la
contrefaçon.
ƒ La chaîne logistique.
ƒ Le développement international
ƒ L’intensification du réseau de valeurs

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 83


PLAN D’ACTIONS
Renforcer les compétences

Ce secteur, composé de PME souvent petites, a un besoin vital de renforcer ses compétences.
C’est un préalable à toute stratégie efficace.

Deux types d’actions sont à engager :

ƒ Cibler prioritairement la montée des compétences managériales dans les PME


ƒ Transformer le FORTHAC en un véritable cluster de compétences pour
l’ensemble des salariés du Textile Habillement

1. La montée des compétences managériales dans les PME

C’est le point de départ. En effet, il ne sert à rien de mettre en place une série d’initiatives si
les dirigeants de PME restent noyés par un quotidien grisâtre.

Plusieurs niveaux d’intervention sont à prévoir, selon les besoins :

ƒ Engager une vaste action de coaching et d’articulation stratégique auprès des


patrons de PME. Le point de départ est de donner l’envie d’agir pro activement
pour refuser la fatalité de l’environnement. L’Espace Textile de Lyon dispose déjà
d’un programme qui répond à l’essentiel de ce besoin : Vision Innovatrice. Il a été
labellisé au niveau national, 4 régions ont déjà manifesté leur intérêt. Ce module
pourrait sans difficulté être complété pour l’habillement. Ce travail de mise au
point de « la boîte à outils » pourrait être réalisé conjointement avec l’IFM pour y
adjoindre des aspects management de la création, avec les conseils du FORTHAC.
Il s’agit de mettre en place une boîte à outils que chaque région s’approprierait
pour travailler avec ses PME, selon les nécessités locales.

ƒ Passer du statut de patron opérationnel à un statut de leader avec une large


vision. Cette étape est parallèle à l’émergence d’un encadrement opérationnel,
au sein de l’entreprise. Pour bien comprendre la différence, je reprendrais l’image
de Stephen COVEY dans son best-seller mondial44 : « imaginer un groupe
d’éclaireurs se frayant un chemin à travers la jungle. Ils affûtent les machettes,
entaillent la forêt, dégagent la route sans une minute de répit. Le leader, celui qui
dirige, est celui qui monte à la cime du plus grand arbre pour avoir une vue
d’ensemble de toute la situation et qui, de là-haut, crie : Nous nous trompons de
jungle ! ». Ainsi, l’efficacité n’est pas toujours liée aux efforts, mais au fait qu’ils
soient déployés à bon escient.

Après ce rappel, il n’en demeure pas moins que les patrons de PME, surtout pour
les plus petites d’entre elles, se sentent souvent seuls, imprégnés de valeurs
techniques. L’enjeu est de les accompagner pour les ouvrir aux nécessités d’un
management plus large, plus complexe, plus connecté aux marchés, à la
prospective et la stratégie, tout en opérant une véritable délégation. Ouest Mode
Industrie a commencé à réfléchir sur ce sujet pour les confectionneurs, il a d’ores

44
« Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent » - Stephen COVEY

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 85


et déjà constitué « un pilote de 15 entreprises ». Ouest Mode Industrie a défini
plusieurs niveaux :

(a) Accompagner le dirigeant dans sa mutation managériale. Ouest Mode


Industrie envisage un programme qui permettrait à un consultant
d’intervenir dans l’entreprise sur un rythme d’une demi-journée par mois.
(b) Favoriser l’émergence, en interne, d’un manager opérationnel à qui
transférer la quotidien de l’entreprise.
(c) Soutenir les outils facilitant la mise au point d’un reporting simplifié mais
robuste au sein de l’entreprise.
(d) Encourager la formation d’un encadrement 1er niveau, à proximité des
opérateurs

A partir de ce travail, il y a matière à construire une « boîte à outils » pour le secteur. D’ores
et déjà, le point (c) du reporting pourrait être aisément couvert en mettant au point un
programme de base avec l’Ordre des Experts Comptables.

Un des points importants sera le financement de ce type d’opérations qui nécessitera un taux
soutien important pour les plus petites entreprises.

2. Positionner le FORTHAC comme cluster des compétences

Le Textile Habillement a la chance de disposer d’un OPCA efficace, professionnel et


innovant. Il dispose d’un réseau de 80 collaborateurs, répartis dans 10 délégations régionales.
Il est l’artisan du succès de l’Accord Pilote et il est crédible dans les PME.

Il serait très bénéfique que le FORTHAC soit plus largement impliqué dans toutes les actions
en matière de compétences et de formation, afin d’éviter que chaque région textile
habillement essaie de trouver seule des solutions. Le FORTHAC deviendrait ainsi un
véritable « cluster de compétences », un lieu privilégié de :

¾ Conseils et d’ingénierie de projets.


¾ Détermination des éléments d’anticipation et de contenu des métiers
(Observatoire métiers). En outre, cet aspect permettrait un lien avec la
distribution qui exprime un fort besoin de montée des compétences de ses
salariés.
¾ Appui à la certification professionnelle, notamment dans une vision
transversale.

Le but est de poursuivre la montée des compétences dans le secteur et de favoriser


l’émergence de profiles mixtes. Une des déclinaisons pourrait être le rapprochement des
mondes du style, de la création et de l’industrie.

Il pourrait également conseiller la branche dans des discussions plus larges avec l’Education
Nationale pour améliorer la formation initiale du secteur et pour réintroduire des formations
sur des métiers qui tendent à disparaître. Sur cet aspect, il serait très utile que le FORTHAC
puisse faire un état des lieux de ces savoir-faire en voie de disparition.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 86


PLAN D’ACTIONS
La croissance par l’innovation et l’impératif de l’innovation immatérielle

L’innovation est au cœur de la renaissance du Textile Habillement. Mais, le secteur doit


prendre en compte les processus d’innovation dans leur modernité notamment, le caractère
incontournable de l’innovation immatérielle qui va bien au-delà de la seule créativité
esthétique sur le produit final.

ƒ Renforcer la dimension immatérielle dans toutes ses composantes


ƒ Intensifier l’innovation technologique et ses transferts vers les PME
ƒ La lutte contre la contrefaçon : la contrepartie naturelle de l’innovation

1. L’innovation immatérielle

Son impact est considérable car elle plonge dans l’imaginaire des consommateurs pour créer
un lien individuel avec eux. Il s’agit véritablement d’une nouvelle façon de penser, d’intégrer
des univers différents. L’innovation immatérielle est systémique, elle touche tous les
aspects de la création :

Î l’origine pour imaginer de nouveaux concepts,


Î la chaîne de développement en intégrant des univers différents,
Î le produit en y intégrant une charge psychique et affective
Î l’élaboration de services

Les résultats peuvent être très divers, immatériels ou tangibles ou mixtes : nouveaux dessins
de tissus, nouvelle marque de mode, vêtements pour de nouveaux marchés (seniors,
consommation durable, Asie, etc…), boutiques inventant un lien original avec ses clients,
chaîne logistique pour une mode customisée, nouvelles fonctionnalités sur un tissu,
croisement de technologies/de savoir faire (tissus communicants, micro encapsulations, lin
extensible sans élasthanne ...), procédé écologique de fabrication, nouvelle fibre etc……

L’Etat a un rôle très important à jouer, via le Crédit Impôt Collection. Il est aujourd’hui
plafonné pour chaque entreprise à 200.000€ par période de 3 ans consécutifs. Sont éligibles
les dépenses d’embauche ou de formation de styliste, d’élaboration d’une collection, d’achat
de logiciels de création, des frais de dépôt et de protection des dessins et modèles. Toutefois,
la base mériterait d’en être élargie pour prendre en compte l’innovation immatérielle dans
la conception, et tout au long du process d’innovation.

Hors rôle de l’Etat, 3 voies principales se distinguent :

ƒ Elargir le rôle de l’IFM


ƒ Donner un rayonnement national et pérenne au projet Design Tech
ƒ Intégrer la prospective parmi les missions de R2ITH

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 87


1.1. Elargir le rôle de l’Institut Français de la Mode

L’IFM est reconnu et apprécié. Il joue un rôle incontestable de modernisation du Textile


Habillement. Ses formations de management de la création constituent une référence. L’IFM
a acquis, au fil des ans, une expérience considérable, sur les ressorts de la créativité et de la
mode, qui bénéficie désormais à un nombre croissant de secteurs bien au-delà de
l’habillement. Il peut soutenir la renaissance du secteur en développant de nouvelles
initiatives à partir de son expérience, de ses acquis et de ses savoirs :

¾ L’ouverture aux PME


¾ La Grande Ecole de Créateurs
¾ La mode et le design comme valeurs transversales
¾ La prospective sur la consommation

1.1.1. L’IFM au service des PME

Aujourd’hui, l’IFM est globalement assez peu tourné vers les PME : ses formations
« management de la création » ciblent essentiellement les grandes entreprises ; l’opération
« Charentaises ». Un des grands enjeux de l’IFM est de se mettre à la portée et au service des
PME qui bénéficieraient ainsi très fortement de son incomparable expérience.

L’IFM pourrait ainsi adapter ses formations « Executive MBA » aux nécessités des PME. Un
premier pilote pourrait être établi en synergie avec le réseau R2ITH. L’initiative
« Charentaises » mérite d’être renouvelée. L’IFM pourrait s’engager sur une à deux
interventions de ce type par an.

1.1.2. La Grande Ecole de Création

Il est vital que la France reste le pays de la création, de la mode, des tendances. Aussi,
favoriser l’émergence de nouveaux talents, à l’instar de ce que furent les Christian Dior ou
Yves Saint-Laurent, est prioritaire.

Beaucoup d’écoles interviennent dans la mode, mais aucune ne présente le profil de Grande
Ecole de Création. En effet, elles sont positionnées au niveau post-bac, elles dispensent des
cursus courts et donc limités en terme de culture générale et d’ouverture. L’IFM a instauré en
2000, une formation postgraduate en création de la mode. Aujourd’hui, ce cycle s’adresse à
une douzaine d’étudiants rigoureusement sélectionnés.

Cette formation pourrait s’inscrire dans l’offre actuelle d’enseignements en matière de


création et s’appuyer sur le foisonnement des écoles existantes. Des accords de coopération
pourraient ainsi être passés avec elles, ainsi qu’avec de grandes écoles de création
européennes comme St Martin’s à Londres ou La Cambre à Bruxelles.

L’IFM dispose des bases pour devenir la Grande Ecole de Création française. Il serait
fortement symbolique de pouvoir associer cette évolution au déménagement de l’IFM dans
ses nouveaux locaux de « Docks en Seine ».

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 88


1.1.3. La mode et le design

Mode et design deviennent des valeurs transversales. De plus, elles interagissent fortement
entre elles. Leur alliance constitue un véritable moteur de la valeur ajoutée.

Aussi, le rapprochement de la mode et du design est un axe stratégique à poursuivre. Là


encore, le déménagement à Docks en Seine pourrait accélérer ce phénomène. L’objectif final
devrait être la création d’un véritable pôle de compétitivité Mode et Design en Ile de France.

1.1.4. La prospective sur la consommation

Les mutations de la consommation sont les vrais moteurs des évolutions industrielles de la
filière Textile Habillement. Nous sommes aux prémices d’une transformation vaste et
profonde qui verra l’émergence de nouveaux marchés largement inconnus ou inexploités
aujourd’hui. L’analyse des tendances, des signaux faibles est indispensable pour alimenter le
processus d’innovation aussi bien pour l’Habillement que pour le Textile.

L’IFM dispose déjà des fondements d’un tel Observatoire des Tendances de la
Consommation. Il pourrait s’y engager nettement pour à disposition des entreprises, le
résultat de ses analyses.

Sur ce point, il est essentiel que les Matériaux Souples Innovants intègrent dans leur
processus de conception les tendances de la consommation, les imaginaires des individus.
Les Textiles Techniques courent un vrai danger, dans la compétition commerciale, à rester
sur le pur « techno ». A court terme, l’IFM pourrait engager un projet spécial pour éclairer le
Textile sur ses marchés d’innovation.

1.2. L’extension nationale du programme Design Tech

Nelly Rodi et R2ITH sont à l’origine de ce très beau programme. Il mérite maintenant d’être
élargi nationalement, et renouvelé. Le rapprochement de créatifs purs et d’industriels met de
plein pied le Textile Habillement dans les processus modernes d’innovation et de conception.

En outre, il constitue un très bon support dans l’amélioration de l’image de marque du Textile
Habillement.

1.3. R2ITH et la prospective

La prospective sur la consommation est essentielle, ce point a été abordé avec l’IFM. Mais
plus globalement, R2ITH pourrait utiliser son réseau, s’appuyer sur l’IFM pour investir la
prospective au sens large -y compris technologique-. R2ITH pourrait favoriser des rencontres
encore considérées comme atypiques : entre technologies, entre industriels, artistes,
sociologues, etc…. pour imaginer « des futurs ». Le secteur a terriblement besoin de rêver à
nouveau son avenir. Or, celui-ci sera nécessairement à la convergence de multiples univers et
non plus issu des seules techniques et savoir faire du Textile Habillement stricto sensu. La
transversalité est essentielle, R2ITH peut en être l’un de promoteurs prééminents. On
retrouve ici le rôle essentiel de R2IT comme réseau de valeur.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 89


2. L’innovation technologique

L’intrusion fracassante de l’immatériel dans le domaine de l’innovation ne doit pas conduire


à délaisser l’innovation technologique. Rappelons qu’il s’agit d’une condition nécessaire
mais non suffisante, de compétitivité et de croissance.

Globalement, l’innovation technologique reste faible en France dans le Textile Habillement.


Pour deux raisons principales :

ƒ Le transfert de l’innovation et de la technologie est lacunaire, notamment pour une


population de PME. Le Textile Habillement ne se distingue malheureusement pas
des autres secteurs. Les PME restent les parents pauvres de l’innovation.
ƒ Les laboratoires de recherche sont insuffisants en densité, en force de frappe

2.1. Permettre aux PME d’accéder à la R&D, à la technologie

Plusieurs solutions pratiques sont identifiables : les unes génériques et une spécifiquement
centrée sur les Textiles.

2.1.1. La micro innovation en général

L’IFTH constitue le vecteur d’une telle évolution. Il en ressent lui-même la nécessité. Il est
important de l’appuyer pour qu’il concentre ses forces sur les transferts effectifs de
technologies aux PME. A lui, également d’établir des passerelles vers des technologies
historiquement étrangères au Textile Habillement. L’IFTH devrait considérer que son cœur
scientifique est constitué par les Matériaux Souples. L’IFTH doit être un levier de
transversalité au sein du secteur. Par ailleurs, l’IFTH doit lui aussi intégrer la prospective qui
va au-delà du marketing classique.

Ces objectifs devraient être au cœur de son prochain contrat de performance. Les recherches,
qu’elles soient nationales ou européennes, doivent prioritairement s’intégrer concrètement
dans les PME. Une des pistes pourrait être de multiplier le nombre de « passeurs » entre
recherche et PME : des personnes seraient ainsi chargées spécifiquement de se rendre dans
les PME pour comprendre leurs besoins et de leur faire des propositions.

En parallèle, l’expérience lancée par le FORTHAC avec ses contrats de qualification


recherche doit être pérennisée et élargie pour 2008. Par ailleurs, il serait intéressant d’établir
des coopérations avec des Ecoles scientifiques ou d’ingénieurs, en dehors du strict Textile
Habillement. Ces contrats sont des moyens à la fois simples et efficaces de concentrer les
capacités intellectuelles de chercheurs sur des projets d’entreprises.

2.1.2. Une action spécifique de transfert en faveur des Textiles

Les Textiles deviennent un secteur transversal, ils quittent leur statut de filière. Ils doivent
composer avec d’autres technologies, une pluralité de secteurs même si l’habillement reste
important. L’innovation va naître de la confrontation fertile avec d’autres réalités
technologiques, sectorielles. L’univers du Textile doit lancer des passerelles vers des
disciplines diverses.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 90


Une solution pourrait être de renouveler, en 2008, mais sous une forme nouvelle, la grande
conférence sur les Textiles Techniques qui s’est tenue à Bercy en 2006. Ce colloque a eu
l’immense mérite de réunir 400 participants et de clairement positionner les Textiles
Techniques comme une branche d’activité prometteuse.

La prochaine conférence devrait s’intéresser à tous les Textiles et mettre en évidence les
passerelles entre différentes disciplines. Elle devrait également viser des résultats pratiques
pour les entreprises. Avec l’aide d’OSEO, de R2ITH, d’IFTH et de l’IFM, le format proposé
permettrait :

ƒ Une introduction prospective


ƒ Des présentations de chercheurs venus de mondes divers pour ouvrir le champ des
possibilités
ƒ Des mini rencontres individuelles entre entreprises/chercheurs sur le mode de
speed-dating, destinées à préciser des points et à prendre des contacts.
ƒ L’IFHT serait chargé de suivre les pistes intéressantes pour les PME, pour
approfondir le travail et déboucher sur des dossiers d’innovation auprès d’OSEO

2.1.3. Augmenter l’offre de recherche

Aujourd’hui, seule l’Allemagne et la Suisse disposent d’une force de frappe significative en


matière de recherche, du moins en Europe. Afin de remédier à cette faiblesse française, deux
projets semblent intéressants :

ƒ Le CETI. Ce projet est porté par UPTEX dans le Nord vise à accroître les forces en
matière de Textiles Innovants. Il doit être soutenu en s’assurant qu’il aura
réellement une dimension nationale et européenne.

ƒ Un projet à développer sur l’environnement durable avec l’IFTH. Ce sujet est


essentiel, bien sûr dans la perspective de REACH, mais surtout pour répondre à
une tendance extrêmement puissante en matière de consommation.

3. La lutte contre la contrefaçon

La contrefaçon constitue un fléau dans ce secteur. L’enjeu majeur, aujourd’hui, est la


protection des dessins et modèles.

Du côté protection, il serait utile que l’UIT et l’UFIH se coordonnent pour porter le même
message aux entreprises, via leurs structures régionales. De surcroît, un certain nombre
d’améliorations pourrait être apportées en généralisant par exemple, des initiatives du type de
celles prises par Unitex : négociation avec un huissier d’un tarif préférentiel : un dépôt
préférentiel, en ligne, pour plusieurs dessins et modèles pour un coût inférieur à 100€. Au-
delà, peut-être est-il possible de mettre en place une structure mutualisée. Ce point nécessite
approfondissement.

Même si la France est le pays européen où le droit d’auteur est le mieux protégé, des
améliorations sont encore souhaitables notamment sur trois points : l’efficacité de la saisie-
contrefaçon, les dommages et intérêts, la publicité de la condamnation :

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 91


ƒ La saisie contrefaçon devrait permettre d’obtenir les données comptables de
l’entreprise suspectée. Or, la pratique révèle qu’elle répond rarement à cette
demande d’huissier qui repart bredouille. Cette situation est très perverse car il faut
alors demander une injonction spéciale qui prend du temps : et pendant ce temps,
les preuves s’envolent. Aujourd’hui, si une entreprise ne répond pas à l’ordonnance
de saisie, cela n’a aucune conséquence pour elle. Il serait ainsi souhaitable que le
juge prévoit, d’emblée dans l’ordonnance, une astreinte conséquente par jour de
retard. Par ailleurs, le fait de ne pas répondre complètement et avec diligence à
demandes d’informations devrait être retenu comme une circonstance aggravante
lors du procès.

ƒ Les dommages et intérêts sont en général appréciés de manière très partielle par les
juges par : marge nette x quantités contrefaites (ou saisies). Cette approche est très
restrictive, elle n’inclut pas le coût de la création du produit et de la gamme dans
laquelle il est intégré, la rémunération d’un investissement dévalorisé car un dessin
ou un modèle copié n’a plus de valeur. Il serait également légitime de confisquer
l’intégralité des recettes nées de la contrefaçon.

ƒ La publicité reste modeste. Une des voies consisterait à obliger les distributeurs
convaincus de contrefaçon à publier –de manière visible- dans leurs magasins la
condamnation.

Par ailleurs, les professionnels devraient prévoir une formation/sensibilisation des juges sur
l’importance économique de la contrefaçon. Trop souvent, le sujet contrefaçon en matière de
Textile/Habillement est pris à la légère et ne sont pas replacés dans un contexte plus large de
fraude massive, et d’affaiblissement de l’industrie.

L’importance du sujet mérite un groupe de travail spécifique sous l’égide de la Direction


Général des Entreprises. Dans ce cadre, il serait également très utile de se rapprocher de la
grande distribution pour qu’elle soit partie prenante d’une politique de respect de la propriété
intellectuelle.

L’Europe ou le maillon faible. En effet, l’Union Européenne reste extraordinairement timide


sur le sujet et très en deçà des effets dévastateurs de la contrefaçon. Cela pourrait constituer
un des thèmes de la Présidence Française.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 92


PLAN D’ACTIONS
La chaîne logistique

Cet aspect est essentiel dans la renaissance de la filière Textile Habillement.

Les entreprises doivent apprendre à coopérer, à échanger des informations dans le but de
fournir une solution globale au client final, d’autant que les mutations de la consommation
vont entraîner l’apparition de nouveaux marchés spécifiques. Si la filière veut servir
efficacement ces nouvelles opportunités, elle doit mieux maîtriser sa chaîne logistique. Or,
les coûts des logiciels et leur adaptation sont inabordables pour des PME isolées.

Il existe aujourd’hui très peu de réflexions sur le sujet. L’Espace Textile de Lyon a
commencé à mettre en évidence, pour ses adhérents, au travers de ses Observatoires les
ruptures de la chaîne logistique. Le prochain Observatoire sera consacré aux Alliances. De
son côté, UPTEX avec son projet customisation devra intégrer ces éléments de chaîne
logistique.

Une task force doit être créé en y incluant notamment l’Espace Textile de Lyon, des
représentants de l’Habillement, des logisticiens, R2ITH. Une première étude pourrait être
financée par le DEFI afin d’éclaircir le sujet, mettre en évidence les « briques » d’outils
communs que pourraient se partager différents groupes d’entreprises.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 93


PLAN D’ACTIONS
Le développement international

Le développement international constitue un moteur de croissance puisque, par nature, il vise


à l’accroissement du chiffre d’affaires des entreprises. Or, il faut rappeler que, si le marché
est stable en Europe Occidentale, les perspectives mondiales sont en croissance.

Aborder la question du développement international dans le Textile Habillement, revient à


poser les conditions et moyens pour appuyer des PME à s’internationaliser.

Dans cette perspective, les mesures envisagées par le Ministère de l’Economie, des Finances
et des Entreprises pour accroître la visibilité des dispositifs publics sont excellentes. Aussi, ce
rapport ciblera des actions sur le DEFI et UBIFRANCE.

1. Le DEFI

Le Défi joue un rôle important dans l’internationalisation du secteur : la majorité de ses


opérations cible la participation d’entreprises à des salons étrangers.

Il prévoit notamment d’apporter un soutien aux créateurs. En effet, il est fréquent que les
jeunes créateurs talentueux exportent rapidement une part significative de leur chiffre
d’affaires, au demeurant modeste. C’est une initiative intéressante pour l’ensemble du secteur
car elle permet de conforter l’image de la France et donne des chances supplémentaires de
croissance à de jeunes entrepreneurs. Il serait utile de coupler ce dispositif à un soutien en
terme de management, d’approche des marchés. En effet, créer des vêtements « pointus » est
une chose, transformer l’essai dans la durée et le conforter par un succès d’entreprise sont
deux notions radicalement différentes.

Pour les entreprises plus classiques, il serait souhaitable que le DEFI puisse apporter un
conseil rapproché aux entreprises, et même avoir un rôle proactif en allant proposer son aide
à des entreprises petites mais qui ont d’ores et déjà compris les concepts de croissance dans le
monde actuel.

2. UBIFRANCE

UBIFRANCE intervient significativement dans le secteur. Deux points d’amélioration


paraissent souhaitables :

ƒ Une tarification adaptée aux petites entreprises. Les prix pratiqués ne sont pas
incitatifs pour des PME de petite taille.

ƒ Un accompagnement systématique, en amont et en aval, d’un salon pour les PME


inexpérimentées. En effet, ce point est capital pour augmenter les chances de
succès.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 94


PLAN D’ACTIONS
Le réseau de valeur

Tout au long du rapport, la nécessité d’interfaces, de coordination, de synergies,


d’hybridations est mainte fois apparue, notamment dans le processus d’innovation. La
coopération, l’échange doivent devenir la norme dans ce secteur, pour soutenir son
renouveau stratégique. Les diverses institutions ne doivent plus craindre pour leurs
frontières. Mais, elles doivent s’engager dans des collaborations de toute nature et de tout
type. Elles doivent, par ailleurs, largement s’ouvrir sur d’autres disciplines : le Textile
Habillement doit sortir de sa filière. Cette réalité n’est pas spécifique au Textile
Habillement ; c’est une vérité bien plus large, bien plus profonde qui caractérise non
seulement le nouveau monde économique qui naît sous nos yeux, mais aussi nos sociétés.

Les frontières verticales s’estompent, la transversalité devient une des valeurs les plus
essentielles pour comprendre le monde moderne. Internet en est le symbole : une multitude
de liens dynamiques entre univers divers. Regardons nos enfants : ils passent facilement d’un
sujet à l’autre, sont adeptes du « multitasking », l’approfondissement les ennuie, ils sont à la
recherche effrénée de compréhensions tous azimuts, ils aiment sans cesse investir de
nouveaux mondes. Globalement, les individus ne se définissent plus avec une seule étiquette
mais ils sont reliés à de multiples réseaux, aux intérêts variés. Parfois, on peut se plaindre de
cette complexité sans cesse changeant, mais en même temps reconnaissons combien cette
myriade d’interfaces est source d’énergie, d’innovations, de découvertes.

Tous ces phénomènes engendrent les mutations de la consommation évoquées. Aussi, aucune
entreprise ne peut désormais couvrir tous les champs, tous les possibles : elle a désormais un
besoin vital de s’interconnecter avec d’autres univers, d’autres entreprises. Les réalités
deviennent multiculturelles, multi technologiques. Le Textile Habillement est à la pointe de
cette réalité si moderne, car il est en connexion directe avec les individus et leurs aspirations.

Un réseau de valeur est littéralement composé d’une myriade d’interfaces, de connexions,


d’interactions entre des réalités différentes. Son développement, son enrichissement constitue
un objectif stratégique en soi pour le Textile Habillement.

R2ITH un véritable réseau de valeur, pionnier du Textile Habillement

R2ITH constitue une vraie référence et une sorte de miracle dans le monde traditionnellement
si cloisonné du Textile Habillement. Il s’est construit avec très peu de moyens, des bonnes
volontés, de la persévérance et de la modestie. Un nombre croissant de personnes,
d’entreprises commence à réaliser la profonde modernité de ce réseau. Elizabeth
DUCOTTET, sa présidente, a patiemment tissé les liens, su créer la confiance entre
entreprises qui avaient si peu l’habitude de se parler, d’échanger. Une nouvelle initiative est
née celle d’un Club des Jeunes Patrons qui échange sans tabou. Ce mouvement doit être
poursuivi et il est important de capitaliser sur cette expérience.

Aujourd’hui, R2ITH est essentiellement centré sur la recherche du secteur. Son action a
d’ailleurs favorisé l’émergence des pôles de compétitivité. Tout en lui gardant cette mission
de décloisonnement, de mise en connexion de tout type, de bouillon de culture, il serait
souhaitable de confier à R2ITH un rôle élargi :

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 95


ƒ Intégrer la prospective dans ses missions
ƒ Inclure de nouvelles approches, de nouvelles disciplines pour favoriser
l’émergence de visions d’avenir
ƒ Ouvrir sur des technologies étrangères, historiquement, au Textile Habillement
ƒ Continuer à jouer l’effet réseau entre industriels et pour les régions qui ne
bénéficient pas d’un pôle de compétitivité
ƒ Ouvrir à des projets plus qualitatifs, plus transversaux.
ƒ Rayonner à l’international

Des moyens supplémentaires lui seraient nécessaires, tout en préservant ce côté non
institutionnel qui fait sa force.

Pour aller au-delà et accélérer le phénomène : une expérience de team building à tenter

Les initiatives, déjà évoquées, vont toutes dans le sens du renforcement de ce réseau de
valeur : les nouvelles formes d’innovation, la prospective, le groupe de réflexion entre Textile
et Habillement sur l’image du secteur, le FORTHAC, les pôles de compétitivité, le Pôle
Mode Design, l’hybridation de technologies, les travaux sur la chaîne de valeur dans le
Textile Habillement, l’intensification des transferts technologiques entre recherche et PME,
extension et partage des bonnes pratiques, ouverture des entreprises à la créativité. Il est
important que l’Etat ait présent cet objectif stratégique pour favoriser, chaque fois qu’il le
peut, le réseau : soit par le biais de subventions, soit par des contrats de performance.

Mais, face à ce nouveau monde du Textile Habillement qui bouge, qui vit, qui aspire au
renouveau et à de nouvelles conquêtes, j’ai envie de proposer une véritable expérience de
team building et de brainstorming aux principaux acteurs : UFIH, UIT, R2ITH, IFM,
FORTHAC, IFTH, DEFI, etc….., dans le cadre d’un des programmes « capital humain » du
Ministère.

Le but d’une opération si peu usuelle : obtenir une équipe complice, d’hommes et de femmes
partageant la même passion pour le Textile Habillement. L’expérience mérite d’être tentée.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 96


CONCLUSION

Le Textile Habillement a subi un choc d’une rare violence, celui d’une véritable Révolution
Industrielle bien plus profonde que le terme de mondialisation ne laisse supposer. Les
véritables moteurs du renversement des structures économiques et des flux d’échanges sont :

ƒ La concentration de la distribution
ƒ Le développement des technologies de l’information

Sans eux, la délocalisation massive de la production occidentale vers les pays à faibles coûts
salariaux n’aurait jamais pu prendre une telle ampleur.

Aujourd’hui, une nouvelle Révolution Industrielle pointe à l’horizon, elle est mue par :

ƒ Les changements très profonds du consommateur


ƒ L’innovation technologique dans les Textiles

Le consommateur prend le pouvoir. Après l’ère de l’industrie, celle des services, nous allons
vivre l’ère de l’individuel. Le consommateur souhaite désormais exprimer ses désirs, ses
émotions, son identité, ses avis dans l’acte même de consommation. Parmi les multiples
tendances qui affleurent, une se révèle particulièrement puissante, depuis 2-3 ans : la
consommation responsable, consciente qui intègre dans un même mouvement les valeurs de
durée, de respect, d’éthique, alliées au plaisir.

Il sera primordial d’accéder à l’imaginaire, de savoir tisser et entretenir un lien individuel


avec chacun de ses clients dans un monde sursaturé de biens. Cette transformation
majeure va affaiblir la consommation de masse pour faire émerger de nouveaux marchés plus
spécifiques. L’organisation de la distribution de masse s’en trouvera affectée et par ricochet
l’industrie.

Dans cette perspective, l’industrie française dispose de vrais potentiels pour saisir ces
nouvelles opportunités, car les coûts ne joueront plus un rôle aussi exclusif, aussi
hégémonique.

Les nouveaux leviers de croissance sont complexes, fondés sur de multiples


convergences : les désirs et les rêves des individus, la transmutation des processus
d’innovation, l’immatériel, le croisement des technologies, la contraction et la fluidité
des circuits de production, la collaboration.

L’analyse des leviers de croissance du secteur démontre l’importance de blocages


structurels aux PME dans notre pays : l’accès au financement et la lourdeur
administrative. Deux solutions sont proposées pour les alléger :

ƒ La création d’un Fonds Commun de Créances

ƒ La mise en place d’une interface unique pour la collecte des informations


administratives auprès des PME

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 97


Les orientations stratégiques spécifiques au Textile Habillement révèlent des pistes
relativement peu explorées à ce jour :

ƒ Un préalable : un travail structuré de la profession pour redresser son


image de marque

ƒ L’importance de l’innovation. Mais ce terme peut induire en erreur, tant


le tropisme de la technologie est fort. L’innovation a profondément changé
de nature. Elle doit impérativement intégrer l’immatériel dans l’ensemble
des process. L’innovation immatérielle est devenue systémique, elle
touche tous les aspects de la création :

• Les premières étapes de la conception, en s’immergeant dans


l’imaginaire du consommateur, afin d’inventer de nouveaux
concepts
• Toute la chaîne de développement en permettant l’intégration
d’univers différents (pluri disciplines, pluri technologies,
croisement de l’esthétique et des techniques) et l’ouverture sur
de nouvelles réalités
• Le produit final, en y intégrant une charge psychique et
affective
• L’élaboration de nouveaux services de plus en plus
indispensable

L’innovation technologique ne doit pas être délaissée, mais elle doit


s’enraciner dans les aspirations des consommateurs. Cet aspect est crucial
pour l’avenir des Textiles Techniques. Le point central pour le Textile
Habillement sera de densifier les transferts de technologie pour les PME,
de favoriser les hybridations entre technologies différentes, de croiser les
techniques avec la pure créativité, et de transposer des savoir faire
existants dans de nouveaux domaines.

L’Etat, de son côté, devra fortement renforcer la lutte contre la


contrefaçon qui est devenu un véritable fléau. Cette lutte comporte 2
volets : le renforcement de la législation existante en France et en Europe,
des discussions avec la grande distribution pour l’intégrer sans ambiguïté
dans une politique de respect de la propriété intellectuelle.

ƒ La chaîne logistique, notamment dans la filière Textile Habillement, se


révèle un levier stratégique majeur. En effet, le client, le distributeur
achètent in fine un service global en plus d’un produit. Les entreprises du
secteur doivent apprendre à collaborer sur des mêmes chaînes logistiques
pour servir ses clients et les différents marchés qui vont émerger.

ƒ Le réseau de valeur. Un réseau de valeur est littéralement composé d’une


myriade d’interfaces, de connexions, d’interactions entre des réalités
différentes. Son développement, son enrichissement constitue un objectif
stratégique en soi pour le Textile Habillement qui est en totale cohérence
avec la mutation du consommateur. R2ITH constitue un modèle à élargir et
à dupliquer.
STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 98
Le dynamisme commercial et le développement international constituent des cibles
majeures et incontournable de croissance, mais plus classiques dans leur nature.

La réalisation de ces objectifs impose une très forte montée des compétences humaines
dans l’ensemble du Textile Habillement. Le renforcement des compétences managériales
constitue un passage critique de l’ensemble du plan stratégique. Le FORTHAC, l’OPCA très
performant de la branche, pourrait puissamment aider à la réalisation de cette ambition, en se
positionnant comme un véritable cluster de compétences pour l’ensemble du Textile
Habillement.

Le Textile Habillement est un secteur magnifique, d’une incroyable richesse humaine,


industrielle, technologique, créative. Il peut s’engager sur la voie d’une nouvelle Renaissance
en sortant de son concept étroit de filière, en adhérant aux nouvelles aspirations des
consommateurs. Il a des atouts indéniables à jouer, beaucoup d’acteurs en expriment la
volonté farouche et déterminée. Ensemble, ils peuvent redresser ce superbe défi :

Le Textile Habillement, un secteur d’avenir pour la France !

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 99


RESEAU
DE COMPETENCES
VALEUR

STRATEGIE
Restaurer l’image
GAGNANTE

INNOVATION
INTERNATIONAL CENTREE
CLIENT

CHAINE
LOGISTIQUE

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 100


ANNEXE 1 : LE FRANCHISSEMENT DU SEUIL 50 SALARIES

50 salariés et plus
• Possibilité de désignation d'un délégué syndical.
• Obligations en matière de formation professionnelle.
• Obligation de mettre en place un comité d'entreprise
• Obligation de mettre en place un comité d'hygiène, de sécurité et de condition de travail.
• Fonctions supplétives des délégués du personnel.
• Mise en place d'une participation aux résultats.
• Obligations de recourir à un plan social en cas de licenciement économique concernant 9
salariés et plus.
• Perte de la possibilité d'une présentation simplifiée de l'annexe 2 des comptes (également si le
total du bilan excède 2 millions d'euros ou si le CA excède 4 millions d'euros).
• Obligation pour les SARL, les SNC, les sociétés en commandite simple et les personnes morales
de droit privé de désigner un commissaire aux comptes (également si le total du bilan excède 1,55
million d'euros ou si le CA est supérieur à 3,1 millions d'euros).

Extrait « Une stratégie PME pour la France» - Jean-Paul BETBEZE Christian SAINT-ETIENNE

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 101


ANNEXE 2 : LES CLUSTERS TEXTILE HABILLEMENT EN CHINE

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 102


ANNEXE 3 – INDITEX - UNE STRATEGIE FONDEE SUR LA FLEXIBILITE

Amancio Ortega Gaona crée le premier atelier de confection familial à La Corogne en


1963
Premier magasin Zara à La Corogne en 1975
Expansion internationale à partir de 1988
En octobre 2006 : inauguration du 3.000ème magasin du groupe.
Le siège social d’Inditex est toujours installé dans sa région d’origine où il fait vivre plus
de 10.000 personnes.
En France, les effectifs du groupe atteignent 3.000 personnes.

CA Inditex 2005 : 6,7 Mds€, et une croissance de 20% par an depuis 1990 - Profit net :
800 Millions€ - Effectifs : 58.200 salariés dans le monde et plus de 10.000 emplois créés
en 2005 – 8 marques dont Zara, le fer de lance

Les deux clés principales de la réussite sont la maîtrise du temps et l’écoute constante
du marché et de ses clients : « livrer à ses clients des produits de mode, le plus
rapidement possible ». Ainsi, chez Zara, les nouveaux modèles de vêtements sont dessinés,
fabriqués et livrés en seulement 15 jours. En comparaison, ses concurrents les plus
efficaces mettent entre 3 et 4 mois pour lancer une nouvelle collection sur le marché. Pour
réaliser cet exploit, Zara s’appuie sur une organisation et une logistique sans faille à
chacune de ses étapes :

* La maîtrise de la quasi-intégralité de sa chaîne de valeur. Zara contrôle à la fois sa


production et sa distribution :
- La marque fabrique ainsi la moitié de ses articles, les plus modes. Le reste est sous-
traité mais à plus de 70% en Europe
- L’enseigne gère en direct l’essentiel de ses magasins
* Un système d’informations puissant harmonisé dans toute la filière (fournisseurs,
sous-traitants, création, production, logistique et distribution)
* Un renouvellement continuel des collections : une soixantaine de concepteurs
préparer au début de chaque saison, un « portfolio » de spécimens servant de plates-formes
aux futurs modèles qui seront lancés par la suite. Après avoir soigneusement observé les
tendances, les apportent des retouchent à ce portfolio pour créer entre 5 à 8 conceptions
par jour. 200 créateurs viennent en appui pour concevoir plus de 12.000 modèles par an.
* Une multiplication de mini collections : l’enseigne produit en direct 30 millions
d’articles par an, mais chacune de ses collections est adaptée en fonction des marchés
locaux et ne comporte que quelques dizaines de milliers de pièces. Tous les produits ont
une durée de vie très limitée entre 15 jours et 1 mois. Les clients sont ainsi accoutumés à
un véritable marketing de la rareté qui les incité à acheter tout de suite et à revenir
fréquemment.
* Une écoute active des clients : tout nouveau produit est testé auprès d’un certain
nombre de magasins pilotes et la réaction des clients est scientifiquement mesuré par un
logiciel spécifique. Seuls les produits identifiés comme gagnants sont programmés pour la
production. Les ventes sont suivies de manière constante extrêmement fine pour déceler
toute évolution de tendance.
* Une machine de guerre industrielle : 17 des 19 unités de fabrication se situe à
proximité immédiate des bâtiments de direction pour raccourcir les circuits. Zara dispose
de capacités propres de finition des tissus, d’outils de coupe numériques entièrement

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 103


automatisés, d’installation de lavage, repassage, conditionnement et étiquetage.
L’ensemble est complété par des plateformes logistiques parmi les plus automatisées du
monde dont un entrepôt de 400.000 m² en Corogne.
* Un réseau dense et flexible d’assemblage : tous les 2 jours, des camionnettes livrent
les pièces composant les vêtements aux quelques 6.000 coopératives d’assemblage et de
couture de la région et ne travaillant que pour Zara. La souplesse est privilégiée : chaque
employé n’assemble en moyenne qu’une dizaine d’articles par jour.
* Les stocks sont limités au strict minimum, notamment grâce à la politique
volontariste de série limitée. L’entrepôt principal de La Corogne est totalement vidé deux
fois par semaine et livre pratiquement tous ses magasins en direct : la chaîne met entre 24
et 48 heures pour livrer n’importe lequel de ses points de vente. Une fois une série écoulée,
elle n’est jamais renouvelée. 70% des produits en magasin sont renouvelés toutes les 2
semaines. Les magasins ne disposent d’aucun stock et se font livrer deux fois par semaine.
* Une communication très étudiée. Le groupe ne recourt que très faiblement à la
publicité (2 fois par an dans la presse), il s’appuie sur le bouche à oreille. Il choisit de
manière très sélective ses emplacements commerciaux pour leur assurer un maximum de
visibilité. Le décor des boutiques est le fruit d’une analyse précise de comportement. Et
des recommandations concernant l’aménagement des vitrines sont envoyés aux directeurs
de magasin à partir d’un département de «merchandising» centralisé.
* Une politique active de marques ciblées sur des marchés spécifiques : à côté de
Zara, on trouve Massimo Dutti plus raffiné, Pull and Bear pour les jeunes de 14 à 24 ans,
Bershka pour les jeunes hommes et femmes, Oysho lancée en 2001 et tournée vers les
vêtements d’intérieur, Kiddy’s Class spécialisé dans la mode enfantine, Stradivarius ciblée
sur une mode dynamique, originale et enfin la dernière née Zara Home.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 104


ANNEXE 4 - LE GROUPE DEVEAUX : un leader européen du textile, riche de sa
créativité et de 3 siècles de savoir faire dans la vallée du Rhône

L’origine de Deveaux remonte au milieu du XVIIIème siècle. L’entreprise s’est développée


dans le textile, tout en restant une PME familiale.

CA 2005 : 144 Ms€ dont 58% à l’export – Effectifs : 610 personnes – Résultat net : 7,6
Ms€.

Deveaux est un des rares exemples d’entreprise du textile ayant réussi à conserver toutes
ses unités de production en France. Basé à Saint Vincent de Reins près de Roanne,
Deveaux possède 7 usines dans la vallée du Rhône et ne fait appel à aucun sous-traitant
étranger.

Le succès de Deveaux s’appuie avant tout sur une créativité permanente grâce à laquelle
les plus grandes enseignes de prêt à porter lui font confiance :

* 50% de la masse salariale est tournée vers les activités de création et de


marketing.
* les commerciaux du groupe sont sans cesse à l’écoute de leurs clients et des
nouvelles tendances
* 5.000 dessins et modèles sont créés chaque année alors ses concurrents en
proposent en moyenne 3.000. Cette puissance de création interdit la délocalisation car il
serait impossible à l’entreprise de concrétiser toutes ses idées avec des fournisseurs
disséminés aux 4 coins du monde
* 1 procès par semaine : le groupe est obligé d’engager des dépenses importantes pour
se protéger des copieurs.

La créativité est également soutenue par une maîtrise technique hors pair et une
grande rapidité d’exécution :

* l’ennoblissement notamment constitue une activité à forte valeur ajoutée car elle
permet de conférer au fil ou au tissu des qualités décoratives spécifiques : couleur, solidité,
souplesse, touché, réalisation d’effets spéciaux (tissus délavés, froissés, vieillis, brillants,
etc.)
* le groupe investit chaque année pour avoir un outil de production ultra moderne
et performant. Il est ainsi en mesure de livrer une commande en 3 semaines, là où ses
concurrents asiatiques et maghrébins ne peuvent pas descendre en dessous d’un mois et
demi.

STRATEGIE TEXTILE HABILLEMENT - Clarisse PEROTTI-REILLE 105


LE TEXTILE HABILLEMENT

LA VOLONTE DE REMPORTER

LA NOUVELLE REVOLUTION INDUSTRIELLE

Le Textile Habillement pourrait redevenir un secteur d’avenir s’il saisit les nouvelles
opportunités qui émergent. Le Textile Habillement du futur aura un visage très différent des
manufactures du passé. Il s’enracinera dans l’imaginaire du consommateur en s’appuyant sur
l’innovation et l’excellence opérationnelle. Il a été le premier à affronter une véritable
Révolution Industrielle au XXème siècle et il sera le premier à passer le cap d’une nouvelle
Mutation Economique qui surgit à l’horizon. Loin d’être un secteur vieillot, il est le
laboratoire d’une nouvelle modernité industrielle.

LE CHOC DES REVOLUTIONS INDUSTRIELLES


Le Textile Habillement a subi un choc d’une rare violence, à partir des années 80, celui
d’une véritable Révolution Industrielle bien plus profonde que le terme de mondialisation
ne le laisse supposer. Les véritables moteurs du renversement des structures économiques et
des flux d’échanges sont :

La concentration de la distribution
Le développement des technologies de l’information

Sans eux, la délocalisation massive de la production occidentale vers les pays à faibles coûts
salariaux n’aurait jamais pris une telle ampleur. La filière est passée d’une industrie de
manufacture qui « poussait » son offre vers des distributeurs indépendants atomisés, à un
modèle tiré par les clients/distributeurs dont les ressorts stratégiques s’appuient sur une
croissance des volume et une diminution des coûts.

Aujourd’hui, une nouvelle Révolution Industrielle pointe à l’horizon, elle est mue par :

Les changements très profonds du consommateur


L’innovation technologique dans les Textiles

LE CONSOMMATEUR PREND LE POUVOIR. Après l’ère de l’industrie, celle des services, nous
allons vivre l’ère de l’individuel. La consommation n’est plus rythmée par les besoins. Le
consommateur souhaite désormais exprimer ses désirs, ses émotions, son identité, ses avis,
dans l’acte même de consommation. Parmi les multiples tendances qui affleurent, une se
révèle particulièrement puissante, depuis 2-3 ans : la consommation responsable, consciente
qui intègre dans un même mouvement les valeurs de durée, de respect, d’éthique, alliées au
plaisir.

1
Il sera primordial d’accéder à l’imaginaire, de savoir tisser et entretenir un lien individuel
avec chacun de ses clients dans un monde sursaturé de biens. Cette transformation
majeure va miner la consommation de masse et laisser fleurir de nouveaux marchés
spécifiques et divers. L’organisation de la distribution de masse s’en trouvera affectée, et par
ricochet, l’industrie.

Dans cette perspective, l’industrie française dispose de vrais potentiels pour saisir ces
nouvelles opportunités, car les coûts ne joueront plus un rôle aussi exclusif, aussi
hégémonique.

Les nouveaux leviers de croissance sont complexes, fondés sur de multiples convergences :
les désirs et les rêves des individus, la transmutation des processus d’innovation,
l’immatériel, le croisement des technologies, la contraction et la fluidité des circuits de
production, la collaboration.

LES BLOCAGES STRUCTURELS AU DEVELOPPEMENT DES PME FRANÇAISES


Le secteur du Textile Habillement est majoritairement composé de PME, voire de TPE : 9
entreprises sur 10 ont moins de 50 personnes, et 6 sur 10 moins de 10 personnes. Aussi, est-il
fortement pénalisé par des blocages structurels, spécifiquement français, notamment : l’accès
au financement et la lourdeur administrative. Deux solutions sont proposées pour les
alléger :

La création d’un Fonds Commun de Créances

La mise en place d’une interface unique pour la collecte des informations


administratives auprès des PME

UNE STRATEGIE GAGNANTE POUR LE TEXTILE HABILLEMENT

L’industrie du Textile Habillement s’organise en deux univers :

La filière du Textile Habillement qui représente encore les ¾ du secteur.


Elle subit les contraintes les plus fortes car elle est assujetti aux exigences
de la distribution et doit satisfaire la multiplicité des aspirations du
consommateur final. Son développement passera par la créativité, le
marketing, l’innovation, l’organisation d’une chaîne logistique de filière, la
dynamique commerciale, l’image et la communication
Les matériaux souples innovants. Aujourd’hui, le Textile élargit son
spectre au-delà des seules applications vestimentaires. Nous assistons à une
véritable révolution industrielle technologique dans ce domaine. Ce nouvel
univers a des perspectives de croissance extrêmement fortes, s’il ne perd
pas de vue les besoins du client final, quel que soit sa nature. Ses ressorts
stratégiques s’appuient sur l’innovation technologique, le marketing et le
dynamisme commercial.

2
Les orientations stratégiques spécifiques au Textile Habillement révèlent ainsi des pistes
relativement peu explorées à ce jour, en plus d’axes plus classiques.

DES PISTES ORIGINALES

Certains axes stratégiques sont rarement évoqués pour le Textile Habillement.


La restauration de l’image de marque
Une innovation d’un nouveau type
La chaîne logistique
Le réseau de valeur

Parmi ceux-ci figurent l’innovation car usuellement, ce terme est réduit à la seule technologie
ce qui ne constitue plus, à elle seule, une voie de succès.

Un préalable, l’image de marque : Aujourd’hui, la mauvaise image du secteur nuit très


gravement à son développement ne serait-ce que pour attirer de nouveaux talents ou
intéresser des investisseurs. La profession doit d’urgence engager un travail structuré et
collaboratif pour redresser son image de marque et assurer son rayonnement.

L’importance de l’innovation dans tous ses états. Le terme d’innovation induit en


erreur, tant le tropisme de la technologie est fort. L’innovation a profondément changé de
nature. La seule innovation technologique n’est plus garante de succès commercial, loin de
là. L’innovation doit impérativement intégrer l’immatériel dans l’ensemble des process.
L’innovation immatérielle est devenue systémique, elle touche tous les aspects de la
création :

Les premières étapes de la conception, en s’immergeant dans l’imaginaire


du consommateur, afin d’inventer de nouveaux concepts
Toute la chaîne de développement en permettant l’intégration d’univers
différents (pluri disciplines, pluri technologies, croisement de l’esthétique
et des techniques) et l’ouverture sur de nouvelles réalités
Le produit final, en y intégrant une charge psychique et affective
L’élaboration de nouveaux services, de plus en plus indispensable

L’innovation technologique ne doit pas être délaissée, mais elle doit s’enraciner dans les
aspirations des consommateurs. Cet aspect est crucial pour l’avenir des Textiles Techniques.
Le point central pour le Textile Habillement sera de densifier les transferts de technologie
pour les PME, de favoriser les hybridations entre technologies différentes, de croiser les
techniques avec la pure créativité, et de transposer des savoir faire existants dans de
nouveaux domaines.

L’Etat, de son côté, devra fortement renforcer la lutte contre la contrefaçon qui est devenu
un véritable fléau. Cette lutte comporte 2 volets : le renforcement de la législation existante
en France et en Europe, des discussions avec la grande distribution pour l’intégrer sans
ambiguïté dans une politique de respect de la propriété intellectuelle.

La chaîne logistique, notamment dans la filière Textile Habillement, se révèle un levier


stratégique majeur. En effet, le client, le distributeur achètent in fine un service global, en
plus d’un produit. Les entreprises du secteur doivent apprendre à collaborer sur des mêmes
chaînes logistiques pour servir ses clients et les différents marchés qui vont émerger.

3
Le réseau de valeur. Un réseau de valeur est littéralement composé d’une myriade
d’interfaces, de connexions, d’interactions entre des réalités différentes. Son développement,
son enrichissement constitue un objectif stratégique en soi, pour le Textile Habillement, qui
est en totale cohérence avec la mutation du consommateur. R2ITH constitue un modèle à
élargir et à dupliquer.

DES AXES STRATEGIQUES CLASSIQUES

Au-delà des pistes originales évoquées, certains axes stratégiques classiques gardent toute
leur pertinence : le dynamisme commercial, principalement international, et la montée
des compétences.

La réalisation d’un plan stratégique ambitieux pour le Textile Habillement impose une très
forte montée des compétences humaines dans l’ensemble du Textile Habillement. Le
renforcement des compétences managériales constitue un passage critique de l’ensemble du
plan stratégique. Le FORTHAC, l’OPCA très performant de la branche, pourrait
puissamment aider à la réalisation de cette ambition, en se positionnant comme un véritable
cluster de compétences pour l’ensemble du Textile Habillement.

EN CONCLUSION

Le Textile Habillement est un secteur magnifique, d’une incroyable richesse humaine,


industrielle, technologique, créative. Il peut s’engager sur la voie d’une nouvelle Renaissance
en sortant de son concept étroit de filière, en adhérant aux nouvelles aspirations des
consommateurs. Il a des atouts indéniables à jouer, beaucoup d’acteurs en expriment la
volonté farouche et déterminée. Ensemble, ils peuvent redresser ce superbe défi :

Le Textile Habillement, un secteur d’avenir pour la France

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