Textile Habillement
Textile Habillement
Textile Habillement
LA VOLONTE DE REMPORTER
Quelle provocation, quelle légèreté s’exclameront certains : « Soyons réalistes, songez donc à
toutes ces fermetures d’usines qui font la une des médias ! Songez donc à toutes ces
entreprises vieillissantes qui n’auraient pas été capables de prendre le virage de la modernité
et de la mondialisation ! Songez encore à la puissance de la Chine, avec ses immenses usines
qui réinventent l’esclavage du XXIème siècle ! »
Est-ce pure démagogie que d’affirmer que ce secteur peut, à nouveau, se conjuguer au futur,
dans notre pays ? Si des difficultés existent toujours, dans le même temps de véritables voies
d’espoir se dessinent. Ce rapport se concentrera sur les possibilités d’avenir et de
développement. En effet, le Textile Habillement a éprouvé une Révolution Industrielle d’une
rare violence. Une nouvelle Mutation Economique de grande ampleur s’annonce, le Textile
Habillement dispose de réels atouts non seulement pour y faire face, mais pour remporter
cette bataille. A lui de saisir ses chances et de développer sans complexe ses potentialités.
Cette lame de fond n’est pas distinctive du Textile Habillement. Ce secteur n’a été qu’un
précurseur dans l’incroyable et vertigineuse transmutation de nos économies et la montée de
la consommation de masse. Les forces qui ont restructuré, et restructurent aujourd’hui le
Textile/Habillement, sont d’ores et déjà à l’œuvre dans toute l’industrie.
La métamorphose des circuits économiques n’est pas achevée : d’autres changements, tout
aussi radicaux, s’annoncent. Un deuxième acte s’ouvre : la prise de pouvoir du
Dans cette perspective, l’industrie française dispose d’atouts réels pour saisir ces nouvelles
opportunités, car les coûts ne joueront plus un rôle aussi exclusif, aussi hégémonique.
Ainsi, une voie d’espoir s’ébauche dans un paysage où le gris et le noir dominaient. Elle peut
Conduire le Textile Habillement à une véritable renaissance. Déjà le tiers du secteur a opéré
sa mue stratégique et cumule rentabilité et dynamisme. Une véritable ébullition a saisi toute
une frange de cette industrie ancienne : des réseaux d’échanges pleins d’énergie et de vitalité
se créent, les projets de recherche augmentent, des créateurs rencontrent des industriels, de
nouveaux entrepreneurs investissent le secteur, des entreprises se lancent sur de nouveaux
concepts, les salons renaissent et reconquièrent leur lustre, de vrais patrons de PME -
inventifs, lucides, réactifs, modernes- émergent. En parallèle, les marques de luxe continuent
à rayonner et à se développer malgré une concurrence féroce. Une nouvelle modernité s’est
emparée d’une fraction de ce secteur.
J’ai concentré cette mission sur les facteurs qui permettront au Textile Habilement de renouer
avec le succès et d’engager cette nouvelle Révolution Industrielle sous les meilleurs auspices.
Une vision à moyen terme du Textile Habillement qui intègrera une analyse des
mutations de la consommation, et donc des objectifs finaux vers lesquels devra
tendre l’industrie
Le Textile/Habillement constitue une des industries les plus anciennes au monde. Dominique
Jacomet, dans son ouvrage « Mode, Textile et Mondialisation », en décrit les grandes étapes1.
Le Textile/Habillement a connu une Révolution Industrielle considérable par son ampleur et
sa durée, au XVIIIème et au XIXème siècle, et largement dominée par l’Angleterre. Cette
mutation économique est alimentée par la croissance démographique en Europe, puis
impulsée par l’innovation technologique et amplifiée par une nouvelle organisation de la
production. Les dates clés :
La création prend son essor et s’organise au milieu du XIXème siècle en France avec
l’apparition des couturiers et de la Haute Couture qui impose la nouveauté dans
l’habillement, avec la contrainte de collections annuelles. Pour la première fois, le goût des
consommateurs devient un facteur industriel.
La distribution organisée fait son apparition dans la seconde partie du XIXème siècle avec
l’ère des grands magasins dont l’entrée est libre, et qui offrent une large gamme de produits
dont les prix sont affichés : le Bon Marché s’ouvre en 1952. Mais c’est aux Etats-Unis que
1
La description qui suit est largement empruntée à cet ouvrage
1.2. La mondialisation
Plus qu’une réelle mondialisation des échanges, il s’agit d’une délocalisation massive de
la production au profit d’un nombre limité de pays, principalement en Asie. En effet, le
nombre des acteurs est restreint et la Chine joue un rôle prépondérant. Les principaux
exportateurs –par ordre décroissant- sont outre la Chine et l’Union européenne : la Turquie,
l’Inde, la Corée, Taiwan, le Pakistan, le Mexique.
2
D’après « Mode, Textile, Mondialisation » – Dominique Jacomet : la « spinning jenny » de 1765 permettait de
filer 1 kilo de fil en 10 heures contre 3 minutes aujourd’hui ; pour tisser 100 mètres de tissu, 100 heures étaient
nécessaires avec un métier à tisser mécaniques, contre 1 heure aujourd’hui avec un métier mécanique.
3
Les flux intra-zones ne sont pas pris en compte dans ce calcul
1.2.2. Le succès de la Chine : les faibles coûts de main d’œuvre, les clusters,
l’efficacité des chaînes logistiques.
Parmi les causes de cette transformation radicale, on cite fréquemment, et à bon droit,
l’extrême faiblesse des coûts horaires. Mais, elle n’explique pas seule l’ampleur du
phénomène. On trouve parmi les causes qui ont présidé à cette montée en puissance,
l’importance des clusters et des chaînes logistiques. Ces facteurs ont permis l’exploitation à
plein de l’avantage que présentent les faibles niveaux salariaux.
4
China Apparel Industry Development Report 2004-2005
Portugal 0,165 58
Pologne 0,159 56
Turquie 0,146 51
Maroc 0,117 41
Chine 0,098 34
Inde 0,095 33
Source KSA - Extrait « Mode, Textile, Mondialisation » - D.Jacomet
Ces salaires extrêmement bas sont de surcroît couplés à une quasi-absence de tout droit du
travail, à l’inexistence de toute législation protectrice de l’environnement, et au non-respect
des règles les plus élémentaires de propriété industrielle. La Chine communiste a ainsi
réinventé les pires heures du capitalisme anglais du XIXème siècle qui a, lui-même, alimenté
les théories marxistes. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de la scène mondiale du Textile
Habillement, en ce début de XXIème siècle.
Plus de 80% des exportations chinoises proviennent de ces clusters. Quelques exemples :
Des chaînes logistiques très efficaces se sont mises en place pour exploiter ce potentiel
productif. Il existe un continuum entre deux extrêmes :
5
Statistical Yearbook of China Commodity Exchange Market
De faibles coûts de main d’œuvre, sans les clusters, ni l’efficacité logistique n’auraient jamais
permis à la Chine de s’assurer une telle hégémonie, compte tenu de l’importance du facteur
temps dans toute la filière Textile Habillement.
Les gains de productivité générés par le transfert de production dans les pays à bas coûts de
main d’œuvre n’ont ainsi pas véritablement profité au consommateur final, du moins en
France, comme le montre une étude réalisée par EURATEX.
EURATEX note tout d’abord une très grande disparité entre les pays européens, en terme
d’évolution des prix à la consommation, suite au démantèlement des quotas. En France, on
enregistre même une légère hausse des prix, ce qui constitue un véritable paradoxe
économique.
5,0%
3,0%
2,0%
1,0%
0,0%
-1,0%
-2,0%
-3,0%
-4,0%
-5,0%
-6,0%
cy
cz
gr
fr
tr
it
pt
at
lt
ro
bg
ee
se
lu
be
eu27
eu25
de
hu
ie
no
nl
si
fi
pl
lv
es
is
mt
sk
dk
uk
Ainsi sur la période 2000-2006, les prix de vêtements, en France ont augmenté de 0,8%,
alors que les prix à la production baissaient de 67%. Au total, en Europe, les prix à la
consommation n’ont baissé que de 3%, alors que la baisse des coûts de production et
d’importation atteignait respectivement 32% et 23%. Seule l’Angleterre a pratiquement
intégralement répercuté les baisses des coûts sur le prix à la consommation.
L’habillement a, le premier, subi le choc de la Révolution Industrielle. Les textiliens ont cru
longtemps pouvoir échapper au sort de leurs confrères de l’habillement frappés par les
délocalisations. Ils espéraient que la forte intensité capitalistique de leur métier, les
protégerait. L’industrie textile a même bénéficié d’une évolution positive entre 1995 et 2002,
avec une augmentation de 50% de ses exportations. La cassure s’est produite en 2003. Le
textile français n’a pas anticipé l’émergence d’une industrie textile à proximité des nouveaux
centres de confection.
EVOLUTION EFFECTIFS
Base 100 en 1993
140,0
120,0
100,0
Ensemble THC
Textile
80,0 HabillementCuirChaussur
e
Industrie
40,0
20,0
0,0
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
En avril 2007, les effectifs du Textile Habillement atteignaient près de 150.000 personnes6 :
86.000 salariés pour le Textile et 61.000 pour l’habillement. Le nombre d’entreprises
s’élèvent à près de 8.000.
POINT METHODOLOGIQUE
Le tissu industriel est composé de PME, voir de TPE : 9 entreprises sur 10 ont moins de
50 personnes, et 6 sur 10 moins de 10 personnes7. La taille moyenne des entreprises qui
emploient plus de 20 personnes est de 76 personnes, à comparer à une taille moyenne de 140
personnes pour l’ensemble de l’industrie manufacturière.
Ces secteurs sont traditionnellement très présents dans des bassins d’emplois ruraux, avec un
impact économique et social fort. Ainsi, le Nord-Pas-de-Calais et la région Rhône-Alpes
emploient 43 % des effectifs des industries textiles. Le textile est également très présent en
Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne, Ile de France, Pays de la Loire, Picardie et Midi-
Pyrénées. L’habillement est implanté principalement en Ile-de-France, Rhône-Alpes, Pays
de la Loire, ces 3 régions employant près de 54 % des effectifs.
Il faudrait rajouter à ces chiffres, les performances de la distribution spécialisée. Ainsi, les
enseignes de l’habillement en France comptent 120.000 salariés et un chiffre d’affaires de 16
Milliards€ en France. Les enseignes françaises sont également très dynamiques à
l’international, puisqu’elles enregistrent un chiffre d’affaires de 7 Milliards€ sur les marchés
étrangers.
La productivité9 du secteur industriel continue de croître, plus rapidement dans l’habillement
que dans le textile, tout en restant inférieure à celle de l’industrie en général. Mais l’écart se
réduit. Il y a 20 ans, la productivité était 50% inférieure à celle de l’ensemble de l’industrie.
Aujourd’hui, elle est de 15 points inférieure.
6
Chiffres FORTHAC, ces chiffres incluent les entreprises de moins de 20 personnes.
7
Chiffres FORTHAC
8
Extrait Rapport « Reconversion des Salariés du Textile Habillement Cuir » - Clarisse Reille
9
Valeur ajoutée/Effectif
10
Fiche de conjoncture du SESSI septembre 2007
11
« Où va la mode ? Les stratégies d’achat des grands distributeurs et marques européens » - IFM pour Tissu
Premier, janvier 2007
Une nouvelle Révolution Industrielle pointe à l’horizon. Elle s’appuiera sur deux grandes
forces :
L’évolution du consommateur
L’innovation dans les textiles
Pour autant, il serait naïf d’affirmer que l’avenir du Textile Habillement est résolument rose.
Néanmoins, ce secteur, pour la 1ère fois depuis des dizaines d’années, entrevoit de vastes
possibilités inédites pour renaître, sous une forme radicalement originale. Ce mouvement
nécessitera une mobilisation forte et articulée des entreprises et de leurs mandants, ainsi
qu’une intervention cohérente des pouvoirs publics.
L’enjeu est d’assurer que la grande majorité des entreprises -la moitié du secteur-, qui
disposent aujourd’hui de marges de manœuvre, « transforment l’essai ».
Si tel était le cas, alors le secteur se trouverait dans une conjoncture relativement
stabilisée où, à grands traits, l’habillement aurait globalement achevé sa
restructuration, le textile serait sur le point de l’achever, tout en redéployant de
nouveaux marchés. Le secteur pourrait alors atteindre un plancher d’ici 3-4 ans e, terùe
d’effectifs, et croître, de nouveau, modérément dans 4-5 ans.
L’objet du présent rapport est de mettre en évidence les leviers d’une stratégie gagnante.
Avant de les examiner, il est essentiel d’éclaircir un certain nombre d’aspects :
Au cours des 20 dernières années, une première vague a transformé profondément le paysage
industriel : le basculement d’une distribution indépendante atomisée à une distribution
concentrée fondée sur des volumes importants et des bas coûts. Typiquement, le schéma
classique d’organisation de la grande distribution est fondé sur un modèle fordien : la
consommation de masse de produits standardisés. Mais le consommateur occidental ne se
reconnaît plus dans cette offre. Déjà, des indices d’insatisfaction apparaissent. Une étude
menée par l’IFM pour UPTEX montre que 70% des consommateurs estiment que la mode est
la même partout. Pas étonnant, dans ces conditions, que 40% des collections soient vendues
en soldes12.
La consommation n’est plus strictement liée aux besoins, elle s’individualise, devient
hédoniste et joue sur les registres du plaisir, de la séduction et des valeurs. Elle
intègre désormais une forte composante émotionnelle. Cette vérité est extrêmement
nette en matière d’habillement. A titre d’exemple, une Américaine compte en moyenne 8
jeans dans son placard et porte régulièrement 6 d’entre eux14. Or, aucune nécessité
physiologique, sécuritaire, ou sociale (les 3 premiers degrés de la Pyramide de Maslow)
n’impose un tel foisonnement. Notre époque escalade les 3 derniers degrés de la
pyramide de Maslow. La mode inscrit le produit dans une époque déterminée, un contexte
de culture et de valeurs partagés15. Dans un tel contexte, la mode apparaît comme
l’expression de nouvelles aspirations et du coup elle devient une valeur transversale
12
Document UPTEX
13
Etude Prospective des grandes tendances de la consommation - CREDOC – DiGITIP - 2000
14
Données IFM
15
Article Christel Carlotti – Gildas Minvielle – Mode de Recherche – IFM – octobre 2007
Accomplissement
personnel
Estime de
soi
Besoins physiologiques
Besoin de sécurité
PYRAMIDE DE MASLOW
Une récente étude du Credoc16 confirme cette montée en puissance des préoccupations
éthiques, sociales ou écologiques, qui s’affirme ainsi comme une des tendances
marquantes de la dernière décennie dans la sphère de la consommation.
16
Consommation et Modes de Vie – Credoc – Mars 2007
Déjà, quelques signaux apparaissent, par touches, dans le paysage. De nouveaux acteurs
troublent les codes, les règles établies, créent de nouveaux liens avec le consommateur,
offrent de nouvelles solutions. Le cabinet Martine Le Herpeur distingue cinq grands
registres18 :
Rupture et complémentarité :
Marc Jacobs propose régulièrement dans sa boutique du centre de Paris,
des produits à 10€.
Topshop à Londres invite un créateur ou un nom emblématique
(dernièrement Kate Moss) pour des collections temporaires.
Abercombie & Fitch crée la boutique invisible.
Baccarat invite la boutique nomade qui se déplace de ville en ville, dans
laquelle on ne peut accéder que par le biais d’une carte spéciale.
Zara lance une ligne moyen/haut de gamme, Massimo Dessuti.
17
Voir Annexe 3
18
Un grand nombre des exemples présentés est issu d’une présentation faite lors du colloque Empreintes par le
cabinet Martine Le Meur.
19
Exemple extrait d’un entretien de Langdon Morris qui est l’un des co-auteurs de 4th Generation R&D
Le parti pris :
Ipodisation : 1 produit design dans toute une gamme de couleur.
Soft Bank : portables de toutes les couleurs.
Anne Fontaine et ses chemises blanches.
Wedding Village : un centre commercial uniquement sur le thème du
mariage.
Three Minutes Happiness à Tokyo joue sur la poly sensorialité, le désir,
l’achat coup de cœur.
Déjà, les premiers signes d’une transformation des marchés apparaissent. Une partie
significative de la distribution adoptera des approches plus qualitatives, tant sur le produit
final, les services que sur l’environnement de la vente, l’accompagnement du consommateur,
mais aussi la conception même du produit. Les réponses seront extrêmement diversifiées.
L’accent pourra être mis :
sur une créativité sans cesse renouvelée, jouant sur le charme ou la surprise
sur la customisation
sur l’innovation technologique qui pourra se coupler à la séduction pure, ou
à un processus dépolluant ou encore à une invention immatérielle pour
offrir un nouveau service
sur le plaisir allié à des process de fabrication éthiques, durables
etc…
Ces composantes sont des leviers majeurs de compétitivité dans la nouvelle révolution
industrielle qui s’annonce. Elles sont valables pour toute l’industrie, et notamment les biens
de consommation.
Le secteur, pour renouer avec le succès, devra non seulement travailler sur des produits
mais sur des facteurs immatériels. De surcroît, c’est par l’hybridation de ces deux
démarches que renaîtra l’avantage concurrentiel. La distinction autrefois nette entre
biens et services s’estompe.
Le design stratégique est beaucoup plus complexe qu’il ne pouvait l’être, par le passé.
L’examen des succès dans ce secteur confirme cette réalité. On assiste, au contraire, à une
explosion de business models gagnants. Le MIT s’est livré à une enquête, sans précédent, sur
500 entreprises en les suivant pendant 5 ans20. Le secteur du Textile/Habillement a fait l’objet
d’une attention particulière. Les chercheurs du MIT ont ainsi mis en évidence une
20
« Made in Monde – Les nouvelles Frontières de l’Economie Mondiale » – Suzanne Berger
Pas de recette miracle, pas de modèle unique à appliquer. Le succès dépend alors très
directement des qualités du chef d’entreprise, de son énergie et de sa capacité à mettre
efficacement en synergie différents leviers de croissance.
Les ressorts stratégiques de croissance et de développement de ces deux mondes diffèrent. Ils
ne sont pas antagonistes car les leviers de croissance de l’un sont valables pour l’autre, mais
les dosages des différentes composantes stratégiques sont différents. Par contre, l’activité des
textiles à usage de l’habillement concentre l’intégralité des exigences.
Cette filière doit être capable de fournir des produits de qualité, innovants et créatifs tout en
offrant des solutions à ses clients, notamment les distributeurs. Cette filière devra de plus en
plus intégrer la notion de service globale, dès la conception des produits.
D’ores et déjà, les distributeurs achètent des produits mais aussi un ensemble de service, une
logistique d’ensemble.
21
« Les Business modèles gagnants dans l’industrie du Textile/Habillement »
C’est une chance pour la filière malgré une complexité accrue. Ainsi, au-delà du nécessaire
travail de chaque entreprise pour améliorer son offre, cette filière doit, en parallèle, mener un
travail pour optimiser la chaîne de valeur globale. Il est tout à fait vital qu’elle se considère
de nouveau comme une véritable filière où les acteurs collaborent. Le Textile/Habillement
ne remportera que des succès moyens, si chaque acteur joue solo. L’enjeu est un double
mouvement qui nécessitera un intense travail collaboratif :
o L’amélioration du produit final tant par l’esthétique, la créativité, le marketing que par
la qualité intrinsèque de ses fonctionnalités et de ses composants
o La mise au point d’une véritable offre de services ce qui suppose un saut qualitatif
extrêmement fort de la chaîne logistique et de sa réactivité, dans son ensemble.
Au sein de cette filière, une place particulière doit être réservée aux créateurs . Je distingue
ici le créateur, du styliste talentueux. Le créateur est souvent une personnalité hors norme qui
invente de nouveaux codes, qui a un talent exceptionnel et qui est guidé par sa seule intuition.
Le styliste crée, innove mais en écoutant les clients, dans une perspective industrielle. Les
enjeux prioritaires du monde des créateurs sont avant tout le bouillonnement créatif et
l’image de marque. Notre pays rayonne dans le monde tout à la fois par ses maisons de luxe
et sa capacité à inventer la mode. Pour garder cet avantage concurrentiel considérable, il est
nécessaire de favoriser une véritable ébullition créatrice.Aussi, notre pays doit-il maintenir
activement l’émergence de créateurs. Cette population est très particulière : peu réalisent des
chiffres d’affaires importants, beaucoup disparaissent par manque de vision industrielle, mais
une infime minorité émergera et constituera les grands noms de la Haute Couture française
du XXIème siècle.
22
Etude Prospective des grandes tendances de la consommation - CREDOC – DiGITIP - 2000
L’innovation technologique joue un rôle essentiel dans les leviers de croissance de ce secteur,
mais elle ne résume pas à elle seule la stratégie gagnante. Il y aurait même un grand danger à
penser l’avenir en chaussant les seules lunettes de la Recherche & Développement.
L’innovation technologique est une condition nécessaire mais très loin d’être suffisante
pour assurer la croissance. L’immatériel et le recours au marketing sont essentiels pour son
développement, tant au sein de la filière de l’habillement que pour investir de nouveaux
secteurs. Les entreprises, les pôles de compétitivité qui investissent dans le Textile Technique
doivent impérativement travailler sur les différentes facettes du marché des Matériaux
Souples Innovants :
TEXTILE POUR
HABILLEMENT
MATERIAUX
SOUPLES
INNOVANTS
Au cours de ma mission, j’ai rencontré de très nombreux industriels pour les interroger sur
les leviers de croissance de leur entreprise. Infailliblement, leurs commentaires
commençaient toujours par des blocages qui n’étaient pas spécifiques au Textile Habillement,
mais commun à l’ensemble des PME françaises. Leur importance m’a paru telle qu’il m’est
apparu impossible de les ignorer et de ne pas tenter d’y apporter des pistes de réponses.
De nombreux rapports ont déjà été consacrés au sujet. Des solutions sont régulièrement
proposées, certaines mises en oeuvre : politique en faveur des gazelles, France
Investissement, OSEO BDPME, etc….. Elles vont toutes dans le bon sens, mais elles ne
semblent pas provoquer le mouvement de fond dont notre économie a tant besoin.
A partant de ce constat, j’ai choisi d’étudier deux blocages majeurs dont la résolution ne
semble pas hors de portée. En effet, on peut toujours affirmer que les charges sont trop
élevées, que le droit du travail est trop complexe : c’est totalement exact ! Mais, il est
malheureusement peu probable que ces problèmes trouvent une issue à court terme. Je ne
rentrerai donc pas dans ce débat, pour me concentrer sur les 2 sujets qu’évoquent toujours, en
priorité, les patrons de PME :
Les PME ont du mal à accéder à des financements, dans des conditions « normales ».
Difficile dans ces conditions de se développer, d’innover, de s’internationaliser alors que ces
actions sont toutes simultanément nécessaires. Pour résumer rapidement la situation :
23
« Le financement des PME en France » - Crédit Agricole – Décembre 2006
Les banques prêtent relativement peu aux PME du fait de leur structure
comme le démontre une étude du Crédit Agricole24. En effet, il ne s’agit
pas d’un excès de « gourmandise » des banques vis-à-vis des PME, mais
d’un effet réseau :
•Selon la Fédération Française des Banques, les marge d’intérêt de crédit
aux entreprises, accordées par les banques françaises aux entreprises,
sont parmi les plus faibles des pays développés : deux fois moins qu’en
Italie et en Grande-Bretagne, trois fois moins qu’aux USA
• Insuffisance de « banques relationnelles » 25: 85% des concours
bancaires aux sociétés non financières sont accordés par les 6 grands
groupes français. Aux Etats-Unis, il existe une variété bien plus grande
d’institutions bancaires :
o les grands groupes qui jouent sur le volume et donc sur
des produits financiers standardisés ;
o les banques relationnelles locales qui corrigent la vision
financière par la « soft information ». Pour ce dernier
type d’opérations, les coûts unitaires de traitement sont
plus élevés, mais cela permet de financer des entreprises
plus atypiques qui ne rentrent pas dans le moule des
offres de crédit standardisées.
24
« Le Financement des PME en France » - Crédit Agricole – Décembre 2006
25
« Le Financement des PME en France » - Crédit Agricole – décembre 2006
Viser l’ensemble des PME sans exclusive. Il est inutile de mettre des
critères : technologiques, gazelles, etc…. Il est difficile de préjuger a priori,
de la capacité d’une PME, à croître sur le long terme. A titre d’exemple, le
groupe Inditex auquel appartient Zara a démarré par la création d’un petit
atelier de confection familial à La Corogne en 1963. Le premier magasin
Zara ne s’est ouvert, à La Corogne, qu’en 1975. L’expansion internationale
du groupe n’a commencé qu’en 1988. Clairement à ses débuts, le groupe
Inditex n’était ni une gazelle, ni une valeur high tech !
Eviter les analyses individuelles fouillées. En effet, notre système
bancaire n’est pas structuré pour assurer des relations denses de proximité.
Permettre aux PME, un accès à des quasi-fonds propres
Une solution pourrait être la création d’un Fonds Commun de Créances. Un tel système est
simple et pourrait être mis en place en quelques mois. Des groupes de travail, présidés par
le concepteur du projet Nicolas Crespelle, se sont déjà tenus en 2006 rassemblant le
Ministère des PME, la CGPME, la Deutsche Bank, KPMG, France Titrisation, Gide Loyrette.
J’avais mis en évidence lors d’un précédent rapport sur la Reconversion des Salariés du
Textile/Habillement/Cuir le poids de la bureaucratie administrative dans notre pays.
Une entreprise de 21 salariés doit remplir chaque année 400 pages pour établir 96
déclarations à destination de 15 organismes.
Le Textile Habillement est naturellement composé de PME : 9 entreprises sur 10 ont moins
de 50 personnes, et 6 sur 10 moins de 10 personnes26. Plus que tout autre, il est pénalisé par
cette lourdeur administrative. Les chiffres démontrent la difficulté à passer le fameux seuil
des 50 personnes. Le rapport « Une Stratégie PME pour la France » de Jean-Paul Betbèze et
Christian Saint-Etienne souligne largement ce point (voir annexe 1). L’idéal serait de mettre
en place des seuils positifs et non pénalisants.
26
Chiffres FORTHAC
Centres
techniques
DRIRE
Centre de
transfert des
données
sociales
ASSEDIC
OPCA OCTA
LES INTERLOCUTEURS
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
--> 14
-->31
-->14
-->28
--> 14
-->31
-->14
-->30
-->14
-->31
-->14
-->30
-->14
-->31
-->14
-->31
-->14
-->30
-->14
-->31
-->14
-->30
-->14
-->31
janvier février mars avril mai juin juillet août septembre octobre novembre décembre
service impôts établissement principal centre des impôts fonciers / local direction des douanes
administration des douanes Organic OPCA (dont FORTHAC)
CPDE ou ASCODE OCTA URSSAF
ASSEDIC Caisse retraite Caisse prévoyance
services de transfert des données sociales
15 31 15 28 15 31 15 30 15 31 15 30 15 31 15 31 15 30 15 31 15 30 15 31
liasse fiscale 50
déclaration IS 3
déclarations annexes 3
comptes au greffe
relevé d'acompte IS 2 2 2 2
solde acompte IS 4
2 2 2 2 2 2
TVA
2 2 2 2 2 2
déclaration des salaires 4
taxe d'apprentissage/contrib.add. 3
participation à la formation professionnelle
continue 2
participation à l'effort de construction 4
TVS 3
vignette auto
2 2 2 2 2 2
DEB
2 2 2 2 2 2
CSSS / contrib.add.
IFA
TGAP sauf installa° classées 2 1 1
TGAP "exploitant" installa° classées 1
taxe professionnelle 4
taxe foncière bâti / TEOM
taxe foncière non bâti
taxe sur les locaux en Ile de France 2
Un contrôle fiscal sur un crédit impôt collection réalisé, en pleine période des
défilés. Dans la même veine, le contrôle des heures de travail pendant les défilés.
Le recours au crédit impôt recherche et au crédit impôt collection semble
déclencher quasi automatiquement un contrôle fiscal, d’autant plus pénible que les
modalités de cet impôt sont complexes et s’apprécient sur 3 ans.
Le représentant de la DRIRE qui demande à une entreprise, seule sur sa zone
géographique, de limiter ses périodes d’activité car le bruit lui paraît trop élevé
alors même qu’aucun riverain ne s’est plaint.
L’inspecteur du travail qui oblige un commerce à fermer, suite à deux
embauches : un homme et une femme, parce qu’il n’y avait pas deux toilettes
distinctes.
Le contrôleur de l’URSSAF qui redresse une entreprise située en zone rurale et
qui donne des indemnités de transport à ses salariés, car certains salariés
effectuaient leur déplacement en co-voiturage.
Comment une petite entreprise peut-elle humainement faire face à cette somme de
contraintes, de suspicions ? Comment un chef d’entreprise de PME peut-il sereinement
penser à son développement ? Est-il véritablement dans l’objet social de l’entreprise à
répondre à autant de sollicitations administratives et à affronter une telle hostilité.
La question principale est celle de la faisabilité des process d’allègement. Une première
solution relativement accessible consisterait à mettre en place :
Une autre piste, plus longue à mettre en œuvre, consisterait à inciter les agents publics à jouer
un rôle de conseil auprès des PME, notamment les plus petites d’entre elles qui se trouvent
démunies face à l’Administration avec un grand A. En effet, il est difficile de trouver une
justification à ce harcèlement administratif à l’encontre des petites structures. Le temps et
l’énergie perdus par les chefs d’entreprise constituent un véritable handicap économique.
Mieux vaudrait conseiller, quitte à redresser par la suite, si les avis donnés ne sont pas suivis
d’effet.
Il s’agit d’un changement majeur dans l’exercice du fonctionnement des pouvoirs publics :
passer d’un esprit de contrôle à un esprit de service.
Une nouvelle Révolution Industrielle est sur le point d’éclore. Le Textile Habillement peut
retrouver des marges d’action, des pistes de renouveau. Les stratégies gagnantes doivent
s’appuyer sur les forces motrices de cette mutation économique : les compétences,
l’innovation, l’excellence opérationnelle, la démarche commerciale, le réseau de valeur. Mais
au préalable, le secteur doit s’attaquer à son image de marque désastreuse et à ses
conséquences délétères.
Aujourd’hui, une image vieillotte, ringarde colle à ce secteur. Elle s’enracine dans les images
de friches industrielles, d’ouvriers alignés dans d’immenses usines grises, de manifestations
de salariés licenciés après des années de service fidèle. Or, cette mauvaise image de marque
provoque de très nombreux effets négatifs que interagissent et qui s’autoalimentent :
Pour les chefs d’entreprise du secteur. L’absence d’image de marque positive, tournée
vers le futur constitue un frein. En effet, l’actuelle représentation symbolique du
Textile Habillement n’est porteuse d’aucune modernité, d’aucune vision stratégique,
d’aucune perspective d’avenir. Aucune énergie, aucun effet d’entraînement ne
peuvent s’en dégager. Chaque chef d’entreprise est ainsi laissé à ses propres
réflexions, à ses inquiétudes, à ses interrogations.
Les jeunes hésitent à embrasser les formations du Textile Habillement, pensant qu’ils
sont voués au chômage
En matière de lutte contre la contrefaçon, les juges n’estiment pas toujours à sa juste
proportion l’importance économique du secteur, et n’accordent que de minces
compensations.
Or, une partie de ce secteur se révèle d’une très profonde modernité. Il a été le premier à
souffrir de la Révolution Industrielle de la fin du XXème siècle, il sera également le premier
à passer le cap de la nouvelle Mutation Economique qui s’annonce car il bénéficie d’une
extraordinaire intimité, d’une inestimable connaissance du consommateur. Il est temps que la
profession s’attache sérieusement à restaurer son image de marque. Faute de quoi, toutes les
Nous verrons en effet que, fréquemment, un thème rebondit sur un autre et l’enrichit. Par
exemple, l’innovation est fortement corrélée avec la montée des compétences et l’émergence
d’un réseau de valeur ; la démarche commerciale doit s’appuyer sur une solide organisation
opérationnelle et sur une innovation dynamique. Ces orientations sont loin d’être statiques,
elles sont au contraire dynamiques, quasiment biologiques dans les synergies qu’elles
opèrent.
Les compétences sont au cœur des ressources stratégiques d’une entreprise, surtout dans un
secteur en forte mutation. Les compétences sont véritablement à la source des marges et du
succès. Or, il s’agit d’une des plus grandes faiblesses du Textile Habillement. Ces besoins
touchent tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise :
Le Textile Habillement, dans son ensemble, a été traumatisé par la brutalité des
délocalisations et de la concurrence. Beaucoup d’entreprises ont disparu, il a fallu parer au
plus pressé : survivre commandes après commandes, livraisons après livraisons en assurant
des fins de mois tendues. Difficile dans ses conditions de « lever le nez du guidon », de se
former à de nouveaux enjeux managériaux, d’investir dans la qualification de ses salariés, de
déployer de l’énergie et de dégager des marges pour attirer de nouveaux profils.
Ce secteur est encore « étiqueté licenciements » alors qu’il a un besoin vital de compétences.
Or, de nombreuses entreprises éprouvent des difficultés à embaucher.
27
“Besoins en competences” - Ouest Mode Industrie - 2007
Le plus urgent consiste à abattre les barrières mentales et donner l’envie aux chefs
d’entreprise de se projeter à 10 ans. En effet, une espèce de fatalité grise plane encore trop
souvent sur ce secteur. Des dispositifs, des moyens existent mais ils restent sous-utilisés.
Trop de PME continuent de subir leur environnement. Il est certain que la complexité et
l’hostilité administratives ne laissent pas de grandes marges de manœuvre aux patrons de
petites entités. Malgré ces obstacles bien réels, seules l’initiative proactive et la volonté de se
projeter dans le futur peuvent redonner aux entreprises des degrés de liberté.
Il est important d’atteindre rapidement une masse critique suffisante pour entraîner
l’ensemble du secteur. D’excellents exemples existent déjà, notamment en Rhône-Alpes et
démontrent la validité d’une telle approche.
Une fois articulée la vision stratégique, les patrons de petites PME doivent apprendre « à
lever le nez du guidon », à mieux gérer leur temps et à déléguer des responsabilités
opérationnelles.
Parallèlement, les PME doivent apprendre à analyser très précisément leur chaîne de valeur
ajoutée, à toutes les étapes du processus.
La mission que j’ai effectuée sur la Reconversion des Salariés permet d’affirmer que les
solutions existent. L’Accord Pilote signé entre l’Etat et les Partenaires Sociaux a déjà permis
une action très significative, notamment au bénéfice des ouvriers.
1.2.1. La Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences dans les PME
Longtemps ignorée dans le monde des PME, la gestion des compétences est désormais au
coeur du développement des entreprises. En effet, si une entreprise n’a pas de vision sur
les compétences dont elle a besoin, alors elle est probablement condamnée.
Le FORTHAC a déjà travaillé sur le sujet, et a, d’ores et déjà, mis au point une démarche de
sensibilisation et de pré diagnostic pour les PME. Cette méthodologie très pragmatique
permet très rapidement de démontrer à une PME si ses compétences sont adaptées à ses
ambitions.
Cette évaluation dure entre 6 et 10 heures. Elle est effectuée selon les
disponibilités de chacun, en tenant compte des impératifs de production.
L’analyse des compétences se fait selon une matrice très fine de
modules.
Le Parcours Modulaire Qualifiant est un outil qui se rapproche de la VAE (Validation des
Acquis en Entreprise) mais qui est plus opérationnelle que cette dernière. En effet, la VAE est
avant tout « reliée » à un diplôme et non pas, stricto sensu, à un acquis de métier. La
Cet Observatoire peut également constituer une passerelle utile, avec la distribution sélective,
les enseignes de l’habillement. En effet, ces dernières se retrouvent dans une filière dont le
rythme principal est orchestré par la distribution agro-alimentaire. Or, les besoins en
compétences de la distribution de l’habillement rejoignent ceux de l’industrie. Cette
convergence ira croissant avec l’émergence de nouveaux marchés, de nouvelles formes de
distribution.
La plupart des écoles dites de création souffrent de certaines faiblesses : cycles trop court,
absence de culture générale et d’ouverture internationale, par exemple.
L’IFM semble correctement positionné pour constituer la Grande Ecole de Création dont la
France a besoin. Il dispose déjà d’un embryon de formation ciblée sur la création.
Les créateurs innovants constituent un monde bien particulier au sein de la filière Textile
Habillement. Beaucoup y aspirent, mais bien peu seront élus. Toutes les marques de luxe sont
nées de marques de créateur, à l’origine. Au-delà de ce vivier indispensable pour les marques
de luxe du futur, le bouillonnement créatif est capital, en terme d’image, pour notre pays.
Or, le cycle d’exploitation est très lourd financièrement, pour un créateur : création d’une
collection, commandes, achat de tissus, livraisons, paiement. De plus, ces créateurs sont très
souvent fortement exportateurs, même avec des faibles quantités.
Une société de capital risque est dédiée à ce segment : Mode & Finances. La gestion en est
assurée par Natexis et le tour de table est composé de Natexis, la Caisse des Dépôts, Oseo,
Clarins, le Défi. Le débouclage en 2008-2009 sera l’occasion de faire le point sur ce type
d’intervention.
Par ailleurs, le DEFI étudie un projet destiné aux Jeunes Créateurs. Son objectif est de
garantir l’accès à des crédits de campagne pour les jeunes créateurs fortement exportateurs.
L’invocation de l’innovation est devenue une règle générale dans les discours politiques ou
institutionnels, dans les entreprises. L’innovation tient le rôle de baguette magique. Elle
s’apparente à une sorte de pilule qu’il suffirait d’avaler pour s’immuniser28 contre les dangers
de concurrence. Pourtant ce mot innocent, qui remonte au XIIIème siècle, recouvre des
réalités extraordinairement riches, en général, fortement sous-estimées. Le terme innovation
est encore largement synonyme d’invention technologique élaborée dans le secret d’un
laboratoire industriel.
Or, l’essence de l’innovation a radicalement changé au cours des 10-20 dernières années.
Aujourd’hui, le succès d’un produit s’enracine rarement dans une unique innovation
technologique, qui par la seule magie de sa révélation, se transformerait en un succès
commercial. Le mythe du tout technologique est dangereux, c’est d’ailleurs un des risques les
plus dangereux que courent les Matériaux Souples Innovants, les Textiles Techniques.
Il est capital pour l’avenir du Textile Habillement, comme pour toute autre industrie, de bien
comprendre la complexité des phénomènes d’innovation.
28
Image employee par Maryline PASSINI, Agence de prospectives PROAME, dans un entretien pour « la
Fabrique du Futur 2 » édité par Pierre Musso, Laurent Ponthou et Eric Seuillet
29
Pierre Musso – Professeur de l’Université de Rennes II, co-auteur de “La Fabrique du Futur”
Cette approche a longtemps assuré le succès de groupes puissants comme IBM, ATT. Ainsi
trois générations30 de R&D se sont succédées, toutes imprégnées des principes originels -
prédominance de la technologie, linéarité des process, phénomène auto centré sur
l’entreprise - :
La créativité ne relève plus d’un processus linéaire, mais d’un foisonnement. Aujourd’hui, le
client doit être intégré au processus d’innovation. Dans un monde complexe, saturé de
biens, concurrentiel, le consommateur exerce son pouvoir dans ses actes d’achat.
L’innovation doit prendre sa source dans une réelle et profonde intimité avec les aspirations,
les émotions des individus. Nous sommes dans la 4ème génération de l’innovation33, ou
innovation ascendante.
Comme le souligne Peter Drucker dans son best-seller mondial Management, les fonctions
d’innovation et de marketing créent de la valeur, en travaillant directement sur les
aspirations du client final : «l’entreprise n’a que deux fonctions de base et uniquement ces
deux-là, le marketing et l’innovation. Le marketing et l’innovation produisent des résultats, le
reste n’est que coûts ! ».
33
“Fourth Generation R&D” – William Miller et Langdon Morris - 1999
Nouveau marché
Marché naturel
INNOVATION OUVERTE
34
Intervention Colloque Empreintes – Cabinet e-Mergences et co-auteur de la Fabrique du Futur
35
“The Era of Open Innovation” – Henry Chesbrough – MITSloan Management Review - 2003
A l’inverse, une entreprise comme Procter & Gamble vient de décider la création d’un poste
de Directeur de l’Innovation Externe avec un objectif, à terme, d’intégrer 50% d’innovations
extérieures.
Aujourd’hui, aucune entreprise n’est plus capable de maîtriser seule, les technologies mais
aussi les concepts, compte tenu de la variabilité des désirs des consommateurs. La curiosité,
la collaboration doivent devenir la règle pour une innovation efficace.
L’innovation passe par un intense travail, itératif, qui s’appuie sur l’imaginaire : du
consommateur et des concepteurs au sens large. L’imaginaire devient un levier essentiel
dans le succès d’une innovation. Pour créer un lien individuel avec le consommateur,
l’entreprise doit apprendre à intégrer dans sa réalité opérationnelle de nouvelles notions pour
elle : le plaisir esthétique, les émotions, la sensibilité artistique, les valeurs de la vie, le désir,
le plaisir, le lien social.
L’entreprise doit ainsi s’immiscer dans l’imaginaire du consommateur, en capitalisant sur ses
savoir-faire, ses techniques, pour lui proposer des pistes. S’enclenche alors un processus de
coproduction de l’innovation, qui s’enrichit grâce à des itérations entre concepteurs et
Une partie essentielle de l’innovation repose ainsi sur des facteurs immatériels. On peut
littéralement parler d’innovation immatérielle. L’immatériel inspire toutes les étapes du
processus d’innovation :
En effet, les processus d’innovation intègrent désormais toute une série de facteurs
immatériels : exploration de l’imaginaire du consommateur, prospective, transpositions,
processus collaboratifs intra et trans-entreprise, hybridation multi
technologique/esthétique/éthique, souplesse des organisations, émotions et valeurs intégrées
dans les produits eux-mêmes, développement de services.
Cette réalité est directement corrélée à la prise de pouvoir du consommateur, dans un monde
sursaturé de biens, et à la puissance des technologies de l’information. Ces dernières
interviennent à tous niveaux, presque subrepticement tant elles nous sont devenues
familières : traitement de données, échanges simultanées d’informations et interactivité,
simulations numériques, maîtrise des indicateurs, suivi de taux de satisfaction, logiciels,
visualisation 3D, création de communautés et de réseaux, réduction de « l’espace temps »,
etc….
Ainsi, au terme de cette immersion dans le pays de l’innovation, on comprend plus aisément
pourquoi tant de projets échouent. La tentation reste grande de foncer tête baissée sur des
programmes de R&D, sans se préoccuper véritablement de l’imaginaire, de la prospective,
des enjeux organisationnels, de l’instauration de collaborations, de la recherche
d’hybridations ou de transpositions, de l’identification de nouveaux services.
L’innovation immatérielle, dans son sens le plus vaste, est la source de vie de l’innovation
et de la croissance.
Le Textile Habillement n’est pas démuni face à ces exigences nouvelles de l’innovation. Un
de ses atouts majeurs est sa connivence avec certaines des expressions de l’imaginaire des
consommateurs : le désir, l’attrait pour la nouveauté, l’esthétique. Son enjeu est de s’appuyer
plus largement sur l’innovation immatérielle, et de renforcer l’innovation technologique
au sein des PME.
Créativité,
Design,
Marketing
Logistique,
Services clients
Innovation
technologique
Organisation
Process
Management
Ils sont complémentaires. Les deux concepts désignent un acte de création mis au
service d’une fonction d’usage. Ils appartiennent au même univers culturel.
Le design met un accent plus net sur la logique fonctionnelle de l’objet qui doit
apporter bien-être et confort ; les contraintes des matériaux et des technologies.
La mode, quant à elle, sublime la valeur symbolique ou d’estime du produit
grâce à sa dimension esthétique. Si la mode est un design à dominante
esthétique, il existe un continuum entre l’esthétique et le fonctionnel, le
design incorporant de plus en plus la dimension esthétique. Mode et design
apportent une réponse à la saturation du marché de « biens utiles ».
Le design s’inscrit dans la prospective. Il peut ainsi nourrir la mode qui joue sur
des cycles courts. Il permet également l’émergence de produits durables,
permanents qui intègrent les fonctions de plaisir et de désir.
Le textile peut constituer un lien puissant entre mode et design, si lui-même investit
les émotions, les aspirations, les valeurs du consommateur en lui offrant de
nouvelles sensorialités, des fonctions inédites, au-delà de l’esthétique. C’est
l’enjeu essentiel du Textile pour l’Habillement : augmenter sa technicité
pour répondre à l’imaginaire du consommateur.
Il s’est agi, dans un premier temps, d’identifier avec chaque entreprise des
voies de développement à partir de l’existant.
L’innovation immatérielle doit également investir des domaines des process et de la chaîne
logistique pour augmenter la valeur des services au client. Il faut sans cesse avoir à l’esprit
qu’un client achète non seulement un produit mais tous les services associés : créativité,
design, fonctionnalités (techniques ou symboliques), livraison ponctuelle, qualité,
renouvellement, proactivité. Cela suppose une remise en cause constante et une intégration de
tous les chemins qui permettent de toucher le consommateur final.
Cet aspect est fondamental pour assurer la renaissance stratégique du secteur. Il est très
dépendant de la montée des compétences dans les entreprises.
La R&D reste globalement faible dans ce secteur. Selon Euratex et Oseo, il existe 4 à 5
centres majeurs de R&D en Europe, concentrés en Allemagne :
Les laboratoires français apparaissent comme significativement plus petits. De plus, les
missions exactes des différentes entités ne sont pas toujours claires, avec des ambiguïtés sur
le positionnement entre recherche fondamentale, recherche appliquée, transfert de
technologie, expertise scientifique, tests, maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre. En tout état
de cause, un point de convergence est clair : la R&D de ce secteur est insuffisante, que ce soit
en France et en Europe, Allemagne exceptée.
Les PME ont rarement les ressources financières pour consacrer des moyens importants à la
R&D. Dans un tel contexte, les pôles de compétitivité et plus généralement les clusters
régionaux revêtent une importance vitale. R2ITH a contribué à mettre sur les fonds
baptismaux, les pôles de compétitivité en mettant des industriels en réseaux et en lançant des
projets de recherche collaboratifs. Aujourd’hui, ces pôles sont des composantes essentielles
de la renaissance du Textile Habillement, mais leur influence s’établit majoritairement sur 3
régions. Un danger les guette également celui du syndrome du tout technologique. Il est donc
nécessaire de continuer le travail entrepris par R2ITH au bénéfice des régions hors pôles de
compétitivité et en les ouvrant sur l’innovation immatérielle.
Mais il est impératif d’explorer d’autres pistes rapprocher la R&D des PME, pour rendre les
frontières de l’entreprise poreuses (voir supra sur innovation ouverte). Une initiative lancée
par le FORTHAC paraît particulièrement intéressante : les contrats de professionnalisation
supérieure en recherche au bénéfice des PME. Il s’agit d’une expérience qui a bénéficié d’une
dérogation exceptionnelle des pouvoirs publics.
Le principe
Ces nouveaux cursus de formation en 3ème cycle et en alternance
permettent la réalisation, par un étudiant-chercheur, d’un projet de
recherche, proposé par une PME.
Quels sont nos savoir-faire, à la fois rares, précieux aux yeux de nos clients
et transposables à de nouvelles opportunités ?
Quels avantages incontestables nos compétences clés nous permettent
d’elles d’offrir à nos clients ?
Ces avantages peuvent ils être déployés sur des champs nouveaux ?
Quelle avance nos compétences clés pourraient elles nous conférer si nous
introduisions dans des secteurs où les concurrents exploitent des savoir-
faire très différents ?
L’écoute des clients, notamment issus de secteurs étrangers, ainsi que les relations avec des
chercheurs hors Textile Habillement, permettraient de créer un « réseau de valeur »,
particulièrement innovant et porteur d’avenir.
L’innovation technologique est un des leviers les plus puissants pour la croissance du Textile.
Une véritable révolution peut s’opérer dans ce domaine, sous une condition essentielle :
intégrer, dans la conception, le client. La tentation du tout technologique est l’un des
périls les plus sérieux qui guettent les Matériaux Souples Innovants. D’autant plus que, la
croissance des budgets de R&D, l’existence de subventions, l’image positive des Textiles
Techniques peuvent donner l’illusion que l’innovation technologique suffira à assurer le
succès commercial. Rien ne serait plus dangereux. Pour reprendre une formulation chère
aux scientifiques : l’innovation technologique est un condition nécessaire mais non
suffisante.
L’innovation technologique et l’intégration client sont vitales pour les 2 univers du Textile,
mais de manière légèrement différente :
Objectifs du projet :
Encourager, par la démonstration, le management par le design, en
introduisant un design décalé dans des entreprises qui ne l’utilisent
pas ou peu.
Le projet met en binôme 10 entreprises du Textile Habillement et 10
designers. Tous ces binômes n’avaient pas l’habitude de travailler
ensemble. La mission : développer conjointement un produit
commercialisable à l’issu d’un processus de création de design
industriel innovant.
Ce travail impose à la fois une grande rigueur et une curiosité proactive. Il nécessite
persévérance. Dans le même temps, sa mise en place est totalement accessible en terme
financier pour des PME car ce type de démarche se concentre sur l’amont du process
d’innovation, donc à un stade où les moyens engagés sont faibles. Toutes les entreprises du
Textile Habillement devraient intégrer, dans leur « feuille de route », une telle initiative.
L’innovation doit aller de pair avec sa protection. C’est d’ailleurs, une des conditions
majeures de son développement. Les auteurs de l’ouvrage « Objectif Innovation »36
n’hésitent pas à lui attribuer le rôle de véritable déclencheur de la révolution scientifique et
industrielle du XIXème siècle. Il est intéressant à ce propos, de souligner que la France est à
36
Jean-Yves Prax, Bernard Buisson, Philippe Silberzahn
Aujourd’hui, force est de constater que la contrefaçon est devenue un véritable fléau dans le
Textile Habillement. La protection des brevets existe mais reste imparfaite, la contrefaçon de
marques cible principalement le luxe ou le très haut de gamme.
Pire encore, la contrefaçon des dessins et modèles est devenue une composante quasi-
structurelle, de grande ampleur du secteur.
Il est impossible, dans ce rapport, de passer sous silence la violence des critiques des
industriels à l’égard de la grande distribution. J’ai dû rencontrer environ 200 industriels,
principalement des PME : il n’en est pratiquement pas une qui n’ait pas attaquée la grande
distribution, notamment sur le thème de la contrefaçon. On m’a cité, montré des dizaines et
des dizaines d’exemples de contrefaçons pratiquées par les chaînes les plus connues. Les
demandes d’échantillons constituent une sorte de voie royale de la contrefaçon : des
bureaux, des centrales d’achat demandent des échantillons et lancent ensuite des
fabrications similaires, dans des pays à faible coût de main d’œuvre.
Dans la plupart des cas, les PME renoncent aux poursuites car le dé référencement serait
immédiat et les compensations judiciaires trop faibles et trop longues à obtenir. Rares sont
celles, comme Deveaux, qui engagent des poursuites judiciaires.
Une entreprise comme Deveaux (voir Annexe 4), leader européen du textile crée 5.000
dessins et modèles, chaque année. Cette puissance de création interdit la délocalisation car
il serait impossible de concrétiser toutes ces idées, avec des fournisseurs disséminés aux 4
coins de la terre. Par contre, Deveaux est systématiquement l’objet de contrefaçons et
engage, en moyenne, 1 procès par semaine pour défendre ses droits.
Une autre illustration récente, lors du salon Lyon Mode City, 102 saisies en contrefaçon
ont été réalisées.
60% des procédures concernant des procédures en contrefaçon, suite aux saisies
des douanes en Europe, concernent le Textile Habillement
30 millions de produits textiles et habillement ont été saisis pour contrefaçon en
Europe en 2006
37
Questions on How to Combat Couterfeiting and Piracy in Textiles and Clothing in Europe - Euratex
La situation est difficile pour des PME, comme l’illustre l’exemple de PSSSY.
La loi Longuet du 24 février 1994 a apporté de sérieux moyens pour lutter contre la
contrefaçon en France qui bénéficie de la législation la plus restrictive en la matière, en
Europe. Malgré cela, la lutte contre la contrefaçon des dessins et modèles a besoin de
s’intensifier, en France et surtout en Europe qui reste d’une inertie coupable en la matière.
La recherche continue d’opérations toujours plus efficaces, plus flexibles et plus réactives
constitue un objectif permanent d’un nombre croissant d’entreprises. Mais la filière Textile
Habillement présente une caractéristique supplémentaire importante : une stratégie
gagnante passe nécessairement par une meilleure harmonisation de la chaîne logistique
entre plusieurs entreprises, dans le but de fournir une solution globale aux distributeurs
et au client final.
Dans l’univers de la mode qui change à toute vitesse, où la maîtrise du temps s’est muée en
atout stratégique, où les cycles de demande sont courts et fluctuants, la souplesse stratégique
est une des racines de la rentabilité. Elle permet à l’entreprise de rester parfaitement à
l’écoute de son marché et de s’y adapter (voir exemple de Honda aux USA, supra). Cette
souplesse lui évite de se retrouver piégée dans des schémas, des process trop normés, trop
rigides, trop verticaux. Cette souplesse repose principalement sur un double fondement :
L’agilité opérationnelle
Un point mort bas
Ainsi, la flexibilité opérationnelle est une réponse à la forte variabilité de la demande. Elle
permet l’incorporation très rapide des changements dans les designs.
La concurrence mondiale, notamment des pays à bas coût de main d’œuvre, impose cette
quête toujours inachevée même si elle ne peut pas constituer une stratégie sui generis. Une
entreprise doit toujours se poser les questions clés suivantes :
Mon concept d’entreprise me permet il d’obtenir un point mort plus bas que les
modèles traditionnels d’entreprises, de mes concurrents ?
38
La Conquête du Futur – Gary Hamel
Les processus de base sont les méthodologies et procédures mises en œuvre pour transformer
les savoir faire, les actifs et autres intrants en valeur pour les clients.
Quels sont les processus les plus vitaux ? Ceux qui apportent le plus de valeur à mes
clients, et qui n’ont aucun équivalent dans mon univers concurrentiel ?
A quel rythme est-ce que je les améliore ?
Existe t’il des possibilités d’amélioration fonctionnelle de certaines étapes
susceptibles d’en modifier la performance ou l’efficacité ?
Puis-je emprunter à d’autres métiers des méthodes rompant totalement avec nos
propres habitudes ?
Ainsi, chaque fois que l’on met à plat un processus de base, qu’on le repense complètement,
on peut déboucher sur une innovation en concept d’entreprise.
L’ensemble du secteur -notamment la filière Textile Habillement- doit affronter un enjeu bien
plus critique : celui de la globalité de la chaîne logistique qui converge vers le
consommateur final.
On parle souvent de la « supply chain ». Ce terme recouvre une série très vaste d’activités.
Elles recouvrent notamment l’approvisionnement des matières premières, le design du
produit en partenariat avec plusieurs co-traitants, la planification de la production, la
supervision des différentes étapes de stockage, le transport, la livraison, les retours clients et
fournisseurs. Une supply chain efficace est fortement dépendante du système
d’informations qui permet d’assurer la transparence et le partage des données, de maîtriser
l’ensemble des flux.
PRODUIT
UNE MEME
CHAINE SERVICES
LOGISTIQUE CLIENTS
L’Espace Textile de Lyon a réalisé une enquête auprès de 100 acteurs du textile et du prêt-à-
porter féminin pour cerner les attentes de l’aval du Textile39. Il apparaît très clairement que
l’aval, le client attendent des solutions. Il ne souhaite pas entrer dans les difficultés et les
subtilités de l’amont. Cette tendance se renforcera avec la fragmentation des marchés.
39
Observatoire Européen du Prêt-à-Porter féminin – Octobre 2005
Il ne suffit donc pas à une entreprise d’améliorer ses produits, son service client, il est tout
aussi impératif qu’elle coopère avec d’autres acteurs de la filière pour fournir au distributeur
et au client, une solution complète.
40
« Emerging Trends in Supply Chain Governance » - Bitran with Gurumurthi and Lin Sam – MIT Sloan
School of Management - June 2006
Li & Fung est une société basée à Hong-Kong, née en 1906. Il s’agit de
la plus ancienne société d’import-export de cette ville. L’ensemble du
groupe pèse environ 7,5 Mds $ et compte 10.000 employés. Li & Fung
représente un cas extrême « d’usine virtuelle », où la matière
première est l’information et son traitement. Li & Fung se présente
comme un chef d’orchestre de la « supply-chain » globale, pour les
biens de consommation.
Ainsi, au-delà, de ses propres réseaux internes, l’entreprise doit également se penser comme
un membre d’une chaîne plus vaste qui, in fine, a pour objectif de satisfaire le client final.
Mettre au point un produit adapté au marché et l’intégrer dans une chaîne logistique
inefficace est profondément inutile ; il en est de même pour la conception d’un produit, sans
intégrer les contraintes de la chaîne logistique.
L’Espace Textile de Lyon a commencé à sensibiliser ses PME, à cet enjeu de coordination,
par une illustration très pédagogique des dysfonctionnements dans la chaîne de valeur qui
relie les textiliens à la vente du vêtement.
Une chaîne logistique partagée entre plusieurs PME est un levier stratégique majeur
dans la renaissance du Textile Habillement. Les entreprises doivent se focaliser sur les
besoins du client final et pas seulement son client direct.
La manière dont toute entreprise va sur son marché, approche ses clients, est cruciale dans
son concept stratégique. Son dynamisme commercial, son lien avec le client sont sa raison
d’être.
Fréquemment, les PME du Textile Habillement s’adressent à des clients qui ne sont pas les
consommateurs finaux. Cette situation est toujours plus inconfortable, plus fragile qu’une
maîtrise complète de sa distribution. L’idéal est toujours une intégration vers l’aval, pour se
rapprocher du client final. Beaucoup de PME souhaiteraient s’engager dans une telle voie,
mais elles en sont empêchées par la limitation de leurs capacités de financement.
A très court terme, deux pistes peuvent être suivies pour dynamiser le développement
commercial : l’information du client et l’expansion internationale.
L’analyse des facteurs incitatifs à l’achat indique des pistes de développement commercial41.
Elle rejoint totalement la démarche d’innovation immatérielle, par exploration de
l’imaginaire, des aspirations des clients :
L’analyse des motivations d’achat, quoique un peu ancienne, montre la réalité de tendances
communes qui portent sur des attentes partagées par tous les consommateurs européens sur
les garanties d’hygiène et de sécurité ainsi qu’en matière d’éthique. Les spécificités
nationales demeurent fortement prononcées. Les consommateurs français expriment une
41
Etude Prospective des Grandes Tendances de la Consommation -Credoc et DiGITIP- 2000
Or, aujourd’hui, le consommateur est souvent mal informé sur le produit qu’il achète,
quand il n’est pas carrément désinformé :
L’innocuité des produits utilisés notamment sur les teintures et les fixateurs
L’information sur la fabrication
L’univers immatériel véhiculé par le vêtement
Le respect de normes environnementales tant au niveau des produits utilisés
que des process.
L’affaire des jouets MATTEL a soudain attiré l’attention des Occidentaux sur des
contreparties malheureuses des délocalisations.
Il serait naïf de penser que le Textile Habillement serait exempt d’un tel risque. EURATEX a
constaté des défaillances notables lorsque des analyses sérieuses ont été effectuées sur un
échantillon aléatoire de produits vestimentaires pour vérifier, tout à la fois :
Un point important à souligner : si les producteurs détiennent une part de responsabilité par
leur absence d’éthique minimale ; la responsabilité des donneurs d’ordre est également
engagée. En effet, il leur incombe de mettre au point des cahiers des charges très précis et
d’exercer les contrôles nécessaires tout au long de la chaîne de fabrication.
Certaines appellations sont trompeuses et leur interprétation floue. Ainsi pour le Made in
France :
Dans le même ordre d’idées, certaines marques de Haute Couture recourent à des
fabrications délocalisées, tout en jouant sur l’image de luxe de la France.
Les principes flexibles qui régissent aujourd’hui le Made In France ne permettent pas au
consommateur d’obtenir une information fiable et claire.
«L’Etat doit encourager les entreprises à faire preuve de transparence et à jouer le jeu de la
mondialisation responsable. … Il est ainsi indispensable de reconstruire la « Marque France »
pour que nous soyons perçus à l’étranger comme une plate-forme de création et d’innovation.
A cet égard, il nous faut moderniser les règles actuelles du made in afin d’offrir un outil de
transparence aux producteurs et aux consommateurs, et de mieux valoriser la part
immatérielle de nos produits.
Plus généralement, il faut prêter une plus grande attention aux interactions entre la
réglementation d’une part, le marketing et la communication des marques, produits et
services français, d’autre part, en privilégiant la clarté et la lisibilité par les consommateurs
dans un monde où le fond et la forme sont désormais totalement imbriqués. Il importe
également de ne pas mésestimer le pouvoir de régulation des consommateurs eux-mêmes…
le marquage est indissociable des imaginaires de consommation, et le choix des entreprises
42
Extraits de « Mondialisation : changeons de posture » - Groupe de travail présidé par Pascal Morand – Avril
2007
La labellisation peut s’avérer une piste très fructueuse pour des groupements d’entreprises ou
toute une industrie qui souhaiteraient garantir et communiquer sur la qualité de leur produit.
Le champ est vaste mais il est certain que la thématique « consommation responsable » est
très porteuse. Elle couvre l’intégralité du process : matières premières écologiques, process
de fabrication respectueux de l’environnement, transports économes en émission de CO²,
respect de règles éthiques et sociales. Par ailleurs, ces produits ne doivent pas pour autant
renoncer aux valeurs de plaisir, de désir et de séduction.
Il existe une réelle demande à laquelle, aujourd’hui, aucune offre structurée n’est proposée.
On estime que les « engagés » représentent déjà entre 10 et 20% du potentiel consommation
en France43. Près de 90% de la population se déclare sensibilisée à ces thématiques. Une
information absolument fiable et objective sera un support puissant à cette nouvelle tendance.
En parallèle, les exigences doivent toucher aussi bien les industriels nationaux que les
importations, preuves à l’appui. En effet, un certain nombre de groupes font du
« greenwashing » sans se préoccuper sérieusement de la qualité tout au long de la chaîne de
fabrication. Ils jouent ainsi sur la seule publicité, ou raffinement, font signer des chartes
éthiques à leurs fournisseurs tout en leur imposant des prix d’approvisionnement qui excluent
une qualité totale. Ces chartes se révèlent plus des sécurités juridiques pour se dégager de
toute responsabilité en cas de problème.
Les conditions d’une expansion internationale réussie constituent un thème sui generis. La
vision internationale est une source permanente d’inspiration, de créativité, d’innovation. Le
monde est également une source d’opportunités et de victoires commerciales. Aujourd’hui, si
le marché stagne en Europe et en France, il augmente très fortement à l’étranger : Russie,
pays asiatiques, Amérique Latine. L’expansion internationale constitue alors une obligation
pour assurer la croissance de son entreprise.
Mais il ne faut pas se voiler la face, le passage à l’acte est d’une extrême complexité pour des
PME. L’ouverture internationale est non seulement coûteuse, difficile, consommatrice de
temps ; mais elle exige aussi une stratégie plus complexe, plus approfondie et plus structurée.
Un grand nombre de PME ont besoin de sur-mesure pour les accompagner dans leurs
premières démarches, d’un accompagnement personnalisé.
43
Recoupement de statistiques RTE, Monde, Aegis, Worms & Michael
Le temps est passé où une entreprise -a fortiori une PME- pouvait trouver seule, en son sein,
toutes les ressources nécessaires à son développement. L’ouverture, la coopération, l’échange
constituent des facteurs clés de succès pour les PME du secteur. La multiplication des
interfaces est la source d’une multiplication incroyable de possibles, d’innovations encore
impensables, il y a 20 ans.
La coopération, l’échange doivent devenir la norme dans ce secteur pour permettre son
renouveau stratégique. Les institutions doivent donner l’exemple et entraîner les
entreprises dans leur sillage.
On ne répètera jamais assez que la valeur d’un cluster dépend avant tout des synergies qui se
créent entre les différentes parties prenantes. Cette valeur est bien supérieure à la somme des
parties qui la compose. Les synergies constituent un des véritables actifs d’un cluster. Le
deuxième actif d’un cluster est constitué par l’image qu’il rayonne. Une image positive,
moderne, dynamique est de nature à fortement influencer l’évolution des entreprises qui le
composent.
Quelques pistes non exclusives et non exhaustives pour contribuer au renforcement d’un
réseau de valeur :
Un think tank pourrait rapprocher l’UIT, l’UFIH, l’IFM et R2ITH pour travailler
sur l’amélioration de l’image du secteur dans son ensemble.
Le Textile Habillement français peut mobiliser les ressources nécessaires pour affronter la
nouvelle Révolution Industrielle qui s’annonce. Cette dernière prendra deux formes :
Une très forte innovation technologique dans les Textiles tant pour
l’habillement que pour une gamme de nouveaux secteurs.
Les blocages qui entravent le développement des PME en France sont nombreux. Parmi eux,
deux peuvent être allégés par l’accès au financement des PME et la simplification
administrative.
L’évolution des agents publics vers une fonction de conseil aux PME et non
systématiquement de contrôle
Le Projet de Loi de Finances 2008 commence à ouvrir ce type d’opportunités pour
les petites entreprises à propos des nouvelles dispositions du Crédit Impôt
Recherche. La généralisation de ce type de mesure est fondamentale pour les PME
françaises et leur croissance.
Il serait très utile que l’UIT et l’UFIH se rapprochent et échangent sur cet aspect essentiel.
D’ores et déjà, il m’a semblé utile d’indiquer quelques pistes de réflexion :
L’exploration des grandes orientations stratégiques a montré combien le champ des actions
possibles était vaste. Pourtant, il convient de restreindre, de choisir et d’échelonner dans le
temps les différentes initiative, à la fois pour :
Le Mind Map recense les actions les plus pertinentes, elles sont au nombre de 5 :
Ce secteur, composé de PME souvent petites, a un besoin vital de renforcer ses compétences.
C’est un préalable à toute stratégie efficace.
C’est le point de départ. En effet, il ne sert à rien de mettre en place une série d’initiatives si
les dirigeants de PME restent noyés par un quotidien grisâtre.
Après ce rappel, il n’en demeure pas moins que les patrons de PME, surtout pour
les plus petites d’entre elles, se sentent souvent seuls, imprégnés de valeurs
techniques. L’enjeu est de les accompagner pour les ouvrir aux nécessités d’un
management plus large, plus complexe, plus connecté aux marchés, à la
prospective et la stratégie, tout en opérant une véritable délégation. Ouest Mode
Industrie a commencé à réfléchir sur ce sujet pour les confectionneurs, il a d’ores
44
« Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent » - Stephen COVEY
A partir de ce travail, il y a matière à construire une « boîte à outils » pour le secteur. D’ores
et déjà, le point (c) du reporting pourrait être aisément couvert en mettant au point un
programme de base avec l’Ordre des Experts Comptables.
Un des points importants sera le financement de ce type d’opérations qui nécessitera un taux
soutien important pour les plus petites entreprises.
Il serait très bénéfique que le FORTHAC soit plus largement impliqué dans toutes les actions
en matière de compétences et de formation, afin d’éviter que chaque région textile
habillement essaie de trouver seule des solutions. Le FORTHAC deviendrait ainsi un
véritable « cluster de compétences », un lieu privilégié de :
Il pourrait également conseiller la branche dans des discussions plus larges avec l’Education
Nationale pour améliorer la formation initiale du secteur et pour réintroduire des formations
sur des métiers qui tendent à disparaître. Sur cet aspect, il serait très utile que le FORTHAC
puisse faire un état des lieux de ces savoir-faire en voie de disparition.
1. L’innovation immatérielle
Son impact est considérable car elle plonge dans l’imaginaire des consommateurs pour créer
un lien individuel avec eux. Il s’agit véritablement d’une nouvelle façon de penser, d’intégrer
des univers différents. L’innovation immatérielle est systémique, elle touche tous les
aspects de la création :
Les résultats peuvent être très divers, immatériels ou tangibles ou mixtes : nouveaux dessins
de tissus, nouvelle marque de mode, vêtements pour de nouveaux marchés (seniors,
consommation durable, Asie, etc…), boutiques inventant un lien original avec ses clients,
chaîne logistique pour une mode customisée, nouvelles fonctionnalités sur un tissu,
croisement de technologies/de savoir faire (tissus communicants, micro encapsulations, lin
extensible sans élasthanne ...), procédé écologique de fabrication, nouvelle fibre etc……
L’Etat a un rôle très important à jouer, via le Crédit Impôt Collection. Il est aujourd’hui
plafonné pour chaque entreprise à 200.000€ par période de 3 ans consécutifs. Sont éligibles
les dépenses d’embauche ou de formation de styliste, d’élaboration d’une collection, d’achat
de logiciels de création, des frais de dépôt et de protection des dessins et modèles. Toutefois,
la base mériterait d’en être élargie pour prendre en compte l’innovation immatérielle dans
la conception, et tout au long du process d’innovation.
Aujourd’hui, l’IFM est globalement assez peu tourné vers les PME : ses formations
« management de la création » ciblent essentiellement les grandes entreprises ; l’opération
« Charentaises ». Un des grands enjeux de l’IFM est de se mettre à la portée et au service des
PME qui bénéficieraient ainsi très fortement de son incomparable expérience.
L’IFM pourrait ainsi adapter ses formations « Executive MBA » aux nécessités des PME. Un
premier pilote pourrait être établi en synergie avec le réseau R2ITH. L’initiative
« Charentaises » mérite d’être renouvelée. L’IFM pourrait s’engager sur une à deux
interventions de ce type par an.
Il est vital que la France reste le pays de la création, de la mode, des tendances. Aussi,
favoriser l’émergence de nouveaux talents, à l’instar de ce que furent les Christian Dior ou
Yves Saint-Laurent, est prioritaire.
Beaucoup d’écoles interviennent dans la mode, mais aucune ne présente le profil de Grande
Ecole de Création. En effet, elles sont positionnées au niveau post-bac, elles dispensent des
cursus courts et donc limités en terme de culture générale et d’ouverture. L’IFM a instauré en
2000, une formation postgraduate en création de la mode. Aujourd’hui, ce cycle s’adresse à
une douzaine d’étudiants rigoureusement sélectionnés.
L’IFM dispose des bases pour devenir la Grande Ecole de Création française. Il serait
fortement symbolique de pouvoir associer cette évolution au déménagement de l’IFM dans
ses nouveaux locaux de « Docks en Seine ».
Mode et design deviennent des valeurs transversales. De plus, elles interagissent fortement
entre elles. Leur alliance constitue un véritable moteur de la valeur ajoutée.
Les mutations de la consommation sont les vrais moteurs des évolutions industrielles de la
filière Textile Habillement. Nous sommes aux prémices d’une transformation vaste et
profonde qui verra l’émergence de nouveaux marchés largement inconnus ou inexploités
aujourd’hui. L’analyse des tendances, des signaux faibles est indispensable pour alimenter le
processus d’innovation aussi bien pour l’Habillement que pour le Textile.
L’IFM dispose déjà des fondements d’un tel Observatoire des Tendances de la
Consommation. Il pourrait s’y engager nettement pour à disposition des entreprises, le
résultat de ses analyses.
Sur ce point, il est essentiel que les Matériaux Souples Innovants intègrent dans leur
processus de conception les tendances de la consommation, les imaginaires des individus.
Les Textiles Techniques courent un vrai danger, dans la compétition commerciale, à rester
sur le pur « techno ». A court terme, l’IFM pourrait engager un projet spécial pour éclairer le
Textile sur ses marchés d’innovation.
Nelly Rodi et R2ITH sont à l’origine de ce très beau programme. Il mérite maintenant d’être
élargi nationalement, et renouvelé. Le rapprochement de créatifs purs et d’industriels met de
plein pied le Textile Habillement dans les processus modernes d’innovation et de conception.
En outre, il constitue un très bon support dans l’amélioration de l’image de marque du Textile
Habillement.
La prospective sur la consommation est essentielle, ce point a été abordé avec l’IFM. Mais
plus globalement, R2ITH pourrait utiliser son réseau, s’appuyer sur l’IFM pour investir la
prospective au sens large -y compris technologique-. R2ITH pourrait favoriser des rencontres
encore considérées comme atypiques : entre technologies, entre industriels, artistes,
sociologues, etc…. pour imaginer « des futurs ». Le secteur a terriblement besoin de rêver à
nouveau son avenir. Or, celui-ci sera nécessairement à la convergence de multiples univers et
non plus issu des seules techniques et savoir faire du Textile Habillement stricto sensu. La
transversalité est essentielle, R2ITH peut en être l’un de promoteurs prééminents. On
retrouve ici le rôle essentiel de R2IT comme réseau de valeur.
Plusieurs solutions pratiques sont identifiables : les unes génériques et une spécifiquement
centrée sur les Textiles.
L’IFTH constitue le vecteur d’une telle évolution. Il en ressent lui-même la nécessité. Il est
important de l’appuyer pour qu’il concentre ses forces sur les transferts effectifs de
technologies aux PME. A lui, également d’établir des passerelles vers des technologies
historiquement étrangères au Textile Habillement. L’IFTH devrait considérer que son cœur
scientifique est constitué par les Matériaux Souples. L’IFTH doit être un levier de
transversalité au sein du secteur. Par ailleurs, l’IFTH doit lui aussi intégrer la prospective qui
va au-delà du marketing classique.
Ces objectifs devraient être au cœur de son prochain contrat de performance. Les recherches,
qu’elles soient nationales ou européennes, doivent prioritairement s’intégrer concrètement
dans les PME. Une des pistes pourrait être de multiplier le nombre de « passeurs » entre
recherche et PME : des personnes seraient ainsi chargées spécifiquement de se rendre dans
les PME pour comprendre leurs besoins et de leur faire des propositions.
Les Textiles deviennent un secteur transversal, ils quittent leur statut de filière. Ils doivent
composer avec d’autres technologies, une pluralité de secteurs même si l’habillement reste
important. L’innovation va naître de la confrontation fertile avec d’autres réalités
technologiques, sectorielles. L’univers du Textile doit lancer des passerelles vers des
disciplines diverses.
La prochaine conférence devrait s’intéresser à tous les Textiles et mettre en évidence les
passerelles entre différentes disciplines. Elle devrait également viser des résultats pratiques
pour les entreprises. Avec l’aide d’OSEO, de R2ITH, d’IFTH et de l’IFM, le format proposé
permettrait :
Le CETI. Ce projet est porté par UPTEX dans le Nord vise à accroître les forces en
matière de Textiles Innovants. Il doit être soutenu en s’assurant qu’il aura
réellement une dimension nationale et européenne.
Du côté protection, il serait utile que l’UIT et l’UFIH se coordonnent pour porter le même
message aux entreprises, via leurs structures régionales. De surcroît, un certain nombre
d’améliorations pourrait être apportées en généralisant par exemple, des initiatives du type de
celles prises par Unitex : négociation avec un huissier d’un tarif préférentiel : un dépôt
préférentiel, en ligne, pour plusieurs dessins et modèles pour un coût inférieur à 100€. Au-
delà, peut-être est-il possible de mettre en place une structure mutualisée. Ce point nécessite
approfondissement.
Même si la France est le pays européen où le droit d’auteur est le mieux protégé, des
améliorations sont encore souhaitables notamment sur trois points : l’efficacité de la saisie-
contrefaçon, les dommages et intérêts, la publicité de la condamnation :
Les dommages et intérêts sont en général appréciés de manière très partielle par les
juges par : marge nette x quantités contrefaites (ou saisies). Cette approche est très
restrictive, elle n’inclut pas le coût de la création du produit et de la gamme dans
laquelle il est intégré, la rémunération d’un investissement dévalorisé car un dessin
ou un modèle copié n’a plus de valeur. Il serait également légitime de confisquer
l’intégralité des recettes nées de la contrefaçon.
La publicité reste modeste. Une des voies consisterait à obliger les distributeurs
convaincus de contrefaçon à publier –de manière visible- dans leurs magasins la
condamnation.
Par ailleurs, les professionnels devraient prévoir une formation/sensibilisation des juges sur
l’importance économique de la contrefaçon. Trop souvent, le sujet contrefaçon en matière de
Textile/Habillement est pris à la légère et ne sont pas replacés dans un contexte plus large de
fraude massive, et d’affaiblissement de l’industrie.
Les entreprises doivent apprendre à coopérer, à échanger des informations dans le but de
fournir une solution globale au client final, d’autant que les mutations de la consommation
vont entraîner l’apparition de nouveaux marchés spécifiques. Si la filière veut servir
efficacement ces nouvelles opportunités, elle doit mieux maîtriser sa chaîne logistique. Or,
les coûts des logiciels et leur adaptation sont inabordables pour des PME isolées.
Il existe aujourd’hui très peu de réflexions sur le sujet. L’Espace Textile de Lyon a
commencé à mettre en évidence, pour ses adhérents, au travers de ses Observatoires les
ruptures de la chaîne logistique. Le prochain Observatoire sera consacré aux Alliances. De
son côté, UPTEX avec son projet customisation devra intégrer ces éléments de chaîne
logistique.
Une task force doit être créé en y incluant notamment l’Espace Textile de Lyon, des
représentants de l’Habillement, des logisticiens, R2ITH. Une première étude pourrait être
financée par le DEFI afin d’éclaircir le sujet, mettre en évidence les « briques » d’outils
communs que pourraient se partager différents groupes d’entreprises.
Dans cette perspective, les mesures envisagées par le Ministère de l’Economie, des Finances
et des Entreprises pour accroître la visibilité des dispositifs publics sont excellentes. Aussi, ce
rapport ciblera des actions sur le DEFI et UBIFRANCE.
1. Le DEFI
Il prévoit notamment d’apporter un soutien aux créateurs. En effet, il est fréquent que les
jeunes créateurs talentueux exportent rapidement une part significative de leur chiffre
d’affaires, au demeurant modeste. C’est une initiative intéressante pour l’ensemble du secteur
car elle permet de conforter l’image de la France et donne des chances supplémentaires de
croissance à de jeunes entrepreneurs. Il serait utile de coupler ce dispositif à un soutien en
terme de management, d’approche des marchés. En effet, créer des vêtements « pointus » est
une chose, transformer l’essai dans la durée et le conforter par un succès d’entreprise sont
deux notions radicalement différentes.
Pour les entreprises plus classiques, il serait souhaitable que le DEFI puisse apporter un
conseil rapproché aux entreprises, et même avoir un rôle proactif en allant proposer son aide
à des entreprises petites mais qui ont d’ores et déjà compris les concepts de croissance dans le
monde actuel.
2. UBIFRANCE
Une tarification adaptée aux petites entreprises. Les prix pratiqués ne sont pas
incitatifs pour des PME de petite taille.
Les frontières verticales s’estompent, la transversalité devient une des valeurs les plus
essentielles pour comprendre le monde moderne. Internet en est le symbole : une multitude
de liens dynamiques entre univers divers. Regardons nos enfants : ils passent facilement d’un
sujet à l’autre, sont adeptes du « multitasking », l’approfondissement les ennuie, ils sont à la
recherche effrénée de compréhensions tous azimuts, ils aiment sans cesse investir de
nouveaux mondes. Globalement, les individus ne se définissent plus avec une seule étiquette
mais ils sont reliés à de multiples réseaux, aux intérêts variés. Parfois, on peut se plaindre de
cette complexité sans cesse changeant, mais en même temps reconnaissons combien cette
myriade d’interfaces est source d’énergie, d’innovations, de découvertes.
Tous ces phénomènes engendrent les mutations de la consommation évoquées. Aussi, aucune
entreprise ne peut désormais couvrir tous les champs, tous les possibles : elle a désormais un
besoin vital de s’interconnecter avec d’autres univers, d’autres entreprises. Les réalités
deviennent multiculturelles, multi technologiques. Le Textile Habillement est à la pointe de
cette réalité si moderne, car il est en connexion directe avec les individus et leurs aspirations.
R2ITH constitue une vraie référence et une sorte de miracle dans le monde traditionnellement
si cloisonné du Textile Habillement. Il s’est construit avec très peu de moyens, des bonnes
volontés, de la persévérance et de la modestie. Un nombre croissant de personnes,
d’entreprises commence à réaliser la profonde modernité de ce réseau. Elizabeth
DUCOTTET, sa présidente, a patiemment tissé les liens, su créer la confiance entre
entreprises qui avaient si peu l’habitude de se parler, d’échanger. Une nouvelle initiative est
née celle d’un Club des Jeunes Patrons qui échange sans tabou. Ce mouvement doit être
poursuivi et il est important de capitaliser sur cette expérience.
Aujourd’hui, R2ITH est essentiellement centré sur la recherche du secteur. Son action a
d’ailleurs favorisé l’émergence des pôles de compétitivité. Tout en lui gardant cette mission
de décloisonnement, de mise en connexion de tout type, de bouillon de culture, il serait
souhaitable de confier à R2ITH un rôle élargi :
Des moyens supplémentaires lui seraient nécessaires, tout en préservant ce côté non
institutionnel qui fait sa force.
Pour aller au-delà et accélérer le phénomène : une expérience de team building à tenter
Les initiatives, déjà évoquées, vont toutes dans le sens du renforcement de ce réseau de
valeur : les nouvelles formes d’innovation, la prospective, le groupe de réflexion entre Textile
et Habillement sur l’image du secteur, le FORTHAC, les pôles de compétitivité, le Pôle
Mode Design, l’hybridation de technologies, les travaux sur la chaîne de valeur dans le
Textile Habillement, l’intensification des transferts technologiques entre recherche et PME,
extension et partage des bonnes pratiques, ouverture des entreprises à la créativité. Il est
important que l’Etat ait présent cet objectif stratégique pour favoriser, chaque fois qu’il le
peut, le réseau : soit par le biais de subventions, soit par des contrats de performance.
Mais, face à ce nouveau monde du Textile Habillement qui bouge, qui vit, qui aspire au
renouveau et à de nouvelles conquêtes, j’ai envie de proposer une véritable expérience de
team building et de brainstorming aux principaux acteurs : UFIH, UIT, R2ITH, IFM,
FORTHAC, IFTH, DEFI, etc….., dans le cadre d’un des programmes « capital humain » du
Ministère.
Le but d’une opération si peu usuelle : obtenir une équipe complice, d’hommes et de femmes
partageant la même passion pour le Textile Habillement. L’expérience mérite d’être tentée.
Le Textile Habillement a subi un choc d’une rare violence, celui d’une véritable Révolution
Industrielle bien plus profonde que le terme de mondialisation ne laisse supposer. Les
véritables moteurs du renversement des structures économiques et des flux d’échanges sont :
La concentration de la distribution
Le développement des technologies de l’information
Sans eux, la délocalisation massive de la production occidentale vers les pays à faibles coûts
salariaux n’aurait jamais pu prendre une telle ampleur.
Aujourd’hui, une nouvelle Révolution Industrielle pointe à l’horizon, elle est mue par :
Le consommateur prend le pouvoir. Après l’ère de l’industrie, celle des services, nous allons
vivre l’ère de l’individuel. Le consommateur souhaite désormais exprimer ses désirs, ses
émotions, son identité, ses avis dans l’acte même de consommation. Parmi les multiples
tendances qui affleurent, une se révèle particulièrement puissante, depuis 2-3 ans : la
consommation responsable, consciente qui intègre dans un même mouvement les valeurs de
durée, de respect, d’éthique, alliées au plaisir.
Dans cette perspective, l’industrie française dispose de vrais potentiels pour saisir ces
nouvelles opportunités, car les coûts ne joueront plus un rôle aussi exclusif, aussi
hégémonique.
La réalisation de ces objectifs impose une très forte montée des compétences humaines
dans l’ensemble du Textile Habillement. Le renforcement des compétences managériales
constitue un passage critique de l’ensemble du plan stratégique. Le FORTHAC, l’OPCA très
performant de la branche, pourrait puissamment aider à la réalisation de cette ambition, en se
positionnant comme un véritable cluster de compétences pour l’ensemble du Textile
Habillement.
STRATEGIE
Restaurer l’image
GAGNANTE
INNOVATION
INTERNATIONAL CENTREE
CLIENT
CHAINE
LOGISTIQUE
50 salariés et plus
• Possibilité de désignation d'un délégué syndical.
• Obligations en matière de formation professionnelle.
• Obligation de mettre en place un comité d'entreprise
• Obligation de mettre en place un comité d'hygiène, de sécurité et de condition de travail.
• Fonctions supplétives des délégués du personnel.
• Mise en place d'une participation aux résultats.
• Obligations de recourir à un plan social en cas de licenciement économique concernant 9
salariés et plus.
• Perte de la possibilité d'une présentation simplifiée de l'annexe 2 des comptes (également si le
total du bilan excède 2 millions d'euros ou si le CA excède 4 millions d'euros).
• Obligation pour les SARL, les SNC, les sociétés en commandite simple et les personnes morales
de droit privé de désigner un commissaire aux comptes (également si le total du bilan excède 1,55
million d'euros ou si le CA est supérieur à 3,1 millions d'euros).
Extrait « Une stratégie PME pour la France» - Jean-Paul BETBEZE Christian SAINT-ETIENNE
CA Inditex 2005 : 6,7 Mds€, et une croissance de 20% par an depuis 1990 - Profit net :
800 Millions€ - Effectifs : 58.200 salariés dans le monde et plus de 10.000 emplois créés
en 2005 – 8 marques dont Zara, le fer de lance
Les deux clés principales de la réussite sont la maîtrise du temps et l’écoute constante
du marché et de ses clients : « livrer à ses clients des produits de mode, le plus
rapidement possible ». Ainsi, chez Zara, les nouveaux modèles de vêtements sont dessinés,
fabriqués et livrés en seulement 15 jours. En comparaison, ses concurrents les plus
efficaces mettent entre 3 et 4 mois pour lancer une nouvelle collection sur le marché. Pour
réaliser cet exploit, Zara s’appuie sur une organisation et une logistique sans faille à
chacune de ses étapes :
CA 2005 : 144 Ms€ dont 58% à l’export – Effectifs : 610 personnes – Résultat net : 7,6
Ms€.
Deveaux est un des rares exemples d’entreprise du textile ayant réussi à conserver toutes
ses unités de production en France. Basé à Saint Vincent de Reins près de Roanne,
Deveaux possède 7 usines dans la vallée du Rhône et ne fait appel à aucun sous-traitant
étranger.
Le succès de Deveaux s’appuie avant tout sur une créativité permanente grâce à laquelle
les plus grandes enseignes de prêt à porter lui font confiance :
La créativité est également soutenue par une maîtrise technique hors pair et une
grande rapidité d’exécution :
* l’ennoblissement notamment constitue une activité à forte valeur ajoutée car elle
permet de conférer au fil ou au tissu des qualités décoratives spécifiques : couleur, solidité,
souplesse, touché, réalisation d’effets spéciaux (tissus délavés, froissés, vieillis, brillants,
etc.)
* le groupe investit chaque année pour avoir un outil de production ultra moderne
et performant. Il est ainsi en mesure de livrer une commande en 3 semaines, là où ses
concurrents asiatiques et maghrébins ne peuvent pas descendre en dessous d’un mois et
demi.
LA VOLONTE DE REMPORTER
Le Textile Habillement pourrait redevenir un secteur d’avenir s’il saisit les nouvelles
opportunités qui émergent. Le Textile Habillement du futur aura un visage très différent des
manufactures du passé. Il s’enracinera dans l’imaginaire du consommateur en s’appuyant sur
l’innovation et l’excellence opérationnelle. Il a été le premier à affronter une véritable
Révolution Industrielle au XXème siècle et il sera le premier à passer le cap d’une nouvelle
Mutation Economique qui surgit à l’horizon. Loin d’être un secteur vieillot, il est le
laboratoire d’une nouvelle modernité industrielle.
La concentration de la distribution
Le développement des technologies de l’information
Sans eux, la délocalisation massive de la production occidentale vers les pays à faibles coûts
salariaux n’aurait jamais pris une telle ampleur. La filière est passée d’une industrie de
manufacture qui « poussait » son offre vers des distributeurs indépendants atomisés, à un
modèle tiré par les clients/distributeurs dont les ressorts stratégiques s’appuient sur une
croissance des volume et une diminution des coûts.
Aujourd’hui, une nouvelle Révolution Industrielle pointe à l’horizon, elle est mue par :
LE CONSOMMATEUR PREND LE POUVOIR. Après l’ère de l’industrie, celle des services, nous
allons vivre l’ère de l’individuel. La consommation n’est plus rythmée par les besoins. Le
consommateur souhaite désormais exprimer ses désirs, ses émotions, son identité, ses avis,
dans l’acte même de consommation. Parmi les multiples tendances qui affleurent, une se
révèle particulièrement puissante, depuis 2-3 ans : la consommation responsable, consciente
qui intègre dans un même mouvement les valeurs de durée, de respect, d’éthique, alliées au
plaisir.
1
Il sera primordial d’accéder à l’imaginaire, de savoir tisser et entretenir un lien individuel
avec chacun de ses clients dans un monde sursaturé de biens. Cette transformation
majeure va miner la consommation de masse et laisser fleurir de nouveaux marchés
spécifiques et divers. L’organisation de la distribution de masse s’en trouvera affectée, et par
ricochet, l’industrie.
Dans cette perspective, l’industrie française dispose de vrais potentiels pour saisir ces
nouvelles opportunités, car les coûts ne joueront plus un rôle aussi exclusif, aussi
hégémonique.
Les nouveaux leviers de croissance sont complexes, fondés sur de multiples convergences :
les désirs et les rêves des individus, la transmutation des processus d’innovation,
l’immatériel, le croisement des technologies, la contraction et la fluidité des circuits de
production, la collaboration.
2
Les orientations stratégiques spécifiques au Textile Habillement révèlent ainsi des pistes
relativement peu explorées à ce jour, en plus d’axes plus classiques.
Parmi ceux-ci figurent l’innovation car usuellement, ce terme est réduit à la seule technologie
ce qui ne constitue plus, à elle seule, une voie de succès.
L’innovation technologique ne doit pas être délaissée, mais elle doit s’enraciner dans les
aspirations des consommateurs. Cet aspect est crucial pour l’avenir des Textiles Techniques.
Le point central pour le Textile Habillement sera de densifier les transferts de technologie
pour les PME, de favoriser les hybridations entre technologies différentes, de croiser les
techniques avec la pure créativité, et de transposer des savoir faire existants dans de
nouveaux domaines.
L’Etat, de son côté, devra fortement renforcer la lutte contre la contrefaçon qui est devenu
un véritable fléau. Cette lutte comporte 2 volets : le renforcement de la législation existante
en France et en Europe, des discussions avec la grande distribution pour l’intégrer sans
ambiguïté dans une politique de respect de la propriété intellectuelle.
3
Le réseau de valeur. Un réseau de valeur est littéralement composé d’une myriade
d’interfaces, de connexions, d’interactions entre des réalités différentes. Son développement,
son enrichissement constitue un objectif stratégique en soi, pour le Textile Habillement, qui
est en totale cohérence avec la mutation du consommateur. R2ITH constitue un modèle à
élargir et à dupliquer.
Au-delà des pistes originales évoquées, certains axes stratégiques classiques gardent toute
leur pertinence : le dynamisme commercial, principalement international, et la montée
des compétences.
La réalisation d’un plan stratégique ambitieux pour le Textile Habillement impose une très
forte montée des compétences humaines dans l’ensemble du Textile Habillement. Le
renforcement des compétences managériales constitue un passage critique de l’ensemble du
plan stratégique. Le FORTHAC, l’OPCA très performant de la branche, pourrait
puissamment aider à la réalisation de cette ambition, en se positionnant comme un véritable
cluster de compétences pour l’ensemble du Textile Habillement.
EN CONCLUSION