ED12519 Acdts Stockage-Depotage NH3
ED12519 Acdts Stockage-Depotage NH3
ED12519 Acdts Stockage-Depotage NH3
La base de données ARIA, exploitée par le ministère du développement durable, recense essentiellement les événements accidentels qui ont, ou
qui auraient pu porter atteinte à la santé ou la sécurité publique, l'agriculture, la nature et l'environnement. Pour l'essentiel, ces événements résultent
de l'activité d'usines, ateliers, dépôts, chantiers, élevages,... classés au titre de la législation relative aux Installations Classées, ainsi que du
transport de matières dangereuses. Le recensement et l'analyse de ces accidents et incidents, français ou étrangers sont organisés depuis 1992. Ce
recensement qui dépend largement des sources d'informations publiques et privées, n'est pas exhaustif. La liste des évènements accidentels
présentés ci-après ne constitue qu'une sélection de cas illustratifs. Malgré tout le soin apporté à la réalisation de cette synthèse, il est possible que
quelques inexactitudes persistent dans les éléments présentés. Merci au lecteur de bien vouloir signaler toute anomalie éventuelle avec mention des
sources d'information à l'adresse suivante :
Commentaires
Le 24 mars 1992, une citerne routière d’ammoniac liquide (NH3) s’ouvre dans une usine de fabrication d’huiles à
Dakar. Propulsées dans les airs, ses deux extrémités retombent et endommagent les installations proches. Un
nuage toxique blanchâtre se déplace sur 250 m. Les projections d’NH3 liquide atteignent une trentaine de mètres.
L’atmosphère irrespirable gêne l'intervention des secours non équipés de protections. Le bilan humain est lourd :
129 morts et 1 150 blessés, directement brûlés par l’ammoniac liquide ou intoxiqués par les vapeurs, certains
périssant plusieurs semaines après l‘accident.
Les caractères toxique, corrosif et explosible de l’NH3 en font un produit dangereux dont les conditions
d’utilisation doivent être maîtrisées pour en limiter les risques.
Cette synthèse propose un retour d’expérience basé sur l’analyse de 117 accidents français et étrangers, extraits
de la base ARIA et impliquant des installations industrielles de stockage et de dépotage d’ammoniac sous
pression. Compte tenu des données disponibles, elle n’a pas vocation à donner de véritables éléments
statistiques, mais permet néanmoins de tirer des enseignements sur les risques liés à la manipulation de
l’ammoniac. Les points suivants sont détaillés :
- les phénomènes dangereux liés à l’ammoniac,
- leurs conséquences,
- les circonstances et les causes des accidents.
Les rejets dangereux concernent presque tous les cas recensés : rejets directs (fuites, ruptures de capacité...) ou
émissions accidentelles à la suite d'autres phénomènes (explosion, incendie...).
Les incendies sont associés à des explosions dans la grande majorité des cas. L’incendie est soit à l’origine de
l’explosion (par montée en température de la capacité d’NH3), soit une conséquence de l’explosion. Un incendie
résulte de l’inflammation de vapeurs d’NH3 sans être associé à une explosion (ARIA 5452, Inflammation de
vapeurs d’NH3 à la sortie d’une vanne).
Les chutes et projections sont associés à des explosions de capacités d’NH3 ou à des explosions agressant ces
capacités.
Les conséquences
Les principales conséquences de ces accidents français ou étrangers mettant en cause les installations de
stockage / dépotage d'NH3 sont indiquées dans le tableau suivant et comparées aux principales conséquences
des accidents recensés dans la base ARIA pour des sites industriels.
De nombreux accidents impliquant le stockage / dépotage d'NH3 ont d’importantes conséquences humaines. Les
accidents mortels représentent 6 % des accidents répertoriés sur sites industriels et recensés dans ARIA, mais
concernent 18 % des accidents liés aux seules installations de stockage / dépotage d’NH3. Ainsi, 20 accidents
mortels (8 liés au stockage et 12 au dépotage) sont responsables de plus de 200 décès (ARIA 3485, 129 morts à
Dakar au Sénégal, ARIA 5348, 18 morts à Potchefstroom en Afrique du Sud), essentiellement par brûlure ou
intoxication. En France, 3 accidents mortels (ARIA 4988, à Liévin, ARIA 5001, à Labastide d'Armagnac, ARIA
14861 - France) ont provoqué 7 décès d’employés.
Les accidents étudiés peuvent conduire à des mesures d'évacuation ou de confinement des populations
riveraines, parfois de très grande ampleur du fait de la formation de nuages toxiques importants (ARIA 5450, 20
000 évacués à Incheon en Corée du Sud, ARIA 6268, 2 500 évacués à Port Neal aux Etats-Unis).
Les conséquences environnementales les plus fréquentes sont relatives à la pollution atmosphérique (52 % des
cas). Les pollutions des eaux engendrées par le déversement direct d'NH3 dans les eaux ou résultant du
lessivage de gaz émis à l'atmosphère peuvent être très toxiques pour les organismes aquatiques (ARIA 28848,
une fuite d’eau sur une sphère en cours d’inspection, ARIA 41307, traitement insuffisant par la station d’épuration
de l’eau de vidange d’une épreuve de cuve ). Les pollutions atmosphériques peuvent entraîner, par déposition,
une contamination des sols et une atteinte à la végétation (ARIA 36629, fuite lors d’un dépotage 2,6 km2 de
végétation brûlée…).
- Rupture de capacité (2 cas – ARIA 4988, 5348) à la suite d’une corrosion de la paroi des capacités,
favorisée par le milieu corrosif et les contraintes s’exerçant sur les structures des capacités. Ces
contraintes ont été accentuées par des réparation réalisées après les mises en service des réservoirs.
- Fuite au niveau d’un évent ou d’une purge (6 cas) à la suite d’une erreur opératoire : vanne de purge
non ou mal refermée (ARIA 31015, 36531, 32841), pose inadéquate d’un joint et son déchirement (ARIA
44415). Dans 2 cas, l’accident a lieu lors de la remise en service après un arrêt de l’installation.
L’accident peut être aggravé par la non détection de la fuite par les capteurs locaux ou par un manque
de report d’alarme (2 cas). La cause profonde de l’erreur opératoire est, majoritairement, le manque de
procédures écrites. Dans l’un des cas, une carence organisationnelle est relevée : chargé de surveiller
plusieurs opérations à la fois, l’opérateur n’est pas au poste où se produit l’accident. Outre la
formalisation des procédures et la formation des opérateurs, les mesures correctives envisagées après
accident portent sur un meilleur repérage des vannes de purge et de leur position (ouverte ou fermée),
l’installation d’un détecteur de fuite anormal en aval des purges, l’installation de vannes à contre-poids.
- Fuite sur une capacité mobile. Les 6 cas étudiés concernent une fuite sur un wagon citerne : fuite au
niveau d’un clapet de fond de la phase liquide (ARIA 32569) ou de la phase gazeuse, sur une vanne
d’un piquage non utilisée pour le dépotage (ARIA 43763), sur la plaque (ARIA 42674) ou sur la vis de
purge d’une jauge manuelle (ARIA 26977). Dans tous les cas, la gestion de la situation accidentelle s’est
soldée par une vidange du wagon. Le manque d’analyse des risques préalablement à la vidange peut
conduire à une mauvaise gestion de la situation (ARIA 38959). La situation peut être gérée en faisant
intervenir un spécialiste qui répare la fuite avant d’entreprendre la vidange (ARIA 29885). Face à des
fuites sur wagons à répétition, un exploitant a décidé de confiner sa zone de dépotage pour mieux
« maîtriser » les rejets à l’atmosphère par dilution (ARIA 43763).
- Fuite sur la partie fixe des installations (8 cas). Les fuites sont survenues sur :
− Un joint de bride (1 cas).
− Un disque de rupture / une soupape (2 cas) avec défaillance d’un disque de rupture récemment
installé (ARIA 21018) et montée en pression du circuit protégé par la soupape à la suite d’une erreur
de manipulation (ARIA 27227) ; cette erreur (fermeture malencontreuse d’une vanne) résulte
d’instructions inadaptées (non mise à jour de la procédure après modification de l’installation).
− Une vanne (2 cas). Les causes des fuites ne sont pas connues. Les circonstances fournissent
quelques enseignements. La détection de la fuite sur une vanne de sectionnement des pompes de
chargement nécessite 1 h de recherches, car le rejet est collecté et acheminé jusqu’à la cheminée
au niveau de la sphère. A la suite de cet événement, l’exploitant décide d’ajouter des détecteurs au
niveau du poste de chargement (ARIA 29244). Un opérateur détecte une fuite sur une vanne,
essaie de la resserrer, l’installation étant en fonctionnement, et casse la canalisation (ARIA 5455).
− Un élément mécanique (3 cas – rupture de soupape d’un pompe, ARIA 5378 ; rupture de
compresseur, ARIA 5370).
- Fuite sur le raccordement reliant 2 capacités (13 cas) avec 3 origines possibles :
− Une erreur de manipulation (3 cas).
− Une fuite sur une canalisation (4 cas), canalisations de transfert ou de retour gazeux (ARIA 5425).
Les canalisations métalliques et les flexibles sont concernés avec pour causes identifiées : la
formation d’un trou par corrosion (ARIA 12297) et une surpression à la suite de la fermeture
intempestive d’une vanne de sécurité (ARIA 14877).
− Une fuite sur un joint (5 cas) : joints mal montés lors d’une maintenance (ARIA 6786), utilisation d’un
joint dont la résistance à l’NH3 n’a pas été testée (ARIA 4995)…
- Rupture ou déconnexion du tuyau de raccordement des capacités (15 cas).
Le plus grand nombre d’accidents recensés est occasionné par la rupture de la canalisation de
dépotage. Dans dix cas sur onze, il s’agit d’un flexible. Pour le dernier cas, la nature de la canalisation
n’est pas connue. Les causes identifiées sont l’utilisation d’un flexible inapproprié (non réglementaire ou
non adapté à l’NH3 – ARIA 156, 5362) et un défaut de fabrication du flexible (ARIA 5011). Le
dysfonctionnement du limiteur de débit du poste de dépotage a aggravé 1 accident (ARIA 211).
Trois accidents sont liés à un déplacement accidentel du wagon en déchargement et au décrochement
du bras de chargement ou à l’arrachement du flexible (ARIA 5437, 35287).
Un accident est provoqué par la défaillance en chaîne des dispositifs de sécurité : la mise en défaut du
système anti-tamponnement provoquant le décrochage du bras, le blocage du ridoir actionnant le clapet
de fond du wagon, la fermeture partielle du clapet du bras bloqué par un corps étranger. Des mesures
ont été prises à la suite de l'accident : installation de ridoirs pneumatiques à sécurité positive, limitation
des scénarios de déconnexion de bras, remplacement des pédales de déconnexion par des taquets
d'arrêts basculants, installation de filtre sur l'extrémité du bras de dépotage (ARIA 6135).
- La fuite sur un wagon en attente de dépotage (ARIA 25690). La fuite a lieu sur la bride d’un trou
d’homme. Des précautions sont prises dans l’attente de vider le wagon : éloignement, mise en place
d'un joint gore-tex et d'un collier sur la bride, organisation de rondes de surveillance, installation de
rideaux d'eau, information des secours…
- Le rejet issu d’une capacité non dégazée (ARIA 31301, 32816) à la suite d’une erreur de
manipulation. Dans l’un des 2 cas, l’incident conduit à réviser la procédure pour mieux maîtriser les
manœuvres limitant les effets du dégazage via le réseau de purge débouchant en sommet de sphère.
- L’accident de transport. 5 événements sont recensés. L’un concerne un transport par camion citerne.
A la suite d’une mauvaise manœuvre du conducteur, la citerne se couche, une fuite d’NH3 liquide se
produit par la tuyauterie de la phase gazeuse endommagée par le choc (ARIA 15581). Les 4 autres
événements sont des déraillements de wagons-citernes susceptibles de conduire à leur renversement
(ARIA 35227). Le déraillement intervient généralement au passage ou juste après le passage d’un
aiguillage (ARIA 10295, 14624, 28730). Les causes évoquées sont un possible mouvement de sol,
d’éventuelles dégradations du ballast, un sur-écartement de l'aiguillage. Les actions correctives portent
sur l’expertise approfondie des voies ferrées et le renforcement des contrôles périodiques.
- Une intervention, sans préparation préalable, par les équipes de production, transforme une petite
fuite en une grosse, alors que la réparation de la petite fuite avait déjà été programmée par une
autre équipe
- Le service de production délivre un permis de travail sans l’appui du service maintenance,
contrairement aux consignes de la procédure. Le permis de travail ne prévoit pas de double
isolement du pied de la sphère de stockage et préconise l’utilisation d’un EPI non adapté à l’NH3.
Pendant l’intervention, un opérateur ouvre accidentellement la vanne de pied de sphère.
- Les contrôles ou épreuves. Trois cas concernent une mauvaise gestion de l’eau utilisée pour le
dégazage ou pour l’épreuve (ARIA 41307, rejet par la station d’épuration qui n’arrive pas à traiter le flux
d’ammoniaque – ARIA 28848, fuite accidentelle lors d’une vidange d’eau – ARIA 28142, stockage non
adapté d’eau ammoniaquée entraînant des rejets d’NH3) ; Un cas concerne l’émission directe de gaz
(ARIA 28849). Dans tous les cas, une erreur opératoire est à l’origine de l’accident. La cause profonde
de l’accident est un non respect des consignes par entorse à la procédure existante ou par manque de
formalisation / connaissance des consignes. Dans le cas des rejets aqueux, au-delà de la révision des
procédures et de la formation des opérateurs, les exploitants ont été amenés à renforcer le contrôle de
la qualité des eaux avant rejet.
Les causes et les circonstances d’accidents listées ci-dessus offrent des enseignements utiles pour sécuriser le
fonctionnement des installations. En complément et de manière plus transverses, le retour d’expérience montre
qu’une bonne maîtrise de certains éléments organisationnels permet de mieux prévenir et gérer les accidents :
- Le rejet d’NH3 étant le phénomène le plus fréquent, une carence dans la détection ou la localisation
d’une fuite est un facteur aggravant d’accident. Plusieurs exemples montrent une faiblesse des
dispositifs de détection, notamment au niveau des purge (ARIA 31015, 36531) et des soupapes /
disques de ruptures (ARIA 12671, 28773), ainsi qu’une faiblesse dans le traitement des alertes de fuites
(alarme non reportée, ARIA 32841 ; défaut d’organisation, ARIA 41048). La présence de dispositifs de
détection des rejets d’NH3 et leur asservissement à une mise en sécurité automatique des installations
est un facteur de sécurité (ARIA 32596, 43763, 44415)
- Le facteur humain et organisationnel est souvent l’une des causes des accidents. Le non respect d’une
procédure, de consignes (ARIA 28851, 41307, 41424) ou de la réglementation (ARIA 156, 3485), la non
actualisation de la procédure après modification d’une installation (ARIA 27227), le manque d’analyse du
risque avant une intervention sortant du cadre usuel d’exploitation (ARIA 25699, 41048) sont autant de
sources des accidents recensés.
- En cas d’incident ou d’accident, la réaction des intervenants joue un rôle primordiale sur la maîtrise
(ARIA 12671, 38959) ou non (ARIA 26977, 29885) des événements. Leur formation et leur entraînement
sont donc essentiel.