Dictionnaire Des Philosophes Antiques (T. 3) - R. Goulet (Dir.)

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DICTIONNAIRE

DES
PHILOSOPHES ANTIQUES
DICTIONNAIRE
DES
PHILOSOPHES ANTIQUES

publié sous la direction de


RICHARD GOULET
Chercheur au CNRS

III

d'Eccélos à Juvénal

CNRS ÉDITIONS
15 , rue Malebranche, 75005 PARIS
2000
172
D52

1994

0. 3

© CNRS ÉDITIONS, Paris, 2000


ISBN 2 -271-05748 -5
grad
$1406151
shilo
2/25/04

AVANT- PROPOS

Ce troisième tome paraît plus de six ans après le précédent. C ' est un délai
excessif qui demande quelques explications. La première est de caractère stricte
ment personnel. Devant l'urgence de la situation, j'ai accepté en 1994-1995 la
responsabilité d 'informatiser la banque de données de l'Année philologique et de
développer, en étroite collaboration avec son directeur, Pierre-Paul CORSETTI, et
son directeur-adjoint, Éric REBILLARD , le programmede gestion et de publica
tion automatique des données saisies annuellement dans les différentes succur
sales. La difficulté et l'ampleur de la tâche dépassèrent les estimations et récla
mèrent certains mois l'essentiel de mes énergies. Le programme est maintenant
utilisé en mode réseau par l'ensemble de l'équipe internationale et il a déjà servi
à publier les trois derniers volumes annuels (tomes 66 -68 ). La seconde explica
tion , pour une part liée à la précédente, tient au fait que de trop nombreuses
notices, prises en charge par des rédacteurs compétents et toujours promises pour
des dates reportées de fois en fois, ne m 'ont jamais été remises, peut-être parce
que l'on me savait occupé à d'autres tâches. J'ai dû en conséquence rédiger moi
même plusieurs de ces notices, parfois difficiles, ce qui a retardé d 'autant la mise
au point du manuscrit final. Il faudra pour l'avenir éviter que de telles situations
se reproduisent.
Assurer l'harmonisation et la vérification desmilliers de références regrou
pées dans ces 483 notices, parfois fort longues, demande aussi beaucoup de
temps. J'ai pu à nouveau compter sur l'aide demon collègue Tiziano DORANDI
qui a relu l'ensemble de l'ouvrage et proposé de fort utiles compléments biblio
graphiques, et sur celle de Simone FOLLET qui a procédé à une correction impi
toyable des épreuves et retrouvé des erreurs bibliographiques, linguistiques,
orthographiques, typographiques de tous ordres. Je les remercie tous deux de
leur indispensable collaboration.
Maroun AQUAD m 'a constamment apporté une aide précieuse pour tout ce
qui concerne la tradition orientale des textes philosophiques. Il a également
collaboré à la révision des index .
Le lecteur ne manquera pas de repérer plusieurs notices remarquables, parfois
exceptionnellement développées, préparées par des collègues espagnols. Leur
collaboration nous a été acquise par Pedro Pablo FUENTES GONZÁLEZ, profes
seur à l'Université de Grenade, qui s' est également chargé d 'adapter ces notices
au format bibliographique du Dictionnaire.
La préparation de ce troisième tome n'aurait pas été possible sans le support
matériel et financier de l'UPR 76 du C . N . R . S ., maintenant dirigée par Michel
NARCY , et le soutien amical de tous sesmembres.
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Je dois également remercier mon épouse, Marie -Odile GOULET-CAZÉ , qui
s'est chargée de la relecture finale de l'ouvrage et a ainsi permis la correction de
nombreuses fautes ou coquilles.
C 'est avec beaucoup d'émotion qu' il me faut saluer la mémoire du Père
Georges Matthieu DE DURAND, O .P., décédé le 3 novembre 1997 , qui a rédigé la
notice « Eunome l' Arien » . C 'est lui qui a dirigé mon premier mémoire sur
Grégoire de Nysse à Montréal en 1968-1969 et c'est lui encore qui, alors que
j' étais venu étudier à Paris, m ’a suggéré de rédiger mon doctorat de troisième
cycle sur MacariosMagnès. C 'était un homme d'une immense culture et d'une
grande méthode, comme l'attestent la qualité de ses éditions critiques et la
rigueur inégalée de ses bulletins de patristique dans la Revue des Sciences Philo
sophiques et Théologiques.
Trois autres rédacteurs de ce troisième tome nous ont quittés prématurément.
Jesús LENS TUERO, qui avait déjà écrit la notice « Diodore de Sicile » dans le
tome précédent, et qui a rédigé , avec Pedro Pablo FUENTES GONZÁLEZ , la
notice « lamboulos» du présent tome, était à Grenade le maître de la plupart des
collaborateurs espagnols de ce Dictionnaire. Omer BALLÉRIAUX, spécialiste de
Thémistius, a consacré dans ce troisième tomeune notice à « Eugenius» , le père
du philosophe. Quant à John WHITTAKER , qui fut autrefois chercheur associé
dans notre unité de recherche, il a collaboré à notre projet depuis l'origine et a
rédigé de nombreuses notices sur les médio -platoniciens. Ses amis sontheureux
d'avoir pu l'honorer avant sa mort d'un volume demélanges.
Je remercie enfin les auteurs qui nous ont fait parvenir leurs ouvrages ou des
tirés à part de leurs publications. Étant donné l'éclatement actuel de la biblio
graphie scientifique en des revues et des recueils toujours plus nombreux, c'est
pour eux une garantie supplémentaire de voir leurs études les plus récentes prises
en compte dans les notices du Dictionnaire .
Nous avonsmaintenu pour l'essentiel la présentation choisie lors de la publi
cation des tomes précédents . La seule nouveauté importante est l'indication des
numéros de notices dans le titre courant.
RICHARD GOULET.

Toute correspondance peut être adressée à


Richard Goulet
4, rue de l'Abbaye
F - 92160 ANTONY
AUTEURS DES NOTICES DU TOME III

Anna ANGELI Liceo Classico « Vittorio Emanuele III»


(Napoli)
I 14.
Maroun AQUAD C .N .R .S. (Paris)
I 39 .
TOmer BALLÉRIAUX Liège.
E 110.
Daniel A . BERTRAND C .N .R .S . (Strasbourg)
H 154 .
Margarethe BILLERBECK Université de Fribourg (Suisse)
I 40.
Véronique BOUDON Université de Paris IV
E 35; 92; G 3; 20; H 58 .
Jean BOUFFARTIGUE Université de Paris X (Nanterre )
I 2; 46 .
Luc BRISSON C .N . R . S. (Paris)
E 38; 51; 53; 56 ; 58 , 59; 74; 94; 162; F 13; G 13;
14 ; 21; 29; H 84 ; 94; 128 ; 173; 1 20 ; 26 .
Jacques BRUNSCHWIG Université de Paris I
E 75; 130; 143; G 18; H 54 ; 105.
Michel CACOUROS École pratique des Hautes Études (Ive
section )
E 163.
José María CAMACHO ROJO Université de Grenade
141.
Javier CAMPOS DAROCA Université d 'Almeria
H 8; 12 ; 101.
Bruno CENTRONE C .N .R . (Rome)
E 1; 4; 5; 6 ; 8 ; 9 ; 13; 21; 23; 26 ; 28; 29; 39; 46 ;
47; 50 ; 63,64; 66 ;69; 78 ; 95; 104; 107; 120 ; 126 ;
129 ; 141; 144 ; 145 ; 146 ; 150 ; 166 ; 168; 173; 174 ;
180 ; G 7 ; 24 ; 26 ; 36 ; H 1 ; 2 ; 5 ; 6 ; 23 ; 24 ; 36 ; 37 ;
88 ; 99; 112; 115 ; 139; 140; 144; 153; 155; 159;
161; I 11.
Frédéric CHAPOT Professeur agrégé de lettres classiques
H 93.
10 DICTIONNA D P
IRE ES HILOSOPHES ANTIQUES
Yves CHARTIER Université d 'Ottawa
G 8.
Michael CHASE Chercheur associé U .P.R . 76
G9; 10.
Vassa S . CONTICELLO École pratique des Hautes Études (Ve
section )
J1.
Georges M . DE DURAND , O .P. Professeur émérite à l'Université deMon
tréal – Institut des Sources chrétiennes
E 122.
John DILLON Trinity College , Université de Dublin
E 97; H 170 ; I 3.
Tiziano DORANDI C .N . R . S. (Paris)
E 2; 12 ; 16 ; 61; 62 ; 65; 73; 76 ; 77 ; 83; 89; 90 ;
117; 123, 127, 128 ; 137 ; 140; 147; 148 ; 165 ; G 1 ;
25 ; H 4 ; 11; 21; 25; 26 ; 33; 47 ; 48 ; 55 ; 57 ; 66 ; 75;
80 ; 82; 91; 97; 103; 111; 113; 137 ; 141; 142; 147;
I 7 ; 9; 16 ; 17.
Michèle DUCOS Université de Paris IV (Sorbonne )
E 25; 176 ; F 1; 3; 4; 6 ; 24 ; 26 ; 27; G 4 ; 5 ; 12 ; 32;
33; H 27 ; 39 ; 40 ; 41; 167; I 10 ; 52 .
Fabrice EMPLI Professeur agrégé de lettres classiques
H 160.
Jean -Marie FLAMAND I. R . H . T . (Paris)
E 139 ; F 7; H 100; 1 50.
Simone FOLLET Université de Paris IV (Sorbonne)
E 86; 133; F 10 ; G 11; H 28; 1 27.
Jacques FONTAINE Institut de France
1 34.
Pedro Pablo FUENTESGONZÁLEZ Université de Grenade
E 33;52; H 8; 12 ;64a; 101; 138 ; 151; 15; 38; 41.
JesúsMaría GARCÍA GONZÁLEZ Université de Grenade
H 138 .
PaulGÉHIN I.R .H .T. (Paris)
E 184.
Stephen GERSH Université Notre-Dame (Indiana)
E 11; 102; 158; 159; F 2; 12 ; 23.
Marie -Odile GOULET-CAZÉ C .N .R .S . (Paris )
E 3 ; 42; 70 ; 72; 138; F 8; G 27; H 16 ; 19; 46 ; 68;
74 ; 92; 156 ; 162; 169; 171; 177; 1 24 ; 28.
AUTEURS DES NOTICES

Richard GOULET C .N .R .S. (Paris)


E 1; 7; 10; 14 ; 15; 19; 20; 30; 31; 34; 36 ; 37; 41;
43; 44 ; 48 ; 49; 55 ; 60 ; 60a; 67; 68; 79 ; 84 ; 88 ;
100 ; 101; 103 ; 105; 106 , 108 ; 109; 111; 114 ; 115 ;
121; 124 ; 131; 134 ; 135 ; 149 ; 152 ; 153; 155 ; 156 ;
157 ; 160; 161; 167; 170 ; 171; 175; 177; 182; 187 ;
F 5 ; 11; 17 ; 18 ; 19; G 6 ; 16 ; 17; 19; 29 ; 30 ; 31;
34 ; H 13; 14 ; 15 ; 17 ; 18 ; 34 ; 35 ; 38 ; 43; 45 ; 49 ;
51; 52 ; 59 ; 62; 67; 71 ; 78 ; 79 ; 89 ; 96 ; 97a ; 98 ;
102 ; 106 ; 107; 108 ; 109 ; 114 ; 116 ; 119 ; 122; 124 ;
125 : 127 ; 130 ; 132 ; 133; 134 ; 135 ; 143; 148; 149;
150 ; 158 ; 161; 163; 164; 165; 174 ; 176 ; I 1; 8 ;
15; 18; 19; 21; 22; 29; 30 ; 31; 37; 39; 45 ; 47 , 48 ;
49; J 2 .
Christian GUÉRARD C . N . R . S . (Paris )
H 53; 72; 73.
Ilsetraut HADOT C .N .R .S. (Paris)
H 126.
Marie -Christine HELLMANN Institut de recherche sur l'architecture
antique (C .N .R .S.)
E 82; G 28; H 64.
Henri HUGONNARD-ROCHE C . N . R . S . (Paris )
E 54; 154.
Jacques JOUANNA Université de Paris IV (Sorbonne) -
Institut de France
H 152.
Jan Fredrik KINDSTRAND Université d’Uppsala
E 27; 96 ; 151; H 76; 178.
LaurentLEIDWANGER Professeur agrégé de lettres classiques
E 45.
Jesús LENS TUERO Université de Grenade
15 .
Hélène LONGPRÉ Université d 'Ottawa
E 163
Juan Luis LÓPEZ CRUCES Université d 'Almeria
H 64a; I 38.
Caroline MAGDELAINE Université Marc Bloch-Strasbourg
H 152.
Pierre MARAVAL Université de Paris IV (Sorbonne)
E 17;40; 81; 112; 113; 119; 153; 155; H 70; 81;
85; 95 ; 120 ; 123; 131; I 23; 32 ; 33.
Alain MARTIN Université Libre de Bruxelles
E 19 .
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
SergeMOURAVIEV École Pratique des Hautes Études, Section
des sciences religieuses
H 64 ; 90.
Claire MUCKENSTURM -POULLE Université de Besançon
G 35.
Robert MULLER Université de Nantes
E 71; 82; 125; 1 12 .
Michel NARCY C .N . R . S . (Paris)
E 169; 172; G 28; H 20; 145; 157; I4; 13.
Brigitte PÉREZ Professeur agrégé de lettres classiques
E 24 .
Jean PÉPIN C .N . R . S . (Paris )
F9; H 63; 1 51.
Bernadette PUECH Université de Nancy II
E 18; 32; 33a; 85 ; 99; 116 ; 118 ; 136 ; 142; 164;
181; 183; 185; 186 ; 188; F 14 ; 15; 16 ; 20; 21; 22;
25; G 22; 23; 30 ; H 3 ; 7 ; 10 ; 42 ; 44 ; 50 ; 56 ; 65;
69; 77; 87; 104; 110 ; 117; 118, 146 ; 166; 168;
172; 1 35 ; 36 ; 43; 44; 49.
Marie -Henriette QUET C .N . R .S.,UMR 8585 (Paris)
E 87 .
François QUEYREL Université de Paris IV (Sorbonne)
H 75.
Patrick ROBIANO Professeur agrégé de lettres classiques
E 132 ; 178; 179; H 31; 16 ; 25 ; 42.
Henri Dominique SAFFREY C . N . R . S . (Paris)
H 22; 30 ; 121; 175.
Jacques SCHAMP Université de Fribourg (Suisse )
H 136 .
Jean -Pierre SCHNEIDER Université de Neuchâtel (Suisse)
E 22; 57; 91; 93; 98 ; H 60;61; 83; 86 ; 129.
Robert B . TODD University of British Columbia
(Vancouver)
G 15 ; H 32.
Bernard VITRAC C .N . R .S. (Paris)
E 80 .
tJohn WHITTAKER Memorial University of New Foundland
G 2 ; H 9.
ABRÉVIATIONS
I. Revues et périodiques

A& A Antike und Abendland. Beiträge zum Verständnis der


Griechen und Römer und ihres Nachlebens. Berlin.
A &R Atene e Roma. Rassegna trimestrale dell'Associazione italia
na di cultura classica . Firenze.
AA Archäologischer Anzeiger. Berlin .
AAA 'Apxaloloyixd 'Avárexta ÉĘ ’AInVõv. Athènes.
AAAH Acta ad Archaeologiam et Artium Historiam pertinentia .
Institutum Romanum Norvegiae, Roma.
AAHG Anzeiger für die Altertumswissenschaft, hrsg. von der Öster
reichischen Humanistischen Gesellschaft. Innsbruck .
AAntHung Acta Antiqua Academiae Scientiarum Hungaricae. Buda
pest.
ААР Atti dell'Accademia Pontaniana.Napoli.
AAPal Atti dell'Accademia di Scienze, Lettere e Arti di Palermo.
Palermo.
AAPat Atti e Memorie dell'Accademia Patavina di Scienze, Lettere
ed Arti, Classe diScienzemorali, Lettere ed Arti. Padova.
AAT Atti della Accademia delle Scienze di Torino, Classe di
Scienze morali, storiche e filologiche. Torino .
AATC Atti e Memorie dell'Accademia Toscana “ La Colombaria ”.
Firenze .
AAWG Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften in Göttin
gen. Philologisch -historische Klasse . Göttingen . 3. Folge,
27, 1942 - . (Auparavant AGWG )
1. Ces listes ont pour but de faciliter l' identification des sigles et des abréviations utilisés
dans l'ouvrage . Il ne s'agit donc pas d 'une bibliographie générale sur la philosophie antique .
On n ' y cherchera pas non plus une description bibliographique complète des périodiques et
des collections qui y sont recensés. Les sigles adoptés sont le plus souvent ceux de l'Année
philologique. On a retenu dans d 'autres cas les usages établis dans les publications spéciali
sées (orientalisme, archéologie ). Nombre de revues ont connu des changements dans leur titre,
leur sous-titre, leur système de tomaison et leur lieu de publication. Il nous était impossible de
rendre compte de toutes ces variations. Certaines revues ont paru en plusieurs séries succes
sives ayant chacune leur tomaison propre. Dans nos notices, nous n 'avons pas précisé à quelle
série correspondait la tomaison d 'une référence lorsque la date de publication permettait faci
lement de la retrouver.
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
AAWM /GS Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften (und der
Literatur), Mainz, Geistes- und sozialwissenschaftliche
Klasse . Wiesbaden .
AAWM / L Abhandlungen der Akademie der Wissenschaften (und der
Literatur), Mainz, Klasse der Literatur. Wiesbaden .
АВ Analecta Bollandiana. Société des Bollandistes, Bruxelles.
ABAW Abhandlungen der Bayerischen (- 1920 : Königl. Bayer.)
Akademie der Wissenschaften , Philosophisch-historische
Klasse .München.
ABG Archiv für Begriffsgeschichte . Bausteine zu einem histo
rischen Wörterbuch der Philosophie. Bonn .
ABSA Annual of the British School at Athens. London .
AC L'Antiquité Classique.Louvain -la -Neuve.
ACD Acta Classica Universitatis Scientiarum Debreceniensis.
Univ. Kossuth , Debrecen .
ACF Annuaire du Collège de France. Paris.
Acme Acme. Annali della Facoltà di Filosofia e Lettere dell'Uni
versità statale di Milano. Milano .
ActSemPhilolErl Acta Seminarii Philologici Erlangensis. Erlangen , puis
Leipzig .
Adamantius Adamantius. Notizario del Gruppo Italiano di Ricerca su
“ Origene e la tradizione alessandrina ”, Pisa.
ADFF Annali del Dipartimento di filosofia dell'Università di
Firenze. Firenze.
ADMG Abhandlungen der Deutschen Morgenländischen Gesell
schaft. Leipzig
AE voir ArchEph.
AEAtl Anuario de Estudios Atlánticos. Madrid /Las Palmas.
AEFUE Anales de estudios filológicos de la Universidad de Extrema
dura. Cáceres.
Aegyptus Aegyptus. Rivista italiana di egittologia e di papirologia.
Milano.
AEHE, IVe sect. Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, Sciences
historiques et philologiques. Paris.
AEHE, De sect. Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, Sciences
religieuses. Paris.
Aesculape Aesculape. Revue mensuelle illustrée des lettres et des arts
dans leurs rapports avec les sciences et la médecine. Société
internationale d'histoire de la médecine. Paris .
Aevum Aevum . Rassegna di scienze storiche, linguistiche e filolo
giche. Milano.
ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES 15
AFB Anuari di filologia, Secció D : Studia Graeca et Latina.
Barcelona.
AFLB Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia di Bari. Bari.
AFMC Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia della Università
di Cagliari. Cagliari.
AFLL Annali della Facoltà di Lettere di Lecce. Lecce.
AFLM Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia , Università di
Macerata. Padova.
AFLN Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia della Università
di Napoli.Napoli.
AFMC Annali della Facoltà di Magistero dell'Università di
Cagliari. Cagliari.
AGM (N ) Sudhoffs Archiv für Geschichte der Medizin und Natur
wissenschaften. Wiesbaden .
AGPh Archiv für Geschichte der Philosophie . Berlin .
AGWG Abhandlungen der (- 1921 : Königl.) Gesellschaft der
Wissenschaften zu Göttingen , (à partir de 1893 :) Philolo
gisch -historische Klasse. (Berlin , puis ) Göttingen . 1, 1838 /
1842 – 40, 1894/1895 ; N .F. 1, 1896 / 1897 – 25, 1930/ 1931 ;
3. Folge 1, 1932 – 26, 1940. Pour la suite, voir AAWG.
AHAW Abhandlungen der Heidelberger Akademie der Wissen
schaften, Philosophisch-historische Klasse. Heidelberg.
AHB The Ancient History Bulletin . Alberta Department of
Classics. Calgary .
AHES Archive for History of Exact Sciences. Berlin .
AHMA Archives d 'Histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge.
Paris .
Abstrlran Abstracta Iranica. Revue bibliographique pour le domaine
irano -aryen publiée en Supplément à la revue Studia Iranica.
Institut français d 'iranologie. Téhéran /Leiden .
AIHS Archives Internationales d'Histoire des Sciences.Roma.
AIIS Annali dell'Istituto Italiano per gli Studi Storici. Bologna.
AIPho Annuaire de l'Institut de Philologie et d 'Histoire Orientales
et Slaves de l'Université Libre de Bruxelles. Bruxelles.
AIV Atti dell'Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, Classe di
Scienze morali e Lettere. Venezia .
AJA American Journal of Archaeology. New York.
AJAH American Journal of AncientHistory. Cambridge (Mass.).
AJPh American Journal of Philology. Baltimore.
Antike Kunst, hrsg. von der Vereinigung der Freunde antiker
Kunst in Basel. Olten .
16 DICTIONNA D P A
IRE ES HILOSOPHES NTIQUES
Akroterion Akroterion . Quarterly for the Classics in South Africa. Dept.
of Classics.Univ. of Stellenbosch .
Al-muktataf Al-muktataf. An Arabic scientific review .Le Caire.
Altertum Das Altertum , hrsg. vom Zentralinstitut für Alte Geschichte
und Archäologie der Deutschen Akademie der DDR . Berlin .
AMal Analecta Malacitana. Revista de la Sección de Filología de
la Facultad de Filosofía y Letras. Malaga.
Ambix Ambir. The Journal of the Society for the study of alchemy
and early chemistry . Cambridge.
AN Aquileia Nostra . Bollettino dell'Associazione nazionale per
Aquileia. Aquileia.
AncPhil Ancient Philosophy. Pittsburgh.
AncSoc Ancient Society. Louvain .
AncW The Ancient World . Chicago.
Angelicum Angelicum . Universitas a Sancto Thoma Aquinate in Urbe.
Roma.
Annales E . S . C. Annales( Économie, Sociétés, Civilisations). Paris.
AnnEpigr L 'Année Épigraphique. Paris.
AnnMedHist Annals ofMedicalHistory. New York.
Anregung Anregung. Zeitschrift fürGymnasialpädagogik .München .
Antaios Antaios. Stuttgart.
Antichthon Antichthon. Journal of the Australian society for classical
studies. Sydney.
AntikTanulm Antik Tanulmányok. Studia antiqua. Budapest.
Antiquitas Antiquitas. Rivista trimestrale di antichità classica. Salerno.
Antiquity Antiquity. A quarterly review of archaeology. Newbury ,
Berks.
AOMV Annali dell' Ospedale Maria Vittoria di Torino. Torino.
APAW Abhandlungen der (-1870 : Königl.; 1871- 1917: Königl.
Preuß. ; 1918 -44 : Preuß.; puis :) Deutschen Akademie der
Wissenschaften zu Berlin , Philosophisch-historische Klasse .
Berlin .
Apeiron Apeiron. Department of philosophy, University of Alberta ,
Canada.
APF Archiv für Papyrusforschung und verwandte Gebiete.
Leipzig.
AQ Al- Qantara . Revista de estudios árabes.Madrid .
Arabica Arabica . Revue d'études arabes. Leiden.
ArchClass Archeologia Classica. Rivista della Scuola nazionale di
Archeologia , pubblicata a cura degli Istituti di Archeologia e
ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES 17

Storia dell'arte greca e romana e di Etruscologia e antichità


italiche dell'Università di Roma. Roma.
ArchDelt ’Apxaloloyixòv Akłtiov. Athènes.
Archeion Archeion . Archivio di storia della scienza.Roma.
ArchEph 'Apxaloloyiun 'Eonuepis (-1909 : 'Eq. 'Apx.). ’Apxalo
hoyixń ÉTaipeta . Athènes.
ArchGlottltal Archivio Glottologico Italiano. Firenze .
ArchGiurid Archivio Giuridico. Pisa.
ArchltalPsicol Archivio italiano di psicologia generale e del lavoro .
Torino .
ArchOrient Archiv Orientální. Praha.
Archiv Philos Archiv für Philosophie. Stuttgart.
ArchPhilos Archives de Philosophie. Recherches et documentation .
Paris.
Arctos Arctos. Acta philologica Fennica,Helsinki.
ArtsAsiatiques Arts Asiatiques. Paris.
ARID Analecta Romana Instituti Danici. Odense.
ARW Archiv für Religionswissenschaft. Leipzig/Berlin .
AS Anatolian Studies. Journal of the British Institute of
Archaeology at Ankara. London.
AsiatStud Asiatische Studien . Études Asiatiques. Berne.
ASNP Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa , Classe di
Lettere e Filosofia. Pisa .
ASPh Arabic Sciences and Philosophy.Cambridge.
Athena 'Αθηνά. Σύγγραμμα περιοδικόν της εν Αθήναις επι
omuovexñS ÉTaipeiaç. Athènes.
Athenaeum Athenaeum . Studi periodici di Letteratura e Storia dell'Anti
chità. Pavia.
Athenaion 'AOńvalov. Evrypaupa neplodixòv. Athènes .
AU Der altsprachliche Unterricht. Arbeitshefte zu seiner
wissenschaftlichen Begründung und praktischen Gestalt.
Stuttgart.
AUG Annales de l'Université de Grenoble. Paris/Grenoble.
Augustinus Augustinus. Revista publicada por los Padres Agustinos
recoletos.Madrid .
AUMur Anales de la Universidad de Murcia (Letras).Murcia.
ВА Bollettino d 'Arte del Ministero della Pubblica Istruzione.
Roma.
BAB Bulletin de la Classe des Lettres de l'Académie Royale de
Belgique. Bruxelles.
E
IONNAIR OSOPHES QUES
18 DICT DES PHIL ANTI
BABesch Bulletin Antieke Beschaving.Leiden .
BACILE Bull. semestriel de l'Association des classiques de l'Univer
sité de Liège. Stavelot.
BACTH Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques.
Ministère de l'Éducation nationale, Paris .
BAGB Bulletin de l'Association Guillaume Budé. Paris.
BAM Bulletin d 'ArchéologieMarocaine. Casablanca.
BANL Boletín de la Academia Nacional de Letras.Montevideo.
BAR Bulletin de l'Académie des sciences de l’ U .R.S.S. Leningrad,
puis Moscou.
BAug « Bulletin Augustinien » dans REAug.
BBG Blätter für das Bayerische Gymnasialschulwesen.München.
BCAL Bulletin critique des Annales Islamologiques. Supplément
aux Annales Islamologiques. Institut français d'archéologie
orientale .Le Caire .
BCH Bulletin de Correspondance Hellénique. Paris.
BCO Bibliotheca Classica Orientalis. Dokumentation der alter
tumswissenschaftlichen Literatur der Sowjetunion und der
Länder der Volksdemokratien . Berlin.
BE « Bulletin épigraphique » dans REG .
BEO Bulletin d 'Études Orientales, publié par l'Institut français de
Damas. Beyrouth .
Berytus Berytus. Archaeological Studies published by the Museum
of Archaeology of the American University of Beirut.
Beirut.
Bessarione Bessarione. Pubblicazione periodica di studi orientali.
Roma.
BFAUE Bulletin of the Faculty of Arts of University of Egypt. Le
Caire .
BFCI Bollettino di Filologia Classica . Torino.
BHM Bulletin of the History of Medicine. Baltimore.
BIAO Bulletin de l'Institut français d'Archéologie Orientale. Le
Caire .
BiblMath Bibliotheca mathematica. A series of monographs on pure
and applied mathematics. Amsterdam .
BICS Bulletin of the Institute of Classical Studies. University of
London .
BIEH Boletín del Instituto de Estudios Helénicos. Barcelona.
BIE Bulletin de l'Institut d'Égypte. Le Caire.
Bilychnis Bilychnis. Roma.
ABRÉVIATIONS -REVUES ET PÉRIODIQUES 19
BK Bedi Karthlisa. Revue de kartvélologie (Études géorgiennes
et caucasiennes). Destin de la Géorgie. Paris. Devenu , à
partir de 1985, Revue des études géorgiennes et cauca
siennes.
BLE Bulletin de Littérature Ecclésiastique. Toulouse.
BLR The Bodleian Library Record. Oxford.
BMAH Bulletin desMusées royaux d'Artetd 'Histoire. Bruxelles.
BO Bibliotheca Orientalis, uitg. van het Nederlandsch Instituut
voor het Nabije Oosten . Leiden .
BollClass Bollettino dei classici, a cura del Comitato per la prepa
razione dell'edizione nazionale dei classici greci e latini.
Roma.
BonnerJb Bonner Jahrbücher des Rheinischen Landesmuseums in
Bonn und des Vereins von Altertumsfreunden im Rheinlande.
Köln .
Boreas Boreas. Münstersche Beiträge zur Archäologie.Münster.
BPhw Berliner Philologische Wochenschrift. Leipzig/Berlin .
(Suite : PhW ).
BRGK Bericht der Römisch -Germanischen Kommission des
Deutschen Archäologischen Instituts. Berlin .
BSOAS Bulletin of the School of Oriental and African Studies.
London .
BStudLat Bollettino di Studi Latini. Periodico quadrimestrale d' infor
mazione bibliografica . Napoli.
BullScMath Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques.
Paris, réimpr. Amsterdam .
BullGéod Bulletin géodésique. Official Journal of the International
Association ofGeodesy & InternationalUnion of Geodesy
and Geophysics. Berlin .
BWP Winckelmannsprogramm der Archäologischen Gesellschaft
zu Berlin . Berlin .
Byrsa Cahiers de Byrsa. Musée Lavigerie (Carthage, Tunisie).
Paris .
Byzantion Byzantion. Revue internationale des études byzantines.
Bruxelles.
Byz] Byzantinisch -neugriechische Jahrbücher. Athènes.
Byzs Byzantinoslavica. Revue internationale des études byzan
tines. Praha.
ByzZ Byzantinische Zeitschrift.München .
C&M Classica et Mediaevalia. Revue danoise d'histoire et de
philologie publiée par la Société danoise pour les études
anciennes etmédiévales. København .
20 DICTIONN D P A
AIRE ES HILOSOPHES NTIQUES
C &S Cultura e Scuola . Roma.
Caesaraugusta Caesaraugusta . Arqueología , prehistoria, historia antigua .
CSIC , Inst. Fernandino el Católico. Zaragoza .
Caesarodunum Caesarodunum . Institut d'études latines de l'Université de
Tours .
CahsWeil Cahiers Simone Weil. Revue trimestrielle publiée par l'Asso
ciation pour l'étude de la pensée de Simone Weil. Paris.
CB The Classical Bulletin , Saint Louis.
CCC Civiltà Classica e Cristiana. Genova.
CCM Cahiers de Civilisation Médiévale. Poitiers.
CE Chronique d'Égypte. Bruxelles.
CEA Cahiers des Études Anciennes. Montréal.
Centaurus Centaurus. International magazine of the history of mathe
matics, science and technology. København.
CF Classical Folia. Studies in the christian perpetuation of the
Classics. New York .
CFC Cuadernos de Filología clásica (Estudios Griegos e indo
europeos).Madrid .
Chiron Chiron. Mitteilungen der Kommission für alte Geschichte
und Epigraphik des Deutschen Archäologischen Instituts.
München .
CIMA Cahiers de l'Institut du Moyen Age grec et latin . Køben
havn .
CJ The Classical Journal. Athens (Georgia ).
CIAnt Classical Antiquity. Berkeley.
CollectFranciscC Collectanea Franciscana. Roma.
CollectTheol Collectanea Theologica Societatis theologorum Polonae
cura edita . Varsovie .
Contributo Contributo . Osservatorio astrofisico , Arcetri. Firenze.
CPh Classical Philology. Chicago.
cQ Classical Quarterly. Oxford .
COR Church Quarterly Review .London.
CR ClassicalReview . Oxford .
CRAI Comptes Rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles
Lettres. Paris.
CRASR Comptes Rendus de l'Académie des Sciences de Russie.
Leningrad.
CronErc Cronache Ercolanesi. Bollettino del Centro internazionale
per lo studio dei Papiri Ercolanesi.Napoli.
CrSt Cristianesimo nella storia. Ricerche storiche esegetiche
teologiche. Bologna.
ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES 21
CT Les Cahiers de Tunisie. Tunis.
CW Classical Weekly. New York .
CWo The Classical World. Pittsburgh (Pennsylvania).
DA Dissertation Abstracts. International abstracts of disserta
tions available in microfilm or as xerographic reproductions.
Ann Arbor (Michigan ).
Dacia Dacia . Revue d'archéologie et d 'histoire ancienne. Bucarest.
DArch Dialoghidi Archeologia . Roma.
DAW Denkschriften der Akademie der Wissenschaften in Wien .
Wien .
Deutsche Rschau Deutsche Rundschau für Geographie und Statistik. Wien /
Leipzig.
DGT Drevnejsije Gosudarstva na territorii SSSR. Les États les
plus importants sur le territoire de l'URSS. Matériaux et
Recherches.Moskva.
DHA Dialogues d 'Histoire ancienne . Paris .
Diálogos Diálogos. Revista del Departamento de filosofía. Universi
dad de Puerto Rico .
Dioniso Dioniso . Rivista trimestrale di studi sul teatro antico. Sira
cusa .
Dionysius Dionysius. Dalhousie University, Halifax, Nova Scotia.
Diotima Diotima. Revue de recherche philosophique. Athènes.
DLZ Deutsche Literaturzeitung für Kritik der internationalen
Wissenschaft. Berlin .
Dodone Δωδώνη. Επιστημονική επετηρίς της Φιλοσοφικής
Exorñs toŨ Mavetlotnuiov ’lwavvivwv, Ioannina.
DOP Dumbarton Oaks Papers. New York .
EA Epigraphica Anatolica . Zeitschrift für Epigraphik und histo
rische Geographie Anatoliens. Bonn.
EEa Estudios Eclesiásticos. Revista trimestral de investigación e
información teológica.Madrid .
EEAth Επιστημονική Επετηρίς της φιλοσοφικής Σχολής του
Tlaventiomnulov ’AInvőv. Athènes.
EHBS 'Enempis 'Eralpelaç Bučavtivāv Enovdov. Athènes.
EHR English HistoricalReview . London .
Eikasmos Eikasmos. Quaderni bolognesi di filologia classica. Bologna.
Eirene Eirene. Studia Graeca et Latina. Praha.
Elenchos Elenchos. Rivista di studi sul pensiero antico . RomaNapoli.
EMC Échos du Monde Classique. Classical News and Views.
Calgary (Alberta ).
22 DICTI DES PHIL ANTI
ONNAI OSOP QUES
H E S y Filología
Emerita Emerita. RRevista
E de Lingüística clásica.Madrid .
EO Échos d 'Orient. Paris .
Eos Eos. Commentarii Societatis Philologae Polonorum .
Wrocław .
EPh Études Philosophiques. Paris.
EpigrStud Epigraphische Studien . Köln .
Epos Epos. Revista de filología de la Universidad nacional de
educación a distancia (Facultad de filología).Madrid.
Eranos Eranos. Acta Philologica Suecana. Uppsala.
Erasmus Erasmus. Speculum Scientiarum . Bulletin international de la
science contemporaine. Wiesbaden.
Eunomia Eunomia. Ephemeridis Listy filologické supplementum .
Praha.
Expositor The Expositor. London.
Florllib Florentia Iliberritana. Revista de estudios de antigüedad
clásica. Granada.
F& F Forschung und Fortschritte . Korrespondenzblatt der
deutschen Wissenschaft und Technik . Berlin .
Fortunatae Fortunatae . Revista Canaria de filología, cultura y huma
nidades clásicas. La Laguna (Canarias).
FranciscStud Franciscan Studies. A quarterly review .New York.
FZPhTh Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie. Frei
burg in der Schweiz .
G &R Greece and Rome. Oxford.
GB Grazer Beiträge. Zeitschrift für die klassische Altertums
wissenschaft. Graz.
GCFI Giornale Critico della Filosofia Italiana. Firenze.
Gerion Gerion.Madrid .
GFF Giornale Filologico Ferrarese. Ferrara.
GFRF Giornale Ferrarese di Retorica e Filologia . Ferrara . (Suite
de GFF.)
GGA Göttinger Gelehrte Anzeigen. Göttingen. Ce périodique
interrompu en 1944 a paru de 1739 à 1752 sous le titre
Göttingische Zeitung von gelehrten Sachen, de 1753 à 1801
sous le titre Göttingische Anzeigen von gelehrten Sachen.
GIF Giornale Italiano di Filologia . Rivista trimestrale di cultura.
Roma.
Glotta Glotta. Zeitschrift für griechische und lateinische Sprache.
Göttingen .
GM Giornale diMetafisica . Genova.
ABRÉVIATIONS - REVUESET PÉRIODIQUES 23
Gnomon Gnomon . Kritische Zeitschrift für die gesamte klassische
Altertumswissenschaft.München .
GRBS Greek, Roman and Byzantine Studies. Durham (N . C.).
Gregorianum Gregorianum . Commentarii de re theologica et philosophica.
Roma.
Gymnasium Gymnasium . Zeitschrift für Kultur der Antike und huma
nistische Bildung. Heidelberg.
H &T History and Theory. Studies in the philosophy of history.
Wesleyan University , Middletown, Conn .
Hebraica Hebraica. A quarterly journal in the interest of Hebrew
study. New Haven (Conn.), puis Chicago.
HebrUCA Hebrew Union College Annual, Cincinnati.
Helikon Helikon . Rivista di tradizione e cultura classica.Roma.
Hellenica Ελληνικά, Φιλολογικόν, ιστορικών και λαογραφικός
περιοδικόν σύγγραμμα της Εταιρείας Μακεδονικών
Entovôõv. Thessalonique.
Hephaistos Hephaistos. Kritische Zeitschrift zur Theorie und Praxis der
Archäologie, Kunstwissenschaft und angrenzender Gebiete.
Bremen .
Hermathena Hermathena. Trinity College , Dublin .
Hermeneus Hermeneus. Tijdschrift voor de antieke Cultuur. Culemborg.
Hermes Hermes. Zeitschrift für klassische Philologie. Wiesbaden .
Hesperia Hesperia . Journal of the American school of classical stu
dies at Athens. Athens.
Hespéris . Hespéris. Archives berbères et Bulletin de l' Institut des
Hautes- ÉtudesMarocaines. Paris.
Hestia 'Eotia . Athènes.
Hippokrates Hippokrates. Annales Societatis Historiae Medicinae Fenni
cae. Helsinki.
Hispanic Review Hispanic Review . Philadelphia .
HistMath Historia mathematica. International Journal of History of
Mathematics. New York /London .
Historia Historia. Zeitschrift füralte Geschichte . Wiesbaden.
HistSc Historia Scientiarum . International Journal of the History of
Science Society of Japan . Tokyo.
НJ Historisches Jahrbuch.München.
Homine (De) DeHomine. Roma.
Horos "Opoç. " Eva åpxaloyvuotixò neplodixó. Athènes.
HPTh History of political thought. Exeter.
HR History of Religions. Chicago .
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
HSCP voir HSPh.
HSF Historische Sprachforschung (Historical Linguistics ).
Göttingen .
HSP , Harvard Studies in Classical Philology. Cambridge (Mass.).
HTAR Harvard Theological Review . Cambridge (Mass.).
ICS Illinois Classical Studies. University of Illinois, Chicago .
IEJ Israel Exploration Journal. Jerusalem .
IJMES International Journal of Middle East Studies. Cambridge .
IL L ' Information Littéraire . Paris .
Index Index. Quaderni camerti di studi romanistici. International
Survey of Roman Law .Napoli.
Ínsula Ínsula . Revista de Letras y Ciencias Humanas. Madrid .
Iraq Iraq, published by the British school of archaeology in Iraq.
London .
Irénikon Irénikon . Bulletin mensuel des moines de l'union des
Églises. Prieuré d'Amay sur Meuse .
Isis Isis. An international review devoted to the history of
science and its cultural influences. Washington .
Isl Der Islam . Berlin .
IslCult Islamic Culture. An English quarterly . Hyderabad .
1Q The Islamic Quarterly. London.
Ítaca Ítaca. Quaderns catalans de cultura classica. Barcelona.
Italianistica Italianistica . Rivista di letteratura italiana. Milano.
Italica Italica. Review of the American Association of teachers of
Italian. Ann Arbor, Univ . ofMichigan .
JA Journal Asiatique. Paris.
Janus Janus. Revue internationale de l'histoire des sciences , de la
médecine, de la pharmacie et de la technique . Amsterdam .
JAOS Journal of the American Oriental Society. Baltimore .
JAW Jahresbericht fürdie Fortschritte der Altertumswissenschaft .
Leipzig .
JbAC Jahrbuch für Antike und Christentum .Münster .
JbPTA Jahrbücher für Protestantische Theologie. Leipzig .
JCS Journal of Classical Studies. The Journal of the classical
society of Japan,Kyôto .
IDAI Jahrbuch des Deutschen Archäologischen Instituts. Berlin .
JEA Journal of Egyptian Archaeology . London .
JHA Journal for the History of Astronomy. Chalfont St. Giles,
Bucks.
ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES 25
JHAS Journal forthe History of Arabic Science. Alep.
JHI Journal of the History of Ideas. Ephrata, Penna & Phila
delphia .
JHPh Journal of the History of Philosophy. Berkeley .
JJP Journal of Juristic Papyrology. Warszawa.
JUS Journal of Jewish Studies. Oxford .
JKPh Jahrbücher für klassische Philologie. Leipzig . Le périodique
s'est intitulé diversement à différentes périodes de son
histoire, de 1826 à 1943 : Neue Jahrbücher für Philologie
und Pädagogik, Neue Jahrbücher für das klassische Alter
tum , Geschichte und deutsche Literatur und für Pädagogik,
Neue Jahrbücher für Wissenschaft und Jugendbildung, Neue
Jahrbücher für deutscheWissenschaft, Neue Jarhbücher für
Antike und deutsche Bildung.
INES Journal of Near Eastern Studies. Chicago.
ING Jahrbuch fürNumismatik und Geldgeschichte. Kallmünz.
JEA Jahreshefte des Österreichischen Archäologischen Instituts.
Wien .
JÖB Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik. Wien .
JEBG Jahrbuch der Österreichischen Byzantinischen Gesellschaft.
Wien .
JP Journal of Philology.London/Cambridge.
JPakHS Journal of the Pakistan Historical Society. Karachi.
JR Journal of Religion. Chicago.
JRA Journal of Roman Archaeology. Ann Arbor (Michigan).
JRAS Journal of the Royal Asiatic Society.London .
JRS Journal ofRoman Studies. London .
JS Journal des Savants. Paris.
JSAI Jerusalem Studies in Arabic and Islam . Jerusalem .
ᎫᏚᎫ Journal for the Study of Judaism in the Persian, Hellenistic
and Roman Period. Leiden .
JTCS Journal of Theological Studies. Oxford .
JWCI Journalof the Warburg and Courtauld Institute. London.
Kairos Kairos. Zeitschrift für Religionswissenschaft und Theologie .
Salzburg .
Karthago Karthago.Revue d' archéologie africaine. Paris.
Kentron Kentron . Revue du monde antique et de psychologie histo
rique. Université de Caen .
Kleio Kleio. Tijdschrift voor oude talen en antieke kultuur.
Leuven .
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Kleronomia Kleronomia. Thessalonique.
Klio Klio . Beiträge zur alten Geschichte. Berlin .
Koinonia Koivwvia . Organo dell'Associazione di Studi tardoantichi.
Napoli.
Kokalos Káxaros. Studi pubbl. dall'Istituto di Storia antica dell'
Università di Palermo.Roma.
Ktèma Ktèma. Civilisations de l'Orient, de la Grèce et de Rome
antiques. Strasbourg, Centre de recherche sur le Proche
Orient et la Grèce antique et Groupe de recherche d'histoire
romaine.
Kyklos Kyklos. Jahrbuch des Instituts für Geschichte der Medizin an
der Universität Leipzig, puis: Jahrbuch für Geschichte und
Philosophie der Medizin . Leipzig.
L& G Latina etGraeca.Zagrev.
Lampas Lampas. Tijdschrift voor Nederlandse classici.Muiderberg.
Latomus Latomus. Revue d ' études latines. Bruxelles.
LCM Liverpool ClassicalMonthly . University of Liverpool, Dept
of Greek.
LD Letras de Deusto. Bilbao .
LEC Les Études Classiques. Namur.
Leonardo Leonardo. Rassegna bibliografica. Milano.
Lexis Lexis. Studien zur Sprachphilosophie. Sprachgeschichte und
Begriffsforschung. Lahr im B .
LF Listy Filologické. Praha.
Libyca Libyca. Bulletin du Service des Antiquités (Archéologie,
Épigraphie ). Alger.
Litteris Litteris. An international critical review of the humanities
published by the New society of letters at Lund. Lund.
LNV Litterae Numismaticae Vindobonenses. Wien .
Lustrum Lustrum . Internationale Forschungsberichte aus dem Bereich
des klassischen Altertums. Göttingen.
LS Leipziger Studien . Leipzig.
LZB Literarisches Zentralblatt für Deutschland. Leipzig .
Maia Maia . Rivista di letterature classiche. Bologna.
MAIB Memorie dell'Accademia (delle Reale Academia ) delle
Scienze dell'Istituto di Bologna. Classe di Scienze morali.
Bologna.
MAL Atti della (-1946 : Reale ) Accademia (depuis 1921 :) nazio
nale dei Lincei. Memorie della classe di scienze morali e
storiche dell'Accademia dei Lincei. Roma.
ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES 27
MALKAW Mededelingen der Koninklijke Nederlandse Akademie van
Wetenschappen. Afdeling Letterkunde. Amsterdam .
MARS Mémoires de l'Académie Roumaine (Section scientifique).
Bucarest.
MCr Museum Criticum . Quaderni dell' Istituto di filologia classica
dell'Università di Bologna. Roma.
MD Materiali e Discussioni per l'analisidei testiclassici. Pisa.
MDAFA Mémoires de la Délégation Archéologique Française en
Afghanistan. Paris.
MDAI(A ) Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts
(Athenische Abteilung).Berlin .
MDAI( I) Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts
(Abteilung Istanbul). Tübingen .
MDAI ( M ) Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts
(AbteilungMadrid ). Mainz.
MDAI( R ) Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Instituts
(Römische Abteilung). Mainz.
МЕАН Miscelánea de estudiosárabes y hebraicos. Granada.
Meander Meander. Revue de civilisation du monde antique.
Warszawa.
MedHist Medical History. London, Welcome Institute for the History
ofMedicine.
MedLife Medical Life. New York .
Medioevo Medioevo . Rivista di storia della filosofia medievale .
Padova.
MedWelt Die Medizinische Welt. Berlin .
MEFRA Mélanges d 'archéologie et d 'histoire de l'École Française
de Rome. Rome.
MEFRM Mélanges de l'École Française de Rome. Moyen âge et
tempsmodernes. Paris.
MemCentreJPal Mémoires du Centre Jean Palerne. Saint-Étienne.
MemSocScBord Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles
de Bordeaux. Bordeaux.
MH Museum Helveticum . Revue suisse pour l'étude de l'Anti
quité classique. Bâle .
MHA Memorias de Historia Antigua. Oviedo.
MHJ Medizin-historisches Journal. Stuttgart.
MIDEO Mélanges de l'Institut Dominicain d 'Études Orientales. Le
Caire.
Minerva Minerva .Revista de filologia clásica. Valladolid .
28 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Mind Mind. A quarterly review of psychology & philosophy .
London .
MIG Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichts
forschung. Wien .
MiscAcadBerlin Miscellanea Berolinensia ad incrementum scientiarum ex
scriptis Societati Regiae Scientiarum exhibitis edita . Berlin.
MME Manuscripts of the Middle East. A Journal devoted to the
study of handwritten materials of theMiddle East. Leiden .
Mnemosyne Mnemosyne. Bibliotheca Classica Batava.Leiden .
MRS Mediaeval and Renaissance Studies. London .
MSB Marburger Sitzungsberichte. Marburg.
MSLC Miscellanea di Studi di Letteratura Cristiana antica .
Catania.
MSMG Marburger Schriften zur Medizingeschichte. Frankfurt am
Main /Bern .
MSR Mélanges de Science Religieuse. Lille .
MT Museum Tusculanum . København .
MusB Musée Belge. Revue de philologie classique. Louvain .
Muséon Le Muséon. Revue d' études orientales. Louvain.
MUSI Mélanges de l'Université Saint-Joseph. Beyrouth .
NAWG Nachrichten von der Akademie der Wissenschaften in
Göttingen, Philologisch -historische Klasse. Göttingen .
(Avant 1941: NGG )
NGG Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu
Göttingen . Philologisch -historische Klasse. 1894 - 1940 .
Göttingen . (Pour la suite, voir NAWG ).
Nova Tellus Nova Tellus. Anuario del Centro de Estudios clásicos.
Mexico.
NRFH Nueva Revista de Filología Hispánica.México.
NRL Nouvelles de la République des Lettres. Napoli.
NSchol The New Scholasticism . Baltimore.
NT Novum Testamentum . An international quarterly for New
Testament and related studies. Leiden .
NTS New Testament Studies. An international journal published
quarterly under the auspices of Studiorum Novi Testamenti
Societas. Cambridge.
NumChron Numismatic Chronicle and journal of the Royal numismatic
society. London .
Numen Numen . International review for the history of religions.
Leiden.
ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES
Numisma Numisma. Revista de la Sociedad ibero -americana de
Estudios numismáticos.Madrid .
OC Oriens Christianus. Hefte für die Kunde des christlichen
Orients. Wiesbaden .
OCP Orientalia Christiana Periodica .Roma.
OLP Orientalia Lovaniensia Periodica. Louvain .
OLZ Orientalistische Literaturzeitung. Berlin .
OM Oriente Moderno. Roma.
Oriens Oriens. Journal de la Société internationale d' études orien
tales. Leiden .
Orientalia Orientalia . Commentarii periodici Pontificii Instituti Biblici.
Roma.
Orpheus Orpheus. Rivista di umanità classica e cristiana. Catania .
OSAPh Oxford Studies in Ancient Philosophy. Oxford.
PAA cf. PraktAkadAth .
PACPhA Proceedings of the American Catholic Philosophical Asso
ciation. Washington.
PagStorMed Pagine de Storia della Medizina. Roma.
Paideia Paideia . Rivista letteraria di informazione bibliografica.
Roma.
PalEQ Palestine Exploration Fund. Quarterly statement. London.
Pallas Pallas. Revue interuniversitaire d 'études antiques. Toulouse .
PAPhs Proceedings of the American Philosophical Society. Phila
delphia .
Parousia Παρουσία. Επιστημονικό περιοδικό του Συλλόγου
Διδακτικού Προσωπικό Φιλοσοφικής Σχολής Πανε
Tilotnuíou ’AOnvāv. Athènes.
PAS Proceedings of the Aristotelian Society. London .
PBA Proceedings of the British Academy. Oxford .
PBSA Papers of the British School at Athens. London.
PBSR Papers ofthe British School at Rome. London .
PAAAS Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences.
Boston.
PCPS Proceedings of the Cambridge Philological Society. Cam
bridge.
Pensamiento Pensamiento . Revista de investigación e información filosó
fica. Madrid .
Ph & Rh Philosophy and Rhetoric. University Park (Pennsylvania ).
Philologus Philologus. Zeitschrift für klassische Philologie . Berlin.
30 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
PhilolRschau Philologische Rundschau. Bremen .
Philosophia Φιλοσοφία. Επετηρίς του Κέντρου ερεύνης της ελλη
νικής φιλοσοφίας. Αthenes.
PhM PhilosophischeMonatshefte . Berlin /Leipzig/Heidelberg .
Phoenix The Phoenix. The Journal of the Classical association of
Canada. Toronto .
PhR Philosophical Review .New York .
Phronesis Phronesis. A Journal for ancient philosophy.Assen .
PhStud Philosophische Studien . Leipzig .
PhᎳ Philologische Wochenschrift. Leipzig. (Suite de BPhW .)
Physis Physis. Rivista di storia della scienza. Firenze.
Platon Mátwv. Aentiov tñs 'Etalpaías ' Exańvwv Qiaoróywv.
Athènes.
POC Proche-Orient Chrétien . Jérusalem .
Polemôn Moréuwv. 'Apxalo Oyıxòv teplodLxóv. Athènes.
PP La Parola del Passato . Rivista di studi antichi. Napoli.
PPol Il Pensiero Politico. Rivista di storia delle idee politiche e
sociali. Firenze.
PraktAkadAth TIpaxtixà tñs 'Axadnuías év 'AIŃvais. Athènes.
PraktArchEt Πρακτικά της εν Αθήναις Αρχαιολογικής Εταιρείας.
Athènes .
PRIA Proceedings of the Royal Irish Academy. Dublin .
Pr ) Preussische Jahrbücher. Berlin .
Prometheus Prometheus. Rivista quadrimestrale di studiclassici. Firenze .
Prudentia Prudentia . A journal devoted to the intellectual history of
the ancientworld . Auckland.
PSBA Proceedings ofthe Society of Biblical Archaeology. London .
Pour la suite , voir Journal of the Royal Asiatic Society.
QFC Quaderni di filologia classica dell'Università di Trieste ,
Istituto di Filol. class. Roma.
QIRAS Quarterly Journal of the Royal Astronomical Society.
London.
QIS Quarterly Journalof Speech. New York .
QS Quadernidi Storia. Rassegna di antichità redatta nell'Istituto
di storia greca e romana dell'Università di Bari. Bari.
QSGN Quellen und Studien zur Geschichte der Naturwissen
schaften und der Medizin . Berlin .
QStGM Quellen und Studien zur Geschichte der Mathematik, Astro
nomie und Physik. Berlin .
ABRÉVIATIONS -REVUES ET PÉRIODIQUES 31
QUCC Quaderni Urbinati di Cultura Classica. Roma.
R& T Recherches et Travaux. Angers .
RA Revue Archéologique. Paris.
RAAN Rendiconti dell'Accademia di Archeologia , Lettere e Belle
Arti di Napoli. Napoli.
RABM Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos.Madrid .
RAF Revue Africaine. Journal des travaux de la Société historique
algérienne. Alger.
RAL Atti della (-1946 : Reale ) Accademia (depuis 1921 :) nazio
nale dei Lincei. Rendiconti della classe di scienze morali,
storiche e filologiche dell'Accademia dei Lincei. Roma.
RAM Revue d 'Ascétique et deMystique (devenue en 1972 Revue
d'Histoire de la Spiritualité). Toulouse , puis Paris.
RAN Revue Archéologique de Narbonnaise. Paris.
RBen Revue Bénédictine. Abbaye de Maredsous, Belgique.
RBi Revue Biblique. Paris.
RBNum Revue Belge de Numismatique. Bruxelles.
RBPH Revue Belge de Philologie et d'Histoire. Mechelen.
RCCM Rivista Critica di Clinica Medica. Firenze .
RCr Revue Critique. Paris.
RDAC Report of the Department of Antiquities, Cyprus. Nicosia.
REA Revue des Études Anciennes. Talence.
REAug Revue des Études Augustiniennes. Paris.
REByz Revue des Études Byzantines. Paris.
RecSR Recherches de Science Religieuse. Paris.
REG Revue des Études Grecques. Paris.
REGC Revue des Études Géorgiennes et Caucasiennes. Paris. Suite
de Bedi Karthlisa . Revue de kartvélologie (Études géor
giennes et caucasiennes). Destin de la Géorgie , paru de 1948
à 1984.
REIsl Revue des Études Islamiques. Paris.
REJ Revue des Études Juives. Louvain .
REL Revue des Études Latines. Paris.
RelStud Religious Studies. Cambridge.
RenQ Renaissance Quarterly . Renaissance Society of America.
New York.
REPh Revuede l'Enseignement philosophique. Aurillac.
RESE Revue des Études sud -est-européennes. Bucarest.
Revue Revue. Informatique et statistiques dans les sciences humai
nes. Liège.
ON NAIRE SOPHES QUES
32 DICTI DES PHILO ANTI
RevueMaritime Revue maritime. Informations, actualités, documentation
maritime (= Revuemaritime et coloniale ). Paris.
RevUnivComplut Revista de la Universidad Complutense. Madrid .
RevHistPhilos Revue d'Histoire de la Philosophie. Lille.
Rhetorica Rhetorica. A Journal of the History of Rhetoric . Berkeley.
RE Rivista di Filosofia . Torino .
RFIC Rivista di Filologia e di Istruzione Classica . Torino /
Firenze/Roma.
RFN Rivista di filosofia neoscolastica.Milano.
RGI Rivista Geographica Italiana. Firenze.
RHLL Revista de Historia . La Laguna.
RM Rheinisches Museum für Philologie. Frankfurt am Main .
RHPR Revue d'Histoire et de Philosophie Religieuses. Paris.
RHR Revue de l'Histoiredes Religions. Paris.
RHT Revue d 'Histoire des Textes. Paris.
Richel Ricerche Religiose. Rivista di studistorico-religiosi.Roma.
RIDA Revue Internationale des Droits de l'Antiquité. Bruxelles.
RIGI Rivista Indo-Greco-Italica di filologia, lingua, antichità .
Napoli.
RIL Rendiconti dell' Istituto Lombardo. Classe di lettere, scienze
morali e storiche.Milano.
RIMA Revue de l'Institut desmanuscrits arabes. Le Caire .
Rinascimento Rinascimento. Rivista dell' Istituto nazionale di studi sul
Rinascimento . Firenze.
RIO Revue Internationale d 'Onomastique. Paris.
RIPh Revue Internationale de Philosophie. Paris.
RivBibl Rivista Biblica. Organo dell'Associazione Biblica italiana.
Roma/Firenze.
RivStorMed Rivista di Storia della Medicina.Roma.
RMAL Revue du Moyen Age Latin . Strasbourg.
RMM Revue de Métaphysique et de Morale. Paris.
RNeosc Revue Néoscolastique de philosophie publiée par la Société
philosophique de Louvain .Louvain (suite : RPhL ).
RN Revue Numismatique. Paris .
ROC Revue de l'Orient Chrétien . Paris.
RPAA Rendiconti della Pontificia Accademia di Archeologia .
Roma.
Rph Revue de philologie, de littérature et d 'histoire anciennes.
Paris .
ABRÉVIATIONS - REVUES ET PÉRIODIQUES
RPHA Revue de Philosophie Ancienne. Bruxelles.
RPhilos Revue Philosophique de la France et de l'étranger. Paris.
RPHL Revue Philosophique de Louvain. Louvain .
RPL Res publica litterarum . Studies in the classical tradition .
Lawrence.
ROA Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und
für Kirchengeschichte . Freiburg im Breisgau .
RSA Rivista Storica dell'Antichità. Bologna.
RSBN Rivista di Studi Bizantini e Neoellenici. Roma.
RSC Rivista distudi classici. Torino .
RSCF Rassegna di Scienze Filosofiche. Napoli.
RSEL Revista española de Lingüística.Madrid .
RSF Rivista critica di Storia della Filosofia. Firenze.
RSLR Rivista di Storia e Letteratura Religiosa. Firenze.
RSO Rivista degli Studi Orientali. Roma.
RSA Rivista storica dell'Antichità . Bologna.
RSPT Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques. Paris.
RSR Revue des Sciences Religieuses. Strasbourg.
RT Revue Thomiste. Toulouse.
RTAM : Recherches de Théologie Ancienne etMédiévale. Louvain .
RThPh Revue de Théologie etde Philosophie. Lausanne.
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SHAW Sitzungsberichte der Heidelberger Akademie der Wissen
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lettere e filosofia dell'Università di Catania . Catania .
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ZAss Zeitschrift für Assyriologie und verwandte Gebiete. Leipzig
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ZDMG Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft.
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ZfP Zeitschrift für Politik. Organ d. Hochschule für politische
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ZKTE Zeitschrift für Katholische Theologie. Wien.
ZN Zeitschrift für Numismatik. Berlin .
ZNTW Zeitschrift für neutestamentliche Wissenschaft und die
Kunde des Urchristentums. Berlin .
ZPE Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik. Bonn .
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bliée sous le patronage de l'Institut Catholique de Lille.
Paris .
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CCL Coll. « Corpus Christianorum » . Series Latina. Turnhout
1953 - .
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internationalis studiis byzantinis provehendis destinatae
editum .
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1908
E ES
IONNAIR OSOPH QUES
38 DICT DES PHIL ANTI
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SR / SSR Giannantoni G . (édit.), Socraticorum Reliquiae collegit, dis
posuit, apparatibus notisque instruxit G .G ., (Roma/Napoli ]
1983-1985, 4 vol. L 'ensemble a été repris et élargi dans
Socratis et Socraticorum Reliquiae collegit, disposuit, appa
ratibus notisque instruxit Gabriele Giannantoni, coll. « Elen
chos» 18 ,Napoli 1990, 4 vol.Les tomes I et II (XI1-521 p. et
XII-652 p.) contiennent les textes, le tome III (301 p .) un
Conspectus librorum , un Index fontium et un Index nomi
num , le tome IV (XII-609 p .) le commentaire (sous formede
56 notesdéveloppées).
Coll. « Studi e Testi» . Cité du Vatican 1900 -.
STB Coll. « Studien und Texte zur Byzantinistik » , Frankfurt am
Main /Berlin/Bern 1994 -
Suppl. Arist. Supplementum Aristotelicum , editum consilio et auctoritate
Academiae litterarum regiae Borussicae, 3 tomes en 2 vol.
chacun , Berlin 1886 -1893 .
Suppl. Hell. Lloyd- Jones H . & Parsons P. ( édit.), Supplementum Helle
nisticum . Indices in hoc Supplementum necnon in Powellii
Collectanea Alexandrina confecit H .-G . Nesselrath , coll.
« Texte und Kommentare » 11, Berlin 1983, XXXII-863 p.
SVF Stoicorum Veterum Fragmenta collegit Ioannes ab Arnim ,
t. I: Zeno et Zenonis discipuli, Leipzig 1905; t. II : Chrysippi
fragmenta logica et physica, Leipzig 1903; t. III : Chrysippi
fragmenta moralia . Fragmenta successorum Chrysippi,
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1972 (trad. revue de Weisheit und Wissenschaft: Studien zu Pythagoras,
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B . C . to the Second Century A . D ., coll. « Studien zur klassischen Philologie »
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coll. BEFAR 159, Nouvelle édition revue et augmentée, Paris 1948 , XVI
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ZELLER Ed., Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung
dargestellt, t. III 1: Die nacharistotelische Philosophie. Erste Hälfte . Fünfte
Auflage. Manualdruck der vierten Auflage, hrsg. v. E. Wellmann, Leipzig
1923, réimpr. Hildesheim 1963.
Avertissement

La transcription française des nomspropres grecs et latins est toujours chose


délicate. La tendance traditionnelle est de donner une forme française quand
c'est possible et que le personnage est connu de cette façon, ce qui peut entraîner
des problèmes d'ordre alphabétique. Fallait-il adopter Aischinès, Aeschines,
Eschine ? Nous avons tenté de respecter dans pareil cas la forme la plus proche
du grec, au moins dans l'intitulé de la notice, quitte à rappeler entre parenthèses
la forme courante connue par le lecteur français et à utiliser cette dernière dans le
corps de l'article. Nous avons également essayé de ne pas transcrire différem
ment les homonymes qui se succèdent directement, mais il a semblé impossible
d 'appliquer des règles immuables. On rencontrera des Denys et des Dionysios.
Les noms latins sont classés au cognomen,mais des renvois sont prévus pour les
autres composantes importantes du nom . La liste finale des notices du présent
tome devrait faciliter le repérage des différents noms.
L 'intitulé de chaque notice indique le numéro attribué par la Realencyclo
paedie aux différents homonymes, accessoirement le numéro que le personnage
concerné a reçu dans d 'autres prosopographies (PLRE, PIR2, PA ). On ne s 'éton
nera pas de trouver des indications comme RE : ou RESuppl. IV : (sans chiffre
arabe), lorsque les articles de cette encyclopédie ne comportent pas de numéro .
Quand l'article de la Realencyclopaedie n 'offrait aucune information supplé
mentaire par rapport à ce que l'on peut lire dans notre notice, nous n 'avons pas
fourni une référence bibliographique complète : le renvoi initial suffira à rap
peller qu'il existe un article consacré à ce philosophe. Une lettre ou un nom n 'est
ajouté au numéro d 'homonymie que si la forme retenue par cette encyclopédie
allemande ne correspond par à la forme française du nom (RE K 2 pour
“ Callisthène" ).
L ' intitulé de chaque notice comprend également une datation au moins
approximative du personnage. Dans l'indication des siècles, un petit a en expo
sant signale une date antérieure à l' ère chrétienne (Iva signifie « IVe siècle avant
Jésus-Christ» ).La lettre p sert demême,mais seulement si nécessaire, à indiquer
une date de notre ère. Dans ces indications chronologiques, les lettres D , M et F
signifient " début” , “milieu” et “ fin ” .
Pour simplifier le système de référence bibliographique à l'intérieur des
notices, nous avons choisi de numéroter en chiffres gras les références succes
sives et d ' y renvoyer dans la suite de la notice. Par exemple , on trouvera 3 V .
Brochard, Les sceptiques grecs, 2° éd., Paris 1923, p. 303 n . 2 , puis, plus loin
dans la notice une simple référence à Brochard 3, p . 300. Ce systèmen 'a pas été
employé pour les très courtes notices où il n'y avait pas de renvoi interne.
NNAIRE ES HILOSOPHES NTIQUES
50 DICTIO D P A
Les informations sontréparties sous un certain nombre de rubriques (mises en
relief par l'emploi de caractères gras ou espacés) qui reviennent de notice en
notice et facilitent la consultation de l'ouvrage. Par exemple: Chronologie ,
Bibliographies (où sont signalées les bibliographies consacrées à ce philosophe
et non pas les ouvrages comme tels; à ne pas confondre avec Cf.), Euvres
conservées, Datation , Éditions et traductions, etc . Certaines notices très dévelop
pées peuvent comporter toute une hiérarchie de titres intermédiaires, ainsi qu 'un
sommaire initial.
De façon générale , nous avons résisté à la tentation courante d'identifier les
personnages homonymes.Même là où l'identification nous semblait probable ,
nous avons regroupé les informations en blocs distincts à l'intérieur de la notice.
Le signe » renvoie aux notices déjà parues dans les tomes I - III du Diction
naire. Il signifie que le personnage a fait l'objet d 'une notice, mais nous ne
l'avons pas employé pour les noms les plus importants qui reviennent souvent. Il
n 'apparaît d 'ailleurs qu ' à la première occurrence d 'un nom dans la notice. Une
référence plus précise (avec indication du nom de l'auteur de l'article) est faite
lorsque le contenu même de la notice est visé.
1 ECCÉLOS DE LUCANIE RE Pôlos 4
Sous le nom du pythagoricien Pôlos de Lucanie (ěx Mórov Ilvdayopelov
AevxAVOŪ ) (RE 4 ) a été conservé par Stobée,Anthol. II 9, 51, un fragment d'une
vingtaine de lignes en dialecte dorien tiré d'un Περί δικαιοσύνης (Sur la
justice ). Voir 1 H . Thesleff, The Pythagorean texts , p. 77 , 14 - 78 , 16 . Une tra
duction anglaise du passage due à K . S . Guthrie (1920 ) a été reprise dans 2 R .
Navon , The Pythagorean writings, p. 162, et dans 3 D . R . Fideler, The Pytha
gorean sourcebook and library, p. 253. Contenu : la justice est la mère et la
nourrice des autres vertus et reçoit des noms différents en fonction des domaines
de la réalité . Datation : 1110 -11a s., selon 4 H . Thesleff, An Introduction to the
Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p . 115 ; 1a/ P selon
5 B . Centrone, Pseudopythagorica ethica . I trattati morali di Archita , Metopo,
Teage, Eurifamo. Introduzione, edizione, traduzione e commento a cura di B .C .,
Napoli 1990 ,p. 15 n. 7, et41-44.
Dans sa liste des auteurs cités par Stobée, Photius, Bibl., cod. 167, p . 114 a 33, a retenu le
nom d'Ecpôlos, qui peut résulter d'unemauvaise lecture du lemme.
Commeon ne connaît pasde pythagoricien du nom de Pôlos, on a proposé de
corriger Éx Tónov en 'Exxénov (Praechter et Harder ),nom tiré d'un passage du
catalogue de Jamblique consacré aux femmes pythagoriciennes (V . pyth . 36,
267), tel qu 'il est lu par Thesleff 1, p . 77, 11-12, où l'on rencontre : « Philtys,
fille de Théophris de Crotone », puis : « Byndacô , seur d'Occélos et d 'Eccélos de
Lucanie » (Buvoaxu adenon 'Oxxénov xai 'Exxénov tõv Aevxavőv).
Dans le passage sur les femmes pythagoriciennes, le texte édité par Deubner est assez
différent:OTÙS... Buvdáxov åbenoń , 'Oxxew xai 'Exxenù (Scal.) < ådenpai 'Oxxéw
xai 'Oxxíaw > tõv Aevxavõv.Nous aurions donc d' une part une Philtys, sæur du pythagori
cien Byndacos par ailleurs inconnu, et d 'autre part Eccélô et Occélo , scurs d' Occilos et d'Oc
célos (nomstirés d'un passage antérieur du Catalogue). Mais selon Thesleff 4 , p. 75 n . 2, la
forme 'Exxenú est due à une corruption de la formedorienne du génitifmasculin singulier. Il
faut donc rejeter ces corrections et modifier la notice B 70 en conséquence : « Byndaco ou
Rhyndaco de Lucanie » , pythagoricienne, seur d 'Occélos et d 'Eccélos. On corrigera dans le
même sens la traduction donnée par L . Brisson et A . Ph. Segonds, Jamblique, Vie de Pytha
gore. Introduction, traduction et notes, coll. « La Roue à Livres» 29, Paris 1996 , p. 144.
Selon 6 K . Praechter, « Ein verkanntes Fragment des angeblichen Pythago
reers Okellos » , Philologus 61, 1902 , p. 266 -270 , il conviendrait d'identifier
Eccélos avec Occélos. Contre cette identification, voir Thesleff 4, p . 13 n . 1.
Occélos de Lucanie (DK 48) est un pythagoricien beaucoup plus connu. On lui attribuait
un ſepi tñs toŨ Tavtoç qúoewç conservé et d 'autres traités pseudépigraphes (voir la lettre
d'Archytas à Platon citée par Diogène Laërce VIII 80 ). Il est mentionné, plus haut dans le
Catalogue de Jamblique, avec son frère Occilos, comme pythagoricien de Lucanie (Jamblique,
V . pyth . 36 , 267).
Dans plusieurs notices des deux premiers tomes du DPhA, nous avons présenté par erreur
comme étant " de Leucade” des pythagoriciens d 'origine “ lucanienne" (ethnique Aevxavóc).
ECCÉLOS DE LUCANIE EI
C 'est le cas d'Arésandros, Arésas, Byndacos et Cérambos. L 'erreur a été à juste titre signalée
par 70. Masson, « Sur quelques noms de philosophes grecs. A propos du Dictionnaire des
philosophes antiques, vol. II » , RPh 68, 1994, p . 231-237,notamment p . 233.
O .Masson rejette lui aussi la correction de Deubner retenue dans la notice sur Byndacos.
Selon lui, Eccélos, le deuxième frère de Byndacô, serait l'Occilos du passage antérieur du
Catalogue.
BRUNO CENTRONE et RICHARD GOULET.

2 ECDÉLOS DEMÉGALOPOLIS RE (s.V.« Ekdémos» ) IIIa


Élève d'Arcésilas (MA 302), fréquemment cité dans les sources en compa
gnie de Démophanès (MD 75). Voir Polybe X 22, 2 ; Plutarque, Philop. 1 ;
Pausanias VIII 49, 1, et la Souda, s.v. Dioroiunv, Ø 409, t. IV , p. 731 Adler ).
K . Ziegler (RhM 83, 1934 , p. 228 -233) a démontré que la forme correcte des
deux noms était Démophanès et Ecdélos, et non pasMégalophanès et Ecdémos.
On ne peut séparer la reconstruction de la biographie d'Ecdelos de celle de
Démophanès. Ils étudièrent ensemble auprès d' Arcesilas, qui fut scholarque de
l' Académie à partir de 268-264, et ils s'honoraient d'avoir été les maîtres de
Philopoemen. Contraints à l'exil, ils organisèrent un complot contre Aristodé
mos, le tyran de Mégalopolis, et participèrent à l'entreprise d’Aratos contre
Nicoclès, le tyran de Sicyone (selon Plutarque, Aratos 4 -9, seul Ecdélos intervint
dans ce dernier épisode ). Enfin ils furent invités à Cyrène pour préparer une
nouvelle constitution et réorganiser la cité (A . Laronde, Cyrène et la Libye
hellénistique , Paris 1987, p. 381-382).
La succession chronologique des deux premiers événements est controversée
(entre 251 et 250 ). Polybe (X 22, 2) et Plutarque (Philop. 1)mentionnent la libé
ration de Mégalopolis avant celle de Sicyone,mais la valeur de ce renseigne
ment a été mise en doute par Beloch, Porter et Will, qui intervertissent les deux
dates (voir les indications bibliographiques dans le commentaire de D . P. Orsi,
dans M . Manfredini et V . Antelami (édit.), Plutarco. Vita di Arato e di Arta
serse,Milano 1987, p. 198 ).
Cf. H . von Arnim , art. « Ekdemos », RE V 2, 1905 , col. 2159; H . Dörrie , art.
« Ekdemos » , KP III, 1975 , col. 221 ; F . W . Walbank , A Historical commentary
on Polybius, t. II, Oxford 1967, p . 223-224.
TIZIANO DORANDI.

ECDÉMOS + ECDÉLOS
3 ÉCHÉCLÈS D 'ÉPHÈSE RE 2 IV -III
Diogène Laërce (VI 95) le présente comme un disciple de Cléomène
(MC 163) et de Théombrote , tous deux disciples de Cratès le Cynique (> C
205), et comme le maître du philosophe cynique Ménédème. Voir M .- O . Goulet
Cazé, « Une liste de disciples de Cratès le Cynique en Diogène Laërce 6 , 95 » ,
Hermes 114 , 1986 , p. 247-252.
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
E5 ÉCHÉCRATÈS DE PHLIONTE
4 ÉCHÉCRATEIA DE PHLIONTE
Pythagoricienne dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth .
36 , 267, p. 147, 3 Deubner.
(Cf. T . Dorandi, « Assiotea e Lasteneia . Due donne all'Accademia » , AATC 54, n.s. 40,
1989 , p . 60 , qui la met en rapport avec l'Échécratès de Phlionte du Phédon (voir notice sui
vante ) . L.B.
Il importe de rappeler que plusieurs des pythagoriciennes du passage de Jamblique sont les
épouses, les sæurs ou les filles de pythagoriciens également répertoriés; entre père et fille ou
entre frère et seur, les nomssont souvent semblables: Cheilonis ( C 108 ), fille de Cheilon de
Sparte ( * C 107), Habrotéleia (MH 1), fille d'Habrotélès de Tarente (MH 2). Parfois le lien de
parenté n 'est pas rappelé ,mais peut être déduit de la présence d'un pythagoricien dans la liste :
il y a une Tyrsénis de Sybaris et un Tyrsénos de Sybaris, une Peisirrhode de Tarente et un
Peisirthodos de Tarente. Échécrateia de Phlionte pourrait donc être apparentée à Échécratèsde
Phlionte (p . 144 , 15 Deubner). R .G .)
BRUNO CENTRONE.
5 ÉCHÉCRATÈS DE PHLIONTE RE (+ RESuppl. III) V -IV
Pythagoricien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 ,
267; p. 146 ,6 Deubner. On rencontre égalementdans le catalogue un Échécratès
(RE6) parmi les pythagoriciens de Tarente (p. 144, 15 Deubner).
Témoignages. 1 DK 27 (53); 2 M . Timpanaro Cardini, Pitagorici. Testimo
nianze e frammenti, fasc . II, Firenze, 2e éd., 1969, p. 426 -429 (incomplet).
Cf. 3 E . Wellmann, art. « Echekrates» 3, RE V 2 , 1905, col. 1909- 1910 ;
4 W . A . Oldfather,art.« Echekrates » , RESuppl. III, 1918,col.417-418.
Le témoignage le plus ancien est celui du Phédon de Platon . Phédon y raconte
à Échécratès le conversation qui s'est déroulée dans la prison entre Socrate et ses
disciples, avant l'exécution de la sentence. On peut déduire du passage 57 a-b
qu 'Échécratès était originaire de Phlionte et que la rencontre avec Phédon se
situe dans cette localité. Au cours de la conversation , Échécratès interrompt deux
fois le récit de Phédon (Phédon 88c et 102 a ). La première interruption est parti
culièrement significative, dans la mesure où Échécratès se montre fort intéressé
par la doctrine de l'âme-harmonie que vient de rappeler Simmias et qui sera
ensuite réfutée par Socrate. C 'est surtout sur la base de ces détails qu'il est per
mis de confirmer les renseignements concernant l'existence d'une communauté
pythagoricienne à Phlionte et l'allégeance pythagoricienne d 'Échécratès, affir
mée de façon explicite par d 'autres auteurs: Diogène Laërce VIII 46
(= Aristoxène, fr. 19 Wehrli) mentionne Échécratès avec Xénophile de Chal
cidique de Thrace, Phanton , Dioclès (2 + D 116 ) et Polymnastos, ces trois derniers
originaires de Phlionte, parmi les derniers pythagoriciens qu ’Aristoxène aurait
connus et qui auraient été les auditeurs de Philolaos et d'Eurytos (~+ E 150);
Jamblique, V . pyth . 35 , 251, p. 135 , 3-8 Deubner, qualifie de philosophes « des
plus sérieux » (OTOUDALÓTATOL) ces mêmes pythagoriciens qui conservèrent les
enseignements et les coutumes de la secte en voie d'extinction. Diodore de Sicile
(XV 76 , 4 ) situe ces derniers” pythagoriciens vers 366 /5 av. J.-C (Ol. 103, 3).
Dans la neuvième lettre pseudo-platonicienne, adressée à Archytas (P - A 322 ), -
S
CR ATÈ O NTE
54 ÉCHÉ DE PHLI E5
lettre censée avoir été écrite après le premier voyage de Platon en Sicile et donc
en 3879 au plus tôt – l'auteur prétend avoir soin d 'Échécratès, fils de Phrynion ,
présenté comme un veavíoxoç; on peut se demander si ce qualificatif pouvait
convenir à Échécratès vers 388 avant J.- C. (Oldfather 4 , col. 417, se montre
favorable à cette hypothèse , parce que le père d 'Échécratès, selon Polybe (XII
10 , 7- 8 ), fut chargé d 'une ambassade par Denys l'Ancien : Échécratès devait
donc être plus jeune que Platon ) ; la lettre n 'a cependant aucune valeur histo
rique, voir 5 W . Burkert, Lore and Science, p . 92 n . 40. Selon 6 J . Kerschen
steiner ( édit.), Platon. Briefe , hrsg. von W . Neumann , München 1967, p . 218, il
s 'agirait d'un personnage inventé par l'auteur de la lettre pseudépigraphe qui se
servait des noms de pythagoriciens célèbres. Selon 7 F . Novotny, Platonis
Epistulae, Brno 1930, p . 272, il s'agirait plutôt d 'Échécratès de Tarente ( » E 6 ),
pythagoricien qui apparaît lui aussi dans le Catalogue de Jamblique.
D 'autres témoignages montrent qu 'Échécratès était en rapport avec des
Locriens. Dans Cicéron, De finibus V 29, 87 (cf. Val. Max. VII 7 , ext. 3), Pison
(= Marcus Pupius Piso Calpurnianus, consul en 61) rapporte que Platon se rendit
à Locres auprès des pythagoriciens Échécratès, Timée et Arion (* * A 334 ). C ' est
à un certain Échécratès que l' historien Polybe dit avoir emprunté des informa
tions sur les Locriens (XII 10 , 7 = Timée (de Tauroménium ), FGrHist 566 F
12 ) ; il s'agit très probablementdu nôtre : voir Burkert 5 , p . 92 n . 40.
8 F. Prontera, « Echecrate di Fliunte un Pitagorico ? » ,AATC 39, 1974, p. 3
19, et 9 Id ., « Gli “ ultimi” Pitagorici. Contributo per una revisione della tradi
zione » , DArch 9 -10, 1976 - 1977, p . 267 -332, a mis en doute le pythagorisme
d 'Échécratès et la réalité historique d' un cercle pythagoricien à Phlionte. Selon
10 C. Rowe, Plato . Phaedo, Cambridge 1993, il n' y aurait pas lieu de douter du
pythagorisme d 'Échécratès,même s 'il ne fut pas orthodoxe. 11 T . Ebert, Sokra
tes als Pythagoreer und die anamnesis in Platons Phaidon , Stuttgart 1994,
notammentp . 5 n . 2, insiste lui aussi sur le pythagorisme d 'Échécratès.
[Il y a dans la liste de Jamblique (p. 147, 3 Deubner) une Échécrateia de Phlionte (> · E 4 )
qui pourrait être sa seur ou sa fille. R. G .)
BRUNO CENTRONE.
6 ÉCHÉCRATÈS DE TARENTE
Pythagoricien dont le nom figure dans le Catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 ,
267 ; p . 144, 15 Deubner. Il faut sans doute le distinguer de son homonyme, plus
célèbre, originaire de Phlionte (3- E 5). Selon F. Novotny, Platonis Epistulae,
Brno 1930 , p. 272, il faut l'identifier avec le jeune Échécratèsmentionné dans la
neuvième lettre pseudo-platonicienne. Voir la notice précédente.
BRUNO CENTRONE.
7 ÉCHÉCRATIDÈS DE MÉTHYMNE RE 2 Miva
Philosophe péripatéticien , « familier » (ouvons) d' Aristote de Stagire ( M+A
414 ),mentionné par Étienne de Byzance, Ethnica (Epitome), p. 449, 18 Meine
ke, avec d 'autres compatriotes originaires de Méthymne sur l'île de Lesbos.
E9 ECPHANTE (PSEUDO-) 55
A . Wiedersich, art. « Echekratides» 1a, RESuppl. IV , 1924, col. 269, le rap
proche d 'Échécratidès, sophiste emprisonné par Alexandre le Grand à Sardes.
Alexandre le libéra, avec d'autres détenus, à la demande de Phocion (cf. Élien ,
Var. Hist. I 25, et Plutarque, Phocion 18, 6 ).
Voir aussi A . Wiedersich, Prosopographie der Griechen beim Perserkönige, Diss. Breslau
1922, nº 84 ; H . Berve, Das Alexanderreich auf prosopographischer Grundlage, München
1926 , t. II, n° 333.
RICHARD GOULET .
8 ECPHANTE DE CROTONE RE 3 V -IVa ?
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267 ; p . 143, 20 Deubner. Il était originaire de Crotone selon Jam
blique, de Syracuse selon les doxographes (voir Aétius I 3, 19 (DDG 286 ) ;
Hippolyte , Philos. I 15, li. 1- 19 (DDG 566 , 11- 19]).
Témoignages. 1 DK 51 (38); t. I, p . 442 ; 2 M . Timpanaro Cardini, Pita
gorici. Testimonianze e frammenti, fasc. II,Firenze 1962, 25 (51), p. 416 -421.
Le nom d 'Ecphante est principalement lié à une hypothèse atomiste et à un
système astronomique géocentrique selon lequel la terre tourne autour de son
propre axe. Selon une thèse ancienne de 3 P. Tannery, « Pseudonymes an
tiques » , dans Mémoires scientifiques IX , Paris 1897, p. 232, et « Ecphante de
Syracuse » , dans Mémoires scientifiques VII, Paris 1898 , p . 249, l'existence
historique d 'Ecphante ne serait pas du tout certaine et, en tout état de cause, les
témoignages sur sa doctrine remonteraient à un dialogue d'Héraclide le Pontique
(» H 60) dont Ecphante et Hicétas auraient été les protagonistes; d'autres
savants se sont prononcés en sens contraire ; sur cette question , voir 4 E . Zeller
et R . Mondolfo, La filosofia dei Greci nel suo sviluppo storico , I 2 , Firenze
19502, p. 349 ; 5 W .K . C .Guthrie ,History ofGreek Philosophy, t. I, p. 323-327 ;
6 F. Wehrli, Die Schule des Aristoteles, Heft VII :Herakleides Pontikos, Basel/
Stuttgart, 1953, 19692, p. 96 ; 7 W . Burkert, Lore and Science, p . 341 et n . 17- 19 .
En admettant la réalité historique de ce personnage, il reste difficile d'établir sa
chronologie ; la présence de conceptions atomistes et du géocentrisme permet
tent de penser qu 'il était postérieur à Philolaos et contemporain d'Archytas
( > A 322).
BRUNO CENTRONE .

9 PSEUDO -ECPHANTE
Sous le nom d'Ecphante ont été transmis par Stobée IV 6 , 22 et IV 7,
64.65 .66 quatre fragments d'un llepi Baocheias (Sur la royauté). Contenu : le
roi, être d'essence divine, est à la cité ce que dieu est au cosmos ; il doit ressem
bler le plus possible à dieu par la pratique de la vertu et ses sujets doivent se
rendre semblables à lui, de façon à ce que se réalise dans la communauté
humaine la concorde qui règne dans l'univers.
Éditions et traductions. 1. L . Delatte ( édit.), Les Traités de la Royauté
d 'Ecphante, Diotogène et Sthénidas, Liège 1942. Comprend l'édition (p. 25 -37),
56 ECPHANTE (PSEUDO -) E9
la traduction (p . 47-52) et un commentaire de ces fragments (p . 164-244 ) ; 2 . H .
Thesleff, The Pythagorean texts, p . 79 , 1 -84, 8 . Une traduction anglaise due à T .
Taylor ( 1822) et à K . S . Guthrie ( 1920) a été reprise dans 3 R . Navon , The
Pythagorean Writings, p . 96 - 100 , et dans 4 D . R . Fideler, The Pythagorean
sourcebook and library, p . 257-259; une traduction incorporée dans le texte de
la monographie se trouve également dans 5 E . R . Goodenough, « The Political
Philosophy of Hellenistic Kingship » , YCIS 1 , 1928, p. 55- 102, cf. p . 75-78 ; 83
84 ; 86 -89. Traduction italienne dans 6 A . Squilloni, il concetto di “ regno ” nel
pensiero dello ps. Ecfanto . Le fonti e i trattati PERI BASILEIAS, Firenze 1991,
p . 22-29.
Datation . IIIa selon Goodenough 5 passim ; 7 T. A . Sinclair, History ofGreek
p e l o n i t i cal he1961
political thought, London 1951, p . 294 ; 8 H . Thesleff, An Introduction to the
u s t ,p.
Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p . 65 -70 ; 100 - 101 ;
109 ; avec des réserves: 9 G . J. D . Aalders , Political thought in Hellenistic times,
Amsterdam 1975, p . 27-28 et n . 96 ; 1-IIP selon Delatte 1, p . 282-290, notamment
p . 285 ; 10 W . Burkert, « Zur geistesgeschichtlichen Einordnung einiger Pseudo
pythagorica» , dans Pseudepigrapha I, Vandæuvres/Genève 1971, p . 25-55,
notamment 52 -55 , suggère que l'ouvrage a pu être composé sous les Sévère, à
l' époque de l'impératrice Julia Domna ( † 217) ( > I 42); une datation à l' époque
de Domitien (81-96 ) a été proposée par Squilloni 6 , p. 60 ; 188- 197 ; on y
trouvera égalementun status quaestionis complet, p . 35-43.
BRUNO CENTRONE.
10 ECPÔLOS
Ce nom apparaît dans une liste de philosophes cités par Stobée, qui a été
conservée par Photius, Bibl. cod. 167, p . 114 a 33 Bekker. Le passage correspon
dant dans l'Anthologie est un extrait sur la justice du pythagoricien Pôlos de
Lucanie (Èx Názov lludayopelov AevxavoŨ) [RE 4 ), nom que l'on a corrigé
en Eccélos de Lucanie (» E 1).
RICHARD GOULET.

11 EGNATIUS RE 9
Auteur d 'un poème didactique en plusieurs livres, intitulé De Rerum Natura,
dont deux passages du premier livre sont cités par Macrobe, Saturnalia VI 5 , 2 ;
VI 5 , 12. Le titre et le style des extraits suggèrent la volonté d 'imiter Lucrèce. Il
n 'est pas possible d 'assigner une date précise à l'activité littéraire d 'Egnatius.
Cf. O . Skutsch , art. « Egnatius» , RE V 2 , 1905, col. 1993- 1994.
STEPHEN GERSH .

EGNATIUS → CELER (P .EGNATIUS -)


EGRILLUS → EUARETUS ( Q. A . E . -)
E 15 ÉLIAS
12 EIRÉNAIOS DE MILET Іта
Dédicataire d'un ouvrage de Démétrios Lacon (~+ D 60 ) conservé dans
PHerc. 1012 et édité par E . Puglia , Demetrio Lacone. Aporie testuali ed esege
tiche in Epicuro (PHerc. 1012 ), Napoli 1988 , col. LXXIV 1-4 : Treborn
μέν χάρις τωι μεθ' ημών] Η φιλοπονώτατα φιλοσοφήσαντι και της καλής
M [l]ań tov un ánootávti Bià | Tavtòs Eipnvaíwi, « Je suis rempli de la plus
grande reconnaissance envers Eirénaios qui a philosophé avec moi dans les tra
vaux les plus pénibles et qui n 'a jamais quitté la belle Milet» . L 'attribution du
PHerc. 1012 à Démétrios Lacon permet de dater Eirénaios du Irº. Eirénaios, ori
ginaire de Milet, fut disciple de Démétrios (E . L . Hicks, CR 1 , 1887, p. 188) pen
dant le séjour de ce dernier sur cette île.
Une identification a été envisagée,mais reste incertaine, avec le personnage homonyme,
père adoptif du navarque Méniscos de Milet, qui est honoré avec Asclépliade de Clazomènes
et Polystrate de Caryste pour avoir aidé les Romains pendant la guerre sociale (90 -88 av. J.
C .) dans une inscription gréco-latine datée de 78a (IGUR 1 118). Cf. Puglia , p. 43-45.
TIZIANO DORANDI.
13 EIRISCOS DE MÉTAPONTE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p. 144, 5 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
ELENXINOS → ALEXINOS D 'ÉLIS
14 ELEUC ( H )ADIUS DM II
Évêque confesseur de Ravenne dans la première moitié du lie siècle . Il aurait
été philosophe avant de se convertir au christianisme à l' instigation d'Apolli
naire de Ravenne.
Cf. W . M . Sinclair, art. « Eleuchadius», DCB 11, 1880 , p. 74 ; G . Lucchesi,
Note agiografiche sui primi vescovi di Ravenna, Faenza 1941, p. 97- 110 ; S .
Benz , art. « Eleucadius » , DHGE XV, 1963, col. 143 ; G . Lucchesi, art. « Eleu
cadio » , Bibliotheca Sanctorum , t. IV , Roma 1964, col. 1002- 1003.
RICHARD GOULET.
15 ÉLIAS RE 2 PLRE III :6 F VI
Philosophenéoplatonicien, commentateur d'Aristote .
Études d 'orientation . 1 W . Kroll, art. « Elias » 2, RE V 2 , 1905, col. 2366 ;
2 L . G . Westerink, « The Alexandrian commentators and the introductions to
their commentaries », dans R . Sorabji (édit.), Aristotle transformed. The Ancient
Commentators and their influence, Ithaca (N . Y.), Cornell Univ . Pr., 1990 ,
p. 336 -339 ; 3 Id ., Introduction dans L . G . Westerink, J. Trouillard et A . Ph .
Segonds (édit.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, CUF, Paris 1990,
P. XXXI-XXXVI; 4 S . S. Arevšatyan , « L 'héritage de David l'Invincible sous une
lumière nouvelle » , BanberMatenadarani 9, 1969, p. 7-22 (en arménien , avec un
résumé français) ; 5 Id., The development of philosophy in ancient Armenia, Vth.
58 ÉLIAS E 15
vith centuries, Erevan 1973, p. 275-285 (en russe, non vidi) ; 6 J.-P. Mahé,
« David l’Invicible dans la tradition arménienne », dans I. Hadot (édit.), Simpli
cius, Commentaire sur les Catégories, fasc. I, coll. « Philosophia antiqua » 50,
Leiden 1990 , Appendice II, p. 189-207 ; 7 E . Thorossian , « David the Invincible
as an interpreter of Aristotle 's Categories » , dans David the Invincible, the great
philosopher of ancient Armenia . Publication of the Armenian SSR Academy of
Sciences. Erevan . Selected papers presented on the occasion of the 1500th
anniversary of David at the symposium held in Erevan , May 1980 , and the
session held on Moscow , June 1980 (paru en 1983) (non vidi].
Bibliographie . 8 R .W . Thompson , A Bibliography of classical Armenian
literature to 1500 A.D ., coll. « Corpus Christianorum » , Turnhout 1995, p. 45 .
Euvres. ( 1) Prolégomènes à la philosophie (12 leçons). CAG XVIII 1, 1900,
p. 1-34 Busse . Ce texte estdirectement suivide (2 ).
(2) Prolégomènes et Commentaire de l'Isagogè de Porphyre. Ibid., p. 35- 104
(leçons 13-40).Le commentaire textuel commence p. 40 , 1 Busse .
Ces deux textes qui n 'en forment qu'un ont été transmis sans nom d'auteur;
ils ont été attribués à Élias par 9 V . Rose, Aristoteles pseudepigraphus, Leipzig
1863, p. 71 et 181, 10 Id ., Leben des heiligen David von Thessalonike griechisch
nach der einzigen bisher aufgefundenen Handschrift, Berlin 1887, p. VIII n. 1,
puis par A . Busse .
( 3) Bien que l'ouvrage ait été transmis sous le nom du philosophe David
( D 23), Busse a de même édité sous le nom d 'Élias des Prolégomènes à la
philosophie d 'Aristote, introduisant à un Commentaire des Catégories. Ibid .,
p . 107 -255. Ce commentaire - dans la suite de cette notice nous le désignerons
comme étant celui de “David /Élias” – qui, à la différence du précédent et du
commentaire sur les Premiers Analytiques cité plus loin , n'est pas découpé en
leçons (npáčelC ), aborde le texte des Catégories à la p. 135 , 1. Une datation
approximative est fournie par le fait que l'auteur cite l'æuvre de Jean Philopon,
disciple d'Ammonius d'Alexandrie (in Categ., p. 246, 14-15). La version armén
ienne a été éditée par 11 S. S . Arevšatyan , Erkasirut'iwnk ' p 'ilisop'ayakank'
( Euvres philosophiques), Érévan 1980 [réimpriméen 1989), p. 193- 300.Notons
que cette version arménienne est mutilée et ne porte pas de titre (voir Mahé 6 ,
p . 195). Une édition antérieure, due à 12 H . Manandean , Meknut ’iwn
Storogut'eanc'u Aristotēli enc'ayeal Eliasi Imastasiri, Saint-Pétersbourg 1911,
attribuait le commentaire à Élias. 13 A .K . Sanjian (édit.), David Anhaght' the
“ Invincible " philosopher, coll. « Studies in Near Eastern Culture and Society » 7,
Atlanta 1986 , XVI-150 p., dans son introduction, p. 8- 9, rapporte que « the
Armenian version has survived in a single defective manuscript copy (now at the
Matenadaran in Erevan .MS Nº 1930 ), which lacks the beginning and the end of
the text. »
C 'est donc à tort que, dans DPHA I, p. 438, nous avons écrit que l'attribution à David était
soutenue par la tradition grecque et arménienne unanime. Après avoir indiqué les titres des
versions arméniennes des trois euvres attribuées à David par la tradition grecque, Mahé 6 ,
p . 195 , écrit : « Les deux æuvres qui ont un titre sont attribuées à Dawit'... » , ce qui semble
E 18 ÉLIAS 59
bien impliquer que la troisième est transmise de façon anonyme dans l'arménien . Voir aussi
J.-P . Mahé, art. « David » , Neue Pauly III, 1997, col. 337 -338 : « die Zuweisung dieses Werkes
(= Erklärung der zehn Kategorien ) an David ist im Armen . zufällig nicht direkt bestätigt, da
der Text zu Beginn beschädigt ist». Pour les problèmes d'authenticité, voir plusbas.
Sanjian 13, p . 8 , soutient que l' attribution à David du commentaire sur les Catégories a été
définitivementdémontrée par Sen Arevšatyan . Fort curieusement, c 'est apparemment la seule
apparition de ce commentaire dans les actes de colloque entièrement consacré à David .
Sanjian rappelle (p . 10 ) que pour Arevšatyan , David serait également l'auteur de la Hiérarchie
céleste et de la Hiérarchie ecclésiastique attribuées à Denys l'Areopagite (™D 85 ). Il ne
semble pas que cette thèse ait emporté l'assentiment.
Manandean 16 (cité plus loin ), a supposé, de son côté, que ce commentaire sur les Caté
gories était en fait d'Olympiodore , lequel aurait porté, à la suite de son baptême, le nom
d ' Elias.
Dans un travail malheureusement encore inédit, Agnès Ouzounian , grâce à une comparai
son méthodique entre le texte grec et la version arménienne de l' introduction de ce commen
taire, a repéré des passages conservés uniquement en arménien et en a proposé une rétrover
sion en grec . Selon Mme I. Hadot, l'examen de ces divers passages établirait la supériorité de
la version arménienne sur le texte grec transmis par lesmanuscrits.
(4 ) Scholies sur le De Interpretatione, éditées par Busse, CAG IV 5, 1897,
P . XXVI-XXVIII.
Une comparaison mériterait d 'être faite avec un commentaire du De Interpretatione
conservé uniquement en arménien . Les manuscrits l'attribuent à David , mais, sauf Arevšatyan ,
les spécialistes ont rejeté cette attribution. Voir Mahé 6, p. 195 n. 37.
(5 ) Début d'un commentaire sur les Premiers analytiques, édité par 14 L .G .
Westerink , « Elias on the Prior Analytics» , Mnemosyne 14 , 1961, p. 126 -139,
repris dans Texts and studies in Neoplatonism and Byzantine literature.
Collected papers, Amsterdam 1980, p. 59-72 (à partir du Parisinus gr.678 ). Ce
commentaire , quimentionne l'exégèse d'Eutocius (2 - E 175) sur l’ Isagogè de
Porphyre, mériterait d ' être comparé avec un commentaire de David sur les Pre
miers analytique, conservé seulement en arménien et édité par 15 S . S.
Arevšatyan , Meknut'iwn i Verlucakann Aristotéli( Commentaire sur l'Analytique
d 'Aristote), Érévan 1967, avec une traduction russe. 16 Y .Manandean, Yunaban
dproc'ě ew nra zargac'man šrjannerė (L 'École hellénisante et les étapes de son
développement), Vienne 1929, p . 66 -67, s'était autrefois prononcé en faveur
d'une attribution à Élias.
Cf. Westerink, p.XXXVII n. 102: « Youri Chitchaline, Moscou, dans une lettre d 'avril
1989, constate des rapports très étroits entre ce commentaire ( = la version arménienne ) et celui
d' Élias [ = le commentaire publié par Westerink ]» . Selon Arevšatyan 4 , l'auteur du commen
taire sur les Analytiques citerait Eutocius (comme le fait l' Elias de Westerink ) et Olym
piodore.
(6 ) Élias (in Isag., p. 39, 31-32) annonce un commentaire sur l'Apodictique
(= Analytiques postérieurs ), où serait démontré le lien rattachant l’ Isagogè de
Porphyre à l'ensemble de la logique aristotélicienne : åváyktai (scil. tò npo
κείμενον βιβλίον) δε υπ' ουδέν μέρος της φιλοσοφίας, αλλ' υπό το όργανον
αυτής , φημί την λογικήν, ώς δειχθήσεται συν θεώεν τη Αποδεικτική.
Sur ce thème, voir aussi Ammonius, in Isag., p . 23, 19 -23 : ÚTÒ dè tò loyixòv õpravov
ανάγεται της φιλοσοφίας το προκείμενον βιβλίον διδάσκει γάρ τα εις τας αρχάς της
αποδείξεως συντελούντα, ήτις εστί τω γένει συλλογισμός, δς είδός έστι του συνθέτου
Nóyou, ognálev yÉVEL Éoti Nóros. Voir aussi David ,In Isag., p. 94, 7-9.
60 ÉLIAS E 15
(7 ) Tepi aipéoewV, peut-être un Commentaire du De Sectis deGalien . L 'ou
vrage estmentionné par Élias dans ses Prolégomènes à l'Isagogè, p . 6 , 7- 9
Busse (uç elontal Év TQ Hepìaipéoewv).
(8) Sous le nom de David ou d 'Élias a été conservé dans quelques manuscrits
un commentaire sur l'Isagogè qui ne serait d'aucun de ces deux auteurs, mais
proviendrait de la même école. Le texte a été édité par 17 L .G . Westerink ( édit.),
Pseudo-Elias (Pseudo- David) Lectures on Porphyry 's Isagoge. Introduction, text
and indices, Amsterdam 1967, XVIII- 160 p. Les sept premières leçons n 'ont pas
été conservées. L 'auteur, qui suit de près l'exégèse de David (voir le tableau
donné par Westerink 17, p. XII), est un Chrétien et cite des passages de la Bible .
Il manifeste une grande familiarité avec la littérature médicale ,semble connaître
Alexandrie et vit apparemment à Constantinople . Selon 18 W . Wolska-Conus,
« Stéphanos d ' Athènes et Stéphanos d' Alexandrie . Essai d ' identification et de
biographie » , REByz 47, 1989, p. 5 -89, notamment p. 68 -82, l' auteur serait
Stéphanos.
(9 ) Enfin , sans se prononcer pour un auteur précis, L.G .Westerink rattache à
l'école d 'Olympiodore et d 'Élias la composition des Prolégomènes anonymes à
la philosophie de Platon. Il s'agirait d'un « compte rendu de cours donnés par
l'un des successeurs d 'Olympiodore dans la seconde moitié du vie siècle»
(Westerink 3, p. LXXXIX ).
Élias, commeDavid ,apparaîtdans les scholies d'époque byzantine. Voir 19 M . Roueché,
« Byzantine philosophical texts of the seventh century» ,JEByz 23, 1974 , p .61-76.
Problème de l'attribution du commentaire sur les Catégories. L ' attribu
tion à Élias des textes ( 1)- (2 ), transmis sans nom d 'auteur, et ( 3), transmis sous
le nom de David par la tradition grecque, a été fondée par A . Busse sur un
ensemble d'arguments rappelés dans la préface de son édition (CAG XVIII 1,
1900 ; voir aussi sa préface à l' édition de l’ Isagogè, CAG IV 1, 1887, p . XXXVI
sqq.). Si l'attribution des Prolégomènes et du Commentaire sur l’Isagogè, fondée
essentiellement sur des utilisations de passages précis du commentaire dans des
scholies byzantines qui les connaissent comme des extraits d '“ Élias" (CAG IV 1 ,
1887, p . XXXVIII-XL ; CAG XVIII 1 , 1900 , p . V -VI), ne semble pas avoir été
remise en cause, l'attribution à Élias du commentaire sur les Catégories ne peut
plus, depuis quelques années, être considérée comme généralement acceptée. Il
importe donc d 'examiner d ’un peu plus près les arguments avancés pour et
contre cette attribution , en tenant compte des objections soulevées par
Arevšatyan 4 et Mahé 6 , p . 197-203.
Busse a noté des divergences entre certaines affirmations de ce commentaire
(“ David/ Élias" ) et des points de vue exprimés par David dans ses Prolégomènes.
(a) David , in Isag., p . 94, 8 , annonce qu'il étudiera dans son commentaire aux Catégories
la question de savoir si la logique est une partie ou un instrument de la philosophie (ń OÈ
λογική είτε μέρος εστί της φιλοσοφίας είτε όργανον εν ταίς Κατηγορίαις μαθησό
peda ). (On trouve une telle annonce à la fin de la partie introductive de l'in Isag. d 'Ammo
nius (p . 23, 23-24) : ń oĖ Royixń où uépoc tñs pilooopiac ár opravov, ús év ÉTÉOW
delbouev. Voir demême, chez Olympiodore, Prolegomena, p. 1, 14 -15: IntoWuEv TÓTepov
Mépoç ñ opravov tñs piloooplaç ń Noyixeń , qui renvoie aux explications fournies p. 14, 18 -
E 18 ÉLIAS 61
18 , 12 ). Élias, poursa part, dans ses Prolégomènes à la philosophie, p. 26 , 35 - 27, 1, à propos
du même sujet, renvoie à son traitementdes Premiers analytiques: deixOnoetal yåp oùv Dem
έν τοίς Αναλυτικοίς ότι η λογική ου μέρος της φιλοσοφίας, αλλ' όργανον, διότι το μεν
uépoc ouMQUÉS, TÒ dě opravov ÉTeioaxtov. Les deux auteurs se proposaient donc d'aborder
cette question classique dans deux sections différentes de leur cours de logique. Or, selon
Busse, le commentaire de David / Élias ne fournit pas d'explications à ce sujet et ne répondrait
donc pas à l'annonce faite par David.
Pour contester la valeur de cette déduction, Arevšatyan 4 et Mahé 6 (p. 197-198) ont
signalé plusieurs passages de ce commentaire où la logique est présentée comme un
instrument de la philosophie (p . 177, 11-14 ; 118 , 20-22; 118, 34 -35 ; 119, 16 -22).Mais on n'y
trouve pas, nous semble - t-il, d'exposé formel étudiant ce problème ou établissant que la
logique est un instrument ou une partie (ou les deux ), tel qu 'on en trouve par exemple chez
Olympiodore. 20 I. Hadot, dans sa traduction commentée de Simplicius, Commentaire sur les
Catégories, fasc. I, coll. « Philosophia antiqua » 50, Leiden 1990 , p. 167 - 168, ne paraît pas
convaincue par les rapprochements proposés par Arevšatyan , mais considère que l'argument
de Busse ne prouve pas que David n 'est pas l'auteur du commentaire sur les Catégories, du
fait qu 'il a pu changer d'avis sur l'emplacement idéal d'un tel développement sur la nature de
la logique .
Il nous semble cependant que le commentaire d 'Élias sur les Premiers analytiques, édité
par Westerink 14 , fournit une confirmation décisive à la thèse de Busse, car il offre un
développement sur la nature de la logique quirépond parfaitement à la référence de l'in Isag. .
d'Élias ( p . 134, 4 - 137, 3 Westerink , suivi d'un résumé p. 137 , 4 - 138 , 13 ).
Signalons que, selon Manandean 16 , p. 66 -67, un tel développement se lit dans un com
mentaire de David sur l'Analytique (Premiers analytiques, par opposition à l'Apodictique =
Analytiques postérieurs) conservé seulement en arménien . L ' éditeur arménien en a conclu que
l'ouvrage doit en conséquence être retiré à David et être restitué à Élias. Voir Mahé 6 , p . 202
qui conteste, à la suite d 'Arevšatyan cette conclusion . Il est en fait possible que ce commen
taire corresponde au commentaire grec maintenant publié parWesterink (5).
Résumons les différents points de ce difficile problème. ( 1) David annonce qu'il traitera de
la logique comme partie ou instrument de la philosophie dans son Commentaire sur les
Catégories. L ' In Isag. de David/Elias n 'offre pas de passage satisfaisant. Il faut logiquement
en conclure que ce commentaire n 'est pas celui qu 'annonçait David et ne peut donc pas être
attribué à David . (2 ) Élias annonce pour sa part qu 'il traitera du problème dans son
Commentaire sur les Premiers analytiques. Or, dans le commentaire d' Élias édité par
Westerink on trouve effectivement un passage développé sur ce sujet. ( 3) On comprend dès
lors que l' In Isag. de David /Éliasne fournisse pas un tel développement et on peut en conclure
qu'il n'est sans doute pasde David ,mais pourrait être d'Élias.
(b ) Busse oppose ensuite les explications fournies par les deux commentateurs concernant
l'origine du nom de l' école péripatéticienne. Selon David, in Isag., p. 121, 8 - 18 , Aristote
n 'aurait pas voulu enseigner dans une chaire par respect pour Platon qui enseignait en se
déplaçant (itepLóutos). L 'explication fournie par David /Élias (p . 113, 2- 4 ) est différente :
cette appellation serait due au fait que l'école d'Aristote était l'héritière de Platon par l' inter
médiaire de Speusippe, lequel enseignait en marchant (xatà trepinatov troLOULÉVov tàs
ÉEnyňoeg). Arevšatyan 4 etMahé 6 (p. 200) ont cependant souligné à juste titre qu 'au début
de cette section (p. 112, 17-20 ), le commentateur expliquait bien le terme de péripatéticien à
partir de la pratique de Platon et non de celle de Speusippe: ånò toũ Mátwvoç xatà nepi
natov TÒS ouvovoias troLOUMÉvou.On pourrait ajouter que, dans la phrase où estmentionné
Speusippe comme relais de transmission de l'héritage de Platon, le participe nolo MÉVOU
pourrait fort bien se rapporter à Platon , plutôt qu'à Speusippe : ŐT! OLEDÉFavto mu oxoanv
του Πλάτωνος, διά μέσου Σπευσίππου, κατά περίπατον ποιουμένου τάς εξηγήσεις, la
formule dià uboov EnevoiNhov se bornantà rappeler qu 'Aristote n'avait pas été l'héritier
légitime de Platon .
62 ÉLIAS Ε 15
( c) Enfin , une dernière opposition concerne l'origine des livres inauthentiques. David
énumère quatre causes (in Isag., p . 81-82) et le commentaire sur les Catégories cinq (in
Categ., p . 128). Le texte, les détails et les exemples fournis de part et d 'autre sont suffisam
ment divergents pour que Arevšatyan 4 etMahé 6 (p. 200-201) reconnaissent surce point leur
embarras. Ils supposent que David a pu compiler de façon différente dans ses deux écrits des
explications traditionnelles divergentes.
Mais l'argument peut- être le plus impressionnant avancé par Busse est un
renvoi que fait David /Élias (colonne centrale ) à ses propres Prolégomènes à
l'Isagogè, à propos de l'enseignement d'Aristote dans son Économique. On
trouve chez David (colonne de droite) un passage parallèle , mais c 'est avec les
Prolégomènes attribués à Élias (colonne de gauche) que l'on peut établir le rap
prochement textuelle plus étroit.
< Élias> , Prolegomena, p . 33, David /Élias, in Categ., David , Prolegomena, p. 74,
2 -7. p. 116, 23-28 17-25 .
διά δε το οικονομικών γέ - αλλά μην και οικονομικά έγραψε δε και τα οικο
γραπται αυτό ο Οικονο- είσιν αυτό γεγραμμένα νομικά, εν οίς περί διοική
μικός το σύνταγμα, εν και βιβλία, ώς το Οικονομικών σεως οίκου διαλέγεται (έν
φησιν εκ τεσσάρων σχέ- σύνταγμα και Περί συμ- θα λέγει ότι τέσσαρά τινα
σεων συγκεκρoτήσθαι τον βιώσεως ανδρός και γυναι- δεί συνδραμείν εις σύστα
οίκον, πατρός προς τέκνα, κός, εν ώ λέγει εκ τεσσά- σιν οίκου: σχέσιν ανδρός
ανδρός πρός γυναίκα, δεσ. ρων σχέσεων συγκεκρο- πρός γυναίκα , στοργήν πα
πότου προς δούλους, εισ- τησθαι τον εύ έχοντα τρός προς τέκνα, δέος οικε
ιόντων προς εξιόντα, ίνα οίκον, πατρός προς τέκνα, των πρός δεσπότην, και ένα
μήτε πλείονα τα εισιόντα ανδρός πρός γυναίκα, δεσ. ή σύμμετρα τα έξιόντα τοίς
των εξιόντων ( φειδωλία πότου προς δούλους, εισ- είσιoύσιν εκατέρα γάρ άμε
γάρ τούτο και ανελευ- ιόντων προς εξιόντα και ως τρία αισχρά έστιν είτε γάρ
θερία) μήτε πλείονα τα είρηται ημίν εν τοις της πολλά ευρεθώσι τα εισιόντα
εξιόντα των εισιόντων Πορφυρίου Εισαγωγής προ- ολίγα δε τα έξιόντα,
(ασωτία γάρ τούτο), αλλ' λεγομένοις . αισχρόν τι συμβαίνει ο γάρ
επίσης . τοιούτος φιλάργυρος ευρί
σκεται, είτε πάλιν ολίγα
ευρεθώσι τα εισιόντα πολλά
δε τα έξιόντα, αισχρόν τι
συμβαίνει ευρίσκεται γάρ ο
τοιούτος άσωτος) , έγραψε
δε και τα πολιτικά .
Une étude lexicographique et stylistique pourrait fournir des indications sup
plémentaires pour clarifier ce problème d'attribution . Signalons par exemple une
formule remarquable, commune à Élias et à David/Élias, et qu 'on chercherait en
vain chez les autres commentateurs, y compris chez David : όψέ ποτε επι
γενόμενος ο Ιάμβλιχος (in Categ., p. 130, 14), a rapprocher de ο γούν Πυθα
γόρας οψέ ποτε επιγενόμενος ( Elias, in Isag., p. 24, 4).
Bien que le vocabulaire de ce groupe de textes, tout comme les exégèses qui y
sont développées, soit largement commun, on retrouve ici et là des termes,
relativement rares, communs à l' in Categ. de David /Élias et à l’in Isag. d'Élias,
mais absents de l’ in Isag. de David . Demême, on peut isoler des termes de l'in
Isag. de David qui n 'apparaissentpas dans les textes d 'Élias ni dans l'in Categ.
En guise de premier échantillon, signalons lesmots suivants :
Ε 18 ÉLIAS 63

David/Élias, in Categ. Élias, in Isag .


διαβιβάζειν, καταβιβάζειν 121, 17; 126, 18; 189, 27 ; 238, 95, 23
31 ; 238, 32
καταλιμπάνειν, παραλιμπάνειν 194, 36 ; 28, 5; 100, 4
επείγειν, κατεπείγειν 185 , 25 ; 220, 22 41, 24 ; 44, 15
μεγαληγορία 204, 13 48, 2 ; 48, 7
παραπλέκεσθαι, περιπλέκεσθαι 201, 21 ; 231, 14 50, 18
παραλογισμός, παραλογίζεσθαι 136, 10 ; 142, 5 ; 178; 2 ; 178, 4 ; 17, 24
178, 6
παρασπίζειν 249, 5 ; 255, 11 24, 33
παραφυάς 201, 20 50, 16 ; 50, 17
προκαταλαμβάνειν 117, 33 ; 138, 13 ; 138, 14 ; 243, 64, 5
24
στενοχωρείσθαι 171, 30 ; 175, 16 90, 9
εξορχήσασθαι (τα απόρρητα) 125, 13 [passage imprimé entre 15, 2
crochets droits par Busse)
αντωπήσαι 125, 25 ; 125, 2 28, 16; 28, 18
Inversement, on constate qu'une formule de transition comme Μαθόντες... έλθωμεν ου
( φέρε) χωρήσωμεν qui revient constamment chez David ( Prolegomena, p. 13, 27 ; 26, 30-27,
1 ; 65 , 11 - 13 ; 76, 29 ; 78, 27 ; in Isag. p. 83, 8 ; 87, 1 ; 91, 22 ; 173, 10; 179, 10; 201, 3 - 4) est
totalement absente de l'in Isag. d'Élias et du commentaire sur les Catégories de David/Élias.
Οι pourrait direla méme chose de la formule similaire Είπόντες ου Ειρηκότες ... έλθωμεν,
λέξωμεν ου (φέρε) χωρήσωμεν (David, Prolegomena, p. 52, 30; 68, 20; 74, 1; in Isag.,
p . 181, 13 ; 197, 22-23 ; 213, 30-31). Pour autant qu'une recherche sommaire permette de
l' établir, ces formules de transition semblent caractéristiques du style de David . Dans le
groupe des commentateurs des Catégories, on ne les trouve ni chez Ammonius, ni chez Olym
piodore , ni chez Philopon , ni chez Simplicius... Et elles sont absentes du texte d 'Élias et du
commentaire sur les Catégories dontnous cherchons à identifier l'auteur (David /Élias).
De leur côté, Élias et David/Élias ont une prédilection pour la formule de transition 'EⓇ'
οίς είπωμεν ( Elias, in Istag., p . 8, 14 ; 39, 20; 93, 30; David/ Elias, in Categ., p. 132, 22 ; 133,
9 ; 133 , 28; 223, 26; 224, 1 : 224, 23) que l' on ne trouve pas chez David ni chez les autres
commentateurs. Les deux auteurs achèvent de même leurs commentaires par des formules
presque identiques.
Élias, in Isag., p. 104, 11-12 David/Élias, in Categ., p. 255, 37-38
ταύτα έχει η παρούσα θεωρία. συγκατα- ταύτα έχει η πράξις. συγκαταπαύεται δε
παύεται αυτή συν θεώ και η πάσα πραγ- αυτή συν θεώ και τα σχόλαια των Κατη
ματεία του Πορφυρίου. γοριών.
Il est intéressant de constater que l' in Isag. édité par Westerink (8 ), qui suit de très près
l'exégèse de David et en reprend parfois les formulations, possède lui aussi des traits sty
listiques propres qui peuvent confirmer qu 'il est d 'un auteur distinct. Signalons la formule de
conclusion presque invariable a la fin de chaque cours : εν οίς συν θεώ η πράξις πληρούται
ου τελειούται et l'introduction des paragraphes par Είπωμεν (legon 19, 8; 18, 17, 19, 9, 19,
19; 19, 30 ; 28, 18 ; 43, 9 ; 44, 11) qu' on ne trouve pas apparemment chez les autres com
mentateurs (voir en revanche Stephanus, Scholia in Hippocratis Prognosticon I 12, li. 36 , rap
prochement qui pourrait confirmer l' attribution à Stephanus proposée par Wolska-Conus 18).
Même lorsque les commentateurs reprennent des exemples scolaires traditionnels, le
contexte de leur emploi peut se révéler significatif, tout comme la terminologie employée.
Prenons comme exemple la formule que Platon aurait inscrite à l'entrée de l'Académie . Cf.
64 ÉLIAS E 15
sur le contexte propre à chaque occurrence de la formule, 21 H . D . Saffrey, « ATENME
TPHTOE MHAEIE EIEIT12 . Une inscription légendaire » , REG 81, 1968, p. 67-87, repris
dans Recherches sur le néoplatonisme après Plotin , Paris 1990, p . 251-271. Dans la version
d'Olympiodore, Proleg., p . 9 , 1 Busse, on lit : ÉnlyEypáddal év tÕ toũ Mátwvog uovoelw
« ůyewuétontos undeis eloitw » . Les deux occurrences qu'on retrouve chez David désignent
le « musée » commeun áxpoarnplov: Proleg., p . 5 , 12 - 13 : 60€v xảv to åxpoampiw ÉTTÉ
Ypapev: « åyewuétontos undeig eioitw » . Ibid ., p. 57, 19-20 : 60€v xai npò toŨ åxpoa
mpſov toŨ oixelov ÉTÉypadev « ůyeWUÉTontos un dels eloitw .» Il peut dès lors être intéres
sant de noter que les deux occurrences du commentaire de David /Élias reprennent, comme
Olympiodore, le terme de «musée » : in Categ., p. 118, 18 -19 : xai dià Mátwva Étlypá
Vavta npò toŨ MOvoelov « ảyewMÉTONTOSundeig eloitw .» Ibid., p. 119 , 3-4 : oủx âv ÉTÉ
ypadev ó Mátwv npò toŨ oixelov povoelou « ůyewuÉTontos un dels eloitw » . Saffrey 21,
p . 84, signale que c' est la formulation de David que reprend l'auteur de l'in /sag. publié par
Westerink 17, p. 34 (leçon 18 , 7).
Constatant que la partie finale du commentaire de David sur l' Isagoge (à
partir de David , p. 219, 25) reprend le texte du commentaire d'Élias (p. 99, 6 , à
partir du lemme tò uÈv Oův yévos), Busse (p. VIII) suppose qu'on a voulu ache
ver ou réparer ce commentaire en empruntant un commentaire voisin issu de la
même école, celui d'Élias, et que, dans la foulée, le commentaire sur les Caté
gories d' Élias a remplacé un commentaire antérieur de David (qui ne serait plus
conservé que dans quelques fragments du ms Vaticanus Urbinas gr. 35, (voir
22 M . Share, Arethas of Caesarea's Scholia on Porphyry 's Isagoge and
Aristotle 's Categories (Codex Vaticanus Urbinas graecus 35 ). A critical edition ,
coll. « Corpus philosophorum Medii Aevi/Commentaria in Aristotelem Byzan
tina » 1, Athènes/Bruxelles/Paris 1994]). Par la suite, le nom de l'auteur du début
des Prolégomènes et de l'in Isag., David , aurait été appliqué au commentaire sur
les Catégories qui venait à la suite .
Westerink 14 , p. 127, résume ainsi les conclusions de Busse : « The commentary on the
Categories is usually preceded by David on the Isagoge (CAG XVIII 2), of which the last
pages are missing and have been replaced by those of Elias, so that a toð aŭtoő in the title of
the following commentary on the Categories would automatically be understood as referring
to David » .
On ne peut donc pas considérer que la thèse de Busse a été gravement remise
en cause par les études de Arevšatyan 4 et Mahé 6 . Les nouveaux arguments
stylistiques quenous avons avancés la conforteraientplutôt.
En faveur d'une attribution à David , Arevšatyan 4 etMahé6 (p. 198 - 199) ont
développé un autre argument digne de considération : le fait que la version
arménienne du Commentaire de David sur l’Isagoge contient trois références,
absentes de la version grecque, à un Commentaire sur les Catégories qui leur
semble bien être le commentaire de David/Élias, où chacun des points évoqués
est clairement exposé.
Il faut cependant relativiser l'importance de ces rapprochements : les trois
sujets annoncés par David font partie des points que tout commentaire des
Catégories devait forcément traiter: (a ) la raison de l'obscurité des écrits de
Platon et d'Aristote (ce point est énuméré, commeun des éléments essentiels du
schéma introductif à l' étude des traités d 'Aristote , par Ammonius, in Categ.,
p. 1, 10 , Olympiodore, Prolegomena, p. 1, 22, et les autres commentateurs);
E 18 ÉLIAS
(b ) la définition de l'homonyme et du synonyme; (c) l' absence de contrariété
entre les essences du fait qu 'elles ne sont pas dans la substance, mais sont des
substances. Tous les commentaires néoplatoniciens pouvaient donc convenir à
de tels rapprochements et on ne peut donc pas conclure de la présence de ces
thèmes dans le commentaire de David /Élias que c'était là le commentaire visé
par David dans les passages de son commentaire sur l’Isagogè.
Il semble donc prudent de considérer que l'attribution à Élias du commentaire
sur les Catégories, transmis par la tradition grecque sous le nom de David, et,
par la tradition arménienne sans nom d 'auteur, ne peut être rejetée avec les
arguments avancés par Arevšatyan et Mahé.
De nombreuses études récentes consacrées à David l' Arménien, parues en arménien ou en
russe, n 'ont pu être examinées pour la rédaction de la présente notice. Pour intéressantes
qu 'elles soient, on retiendra que, la version arménienne du commentaire sur les Catégories
étant conservée sans nom d 'auteur (Mahé 6 , p. 195), le problème de l'identification de l'auteur
de ce traité reste essentiellement un problèmede philologie grecque.
Pour l'histoire de la philosophie, l'identification de l'auteur de ce commen
taire n 'est cependantpas capitale. Car on reconnaît dans ces divers textes moins
des commentaires formels composés par les auteurs eux-mêmes, que des notes
de cours prises par leurs eleves, d' ou la formule από φωνής Ηλίου ou από
Ouvñs Aabíó , qui figure dans les titres. Comme ces maîtres eux-mêmes trans
mettaient un enseignement traditionnel relativement homogène, les rapproche
ments que l'on peut établir ne prouvent pas toujours des dépendances littéraires
incontestables. On retiendra sur cette question les conclusions exposées par I.
Hadot 20, p. 169-182, à propos du schéma introductif commun aux commenta
teurs néoplatoniciens des Catégories d'Aristote . On peut estimer que seules de
nouvelles études stylistiques et lexicographiques, de même que la prise en
compte systématique de la tradition arménienne, permettront de trancher ce
difficile problème d 'attribution.
Sur l'arrière -plan doctrinal commun à ces commentateurs, voir l'étude récente de 23 E .
Tempelis, The School of Ammonius, son of Hermias on knowledge of the divine, Athènes
1998 , 169 p . Sur les Prolégomènes à la philosophie, voir 24 C . Widberg, « Three Neoplatonic
Introductions to Philosophy : Ammonius, David and Elias» ,Hermathena 149, 1990, p. 33-51.
L 'auteur. Le commentaire sur les Premiers Analytiques (texte 5 ) présente
l'auteur comme « philosophe » et « apo -éparque » (årò énápywv), terme qui
serait, selon Westerink 3, p. XXXI-XXXII, un titre honorifique conféré à l'époque
à des hommes de lettres. Le nom d 'Élias atteste son origine chrétienne et le
commentateur reconnaît dans lesmiracles des actes de la Providence (Westerink ,
3, p. XXXVI).Mais, de façon générale , si l'on peut prendre en compte le témoi
gnage du commentaire sur les Catégories, Élias n 'affiche pas nettement ses
convictions chrétiennes et reste même attaché à des doctrines païennes comme
l'éternité du monde (in Categ., p. 120, 16 -17 ; p . 187, 6- 7).
Bien que les textes conservés s'inscrivent essentiellement dans la tradition des
commentaires d'Aristote,Westerink rappelle qu'Élias, comme les autres néopla
toniciens, devait considérer cet enseignement comme une préparation à l'étude
de Platon : voir la formule tà ’AplotoTÉNOUç tūv Mátwvoç cioaywy
66 ÉLIAS E 15
ToLoGuevoç (in Categ., p . 123, 9 -11). Grâce à des rapprochements entre les
commentaires d 'Olympiodore et d 'Élias, Westerink (p. XXXII-XXXVI) a conclu à
un rapport de maître à disciple entre les deux philosophes.
Je remercie Mme I.Hadot, Concetta Luna et Agnès Ouzounian qui m 'ontcommuniqué des
informations précieuses pour la rédaction de cette notice.
RICHARD GOULET.
ÉLIEN → AILIANOS
16 ELLOPIÓN DE PÉPARÈTHOS RE 2 Iva
Plutarque (De genio Socratis 7 ,578 f)mentionne Ellopión de Péparèthos (une
île située au nord de l'Eubée ) comme compagnon de Platon et de Simmias au
cours de leur voyage en Égypte . Il aurait, en compagnie de Platon et de Simmias,
tenu des discussions philosophiques (ouudioOopoŰVTEC) avec Chonuphis de
Memphis ( B + C 112 (où l'on corrigera le nom Hellopión en Ellopión : 'EMoniwv
et non 'EMoniwv]). Cf. P . Natorp ,art.« Ellopion » 2, RE V 2, 1905 , col. 2438 .
TIZIANO DORANDI.
17 ELPIDIUS PLRE : MIV
Philosophe destinataire d 'une lettre de l'empereur Julien (ou plus vraisem
blablement d 'un Pseudo -Julien ) ( Ep. 195, 442 d -443). Aucun détail de la lettre
ne permet d ' établir un rapprochement avec l'un ou l'autre des homonymes dont
on sait qu 'ils ont fait partie de l'entourage de Julien ou qu 'ils ont vécu à cette
époque. Voir 0 . Seeck , art. « Helpidius» 2-5, RE VIII 1, 1912 , col. 207- 208 ; Id .,
Die Briefe des Libanios, Leipzig 1906 , p. 168 -171.
PIERRE MARAVAL .
18 EMPÉDOCLE I/II
Empédoclès est l'un des personnages que Plutarque fait intervenir dans les
Propos de Table (VIII 7 -8 ) : il y participe au banquet donné à Rome par Sextius
Sylla pour fêter l' arrivée de l' écrivain après une assez longue absence, proba
blement au début du règne de Trajan (pour la date , voir B . Puech, « Prosopogra
phie des amis de Plutarque » , ANRW II 33 , 6 , 1992 , p . 4878 -4879) . Il manifeste
une connaissance assez précise des milieux pythagoriciens contemporains, dont
il ne semble pourtant pas faire lui-même partie ; il ditnotamment avoir rencontré
un disciple d 'Alexicratès (34A 124) et cite des propos de Tyndarès de Sparte .
Cf. K . Ziegler, art. « Plutarchos» 2, RE XXI 1, 1951,col.674.
BERNADETTE PUECH.
19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE RE 3 483/2a – 424 /3a
Philosophe “ presocratique”,auteur d 'un poème didactique Sur la nature et de
Purifications. La pensée d'Empédocle nous est également connue par une abon
dante doxographie .
Études d 'orientation . 1 E . Wellmann, art. « Empedokles » 3, RE V 2, 1905,
col. 2507-2512 ; compléments bibliographiques par 2 C .J. Classen, RESuppl.
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 67
XII, 1970, 241[notée 1413-247 ; 3 K . Freeman, The Pre -Socratic philosophers,
p. 172 - 204 ; 4 W . K . C .Guthrie , A History of Greek Philosophy, t. II, p. 122-265.
Un colloque a été consacré à Empédocle en 1997 : 5 Empedocle e la cultura
della Sicilia antica. Illustrazione di un frammento inedito della sua opera. Atti
del Convegno tenuto ad Agrigento dal 4 al 6 settembre 1997 = Elenchos 19 ,
1998 .
Fragments et témoignages (par ordre chronologique). 6 DK 31, t. I, p . 276
375 ; Nachtrag, p. 498 -501; 7 J. Bollack, Empédocle, t. I: Introduction à l'an
cienne physique, coll. « Sens commun » , Paris 1965 ,411 p.; t. II : Les origines.
Édition critique, Paris 1969, XXIV -304 p.; t. III -IV ): Les origines. Commen
taires 1 et 2, Paris 1969, 305 et683 p .; réimpr. dans la coll. « Tel» nºs 201-203,
Paris 1992 ; 8 N . Van der Ben, The Proem of Empedocles ' “peri physios”.
Towards a new edition of all the fragments. Thirty-one fragments edited by
N . V. d. B ., Amsterdam 1975 , 230 p.; 9 C . Gallavotti (édit.), Empedocle. Poema
fisico e lustrale , coll. « Scrittori greci e latini» , Milano 1975, 2e éd. 1993, XXV
357 p .; compte rendu détaillé par 10 D . O 'Brien dans Gnomon 54, 1982, p . 225
234 ; 11 M . R . Wright (édit.), Empedocles, The extant fragments, ed. with an
introd., comm . & concordance by M .R . W ., New Haven, Yale University Press
1981, VIII-364 p . (index verborum : p. 319 -346 ; bibliographie : p . 299 -309) ; 2e
éd ., avec bibliographie complémentaire, London/Indianapolis 1995, VI- 368 p.;
12 B . Inwood (édit.), The Poem of Empedocles : a text and translation with an
introduction by B . I., coll. « Phoenix Supplementary volume» 29, « Phoenix
Presocratics » 3, Toronto 1992, X -320 p. (bibliographie : p . 295- 303).
Nouveaux fragments. 13 H . Hunger, « Palimpsest-Fragmente aus Herodians
Kaboex repoowdia , Buch 5-7, cod. Vindob. Hist. gr. 10 » , J @ BG 16 , 1967,
p . 1-33. Sur les vestiges papyrologiques, voir 14 CPG I** , 1992 , n° 49, p. 145
150. Une découverte récente a mis au jour de longs extraits d'Empédocle . Alain
Martin a bien voulu décrire l'apport du papyrus qu'il a édité en collaboration
avec O . Primavesi.
< Le papyrus de Strasbourg. Un papyrus conservé à la Bibliothèque Natio
nale et Universitaire de Strasbourg (P. Strasb. gr. Inv. 1665- 1666 ) constitue le
seul témoin direct de l'æuvre d'Empédocle .
Le texte du papyrus a été publié par 15 A . Martin et O . Primavesi (édit.), L 'Empédocle de
Strasbourg (P . Strasb. gr. Inv. 1665- 1666 ). Introduction, édition et commentaire, Strasbourg
Berlin 1999, XII- 398 p. et 6 planches photographiques. Sur la provenance du papyrus et l' iden
tification du texte qu 'il porte , voir 16 A . Martin , « D 'Achmîm à Strasbourg, sur les traces
d'Empédocle » , BAB 60 s., 8 , 1997 , p . 121-137 ; 17 Id ., « L 'Empedocle di Strasburgo : aspetti
papirologici » , dans Empedocle e la cultura della Sicilia antica 5 , p . 223-240. Sur l'apport du
papyrus à la critique des fragments de la tradition indirecte et à l'appréciation de la démono
logie d 'Empédocle, voir 18 O . Primavesi, « Editing Empedocles: Some longstanding problems
reconsidered in the light of the Strasburg papyrus » , dans W . Burkert et al. (édit.), Fragment
sammlungen philosophischer Texte der Antike. Le raccolte dei frammenti di filosofi antichi.
Atti del Seminario internazionale Ascona, Centro Stefano Franscini, 22-27 settembre 1996 ,
coll. « Aporemata » 2,Göttingen 1998, p.62-88; 19 Id., « Empedocle: il problema del ciclo
cosmico e il papiro di Strasburgo », dans Empedocle e la cultura della Sicilia antica 5 , p . 241
288 ; 20 Id., Kosmos und Dämon bei Empedokles. Der Strasburger Empedokles-Papyrus und
die indirekte Überlieferung, coll. « Hypomnemata » (souspresse).
CLE NTE
68 EMPÉDO D 'AGRIGE E 19
Le papyrus, dont l'écriture invite à placer la copie vers la fin du jer siècle apr.
J.-C ., a été acquis en 1904, sur le marché des antiquités, à Achmîm (entre
Assiout et Louxor, en Haute -Égypte ).
Là s'élevait dans l'Antiquité la cité de Panopolis. À l'époque protobyzantine, celle-ci fut
un centre littéraire de premier rang (les poètes Triphiodore et Nonnos étaient, entre autres, ori
ginaires du lieu ) et un foyer de résistance de la culture profane. Si lieu d 'achat, provenance et
origine se confondent, le papyrus constitue, deux ou trois siècles plus tôt, un premier indice
d 'une activité d ' enseignement ou d ' érudition à Panopolis, dans le domaine de la philosophie
grecque. Il vaut la peine de noter que c 'est de Panopolis aussi que proviennentles archives du
notable Aurelios Ammon , du IVe siècle, où figure un texte à ce jour unique dans la documen
tation , P . Duke Inv. G 178 : une liste de philosophes grecs, depuis les "présocratiques" jus
qu 'aux stoïciens ; cf. CPFI 1*, p. 81-84, fr. 1 .
Lors de l'achat, le papyrus se trouvait incorporé dans un objet (une couronne
ou un collier) orné de feuilles de cuivre (sans doute doré), dont il formait le
support. Une provenance funéraire est hautement vraisemblable pour un tel
objet : il est permis de penser à l'une des nécropoles d'Achmîm , dont nous
savons qu'elles ont subi des pillages en règle dès la fin du XIXe siècle - en
particulier au secteur d'El-Salamouni, pourvu de nombreuses tombes d'époque
romaine. Le papyrus n 'a donc pas été trouvé dans son contexte de première
utilisation , mais en remploi, dans une tombe.
Il n'y a aucune raison de penser que la réutilisation d'un papyrus portant un texte d'Empé
docle procédait d 'une intention délibérée, par exemple eschatologique : un objet semblable ,
signalé dans la nécropole d' Abousir el-Meleq (entre le Fayoum et le Nil, en Moyenne
Égypte ), avait en effet été réalisé à l'aide d'un papyrus portant un acte privé .
La transformation du papyrusen support,par découpage et pliage, son séjour
dans une tombe, pendant une quinzaine de siècles, enfin le démontage de l'objet
dans lequel il était inclus (les autres éléments de ce dernier ont apparemment
disparu) ont provoqué de graves dommages. 52 pièces, toutes de dimensions
réduites, ont été dénombrées lors de l'ouverture des cadres où le papyrus était
enfermé depuis le début du siècle ; 47 ont révélé entre elles un ou plusieurs
raccords, qui ont permis de reconstituer des ensembles, plus ou moins étendus.
Ceux -ci ont été désignés à l'aide des lettres de l'alphabet , de a à k : les
ensembles a à d ont été rangés dans l'ordre selon lequel ils se présentaient
vraisemblablement à l'origine ; les autres ensembles (ainsi que 5 pièces restées
isolées) ont été désignés de manière conventionnelle .
Si l'ordre dans lequel les ensembles ont été distribués est en partie conjectural, il faut
insister sur le fait que la continuité de chacun d 'eux, considéré individuellement, est garantie
par les données physiques ; en outre , leur unité de fond et de forme (y compris l'écriture)
invite de manière pressante à attribuer tous les ensembles au même manuscrit, soit à un
rouleau unique.
L' ensemble a , qui regroupe 24 pièces, est le plus étendu. Il comporte 39 vers ,
répartis sur 2 colonnes. De la col. a(i) ne survivent que les 9 derniers vers; la col.
a (ii) est préservée sur toute sa hauteur, soit 30 vers . L 'identification du texte que
porte le papyrus trouve un premier appui dans le fait que les lignes a (i) 1-5
recoupent les v. 31-35 de DK 31 B 17, dont elles enrichissent d'ailleurs le texte
de deux variantes mineures. B 17, auquel le papyrus fournit un supplément
appréciable , était déjà , avec ses 34 vers (ou 35 , si l'on accepte l'insertion du v.
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 69
9), le plus long extrait transmis par la tradition indirecte. Son témoin principal,
Simplicius (in Phys., p . 157, 27), précise qu'il appartient au “ livre I” du poème
Sur la nature d 'Empédocle . Les différents ensembles constituent sans doute les
restes d'un rouleau qui s'ouvrait sur le texte complet de ce livre. Une note
stichométrique, placée dans la marge en face de la dernière ligne de l'ensemble,
a (ii) 30, désigne ce vers comme le 300e du manuscrit. Un calcul simple montre
que les 39 lignes de a correspondentaux v. 262-300 du “livre I” du poème Sur la
nature ,les 34 vers (ou 35) de B 17 aux v. 233- 266 (ou 232- 266 ).
L 'espace ainsi libéré avant l'exposé doctrinal de B 17 – soit 232 vers (ou 231) - est com
patible avec l'hypothèse selon laquelle l'æuvre commençait par un proème développé
(incluant par exemple B 115 ), relancée par Van der Ben 8.
La suite de l'ensemble a livre d'autres recoupements avec les extraits connus
du poèmeSur la nature . Les lignes a (i) 6 - a (ii) 2 rappellent les v. 7-12 de B 21,
avec les variations coutumières au poète entre deux passages parallèles. Les
lignes a (i) 8 - a (ii) 2 recoupentmême exactement une citation d 'Empédocle par
Aristote (Metaph. B 4 , 1000 a 29-32), où l'on avait voulu reconnaître un témoin
infidèle des v. 9-12 de B 21. Les lignes a(ii) 18-20 livrent le passage auquel ren
voient les v . 1 -6 de B 35, qui se présentent comme une auto -citation ; le papyrus
permet de résoudre une incongruité syntaxique dans le texte transmis là par la
tradition indirecte . Enfin , la dernière ligne de l'ensemble , déjà mentionnée à
propos de la note stichométrique qui l'accompagne, révèle que les mots par les
quels Simplicius terminait le développement incluant la longue citation de B 17
( in Phys., p . 161, 20 ) sont directement empruntés à Empédocle ; une corruption
grave survenue dans la transmission du texte avait empêché de reconnaître un
vers du poète .
Gallavotti 9, p. 22-23 (fr. 5, 2) et 193, avait à juste titre soupçonné la présence là d'une
véritable citation , sans parvenir toutefois à rétablir le vers de manière satisfaisante.
L 'ensemble b , constitué de 2 pièces, est long de 6 lignes et se place au bas
d 'une colonne. Les lignes b 2 et b 4 correspondent respectivement aux v . 3 et 2
de B 76 . Une difficulté peut à nouveau être résolue dans le texte de la tradition
indirecte , dont on n 'avait pas compris qu 'il résultait, déjà chez son citateur, d'un
collage. Le papyrus procure en outre deux variantesmineures au texte du v .2 .
L 'ensemble c se compose de 2 pièces, disjointes, appartenant selon toute
vraisemblance au sommet d 'une colonne, chacune réduite à quelques lettres à
peine. Lemauvais état de conservation n' empêche pas d'identifier les lignes c 2
8 avec B 20 . Le papyrus fournit même une solution pour le problème syntaxique
que posaient les v. 2 -5 du fragment ; il livre également une variante au texte du
v. 3.
L' ensemble d, qui réunit 11 pièces, est le second en importance; une grande
partie de la marge supérieure est préservée. Ses 18 lignes n 'offrent qu 'un seul
recoupement avec les fragments connus: B 139, débarrassé d'une corruption
survenue dans la tradition indirecte , se lit aux lignes d 5-6 . Plusieurs détails
invitent en outre à reconnaître dans l'ensemble d un écho (pour ainsi dire une
reprise ) de B 62 , que Simplicius (in Phys., p. 381, 29) présente comme extrait du
70 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE E 19

« livre II» du poème Sur la nature. L 'ensemble d appartient vraisemblablement


au même livre ; si l'hypothèse est correcte , le rouleau dont le papyrus est issu
portait le texte du « livre II » à la suite du « livre I » (à l'image des manuscrits
ptolémaïques et romains, portant deux chants homériques).
B 139 était traditionnellement attribué aux Purifications. Cette attribution se heurte aux
accents physiques du contexte révélé par le papyrus, en particulier au rapprochement avec B
62 . Il serait en tout cas également imprudent de chercher dans le recoupement avec B 139 une
preuve en faveur de l'hypothèse , formulée par Osborne 81 (cité plus loin ), selon laquelle les
Purifications et le poème Sur la nature ne constituaient qu 'une auvre, connue sous deux
titres. Le papyrus plaide plutôt en faveur de l'analyse, privilégiée par la recherche récente, qui
souligne l'unité de la pensée d 'Empédocle : chez lui, les thèmes " scientifiques" et " religieux " .
“ physiques" et " éthiques” , se complétaient, s'interpénétraient et réagissaient l'un sur l'autre ;
on a sans doute eu tort de vouloir les enfermer respectivementdans le poème Sur la nature et
dans les Purifications.
La pièce e porte quelques lettres appartenant à 4 lignes, précédées d'un frag
ment de la marge supérieure. Aucune identification n 'est possible ,mais les don
nées physiques garantissent l'autonomie de la pièce par rapport aux ensembles
précédents.
Les ensembles f(i-ii) (6 pièces, 12 lignes ), g (2 pièces, 3 lignes), ainsi que les
pièces h ( 2 lignes ), i (3 lettres), j ( 1 lettre) et k ( 1 lettre) se réduisent à peu de
chose. Leur autonomie n 'est pas assurée: il n'est pas exclu qu'une partie de ces
ensembles et de ces pièces provienne des zones perdues de a- e.
Au total, compte non tenu des éléments dont l'autonomie n 'est pas garantie ,
le papyrus livre 74 lignes, toutes mutilées à des degrés divers. 20 d'entre elles
recoupent des vers déjà connus par des citations ; pour chacun des fragments
concernés (B 17 , B 20 , B 76 , B 139 – indirectement B 21 et B 35 ) le papyrus
apporte des leçons originales, qui permettent dans la plupart des cas de résoudre
des apories de la tradition indirecte. Les 54 vers (ou segments de vers ) inconnus
jusqu 'à ce jour apportent leur lot de nouveautés. Le nom Qiain apparaît pour la
première fois dans le texte pour désigner l'un des deux principes qui régissent
l'univers (cf. B 18). Des mots inédits viennent enrichir le lexique grec :
aunte obáuwv, “ quimarche (pousse) sur la vigne”, en a(ii) 28 ; xpataivuros,
“ au dos puissant”, en b 3. Le papyrus livre en a (ii) 21-30 un bel exemple d'une
adresse développée au disciple Pausanias; d 'unemanière générale , il permet de
mieux apprécier la technique du poète en matière de répétitions et de variations.
Du point de vue de la doctrine empédocléenne, il a semblé aux éditeurs que le
témoignage du papyrus se conciliait le mieux avec l'interprétation que O 'Brien
67 (cité plus loin ) a donnée du " cycle” (incluant deux zoogonies: l'une sous le
règne de l'Amour croissant; l'autre , dont nous sommes des produits, sous le
règne de la Haine croissante ).Le papyrus paraît en outre offrir des informations
neuves sur la démonologie empédocléenne, en particulier sur la manière dont
celle- ci s'imbriquait dans la théorie physique.
ALAIN MARTIN .>
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 71
Traductions (seules) : - Allemandes dans DK 6 (fragments seulement) ;
21 Die Vorsokratiker, II : Zenon, Empedokles, Anaxagoras, Leukipp, Demokrit,
griech.-dt., Ausw . der Fragm ., übers. und erl. von J.Mansfeld , coll. « Universal
Bibl.» 7966 , Stuttgart 1986 , 351 p . - Française : 22 Les Présocratiques. Édition
établie par J.- P . Dumontavec la collaboration de D . Delattre et de J.- L . Poirier,
coll. « La Pléiade » 345, Paris 1988, p . 318 -439. – Italienne: 23 E . Bignone
(édit.), I Poeti filosofi della Grecia : Empedocle . Studio critico , traduzione e
commento delle testimonianze e dei frammenti, coll. « Il pensiero greco » 11,
Torino 1916 , XII-688 p . - Anglaises : 24 K . Freeman , Ancilla to The Pre
Socratic Philosophers, p . 51-69 ; 25 G . S. Kirk , J. E . Raven et M . Schofield, The
Presocratic philosophers. A critical history with a selection of texts, 2e éd.,
Cambridge 1983, p . 280-321. – Espagnole : 26 E . La Croce, « Empédocles de
Agrigento » , dans N .L . Cordero et alii, Los Filósofos presocráticos, t. II,
Introducciones, traducciones y notas, coll. « Biblioteca Clásica Gredos » 24 ,
Madrid 1979, réimpr. 1985, p . 127-294 (introd. p . 129-135 ; trad.p . 136 -294).
Sur la langue d 'Empédocle. 27 Fr. Thomas, Sprachliche Untersuchungen zu
Empedokles, Diss. Leipzig 1924 ; 28 A . Traglia , Studi sulla lingua di Empedocle,
coll. « Mousikai dialektoi» , Supplementi. Serie V 3 , Bari 1952 ; 29 H . Gerke,
Sprache und Stil des Empedokles, Diss.Göttingen 1953 ; 30 M . S. Buhl, Unter
suchungen zu Sprache und Stil des Empedokles, Diss. Heidelberg 1956 ; 31 M .
Laura Gemelli Marciano , Le metamorfosi della tradizione:mutamenti di signifi
cato e neologisminel “Peri physeos " di Empedocle, coll. « Le Rane. Studi» 5 ,
Bari 1990, 231 p .; 32 A . Battegazzore, « Il linguaggio di Empedocle » , dans
33 Index Empedocleus, a cura di G . Imbraguglia et al., t. I, coll. « Le opere e i
giorni» 1, Genova 1991, p .69-79.
Concordance. 34 Index Empedocleus, a cura di G . Imbraguglia et al., t. II,
coll. « Le opere e i giorni» 2 , Genova 1991, p . 212-515. Présentation de cet
instrument par 35 G .Messina, « Il lessico di Empedocle » , dans 33, p . 81- 97.
Bibliographies. O 'Brien 67 (cité plus loin ), p . 337-401; Classen 2 ; 36 L .
Paquet, M .Roussel et Y . Lafrance , Les Présocratiques:bibliographie analytique
(1879- 1980 ), t. II : D ’Alcméon aux auteurs de la Collection hippocratique, coll.
« Noêsis » et « Collection d 'Études Anciennes» ,Montréal/Paris 1989, sect. VII,
p . 138 -181 ; Martin et Primavesi 15, p . 377-396 .
Sources biographiques antiques.Notre connaissance de la vie d 'Empédocle
est largement tributaire de Diogène Laërce VIII 51-77 Traduction française et
notes par 37 J.- F. Balaudé, Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes
illustres, coll. « La Pochothèque – Classiques modernes» , Paris 1999, p . 980
1002. Toutes les autres sources sontperdues. Plusieurs n 'étaient mentionnées par
Diogène Laërce qu'à travers des sources intermédiaires. Voici, dans l'ordre
alphabétique, celles qui sontmentionnées dans la Vie d'Empédocle :
( 1) Alcidamas, Discours physique (VIII 56 ).
(2 ) Apollodore, Chronologie (VIII 58 ). Il mettait à profit les témoignages
anciens de Glaucos, d ’Aristote et d'Héraclide le Pontique.
72 EMPÉDO D 'AGRIGEN E 19
CLE TE
(3) Aristippe (VIII 60 et peut-être 61) : probablement dans l'ouvrage apo
cryphe Sur la sensualité des Anciens (I 96 et passim ). Sur cet ouvrage, voir
DPHA A 356 , t. I, p . 374 (n° 32).
(4) Aristote, <Olympioniques> (VIII 51) ; Le Sophiste (VIII 57) ; Sur les
poètes (VIII 57) ; sans indication d 'ouvrage (VIII63 et 74 ).
(5 ) Démétrius de Trézène, Contre les sophistes (VIII 74). Voir DPHA D 58.
Il évoquait la mort d 'Empédocle en pastichant Od. XI 278 (DK 31 A 1 ; FHG IV
383). Les mss de D .L . ont « Démocritos» .
(6 ) Diodore d ’Éphèse (VIII 70 : « à propos d'Anaximandre », ou peut- être
d 'Anaxagore, par suite d 'une confusion dans les abréviations commise par Dio
gène Laërce : voir DPhA D 129) .
(7) Diogène Laërce, Pammetros (VIII 74 -75) : deux épigrammes.
(8) Ératosthène, Olympioniques (VIII 51). Voir notice « Ératosthène» , nº 13.
(9 ) Favorinus, Mémorables (VIII 53.63.73).
(10) Glaucos <de Rhégium > (RE 36 ). Cet auteur de la fin du Ve siècle est
également cité par Diogène Laërce en IX 38 (FHG II 24 ), apparemment à travers
Thrasylle , comme autorité attestant que Démocrite avait été le disciple d 'un des
pythagoriciens et avait vécu à leur époque. Dans la Vie d 'Empédocle, il apparaît
dans une citation des vers de la Chronique d 'Apollodore . Il avait composé un
ouvrage Sur les poètes et les musiciens anciens ( Plutarque, De mus. 4 , 1132 e ),
dans lequel il signalait les victoires remportées par ces artistes lors de différents
concours. Il pouvait ainsi fournir de précieuses indications chronologiques.
(11) Héraclide (le Pontique), Sur les maladies (VIII 51.60 ; voir aussi, sans
indication de l'ouvrage, VIII 52.61.67). Selon 38 H . B .Gottschalk , Heraclides of
Pontus, Oxford 1980 , p . 13- 36 , les fragments seraient empruntés au dialogue
intitulé ſlepi tñs önvou ñ lepi voowv (« Sur la femme inanimée ou Sur les
maladies » ).
(12) Héraclide (Lembos), Abrégé <des Vies de Satyros ? (cf. nº 18)> (VIII
53) ; identifié également comme« le fils de Sarapion » (VIII 58).
(13) Hermippe (VIII 51.56 .69).
(14) Hiéronymos (de Rhodes) (VIII 57.58).
(15) Hippobote (VIII 51.69.72).
( 16 ) Lettre (pseudépigraphe) de Télaugès à Philolaos (VIII 53.55.74 ).
(17) Néanthe (de Cyzique), (VIII 55.58.72).
(18) Satyros, Vies (VIII 52.58) ; il citait apparemment le témoignage de
Gorgias (VIII 59) ; sans indication de l'ouvrage (VIII 60).
( 19) Théophraste, < Abrégé des doctrines physiques ?> (VIII 55 ) .
(20) Timée (de Tauromenium : FGrHist 566 ), Histoires = < Eixerixá> , livres
I et II (VIII 66 ), IV (ou XIV ?) (VIII 71), IX (VIII 54), XV (VIII 51), XVIII
(VIII 60) ; sans indication de l'ouvrage (VIII 64.71-72). Il critiquait les invrai
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 73
semblances du récit d'Héraclide (VIII 71-72 ). Certaines de ces références
peuvent avoir été corrompues et plusieurs ont été corrigées par les éditeurs.
39 R. Vattuone, « Timeo F 1196 . Empedocle e Timoleonte», RSA 15, 1985,p .225 -236 .
(21) Timon de Phlionte , < Silles> (VIII 67).
(22) Xanthos [RE 29, voir FGrHist 1001] (VIII 63).
Cet auteur rapportait, Év tog nepi aútoŨ, qu 'Empédocle avait refusé la royauté qu'on lui
proposait. Ce passage semble assez étranger aux Lydiaka de Xanthos de Lydie (RE 25), bien
qu ' il figure dans les fragments de cet historien du Ve siècle av. J .- C . ( FGrHist 765 F 33).
Selon Asheri 41 (cité plus loin ), p . 493 n. 28, « gli interessi di Xanthos per il ciclo cosmico
mazdaico (voir D .L . I 2 ) possono spiegare il suo interesse per il ciclo cosmico di Empedocle » .
Bidez 50 (cité plus loin ), p. 58, a pensé qu 'il s'agissait du médecin Xanthos, fils de Timon de
Phlionte , connu par D . L . IX 109-110 (absent de la RE).
D 'autres sources anciennes apparaissent dans les témoignages:
(23) Dicéarque, Olympikos (Athénée XIV, 620 d = DK 31 A 12).
(24) Porphyre , Histoire philosophique (Souda E 1002).
Famille. Diogène Laërce a rapporté des informations contradictoires. Selon
Hippobote (fr. 15 Gigante ) – et déjà Timée (Histoires, livre XV = FGrHist 566 F
26b ) -, Empédocle serait le fils d’un Méton, lui-même fils d ’un Empédocle (VIII
51). Le grand-père homonyme était un homme célèbre de son temps, éleveur de
chevaux (Héraclide le Pontique, Sur les maladies = fr. 76 Wehrli) et vainqueur
olympique en la 71° Olympiade (496 /54), selon la liste des vainqueurs olympi
ques d'Eratosthène (FGrHist 241 F 7), qui empruntait ce renseignement à
Aristote (cf. DPHA A 414 , t. I, p. 428, n° 131 de la liste de D .L . etn° 122 de la
liste d'Hésychius = fr. 71 a Rose = fr. 18 Gigon ). La Chronique d'Apollodore
(VIII 52) et la tradition doxographique confirment que le nom du père d'Empé
docle étaitMéton (DK 31 A 33).
Dans les premiers mots de la vie d'Empédocle (VIII 51), l'apport d'Hippobote ne porte
probablement pas sur le patronyme et l'ethnique d 'Empédocle, mais sur le fait que le père
d'Empédocle était lui-même le fils d'un autre Empédocle. D 'où la confirmation tirée de
Timée : ce grand-père d'Empédocle était un homme de distinction (énionuoc ). Puisqu 'il s'agit
là d 'une donnée secondaire de la tradition , il n 'est pas impossible qu 'elle tende à expliquer
pourquoi, comme nous allons le voir, Empédocle était présenté comme champion olympique.
Satyros (FHG III 162) cependant donne pour père à Empédocle un certain
Exainétos, nom qui aurait été également porté par le fils d'Empédocle. Lamême
année, à Olympie (71° Olympiade, 496/54), Empédocle aurait été vainqueur dans
la course de chevaux et son fils à la lutte, plutôt qu 'à la course à pied comme le
rapportait Héraclide (Lembos) dans son Abrégé < de Satyros ?> (FHG III 169).
Voir 40 L . Moretti, « Olympionikai, i vincitori negli antichi agoni olympici» ,
MAL ser. VIII, vol. VIII, 1957, p. 53- 198, n° 167 et 170. D 'autres sources accep
tent cette tradition qui fait d 'Empédocle lui-même un vainqueur olympique.
Ainsi Favorinus (VIII 53 = fr. 48 Barigazzi, 21 Mensching) et Athénée I, 5 e
(DK 31 A 11), racontent que, pour célébrer sa victoire, il offrit, par fidélité au
végétarisme pythagoricien, un beuf de miel et de farine ou bien encore de
myrrhe, d'encens et d'aromates précieux.
74 EMPÉDOCL D 'AGRIGENTE E 19
E
Selon Diodore, XIII 82, 7 , et Élien , H . V . IV 8 , le vainqueur olympique en Ol. 92 (412a)
aurait été Exainétos d' Agrigente , quiavait déjà été, selon XII 82, 2 , le vainqueur des jeux de
l'Olympiade précédente (Ol. 91 = 4162). Voir Moretti 40 n° 341 et 346 . Il est cependant peu
probable que Satyros ait cru qu 'Empédocle et son fils Exainétos aient pu être vainqueurs à
Olympie à une date aussi tardive que 416 ou 412 . On peut seulement supposer que c 'est à
cause d 'une liste d 'olympioniques comme celle de Diodore qu 'Héraclide prétendait qu 'Exai
nétos avait triomphé non pas à la lutte , mais dans l'épreuve décisive de la course à pied . En
vérité , le couple Empédocle - Exainétos ne correspondrait pas au philosophe et à son fils,mais
au grand -père d 'Empédocle et à son fils, peut-être frère de Méton et oncle du philosophe.
Selon Favorinus (FHG III 578 = fr. 48 Barigazzi, 57 Mensching), Empédocle avait égale
ment un frère du nom de Callicratidès (D . L . VIII 53).Un traité pythagoricien pseudépigraphe
est attribué à un certain Callicratidas ( C 19 ) : le nom a pu être choisi en pensant à ce frère
d ' Empédocle ,mais ce Callicratidas aurait été d' origine lacédémonienne.
Une lettre de Télaugès , fils de Pythagore , à Philolaos, faisait d 'Empédocle le fils d 'un cer
tain Archinomos (D . L . VIII 53).Mais Diogène lui-même connaissait cette lettre comme pseu
dépigraphe (VIII 55) et le nom ne semble pas par ailleurs attesté.
Le nom deMéton réapparaît en VIII 72 : à sa mort les dissensions à Agrigente
offraient un terrain propice à un retour à la tyrannie . C 'est Empédocle qui aurait
alors persuadé ses concitoyens de pratiquer l'égalité civique. Le contexte poli
tique dans lequel Empédocle évolua peut être résumé à partir de Diodore XI 53 .
A la mort de Théron (RE 1) d’Agrigente (Ol. 77 : 472 /14), qui avait exercé la
tyrannie pendant seize ans, son fils Thrasydaios lui succéda. Contrairement à son
père qui était estimé des citoyens, son fils exerça une tyrannie violente et impo
pulaire. Défait par Hiéron de Syracuse dans une bataille, il se retira à Mégare (en
Grèce) où il mourut. Agrigente opta alors pour une constitution démocratique et
signa un traité de paix avec Hiéron. C 'est apparemment dans le cadre de cette
jeune démocratie encore mal assurée queMéton et son fils Empédocle militèrent
pour la concorde sociale et luttèrent contre les aspirations tyranniques. C 'est
ainsi qu 'Empédocle obtint la dissolution de l'assemblée des Mille, trois ans
après sa création (VIII 66 ). Sesmoyens financiers lui auraient permis d 'assurer
la dot de nombreuses jeunes filles d ’Agrigente qui en étaient dépourvues (VIII
73).
Diogène exagère sans doute lorsqu'il parle des 800 000 habitants d 'Agrigente (VIII 63).
Diodore (XIII 84 et 90) donne comme chiffre 200 000, dont 20 000 citoyens de plein droit.
Sur le rôle joué par Empédocle dans l'évolution du régime qui suivit la chute
de la tyrannie à Agrigente , voir 41 D . Asheri, « Agrigento libera : rivolgimenti
interni e problemi costituzionali, ca. 471-446 a. C .» , Athenaeum 68, 1990 ,
p . 483-501 ; 42 N . Lurachi, Tirannidi arcaiche in Sicilia e Magna Grecia da
Panezio di Leontini alla caduta dei Dinomenidi, coll. « Fondazione Luigi Firpo .
Centro di Studi sul pensiero politico . Studi e Testi » 3, Firenze 1994, 430 p .,
notamment chap. VIII , 2 : « La tirannide di Terone » . Sur le contexte culturel,
voir aussi 43 E . De Miro , « Società e arte nell'età di Empedocle » , dans
Empedocle e la cultura della Sicilia antica 5, p. 325 -344.
Chronologie. Par bonheur, Diogène Laërce a conservé pour une fois les vers
de la Chronique d 'Apollodore relatifs à Empédocle (44 F . Jacoby, Apollodors
Chronik. Eine Sammlung der Fragmente , coll. « Philologische Untersuchungen »
16 , Berlin 1902 , fr. 43, p . 271-277 ; FGrHist 244 F 32a ), ce qui nous fournit un
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 75
aperçu précieux sur l' arrière -plan littéraire de tant de datations antiques attri
buées à Apollodore. Apollodore semble avoir fixé l'acmé d'Empédocle en se
fondant sur le témoignage de Glaucos (de Rhégium ), un écrivain de la fin du ve
siècle av . J.-C ., auteur d'un ouvrage Sur les poètes et les musiciens anciens.
Comme Glaucos mentionnait une visite d'Empédocle à Thurium , ville alors
récemment fondée, Apollodore aurait fait coïncider l'acmé d'Empédocle et la
fondation de cette ville en Ol. 84, 1 (444/3a), datation confirmée par Diogène
Laërce (VIII 74), qui ne mentionne que l'Olympiade,mais pense certainement à
l'année même de la célébration des Jeux Olympiques et donc à la première
année. Apollodore situant l'acmé à 40 ans, Empédocle serait né en Ol. 74 ,2
(483/29). Selon Aristote (VIII 52 et 74 = fr. 71 b Rose3 = fr. 19 Gigon ), Empé
docle serait mort à 60 ans, et donc, si l'on retient l'acmé fixé par Apollodore, en
Ol. 89 ,1 (424 /3 ).
Plutôt que d'autres témoignages qui prêtaientdes âges différents à Empédocle
au moment de sa mort, c'est Aristote qu 'Apollodore suivait sur ce point, car il
réfutait l'opinion d’historiens plus anciens qui prétendaient qu'Empédocle, exilé
à Syracuse, avait combattu aux côtés des Syracusains dans la guerre qui les
opposa aux Athéniens. Il s'agit sans doute de la guerre de 415 -413. S' il avait 40
ans en Ol. 84 , 1 (444/3), Empédocle avait donc 70 ans à l' époque de cette guerre,
ce qui confirme la conclusion tirée par Apollodore dans ses vers: à l' époque,
Empédocle était ou bien mort ou bien extrêmement âgé (untepyempaxúc).
C 'est là l'interprétation traditionnelle, mais si Apollodore a fondé toute sa chronologie
d' Empédocle sur l'hypothèse qu 'il avait 40 ans lorsqu'il a visité Thurium peu après sa fonda
tion (444 /3) , il est étonnant qu 'il se soit permis d'affirmer aussi catégoriquement qu 'Empé
docle n 'avait pu participer à la guerre de 415-413. Car pourquoi Empédocle n 'aurait-il pas
visité Thurium à vingt ans et plusieurs années après sa fondation ? Avait-il d'autres arguments
qui n ' apparaissent pas dans les vers conservés ? Ou était -il de ces savants pour qui les hypo
thèses se transforment en faits lorsqu'elles sont souvent répétées ?
A quels historiens Apollodore s'opposait-il ? On apprendra plus loin que Timée parlait
d 'Empédocle dans son livre XIV (VIII 71 [où lesmanuscrits ont cependant IV )). Or, les livres
XIII et peut-être XIV narraient les épisodes de l'expédition athénienne contre Syracuse (Athé
née VII, 327 b ; XIII, 589 a) et c 'est apparemment dans ce contexte qu 'apparaissait Empé
docle. Diels (t. I, p. 281 ad loc.) s'est par conséquent demandé si Apollodore , en contestant
qu'Empédocle ait pu participer à cette guerre, ne visait pas ici Timée.
Apollodore ajoutait que l'Empédocle vainqueur en la 71e Olympiade (4964)
n ' était pas le philosophe, mais son grand-père homonyme (VIII 52). Il suivait
apparemment sur ce point Ératosthène (VIII 51), qui dépendait lui-même
d'Aristote .
La distinction, opérée par Apollodore, entre deux Empédocle , pourrait expli
quer que Satyros donne comme père au vainqueur olympique Exainétos. Il s 'agi
rait alors de l'arrière grand-père du philosophe (RE 1). Exainétos d ’Agrigente , le
vainqueur olympique de 416 et 412, pourrait être un membre plus jeune de cette
famille .
Mais il faudrait être sûr que les listes d 'olympioniques dressées par Aristote et déjà la
documentation qu'il avait mise à contribution permettaient d 'identifier des concitoyens homo
nymes, toujours plusnombreux pour une époque donnée que le petit nombre de ceux qui sont
connus par des sources littéraires ou épigraphiques.
76 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE E 19
Dans cette hypothèse et en tenant compte de quelques autres témoignages
mentionnant une sœur (selon Aristote) ou une fille (Hiéronymos) du philosophe
quiaurait brûlé certains de ses poèmes (VIII 57), on pourrait reconstituer l'arbre
généalogique d'Empédocle de la façon suivante :
Exainętos 1
Empédocle 1, vainqueurolympique en 496 Callicratidès

Exainetos 2, vainqueurolympique en 496 Méton


Empédocle 2 le Philosophe ? sæur (VIII 57)
(.. .) ? ? fille (VIII 57)
Exainetos 3 ,
vainqueur olympique
en 416 et 412 Empédocle 3 l'auteur
tragique (Souda E 1001)
D ' autres auteurs attribuaient à Empédocle un âge plus avancé à sa mort. Ainsi
Néanthe de Cyzique le faisait mourir à 77 ans (D . L . VIII 73), d'autres à 109 ans
(D . L . VIII 74), peut- être par suite d'une confusion avec Gorgias, disciple d'Em
pédocle (voir D .L . VIII 58 = Apollodore, FGrHist 244 F 33).
La datation retenue par Apollodore (483/2a – 424/34) rejoint le point de vue
d'Aristote (Metaph. I 3 , 984all = DK 31 A 6 ), pour qui Anaxagore (2 A 158 ]
(500/499 - 428/7 , selon Apollodore, FGrHist 244 F 31) était antérieur à Empé
docle ( tñ uèv naixia npótepoç Üv toútov ), bien que « plus récent par ses
æuvres» (tots o’ éprouc votepos), « venu de peu après lui » , ajoutait Théo
phraste (Simplicius, in Phys. p . 25, 19 Diels = DK 31 A 7).
O 'Brien 45 ( cité plus loin ), p . 97- 106 , considère que le mot jotepoç dans le passage
d'Aristote ne signifie pas " plus récent” ou “ postérieur” (chronologiquement),mais plutôt
" inférieur” (du point de vue de la doctrine des éléments).
Zeller (pp. 751 n . 1) conclut du témoignage d'Alcidamas qui faisait d'Empé
docle un condisciple de Zénon d'Élée chez Parménide que la vie du philosophe a
pu s'étendre des années 494 à 434 , ce quiexpliquerait mieux les influences de sa
pensée que l'on croit reconnaître chez Mélissos et Anaxagore. Mais 45 D .
O 'Brien, « The relation of Anaxagoras and Empedocles » , JHS 88, 1968, p. 93
113, considère qu'Anaxagore a pu influencer la pensée d 'Empédocle plutôt que
subir son influence.
Biographie. Il est possible que lorsqu'au IVe siècle on se mit à porter intérêt à
la biographie d'Empédocle, on n 'ait point eu d'autre source de renseignement
que ses propres poèmes. S'inspirant d'un article célèbre de 46 J. A . Fairweather,
« Fiction in the biographies of ancient writers» , AncSoc 5 , 1974 -1975, p. 231
275 (voir également 47 ead., « Traditional narrative, inference and truth in the
Lives of Greek poets » , coll. ARCA 11, Liverpool 1984 , p . 315 -369), Ava
Chitwood estime que tout ce qui est rapporté de la vie et de la mort d'Empédocle
a été tiré d'une « lecture biographique» de ses poèmes: « Empedocles, then, was
E 19 EMPÉDOCLE D ' AGRIGENTE 77
forced by his biographers both to live and to die by his own words» (48 Ava
Chitwood , « The death of Empedocles » , AJPh 107 , 1986 , p. 175- 191, notam
ment p. 191; voir aussi 49 Ead., The death of Greek philosophers, Diss. The
Johns Hopkins Univ. Baltimore, Md. 1993, 339 p.).
On peut illustrer l'emploi de cette méthode par plusieurs passages de Diogène Laërce qui
justifient certains détails biographiques par la citation de vers du poète . Par exemple VIII 54
(Empédocle était d'Agrigente comme l'atteste le fragment B 112), VIII 60 (Empédocle aurait
pratiqué la magie comme le suggèrent les vers de B 111), VIII 61-62 (Héraclide voyait en
Empédocle un médecin et un devin en se fondant à nouveau sur les vers de B 112), VIII 66
(Empédocle était méprisant et orgueilleux comme le montre toujours B 112, vers 4 -5 ). Timée
pouvait de même (VIII 54 ) citer le début de B 129 qui visait selon lui Pythagore (bien que le
nom du philosophe ne soit pas mentionné), sans doute pour confirmer qu'Empédocle avait été
l'élève de Pythagore. D 'autres détails ne sont pas explicitement mis en rapport avec des vers
d 'Empédocle ,mais pourraient avoir été inspirés par des déclarations du poète. Par exemple, le
sacrifice d 'un bæuf fabriqué à partir de miel et de farine (D . L . VIII 53, ou de myrrhe,
d 'encens et d 'aromates selon le parallèle chez Athénée I, 3e ) fait immédiatement penser aux
sacrifices non sanglants du fragment B 128 (parfums,myrrhe, encens etmiel). L 'anecdote qui
rapporte qu 'Empédocle avait arrêté un vent pestilentiel (VIII 60 et les parallèles en A 14 )
évoque immanquablement un vers de B 111 (cité en D . L . VIII 59 ) où le philosophe promet
d'apprendre à son disciple à apaiser la violence des vents qui détruisent les récoltes. Le même
passage mentionne aussi le contrôle de la pluie qui rappelle une autre prouesse d'Empédocle
( rapportée par Philostrate : A 14 ). Il était de même tentant de prêter des guérisonsmiraculeuses
et même des réanimations à un personnage qui prétendait connaître les remèdes à appliquer
aux maladies et à la vieillesse, etmême la façon de faire remonter un mort de chez Hadès ( B
111). Le portrait d 'Empédocle circulant en vêtements d 'apparat entouré de jeunes gens (D . L .
VIII 73) rappelle pour sa part les vers du fragment B 112 : « Je ne suis plus mortel et tous vous
me rendez I L 'honneur quime convient, m 'ornant de bandelettes I etme passant au cou des
guirlandes de fleurs. I Quand, ainsi couronné, j'effectue mon entrée | Dans les riches cités, des
hommes et des femmes I je recueille l'hommage. Ils me suivent en foule...» (trad . Dumont).
Ces rapprochements expliquentpeut-être plusieurs traits de la légende d'Empédocle.Il faut
cependant se garder de rejeter par principe un trait biographique sous prétexte qu 'on peut le
mettre en rapport avec tel ou tel détail des écrits de l'auteur. Car la recherche des traces bio
graphiques dans l'euvre d'un auteur n 'est condamnable que lorsqu 'elle est faite sans discer
nement. Ce n 'est pas parce qu 'il est possible d 'établir un rapprochement entre un témoignage
biographique et un passage de l'euvre d 'un auteur que ce témoignage est nécessairement
faux . D 'autre part, il n 'est pas possible de réduire tous les détails de la biographie d 'Empé
docle par ce procédé, sauf à expliquer des pans entiers de cette biographie par des formules
imprécises. Ainsi Ava Chitwood voit dans les vers du fragment B 146 (« Et lorsque vient la
fin , ils deviennent prophètes, I poètes, médecins et princes sur la terre ; I puis , de là , ils s'élè
vent et deviennent des dieux | comblés d'honneurs» (trad . Dumont)) l'origine des principaux
aspects de la figure d 'Empédocle. « Empedocles' careers as politician , poet, seer, and physi
cian are all the outcomeof the tradition which transforms philosophy into biography through a
biographical reading of the subject's work » (Chitwood, p. 176 ). Quant à l'exil d'Empédocle
dans le Péloponnèse (évoqué en D . L . VII 67), il s 'expliquerait par les vers d ' Empédocle sur
l'exil de l'âme dans les fragments B 118-119. Il semble difficile de faire dépendre les témoi
gnages concernant l'activité politique d'Empédocle de tels indices qui ne sont d' ailleurs pas
transmis comme autobiographiques. Les légendes ontbesoin d'un noyau biographique : il n 'y
a pas de légende de parfaits inconnus.
50 J. Bidez, La Biographie d'Empédocle, coll. « Recueil de travaux publiés
par la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université deGand » 12,Gand 1894,
XII- 176 p.; réimpr. Hildesheim 1973 ; 51 U . von Wilamowitz-Moellendorff,
« Die Kadapuoi des Empedokles », SPAW 1929, p .626 -661, notamment pour la
78 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE E 19
biographie : p .653-655 . Voir également l'étude récente de 52 Christine Mauduit,
« Les miracles d 'Empédocle ou la naissance d ’un thaumaturge » , BAGB 1998,
p . 289-309.
Les anecdotes rapportées à propos d 'Empédocle entendent généralement
illustrer tel ou teltrait de sa personnalité : il est successivement présenté comme
orateur et homme politique, médecin et guérisseur, magicien ou expert en
sciences naturelles, démocrate et prétentieux. Il aurait ainsi fait revenir à la vie
une femme inanimée depuis trente jours (VIII 61), assaini certaines cités en
détournant des cours d'eau (VIII 70 ) ou bien en arrêtant ou captant sur la mon
tagne les vents avec des peaux d 'ânes (VIII 60), retenu un nuage orageux
(Philostrate , Vita Apollonii VIII 7, 8 = DK 31 A 14 ), refusé la royauté, déjoué
des tentatives de tyrannie (VIII 64), fait dissoudre une assemblée oligarchique
(VIII 66 ), etc .
Plusieurs récits rapportaient de façon divergente les circonstances de sa mort.
Diogène Laërce juxtapose ou entrelace des traditions distinctes et même rivales.
Il semble que le point de départ de la légende soit lié au fait qu 'on ne connaissait
pas l' endroit où avait été enseveli Empédocle. Le récit que Diogène emprunte à
Héraclide le Pontique provenait d 'un dialogue dans lequel Pausanias,le disciple
d 'Empédocle, racontait, comme témoin de la scène, la disparition d 'Empédocle
« près du champ de Peisianax » , au cours de la nuit, après un sacrifice de remer
ciementpour la guérison d'unemalade incurable .
Hermippe (fr. 27 Wehrli) connaissait en plus le nom de la patiente : Pantheia d'Agrigente
(VIII69). On ignore sur quel témoignage se fonde 53 F . Wehrli, Hermippos der Kallimacheer,
Basel 1974, p. 61,pour affirmer que Pantheia était la fille de Peisianax d'Agrigente .
Une voix forte appelant Empédocle par son nom et une lumière céleste
auraientmarqué comme une apothéose la disparition du philosophe. Hippobote
(fr. 16 Gigante) racontait qu'il se serait ensuite jeté dans l'Etna et que seule sa
sandale de bronze aurait été rejetée par le volcan . Selon cette version, le saut
dans l'Etna était un subterfuge employé par Empédocle pour disparaître sans
laisser de trace et faire croire à sa divinisation . Il se peut que cette anecdote ait
figuré déjà chez Héraclide le Pontique et que, dans le dialogue, Pausanias l'ait
réfutée .
Une autre version de la mort situe le saut dans l'Etna dans un autre contexte, celui de la
purification de la rivière de Sélinonte. Apparu aux citoyens sur la rive, Empédocle aurait été
vénéré comme un dieu et il aurait voulu raffermir cette croyance en disparaissantmystérieuse
ment (VIII 70 ).
Timée , qui dénonçait le caractère légendaire des récits d ’Héraclide le Pon
tique, opposait plusieurs arguments à ce récit de divinisation : (a ) Pausanias
n 'avait jamais élevé de monument en faveur d'Empédocle ; (b) Peisianax (absent
de la RE ) était originaire de Syracuse et n 'avait pas de lien avec Agrigente ,
(c ) Empédocle n 'avait jamais parlé de l'Etna voisin , (d ) il est courant qu'on
ignore le lieu d'ensevelissement des grands hommes, (e )Héraclide était réputé
pour ses inventions de « paradoxologue ». Plus prosaïquement, Timée prétendait
qu 'on ignorait tout de la mort d'Empédocle : on savait seulement qu 'il avait
quitté la Sicile et était mort dans le Péloponnèse. C 'est sans doute une autre
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 79

source (Néanthe ?), dans la lignée de Timée, mais davantage soucieuse de com
bler les lacunes de l'information, qui ajoutait qu 'Empédocle serait tombé de son
char en se rendant à Messène et se serait brisé l'os de la cuisse. Par suite de cet
accident, il seraitmort à l'âge de 77 ans (VIII 73) et aurait été enseveli à Mégare.
La lettre sans doute pseudépigraphe de Télaugès évoquait plutôtune mort accidentelle par
noyade à un âge avancé (VIII 74). Dans son pamphlet en vers Contre les Sophistes, Démétrius
de Trézène (FHG IV 383) supposait pour sa part qu'Empédocle s' était pendu (VIII 74).
L 'Antiquité était frappée par le comportement « théâtral», voire arrogant, du
personnage. Empédocle portait un vêtementmajestueux (VIII 70): une robe de
couleur pourpre et une ceinture dorée, des sandales de bronze et une couronne
delphique de laurier (VIII 73) autour de ses cheveux longs. Tout cela , avec
l'escorte de jeunes gens qui le suivaient de près, contribuait à dégager une
impression d'aura royale , pour ne pas dire divine.
Dans les Problèmes pseudo-aristotéliciens (XXX 1, 953 a 26 = DK 31 A 17),
Empédocle est associé à Platon et à Socrate dans une liste de "mélancoliques”
célèbres.
Iconographie. Le témoignage d 'Hippobote (fr. 17 Gigante ) est étrange: il y
aurait eu autrefois à Agrigente une statue cachée ou voilée d 'Empédocle, qui se
retrouva par la suite , devant le Sénat à Rome, axárupos, dévoilée, manifeste
ment parce que les Romains l'avaient déplacée là (D . L . VIII 72). Diogène
connaissait encore de son temps des “ images peintes” (ypantai eixóveç) du
philosophe (VIII 72).
Maîtres et disciples. La chronologie d'Apollodore entraîne le rejet de toute
une tradition quivoit en Empédocle un disciple direct de Pythagore (D .L . VIII
54 [ Timée, FGrHist 566 F 14 ), 56 ), dont l'acmé était située par le chronographe
en 532/19 (D .L . II 2 , où l'information est par erreur rapportée à Anaximandre
(voir D .L . VIII 45 ?]). La Souda (T 481; voir aussi E 1002) pour sa part présente
Télaugès, le fils et le disciple de Pythagore, comme lemaître d'Empédocle . Voir
aussi Eusèbe, P . E . X 15 , 15 (DK 31 A 8), qui situe ces études à l'époque d'Hé
raclite (Ol.69 = 504 -501), donc à une époque inconciliable avec la chronologie
d'Apollodore .
Néanthe (FGrHist 84 F 26 ) avouait ne pas connaître auprès de quel pythago
ricien Empédocle avait étudié (VIII 55 ),mais il donnait foi à une tradition selon
laquelle le philosophe aurait été excommunié pouravoir dévoilé les doctrines de
l'école dans ses poèmes (voir déjà VIII 54).Dans ce passage, Néanthe réfutait
comme pseudépigraphe la lettre de Télaugès qui présentait Empédocle comme le
disciple d'Hippasos ( H 144 ) et de Brontinos (aB 61). D 'un autre côté ,
qu ' Empédocle ait pu être, comme le prétend la Souda (A 4121), le disciple
d'Archytas ( A 322), un pythagoricien du IVe siècle, est chronologiquement
impossible.
La liste des pythagoriciens transmise par Jamblique enregistre le nom d'Empédocle
d'Agrigente . Elle connaît aussi un Méton de Paros (De vita pyth., 36 , 267).
80 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE E 19
Guère plus vraisemblables , du point de vue d'Apollodore en tout cas, seraient
des études d'Empédocle auprès de Xénophane (acmé en 540/39a, selon D .L . IX
20 ) ou de Parménide (acméen 504/39, selon D .L . IX 23).
Diogène Laërce rapporte en IX 20 un apophtegmemettant en scène Empédocle et Xéno
phane,mais le nom de Xénophane n 'apparaît pas dans une autre version de l'apophtegme (DK
31 A 20 ).
Selon Théophraste (DK 31 A 7), Empédocle aurait été zélateur de Parménide, mais plus
encore des pythagoriciens. Pour la Souda (11 675), Parménide aurait été l' élève de Xénophane
(ou d 'Anaximandre s 'il faut croire Théophraste ) ; il aurait eu comme successeurs Empédocle ,
« le philosophe etmédecin » , et Zénon d ' Élée. Dans sa notice sur Empédocle ( E 1002), le
même lexique cite l'Histoire philosophique de Porphyre (livre II, fr. 8 Segonds) pour affirmer
qu 'Empédocle fut « en premier lieu » disciple de Parménide et son bien -aimé (Taloxá). Dio
gène Laërce (VIII 54 ) connaissait d 'autre part des auteurs qui rapportaient les éloges pronon
cés dans le fragment B 129 non pas à Pythagore,mais à Parménide.
En revanche, les historiens reconnaissent volontiers une influence doctrinale
et littéraire de Parménide sur Empédocle. Voir 54 G . Giannantoni, « L 'originalità
del pluralismo empedocleo », Elenchos 18, 1997, p. 235-255. Alors que Théo
phraste (VIII 55 = fr. 227 B Fortenbaugh et alii = DDG p. 477, 18 et n.) voyait
dans les vers d' Empédocle Sur la nature une imitation du poème similaire de
Parménide, Hermippe (VIII 56 = fr. 26 Wehrli) y décelait plutôt l' influence de
Xénophane, philosophe qu' Empédocle aurait fréquenté et imité, avant de se
tourner vers les pythagoriciens. Alcidamas prétendait pour sa part qu 'Empédocle
aurait, avec Zénon d'Élée, étudié d'abord avec Parménide, puis serait devenu
l'auditeur d’Anaxagore et de Pythagore (VIII 56).
Ce sont de telles successions philosophiques construites sur des similitudes
doctrinales, voire des rapprochements géographiques, que les recherches chrono
logiques d'Apollodore suffisaient à renverser.
Selon Philostrate, Empédocle aurait étudié auprès desMages (DK A 31 14 ).
Son traité Sur la nature était dédié au médecin Pausanias de Géla (VIII 60),
pour lequel il aurait écrit une épigramme citée par Diogène Laërce. Pausanias
réapparaît dans les fragments biographiques, car il était l'un des personnages du
dialogue d'Héraclide le Pontique cité à plusieurs reprises par Diogène. Il est
possible que tous les détails empruntés à ce dialogue soient légendaires.
Empédocle aurait, un jour qu'il était chez son ami Anchytès, arrêté par un chant, en
s ' accompagnant sur la lyre , un jeune homme qui voulait tuer son hôte parce qu ' il avait
condamné son père à mort. Le jeune homme serait ensuite devenu un zélé disciple du philo
sophe (Jamblique, De vita pyth. 113 = DK 31 A 15 ) . Comme Pausanias, ami, disciple d 'Em
pédocle et dédicataire du poème Sur la nature, était le fils d 'un certain Anchytės (VIII 61 =
DK 31 B 1), Diels (note ad loc.) croit que Jamblique, qui ne mentionne pas le nom du jeune
homme, a pu donner à l'hôte d'Empédocle le nom du père de Pausanias.
Empédocle et les diadochai. Empédocle apparaît dans les Vies de Diogène
Laërce à la suite de la vie de Pythagore , à titre de pythagoricien (VIII 50 ), « car,
selon certains, il fut l'auditeur de Pythagore ». L 'apparition d'Empédocle au livre
VIII est cependant un peu inattendue, dans la mesure où il était absent de la tra
dition « italique » décrite dans le prologue (I 13- 15), où l'on passait directement
de Pythagore et Télaugès à Xénophane et Parménide.
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 81

Empédocle et la tradition médicale . Empédocle était connu comme l'auteur


d'un 'latpixòç Nóyos (voir plus bas). Il est cité, vers la fin du Ve siècle, dans le
traité pseudo-hippocratique Sur l'ancienne médecine XX 1 (DK 31 A 71),
comme représentant d 'une tradition de médecine philosophique : « Le discours
de ces gens-là va dans le sens de la philosophie comme celui d'Empédocle ou
d 'autres qui, à propos de la nature, ont écrit en remontant à l'origine ce qu 'est
l'homme, comment il s'est formé au début et de quels éléments il s'est consti
tué. » (trad. Jouanna). Sur ce témoignage, voir 55 M . Vegetti, « Empedocle
“medico e sofista " (Antica Medicina 20 )» , Empedocle e la cultura della Sicilia
antica 5, p. 345- 359. Satyros (VIII 58) présentait Empédocle comme un médecin
et la tradition a parfois vu en lui le fondateur de l'école sicilienne de médecine :
selon Pline (DK A 3), l' école empirique aurait été fondée par Acron d’Agri
gente, qui se recommandait de l'autorité d 'Empédocle . En la distinguant des
écoles de Cos, de Cnide et de Rhodes, Galien (ibid .) rapprochait dans l'école ita
lienne Philistion, Empédocle, Pausanias et leurs compagnons.
Euvres. Aristote, dans son Sophiste perdu (fr.65 Rose3 = fr. 17 Gigon ), fai
sait d 'Empédocle l'inventeur de la rhétorique (D . L . VIII 57 ; voir aussi IX 25).
Satyros le présentait comme un excellent orateur (VIII 58). Gorgias (3+ 6 27)
aurait été son élève . Voir 56 H . Diels , « Gorgias und Empedokles» , SPAW 1884 ,
p . 343- 368 ; 57 G . B . Kerferd , « Gorgias and Empedocles » , SicGymn 38 , 1985 ,
p. 595-605. D 'autres témoignagesmoins crédibles lui donnent comme disciples
Tisias, Gorgias et Polos (DK 31 A 19). 58 T . Buchheim , « Maler, Sprachbildner :
Zur Verwandtschaft des Gorgias mit Empedokles » , Hermes 113, 1985 , p . 417
429.
Aristote percevait dans les vers d'Empédocle une imitation d'Homère (VIII
57), mais n 'appréciait pas tellement les qualités poétiques du philosophe. Dans la
Poétique I, 1447 b 17 (DK 31 A 22 ), il semble réduire la poésie d'Empédocle à
l'emploi du mètre . Pour le reste, ce dernier était plus un physiologue qu'un
poète . Voir dans le même sens les scholies à Denys le Thrace citées en DK 31 A
25 . Selon la Rhétorique III 5 , 1407 a 31 (DK 31 A 25), la forme poétique servait
surtout à masquer l'ambiguïté des propos tenus par Empédocle , une ambiguïté
comparable à celle des oracles. C 'est donc, selon lesMétéorologiques II 3, 357 a
24 (DK 31 A 25 ), un genre peu approprié à l'exposé scientifique des réalités de
la nature . Plutarque (Quaest. conv. V 8 , 2, 683 e = DK B 148 ) exprime un
jugement beaucoup plus positif sur la poésie d 'Empédocle. 59 K . E . Stangaard ,
« Empedokles " physiologus” eller poet ? » , MT 40 -43, 1980 , p. 23- 38 (en
danois). Sur la figure du poète évoquée par Horace, Art poétique, v. 458 -467
(DK A 16 ), voir 60 S . Cerasuolo , « Empedocles frigidus» , Vichiana 8, 1979,
p . 252 -279.
Dans son traité Sur les poètes (D .L . VIII 57 = fr. 70 Rose3 = fr. 17 Gigon),
Aristote vantait pourtant les qualités poétiques du philosophe, telles qu' elles
s'exprimaientnotammentdans un poème sur l'invasion de Xerxès et un Prooi
mion à Apollon (VIII 57). 61 F . Solmsen, « Empedocles' Hymn to Apollo » ,
Phronesis 25, 1980 , p. 219-227, a cru retrouver dans le fr. B 134 (et peut-être
LE E
82 EMPÉDOC D 'AGRIGENT E 19
déjà dans les fr. B 131-133) des extraits de cet hymne à Apollon (qui aurait été,
selon D . L . VIII 57, brûlé involontairement par la sæur - ou la fille (Hiéronymos,
fr. 30 Wehrli] - d 'Empédocle).
Selon Solmsen , cette anecdote signifierait seulement qu 'à l'époque hellénistique ce poème
n ' était plus conservé comme tel: il a pu être retrouvé plus tard , éventuellement sans titre parti
culier. Le fragment B 134 proviendrait, selon Tzetzès, d ' un troisième livre du Plepi púoewS ,
dont ce serait l'unique attestation. Sur les « hymnes physiques» d'Empédocle, traitant de la
« nature » d'Apollon ou de Zeus, voir DK A 23.
Des vestiges du poème sur l'invasion de Xerxès pourraient se trouver dans
DK B 34, selon 62 D . Sider, « Empedocles' Persika» , AncPhil 2 , 1982, p . 76 -78
(qui s'oppose à la correction de Persika en Physika ),mais le fragment et son
contexte ne semblent guère favorables à cette interprétation .
Aristote prêtait également à Empédocle des tragédies et des discours politi
ques. Néanthe (FGrHist 84 F 27) qui avait lu sept tragédies y voyait des œuvres
de jeunesse. Héraclide (Lembos), fils de Sarapion (FHG III 169), attribuait ces
tragédies, au nombre de 43 selon Hiéronymos (fr. 30 Wehrli), à un autre auteur.
La Souda (E 1001) connaît un Empédocle auteur de tragédies, petit-fils du philo
sophe, qui pourrait faire l'affaire : 'Euntedoxins, OuyatpidoŨS toở Tpo tépov ,
Tpayıxóç. tpaywdíal aútoŨ xo'. Quant aux écrits politiques, ils expliquent
qu'aux yeux d'Aristote Empédocle ait pu apparaître comme un fondateur de la
rhétorique.
Le traité Sur la nature (ſlepi púoews tõv outwv) comprenait apparemment
deux livres. Seul Tzetzès rapporte un fragment (B 134) à un troisième livre. Sur
l'authenticité d 'un tel titre chez des auteurs présocratiques, voir 63 E . Schmalz
riedt, Peri physeos. Zur Frühgeschichte der Buchtitel, München 1970, 142 p .
L 'ouvrage était dédié à Pausanias, dont le nom apparaît dès le premier vers
(D . L. VIII 60 = B 1).
Le poème intitulé les Purifications (Kadapuoi), dont il reste aussi de nom
breux fragments , aurait été récité par le rhapsode Cléomène à Olympie (D . L .
VIII 63 = Favorinus, Mémorables, fr. 49 Barigazzi, 18 Mensching ; voir aussi
Athénée XIV , 620 d , qui cite à ce propos l’Olympikos de Dicéarque [fr. 87
Wehrli]).
Un séjour d 'Empédocle à Olympie , peut-être lié à un exil dans le Péloponnèse, est par
ailleurs attesté en D . L . VIII 66 -67.
Il n 'est pas possible de regrouper ici toute la bibliographie récente consacrée
aux poèmes d 'Empédocle ou à tel ou tel de ses fragments. Signalons seulement
quelques études de portée générale sur le “système” d'Empédocle . Contre
l'interprétation « cyclique» traditionnelle despoèmes: 64 Uvo Hölscher, « Welt
zeiten und Lebenszyklus. Eine Nachprüfung der Empedokles-Doxographie » ,
Hermes 93, 1965, p . 7 -33 ; 65 F . Solmsen , « Love and Strife in Empedocles'
Cosmology », Phronesis 10 , 1965 , p . 109-148 ; 66 J. Mansfeld , « Ambiguity in
Empedocles B 17, 3-5. A suggestion » , Phronesis 17, 1972 , p. 17-39, repris dans
Kleine Schriften, t. I, Hildesheim 1968, p. 274-313. En faveur de l'interprétation
traditionnelle : 67 D . O 'Brien , Empedocles' cosmic cycle. A reconstruction from
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE
the fragments and secondary sources, coll. « Cambridge Classical Studies»,
Cambridge University Press 1969, IX - 460 p.; 68 Id., Pour interpréter Empé
docle , « Collection d 'Études Anciennes » et « Philosophia Antiqua » 38, Paris/
Leiden 1981, X - 138 p. ( sur Bollack 7 et Van der Ben 8 ). Autres études récentes :
69 J.Ch. Lueth , Die Struktur des Wirklichen im Empedokleischen System Über
die Natur, coll. « Monographien zur philosophischen Forschung» 61, Meisen
heim am Glan 1970 , VI- 176 p. ; 70 N . Van der Ben , « Empedocles' cycle and
fragment 17, 3-5 DK » , Hermes 112, 1984, p. 281-296 ; 71 G . Brown, « The
cosmological theory of Empedocles» , Apeiron 18 , 1984, p. 97- 101; 72 K . Alt,
« Einige Fragen zu den Katharmoi des Empedokles» , Hermes 115, 1987, p. 385
411 ; 116 , 1988, p. 264 -271; 73 D . W .Graham , « Symmetry in the Empedoclean
cycle » , CQ 38 , 1988, p. 297-312 ; 74 J.-F. Balaudé, Le démon et la communauté
des vivants. Étude de la tradition d 'interprétation des Catharmes d 'Empédocle.
De Platon à Porphyre, Thèse Lille 1992 ; 75 D . O 'Brien , « Empedocles revisi
ted » , AncPhil 15, 1995, p. 403-470 (sur Wright 11 et Inwood 12 ) ; 76 P .
Kingsley, Ancient Philosophy, Mystery, and Magic. Empedocles and Pytha
gorean Tradition , Oxford 1995 , X -442 p . (bibliographie : p . 403-416 ) ; compte
rendu par 77 D . O ' Brien , Isis 89, 1998 , p. 122 -124 ; 78 M . Van den Ben ,
« Empedocles' fragment 20 DK . Some suggestions » Mnemosyne 49, 1996 ,
p . 298 -320 ; 79 J.-F . Balaudé, « Parenté du vivant et végétarisme radical. Le
“ défi" d 'Empédocle » , dans B . Cassin et J.-L . Labarrière (édit.), L 'animal dans
l'Antiquité, Paris 1997, p. 31-53. L 'article de Van den Ben 78 a suscité les
réactions de 80 M . Gigante , « Attendendo Empedocle : un 'insidia al recupero del
testo autentico » , SIFC 3a ser. 15 , 1997 , p . 131- 134 , et de 81 D . Holwerda, « Zu
Empedokles Fr. 20 D -K .» ,Mnemosyne Ser. 4, 50 , 1997, p. 320 -321.
On a traditionnellement opposé nettement ces deux poèmes, le ſepi púbewS
étant considéré comme une explication « scientifique » de la nature, les Purifica
tions comme un poème religieux consacré au destin du « démon » à travers ses
réincarnations. On a tenté d'expliquer cette double inspiration par une évolution
spirituelle d'Empédocle , même si aucun accord ne s'est fait sur ce qui constitue
le pointde départ et le point d'arrivée de ce développement. Plus récemment, on
a remis en cause cette opposition comme étant trop marquée par une opposition
jugée anachronique entre science et religion, et on en est venu à nier la distinc
tion réelle entre les deux poèmes. Voir 82 Catherine Osborne, « Empedocles
recycled », CQ 37 , 1987, p. 24 -50, suivie par Inwood 12 , p . 9, et la réfutation de
cette thèse par O ' Brien 75, p. 431-441. Voir aussi 83 P. Kingsley, « Empedocles'
two poems» , Hermes 124 , 1996 , p . 108-111; 84 D . Obbink, « The adressees of
Empedocles» ,MD 31, 1993, p. 51-98 .
Les auteurs antiques citent des passages d 'Empédocle en les attribuant à l'un ou à l'autre
titre (ou à des périphrases évoquant ces titres), mais aucun ne citerait les deux comme
distincts. Seul Diogène atteste directement l'existence de deux poèmes distincts, mais son
témoignage est jugé tardif. On tire également argument du fait que Simplicius, qui cite le
fragment B 115 (que Plutarque, Hippolyte et Celse permettent de rattacher aux Purifications)
à la suite de passages qu 'il emprunte au Tepi Púoewç, ne dit pas qu 'il a cette fois recours aux
Purifications. Tout en maintenant la distinction de deux poèmes, N . Van der Ben 70 rapportait
84 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE E 19
B 115 au début du poème cosmique et rattachait à ce fragment d 'autres fragments traditionnel
lement attribués aux Purifications.
Martin et Primavesi 15 , p . 119), sans se prononcer sur la distinction ou l'identification des
deux titres attestés, soulignent que les nouveaux fragments confirment l'unité du système
d 'Empédocle et montrent que la démonologie n ' était pas absente du poème physique. Voir
encore Primavesi 19 .
En ce qui concerne l' opposition entre les recherches physiques et l'enseignement religieux,
une tradition ancienne rapportée au Physikos d ' Alcidamas l'expliquait par la double influence
d ' Anaxagore et de Pythagore : Empédocle aurait imité la physiologia du premier, et la oeuvo
τητα του βίου και του σχήματος du second ( VIII 56).
Selon Diogène Laërce VIII 77 , ces deux ouvrages auraient compris (in
distinctement ?) 5000 vers (nevtaxloxíaca ), alors qu ’un traité médical (’Iatpl
xóc Tóyos) aurait compris 600 “ vers” (Ěnn) ou plutôt lignes, car il était en prose
selon la Souda . Selon ce même ouvrage (qui ne parle pas des Purifications), le
traité Sur la nature comprenait deux livres et 2000 vers . 85 H . Diels, « Über die
Gedichte des Empedokles» , SPAW 1898, p. 396 -415, grâce à une correction du
texte de Diogène Laërce (Trávta tployixia ), attribue 2000 vers au poème Sur la
nature et 1000 aux Purifications. On a également extrapolé à partir de ces
données peu cohérentes (Diogène ne distingue pas entre les deux poèmes ; la
Souda ne mentionne pas les Purifications) que chaque livre comprenait 1000
vers et donc que les cinq mille vers dont parle Diogène correspondaient à cinq
livres , à répartir entre les deux ouvrages. Sur la fragilité de toutes ces déductions,
voir O ' Brien 68 chap. II: « Sur le nombre de vers et la division en livres des
deux poèmes d'Empédocle », p. 4 -13.
De telles indications stichométriques apparaissent ici et là chez Diogène Laërce à propos
de nombreux auteurs d ' époque ancienne : Thalès ( I 34 , qui forme doublet avec I 23), Solon ( I
61), Chilon (I 68 ), Pittacos (1 79), Bias (I 85), Cléobule (I 89), Périandre (1 97), Anacharsis (I
101), Épiménide (I 111) et Xénophane (IX 20). Il est possible qu' elles soient empruntées au
traité de Lobon d 'Argos Sur les poètes (1 34 et I 112), de même que différents extraits poé
tiques des Sages ou des auteurs présocratiques. Les chiffres ronds qui sont donnés (200 , 5000 ,
200 , 600 , 2000, 3000, 2000 , 800 , 5000 ,6500, 4000 , 5000 , 600 , 2000) invitent à douter de leur
authenticité .
Sur le caractère « oral» de cette poésie, voir 86 J.P. Hershbell,« Empedocles'
oral style » , CJ63, 1968, p. 351- 357.
Rares sont les fragments qui sont attribués expressément à un livre particulier.
La répartition des autres fragments entre ces deux poèmes et leur emplacement
dans l'économie générale de chacun a fait l'objet de débats interminables. Toute
reconstitution doit s'appuyer sur les fragments qui sont expressément attribués à
l'un ou l'autre des deux poèmes. Selon O 'Brien 75, p . 438-440, on peut attribuer
au poème Sur la nature les développements suivants:
- une dédicace à Pausanias (fr. 1, Diogène Laërce VIII60-61) ;
- un exposé sur les premiers principes, présentant la naissance et la mort comme le résultat
non d'une venue à l'être ou d'un anéantissement absolus,mais du mélange ou de la séparation
d'éléments préexistants (fr. 8 , Aétius I 30, 1 : tiré du “ livre I" );
- de longs passages, en partie répétitifs, sur l' alternance de l'Un etdu Multiple, laquelle
donne lieu à la production de créatures mortelles sous l'effet d'une unification progressive et
d 'une séparation progressive (fr. fr. 17, Simplicius, in Phys. p . 157, 27 et 161, 14 - 15 : tiré du
" livre I") ;
E 19 EMPÉDOCLE D'AGRIGENTE
- une cosmogonie (fr. 53, Simplicius, in Phys. p. 330, 33-35 et 331, 10 -11);
- une zoogonie (fr. 62, Simplicius, in Phys.p.381,29 - 382, 3: tiré du “livre II”).
Les fragments explicitement rapportés aux Purifications sont moins nom
breux.
- Les deux premiers vers adressés aux amis d 'Agrigente sont conservés par Diogène
Laërce VIII 54.
- Des vers du fr. 115 sontcités par Plutarque (De exilio 17, 607 c- d , et De Iside et Osiride
26 , 361 c ) et Celse (apud Origène, Contra Celsum VIII 53) comme se rapportant à la " purifi
cation ” . D 'après le contenu de ces vers , le poèmeracontait la chute du démon et ses pérégrina
tions ultérieures " sur les sentiers pénibles de la vie" . Si cette dernière formule fait allusion aux
réincarnations successives, il est légitime de rattacher aux Purifications plusieurs fragments
qui décrivent la hiérarchie des différentes formes de vie, depuis les plantes et les animaux jus
qu'aux hommes et aux dieux (voir les fr. 127, 146 et 147).
- Hippolyte (Ref. VII 30 , 3-4 ) reproche à l'hérésiarque Marcion d 'enseigner “ les purifica
tions d 'Empédocle” en exigeantdes pratiques purificatoires relatives à l'alimentation et à la
sexualité. On peut en conclure que les fragments qui dénonçaient les sacrifices animaux et la
nourriture carnée en considération de la croyance en la réincarnation provenaient eux aussi de
ce contexte littéraire (fr. 136 - 137, tirés de Sextus, Adv. math . IX 127-129).
- On sait enfin par Théon de Smyrne (Expositio p. 104, 1 -3 Hiller) qui cite le fr. 153a que
les Purifications comprenaient des développements embryologiques et, par Hérodien (voir
Hunger 13, p . 5 et 26 ), qu 'elles faisaient une place à une description de certaines plantes.
D 'après Hérodien, ces développements se situeraient dans le deuxième livre des Purifications.
Une autre question fort débattue depuis une trentaine d'années estde savoir si
la cosmogénèse décrite par Empédocle est un processus cyclique infini d' alter
nance entre l’Un et le Multiple. Des témoignages doxographiques autorisés
(Platon, Aristote et Simplicius) appuient clairement cette interprétation ,mais les
vers, peu nombreux, qui évoquent un cycle cosmique (surtout B 17) ont été par
fois reconstitués, traduits et commentés dans un sens différent (« Lebens
zyklus » ).
Diogène cite également une épigramme d 'Empédocle sur Pausanias, dont il
aurait été l'amant (VIII 61). Elle était probablement connue grâce à l'un des
livres de l'ouvrage d'un certain Aristippe (cité au paragraphe précédent), Sur la
sensualité des Anciens (voir ainsi les épigrammes attribuées par cet auteur à
Platon en IV 29- 30). Son authenticité est douteuse. Dans l'Anth. Pal. VII 508 ,
elle est attribuée à Simonide.
Une autre épigramme (VIII 65) concerne un concitoyen nommé Acron , père
du médecin homonyme (* A 14 ).Mais Diogène lui-même connaissait ces vers
comme étant également attribués à Simonide. Alors que le médecin Acron
d 'Agrigente demandait au Conseil l'autorisation d 'élever un monument à la
mémoire de son père qui avait été également médecin , Empédocle s'y serait
opposé.
Le distique et le contexte narratif ne sont pas en parfaite harmonie. Si, chez Diogène
Laërce , les mots ratpos ” Axpov (« dont le père était Acron » ) évoquent le père de celui que
l'on veut honorer, il faudrait en conclure que ce dernier était fils d 'Acron et père du médecin
Acron qui avait adressé la demande. On aurait donc trois Acron différents.Mais la Souda ( A
1026 ) présente le médecin sicilien (l'auteur de la requête , s 'il s'agit bien de la même per
sonne ) qui exerça à Athènes comme fils de Xénôn et, s ' il faut en croire l' édition , ne voit pas
dans l'axpov final du premier vers un nom propre.
86 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE E 19
Il est possible que la référence à Simonide (répétée par la Souda ) ait concerné plutôt l'épi
gramme de VIII 62 sur Pausanias, effectivement attribuée à Simonide par l'Anthologie Pala
tine (VII 508). Rappelons que Simonide estmort à Agrigente (Callimaque, fr. 71).
Spuria . Voir Classen 2,col. 247.
Littérature antique sur Empédocle. D 'après la Souda (Z 77), Zénon d 'Élée
(DK 29 A 2 ) aurait écrit une 'Exńynous tūv 'EuntedoxMÉOUS (DK 31 A 5).Une
lettre d' ÉpicureEm(fr.
ped104 Arrighetti?) évoque un philosophe commentant à Téos
Anaxagore etet Empédocleo DK 756la Aligne de Démocrite et de Leucippe. Il pourrait
dans
s 'agit de Nausiphane (DK 756 A 7).PlConcernant
aton, voit l'influence d'Empédocle sur
les théories physiques du Timée de Platon, voir 87 J. P. Hershbell, « Empedo
clean influences in the Timaeus » , Phoenix 28 , 1974 , p0.. 1145-
45-)166 ; 88 D . O 'Brien ,
« L 'Empédocle de Platon » , REG 110 , 1997 , p . 381-398 ; 89 Id ., « Plato and
Empedocles on evil » , dans J.J. Cleary (édit.), Traditions of Platonism . Essays in
honour of John Dillon, Aldershot 1999, p. 1-27. Pour Aristote : 90 G . Giannan
toni, « L 'interpretazione aristotelica di Empedocle» , Empedocle e la cultura
della Sicilia antica 5, p . 361-411. La liste des æuvres de Théophraste transmise
par Diogène Laërce cite en V 43 un lepì 'Eunedoxnéous a '. Hermarque de
Mitylène (= H 75), successeur d'Épicure à la tête du Jardin , écrivit un lepi
'Eunedoxéous (à corriger probablement en Ipòs 'Eunedoxnéa ), en vingt
deux livres ( D . L . X 24). Voir 91 I. Gallo , « Ermarco e la polemica epicurea
contro Empedocle » , dans P . Cosenza (édit.), Esistenza e destino nel pensiero
greco arcaico, coll« Pubbl. dell'Univ . di Salerno », Sez.Atti Conv.Miscell., IX ,
Napoli 1985, p . 33-50. Sur le problème du titre de ce traité, voir en dernier lieu
92 D . Obbink, « Hermarchus, Against Empedocles» , CQ 38 , 1988, p . 428-435.
L ' épicurien Colotès de Lampsaque (2 -C 180), dans son traité intitulé Qu 'on ne
sauraitmême pas vivre selon les doctrines des autres philosophes, s'attaquait à
Empédocle , comme à la plupart des philosophes anciens.La critique épicurienne
se maintient jusqu 'à Démétrius Lacon et Diogène d 'Oinoanda . Voir 93 C .
Gallavotti, « Empedocle nei papiri ercolanesi » , dans J. Bingen , G . Cambier et G .
Nachtergael ( édit.), Le monde grec. Pensée, littérature, histoire, documents.
Hommages à Claire Préaux, coll. « Université libre de Bruxelles. Faculté de
Philosophie et Lettres» 62,Bruxelles 1975, p. 153- 161; 94 E . Puglia, « Demetrio
Lacone e Empedocle » , dans Atti XVII Congresso internazionale di papirologia ,
Napoli 1984, p .437-446 ; 95 E. Puglia (édit.), Demetrio Lacone. Aporie testuali
ed esegetiche in Epicuro (PHerc. 1012 ), ed. trad. et comm . a cura di E . P ., coll.
« La Scuola di Epicuro » 8, Napoli 1988 , 328 p. (précédé d'un recueil des
témoignages sur Démétrius Lacon rassemblés par M . Gigante); 96 C . Gallavotti,
« La critica di Empedocle in Diogene di Enoanda », MCr 22, 1975- 1977, p . 243
249 ; 97 A . Casanova, « La critica di Diogene d'Enoanda alla metempsicosi
empedoclea (NF 2 + fr. 34 Ch.) » , dans Studi Barigazzi = Sileno 10, 1984 , t. I,
p . 119- 130 ; Sur Empédocle et Lucrèce, voir 98 D . Sedley , « The proems of
Empedocles and Lucretius» ,GRBS 30 , 1989, p . 269-296 . Cicéron, ad Q . fr. II 9 ,
3, mentionne les Empedoclea d'un certain Sallustius, inconnu par ailleurs . Voir
99 P . Hamblenne, « Au Salluste inconnu » , RBPhH 59, 1981, p. 60 -70. D 'après la
E 19 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 87
liste dressée par son frère Lamprias, Plutarque de Chéronée avait écrit un
ouvrage intitulé Eis 'Eunedoxéa , qui comprenait dix livres (n° 43). Un frag
ment en est conservé (fr. 24 Sandbach ). 100 J.Hershbell, « Plutarch as a source
for Empedocles re-examined » , AJPh 92 , 1971, p . 156 -184 ; 101 W . Burkert,
« Plotin , Plutarch und die Interpretation von Heraklit und Empedokles» , dans J.
Mansfeld et C . M . de Rijk ( édit.), Kephalaion . Studies in Greek philosophy and
its continuation offered to C . J. de Vogel, Assen 1975, p. 137-146 . Sur le
témoignage doxographique d 'Hippolyte, voir 102 J. P .Hershbell, « Hippolytus'
Elenchos as a source for Empedocles re -examined » , Phronesis 18, 1973, p . 97
114 et 187 -203 ; 103 J. Mansfeld , Heresiography in context. Hippolytus' Elen
chos as a source for Greek philosophy, coll. « Philosophia antiqua» 56 , Leiden
1992 , XVIII-391 p ., notamment p . 208 -230 et 245 - 262. Sur Empédocle et l’Ora
cle d 'Apollon sur Plotin (Porphyre, Vita Plotini 22), voir 104 M . J. Edwards,
« A late use of Empedocles: The Oracle on Plotinus » ,Mnemosyne 43, 1990 ,
p . 151- 155, et les réserves de 105 R . Goulet, « Sur quelques interprétations
récentes de l'Oracle d 'Apollon » , dans l'ouvrage collectif, Porphyre, La Vie de
Plotin , t. II, Paris 1992, p . 603-617, notamment p . 608 -609. Sur l'interprétation
d 'Empédocle (et de Parménide) chez Porphyre et chez Al-Sahrastāni, voir
106 S . Kohlschitter, « Parmenides and Empedocles in Porphyry' s History of
philosophy » , Hermathena 110, 1991, p . 43-53. De façon générale sur la tradition
arabe relative à Empédocle, voir 107 F . Altheim et R . Stiehl, Porphyrius und
Empedokles, Tübingen 1954, 74 p . ; 108 C . Baffioni, « Una storia della filosofia
greca nell' Islam del XII secolo , II : Anassagora ed Empedocle » , Elenchos 3 ,
1982 , p. 87 - 107. Voir aussi: 109 Ead., Sulle tracce di sofia . Tre “ divini” nella
Grecia classica, Napoli 1990 ,571 p. Voir aussi Kingsley 76 , p . 371-391 (« From
Empedocles to the Sufis: “ The Pythagorean Leaven ” » ).
Survie . Il semble que les poèmes d 'Empédocle aientcirculé jusqu'à la fin de
l'Antiquité , peut-être même jusqu 'au début du XIIIe siècle , s'il faut en croire un
témoignage de Michel Italicus. Voir 110 C . Horna, « Empedocleum » , WS 48,
1930 , p. 3 -11; 111 J.Mansfeld , « A lost manuscript of Empedokles ' Kathar
moi», Mnemosyne 47, 1994, p. 79-82 (sur un manuscrit signalé par G . Aurispa
en 1424 ).
112 S . Bercovitsh , « Empedocles in the English Renaissance » , SPh 65, 1968,
p . 67-80 .
Sur Empédocle et Hölderlin , voir 113 W . Kranz, Empedokles. Antike Gestalt
und romantische Neuschöpfung, coll. « Erasmus Bibliothek » , Zürich 1949,
392 p .; 114 U . Hoelscher, Empedokles und Hölderlin , Frankfurt am Main 1965,
65 p .; 115 I. Hochmuth , « Empedokles in Hölderlins Trauespiel », Altertum 17 ,
1971, p . 43-58. Traduction française du poème: 116 Empédocle sur l'Etna.
rançaidsa'Empédocle
rad . deen lafmort
Texte de la troisième version tler.. établi...
vec D.E. Sat(1799) établi. par
par DDanièle
a
Huillet et Jean-Marie Straub, en collab, avec D . E . Sattler... ; texte découpé par
Jean -Marie Straub ... et trad . en français par Danièle Huillet; postf. de Louis
Seguin , Toulouse 1990,65 p.
117 R. Furness, « Nietzsche and Empedocles», JBSP 2, 1971, p. 91-94.
88 EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE E 19
Empédocle a également inspiré des poètes comme Matthew Arnold ( 1822
1889), qui a publié en 1852 Empedocles on Etna : A dramatic poem . Voir 118 K .
Allot (édit.), Poems of Matthew Arnold , London 1965. Traduction française :
119 Empédocle sur l'Etna (Empedocles on Etna). Étude critique et traduction
par Louis Bonnerot, « Collection bilingue des classiques étrangers» , Paris 1947 ,
166 p.
120 B . Brecht, Der Schuh des Empedokles, dans Gedichte 1934 - 1941,
Frankfurt- am -Main 1961, p . 47-50 = La sandale d ' Empédocle, édité et traduit
par M .Régnaut, dans B. Brecht, Poèmes, t. IV , Paris 1966, p. 44-47.
121 Romain Rolland, Empédocle d 'Agrigente et l'âge de la haine, Paris 1918 ,
48 p . ; 122 Raymond Guérin , Empédocle. Mythe, Paris 1950.
RICHARD GOULET.

20 EMPÉDOS RE 2
Auteur d'Apomnèmoneumata, cité par Athénée, Deipnosophistes IX , 370 c .
Selon lui, Zénon de Kition jurait « par la câpre» (xánnapus), imitant Socrate qui
jurait « par le chien ». Le renseignement et la comparaison avec Socrate apparais
sent également, de façon anonyme (paoi), chez Diogène Laërce VII 32, à la fin
de la biographie de Zénon (voir aussi Souda, s.v. várnapic ).
" Euntedos est, dans le texte d'Athénée, une correction, due à C .Müller, pour futodoc.
Susemihl, GGLA II, p . 399 n . 314 , mentionne ce personnage dans une liste d 'historiens de date
inconnue. Selon F . Jacoby, art. « Empedos » 2 , RE V 2 , 1905, col. 2512, il s 'agirait plutôt d 'un
philosophe stoïcien .
RICHARD GOULET.

21 EMPÉDOS DE SYBARIS
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth. 36 , 267, p . 145, 1 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
22 EMPÉDOTIME DE SYRACUSE RESuppl. IV
Figure littéraire d'un dialogue d'Héraclide le Pontique (** H 60).
Cf. 1 W . Kroll, art. « Empedotimos» , RESuppl. IV , 1924, col. 269; 2 R .
Daebritz, art. « Herakleides » 45, RE VIII, 1913, col. 476 -477 ; 3 E . Rohde,
Seelencult und Unsterblichkeitsglaube der Griechen , Tübingen 19259-10, t. II,
p. 94 n . 1 (= E . Rohde, Psyché. Le culte de l'âme chez les Grecs et leur croyance
à l'immortalité , trad. A . Reymond , Paris 1928, p . 340 n. 1) ; 4 F . Wehrli, Hera
kleides Pontikos, coll. « Die Schule des Aristoteles» 7 , Basel/Stuttgart 19692, fr.
90 -96 (commentaire, p . 90 -93) ; Wehrli ne retient pas toutes les références à
Empédotime (cf. par ex. Anthologie Palatine VIII 29 (Grégoire de Nazianze ),
Grégoire de Nazianze, Orationes IV 591) ; 5 H . B . Gottschalk , Heraclides of
Pontus, Oxford 1980, p . 98- 105, 149- 154 (textes ajoutés à ceux édités par
Wehrli 4 ); 6 W . Burkert, Lore and science , p . 366 -368.
E 23 ENDIOS DE SYBARIS 89
(Quelques témoignages, empruntés à Michel Psellus, l'Empereur Julien , Grégoire de
Nazianze et une scholie sur les vers de Grégoire attribuée à Cosmas de Jérusalem dit le
Mélode, ont été signalés par 7 J . Whittaker, « Varia Posidoniana » , EMC 40, n .s. 16 , 1997,
p. 305 -315 , en particulier p. 305 -309. R . G .)
On a fait l'hypothèse que le nom d'Empédotime aurait été forgé par Héraclide
le Pontique sur ceux d'Empédocle et du « chaman » Hermotime de Clazomènes
(Wehrli 4, p. 91 ; cf.Gottschalk 5, p. 111 n . 79).
On apprend par la Souda (s.v. 'Euntedótluoc, t. I, 2, p. 259, 16 -20 Adler et
s.v. 'lovilavós (l'Empereur Julien ), t. I, 2, p. 643, 4-7 Adler ) qu 'Empédotime
avait écrit un ouvrage Sur la physique (Ilepi puolxnç åxpoácewC) et que l'Em
pereur Julien avait témoigné dans ses Saturnales (tà Kpovla = fr. 161 Bidez) de
sa foi en Empédotime et en Pythagore et aussi en ce qu 'en ont dit Héraclide le
Pontique et Jamblique de Chalcis. D 'après les témoignages que nous possédons
sur Empédotime, l'enseignement de celui-ci relève effectivement de la « psycho
logie » , c'est-à-dire de la physique, mais l'auteur de la Souda , ou plutôt sa
source, a tort de considérer ce « philosophe» comme un personnage historique
(même attitude chez Grégoire de Nazianze, Orationes IV 59).
(Sur le témoignage de Julien, voir J. Bouffartigue, L 'Empereur Julien et la culture de son
temps, « Collection des Études Augustiniennes - Série Antiquité » 133, Paris 1992, p . 111
112. R . G .)
Les sources antiques rapportent une vision qu'aurait eue Empédotime lors
d 'une chasse , au cours de laquelle Pluton et Perséphone lui seraient apparus;
illuminé par la lumière qui entourait les dieux, il aurait vu « dans une vision
directe toute la vérité sur les âmes» (Proclus, In Remp. II, p. 119, 20-27 Kroll). Il
aurait décrit les trois portes et les trois voies qui mènent au ciel (Varron ap.
Servius, In Verg. Georgica I 34 ) et présenté la voie lactée comme le chemin qui
mène les âmes dans « l'Hadès céleste» (Damascius ap. Jean Philopon , In
Meteor., p. 117, 8-27 Hayduck ). Il est vraisemblable qu'Empédotimeprésentait
sous forme de vision une doctrine chère à Héraclide le Pontique, peut-être dans
le dialogue intitulé lepi quxñs (autres hypothèses dans Wehrli 4, p. 90 -91). On
trouvera une interprétation des révélations d' Empédotime dans Gottschalk 5 ,
p . 98- 105. Pour une brève présentation de la psychologie et de la théologie d 'Hé
raclide le Pontique, cf. 8 H . -J. Krämer, « Die Ältere Akademie » $ 5 : Herakleides
Pontikos, GGP, Antike 3, 1983, p . 91-92.
Notons enfin que ce sont principalement des néoplatoniciens qui ont repris
l'anecdote de la vision d'Empédotime (Jamblique, Julien, Proclus, Damascius
[Olympiodore , fr. 95 Wehrli = Damascius), Philopon ).
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .
23 ENDIOS DE SYBARIS
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique, V.
pyth . 36 , 267, p. 145, 2 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
ÉNÉE → AINÉAS
DÈME
90 ÉNÉSI E 24

24 ÉNÉSIDÈME ja ?
Fondateur du néo -pyrrhonisme.
Biographie. La biographie d'Énésidème pose de nombreux problèmes. On
trouvera un résumédes propositions de datation (entre 80 av. J.-C . et 130 apr.)
dans 1 Ch. L . Stough , Greek scepticism , A Study in epistemology, Berkeley/Los
Angeles 1969, p . 8 - 9 , et 2 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, Göttin
gen 1978, p . 116 - 119. Une étape importante de la discussion est constituée par
3 H . von Arnim , Quellenstudien zu Philo von Alexandria, coll. « Philologische
Untersuchungen » 11, Berlin 1888, sect. II : Philo und Aenesidem , p . 53- 100 , en
particulier p. 73. On admet généralement aujourd 'hui l'hypothèse de 4 V .
Brochard , Les Sceptiques grecs, Paris 1884, p . 244 -245, qui fait d 'Énésidème un
contemporain de Cicéron. L 'argument principalpour cette datation s'appuie sur
un passage de Photius, Bibl. cod. 212, qui expose les critiques d'Énésidème
contre l'Académie, en particulier celle de son temps, laquelle n 'est selon lui
sceptique que de nom et ne diffère pas en pratique du stoïcisme. Ces critiques ne
peuvent viser Antiochus d 'Ascalon ( > A 200 ) , puisque la remarque que ces aca
démiciens contemporains, tout en dogmatisant sur beaucoup de points, rejettent
le critère stoïcien de la représentation compréhensive ne peut précisément pas
s 'appliquer à celui que Cicéron appelle germanissimus stoicus (II Acad . VI 18 ).
Il doit plutôt s 'agir de Philon de Larissa. Énésidème aurait écrit ses Livres
Pyrrhoniens tandis que la position de Philon était encore officiellement celle de
l'école tout entière , donc avant le départ de ce dernier pour Rome (Glucker 2 ,
p . 117) .
De nouveaux éléments sont apparus dans la discussion , à partir des tentatives
faites pour localiser l' activité philosophique d’Énésidème. Sur son lieu d'origine
en effet, les témoignages divergent. Énésidème est généralement dit Kvúolos
« de Cnossos» , d'après le témoignage de Diogène Laërce dans la Vie de Timon
(IX 115 -116 ),mais notre source principale sur la vie d 'Énésidème, la notice de
Photius, Bibl. cod. 212 , 169b 19, indique : • Aivnoíonuos ó éĘ Aly @ v , « Énési
dème d 'Aeges» , tandis qu' Aristoclès (témoignage transmis par Eusébe, P. É .
XIV 18, 22) fait allusion à une renaissance récente de l'enseignement sceptique
due à un certain Énésidème à Alexandrie d'Égypte : éxoès xai apánv. 5 F .
Decleva Caizzi, « Aenesidemus and the Academy » , CQ 42 , 1992, p . 176 - 189 ,
propose une solution à cette difficulté en distinguant un lieu d 'origine, Cnossos,
un lieu associé à la renommée du philosophe, Alexandrie , et un « lieu inter
médiaire » , Aeges, « où Énésidème se trouvait à un certain moment de sa vie » ,
mais, comme le remarque 6 J. Mansfeld , « Aenesidemus and the Academics» ,
dans L . Ayres ( édit.), The Passionate Intellect, Essays on the transformation of
Classical Traditions, coll. « Rutgers University Studies in Classical Humani
ties » , New Brunswick /London 1995, p . 235 -248 , si le Kvóolog de D . L . peut
désigner soit le lieu de naissance, soit une cité dont Énésidème fut citoyen , soit
le lieu où il fut enterré, le ¿E Alyõv de Photius fait sans ambiguité référence au
lieu de naissance (p . 239).
E 24 ÉNÉSIDÈME
L' allusion à Alexandrie a pu être utilisée pour la datation basse du philosophe
à partir de la formule éxoès xai tpónv. En particulier, 7 N . Macoll, The Greek
Sceptics, London /Cambridge 1869, p . 68-69, a proposé la date extrême de
130 apr. J.- C . Mais d'une part l'expression peut toujours être comprise d 'une
manière assez lâche, d 'autre part la datation d 'Aristoclès ( > A 369) a été récem
ment remontée du lie au jer siècle de notre ère, sur la base d 'une nouvelle lecture
de manuscrits faisant d 'Aristote de Mytilène (mA 413 ) et non d'Aristoclès le
péripatéticien du IIe siècle qui fut le maître d' Alexandre d' Aphrodise (> A 112]
(8 P .Moraux , « Aristoteles , der Lehrer des Al. v. Aphr.» , AGPh 49 1967, p. 169
182). La difficulté demeure toutefois puisque les partisans de cette nouvelle
datation d ' Aristoclès (ainsi 9 S. Follet, DPA t. I, p . 382) s'appuient sur 10 P.
Moraux , Aristotelismus, t. II , p . 83-92, qui utilise pour faire remonter la date
d 'Aristoclès précisément le éxoès xai npónu qui est rapporté à Énésidème. On
pourra s'en tenir prudemment aux conclusions de 11 H .B . Gottschalk , « Aristo
telian philosophy in the Roman world from the time of Cicero to the end of the
second century A . D . » , ANRW II 36 , 2 , 1987, p. 1161-1162 : « Tout ce que nous
pouvons dire est qu' < Aristoclès > a probablement vécu au premier ou second
siècle de notre ère. »
La question de la localisation d 'Aeges n 'est pas non plus sans importance
pour la datation de l'æuvre d 'Énésidème. Par ailleurs, elle recoupe l'interpréta
tion du lien entre Énésidème et le destinataire de ses huit Livres Pyrrhoniens,
Lucius Tubero (Photius, Bibl. cod. 212, 169 b 32 -33), seule indication biogra
phique qui puisse faire allusion à l'appartenance d 'Énésidème à l'Académie .
Photius dit en effet qu’Énésidème aurait dédié ses livres « à un ouvaipEOLÁTNS,
membre de l' Académie , Lucius Tubero , d 'origine romaine, d 'une famille illustre
et ambitionnant des charges politiques non négligeables » ( 169 b 30 -35). Trois
questions se posent à propos de ce passage de Photius: (a ) qui est Lucius Tube
ro ? (b ) quel rapport peut-on voir entre le lien d 'Énésidème avec Tubéron et la
mention de la cité d 'Aeges en 170 a 41 ? (c ) comment doit-on comprendre le
συναιρεσιώτης ?
On admet avec E . Klebs, l'auteur de la majeure partie des notices de la RE sur
les “ Tubero ”, qu'il s'agit de L . Aelius Tubero , que Cicéron cite comme un ami
dans le Pro Ligario et qui fut légat du proconsul d 'Asie , Quintus Cicéron (2 + C
125 ). Selon Decleva Caizzi 5 , p . 180 , Énésidème et Lucius Tubero se seraient
rencontrés dans l'Aeges d ’Éolide (Aeolis) qui appartenait justement au territoire
de la province d 'Asie , précisément pendant le proconsulat de Quintus, donc de
63 à 58 av. J.- C . 12 F . Decleva Caizzi, « Per un 'edizione delle testimonianze
sullo scettico Enesidemo » , Annuario del Ginnasio Liceo “ A . Volta " di Como,
<5 >, 1990 -1992 (1992), p. 183-200 , confirme sa localisation par le rapproche
mentavec un témoignage épigraphique de la région de Kymè en Éolide (IGR IV
1740 ), dans lequel un philosophe “pyrrhoniaste” du nom de Ménéclès (selon la
reconstitution de Kaibel, Epigrammata Graeca, nº 2416 , p. 522, confirmée par
D . Baltazzi, BCH 12, 1888, nº 017 , p . 368 ) se vante d 'avoir réalisé l' idéal pyr
rhonien de l'ataraxie (åtápayov odov ). Pour C . Lévy (dans une étude à paraître
92 ÉNÉSI E 24
DÈME
dans REG ), il s'agirait plutôt de l'Aeges de Cilicie où le jeune L . Tubero serait
venu visiter Énésidème une dizaine d'années avant la date proposée par Decleva
Caizzi. Il appuie son choix de l'Aeges de Cilicie sur un témoignage de Philo
strate , Vie d 'Apollonios 1 7, 1, quimontre qu'au jer siècle apr. J.-C . Apollonios
de Tyane (* A 284 ) pouvait « philosopher» avec « des platoniciens, des chrysip
péens, des péripatéticiens» . Comment comprendre que Cicéron ne mentionne
pas cette ville, alors qu'il fut proconsul de Cilicie en 51-50, si déjà une vingtaine
d 'années auparavant elle avait pu voir la rencontre d'Énésidème et de Tubero ?
On pourrait enfin songer à une localisation plus simple d 'Aeges, dont, dit Pho
tius, Énésidème est « originaire » ; il existait un lieu de ce nom en Crète ,même
s'il s 'agit d 'un Aegeum antrum (cf. Hésiode, Théogonie 481 sq .) et un lieu trop
éloigné de Cnossos (Inscriptiones Creticae I 1).
Le silence de Cicéron sur Énésidème a par ailleurs donné lieu à plusieurs ten
tatives d ' explication . 13 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen in ihrer
geschichtlichen Entwicklung dargestellt, II 2 , Leipzig 1881, p . 15, proposait déjà
d'identifier le Tubero auquel Énésidème avait dédié sesæuvres avec un membre
de la famille autre que l'amide Cicéron, parce que Cicéron ne semble pas être
informé de l'existence d 'Énésidème (Cf. Glucker 2 , p . 116 n . 44 ). Dans l'hypo
thèse de F . Decleva Caizzi qui retient l' identification traditionnelle avec l'amide
Cicéron, le silence de ce dernier est plausible dans la mesure où Énésidème n 'a
pas appartenu à l'Académie . Enfin, une autre hypothèse a été présentée par 14 G .
Reale, Storia della filosofia antica IV ,Milano 1978, p. 152. Le silence de Cicé
ron permettrait de dater la renaissance du pyrrhonisme: l’æuvre d ’Énésidème fut
écrite probablement dans les années suivant immédiatement la mort de Cicéron ,
juste après 439. Comme l'a montré C . Lévy , il n 'est nullement nécessaire que
Cicéron ait cité dans ses œuvres les auteurs qu 'il a pu connaître , comme en
témoigne le cas de Lucrèce.
Énésidème fut-il compagnon de Tubero à l'Académie ? On considère tradi
tionnellement avec Brochard qu ’Énésidème avait fait un passage à l' Académie,
sur la base du témoignage de Photius. Mais F . Decleva Caizzi propose de lire
autrement ouvalpeolárns : le termene signifierait pas compagnon d 'Énésidème
à l'Académie , mais « membre de l' Académie » , en dépit du préfixe contenu dans
le terme. On pourrait aussi envisager que Tubero issu de l'Académie ( TÕV ŠE
'Axaðnuíaç tivi) ait épousé, au moment où Énésidème lui dédia son æuvre, la
même aipeolç qu'Énésidème, à savoir non pas la doctrine de l'Académie (voir
15 H . Tarrant, Scepticism or Platonism ? Cambridge 1985, p .60 ),mais le néo
pyrrhonisme (voir sur ce pointMansfeld 6 , p. 241- 245 ). Les critiques adressées à
l' Académie (Photius, Bibl. cod. 212, 170 a - b ) correspondent bien à l'attitude de
quelqu 'un qui déserte l'Académie pour le pyrrhonisme et se justifie en montrant
que l'Académie a elle -même trahi son scepticisme et qu'elle se confond avec le
stoïcisme (Glucker 2 , p . 118).
Les écrits d 'Énésidème. Les témoignages font état de quelques titres:
- Muppáveloc Noyou (Sextus, A. M . VIII 215 ; D .L. IX 106 et 116 ) que Pho
tius appelle Huppwviwv Noyou (Discours pyrrhoniens ou des Pyrrhoniens).
E 24 ÉNÉSIDÈME
- Karà oopías, Contre la science (D .L . IX 106).
- Nepi Intńcewç, Sur la recherche ( D. L . IX 106 ).
- Eis tà Iuppúvela ÚTOTÚTIWOLÇ, Esquisse du pyrrhonisme (D. L . IX 78 et
Aristoclès dans Eusèbe, P . É. XIV 18 , 11).
- EtoixeiGOELÇ, Introduction élémentaire (Aristoclès, ibid. 16 ).
- Ipørn eloaywyń , Première Introduction (Sextus, A . M . X 216 ).
Les trois derniers peuvent n 'être que des parties d 'autres ouvrages. Des trois
qui sont certainement d 'Énésidème (Brochard 4 , p . 247), deux ne sont plus pour
nous que des titres. Seuls les huit livres des Discours Pyrrhoniens sont analysés
par Photius. Le premier livre est consacré à la différence entre les académiciens
et les pyrrhoniens qui, eux, n' affirment rien , pas même qu 'ils n 'affirment rien , et
à l' attaque contre les académiciens accusés de collusion avec les stoïciens ( voir
l'analyse du passage 160b 35 - 170 a 38 par Decleva Caizzi 12 p. 196 -200) . Le
second livre traiterait des principes, des causes, du mouvement, de la génération
et de la corruption , le troisième de la sensation et de la pensée. Le quatrième
démontre qu 'il n 'y a point de signes et indique les difficultés relatives à la
nature, au monde, à l'existence des dieux. Le cinquième expose les huit tropes
dits parfois aitiologiques ( contre les causes). Le sixième traite du bien et du mal,
le septième combat la théorie des vertus et le huitième veut prouver que ni le
bonheur, ni le plaisir, ni la sagesse ne sont le souverain bien .
Les témoignages. Les cuvres de Sextus Empiricus constituent la source
principale pour la connaissance d 'Énésidème. Non seulement son nom y est cité
une dizaine de fois (selon l' index de l'édition Janáček ), mais il est également
tenu pour l'auteur de nombreux arguments sceptiques de Sextus. 16 F . Decleva
Caizzi, « Sesto e gli Scettici» , Elenchos 13, 1992 , p . 279 -327 , considère qu 'en
particulier l'expression « les sceptiques plus anciens » se réfère principalement à
lui (p . 301). 17 K . Janáček, « Ainesidemos und Sextos Empeirikos» , Eirene 17,
1980 , p . 5- 16 , analyse les sources qui ont été considérées en particulier par von
Arnim comme des témoignages sur Énésidème. Il analyse essentiellement Clé
ment d'Alexandrie (Stromates III 93 , 19 – 94, 4 Stählin ), Diogène Laërce IX 95 , et
Sextus. Selon lui, il y a une source plus ancienne que Sextus dans Clément
d' Alexandrie , Diogène Laërce étant considéré comme indépendant de Sextus.
L 'essentiel de la démonstration sur Énésidème concerne l'expression désignant
la vérité dogmatique ń Év TOTS oủol aandela . Cette expression énésidémienne,
mais également plus ancienne, revient régulièrement chez Sextus. Dans un
article précédent ( 18 « Zur Interpretation des Photios Abschnittes über Ainesi
demos» , Eirene 14 , 1976 , p . 93 - 100) consacré à Photius (Bibl. cod. 212),
Janáček a rejeté les témoignages de Philon et d' Aristoclès sur Énésidème et
considéré que Diogène Laërce conserve des fragments et une terminologie plus
anciens que Sextus,bien que Sextus lui-même soit plus ancien (p . 93-94 ).
On peut dire avec Brochard 4, p . 249, que « c'est en ne prenant que ce qui est
devenu le bien commun des sceptiques que Sextus suit Énésidème partout où il
ne le cite pas » . Voir Decleva Caizzi 12 .
94 ÉNÉSIDÈME E 24
Trois passages importants de l'Adversus Mathematicos de Sextus sont attri
bués nommément à Énésidème, conformément au résumé de Photius, mais la
difficulté est de savoir où s'arrêtent les arguments empruntés à Énésidème et où
recommencent les propos de Sextus. On distingue (1) un passage sur les causes:
A. M . IX 218 sqq., (2) un sur la vérité : A. M . VIII 40 sqq., et (3) un sur les
signes : A . M . VIII 215 sqq .
Les dix tropes. Énésidème est l'auteur des dix tropes de la suspension du
jugement (Aristoclés dans Eusèbe, P . É. XIV 18 , 11; Sextus, A. M . VII 345 ;
D . L . IX 78, 87), dans la mesure où , partant d'un matériau , d'exemples et de
l'expression même de tropes, traditionnels chez les sceptiques, il est le premier à
les ordonner et à les énumérer avec une certaineméthode. Dans l' exposé des dix
tropes de ses Hypotyposes Pyrrhoniennes, Sextus ne semble pas toutefois suivre
fidèlement Énésidème. Si tel était le cas, comme le remarque Brochard 4 , p. 250
n . 7, la question si difficile de la date de ce philosophe serait décidée , par
l'exemple de Tibère (H . P . I 84).
Il existe essentiellement deux versions des dix tropes, celle très détaillée de
Sextus et celle plus restreinte de Diogène Laërce, qui suit un ordre légèrement
différent, et quelques témoignages divergents (Aristoclès n 'attribue à Énésidème
que neuf tropes, Favorinus dans D .L . IX 87 modifie la place des deux derniers
tropes de Diogène et Philon d' Alexandrie n 'en cite que huit). 19 J. Annas et J.
Barnes, The modes of scepticism , Cambridge 1985, analysent chaque trope dans
l'ordre de Sextus en citant les textes parallèles.
Par le terme de tropes (τρόποι ou encore τόποι et λόγοι, cf. Η. Ρ . Ι 36,
termes parfois traduits par celui de modes), les sceptiques désignaient les diver
ses « manières ou raisons» par lesquelles on arrive à la nécessité de suspendre
son jugement (Brochard) ou les « types de considération » pour douter de la pos
sibilité du savoir (20 A . A . Long, Hellenistic Philosophy, London 1986 , p . 82).
Sur les rapports entre relativisme et scepticisme, voir Annas et Barnes 19, p. 98,
et 21 G . Striker , “ The ten tropes of Aenesidemus” , dans M . Burnyeat (édit.), The
Skeptical tradition , coll. “Major thinkers Ser.", Berkeley 1983, p . 95- 115 .
Dans l'ordre de Sextus et en adoptant la terminologie devenue classique de
Brochard, les tropes sont ainsi classés : (1) la diversité des animaux, (2) les diffé
rences entre les hommes, ( 3) la diversité des sens, (4 ) les circonstances, (5 ) les
situations, les distances et les lieux, (6 ) les mélanges, ( 7) les qualités ou compo
sitions, (8) la relation , (9) la fréquence et la rareté , (10 ) les coutumes, les lois, les
opinions. Sextus simplifie lui-même la liste en concluant que tous les tropes se
ramènent à un seul, celui de la relation (H . P . I 39).
L 'ordre adopté par Diogène peut paraître plus satisfaisant (Brochard 4, p. 260 ,
et 22 F . Cossutta, Le scepticisme, coll. “ Que-sais-je ?" , Paris 1994, p. 79 -81, qui
propose une nouvelle terminologie ). Le dixième trope d' Énésidème devient le
cinquième; il s'agit en effet de divergences d'opinion tenant à la nature ou aux
dispositions du sujet. Le septième devient le huitième; les sixième, septième,
huitième et neuvième tropes se rapportent à l'objet considéré en lui-même,
abstraction faite de tout rapport soit entre le sujet et l'objet, soit entre les divers
E 24 ÉNÉSIDÈME 95
objets. Le dixième enfin (la relation), le plus important de tous, désigne les rap
ports des objets entre eux .
L 'argumentation sceptique. Les tropes de la suspension du jugement, s'ils
permettent de faire d 'Énésidème le rénovateur du scepticisme, ne sont pourtant
pas l'unique argumentation du sceptique qui nous soit parvenue. Les trois lam
beaux de doctrine transmis par Sextus sur la vérité, sur les causes et sur les
signes constituent les points fondamentaux de l'argumentation sceptique dirigée
contre l'adversaire stoïcien . Le premier argument (A . M . VIII 40 -48) démontre
qu'il ne peut y avoir de vérité. Le second (A . M . IX 218 -227) expose les huit
tropes destinés à réfuter ceux qui croient à l'existence des causes. Le troisième
attaque la démonstration en montrant qu 'il n 'y a pas de signes visibles révélant
les choses invisibles (cf. Photius 170 b 12). Aucun texte précis ne permet d ' attri
buer à Énésidème la distinction développée par Sextus entre signes commémo
ratifs et signes indicatifs.
La théorie morale soulève deux difficultés. D ' une part les témoignages per
mettent de retrouver à propos d'Énésidème la mêmecontradiction à laquelle sont
confrontés les interprètes de Pyrrhon . D 'après le résumé de Photius, les derniers
livres des Discours Pyrrhoniens d'Énésidème étaient consacrés à réfuter la
théorie morale des stoïciens et rejetaient toute définition du souverain bien .Mais
chez Diogène Laërce (IX 107) et Aristoclès (Eusèbe, P . É . XIV 18 , 4), Énési
dème est associé à Timon pour l'opinion que l'ataraxie est le bien que seul le
scepticisme peut assurer et qu 'elle résulte de la suspension du jugement. D 'autre
part, la fin du passage d' Aristoclès est tellement problématique que le texte a pu
être récusé. Pour les partisans de la suspension du jugement, explique en effet
Aristoclès , « il s 'ensuivra selon Timon d 'abord l'aphasie, ensuite l' ataraxie , et
selon Enésidème le plaisir » .
L 'héraclitisme d 'Énésidème. Ce problème est généralementmis en évidence
et traité à partir d'un passage de Sextus qui présente la position d 'Énésidème et
la récuse à l'intérieur de la section consacrée aux rapprochements avec les philo
sophies voisines (23 K . Janáček , « AINAPAKEIMENAI (scil. TỈ EKEYEI) OIAO
LOQIAI. Bemerkungen zu Sextus Empiricus P . H . I 210-241 » , Philologus 121,
1977 , p . 90 -94).
Il s'agit de H . P . I 210-212 intitulé « Que la manière sceptique de procéder
diffère de la philosophie héraclitéenne » , plus particulièrement de la formule de
210 : « Énésidème et ses partisans (oi tepi töv Aivnoidnuov) ont dit que “ la
manière sceptique de procéder est un chemin vers la philosophie héraclitéenne” ,
en vertu du fait que “ le même possède une apparence contradictoire " précède " le
même possède une réalité contradictoire ” (...)» .
On ne voit pas comment expliquer cette métamorphose de « l'héritier de
Pyrrhon » en « disciple d 'Héraclite » (Brochard 4 , p . 272). La difficulté de la
question s'accroît si l' on tient compte d 'un certain nombre d 'autres passages de
Sextus considérés comme des passages « dogmatiques » d'Énésidème, et généra
lement introduits par l' énigmatique formule « Énésidème» : A. M . VII 348-350
(sur la raison et les sens), A.M . VIII 8 (sur la vérité), A. M . IX 337 (sur la partie
96 ÉNÉSIDÈME E 24
et le tout), et trois passages parallèles sur le temps: A . M . X 215-218 , A. M . X
230 -233 et H . P . III 138. Certaines de ces doxographies trouvent des parallèles
dans Tertullien , De Anima 5 , 2 ; 9, 5 ; 14 , 5 ; 17, 2 ; 25, 5.
Trois tendances ont coexisté dès les premières publications consacrées à la
question à la fin du XIXe siècle . Une première, que l'on pourrait qualifier d 'histo
rique, consiste à se débarrasser du mystère que constitue l'héraclitisme d ’Énési
dème en l'imputant à une erreur, qu'elle soit due à Sextus (24 H . Diels, Doxo
graphiGraeci, Berlin 1879 , p. 209 -210 ) ou à l'existence d'une source intermé
diaire (25 E . Zeller et E . Pappenheim , Der angebliche Heraklitismus des Skepti
kers Ainesidemos, Berlin 1889) .
Von Arnim 3, p . 81-82, a soulevé une objection constamment reprise contre
la thèse commune de Diels, Zeller et Pappenheim : les relations de pensée entre
Philon d 'Alexandrie et Énésidèmerendent impossible que l' attribution des doc
trines héraclitéennes à Énésidème soit due à un néo-pyrrhonien du IIe siècle ou
même à une erreur de Sextus parce que chez Philon déjà (mort peu après 40 apr.
J.-C .) se trouve la trace des tropes mais aussi de l'héraclitisme (voir 26 K .
Janáček, « Philo von Alexandreia und die skeptischen Tropen » , Eirene 19 , 1982,
p . 83- 97). Les remarques de von Arnim n 'ont pas seulement été utilisées pour
dater la vie d 'Énésidème, mais aussi pour confirmer l'existence d 'un « héracli
tisme d 'Énésidème».
La deuxième tendance, et finalement la plus féconde jusqu'à nos jours ,
consiste à distinguer des phases dans la vie et l'euvre de l'auteur.Mais le « che
min » d 'Énésidème est double, le conduisant tantôt de l'héraclitisme au scepti
cisme (27 E . Saisset, Le scepticisme antique, Aenésidème, Pascal, Kant, Paris
1865 ; 28 M . Dal Pra , Lo scetticismo greco, Bari 1975, 3e éd. 1989; 29 J. Rist,
« The Heracliteanism of Aenesidemus» , Phoenix 24 , 1970, p. 309 -319 ), tantôt
du scepticisme à l'héraclitisme (Brochard 4, 30 G . Capone Braga, « L 'eracli
tismo di Enesidemo» , RF 22, 1931, p. 33-47), avec éventuellementdans chaque
cas un passage par l'Académie .
Enfin , certains auteurs réinterprètent le scepticisme d 'Énésidème de façon à
pouvoir faire du sceptique un véritable héraclitéen sans recourir à la solution de
phases distinctes dans son évolution intellectuelle . Il s 'agit d 'abord de 31 P .
Natorp , Forschungen zur Geschichte des Erkenntnis -Problems im Alterthum .
Protagoras, Demokrit, Epikur und die Skepsis, Berlin 1884 (réimpr. Hildesheim
1965), reprise dans un contexte plus large d ’un article paru l'année précédente :
32 Id., « Untersuchungen über die Skepsis im Alterthum : Aenesidem » , RhM 38,
1883, p . 28 -91, dont les conclusions hardies, dénoncées en leur temps par
Brochard , ont été reprises récemment dans un contexte purement méthodo
logique par Stough 1.
Natorp tente une justification philosophique de l'héraclitisme d'Énésidème,
interprété comme un phénoménisme compatible avec le scepticisme. Énésidème
aurait renoué avec la doctrine de Protagoras « dontmanifestement est issu le
scepticisme pyrrhonien » , et aurait été conscient de la relation de cette doctrine
E 24 ÉNÉSIDÈME 97
avec l'héraclitisme. Natorp est sans doute le premier à attribuer à Énésidème la
lecture sceptique de Protagoras chez Sextus A . M . VII 60-64. De plus, il
construit, comme le fera aussi Brochard, « le lien logique précis » entre les
doctrines énésidémo-héraclitéennes et H . P. I 210 : tous les passages du corpus et
en particulier ceux sur le temps sont des exemples « de la thèse générale que le
réel peut être contradiction » (31, p. 110).
33 M . Conche, Pyrrhon ou l'apparence, Villers -sur-Mer 1975 , suivi par
Reale 14, p. 180 , interprète l'héraclitisme comme scepticisme “ antimétaphysi
que -nihiliste” . Dans cette perspective, le témoignage d ’Aristoclès est fortement
validé aux dépens de celui de Sextus et est analysé comme l'exacte négation des
trois principes aristotéliciens qui « s'y laissent entrevoir » : le principe de raison ,
le principe de contradiction, le principe du tiers -exclu . De même, les tropes sont
analysés comme « une machine de guerre anti-dogmatique » particulièrement
dirigée contre l'adversaire stoïcien (p. 78) et n 'auraient pas la même valeur pour
Sextus et pour Énésidème. L 'argumentation par les tropes s'inscrit dans le cadre
d 'une « philosophie de la représentation avec la scission de l’être et du paraître »
(p . 87). « L 'héraclitéisme n 'a rien d 'un phénoménisme, et le scepticisme phéno
méniste ne peut conduire à l'héraclitéisme. Si donc l'orientation sceptique est,
selon Énésidème, un acheminement à la philosophie d'Héraclite, c 'est que le
scepticisme de Pyrrhon et d' Énésidème n 'est nullement un phénoménisme» .
Ainsi « le pyrrhonisme coïncide avec un néo -héraclitéisme où l'accent ne serait
pas mis sur le logos mais sur la dissolution et la mort» . C ' est, d 'une manière
générale , la question des rapports avec le stoïcisme qui reste ambiguë dans l'en
semble de cette thèse sur l'héraclitisme d'Énésidème, pourtant très cohérente dès
lors que l'on admet son corollaire, la thèse anti-phénoméniste sur Pyrrhon. Or,
pour Énésidème, les règles qui permettent d'exclure le témoignage de Sextus
quand il s'agit de Pyrrhon ne valent plus et, comme le pensait Natorp, il n 'y a
aucune raison de privilégier Aristoclès qui connaîtmal Énésidèmeaux dépens de
Sextus quile connaît bien .
34 U . Burkhard , Die angebliche Heraklit-Nachfolge des Skeptikers Aene
sidem , Bonn 1973, a récemment renouvelé les données du problème en expli
quant le « prétendu héraclitisme d ' Énésidème» comme une stratégie polémique
du sceptique dirigée contre son contemporain Posidonius, qui serait l'auteur
d 'une interprétation stoïcisante d 'Héraclite , telle qu 'elle ressort du résumé de la
doctrine du logos d'Héraclite en A. M . VII 126 - 134. Cette thèse a l'avantage
d'éliminer la contradiction, à l'intérieur de l'école sceptique, entre l'Héraclite
dogmatique de Sextus et l'Héraclite sceptique ou « pré- sceptique » d 'Énésidème.
En effet, selon Burkhard , « il n 'y a pas d 'héraclitisme d’Énésidème» , mais une
interprétation critique de l'utilisation d'Héraclite par les stoïciens. Pour Énési
dème, le principe fondamental de l'héraclitisme est la coïncidence des contraires,
ce que l'auteur nomme « l' énantiologie » .Mais l'utilisation de ce principe paraît
contestable sur deux points: il s'agit à la fois de l'hypothèse selon laquelle le
ressort de la critique anti-stoïcienne d 'Énésidème doit être situé dans la seule
ironie , sans justification de l'intérêt pour la doctrine d 'Héraclite , et d 'autre part
98 ÉNÉSIDÈME E 24
du fonctionnement même de cette ironie , sur lequel on peut faire des réserves.
On pourra donc doubler son hypothèse critique d 'une interprétation positive.
Énésidème substitue à l'héraclitisme du consensus stoïcien l'héraclitisme de
la coexistence des contraires. Ilne tente pas de supprimer l'écart entre apparence
contradictoire et réalité contradictoire, et n 'identifie pas héraclitisme et scepti
cisme. Au contraire, l’énantiologie considérée commele fondement de la pensée
d 'Héraclite est une thèse dogmatique à laquelle le sceptique n 'adhère pas. Il n ' y
a pas, comme l' a montré Burkhard, d 'héraclitisme d ' Énésidème. De plus, c 'est
seulement à condition d ' admettre que la doctrine du flux et celle de la
coexistence des contraires font référence à la même interprétation d 'Héraclite, à
savoir l'un des pôles de l'interprétation platonicienne, que l'on peut comprendre
l'intérêt d 'Énésidème pour l'Héraclite du Théétète . La plupart des commenta
teurs ont reconnu à Énésidème un intérêt pour la recherche de l'énantiologie, en
rapport avec H . P . I 210 , mais nullement pour le flux héraclitéen . Or les deux
aspects ne se séparent pas. C 'est pourquoi l'héraclitisme diffus dans Philon
d 'Alexandrie, qui affleure principalement sous la forme du flux héraclitéen ,
pourrait bien avoir un rapport avec l'interprétation d 'Énésidème. Certes il est
impossible de tirer des témoignages de Philon la preuve d 'un « héraclitisme
d 'Énésidème» , mais ils pourraient contenir la trace de l'intérêt que les scep
tiques aussi bien que les académiciens pouvaient trouver à la doctrine du flux
(comme en témoigne également le Commentaire Anonyme au Théétète, PBerol.
9782,col. LXI;cf.commentaire ad loc. de 35 D . Sedley , CPF III, 1995, p . 545
547).
Pour le sens de la formule qui est au centre de la problématique, on voit mal
quel sens de ratá pourrait autoriser la stricte compréhension de la formule
comme « Énésidème interprétantHéraclite » , voire dans la version de Burkhard
« réinterprétant l'interprétation (stoïcienne) d 'Héraclite » , à moins d 'admettre la
réversibilité de la formule , ce qui ne s'admet pas d ' emblée . Les deux seules
possibilités qui paraissent acceptables du point de vue de la langue le sont diffi
cilement du point de vue de la reconstruction de la pensée tant d'Héraclite que
d 'Énésidème qu 'elles supposent. S'il s'agit d 'Énésidème « citant Héraclite » ,
qu ’Héraclite désigne ici un auteur, un titre , ou un personnage de dialogue, on
voit mal à quelles « citations» d 'Héraclite peuvent correspondre les notices de
Sextus. S 'il s'agit d 'Énésidème « suivant Héraclite » , le mêmeproblème se pose ,
doublé du problème philosophique principal que pose l'existence d 'un « héra
clitisme d 'Énésidème» . Par ailleurs, la compréhension de xará comme « en
relation avec » (Zeller-Pappenheim ) n'est pas si précise qu'elle doive impliquer
une adhésion à Héraclite . On peut donc interpréter d 'une manière inédite
l'expression de Sextus, en attribuant à xará une fonction symbolique ou
emblématique dans laquelle le nom d 'Héraclite est comme l'indicateur d'une
pensée ou même d 'un mode de pensée ou de discussion , à savoir la pensée du
flux ou du devenir, c 'est-à -dire celle qui, pour les lecteurs de Platon - à
l'intérieur de l'Académie ou non - , était associée à « Héraclite » ou plutôt aux
« Héraclitéens» .
E 25 ENNIUS 99

Ainsi, malgré les nombreux doutes qui subsistent concernant la relation entre
l'utilisation d 'Héraclite par Énésidème et le rôle que ce dernier a pu jouer à
l'Académie , on peut penser que la formule Aivnoíonuoc xatà tov ' Hpa
Xheltov n 'est pas une formule doxographique à proprement parler,mais qu 'elle
désigne une utilisation philosophique de la doxographie, ce qui est un cas extra
ordinaire dans le systèmede la doxographie antique.
BRIGITTE PÉREZ .

25 ENNIUS ( Q . -) RE 8 239- 169


Ennius estné en 239a à Rudies, ville de Calabre . Il est messapien d 'origine et
grec par sa formation. Il servit sans doute dans l'armée romaine en tant qu'auxi
liaire pendant la seconde guerre punique. En 204, Caton (2°C 58), alors questeur
d 'Afrique, le rencontra en Sardaigne et le conduisit à Rome, où il commença
sans doute par enseigner le grec (Suétone, Gramm . 1). Son protecteur fut d ' abord
Caton puis M . Fulvius Nobilior (2°F 24 ) ; il l'accompagna dans sa campagne
contre les Étoliens et célébra la victoire d'Ambracie dans un poème. Mais
Ennius semble avoir été également proche de Scipion l'Africain . Ces relations
avec les dirigeants romains expliquent qu'il ait pu obtenir la nationalité romaine
en 184a (Ann. 377 Vahlen ). Ennius mourut en 169.
Éditions. 1 J. Vahlen , Ennianae poesis reliquiae, 3e éd., Leipzig 1928. Texte
et traduction anglaise : 2 E. H . Warmington , Remains of Old Latin, t. I: Ennius
and Caecilius, coll. LCL, London/Cambridge (Mass .), 1935. Pour les tragédies :
30 . Ribbeck , Scaenicae Romanorum poesis fragmenta, t. I: Tragicorum frag
menta , Leipzig 1897 ; 4 A . Klotz , O . Seel, L . Voit, Scaenicorum Romanorum
fragmenta , t. I: Tragicorum fragmenta,München 1953.
Commentaires. Tragédies : 5 H . D . Jocelyn , The Tragedies of Ennius, Cam
bridge 1967. Annales: 6 0 . Skutsch , The Annals of Ennius, Oxford 1985.
Études.70. Skutsch (édit.), Ennius, coll. « Entretiens sur l'Antiquité clas
sique » 17, Genève/Vandæuvres 1972.
Les æuvres de ce poète sont extrêmement nombreuses et variées, mais il n 'en
subsiste pour nous que des fragments plus ou moins étendus. Il suffit ici d 'en
énumérer les plus importantes:
- Des tragédies : une vingtaine nous sont connues, inspirées des tragédies
grecques: Andromaque,Médée, Phoenix.
- Des poèmes divers : Satires, poèmes sur Scipion ou sur Ambracie.
- Un Épicharme, poèmeou peut-être euvre en prose .
- Un Évhémère.
- Les Annales, épopée en 18 livres partant de la fondation de Rome jusqu 'aux
guerres proches de son temps, en comprenant les victoires de Caton en Espagne
et la victoire d 'Ambracie .
La culture philosophique d 'Ennius apparaît d 'abord dans ses tragédies où de
nombreux passages évoquent des thèmes philosophiques: attention portée à
100 ENNIUS E 25
l'esprit de liberté qui fortifie l'esprit humain (Phoenix ), critique des devins et des
philosophes. La critique des dieux qui ne s 'occupent pas des hommes se trouve
également présente dans le Télamon . Un fragment de Médée comporte un éloge
de la sagesse (voir 8 G . Garbarino, Roma e la filosofia greca, p . 580-595). Ces
thèmes semblent le plus souvent empruntés au théâtre d'Euripide, mais il est
important que le philosophe ait choisi de les retenir. Ennius peut ainsi être consi
déré comme l' introducteur de la philosophie à Rome.
L 'Épicharme semble avoir débuté par un songe où Ennius rencontre le poète
grec ; ce choix ne semble pas être un procédé littéraire,mais révèle l'importance
des songes pour le poète comme le montrent d 'autres æuvres. Le poème conte
nait aussi des allusions à la génération des êtres à partir des éléments primor
diaux. Ilmentionnait également Jupiter identifié avec des éléments comme l'air
et le feu (Garbarino 8 , p . 283). On ne sait pas vraiment si Ennius s'inspirait véri
tablement d 'Épicharme, ou d'écrits postérieurs inspirés par le poète . Une
doctrine spécifique appartenant à une école précise ne semble pas avoir figuré
dans cette cuvre, mais bien des éléments se retrouvent dans les æuvres posté
rieures du poète.
L ' Évhémère est connu essentiellement par Lactance (Diuinae Institutiones I).
Le poète expose les règnes successifs d 'Ouranos, Saturne et Jupiter, mais en
supprimant l'aspect mythique pour insister sur le caractère humain , car les
règnes des dieux se réduisent souvent à des querelles de famille . Cet aspect
humain de la religion traditionnelle se rapproche des thèses d 'Évhémère
(HE 187). On ne connaît pas exactement les sources dont le poème latin a pu
s'inspirer, mais ce choix correspond certainement aux préoccupations de son
temps (Garbarino 8, p. 303).
Les Annales font également une place importante à la philosophie. L 'épopée
commence par un songe où Ennius rencontre Homère. Dans un discours sur la
nature le poète révèle que son âme est passée finalement dans celle d'Ennius,
après s'être incarnée dans d 'autres êtres. A un double titre cette doctrime évoque
le pythagorisme. La doctrine de la métempsychose fait en effet partie des thèses
essentielles de cette école philosophique ; Homère affirmait d'ailleurs avoir été
un paon (Ann. I 9 , éd. Skutsch 6 ), sans doute symbole d'immortalité . En outre , le
recours au songe permet de connaître des vérités philosophiques, jusque là
cachées.Ennius insiste à nouveau sur ce point dans le chant VII (VII 2 Skutsch ) :
« personne avantmoi n 'a rêvé de philosophie (sophian ) que l'on appelle sagesse
( sapientia ) avant de l'avoir étudiée ». A partir de ces données, Il paraît donc vrai
semblable de penser qu'Ennius s 'inspire fortement du pythagorisme qu 'il
pouvait avoir connu en Grande Grèce.
Cf. O . Skutsch , art. « Q. Ennius» , RE V 2 , 1905, col. 2589- 2628; D . Liuzzi,
« Ennio ed il pitagorismo » ,AFML 3, 1973- 1974, p. 281-299.
MICHÈLE DUCOS.
E 27 ÉPANDRIDÈS 101

26 ÉPAMINONDAS DE THÈBES RE 1 410 /405 - 362


Une tradition ancienne faisait du célèbre général et homme politique Épami
nondas un pythagoricien ; il serait devenu disciple de Lysis, après que ce dernier
- l'un des seuls survivants, avec Archippe ( * * A 321), du massacre des pythago
riciens à Crotone – se fut réfugié à Thèbes. Voir Porphyre, V . Pyth . 55 ; Jam
blique, V . pyth. 35 , 250 ; Diogène Laërce VIII 7 ; Cornelius Nepos, Épamin . 2 ;
Cicéron , De officiis I 44 , 155 ; De oratore III 24 , 139 ; Diodore de Sicile X 11, 2 ;
XV 39, 2 ; XVI 2, 2; Dion Chrysostome, Or. 49, 5 ; Pausanias IX 13 ; Plutarque,
De gen . Socr. ( en particulier 583c ; 585 d - e), où Épaminondas figure parmi les
participants au dialogue ; Epaminondas aurait appelé Lysis “ père " , selon Jam
blique, V. pyth . 35, 250, p. 134, 20-21 Deubner. Si Épaminondas a été disciple
de Lysis de Tarente , cela n 'a pu se produire qu'au début du IVe siècle . Voir 1 P .
Wuilleumier, Tarente des origines à la conquête romaine, Paris 1939, p . 564
565 . Le pythagorisme d 'Épaminondas aurait exercé une influence sur la stratégie
militaire. Voir sur cette question 2 P . Vidal-Naquet, « Épaminondas pythagori
cien ou le problème tactique de la droite et de la gauche» (1960 ), repris dans Le
Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, Paris
1983 (édition revue et corrigée), p. 95- 121.
Selon le témoignage d ’Alcidamas (P - A 88) transmis par Aristote , Rhét. II 23 ,
1398b 18 , « à Thèbes, dès que les gouvernants devinrent philosophes, la cité
connut la prospérité » ; il est possible qu 'il s'agisse d 'une allusion au gouverne
ment d 'Épaminondas. Voir 3 E .L . Minar Jr., Early Pythagorean Politics in
Practice and Theory, Baltimore 1942, réimpr. New - York 1979 , p. 93 ; 4 W .
Burkert, Lore and Science, p. 116 n . 43.
Claudien Mamert, De statu animae II 7 , mentionne un Épaminondas parmi
les pythagoriciens qui auraient soutenu par écrit la doctrine de l'incorporéité de
l'âme. L ' auteur a pu faire référence à un ouvrage pseudépigraphe attribué à
Epaminondas. Toutefois, selon 5 H . Thesleff, An Introduction to the Pythago
rean writings of the Hellenistic period , Åbo 1961, p . 120-121, il s'agirait d'une
généralisation de Claudien qui n' impliquerait pas l'existence d 'écrits pseudépi
graphes.
Cf. H . Swoboda, art. « Epameinondas» 1, RE V 2, 1905, col. 2674-2707,
notamment col.2676 -2677.
BRUNO CENTRONE.
27 ÉPANDRIDÈS
“ Philosophe” de doctrine et d' époque inconnues, dont deux sentences sont
citées par Stobée II 8 , 18 - 19 ; il est égalementmentionné par Photius dans Bibl.
cod . 167, 114 a.
Les deux sentences sont rédigées dans le dialecte ionien et traitent de la rela
tion entre opóvnouc et túyn . La sentence citée par Stobée II 8 , 18 apparaît éga
lement chez Photius dans son Opusculum paraeneticum 210 , p. 23 Sternbach ,
mais à titre anonyme. Dans la littérature gnomologique, on trouve plusieurs pas
102 ÉPANDRIDÈS E 27
sages parallèles à la sentence citée par Stobée II 8 , 19 ; la sentence figure à titre
anonyme dans le Gnomologium Byzantinum 42 Wachsmuth et chez Jean
Georgidès, G 1105 Odorico. Dans le Corpus Parisinum (cod . Par. gr. 1168)
f. 87', elle est attribuée à Plutarque (= Excerpta Parisina, Plutarque 83, p. 74
Sternbach), de même que chez Maxime le Confesseur, Loci communes 2, 15
Phillips, AntoniusMelissa , Loci communes I8 , 136 , col. 797 c , Florilège de
Patmos (msN° 6 ) 9 , 38a Sargologos, Ivwulud duoibuata App. 25 Elter.
Du fait qu'Épandridès est complètement inconnu en tant que philosophe et
que son nom est très peu commun, plusieurs corrections ont été tentées. 1 A .
Meineke, dans loannis Stobaei Eclogarum physicarum et ethicarum libri duo ,
t. II, Lipsiae 1864, p . CXCVII, propose Euandros (de Phocée, » E 65) (cf.
Diogène Laërce IV 60 ) ; 2 F . Lortzing, Über die ethischen Fragmente Demokrits,
Sophien -Gymnasium in Berlin . VIII. Jahresbericht, Berlin 1873, p. 5 , propose
Eusebe ( E 151] (cité uniquement chez Stobée et chez des auteurs plus
récents ); 3 B . ten Brink , « Anecdota Epicharmi, Democriti, ceterorum in Sylloge
Sententiarum Leidensi » , Philologus 6 , 1851, p . 581, attribue la sentence citée
par Stobée II 8, 19 à Démocrite (MD 70 ], supposant que le nepi ávôpayaoins
de ce dernier en serait la source. Il est possible qu 'une correction du nom soit
inutile , car on l'a retrouvé dans des inscriptions ; cf. 4 LGPN , t. I, s.v . p . 153, et
t. II, s.v. p . 145.
JAN FREDRIK KINDSTRAND .
28 ÉPICHARIDÈS Iva?
Dans un fragment, cité par Athénée (IV, 161 b ), des Gens de Tarente du
comique Alexis (fr. 223 Kassel-Austin ; la pièce peut être datée entre 330 et
320), il est fait mention d 'Épicharidès, un des pythagoriciens, distincts des
pythagorisants (atudayopícovtec) qui ne se nourrissent d' aucun être animé.
Épicharidès, dit-on ,mangeait de la viande de chien,mais seulement après avoir
tué l'animal, de façon à ce qu'il ne soit plus animé (une argumentation semblable
se rencontre dans une épigramme de Diogène Laërce VIII 44 consacrée à
Pythagore). Que cet Épicharides ait été un personnage réel ou fictif, il est en tout
cas un représentant typique du pythagorisme “ acousmatique” qui survécut à
l'extinction de l' école antique. Voir W . Burkert, Lore and Science, p . 198-202.
BRUNO CENTRONE.
29 ÉPICHARME DE SYRACUSE RE 2 flor. 488/5
Auteur comique, considéré par certains comme l'« inventeur » de la comédie.
De nombreux témoignages le présentent comme un adhérent du mouvement
pythagoricien .
Témoignages. 1 6 . Kaibel, CGFr I, p. 88- 147 ; 2 A . Olivieri, Frammenti
della commedia greca e del mimo nella Sicilia e nella Magna Grecia , t. 12,
Napoli 1946 , p. 108 sqq.; 3 DK 23, t. I, p . 193 -207 ; traduction française dans
4 J.-P. Dumont, Les Présocratiques, p. 189-213 et 1247-1253 (notes) ; 5 C .
Austin (édit.), Comicorum Graecorum fragmenta in papyris reperta, Berlin /New
E 29 ÉPICHARME DE SYRACUSE 103
York 1973, p. 52 -83. Voir également 6 P . Van Deun, « Some fragments of
Epicharmus disclosed in the Florilegium called Loci Communes ? » , AC 60 ,
1991, p. 201-205 (examine la possibilité que des fragments d 'Épicharme soient
conservés dans (Max. Conf.), Loc. comm. XV 61 et 62 ; XIX 53 et 54 ; XXXV
22) ; 7 L . Rodriguez-Noriega Guillén, « Dos nuevos fragmentos epicarmeos de
transmisión indirecta » , Minerva 9, 1995, p. 49-51 (Athénée IX , 528 e, et
Servius, Explan. in Dom . 4 , 531, 17-21) ; 8 E . G . Turner, « A fragment of Epi
charmus ? (or Pseudepicharmea ?), with an additional note by E . W . Handley » ,
WS 10 , 1976 , p . 48-50 (fragment papyrologique en dorien d 'environ 300 av. J.
C . en provenance de Saqqara , peut-être tiré d 'une comédie d 'Épicharme ou d 'un
traité de médecine).
Euvres. Les titres de 45 comédies ont été transmis (39 se trouvent dans
CGFr; les autres titres, dont 6 nouveaux, se trouvent dans Austin ). Apollodore
d 'Athènes (FGrHist 244 F 213; » A 244) aurait, selon Porphyre, Vie de Plotin
24 , rassemblé et classé par sujet en dix livres les écrits d'Épicharme.
Sources biographiques anciennes. ( 1) Diogène Laërce VIII 78 (fr. I 3
Kaibel) ; (2 ) Souda, E 2766 ; t. II, p. 393, 21-29 Adler; Apollodore d 'Athènes
(FGrHist 244 F 213) avait écrit un lepi 'Enixápuov. Denys le Jeune avait
également écrit un livre Ilepi tõv troinuatwv 'Enlyápuov : voir Souda A 1179,
t. II, p . 110 , 20-21 Adler.
Biographie et chronologie. Voir 9 A . Pickard -Cambridge, Dithyramb,
Tragedy and Comedy, revised by T . B . L . Webster , Oxford 1962, p. 230 -239.
Il était originaire , selon une interprétation plausible d'Aristote, Poet. 3, 1449
b ( fr. I 2 Kaibel), de Mégara Hyblaea , selon Néanthe (FGrHist 84 F 13), de
Crastos (en Sicile ), selon d 'autres, dont Diogène Laërce III 78 , de Samos ou de
Cos.
Épicharme était contemporain de Hiéron de Syracuse (478-467) : voir Schol.
in Pind. Pyth . I 98 (fr. I 98 Kaibel). Dans ses Nãooi, il racontait que Hiéron
avait empêché Anaxilas de Rhégium d 'anéantir les habitants de Locres. Selon la
Souda, l'activité d' Épicharme s'exerça à Syracuse six ans avant le début des
Guerres médiques (486 ). Voir cependant 10 G . Kaibel, art. « Epicharmos » 2 , RE
VI 1, 1907, col. 34-41, notamment col. 35, qui remet en cause la valeur histo
rique de cette notice. Son acmè a été située dans la 73e Olympiade (488-485 : cf.
fr . I 9 Kaibel). Selon Aristote cependant, Épicharme était de beaucoup antérieur
à Chionidès (qui fut actif huit ans avant le début des Guerres médiques (cf.
Souda X 318 = I 1 PCG IV ) et à Magnès. Ces divergences sont peut-être expli
cables si l'on prend en considération la longue durée de sa vie : 90 ans selon
Diogène Laërce, 97 selon Pseudo-Lucien, Macrob. 25 (fr. I 3 Kaibel).
Une longue tradition qualifie le comique sicilien Épicharmede pythagoricien.
La plus ancienne attestation de cette tradition est Plutarque, Numa 8 (fr. I 4
Kaibel). Diogène Laërce traite brièvement d 'Épicharme dans la section de ses
Vies consacrée aux pythagoriciens (VIII 78), le présentant comme « auditeur de
Pythagore » (cf. Clément, Strom . V 100 ; en D . L. I 42, il figure à côté de Pytha
104 ÉPICHARME DE SYRACUSE E 29

gore dans la liste des personnages ayant été considérés comme Sages fournie par
Hippobote ). Selon Diogène, il était le fils d'Élothalès (Élothalès est également le
titre d 'un écrit attribué à Pythagore dans le catalogue d 'Héraclide Lembos
transmis par D . L . VIII 7) et originaire de Cos; il aurait émigré en Sicile dans sa
jeunesse, comme en porteraient témoignage ses propres écrits.
Chez Jamblique, V. pyth . 36 , 266 , Épicharme est qualifié d'“ auditeur exter
ne” , n 'appartenant pas à la secte : arrivé à Syracuse, il se serait abstenu de philo
sopher de manière ouverte à cause de la tyrannie de Hiéron et il aurait mis en
vers les pensées (dianoiai) des pythagoriciens, divulguant de façon amusante les
doctrines de Pythagore . Jamblique fait allusion à ces dianoiai (V. pyth . 29, 166 ),
quand il dit que les sentences d 'Epicharme, connues par presque tous les philo
sophes, constituent l'un des meilleurs exemples de sagesse pratique. Selon Jam
blique, V. pyth . 241, des doctrines de Pythagore et d'Épicharme se retrouveraient
dans la science médicale du fils d 'Épicharme, Métrodore (le passage a été
corrigé par Diels ), dont est cité un passage (DK 23 B 65). De nombreux écrits
apocryphes circulaient donc sous le nom d'Épicharme (fr. 135 -147 Kaibel) et
déjà dans l'antiquité on leur reconnaissait ce caractère pseudépigraphe. Diogène
lui attribue des hypomnemata de sciences naturelles, d' éthique et de médecine; il
mentionne également la présence dans ces cuvres d'acrostiches qui attesteraient
leur authenticité (phénomène qui au contraire démontre leur caractère apo
cryphe, dans la mesure où les acrostiches n 'apparaissent pas avant l'époque
alexandrine : cf. A . Pickard -Cambridge 9, p. 235).
Selon Kaibel 1, p . 134 -135 , Épicharme aurait écrit un Carmen physicum (test.
239-254 Kaibel) ; Pickard-Cambridge 9, p. 241- 245 , est d'un avis contraire.
Parmi les pseudépigraphes d'Épicharme, il fautmentionner:
Ipòç ’Avtńvopa, Contre (ou A ) Anténor (Plutarque, Numa 8 ).
Moriteia , République (fr. 255- 260 Kaibel; DK 23 B 56-57). Elle aurait été
composée, selon Aristoxène, apud Athénée XIV , 648 d (fr. 45 Wehrli = DK
23 A 10 ), par le flûtiste Chrysogonos; elle est citée par Clément, Strom . V 118.
Kavóv et võual. Selon Philochoros (FGrHist 328 F 79), ilfaudrait attribuer
ces écrits à Axiopistos de Locres ( A 516 ), probablement un pseudonyme.
Xipwv (test. 290 Kaibel = Athénée XIV , 648 d ).
On lui a attribué également des traités d'agriculture (Columella I 1 : fr. I 5
Kaibel) .
Dans sa Vie de Platon , Diogène Laërce cite quelques extraits d 'un ouvrage
intitulé Ipós ’ Auúvtav (» A 152) d'un certain Alcimos de Syracuse (» A 90),
qui cherchait à montrer que Platon avait emprunté certaines de ses doctrines,
notamment sa théorie des Idées elle-même, à Épicharme et qui citait en ce sens
des passages des comédies de ce dernier. L 'authenticité de certains de ces pas
sages est contestée. Sur cette question, voir 11 M . Gigante, « Epicarmo, Pseudo
Epicamo e Platone », PP 30, 1953, p. 161-175 ; 12 K . Gaiser, « Die Platon -Refe
rate des Alkimos bei Diogenes Laertios (III 9 -17) » , dans Zetesis (Mélanges E .
de Strycker ), Antwerpen/Utrecht 1973, p. 61-79 ; 13 L . Brisson , « Diogène
E 32 ÉPICRATÈS D 'HÉRACLÉE 105
Laërce, “ Vies et doctrines des philosophes illustres”, Livre III : Structure et
contenu » , dans ANRW II 36 , 5 , 1992, p . 3619 -3760, notamment. p . 3646 - 3651.
Platon cite Épicharme dans le Théétète 152 e et le range parmi les partisans de la
théorie selon laquelle rien n 'est, mais tout est en devenir.
Le poète latin Ennius (2E 25) a traduit l'un de ces écrits apocryphes dans
son Épicharme, poème didactique dont le prologue fait exposér en songe par
Épicharme des doctrines sur la nature ; dans ces passages les dieux du monde
romain étaient identifiés avec les éléments de la cosmologie traditionnelle . Voir
14 I. Vahlen (édit.), Ennianae poesis reliquiae, 2e éd ., Leipzig 1928, p . 220 -222.
Études d 'orientation . Kaibel 1 ; Kaibel 10 ; Pickard-Cambridge 9 , p . 230
288 ; 14 A . C . Cassio, « Two studies on Epicharmus and his influence» , HSP,
89, 1985, p. 37-51.
BRUNO CENTRONE.

30 ÉPICRATÈS MIII
Cinquième des neuf exécuteurs testamentaires (épimélètes) du testament de
Straton de Lampsaque,mort vers 268a (Diogène Laërce V 62-63). Il n 'est pas dit
expressément qu'il s'agit de disciples au sein de l' école péripatéticienne,mais la
phrase qui suit stipule que la diatribè est léguée à Lycon (huitième nom dans la
liste) parce que les autres sont trop âgés ou trop occupés (ãoxorou).
Épicratès doit également recevoir 500 drachmes et un serviteur choisi par Arcésilas, l'un
des deux héritiers . Avec Iraios et Olympichos, il est chargé des funérailles du scholarque.
RICHARD GOULET.
31 ÉPICRATÈS MF III
Dédicataire de deux ouvrages de Chrysippe de Soles (* * C 121) relevant de la
logique : 'Enltoun tõv após 'Enixpárnu au 160hőv a ', Résumé des ambiguï
tés adressé à Épicratès, en un livre (D . L. VII 193, n° 59 Hadot: seule la version
résumée de l'ouvrage semble donc citée dans la liste) et lepi oŰtidoç Tóyou
npòs 'Enrizpárnu a ', Sur l'argument du “ Personne ” à Épicratès, en un livre
(D .L . VII 198, n° 113 Hadot). De tels ouvrages ne peuvent guère avoir été
dédiés qu'à un disciple ou à un collègue au sein de l'école stoïcienne .
RICHARD GOULET.
32 ÉPICRATÈS D 'HÉRACLÉE III/IIa ?
Ce péripatéticien , fils de Démétrius, fit un assez long séjour à Samos, où il
enseigna la philosophie au gymnase. En récompense de son dévouement et de sa
générosité – il dispensait ses cours gratuitement aux jeunes gens pauvres – il y
reçut le droit de cité. Le décret qui le lui conférait (MDAI( A ) 44, 1919, nº 14
p . 29 ; SEG I 368) a été daté par son éditeur, M . Schede, des environs de 200 av.
J.-C ., d 'après la forme des lettres probablement , car le texte ne contient aucun
indice chronologique. Il pourrait être un peu antérieur à la date proposée ,mais il
paraît néanmoins difficile que le professeur de Samos puisse être identique à
l'homonyme (2E 30 ) désigné dans le testament de Straton comme l'un de ses
106 ÉPICRATÈS D 'HÉRACLÉE E 32
exécuteurs testamentaires: celui-ci, d 'après les termes mêmes du testament,
devait être déjà , vers 2689, un homme d 'âge mûr, installé à Athènes; il n 'est
guère probable qu 'il se soit engagé, dans la seconde moitié du siècle, dans une
carrière de professeur itinérant.
Voir W . Ameling, « Prosopographia Heracleotica » , dans Lloyd Jones, The
Inscriptions ofHeraclea Pontica, coll. IK , 47 , Bonn 1994, p . 135.
BERNADETTE PUECH.
33 ÉPICTÈTE RE 3 PIR2 E 74 I- II
Philosophe stoïcien (représentant de la nouvelle Stoa),disciple de Musonius
Rufus. De ses enseignements (Alatpißaí, Entretiens), qui furent consignés par
son disciple Arrien deNicomédie (3 + A 25), nous ne possédons qu'une partie (la
moitié), ainsi qu'une version abrégée (' Erxelpídlov,Manuel), également due à
Arrien , et une série de fragments conservés notamment dans des gnomologies.
A . Bibliographie générale.
Bibliographies : 1 W . A . Oldfather, Contributions towards a bibliography of
Epictetus. Appendix : Jacob Schegk 's translation of the Enchiridion, Basel 1534
= Univ. of Illinois Bulletin 25, Urbana 1927, XII-201 p . App. 38 p .; 2 Id., Contri
butions towards a bibliography of Epictetus. A supplement, ed. by M . Harman ,
with a preliminary list of Epictetus' manuscripts by W . H . Friederich and
C . U . Faye, Urbana 1952 , XXI-177 p. ; 3 M . Spanneut, « Épictète 1952- 1962» , IL
14 , 1962 , p. 212 -216 ; 4 J. Hershbell, « The stoicism of Epictetus: Twentieth cen
tury perspectives» , ANRW II 36 , 3, 1989, p. 2148-2163.
Notices : 5 H . von Arnim , art.« Epiktetos» 3,RE VI 1 , 1907, col. 126 -131 ;
6 A . Stein , PIR2 III, 1943, E 74, p. 81 ; 7 A .Jagu, art. « Épictète. I. Doctrine »,
DSp IV 1960, col. 822-830 ; 8 M . Spanneut, art. « Épictète . II. Influence à
l' époque patristique. III. Épictète et le Moyen Age » , DSp IV 1960 , col. 830
849 ; 9 J.- E . d 'Angers, art. « Épictète. IV . Période moderne » , DSp IV 1960, col.
849-854 ; 10 M . Spanneut, art. « Epiktet» , RAC 5 , 1961, col. 599-681;
11 H . Dörrie , art. « Epiktetos » 1, KP II 1967, col. 313-314 ; 12 K . von Fritz , art.
« Epictetus» 2 ,OCD2, p . 390 ; 13 A . J.Malherbe, « Epictetus» , The Interpreter's
Dictionary of the Bible. An illustrated encyclopedia . Supplementary volume,
édit. K . Crim , Nashville 1976 , p . 271 ; 14 J.- F . Mattéi, art. « Épictète » , Diction
naire des Philosophes, I, Paris 1984, p . 859 -866 ; 15 G . Rocca -Serra , art.
« Épictète » , Encyclopédie philosophique universelle , III : Les Euvres philo
sophiques. Dictionnaire , volume dirigé par J.- F. Mattéi, t. I : Philosophie occi
dentale : Ir millénaire av. J.-C . - 1889, Paris 1992, p . 133.
Études d ' orientation : 16 C . Martha, Les moralistes sous l'empire romain
(philosophes et poètes), Paris 1865, p . 191- 208 (« La vertu stoïque : Épictète » );
17 R . Asmus, Quaestiones Epicteteae, Diss. Friburgi Brisigaviae 1887, Freiburg
i. Br. 1888 ; 18 A . Bonhöffer, Epictet und die Stoa. Untersuchungen zur
stoischen Philosophie, Stuttgart 1890 , réimpr. Stuttgart/Bad Cannstatt 1968 ;
19 Id ., Die Ethik des Stoikers Epictet. Anhang : Exkurse über einige wichtige
E 33 ÉPICTÈTE 107
Punkte der stoischen Ethik , Stuttgart 1894, réimpr. Stuttgart/Bad Cannstatt
1968 ; 20 R . Hirzel, Der Dialog. Ein literarhistorischer Versuch , Leipzig 1895,
réimpr. Hildesheim 1963, t. II, p. 245-252 ; 21 A . Croiset et M .Croiset, Histoire
de la littérature grecque, Paris 19012 , t. V , p. 457-466 ; 22 Th. Colardeau, Étude
sur Épictète , Thèse Paris 1903 ; 23 R . Renner, Zu Epiktets Diatriben , Diss.Mün
chen , Amberg 1904 ; 24 O . Halbauer, De diatribis Epicteti, Diss. Lipsiae 1911 ;
25 W . Schmid, Wilhelm von Christ's Geschichte der griechischen Literatur,
Zweiter Teil : Die nachklassische Periode der griechischen Literatur, Erste
Hälfte : Von 320 vor Christus bis 100 nach Christus, coll. « Handbuch der Alter
tumswissenschaft» VII 2 , 1, Sechste Auflage unter Mitwirkung von O . Stählin ,
München 1920 , réimpr. 1959, p. 358 -361 ; 26 E . Zeller, Die Philosophie der
Griechen , t. III 1, p. 765-781 ; 27 E . Bosshard , « Épictète » , RThPh 17, 1929,
p . 202-216 ; 28 V . d'Agostino, « Sulla divisione dell'opera di Epitteto » , BFC 34,
1928, p. 150- 152 (repris dans 29 Id ., Studi sul neostoicismo. Seneca . Plinio il
Giovane. Epitteto . Marco Aurelio , 2a edizione riv. e ampl., Torino 1962, p. 90
91) ; 30 Id ., « Intorno al concetto della libertà in Epitteto » , ArchItalPsicol 8,
1930 , p. 298- 331 (réimpr. dans d'Agostino 29, p. 92- 119 ) ; 31 G . Calogero ,
« Introduzione a Epitteto », Leonardo 4 , 1933, p. 235-241; 32 D . Pesce, « La
morale di Epitteto » , RF 30, 1939, p . 250-264 (repris dans 33 Id ., Scrittisulla
filosofia antica d ' etica e di filosofia dell'arte, Parma 1988, p. 41-52); 34 F .
D 'Ambrozio , Epitteto e la morale del suo tempo, Roma 1940 ; 35 M . Pohlenz,
La Stoa. Storia di un movimento spirituale (trad. de la 2e édit. allemande,
Göttingen 1959), Firenze 1967,réimpr. 1978, t. II, p. 23-25, 104- 133 ; 36 B . L .
Hijmans (Jr.), " Aomouc. Notes on Epictetus' educational system , Diss. Utrecht,
coll. « Wijsgerige Teksten en Studies» 2, Assen ,1959 ; 37 J.Moreau , Epictète ou
le secret de la liberté, présentation, choix de textes, bibliographie , coll. « Philo
sophes de tous les temps » 11, Paris 1964 (cf. 38 Id ., « Épictète ou le secret de la
liberté » , REPh 34, 1984, p. 4 -13); 39 G . Germain , Épictète et la spiritualité stoï
cienne , coll. « Maîtres spirituels» 33, Paris 1964 ; 40 F .Millar, « Epictetus and
the imperial court » , JRS 55, 1965 , p . 141-148 ; 41 F . Elemento, « Le Diatribe di
Epitteto » , dans Diadosis. Voci di presenza classica. Rassegna ufficiosa a cura
della cattedra di lett. class. del liceo C . Varese, Tortona 1967, p . 63-73 ;
42 J. Xenakis , Epictetus, philosopher-therapist, The Hague 1969 ; 43 E . Cizek ,
« Épictète et l'héritage stoïcien » , StudClas 17, 1975 , p . 71-87 ; 44 Jelena M .
Štajerman, « Épictète et sa place dans le stoïcisme romain » (en russe ), VDI 1975 ,
n° 132, p. 197-210 ; 45 P .A . Brunt, « From Epictetus to Arrian » , Athenaeum 55 ,
1977 , p. 19-48 ; 46 W . Siegfried , « Stoische Haltung nach Epiktet » , Gesnerus 44,
1988, p. 269-279 ; 47 W . O . Stephens, Stoic strength . An examination of the
ethics of Epictetus, Diss.Univ . of Pensylvania, Philadelphia 1990 ; 48 P . Hadot,
La citadelle intérieure. Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Paris 1992,
p. 89-117 (chap . V : « Le stoïcisme d 'Épictète » ) ; 49 J.-J. Duhot, Épictète et la
sagesse stoïcienne, coll. « L 'aventure intérieure », Paris 1996 , 265 p.
Éditions : L 'editio princeps du Manuel (avec le commentaire de Simplicius)
fut publiée à Venise en 1528 ; celle des Entretiens, due à V . Trincavelli, fut
108 ÉPICTÈTE E 33
publiée aussi à Venise en 1535 (’Applavoũ 'Epíxentos ( sic ]).La première édi
tion vraiment critique des Entretiens (contenant aussi le Manuel) fut celle de
50 J.Upton, Epicteti quae supersunt dissertationes ab Arriano collectae, 2 vol.
(t. I: texte grec et latin ; t. II: Notae et emendationes), Londini 1739-1741. On
possède deux grandes éditions de l'ensemble de l'auvre :
(a) 51 J. Schweighäuser, Epicteteae philosophiae monumenta , t. I- III : Epicteti
Dissertationum ab Arriano digestarum libri IV. Eiusdem Enchiridion et deperdi
tis sermonibus fragmenta. Post Io . Uptoni aliorumque curas denuo ad Codicum
manuscriptorum fidem recensuit, latina versione, adnotationibus, indicibus
illustravit J. Schw ., Lipsiae 1799, réimpr. Hildesheim /New York 1977.
(b ) 52 H . Schenkl, Epicteti dissertationes ab Arriano digestae, ad fidem codi
cis Bodleianirec. H . S.,accedunt fragmenta, Enchiridion ex rec. Schweighäuseri ,
Gnomologiorum Epicteteorum reliquiae, indices (editio maior), coll. BT, Leipzig
1894, 19162, réimpr. 1965, XXV-740 p.; 53 Id., editio minor 1898 (XIV -499 p.;
avec unenouvelle collation de W . M . Lindsay), 19162 (avec les scholies éditées
par T. W . Allen ; sur les scholies d' Épictète , voir Spanneut 8, col. 846 -847; Id .
10 , col.672-673).
Il y a d'autres éditions de l'ensemble :
(a) 54 Fr. Dübner, Theophrasti Characteres, MarciAntonini Commentarii,
Epicteti Dissertationes ab Arriano literis mandatae, fragmenta et Enchiridion
cum commentario Simplicii, Cebetis Tabula , Maximi Tyrii Dissertationes,
Graece et Latine cum indicibus, Parisiis 18422, p. 1- 14 (Enchiridion ), p. 15-32
(Fragmenta), p. 33-220 (Dissertationes), p.221-227 (Index nominum et rerum ).
(b) 55 W . A .Oldfather, Epictetus. The Discourses as reported by Arrian, the
Manual and Fragments, with an English translation , 2 vol.: t. I: Discourses,
Books I and II, coll. LCL 131, Cambridge (Mass.)/London 1925, réimpr. 1979 ;
t. II : Discourses, Books III and IV, theManual and Fragments, coll. LCL 218,
Cambridge (Mass.) London 1928, réimpr. 1985.
Autres éditions : 56 Ch. Thurot, Épictète. Manuel, texte grec , précédé d 'une introduction ,
accompagné de notes et suivi d 'un lexique des mots techniques, Paris 1874 ; 57 H . Joly , Ma
nuel d ' Epictète, texte grec et traduction française en regard , édition précédée d'une introduc
tion et d 'une analyse, et accompagnée d 'appréciations philosophiques, Paris 19048 ;
58 W . Capelle , Epiktet. Handbüchlein der Moral, mit Anhang : Ausgew . Fragmente verlore
ner Diatriben , hrsg. von W . C ., Jena 1906 ; 59 A . von Gleichen -Russwurm , Epiktet. Unter
redungen und Handbüchlein der Moral, neu hrsg., coll. « Deutsche Bibliothek » , Berlin 1914 ;
60 P . Smets , Epiktet. Handbüchlein der stoischen Philosophie, neu hrsg., Mainz 1938 ;61 Id .,
Epiktet. Fragmente, griech . u. dt. hrsg .,Mainz 1938 ; 62 H . Schmidt, Epiktet. Handbüchlein
der Moral und Unterredungen, coll. « Kröners Taschenausgabe » 2 , Stuttgart 1954 ;
63 J. Souilhé, Épictète. Entretiens, texte établi et traduit par J.S., CUF, 4 vol.: t. I: 1943,
réimpr. 1975 ; t. II: 1949, réimpr. 1969; t. III 1963; 1. IV 1965 (publication posthume des
deux derniers tomes avec la collaboration d ' A . Jagu ) ; 64 P . Jordán de Urries y Azara ,
Epicteto. Pláticas por Arriano , texto revisado y traducido , coll. « Hispánica de autores griegos
y latinos » , 4 vol., Barcelona 1957, 1963, 1965, 1973 (le t. IV contient le livre IV et les frag
ments) ; 65 M . Billerbeck, Epiktet. Vom Kynismus [Entretiens III 22), hrsg. und übers. mit
einem Kommentar, coll. « Philosophia Antiqua » 34 , Leiden 1978 ; 66 W . Kraus, Epiktet.
Handbüchlein der Moral und Unterredungen, hrsg. u . überarb . von W . K ., dt. Übert.nach J. G .
Schulthess u . K . Enk , coll. « Diogenes- Taschenbuch » , Zürich 1987 ;67 K . Steinmann , Epiktet.
E 33 ÉPICTÈTE 109
Handbüchlein der Moral, Griechisch/Deutsch ,übers. u. hrsg., coll. « Universal-Bibliothek »
8788 , Stuttgart 1992 ; 68 R . Nickel, Epiktet, Teles, Musonius. Ausgewählte Schriften ,
griechisch -deutsch , hrsg. und übers. von R . N ., coll. « Tusculum » , München /Zürich 1994;
69 R . F. Dobbin (édit.), Epictetus, Discourses, Book I, coll. « Clarendon Later Ancient Philo
sophers » , Oxford/New York 1998 .
Il fautmaintenant signaler une importante édition critique (avec traduction
anglaise ) du Manuel et des versions chrétiennes de ce texte : 69bis Gerard Boter,
The Encheiridion of Epictetus and its three christian adaptations. Transmission
and critical editions, coll. « Philosophia Antiqua » 82, Leiden 1999.
Traductions: Les traductions des Entretiens et notamment du Manuel sont
extraordinairement nombreuses. Outre les éditions bilingues citées plus haut,
nous offrons ici une ample sélection de ces traductions, y compris les plus
anciennes, en différentes langues :
En latin : Schweighäuser 51, Epicteti stoici Enchiridion ab Angelo Politiano e graeco
versum , t. V, p. 139- 172 (trad. de Politien , Boloniae 1497); 70 R . P. Oliver, Niccolo Perotti's
version of the Enchiridion of Epictetus, edited with an introd . and a list of Perotti' s writings,
Urbana 1954 (édition , à partir des différents manuscrits, de la traduction de l'humaniste N .
Perotti : Epicteti Enchiridium una cum Simplicii in eiusdem expositionem praefatione, Bolo
niae 1450 ) ; 71 E . V . Maltese , Epitteto , Manuale. Con la versione latina di Angelo Poliziano e
il volgarizzamento diGiacomo Leopardi, Introduzione, traduzione e note, coll. « I grandi libri
Garzanti » , Milano 1990 , p . 47 -86 (A . Poliziano ). La première traduction latine des Entretiens
est due à 72 J. Schegk , Arriani Nicomediensis de Epicteti philosophi, praeceptoris sui, disser
tationibus libri IIII... editi, Jacobo Scheggio ... interprete . Accedit Epicteti Enchiridion , Angelo
Politiano interprete,Basileae 1554 (avec le texte grec de Trincavelli).
En allemand : 73 K . Enk, Epiktetos Unterredungen, aufgezeichnet von Arrhianos aus dem
griechischen in das Deutsche übertragen, Wien 1866 ; 74 J.Grabisch, Unterredungen mit
Epiktet, ausgew . und ins Deutsche übertr., Jena/Leipzig 1905 ; 75 Fr. Dobe, Handbüchlein der
Lebenskunst (Enchiridion ), verdeutscht von Fr. D ., Berlin 1921; 76 R .Mücke, Epiktet, Was
von ihm erhalten ist nach den Aufzeichnungen Arrians, Neubearbeitung der Ubers. von
J.G . Schulthess (1766 ) von R . M ., Heidelberg 1924 ; 77 W . Capelle , Epiktet. Handbüchlein
der Moral und Auslese aus den Gesprächen , übers. von W . C ., Jena 1925 ; 78 Id ., Epiktet,
Teles und Musonius. Wege zu glückseligem Leben , übertragen und eingeleitet von W . C ., coll.
* Die Bibliothek der alten Welt. Griechische Reihe. Stoa und Stoiker» 3, Zürich 1948 , p. 7
206 (traduction du Manuel et d 'une sélection personnelle des Entretiens et des fragments, avec
des introductions et des notes); 79 Id ., Dir selber treu. Antike Lebensweisheiten von Epiktet
und Musonius, übertr. von W . C ., coll. « Artemis-Bibl.» 25, Zürich 1986 ; 80 C . Hilty , Epiktet.
DasHandbüchlein der Moral, nach der Übertragung von C . H ., Stuttgart 1946 ; 81 E . Neitzke,
Epictetus. Handbüchlein der Ethik ,übers., mit einer Einleitung u . Anmerkungen versehen von
E .N ., coll. « Reclams Universal-Bibliothek » 2001, Stuttgart 1980 ; 82 R . Nickel, Epiktet,
Teles und Musonius. Wege zum Glück, auf der Grundlage der Übertragung von W . Capelle
neu übersetzt, mit Anmerkungen versehen und eingeleitet von R . N ., coll. « Die Bibliothek der
alten Welt.GriechischeReihe » ,Zürich München 1987, p. 5 -198 et notes p. 289-310 ( 2e édit.:
Epiktet, Teles, Musonius :Wege zum Glück, auf der Grundlage der Übertr. von W . Capelle neu
übersetzt, & mit Einf. & Erl. vers . von R . N ., coll. « dtv » 2269,München 1991).
En français : 83 J.Goulu , Les Propos d 'Épictète recueillis par Arrian, auteur grec, son
disciple, translatez du grec en françois par Fr. J. de S. F. (Frère Jean de S. François),Paris
1609 et 1630 ; 84 A .- P . Thurot, Discours philosophiques d 'Epictète, recueillis par Arrien , et
traduits du grec en français , Paris 1838 ; 85 V . Courdaveaux, Les Entretiens d ' Épictète ,
recueillis par Arrien , traduction nouvelle & complète, 2e édit. revue et corrigée, Paris 1882
(18621), réimpr. 1908 ; 86 F . Thurot, Epictetus, Manuel, traduction française par F. Th .,
accompagnée d'une introduction et revue par Ch. Thurot, Paris 1874, réimpr. 1896 ; 87 A .
Fouillée ,Manuel d 'Épictète, trad. Naigeon (1782), revue avec introduction et notes, Paris
110 ÉPICTÈTE E 33
1876 ; 88 J. Souilhé et A . Jagu, Épictète . Entretiens,Manuel, trad. de J. S. et A . J., coll. « Les
grandes cuvres de l' Antiquité classique » , Paris 1950 ; 89 É . Bréhier, Épictète, Entretiens
(livres 1 à IV ), traduction par É. Br., revue par P. Aubenque. Rubriques, notice et notes par
P . Aubenque, dans Les Stoïciens, coll. « Bibliothèque de la Pléiade , Paris 1962, p. 801 -1105
(notes : 1339-1355) ; 90 J. Pépin , Épictète, Manuel, traduction, notice et notes, dans Les Stoï
ciens, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris 1962, p. 1107-1132 (notes: 1355-1370); 91 C .
Chrétien , Épictète.Manuel,traduction de R . Rétoquart, revue et complétée par C. Ch., Intro
duction, commentaires et notes par C . Ch., coll. « Profil philosophie > 738 , Paris 1988 ;
92 M . Gondicas, Épictète , Ce qui dépend de nous. Manuel et Entretiens, coll. « Retour aux
grands textes » , Paris 1991. 93 (Arrien ), Manuel d 'Épictète . Traduction inédite et notes par E .
Cattin . Introduction et postface par L . Jaffro , coll. « GF >> 797 , Paris 1997, 162 p. (trad. p . 63
91; notes p. 93- 126 ).
En anglais: 94 E . Carter, All theworks of Epictetus, which are now extant, consisting of
his Discourses, preserved by Arrian , in four books, the Enchiridion, and fragments, translated
from the originalGreek by E. C ., with an introduction and notes, London 1758, réimpr. 1957 ;
95 Th . W . Higginson, The Discourses of Epictetus with the Enchiridion and Fragments,
translated by Th. W . H ., 2 vol., Boston 1865 (cf. Epictetus. The Enchiridion, translated by Th .
W . Higginson, with an introduction by A . Salomon , coll. « The library of liberal arts » , India
napolis/New York 1955) ; 96 G . Long, The Discourses of Epictetus with the Encheiridion and
Fragments, translated with notes, a life of Epictetus, and a view of his philosophy, coll. « Lib .
of the world 's best books» , New York 1890 ; 97 P.E .Matheson, Epictetus. The Discourses
and Manual, together with fragments of his writings, transl. with introd. and notes, 2 vol.,
Oxford 1916 ; 98 J. Bonforte , The philosophy of Epictetus (traduction des Entretiens, fondée
sur celle de T . W . Higginson),New York 1955 ; 99 N . P. White, The Handbook of Epictetus,
translated with an introd. and annot., Indianapolis 1983.
En italien : 100 E. Pelinejo ,Manuale di Epitteto, Parma 1793 ; 101 D .Bassi, Dai Discorsi
di Epitteto, trad. e comm ., coll. « Pubblicazioni di cultura morale » 1, Firenze 1915 ;
102 G .Rensi ( édit.), Il Manuale di Epitteto, nella versione di Angelo Poliziano, Milano 1926 ;
103 G . Calogero (édit.), Il Manuale di Epitteto, nella versione di Giacomo Leopardi (1825,
publiée à Florence en 1845 après la mort de son auteur), con introduzione e commento di
G . C ., coll. « Collana scolastica ditesti filosofici», Firenze 1933, 19362 ; 104 E . Albino (édit.),
Il Manuale, volgarizzato da G . Leopardi, introd. e comm . di E . A ., Roma 1950 (cf. Maltese
71, p . 87 - 119 ; 105 C .Moreschini [édit.), Il Manuale d 'Epitteto, trad. di Leopardi, coll. « Mini
ma >> 9, Roma 1990) ; 106 R . Laurenti, Epitteto . Le Diatribe e i Frammenti, Bari 1960, réimpr.
coll. « Biblioteca Universale Laterza » 282, Roma/Bari 1989 ; 107 A . Caretta et L . Samarati,
Epitteto . Il manuale, versione, introd . e note, coll. « Il pensiero class. de la filos. comm . » ,
Brescia 1970 ; 108 S. Arcoleo, Epitteto. Il manuale, trad., comm . analitico e storico -critico,
coll. « Classici di filosofia e pedagogia » 3 , Torino 1973; 109 G . Reale et C . Cassanmagnago,
Epitteto. Diatribe, Manuale , Frammenti, introduzione, prefazioni e parafrasi di G . R ., trad .,
note e indici di C . C ., coll. « I classici del pensiero , Sez. I : Filos. class. e tardoantica » ,Milano
1982 ;Maltese 71, p. 1-46 .
En espagnol: 110 F. Sánchez de las Brozas (El Brocense ), Doctrina del stoyco filosofo
Epicteto, que se llama comunmēte Encheiridio, Salamanca 1600 , réimpr. Pamplona 1612,Ma
drid 1632,Ginebra 1766 (la traduction est un peu libre ); 111 G . de Correas, Ortografia kastel
lana nueva y perfecta juntamente con elManual de Epicteto y la Tabla de Kebes, Salamanca
1630 (la traduction du Manuel y est utilisée comme exemple grammatical) ; 112 F. de
Quevedo , « Doctrina de Epicteto puesta en español con consonantes » , dans Epicteto y Phocí.
lides en español con consonantes. Con el origen de los estoicos, y su defensa contra Plutarco,
y la defensa de Epicuro contra la común opinion ,Madrid Barcelona 1635 (traduction , ou plu
tôt paraphrase, en vers du Manuel); 113 A . Brum (?), Theatro moral de la vida humana, en
cien emblemas, con el Enchiridion de Epicteto... y la Tabla de Cebes..., Bruselas 1672
(réimpr. dans Theofrasto , Caracteres morales. Epicteto, Enquiridion o Máximas. Cebes, la
Tabla de Cebes, coll. « Austral»> 733, Buenos Aires 1947, p. 79- 118) ; 114 J. Ortiz y Sanz,
Enchûridion ó manualde Epicteto, con el texto griego traducido en castellano e ilustrado con
E 33 ÉPICTÈTE 111
algunas notas (traduction latine en appendice), Valencia 1816 ; 115 P. Ortiz García, Epicteto .
Disertaciones por Arriano, traducción , introducción y notas, coll. « Biblioteca clásica
Gredos » 185, Madrid 1993 ; 116 Ead., Tabla de Cebes. Musonio Rufo, Disertaciones y frag
mentos menores. Epicteto, Manual, Fragmentos, Introducciones, traducción y notas, coll.
< Biblioteca clásica Gredos » 207, Madrid 1995, p. 167-247 (Manuel) ; 117 R . Alonso García ,
Epicteto, Manual, Introducción , traducción y notas, Madrid 1993 ; 118 J. M . García de la
Mora, Epicteto, Enquiridión, Estudio introductorio , traducción y notas. En apéndice, la ver
sión parafrástica de D . Francisco de Quevedo y Villegas (cf. 112 ), coll. « Textos y documen
tos » 14 ,Barcelona 1991.
En catalan : 119 J. Leita , Epictet, Enquiridió . Marc Aureli, Reflexions, a cura de J. Mont
serrat i Torrents, coll: « Texts filosòfics» 27, Barcelona 1983.
En grec : 120 S. Delta, 'Enixtútov 'Eyxelpídlov, Mápxou Aúpnalov tà eic Éautóv
(OEUTÉPn Éxoóon Slopowuévn ),Keávdouc " Yuvos eic Aía , uetáopaois , Athènes 1935 ;
121 S . Delta, Al xat' ' Applavov 'EnlxtÝTelol Alatpiſal, metáppaois, Athènes 1937 ;
122 A . Dalezios, 'Etxepidlov, åpx. xelu ., cioayum , metápp., onueiGOELS, coll. « lláttu
poç » 82, Athènes 1955.
En hollandais : 123 M . A . Gillis, Epictetus Hantboecxken, leerende na der Stoischer Philo
sophen wyse hoe elc in sinen roep gherustelyck leven sal. In nederduytsch overgesedt deur
M . A . G . , Antwerpen 1564 (cf. 124 M . Boas, « De oudste nederlansche vertaling van Epictetus
Enchiridion en haar auteur », Tijdsschrift vor Nederlandsche Taal- en Letterkunde 37, 1918 ,
p. 279 - 301) ; 125 H . L . Spiegel, Epictetus Handi-boexken , ende Cebes Tafereel. Lerende
philosophischer wyze hoe elck in sijn beroep gherustelixt leven zal... Noch Cebes tafereels
kort begrip , in rijm ghestelt door H . L . S ., Amsterdam 1615 ; 126 F . Scheurleer, Enchiridion :
zedekundig handboekje van Epictetus, vert. en van een inleid. voorz F . S ., Gravenhage 1915 ;
127 H . W . F . Stellwag, Epictetus. Het eerste boek van der Diatriben (Entretiens I), inleiding,
vertaling en commentaar door H . W . S ., Diss. Utrecht, Amsterdam /Paris 1933 ; 128 H . Giltay,
De levende Epictetus. Ein nieuw handboekje naar Epictetus' Diatribae, samengest. en van een
inl. en aant, voorz H . G ., Gravenhage 1946 .
En danois : 129 E . Boye, Epiktets Haandbog, af det Græske oversat og med Anmærk
ninger oplyst af E .B ., København 1781; 130 J. A . Bundgaard , Epiktetos' Haandbog, övers. af
J. A . B ., 2. udg., København 1942.
En tchèque : 131 R .Kuthan, J. Ludvíkovský, L. Svodoba et J. Mertlíková, Encheiridion,
Diatribai, introd., trad., comm ., coll. « Antická knihovna » 10 , Praha 1972.
En russe : 132 G . A . Tarojan , « Epicteti Diatribae» , VDI 1975 n° 132, p. 195-253, n° 133,
p . 217 -259, n° 134, p. 207-234, n° 135, p. 215 -249, n° 136 , p. 195-237 (traduction précédée
par l'article de Štajerman 44).
En lituanien : 133 V .Kazanskiene, Épictète. Euvres choisies (en lituanien ), Vilnius 1986 .
B . Vie.
Sources biographiques anciennes. Nos connaissances sur la vie d'Épictète
sont très pauvres. On trouve un catalogue de témoignages anciens sur Épictète
chez Schweighäuser 51, t. II 2, p. 123-136 , et Schenkl 52 , p . III-XV. Les sources
les plus importantes sont: Aulu-Gelle (11P ),Nuits Attiques II 18, 10 et XV 11, 3
5 ; Simplicius (VIP ), Commentarius in Epicteti Enchiridion ; et la Souda (XP), s.v.
'EnixTnTOS, E 2424,t.II, p. 365, 24-31 et 366, 1-17 Adler. Au début de la pré
face du commentaire de Simplicius (cf. Hadot 172 , p. 192, 1-4 ), on apprend
qu'Arrien « a écrit sur la vie et sur la mort d'Épictète» (= test. 3 Schenkl =
Arrien , test. 4 Roos). A la suite d'Asmus 17, p . 31 sq ., Schenkl 52, p. XV sq . (cf.
aussi Colardeau 22, p.23), s'oppose à ceux qui ont voulu tirer de cette phrase
l'idée qu 'Arrien avait écrit une biographie proprement dite de son maître,
112 ÉPICTÈTE E 33
publiée comme introduction au Manuel. Schenkl 52, p. XVI,montre en effet que
les témoignages que l'on possède sur Épictète (sauf de rares exceptions) sem
blent bien dériver des quatre livres d' Entretiens qui nous sont parvenus. Ces
livres restent en réalité la source la plus riche pour notre connaissance de la
personnalité du philosophe. D 'après Schenkl, les mots de Simplicius peuvent
faire référence simplement à un passage (perdu) des Entretiens, où Arrien ,dans
le dessein de montrer la tranquillité d'âme dont jouit celui qui ne considère pas
la mort comme un mal, aurait présenté Épictète moribond en train de dialoguer
une dernière fois avec ses amis et disciples (cf. aussi Zeller 26 , t. III 1, p. 766 sq.
n . 2 ; Colardeau 22 , p. 23 sq. n . 5 ; von Arnim 5, col. 126 sq.; Souilhé 63, t. I,
p . I). Dans l'introduction de son édition du Commentaire de Simplicius,Mme I.
Hadot 172 , p . 152 - 157, considère pour sa part que le passage fait bien allusion à
une Vie d'Épictète par Arrien , d 'ailleurs utilisée par Simplicius pour certains
détails biographiques concernant le philosophe.
Chronologie et biographie . La Souda,loc. cit. (= test. 21 Schenkl), nous
apprend que la patrie d 'Épictète fut Hiérapolis (auj. Tambouk -Kalessi), en Phry
gie méridionale. Le lexicographe ne précise pas la date de sa naissance ni celle
de sa mort. Il se borne à dire (cf. test. 30 Schenkl) qu 'Epictète a vécu jusqu 'à
l'avènement de Marc-Aurèle (161). Cependant, depuis Schenkl 52, p. XIX sqq.,
les critiques estiment qu 'une date plus ancienne s'accordemieux avec les points
de repère fournis par les Entretiens, notamment avec la chronologie de celui qui
les a publiés, Arrien (ca 85 - ca 165, * A 425 ), que l'on considère habituel
lement comme un fidèle éditeur de ses propres notes de cours (cf. infra ). En
effet, Schenkl 52, p. XXVII sqq., tout en supposant qu 'Arrien a dû suivre les
leçons d 'Épictète avant sa nomination commeconsul ca 130 , remarque qu’Épic
tète lui-même se présente comme un vieillard lorsque Arrien était son auditeur
(cf. Entretiens I 16 , 20 ; II 6 , 23 ; II 19, 25 ; Lucien , Contre un ignorant 13 = test.
15 Schenkl), et qu 'il aurait dû vivre encore une quarantaine d'années pour
atteindre l'avènement de Marc -Aurèle. Donc, Schenkl imagine qu 'Épictète a
vécu seulement jusque vers le milieu du règne d'Hadrien (117-138), qui a traité,
on le sait, le philosophe avec une grande familiarité ( cf. S. H . A ., Vita Hadriani
16 , 10 = test. 27 Schenkl, où l'on signale l'amitié de l' empereur pour les
philosophes Épictète et Héliodore [ H 28 ]). Schenkl 52, p. XXXII, suppose par
ailleurs qu 'Épictète est né en 50 . Cette date a été déduite approximativement à
partir de celle de l'incendie délibéré du Capitole en 69, car cet événement
semble avoir vivement marqué Épictète lorsqu 'il était disciple de Musonius
Rufus (cf. infra), comme on peut le déduire d'un passage des Entretiens I 7, 32
( cf. contra Hijmans 36 , p. 9 n. 1). Le Capitole fut incendié aussi en 80,mais de
façon accidentelle, tandis que le passage en question semble bien faire référence
à l'action criminelle de 69 (cf. Schenkl 52, p . XXIII ; Oldfather 55, t. I, p . XI) .
L ’an 50 proposé par Schenkl s'explique facilement si on suppose qu 'Epictète
pouvait avoir 19 ans lorsqu 'il était disciple de Musonius. Ainsi, on s'accorde
d 'ordinaire pour placer sa vie entre ca 50 et ca 125/130.
E 33 ÉPICTÈTE 113
Cf. Souilhé 63, t. I, p . II, IX ; Oldfather 55 , t. I, p . XII : † 120 (cf. Hijmans 36, p . 9 ) ;
Spanneut 10 , col. 599 sq .; Mattei 14 , p . 860 ;Rocca-Serra 15, p. 133.
En réalité, cette chronologie , bien qu 'elle soit plausible, n' a qu 'un caractère
hypothétique (cf. Colardeau 22, p. 3). Comme le souligne Stellwag 127 , p. 1, la
plus grande longévité attribuée par la Souda à Épictète n'est pas impossible. Sur
la base des témoignages d 'Aulu -Gelle II 18 , 10 (= test. 9 Schenkl) et de Marc
Aurèle VII 19 (= test. 12 Schenkl), qui parlent tous deux d'Épictète comme s'il
était mort, on peut seulement fixer 170 commeterminus ante quem pour la mort,
car cette année semble bien le terminus post quem pour la publication des Nuits
Attiques (* A 509) et de l'ouvrage de Marc -Aurèle (cf. Schenkl52, p. XXII). Par
ailleurs , d'après Georges le Syncelle (= test. 5 Schenkl), Épictète a eu son floruit
pendant le règne d 'Antonin le Pieux (138- 161), bien qu 'il fût déjà actif comme
philosophe sous le règne de Domitien (81-96 ), s'il a été compris dans le décret
sénatorial par lequel, sous cet empereur, furent chassés de Rome tous les philo
sophes, ca 94 (cf. infra ). De son côté ,Millar 40, p. 141 sq., qui souhaite se tenir
à l'écart de toute conjecture, déclare que la seule chose que l'on puisse affirmer
avec certitude sur la chronologie d 'Épictète est qu'il était à Rome pendant la
période des Flaviens (69- 96 ), lorsqu'il fut ami et disciple de Musonius.
Épictète a passé sans doute ses premières années à Hiérapolis. Cette ville (« la
ville sainte » ) était alors un centre religieux très important: tout en étant célèbre
notamment pour les mystères de Cybèle (cf. Strabon XIII 14), elle abritait aussi
une communauté chrétienne (cf. Spanneut 10 , col. 599 sq .). Donc, il est facile
d'imaginer que ce milieu a dû jouer un rôle très important dans la formation de
la spiritualité d'Épictète (cf.Oldfather 55,t. I,p . VIII).
A en croire une inscription de Pisidie , qui n'est pas datée mais semble bien
ancienne (cf. 134 G . Kaibel, « Inschriften aus Pisidien » , Hermes 23, 1888 ,
p . 532-545 , notamment p . 542 sq. = test. 19 Schenkl), Épictète est né dans
l'esclavage. Par ailleurs, dans un distique anonyme transmis par Jean Chryso
stome et par Macrobe (cf. test. 18 , 35 et 36 Schenkl), on présente l'esclavage
d'Épictète au moyen du verbe yiyveodai. Il n 'est pas sûr que ce verbe ait dans
ce passage le sens de « naître », car, comme le remarque Schenkl52, p. XVI,n . 2,
le verbe en question s' identifie souvent en poésie avec elvál, et, comme le
signale Souilhé 63, t. I, p. II, il peut aussi avoir le sens de « devenir » . En fait,
Schenkl 52, p . XVI, met en cause l' idée qu 'Épictète soit né esclave. Il suggère
que cette idée a été tirée d'un passage des Entretiens (IV 1, 51), où l'on dit de
Diogène de Sinope qu'il était un homme libre parce qu 'il l' était lui-même, bien
qu 'il ne fût pas né de parents libres. En revanche, Oldfather 55 , t. I, p. VII n. 2,
considère qu 'il n 'y a pas de raison pour douter du renseignement selon lequel
Épictète est né esclave. Martha 16 , p . 196 , soutient que le nom même
qu ’Épictète portait n 'était qu 'un adjectif signifiant « esclave » (« acquis récem
ment » ), et que ce nom lui aurait donc été donné non par ses parents mais par son
maître . Cependant, Oldfather 55, ibid., récuse l'idée de Martha selon laquelle le
nom qu 'Épictète portait n 'était pas son nom réel et qu'il l'employait uniquement
pour chercher une espèce d 'anonymat, par souci de modestie : « the designation
114 ÉPICTÈTE E 33
is by no means restricted to slaves , while his modesty, because coupled with
Stoic straightforwardness , is far removed from the shrinking humility that seeks
self-effacement» . Germain 39, p. 183 n. 7, remarque aussi que le mot 'Enixtn
tos comme nom propre est attesté pour des hommes libres. A son tour, Colar
deau 22 , p . 6 sq . n . 5 , tout en rappelant que les esclaves dans l'Antiquité
recevaient souvent le nom de leur pays d'origine, suggère que ce mot désignait
une partie de la Phrygie qui avait été ajoutée à un pays plus ancien ou acquise
par ce pays.Mais, comme le remarque Souilhé63, t. I, p . III, aucun témoignage
ne confirme cette hypothèse (cf.Mattéi 14, ibid .). En toutcas, l' ensemble de nos
sources, y compris les Entretiens, attestent bien qu'Épictète fut esclave au moins
pendant une période de sa vie (cf. Entretiens I 9, 29 -30 ; 19, 19-21 ; test. 9, 17,
18, 31 a et b, 35, 36 , 36 a, 47, 50 , 59 Schenkl; Fronton , Lettres, Ad Verum (?) 5,
p . 52 Haines (cf. p. 135 Van den Hout]).
Comme esclave, il fut envoyé à Rome, probablement encore très jeune ; on le
trouve au service d 'Épaphrodite, sans doute l'affranchi deNéron , que la Souda
présente comme un des gardes du corps de l' empereur,mais qui semble avoir été
plutôt son secrétaire (« a libellis » ), d'après le témoignage de Suétone, Vie de
Néron XLIX 5, et Vie de Domitien XIV 2 (cf. PIR? E 69; 135 P . R .C . Weaver,
« Epaphroditus, Josephus, and Epictetus» , CQ 44, 1994, p. 468 -479). La qualité
morale de ce personnage semble avoir été exécrable . Il n 'est sans doute pas
fortuit que dans le souvenir d'Épictète Épaphrodite apparaisse toujours comme
unmauvais exemple (cf. Entretiens I 1, 20 ; 9, 19 ; 19, 19-21; 20, 11-12 ; 26 , 11
12 ). A en croire la tradition , rapportée par Origène, qui suit Celse (cf. test. 17
Schenkl), et confirmée par Grégoire de Nazianze et son frère Césaire (test. 31-35
Schenkl), Épictète serait devenu boiteux à cause de la brutalité de son maître
( vraisemblablement Épaphrodite). Celse , ap. Origène, Contra Celsum VII 53,
raconte de façon dramatique cet épisode : Épaphrodite aurait mis à la torture la
jambe d 'Épictète, qui se serait borné à lui dire en souriant: « Tu vas la casser» ,
puis, lorsque la jambe fut de fait cassée, se serait borné à reprendre: « Je te
l'avais bien dit, que tu allais la casser» . Quoi qu'il en soit, le fait qu 'il était boi
teux est confirmé par Épictète lui-même (cf. Entretiens I 8, 14 ; 16 , 20 ). La
Souda explique l'infirmité d' Épictète comme due à de simples rhumatismes.
Cependant, ce témoignage, bien que R . Bentley l'ait défendu (cf. aussi Croiset
21, t. V , p . 458 ), n 'a généralement pas obtenu créance parmi les critiques (cf.
136 W . A . Oldfather, « Richard Bentley' s critical notes on Arrian 's Discourses of
Epictetus » , TAPHA 53, 1921, 41-52, notamment p. 42). Oldfather 55, t. I., P. IX
sq. n . 1, affirme que le témoignage de Simplicius, loc. cit. (= test.47 Schenkl),
selon lequel Épictète était faible de corps et boiteux depuis sa jeunesse, ne per
met pas de trancher la question et s'accorde aussi bien avec une version qu 'avec
l'autre. Cependant, il considère la version de la torture comme la plus vraisem
blable (cf. en revanche le scepticisme de Colardeau 22, p. 6 n. 1). A son avis, si
Épictète fait référence si souvent au thème du maître ou du tyran qui veutoppri
mer quelqu'un au moyen de la torture, de la prison , de l'exil, etc ., si la liberté est
un sujet central chez lui, c 'est bien entendu parce que c 'était un lieu commun
E 33 ÉPICTÈTE 115
dans le stoïcisme, mais c'est peut-être aussi parce qu'il avait gardé toujours un
sentiment très vif de sa propre expérience personnelle (cf. Entretiens I 18, 17).
Oldfather va même jusqu 'à suggérer que le silence des autres sources sur cet épi
sode de torture serait dû à un chrétien apologiste sans scrupules qui aurait cher
ché ainsi à priver ce martyr païen de son comportement héroïque ( cf. aussi
Hijmans 36 , p . 8 ).
En ce qui concerne la question de la torture , Souilhé63,t. I, p. IV sq ., rappelle
aussi le témoignage d'Épictète lui-même (Entretiens 19, 29) selon lequel Muso
nius voulait préparer l'âme de son disciple à subir la violence de son patron. Par
ailleurs, il imagine qu'Épaphrodite a dû se laisser séduire assez vite par la force
d'âmede son esclave, étant donné qu 'il lui permit, avant de lui donner la liberté,
de suivre les leçons de Musonius, le plus grand philosophe stoïcien de l' époque
(cf. aussi Entretiens I 7 , 32). Épictète peut avoir été son disciple lorsque Muso
nius est revenu de l'exil après la mort de Néron en 68/69, comme le soutient
Schenkl 52, p . XIX sq., XXXII (cf. Croiset 21, t. V , p. 458 sq ., quiplaçait plutôt
ces études d'Épictète auprès de Musonius sous le règne de Néron ). Cependant,
Souilhé 63, t. I, p. VI, suggère que Musonius,malgré la faveur dont il jouissait
auprès de Vespasien , a pu se voir contraintde quitter encore une fois Rome après
le décret général d'expulsion des philosophes édicté sous cet empereur, ca 71
75, pour revenir seulement avec l'avènement de Titus en 79. D 'après lui, c'est
sans doute alors qu'Épictète fut son disciple (cf. aussi Jordán de Urries 64, t. I,
P . XXI).
Jordán de Urríes 64, t. I, p . XIII, suggère que le fait qu'Épaphrodite ait permis à Épictète de
se procurer une formation philosophique n 'est pas nécessairement un signe de bienveillance à
l'égard de son esclave,mais peut répondre au fait qu 'il souhaitait en faire le pédagogue de ses
enfants, en raison de son défaut physique, qui l' empêchait de réaliser d 'autres travaux, et en
raison de son intelligence éveillée (cf.aussi Ortiz García 115, p. 10 , 363 n . 169).
L 'influence que les enseignements de Musonius exercèrent sur Épictète fut
sans doute décisive (cf. Entretiens I 1, 27 ; 7, 32 ; 9, 29 ; III 6 , 10 ; 23, 29 ; et fr. 4
8 Schenkl). A ce sujet, voir Hijmans 36 , p . 3 - 7 ; 137 R . Laurenti, « Musonio e
Epitteto » , Sophia 34 , 1966 , p. 317 -335 ; et 138 Id ., « Musonio ,maestro di Epit
teto » , ANRW II 36, 3, 1989, p . 2105-2146. On n 'a pas de raison de penser que
Musonius n'a pas été son seulmaître . En effet, comme le remarque Souilhé 63,
P. VI sq., on peut expliquer certains aspects cyniques de la pensée d'Épictète
« par la formeâpre et un peu rude que le Stoïcisme romain de ce temps avait em
pruntée aux Cyniques » sans qu 'on ait besoin d 'imaginer, comme l'avait fait
Bonhöffer 19 , p. IV (cf. aussi Hirzel 20 , t. II, p . 246 n. 1), qu 'Épictète a été
disciple d 'un cynique avant d'entendre Musonius.
L 'affranchissement d'Épictète a dû se produire avant 94, car, commenous
l'avons dit plus haut, il fut inclus dans le décret d'expulsion des philosophes
appliqué sous Domitien . C 'est à ce moment que le philosophe se rendit en exil à
Nicopolis en Épire (cf. Aulu -Gelle XV 11 = test. 10 Schenkl; Pline le Jeune,
Lettres III 11 ; Lucien , La mort de Peregrinus 18 = test. 16 Schenkl; Tacite , Vie
d 'Agricola 2 ; Simplicius, loc. cit., test. 51 Schenkl). Il y créa une école de philo
sophie , sans doute dans sa propremaison. C ' était une école ouverte , qui semble
116 ÉPICTÈTE E 33
avoir été fréquentée par un très grand nombre de disciples (ou d 'auditeurs plus
ou moins occasionnels) et avoir joui d 'une grande renommée (cf. Hijmans 36 ,
p . 2 sq. ; Brunt45, p. 20 sq.). C ' est peut-être dans le cadre de cette école que doit
se placer son entretien avec Hadrien (cf. S. H . A ., supra ).Mais certains critiques
considèrent que cette visite a eu lieu à Athènes, en supposant un voyage
d 'Épictète dans cette ville . Schenkl 52 , p. XXVI, croit confirmer cela à l'aide de
deux passages: Lucien, Vie de Démonax 55 (test. 14 Schenkl), où l'on raconte
qu ’Épictète s'est adressé un jour à Démonax ( D 74 ] (qui passa sa vie à
Athènes) ; et Flavius Philostrate , Lettres69, p. 485 sq. Hercher (à Épictète = test.
23 Schenkl), où l'on déclare que les applaudissements reçus à Athènes ont dû
provoquer chez Épictète une stupeur comparable à celle que produisent les cym
bales retentissantes chez les initiés aux mystères de Rhéa, c'est-à-dire les
mystères d 'Éleusis. Stellwag 127 , p . 5, accorde foi elle aussi à ce dernier rensei
gnement, et elle croit pouvoir alléguer en guise de confirmation le témoignage
des Entretiens eux -mêmes (cf. I 4 , 30 ; III 22 , 78). Oldfather 55, t. I, p. X , penche
pour l'authenticité de ce voyage athénien , bien qu 'il reconnaisse que les pas
sages allégués par Schenklne sont pas probants, tout comme Souilhé 63, t. I,
p. IX , qui cependant considère comme plus probable l'hypothèse d'un voyage
d 'Hadrien à Nicopolis . Enfin , Hijmans 36 , p. 1 sq., tout en fixant la visite
d 'Hadrien à Nicopolis en 125, conclut que la seule chose que l'on puisse affir
mer est qu'il a existé un rapport personnel entre Hadrien et Épictète.
[Épictète fut honoré, au sanctuaire d'Épidaure , d'un hermès (IG IV 12, 683)
élevé par un ami qui n'a pas jugé nécessaire de préciser son nom . Cette omission
ne peut s'expliquer que si le donateur était d'un rang suffisamment élevé pour ne
pas être astreint aux usages qui s'imposaient aux dédicants ordinaires : Blinken
berg (NT 3, 1895 , p. 157) a sans doute eu raison de reconnaître en lui l'empereur
Hadrien . BERNADETTE PUECH.]
Lucien , Démonax 3 (= test. 13 Schenkl) prétend que le cynique Démonax a
fréquenté le philosophe. En réalité , on ne peut reconnaître aujourd 'hui avec
certitude qu'un seul disciple d'Épictète , Arrien de Nicomédie ( en Bithynie ),
l'homme politique et écrivain qui préserva ses enseignements. Voir S . Follet,
notice « Arrien de Nicomédie » A 425 , DPhA I, 1989, p. 597 -604 . Schenkl 52,
p. XXVIII, se représente Arrien comme disciple d'Épictète dans les premières
années du règne d 'Hadrien (117 -120), à l'encontre de Colardeau 22 , p. 14, qui
suppose qu 'il entretint un rapport plus discontinu avec son maître (cf. aussi
139 E. Schwartz , art. « Arrianus» 9 , RE II 1 , 1895, col. 1230-1247, notamment
p . 1230, et Croiset 21, t. V , p. 459, qui songentdéjà au règne de Trajan : 98 - 117).
En tout cas, c 'est sans doute pendant sa jeunesse , avant sa nomination comme
consul ca 130 , que doit se placer le séjour, plus ou moins prolongé, d'Arrien à
Nicopolis auprès d'Épictète , lorsque celui-ci était déjà relativement âgé (cf.
supra). On a daté ce séjour ca 108, à partir de la mention dans les Entretiens III
7, ainsi que chez Pline le Jeune, Lettres VIII 24, 2 -4 , d 'un épicurien du nom de
Maximus comme corrector des cités libres, qui aurait fréquenté l'école
d'Épictète (cf. DPha A 425, p. 598).
E 33 ÉPICTÈTE 117
Sur l'école d 'Épictète et la valeur de sa pédagogie, voir 140 J. Bruns, De schola Epicteti,
Kiel 1897 ; Colardeau 22, p . 71-113 ; 141 L . Weber, « Lamorale d 'Épictète et les besoins pré
sents de l' enseignement moral» , RMM 1905, p . 830-858 ; 1906 , p . 342-360 ; 1907, p. 327
347 ; 1909, p . 203-236 ; 142 E . A . Abbott, « From the lecture room of Epictetus» , Expositor 1,
1906 , p . 132- 143 ; Halbauer 24, p .43-56 ; 143 W . Scherer, Epictets pädagogische Bedeutung,
Prog. Regensburg 1916 ; Hijmans 36 , p . 92 -102 ; 144 P . Zarrella , « La concezione del disce
polo in Epitteto » , Aevum 40 , 1966 , p . 211-229 ; 145 J.N . Sevenster, « Education or conver
sion. Epictetusand the Gospels » , NT 8 , 1966, p . 247-262.
Brunt 45, p . 20 sq., analyse en détail la composition de l'auditoire d'Épictète, et il constate
que celui-ci recrutait ses élèves parmi les aristocrates grecs locaux, afin sans doute de leur
apprendre à remplir les devoirs inhérents à leur situation sociale (cf. Cizek 43), mais aussi à
regarder avec indifférence les biens extérieurs, le pouvoir et la renommée, et à ne valoriser que
les biensmoraux tirés de la liberté intérieure. En analysant l'æuvre d 'Arrien , qui fit une car
rière politique, Brunt observe que les enseignements d 'Épictète ne s' y trouvent pas toujours
réalisés. En effet, quelle que soit l'influence qu 'Épictète a exercée sur sa vie, le système de
valeurs qu 'adopte Arrien dans l'Anabase d 'Alexandre ne correspond pas à celui que préconi
sait son maître . Par exemple, son interprétation d' Alexandre comme un homme et un roi admi
rable n 'est pas stoïcienne, car les vrais stoïciens avaient tendance à condamner Alexandre , et
même l' Alexandre idéalisé d ' Arrien .
Cf. aussi 146 R . Laurenti, « Classi e ascesa sociale in Epitteto », Index 13, 1985, p. 407
424.
Épictète mena toujours une vie de simplicité. A Rome, il n 'avait nul besoin
de fermer la porte de sa maison , où l'on ne trouvait qu 'un lit de paille et une
natte de jonc pour dormir (cf. Simplicius, op. cit., test. 47 Schenkl). De la fruga
lité de sa vie à Nicopolis rend aussi témoignage l'anecdote selon laquelle un jour
on lui vola une lampe de fer, ce qui lui fit comprendre qu' il devait la remplacer
par une autre de terre (cf. Entretiens I 18, 15 ; 29, 21). C 'est sans doute cette
anecdote qui donna lieu plus tard à la légende racontée par Lucien , Contre un
ignorant 13 (= test. 15 Schenkl), selon laquelle, après la mort d' Épictète , un
admirateur acheta cette lampe de terre trois mille drachmes, dans la pensée peut
être - pense Lucien - que s'il l'utilisait la nuit pour lire, il hériterait sans effort
de la sagesse d' Épictète pendantson sommeil et pourrait devenir aussi admirable
que lui. Enfin, l' image que nous pouvons nous faire de l'aspect extérieur
d 'Épictète est celle d'un vieillard boiteux (cf. supra ) aux cheveux blancs, qui
porte la barbe et le manteau du philosophe (cf. Entretiens III 1, 24 ), mais se pré
sente toujours propre et soigné, pour ne pas déranger les gens avec qui il se
trouve (Entretiens IV 11, 13- 14).
Épictète resta sans doute célibataire pendant toute sa vie. A la différence des
épicuriens, il était loin de rejeter l'institution du mariage (cf. Entretiens I 23),
mais il considérait que le vrai philosophe (le vrai « cynique » ) devait plutôt
s'abstenir du mariage et de l'éducation des enfants, car ces tâches pouvaient le
distraire de sa plus haute mission (cf. Entretiens III 22, 67 sqq.). Lucien, Démo
nax 55, affirme qu 'Épictète conseillait à Démonax de créer une famille , ce à quoi
le cynique répliqua ironiquement: « Eh bien , Épictète, donne-moi donc une de
tes filles» . D 'après Simplicius, test. 52 Schenkl, Épictète passa seul la plus
grande partie de sa vie,mais , lorsqu 'il était déjà vieux, il prit une femme comme
nourrice d 'un enfant qu 'un de ses amis allait exposer à cause de son indigence et
qu'il adopta. Cela ne veut pas dire qu'il se soitmarié. Le verbe employé (stap
118 ÉPICTÈTE E 33
kráſeto ) n'autorise pas à le supposer, mais veut dire simplement qu'il « prit
chez lui» cette femme commenourrice de l'enfant (italdiou tpopóv). Toutefois,
Hijmans 36 , p . 2 n . 6 , considère qu 'on ne peut pas savoir clairement si la femme
en question a joué le rôle de servante ou d' épouse (cf. Colardeau 22, p . 11 sq.) .
C . Euvre.
A l'instar de Socrate , qu 'il admirait (cf. infra ), Épictète ne publia jamais
aucun écrit. Son enseignement était purement oral, et il nous serait aujourd 'hui
pratiquement inconnu sans les æuvres de son disciple Arrien . Voici en fait ce qui
nous en est parvenu :
(a ) Un recueil en quatre livres de leçons, connu dans nos manuscrits sous le
nom de Alatpißaí (Entretiens = Schenkl 52, p. 7-454 ). Ces entretiens sont en
partie des discours avec un interlocuteur fictif , en partie des dialogues socra
tiques et surtout des discours à mi-chemin entre les uns et les autres. Notre
recueil est précédé par une lettre -préface d' Arrien à un certain Lucius Gellius
(MG 11), dans laquelle Arrien présente les textes qu 'il publie de son maître
comme une reproduction fidèle de ses notes de cours (Únouvnuata ). Il y
affirme que ces notes, bien qu 'il les ait rédigées pour lui-même, ontcommencé à
circuler publiquement à son insu et contre sa volonté , ce qui le décida à les
publier lui-même afin de sauvegarder les discours d 'Épictète tels que celui-ci les
avait prononcés.
(b ) Un abrégé de l'ouvrage précédent, connu sous le nom d’ ’Eyxelpídlov
(Manuel: Schweighäuser 51, t. III, p. 1-62,notes p . 137- 174 ; Schenkl 52, p . 5 *.
38* ). D 'après Simplicius , op. cit., préface , test. 3 Schenkl, cet abrégé fut publié
aussi par Arrien, qui, comme lui-même le disait dans la lettre-dédicace (perdue)
à Massalenus, y voulait condenser les parties les plus significatives et les plus
frappantes des enseignements d ' Épictète. Sur Massalenus , voir I. Hadot 172,
p. 142 n . 1, qui suggère la possibilité de l'identifier avec C . Ulpius Prastina Paca
tusMessalinus, PIR ? M 512 .
(c ) Une série de fragments conservés par quatre sources ( cf. Schweighäuser
51, t. III, p.63-138 , notes p . 175-216 ; Schenkl 52, p. 455-475) :
- de l'Anthologie de Jean Stobée , si on laisse de côté ceux qui sont douteux
ou manifestement faux , on tire vingt-trois fragments (fr. I-VIII , XI-XXV , IX , X
Schenkl) ;
- des Nuits Attiques d ' Aulu -Gelle , on en tire deux (fr. IX , X Schenkl);
- de l' écrit Contre les Gentils d’Arnobe (ca 300 ), on en tire un (fr. Xa
Schenkl) ;
- des Méditations de Marc- Aurèle , on en tire six ( fr. XXVI-XXVIIIa Schenkl,
XXVIIIa Oldfather). L ' attribution à Épictète du fragment XXVIII est due à
147 H . Fränkel, « Ein Epiktetfragment» , Philologus 80, 1924, p . 221.
D 'après l'analyse de Schenkl 52, p. XLVII ( cf. P . XLI sqq.), ces fragments
proviennent finalement soit des Entretiens eux-mêmes (sans doute , comme on le
verra, dans une édition plus complète que celle que nous connaissons aujour
E 33 ÉPICTÈTE 119
d 'hui), soit de la recension du Manuel faite par Simplicius pour son commentaire
(cf. infra). Schenkl exclut les fragments XIII, XV, XVI, et peut-être XIV : ils
proviennent d'un ouvrage intitulé ( chez Stobée) Mémorables d 'Épictète ('Etl
xtńtov ánouvnuoveúuata ), qu'il estime anonyme, mais qui en réalité ne
semble pas différent des Entretiens (cf. infra). Il exclut aussi le fragment XXIX ,
qui lui semble appartenir à ce qu'on appelle la Paraphrase chrétienne du Manuel
(cf. infra). Enfin , d 'après son analyse, les numéros XVII-XXI, XXIII-XXV,
peuvent provenir aussi bien des Entretiens que du Manuel (dans la recension de
Simplicius).
Tous ces fragments sont considérés aujourd'hui comme authentiques par la
critique. D 'autres ont été considérés depuis Schenkl 52, p. XLVII, comme dou
teux ou faux (« fragmenta dubia et spuria » = Schenkl52, p. 462-475), à savoir:
les fragments XXX -XXXIV Schenkl, tirés de Stobée ; le fragment XXXV
Schenkl, tiré du Floril. cod. Par. 1168 [501 E.) ( cf. Stobée III 6, 58); enfin , le
fragment XXXVI Schenkl, tiré du Pseudo-Antonios,Melissa I 21.
Cf. 148 A . Elter, « Neue Bruchstücke des loannes Stobaeus » , RHM 47, 1892,
p. 130 -137 ; 149 H . Schenkl, « Die epiktetischen Fragmente. Eine Untersuchung
zur Überlieferungsgeschichte der griechischen Florilegien » , SAW 115, 1887
(1888), p. 443-546 (publication séparée: Wien 1888).
Par ailleurs, il y a des fragments prétendumentd'Épictète dans plusieurs recueils tardifs :
- le recueil appelé par Schenkl 52, p. 476 -492, Gnomologium Epicteteum Stobaei, formé
par des sentences du cod. Vaticanus Graecus 1144 (XVe s.), fol. 209v, qui dérivent, d 'après
Elter 148 , p . 130 sqq ., de la première partie de l'Anthologie de Stobée, livres I-II (= Schenkl
52, p. 476 -477), ainsi que par des sentences tirées de la deuxième partie de cette Anthologie,
livres III- IV (= Schenkl 52, p. 478-492) ;
- deux recueils attribués à un personnage mystérieux de nom de Moschion (Mooylovos
yvõual = Schenkl 52, p .493-494 ; etMooylovos ÚnoOñxal = Schenkl 52, p . 495-496 ) :
cf. 150 A . Elter, Gnomica II, Epicteti et Moschionis quae feruntur sententiae cum corollario ,
Leipzig 1892 ; 151 P. Derron , Pseudo-Phocylide. Sentences, texte établi, traduit et commenté,
CUF, Paris 1986,p.XXXVI sq.;
- le florilège de Démocrite-Isocrate -Épictète ( cf. 152 C . Wachsmuth , Studien zu den grie
chischen Florilegien , Berlin 1882, réimpr. Amsterdam 1971, p. 121- 122, 162 -216 ; 153 G .
Matino, « Una nuova recensione dello gnomologio democriteo - epitteteo » , BollClass 2 , 1981,
p . 104 -119).
Comme le remarque Spanneut 8, col. 843 sq., les fragments rapportés dans ce genre de
florilèges (Spanneut en mentionne aussi d 'autres) ne peuvent pas être mis au compte
d'Épictète sans autre examen : ils sont d 'inspiration stoïcienne et rendent parfois un son
épictétéen , mais il ne semble pas que les compilateurs soient jamais remontés à Épictète .
En général, sur la tradition gnomologique d'Épictète , cf. 154 D .M . Searby, Aristotle in the
Greek gnomological tradition, coll. « Acta Universatis Upsaliensis . Studia Graeca Upsalien
sia » 19, Uppsala 1998 , 314 p.
Les titres différents dont usent nos sources pour désigner l'æuvre d ' Épictète
ont amené les critiques modernes à se poser la question de l'unité de cette
euvre. Aujourd'hui on s'accorde à penser que les enseignements d'Épictète
(nous laissons de côté pour lemoment la question du rôle qu ’Arrien a joué dans
leurmise en forme littéraire ) ne constituaient qu'un seul ouvrage (si on laisse de
côté le résumé du Manuel), à savoir : l'ouvrage qui nous est parvenu (plus ou
120 ÉPICTÈTE E 33
moins complet) dans nos manuscrits sous le nom de Alatpißaí (Entretiens).
Simplicius, op. cit., préface, parle aussi des Alatpiſal d'Épictète. Il dit qu ’Ar
rien , dans la lettre qui précédait le Manuel, déclarait avoir extrait ce résumé éx
tõv 'Enixthtov hóywv,mais Simplicius ne semble pas distinguer entre ces
λόγοι ou discours et les Διατριβαί. Dans la lettre a Lucius Gellius qui nous est
parvenue comme préface de nos Entretiens, Arrien parle aussi de « discours » . Il
y emploie aussi le terme únouvnuata pour faire référence à ses notes de cours
qui seraient le matériau à partir duquel il publie les discours de son maître. Ce
terme est repris par Marc-Aurèle 1 7 (= test. 11 Schenkl: tots 'Enlmtntelous
Únouvňuaolv ). Quant à Aulu -Gelle, témoin de premier ordre , il parle des
dissertationes d'Épictète ordonnées (I 2 = test. 8 Schenkl) ou composées (XVII
19, 5) par Arrien , et il traduit par dissertationes le grec dlaréEELC (XIX 1). De
son côté, le philosophe néoplatonicien Damascius (V -VI), Vie d 'Isidore, fr. 109 ,
p. 85 , 14 Zintzen (= la Souda, loc. cit., p. 365, 27 Adler ; Epitoma Photiana 58 =
Photius, Bibliothèque, cod . 242, 338 b, p. 18, 17 sq. Henry = test. 42 Schenkl),
introduit un nouveau nom , lorsqu'ilmentionne les oyoral d'Épictète.
Malgré la diversité des noms (Platpiſal, abyol, útrouvňuata, dlaréEELS
dissertationes, oxonal), rien n' empêche de supposer que tous ces auteurs font
référence à un seul et même recueil d'Épictète . Cependant, la question devient
plus compliquée si on tient compte des témoignages de Stobée et de Photius. Le
premier introduit les extraits qu'il choisit pour son Anthologie de façon très
variée : le plus souvent il se contente du simple en -tête 'Enixthtou ou éx TOŨ
’Emixtútov (cf. parfois aussi 'Applavoũ 'Enlxtntelov ou ’Applavoő), mais il
emploie quatre fois le terme ánouvnuoveúuata (Èx tōv 'Enlxtútov ánou vn
Movevuátwv) et une fois le termenpotpentixai ouiríal (éx tõv ’Applavoû
npotpentixõv ducacõv).Mais c'est le témoignage de Photius, Bibl. cod. 58,
17 b, p . 52, 17 - 20 Henry (= test. 6 Schenkl), qui a le plus embrouillé la question ,
puisqu 'il dit qu ' Arrien a écrit les Alatpißaí (Entretiens) de son maître Épictète ,
« en huit livres (je les connais), et douze livres d ''Ouidial (Conversations) du
même Épictète » . La Souda, test. 21 Schenkl, prétend aussi qu'Épictète a produit
beaucoup d'écrits (Ěypaqe nomrá ).
En s'appuyant sur ces témoignages, mis en rapport avec les autres signalés
plus haut, plusieurs critiques ont émis des hypothèses différentes:
155 H . Schenkl, « Zur Geschichte des epiktetischen Nachlasses », dans Verhandlungen der
41. Versammlung deutscher Philologen und Schulmänner in München, 1891, Leipzig 1892,
p . 195 -202 , formule l'hypothèse selon laquelle Arrien a écrit en tout (outre le Manuel) douze
livres d ''Anouvnuoveúuara (Souvenirs ) d 'Épictète , dont les quatre premiers portaient le titre
Alatpißai (Entretiens), les quatre suivants celui de AlaNÉEELS, et les quatre derniers celui
d' 'Oucial (Homélies). De toute évidence, cette hypothèse se révèle arbitraire. Schenkl 52,
P. XLVII, la modifiera lui-même plus tard : il distinguera alors, d 'un côté , les Alatpiſal, en
huit livres (selon Photius), dont nous ne conservons que la moitié (aux livres disparus il fau
drait attribuer les fragments I- X ; XXVI-XXVIII ; et peut-être XVIII , XXII et Xa) ; et, de
l'autre, les 'Oucaiai, en douze livres (encore selon Photius), auxquels il faudrait attribuer les
fragments XI et XII. Quant aux 'Anouvnuovevuara, Schenki les considère maintenant
comme desnotes remaniées par d'autres écrivains.
E 33 ÉPICTÈTE 121
A son tour, d 'Agostino 28 formule l'hypothèse suivante : outre les Alatpiſal, peut-être en
huit livres, dont nous possédons les quatre premiers, il faut admettre l'existence d 'une collec
tion d ' Oulniai, probablement en douze livres, ainsi que d 'un ouvrage intitulé AlaréEELS
( « Conversazioni» ), qui comprenait au moins cinq livres, selon le témoignage d 'Aulu -Gelle
XIX 1, 14 . Par ailleurs, d 'Agostino identifie les 'Anouvnuoveúpata cités par Stobée avec les
Alatpuſai, dans la pensée qu 'il est facile d 'expliquer le passage de la désignation primitive de
υπομνήματα a celle d'απομνημονεύματα, et que ce titre rapprochait en outre l' euvre
d 'Arrien de celle de son modèle, Xénophon (comme on sait, Arrien était appelé le « nouveau
Xénophon » ).
Finalement, Stellwag 127 , p . 714 , s'est prononcée aussi sur cette question d'un point de
vue assez original, que nous trouvons rapporté en détail chez Souilhé 63, t. I, p . XV -XVII.
D 'après l'historienne hollandaise, les Alatpißai n 'ont pas été rédigées par Arrien mais par
Épictète lui-même, car un disciple, même s'il avait sténographié les paroles de son maître
(cf. infra), n'aurait pu les reproduire d 'une façon aussi détaillée, aussi vivante. En réalité,
Epictète, d 'après Stellwag, loin de se tenir à un texte fixe, a soumis ces Alatpißai à un pro
cessus de remaniement constant. Par ailleurs, d 'après elle, c'est à tort que la lettre à Lucius
Gellius a été jointe aux Alatpißaí, comme si elle en était la préface. Voici à ses yeux ce qui
s'est passé : Arrien rédigea de son côté des commentaires sur Épictète (les 'Anouvnuo
veúuara ), qu 'il communiqua seulement à ses amis ; plus tard , lorsqu 'il a vu ces commentaires
publiés à son insu et contre sa volonté, il a écrit la lettre à Lucius Gellius pour expliquer ses
intentions ; enfin , les éditeurs postérieurs des Alatpiſal ont inséré au début de cet ouvrage
une lettre qui se rapportait en réalité à un autre ouvrage , aux 'Anouunuoveúuara d 'Arrien .
Comme preuve de cette interpolation tardive, Stellwag allègue la place anormale que la lettre
en question occupe dansnosmanuscrits, entre la table desmatières du premier livre et le pre
mier chapitre .
Souilhé63, t. I, p. XVI sq., conteste cette hypothèse, bien qu'il reconnaisse qu 'elle est très
séduisante . A son avis, l'affirmation de la Souda selon laquelle Épictète a beaucoup écrit ne
peut pas être prise au sérieux, car la Souda n ' est jamais une autorité par soi. Par ailleurs,
Souilhé ne croit pas impossible « qu 'un disciple intelligent, industrieux et rempli d 'une
affectueuse admiration pour son maître, soit capable de prendre au vol, pour ainsi dire, les
moindres paroles qu 'il entend » . En revanche, si on envisage les Entretiens comme les notes
réunies par Epictète en vue de ses leçons, on ne comprendrait pas que l'auteur ait toujours
adopté la troisième personne pour introduire ses propres développements. Il considère aussi
comme peu probable qu'Épictète ait eu l' intention de publier un jour ses notes, étant donné
son scepticisme sur la valeur éducative des textes écrits (cf. par exemple Entretiens I 1, 23
s99. ; 4, 7 sqq.). Finalement, Souilhé nie qu 'on puisse aujourd 'hui tirer une conclusion
quelconque de la place inhabituelle que la lettre d 'Arrien occupe dans nos manuscrits.
En réalité, la plupart des critiques admettent depuis longtemps que les divers
titres de la tradition font référence à un même ouvrage d' Arrien :
Cf. Upton 50, t. II, p. 4 ; Schweighäuser 51, t. II, p. 11 sq.; Asmus 17, p. 26 sqq.; Renner
23 , p. 56 -67 ; Zeller 26 , t. III 1, p . 766 sq. n . 2 ; Colardeau 22, p . 20 -23 ; Croiset 21, t. V ,
p . 460 sq. n . 2 ; Oldfather 55 , t. I, p. XII ; Souilhé 63, t. I, p. XVII-XIX ; Spanneut 10 , col. 602 ;
Jordán de Urries64, t. I, p. LXXXV.
Il faut admettre cependant que nos Entretiens sont incomplets, comme l'indi
quent les fragments qui ne correspondent à aucun de nos quatre livres (cf. supra),
ainsi que plusieurs passages du Manuel qui ne correspondent, eux non plus, à
aucun de ces livres. Par ailleurs, Aulu -Gelle XIX 1 traduit en latin un passage
qu'il dit emprunté au livre V (= fr. IX Schenkl).
Une autre question importante relative à l'ouvrage concerne le rôle qu’Ar
rien a joué dans la rédaction des Entretiens. A ce sujet, il est intéressant de
remarquer combien les critiques ont envisagé différemment la façon dont les
122 ÉPICTÈTE E 33
enseignements de Musonius et ceux d'Épictète nous sont parvenus. L 'hypothèse
selon laquelle le “ rapporteur” de Musonius (Lucius, Polion ou un autre ) ne s'est
pas borné à la reproduction sténographique mais a laissé une empreinte person
nelle dans son « mémorial » (ánouvnuoveúuata) et n 'a pas rejeté non plus la
composante plus ou moins légendaire ou idéalisante a été formulée déjà par
Hirzel 20, t. II, p. 244 sq., quirattachait le cas de Musonius à une façon de faire
typique chez les socratiques.
Cf. aussi 156 P. Wendland, « Philo und die kynisch -stoische Diatribe » , dans P . Wendland
et O . Kern , Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie und Religion, Berlin 1895,
p . 1- 75 , notamment p .68 sq. ; 157 O . Hense, C . Musonii Rufi reliquiae, coll. BT, Leipzig
1905, réimpr. 1990, p. IX sqq. ; 158 P . Lejay, Euvres d 'Horace, texte latin avec un commen
taire critique et explicatif, des introductions et des tables, t. II: Satires, Paris 1911, réimpr .
Hildesheim 1966 , p . XXX ; 159 K . von Fritz , art, « Musonius » 1 , RE XVI, 1933, col. 893 -897 ,
notamment col. 895 sq. ; 160 Cora E . Lutz , « Musonius Rufus : “ The Roman Socrates " > ,
YCIS 10, 1947, p . 1 -147, notamment p. 7- 13 ; 161 S . K . Stowers, The Diatribe and Paul' s
Letter to the Romans, coll. « SBL , Diss. Series » 57, Chico 1981, p . 54 , 58. 162 A . Jagu ,
Musonius Rufus : Entretiens et fragments, Introduction , traduction et commentaire, coll.
« Studien und Materialen zur Geschichte der Philosophie, Kleine Reihe» 5 , Hildesheim /New
York 1979, p . 10, établit une distinction entre l'intervention de Lucius (arrangement défor
mant les choses) et celle de Polion (reproduction exacte de la réalité).
On a envisagé de façon très différente la reproduction des diatribes d' Épictète
par son disciple Arrien : on a ainsi supposé que ce dernier se serait contenté de
sténographier fidèlement les propos d'Épictète , selon la thèse bien connue de
163 K . Hartmann , « Arrian und Epiktet» , NJA 15, 1905, p . 248 -275 , notamment
p . 257 , 274 sq. (cf. aussi Capelle 77 , p.69 sq.; Souilhé63, t. I, p. XI; 164 A . B .
Bosworth , « Arrian 's literary development» , CQ 22, 1972 , p. 183 ; Brunt 45 ,
p. 31 ; ou 165 D . Tsekourakis ,« TÒ OTOLYETO TOŨ diałóyou orNU XUVLXOOTWlXN
“ Platpißń " » , Hellenica 32, 1980, p.61-78, notamment p. 72 sq.). La lettre-dédi
cace à L . Gellius dans laquelle Arrien présente son édition semblerait confirmer
cette interprétation , car Arrien y affirme (cf. supra) qu 'il publie ses notes de
cours (únouvnuata ) telles quelles, sans aucun souci proprement littéraire .
En revanche, 166 Th.Wirth , « Arrians Erinnerungen an Epiktet » , MH 24,
1967, p . 149-189 et 197-216 , soutient que les textes d 'Épictète qui nous sont
parvenus ne répondent pas à de prétendus sténogrammes d 'Arrien mais à ses
ánouvnuoveúuata littéraires, appartenant à la même tradition que les Mémo
rables de Xénophon (cf. Hirzel 20 , t. II, p. 249 sq.). Il affirme qu 'Arrien a opéré
une sélection dans les dóyol de son maître et a réuni desmorceaux séparés dans
le temps, en soumettant en général le matériel à une activité littéraire très déve
loppée, si bien qu 'on devrait considérer les Entretiens comme son æuvre plutôt
que comme celle d'Épictète (p. 215). Enfin , Wirth interprète les déclarations
d'Arrien dans la lettre-dédicace (à savoir, qu'il reproduit littéralement les ensei
gnements oraux du maître et s'excuse , par conséquent, de ne pas les présenter
d'une façon plus polie ) comme de simples topoi littéraires visant à légitimer
l'édition et à la présenter de façon modeste, par souci de captatio benevolentiae
(cf. Billerbeck 65, p. 5 n . 25 ).
E 33 ÉPICTÈTE 123
167 S .R . Slings, « Epictetus en Socrates: Kennis, deugd en vrijheit » (résumé
en anglais ), Lampas 16 , 1983, p .65-85, ainsi que 168 S. L . Radt, « Zu Epiktets
Diatriben » ,Mnemosyne 43, 1990 , p. 364- 373, se sont opposés radicalement à la
thèse de Wirth 166 . L 'argument principal allégué contre cette thèse et en faveur
de la thèse de Hartmann 163 est le fait que les Entretiens sont écrits en koinè,
tandis qu ' Arrien utilise le dialecte attique dans ses propres ouvrages (cf. Millar
40 , p . 142).Cependant, 169 J. M . Floristán Imízcoz, « Arriano, aticismo y koiné,
I: Fonética y morfología », CFC 4, 1994 , p. 161- 184, a constaté que certains
traits de la langue littéraire d'Arrien (en dehors des diatribes) ne correspondent
pas aux normes attiques que l'auteur veut imiter mais à une koinè réelle (cf.
170 Id . « Arriano, aticismo y koiné, II : Sintaxis » , CFC 5, 1995, p. 91- 141).
Enfin , la thèse de Wirth 166 a été reprise d 'une façon nuancée par 171 Ph. A .
Stadter, Arrian of Nicomedia, Chapel Hill 1980 , p . 26 -28 , qui reconnaît
l'existence partielle de la fiction dans le rapport d'Arrien , en expliquant qu 'Ar
rien emploie ici une langue et un style différents parce qu 'il veut imiter Épictète ,
qu'il avait connu très étroitement (cf. Hershbell 4 , p . 2152 sq.; et DPHA A 425,
p. 602 ; 172 I.Hadot, Simplicius. Commentaire sur le Manuel d 'Épictète. Intro
duction et édition critique du texte grec, coll. « Philosophia Antiqua » 66 , Leiden
1995, p . 153 sq. n. 8). Nous nous rangeons aussi à cet avis. En effet, entre les
positions extrêmes défendues par Hartmann 163 (reproduction sténographique
exacte) et Wirth 166 (fiction pure) sur le rôle joué par Arrien dans la trans
mission des enseignements d 'Épictète , il semble raisonnable de chercher le juste
milieu . Il y a sans doute dans nos Entretiens d'Épictète beaucoup de fiction litté
raire et d 'idéalisation de la part d 'Arrien . Donc, nous pouvons affirmer que leur
fixation littéraire est bien l'euvre de ce dernier.
La considération du genre de l'euvre d'Épictète -Arrien nous place devant la
question fort discutée de la « diatribe » . La « diatribe» comme genre littéraire est
une construction moderne. Le point de départ théorique se trouve dans 173 U .
von Wilamowitz-Möllendorff, Antigonos von Karystos, coll. « Philologische
Untersuchungen » 4 , Berlin 1881, réimpr. Berlin /Zürich 1965, p. 292-319 (Ex
kurs 3 : « Der kynische Prediger Teles» ). Bien qu 'il ne parle pas encore de « dia
tribe » . Wilamowitz décrit un genre qui ne manque pas de cohérence et qui peut
très bien être illustré par les fragments de Télès (1114) : le genre de la leçon ou de
la prédication morale (sur les thèmes de la « philosophie populaire » ), composée
en prose (avec des citations ou des parodies de vers), opposant des arguments à
un « adversaire fictif» (réplique purement fonctionnelle) et prononcée devant un
public d 'auditeurs par un philosophe (« maître» ) qui n 'enseigne pas dans le
cadre d'une école proprement dite. Cela dit, la notion moderne de « diatribe »
telle qu 'elle fut formulée ensuite par les philologues, notamment allemands, est
devenue de plus en plus un fouillis qui s'applique à des ouvrages appartenant
aux genres littéraires les plus divers , en prose ou en vers ou en un mélange de
prose et vers. En effet, les philologues (ainsi O . Hense, R . Heinze, R . Bultmann ,
G . A . Gerhard ou J. Geffcken ) parlent de la « diatribe » d'une façon tellement
confuse qu 'il est pratiquement impossible de la défendre à proprement parler
124 ÉPICTÈTE E 33
comme un genre littéraire (cf. 174 A . Oltramare, Les origines de la diatribe
romaine, Thèse Lausanne, Genève 1926 ). En fait, cette notion moderne déve
loppée jusqu'à nos jours a fait l'objet de temps en temps, depuis Halbauer 24 ,
p. 1- 18, d'une critique plus ou moins radicale .
Halbauer remarque que tout ce que ses contemporains appellent « diatribe » ne
correspond pas du tout à ce que lemot grec dlatpißń désignait. C' est pourquoi il
juge nécessaire d'expliquer tout d'abord le sens ancien de ce mot. Laissant de
côté ses acceptions communes (qui font référence à l'idée d'« occupation du
temps » ) ainsi que son acception technique comme désignation d 'une figure
rhétorique (épimoné ou commoratio), le mot dlatpißń n 'avait, d'après Halbauer,
qu’un sens purement descriptif : il faisait référence de façon vague à l'école , ou à
l'activité pédagogique d 'un individu dans son rapport avec ses disciples ou avec
d 'autres gens, sans préciser ni la forme ou la méthode suivies (éristique dans la
Oláraels ou dialectique dans le diáoyos ) ni les contenus transmis ( éthiques,
musicaux , rhétoriques, etc .). Rien n 'indique que ce mot (cf. lat. diatriba) ait
acquis chez les Grecs anciens un sens technique comme genre littéraire. Tout au
plus pouvait-il faire référence aux écrits destinés à cette activité pédagogique ou
issus d'elle .
De ce point de vue (repris récemment par Stowers 161), Halbauer distingue
divers genres de « diatribes» , selon la méthode pédagogique suivie par chaque
philosophe. On peut par exemple constater des différences entre Épictète et
Télès , philosophe d' inspiration cynique dont Stobée a conservé quelques frag
ments, tirés de propos qui ne sont pas désignés comme des « diatribes » ,mais
peuvent être considérés comme telles au sens ancien, car ils décrivent bien une
situation d 'enseignement. Une analyse rapide permet de constater que son auteur
se borne à appliquer comme méthode pédagogique l'éristique fondée sur la
fiction d 'un « adversaire » , qui, bien entendu, n 'est pas envisagé comme un
ennemimais comme quelqu'un qui doit être libéré de ses erreurs. En revanche,
les diatribes d'Épictète présentent une pédagogie plus riche, sans doute parce
qu 'elles sont issues d 'une réalité scolaire différente de celle de Télès, beaucoup
plus complexe et systématisée, installée dans un lieu fixe. Il faut tenir compte
aussi du fait que les enseignements de Télès nous sont parvenus sous la forme
d 'extraits anthologiques tirés d'un épitomé, tandis que ceux d 'Épictète ont été
rapportés par Arrien , qui a sans doute créé des compositions originales à partir
de ses souvenirs admiratifs des enseignements d 'Épictète (cf. supra ). En tout
cas, la méthode d'enseignement suivie par Épictète n 'est pas toujours celle de
Télès. En effet, tous les textes d' Arrien ne correspondent pas à la diatribe au sens
moderne initial (cf.Wilamowitz), bien qu 'ils correspondent tous à la diatribe au
sens ancien , ainsi que l'indique d 'ailleurs leur titre de Alatpißai dans la tradi
tion manuscrite : comme le remarque Halbauer 24, p. 10 , on constate d'ordinaire
chez Épictète une tendance à conjuguer la méthode pédagogique éristique avec la
méthode dialectique (socratique) à l'imitation de Platon (cf. p. 21 sqq.).
Halbauer 24, p. 47, établit dans les diatribes d 'Épictète la distinction formelle entre dia
lexeis à la manière de Télès (notamment Entretiens IV 2- 13 ; 1 12 ; et II 7), dialogues socra
E 33 ÉPICTÈTE 125
tiques (par ex. Entretiens I 11 ; II 4 ; II 14) et discours en général (Cóyou), à mi-chemin entre
les unes et les autres, catégorie à laquelle appartiennent la plupart des diatribes du philosophe
(cf. 175 B . Schouler, Libanios. Discours moraux. Introduction, texte et traduction , Paris 1973,
p . 31, et 176 Th . Schmeller, Paulus und die « Diatribe » . Eine vergleichende Stilinterpretation ,
coll. « Neutestamentliche Abhandlungen », N . F 19,München, 1987, p . 40 ).
Pour la critique de la notion moderne de « diatribe » et les essais de nouvelle définition ,
nous renvoyons aux développements de Stowers 161, p . 7 -78, Schmeller 176 , p . 1 -54, et
177 P . P. Fuentes González, Las diatribas de Teles. Estudio introductorio y comentario de los
textos conservados, Thèse Granada 1990 (microfilm 1991), p. 1-111 (résumé dans
178 P. P . Fuentes González , Les diatribes de Télès. Introduction, texte revu, traduction et
commentaire des fragments, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique » 23, Paris
1998 , Introduction, chap. VI, p . 44 -78).
L ' intention pédagogique etmoralisante qui préside aux Entretiens demande
une langue familière , vivante et spontanée, ainsi qu 'un style capable de captiver
les esprits des récepteurs du discours ( cf. Souilhé 63, t. I, p .LXVII-LXXI). Ces
qualités étaient admirablement bien représentées dans les discours d 'Épictète,
d 'après le témoignage de son disciple Arrien (cf. la Lettre à Lucius Gellius).
Cf. 179 J. Stuhrmann, De vocabulis notionum philosophicarum in Epicteti libris, Diss.
inaug. Ienens., Neustadt 1885 ; 180 R . Mücke, Zu Arrians und Epiktets Sprachgebrauch,
Progr. Nordhausen 1887 ; 181 Th . Colardeau , « Les citations et les allusions poétiques dans
Épictète » , AUG 13, 1901, p . 495 -514 ; Id . 22, p. 283 -337 ; 182 R . Renner , Das Kind. Ein
Gleichnismittel des Epiktets, München 1905 ; 183 P . E . H . Melcher, De sermone Epicteteo
quibus rebus ab Attica regula discedat, Diss. philologicae Halenses XVII 1, Halle 1906 ;
184 W . Scherer, « Das Gleichnis, ein Bildungsmittel bei Epiktet», BBG 53, 1917, p. 204 -209 ;
185 F . Umlauft, Gleichnisrede bei Epiktet, Diss. Wien 1948 ; 186 D . Szumska, « De dimi
nutivis apud Epictetum etMarcum Aurelium obviis» (en polonais avec résumé en latin ), Eos
54, 1964, p. 230-238 (cf. 187 P.Wendland, Quaestiones Musonianae. DeMusonio Stoico
Clementis Alexandrini aliorumque auctore, Berolini 1886 , p 10 n. 4 ; 188 H . von Müller, De
Teletis elocutione, Diss. Friburgi Brisigaviae 1891, p. 48 ; 189 F . Martinazzoli, « Aotáplov. I
diminutivi nello stile epitteteo, PP 3 , 1948, p . 262-268; Billerbeck 65 , p . 63) ; 190 H . W .
Pleket, « Toprós. A note on Epictetus III, 12, 10 » , Mnemosyne 23, 1970 , p . 304 -306 ;
191 G . Fatouros, « Neugriechisch bei Epiktet» , Glotta 49, 1971, p. 85 -92 ; 192 M . Kokolakis,
« Το δράμα του βίου εις τον Επίκτητον » , dans Φιλολογικά μελετηματα εις την αρχαίαν
Érinvixnv ypaquarelav, Athènes 1976 , p . 177 -185 ; 193 J. M . Floristán Imízcoz, « El tema
de futuro en Epicteto » , EClás 27 , 1985 , n° 89, p . 111-131 ; 194 Id., « Los modos verbales en
Epicteto . Sus usos sintácticos a la luz de los textos contemporáneos » ,Minerva 1, 1987, p. 93
116 .
D . Philosophie :
Épictète , comme les critiques modernes l'ont montré depuis Colardeau 22 et
Bonhöffer 18 et 19 , suit fidèlement l'orthodoxie stoïcienne, fondée sur les doc
trines de Zénon , Cléanthe et Chrysippe (cf. 195 J. P. Hershbell, « Epictetus and
Chrysippus» , ICS 18 , 1993, p. 139- 146 ), ainsi que de leurs disciples directs . En
effet, d'après P. Hadot48, p. 99 : « On peut dire qu 'Épictète se rattache à la tradi
tion la plus orthodoxe, celle qui, issueco de Chrysippe, passe, semble-t- il, par
Epici [ Ans205
Archédème (mA 307 ] et Antipatros ider),a sans aucune allusion à Panétius
est,Épictète
et Posidonius.» Qui plus est, en , est considéré
l, ce comme la source la plus sûre
que nous ayons du système stoïcien, du moins pour ce qui concerne la psycho
logie et l'éthique. En tout cas, il est considéré (avec Sénèque) comme le repré
sentant le plus important du stoïcisme impérial, ce qu'on appelle la « Nouvelle
Stoa » ,
126 ÉPICTÈTE E 33
Cependant il s'appuie aussi sur la pensée d 'autres philosophes non stoïciens
(cf. Hershbell 4 , p. 2153 -2157). Il faut remarquer notamment que les modèles
par excellence du sage sont pour Épictète Socrate et Diogène le Cynique, ce qui
en réalité n 'a rien d'étonnant, si on pense aux origines socratiques ou même
cyniques de la pensée de Zénon.
D 'après 196 F. Schweingruber, « Sokrates und Epiktet» , Hermes 78 , 1943,
p . 52 -79 , Épictète estparti du portrait de Socrate élaboré par les cyniques,mais il
en a adouci les traits d' après lesmodèles de Platon et de Xénophon. A son tour,
197 K . Döring, « Sokrates bei Epiktet » , dans K . Döring et W . Kullmann (édit.),
Studia Platonica, Festschrift für Hermann Gundert zu seinem 65. Geburtstag am
30 .4.1974, Amsterdam 1973, p . 195-226 , constate que, quoique la plupart des
traits qu'Épictète prête à son Socrate soient empruntés à Platon (auteur qu 'il
pouvait, selon lui, n 'avoir pas lu ou n 'avoir que peu lu directement), l'image
finale est très différente : le Socrate d'Épictète traduit l'image du xanós xai
áradós stoïcien, du vrai philosophe qui connaît la juste valeur des choses et qui
accorde parfaitement ses actes (publics et privés) à ce qu'il considère comme
juste .
Le rationalisme d'Épictète selon lequel personne n 'agitmal consciemment est
tout à fait d'origine socratique (cf. Entretiens I 18 ; 28, 4 sqq.; II 26 , 5 sqq.).
Mais Épictète ne se borne pas à l'intellectualisme strictdes stoïciens, qui fonde
la vertu seulement sur la connaissance rationnelle. Il reconnaît aussi la nécessité
de l'ascèse (cf. infra ).
Cf.Renner 23, p . 29 sqq. ; 198 C . Terzi, Il razionalismo morale di Epitteto , Udine 1938 ;
Slings 167, à propos d ' Entretiens I 18 ; 199 E . Riondato , Epitteto, I : Esperienza e ragione,
coll. « Miscellanea erudita 16 », Padova 1965, 142 p.
A ce sujet, on ne peut pas nier l'influence du cynisme. Épictète présente le
sage Diogène (- D 147) comme le héros moral qu 'il faut chercher à imiter (cf.
200 R . Laurenti, « Il filosofo ideale secondo Epitteto » ,GM 17 , 1962, p. 501
513). Bien entendu, il a opéré une idéalisation évidente du Diogène historique
ainsi que du cynisme ancien en général.
Cf. Billerbeck 65 , p. 6 -9 ; 201 Ead., « La réception du cynisme à Rome» , AC 51, 1982,
p . 151- 173 (= « Greek cynicism in imperial Rome», dans Ead. [édit), Die Kyniker in der
modernen Forschung. Aufsätze mit Einführung und Bibliographie, coll. « Bochumer Studien
zur Philosophie » 15 , Amsterdam 1991, p. 147- 166 ) ; 202 Ead., « Le cynisme idéalisé d'Épic
tète à Julien », dans M .-O . Goulet-Cazé et R . Goulet (édit.), Le cynisme ancien et ses prolon
gements, p. 319 -338 ; 203 M .-O . Goulet-Cazé, L 'ascèse cynique. Un commentaire de Diogène
Laërce VI 70-71, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique » 10, Paris 1986 ,
p . 188- 190 ; 202 sq. ; 204 Ead., « Le cynisme à l'époque impériale » , ANRW II 36 , 4, 1990 ,
p . 2720-2833, notamment p. 2773-2776 .
Par ailleurs, 205 F. Decleva-Caizzi, « La tradizione antistenico -cinica in Epit
teto » , dans G . Giannantoni (édit.), Scuole socratiche minori e filosofia elle
nistica, coll. « Pubbl. del Centro di studio per la storia della storiografia filoso
fica » 4, Bologna 1977, p . 93- 113, soutient qu 'Épictète a une connaissance
directe d’Antisthène (P + A 211), le socratique qui a joué un rôle important dans
l' établissement de la philosophie cynique (même s'il n 'a pas été le maître de
E 33 ÉPICTÈTE 127
Diogène). D ' après lui, Épictète aurait tiré de l'æuvre d’Antisthène quelques-unes
de ses idées-forces: l'opposition entre la vie du philosophe et la vie du commun
desmortels , l'image de la vie comme un drame où chacun doit jouer le rôle qui
lui a été attribué, la valeur de modèles donnée à Ulysse et à Héraclès, l’antithèse
οικείον/αλλότριον, enfin 'importance du καιρός et de la réussite ( aspiration
fondamentale de l'homme). " ).
Sans nier l'influence du cynisme, 206 A . Jagu, Épictète et Platon. Essai sur
les relations du stoïcisme et du platonisme, à propos de la morale des Entretiens,
Paris 1946 , notamment p. 47 sqq., a étudié en détail l' influence de Platon sur
Épictète (cf. Zeller 26 , t. III 2 : Die nacharistotelische Philosophie. Zweite
Hälfte, p. 254 -261). D 'après lui, cette influence se reconnaît non seulement dans
le portrait de Socrate (p. 47-62),mais aussi dans certains aspects de la doctrine
morale d'Épictète , à savoir : l'intellectualisme (p.63-72), le rigorisme (p. 73-86 ),
le spiritualisme (p. 87-96 ), l'ascétisme (p . 97 -111) et le caractère religieux
(p. 112-133). De son analyse, Jagu tire les conclusions suivantes sur la façon
dont Épictète a utilisé les dialogues de Platon ( p . 135 - 152 ) : le moraliste a
directement utilisé l'Apologie, le Criton et le Phédon ; il a lu , du moins vraisem
blablement, le Gorgias, le Banquet, l'Alcibiade, le Théétète et le Protagoras ;
enfin , il a connu , soit directement soit indirectement, les Lois et la République.
D 'après Jagu 206 , p. 142, ces dialogues ont retenu l'attention d'Épictète parce
qu 'ils lui offraient le modèle parfait du sage stoïcien dans la personne de
Socrate , ou simplement parce qu 'ils portaient sur des questions morales, notam
ment lorsqu 'ils traitaient ces questions d 'un point de vue accordé aux caracté
ristiques de la propre personnalité d'Épictète (rigorisme, spiritualisme, ascétisme
et caractère profondément religieux). Jagu suppose qu’Épictète a dédaigné les
dialogues abordant des problèmes surtout théoriques (le Cratyle, le Parménide,
le Sophiste, le Politique, le Timée et le Critias).
Enfin , d'après lui, le platonisme d'Épictète ne l'aurait nullement écarté de
l'orthodoxie de la Stoa : « Nous sommes en présence d 'une adaptation du plato
nisme au stoïcisme, nous pouvons même dire en présence d'une transposition
stoïcienne du platonisme. Épictète a rejeté les dogmes de Platon qui ne cadraient
pas avec l'enseignement de son école , comme la croyance à la survie de l'âme.
Son dualisme corps-âme s'arrête juste à temps pour ne pas le faire dévier du
matérialisme stoïcien . Son ascétisme, la purification qu 'il prêche ne sont point
ordonnés comme chez Platon à la vision des essences,mais cherchentà procurer
la liberté intérieure...» (p. 158).
207 J. P . Hershbell, « Plato and Epictetus: Philosophy and Politics in Ancient Greece and
Rome » , dans E .G . Schmidt (édit.),Griechenland und Rom . Vergleichende Untersuchungen zu
Entwicklungstendenzen und -höhepunkten der antiken Geschichte, Kunst und Literatur,
Erlangen / Jena 1996 , 476 -484.
En revanche, Épictète a eu des rapports plutôt polémiques avec les représen
tants d'autres écoles de philosophie , notamment avec les épicuriens et les aca
démiciens ( scepticisme d 'Arcesilas de Pitane (P+ A 302) et Carnéade de Cyrène
[2 + C 42]), que visent en particulier Entretiens 15 ; 23 ; II 20 et III 7.
128 ÉPICTÈTE E 33
Cf. 208 L . Perelli, « Epicuro e la dottrina di Crizia sull' origine della religione » , RFIC 33,
1955, p . 29-56 (à propos d 'Entretiens II 20, 23) ; 209 R . Laurenti, « Epicuro in Epitteto » ,
Sophia 28, 1960 , p . 59-68 ; 210 id., « Epitteto e lo scetticismo» , dans G . Giannantoni (édit.),
Lo scetticismo antico. Atti del Convegno organizzato dal Centro di studio del pensiero antico
del C . N . R ., Roma, 5- 8 novembre 1980 , coll. « Elenchos » 6 , Napoli 1981, t. I, p . 377 -392 ;
211 A . Grilli et A . Barigazzi, « Stoicismo ed epicureismo nell'età imperiale . Seneca, Epitteto ,
Marco Aurelio » , dans M . dal Pra (édit.), Storia de la filosofia greca dal VIal IV secolo, t. IV :
La filosofia ellenistica e la patristica cristiana dal III secolo a . C . al V secolo d . C , Milano
1975, p . 201 -212 ; 212 M . Cuvigny, « Plutarque et Épictète » , dans Association Guillaume
Budé. Actes du ville Congrès, Paris 5 - 10 avril 1968, Paris 1969, p . 560-566 (à propos d ' Entre
tiens II 20, 27); 213 P.Desideri, « Dionenel giudizio degli scrittori antichi.2 : Epitteto » ,dans
Dione di Prusa. Un intellettuale greco nell'impero romano, coll. « Biblioteca di cultura
contemporanea » 135,Messina 1978,p. 2-4.
Aspects principaux du stoïcisme d 'Épictète. En général, son stoïcisme peut
être caractérisé par l'importance prééminente qu 'il accorde à la liberté et à la rai
son, tout en conservant une empreinte ascétique et religieuse très marquée.
Épictète conserve la division stoïcienne classique de la philosophie en
logique, physique et éthique. Il a très peu d'intérêt pour les subtilités de la logi
que et pour la physique. Il s'attache surtout à la partie éthique (davantage dans sa
dimension pratique que théorique). Toutefois, il n 'oublie pas lesautres parties du
système, qui doivent avoir leur place, fût-elle secondaire , dans la formation du
philosophe (cf. Colardeau 22, p. 35 -68). En fait, dans les Entretiens, même si
Epictète ne s'occupe pas à proprement parler des questions de physique, il
exprime souvent les points de vue stoïciens sur le cosmos, l'homme et la divinité
(cf. Souilhé 63,t. I, p. LVII sq.; Spanneut 10, col.604 sq.; 214 B. L. Hijmans,
« Epictetus and the teleological explanation of nature», PACA 2, 1959, p. 15 -21 ;
215 Id., « A note on púols in Epictetus» , Mnemosyne 20 , 1967, p . 279-284 ).
Mais son éthique ne peut surtout pas se comprendre indépendamment de la
réflexion logique, qui ne se justifie que comme propédeutique nécessaire à la
pratique (cf. Entretiens I 17 ; 26 , 1-4 ; II 23, 36 -47 ; II 25).
Épictète se montre insatisfait par la logique pure, comme le montre Entretiens II 19
(« Contre ceux qui ne s 'approprient des philosophes que l'argumentation » ), sur le célèbre
« argument dominateur » attribué à Diodoros Cronos ( D 124 ) : cf. 216 P . M . Schuhl, Le
Dominateur et les possibles, Paris 1960 ; 217 R .L . Purtill, « The master argument » , Apeiron 7 ,
1973, p. 31- 36 ; 218 R . Müller, Les Mégariques. Fragments et témoignages, coll. « Histoire
des doctrines de l'Antiquité classique » 9, Paris 1985, p . 141-158, notamment p . 145 sq . (plus
ample bibliographie p. 232-234).
Pour les sections logiques de l'æuvre d'Épictète, voir Colardeau 22, p. 149-170; Xenakis
42 , p. 26 -39 ; et 219 M . Baldassarri, La logica stoica. Testimonianze e frammenti, Testi origi
nali con introduzione e traduzione commentata , t. VII B : Le testimonianze minori del sec. II
d . C . : Epitteto , Plutarco, Gellio , Apuleio, Como 1987. Cf. 220 J. Barnes, Logic and the Impe
rial Stou, coll. « Philosophia Antiqua » 75, Leiden 1997, p . 24 -145 (aux p. 129- 145, texte , tra
duction et commentaire d'Entretiens 1 7 (« De l'usage des raisonnements amphibologiques
hypothétiques et autres semblables» ]).
L 'importance de la logique dans l'éthique d'Épictète a été remarquée notam
ment par 221 P. de Lacy, « The logical structure of the ethics of Epictetus », CPh
38 , 1943, p . 112 -125, pour qui Épictète , à la suite de Chrysippe, plaçait l' éthique
entre la logique, qui la précédait, et la physique, qui la suivait.
E 33 ÉPICTÈTE 129
Arrien aurait rassemblé et organisé soigneusement la matière philosophique d'Épictète
selon les principes de la logique, pour présenter un exposé progressif de la théorie éthique de
son maître. De Lacy veut trouver une démonstration de son hypothèse (qu 'Épictète fondait
l'étude de l' éthique sur la logique qui devait la précéder) dans l'ordre des Entretiens, montrant
notamment que le premier livre est dominé par le principe que l' éthique dépend de l'analyse
logique (cf. déjà Halbauer 24 , p. 43 sqq.). D 'après lui, les livres suivants font continuellement
état de cette démonstration sans y ajouter d' éléments essentiels.
Rappelons que Hartmann 163, p. 259, avait défendu l'hypothèse selon laquelle Arrien a
publié les Entretiens en suivant simplement l'ordre chronologique. Souilhé 63, t. I, p . XXII,
croit à son tour que le recueil a été formé d'une façon plutôtmatérielle , de manière à consti
tuer des livres à peu près égaux en longueur et à distribuer danschacune des parties les thèmes
qui se répètent». En réalité, comme le remarque Hershbell 4, p. 2150 n. 11,malgré les efforts
de De Lacy 221 , nulle théorie proposée sur le prétendu ordre des Entretiens n 'est convain
cante .
Épictète, Entretiens III 2, 1 sqq., distingue trois topoi ou lieux (domaines ) de
la philosophie , envisagée par lui comme une ascèse permettantde parvenir à la
condition de l'hommezaróc xai ayalós (cf. Entretiens I 4 , 11 ; II 8, 29 ; III 2,
1 ; IV 4 , 16 ; fr.XXVIII Schenkl):
(a) le topos concernant les désirs et les rejets (ó nepi tás ópéteng xai tas
ÈxXALOELs), c' est-à-dire concernant les passions(o nepi tà táon) ;
(b ) le topos concernant les tendances positives etnégatives, les propensions et
les répulsions (ó nepi tác opuàç xai adopuác), c'est-à-dire concernant le
devoir (o nepi tò xaoñxov );
(c) enfin le topos concernant la prévention des erreurs et des jugements témé
raires (o nepì tnv åvecanatnoiav xai ávelXALÓTnta ), c 'est-à -dire le topos
concernant les assentiments (o nepì tàç ovyxata /boelc), qui ne sera abordé
que par ceux qui ont déjà progressé dans les deux premiers topoi.
222 D . Pesce, « La struttura concettuale dell'etica di Epitteto (i tre topoi)» , dans Il Platone
di Tubinga, coll. « Antichità class. e cristiana » 30 , Brescia 1990 , p. 51-75, analyse ce scheme
ternaire, négligé à ses yeux d 'ordinaire par les critiques. Ainsi, il s'étonne notamment du fait
que de Lacy ne l' ait pas mis à contribution pour démontrer sa thèse (cf. supra ). Quant à
223 P . Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris 19872, p . 135 - 153 (« Une clé
des Pensées de Marc Aurèle, les trois topoi philosophiques selon Épictète »> = EPh 1978 n° 1,
p . 65 -83), qui parle notamment du schème à propos de Marc -Aurèle, Pesce conteste son hypo
thèse selon laquelle il y a une correspondance entre ces trois topoi et la division traditionnelle
de la philosophie prônée par l' école stoïcienne: physique, éthique et logique. Pesce 222,p . 55,
reconnaît que la correspondance du troisième topos avec la logique est facile, mais celle du
premier avec la physique ne lui semble pas convaincante, « parce qu 'une référence à la
" vision physique " n 'est pas seulement contenue dans le premier topos mais aussi dans le
deuxième, pour ne pas dire que cette référence est demandée dans l'ensemble du système, y
compris la logique » .
P . Hadot 48, p. 89-117, notamment p. 106 - 115, reprend son hypothèse, en répondant aux
critiques de Pesce. Les trois topoi, c'est- à -dire les trois « actes de l'âme » (pour lesquels il
suggère la désignation « thèmes d 'exercice » ) ne sont pas autre chose pour lui que les trois
parties de la philosophie. A ce sujet, Hadot 48, p . 94 -98 , part du fait que les stoïciens ne par
lent pas seulement d 'un discours sur la logique mais d 'une logique vécue, pas seulement d 'un
discours sur l'éthique mais d'une éthique vécue, et pas seulement d 'un discours sur la phy
sique, mais d'une physique vécue: « Pratiquement confondues en un acte unique lorsqu'il
s'agit d'exercer concrètement la philosophie , physique, éthique et dialectique doivent bien
pourtant se distinguer quand il s'agit de les enseigner. Il faut exposer, décrire la philosophie au
130 ÉPICTÈTE E 33
disciple. Le discours philosophique introduit une dimension temporelle qui a deux aspects : le
temps « logique» du discours lui-même et le temps psychologique qui est nécessaire au
disciple pour assimiler intérieurement ce qui lui est proposé » (p. 96 ). L 'ordre à établir entre la
physique, l'éthique et la logique ou dialectique se révèle donc important: « Selon l'ordre
logique de l' exposé, la physique doit précéder l' éthique pour la fonder rationnellement, mais,
selon l'ordre psychologique de la formation, la physique doit suivre l'éthique, parce qu 'en
pratiquant l' éthique, on se prépare à la révélation du monde divin de la Nature universelle »
(p . 97). D 'après Hadot, on comprend que les stoïciens aient distingué par conséquent entre la
philosophie et le discours se rapportant à elle : « Ils affirmaient en effet que la logique, la phy
sique, l'éthique, donc ... les parties de la philosophie, n'étaient pas en fait des parties de la
philosophie proprement dite, mais des parties du discours se rapportant à la philosophie. C 'est
que... physique, logique et éthique n'apparaissentcomme distinctes, séparées, éventuellement
successives, que dans le discours d'enseignement de la philosophie» (p . 97 sq.).
Hadot 48, p. 107, estime évident que pour Épictète la discipline du jugement et de l'assen
timent (troisième topos) correspond à la partie logique de la philosophie, et la discipline de
l'impulsion (deuxième topos) à la partie éthique de la philosophie. Il allègue Entretiens IV 4,
11- 18 , où d'après lui Épictète oppose la « logique théorique » (« contenue dans les traités Sur
la compréhension ), quine procure qu’un savoir théorique et une habileté technique dans les
discussions, sans rapport avec la réalité » , et la « logique vécue » (« qui consiste à critiquer les
représentations qui se présentent effectivement à nous dans la vie de tous les jours, à dialoguer
avec elles » ); dans ce passage, il oppose une « éthique théorique » (contenue dans les traités sur
l'impulsion et surle devoir ) et une « éthique pratique » (concernant l'exercice de la discipline
de l'impulsion ).
Quant à la discipline du désir (premier topos), Hadot 48, p. 108, reconnaît qu 'apparem
ment elle ne correspond pas à la physique, comme l'exigerait la structure du schèmedes trois
parties de la philosophie. En fait, Épictète ne fait aucune allusion dans le texte cité à un rap
port particulier entre la discipline du désir et la physique. Mais Hadot 48, ibid., remarque:
« s 'il est vrai que la théorie abstraite du " désir ” lui-même, en tant qu 'acte de l'âme, se situe
dans le domaine de la morale , la pratique vécue de la discipline du désir implique finalement
une attitude spécifique à l'égard du cosmos et de la nature... La discipline du désir a pour but
de faire en sorte que nous ne désirerons jamais des choses dont nous pourrions être frustrés,
que nous ne fuirons jamais ce que nous pourrions subir contre notre volonté. Elle consiste
donc à ne désirer que ce qui dépend de nous, c 'est-à -dire le seul bien pour les stoïciens, égale
ment à ne fuir que le mal moral, et, pour ce qui ne dépend pas de nous, à l'accepter comme
voulu par la Nature Universelle . » Hadot allègue à ce sujet Entretiens II 14 , 7 ou 17, 25 . La
conclusion d 'Hadot se présente comme une réponse à Pesce : « Le consentement au Destin ,
l'obéissance aux dieux, qui est l'essentiel de la discipline du désir, suppose donc une prise de
conscience de la place de l'homme dans le Tout et donc une mise en pratique de la physique »
(p . 109). D 'après Hadot, cette liaison entre la discipline du désir et la physique vécue comme
un exercice spirituel se trouve « orchestrée » chez Marc -Aurèle d 'une manière plus riche
encore que dans les propos d'Épictète .
Plutôtmoraliste ou éducateur que philosophe, Épictète se propose d' enseigner
aux hommes à suivre la voie de la vraie sagesse, du vrai bonheur, du vrai bien.
Pour cela il est nécessaire de savoir si le but que l'homme s'assigne comme le
souverain bien est à sa portée, car le contraire ne serait pas raisonnable.
L'homme a la faculté dese former des idées ou des « représentations» (@av
taolal) sur la réalité qui l'entoure. Ces représentations peuvent faire naître chez
lui, du point de vue psychologique, le désir (opetus ) ou l'aversion (fxxiolc ), la
tendance positive ou propension (ópuń) ou la tendance négative ou répulsion
(ápopuń ); et d'un point de vue intellectuel, l'assentiment (T) Ouyxatadłodai),
la négation (TÒ ávaveīOAI) et la suspension de l'assentiment (Énoxń).
E 33 ÉPICTÈTE 131
Sur la doctrine de la connaissance , voir 224 D . Pesce, « Prenozioni e rappresentazioni nella
dottrina di Epitteto » , dans Id ., Studi di filosofia antica , Padova 1961, p . 105 - 110 (chap . 7 ]) ;
225 R. Barney, « Appearances and impressions» , Phronesis 37 , 1992, p. 283-313 .
Le bien et le malne peuvent pas être décidés par nos sens extérieurs,mais par
la faculté qui détermine la valeur morale des choses, qui est la faculté la plus
importante et la plus noble chez l'homme, à savoir : la npoalpeolç (litt. le
« choix préalable » ).Comme le remarque Souilhé63, t. I,p . I n . 3, ce terme, sou
vent employé par Épictète , a été traduit de façon très diverse , dans la mesure où
il rassemble une série de notions différentes pour nous (intelligence, esprit, âme,
vertu, caractère, volonté , liberté , etc.): « propositum » , « voluntas» , « consilium
(Schweighauser), « libre -arbitre » (Courdaveaux ), « Wille » (Enk , Schulthess ),
« Entscheidung » (Capelle), « moral purpose » (Oldfather), « Will » (Carter, Long,
Matheson ), « choice » (Carter), « disposition de la personne morale » (Souilhé),
« albedrío » (Jordán de Urries). Il désigne enfin la faculté intérieure de choix, la
faculté de compréhension des représentations au moyen de la raison . Épictète la
présente comme une faculté supérieure usant des autres facultés comme de ses
servantes (cf. Entretiens II 23, 6 - 15). Chacun est le seul responsable de sa pro
hairesis, qui se trouve à l'abri de toute action extérieure. Qui plus est, c'est
justement cette prohairesis qui aux yeux d 'Épictète distingue l'homme des
autres êtres dans le monde.
Quoique l'homme, par sa propre nature, se tourne vers le bien (to zaróv) ,
rejette le mal (TÒ xaxóv) et ne se soucie pas de ce qui est indifférent ( tà ådlá
popa ), ses représentations ne sont pas toujours correctes dans la pratique. C 'est
pourquoi la philosophie doit intervenir,car la tâche propre de celle-ci est d 'ensei
gner l'usage correct des représentations selon la raison (ópon xpñolç Tõv Dav
TOOLWV).La philosophie embellit la prohairesis et chasse de l'esprit les opinions
erronées, autrement dit, elle apprend à distinguer les vrais biens (désirer, éprou
ver des impulsions, affirmer ou nier en accord avec la prohairesis, avec la rai
son ) de ceux qui ne sont que des biens apparents (richesse , santé , vie , plaisir,
renommée, pouvoir, patrie , etc .).
Comme le remarque Pohlenz 35 , t. II, p. 109, Épictète semble ne pas suivre le
développement de la Stoa selon lequel on distingue parmi les choses indiffé
rentes entre des choses préférables et les non préférables. Il incline vers un
scheme binaire qui n 'envisage pas de niveau intermédiaire entre le bien et le mal
(cf. Entretiens IV 5, 30 ; I 27, 12). En effet, il établit une distinction nette
(Blaipeols) entre deux types de choses (cf.Manuel I 1-2 ; Entretiens I 1 ; I 4 , 1
2 ; 22, 10 ; 25, 4 ; II 6 , 24 ; 226 P . Jordán de Urríes y Azara, « Epicteto , I, 4 , 27 » ,
Emerita 26 , 1958, p. 223-226 ) : d 'un côté, les choses qui dépendentde nous (tà
UÈV £o ' nuīv), qui sont par nature libres et sans empêchement (« le jugement, la
tendance, le désir , l'aversion , enfin toutes les choses qui sont nos æuvres
propres» ); de l'autre, les choses qui ne dépendent pas de nous (tà dè oủx &$ '
nuiv ), qui sont esclaves des circonstances et facilement empêchées (« le corps,
les possessions, la renommée, les charges, enfin toutes les choses qui sont étran
gères à nous, qui ne sont pas nosouvres propres» ). Cette distinction est pour lui
132 ÉPICTÈTE E 33
le fondement de la vie pratique. La prohairesis correcte consiste à ne désirer que
les choses qui dépendent de nous (tà npoalpetixá) et à renoncer aux choses
extérieures ( tà ånpoalpetixá). Elle représente le vrai bien de l'homme, la vraie
vertu (åpetń ), qui n 'est autre que la « science du vivre » (Étlotńun toŨ BloŰV ;
Entretiens IV I63) ; elle représente l'hommeintérieur (sa nature propre, sa per
sonne morale, sa volonté libre): « Tu n 'es pas de la chair et des cheveux ,mais
prohairesis» (Entretiens III 1 ,40 ; cf. IV 5, 11) .
Par conséquent, c'est l' échec ou la réussite dans l'exercice de la prohairesis
qui décide du vrai bonheur (eúbaluovia ), de la vraie liberté ( evdepía ) dans
l'existence humaine (Entretiens I 12, 9 ; II 1, 23 ; IV 1, 1). En effet, d'après la
maxime qu ’Épictète répète sans cesse, l'important ce n 'est pas les choses en
elles-mêmes mais l'opinion ( órua ) que nous en avons: par exemple , ce n 'est
pas l'exil qui est un mal en lui-mêmemais l'idée que l'exil est un mal. Pour
exprimer la pleine souveraineté de l'homme sur son existence intérieure, Épic
tète a souvent recours à l' image du tyran : celui-ci a bien pouvoir sur notre corps,
sur nos biens extérieurs, sur notre famille ou sur notre réputation ,mais n 'a pas le
moindre pouvoir sur notre âme (cf. Entretiens I 1 , 21-14 ; 29, 10 ; IV 7 , 18 ; cf.
227 Ch .G . Starr, « Epictetus and the tyrant», CPh 44, 1949, p. 20-29); 228 J. P.
Hershbell, « Epictetus : A freedman on slavery » , AncSoc 26 , 1995, p . 185 -204.
Comme le remarque Pohlenz 35 , t. II, p. 114 - 118, la vertu de la prohairesis
représente la notion la plus importante de l'éthique d'Épictète. A la différence de
l'ancienne Stoa, qui parlait de la vertu comme de la « science du bien et du mal>>
(Énlotnun ayadov xai xaxőv ; SVF II 95 ), Épictète considère la décision
morale comme plus importante que la connaissance. Cela dit, il ne rejette pas
l' intellectualismede Chrysippe, tout en étantplus intellectualiste que son maître
Musonius (cf. Goulet-Cazé 203, p. 185- 188). Pour lui, c' est toujours l'opinion
(correcte ou fausse) sur les choses qui détermine le comportement. Ce dernier
reste ainsi tout d'abord un acte de l'intellect. Malgré ce point de départ rationa
liste , il reconnaît un rôle à l'ascèse, à la volonté et au temps pour parvenir à sur
monter les résistances éventuelles de la volonté (cf. Entretiens I 15, 8 ; I 17, 24 ;
cf. Jagu 7, col. 828 sq .).
En tant que pédagogue par excellence, Épictète voit dans la vertu un
processus d'entraînement et d'étude. Donc, entre l'homme vertueux et sage
(onovdalos) et l'homme vicieux et ignorant (Paŭlos), il place l'homme qui est
en train de progresser (npoxontwv ; cf.Entretiens I 4 ; III 2), dépassant ainsi le
paradoxe stoïcien selon lequel il n 'y a pas de point intermédiaire entre la vertu et
le vice.
Le type d 'ascèse d'Épictète, fondé sur la notion complexe de prohairesis, est
ainsi décrit par Goulet-Cazé 203, p. 188 sq .: « Pour que cette prohairesis
s'oriente vers les actes, il faut exercer son jugement. C 'est pourquoi Épictète
insiste tant sur la nécessité d'une ascèse de l'âme qui soit à la fois théorique (lec
ture ,méditation , réflexion ...) et pratique (beaucoup d 'exercices très intellectuali
sés, comme s 'entraîner à faire face aux représentations, à refréner ses désirs ...).
Concernant le corps, il refuse l'ascèse corporelle pratiquée comme une fin en
E 33 ÉPICTÈTE 133
soi, mais n 'exclut pas une ascèse corporelle à finalité morale. C 'est ainsi que
dans son lepi đoxńoews (= Entretiens III 12 ), après avoir montré que l'exer
cice doit porter d'abord sur les désirs et les aversions, en second lieu sur la
volonté et en troisième lieu sur l'assentiment, il conclut en faisant intervenir une
ascèse corporelle dont le but serait de régler désirs et aversions.»
Cf. Souilhé63, t. I, p . XLVI-LVII ; 229 P .Rabbow , Seelenführung. Methodik der Exerzitien
in der Antike, München 1954 , p . 131- 145 ; P . Hadot 223 , p . 17 - 25 ; Hijmans 36 , p . 64 -91 ;
230 A . J. Voelke, L 'idée de volonté dans le stoïcisme, coll. « Bibliothèque de philosophie
contemporaine » , Paris 1973, p. 131 -160 ; 231 R . J. Newman , « Cotidie meditare. Theory and
practice of the meditatio in imperial stoicism », ANRW II 36 , 3, 1989, p. 1473-1517 ; 232 M .
Erler, « Einübung und Anverwandlung. Reflexe mündlicher Meditationstechnik in philoso
phischer Literatur der Kaiserzeit » , dans W . Kullmann , J. Althoff et M . Asper (édit.), Gattun
gen wissenschaftlicher Literatur in der Antike, coll. « ScriptOralia » 95, Tübingen 1998,
p . 361-381.
Épictète semble adopter en psychologie une division binaire (cf. Entretiens
III 7, 4 ): la chair (oáp ) et l'âme (Quyń). Cependant, étant donné qu'il oppose la
partie intellectuelle de l'âme à la représentation pure et simple liée aux tendances
ou aux désirs (cf. Entretiens II 18 , 29 ; III 24 , 108 ; IV 11, 26 ), on peut affirmer
qu 'il accepte la division ternaire aristotélicienne : le corps, l'âme sensible et
l'âme intelligible ou raison.La représentation (pavtaoia ) est une empreinte sur
l'âme. L 'homme garde dans son âme un grand nombre de représentations qui le
poussent éventuellement à avoir des idées semblables aux premières impressions
des choses (cf. I 14, 8). Le sentiment lui-même (nádoc) n 'est qu'une impression
sur l'âme (cf. I 18, 2 ). Épictète (I 20, 5 ; IV 6 , 35 ) analyse plus en détail la
tendance positive ou négative, c'est-à -dire la propulsion (ópuń ) ou la répulsion
(ápopuń), les phénomènes élémentaires de la volition . Si la tendance a comme
base la représentation d'une action , elle reste telle ; si elle a commebase la repré
sentation d'un objet,elle devient un désir (öpetiç) ou une aversion (fxXALOLÇ ).
D 'après Pohlenz 35 , t. II, p. 107, Épictète ne distingue pas entre les tendances
et les actions, mais , à l'intérieur de l'âme, entre les tendances (positives ou
négatives) qui se rapportent à notre bien -être subjectif (ópéčelg et êxxnioeus) et
les tendances qui se rapportent à notre comportement à l'égard du monde qui
nous entoure , pour lesquelles il réserve le nom d'ópuai, qui, dans la doctrine
stoïcienne, couvrait aussi les tendances purement subjectives (cf. Entretiens I 20,
5 et 15 ; IV 6 , 35).
Étant donné que les choses extérieures sont indifférentes, Épictète demande
au sage de rester en principe libre du désir. En effet, le but visé dans le premier
topos est l'impassibilité (ånádela , åtapačia ), c' est-à -dire le manque total de
sentiments (naon ).Mais, pour Épictète, ce but doit être corrigé par le deuxième
topos, concernant le devoir, car l'homme, étant donné qu 'il passe sa vie avec
d 'autres hommes, ne doit pas rester tout à fait impassible comme une statue
(cf. Entretiens III 2, 4 ; Manuel II 2 ; XLVIII 3 ). Donc, le sage éprouvera des ten
dances ou des sentiments modérés, soumis à la raison, lui permettant de rester
impassible , de garder sa paix intérieure et, par conséquent, son bonheur et sa
liberté (cf. Entretiens IV 3 , 7). Quant aux autres passions, comme la colère, il
devra tout simplement les chasser de son esprit (cf.Bonhöffer 19 , p. 46 -49).
134 ÉPICTÈTE E 33
Cf. 233 R . Laurenti, « Lo stoicismo romano e Plutarco di fronte al tema dell'ira » , dans
I. Gallo (édit.), Aspetti dello stoicismo e dell' epicureismo in Plutarco. Atti del II Convegno di
studi su Plutarco, Ferrara , 2-3 aprile 1987, coll. « Quad . del GFF » 9 , Ferrara 1988, p. 33-56
( comparaison entre Sénèque, Épictète, Musonius Rufus et Plutarque); 234 M . C . Nussbaum ,
« Poetry and the passions : iwo Stoic views», dans J. Brunschwig et M .C. Nusbaum (édit.),
Passions and perceptions : Studies in Hellenistic philosophy ofmind. Proceedings of the fifth
Symposium Hellenisticum , Cambridge/New York 1993, p . 97- 149.
Toute action conforme au devoir (tò xaonxov ) répond à une tendance sou
mise à un assentiment rationnel. On peut continuer à l'appeler « tendance » , ou
plus proprement « prohairesis» .
Depuis l'Antiquité, on a voulu résumer la doctrine morale d'Épictète dans la
formule célèbre åvéxov xai åréxov du fragment 10 Schenkl, c 'est-à -dire :
« supporte et abstiens-toi» (lat. sustine et abstine). En fait, la tâche de l'homme
dans le monde, selon Épictète, n 'est autre que d'affronter avec confiance et
endurance toute réalité qui ne dépend pas de lui, et de s'abstenir du mauvais
choix , quand il est question de choisir , car tout choix ne dépend que de lui.
Ainsi, Épictète , Entretiens II 1, affirme qu 'il faut avoir confiance (to Dappeīv)
devant ce qui est soustrait à notre libre choix , quine dépend pas de nous (ånpo
aipeta ); pour ce qui dépend de notre volonté (npoalpetixá), il dit qu'il faut
agir avec prudence (kůráßela ) : face à la mort, donc, il faut de l'assurance ; face
à la peur de la mort, de la prudence.
La morale sociale, c'est-à-dire les principes qui gouvernent la relation de
l'homme avec les autres hommes, appartient au deuxième topos d 'Épictète. Le
moraliste envisage l'homme comme un « animal civilisé et sociable » (öuepov
xai ZOLVWVIXÒ (Qov ; cf. Entretiens II 10, 14 ; II 20 , 13 ; III 13, 5 ).
Cf. Colardeau 22, p. 171-203 ; 235 A. Dobson , La morale sociale des derniers Stoïciens.
Sénèque, Épictète etMarc Aurèle, Paris 1967.
Comme le remarque Pohlenz 35 , t. II, p . 120, Épictète, lorsqu 'il veut décrire
la perfection morale , dépasse l'intellectualisme de la prohairesis, grâce à deux
vertus fondamentales possédant un caractère émotionnel très marqué, à savoir :
l'aidós et la niotis (cf. Entretiens I 28, 23 ; IV 5, 14 ; 13 ; Manuel XXIV ).
L 'aidós, qui était pour les stoïciens simplement la pudeur devant le blâme
mérité , devient pour Épictète le sentiment éthique fondamental, placé chez
l'homme par la nature. Grâce à ce sentiment, l'homme (et seulement lui) rougit
involontairement lorsqu' il dit ou entend quelque chose d' inconvenant; ce senti
ment le met en garde contre toute faute morale et le protège mieux que ne le
ferait l'occultation aux regards humains. Pohlenz 35 , p. 121, définit l'aidós
comme « le respect que l'homme a pour sa propre dignité , comprise comme un
sanctuaire inviolable » . D 'après lui, l'aidós a égard notamment à la vie inté
rieure , tandis que la niotis agit plutôt dans le rapport de l'hommeavec les autres
hommes: « Elle a aussi sa racine dans un sentiment, dans la tendance sociale de
l'homme, mais elle représente le développement de ce sentiment sur le plan
social et pratique ; elle désigne la juste position de l'individu dans la société , la
promptitude dans l'accomplissement de ses devoirs, qui est capable de faire
gagner la confiance et de la communiquer en même temps ; elle est enfin le
E 33 ÉPICTÈTE 135
fondement de toute activité sociale .» D 'après Pohlenz, si l'aidós revient à la
sensibilité grecque la plus ancienne, la niotic témoigne d'une influence évidente
de la fides romaine.
Chez Épictète , l'application de l'homme à la vie intérieure n'implique pas le
mépris de l'activité extérieure. Les tendances pratiques qui nous poussent à
accomplir nos devoirs (waOnxovta ) font partie aussi de l'âme, comme les désirs
qui se rapportent à notre intérieur (cf. Entretiens III 2 , 2 et 4) . Et la sphère la plus
proche de ces devoirs est représentée par le corps. Épictète place le corps parmi
les choses qui ne dépendent pas de nous (cf. supra ), et il en parle souvent avec
mépris (cf. par exemple le diminutif to owuáriov ). Or, il considère que la
nature a mis chez nous l'amour pour notre corps, parce qu'il est quelque chose
de nécessaire. Conformément à la nature, c 'est donc un devoir de le nourrir, de le
soigner, de le tenir propre ( cf. supra, B ; Entretiens I 16 , 9 sqq. ; IV 11 ; fr. XXIII
Schenkl; Manuel XLI), sans pourtant accorder à cela trop d 'importance (cf.
Entretiens III 1 ; IV 11, 25). De même que la propreté, le moraliste conseille
aussi les bonnes manières (Manuel XXXIII). En fait, il considère la communauté
comme la sphère la plus indiquée pour l'exercice des devoirs. Il reconnaît
( Entretiens II 22, 15) que tout être vivant est poussé par nature à rechercher ce
qui lui est utile , mais que la nature a arrangé les choses de sorte que l'être
rationnel que l'homme représente ne puisse obtenir ce qui lui est utile qu'en
collaborant en même temps au bien commun . Il ne s 'agit pas ici d'une loi
extérieure. L 'homme porte en lui, à côté de l'amour pour lui-même (plautia ),
une tendance naturelle vers ses propres congénères, l’oixeiwolç. Par conséquent,
Épictète ne rejette point les affections familiales (cf. Entretiens I 11; III 3, 5- 10
(cf. 236 J. J. Thierry, « Epictetus on oxÉOELS (Diss. 3 , 3 , 5 - 10 )» ,Mnemosyne 12 ,
1944 , p .61- 71 ) ; 237 W . O . Stephens, « Epictetus on How the Stoic Sage
Loves » , dans OSAPh 14 , 1996 , p . 193-210; supra, B ), ni l'amitié (cf. Entretiens
II 29). Non seulement il admet le mariage,mais il le considère comme quelque
chose de sacré (Entretiens II 4 ;Manuel XXXIII 8). Comme le remarque Pohlenz
35 , t. II, p . 125 : « Lemariage etla procréation des enfants fontpartie des devoirs
civils, de même que l'accomplissement des charges publiques ordinaires par
celui qui en a le titre . Épictète considère comme avéré que l'homme doit
accomplir ces devoirs, mais il luimanque, de toute évidence, le sentiment que
peut éprouver un Panétius envers l'État. Il envisage la carrière publique surtout
du pointde vue de l'éducateur, dans la mesure où elle représente pour les jeunes
le but de leur ambition politique, et il insiste sur le fait qu'il faut bien donner à
César ce qui appartient à César, mais aussi à Dieu ce qui appartient à Dieu... »
(cf. Entretiens I 29, 9 sqq. ; 30 ; II 23, 38 ; IV 10 , 21 ; IV 7 ; 238 J. Jundził},
« Practice and theory of family education in the works of Seneca, Epictetus and
Marcus Aurelius» , VoxP 5 , 1985,p . 51-61 (en polon., rés. en angl.)).
En réalité, Épictète (cf. 19, 1 ; II 10, 3 ) considère l'hommenon pas comme le
citoyen de telle ou telle société particulière , mais comme un citoyen du monde
(xóquioc). A ses yeux, tous les hommes,même les esclaves, sont des frères et
tous sont égaux , parce que tous proviennent de dieu ( l'âme est un åttoonaoua
136 ÉPICTÈTE E 33
TOŨ DeoŨ : cf. II 8, 11) et portentégalement en eux l'étincelle de divinité qui peut
les rendre libres (cf. I 33, 3 ; 14 ,6 ; 19 , 9 ; II 16 ,41 sqq.).
Cf. Bonhöffer 19 , p . 58- 121, 193-233 ; 239 P.Geigenmüller, « Stellung und Pflichten des
Menschen im Kosmos nach Epiktet », NJW (= JKPh) 5, 1929 , p. 529-542.
Sur la notion de cosmopolitisme, voir 240 G . R . Stanton , « The cosmopolitan ideas of
Epictetus and Marcus Aurelius » , Phronesis 13, 1968, p . 183- 195 , qui distingue à ce sujet la
pensée d 'Épictète et celle de Marc-Aurèle : d 'après lui, Épictète, partant de l'argument de la
parenté entre l'homme et dieu , oriente son enseignement pour le citoyen de l'univers dans le
sens de l' instruction morale ; Marc-Aurèle, à son tour, part de l'idée que l'hommeest né pour
la communauté et se concentre sur la vision de l' État universel.
Le rapport de l'hommeavec la divinité nous amène à considérer la religion
d' Épictète. En tant que stoïcien , Épictète croit en un dieu immanent, qui est
l' esprit, l'intelligence (voûç, Nóyos) qui imprègne toutes choses (cf. Entretiens
II 8, 2). Comme le remarque Pohlenz 35, t. II, p. 126 , ilmaintient la vieille défi
nition selon laquelle le cosmos est un système formé par les dieux et les
hommes, mais il a remplacé le pluriel « dieux» par le singulier « dieu » (ou
Zeus).
D 'après Pohlenz 35, ibid . n .41, si Épictète parle parfois des « dieux » , cela ne nous
apprend rien sur sa conception de la divinité. Cf. Souilhé 63 , t. I, p . LXI: « Son polythéisme est
peut-être bien une condescendance aux habitudes du langage populaire, mais peut-être aussi,
comme les maîtres de son école , ne voit-il dans les dieux du Panthéon antique que des forces
de la nature,ou les attributions différentes d'une divinité unique.»
Épictète ne distingue pas entre dieu et ce qu'il nomme la nature ,l'univers ou
le tout, entre la loi divine et la loinaturelle. En tant qu 'intellect diffusé dans le
monde, dieu relie intimement (par une « sympathie » ) toutes les réalités. Mais
l'homme se trouve dans cette hiérarchie plus près de la divinité que tout autre
être grâce à son esprit (cf. Entretiens I 14 , 1-7). C 'est pourquoi, comme le
remarque Souilhé 63, t. I, p. Lix , le dieu d'Épictète est un dieu personnel auquel
l'homme est intimement uni, qui veille très spécialement sur lui par sa provi
dence (htpovola ), et auquel rien ne peut échapper des événements de l'univers ,
comme de nos actes, de nos pensées ou de nos sentiments ( cf. Entretiens I 14 :
Que dieu voit tout ; I 6 et III 17: Sur la Providence). La fin de l'homme est de
s' approcher le plus possible de la divinité, de vivre heureux et libre sous son
gouvernement intérieur (II 14 , 12 ; I 12 , 4 -9). De la sorte, le philosophe authen
tique devient une espèce de témoin (uaptus ) de dieu , un témoin de la sagesse,
de la prudence, de la justice,bref de la bonté divine (cf. par exemple I 29, 46 ; III
24 , 113).
Cette conception du philosophe témoin de dieu a été étudiée par 241 A . Delatte,« Le sage
témoin dans la philosophie stoïco -cynique » , BAB ge s., 39, 1953 , p . 166 - 186 , qui affirme
(p. 173) qu'on la trouve pour la première fois ehez Épictète . Cf. Spanneut 10 , col.613 sq.;
Jagu 7, col. 827 sq.
Dieu a tout créé par sa bonté et l'homme lui en doit reconnaissance (xápis ).
Tous les biens dont il dispose à chaque moment, y compris la vie elle-même,
sont des prêts faits par dieu, et il faut être toujours prêt à les lui rendre sans s 'at
tarder et sans aucun mécontentement (cf. Entretiens IV 10, 14-18). Comme le
remarque Pohlenz 35, t. II, p. 128, la providence de dieu à l'égard de l'individu
E 33 ÉPICTÈTE 137
ne veut pas dire pour Épictète que dieu prend souci de son bien-être matériel.
L 'homme doit rendre grâces à dieu notamment de lui avoir donné la force pour
surmonter toute difficulté. Ainsi, la justice divine (théodicée) ne représente pas
un problème pour le moraliste : « L 'homme quiadopte la juste disposition envers
les choses, les " propres” et les “ étrangères” , n 'oubliera jamais que dieu lui a
donné dans son intérieur le seulbien qu 'il ne peutpas perdre et, reconnaissant, il
acceptera tout ce qui provient de la main de dieu, non seulement les choses
agréables, non seulement le pain quotidien ,mais aussi les difficultés que la vie
lui présente » (t. II,p . 129).
Épictète exprime souventcet enseignement par la métaphore de la vie commeune pièce de
théâtre : dans la vie chacun doit accomplir tout rôle (npóownov) que dieu lui attribue, de
même qu ' au théâtre chaque acteur doit accomplir tout rôle que lui attribue le poète
(cf. Entretiens I 2 , 19 - 21 ; 24 , 16 sqq. ; III 14 , 1 ; IV 2 , 10 ; fr. XI Schenkl ; Manuel XVII ;
cf. Kokolakis 192).
Si les difficultés sont tellement graves que l'homme ne peut plus les surmon
ter, alors (et seulement alors ) il lui est permis de quitter volontairement la vie. Et
cela ne signifie pas qu' il agit contre dieu, parce que c'est dieu lui-même quilui
fait signe de quitter la vie lorsqu 'il ne peut plus vivre conformément à la nature
(cf. Entretiens III 24 , 101).
Épictète exprime souvent cette idée à travers l'image de la « porte ouverte » (ń Oupa
ñ Vouxtal ; cf. Entretiens I 24 , 20 ). C 'est dieu lui-même qui a laissé ouverte la « porte » (III 8 ,
6 ).
Sur le suicide chez Épictète , voir Bonhöffer 19, p . 29- 39, 188-193 ; 242 E . Benz, Das
Todesproblem in der stoischen Philosophie, coll. « Tübinger Beiträge zur Altertumswissen
schaft >> 68, Stuttgart 1929, notamment p . 36 sqq ., 75 sqq. ; 243 J. Xenakis, « Stoic suicide
therapy » , Sophia 40 , 1972, p . 88 - 99 ; 244 R . Wyllie , « Views on suicide and freedom in stoic
philosophy and some related contemporary points of view », Prudentia 5, 1973, p . 15-32 ;
245 Y . Grisé, Le suicide dans la Rome antique (préf. P . Grimal), coll. « Noêsis-Collection
d 'études anciennes », Montréal/Paris 1982, notamment p. 218-221 ; 246 A . J. Droge, « Mori
lucrum . Paul and ancient theories of suicide » ,NT 30, 1988, p . 263-286 .
Quant à la mort elle -même, Épictète, conformément à la doctrine stoïcienne,
l'envisage comme la fin naturelle de l'individu, qui se dissout dans les éléments
(otolyela ) du cosmos, afin qu 'un autre puisse occuper sa place (cf. Entretiens
III 13, 14 ; II 1, 17 -18). Épictète ne croit nullement à une survivance personnelle
au delà de la mort, bien qu 'il parle du désir de l'homme de retourner à dieu,
c 'est-à-dire au tout (cf. Entretiens III 24,92 sqq. ; 13, 13 sqq.; IV 7, 15 et 27 ; cf.
Bonhöffer 19, p. 26 -29). Enfin, la mort n 'est qu 'une conséquence naturelle de la
condition humaine, et il n 'est donc pas raisonnable de s'en affliger . Il est stupide
de pleurer la mort d'un mortel (cf. Entretiens II 5, 12 sq.; III 24, 85 sq.;Manuel
III).
Comme le remarque Souilhé63, t. I, p. LV , on a souvent noté qu 'Épictète se
meut entre deux conceptions de la vie apparemment contradictoires : d'un côté,
une conception pessimiste et déprimante, qui décrit les incertitudes et la vanité
de l'existence humaine ; de l'autre, une conception optimiste , qui chante le bon
heur que représente la libération des désirs inutiles, par l'æuvre de la philo
sophie, autrement dit par l'æuvre de la divinité que chacun possède dans son
138 ÉPICTÈTE E 33
intérieur. A la suite de Pesce 32, Souilhé 63,t. I, p. LVI, n 'y voit pas une vraie
contradiction : « Il semble plutôt qu 'on doive y discerner deux points de vue :
celui du profane, de l'idiørns, qui cède au sentiment dont nos représentations
sont accompagnées , ou encore du débutantdans l'apprentissage de la sagesse,
qui se raidit pour réprimer les perturbations de la sensibilité, et celui du parfait,
du TTETALOEVMÉVOS, en qui la raison a triomphé et qui, ayant compris la divine
ordonnance, la veut de toute sa volonté et l'aime.»
La morale d'Épictète a bien un fondement religieux : elle consiste dans l' anéantissement
du moi et en une acceptation totale des événements qui ne sont, finalement, que l'expression
de la volonté divine. Ainsi, d'après Pesce 32, la morale stoïcienne qui, jusque là, répudiant la
vie concrète, n 'avait su aboutir qu ' à la mort, arrive avec Épictète à un tournant: elle devient
religieuse, reposant sur l'hypothèse de dieu qui doit être prouvée par l'expérience de la vie
(cf.Colardeau 22, p . 239-281).
Bibliographie complémentaire sur quelques thèmes philosophiques :
LA LIBERTÉ-NIPOAIPEEIE :
Cf. 247 H .Gomperz , Die Lebensauffassung der griechischen Philosophen und das Ideal
der inneren Freiheit, Zwölf gemeinverständliche Vorlesungen ,mit Anhang zum Verständnis
derMystiker, Neudruck der Ausgabe Jena und Leipzig 1904, Aalen 1979, p . 186 , 195-206 ;
248 C . Cassanmagnago, « Il problema della prohairesis in Epitteto » , RFN 69, 1977, p. 232
246 ; 249 G . Segalla , « Il problema della volontà in Epitteto » , Studia Patavina 10 , 1963,
p. 340-379; 250 M . Dragona-Monachou, « Prohairesis in Aristotle and Epictetus. A compari
son with the concept of intention in the philosophy of action » (en grec, résumé en anglais),
Philosophia 8-9, 1978 -1979, p. 265-310 (sur l'originalité du concept de prohairesis chez
Épictète ) ; 251 J. C .Gretenkord , Der Freiheitsbegriff Epiktets, Diss. Bochum 1981 ; 252 F .-R .
Chaumartin , « La quête de la liberté intérieure devant l'oppression du pouvoir dans l'empire
romain . Sénèque et Épictète », VL 1988, n° 110 , p. 10 -17 ; Hershbell 4, p. 2159-2160 ;
253 R .J. Heisler, Epictetus on speech. The argument, Diss. Univ. of Illinois at Urbana -
Champaign 1989 (microfilm ; traduction et commentaire d'Entretiens II 23) ; 254 R . F.
Dobbin , The sense of self in Epictetus: Prohairesis and prosopon , Diss. University of Cali
fornia, Berkeley 1989 ; 255 Id., « Mpoaipeous in Epictetus », AncPhil 11, 1991, p. 111-135.
LE BIEN ETLE MAL :
Cf. 256 R . Cabello , « De transitu a malo ad bonum apud Epictetum sub luce christiana » ,
VerbDom 45, 1967, p. 104-112 ; 257 G .J. Boter,« Epictetus, Encheiridion 27 »,Mnemosyne
45 , 1992, p. 473-481.
L'AMOUR DE DIEUX ET DES HOMMES, LA XAPIE :
Cf. 258 R . Joly , « La charité païenne. A propos d'Épictète, Entretiens III 22, 54 » , BACIL :
1, 1953, p . 21-24 ; 259 H .-J. Klauck, « Dankbar leben , dankar sterben. Eúxoploteiv bei
Epiktet » , dansGemeinde, Amt, Sakrament. Neutestamentliche Perspektiven, Würzburg 1989,
p. 373-390.
LA RELIGION :
Cf. 260 G . Pepe, « La filosofia religiosa di Epitteto », RFN 8 , 1916, p. 2-20, 566 -585;
261 E .G .Gulin, « Die Religion Epiktets und die Stoa » , dans Commentationes philologicae in
honorem professoris emeriti J. A . Heikel, Helsingfors 1926 , p . 32 -47; 262 A . Jagu , « La reli
gion d' Épictète » , R & T 1, 1946, p. 5- 16 (cf. Id . 7, col. 823-830) ; 263 J. Le Hir, « Les fonde
ments psychologiques et religieux de la morale d'Épictète », BAGB 1954, 4 (Lettres d'huma
nité 13), p. 73 -93 ; 264 F . Wawrzynieak , « L ' idée de Dieu dans la science d 'Épictète » , Collec
tanea Theologica 32, 1961, p. 105 -206 ; 265 J.Pépin, Idées grecques sur l'homme etsur Dieu,
« Collection d' Études Anciennes » , Paris 1971, p . 127 - 141, notamment p . 135 - 139 ; 266 R .
Radice, La concezione di Dio e del divino in Epitteto , « Collana di Filosofia » 2, Milano 1982 .
E 33 ÉPICTÈTE 139
E . Épictète et le christianisme.
Épictète connaissait sans doute les chrétiens, peut-être même dès son enfance
à Hiérapolis (cf. supra, B ) . Mais, à ce qu 'il semble , il les connaissait seulement
d 'une façon vague, et il ne les appréciait guère . En effet, il y a des références
dans les Entretiens aux chrétiens (qu'il appelle Galiléens, d 'après l'usage juif).
Un passage incontesté est celui d 'Entretiens IV 7, 6 , sur le mépris chrétien de la
mort (cf. 267 P. Corssen , « Alatpißai IV , 7, 6 », BPhW 30 , 1910 , col. 832).Un
autre moins sûr est celui d 'Entretiens II 9 , 19-21, où Épictète affirme qu 'on est
appelé à juste titre juif lorsqu 'on a été baptisé. 268 D . S . Sharp , Epictetus and the
New Testament, London 1914 , p . 134 , pense que cela fait référence aux chré
tiens. Cependant, la pratique du baptême existait aussi dans les sectes juives (cf.
Souilhé 63 , t. I, p . LXXX sq. n . 3 ; Oldfather 55, n . ad loc.; 269 P. Carrara,
« Galilei e Giudei nelle Dissertazioni di Epitteto (nota a Diss. 2, 9, 19-21)» , dans
Studi in onore di Adelmo Barigazzi, Roma 1984 , t. I (= Sileno 10, 1984 ), p. 111
117) .
Le seul passage sûr présente une image très pauvre des chrétiens: lorsqu'il
parle du manque de peur (åpoßia ), Épictète présente les « Galiléens » comme
exemple des gens qui manifestent de l'intrépidité par accoutumance (ÚTÒ
Douc) ; des gens qui, même s'ils ne se comportent pas ainsi par folie (únò ua
vías), ne le font pas non pluspar raison (ünÒ Nóyou ).
Cependant, trompé par certaines ressemblances entre les idées religieuses
d'Épictète et la doctrine chrétienne, 270 Th. Zahn , Der Stoiker Epiktet und sein
Verhältnis zum Christentum , Erlangen 1894, Leipzig 18952, est amené à croire
qu 'Épictète a dû utiliser plusieurs écrits du Nouveau Testament, notamment
l'Évangile selon Matthieu et l'Évangile selon Luc. Cette hypothèse fut reprise et
développée par 271 K . Kuiper, Epictetus en de christelijke moraal, coll.
« Verslagen en Mededeelingen der k . Akademie van Wetenschappen » 7 ,
Amsterdam 1906 , p . 370 -405. En revanche, elle fut contestée par 272 Fr.Mörth ,
« Epiktet und sein Verhältnis zum Christentum » , dans Festschr. 50. Vers. Klass.
Philolog. Graz, 1909, p . 178-194 , pour qui les quelques parallèles existant dans
l'expression doivent s 'expliquer dans le cadre d 'une polémique d'Épictète contre
les textes sacrés des chrétiens.
C 'est en particulier 273 A . Bonhöffer, Epiktet und das Neue Testament, coll.
« Religionsgeschichtliche Versuche und Vorarbeiten » 10 , Gießen 1911, réimpr.
Stuttgart/Bad Cannstatt 1964, qui a démontré que l'idée qu 'Épictète dépend en
quelque sorte du Nouveau Testament est tout à fait erronée. En effet, à travers
une comparaison minutieuse du vocabulaire et de la doctrine des Entretiens et
des écrits du Nouveau Testament, il arrive à la conclusion qu 'il faut écarter toute
possibilité d 'emprunt entre les uns et les autres. D 'après lui, le stoïcisme et le
christianisme furent deux mouvements parallèles,mais indépendants (cf. Souilhé
63, t. I, p . LXIII). En ce même sens, Sharp 268 , sur la base d'une analyse compa
rative du vocabulaire, conclut que les ressemblances entre les formules des
Entretiens et les écrits du Nouveau Testament (par exemple les Lettres de Paul)
140 ÉPICTÈTE E 33
répondent normalement au fait qu'aussi bien Épictète que les auteurs du Nou
veau Testament parlaient la même langue que les gens ordinaires de l'époque.
Le livre de Bonhöffer a fait l'objet des critiques de 274 M .-J. Lagrange, « La
philosophie religieuse d' Épictète et le Christianisme», RBi n.s. 9, 1912 , p . 5 -21,
192-212, qui revient à la thèse de Zahn 270 avec quelques changements. D 'après
lui, Épictète se consume dans la contradiction entre un matérialisme asphyxiant
et une aspiration mystique, et cette contradiction peut seulement s'expliquer si
on accepte qu 'il se débarrasse de son orthodoxie stoïcienne par l'appel de plus en
plus fort du christianisme. Par conséquent, Lagrange 274 soutient qu'Épictète a
emprunté certains éléments du Nouveau Testament, notamment de Paul. Un avis
similaire , bien quemoins radical, a été défendu par Pepe 260 .Mais la thèse de
Bonhöffer s'est imposée de plus en plus parmi les critiques, car toute analyse
objective montre que, malgré les nombreux parallèles, les différences restent
essentielles (cf. Spanneut 10 , col.630 -632 ; Jagu 7 , col. 829 sq .). Tout au plus
pourrait-on suggérer, comme le fait Souilhé63,t. I, p. LXIV -LXVII, la possibilité
d'une influence indirecte de l'esprit chrétien sur Épictète (cf.Martha 16 , p. 207).
Cf. 275 K . Vorländer, « Christliche Gedanken eines heidnischen Philosophen » , Prj 89,
1897, p. 193- 222 ; 276 R . Bultmann, « Das religiöse Moment in der ethischen Unterweisung
des Epiktet und das Neue Testament» , ZNTW 13, 1912 , p. 97 - 110, 177 -191 ; 277 Id., Der Stil
der paulinischen Predigt und die kynisch -stoische Diatribe, coll. « Forschungen zur Religion
und Literatur des Alten und Neuen Testaments » 13, Göttingen 1910, réimpr. 1984 (cf. Sto
wers 161 et Schmeller 176 ) ; 278 O . Schmitz, Der Freiheitsgedanke bei Epiktet und das
Freiheitszeugnis des Paulus. Ein religionsgeschichtlicher Vergleich , coll. « Neutestamentliche
Forschungen » I 1, Gütersloh 1923 ; 279 L . Stefanini, Il problemamorale nello stoicismo e nel
cristianesimo. Sommario storico e critica ai testi : Seneca De tranquill. animi, Epitteto
Manuale, Marco Aurelio , Pensieri, Nuovo Testamento , Antologia, Torino 1926 ; 280 H . Barth,
« Die Bedeutung der Freiheit bei Epiktet und Augustin » , dans DasMenschenbild im Lichte
des Evangeliums. Festschrift zum 60. Geburtstag von E . Brunner, Zürich 1950 , p . 49-64 ;
281 G . Jossa , « Epitteto e i cristiani» , dans Giudei, pagani e cristiani. Quattro saggi sulla
spiritualità delmondo antico, Napoli 1977 , p . 81- 108 ; 282 J. Amand , « La morale d'Epictète
et le christianisme» , ANRW II 36 , 3 , 1989, p . 2164 -2199 ; 283 A . Jagu , « Christianisme et stoï
cisme, à propos d 'Épictète », dans Actes du Congrès de l'Association G . Budé (Grenoble , 21
25 septembre 1948), Paris 1949, p . 296 -297 ; 284 J. Sánchez Lasso de la Vega, « Der stoische
Weise und der christliche Heilige » , Antaios 8, 1967, p . 385 -399 (cf. 285 Id ., Ideales de la
formación griega, coll. « Biblioteca de Educación y Ciencias Sociales. Serie Investigaciones y
ensayos » 6 ,Madrid 1966, p . 181-272 : « Héroe griego y santo cristiano » ) ; 286 E . P . Papa
noutsos, « 'H noixn piaooopia toŨ 'Emlxtútov », Philosophia 12, 1982, p. 9-25 ; 287 F.
Ferro Gay et J. Lee Benavides, « El cristianismo y el imperio », Nova Tellus 3, 1985, p. 127
148 ; 288 M . D . McGehee, Divine appointment to specific social functions in four Greco
Roman traditions. Paul, Epictetus, Cynics, and Qumran, Diss. Brown Univ ., Providence 1985
(microfilm ).
F. La postérité d 'Épictète.
Si l'on en croit Arrien , dans sa lettre à Lucius Gellius, les notes qu'il avait
tirées des enseignements d'Épictète commencèrent à circuler dans de mauvaises
copies avantmême qu'il se fût décidé à en faire une édition fidèle . Par ailleurs,
nos témoignages montrent que les Entretiens ont été souventlus,mêmeaprès la
rédaction du Manuel par Arrien , aux lie et III° siècles. A partir du IVe siècle le
Manuel semble avoir remplacé de plus en plus les Entretiens.
E 33 ÉPICTÈTE 141
Au II° s. il faut remarquer surtout l'influence d'Épictète surMarc-Aurèle:
Cf. 289 Th.Dupuy, « Épictète et Marc-Aurèle. Leur doctrine», dans Mélanges littéraires
et historiques, Milano 1886, p . 193-208 ; 290 G .Giurdanella Fusci, La filosofia di Antonino in
rapporto con la filosofia di Seneca,Musonio e di Epitteto ,Modica 1904 ; Stanton 240 (cf. su
pra ) ; Spanneut 10 , col.619-621 ; P . Hadot223 p . 135 -153 (« Une clé ... » ; cf. supra) ; Id. 48,
p . 69- 87 (chap . IV : « l'esclave -philosophe et l'empereur-philosophe. Épictète et les Pen
sées » ) ; 291 A . Michel, « Rhétorique et philosophie au second siècle après J.-C .» , ANRW II
34 , 1, 1993, p . 3-78, notamment p . 14 - 19 (« Marc-Aurèle et la tradition d 'Épictète : la critique
de l'éloquence et l'adhésion à la beauté » ) ; 292 E . V .Maltese, « Per il “ manuale ” di Marco
Aurelio » , dans R . Pretagostini (édit.), Tradizione e innovazione nella cultura greca da Omero
all' età ellenistica . Scritti in onore diBruno Gentili,Roma 1993, t. III, p . 1111-1118.
Sur Favorinus, Galien , Aulu -Gelle, Lucien , Celse , Flavius Philostrate , voir Spanneut
10 , col.621-622. Sur Galien, voir encore 293 R . Cadiou, « Épictète et Galien » , BAGB 1954 , 4
(Lettres d 'humanité 13), p . 94- 101 ; 294 P . de Lacy, «Galen and the Greek poets » ,GRBS 7 ,
1966 , p. 259- 266 .
L 'autorité d'Épictète au 11° s. est tellement grande que Celse , ap. Origène,
Contra Celsum VII 54 (test. 17 Schenkl), va même jusqu 'à mettre sa mémoire
d'homme sage et saint à côté de celle de Jésus-Christ. Origène (III° s.) et Gré
goire de Nazianze (Ive s.),même s'ils essayent de combattre ces éloges, avouent
ne pas pouvoir souiller la splendeur de sa vie avec des calomnies. En fait, le
moraliste stoïcien a exercé une influence considérable sur l'æuvre des Pères de
l'Église.
Cf. Spanneut 10, col. 632-650 et 651, qui analyse en détail cette influence chez les Pères
grecs: Justin , Clément d'Alexandrie (II), Origène (III), Athanase, Basile le Grand,Grégoire de
Nazianze, Jean Chrysostome (IV ), Synésios de Cyrène (IV /V ), Palladios, Théodoret (V ),
Procope de Gaza (V /VI) ; etlatins: Arnobe (IV), Ambroise de Milan (IV ), Augustin (IV / ).
En général, on peut dire qu 'Épictète , comme Sénèque, a été accaparé par le
christianisme, notammentdès le Ive ou le ve siècle.
D 'autre part, Épictète a influencé les Néoplatoniciens ( cf. Spanneut 10, col.
622 -626 ) : Plotin (III° s.), Proclus, Hiéroclès (2H 126 ), Théosébios, Damascius
(ve s.), Olympiodore et Simplicius (viº s.).
D 'après Damascius, ap. Photius, loc. cit., le néoplatonicien du ve siècle Théosébios
« parlait le plus souvent en prenant comme point de départ les Entretiens (oyolal] d'Epictète »
(trad . R . Henry ; cf. Spanneut 8 , col. 845).
Épictète a été très présent dans le HautMoyen Age, aussi bien chez les
philles
auteurs chrétiens que chez osoauteurs
r v e n u, spaïens.
umie la premplSimplicius
ace les et de est
DU l'auteur d'un
Comme on sait, le philosophe néoplatonicien
commentaire, qui nous est parvenu, sur le Manuel d'Épictète. L 'édition récente
d'I. Hadot 172 , p . 183 -455, qui représente la première édition critique fondée sur
tous les manuscrits connus de cet ouvrage, remplace les éditions de Schweig
häuser 49 , t. IV (Commentarius in Epicteti Enchiridion ) et de Dübner 52, p. 1
143.
Dans la préface de son commentaire, Simplicius affirme que le Manuel
enseigne à l'âme comment se rendre libre telle que dieu l'a créée, afin qu'elle
n'éprouve aucune crainte de ce qui se trouve au -dessous d'elle. Comme l'a
remarqué I. Hadot 172, p. 51 sq., ce commentaire présente l'énorme intérêt que
142 ÉPICTÈTE E 33
l'auteur interprète un texte stoïcien selon la philosophie néoplatonicienne, dans
la perspective de lamétriopathie péripatéticienne. Par ailleurs, Hadot 172,p. 51
60 (cf. 295 Ead., Le problèmedu néoplatonisme alexandrin : Hiéroclès et Simpli
cius, coll.« Études Augustiniennes», Paris 1978, p. 147- 165) a expliqué la place
que le Manuel tenait dans l'enseignement néoplatonicien. Il s'agissait pour les
néoplatoniciens d'acquérir certaines dispositions morales et de purifier l'âme
avant de commencer avec profit les études de philosophie proprement dites :
« Aux yeux de Simplicius le Manuel constituait le genre d'exhortations non
techniques aptes à fournir l'instruction éthique préparatoire dont le débutant en
philosophie devait déjà être imprégné. Dès lors, il fallait qu'il interprète le
Manuel en se fondant, non pas sur l' éthique stoïcienne culminant dans l'apatheia
du sage stoïcien, comme cela aurait été normal de notre point de vue moderne,
mais sur la métriopathie péripatéticienne. En procédant de la sorte, Simplicius
suit le système éthique néoplatonicien , dans lequel se fondent, d'une manière
tout à fait étonnante et sans jointure apparente , l' éthique du stoïcisme, évidem
ment sans ses basesmatérialistes, l'éthique de l'Ancienne Académie et l' éthique
péripatéticienne.» Pour le système philosophique du commentaire, voir Hadot
172 , p.61-113.
Cf. 296 I. Hadot, « Die Widerlegung des Manichäismus im Epiktetkommentar des Simpli
kios » , AGP , 51, 1969 , p. 31-57 (sur la réfutation du manichéisme, par laquelle Simplicius
complète , en commentant le chap . XXVII du Manuel, la discussion sur l'origine du mal;
cf. Ead . 172 , p . 114 - 144 ) ; 297 Ead ., « Le système théologique de Simplicius dans son com
mentaire sur le Manuel d 'Épictète » , dans Le néoplatonisme. Actes du Colloque de Royau
mont, 9-13 juin 1969, Colloque international du CNRS, Paris 1971, p . 265-279; 298 Ead.,
« La tradition manuscrite du commentaire de Simplicius sur le Manuel d 'Épictète » , RHT 8 ,
1978, p . 1- 198 (recension et classification de tous les mss conservés) ; 299 Ead ., « La tradition
manuscrite du commentaire de Simplicius sur le Manuel d' Épictète. Addenda et corrigenda » ,
RHT 11, 1981, p. 387 - 397 ( concernant notamment le ms. Naples, Bib . Naz., III.B .12 ; cf. aussi
Ead. 172 , p. 163-182 : « Bref aperçu de l'histoire du texte » ) ; 300 Ead., « La doctrine de Sim
plicius sur l'âme raisonnable humaine dans le Commentaire sur le Manuel d 'Épictète » , dans
H . J. Blumenthal et A . C . Lloyd ( édit.), Souland the structure of being in late Neoplatonism .
Syrianus, Proclus and Simplicius. Papers and discussions of a colloquium held at Liverpool,
15 - 16 April 1982, Liverpool 1982, p . 46 -71; 301 G . Cortassa, « Uno stoico di età giustinianea :
Simplicio interprete di Epitteto » , dans F . Conza (édit.), Byzantina Mediolanensia. V
Congresso nazionale di studi bizantini (Milano, 19-22 ottobre 1994 ), coll. « Medioevo
romanzo e orientale. Colloqui» 3,Messina 1996 , p. 107-116.
Sur la tradition moderne du commentaire, voir 302 P . Hadot, « La survie du commentaire
de Simplicius sur le Manuel d' Épictète du XVe au XVIIe siècles : Perotti, Politien , Steuchus,
John Smith , Cudworth » , dans I. Hadot (édit.), Simplicius, sa vie , son æuvre, sa survie . Actes
du colloque international de Paris (28 sept. - 1er oct. 1985), coll. « Peripatoi » 15 , Berlin /New
York 1987, p. 326 -367.
Enfin , ce commentaire a été l'objet d'un résumé: cf. 303 M . Spanneut, « Un abrégé
inconnu du Commentaire de Simplicius sur Épictète (Vatopédi 738 , f. 2685-286V) » , dans
F. Paschke (édit.), Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen , coll. TU 125 , Berlin 1981,
p. 531-541 (cf. Id. 10, col.626 ).
Sur l'influence d'Épictète sur les philosophes arabes, notamment sur Ya'qūb
b.İsḥāq al-Kindi (1Xe s.),voir Spanneut 10 ,col.626 sq.(cf.Id. 338, p. 206 -208).
E 33 ÉPICTÈTE 143
L' influence d'Épictète chez lesmoines chrétiens aboutit à ce qu'on a appelé
l'« Épictète chrétien » :
Cf. 304 F. Liguori, « Il Manuale di Epitteto tra i cristiani» , ScCart 58, 1930, p . 297-303;
305 O . Schissel von Fleschenberg, « Zur handschriftlichen Überlieferung des christlichen
Epiktet» , Byz] 8 , 1930, p . 444-447 ; 306 A . Dain , « Introduction inédite à l'Épictète chrétien » ,
dans Mélanges de philosophie grecque offerts à Mgr Diès, Paris 1956 , p. 61-68 ; Spanneut 8 ,
col. 833-842, à qui nous empruntons les informations qui suivent.
En effet, on comprend sous le nom d'« Épictète chrétien » une série de docu
ments qui révèlent une exploitation d'Épictète (notamment du Manuel) par
l'ascèse des moines chrétiens. Il est impossible de les situer avec précision dans
le temps et dans l'espace :
(A ) LE TRAITÉ DU PSEUDO-ANTOINE :
Cf. 307 I.Hausherr, « Un écrit stoïcien sous le nom de Saint Antoine Ermite » , dans Id ., De
doctrina spirituali christianorum orientalium quaestiones et scripta , I, coll. « Orientalia
Christiana » 30 , 3 (n° 86 ),Roma 1933, p.212 [70] – 216 [74 ](chap. V) ; Spanneut 8, col. 834
sq . ( cf. Id . 10, col. 662-664).
Le traité stoïcien attribué à saint Antoine l' ermite , comprenant 170 chapitres
tres brefs (του εν αγίοις Πατρός ημών 'Αντωνίου του Μεγάλου παραινέσεις
nepi ñeous åvopúrwv xai xenorñs noliteiac), porte la marque et parfois
reprend le texte même d'Épictète . Spanneut 8, col. 834, reprend l'hypothèse de
Hausherr 307, selon laquelle ce traité date des tout derniers temps de la Stoa .
(B) LE MANUEL DU PSEUDO-NIL :
Texte : 308 J.-M . Suárez, ToŰ Év Áyious natpos nuwv Nelov... Móyou. Sancti Patris
nostri Nili, Tractatus seu opuscula ... JosephusMaria Suaresius..., graece primum edidit, latine
vertit ac notis illustravit, Romae 1673 (editio princeps ; cf. 309 J. P .Migne, PG 79, 1285
1312) ; Schweighäuser 51, t. V , p . 95-138 (Nili ascetae Manuale Epicteti, ad usum iuvenum
christianorum adcommodatum ).
Cf. 310 C. Wotke, « Handschriftliche Beiträge zu Nilus' Paraphrase von Epiktets Hand
büchlein » , WS 14, 1892, p . 69-74 ; Spanneut 8 , col. 835-837 (cf.Id . 10, col. 664-665);
311 M . Piscopo, « Utilizzazioni cristiane di Epitteto in alcune parafrasi delManuale » , dans
Studi classici in onore di Quintino Cataudella , Catania 1972, t. II, p. 601-605 ; 312 Id., « La
tradizione manoscritta della paraphrasi del Manuale di Epitteto di S. Nilo », dans J. Dummer
(édit.), Texte und Textkritik . Eine Aufsatzsammlung, coll. TU 133, Berlin 1987, p . 505-508.
Il s'agit là d'une version interpolée du Manuel (en grec ), légèrement christia
nisée, sans doute au service de l'ascèse monastique. La tradition manuscrite du
Moyen Age la place sous le patronage de Nil d ’Ancyre, dit l'ascète (IV s.), le
préfet de Constantinople qui, trop fatigué par la corruption de la cour d'Arca
dios, se retira avec son fils au désert du Sinaï. En réalité, d'après Spanneut 8, col.
834, Épictète semble absentde la littérature monastique de l'époque patristique:
c'est trompé par cette fausse attribution qu 'on a mis Épictète parmi les sources
de la spiritualité ascétique (cf. infra ).
La comparaison avec le texte original du Manuel a été faite par 313 P .- G . Chappuis, La
destinée de l'homme. De l'influence du stoïcisme sur la pensée chrétienne primitive, Genèvel
Paris 1926 , notamment p . 145 -152. Cette analyse permet de constater qu 'on a fait un décou
page nouveau du texte (les 53 chapitres d 'Épictète deviennent 72 ou 73) ; on a introduit
quelques altérations afin de glisser une note chrétienne (par exemple, Zeus devient Oeos
xúploc ; Socrate, saint Paul) ; enfin, on a supprimé quelques parties, dans le dessein d 'exorci
144 ÉPICTÈTE E 33
ser les marques les plus évidentes de son origine païenne (par exemple , le chap . 32 consacré à
la divination ), bien que ce travail ne semble pas avoir été réalisé avec un grand soin .
Quant à la date de composition , 314 S. Le Nain de Tillemont,Mémoirespour
servir à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles, t. XIV , Paris 1709,
p.210 , a déjà mis en doute l'attribution à Nil, et Migne publia l'æuvre parmiles
spuria de cet auteur. A son tour, 315 F . Degenhart, Der hl. Nilus Sinaita . Sein
Leben und seine Lehre vom Mönchtum , coll. « Beiträge zur Geschichte des alten
Mönchtums und des Benediktinerordens» 6 ,Münster 1915, notamment p. 18-20 ,
montre l’incompatibilité de cette version du Manuel avec l’æuvre de Nil. Il veut
l'attribuer à un correspondant de Nil, Comasius, ancien rhéteur devenu moine.
Mais, d 'après Spanneut 8, col. 836 , l'hypothèse la plus vraisemblable est celle de
316 O . Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Literatur, t. IV , Freiburg im
Breisgau 19242, p. 161- 178, selon laquelle l'ouvrage est de quelques siècles
postérieur à Nil,bien qu'on ne puisse préciser davantage la date. Aujourd 'hui les
critiques se rangent unanimement à cet avis.
(C) LA PARAPHRASE CHRÉTIENNEDU MANUEL:
Texte : 317 M . Casaubon, Epicteti Enchiridion, una cum Cebetis Tabula, graece et latine
(interprete H . Wolfio ), cum notis Merici Casauboni..., Eiusdem Enchiridii Paraphrasis Grae
ca , numquam antehac edita , item Paraphraseos versio, cum notis eiusdem , Londini 1659
(editio princeps); Schweighäuser 51, t. V, p. 10-94.
Cf. Spanneut 8, col. 837 -840 (cf. Id. 10 , col. 665-667); 318 M . Piscopo, « La tradizione
manoscritta della Paraphrasis Christiana del Manuale di Epitteto » , Helikon 9 - 10, 1968 -1970 ,
p. 593-603.
Il s'agit d 'une adaptation anonyme du Manuel (encore en grec ), nettement
liée au monachisme, connue comme Paraphrase chrétienne. D 'après l'analyse
de Spanneut 8 , l'adaptation, cherchant surtout à christianiser le texte , à l'adapter
à la vie monastique, est ici plus profonde et plus fine. Elle produit un vrai « texte
parallèle » qui suit le Manuel de bout en bout, et met en évidence un travail
beaucoup plus personnel, plus perspicace et plus exigeant que celui du Pseudo
Nil : « L 'auteur de la Paraphrase repense son texte en philosophe» (col. 838). A
la différence du Pseudo-Nil, il n 'est pas l'esclave du texte original: « Il abrège,
précise ,complète, adapte. Ilprend ses responsabilités d'auteur.Avec intelligence
et finesse, il corrige ce qui, du point de vue de la philosophie ou des mœurs , lui
paraît incompatible avec la morale chrétienne. Il en tire une œuvre qui, tout en
restant stoïcienne, est authentiquement chrétienne et capable de rendre service
aux moines, ses destinataires » (col. 840).
Quant à la date de l'écrit, Spanneut 8 , ibid ., lui concède une relative antiquité.
Étantdonné que la Paraphrase est à la source d 'un commentaire très célèbre au
xe siècle (cf. infra), il la place au plus tard au IX° s.
(D ) LE COMMENTAIRE DE LA PARAPHRASE CHRÉTIENNE :
Cf. Schweighäuser 51, t. III, p . 140 ; 319 S. Lindstam , « Ein byzantinischer Kommentar der
christlichen Paraphrase des Encheiridions », ByzZ 30 , 1929-1930, p. 43-49 ; Spanneut 8 , col.
840 -842 (cf. Id . 10, col. 667-670 ); 320 Id ., « Quelques aspects du stoïcismeau Moyen Age » ,
dans Actes vire Congrès de l'Association G . Budé (Aix -en - Provence, 1-6 avril 1963), Paris
1964, p . 118 -120 ; 321 Id ., « La tradition manuscrite d 'un commentaire chrétien d 'Épictète » ,
E 33 ÉPICTÈTE 145
Philologus 108, 1964, p. 128 -137 (commentaire, précédé d'une introduction ) ; 322 Id .,
« Image de l'homme dans un commentaire chrétien inédit du Manuel d'Épictète » , dans
Images ofman in Ancientand Medieval thought. Studia Gerardo Verbeke ab amicis et colle
gis dicata , coll. « Symbolae Fac . Litt. & Phil. Lovaniensis » 1 , Leuven 1976 , p . 213 -230 ;
323 Id ., « Stoicismebyzantin autour du IXe siècle d 'après un document inédit » ,MSR 34, 1977
nº spécial (Universitas), p . 63- 79 ; 324 Id., « Techne , morale et philosophie chrétienne dans un
document grec inédit du ixe (?) siècle » , Orpheus 2, 1981, p . 58 -79 (édition , traduction et
commentaire) ; 325 A .M . Santerini Citi, « Il commento anonimo alla Parafrasi cristiana del
Manuale di Epitteto » , SIFC 51, 1980, p . 50 -71 (sur la tradition manuscrite , la date de
rédaction et le texte ).
Dans une quinzaine de manuscrits on lit un commentaire grec anonyme sur le
Manuel d'Épictète (ěEńymouc eis tò 'Erxelpídlov), dont le texte semble plus ou
moins complet. Les destinataires de ce commentaire semblentbien être clercs ou
moines (cf. Spanneut 8, col. 841). D 'après l'analyse de Spanneut 8 , ibid., son
auteur se révèle moins moraliste et plus philosophe que l'auteur du texte qui lui
sert de base ; il s'occupe de l'homme et de son essence plus que de religion.
Spanneut rapproche plutôt ce commentaire , profondément stoïcien , de celui de
Simplicius, qui semble bien l'avoir inspiré quelquefois. Par ailleurs, l'anonyme
semble avoir utilisé aussi directement le texte originel du Manuel pour son
commentaire de la version chrétienne. Ce commentaire date du IXe siècle au plus
tard , car deux manuscrits sont du Xe s.
Dans certains manuscrits tardifs (xve/XVIIe siècles), on attribue un commentaire du
Manuel ('EEńynois ueplan eis tò toŨ 'Enixthtov 'EyxElpídlov) à Georges Lacapène,
moine en Thessalie au XIVe siècle , précurseur de l'humanisme. Cette attribution est acceptée
encore à la fin du XIXe s. (cf. 326 V . Lundström , « Ad Georgium Lacapenum » , Eranos 2 ,
1897, p . 47-48). Cependant, comme le remarque Spanneut 8, col. 840 (cf. Id. 10, col. 668),
étant donné que le texte de ce commentaire se révèle le même que celui de l'euvre qui se lit
quatre siècles auparavant, cette attribution perd tout fondement.
(E ) VERSION DU MANUELDANS LE MS. VAT. GR. 2231:
327 M . Spanneut, « Épictète chez les moines», MSR 29, 1972 , p. 49-57, a
étudié aussi une autre version du Manuel, jusqu 'alors inexploitée, qu 'il considère
comme indépendante des précédentes et plus typiquementmonastique. Elle se lit
dans le manuscrit VaticanusGraecus 2231 (XIVe s.), fol. 62 -74 .
Tous ces documents témoignent d'une surviemanifeste du Manuel au Moyen
Age et de son influence profonde au moins dans certains milieux spirituels. En
fait, des 54 manuscrits qui nous sont parvenus, un date du XIIe siècle, deux du
Xueet six du XIV°. En revanche, il semble bien établi depuis Schenkl 52, p. LV,
que les Entretiens ont traversé le Moyen Age grâce à un seul manuscrit, le
Bodleianus, cod.Graec.misc. 251 (fin du Xie ou début du XIe siècle ), dont tous
les autres manuscrits (20) ne seraient, directement ou indirectement, que des
copies (cf. Spanneut 8, col. 844 sq.).
A Byzance, cet ouvrage ne semble avoir intéressé que quelques érudits
(cf. Spanneut 8 , col. 845 sq.), notamment Photius, le patriarche de Constanti
nople (IXe s.), et Aréthas de Patras, métropolite de Césarée (XⓇ s.), auteur d'une
série de scholies sur les Entretiens. Par ailleurs, des extraits des Entretiens figu
raient dans des florilèges, qui contenaient aussi des extraits tirés du Manuel,
146 ÉPICTÈTE E 33
mais incluaient parfois aussi des extraits faussement attribués au moraliste (cf.
supra , C ).
En Occident, comme le remarque Spanneut 8 , col. 847 sq., l'hellénisme a
disparu au plus tard au Vie siècle . Il est donc peu probable qu 'Épictète y ait
exercé une influence sérieuse avant l'existence de traductions en latin : le Manuel
n ' est traduit qu 'au XVe siècle (la traduction manuscrite de Perotti date de 1453,
celle imprimée de Politien de 1497) ; les Entretiens ont été traduits au milieu du
xvie siècle ,par J. Schegk 72 (Basileae 1554,avec le texte grec de Trincavelli).
Cependant, le nom d 'Épictète a trouvé une certaine célébrité dans le monde
nordique à l'époque d ’Alcuin (VIII /IXe siècles), dans le genre de littérature par
questions-réponses, en latin (Spanneut 8, col. 848 ; Id . 10 , col. 657-660).
En premier lieu, il a existé une Altercatio Hadriani et Epicteti, composée de
73 questions d ’Hadrien, très brièvement résolues par Épictète. D 'après ses der
niers éditeurs, 328 L . W . Daly et W . Suchier , Altercatio Hadriani Augusti et
Epicteti philosophi, coll. « Illinois Stud. in Lang. & Lit. » XXIV , 1 -2, Urbana
1939, il s'agit d 'un produit des 11° /111e siècles plutôt que d 'une élaboration du
Moyen Age. Quoi qu 'il en soit, comme le remarque Spanneut 8 , ibid ., cet
opuscule était très connu dès le Viie siècle . D 'après 329 E . Löfstedt,« Zur Datie
rung der Altercatio Hadriani et Epicteti » , C & M 7 , 1945 , p. 146 -149, certains
indices linguistiques interdisent de le placer plus tôt que le ve siècle. Il a été tra
duit en français par 330 Jean de Coras (Altercacion, en forme de dialogue, de
l'empereur Adrian et du philosophe Épictète, contenant soixante et treze ques
tions et autant de réponses, rendu de latin en françois par J. de Coras, aveq la
paraphrase dumêmeautheur, Tolose et Paris 1558).
Cet ouvrage inspira un doublet: Disputatio Hadriani et Epicteti philosophi,
de 21 questions presque toutes communes avec l' Altercatio. Mais c'est un autre
ouvrage, un dialogue entre Hadrien et le jeune Épictète (iuvenis Epictitus ), qui
semble avoir été le plus célèbre, à en juger par sa tradition manuscrite (7 mss des
X®/xve siècles). 331 W . Suchier, Das mittellateinische Gespräch « Adrian und
Epictitus » , nebst verwandten Texten (Joca monachorum ), hrsg. und untersucht
von W . S ., Tübingen 1955, p . 44 sq., le juge antérieur à 650. Comme le re
marque Spanneut 8, col. 848 : « Il a été traduit en français , en provençal et en
kymrique. Il a fourni une paraphrase qui a elle -même 7 traductions. Enfin , il a
inspiré au 13° siècle l'Enfant sage. Ce dernier dialogue, où le principal inter
locuteur est un enfant prodige, Epitus, a été répandu dans toute l'Europe occi
dentale jusqu'au 19e siècle . »
Spanneut 8 , ibid ., précise que cette littérature se trouve très éloignée de la
philosophie authentique d'Épictète : « ...l'usage qu 'on fait ici d'Épictète ne révèle
pas qu 'on ait connu, si peu que ce soit, sa philosophie . A voir ces jeux littéraires
placés sous le patronage de l'austère moraliste et totalement étrangers à sa
doctrine, on a l'impression qu 'on ignorait le sens véritable de son æuvre. »
Spanneut met l'accent sur l'absence d'Épictète dans le monde latin du Moyen
Age : « Même un Jean Scot érigène, le meilleur helléniste de l'époque, l'ignore...
E 33 ÉPICTÈTE 147
Seul Jean de Salisbury † 1180 ,à deux reprises, invoque le témoignage d'Épictète
dans son Policraticus...»
On peut trouver une vue d' ensemble sur la réception d'Épictète à l' époque
moderne, notamment aux XVI et XVIIe siècles, chez d'Angers 9, col. 849 -854 .
Cf. 332 F. Strowski, Histoire du sentiment religieux en France au XVIIIe siècle, Paris
19094 ; 333 L . Zanta, La Renaissance du Stoïcisme au XV e siècle , Paris 1914 ; 334 R . M .
Wenley, Stoicism and its influence, New York 1927 ; 335 H . Busson, La pensée religieuse
française de Charron à Pascal, Paris 1933, p. 379 -429 (chap. VIII : « Stoïciens et Épicu
riens » ) ; 336 J.-E . d'Angers, « Le stoïcisme en France dans la première moitié du XVIIe siècle.
Les origines (1575 - 1616 ) » , Et. Franc. n.s. 2, 1951, p. 287 - 297, 389 -410 ; 3, 1952, p. 5 - 20 ,
133 -158 ; 337 Id., « Le renouveau du stoïcisme en France au 16e et au début du 17e siècle » ,
dans Actes Vipe Congrès de l'Association G . Budé (Aix-en - Provence, 1 -6 avril 1963), Paris
1964 , p . 122- 153 ; 338 M . Spanneut, Permanence du stoïcisme. De Zénon à Malraux, Gem
bloux 1973, passim (résumé de la vie et de la doctrine d 'Épictète aux p . 74 -88 ) ; 339 K . A .
Blüher, Séneca en España . Investigaciones sobre la recepción de Séneca en España desde el
siglo XIII hasta el siglo XVII, coll. « Biblioteca Románica Hispánica. II. Estudios y Ensayos >>
329,Madrid 1983 (traduit de l'édition originale allemande,München 1969), passim .
C 'est en Italie au XVI° siècle qu'Épictète (et le stoïcisme avec lui) est redé
couvert. D 'après d'Angers 9 , col. 849, ce renouveau répond à une méprise : le
fait que les milieux platoniciens de Florence prenaient Épictète pour un disciple
de Platon . La connaissance d'Épictète devient alors possible grâce notamment à
deux publications (cf. supra, A ):
(a ) la traduction du Manuel par Ange Politien en 1497 (340 Philippus Beroaldus [ édit.],
Censorinus, De die natali. Tabula Cebetis. Dialogus Luciani. Enchiridion Epicteti. Basilius.
Plutarchus, De invidia et odio, Bononiae 1497) : cf. 341 R . P . Oliver, « Era plagiario Poliziano
nelle sue traduzioni di Epitteto e di Erodiano ? » , dans II Poliziano e il suo tempo, Atti del IV
Convegno internazionale di Studi sul Rinascimento (Firenze-Palazzo Strozzi 23-26 sett.
1954 ), Firenze 1957, p . 253-271 ; 342 Id ., « Politian 's translation of the Enchiridion », TAPHA
89, 1958, p . 185 - 217 ; Maltese 71, p . 49-57 ; 343 Id., « Nota sul ms. Taur. J . III. 13 : (per l' En
cheiridion del Poliziano )» ,RPL 14 , 1991, p . 143-146 ; 344 G . J. Boter, « The Greek sources of
the translations by Perotti and Politian of Epictetus' Encheiridion » , RHT 23, 1993, p. 159 .
188 .
(b) l'édition des Entretiens par V. Trincavelli en 1535.
L'influence de ces ouvrages se ressent en Italie au XVIe siècle chez ceux que
Spanneut 8, col. 850 , appelle les « humanistes chrétiens » : par exemple , 345 A .
Steuco , bibliothécaire du Vatican, auteur de l'ouvrage De perenni philosophia
libri X , Lugduni 1540, Basileae 1552 ; 346 I. de Loyola, qui publie à Rome ses
Exercitia spiritualia (1548 ) ; C . Borromeo († 1584 ), qui semble avoir eu le
Manuel comme livre de chevet; ou L . di Gonzaga († 1591). D 'après Spanneut,
l'opposition faite au stoïcisme dans ce siècle (par des personnages comme G .
Contatini († 1542] ou J.-B. Crispi ( † 1595]) explique qu’Épictète ait été ignoré
des auteurs spirituels du XVIIe siècle . Cependant, il cite le jésuite 347 B . Castori,
Institutione civile e christiana, per uno che desideri vivere, tanto in corte quanto
altrove, honoratamente e christianamente , Roma 1622 (cf. 348 J.- E . d ' Angers,
« Étude sur les citations de Sénèque et d 'Épictète dans l' Institutione civile e
christiana de B . Castori, S.J. ( 1622)» , MSR 17, 1960, p. 81- 103), auquel il faut
ajouter M . Ricci,missionnaire jésuite en Chine dans les premières années de ce
148 ÉPICTÈTE E 33
siècle (cf. 349 Chr. Spalatin , « Matteo Ricci's use of Epictetus' Encheiridion » ,
Gregorianum 56 , 1975, p . 551-557).
En pays germanique, Spanneut 8 , col. 850 sq., constate que l'influence des
humanistes italiens se ressent surtout chez les luthériens, qui utilisent Épictète
comme autorité dans le domaine de la philosophie naturelle, bien qu'ils le criti
quent en partie : ainsi, J. Schegk et H . Wolf, qui font des traductions et des édi
tions (cf. supra , A ) ; et 350 Th . Kirchmeyer (Naogeorgius), qui publie à
Strasbourg une Moralis philosophiae medulla , qui n'est rien d'autre qu'un com
mentaire du Manuel (Moralis philosophiaemedulla , docens quo pacto ad animi
tranquillitatem beatitudinemque praesentis vitae perveniri posset, nempe
Epicteti Enchiridion , graece ac latine, cum explanatione Thomae Naogeorgi,
Argentorati 1554 ). Mais la personnalité la plus influente dans le renouveau
d'Épictète est le flamand 351 Justus Lipsius, protestant converti au catholicisme,
qui devientle père du stoïcisme chrétien (le soi-disant « Néo-stoïcisme» ). Il veut
passionnément christianiser Épictète dans ses Manuductionis ad stoicam philo
sophiam libri tres, L. Annaeo Senecae aliisque scriptoribus illustrandis, Antuer
piae 1604. Qui plus est, certains de ses disciples, comme 352 C . von Marth, dans
ses Adversariorum commentariorum libri LX (Francfort 1624 ), vont jusqu 'à dire
qu ’Épictète fut réellement chrétien . D 'autres, en revanche (comme J. Caselius
(† 1613) ou M . Casaubon ( † 1671]), se contentent de soutenir que le philosophe
a reçu l'influence de l'Évangile .Mais ce point de vue est tout à fait contesté par
d 'autres auteurs, comme le français Claude Saumaise, réfugié en Hollande
(† 1653) , qui défend un Épictète purement stoïcien .
Cf. 353 J. L . Saunders, Justus Lipsius. The philosophy of Renaissance stoicism , New York
1955 ; Oldfather 55 , t. I, p. XXVIII -XXX ; 354 W . Dilthey, Gesammelte Werke, Stuttgart
Göttingen 19606, t. II, p. 153- 162 (« Einfluss der Stoa auf die Ausbildung des natürlichen
Systems der Geisteswissenschaften » ) ; p . 439 -457 ( « Anthropologie, Stoa und natürliches Sys
tem im XVII. Jahrhundert » ). Voir également l'étude récente de 355 J. Lagrée, Juste Lipse et
la restauration du stoïcisme. Étude et traduction des traités stoïciens, De la constance,
Manuel de philosophie stoïcienne, Physique des stoïciens (extraits ), coll. « Philologie et
Mercure » , Paris 1994, 269 p .
D 'après Spanneut 8, col. 851, la tendance à distinguer etmême à opposer le
stoïcisme et le christianisme se renforce au XVIIIe siècle, notamment avec
356 J.F . Buddhaeus, Analecta historiae philosophicae, Halae Saxonum 1706 ,
17242, 357 J. A . Fabricius, Bibliotheca Graeca sive Notitia scriptorum veterum
Graecorum , quorumcumque monumenta integra aut fragmenta edita extant,
Hamburgi 1705-1728 (17904, édit. par G .Chr. Harles, réimpr. Hildesheim 1966
1970) et surtout 358 M . Rossal, Disquisitio de Epicteto philosopho stoico, qua
probatur eum non fuisse christianum , Groningae 1708.
D 'après lui, l'évolution en France a été plus ou moins analogue : « Dans la
première moitié du XVIe siècle, Épictète est très peu connu. Érasme († 1536 )
exerce toute son influence et, s'il admet quelques thèses stoïciennes, il en rejette
un nombre plus grand encore . R . Gaguin († 1501), G . Budé († 1540 ) ainsi que
l'espagnol L . Vives († 1540 ) pensent comme lui. Les Opera omnia de Politien
ontbien été publiées à Paris en 1512, mais les traductions d 'Épictète qu 'elles
E 33 ÉPICTÈTE 149

contenaient ont seulement fourni quelques textes à des humanistes qui s'effraient
de l' apathie stoïcienne et la rejettent ironiquement. C 'est par les protestants, et
donc vraisemblablement depuis l'Allemagne, que les æuvres du philosophe
phrygien font leur apparition » (ibid.). Spanneut cite 359 A . du Moulin , traduc
teur du Manuel (Manuel d 'Épictète, Lyon 1544 ); J. de Coras, traducteur de
l'apocryphe Altercatio Hadriani et Epicteti ( 1558 ; cf. supra ); et 360 A . de
Rivaudeau, traducteur aussi du Manuel (La doctrine d 'Épictète stoïcien, comme
l'homme se peut rendre vertueus, libre , heureus et sans passion , traduite du grec
en françois , Poitiers 1567 ; cf. 361 L .Zanta , La traduction française du Manuel
d 'Épictète d 'André de Rivaudeau au XVIe s., Thèse compl. Lettres Paris 1914 ).
Les catholiques deviennent des traducteurs d 'Épictète sous l' influence de J.
Lipsius : ainsi, ses disciples 362 G . du Vair, Le Manuel d 'Épictète , les Responces
d 'Épictète aux demandes de l'empereur Adrian, Paris 1591 (cf. 363 Id.,La
Saincte philosophie, la Philosophie des stoïques, Manuel d 'Épictète..., Lyon
1600 ; 364 P.Mesnard , « Du Vair et le néostoïcisme» , RPhilos 2, 1928 , p . 142
166 ), J. Goulu , feuillant (cf. supra, A ), et 365 P . de Bouglers (Manuel, Douai
1632). Au XVIIe siècle , malgré la position plutôt critique à l'égard d'Épictète
adoptée par les « humanistes chrétiens» à la suite de F. de Sales († 1622 ] (cf.
notamment l'évêque J.- P. Camus en 1613 ; le capucin Y . de Paris en 1638 / 1642;
le jésuite J. Hayneuve en 1639), Spanneut 8, col. 851, parle d'un renouveau du
stoïcisme chrétien , qu 'il voit représenté par d'autres disciples de J. Lipsius : le
cardinal A . de Richelieu, sur commande duquel travaille sans doute 366 J.
Desmarets de Saint-Sorlin, Lesmorales d' Épictète , de Socrate, de Plutarque, de
Sénèque, Paris 1653, 1655, 1659 (cf. Spanneut 338, p. 217) ; 367 G . Boileau , La
Vie d 'Épictète et l'Enchiridion, ou l'Abrégé de sa philosophie, avec le Tableau
de Cébès, traduis du grec en françois, Paris 1655) ; le tertiaire franciscain 368 J.
M . de Bordeaux, Épictète chrestien, 1ère partie, Paris 1658 ; le chancelier de
l'Église de Paris 369 N . Cocquelin , Le Manuel d 'Épictète , avec des réflexions
tirées de la morale de l'Évangile, Paris 1688 ; le jésuite 370 M . Mourgues,
Parallèle de la morale chrétienne avec celle des anciens philosophes, Toulouse
1701, Paris 1702 (contient la traduction du Manuel et des additions de la
paraphrase anonyme) ; et l'abbé 371 J.- B. de Bellegarde, Les Caractères
d 'Épictète, traduits du grec, avec l'explication du Tableau de Cébès, la Vie
d'Épictète par G . Boileau, le Discours sur la destinée des âmes, tiré de la
République de Platon, le Discours sur la tranquillité de l'âme, tiré d 'Hipparque,
le Dialogue de l'empereur Hadrien et du philosophe Épictète , Trévoux 1700 ).
Spanneut 8 , col. 851, 853 sq., cite aussi le récollet P. Rapine ( 1670), mais dans la
ligne d' A . Steuco (cf. supra ; 372 J.- E . d ' Angers, « Le stoïcisme, Épictète et
Sénèque dans le développement du monde d'après les æuvres de Pascal Rapine
de Sainte -Marie , récollet (1655 - 1673) » , CollectFrancisc 23, 1953 , p. 229-264 ,
notamment p. 255-258). L 'un et l'autre , d'après lui, au lieu de donner une inter
prétation chrétienne d'Épictète (et du stoïcisme en général), comme le font les
disciples de J. Lipsius, « le mettent sur le mêmeplan que les autres philosophes
et l'interprètent en fonction d 'un développement de la pensée humaine » .
150 ÉPICTÈTE E 33

La dévalorisation du néo- stoïcisme en France au XVII° s. est représentée par


nombre d'auteurs (cf. Spanneut 8, col. 851 sq.). Nous citons en particulier Blaise
Pascal, qui s'occupe d 'Épictète dans son célèbre Entretien avec M . de Saci sur
Épictète et Montaigne ( 1655). Il y loue le philosophe d 'avoir regardé Dieu
comme son principal objet,mais lui reproche sa « superbe diabolique » , le fait
que la doctrine stoïcienne supprime absolument la grâce. .
Cf. 373 F. Strowski, Pascal et son temps, coll. « Histoire du sentiment religieux en France
au xvile siècle », Paris 1907, t. I, p . 18 -25 ; 374 C . A . Sainte-Beuve, Port Royal, Paris 18885,
t. II, p . 381 sqq. (cf. ce même ouvrage dans la coll. « Bibliothèque de la Pléiade » , texte pré
senté par M . Leroy, t. II, Paris 1954) ; Colardeau 22 , p . 209 sqq. ; Oldfather 55 , t. I, p . XIX sq.
n. 4 ; 375 J. Moreau , « Sur Épictète et Pascal»,GM 17, 1962, p.653-666 ; Mattei 14, p. 865
sq . (qui renvoie aussi aux Pensées, nos 431, 466 , 467).
Pour la façon dont R . Descartes réfute et utilise le stoïcisme, en s'opposant
aux humanistes chrétiens, voir 376 J.- E . d 'Angers, « Sénèque, Épictète et le
stoïcismedans l'euvre de René Descartes », RThPh 3° s., 4 , 1954, p. 169- 196 .
Cf. aussi Mattei 14 , p . 866, qui renvoie au Traité des passions de l'âme, art. 144 à 146 ; à
la Lettre à Elisabeth du 4 août 1645, et la Lettre à Christine de Suède du 20 novembre 1647 ;
Rocca-Serra 15 , p. 133, pour quiDescartes s'inspire d'Épictète pour établir la troisième règle
de sa morale provisoire dans le Discours de la méthode III.
En Espagne, la personnalité très influente de Sénèque a obscurci quelque peu
l'influence d 'Épictète, mais cette dernière ne s' en est pas moins fait sentir. Au
xvie siècle, le dominicain L . de Granada cite Épictète ou s'en fait l'écho dans
ses sermons et dans ses traités ascétiques (voir par exemple sa Guía de Peca
dores, 1556 ), bien qu'il cite surtout Sénèque (cf. 377 J.- E . d 'Angers, « Les cita
tions de Sénèque dans les sermons de Louis de Grenade [1505- 1589)» , RAM 36 ,
1960, p . 447-465 ; 37, 1961, p . 31-46 ; Blüher 339, p. 342-352). Une édition de
ses æuvres fut publiée à Salamanque en 1555. Mais c'est notamment au XVIIe
siècle que la philosophie stoïcienne d'Épictète s' établit en Espagne, par l'euvre
de trois disciples de J. Lipsius: F . Sánchez de las Brozas, G . de Correas et F. de
Quevedo, qui tous traduisirent le Manuel (cf. supra , A ). Quevedo cite aussi un
chapitre du Manueldans son écrit intitulé Nombre, origen, intento, recomenda
ción y descendencia de la doctrina estoica, publié dans le même ouvrage
Epicteto y Phocílides... contenant sa version du Manuel (cf. 378 F. Buendía
[ édit.), Francisco de Quevedo y Villegas, Obras Completas, t. I: Prosa, Madrid
19696, p. 970 -991).
Cf. 379 D . G . Castanien, « Three Spanish translations of Epictetus » , SPh 61, 1964, p . 616
626 ; 380 Id., « Quevedo 's version of Epictetus Encheiridion » , Symposium 18, 1964, p.68 -78 ;
381 D . Castellanos, « Quevedo y su Epicteto en español» , BANL 1, 1946 -1947 , p . 179 -213 ;
Jordán de Urríes 64 , t. I, p . LXXVIII-LXXXII (avec d 'autres renseignements sur l'influence
d 'Épictète en Espagne ); 382 Th .S . Beardsley, Jr., « Epicteto y Focílides de Quevedo : Un
manuscrito de fines del siglo XVIII » , NRFH 20, 1971, p . 387 - 388 ; 383 H . Ettinghausen ,
Francisco de Quevedo and the neostoic movement, Oxford 1972 , notamment p . 57 sqq.;
384 B . Marcos, « Las deudas filosóficas de Quevedo » , LD 10 , 1980, p . 69-90 , notamment
p.76-81 ; 385 J.M . Balcells,« Francisco de Quevedo y Justo Lipsio : La “Manuductio " en la
“ Vida de Epicteto "», Ínsula 1980, Diciembre 35 ,409, p. 3, 12 .
La lampe célèbre d'Épictète reste sans doute allumée, bien qu'à partir du
XVIIIe siècle la réception de son æuvre n 'ait pas été étudiée de façon systéma
E 33a ÉPICURE 151
tique. Pour les XVIII° /XIX°/XXe siècles, nous avons trouvé des références, plus ou
moins ponctuelles,concernant quelques auteurs :
(a) G . W .F.Hegel: cf.Mattéi 14 , p. 866 ;
(b ) J. W . von Goethe: cf. 386 O . Schönberger, « Über die Quelle eines Goethewortes» ,
Gymnasium 62, 1955 , p . 546 -547, pour qui le n° 489 des « Sprüche in Prosa » est tiré
d 'Épictète ;
(c ) G . Leopardi: cf. 387 W . A . Oldfather, « Leopardi and Epictetus », Italica 2 , 1937, p. 44
53, pour qui Leopardi a été particulièrementheureux dans sa traduction du Manuel d 'Épictète
(cf. supra, A ) à cause de sa parenté d'esprit avec le philosophe ; 388 S . Timpanaro, « Il
Leopardi e i filosofi antichi » , dans Classicismo e illuminismo nell'Ottocento italiano, Pisa
1965, p. 183-228, notamment p. 217-224 (cf. 389 Id., La filologia di Giacomo Leopardi, Bari
19782) ; 390 F .Materiale , « Leopardi e Epitteto » , dansLeopardi e il mondo antico . Atti del V
Convegno internazionale di studi leopardiani (Recanati 22-25 settembre 1980 ), Firenze 1982,
p . 497 -502 ; 391 A . Dolfi, « Lo stoicismo greco -romano e la filosofia pratica di Leopardi » ,
ibid ., p. 397-427 (repris dans 392 A . Dolfi, La doppia memoria. Saggio su Leopardi e il
leopardismo, Roma 1986 , p . 43-81) ; 393 C .Moreschini, « Note filologiche al Volgarizamento
delManuale di Epitteto e ai Fragmenta Patrum » , Italianistica 16 , 1987, p . 393-400; Maltese
71, p. 89- 96 ;
(d) F. Nietzsche : cf.Oldfather 55, p.XVII n. 2, XXV n. 2 ;Mattéi 14 , p. 966 (qui renvoie à
Aurore, livre V ).
( e) G . Miró : cf. 394 M . Fernández-Galiano, « Elmundo helénico deGabriel Miró » , Ínsula
n° 53 , 15 Mayo 1950 , p . 1 et 6 (cf. 395 Id ., Elmundo clásico en el pensamiento español
contemporáneo,Madrid 1960, p . 137 -144).
(f) S. Weil: cf. 396 D. Allen, « Le Malheur: Une énigme (Simone Weil et Épictète)»,
CahSWeil 2 , 1979, p . 184- 196 .
En ce qui concerne les éditions et les traductions voir supra, A .
Au XVIIIe s., il est intéressant de signaler l'existence d'un curieux apocryphe intitulé Les
dernières paroles d 'Épictète à son fils. L 'auteur en est l'abbé 397 J.- M . de la Marque de
Tilladet, qui le publie à la suite d'un dialogue sur la doctrine de la secte des adorateurs : Dia
logue du douteur et de l'adorateur par Mr l'Abbé de Tilladet, avec Les dernières paroles
d 'Épictète à son fils, et les idées de La -Mothe le Vayer, s.l. (1767), p . 15-20 . Dans l'écrit apo
cryphe, Epictète s' oppose à la doctrine d ' « une nouvelle secte de la Palestine » (la secte des
chrétiens) qui cherche à séduire son fils jusqu'au point de lui donner des remords. La secte y
est décrite comme soumise au pouvoir de certains « mages » (notamment Simon Barjone (St
Pierre]) qui prêchent qu'on gagne le royaume des cieux etla vie éternelle en donnant tout son
bien aux mages, en haïssant son père , sa mère, son frère, en portant le glaive et non la paix ...
Epictète , qui ne veut pas mourir d' indignation et de douleur, tente de montrer à son fils que la
communication avec l' « Etre Suprême » n ' a rien à voir avec les préceptes de ces gens
« misérables» et « superstitieux » , mais avec tout ce qu 'il lui a appris tout au long de sa vie.
Enfin , il prévoit « des malheurs épouvantables sur la terre » ; « Si les malheureux dont tu me
parles séduisent le fils d 'Épictète , ils en séduirontbien d'autres» . L'écrit s 'achève avec la
phrase : « Imperium in imperio . Mon fils, tout est perdu » .
PEDRO PABLO FUENTESGONZÁLEZ
in memoriam J. Lens Tuero,magistri sui.
33a ÉPICURE
Le dialogue de Plutarque Sur les délais de la justice divine s'ouvre sur le
départ d'un épicurien , qui vient d'exprimer avec vigueur sa position à propos de
l'idée de providence divine.Les manuscrits le désignent comme ó 'Enixovpos,
mais il faut certainement retenir la correction de Fabricius, ó 'Enllxoúpelog : voir
152 ÉPICURE E 33a
Y . Vernière, Plutarque. Euvres Morales VII , CUF, Paris 1974, p. 130. H .
Cherniss, Plutarch's Moralia, coll. LCL, t.XII, 1968, p . 6 , s'appuyait sur la pré
sence dans les Moralia d'un aristotélicien du nom d 'Aristote pour considérer les
deux personnages comme fictifs, simples porte -parole des thèses de chacune des
deux écoles et désignés pour cette raison sous les noms de leurs fondateurs
respectifs . Cette argumentation est peu convaincante , car rien ne prouve que
l'Aristote du De facie soit un personnage fictif ( A 409).
BERNADETTE PUECH.
34 ÉPICURE DIIIa
Dans son testament, Épicure prescrit à ses légataires Amynomaque (2 - A 151)
et Timocratès de veiller sur « Épicure, le fils de Métrodore , et sur le fils de
Polyen, lesquels pratiquent la philosophie et vivent avec Hermarque » ( X 19 =
Polyen , fr. 7 Tepedino Guerra = Hermarque, fr. 6 Longo Auricchio ).
Vogliano et Arrighetti ont proposé de lire : « ... et sur < Polyen> le fils de Polyen » . L 'en
fantportait, semble-t-il, le mêmenom que son père, si l'on en croit PHerc . 176 , 5 ,XXII 6 sq.
Vogliano . On constate cependant que, plus loin , « la fille de Métrodore » n'est pas nommée
non plus. La correction de Vogliano est acceptée par Tepedino Guerra et Longo Auricchio.
Voir A . Angeli, « La scuola epicurea di Lampsaco nel PHerc. 176 (fr. 5 coll. I, IV , VIII
XXIII) » , CronErc 18 , 1988, p . 46 .
D 'autres mesures sont évoquées plus loin en faveur des enfants de Métrodore
( X 21).
Parmi les homonymes d'Épicure , Diogène Laërce X 26 signale le fils de
Léonteus de Lampsaque et de Thémista, deux des plus anciens disciples d'Épi
cure (X 25).
Il faut donc en conclure que deux des principaux disciples d' Épicure , Léon
teus etMétrodore de Lampsaque, donnèrent à leur fils le nom de leur maître . Le
fils deMétrodore à tout lemoins semble avoir “philosophé” avec Hermarque.
Le procédé qui consiste à donner à son fils le nom de son propre père spirituel n' est pas
sans parallèle chez les philosophes antiques . Voir par exemple Aidésius de Sardes ( ** A 57) ,
fils de Chrysanthe (MC 116 ), le disciple d ' Aidésius de Cappadoce ( * A 56 ). Isidore
d 'Alexandrie ( 131) donna de même à son fils le nom de son maître , Proclus.
RICHARD GOULET.

35 ÉPICURE DE PERGAME RESuppl. IX : 5


Médecin de l' école empirique,maître de Galien (PG 3).
Cf. 1 E. Wenkebach et F . Pfaff ( édit.), Galeni In Hippocratis Epidemiarum
Librum VI Commentaria I-VIII, dans CMG V 10, 2, 2, Berlin 1940 (rééd. 1956 ),
p. 412 ; 2 F . Kudlien, art. « Epikuros» , RESuppl. IX , 1962, col. 64 ; 3 K . Deich
gräber , Die griechische Empirikerschule. Sammlung der Fragmente und Dar
stellung der Lehre (1930 ), Berlin /Zürich 1965, p. 408 .
Biographie. Ce médecin nous est connu par le témoignage de Galien qui
mentionne seulement deux fois son nom , du moins dans la partie de son œuvre
qui nous est parvenue. Le premier passage est emprunté au De compositione
E 35 ÉPICURE DE PERGAME 153
medicamentorum per genera V 5 (t. XIII, p. 807, 7-8 Kühn ), où il est question
des emplâtres cicatrisants et où Galien, entre autres recettes, cite , sous le nom
d'un certain Épicure, celle d'un emplâtre vert particulièrement efficace qui, nous
dit-il, « promet beaucoup » : x ^wpà 'Entixoúpov (i.e. Šunlaotpos) noranu
ÉtayYeniav čxovoa . Cette première mention d'un Épicure médecin est cepen
dant restée assez longtemps ignorée et la référence au passage en question figure
d 'ailleurs dans l'index de l'édition de Kühn sousle nom d' Épicure le philosophe.
Il fallut en réalité attendre l'édition de F. Pfaff 1 du livre VII du commentaire de
Galien aux Épidémies VI d'Hippocrate, pour que l'attention fût attirée sur un
Épicure, médecin empirique etmaître de Galien . Dans ce livre VII, perdu en
grec et conservé uniquement en traduction arabe, Galien commente en effet les
symptômes de la toux épidémique de Périnthe observés par Hippocrate . Le pas
sage où le médecin de Cos évoque l'ulcération des gencives (t. V, p. 338, 7-9
Littré) est l'occasion pour Galien (p. 412 Pfaff) de mentionner certains de ses
maîtres qui, avant lui, ont expliqué et commenté Hippocrate , non seulement,
nous dit-il, au cours de leur enseignement oral, comme Stratonicos,mais égale
mentpar écrit, comme Épicure . « Ce dernier, précise Galien , fait partie des empi
riques qui ont écrit des livres, et est originaire de ma patrie » .
Cet Épicure, auteur de plusieurs livres sur les écrits hippocratiques et originaire de Per
game, ne fut, semble-t- il, mis en relation avec l' Épicure inventeur d 'un emplâtre cicatrisant
qu 'en 1962 par Kudlien 2 , col. 64. La réédition de Deichgräber 3 , Die griechische Empiriker
schule, parue pour la première fois en 1930 , et qui ne mentionnait aucun médecin empirique
de ce nom , fait à son tour état d 'un Épicure de Pergame ayant vécu vers 150 de notre ère
(p . 408 nº 16 a).
La date à laquelle vécut ce médecin ne peut en réalité être précisée et repose
sur une simple remarque de Galien à l'intérieur du livre VII de son commentaire
(p . 412, 36 Pfaff) quand il écrit, à propos de ses maîtres en général, qu'ils vécu
rent « du temps de son père et de son grand père ».
Activité littéraire et d ' enseignement. Sur l'activité d' écriture et d 'ensei
gnement d' Épicure de Pergame, nous ne savons là encore que ce que nous en dit
Galien à propos de ses maîtres empiriques en général qui, selon lui, ne se
contentèrent pas d'un enseignement oral, mais rédigèrent par écrit des commen
taires aux principaux traités hippocratiques. Cependant, ajoute Galien , ces der
niers ne firent pas connaître leurs livres au public de leur vivant, et c'est seule
ment après leur mort que certains purent être diffusés. Encore ne s'agissait-il là
que d'une part infime de leurs écrits. Ces commentaires, pour leur plus grande
part, restèrent en effet entre les mains de quelques-uns qui négligèrent de les
publier et ils furentbientôtpresque tous perdus.Galien nous dit s'être personnel
lement efforcé de lire tous ceux qu 'il a pu trouver, même si cela devait de toute
façon représenter bien peu de chose .
VÉRONIQUE BOUDON.
154 ÉPICURE DE SAMOS E 36
36 ÉPICURE DE SAMOS RE 1 342/1 – 271/0
Philosophe d 'Athènes, fondateur de l'école du Jardin , qu 'il dirigea jusqu'à sa
mort.
Témoignages et fragments. 1 H . Usener, Epicurea , Leipzig 1887; réimpr.
Stuttgart 1966 ,LXXX-445 p .
Ce recueil ne comprend pas les fragments papyrologiques du Mepi qúoewç, ni le Gnomo
logium Vaticanum Epicureum (publié pour la première fois en 1888 ).
Sommaire : Praefatio, V -LXXIX ; Epicuri libri a Laertio Diogene servati, 1-81 [édition des
trois grandes lettres et des Sentences capitales) ; Epicuri perditorum librorum vestigia , 83- 168
[titres classés par ordre alphabétique) ; Incertae sedis fragmenta opinionumque testimonia ,
169-341 ( classement systématique: I. Prolegomena philosophiae, II. Canonica, III. Physica,
IV . Ethica ); Spicilegium fragmentorum et testimoniorum , 342 -358 [addenda), Vita Epicuri ex
Laertio Diogene L. X, 359-373 ; Suidae Vita Epicuri, 373 ; Subsidium interpretationis: Argu
menta librorum Epicureorum (lettres et sentences) cum testimoniis et fragmentis conlata , 374
398 ; Index nominum , 399 -420 ( sur deux colonnes); Index fontium , 421-439.
Cf. 2 M .Gigante, « Hermann Usener nella storia degli studi epicurei» , CronErc 6 , 1976 ,
p. 5- 14 ; 3 Id., « Usener e i testi epicurei nei papiri ercolanesi» , CronErc 8 , 1978, p. 5 - 20 ; ces
deux études ont été résumées dans 4 Id ., « Usener e i testi epicurei nei papiri ercolanesi» , dans
Ch. Jensen, W . Schmid et M . Gigante ( édit.), Saggi di papirologia ercolanese, coll. « Collana
di Filologia classica » 4 , Napoli 1979, p . 45 -91.
5 G . Arrighetti ( édit.), Epicuro, Opere, a cura di G .A ., coll. « Biblioteca di
cultura filosofica » 41, Torino 1960 ; « nuova edizione riveduta e ampliata »
1973, LIV-793 p .
Ce recueil comprend, en plus d'une édition critique des fragments, une traduction ita
lienne, des notes abondantes et des index . L 'auteur a introduit une nouvelle numérotation des
fragments, mais rappelle entre parenthèses la numérotation d'Usener. Plus sélectif etmoins
généreux qu 'Usener, Arrighetti élimine volontiers les doublets, les témoignages de moindre
importance et le contexte littéraire des citations. Il s 'explique, p . XXXI : « È stato escluso tutto
quanto chiaramente non risalisse a Epicuro, e sono relegate nelle note quelle testimonianze e
anche alcuni frammenti ( fr. 138 - 264 ) sicuramente epicurei che non hanno per noi altro valore
che di chiarire e di confermare quanto già noto direttamente da frammenti o opere dimaggiore
importanza » . Le recueil d 'Usener reste donc utile et se révèle d'une consultation souvent plus
pratique à cause de la quantité des témoignages cités et de leur classement plus systématique.
Arrighetti a mis à contribution de façon plus scientifique le matériel papyrologique et y a
consacré des recherches de première main qui font de son recueil l' instrument de base des
études épicuriennes. Pour ces documents papyrologiques, il faut toutefois tenir compte systé
matiquement des éditions et des études, souvent importantes , parues depuis 1973 ,
Nouveaux fragments et témoignages. 6 G . Binder, « Heidnische Autoritäten
im Ecclesiastes-Kommentar des Didymos von Alexandrien » , RBPH 57, 1979 ,
p. 51-56 , surtout p. 54 (citation d 'une lettre à Idoménée ).
Pour les éditions séparées des æuvres conservées d'Épicure, voir la rubrique
“ Euvres philosophiques”.
Traductions d'ensemble. 7 A . Ernout et L. Robin (édit.), Lucrèce, De rerum
natura. Commentaire exégétique et critique précédé d 'une introduction sur l'art
de Lucrèce et d'une traduction des lettres et des pensées d'Épicure, coll.
« Commentaires d'auteurs anciens », Paris 1925 , 2e éd. 1962, t. I (trois grandes
lettres et Sentences capitales) ; 8 C . Bailey, Epicurus, the extant remains, with
short critical apparatus, translation and notes, Oxford 1926 ; réimpr.
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 155
Hildesheim 1970, 432 p. ; 9 Lidia Massa Positano , Epicurea. Traduzione di
L . M .P ., coll. « Pubblicazioni dell' Istituto universitario di Magistero di Catania :
Serie filosofica, Testi e documenti » 11 , Padova 1969, 369 p . (traduction ita
lienne du matériel publié par Usener, avec quelques ajouts ). 10 M . Isnardi
Parente , Epicuro . Opere, coll. « Classici della filosofia », Torino 1974 ,633 p., 2°
éd . 1983,648 p. ; 11 Epicuro , Scrittimorali (Lettera a Meneceo,Massime capi
tali, Sentenze e frammenti, Lettere, Testamento ), introd. e trad. di C . Diano, ed.
a cura di G . Serra, testo greco a fronte, coll. « I classici della BUR » L 621,
Milano 1987, 171 p . 12 A . A . Long et D . N . Sedley, The Hellenistic Philoso
phers, Cambridge 1987, t. I, p . 25- 157 (traduction des principaux textes d'Épi
cure ) ; t. II, p. 18 - 162 : textes, notes et bibliographie. 13 M . Conche, Épicure,
Lettres etmaximes, texte établi et trad ., introd. et notes de M . C ., coll. « Épimé
thée », Paris 1987, 328 p.
Nous ne signalons pas ici les nombreux ouvrages de présentation générale de
la pensée d' Épicure où sont traduits des extraits plus ou moins importants de son
æuvre. Pour les traductions d 'œuvres séparées, voir la rubrique « Euvres philo
sophiques ».
Fragments papyrologiques et épigraphiques. Plusieurs papyri ont conservé
des extraits d 'auvres d 'Épicure . Ils sont édités, traduits et commentés dans CPF
I 1 * * , 1992, [51] Epicurus, p. 153-193. Des morceaux importants (Kúplat
Pótal et diverses lettres) avaient également été reproduits par Diogène d 'Oi
noanda (YD 141) sur le mur de sa cité. Voir 14 M .F . Smith ( édit.), Diogenes of
Oinoanda, coll. « La Scuola di Epicuro » Suppl. 1, Napoli 1993, 660 p., avec 18
planches photographiques et des index des noms et desmots grecs (p. 631-660) ;
bibliographie complète (p. 18-32).
Études d 'orientation. 15 W . Schmid , art. « Epikur », RAC V, 1961, col. 681
819, repris dans Ausgewählte philologische Schriften , hrsg. von H . Erbse und J.
Küppers, Berlin 1984, p . 151- 266 ; 16 H . Steckel, art. « Epikuros», RESuppl. XI,
1968, col. 579-652 ; 17 J.M . Rist, Epicurus. An Introduction, Cambridge 1972,
XIV-185 p .
L 'ouvrage de référence sur Épicure et son école (jusqu'à Lucrèce) estmainte
nant celui de 18 Michael Erler, « Epikur» , GGP, Antike 4,1 (1994 ). On y trou
vera notamment une bibliographie exhaustive.
Table des matières: Chap. 1 : Epikur, p . 29-202 (Stand des Forschung, Schriften , Ausga
ben und Übersetzungen, Leben , Inhalt der Werke, Lehre, Nachwirkung). Chap. 2 : Die Schule
Epikurs, p . 203 -380 (Der Kepos als Institution , Metrodor, Polyainos, Hermarch, Kolotes, Kar
neiskos, Idomeneus, Polystrat, Philonides, Demetrios Lakon, Zenon aus Sidon , Phaidros und
Siron , Asklepiades aus Bithynien , Weitere Epikureer (Basilides und Thespis, Apollodor aus
Athen , Patron , Aristion ), Dissidenten (Überläufer : Timokrates, Dionysios aus Herakleia ; Epi
kureer aus Rhodos und Kos: Nikasikrates und Timasagoras, Antiphanes, Bromios), Frauen im
Kepos, Philodem aus Gadara , Einbürgerung des Epikureismus in Rom ). Chap . 3 : Lukrez,
p . 381-490.
Bibliographies. Schmid 15, col. 816-819 = p. 264-266 ; Rist 17 , p. 177-182 ;
Arrighetti 5 , p. XL-LIII ; 19 H .J. Mette , « Epikuros 1963- 1978 » , Lustrum 21,
1978 , p . 45-116 (très minutieuse, avec classement systématique des publications
156 ÉPICURE DE SAMOS E 36
et adjonction de compléments ou de corrections); 20 Id ., « Nachtrag zu Lustrum
21 (1978) 45- 116 » , Lustrum 22, 1979-1980, p. 109-114 ; 21 Id ., « Epikuros,
1980 -1983, Zweiter Nachtrag zu Lustrum 21 ( 1978) » , Lustrum 26 , 1984, p . 5 -6 ;
22 G . Indelli, « Studi su Epicuro, Parte prima» , dans Syzetesis. Studi sull'epicu
reismo greco e latino offerti a Marcello Gigante, Napoli 1983, t. I, p . 393-445 ;
23 M . Capasso, « Studi su Epicuro. Parte seconda» , ibid., p . 447-518 ; Erler 18 ;
24 F . Alesse, « Bibliografia generale» , dans G . Giannantoni et M . Gigante
(édit.), Epicureismo greco e romano. Atti del Congresso internazionale , Napoli
19-26 Maggio 1993, coll. « Elenchos» 25 * , Napoli 1996 , t. III, p . 1003- 1056 .
Index nominum . Usener 1, p . 399-420 ( sur deux colonnes). Chaque entrée
constitue par l'abondance des renseignements rassemblés une véritable notice
prosopographique. Arrighetti 5, p . 791-793 (sur deux colonnes);
Index verborum . Arrighetti 5, p. 747-789 (sur deux colonnes ); un Glossa
rium Epicureum inédit de 25 H . Usener a été publié par M . Gigante et
W . Schmid , coll. « Lessico intellettuale europeo » 14, Roma 1977, XLVIII-873 p .
Il comprend le vocabulaire des textes conservés dans les papyri d'Herculanum ,
mais se fonde parfois pour ce matériel sur des éditions désuètes. Compte rendu
par 26 G . Arrighetti, dans Gnomon 51, 1979, p . 645-651 ; Mette 19, p. 68-95 , en
propose une mise à jour pour les pages 3-240 du Glossarium .
Sommaire : Glossarium Epicureum , 1-740 ; Index grammaticus, 741-772 ; Index Polystra
teus, 773-812 ; I. F. Fabiano,Gnomologi Vaticani Epicurei Index verborum et rerum , 813-873.
Sur la famille sémantique d'åxpibela , voir 27 A. Angeli,« L'esattezza scien
tifica in Epicuro e Filodemo» , CronErc 15, 1985, p.63-84.
Langue et style. 28 H . Widman, Beiträge zur Syntax Epikurs, coll. « Tübin
ger Beiträge zur Altertumswissenschaft » 24, Stuttgart/Berlin 1935, XVI-266 p . ;
29 C . Brescia , Ricerche sulla lingua e sullo stile di Epicuro, coll. « Collana di
studi greci» 26 , Napoli 1956 , 87 p.; 30 I. L . Thyresson, The particles in Epicu
rus, Lund 1977, 174 p. Voir également Schmid 15, col. 708-714 = p. 174 -179 ;
Steckel 16, col. 635-637; Erler 18, p . 51-53.
Sources biographiques anciennes.
A . Sources (au moins partiellement) conservées .
(1) Diogène Laërce X 1 -13 (fr. 1 Arrighetti). Édition, traduction et commen
taire par 31 A . Laks, « Édition critique et commentée de la Vie d ' Épicure dans
Diogène Laërce (X , 1-34) » , dans Études sur l'épicurisme antique. Textes réunis
par J. Bollack et A . Laks, coll. « Cahiers de philologie » 1, Lille 1976 , p . 1-118 .
Pour les éditions et les traductions complètes de Diogène Laërce, voir la notice
consacrée à cet auteur ( D 150 ). Nouvelle traduction française de l'ensemble
du livre X avec notes par 31bis J.- F. Balaudé, dans Diogène Laërce, Vies et
doctrines des philosophes illustres. Traduction française sous la direction de M .
0 . Goulet-Cazé, coll. « La Pochotèque » , Paris 1999, 1398 p.. Cf. 32 M . Gigante ,
« Das zehnte Buch des Diogenes Laertios : Epikur und der Epikureismus » , dans
ANRW II 36 , 6, 1992, p. 4302-4307.
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 157
Diogène cite un certain nombre de documents originaux qui font de son livre
X la plus importante source documentaire sur l'épicurisme: (1) Testament, 16
21; (II) Lettre à Idoménée, 22 ; (III) Lettre à Hérodote , 35 -83; (IV ) Lettre à
Pythoclès, 84- 116 ; (V ) Lettre à Ménécée , 121-135 ; (VI) Kúplal Sótal, 139-154.
Sur ces différents documents, voir plus loin “ Euvres philosophiques”. Diogène
introduit également dans son exposé des développements doxographiques:
(VII) Tepi toŨ OOOOū , 117 -121; (VIII) Tepi tõv BlwTixõv, 135 - 138. Ces deux
doxographies sont éditées, traduites et commentées dans 33 J. Bollack, La pen
sée du plaisir. Épicure : textesmoraux, commentaires, Paris 1975, p. 15 -50 et
145 -207 ; compte rendu par 34 D . Sedley, CR 29, 1978, p. 82 -84.
On trouve également dans le texte des Lettres et des Sentences capitales plusieurs scholies
qui signalentdes parallèles dans d 'autres textes d'Épicure. L 'une d' elles (X 97) cite le premier
livre des 'Entexta ou 'EniExtol Oyonai ( X 26 ) de l 'épicurien Diogène de Tarse
(2D 149), source qui apparaît à plusieurs reprises dans les doxographies : X 120 (livre 5 ), 136
(livre 17 ) , 138 (livre 20 ) ; le " 12e livre" du même auteur, cité en X 118 , pourrait se rapporter
au même ouvrage ; Diogène Laërce cite dans le même paragraphe l' 'Entitoun twv 'EnLXOÚ
pou nouxõv boyuátwv de ce doxographe épicurien . 35 W . Crönert, Kolotes und Menedemos,
Leipzig 1906 , p. 140, considère que l'ajout de ces scholies est dû à Diogène Laërce lui-même
et que leur absence dans la Lettre à Ménécée (consacrée à la morale ) s ' explique par la
présence d'une doxographie éthique développée en X 135 -138 .
(2 ) Souda, s.v. 'Enixoupos, E 2404 ,t. II, p. 362, 19 - 363, 2 Adler.Le texte est
également imprimé dans Usener 1, p. 373,mais non dans Arrighetti.
(3) Philodème, lepi 'Enixoúpov , Sur Épicure = PHerc. 1232 et 1289. Dans
ce second papyrus, Bassi a restitué le titre ɛ[p ]ì ’Eņ (lxoúpou ] B '. Cinq pas
sages sont cités par Arrighetti (voir « Indice delle fonti» ). Pour les éditions et les
améliorations proposées, voir Erler 18 , p. 301. Voir aussi 36 A . Tepedino
Guerra , « Osservazioni su alcuni frammenti del II libro dell'opera filodemea Su
Epicuro » , dans M . Capasso (édit.), Papiri letterari greci e latini, coll. « Papyro
logica Lupiensia » 1, Galatina 1992, p . 193- 202 . Nouvelle édition par 37 A .
Tepedino Guerra, « L 'opera filodemea su Epicuro (PHerc . 1232, 1289 B),
CronErc 24 , 1994, p. 5-53.
(4) Philodème, Ne[pi) tõv [’E ]n [1]x [0 ]ú [pou te) | xai Tivwv äriw [v ] I
nipayuatemal uunulátwv] (rest.Gigante /Spina) = PHerc 1418 . Nouvelle édition
par 38 Cesira Militello , Filodemo, Memorie Epicuree (PHerc. 1418 e 310 ).
Edizione, traduzione e commento a cura di C . M ., coll. « La Scuola di Epicuro »
16 , Napoli 1997, 319 p. Pour les éditions antérieures de cet ouvrage, communé
mentappelé Tractatus, voir Erler 18, p . 302-303. L'ouvrage cite de nombreuses
lettres d 'Épicure et de ses disciples. Pour l'interprétation , voir 39 W . Liebich ,
Aufbau, Absicht und Form der Pragmateiai Philodems, Berlin 1960, 11- 125 p .
[édition , traduction et commentaire des colonnes XII, XVIII-XXIII); 40 L .
Spina, « Le ultime colonne delle “Ipayuatemae” di Filodemi (PHerc. 1418) »,
RAAN 46, 1971, p. 151-155 ; 41 Id ., « Il trattato di Filodemo su Epicuro e altri
(PHerc. 1418)» , CronErc 7, 1977, p. 43-83. PHerc 310 constitue un autre
exemplaire , beaucoup moins bien conservé s'il se peut, du même ouvrage. Arri
ghetti cite 25 passages de cette æuvre de Philodème (voir « Indice delle fonti » ) .
Voir aussi 42 C . Militello , « Nuove letture nel PHerc. 1418 », CronErc 20 , 1990 ,
158 ÉPICUREDE SAMOS E 36
p . 71-82 ;43 Ead., « Una nuova lettura nelle “ Pragmateiai” di Filodemo (PHerc .
1418, col. XVIII) » , dans A . Bülow -Jacobsen (édit.), Proceedings of the 20th
International Congress of Papyrologists, Copenhagen 23-29 August, 1992 ,
Copenhagen ,Museum Tusculanum Press, 1994, p. 396 -402 .
Plusieurs autres cuvres de Philodème, comme le llepi eủoɛbɛías (cf. Erler
18, p. 328-329), le llepi Troútov (cf. Erler 18, p. 335 -336 ) ou le llpos rojs
(Étaipovs] (cf. Erler 18 , p. 316 -317), et certains papyri, comme PHerc 176 , qui
ont conservé de nombreuses citations de lettres d 'Épicure et de ses disciples,
pourraient être considérés également comme des sources biographiques.
Pour le lepi eủoebelaç, voir la récente édition (partielle) de 44 D . Obbink, Philodemus
On piety I. Critical text with commentary, Oxford/New York 1996 , IX -676 p. Pour le ſepi
Thoútov (= PHerc. 163), voir 45 A . Tepedino Guerra, « Il primo libro sulla richezza di Filo
demo» , CronErc 8, 1978 , p . 52-95. Pour le Mpós tous (Étaipovc ), voir la nouvelle édition de
46 A . Angeli (édit.) , Filodemo, Agli amici di scuola (PHerc. 1005). Edizione, traduzione e
commento , coll. « La Scuola di Epicuro » 7, Napoli 1988, 353 p . Étude des témoignages papy
rologiques sur le Jardin dans 47 A . Tepedino Guerra, « Il KEPOS Epicureo nel PHerc. 1780 » ,
CronErc 10, 1980 , p . 17 -24. Sur PHerc. 176 (que l'on a daté du 11° siècle av. J. -C .), voir
l'importante étude de 48 A . Angeli, « La Scuola epicurea di Lampsaco nel PHerc. 176 (fr. 5
coll. I, IV , VIII-XXIII) » , CronErc 18 , 1988, p. 27-51, qui considère que l'ouvrage traitait
successivement de Léonteus, d 'Idoménée , de Batis , épouse d 'Idoménée et seur de Métrodore ,
et de Polyen. Voir aussi Militello 38, p. 49- 56 (« PHerc. 176 : un precedente letterari delle
Mlpayuatetal » ).
B . Sources perdues.
I.Documents autobiographiques. Plusieurs renseignements rapportés par
Diogène Laërce ou ses sources (voir B II) proviennent de l'analyse des textes
d' Épicure lui-même. Le Testament d'Épicure cité en X 16 -21 est ainsi utilisé en
X 10 (Ác oñaov xax tōv diaOnxeñv aŭtoũ) et 23 (xai ajtós 'Enixoupoç év
taTG npoelpnuévalg OlaOnxalç). Plusieurs lettres d' Épicure sont également
citées ou mentionnées, parfois à travers une source hostile à Épicure : voir X
4.5.6.7.9.11.13.22 ; voir aussi VII 5 (Zénon ) et IX 53 (Protagoras, comp. X 8).
Une source autobiographique indéterminée est utilisée en X 2 (Épicure déclarait
avoir pour la première fois touché à la philosophie à l'âge de 14 ans).
Concernant la bonté deMétrodore ,Diogène Laërce X 23 en appelle au témoignage d 'Épi
cure ÉV nponyovuévals ypapais (mais ce texte provient d 'une correction d 'Usener, les
manuscrits ont ypádel) et dans le troisième livre du Timocrate . Hicks traduit l' expression
grecque citée par « in the introductions to his works» (voir aussi Gigante : « nelle introduzioni
ai suoi libri» ; Arrighetti: « nelle prefazioni» ) et y voit des passages dédicatoires introduisant
à certains traités. On pourrait aussi comprendre « dans les écrits précédemment introduits,
c 'est-à -dire le Testament (X 18) et la Lettre à Idoménée (X 22), où l'on parlait deMétrodore
en termes affectueux, sans faire état ilest vraide sa bonté.
II. Parmi les autres sources mentionnées par Diogène Laërce, il y aurait lieu
de distinguer entre sourcesmédiates et sources immédiates, sources favorables et
sources hostiles à Épicure, sources consacrées à Épicure de façon directe ou
seulementaccessoire, sources encyclopédiques ou sources polémiques. Dans la
liste alphabétique qui suit sont restitués les titres d 'ouvrages que les parallèles
diogéniens permettent d 'établir. Sur le caractère propre et la datation de chaque
auteur, on se reportera aux notices correspondantes.
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 159
(1) Apollodore < d'Athènes> (» A 244), Xpovixá , X 13 = FGrHist 244 F 41;
X 14 -15 = fr. 42 Arrighetti.
(2 ) Apollodore l'Épicurien ( + A 243), ſlepi toŨ 'Enllxoúpov Bíov a ', X 2 ;
sans indication de titre, X 13 ; Apollodore seulement, X 10 . A identifier proba
blement avec l'épicurien Apollodore è Knnotúpavvoc de X 25.
(3 ) Apollodore d 'Athènes, Euvaywy tõv doyuátwv, VII 181 (productivité
littéraire et originalité de Chrysippe et Épicure ; thème repris , sans référence à
Apollodore, en X 26). Il s'agit de l'épicurien plusieurs fois cité au livre X (cf.
n° 2 ), plutôt que du grammairien etchronographe (nº 1).
(4 ) Ariston < de Céos> ( * A 396 ) ( et non d 'Alexandrie ), év TQ 'Etixoúpov
Biw , X 14 = fr. 32 Wehrli.
(5 ) Aristophane <de Byzance> (2 * A 405), le grammairien , X 13 (comp. III
61) = fr. 404 Slater.
(6 ) Athénée < Ó ÉtlypapuatoTOLÓG, VI 14 et VII 30> (> A 479), épigramme
citée en X 12 = Anth . Pal. IV 43.
(7 ) Démétrius de Magnésie (2 - D 52), < llepi ouwvúuwu Tointőv te mai
ouyypadéwv, I 112 , V 3 > ou < év Toîç ouwvúuous, I 38, etc .> , X 13 = fr. 31
Mejer.
(8 ) Denys < d'Halicarnasse> (RE 113), X 4 = fr. 37 Usener-Radermacher.
(9) Dioclès < de Magnésie > (HD 115 ), 'Enlopoun < TÕV Doobowv, VII
48 > , X 6 .
( 10 ) Diogène Laërce ( D 150), < lláujetpoç, I63, etc.> , épigramme citée
en X 16 = Anth . Pal. VII 106 .
(11) Diotimos le Stoïcien (2D 205), X 3. Pour l'interprétation du passage,
voir DPhA II , p . 885.
(12) Épictète (» E 33), X 6 = Entretiens III 24, 38.
(13) Héraclide <Lembos> (2H 61), 'Enitoun <des Successions des philo
sophes> de Sotion (cf. n° 22), X 1 = FHG III 170.
(14) Hermarque (» H 75), Lettre (dans laquelle il racontait la mort d 'Épi
cure ), X 15 = fr. 42 Longo Auricchio.
( 15) Hermippe (» H 86 ), un de ses livres sur les biographies des philosophes ,
X2 et 15 = fr. 60 -61 Wehrli.
( 16 ) Hérodote (BH 102 : l' épicurien destinataire d 'une lettre d 'Épicure ;men
tionné également en X 5), Tlepi 'Enixoúpou é onbelas, Sur l' éphébie d 'Épicure,
X 4 . La citation est intégrée dans un ensemble hostile à Épicure et le nom d'Hé
rodote est associé à celui du renégat Timocrate ,mais il est possible que l'ou
vrage ait été en fait une réponse aux attaques de Timocrate contre le Maître
(ainsi Steckel 16 , col. 581).
( 17) Métrodore <de Lampsaque> (RE 16 ), Lepà evyeveias, Sur la bonne
naissance, X 1 = fr. 4 Körte ; la liste des æuvres de Métrodore citée en X 24
comprend un autre ouvrage de caractere biographique, le Περί της Επικούρου
160 ÉPICURE DE SAMOS E 36
åpowotias, Sur la maladie d 'Épicure . Métrodore avait également composé un
Timocrate (cf. n° 25), cité en X 136 dans un contexte doxographique.
(18 )Myronianus < d 'Amastris > , év 'Quoious iotopixois xedaraíous , Cha
pitres historiques similaires, X 3 = FHG IV 455.
(19) Nicolaos (Nicolas de Damas ?), source hostilementionnée en X 4 .
(20 ) Philodème l' épicurien (RE 5 ), Eúvtatis tõv olhoooowv, livre X , X 3 ;
voir aussi oi nepi Diódnuov, X 24 .
(21) Posidonius le Stoïcien (RE 3 ), X 4 = fr. 288 Edelstein -Kidd .
(22) Sotion (RE 1), < Aladoxn tõv pihooodwv, II 12, etc .> ou encore
< Aladoyai, II 74 > , X 1 = fr. 34 Wehrli, connu à travers l' Epitomé d'Héraclide
Lembos (nº 13).
(23) Parmi les sources hostiles à Épicure, on trouve en X 4 des Aloxłetou
ŠNEYxou de Sotion. Le texte des mss : xai Ewtiwv év rois dódexa tõv
Éttiypapouévwv Aloxiwv &Mérxwv, a łoti nepi toîçxo, a été diversement
corrigé. Selon 49 F . Wehrli, Sotion, coll. « Die Schule des Aristoteles : Text und
Kommentar» , Supplementband 2 ,Basel/Stuttgart 1978, p. 8, ce Sotion,mention
né parmides auteurs postérieurs au milieu du jer siècle av. J.-C ., ne serait pas
l'auteur des Aladoxal du débutdu II° s.av. J.-C .
(24 ) Théodore (RE 33 ?), Ilpos 'Enixoupov 8 ', X 5. Deux stoïciens du nom
de Théodore sont signalés en II 104.
(25) Timocrate (RE 11 : frère de Métrodore et disciple apostat d'Épicure , X 6
et 23), év toîç Eu pavtoms, X 6 ( source hostile à Épicure); Timocrate est cité
avec Hérodote (cf. nº 16 ) en X 4 . Dans son Dion, il s 'intéressait aux maîtres de
Zénon de Citium , VII 2 (s 'il s' agit du même personnage, ce qui n 'est pas cer
tain ).
(26 ) Timon < de Phlionte> (RE 13), < Einou, I 34 > , X 3 = fr. 51 diMarco. Cf.
50 M . di Marco, « Riflessi della polemica antiepicurea nei Silli di Timone. I:
Epicuro ypaypodidaoxanions» , Elenchos 3, 1982, p . 325 -346 ; 51 Id ., « Rifles
si della polemica antiepicurea nei Silli di Timone, II : Epicuro , il porco e
l'insaziabile ventre » , Elenchos 4 , 1983, p . 59 -91. Voir maintenant l'édition , de
52 M . di Marco ( édit.), Timone di Fliunte. Silli. Introduzione, edizione critica,
traduzione e commento a cura di M . di M ., coll. « Testi e commenti» 10,Roma
1989, VIII-293 p . 53 F . de Martino , « Cherilo , Timone e la cultura da maiale »,
QUCC 52, 1986, p. 137- 146 .
Chronologie. Nous disposons, grâce à Diogène Laërce, de plusieurs indica
tions chronologiques sur la vie d 'Épicure. Il est cependant risqué de les convertir
de façon naïve en années du calendrier julien sans connaître le système dans
lequel elles prenaient place et sans avoir déterminé si elles correspondent à des
données historiquement certaines ou bien constituent le résultat de déductions et
de computs chronographiques.
Pour prendre un exemple, on donne généralement pour la naissance et la mort d ' Épicure
les dates 341- 270 (ainsi OCD2). Apollodore situait la naissance d 'Épicure en Ol. 109, 3
(archontat de Sosigénès), c'est-à- dire en 342/1 (FGrHist 244 F 42). Comme l' anniversaire
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 161
d'Épicure tombait dans le mois de Gamélion (le 7 selon D . L . X 15, le 10, selon X 18 ; sur ce
problème voir 54 K . Alpers, « Epikurs Geburtstag » ,MH 25, 1968, p.48-51; Schmid 15, col.
686 = p . 155 ; Steckel 16 , col. 580 ), et donc en février, on croit pouvoir éliminer 342 et dater
la naissance d 'Epicure en 341. Comme Apollodore lui attribue 72 ans à sa mort, Epicure serait
donc mort au plus tôt en février 269. Malheureusement, le même Apollodore date la mort
d 'Epicure d'ol. 127, 2 (archontat de Pytharatos), soit 271/0 . (Erler 18, p. 71, quiavait daté la
naissance du philosophe « Mitte Februar 341» ,ne semble pas avoir perçu le problème: « Epi
kur ist.. . im Jahr 271/0 im Alter von 72 Jahren gestorben » .) Sans doute pour limiter au
minimum le décalage, on retient 270, en supposant chez Apollodore quelque calcul grossier.
En vérité, dans le système d'Apollodore - d'autres exemples permettent de l' établir – « 72
ans » correspond aux 72 archontes éponymes qui se succèdent, dans la Chronique,de Sosigé
nès à Pytharatos inclusivement, c 'est-à-dire - et sans prendre en considération les mois et les
jours – de 342/1 à 271/0. La seule datation attestée de la vie d'Épicure est donc 342/1-27170 ,
datation qui est celle d'Apollodore. Il est impossible de déterminer la valeur historique de
cette datation, car on ne connaît pas la source historique d 'où Apollodore en a tiré la sub
stance .
Un détail dans ce témoignage mérite également d'être relevé. La naissance d'Épicure
devrait être fixée « 7 ans après la mort de Platon » (X 14 ). Apollodore (fr . 37 = D . L . III 2 )
situait cet événement en Ol. 108, 1 (348/7) . Sept années révolues plus tard nous amèneraient en
Ol. 109 ,4 (341/0 ) et non en Ol. 109,3, année de la naissance d ' Épicure selon le témoignage
explicite d 'Apollodore. Comme pour les âges, cette durée doit donc s'entendre selon un calcul
inclusif. Il ne faut pas penser à sept années révolues, mais à un ensemble de sept années com
prenant le point de départ etle point d'arrivée.
Autre datation intéressante , celle de l'installation d'Épicure à Athènes sous l'archontat
d'Anaxicratès (307/6 ). Diogène Laërce semble suivre l'Épitomè de Sotion par Héraclide Lem
bos (X 1), mais le contexte présente, en plus de la référence à l'archonte éponyme, des points
de repère chronologiques qui figuraient - on le sait par ailleurs - dans la Chronique d 'Apollo
dore : enseignement de Xénocrate à l'Académie (F 345 Jacoby) , retraite d 'Aristote à Chalcis
(F 38) et mort d' Alexandre (F 38). On peutdonc envisager la possibilité que le témoignage de
Sotion-Héraclide remonte à Apollodore. Arrivé à Athènes sous l'archontat d'Anaxicratès, en
307/6 , Épicure est dit avoir philosophé pendant quelque temps en se mêlant aux autres philo
sophes, xar' énquiElav tots along (X2), puis avoir ouvert sa propre école de philosophie
(aipeous ). Ce n 'était d 'ailleurs pas sa première école. Lemêmepassage nous apprend en effet
qu 'il avait déjà rassemblé des disciples à Colophon. Apollodore (X 15) soutenait pour sa part
qu 'avant d'émigrer à Athènes, Épicure avait à 32 ans tenu école (ovorogodal oxoanv) pen
dant 5 ans à Mytilène et à Lampsaque. Ariston ( X 14 ) situait lui aussi l'ouverture d 'une pre
mière école à 32 ans. Dans le système d'Apollodore, Épicure avait 32 ans en 311/0. La
cinquième année de cet enseignement en lonie serait donc celle de l'installation à Athènes :
307/6 . On a déjà souligné (ainsi 55 A.J. Festugière , Épicure et ses dieux, coll. «Mythes et
religions» , Paris 1946 , 2e éd . corrigée 1968, p. 29 n . 1) que cette date correspondait à des cir
constances historiques précises : libération d 'Athènes de la domination macédonienne par
Démétrius Poliorcète (10 juin 307), décret de Sophoclès de Sounion (cf. D . L . V 38 ) stipulant
sous peine demort « qu'aucun philosophe ne dirige une école sans l'autorisation de la boulè et
du peuple » (μηδένα των φιλοσόφων σχολής αφηγείσθαι αν μη τη βουλή και το δήμο
Bókn) et abrogation de ce décret au printemps ou au début de l'été 306, par suite du procès
intenté à Sophoclès par Philon pour établir l'illégalité de la loi. On comprend alors que l'année
30716 , année de l'arrivée à Athènes, ne soit pas l'année de l'ouverture de l'école.
Épicure avait auparavant effectué un premier séjour à Athènes. Sotion-Héraclide nous
apprend qu'à l'âge de 18 ans Épicure , fils d'un clérouque athénien établi à Samos, vint dans la
métropole et qu 'il en repartit après la mort d 'Alexandre (juin 323). Comme Perdiccas venait
de chasser les Athéniens de Samos (en 322, d'après SIG3n° 312), c'est à Colophon qu'Épi
cure alla rejoindre son père . Strabon précise (XIV 1, 18 ) qu'Épicure fut éphèbe à Athènes et
que le comique Ménandre, né comme lui sous l'archontat de Sosigénès, 342/1, fut son
OUVÉOnboç. Il tient le renseignement d'Apollodore (F 43). Cette période de la vie d'Épicure
162 ÉPICURE DE SAMOS E 36
intéressa son disciple Hérodote qui écrivit un ſepi 'Eftixoúpov onbelas (X 4 ). On devenait
éphèbe à Athènes à partir de sa dix -huitième année , donc à 17 ans révolus. Dans le système
d 'Apollodore, le 18e archonte depuis Sosigénès (342/1 ) tombe en 325/4. C 'est ce qu'il veut
dire en donnant à Épicure l'âge de 18 ans lors de cette première venue à Athènes. Le service
de deux années couvre donc 325/4 et 324 /3 . Cette deuxièmeannée s'achève peu après la mort
d'Alexandre (juin 323). C 'est donc après cette date, comme le dit justement la source de D . L .
X 1, et après le décret de Perdiccas (?), donc en 323/2 , qu' Apollodore devait situer le départ
d'Epicure pour Colophon .
On peut présenter pour finir un bref résumé des données chronologiques vraisem
blablement fournies par Apollodore :
OLYMPIADE ARCHONTE ANNÉE ÂGE ÉPICURE
109,3 Sosigénès 342/1 Naissance à Samos
< 325/4 > 18 Éphébie à Athènes
< 324/3> <19> 2e année d'éphébie :mort d'Alexandre
< 323/2> <20> Décret de Perdiccas; départ de Colophon
<311/0> 32 Premières écoles:Mytilène, puis Lampsa
que
< 118 ,2 > Anaxicratès 30716 < 36 > Installation à Athènes
< 306 /5 > < 37> Ouverture de l'école du Jardin
127,2 Pytharatos 271/0 72 Mort
La famille d' Épicure. Selon le lepi €ủyɛveíac de Métrodore (D .L . X 1 ),
Épicure était le fils de Néoclès, athénien du dème de Gargettos, du révos des
Philaïdes, et de Chairestratè . Ses parents étaient clérouques à Samos (Héraclide,
Épitomè de Sotion , X 1; Strabon XIV 1, 8) et son père grammatodidaskalos
(D .L. X 4 ; Strabon, ibid.; Cicéron ,Denat. deor. I 73 : ludimagister ).Un frag
ment d'une lettre d 'Épicure à sa mère est conservé par Diogène d 'Oinoanda (fr.
72 Arrighetti, fr. 125 -126 Smith ).
Épicure eut trois frères: Néoclès, Chairédèmos ( + C 90 ) et Aristoboulos
( + A 362), qu 'il exhorta à partager ses recherches philosophiques (OUVEpiooó
pouv o' aŭto nepotpefauévW , X 3, d'après Philodème) et qu 'il honora en
empruntant leurs noms pour trois de ses ouvrages (X 27 -28). Voir l'arbre
généalogique dans DPHA II, p. 284. Ses trois frères moururent avant lui; Plutar
que, De latenter vivendo 3, 1129 a,mentionne ai tooaūtai uupiádes oriywv
επί Μητρόδωρον, επί ' Αριστόβουλον,επί Χαιρέδημον γραφόμεναι και συν
tattóueval oihonovus iva undè anodavóvres Náowolv... Dans son testa
ment, Épicure demandait que l'on veillât à assurer les offrandes funèbres
(Évayiouata ) pour son père, sa mère et ses frères (X 18 ). Un jour du mois de
Posidéon était consacré à leur souvenir déjà du vivant d 'Épicure (ibid.).
Formation philosophique. Sur la période de formation intellectuelle d'Épi
cure , les témoignages sontnombreux et peu cohérents .
Selon Ariston (D . L . X 14 ), Épicure commença à philosopher à l'âge de douze ans,mais
Épicure lui-même (X 2) prétendait avoir pris contact avec la philosophie à l'âge de quatorze
ans. Selon l'épicurien Apollodore , dans le premier livre de sa vie d 'Epicure (X 2), Épicure se
serait tourné vers la philosophie , parce qu'il aurait été déçu par les grammatistai qui ne
pouvaient lui expliquer tà trepi roŨ nap ' 'Holóow yáovs (" ce qu 'Hésiode dit à propos du
chaos" ). Un récit plus détaillé se lit chez Sextus, Adv. Math . X 18 - 19 : « Tout jeune encore
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 163
(woulôñ uelpaxloxos), il demanda au grammatistès qui corrigeait sa lecture commentée
(énavayuvboxovta aútg ) du vers “ Avant toute autre chose était le Chaos" (Hesiode,
Théogonie, v. 116 ), d 'où venait le Chaos, puisque ce fut le premier des êtres. Comme le maître
répondait que ce n ' était pas là son travail que d 'enseigner ces choses, mais celui des
" philosophes", Épicure dit: "Alors, c'est vers eux qu'ilme faut aller, puisque ce sont eux qui
connaissent la vérité sur les êtres” ». Steckel 16 , col. 580, propose d'harmoniser les
témoignages en situant à 12 ans cette découverte de la philosophie chez le grammatistès et à
14 ans le début des études véritables.
Les sources attribuent à Épicure au moins quatre maîtres. Luicependant prétendait, dans sa
Lettre à Euryloque (disciple de Pyrrhon (BE 143) ?) (X 13 = fr. 48 Arrighetti), n 'avoir été
l'élève de personne d'autre que de lui-même (comp. Cicéron , De nat. deor. I 72 ; Sextus, Adv.
Math . I 3 ; Aristoclès, apud Eusebe, P . E . XIV 20 , 14 ), affirmation que Cicéron compare , non
sans raison , à celle d'un propriétaire insatisfait qui prétendrait ne pas avoir bénéficié de l'as
sistance d'un architecte.
Qu'Épicure ait été le disciple de Nausiphane de Téos (le démocritéen, Souda, s.v. 'Enl
xoupos; Cicéron , De nat. deor. I 73, qui fut disciple de Pyrrhon ; D . L . IX 64 , 69 et 102)
semble bien attesté. Au témoignage d'Apollodore (X 12 ; voir aussi Cicéron, De nat. deor. I
73 : « quem [i. e. Nausiphanes) cum a se non negat auditum vexat tamen omnibus contume
liis » ), il faut ajouter celui d'Épicure lui-mêmequi, dans une de ses lettres (X 8 = fr. 101 Arri
ghetti ), déclarait : taūta nyayev aútov eic ExOTAOLV Tolaúrny, bote uol Rolôopełodai xal
ánoxaleTV " loáoxanov”, termedont on ne voit pas très bien le caractère injurieux,mais que
les éditeurs ont tendance à vouloir conserver (cf. DK 75 A 9 ; t. II, p . 247, 28 note ). Le pas
sage, de même que les autres attaques qui suivent contre les philosophes, provient sans doute
de la Lettre aux philosophes résidant à Mytilène, comme le montre le fr . 103 Arrighetti. Un
autre fragment de cette lettre (fr. 104 ), qui évoque un philosophe commentant à Téos Anaxa
gore et Empédocle dans la ligne de Démocrite et de Leucippe, pourrait fort bien faire réfé
rence à Nausiphane (DK 75 A 7). Chez Diogène Laërce, Nausiphane est le relais qui rattache
Épicure à Démocrite à l'intérieur de l'école italique (I 15), sans doute à travers lamédiation de
Pyrrhon (D . L . IX 64,69 et 102). Sur Épicure et Pyrrhon , voir 56 M . Gigante, Scetticismo e
Epicureismo. Per l'avviamento di un discorso storiografico, coll. « Elenchos » 4 , Napoli 1981,
p. 37 -49 (« Epicuro e Pirrone» ) et p. 79-85 (« Epicuro e il pirroniano Euriloco » ). De fait, Dio
gène (IX 64 ) rapporte que Nausiphane lui-même prétendait qu 'Epicure l'interrogeait constam
ment sur Pyrrhon dont il admirait le genre de vie (åvaotpoon ). Voir encore IX 69 et 102 ;
Cicéron, De nat. deor. I 73 et 93 ; Eusèbe, P. E. XIV 20, 14 . Enfin, Ariston (D .L. X 14) pré
tendait que le Canon d'Épicure plagiait le Trépied de Nausiphane ou du moins en dépendait
étroitement. Selon Timocrate (X 7), les 37 livres du Nepi púoews contenaient des attaques
contre Nausiphane, Comme Strabon, XIV 1, 18 , rapporte qu' Épicure grandit à Samos et à
Téos avant de venir servir comme éphèbe à Athènes, on peut penser que ces études chez
Nausiphane, où Epicure se trouvait uerà uelpaxiwv TiVWV xpainarúrtwv (fr. 103 Arri
ghetti), se sont situées avant le premier séjour à Athènes. Voir Festugière 55 , p . XVII-XVIII et
p . 25 - 26 . Sur ce maître d'Epicure, voir 57 F . Longo , « Nausifane nei papiri ercolanesi » , dans
F. Sbordone (édit.), Ricerche suipapiri ercolanesi, Napoli, t. I, 1969, p. 8 -21, et 58 F. Longo
Auricchio et A . Tepedino Guerra, « Per un riesame della polemica epicurea contro Nausi
fane » , SicGymn 33, 1980, p. 467 -477 .
Ariston (D . L . X 14 ) connaissait un autremaître d'Épicure, le platonicien Pamphilos, qu 'il
aurait entendu à Samos, avantmême de se rendre à Téos apparemment. La Souda fait de ce
personnage un « disciple de Platon » et Cicéron , De nat. deor. I 72 -73 , écrit : « Pamphilum
quendam Platonis auditorem ait a se Sami auditum ... Sed hunc Platonicum mirifice contemnit
Epicurus » .
A côté de Nausiphane, Diogène Laërce, à la suite d'Apollodore, rangeait égalementun cer
tain Praxiphane parmi lesmaîtres d 'Épicure (X 12). Il est tentant de supprimer ce nom comme
une variante marginale pour le nom de Nausiphane,malencontreusement introduite dans le
texte (ainsi Crönert 35 , p. 21, et Jacoby, ad FGrHist 244 F 41). L 'épicurien Carnéiscus (> 10
44) s'en prenait à un philosophe de ce nom dans le deuxièmelivre de son Philistas = PHerc
164 ÉPICURE DE SAMOS E 36
1027 (cf. Crönert 35, p. 69 sq. et surtout p. 74 , n . 355a; nouvelle édition par 59 M . Capasso
[édit.), Carneisco. Il secondo libro del Filista (PHerc. 1027 ). Edizione, traduzione e com
mento, coll. « La Scuola di Epicuro » 10, Napoli 1988). Il pourrait s'agir du péripatéticien
connu par Clément d'Alexandrie, Stromates I 16 , 79, et dont on retrouve une trace épigra
phique à Délos ( IG XI 4, 613). Dans ce cas, il serait difficile d'en faire un maître d 'Épicure, la
chronologie s'y opposant.Mais on connaît, grâce à D .L . III 8 ,un autre Praxiphane qui relata
une discussion sur les poètes entre Platon et Isocrate dans le champ d 'Académos. Philodème
mentionne le premier livre de Praxiphane lepi noin [uáltwv (voir pour ce passage l'édition
de60 C. Mangoni [édit.), Filodemo. Il quinto libro della Poetica (PHerc. 1425 e 1538 ). Ed.
trad. e comm ., coll. « La Scuola di Epicuro » 14, Napoli 1993, XII 28 -31, p. 140 et l'Introduc
tion, p.49-52): il pourrait s'agir du mêmepersonnage. D .L. III 109 signale d'autre part qu'un
certain Platon, homonyme du fondateur de l'Académie, était disciple de Praxiphane. Voir sur
toute cette question 61 M . Capasso , « Prassifane, Epicuro e Filodemo. A proposito di Diog.
Laert. X 13 e Philod . Poem . V IX , 10 - X , 1 » , Elenchos 5 , 1984 , p. 391-415.
Enfin, Démétrius de Magnésie (X 13) assignait à Épicure un autre maître : l'académicien
Xénocrate . Son témoignage est repris par Cicéron, De nat. deor. I 72 : « Xenocraten audire
potuit, ... et sunt qui putent audisse » (voir aussi Eusébe, P . E . XIV 20, 14 ). Xénocrate était
mort quand Epicure vint s' établir à Athènes en 307/6 . Voir Festugière 55, p . XVIII -XIX et
p . 26 . On se souvient que Sotion -Héraclide datait l'arrivée d 'Épicure à Athènes par synchro
nismeavec deux autres données de la Chronique d' Apollodore : l'enseignement de Xénocrate
à l'Académie et la retraite d'Aristote à Chalcis. Le danger était qu'on y vît un témoignage sur
des études d ' Épicure auprès de Xénocrate : il est possible que Démétrius ait commis cette
méprise. On ne peut exclure toutefois qu 'Epicure ait suivi l' enseignement de Xénocrate pen
dant ses deux années d' éphébie à Athènes.
Aristoclès (apud Eusébe, P. E . XIV 2, 14 ) rapportait que les véritables maîtres d'Épicure
avaient été les livres des anciens.Hermippe (D .L . X 2-3) pour sa part racontait comment Épi
cure s' était lancé vers la philosophie en découvrant les livres de Démocrite. D 'après une lettre
de l'épicurien Léonteus à Lycophron (Plutarque, Adv. Colot. 3, 1108 e), Épicure se serait dit
longtemps " démocritéen " . Selon Dioclès de Magnésie ( D . L . X 12 ), Épicure accordait parmi
les anciens sa préférence à Anaxagore ( ** A 158) et à Archélaos (** A 308 ), le maître de
Socrate. Par Nausiphane (IX 64), nous savons qu 'il admirait également le genre de vie de
Pyrrhon .
Sur le rôle de Platon et d 'Aristote dans la formation philosophique d ' Épicure, on ne peut
négliger de citer l'ouvrage fondamental,bien que discuté, de 62 E . Bignone, L 'Aristotele per
duto e la formazione filosofica di Epicuro, coll. « Il pensiero filosofico » 7 , Firenze 1936 , 2
volumes.
Études récentes sur les rapports entre Épicure et les philosophes plus anciens. 63 D .
Sedley, « Epicurus and his professional rivals » , dans Études sur l'épicurisme antique, coll.
« Cahiers de philologie » 1, Lille 1976 , p. 119 - 160 ;64 P . M . Huby , « Epicurus' attitude to
Democritus », Phronesis 23, 1978, p. 80-86 ; 65 A . Laks, « Une légèreté de Démocrite (Epi
curus, De natura liber incertus = 34 .30 ,7-15 Arrighetti) », CronErc 11, 1981, p. 19 -23 ; 66 D .
O 'Brien, « La taille et la formedes atomes dans les systèmes de Démocrite et d'Épicure. Pré
jugé et présupposé en histoire de la philosophie » , RPhilos, 1982, p. 187-203 ;67 M . T. Riley,
« The Epicurean criticism of Socrates, Phoenix 34, 1980 , p. 55 -68 ; 68 K . Kleve, « Scurra
Atticus. The Epicurean view of Socrates » , dans Eucnmoic. Studi sull'epicureismo greco e
romano offerti a Marcello Gigante, coll. « Bibl. della Parola del Passato » 16 , Napoli 1983,
p . 227- 253 ; 69 E . Acosta Méndez et A . Angeli, Testimonianze su Socrate . Edizione,
traduzione e commento, coll. « La Scuola di Epicuro » 13,Napoli 1992, 408 p.
Les premières écoles d 'Épicure. Cette formation philosophique précoce
d'Épicure s'accorde mal avec certains témoignages selon lesquels il aurait au
début de sa carrière exercé le métier de grammatodidaskalos comme son père :
oùV TÕ natpi ypayuata didáoxelv aunpoŨ Tivog ulo aplov (D .L . X 4). Her
mippe (X 2-3) racontait que c'est à la lecture de Démocrite qu’Épicure avait
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 165
abandonné cemétier pour s' élancer vers la philosophie. Timon de Phlionte (X 3)
le traitait de ypapuodidaoxaríons et Nausiphane croyait pouvoir railler son
disciple en le traitant de didáoxaros (X 8).
Sur le passage de Timon, voirmaintenant le commentaire de DiMarco 50 et 52.
Apollodore (X 15) situait à trente -deux ans l'ouverture d' une première école à
Mytilène, puis à Lampsaque (voir aussi Ariston X 14 ). Sotion -Héraclide (X2)
rapporte certes qu’Épicure avait déjà rassemblé des disciples durant son séjour à
Colophon, mais ce témoignage reste isolé. Ferait-ilréférence à la période où il
enseigna commemaître d'école ?
A Mytilène, Épicure connutHermarque qui « vieillit avec luidans la philoso
phie » (X 20 ) et lui succéda comme scholarque dans l' école du Jardin à Athènes
(X 24 et 16 -21). Voir 70 F . Longo Auricchio , Ermarco, Frammenti. Edizione,
traduzione e commento , coll. « La Scuola di Epicuro » 1 , Napoli 1988 . Il est pos
sible qu 'en quittantMytilène Épicure y ait laissé une communauté de disciples,
auxquels serait dédiée la fameuse lettre Mepi étitndeVuátwv aux philosophes
(ou aux amis) résidant à Mytilène (fr. 101-104 Arrighetti). Voir 71 A . Tepedino
Guerra, « I primi seguaci di Epicuro » , dans Eucńmoic. Studi sull'epicureismo
greco e romano offerti a Marcello Gigante, coll. « Bibl. della Parola del
Passato » 16 ,Napoli 1983, p. 519 -523.
Peu après, c'est à Lampsaque qu'Épicure vientenseigner. Sur l'histoire ulté
rieure de l'école de Lampsaque, voir 72 A . Angeli, « Eterodossia a Lampsaco ? » ,
dans La regione sotterrata del Vesuvio. Studie e prospettive. Atti del convegno
internazionale 11-15 novembre 1979, Napoli 1982, p . 415-426 ; Angeli 48. On
remarque qu ’un grand nombre de disciples d 'Épicure sont originaires de cette
ville .Nousconnaissons :
( 1) Polyen ( X 24 ) qui mourut avant Épicure ( X 19 ) sous l'archonte Démoclès
(278 /7 ) et qui était apparemment le chef de la communauté épicurienne de
Lampsaque. Un jour du mois de Métageitnon était consacré à son souvenir (X
18 ). Pour les témoignages, voir 73 A . Tepedino Guerra , Polieno. Frammenti.
Edizione, traduzione e commento, coll. « La Scuola di Epicuro » 11, Napoli
1991.
(2 ) Le fils (homonyme ?) de Polyen qu’Épicure reçut dans son école (PHerc
176 , fr. 5 , col. XXII, 5 -36 , p. 48 Vogliano = fr. 41 Arrighetti = Polyen, fr. 5-6
Tepedino Guerra ) et qu 'il recommanda à ses exécuteurs testamentaires (X 19).
(3 ) Colotès [2C 180 ] (X 25), fervent épicurien que le maître appelait
affectueusement dans ses lettres Κωλωταράς ou Κωλωτάριον ( Plutarque, Adν.
Colot. 1, 1107 e ; 11, 1112 d).
(4 ) Léonteus, époux de Thémista . De leur union naquit un fils qui fut appelé
Épicure (2 E 34) comme le maître (X 26 ) . Voir 74 A . Angeli, « Verso un '
edizione dei frammenti di Leonteo di Lampsaco » , dans M . Capasso , G .Messeri
Savorelli et R . Pintaudi (édit.),Miscellanea papyrologica in occasione del bicen
tenario dell'edizione della charta Borgiana, coll. « Papyrologica Florentina » 19,
Firenze 1990, t. I, p . 59-69.
166 ÉPICUREDE SAMOS E 36
(5 ) Métrodore , fils d'Athénaios (ou de Timocratès) et de Sandè, qui s'attacha
à Épicure et ne le quitta plus, sinon pour un voyage de six mois dans son pays ( X
22). Il eut comme compagne la courtisane Léontion d ' Athènes (X 23) et laissa
un fils , nommé Épicure en l'honneur du maître, ainsi qu'une fille , du nom
d' Apia, dédicataire d' une lettre de Batis, sæur deMétrodore (cf. nº 7 ). Epicure
recommanda les deux enfants à ses exécuteurs testamentaires ( X 19 -21), ainsi
qu 'à Idoménée ( X 22) et à Mithrès (fr. 78).Métrodore mourut sept ans avant
Épicure, dans sa 53e année ( X 23) : dans le système d 'Apollodore , il faut en
conclure qu'il est mort en 27776 et qu'il est né en 328 /7 ; il avait donc une
vingtaine d 'années quand Épicure enseignait à Lampsaque. Dans l'école, le 20e
jour du mois était consacré à la mémoire de ce disciple de prédilection ( X 18 ).
Pour les témoignages sur Métrodore , voir 75 A . Körte, Metrodori Epicurei
fragmenta, Leipzig 1890.
(6 ) Timocratès, frère deMétrodore , apostat de l'école et adversaire d' Épicure
(X 6 et 23). On ne doit pas le confondre avec Timocratès d 'Athènes, un des exé
cuteurs testamentaires d 'Épicure.
(7 ) Batis (r + B 23), sæur de Métrodore (qui lui écrivit une lettre mentionnée
dans PHerc 176 , fr. 29 Vogliano ) et de Timocratès ( X 23). Angeli 48 a identifié
dans PHerc 176 une biographie anonyme de Batis. Celle -ci épousa un autre
citoyen de Lampsaque :
(8) Idoménée (» I 14 ), X 25. Sénèque, Epist. 21, 3 , le présente comme le
ministre d 'un roi important (on avait pensé à Lysimaque, mais A . Angeli y
reconnaît plutôt Antigone le Borgne). Dans une lettre écrite le jour de sa mort
(fr. 23 Angeli), Épicure lui recommandait les enfants de Métrodore et lui rappe
lait l'attachement qu 'il avait marqué depuis sa jeunesse envers la philosophie et
envers lui-même (X 22). Pour les témoignages , voir 76 A . Angeli, « I frammenti
di Idomeneo di Lampsaco » , CronErc 11, 1981, p. 41- 101 ; 77 Ead., « Acces
sione a Idomeneo » , CronErc 14 , 1984, p . 147.
(9 ) Mentoridès (plutôt qu' Actoridès ( > A 15 ]) , frère aîné de Métrodore et de
Timocratès ( Philodème, De ira = PHerc 182, col. XII 29- 30 Indeli). Voir
Liebich 39, p.67.
( 10 ) Un certain Athénaios (> A 477) (qui n'est sans doute pas le père de
Métrodore mentionné en X 22), auquel Épicure dans une lettre annonce l' arrivée
à l' école de < Polyen > , le fils de Polyen de Lampsaque (voir PHerc 176 , fr. 5 ,
col. XXII, 5 - 36 , p . 48 Vogliano = Polyen , fr. 5 -6 Tepedino Guerra ). C 'est appa
remment un disciple de Polyen père et un condisciple de Polyen fils.
Arbre généalogique de la famille deMétrodore
Athénaios (ou Timocratès ) - Sandè

Mentoridès Timocratès Métrodore(o Léontion ) Batis(ooldoménée)

Épicure II Apia
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 167
En s'installant à Athènes en 307/6 , Épicure laissa à Lampsaque une commu
nauté semblable à celle qu 'il avait édifiée à Mytilene. Deux fragments d'une
Lettre aux amis résidant à Lampsaque ont été conservés ( fr. 96 - 97). D 'après le
fr . 97 , il semble que Léonteus résidait alors (archontat de Philippos : 292/ 1) à
Lampsaque et nous avons des fragments de lettres à Thémista et à Léonteus qui
datent de cette même année (fr. 50 et67). Dans une autre lettre, connue par Plu
tarque, Non posse suaviter 6 , 1090 e (fr. 189 Usener; absente du recueil d'Arri
ghetti), Épicure racontait avoir échappé de peu à un naufrage durantun voyage à
Lampsaque.
Selon 78 A .Grilli, « Il naufragio d'Epicuro » , RSF 33, 1978, p . 116 - 118 , on trouverait une
allusion à ce naufrage dans un passage d 'Héraclite le Stoïcien , Problèmes homériques 79 , 7
distinguantUlysse et Épicure.
Selon 79 M .Marcovich , « Epicurus' shipwreck » , ZAnt 23, 1973, p . 211, il faudrait lire
dans Plut., Non posse suaviter vivi sec. Epicurum 1090 e, áracoav kúpußpaotixńv.
Diogène Laërce X 10 connaît lui aussi aussi deux ou trois voyages d 'Épicure
en lonie pour visiter ses amis et, dans un fragment de lettre à un enfant (fr. 261
Arrighetti) dont l' attribution à Épicure n 'est cependant pas certaine, l'auteur rela
tait une arrivée à Lampsaque en compagnie de Pythoclès, d 'Hermarque et de
Ctésippe ( C 226 ), ainsi que les retrouvailles avec Thémista et les autres amis.
Dans les années 293-291, la communauté de Lampsaque fut le cadre d'une
crise liée à l'influence de l'école voisine de Cyzique qu 'avait fondée le mathé
maticien académicien Eudoxe de Cnide (2 - E 98 ). Sur cette crise, voir 80 L .
Spina, « Eudosso e i “ Ciziceni” nei papiri ercolanesi » , CronErc 1, 1971, p . 79
72 , et 81 D . Sedley, « Epicurus and themathematicians of Cyzicus », CronErc 6 ,
1976 , p . 23-54.Une des figures importantes au cours de ces événements semble
avoir été l'épicurien Pythoclès, disciple de Polyen à Lampsaque. C 'est égale
ment à Lampsaque qu 'il faut rattacher le nom d 'un autre disciple, un certain
Cronius ( - C 222), dont plusieurs lettres d 'Épicure citées par Philodème font un
exemple de vie philosophique. Voir également Liebich 39, Militello 38 , p. 37
38.
Sur le problème plus général d'une conception épicurienne des mathéma
tiques, voir 82 J. Mau , « Was there a special Epicurean mathematics ? », dans
E . N . Lee, A . P Mourelatos et R . M . Rorty (édit.), Exegesis and argument. Studies
in Greek philosophy presented to G . Vlastos, coll. « Phronesis Suppl.» 1, Assen
1973, p . 421-430. Voir aussi 83 A . Angeli et T. Dorandi, « Il pensiero matema
tico di Demetrio Lacone» , CronErc 18 , 1987, p . 89-103.
Le Jardin . Épicure acheta au prix de 80 mines (D . L . X 10) un jardin situé
dans la banlieue ouest d' Athènes (Sénèque, Epist. 79, 15 ), au-delà de la Porte
Dipylon sur la route quimenait à l'Académie (Cicéron , Fin . V 1, 3). Voir un
dessin de Candace H . Smith illustrant la région dansLong et Sedley 12 ,t. I, p . 4.
Il semble qu 'il faille en distinguer la maison « sise à Mélité» (D . L . X 17), dont
le modeste jardin (Sénèque, Epist. 21, 10 ) aurait coûté 20 mines (Pline, N . H .
XIX 4). Sur ces problèmes d' interprétation topographique, voir 84 R . E.
Wycherley, « The Garden of Epicurus », Phoenix 13, 1959, p . 73-77, et 85 M .L .
168 ÉPICURE DE SAMOS E 36
Clarke, « The Garden of Epicurus» , Phoenix 27, 1973, p . 386 -387. Voir aussi
86 M . Gigante , « Il giardino di Epicuro » = " Atakta” LIII, CronErc 20 , 1990 ,
p. 69-70, repris dans 87 Id., Atakta . Contributi alla papirologia ercolanese .
Presentazione di Fulvio Tessitore, coll. « Biblioteca della Parola del Passato » 17,
Napoli 1993, p. 105 -107, et 88 F . Longo Auricchio , « La Scuola di Epicuro » ,
CronErc 8, 1978 , p . 21-37.
Le testament d 'Épicure livre plusieurs renseignements sur l'organisation de l'école. On y
remarque tout d 'abord que malgré l'autorité reconnue à Hermarque, le successeur d' Épicure et
le chef spirituel de l' école , les biens matériels (sauf les livres, X 21, qui vont au nouveau scho
larque ) sont donnés à deux Athéniens : Amynomaque ( A 151), fils de Philocrate , du dème
de Batè, et Timocratès, fils de Démétrius, du dème de Potamos (X 16 ). En tant que fils d 'un
clérouque athénien de Samos, Épicure était athénien (ses adversaires lui contestaient ce titre
en vérité, X 4 ),mais le métèque Hermarque de Mytilène ne l'était pas. Jamais les deux exécu
teurs testamentaires ne sont présentés comme des disciples; ils étaient probablement des sym
pathisants de l'école qui acceptaient de servir de gérants pour assurer la continuité matérielle
de l'institution .
Une distinction semble établie entre le jardin et les autres propriétés d ' Épicure. Ces der
nières produiront des revenus (X 18 .19.20 .21) pour subvenir aux besoins des membres de
l' école et des orphelins de Polyen ou de Métrodore, mais c 'est dans le jardin et ses dépen
dances que vivront et philosopheront Hermarque et ses amis. Il y a ,matériellement semble- t
il, une « école dans le jardin » . La maison sise dans le quartier populaire deMélité est laissée
également à la disposition d 'Hermarque pour qu 'il y habite avec ses disciples.
89 D . Clay, « Individual and community in the first generation of the Epicu
rean School» , dans Euchmoic. Studi sull'epicureismo greco e romano offerti a
Marcello Gigante, coll. « Bibl. della Parola del Passato » 16 , Napoli 1983, t. I,
p. 255-279, en particulier sur les fêtes annuelles épicuriennes, p. 270-279.
Disciples d 'Épicure. En plus des frères d'Épicure et des anciens disciples
originaires de Mytilène et de Lampsaque (voir plus haut), nous connaissons le
nom de plusieurs autresmembres de l'école épicurienne :
(1)Mys, esclave d'Épicure, qui partageait,comme les frères d'Épicure , la vie
philosophique (D .L . X 3, avec généralisation à tous les serviteurs en X 10) ; dans
son testament, Épicure lui accordait la liberté, de même qu 'à Nicias,Lycon et
Phaidrion (X 21).
(2) Hérodote , le destinataire de la Lettre conservée (X 35-83) ; il est égale
mentmentionné en X 4 et 5 , la deuxième fois aux côtés du renégat Timocratès .
( 3) Ménécée, destinataire de la Lettre conservée (X 122-135) ; ses fils sont
présentés comme des disciples d'Epicure dans une lettre datée de 284/3 (fr. 111
Arrighetti).
(4) Pythoclès, dont nous avons parlé plus haut à propos de la communauté de
Lampsaque ; il reçut la Lettre conservée (X 83 -116 ). Il mourut jeune, dans les
années 293-291.
(5 ) Nicanor, objet de dispositions testamentaires d'Épicure (X 20).
(6 ) Ctésippe ( * C 226 ), compagnon de voyage d'un épicurien (Épicure lui
même ?) lors d'un voyage à Lampsaque ( fr. 121 ; 261).
(7) Apelles (*+ A 230 ), dont Épicure (fr. 43) célébrait la conversion à la philo
sophie dans un état de pureté à l'égard de toute paideia.
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 169
(8 ) Carnéiscos [ C 44 ] (fr. 120), auteur d 'un Philistas, en au moins deux
livres, dans lequel il faisait l'éloge d'un épicurien de ce nom (= PHerc 1027).
(9) Un des traits caractéristiques du Jardin d'Épicure est la présence de plu
sieurs hétaïres. Nous avons déjà mentionné Léontion d'Athènes, compagne de
Métrodore . On connaît égalementMammarion , Hédéia (2H 14 ) (originaire de
Cyzique, s'il faut l'identifier, comme le propose Usener, avec l’hétaïre dont
parle Plutarque, Non posse suaviter 16 , 1098 b ), Érotion (2- E 55) et Nicidion
(D .L . X 7), Boïdion (PB 51] (Plutarque, Non posse suaviter 16 , 1097 d-e),
Démélata ou Démétria (MD 38), compagne d 'Hermarque (Philodème, PHerc.
1005, col. VI 8- 20 Angeli = Hermarque, fr. 3 Longo Auricchio ). Voir 90 C . J.
Castner, « Epicurean hetairai as dedicants to helping deities ? », GRBS 23, 1982,
p. 51-57, à propos de quatre noms de femmes sur des inscriptions du IVe siècle
av . J .- C . à Athènes : Mammarion , Hédeia, Nicidion et Boïdion . Erler 18 ,
« Frauen im Kepos», chap. 24,p . 287-288.
D 'autres noms apparaissent, surtout dans les fragments épistolaires des papyri
d'Herculanum , dont on ne voit pas toujours très bien le rapport qu 'ils entretien
nent avec Epicure. Retenons:
(10) Ménestrate (Clément, Stromates V 12, 261, 31).
( 11) Timarque (Plutarque, Adv. Colot. 17 , 1117 b ).
( 12) Hégésianax, fils de Dosithéos (2D 224), et frère de Pyrson (fr. 46);
c 'est pour Usener un disciple d'Épicure .
(13) Matron (fr. 115 et 261), pédagogue du destinataire d'une lettre d 'Épi
cure.
( 14 ) Polystrate et Hippocléidès (2H 149). Valère Maxime I 8, ext. 17 : « A ce
point de notre exposé trouvent place naturellement les philosophes Polystrate et
Hippocléidès, nés le même jour, formés ensemble à la doctrine de leur maître
Épicure, associés également dans la possession des mêmes biens et dans le déve
loppement de leur école ,morts au même moment dans une vieillesse avancée.
Le partage sitotal et si constant d 'un même sort comme d 'une amitié, qui refuse
rait de le considérer comme l'æuvre de la divine Concorde elle -même, qui en a
assumé la naissance, l'extension et la fin ?» (trad. R . Combès, CUF, Paris 1995,
p . 153).
Un Hippocléidès apparaît dans PHerc 1418 , col. XVIII (cf. Militello 38, p . 128) et dans
d ' autres passages encore. Quant à Polystrate, il pourrait s'agir du successeur d 'Hermarque à la
tête du Jardin (D . L . X 25). 91 M . Capasso, « Polistrato uditore di Epicuro ? » , CronErc 12 ,
1982, p . 5 -12.
(15 ) Philodèmenous permet encore de ranger dans le cercle épicurien le plus
ancien des noms comme Arcéphon (2A 300) et Eudème (» E 90 ).La liste n 'est
pas exhaustive et les progrès connus dans l'exploitation des documents d 'Hercu
lanum laissentespérer qu 'on pourra un jour écrire une histoire plus précise des
origines de l' école.
L 'influence d 'Épicure se faisait sentir au -delà des cadres stricts de l'école sur
des sympathisants qui, restés dans le monde, étaientà même de subvenir,par des
Ouvtábeis (fr. 74 et 142) , aux besoins des philosophes retirés au Jardin . Nous
170 ÉPICURE DE SAMOS E 36
disposons ainsi d'un certain nombre de fragments de lettres (fr. 74 -82) adressées
à un Syrien du nom de Mithrès qui fut ministre des finances (Ololuntńs) de
Lysimaque. A la mort du souverain (2814), ce bienfaiteur tomba en disgrâce et se
retrouva emprisonné au Pirée, où Métrodore vint lui porter assistance (Plutarque ,
Adv. Colot. 33, 1126 e-f; Non posse suaviter 15, 1097 b ). Sur ce personnage,
voir la bibliographie rassemblée par Arrighetti 2, p.676 , et le commentaire aux
fr.64, 74-82, 119 et 133, ainsi queMilitello 38 , p. 38-39 et le commentaire aux
nombreuses colonnes où le nom apparaît.
Sur les fondements "utilitaristes” (recherche du plaisir et fuite de la douleur)
de l'amitié épicurienne, voir 92 G . Arrighetti, « Philia e physiologia . I fonda
menti dell'amicizia epicurea » , MD 1, 1978, p . 49-63; 93 B . Gemelli, « L 'ami
cizia in Epicuro » , Sandalion 1, 1978, p . 59 -72 ; 94 J. M . Rist, « Epicurus on
friendship » , GPh 75, 1980, p . 121- 129 ; 95 P .Mitsis, « Epicurus on friendship
and altruism » , OSAPh 5, 1987, p. 127 -153; 96 S. Stern -Gillet, « Epicurus and
friendship » , Dialogue 28, 1989, p. 275 -288 ; 97 D . K . O 'Connor, « The invulne
rable pleasures of Epicurean friendship » , GRBS 30 , 1989, p. 165 - 186 ; 98 D .
Konstan , « Friendship from Epicurus to Philodemus» , dans G . Giannantoni et M .
Gigante , Epicureismo greco e romano. Atti del Congresso internazionale , Napoli
19-26 Maggio 1993, coll. « Elenchos » 25 *, Napoli 1996 , t. I, p. 387 -397 .
Sur l'étude des textes d'Épicure dans la tradition épicurienne, voir 99 E .
Puglia, « La filologia degli Epicurei» , CronErc 12, 1982, p. 19-34. Sur la véné
ration portée à Épicure dans l'École, voir 100 D . Clay, « The cults of Epicurus » ,
CronErc 16 , 1986 , p. 11-28.
Sur l'école épicurienne qui perdura au moins jusqu' à la fin du IT siècle de
notre ère, voir 101 J. Ferguson, « Epicureanism under the Roman Empire (revi
sed and supplemented by J. P. Hershbell) » , ANRW II 36 , 4, 1990, p. 2257 -2327 ;
102 S . Follet, « Lettres d 'Hadrien aux Épicuriens d ' Athènes (14 .2 - 14. 3 .125 ) :
SEG III 226 + IG 112 1097 » ,REG 107, 1994, p. 158 -171; 103 M .F. Smith ,« An
Epicurean Priest from Apamea in Syria » , ZPE 112, 1996 , p. 120 -130 (sur
Aurelius Belius Philippus, prêtre de l'oracle de Baal et chef de la communauté
épicurienne d'Apamée).
Sur la survie de l'épicurisme jusqu 'à l'époque moderne, voir 104 H . Jones,
The Epicurean tradition, London 1989, VII-276 p. Sur les traces de l'épicurisme
dans la littérature chrétienne, voir Schmid 15, col. 773 -817 = Ausgewählte philo
logische Schriften, p. 228-264.
Iconographie. Sur la popularité des images d ' Épicure dans les cercles épi
curiens antiques, voir Cicéron , Fin . V 1, 3 : « cujus (Epicuri) imaginem non
modo in tabulis nostri familiares, sed etiam in poculis et in anulis habent» ;
Pline, N . H . XXXV 5 : « Epicuri voltus per cubicula gestant ac circumferunt
secum » . Pour les nombreux bustes et statues d'Épicure, voir Schmid 15, col.
686 -687 = p. 155- 156 , et surtout 105 G . M . A . Richter, The Portraits of the
Greeks, t. II, London 1965, p. 194 -200 ; figures 1149 -1222 ; Supplement, London
1971, p . [7 ]. On considère que l' original grec qui est à la source des diverses
copiespourrait avoir été sculpté dans les années 280-270, donc du vivant d'Épi
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 171
cure . Diogène Laërce rapporte que la patrie d'Épicure (Samos ? Athènes ?)
l'honora par des statues de bronze (X 9 ). Voir 106 L .A . Scatozza Höricht, I
volto dei filosofi antichi. Introduzione di G . Giannantoni, coll. « Archaia - Col
lana di ricerche archeologiche - Storia degli studi» 2, Napoli 1986 , p . 155 -164 ;
107 I. Sgobbo , « Statue di oratori attici ad Ercolano dinanzi alla biblioteca della
Villa dei papiri», RAAN 47, 1972, p. 241-305 (un portrait d 'Épicure); 108 E .
Lissi Caronna, « Una nuova replica del ritratto di Epicuro alMuseo Nazionale
Romano », BA 58, 1973, p. 176 -177 ; 109 V . Kruse- Berdoldt, Kopienkritische
Untersuchungen zu den Porträts des Epikur, Metrodor und Hermarch , Diss.
Göttingen 1975, 213 p. ill.; 110 B . Frischer, The Sculpted word. Epicureanism
and philosophical recruitment in ancient Greece, Berkeley, Univ . of California
Pr., 1982, XXV-325 p. 16 pl. 1 carte ; 111 B . Frischer, « On reconstructing the
portrait of Epicurus and identifying the Socrates of Lysippus », CSCA 12, 1979,
p . 121- 154 ; 112 H . Wrede, « Bildnisse epikureischer Philosophen », MDAI(A )
97 , 1982, p. 235 -245 ; 113 B . Frischer, « A socio -psychological and semiotic
analysis of Epicurus' portrait » , Arethusa 16 , 1983, p. 247-265 ; 114 H . von
Heintze, « Die Statue des Epikur » , dans Alessandria e il mondo ellenistico
romano. Studi in onore di Achille Adriani, coll. « Studi e Materiali. Istituto di
archeol. della Univ . di Palermo », t. III, Roma 1984, p. 765 -771 ; 115 U . Pannuti,
« Ritratto di Epicuro in bronzo dalla “ Villa dei Papiri” di Ercolano » , RAL 5,
VIII, vol. 39, fasc. 3-4 , 1984, p. 101- 111 (avec 6 planches) et un appendice de C .
Piccioli sur l' analyse chimique de la statue (p . 113-116 ); 116 M . Gigante,
« Philosophia ut sculptura » = Atakta XXIX , CronErc 16 , 1986, p. 104, repris
dans Gigante 87, p . 5 -6 .
Euvres philosophiques. Apollodore d 'Athènes, dans sa Euvaywy tūv
boyuátwv (D . L . VII 181), opposait les citations innombrables auxquelles se
réduisaient les œuvres de Chrysippe à l'œuvre immense écrite par Épicure de
son propre cru (oixeia ouvámet) et sans recours aux citations (unapádeta ). La
même comparaison et la même thèse pro -épicurienne se retrouvent en X 26 , sans
référence à Apollodore, juste avant la liste des ouvrages d'Épicure.
La mention de Carneade,mort en 12978 , permet d 'identifier cet auteur à Apollodore ó
Knnotúpavvos (BA 243), dont 117 T. Dorandi, Ricerche sulla cronologia dei filosofi elle
nistici, coll. « Beiträge zur Altertumskunde » 19, Stuttgart 1991, p . 45-54, avec le tableau des
pages 62-64 , date le scholarcat des années 150 - 110 ; il aurait lui-même écrit 400 livres (D . L .
X 25 ).
De l'æuvre d'Épicure, philosophe prolifique (novypapáratoc), auquel on
prête environ 300 rouleaux de papyrus (zúalvopol), qui tous rapportent le propre
discours de leur auteur, sans aucune citation étrangère (uaptúplov ŠEwDev),
Diogène Laërce cite en X 27 -28 quarante-et-un titres comme étant les meilleurs
(Tờ BéAttara ).
Selon 118 D . Clay, « Epicurus in the archives of Athens» , dans Studies in Attic Epigraphy,
history and topography, presented to E . Vanderpool, coll. « Hesperia Suppl.» 19, Princeton
1982, p. 17 -26 , la référence aux archontes éponymes d 'Athènes conservées pour certaines
lettres et certains traités (les différents livres du De natura retrouvés à Herculanum ) montrerait
que les æuvres d'Épicure, tout comme son testament (Diogène Laërce X 16 ), avaient été dépo
sés au Métroon à Athènes. Selon 119 G . Cavallo , « I rotoli di Ercolano comeprodotti scritti.
172 ÉPICURE DE SAMOS E 36
Quattro riflessioni» , S & C 8 , 1884, p. 5 - 30 , notamment p. 9 , les archives n 'auraient contenu
que des documents de caractère public et officiel.
I. Liste des principaux ouvrages d 'Épicure (D .L . X 27-28). Contrairement à
Usener et Arrighetti, nous conservons l'ordre de Diogène Laërce afin de respec
ter le principe de classification que la liste pourrait suivre. Pour un essai d'inter
prétation , voir Steckel 16 , col.594 -595.
Nous indiquons la numérotation des fragments dans Arrighetti lorsque l'ouvrage est connu
autrement que par la liste de Diogène Laërce. Plusieurs témoignages ne sont signalés qu 'en
note chez Arrighetti ; on en trouvera généralementle texte dans le recueil d 'Usener. Ce dernier
associe également aux fragments comportant une référence explicite d 'autres passages qui
développent le même thème.
(1)Tepi púoewÇ Éntà vai tplárovta, Sur la nature, 37 livres (fr. 23-29,
avec riche commentaire, p.577-669).Certains livres ont été retrouvés, parfois en
deux ou trois copies, dans la bibliothèque d'Herculanum et ont fait l'objet d' édi
tions indépendantes. Arrighetti signale pour chaque livre l'état de conservation ,
ainsi que les références bibliographiques aux éditions antérieures. On se conten
tera donc de rappeler ici les éditions parues depuis Arrighetti (1973).
On trouvera pour chaque papyrus toutes les références nécessaires dans 120 Catalogo dei
Papiri Ercolanesi (CPE), sotto la direzione di M . Gigante , Napoli 1979 , 400 p., 8 pl. phot., à
compléter par 121 M . Capasso , « Primo supplemento al Catalogo dei papiri ercolanesi » ,
CronErc 19, 1989, p . 193- 264.
Sur l'ensemble du livre , voir 122 G . Arrighetti, « L 'opera “ Sulla Natura" di
Epicuro », CronErc 1, 1971, p. 41-56 ; 123 D . Sedley, « The Structure of Epicu
rus' On Nature » , CronErc 4, 1974 , p. 89 -92 ; 124 G . Arrighetti, « L 'opera “Sulla
Natura" e le lettere di Epicuro a Erodoto e a Pitocle » , CronErc 5, 1975 , p . 39
51; 125 D . Sedley, « The character of Epicurus’ On Nature » , dans Atti del XVII
Congresso internazionale di papirologia (Napoli, 19 -26 maggio 1983), Napoli
1984, p. 381-387.
LIVRE PAPYRI ARR. Nº DATATION
II 1149+ 993 ; 1010 24
126 Giuliana Leone, « Il II libro Della natura di Epicuro (PHerc. 1149/993 e 1010).
Problemi testuali ed esegetici», dans B . G . Mandilaras (édit.), Proceedings of the XVIIIth
International Congress of Papyrology, Athens 25-31May 1986, Athens, Greek Papyrological
Society, 1986, t. I, p . 237-248.
XI 1042 ; 154 26
127 D . Sedley, « Epicurus, On Nature, Book XI (P.Herc. 1042), fr. 1, col. III. An Argu
ment against Eudoxan Astronomy» , Proceedings of the XIV International Congress of Papy.
rologists , Oxford 1975, p. 269-275 ; 128 Id ., « Epicurus and his professional rivals » , dans
Études sur l'épicurisme antique. Textes réunis par J. Bollack et A . Laks, coll. « Cahiers de
philologie » 1 , Lille 1976 , p . 139- 144 ; 129 G . Arrighetti et M . Gigante , « Frammenti del libro
undicesimo Della natura di Epicuro (P . Herc. 1042) » , CronErc 7 , 1977, p . 5 -8 .
XIV 1148 29 souscr. : Énì Kreápxou = 301/300
130 G . Leone, « Epicuro , Della natura , libro XIV » , CronErc 14 , 1984, p. 17 - 107 ;
131 Ead., « Per une nuova edizione del XIV libro Della natura di Epicuro (PHerc. 1148) » ,
dans Atti del XVII Congresso internazionale di papirologia (Napoli, 19 - 26 maggio 1983),
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 173
Napoli 1984, p. 389-398 ; 132 Ead., « La chiusa del XIV libro “Della natura ” di Epicuro » ,
CronErc 17, 1987, p.49-76 .
XV 1151 30 souscr.:(ÉQ' 'H ]lyɛuáxou = 300/299
Édition plusrécente : 133 Claire Millot, « Épicure, De la Nature, livre XV », CronErc 7,
1977, p. 9-39.
XXVIII 1479 + 1417 31 souscr. : (ěx t ]ūv åpxai[wv] ...!
ŠylpJáon ÉTÈ Nexiov (296 /5) TOŨ
ulet]: 'A vti]párnv.
134 D . Sedley, « Epicurus, On Nature , Book XXVIII », CronErc 3 , 1973, p. 5-83. Voir
aussi 135 G . Giannantoni, « La polemica antimegarica nel XXVIII libro “Della Natura " di
Epicuro » , CronErc 13, 1983, p . 15-19 ; 136 D . K . Glidden, « Prolepsis in Peri physeosXXVIII
fr. 12, III, 3- 14 », dans Atti del XVII Congresso internazionale di papirologia (Napoli, 19-26
maggio 1983), Napoli 1984, p . 399-404 .
XXXII 998, fr. 11 inédit 32
XXXIV 998
137 A . Tepedino Guerra, « Tracce del XXXIV Libro “Della Natura" diEpicuro nel PHerc.
998 » , CronErc 17, 1987, p. 79.
« incertusliber » 1056 ,697; 1191; 34 et 35
(de libertate 1420
agendi) = XXV
138 S. Laursen,« Epicurus On Nature XXV (Long-Sedley 20 , B, C and j», CronErc 18 ,
1978, p . 7 -18 ; 139 G . Arrighetti, Un passo dell'opera Sulla natura di Epicuro , Democrito e
Colote » , CronErc 9, 1979, p. 5- 10 (examen du passage contenu dans les PHerc. 1056 , 697 et
1191) ; Laks 65 ; 140 Id ., « Epicurus, On Nature book XXV » , CronErc 17, 1987, p. 77 -78
(identification du livre); 141 E. Puglia, « PHerc. 1420/ 1056 : un volume dell'opera “Della
natura” di Epicuro », CronErc 17 , 1987, p. 81-83 ; 142 Id., « “Against Democritus – towards
the end " » , dans M . Capasso , G . Messeri Savorelli et R . Pintaudi (édit.), Miscellanea papy
rologica in occasione delbicentenario dell'edizione della Charta Borgiana, coll. « Papyro
logica Florentina » 19, Firenze 1990 ,t.I, p. 3- 22 ; 143 S. Laursen , « The summary of Epicurus
“ On Nature" book 25 » ,dans M . Capasso (édit.), Papiri letterari greci e latini, coll. « Papyro
logica Lupiensia » 1, Galatina 1992 , p . 141- 154 . Voir maintenant l'édition de 144 S . Laursen ,
« The Early parts of Epicurus, On Nature, 25th Book » , CronErc 25, 1995, p. 5 - 109 ; « The
Later parts of Epicurus, On Nature, 25th Book » , CronErc 27 , 1997, p . 5 -82.
1431 36
1413
145 R . Cantarella et G . Arrighetti, « Il libro " Sul tempo” (PHerc. 1413) dell'opera di
Epicuro " Sulla Natura” » , CronErc 2 , 1972, p. 5-46 ; 146 M . Isnardi Parente , « Xpóvos éml
vooúuevoç e Xpovog où vooúuevos in Epicuro , pap . Herc. 1413» , PP 31, 1976 , p . 168-175.
Sur la conception épicurienne du temps, voir également 147 F . Caujolle-Zaslawsky, “ Le
temps épicurien est-il atomique ? » , EPh 1980 , p. 285- 306 .
362 38
1039
148 E. Puglia, « PHerc. 1039 altro libro di Epicuro " Sulla natura” ?» , CronErc 18, 1988,
p . 19-26 .
174 ÉPICURE DE SAMOS E 36
D 'autres fragments ou témoignages se rencontrent dans les auvres de Philodème, de Plu
tarque ou dans les scholies au livre X de Diogène Laërce.
(2) Hepi åróuwvxai xevOŨ, Sur les atomes et le vide.
(3) lepi Éputos, Sur l'amour.
(4 ) 'Entitoun tūv npòs toùÇ Quolxoús, Abrégé des traités contre les physi
ciens (selon Usener, serait identique au n°47 ou bien le comprendrait).
(5 ) Mpòs toùç Meyap .xoús, Contre lesMégariques (fr. 194 Döring).
(6 ) Alanopíai, Questions disputées. Mentionné aussi en D .L . X 119; deux
fragments chez Plutarque (fr. 12, 1 et 2).
(7 ) Kúplal dotai, Maximes capitales. Quarante maximes sont citées en D . L .
X 139-154 (fr. 5). Treize de ces maximes figurent également dans le Gnomolo
gium Vaticanum Epicureum (fr. 6 ). Nombreux parallèles dans les notes d ' Arri
ghetti 2 , p . 545 -554 . Édition séparée par 149 P. Von derMühll, Epicuri epistulae
tres et ratae sententiae a Laertio Diogene servatae. Acc. Gnomologium Epicu
reum Vaticanum , coll. BT, Leipzig 1922, p. 51-60. Traduction française et com
mentaire dans 150 V . Goldschmidt, La doctrine d 'Épicure et le droit, coll.
« Bibliothèque d 'histoire de la philosophie », Paris 1977, p. 251-285.
Sur la maxime II, voir 151 D . Lanza, « Lamassima epicurea Nulla è per noi la morte » ,
SicGymn 33, 1980 , p. 357- 365 ; 152 D . Furley, « Nothing to us ? » , dans M . Schofield et G .
Striker (édit.), The norms of nature. Studies in Hellenistic ethics, Cambridge Univ. Pr. 1986 ,
p. 75 -91.
(8 ) Mɛpì aipédEWv xai quyõv, Sur ce qu 'on choisit et ce qu 'on évite. Men
tionné, puis cité en D .L . X 136 (fr. 7). Voir la définition de l'éthique en X 30 :
τα περί αιρέσεως και φυγής.
(9 ) Hepi ténous, Sur la fin . Quatre fragments (fr. 22) ; plusieurs fois men
tionné dans des passages signalés dans le commentaire d ’Arrighetti et cités par
Usener 1, p . 119- 123. Voir 153 A . Tepedino Guerra , « PHerc. 1232, fr. 6 : una
testimonianza del libro Sul fine di Epicuro ?» , CronErc 17, 1987, p . 85-88.
(10) Hepi xpirnpiou ñ Kavóv, Sur le critère ou La règle. Plusieurs témoi
gnages, chez Diogène Laërce , Cicéron, Plutarque, sont cités dans Usener 1 ,
p . 104- 106 .
(11) XaipédnuOS, Chairédèmos.Nom de l'un des trois frères d'Épicure.
(12) Tepi De @ v , Sur les dieux. Mentionné par Plutarque (voir Usener 1 ,
p. 103). Quatre fragments chez Philodème (fr. 17). Plutarque de Chéronée avait
écrit un lepi tnv toŨ ’Enixoúpov åxpódolv nepi Dewu (Sur la leçon d 'Épi
cure concernant les dieux) aujourd'hui perdu (n° 80 du Catalogue de Lamprias) .
(13) Tlɛpi dolórnTOS, Sur la sainteté. Connu par Cicéron et Plutarque (voir
Usener 1, p. 106 - 107). Cinq fragments chez Philodème et dans PHerc 1111
(fr. 19).
(14) 'Hmolávať, Hégésianax (» H 17). A l'occasion de sa mort, Épicure
adressa une lettre de consolation à son père Dosithéos [ D 224 ] (fr. 46 ).
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 175
(15) Iepi Biwv 8', Sur les genres de vie, 4 livres.Mentionné en D . L . X 30 ,
119 et 136 ; quatre fragments chez Philodème (fr. 10 ) ; Usener 1, p. 94 -96 , y rap
porte d ' autres passages de Cicéron, Sénèque et Plutarque. La Lettre à Ménécée
traitait de même tà trepi Biwv (X 29 ) ; Plutarque de Chéronée avait écrit un lepi
Biov tpos 'Enixoupov (Sur les genres de vie contre Épicure ) aujourd 'hui perdu
(nº 159 du Catalogue de Lamprias).
( 16 ) Hepi OLMALOnpaylaç, Sur la pratique de la justice.
(17) Neoxiñs tpos Oeuiotav,Néoclès, (dédié) à Thémista . Néoclès était le
nom du père d 'Épicure ( D . L . X 1) et celui de l'un de ses trois frères (X 3), sans
doute l'aîné. La dédicataire, Thémista , femme de Léonteus de Lampsaque, a
donné également son nom à un ouvrage d 'Épicure connu de Cicéron : n° 53.
(18 ) Evunóolov, Banquet. Cinq fragments chez Plutarque et Philodème
( fr. 21) ; d 'autres témoignages, chez Diogène Laërce (X 119 ), Athénée (fr. 251)
et Plutarque, sont cités dansUsener 1 , p . 115- 119.
( 19 ) Eủpúroxos após Mntpódwpov, Euryloque, (dédié ) à Métrodore. Eury
loque ( E 143) est également le destinataire d 'une lettre d'Épicure (fr. 48) ; on
connaît aussi un disciple de Pyrrhon le sceptique qui porte ce nom (D . L . IX 68).
Voir Gigante 56 , p . 79-85 (« Epicuri e il pirroniano Euriloco » ).
(20) Hepi toŨ opãv, Sur l'acte de voir.
(21) ɛpi tñs év tñ åróuw yuvias, Sur l'angle dans l'atome.
(22) Nepi áoñs, Sur le toucher.
(23) Hepi eiuapuévns, Sur le destin . Fragment chez Philodème (fr. 14).
(24 ) Hepi naoWv dócal após Tquoxpárny, Opinions sur les passions, (dé
dié) à Timocratès.
(25) Ipopuwotlxóv, Pronostic.
(26 ) Mpotpentixós, Protreptique. Genre littéraire de l'exhortation à la philo
sophie.
(27) Iepi eidúrwv, Sur les simulacres.
(28) ſepi davraoias, Sur la représentation.
(29) ’Aploróbouros. Aristoboulos (2 - A 362). Nom de l'un des trois frères
d'Épicure (X 3 ) ; destinataire d 'une lettre (fr. 44 -45).
(30) Hepiuovoixñs, Sur la musique.
(31) Lepi OlxalOOÚvns xai tõv ärrwv åpetūv, Sur la justice et les autres
vertus.
(32) Hepi dúpwv xai xápitoç, Sur les présents et la gratitude. Fragment
chez Sextus (fr. 13).
(33) Moruuńons, Polymède.
(34) Tluoxpáms r', Timocrate, 3 livres. Mentionné par D . L . IX 23. Autres
témoignages, chez Cicéron, Plutarque et dans PHerc 1111, cités dans Usener 1,
176 ÉPICURE DE SAMOS E 36
p . 123-124. Voir aussi Philodème, lepi tõv (Etoix @ v ] = PHerc 339, col. III, 2
5 Dorandi (p . 91) : tov ['E ]nixoupov év tő [ Tilluoxpá [ t ]el YPADELV TÒ uetà
Mnltp [o ]0 [úpou ) tòg uvoapwtáraç i énLTERETV TIPEELG .
( 35 ) Mntpódwpoç E',Métrodoros, 5 livres. Mentionné en D . L . X 23 ; voir
aussiPlutarque, De latenter vivendo 3, 1129 a , cité par Usener 1, p . 106 .
(36 ) ’Avtíowpoç B ', Antidoros (>+ A 191), 2 livres. Un philosophe que par
dérision Épicure appelait Sannidoros. Voir aussi Plutarque, Adv. Colot. 32 , 1126
a, cité par Usener 1, p. 92, et Crönert 35 , p. 24 -26 ; 177, qui retrouve ce nom
dans PHerc 418 (['Av]ríowpoc) et le restitue (à la suite de Ménage ) en D . L . V
92 (’Autóowpoç ou Aútódwpoç ó 'Etixoúpeloc), ce qui l'amène à faire de ce
philosophe un renégat de l'école épicurienne, comme Timocrate .
Crönert 35 , p. 177, lit également ce nom dans PHerc 1251 (= col. I 9 -10 Indelli et Tsouna
McKirahan) : [ĚV TLVL) I tūv ’ A [v ] t18 [úpou ourypaquálitwy, mais ce texte est reconstitué
différemment par 154 G . Indelli, « Una presunta testimonianza su Antidoro » , CronErc 21,
1991, p. 103-104.
(37) Lepi vóowv (VÓTwv codd.) dótal npòç MlOpnv, Opinions sur les mala
dies, (dédié) à Mithrès. Cité par Démétrius Lacon sous le titre lepi vóowv xai
Oavátou, Sur les maladies et lamort (fr. 18).
(38) Karriotóhaç, Callistolas. Il s 'agirait d'un nom propre selon Usener 1 ,
p . 93. Crönert 35 , p . 192, envisage d 'y voir une corruption du nom de Callistra
tos (24C 37) qui apparaît dans le fr. 120 , li. 10 et 12 Arrighetti.
(39) Tepi Baoireias, Sur la royauté . Fragment chez Plutarque (fr. 9).Usener
1, p . 92, propose de rattacher ce titre au suivant par la conjonction ń , en rappe
lant qu'Anaximène de Lampsaque (34A 167) avait justement écrit un BaoiréwV
Metalayai. Voir 155 M . Gigante et T . Dorandi, « Anassarco e Epicuro “ Sul
Regno" » , SicGymn 33, 1980 , p . 479-497, notamment p. 487-488 .
(40 ) 'Avatquévng, Anaximène. Voir le titre précédent.
(41) 'Enlotoal, Lettres.
Les fragments 40-133 Arrighetti rassemblent les passages conservés des
Lettres d'Épicure. Usener 1, p. 131- 164, cite en plus les nombreux testimonia
que l'on trouve chez Sénèque ; voir aussi Mette 19, p . 65 . Beaucoup de ces frag
ments épistolaires proviennent des papyri d'Herculanum , de sorte qu'ils posent
de difficiles problèmes de reconstitution et d 'interprétation. Pour les lettres
empruntées à l'ouvrage de Philodème, Mpayuatetai, voir Militello 38 ; pour
celles qui proviennent du Ipós tous (Étaipovc] (= PHerc 1005) , du même
auteur, voir 156 F . Sbordone, « Per la storia dell'epistolario di Epicuro » , dans
Miscellanea di studi allessandrini in memoria di A . Rostagni, Torino 1963,
p . 26 -39, et la nouvelle édition d' Angeli 46 . On peut ajouter au recueil d 'Arri
ghetti : 157 A .Barigazzi, « Una nuova lettera di Epicuro in Diogene d 'Enoanda» ,
Prometheus 1, 1975, p. 99-116 [Diogène d 'Oinoanda, NF 7). Sur les lettres,
bibliographie dans Liebich 39, p . 122- 123. Voir aussi 158 A . Angeli, « Fram
menti di lettere di Epicuro nei papiri d 'Ercolano » , CronErc 23, 1993, p . 11-27,
etMilitello 38 , p. 69-80 (« Tipologia delle epistole ... » ).
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 177
Plusieurs lettres sont datées de façon précise par le nom de l'archonte épo
nyme athénien . Elles s'échelonnent de 294/3 ou 293/2 à 271/0, année de la mort
d 'Épicure. On corrigera certaines datations données par Arrighetti en consultant
les listes d'archontes athéniens établies par 159 B . D .Meritt, « Athenian Archons
347/6 - 48/7 », Historia 26 , 1977, p. 161- 191 ; voir également 160 T. Dorandi,
« Gli Archonti nei papiri Ercolanesi» , ZPE 84, 1990, p. 121- 134 . Un tableau
similaire est donné par Clay 118. On peut reconstituer l'ordre chronologique
suivant:
ARCHONTE DATE DESTINATAIRE ARRIGHETTI
Olympiodoros 294 /3 ou 293/2 inconnu 105
(Dorandi)
Philippos 292/1 Thémista
Léonteus (et
Polyen ?)
Amis de Lampsaque
Charinos 291/0 Polyen 83 (-84)
inconnus 106 - 109
Téloclès 290 /89 Mithrès 79
Aristonymos 289/8 Mithrès 74
Pyrson 93
Dioclès 286 / 5 Anaxarque et PHerc. 176 fr. 5
Léontion
Diotimos 285 /4 Pyrson 94
inconnu 107
Isaios 284 /3 inconnu 110 -111
Euthios 283/ 2 inconnu 112
Ourias 28170 Léonteus 68
Anaxicratès 279 /8 Diodoros (fils de PHerc. 310 fr. 3
Mithrès ?)
Démoclès 278 /7 Colotès
Mithrès
Euboulos 274 /3 Idoménée
Mithrès
inconnu 113
Pytharatos 27170 Mithrès
voir aussi Idoménée
et Hermarque
(Cicéron , Fin II 30 ,
96 et 98 = fr. 122
Usener)
Certaines lettres étaient connues dans l'antiquité par un titre descriptif. La
Lettre aux philosophes résidant à Mytilène est citée par Athénée sous le titre ń
nepi éttitydeJMÁTWV ÉTlOtorń (fr. 102 = Athénée VIII, 354 b -c); une autre
lettre (fr. 119 = Philodème, PragmateiaiXXV) s'intitule ń n [epi] tőv đoyo
178 ÉPICURE DE SAMOS E 36
(allőv éx | < E > áuov È< tl> otor“ (li. 8-9 ; voir aussi li. 2 , et le commentaire de
Militello 38 , p . 257-258). Une autre lettre enfin (fr. 69) est désignée dans un
papyrus comme [T ]nv aaunpdv xarovuévny émo[ro ]ńv. Arrighetti 2 , p.680
681, comme déjà Crönert 35 , p. 20 , suppose que les lettres d'Épicure (et des
premiers maîtres de l'école ) ont connu deux classements différents : par destina
taires et par thèmes. L 'intérêt porté par l' école épicurienne aux lettres du fonda
teur et des premiers disciples explique que l'épicurien Philonidès ait écrit des
’Emitouàs ? [Wv I ŠTlotoWv tõv 'Etixoúplov, Mntpodópov , Morvaivov, I
' Epuápxov xai tūvoſuvnylué[ww ]v xarà révoc én [l]loto [ @ v ], Abrégés des
lettres d 'Épicure, deMétrodore, de Polyen, d 'Hermarque , et des lettres rassem
blées par genre (Anonyme, Vita Philonidis = PHerc 1044, fr. 14, li. 5 - 10 = I.
Gallo , Frammentibiografici da papiri, II : La biografia deifilosofi, Roma 1980 ,
p. 68 ). Voir aussi Militello 38, p . 74-75 .
Les lettres sont classées par Arrighetti dans l'ordre alphabétique des noms des
destinataires sous leur forme grecque : Athénaios ( * A 477), Anaxarque
(YA 159), Apelles ( + A 230), Aristoboulos ( A 362), Colotès ( C 180), Dosi
théos ( > D 224 ] (ou Sosithéos), Euryloque ( E 143), Hermarque ( ^ H 75), Hé
rodote (2H 102 ), Idoménée (» I 14 ), Léonteus, Léontion ,Métrodore , Mithrès,
Phyrson (ou Pyrson ), Polyen , Pythoclès, Timocrate . Une lettre d 'Épicure est
adressée à sa mère (fr. 125- 126 Smith ). Certaines ont un destinataire collectif:
Lettres aux amis résidant à Lampsaque, aux amis résidant en Asie , aux amis, aux
grands, aux philosophes (X 7) ou aux amis résidant à Mytilène (X 136 ). Les fr.
105 - 133 proviennent de lettres dont le destinataire est inconnu. Usener 1, citait
d 'autres fragments de lettres d 'Épicure à Apollonidès (> A 256 ?) (fr. 118 Us.) ,
Cratéros (fr. 139 Us.),Mys (fr. 152- 155 Us.), Charmides ( C 104 ) (fr. 140 Us. ),
mais un nouvel examen des papyri semble avoir amené Arrighetti à les rejeter.
Diogène Laërce rapporte en X 3 que Diotimos le Stoïcien (2D 205) avait
cherché à calomnier Épicure en lui attribuant cinquante lettres de caractère
licencieux et qu'un autre adversaire avait attribué à Épicure des lettres reconnues
comme étant de Chrysippe . Il est difficile de déterminer s 'il se trouve des
vestiges de telles lettres inauthentiques dans les fragments conservés. Crönert 38,
p . 20 - 24 , rejette ainsi la Lettre aux amis (ou aux philosophes) résidant à Mytilène
(Ilepi tõv ÉALTNdEVMátwv); il signale également le travail critique sur les
lettres d 'Épicure auquel se serait adonné l' épicurien Zénon de Sidon (fr. 25
Angeli-Colaizzo), le maître de Philodème, qui y fait allusion dans son lipos
ToùS (Étaipovs), 4, col. XI, p. 176 - 177 Angeli.
Diogène Laërce distingue en X 35 entre les lettres (privées) qu 'il range parmi
les sources de la pensée morale d 'Épicure et d 'autres lettres contenant un ensei
gnement xarà otoLxeTov ( élémentaire ?), notamment sur la théorie physique. Il
s 'agit de ces lettres dans lesquelles Épicure présentait un résumé de ses ouvrages
ou un exposé des principes fondamentaux de sa doctrine (comp. X 37 : énitouny
xai otoixeiwolv , X 44 : Abdexa otoLXELVOELS, X 35 : TÒV tútov tñs oans
Tipayuateias tóv XATEOTOIXELWMÉvov). Trois de ces lettres au contenu doctri
nal important ont été conservées par Diogène Laërce, qui voit en elles un
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 179
Éttitouń de toute la philosophie épicurienne ( X 28 ). Édition séparée des trois
lettres dans Von der Mühll 149 ; traduction française récente par 161 J.-F .
Balaudé, Épicure : Lettres, Maximes, Sentences. Traduction, introduction et
commentaires par J.- F. B ., coll. « Classiques de la philosophie » , Paris 1994,
222 p . ; 162 traduction reprise et révisée dans Diogène Laërce , Vies et doctrines
des philosophes illustres, coll. « La Pochothèque – Classiques modernes » , Paris
1999, p . 1147-1325.
(42) Lettre à Hérodote , D . L . X 34-83 (D 2 ), < htepi PUOLXWV> (X 29 ; comp.
X 83) ; elle est désignée commeń tpos 'Hpódotov Štritouń en X 31 (voir dans
la lettre elle-même les expressions Énitounu tñs óang npayuateias, X 35, et
Titounu xai otoLyelWOLV TÕV onwv 80Eõv, X 37). En X 85 , c' est sans doute
la même lettre qui est évoquée par la formule év tñ ulxpõ ÉnlTouſ noos
‘Hpódotov.
Édition , traduction et commentaire : 163 J. Bollack , M . Bollack et H .
Wismann, La Lettre d 'Épicure, Paris 1971, 314 p. (Glossaire, p . 261-277 ;
“ Formes de langue”, p . 269-277 ; Index des mots grecs, p . 278 -312). Voir aussi
164 F . Heidsieck , « Épicure et la logique du vivant. Commentaire de la page 74
de la Lettre à Hérodote », REG 89, 1976 , p . 611-614 ; 165 F . Adorno, « Epicuro
Epistola a Erodoto 39, 7 - 40,3 . Vuoto , spazio -chora, intattilità , luogo , atomi e
corpi nel vocabolario di Epicuro. Un interpretazione di Timeo 52 a -d di Platone
e di Fisica 209 b 9 - 16 di Aristotele » , Elenchos 1, 1980 , p . 245 -275 ; 166 D .
Konstan, « Epicurus on Up and Down (Letter to Herodotus 60)» , Phronesis 17,
1972 , p . 269- 278. 167 F. Adorno, « Epicuro, Epistola a Erodoto , 39,7-41,5 ;
PHerc. 1056 , 5 II. Un codicillo e qualche riflessione» , dans Eucńmois . Studi
sull'epicureismo greco e romano offerti a Marcello Gigante, coll. « Bibl. della
Parola del Passato » 16 , Napoli 1983, p . 53-72 ; 168 D . Sedley, « Two concep
tions of vacuum » , Phronesis 27, 1982, p . 175-193 (sur le § 40).
(43) Lettre à Pythoclès, D .L . X 83 -116 (fr. 3), nepì uetapoiwv, X 29, nepi
ueteúpwv, X 83 (voir dans la lettre : nepi tõv ueteúpwv súvtouov xai
EủTTEPLypapov olaroylouós, X 84).
Édition, traduction allemande : 169 E . Boer (édit.), Epikur, Brief an Pythocles,
hrsg. u . übers . von E . B ., Berlin 1953, VIII-12 p . (doubles). Édition, traduction
française et commentaire : 170 J . Bollack et A . Laks (édit.), Épicure à Pythoclès.
Sur la cosmologie et les problèmesmétéorologiques, coll. « Cahiers de philolo
gie » 3, Lille 1978, 373 p. (Index des mots grecs, p . 318-341; “ Faits de gram
maire et de style ” , p . 342 -353) . Sur les problèmes d 'authenticité, voir Bollack et
Laks 170, p . 45-55, Arrighetti 2, p. 524-525, et la bibliographie qui y est signa
lée.
(44) Lettre à Ménécée, D .L . X 121- 135 (fr. 4 ), nepi Biwv, X 29, nepi tõv
BOTLxõo xai öToc xo tà uv uặc ai cũoai, rà sº kake Yell, X 117).
Édition, traduction et commentaire : Bollack 33, p . 51- 143 (Index desmots grecs,
p . 588-624 ; " Faits de grammaire et de style” , p . 625-630 ). 171 K .-H . Eller,
« Epikurs Lehrbrief an Menoikeus» ,AU 32, 1, 1989, p .69-85.
180 ÉPICURE DE SAMOS E 36
II. D ' autres æuvres d 'Épicure sont connues, qui ne font pas partie des titres
signalés par Diogène Laërce.
(45) Tepi đuoiborías, Sur l'ambiguïté. Mentionné dans le ſlepi púoews,
livre XV (fr. 31, 14 , li.26 Arrighetti).
(46) ’Avapwvňoelç, Proclamations (?). Fragment chez Philodème (fr. 8).
Pour la signification du titre, comp. 8là ßpaxeñv pwvõv, X 36 et ń rooqúin on pwrn
TOÚTWV TÁVTWVMunuoveVOUÉvwv, X 45. Voir aussi nº 56 (Gnomologium ).
(47) Mpós Anuóxputov , Contre Démocrite . Fragment chez Philodème
(fr. 11) . Selon Usener 1, p . 97, cet ouvrage serait une partie du n° 4 ou même s ' y
identifierait.
(48) Abdexa otoLXELGOEIÇ, Douze introductions élémentaires. L 'ouvrage est
mentionné dans une scholie sur la Lettre à Hérodote, X 24.
(49) Meyán énitouń, Grand abrégé. Mentionné dans trois scholies sur la
Lettre à Hérodote , X 39, 40 et 73.
(50)Mixpà śnitouń, Petit abrégé. Fragment concernant la divination en
D .L . X 135 ( fr. 15) ; sans doute à distinguer de la Mixpà étitoun após
‘Hpódotov (= la Lettre conservée ),mentionnée en X 85, car la Lettre ne traite
pas ce sujet.
(51) < /lepi eủoebelaç> (?), Sur la piété. Mentionné par Cicéron, De nat.
deor. I41, 115 : « At etiam de sanctitate, de pietate adversus deos libros scripsit
Epicurus » . Ce pourrait être en fait le seullepi dolórntos (nº 13) que Cicéron
voudrait désigner ici par deux équivalents latins. Voir le commentaire de
172 A . S . Pease (édit.), M . Tulli Ciceronis De natura deorum libri III , t. I (“Liber
primus” ), Cambridge (Mass.) 1955 ; réimpr. Darmstadt 1968, p . 506 -507.
(52 ) < /lepi ń dovñs> (?), Sur le plaisir. Mentionné par Cicéron , De divin . II
27, 59 : « Epicuri de voluptate liber » . Mais il pourrait s'agir, selon Steckel 16 ,
col. 597, du lepi térous (nº 9), car il serait étrange qu ’un tel titre ait échappé à
une tradition antiépicurienne obnubilée par la « fin » enseignée par ce philosophe.
Dans un papyrus récemment édité par D . Obbink dans CPF , la formule úntèp
tñs noovñs ne désignerait pas un titre d 'ouvrage d 'Épicure, mais le contenu de
différents de ses ouvrages selon 173 E . Puglia , « Su una lettera riguardante libri
di Metrodoro ed Epicuro : ( PGettyMus acc. 76. Al. 57) » , ZPE n° 117, 1997,
p . 42 -44.
(53) Oeuiora , Thémista . Évoqué par Cicéron , Fin . II 21, 68 : « tantis volumi
nibus de Themista loqui... » ; voir aussi Or. in L . Pisonem 26 , 62. Ces deux
témoignages sont cités par Usener 1, p . 101- 102.
(54 ) Mpós Oɛó paotov , Contre Théophraste . Fragment du deuxième livre
chez Plutarque (fr. 16 ) ; un ouvrage du même titre est attribué à Léontion par
Cicéron, De nat. deor. I 33, 93 ; pour Usener 1, p . 101-102, qui cite le passage, il
pourrait s'agir du même ouvrage ; voir le commentaire de Pease 172, p . 451.
E 36 ÉPICURE DE SAMOS 181
(55) Tepi öntopixñs, Sur l'art oratoire. Sept fragments dans l'ouvrage de
Philodème qui porte le même titre et chez Ammien Marcellin (fr. 20 ) ; mentionné
également en D .L . X 13.
(56 ) Plusieurs sentences épicuriennes (’Enixoúpou nipoopávnouc ), y com
pris treize maximes appartenant aux Kúplai dótal (nº 7 ), sont rassemblées dans
le Gnomologium Vaticanum Epicureum (Vaticanus graecus 1950 , f. 4010 - 404 ),
édité pour la première fois par 174 C . Wotke, « Epikurische Spruchsammlung »,
WS 10 , 1888, p . 175 - 199. Le recueil constitue le fr. 6 Arrighetti et est commenté
p . 555 -571, où sont rassemblés les parallèles (fr . 204 -249). La plupart des 81
sentences sont attribuées à Épicure lui-même, quelques -unes (non éditées par
Arrighetti) à Métrodore (10, 30 , 31, 47, 51) ou à Hermarque (36 ). Sur la sentence
79 (ó årápagos tauto xai ÉTÉpw đóxantos), voir 175 P . Colaclidès, « Sur un
aphorisme d'Épicure » , RPh 52, 1978, p . 264- 265. Correctionsproposées pour les
sentences 80 et 81 dans 176 M . Marcovich , « Epicurus Vaticanus» , ICS 10,
1985, p. 191- 194 . Voir aussi 177 A . Blanchard, « Épicure , “ Sentence Vaticane”
14 : Épicure ou Métrodore ? » , REG 104, 1991, p . 394 -409.
(57) Enfin , le Testament d 'Épicure a été conservé en D . L . X 16 -21, tout
comme ceux de Platon, d 'Aristote , de Théophraste , de Straton et de Lycon. Les
testimonia anciens sont cités par Usener 1, p. 165- 168. Il est possible mais
nullement certain que le testament ait fait partie de la Collection qu 'avait
constituée Ariston de Céos : Diogène Laërce (V 64) lui a emprunté en tout cas
celui de Straton.
Sur le testament, voir 178 K .G . Bruns, « Die Testamente der griechischen
Philosophen » , Zeitschrift der Savigny-Stiftung, Romanistiche Abteilung 1, 1880 ,
p . 1-50 ; repris dans les Kleine Schriften de l'auteur, t. II,Weimar 1882, p. 192
237 ; 179 R . Dareste , « Les testaments des philosophes grecs» , Annuaire de l'as
sociation pour l'encouragement des études grecques en France 16 , 1882, p . 1
21; 180 A . Hug, « Zu den Testamenten der griechischen Philosophen » , Fest
schrift für Begrüssung der... XXXIX Versammlung deutscher Philologen...,
Zürich 1887 , p. 1-22. Voir plus récemment, pour les testaments des péripatéti
ciens, 181 H . B . Gottschalk , « Notes on the wills of the Peripatetic scholarchs» ,
Hermes 100, 1972, p . 314-342. Malgré le titre , on ne trouve rien sur le testament
d ' Épicure dans 182 D . Clay , « Epicurus' Last Will and Testament » , AGPh 55,
1973, p. 252-280. 183 C . Natali, « Aspetti organizzativi di alcune scuole filoso
fiche ateniesi» , Hermes 111, 1983, p. 52-69. Voir d'autres références bibliogra
phiques dans Crönert 35, p . 84 n .413, et Arrighetti 2, p. 488, ainsi que 184 P. D .
Dimakis, « Note al testamento di Epicuro » , dans Studi in onore di Arnaldo
Biscardi, t. VI, Milano 1987, p. 471-492; 185 T. Dorandi, « Precisazioni sul
testamento di Epicuro » , Labeo 38, 1992, p. 55-62.
RICHARD GOULET.
182 ÉPIDICOS E 37

37 ÉPIDICOS
A ce philosophe, dont le nom est vraisemblablement corrompu, est rapportée
par Aétius une opinion sur l'origine du monde (ÚTTÓ Dúoewç yeyevñodal tov
xóquov). Le passage a été transmis par Stobée , Anthologium I 21, 6 f. Le nom
apparaît également dans la liste des sources philosophiques de Stobée conservée
par Photius, Bibl. cod. 167, t. II, p . 155 , 35- 36 Henry.
RICHARD GOULET.
38 ÉPIGÉNÈS DE CÉPHISIA RE 15 PA 4803 fya
A . Fils d’Antiphon du dème de Céphisia, c'est un membre de l'entourage de
Socrate (Apologie 33 e). Il assiste au procès de Socrate, et il se trouve dans la
prison quand Socrate boit la ciguë (Phédon 59 b ). Xénophon raconte dans les
Mémorables (III 12) une conversation entre lui et Socrate ; comme sa condition
physique n 'est pas bonne, Socrate conseille à Épigène de faire de l'exercice.
B . Diogène Laërce (II 121) fait d 'Épigène le fils de Criton (2 C 220 ; PA
8823) en lui donnant comme frères Critobule ( 2 - C 217), Hermogène et Ctésippe
( C 227) ; de toute évidence, il s'agit d 'une erreur, car cette affirmation se
trouve contredite par ce qu'on lit chez Platon et chez Xénophon. Voir PA 4790 .
Selon Davies, APF n° 4790, l'erreur proviendrait d'une incompréhension de la formule
employée par Platon dans le Phédon 59 b .
C . I.M . Linforth , The Arts of Orpheus, Berkeley 1941, p. 116 - 117, identifie
cet Épigène avec celui qui aurait écrit lepi tñs eis 'Oppéa avapepouévns
TOLNOewÇ (» E 39 ), mais rien dans la figure du socratique n 'appuie ce rappro
chement.
Cf. P . Natorp, art. « Epigenes» 15 , RE VI 1 , 1907, col. 64 ; J. Kirchner, PA
n° 4803 ; Davies, APF nº 4790 (“ a ghost” ) .
LUC BRISSON .
39 ÉPIGÉNÈS RE 16 DIVa ?
Auteur d' un traite Περί της εις ' Ορφέα αναφερομένης ποιήσεως (Sur la
poésie attribuée à Orphée) dans lequelil soutenait que le pythagoricien Cercops
(2°C 84 ) était l' auteur d 'une Katábaolç eic " Ạdov (Descente dans la demeure
d 'Hadès) et d'un ‘lepòs Móvos (Discours sacré), et que le pythagoricien Bron
tinus ( + B 61) était l'auteur du létroç et de Ovoixá . Voir Clément, Strom . I
21, 131, 5 ; p . 81, 11- 14 Stählin . Plus loin ( V 8 , 49, 3 ; p . 360 , 10 - 19 Stählin : év
TẬ nepi tñs 'Opoéwç noindewc), Clément cite les explications allégoriques
qu ’Épigénès proposait pour plusieurs formules orphiques. L 'explication de
l'existence d'une littérature orphique par l'attribution à des pythagoriciens n 'est
du reste pas sans parallèle. Voir 1 W . Burkert, Lore and Science, p . 129 et n . 50 .
Les ouvrages attribués par Épigénès aux pythagoriciens figurent dans le cata
logue des poèmes d 'Orphée que l'on trouve dans la Souda, 0 654 ; t. III, p . 564 ,
23 - 565, 11 Adler. Voir M . L . West, The Orphic Poems, Oxford 1983, p . 9 - 13 .
Dans le Lexique d 'Harpocration , s.v. " Iwv, on peut lire que lon de Chios (3 ` I 20 )
E 41 ÉPIGONOS DE SPARTE 183
avait écrit un ouvrage intitulé Tplayuol (= DK 36 (25) t. I, p. 377, 15-20) Önep
Karriuaxoç å Tidéyeobal Anoiv üç 'Enlyévous (test. 9, p. 7 Leurini).
Callimaque soutenait donc que cette æuvre devait être attribuée à Épigénès. Ce
témoignage soulève cependant des doutes sérieux et le texte a été diversement
corrigé. Voir les conjectures ünÒ 'Enlyévous (Bergk, Leurini), xai 'Enlyévns
(Jacoby), ốc xai Elycvnc ( Diels), óc sÜTTò > 'Eurévous ( Cohn); Calli
maque, selon cette dernière lecture , aurait affirmé qu’Épigénès refusait d'attri
buer l'ouvrage à Ion. Pfeiffer (sur Callimaque, fr. 449) opte pour les corrections
de Diels ou de Jacoby. Il est certain qu 'épigénès s'était intéressé aux tragédies
d 'Ion , comme le montre le témoignage d 'Athénée XI, 468c, où lui est attribuée
l'explication d'une expression empruntée à l'Agamemnon du poète tragique.
(Dans le premier passage de Clément, Strom . I 21, 131, 5 , le passage sur Épigénès suit
immédiatement une mention d ’lon de Chios. R . G .)
Selon 2 I. M . Linforth , The Arts of Orpheus, Berkeley 1941, p. 116 -117, il
faudrait l'identifier avec l'Épigénès (» E 38) élève de Socrate ; des objections
sont soulevées par 3 E .R . Dodds, The Greeks and the Irrational, Berkeley 1951,
p. 171,mais voir Burkert 1, p . 129 n . 50.
Cf. L . Cohn, art. « Epigenes » 16 , RE VI 1, 1907,col.65.
(A . Le Boulluec , dans son commentaire au passage de Clément, Stromates V 8, 49, 3 (SC
279, Paris 1981, p. 190 ), identifie Épigénès à « Épigénès de Byzance [RE 17 ), qui a sans doute
vécu au début de l'époque alexandrine. » La présentation que A . Rehm donne de ce person
nage, principalement connu comme astrologue (art. « Epigenes» 17 , RE VI 1, 1907, col. 65
66 ), n 'invite cependant pas à l'identifier avec le « grammairien grec de l' époque alexandrine »
dont parle Cohn dans la notice précédente. R .G .)
BRUNO CENTRONE.
40 ÉPIGONOS DE CILICIE RESuppl. III: 10 PLREI:2 MIV
Philosophe résidant en Cilicie que Gallus fit arrêter et conduire à Antioche
(avec Eusébe d'Émèse surnommé Pittakas) après l'exécution du questeur Mon
tius, en 354, sous prétexte que celui-ci l'aurait accusé (Ammien Marcellin XIV
7 , 18 ). Bien qu ' il y ait eu confusion de personnes, il fut condamné à mort.
« N 'ayant de philosophe que le manteau » , il affirma sous la torture avoir été
associé à un complot inexistant (XIV 9, 4-6).
PIERRE MARAVAL .
41 ÉPIGONOS DE SPARTE RE 9 PLRE 1:3 F IV /D V
Avec Béronicianus de Sardes (~+ B 25), l'un des deux " diadoques" du philo
sophe néoplatonicien Chrysanthe de Sardes (PC 116 ) dans la ville natale de ce
dernier. Ces deux philosophes marquent dans les Vies des philosophes et des
sophistes d' Eunape de Sardes ( E 121) le terme d'une longue succession qui, à
partir de Plotin, Porphyre et Jamblique (BI3), passait par Aidésius (2A 56 ) et
Chrysanthe pour parvenir au temps d'Eunape. Ils enseignaient à Sardes lors de la
composition des Vies dans les dernières années du IVe siècle ou les toutes pre
mières du ve (Eunape, Vies des philosophes et des sophistes XXIV 1; p. 101, 17
184 ÉPIGONOS DE SPARTE E 41
20 Giangrande). Voir le stemma de la diadochè de Jamblique dans DPHA I,
p . 77.
RICHARD GOULET.
42 ÉPIMÉNIDE
Destinataire d 'une lettre de Diogène le Chien (Lettre 51). Celui-ci, qui a
entendu dire qu'Épiménide promettait de pratiquer la vertu , lui rappelle le mot
de Simonide, selon lequel « Il est difficile d 'être bon , mais facile de le pro
mettre » .
La lettre est éditée et traduite en allemand par Eike Müseler, Die Kynikerbriefe, coll.
« Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» , Neue Folge, erste Reihe, Bd. 7 ,
Paderborn 1994, p . 78-79 ; trad . anglaise par B . Fiore, dans A . J. Malherbe (édit.), The Cynic
epistles, coll. « Society of Biblical Literature - Sources for Biblical Study » 12, Missoula
(Montana) 1977, p. 182-183.
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
43 ÉPIPHANE RE 11
Auteur d'un ouvrage conservé (mais inédit ?) Tepi Bpovrőv xai đotpanov
(Sur le tonnerre et l'éclair). Voir Fabricius et Harles, Bibliotheca Graeca,
t. VIII, Hambourg 1802, p. 261.
RICHARD GOULET.
44 ÉPIPHANE DE CÉPHALLÉNIE RE 2
Gnostique, fils de Carpocrate d'Alexandrie et d 'Alexandria de Céphallénie . Il
mourut à 17 ans et fut l' objet d 'un véritable culte à Samè de Céphallénie dans un
sanctuaire élevé en son honneur. Il était l'auteur d 'un lepi OlxalogÚvns (Sur la
justice), dont Clément d 'Alexandrie , Stromates III 2 , 5 , 1 sqq. cite de longs pas
sages. Selon Clément, qui rattache le communisme radical d'Épiphane et la
communauté des femmes qu'il préconise à la République de Platon, Épiphane
avait été formé par son père aux disciplines du cursus général et à la doctrine
platonicienne.
RICHARD GOULET.
45 ÉPIPHANE DE SALAMINE RE 3 † 402
Hérésiologue, dont les vues sur les philosophes antiques ont été intégrées
comme fragments (déformés) d'Aétius dans les Doxographi Graeci d ' H . Diels,
Berlin 1879, réimpr. Berlin 1958, p. 585-593.
Vie. Pour reconstituer la chronologie de la vie d'Épiphane, il convient de par
tir de la date de samort. Nous la connaissons avec précision grâce à l'Histoire
ecclésiastique de Socrate (VI 12- 14), qui rapporte son ultime voyage à Constan
tinople et permet de la situer au début de mai 402 (cf. 1 P . Nautin , art .
« Épiphane de Salamine» , dans DHGE XV, 1963, col. 909-927, notamment col.
617). Palladius (Dial. 16 ) nous apprend d'autre part qu'il fut évêque pendant
trente-six ans, ce qui situe son élévation à l'épiscopat en 366 . Étant donné que
Jérôme en 393 précise qu 'Épiphane est in extrema senectute (De Viris, 194 ), on
admet qu'il naquit entre 310 et 320 .
E 45 ÉPIPHANE DE SALAMINE 185

Sozomène (H . E . VI 32) nous donne quelques renseignements biographiques


supplémentaires. Épiphane est né en Palestine, non loin d 'Éleuthéropolis ,mais il
partit pour l'Égypte , afin de faire des études rhétoriques. C 'est là qu 'il eut l'oc
casion de rencontrer l'hérésie gnostique (Panarion, 26). Termina-t-il ses études
avant de choisir la vie monastique ? C 'est ce long séjour au désert, dans un mo
nastère de Basse -Égypte, qui le marqua pour toujours, bien plus que l'éducation
grecque qu 'il était venu chercher à Alexandrie. Toute sa vie , Épiphane restera un
moine profondément marqué par l'engagement de ses pères spirituels dans le
camp d'Athanase contre les ariens d'une part, et d'autre part contre les
origenistes, qu 'il poursuivit avec la plus grande intransigeance jusqu'à sa mort.
C 'est pourquoi, lorsqu 'il choisit de rentrer au pays, ce fut pour fonder un
monastère à Bésanduc, près d'Éleuthéropolis, probablement sur un domaine
familial, ce qui lui valut d ' être ordonné prêtre (Jérôme, C . Ioh . 4 ). Dès cette
époque, il ne se cantonne pas dans son rôle d 'abbé : strict défenseur du concile de
Nicée, il dénonce notamment un prêtre gnostique de Diospolis dont il fit même
excommunier l'évêque Aèce. De plus, en multipliant les contacts avec les
nicéens exilés dans sa région, il ne tarda pas à entrer en conflit avec l'évêque
d'Éleuthéropolis Eutychius, partisan d 'un compromis avec les ariens. C ' est sans
doute la cause de son départ pour Chypre . Les évêques de l'île, désireux d'ac
croître leur autonomie vis-à-vis du siège d 'Antioche, que se disputaient alors
quatre candidats, choisirent pour chef cet orthodoxe intransigeant qui disposait
en outre de solides appuis du côté d' Alexandrie. Pendant les trente - six ans de
son épiscopat, il refusa d 'entrer en communion avec l'évêque officiel d'Antioche
mais, loin de se replier sur son île, il ne cessa d'écrire et de voyager en Syrie, en
Palestine et en Carie , pour lutter contre tous les hérétiques dont ses correspon
dants lui signalaient l'existence.
Son acharnement fut particulièrement vif contre les admirateurs d'Origène.
En 395, il fut invité à prêcher à Jérusalem par l'évêque Jean qui était l'un d ' entre
eux . Il n 'hésita pas à provoquer son hôte en choisissant de dénoncer leurs erreurs
dans son discours . Le maître des lieux répliqua dès le lendemain par un sermon
contre les détracteurs d'Origène et par une profession de foi inattaquable. Épi
phane dut se retirer dans son monastère palestinien,mais, dès l'année suivante , il
consacra un diacre du diocèse de Jean de Jérusalem sans la permission de
l'évêque, puis lui adressa une lettre justificative qui le sommait en fait de
condamner les erreurs d ’Origène (cf. Jérôme, Ep. LI). Ces maneuvres provo
quèrent une brouille durable entre Rufin d'Aquilée, protégé de l'évêque, et son
amiJérôme, qu 'Épiphane avait réussi à attirer dans son camp, et ce n 'est qu'en
397 que Jean leva l'excommunication de Jérôme, enfin réconcilié avec Rufin . En
400 , l'évêque Théophile d 'Alexandrie entra en conflit avec un de ses prêtres,
Isidore, qui partit plaider sa cause à Constantinople avec quelques amis issus du
monastère de Nitrie. Pour déjouer l'entreprise de ces contestataires, Théophile
les accusa d 'origenisme et chercha par une lettre synodale à susciter contre eux
une réprobation générale (Jérôme, Ep . XCII). Bien entendu, Épiphane vola à son
secours et obtint la condamnation d ’Origène par un concile chypriote . Aussitôt
186 ÉPIPHANE DE SALAMINE E 45
après , il débarqua à Constantinople et tenta d 'intimider l'évêque du lieu , Jean
Chrysostome, avec sa brutalité coutumière : il ordonna un diacre sans sa permis
sion, déclina son hospitalité, comme s'il s 'agissait d'un hérétique, refusa d' entrer
en communion avec lui et, à l'invitation des ennemis de Jean , prit la parole aux
Saints -Apôtres contre les origénistes et Chrysostome lui-même. La prudence le
poussa à se rembarquer pour Chypre dès le lendemain , mais cette traversée lui
fut fatale . Nul doute que l'attitude hostile d'Épiphane envers Jean Chrysostome
joua un grand rôle dans la déposition de ce dernier au Concile du Chêne de 403.
Euvres. Les æuvres sont répertoriées dans CPG II,n°S 3744 -3807. Le Pana
rion a été édité par 2 K . Holl, coll. GCS 25 , 31 et 37, Leipzig 1915- 1933, réimpr.
par les soins de J. Dummer, Berlin 1980- 1985 ; trad . angl. 3 Epiphanius
(Sanctus). The Panarion, transl. by F. Williams, coll. « Nag Hammadi Studies »
35- 36 , Leiden 1987 -1994. Voir aussi 4 The Panarion of St. Epiphanius, Bishop
of Salamis. Selected passages, transl. & ed. by Ph. R . Amidon, New York/Oxford
1990, 378 p.
Épiphane et la pensée grecque. Bien qu'Épiphane ait eu le syriaque pour
langue maternelle, son œuvre témoigne d 'une connaissance réelle de la langue
grecque, quoi qu 'on ait pu en dire . En revanche, il ne semble pas avoir été mar
qué le moins du monde par la culture rhétorique et philosophique classique,
commune à tous les autres auteurs chrétiens de cette époque. Pour Jérôme (C .
Rufin ., II 22), c 'était un érudit quimaîtrisait cinq langues: le syriaque, le grec ,
l'hébreu, le copte et le latin . Pour Sozomène, il tenait son éducation des moines
d'Égypte, et c'est probablement cette information qu'il faut retenir pour se faire
une idée juste de son mode de penser. Épiphane ne connaît pas le dilemme des
Pères de l'Église du IVe siècle, partagés entre leur formation intellectuelle
grecque et leur fidélité aux Écritures: l'enseignement biblique doit prévaloir sur
tout autre type de réflexion et lui sert même de point de départ pour intégrer
toute pensée étrangère dansun cadre qui la transcende a priori.
Dans son œuvre majeure, le Panarion (ou Boîte à remèdes), rédigé de 374 à
377, il entreprend de retracer l'histoire des déviations de la pensée humaine, par
rapport à la parole de Dieu, depuis les origines de l'humanité jusqu'à son épo
que. Ce sont en tout quatre-vingts hérésies qu 'Épiphane classe avec une minutie
expressément inspirée des Thériaques et des Alexipharmaques de Nicandre de
Colophon et des écrits botaniques de Dioscoride (cf. Pan. Pr. II 3, 1), afin
d'indiquer à son lecteur leurs caractéristiques et le contre-poison de chacune. Le
cadre des hérésies préchrétiennes qu 'il adopte lui est dicté par une phrase de
saint Paul (Col. 3, 11): « il n 'est plus question de Grec ou de Juif..., de Barbare
ou de Scythe... il n 'y a que le Christ.» Il en déduit donc que quatre périodes se
sont succédé: le Barbarisme, d'Adam à Noé, où chaque homme est soumis à sa
propre loi; le Scythisme, de Noé à Tharra , où apparaissent la superstition et la
vie collective; l'Hellénisme, qui se caractérise par le culte des idoles et passe des
Égyptiens, des Babyloniens, des Phrygiens etdes Phéniciens aux Grecs ; enfin le
Judaïsme, depuis Abraham , dont la marque est la circoncision . Ces deux der
nières dénominations-mères vont donner naissance à des hérésies- filles parmi
E 49 ÉRASTOS DE SCEPSIS 187
lesquelles les sectes juives et samaritaines du temps de Jésus, ainsi que les sectes
philosophiques grecques (cf. 5 A . Pourkier , L 'hérésiologie chez Épiphane de
Salamine, coll. « Christianisme antique » 4 , Paris 1992, 539 p.). Épiphane ne
retient que les quatre écoles officialisées par la création de quatre chaires
impériales à Athènes : les stoïciens, les platoniciens, les pythagoriciens (ou
péripatéticiens !) et les épicuriens. Cette liste n 'est pas chronologique et surprend
surtout par la confusion entre pythagoriciens et péripatéticiens. On ne saurait
dire s'il s'agit d'une confusion due à la piètre culture profane d'Épiphane ou à
l'un des manuels doxographiques qu 'il utilisait pour écrire ces chapitres. Il
commet d'ailleurs bien d'autres erreurs : il attribue la métempsychose aux stoï
ciens, croit que Zénon de Kition est fils de Cléanthe puis le confond avec Zénon
d 'Élée, pense que Pythagore est mort en Médie, attribue aux épicuriens le mythe
orphique de l'euf cosmique. Toutes ces approximations montrent bien qu 'Épi
phane n 'a qu 'un intérêt limité pour ces thèses trop éloignées de ses préoccupa
tions théologiques. Seule l'hérésie stoïcienne suscite une esquisse de réfutation,
tandis que les autres sont décrites plus que sommairement.
Épiphane n 'est donc pas un informateur très fiable concernant la pensée
hellénique préchrétienne,mais, en revanche, son æuvre nous apporte des rensei
gnements exceptionnels sur les préoccupations et l' état des connaissances cultu
relles des chrétiens du IVe siècle, en dehors des milieux d'éducation universitaire
dont sont encore issus les principaux Pères de l'Église de cette époque.
LAURENT LEIDWANGER .
46 ÉPIPHRON DE MÉTAPONTE
· Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p . 144, 5 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
47 ÉPISYLOS DE CROTONE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p . 143, 20 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
48 ÉPITIMIDÈS DE CYRÈNE RE 1 IV -III
Philosophe cyrénaïque , disciple d'Antipatros de Cyrène (** A 204 ) etmaître
de Paraibatès , selon Diogène Laërce II 86 . Voir le schéma représentant les suc
cessions de l'école cyrénaïque dans la notice consacrée à Hégésias de Cyrène
( H 18) .
RICHARD GOULET.
49 ÉRASTOS DE SCEPSIS RE 3 Miva
Académicien , disciple de Platon .
Dans tous les témoignages anciens où son nom apparaît, il est associé à son
collègue et compatriote Coriscos (2C 187). On se reportera donc à la notice
« Coriscos », DPLA II, p . 456 -459.
RICHARD GOULET.
188 ÉRATOSTHÈNE E 51
50 ÉRATOS DE CROTONE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267 , p. 143, 21 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
51 ÉRATOSTHÈNE RE 6
Il semble qu 'il s'agisse d 'un platonicien , si l'on en croit la mention qu'en fait
Jamblique dans les fragments de son De anima conservés par Stobée :
« Cependant une autre manière de voir des platoniciens ne distingue les
descentes des âmes à partir des lieux différents ni selon les lots alloués par le
Démiurge, ni selon les divisions des genres supérieurs, tels que dieux, anges,
démons, héros, ni selon la distribution des parties de l'Univers;mais, posant en
principe que l'âme est toujours dansun corps, comme par exemple Ératosthène ,
Ptolémée le Platonicien et d 'autres, elle la fait passer de corps plus subtils dans
les corps épais (ootpebon ): l'âme sans doute séjourne ordinairement en quelque
portion du monde sensible mais elle descend dans le corps solide tantôt de tel
lieu de l'univers , tantôt de tel autre » (Anth . I 39, p . 378, 7 sq. Wachsmuth , trad.
A . J. Festugière). Ni cet Ératosthène ni ce Ptolémée ne peuvent être identifiés
avec certitude. Cela dit, en Enn., IV 3, 9, 3 sq ., Plotin distingue deux modes
d' entrée de l'âmedans la matière : le premier correspond à celuidont Ératosthène
et Ptolémée seraient les représentants.Dans cette perspective, ces deux platoni
ciens seraient antérieurs à Plotin et pourraient être considérés comme des médio
platoniciens.
Fr. Solmsen, « Eratosthenes as Platonist and Poet» , TAPHA 73, 1942, p. 192
213 (= Kleine Schriften t. I, p. 203-224 ), surtout p. 201-205 (= p. 212-216 ), a
suggéré d ' identifier cet Ératosthène avec Eratosthène de Cyrène (PE 52 ). Voir
déjà R . Hirzel, Der Dialog : Ein literarhistorischer Versuch , Leipzig 1895,
réimpr. Hildesheim 1963, t. I, p. 403 n . 1.
Cf. G . Knaack, art.« Eratosthenes» 6 , RE VI 1, 1907, col. 389.
LUC BRISSON .
52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE RE 4 PP VIn° 16515 ca 276 - ca 195
Savant pluridisciplinaire de l' époque hellénistique : le premier à se distinguer
comme philologue, il est aussi le fondateur de la géographie mathématique
(grâce à la mesure de la circonférence terrestre) etde la chronologie scientifique
( appliquée à l'histoire politique et littéraire des Grecs ).
PLAN DE LA NOTICE
A . Biographie et chronologie
B. Production scientifique et littéraire
I. Philosophie
II. Mathématiques
III. Astronomie et géographiemathématique
IV . Géographie physique
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 189
V . Sciences historiques
1. Chronographie
2. Philologie, Critique littéraire
VI. Poésie
VII. Autres écrits
C . Influence
D . Iconographie
Cf. 1 F. Susemihl, GGLA , t. I, p. 409-428 ; 2 P. Tannery, art. « Ératosthène » ,
La Grande Encyclopédie, Paris 1893, t. XVI, p. 164, repris dans Mémoires
Scientifiques, publiés par J.L . Heiberg et H .-G . Zeuthen , t. III: Sciences exactes
dans l'Antiquité 1899- 1913, III, Toulouse/Paris 1915, réimpr. 1995, p. 358 -362 ;
3 A . Croiset et M . Croiset, Histoire de la littérature grecque, Paris 19012, t. V ,
p . 120 -124, 245 -247 ; 4 G . Knaack, art. « Eratosthenes» 4, RE VI 1, 1909, col.
358-388 ; 5 E . Schwartz, « Eratosthenes» , dans Charakterköpfe aus der Antike,
hrsg. von J. Stroux , 3. Auflage der Neuausgabe, Leipzig 1950 (1943 '), p. 181
206 (= Charak. IX ) ; 6 W . Schmid , GGL, t. II 1, p . 245-255 ; 7 F .- A . Thalamas,
La géographie d 'Ératosthène, Thèse principale pour le doctorat és Lettres pré
sentée à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris, Versailles 1921, notam
ment p . 11-63 (« Première partie : L 'homme et le milieu » ) ; 8 F. Jacoby, FGrHist
241 (t. II A , Text, p. 1010 -1021 ; Kommentar,t. II B , p .704-714 ) ; 9 E . P .Wolfer,
Eratosthenes von Kyrene als Mathematiker und Philosoph, Diss. Zürich , Gro
ningen 1954 ; 10 B. L . van der Waerden , Erwachende Wissenschaft. Ägyptische,
babylonische und griechische Mathematik, aus dem Holländischen übersetzt von
H . Habicht mit Zusätzen des Verfassers, Zweite , ergänzte Auflage, coll.
« Wissenschaft und Kultur» 8 , Basel/Stuttgart 1966 , p. 381-390 ; 11 J.Mau , art.
« Eratosthenes» 2, KP II, 1967, col. 344 -346 ; 12 W . Peremans et alii, art.
« 'Epatogévns » , Prosopographia Ptolemaica, t. VI: La cour, les relations
internationales et les possessions extérieures, la vie culturelle, nºs 14479-17250 ,
coll. « Studia Hellenistica» 17, Louvain 1968, n° 16515 , p. 213-214 ;
13 R . Pfeiffer, History of classical scholarship. From the beginnings to the end
of the Hellenistic Age, Oxford 1968, réimpr. 1971, p. 152- 170 ; 14 D .R . Dicks,
« Eratosthenes » , DSB IV , 1971, p. 388- 393 ; 15 P. M . Fraser, « Eratosthenes of
Cyrene», PBA 56 , 1970 , p. 175 -207 ; 16 Id ., Ptolemaic Alexandria, Oxford
1972, t. I, p. 330 -332, 409-415, 456 -458, 482-484, 525-539, 623 sq.;
17 G . Dragoni, « Introduzione allo studio della vita e delle opere di Eratostene
(circa 276 - circa 195 a. C .) » , Physis 17, 1975, p . 41-70 ; 18 Id ., Eratostene e
l'apogeo della scienza greca, coll. « Studi di storia antica » 4 , Bologna 1979,
305 p. ; 19 F .Manna, « Il Pentathlos della scienza antica, Eratosthene, Primo e
Unico dei “ primi” » , AAP 35 , 1987, p. 37 -44 ; 20 Chr. Jacob , « Un athlète du
savoir : Ératosthène» , dans Chr. Jacob et Fr. de Polignac (édit.), Alexandrie, lire
siècle av. J.- C. Tous les savoirs du monde ou Le rêve d 'universalité des Ptolé
mées, coll.« Mémoires» 19, Paris 1992, p . 113-127 ; 21 J.-F .Mattéi, art. « Érato
sthène de Cyrène» , Encyclopédie philosophique universelle, III : Les Euvres
philosophiques. Dictionnaire, volume dirigé par J.- F. Mattéi, t. I: Philosophie
190 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
occidentale : lire millénaire av. J.-C . – 1889, Paris 1992, p. 135- 136 ; 22 H . J.
Krämer, GGP, Antike 3, p. 164- 167, 169, 172-173.
A . Biographie et chronologie.
Les sources dont on dispose pour étudier la chronologie et les circonstances
de la vie ( et de l'æuvre ) d 'Eratosthène sont insuffisantes non seulement en quan
tité mais aussi en qualité (cf. Thalamas 7, p. 11). Toutefois, elles permettent de
reconstituer une image assez nette et cohérente de cet auteur. En fait, la plupart
des critiques et en tout cas les critiques les plus récents s'accordent pour situer
Ératosthène entre ca 276a et ca 1954, etmanifestent un grand consensuspour tra
cer les lignes générales de sa vie , bien que les dates concrètes puissentvarier.
Seuls quelques documents contemporains (notamment l'épigrammefunéraire
de Dionysios de Cyzique, Anth. Palat. VII 78 = test. 6 Jacoby) contiennent des
renseignements que l'on peut considérer comme de première main . Il faut
attendre ensuite plus de deux siècles après la mort d'Ératosthène, jusqu 'à
Strabon (ca 60a - 25P),Géographie I 2 , 2 (= test. 10 Jacoby), XVII 3, 22 (= test.
2 Jacoby), et Vitruve, De l'Architecture IX 1, 14. On trouve aussi des
renseignements chez le Pseudo -Lucien ,Macrob. 27 (= test. 3 Jacoby) ; Censori
nus, De die natali 15, 2 (= test. 5 Jacoby) ; Athénée, Deipnosoph. VII, 276 a-c ;
Clément d 'Alexandrie , Strom . I 79, 3 (= test. 8 Jacoby) ; ou Suétone, De gram
maticis 10 (= test. 9 Jacoby ). Mais c 'est seulement à la période la plus tardive
que l'on doit les informations les plus décisives et les plus complètes, notam
ment au lexique de la Souda , s.v. 'Epatoodévns , E 2898 , t. II, p . 403 Adler
(= test. 1 Jacoby), composé douze cents ans après la mort d'Ératosthène: cf.
aussi Tzetzès, De comoedia Graeca, prooem . Pb 21, CGFr, t. I, p. 19, 11 sqq.
Kaibel (= XI c, p . 43, 10 sqq. Koster) ; ibid.,Ma I 1, p . 24 sq. Kaibel (= XI a 1, 5
7 , p. 22 sq. Koster); ibid.,Mb 30, p . 31, 15 -19 Kaibel (= XI a 2 , p. 32, 13 -16
Koster ). Et en général, comme le remarque Thalamas 7, p . 19, les données bio
graphiques provenant de cette époque sont l'ouvre de scholiastes, de compi
lateurs, de lexicographes, et se trouvent sans doute mêlées « à des éléments dou
teux, malveillants, manifestement faux ou mal compris, parfois contradictoires
ou même inintelligibles ».
La Souda place la naissance d' Ératosthène durant la 126€Olympiade, c'est-à
dire en 276 /272a, date acceptée par la plupart des critiques : cf. Susemihl 1, t. I,
p. 409 sq.; 23 R . Hirzel, Der Dialog : Ein literarhistorischer Versuch , Leipzig
1895, réimpr.Hildesheim 1963, t. I, p. 403 ; Schmid 6 ,t. I 1, p. 246 ; Thalamas 7,
p . 25 ; 24 K . J. Beloch , Griechische Geschichte, Vierter Band : Die griechische
Weltherrschaft, Zweite Abteilung, Zweite neuarbeitete Auflage, Berlin /Leipzig
1927, p. 596 -598 ; Pfeiffer 13, p. 153 ; 25 J.Marlowe, The golden age of Alexan
dria : From its foundation by Alexander the Great in 331 BC to its capture by the
Arabs in 642 AD, London 1971, p . 71 ; Dicks 14, p . 388 ; Dragoni 17, p. 47 (cf.
Id. 18, p. 15). Cependant, Knaack 4, col. 359, a mis en question cette date sur la
base de Strabon I 2 , 2 , qui critique Ératosthène pour n 'avoir pas cité Zénon , bien
qu'il fût son yvápquos (Zúvwvog yvúpluov yevóuevov). En effet, Knaack
interprète le témoignage de Strabon (qu'il juge digne de foi) comme la preuve du
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 191
fait qu'Ératosthène a été le « disciple » de Zénon. Étant donné qu'il estime que
Zénon est mort en 262/261a (à la fin de la guerre de Chrémonidès), d'après le
témoignage de Philodème (cf. 26 J . Beloch , « Zu den attischen Archonten des III.
Jahrhunderts » , Hermes 38 , 1903, p. 130 -133, notamment p. 130 ; 27 T .Dorandi,
Ricerche sulla cronologia dei filosofi ellenistici, coll. « Beiträge zur Altertums
kunde » 19, Stuttgart 1991, p. 23- 28 ), il juge impossible qu 'Eratosthène ait été
son disciple lorsqu 'il n'avait au maximum que quatorze ans. Il fait donc reculer
la date de naissance d 'Ératosthène jusqu 'à 284a (cf. aussi Croiset 3, t. V , p. 121;
Mau 11, col. 344 ; Fraser 16 , t. II, p. 490 ; Id . 15 , p . 176 n. 2). A son tour, Jacoby
8 , t. II B , p. 704 , qui croit aussi qu 'Eratosthène a suivi effectivement les leçons
de Zénon, suppose que le copiste de la Souda s'est trompé dans la transcription
de l'année de l'Olympiade en question : il a écrit pus' (126 ) au lieu de pxa '
( 121 ), c'est-à-dire 296 /2934. D 'après Susemihl 1, t. I, p.411 n. 10, le témoi
gnage de Strabon est erroné. Cependant, Hirzel 23, t. I, p. 403 n . 1, a déjà remar
qué qu 'il ne faut pas interpréter ici le terme rápluos comme « disciple » au
sens strict, mais seulement comme « partisan » (cf. Beloch 24 , t. IV 2, p. 598 ,
pour qui Strabon veut uniquement dire qu 'Eratosthène était un « stoïcien » ). A la
suite de 28 W . Passow , « De Eratosthenis aetate » , dans Genethliacon Goettin
gense. Miscellanea philologica in honorem seminarii regii philologiciGoettin
gensis scripserunt philologici Goettingenses XXIV , Halis Saxonum 1888, p. 99
101, Thalamas 7 , p . 33, considère que le terme yuopluoc ne veut dire dans le
passage que « connu de» : « le terme pourrait s'interpréter comme une simple
boutade de Strabon affirmant pour son compte, comme une pure impression per
sonnelle , qu ’Ératosthène a connu Zénon à Athènes.» En ce même sens, Dicks
14 , p . 388 , affirme que Strabon veut seulement dire qu 'Eratosthène était « fami
liarisé avec Zénon » , et il ajoute que la vie de Zénon a pu se prolonger, comme le
suggère le témoignage de D . L . VII 6 , jusqu 'à la 130€ Olympiade, c 'est-à-dire
259/256a. Dragoni 17, p. 47 (cf. Id . 18 , p. 15), reprend cette interprétation et va
jusqu 'à suggérer qu 'il n 'est pas impossible qu 'Eratosthène ait étudié auprès de
Zénon lorsqu 'il avait déjà dix - sept ou vingt ans. Mais il est difficile d 'accepter
cette date tardive pour la mort de Zénon .
Quant à la durée de la vie d'Ératosthène, nos sources semblent varier d'un à
deux ans : Ératosthène serait mort quant il avait quatre - vingts ans (la Souda, loc.
cit.), quatre -vingt-un ans (Censorinus, loc. cit.) ou quatre- vingt-deux ans
(Pseudo -Lucien , loc. cit.). Thalamas 7 , p . 26 sq., essaie de réduire les différences
à un an : « Quand le Pseudo -Lucien , dans son traité sur la longévité, relève l'âge
auquel sont arrivés les vieillards célèbres de l'Antiquité , il donne aux chiffres
l'expression la plus forte possible et, en affirmant qu'Eratosthène a vécu quatre
vingt-deux ans, il veut évidemment dire qu 'il n 'a pas atteint la quatre -vingt-troi
sième année et qu 'il est décédé après quatre-vingts ans révolus ou dans sa
quatre-vingt-deuxième année ... Censorinus et la Souda constatent... la même
chose, à savoir qu 'Ératosthène a quitté ce monde au cours de sa quatre -vingt
unième année. Ainsi, toutes nos sources concordent pour fixer, à un an près, la
mort d'Ératosthène et, si l'on veut réduire encore un peu l'approximation et
192 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
trouver un terrain de conciliation avec le Pseudo-Lucien , probablement vers la
fin de cette quatre -vingt-unième année ou tout au plus au début de la suivante. »
La date de la mort d'Ératosthène peut donc être fixée entre 196 et 1929. La
Souda déclare qu'il vivait encore à l' époque de Ptolémée V (Épiphane), et
Vitruve (loc. cit.) précise qu'il a atteint la douzième année du règne de ce der
nier. Mais les dates proposées pour le début de ce règne varient de 206 à 205,
204 ou 203, de sorte que l'approximation reste encore exprimée à quatre ans
près. Cela dit, la tendance dominante a été de placer l'avènement d'Épiphane en
204a (cf. 29 A . Bouché-Leclercq, Histoire des Lagides, t. II : Décadence et fin de
la Dynastie (181- 30 avant J.-C .), Paris 1904 , réimpr. Bruxelles 1963, p . 391
393). Ainsi, d'après Thalamas 7, p . 26 , la mort d'Ératosthène se serait produite
entre 193 et 192a (naissance : 2729). Dragoni 17 , p. 47 (cf. Id . 18 , p. 15), à la
suite de Dicks 14, p. 388 (cf. Schmid 6 , t. II 1, p. 246 ), laisse la date plus impré
cise : ca 195a (naissance: ca 276a). En revanche, la datation de Knaack 4 (Mau) :
† 202a (naissance 284a), se révèle impossible, bien qu 'elle le soit moins que celle
de Jacoby : † 214a (naissance: 2964).
La Souda, s.v. 'Epatoonévns, raconte un détail curieux sur la mort d’ératos
thène: arrivé à l'âge de 80 ans, il se serait laissé mourir d'inanition parce qu 'il
avait perdu presque complètement la vue. Thalamas 7, p. 62 n. 2, croit que ce
récit ne saurait être pris au sérieux, parce que Dionysios de Cyzique (loc. cit.),
témoin de premier ordre , affirmedans ses distiques à Ératosthène que « c 'est une
douce vieillesse et non un mal aveugle » (Quavpń ) qui l'a éteint, « endormidu
sommeil fatal, après avoir fait des méditations sublimes» (trad . A .-M . Desrous
seaux modifiée ). Il affirme aussi qu 'Eratosthène ne fut pas enterré dans sa patrie ,
Cyrène, mais qu 'il fut enterré « comme un ami,même en terre étrangère, près de
cette frange de la grève de Protée » (scil. la plage de l'île de Pharos, dans la baie
d'Alexandrie). Thalamas ajoute que le Pseudo -Lucien ne cite nullement Érato
sthène lorsqu 'il énumère les personnages illustres qui, fatigués d'une trop longue
vie , passent pour s'être laissés mourir de faim . Thalamas va même jusqu ' à sug
gérer que l'idée de la cécité peut être une simple déformation du qualificatif « un
peu alambiqué » auavpń employé par Dionysios, qualificatif qui a parfois le
sens d'« aveugle » ( Thalamas traduit par « obscur » ). Knaack 4, col. 361, avait
déjà invoqué le témoignage de Dionysios à l'encontre de la thèse du suicide, tout
en considérant le récit de la Souda comme une « fable convenue », que l'on
retrouve, toujours dans la Souda , s.v. 'Apiotapxos, A 3892, t. I, p. 351 Adler
(où la maladie qui conduit au suicide par inanition n 'est pas la cécité mais
l'hydropisie). En revanche, Dragoni 17, p. 67 (cf. Id . 18 , p. 234), semble prêt à
accepter cette tradition du suicide, acte qu 'il veut rattacher aux rapports qu’Éra
tosthène a entretenus dans sa jeunesse avec le milieu stoïcien (cf. infra). Il veut
d 'ailleurs rattacher la cécité du personnage à ses lectures intensives ainsi qu'à
ses observations astronomiques. En fin de compte , comme Dragoni l'affirme, le
récit de Dionysios sur la mort douce d 'Ératosthène n 'est pas en contradiction
avec l'autre tradition (cf. aussi Manna 19, p. 37 ; Mattéi 21, p. 136 ; van der
Waerden 10, p . 383).
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 193
Quant à la patrie , il est bien attesté qu 'Ératosthène est né à Cyrène (aujour
d 'hui Shahhat) en Libye : cf. Dionysios de Cyzique, Strabon, le Pseudo-Lucien ,
Clément d 'Alexandrie, la Souda, ll. cc. On sait aussi que son père s'appelait
Aglaos (cf. Dionysios, le Pseudo -Lucien , la Souda ). La Souda précise que
d 'après certains son nom était Ambrosios,mais ce renseignement semble négli
geable, malgré le pluriel employé pour évoquer les sources (cf. Knaack 4 ,
col. 359 ; Thalamas 7, p. 36 ). Enfin , Étienne de Byzance, Ethnica, s.v. Kupńvn ,
p . 396 , 19 sq. Meineke, donne le nom Agacléos,mais il parle sans doute d 'un
autre Ératosthène (« historien »), né aussi à Cyrène, mais après le nôtre, d'après
Knaack 4 , ibid ., qui suggère qu 'il a été une des sources de Polybe (cf. 30 Id ., art.
« Eratosthenes » 5, RE VI 1, 1909, col. 388 -389).
Quant à la première formation d'Ératosthène, on sait par la Souda qu 'il a
suivi les leçons de deux de ses compatriotes, le grammairien Lysanias ( sans
doute à Cyrène même) et le célèbre poète Callimaque (à Alexandrie ?). Il est allé
ensuite complèter son éducation à Athènes , qui restait à l'époque le centre par
excellence de la philosophie . On ne peut pas préciser la date du début de ce
séjour athénien , qui a eu lieu vraisemblablement dans la première jeunesse
d 'Ératosthène, c' est-à -dire vers la moitié du 111a. Quant à la fin de ce séjour, on
sait par la Souda qu’Eratosthène a été appelé d' Athènes à Alexandrie par Ptolé
mée III (Évergète ), et, depuis 31 U . von Wilamowitz -Möllendorff, « Ein Weih
geschenk des Eratosthenes» , NGG 1894 , p. 15 -35 , notamment p. 17 (= Kleine
Schriften, t. II, 1941, p. 48-70 ), on a considéré comme le plus vraisemblable que
cet appel se soit produit peu après l'accession de ce Ptolémée au trône d'Égypte
en 246a, lorsqu 'Ératosthène avait environ trente ans (cf. Pfeiffer 13, p. 153 ;
Dicks 14 , p. 388 ; Dragoni 17 , p . 55 sq .; Id . 18, p . 33 ; en revanche Knaack 4,
col. 360 , lui suppose déjà quarante ans, comme Croiset 3, t. V , p. 121). Thalamas
7, p. 45, veut être plus précis, en supposant qu'Eratosthène a été appelé par le roi
vers 2444, quand celui-ci, revenu vainqueur de la grande guerre de Syrie , a voulu
réorganiser la cour. Enfin , les critiques ne s'accordent pas pour l'établissement
de la durée du séjour à Athènes, qui semble avoir eu cependant une certaine
étendue (cf. Knaack 4 , col. 360). Dragoni 17, p. 56 (cf. Id . 18, p. 33), considère
que ce séjour a duré au moins une dizaine d'années. D 'après Jacoby 8, t. II B ,
p. 705 , le séjour se serait prolongé pendant vingt ans, mais il faut tenir compte
du fait que ce philologue place à tort la naissance d'Eratosthène en 2969. A son
tour, Susemihl 1, t. I, p. 412 n . 14, fixe l'appel de Ptolémée vers 235, en le fai
sant coïncider avec le floruit d'Ératosthène (ca 40 ans), ce qui lui permet aussi
de supposer un long séjour à Athènes.
Nos sources fixent le floruit d 'Ératosthène soit (cf. Jérôme, Chron. Eusèbe, t. I, p. 134, 25
Helm ) dans la huitième année de Philopator (ca 214a), soit en 531 de Rome (223 ou 221a :
cf. Chronicon paschale I, 332 , 2 Dindorf), soit du temps de Philippe V , qui a régné de 221 à
179a (cf.Georges le Syncelle, Chronique, p . 341, 1 Mosshammer). Commele remarque Tha
lamas 7 , p . 27, il y a suffisamment d 'accord (malgré le peu de précision habituel) pour placer
l'âge d 'or d ' Eratosthène « pendant les années qui suivirent l'avènement de Philopator, soit
probablement de 221 à 215 , c 'est- à -dire entre cinquante -deux et soixante ans environ » . Tha
lamas ajoute que cela s'accorde avec l'affirmation de Proclus, In primum Euclidis elemento
rum librum comm ., Prol. II, p . 68 , 17 sqq. Friedlein , et celle de la Souda , s.v. Dióxopos,
194 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
0 441, t. IV , p . 736 Adler (= test. 11 Jacoby), qui font l'un d'Euclide, l'autre de Philochore ,
les représentants d' une génération antérieure à celle d 'Ératosthène,mais contemporaine de la
jeunesse de celui-ci.
En tout cas, il est vraisemblable qu ’Ératosthène, pendant son séjour athénien ,
ne s'est pas borné à apprendre mais qu'il a dû commencer déjà à écrire ses pre
miers ouvrages, notamment ceux de caractère philosophique (cf. Knaack 4 ,
ibid . ; Susemihl 1, t. I, p. 410 ; Jacoby 8 ,t. II B, p. 705 ; Dragoni 17, p . 54 sq .; Id.
18 , p . 31 sq.). C 'est alors qu 'il a connu Zénon, à en croire Strabon (I 2 , 2 ), qui
avait raconté juste avant qu'Eratosthène lui-même affirmait avoir fréquenté à
Athènes tous les grands hommes de la philosophie du moment, comme s'il était
conscient de l' importance d 'avoir vécu cette époque brillante de la cité, qui, à ses
yeux, serait sans précédentdans l'histoire : ces grands hommes sontnotamment
Ariston (de toute évidence, comme le précise la Souda, Ariston de Chios, le
disciple hétérodoxe de Zénon : cf. SVF I 338 ; A 397 , p. 402) et Arcesilas (de
Pitane, le scholarque de l'Académie ; test. 8 Mette ), personnages qu 'Eratosthène
qualifie de « coryphées » des philosophes de son époque; parmiles autres philo
sophes, d'après Strabon , Ératosthène a eu aussi beaucoup d'estime pour Apelle
(de Chios, disciple d ' Arcésilas > A 234 ), ainsi que pour Bion (de Borysthène,
philosophe de formation éclectique mais que l'on peut qualifier notamment de
cynique ; cf. test. 12 Kindstrand ; » B 32, p. 111).
Dans la critique de son prédécesseur, Strabon affirme que le fait d 'avoir fré
quenté nombre d 'esprits éminents ne rend pas Ératosthène immédiatement digne
de foi, car l'important c 'est le choix de ses maîtres. Il lui reproche d 'avoir men
tionné surtout des philosophes dissidents, et non pas les héritiers de Zénon dont
il avait été le puupquos à Athènes. Le géographe commence par dire qu'il ne va
pas cependant jusqu'à se ranger à l'avis de Polémon (d' Ilion , surnommé le
Périégète , ca 220 - 1604), qui assurait (dans son traité en plusieurs livres llepi tñs
' ABývnouv 'Epatogévous étionulaç) qu ’Ératosthène n 'avait « même pas vu
Athènes » ( cf. FHG III 130 Müller). Cet ennemi d 'Ératosthène refusait de la
sorte de le prendre au sérieux. Étant donné que le séjour à Athènes est affirmé
par Strabon lui-même, il semble plausible d 'expliquer cette déclaration, comme
le fait Thalamas 7 , p . 37 , à la suite d 'autres critiques ( cf. Knaack 4 , col. 360 ),
comme une boutade ou comme une exagération malveillante de Polémon :
« Polémon considère les opinions d 'Ératosthène sur Athènes comme tellement
inexactes qu ’on dirait qu'il n 'a pas vu la ville ou, plus simplement, Polémon
déclare que son adversaire n 'a vraiment pas vu Athènes. L 'obscurité est due à la
maladresse avec laquelle la citation a été faite par Strabon. »
Si Eratosthène fut à Athènes partisan de Zénon , il s'est écarté par la suite de
la doctrine stoïcienne orthodoxe, car il s'est fait disciple d 'un disciple dissident
du fondateur de la Stoa, le séduisant Ariston de Chios (cf. 32 P . Steinmetz ,
GGP, Antike 4 , 2 , p. 558- 561, notamment p . 559), que l'on considère normale
ment commeun cynico-stoïcien imitateur de Bion (cf. 33 J. F . Kindstrand, Bion
of Borysthenes. A collection of the fragments with introduction and commentary,
coll. « Acta Universitatis Upsaliensis. Studia Graeca Upsaliensia » 11, Uppsala
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 195

1976 , p . 82 n . 14 ; 34 A .M . Ioppolo, « Aristone di Chio » , dans G . Giannantoni


(édit.), Scuole socratiche minori e filosofia ellenistica , coll. « Pubblicazioni del
centro di studio per la storia della storiografia filosofica » 4 , Bologna 1977,
p . 115 - 140, notamment p. 116 ; 35 Ead ., Aristone di Chio e lo stoicismo antico ,
coll. « Elenchos » 1 , Napoli 1980 , p . 301) . Ératosthène est décrit expressément
comme le « disciple » (uaontńs) d 'Ariston par Athénée (VII, 281 c = SVF I 341
= fr. 17 Jacoby) et par la Souda.
Ariston s'écartait de l'orthodoxie stoïcienne surtout parce qu'il refusait
d 'établir des distinctions dans le domaine des choses « indifférentes» situées
entre le bien et le mal, se rapprochant ainsi de la pensée cynique (cf. 36 D .R .
Dudley, A History of Cynicism , p. 97, 100; et 37 M .-O .Goulet-Cazé, L 'ascèse
cynique. Un commentaire de Diogène Laërce VI 70-71, coll. « Histoire des
doctrines de l'Antiquité classique » 10 , Paris 1986 , p. 41 n. 86 ; contra : loppolo
34 , p . 159). Indépendamment de l'influence que la philosophie d 'Ariston a pu
exercer sur Ératosthène, celui-ci a dû sans doute prêter une attention particulière
à Ariston, qui semble avoir été à ses yeux, avec Arcésilas, le philosophe le plus
important à Athènes au cours de sa période d'études. En fait, d'après Athénée
VII , 281 c - d ( = SVF I 341 et 408) , Ératosthène composa un ouvrage biogra
phique intitulé ’Aplotov, de même qu 'Apollophanès d'Antioche, un autre
disciple d'Ariston appartenant à la secte des aristonéens (24A 291). Cela dit, il a
été aussi critique à l'égard de son maître, car Athénée, loc. cit., affirme que,
selon Apollophanès et Ératosthène, Ariston ne se tenait pas à l'écart du plaisir,
ce qui dénoncerait son inconséquence envers le principe de l'« indifférence >>
absolue qu 'il préconisait ( A 397, p. 402 sq.). Il semble en effet que dans la vie
pratique,malgré ses points de vue rigoristes, Ariston (SVF I 369 = Cicéron,De
finibus IV 43) ait toléré que le sage réagisse aux stimuli extérieurs et qu 'il les
suive (cf. Steinmetz 32, p. 561).
Thalamas 7 , p. 36 , parle d'Ariston de Chios ( sic) comme si celui-ciavait été péripatéticien,
le confondant sans doute avec Ariston de Céos ( > * A 396 ) le péripatéticien . La Souda précise
bien que le maître d' Eratosthène a été le philosophe de Chios, et cela peut se déduire aussi de
Strabon . Cela dit,Mau 11, col. 344, persiste à dire qu ' Eratosthène a étudié auprès d'Ariston le
péripatéticien (sans préciser la patrie de celui-ci) ; et Dragoni 17, p . 51 (cf. Id . 18, p . 19 ), qui
vise clairement le philosophe de Chios, va même jusqu 'à suggérer, en s 'appuyant sur Mau , un
rapprochementde ce philosopheavec l' école aristotélicienne.
D 'après Schwartz 5, p. 187 sq., c'est en se fondant sur la doctrine d ’Ariston ,
selon laquelle il n 'y a pas d'autre différence de valeur que l'opposition entre la
vertu et le vice, qu ’Ératosthène, tout comme le cynique Onésicrite , aurait consi
déré comme un principe éthique l' idée attribuée à Alexandre de fonder une
monarchie universelle, où la distinction ne serait plus entre le Grec et le barbare,
mais entre l'homme « bon » et l'homme «malhonnête ». En effet, d'après Strabon
I 4, 9, Ératosthène désapprouve dans sa Géographie (II C 24 Berger ) le principe
d 'une division bipartite du genre humain entre Grecs et barbares, de même que
le conseil donné à Alexandre (par Aristote : cf. Plutarque, De Alexandri Magni
fortuna aut virtute , 329 b -c) de traiter les Grecs en amis et les barbares en enne
mis. Il pense qu'Alexandre eûtmieux fait de prendre comme critères de division
196 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
la vertu et la malhonnêteté, car « beaucoup de Grecs sont de méchantes gens et
beaucoup de barbares ontune civilisation raffinée, tels les Indiens ou les peuples
de l'Ariane, ou encore les Romains et les Carthaginois dont les institutions poli
tiques sont si remarquables» (trad. G . Aujac). Strabon, partisan du cosmopoli
tisme stoïcien, défend Aristote contre les attaques d'Ératosthène, en disant
qu'Alexandre a bien suivi l'esprit et non pas lesmots du conseil d'Aristote ,car
ces divisions sont dues en réalité « au fait que, chez les uns, triomphe l'ordre, le
sens politique et toutes les qualités qui accompagnentla bonne éducation et l'art
de parler, tandis que chez les autres c'est l'inverse » (trad. G . Aujac ). Fraser 16 ,
t. I, p. 483, tout en acceptant la possibilité d'une influence stoïcienne (d'après
lui, de Zénon lui-même), considère qu ’Ératosthène a pu développer ses idées
cosmopolitistes à la suite de ses recherches géographiques et en fonction de son
intérêt pour les peuples qui habitaient en dehors des frontières du monde grec .
38 W . W . Tarn , « Alexander, Cynics and Stoics », AJPh 60, 1939, p. 41-70, en s'appuyant
sur le témoignage d' Ératosthène (et sur celui de Plutarque qui dérive à ses yeux d' Ératos
thène), défend la thèse selon laquelle l'action d'Alexandre a été commandée par l'idée d 'un
cosmopolitisme universel. D 'après lui, on ne saurait parler, comme le fait 39 M . H . Fisch ,
« Alexander and the Stoics » , AJPh 58, 1937, p . 59- 82, 129- 151, du cosmopolitismedes cyni
ques ni admettre qu 'Onésicrite ait créé une tradition (cynico - stoïcienne) qui attribuait ce
cosmopolitisme à Alexandre (tradition représentée par l' image du « philosophe en armes » ) ; et
enfin l'universalisme d 'Alexandre serait antérieur de 23 ans à la fondation de l'école stoï
cienne par Zénon , dont le cosmopolitisme serait limité aux sages. La conception adoptée par
Tarn d 'un Alexandre rêvant de créer la fraternité entre les peuples est contestée par
40 E . Badian , « Alexander the Great and the unity ofmankind », Historia 7, 1958, p . 425 -444.
A son tour, 41 R . Höistad, Cynic hero and cynic King : Studies in the cynic conception ofman ,
Diss. Lund, Uppsala 1948, p. 210, affirme qu'on manque de données sûres pour se faire une
image claire de l'attitude des premiers stoïciens à l'égard d' Alexandre : « Eratosthène louait le
cosmopolitisme d 'Alexandre comme opposé à la doctrine d 'une distinction entre Grecs etbar
bares qu’ Aristote défendait... Cela , qui est la seule marque d 'approbation faite par Erato
sthène à l'égard d 'Alexandre, peut représenter probablement des points de vue stoïciens.Mais
Ératosthène est aussi peu représentatif du stoïcisme qu 'Onésicrite ne l'est du cynisme. »
42 E . Schwarzenberg, « The portraiture of Alexander » , dans Alexandre le Grand . Image et
réalité, coll. « Entretiens sur l'Antiquité classique » 22, Vandæuvres/Genève 1976 , p. 223-278 ,
affirme que le portrait d'Alexandre fait par Plutarque est redevable à Callisthène et à Érato
sthène (cf. 43 P. A . Brunt, « From Epictetus to Arrian » ,Athenaeum 55 , 1977, p. 19 -48,notam
ment p . 46 sq . ; et 44 L . Alfonsi, « Su uno spunto paolino in rapporto ai classici » , Aevum 50 ,
1976 , p . 158 , quirapproche le principe d 'égalité énoncé par Paul dans Col. 3, 11 et Gal. 3, 28
d' Ératosthène, loc. cit., et de Cicéron , De leg. I 10 - 11, 29 -32, bien qu 'il considère que le pro
moteur de ce principe doitavoir été Posidonius). Enfin , s'est prononcé à l'encontre de la thèse
qui présente les cyniques comme des précurseurs du cosmopolitisme hellénistique 45 G .
Bodei Giglioni, « Una leggenda sulle origini dell’ellenismo: Alessandro e i cinici » , dans B .
Virgilio ( édit.), Studi ellenistici, t. I, coll. « Biblioteca di studi antichi» 48, Pisa 1984, p. 51
73, notamment p . 73, pour qui les cyniques n 'avaient nullement en vue la monarchie univer
selle d 'Alexandre. De même, 46 G . Giannantoni, « Cinici e stoici su Alessandro Magno » ,
dans G . Casertano (édit.), I filosofi e il potere nella società e nella cultura antiche, Atti della
seconda giornata di studio sulla filosofia antica, Sorrento (26 aprile 1985 ), coll. « Acta
Neapolitana » 2 , Napoli 1988 , p . 75 -87 , à la suite de Tarn, soutient qu 'aussi bien les cyniques
que les stoïciens, du moins jusqu'à la fin de l'époque hellénistique, se sont toujours montrés
hostiles à l'égard d 'Alexandre .
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 197
A Athènes, commenous l'avons vu , Ératosthène a été aussi, d'après Strabon,
l'auditeur d'Arcésilas.Mais, dans ce cas, on ne pense pas communément qu 'il
ait été son disciple au sens strict (cf. 47 W . Görler, GGP, Antike 4, 2, p. 786 -828 ,
notamment p. 794, 796 ).
En ce qui concerne la période athénienne, il est intéressant de remarquer l'admiration
qu 'Eratosthène aurait éprouvée pour Bion, d'après le témoignage de Strabon , qui se montre
critique à l'égard des déclarations de son devancier : il fait grand cas... de Bion, qui fut le pre
mier, dit- il, à broder de fleurs la philosophie (npõrov åv và nepißareivpooopiav) mais
à qui pourtant (c 'est encore lui qui parle ) on aurait pu souvent appliquer le vers : « Telle, sous
ses haillons, Bion la montre (scil. la cuisse) » (oinv éx paxbWV ó Bíwv = test. 12 Kindstrand ;
trad. G . Aujac). Eratosthène faisait une allusion parodique aux mots qu' on adresse à Ulysse
déguisé en mendiant dans Odyssée XVIII 74 (oinv ex paxéwv Ò yÉpwv énLyouvida palvel).
Ce jugement d'Eratosthène semble bien faire preuve d ' une compréhension profonde du style
de Bion , dont l'aspect vulgaire ne serait à ses yeux qu 'apparent. Diogène Laërce IV 52 (= test.
11 Kindstrand ) rappelle le jugement d'Eratosthène, mais d 'une façon incomplète qui ne rend
pas compte du fait que celui-ci considérait avec faveur l'æuvre de Bion : En outre, Bion était
théâtral et il excellait à tout ridiculiser, en traitant les sujets avec des mots grossiers. Comme
ilmêlait tous les styles (Sià ... tÒ navrà eſbel Xexpãodai) on dit qu 'Eratosthène affirma de lui
qu 'il avait le premier revêtu la philosophie d'un vêtement fleuri (pihooopiav åv Lvà Évédu
JEV ; trad. L . Paquet modifiée ). Un jugement critique semblable avait été déjà exprimé aupara
vant, à ce qu'il semble, par Théophraste (ap. Démétrios Lacon , De natura deorum (PHerc.
1055 ), col. XVIII 1- 8, p . 75 de Falco = test. 18, 3 Fortenbaugh = 13 Kindstrand). D 'après
Kindstrand 33, p. 155 (cf. p. 53 sq.),ce témoignage montre du moins que le jugement critique
à l'égard du style de Bion a eu son origine dans les cercles péripatéticiens. Si Bion a été l'objet
dans l'Antiquité d'une tradition hostile (tradition qui s'est prolongée, d'une façon ou d'une
autre , chez les critiques modernes qui ont jugé ce personnage davantage comme un littérateur
que comme un philosophe), on peut donc considérer Ératosthène comme une exception , et
c ' est justement son avis qu ' ont repris tous ceux qui, comme Kindstrand, se sont efforcés de
réhabiliter l'image de Bion commephilosophe. Enfin, d'après Kindstrand 33, p. 53 (cf. p. 52),
le mot å vovós , plutôt que de décrire le style de Bion comme fleuri au sens technique
(uvonpos ), indiquerait seulement que Bion a mis à sa philosophie un habit qui n ' était pas
approprié au caractère sérieux des sujets philosophiques : « autrement dit, il était tellement
intéressé à rendre sa philosophie attractive pour ses auditeurs que la forme a fini en grande
partie par éclipser le contenu .» D 'ailleurs, comme le remarque Kindstrand 33, p. 98, il semble
évident que Bion n 'a pas pu inventer (et qu'en réalité il n 'a pas inventé) un style complète
ment nouveau . D ' après Kindstrand 33, p . 152 sq ., il faut interpréter les déclarations qu ' on
trouve à ce sujet dans la tradition (ainsi chez Ératosthène) comme une simple expression du
goût des Grecs pour la recherche du premier inventeur (npūtoç kúpérns) de chaque nou
veauté (littérature repi €úpnuárwv).
Au cours de son séjour à Athènes, on sait par la Souda (cf. supra) qu'Érato
sthène a été appelé à Alexandrie par le roi d'Égypte Ptolémée III Évergète
(monté sur le trône en 2464) et qu'il y est resté jusqu 'à sa mort, lorsque Ptolémée
V Épiphane était le roi (204-1804).Certains critiques ont trouvé problématique le
fait que le lexicographe affirme dans la même notice qu ’Ératosthène a été le
disciple (uaontńs) de Callimaque, de sorte qu 'ils ont présumé qu'il a dû être
son disciple à Alexandrie avant son voyage à Athènes,mais cette hypothèse ne
semble pas trèsbien fondée.
En effet, on veut expliquer ce premier séjour hypothétique en partant de la notice de la
Souda s. v. Kaniuayos, K 227 , t. III, p . 19 , 18 -20 Adler (= test. 1 Pfeiffer), où on lit que ce
poète , du temps de Ptolémée II (Philadelphe ), avant de s 'attacher au roi, avait tenu une école
dans un village de la banlieue d'Alexandrie et que sa mort devait être fixée au début du règne
198 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
de Ptolémée III. On considère que notre personnage n 'a pu devenir son disciple qu 'à Alexan
drie du temps de Philadelphe et, par conséquent, qu'il a dû faire déjà un premier voyage dans
cette ville vers 250a, avant l'appel d 'Évergète . Contre cette hypothèse d 'un premier séjour
d'Eratosthène à Alexandrie avant son séjour à Athènes, voir Thalamas 7, p. 38 -42. La date de
250a a été fixée par les premiers tenants de cette hypothèse, notamment 48 W . Busch , De
bibliothecariis Alexandrinis qui feruntur primis, Diss. inaug. Rostock , Suerini Megalo
politanorum 1884 , à partir d 'un passage d 'Athénée VII, 276 a (= fr. 16 Jacoby), où l' on
raconte une anecdote mettant en cause Ératosthène et la reine Arsinoé: cette reine, voyant
passer la « procession de la bouteille » créée par le roi en l'honneur de Dionysos, tourna ses
regards vers Eratosthène pour lui faire une réflexion dure sur cette orgie populaire . Busch
identifie cette reine avec Arsinoé II Philadelphe, dont il fixe la mort quelques années seule
ment avant la mort de son époux , soit vers 250a (cf. Susemihl 1, t. I, p . 410 n . 6 ), à tort, car,
comme l'a démontré Bouché-Leclercq 29 , t. I: Les cinq premiers Ptolémées (323- 181 avant
J.-C.), Paris 1903, p. 328 n. 2 ( cf. Beloch 24, t. IV 2, p. 597), Arsinoé Il est « montée au ciel »
non vers 250a mais en 270a, lorsqu 'Eratosthène n 'avait que cinq ans environ , sinon seulement
trois , et qu' ilne pouvait par conséquent faire partie de la suite de la reine. Bouché-Leclercq a
identifié la reine en question avec Arsinoé III Philopator, fille de la reine de Cyrène Bérénice.
Athénée tire l'anecdote d'un écrit d' Ératosthène intitulé 'Apoivón , qui, d'après Bouché
Leclercq 29, ibid . (cf. p . 349 n . 2), a été composé à l'occasion du culte expiatoire institué sous
Épiphane en l'honneur de cette reine.
Thalamas 7, p. 39, ajoute qu 'il est excessif de donner au mot uaontús dans la notice citée
de la Souda le sens absolu d'élève (cf. Pfeiffer 13, p. 153). Il explique autrement pourquoi
Callimaque, installé avant Ératosthène à la cour d' Égypte et son aîné, peut avoir été considéré
comme son maître par la Souda : il a été sous sa protection et il a subi son influence person
nelle. D 'après Thalamas 7, p. 45, trois influences fondamentales se seraient ainsi exercées
successivement sur Ératosthène : à Cyrène celle d'« un bon professeur de lettres» ,Lysanias ; à
Athènes, celle d'« un philosophe très ouvert» , Ariston de Chios; à Alexandrie, celle d'« un
compatriote bien en cour etpoète éminent, qui l'a installé à ses côtés dans le plus grand centre
d' érudition et de vie intellectuelle de l'Antiquité » . Thalamas conclut qu 'il n 'est point étonnant
qu'Eratosthène « soit devenu avant tout littérateur, philosophe et poète et que ses qualités
personnelles demathématicien et de géographe ne se soient affirmées que par surcroît » (p . 45
sq.; cf. Jacob 20, p. 114 sq.).
L'hypothèse d’un premier séjour d'Ératosthène à Alexandrie voudrait s'appuyer aussi sur
le témoignage tout à fait obscur et plein d'anachronismes de Tzetzès (cf. supra), selon lequel
Callimaque, étant du même âge qu 'Eratosthène, aurait écrit les catalogues des livres de la
Bibliothèque d'Alexandrie,tandis qu ’Ératosthène aurait, lui, accompli le travail de classifica
tion peu de temps après sa désignation comme bibliothécaire sous Ptolémée Philadelphe ( sic),
à une époque où l'un et l'autre étaient encore jeunes (= Callimaque, test. 14 a , c ). Comme le
remarque Thalamas 7 , p. 40 , le tissu d'anachronismes est accru par un autre passage qui
déclare qu 'Alexandre l'Étolien et Lycophron de Chalcis ont établi une édition corrigée ( lop
Ocoavto ) des ouvrages dramatiques, le premier pour les tragiques, le second pour les comi
ques, “ en compagnie et avec le concours d' Eratosthène, le célèbre conservateur de cette
immense bibliothèque " (= Callimaque, test. 14 b Pfeiffer). Thalamas considère que ces per
sonnages, bien qu' ils soient très obscurs pour nous, « paraissent bien être d'une génération
antérieure à celle d 'Eratosthène, et sans doute à celle de Philochore » . D ' après lui donc l'hypo
thèse de la présence d 'Eratosthène une première fois à Alexandrie en 250a avant son séjour à
Athènes cherche à rendre possible le fait qu 'Eratosthène ait collaboré avec tous ces person
nages sous Philadelphe pendant les dernières années de son règne, mais n 'explique pas les
anachronismes du témoignage de Tzetzès, qu 'il faut lire avec méfiance.
Donc, à ce que l'on sait, Ératosthène n'est allé à Alexandrie que lorsqu'il a
été appelé d'Athènes par Ptolémée III Évergète, et son rapport avec Callimaque
ne peut dater que de cette époque, dans les dernières années de la vie du poète
(cf. Fraser 16 , t. I, p. 332 n . 205 [t. II, p. 489 sq.); Pfeiffer 13, p. 153).
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 199

L 'hypothèse d 'un premier séjour d ' Eratosthène à Alexandrie formulée pour expliquer qu'il
soit devenu l'« élève » de Callimaque, défendue aussi par Jacoby 8, t. II B, p. 704, a été reprise
par Dragoni 17, p . 49, 53, 55 sq.; Id. 18 , p. 17, 30, 33 (cf. infra, Schwartz, qui défend cette
hypothèse d' un autre point de vue).
Comme nous l'avons dit plus haut, la date de l'arrivée d'Ératosthène à
Alexandrie à l'appel de Ptolémée III doit être placée avec vraisemblance vers
2448 (Thalamas; ca 2452: Beloch 24 , t. IV 2, p. 598 ; Dragoni 17, p. 56 ; Id . 18 ,
p. 33 ; Fraser 16 , t. I, p . 332 ; Id . 15 , p. 176 , 181 sq.; Jacob 20 , p. 115 ; en
revanche , Susemihl 1, t. I, p. 412, fixe l'appel vers 235a). Quant aux raisons qui
ont motivé cet appel, on a d 'ordinaire songé à l'importance des influences cyré
néennes au début du règne de Ptolémée III : d'un côté, le roi a épousé Bérénice,
l'héritière du roi de Cyrène Magas (cette union était fondée, à ce qu 'il semble ,
sur une affection sincère attestée par le geste célèbre de Bérénice qui, lors du
départ du roi pour la grande guerre de Syrie , lui consacra sa chevelure pour lui
assurer la victoire), et la reine semble avoir favorisé les rapports culturels entre
les Cyrénéens et les Égyptiens; de l'autre, Callimaque, originaire lui aussi de
Cyrène , semble avoir eu une influence personnelle à la cour: poète officiel
depuis le règne précédent (il composa des vers sur la chevelure de Bérénice), il
s'est consacré à de lourds travaux d'érudition , et il a pu rechercher l'aide d'un
jeune compatriote dont les premiers travaux étaient sans doute déjà appréciés à
Athènes (cf. Thalamas 7, p. 44 sq.; Dragoni 17, p. 50 ; Id . 18, p . 17 sq.; Jacob
20, p. 115 sq.). D 'après Thalamas 7, p. 46 , l'idée selon laquelle Bérénice a joué
un rôle important dans l'appel d'Ératosthène pourrait expliquer aussi la fidélité
personnelle de celui-ci à la reine et plus tard à sa fille Arsinoé III.
Strabon XVII 3, 22 (= test. 2 Jacoby),déclare qu'aussi bien Callimaque qu’Ératosthène ont
bénéficié de l'estime des rois de l'Égypte , tout en décrivant l'un comme un poète qui s'est
occupé aussi activement de la grammaire, l'autre comme ayant excellé en outre dans la philo
sophie et dans les disciplines encyclopédiques. Cependant, Fraser 15 , p . 183 - 185 , insiste sur le
fait qu 'Eratosthène a été appelé par Évergète plutôt en qualité de poète qu'en qualité d 'homme
de science.
D ' ailleurs, la plupart des critiques ontmis en rapport l'appel d'Ératosthène
avec sa nomination comme directeur de la Bibliothèque d'Alexandrie , poste
que l'on trouve solidement attesté dans nos sources, bien que l'ordre de la suc
cession ne soit pas toujours correct. En effet, d 'après la Souda, s.v. ’Anor
RÁVLOS , A 3419, t. I, p. 307, 9 sq. (= Callimaque, test. 12 Pfeiffer ), Ératosthène
précéda à ce poste son « contemporain » Apollonios (de Rhodes),mais ce rensei
gnement est erroné, car d 'après l'Index praefectorum bibliothecae Alexandrinae,
qui représente l'une des listes de la Chrestomathie, POxy. X 1241, col. II 1
(= Callimaque, test. 13 Pfeiffer ; * C 22), publiée en 1914 , la charge d 'Éra
tosthène fut postérieure à celle d'Apollonios. On trouve la même succession
chez Tzetzès (= Callimaque, test. 14 Pfeiffer; version latine 14 d ), qui cependant
présente à tort Callimaque comme ayant été lui aussi bibliothécaire avant Éra
tosthène: sicuti refert Callimachus aulicus regius bibliothecarius... fuit praete
rea qui idem asseveret Eratosthenes non ita multum post eiusdem custos biblio
thecae. Enfin , d'après la liste citée des bibliothécaires alexandrins, le successeur
200 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
d'Ératosthène fut son disciple Aristophane de Byzance (cf. Pfeiffer 13, p. 154 ;
Fraser 16 ,t. I, p. 333, 459 sqq.; MA 405).
Sur les directeurs de la Bibliothèque, voir Busch 48, passim ; 49 A . Rostagni, « I bibliote
cari alessandrini nella cronologia della letteratura ellenistica », AAT 50, 1914 -1915, p . 241
265, repris dans Scritti minori, t. II 1: Hellenica -Hellenistica, Torino 1956 , p. 185-213,
notamment p . 205 sqq. ; 50 F . Schmidt, Die Pinakes des Kallimachos, coll. « Klassisch-philo
logische Studien » 1, Berlin 1922, p. 33 sq. ; Beloch 24, t. IV 2 , p. 592 -599 ; 51 E . Eichgrün ,
Kallimachos und Apollonios Rhodios, Diss. Berlin 1961, p . 24 -31 ; 52 K . Schneider, Kultur
geschichte des Hellenismus, t. IIMünchen 1969, index ; 53 J.E . Sandys, A History of classical
scholarship , t. I : From the sixth century B . C . to the end of theMiddle Ages, Cambridge 19213,
réimpr. New York London 1967, p . 114 ; 54 G . Mader, « The Library of Alexandria » , Akro
terion 21, 1976 , p . 2 - 13, notamment p. 6 ; 55 L . Canfora , La biblioteca scomparsa, coll. « La
memoria > 140 , Palermo 1986 (cf. la trad . franç. de J.- P .Manganaro et D . Dubroca : La
véritable histoire de la bibliothèque d 'Alexandrie, coll. « La mesure des choses » , Paris 1988 ) ;
56 Id ., « Le biblioteche ellenistiche » , dans G . Cavallo (édit.), Le biblioteche nelmondo antico
e medievale, coll. BUL 250, Roma/Bari 1988, p . 3-28.
On peutsupposer qu 'Ératosthène est resté à la tête de la bibliothèque jusqu' à
sa mort (cf. Susemihl 1, t. I, p . 412 ; Thalamas 7 , p . 54 ; Marlowe 25 , p. 71 ;
Jacob 20 , p. 116 ). Quant à la date de la nomination , les critiques varient à dix
ou quinze ans près. Parmi ceux qui ont considéré que la nomination coïncidait
avec l'arrivée d’Ératosthène à Alexandrie à l'appel de Ptolémée III, la plupart
l'ont placée en 245a (cf. Fraser 16 , t, I, p. 332; Jacob 20 , p. 115), mais Susemihl
1, t. I, p.410 , ne la plaçait qu 'en 235a (cf. Beloch 24 , t. IV 2, p. 598 ; Sandys 53,
t. I, p. 114 : ca 234a). Thalamas 7, p. 44, suggère aussi l'an 235 ou 234a pour la
nomination, mais il ne fait pas coïncider cette date avec celle de l'appel de Pto
lémée , de sorte que, d'après lui, Eratosthène, venu en Égypte au début du règne
de Ptolémée III, aurait passé à Alexandrie une dizaine d'années avant d'être
nommé chef de la Bibliothèque .
Il faut signaler que Thalamas 7 , p. 43, considérait Ératosthène comme le successeur de
Zénodote (cf. supra ; Dicks 14, p . 388 sq.), que la mort de celui-ci oscillait, selon les calculs
qu 'il utilise, entre 245 et 235a, et qu 'il incline pour la date la plus récente dans la pensée que,
lorsqu 'on a proposé pour la mort de Zénodote l'année 245a, on a été surtout poussé par le désir
de trouver entre lui et Ératosthène une place pour le prétendu bibliothécariat de Callimaque
(cf. Bouché-Leclercq 29, t. I, p . 224 sq., 265). En réalité , la mort de Zénodote doit se placer
vers 260a (cf. Dragoni 17 , p. 62; Rostagni 49, p . 195 sq.).
Dicks 14 , p . 388 sq., place aussi vers 235a la nomination d' Ératosthène
(cf. Bouché-Leclercq 29, ibid .), tandis qu'il place son arrivée à Alexandrie vers
2464, lorsqu 'Eratosthène avait environ 30 ans. A son tour, Dragoni 17, p . 62 (cf.
Id . 18 , p. 39), rejoint Dickspour la date de l'arrivée ,mais place la nomination en
2304, date à laquelle Apollonios de Rhodes aurait quitté son poste , selon
Rostagni 49,p. 199, 205.
Pour Wilamowitz 31, p. 17 = p. 31 = p .65, l'appel d'Ératosthène par Ptolé
mée devrait plutôt être mis en relation avec le désir du nouveau roi d'avoir un
précepteur et un conseiller pour son fils (le futur Ptolémée IV Philopator). La
nomination comme bibliothécaire ne serait donc que la récompense du précepto
rat royal (cf. Bouché-Leclercq 29 , t. I, p. 284 ; Knaack 4, col. 360 ; Schwartz 5,
p. 192; Dragoni 17, p. 50, 55 ; Id. 18 , p. 18, 32; Jacob 20, p. 116 ). A l'encontre
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de Wilamowitz , Jacoby 8, t. II B , p. 705,met en question la continuité entre les
fonctions de précepteur et celles de bibliothécaire.
Il est intéressant de noter que, selon Schwartz 5 , p . 192, Ptolémée III n 'aurait pas confié à
un jeune homme l'éducation du prince. Ératosthène devait donc avoir déjà 50 ans, de sorte
qu'il avait dû commencer auparavant ses recherches savantes dans le cadre de la bibliothèque
d ' Alexandrie (cf. supra ).
Thalamas 7 , p. 46 , tout en acceptant l'idée du préceptorat, ne croit pas vrai
semblable du pointde vue chronologique l'hypothèse de la récompense, car le
prince n 'aurait eu sept ans révolus que vers 247/6a, et il n'est pas probable
qu'Eratosthène ait été son maître avant cet âge, si,comme on le sait par un frag
ment conservé chez Quintilien , Institution oratoire I 1 , 16 , il pensait que les
études de l' enfant ne devaient pas commencer avant la septième année. Thala
mas juge donc plus sage de ne pas lier les deux questions, l'exercice des
fonctions de précepteur et de bibliothécaire
L ' idée selon laquelle Eratosthène a été le précepteur de Philopator fut tirée
par Wilamowitz 31, p . 31 = p . 65, de l'épigramme qui apparaît à la fin d 'une
lettre d ' Ératosthène à Ptolémée III Évergète sur la duplication du cube (cf. infra,
B II 8 ), où l'auteur s'exprime en des termes très familiers à l'égard du roi et du
prince. L 'idée du préceptorat royal d'Ératosthène provient également, comme le
remarque Pfeiffer 13, p. 154 , de la constatation de ce qui semble avoir été la
règle de la maison royale à l'égard des bibliothécaires alexandrins : étant donné
que dans la liste des bibliothécaires (cf. supra ), Apollonios et plus tard Aristar
que sont appelés expressément didáoxaroi des princes royaux, et que dans la
notice de la Souda, s.v. Znvódotos, ce premier bibliothécaire (Zénodote d 'Éphè
se ) est dit avoir été aussi précepteur (ÉtaídevoeV) des fils de Ptolémee jer Soter,
on a supposé que les autres directeurs de la bibliothèque, Eratosthène et Aristo
phane, ont exercé eux aussi un préceptorat similaire.
S ' il est probable qu ’Ératosthène fut le précepteur de Philopator, la vie de ce
roi, marquée par la volupté et par les crimes, n 'a pas dû faire honneur à son
maître. On ne peut pas nier cependant qu'il aima et protégea les lettres (cf. Be
loch 24 , t. IV 1, p . 688 n . 3). Thalamas 7 , p. 47, 56 , place l'apogée du talent
d ' Ératosthène et de son influence à la cour durant les six ou sept premières
années du règne de Philopator (ca de 221 à 2154): « Lors de la création de la
procession de la Bouteille, soit vers la fin du règne, il était resté attaché à
Arsinoé III Philopator, sæur et épouse du roi et digne descendante de la reine
mère Bérénice assassinée par son fils. Ératosthène estmort à la fin de sa quatre
vingt-unième année, d'avril à juin 192.»
D 'après Thalamas 7, p. 58 sq., Ératosthène a subi, sous l'influence du milieu
alexandrin , une évolution incontestable et profonde : « Strabon paraît l'avoir
caractérisée par le reproche même qu 'il adresse à son prédécesseur à propos des
jugements émis par lui sur ce qu'il a vu à Athènes: Ératosthène a cessé en
Égypte de se préoccuper surtout de philosophie et c'est là que, sans abandonner
les spéculations de sa jeunesse, qui restèrent pour lui une sorte de “ diversion
agréable et instructive” , il s'est adonné surtout à des “ études encyclopédiques ” »
(cf. Strabon I 2 , 2 ;XVII 3, 22).
202 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
Pour un rapport d 'ensemble sur la tradition scientifique à Alexandrie, voir 57 R . B . Smith ,
« The Alexandrian scientific tradition », Akroterion 21, 1976, p. 14 -21.
La Souda, s.v. 'Epatoodévns, mentionne quatre personnages qui auraient été
les disciples (uaontai) d'Ératosthène (à Alexandrie ):
(a) Aristophane de Byzance (* A 405), qui a été le directeur de la Biblio
thèque après son maître, et dont aurait été disciple son successeur Aristarque de
Samothrace ;
(b) Mnaseas (de Patara ( en Lycie ]), dont on sait qu'il s'est occupé de la para
doxographie , de la mythographie (d'un point de vue évhémériste ?) et de la géo
graphie et qu 'il a été l'auteur d 'un Iepinouc, divisé en trois parties consacrées
respectivement à l'Europe , à l'Asie et à l'Afrique (cf. 58 R .Laqueur, art.
« Mnaseas » 6 ,RE XV 2 , 1932 , col. 2250 -2252 ; FHG III, p. 149-158 Müller);
(c ) un certain Ménandre, peut-être l'historien Ménandre d'Éphèse (FGrHist
783 ; cf. Fraser 16 , t. II, p. 662 n. 94 );
(d) et un personnage du nom d 'Aristide, non identifié (cf. Fraser 16 , ibid .),
bien que Susemihl 1, t. I, p. 634 n. 577, ait suggéré de l'identifier avec Aristos de
Salamine (FGrHist 143).
Dragoni 17, p.67 sq. (cf. Id. 18, p. 235), tout en reconnaissant qu'Eratosthène
n 'a pas créé une école proprement dite (cf. Fraser 16 , t. I, p. 458 ), suggère que
ses disciples ont été sans doute plus nombreux , dans la mesure où il a été le
directeur de la Bibliothèque pendant environ 40 ans, dans la période la plus bril
lante et la plus active de cette institution : « Tale considerazione ci fa ritenere che
l' elenco degli allievi fornitocida Suida includa solo quanto egli poté raccogliere
più di dieci secoli dopo, se non , addirittura, il frutto diuna sua scelta forse arbi
traria e personale.»
Le philologue et poète Euphronios de Chersonèse a été considéré comme disciple d' Éra
tosthène : cf. 59 E . Degani, Studi su Ipponatte , coll. « Studi e commenti» 2 , Bari 1984, p . 35, à
propos d 'Hipponax, fr. 52 Degani; 60 J. U . Powell, Collectanea Alexandrina. Reliquiae
minores poetarum Graecorum aetatis Ptolemaicae 323 -146 A . C ., epicorum , elegiacorum ,
lyricorum , ethicorum . Cum epimetris et indice nominum , Oxonii 1925 , réimpr. 1970 , p . 176
sq.
Fraser 16 , t. II, p. 662 (n. 94 ), affirme que la formule oi nepi tov 'Epatoodévn de Strabon
I 2 , 37 (= 1 A 3 Berger) ne fait référence tout au plus qu 'à des géographes du même avis
qu 'Eratosthène (cf. Id. 15 , p . 213 sq.) et non à des disciples ou à une " école " d' Ératosthène .
61 G . Aujac, Strabon . Géographie, tome 1, Ire partie (Introduction générale - Livre I), CUF,
Paris 1969, p. 137, traduit simplement « Eratosthène » .
B . Production scientifique et littéraire.
Ératosthène a cultivé presque toutes les disciplines du savoir : la philosophie ,
les mathématiques et en particulier leurs applications géométriques et astrono
miques, la géographie , l'histoire et la chronologie , la grammaire et la critique
littéraire, enfin la poésie . Il a pratiqué aussi bien la prose que le vers. Les
Anciens ont été frappés par la fécondité de son talent, qui suscita l'envie de ses
successeurs, notamment chez les géographes, conscients de la difficulté de riva
liser avec lui sur ce terrain (cf. Thalamas 7 , p. 56 ). Les surnoms qu' il semble
avoir reçus de la part de ses contemporains font bien référence à son énorme
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 203
productivité , mais l'envisagent sans doute aussi avec une certaine plaisanterie
(cf. Knaack 4, col. 361; Pfeiffer 13, p. 170 ). Dans la notice que lui consacre la
Souda, sontmentionnés trois surnoms: celui de « Bêta» (Bñta ), celui de « Pen
tathle » (IIévtatov ) et celui de « second Platon ou de Platon le jeune » (8ɛú
tepov ñ véov Maatwva ). Le lexicographe explique qu 'Eratosthène a été appelé
« Bêta» (c ' est-à -dire la seconde lettre de l'alphabet), parce qu 'il était le second
dans tout genre de science, restant toujours à deux pas du premier rang. Selon
l'interprétation de Dicks 14, p. 389, c'est en ce sens que Strabon II 1, 41, affirme
qu’Ératosthène était un mathématicien parmi les géographes et un géographe
parmi lesmathématiciens. D 'après Marcien d'Héraclée,Menippi Periplusmaris
interni 2, GGM , t. I, p. 565, 26 Müller, le surnom de « Bêta » lui aurait été donné
par ceux qui étaient a la tete du Musée ( οι του Μουσείου προστάντες). Quant a
« Pentathle » , ce nom désignait, comme on le sait, l'athlète qui, sans pouvoir
l'emporter nécessairement sur les spécialistes de chacune des épreuves consti
tutives (la course , la lutte, le pugilat, le saut et le lancer du disque), obtenait
pourtant la meilleure moyenne pour l'ensemble des épreuves. Certains critiques
affirment que le surnom de « Pentathle » décrit Ératosthène comme ayant rem
porté la victoire dans toutes les disciplines (cf. Tannery 2 , p . 164 ; Thalamas 7,
p. 60 ; Jacob 20, p . 114),mais d'autres interprètent plutôt ce surnom comme
celui de « Bêta », c'est -à-dire comme décrivant toujours un Ératosthène qui,
désireux de s'exercer dans toutes les disciplines, n 'a obtenu la première position
en aucune d 'elles (cf. Knaack 4 , col. 361; Pfeiffer 13, ibid .; Manna 19, p . 37 ;
Dragoni 18, p. 50 sq.). En tout cas, les critiques modernes n 'ont pas partagé cette
apparente dépréciation d 'Ératosthène, car il fut à leurs yeux un esprit encyclo
pédique indiscutablement génial capable d 'ouvrir nombre de voies nouvelles
dans les sciences. Ainsi, selon Manna 19, ibid ., il mériterait à juste titre le
surnom d'« Alpha » (cf. contra Fraser 15 , p. 175, 213 sq.).
Le surnom de « Pentathle » fut appliqué à Démocrite d 'Abdère (2 + D 70) par Thrasylle
(cf. D . L . IX 37 = DK 68 A 1, t. II, p. 82, 10 -12), parce que Démocrite maîtrisait non seule
ment la physique et l' éthique , mais les mathématiques et les disciplines encyclopédiques.
Thrasylle renvoie à l'usage que Socrate fait de ce nom dans le dialogue du Pseudo-Platon,
Amatores, 135 e sqq . Dans cet opuscule anti-encyclopédiste, opposé à l' idée du philosophe
érudit (de la philosophie commenouualla ), Socrate utilise le nom de « pentathle » appliqué
à un philosophe d 'une manière péjorative , comme décrivant celui qui connaît tous les arts
ainsi qu 'il convient à l'homme cultivé bien qu 'il ne les connaisse pas comme un spécialiste.
D 'après Hirzel 23 , t. I, p. 407 sq., ce dialogue apocryphe devrait en quelque sorte viser Érato
sthène : il traduirait une espèce de polémique issue du milieu académicien contre le « nouveau
Platon » .Mais cette hypothèse n 'est nullement convaincante , comme l'affirme Knaack 4, col.
386 .
Enfin , le surnom de « second Platon ou de Platon le jeune » fait sans doute ré
férence aux écrits mathématiques et philosophiques d'Ératosthène (cf.Knaack 4,
col. 361 ; Dragoni 18 , p. 51).
Ératosthène semble avoir revendiqué pour lui-même une autre désignation ,
celle de pióroyos, au sens d’amoureux du savoir dans la diversité de ses disci
plines (cf. Pfeiffer 13, p . 158 ; Sandys 53, t. I, p . 5 ). D 'après Suétone, De gram
maticis 10 (= test. 9 Jacoby), c'est lui qui aurait employé pour la première fois ce
204 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
terme afin de définir son propre travail: philologi appellationem assumpsisse
videtur ( scil. L . Ateius), quia sic ut Eratosthenes, quiprimus hoc cognomen sibi
vindicavit, multiplici variaque doctrina censebatur.
La Souda résume de la sorte l'æuvre d'Ératosthène: « il a écrit des ouvrages
philosophiques, ainsi que des poèmes et des histoires ; une Astronomie ou des
Catastérismes, Sur les écoles de la philosophie, Sur l'absence de chagrin , de
nombreux dialogues et des études abondantes sur les textes littéraires (ypapua
tixá ). » Le Pseudo-Lucien (loc. cit. ) déclare à propos d 'Ératosthène qu'« on ne
saurait l'appeler seulement spécialiste des textes littéraires (ypaumatixóv) mais
aussi poète , philosophe et géomètre... ». Clément d 'Alexandrie (loc. cit.) le men
tionne comme auteur de deux livres sur les textes littéraires (I payuatixá ), et
Vitruve (loc. cit.) à son tour comme astronome. Il est étrange qu'aucune mention
ne soit faite de son cuvre géographique. Strabon lui-même, qui cite largement la
Géographie d'Ératosthène, l'appelle seulement, tout d 'abord , poète et spécialiste
des textes littéraires comme Callimaque, puis philosophe et mathématicien
(= test. 2 Jacoby). Thalamas a essayé de déceler les raisons possibles de ce
silence (cf. infra, B IV ).
Malheureusement, aucun ouvrage ne nous est parvenu de l' immense produc
tion d 'Ératosthène, sauf (en version arabe) le traité sur les moyennes proportion
nelles (cf. infra , II 7 ). Par ailleurs, nous ne connaissons cette production que par
des références ou des citations (paraphrases ?) chez les auteurs postérieurs.
L ' opuscule qu 'on connaît sous le titre de Catastérismes n 'est sans doute pas
d 'Eratosthène, du moins sous sa forme actuelle (cf. infra , III, 11).
Le seul recueil disponible de l'ensemble des fragments d 'Ératosthène est
encore celui de 62 G . Bernhardy, Eratosthenica, Berlin 1822, réimpr. Osnabrück
1968, assez déficient et de toute évidence vieilli (cf. déjà 63 R . Stiehle, « Zu den
Fragmenten des Eratosthenes» , coll. « Philologus, Suppl.» 2, Leipzig , 1863,
p . 453-492, notamment p . 463 sqq.). En fait, comme l'a remarqué Pfeiffer 13,
p . 170, la complexité et l'abondance des écrits d'Ératosthène, qui présentent des
rapports significatifs entre eux, réclameà cor et à cri une nouvelle édition com
plète des fragments qui nous sont parvenus.
Dicks 14, p. 393, cite la thèse de R . M . Bentham intitulée The Fragments of Eratosthenes
of Cyrene (University of London ), mais, à la suite de la mort de son auteur, cette thèse n ' a été
ni soutenue ni publiée (date de la thèse dactylographiée : 1948 ).
I. PHILOSOPHIE

Les fragments de caractère strictement philosophique, qui se trouvent ras


semblés (d 'une manière incomplète ) dans Bernhardy 62, p . 186 - 202 ( cf. Stiehle
63, p . 487 sq.), représententune part très réduite de l'ensemble de ceux quinous
sont parvenus d'Ératosthène, ce qui rend impossible une connaissance précise de
ses idées dans ce domaine. A ce qu'il semble (cf. Pfeiffer 13, p . 156 ), Érato
sthène n 'a pas eu de rapport particulier avec la philosophie dans sa ville natale,
où l'école hédoniste fondée par Aristippe de Cyrène (3+ A 356 ) était établie.
C 'est pendant son séjour à Athènes qu'il a fréquenté les philosophes établis dans
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 205
cette ville , parmi lesquels, comme nous l'avons vu plus haut, il semble avoir
préféré, d'après le témoignage de Strabon (I 2, 2), le stoïcien hétérodoxe Ariston
de Chios, les académiciens Arcésilas de Pitane et Apelle de Chios, et le cynique
(éclectique) Bion de Borysthène. Aux yeux de Strabon, partisan de l'ancien stoï
cisme, Ératosthène n 'a pas été adroit dans le choix de sesmaîtres, car, bien qu 'il
ait connu Zénon, il a suivi des disciples dissidents. Qui plus est, Strabon juge
Ératosthène comme un simple dilettante non seulement en matière de philoso
phie mais en toute autre discipline : « il désirait étudier la philosophie , mais man
quant de courage pour se livrer entièrement à ce genre de vie , il s' y est engagé
suffisamment pourtant pour satisfaire aux apparences ; peut- être voulait-il sim
plement se ménager un divertissement à ses autres études, en manière de distrac
tion ou par simple jeu ; au reste , c'est dans tous les domaines qu'il adopte ce
genre d'attitude » (trad . G . Aujac ). Ce jugement ne doit pas être pris sans une
certaine méfiance, car il est évident qu 'on découvre toujours dans l'esprit de
Strabon une certaine animosité à l'égard d'Ératosthène (cf. Jacob 20, p. 115 ). En
fait, Archimède, La quadrature de la parabole II, p. 164, 5 Mugler , considère
Ératosthène comme onovdalov xai pinooopiac npoeotāra álomóywç (cf.
Id ., Sur la méthode III, p . 83, 18 -24 Mugler).
Il est déjà remarquable de voir un talent encyclopédique comme celui d'Ératosthène s'inté
resser, d 'une façon plus oumoins profonde, à la philosophie à une époque, l'époque hellénisti
que, caractérisée justement par l'émancipation et la spécialisation des sciences par rapport à la
philosophie : cf. 64 G . Giannantoni, « Su alcuni problemicirca i rapporti tra scienza e filosofia
nell 'età ellenistica » , dans G . Giannantoni et M . Vegetti (édit .), La scienza ellenistica , Atti
delle tre giornate di studio tenutesi a Pavia dal 14 al 16 aprile 1982, coll . « Elenchos » 9 ,
Napoli 1984 , p . 40-71. Les philosophes reprochent aux sciences et à leurs spécialistes leur
caractère unilatéral, l'intention de fixer les principes de l'univers sans posséder une vision
complète des choses (cf. 65 M . Isnardi Parente, La filosofia dell 'Ellenismo, Torino 1977 ,
p . 17). En fait, l'activité philosophique d 'Ératosthène doit être rattachée à son séjour athénien .
A Alexandrie, la philosophie occupait seulement un rang subordonné, comme le remarque
Fraser 16 , t. I, p. 483, qui présente justement comme preuve le fait qu'Eratosthène soit le seul
philosophe alexandrin d' importance.
Sans aller jusqu 'à considérer Ératosthène comme un dilettante en philoso
phie, comme le fait Susemihl 1, t. I, p. 410 , sur les traces de Strabon , il serait
erroné aussi de vouloir trouver chez lui une pensée philosophique cohérente et
systématique, encore moins originale . C 'est donc à tort que 66 E . Zeller, Die
Philosophie der Griechen, t. III 1, 1, p . 45, le range parmi les stoïciens. 67 U .
von Wilamowitz -Möllendorff, Antigonos von Karystos, coll. « Philologische
Untersuchungen » 4, Berlin 1881, réimpr. Berlin /Zürich 1965, p. 310 n. 21,
récuse le prétendu stoïcisme d 'Eratosthène sur la base de Strabon, et le considère
plutôt comme un « sceptique » . En réalité , comme le remarque Hirzel 23 , t. I,
p . 403 n. 1,le passagede Strabon autorise seulement à penser qu'Eratosthène n'a
pas été, de l'avis du géographe, un stoïcien conséquent (cf. Susemihl 1, t. I,
p.410-412). A leur tour, d'autres critiques ont mis l'accent sur les aspects cyni
ques de la pensée d'Ératosthène, envisageant surtout une influence du cosmo
politisme cynique (à travers Ariston ) dans la louange qu 'Ératosthène fait du
comportement amical d'Alexandre à l' égard des peuples barbares (cf. supra, A ):
206 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
ainsi 68 E . Schwartz , « Hecataeos von Teos» , RHM 40, 1885, p . 223- 262, notam
ment p . 238 sq. ; et d 'autres critiques cités dans Knaack 4 , col. 377. Mais, en
raison de son esprit ouvert et encyclopédique, le qualificatif qui semble convenir
le mieux à Ératosthène comme philosophe est celui d '« éclectique » (cf. Hirzel
23, t. I, p . 404 ; Jacoby 8 , t. II B , p . 705 ; Dicks 14, p . 389 ; Dragoni 17, p . 52- 54 ;
Id. 18, p . 29-31). Comme le remarque Fraser 16 , t. I, p . 483 (cf. Id . 15, p . 179) ,
l' éclectisme d 'Ératosthène répond sans doute à une attitude purement person
nelle et n 'a rien à voir avec l'éclectisme doctrinal qui fleurit à Alexandrie un
siècle ou plus après sa mort.
En effet, il semble avoir pris ici et là ce qui s'accordait le mieux dans chaque
cas à ses points de vue. Par exemple, bien qu'ilse soit opposé à l'avis d 'Aristote
sur le traitement qu 'Alexandre devait réserver aux barbares, sa conception de
l'art comme destiné à captiver et non à instruire (cf. Strabon I 2, 3 = I A 20
Berger) le révèle comme péripatéticien (cf. Hirzel 23, t. I, p . 404 ; infra , B V 2 ) .
Il est platonicien par ses idées sur les proportions géométriques, sur l'harmonie
musicale , sur le temps (cf. ibid ., B II 8), sur la cosmologie en général (cf. ibid ., B
VI 20 ). Hirzel 23, t. I. p . 403 n . 1, affirme qu 'Eratosthène se révèle stoïcien par
le matérialisme de sa psychologie , car, tout en partageant l' idée platonicienne
selon laquelle les âmes des hommes, avant leur incarnation , habitent les régions
célestes, il nie, d ' après Jamblique, ap . Stobée I 49, 39, p . 378 , 7 sqq.
Wachsmuth , que ces âmes soient tout à fait incorporelles (cf. infra, ibid.) .
Knaack 4 , col. 386 , pense qu 'il s'agit chez Jamblique d'un autre Ératosthène
( + E 51), qui serait un philosophe néoplatonicien (cf. 69 G . Knaack, art.
« Eratosthenes» 6 , RE V 1, 1907, col. 389). L . Brisson le range plutôt parmi les
médio -platoniciens. Mais on peut se demander s'il ne s'agit pas de notre Érato
sthène, dont on a supposé qu 'il a abordé dans certains ouvrages plusieurs thèmes
du Timée de Platon (cf. infra , B II 8, III 11, VI20). Par ailleurs, on s'attendrait a
priori à ce que Stobée eût précisé qui était cet Ératosthène, s'il n 'avait pas pensé
au nôtre.
Bien que la chronologie de son œuvre ne puisse pas être fixée , il est vraisem
blable qu ’Ératosthène a composé ses écrits philosophiques pendant sa jeunesse,
lors de son séjour à Athènes (cf. supra, A ).
(1) Tepi ayaObv xaixaxwv, Sur les biens et les maux.
On possède deux fragments de cet ouvrage chez Clément d 'Alexandrie,
Strom . IV 56, 11 (= Théodoret, Thérapeutique VIII,604 b = fr. 8 Bernhardy = 20
Jacoby) et chez Harpocration d 'Alexandrie, s. v. åpuootai (fr. 7 Bernhardy = 24
Jacoby) . Chez Strabon II 2 , 2 , on lit Iepi tõv åyadov, qui peut être le titre
abrégé du même ouvrage (cf. Susemihl 1, t. I, p. 421 n . 67; Fraser 16 , t. II,
p. 698 n . 36 ). On a supposé qu 'Eratosthène a exprimé ici les enseignements de
son maître Ariston de Chios (cf. Knaack 4 , col. 385 ; Hirzel 23, t. I., p . 404 ;
Krämer 22, p . 164 sq.), ce qui semble tout à fait plausible . Cependant, l'hypo
thèse de Bernhardy 62, p . 194 sq., reprise par Susemihl 1, t. I, p . 421, selon
laquelle cet ouvrage serait à identifier avec l’’Apiotwv dont parle Athénée VII,
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 207
281 c- d (cf. infra, VII 26 ),manque complètement de fondement (cf. Knaack 4 ,
ibid . ; Fraser 16 , t. II, p.699 n . 37).
Étantdonné qu'Ératosthène, d 'après Athénée, aurait mis en évidence dans son Ariston que
ce philosophe ne se tenait pas toujours à l'écart du plaisir, Knaack 4 , ibid ., a supposé que l'au
teur y a présenté une image de son maître qui ne péchait ni par idéalisation ni par critique
destructrice. Quant au genre littéraire, on interprète souvent cet écrit comme un dialogue, de
même que celui intitulé 'Apoivón (cf. infra , VII 27 ), auquel le même Athénée VII, 276 a-c
( = fr. 12 Bernhardy = 16 Jacoby) emprunte l'anecdote que nous avons rappelée plus haut
(cf. Bernhardy 62, p . 197 ; Schwartz 5 , p. 187 ; Hirzel 23, ibid.) . D 'après Hirzel 23, t. I, p. 404
sq., ces deux ouvrages représenteraient une espèce demémoire dialogue des séjours d'Érato
sthène à Athènes et à Alexandrie respectivement. En réalité, bien que notre auteur ait composé
de nombreux dialogues, à en croire la Souda , on ne peut rien préciser sur la forme de ces deux
écrits, sauf qu 'ils avaient vraisemblablement un caractère biographique. En fait, Fraser 16 ,
L. II, p . 699 n . 68, pense que l'Arsinoé était non un dialogue (Athénée le décrit comme ouy
ypaua ), mais plutôt une biographie. Sur cet écrit, voir 70 J.P. Rossignol, « Sur l'ouvrage
d 'Eratosthènes, intitulé Arsinoé» , RPh 1, 1845, p . 307-311.
(2) Hepinoútov xai nevías, Sur la richesse et la pauvreté.
De ce traité on possède deux courtes citations chez D .L . IX 66 , et chez Plu
tarque , Vie de Thémistocle 27 (fr. 10 et 11 Bernhardy). Bernhardy62, p. 195 sq.,
y rattache aussi l'anecdote sur Cratès et Hipparchia racontée par D . L . VI 88
(= fr. 9 Bernhardy = fr. 21 Jacoby = V H 19 Giannantoni). D 'ailleurs, il inter
prète cet écrit comme une partie de l'ouvrage Sur les Biens et les Maux, avec
l'accord de Susemihl 1 , t. I, p . 421 n . 67 , mais cela n 'est nullementnécessaire,
comme le remarque Knaack 4 , ibid . (cf. Fraser 16 , ibid .).
(3 ) et (4) Hepi áruntiac et ſlepi tõv xatàoooopiav aipédewv.
Ces deux écrits, Sur l'absence de chagrin (aúnin ) et Sur les sectes philoso
phiques, se trouventmentionnés ensemble dans la Souda . On n 'en connaît que le
titre , mais on n 'a pas de raison de douter de leur authenticité , comme le fait
Knaack 4 , ibid ., ni de supposer, comme le fait Bernhardy 62, p. 196 , avec de
nouveau l'accord de Susemihl 1, ibid ., que le ſlepi drurias serait une partie de
l'ouvrage Sur les biens et les maux. En outre , Bernhardy 62 , p. 106 , considérait
que le Περί των κατά φιλοσοφίαν αιρέσεων était un faux, au motif gue
Diogène Laërce n 'aurait pasmanqué de citer un tel ouvrage dû à une autorité
comme Ératosthène. Fraser 16 , t. II, p . 699 n . 38 , ajoute qu’un ouvrage histo
rique de ce genre n 'est pas très vraisemblable au IIra (cf. 71 J. Glucker, Antio
chus and the late Academy, coll. « Hypomnemata » 56 , Göttingen 1978, p. 175
sq.).Mais ces arguments ne semblentpas probants.
(5) et (6 )Merétai, Exercices (oratoires), et Alároyol, Dialogues.
Comme le reconnaît Knaack 4 , col. 385, on ne peut pas aujourd 'hui se pro
noncer sur les exercices oratoires (uerétai) cités par Strabon II 2 , 2 , à côté de
l'écrit sur les biens, et on ne peut pas les identifier sans plus avec les dialogues
nombreux dont parle la Souda, comme le voulait Bernhardy 62, p. 196 sq .
(cf. Susemihl 1, t. I, p. 422 , n . 68 ). Rappelons d'ailleurs que Le Platonicien (qui
n'est pas cité comme titre séparé dans la Souda) a été considéré d 'ordinaire
208 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
comme un dialogue, de même que l'Arsinoé, dont le caractère “ dialogique”
semble cependant plus discutable.
Enfin , on ne peut savoir si le mot d' Ératosthène concernant les âges de la vie figurait dans
un ouvrage philosophique : « Eratosthène de Cyrène dit que la jeunesse est le printemps de la
vie , l'âge mûr, l'été et l'automne, et la vieillesse en est l'hiver » (Cod. Paris. 1168 = Favori
nus, Sur la vieillesse, fr. 10, p . 155 Barigazzi; trad. L . Paquet, fr. 2). Le même texte apparaît
chez Stobée IV 50 b , 78, p. 1047, 11 Hense ( = fr. 47 Jacoby) et dans le Gnomologium Vatica
num 291. On retrouve la mêmepensée attribuée à Pythagore chez D .L . VIII 10.
II.MATHÉMATIQUES
Si Ératosthène inclinait en tant que moraliste vers la doctrine stoïcienne dans
les traités philosophiques qu'il a écrits vraisemblablement dans sa première
préiode, en tant qu 'homme de science il semble avoir cherché plutôt l'appui du
platonisme de l'ancienne Académie, bien qu 'on ne puisse pas déterminer l'im
portance du rôle joué ici par son maître Arcesilas (cf. Krämer 22, p. 164 sq.).
C 'est sans doute à Athènes qu'il a eu une connaissance approfondie des mathé
matiques , même s'il a pu être initié déjà à cette science dans sa ville natale , où
elle était une des spécialités locales (cf. Jacob 20, p. 114). Fraser 16 , t. I, p. 409,
n 'exclut pas la possibilité qu ' Ératosthène ait écrit l'un ou l'autre de ses ouvrages
mathématiques avant son arrivée à Alexandrie, bien qu 'il avoue qu'on ne trouve
pas de raison pour le supposer. En fait, on a plutôt situé la production mathéma
tique d 'Ératosthène dans le milieu alexandrin , en la rattachant à la tradition
euclidienne fondée à Alexandrie au début de la dynastie des Lagides (cf. Thala
mas 7, p . 56 sq.). Cette production appartient au domaine de la géométrie et de
l'arithmétique,mais aussi à celui de l'astronomie et de la géographie mathéma
tique, que nous traiterons à part. Les fragments se trouvent rassemblés dans
Bernhardy 62, p. 168 - 185. On peut identifier deux ouvrages d 'Eratosthène trai
tantde sujets mathématiques : d 'un côté , un traité Sur les moyennes proportion
nelles (Ilepi Meoortwv) ; de l'autre, l'ouvrage intitulé Le Platonicien (Iłatw
vixóc), qui devait être sans doute le plus important.
(7) HepiMeoothTwv, Sur les moyennes proportionnelles.
Cf. 72 H . G . Zeuthen, Die Lehre von den Kegelschnitten im Altertum , Deutsch
von R . v. Fischer -Benzon , Kopenhagen 1886 , réimpr. Hildesheim 1966 (hrsg.
undmit einem Vorwort und Register versehen von J. E. Hoffmann ), p. 309- 343,
notamment 320 sqq. ; 73 G . Loria, Le scienze esatte nell'antica Grecia, Milano
19142, p. 347 sq.; 74 Th . Heath , A history of Greek mathematics, t. II : From
Aristarch to Diophantus, Oxford 1921, réimpr. 1965, p . 105 sq ., 309 sqq. ;
Wolfer 9, p. 20-35 ; van der Waerden 10, p. 385-390 .
On sait grâce à un mathématicien du IVP, Pappus, Synagoge VII 3, t. II,
p. 636 , 24 sq. Hultsch , que cet ouvrage comprenait deux livres et qu'il faisait
partie d'un manuel collectif des mathématiques alexandrines que Heath 74, t. II,
p. 401, appelle le Trésor de l'analyse (åvahvóuevoç TónoC) et qui comprenait
des ouvrages d ’Euclide, Apollonios de Pergé, Aristée l'Ancien et Ératosthène
(cf. 75 I. Thomas, Selections illustrating the history of Greek mathematics, coll.
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 209
LCL, t. II : From Aristarchus to Pappus, London 1941, p. 262). Pappus (ibid. VII
22, t. II , p . 662, 15 sqq. Hultsch ), après avoir traité les lieux géométriques étu
diés par Apollonios, fait référence à ceux qu'Eratosthène a décrits sur les pro
portions et il affirme que ces lieux sont fondés sur ceux qu ' il vient de traiter,
bien qu ' ils restent différents d 'eux (cf. Thomas 75, t. II, p . 264 sq.). Étant donné
que les lieux cités d 'Apollonios présentent une typologie très variée, on ne peut
pas établir à partir de là quel était au juste le sujet du traité d 'Ératosthène
(cf. Fraser 16 , t. I, p. 409 n . 265 [t. II, p . 591]) , bien que les critiques aient spé
culé à ce sujet (cf. Zeuthen 72, p. 322- 343 ; Wolfer 9, p. 26 -29).
L ' opportunité de ces spéculations peutmaintenant être vérifiée, car on a édité
récemment (avec traduction anglaise ) une version arabe du traité , transmise dans
un manuscrit de Beyrouth , Univ . Saint- Joseph, 223: cf. 76 A . Muwafi et A . N .
Philippou , « An Arabic version of Eratosthenes On mean proportionals» , JHAS
5 , 1981, p . 147 - 165 ; 77 R . Lorch , « A note on the technical vocabulary in Erato
sthenes ' tract On mean proportionals» , JHAS 5 , 1981, p . 166 -170 (appendice à
l'édition de la version arabe).
(8 ) MatwVLXÓc, Le (dialogue ? ) Platonicien.
Cf. 78 E . Hiller, « DerNatwVixós des Eratosthenes», Philologus 30 , 1870,
p. 60 - 72, qui a rassemblé les fragments ; Hirzel 23, t. I, p . 405 -407 ; Knaack 4 ,
col. 361- 363 ; Heath 74, t. I, p . 258-260 (cf. p. 244 -270 : « The duplication of the
cube, or the problem of the two mean proportionals » ) ; 79 A . Schmekel, Die
positive Philosophie in ihrer geschichtlichen Entwicklung, t. I: Forschungen zur
Philosophie des Hellenismus, Berlin 1938 , p. 60 -86 ; Wolfer 9 , p. 4 - 19 ;
80 F . Solmsen , « Eratosthenes as platonist and poet» , TAPHA 73 , 1942, p. 192
213 (= Kleine Schriften , coll. « Collectanea» 4, Hildesheim 1968, t. I, p . 203
224 ) ; 81 F. Lasserre, La naissance des mathématiques à l'époque de Platon,
coll. « Vestigia » 7 , Fribourg Suisse/Paris 1990, p. 166 - 177 (paru d 'abord en ver
sion anglaise : The Birth of mathematics in the age of Plato , London 1964) ; van
der Waerden 10 , p. 262-271 ; Fraser 16 , t. I, p. 410 -413 (notes dans t. II, p . 591
595 ; Id . 15, p . 180 -181) ; Dicks 14 , p . 391 sq. ; Dragoni 18 , p . 119 - 130 ; Krämer
22, p . 165 sq.
Pour la reconstitution du Platonicien on ne dispose que de deux citationsno
minales, chez Théon de Smyrne, Expositio rerum mathematicarum ad legendum
Platonem utilium , p . 2 , 3 - 12 Hiller (= fr. 3 Hiller; cf. Thomas 75 , t. I: From
Thales to Euclid , London 1957, p . 256 sq.), concernant le fameux « problème
délien » , c 'est-à -dire le problème, posé déjà par Platon (Timée 31b - 32 b ), de la
duplication du cube ; et, ibid ., p . 81, 17 - 84, 6 Hiller (= fr. 1 , 2 , 4 Hiller ;
cf. Thomas 75, t. II, p. 264-267), concernant les notions d'intervalle (Sláornua ),
ratio ( óyos) et de proportion géométrique (åvaroyia ). Par ailleurs, les cri
tiques ont mis aussi à contribution d'autres prétendus fragments : cf. Sextus Em
piricus, Adv.Math . III 28 ; X 281 sq.; Proclus, In Tim . 35 a, t. II, p . 152, 24 sqq.
Diehl ( = fr. 6 Hiller) ; Aétius, Placita I 21, 3, p . 328 a 6 , 6 8 Diels (= fr. 7
Hiller ) ; Jamblique, ap. Stobée I 49, 39, p . 378 , 7 -11 Wachsmuth (= fr. 8 Hiller ;
210 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
cf. supra); Plutarque, Quaest. conv. VIII 2, 718 sq.; Ptolémée, Harmonica II 14 ,
p. 70 sq. Düring; Porphyre , In Ptolemaei Harmonica comm. 5, p. 91, 4-10
Düring. En ce qui concerne le problème délien , ils ont utilisé aussi la lettre
qu 'aurait adressée Ératosthène à Ptolémée Évergète et qui est transmise par un
mathématicien du VIP , Eutocius ( E 175), dans l'un de ses commentaires sur
l'æuvre d 'Archimède, Commentarii in libros de sphaera et cylindro II, t. III ,
p. 88 - 96 Heiberg (cf. Thomas 75 , t. I, p. 256 -260, 290 -296 ; 82 P. ver Eecke,
« Eutocius et sa tradition de la lettre d 'Ératosthène au roi Ptolémée sur la dupli
cation du cube » , AIHS 9, 1956 , p. 217-226 ; traduction en français de la lettre
aux pages 223 -226 ; ainsi que dans 83 Ch . Mugler (édit. ], Archimède, t. IV :
Commentaires d 'Eutocius et fragments, texte établi et traduit par Ch. M ., CUF,
Paris 1972, p.64-69).
En tout cas, ni la formeni le contenu du Platonicien ne peuvent être reconsti
tués de façon sûre. Hiller 78 , p.68, voit dans cet écrit comme une espèce de
commentaire sur la doctrine de la fabrication du corps et de l'âme du monde
dans le Timée de Platon, un commentaire dans lequel l'auteur aurait exposé aussi
son propre système sur l'harmonie musicale lié à l'astronomie (cf. Susemihl 1,
t. I, p .419). D 'autres critiques, à la suite de Hirzel 23, ibid ., le considèrent
comme un dialogue dont le premier rôle serait joué par Platon et le cadre
imaginaire serait l'Académie (cf. Wolfer 9, p. 4, 12 sq., 17 ; Lasserre 79, p . 166
sq.; Fraser 16 , t. II, p. 591 sq. n. 268; Id . 15, p. 181 ; Krämer 22, p. 165; Mattéi
21, p.136).
Cette dernière hypothèse paraît la plus plausible . En effet, Hirzel 23, t. I, p. 406 , affirme
que certains éléments relèvent uniquement de la fiction littéraire (cf. Lasserre 81, p. 169) ; ils
s 'expliquent mieux si on pense à un dialogue, tout comme le titre , car il suffirait de sous
entendre le mot óyoç. Plus tard Wolfer 9, p . 13 sqq., développe les arguments suivants : d 'un
côté, l'idée d'un Platon fictif permettrait d 'expliquer les similitudes entre les mots d ' Éra
tosthène cités par Théon ( loc. cit.) et les mots attribués à Platon par Pappus, Synagoge III 47,
quine font référence à aucun dialogue de Platon ; de l'autre , les contradictions entre les diffé
rentes versions sur les origines du « problème délien » s'expliqueraient aussi par le caractère
fictif du dialogue.
Laissant de côté les détails des différentes reconstitutions, parfois un peu arbi
traires (cf. par ex . celle de Lasserre 81), on peut supposer que le Platonicien
traitait (vraisemblablement sous la forme d 'un dialogue) certains sujets des
mathématiques rattachés à la philosophie de Platon , comme les proportions, qui
constituaient pour Ératosthène le fondement de la cosmologie (cf. Théon de
Smyrne, op. cit., p . 82, 22 sqq. Hiller = fr. 1 , 28 sq. Hiller) et des mathématiques
(cf. Proclus, In primum Euclidis Elementorum librum comm., Prol. I, p . 43, 22
sq. Friedlein ), la théorie des gammes musicales (chromatique et diatonique ) et
notamment le problème géométrique de la duplication du cube (le « problème
délien » ).
D 'après Ératosthène (fr. 3 Hiller), les habitants deDélos, comme la peste dévastait leur île,
avaient consulté l'oracle d'Apollon et le dieu leur avait ordonné de doubler le volume de son
autel, qui avait la forme d'un cube. Ils placèrent sur ce cube un second cube identique, mais la
peste ne cessa pas. Comme l'oracle leur reprochait de n 'avoir pas exécuté l'ordre du dieu, ils
décidèrent d 'aller demander conseil au plus grand philosophe de la Grèce, Platon , qui leur fit
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 211
voir qu 'Apollon leur reprochait de négliger la géométrie. Dans le débutde la lettre citée plus
haut, Eratosthène raconte à Évergète une autre origine du problèmede la duplication du cube :
un poète tragique ancien (sans doute anonyme) aurait représenté Minos se plaignant du fait
que la tombe construite pour son fils Glaucos était trop petite pour un prince, et Minos aurait
ordonné de la doubler, avec la suggestion de le faire par la duplication de ses côtés (= TGrF
adesp. 166). L 'auteur affirme que cette suggestion n'était qu'apparemment erronée, et elle
donna lieu à un sujet de recherche parmiles géomètres, qui tentèrent par la suite de doubler un
solide donné tout en gardant la même forme. L 'auteur de la lettre présente la solution
d 'Hippocrate de Chios ( H 151), qui ramenait le problème à une question de géométrie : la
construction de deux moyennes proportionnelles entre deux segments de droite donnés. L 'au
teur revient ensuite à la version « délienne» du problème (cf. supra , le fragment du Platoni-
cien ) : les habitants de Délos se seraient adressés ensuite aux géomètres qui se trouvaient
auprès de Platon dans l'Académie pour leur demander de trouver la solution du problème. Il
mentionne les tentatives d'Archytas de Tarente (" A 322), d'Eudoxe de Cnide ( E98 ) et de
Ménechme de Proconnèse , qui sont dits avoir échoué pour n ' avoir pas réussi à donner une
application pratique à leurs solutions théoriques, sauf partiellementMénechme. Finalement,
l'auteur affirmeavoir découvert une solution mécanique permettant de trouver non seulement
deuxmoyennes proportionnelles entre les segments de droite donnés mais toutes lesmoyennes
proportionnelles dont on puisse avoir besoin . Il en présente la démonstration , d 'abord d 'une
façon géométrique, au moyen de trois parallelogrammes, ensuite de façon mécanique, au
moyen d 'un instrument (décrit aussi par Pappus, Synagoge III 22-23, t. I, p . 56 -58 Hultsch ,
sous le nom de « mésolabe » , ibid., III 21, p. 54 ) qui consiste en une structure ( en bois, ivoire
ou bronze) formée (selon les figures de la démonstration antérieure ) de deux règles parfaite
ment parallèles avec des rainures permettant de glisser longitudinalement trois plaques rectan
gulaires (triangulaires selon Pappus) susceptibles d 'être déplacées indépendamment l' une de
l'autre et d ' être superposées. Commele remarque Fraser 16 , t. I, p. 411 sq., le texte qui suit ne
se rattache pas très bien à ce qui vient d ' être dit : on y fait référence à l'instrument de bronze
comme étant placé sur une colonne en marbre: il faisait partie d 'une dédicace, qui comporte
rait aussi une inscription (contenant une version abrégée de la démonstration ) ainsi qu 'une
épigramme de huit lignes, dans laquelle Eratosthène affirme que si l'on veut doubler un cube
pour des raisons pratiques, on peut le faire facilement au moyen de cet instrument, sans devoir
recourir aux difficiles démonstrations mathématiques d'Archytas (comportant des cylindres),
d'Eudoxe (comportant des figures courbes) et de Ménechme (comportant des sections coni
ques ). Dans les deux derniers vers, l'auteur fait un « envoi» élogieux au roi et à son fils, et
termine avec son « sceau » : « Voici l'ouvre d'Ératosthène de Cyrène.»
Sur les solutions d 'Archytas, Eudoxe etMénechme, voir 84 A . Sturm , « Das Delische Pro
blem I : Behandlung des Problems in der platonischen Zeit» , XXIX Programm des K . K . Ober
Gymnasiums der Benedictiner zu Seitenstetten. Veröffentlicht am Schlusse des Schuljahres
1895 , Linz 1895 , p . 3 - 56 , notamment p . 22 - 32 (Archytas), p . 32 - 37 (Eudoxe), p . 37 -48
(Ménechme), et 85 O . Becker, Dasmathematische Denken der Antike, coll. « Studienhefte zur
Altertumswissenchaft » 3, Göttingen 1957, 19662 (mit einem Nachtrag von G . Patzig ), p . 76
80 (Archytas ), p. 80-82 (Eudoxe), p. 82-85 (Ménechme).
Susemihl 1, t. I., p. 420,met en cause l' authenticité aussi bien de la lettre que de l'épi
gramme votive. En revanche, depuis Wilamowitz 31, p. 23 sqq. = p. 56 sqq., on accepte l'au
thenticité de l'épigramme, bien qu 'on considère la lettre comme inauthentique (cf. Knaack 4 ,
col. 362 ; Fraser 16 , t. I, p.412 ; Dicks 14, p. 392 ; Krämer 22, p. 165 ; Powell 60, fr. 35 , p .66
sq., tient l'épigramme pour « dubium » ). En effet, l'auteur inconnu de la fausse lettre semble
bien avoir eu sous les yeux, outre le Platonicien d'Ératosthène, son épigramme votive, qu ' il a
dû lire encore sur la colonne. La seule information nouvelle apportée par la lettre est la version
non « délienne » sur les origines du problème de la duplication, laquelle, comme le suggère
Wilamowitz 31, p. 21 = p. 54 sq ., peut provenir du Platonicien .Dans le même sens, Fraser 16,
t. I, p. 410, suggère que cet ouvrage comportait d'autres versions,outre la version « délienne ».
En général, on a considéré aussi que la démonstration du « mésolabe » utilisant des triangles
que l'on trouve chez Pappus représente une construction plus authentique que celle utilisant
212 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
des rectangles que l'on trouve dans la lettre (cf. Wilamowitz 31, p. 17 = p . 50 ; Heath 74, t. I,
p . 258 sqq. ;Wolfer 9, p. 37 ; Fraser 16 ,t. II, p. 593 n . 283).
86 G . Agosti, « Eratostene sulle Muse e il Re» , Hermes 125, 1997 , p. 118- 123, interprète
les derniers vers de l'épigramme (vv. 13- 18 ), où Eratosthène s 'adresse directement à Evergète
(en roi protecteur desMuses), comme un habile éloge des vertus du roi en tant que père , qui
serait en mêmetemps un éloge de l'efficacité d'Ératosthène en tant que précepteur du prince,
le futur Ptolémée IV Philopator. Sile comportement ultérieur de celui-ci a déçu les attentes de
son maître (cf. supra, A , l'anecdote sur Arsinoé III = fr. 16 Jacoby ), cela appartient, comme
l' indique Agosti, à la réalité des faits, qui, de toute évidence , n 'était pas prévue dans l' enco
mium .
Solmsen 80, p. 201 sqq. = t. I, p. 212 sqq., soutient qu ’Ératosthène a abordé
dans le Platonicien plusieurs thèmes du Timée de Platon (l'âme du monde, la
descente des âmes, etc.). De plus, il soutient qu'un grand nombre de concepts
utilisés par Platon dans le Timée pour expliquer l'univers ont exercé une
influence sur une partie importante de l'æuvre d 'Eratosthène, non seulement sur
ses études mathématiques et sa théorie de la musique, mais aussi sur sa cosmo
logie (cf. infra , VI 20) et sa géographie (ibid ., IV 12). Cependant Fraser 16 , t. I,
p. 482 n. 31 (t. II, p .698 ), en ce qui concerne le Platonicien , pense que beaucoup
des reconstitutions de Solmsen sur le platonisme d 'Ératosthène touchant des
sujets non mathématiques ne sont pas convaincantes: pour lui, il faut se borner à
dire qu 'Eratosthène, dans cet ouvrage, plus exactement dans les parties concer
nant les mathématiques, était essentiellement platonicien , et qu'il a sans doute
collaboré , comme auparavantEuclide (2- E 80), à la transmission à Alexandrie
d'une partie importante de la doctrine mathématique de Platon . A ce sujet, 87 M .
Vegetti, « La scienza ellenistica : Problemidi epistemologia storica » , dans G .
Giannantoni et M . Vegetti ( édit.), La scienza ellenistica , Atti delle tre giornate di
studio tenutesi a Pavia dal 14 al 16 aprile 1982, coll. « Elenchos » 9, Napoli
1985 , p. 427 -470, notamment p. 437, parle d'un « platonisme réduit» d 'Éra
tosthène et d'autres spécialistes de la science de son époque comme les mathé
maticiens Eudoxe de Cnide et Euclide, conformément à une tradition physique
quia son origine dans le Timée .
(9) Inventions:le «mésolabe» et le « crible» d'Eratosthène.
Nous avons déjà décrit le « mésolabe » , dont parle aussi Vitruve, De l'Archi
tecture IX 1, 14 , comme la solution donnée par Ératosthène au problème de la
duplication du cube. On sait que cette invention faisait partie d 'une dédicace
votive en l'honneur de Ptolémée III, consistant en un monument placé vraisem
blablement dans le temple consacré à Ptolémée (cf. Wilamowitz 31, p. 27 sqq. =
p .61 sqq.), ou bien dans l'enceinte du Musée ou du palais (cf. Fraser 16 , t. I,
p. 413 et n . 297 [t. II, p. 595 sq.), qui mentionne d'autres dédicaces scientifiques
similaires de l'époque). La solution mécanique d'Ératosthène montre l'existence
de mathématiques pratiques parallèles aux mathématiques théoriques platoni
ciennes (cf. Dragoni 17 , p. 57; Id . 18 , p. 34), et l'intérêt pour les solutions pra
tiques semble une caractéristique générale du personnage (cf. Fraser 16 , t. I,
p. 415 ; Dragoni 18, p. 130-141). En fait, comme le remarque Fraser 16 , t. I,
p. 413, cette solution ne représente pas un progrès théorique, car la réduction du
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 213
problème de la duplication du cube au problème de la recherche des moyennes
proportionnelles avait été déjà suggérée par Hippocrate de Chios (cf.supra ).
Cela dit, on ne peut pas douter de l'importance d 'Ératosthène comme mathé
maticien , attestée par Vitruve (loc. cit.), qui le mentionne à côté d 'Apollonios de
Pergé ou d 'Archimède. Sa renommée dans ce domaine semble d'ailleurs assurée
par la correspondance scientifique qu 'Archimède a maintenue avec lui (cf.
Fraser 16 , t. I, p . 399-409 ; Dragoni 17, p . 58-62 ; Id . 18, p. 35 -39 ; Manna 19 ,
p . 42 sq.): c 'est à lui qu 'il dédie , sous la forme d 'une lettre , son très important
traité Sur la méthode (Ilepi tõv ungavixõv Dewpnuátwv tpos 'Epatoo dévny
Ěpodos), l'un de ses derniers traités (édit. Mügler, t. III, p . 82- 127; cf. 88 0 .
Becker, Grundlagen der Mathematik in geschichtlicher Entwicklung, coll.
« Orbis Academicus. Problemgeschichten der Wissenschaft in Dokumenten und
Darstellungen » II 6, Zweite erweiterte Auflage, Freiburg im Breisgau/München
1964 , p. 55 -57, 59 ; Id . 85 , p . 109 sq.) ; c 'est lui aussi qu 'il a choisi comme desti
nataire d 'un problèmemathématique qu 'il propose à tous les mathématiciens
alexandrins, le « problème des bæufs » (npóßanua Boelxóv ), qu'on connaît par
un poème qui n 'est sans doute pas d 'Archimède (édit.Mügler, t. III, p . 170- 173 ;
cf. 89 P . Tannery, « Sur le problème des beufs d 'Archimède » , Bulletin des
sciences mathématiques, 2° sér., 5, 1881, p . 25- 30 = Mémoires scientifiques, t. I :
Sciences exactes dans l'Antiquité 1876 - 1883, I, Toulouse /Paris 1912, réimpr.
1995, coll.« Les grands classiquesGauthier-Villars » , p . 118- 123).
Enfin , dans le domaine de l'arithmétique, Ératosthène est passé à la postérité
comme l'inventeur du « crible » (xboxLvov), un procédé élémentaire pour l'ob
tention des nombres premiers, consistant à écrire les nombres 1, 2 , et la série des
nombres impairs à partir de 3 jusqu'à une limite fixée, et à les rayer à partir de 32
= 9 de trois en trois (lieux] ; à partir de 52 = 25, de cinq en cinq (lieux ), et ainsi
successivement jusqu 'au point où on arrive à un nombre premier dont le carré
dépasse la limite fixée, tous les nombres qui restent non rayés étant par consé
quent premiers (cf. Nicomaque de Gérasa, Introductio arithmetica I 13, 2 -4 ,
p. 29, 17 sqq.Hoche; Dragoni 18, p . 128-130 ).
III.ASTRONOMIE ET GÉOGRAPHIE MATHÉMATIQUE
Comme le remarque Thalamas 7 , p . 57, l'astronomie a toujours été en hon
neur chez les Ptolémées, et les observations d 'Aristarque de Samos (2 A 345),
« le Copernic de la Grèce » , d'Aristylle et de Timocharès, ainsi que l'installation ,
dans le Palais et probablement dans le portique du Musée, de grandes armilles
permettent de croire à l'existence d 'un véritable observatoire . Sous la direction
d 'Ératosthène, les différentes institutions culturelles et scientifiques financées
par la cour des Ptolémées semblent avoir accentué leur caractère scientifique et
mathématique, tout en conservant leur caractère philologique et humaniste
( cf . Dragoni 17, p. 63; Id . 18 , p . 41) . Depuis 90 M . Montucla , Histoire des
Mathématiques, Paris 1758, t. I, p. 253, on rattache d' ordinaire à Ératosthène la
construction des armilles de l'observatoire du Musée (cf. Marlowe 25, p . 74 ;
Dragoni 17, p . 66; Id . 18 , p. 42), bien qu'aucun document ne prouve qu'il ait
214 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
spécialement contribué aux outils d 'observation astronomique. En tout cas, les
observations qu 'il a entreprises dans ce domaine ont dû compter sur l'appui
financier de la cour, où Ératosthène semble avoir joui (comme Callimaque )
d'une bonne position (cf.Dragoni 17 , p .65 ; Id . 18, p . 234).
Il marque à l'époque hellénistique l'apogée de la géographie scientifique
(« théorique » ) qui se fonde sur la géométrie , l'astronomie et la physique pour
donner du monde une image rationnelle. Il écrivit un traité sur la mesure de la
terre où il calculait la longueur du méridien terrestre. Ce traité semble avoir été
distinct de son ouvrage proprement géographique où il décrivait le monde habité
(cf. Thalamas 7 ,p.65).
( 10) Hepi tñs åvawetpňoewç tñs rñs, Sur la mesure de la terre.
Cf. 91 H . Berger, Die geographischen Fragmente des Eratosthenes, neu ge
sammelt, geordnet und besprochen , Leipzig 1880 , réimpr. Amsterdam 1964,
p. 99- 142 ; 92 S . Günther, « Die Erdmessung des Eratosthenes » , Deutsche
Rschau 3, 1881, p . 327-335 ; 93 P. Tannery , Recherches sur l'histoire de l'astro
nomie ancienne, Paris 1893, réimpr. Hildesheim /New York 1976, p . 103-121
(chap. V : « La sphéricité de la terre et la mesure de sa circonférence » ), notam
ment p . 115 - 117 ; 94 G . M . Columba, Eratostene et la misurazione del meridiano
terrestre, Palermo 1895; 95 H . Nissen, « Die Erdmessung des Eratosthenes» ,
RhM 58, 1903, p. 231- 245 ; 96 E . Hoppe, Mathematik und Astronomie im
klassichen Altertum , coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaft»
1, Heidelberg 1911, p . 280-286 ; Thalamas 7, p. 128 - 164 ; 97 W . Kubitschek , art.
« Erdmessung » , RESuppl. VI 1937, col. 31-54, notamment 35 -42 ; Fraser 15 ,
p . 187-189 ; 98 L . V . Firsov, « Eratosthenes' calculation of the earth 's circum
ference and the length of the Hellenistic stade » (en russe avec résumé en angl.),
VDI 1972 n° 121, p. 154- 174 ; Dragoni 18, p. 161-232 ; 99 R . R . Newton , « The
sources of Eratosthenes' measurement of the earth » , QIRAS 21, 1980 , p . 379
387 ; 100 Á . Szabó et E . Maula, Les débuts de l'astronomie , de la géométrie et
de la trigonométrie chez les Grecs, traduit de l'allemand (Enklima. Unter
suchungen der Frühgeschichte der griechischen Astronomie, Geographie und
der Sehnentafeln , Athènes 1982] par M . Federspiel, coll. « L 'histoire des scien
ces. Textes et études », Paris 1986 , p. 55-60 ; 101 D . Rawlings, « Eratosthenes’
geodesy unrevealed . Was there a high -accuracy Hellenistic astronomy ?» , Isis
78, 1982, p . 259- 265; 102 M . Cimino , « A new , rational endeavour for under
standing the Eratosthenes numerical result of the earth meridian measurement» ,
dans Compendium in astronomy. A volume dedicated to John Xanthakis,
Dordrecht 1982, p. 11-21 ; 103 B . R . Goldstein , « Eratosthenes on the measure
ment of the earth » , HistMath 11, 1984, p .411-416 ; 104 G . Aujac, La Sphère,
instrument au service de la découverte du monde. D 'Autolycos de Pitanè à Jean
de Sacrobosco, coll. « Varia » 11, Paris 1993, p . 77-97 (= « Astronomie et géo
graphie scientifique dans la Grèce ancienne» , BAGB 32 , 1973, p.441-461).
L 'existence d'un traité particulier d 'Ératosthène sur la mesure de la terre avait
déjà été suggérée par Berger 91, p. 119 sq., à partir d'un passage de Macrobe,
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 215
Comm . sur le Songe de Scipion I 20, 9 : et Eratosthenes in libris dimensionum sic
ait : mensura terrae septies et vicies multiplicata , mensura solis efficiet. Cepen
dant, Berger 91, p. 99- 142, plaçait la plupart des fragments sur la mesure de la
terre réalisée par Ératosthène (= II B : « Erdmessung » ) dans le deuxième livre de
la Géographie de celui-ci (cf. Susemihl 1,t. I. p .415 sq.). Plus tard ,Nissen 95 ,
p . 232 sq., retrouva le texte d'un technicien, probablement du IP, Héron
d 'Alexandrie , Dioptra 35, p. 302 Schöne (cf. Thomas 75 , t. II, p. 272), confir
mant l'existence d'un ouvrage « géodésique» d'Ératosthène, ayant pour titre
Hepi tñs åvawetoñoewç tñs rñs. Il prétendit en outre en déterminer le conte
nu en s 'appuyant sur une interprétation personnelle d'un passage de Galien ,
Institutio logica XII, p. 26-27 Kalbfleisch, où Ératosthène est cité. En effet,
considérant que ce passage donne des renseignements sur ce que dit l'ouvrage à
propos de la mesure de la terre , il affirme (p . 232) qu'il y avait des exposés
astronomiques généraux sur la grandeur de l'Équateur, la distance des cercles
polaires et du tropique, l' étendue de la zone polaire, la grandeur et la distance du
soleil et de la lune, les éclipses totales et partielles de ces astres, les variations de
la durée des jours d 'après la différence de latitude et les saisons de l'année (cf.
Knaack 4 , col. 364). Mais Thalamas 7 , p . 126 , a contesté à juste titre cette
reconstitution , car lorsque Galien parle de la grandeur et des distances du soleil
et de la lune, puis de la description des éclipses et de la variation de la durée du
jour d 'après les latitudes et les saisons de l'année , il emprunte ces exemples non
plus à Eratosthènemais aux astronomes (Étuintal toiç ảotpovóuous): « Ces
éléments purement astronomiques ne sauraient donc être introduits sur la foi de
Galien dans la Géophysique d'Ératosthène.» D 'autre part, Thalamas 7, p.66 ,
considère que l'ensemble des livres du traité cité par Macrobe formait une
source commune d 'où nous sont venues les idées d 'Ératosthène sur l'évaluation
du méridien terrestre , sur les zones, sur les inégalités de la surface du globe,
enfin sur la grandeur du soleil par rapport à celle de la terre et sur la distance de
celle-ci à la lune et au soleil (cf. 105 0 . Neugebauer, A History of ancient
mathematical astronomy, coll. « Studies in the history ofmathematics and physi
cal sciences » 1, Berlin /Heidelberg/New York 1975, p. 660 et 663). Donc il ne
pense pas (p. 70) qu ’Ératosthène a écrit par exemple un ouvrage particulier sur la
mesure du soleil, comme on l'a cru sur la base du témoignage deMacrobe. En se
fiant plutôt à Héron , Thalamas 7, p. 71, soutient « que le traité d 'Ératosthène...
était consacré exclusivement aux mesures de tout ordre qui se rapportaient à la
sphère terrestre , prise dans son ensemble, et que le titre en était bien : nepì tñs
åvapetpňoews tñs rñs, c'est-à -dire “ la mesure exacte de la Terre " ou, en for
çant un peu, “ la réforme des mesures de la Terre ” . La traduction donnée par
Macrobe... serait ainsi une simple déformation de l'original et le pluriel employé
viserait le contenu du traité.» Bref, à l'encontre de Nissen 95, Thalamas ne
pense pas qu 'aucun des points de ce traité avait le caractère d 'exposé astrono
mique général. Par ailleurs, Thalamas 7, p. 66 , 183, reprend l'hypothèse de
Knaack 4 , col. 366, selon laquelle la description de la Rose des Vents d 'Érato
sthène que l'on trouve chez Galien , Comm . in Hipp . de humoribus III 13, t.XVI,
216 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
p. 403 sq. Kühn (distinguant cinq zones: deux zones glacées, deux zones tem
pérées et une zone torride), pouvait trouver place dans le traité qui nous occupe,
tandis que Berger 91, p .210 sq., la plaçait dans le troisième livre de la Géogra
phie.
Ératosthène n 'a pas suivi l'hypothèse héliocentrique lancée par Aristarque de Samos; il
partageait encore l'hypothèse géocentrique, à laquelle on s'est attaché notamment dans les
milieux stoïciens. Mais, loin d ' être un frein aux découvertes scientifiques, cette hypothèse a
été très opératoire, ainsi que l'a remarqué Aujac 104, p . 23 -32 (= « Le géocentrisme en Grèce
ancienne ?» , dans Avant, avec, après Copernic , XXXie semaine de synthèse, juin 1973, Paris
1975, p. 19-28 ); et p. 33-56 (= « Stoïcisme et hypothèse géocentrique », ANRW II 36 , 3, 1989,
p . 1430 - 1453) . Eratosthène a été le premier à réaliser un essai d'évaluation tout à fait scienti
fique de la circonférence terrestre. Nous connaissons le procédé qu ' il a suivi grâce à la
description de Cléomède, De motu circulari corporum caelestium I 10 , 3-4 , p. 94 , 23 - 100 , 23
Ziegler = 17, 48 - 110 Todd : cf. Thomas 75, t. II, p . 266 -273; 106 R . Goulet, Cléomède, Théo
rie élémentaire (« Demotu circulari corporum caelestium »), texte présenté, traduit et com
menté, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique » 3 , Paris 1980 , p . 123- 125 ;
107 G .Donnay, « A propos de quelques traités grecs d'astronomie récemment traduits en fran
çais » , dans Gh. Viré (édit.), Grec et latin en 1981. Études et documents, Bruxelles 1981,
p. 37-78 , notamment p.58-64 (texte et traduction ), p.69 sq. (commentaire ). Nous rapportons
le procédé en question dans les mots d'Aujac 104, p. 82 sq. : « Pour mesurer la circonférence
terrestre , le principe est simple ... : on avait observé qu ' à Syène en Égypte (l'actuelle Assouan )
le jour du solstice d 'été, à midi, un puits parfaitement cylindrique était éclairé jusqu 'en son
fond : c'était donc que le soleil se trouvait alors à la verticale du lieu. La direction du soleil au
mêmeinstant à Alexandrie formait alors avec la verticale du lieu un angle quimesurait l'angle
au centre correspondant à l'arc Syène-Alexandrie, à condition, bien sûr, de poser en principe
que Syène et Alexandrie sont sur le mêmeméridien (ils sont en fait distants de 2º 1/2 de longi
tude). Ératosthène mesura cet angle, au moyen du gnomon (n 'importe quel obélisque pouvait
faire l'affaire ), et le trouva égal à 1/50e de circonférence (soit 7° 12'). La circonférence ter
restre vautalors cinquante fois la distance Syène-Alexandrie, évaluée à 5.000 stades ; cela fait
donc 250 .000 stades, que l'on arrondit au chiffre supérieur divisible par soixante ; on trouva
ainsi 252.000 stades. »
Aujac juge inutile de discuter sur la valeur réelle du stade pour en déduire la plus ou moins
grande exactitude de cette évaluation : « ce sont des discussions gratuites à mon sens, puisqu 'il
est bien évident que 5.000 stades (distance Syène-Alexandrie ) est un chiffre rond, tout autant
que 1/50e de cercle... et tout autant que les 252.000 stades divisibles par soixante. L 'important,
me semble-t- il, est de constater la précision de l'observation gnomique, et de savoir que cette
évaluation de la circonférence terrestre permettait de fixer la valeur théorique du stade par
rapport au degré terrestre. Pour une circonférence de 252.000 stades, le degré terrestre vaut en
effet 700 stades. Quand, par “moyens gnomiques ", nous dit Strabon (II 5 , 24 ) (c 'est-à -dire en
fait par la mêmeméthode astronomique), Eratosthène fixe la distance entre Alexandrie et
Rhodes à 3.750 stades, c 'est une simple manière de parler pour indiquer qu 'il y a entre ces
deux villes une différence de latitude de 5° 20', ce qui estrigoureusementexact.»
Pour la mesure de l'arc de méridien entre Syène et Méroé dont parle Martianus Capella
(VP),Noces de Mercure et de la Philologie VI, p. 209, 18-21 Willis, voir Dragoni 18, p. 188
sqq. Pour la discussion autour de la valeur du stade d 'Ératosthène: cf. 108 F. Westberg, « Zur
Topographie des Herodot » , Klio 14 , 1915 , p . 338 - 344 ; 109 O . Viedebantt, « Eratosthenes,
Hipparchos, Poseidonios. Ein Beitrag zur Geschichte des Erdmessungsproblems im Alter
tum » , Klio 14 , 1915, p . 207-256 , notamment p . 232 -252 (Exkurs 1 : « Die Größe des eratosthe
nischen Stadions. Zur Frage des philetärischen und des italischen oder römischen Fuß
maßes » ); 110 Id ., « Poseidonios,Marinos, Ptolemaios. Ein weiterer Beitrag zur Geschichte
des Erdmessungsproblems in Altertum » , Klio 16 , 1917 ( 1920 ), p . 94 - 108 , notamment p . 100
108 (= Exkurs III : « Zur Frage des herodoteischen Stadions» ) (cf. Dicks 161, p. 150 sq.);
111 A . Ruiz Cadalso , « La véritable valeur du stade d'Ératosthène et des dimensions de la terre
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 217
déduites par lui» , Bulletin géodésique 58 , 1938, p . 148 -157 ; 112 D . Engels, « The length of
Eratosthenes' stade » , AJPh 105, 1985 , p. 298 -311 ; 113 E . Gulbenkian , « The origin and value
of the stadion unit used by Eratosthenes in the third century B . C .» , AHES 37, 1987 , p. 359
363.
Strabon (II 5, 24) adopta l'évaluation d'Ératosthène, qui avait été acceptée par Hipparque
de Nicée (194-200P) et qui était la plus généralement admise de son temps. Un autre
représentant de la géographie scientifique est le stoïcien Posidonius (135 -50 ), qui évalue aussi
la circonférence terrestre à partir de l'observation de l' étoile Canope à Rhodes et à Alexandrie
(cf. Strabon , ibid. ; et Cléomède I 10 ), bien que son résultat soit moins exact. Pour l' influence
d 'Ératosthène dans ce domaine de la géographie mathématique sur Hipparque et Posidonius,
voir Viedebantt 109, p . 207-232 ; Id . 110 p. 94 -100 (cf. 114 A . Diller, « Geographical latitudes
in Eratosthenes, Hipparchus and Posidonius » , Klio 27, N . F . 9 , 1934, p. 258 - 269 (cf. Dicks
161, p. 151 sq.;Neugebauer 105, p. 304 sq., 334 sq.,651-654, 734, 939]).
L ' autre évaluation d'Ératosthène capitale pour l'astronomie et la géographie , celle de la
mesure de l'obliquité de l'écliptique, nous est connue par Ptolémée, Syntaxis mathematica I
12, 1. I 1, p.67 sq. Heiberg (cf. Théon d' Alexandrie , Commentaria in Ptolemaei syntaxin
mathematicam I 12 , t. II, p . 528 sq. Rome) : il décrivait l'obliquité de l'écliptique comme la
moitié de l'arc compris entre les deux tropiques, estimé par lui aux 11/83e de la circonférence
(cf. Knaack 4 , col. 366 ; Dragoni, 18 , p . 76 - 88; Neugebauer 105 , p . 734) . A ce sujet, voir
115 B . R . Goldstein , « The obliquity of the ecliptic in ancientGreek astronomy» , AIHS 33,
1983, p. 3- 14 ; et 116 C .M . Taiswak, « Eleven eighty -thirds. Ptolemy's reference to Erato
sthenes in Almagest, I, 12 », Centaurus 27 , 1984, p . 165- 167, pour qui Ptolémée n 'a pas
emprunté à Ératosthène, qui l' ignorait, la fraction 11/83 correspondantau double de l'inclinai
son de l'écliptique par rapport au grand cercle équatorial.
(11) ’Aotpovouía ñ Karaoteplouoi,Astronomie ou Catastérismes.
Toujours dans le domaine de l'astronomie, il semble qu ’Ératosthène a
compilé un catalogue des constellations. En effet, la Souda mentionne dans sa
présentation de l’æuvre d'Ératosthène une Astronomie ou Catastérismes
('Aotpovoulav ñ xataoteplouoúc). Par ailleurs, il nous est parvenu dans
divers manuscrits un opuscule anonyme, soit sans titre, soit avec l’en-tête
'Aotpodeolar (woiwv, contenant un catalogue de 44 constellations et 475
étoiles fixes, dans lequel se trouve souvent mélangée une part demythologie . Il
s'agit de légendes sur des personnages ou des êtresmythologiques qui, à la suite
de leur vie terrestre, sont transformés en des constellations par l'euvre d'un dieu
qui les fait monter jusqu'au ciel en récompense ou en souvenir de leurs actions.
Depuis l'editio princeps de J. Fellus, Oxonii 1672 , on appelle d'ordinaire cet
opuscule Catastérismes, et on l'attribue à Ératosthène sur la base du témoignage
de la Souda. Cependant, les critiques ontcontesté plus ou moins radicalement
que cet opuscule puisse être attribué à Eratosthène.
117 K . Robert, Eratosthenis Catasterismorum reliquiae, Berolini 1878, réimpr. 1963,
p. 30 - 35, soutient que le texte quinous est parvenu des Catastérismes (p. 50 -199 de son édi
tion ) ne peut pas être attribué à Ératosthène, car il présente des caractéristiques d'une langue
trop tardive . Cela dit, il soutient qu 'il a existé un ouvrage mythographico -astronomique d 'Era
tosthène, dont il suppose que le titre était Katároyou (p. 34 ) sur la base d 'une scholie à
Homère, Iliade X 29, se rapportant à l'histoire d' Érigonè, où on lit : « Eratosthène raconte cela
dans ses Catalogues» (cf.Robert 117, p. 39, li. 13 sq .). L 'opuscule quinous est parvenu (les
Catastérismes) ne serait que le résultat d 'un abrégé (épitomé) fait au IIIP ou même au IVP. A
son tour, 118 E .Maass, Analecta Eratosthenica, coll. « Philologische Untersuchungen » 6 ,
Berlin 1883, p. 3 sq. (p. 1-55: « De Eratosthenis qui feruntur Catasterismis »), défend comme
218 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
titre réel de notre opuscule celuitransmis par la Souda, c'est-à -dire 'Aotpovouía , en interpré
tant l'expression ñ xataoteplouoi non pas comme un sous-titre de l' ouvrage mais comme
une courte description , due au lexicographe, de son contenu. D 'après lui, ce n 'est pas Éra
tosthène qui a rédigé le premier catalogue systématique des étoiles mais Hipparque, l'auteur
du commentaire des phénomènes d'Aratos (IIP ). Auparavant, n 'auraient existé que les cata
logues déficients d 'Aristylle et Timocharès.Maass constate dans notre opuscule des éléments
quine peuvent pas être rapportés à Ératosthène et que l' on ne peut pas expliquer tout simple
ment commedes interpolations (cf.Robert 117, p. 31; et 119 J. Böhme, « Über Eratosthenes
Katasterismen », RHM 42, 1887, p. 286 -309). Il défend plutôt l'hypothèse suivante : cet écrit a
été compilé à partir d 'un commentaire à Aratos (peut-être celui de Sporos vers 100P ) à la fin
du IIP ou IIIP par un falsificateur qui a voulu mettre l'æuvre sous le nom réputé d'Ératosthène,
et qui a donc supprimé les références postérieures à celui-ci, tout en commettant des erreurs
flagrantes, par exemple le fait d 'avoir oublié les éléments empruntés à Hipparque, qu 'il a
considéré comme plus ancien qu 'Aratos. Selon Maass, bref, l'essence de l'opuscule (les cata
logues d ' étoiles liés aux légendes) ne peut pas être attribuée à Eratosthène, et cet avis a été
repris par Susemihl 1, t. I, p . 420 sq. n . 65 .Mais la découverte d 'une liste de constellations
(Anonymus II, nº 2 ) attribuée à Eratosthène dans les manuscrits de l' Aratos latin et publiée par
120 E .Maass à la fin de ses Aratea , coll. « Philologische Untersuchungen » 12, Berlin 1892 ,
amène finalement Maass lui-même à reconnaître le fond ératosthénien de l'opuscule. La thèse
de Robert 117 accordant à Ératosthène la paternité de l'euvre primitive a été reprise par
121 A . Rehm , « Zu den eratosthenischen Katasterismen » , dans Mythographische Unter
suchungen über griechische Sternsagen , Progr. des Wilhelms-Gymn. u . Inaug.-Diss. München
1896 , Teil I (cf. 122 Id., « Zu Hipparch und Eratosthenes» , Hermes 34, 1899, p. 251-279). En
revanche, 123 A . Oliveri, Pseudo -Eratosthenis Catasterismi, dans MythographiGraeci, i. III
1, Lipsiae 1897 , p . 1-52, affirme que ni le texte conservé ni le texte primitif d'où il provient ne
peuvent lui être attribués (cf. 124 Id., « I Catasterismi di Eratostene» , SIFC 5 , 1897, p . 1-25,
sur les rapports avec Aratos). Quant à l'opinion de Tannery 93, p. 273 sq. (chap. XV : « Le
catalogue des Fixes», p. 264-281), qui considère le texte des Catastérismes comme le résumé,
dû à quelque grammairien , des « fables astronomiques» d 'Ératosthène (les poèmes Hermès et
Érigonè), voir infra , B VI20, 21.
Pour les détails complexes de la critique concernant les Catastérismes, voir
(outre Knaack 4, col. 377-381) 125 J. Martin, Histoire du texte des Phénomènes
d 'Aratos, Paris 1956 , qui, à la suite de Robert 117 et à l'encontre d’Oliveri 123,
reconnaît l'authenticité de l'æuvre originale (cf.notamment Martin 125 , p . 66 ,
103, 124). Fraser 16, t. II, p. 597, tout en admettant l'existence d'un ouvrage
d 'Ératosthène sur l'astronomie, considère la reconstitution de Martin comme
trop spéculative : « The frequency with which Erat. is cited as an authority , and
also quoted as author of pseudonymous list of stars and catasterisms, in the so
called (ảotpodeoiau (widiwv) and the numerous late Aratus commentaries and
astronomical literature, from Hyginus onwards, indicates a tradition that an ori
ginal work by him on this general theme had existed, but its form remains, in
spite of Martin 's efforts, quite uncertain.» Pfeiffer 13, p. 168, considère au
moins comme probable que nos manuscrits conservent un épitomé et une adap
tation postérieure de l'ouvrage original d 'Ératosthène (cf. aussi Dragoni 18 ,
p .73-76 ; 126 S . Feraboli, « Sulle tracce di un catalogo stellare preipparcheo » ,
dans Ead. ( édit.), Mosaico. Studi in onore di Umberto Albini, dedicati dal
D .AR.FI.CL.ET. « F. Della Corte » , coll. « Pubblicazioni del Dipartimento di
archeologia , filologia classica e loro tradizioni dell'Università di Genova »
Nuova serie 148,Genova 1993,p. 75-82;Neugebauer 105, p. 287, 577 sq.).
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 219
Solmsen 80, p. 204 sq. = t. I, p. 215 sq., croit qu'Ératosthène, en partisan fidèle de Platon,
suit des croyances dérivées des religions astrales, concrètement la croyance en l'origine et la
destinée astrales de l'âme. En revanche, Pfeiffer 13, p . 168, n . 4 , avoue son scepticisme à
l' égard de cette supposition selon laquelle Eratosthène envisageait la présence d'âmes
humaines dans les étoiles.
Cf. encore 127 Th. Condos, The Katasterismoi of the Pseudo-Eratosthenes. A mythologi
cal commentary and English translation , Diss. Univ . of Southern California, Los Angeles
1970 ; 128 A . Bartalucci, « Il lessico dei catasterismi nel De astronomia di Igino e nei testi
omologi » , SCO 38, 1988 , p . 353 - 372 ; et 129 J.R . del Canto Nieto , Eratostenes, Cataste
rismos, coll. « Autores Griegos» ,Madrid 1992, introduction et traduction espagnole.
IV .GÉOGRAPHIE PHYSIQUE
Ératosthène n'est pas désigné comme géographe par la Souda, ni par les autres sources
anciennes qui ont résumé son æuvre (cf. supra ). Thalamas 7, p. 59, a attiré l'attention sur ce
fait : « En effet, sauf Cicéron (Epistulae ad Atticum , II 6 , 1; VI, 1, 18 ), quimentionne en pas
sant la géographie d'Eratosthène, seuls les spécialistes ont parlé de lui à ce titre et aussi sou
vent pour le contredire que pour l'approuver : Scymnos, Arrien , Denys le Périégète, sont ses
partisans, mais Hipparque, Artémidore etMarcien d 'Héraclée le combattent, assez injustement
d 'ailleurs ; Strabon , à qui pourtant nous devons l'essentiel de ce qui nous est resté du traité sur
la terre habitée , résume son æuvre entière par les mots poète , littérateur et mathématicien . »
Thalamas 7 , p. 60 sq., affirme qu 'il n 'en faut pas conclure que l'effort géographique d'Era
tosthène ait été considéré commenégligeable, et il essaie d'expliquer ce silence de la sorte :
« Seulement cet effort se composait de deux écrits distincts dont l' intérêt n ' était pas le même
pour le public lettré. Parler de la terre en tant que sphère, c'était traiter un chapitre de la
description générale du monde ; ici la géographie n 'était qu 'une partie de l'astronomie et de la
géométrie... Au contraire, la description de la terre habitée restait, pour les gens cultivés, dans
le domaine des connaissances pratiques et ne s'élevait ni au rang de science pure ni à celui
d'æuvre littéraire. De plus, Eratosthène, en tentant d'encadrer ses peintures des pays et des
peuples dans des figures géométriques arbitraires basées sur des évaluations empiriques (cf.
infra ), a accompli un essai très personnel mais qui n 'intéressait que les techniciens et qui a
soulevé tout de suite de grosses objections... Son traité géographique n 'apparaissait donc pas
comme uneœuvre de premierplan ... Or c'était pour ce traité seul qu'avait été employé le titre
“ Géographie ". On comprend maintenant pourquoi l'opinion éclairée n'a pas jugé nécessaire
de mentionner la qualité de géographeparmi celles qu 'on s'est accordé à reconnaître à Érato
sthène et quelle est dans l'euvre d' Ératosthène l'importance de chacun des deux traités qui
serventà l'exposé de ses diverses idées sur la terre.»
Thalamas essaie ensuite d'établir la chronologie relative desdeux traités d'Ératosthène sur
la science de la terre : « On a seulement le droit d'affirmer que la Géographie est postérieure
au Traité des Mesures, puisque la largeur de la terre habitée y est fixée au moyen d 'évalua
tions de distances calculées d 'après la circonférence donnée à la terre par Eratosthène. » Tha
lamas va jusqu 'à suggérer que le traité sur les mesures a été rédigé sous Evergète (comme
l'ouvrage sur la duplication du cube ), selon lui vers la fin de son règne. Quant à la Géogra
phie, il la considère en principe comme une sorte de « colloraire » du traité sur les mesures .
Etant donné que l'effort énorme de compilation qu 'exigeait cet ouvrage ne lui semble pas
compatible avec une vieillesse très avancée, Thalamas 7 , p . 63, suggère que « la Géographie
n 'a sûrement pas été composée avant l'arrivée d 'Ératosthène à Alexandrie ni au début de son
séjour dans cette ville » . Cet ouvrage semble présupposer en effet un emploi constant et abon
dant des fonds de la Bibliothèque d' Alexandrie (cf. Strabon II 1, 5 = III A 8 Berger ).
(12) Tewypapixá,Géographie.
Nos sources présentent des variations dans le titre de l'ouvrage géographique
d'Ératosthène :
220 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
(a ) Tewypapia , chez Strabon II 1 ,41 ; cf. les scholies à Apolloniosde Rhodes IV 131-35 b ,
p . 268, 17 Wendel (= III B 76 Berger) : év lewypapía , corrigé par Keil selon la forme suivan
te ;
(b) Tewypadıxá , partout chez Strabon (I 2, 21, etc.; cf. Strabon I 3, 23 = fr. I B 22
Berger: ‘ Ynouvnuara , scil. Yewypadixá) ainsi que chez Cicéron , Epistulae ad Atticum , II 6 ,
1; et dans les scholies à Apollonios de Rhodes IV 235 -62 b , p . 273, 19 Wendel (= III B 74
Berger ), IV 310, p . 283, 7 Wendel (= III B 98 Berger), IV 282-91 b , p . 280, 14 Wendel
(= III B 99 Berger ) ;
(c) rewypapoúueva , chez Achille , Isagoga excerpta, p. 77 Maass ; chez Étienne de
Byzance, Ethnica , s.v. Auppáxlov, p . 244, 9 Meineke; dans les scholies à Euripide, Médée 2 ,
t. II, p . 141, 25 sq. Schwartz ; et dans les scholies à Apollonios de Rhodes IV 1215 , p. 310 , 20
Wendel (= III B 112 Berger).
D 'ordinaire on considère comme le titre authentique celui de Tewypapixá
(cf. Berger 91, p . 17 ; Susemihl 1, t. I, p.414 ; Knaack 4 , col. 367; Fraser 16 ,
t. II, p. 736 n. 52). En tout cas, le terme « géographie » ne semble pas antérieur à
Ératosthène, et il a été probablement créé par lui (cf. Pfeiffer 13, p. 164 ).
D 'ailleurs, on sait grâce à Strabon (I 2, 21; 3, 23; II 1, 1) que l'écrit d'Érato
sthène surles phénomènes de la géographie comportait trois livres.
Fragments : Bernhardy 62, p. 1- 109, édition tout à fait dépassée par celle de
Berger 91: I (= « Fragmente des ersten Buches» ) A : « Die Homerfrage » , p. 19
40 ; B : « Geschichte der Geographie » , p. 40-79 ; II (= « Fragmente des zweiten
Buches» ) A : « Zonenlehre und Okeanosfrage» , p. 79-99 ; B : « Erdmessung » ,
p. 99- 142; C : « Vorarbeiten für den Kartenentwurf » , p. 142- 169; III (= « Frag
mente des dritten Buches » ) A : « Grundriss der Erdkarte » , p. 169-212 ;
B : « Reste der Karte und Länderbeschreibung » , p. 212-382 (cf. Stiehle 63,
p . 463-481). Rappelons les recueils plus anciens de 130 L . Ancher, Diatribe in
fragmenta Geographicorum Eratosthenis, Goettingae 1770, et 131 G .C .F.
Seidel, Eratosthenis Geographicorum fragmenta , Goettingae 1789 (trad. anglai
se 1799 ).
Cf. 132 P . F .J.Gosselin , Géographie des Grecs analysée, ou les systemes d 'Eratosthenes,
de Strabon, et de Ptolémée comparés entre eux et avec nos connoissances modernes, Paris
1790 , notamment p . 7 -56 , tableaux 1 -3, cartes 1 -2 ; 133 E. H . Bunbury , A History of ancient
geography, London 1879, t. I, p . 615 -666 ; 134 M . Dubois, Examen de la Géographie de
Strabon . Etude critique de la méthode et des sources, Paris 1891, p . 266 - 283 ; 135 H . Berger,
Geschichte der wissenschaftlichen Erdkunde bei den Griechen , 3 . Teil, Abschnitt II, Leipzig
19032 (1891 ), p. 384-441; 136 H . Bretzl, Botanische Forschungen des Alexanderzuges,
Leipzig 1903, p . 220 sqq. ; Knaack 4 , col. 364-377 ; 137 W . Thonke, Die Karte des Erato
sthenes und die Züge Alexanders des Grossen , Diss. Strasburg 1914; Thalamas 7, p. 65-251;
138 Id ., Étude bibliographique de la Géographie d ' Eratosthène. These complémentaire pour
le doctorat és Lettres présentée à la Faculté des Lettres de l'Univ . de Paris, Versailles 1921 ;
139 J. B . Bury, « The Hellenistic age and the history of civilization » , dans J. B . Bury et alii
(édit.), The Hellenistic age. Aspects of Hellenistic civilization , Cambridge 1923 (1925 ),
réimpr. New York 1968, p. 1-30; 140 F . Gisinger, art. « Geographie » ,RESuppl. IV, 1924, col.
521-685, notamment 604-614 ; 141 J. L . Heiberg, Geschichte der Mathematik und Naturwis
senschaften im Altertum , München 1925, p. 22 ; 142 L. Pearson, « Apollonius of Rhodes and
the old geographers » , AJPh 59 , 1938, p . 443-459 ; 143 F . Reyniers, « Importance de Thap
saque dans la géographie antique ou l'intérêt que présentent certains toponymes de Syrie ou
d 'Égypte dans la triangulation d ' Ératosthène » , RIO 15 , 1963, p . 211-227 (cf. 144 Id ., « De la
Grèce à la Celtique. Notes de géographie et de toponymie antiques» , RIO 17, 1965, p. 101
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 221
115 ; 145 Id ., « De l’Ibérie à Thulé, I» , RIO 19 , 1967, p. 1-11) ; 146 G . Aujac , Strabon et la
science de son temps. Les sciences du monde, Thèse Paris, « Collection d' Études Anciennes » ,
Paris 1966, p .49-64 (= « Ératosthène, le maître-géographe des temps modernes» );
cf. 147 Ead., La géographie dans le monde antique, coll. « Que sais-je ?» 1598, Paris 1975,
p . 15 - 20 (= « Ératosthène et ses successeurs » ), p. 70 -78 (= « La carte d 'Ératosthène» ) ;
148 Ead., « Les modes de représentation du monde habité d 'Aristote à Ptolémée » , AFLM 16 ,
1983, p. 11-32, notamment p. 19-28 ; et 149 Ead., Claude Ptolémée, astronome, astrologue,
géographe. Connaissance et représentation du monde habité, Paris 1993, p . 108 sqq. ; Dicks
14 . p . 389- 391 ; Fraser 16 , t. I, p . 525 -539 (t. II, p . 756 -772 ; cf. Id. 15 , p . 201-208 ) ;
150 R . Dion , Aspects politiques de la géographie antique, « Collection d'Études Anciennes » ,
Paris 1977 , p. 99 n. 62, 144, 170, 190 sq., 235, 257, 278 , 282 ; Dragoni 18 , p. 102 -119 ;
151 D . Rawlings, « The Eratosthenes-Strabo Nile map . Is it the earliest surviving instance of
spherical cartography ? Did it supply the 5 000 stades arc for Eratosthenes' experiment ?»,
AHES 26 , 1982, p. 211-219 ; 152 F. Franco Repellini, « Ipparco e la tradizione astronomica » ,
dans G . Giannantoni et M . Vegetti (édit.), La scienza ellenistica, Atti delle tre giornate di
studio tenutesi a Pavia dal 14 al 16 aprile 1982, coll. « Elenchos» 9,Napoli 1985, p. 187-223,
notamment p . 193 - 197 ; 153 S .N . Mouraviev, « Cinq témoignages antiques en faveur du
niveau élevé de la mer Caspienne à l'époque de Ptolémée » (en russe , rés. en angl.), DGT
1986 - 1988, p. 235- 247 ; 154 ElMostafa Moulay Rchid, « Eratosthène, l'oikoumène et la
Maurusie : géographie et symétrie » , dans M .-M .Mactoux et É .Geny (édit.),Mélanges Pierre
Lévêque, t. III : Anthropologie et société, coll. « Annales littér. de l'Univ. de Besançon » 404,
« Centre de rech . d 'histoire anc. » 91, Paris 1989, p . 269-275 ; 155 J. M . Alonso Núñez, « La
vision de la péninsule Ibérique chez les géographes et les historiens de l'époque hellénistique :
Etudes sur Timée de Tauroménium et Eratosthène de Cyrène » , SEJG 31, 1989- 1990 , p. 1 -8 ;
156 A . Bonnafé, « Texte, carte et territoire : autour de l'itinéraire d’lo dans le Prométhée II » ,
JS 1992, p . 3 -34 ; Jacob 20 , p. 119 - 127 (cf. 157 Id., « Carte greche », dans F. Prontera (édit.),
Geografia e geografi nelmondo antico. Guida storica e critica , coll. « Universale Laterza >>
638, Roma/Bari 1983, p . 47-67, notamment p . 56 -61 = 0 . Calabrese et alii (édit.), Hic sunt
leones. Geografia fantastica e viaggi straordinari, Milano 1983, p. 24 -29) ; 158 R .M . Catau
della, « L 'oceano, il Genesi e la storia del pensiero geografico », Sileno 18, 1992, p. 37-48.;
159 G . Aujac, « Eratosthène et la géographie physique » , dans G . Argoud et J.- Y . Guillaumin
(édit.), Sciences exactes et sciences appliquées à Alexandrie. Actes du colloque international
de Saint-Étienne (6-8 juin 1996 ), Saint-Étienne 1998, p. 247 -261; 160 D . Marcotte , «La
climatologie d'Ératosthène à Poseidonios: genèse d'une science humaine », ibid., p. 263-277.
Pour la reconstitution d'une image des trois livres de la Géographie à partir
des citations critiques de Strabon , qui s'appuie notamment sur les critiques très
sévères adressées par l'astronome Hipparque dans son mémoire en trois livres
Contre la géographie d' Eratosthène (édit. 161 D . R . Dicks, The geographical
fragments of Hipparchus, edited with an Introduction and Commentary by D . R .
D ., coll. « University of London Classical Studies » 1, London 1960, p. 56 - 103,
commentaire p. 113-207; cf. Aujac 146 , p. 67 -69), nous avons recours au résumé
d'Aujac 61, p. 6 -9 (cf. Aujac 146, p. 57-59) :
Dès le début Ératosthèneconteste la science géographique d'Homère (cf. Aujac 146,p.61
64), dans la pensée que toutpoète écrit seulementpour plaire, pour captiver, et nullement pour
instruire (I 2, 3 = fr. I A 21 Berger : quxarwylas Móvov, Olbaoxarías d' oc). Il va même
jusqu 'à déclarer que l' on trouvera le lieu des errances d 'Ulysse le jour où l'on découvrira le
bourrelier qui a cousu l'outre des vents (Strabon I 2, 14 = fr. I A 16 Berger ; trad. G . Aujac).
Strabon n 'est pas d'accord avec cet avis, et il consacre de longs développements à le contester.
Après ce plaidoyer en faveur d 'Homère, il revient à l'examen du livre I, consacré à la géogra
phie physique. La présence de fossiles marins loin dans l'intérieur avait amené Ératosthène à
réfléchir sur les vicissitudes de notre sol (I 3, 3 = fr. I B 12 et 13 Berger) et à envisager la pos
sibilité d 'un retrait des mers dans le cours des temps, expliqué par leshypothèses climatiques
222 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
de Xanthos de Lydie ou tectoniques de Straton de Lampsaque (I 3, 4- 10 = fr. I B 14 et 15
Berger = Straton , fr. 91 Wehrli) ; quant à la formation des détroits, il avait tenté d'expliquer les
courants qui les traversent (I 3, 11- 12 = fr. I B 16 Berger), en suggérant diverses étapes dans le
déplacement des eaux (1 3, 13 = fr. I B 19 Berger). Sur tous ces points Strabon apporte sa
contradiction ou , quand il le peut, celle d'Hipparque. Une brève attaque contre Ératosthène à
propos des Hyperboréens (I 3, 22 sq. = I B 22 Berger) termine l'examen du livre I. Le livre II
était consacré plus ou moins à des problèmes géométriques, dans un essai de « rectifier » la
géographie précédente : formede la terre (I 4, 1 = fr. II B 14 Berger ), dimensions du monde
habité (oixouuévn ), largeur (I 4, 2-4 = fr. II C 2 Berger) et longueur (I 4, 5-6 = fr. II C 18
Berger). A partir d'une indication qu 'il trouva dans le récit de voyage de Pythéas (Iva), Érato
sthène affirmait ici qu 'il était possible d'aller par l'océan Atlantique d 'Ibérie jusqu ' en Inde en
suivant le même parallèle (I 4, 6 = II A 6 Berger). Lelivre s'achevait sur l'examen des modes
habituels de division du monde habité (I 4, 7 -9 = fr. II C 22 Berger). A la fin , l'auteur désap
prouvait le principe d 'une division bipartite du genre humain entre Grecs et barbares ; c 'est ici
que trouvait sa place l' éloge de l'attitude d'Alexandre à l'égard des peuples barbares (cf.
supra , A ). A propos de ce livre, Strabon censure Ératosthène notamment pour avoir exagéré
les dimensions accordées au monde habité ou à ses parties. Enfin , le livre III concerne pro
prement l'établissement de la carte du monde habité (II 1, 1 = III A 2 Berger). Ératosthène y
soutenait sa théorie (critiquée par Hipparque mais reprise par Strabon ) que le Taurus s' étend
dans le prolongement de la Méditerranée le long d'un parallèle, et qu'en conséquence l'Inde
devait être placée plus au nord que dans les cartes anciennes. Ainsi, Eratosthène divisait sa
carte en deux axes de coordonnées se coupant à Rhodes à partir d 'un parallèle de l'Équateur
allant des Colonnes d'Hercule au Taurus et à l'Himalaya. Il exposait un procédé original pour
diviser géométriquement le monde habité (moitié nord etmoitié sud ) en sections (il les appelle
oppayides, « sceaux » , des figures géométriques enfermant de grandes régions géographi
ques), ce qui facilitait le report sur la carte. Strabon (II 1 , 22- 39 = III B 2 , 3, 5, 7 , 19, 25- 30
Berger) décrit et discute le tracé des quatre premières sphragides de la moitié sud, déjà dure
ment critiqué par Hipparque ; quant à la moitié nord , Eratosthène se servait des formes natu
relles suggérées par les promontoires de la mer Intérieure (II 1, 40 = III B 97 Berger),mais sa
division n 'était pas assez détaillée selon Strabon.
Ératosthène s'est opposé à l'interprétation évhémériste (cf. Fraser 16 , t. I, p. 295; Id. 15,
p . 211-213 ) ; c'est pourquoi on s'est étonné d'envisager cette interprétation chez son disciple
Mnaseas (cf. supra , A ). L 'esprit critique (représenté de façon emblématique par la négation
ouverte de la science géographique d 'Homère ) semble avoir présidé à la Géographie d 'Era
tosthène. Pour rectifier l'ancienne carte ionienne, celui-ci a pu compter sur l'énorme docu
mentation réunie dans la Bibliothèque d'Alexandrie, comportant sans aucun doute un grand
nombre de traités de géographie, de périples, de récits de voyage, de descriptions régionales et
de cartes (cf. Strabon , supra ; Jacob 20 , p . 120 ). Ses renseignements concernant les latitudes
étaient relativement corrects. Son calcul se fondait sur une combinaison de mesures pratiques
(ou d 'estimations de distances ) avec la longueur du jour (cf. Diller 114 ). En revanche, Erato
sthène comptait sur très peu de déterminations longitudinales, les anciens ne pouvant faire ces
mesures que par l'observation simultanée d 'éclipses dans des lieux différents (cf. Schwartz 5 ,
p . 204 ). Il a tenté du moins de se faire une idée approximative à travers des rapports de voya
ges et des itinéraires des différentes régions. Reyniers 143 a étudié le système de triangulation
employé par Ératosthène,accordant une grande importance à la ville de Thapsaque, quidevait
avoir acquis une réputation analogue à celle que possède aujourd 'hui Greenwich : limite du
monde connu dont ce point en Méditerranée orientale formecomme un coin , et charnière entre
le monde connu et le monde semi-connu de la Gédrosie et des Indes, elle était un point déter
minant dans un système de triangulation qui a pour origine l' omphalos de Delphes avec,
comme satellite postérieur peut-être, celui d 'Argos (cf. Rawlings 151). Pour le système de
projection (transcription sur une carte plane de la surface sphérique de la terre), voir Reyniers
143. Par ailleurs, Solmsen 80, p . 208 -210 = t. I, p . 219 -221, rattache le procédé de la subdivi
sion de la carte en sphragides à la géométrie du Platonicien .
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 223
Enfin ,malgré toutes ses insuffisances, on peut affirmer sans aucune hésitation , avec Aujac
146 , p . 19, qu 'Eratosthène a accompli un progrès décisif dans le calcul et la représentation des
distances terrestres.
V . SCIENCES HISTORIQUES
V 1. CHRONOGRAPHIE :
Fragments: Bernhardy 62, p. 238-262 (fr. 1-23); 162 C . Müller, « Ctesiae
Cnidii et chronographorum Castoris, Eratosthenis... fragmenta », dans G . Dindorf
(édit.), Herodotus. Historiarum libri IX , Parisiis 1844, p. 182-204 (cf. Stiehle 63,
p. 491 sq.); FGrHist 241, fr. 1-8, p. 1012-1014 Jacoby (cf.fr. 9-15,p. 1015 sq.).
Cf. 163 B . Niese, « Die Chronographie des Eratosthenes», Hermes 23, 1888, p. 92-102 ;
164 C . Wachsmuth , Commentatio vernaculo sermone conscripta de Eratosthene, Apollodoro ,
Sosibio chronographis, dans Ex ordinis philosophorum mandato renuntiantur philosophiae
doctores et artium liberalium magistri, rectore magnifico lusto Hermanno Lipsio..., decano
Curtio Wachsmuth ..., procancellario Ernesto Henrico Bruns, inde a die primomensis novem
bris a . MDCCCLXXXXI usque ad diem ultimum mensis octobris a . MDCCCLXXXII creati,
Lipsiae (1892 ), p . 3 - 30 , notamment p . 18 ( « Der Chronograph Eratosthenes von Kyrene» );
165 E . Schwartz , « Die Königslisten des Eratosthenes und Kastor, mit Excursen über die In
terpolationen bei Africanus und Eusebius » , AGWG 40, 1894 -1895 , p. 1 -97 , notamment p . 59
sqq. (cf. Id. 5 , p . 198 -201) ; 166 F . Jacoby, Apollodors Chronik. Eine Sammlung der Frag
mente, coll. « Philologische Untersuchungen » 16 , Berlin 1902, p. 35 sqq. ; Id . 8 , t. II B ,
p. 706 -710 ; Pfeiffer 13, p . 163- 164 ; 167 A . A .Mosshammer, The Chronicle of Eusebius and
Greek chronographic tradition, Lewisburg /London 1979, p . 97-101, 117-119, 178-180, 260
262 ; Dragoni 18 , p . 52 - 56 ; 168 M . Piérart, « Les dates de la chute de Troie et de la fondation
de Rome: comput par génération ou compte à rebours ? » , dans M . Piérart et 0 . Curty (édit.),
Historia testis. Mélanges d 'épigraphie, d 'histoire ancienne et de philologie offerts à Tadeusz
Zawadzki, coll. « Seges» n.s. 7 , Fribourg (Suisse) 1989, p. 1-20.
C'est dans le même esprit scientifique que se placent les recherches chrono
logiques d 'Ératosthène. En fait, il a été considéré à juste titre comme le fonda
teur de la chronologie critique dans l' Antiquité (cf.Wachsmuth 164, p. 3 ; van
der Waerden 10 , p . 383). Hippias d 'Élis et Aristote avaient rassemblé déjà des
listes de champions olympiques (cf. infra ),mais Ératosthène les perfectionna
dans ses 'Onounlovīnai, tout en fixant en 776 /5 la première Olympiade et tout
en compilant dans ses Xpovoypaţial des listes chronologiques complètes qui
commençaient avec la date de la chute de Troie (fixée par lui en 1184 /3 ) et se
terminaient avec la mort d'Alexandre (323).
(13) ’Oruuniovīzai, Vainqueurs olympiques.
Fragments : FGrHist 241, fr. 4-8 Jacoby (cf. ibid., fr. 9-15).
Ératosthène a été proposé comme l' auteur des deux fragments anonymes d 'une liste de
vainqueurs olympiques conservés dans POxy. II 222, que Jacoby attribue plutôt au paradoxo
graphe Phlégon de Tralles (FGrHist415; t. III B ,p. 307-309).
Cet ouvrage comprenait plusieurs livres, deux au moins, car Athénée IV , 154
a (= fr. 4 Jacoby) cite le premier (cf. les scholies à Ménandre, POxy. III 409,
104-106 = fr. 8 Jacoby, où le numéro du livre est disparu ). Il s'agissait d'un
registre des vainqueurs aux Jeux Olympiques, fait sansdoute sur le modèle des
ouvrages chronographiques d'Hippias d'Élis (’OluuriloViYWv åvaypapń :
cf. FGrHist 6, fr. 2 Jacoby) et d'Aristote ('Olvunlovīvai, IvOlovīxai: D .L. V
224 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
26 ) : cf. Knaack 4 , col. 382 ; Pfeiffer 13, p. 163 ; Fraser 16 , t. I, p. 457 ;
169 L .Moretti, « Olympionikai, i vincitori negli antichi agoni olimpici» ,MAL ,
ge sér., VIII 2, 1957, p. 59- 198 , notamment p. 81 (nº 170 ). D 'après Knaack 4 ,
ibid., l'écrit d 'Ératosthène ne se bornait pas à des questions chronologiques,
mais contenait aussi des anecdotes, et il fut utilisé par Apollodore d'Athènes
(cf. FGrHist 244, fr. 43).
Fraser 15 , p . 199, remarque que l'ouvrage sur les vainqueurs Olympiques entretenait le
mêmerapport avec les Chronographies que l'ouvrage sur lesmesures avec la Géographie.
(14) Xpovoypapiai, Chronographies.
Bernhardy 62, p. 238 sqq.; et Niese 163, p. 93 sq. (cf. aussi Croiset 3, t. V ,
p. 123), considéraient que le titre de la chronographie générale d'Eratosthène
était lepi xpovoypadlõv, ainsi qu 'on le trouve chez Harpocration d'Alexan
drie , s.v. Eűnvoç = fr. 3 Jacoby. Mais, depuis Wachsmuth 164, p. 3 , 8 -11, on
pense plutôt que le titre réel en était Xpovoypapiai, tel qu 'on le trouve chez
Denys d'Halicarnasse, Les Antiquités romaines 74 (t. I, p. 74 , 2 Jacoby) =
Eusèbe, Chron. armen., p. 135, 19 Karst = fr. 1 b Jacoby (taic 'Epatoodévous
Xpovoypaqlalc). On ignore le nombre de livres que les Chronographies com
portaient,bien que Niese 163, p. 93, considère comme vraisemblable (à partir de
l'expression d 'Harpocration : év TÕ nepi xpovoypaplőv) qu'elles n 'en compor
taient qu 'un . Elles furent adaptées et prolongées par les Chroniques d' Apollo
dore d'Athènes (ca 180 -1109), qui les supplantèrent facilement (24A 244, p. 273
sq.), ce qui explique sans doute qu 'on n'en possède que très peu de fragments
(cf. Fraser 16 , t. I, p . 456 sq.).
Fragments : FGrHist 241, fr. 1- 3 Jacoby (cf. ibid ., fr. 9-15).
Cf. 170 C . Theodoridis, « Vier neue Bruckstücke des Apollodoros von Athen » , RHM 122,
1979 ,p.9-17,notamment p. 16 sq.:“ Un nouveau fragment d'Ératosthène ?"
Selon ce qu 'on peut reconstituer avec certitude, Ératosthène commençait sa
chronologie universelle avec la date de la chute de Troie , qu 'il fixa en 1184 /3a,
80 ans avant le retour des Héraclides, fixé par lui 328 ans avant la première
Olympiade en 776 / 5a , et il terminait son registre avec la mort d 'Alexandre en
324/3a (cf. Clément d 'Alexandrie , Strom . I 138, 1-3 = fr. 1 a Jacoby). Il datait
par Olympiades les événements postérieurs à 776/5a, tandis que pour les événe
ments antérieurs il se servait des listes des rois de Sparte conservées par Eusébe ,
Chron. armen., p . 105, 12 Karst = Apollodore, FGrHist 244, fr. 2 (cf. Schwartz
165, p. 60 sqq.; Fraser 16 , t. II, p. 669 n. 79).
171 G . P . Edwards et R . B . Edwards, « Eratosthenes and the date of Cadmus» , CR 24,
1974 , p . 181- 182 , ontmontré qu 'Ératosthène n ' a pas assigné une date à la vie de Cadmos :
l'idée qu 'il a daté Cadmos en 1313a est une erreur du XIXe siècle . D 'autre part, Georges le
Syncelle, Chronique, p. 171 sqq. Dindorf (= Apollodore , FGrHist 244, fr. 85 Jacoby =
FGrHist 610 , fr. 1), affirme qu ' Eratosthène a traduit en grec sur l'ordre de Ptolémée la liste
des rois égyptiens ( = fr. 23 Bernhardy). Mais ce renseignement doit être considéré comme
erroné (cf. Fraser 16 , t. I, p . 330 ), d'après 172 H . Diels, « Chronologische Untersuchungen
über Apollodors Chronika» , RAM 31, 1876 , p . 1-54, notamment p . 6 -8 (cf. Wachsmuth 164 ,
p . 6 sq.; d 'autres critiques dans Fraser 16 , t. II, p . 487 n . 182). En revanche, Thalamas 7 , p . 57 ,
61, voulait se servir de ces renseignements pour rattacher la tentative d ' Ératosthène d 'établir
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 225
une chronologie universelle au projet de Ptolémée III visant la réforme du calendrier par le
célèbre décret de Canope (cf. Bouché-Leclercq 29, t. I, p . 265 sq. ; Dragoni 18 , p . 54 -56 ).
Marlowe 25, p. 71, va jusqu'à suggérer qu ’Ératosthène a inventé lui-même le nouveau calen
drier, qui sera connu environ deux cents plus tard comme le calendrier julien, selon lequel tous
les quatre ans on introduit un jour intercalaire (notre 29 février) dans le calendrier solaire
égyptien . Mais cette idée n ' est appuyée par aucun document. Enfin , on a déduit à tort à partir
de Clément d 'Alexandrie , Strom . I 138 (suite du fr. 1 a Jacoby) qu 'Eratosthène incluait la date
de la fondation de Rome dans sa chronographie. En réalité il ne s'agit plus ici d 'une citation
d 'Eratosthène (cf. Jacoby 166 , p . 26 sq . ; Id. 8 , t. II B , p . 709 ; Knaack 4, col. 382 ; Fraser 16 ,
t. II, p . 660 n . 81) . Toutefois, à partir de Denys d 'Halicarnasse, loc. cit., 173 L .Moretti, « Le
Origenes di Catone, Timeo ed Eratostene » , RFIC 30, 1952, p. 289-302, a continué à soutenir
qu 'Ératosthène avait aussi enregistré la date de la fondation de Rome: d 'après lui, Caton n 'au
rait pas toujours suivi Timée, mais il aurait suivi dans quelques cas Ératosthène, notamment en
ce qui concerne cette date. Cependant, Fraser 16 , t. I, p. 457 n . 81 (t. II, p. 660 sq .), s'est
opposé aussi à cette déduction (cf. déjà Wachsmuth 164, p . 3-6 ).
Selon Fraser 16 , t. I, p. 457, on peut supposer qu ’Ératosthène n'a pas com
posé sa chronographie sous la forme d'une narration historique suivie, mais sous
la forme de tables. Par ailleurs, il a fait un effort sans précédent pour éliminer de
sa chronologie tout élémentmythologique, même s'il a gardé certains éléments
pseudo-historiques (cf. Schwartz 165, p. 93 sq.; Id. 5, p. 200 ; Jacoby 166 , p. 11
sq. ).
Schwartz 5, p . 203, remarque que le fait qu 'Ératosthène prenne la date de la chute de Troie
comme point de départ de son système est en contradiction avec le fait qu 'il rejette l'autorité
géographique et historique d'Homère (cf. Fraser 15 ,p. 199 n. 1).
Pourmener à bien son travail, on peut supposer qu' il a profité encore une fois
de l' énormematériel fourni par la Bibliothèque d'Alexandrie. Et, à la suite de
Fraser 16 , t. I, p. 457, on peut affirmer que « la méthode d'Ératosthène était mar
quée ici, comme ailleurs , par le souci de la clarté et de la précision , et que, même
s'il n 'a pas été entièrement un pionnier, c'est lui qui a présenté pour la première
fois un système chronologique rationnel de l'histoire grecque qui excluait la
mythologie ». On ne peut pas déterminer si Eratosthène s'est borné à la chrono
logie grecque,mais il est peu probable qu 'il se soit préoccupé de la chronologie
romaine, ou qu 'il se soit occupé en profondeur de celle de l’Orient: il est sûr en
tout cas qu 'il n 'a pas fait d 'essai de chronologie des légendes grecques sur la
base de synchronismes avec des listes orientales, authentiques ou inventées (cf.
Schwartz 5, p. 201). Cette méthode scientifique a été reprise par Apollodore (cf.
Jacoby 166 , p. 35 sqq.), mais elle a été oubliée par les chronographes posté
rieurs , comme Castor de Rhodes (= FGrHist 250), qui reviennent à la chronolo
gie vague de l'époque héroïque (cf. Fraser 16 , ibid.; Pfeiffer 13, p. 257).
(15 ) Hepi tñs óxtaktnpídoç, Sur l’octaétéride.
On ne possède que deux citations de cet ouvrage chronologique Sur la
période de huit années (L 'octaétéride ): chez Géminos, Introduction aux phéno
mènes VIII 24, p. 52 Aujac, sur la place des fêtes d' Isis dans le calendrier; et
chez Achille, Isagoga excerpta, p . 47, 23 Maass, où Ératosthène tient pour inau
thentique l'écrit homonyme d'Eudoxe de Cnide (cf. D .L. VIII 87 = fr. 130
Lasserre ). Bernhardy 62 , p. 262, avait tenu aussi l'ouvrage d 'Ératosthène pour
226 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
un faux (cf. Susemihl 1, t. I, p. 420 n .65, 733 ; Schmid 6 , t. II 1, p. 249 sq.),mais
depuis Maass 120 , p . 14, qui a établi le texte, on n 'a pas de raisons de douter de
son authenticité (cf. Knaack 4, col. 383; Pfeiffer 13, p. 164 n. 6 ; Neugebauer
105,p.620 sq.).
V 2. PHILOLOGIE, CRITIQUE LITTÉRAIRE :
Grâce à ses recherches chronologiques, Ératosthène a beaucoup contribué à
l'étude des textes littéraires et des auteurs d'un point de vue historique, en les
réinsérant dans leur époque. Ses études philologiques (au sens moderne) ne
représentent qu 'une partie de son amour du savoir en général. C 'est dans ce sens
qu 'il se définit comme pióroyos (cf.supra, A ). Il faut sans doute rattacher à la
direction de la Bibliothèque d'Alexandrie la plupart des recherches philologiques
d 'Ératosthène, même si Knaack 4, col. 360 , suppose que celui-ci a déjà com
mencé pendant son séjour à Athènes à préparer l'un de ses ouvrages dans ce
domaine, le ſlepi tñs ápxaias xwuwdías (cf. aussi Dragoni 17, p. 54 ; Id. 18 ,
p. 31).
174 W .J. Slater, « Aristophanes of Byzantium on the Pinakes of Callimachus » , Phoenix
30 , 1976 , p . 234 -241, a étudié les problèmes de catalogage auxquels ont dû faire face les
grands savants d 'Alexandrie et les méthodes de description qu 'ils ont employées. A ce sujet, il
relève l'existence d ' une polémique concernant les règles atticistes autour de l'attribution d 'ou
vrages dans la Bibliothèque au moins depuis 230a, polémique dans laquelle Ératosthène appa
raît comme un atticiste strict, tandis qu 'Aristophane de Byzance apparaît comme un partisan
de la ovvdela. A son tour, 175 F . Lasserre, « Filologia e umanesimo », StudUrb B 3 , 61,
1988, p . 213- 227, estime qu'Eratosthène et Aristophane de Byzance représentent deux des
nombreuses variantes de l'humanisme propre à la philosophie ancienne, caractérisé par la
volonté de s'intéresser à l'homme à travers l'æuvre littéraire. D 'après Lasserre, cette approche
reste encore aujourd 'hui la plus satisfaisante, car c 'est elle qui correspond le mieux à l'esprit
même de la littérature antique, malgré l'apport des méthodes d 'analyse littéraire modernes.
Enfin , 176 G . Aujac, « Eratosthène, premier éditeur de textes scientifiques ? » , Pallas 24 , 1977,
p . 3 - 24 , a remarqué l' importance d 'Eratosthène dans la connaissance et la conservation des
textes scientifiques : Eratosthène aurait profité de ses hautes fonctions à la Bibliothèque
d ' Alexandrie pour rassembler, avec l'accord de Ptolémée Évergète, les manuels les mieux
adaptés à un enseignement scientifique fondamental. Aujac interprète cela comme une
réaction contre la poésie didactique qui risquait de faire disparaître les textes scientifiques
proprement dits : Eratosthène aurait spécialement retenu des manuels de géométrie , science
dont certaines applications pratiques l'intéressaient personnellement en tant que géographe.
Il est intéressant de rappeler ici la conception qu 'Ératosthène avait de la fina
lité de la poésie , conception qu' il exprimait, selon Strabon , dans le livre I de sa
Géographie . En effet, comme nous l'avons vu plus haut (B IV 12), Ératosthène
pensait que tout poète ne vise pas à instruire mais seulement à captiver l'âme
(yuxaywyía ). Ainsi, à l'encontre de ceux pour qui Homère prétendait enseigner
géographie, théologie , éthique, etc., il jugeait les voyages d'Ulysse tout à fait
imaginaires. Les stoïciens, notamment les allégoristes, essayaient de trouver un
sens profond dans les poèmes homériques. Comme les Alexandrins, Eratosthène
envisageait la poésie , celle d'Homère et toute autre , comme un divertissement.
Pfeiffer 13, p . 166, a mis l'accent sur la hardiesse de cette position, étant donné
non seulement le rôle traditionnel d 'Homère comme éducateur de la Grèce mais
aussi la tendance éducative dominante dans la poésie greque.
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 227
La position d ' Ératosthène fut contestée par Hipparque d 'abord et plus tard par Posidonius
et Strabon , qui revendiquaient aussi pour la poésie une fonction éducative . Même à son
époque ou peu après, Néoptolème de Parion semble avoir polémiqué sur ce sujet avec Erato
sthène, comme on peut le déduire de Philodème, Poetica V , col. XIII 4 - 15 , p . 33 Jensen (cf.
col. XVI 5 -15 , p . 143 sq. Mangoni), où le mot yuxaywyla est employé dans un contexte
similaire pour exprimer l'idée que le poète ne doit pas seulement plaire, mais aussi être utile
(cf. 177 H . J . Mette , « Neoptolemos von Parion » , ROM 123, 1980 , p . 1 - 24 ; 178 Id ., art .
* Neoptolemos » 11, RE 16 , 1933 , col. 2465 - 2470 , notamment col. 2467; 179 C . O . Brink ,
Horace on poetry, t. I, Prolegomena to the literary Epistles, Cambridge 1963, p. 45- 150 ).
Lorsque Philodème, Poetica V, col. II 24 sqq., p. 11-13 Jensen (cf. col. V 24 sqq., p . 133 sq.
Mangoni) , reprend l' idée qu'Homère n ' était pas obligé de connaître la géographie, il fautpeut
être y voir une réminiscence de l'avis d'Ératosthène (cf. 180 D . C . Innes, « Hellenistic literary
and philosophical scholarship , 8 : Philodemus» , dans G . A . Kennedy [édit.), The Cambridge
history of literary criticism , t. I : Classical criticism , Cambridge 1989, p . 215 -219, notamment
p. 215 ; 181 G . A . Kennedy, « Hellenistic literary and philosophical scholarship , $ 3: Neopto
lemus of Parium » , dans G . A . Kennedy [édit.), op. cit., p . 204 ; et § 5 : « Alexandrian philo
logy » , p . 205 -210, notamment p . 206 ). Enfin , l'avis d 'Eratosthène à l'égard de la poésie a été
rattaché à la tradition aristotélicienne ( cf. Hirzel 23, t.I, p. 404 ), mais aussi à la platonicienne
(cf. Pfeiffer 13, p . 167 ; Krämer 22 , p . 167) . Fraser 16 , t. I , p . 483, affirme que la théorie
ératosthénienne de la poésie est radicalement opposée à celle de Platon (qui cherchait à mora
liser la poésie) ; il considère (p . 759) que le germe de cette théorie se trouve plutôt chez
Aristote, mais qu 'il ne faut pas la confondre avec la théorie aristotélicienne (cf. t. II, p . 1063,
n. 315 ).
On ne possède que très peu de fragments de plusieurs ouvrages d'Ératosthène
dans le domaine de la critique littéraire, notamment de l'écrit Sur la Comédie
Ancienne.
La première collection de fragments est celle de Bernhardy 62, p. 203-237
(cf. Stiehle 63, p. 488-490 ), quiinclut des fragments n'appartenant pas en réalité
à Ératosthène, comme le remarque 182 K . Boysen , « Ein angebliches Fragment
des Eratosthenes», Hermes 18, 1883, p. 312 -314, à propos du fr. 50, p. 235
Bernhardy. En revanche, 183 C . Strecker, De Lycophrone, Euphronio , Eratos
thene comicorum Graecorum interpretibus, Diss. inaug. Gryphiswaldiae 1884 ,
augmente le matériel rassemblé par Bernhardy, en ajoutant beaucoup de frag
ments incertains. Tout en étant remarquable, sa collection ne doit pas être utili
sée sans précaution , car l'éditeur attribue très facilement des gloses anonymes
non seulement à Eratosthène mais aussi à Lycophron et à Euphronios (cf.
Knaack 4,col. 383 ; Pfeiffer 13, p. 159 sq.n. 8).
(16 ) Ilepi tñs åpxalaç xwuwdías, Sur la Comédie Ancienne.
La perte de cet ouvrage, qui comportait au moins 12 livres, est à déplorer pour
l'histoire de la littérature grecque. Ératosthène ne semble pas avoir étudié la
comédie ancienne en suivant un ordre chronologique,mais d'une façon libre , en
traitant, avec plus ou moins d'autonomie, ses divers aspects: la langue, le conte
nu, les représentations, etc . A partir des contributions de Lycophron de Chalcis
(auquel Ptolémée III à Alexandrie avait confié un examen critique des comédies
réunies à la Bibliothèque) et d 'Euphronios, soumises à la critique, il a isolé des
gloses et il a différencié des formes attiques et des formes pseudo-attiques, il a
étudié le vocabulaire comique, la formation de mots, etc.; de même, en s'ap
NE E RÈNE
228 ÉRATOSTHÈ D CY E 52
puyant sans doute sur les résultats de ses recherches chronologiques, il a traité
des problèmes posés par la représentation des ouvrages (par exemple le problè
me d 'une éventuelle deuxième représentation de la Paix d 'Aristophane ). Enfin ,
l' écrit Sur la Comédie Ancienne semble avoir été marqué d 'un fort esprit critique
et même polémique : en particulier, le Tepi xwuwdíaç de Lycophron semble
avoir été durement attaqué par Ératosthène (cf. Pfeiffer 13, p. 119 sq .,160).
Cf. 184 D . di Tullio, Gli studi sulla commedia nell'età alessandrina e l'opera di Erato
stene : Tepi ápxalaç xwuwdías, Roma 1915 ; Dragoni 18 , p . 58 ; 185 W . Luppe, « 'Anecoon
náliv eic toùç Anvaïxoúc » , ZPE 46 , 1982, p. 147- 159, à propos du POxy. XXXV 2737, fr.
1, col. II 10 sqq., p .41 Lobel (commentaire sur l'Anagyros d'Aristophane), où on cite une
remarque d' Ératosthène ; 186 R . Tosi, « Lexicographica Alexandrina » , MCr 25 -28, 1990
1993, p . 297-304, à propos des fragments 16 , 24, 28 et 35 Strecker. .
Ératosthène est cité comme autorité dansun fragmenttrès bref, appartenant vraisemblable
ment à une biographie de Démosthène, conservé dans PSI II 144 (cf. 187 G . Vitelli (édit.),
Pubblicazioni della Società Italiana per la ricerca dei papiriGreci e Latini in Egitto , Firenze
1913, t. II, nº 144, p.69-71 (« Da una Vita di Demostene» ), ainsi que l'édition , avec traduc
tion et commentaire, de 188 I. Gallo, Frammenti biografici da papiri, t. I : La biografia poli
tica, coll. « Testi e Commenti» 1 , Roma 1975 , p . 141- 161 ( chap. 4 : Frammento di una « Vita
di Demostene» (PSI 144 ) ]). L 'auteur anonyme, peut- être de l'époque impériale , y cite Érato
sthène, d'un côté à propos de certaines caractéristiques de l'orateur Démosthène (cf. le fr. 32
Jacoby), et, de l'autre, à propos du problème de l'authenticité d 'une comédie du poète
comique Cratès. A ce qu 'il semble, ces deux témoignages ont été tirés de l'ouvrage Sur la Co
médie Ancienne (cf.Gallo 188, p . 146 sq., 157 sq .). Le texte en question n 'apparaît pas dans
les éditions des fragments d 'Ératosthène.
(17) T paumatixá.
La Souda,dans sa notice sur Ératosthène, affirme de façon confuse que celui
ci a composé de nombreux ypayuatixá,mais Clément d 'Alexandrie, Strom . I
16, 79, 3 (= test. 8 Jacoby) ne mentionne que deux livres d'un ouvrage intitulé
ainsi. Le Pseudo-Lucien, loc. cit., définit aussi Ératosthène comme ypapua
Tixós. A ce sujet , on sait que dans la période hellénistique ce terme, qui faisait
jusqu 'alors référence strictement à la science ou à l'art de la lecture et de l' écri
ture, prend un sens nouveau indiquant l'étude des textes littéraires, notamment
poétiques (cf. aussi xpltixós); en même temps, on utilise alors le terme
Ypaguata au sens de littérature, de composition littéraire (ouyypáupata ) que
ce terme ne prenait auparavant que très rarement (cf. Pfeiffer 13, p . 157 , 162 ;
Sandys 53, t. I, p . 6 sqq.). C 'est justement des rpayuatixá d'Ératosthène que
semble provenir la définition générale de la grammaire qui nous est parvenue
dans les scholies de Denys le Thrace, Grammatici Graeci, t. I 3, p . 160 , 10
Hilgard : ypaullatixń ŁOTI EELS Tavtens év ypáupaol. Mais d'autres frag
ments plus strictement grammaticaux ont pu provenir également de cet ouvrage ,
comme la remarque citée par Sergius, Explanationes in Artem Donati, Gramm .
Lat., t. IV , p. 530, 24 Keil, concernant la prononciation des voyelles marquées de
l'accentcirconflexe (cf. Knaack 4 ,col. 384 sq. ; Pfeiffer 13, p . 162 n. 10 ).
On possède finalement des fragments tirés de deux ouvrages d 'Ératosthène
sur le vocabulaire technique, ouvrages que l'on peut considérer comme des glos
saires spécialisés:
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 229

(18) ’APXITEXTOVLYÓS, Traité d 'architecture (?).


Les maigres fragments qui nous sont parvenus (cf. fr. 39, 60, 17 Strecker)
concernent les parties du chariot, du bateau et de la charrue. Comme le remarque
Pfeiffer 13, p. 162 n. 5, il n 'y a pas de raison de considérer cet écrit comme une
partie de l'ouvrage sur la comédie , selon l'hypothèse de Strecker, fondée sur
l' idée que la comédie athénienne aimait jouer avec les termes techniques des
arts , notamment de la menuiserie (cf. Knaack 4 , col. 384; Dragoni 18, p. 58).
(19) Exevoypapixós, Sur les ustensiles domestiques (?).
Cet écrit est mentionné par Pollux, Onomasticon X 1, t. II, p . 191, 3 Bethe,
qui avoue sa déception après en avoir trouvé un exemplaire . Il était donc encore
disponible comme ouvrage séparé au IIP. On a suggéré qu 'il s'occupait du voca
bulaire concernant les ustensiles domestiques (cf. Pfeiffer 13, p. 162).
Dragoni 18, p. 58, suggère qu 'Eratosthène s'occupait dans le Exnvoypadixóc ( sic ), com
me dans l’ApXITEXTOVLXÓS, du vocabulaire technique concernant les constructions artisanales
et théâtrales, ainsi que la mise en scène. D 'après lui, ni l'un ni l'autre ne constituait des
ouvrages séparés,mais c 'étaient plutôtdes parties de l'ouvrage sur la comédie ancienne.
Sur Ératosthène comme philologue, voir A . Dihle, « Eratosthenes und andere Philologen »,
dans 189 M . Baumbach , H . Köhler et A . M . Ritter (édit.), Mousopolos stephanos. Festschrift
für Herwig Görgemanns, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaft » 2 . Reihe,
102, Heidelberg 1998, p. 86 -93.
VI.POÉSIE
Fragments: 190 E. Hiller, Eratosthenis carminum reliquiae, Lipsiae 1872 :
fr. 1-19 (Hermès ), p. 4-79 ; fr. 20-25 (Antérinys), p. 80 -93; fr. 26 -34 (Érigonè),
p . 94 - 114 ; fr. 35 -38 ( incertae sedis fragmenta ), p. 115 - 121 ; Powell 60 , fr. 1-16
(Hermès), p . 58-63; fr. 17 (Antérinys), p.63 ; fr. 18-21, p.63 sq. (ex incerto
loco ) ; fr. 22-27, p. 64 sq. (Érigonè); fr. 28, p. 65 (Épithalame) ; fr. 28 b
(Dionysos bouche bée), p.65 ; fr. 29-34 (incertae sedis fragmenta ), p .65 sq .; fr.
35 - 36 (dubium ), p. 66 -68 ; fr. 37-38 (alienum ), p. 68 et p. 252 ; 191 H . Lloyd
Jones et P. Parsons, Suppl. Hell., fr. 397 -399, p. 183- 186 (fr. 397 -398 , p. 183
sq.: Hermès) ; fr. 922 (adesp. pap., hexam .), p . 424 sq. (fr.de l'Hermès ?).
Cf. 192 A .Couat, La poésie alexandrine sous les trois premiers Ptolémées
(324 -222 av. J.-C .), Paris 1882, p. 465-469; 193 U . von Wilamowitz -Möllen
dorff, Hellenistische Dichtung in der Zeit des Kallimachos, Berlin 1924 , réimpr.
1973, t. I, p. 152 sqq., 205, 218 ; 194 G . A .Keller, Eratosthenes und die alexan
drinische Sterndichtung, Diss. Zürich 1946 .
Ératosthène apparaît finalement aussi comme poète . Outre l' épigramme qui
nous est parvenue sur la duplication du cube (cf. supra , B II 8), on possède un
ensemble de fragments poétiques, ne comportant pas toujours l'indication de
l'ouvre dont ils ont été tirés. La production poétique d ’Ératosthène, rattachée
d'ordinaire à l'influence de Callimaque (cf. Thalamas 7, p. 58),a été qualifiée de
« didactique » . A ce sujet, il faut rappeler qu 'Ératosthène a défendu le principe
selon lequel tout poète vise seulement à plaire, à captiver, non à instruire (cf.
supra, V 2). Certains auteurs (cf. Knaack 4 , col. 388 ; Pfeiffer 13, p. 169) ont
230 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
envisagé ici une contradiction difficile à expliquer entre la théorie poétique
d 'Ératosthène (la « psychagogie » ) et sa pratique de la poésie didactique. Cepen
dant, Fraser 16 , t. I, p . 623, à propos de l'Hermès, considère qu 'Ératosthène y a
sans doute mélangé la mythologie et la poésie didactique d'une manière cohé
rente avec sa théorie selon laquelle la poésie cherche à plaire, non à instruire le
lecteur. Par ailleurs , Fraser 16, ibid ., affirme que la poésie didactique ne s'accor
dait pas très bien avec le milieu alexandrin , bien qu 'il y ait des exceptions,
comme le cas d'Ératosthène.
Thalamas 7, ibid., met l'accent sur l'importance mnémotechnique de la poésie comme
instrument au service de la transmission du savoir dans une culture où les livres n 'étaient pas
aussi accessibles qu 'aujourd 'hui au public lettré.
(20) ‘Epuñs, Hermès.
Fragments : Bernhardy 62, fr. 1-58, p. 134- 167 (cf. Stiehle 63, p. 481-484 ) ;
Hiller 190 , fr. 1- 19, p. 4-79 (cf. p. 1 sq.); Powell 60, fr. 1- 16 , p. 58 -63.
Cf. 195 M . Schmidt, « Zum 'Epuñs des Eratosthenes », RHM N . F. 6 , 1848 ,
p . 404-413 ; 196 Th. Bergk, « Eratosthenica » , dans Kleine philologische Schrif
ten , t. II, Halle 1886 , p. 202 -238 , notamment p. 235 -238 (§ III : « Eratosthenes
Mercurio p. 144 ed . Bernhardy (p. 56 ed. Hiller]>>) ; Solmsen 80 , p. 199 sq., 205 ,
207 -213 = t. I, p. 210 sq., 216 , 218 -224.
Thalamas 7, p.61 sq., suggère que l'Hermès appartient à la période de l'apo
gée d 'Ératosthène, c'est-à-dire au début du règne de Philopator. Ce poème était
composé en hexamètres. D 'après ce que l'on peut reconstituer à partir des frag
ments sûrs (cf. Hiller 190, p . 64 ), il racontait la naissance et la jeunesse
d'Hermès (en incluant quelques anecdotes amusantes, comme le vol des vête
ments de sa mère Maia et de ses tantes pendant leur bain , ou le vol des beufs
d'Apollon : cf. fr. 1 Powell), ainsi que l'histoire de son ascension au ciel après
l'invention de la lyre (cf. fr. 13 Powell), et la description (inspirée de Platon ) de
l'ordre de l'univers avec ses huit sphères tournant autour de la terre , telles que le
dieu les voyait (cf. fr. 15 Powell). Le fragment le plus long (16 Powell = Achille ,
Isagoga excerpta , p.61Maass) décrit les cinq zones du globe terrestre comme
vues du ciel par le dieu . Solmsen 80 , p . 207 sqq. = t. I, p . 218 sqq., a reconnu
dans l'Hermès l'esquisse d'une cosmologie platonicienne, et il semble évident
que les huit sphères giratoires constituant une harmonie dérivent du Timée
(cf. aussi Keller 194 , p . 104 sq.; et Fraser 16 ,t. I, p. 483).
D 'après Schwartz 5, p. 195 sq ., la figure de cet Hermès connaisseur des étoiles n ' était pas
de provenance grecque mais égyptienne : sous ce nom se cachait en réalité le dieu Thoth ,
inventeur de toutes les sciences et des arts. L 'hypothèse selon laquelle le poème dérivait de
modèles égyptiens fut reprise et développée par 197 R . Reitzenstein , Zwei religions
geschichtliche Fragen , nach ungedruckten griechischen Texten der Strassburger Bibliothek,
Strassburg 1901, p.68 sqq. Mais cette hypothèse n 'est pas vraisemblable, car, comme l'a
démontré Keller 194, p . 95 - 132 (cf. Fraser 16 , 1. II, p. 881 n . 49) , il n ' y a pas la moindre trace
d'astrologie ou d 'hermétisme dans l'Hermès (nidans les Catastérismes). Par ailleurs, d 'après
198 J. Blomqvist, « Alexandrian science : the case of Eratosthenes » , dans P . Bilde et alii
(édit.), Ethnicity in Hellenistic Egypt, coll. « Studies in Hellenistic Civilization >> 3, Aarhus
1992, p. 533-573, on ne semble pas trouver d' influences égyptiennes sur l'æuvre d' Éra
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 231
tosthène. Sans fondement également l'avis de Tannery 93, p . 274 , selon lequel les Catasté.
rismes ne seraient que le résumé des poèmes astronomiques d'Ératosthène, notamment de
l'Hermès ( cf. supra, B III 11). Cet avis avait été déjà exprimé par Bernhardy 62, p. 110-134,
mais critiqué à juste titre par Hiller 190 (cf. Knaack 4, col. 388).
De son côté , 199 L . Alfonsi, « L'Hermes di Eratostene e il lepi pihooopias di Aristo
tele » RSF 1, 1946 , p. 103- 109, suggère que l'Hermès a subi l'influence du traité perdu
d 'Aristote Sur la philosophie.
Un certain Timarchus estmentionné comme l'auteur d'un commentaire sur l'Hermès, chez
Athénée XI, 501 e . Wilamowitz 193 , t. I, p. 176 n . 2 , l'identifie avec le cynique Timarque
d 'Alexandrie (200 W . Nestle, art. « Timarchus » 9, RE VI A 1, 1936 , col. 1238 ), de la deuxiè
me moitié du Ilja, mentionné chez D . L . VI 95 , personnage que Wilamowitz identifie égale
ment avec l'homonyme de la tribu Ptolémaïde, fils de Pausanias,mentionné dans l'épigramme
X de Callimaque comme ayant sa demeure dans l'Hadès. A son tour, Susemihl 1 , t. I, p . 428
0 . 93, t. II, p. 189, avait suggéré qu'il faut corriger Tiuapyos en Twayidas, et il songeait
donc à un autre personnage, Timachidas de Rhodes, cité aussi par Athénée . Enfin , Fraser 16 ,
L. I, p. 482 n . 26 (t. II, p .696 sq.),met en question l'une et l'autre identification , et se demande
qui est le Timarque mentionné par la Souda , s.v. 'AnonNÁVLOC , A 3419, t. I, p. 307 , 8 Adler
(= Callimaque, test. 12 Pfeiffer) comme contemporain d 'Eratosthène,
(21) 'Eplyóvn .
Cf. 201 Fr. Osann, De Eratosthenis Erigona carmine elegiaco, Gottingae
1846 ; Bergk 196 , t. II, p. 202-235 (§ 1, p. 202-221 : « De Eratosthenis Erigone »;
$ 2, p . 221-235 : « Commentationis de Eratosthenis Erigone continuatio » );
202 F . Solmsen , « Eratosthenes' Erigone. A reconstruction » , TAPHA 78, 1947,
p . 252-275 (= Kleine Schriften, t. I, Hildesheim 1968, p. 225 -248 ) ; 203 R .
Merkelbach, « Die Erigone des Eratosthenes», dansMiscellanea di studi ales
sandrini in memoria di Augusto Rostagni, Torino 1963, p. 468-526 ; 204 Id .,
« Tragödie, Komödie und dionysische Kulte (nach der Erigone des Eratosthe
nes) » , Antaios 5, 1963- 1964, p. 325 -343 (cf. la trad . anglaise : « Origin and reli
gious meaning of Greek tragedy and comedy, according to the Erigone of
Eratosthenes » , HR 3, 1963- 1964, p . 175- 190 ); 205 A . S . Hollis, « Attica in
Hellenistic poetry », ZPE 93, 1992, p. 1-15, notamment p . 9 sq .
Fragments : Maass 118 , p. 57-138 ; Hiller 190 , fr. 26 -34, p. 94-114 (cf. p. 3);
Powell 60 , fr. 22-27, p . 64 sq.
Cf. 206 A . S. Hollis, « A new fragment of Eratosthenes' Erigone ? », ZPE 89, 1991, p . 27
29, sur la possibilité de tirer un fragmentde l' Érigonè à partir de Porphyre , De l'abstinence II
10 , 1.
Voir maintenant l'édition de 207 A .Rosokoki, Die Erigone des Eratosthenes.
Eine kommentierte Ausgabe der Fragmente, coll. « Bibliothek der klassischen
Altertumswissenschaften » N .F., 2 . Reihe, Band 94 , Heidelberg 1995 , fr. 1-6
(p. 41-44), fragmenta dubia 1-4 (p . 45-46).
Il n 'est pas facile de reconstituer l' Érigonè à partir desmaigres fragments sûrs
qui nous sont parvenus ( cf. Knaack 4, col. 387). En réalité, comme le remarque
Pfeiffer 13, p. 169 n. 1, les reconstitutions détaillées (par exemple celles de
Merkelbach 203 ou de Maass 118 ), fondées sur de prétendues imitations, sur le
témoignage des lexicographes,mythographes, etc., sont très douteuses (cf.aussi
208 A . Ruiz de Elvira , « Los problemas del proemio de las Geórgicas» , Emerita
232 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
35, 1967, p. 45-54, notamment p. 51 sqq.). On peut en tout cas affirmer que ce
poème, écrit en distiques élégiaques, racontait l'histoire du paysan attique Icare :
celui-ci, ayant reçu de Dionysos un plant de vigne, fut assassiné par des paysans
ivres qui n'avaient pas su apprécier le don du dieu ; sa fille Érigonè se pendit
après avoir retrouvé son cadavre avec l'aide de son chien. Le poème se serait
terminé par le catastérisme d 'Icare , de sa fille et du chien. Cf. Rosokoki 207,
p. 53-78.
C 'est à tort que Tannery 93, p . 274, suggéra que l'Érigonè n 'était qu'un épisode de l'Her
mès (cf. supra ).
Parmi les ouvres poétiques d'Ératosthène, l'Érigonè semble avoir été celle
qui obtint la plus grande popularité dans l'Antiquité. En fait, le Pseudo-Longin ,
De sublimitate 33, 4, qualifie ce petit poème (tò noinuatiov) d'« irréprochable à
tous égards» . Il y compare Ératosthène à Archiloque, qui est à ses yeux un plus
grand poète, même s'il est impétueux et souventdésordonné, car il est animépar
le souffle divin de l'inspiration (cf. 209 J. van Ijzeren , « Archilochus Eratostheni
comparatus » , Mnemosyne 52, 1924, p . 358-376 ).
Merkelbach, 203 et 204, présente l' Érigonè comme l'exemple peut- être le plus caractéris
tique du mélange des cultures grecque et égyptienne dans le royaume des Ptolémées : les théo
ries de cette petite épopée étiologique pouvaient avoir un modèle direct dans un chant de
vignerons attiques évoquant le mythe d ' Icare qui ressemble au mythe d 'Osiris , mais l' interpré
tation pouvait aussi partir des données de la mythologie égyptienne, le poèmeayant pour but
demettre en reliefles traits communs entre les civilisationsgrecque et égyptienne.
Sur la base du fr. 22 Powell, où on lit que les habitants du dème attique d' Icaria ont été les
premiers à danser autour du bouc, on a émis l'hypothèse qu ' Eratosthène faisait référence dans
son poème à la théorie hellénistique post-aristotélicienne qui voyait dans cette danse l'origine
de la tragédie et de la comédie (cf. Pfeiffer 13, p. 169 n . 2 , avec bibliographie , ainsi que 210 F .
Rodríguez Adrados, Fiesta , comedia y tragedia. Sobre los orígenes griegos del teatro, Barce
lona 1972, réimpr. coll. « Alianza Universidad Textos » 71,Madrid 1983, p . 58 sqq.).

(22) ’AvtEpLVÚc.
Fragments : Hiller 190, fr. 20-25, p . 80-93 (cf. p .2 sq.) ; Powell60, fr. 17,
p . 63 (= scholies sur Nicandre , Theriaca 472 a, p. 192, 7- 9 Crugnola ); cf. fr. 18
21 ( ex incerto loco).
Cf. Bergk 196 , t. II, p . 211-219, 232 ; 211 O . Friedel, « Die Sage vom Tode
Hesiods nach ihren Quellen untersucht» , JKPh Suppl. 10, 1878-1879, p . 233
278 ;Merkelbach 203, p. 519-526 .
Hiller 190, p. 2, et Bergk 196 , t. II, p. 218, ont conjecturé que le titre de cette
composition était double: 'AVTEPLVÙÇ Ñ 'Holodos, sur la base de l'opuscule De
Homeri et Hesiodi certamine (p .234, 240 sq . Allen ), où ils croyaient, d'après
une conjecture de Göttling, que l'Hésiode d'Ératosthène étaitmentionné. Mais
cette conjecture n'est pas retenue par Allen : 'E . dé onoivév tévntónwt. Bergk
suggéra que l'auteur racontait dans ce poème la légende sur la mort d'Hésiode et
le châtiment de ses assassins (cf. Susemihl 1 ,t. I, p .427 ;Knaack 4 , col. 387). A
partir du fragment 17 Powell, conservé dans les scholies à Nicandre ( cf. supra),
on ne peut pas déterminer le type de vers utilisé.
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 233
(23 ) 'Endaráulos, Discours nuptial( ?).
Fragments : 28 Powell (= Etymologicum Magnum 170, 50, s.v. aủpooxás
[2092 ), t. II, p . 313, 14 sq . Lasserre et Livadaras).
Cf. Bergk 196 , t. II, p. 207-211, 232, 237 ; 212 R. Reitzenstein , « Die
Hochzeit des Peleus und der Thetis » , Hermes 35, 1900, p. 73- 105, notamment
p. 96 et n . 1 ; Knaack 4 , col. 388.
(24 ) ALÓVOOÇ Kexnvós, Dionysosbouche bée ( ?).
Fragments : 28 b Powell (cf. Euphorion, fr. 19, 123 Powell).
A partir d 'Élien, De natura animalium VII 48, on a conjecturé qu 'Eratosthène
écrivit un poème sur la légende samienne de « Dionysos bouche bée » , racontée
par Pline, Histoire naturelle VIII 57 (cf. Knaack 4 , col. 388).
(25 ) Épigramme sur la duplication du cube : cf. Hiller 190, p . 130 ; supra,
BII 8 .
VII.AUTRES ÉCRITS

(26 ) ’ Aplotwv, Ariston : cf. supra, A , à propos du séjour à Athènes, et B I 1.


(27) ’Apoivón , Arsinoé: cf. supra, A , à propos du séjour à Alexandrie, et
BI1.

(28) Mpòc Bátwva , Contre Baton ou A Baton ( ?).


D .L . VIII 89 (= fr. 22 Jacoby) mentionne les livres d'Eratosthène Contre
Baton , où l'auteur aurait affirmé qu’Eudoxe de Cnide ( E 98 ) composa des
Dialogues de chiens (= fr. 374 Lasserre ). Knaack 4 , col. 386 , se demande s 'il
s'agissait d'une lettre . Par ailleurs, s'il faut identifier le personnage mentionné
dans le titre avec Baton de Sinope (= FGrHist 268, test. 3), comme le suggère
Wilamowitz 67, p. 28 , on peut supposer que l'ouvrage avait un contenu géogra
phico -historique ; mais Knaack estime plus vraisemblable l'hypothèse de Hirzel
23 , t. I, p . 410, qui songe au poète comique du même nom ( + B 24 ), ami
d'Arcesilas, qui semble avoir partagé l'orientation philosophique d'Ératosthène
( cf. CAF, t. III, p. 326 -329 ).
(29) ’Etiotoraí, Lettres.
Athénée X 11, 418 a (= fr. 18 Jacoby) mentionne les Lettres d 'Ératosthène, à
propos du mot d'un certain Prépélaos (Ilpené aov : sic Kaibel: nepénerov,
TÉUnteov mss ), que Knaack 4 , ibid ., suggère d 'identifier avec le chef d 'une
armée de Cassandre (cf. Diodore de Sicile XX 110 ). La mention revient chez
Athénée XI, 482 a (= Macrobe, Saturnales V 21, 10 ), où on cite concrètement
une lettre à Agétor le Spartiate , qui manifeste un intérêt pour les antiquités.
(30) 'lotopían, Histoires.
234 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
La Souda attribue aussi à Ératosthène des Histoires, mais, comme le soup
çonne Knaack 4 , ibid ., il s'agit ici sans doute d 'une confusion avec Ératosthène
l'historien (cf. 213 Id ., col. 388-389).
C . Influence.
Malgré l'étendue des centres d'intérêt d'Ératosthène, son influence sur la
postérité a été remarquable danspresque tous les domaines qu'il a cultivés .
Les vues d 'Ératosthène sur la circonférence de la terre ainsi que ed façon
générale sa carte du monde habité furent corrigées et dépasséespar Hipparque et
plus tard (IIP) par Ptolémée,mais elles ont exercé une grande influence tout au
long de l'Antiquité, directement ou le plus souvent par l'intermédiaire de
Posidonius et Strabon (cf. Berger 91, p. 1-17, notamment p . 14 -17): sur Isidore
de Characène (1a /IP ; FGrHist 781), Denys le Périégète ( IIP ; GGM , t. II, p. 104
176 ), Artémidore d 'Éphèse (IIP ; FGrHist 438), Ammien Marcellin (IVP ;
cf. 214 V . Gardthausen , « Die geographischen Quellen Amians », JKPh Suppl.
VI, 1872-873, p. 507-556 , notamment p. 540 -547), Marcien d 'Héraclée (III/VP;
GGM , t. I, p. 574-576 ).
Ératosthène a également influencé par exemple l'Alexandra de Lycophron (cf. 215 P. Fra
ser, « Lycophron on Cyprus » , RDAC 1979, p . 328 -343, notamment p . 335 sqq.), les Meteoro
logica d' Arrien de Nicomédie (I-IIP ~ A 425, p. 602), le Périple du Pont-Euxin de ce même
auteur (cf. 216 G .Marenghi, « Sulle fonti del Periplo di Arriano » , SIFC 29, 1957, p . 217
223), la périégèse de Scymnos de Chios (11a ; cf. 217 U . Hoefer, « Pseudo -Skymnos und Era
tosthenes » , RHM 77 , 1928 , p. 127 - 152 ), ou les commentaires d 'Agrippa (cf. 218 A . Klotz ,
« Die geographischen commentarii des Agrippa und ihre Überreste » , Klio 24, N . F . 6 , 1931,
p . 386 -466 ).
En général, cette survie a été étudiée par 219 A . Lheureux , « LaGéographie
d' Ératosthène, son originalité et son influence dans l'Antiquité» , LEC 12, 1943,
p. 33-39, qui constate que la Géographie d'Eratosthène ne perd son intérêt
qu 'avec Marinos de Tyr qui sert de source à Ptolémée, bien qu 'elle continue à
être citée dans des ouvrages ultérieurs. Son importance s' étend jusqu'à la
Renaissance (cf. 220 N . Broc, La géographie de la Renaissance 1420-1620,
Paris 1986 ). En fait, comme le remarque Aujac 146 , p. 124 (cf. Mattei 21,
p. 136 ), c'est en voulant suivre l'idée d 'Ératosthène selon laquelle il était pos
sible à partir de l'Ibérie d'arriver à l'Inde par la mer (cf. supra, B IV 12 ) que
Christophe Colomb vérifia l'objection de Strabon sur la nécessité de l'existence
d'un continent, jusqu 'alors inconnu, qui empêcherait d'atteindre la côte extrême
orientale du monde habité (cf. 221 A . Elter, « Das Altertum und die Entdeckung
Amerikas » , RAM 75 , 1926 , p . 241-265, notamment p . 249 sqq.; Manna 19 ,
p. 44 ; Krämer 22, p. 168).
Notons aussi, avec 222 C . Préaux, « LesGrecs à la découverte de l'Afrique par l'Égypte » ,
CE 32, 1957 , p. 284 - 312 , que c 'est la carte de Ptolémée, fondée sur celle d 'Eratosthène, qui
fut transmise aux premiers explorateurs de l'Afrique du xixe siècle. Enfin , comme le
remarque Manna 19 , p. 42, l'importance d' Ératosthène dans le domaine de la géographie
mathématique est bien illustrée par le fait que le mathématicien hollandais Willebrord Snell
van Royen a mis justement sous le titre d 'Eratosthenes Batavus l'euvre par laquelle il inau
gura en 1617 la littérature géodésique (223 Willebrordus Snellius, Eratosthenes Batavus, de
E 52 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE 235
terrae ambitus vera quantitate, a Willebrordo Snellio, dià TÕVÉE ánoomuátwvMETpovo @ U
OLONTPūv, suscitatus, Lugduni Batavorum 1617, deux parties en un vol.).
Dans le domaine de l'astronomie, l'æuvre d'Ératosthène a influencé le traité
astronomique d 'Hygin (1a; cf. 224 A . Le Beuffle , « Recherches sur Hygin » ,
REG 43, 1965, p . 275-294), les Aratea d 'Aviénus (IVP; cf. 225 A. Vigevani,
« Ricerche intorno agli Aratea del poeta Avieno e alle loro fonti» , ASNP 16
1947, p. 49-72 ; * A 515). Cicéron semble s'être inspiré de l'Hermès pour
l'harmonie des sphères du Somnium Scipionis raconté dans le livre VI de la
République (cf. 226 C . Pascal, « Di una fonte greca del Somnium Scipionis » ,
RAN 1902, p. 141- 154), et ce poème paraît aussi avoir influencé Virgile, Géor
giques I 231-256 (cf. Knaack 4, col. 388 ; Croiset 3, t. V , p. 246 n . 3 ; Fraser 16 ,
t. II , p . 882 n. 52). Solmsen 202, p. 253 sqq. = t. I, p. 226 sqq., fait remonter en
partie l'histoire d'Icare et d'Érigonè que nous lisons dans les Dionysiaques de
Nonnos (VP) à l'Érigonè. D 'après 227 K .Meuli,« Altrömischer Maskenbrauch »,
MH 12, 1955, p . 206 -235, la théorie sur l'origine de la tragédie et de la comédie
qu 'Eratosthène avait exposée prétendument dans ce poème (cf. supra) aurait été
reprise par Varron (De scaenicis originibus) et Virgile (Géorgiques II 380 -396 ).
Cependant, Ruiz de Elvira 208, p . 51 sqq., met en question l'hypothèse selon
laquelle le catastérisme d'Érigonè que l'on trouve chez Virgile, Géorgiques I 33,
provient du poème d 'Ératosthène (cf. Solmsen 202, p. 270 sqq. = t. I, p. 243
sqq.).
D 'après 228 R .Merkelbach , « Die Sphaerenharmonie auf einem ravennatischen Mysten
sarkophag » , ZPE 6 , 1970 , p. 277 -278, l' inscription grecque en caractères latins qui accom
pagne l'un des reliefs isiaques du sarcophage commenté se rapproche du mythe de la lyre tel
que le raconte Ératosthène dans l'Hermès.
Pour terminer, on peut illustrer la renommée proverbiale d 'Ératosthène
comme grand savant et homme d'une culture encyclopédique, par le fait, rappelé
par Pfeiffer 13 , p. 170, que le plus grand « philologue » (au sens ératosthénien )
du XVII s., Claude de Saumaise (Salmasius), fut loué comme l'Ératosthène de
son temps (cf. 229 T . P . Blount, Censura celebriorum authorum , sive Tractatus
in quo varia virorum doctorum de clarissimi cuiusque seculi scriptoribus iudicia
traduntur. Editio nova correctior, cui accessit iudiciorum vernaculo sermone... in
priore exhibitorum accurata in latinum translatio , Genevae 1710, p. 1025).
D . Iconographie : 230 K . Gaiser, Das Philosophenmosaik in Neapel. Eine
Darstellung der platonischen Akademie, coll. AHAW 1980, 2 , Heidelberg 1980 ,
p . 97- 103 (chap. XIII. « Eratosthenes von Kyrene in Alexandrien : 1. Erato
sthenes und Platon , 2. Ein Bild mit Eratosthenes ?» ), soutient qu 'Ératosthène se
trouve représenté dans la célèbre mosaïque découverte en 1897 à Torre Annun
ziata près de Pompéi, et conservée au Museo Nazionale de Naples (inv. 124545,
IP ) (elle est reproduite en page frontispice du premier tome du DPhA). D 'après
l'interprétation de Gaiser, les Alexandrins ont fait l'honneur à Ératosthène, après
sa mort, de le placer dans une mosaïque au milieu des philosophes de l'Ancienne
Académie . Qui plus est, Gaiser 230 p. 100 - 103, suggère que le modèle original
de cette mosaïque a pu orner la tombe d 'Ératosthène ou quelqu'une des salles
consacrées à sa mémoire dans le Musée à Alexandrie .
236 ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE E 52
Cf. 231 K . Gaiser, « Ilmosaico dei filosofi di Napoli. Una raffigurazione dell'Accademia
platonica », StudFilos 2 , 1979, p . 35 -60 (résumé de l'ouvrage cité). Pour l'interprétation de la
mosaïque en question voir aussi 232 M . -F. Billot, Annexe « Académie (topographie et archéo
logie )» ,DPha , t. I, 1989, p.693-789,notamment p . 783.
PEDRO PABLO FUENTESGONZÁLEZ.
in memoriam J. Lens Tuero,magistri sui.
53 ERENNIUS ou HERENNIUS RE (Herennios) 1 MIII
Condisciple de Plotin auprès d'Ammonius (Saccas) à Alexandrie, il fut le
premier à rompre le pacte qu 'il avait conclu avec Origène le Platonicien et Plotin
de ne pas révéler les doctrines de leur maître (Porphyre , Vita Plotini 3,
24 .29.30 ).
Au Xviº siècle, un faussaire , qui était probablement Andréas Darmarios, a
mis sous son nom une 'EEńynous eic tà metà tà quoixá composée de citations
de divers philosophes antiques et d'extraits de Georges Pachymère. Sur ce texte ,
voir la note de L . Brisson et A .-Ph. Segonds, dans Porphyre, La Vie de Plotin ,
t. II, p. 212 -213.
Cf. K . Praechter, art. « Herennios » 1, RE VIII 1, 1912, col.649-650.
LUC BRISSON .
54 ÉROSTROPHOS
Ce nom est passé dans la littérature érudite comme celui de l'interlocuteur de
Socrate dans un dialogue philosophique portant sur l'âme, conservé en syriaque
seulement, - dialogue qui a reçu du même coup ce nom pour titre.
Ce bref dialogue, qui n 'est conservé que dans un seulms., Londres BL Add.
14658 , écrit au Viie siècle , a été édité par 1 Paul de Lagarde, Analecta Syriaca ,
Leipzig 1858 , p. 158 - 167, et traduit en allemand par 2 V . Ryssel, « Der pseudo
sokratische Dialog über die Seele » , RhM 48, 1893 , p . 175- 195. D 'après la
description de W . Wright, Catalogue of the Syriac Manuscripts in the British
Museum , part III, London 1872, p. 1158, le dialogue est simplement intitulé,
dans le ms., « Sūgrațūs» , et le nom de l'interlocuteur de Socrate se lit « rwstrpā» ,
forme que Wright hellénise en «'rsțrpūs» et suggère de lire 'Epootpogos , en
proposant de faire de ce nom le titre de l'ouvrage. Déjà 3 E . Renan , « Lettre à M .
Reinaud sur quelques manuscrits syriaques du Musée britannique », JA 1852,
p. 293-333, avait lu dans le nom syriaque la forme grecque Erostrophos, et il
considérait le dialogue comme étant de la famille des apocryphes platoniciens,
tels que l'Eryxias, l'Axiochos, le Minos,l’Hipparque; il ajoutait: « Peut-être faut
il y voir le Miowv ñ ' Innotpópos (dont le titre se lit quelquefois 'Innootpó
pos), indiqué par Diogène Laërce parmi les dialogues évidemment apocryphes
[D . L . III62]» (p . 299). Sur ce passage de D .L . concernant les dialogues apocry
phes, voir la traduction annotée de 4 L . Brisson , « Diogène Laërce, “ Vies et
doctrines des philosophes illustres” , Livre III: Structure et contenu » , ANRW II,
36 .5, p. 3716 -3717.Le rapprochementavec le Midon peut paraître tentante , mais
il semble que ce dernier soit un traité περί αρετής et non point περί ψυχής.
E 54 ÉROSTROPHOS 237
Ryssel 2 , p . 176 n . 1, le premier, semble-t-il, proposa de voir dans le nom
transcrit par lui sous la forme « Herostrophos » une corruption de « Aristippos» ,
les deux noms ne différant en syriaque que par une lettre ; l'auteur inconnu du
dialogue aurait alors souhaité rattacher celui-ci aux entretiens de Socrate avec
Aristippe,mentionnés par Xénophon,Mém . II 1 et III 8. Ryssel soutenait égale
ment que le dialogue avait été traduit du grec par le médecin Sergius de
Reš'aynā, connu par ses traductions syriaques du llepi xóquou et de traités de
Galien ( et par celles qu 'on lui attribuait à tort d 'œuvres logiques aristotéli
ciennes). Les considérations philologiques sur lesquelles Ryssel appuyait cette
dernière affirmation sont pourtant dénuées de rigueur, et il faut décidément
abandonner l' attribution à Sergius de la version syriaque du dialogue. Il ne fait
pas de doute néanmoins que le dialogue a bien été traduit du grec , comme
l'attestent divers emprunts lexicaux ou syntaxiques à cette langue.
Le nom « Erostrophos» n 'apparaît pas dans 5 J. Kirchner, Prosopographia
Attica , 2 vol., Berlin 1901- 1903, ni dans les trois volumes publiés du LGPN. Il
s 'agit donc probablementde la déformation d 'un nom grec, et la lecture corrigée
« Aristippos » apparaît comme vraisemblable . Cette lecture « Aristippos» , et la
présentation , dans le dialogue, de l' interlocuteur de Socrate comme un jeune
homme attiré auprès du maître par la réputation de sagesse de ce dernier, ont
conduit G . Giannantoni à établir un parallèle entre cet Aristippe et Aristippe de
Cyrène ( * A 356 ), à partir du témoignage d 'Eschine de Sphettos ( D . L . II 65)
relatant qu'Aristippe fut attiré à Athènes xarà xéoç Ewxpátouc. Une version
italienne (dont ni l' auteur ni la source (original syriaque ou traduction alle
mande ? ) ne sont cités) du début du dialogue syriaque (sous l'intitulé : Anonimo
Siriaco, Erostrofo ) a donc été incluse , à ce titre , dans 6 G . Giannantoni, I Cire
naici, coll. « Pubblicazioni dell'Istituto di filosofia dell'Università di Roma» 5 ,
Firenze 1958, p . 265-269 (fragmentnº 155 ), et reprise par 7 G .Giannantonidans
son recueil SR, puis dans la version élargie SSR , où le dialogue constitue le
fragment IV A 159 se rapportant à Aristippe de Cyrène (t. II, p.61-62).
Selon D . L . III 36 , « Platon manifesta de l'hostilité à l'égard d 'Aristippe aussi.
En tout cas, dans son dialogue Sur l'âme [Phédon 59c], ilmédit de lui en faisant
remarquer qu'Aristippe n' était pas présent à la mort de Socrate , bien qu'il se
trouvât à Égine, c'est-à-dire tout près» . Un faussaire aurait donc pu prendre pré
texte de l'absence d'Aristippe dans la prison durant les heures qui précédèrent la
mort de Socrate, lorsque celui-ci discutait de l'immortalité de l'âme avec ses
disciples, pour exprimer ses propres idées sur l'âme, en les mettant dans la
bouche d 'un Aristippe qui aurait discuté du même sujet avec Socrate en une
autre occasion et avec d 'autres idées .
La question posée par le dialogue (dont le texte est en mauvais état, dans sa
partie finale ) est celle de la destinée de l'âme après la mort: est-elle éternelle ou
périt-elle avec le corps, ou passe-t-elle dans un autre corps, ou réapparaît-elle
après un certain temps dans le même corps ? Selon 8 A . E . Taylor, Plato . The
man and his work, London 19526, le dialogue porterait la marque de l'influence
stoïcienne et/ou de l'influence chrétienne (p. 553). Mais il faut bien observer
238 ÉROSTROPHOS E 54
que, dans l'Antiquité tardive, tout le monde intellectuel était imprégné de voca
bulaire stoïcien et de doctrines stoïciennes.
Ce dialogue ne figure pas parmiles apocryphes connus par D .L . ou par les
manuscrits médiévaux, et il n 'est pas non plusmentionné parmiles ouvrages que
la tradition arabe attribue à Platon : cf. 9 C . W .Müller, Die Kurzdialoge der
Appendix Platonica . Philologische Beiträge zur nachplatonischen Sokratik , coll.
« Studia et testimonia antiqua » 17, München 1975 , p . 37 n . 1 . Dans le manuscrit
où il est conservé, ce dialogue fait partie d 'un ensemble de textes grecs de
philosophie morale en versions syriaques, tels que le Mpós Anuóvixov d’Iso
crate , des collections de sentences attribuées à Ménandre , à Pythagore , à Platon ,
etc .; sur cette littérature, voir 10 S . P . Brock , « From antagonism to assimilation :
Syriac attitudes to Greek learning» , dans N . Garsoğan , Th .Mathews et
R . Thompson ( édit.), East of Byzantium : Syria and Armenia in the formative
period , coll. « Dumbarton Oaks Symposium », Washington 1982, p. 27 , repris
dans Syriac Perspectives on Late Antiquity , coll. « Collected Studies Se
ries » 199, London 1984 .Mais on ne connaît pas la postérité éventuelle de ce
dialogue socratique dans la tradition syriaque.
[Je remercie Luc Brisson qui a relu cette notice et m 'a fait part de ses observations.)
HENRIHUGONNARD -ROCHE.
55 ÉRÔTION FIV - D III
Avec Mammarion, Hèdeia et Nicidion, l'une des courtisanes du Jardin d' Épi
cure à Athènes (D . L . X 7).
Dans une scholie sur le Katánous Ñ Túpavvoç 12 de Lucien , Érôtion est donné comme
exemple de nom hypocoristique attique.
Cf. K . Schneider,art. « Hetairai» , RE VIII 2, 1913, col. 1331-1372.
RICHARD GOULET
56 ÉRÔTYLOS RESuppl. IV :
Lamention d 'Érôtylos par Zosime (chap . V [« Sur l'eau divine » ] li. 10 et 11
de ses Mémoires authentiques, texte établi et traduit par Michèle Mertens, Les
Alchimistes grecs IV 1,CUF, Paris 1995, p .21 (où l'on corrigera ’Epwtúros en
’Epátulos), commentaire p . 171-174 ) reste mystérieuse . Michèle Mertens fait
l'hypothèse suivante , qu'elle qualifie de « vraisemblable » : dans ce passage, Érô
tylos est le nom de l'étoile, avec laquelle , selon Zosime, le mercure estmis en
relation . Cette hypothèse,Michèle Mertens la propose après avoir passé en revue
sept attestations du nom . Une seule de ces attestations nous intéresse. Dans un
papyrus magique (PMG XIII 945) du IVe siècle apr. J.-C ., on trouve la phrase
’ EpútvOS ÉV TOTS 'OpblxOTÇ úonewalwal (suite de mots magiques). On peut
en déduire soit qu’Érôtylos est le nom d'un auteur ayant écrit des Orphica (cf. O .
Kern , Orphicorum fragmenta , p . 71 n° 235), soit qu'il s'agit d 'un personnage
cité dans des Orphica ( cf. H . D . Betz, The Greek magical papyri in translation ,
including the demotic spells, Chicago /London 1986 , p. 193 n . 129). Il est impos
sible de décider entre les deux hypothèses.
E 58 ÉRYXIAS DE STIRIA 239
Cf. O . Kern , art. « Erotylos », RESuppl. IV , 1924, col. 386 .
LUC BRISSON .
57 ÉRYMNÉE (Erymneus) RE MF II
Péripatéticien , chef d'école à Athènes .
Nous ne possédons sur Érymnée qu 'un seul témoignage, grâce à Athénée (V ,
211e). Il s'agit d'un extrait des Histoires (iotopíai ou iotopía ) de Posidonius
d' Apamée ; on trouvera donc le texte dans les éditions de Posidonius (FHG III,
p . 266 -267; fr. 253 Edelstein -Kidd ; fr. 247 Theiler).
Études d 'orientation . 1 E.Martini, art. « Erymneus » , RE VI, 1909, col. 570
571; 2 P . Moraux, Aristotelismus, t. I, p. 28 n. 68 ; 3 J. P . Lynch, Aristotle 's
School, p . 202 ; 4 K . O . Brink , art. « Peripatos » , RESuppl. VII, 1940 , col. 899
949 (sur Érymnée , col. 908-914 ); 5 F . Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn
der römischen Kaiserzeit» , GGP, Antike 3 , 1983, p . 459-599 ( sur Érymnée,
p . 590) ; 6 J.-L . Ferrary, Philhellénisme et impérialisme, p. 468 -469.
Vie . La plupart des auteurs modernes présentent, avec plus ou moins de pru
dence, Érymnée comme le successeur de Diodore de Tyr (BD 132 ) à la tête du
Lycée (vers 1004 selon Wehrli 5, p. 590 ). Or, on sait que Diodore de Tyr ensei
gnait encore à Athènes entre 110 et 108 lors du séjour de L . Licinius Crassus
(MC 198 ] (F. Wehrli, Hieronymos von Rhodos ; Kritolaos und seine Schüler ;
Rückblick: Der Peripatos in vorchristlicher Zeit; Register, coll. « Die Schule des
Aristoteles» 10 , Basel/Stuttgart 19692, p. 88, fr. 6 Wehrli). D 'autre part, Posido
nius (Athénée, loc. cit.) affirme qu 'Athénion avait fréquenté l'école d'Érymnée .
Il semble que cet Athénion (** A 484 ) était le père de l'Athénion (P- A 485) qui
devint tyran d'Athènes vers 88 av. J.-C et entraîna ses concitoyens du côté de
Mithridate contre Rome. Il ne paraît alors guère possible qu 'Athénion , le père ,
ait fréquenté l'école d'Érymnée longtemps après 130 (« peut-être vers 135 -125 »
selon R . Goulet (art. « Athénion » A 485, DPhA I, 1989, p . 649). Ainsi, Érymnée
n 'est certainement pas le successeur de Diodore de Tyr. Ferrary 6 , p. 468, arrive
aux mêmes conclusions (« l'école d 'Érymnée existait dans les années 130 -120 » )
et précise que cette école devait être indépendante du Lycée dirigé alors par Dio
dore.Mais alors, il faut dire qu'on ne sait rien de cette école ni de la relation de
celle -ci avec le Péripatos, dirigée alors par Diodore de Tyr. Ce qui est sûr toute
fois, c'est qu'Érymnée pouvait être compté parmi les péripatéticiens ( ěv rñ
Έρυμνέως του περιπατητικού σχολή).
[Posidonius, dans le fragment conservé par Athénée, ne situe pas Érymnée à Athènes de
façon explicite. On pourrait concevoir qu' il ait enseigné ailleurs. S. F.)
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .
58 ÉRYXIAS DE STIRIA RE 3 PA 5185 F va
Éryxias a donné son nom à un dialogue platonicien apocryphe qui a pour
sous-titre Sur la richesse. Le dialogue s'ouvre sur la scène suivante : « Nous
étions justement Éryxias du dème de Stiria et moi (Socrate), en train de nous
promener sous le portique de Zeus Libérateur quand , par la suite, s'avança vers
240 ÉRYXIAS DE STIRIA E 58
nous Critias (celui qui fut l'un des Trente tyrans] ( C 216 ) accompagné
d 'Érasistratos, le neveu de Phéax, fils d 'Érasistratos.» (Éryxias 392 a ; trad .
Robin ). Un peu plus loin (Éryxias 396 d ), Éryxias est présenté comme un parent
de Critias.
Cf. J. Kirchner, PA n° 5185 ;Davies,APF n° 8792 VI.
LUC BRISSON .
59 ÉRYXIMAQUE D 'ATHÈNES RE : PA 5187 F va
Éryximaque, fils d’Acoumène, estmentionné dans deux dialogues de Platon ,
le Protagoras et le Banquet.
En compagnie de Phèdre, qui est alors âgé de dix -huit ans environ , Éryxi
maque, un médecin (Phèdre 268 a ), fait partie des auditeurs d 'Hippias d'Élis
dans le Protagoras (315 b -c).
L 'entretien rapporté dans le Banquet est censé avoir eu lieu le lendemain du
jour où Agathon sacrifia aux dieux en reconnaissance du prix que lui avait valu
sa première tragédie, c' est-à-dire fin janvier, début février 4164. Phèdre, qui est
alors âgé de trente -quatre ans va, par la bouche d 'Eryximaque, proposer de pren
dre Éros pour thème de discussion (Banquet 177 a-e ). C 'est pourquoi d 'ailleurs il
prononce le premier éloge d'Éros (Banquet 178 a - 180 b , cf. 177e- 178 a), tenu
par lui pour le dieu le plus ancien . Cet éloge sera suivi par celui de Pausanias
(Banquet 180c - 185c), par ceux d'Éryximaque (Banquet 185 e - 188e), par celui
d 'Aristophane (Banquet 189 a - 193d), d 'Agathon (Banquet 194 e - 198a) et de
Socrate (Banquet 201d -212c ), qui prétend rapporter les paroles de Diotime
(2D 204 ).
Se présentant comme un médecin, Éryximaque applique la distinction faite
par Pausanias entre les deux Aphrodites (l'Ouranienne et la Pandémienne) et
donc entre les deux Éros non plusaux seuls êtres humains,mais à tous les êtres.
Et il passe en revue les applications de cette distinction dans les domaines de la
médecine, de la musique, de l' astronomie et de la divination . Dans tous les cas
un même thème revient: un examen , un diagnostic, une hygiène sont nécessaires
pour sauvegarder un équilibre normal, à moins que ne s'impose une thérapeu
tique pour restaurer cet équilibre et pour guérir. En tout cela transparaît une
confiance sans faille en l'éminence de la médecine et en son autorité fondamen
tale et universelle .
Cf. P . Natorp , art. « Eryximachos » , RE VI 1, 1907, col. 607 ; J. Kirchner, PA
n° 5187.
LUC BRISSON .
60 ÉSOPE (Aľownoc) RESuppl. XIV : DM VI
ts
Sous le nom d 'Esope ont circulé dans l'antiquité différen recueils de fables
qui ont connu un succès universel et ont été traduites et imitées dans toute la
tradition littéraire postérieure . On peut y voir l'expression d 'une éthique popu
laire, rationaliste et cosmopolite, qui n 'est pas sans intérêt pour l'histoire de la
philosophie.
E 60 ÉSOPE 241
Trois recueils sont conservés, constitués sans doute tardivement, mais d' autres fables sont
connues par la tradition indirecte ou des fragments papyrologiques. Démétrius de Phalère
( D 54 ) , à la fin du IVe s. av . J. - C . avait déjà constitué un recueil de fables bywv Alow
freiwv ovvaywyai, D . L . V 80 , voir aussi Alowelwy a ', V 81) , sans doute parce que les
disciples d 'Aristote portaient intérêt à de tels témoignages de la sagesse populaire. Dès l'épo
que de Socrate et d 'Aristophane, puis de Platon et d 'Aristote , les fables faisaient partie du
bagage culturel d 'un Grec éduqué. Socrate aurait mis en vers certaines fables d'Esope (Platon ,
Phédon 60 d ; voir aussi D . L . II 42 , qui en cite deux vers) qu ' il savait par cœur ( ibid . 61 b ).
Les fables étaient largement utilisées dans les écoles, ainsi que dans les études rhétoriques .
Édition des fables. 1 A . Hausrath et H . Hunger (édit.), Corpus fabularum
Aesopicarum , coll. BT, Leipzig, I, 1, 4e éd., 1970, XXXIX -248 p.; t. I, 2, 1959,
XX - 351 p. ; 2 É . Chambry (édit.), Ésope. Fables, CUF, Paris 1927 ; réimpr. 1985,
LIV - 162 p .(en partie doubles).
Lexique. Hausrath et Hunger 1, t. I, 2, p. 191-339; 3 F. Martín García et A .
Rospide López, Index Aesopi fabularum , coll. « Alpha-Omega, Reihe A » 118 ,
Hildesheim 1991, 170 p .
Ésope est souvent mis en rapport avec les Sept Sages (Diodore IX 28, 1;
Pseudo-Plutarque, Banquet des Sept Sages 4, 150 a et passim ), comme Chilôn
(Diogène Laërce I69) ou Solon (Plutarque, Vie de Solon 28, 1). Diogène Laërce
situe son acmè en Ol. 52 (572-569), alors que Chilôn était un vieillard . Selon la
Souda, s.v. AíownOS, AL 334, il aurait été précipité du haut des Roches Phédria
des à Delphes en la 54€ Olympiade (564/561). La plus ancienne attestation est
sans doute chez Hérodote, II 134 , qui présente Esope comme un ancien esclave
d ' ladmon de Samos et connaît déjà l'exécution ou le lynchage du fabuliste à
Delphes.
Si Ésope a existé, on ne voit pas trop ce que l'on pourrait dire de lui; en tout
cas,sûrement pas qu'ilest l'auteur ou l'auteur unique des fables conservées.
On rencontre dans les fables deux personnages postérieurs à Ésope : l'orateur Démade (63)
et le « philosophe cynique » Diogène (65).
Deux Vies d 'Esope anonymes, d'époque tardive, qui sont en fait des romans
populaires, ont été conservées. Elles donnent d 'Ésope, présenté comme l'esclave
phrygien du philosophe Xanthos à Samos, une image totalement légendaire .
Dans l'une des versions (W ), il est présenté comme « philosophe » (Pline, Hist.
Nat. XXXVI82, appelle de même Esope fabellarum philosophus).
Édition des Vies . 4 B. E . Perry, Aesopica , vol. 1, Urbana, 1952 ; 5 M . Papa
thomopoulos (édit.), ‘O Blog ToŨ Aloánov : n naparlay G ,upitexn Exdoon
uè eloaywy xaiMetádpaon , Ioannina Univ . 1990, 183 p.
Lexique. 6 E. Dimitriadis-Touphexis, « Index verborum Vitae Aesopi Perria
nae » , EEThess 20, 1981, p. 69-153.
Cf. 7 A . Hausrath , art. « Fabel » , RE VI 2, 1909, col. 1704 - 1736 ; 8 W .
Schmid et 0 . Stählin , Geschichte der Griechischen Literatur, I 1 : Die
griechische Literatur vor der attischen Hegemonie von W . Schmid , coll. « Hand
buch der Altertumswissenschaft» VII 1, 1, München 1929, p.672 -683 ; 9 S.
Josifović, art. « Aisopos und die aisopische Fabel» , RESuppl. XIV, 1974, col. 15
242 ÉSOPE E 60
40 ; 10 H . Zeitz , « Der Aesop -Roman und seine Geschichte » , Aegyptus 16 , 1936 ,
p. 225-256 ; 11 M .L . West, « The ascription of fables to Aesop in archaic and
classical Greece » , dans F. Rodríguez Adrados et O . Reverdin (édit.), La fable .
Huit exposés suivis de discussions, coll. « Entretiens sur l'antiquité class, » 30,
Vandæuvres-Genève, 1983, p. 105 -136 .
Bibliographie. Schmid 8 , p.682-683 ; 12 A . Beschorner et N . Holzberg,« A
bibliography of the Aesop romance » , dans Der Asop -Roman . Motivgeschichte
und Erzählstruktur, hrsg. von N . Holzberg, unter Mitarbeitung von A .
Beschorner und S . Merkle , coll. « Classica Monacensia » 6 , Tübingen 1992 ,
p. 165 -197.
[Le Chronicum Romanum , chronique des grands événements de l'histoire de l'Europe et
de l'Asie , composée en 15/ 16 de notre ère et partiellement conservée par plusieurs « tables
iliaques » (voir les références dans S . M . Burstein , « A New Tabula Iliaca : The Vasek Polak
Chronicle » , J. P. Getty Museum Journal 12, 1984, p. 153-162), transmettait une tradition -
exploitée également par Phèdre I 3 - selon laquelle la mort d 'Ésope aurait été contemporaine
de la première tyrannie de Pisistrate (561/0). BERNADETTE PUECH . ]
RICHARD GOULET.
60a ÉTIENNE DE LAODICÉE F III
Dernier évêque de Laodicée avant la persécution de Dioclétien. Il succéda à
Anatolius ( A 157). « Il était admiré de beaucoup de gens pour ses discours
philosophiques et tout le reste de sa culture hellénique,mais il n ' était pas disposé
de la mêmemanière en ce qui concerne la foi divine, comme le découvrit le
progrès de la persécution qui montra en lui un homme dissimulé, lâche, sans
courage plutôt qu'un vrai philosophe» (Eusébe, H . É., VII 32, 22, trad. G .
Bardy ).
RICHARD GOULET.
EUA ... voir aussi EVA ...
61 EUAIÔN DE LAMPSAQUE RE 2 Iva
Académicien, disciple de Platon (D . L . III 46).
Cf. 1 P . Natorp , art. « Euaion » 2 , RE VI 1, 1907, col. 836 ; 2 M . Isnardi
Parente , Studi sull'Accademia platonica antica, coll. « Saggi filosofici» 1,
Firenze 1979, p . 290 ; 3 A . Wörle , Die politische Tätigkeit der Schüler Platons,
Darmstadt 1981, p. 159- 160 .
Selon Démocharès dans son plaidoyer pour l'interdiction des écolesde philo
sophie (fr. 1 Marasco ap. Ath. XI, 508 f), Euaiôn aurait tenté de s'emparer du
pouvoir à Cyzique. La leçon desmanuscrits d'Athénée : Eŭáywv a été corrigé en
Evaíwv d 'après D . L . III 46 .La datation de sa tyrannie est incertaine: selon 4 H .
Berve, Die Tyrannis bei den Griechen ,München 1967, t. I, p. 312, et Wörle 3,
p . 159, elle est postérieure à 360 av. J.-C .
TIZIANO DORANDI.

EUAGÔN – EUNION
E 65 EUANDROS DE PHOCÉE 243
62 EUANDROS D 'ATHÈNES
Académicien , disciple de Lacydès, mentionné seulement dans la Souda, II
1707 (vol. IV , p . 140 sq. Adler = Lacydès T 5 Mette = Euandros T 5 Mette ): xai
OLEDÉEavto thv oxornv QútoŨ (scil.Nátwvoc) xal’ éva oíde: ... Aaxtons,
Etavopos owxakús, Aauwv, AeovteÚS, Mooyiwv, Eűavopoç ’Anvaſos,
'Hynoivous, Kapveáðns, < X >apuádac. Cf. Crönert, Kolotes und Menedemos,
p . 75 . Peut-être doit-on supposer un doublet d'Euandros de Phocée (2- E 65) ?
TIZIANO DORANDI.
63 EUANDROS DE CROTONE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth . 36 , 267, p. 143, 22 Deubner.
BRUNO CENTRONE .

64 EUANDROS DE MÉTAPONTE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth . 36 , 267, p . 144, 3 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
65 EUANDROS DE PHOCÉE RE 8 IIІЛІa
Académicien, disciple et successeur, avec Téléclès, de Lacydès comme scho
larque de l'Académie (D . L . IV 60 = T la Mette). Euandros naquit à Phocée et il
entra en contact avec les souverains de Pergame. Sa chronologie est incertaine.
Apollodore (FGrHist 244 F 47 ap. Philod., Acad. hist. 28, 9 sq. = Lacydès T 2a
25 Mette ) rapporte qu 'Evandros survécut à Téléclès, mort sous l'archontat de
Nicosthénès (167/6 ), et nomme, après lui, comme dernier dans une liste d ’aca
démiciens, Apollonios ( A 278 ?) qui mourut sous l'archontat d'Épainétos
( 166 /5 ). On a supposé qu'Euandros était mort avant Téléclès, mais cette conclu
sion est en contradiction avec la tradition rapportée par Diogène Laërce (IV 60 =
Lacydès T la , 16 sq.), selon laquelle : « A Euandros succéda Hégésinos de Per
game et à celui-ci succéda Carnéade » , Euandros estmentionné dans une inscrip
tion de 193/2a (IG 112 886 ) en l'honneur d 'un Pergaménien inconnu, qui avait
étudié la philosophie (li. 9) et avait secouru dans le danger des disciples d'Euan
dros (li. 17). U . Köhler (IG II 385) a proposé d 'identifier le personnage honoré
avec Hégésinos (PH 21). Cf. Chr. Habicht, Hellenistic Athens and her philoso
phers, Princeton 1988, p. 13 = Athen in hellenistischer Zeit,München 1994,
p. 241.
Nous ne connaissons rien ni de ses écrits ni de sa pensée. Il faut le distinguer
d 'un homonyme académicien contemporain , Euandros d 'Athènes ( E 62).
Cf. H . von Arnim , art. « Euandros» 8 , RE VI,1, 1907, col. 842; H . J. Mette,
Lustrum 27, 1985, p. 52 ; T . Dorandi (édit.), Filodemo : Platone e l'Academia ,
p .64 -65 ; W . Görler, GGP Antike 4 , 2 , p . 834 -836 .
TIZIANO DORANDI.
244 EUANOR DE SYBARIS E 66
66 EUANOR DE SYBARIS
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p . 144, 20 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
EUARESTOS ÉVARESTOS
EUARETUS + EVARETUS
67 EUATHLOS RE PA 5238 va
Disciple de Protagoras d'Abdère. « Comme Protagoras lui réclamait le salaire
(ulodós) qui lui était dû pour son enseignement, il répondit: “Mais je n 'ai
encore remporté aucune victoire (dans un procès) [sous-entendu : comme tu
t'étais engagé à me l'enseigner)”. Protagoras lui répondit: “ Eh bien, si je l'em
porte sur toi, il me faudra recevoir (mon salaire), parce que c'est moi qui aurai
triomphé ; si c'est toi qui l'emportes, (il me faudra recevoir mon salaire ) parce
que c'est toi qui auras triomphé” » (D . L. IX 56 = DK 80 A 1, t. II, p. 255, 12
13).
Le salaire exigé par Protagoras était exagérément élevé selon Apulée , Flor. 18 (DK 80 A
4 ). Il s 'élevait à 10 000 deniers selon Quintilien , Inst. Orat. III 1, 10 (DK 80 B 6 ). Protagoras
aurait été le premier à exiger un salaire de centmines, selon D . L . IX 56.
(En supposant que denier est pris comme équivalent de drachme, commeune mine vaut
100 drachmes, on obtient lamême valeur en drachmes, soit 10 000 ( 100 x 100 ). S. F .)
L 'anecdote est également racontée, avec beaucoup plus de détails, par Aulu
Gelle V 10 (fr. 1222 Hülser), qui voit dans cette argumentation fallacieuse une
illustration des åvtiOTPÉDovta ou des reciproca. L' anecdote a en effet une suite
chez Aulu -Gelle: Euathlos rétorque que s'il gagne le procès, il ne devra rien à
son maître, puisque la justice lui donnera raison, et, s'il perd, il ne lui devra rien
non plus, car il n 'aura pas encore gagné de procès ! Ce type d 'argument,
explique Aulu-Gelle (§ 3), peut donc être retourné contre celui qui le formule .
Cf. Syrianus, Commentaire sur le lepi otáoewv d 'Hermogène, p. 42, 2, qui
rapproche ce genre de raisonnement du sophisme dit du crocodile chez les
stoïciens (SVF II 286 ; fr. 1225 Hülser).
Selon P . Tannery, « Le procès de Protagoras» (1881), repris dansMémoires scientifiques,
t. IX : Philologie 1880-1928, Toulouse/Paris 1929, p. 3- 7, le procès serait « une invention
sophistique, où d'autres auteurs supposent d 'ailleurs un autre disciple et un autre maître , les
Siciliens Tisias et Corax » , « On peut croire cependant que Protagoras avait lui-même déve
loppé cette fiction comme exercice d' argumentation , puisque Diogène Laërce lui attribue une
Aixn úrèp ulodoő (plaidoyer sur les honoraires) » (p. 6 ).
Le nom apparaît aussi en D . L . IX 54 (DK 80 A 1, t. II, p . 254, 20-21) :
Pythodore (PA 12412), fils de Polyzélos, l'un des Quatre-Cents, aurait intenté un
procès contre Protagoras, après la lecture publique de son traité Sur les dieux.
Mais, selon Aristote (fr. 67 Rose ? - Eodlotńs, fr. 3 Ross), Euathlos était l'accu
sateur.
Peut-être Aristote parlait-il d 'un autre procès, celui qui avait opposé Protagoras et son
disciple . Mais, d'après l'anecdote , c 'est Protagoras qui était l'accusateur.
E71 EUBOULIDÈS DE MILET 245
On trouve chez Aristophane et ses scholiastes un Euathlos, rhéteur syco
phante , qui n 'est sans doute pas le disciple de Protagoras .
RICHARD GOULET.
8 EUBIOS D 'ASCALON RE 5
Philosophe stoïcien “ illustre”, d'époque indéterminée, mentionné par Étienne
de Byzance, s.v. 'Aoxárov (p. 132, 4 -5 Meineke), avec Antiochos « le Cygne »
[= Antiochos d'Ascalon (mA 200 )] et Antibios (* * A 190 ), comme faisant partie
des célébrités de cette cité.
RICHARD GOULET.

9 EUBOULIDÈS RE 7
Dans les Theologoumena arithmeticae qui furent attribués à Jamblique, p . 52,
9 - 12 De Falco , le pythagoricien Euboulidès est cité , avec Androcyde ( » A 173) ,
Aristoxène (PA 417), Hippobote (» H 148 ) et Néanthe. Il aurait écrit sur Pytha
gore et soutenu qu’une période de 216 années (63) aurait séparé deux réincarna
tions de Pythagore. Boèce, Instit.mus. II 19 (=DK 18 A 14 ), rapproche Eubouli
dès et Hippasos ( H 144 ) comme des théoriciens ayant défini un certain ordre
des consonances musicales.
BRUNO CENTRONE .

70 EUBOULIDÈS RE 8
D 'après Diogène Laërce VI 20 (= fr.67 [?] Döring), Eubulide, dans son llepi
AloyÉVous ( Sur Diogène),disait que Diogène le Chien (2- D 147) avait falsifié
lui-même la monnaie et qu 'il avait erré en exil avec son père. Qui est cet
Eubulide dont on ne peut préciser la datation ? Faut-il l'identifier avec le
philosophe mégarique Euboulidès de Milet (» E 71) - P . Natorp, RE VI 1, 1907,
col. 870, juge l'identification difficile -, ou avec l'Eubulide qui, selon Diogène
Laërce II 42 (= fr. 66 [?] Döring), dit que Socrate proposa à ses juges de payer
comme amende une somme de cent drachmes ? K . Doring, Die Megariker, p .
114 , et R .Muller, Les Mégariques, p . 119 , estiment impossible de se prononcer
sur ces deux identifications. D 'autre part faut-il, comme l'a proposé G .Ménage,
ap. H .G . Hübner (édit), Commentarii in Diogenem Laertium , Leipzig 1830
1833, t. IV , p. 20, corriger en VI 30 Eößoulog dè en Eůſourídns ? Voir à cet
égard la notice Euboulos (» E 72).
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
EUBOULIDÈS D 'ALEXANDRIE EUBOULOS D ’ALEXANDRIE ?
71 EUBOULIDÈS DE MILET RE 8 Iva
Philosophe mégarique, adversaire d'Aristote , connu presque exclusivement
pour son activité de polémiste et de dialecticien.
Témoignages et fragments. 1 K . Döring, Die Megariker, p. 16 -20 : fr. 50-58
(données biographiques), 59-67 (écrits et doctrines), ainsi que fr. 68,69, 73, 88
246 EUBOULIDÈS DE MILET E 71
et 96 . Il faudrait ajouter un certain nombre de textes qui, sans nommer Eubulide,
apportent d'indispensables précisions sur les arguments dialectiquesmentionnés
dans les fr.51 A , 64 et 65 ; plusieurs d' entre eux figurent ( sous formede citation
dans l'original ou de simple référence) dans le commentaire de Döring 1, p. 109
114. On trouvera un choix plus complet de ces textes, accompagnés de leur tra
duction française, dans 2 R .Muller, Les Mégariques, p. 75-86 . Voir également
3 G . Giannantoni, SSR , fr. II B 1- 19. Traduction italienne des fragments par 4 L .
Montoneri, I Megarici, Catania 1984, p. 261-265. On trouve dans la version
arabe d 'un traité de Thémistius intitulé Réponse à Maxime au sujet de la réduc
tion de la deuxième et troisième figure à la première (traduit dans 5 A . Badawi,
La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, Paris 1968, 2e éd.
1987, p . 180 ) les noms d 'Eubolide (ou Euboulide) et de Ménélaus : ils auraient
nié la conversion des prémisses. Ce témoignage est absent des recueils de Döring
et de Giannantoni.
Datation. Plusieurs sources (fr. 59-62) font état de polémiques assez vives
contre Aristote . Si l'on admet (avec 6 K . von Fritz , Schriften zur griechischen
Logik, Stuttgart/Bad Cannstatt 1978, t. II, p. 97) que ces polémiques sont consé
cutives à la tentative d'Aristote de résoudre quelques-uns des « sophismes»
d 'Eubulide (le Voilé et le Menteur sont cités dans Réf. soph. 24 , 179 a 33 et 25 ,
180b2), on peut estimer que le Mégarique florissait dans la deuxièmemoitié du
IVe siècle av. J.-C . Compte tenu en outre de la date probable de composition des
Réf. soph. (I. Düring et R . A . Gauthier les situent tous deux avant 3484), on est
contraint de reculer la naissance d 'Eubulide au moins jusque vers 3700. D 'autre
part, l'information selon laquelle ce dernier aurait été le maître de Démosthène,
né en 384a, est assez controversée (voir fr. 51-56 et Döring 1, p . 102-103) ; si elle
devait néanmoins être acceptée, il faudrait placer la naissance du mégarique
avant 390a environ , ce qui ne serait d 'ailleurs pas incompatible avec les polé
miques contre Aristote, et permettrait même de faire d 'Eubulide un élève direct
d'Euclide de Mégare ( » E 82 (cf. fr. 50). Il est plus difficilement concevable, en
revanche, qu'il ait assisté au procès de Socrate (fr.66 ;mais il est douteux qu 'il
s'agisse du mégarique).
Euvres. Les écrits contre Aristote sont mentionnés sans titre, et désignés
diversement (Bibríov, fr.60 ; oúrypauna, fr.61;nóros, fr.62). « Eubulide le
dialecticien » apparaît aussi dans une citation d ' Athénée comme l'auteur d ' une
comédie intitulée Kwuaotaí (« Les fêtards» , R . Kassel et C . Austin , PCG V ,
1986 , Eubulides, p. 186 , fr. 1); mais on peut comprendre aussi qu'il était un per
sonnage de la pièce (fr. 57 ; voir l'apparat). Diogène Laërce attribue d'autre part
(fr.67) un Iepi Aloyévous à un certain Euboulidès (2E 71), dont on ne sait s'il
s 'agit du mégarique (cf. Döring 1, p . 114 ). Quant à la production la plus impor
tante d 'Eubulide, ses arguments ou questions dialectiques, Diogène Laërce se
contente d ' en faire mention sans les rapporter à des ouvrages particuliers (fr. 64
65).
École, disciples, influence. Eubulide appartient sans conteste à la tradition
mégarique : il est présenté par Diogène Laërce comme un successeur d 'Euclide
E71 EUBOULIDÈS DE MILET 247
( P + E 82 ] (fr. 50 ), sans toutefois qu 'on puisse assurer qu'il en ait été l'auditeur
(cf. ci-dessus “ Datation") : il eut pour élèves Euphante d'Olynthe (» E 125 ] (fr.
68 ) , Apollonios de Cyrène [ A 276 ] (fr. 96 ), et sans doute aussi Alexinos d 'Élis
(> A 125 ), malgré l' imprécision du mot oladoxń (fr. 73 ;mais il est cité avant
les deux autres, dans un contexte où il est manifestement question des « audi
teurs » d 'Eubulide). Cette position d ' intermédiaire entre le fondateur et les der
niers mégariques n 'est pas la seule raison de l'importance d'Eubulide : si ce que
nous savons de ses attaques contre Aristote ne plaide pas d'abord en sa faveur
(cf. fr. 60 ), son activité de logicien et en particulier l' invention des arguments
dialectiques cités aux fr. 51 A , 64 et 65 , méritent considération . On est en effet
de moins en moins porté aujourd 'hui à n 'y voir que vains sophismes: on sait par
exemple que le Menteur a ressurgi dans les discussions du début de notre siècle
sur les fondements des mathématiques (cf. 7 A . N . Whitehead et B . Russell,
Principia Mathematica, t. I,Cambridge 1910, p. 60 ; 8 A . Tarski,« Le concept de
vérité dans les langages formalisés », trad. franç. d ’un article publié en 1933 (en
polonais) et 1936 (en allemand ), dans Logique, sémantique, métamathématique,
Paris 1972 , t. I, p. 159 -269, spéc. p . 164- 171; 9 A . Koyré, Épiménide le Men
teur, Paris 1947) ; interprétation mathématique aussi pour le Sorite ou le Chauve
( 10 E . W . Beth, « Le paradoxe du Sorite d'Eubulide de Mégare» , dans La vie , la
pensée. Actes du Vire congrès des Sociétés de phil. de langue franç., Paris 1954 ,
p. 237 -241 ; voir aussi 11 J.Moline, « Aristotle, Eubulides and the Sorite » ,Mind
78, 1969, p. 393-407, et 12 G . Sillitti, « Alcune considerazioni sull'aporia del
sorite » , dans G . Giannantoni ( édit.), Scuole socratiche minori e filosofia elle
nistica, Bologna 1977, p. 75-92); les discussions contemporaines concernant
l'« opacité référentielle » (13 W . V . O . Quine, Word and object, Cambridge,
Mass ., 1960, p. 141-146 ; trad. franç. Lemot et la chose , Paris 1977, p. 207 -212)
donnent également un éclairage inattendu au problème de l'identité tel que le
soulèvent l'Électre ou le Voilé , pourtant considérés d'habitude comme de mau
vaises plaisanteries (les exemples très frappants de Quine sont repris et discutés
sous l'angle de l'opacité liée aux modalités par 14 J. L . Gardies, Essai sur la
logique des modalités, Paris 1979, p. 215-228); et le Cornu lui-même présente
des propriétés formelles intéressantes à étudier dans le contexte de la naissance
de la logique des propositions (voir Muller 2, p . 118). D 'un autre côté, il est vrai
que la part prise par Eubulide à la création de ces arguments est difficile à
cerner : le matériau est parfois antérieur (pour le Sorite, cf. l'argumentde Zénon
rapporté par Aristote, Phys. VII 5 ; 250 a 19 -25 , et Simplicius, in Phys. p . 1108,
18 Diels ; pour le Menteur, cf. 15 A . Rüstow , Der Lügner, Erlangen 1910, p. 19
39), et plusieurs d'entre eux sont attribués à Diodore Cronos (BD 124), à Philon
de Mégare ou à Alexinos d 'Élis [PA 125 ] (fr. 109, 110 ; cf. aussi fr. 77 et 84),
ainsi qu 'aux stoïciens (fr. 65 ; cf. D .L . VII 82, 196 - 198, etc.) ; mais on notera
que, pour les philosophes du Portique, il s'agit plutôt de tentatives de solution et
que, si le fr. 64, pris à la lettre, n 'affirme pas qu'Eubulide ait été le premier à
poser les arguments en question , il suggère au moins que le mégarique a
contribué de façon significative à leur élaboration et à leur diffusion (la citation
248 EUBOULIDÈS DE MILET E 71
du poète comique anonyme du fr. 51 A va dans le même sens; et Rüstow 15,
p . 39 et 43, fait remarquer qu 'aucun des arguments du fr. 64 ne figure tel quel
dans l'Euthydème de Platon, alors que les Réf. soph ., on l'a vu, en mentionnent
deux).
Études d'orientation, bibliographie. La brève étude de 17 P. Natorp , art.
« Eubulides» 8 , RE VI 1, 1907, col. 870,mérite d ' être consultée au moins pour
la bibliographie.Mise au point, commentaire des fragments et bibliographie plus
récente dans Döring 1 , p. 105 -114, et Muller 2 , p. 110-119 . Aux travaux cités ci
dessus, on peut ajouter 17 K . von Fritz , art. « Megariker » , RESuppl. V , 1931,
col. 707-724 (spéc. col. 710 -715), art. repris dans von Fritz 6 , p. 75 -92 ; 18 F .
Rivetti Barbo, L 'antinomia del mentitore nel pensiero contemporaneo, Milano
1961; 19 D . Zaslawsky, Analyse de l'être, Paris 1982 (surleMenteur, p . 72 -83) ;
20 K . Döring et Th . Ebert (édit.), Dialektiker und Stoiker. Zur Logik der Stoa
und ihrer Vorläufer, Stuttgart 1993 ; 21 W . Kuenne, « Megarische Aporien für
Freges Semantik .Über Präsupposition und Vagheit » , Zeitschrift für Semiotik 4,
1982, p. 267-290 (sur l'intérêt intrinsèque des arguments mégariques du Cornu,
du Sorite et du Chauve); 22 C .Zimmer, « Die Lügner-Antinomie in Titus I, 12 » ,
Linguistica Biblica 59, 1987 , p. 77 -99. Voir encore : 23 M . F . Burnyeat, « Gods
and heaps », dans M . Schofield et M . C . Nussbaum (édit.), Language and logos.
Studies in ancient Greek philosophy presented to G . E .L . Owen , Cambridge
1982, p. 315 -338 ( sur le sorite chez Euboulidès); 24 G . Giannantoni, « La pole
mica antimegarica nel XXVIII libro Della natura di Epicuro » , CronErc 13,
1983, p. 15 - 19 (fr. 13 Sedley) ; 25 K . Döring, « Sokrates, dis Sokratiker und die
von ihnen begründeten Traditionen » , GGP, Antike 2/1, p. 215- 218 , avec
bibliographie p . 349.
ROBERTMULLER .
72 EUBOULOS
Diogène Laërce VI 30 attribue à un certain EŰbovios, inconnu par ailleurs,
une Vente de Diogène où l'auteur exposait les principes éducatifs appliqués par
Diogène le Chien (™D 147) quand il était le précepteur des enfants de Xéniade.
G . Ménage, ap. H .G . Hübner ( édit), Commentarii in Diogenem Laertium ,
Leipzig 1830-1833, t. IV, p. 20 , a proposé de corriger EŰbovhoç dè en Eŭbov
aíons, car en VI 20, Diogène Laërce fait allusion à un lepi Aloyévous d'un
certain Euboulidès (» E 70) . La correction a été refusée par certains (Th .
Gomperz, K . von Fritz, H .Maier par exemple ), mais admise par d'autres (Ed .
Zeller, F . Leo , W . Croenert notamment). Voir G . Giannantoni, SSR , t. IV , note
44, p. 454-455.
Je suggère une identification possible de l'Eubule de Diogène Laërce VI 30 avec le poète
comique athénien (RE 14 ) homonyme du IVe siècle av. J.-C . Celui-ci en tout cas ne s'inter
disait pas de parler des cyniques, si l' on en juge par ce vers tiré de son Pentathle : vódos ,
audidovaos, oùdauodev I oúdeiç, xúwv, « Bâtard, esclave des deux côtés, venu de nulle part,
homme de rien, chien » (fr. 86 a Hunter = PCG V, 1986 , Eubulus, fr. 85). Mais, à en juger par
le passage de Diogène Laërce VI 30, l'auteur de la Vente de Diogène écrivait en prose.
E 74 EUBOULOS D 'ALEXANDRIE 249

On peut se demander si l'extrait d 'Eubule reflète les vues pédagogiques


authentiques de Diogène ou s'il est le résultat d 'une fabrication ultérieure (cf. R .
Höistad, Cynic Hero and Cynic King. Studies in the Cynic Conception of Man ,
Uppsala 1948, p. 132-134; M .-O . Goulet-Cazé, L 'ascèse cynique, Paris 1986 ,
P . 83- 84 ) .
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
3 EUBOULOS ІІa
Académicien inconnu, disciple de Lacydès et frère d'Apollonios (P- A 278 ) de
Cyrène (?),mort sous l' archontat d' Aristophon en 143/2 (Philod., Acad. hist. col.
O 20 -22 = Lacydès T 26 19 sq. Mette ). Cf. T . Dorandi (édit.), Filodemo : Platone
e l'Academia , p . 66 .
TIZIANO DORANDI.

14 EUBOULOS RESuppl. VIII :17a et RE 15 M III


A . Diadoque platonicien d'Athènes (Porphyre , Vita Plotini 15, 18). Il envoya
des ouvrages traitant de questions platoniciennes à Plotin à Rome. Plotin les fit
remettre à Porphyre (entre 263 et 268, puisque Porphyre est à l' école de Plotin )
pour qu 'il les examine et fasse un rapport sur leur contenu.
Dans la préface de son livre Sur la fin , Longin classe Eubule (Vita Plotini 20,
40) parmi les philosophes qui se sontcontentés de faire progresser leurs disciples
dans la compréhension de leurs opinions, sans consigner celles-ci par écrit.
Quelques lignes plus loin cependant, il lui attribue un traité Sur le Philèbe, le
Gorgias et les objections d 'Aristote contre la République de Platon , mais en
ajoutant que, tout comme Origène (le Platonicien), Eubule regardait l' écriture
comme une tâche secondaire.
B . Dans le De antro nympharum (6 , p. 60, 1 - 14 Nauck ?) et dans le De absti
nentia (IV 16 , p. 253, 19 sq . Nauck ?), Porphyre présente Eubule comme l' auteur
d 'une Enquête surMithra (' lotopía nepi toŨ Mlepa ću norois Bibious),
dont l' ampleur devait être considérable (cf., sur le sujet, R . Turcan , Mithras
platonicus, Leiden 1975, p . 23-43).
Cf. F . Jacoby, art.« Eubulos » 15, RE VI 1, 1907, col. 878 -879.
LUC BRISSON .
75 EUBOULOS D 'ALEXANDRIE RE 16 MIT ?
L ' unique mention conservée de ce philosophe se trouve chez Diogène Laërce
dans sa Vie de Timon (IX 116 ). Il y figure dans le cadre d'une liste de sceptiques
pyrrhoniens, dont chacun est présenté commel'“ auditeur" du précédent, liste qui
commence avec Euphranor (de Seleucie) et se termine avec Saturninus, auditeur
de Sextus Empiricus. Eubule, d 'après ce texte, a été l'auditeur d ’Euphranor, et il
a eu lui-même pour auditeur Ptolémée (de Cyrène). Ces deux philosophes sont
mentionnés plus haut (IX 115 ), cette fois avec leur toponyme: selon Ménodote ,
Timon de Phlionte , le principal disciple de Pyrrhon , n' avait pas eu de “ succes
seur” (dládogoc), et le “mouvement” (âywyń ) pyrrhonien avait subi une longue
250 EUBOULOS D 'ALEXANDRIE E 75
éclipse, avant d' être ressuscité par Ptolémée de Cyrène ; selon Hippobote et
Sotion , Timon avait eu plusieurs “ auditeurs” : Dioscouridès de Chypre
(2D 203),Nicoloque de Rhodes, Euphranor de Séleucie ( E 130 ) et Praýlus de
Troade.
L 'ensemble de la section IX 115 - 116 , dans Diogène Laërce, comprend des
noms très connus et d ' autres (comme celui d 'Eubule ) très peu connus ; cette
section a été étudiée de près par la plupart des historiens du scepticisme. Cf.
surtout 1 P. L . Haas, De Philosophorum Scepticorum Successionibus eorumque
usque ad Sextum Empiricum Scriptis, Würzburg 1875 ; 2 V . Brochard , Les scep
tiques grecs, 2e éd ., Paris 1923, p. 227 -240 ; 3 W . von Kienle , Die Berichte über
die Sukzessionen der Philosophen in der hellenistischen und spätantiken Litera
tur, Berlin 1961; 4 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, coll. « Hypo
mnemata » 56 ,Göttingen 1978, p. 351-354 ;5 W . Görler, GGP Antike 4, p. 771
773.
D 'après l'analyse de Glucker 4, largement approuvée par Görler 5, il faut
distinguer dans le texte de Diogène Laërce : ( 1) une information (IX 115) digne
de foi, celle qui provient de Ménodote (célèbre médecin " empirique", IP) :
Timon , qui n 'avait rien d 'un chef d ' école, n ' a pas eu de oládoxos, et le “mou
vement” sceptique a végété pendant une longue période ( en revanche, il est peu
probable que la “ résurrection " du pyrrhonisme ait été due à Ptolémée de Cyrène,
plutôt qu 'à Énésidème (ME 24 ) , comme le pensent au contraire tous les auteurs
modernes, à la suite d 'Aristoclès, cité par Eusébe, P . E . XIV 18 , 29); ( 2) une
information (IX 115 ) provenant d 'Hippobote (2H 148 ] (fr. 22 Gigante ) et de
Sotion (fr. 33 Wehrli), qui n'estpas incompatible avec la précédente : Timon, s'il
n 'a pas eu de “ successeur" officiel, a eu des “auditeurs” ; ( 3) la liste (IX 116 ) des
" successeurs” d'Euphranor, jusqu 'à Saturninus (cf. le tableau généalogique et
chronologique fourni dans DPhA II, p. 883, s.v. Dioscouridès de Chypre). Pour
des raisons qui tiennent à l'organisation du texte de Diogène Laërce et à ses
invraisemblances chronologiques (cf. Brochard 2, p. 229-230 ), cette liste ne peut
bénéficier , même dans ses premiers chaînons, de l'autorité d 'Hippobote
(2 + H 148 ] (dont la date est controversée, cf. le résumédes positions et des réfé
rences dans 6 F. Aronadio, « Due fonti laerziane : Sozione e Demetrio diMagne
sia » , Elenchos 11, 1990 , p. 222 n .49: fl. F ira - Ila ou F 1^) et de Sotion (fl. entre
2008 et 1704). Cette liste est sans doute une fabrication tardive, chronologique
ment insatisfaisante, mais utilisant des noms de personnages réels, et destinée à
rattacher par une lignée apparemment ininterrompue de philosophes et de méde
cins le scepticisme néo -pyrrhonien de l'époque de Sextus Empiricus à son
ancêtre revendiqué, Pyrrhon . Les liens établis par cette liste largement artificielle
entre Eubule , son “maître” Euphranor et son " auditeur” Ptolémée ne peuvent
donc être acceptés qu 'avec beaucoup de réserves.
La mention d'Eubule , dans ce contexte , n 'est cependant pas dépourvue de
tout contenu documentaire. Il faut souligner qu 'il est natif d' Alexandrie , et qu'il
est le premier de la liste à être signalé comme tel: Alexandrie est aussi le lieu où
Énésidème a exercé son activité philosophique (cf. Aristoclès, loc. cit.), et il est
E 77 EUBOULOS D 'ÉRYTHRÉES 251
probable que Sextus Empiricus y a séjourné (cf. A. M . I213, X 15). Il est généra
lement admis, depuis 7 E . Pappenheim , « Der Sitz der Schule der pyrrhoneischen
Skeptiker » , AGPh 1, 1888, p. 37-52, que l'activité de l' école” pyrrhonienne (si
tant est qu 'il ait existé quelque chose de tel) s'est déroulée principalement à
Alexandrie . Serait-ce à partir d’Eubule ?
Il est plus difficile de déterminer si Eubule fut aussi un médecin de l'école
empirique, comme plusieurs personnages explicitementmentionnés comme tels
dans la “ succession” (Ménodote , Sextus Empiricus, Saturninus), et commeaussi,
sans doute , quelques autres membres de cette “ succession ” (Ptolémée de Cyrène,
Héraclide maître d'Énésidème (» H 54), à supposer qu’on identifie celui-ci avec
Héraclide de Tarente , Zeuxis, Théiodas de Laodicée). Il est hautement vraisem
blable que cette succession ayant précisément pour fonction d'arrimer solide
ment la tradition de la médecine empirique à la philosophie sceptique, les per
sonnages qui y sontmentionnés doivent être « des médecins ayant des intérêts
philosophiques et des philosophes ayant des intérêts médicaux » , même si la
distinction « n 'est pas facile à tracer» (8 F. Decleva Caizzi, « Aenesidemus and
the Academy» , CQ42, 1992, p. 178 et 187 n. 47). Mais, en l'absence de don
nées supplémentaires, il est impossible de trancher un cas particulier, comme
celui d 'Eubule . Certes, on faisait parfois remonter l'alliance du scepticisme et de
l'empirismemédical jusqu 'à Timon lui-même (cf. Diogène Laërce IX 109- 110 ;
Galien , De subfiguratione empirica I = K . Deichgräber, Die griechische Empiri
kerschule , Berlin 1930 , p. 43), ce qui encouragerait à supposer qu 'Eubule a été
un médecin , comme les autresmembres de la liste . On notera cependant, avec
Brochard 2 , p . 235, que, dans le texte de Diogène Laërce, le premier médecin
empirique désigné comme tel estMénodote de Nicomédie , qui ne vient que sept
" générations” après Eubule.Ce qui incite , une fois encore , à la prudence.
JACQUES BRUNSCHWIG .
16 EUBOULOS D ’ÉPHÈSE RE 17 ІІa
Académicien , fils de Callicrate et disciple de Lacydès et de Téléclès. Selon
Apollodore ( A 244), il mourut sous l'archontat d'Alexandre (174/3), quelques
mois après son homonyme d 'Érythrées ( E 76 ] (Philod., Acad. hist., col. O 22
24, 29 -31; M 14 -17 ; 26 , 33 = 29, 6 sq. ; 27, 33 sq.; 28, 1-4 et 16 (?) = Lacydès
T 25 12-13, 19-21, 24-25 ; T 2a 15 , 18 -22Mette ; Carn . T 3a 9 sq.Mette ). Cf. H .
von Arnim , art. « Eubulos » 17, RE VI, 1907, col. 879 ; T . Dorandi (édit.), Filo
demo : Platone e l'Academia , p. 65 -66 .
TIZIANO DORANDI.
77 EUBOULOS D ’ÉRYTHRÉES
Académicien, fils d'Anténor et disciple de Lacydès et de Téléclès. Selon
Apollodore (* A 244), il mourut sous l'archontat d 'Alexandre (174 /3), quelque
mois avant son homonyme d 'Éphèse ( + E 76 ] (Philod., Acad. hist., col. O 22-24,
29-31 ; M 14 - 17 ; 27 , 33 - 28, 1 = Lacydès T 2b 12- 13, 19 -21, 24-25 ; T 2a 15 ,
18-22 Mette ). Cf. T. Dorandi (édit.), Filodemo : Platone e l' Academia , p . 65 -66 .
TIZIANO DORANDI.
252 EUBOULOS DE MESSÈNE E 78
78 EUBOULOS DE MESSÈNE (ou de MESSINE ?)
Jamblique, V. pyth. 27, 127; p. 72, 20 -73, 1 Deubner (cf.DK 58 d 7), raconte ,
pour illustrer les liens d'amitié qui unissaient les pythagoriciens entre eux ,
l'anecdote d'Euboulos de Messène : alors qu 'il faisait voile sur le chemin de
retour vers sa patrie, il fut capturé par des pirates tyrrhénéens et conduit par eux
en Étrurie (Tyrrhénie ), où il fut sauvé par le Tyrrhénien Nausithoos (voir le cata
logue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267 ; p . 146 , 14 Deubner), un pythagoricien
qu' il ne connaissait même pas. Ce dernier le fit rentrer à Messène en toute
sécurité . Euboulos ne figure cependant pas dans le catalogue de Jamblique.
BRUNO CENTRONE.
79 EUCAIROS (ou EUCAIRIOS) Iva
« Auditeur d 'Aristote » .
La liste des æuvres d' Aristote transmise par Hesychius (cf. DPHA I, p . 431)
signale au n° 168 : Evuuixtwv (ntnuárwv oß ', üç nolu Eűxalpos o
åxovotns aútoŨ , Questions mélangées en 72 livres, comme le dit Eucairos son
auditeur.
H . Flashar, Aristoteles, Problemata physica, übersetzt von H .F ., Berlin 1962, p . 312 n. 4,
propose de lire o ' ß < ibaia > , 70 livres.
Élias, in Categ., p . 114, 12 (sur p. 24 b 8), donne, comme exemple d 'écrits
hypomnématiques composites (troixina ), les soixante -dix livres de Questions
mélangées dédiés à Eucairios (uç tà npòs Etxaiptov aútõ yeypapuéva
εβδομήκοντα βιβλία Περί συμμίκτων ζητημάτων).
Voir P.Moraux, Les listes anciennes des ouvrages d 'Aristote, coll. « Aristote
- Traductions et Études» 4, Louvain 1951, p . 117 n. 17 et p. 166 .
RICHARD GOULET.
80 EUCLIDE RE 7 IIIa
Mathématicien du début de l'époque hellénistique,auteur d 'une encyclopédie
mathématique. Il est surtout connu pour sa composition des éléments, incon
testablement l'un des plus célèbres ouvrages de l'histoire des mathématiques.
PROSOPOGRAPHIE
Biographie. Voir 1 J.L . Heiberg , Litterargeschichtliche Studien über Euklid ,
Leipzig 1882 , en particulier p. 25-28 ; 2 F . Hultsch, art. « Eukleides» 7, RE VI 1,
1907, col. 1003- 1052, en particulier col. 1003 -1005 ; 3 T. L . Heath (trad.),
Euclid , The Elements, trad. angl. et comm . par T. L . H ., t. I, 2e éd .,London 1926 ;
réimpr. New York 1956 , 3 vol., vol. I, p. 1-6 ; 4 P .M . Fraser , Ptolemaic Alexan
dria , Oxford 1972, 3 vol., en particulier, vol. I, p . 386 - 390 , et vol. II, p. 563-568 ;
5 1. Bulmer- Thomas et J. E. Murdoch , art. « Euclid » , DSB IV , 1971, p. 414 -459
(comprend : “Life and Works” par I. B . T., p. 414-437 ; “ Transmission of the
Elements” par J. E .M .), en particulier p. 414 -415 ; 6 M . Caveing, « Introduction
générale» dans Euclide d 'Alexandrie , Les Éléments. Traduits du texte de
E 80 EUCLIDE 253
Heiberg , coll.« Bibliothèque d'histoire des sciences» , Paris, vol. I, 1990, p. 13
148. Voir en particulier, vol. I, p. 13- 18 .
On ne sait rien sur le lieu d 'origine d 'Euclide, ni sur sa famille . Le fait qu'il
ait composé une sorte d' encyclopédie mathématique suggère évidemment qu 'il a
enseigné, mais on ne sait ni où ni avec qui il a appris lesmathématiques. Pappus
affirme qu 'Apollonius de Pergè (l'auteur des Coniques) avait étudié longuement
avec les disciples d 'Euclide à Alexandrie (7 F . Hultsch [ édit.), Pappi Alexandrini
collectionis quae supersunt, Berlin , 1876 - 1878, p . 678 , 10-12. Selon Hultsch il
s ' agit d 'une interpolation ). Les modernes en déduisent qu 'Euclide lui-même
avait enseigné dans la capitale des Lagides. D ' autre part, une anecdote rapportée
par Proclus met en scène Euclide et le premier Ptolémée (voir infra Chrono
logie ).
D 'où une reconstruction assez généralement admise et vraisemblable mais
tout à fait hypothétique: Euclide aurait été invité par Ptolémée , comme d'autres
savants , et serait en quelque sorte le fondateur de l'« école » mathématique
d 'Alexandrie, dont on connaît toute une lignée de représentants, des débuts de
l' époque hellénistique jusqu'à son extinction à l' époque de Théon d 'Alexandrie
et de sa fille Hypatie (ⓇH 175 ), morte en 415 . Au demeurant on ne sait rien de
cet enseignement, s'il était public ou privé, dans le cadre du Musée ... ni sur les
relations qu 'Euclide aurait pu avoir avec des collègues d 'autres spécialités. Le
témoignage de Pappus ne permet pas de trancher, mais suggère une continuité
professorale au moins sur deux ou trois générations. La préface d ' Apollonius au
premier livre des Coniques cite Euclide (8 J. L . Heiberg [édit.), Apollonii Pergaei
quae Graece exstant cum commentariis antiquis (Eutocius), I- II, coll. BT,
Leipzig 1891-1893 ; réimpr. Stuttgart 1974, p . 4 , 13- 16 . C 'est l'une des plus
anciennes sinon la plus ancienne mention du nom d 'Euclide). Elle atteste
qu'Apollonius connaissait (au moins en partie ) l'euvre de l'auteur des Élé
ments ; on peut considérer qu'elle corrobore l'information de Pappus, ou, à l'in
verse , que cette citation est à l'origine de ce qui ne serait qu 'une reconstruction
de la part de Pappusou de ses sources. Un autre témoignage de ce qu 'Apollonius
a travaillé dans la « tradition » euclidienne est contenu dans une scholie aux
Données d'Euclide (Heiberg 13, VI, p . 264 , 2-3): les Définitions 13-15 auraient
été ajoutées par Apollonius. Enfin il paraît très problable que la contribution
d'Apollonius à la théorie des irrationnelles s'inscrit dans la continuité, au moins
intellectuelle sinon livresque, du Livre X des Éléments d 'Euclide (voir Vitrac,
16 ,t. III, p . 399-411).
Le lien ainsi établi entre Euclide et Alexandrie , outre sa vraisemblance histo
rique, a un avantage fonctionnel:marquer la différence entre le mathématicien et
certains de ses plus célèbres homonymes, le philosophe de Mégare ( 2 E 82) d 'un
siècle son aîné environ ,ou l'archonte athénien de 403/2.
Chronologie. Avec des informations biographiques aussi pauvres, on ne doit
pas s'étonner que la datation du mathématicien reste approximative (voir
Bulmer - Thomas 5 , p. 432 n. 13). Elle est déterminée par la conjonction du
témoignage de Pappus déjà cité – qui lie en quelque sorte la chronologie de
254 EUCLIDE E 80
l'Alexandrin à celle d'Apollonius de Pergè - et du texte fondamental de Proclus
(ve siècle de notre ère) dans son commentaire au Livre I des Éléments (9 G .
Friedlein ( édit.], Procli Diadochi in primum Euclidis Elementorum librum Com
mentarii, coll. BT,Leipzig 1873 ; réimpr. Hildesheim 1967, p. 68, 6-20. Sur les
problèmes philologiques posés par ce texte et les différentes interprétations
qu 'ils rendent possibles, voir Heath 3, p. 1 n. 3 ; Fraser 4 , p. 386 - 387 et n.82-83,
p . 563- 565; Bulmer- Thomas 5, p.432 n . 8):
« Pas beaucoup plus jeune que ceux- ci [= les disciples de Platon ) est Euclide, celui qui ras
sembla les Éléments (ó tà otoryeta ouvayayov) et qui, d'une part,mit en ordre beaucoup de
théorèmes d'Eudoxe ( E 98 ), d 'autre part perfectionna beaucoup de ceux de Théétète , et
encore éleva les plus faiblement démontrés par ceux d'avant lui jusqu 'à des démonstrations
irréfutables. Cet homme- là vivait du temps du premier Ptolémée ; car Archimède, suivant de
très près aussi le premier Ptolémée, mentionne Euclide, et remarquons qu 'on dit que Ptolémée
lui (Euclide) demanda une fois s'il y avait, en ce qui concerne la géométrie , quelque chemin
plus court que l' Enseignement des Éléments (el tíc łotiv tepi yewuetplav odos ouvrouw
répa tñs oTOLYELÁGEW ); et il répondit : pas de sentier royal vers la géométrie ! Il est donc
d 'une part plus jeune que les disciples de Platon , d'autre part plus âgé qu 'Eratosthène ( E 52 )
et Archimède ; car ceux-ci sont contemporains, comme le dit quelque part Ératosthène» .
Manifestement Proclus ne dispose pas de sources historiques précises concer
nant l'auteur qu 'ilcommente. Il est contraint de procéder par encadrement entre,
d 'une part, les disciples de Platon que sont Hermotime de Colophon (BH 99a) et
Philippe de Medma (Philippe d'Oponte ), et, d'autre part, Archimède (ca 287 –
212 ) et son correspondant Ératosthène [ E 52 ] (ca 275 -ca 195). Outre
l'amplitude importante de la fourchette ainsi définie, les interprètes les plus
pessimistes se plaisent à souligner :
- que la même anecdote à propos du long apprentissage de la géométrie est
rapportée en mettant en scène Ménechme (Ménaichmos) et Alexandre (apud
Stobée , Anthol. II 31, 114 ; t. II, p. 228, 30 -33Wachsmuth ), et donc qu'il ne faut
pas accorder trop de poids à ce qui n 'est qu 'un lieu commun ;
- que la citation d 'Euclide par Archimède à laquelle se réfère Proclus, s'il
s'agit bien de celle que l'on lit dans la Proposition 2 du Livre I du traité Sur la
sphère et le cylindre, est manifestement une interpolation dans le texte d' Archi
mède et qu'il n 'y a donc pas d 'indice sûr qu’Euclide précède Archimède.
Ces considérations sont hypercritiques et, à tout le moins, non décisives. Les
anecdotes ont justement comme fonction de déterminer la chronologie par le
biais du synchronisme entre les personnages politiques ( et/ou célèbres) et les
autres. Il y aurait de bonnes raisons de rejeter ce genre de récits s'ils mettaient en
scène tantôt Euclide et Ptolémée tantôt Euclide et Alexandre... Justement il n 'en
est rien : ils soulignent la contemporanéité de Ménechme et d 'Alexandre (qu 'il
n 'y a pas lieu de mettre en doute ) et celle d 'Euclide avec le premier Lagide.
Quant à la citation d ’Euclide par Archimède dans le traité Sur la sphère et le
cylindre, il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'une interpolation et c'est la seule
que nous puissions repérer dans les æuvres du Syracusain qui nous sont parve
nues, . .. ou presque ! Dans un petit traité conservé uniquement en arabe, et
publié récemment (10 Y . Dold -Samplonius et alii [édit.), Archimedes, Opera
E 80 EUCLIDE 255
Omnia , vol. IV , “ Sur les cercles mutuellement tangents” , coll. BT, Stuttgart
1975, p. 17 , 15- 17), le texte invoque « une Proposition du Livre III de l' écrit
d 'Euclide intitulé Éléments » . Bien entendu il peut également s'agir d 'une glose
ancienne, ou même d'un ajout du traducteur, ou d'un commentateur arabe.Mais
cela nous rappelle opportunément que plusieurs traités d' Archimède ne nous
sont pas parvenus et qu'il faut rester prudent et neutre face à l'affirmation de
Proclus .
Même si l'on admet les indications de Proclus et que l'on place l'activité
d 'Euclide dans les premières décennies du Ilie siècle avant notre ère, la chrono
logie ainsi fixée reste assez imprécise. Ces indications sont compatibles avec une
date de naissance comprise entre 340 et 315. D 'où la recherche de précisions
supplémentaires.
Une première tentative consiste à comparer Euclide et Autolycos de Pitane,
auteur de deux petits traités d 'astronomie élémentaire qui nous sont parvenus, La
sphère en mouvement et Au sujet des levers et couchers héliaques. Hultsch 2,
col. 1004, a fait remarquer qu 'Euclide, dans ses Phénomènes, cite , sans mention
d 'auteur, plusieurs résultats que l'on trouve dans le traité de sphérique d'Auto
lycos. Autolycos serait donc antérieur à notre auteur. La déduction est fragile ,
car rien n 'exclut un emprunt commun à une source antérieure (il y a même de
bonnes indications en ce sens). Au demeurant, elle est assez inutile, car la
chronologie d'Autolycos – essentiellement déterminée par le fait que l'astro
nome fut le professeur d 'Arcésilas (* * A 302), fondateur de la Moyenne
Académie – n 'est guère mieux assurée que celle d 'Euclide.
Une autre tentative consiste à exploiter davantage le témoignage de Pappus et
à donner une interprétation chronologique assez stricte de l'affirmation selon
laquelle Apollonius étudia avec les disciples d' Euclide. Cela n 'impliquerait pas
seulement un enseignement dans l'esprit euclidien ,mais signifierait aussi qu 'une
génération exactement séparait l'auteur des Éléments et celui des Coniques, soit
entre une vingtaine et une soixantaine d' années selon la différence d'âge que
l'on postule entre maîtres et disciples. Traditionnellement on considérait qu 'A
pollonius était né vers 265-260, ce qui impliquait déjà une chronologie assez
« basse » pour Euclide (voir Fraser 4 , p. 565 n . 84 ). Quiplus est, des discussions
récentes ont descendu d'une vingtaine d'années la date de naissance du géomètre
de Pergè (voir 11 G . J. Toomer, art. « Apollonius of Perga », DSB I, 1970, p . 179
193, en part. p . 179, et 12 O . Neugebauer, A History of AncientMathematical
Astronomy, Berlin /Heidelberg New York 1975, vol. I, p. 262). Dans l'hypothèse
envisagée , Euclide serait né à la fin du IVe siècle et ce serait avec un tout jeune
homme que le roi Ptolémée († 2859) aurait discuté de l'enseignement de la
géométrie !
De ces quelques bribes d'informations et de ces nombreuses spéculations des
modernes on retiendra qu'Euclide vécut et enseigna vraisemblablement à
Alexandrie, et qu'il était sans doute plus âgé qu'Archimède et Ératosthène. Il
était donc certainement contemporain d' Aristarque de Samos ( 4A 345) et de
Straton de Lampsaque .
256 EUCLIDE E 80

EUVRES
Éditions critiques . 13 J.L . Heiberg et H . Menge (édit.), Euclidis opera
omnia, coll. BT, Leipzig : 1. Elementa I-IV (1883); II. EI. V - IX (1884); III. El. X
( 1886 ); IV . El. XI-XIII (1885); V. El. XIV -XV, Scholia, Prolegomena critica
( 1888 ) ; VI. Data, Marini Commentarius in Eucl. “ Data " (1896 ) ; VII. Optica,
Opticorum recensio Theonis, Catoptrica (1895) ; VIII. Phaenomena, Scripta
musica, Fragmenta (1916 ).
14 E . S. Stamatis ( édit.), Euclidis Elementa , post Heiberg edidit E. S.S., coll.
BT, Leipzig: I. El. I-IV (1969); II. EI. V -IX (1970 ) ; III. El. X (1972) ; IV . El.
XI-XIII (1973); V , 1. Prolegomena critica, El. XIV -XV, Scholia in lib. I-V
(1977); V, 2. Scholia in lib. VI-XIII cum appendicibus (1977).
Listes d 'ouvrages reconstituées (voir Heiberg 1, p. 28 -55 , Heath 3, p . 7 -18,
Bulmer-Thomas 5 , p. 425-431, Caveing 6, p. 18-28).
Deux auteurs nous ont transmis des informations importantes sur les œuvres
attribuées à Euclide dans l'Antiquité, même s 'il ne s'agit pas exactement de
listes d 'ouvrages en tant que telles: Pappus et Proclus.
Pappusprésente et commente deux ensembles de textes mathématiques appe
lés traditionnellement Petite Astronomie (par opposition à l’Almageste de Ptolé
mée ) et Trésor de l'Analyse, respectivement dans les livres VI et VII de sa Col
lection . Dans le premier ensemble figurent les Phénomènes d'Euclide et Pappus
recourt également aux Optiques du même auteur dans ses lemmes. Le domaine
de l'analyse (ce que l'on peut considérer comme une partie de la géométrie non
élémentaire) a été créé par trois auteurs selon Pappus: Aristée l'Ancien, Euclide
et Apollonius. Dans l'ensemble des 33 livres qui constituent cette collection ,
Pappus cite en premier lieu les Données d 'Euclide (en 1 livre ), puis les Porismes
( en 3 livres) et les Lieux relatifs à une surface ( en 2 livres).
Quant à Proclus il consacre une « notice» biographique à l'auteur qu'il com
mente (voir l'extrait donné supra ) et, outre les Éléments, il mentionne d'autres
æuvres d'Euclide connues pour la rigueur de leur composition : les Optiques et
les Catoptriques, les Éléments de musique, le livre Sur les divisions (des figures]
(p. 68,23 -69,4 Friedlein ). Un peu plus loin (p . 70, 9 - 18 Friedlein ), il explique
qu 'Euclide avait également constitué un recueil de Faux Raisonnements à usage
cathartique et complémentaire par rapport aux Eléments.
Le « catalogue » ainsi établi couvre pratiquement toutes les sciences mathé
matiques distinguées par les Anciens: arithmétique, géométrie, astronomie ou
sphérique, musique ou canonique, optique,mécanique, telles qu ' elles sont articu
lées dans la classification dite de Géminus (MG 15 ) (transmise par Proclus
(p. 38, 2 -42, 8 Friedlein )mais dont on peutmontrer qu'elle était déjà esquissée
dans ses grandes lignes à l'époque d'Aristote). C 'est en ce sens que l'on peut
parler d'une « encyclopédie » mathématique, quoique la spécialité la plus repré
sentée dans le corpus euclidien soit évidemment la géométrie (pour la mécani
que, absente des deux listesmentionnées, voir infra).
E 80 EUCLIDE 257
- Éléments en 13 livres. L . I-IV : géométrie plane élémentaire; L . V : théorie
générale des proportions ; L . VI: géométrie plane des figures semblables; L . VII
IX : arithmétique ; L . X : grandeurs incommensurables et classifications des
lignes irrationnelles; L . XI: stéréométrie élémentaire ; L . XII : méthode dite
d'exhaustion et comparaison des figures solides simples; L . XIII : partage en
extrême et moyenne raison ; construction des cinq polyèdres réguliers. Voir infra
la section consacrée à ce très important traité .
Édition critique:Heiberg 13, I-IV , révisée dans Stamatis 14, I-IV .
Traductionsmédiévales: voir infra .
Traductions françaises : 15 J. Itard (trad.), Les livres arithmétiques d 'Euclide,
coll. Histoire de la pensée, Paris, t. X , 1961, et 16 B . Vitrac (trad .), Euclide
d 'Alexandrie, Les Éléments. Traduits du texte de Heiberg, traduction (franç.) et
commentaires par B. V., coll. « Bibliothèque d 'histoire des sciences» , Paris, t. I,
1990 (Livres I à IV : Géométrie plane), p. 151-519 ; t. II, 1994 (Livres V à IX :
Proportions et similitude ; arithmétique); t. III, 1998 (Livre X : Grandeurs com
mensurables et incommensurables, classification des lignes irrationnelles ).
Dans 17 J. Peyrard (trad.), Les æuvres d'Euclide (Éléments et Données), Paris
1819 ; réimpr. Paris 1966 , on trouve la traduction d 'un texte grec antérieur à
l'édition critique de Heiberg 13, I-IV .
- Données (AEdouéva ), non mentionnées par Proclus,mais commentées par
son disciple Marinus de Néapolis. Si l'on en croit ce dernier (Heiberg 13, VI,
p . 256 , 24-25), le traité avait déjà été commenté par Pappus.
Édition critique: Heiberg 13, VI, p. 2-187.
Traductions médiévales : les Données ont été traduites en arabe par Isḥāq Ibn
Hunayn à la fin du IXe siècle , traduction révisée par Tābit ibn Qurra. C 'est sans
doute cette version que Gérard de Crémone rendit en latin (le texte en est appa
remment perdu ). Ultérieurement Nasir at-Din at- Tūsi composa une recension
(tahrir ) du livre des Données (voir 18 F . Sezgin , Geschichte des arabischen
Schrifttums, Band V , Leiden 1974 , p. 116 ). Elles furent également traduites du
grec en latin au XIIe siècle, en Sicile selon toute vraisemblance. Voir 19 S. Ito
(édit.), The Medieval Latin Translation of The Data of Euclid . Éd . et trad . angl.
par S . I., Tokyo/Boston/Basel/Stuttgart 1980.
Traduction française dansPeyrard 17. Il s'agit de la traduction d 'un texte grec
antérieur à l'édition critique de Heiberg 13 , VI.
- Sur les divisions (des figures) (Ilepi dlalPÉDewv) estmentionné seulement
par Proclus (p . 69, 4 et 144, 24 Friedlein ). Il est perdu en grec, mais un traité
rédigé en arabe, avec le même titre et attribué à Euclide, a été retrouvé et publié
par 20 F .Woepcke, « Notice sur des traductions arabes de deux ouvrages perdus
d 'Euclide » , JA , sept.-oct. 1851, p. 217 -247, en particulier, p . 233 -247. Il a été
identifié avec le traité d 'Euclide. Sans doute avait-il été traduit en latin par
Gérard de Crémone; une version latine était connue de J. Dee (1527- 1608 ) et F .
Commandino (1509- 1575), peut-être même de Léonard de Pise (ca 1170 -1240).
Voir Heath 3, p. 8 -10 .
258 EUCLIDE E 80

Restauration : 21 R . C . Archibald , Euclid 's Book on the Divisions of Figures


with a restoration based on Woepcke 's text and on the Practica geometriae of
Leonardo Pisano, Cambridge 1915.
Telles sont les œuvres arithmétiques et géométriques conservées. Les autres
traités géométriques attestés par les sources anciennes sont perdus :
- Les quatre livres de Coniques ( Tà Eůxheídov Bußria 8' xwvixõv), men
tionnés par Pappus (p .672, 18 Hultsch ), mais manifestement repris et dévelop
pés dans les quatre premiers livres du traité d'Apollonius rendant inutiles les
traitements antérieurs. Voir Heiberg 1 , p . 83-89 ; Heath 3 , p . 16 ; Caveing 6,
p . 24 -25 .
- Les Lieux à la surface en deux livres (Eůxheídov tómWv tõv repòs Étl
paveia dúo), eux aussi mentionnés seulement par Pappus (p.636 , 23 Hultsch ),
qui produit également deux lemmes pour ce traité (p. 1004, 16 -1014,24
Hultsch ). Voir Heiberg 1, p. 79-83 ; Heath 3, p. 15- 16 ; Bulmer -Thomas 5,
p. 429 ; Caveing 6 , p. 26 .
- Les Porismes en trois livres (Eůx eídou troplouátwv toía ), cités par Pro
clus (p. 212 , 12- 17, p. 301,21- 302, 13, p . 303, 18 -304, 10 Friedlein ) qui se
devait de préciser que tópioua a deux sens bien distincts : celui que lui donnait
Euclide dans l'ouvrage perdu (proposition en quelque sorte intermédiaire entre le
théorème et le problème, et se rapportant, semble-t-il, à la théorie des lieux géo
métriques) et celui de « corollaire » qu 'il a dans les Éléments. Pappus leur
consacre une notice importante (p . 648 , 18 -660 , 16 Hultsch ), utilisée par les
mathématiciens ultérieurs pour reconstruire le traité . Voir Heiberg 1, p. 56 -79 ;
Heath 3, p . 10 - 15 ; Bulmer-Thomas 5 , p . 426 -428 ; Caveing 6 , p. 23-24.
Récemment 22 J. P. Hogendijk , « On Euclid 's Lost Porisms and Its Arabic
Traces» , Bollettino di Storia delle Scienze Matematiche, vol. VII, 1, 1987, p . 93
115 , a émis l'hypothèse que deux traités médiévaux (la sélection de problèmes
d 'Ibrāhim ibn Sinān († 946) et les Annotations géométriques de al-Siğzi (ca
970)] contenaient du « matériel» à rapporter aux Porismes d'Euclide.
- Les Faux raisonnements (Hevdápia ), cités par Proclus, Ammonius (In
Analyticorum Priorum librum I, p. 2, 26 et p. 11, 32 Wallies) et le Ps.-Alexandre
(= Michel d'Éphèse , In Sophisticos Elenchos, p . 76, 23 Wallies : TÒ TOŨ Eůxhel
dov Vevôoypadnuata ). Voir Heath 3, p. 7 ; Bulmer- Thomas 5, p . 429 ;
Caveing 6, p. 22-23.
Quant aux traités conservés qui relèvent des sciences traitant des « choses
sensibles », pour parler commeGéminus, ils soulèvent quelques questions, entre
autres des problèmes d'authenticité pour certains d'entre eux . Les doutes nais
sent principalement du fait que le traitement n 'est pas aussi rigoureux, la réduc
tion à des éléments premiers aussi poussée, dans ces traités, que dans les
ouvrages de géométrie .Mais ce genre d'évaluation est partiellement subjectif et
l'on ne doit pas perdre de vue que la possibilité de donner un exposé synthétique
rigoureux d'une science dépend de son degré de développement. Ainsi,même si
la tradition mentionne des écrits optiques de Philippe d 'Oponte , disciple de
Platon, l'Optique comme théorie mathématique est sans doute encore au Ive
E 80 EUCLIDE 259
siècle avant notre ère une science « nouvelle» . L'« encyclopédie » euclidienne
consacre deux ouvrages au sujet, auxquels on pourrait peut-être même ajouter
des Dioptiques (sic )mentionnées par le seul Plutarque (...Eůxhaíonu ypapovta
tà Slontixá..., Non posse suaviter vivi secundum Epicurum 11, 1093 e - à
moins qu' il ne faille corriger en tå ottixá, comme le propose Hultsch 2, col.
1050 ).
- Optiques (tà 'Ontixá Eůxłeídov ), citéespar Pappus (p. 568, 12 Hultsch),
Théon d'Alexandrie (Commentaires à l'“ Almageste” de Ptolémée, I 2 , p . 332,
16 , et I 3, p. 341, 27 éd. Rome), Proclus (p. 69, 2 Friedlein ; Hypotyposis astro
nomicarum positionum , chap. 3, sect. 35, 7), Marinus (sous le titre 'Ontixñs
OtolXETa , Heiberg 13, VI, p . 254, 19 -20), Simplicius (In De caelo, p . 20, 11
Heiberg) et Jean Philopon (In Meteorologicorum librum primum , p . 27, 34
Hayduck).
- Catoptriques (Tà Katontpixá), citées par Théon d 'Alexandrie (Opticorum
recensio Theonis, Heiberg 13, VII, p. 176 , 18 -19), Proclus (p .69, 2 Friedlein ).
Les citations relatives aux ouvrages d 'optique proviennent toutes de l'Antiquité tardive (à
l'exception de Plutarque) . Cependant on peut invoquer deux « auto -citations » , l'une de la
Catoptrique dans l'Optique (Heiberg 13, VII, p. 30, 3), l'autre de l'Optique dans les Phéno
mènes (Heiberg 13, VIII, Proem ., li. 8 ). Evidemment on peutmettre en doute l'authenticité de
telles références et les considérer comme des interpolations tardives, mais il n ' y a pas de rai
son particulière pour cela . Si on les accepte, on peut en déduire une chronologie relative à
l' intérieur du corpus euclidien : la Catoptrique aurait précédé l'Optique, et celle -ci les Phéno
mènes. L ' inférence est incertaine : même authentiques, ces renvois peuvent avoir été ajoutés
pour la commodité du lecteur si l'auteur a eu l'occasion de réviser ses différents textes.
Édition critique: Heiberg 13, VII, p. 2-121 (Optique) et p. 286 -343 (Catoptri
que ).
Traductionsmédiévales: l'Optique a été traduite du grec en arabe (traducteur
non connu) et Naşir at-Din aț- Țūsi en composa une recension (tahrir) (voir
Sezgin 18, p. 117). L 'Optique et la Catoptrique ont été aussi rendues en latin (De
visu Liber et De speculis Liber respectivement) au Xire siècle, en Sicile selon
toute vraisemblance par le même traducteur que celui des Données. Voir Ito 19 ,
p . 29- 34. Les différentes versions du De speculis Liber sont éditées dans 23 K .
Takahashi (édit.), The Medieval Latin Traditions of Euclid 's Catoptrica. Éd. et
trad. angl. par K . T.,Kuyshu 1992.
Traduction française : 24 P . Ver Eecke (trad.), Euclide, L'optique et la
catoptrique, Paris 1959.
- Phénomènes (Tà Palvóueva Eůxłeídou), court traité d'astronomie sphé
rique, dont il existe deux versions ; il est cité par Galien (De placitis Hippocratis
et Platonis VIII 1, (sect.] 19 , [1], CMG V 4 , 1, 2, p. 484, 22-23), Pappus (p. 474,
9 , p . 594, 27 -28, p .630 , 10, p .632, 16 Hultsch (sous le titre To oúvtayua
Eủxłeídov tõv balVouévwv)], Marinus (Heiberg 13, VI, p. 254 , 19 ) et Jean
Philopon (In Physicorum libros, p. 220, 10 Vitelli).
Édition critique: Heiberg 13 , VIII, p. 2 -156 .
Traduction médiévale : les Phénomènes ont été traduits du grec en arabe
(traducteur non connu ) et Nașir at-Din at- Tūsi en composa une recension (tahrir )
260 EUCLIDE E 80
(voir Sezgin 18, p. 118- 119). La première version latine est, semble -t-il, celle de
Zamberti, imprimée en 1505. Traduction anglaise : 25 J. L . Berggren and R . S . D .
Thomas (trad.), Euclid 's Phaenomena. A Translation and Study of a Hellenistic
Treatise in Spherical Astronomy, New York /London 1996 .
- La division du canon (ń toŨ xavóvos xatatouń , sectio canonis ). Court
traité conservé en grec, attribué à Euclide par une majorité de manuscrits, et
mentionné par Porphyre dans son commentaire aux Harmoniques de Ptolémée
(26 I. Düring (édit.), Porphyrios, Kommentar zur Harmonielehre des Ptole
maios, Göteborg 1932, p . 92, 30 ; p . 94, 3 ; p. 98, 19 ; p . 129, 22) ;mais les cita
tions ne correspondent pas vraiment au texte conservé. La Division du canon
expose la théorie mathématique des intervalles musicaux. Un sujet aussi cir
conscrit ne permet guère l'identification avec un autre ouvrage consacré à la
musique et attribué à Euclide par Proclus (p . 69, 3 Friedlein ) et Marinus
(Heiberg 13, VI, p . 254, 19 - 20 ) sous le titre : les éléments demusique (aixarà
MovoLXNv OTOLXELVOELS), à moins d'admettre que cette qualification d '« élé
ments » soit systématiquement appliquée aux ouvrages d ’Euclide (le otol
XelwTńs par excellence) dans l'Antiquité tardive (cf. supra comment Marinus
désigne les Optiques demanière non traditionnelle : 'OntixñS otolyela ).
Éditions critiques :Heiberg 13, VIII, p . 158 -183 ; 27 C . Jan ,Musici Scriptores
Graeci, coll. BT, Leipzig 1895 , p . 115 -166 ; 28 A . Barbera , The Euclidean Divi
sion of the Canon. Greek and Latin Sources, Lincoln /London 1991, p . 114 -185.
Traduction française : 29 Ch - Em . Ruelle (trad .), Euclide, La division du
Canon, « Collection des auteurs grecs relatifs à la musique » , Paris 1884.
Il n 'y a pas de référence antique à un ouvrage d ’Euclide consacré à la méca
nique, mais trois fragments (De levi et ponderoso et comparatione corporum ad
invicem , Le Livre d 'Euclide sur la balance, Liber Euclidis de ponderibus secun
dum terminorum circumferentiam ) ont été transmis par les manuscrits médié
vaux. Les premier et troisième fragments , conservés en latin , ont été édités et tra
duits dans 30 E . A . Moody et M . Clagett, The Medieval Science of Weights,
Madison 1960 , p . 23-31 et p . 281-283 respectivement. Le deuxième, conservé en
arabe, a été édité et traduit par Woepcke 20 , p. 220-232. Duhem et Clagett consi
dèrent que ces fragments pourraient dériver d'un seul etmême traitémécanique
d'Euclide.
Discussions d 'authenticité. Les discussions d'authenticité concernent surtout
deux des traités du corpus euclidien : la Catoptrique et la Division du canon . Du
dernier nommé, on a surtout contesté l'unité de composition, en particulier les
liens entre l' introduction et la suite du texte. Toutefois l'une des études les plus
récentes se prononce, malgré quelques réservesmineures, en faveur de l'authen
ticité (voir 31 A . Barker, Greek Musical Writings, t. II : Harmonic and Acoustic
Theory, Cambridge 1989, en particulier p . 190 ). Pour l'analyse de l'introduction
et les problèmes qu'elle pose, voir 32 A .C . Bowen, « Euclid's Sectio canonis and
the History of Pythagoreanism », dans A . C . Bowen (édit.), Science and Philoso
phy in Classical Greece, coll. « Sources and Studies in the History and Philoso
phy of Classical Greece » 2 , New York 1991, p . 164 - 187. Les témoignages
E 80 EUCLIDE 261
anciens etmédiévaux relatifs à la question d 'authenticité (ainsi qu'un rapide sur
vol historiographique, de Giorgio Valla à nos jours) sont présentés dans Barbera
28, p. 3 - 36 . A . Barbera ne prend pas vraiment parti quant à l' existence d'un
noyau authentiquement euclidien ,mais il souligne la possibilité d'une composi
tion par strates dont une étape importante serait à placer aux alentours des -111€
siècles de notre ère.
De même, la Catoptrique était jugée inauthentique par J.L . Heiberg, T. L .
Heath , A . Lejeune..., et considérée comme une compilation tardive dont Théon
d' Alexandrie pouvait être l'auteur. Cette position a été contestée par 33 W . R .
Knorr, « Archimedes and the Pseudo -Euclidean Catoptrics: early stages in the
ancient theory of mirrors », AIHS 35, 1985 , p . 28 - 105 (voir en particulier p. 83
89 ) et Takahashi 23, p. 13-37. Ce dernier conclut à l'authenticité du traité . La
position de 34 G . Simon , « Aux origines de la théorie des miroirs : sur l'authen
ticité de la Catoptrique d'Euclide» , Revue d 'Histoire des Sciences 47, 1994,
p . 259- 272 , comme celle de Knorr , est plus nuancée mais globalement favorable
à la thèse qu 'Euclide a rédigé une Catoptrique qui n 'est pas sans lien avec le
traité quinous est parvenu .
Les Éléments
Intitulé.Le traité est désigné de différentesmanières par les Anciens:
τα Ευκλείδου στοιχεία, τα στοιχεία:
- Galien, De usu partium , t. III, p . 830 , 7-10 Kühn, Adversus eos qui de typis scripserunt
vel de circuitibus, t. VII, p. 511, 10 Kühn ,De animicuiuslibet peccatorum dignotione et cura
tione, t. V , p . 59, 14 Kühn . Cette dernière mention est incluse dans un passage considéré
comme une citation de Chrysippe de Soles (2C 121) ; si tel est le cas, elle serait plus ancienne
que la mention d 'Euclide par Apollonius de Pergè, et le fait d 'un quasi contemporain de l' au
teur. On peutraisonnablement en douter.
- Alexandre d 'Aphrodise , In Metaphysica, p . 202, 14 Hayduck, In Analyticorum priorum
librum I, p . 22, 4 , p . 260, 22 -25.29.32- 34 , p . 268, 7- 8 Wallies, In Topicorum libros, p . 17, 27
Wallies, In Meteorologicorum libros, p . 145, 3 Hayduck .
- Corpus héronien, Definitiones, p. 64, 23, p. 108, 22 Heiberg , Geometrica, p . 174, 9
Heiberg , Stereometrica II, p . 158, 10 Heiberg.
– Pappus, p . 178, 13, p. 250 , 31, p. 314 , 9, p. 338, 4 , p . 376 , 21, p. 378, 8 , p . 380, 14, 24,
p .414 , 11.22, p. 420, 7.11.19, p. 422, 35, p. 424, 2.7.10.15, p. 428, 21, p. 430, 27, p. 432, 23,
p . 436 , 2 .24, p .438, 8 .19, p . 440 , 7 .15.19, p. 442, 2. 8.13, p. 456 , 17, p . 468, 2 , p . 644 , 8 -9 ,
p . 647, 7, p . 988, 10 Hultsch, Commentaires à l’Almageste de Ptolémée, p. 29, 18 Rome.
- Théon d'Alexandrie, Commentaires à l'Almageste de Ptolémée, p. 363, 6, p.465, 9,
p . 466, 11, p . 468, 1, p .469, 19 , p. 492, 1 Rome.
- Proclus, p. 68, 7, p. 73, 11, p. 222, 15 , p. 273, 15 Friedlein .
- Simplicius, In Physicorum libros, p. 60, 28, p.61, 9- 10 , p .62, 2.9 , p . 64, 29, p. 66 , 13,
p. 68, 13, p. 69, 8 , p . 492, 6, p. 511, 31 Diels .
– Jean Philopon, In Analytica Posteriora, p. 73, 15 Wallies.
– Eutocius,Comm . in Arch. De Sphaera et cylindro, t. III, p. 178 , 23,p. 180 ,4 Heiberg .
η Ευκλείδου στοιχείωσις, ή στοιχείωσις, η γεωμετρική στοιχείωσις:
- Corpus héronien, Definitiones, p. 14 , 1, p. 76, 23, p.84, 18 Heiberg, Stereometrica, I,
p. 12, 12 Heiberg.
262 EUCLIDE E 80
- Proclus, p.69, 5, p. 74, 9-10, p. 81, 7, p. 84, 6 -7, p. 233, 11, p. 259, 7, p. 271, 5.17 ,
p . 336 , 6 , p . 354, 2 , p. 355, 10-11, p .432, 2, 6 Friedlein .
- Marinus, Heiberg 13, VI, p . 236 , 4 , p . 252, 16 -17.
- Eutocius, Comm . in Arch. "De Sphaera et cylindro ", III, p . 26 , 20 , 26 , p . 30, 3, p. 36 , 1
2 , p . 120 , 4 -5 .17, p . 220, 7 Heiberg ; Comm . in Arch. “ Dimensionem circuli" , III, p. 234, 19
Heiberg ; Comm . in Arch. “De planorum Aequilibris" , III, p. 270, 26 Heiberg ; Comm . in
Apollonii “ Conica ”, II, p. 178, 9 -10, p. 206, 1, p . 228, 28, p . 312 , 4 -5 Heiberg .
- Olympiodore, In Meteorologicorum libros, p. 220 ,7,p. 229, 19,p.257, 9 Stüve.
τα Ευκλείδου ιγ' βιβλία:
- Marinus,Heiberg 13, VI, p. 254, 18-20.
– Jean Philopon, In Physicorum libros, p . 220, 16 Vitelli.
η γεωμετρία
- Jean Philopon , In Analytica posteriora, p. 377, 1 Wallies.
Si tà Eůxheídou Ly ' Bußala et ń yewletpia sontplutôt des descriptions utilisées comme
« titres » et s'il est également clair que les auteurs anciens n 'ont pas toujours le souci de préci
sion que les modernes souhaiteraient pour désigner les ouvrages, on peut cependant distinguer
deux intitulés différents pour le célèbre traité d'Euclide. Le premier, td OtolyeTa , renvoie plus
directement au contenu, le terme Otolyetov (élément) désignantnormalement les propositions,
théorèmes ou problèmes. Dans certaines citations, « élément » désigne en fait l'un des 13
livres. Le second , n otolyELWOLS , souligne davantage l'aspect formel : l' ordonnancement du
traité et éventuellement son utilisation dans l' enseignement élémentaire (au sens de premier et
fondamental, l' un des sens de otolyelwols ) . Cette deuxièmemanière semble plus tardive ; elle
apparaît sans doute à partir du moment où les éléments et leur auteur jouissent d'une grande
notoriété (voir infra).
Histoire du texte grec et tradition manuscrite des Éléments. Voir Heiberg
1, p. 174 -224, Heath 3, p. 46 -63, Caveing 6, p. 45-55, Stamatis 14 , t. I, praefatio ,
p . VI- X , et t. V 1, p . XVI-LXXXIX . Voir aussi 35 J. L . Heiberg, « Ein Palimpsest
der Elemente Euklids», Philologus 44, 1885, p. 353- 366 , et 36 Id., « Paralipo
mena zu Euklid », Hermes 38 , 1903, p. 46 -74, 161-201, 321-356 . Ces différents
auteurs présentent l'histoire du texte des Éléments, telle que l'a reconstituée
Heiberg ; en particulier elle est très favorable à la tradition directe desmanuscrits
grecs contre la tradition indirecte médiévale arabe et arabo- latine. Une réaction
salutaire, mais peut-être excessive et au demeurant partielle , est présentée dans
37 W . R . Knorr, « The wrong text of Euclid. On Heiberg 's text and its alterna
tives». Centaurus 36 ,n° 2-3, 1996 , p. 208-276 . Voir aussi Vitrac 16 ,t. 3, p. 381
399 .
Traductions anciennes et médiévales (latines, arabes, syriaques, persanes,
arméniennes, hébraïques). Voir Heath 3, p. 75- 100, Murdoch 5, p. 438 -448,
Caveing 6 , p. 60 -74, où l'on trouvera les principales références (Heiberg, Klam
roth , Steinschneider, Suter, Thaer ...). De nouveaux travaux ont été réalisés, qui
concernent surtout les traditions arabe, latine et hébraïque des Éléments.
– Pour la tradition arabe : 38 J. W . Engroff, The Arabic Tradition of Euclid's
“ Elements ” : Book V, Cambridge (Mass .), Harvard University PhD . Dissertation ,
non publiée , 1980 (édition ,traduction et commentaires du livre V dans la version
attribuée à Isḥāq ibn Hunayn révisée par Tābit ibn Qurra); 39 G . De Young, The
Arithmetic Books of Euclid 's “ Elements ", Cambridge , Harvard University PhD
E 80 EUCLIDE 263
Dissertation , non publiée, 1981 (édition , traduction et commentaires des livres
VII à IX dans la version attribuée à Isḥāq ibn Hunayn révisée par Tābit ibn
Qurra ).
A ces éditions partielles (et sans doute provisoires), on ajoutera quelques
études : 40 S. Brentjes, « Varianten einer Hağğāğ-Version von Buch II der Ele
mente » , dans M . Folkerts and J. P. Hogendijk (édit.), Vestigia Mathematica,
Studies in medieval and early modern mathematics in honour of H . L . L . Busard,
Amsterdam / Atlanta 1993, p. 47-67; 41 Id ., « Textzeugen und Hypothesen zum
arabischen Euklid in der Überlieferung von al-Hağğāğ b. Yūsuf b . Matar
(zwischen 786 und 833) » , AHES 47 , 1994, p. 53- 92 ; 42 G . De Young, « The
Arabic textual traditions of Euclid 's Elements » , HistMathem 11, 1984 , p. 147
160 ; 43 Id ., « Ishāq ibn Hunayn , Hunayn ibn Ishāg, and the Third Arabic Trans
lation of Euclid's Elements » , HistMathem 19 , 1992, p. 188- 199 ; 44 A . Djebbar,
« Quelques Commentaires sur les Versions arabes des Éléments d 'Euclide et sur
leur Transmission à l'Occident Musulman », dans M . Folkerts ( édit.),Mathema
tische Probleme im Mittelalter, Wiesbaden 1996 , p . 91-114 ; 45 M . Folkerts,
« Euclid in Medieval Europe » , dans W . M . Stevens (édit.), Questio II, de rerum
natura, Winnipeg 1989.
– Pour la tradition latine, on retiendra surtout les éditions critiques des princi
pales versions: 46 H . L . L Busard (édit.), The Translation of the Elements from
the Arabic into Latin by Hermann de Carinthia (? ). L . I-VI, Janus 54, 1967,
p. 1- 140 ; L . VII-IX , Janus 59, 1972, p. 125 -187 ; L . VII-XII, Amsterdam 1977 ;
47 Id . (édit.), The first Latin Translation of Euclid 's Elements commonly ascri
bed to Adelard of Bath , Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1983 ;
48 Id . (édit.), The Latin translation of the Arabic version of Euclid 's Elements
commonly ascribed to Gerard of Cremona , Leiden 1984 ; 49 Id. (édit.), The
Mediaeval Latin Translation of Euclid 's Elements, Stuttgart 1987 (édition d'une
version latine du XIIe siècle faite directement à partir du grec ); 50 H . L .L Busard
et M . Folkerts (édit.), Robert of Chester's (?) Redaction of Euclid 's Elements.
The so -called Adelard II Version , Basel/Boston /Berlin 1992 ; 51 H .L .L . Busard
(édit.) , A Thirteenth -Century Adaptation of Robert of Chester's Version of Eu
clid 's Elements. Institut für Geschichte der Naturwissenschaften .München 1996 .
Parmi les études récentes, voir 52 H .L . L . Busard, « Some early adaptations of
Euclid's Elements and the use of its Latin translations» , dans M . Folkerts et U .
Lindgren (édit.), Mathemata, Festschrift für Helmut Gericke, Stuttgart/Wies
baden 1985, p. 129- 164 ; 53 Id ., « Über den lateinischen Euklid im Mittelalter» .
ASPh 8, 1998, p. 97- 129 ; 54 M . Folkerts, « Adelard 's Versions of Euclid 's Ele
ments» , dans C . Burnett (édit.), Adelard of Bath , an English Scientist and Ara
bist of the Early Twelth Century , coll. « Surveys and Texts » 14 , London 1987,
p. 55-68.
- Pour la tradition hébraïque, voir 55 T. Lévy, « Les Éléments d 'Euclide en
hébreu (XIIe -XVIe siècles)» , dans M . Aouad, A . Elamrani-Jamal et A . Hasnaoui
(édit.), Perspectives médiévales (arabes, latines, hébraïques) sur la tradition
scientifique et philosophique grecque, Paris /Louvain 1996 ; 56 Id ., « Une version
264 EUCLIDE E 80

hébraïque inédite des Éléments d’Euclide» dans D . Jacquart ( édit.), Les voies de
la science grecque, Genève 1997, p . 181-239.
- Pour la tradition euclidienne dans l'Inde médiévale , voir 57 G . De Young,
« Euclidean Geometry in the Mathematical Tradition of Islamic India » ,
HistMath 22, 1995, p. 138 - 153.
Commentaires anciens et médiévaux. Dans l'Antiquité, les Éléments, en
totalité ou en partie, ont été commentés par Héron d'Alexandrie, Porphyre de
Tyr, Pappus d 'Alexandrie, Proclus de Lycie et Simplicius ( voir Heiberg 1 ,
p. 154-173, Hultsch 2 , col. 1036 - 1039, Heath 3, p. 19-45, Murdoch 5 , p . 437,
Caveing 6 , p . 28 -44 ). Seuls nous sont parvenus : le commentaire au livre I par
Proclus, conservé en grec (voir Friedlein 9), et le commentaire au livre X attri
bué à Pappus, conservé dans une traduction arabe de Abū ‘Uțmān ad -Dimašqi.
Voir 58 C. Junge et W . Thomson (édit.), The Commentary of Pappus on Book X
of Euclid 's Elements, éd., trad. angl. par W . T., comment. par C .J. et W . T.,
Cambridge (Mass .) 1930 ; réimpr. New York London 1968. Sur les problèmes
d 'attribution et la nature de ce texte , voir en dernier lieu Vitrac 16 , t. III, p . 417
420 .
Plusieurs fragments importants des commentaires de Héron et de Simplicius
nous ont été transmis par l'intermédiaire du commentateur arabe an -Nairizi. Son
commentaire est l'un des rares travaux arabes consacrés aux Éléments – pourtant
très nombreux - qui aient été traduits en latin (par Gérard de Crémone) ; voir
59 M . Curtze ( édit.), Anaritii in decem libros priores Elementorum Euclidis
Commentarii, dans Euclidis Opera omnia, ed. I. L . Heiberg et H . Menge, coll.
BT, Leipzig, vol. IX , Supplementum , 1899. L 'auteur est alors appelé Anaritius
ou Anarizus. Ce texte a effectivement été utilisé par un certain nombre d 'auteurs
occidentaux (Roger Bacon, Albert le Grand et très certainement Campanus (de
Novare]). Une nouvelle édition critique est en cours ; voir 60 P . M . J. E . Tummers
( édit.), Anaritius ' Commentary on Euclid . The Latin Translation , I-IV , coll.
« Artistarium » Supplementa 9 , Nijmegen 1994.
Pour les autres commentaires complets ou partiels des Éléments, épîtres et
autres traités divers, rédigés en arabe et se rapportant à des problèmes particu
liers soulevés par l'ouvrage d ’Euclide, voir Heath 3 , p . 84 -90 , Murdoch 5 ,
p . 441-442, Caveing 6 , p . 66 -69, Sezgin 18, p . 104 - 115. Parmi eux il fautmen
tionner l'important commentaire de al-Ğayyāni aux Définitions du livre V (fac
similé du manuscrit et trad . angl. dans 61 E . B . Plooij, Euclid 's Conception of
Ratio and his Definition of ProportionalMagnitudes as Criticised by Arabian
Commentators, Rotterdam 1950 ) ; 62 O . P . Schrader ( édit.), The " Epistola De
Proportione et Proportionalitate ” of Ametus Filius losephi (Aḥmad ibn Yusuf),
[Traduction latine de Gérard de Crémone), éd ., trad . angl. et comment. par
O .P .S., The University of Wisconsin , Ph . D ., 1961 (University Microfilm Inc.,
Ann Arbor,Michigan ), l'un des commentaires d ' Ibn al-Haytham ( Alhazen ) par
tiellement édité (63 B.H . Sude [ édit.), Ibn al-Haytham 's Commentary on the
Premises of Euclid 's Elements: Books 1- VI, éd., trad. anglaise et comment. par
B . H . S., Princeton University, Ph. D ., 1974), la traduction française , avec com
E 80 EUCLIDE 265
mentaires, des principaux textes consacrés à la question des parallèles (an
Nairizi, al-Ğauhari, Țābit ibn Qurra, Ibn al-Haytam , 'Umar al-Hayyām , Naşir ad
Din at-Tūsi, al-Abhari, al-Maġribi...) dans64 K . Jaouiche, La théorie des paral
lèles en pays d 'Islam , Paris 1986 , la traduction française par A . Djebbar de la
très importante épître de 'Umar al-Hayyām , « Sur l'explication des prémisses
problématiques du Livre d' Euclide » , dans 65 A . Djebbar, L 'émergence du
conceptde nombre réel positif dans l'Épître d ' al-Khayyam (1048 -1131), Orsay,
Université de Paris- Sud. Mathématiques. Prépublications 97 - 39, 1997, p . 22
70. Dans 66 B . Vahabzadeh, Trois commentaires arabes sur les concepts de
rapport & de proportionnalité, Thèse de Doctorat de l'Université Paris VII, sous
la direction de R . Rashed , 1997 , on trouve l'édition et la traduction française
(sans doute provisoires, mais utiles) des deux commentaires déjà mentionnés de
al-Ğayyāniet 'Umar al-Hayyām , ainsi que le Traité sur la difficulté relative à la
question du rapport, de al-Māhāni, l'un des plus anciens commentaires arabes
sur cette question (deuxièmemoitié du IXe siècle ).
Les commentaires médiévaux consacrés aux Éléments et rédigés en latin ou
en hébreu sont beaucoup moins nombreux. Parmi ceux qui ont fait l'objet d 'un
travail récent, on notera celui attribué à Albert le Grand (67 P .M . J. E . Tummers
[édit.), Albertus Magnus' Commentaar op Euclides' Elementen der Geometrie, 2
vol., Nijmegen 1984 ) et celui de Gersonide (68 T. Lévy, « Gersonide, commenta
teur d ’Euclide. Traduction annotée de ses gloses sur les Éléments », dans G .
Freudenthal ( édit.), Studies on Gersonides. A Fourteenth -Century Jewish Philo
sopher-Scientist, Leiden 1992, p. 83- 147) .
Notoriété d'Euclide et destinée des Éléments dans l'Antiquité. L 'abon
dance des traductions et commentaires, le nombre des manuscrits conservés, le
fait que le traité euclidien a été , après la Bible, le livre qui a connu le plus d ' édi
tions jusqu 'au début de ce siècle prouvent le succès de l'ouvrage, l'énorme
impact qu'il eut sur l'histoire desmathématiques et de leur enseignement depuis
le Moyen -Âge. Sa destinée, son utilisation dans l'Antiquité sont moins bien
connues. La principale difficulté tient à ce que les mathématiciens anciens citent
rarement leurs sources ; quantaux renvois aux autres traités, ils sont la plupart du
temps implicites. Les quelques informations qui nous sont parvenues se trouvent
dans le commentaire de Proclus (voir Friedlein 9 ), lui-même ayant puisé chez ses
prédécesseurs. On peut en tirer le tableau général suivant.
D 'abord Euclide n 'a évidemment pas inventé le genre littéraire « éléments » .
Même en se limitant à la géométrie , Proclus (p . 66 , 7-8 .20 -21 ; p .67, 14 - 15
Friedlein ) lui connaît trois prédécesseurs : Hippocrate de Chios (2H 151] (ve s.
av. J.-C .), peut-être l'initiateur du genre, Léon et Theudios de Magnésie (Ive s.
av. J.-C .). Lemême Proclus souligne la supériorité de l'exposé euclidien sur les
autres compositions de même nature (p. 69,4 - 70, 18 Friedlein ). La disparition
des autres recueils d' Éléments de géométrie élémentaire confirme en quelque
sorte que cette supériorité a été reconnue.
Cela dit, quand 69 P . Tannery , La géométrie grecque, comment son histoire
nous est parvenue et ce que nous en savons, Paris 1887 ; réimp. Sceaux 1988 ,
266 EUCLIDE E 80
p . 166 , prenant à témoin la controverse qui opposa l'épicurien Zénon de Sidon
( fr. 27 Angeli et Colaizzo ) et le stoïcien Posidonius (p . 199, 11 - 200 , 3 ;
p . 214 , 18 - 215 , 13 ; p. 216 , 10 -218, 11 Friedlein ), affirme que les Éléments
d 'Euclide étaient considérés comme l'ouvrage de référence, il faut peut- être
quelque peu nuancer. Les indications dontnous disposons pour la période hellé
nistique suggèrent que le traité et les choix euclidiens restent objets de discus
sion , y compris par les mathématiciens eux -mêmes. Bien entendu les critiques
continueront à s'exercer sur des points précis durant toute l'Antiquité – tout par
ticulièrement sur la question des parallèles (Vitrac 16 , t. I, p . 300 -310) – mais il
semble que ni la structure générale ni le contenu global du traité euclidien ne
soient plus véritablement contestés par les mathématiciens postérieurs au début
de notre ère.
A l'inverse, Apollonius a proposé d 'autres choix touchant apparemment aux
principes mêmes des Éléments : définition alternative de l'angle (Eucl., El., Df. I
8 ; voir Proclus, p . 123, 16 ; 124 , 18 ; 125 , 17 Friedlein ), constructions élémen
taires alternatives (Eucl., El., Prop . I 10, 11, 23 ; Proclus, p . 279, 16 - 280 , 9 ;
p. 282, 8- 19 ; p. 336 , 16 Friedlein ) etmêmeremise en cause de certains axiomes
(Proclus, p. 183, 13.18 ; p. 194 , 10.21 ; p . 194, 25 - 195,5 Friedlein ). Il est pos
sible que certaines des dernières Propositions du livre X d'Euclide (112 -115 )
soient empruntées à Apollonius (voir Vitrac 16 , t. I, p. 7-68 et 383-384 ). Dans le
même ordre d'idées, Hypsiclès (II° s. av. J.-C .) ajoutera un quatorzième livre aux
Éléments, pour compléter l'étude des polyèdres réguliers (du livre XIII). Son
traité sur les nombres polygones, cité par Diophante, avait peut-être aussi pour
but d'introduire les considérations d' arithmétique figurée dans les livres arithmé
tiques d'Euclide, dont elles sont absentes, mais ce n 'est là qu'une hypothèse
(déjà proposée dans Tannery 69, p. 156 ) ; si tel est le cas, cette tentative, à la dif
férence de la précédente, n 'a apparemmentpas abouti. Du strict pointde vue de
l'histoire textuelle on peut d' ailleurs considérer que la première tentative d' ex
tension n 'aboutit que fort tardivement et que l'Antiquité , à la différence du
Moyen -Âge, n 'a pas connu 15 Livres d' Éléments, mais 13, plus 2 ouvrages
complémentaires. Cependant la tentative d'Hypsiclès, là encore précédé par
Apollonius sur le sujet de la comparaison du dodécaèdre et de l'icosaèdre,
indique que l'exposé des Éléments était perçu, dans sa globalité, comme incom
plet.
Quant à la polémique entre Zénon de Sidon et Posidonius, elle s'applique très
certainement à la version euclidienne des Éléments de géométrie comme c ' était
également le cas de celle qui opposait Démétrius Lacon (BD 60 ) et le stoïcien
Dionysios de Cyrène (2+ D 180). Dans les deux cas il s'agissait de critiquer les
premières propositions du Livre I (I 1 chez Zénon ; I 3, 9, 10 , au moins, chez
Démétrios). Il n 'est pas aussi clair que la cible des Apories de Polyen (cf. DPA,
II, p. 641) était déjà les Éléments d'Euclide en tant que tels (il s'agirait d'une
critique quasi contemporaine), plutôt que la géométrie en tant que savoir incom
patible avec certains principes de la philosophie épicurienne. Quoi qu'il en soit,
si Posidonius « défend » Euclide ( en fait la géométrie) dans le cadre de sa polé
E 80 EUCLIDE 267
mique avec les Épicuriens, il n'hésite pas non plus à proposer des Définitions
alternatives (pour la figure , les espèces de triangles et de quadrilatères, les paral
lèles ; voir Proclus, in Eucl., p. 143, 8 ; 170, 13 ; 176 , 6 Friedlein respectivement).
Le cadre général, les concepts fondamentaux du traité sont donc encore partiel
lement malléables au cours du lie siècle avant notre ère. Les modifications et
objections peuvent être textuelles etmathématiques, au sens technique du terme,
mais aussi de caractère plutôt philosophique. Le débat épistémologique qui a
opposé un cercle d'épicuriens et celui des condisciples du stoïcien Panétius,
autour des années 100 avantnotre ère , a pu consacrer la célébrité des Éléments à
l' extérieur du cercle étroit des spécialistes.
Ce n 'est qu'à partir de la fin de la période hellénistique que nous pouvons être
assurés qu ’Euclide est devenu quasiment synonyme de géométrie . Pour Cicéron
(De Oratore III 132) - pourtant peu féru de mathématiques (mais qui a entendu
Posidonius et Zénon dans les années 79 -77 !) -, Euclide et Archimède représen
tent la géométrie au même titre qu'Hippocrate de Cos (» H 152) représente la
médecine, Damon (HD 13) et Aristoxène (P- A 417) la musique, Aristophane
(de Byzance) (> A 405) et Callimaque (* * C 22) la critique littéraire . Ces savants
anciens (pour Cicéron )maîtrisaient la totalité de leur spécialité , alors que de son
temps la « spécialisation » a eu comme conséquence le « démembrement» de
tous les arts. Dans les Noces de Philologie et de Mercure de Martianus Capella
(début du ve siècle), la Géométrie, avant de commencer son exposé, repère dans
l'assistance les deux mêmes disciples : Archimède et Euclide.
La même association rhétorique entre Euclide et la géométrie se trouve aussi
chez des auteurs non spécialistes de mathématiques comme Élien (De natura
animalium VI 57 , 6 ), Eusébe de Césarée (Historia ecclesiastica V 28, 14 , 4 ),
Grégoire de Nysse (Funebris in laudem Caesarii fratris oratio (orat. 7] 20, 4, 5),
et leurs témoignages n 'en sont que plus significatifs. Bien entendu les Éléments
sont plusieurs fois cités par un savant encyclopédiste comme Galien (De usu
partium , t. III, p . 830, 7 -13 Kühn ( cite XI 2 ), Adversus eos quide typis scripse
runt vel de circuitibus, t. VII, p.511, 10 Kühn (cite VII 1), Institutio logica 16 , 6 ,
5 (cite I 1), In Hippocratis librum de articulis et Galeni in eum commentarii,
t. XVIII a, p. 466 , 15 Kühn (cite la Df. I 22b )] et c'est également à Euclide que
se réfèrent les commentateurs d'Aristote lorsqu 'ils doivent expliquer l'un des
nombreux locimathematici du maître .
Si l'on revient aux manières de désigner les Éléments et leur auteur, il me
semble que l'on peut corroborer la description qui précède. Ainsi, pour désigner
Euclide, Proclus, dans son commentaire , utilise plusieurs moyens : outre la
nomination pure et simple, Proclus invoque très souvent le « rédacteur des Élé
ments » (Ó OTOIxelwtńs) ou simplement le « Géomètre » . Le terme • otol
Yelwts est intéressant: il semble assez tardif et je l'ai trouvé appliqué seu
lement à Euclide, quoique d'autres auteurs – et non des moindres (par exemple
Apollonius, Archimède, Ménélaos...) – aient rédigé des traités mathématiques
appartenant au genre littéraire « éléments » et qui sont d 'ailleurs désignés comme
tels. Mais, comme on le voit chez ses commentateurs (particulièrement Proclus
268 EUCLIDE E 80
et Marinus), le otoixelwtńs par excellence ne peut être qu'Euclide. Ce critère
est donc sûr,mais sans surprise : sur les 181 occurrences repérées, 99 se trouvent
dans le Commentaire de Proclus au Livre I et 72 proviennent des scholies des
manuscrits euclidiens. De plus, 59 de ces occurrences dans les scholies portent
sur le livre I et remontent pour la plupart à Proclus.
Par ailleurs, on a 2 occurrences dans le commentaire de Porphyre aux Har
moniques de Ptolémée , 2 dans la Collection mathématique de Pappus et 3 dans
les Definitiones rapportées à Héron.
Pour être complet,mentionnons les 3 autres références tardives: Marinus, In Eucl. Data,
p. 254, 16 Menge ; Simplicius , In De caelo , p .414, 2 Heiberg ; David l'arménien, In Categ.,
p. 251, 18 Busse (qui attribue le comm .à Élias (- E 15]).
Pour le terme ń otolyeiwolç, la situation est un peu différente , et il est sans
doute plus ancien que le terme ó otolXelwtńs. Au sens d'« enseignement élé
mentaire », on le trouve chez Épicure (selon Diogène Laërce X 37) et Posidonius
(selon Proclus p. 217, 24 Friedlein (= F 47 Edelstein -Kidd ) ; à noter qu 'il s'agit
de mathématiques etmême d'un point traité dans le premier livre des Éléments
d 'Euclide) entre autres. Pour son occurrence dans des titres d 'ouvrages, les
choses sont plus difficiles à circonscrire , car les titres des ouvrages anciens de
mathématiques – tels qu'ils sont cités – sont plutôt fluctuants . Il semble que l'uti
lisation du terme otoLXEÍwois dans un titre remonte aux débuts des écoles philo
sophiques hellénistiques: Diogène Laërce cite en X 44 les Aboexa otoLYELÓ
delç d' Épicure (» E 36 ), en VII 39 l’’HOLXn Otolyeiwolç du stoïcien Eudromos
[ E 103] et en VII 138 la Metewporoyixn otolyeiwolç de Posidonius (que
Simplicius, In Phys. I-IV , p . 291 Diels, désigne sous le titre Metewporoyixá).
Au jer siècle de notre ère , la musicologue Ptolémaïs de Cyrène compose ń
Iudayopian tñs uovoixñs otolyeiwolc (voir Porphyre, In Harm . Ptol., p. 22,
24 Düring), sans doute un ouvrage sur la partie mathématique de la musique. En
géométrie, le terme ń otoixeiwolç est appliqué pour l'essentiel aux Éléments
d 'Euclide, mais dans des citations qui sont plutôt tardives, et il n 'est pas certain
que l'ouvrage était désigné ainsi durant l'époque hellénistique. Pour les traités
consacrés aux coniques par Euclide et/ou Aristée l'Ancien, Archimède utilise le
terme otoixeta ; Apollonius fait demême pour ses quatre premiers livres ; même
chose pour les Éléments de Mécanique auxquels se réfère Archimède. Chez
celui-ci, la seule mention de toixeiwols se trouve dans Sur la sphère et le
cylindre, I, Prop. 6 . Déjà suspecte, elle l'est plus encore après la constatation que
nous venons de faire , d'autant que la référence aux Éléments d' Euclide sous le
vocable otolyeiwolç est devenue bien attestée à la fin de l'Antiquité, et particu
lièrement chez le commentateur d'Archimède, Eutocius ( E 175). En fait elle
est déjà devenue fréquente chez Proclus, qui a lui-même composé deux otol
XELVOELS (Éléments de théologie, Etoixelwolç Deodoyixń , et Éléments de Phy
sique, EtoixeiwOLÇ Quoixń ). Dans le commentaire de Proclus, on compte vingt
quatre occurrences du terme pour désigner le traité euclidien, quelques occur
rences pour désigner un genre littéraire technique (voir en particulier p. 73, 14 et
73, 25 Friedlein ), et c 'est ainsi qu ' il désigne également un traité euclidien de
E 80 EUCLIDE 269
musique (Éléments de musique, ai xatà uovOLUNU OTOIXELÚOELÇ). La plupart
des autres occurrences sont tardives et contenues dans des scholies ou des com
mentaires des ve (Marinus, Heiberg 13, VI, p. 252 16 -17) et vie siècles (Olym
piodore, In Meteor., p. 220 , 7 ; p. 229, 19 ; p. 257, 9 Stüve).
Il y a bien une occurrence dans le commentaire de la Métaphysique transmis sous le nom
d ' Alexandre d 'Aphrodise (ca 200 ) qui permettrait de remonter plus haut dans le temps. Mais
on sait que seuls les commentaires aux livres A - sont authentiques, et notre mention appa raît
dans le commentaire à 9, 1051a 21-23. Bien que cette attribution soit discutée, on rapporte
la seconde partie du commentaire à l' érudit byzantin Michel d 'Ephèse (XIe-Xile siècle) et, dans
ces conditions, notre occurrence serait très tardive ! Si l'on accepte la suggestion de L . Tarán
qui voit dans le Pseudo - Alexandre un auteur contemporain de Syrianus ou même plus ancien
( DPHA I, p . 129),notre occurrence appartient à l'époque des commentateurs, ce qui n 'a rien de
surprenant.
Il reste finalement cinq occurrences dans des traités rapportés au corpus héro
nien et donc d'authenticité douteuse : quatre dans les Definitiones, une dans les
Stereometrica. Si l'on est très optimiste, on rapportera les premières aux com
mentaires de Héron , d'autant qu'elles ont un caractère de « rappel préliminaire » .
Si l'on fait le rapprochement avec ce que l'on a dit pour le terme otolyelwtńs
(attesté dans le Pseudo-Héron , Porphyre, Pappus, Proclus,Marinus, autrement
dit les commentateurs d 'Euclide), on peut raisonnablement conclure que l'intro
duction des deux termes pour désigner Euclide et son traité majeur est due à
l'initiative de ses commentateurs et peut-être au premier dont l'existence soit
connue de nous, à savoir Héron d'Alexandrie . Autant les désignations que le tra
vail de commentaire lui-même témoignent de l'autorité reconnue à partir de ce
moment-là tant à l'auteur qu 'à l'euvre .
Euclide et la philosophie . Consacrer dans ce dictionnaire une notice à Eu
clide est certainement davantage justifié par l'importance de son œuvre – tout
particulièrement les Éléments – pour les logiciens et les philosophes que pour sa
formation et/ou son obédience philosophique personnelle.
Le traité en effet a exercé une double fonction . D 'une part, il s'agit d'une
monographie de mathématiques. C 'est à elle que se sont référés par exemple les
commentateurs d' Aristote et c'est en elle que les auteurs médiévaux , tout parti
culièrement, ont puisé des résultats ou des méthodes mathématiques (dichoto
mie, superposition ...) pour échafauder certains arguments concernant l'existence
du vide, de l'infini, ou encore la nature du continu ... Le Stagirite leur avait
d'ailleurs montré la voie en recourant lui aussi à un certain nombre de preuves
de type mathématique, élaborées pour l'essentiel à partir de la théorie des pro
portions.
D 'autre part, les Éléments ont joué le rôle d 'un manuel de raisonnement ou
plutôt d' éminent exemple d' exposé scientifique, déductif et synthétique (qui
procède à partir des principes jusqu 'aux choses démontrées). La forme eucli
dienne a séduit un certain nombre de philosophes , qui ont cru donner plus de
force à leur système ou du moins accroître leur pouvoir de conviction en recou
rant à l'exposition more geometrico. Là encore, Euclide pouvait compléter
Aristote , dont la théorie de la science démonstrative semble avoir été élaborée
270 EUCLIDE E 80
principalement en réfléchissant sur la pratique de la géométrie . Les échanges se
firent également dans l'autre sens, car les commentateurs médiévaux d'Euclide
firent grand usage de grilles conceptuelles d 'inspiration aristotélicienne.
Si l'on ne sait rien d'une éventuelle formation philosophique d’Euclide, la
question de son appartenance à une École a été tranchée dès l'Antiquité par Pro
clus (p .68 , 20 -23 Friedlein ):
Και τη προαιρέσει δε Πλατωνικός έστι και τη φιλοσοφία ταύτη οικείος, όθεν δή και
της συμπάσης στοιχειώσεως τέλος προεστήσατο την των καλουμένων Πλατωνικών
σχημάτων σύστασιν .
« Et dans son obédience, il est platonicien , et familier avec cette philosophie, et c 'est pour
cela qu'il a proposé , comme fin de la composition des Éléments dans leur totalité, la construc
tion des figures dites platoniciennes.»
Il n ' est évidemment pas impossible qu’Euclide ait sélectionné le matériel de
ses Éléments en fonction de certains locimathematici des dialogues de Platon , en
particulier la construction des cinq polyèdres réguliers inscriptibles dans une
sphère qui est exposée dans le dernier livre authentique du traité , polyedres que
Platon utilise pour rendre compte de la structure mathématique du corps du
monde dans le Timée. Dans le même ordre d'idées, on pourrait rapprocher l’ar
gument « de convenance » du même dialogue sur le fait qu 'il y a nécessairement
quatre éléments de certain théorème euclidien du livre VIII que Nicomaque de
Gérasa appelle « platonicien » (voir Vitrac 16 ,t. II, p . 384 -388) ou encore compa
rer le célèbre passage du Théétète ( 147 d 4 - 148 b3) et la Proposition X 9 des
Éléments.
Cela dit, on peut tout aussi bien penser qu ’Euclide a sélectionné ses résultats
parmiceux établis par ses prédécesseurs, en fonction du prestige de leurs inven
teurs ou des thèmes qu 'une certaine tradition avait imposés et que Platon a pu
connaître, sans qu 'il faille supposer chez l'Alexandrin la même intention (même
partielle) de composer un « commentaire mathématique » à l'euvre de Platon ,
comme l'explicite Théon de Smyrne pour son Expositio rerum mathematicarum
ad legendum Platonem utilium . L 'affirmation de Proclus procède peut-être à
l'inverse de manière reconstructive : c'est parce que les éléments s'achèvent par
la construction des polyèdres que le Diadoque croit pouvoir affirmer qu'Euclide
est platonicien.
Quoi qu 'il en soit, avant Euclide, Platon et Aristote avaient élaboré une philo
sophie desmathématiques; du moins avaient-ils réfléchi au statut des objets
mathématiques et avancé des réponses différentes sinon opposées à bien des
égards. Les historiens ont donc légitimement soulevé le problème de la position
d 'Euclide vis- à -vis de ces épistémologies mathématiques. Cependant il n 'est pas
possible de répondre à cette question de manière assurée, parce que le style
même d 'exposition des traités mathématiques (au sens technique du terme) grecs
exclut complètement les considérations métamathématiques (historiques ou
épistémologiques) et d’Euclide ne nous sontparvenus que des traités techniques.
Ce n 'est que dans les préfaces, quand elles existent, ou dans les commentaires,
que de telles considérations peuvent être développées.
E 80 EUCLIDE 271
Malheureusement les Éléments nous sont parvenus sans préface ; celle des
Phénomènes est purement technique et peut-être apocryphe ; quant à celle de la
Division du canon (si on en admet l'authenticité ), elle ferait plutôt d 'Euclide un
pythagoricien ; mais comme l'a fait remarquer Alan Bowen (32, p . 183- 187, en
particulier p . 185),ce rapprochement possible, en particulier avec Archytas (** A
322) , souligne simplement le fait que la catégorie « pythagorisme» de l'érudition
moderne pour ce qui relève de la science harmonique n'est pas très bien définie.
Une autre piste suivie pour mesurer l'influence des philosophes, et tout parti
culièrement Aristote, sur Euclide est celle des åpxai. La forme euclidienne est
démonstrative et suppose donc de partir de principes admis sans démonstration .
Les Seconds Analytiques exposent une théorie de la science démonstrative et de
ses règles formelles d'exposition ; la nature des principes, les différentes espèces
qu 'il convient d' en distinguer y sont l'objet d'une analyse attentive. Contentons
nous de relever ici que, chez le Stagirite comme chez Euclide, il est nécessaire ,
pour ce qui concerne l'exposition d 'au moins deux sciences particulières, d'in
troduire trois sortes de principes: les définitions qui posentdes significations, les
hypothèses ou demandes qui posent l'existence de certains objets premiers ou
qui autorisent certaines procédures fondatrices, et les axiomes ou notions com
mun (e)s aux deux sciences en question. La coïncidence a été signalée , car dans
les autres traités mathématiques grecs déductifs (par exemple ceux d 'Archimède)
ne sont généralement distingués que deux types de principes : les définitions et
les lemmes [anupata ou « postulats » ( außavóueva ) ou demandes (airn
uata )). On remarquera cependant que ces autres traités déductifs , ou bien ne
sont pas « élémentaires » , ou bien ne traitent que d 'une seule science ( en l'oc
currence de géométrie ou de mécanique). En l'absence de réel terme de compa
raison, on se gardera donc de surinterpréter cette coïncidence. Pour une compa
raison récente d’Aristote et Euclide, voir Caveing 6 , p. 117- 133, et 70 R . D .
McKirahan Jr., Principles and Proofs. Aristotle 's Theory of Demonstrative
Science, Princeton University Press , 1992, en particulier p . 137- 163.
Études d 'orientation . Outre les traductions commentées des Éléments, telles
Heath 3 et Vitrac 16 , on retiendra, de la littérature euclidienne récente , les études
suivantes : 71 W . R . Knorr, The Evolution of the Euclidean Elements, Dordrecht/
Boston 1975 ; 72 I.Mueller, Philosophy ofmathematics and deductive structure
in Euclid 's Elements, Cambridge (Mass.)/London 1981. Ces ouvrages contien
nent des bibliographies étendues sur les principales questions posées par le traité
d 'Euclide.
Pour les æuvres « mineures» , outre Takahashi 23, Berggren et Thomas 25 et
Barbera 28, voir 73 A . D . Barker, «Methods and aims in the Euclidean Sectio
canonis » , JHS 101, 1981, p. 1- 16 ; 74 G . Simon, Le regard, l'être et l'apparence
dans l'Optique de l'Antiquité, coll. « Des Travaux » , Paris 1988.
Bibliographies. Par ailleurs il existe des bibliographies euclidiennes qui
enregistrent essentiellement les différentes éditions d 'Euclide (depuis la pre
mière parue en 1482 ) : 75 P . Ricardi, « Saggio di una bibliografia Euclidea » ,
MAIB , 4 série , 8 , 1887 , p. 401-523, 9, 1888, p . 321-343, 5€ série , 1 , 1890, p. 27
272 EUCLIDE E 80
84, 3 , 1892 , p . 639-694 ; réimpr. Hildesheim 1974 ; 76 Ch. Th. Sanford, Early
Editions of Euclid 's “ Elements" 1482- 1600, coll.« Illustrated Monographs» 20 ,
London 1926 ; 77 G . Kayas, Vingt-trois siècles de tradition euclidienne (Essai
bibliographique ). Rapport interne de l'École Polytechnique, Palaiseau 1977 ;
78 M . Steck et M . Folkerts, Bibliographia Euclideana, coll. « Arbor scientiarum
- Beiträge zur Wissenschaftsgeschichte» , Reihe C : Bibliographien , Band I,
Hildesheim 1981 ; Ricardi 75 et Kayas 77 indiquent également un certain nom
bre de références secondaires. En plus des références bibliographiques, Steck et
Folkerts 78 contient 229 pages de fac -similés de frontispices, pages de garde et
autres vignettes provenant des principales éditions des traités d ’Euclide.
BERNARD VITRAC .
81 EUCLIDE PLRE I: M III ou D IV
A . Destinataire de la lettre 192 de Julien ou d'un Ps.- Julien qui serait un so
phiste contemporain de Jamblique ( » I 3 ), selon Bidez-Cumont (la lettre n 'est
pas éditée par Bidez ; c'est la lettre 62 dans l'édition de W . C . Wright). Si c'est le
fils deMaxime destinataire des lettres 190 et 191 du même auteur, il serait origi
naire de Byzance (Socrate , Hist. eccl. III 1, 16 ).
B . Est-il à identifier à l'Euclide néoplatonicien , auteur d 'un commentaire sur
la République de Platon (cf. Proclus, In Remp. comm ., t. II, p. 96 , 12 Kroll) ? Si
cette identification (proposée par la PLRE) est exacte, elle est chronologique
ment incompatible avec une autre , proposée précédemment dans la RE et à pre
mière vue mieux fondée, qui voit en cet Euclide le platonicien du milieu du IIIe
siècle mentionné par Porphyre, Vita Plotini 20, 30 : voir RESuppl. VIII, 1956 ,
col. 167 (nº 5a).
PIERRE MARAVAL.

82 EUCLIDE DE MÉGARE RE 5 M Va_ jer tiers Iva


Disciple de Socrate et amide Platon, fondateur de l'École de Mégare.
Témoignages et fragments. 1 K . Döring, Die Megariker, p. 3-14 : fr. 1-14
(données biographiques), 15-30 (écrits et doctrines), 31-44 (sur l'école issue
d' Euclide) ; ainsi que fr . 50, 148 A , 148 B (mais Euclide y figure par erreur),
173. Trad. franç. dans 2 R .Muller, LesMégariques, p . 19-28 . 3 G . Giannantoni,
SSR , fr. II A F 1 -35 . Traduction italienne des fragments par 4 L . Montoneri, I
Megarici, Catania 1984, p. 229-247.
Sources biographiques anciennes. Euclide est le plus mal connu des Socra
tiques. Bien que fondateur d'une école réputée (cf. fr. 26 A , li. 1) et lui-même
très favorablement jugé ( cf. fr. 36 , li. 3), il est assez mal servi par nos sources.
Platon évoque la personne d 'Euclide dansdeux dialogues: dans le Phédon 59 b
c, le mégarique estmentionné parmi les disciples qui ont assisté à la mort de
Socrate (fr. 3 A ); et dans le Théétète, on le sait, il se voit attribuer un rôle beau
coup plus important, puisque le prologue le présente non seulement comme un
amide Théétète et de Socrate ,mais comme le « rapporteur» du dialogue entier ,
dont le récit lui a été fait à plusieurs reprises par Socrate lui-même et qu 'il a pu
E 82 EUCLIDE DE MÉGARE 273
ainsi transcrire peu à peu de façon fidèle (Théét. 142 a - 143c ; le fr. 5 que Döring
en a extrait estmanifestement insuffisant). Diogène Laërce, de son côté, fait par
deux fois allusion à un récit d'Hermodore (de Syracuse , » H 91) évoquant le
séjour de Platon auprès d'Euclide à Mégare ( fr. 4 A - B ); il cite aussi trois vers de
Timon de Phlionte où il est question des tendances éristiques d'Euclide (fr. 8), et
il se réfère (fr. 31) aux Successions des philosophes d 'Alexandre Polyhistor
(MA 118 ) à propos de la patrie d'Euclide (il aurait été originaire de Géla etnon
de Mégare). Dion Chrysostome enfin mentionne le mégarique parmi les disciples
de Socrate que Diogène le Cynique trouva à Athènes en arrivant dans cette ville
( fr. 6 ). Des autres témoignages il y a peu à tirer : le plus souvent, Euclide est
simplement cité comme philosophe originaire de Mégare et fondateur de l'école
du même nom (cf. fr. 33-44 ); sur sa vie ne nous sont livrés que des traits isolés
d'origine incertaine (cf. les indications des Lettres des Socratiques, fr. 4 C -E , ou
celles des florilèges et recueils de sentences, fr. 10 -14 ) et de caractère vaguement
légendaire (telle cette anecdote que Taurus racontait à ses élèves afin de
réchauffer leur zèle pour la philosophie : les Athéniens ayant interdit leur terri
toire aux Mégariens, Euclide se serait travesti en femme et rendu de nuit chez
Socrate pour écouter ses leçons; voir fr. 1).
Datation. On s 'accorde aujourd 'hui, à quelques réserves près, à penser que le
prologue du Théétète (fr. 5 : Euclide accompagnant Théétète blessé jusqu 'à Éri
néos) fournit un point de repère comme terminus post quem pour la mort
d'Euclide, en considérant qu 'en l'occurrence Platon rapporte un fait réel et que
la bataille où Théétète a été blessé est celle de 369a (Döring 1, p . 73-74 ; 5 A .
Diès, notice du Théétète, CUF, Paris 1926 ; rééd. 1963, p. 119 -123 ; 6 J.
Humbert, Socrate et les Petits Socratiques, Paris 1967, p. 272 -274 ; 7 K . von
Fritz , c.r. de Döring 1, dans Schriften zur griechischen Logik, Stuttgart/Bad
Cannstatt 1978, t. II, p. 94 ); une deuxième donnée est fournie par le rapproche
ment du fr. 6 (voir ci-dessus : « Sourcesbiographiques» ) et d 'un passage de Dio
dore de Sicile (XV 76 : Euclide n 'est plus nommé parmiles élèves de Socrate
vivant en 366 ") ; on peut en déduire avec quelque vraisemblance qu 'Euclide est
mort entre 369a et 3669. En ce qui concerne sa naissance, cependant, les opinions
divergent : sur la foi de l'anecdote rapportée par Aulu -Gelle (fr. 1, cf. ci-dessus
« Sources biogr.» ; le décret athénien peut être daté de 432a, et Euclide doit avoir
au moins une vingtaine d'années pour que le fait soit plausible ), on admettait
traditionnellement qu'il était né vers 450a ;mais Döring 1, p. 74 (à la suite d'O .
Gigon cité ibid.), refuse d'accorder la moindre valeur historique à ce genre
d'histoires édifiantes, dont il cite d'autres exemples, et préfère la date de 435a
pour éviter de faire mourir Euclide à un âge trop avancé en 3690- 366a; pour sa
part, von Fritz 7 , p. 94, juge cet argument assez faible, avec raison nous semble
t -il, en rappelant notamment le grand âge atteint par Platon, Démocrite ou Iso
crate ; sans accorder une grande valeur à l'anecdote d ' Aulu -Gelle, l'auteur
estime que plusieurs indices concordants tendent à accréditer l'idée qu'Euclide a
bien été un des plus anciens élèves de Socrate (cf. aussi 8 K . von Fritz , art.
« Megariker » , RESuppl. V , 1931, spéc . col. 707-715 ; art. repris dans von Fritz 7,
274 EUCLIDE DE MÉGARE E82

p . 75 -92) ; on peut remarquer aussi que l'école fondée à Mégare paraît être assez
ancienne, antérieure en tout cas à celle de Platon (cf. fr. 4 A -B ) ; dès lors, la nais
sance d 'Euclide vers 450a n 'a rien d 'invraisemblable .
Euvres. Deux listes d'ouvrages d 'Euclide (tous perdus) nous ont été trans
mises, l'une par Diogène Laërce (fr. 15 ) et l'autre par la Souda ( fr. 16 ) ; elles
contiennent les mêmes titres, au nombre de six , d 'œuvres qualifiées de dia
logues , à savoir :
(1 ) Aaunpias, Lamprias;
(2 ) Aloxívns, Eschine;
(3) POTVLĘ, Phénix ;
(4 ) Kpítwv, Criton ;
(5) ’Anxibiáðns, Alcibiade ;
(6 ) 'Epwtixós, Sur l'amour.
Seules différences : l'ordre des titres, ainsi que la mention « et d'autres
ouvrages » (xai ära tivá ) de la Souda. Nous ne savonsmalheureusement pas
d 'où ces listes ont été tirées, d 'autant plus que l'authenticité des écrits d 'Euclide
étaitmise en doute par Panétius de Rhodes (fr. 18 ). En faveur de l' authenticité
on peut néanmoins invoquer: d 'abord l' inscription du fr. 17 (un catalogue de
livres, Athènes, autour de 1004) qui mentionne un Eschine d 'Euclide, soit l'un
des six dialogues de nos listes; ensuite plusieurs références textuelles à des
æuvres anonymes d 'Euclide (un unique extrait, de cinq lignes environ , conservé
par Stobée, voir fr. 19 ; des mots isolés chez Hesychius et Pollux, fr. 21-23) ;
enfin un passage de Censorinus (fr. 20) qui emprunte à un auteur du 11 s. av. J.
C ., Lucilius, une affirmation d'Euclide dont le contenu ressemble fort à celui de
l'extrait de Stobée (cf. 9 U . von Wilamowitz -Moellendorff, Platon , Berlin 1920 ,
t. II, p. 23 n. 2 ). 10 L . Rossetti, « Tracce di un royos Ewrpatixós alternativo al
Critone e al Fedone platonici» , A & R 20 , 1975, p . 34-43, a tenté de reconstituer
le contenu de l'Eschine. A signaler enfin que le même auteur voit dans le fr. 14
la trace d'un écrit d 'Euclide plutôt qu'une simple donnée biographique : 11 Id .,
« Ricerche sui “Dialoghi Socratici” di Fedone e di Euclide », Hermes 108, 1980 ,
p . 183-198 . On nementionnera que pour mémoire l'hypothèse hardie de 12 D .
Henne, L 'École de Mégare, Paris 1843, p . 47-52, qui, prenant le prologue du
Théétète à la lettre, attribue à Euclide le dialogue entier.
Formation philosophique. Un des lieux communs les plus constants des
historiens de la philosophie consistait à affirmer qu ’Euclide avait d 'abord été le
disciple de Parménide, ou du moins été fortement influencé par sa doctrine,
avant de se rallier à Socrate (cf. Henne 12, p . 20 ; 13 E . Zeller, Die Philosophie
der Griechen, II 1, 4e éd., Leipzig 1889, n . 3 de la p. 245 ; Humbert 6 , p. 275 ).
Cette opinion s'appuie d 'une part sur une courte phrase de Diogène Laërce
(oúros xai tà napuevíoela Mereyalpí eto, fr. 31, li. 2 - 3), et d' autre part sur
diverses doxographies anciennes qui rapprochent, voire confondent, les deux
écoles quant à la doctrine (voir par exemple Cicéron, fr. 26 A , et Aristoclès, fr.
E 82 EUCLIDE DE MÉGARE 275

27), sans parler de l'interprétation proprement philosophique qu'on croit pouvoir


faire de ce que l'on considère comme le « dogme central» de la pensée d'Euclide
(fr. 24 ). Depuis von Fritz 8, qui a été le premier à réagir contre cette tradition , il
est difficile de nier le caractère profondément socratique d 'Euclide: d 'un côté, il
est manifeste que les textes invoqués précédemment sont ou déformés (la phrase
de Diogène Laërce signifiant tout au plus qu'Euclide a aussi étudié attentivement
la doctrine de Parménide, mais non nécessairement dans sa jeunesse) ou sans
autorité véritable (Cicéron et Aristoclès ne faisant qu 'exposer des interprétations
ou des traditions tardives, non des faits); d'un autre côté , les liens avec Socrate
apparaissent clairementdans le peu qui nous est livré de la vie du mégarique (cf.
ci-dessus « Sources biogr.» et « Datation » ; on songe plus particulièrement au
rôle que Platon lui donne dans le Théétète : vrai ou faux, il implique à tout le
moins, pour être vraisemblable, une longue familiarité avec Socrate ) ; la nature et
le style des écrits d'Euclide vont dans le même sens, tout comme le contenu de
ses thèses fondamentales (cf. l'analyse que fait von Fritz 8, col. 708 -709 du fr.
24 ). Il va de soi,néanmoins, que faire d'Euclide un des tout premiers disciples
de Socrate n 'implique en rien que l'on nie l' intérêt qu 'a pu porter (ultérieu
rement ?) le mégarique à la pensée de Parménide, ni qu ’on refuse par avance
d 'éventuelles convergences entre les deux doctrines ou les deux écoles (mais,
ajoute von Fritz 8, on peut en dire autant de Platon ).
École et influence. Qu 'Euclide ait eu assez de personnalité pour être un phi
losophe original et le fondateur d'une école a été nié par 14 É . Dupréel, La
légende socratique et les sources de Platon , Bruxelles 1922, p . 365-367 (il ne
s'agirait que d'une invention de biographes hardis destinée à rattacher le méga
risme à Socrate , la doctrine de cet Euclide n 'étant de toute manière qu 'un
syncrétisme peu vraisemblable ), mais il n 'a guère été suivi. Il nous semble que
les travaux plus récents (auxquels il serait juste de joindre, spécialement sur cet
aspect du problème, la belle analyse de Hegel, Leçons sur l'histoire de la philo
sophie, Paris 1971, t. II, p. 339-359) ont mieux discerné l'unité et l'intérêt des
positions d'Euclide, ainsi que leur solidarité avec les développements ultérieurs
de la pensée mégarique, si bien qu 'il reste peu de raisons de douter qu 'il ait
effectivement créé à Mégare un cercle philosophique. Les historiens sont en
général d'accord pour situer cette fondation un peu avant ou un peu après la mort
de Socrate (15 J. Brun , « Les Mégariques» , dans Histoire de la philosophie, coll.
« Encyclopédie de la Pléiade», Paris, t. I, 1969, p .692, propose « vers 405a » ),
notamment pour expliquer le refuge que Platon et d'autres socratiques sont allés
chercher à Mégare après la mort du maître (cf. les fr. 4 A -E ). Certains veulent
que le séjour de Platon ait duré assez longtemps, suffisamment en tout cas pour
que sa pensée et notamment ses premiers dialogues en aient été marqués ( 16 M .
Croiset, Introd. au tome I des (Euvres de Platon , CUF, Paris 1920 ; rééd. 1966 ,
p. 4 -5 ) ; la plupart soulignent les bonnes relations qui devaient exister dès cette
époque entre lui et les philosophes deMégare, et dont on peut retrouver diverses
traces dans les dialogues de l'Athénien .
276 EUCLIDE DEMÉGARE E 82
Pour qualifier ce groupe de Mégare on hésite à parler d’école, les liens qui
pouvaient unir ses membres paraissant assez lâches (voir Döring 1 , p . 94- 96 ;
von Fritz 8 , col. 718 -719 ; 17 K . Döring, « Gab es eine dialektische Schule ? » ,
Phronesis 34, 1989, p. 293-310 (sur la notion d ' école” appliquée aux méga
riques) ; 18 G . Cambiano , « Il problema dell'esistenza di una scuola Megarica » ,
dans G . Giannantoni ( édit.), Scuole socratiche minori e filosofia ellenistica,
Bologna 1977, p. 25-53). Pas plus que les autres « Petits » socratiques, lesméga
riques n 'avaient d'institutions comparables à l'Académie ou au Lycée ; il est dif
ficile aussi de parler de « système» , et même de mettre en évidence une doctrine
commune clairement établie autour de quelques principes ou dogmes fondamen
taux. Mais il est abusif de prétendre , à l'inverse , que l'école de Mégare s 'est
contentée d 'une critique purementnégative et stérile, sans aucune thèse positive,
voire d 'évoquer à son propos une tendance au scepticisme: on pourrait montrer
que sur deux points au moins (une certaine primauté de la morale, et l'impor
tance accordée à la dialectique et au logos, aboutissant finalement à l'élaboration
d 'une authentique théorie logique) elle est restée fidèle à l' inspiration et aux
visées de son fondateur. Il est très vraisemblable enfin que l'unité de l' école était
due, en partie , à l'ascendant que pouvaient exercer sur leurs auditeurs quelques
personnages prestigieux (Euclide, Stilpon ; certains témoignages parlent ainsi de
« chefs » d'école : fr. 33, 35 , 148 A ).
Sur les débuts de l'école et plus précisément sur les disciples immédiats
d 'Euclide, peu de choses sont assurées. Diogène Laërce cite Eubulide (PE 71)
comme « successeur» d 'Euclide (fr . 50) , Ichthyas (24I 12), Cleinomachos
( * C 146 ) et Stilpon comme philosophes « issus d 'Euclide » (fr . 32 A ): aucune
de ces formules n ' implique une relation directe (exclue de toute façon pour
Stilpon ). La Souda indique plus clairement qu' Ichthyas a succédé à Euclide (fr.
33) et que Cleinomachos a été son élève (fr. 34, li. 2- 3 ), de même que Diocléidès
de Mégare (2D 109 ] ( fr. 148 A , si ó dè, à la ligne 3 , désigne bien Diocléidès) et
Bryson d 'Héraclée ( B 68] (fr. 34 , li. 5 -6 ; mais la liste des maîtres de ce der
nier est assez peu cohérente , cf. ibid ., li. 3 -4 , et fr. 203 A et B , et Döring 1,
p . 157- 163). On relève enfin que l' école est désignée de trois façons différentes :
outre le nom qui lui vient de la patrie de son fondateur ( spéc. fr. 43-44 ), elle a
porté aussi ceux d' École éristique et d' École dialectique (fr. 31 et 34-35 , ces
deux fragments rattachant le dernier nom à la présence à la tête de l'école de
Cleinomachos, soit – si ce quiprécède est exact – peu de temps après Euclide).
L 'École mégarique (d 'après les sources antiques ). On trouvera un tableau
des relations entre maîtres et disciples de l'école mégarique dans 19 R . Muller ,
Introduction à la pensée desMégariques, Paris 1989, p .67, et dansMontoneri 4 .
Études d 'orientation, bibliographies. Parmi les travaux cités ci-dessus, on
distinguera tout particulièrement l'article de von Fritz 8, ainsi que les commen
taires et la bibliographie de Döring 1 ; la brève étude de Humbert 6 , p. 272- 277,
peut aussi rendre service. L 'article de 20 P . Natorp, « Eukleides» 5 , RE VI 1,
1907, col. 1000 - 1003, est une bonne illustration de l'information et de l' interpré
tation traditionnelles. Étude d 'ensemble , commentaire des fragments et biblio
E 84 EUCRATÈS 277
graphie dans Muller 2. Rappelons que Giannantoni 3, notes 3 -5, vol. IV , p. 33
60 , comprend plusieurs études sur Euclide et l'École de Mégare (avec bibliogra
phie dans le vol. III). Toute la première partie de Montoneri 4, p . 13-226 , est une
étude générale où ce qui concerne Euclide proprement dit et son école couvre les
pages 39 -91 (la bibliographie est dispersée dans les notes de bas de page). Voir
récemment 21 K . Döring, « Sokrates, dis Sokratiker und die von ihnen
begründeten Traditionen » , GGP, Antike 2/1, p . 208-212, avec bibliographie
p . 349.
ROBERTMULLER .

Iconographie. Si la tradition littéraire ne nous fait pas connaître de statue


antique d 'Euclide, elle mentionne néanmoins un trait important pour son iden
tification éventuelle : d'après Aulu -Gelle VII 10, il s'habillait en femme, « tunica
longa muliebri indutus et pallio versicolore amictus, et caput rica velatus e domo
sua Megaris Athenas ad Socratem commeabat» . D 'où l'idée très tôt émise, et
reprise par Richter, Portraits, t. I, p. 120 et fig . 576 , de le reconnaître sur des
monnaies deMégare du jer siècle av. J.-C ., où l'on voit une tête barbue, voilée et
portant une boucle d'oreille . Comme aucune divinité n 'est concernée par ces
détails , l'hypothèse mérite d ' être retenue, et montrerait une fois de plus l'impor
tance d 'un philosophe comme image de marque de sa ville d 'origine.
MARIE -CHRISTINE HELLMANN .
83 EUCLIDE DE NICOMÉDIE ја
Académicien, disciple de Carnéade (2- C 42),mentionné dans l'Academico
rum historia de Philodème, col. 23, 40 = 32, 34 (= Carnéade T 3b 11 Mette ).
TIZIANO DORANDI.
84 EUCRATÈS , fils deDeinon MII
Personnage fictif du dialogue satirique de Lucien , Philopseudès. Agé de
soixante ans, porteur d 'une longue barbe, il est dévoué à la philosophie (s 5 ).
Dans le dialogue de Lucien , Tychiadès raconte à Philoclès les propos tenus par
plusieurs philosophes venus rendre visite à Eucratès malade : Cléodème le péri
patéticien (P + C 159), Deinomachos le stoïcien (2D 32 ), Ion le platonicien
(2 -I 18 ), puis, arrivé plus tard au cours de la discussion, Arignotos le pytha
goricien (2 A 332). Se trouvait également auprès d 'Eucratès le médecin Anti
gonus, qui se révèle aussi crédule que les philosophes ( 21). De sa femme
Dèmainétè,maintenant décédée, Eucratès a eu deux fils, dont l'un , de quinze
ans, s'appelle Eucratidès.Le second est plus âgé (§ 27). On apprend également
qu ’Eucratès a étudié en Égypte dans sa jeunesse (§ 33) auprès d'un scribe égyp
tien , apparemment prêtre d 'Isis, Pancratès, qui a vécu vingt-trois ans dans le
sanctuaire et fut également le maître du pythagoricien Arignotos (§ 34).
Épicratès a obtenu de la statue de Memnon sept vers oraculaires et a consulté le
héros Amphilochus à Mallos en Cilicie ( 8 38 ). Toutes les interventions d ' Eu
cratès, comme celles des philosophes venus le visiter, concernent des histoires
278 EUCRATÈS E 84
d 'apparitions de revenants, de démons, de statues miraculeuses, de philtres
magiques et autres prodiges incroyables.
RICHARD GOULET.
85 EUCRATIDAS DE RHODES II/Ia ?
L'épitaphe bilingue de l'épicurien Eucratidas, fils de Peisidamos , de Rhodes ,
enterré à Brindisi (IG XIV 674 = CIL IX 48) ne contient aucun indice chronolo
gique , d 'autant moins que les trois copies du Xviie siècle qui l'ont conservée ne
se souciaient pas de reproduire la forme des lettres. L 'époque la plus probable
est néanmoins celle où les écoles de Rhodes connurent leur plus grand rayonne
ment, entre la fin du IIe siècle avant J.- C . et le début de notre ère.
BERNADETTE PUECH.
86 EUDAIMON DM II
Dans ses Pensées (VIII 25, 2 ), vers 176 ,Marc-Aurèle évoque divers person
nagesmorts depuis longtemps et oubliés, notamment un certain Eudaimon , cité
avec d 'autres esprits “pénétrants” (Opquets), Charax, certainement le consulaire
historien , philosophe et prêtre de Pergame ( - C 94), et Démétrios “ le Platoni
cien " , certainement Aelius Demetrius (PD 62 ; voir surtout C . P . Jones, « A
Friend ofGalen » , CQ 17, 1967, p. 311-312),disciple de Favorinus.
Cet Eudaimon peut être identique à l'homonyme d'Hadrianoi, père du
sophiste Aelius Aristide (voir A 349 et la notice suivante) plutôt qu ' à Valerius
Eudaimon , directeur des bibliothèques grecque et latine, ab epistulis Graecis et
procurateur de Lycie sous Hadrien, préfet d'Égypte sous Antonin , de 142 à 144
environ (voir 1 H . G . Pflaum , Les carrières procuratoriennes équestres sous le
Haut-Empire, Paris 1960, t. I,nº 110 , p. 264- 271 ; 2 P . Bureth (et G . Bastianini),
ANRW II 10 , 1, 1988 , p. 485 et 508 ).
L 'Eudaimon de la Vita Hadriani, XV 3, conscius imperii puis réduit par
Hadrien à la misère, n 'est pas sûrement identifié .
Cf. 3 Ch. Habicht, «Zwei neue Inschriften aus Pergamon », MDAI(I) 9 - 10 ,
1959- 1960, p . 109- 125 ; 4 0 . Andrei, A . Claudius Charax di Pergamo. Interessi
antiquari e antichità cittadine nell'età degli Antonini, Bologna 1984 , p. 9-22 ;
5 S . A . Stertz , « Semper in omnibus varius : The Emperor Hadrian and Intel
lectuals » , ANRW II 34 , 1, 1993, p . 620 -621.
Omis dans RE, KP.
SIMONE FOLLET.
Orhaneli ,Mysie )
87 EUDAIMON (P. Aelius – ?) D 'HADRIANOI (=- Orhaneli,Mysie D II
Philosophe. Père d'Aelius Aristide.
Trois sources (Philostrate , V . Soph . II 9 (581), Sopater d 'Apamée, Prolégo
mènes à Aristide, 3-4 , Souda, s.v. 'Aploteíông A 3902, t. I, p . 353 Adler )
attestent que le père d' Aelius Aristide (» * A 349) s 'appelait très vraisemblable
ment Eudaimon . Selon Philostrate , Eudaimon aurait été soit le nom du père
d ' Aristide, soit le nom du sophiste lui-même. Sopater précise qu ’Aristide a étu
E 87 EUDAIMON D 'HADRIANOI 279
dié la philosophie à Athènes en plus de la rhétorique, ce que semblent confirmer
les nombreuses références à Platon ou aux æuvres de ce philosophe éparses dans
ses discours. Selon la Souda , Eudaimon , le père d 'Aristide, était philosophe et
prêtre d 'un sanctuaire de Zeus situé dans sa patrie. Aristide lui-même ne donne
pas le nom de son père dans le seul récit de rêve où il évoque son existence (Or.
XLVIII 40 Keil).
L 'étude conjointe de différents passages des Discours sacrés (Or. XLVII 43
45 , XLIX 13, 16 ,41, L 1, 21, 48 -49, 71, 105 ;LI 10, 47 Keil) laisse entendre que
le « foyer ancestral» de la famille paternelle du sophiste était situé dans l'Olym
péné au voisinage d 'un sanctuaire de Zeus – qu ' Aristide qualifie toujours de
« Zeus Olympios ancestral» – et qu 'il faut désormais localiser à proximité
d 'Hadrianoi de l'Olympe en Haute Mysie (sinon très précisément dans le Kélès),
sans que l'on sache pour autant quelle dénomination ancienne du dieu a pu, si
elle a existé , être recouverte par l'épiclèse d'Olympios (voir 1 E . Schwertheim ,
Die Inschriften von Hadrianoiund Hadrianeia , coll. IK 33, Bonn , 1987, p . 86 et
155- 156 ). On ne saurait confondre, d 'autre part, le « foyer ancestral » quijouxtait
le sanctuaire de ce Zeus Olympios local avec le domaine acheté en 141/2 , durant
le voyage d'Aristide en Égypte, par des membres de sa famille (Or. L 105 Keil),
le Laneion , lequel se trouvait dans le voisinage d'Hadrianoutherai (Balıkesir :
Or. XVII 51-52 Keil) et devint par la suite la demeure d 'élection du sophiste
(voir, sur tout cela, 2 M .-H . Quet, « Trophé » et destinée. L' itinéraire d 'Aelius
Aristide, sophiste hellène et mystique païen , au siècle des Antonins, thèse d'État,
Université de Paris X -Nanterre, 1995, chapitres I et II).
Eudaimon mourut très vraisemblablement alors que son fils était encore
jeune, sans doute avant le début de la grave maladie qui affecta celui-ci à partir
de 143, à tout le moins avant l' épisode qui l'immobilisa au « foyer ancestral»
dans l'hiver 147 /8 , puisque sa mère était alors seule présente avec le nourricier
dans la vaste demeure familiale (Or. XLIX 16 Keil). Aucune indication particu
lière ne permet de préciser si Eudaimon mourut durant l'enfance ou l'ado
lescence de son fils , ou bien pendant les séjours que celui-ci effectua à Athènes
et en Égypte. En revanche, les réactions d ’Aristide à l'égard de Zeus Olympios
et nombre de ses récits de rêves donnent à penser qu 'il fut orphelin de père avant
d'avoir atteint l'âge adulte et dansdes circonstances traumatisantes.
Le sophiste portait le prénom et le gentilice d'Hadrien (OGI 709). Comme il
n 'avait que vingt ans et demi à la mort de l'empereur et que la fondation
d'Hadrianoi, en 131, est l'æuvre d'Hadrien , c'est probablement Eudaimon qui
obtint, le premier de sa famille , la citoyenneté romaine, peut-être par l'intermé
diaire des Polyaenoi, qui comptèrent parmi eux l'un des premiers magistrats
d 'Hadrianoi et qui détenaient une énorme influence dans l'Olympéné et à Pruse
de l'Olympe. La remarque de Sopater sur l'obscurité de la famille maternelle du
sophiste, ainsi que plusieurs observations d 'Aristide sur les obligations particu
lières des fils de pères illustres (Or. II 93- 96 , III 149 Lenz-Behr, XIX 5, XLII 3,
XLVIII 42 Keil), laissent supposer qu 'Eudaimon a joui, en son temps, d'une
certaine notoriété. Il était en tout cas citoyen de Smyrne (Or. L 72-73 Keil). On
280 EUDAIMON D 'HADRIANOI E 87
ne peut donc totalement exclure la possibilité que le père d' Aristide ait été l'Eu
daimon cité par Marc-Aurèle dans les Pensées VIII 25, 2, parmidivers person
nages du passé proche ayant sombré dans l'oubli, que l'empereur qualifie de
« génies pénétrants » et entre lesquels il retient les noms d' A . Claudius Charax,
l'historien , antiquaire et philosophe, fondateur des Propylées de l'Asklépieion de
Pergame (B +C 94 ) et de Démétrios le Platonicien (2D 62).
On ne saurait pour autantconfondre le père d'Aristide avec l'Eudaimon conscius imperii
qui fut réduit à la pauvreté par Hadrien, selon le témoignage de la Vita Hadriani XV 3, si du
moins, comme l'a pensé 3 H .G . Pflaum (voir Les carrières procuratoriennes équestres sous le
Haut- Empire, Paris, 1960, t. I, nº 110, p . 264 -271), celui-ci doit être reconnu dans l'ab
epistulis Graecis qui occupa trois emplois créés par Hadrien , avant d 'accéder, entre février et
juillet 142, à la préfecture de l'Égypte (voir, pour l'établisseementde cette date, 4 G . Bastia
nini, « Lista dei prefetti d 'Egitto » ,ZPE 17, 1975, p . 263-328 (288-289 ) et 5 Id ., « Aggiunte et
correzioni» , ZPE 38, 1980, p. 75 -89 [81-82 ]), où il succéda au brillant orateur ab epistulis
Graecis, de descendance royale , C . Avidius Heliodorus, dont rien ne prouve - comme on avait
pu le croire jusqu 'ici – qu 'il ait été philosophe, et que 6 S . Follet, « Lettres d 'Hadrien aux Épi
curiens d 'Athènes (14 .2 . - 14 .3 .125) : SEG III 226 + IG II ? 1097 » , REG 107, 1994 , p. 158
171, distingue du philosophe Heliodorus (MH 28 ), ami intime d 'Hadrien mentionné dans
l' Histoire Auguste (Vita Hadriani XV 5 et 10 ), en lequel elle reconnaît Héliodore, le
scholarque des épicuriens d ' Athènes, destinataire d 'une lettre d'Hadrien datée de 125. Sur le
second Eudaimon , voir la notice précédente.
MARIE-HENRIETTE QUET.
88 EUDAMOS (Eudèmos) RE 16 DIV
Dans Aristophane, Ploutos, v. 884, un personnage rapporte avoir acheté à
Eudamos pour une drachme un anneau censé le protéger contre les morsures des
vipères et des scorpions,mais non pas contre celles des sycophantes. Le Scho
liaste commente : o d' EÚdauos papuaxonuing Ô Xovoothans, tatele OUÉ
νους δακτυλίους πωλών. φιλόσοφος δε ήν ούτος ο Εύδαμος φυσικούς
δακτυλίους ποιών πρός δαίμονα και όφεις και τα τοιαύτα. « Eudamos était
un marchand de remèdes ou un vendeur d 'or qui vendait des anneaux enchantés.
Cet Eudamos était un philosophe qui faisait des anneaux magiques contre le
démon, les serpents et les dangers semblables» .
Théophraste, Hist. plant. IX 17, 2-3, parle de deux personnages homonymes
qui correspondent à ce portrait: Eudèmos ó papuaxonoins et Eudèmos de
Chios. Voir aussi Apollonius, Historiae mirabiles, 50 (ed. A . Giannini, Para
doxographorum Graecorum reliquiae,Milano 1965), quireprend l'anecdote de
Théophraste à propos du premier Eudemos en donnant à ce dernier le nom
d ' Eunomos.
Cf. M .Wellmann , art. « Eudemos» 16 , RE VI 1 , 1907 , col. 903-904.
RICHARD GOULET.
89 EUDAMOS RE 1 (“ Eugamos”) ІІІa
Académicien, disciple d'Arcésilas (M+ A 302). Arcésilas composa une épi
taphe pour Ménodore de Thyatire, qui futle bien-aimé d'Eudamos (D .L . IV 30
31 = F 122 Suppl. Hell.). Cf. H . von Arnim , art. « Eugamos » , RE VI 1, 1907,
col. 984.
TIZIANO DORANDI.
E91 EUDÈME DE CHYPRE 281
90 EUDÈME Iva
Épicurien , par ailleurs inconnu,mentionné par Épicure dansune lettre conser
vée par Philodème, Pragmateiai, col.XV 5 et 15 Militello .
Cf. W . Liebich , Aufbau, Absicht und Form der Pragmateiai Philodems,
Berlin 1960, p. 60, et C . Militello , CronErc 22, 1992, p. 157- 161; Ead ., Filo
demo, Memorie epicuree (PHerc. 1418 e 310 ), coll. « La Scuola di Epicuro » 16 ,
Napoli 1977 .
TIZIANO DORANDI.
91 EUDÈME DE CHYPRE RE 10 DM IV
Membre du cercle platonicien de l'Académie et ami d'Aristote .
Études d 'orientation. 1 E . Martini, art. « Eudemos» 10 , RE VI, 1909, col.
895 ; 2 W . Spoerri, art. « Eudemos» 2 , KP, col. 404 -405 ; 3 W . Spoerri, « Pro
sopographica » , MH 23, 1966 , p . 44-57 (avec une abondante bibliographie dans
les notes) ; 4 A . H . Chroust, Aristotle. New light on his life and on some of his
lost works, vol. II : « Observations on some of Aristotle 's lost works » , London
1973, p . 43-45 et n . 14 , p . 308 ; 5 K . Gaiser, « Die Elegie des Aristoteles an Eu
demos » , MH 23 , 1966 , p . 84- 106 ; 6 W . Theiler, « Plato und Eudem » , MH 23 ,
1966 , p. 192- 193.
Vie. Grâce à Cicéron (De divinatione I 53), nous possédons un témoignage
important sur Eudème de Chypre , emprunté au dialogue d 'Aristote intitulé
Econuoc ñ lepi puxñs (nous savons par Plutarque, Vie de Dion 22, 5 , que cet
écrit de jeunesse du Stagirite fut écrit en l'honneur du philosophe Eudème de
Chypre , après la mort au combat de ce dernier). Cicéron rapporte que, lors d'un
voyage d 'Eudème en Macédoine, celui-ci tomba grièvementmalade à Phères en
Thessalie . Il eut un songe : un jeune homme de belle apparence lui dit qu' il allait
guérir sous peu, que le cruel tyran de Phères, Alexandre , allait être assassiné et
que cinq ans plus tard lui-même retournerait chez lui (quinquennio post domum
esse rediturum ). La prédiction , nous dit Cicéron, se réalisa , mais Eudème ne
revit pas son île , puisque, les cinq ans écoulés, il mourut devant Syracuse ; son
âme était ainsi retournée dans sa vraie patrie (domum ). Or Alexandre de Phères
fut assassiné, semble-t-il, vers la fin de 358 (ou au début de 357), ce qui nous
donne, comme date de la mort d'Eudème, fin 353 (ou début 352), une année en
tout cas après l'assassinat de Dion de Syracuse (été 354 ), quand les partisans de
ce dernier tentèrent de reprendre la ville aux côtés du neveu de Dion, Hipparinos
(sur les détails de la chronologie , cf. Spoerri 3 ).
On a souventadmis depuis J. Bernays (Die Dialoge des Aristoteles in ihrem
Verhältnis zu seinen übrigen Werken, Berlin 1863, p. 21 et 143 sqq.) qu 'Eudème
avait été exilé de Chypre; Spoerri 3, p . 46, pense plutôt que les motifs qui rete
naient Eudème loin de Chypre sont à chercher dans la propagandemenée par
l'ami d 'Aristote en faveur de Dion de Syracuse .
Sur l'identité du destinataire de l'élégie d ' Aristote adressée à Eudème (npòs
Eüánuov) conservée par Olympiodore dans son Commentaire sur le Gorgias
(41, 9, p . 215 , 2-11 Westerink = fr. 1, p. 146 Ross = M . Plezia, Aristotelis priva
282 EUDÈME DE CHYPRE E91
torum scriptorum fragmenta, coll. BT, Leipzig 1977, « Carmina » T3 et F3
[bibliographie dans l'apparat]),cf.Martini 1 (Eudème de Rhodes), F. Wehrli,art.
« Eudemos» 11, RESuppl. XI, 1968, col. 653 (Eudème de Rhodes), Gaiser 5,
p . 92 sqq. (Eudème de Chypre ); Theiler 6 (Eudème de Rhodes).
L 'Eudème auquel renvoie le titre du traité de morale aristotélicien 'HOixà
Eủónula a parfois été considéré comme étant le Chypriote et non le Rhodien (cf.
V . Décarie , Aristote , Ethique à Eudème, Paris Montréal 1978 , p. 30 ; sur cette
question,cf.aussi DPhA Suppl. I, et » E 93 sub fine).
JEAN-PIERRE SCHNEIDER .

92 EUDÈME DE PERGAME RE 12 et RESuppl. III:12 DM II


Philosophe péripatéticien du IIe siècle de notre ère .
A . Sources .Notre source sur ce philosophe est Galien , qui le cite en plusieurs
endroits. Le médecin de Pergame cependant mentionne dans ses ouvrages plu
sieurs personnages du nom d 'Eudème. Il convient donc de soigneusement distin
guer le philosophe péripatéticien Eudème quinous intéresse ici de ses nombreux
homonymes. Galien cite en effet dans ses écrits, outre Eudème de Pergame,
quatre autres Eudème: (1) Eudème de Rhodes ( E93), auteur d 'un traité sur le
style bien connu de Galien (De sophismatis, t.XIV , p . 593, 9 Kühn ; De libris
propriis, t. XIX , p . 47 K .), ( 2) un médecin (RE 17), contemporain d 'Hérophile et
Érasistrate , auteur d 'une ávatouń (De uteri dissectione, t. II, p . 890 K . ; De usu
partium t. III, p . 203 K .; De semine, t. IV , p. 646 K . ; De locis affectis, t. VIII,
p . 212 K . ; In Hippocratis De natura hominis, t. XV, p . 134 K . ; In Hippocratis
Aphorismi, t. XVIII A , p. 7 K .), ( 3 ) un élève de Thémison , disciple de l'école
méthodiste au fer siècle de notre ère (RE 18), auteur d 'un ouvrage de pharmaco
logie écrit en vers (Demethodo medendi, t. X , p . 53 K . ; De antidotis, t. XIV ,
p . 185 et 201 K .) et enfin (4) un chirurgien originaire de Pergame (RE 19), spé
cialisé dans les trépanations, inventeur d'un emplâtre dit d ’Isis, et dont Galien
eut l'occasion, bien que rarement, d 'écouter les leçons (De methodo medendi,
t. X , p. 454 K . ; De compositione medicamentorum secundum locos, t. XIII ,
p. 291 K .). Le philosophe péripatéticien a parfois été confondu avec ce dernier
chirurgien , originaire comme lui de Pergame. C ' est le cas dans l'index de l'édi
tion Kühn qui confond les deux personnages, ainsi d 'ailleurs que l'anatomiste
alexandrin du même nom . A . Stein , dans la Prosopographia Imperii Romani II,
Berlin , 1897 , p. 41, nº 81, identifie de même le philosophe avec le chirurgien
originaire de Pergame qui inventa l’ emplâtre d'Isis . J. Ilberg cependant, dans
« Aus Galens Praxis. Ein Kulturbild aus der römischen Kaiserzeit» , JKPh 15,
1905, p . 286 (= Antike Medizin , hrsg. von H . Flashar, Darmstadt 1971, p . 376 )
émet des doutes sur cette identification à laquelle, à ses yeux, il convient de
renoncer. M . Wellmann et E. Martini enfin , dans la RE VI 1, 1907, col. 902 et
905, s. v. Eudemos 12 et 19, distinguent respectivement le chirurgien et le philo
sophe. Et Martini dans la RESuppl. III, 1918, col. 445 -446 , rédige la première
notice consacrée au seulphilosophe Eudème de Pergame.
E 92 EUDÈME DE PERGAME 283
Comme l'avait déjà bien vu J. Ilberg , il convient donc de distinguer un
Eudème philosophe qualifié par Galien de piłócopos (De temperamentis II 6,
t. I, p. 631, 5 Kühn = éd . G .Helmreich,coll. BT, Leipzig 1904, p. 76 ; In Hippo
cratis De victu acutorum II 29, t. XV, p. 565, 11 K . = éd. G . Helmreich , coll.
CMG V 9, 1, Berlin 1914, p. 187, 16 ; In Hippocratis Epidemiarum librum I, III
17 , t. XVII A , p . 250, 6 - 7 K . = éd . E . Wenkebach et F . Pfaff, coll. CMG V 10 , 1 ,
Berlin 1934, p. 125, 19-20) et de trepitaTntixós (De anatomicis administratio
nibus I 2 , t. II, p. 218 K . = éd. I. Garofalo, Napoli 1986 , p. 5, 1-2 ; De prae
notione 2, t. XIV , p. 605 -606 K . = éd. V . Nutton , coll. CMG V 8, 1, Berlin 1979 ,
p . 74) d'un Eudème chirurgien qui ne semble pas avoir jamais longtemps quitté
Pergame et que Galien ne paraît avoir connu que lorsque celui-ci avait déjà
atteint un âge avancé, d'où les épithètesde tpeobúrns (Demethodo medendi VI
6 , t. X , p. 454 K .) etopeobúrepoç (De comp. med. sec. loc. IX 5, t. XIII, p. 291
K .) attachées à ce personnage.
B. Biographie :
Repères chronologiques. Le philosophe péripatéticien Eudème vivait à
Rome au cours de l'hiver 162/3 lorsque Galien fut amené à le soigner pour la
première fois. Galien mentionne en effet longuement Eudème dans le Pronostic
à l'occasion des accès de fièvre dont souffrait le philosophe et dontses médecins
habituels étaient impuissants à le soulager (De praenotione, t. XIV, p. 605 sqq.
K . = p. 74 sqq. Nutton ). Originaire de Pergame (voir une allusion de Galien à
leur patrie commune dans t. XIV , p . 620 -621 K . = p. 90 , 8 -9 Nutton ), le philo
sophe péripatéticien avait connu le père de Galien (t. XIV, p .608 K. = p. 76 , 29
Nutton ) avant de venir s' installer à Rome, où il vivait depuis déjà une dizaine
d 'années (voir la mention par Eudème d 'un événement remontant à une dizaine
d'années de là dans t. XIV , p. 608 et 623 K . = p. 92, 23-24 Nutton :npò étőv US
déxa ). Il était dans sa soixante -troisièmeannée quand il fut atteint d 'un accès de
fièvre quarte (fièvre paludique ): Enxootov xai tpitov ērog ayovta (t. XIV ,
p .614 K . = p. 82, 20 -21 Nutton ), ce qui permet de situer sa date de naissance
vers 100 de notre ère.
Lamaladie d 'Eudème. Cet épisode de la vie d 'Eudème nous est bien connu grâce en par
ticulier au témoignage de Galien dans le Pronostic (t. XIV , p. 605 sqq. K . = p . 74 sqq.
Nutton ). Eudème était lié au médecin de Pergame et lui rendaitmême visite chez lui (ovveyé
Veto uÈV ÉDos nuīv , t. XIV , p . 606 K . = p . 74 , 22 - 23 Nutton ), mais Galien , arrivé de
fraîche date dans la capitale, n 'était pas spécialement attaché à son service et Eudème restait
suivi par ses médecins habituels (tois ouvñdeolv latpots , t. XIV , p. 608 K . = p. 76 , 22
Nutton ). Un jour le philosophe péripatéticien fut pris de frissons, puis ne remarqua plus rien
d'inquiétantpendant les deux jours suivants. Amené à prendre le pouls du philosophe au début
de sa maladie ,Galien soupçonne un début de fièvre quarte, mais ignorant le rythme exact des
pulsations d 'Eudème à l'état normal, il hésite encore par prudence à se prononcer . Lors d 'une
poussée de fièvre ultérieure, Galien osera cependant s'opposer à la prescription d'une thé
riaque par les autres médecins.Mais Eudème, tout d'abord assez enclin à suivre l'avis de
Galien , n 'ose finalement pas s'opposer à ses propres médecins et suit leurs recommandations.
Le résultat est celui prévu parGalien : la fièvre redouble d 'intensité. Les médecins augmentent
alors les doses et l'accès de fièvre s ' en trouve proportionnellement accru . Questionné par
Eudème sur l' évolution de sa maladie , Galien demande alors à pouvoir examiner les urines du
matin avant de se prononcer. Il prédit à Eudème un troisième accès sévère de fièvre quarte à
284 EUDÈME DE PERGAME E92
peu près à la mêmeheure que les précédents puis prend congé. Cependant, épuisé par ces trois
accès de fièvre successifs, Eudème est donné comme mort par ses médecins au milieu de
l'hiver. Etabli dans une maison proche de celle d 'Eudème, Galien visite régulièrement le phi
losophe et se rend à ses appels deux fois par jour. Finalement, devant tous les médecins réunis,
il prédit le moment exact où le troisième accès prendra fin et où Eudème recouvrera la santé,
remportant ainsi la victoire sur tous ses rivaux . Nul doute que cette cure réussie d 'un grand
personnage bien connu de la haute société romaine apporta à Galien une renommée enviée et
lui assura le succès pour la suite de sa carrière. Aussi Galien ne se prive-t-il pas de citer le
nom d 'Eudème et de faire plusieurs fois allusion dans ses écrits à cet épisode pour lui si glo
rieux (voir De temperamentis II 6 ,t. I, p .631-632 K . = p. 76 -77 Helmreich ; In Hippocratis De
victu acutorum II 29, 1. XV, p. 565-567 K . = p. 187-188 Helmreich , et In Hippocratis De
humoribus II 20 , 1. XVI, p. 276 K ., même si ce dernier passage est à considérer avec prudence
puisque le traité est un faux de la Renaissance qui repose sur l' arrangement de textes en
grande partie authentiques).
La société romaine fréquentée par le philosophe. A l'époque de la maladie
d 'Eudème, au cours de cet hiver 162/3, font partie des familiers d'Eudème les
membres les plus influents de la société romaine. Le matin même où Galien
vient examiner les urines d'Eudème, arrivent chez le philosophe L . Sergius
Paulus, qui à l'époque des faits avait déjà été consul sous Antonin le Pieux et
qui, peu après, selon Galien , devait devenir préfet de la ville , avant semble -t- il
d'exercer un second consulat, ainsi que Flavius Boethus (- B 49), qui avait, lui
aussi, déjà exercé le consulat et devait dans la suite être nommé gouverneur de
Syrie -Palestine. Ces deux personnages, nous dit Galien , étaient très férus de la
philosophie d'Aristote (Oráblos < Bondóc> , ... xai ajtós ÉOTEUXUS SÈ nepi
Tņu 'Aplototénous plooopiav conep xai ó laŭmoç, t. XIV , p. 612 K . =
p . 80 , 17- 19 Nutton ). Ils sont témoins du troisième accès de fièvre qui frappe
Eudème etadmirentsans réserve lemédecin de Pergame pour sa science du pro
nostic . Ils le prient même d'organiser à leur intention quelque démonstration
d'anatomie, alors fort en vogue dans les milieux romains. Galien mentionne
encore commeappartenant au même cercle un certain Severus, consul lui aussi,
et également feru de la philosophie d' Aristote (ύστερον δε και Σεβήρος
ύπατος μεν ών, εσπουδακώς δε περί την Αριστοτέλους φιλοσοφίαν,
t. XIV , p .613 K . = p. 82, 6 -7 Nutton ).
Sur Claudius Severus, consul ordinaire en 146, qui épousa la fille aînée de Marc -Aurèle ,
voir P. Hadot, Marc Aurèle, Écrits pour lui-même, CUF , t. I, Paris 1998, Introduction géné
rale, p. CXIV-CXV .
L 'activité philosophique d 'Eudème. On ne sait rien de la formation philo
sophique d'Eudème. Peut-être a -t-il été l'élève du philosophe péripatéticien
Aspasios ( A 461), commentateur d'Aristote . En fait on sait seulement que
Galien eut pour maître à Pergame un élève d'Aspasios de retour dans sa patrie
apres un long voyage a l' étranger (εν τούτω δε τις και άλλος ήκε πολίτης
ημέτερος εξ αποδημίας μακράς, 'Ασπασίου του Περιπατητικου μαθητής,
De propriorum animi cujuslibet affectuum dignotione et curatione 8, t. V, p.41
42 K . = éd. W . de Boer, coll. CMG V 4, 1.1, Berlin 1937, p. 28),mais on ignore
qui se cache sous les traits de cet inconnu : Eudème de Pergamemais peut-être
aussiHerminos (» H 83, le maître d'Alexandre d’Aphrodise (> A 112] (voir P.
E93 EUDÈME DE RHODES 285
Moraux, Galien de Pergame, Paris 1985, p. 42 n. 3, et V. Nutton, commentaire
au Pronostic, p. 157).
Sur l'identification de ce philosophe, voir DPHA I, A 461, et P. Moraux, Aristotelismus II,
p . 226 .
Il ne fait en tout cas aucun doute qu 'Eudème enseigna la philosophie. Peut
être fut- il même le maître de Galien, si on prend au sens propre le titre de
Olôáoxaros dont le médecin de Pergame le gratifie à deux reprises dans le Pro
nostic . Galien déclare en effet se rendre auprès de lui pour le soigner comme
auprès d 'un maître (oła Oldaoxány , t. XIV , p. 613 K . = p. 82, 12 Nutton ) et
l'appelle « son très cher maître » au moment où le philosophe le met en garde
contre les haines que ses récents succès ne manqueront pas de lui attirer
(piatate Oldáoxare, t. XIV, p. 624 K . = p . 92, 26 Nutton ). Il est vrai que dans
toute cette discussion, au cours de laquelle Eudèmemet en garde le jeune pro
vincial contre les dangers de la capitale, le ton est bien celui d'un maître à son
disciple . Mais peut-être aussi Galien veut- il simplement, par ce titre de
Olbáoxaros, remercier en Eudème celui qui lui dévoile les secrets de la capitale
et lui enseigne les pièges à éviter. En dehors d'autres renseignements plus expli
cites sur ce point, la question reste ouverte .
C . L 'æuvre philosophique d 'Eudème. Aucun ouvrage ne nous a été trans
mis sous le nom d 'Eudème de Pergame. E .Martini, art. « Eudemos» 12, RE VI
1 , 1907, col. 902 , en fait un peu imprudemment l'auteur d 'un Pronostic, mais
abandonne cette affirmation dans RESuppl. III, 1918 , col. 445-446 . Il ne reste
pas davantage de témoignage sur son activité littéraire et scientifique. Tout au
plus sa présence aux démonstrations anatomiques de Galien est-elle notée dans
les Administrations anatomiques I 2 (napovtwv aŭtats del mèv Eủonuou te
TOŨ TIEPITIATNTIXOŨ xai ..., t. II, p . 218 K . = éd . I. Garofalo ,Napoli 1986 , p . 5 ),
mais c 'est tout. Pour le reste , il faudra se contenter de supposer que, comme les
principaux philosophes péripatéticiens contemporains, il dut s'occuper d'ensei
gner et de commenter les cuvres d 'Aristote.
VÉRONIQUE BOUDON .
93 EUDÈME DE RHODES RESuppl. XI: 11 MF IV
Péripatéticien ,disciple direct d 'Aristote.
Fragments et témoignages . 1 F . Wehrli, Eudemos von Rhodos, coll. « Die
Schule des Aristoteles» 8 , Basel/Stuttgart 19692 (textes, p. 9 -72 (151 « frag
ments » ]; commentaire, p. 77- 123) ; 2 L . Spengel, Eudemii Rhodii Peripatetici
fragmenta quae supersunt, Berlin 1867 (1870 ed. altera stereotype iterata).
Études d 'orientation . 3 E . Martini, art. « Eudemos» 11, RE VI, 1909, col.
895 -901 ; 4 F. Wehrli, art. « Eudemos» 11, RESuppl. XI, 1968, col. 652 -658 ;
5 U . Schöbe, Quaestiones Eudemeae. De primo Physicorum libro , Diss. Halle
1931, 92 p .; 6 W . Spoerri, art. « Eudemos » 1, KP, col. 403-404 (avec une impor
tante bibliographie ); 7 F . Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen
Kaiserzeit» , GGP, Antike 3, 1983, p. 530 -531 ; 8 W . Burkert, Lore and science
in ancient Pythagoreanism ,CambridgeMass. 1972 (trad. revue de Weisheit und
286 EUDÈME DE RHODES E 93
Wissenschaft : Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon , Nürnberg 1962) ;
9 F. Dirlmeier, Aristoteles. Eudemische Ethik , übersetzt und kommentiert von
F . D ., « Aristoteles, Werke in deutscher Übersetzung » , Berlin (1962), 19793,
p . 109- 111 et p . 127- 143 ; 10 K . Gaiser, « Die Elegie des Aristoteles an Eude
mos» , MH 23, 1966 , p . 84-106 ; 11 W . Theiler, « Plato und Eudem » , MH 23,
1966 , p . 192-193.
Vie. On n 'a conservé aucune vie antique d 'Eudème de Rhodes (Diogène
Laërce ne mentionne notre philosophe qu 'à deux reprises: en I 9, à propos des
Mages, et en I 23, à propos de Thalès). On sait seulement qu 'un certain Damas
( D 2a ), inconnu par ailleurs, en avait écrit une (fr. 1 Wehrli et commentaire
p . 77). On peut supposer avec Wehrli 7 , p . 530, qu 'Eudème est né avant 350a: en
effet, il était pressenti comme successeur d ' Aristote à la tête du Lycée , ce qui
laisse supposer qu'en 322 il devait avoir au moins une trentaine d' années. Une
fois que le choix se fut porté sur Théophraste (Aristote avait finalement exprimé
discrètement sa préférence pour l'Érésien , comme l'indique une anecdote rap
portée par Aulu -Gelle, Nuits attiques XIII 5 = fr. 5 Wehrli), Eudème retourna à
Rhodes où il ouvrit sans doute une école (inférence tirée du fr. 6 Wehrli) et y
établit une tradition péripatéticienne ; cela permet d 'expliquer l'existence d 'un
certain nombre de jeunes péripatéticiens formés apparemment sur l' île : Praxi
phane de Mytilène ( ?) , Hieronymus de Rhodes (» H 129) et Andronicus
( P A 181] (fr. 2 Wehrli ; cf. Wehrli 1 , p. 78 ). Il resta cependant en contact
épistolaire avec Théophraste (fr. 6 Wehrli).
Eudème passait dans l'Antiquité pour le plus aristotélicien parmi les disciples
d'Aristote (Simplicius, In Phys., p. 133, 21 et 411, 16 Diels).
Sur l'identité du destinataire de l' élégie adressée par Aristote à Eudème
(Ipós Eydnuov, fr. 673 Rose ), cf. Wehrli 4 , col. 653, et la notice consacrée à
Eudème de Chypre (» E 91).
Euvres. On ne possède pas de catalogue des æuvres d 'Eudème. Ses
recherches semblent avoir porté principalement, d'un côté, sur la logique et la
physique – où il suit de près, sans doute dans des cours, Aristote -, de l'autre , sur
l'histoire des sciences . Les auteurs anciens, principalement les commentateurs
tardifs d 'Aristote,mentionnent lesouvrages suivants :
( 1) Kamyopiar, Catégories (fr. 7 -8 Wehrli). Seuls trois témoignages tardifs
parlent de Catégories écrites par Eudème (Philopon, In Cat., p. 7, 16 Busse ;
David , In Porph. Isag., p . 102, 4 Busse , auxquels il faut ajouter Olympiodore ,
Proleg., 13, 24-25 Busse); il est étrange que Simplicius,dans la partie doxogra
phique de son commentaire sur les Catégories, ne mentionne pas Eudème.
(2 ) Tepi Nétews, Sur l'expression (fr. 25 -29 Wehrli) ; au moins 2 livres ( cf. fr.
26 ; 27). Il est vraisemblable que le témoignage isolé de Philopon (In Cat., p . 7 ,
16 sqq. Busse), selon lequel Eudème aurait écrit un lepi Épunveias, concerne
en fait le NepiNétews. Galien (2 + G 3 ) avait donné de ce texte un commentaire
en 3 livres aujourd 'hui perdu (Wehrli 1 , p . 85 ; cf. 12 R . B . Edlow , Galen on lan
guage and ambiguity,coll.« Philosophia antiqua » 31,Leiden 1977, p.54-55).
E93 EUDÈME DE RHODES 287
( 3 ) 'Avautixá , Analytiques (fr. 9 -24 Wehrli) ; au moins 2 livres (fr. 9
Wehrli) .
(4 ) QUOLXá, Physique (fr. 31-123 Wehrli); au moins 4 livres (cf. fr. 105
Wehrli). La plupart des fragments proviennent du commentaire de Simplicius sur
la Physique. Pour l'examen des textes, il est encore utile de se reporter à
Schöbe 5.
(5 ) Lepi ywvías, Sur l'angle (fr. 30 Wehrli).
(6 ) CewuetPix iotopia ,Histoire de la géométrie (fr. 133-141 Wehrli); au
moins 2 livres (fr. 140 Wehrli) ; 4 livres, à supposer que le titre analogue
[ 'lotoplőv yEWLETPLXőv a '- 8 '] figurant dans le catalogue des æuvres de Théo
phraste (D .L . V 48) désigne l'ouvrage d'Eudème (cf. Wehrli 7 , p. 530, et Théo
phraste, fr. 264, 3 Fortenbaugh et alii). Dans les témoignages, le titre apparaît
sous les deux formes suivantes : ai rewuetplxai iotopíal (fr. 134 Wehrli
(Proclus]), º yewMETPLX ) Lotopía (fr. 139 (Eutocius); fr. 140 (Simplicius)). Sur
les témoignages relatifs à des pythagoriciens, cf. Burkert 8, p . 402,449-451. Sur
le catalogue des géomètres anciens fourni par Proclus dans le prologue de son
commentaire sur le premier livre des Éléments d 'Euclide (Proclus, In Eucl.
p . 64, 16 - 68,6 Friedlein = fr. 133 Wehrli), la littératuremoderne est abondante -
il faut dire que le nom d 'Eudème qu 'on a souvent considéré comme la source
principale n 'y figure pas -, cf. Wehrli 1 , p. 114 -115 , et 13 C . Eggers Lan ,
« Eudemo y el “ catálogo de geómetras” de Proclo » , Emerita 53, 1985, p . 127
157 (le « catalogue » est sans valeur pour l'histoire de la géométrie pré-eucli
dienne et sa source n 'est pas Eudème).
( 7) ’Api untixn iotopía , Histoire de l' arithmétique (fr. 142 Wehrli); au
moins 2 livres; l'hypothèse de l'identité de cet ouvrage avec le 'Apcountix@ v
ιστοριών περί αυξήσεως α' de Théophraste ne peut des lors etre correcte que si
on corrige le titre, par exemple en considérant que les lettres désignant le nombre
de livres sonttombées apres ιστοριών et que le Περί αυξήσεως α ' est un ouvrage
différent (D .L . V 50 ; pour la forme du titre , cf. fr. 1 et l'apparat critique ad loc.
de l' éd. Fortenbaugh et alii; cf.Wehrli 7, p. 530 ).
(8 ) ’Aotpooyixen iotopía , Histoire de l'astronomie (fr. 143- 149Wehrli) ;au
moins 2 livres (cf. fr. 149 Wehrli), 6 livres, si on admet l' identité de cet ouvrage
avec l’’Aotpooyixñs iotopías a '- s' de Théophraste (fr. 137, 43 Fortenbaugh
et alii). Notons que la forme du titre, tel qu 'il apparaît dans les fragments, est
variable : ai đotporoyixai iotopía . (fr. 143 Wehrli (Clément d 'Alexandrie ]), º
TIEUì cũo đợtootoroducv0v iotopia (tr. 144 [ Diogène Laärce]), ai đợtoo
royiai (fr. 145 [Théon de Smyrne]), ń dotporoyıxn iotopía (fr. 148 (Simpli
cius)). Sur les témoignages concernant le pythagorisme, cf. Burkert 8 , p . 308
310 . Pour l'exposé du système des sphères homocentriques d'Eudoxe de Cnide,
cf. 14 F . Lasserre, Die Fragmente des Eudoxos von Knidos, hrsg., übersetzt und
kommentiert von F. L ., coll. « Texte und Kommentare» 4 , Berlin 1966 , F 122
125 et p. 199.
288 EUDÈME DE RHODES E 93
Grâce à un long passage du Traité des premiers principes du philosophe
néoplatonicien Damascius, rapportant les considérations du « péripatéticien Eu
dème» sur les premiers principes dans les théologies d 'Orphée, d'Homère,
d 'Hésiode etc., on a pu supposer qu'Eudème avait aussi composé une histoire de
la théologie (Damascius, De principiis 124 -125, vol. I, p . 319 sqq . Ruelle
[Damascius, Traité des premiers principes, texte établi par L .G .Westerink et
traduit par J. Combès, CUF , t. III, Paris 1991, p . 162- 167, et notes 1 et 2 ad
locum avec bibliographie ) = fr. 150 Wehrli, sous la rubrique « Geschichte der
Theologie ?» ). A propos de la conception attribuée aux Máyou du fr. 150 (p . 71,
13-18) Wehrli, cf. 15 G .Gnoli, « A note on the Magi and Eudemus of Rhodes» ,
Acta Iranica 28, 1988, p. 283-288 (l'auteur voit en Eudème de Rhodes la source
de ce passage).
A côté de ces ouvrages, Wehrli 1 rassemble sous une même rubrique les
divers témoignages sur les animaux (« Tiergeschichten ? », fr. 125 -132). L 'euvre
zoologique d 'Eudème (de Rhodes ?), à laquelle se réfèrent Apulée (Apologia 36
= fr. 125 Wehrli) et surtout Élien en plusieurs endroits de son ouvrage Sur la
nature des animaux (De natura animalium III 20 , 21; IV 8 , 45.53.56 ; V 7 =
fr. 126 -132 Wehrli), comportait des anecdotes sur la psychologie animale, en
particulier sur l'intelligence et le sens moral des animaux . De par le caractère
non « scientifique» de ces anecdotes , on a contesté l' attribution de ces témoi
gnages à notre philosophe (Martini 3 , col. 901 [l'auteur propose d 'attribuer ces
anecdotes à un paradoxographe homonyme du début de l'époque impériale ] ;
contra , Wehrli 7 , p . 531). Le témoignage d 'Apulée (fr. 125 Wehrli), qui men
tionne, comme auteurs d' écrits zoologiques, un Eudème aux côtés d 'Aristote , de
Théophraste et de Lycon , semble confirmer l'attribution d 'une æuvre de ce type
au Rhodien (paceMartini 3 , col. 901).
Sur le rôle joué par Eudème dans la publication de la Métaphysique
d' Aristote , selon un témoignage d 'Asclépius (In Metaph ., p. 4 , 4 - 16 Hayduck =
fr. 3 Wehrli ; cf. aussi Ps.-Alexandre ( =Michel d'Éphèse ?], In Metaph., p . 515,
3-11 Hayduck = fr. 124 Wehrli), cf. P . Moraux, Les listes anciennes des
ouvrages d 'Aristote, Louvain 1951, p . 319 : de cette anecdote , invraisemblable
sur plus d 'un point,Moraux estime qu 'on peut retenir le fait qu 'Eudème s ' était
occupé de la mise au point de la Métaphysique, après la mort d 'Aristote (cf.
W . D . Ross, Aristotle 'sMetaphysics, Oxford 1924 , t. I, p . XXXI-XXXII). L 'hypo
thèse de l'existence d'une Métaphysique d'Eudèmemanque d'indices solides. Le
fr. 124 Wehrli (Ps.-Alexandre, In Metaph ., p. 515, 3- 11 Hayduck ) ne permet pas
de supposer qu ’Eudème soit l'auteur de Tà uetà tà quoixá (Wehrli 1, p . 51,
avec un point d 'interrogation , supprimé dans Wehrli 7 , p . 530) ; il faut plutôt
rapprocher ce témoignage du rôle qu 'a pu jouer Eudème dans la publication de
la Métaphysique d'Aristote (cf.Wehrli 1, p . 111).
On ne sait ni si l'Éthique eudémienne attribuée aujourd 'hui généralement à
Aristote fait référence à notre philosopheni quel rapport existe précisément entre
cet Eudème, quel qu 'il soit par ailleurs, et l'ouvrage d 'Aristote (cf. Dirlmeier 9 ,
p . 109 sqq. (pour l'exposé des hypothèses ];Gaiser 10 [l' épithète renvoie à Eu
E96 EUDOCIA 289
dème de Chypre) ; Theiler 11 (critique du précédent) ; 16 I. Düring, art.
« Aristoteles» , RESuppl. XI, 1968 , col. 159-336 (col. 282-283) ; Spoerri 6 , col.
404 (pour la bibliographie )).
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

4 EUDICOS PA 5422, absent de la RE F va


Eudicos , fils d 'Apémantos (PA 1347), était connu à Athènes comme l'un des
admirateurs d'Hippias d'Élis ( + H 145] (Petit Hippias 373 a ; Grand Hippias
286 b ) . Au tout début du Petit Hippias (363 a-b ), c'est lui qu'interpelle Socrate
pour lui demander ce qu ' il pense de l'exposé que vient de faire Hippias sur
Homère. La réponse de Socrate laisse entendre qu'Apémantos était un commen
tateur accrédité d'Homère .
LUC BRISSON.
15 EUDICOS DE LOCRES
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth . 36 , 267, p . 145, 7 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
46 EUDOCIA et PSEUDO -EUDOCIA RE 3 XI
L 'impératrice Eudocia Macrembolitissa (morte après 1078), épouse de l'Em
pereur Constantin X Ducas, puis de l'Empereur Romanos IV Diogène, est pré
sentée comme l'auteur d 'une vaste compilation mythologique, archéologique et
biographique, intitulée 'Iwviá (Violarium ), conservée dans les Paris. gr. 3057 et
Paris. suppl. gr. 42.
Édition : 1 I. Flach (édit.), Eudociae Augustae Violarium , Lipsiae 1880, X
782 p .
Études d 'orientation : 2 K . Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Lit
teratur von Justinian bis zum Ende des oströmischen Reiches (527- 1453), coll.
« Handbuch der klassischen Altertumswissenschaft » IX 1, 2e éd., München
1897, p. 578 -579 ; 3 L . Cohn, art. « Eudokia Makrembolitissa » 3, RE VI 1, 1909,
col. 912-913 ; 4 W . Schmid et O . Stählin , Geschichte der griechischen Litteratur
2 , 2 , coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » VII 2 , 2 , 6e éd ., München
1924 , p . 1092 - 1093.
Bibliographie : Krumbacher 2, p . 579.
Le Violarium d 'Eudocia est utilisé depuis longtemps comme un recueil de
matériaux d ' érudition et continue d 'être cité de nos jours, bien qu'il ait été établi
de façon probante qu'il s'agit d' une compilation récente (XVI° siècle ), fausse
ment attribuée à l'impératrice Eudocia . L ' auteur en est le célèbre écrivain et
faussaire Constantin Palaeocappa, et l'ouvrage doit avoir été composé dans les
années 1540. Le compilateur se fonde sur des matériaux connus qui, pour la plu
part, avaient déjà été publiés, par exemple la Souda (imprimée en 1514 ), le
lexique de l'humaniste Varinus Phavorinus Camers (imprimé en 1538), Cornutus
290 EUDOCIA E 96
et Palaephatos (imprimés en 1543). L 'ouvrage n 'a donc pas de valeur indépen
dante. Sur l'ouvrage en tant que faux, voir 5 P. Pulch, De Eudociae quod fertur
Violario , Diss . Strassburg 1880, 44 p .; 6 Id., « Zu Eudocia . Constantinus Palaeo
cappa, der Verfasser des Violarium » , Hermes 17, 1882, p. 177 -192. Sur
Constantin Palaeocappa, voir aussi 7 L . Cohn, « Konstantin Palaeokappa und
Jakob Diassorinos » , dans Philologische Abhandlungen Martin Hertz zum
siebzigsten Geburtstage von ehemaligen Schülern dargebracht, Berlin 1888,
p. 123 -143 ; 8 H . Brown Wicher, « Constantinus Palaeocappa », dans F. E. Cranz
et P. O . Kristeller (édit.), Catalogus Translationum et Commentariorum :
Mediaeval and Renaissance Latin Translations and Commentaries : Annotated
Lists and Guides 5 ,Washington, D . C . 1984, p . 136 -139.
JAN FREDRIK KINDSTRAND .

97 EUDORE D 'ALEXANDRIE RE 10 fl. ca 40a


Philosophe académicien marqué par le courant néopythagoricien . Il est pré
senté par Strabon (648-19P ), Geogr. XVII, 790 C ., comme un contemporain
d 'une génération antérieure. Strabon rapporte une discussion sur les causes de la
crue du Nil qu 'il aurait eue avec Ariston d'Alexandrie (24 A 393), disciple d'An
tiochus d' Ascalon ( + A 200 ). Eudore aurait accusé Ariston de l'avoir plagié ,
mais Strabon considérait que le style était d'avantage celui d 'Ariston que celui
d'Eudore. Arius Didyme( A 324), philosophe de cour de l'empereur Auguste ,
fait également référence à un ouvrage d'Eudore (ap. Stobée, Ecl. II 42 , 7 sqq.
Wachsmuth ) qu'il auraitmis à contribution pour composer son propre résumé
des doctrines éthiques.
Il est difficile d'établir où Eudore a étudié la philosophie platonicienne. Il
n 'était sans doute pas un élève d' Antiochus, mais il a pu être en contact avec
Dion d 'Alexandrie (3 - D 162), un élève d ' Antiochus, qui vint enseigner à
Alexandrie vers 60 av. J.- C . Son platonisme est cependant très différent de celui
d 'Antiochus : il réintroduit apparemment une part de transcendantalisme qui
marque une rupture avec la position fortement stoïcisante d 'Antiochus. Il est
remarquable qu 'Eudore ne soit jamais désigné dans les sources commenatw
VIXÓS, terme généralement employé pour les platoniciens tardifs ,mais qu'il soit
plutôt qualifié d'àxadnuaïxós, terme utilisé pour les membres de la Nouvelle
Académie ( sceptique). Sur la distinction entre ces deux appellations, voir 1 J.
Glucker, Antiochus and the Late Academy, Göttingen 1978, p. 206 -225. Cette
désignation comme académicien a conduit 2 H . Tarrant, Scepticism or Plato
nism ? The Philosophy of the Fourth Academy, Cambridge 1985, à faire
d 'Eudore un membre de la “ Quatrième Académie” fondée par Philon de Larisse,
mais il y a fort peu d' éléments dans sa doctrine, telle que nous la connaissons,
qui puissent suggérer un tel rattachement. Cette désignation constitue toutefois
un problème.
Sa position philosophique cependant, pour autant que nous puissions l'analy
ser, n 'est en rien sceptique. Il présente plutôt ses principes métaphysiques
comme étant plutôt ceux de Pythagore et de Platon. Il concilie des informations
E97 EUDORE D ' ALEXANDRIE 291
divergentes sur les premiers principes de l'ancien pythagorisme (un ou deux
principes) et les associe à une doctrine dérivée du Philèbe de Platon : dans son
système on reconnaît un principe suprême, l'Un, qui est à l'origine de tout, y
compris de la matière, suivi d 'un couple de principes, la Monade et la Dyade
indéfinie , qui expliquent les côtés " positif” et “ négatif” de la Table pythagori
cienne des Opposés. Dans le domaine éthique, il suit une tendance anti-péripaté
ticienne plus austère que celle d'Antiochus d'Ascalon : il exclut les biens du
corps et du monde extérieur des éléments constitutifs du bonheur et il redéfinit la
“ fin de la vie” (Témoc) comme la « ressemblance à Dieu », une formule emprun
tée au fameux passage du Théétète de Platon (176 a). Dans le domaine de la
logique, il est l' inspirateur d'une critique des Catégories d' Aristote qui a perduré
au cours des siècles suivants dans les cercles platoniciens et stoïciens. La ten
dance antipéripatéticienne de sa pensée n 'est peut-être pas sans rapport avec la
rivalité qui opposait Eudore et son contemporain Ariston (M + A 393), un disciple
d 'Antiochus qui était passé au Péripatos.
Euvres attestées.
(1) Alaipeolç TOŨ xatà pilooopiav hóyou (Division du discours philoso
phique). Ce précis de philosophie est l'ouvrage “méritant d'être acheté” que
mentionne Arius Didyme et dont il extrait une division des parties principales de
l' éthique. Selon Arius, Eudore parcourait son sujet apobanuatixős, ce qui peut
vouloir dire qu 'il traitait les différents domaines de la philosophie comme une
série de npobrnuata , ou de questions. Il est possible qu 'un résumé de la doc
trine éthique rapporté par Sénèque, Epist. 89, 14 sq., provienne de cet ouvrage,
dans la mesure où Sénèque fait une place à l’opun, l'impulsion , comme un troi
sième thème à côté de Dewpía et de npãţiç. C' était là apparemment une position
philosophique originale d 'Eudore.
(2) Commentaire sur le “ Timée " de Platon. On peut déduire de façon assez
certaine du De procreatione animae in Timaeo de Plutarque (1013 b ) qu 'Eudore
avait commenté d 'une façon ou d 'une autre le Timée. Plutarque rapporte en effet
qu 'Eudore cherchait à concilier les vues de Xénocrate et de Crantor ( 195)
sur l'identification des deux composantes de l'âme décrites dans Tim . 35 a
(Plutarque, De procr. 1019 e-f).On rencontre dans ce passage la méthode suivie
par Eudore pour trouver les différentes moyennes entre les nombres de l'âme. En
1020 c, Plutarque rapporte qu 'Eudore suivait Crantor lorsqu 'il prenait 384
comme nombre de base pour calculer les proportions dans l'âme. Il est même
possible que Plutarque ait emprunté à Eudore la connaissance des vues des phi
losophes plus anciens sur ces problèmes.
(3) Commentaire sur les “ Catégories” d 'Aristote. Selon Simplicius, In Cat.,
où il est cité huit fois, Eudore aurait adressé aux Catégories une série d 'objec
tions détaillées, probablement dans le cadre d'un commentaire du traité
d 'Aristote. En vérité , on peut voir en Eudore l'instigateur d'une tradition hostile
de critique des Catégories, qui fut reprise par de nombreux philosophes platoni
ciens ou stoïciens, jusqu'à Plotin .
292 EUDORE D ' ALEXANDRIE E 97
(4 ) Un ouvrage sur les premiers principes (?). Deux témoignages, l' un de
Simplicius, In Phys., p . 181, 7 sqq. Diels, sur l’Un comme premier principe au
dessus du couple de la Monade et de la Dyade indéfinie , et l'autre d 'Alexandre
d 'Aphrodise, In Metaph., p . 58 , 25 sqq. Hayduck , qui cite son prédécesseur
Aspasius (> A 461), concernant une correction assez aventureuse proposée par
Eudore pour le texte de la Métaphysique (I 6 , 988 a 7), semblent suggérer
l'existence d 'un ouvrage sur les premiers principes où les vues antérieures de
Platon et Pythagore étaient discutées et probablementmises l'une en dépendance
de l'autre . Dans ce contexte , on peut raisonnablement supposer qu'Eudore
présentait également sa propre position, qui dépendait de l'interprétation qu 'il
donnait de ces deux auteurs.
(5 ) Un livre sur l'Univers ou sur les Cieux ( ?). Un tel ouvrage semble être une
des sources principales de l' Introduction aux " Phénomènes " d 'Aratos d'Achille
( A 8 ), laquelle contient plusieurs références à Eudore (Isag., 2, p . 30, 20 sqq. ;
13, p . 40, 25 Maass). La nature de ces références suggère que l'utilisation de cet
auteur pourrait être beaucoup plus étendue que ne le laisserait croire le contenu
des détails pour lesquels Eudore est cité. Eudore lui-même semble avoir utilisé
un ouvrage de Diodore d ' Alexandrie (MD 127) , un disciple de Posidonius, si
bien que les références à Diodore chez Achille (Isag. 5, p. 35, 29 sqq.; 10, p . 39,
6 sqq .; 14 , p . 41, 13 sqq. Maass ) pourraient également être connues à travers
Eudore.
(6) Un livre sur le Nil,dans lequel devait prendre place le passage sur la cause
de la crue du Nil signalé plus haut. Ce passage aurait fourni à Eudore l'occasion
d'accuser Ariston d 'Alexandrie de plagiat.
(7 ) Il est également possible qu ’un fragment papyrologique concernant
l'optique (POxy 1609), qui fait référence au commentaire du même auteur sur le
Timée, puisse être attribué à Eudore . Le passage porte sur la réfraction des
images dans les miroirs.
Cette liste d 'ouvrages montre que les centres d 'intérêt philosophique d'Eu
dore étaient très variés: ils concernent la métaphysique, l' éthique et la logique, et
prennent en compte plusieurs domaines relevant des sciences naturelles comme
la géographie et l'astronomie.
Éditions des fragments. 3 A . N . Zoubos, « EŰowpoç ó 'AlečavopeúÇ» ,
Athena 62, 1958, p. 194 -203 (avec un commentaire en grec moderne) ; 4 C .
Mazzarelli, « Raccolta e interpretazione delle testimonianze e dei frammenti del
medioplatonico Eudoro di Alessandria » , REN 77, 1985 : Parte prima : Testo e
traduzione delle testimonianze e dei frammenti sicuri, 197-209 ; Parte seconda :
Testo e traduzione delle testimonianze non sicure, 535 -555 (texte de 22 frag
ments certains et de 31 fragments douteux, avec traduction italienne ; pas de
commentaire).
Cf. 5 P . Boyancé, « Études philoniennes» ,REG 76 , 1963, p . 64-110 ; 6 G .
Calvetti, « Eudoro di Alessandria: medioplatonismo e neo -pytagorismo nel I
secolo a . C . » , RFN 69, 1977, p. 3-19 ; 7 J. M . Dillon , The Middle Platonists,
London /Ithaca 1977, 2e éd . 1996 , chap . 3 , p. 114 - 135 ( et “ Afterword” , 1996 ,
E 98 EUDOXE DE CNIDE 293
p . 436 -438) ; 8 Id., « Eudoros und die Anfänge des Mittelplatonismus », dans C .
Zintzen (édit.), Der Mittelplatonismus, Darmstadt 1981 (version allemande légè
rement corrigée de Dillon 7) ; 9 H . Dörrie , « Der Platoniker Eudoros von
Alexandreia» , Hermes 79, 1944, p . 25 -39 ; repris dans Platonica Minora,
München 1976 , p. 279-309; 10 Id ., « Die Erneuerung des Platonismus im ersten
Jahrhundert vor Christen » , dans Le Néoplatonisme. Colloque international du
C .N . R. S., Paris 1971, p . 17 -33 ; réimpr. dans Platonica minora, München 1976 ;
11 M . Giusta , I Dossografi di etica, 2 vol., Torino 1964 et 1967 (voit en Eudore
la source de toutes les doxographies éthiques ultérieures) ; 12 Id ., « Ario Didimo
e la diairesis dell' etica di Eudoro » , AAT 120, 1986 , p. 97-132 ; 13 G . Iaksetich,
« Eudoro e la Metafisica di Aristotele » , QFC 4 , 1983, p. 25 -30 ; 14 E . Martini,
art. « Eudoros » 10 , RE VI 1, 1907, col. 915 -916 ; 15 P .Moraux, « Eine Korrektur
des Mittelplatonikers Eudoros zum Text der Metaphysik des Aristoteles » , dans
R . Stiehl et H . E . Stier (edit.), Beiträge zur Alten Geschichte und deren Nach
leben, Festschrift Franz Altheim , Berlin 1969, t. I, p . 492-504 ; 16 Id ., Der
Aristotelismus beiden Griechen von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias,
t. II, Berlin 1984, p. 505-527 ; 17 L .N . Napolitano, « Il platonismo di Eudoro.
Tradizione protoaccademica e medioplatonismo alessandrino », MusPat 3, 1985 ,
p. 27-49 ; 18 Ead., « Eudoro di Alessandria : monismo, dualismo, assiologia dei
principi nella tradizione platonica » ,MusPat 3, 1985, p . 289-313 ; 19 W . Theiler,
« Philo von Alexandria und der Beginn des kaiserzeitlichen Platonismus» , dans
K . Flasch (édit.), Parousia. Studien zur Philosophie Platons und zur Problem
geschichte des Platonismus, Festgabe J. Hirschberger, Frankfurtam Main 1965,
p . 199-218 ; repris dans Untersuchungen zur antiken Literatur, Berlin 1970 ,
p. 484 - 501.
JOHN DILLON.
98 EUDOXE DE CNIDE RE 8 ca 395-ca 342
Astronome, mathématicien, géographe, mais aussi philosophe, médecin et
législateur, contemporain des élèves de Platon .
Fragments et témoignages. 1 F. Lasserre (édit.), Die Fragmente des
Eudoxos von Knidos, herausgegeben , übersetzt und kommentiert von F .L ., coll.
« Texte und Kommentare » 4 , Berlin 1966 (T = Testimonia (témoignages sur la
vie d' Eudoxe) ; D = Doctrina (témoignages sur la doctrine en général) ; F =
Fragmenta (témoignages et fragments attribuables à des ouvrages particuliers ]) ;
cf. le compte rendu (très critique ) de l'ouvrage par 2 G . J. Toomer, Gnomon 40,
1968, p . 334-337 ; l'auteur met sévèrement en garde contre les erreurs figurant
en particulier dans les commentaires de la partie astronomique .
Pour D 23 Lasserre (Ind. Acad., p. 126 -127 Dorandi), cf. 3 F . Lasserre (édit.),
De Léodamas de Thasos à Philippe d 'Oponte. Témoignages et Fragments, édi
tés, traduits et commentés par F . L ., coll. « La Scuola di Platone» 2 , Napoli 1987,
p . 220 -221 (texte ), 428 -429 (trad.), 675-676 (comm .), et 4 T . Dorandi ( édit.),
Filodemo, Storia dei filosofi (.) : Platone e l'Academia (PHerc. 1021 e 164 ),
294 EUDOXE DE CNIDE E 98

edizione, traduzione e commento a cura di T. D ., coll. « La Scuola di Epicuro >>


12 , Napoli 1991, p . 126 -127 (texte), p. 185 (trad.), p . 207-209 (comment.).
Études d'orientation . 5 F. Hultsch, art. « Eudoxos» 8, RE VI 1, 1907, col.
930 -950 ; 6 K . von Fritz, « Die Lebenszeit des Eudoxos von Knidos» , Philologus
85 (N .F. 39), 1929/30, p. 478-481 ; 7 J.Mau, art. « Eudoxos » 1,KP II, col. 408
410 ; 8 K . von Fritz , art. « Eudoxos von Knidos», LAW , col. 908-909 ; 9 H .
Karpp , Untersuchungen zur Philosophie des Eudoxos von Knidos, Diss .
Marburg, Würzburg 1933, 57 p.; 10 G . de Santillana, « Eudoxus and Plato . A
Study in Chronology » , Isis 32, 1940 (publié en 1949), p. 248- 262 ; 11 F . W . von
Bissing, « Eudoxos von Knidos Aufenthalt in Ägypten und seine Übertragung
ägyptischer Tierfabeln » , F & F 25, 1949, p. 225- 230 ; 12 W . Schadewaldt,
« Eudoxos von Knidos und die Lehre vom unbewegten Beweger », dans Satura.
Früchte aus der antiken Welt, O . Weinreich zum 13. März 1951 dargebracht,
Baden -Baden 1952 , p . 103- 129 ; repris dans Hellas und Hesperien. Gesammelte
Schriften zur Antike und zur neueren Literatur, Zürich 1970 ?, t. I, p. 635 -655 ;
13 Ph. Merlan , Studies in Epicurus and Aristotle , coll. « Klass.-philologische
Studien » 22, Wiesbaden 1960, p . 98-104 (" The Life of Eudoxus"); 14 W .
Burkert, Lore and Science, p. 329-331 ; 15 0 . Gigon , Vita Aristotelis Marciana,
herausgegeben und kommentiert von 0 .G ., coll. « Kleine Texte für Vorlesungen
und Übungen » 181, Berlin 1962, p . 49-50 ; 16 W . K . C . Guthrie, A History of
Greek Philosophy, t. V , 1978 , p. 447-457 ; 17 H .J. Krämer , « Die Ältere Aka
demie » , GGP , Antike 3, p. 73 -87 (bibliographie , p. 82 -87) ; 18 F . Wehrli, Sotion ,
coll. « Die Schule des Aristoteles » , Supplementband II, Basel/Stuttgart 1978
(F 16 (Eudoxe), comm . p. 48 -49) ; 19 F. Lasserre, La naissance des mathéma
tiques à l'époque de Platon , coll. « Vestigia » 7 , Fribourg/Paris 1990 ( surtout
p. 127 -235 , avec une bibliographie due aux éditeurs , p . 263-268). Il s'agit de
l' édition posthume du texte original, The Birth of Mathematics in the Age of
Plato, London 1964, remanié par l'auteur. Pour la discussion critique des inter
prétations modernes, il faut toujours consulter les commentaires donnés par
l'auteur dans 1.
Chronologie.Dans la littératuremoderne, il y a concurrence entre deux chro
nologies, l'une dite haute, l'autre basse , chacune admettant des degrés . La pre
mière se fonde sur le témoignage d'Apollodore (D . L . VIII 90 ) qui, dans ses
Chroniques, fixait l'acmé d' Eudoxe au cours de la 103e Olympiade (368 - 365).
En tenant compte qu 'un homme atteint son acmé à quarante ans et en adoptant le
calcul inclusif, on placera la naissance d'Eudoxe entre 407 et 404. La date de sa
mort se compte aisément à partir de l'affirmation selon laquelle il serait mort
dans sa 53e année (D .L . ibid .; l'information provient sans doute encore d'Apol
lodore ), c 'est-à -dire entre 355 et 352. Mais , dans un passage de sa Iñs nepíodos
(Tour de la terre), Eudoxe, semble -t-il, faisait allusion à la mort de Platon , ce qui
signifie qu 'il vivait encore en 347 (Plin., Nat. Hist. XXX 3 = F 342 Lasserre :
Zoroastren hunc sex milibus annorum ante Platonis mortem fuisse prodidit
(Eudoxus 7). Selon Lasserre (1, p. 254 -255 ), il n 'y a pas de raison de contester
cette dernière indication et il faut donc accepter une datation plus basse qui fait
E 98 EUDOXE DE CNIDE 295
naître Eudoxe vers 391/90 et le fait mourir vers 339/8 (cf. Lasserre 19, p . 128 ).
Suivant la même logique, von Fritz 6 , p . 479, propose 400 -347, Merlan 13,
p . 98- 100 ( suivi par Guthrie 16 , p . 447), 395 - ca 342/1 ; Krämer, 17, p . 74 , pro
pose, pour la naissance d'Eudoxe, une date située entre 400 et ca 395 (le Cnidien
meurt donc entre 347 et ca 342). Les tenants de la datation basse montrent de
façon convaincante que l'acmé indiquée par Apollodore ne doit pas être prise à
la lettre ; elle est déduite du synchronisme entre l'entrée d 'Aristote à l'Académie
et la présence d'Eudoxe en son sein (v. Fritz 6 , p . 479 et n . 6 , p . 478 ; Merlan 13,
p. 100 et n . 15 ) ou elle correspond à la fiction imaginée par Ératosthène dans son
[Dialogue ) platonicien (MatwvLXÓS, vers 320): le cyrénaïque y faisait discuter
ensemble Platon, Archytas, Eudoxe et leurs élèves sur le problème délien (dupli
cation du cube) en l'année 368/7 (Gigon 15 , p . 50 ; Lasserre 1 , p . 163- 166 et
Lasserre 19, p. 166 - 168 ; cf. sur ce dialogue 20 E . P. Wolfer, Eratosthenes von
Kyrene alsMathematiker und Philosoph , Diss. Zürich 1954, p . 4 - 19). Par contre ,
le témoignage de Pline l'Ancien n 'est pas incontestable, comme l'a montré
21 W . Spoerri (« Encore Platon et l'Orient» , RPh 31, 1957, p . 209-233 ; cf. la
critique de Lasserre 1, p. 254-255 ).
Finalement, nous retiendrons pour la naissance d'Eudoxe une date indétermi
née située entre 400 et 390 et acceptons comme hautement probable que le
Cnidien a survécu quelque temps à Platon (il meurt dans sa 53e année ). Malgré
sa grande subtilité , la démonstration de Lasserre ne nous semble pas entièrement
convaincante ; en effet, il appert que l'auteur est constamment guidé par la
volonté de réduire au minimum l' influence d 'Eudoxe sur Platon (cf. Lasserre 19,
p. 128 ; Krämer 17, p . 74).
Vie. Les témoignages sur la vie d'Eudoxe sont peu nombreux et souvent dif
ficiles à concilier ( T 1- 30 Lasserre). Les témoignages principaux sont: la vie
d 'Eudoxe de Diogène Laërce (VIII 86 -91; Eudoxe y est traité dans le chapitre
consacré aux pythagoriciens ; cf. Jamblique, In Nicom . arithm . p . 10 , 17 Pistelli :
Eudotos ó Mudayópelos), une notice de la Souda (s. v. EŰdotos, E 3429, vol. II,
p . 445 Adler ; cf. aussi s.v. Aloxívns,Al 349, vol. II, p. 184 ; s.v. Kpitwv, K
2454, vol. III, p. 191 (on lit la forme Eůdocíov ) et un passage de la Vita Aristote
lis Marciana (Gigon 15 , ligne 58-60 ). D 'autre part, on connaît directement
l'existence d'un ouvrage sur Eudoxe par Phanocrite – inconnu par ailleurs -,
citée par Athénée ( T 27 Lasserre : PavóxplTOS Év TQ Ilepi EudoEou ) ; la plus an
cienne biographie est peut-être due au péripatéticien Hermippe (mais voir D .L .
VIII 88 qui renvoie au quatrième livre Sur les sept sages (év terápin lepi tây
Éntà cob @ v ]; cf. 22 F . Wehrli, Hermippos der Kallimacheer, coll. « Die Schule
des Aristoteles» , Supplementband I, Basel/Stuttgart 1974 [fr. 16 ; sur le titre de
l'ouvrage mentionné par Diogène, cf. commentaire, p . 54]).
Eudoxe, fils d 'un certain Eschine, est né dans la cité dorienne de Cnide en
Asie Mineure, célèbre dès le ve s. pour son école de médecine, rivale de celle de
Cos. Il aurait étudié la géométrie avec Archytas de Tarente (> + A 322), la méde
cine avec Philistion de Locres ( D . L . VIII 86 , d 'après les Hivaxes de Calli
maque) ; si le témoignage est exact (ce que nie Lasserre 1 , p . 146 ), il est difficile
296 EUDOXE DE CNIDE E 98

de l'insérer dans la chronologie d'Eudoxe, car il implique, du moins pour ce qui


concerne Archytas, un voyage d' études en Italie (cf. pourtant F 143 (Ptolémée)
Lasserre ; sur un hypothétique voyage en Sicile aux côtés de Platon , dont seuls
Élien et Ptolémée fontmention ( T 25 et F 143 Lasserre), cf. Lasserre 1, p . 146 ;
Merlan 13, p . 100). Rappelons que ces deux personnages de premier plan jouent
aussi un rôle dans la biographie de Platon (pour Philistion qui se serait peut-être
rendu à l'Académie , cf. (Plat. ), Epist. II, 314 e ; 23 A . E . Taylor, A Commentary
on Plato 's Timaeus, Oxford 1928, p . 504; cf. aussi 24 G .E .R .Lloyd , « Plato as a
natural Scientist » , JHS 88 , 1968, p . 78 -92, surtout p . 84 et 88 ). Vers (nov ) l'âge
de 23 ans, Eudoxe se rend à Athènes avec le médecin Théomédon - inconnu par
ailleurs -, attiré par la réputation des " socratiques” (oi Ewxpatixoí, D . L VIII
86 ).On peut supposer qu'il y rencontre alors Platon (d' après le témoignage de
Sotion cité par D .L . ibid. ; cf. Wehrli 18, p. 48-49 ; cf. la critique de Lasserre 1 ,
p . 139 ; cf. ibid. p . 138 [le voyage a lieu en 368/7 ), Lasserre 19 , p . 128 (en 368];
en Lasserre 3 , p . 434, le voyage est placé en 366 ; Platon est alors absent et
l'École est sous la direction de Socrate le Jeune (sur ce point, cf. Lasserre 3,
p .503-505]). Ce premier séjour athénien ne dure que deux mois (D . L . VIII 87).
Eudoxe retourne ensuite à Cnide, puis part en Égypte accompagné de son com
patriote , le médecin Chrysippe (PC 119) , avec une lettre de recommandation du
roi de Sparte Agesilas (†360 ) pour le Pharaon Nectanébo (= Nectanébo fer, qui
règne de 380 à 363). Ce dernier lemet en rapport avec des prêtres; selon Favori
nus (D .L . VIII 90 ; cf. T 17 et 18), il aurait fréquenté en particulier Chonouphis
d'Héliopolis (MC 112 Chonuphis de Memphis ). Son séjour dure seize mois
(D . L . VIII 87). De retour d'Égypte, il se rend à Cyzique (sur la côte asiatique de
la Propontide) et (xal !) en Propontide pour y enseigner (Ooploteúwv, dit D . L .
VIII 87). Après une visite auprès de Mausole - qui règne de 377 à 353 -, il se
rend de nouveau à Athènes, cette fois -ci " avec un très grand nombre de ses
élèves” (D . L. VIII 87) – dont Ménechme et Dinostrate [PD 33] (D 22 Lasserre )
- et, sans doute, pour un séjour plus long (“ aux alentours de 350” , Lasserre 3,
p . 545 ; “ entre 355 et 350” , Lasserre 3, p . 573). Son contact avec l'Académie est
alors, semble -t-il, plus étroit (mais Lasserre 1, p. 141, prenant au sérieux l'anec
dote selon laquelle Eudoxe serait revenu avec nombre d'élèves pour narguer
Platon (D . L . VIII 77 ), pense qu 'il n 'est pas entré à l'Académie et qu 'il n ' a donc
pu y enseigner).
Dans le passage de la Vita Marciana déjà mentionné, on apprend
qu ’Aristoxène de Tarente aurait affirmé, sans doute dans sa Vie de Platon (le
passage dépend certainement d ' Aristoxène, mais ne figure pas dans les frag
ments d 'Aristoxène de Wehrli, cf. - A 417), qu 'Aristote serait entré à l' Acadé
mie “ sous Eudoxe” ([éni Eů8 ]óЕov = tempore Eudoxi dans la Versio Latina =
T 6 Lasserre). Depuis l'ouvrage de Jacoby sur Apollodore (25 F . Jacoby, Apol
lodors Chronik. Eine Sammlung der Fragmente , coll. « Philologische Unter
suchungen » 16 , Berlin 1902, p . 324 n . 18 ), on a généralement compris ce texte
comme signifiant qu' Eudoxe était à la tête de l'Académie pendant le deuxième
voyage de Platon en Sicile ( 367- 365; Merlan 13, p. 99 et n. 14 (Eudoxe n 'avait
E 98 EUDOXE DE CNIDE 297
alors que 28 ans d ' après la reconstruction de Merlan ) ; cf. la discussion sur cette
question dans Lasserre 1, p . 138 (pour l'auteur, il est exclu qu'Eudoxe,âgé de 23
ans selon ses hypothèses et présent à Athènes pour deux mois seulement, ait
dirigé l'Académie ) et les hypothèses avancées par Gigon (15, p. 49 (mais, en
dernière analyse, le problème demeure insoluble , p . 50 ]).
Eudoxe retourne ensuite dans sa ville natale où il se fait construire un obser
vatoire ( T 21 Lasserre ). Il rédige des lois pour Cnide (Hermippe dans le livre IV
du Sur les sept sages, D .L . VIII 88 ; sur les circonstances historiques, cf.
Lasserre 1, p . 142, qu'il faut corriger avec 26 W . Blümel (édit.), Die Inschriften
von Knidos 1, coll. IK 41, Bonn 1992, p . 1 -2 ) et reçoit des honneurs publics
(mention d'un décret en son honneur [fugloua ) chez D . L. VIII 88).
Parmi les élèves d 'Eudoxe, on peutmentionner, outre le médecin Chrysippe
de Cnide, les mathématiciens Ménechme, son frère Dinostrate (= D 33) et peut
être Athénée de Cyzique (D 22 Lasserre ; » A 481) etHélicon de Cyzique ( T 24
et D 26 Lasserre ; » H 25) ; les astronomes de Cyzique, Polémarque sûrement et
peut- être Callippe, ontsuivi les cours d ' Eudoxe à Cyzique (Lasserre 1 , p . 141 ;
pour Callippe, notre source, Simplicius, in De caelo, p . 493, 6 Heiberg = F 124
Lasserre (p . 68), n 'est ni explicite ni claire ;MC33 ( A . Segonds; l'auteur, qui
adopte une date haute pour Eudoxe et ca 360 pour la naissance de Callippe, a
tort d 'en faire le maître de Callippe , p . 180]). Sur Ménechme, Dinostrate , Athé
née et Hélicon , cf. Lasserre 3 , n°S 12, 13, 15 et 16 .
Jusqu 'à l'édition des fragments par F . Lasserre ( 1), on a considéré générale
ment que la relation du Cnidien avec Platon avait été étroite . La plupart des
témoignages anciens en font un proche de Platon : il figurait dans les Successions
de Sotion comme élève ou auditeur de Platon (Mátwvos ... åxoữoal, D . L . VIII
86 ) ; Strabon le range parmi les amis de Platon ( tūv MátwVOG Étaipwv, T9
Lasserre ) et Plutarque le comprend, avec Aristote , parmiles familiers de Platon
(Mátwvos ouvÚDeLç , D 70 Lasserre). Pour d 'autres témoignages anciens pré
sentant Eudoxe comme amide Platon ou comme platonicien, cf. 27 W . D . Ross,
Aristotle 's Metaphysics, Oxford 1924 , t. I, p . 198. Notons toutefois que, chez
Diogène, ilne figure pas dans la liste des disciples de Platon ( D . L. III 46) et que
sa biographie, comme nous l'avons déjà mentionné, figure dans le chapitre
consacré aux pythagoriciens. Les modernes ont en général suivi les témoignages
anciens. L 'opinion contraire , qui minimise l'influence d 'Eudoxe sur Platon, est
représentée principalement par l'éditeur des fragments.
Euvres. C' est surtout à son æuvre scientifique qu ’Eudoxe doit sa célébrité
dans l' Antiquité. Sa contribution au débat proprement philosophique est plutôt
mince (dans les sources antiques, il reçoit rarement le qualificatif de " philo
sophe” , cf. T 8, 10 , 14 et Lasserre 1, p . 144 et 148).Nous diviserons la présente
rubrique en trois parties : I. “ Euvres scientifiques” (géométrie , astronomie, géo
graphie ; nous ne savons rien sur le contenu de son enseignement médical),
II. “ Philosophie”, III. “ Autre” . Pour l'æuvre scientifique,nous renvoyons d'une
façon générale le lecteur aux bibliographies spécifiques de Lasserre (1966 )
298 EUDOXE DE CNIDE E 98
1 ( celles -ci sont indiquées chacune à sa place dans le commentaire ) et Krämer
( 1983) 17, p. 85-86 ; on ne trouvera ici qu'un choix et quelques compléments.
I. EUVRES SCIENTIFIQUES
Cf. 28 T . L . Heath , Aristarchus of Samos, the Ancient Copernicus. A History
of Greek Astronomy to Aristarchus together with Aristarchus's Treatise “ On the
Size and Distances of the Sun and Moon”, Oxford 1913 (surtout p. 190-224 :
“ The theory of concentric spheres. Eudoxus, Callippus and Aristotle” ) ; 29 T . L .
Heath ( édit.), Euclid , The Thirteen Books of “ The Elements”, Translated with
introduction and commentary , 3 vol., Cambridge 19262, vol. 2 , p . 112- 113
(introd. au livre V des Eléments d 'Euclide) ; 30 Id ., A History of Greek Mathe
matics, Oxford 1921, vol. I, p . 249-251 (duplication du cube) ; p . 322-335 (théo
rie des proportions; méthode d ' exhaustion ; théorie des sphères homocentri
ques) ; 31 M . Clagett, Greek Science in Antiquity , London (1957) 19632, p . 110
113 (sur la théorie des sphères homocentriques) ; 32 D . R . Dicks, Early Greek
Astronomy to Aristotle, London /New York 1970 (sur Eudoxe, p . 151- 189) ;
33 E . Maula, Studies in Eudoxus' Homocentric Spheres, coll. « Commentationes
Humanarum Litterarum » 50, Helsinki 1974 ; 34 B . L . Van der Waerden , Science
Awakening, I : Egyptian, Babylonian and Greek Mathematics, Dordrecht (1954 )
19744 (surtout p . 179- 190) ; 35 G . E . R . Lloyd , Early Greek Science. Thales to
Aristotle, New York 1970 ; trad. française : Les débuts de la science grecque,
trad. J. Brunschwig, Paris 1974, p. 106 -113 (sur les sphères homocentriques) ;
36 N . R . Hanson, Constellations and Conjectures, ed. by W . C . Humphreys Jr.,
Dordrecht/Boston 1973, p. 43-60 ; 37 W . R . Knorr, The Evolution of the Eucli
dean Elements. A Study of the Theory of Incommensurable Magnitudes and its
Significance for Early Greek Geometry , coll. « Synthese historical library » 15 ,
Dordrecht/Boston 1975 (ch. VIII : “ The geometry of incommensurability :
Theaetetus and Eudoxus" ) ; 38 A . Szabó et E .Maula , Enklima. Untersuchungen
zur Frühgeschichte der griechischen Astronomie , Geographie und der Sehnen
tafeln , Athènes 1982 (cf. en particulier p . 170 -173 : " Der Begriff uniua bei
Eudoxos” ; 182- 187 : “ Eudoxos zwischen Oinopides und Pytheas” ) ; 39 J.-L .
Gardies, Pascal entre Eudoxe et Cantor, Paris 1984 ; 40 Id ., L'héritage épisté
mologique d ' Eudoxe de Cnide. Un essai de reconstitution, Paris 1988 ; 41 G .
Aujac, La Sphère, instrument au service de la découverte du monde. D ' Auto
lycos de Pitanè à Jean de Sacrobosco, Caen 1993 (recueil d 'articles parus de
1970 à 1990) ; 42 B . Vitrac, Euclide d 'Alexandrie , Les Éléments, trad. et com
ment. par B . V.,t. II, Paris 1994 (surtout p. 508-510); 43 A. Szabó, Entfaltung
der griechischen Mathematik , coll. « Lehrbücher und Monographien zur Didak
tik derMathematik » 26 ,Mannheim /Leipzig /Wien /Zürich 1994.
Avant d ' énumérer les titres d 'ouvrages mentionnés par les auteurs anciens, il
faut préciser que toute une partie de la production scientifique d'Eudoxe - celle
consacrée à la géométrie – nous est connue sans référence à aucun titre d 'ou
vrage. Ce fait peut s'expliquer par plusieurs hypothèses : ou bien on a perdu le (s )
titre(s ) de monographies existant sur ces questions, ou bien l'auteur en traitait
E 98 EUDOXE DE CNIDE 299
dans tel chapitre de ses ouvrages d 'astronomie, ou bien cette matière n 'a jamais
fait l'objet de publication et les témoignages qui nous sont parvenus ne sont que
les traces d'un enseignement transmis par les élèves d'Eudoxe (cf. Lasserre 19 ,
p . 131- 132). Pour l'exposé des découvertes fondamentales d'Eudoxe dans le
domaine de la géométrie et de l'arithmétique, on renverra le lecteur aux pages
qu 'y a consacrées Lasserre dans 19 (p . 131-177 ( p . 133 sqq.: “ Théorie des pro
portions” ; 150 sqq .: "La section d 'or” ; 158 sqq. : " Volumes proportionnels” ;
166 sqq. : “ Le problème de Délos" ) et p . 74 -79 ( sur les médiétés]) ainsi qu' à la
bibliographie figurant en tête de la section intitulée “ Geometrie" dans Lasserre 1,
p . 160- 161 (les témoignages intitulés Tewhetpoúueva portent les numéros D 18
66 ). Suivant des témoignages anciens (D 32 et 33 Lasserre), la critique moderne
reconnaît en Eudoxe l'auteur de la théorie générale des proportions exposée dans
le livre V des Éléments d 'Euclide (cf. Heath 30 , p . 384 ; pour une reconstruction
de cette théorie , cf. en particulier l'ouvrage de Gardies 40).
(1) Palvóueva . "Evontpov (“ Phénomènes” ; “Miroir" ; F 1- 120 Lasserre ;
Lasserre 1, p . 181-197 (bibliographie , p. 183); Lasserre 19, p. 183- 197). L 'ou
vrage comportait 3 livres (I: description du ciel, des constellations les unes par
rapport aux autres; II: description des constellations par rapport aux principaux
cercles de la sphère , cercle polaire , tropiques, équateur, cercle austral; III : cata
logue des levers et des couchers des étoiles). Le second titre (Miroir ) est celui
d 'une réédition modifiée. L 'ouvrage a été utilisé par Aratus (*** A 298) dans la
première partie de son poème intitulé également Palvóueva (vv. 19 -732); il a
été commenté, en même temps que les Phénomènes d ' Aratus (vv. 19-732 préci
sément), par l'astronomeHipparque de Nicée (cf. K .Manitius ( édit.], In Aratiet
Eudoxi Phaenomena commentariorum libri tres, Leipzig 1894 [avec trad. alle
mande et commentaires) ; cf. Aujac 41, p . 199 -214 : « Hipparque et les levers
simultanés d'après le Commentaire aux Phénomènes d ' Eudoxe et d 'Aratos » ,
dans L 'Astronomie dans l'Antiquité classique, Actes du colloque de Toulouse,
1977, Paris 1979, p . 107-122).
(2 ) Tepi taxőv (“ Des vitesses” ; F 121-126 Lasserre; Lasserre 1, p . 198-212
[bibliographie , p . 198 ) ; Lasserre 19, p . 204 -231). Dans cet ouvrage fondamental,
Eudoxe rendait compte du mouvements apparent des planètes au moyen d'un
agencement complexe de sphères homocentriques (la terre, immobile , occupant
le centre du système). Dans le livre A de la Métaphysique ( 1073 b 17 sqq. = D 6
Lasserre), Aristote donne un bref exposé du système et desmodifications appor
tées par Callippe (MC 33), avant de proposer ses propres corrections. On a sou
vent considéré la théorie eudoxienne comme présentant un modèle purement
mathématique indifférent aux problèmes physiques qu'il posait (cf. sur cette
question la bonne mise au point de 44 L . Wright, « The Astronomy of Eudoxus:
Geometry or Physics ? » , StudHistPhilSc 4 , 1973, p . 165-172).
(3 ) Tepi åpaviou @ w nalaxūv (“ Sur l'extinction des étoiles par le soleil” ;
F 127-128 Lasserre ; Lasserre 1 , p . 212-213 ; Lasserre 19 , p . 190 -191 et 194
195). Eudoxe exposait dans ce traité la méthode à utiliser pour calculer le
300 EUDOXE DE CNIDE E 98
moment du lever ou du coucher d'un astre, quand la présence de la lumière
solaire empêche une observation précise.
(4 ) 'Oxtaktnpís (“ Période de huit années” ou “Octaétéride” ; F 129- 269
Lasserre ; Lasserre 1, p. 213-234 [bibliographie , p. 213-214 ); cf. aussi l'annexe
p . 128- 134 donnantune liste d'épisémasies égyptiennes tirées pour l'essentiel de
Ptolémée, ainsi que le tableau synoptique des dates astronomiques attribuées à
Eudoxe, comparées avec celles figurant dans PHibeh I 27 (références dans
Krämer 17, p. 83, n° 35 ), p. 275-278 ; sur l'Octaétéride, cf. aussi Lasserre 19,
p. 197 -201). Il s'agit de la description d'un calendrier astronomique établi sur
une période de huit ans. D 'après certains (xatá tivac), Eudoxe aurait composé
cet ouvrage durant son séjour en Égypte (D .L . VIII 87 ; mais Lasserre, 19,
p . 197, y voit un ouvrage de la dernière période cnidienne d'Eudoxe). L'in
fluence de cet ouvrage a été immense. Il semble que ce soit le premier à porter ce
titre (mais, sur les questions d'authenticité , cf. les remarques de Lasserre 1,
p . 214 -215 , et Lasserre 19, p. 129). Comme le constate Toomer (2 , p . 334 ), il est
regrettable que Lasserre 1 n 'ait publié que quelques courts extraits, principale
ment dans le commentaire, du texte connu sous le titre Ars Eudoxi (= Eudósou
Téxvn , titre tiré de l'acrostiche introduisant l'opuscule = Leptines, Oủpávios
Oldaoxaría (“ Enseignement sur le ciel" ); cf. F. Blass, Eudoxi Ars astronomica
qualis in charta aegyptiaca superest denuo edita a F. B ., Kiel, 1887) ; précisons
toutefois que ce texte n'est pas une simple reprise d'Eudoxe.
(5 ) Iepi åpáxins ? (" Toile d 'araignée " ; cf. D 17 (Vitruve] Lasserre ;
Lasserre 1, p. 158 -160 ; Lasserre 19 , p . 201-204 ). Selon l'éditeur des fragments
d 'Eudoxe, la “ toile d' araignée” (et non pas “ l'araignée”) dont Eudoxe aurait été
l'inventeur désignerait un astrolabe plan doté d'un mécanisme permettant de
compter les heures nocturnes. Aucune source ancienne n 'indique qu 'Eudoxe a
consacré un traité à la construction de cet astrolabe (pour la bibliographie
concernant cet astrolabe, cf. Krämer 17, p . 86 , n°S 220 -222).
(6 ) ’Aotpovouía (“ Calendrier astronomique" ( en vers épiques 8L’ ÉTTWv, év
Métpos] ; T 8 (Souda ); F 271 (Plutarque) Lasserre). Il devait s'agir d'un calen
drier astronomique accompagné de légendes relatives aux astres (" catasté
rismes” ; cf.Lasserre 1, p. 235 -236 ).
(7) rñs neplodos (“ Tour de la terre ” en 7 livres; F 272-373 Lasserre [biblio
graphie , p. 236 ]) ; cf. aussi l'édition de 45 F. Gisinger, Die Erdbeschreibung des
Eudoxos von Knidos, coll. « ETOIXEIA » VI, Leipzig /Berlin 1921. Le genre
comprenait des considérations géographiques, ethnologiques, historiques. Par
conformité au genre, on y trouvait aussimention de mirabilia (par ex . F 338 ;
340 Lasserre ) ; il ne faut sans doute pas voir là une contradiction avec l'esprit
scientifique d 'Eudoxe (mais, quand l'ethnique n 'est pas précisé, le risque de
confusion est grand avec Eudoxe de Rhodes, auteur d''lotopía . (cf. Lasserre 1,
p . 127 et 237-239 )). Par ailleurs, Dicks (32, p. 189) pense qu 'Eudoxe fut le pre
mier géographe ancien à appliquer des principesmathématiques à la géographie .
Sur l'authenticité de l'ouvrage, aujourd 'hui généralement acceptée, cf. Gisinger
E 98 EUDOXE DE CNIDE 301

45, p . 2 - 12 . Sur l'existence d 'une carte du monde habité, cf. F 276 Lasserre et
Lasserre 1, p. 239.
Plutôt que d'ouvrages publiés, les trois " titres” suivants indiquent la matière
de trois cours d 'Eudoxe suivis par son compatriote , le médecin Chrysippe (D . L .
VIII 89).
(8 ) Hepi DeWv ? (" Sur les dieux " ; D 67 Lasserre); cf. 46 R . Philippson , « Aka
demische Verhandlungen über die Lustlehre » , Hermes 60 , 1925, p . 444 -481
(l'auteur croit avoir trouvé des traces de ce traité dans trois textes de Philodème;
mais voir la critique de Lasserre 1, p . 156 -157) .
(9) Hepi xóquou ? (" Sur le monde” ; D 68 Lasserre ).
(10) Hepi tõv Metewpooyouuévwv ? (“ Sur les phénomènes météorologi
ques” ; D 69 Lasserre).
II. PHILOSOPHIE
Cf. 47 K . von Fritz, « Die Ideenlehre des Eudoxos von Knidos und ihr Ver
hältnis zur platonischen Ideenlehre » , Philologus 82, 1926 /27, p . 1- 26 ; 48 A . J.
Festugière, Aristote . Le Plaisir (Eth . Nic, VII 11-14, X 1- 5), Introduction,
traduction et notes par A. J. F ., Paris 1946 ; 49 G . Lieberg, Die Lehre von der
Lust in den Ethiken des Aristoteles, coll. « Zetemata » 49,München 1958 ( surtout
p . 49 -59 : “Eudoxos von Knidos und Speusipp” ) ; 50 G . Giannantoni, I Cirenaici,
Firenze 1958 , p. 145 -165 ; 51 R . A . Gauthier et J. Y. Jolif, Aristote . L' Éthique à
Nicomaque, t. II, 2, Louvain /Paris 19702, p. 774 (" Eudoxe et le plaisir-idée");
p . 819 -824 (“Le plaisir et le souverain bien : Les arguments d'Eudoxe (p . 819
821); Critique des arguments d ’Eudoxe (p . 821-8241" ); 52 W . Leszi, Il “De
Ideis " di Aristotele e la teoria platonica delle idee, Firenze 1975 (surtout p. 331
348) ; 53 F . Dirlmeier, Aristoteles. Nikomachische Ethik , übersetzt und kom
mentiert von F. D ., coll. « Aristoteles, Werke in deutscher Übersetzung » 6 ,
Berlin (1956 ) 1976 , p. 564 -604 (commentaire sur E. N . X 1172 b 9-35) ; 54 M .
Isnardi Parente , Studi sull'Accademia Platonica antica , coll. « Saggi filosofici»
1, Firenze 1979, p. 132 -141 (sur la théorie des Idées d'Eudoxe) ; 55 J.C . B .
Gosling et C . C . W . Taylor, The Greeks on Pleasure , Oxford 1982 ( surtout, ch .
14, p. 255- 283 : “ Aristotle and Eudoxus” ); 56 G . Fine, On Ideas. Aristotle's Cri
ticism ofPlato 's Theory of Forms, Oxford 1993, p. 256 -257.
Les témoignages concernant l'activité philosophique d'Eudoxe portent les
numéros D 1-5 Lasserre (bibliographie, Lasserre 1, p. 148 et Krämer 17, p . 84
85 et 86 -87).
Aucun témoignage ancien ne laisse entendre qu’Eudoxe ait publié des ouvra
ges proprement philosophiques. Aussi peut-on penser que les témoignages
anciens relatifs à l'activité philosophique d'Eudoxe reposent sur les traces lais
sées par des discussions entre philosophes ou sur un enseignementoral.
Pour nous, les recherches d'Eudoxe sur des questions philosophiques se
réduisent à deux thèses, l'une sur le Bien suprême (D 3- 5 Lasserre), la seconde
sur la théorie des Idées (D 1 -2 Lasserre). La première, qui présente le plaisir
302 EUDOXE DE CNIDE E 98

(ndovń) comme la fin dernière , est exposée succinctement et discutée par


Aristote dans l'Éthique à Nicomaque (VII et surtout X ; cf. Festugière 48 ;
Dirlmeier 53, Lieberg 49,Gosling et Taylor 55). On a aussi recherché dans le
Philèbe de Platon une influence eudoxienne,mais une démonstration précise est
problématique. La thèse d 'Eudoxe n'a peut-être été que l'occasion pour Platon
de reprendre la question du plaisir (cf.Lasserre 1, p . 151- 156 ; Krämer 17, p. 81 ;
57 D . Frede, Plato, Philebus, transl. with introduction and notes by D .F.,
Indianapolis/Cambridge 1993, p. LXXI-LXXV ; Gosling et Taylor 55 , p. 4 -5 et
131). On a aussi voulu établir un lien entre cette doctrine du plaisir et la théorie
aristotélicienne du premier moteur immobile (cf. Schadewaldt 12 et la critique
de Lasserre 1, p. 155).
La seconde thèse , rapportée par Aristote dans la Métaphysique ( A 9, 991 a 14
sqq. et M 5 , 1079 b 18 sqq.), affirme que l'idée est immanente aux êtres sen
sibles et forme avec eux un mélange (uitis). Grâce à Alexandre d'Aphrodise (In
Met. p . 97, 17 - 8 , 24 Hayduck = D 2 Lasserre), nous connaissons dix arguments
avancés par Aristote dans son ſlepi ideāv contre cette thèse (pour la discussion ,
cf. Lasserre 1, p . 149- 151).
Sur une prétendue théorie des couleurs attribuée à Eudoxe d 'après Aristote ,
Metaph . A9, 991 a 14 - 16 , cf. Lasserre 1, p. 270 (addendum à la p. 151), et
Krämer 17, p . 75 .
III.AUTRE
Kuvāv diároyol, Dialogues de chiens (F 374 Lasserre ; Lasserre 1, p. 268
269). Le titre nous est conservé par Diogène Laërce qui cite Ératosthène.
D 'autres auteurs (oi dė) ajoutaient que ces dialogues étaient des traductions
faites par Eudoxe sur un original en langue égyptienne (D .L . VIII 89). S'agis
sait- il de fables égyptiennes (von Bissing 11, p. 227), plus précisément de dia
logues de dieux sous forme de chiens (58 J.G . Griffiths, « A Translation from the
Egyptian by Eudoxus» , CQ 59, 1965, p. 75-78 ), ou de dialogues philosophiques ,
comme le suggère Lasserre 1, p. 269 ? Lasserre ne prend pas ici au sérieux
l' information selon laquelle il s'agirait d'une traduction de l'égyptien. Mais,
pour Lasserre 19, p . 131, l'ouvrage aurait contenu "des contes égyptiens”. Sur
les nombreuses propositions visant à corriger le titre , cf.Griffiths 58 , p. 75-76 .
Iconographie . 59 G . M . A . Richter, The Portraits of the Greeks, London
1965, vol. 2, p. 244 (avec bibliographie ), fig . 1679 (sculpture acéphale ).
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .
99 EUDOXIUS MF IV
Publiée d'abord par M . Chéhab et R . Mouterde,Mosaïques du Liban , Bull. du
Musée de Beyrouth 14 - 15 , 1957, p. 43-46 et pl. 21, l'une des mosaïques de la
villa de Soueidié, près de Baalbek, comporte dans un cartouche l'épigramme
I.Syrie VI 2886 , qui présente le propriétaire de la maison, Patricius. Les correc
tions proposées par W . Peek, « Mosaik-Inschrift aus Heliopolis » , ZPE 21, 1976,
p . 188, ne sont pas toutes convaincantes et il faut sans doute en rester, pour l'es
E 101 EUDOXIUS 303

sentiel, au texte des éditions précédentes, quidonne le sens suivant : « la demeure


que voici, c'est le fils d 'Olympios qui l'a bâtie, Patricius, digne en sa sagesse
d' Eudoxios, le sage descendant de Platon ; et lui, à son tour, est digne des
Ancienspar la piété de son esprit» .
Le bâtiment construit par Patricius doit dater de la seconde moitié du Ive
siècle ; il empiétait en partie sur l'emplacement d 'une construction antérieure (ca
F III), dont le triclinium était ornée d'unemosaïque figurant Calliope entourée
de Socrate et des Sept Sages. Lui-même se caractérisait par les dimensions
imposantes de ses pièces (celle de l'inscription était longue de 14, 5 m ) : plutôt
que d'une résidence privée, il pourrait s'agir, comme l'a suggéré M . Chéhab,
p. 31, du lieu de réunion d'une communauté philosophique.
Tous les éditeurs ont interprété le génitif Eůdočiov commeune déformation
d'Eůdótov et compris que le modèle auquel se référait le maître demaison était
Eudoxe de Cnide (» E 98). Ce n 'est pourtant pas l'interprétation la plus natu
relle : dans une province où le néoplatonisme a compté, au lire et au IVe siècle,
plusieurs représentants illustres, on concevrait plus aisément que Patricius se soit
réclamé d'un maître contemporain , peut-être de l' école d' Apamée , relativement
proche. S. Roda, « Supplementi e correzioni alla PLRE, Vol. I », Historia 29,
1980 , p . 105, a suggéré, non sans vraisemblance, un rapprochement avec l'homo
nyme à qui Symmaque adresse sa Lettre VIII 3 et qu 'il présente comme familia
ris noster cunctis probatus Eudoxius diligens iudex bonorum dans la lettre IX 2,
adressée à Jamblique d'Apamée ( I 2) dans les années 380.
BERNADETTE PUECH .

100 EUDOXIUS absentde la PLRE F III


Dédicataire du Commentaire de Porphyre sur les “Harmoniques" de Ptolé
mée. Voir l'édition de I. Düring, Porphyrios. Kommentar zur Harmonielehre des
Ptolemaios,Göteborg 1932, p. 3 , 1.
RICHARD GOULET.

101 EUDOXIUS FV ?
“ Philosophe", commentateur du livre de Daniel, dont plusieurs fragments
exégétiques sont conservés dans la Chaîne sur Daniel I-XII. Sur cette chaîne,
voir CPG IV C 75 ( 3). L ' édition de A . Mai, Scriptorum ueterum noua collectio e
Vaticanis codicibus edita I 2, Roma 1825 , p . 161-221 (ed. 29, pars 3, p . 27-56 ),
serait incomplète . La CPG II 3410 range ces fragments parmi les Dubia d'Eu
doxius de Constantinople (mort en 370 ). Mais il s'agit sans doute d'un exégète
beaucoup plus tardif. Voir A . von Harnack , Porphyrius, Gegen die Christen 15
Bücher. Zeugnisse, Fragmente und Referate, dans Abhandlungen der königlich
preussischen Akademie der Wissenschaften , Jahrgang 1916 , Philosophisch -histo
rische Klasse, Nr 1, Berlin 1916 , p. 34 : « Cet exégète à ma connaissance par ail
leurs inconnu , qui a écrit après Polychronius (d 'Apamée, mort vers 430 ), a
constaté la chute de l'Empire romain (p. 175 (Mai] : n tūv 'Pwuaiwv Baoileia
304 EUDOXIUS E 101
κατά την αρχήν εκράτησε πασών, τα δε τέλη ταύτης υπολήγοντα... όσο
τοίνυν οράς την αρχήν εξασθενούσαν, τοσούτω καραδοκεϊ επί θύραις το
Téños ), voit le déclin de la novosta (p. 188 ) et prend encore en compte tous
ŽEwoev iotoploypapous comme Symmaque (p. 196 ). Il est le seul auteur dans
toute cette branche de littérature à mentionner le nom de Porphyre comme com
mentateur de Daniel. Le caténiste fait remarquer à propos de l'identification de
la " petite corne" (Dan . VII 8 ) avec Antiochus (Épiphane ) proposée par Poly
chronius: αλλά και Ευδόξιος την υπό σου ρηθείσαν ερμηνείαν, Πολυχρόνιε,
Iloppupiov čonoev Elval toŨ Mataló povoç. Qu 'Eudoxius ait pu encore lire
l'ouvrage de Porphyre (le traité Contre les Chrétiens) est pratiquement exclu. Il
le connaissait certainement à travers (la réfutation qu'en avait donnée) Apolli
naire (de Laodicée (** A 239)]. S 'il faut en croire une Scholie (p . 201), on
retrouvait chez Eudoxius des passages d'Apollinaire littéralement reproduits ».
RICHARD GOULET.
102 EUDOXIUS (MACROBIUS PLOTINUS -) PLRE II:7 V
D 'après la souscription de certains manuscrit du livre I du Commentaire sur
le Songe de Scipion de Macrobe (p . 94 , 1 -5 Willis ), Macrobius Plotinus
Eudoxius, vir egregius, aurait collaboré avec Q . AureliusMemmius Symmachus
Junior (PLRE II : 9) à l'édition de l'ouvrage de Macrobe . Le nom suggère qu 'il
étaitun parent de Macrobe.
STEPHEN GERSH .
103 EUDROMOS RE 2 D II ?
Philosophe stoïcien. Il est mentionné après Zénon, Chrysippe (MC 121) et
Apollodore de Séleucie (2 * A 250), avant Diogène de Babylone (* * D 146 ) et
Posidonius, parmiles auteurs qui divisaient le logos philosophique en trois par
ties: physique, éthique et logique ( D . L . VII 39, qui cite sur ce point son ’HOLX
otoLXELWOLS). Au paragraphe suivant, on apprend qu 'il appelait ces parties des
eion comme Chrysippe, alors que d'autres stoïciens parlaient de tónol ou de
yévn (D . L . VII 40). Quant à l'ordre de cesparties, ilmettait la logique en tête,
ensuite la physique, puis l' éthique, rejoignant sur ce point Zénon, Chrysippe et
Archédème ( > A 307) .
Selon H . von Arnim , art. « Eudromos », RE VI 1 , 1907, col. 950, cette dernière opinion
serait prêtée à Eudemos par les manuscrits (ainsi Cobet) et Eudromos serait une correction
d 'Étienne,mais l'apparat critique de Long ne semble pas connaître cette leçon . T. Dorandi a
vérifié que les trois manuscrits BPF qui peuvent servir à constituer le texte de Diogène Laërce
ont bien, tous les trois, dans les deux passages,“ Eudromos”.
Les témoignages de Diogène Laërce sont rassemblés dans SVF III, sect. VII
Appendix, p. 268, 11- 18 .
RICHARD GOULET.
104 EUELTHÔN D ’ARGOS
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p. 145, 14 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
E 108 EUGATHÈS DE LAPITHÉ 305
105 EUÉNIOS
Un fragment d 'Aétius (III 17) conservé par Stobée, Anthol. I 38, 2, attribue
une explication des marées par l'action du soleil à un auteur dont le nom est mal
conservé. Se fondant sur une liste d'auteurs cités par Stobée conservée par Pho
tius, Bibl. cod. 167 (t. II, p. 155 Henry ), où est enregistrée la forme Euénios
(EÚnviou ), Wachsmuth a édité : <Eů>nvios (Mɛonvios), le deuxième mot étant
considéré comme une tentative de correction du mot incomplet qui précède.
Mais d'autres savants, dontMeineke, suivi par H . Diels, DDG , p. 382-383, et H .
Kirchner, « Dikaiarchos über Anziehung » , Philologus 79, 1923, p . 322, ont pré
féré reconnaître dans cet auteur, qui apparaît après Aristote dans le passage
d' Aétius, < Alxalapxoc> Ó Meoonvios (~ D 98 ] (fr. 114 Wehrli). Traduction
du passage doxographique dans L . Torraca, I dossografi greci, Padova 1961,
p . 152.
RICHARD GOULET.
106 EUÉTÈRIUS PLREI: MIV
« Il vivait sous l'empereur Jovien. Par sa culture et la supériorité de ses dons
naturels il n 'était inférieur à aucun des anciens ;mais à cause de la faiblesse et de
la simplicité de son âme il fit traîner en justice bien des gens qui n 'étaient pas
responsables» (Souda, s.v. EvetńPloç, E 3448 ; t. II, p . 447, 16 - 19 Adler ). Le
passage de la Souda a parfois été attribué à la Chronique d'Eunape (Bernhardy).
Le contexte semble être le procès d 'Antioche en 371, où plusieurs philosophes
ou intellectuels furent accusés de trahison .
Le passage n 'est pas inclus dans l'édition Müller des fragments de la Chronique d'Eunape,
mais on peut le rapprocher des textes qui constituent les fr. 40 et 45. Il n 'est pas dit qu 'Éuété
rius était philosophe, mais la PLRE envisage cette possibilité , car de nombreux philosophes
furent associés à cette affaire.
RICHARD GOULET.
107 EUÉTÈS DE LOCRES
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p. 145, 7 Deubner.
BRUNO CENTRONE.

108 EUGATHÈS DE LAPITHÉ M IIIa ?


L ' Anth . Pal. VI 307 a conservé l'épigramme du grammairien Phanias
(postérieur à Léonidas de Tarente , ca 2504) sur ce barbier converti à l'épicu
risme: « Eugathès de Lapithé ( en Thessalie ) a jeté avec mépris le miroir , la ser
viette accueillante aux boucles coupées , le morceau de feutre à repasser les
rasoirs, l'étrille de roseau, les lames sansmanche, les canifs à rogner les ongles ;
il a tout rejeté, ciseaux, rasoirs,fauteuil et, abandonnant sa boutique debarbier, il
a sauté d'un bond dans le Jardin où pérorent les disciples d'Épicure (εis 8 '
’Erixoúpou , I soupelov tpointáv, ärato unnobyos). Là, il écoutait comme
un âne qui entend jouer de la lyre ; mais il serait mort de faim s'il ne s'était rési
gné à revenir sur ses pas» (trad . P .Waltz ).
306 EUGATHÈS DE LAPITHÉ E 108
Sur cette épigramme, voir W . Peek , art. « Phanias» 4 , RE XIX 2 , 1938 , col.
1774 .

RICHARD GOULET.
109 EUGÉNÈS (GAIUS VALERIUS - ) DE SELGÈ FII
Plusieurs inscriptions de Selge en Pisidie, à la fin du lie siècle de notre ère,
honorent, pour leur participation aux cultes et aux concours de la Cité, divers
membres de la famille de Poplius Plancius Magnianus Xénôn : sa femme Aurelia
Xenonianè Maidatè Arsa (nº 15), son fils Poplius Plancius Magnianus Aelianus
Arrius Périclès (nº 20a) et son épouse Aurelia Valoussia Cyrinia Atossa
(n° 20b ), sa fille Poplia Plancia Aurelia MagnianèMotoxaris (nº 17) (son nom
n ' est pas conservé dans l'inscription , mais son identité est établie par l'inscrip
tion n° 15 qui en fait la seur de Périclès) et sans doute d 'autres descendants
encore. La dernière mentionnée était l'épouse de Gaius Valerius Eugénès, qui
avait, entre autres mérites, celui d' être « philosophe » (n° 17 , li. 10 ) et fut lui
aussi l'objet de la considération du Sénat et du Peuple de Selgè (nº 19).
RICHARD GOULET.
110 EUGÉNIOS RE 2 PLREI:2 -3 avant 290 – avant 355
Philosophe néoplatonicien, père de Thémistios.
Sources anciennes. ( 1) Les discours de Thémistios, en particulier Or. XX
('Eritádloç Énì tớ natpi) et Or. XXVII. Themistii Orationes, rec. †H .
Schenkl, ed . G . Downey et A . F. Norman , coll. BT,Leipzig 1965 - 1974, 3 vol., le
ze vol. donnant, p . 121- 128, la (2 ) Anunyopía Kwvotavtſov aútorpáropos
προς την σύγκλητον υπέρ Θεμιστίου, seule source qui précise le nom du pere
de Thémistios. (3) Pseudo-Julien,Lettre 18 Evyeviw bloodw .
(4 ) L 'Eugénios à qui est adressée la Lettre 1192 de Libanios ne peut être le
père de Thémistios, contrairement à ce que dit 1 0 . Seeck , Die Briefe des
Libaniuszeitlich geordnet, Leipzig 1906 , p. 134.
Cf. 2 O . Ballériaux , « Eugénios, père de Thémistios et philosophe néoplato
nicien » , AC 65, 1996 , p. 135 - 160.
On s'accorde à faire naître Thémistios en 317. Il avait des frères (Or. XX 3,
5 ) ,mais nous ignorons s'il était ou non l'aîné. Pour la naissance d 'Eugénios, on
avancera donc avec prudence la date de 290 comme terminus ante quem . La
Anunyopía Kwvotavtíou (1er septembre 355) et l'Or. II de Thémistios (mi
novembre 355) semblent indiquer qu ’Eugénios n 'était plus du nombre des
vivants à cette date (mauvaise analyse des sources et conclusions erronées dans
Seeck 1).
Le père d 'Eugénios, philosophe à Byzance , était bien en cour sous Dioclétien
(Or. V 93, 6 -8 et XI 220, 9 -10 ). Peut- être faut-il l' identifier (cf. Ballériaux 2, et
déjà 3 F . Schemmel, « Die Hochschule von Konstantinopel im IV . Jahrhundert
p . C. n .» , JKPh 22, 1908, p. 153) au philosophe païen dont parle Lactance , Inst.
div. V 2 , 3 - 11 ? Ce philosophe avait, vers 303, publié une apologie de la religion
E111 EU ( H )ARMOSTOS 307
païenne en trois livres et célébré , dansun panegyrique, les mérites des empereurs
Dioclétien etGalère.
De la Lettre 18 attribuée à Julien (la lettre n 'est pas éditée par Bidez dans
l'édition de la CUF ; c'est la lettre 60 dans l'édition de W .C . Wright), mais dont
l'auteur est un ancien élève de Jamblique (cf. 4 F . Cumont, Sur l'authenticité de
quelques lettres de Julien , Gand 1899, p . 13 ; 5 J. Bidez, « Le philosophe Jam
blique et son école » ,REG 31, 1919, p. 29-40 ; 6 T. D . Barnes, « A correspondent
of lamblichus» , GRBS 19, 1978, p. 99- 105 ), on peut déduire qu 'Eugénios a, vers
310, fréquenté l'école de Jamblique à Apamée et qu 'il est resté en relations
épistolaires avec certains de ses condisciples. Parmi ses enfants, Thémistios fut
le seul qui, comme lui, s' adonna à la philosophie (Or. XX 3, 5).
Eugénios possédait en Paphlagonie – probablement à Abonotique (cf. 7 F.
Wilhelm , « Zu Themistios Or. 27» , Byz] 6, 1929, p . 451) - un domaine assez
vaste . Il ne dédaignait pas, surtout en ses vieux jours, de s' en occuper personnel
lement. Il y avait aménagé une agréable résidence, grâce à la présence de sources
qu 'il avait lui-même découvertes. Ces activités rustiques n 'étaient toutefois pour
lui qu 'une simple détente , car, toute sa vie , il s'était, dans sa modeste cité
paphlagonienne, consacré à l'enseignement de la philosophie . Devant quelques
disciples choisis , il expliquait Aristote et dissipait l'obscurité dont le Stagirite a
enveloppé ses æuvres. S'il abordait aussi Platon , c' était surtout, semble -t-il, pour
montrer qu 'Aristote ne s' était jamais trouvé en désaccord avec son maître . Il fai
sait intervenir dans son exégèse Ménandre, Sophocle et Euripide, Pindare et
Sappho . Mais , lorsqu 'il faisait appel aux poètes, c 'est surtout vers le divin
Homère qu 'il se tournait, car il retrouvait dans l’Iliade et dans l'Odyssée toute la
philosophie de Platon et d 'Aristote , sans doute à la manière du Pseudo -Plutarque
dans le De vita et poesi Homeri. Selon toute probabilité , il n ' a rien publié.
OMER BALLÉRIAUX (+).
111 EU (H )ARMOSTOS I ?

Alexandre d’Aphrodise, In Metaph., p . 59, 8 Hayduck, rapporte , à propos de


Metaph. A 988 a 10 -11 ( td ydp eion toữ tí čotiv aitia tots ärros, tots 8 '
Elbeolv TÒ Év), une correction qu 'Aspasius (* * A 461) attribuait à Eudore
d' Alexandrie (» E 97) et Euharmostos, qui lisaient, à la fin du passage: tots 8'
EĽdeoLV TÒ Êv xai tỉ űan . Voir C . de Vogel,Greek philosophy, t. III, nº 1285b
(p. 350 - 351), et E .R . Dodds, « The Parmenides of Plato and the origin of the
Neoplatonic " One” » , CQ 1928, p. 129- 142 , lequel considère qu 'il n 'y a pas dans
ce passage une lacune dans lesmanuscrits,mais qu'Eudore avait modifié le texte
d' Aristote dans le sens du monisme néopythagoricien , qui faisait dériver l’äntel
pov directement de l'Un .
RICHARD GOULET.

EULALIOS EULAMIOS
308 EULAMIOS DE PHRYGIE E112
112 EULAMIOS DE PHRYGIE RESuppl. III : DVI
Avec Damascius de Syrie (2D 3), Simplicius de Cilicie , Priscianus de Lydie ,
Hermeias de Phénicie (» H 81), Diogène de Phénicie ( D 143) et Isidore de
Gaza ( + 1 32), ce philosophe païen quitta l'empire byzantin après 529 (date à
laquelle Justinien interdit l'enseignement aux païens et ferma l'école néoplatoni
cienne d' Athènes ) pour se rendre en Perse , qu 'il croyait être le pays du roi-philo
sophe de Platon. Déçus par la conduite des Perses, ces philosophes obtinrent de
rentrer chez eux ,malgré le désir de Chosroès (* C 113) de se les attacher . Ce
dernier obtint toutefois de Justinien qu'ils ne soient pas inquiétés pour leur reli
gion (Agathias, Hist. II, 10 , 3 - 31, 4 ; voir aussi Souda, s.v. tpéObELS, I 2251 , et
s.v. Aquáoxos , A 39, où certains manuscrits fournissent la forme Eulalios et
non Eulamios). Sur cet exil collectif des philosophes et le témoignage d’Aga
thias, voir Ph. Hoffmann , art. « Damascius» D3, DPLA II, p. 559-563.
PIERRE MARAVAL ,
113 EULOGIUS PLRE II:5 MF V
Philosophe auquel l'empereur Léon Ier (457-474) fit verser des fournitures
( sitèrèsion ); critiqué pour ce geste , Léon émit le veu que vienne le temps où la
solde des soldats serait versée à des didaskaloi (Souda A 267 = Malchus fr. 3
Blockley : la partie de texte de la Souda qui concerne Eulogius ne vientpeut-être
pas deMalchus).
PIERRE MARAVAL.
EULOGIUS — FAVONIUS EULOGIUS
114 EUMARÈS DE PHLIONTE FV
Mentionné dans une liste de disciples de Socrate par la Souda, s.v.
Ewxpárns, £ 829, t. IV , p. 404 , 21-23 Adler: 'Anxißládnv ( A 86 ), Koltó
Boulov (2- C 217), Eevounonv, 'Anowodwpov ’Anvalous (2- A 249). Éti OÈ
Kpituva (3 C 220 ) xai Eiuwva , Etuápn Oriáolov , Eluuiav Onßacov ,
Teppiwva Meyapixóv, Xalpep @ uta (* C 109). Plusieurs de ces noms sont des
figures bien connues de l'entourage de Socrate tel qu'il est dépeint par Platon et
Xénophon. Eumarès n 'est pas par ailleurs attesté,mais il est possible que le pas
sage de la Souda dépende d'autres sourcesperdues relatives à Socrate .
Comme Eumarès est suivi par Simmias de Thèbes (Cébès apparaissait lui aussi plus haut,
p . 404 , 14 Adler), on pourrait envisager une confusion avec Echécratès de Phlionte ( E5),
l' interlocuteur pythagoricien de Phédon dans le Phédon de Platon , bien que ce philosophe ne
soit pas comme tel un disciple de Socrate. D 'autres personnages de la liste sont mentionnés
par Phédon parmiles amis présents à la mort de Socrate (59 b ): Apollodore , Critobule "et son
père", c 'est-à-dire Criton , et enfin Terpsion de Mégare .Mais la liste de la Souda comprend au
moins un autre nom inattendu, celui de Xénomède. Nouvelle confusion pourMénexène, lui
aussimentionné dans le même passage ?
RICHARD GOULET.
E 117 EUMÉNÈS D 'ASPENDOS 309
115 EUMÉLOS RE 13 (pour B)
A . « Péripatéticien », de date inconnue, auteur d'un traité Sur l'ancienne
comédie en au moins trois livres (Scholie sur Eschine, in Tim . I 39, n° 83, dans
M . R . Dilts, Scholia in Aeschinem , coll. BT, Stuttgart/Leipzig 1992, p. 23, li.
280-284). Dans son troisième livre , il rapportait qu'un certain Nicoménès (RE 2 )
avait fait voter un décret stipulant qu'à partir de l' archontat d 'Euclide (403/2 )
nul ne devait avoir part aux droits civiques s'il ne pouvait démontrer que ses
deux parents étaient citoyens; ceux qui étaientnés avant l'archontat d 'Euclide ne
devaient pas être soumis à cette enquête . H . Schaefer, art. « Nikomenes» , RE
XVII 1, 1936 , col. 504 , voit dans cette mesure un adoucissement de la loi
d ' Aristophon votée en cette année 403 /2 : les enfants nés avant cette date ne
devaient pas être soumis à la loi.
B . C 'est peut-être le même auteur (FGrHist 77 F 1) qui, selon Diogène
Laërce V 6 , rapportait, au cinquième livre de sesHistoires, qu 'Aristote étaitmort
à Chalcis après avoir bu de l'aconit,âgé de soixante-dix ans, et que le philosophe
avait rencontré Platon à l'âge de trente ans. Cette version de la mort d'Aristote
contredit d 'autres témoignages.
Voir M . Narcy, note à sa traduction du passage dans Diogène Laërce, Vies et doctrinesdes
philosophes illustres. Trad . franç. sous la direction de M .- O . Goulet-Cazé, coll. « La Pocho
thèque - Classiques Modernes» , Paris 1999, p . 561 n . 1 : « Cet Eumèle est peut-être le philo
sophe péripatéticien connu sous ce nom (... ), qui aurait voulu auréoler le fondateur de son
école d 'une gloire supplémentaire en le faisantmourir, non seulement à l'âge de Socrate, mais
de la même façon , par l'absorption d 'un poison analogue à la ciguë. D . L . ne relève que
l'erreur relative à l'âge auquel Aristote rencontra Platon ,mais il rapporte plus loin (V 10) la
version de la mort d ' Aristote due à Apollodore, qui dément celle d 'Eumele. »
RICHARD GOULET.
116 EUMÉLOS (M . IULIUS) II ?
Le « philosophe » Marcus Iulius Eumélos, inconnu par ailleurs, fut honoré par
ses enfants sur un monument funéraire à Alaca au nord -est d ' Ancyre (RECAM
II,nº519).
BERNADETTE PUECH .

117 EUMÉNÈS D'ASPENDOS RE 11 IIIa


Académicien , disciple de Crantor de Soles (B+ C 195) et non de Cratès
d'Athènes (2C 206 ), mentionné dans l'Academicorum historia de Philodème,
col. S 32 -33 (cf. K . Gaiser, Philodems Academica , Stuttgart/Bad Cannstatt 1988,
p . 529,531). Philodème affirme qu'ilavait écrit un ouvrage sur la comédie (ſlepi
xwuwdías ). On ne peut partager l'hypothèse qu’Eumène aurait publié les Bibaia
tepi xwuwdíaç de Cratès (D .L . IV 23. Cf. Th . Gomperz , Die herkulanische
Biographie des Polemon , in Philosophische Aufsätze , E. Zeller ... gewidmet,
Leipzig 1887 , p . 149 = Eine Auswahl herkulanischer kleiner Schriften , hrsg . v.
T. Dorandi, Leiden 1993, p. 161; L . Cohn, art. « Eumenes » 11, RE VI 1, 1907 ,
1105 ). Wilamowitz , Euripides Herakles. I = Einleitung in die griechische Tra
gödie , Berlin 1889 , p . 134 n . 21, a suggéré d 'identifier Eumène, auteur de livres
310 EUMÉNÈS D 'ASPENDOS E 119
sur la comédie , avec l'Euclide dont parle Tzetzes XIa I, p. 28, 111 Koster; Xla
II, p. 35, 53 et XXIc , p . 106 , 47. Cf. H .-G . Nesselrath , Die attische Mittlere
Komödie ,Berlin/New York 1990, p. 176 n. 74.
TIZIANO DORANDI.
118 EUMÉNÈS DE PHOCÉE (L . VIBIUS -) II ?
Le philosophe L . Vibius Euménès exerça à Phocée, sous le Haut-Empire , de
nombreuses fonctions publiques : voir BE 1971, nº 553 et EA 18, 1991, p. 81
n° 4. Peut-être appartenait-il à la même famille de Vibii que la femme du philo
sophe Hermocratès de Phocée ( H 87).
BERNADETTE PUECH .
119 EUMÉNIUS PLREI:2 MF IV
Compagnon d'études de l'empereur Julien en Asie ou à Athènes. Julien lui
écrit de Gaule (avant 360) en faisant l'éloge de la vie contemplative et en
l'exhortant à acquérir la science d'Aristote et de Platon (Julien , Ep. 8 , 441 a-d ).
La lettre est adressée aussi à Pharianos.
PIERRE MARAVAL .

120 EUMOIROS DE PAROS


Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p . 145 , 5 Deubner .
BRUNO CENTRONE.
121 EUNAPE DE SARDES RE 2 PLREI:2 349-après 414
Sophiste païen , formé à Athènes, initié au néoplatonisme de la tradition de
Jamblique, auteur de Vies de philosophes et de sophistes conservées et d'une
Histoire dont il reste de larges fragments.
Biographie. Les rares informations biographiques dont nous disposions sur
Eunape sont tirées de l'analyse de ses œuvres. Une reconstitution de la chrono
logie de la vie d 'Eunape a été tentée dans un article dont les conclusions sont
résumées ici: 1 R . Goulet, « Sur la chronologie de la vie et des æuvres d 'Eunape
de Sardes » , JHS 100 , 1980 , p . 60 -72 . Les chiffres entre parenthèses renvoient à
la page et à la ligne de l' édition Giangrande des Vies signalée plus bas sous le
n° 10 .
Cette chronologie a été acceptée par certains spécialistes comme 2 F. Paschoud, « Euna
piana » , dans Bonner Historia -Augusta -Colloquium 1982/1983, p . 239- 304, notamment p . 262
n. 42, ou Blockley 38 (cité plus loin ), p . I, IX (addendum ), mais rejetée par d'autres, notam
ment 3 Th. M . Banchich , « On Goulet 's Chronology of Eunapius' Life and Works » , JHS 107 ,
1987, p. 164- 167 (reprend l'Appendice 2 de sa thèse de 1985). Les objections soulevées sont
examinées dans « Prohérésius le païen » , à paraître dans AntTard 8 , 2000. Si l'on refuse cette
interprétation des données chronologiques, on pourra soustraire deux ou trois ans aux dates
indiquées.
Eunape est né à Sardes, capitale de la province de Lydie en Asie Mineure, en
349 ap. J.-C . A l'entendre, il serait issu d'une famille peu fortunée, à comparer
E 121 EUNAPE DE SARDES 311
du moins avec ses condisciples chez le sophiste Prohérésius à Athènes: « les uns
se faisaient remarquer par leur robustesse corporelle , les autres, s'ils n 'avaient
qu'une forme moyenne, détenaient quelque supériorité du fait de leur richesse ;
quant à l'auteur, qui se trouvait dans une condition physique lamentable , pour
tout bien , il avait dans sa mémoire la plupart des ouvrages des auteurs anciens
(åpxaiwv) » (64,24 -65, 1 Giangrande). Eunape exagère sans doute . Il veut
montrer qu 'à la différence de ses condisciples, son excellence ne doit rien à la
nature et à la fortune.Mais les cinq années d ' études à Athènes qu 'il put se per
mettre n ' étaient pas à la portée de toutes les bourses.
La parenté et l' entourage d 'Eunape permettent de préciser ses origines socia
les. Il est sans doute parent du rhéteur Eunape que les Lydiens envoyèrent en
ambassade auprès du nouvel empereur Julien en 362 (Histoire, fr. 15 = fr. 24
Blockley ; voir aussi fr. 45 = fr. 29 Blockley). Il est parent par alliance avec le
philosophe Chrysanthe de Sardes (2+ C 116 ) - dont l'épouse , Mélité , était la
cousine d 'Eunape (49, 10 -11) -, qui fut, sousJulien , grand-prêtre de Lydie (50,
7 - 8 ; 93, 20-21) et qui appartenait à la plus haute aristocratie de Sardes (91, 1 - 2) .
Il est l' ami personnel d'Oribase de Pergame, qui « tenait sa noblesse du côté
maternel et du côté paternel» (87, 20 ) et qui fut le médecin de l'empereur Julien
(88, 4 -5 ). Oribase a d' ailleurs dédié à Eunape des ouvragesmédicaux conservés
(cf. J. Raeder, CMG VI 3, 1926) et c' est lui qui incita'Eunape à écrire son
Histoire ( cf. fr. 8 ). Enfin , on retrouve Eunape au banquet de l'ancien proconsul
de la province d 'Asie , Festus, qui avait invité « les hauts dignitaires et l'aristo
cratie » (56 , 3-4 ).
« Dès son enfance » , c'est-à-dire jusqu 'à quinze ans, il fut à Sardes l'élève du
philosophe Chrysanthe (18 , 10 - 11 ; 90 , 22 ; 96 , 16 - 17) qui semble s'être chargé,
peut- être à titre purement privé, de la formation que dispensait habituellement le
grammatikos aux enfants de cet âge. C 'est auprès de lui qu'il dut étudier et
mémoriser les textes essentiels des poètes et des autres auteurs classiques
(64, 27 -65, 1).
Dans sa seizième année (63, 24-25 ; 79, 14-15), donc à quinze ans, à la fin de
septembre 364 , Eunape fut envoyé par sa famille , qui voulait sans doute faire de
luiun sophiste (79, 19-20 ), à Athènes où il futenrôlé dans l'école de Prohérésius
(64, 9 -65, 11), alors âgé de quatre-vingt-six ans (63,25 -64 , 1). Le capitaine du
navire athénien sur lequel Eunape avait fait la traversée était un amidu célèbre
sophiste et, arrivé de nuit au Pirée, il emmena les nouveaux étudiants chez
Prohérésius avant qu 'ils ne fussent racolés par les disciples des autres maîtres.
Le jeune Lydien était en piteux état: une fièvre s' était déclarée durant la traver
sée (64, 9 - 10 ) et, pendant quelque temps, on crut son état désespéré.Non seule
ment ses compatriotes (65, 14) et les membres de sa famille venus étudier en
mêmetemps que lui (64, 10 - 11) étaientaccablés par ce malheur, mais la cité tout
entière , à en croire Eunape, était plongée dans le deuil (65, 17 -18), par anticipa
tion. Heureusement, il fut sauvé par un certain Eschine de Chios,médecin dont
personne n 'attendait pareil exploit: « il avait achevé non seulement des patients
312 EUNAPE DE SARDES E 121
qu'il avait entrepris de soigner,mais même ceux qu'il s'était borné à examiner »
(65, 20 -21).
En ce qui concerne la date proposée pour l'arrivée à Athènes, que je déplaçais de 361/ 2 à
364, G . Fatouros m 'a signalé que 4 G . R . Sievers , Studien zur Geschichte der römischen
Kaiser, Berlin 1870, p . 235-236 , avait déjà conclu des passages d'Eunape qu 'il était arrivé à
Athènes peu après le règne de Julien . Sur la date de l' arrivée à Athènes, voir 5 A . D . Booth ,
« On the date of Eunapius' coming to Athens » , AHB 1, 1987, p. 14 -15 (au plus tôt à l'automne
363) .
Chez Prohérésius, Eunape étudia cinq ans, c'est-à-dire qu'il fut de ses élèves
pendant cinq années scolaires successives et non pendant cinq années complètes,
car nous verrons qu 'il était déjà rentré à Sardes dans le cours de sa vingtième
année (18, 11). Envers son jeune disciple , Prohérésius se montra plus qu 'un
maître : il lui témoigna une affection paternelle qui marqua la mémoire d 'Eunape
(63, 20-23 ; 66 , 7 -17 ; 79 , 16 -17).
Cf.6 D. F. Buck,« Prohaeresius' recruitment of students », LCM 12, 1987, p. 77-78.
Durant ce séjour d'étude dans la grande capitale intellectuelle de l'hellénisme,
Eunape put entendre et connaître quelques-uns des plus grands rhéteurs de l'épo
que : Diophante l'Arabe (80 , 11- 13), Sopolis (80 , 22-23); il ne rencontra ni Liba
nius (85, 5-7, passage qui pourrait être une interpolation tardive, cf.Giangrande
10 , Introduction , p . XVI-XIX ), ni Himérius (75 , 1-3 ; 81, 3-4), ni Épiphane de
Syrie ,mort longtemps avant qu'Eunape ne séjournât à Athènes (80 , 5 -6 ). C 'est
sans doute à Athènes que le jeune étudiant fréquenta Tuscianus de Phrygie
(Histoire , fr. 25 ) ou de Lydie (69, 20), un condisciple de Prohérésius, chez leur
maître commun , Julien de Cappadoce : Tuscianus lui procura des informations
détaillées sur le milieu des rhéteurs athéniens de la génération précédente (59,
18 -21 ; 62, 8-10 ;69, 20 -21 ; 70, 1).
Au cours de ces années à Athènes, Eunape fut initié aux mystères d'Éleusis,
par le même hiérophante qui avait initié l'empereur Julien (45 , 8- 10). Ce hiéro
phante qui connaissait personnellement Prohérésius (79, 5 -13) semble avoir reçu
le fervent hellène qu 'était le jeune Eunape dans son intimité et c'est en sa pré
sence qu'il prophétisa la destruction des temples de la Grèce (45, 10 - 12).
Blockley 38 , 1. I, p . 4 , et Paschoud 56, p. 151, ont voulu identifier l'hiérophante d'Éleusis
dont Eunape tait le nom avec l'hiérophante Nestorius dont parle Zosime (IV 18 , 2- 4 ). Cette
identification est très fragile , car ce Nestorius ne semble pas rattaché au culte des deux déesses
à Éleusis , mais à celui d' Athéna à l'Acropole . A cette époque, tous les cultes avaient leurs hié
rophantes. CommeNestorius était " très âgé” en 375 , on peut se demander s 'il a pu être témoin
d ' événements survenus vingt ans plus tard , comme le rapporte Eunape (45, 18 -23).
En 368/9, au cours de la cinquième année scolaire d' Eunape à Athènes, son
maître Prohérésius, alors âgé de quatre -vingt-dix ou quatre -vingt-onze ans, tom
ba gravement malade et dut mettre un terme à son enseignement. C 'est en tout
cas « après une cinquièmeannée » (79, 17) qu ’Eunape décida de quitter Athènes.
Le séjour de cinq ans a été contesté par 7 Ch . W . Fornara, « Eunapius' Epidemia in
Athens » , CQ 39, 1989, p. 517 -523, qui propose de lire en 79 , 17 MetánEUntoç (« appelé » )
au lieu de uetà néuntov Étos . Cette correction a été rejetée par 8 Th . M . Banchich ,
« Eunapius in Athens » , Phoenix 50, 1996 , p . 304-311. Le mot apparaît en effet ailleurs chez
Eunape (49, 4 ; 76 , 14 ),mais, en 79, 17 (únelyeto uÈN LETáneunToc eis tnvAyuntov, oi
E 121 EUNAPE DE SARDES 313
OÈ Tatépeç xaroŪVTEÇ ÉTÈ Audiac étebiáoavto), il ne serait pas bien à sa place, car si
Eunape était appelé ou rappelé quelque part ce n 'était certainement pas en Égypte, mais bien à
Sardes...
En 79, 5 , il faut lire vóuw (TÓNW A ) TOŨ TALDEVELV Ételpróuevos, comme l'a proposé
9 A . Guida, « La rimozione di Proeresio dall'insegnamento e i meschini interessi di Costanzo :
due note a Eunapio (VS 10, 8 , 1 ; Hist. fr. 14 Bl.) », dans E. Gabba, P . Desideri et S . Roda
(édit.), Italia sul Baetis : studidi storia romana in memoria di Fernando Gascó , coll. « I flori
legi » 7 , Torino 1996 , p. 153- 158 , notamment p . 156 , avec d 'excellents parallèles cités n. 14 .
J'avais envisagé la même correction à partir d 'un passage du cinquième livre du Contre
Eunome transmis sous le nom de Basile. Il s' inscrit dans une critique de la conception arienne
des relations entre le Père et le Fils : vouw dúoews (l 'expression est empruntée à l'adversaire
tñs ouvapeias tñs após aŭtov É FELpyouevos... (PG 29, col. 641, li. 28 ). Pour l'attribution
de l'ouvrage, voir CPG nº 2837 et l'Introduction de B . Sesboué à Basile de Césarée, Contre
Eunome, coll. SC 299, Paris 1982,t.I, p. 61-64.
Eunape espérait alors aller en Égypte , peut-être pour y étudier la médecine
dans l'école publique (didaoxaletov...ZOLVÓv ) du médecin Magnus de Nisibe à
Alexandrie : « vers lui faisaient voile tous les jeunes gens, afin d' étudier chez
lui» (87, 10 -11). Ce projet fut cependant contrecarré par les parents d 'Eunape
qui le rappelèrent en Lydie , pour qu 'il vînt occuper la chaire de sophiste à
laquelle ses études athéniennes l'avaient préparé : « la sophistique l'attendait et
tous l'appelaient à exercer cette fonction » (79 , 17 -20). Il dut quitter Athènes
avec la reprise de la navigation au printemps de 369. Quelques jours plus tard,
Prohérésiusmourut (79, 20 -21) .
Rentré à Sardes, Eunape retrouva son premier maître, le philosophe Chry
santhe ( 96 , 14), et, bien qu 'il eût à enseigner la rhétorique à ses propres élèves
durant la matinée, il se précipitait dès le début de l'après-midi chez Chrysanthe
pour y apprendre « les discours plus divins de la philosophie » (96, 11-15 ).
Comme tous les philosophes de l' école de Jamblique, Chrysanthe respectait à
l'égard des doctrines du maître « un silence mystérique et un arcane hiérophan
tique » (18, 8-9). Aussi ne jugea-t-il Eunape, qu'il connaissait pourtant depuis
longtemps, digne des « vérités supérieures» que lorsque le jeunehomme fut dans
sa vingtième année, à son retour d' Athènes (18, 10 - 12). Eunape évoque les pro
menades que le vieux maître faisait avec ses disciples dans les rues de Sardes
après la classe. Ses propos étaient si captivants, raconte-t-il, qu'on en oubliait les
ampoules aux pieds et la fatigue (95,26 - 96 ,3).
C 'est à cette époque, lorsqu 'il était neos, qu'il rencontra et écouta Maxime d 'Éphèse (40,
21-22) . Il était également présent à Sardes lorsque Musonius sortit de la ville à cheval
(Histoire, fr. 45 Müller), peut-être pour aller affronter les rebelles Isauriens dans un combat où
il perdit la vie comme Vicarius Asiae. Cet événement a été daté en 368 d'après le contexte
général du paralelle chez Ammien Marcellin (XXVII 9 , 6 ) et pourrait donc être allégué contre
un retour d' Eunape à Sardes en 369 seulement, mais la succession des chapitres chez Ammien
est trop imprécise pour fournir une datation assurée . Dans cet ensemble désordonné d'infor
mations que constitue le livre XXVII d'Ammien , le synchronisme entre la mort de Musonius
dans une embuscade avec la préfecture urbaine de Praetextatus n 'est assuré que par un « haec
inter » quine garantit pas une grande précision chronologique. D 'après les Fastesde PLRE, le
Vicarius Asiae qui remplaça Musonius, Euserius, exécuté vers 371/2 , venait à l'époque de sa
condamnation de tenir ces fonctionspaulo ante (Ammien Marcellin XXIX 1, 9), ce qui permet
de penser que la mort de Musonius a pu survenir un peu plus tard qu ' en 368 . Voir Goulet 1,
p. 66 n . 39.
314 EUNAPE DE SARDES E 121
Eunape resta aux côtés de Chrysanthe jusqu 'à la mort de ce dernier. Il lui
sauva même la vie, un an avant sa mort, en ordonnant d 'arrêter une saignée
prescrite au vieillard par des médecins imprudents ( 100 , 7 -12). Eunape explique
à cette occasion qu'il n 'était pas « un profane dans les choses de la médecine »
(100, 12 -13). C 'est sans doute pourquoi Chrysanthe avait exigé qu'il fût présent
(100 , 9). Un an plus tard , au début de l'été,malgré les ordres qu ’Eunape avait
donnés au médecin qui devait l'attendre , « comme à l'habitude » , avant de faire
quoi que ce fût, on imposa à Chrysanthe une nouvelle saignée qui fut cette fois
fatale ( 101, 3-9). Dans son récit, Eunape nemanque pas d'évaluer d'un pointde
vuemédical le traitement que prescrivit alors Oribase , appelé en catastrophe au
chevet du mourant( 101, 9- 15 ).
Banchich 45, p . 117, a signaléune inscription de Beni-Hasan en Égypte quimentionne un
Eunape qui pourrait être le sophiste de Sardes. Le texte est incertain . J. Letronne (Recueil des
inscriptions grecques et latines de l'Égypte , Paris 1848, 1. II, p . 459, n° 523) avait édité le
texte suivant: Tò npooxúvnua : Mpaoiwv (xai) Eúvários latpós, A . Boeck (CIG III (1853]
n° 4076 , p . 1191) a lu : Tº npooxúvnua: [ [ Jaoiwv EÚva [n ]io [ v] latpóç. L 'intérêt de l'au
teur pour la médecine, son projet ancien d 'aller étudier en Égypte et la rareté du nom per
mettent de penser qu'un fils d 'Eunape est l'auteurde cette dédicace.
Si l'on excepte la composition des deux ouvrages connus d'Eunape, voilà à
peu près tout ce que nous savons de sa vie. La date de sa mort nous est inconnue.
Nous constatons toutefois qu 'il fait allusion dans son Histoire ( fr. 87 ) à l'impéra
trice Pulchérie (414 -416 ) : il avait sous son règne environ soixante-cinq ans.
Euvres littéraires. (1) Vies de philosophes et de sophistes (Bíou pilooooww
vai ooplotāv); (2 ) Histoire en quatorze livres.

I. VIES DE PHILOSOPHES ETDE SOPHISTES


(Blol Quooopwv xalooplotāv)
Édition critique. 10 Giuseppe Giangrande (édit.), Eunapii Vitae Sophista
rum . Ioseph Giangrande recensuit, coll. « Scriptores Graeci et Latini consilio
Academiae Lynceorum editi », Roma 1956 , XLVIII-111 p .
Praefatio : VII-XXXV; Testimonia Veterum Auctorum (Oribasius, Suidas, Photius):
XXXVII-XLI; codices : XLIII ; Disputationes criticae : XLIV-XLV ; Index philosophorum atque
sophistarum quorum vitas Eunapius conscripsit: p. 103 ; Index verborum notabiliorum : 105
106 ; Index nominum : 107- 111.
C 'est la seule édition qui soit fondée sur le Laurentianus Mediceus graecus
plut.LXXXVI 7 (XI s.), dont 11 A . Jordan , De Eunapii codice Laurentiano,
Progr.Gymn. Lemgo 1888 , a montré qu'il est l'ancêtre de tous les manuscrits
d'Eunape connus. A la suite de plusieurs auteurs , Giangrande a consacré à l'éta
blissement du texte divers articles qu'on trouvera signalés, avec les références
des études plus anciennes, dans la bibliographie de son édition (p. XLIV ).
Ajouter : 12 G . Giangrande, « Vermutungen und Bemerkungen zum Text der Vitae
Sophistarum des Eunapios » , RHM 99, 1956 , p . 133- 153 ; 13 Id ., « Lesefrüchte » , RHM 101,
1958, p . 57 ; 14 B . Baldwin , « An emendation in Eunapius » , SIFC 48, 1976 , p . 263- 264 (sur
XXI 3 Giangrande ; Vit. sophist. 498 Boiss.) ; 15 A . Guida, « Tre note a Eunapio » , SIFC 49,
1977, p. 283-284 (Vit. sophist. 454, 498, 505 Boiss.) ; 16 R .J. Penella, « Eunapius, Vitae Phil.
E 121 EUNAPE DE SARDES 315
XXIII 3 .15 (Giangrande) », RhM 129, 1986 , p. 363. On tiendra compte également des recen
sions de l'édition , notamment celles de 17 H . Gerstinger,Gnomon 30, 1958, p. 105 -108, et de
18 R . Keydell, BZ 53, 1960 , p. 119- 123.
Traductions. Latine: dans l'édition de 19 J. F . Boissonade, Eunapii Sardiani
Vitae Sophistarum (avec Philostrate et Himérius), Paris 1849 (réimprimée en
1878), p. 449-505, qui reprend l' édition qu'il avait déjà donnée (avec des notes
de D . Wyttenbach ), Amsterdam 1822 , en y ajoutant une version corrigée de la
traduction latine de H . Junius (editio princeps des Vies, Anvers 1568). Fran
çaise : 20 Eunape de Sardes, Vies des philosophes et des sophistes, traduites en
français par Stéphane de Rouville, Paris 1876 , 214 p. (5e éd . en 1879). Anglaise :
21 Philostratus and Eunapius, The Lives of the sophists with an English transla
tion by Wilmer Cave Wright, coll. LCL 134, London 1921, p. 317-565, avec un
Index des noms propres, p. 588 -596 ( souvent réimprimée ; l'édition de 1961,
réimprimée en 1968 , tient compte , en notes, quand la mise en page le permet,
des apports de l'édition Giangrande).
Index grec. 22 Robert Robinson, Indices tres vocum fere omnium quae
occurrunt in ... Longini..., Eunapii Libello de Vitis Philosophorum et Sophista
rum , in Hieroclis..., Oxford 1772 ( suit la pagination et la linéation de l' édition
H . Commelinus, Cologne 1616 ); 23 I. et M .M . Avotins, Index in Eunapii vitae
sophistarum , coll. « Alpha-Omega » Reihe A ,Lexika, Indizes, Konkordanzen zur
klass. Philol.,62, Hildesheim 1983, X -257 p.
Datation. L 'ouvrage fut composé après 396, puisqu'Eunape y mentionne
l'invasion d ’Alaric et la destruction du sanctuaire d 'Éleusis (45, 10 - 46, 11). Ce
sont là les derniers événements évoqués, mais ils ne sont pas présentés comme
récents. Lorsqu 'Eunape parle des païens qui év tõde tô xpova (58 , 14 ) ont été
exécutés par les barbares ou se sont eux -mêmes donné la mort, il pense certai
nement à une époque qui n 'est plus toute récente . Demême, quand il rapporte la
prédiction de l'hiérophante d' Éleusis concernant son successeur, dont la venue
allait entraîner la destruction des temples de la Grèce et la fin du culte à Éleusis,
il considère qu 'un des points de la prédiction qui s'est réalisé est qu 'après avoir
été témoin de ces malheurs le nouveau hiérophante ne connaîtrait pas la vieil
lesse (45, 22-23). Cela nous amène encore une fois quelques années au moins
après la destruction du sanctuaire d 'Éleusis et l' invasion d ’ Alaric . Aussi est-il
préférable de dater la composition des Vies du début du ve siècle. 24 Th.M .
Banchich, « The date of Eunapius' Vitae sophistarum » , GRBS 25, 1984, p. 183
192.
Style. 25 G . Giangrande, « Caratteri stilistici delle Vitae Sophistarum di
Eunapio . Contributi allo studio del più tardo atticismo» , BPEC 4 , 1956 , p. 59
70 ; 26 Id ., « Herodianismen bei Eunapios. Ein Beitrag zur Beleuchtung des
imitatio in der späteren Gräzitat», Hermes 84 , 1956 , p. 320 -321.
Contenu . Les Vies brossent successivement le portrait de neuf philosophes
(Plotin, Porphyre , Jamblique, Aidésius, Maxime, Priscus, Chrysanthe, Épigonus
et Béronicianus), dix sophistes (Julien de Cappadoce, Prohérésius, Épiphane,
Diophante, Sopolis, Himérius, Parnasius, Libanius, Acace et Nymphidianus) et
316 EUNAPE DE SARDES E 121
cinq médecins (Zénon, Magnus, Oribase, Ionicus et Théon ). Mais à ces figures
de premier plan s'ajoutent les nombreux personnages que nous font connaître
des excursus importants , sans parler de plusieurs païens qui ont joué un rôle dans
la vie de ces intellectuels, tout en exerçant d'autres fonctions. Philosophes, so
phistes etmédecins forment dans l'esprit d'Eunape un groupe social organisé
que rapprochent des traits caractéristiques : ce sont tous des Grecs, orientaux,
païens ; un riche tissu de relations humaines, académiques, professionnelles, poli
tiques, mais aussi familiales, font de cette micro -société d'intellectuels une
famille homogène.
Après avoir distingué dans son prologue (1, 3 - 5, 17) trois périodes dans
l'histoire ancienne de la philosophie (et de la rhétorique) en fonction de la qua
lité de la documentation accessible sur chacune, après avoir rappelé l'existence,
pour l'histoire des philosophes, des ouvrages de Porphyre (“ Historia philoso
phos", 2, 14 -17) (première période qui va jusqu'à Platon , 2, 16 ; 5 , 5 -6 ] et de
Sotion (“Diadochai”, 2, 14 - 18 ) (deuxième période, jusqu 'à l'époque de Sotion
qu ’Eunape semble situer sous Claude ou Néron , 5, 5-7 ), pour l'histoire des
sophistes, des Vies des sophistes de Philostrate de Lemnos (2, 20 -22), ainsi que
de biographies individuelles de philosophes comme la Vie d 'Apollonius de Tya
ne par Philostrate (3, 4 -9) ou la Vie de Démonar par Lucien de Samosate (4, 5
8 ), et avoir souligné l'intérêt biographique ou même autobiographique des écrits
de Plutarque (3, 20 -4 , 5) (troisième période ou période “intermédiaire", pour
laquelle il n 'y a donc pas d 'histoire générale des philosophes, 2, 18 -23 ; 5, 5- 12 ],
Eunape aborde ses biographies avec le règne de Sévère < Alexandre > (5, 12), car
il savait, par la Vie de Plotin 2 , 36 -37, que la treizième année de son règne
correspondait à la naissance de Plotin . Les passages (obscurs et partiellement
corrompus) du Prologue sur les périodes de l'histoire de la philosophie sont
étudiés dans 27 G . Nenci, « Eunapio , Vitae Sophist. II 2 , 6 -8 e la periodizzazione
della dióoopoc iotopia » , ASNP 3, 1973, p . 95 -102 ; 28 R . Goulet, « Eunape et
ses devanciers : A propos de Vitae Sophistarum p. 6 .4 - 17 G .» , GRBS 20 , 1979,
p . 161-172 ; 29 J. Hahn, « Quellen und Konzeption Eunaps im Prooemium der
Vitae sophistarum » , Hermes 118 , 1990 , p .476 -497.
Hahn 29, p. 481-482 me reproche d'avoir supposé qu 'un Sotion , distinct de l'auteur des
Successions des philosophes (fin du le siècle av. J.- C .), aurait composé, au début de l' époque
impériale une Histoire de la philosophie qui aurait amené Eunape à faire cesser la deuxième
période de l'histoire de la philosophie sous Claude et Néron. Je n' ai jamais pensé à une telle
hypothèse. Selon moi, Eunape, qui ne connaissait Sotion qu 'à travers Porphyre, a pu, tout sim
plement, confondre l'auteur des Successions avec un de ses homonymes d' époque impériale .
Si l'on n 'accepte pas cette hypothèse, il faut supposer que, selon Eunape, il y eut entre Sotion
et le premier siècle denotre ère une période totalementdépourvue de philosophes. Je crois que
les deux développements d'Eunape suggèrent plutôtdes périodes successives et contiguës.
Si la section consacrée à Plotin ne compte que quelques lignes (5 , 18 -6, 8), le
chapitre sur son disciple Porphyre est beaucoup plus long (6 , 9 - 10, 10) et offre
des informations dont la valeur historique demande à être étudiée de près,
notamment sur la crise suicidaire qui aurait amené Porphyre à partir en Sicile
(7 ,2 -8, 9). Sur le récit que donne Eunape de cet événement, rapporté par Por
E 121 EUNAPE DE SARDES 317
phyre lui-même dans sa Vie de Plotin 11, 11-19, voir 30 R . Goulet, « Variations
romanesques sur la mélancolie de Porphyre» , Hermes 110 , 1982, p . 443-457.
Suit un chapitre sur Jamblique (10, 18 - 15, 2), présenté comme disciple de
Porphyre (10 ,23 - 11, 1). Des récits attestant des pouvoirs surnaturels de Jam
blique sont dits empruntés aux souvenirs de son disciple Aidésius, maître de
Chrysanthe de Sardes, lui-mêmemaître d'Eunape (12, 9- 13 ; 15, 1-2) et inspira
teur de l'ouvrage ( 90 , 21-22). Jamblique avait écrit une Vie d'Alypius (16 , 7) que
connaissait Eunape (16 , 8), lequel consacre à ce philosophe alexandrin contem
porain et amide Jamblique ( A 129) quelques développements (15, 3 - 17, 7).
Eunape passe ensuite aux deux principaux disciples de Jamblique : Aidésius
(MA 56 ) et Eustathe (WE 161), de Cappadoce l'un et l'autre. Mais ilmentionne
égalementdeux autres disciples, originaires de Grèce: Théodore (= d 'Asiné ?) et
Euphrasius (2 + E 131), ainsi que Sopatros de Syrie que l'on retrouvera plus loin
(11, 13 -15). Aidésius est le successeur de Jamblique. Sa vie (17, 8 - 25 ,4 ) est
entrecoupée par un long excursus (18, 14 -23, 14 ) sur Sopatros, conseiller
malheureux de l'empereur Constantin , excursus qui s'étend jusqu 'au récit du
châtiment providentiel d'Ablabius (21, 1- 23, 14 ), qui avait fait exécuter
Sopatros .
Quant à Eustathe (25, 5 ; 28, 3), qui fut ambassadeur de Constance chez les
Perses, il épousa une certaine Sosipatra, dont on nous raconte en détail l' initia
tion reçue auprès de deux étrangers professant la sagesse chaldaïque (28, 4
32,13). Cf. 31 R . Pack, « A romantic narrative in Eunapius» , TAPHA 83, 1952,
p . 198 -204. Après la mort d'Eustathe qu 'elle avait prédite (32, 14 - 33, 7) – cf.
32 G . Giangrande, « La profezia di Sosipatra in Eunapio » , SCO 5, 1955 , p. 111
116 -, elle enseigna elle -même à Pergame, auprès d'Aidésius (33, 8 -17). Eunape
raconte également comment elle dut faire appel au savoir divinatoire de son
parent, le philosopheMaximed 'Éphèse, pour se libérer des philtres amoureux de
son cousin Philométor (33, 18 -36 , 13). Un des fils d 'Eustathe et de Sosipatra ,
Antonin (2 A 221), se réfugia dans un temple à Canope où il enseignait la philo
sophie de Platon et où il prédit la destruction , après sa mort, du Sérapéion et des
autres temples d'Alexandrie (36 , 14 - 40, 19). Cf. 33 K . Latte , « Eine Doppel
fassung in den Sophistenbiographien des Eunapios » , Hermes 58, 1923, p . 441
448 .
La génération suivante est celle des disciples d 'Aidésius. La vie de Maxime
d 'Éphèse est assez longue (40, 20 - 56 , 19 ),parce qu 'elle comporte de longs déve
loppements sur Julien (* I 46 ), dont Maxime fut le maître et le conseiller. La
formation néoplatonicienne de Julien chez Aidésius à Pergame, qui le confia à
ses disciples Eusebe de Myndos ( E 156 ) et Chrysanthe de Sardes, puis chez
Maxime à Éphèse , qu'on avait présenté à Julien comme plus ouvert aux pra
tiques théurgiques, puis son initiation à Éleusis, son accession à l'empire et ses
efforts pour obtenir la collaboration de ses anciens maîtres, tout cela est raconté
avec beaucoup de pittoresque (41, 13 -48, 16 ). Vient ensuite le récit de l'ascen
sion de Maxime, sa chute sous Valentinien et Valens, sa réhabilitation grâce au
préfet d 'Asie Cléarque et sa condamnation à mort en 371 pour avoir apporté le
318 EUNAPE DE SARDES E 121
concours de ses connaissances divinatoires aux conjurés du complot d'Antioche
(48 , 17 - 56 , 19 ).
La section des Vies consacrée aux philosophes s'achève avec le portrait de
Priscus, autre disciple d 'Aidésius (56 , 20 - 59,4). Eunape passe alors aux so
phistes, puis aux médecins et ce n 'est qu 'à la fin de son ouvrage - sans doute par
marque de reconnaissance - qu' il raconte la vie de son maître vénéré, Chry
santhe (90 , 20 - 101, 16 ), auquel succédèrent (101, 17 -21) Epigonos de Sparte
(» E 41) et Béronicianus de Sardes ( B 25).
Ces biographies, ou plutôt ces portraits dont nous venons de dégager le cadre
général, du moins pour la section consacrée aux philosophes , doivent être lus en
tenant compte de l'histoire du genre littéraire des Vies de philosophes. Sur cette
question , voir une étude où Eunape tient une grande place : 34 R . Goulet, « Les
Vies de philosophes dans l'antiquité tardive et leur portée mystérique» , dans F.
Bovon et alii, Les Actes apocryphes des Apôtres. Christianisme etmonde païen ,
Genève 1981, p. 161-208, et 35 Id ., « Histoire etmystère . Les Vies de philoso
phes de l'Antiquité tardive » , dans La Biographie antique, coll. « Entretiens sur
l'Antiquité classique » 44, Vandæuvres-Genève 1988, p . 217 -265. La micro
société décrite par Eunape a fait l'objet d'une série de conférences à l'ÉPHÉ :
36 R . Goulet, « Les Intellectuels païens dans l'Empire chrétien selon Eunape de
Sardes » , AEHE, Ve sect. 86 , 1977- 1978, p. 297 -303 [biographie , chronologie,
sources, perspectives historiques d'Eunape) ; 87, 1978-1979, p. 289-293
[description de la micro- société des intellectuels païens; l'univers géographique
des intellectuels d'Eunape) ; 88, 1979- 1980 , p. 313- 316 [attitude des intellectuels
d'Eunape face à la société chrétienne du IVe siècle); 89, 1980-1981, p. 411-414
(croyances et pratiques religieuses; vision théologique du travail biographique).
Voir aussi 37 R . J. Penella , Greek philosophers and sophists in the Fourth
century A. D . Studies in Eunapius of Sardis, coll. ARCA, 28 , (Leeds) 1990, X
165 p .
Bibliographies. Wright 21, p . 340-341; Giangrande 10 , p. XLIV -XLV ;
Penella 37 , p. 153-159.

II. HISTOIRE
Cet ouvrage perdu , qui comptait quatorze livres, nous est connu par (a ) dix
sept renvois dans les Vies, (b) une notice de la Bibliothèque de Photius (cod. 77),
(c) des fragments conservés dans la Souda et dans les Excerpta de Sententiis et
De Legationibus rassemblés pour l'empereur Constantin Porphyrogénète (944
959). L 'ensemble représente 110 fragments dans l' édition deMüller citée plus
bas. Pour une liste des références à l'Histoire dans les Vies, voir Goulet 1, p. 65
67 ; Paschoud 2, p . 254 -256 ; Ochoa 42 (cité plus loin ), p . 29 -37.
Signalons qu ’une référence importante en 66 , 16 - 17 , est omise par Müller dans le fr. 25 de
son recueil. Eunape y promet de donner un récit plus détaillé de son arrivée à Athènes
(automne 364 ), lorsqu 'il exposera les événements du temps de Prohérésius (mort en 369). Cf.
Goulet 1 , p . 66 et n . 42.
E 121 EUNAPE DE SARDES 319
Éditions. 38 R . C . Blockley, The Fragmentary classicising Historians of the
Later Roman Empire. Eunapius, Olympiodorus, Priscus and Malchus, coll.
« ARCA » 6 et 10, Liverpool 1981 et 1983, XII- 196 p . & X -515 p . (t. II : Text,
translation and historiographicalnotes). On a cité dans la présente notice celle
de 39 C .Müller ,FHG IV , 1851, réimpr. 1868, p . 7 - 56 , qui comporte une traduc
tion latine (empruntée à des éditions plus anciennes). Voir aussi 40 B . G .
Niebuhr, CSHB I, 1829, et 41 L . Dindorf, Hist. Gr. Min . I, 1870 . Pour l'histoire
des éditions diverses de ces fragments , voir Paschoud 2 , p . 239-244 ; 42 J. A .
Ochoa, « Sobre las ultimas monografias y ediciones de los fragmentos historicos
de Eunapio de Sardes» , Erytheia 9, 1988 , p . 211-220. Pour le texte des frag
ments , il faut évidemment tenir compte des éditions plus récentes des Vies ( cf.
Giangrande 10), de la Souda (ed. A . Adler) et des Excerpta . Pour ces citations,
voir 43 Excerpta historica iussu Imp. Constantini Porphyrogeniti confecta edi
derunt U . Ph . Boissevain , C . de Boor, Th . Büttner -Wobst, vol. IV : Excerpta de
Sententiis, edidit U .Ph . Boissevain , Berlin 1906 , p. 71-103 ; vol. I: Excerpta de
Legationibus Romanorum ad Gentes, edidit C . de Boor, Pars I, Berlin 1903.
Les Excerpta de Sententiis contiennent un passage, qu'on a attribué à Aréthas de Césarée,
qui montrerait que les compilateurs byzantins de Constantin Porphyrogénète avaient mis à
profit une édition ou plus probablement un abrégé préparé par Aréthas au début du Xe siècle.
Voir Banchich 45, p. 7- 9.
Traduction anglaise. Blockley 38 .
Études d'ensemble. 44 A . Baldini, Ricerche sulla Storia di Eunapio di Sardi.
Problemidi storiografia tardopagana, coll. « Studi di storia antica» 10 , Bologna
1984, 253 p . (c .r. F . Paschoud , REG , 98, 1985 , p . 395- 398); 45 Th .M . Banchich ,
The Historical fragments of Eunapius of Sardis, Ph. D . State University of New
York at Buffalo , 1985, 230 p. (microfilm ); 46 A . E . Baker, Eunapius and Zosi
mus. Problems of chronology and composition , Ph . D . Brown University, 1986 ,
130 p . (microfilm ); 47 José A . Ochoa, La transmisión de la Historia de Eunapio ,
coll. « Erytheia » 1, Madrid 1990 , XII-312 p. (bibliographie : p . 291-302).
Titre. L 'ouvrage est présenté de diverses façons par les différents témoins.
Photius parle d'une Xpovixñs 'lotopías tñsMetà AÉElinov véac éxdboewÇ
εν βιβλίοις τεσσαρεσκαίδεκα. Les extraits de Sententiis sont introduits par le
lemme: έκ της Ιστορίας Ευναπίου Σαρδιανού της μετά Δέξιππον νέας
Éxoóoews (p . 71 Boissevain ) ; les extraits de Legationibus par: Éx tñs ' loto
piac Eủvanlov EapolavoŨ (p. 591 de Boor). On voit donc que l'Histoire d 'Eu
nape prolongeait celle de l'historien Dexippe et qu'elle avait connu deux édi
tions. 48 R . C . Blockley, « Dexippus of Athens and Eunapius of Sardis » , Lato
mus 30 , 1971, p. 710 -715; 49 D .F . Buck,« Dexippus, Eunapius,Olympiodorus.
Continuation and imitation » , AHB 1, 1987, p. 48-50 .
La Souda, s.v . 'Povoīvos, P 230 ; t. IV , p . 301, 14 -15 Adler, cite la Xpovo
ypadia d'Eunape de Sardes. Quant à Eunape lui-même, il emploie différentes
designations: εν τοίς καθολικούς της ιστορίας συγγράμμασιν ( «les ouvrages
universels consacrés à l'histoire» ), 39, 20 -21; év tomç iotopixolç xatà Inv
εξήγησιν υπομνήμασι ( « dans les mémoires historiques rediges selon un expose
320 EUNAPE DE SARDES E 121
suivi » ), 63, 16 -17; ¿v TOTS OLEFOOLXOīç tñs iotopías, 46, 24; £v TOTG OLEFOOL
xois , 50 , 15 - 16 ; 55 ,5 -6; 59, 1; 59, 20 -21; 79 , 1-2. Il s'agissait d'une histoire
générale qui exposait les événements de façon continue, du point de vue uni
versel, par opposition aux Vies qui n 'évoquent des faits historiques qu 'à propos
de tel ou tel personnage. On sait d'autre part que cette Histoire suivait grossiè
rement la chronologie, c'est-à-dire la suite des règnes impériaux, ce qui permet à
Eunape de renvoyer son lecteur, pour de nombreux événements, aux livres rela
tant l' époque historique correspondante , notamment les règnes de Constantin
(22, 14) ou de Julien (22, 18 -19 ;41, 16 -17 ; 46 , 25 ; 47, 5-6 ; 50, 15 - 16 ; 59, 20
21 ; 82, 26 -27 ; 88 , 6 -7); à propos de Jamblique (40 , 9) ou de Prohérésius (66 ,
16 - 17) , il signale les sectionsde son Histoire relatives à l'époque de ces person
nages.
Les fréquents renvois qu'Eunape, dans ses Vies, fait à son Histoire témoignent de la com
plémentarité des deux ouvrages et de l'unité de son projet littéraire. Dans l'Histoire, Eunape
visait tò Xolvov (59, 1) , il racontait őoa npós tò xolvov ánávrwv åv pátwy ålboya
(Histoire, fr. 1 = Exc. de Sent. 1 , p . 72 , 13 - 14 Boissevain ), tò xolvà Tây Épywv (ibid ., p . 74 ,
18). Les Vies au contraire prennent en considération to xao' Éxaotov (59, 1 ; 82, 26 -27). Si,
pour plusieurs événements de l'histoire générale , Eunape croit pouvoir renvoyer au récit plus
détaillé (áxpißotepov, 22, 19 ; 41, 16 ; 47, 5 ; 66 , 17 ; 88, 7) qu 'il en avait donné ou allait en
donner dans l'Histoire , c 'est pourtant dans les vies qu 'il faut chercher le récit axpißéotepov
de la vie d' un Prohérésius (66 , 17 ). Après avoir brièvement signalé le massacre de Protérius et
d 'Hilarius par les barbares d 'Alaric , Eunape conclut : « Ces événements, si cela convient à la
Divinité, serontrelatés dans les livres détaillés ; on en traitera plus clairement en cet endroit,
non pas en rapport avec l'individuel, mais en rapport avec le général. Présentement, ces évé
nements ont été intégrés à notre narration de façon suffisante, pour autant qu'ils concernent
l'aspect individuel» (59, 1-4 ).
Extension . « Eunape commence son récit au règne de Claude < II ( 268-270) >,
là où s'arrête celui de Dexippe, et il le termine au règne d'Honorius et d'Arca
dius, les fils de Théodose. L 'époque qu'il assigne comme termeà son histoire est
celle où Arsace, après la déposition de Jean la Bouche d'Or de l'Église (= Jean
Chrysostome), fut élevé au trône épiscopal, tandis que la femme de l'empereur
Arcadius, qui était enceinte, mourut d'une fausse couche » (Photius, cod. 77 ;
trad. Henry), c'est-à-dire l'année 404 . Après la mort de Fravitus en 401 (fr. 85)
et la rébellion des Isauriens à partir de 404 ( fr. 86 ), les Excerpta de Sententiis
(qui suivent l'ordre d'exposition d'Eunape) racontentdes événements survenus
sous Pulchérie en 414 (fr. 87), mais c'est certainement par anticipation , car l' ex
trait suivant (fr. 88) concerne Stilichon,mort en 408.
50 R . C . Blockley, « The ending of Eunapius' history » , Antichthon 14, 1980, p. 170 -176 ,
suivi par Banchich 45, p. 2- 3, a supposé que le nom de Pulchérie aurait étémis par erreur à la
place de celui d'Eudoxie, l'épouse d 'Arcadius. C 'est possible, mais il est plus sain d 'essayer
d 'expliquer les témoignages, fussent-ils embarrassants, que de les récuser gratuitement.
Il ne faudrait cependant pas croire que les règnes successifs que couvre cette
longue période étaient également distribués entre les quatorze livres de l'Histoi
re. Le fragment 8 (Exc. de Sent. 5), qui est emprunté au prologue du second
livre, introduit déjà au récit de la vie de Julien , ce qui montre que l'histoire des
90 années précédentes avait déjà trouvé place dans le premier des quatorze
livres. Ce n 'était, de l'aveu même d 'Eunape, qu'un survol des faits indispensa
E 121 EUNAPE DE SARDES 321
bles (8à tõv åvayxaiwv ÉTILTPÉXovolv, Exc. de Sent. 5 ; p . 76 , 15- 16 Boisse
vain ) et l'auteur reconnaît que c'est vers Julien que se portait depuis le début son
discours (dépetal... Ó Móyos ép ' ovntep ÉDÉpero ég ápxñs, ibid ., p. 76 , 17). En
fait, si le règne de Constance et donc les rapports de l'Empereur avec son César
avaient déjà été racontés dans le premier livre – ainsi le fr. 7 a = Exc. de Sent. 3
et 4 -, au livre II, Eunape exposait la vie de Julien depuis sa naissance jusqu'à
son accession au trône comme César (fr. 14 = Exc. de Sent. 11; p. 78 Boisse
vain ), puis ses exploits comme César (ibid . p . 78), et se devait donc de revenir en
détail sur les rapports entre Julien et Constance.
51 R . C . Blockley, « Eunapius fr. XIV ,7 . Julian as an Homeric hero ? » , LCM 6 , 1981,
p. 213-214.
Depuis une quarantaine d'années, un certain nombre de problèmes ont été
soulevés à propos de l'Histoire d' Eunape. On ne peut guère ici que les énumérer,
après avoir présenté quelques-unes des principales références bibliographiques.
Cf. 52 W .R . Chalmers, « The véa Éxdools of Eunapius' Histories » , CQ 47,
1953, p . 165- 170 ; 53 Id ., « Eunapius, Ammianus Marcellinus and Zosimus on
Julian 's Persian expedition », CQ (n .s.) 10 , 1960, p . 152 -160 ; 54 T. D . Barnes,
« The Epitome de Caesaribus and its sources » (c. r. de J. Schlumberger, Die
Epitomede Caesaribus, München 1974 ), CPh 71, 1976, p . 258- 268 ; 55 Id ., The
Sources of the Historia Augusta , Bruxelles 1978, p . 114 -123 et 125 ; 56 F.
Paschoud, « Quand parut la première édition de l'Histoire d'Eunape ?», Bonner
Historia -Augusta -Colloquium 1977-1978, coll. « Antiquitas » Reihe 4 : « Beiträge
zur Historia-Augusta -Forschung» 14, Bonn 1980 , p. 149 -162; 57 A . B . Bree
baart, « Eunapius of Sardis and the writing of History » ,Mnemosyne 32, 1979,
p. 360 -375 ; Goulet 1, p. 64 -72 ; Paschoud 2, p. 239 -303 ; 58 Th .M . Banchich ,
« Eunapius and Arethas» ,GRBS 24, 1983, p . 181-184 ; 59 F. Paschoud, « Zosime
et la fin de l'ouvrage historique d'Eunape » , Orpheus 6 , 1985, p . 44 -61 (sur les
fr. 82-88 Müller); 60 Th.M . Banchich , « Eunapius and Jerome », GRBS 27,
1986 , p . 319-324 ;61 A . Baldini, « Le due edizioni della Storia di Eunapio e le
fonti della Storia nuova di Zosimo » , AFLM 19, 1986 , p. 45- 109 (la première
version de l'Histoire s'achevait en 378 ) ; 62 K . S. Sacks, « The meaning of
Eunapius' history» , H & T 25, 1986 , p . 52-67 ;63 V .Neri, « Le fonti della vita di
Costantino nell'Epitome de Caesaribus» , RSA 17- 18 , 1987- 1988, p. 249-280
(une source “proche” d’Eunape) ; 64 Th. M . Banchich, « Vit. Sophist. X 2 , 3 and
the terminus of the first edition of Eunapius' History » , RHM 131, 1988, p. 375
380 (rejet de la pertinence de ce passage); 65 A . Baker, « Eunapius' Néa čxdo
ols and Photius » , GRBS 29, 1988 , p. 389 -402 ; 66 F. Paschoud, « Les fragments
de l'ouvrage historique d'Eunape correspondant aux deux premiers livres de
l'Histoire nouvelle de Zosime» , dans De Tertullien auxMozarabes, Mélanges J.
Fontaine, Paris 1992, t. I, p. 613-625 (fr. 2 -4 ; 89 ; 5 ; 7 et 7a Müller).
Lors de la composition des Vies, Eunape avait déjà écrit et probablement
publié une première partie de son Histoire. Jusqu 'à quelle époque s' étendait
cette première publication ? Jusqu 'aux règnes de Julien et de Jovien (cf. 66 , 16
17), c'est-à-dire jusqu'à la fin de 364, des événements postérieurs (jusqu 'en 396 )
322 EUNAPE DE SARDES E 121
étant racontés par anticipation (Goulet 1) ? Jusqu' à la mort de Valens en 378
(Barnes 54, Baldini61, Banchich 64) ? Jusqu 'en 383 (67 T . D . Barnes, Constan
tine and Eusebius, Cambridge Mass./London 1981, p. 403-404)? Jusqu 'à la mort
de Théodose ler en 395 (Müller 39, Paschoud 2) ? Jusqu 'à l' invasion d ’Alaric en
396 , dernier événement pour lequel Eunape, dans ses Vies, renvoie à l'Histoire
(Baker 46 , p . 39 ) ? Ou bien y a -t-il eu plusieurs étapes dans la rédaction de
l'Histoire, une première s'achevant en 364, une seconde en 378 et une troisième
en 404 (Blockley 38) ?
En quelle année cette première partie a -t-elle été publiée ? En 378 (Barnes
54 ) ? Après 395 (Paschoud 2) ? Après 396 (Goulet 1) ?
Photius prétend que Zosime n 'a guère fait que transcrire Eunape. Cette
dépendance est au moins partiellement reconnue par les historiens. Mais Eunape
a -t- il été utilisé, au moins pour le récit de l'expédition de Julien contre les
Perses , par Ammien Marcellin (Chalmers 53, Thompson (OCD2, 1972, p . 52),
Barnes 54) ? Par l' auteur de l'Histoire Auguste (Barnes 55 ) ? Par aucun de ces
auteurs latins, vu l'impossibilité chronologique (Goulet 1) ?
Photius connaît deux éditions de l' Histoire . Faut-il en conclure que la deuxiè
me partie de l'Histoire était également une seconde édition modifiant substan
tiellement la première publication (Chalmers 52 ) ? Faut-il croire (ainsi Goulet 1)
au contraire Photius, quand il prétend que les deux éditions qu'il a pu comparer
en des manuscrits distincts (idiwç Éxatépq év ÉTÉPW teúxel xai ÉTÉOW OUV
TETAYLévn , cf. Goulet 1, p . 68 et n . 47), avaient la même extension chronologi
que ? Dans ce cas, la seconde édition qui avait été expurgée des passages trop
violemment antichrétiens, au risque d' altérer la continuité du récit, ne serait-elle
pas une version édulcorée par un chrétien (Niebuhr,Müller , Dindorf, de Boer,
Goulet 1, p. 69, Baker 46, p . 50-51) ? Ou faut-il admettre à la fois une seconde
édition par Eunape et des coupures chrétiennes ultérieures (Paschoud 2 , p. 290
291) ?
Eunape a -t-il donné deux éditions de son Histoire ? Nous n 'avons pas de
preuve décisive que la seconde édition – attestée par les fragments de Constantin
Porphyrogénète et par Photius – était d'Eunape lui-même (voir Goulet 1, p. 68
71). On m 'a objecté que je négligeais le témoignage de Photius (cod. 77) qui les
présente comme l'ouvre d'Eunape. En vérité, Photius dit que la seule différence
entre la version antichrétienne et la version édulcorée tient en la disparition
d 'attaques virulentes dont la suppression semble avoir ici et là obscurci l' enchaî
nement du discours, malgré des tentatives de raccordement. Après d 'autres, j'ai
considéré que c 'était là typiquement le signe d'une intervention chrétienne et
non la preuve formelle d 'une nouvelle édition par l'auteur païen lui-même. Pho
tius n'a pas conservé de déclaration d'Eunape sur une éventuelle réédition , il n 'a
perçu à la comparaison des deux éditions aucune différence dans l'extension
chronologique ou dans le contenu historique essentiel. Je maintiens donc que
Photius n' apporte aucune preuve d'une seconde édition eunapienne de l'Histoire.
Baldini44, rejette le témoignage de Photius sur l'extension chronologique des deux édi
tions et Paschoud 2, p. 289-290, se déclare sceptique (« ilmeparaît douteux que Photios ait ici
E 121 EUNAPE DE SARDES 323
raison » ). Mais Photius est le seul témoin qui ait eu devant les yeux les deux éditions. Il les a
comparées, a vu de ses yeux des attaques antichrétiennes qui avaientdisparu de l'une à l'autre,
il a bien précisé le début et la fin de la période traitée par l'historien et a conclu que les deux
éditions couvraient la même période. Si on ne le croit pas sur ce point, il vaudraitmieux ran
ger toute la question surle rayon des énigmes désespérées de l'histoire.
J'aurais également négligé le témoignage d'Eunape lui-même en traduisant de
façon incorrecte le fragment41 de l'Histoire, dans lequel Eunape fait référence à
tà npőta tñs ourypapñs. Dans le fragment41, il faudrait comprendre non
pas, comme je l'ai fait, « les premiers livres de (notre) histoire» (traduction
acceptée par Baker 46 , p. 37),mais, comme le proposait Chalmers par exemple,
« la première édition de notre histoire » ... C 'est évidemment supposer le pro
blème résolu .
Or, dans ce passage, Eunape dit, à propos des Huns, qu 'il a maintenant à
fournir à son lecteur des informations plus sérieuses que celles qu 'il avait déjà
publiées. Mais, ajoute -t-il, il va laisser les anciennes et ajouter les nouvelles .
Pourquoi cette solution ? Est-ce l'attitude d'un auteur assurant une nouvelle édi
tion de son ouvrage et pouvant dès lors réécrire sur nouveaux frais les passages
désuets ? N 'est-ce pas plutôt l'avertissement qu 'il faut maintenant corriger et
compléter les informations données dans les livres antérieurement publiés par
celles qui vontmaintenant être fournies ? C 'est en tout cas ainsi que j'ai compris
le texte et, puisque cette interprétation est au moins aussi acceptable que l'autre,
je ne vois pas en quoi ce texte peut servir à prouver qu ’Eunape a fait personnel
lement référence à une seconde édition de son Histoire.
Il suffit à F. Paschoud dedéclarer ma traduction fausse, puis de renvoyer à celle qu'il pro
pose en appendice, pour affirmer ensuite comme une « certitude bien acquise » le fait qu '« Eu
nape a parlé lui-même de ses deux éditions » (p . 287 et 288 ). La traduction proposée par F .
Paschoud souligne sans doute avec raison que la particularité de la nouvelle publication (tà
dé ... : nouveau livre ou nouvelle édition ) est de tabler sur des renseignements oraux plutôt que
sur les sources historiques anciennes (commeHérodote). Mais je ne vois pas en quoi cette
interprétation prouve qu 'il s 'agit d 'une nouvelle édition et non , comme en plusieurs autres
fragments, d'un nouveau livre ou d'une nouvelle section de l'Histoire. Voir également le
commentaire de ce passage dans Paschoud 56 , p . 152- 155.
C'est à tort que F. Paschoud 2, p. 287, prétend que selon moi le fragment41 « se trouvait
déjà tel quel dans la partie de l'ouvrage historique publiée avant la rédaction des Vies » . Il
figurait selon moi dans l'édition originale de l'Histoire, la seule peut-être qu 'Eunape ait pu
bliée, mais je crois avoir dit que ce fragment devait prendre place dans le cadre du règne de
Valens, qui n 'était pas paru, selon mon interprétation , au moment de la publication des Vies.
Qu 'Eunape ait pu parler des Huns dans des livres antérieurs peut paraître incroyable, puisque
« commeon le sait, les Huns ont été des inconnus pour les Romains jusqu 'en 376 » (Paschoud
2, p. 287 ), mais c 'est Eunape qui a écrit l'Histoire, longtemps après les événements en cause,
et on ne peutpas établir dogmatiquement ce qu'un livre pouvait comporter ou non.
On m 'a finalement reproché la traduction que j'avais proposée d'une partie
du témoignage de Photius (cod. 77). Je ne voyais pas grand sens à la traduction
proposée par R . Henry ( Photius, Bibliothèque, « Collection Byzantine», Paris
1959,t. I, p. 159- 160 ): « Nous avons trouvé (ou “ lu” : évetúyouev] ces deux édi
tions dans de vieux exemplaires ; dans l'un, chacune des deux était à part ; dans
l'autre , elles étaient combinées. C 'est d'après ces éditions mêmes que nous
avons, à la lecture, constaté la différence entre elles » ('Aupolv de tais éxoboe
324 EUNAPE DE SARDES E 121
σιν εν παλαιούς ενετύχομεν βιβλίοις, ιδίως εκατέραν εν ετέρω τεύχει και
ÉTÉOW Oulteta Yuévny). J'ai proposé de traduire la partie finale de la façon
suivante : « chaque édition étant disposée à part en deux tomes distincts » (tra
duction acceptée par par Baker 46 , p. 28 n. 37). J'aurais fait dire à Photius une
banalité , ou une tautologie .
Ainsi F . Paschoud 2 , p . 285, qui préfère traduire, dans la ligne de R . Henry : « Nous
sommes tombés sur les deux éditions dans de vieux exemplaires, séparées l'une de l'autre
dans l'un des volumes et dans l'autre formant un tout» . Je n 'arrive pas à me représenter ce
volumeoù les deux éditions ne sont pas séparées et forment un tout. F . Paschoud trouve lui
même la fin de la phrase, sinon sa traduction, « pour le moins bizarre dans sa formulation » et
il évoque par la suite « un volume où elles étaient bizarrement combinées » (p . 286 ) , « la bizar
rerie des exemplaires» et « les accidents insolites » qu'ils ont pu subir (p . 289).
Ilme semble que Photius veut dire que sa comparaison a été facilitée par le
fait qu' il a pu ouvrir l'une et l'autre édition devant lui et s'assurer ainsi de la
teneur des modifications apportées. J'avoue ne pas voir ce que ce passage a
d 'obscur. On remarquera que Photius montre bien que c'est la comparaison sur
pièces des deux éditions qui lui a permis de se faire une idée du caractère de
chacune et non quelque préface de la seconde où l'auteur aurait exposé ses
intentions.
Je crois donc légitime de réaffirmer qu 'il ne faut pas confondre ce problème
des deux éditions de l'Histoire - qui ne concerne peut-être que la tradition
manuscrite du texte à l'époque byzantine - avec le phénomène, bien attesté par
les références des Vies et par les fragments tirés du début de certains livres de la
Chronique, de la publication progressive de ses différentes sections. C 'est sans
doute cette confusion qui amène quelques spécialistes à remettre en cause le
témoignage formel de Photius, selon lequel les deux éditions couvraient la même
période historique.
RICHARD GOULET.
122 EUNOME IV
Si l'on n 'en jugeait que par les rares écrits de lui qui nous sont conservés et
par la controverse où on le voit engagé, Eunome serait essentiellement un théo
logien , etmême un théologien au sens ancien du terme (soit celui qui s'occupe
du mystère interne de Dieu dans un contexte chrétien). Et la seule æuvre de lui
qui soit mentionnée par l'historien de l'Église Socrate (H . E. IV 7), puis à sa
suite par la Souda ( s.v.) est un Commentaire en septlivres sur un texte canonique
chrétien , l'Epître aux Romains (dont cependant Socrate proteste qu 'il a tout à
fait manqué le skopos, terme qui vient de la tradition d'exégèse philosophique
sans doute inaugurée par Jamblique !). A considérer sa carrière et certains traits
de son caractère, cependant, on peut essayer de promouvoir une idée un peu dif
férente du personnage.
Cf. 1 L . Abramowski, art. « Eunomios»,RAC VI, 1966, col. 936- 947. L'au
teur cite le Contre Eunome de Grégoire de Nysse dans la 1re édition de W . Jaeger
(Berlin 1923); mais H . C . Brennecke a donné une concordance avec la seconde
édition de Leiden 1960, plus accessible, dans le JAC 18 , 1975, p. 202-205 ;
E 122 EUNOME 325
2 M . Albertz, « Zur Geschichte der jung- arianischen Kirchengemeinschaft» ,
ThStKr 82, 1909, p . 205 -278 ; 3 M . R . Barnes, « The Background and Use of
Eunomius' Causal Language » , dans Arianism after Arius, Essays on the Deve
lopment of the Fourth Century Trinitarian Conflicts, Edinburgh 1993, p. 217
236 ; 4 J. Daniélou, « Eunome l’arien et l'exégèse néoplatonicienne du Cratyle » ,
REG 69, 1956 , p. 412 -432 ; 5 Thomas A . Kopecek , A History of Neo -Arianism ,
coll. « Patristic Monograph Series » 8, Cambridge (MA), The Philadelphia
Patristic Foundation, 1979, 2 vol.; 6 B . Pottier, Dieu et le Christ selon Grégoire
de Nysse, Étude systématique du « Contre Eunome» , avec traduction inédite des
extraits d 'Eunome, Namur 1994 ; 7 B . Sesboüé, Dieu peut- il avoir un Fils ? Le
débat trinitaire du IVe siècle, Paris 1993, (après une première partie consacrée à
Arius et Athanase d' Alexandrie , une seconde décrit le conflit entre Basile et
Eunome; les p. 147- 161 reprennent les $$ 7 à 25 d'une traduction de l'Apologie
donnée intégralement dans le volume nº 305 des « Sources Chrétiennes » );
8 R . P . Vaggione (édit.), Eunomius. The Extant Works. Text and translation by
R . P. V ., coll. « Oxford Early Christian Texts » , Oxford 1987 ; 9 E . Vanden
bussche, « La part de la dialectique dans la théologie d'Eunomius le “ techno
logue” , RHE 40, 1944 -1945 , p. 47-72 ; 10 L . R . Wickham , « The Syntagmation
of Aetius the Anomoean » , IThS 19, 1968, p . 532-568 ; 11 Id., « The Date of
Eunomius' Apology : A Reconsideration » . JTHS 20 , 1969, p . 231-240.
Biographie. Né sans doute vers 330 dans une bourgade de Cappadoce, mais
située aux confins de la Galatie, Oltiséris, Eunome était issu d'une famille au
bord de l'indigence (à l'opposite de ses futurs adversaires « les trois grands Cap
padociens », qui ne se feront pas faute , par réflexe de polémistes plutôt que de
chrétiens, de le lui reprocher avec hauteur). Il gagna sa vie d'abord par l'exercice
du métier de tachygraphe et cette profession l'amena, après un séjour à Constan
tinople , à devenir à Alexandrie, puis à Antioche le secrétaire d 'Aèce, le premier
tenant du néo -arianisme. Il en défendit et développa les idées avec une telle
maîtrise que la doctrine dite , à tort ou à raison , anoméenne (cf. infra ) reçut de
pair le nom d 'eunomianisme. Lui-même cependant garda toujours vis -à -vis de
son initiateur ès spéculations théologiques un loyalisme en contraste édifiant
avec les prévarications de tant de membres du personnel ecclésiastique de la
même époque. La similitude du profil de carrière entre le maître et le disciple,
débuts dans l'extrême pauvreté, formation de raccroc, en marge des filières
traditionnelles, manque d'intérêt pour les charges ou prébendes ecclésiastiques,
ne pouvait d'ailleurs que renforcer leur sympathie mutuelle. S 'ils ontassurément
compensé leur handicap en matière d 'habileté dialectique, des carences ont peut
être persisté dans leur culture rhétorique. Au sujet du style d'Eunome Photius
porte un jugement impitoyable : « construction forcée, serrée à l' excès et heur
tée... assemblage rugueux, ramassé, comprimé, mélangé et tronqué» (codex
138 , 97 b , trad . R . Henry). Vu le professionalisme du critique, on n 'est guère
tenté d'expliquer ce verdict simplementpar son hostilité envers un penseur très
déviant. E .Norden , Die antike Kunstprosa (t. II, p. 561) cependant a lancé cette
accusation contre Photius et émis personnellement une opinion nettementplus
326 EUNOME E 122
favorable : « un exemple non sans importance d' imitation évidente du style iso
cratique » (Grégoire de Nysse , C . Eunome III 5 , $ 24 t. II, p. 268, avait déjà fait
le rapprochement avec Isocrate ,en même temps qu'avec Philon,mais en le pre
nant en mauvaise part). L . R . Wickham également (10 , p .537 n . 3) est plutôt
indulgent : « Et surtout il est concis » , déclare-t-il avec soulagement (ce qui n 'est
pas tellement isocratique).
Encore à Antioche, en 358, Eunome fut ordonné diacre par l'évêque arien du
lieu, Eudoxe. En 359- 360 il prend la relève d'Aèce, trop compromis, dans la
défense de la doctrine anoméenne à un concile tenu à Constantinople et une
alliance avec la variété d 'arianisme (« homéisme» ) que favorisait alors l'empe
reur Constance lui permet d'être promu évêque de Cyzique (sur la rive asiatique
de la Mer deMarmara). Mais il effarouche bien vite ses ouailles et surtout son
clergé par la franchise sans compromis avec laquelle il propage ses idées. Au
bout de quelques mois à peine il est obligé d 'aller se défendre auprès d'Eudoxe,
devenu évêque de la capitale , tentant également de faire réhabiliter son maître
Aèce, déjà condamné.Mais il aggrave encore son fait par un sermon d' Épipha
nie scandaleux (Philostorge, H . E. VI 2) et par son refus d 'obtempérer aux
conseils de prudence donnés par Eudoxe, rendant ainsi définitive la rupture entre
les anoméens et la faction beaucoup plus modérée et incolore à laquelle s' était
rallié ce même Eudoxe ; celui- ci, bien contre son gré, est obligé de « lâcher >>
l'extrémiste . Eunome ne retourna plus sur le siège de Cyzique ; son épiscopat
d'un an à peine (pour lequel nous suivons les données chronologiques fournies
par son admirateur enthousiaste , l'historien de l'Église Philostorge, de préfé
rence à celles qu 'on trouverait chez les confrères plus « orthodoxes» de celui-ci,
en particulier Socrate, H . E. IV 7 , qui place l'épisode sous l'autre empereur
arien , Valens, soit vers 367) ne semble lui avoir laissé aucune nostalgie. Il devait
avoir de fait la mentalité d'un chef d'école philosophique plutôt que d'un
pasteur.Ne protestait-il pas en effet : « Ce qui donne sa vraie sanction au mystère
de la piété , ce n'est nila sainteté des noms, ni la propriété des rites et des sym
boles mystiques,mais l'exactitude de la doctrine » cité par Grégoire de Nysse
(Contre Eunome III 9, $ 54, t. II, p. 284). Après son expulsion de Cyzique, nous
dit Philostorge (H . E. IX 4), il ne célébra plus jamais l'Eucharistie.
On notera toutefois que les communautés eunomiennes pratiquaient un rite baptismal par
ticulier, avec une seule immersion ; mais ce n 'est pas forcément Eunome qui l'a inauguré
(Sozomène, H . E . VI 26 , propose deux versions, dont une seulement rend l'ex -évêque de Cyzi
que responsable du changement; dans l'autre ce seraient deux disciples en dissidence ). Ou
peut-être s 'agissait -il de débiliter l' argument que ses adversaires tiraient de l' invocation trini
taire attachée à l'administration de ce sacrement et repassait-on ainsi du domaine du rite à
celuidu dogme ?
Au service exclusif donc de ses idées, Eunome se retira d'abord en Cappa
doce ; convoqué à un synode à Antioche en 361, sous la pression de Constance, il
s'en tira plutôt bien , échappant à toute nouvelle condamnation . A la fin de la
mêmeannée, le parti anoméen put concevoir de nouveaux espoirs avec l'avène
ment de Julien , qui était de longue date en rapports amicaux avec Aèce.Mais
plutôt que de tenter une mainmise sur l'ensemble de l'Église orientale, Aèce et
E 122 EUNOME 327

Eunome (retournés tous deux à Constantinople ) profitèrent du règne de Julien et


de l'intermède de Jovien (décembre 361-février 364) pour mettre sur pied une
organisation ecclésiastique indépendante. La rupture avec les occupants des
grands sièges (Antioche, Constantinople ) auxquels les Anoméens suscitaient
ainsi des rivaux en devint plus profonde. Aussi quand Eudoxe, toujours évêque
de la capitale, eut pris un ascendant irrésistible sur le nouvel empereur, Valens,
Aèce et Eunome préférèrent se retirer dans leurs domaines ruraux, l'un dans l'île
de Lesbos, l'autre sur la rive asiatique du Bosphore , se contentant de téléguider
(surtout Eunome) leurs partisans. Ils purent nourrir un bref espoir de revanche
durant l'occupation de Constantinople par Procope, cousin de Julien et préten
dant à l' empire , de septembre 365 à mai 366 , et retournèrent alors dans la capi
tale . Après l'échec de Procope, ils portèrent les conséquences de leur compro
mission , mais de façon somme toute bénigne, puisqu 'ils ne furent qu'exilés tour
à tour ; d' abord Aèce, mais il mourut dès 367, puis Eunome, qui devait initiale
ment être envoyé jusqu 'en Mauretanie , mais réussit en fin de compte (au moins à
partir de 370) à se faire reléguer simplement dans sa province d'origine. Il pro
fita encore de l'interrègne après la mort de Valens (378) et avant l'installation de
Théodose , le nouvel empereur arrivant d'Occident, pour faire de nouvelles
incursions à Constantinople et à Antioche et un séjour dans son domaine de
Chalcédoine.Mais l'orthodoxie nicénienne, dans la ligne de Rome et d 'Alexan
drie , se met graduellement en place à partir de 381, où les Eunomiens sont placés
en premier dans la liste d'hérétiques dressée par ce qui deviendra le second
concile ecuménique. Bientôt ils seront privés par décret impérial (19 juillet 381)
du droit de posséder des lieux de réunion publics même en banlieue. Devant la
difficulté d'imposer une théologie nicénienne si longtemps suspecte , voire
odieuse, à la majorité des évêques orientaux, Théodose songea d 'abord, il est
vrai, à susciter l'adhésion grâce à une conférence contradictoire ;mais il se replia
bientôt vers la solution moins dangereuse d 'un examen de mémoires écrits pré
sentés par les représentants des diverses tendances dogmatiques. C'est ainsi
qu 'en 383 Eunome fut invité comme les autres à donner un exposé de ses thèses
(Socrate, H . E . V 10 ). Mais sa profession de foi n 'obtenant bien sûr pas l'adhé
sion d'un espagnol, baptisé (« prématurément» , au cours d'une maladie qui
paraissait mortelle ) dans l' Église nicénienne, Eunome est banni en Mésie, dans
les Balkans, puis à Césarée de Cappadoce et finalement assigné à résidence dans
la propriété qu 'il possédait à Dacora, dans sa province natale. Il y meurt aux
environs de 394 . Ses restes seront transférés à Tyane. Sans parler d 'une loi de
mai 426 , où ils sontmentionnés pêle -mêle avec toutes les autres sectes dont le
pouvoir impérial a pu avoir connaissance, les Eunomiens figurent encore, le 8
août 423, comme objet d 'une mesure spécifique dans le Codex Theodosianus
(XVI 5,61). Ils ont donc dû pouvoir semaintenir jusque là ,au moins à Constan
tinople , malgré des divisions sur un point authentiquement théologique, dont
nous entretient Socrate (H . E . V 23 -24 ) et malgré la disparition d 'un maître à la
personnalité incontestablement très puissante .
328 EUNOME E 122
Ouvrages. Les deux œuvres de lui que nous possédons intégralement sont
liées à ses confrontations avec les tenants d'autres théologies:
(a) l'Apologie ou « Livre apologétique » constitue sans doute (L .R. Wickham
paraît l'avoir définitivement établi) sa défense du point de vue anoméen à Con
stantinople en 360 (défense qui aura suffisamment impressionné ses auditeurs et
juges pour qu'il reçoive l'évêché de Cyzique).
Le chapitre 28 et dernier est une confession de foi, certainement eunomienne, mais qui
n 'est raccrochée au reste que par un hasard de la tradition manuscrite; Kopecek 5, t. II, p . 402
405 , propose d' y voir la profession de foi soumise par Eunome à son clergé contestataire de
Cyzique. Vaggione 8, p. 16 , doute qu 'on puisse l'attribuer catégoriquement à Eunome lui
même. Barnes 3, p. 223, renforce ces doutes en montrant que les trois usages du couple
dunamis -energeia dans ce chapitre ne coïncident pas avec ceux des euvres certaines
d' Eunome.
(b ) l'Exposition de (sa ) foi est le documentqu'Eunome soumit à l'empereur
Théodose lors de la conférence de 383, et que celui-ci rejeta. Nous avons en
outre des fragments d'uneœuvre encore plus volumineuse, l'Apologie de l'Apo
logie . C 'était une réplique à la réponse de Basile de Césarée à l’Apologie
(réponse que nous possédons encore sous le titre de « Contre Eunome» ) ; Basile
avait pris la mesure des problèmes posés par Eunome au concile de Constanti
nople de 360 ; sur le moment ils l'avaient laissé coi, puis amené à s' éclipser. Il
lança sa contre- attaque par écrit et à loisir. Mais il était déjà mort (le 1er janvier
379 est la date traditionnelle, mais on est remonté récemment jusqu'à l' automne
378, voire 377) quand Eunome reprit l'offensive, de sorte que ce fut son frère
cadet, Grégoire de Nysse, qui à son tour répliqua à l'anoméen (à son grand dépit,
Cappadocien comme lui). Il inséra dans son ouvrage de multiples citations des
trois premiers livres de celui d 'Eunome, mais n 'eut pas le loisir, ou l'envie ,
d 'appliquer la mêmeméthode aux deux derniers, de sorte qu 'ils sont perdus sans
autre trace que l'attestation de leur existence par Philostorge ( H . E. VIII 12). Il
préféra réfuter la Confession de foi de 383, dans un écrit adjoint aux trois livres
de son Contre Eunome et longtemps tenu pour son second livre, tandis que le
véritable était relégué in fine, comme Livre XIIb ou XIII. La Confession ,nous
est donc transmise à la fois par une tradition manuscrite indépendante et presque
en entier dans le texte de Grégoire.
R . P. Vaggione, qui a donné une édition et une traduction des deux textes complets, n 'a
pas reproduit ces fragments, se contentant de les analyser ; il traite de même les extraits four
nis par le Thesaurus de Sancta Trinitate, de Cyrille d 'Alexandrie ; en revanche il cite in
extenso quatre fragments, tous assez brefs et de peu de portée, sauf le premier. B . Pottier a
courageusement tenté (6 , p . 463-498) de traduire en français l'Apologie de l'Apologie, ou
plutôt ses débris, qui sont parfois si brefs qu 'ils gardent à peine un sens en dehorsde leur con
texte de critique grégorienne.
L ’Apologie de l'Apologie est le seul des écrits d'Eunome qui ne présente plus
une structure tripartite ; peut-être d 'ailleurs parce que nous ne savons rien des
deux derniers livres, où la question du Saint-Esprit pourrait avoir été abordée, et
parce que Grégoire de Nysse a accordé une place disproportionnée – tout un
livre sur trois qu 'il a rédigés – à la discussion de la doctrine eunomienne sur
l'origine des noms. L 'Apologie, en revanche présentait encore, comme les deux
E 122 EUNOME 329
confessions de foi, une telle structure ,même si la Trinité chrétienne est totale
ment désagrégée dans le système d 'Eunome.
Doctrine. L'intuition de base, qui fait impression même sur les analystes les
plus critiques (cf. Sesboüé 7 , p. 142, et aussi Wickham 10 , p . 540), est l'insis
tance sur l'existence d'un principe « inengendré » , non par privation d'une fécon
dité quelconque, mais par identité avec la transcendance absolue. Cette intuition
est si souveraine qu' elle conduit Eunome à affirmer que l’Inengendré se résume
totalement en cette caractéristique, qui est donc saisissable et perceptible pour
tout intellect, y compris l'intellect humain . C 'est l'un des deux points (l'autre
relevant de la christologie) sur lesquels l' anoméisme se sépare totalement du
premier arianisme, qui voyait plutôt le Principe suprême perdu dans les brumes
de l'inconnaissable . Il semble qu 'il se sépare aussi de tous les systèmes néopla
toniciens dont on a voulu le rapprocher. Et du coup la théologie négative devient
plutôt l'apanage du camp « orthodoxe » , cappadocien .
Albertz 2 a cependant suggéré que l'aspect rationaliste outrancier n 'ait pas été primitif
dans l'anoméisme. En effet la deuxième formule de Sirmium , qui donne carte blanche aux
Néo -Ariens, contient encore une référence au mystère (cf. A . Hahn, Bibliothek der Symbole.. .
der alten Kirche, p. 200, $ 161, la référence à Is. 53, 8 LXX ) ; et l'écrit homéousien reproduit
par Épiphane (Panarion , Hér.73) ne formule à cet égard aucun reproche contre les anoméens
qu 'il vise (Cf. Albertz 2, p . 214 n . 1 ).
Deux aspects de la pensée d'Eunome ont poussé malgré tout les chercheurs,
(surtout depuis les travaux de Vandenbussche 9 et de Daniélou 4 ) à insister sur
ses antécédents néoplatoniciens, spécialement dans la lignée de Jamblique.
D 'abord l'étagement de trois ousiai (Sesboüé traduit « substances» , tandis que
Vandenbussche et Vaggione choisissent « essences » ), mais réalisé de telle façon
que l'Inengendré est tout de même nettement détaché des deux ousiai infé
rieures. Toutes les ousiai sont d 'ailleurs absolument fermées et isolées les unes
des autres, à l'horizontale chacune sur leur plan ; elles ne communiquent que par
des energeiai (« activités», Sesboüé; « activities, actions» Vaggione) multiples
pour chaque ousia et qui ne traduisent jamais intégralement la nature de l'ousia
(y compris la création -génération du Fils : elle correspond à une energeia , une
opération que l'on peut si l'on veut appeler Père ,mais qui n 'est nullement adé
quate à l'ousia de l’Inengendré ; si bien qu' il y a une similitude entre « le Père» –
mais ce nom n 'est que celui d'une energeia - et le Fils, produit de cette ener
geia , alors qu 'il n 'y en a point entre l’ Inengendré et celui qui est engendré ou
créé ).
Cela permet à Aèce et Eunome de repousser le sobriquet d '« anoméens» sans insincérité
de leur part, mais à la grande indignation de tel de leurs antagonistes, ainsi Constance en 360
(cf. Philostorge IV 12).
Certains (notamment Kopecek 5 , t. I, p. 259) pensent cependant que cette
exaltation de l'unique Inengendré s'inscrit dans la droite ligne de la théologie
anténicénienne (Justin , Athénagore, Clément), de sorte qu’Eunomene serait pas
si malvenu de se réclamer de la tradition. Si l'on veut en revanche vraiment
recourir à la filiation néoplatonicienne, il semble qu’Eunome soit particulière
ment proche de Jamblique, qui assure la transcendance absolue du Principe,
330 EUNOME E 122
excluant, à la différence de Porphyre , toute coordination entre ce Principe et la
triade (cf. P. Hadot, Porphyre et Victorinus, Paris 1968, t. I, p . 95-98).Même
ainsi aura -t-on tenu assez compte de l'affirmation très explicite: « L 'ousie du
Fils .. . n ' est pas émise par extension , ni arrachée à sa croissance avec celui qui
l'engendre par écoulement ou division ni accomplie par augmentation ni mode
lée par transformation ; l'être lui échoit de la seule volonté de celui qui l'en
gendre . » (Grégoire de Nysse, C . Eun. III 2, § 28, t. II, p .61) ?
D 'autre part la théorie eunomienne du langage assume l'existence de noms
naturels imposés par Dieu et strictement correspondants à l'être profond des
réalités ainsi désignées. Or cette théorie semble à première vue contredire for
mellement l'indication contenue dans Genèse 2, 19-20 (mentionnée par Grégoire
de Nysse, C . Eun . II, § 402 ; t. I, p. 343 ; cf aussi l'allusion du $ 547, ibid .
p. 386 ) ; car selon ce passage, c'est bel et bien l'homme qui est appelé à donner
leurs nomsaux créatures. En fait Eunome jouerait plutôt du premier récit de la
création , où Dieu mentionne déjà les réalités en les créant, dès avant que vienne
le tour de l'homme, contre le second, de sorte que lui aussi peut invoquer des
textes de la Genèse (1, 3 sq. cf. Grégoire de Nysse, C . Eun . § 205 ; t. I, p. 284
285). Il paraît avoir recouru aussi à Ps. 147, 4 , où Dieu est présenté comme appe
lant chaque étoile par son nom . Est-ce bien là néanmoins sa source d 'inspiration
première ? Depuis J. Daniélou on la cherche plutôt dans « l'exégèse néoplatoni
cienne du Cratyle » , et cette filiation paraît pouvoir s'appuyer sur un passage de
Grégoire de Nysse : C . Eun. II, $ 404 ; t. I, p . 344, qui prétend en effet découvrir
une influence du Cratyle sur Eunome. Mais ce dialogue n 'a pour objet que de
renvoyer dos à dos les deux théories courantes à l'époque de Platon , celle d'une
origine naturelle et celle d'une institution conventionnelle des noms. Eunome,
d 'après Grégoire , aurait tenu la première thèse , celle de Cratyle (* * C 210), tandis
que lui-même et son frère Basile en admettaient une qui ne s'identifiait pas
vraiment avec celle de l'autre partie , Hermogène ( H 94 ), car pour eux lesmots
sont inventés par l'homme, mais en relation avec la nature des objets. Le pro
blème posé dans les commentaires néoplatoniciens (nous n 'avons conservé que
de larges extraits de celui de Proclus, postérieur, bien sûr, à Eunome;mais on
fait remonter cette théorie linguistique à Jamblique et on suppose un contact
entre les disciples de celui-ci et le maître d'Eunome, Aèce) est différent. Pour
tant les néoplatoniciens visent-ils vraiment à établir une « conception mystique et
surnaturelle » de l'origine du langage globalement pris , en vertu de laquelle
celui-ci ne devrait rien à l' invention humaine ? En fait ils semblent en être restés
à ce quipréoccupait déjà la pensée religieuse et philosophique au temps de Clé
ment et d 'Origène : quelle est la capacité des noms divins, grecs ou barbares, à
permettre une communication réelle avec les dieux ? Proclus soutient bien en
effet que certains de ces noms sont d'origine révélée, conformes à la nature des
dieux.Mais il admet aussi que certains dieux sont trop élevés pour être nommés
d 'un nom quelconque (cf. Scholie LXXI, p. 32, li. 18 -20 Pasquali) et même que
certains techniciens ou poètes ont pu forger des noms valables parce que
conformes à la nature (ibid. p . 34 , 19- 18 ). Or Eunome refuse explicitement ce
E 122 EUNOME 331
pouvoir aux poètes, à cause de leurs erreurs (C . Eun. II, $ 414 ; t. I, p . 347), et
même aux saints inspirés, vu que pareille création n 'estnulle part attestée dans
l'Écriture (ibid. $415). Pour lui, tout ce que les hommes sont capables de pro
duire, ce sont des figments mi-intellectuels mi-imaginatifs (epinoiai) qui s'éva
nouissent dès qu'on n 'y pense plus.
Pour Eunome, ces epinoiai sont trop dérisoires pour qu'on puisse attribuer à
une activité humaine « l'homonymie par analogie » . C 'est Dieu encore qui « har
monise les appellations selon les mesures, les lois et les analogies ».
Ces deux emplois du terme et du concept d 'analogie,Grégoire deNysse, C . Eun. II, § 306
et 335, 1. I, p. 316 et p . 324 , plus un presque identique $ 363, p. 332, rendent peu probable
qu 'Eunome n 'ait pas pris l'analogie au sérieux et ne l'ait utilisée que comme un subterfuge,
« pratiquement réductible à l'équivoque » , comme le suggère B . Sesboué dans son édition du
Contre Eunome de Basile, p . 269 n . 1, quand l'Apologie, $ 17, invoque l' analogon pour distin
guer la production du Fils de toutes les autres.
Il ne s'agit donc pas du tout pour lui d'admettre l'origine divine seulement
du nom unique qui exprime exhaustivement la nature de l'Inengendré, rétablis
sant par là bien imparfaitement une transcendance menacée par la trop grande
accessibilité de son Dieu à l'intelligence humaine ; ce faisant, il resterait de toute
façon à distance des néoplatoniciens qui attribuent à certains dieux un caractère
ineffable. Il éprouve au contraire le besoin de généraliser ce privilège à tous les
noms, du moins ceux qui sont plus que des flatus vocis. L 'importance du nom
dans la pensée biblique ne pourrait-elle expliquer, mieux que tout emprunt néo
platonicien (dontGrégoire ne souffle mot), qu’Eunome ait tenu à réserver à son
Inengendré le privilège de les imposer tous ? Etmême le Fils , pour lequel cepen
dant existe une pluralité de noms, est-il encore trop grand pour être nommé par
les hommes ? Wickham ( 10 , p. 428) n ' a sans doute pas tort d ’exhorter à ne pas
accepter d'enthousiasme la thèse d'un article « brillant et persuasif » .
De toute façon , il subsiste apparemment une divergence de taille entre le sys
tème d 'Eunome et celui de tous les néoplatoniciens, soit le rôle attribué à la
volonté souveraine et inévitablement arbitraire du principe divin dans la création .
Cette insistance sur la volonté ressort déjà des chapitres 23 et 24 de l'Apologie
(l'action la plus importante de Dieu est sa volonté , et son action, à la différence
de son ousia , a un commencement et une fin ); elle transparaît plus encore dans
le fragment 1 : les actes de la volonté de Dieu (thelêseis ) sontmultiples, et non
seulementmultiples,mais divers (p. 176 , li. 12 -13 Vaggione). (Dans l’Apologie,
boulêsis est seul employé, dans le fragment thelêsis apparaît plus fréquent.) Ne
doit-on pas se demander si l'inspiration judéo-chrétienne ne prend point ici déci
dément le pas sur la vision grecque, néoplatonicienne, des premiers principes ?
Deux indications supplémentaires sur la pensée d 'Eunome, qui n 'ont que peu
ou point été prises en compte, semble-t-il, peuvent être trouvées dans le Traité
sur la nature de l'homme de Némésius d' Émèse (datant sans doute du tournant
Ive-ve siècle ), la première , au chapitre 2 (p. 30 , li. 18 sq. Morani), la deuxième
au chapitre 3 (p. 43, li. 17 sq.). D 'après le premier passage, Eunome aurait défini
l'âme humaine « substance incorporelle créée dans un corps » . Sans donner au
332 EUNOME E 122

cune indication sur le contexte de cette affirmation , Némésius se lance dans une
réfutation ; tout en qualifiant Eunome d'esprit « pénétrant» (oxus), il lui reproche
à deux reprises de s'être laissé influencer par Aristote . Cette accusation est tradi
tionnelle dans la polémique anti-eunomienne.
On la trouve mêmedans un recoin d 'une Conférence de Cassien XV 3 , où l'eunomien se
sert des « artifices de la dialectique » pour entraîner l'orthodoxe Macaire dans « le maquis
aristotélicien » ; où trouverait- on en revanche dans les textes antiques des reproches de com
promissions avec Porphyre ou Jamblique ?
Mais elle paraît ici injustifiée . Car Eunome ne doit pas viser à poser une enté
léchie , une forme qui vient organiser un corps, mais qui n 'a plus de sens ni
d'existence quand ce corps se désintègre. Il affirme bel et bien une création en
vertu d'une intervention divine. Et vu le rôle dans son système d'une volonté
divine intervenant à n 'importe quel moment, il n 'y a rien d' impossible à ce que
soient créés au coup par coup des êtres désormais immortels . Némésius lui
oppose l'objection qui venait naturellement à un Grec devant l'idée d'une
immortalité qui a eu un commencement: ce qui a eu ainsi un début ne saurait
être exempt de trouver une fin . Mais Eunome a justement affirmé cela au sujet
du cosmos dans son Apologie 22 : « Rien ne saurait se terminer à une fin sans
partir d'un commencement.»
Et il semble que dans l'Apologie de l'Apologie, sous la poussée des critiques de Basile , il
ait admis que le nom d' Incorruptible, qui indiquait que Dieu n 'avait pas plus de fin que de
commencement, pouvait Lui être appliqué aussi bien que celui d'Inengendré, mais que vu la
corrélation étroite des deux noms, leur coexistence dans les noms de Dieu n ' était pas incom
patible avec l'absolue simplicité divine : cf. C . Eun . II, § 471, t. I, p . 364 ; $ 526 , p . 380 et
$ 554, p. 388.o
D 'après Némésius, Eunome aurait réaffirmé dans le contexte de la création
des âmes cette corrélation entre commencement et fin : Dieu a fixé (par décret
arbitraire !) le nombre total des âmes; elles viennent à l'être au rythme de cin
quante mille par jour et, quand le total sera atteint, le monde, aussitôt qu' il sera
complété, n 'aura plus qu'à se dissoudre (p . 31, li. 10 - 14 Morani). Peut-être en
outre est-on en droit de percevoir un rapport avec deux affirmations transmises
par Grégoire de Nysse. L 'une dans un long passage qui, selon L . Abramowski
(1, col. 945), résume tout le système: l'opération par laquelle ont été faits les
anges n 'est pas identique à celle par laquelle les hommes ont été faits ; elle lui est
supérieure , puisque le résultat est supérieur (C. Eun. I, § 153 t. I, p. 72, li. 22-23).
L 'autre quand Grégoire mentionne, sans s'arrêter à reproduire la démonstration
donnée par Eunome, que celui-ci, par des procédés de « technologue » , a voulu
montrer que l'immortalité des anges n 'est pas la même que celle des hommes (C .
Eun . II, § 590 ; t. I, p. 398, li. 25-26 ). Cela se rattacherait bien à la représentation
eunomienne d 'une série d 'ousiai strictement étagées et imperméables les unes
aux autres.
Le deuxième passage est à la fois un peu plus imprécis, en tant qu'il parle des
« Eunomiens» , non d 'Eunome en personne, et plus proche du contexte théo
logique habituel de la pensée d'Eunome, plus facile par conséquent à rattacher à
d 'autres thèmes de cette pensée. Il n 'y aurait entre Dieu le Verbe et le corps
E 122 EUNOME 333
(dans l’Incarnation ) aucune union selon la substance; seules les « puissances >>
seraient unies ; puissances qui, enchaîne aussitôt Némésius, sont à identifier ,
conformément à la doctrine d 'Aristote, avec la sensibilité que possède un corps
organisé. Il semble bien , en effet, qu ’Eunome et ses disciples aient exclu
(comme Eudoxe, un moment très proche d'eux : cf. Doctrina Patrum , chap. 9,
fr. XIV ), la présence dans le Christ de toutpsychismehumain supérieur: à leurs
yeux cette présence serait incompatible avec une réelle unité de ce Christ, unité
qu’Eunome (d'après le livre III du Contre Eunome de Grégoirede Nysse ) accuse
sans trêve Basile d 'avoir détruite. On retrouve là évidemment la thèse euno
mienne de l'incommunicabilité des substances, le terme « puissance » (dynamis )
étant peut-être importé d'un vocabulaire traditionnel en psychologie depuis
Aristote , mais non eunomien .
Eunome en effetmet presque partout l'accent sur l'energeia, employant dynamis surtout
pour signifier la « portée»,la « valeur» desmots (cf. Apologie 18 , li. 4 ; 19 ,li.4 et 17; Apol.
Apol. dans C . Eun. I, § 552 ; t. I, p . 186 ) ou alors la « puissance » divine, parfois en couple avec
energeia (Apol. 26 , li. 9 ; cf. déjà 24, li. 15 et 18 ; Expos. 3 , li. 32) ; on peut sans doute accepter
en ce cas la suggestion de B . Sesboüé (7 ), prolongée par B . Pottier (6 , p . 113), selon laquelle il
s 'agirait d 'une qualité intérieure à l'ousie, la substance divine, donc plus proche de celle-ci
que l'energeia et sans rapport nécessaire avec cette dernière. Mais, dans le prolongementde
cette définition , on peut comprendre les constatations de M . R . Barnes ( 3 , surtout p. 224 et
235-236 ) : Eunome use avec prédilection d 'une séquence causale à trois termes ousia , ener
geia , ergon (« essence, activity , product» ), car l'energeia , identifiée couramment à la boule et
toujours insérée dans le temps n 'a aucun lien nécessaire avec l'ousia et ne permet donc pas,
commele ferait la dynamis, un mouvement de connaissance ascensionnel vers cette ousia . Ce
télescopage de la dynamis constitue un contraste de plus avec les païens dont on avait voulu
rapprocher Eunome, et notamment Julien .
Il se pourrait qu'en définitive nous soyons ramenés à notre pointde départ.
Malgré la sécheresse de ses exposés (moindre toutefois que celle de l'unique
texte que nous ayons conservé d 'Aèce et tout de même animée par une convic
tion etune volonté de convaincre aussi profondes l'une que l'autre) et même si
son ardeur paraît s'être un peu aisément transportée du plan apostolique et pasto
ral à l'intellectuel, Eunome est bien un théologien, au service de ce qu 'il tient
pour la foi chrétienne. Les analogies découvertes entre sa doctrine et la pensée
néoplatonicienne mâtinée de logique aristotélicienne sont superficielles. Son
refus catégorique de tout émanatisme au profit d 'une activité volontaire divine
encadrée dans le temps est beaucoup plus conciliable avec la pensée biblique
qu'avec n'importe quelle formede doctrine hellénique et surtout celles sous les
quelles les idées de Platon et Plotin ont jeté leur dernier feu , en sorte que le Néo
arianisme (cette appellation est peut-être la plus satisfaisante ,même s 'il n 'est pas
du tout sûr qu 'Aèce ait puisé sa doctrine chez Arius: cf. Wickham , 10, p. 568 ,
n . 1) est bien une formulation , passablement aberrante à nos yeux , du dogme
chrétien ,plutôt qu'une philosophie . A moins qu 'on ne donne de ce dernier terme
une définition différente de celle qui a généralement cours aujourd'hui, mais
peut-être acceptable aux ive- ve siècles de notre ère ?
GEORGESMATTHIEU DE DURAND (+).
334 EUPEITHÈS DE PAPHOS E 123
123 EUPEITHÈS DE PAPHOS IIa
Académicien , disciple de Carnéade (2°C 42),mentionné dans l'Academi
corum historia de Philodème, col. 23, 44 = 32, 37 (= Carnéade T 3b 13 Mette).
TIZIANO DORANDI.
124 EUPEITHIOS D 'ATHÈNES PLRE II : FV
Fils d 'Hégias et frère d 'Archiadas (II). Voir l'arbre généalogique de cette
famille dans la notice consacrée à Hiérios ( H 122).
Eupeithios est connu par quelques fragments de la Vie d 'Isidore de
Damascius (fr. 352- 355 et 358 ; Epit. Phot. 223 ; trad. anglaise par P . Athanas
siadi, Damascius, p . 321-323). Naturellement doué pour la philosophie , plus que
son frère Archiadas (> A 315 ), il semble avoir gâché cesbonnes dispositions.
RICHARD GOULET.
125 EUPHANTE D 'OLYNTHE RE < 1> MIV - D IIIa
Philosophe mégarique, élève d'Euboulidès de Milet (» E 71). Connu plutôt
pour son activité d'historien et d'auteur de tragédies.
Témoignages. 1 K . Döring, Die Megariker, fr. 68 -72 et 164 A . Traduction
française dans 2 R .Muller, Les Mégariques, p. 32. 3 G . Giannantoni, SSR, fr. II
D F 1 - 2 . Commentaire et bibliographie : Döring 1, p . 114 - 115 et p . 144- 145 ;
Muller 2 , p . 119- 120 .
Datation. Si, comme son nom paraît l'indiquer, il est bien né à Olynthe, il
faut que ce soit avant 3489, date à laquelle Philippe détruisit la ville; par suite, le
roi Antigone dont il aurait été le maître (fr. 68 ) est probablement Antigone per
Gonatas (* * A 194), né vers 320a; enfin l'ambassade dont il est question dans le
fr . 71 se situant autour de 2929, il faut qu'Euphante ait vécu au moins jusque là
( le fr. 70 mentionne à tort Ptolémée III, qui n ' a régné qu 'après 246a).
(Euvres. Sont connues:
( 1) Tepi Baoireias, Sur la royauté , discours adressé au roi Antigone (fr. 68) ;
(2) ‘lotopíal, Histoires, au moins quatre livres (fr. 70 , 71) ;
(3 ) un assez grand nombre de tragédies (fr. 68 ).
Influence. Cette production semble faire d'Euphante un auteur en marge de la
tradition proprementphilosophique de Mégare (encore qu’Eubulide (2 - E 71) et
Alexinos ( A 125 ) aient eux aussi laissé des æuvres « littéraires » , cf. fr. 57, 90 ,
91). Mais la présence de son nom aux côtés de ceux d' Alexinos et d'Eubulide
dans le fr. 69 (morceau qui appartiendrait à un écrit polémique épicurien , d 'après
4 W . Crönert, Kolotes und Menedemos, p . 16 - 26 ) laisse entendre qu'il était
considéré comme un philosophe, solidaire des positions des autres représentants
de l'École (Crönert 4, p. 26 , estime en outre que le ooŨ de la ligne 2 désigne
Stilpon ). Noter que le fr. 164 A (Diogène Laërce II 113) semble indiquer qu 'un
certain Diphilos du Bosphore (> * D 213) fut enlevé à Euphante par Stilpon, ce
Diphilos étant soit un fils d 'Euphante (cf. les traductions courantes de Genaille ,
Hicks, Apelt) soit simplement un élève (5 P . Natorp , art. « Diphilos » 13, REV 1 ,
E 128 EUPHRAIOS D 'ORÉOS 335

1903, col. 1155 ; 6 K . von Fritz , art. « Megariker » , RESuppl. V , 1931, col. 719 ) ;
Döring 1, p. 145, a sans doute raison de décelerune lacune avant Eủpávrov, ce
qui conduit à comprendre que Stilpon a enlevé Diphilos à un maître inconnu, et
que c'est un disciple anonyme qu'il a pris à Euphante. Mentionné à trois reprises
par Diogène Laërce (dont une après une citation textuelle de Philippe de
Mégare), son nom figure aussi deux fois dans les papyri d 'Herculanum ; Athénée
se réfère une fois à lui comme source.
ROBERTMULLER .

126 EUPHÉMOS DE MÉTAPONTE


Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth. 36, 267, p. 144 , 6 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
127 EUPHORION DE CHALCIS RE 4 fl. 276 -272 ?
Poète alexandrin , disciple du philosophe académicien Lacydès et du péripaté
ticien Prytanis (cf. Souda E 3801 (vol. II, 478 sq. Adler) = Lacydès T 2b1Mette ,
et peut-être Philodème, Acad. hist., col. M 20 sq. = Lacydès T 2b , 15 Mette :
Eủoopí]lwva ). Le témoignage de la Souda est en général accepté (cf. Dorandi
[édit.), Filodemo : Platone e l'Academia , p . 68 n . 231 (Lacydès), et R . Kassel,
Kleine Schriften , Berlin New York 1991, p. 352 [Prytanis]).
Le fait qu 'il fut disciple de Lacydès, scholarque à partir de 241/0 , ne fournit
pas de datation précise, car le poète a pu avoir écouté les leçons du philosophe
académicien avant que ce dernier ne fût scholarque . Cf. L . A . de Cuenca, Eufo
rion de Calcís , Madrid 1976 , p . 6 -8 . L 'enseignement philosophique n ' a pas
laissé de traces dans les fragments conservés du poète.
TIZIANO DORANDI.

128 EUPHRAIOS D 'ORÉOS RE 2 ? -342a


Académicien , disciple de Platon , né à Oréos en Eubée.
Selon la Lettre V attribuée à Platon, Euphraios se serait rendu chez Perdiccas
III de Macédoine muni d'une recommandation du philosophe (cf. G . Pasquali,
Lettere di Platone, Firenze 1938, 2e éd . 1967, p . 226 - 233). Euphraios aurait alors
convaincu par ses conseils le roi Perdiccas de donner une terre au futur roi Phi
lippe II deMacédoine (cf. Carystios de Pergame, FHG IV 357 Müller ap. Athen .
XI, 506 e, et Speusippe F 156 Isnardi = Ep. Socr.XXVIII).
Revenu de Macédoine en Eubée, Euphraios milita en faveur du parti antima
cédonien et futassassiné en prison par des membres de l'opposition en 342 (cf.
U . Kahrstedt, Forschungen zur Geschichte des ausgehenden fünften und vierten
Jahrhunderts, Berlin 1910, p . 72 sqq.).Démosthène (Phil. III 33, 59-63) l'exalte
comme un Athénien mort pour la liberté. On doit rejeter le renseignement de
Carystios de Pergame (FHG IV 357 ap. Athen . XI, 508 e ) selon lequel Euphraios
aurait été assassiné en Macédoine par Parménion.
336 EUPHRAIOS D 'ORÉOS E 128
Études d 'orientation . P . Natorp , art. « Euphraios» 2 , RE VI 1, 1907, col.
1190 ; M . Isnardi Parente, Filosofia e politica nelle Lettere di Platone, Napoli
1970, p . 41 sq., et Ead., Studi sull'Accademia platonica antica, coll. « Saggi filo
sofici» 1, Firenze 1979, p . 258 sq., 284 -285 ; A . Wörle , Die politische Tätigkeit
der Schüler Platons, Darmstadt 1981, p. 115- 120 ; F .Lasserre, De Léodamas de
Thasos à Philippe d 'Oponte. Témoignages et fragments, Napoli 1987, p . 234
(trad .) .
TIZIANO DORANDI.
129 EUPHRANOR RE 5
Jamblique, In Nicom ., p . 116 , 1 -8 Pistelli (DK 56 , 3 ), attribue à Euphranor et
à Myonidès, présentés comme des pythagoriciens d' époque plus récente, la
découverte de quatre nouvelles médiétés venant s'ajouter à celles qu 'avaient
découvertes Hippasos ( +H 144) et Archytas (3+ A 322). Un traité lepi aủa @ v
(Sur les flûtes) est attribué à Euphranor le Pythagoricien par Athénée IV , 182 c ;
184 e. En XIV ,634 d , le titre de l'ouvrage quilui est attribué est lepi aŭantőv
(Sur les flûtistes ).
BRUNO CENTRONE .
130 EUPHRANOR DE SÉLEUCIE RE 6 F III - D Ira ?
Philosophe sceptique pyrrhonien,mentionné deux fois dans la section IX 115
116 qui termine la Vie de Timon dans Diogène Laërce ( sur cette section , cf.
quelques indications d'ensemble dans les notices consacrées à Dioscouridès de
Chypre (2D 203] et à Eubule d'Alexandrie (- E 75 ).
En IX 115 ,Diogène Laërce s'appuie sur Hippobote (fr. 22 Gigante) et Sotion
(fr. 33 Wehrli) pour dire qu 'Euphranor de Séleucie a été l' un des “ auditeurs”
(dinxovoav) de Timon , ainsi que trois autres philosophes: Dioscouridès de
Chypre, Nicoloque de Rhodes et Praýlus de Troade (c 'est par l'effet d 'une
construction grammaticale erronée que ces quatre personnages sont présentés
comme des disciples de Ptolémée de Cyrène par G . Reale , Storia della filosofia
antica, Milano 1980 , t. V , p . 452 – erreur corrigée tacitement p . 529). Diogène
Laërce semble opposer ce témoignage à celui deMénodote , cité immédiatement
auparavant, d 'après lequel Timon n 'aurait eu aucun “ successeur” (dládoxos).
Mais il n ' y a pas nécessairement de contradiction : Timon peut avoir eu des
" auditeurs" sans avoir été pour autant un chef d ' école, et donc sans avoir trans
mis cette école à un “ successeur" officiel.
Euphranor est de nouveau mentionné (sans son ethnique), en IX 116 , au pre
mier rang d'une liste de philosophes sceptiques et de médecins de l'école empi
rique, qui est censée constituer une “ succession ” ininterrompue de maîtres et
d '“ auditeurs ” , partant de lui et allant jusqu 'à Sextus Empiricus et à son “ audi
teur" Saturninus. D 'après cette liste , d 'origine nécessairement tardive et sans
doute artificielle, il aurait eu pour " auditeur" Eubule d 'Alexandrie . L 'organisa
tion du texte de Diogène Laërce et la chronologie d'Hippobote et de Sotion ne
E 132 EUPHRATÈS (MESTRIUS) 337
permettent pas de penser que cette information puisse bénéficier de l'autorité de
ces derniers (cf. la notice consacrée à Eubule d'Alexandrie (» E 75 ).
JACQUES BRUNSCHWIG .
EUPHRASIOS EUPHRONIOS (E 135)
131 EUPHRASIUS RE 2 PLREI: 1 F III-D IV
Philosophe, un des principaux disciples de Jamblique (Eunape , Vies des phi
losophes et des sophistes V 1, 5 ; p . 11, 15 - 16 Giangrande). Il est associé à Théo
dore (d'Asiné ?), comme étant originaire de Grèce lui aussi et caractérisé par un
niveau de vertu exceptionnel, ou peut-être par une compétence exceptionnelle
(ol xat' đpetnu ÚTTEPÉXOVTEC).
G . Fowden, « The Pagan Holy man in late antique society » , JHS 102, 1982, p . 33-59,
notamment p . 44 n . 92, a proposé de l'identifier à un philosophe anonymementionné par Thé
mistius, Disc. XXIII, 295 b . Disciple du « vieillard de Chalcis » (Jamblique ?), il avait préféré
suivre l'antique chant ancestral de l'Académie et du Lycée. Selon J. Vanderspoel, « The
mistios and a philosopher at Sikyon » , Historia 36 , 1987, p . 383-384, ce philosophe anonyme
était plutôt Hiérios (» H 120).
C 'est sans doute cet Euphrasius qu ’ A . von Harnack a cru retrouver sous l' Euphronios
mentionné dans un traité de Diodore de Tarse. Voir notice E 135 .
RICHARD GOULET.
132 EUPHRATÈS (MESTRIUS) RE 4 PIR? E 121 mort en 119 ou 121
Philosophe stoïcien célèbre qui mourut à un âge avancé sous Hadrien.
Cf. 1 P. Grimal, « Deux figures de la Correspondance de Pline : le philosophe
Euphratès et le rhéteur Isée » , Latomus 14, 1955, p. 370 -383 ; 2 A .Mantello ,
« Un illustre sconosciuto tra filosofia e prassi giuridica, Eufrate d'Epifania » ,
dans Sodalitas, Scritti in onore di Antonio Guarino , Napoli 1984, t. II, p . 963
995 ; ces deux articles présentent Euphratès essentiellement à travers le témoi
gnage de Pline le Jeune, et le second discute les thèses du premier. En revanche,
3 F . Grosso, « La Vita di Apollonio Tianeo come fonte storica » , Acme 7, 1954 ,
p. 333-532, et 4 E .L . Bowie, « Apollonius of Tyana: Tradition and Reality » ,
ANRW II 16 , 2, 1978, p. 1652- 1699, présentent surtout le philosophe dans ses
rapports avec Apollonios de Tyane (à la différence du premier, le dernier savant,
hypercritique, n 'admet pas l'authenticité des lettres adressées par Apollonios à
Euphratès, et doute de la réalité de la querelle entre les deux hommes, que les
philologues, dans leur majorité, admettent; on peut néanmoins trouver aventu
reuses les hypothèses de Grosso 3, p. 521-533, quant au point de départ et à
l'histoire de cette rivalité).
Origine. Les sources divergent sur l'origine d 'Euphratès. Philostrate , V. soph.
17 ; 25, le dit « Tyrien » . Étienne de Byzance, s. v. 'Erldávela , lui donne com
me patrie Épiphanie de Syrie. Enfin, Eunape, Vies des sophistes II 1, 3, p. 3, 2- 3
Giangrande, évoque « Euphratès d 'Égypte » . L 'hypothèse avancée par Grimal 1 ,
p . 371 n. 5, pour surmonter ces divergences semble satisfaisante: « Né à Épipha
nie , Euphratès peut s'être installé à Tyr après son mariage. L 'épithète d 'Égyptien
qui lui est parfois attribuée s'explique par son voyage d'Égypte » .
338 EUPHRATÈS (MESTRIUS ) E 132
Sources biographiques. Parmi les éléments biographiques conservés, les uns
sont nettement favorables à Euphratès, les autres nettement défavorables. Les
premiers sont constitués par une lettre de Pline le Jeune (I 10) adressée à un cer
tain Attius Clemens ( C 153) qu' il exhorte à écouter le philosophe, deux pas
sages d'Épictète (III 15 , 8 ; IV 8, 17 -20 ), quelques lignes chez Fronton (p. 133
Van den Hout) et des mentions dans le Contre Hiéroclès d 'Eusébe de Césarée
(voir surtout 30 , 15 -18 ; 33,41-50 des Places (coll. SC 333, Paris 1986 ]). Les
seconds sont constitués par la Vie d 'Apollonios de Tyane de Philostrate et dix
neuf lettres d 'Apollonios de Tyane, dont l'authenticité est discutée : dix -sept ont
été transmises par la tradition indépendante (1-8 ; 14-18 ; 50-52 ; 60 ) et deux par
Stobée (79 -80 ) dans l'édition de 5 R .J. Penella, The Letters of Apollonius of
Tyana, coll. « Mnemosyne » Suppl. 56 , Leiden 1979. Ils présentent Euphratès
comme le type même du faux philosophe. Ajoutons qu 'Origène, C. Cels. VI 41,
rapporte qu 'Euphratès et un épicurien furent trompés par les pouvoirs magiques
d'Apollonios, et que Dion Cassiusmentionne sa mort (LXIX 8, 3 Foster). Quant
à l'allusion de Marc -Aurèle X 31 à Euphratès, il n'est pas certain qu 'elle vise
notre philosophe (cf. PIR - E 122).
Biographie. La lettre de Pline, qui fut peut- être écrite en 96 /7 (cf.Grimal 1,
p. 378) et qui décrit le philosophe comme un homme vénérable portant barbe et
cheveux longs, invite à placer sa date de naissance dans la première moitié du
siècle (6 H . von Arnim , art. « Euphrates von Tyrus» 4 , RE VI 1, 1907, col. 1216 ,
la situe prudemment « vers la fin des années 30 » ). Il est sans doute issu d'un
milieu modeste (cf. Pline I 10 , 8). Le premier repère biographique se place en 69
( faut- il ajouter foi à Eusèbe, Contre Hiéroclès 30, 15- 18 des Places, lorsqu 'il
prétend qu 'Euphratès était à Rome lorsqu'Apollonios, V . Apoll. IV 45, ramena
une jeune fille à la vie – « miracle» qui eut lieu sous Néron, en 66 d 'après
Grosso 3, p . 419 - ?). En 69 donc, Euphratès se trouve à Alexandrie, en
compagnie de Dion de Pruse , et, avant l'arrivée du futur empereur Vespasien
dans cette ville , ils encouragent la population à lui faire bon accueil (V .
Apoll. V 27). Apollonios de Tyane est là aussi (est-ce à cette période qu 'il faut
placer l'épisode rapporté par Origène d’un Apollonios trompant d'illustres
philosophes, dont Euphratès ?) et il les présente d'ailleurs tous deux à Vespasien
comme des philosophes et de bons conseillers (V. Apoll. V 28 et 31); Philostrate
dit ailleurs (V. soph. I 7) que Dion était l'ami d 'Euphratès comme d'Apollonios.
D 'après Philostrate toujours, Euphratès aurait proclamé, devant Vespasien , un
idéal républicain , tandis qu'Apollonios plaidait en faveur de la monarchie , Dion
tenant une position médiane (V. Apoll. V 32 -39). L 'authenticité de la rencontre
entre Vespasien et les trois philosophes a souvent été contestée (on trouvera dans
Mantello 2, p . 965 n. 7 , une rapide mise au point). Quoi qu 'il en soit, ces prises
de position antagonistes expliqueraient partiellement la brouille entre les deux
philosophes. Mais celle -ci a peut-être des raisons plus profondes, d'ordre
philosophique, sur lesquelles nous reviendrons, ou plus triviales : Apollonios et
son biographe présentent en effet systématiquement Euphratès non comme un
philosophe,mais comme un sophiste cupide, prêt à tout pour le gain. Cependant,
E 132 EUPHRATÈS (MESTRIUS) 339
d' après Philostrate, Vespasien ne le renvoie pas (V . Apoll. V 37). Il semblerait
que la rivalité entre les deux intellectuels se soit ensuite exacerbée et que chacun
ait utilisé des disciples pour s'imposer : Euphratès aurait dépêché un certain
Thrasybule de Naucratis auprès des gymnosophistes éthiopiens pour calomnier
Apollonios (V. Apoll. VI 7) et, partant pour l'Éthiopie , Apollonios aurait laissé à
Alexandrie un dénomméMénippe pour contrôler Euphratès ( V . Apoll. V 43). A
son retour, alors que la querelle s'envenime, il lui aurait adjoint un nouveau
disciple , Nilos, lui-même restant en retrait (V. Apoll. VI 28). Philostrate signale
la violence d'Euphratès, quise serait manifestée dans le langage et dans les actes
(V . Apoll. V 39). On ne sait pas quand Euphratès quitta Alexandrie . On retrouve
sa trace en 81-82 (pour la date, voir Grimal 1, p . 371 n . 1) en Syrie , où Pline dit
l'avoir rencontré (I 10 , 2 ). C ' est sans doute entre temps que le philosophe a fait
un beau mariage en devenant le gendre de Pompeius Julianus, «magnus et cla
rus... provinciae princeps» (Pline I 10 , 8 ). De ce mariage naquirentune fille et
deux garçons (ibid .). Vers 96 -97 Euphratès aurait séjourné à Rome où Pline le
fréquente ; il s'y serait même trouvé, d'après Grimal 1, p. 376 - 378, au moment
du procès d 'Apollonios, mais le texte de Philostrate (V . Apoll. VIII 3) semble
infirmer cette thèse, puisqu 'il mentionne la présence au procès d 'un affranchi
d' Euphratès envoyé par son patron pour rapporter les propos tenus par Apol
lonios à Smyrne (V . Apoll. VII 9 ). En tout cas, Apollonios rend Euphratès
responsable , à cause de ses calomnies et de ses dénonciations (accusations de
pratiques magiques et de menées politiques) de l'action en justice qui lui est
intentée (V. Apoll. VII 17 et 36 ). Dion Cassius LXIX 8 , 3 nous apprend qu 'Eu
phratès, accablé par l'âge et par la maladie ,obtint d ’Hadrien l'autorisation de se
donner la mort en buvant la ciguë. Il est impossible d ' établir si la mort eut lieu à
Rome ou en Syrie (cf. Grimal 1, p. 379), et la date est discutée : en effet, la
chronologie de Dion Cassius, qui la fixe en 118 ou 119 (cf. Bowie 4,
p. 1678 n . 96 ), peut être remise en cause par celle d 'Eusébe- Jérôme et des
indices épigraphiques, ce quila placerait en 121 (voir 7 S . Follet, Athènes au Ile
et au IIIe siècle Études chronologiques et prosopographiques, « Collection
d'Études anciennes» , Paris 1976, p. 123-124.
École philosophique. Le rattachement à l'école stoïcienne est implicite dans
les Lettres d ' Apollonios, notamment Ep. 3 ; 5 ; 74, et chez Épictète ; il est expli
cite chez Étienne de Byzance: Eú párns ó otwixóc. On admet généralement
que Musonius fut le maître d'Euphratès, comme il le fut de Dion , d'Athénodote
( A 499) et de Timocrate (parmi les derniers défenseurs de cette thèse, cf.
Bowie 4 , p. 1657 , 8 S. Follet, art. « Athénodote » A 499, DPhA I, p . 660,
9 P . Desideri, art. « Dion Cocceianus de Pruse dit Chrysostome» , D 166 , DPhA
II, p. 843).Mais Grimal 1, p. 373 n. 2, arguant que la lettre de Fronton (p. 133
Van den Hout) d'où est tirée cette information estmutilée, rejette cette hypo
thèse. On doit toutefois remarquer que, si le passage est mutilé et rend difficile
une interprétation d 'ensemble, la phrase concernant Euphratès est intacte: « Quid
nostra memoria Euphrates, Dio , Timocrates, Athenodotus ? Quid horum magister
340 EUPHRATÈS (MESTRIUS) E 132

Musonius ? Nonne summa facundia praediti neque minus sapientiae quam elo
quentiae gloria inclyti extiterunt ? »
Disciples . Philostrate , V. soph. I 25, rapporte que Timocrate d'Héraclée- sur
le -Pont nxovoEv Eů pátou TOŨ Tuplov. D 'autre part, il mentionne dans la Vie
d 'Apollonios (VI 7 ) un certain Thrasybule . Enfin , Bassus de Corinthe ( >^ B 20 ),
philosophe impliqué dans une tentative de meurtre contre Apollonios de Tyane,
fut peut-être un élève d 'Euphratès, tout comme Lysias et Praxitèle de Chalcis,
ses sbires (Apollonius, Ep. 36 ; 74 ; 77).
Euvres.Malgré la célébrité dont le philosophe paraît avoir joui de son vivant
et après sa mort (cf. sur ce point le témoignage d 'Eusébe de Césarée,
C . Hier. 33, 40 -50 des Places), aucun titre d 'ouvrage ne nous a été conservé.
Seul Philostrate mentionne de façon vague des « écrits mensongers » dirigés
contre Apollonios de Tyane quinemettaientpas en cause la continence du sage
(V. Apoll. I 13). A ce propos, von Arnim 6 , col. 1216 , est dans l'erreur lorsqu 'il
évoque l'« écrit diffamatoire d'Euphratès contre Apollonios dans lequel il lui
reprochait des excès sexuels » . De même,Grosso 3 , p . 522, se trompe quand il
voit dans V . Apoll. VI 7 mention d'une cuvre (ëpyov ne désigne pas une auvre ,
mais un acte d'Euphratès).
Sauf chez Épictète IV 8 , 17-20, où le discours direct vaudrait citation, aucun
fragment du philosophe ne nous est parvenu. Dans ce passage, Euphratès déve
loppe l'idée que ce ne sont pas les signes extérieurs , tel le manteau ,mais les
actes, qui font le philosophe; il souligne les avantages que le philosophe gagne,
pour lui et la philosophie , à ne pas se déclarer. Il est cependant possible de préci
ser, par les témoignages indirects, l'orientation de la pensée d'Euphratès.
Philosophie. Son stoïcisme est profondément lié à la vie politique. Dans le
discours que lui prête Philostrate (V. Apoll. V 33), il demande à Vespasien
d 'abolir la monarchie (uovapxiav) et de rétablir la démocratie (TÒ TOŨ onuou
upátos) ; et devant Domitien (V. Apoll. VIII 7, 16 ), il sera accusé par Apollonios
de considérer l'empereur comme un « maître» , deonórns. Aussi certains ont-ils
vu en lui un opposant au régime des Flaviens. 10 J.Gagé, « La propagande séra
piste et la lutte des empereurs flaviens avec les philosophes (Stoïciens et Cy
niques)» , RPhilos 1959, I, p . 92, pense qu'Euphratès fut, comme les stoïciens et
les cyniques, engagé contre le régime des Flaviens soutenu par la propagande du
Sérapéum et d'Apollonios de Tyane ; 11 M .Mazza, « L 'intellettuale come ideo
logo : Flavio Filostrato ed uno “ speculum principis ” del III secolo d. C .» , dans P .
Brown, L. Cracco-Ruggini et M . Mazza (édit.), Governanti e intellettuali,
popolo di Roma e popolo di Dio (I-VI), Torino 1982, p. 107 n . 102, cite G . S.
Knabe, qui voit même en Euphratès le porte -parole du parti conservateur sénato
rial; lire aussi Grimal 1, p. 381, et avant tout Mantello 2 , p. 976 : l'auteur montre
comment la pensée d'Euphratès, centrée sur l'action , répondait aux aspirations
de l'aristocratie . Il faut toutefois noter que, d'après Philostrate, Vespasien n'est
pas dupe de l'attitude d'Euphratès, qu'il juge dictée par le désir de contrecarrer
Apollonios (V. Apoll. V 37). La prise de position d 'Euphratès serait alors davan
tage motivée par l'opportunisme que par la conviction. D 'autre part, le discours
E 132 EUPHRATÈS (MESTRIUS) 341

qu'il tient à Alexandrie se distingue aussi par un ton très violemment antisémite :
Euphratès voit dans le juif le barbare par excellence, l'individu inassimilable.
Son stoïcisme est sans doute très marqué par le rationalisme; cela explique,
selon Grosso 3 , p . 429, qu' il recommande à Vespasien de soutenir la philosophie
« selon la nature» , tnv Mèv xarà púoiv , et de combattre « celle qui prétend
avoir l'inspiration divine » , tnv dè DEOXAUTETV báoxovoAV (V . Apoll. V 37).
Faut-il suivre 12 M . Pohlenz, Die Stoa, t. II, p. 188, et faire de deoxdutelv une
citation de l'écrit d' Euphratès mentionné en V. Apoll. I 13 et une allusion à la
pensée hermétique ?
Pline confirme (I 10, 10) l' intérêt qu 'Euphratès porte aux valeurs sociales et
politiques: « adfirmat etiam esse hanc philosophiae et quidem pulcherrimam
partem , agere negotium publicum , cognoscere, judicare , promere et exercere
justitiam , quaeque ipsi doceant, in usu habere» . Toujours selon Pline (I 10, 7), la
morale semble avoir tenu une place importante dans l'activité philosophique
d 'Euphratès : « insectatur vitia , non homines, nec castigat errantes, sed emen
dat » . Au contraire, l'Euphratès de la Vie d 'Apollonios est dépeint comme un être
immoral, incapable de dominer ses passions (cf. V. Apoll. V 39). D 'aprèsMante
nello 2 , p . 968 - 969, cette pensée philosophique se caractérise essentiellementpar
l'individualisme, la modération , et favorise un conservatisme social ; contraire
ment à la thèse de Grimal 1, p. 380 , qui affirme que la doctrine du philosophe se
situe dans la lignée de celle de Panétius et d'Athénodore, notamment par l'atten
tion portée à la justice, et « ne témoigne donc pas d 'une très grande originalité » ,
il pense qu 'Euphratès, plaçant la philosophie dans la pratique juridique, innove :
« Se Panezio faceva dipendere l'agire concreto dal momento speculativo ; se
Atenodoro scindeva i due aspetti con un'indubbia preferenza per il secondo ;
Eufrate ridiscute ora i termini del problema: assume l'agire concreto ad ele
mento centrale della philosophia e pone in subordine la riflessione teorica »
(p. 973). Cette volonté d'insertion dans le siècle, dont Épictète IV 8, 17-20 se
fait aussi l' écho, est violemment dénoncée par Apollonios qui voit là , précisé
ment, l'image de la fausse philosophie , uniquement guidée par la cupidité et
l'arrivisme (cf.,V . Apoll. V 38 ; VI 13 ; VIII 7 (11)). Et l'on sait d 'après la lettre
de Pline (I 10 , 11) qu 'Euphratès jouait le rôle d'un directeur de conscience
auprès des notables : « Euphratès était moins préoccupé de s 'avancer dans les
voies de la Sagesse que dans celles du Monde » selon la formule de Grimal 1 ,
p . 372 .
Il est avéré qu'Euphratès a été servi dans son enseignement par une éloquence
remarquable, propre à convertir à la philosophie , ce dont témoignent Pline
I 10 , 5, Épictète III 15, 8, et Fronton , Lettre à Marc Aurèle I 4 , p. 133 Van den
Hout. Cela est confirméindirectement par Philostrate qui le présente comme un
sophiste habile à prononcer unemélétè ( V . Apoll. V 27) et rappelle qu 'Apollo
nios laisse à Alexandrie, pour surveiller Euphratès,Ménippe qui se distingue par
ses dons pour la dialectique et sa liberté de parole ( V . Apoll. V 43).
Euphratès d 'après les Lettres d 'Apollonios. Bien que Philostrate , V. Apoll.
V 39,mentionne des lettres d'Apollonios à Euphratès, dont il reste peut-être un
342 EUPHRATÈS (MESTRIUS) E 132
exemplaire (voir Penella 5, Appendix 4 = V. Apoll. II 26 ), la tradition hypercri
tique considère celles quinous ont été transmises comme très largement ou tota
lement apocryphes: cf. 13 E . Meyer, « Apollonios von Tyana und die Biographie
des Philostratos» , Hermes 52, 1917, p . 371-424 (repris dans Kleine Schriften ,
t. II, Berlin 1924 , p. 131 sq.), à la p. 412, et, plus radical encore, Bowie 4 ,
p . 1691.Mais il faut noter que les deux derniers éditeurs des Lettres, Penella 5 et
14 F . Lo Cascio , Apollonio Tianeo, Epistole e frammenti, coll. « Quaderni
dell'Istituto Siciliano di Studi bizantini e neoellenici» 12, Palermo 1984, sont,
surtout en ce qui concerne celles adressées à Euphratès, favorables à l'authenti
cité. Pour chaque lettre, on a chez 15 F. Lo Cascio , Sulla autenticità delle
epistole di Apollonio Tianeo , coll. « Quaderni dell' Istituto Siciliano di Studi
bizantini e neoellenici » 10, Palermo 1978, un rappel des thèses défendues par les
philologues. Quoi qu 'il en soit, dans la mesure où elle est riche de précisions,
cette correspondance permet de compléter, avec toutes les précautions qui s'im
posent, le portrait d 'Euphratès.
La rivalité entre les deux philosophes est donnée comme une rivalité entre
deux écoles, le stoïcisme et le pythagorisme: d 'après Ep. 50, Euphratès aurait
attaqué Pythagore et les pythagoriciens ; il aurait même accusé Apollonios d 'être
un sorcier, magos (Ep. 16 ), ce à quoi Apollonios réplique en qualifiant son
adversaire d’ãocos (Ep. 17). Apollonios lui refuse le titre de philosophe (Ep. 1)
et le considère comme un sophiste (Ep. 2 ) dont il critique l' éloquence (Ep. 94 ).
Les Lettres confirment les attaches d 'Euphratès en Italie et en Asie mineure ,
Syrie (Ep. 3) ou Égées de Cilicie (Ep. 7), ville qui fut le lieu de résidence
d'Apollonios dans sa jeunesse (cf. V : Apoll. I 7).
Euphratès est un « nouveau-riche» (Ep. 6 ), qui fait montre de sa richesse et
exhibe ses vêtements : il a renoncé au tribôn qu 'il portait à ses débuts, reniant
ainsi l'idéal de Zénon (Ep. 3 ). Il est aussi un redoutable captateur d 'héritages
(Ep. 7 ) et il est bien connu d 'un empereur pour ses sollicitations financières (Ep.
4 ; cf. aussi Ep. 51).
Euphratès, enfin , paraît impliqué dans deux sordides affaires d' assassinat
visantApollonios (cf. Ep. 60 ; 74 ; 77).
PATRICK ROBIANO.
133 EUPHRONIOS entre D III et D IIIP
Épicurien athée et intempérant,dont Élien , fr. 89 Hercher (reconstitué à partir
de plusieurs gloses de la Souda : K 156 , T 680, K 1511, I1 2653, A 4173, H 558,
B 278 , E 3116 , K 518, A 1851, K 520, £ 1104, O 274, E 1143 Adler ), raconte la
guérison et la conversion après une nuit d 'incubation à l'Asclepieion (d 'Athè
nes ?), alors qu'une pneumonie l'avait amené aux portes de la mort. Lorsque, sur
l'ordre du dieu, il eut brûlé les livres d 'Épicure, ses disciples purent le suivre
dans la voie du bien (eic TÒ eù xai xanās).
SIMONE FOLLET.
E 138 EURÉMÔN 343
134 EUPHRONIOS RE 6 III
Témoin du testamentde Lycon ( D .L . V 74). E .Martini, art. « Euphronios» 7 ,
RE VI 1, 1907, col. 1220, le qualifie de “ péripatéticien” .Mais, à la différence
des deux autres témoins, Callinos d 'Hermione ( C 27) et Ariston de Céos
( A 396 ), Euphronios n 'apparaît pas dans la liste des familiers ou des disciples
auxquels est légué le " péripatos” (V 70 ). Il pouvait figurer comme témoin dans
le testament du philosophe à d'autres titres.
RICHARD GOULET.
135 EUPHRONIOS IV ?
Dans une liste d'ouvrages de Diodore de Tarse (mort avant 394) conservée
par la Souda (s.v. Albowpos, A 1149 ; t. II, p . 103, 19 Adler), figure un Ilpos
Eů póvlov Dióoopov xarà neīOLV vai åróxplolv (A ou Contre Euphronios
le philosophe, par questions et réponses).
Le début de la notice de la Souda fait référence à Théodore le Lecteur (historien de la fin
du ve s . et du début du Viº), mais le dernier éditeur de l'Historia tripartita , G . Ch . Hansen ,
Theodoros Anagnostes Kirchengeschichte, 2e éd ., GCS N . F. 3, Berlin 1995, p . XVII, estime
que le long catalogue des æuvres de Diodore est emprunté à une autre source.
A. von Harnack (T.U. N .F.6, 4, 41 et 42, 3) a proposé de lire : npòs Eůspaolov. Il pen
sait sans doute à Euphrasius ( » E 131), le disciple de Jamblique.
RICHARD GOULET.
136 EUPHROSYNÈ
Philosophe dont l'épitaphe célèbre aussi la piété et la culture étendue (docta
novem musis),morte à Rome à vingt ans (CIL VI 33898).
BERNADETTE PUECH.
137 EUPOL
Péripatéticien (?) dont le nom a été restitué par Crönert, Kolotes und Mene
demos, p. 92, dans un passage des plus incertains d 'un ouvrage de Philodème
contenu en PHerc. 1746 pz. I 2 ,4 : Eủno [a -.
TIZIANO DORANDI.

EUPYRIDÈS
Le renvoi à Eupyridès indiqué dans DPHA I, p . 687 pour AURELIANUS, doit être corrigé
ainsi : AURELIANUS→ HÉRACLIDÈS (AURELIANUS - )

138 EURÉMÔN Iva ?


Eurémôn est le familier d'un certain Charmidès (2°C 103), destinataire d 'une
lettre pseudépigraphe de Diogène le Chien (Lettre 50, p. 76 -79 Müseler; p. 180
181 Malherbe). Dans cette lettre, Diogène explique qu ' il n 'approuve ni les
sophismes ni les énigmes d'Eurémon ; il lui reproche également de s' être , par
amour pour l'argent, battu avec son père à propos de l'héritage laissé par sa
mère, et de n'avoir pas réussi à se libérer des passions grâce à la philosophie .
344 EURÉMÔN E 138
La lettre est éditée et traduite en allemand par Eike Müseler, Die Kynikerbriefe, coll.
« Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» , Neue Folge, erste Reihe, Bd . 7 ,
Paderborn 1994, p . 76 -79 ; trad. anglaise par B . Fiore , dans A .J.Malherbe (édit.), The Cynic
epistles, coll. « Society of Biblical Literature - Sources for Biblical Study » 12 , Missoula
(Montana) 1977, p. 180 -181.
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
139 EURIPIDE RE 4 etRESuppl.XI ca 480 -406
Dramaturge athénien, auteur de 92 pièces, dont dix-huit ou dix -neuf sont
conservées. Il est désigné dans de nombreux textes antiques, comme oxnvixos
piñóoopos (« philosophe de la scène » ). Voici la liste des références que donne
de ces textes 1 W . Schmidt-Stählin , Geschichte der griechischen Litteratur I 3 ,
318 n . 5 :
- Dióooooc ap. schol. à Hipp. 408,601,616 .
- Oxnvixòç biógodoç : Athénée IV , 158 e et XIII, 561 a ; Vitruve VIII,
Praef. 1 (philosophum scaenicum ); Quintilien, Inst. X 1, 67 ; Sextus, Adv.math.
I 288 .
- Ó ènì tñs oxnvñs dióoodos : Clément d'Alexandrie, Strom . V 70 , 2 ;
Eusébe, P. E . X 14, 13 : Euripide est donné pour l'un des trois rápluol
d 'Anaxagore ; passé à la poésie , il fut appelé par certains oxnvixóc dióoodoc.
L 'appellation oxnvixòç Dióoopoc s 'explique par deux sortes de raisons.
(A ) D 'une part, lesæuvres intégralement conservées et les fragments d'Euri
pide abondent en maximes dans lesquelles divers interprètes, de l'antiquité à nos
jours, ont voulu voir le reflet, direct ou indirect,de doctrines se rattachant soit à
l' enseignement de philosophes présocratiques (Anaxagore en particulier), soit à
l' enseignement des sophistes. Outre ces maximes, plusieurs pièces contiennent
aussi des débats dont l'intérêt a pu sembler plus philosophique que dramatique,
ce qui a conduit certains interprètes à voir dans le théâtre d'Euripide un « théâtre
d'idées» . En tout cas, c'est aujourd'hui une vue largement admise que le drama
turge s'est montré fortement hostile à bien des idées traditionnelles, notamment
en matière religieuse , et que sa Weltanschauung est révélatrice des conceptions
qui apparaissaient commenouvelles dans les cadres culturels du Ve siècle athé
nien . Sur tout cela , cf. 2 P . Decharme, Euripide et l'esprit de son théâtre, Paris
1893 (IV -568 p.) ( en particulier p . 25 -58 , chap . 1 : « Rapports d 'Euripide avec les
philosophes et les sophistes ») ; 3 A . W . Verrall, Euripides the rationalist, Cam
bridge 1895 (IX -264 p.); 4 W . Nestle , Euripides, der Dichter der griechischen
Aufklärung, Stuttgart 1901 (XII-594 p.); 5 id., « Über die philosophischen Quel
len des Euripides» , Philologus Suppl.-Bd 8 , 1902, p . 559-656 ; 6 A . Dieterich,
art. « Euripides 4 » , RE VI 1, 1907, col. 1242 -1281, en partic. col. 1278- 1280 ;
7 E . R . Dodds, « Euripides the irrationalist» , CR 43, 1929, p . 97- 104 ; 8 K .
Reinhardt, « Die Sinneskrise bei Euripides » , Eranos- Jb 26 , 1957, p . 279 -317
(repr. dans 8a Tradition und Geist:Gesammelte Essays zur Dichtung, hrsg. von
C . Becker,Göttingen 1960, et dans 8b Euripides [recueil de 21 articles d'auteurs
divers), hrsg. von E .-R . Schwinge, coll. « Wege der Forschung» 89, Darmstadt
1968, p. 507 -542); trad. en français par Emm . Martineau : 8c id ., Eschyle. Euri
E 139 EURIPIDE 345
pide, Paris, 1972, p . 293-328 (réimpr. éd. Gallimard , coll. « Tel » , 1991) ;
9 D . F. W . Van Lennep , Euripides, noint 's oopós, diss. Amsterdam , 1935
[262 p .; en néerlandais ); 10 R . P. Winnington - Ingram , « Euripides poietes
sophos» , Arethusa 2, 1969, p . 127-142 ; 11 A . Rivier, Essai sur le tragique
d'Euripide, 2e éd. revue, Paris 1975 (envisage Euripidemoins comme un témoin
des idées et des tendances de son époque que comme poète dramatique et
comme artiste ); 12 W . Sale , Existentialism and Euripides, coll. « Ramus mono
graph » , Berwick Victoria (Australia ), 1977 ; 13 Id ., « 'Si credere dignum est' :
some expressions of disbelief in Euripides and others » , PCPhS 22, 1976, p .60
89, repris dans 13a T .C . W . Stinton , Collected papers on Greek tragedy, Oxford
1990 , p. 236 -264 ) ; 14 J. de Romilly, La modernité d ' Euripide, Paris 1986 .
[Cette liste sélective et raisonnée comporte inévitablement de l'arbitraire.)
(B ) D 'autre part, les sources biographiques antiques sur la vie d'Euripide
soulignent le rôle important que philosophes et sophistes auraient joué tant dans
sa formation que dans les relations qu' il aurait entretenues avec eux, sa vie
durant.Mais il faut toujours se rappeler que les biographies des poètes antiques
comportent une part importante de fiction, ce quirend impossible toute interpré
tation directement « réaliste » des témoignages biographiques, même – et sur
tout - s'il s'agit des plus anciens (v. infra, sub fine). On trouvera, commodément
regroupé sous le titre Testimonia vitae et artis selecta , l' ensemble le plus com
plet à ce jour des testimonia relatifs à la vie d' Euripide, dans la première partie
de l'ouvrage de 15 D . Kovacs, Euripidea, coll. « Mnemosyne Suppl. » 132,
Leiden 1994, p. 1- 141: textes et traduction en anglais ; apparat critique et notes
réduits (cet ouvrage est un complément à la nouvelle édition bilingue d 'Euripide
publiée dans la Loeb Classical Library, par les soins de D . Kovacs, depuis 1994 .
Sur la vie d'Euripide, voir précisément 16 D . Kovacs, Introduction à Euripides :
Cyclops, Alcestis, Medea , coll. LCL 12, Harvard 1994, p. 1-21). Le recueil de
Kovacs 15 regroupe cent témoignages (T 1 à T 100), allant des sources biogra
phiques traditionnelles jusqu'aux allusions les moins connues (épigrammes de
l’Anthologie Palatine), et comprend même les passages des comiques tournés
contre le dramaturge, et les cinq lettres fictives attribuées à Euripide. Les diffé
rentes sources biographiques traditionnellement connues sont le Γένος Ευρι
Tídov (= T 1 dans Kovacs 15) transmis par de nombreux manuscrits; le chap .
XV 20 d 'Aulu -Gelle (= T 5 dans Kovacs 15 ), une notice de la Souda (t. II, p . 468
Adler = T 2 dans Kovacs 15) et une autre de ThomasMagister (auteur du XIIe
XIVe s., t. I, p. 11-13 Dindorf = T3 dans Kovacs 15). A cela est venu s'ajouter en
1912 un document nouveau : le P . Oxy. IX 1176 (aujourd 'hui conservé au British
Museum sous le n° 2070), dont les débris, retrouvés au début du XXe s.,
contiennent d 'importants fragments du sixième livre des Vies de Satyros ; ce
sixième livre était consacré à la Vie d 'Euripide (= T 4 dans Kovacs 15 ). Il s'agit
d'une biographie dialoguée, écrite vers 200 av. J.-C ., qui repose sur la compi
lation de plusieurs biographes antérieurs , parmi lesquels Eratosthène, Hermippe,
et surtout Philochore . De ce papyrus très mutilé du II s., l'édition princeps, avec
transcription diplomatique et notes, a été donnée par le grand papyrologue
346 EURIPIDE E 139
britannique Arthur S. Hunt: 17 The Oxyrhynchus Papyri, IX , London 1912 ,
p. 124 -182 (nº 1176 ) ; une nouvelle éd ., avec trad . en italien et commentaire , a
été procurée par G . Arrighetti (édit.), 18 Satiro : Vita di Euripide, a cura di G . A .,
coll. « Studi classici e orientali » 13, Pisa 1964 (avec le c.r. de S .West, Gnomon
38 , 1966 , p. 546 -550 , et l' étude de 19 I.Gallo , « La Vita di Euripide di Satiro e
gli studi sulla biografia antica » , PP 22 , 1967 , p . 134 - 160) . L 'intérêt de l'éd .
Arrighetti tient à la qualité du texte édité (qui ne parvient cependant pas à
surpasser le texte de l' éd . princeps de Hunt), mais aussi à sa commodité et à la
richesse de ses notes: elle comporte une traduction en italien , du moins pour les
fragments qui ne sont pas trop mutilés, suivie d 'annotations, et donne en
appendice (p. 91-98) le texte des principales sources antiques relatives à la bio
graphie d'Euripide (révoç Eúplnídov , chap . XV 20 d'Aulu -Gelle , notices de
Suidas-Moschopoulos et de Thomas Magister). La Vie de Satyros témoigne
effectivement du rôle joué par la philosophie dans la formation d'Euripide, mais
l'interprétation des informations qu'elle donne requiert la plus grande prudence.
Pour une analyse des rapports existant entre toutes ces biographies anciennes,
voir 20 M . Delcourt, « Biographies anciennes d'Euripide » , AC 2, 1933, p. 271
290 .
- Rapports d 'Euripide avec les présocratiques.
Diogène Laërce II 10 présente Euripide comme le « disciple » (uaOntńs)
d'Anaxagore de Clazomènes (* A 158 ), personnage qui a longuement vécu à
Athènes avant d'être accusé d'impiété par Cléon et réduit à se réfugier finale
ment à Lampsaque. Euripide est aussi donné comme l' élève du « physicien >>
Archélaos (*+ A 308) (= T 1 § 33 dans Kovacs 15), qui fut aussi le maître de
Socrate , ce qui pose des problèmes de chronologie : si Archélaos et Euripide ont
été tous deux disciples d'Anaxagore , il est difficile d'admettre qu ’Euripide ait pu
être l'élève d'Archélaos. C 'est pour Anaxagore que les témoignages sont parti
culièrement nombreux (voir notamment T 1, 2, 3, 4, 5 dans Kovacs 15 ) : citons
Aulu -Gelle XV 20 : auditor fuit physiciAnaxagorae (qui rapporte le témoignage
le plus ancien, celui du poète alexandrin Alexandre d'Étolie : ’Avatarópov
Tpódquoc); ajouter Strabon XIV 1, 36 (p .645 C .); Diodore de Sicile I 7 , 7 :
Eủpinions ... Maonths Öv ’Avatarópou toŨ QUOLXOŨ . Voir aussi Arrighetti 18
Satiro fr. 37.1-38.I (commentaire p . 105- 108) avec la discussion critique de Gallo
19 (sur Anaxagore, p. 141-142). Avant la découverte de la biographie de Saty
ros, le problème des relations entre Euripide et Anaxagore avait été étudié par
Decharme 21, « Euripide et Anaxagore » , REG 2, 1889, p. 234 -244, qui se
montre sceptique sur la réalité d 'une relation demaître à disciple ; article repris -
et modifié en un sens légèrementmoins sceptique - dans Decharme 2, p . 30 -42 ;
voir aussi 22 L . Parmentier, Euripide et Anaxagore, coll. « Acad. royale des
sciences, des lettres et des beaux -arts de Belgique,Mémoires couronnés et autres
mémoires » XLVII 8 , Bruxelles 1892 [115 p.). L 'enquête de W .Nestle a, de la
façon la plus systématique, cherché à retrouver non pas dans des témoignages
antiques extérieurs , mais dans l'euvre même du dramaturge, les traces de l'in
fluence de nombreux philosophes présocratiques: persuadé qu 'on avait surestimé
E 139 EURIPIDE 347
l'influence d ' Anaxagore sur Euripide, Nestle accorde une place importante à
Xénophane (Nestle 5 , p. 560 -563), à Héraclite (p . 563-576 ), à Diogène d'Apol
lonie (p . 578-586 ); une place moindre à Empédocle , à Archélaos, à Démocrite ;
sont aussi traités Hippocrate , les Orphiques et les Pythagoriciens, de nombreux
poètes (d'Homère à Sophocle), les Sept Sages, les Sophistes et Socrate , et enfin
Hérodote . On constate que les études les plus anciennes sont les seules à avoir
ainsi abordé, dans une perspective globale , le problème des rapports d 'Euripide
avec tel ou tel présocratique, ou même avec l'ensemble (Nestle 4 et 5 ). A date
récente n'ont été examinés que des points particuliers : voir par exemple 23 J.
Diggle , Studies on the text of Euripides, Oxford 1981, p. 94, qui commente les
mots arupi tõid ' aidépoç (lon 84-85), dans lesquels certains critiquesmodernes
ont vu un écho des cosmologies présocratiques; et 23 Id ., Euripidea, Oxford
1994,p . 278.
- Rapports d 'Euripide avec Socrate : voir Kovacs 15 (T 1, 2, 4 , 5, 21, 77). Il
est difficile d'établir de façon claire quels rapports Euripide a effectivement
entretenus avec Socrate, qu'il s'agisse d 'interpréter les anecdotes des biographes
anciens ou d 'évaluer les idées exprimées dans l’æuvre. Les biographies
anciennes rapportent des anecdotes invérifiables : Socrate ne serait allé que
rarement au théâtre, mais se serait déplacé pour les représentations d'Euripide
(Élien, Hist. var. V 2 , 13 ; Cic., Tuscul. IV 63) ; il auraitmême collaboré avec
lui pour écrire certaines pièces.Mais, selon Diogène Laërce II 33, il aurait quitté
le théâtre en pleine représentation , indigné d'avoir entendu un vers d 'Auge (il
s'agit en réalité d' Électre, v. 379) affirmant qu'il était inutile de poursuivre la
vertu . Sur le premier point (anecdotes biographiques), voir Decharme 2 , p. 42
47 ; pour les idées, cf.Nestle 5, p. 651, et surtout Dodds 7, qui a cherché à mon
trer que d'importantes divergences de doctrine opposent Socrate et Euripide dans
la conception de la vertu. Mais contre cette « interprétation polémique » s'est
élevé 24 J. Moline, « Euripides, Socrates and virtue » , Hermes 103, 1975, p . 45
67; voir aussi 25 T. H . Irwin , « Euripides and Socrates » , CPh 83, 1978, p. 183
197.
— Rapports d'Euripide avec Platon : selon Diogène Laërce III 6 (T 20 dans
Kovacs 15), Euripide aurait accompagné Platon lors d'un voyage en Égypte . Sur
cette anecdote purement fantaisiste , cf. 26 L . Brisson, « Diogène Laërce, “ Vies et
doctrines des philosophes illustres” , Livre III : Structure et contenu » , ANRW II
36 , 5, 1992, p. 3642. On doit rappeler aussi l'éloge ironique d 'Euripide que fait
Platon , Rép . VIII, 568 a.
— Rapports d'Euripide avec les sophistes: Nestle 5 traite successivement de
Gorgias (26 27), Protagoras, Prodicos, Thrasymaque, Calliclès (B+ C 17),
Diagoras ( * D 91), Critias (B+ C 216 ), Hippias (MH 145), Alcidamas (> A 88),
Antiphon (> A 209), Hippodamos de Milet ( H 153), Phaléas de Chalcédoine.
Voir aussi l'analyse de 27 N . Petruzzellis, « Euripide e la sofistica » , Dioniso 39,
1965, p . 356 - 379. Selon Aulu -Gelle, Euripide aurait été l'« auditeur» de
Prodicos (auditor Prodici rhetoris : T5, 4 dans Kovacs 15), de Prodicos et de
Protagoras d'après le révos (axovotńs: T 1, 4 dans Kovacs 15 ). Il semble que
348 EURIPIDE E 139

ce soit surtout avec Protagoras , qui avait à peu près le même âge que lui,
qu 'Euripide a pu entretenir des relations amicales: cf. Decharme 2 , p . 47-58 .
D ' après Diogène Laërce IX 54 ( T 15 dans Kovacs 15 ), c'est dans la maison
d 'Euripide que Protagoras aurait, pour la première fois, lu en public un de ses
ouvrages, le traité lepi Deõv (mais deux autres endroits sont donnés comme
possibles). En tout cas, ce sont les relations d 'Euripide avec Socrate et avec les
sophistes qui lui ont valu , de son vivant comme après sa mort, les calomnies et
les railleries des poètes comiques, en particulier d 'Aristophane : sur l'image
d 'Euripide dans la comédie ancienne, voir Kovacs 16 , p . 22-32 , et 28 C . Prato ,
Euripide nella critica di Aristofane, Galatina 1946 .
Il faut noter enfin que, d 'après Satyros, Vie d 'Eur. fr. 39,col. X 15,un procès
pour impiété aurait été intenté par le démagogue Cléon à Euripide. Ilest vrai que
de nombreux passages de son æuvre pouvaient prêter le flanc à l'accusation
d 'impiété . Un texte d 'Aëtius, cité par le ps.-Plutarque, de placitis philosophorum
17 (880 d - e ) (= Aetius Plac. I 7 ,1 , et Diels , Dox. gr., p . 297), dans un chap. inti
tulé Tiç ó Deós, mentionne le nom d 'Euripide à la suite de celui de plusieurs
« athées » notoires (Diagoras de Mélos (2D 91), Théodore de Cyrène, Évhémère
de Tégée (» E 187) : cf. 29 G . Lachenaud (édit.), Plutarque , Opinions des philo
sophes, CUF, Paris, 1993 p. 85 et n . 1 (reportée p. 220 ), qui renvoie , parmi les
nombreux passages d 'Euripide pouvant être exploités pour des procès d 'impiété,
à Heracles 1341 sqq., Bellerophon fr. 286 ,Melanippe fr. 480. Inversement, la
critique par Euripide des traditions polythéistes a pu être exploitée afin demieux
établir l' idée d 'une divinité unique : voir Athénagoras, Supplique au sujet des
chrétiens V 1 . Sur la critique des traditions religieuses par Euripide, cf .
Decharme 2 , p . 59-103; Dodds 7 ; Stinton 13, surtout p . 254-264. Le cas d'Euri
pide n 'est pas examiné dans le livre de 29 E . Derenne, Les procès d 'impiété
intentés aux philosophes à Athènes au Ve et au IVe siècles avant J.- C ., coll.
« Bibl. de la Fac. de Ph . et Lettres de l'Université de Liège » 45, Liège/Paris
1930 , qui se limite aux philosophes proprement dits et aux sophistes (Prota
goras). La question mérite d 'être examinée dans un cadre plus vaste , comme le
fait 30 K . J. Dover, « The freedom of the intellectual in Greek society » , Talanta
7 , 1975, p. 24-54 (= The Greeks and their legacy, Oxford 1988, p . 135- 158). La
bibliographie de 31 M . Winiarczyk, « Bibliographie zum antiken Atheismus» ,
Elenchos 10, 1989, p . 102-192, signale, p. 144 - 145, 25 titres d ' études relatives à
Euripide (publiées entre 1826 et 1989) - dont plusieurs sont aussi signalées dans
la présente notice.
La réflexion historiographique récente a mis en relief le rôle en quelque sorte
constitutif joué par la fiction dans les biographies antiques des poètes,mais aussi
des philosophes: à ce sujet, lire les réflexions de 32 J. Fairweather, « Fiction in
the biographies of ancient writers » , AncSoc 5, 1974, p . 231- 275 ; prendre des
leçons de scepticisme auprès de 33 M . R . Lefkowitz , The lives of the Greek
poets, Baltimore 1981 (XI-187 p .); et 34 Ead., « Satyrus the historian » , Atti del
XVIII Congresso internazionale di papirologia,Napoli 1984, p . 339-343.
JEAN -MARIE FLAMAND.
E 143 EURYLOQUE 349
140 EUJRYBOU [LOS
Épicurien (?) dont le nom a été restitué par Crönert, Kolotes und Menedemos,
p. 21 n . 114 , dans un passage des plus incertains d'un ouvrage anonyme contenu
en PHerc. 176 , fr. 3, 1 (= fr. 2 col. IV Vogliano) : Eů]\púßov [hoç. A . Vogliano,
Epicuri et Epicureorum scripta in Herculanensibus papyris servata , Berlin 1928,
p . 25, et R . Philippson, NGG 1930 , p. 16 (= Studien zu Epikur und den Epiku
reern, Hildesheim 1983, p. 207), doutent, à juste titre , de la restitution de
Crönert.
TIZIANO DORANDI.
141 EURYCRATÈS DE SPARTE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique ,
V. pyth . 36 , 267, p . 145, 16 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
142 EURYDICE (MEMMIA -) I/II
Issue de l'une des familles les plus influentes de Delphes, honorée elle-même
d 'une statue dans le sanctuaire à l'époque d'Antonin (Klio 17, 1921, p. 169),
Eurydice avait été, commeson mari Pollianos, l'élève de Plutarque de Chéronée :
c'est au jeune couple que l'écrivain dédia les Préceptes Conjugaux. Elle était la
fille de Cléa (MC 134 ), dédicataire de deux autres traités de Plutarque.
BERNADETTE PUECH .
143 EURYLOQUE (EÚpúroxoc) RE 9 FIV - D IIIa
A . Diogène Laërce, dans sa Vie de Pyrrhon, mentionne Euryloque parmi les
" disciples célèbres” de Pyrrhon d'Élis (IX 68-69) . Il rapporte deux anecdotes,
dont la première est censée illustrer les “manquements” (êakoowua ) qu'il lui
arrivait de commettre envers l'idéal d ' indifférence” de son maître : « on dit
qu ’un jour il se mit dans une telle colère que, brandissant la broche avec le rôti,
il poursuivit le cuisinier jusque sur la grand'place » . La seconde anecdote semble
montrer la vigueur de son hostilité envers les vaines subtilités de la dialectique :
« une autre fois , à Élis, harcelé par les questions de ses interlocuteurs, il jeta son
manteau à bas et traversa l’Alphée à la nage. Il était donc extrêmement hostile
aux sophistes (roheliáTATOS TOTS OOplotaīs), comme le dit Timon » . Timon
utilise le mot de “ sophiste " pour désigner péjorativement les philosophes qu'il
brocarde, c'est-à -dire les philosophes dogmatiques (cf. le début des Silles, cité
par Diogène Laërce IX 112); dans l'anecdote concernant Euryloque, le contexte
semble montrer que le mot désigne plutôt les dialecticiens. Il se peut que Dio
gène Laërce, ou sa source, ait détourné, volontairement ou non , le sens que
Timon donnait à ce mot.
Euryloque paraît en tout cas reprendre, en les exagérant, certains des traits de
son maître Pyrrhon lui-même: ses manquements occasionnels à l' idéal de
l'indifférence (IX 66 ) et son tempérament insociable et, au moins initialement,
" agité” (IX 63). Dans le texte de Diogène Laërce, la silhouette pittoresque d 'Eu
350 EURYLOQUE E 143
ryloque est juxtaposée, par un contraste qui semble voulu, à celle d 'un autre
disciple de Pyrrhon , Philon d'Athènes, qui en imitait au contraire, avec excès, les
comportements parfois extravagants : il arrivait par exemple à Pyrrhon de parler
tout seul (cf. IX 64 , où l'on remarquera l'adverbe roté); chez Philon , c 'était
devenu une habitude (cf. IX 69, où on lit au contraire tà Thełota ). Dans cette
biographie stylisée, les deux disciples semblent personnifier deux aspects anti
thétiques du caractère de leur maître: d'un côté , la fidélité pratique à l'idéal
d '" insensibilité " (ånádela ) et l'ambition de " dépouiller l'homme de fond en
comble ” (IX 66); de l'autre , les manquements occasionnels à cet idéal et les
concessions faites à la condition humaine ordinaire (cf. le désaccord sur le témoc
des sceptiques, “ insensibilité” ou “ douceur”, dont on trouve l'écho dans Diogène
Laërce IX 108). Cette mise en scène symétrique provient peut-être de Timon , qui
est cité par Diogène Laërce à propos de chacun de ces deux disciples de Pyrrhon .
1 C . Wachsmuth , Sillographorum Graecorum reliquiae, Leipzig 1885, ad
loc., suppose qu 'après " comme le dit Timon" est tombée une citation littérale de
Timon , qui aurait illustré le portrait d'Euryloque commecelle du fr. 50 illustre
celui de Philon. L 'hypothèse ne paraît pas entièrement convaincante à 2 M . Di
Marco , Timone di Fliunte - Silli, Roma 1989, p. 224 , qui remarque cependant
que, dans l'extrait de cette section de la Vie de Pyrrhon qui figure dans l'Excerp
tum Vaticanum (connu aussi sous le nom de " grand extrait 0 " ), on trouve une
phrase (oyoiva de Xevindeis anédavev, « ilmourut piqué par un jonc » ) qui ne
se trouve pas dans les manuscrits complets de Diogène Laërce ; ce qui autorise
l'hypothèse d'une lacune.Mais il faut noter, au reste , que l'on ne peut détermi
ner si cette phrase concerne la mort de Pyrrhon ou celle d 'Euryloque (cf. 3 A .
Biedl, Das grosse Exzerpt 0 , Città del Vaticano 1965, p . 116 ).
B . On retrouve le nom d 'Euryloque dans un autre contexte, le contexte épicu
rien. D 'après Diogène Laërce, X 13, Épicure (2E 36 ) aurait écrit une « Lettre à
Euryloque » , dans laquelle , contredisant (à l'avance ) une affirmation d'Apollo
dore (= A 244 ) dans ses Chroniques, il niait avoir été l'auditeur de Nausiphane
et de Praxiphane, et affirmait qu'il avait été son propre élève, autrement dit son
propre maître. En outre, un ouvrage intitulé Euryloque et dédié à Métrodore
figure dans la liste des “meilleurs” livres d 'Épicure (DiogèneLaërce X 28).
Cet Euryloque correspondant d' Épicure est-il identique à l'élève de Pyrrhon ?
4 H . Usener, dans l' index de ses Epicurea, Leipzig 1887, p . 407, avait soutenu
l'identité sine dubio (ce qui signifie probablement “sans aucun doute” ). M .
Gigante , tout en laissant subsister une distinction entre le disciple de Pyrrhon et
le correspondant d 'Épicure dans les éditions successives de sa traduction de
Diogène Laërce (5 Diogene Laerzio - Vite dei filosofi, Roma/Bari 1983, t. II,
p . 606 ), les identifie dans le chapitre VIII, « Epicuro e il pirroniano Euriloco », de
son livre 6 Scetticismo e Epicureismo, Napoli 1981, p . 79 -82. L'identité lui
paraît justifiée, précisément, parce qu 'Euryloque était un élève de Pyrrhon ,
commeNausiphane lui-même l'avait été dès sa jeunesse (cf. Sextus Empiricus,
A . M . I 2 ; Diogène Laërce IX 64, 69, 102; en IX 64, on apprend que Nausiphane
« disait souvent qu 'Épicure , émerveillé par le “ style de vie ” [åvaotpooń ) de
E 145 EURYPHAMOS DE SYRACUSE 351
Pyrrhon, lui demandait continuellementdes informations à son sujet » ). On sait
que les relations entre Épicure et Nausiphane avaient été plus qu ’orageuses
(Cicéron , N . D . I 26 , 73 ; Diogène Laërce X 7 -8 ; Sextus Empiricus, A . M . I 2 - 4 ) ;
Épicure ne niait sans doute pas avoir fréquenté Nausiphane (suffisamment, en
tout cas, pour pouvoir le traiter de tous les noms); mais il refusait énergiquement
de s' avouer comme son disciple. Dès lors, « à qui mieux qu'à un élève de
Pyrrhon Épicure aurait-il pu écrire qu 'il n 'avait pas été le disciple d 'un autre
élève de Pyrrhon ? » (Gigante 6 , p . 80). On peut rappeler aussi que le pyrrho
nisme et l'épicurisme partagent une commune hostilité envers lesuaońuata et
l'éyxúxhlog Taldela , même si c'est pour des raisons différentes (Sextus Empi
ricus, A . M . I 1- 7 ), et que l'intérêt passionné d 'Épicurepour Pyrrhon et son “ style
de vie” pouvait s'expliquer non seulement par son imperturbabilité, mais aussi
par son dédain des connaissances superflues et des raffinements de la dialectique
(cf. les fragments 48 et 67 de Timon , cités par Diogène Laërce IX 65). Certes,
d 'après Diogène Laërce X 8 , Épicure traitait Pyrrhon d'auaońs et d'anal
DEUTOS, mais 7 D . Sedley , « Epicurus and his Professional Rivals » , Cahiers de
Philologie 1 , 1976 , p . 136 -137, a soutenu de façon convaincante que ce sont là ,
en l'espèce, non des termes injurieux, mais des termes d ' éloge. Compte tenu de
tout cela , on peut comprendre qu'Épicure ait pu éprouver une véritable amitié
envers un pyrrhonien aussi “hostile aux sophistes” (dans le sens signalé ci-des
sus) que l' était Euryloque. Pour accepter l'identité de l'Euryloque pyrrhonien et
de l’Euryloque ami et correspondant d'Épicure , on sera donc un peu moins pré
cautionneux que ne l'est 8 W . Görler, « Älterer Pyrrhonismus – Jüngere Aka
demie – Antiochos aus Askalon » , dans H . Flashar GGP 4 , Basel 1994 , p. 770 ,
qui, tout en reconnaissant la " force" des arguments de Gigante , déclare que la
question " doit rester ouverte” .
JACQUES BRUNSCHWIG .
144 EURYMÉDON DE TARENTE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique ,
V . pyth. 36 , 267,p . 144, 13 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
145 EURYPHAMOS DE SYRACUSE ya
Pythagoricien ancien figurant dans une anecdote de Jamblique, V. pyth . 30,
185 , p . 102,24 - 103, 16 Deubner, illustrant la fidélité au pacte contracté entre les
membres de la confrérie pythagoricienne. Ayant rencontré Lysis qui sortait du
temple d'Héra , Euryphamos lui demanda de l'attendre pendant qu'il ferait lui
aussi ses dévotions, mais, après avoir prié, il oublia ce rendez -vous et sortit par
une autre porte ; Lysis resta sur place à l' attendre jusqu'au lendemain , lorsqu'Eu
ryphamos se souvint de son engagement et revint le chercher, affirmant que
l'oubli avait été causé par un dieu pour mettre à l'épreuve la fermeté de Lysis
dans l'observance des pactes.
Dans le catalogue de Jamblique, V. pyth. 36 , 267, p. 144, 3 Deubner, figure
un Euryphémos parmi les pythagoriciens de Métaponte . Sur la forme du nom ,
352 EURYPHAMOS DE SYRACUSE E 145
voir L . Deubner, « Bemerkungen zum Text der Vita Pythagorae des lambli
chos » , SPAW 1935, p.689 ; 826.
BRUNO CENTRONE.
146 PSEUDO -EURYPHAMOS
Sous le nom d'Euryphamos a été transmis par Stobée IV 39, 27 un fragment
d'environ 75 lignes en dialecte dorien tiré d'un traité Tepi Biov (Sur le mode de
vie).
Éditions. 1 H . Thesleff, The Pythagorean texts of the Hellenistic period, Åbo
1961, p. 85, 13-87, 19 ; 2 B . Centrone, Pseudopythagorica ethica. I trattati
morali di Archita , Metopo, Teage, Eurifamo. Introduzione, edizione, traduzione
e commento a cura di B . C ., Napoli 1990 ; comprend l'édition (p. 103- 106 ), la
traduction italienne (p. 131- 133), un commentaire (p. 231-242). Une traduction
anglaise due à K . S. Guthrie (1920) a été reprise dans 3 R . Navon, The Pythago
rean Writings, p . 76 -78, et dans 4 D . R . Fideler, The Pythagorean Sourcebook
and Library, p. 245-246 .
Datation. IIa selon 5 H . Thesleff, An Introduction to the Pythagorean Wri
tings of the Hellenistic Period, Åbo 1961, p. 110 ; 115 ; IP selon 6 W . Burkert,
« Zur geistesgeschichtlichen Einordnung einiger Pseudopythagorica » , dans
Pseudepigrapha I, Vandæuvres-Genève 1971, p. 25-55,cf. p. 38-41, et Centrone
2 , p .41-44.
BRUNO CENTRONE.
147 EURYPHON
Personnage inconnu dont le nom a été lu par Crönert, Kolotes und Menede
mos, p . 131, dans un passage des plus incertains d 'un ouvrage de Philodème ( ?)
contenu en PHerc. 1508 pz. IV 3, 30 : Eủpubőv. Crönert a suggéré de l'iden
tifier avec le médecin Euryphon de Cnide.
TIZIANO DORANDI.
148 EURYPYLOS DE COS RE 15 III
Acad émic ien ple tor s
, disci de Cran de Sole (MC 195) et non de Cratès
d'Athènes (B + C 206 ), mentionné dans l'Academicorum historia de Philodème,
col. S 33 -34 (cf. K . Gaiser, Philodems Academica , Stuttgart/Bad Cannstatt 1988,
p. 530-531). Selon Démocharès dans son plaidoyer pour l'interdiction des écoles
de philosophie (fr . 1 Marasco ap. Ath . XI, 508 f), il aurait écrit sur Euaion de
Lampsaque (» E 61). Cf. F. Jacoby , art. « Eurypylos » 15, RE VI 1, 1909, col.
1351.
TIZIANO DORANDI.
149 EURYSTRATOS
“ Philosophe" cité par Stobée (sans doute dans une section perdue du recueil),
selon Photius, Bibl., cod. 167 (t. II, p . 155, 35 Henry ).
RICHARD GOULET.
E 150 EURYTOS DE TARENTE 353

150 EURYTOS DE TARENTE RE 10 V -IV


Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth . 36 , 267, une fois parmi les philosophes originaires de Métaponte
(p. 144 , 5 Deubner , cf. aussi 36 , 266 , p. 143, 9), une autre fois parmi ceux origi
naires de Tarente (p . 144, 11). Voir Aristoxène, fr. 19 Wehrli = D . L . VIII 46, où
il est dit que les derniers pythagoriciens, connus par Aristoxène, avaient été des
auditeurs de Philolaos et d 'Eurytos, tous deux originaires de Tarente . Chez Jam
blique, V . pyth . 28, 148, p . 83, 24 -25, il est dit de Crotone et présenté commeun
disciple de Philolaos. Dans ce passage, on raconte qu' à un berger qui rapportait
avoir entendu la voix de Philolaos, mort depuis plusieurs années, chanter dans sa
tombe, il demanda : « Dans quelle harmonie ? » Voir une autre version de l'anec
dote dans V . pyth . 28, 139, p . 78, 20 -23 (le berger était pythagoricien lui aussi).
[L' anecdote entend illustrer la disposition pythagoricienne à croire spontanémenten toutes
les manifestations du divin . R . G .)
Il figure parmi les disciples immédiats du vieux Pythagore en V . pyth. 23,
104, p .60, 3-4. Selon Diogène Laërce III 6, Platon en Italie aurait rencontré Phi
lolaos et Eurytos. Voir aussi Apulée, De Plat. I 3, 186 : Euryſtaltum Tarenti
num ... sectatus est.
Témoignages. 1 DK 45 (33), t. 18, p . 419-420 ; 2 M . Timpanaro Cardini, Pita
gorici. Testimonianze e frammenti, fasc . II, Firenze 1962, 19 (45), p . 250 -257 ;
3 H . A . Brown, Philosophorum Pythagoreorum collectionis specimen , Diss . Chi
cago 1941, p. 49-57.
A Eurytos est attribuée une méthode consistant à donner une définition numé
rique des choses en disposant des cailloux (psephoi) dans un ordre donné. Voir
Aristote ,Métaphysique 1092 b ( et le commentaire d 'Alexandre ad loc. ) ; Théo
phraste ,Métaphysique 6 a 19-22 ; selon ce témoignage de Théophraste , Archytas
lui-même avait mentionné Eurytos à ce propos. Sur cette arithmétique des
psephoi, voir 4. W . Burkert, Lore and Science, p . 41 et 463.
PSEUDO -EURYTOS OU EURYSOS: Stobée, I 6 , 19, a transmis un fragment
d 'une quinzaine de lignes en dialecte dorien dont l'auteur est un Eurysos qu 'il
faut très probablementidentifier à Eurytos.
Édition. 1. H . Thesleff, The Pythagorean Texts, p . 88, 4 -19. Contenu : la
Fortune (tychè) relève de la nature irrationnelle et désordonnée qui constitue l'un
des deux principes de la réalité.
Datation. Ira selon 2. H . Thesleff , An Introduction to the Pythagorean
writings ofthe Hellenistic period, Åbo 1961, p. 115.
Un fragment attribué à Eurytos par Clément, Strom . V 29, 2 , p . 344, 21-23
Stählin, est tiré en réalité du ſepi Baolheias du pseudo-Ecphante (» E 9 ). Voir
Thesleff 2, p.69 et n. 4 ; p . 121- 122.
BRUNO CENTRONE.
354 EUSÈBE E 151
151 EUSÈBE cf.RE 35 in fine F III ?
Sous le nom d 'Eusebios ont été conservés par Stobée de nombreux fragments
rédigés en dialecte ionien . L 'auteur est également mentionné par Photius, Bibl.
cod. 167, 114 a . On ignore à quelle époque il vécut et aucun détail ne permet de
le rattacher à une école philosophique déterminée.
Une partie des extraits conservés par Stobée a été reprise dans des recueils plus récents, par
exemple Corpus Parisinum (cod. Par. gr. 1168) fol. 116 " (Stobée III 4, 104) et, parmi les
extraits de Stobée, fol. 132v (Stobée III 27 , 13) et fol. 1371 (Stobée IV 5, 36 ). Certains frag
ments se retrouvent également dans les recueils sacro -profanes : Stobée III 4 , 104 , dans
Maxime le Confesseur, Loci communes 12 , PG 91, col. 800 A - B , Maxime le Confesseur 12 ,
80 Phillips, Antonius Melissa, Loci communes I 31, PG 136 , 884 D , Gnomica Basileensia 384
Kindstrand ; Stobée III 13, 60 , dansMaxime le Confesseur, Loci communes 31, PG 91, col.
889 A ,Maxime le Confesseur 31, 23 Phillips ; Stobée III 27, 13 dansMaxime le Confesseur,
Loci communes 33, PG 91, 893 A , Maxime le Confesseur 33, 16 Phillips, Antonius Melissa,
Loci communes II 63, PG 136 , col. 1156 D . Apostolius le Paroemiographe a repris au total
sept sentences d' Eusebios (voir Index, p. 846 ). Aucune de ces sources toutefois ne contient de
matériaux autres que ceux de Stobée .
Collection de fragments. 1 F. W . A .Mullach, FPMG , t. III, p. 5- 19 (Stobée II
1, 25 fait défaut). Ce recueil reposant sur des éditions désuètes de Stobée, il faut
recourir, pour le texte, à l'édition de C . Wachsmuth et O . Hense, t. I-IV , Berlin
1884 -1912 (réimpr. Zürich 1958 ).
Datation . Deux éléments pourraient contribuer à situer Eusebios dans le
temps: (1) le nom d 'Eusebios commença à être employé au IIIe siècle ap. J.-C . et
il était particulièrement populaire au IVe s. ap . J.-C . Voir 2 PLRE, t. I, s.v.
“ Eusebius”, p. 301-309. (2) Eusebios écrit en dialecte ionien . Or, la littérature
néo-ionienne connut une renaissance au 11° siècle ap . J.-C . et subsistait au IIIe s.
Pour un aperçu d'ensemble des textes issus de ce courant littéraire , voir 3 H . W .
Smyth , The Sounds and Inflections of the Greek dialects : Ionic, Oxford 1894,
p . 110 - 120 . Ces données permettent donc de dater Eusebios avec une certaine
vraisemblance de la seconde moitié du IIIe siècle ap. J.-C .
Identité. 4 D . Wyttenbach, dans Eunapii Sardiani vitas sophistarum et frag
menta historiarum rec. Io. Fr. Boissonade, t. II, Amsterdam 1822, p. 171, sou
haitait identifier cet Eusebios avec le néoplatonicien Eusébe de Myndos
( E 156 ; RE 35 ),mentionné par Eunape, Vies des sophistes VII 1, 10, p. 42, 11
12 Giangrande. L 'identification a été acceptée parMullach 1, p. 5 n. 1, qui ren
voie aux fragments chez Stobée, II 9, 6 et IV 5, 32. Elle ne repose cependant sur
aucun argument de poids et elle a été réfutée notamment par 5 E . Zeller, Die
Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung, t. III, 2, 4e éd .,
Leipzig 1903, p. 788 n . 5, qui considère ce nom comme fictif; 6 W . Schmid et
0 . Stählin ,Geschichte der griechischen Litteratur, coll. « Handbuch der Alter
tumswissenschaft » VII 2, 1-2, 6e éd.,München 1920 - 1924 , t. II, 1, p. 378 n . 5,
t. II, 2, p. 802 n . 6 , et p. 1055 n . 7 ; 7 W . Kroll, art. « Eusebios» 35, RE VI 1,
1909, col. 1445. Il y a lieu de signaler qu 'il existe un historien du nom d' Euse
bios qui écrivait en dialecte ionien et vécut au Ilie s ap. J.-C . (FGrHist 101). Il
pouvait donc être contemporain du philosophe Eusebios, mais il n 'existe pas
d 'argument permettant d'identifier ces deux auteurs.
E 152 EUSÈBE 355
Langage et contenu des fragments. Les fragments d'Eusebios n 'ont été
étudiés ni du point de vue de leur forme linguistique et littéraire ni du point de
vue de leur contenu. En ce qui concerne le caractère ionien, Hérodote semble
constituer une source importante. Stylistiquement, les sentences se caractérisent
par une nette tendance à la verbosité : cf. 8 O . Hense, art. « loannes Stobaios >>
18, RE IX 2 , 1916 , col. 2575, et les notes du mêmeauteur sur Stobée III 6, 32 et
IV 5, 32.Comme les fragments présentent une grande diversité formelle, il n'est
guère possible de se prononcer sur la forme littéraire de l'ouvrage ou des
ouvrages auxquels ils sont empruntés. En ce qui concerne le contenu, la plupart
des fragments reflètent une attitude moraliste très générale qui ne se laisserait
guère ramener à une doctrine philosophique déterminée. Il semble toutefois que
Démocrite (r + D 70) ait servi de source d'inspiration : cf. par exemple Stobée III
29, 59, et Démocrite, DK 68 B 240 . Voir sur ce point 9 F. Lortzing, Über die
ethischen Fragmente Demokrits, Sophien -Gymnasium in Berlin, VIII. Jahres
bericht, Berlin 1873, p . 5.
JAN FREDRIK KINDSTRAND.
152 EUSÈBE RE 31 PLRE II:13 DM V
Maître de rhétorique et de philosophie. Il eut pour disciples,sans doute (intra
Eusebianos lares) Sidoine Apollinaire (né vers 431) et Probus (RE 11; PLRE
II: ). Dans une lettre adressée à Probus (IV 1), datée de 470 -471 par J. Loyen ,
Sidoine rappelle à son ancien condisciple , qui fut pour lui « le véritable maître »
(§ 2) et qui servait peut-être d 'assistant à Eusébe , l'atmosphère de la classe :
Probus y traitait notamment, avec l'approbation du maître , des Catégories
d'Aristote .
A cette époque, le père de Sidoine était préfet du prétoire des Gaules (en 448 )
en Arles et Sidoine était là en janvier 449 (Epist. VIII 6, 5). On peut donc esti
mer que c'est en Arles qu ’Eusébe enseignait vers 450 et non dans la ville natale
de Sidoine, à Lyon. Rien ne s'oppose dès lors à le reconnaître parmiles écrivains
admirateurs d'Hilaire d'Arles (mort en 449) que mentionne un passage de la Vie
de ce dernier : « ejusdem praeclari auctores temporis , qui suis scriptis merito cla
ruerunt Silvius, Eusebius (PLRE II :12 ], Domnulus (2D 220 )» (Vie de Saint
Hilaire d 'Arles 14, PL 50 , 1859, col. 1231 C - 1232 A ).
Il est moins facile de l'identifier avec l'auteur d'ouvrages comme le De cru
cis Dominimysterio mentionné par Gennade, De vir. ill. 34 , car cet auteur est
placé par Gennade avant Vigilantius, qui vécut au tout début du Ve siècle. Voir
A . Jülicher, art. « Eusebius » 31, RE VI 1, 1907 , col. 1444 .
On aura remarqué dans le témoignage de Sidoine la mention des Catégories
d'Aristote . Il faut rappeler que, dans ses Confessions IV 16 , 28, c'est chez le
maître de rhétorique à Carthage qu'Augustin dit avoir lu , vers l'âge de vingt ans,
l'ouvrage d ' Aristote , avec d 'autres livres consacrés aux arts libéraux ($ 30 ).
RICHARD GOULET.
356 EUSÈBE E 153
153 EUSÈBE dit « Pittacas» RE 37 PLREI:10 MIV
Orateur d' Émèse (etnon d' Édesse, comme le traduit J. C . Rolfe , qui édite « ab
Emissa» ), surnommé Pittakâs (Ammien Marcellin , Res gestae XIV 7 , 18 ). Il est
présenté comme « orateur véhément (concitatus orator)» (Ammien ). Arrêté sur
l'ordre de Gallus en 354 et conduit à Antioche (avec Épigonos de Cilicie ) après
l'exécution du questeurMontius, sous prétexte que celui-ci l'aurait accusé (en
réalité on le confondit avec un homonyme). Cruellement supplicié, il fit preuve
de fermeté (constantia ): « Implorant la justice céleste, avec un sourire de défi ( il)
demeura inébranlable (immobilis ) dans la fermeté de son cæur» et refusa
d 'avouer un complot ou d'accuser quelqu 'un d'autre ; « il marcha au supplice
sans trembler (intrepidus) » (Ammien, XIV 9 , 4 -6 ) .
On l'a identifié avec celui que la Souda (E 3738) appelle ’Apáblog oodlotńs,
rival d 'un certain Ulpien qui pourrait être le sophiste Ulpien (RE 3 ), mort vers
330 , qui fut le maître de Libanios et de Prohérésius. Cet Ulpien enseigna à
Émèse et à Antioche.Un sophiste du nom d'Eusébe est également connu comme
fils de Casilon et frère du sophiste Alexandre d ’Aigée , disciple de Julien (de
Cappadoce) (cf. Souda, sous « Alexandros Aigaios» , A 1128 ).
Photius, Bibl. cod. 134, mentionne des Exercices (uerétal) d’un Eusébe
sophiste : W . Schmid , art. « Eusebios» 37,RE VI, 1445, l'identifie à cet Eusébe.
Quoi qu'il en soit des ces identifications fragiles, qui mettent en cause un
nom des plus fréquents au IVe siècle , la notice de la RE, en présentant Eusébe
comme disciple d 'Aidésius et maître de l'empereur Julien , le confond
manifestement avec le philosophe Eusébe deMyndos (RE 35) connu par Eunape
(BE 157). En vérité, rien ne permet de faire de l'orateur Eusébe d'Émèse un
philosophe. Ni Eusébe d 'Émèse ni les orateurs signalés par la Souda (E 3738 et
A 1128 ) ne sont répertoriés par . K . Gerth , art. « Zweite Sophistik » , RESuppl.
VIII, 1956 , col. 748.
Comme l'orateur Eusébe a été exécuté par Gallus, il peut difficilement être le philosophe
Eusébe d 'Émèse ( E 155 ) qui enseigna à Jean Chrysostome à Antioche, car ce dernier est né
vers 349.
PIERREMARAVAL et RICHARD GOULET.
154 EUSÈBE D 'ALEXANDRIE ?
Sous le nom d'un certain Eusébe d'Alexandrie ,nous est conservé en syriaque
un bref « commentaire» aux Catégories d 'Aristote , dont le premier signalement
précis a été donné par 1 G . Furlani, « Uno scolio d 'Eusebio d'Alessandria alle
Categorie d' Aristotele » , RTSFR 3, 1922, p . 1- 14 .
1. Abt.,B'hui
Ce commentaire est aujourd no que par
erliconnu de C.E. haanuscrit ddee Berlin
Sacmanuscrit
un seul Berlin ,
Königliche Bibliothek , n° 88 du catalogue de C . E . Sachau , Verzeichnis der
syrischen Handschriften , 1. Abt., Berlin 1899, p. 326 -327 (souvent cité sous la
cote : Petermann 9, par référence à son ancienne collection d'appartenance ). Un
autre manuscrit contenant ce commentaire , qui était en possession de Paul
Bedjan (1838 - 1920 , lazariste , qui cuvra pour le renouveau de la littérature
syriaque en faveur des « chaldéens catholiques » ; voir DHGE VII, col.410 -412 ),
au début du siècle (Furlani 1, p . 1), a disparu depuis lors.
E 154 EUSÈBE D ' ALEXANDRIE 357
Le commentaire fait partie, dans le manuscrit de Berlin (fol. 80'-83 ), d'une
suite de textes de logique (traductions ou commentaires se rapportant aux Caté
gories, au Peri Hermeneias, aux Premiers Analytiques d'Aristote ), dont la copie
date du milieu du XIIIe siècle . Il a pour intitulé: « Scholie d' Eusebe (‘wsbys) de
Césarée (qesariyā), philosophe alexandrin , sur les Catégories d 'Aristote le phi
losophe » , et pour souscription : « Est finie la scholie d'Eusébe de Césarée sur les
Catégories d' Aristote le philosophe » . Selon Furlani (p. 9), le mot qesariyā, dans
l'intitulé, porte des marques d'annulation : le copiste se serait laissé entraîné à
ajouter « de Césarée » (» E 156 ) au nom « Eusébe » , qui aurait appelé de lui
même ce qualificatif, en raison de la célébrité du grand historien et théologien ,
qui fut évêque de Césarée († 340 ). Il faudrait donc rejeter cette identification , et
attribuer la scholie à un Eusébe d 'Alexandrie. Deux identifications sont propo
sées par Furlani:il pourrait s'agir d 'un Eusèbe, rhéteur du IVe siècle et élève de
Prohéresius,mentionné par Eunape de Sardes dans ses Vies des philosophes et
sophistes (éd . J. Giangrande, Roma 1956 , p. 78) ou bien du mystérieux Eusébe,
évêque d 'Alexandrie , dont une biographie légendaire et une collection d'homé
lies ont été éditées dans PG , t. 86 , col. 287-462 (sur cet Eusèbe, qui serait un
personnage inventé par l'auteur de la biographie, un certain Jean le Notaire , pour
mettre sous un nom déjà célèbre par ailleurs ses propres ouvrages, voir F . Nau ,
« Eusébe d 'Alexandrie », DTC V , 1913, col. 1526 -1527, et le status quaestionis
de M .Geerard, CPG III, p .68-75). Avec raison, Furlani renonce à ces deux
identifications, soulignant que les doctrines exposées dans la scholie témoignent
de l'existence d 'une littérature scholastique développée, qui repousse la compo
sition de l'æuvre au-delà du IVe siècle. Le même argument pourrait être utilisé
contre d'autres personnages portant le nom d'Eusèbe, qui ne paraissent pas être
des candidats sérieux à l'attribution de la scholie, comme Eusèbe, disciple d'Eu
sebe de Césarée et évêque d'Émèse , mort à Antioche vers 359, ou le néoplatoni
cien Eusébe, originaire de Myndos en Carie, élève d'Aidésius à Pergame (voir
Eunape, V. Soph., p. 42 Giangrande), pour ne rien dire d'autres Eusébe qui sont
connus pour leur activité politique ou polémique plutôt que pour une cuvre phi
losophique ou théologique (Eusébe de Nicomédie, † vers 342 ; Eusébe de Samo
sate , † 380). La scholie reste donc, à ce jour, d'auteur inconnu.
Le texte syriaque, inédit, a été traduit en italien par Furlani 1, qui a donné une
brève description de son contenu , suivie d'un petit lexique proposant la rétro
version grecque de termes techniques syriaques. Il ne paraît pas faire de doute ,
en effet, que la scholie soit la traduction en syriaque d'un texte originellement
écrit en grec, comme le suggèrent divers mots grecs translittérés en syriaque,
ainsi que certaines tournures syntaxiques habituelles dans les versions syriaques
de textes grecs. On peut se demander, toutefois, si le texte actuellement conser
vé, dont la cohérence interne n 'est pas toujours sans faille, représente l'intégra
lité de la scholie originale.
Par son contenu , la scholie se rattache indubitablement à la tradition alexan
drine tardivedes commentateurs d'Aristote.Mais elle offre de cette tradition une
image assez pauvre. Il s'agit, pour l'essentiel, d 'une suite de divisions brèves se
358 EUSÈBE D 'ALEXANDRIE E 154
rapportant à des notions présentes dans le texte d 'Aristote, ou introduisant à ces
notions. Sur divers points, pourtant, ces divisions s'écartent des interprétations
canoniques associées au texte aristotélicien . Ainsi, le scholiaste ne divise pas le
livre des Catégories selon les trois parties habituelles (ce qui est avant les caté
gories, les catégories, ce qui suit les catégories), mais en quatre parties : « com
ment sont dites les choses quisont dites» ; « les catégories elles-mêmes » ; « com
bien de choses il faut examiner à propos des catégories» ; « les accidents qui
s 'associent à la substance première » . Autre exemple : « les choses qui sont
dites» se divisent en choses dites « semblablement, non semblablement, simple
ment, non simplement» ; les choses dites semblablement étant dites « de manière
homonymique, ou synonymique, ou paronymique » , etc . De façon générale , le
scholiaste manifeste une tendance à multiplier les divisions au -delà de ce que
l'on trouve dans les commentaires d 'Olympiodore et de David . S 'il est vrai que
pareille tendance est signe d 'une composition tardive, il faudrait peut- être placer
la scholie vers la fin du vie ou le début du vile siècle. Dans l' état actuel des
études, cependant, les sources de ce texte , le milieu où il a été écrit et les
circonstances de sa traduction en syriaque restent inconnus.
HENRIHUGONNARD -ROCHE.
155 EUSÈBE D 'ÉMÈSE PLRE I:18 MIV
« Philosophe» qui enseigna à Antioche et dont Jean Chrysostome (né vers
349) fut l'auditeur (axónovdoc), d'après la Souda, s.v. 'Iwávuns, I 463; t. II,
p. 647, 22 Adler. Il peut difficilement s'agir de l'orateur Eusébe d 'Émèse dit
Pittacas ( E 153), exécuté en 354. Une identification avec l'évêque Eusébe
d'Émèse, mort avant 359 est pareillement exclue.
PIERRE MARAVAL et RICHARD GOULET.
156 EUSÈBE DE CÉSARÉE RE 24 ca 265-339
Eusébe est né vers 265, probablement à Césarée de Palestine, ville à laquelle
il est resté fidèle jusqu 'à sa mort, d 'abord comme collaborateur du prêtre Pam
phile qui avait recueilli et enrichi la bibliothèque léguée par Origène à Césarée,
puis comme évêque de cette ville après la persécution déclenchée par Dioclétien
(303-313). D 'origine modeste, Eusébe doit à son immense érudition le succès
d 'une carrière qui l' a conduit à l'épiscopat et qui a fait de lui le panégyriste offi
ciel de l'empereur Constantin ,
Cf. 1 J. B . Lightfoot, art. « Eusebius of Caesarea > , DCB II, 1880, col. 308
348 ; 2 E . Schwartz , art. « Eusebios» 24 , RE VI 1 , 1907, col. 1370- 1439 ; 3 G .
Bardy, Introduction à la trad. française de l'Histoire ecclésiastique, coll. SC 73,
Paris 1960, p . 9 -74 (chap. I: « La vie et l'œuvre d 'Eusébe » ) ; 4 D . S. Wallace
Hadrill, Eusebius of Caesarea, London 1960, 224 p .; 5 J. Moreau , art. « Eusébe
de Césarée » , DHGE XV , 1963, col. 1437- 1460 ; 6 Id ., art. « Eusebius von
Caesarea » , RAC VI, 1966, col. 1052-1088; 7 Ed. des Places, Eusébe de Césarée
commentateur. Platonisme et Écriture sainte, coll. « Théologie historique » 63,
Paris 1982 , 194 p .
E 156 EUSÈBE DE CÉSARÉE 359

La première partie de sa vie se passe aux côtés de Pamphile qu 'il appelle son
« maître » (GEOTÓTng) et dontil prend le nom comme patronyme. Assistés d'une
équipe de copistes, ils révisent ensemble et éditent les Livres Saints et les autres
textes de la bibliothèque. Eusébe lit toutes les euvres de la littérature profane ou
chrétienne qui lui sont accessibles et se constitue des recueils qui lui serviront
plus tard pour la composition de ses propres ouvrages historiques, apologétiques
et exégétiques. Pendant les premières années de la persécution (303-307), Eu
sèbe et Pamphile ne sont pas inquiétés,mais, à la fin de 307, Pamphile est em
prisonné. Les conditions de la détention sont assez souples et permettent à
Eusébe de commencer avec son amiune Apologie pour Origène et ses doctrines
qu'il achèvera seul. Mais la situation s 'aggrave, Pamphile est exécuté (310 ) et
Eusèbe s'enfuit en Phénicie, puis en Égypte , où il est arrêté et incarcéré.
Avec la paix , Eusébe, dont on ne connaît pas la date d'ordination à la prêtrise,
rentre à Césarée et succède à Agapius sur le trône épiscopal entre 313 et 315. Il
semble qu 'il faille dater de la dizaine d'années qui suivent, jusqu'au Concile de
Nicée, la production littéraire la plus intense d 'Eusébe. Il rédige une première
version de son Histoire ecclésiastique, une Vie de Pamphile et un récit Sur les
Martyrs de Palestine dont une recension brève a pris place dans l'Histoire
ecclésiastique. C 'est de cette période que datentégalement la Préparation évan
gélique, la Démonstration évangélique et un écrit par questions et réponses sur
les Désaccords dans les Évangiles.
Rapidement Eusébe est impliqué dans la querelle théologique soulevée par
Arius pour qui il prend parti, ce qui lui vaut une excommunication au Concile
d 'Antioche en 325. La même année, à Nicée, il signe pourtant la formule de
l'homoousios, mais se rétracte peu après, préférant définir la divinité du Christ
dans les termes mêmes des Écritures plutôt qu 'en des formules comme l' homo
ousios qui pouvaient conduire, selon lui, au sabellianisme. Il prononça également
à la fin du Concile le panégyrique de Constantin qui fêtait la vingtième année de
son règne. En 330, il participa au Concile d ' Antioche, qui condamna et fit exiler
l' évêque du lieu Eustathe (» E 160 ), un défenseur de Nicée qu 'on accusa de
sabellianisme. On offrit par la suite à Eusébe le siège d 'Antioche,mais il refusa .
Eusébe reprit alors ses travaux. Il composa un grand ouvrage sur la géogra
phie biblique et deux Commentaires sur les Psaumes et sur le prophète Isaïe. En
335, il joua un rôle important au Synode de Tyr qui déposa Athanase et il pro
nonça devant le synode transporté à Jérusalem le discours d 'apparat pour la
Dédicace de l'église du Saint-Sépulcre. Les Pères du concile se rendirent ensuite
à Constantinople pour fêter les trente ans de règne de l'empereur et, encore une
fois , Eusébe fut chargé du discours de circonstance. Après la déposition de
Marcel d ’Ancyre , Eusèbe presenta une réfutation en règle de sa doctrine, consi
dérée comme sabellianiste, dans son Contra Marcellum et un second traité inti
tulé Sur la théologie ecclésiastique. Lorsque Constantin mourut en 337, Eusébe
se mit à écrire un éloge enthousiaste du prince (De Vita Constantini) quivenait
d 'inscrire dans l'histoire le triomphe longuement préparé de l'Église. On ignore
la date de samort, antérieure à 341.
360 EUSÈBE DE CÉSARÉE E 156

« Le père de l'histoire ecclésiastique » (Mgr Duchesne). Eusébe est l'auteur


de la première histoire de l'Église et il en a bien conscience : « Aucun des écri
vains ecclésiastiques n 'a eu, que je sache, le souci d' entreprendre une æuvre de
ce genre » (I 1, 5). Il avait préparé ce travail en dressant les tableaux synoptiques
de ses Chronikoi Kanones qui, par le rapprochement de diverses chronologies
anciennes, prouvaient que la religion juive était la plus ancienne et la plus véné
rable. Pour l'ère chrétienne, Eusébe avait rapproché différentes listes de succes
sions épiscopales dont la plus importante, celle de Rome, établissait le synchro
nisme des épiscopats et des règnes impériaux , et une autre, celle d' Alexandrie ,
donnait la durée des épiscopats. C 'est dans ce cadre chronologique préétabli
qu 'Eusébe, en composant l'Histoire ecclésiastique, a inséré « les passages utiles
cueillis chez les écrivains anciens » (I 1, 4). Car la documentation qu'il met en
æuvre est limitée à un certain nombre de points d'intérêt qu 'il énumère dès sa
préface (I 1, 1- 2). Il se propose d 'abord de montrer la continuité de la tradition
apostolique en présentant la « succession » des évêques pour les Églises les plus
importantes (Rome, Alexandrie, Antioche et Jérusalem ), puis de situer les faits
les plus notables, de présenter les figures ecclésiastiques qui ont illustré l'Église ,
principalement les évêques et les docteurs, ainsi que les hérésiarques et ceux qui
les ont combattus. Il s'intéresse également à la destinée du peuple juif, dont la
ruine accomplit les Écritures, au conflit entre le paganisme et le christianisme,
ainsi qu 'aux persécutions. Cette énumération serait complète si nous ajoutions le
Canon des Écritures (III 3, 3) et les coutumes relatives à la fête de Pâques (V 24,
12- 13 et passim ). L 'Histoire n 'a pas été publiée en une seule fois et a donné lieu
à des remaniements importants en fonction des événements qui ont modifié la
situation de l'Église dans l’Empire durant cette période (312 -325). En fait,
Eusébe voyait l'histoire confirmer la thèse sous-jacente à son entreprise litté
raire : la victoire progressive de l'Église fondée par Dieu. Ce sont les étapes de
ce triomphe qu ’Eusébe voyait inscrites dans l'histoire.
L 'anti-Porphyre. La ferveur apologétique d'Eusébe est claire dès ses pre
miers ouvrages. Il a réfuté vers le début de la persécution le Philalèthès du gou
verneur Hiéroclès (» H 125), centré sur une comparaison entre Jésus et Apollo
nius de Tyane (> A 284).Mais la lecture du traité en quinze livres du philosophe
néoplatonicien Porphyre Contre les chrétiens (écrit en 271 ou plus tard ) semble
avoir été l'événement qui a le plus influencé l'orientation de son activité litté
raire. Très tôt, Eusébe a ressenti le besoin d'en donner une réfutation en 25 livres
qui est malheureusement perdue. Mais c'est l'ensemble de ses æuvres qui se
veut une réfutation du philosophe. En Porphyre , c'était toute la civilisation anti
que qui, à grand renfort d 'érudition, rejetait le christianisme comme un refus
irrationnel des valeurs de l'hellénisme et comme un phénomène marginal sans
signification . Eusébe releva le gant et consacra le meilleur de lui-même à mon
trer,avec une égale érudition, que le christianisme était le phénomène historique
décisif préparé depuis des siècles et que le triomphe de l'Église ne faisait que
manifester une nécessité de l'histoire .
E 156 EUSÈBE DE CÉSARÉE 361
La Préparation évangélique et la Démonstration évangélique constituent les
deux pièces d'une même entreprise apologétique visant à justifier les Chrétiens
que Porphyre accusait d 'être passés du paganisme au judaïsme, puis de s 'être
singularisés en rejetant la Loi juive. La Préparation essaie de fonder le rejet du
polythéisme et des croyances païennes en démontrant, grâce à d 'innombrables
citations d'auteurs profanes qui constituent les trois quarts de l'ouvrage, d'une
part l'erreur des mythes et de la théologie païenne, d 'autre part la supériorité de
la tradition juive que les Chrétiens – rattachés à Abraham par le lien de la foi –
revendiquent comme leur bien propre . Dans un deuxième temps, la Démonstra
tion (dont dix livres sur vingt sont conservés)montrait que la religion juive trou
vait son accomplissement dans le Christ et l'Église en qui se réalisent les pro
messes de l'Ancien Testament, qu'Eusebe prend comme source documentaire de
cette deuxième partie de son Apologie.
Dans la Théophanie (composée vers 333), qui reprend de longs passages des
précédents ouvrages, Eusèbe célèbre avec des accents triomphalistes la mission
providentielle de l'Empire romain et voit en particulier dans le règne de
Constantin le signe de l'action divine assurant la victoire de la foi chrétienne.
Pour avoir essayé d'enraciner dans l'histoire et la raison humaine la vérité du
christianisme contestée par Porphyre , Eusèbe en est venu à penser que l'Église et
l'Empire étaient inséparables. C 'est sans aucune réticence qu 'il a célébré en
Constantin , dont la conduite ne s 'est pas toujours inspirée des plus hauts senti
ments chrétiens, le Prince amide Dieu .
Théologie. En théologie et en politique ecclésiastique, des tendances subor
dinationistes, héritées d'Origène, ont amené Eusébe à soutenir Arius. Les histo
riens postérieurs ont sévèrement critiqué l'attitude d 'Eusébe dans toutes ces
querelles et les manigances auxquelles il s'est prêté. Mais les manæuvres plus ou
moins nobles de politique ecclésiastique n ' étaient pas restreintes au clan arien .
On ne prête pas à Eusébe une intelligence très approfondie de l'enjeu de la
querelle théologique à laquelle il a été mêlé , ni un sens critique très aiguisé à
l'égard d'un empereur qui trouvait en lui un appui inconditionnel. Mais son
engagement politique est au fond accidentel dans une vie qui s' écoula pour la
plus grande partie parmi les manuscrits d 'une bibliothèque. Quand il visite
Jérusalem ou Tyr, cet amour des livres le pousse encore à compulser les archives
locales et à relever les titres d'ouvrages qui lui étaient inconnus. Son æuvre
entière porte la marque de cet attachement: son érudition est peu critique et
accumule à souhait les textes qui illustrent les quelques idées élémentaires qu'il
a élaborées ; sa pensée, pour peu qu 'elle quitte ses sources, s'entortille et vacille ;
sa rhétorique est lourde, entasse les périphrases et se complaît dans des recher
ches d'effets que l'on sentméditées sur papier et empruntées aux auteurs qu'il a
pratiqués. Si Eusébe avait été soutenu par un milieu intellectuel dynamique,
certains de ces traits auraient sans doute été corrigés.Mais, dans le désert de ce
début de siècle, un homme d'origine modeste ayant connu la terreur des persé
cutions, un intellectuel insulté dans sa foi par le représentant admiré d'une tra
dition culturelle qu 'il croyait être aussi la sienne, un éditeur et un bibliophile jeté
362 EUSÈBE DE CÉSARÉE E 156
à l'avant-plan de la scène ecclésiastique, était bien mal équipé pour interpréter le
sens des événements imprévus qui bouleversaient l'Empire .
Les textes philosophiques cités par Eusébe. Pour l'historien de la philo
sophie antique, la Préparation évangélique est une source appréciée de frag
ments d'ouvrages perdus :
Alexandre d ’Aphrodise (MA 112), Sur le destin : VI 9 , 1 -30 .
Alexandre Polyhistor (P - A 118 ), Sur les Juifs : IX 17 ,2 -20, 1 ; IX 21,1 - 37,3 ;
(IX 39, 2 - 5) . A travers Alexandre, Eusèbe cite de nombreuses sources pseu
dépigraphes.
Amélius (le Platonicien , (* * A 126 ]) : XI 19, 1.
Apolloniusde Tyane (2* A 284), Sur les sacrifices: IV 13, 1.
< Areius (cf. XV 15 , 1 et 9 ; 20 , 8) > Didyme (2 A 324 ), lepi tõv
åpeoxovtwv Tátovi: XI 23, 3 -6 ; Epitome : XV 15 , 1- 8 ; 18, 1 -20, 7 .
Aristée, Lettre à Philocrate : VIII 2 , 1 - 5 , 10 ; 9 , 1-37 ; Sur l'interprétation de
la Loides Juifs : IX 38, 2 - 3 (toujours la même lettre en réalité ).
Aristobule (aristotélicien selon VIII 9 , 38, identifié par Eusébe, à cause de VII
14, 1, au personnage mentionné en II Macc. 1, 10), Exégèse des Lois sacrées
dédiées à Ptolémée VI < Philométor> : VII 14, 1 ; VIII 10 , 1-17 ; IX 6 , 6 -8 ; £x
Tõv ’Aplotoſoúhov Baochet Iltorɛualq tpoodwinuévwv: XIII 12, 1-16
Aristoclès < de Messine > (P -A 369) le Péripatéticien , Sur la philosophie, livre
VII : XI 3 , 1- 9 ; XV 2 , 1 -15 ; 14, 1 -2 ; livre VIII : XIV 17, 1-9 ; XIV 18, 1 - 19 , 7 ;
20, 1- 12 ; 21, 1-6 .
8 A . J. Carriker, « Some uses of Aristocles and Numenius in Eusebius' Praeparatio
Evangelica » , JTHS 47, 1996 , p . 543-549.
Atticus le Platonicien (2 - A 507), Ipós toùç did tõv ’AplotoTÉROUç tà
Mátwvog ÚTLOXVouuévouç: XI 2, 1-5 ; XV 4, 1 - 9, 14; 12 , 1 - 13,5 .
Bardesane le Syrien (AB 11), < Ėv tots npòs toùs étaipouç olaróyouç>
(= Liber Legum regionum ) : VI, 10 , 1-48.
Cléarque le Péripatéticien (PC 141), lepi ünvov , livre I : IX 5 , 2 -7 .
Denys (d ' Alexandrie ) ( - D 81), Contre Sabellius (ŠMeyxoş xaì årología
contre l' éternité de la matière ), livre I : VII 19, 1 -8 ; Hepi púoewÇ : XIV 23, 1 -
27 , 12 .
Diogénianus “ le Péripatéticien ” (VI 8, 1 titre), en réalité un épicurien
(BD 152), contre le traité de Chrysippe Sur le Destin : IV 3, 1- 13; VI 8 , 1-38.
Hécatée d'Abdère (2H 12 ] (åvno Qiaooooos), Sur les Juifs (pseudépi
graphe): IX 4 , 2 - 9 .
Jules l'Africain , Chronographie, livre III : X 10 , 1- 23.
Longin, Mpòs tnv tūv Erwixőv nepì quxñs dótav åvtippnois: XV 21, 1
Maximos (cf. H . E . V 27), lepi tñs úrns: VII 22, 1-64. Un chrétien selon
VII 21, 5 .
E 156 EUSÈBE DE CÉSARÉE 363
Numénius (le philosophe pythagoricien : IX 6, 9; platonicien selon XI 17, 11 :
tà Mátwvogneobeúwv) : IX 6 , 9 ; Sur le bien, livre I: IX 7, 1 ; XV 17, 1-8 ;
livre II : XI 10 , 1-13; livre III: IX 8 , 1- 2 ; livre VI: XI 18, 22-24; sans indication
de livre : XI 18 , 1- 10 et 14 -21 ; 22, 1-10 (livres I, V , VI) ; Hepi tõv napà
Tátwvl únoppńtwv : XIII 5, 1; ſlepi tñs tõv ’Axaðnuaïx V npòc Miátwva
OLAOTÁcewG: XIV 5, 1 - 9, 3.
9 H . D . Saffrey, « Un lecteur antique des æuvres deNuménius, Eusébe de Césarée » , dans
Forma futuri. Studi in onore di Michele Pellegrino, Torino 1975, p. 145- 153 ; 10 Id ., « Les
extraits du Ilepi rayadov de Numénius dans le livre XI de la Préparation évangélique
d'Eusébe de Césarée » , dans E . A . Livingstone (édit.), Studia Patristica, XIII 2 (Conférence
patristique de 1971), coll. TU 116 , Berlin 1975 , p . 46 -51 ; 11 Ed. des Places, « Numénius et
Eusébe de Césarée » , dans E . A . Livingstone (édit.), Studia Patristica, XIII 2 , p . 19 -28 .
Oinomaos (deGadara ), Fontwv púpa : V 19 , 1- 36 ,4 ; VI 7, 1-42.
Origène, Commentaire sur la Genèse (III): VI 11, 1-81 ; VII 20, 1-9.
Philon de Byblos, Théologie phénicienne, livre I (à travers Porphyre, Contra
Christianos IV ) : I 9 , 5 .21. 24 - 29 ; 10 , 1 -41.43-53 ; IV 16 , 11. Désigné comme
Tepi ’lovdaiwv (I 10 ,42).
Philon , Apologie pour les Juifs (extrait conservé uniquement par Eusébe) :
VIII 11, 1 - 19 ; <De opificio mundis : VIII 13 , 1 -6 ; XI 24 , 1 - 12 ; Sur la Loi, livre
I = De opificio mundi: VIII 13, 1-6 ; <De spec. leg.> : XIII 18, 12- 16 ; De agri
cultura, livre I: VII 13, 3 ; De agricultura, livre II = De plantatione : VII 13, 4-6 ;
18, 1-2 ; Quod deterius, en réalité De confusione linguarum : XI 15, 1-6 ; De
providentia : VII 21, 1-4 ; VIII 14 , 1-72 ; Hypothetica, livre I: VIII 6 , 1- 7,20 ;
Quod omnis probus : VIII 12, 1- 19 ; Questions et réponses sur la Genèse, livre I:
VII 13, 1-2.
Plotin , IV 7 [2], 1-84: XV 22, 1 -67; IV 7 (2 ), 85: XV 10 , 1- 9 (une longue
section de cette citation est absente de la tradition directe des écrits de Plotin ); V
1 [10 ] (ſlepi tõv Tplőv đpxıxőv ÚTOOTÚDewv): XI 17, 1-10 .
Cf. P. Henry, Recherches sur la Préparation évangélique d'Eusébe et l'édition perdue des
euvres de Plotin publiée par Eustochius, coll. « Bibliothèque de l'École des Hautes Études.
Sciences religieuses » 50 , Paris 1935 ; M -O . Goulet-Cazé, « L 'arrière -plan scolaire de la Vie de
PLotin », dans L . Brisson et alii, Porphyre. La Vie de Plotin , Paris 1982, p. 289-294.
Plutarque, lepi Quyñs, livre I: XI 36 , 1 ; De defectu oraculorum : V 4, 1-3 ;
V 5 , 3 ; 16 , 2-4 ; 17, 1-12 ; De E apud Delphos: XI 11, 1-15 ; De Iside: III 3, 11
16 ; V 5 , 1-2 ; Iepi tõv év Matalats Aaldárwv: III 1, 1-7 ; 8, 1.
Plutarque (Pseudo-), Stromates: 18, 1- 12 .
Plutarque (Pseudo-), lepi tõv åpeoxóvtWV TOTG pooópolç puolX V
doyuárwv: XIV 14, 1-6 ; 16 , 1- 10 ; XV 23, 1 -61, 10 .
Porphyre, < /lepi ayanuárwV> : III 7, 1-4 ; 9, 1-5 ; 11, 1 - 13,3 ; De absti
nentia : 19, 7 -11 ( = Théophraste ) ; III 4 , 6 -14 ; IV 11, 1 ; 12 , 1 ; 14 , 1 - 9 (= Théo
phraste) ; IV 15 , 1-2 ; 16 , 1- 10 ; 18 , 1 ; 19, 1-2 ; 22, 1-12 ; IX 2, 1 (= Théo
phraste) ; IX 3 , 1-21 ; La philosophie tirée des Oracles : III 14, 4 -8 ; 15 , 3
(citation d'un oracle d'Apollon); (III 16 , 1-3); IV 7, 1 - 9, 7 ; 20, 1 ; 23, 1 -7 ; V 6 ,
1 ; 7, 1-5 ; 8, 1- 12 ; 9, 1-9 ; 11, 1 ; 12 , 1-2 ; 13, 1-4 ; 14 , 1-2 ; 15 , 1-2 ; 16 , 1; VI 1,
364 EUSÈBE DE CÉSARÉE E 156
1-5 ; 2, 1 ; 3, 1; 4, 1 ; 5, 1-4 ; IX 10, 2 -5 ; XIV 10, 5 ; Lettre à Anébon : III 4 , 1-2 ;
V 10 , 1- 11 ; XIV 10 , 1-2 ; Philologos acroasis, livre I: X 3, 1-25 ; Ilpos Bóndov
Hepi Quyñs, livre I: XI 28 , 1- 16 ; XIV 10 , 3 ; XV 11, 1-4 ; 16 , 1-2 ; Contre les
Chrétiens : V 1, 10 ; livre IV : 19, 21 ; X 9, 12 (voir aussi Hist. eccl. VI 19, 2
$99.).
12 U . von Wilamowitz-Moellendorf, « Ein Bruchstück aus der Schrift des Porphyrius
gegen die Christen » , ZNW 1, 1900, p . 101- 105 ( sur 1 2 , 1 -4 ).
Selon 13 M . Smith , « A hidden use of Porphyry's History of philosophy in Eusebius's Pre
paratio evangelica » , JThS 39, 1988, p . 494 - 504 , il faudrait ajouter des extraits de l' Histoire
philosophique de Porphyre, cités sans indication de sources en XIV 3, 7 ; 19, 10 ; 19, 9 ; X 14 ,
12 ; XIV 14 , 9 et 4 , 16 (arguments toutefois peu convaincants).
Sévère le Platonicien , Sur l'âme: XIII 17, 1-6 .
Tatien , Contre les Grecs: X 11, 1-35.
Xénophon ,Mémorables: 18, 15 - 16 ; XIV 11, 1-7 ; XV 62, 1 -6.
Xénophon (Pseudo -), Lettre à Eschine : XIV 12 , 1
Pour ne pas alourdir ce tableau, sont omis les innombrables rapprochements offerts par
Eusébe entre les doctrines de l'Écriture et des passages de Platon... Signalons en revanche
qu 'on n ' y rencontre aucune citation directe d 'Aristote. Sont omises également d 'autres cita
tions d'un intérêt philosophique moins immédiat ou qui sont intégrées dans une source inter
médiaire , comme Abydénos, Apion , Bérose, Chérémon, Choirilos, Chrysippe, Démétrius de
Phalère, Denys d 'Halicarnasse, Diodore de Sicile, Évhémère, Flavius Josèphe, Hiéronymos
l'Égyptien ,Manéthon, Mégasthène, Nicolas de Damas, Numa (le Pythagoricien IX 6 , 3 ),
Théophraste , etc .
Bibliographie. 14 J. Quasten , Initiation aux Pères de l'Église, t. III, Paris
1963, p. 439-487 ; 15 H . Paulsen, « Bibliographie zur neueren Eusebiuslitera
tur» , dans H . Kraft (édit.), Eusebius von Caesarea. Kirchengeschichte, hrsg. und
einleitet von H . K .,München 1967, p. 445-454 .
Sauf pour quelques études importantes, les références bibliographiques four
nies plus bas sont limitées aux publications des récentes années.
Euvres. Pour une description desœuvres et des éditions, on se reportera à la
notice de la CPG II, 1974, n° 3465-3505, qui omet de signaler parmiles Apolo
getica le Contra Porphyrium , une réfutation , en 25 livres (selon Jérôme, De vir.
inl. 81, et Epist. 70 ad Magnum 3), du traité de Porphyre Contre les Chrétiens.
Voir 16 A . von Harnack , Porphyrius,Gegen die Christen 15 Bücher. Zeugnisse,
Fragmente und Referate, dans APAW , Jahrgang 1916 , Nr 1, Berlin 1916 , p. 30
31.
Chronique. A part plusieurs fragments grecs, la Chronique n 'est connue que
dans la version latine, adaptée et augmentée, de Jérôme et dans une version
arménienne. Édition de la version latine par 17 R . Helm (seconde édition de
1956 ), revue par U . Treu , coll.GCS 47 (Eusebius Werke VII), troisième édition,
Berlin 1984, LII-455 p. Édition de la version arménienne par 18 J. Karst, Die
Chronik des Eusebius aus dem armenischen übersetzt, coll. GCS 20 (Eusebius
Werke V ), Leipzig 1911 (traduction allemande seulement).
Cf. 19 R . Helm , « Eusebius' Chronik und ihre Tabellenform » , AAB Berlin
1924 ; 20 Id ., « De Eusebii in Chronicorum libro auctoribus » , Eranos 1924 , p . 1
40 ; 21 Id ., « Die Liste der Thalassokratien in der Chronik des Eusebius» ,
E 156 EUSÈBE DE CÉSARÉE 365
Hermes 1926 , p . 241-263 ; 22 Id., « Hieronymus' Zusätze in Eusebius' Chronik
und ihr Wert für die Literaturgeschichte », Philologus Suppl. 21, 2, Leipzig
1929 ; 23 Id., « Die neuesten Hypothesen zu Eusebius' Chronik » , SAB 1929,
p . 371-408 ; 24 H . J. Lawlor, « The Chronology of Eusebius» , CQ 19 , 1925,
p . 94- 101; 25 D . S . Wallace-Hadrill, « The Eusebian Chronicle . The extant and
date of composition of its early editions », JThS 6 , 1955, p . 248-253 ; 26 A . A .
Mosshammer, The “ Chronicle " of Eusebius and Greek chronographic tradition,
Lewisburg/London 1979, 366 p . ; 27 B . Croke, « The originality of Eusebius'
Chronicle » , AJPh 103, 1982, p. 195-200 ; 28 G . L . Huxley, « Problems in the
Chronography of Eusebius» , PRIA 81, 1982, p. 183C - 196C ; 29 Id., « The ori
gins of the Christian world chronicle » , dans B . Croke et A . Emmett A . (édit.),
History and historians in late antiquity, Sydney 1983, p . 116 - 131; 30 G . L .
Huxley, « Textual topics in the Chronicle of Eusebios» , ByzZ 77, 1984, p . 257
260; 31 R . W . Burgess, « The dates and editions of Eusebius' Chronici Canones
and Historia Ecclesiastica » , JThS 1997 48, 1997, p. 471-504.
Préparation évangélique. Édition par 32 K . Mras ( 1954 -1956 ) , revue par Ed.
des Places, coll.GCS 43, 1 -2 (Eusebius Werke VIII], Berlin 1982- 1983, LX -623
et 596 p .
Stellenregister: II, p. 435 -469; Namen - und Sachregister : p . 470 -546 ; Wortregister:
p. 547-579 ;Grammatisches: p . 580 -588 ; Stylistik : p. 588 -589.
Une traduction française a été publiée dans la collection des Sources chré
tiennes sous la direction de 33 Ed. des Places : Introduction générale et livre I par
J. Sirinelli et Ed. des Places, SC 206 ( 1974 ) ; livres II- III par Ed . des Places, SC
228 (1976 ) ; livres IV - V , 1- 17 par Odile Zink , SC 262 (1979 ); livre V 18 -36 et
VIpar Ed. des Places, SC 266 (1980) ; livre VII par G . Schroeder, rev. par Ed.
des Places, SC 215 (1975); livres VIII-IX -X par G . Schroeder et Ed. des Places,
SC 369 (1991) ; livre XI par G . Favrelle, rev. par Ed. des Places, SC 292 (1982) ;
livres XII-XIII par Ed. des Places, SC 307 (1983) ; livres XIV -XV par Ed. des
Places, SC 338 (1987) .
Cf. 34 J. Coman , « Utilisation des Stromates de Clément d'Alexandrie par
Eusébe de Césarée dans la Préparation Évangélique » , dans F . Paschke ( édit.),
Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen, coll. TU 125, Berlin 1981,
p. 115- 134 ; 35 Ed. des Places, « La Préparation évangélique d ’Eusébe de Césa
rée a-t-elle eu deux éditions ? Rédactions longues et rédactions courtes» ,
Orpheus 4 , 1983, p. 108-112 .
Contre Hiéroclès. Édition récente par 36 Ed. des Places, avec une traduction
française par Marguerite Forrat, coll. SC 333, Paris 1987, 244 p.
Cf. 37 M . Kertsch , « Traditionelle Rhetorik und Philosophie in Eusebius'
Antirrhetikos gegen Hierokles » , VChr 34, 1980, p . 145- 171; 38 Ed. des Places,
« La seconde sophistique au service de l'apologétique chrétienne. Le Contre
Hiéroclès d 'Eusébe de Césarée» , CRAI 1985, p. 423-427 ; 39 É . Junod, « Polé
mique chrétienne contre Apollonius de Tyane» , RThPh 120 , 1988, p. 475-482 ;
40 S . Campanini, « Un cristiano e l'irrazionale : il Contra Hieroclem di Eusebio
diCesarea » , GFRF 1 , 1991, p . 17-25.
366 EUSÈBE DE CÉSARÉE E 156
Eusébe comme historien . 41 J. Sirinelli, Les vues historiques d 'Eusébe de
Césarée durant la période prénicéenne, Dakar 1961; 42 D . Koenig -Ockenfels,
« Christliche Deutung der Weltgeschichte bei Euseb von Cäsarea > , Saeculum 27 ,
1976, p . 348- 365 ;43 S . Calderone, « QuestioniEusebiane» ,dans La storiografia
ecclesiastica nella tarda antichità. Atti del Convegno tenuto in Erice (3 -8 XII
1978 ),Messina 1980 , p . 135- 157 ; 44 R . M . Grant, Eusebius as Church historian ,
Oxford 1980, VIII-184 p .; 45 T . D . Barnes, « The editions of Eusebius' Eccle
siastical History » , GRBS 21, 1980, p. 191-201; 46 Id ., Constantine and Euse
bius, Cambridge (Mass.) 1981, VI-458 p . ; 47 Averil Cameron, « Eusebius of
Caesarea and the rethinking of history » , dans E . Gabba (édit.), Tria corda.
Scritti in onore di Arnaldo Momigliano , coll. « Bibl. di Athenaeum > 1, Como
1983, p . 71-88 ; 48 Monica Goedecke, Geschichte als Mythos. Eusebs Kirchen
geschichte, coll. « Europäische Hochschulschriften » R . 23 Theol., 307, Frankfurt
1987, 305 p. ; 49 B . Gustafsson, « Eusebius' principles in handling his sources,
as found in his Church History, Books I-VII » , dans F .L . Cross (édit.), Studia
Patristica IV , coll. TU 79, Berlin 1981, p . 429-441; 50 F . Winkelmann, Euseb
von Kaisareia . Der Vater der Kirchengeschichte, Berlin 1991, 196 p.
Eusébe et l'Empire constantinien. 51 G .Ruhbach, « Die politische Theolo
gie des Eusebius von Caesarea » , dans G . Ruhbach (édit.), Die Kirche angesichts
der konstantinischen Wende, coll. « Wege der Forschung » 306 , Darmstadt 1976 ,
p. 236 -258 ; 52 S. Calderone, « Eusebio e l'ideologia imperiale» , dans Le
trasformazioni della cultura nella tarda antichità . Atti del convegno tenuto a
Catania , Università degli Studi, 27 sett. 2 ott. 1982, coll. « Storia » 19, Roma
1985, t. I, p. 1-26 ; 53 Id., « Il pensiero politico di Eusebio di Cesarea » , dans G .
Bonamente et N . Nestori ( édit.), I cristiani e l'impero nel IV secolo . Colloquio
sul cristianesimo nelmondo antico. Atti del convegno (Macerata 17 - 18 dicembre
1987). Univ . degli studi di Macerata, coll. « Pubbl. della Fac. di lettere & filos.»
47 ; Atti di convegni, 9 ,Macerata 1988, p . 45 -54 ; 54 R . Farina, L 'impero e l'im
peratore cristiano in Eusebio di Cesarea. La prima teologia politica del cristia
nesimo, coll. « Bibliotheca Theologica Salesiana » , Ser. I, Fontes, nº 2 , Zürich
1966 , 381 p.
La théologie d ’ Eusébe. 55 H . von Campenhausen ,« Das Bekenntnis Eusebs
von Caesarea (Nicaea 325) » , ZNTW 67, 1976 , p . 123 - 139 ; 56 C . Luibhéid ,
Eusebius of Caesarea and the Arian crisis, Dublin 1978, VIII- 128 p .; 57 T . E .
Pollard, « Eusebius of Caesarea and the Synod of Antioch (324/25)» , dans F .
Paschke ( édit.), Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen, coll. TU 125,
Berlin 1981, p. 459-464 ; 58 M . Simonetti, « Eusebio e Origene. Per una storia
dell'origenismo » , Augustinianum 26 , 1986 , p. 323-334 .
Eusébe et la philosophie. 59 A . Dempf, Der Platonismus des Eusebius,
Victorinus und Pseudo-Dionysius, München 1962 ; 60 F . Ricken, « Die Logos
lehre des Eusebios von Caesarea und der Mittelplatonismus » , Th & Ph 1967,
p . 341-358 ;61 F . Ricken , « Zur Rezeption der platonischen Ontologie bei Euse
bios von Kaisareia, Areios und Athanasios » , Th & Ph 53, 1978, p. 321-352 ;
62 H . Dörrie , « Die Andere Theologie . Wie stellten die frühchristlichen Theolo
E 158 EUSTACHIUS 367
gen des 2.-4 . Jahrhunderts ihren Lesern die griechische Weisheit (= den Plato
nismus) dar ?» , Th & Ph 56 , 1981, p. 1-46 ;63 G . Lieberg, « Die theologia triper
tita als Formprinzip antiken Denkens » , RHM 125, 1982, p. 25 -53 ;64 E . dal
Covolo , « La filosofia tripartita nella Praeparatio Evangelica di Eusebio di Cesa
rea », RSLR 24, 1988, p. 515-523 ; 65 G . F. Chesnut (Jr.), « Fate, fortune, free will
and nature in Eusebius of Cesarea », Church History 42, 1973, p. 165- 182, repris
dans The First Christian Histories, Paris 1977, p. 61-90.
RICHARD GOULET.
157 EUSÈBE DE MYNDOS (en Carie) RE 35 PLREI:13 DIV
Un des principaux disciples du philosophe néoplatonicien Aidésius (P - A 56 )
à Pergame (Eunape, Vies des philosophes etdes sophistes VII 1, 10; p. 42, 11- 12
Giangrande). Il fut avec Chrysanthe de Sardes ( * C 116 ), dans l'école d 'Aide
sius et, alors que leurs collègues Maxime et Priscus étaientpartis l'un à Éphèse ,
l'autre en Grèce, le maître du futur empereur Julien (2+ I 46 ] (VII 1, 14 et 2, 1).
Par rapport à Maxime et même à Chrysanthe, Eusébe semble avoir privilégié la
réflexion philosophique au détriment des pratiques théurgiques et magiques aux
quelles s'adonnaient volontiers ses collègues. L 'objet premier de sa recherche
était « la purification obtenue par la raison » (VII 2 , 11; p . 44, 25). Mais, en
dénonçant auprès du jeune Julien les travers de Maxime, Eusébe n 'obtint pas le
succès escompté . Julien s'exclama: « Tu m 'as montré l'homme que je cher
chais » (VII 2 , 12 ; p . 44, 26 -27 ; comp. Porphyre, Vie de Plotin 3, 13) et partit
rejoindre Maxime à Éphèse. La scène est racontée par J. Bidez, La Vie de l'em
pereur Julien , Paris 1930 (réimpr. 1965), p. 70-71, qui commente : « Eusébe
enseignait un platonisme archaïque. Au lieu de chercher à sauver les âmes par la
théurgie desmystères, il recommandait la libération spirituelle qui s'obtient par
le raisonnementphilosophique » .
PLRE I :13 qualifie Eusébe de “rhetor" et P. Chuvin , Chronique des derniers païens, Paris
1990 , p . 165 , de “professeur de rhétorique" . Il y a, chez Eunape, un autre Eusebe, disciple du
sophiste Prohérésius (X 7 , 10 ),mais le disciple d'Aidésius est bien un philosophe. W . Schmid ,
art. « Eusebios vom Emesa » 37, RE VI 1, 1907, col. 1445, confond le philosophe avec l'ora
teur Eusébe d ' Émèse ( E 153).
RICHARD GOULET.
158 EUSTACHIUS RE DV
Fils de Macrobe (Ambrosius Theodosius Macrobius) et dédicataire des Satur
nales. L 'ouvrage fut apparemment composé en vue de son éducation . Voir
Macrobe , Saturnalia I, pr.
Dans les manuscrits, on trouve également l'orthographe Eustathius. Voir A . Cameron ,
« The date and identity ofMacrobius» , JRS 56 , 1966 , p . 25-38, notamment p . 37. Mais il ne
faut pas confondre le fils de Macrobe avec le philosophe d 'origine grecque Eustathius (voir
notice suivante ).
STEPHEN GERSH .
368 EUSTATHE E 159
159 EUSTATHE RE2 PLREI:5 IV
Philosophe d'origine grecque mentionnédans les Saturnales deMacrobe (I 1,
4 ; I 5, 13; I 24 , 18 ; II 8, 5 ; V 2, 3 sq.). On peut dater son activité vers 384, date
à laquelle est censé se dérouler l'entretien .
Dans les Saturnales, Symmaque fait l' éloge d 'Eustathius, invité au banquet : « Symmaque
assure (...) qu 'il unit en lui la sagesse de l'Académicien Carnéade, du stoïcien Diogène et du
péripatéticien Critolaüs » (Sat. I 5 , 14 - 16 ). Cette indication est sans aucune valeur pour carac
tériser sa philosophie, car Macrobe ne fait ici que plagier Aulu-Gelle (Noct. Att. VI 14, 8 ]: il
ne cherche, par cette formule , qu'à faire valoir la science grecque et latine d'Eustathe ; non
seulement il a étudié toutes les sectes des philosophes et a choisi la meilleure,mais il est supé
rieur à ces trois philosophes anciens, qui eurent besoin d 'un interprète à Rome, car il s 'ex
prime avec autant d 'aisance en latin qu 'en grec (Sat. I 5 , 16 ). Eustathe en effet est grec de
naissance ; il n 'en est pas peu fier: fort de sa culture grecque très étendue (Sat. V 18, 1 et V
22, 15 ), il charge contre l'ignorance des commentateurs latins de Virgile , qui, faute de lectures
grecques, sont incapables de le comprendre et de l'expliquer (Sat. V 19 , 31 ) : il s 'est
convaincu par l' étude que Virgile emprunte beaucoup aux auteurs grecs, notamment sa philo
sophie et ses connaissances astrologiques (Sar. 1 24 , 18 et V 2 , 2 )» (P . Courcelle, Les lettres
grecques en Occident, p. 6 -7 ).
On l'a rapproché du disciple de Jamblique mentionné par Eunape (Vies des sophistes V 1,
5 , et passim ) et d 'autres sources, ainsi que de l'auteur d 'un Commentaire sur les Catégories
d'Aristote cité par Elias, In Categ., p . 129, 10 et 156 , 32 Busse. Voir la notice « Eustathe de
Cappadoce » ( E 161). Mais la date de 384 est très tardive pour Eustathe de Cappadoce, qui
était déjà un veillard sous Julien .
L'identification avec le disciple de Jamblique, proposée par L. von Jan ,Macrobii Ambrosii
Theodosii opera quae supersunt (1848- 1852), t. I, p. XXX, est refusée par R . J. Penella, Greek
philosophers and sophists in the fourth century A . D . Studies in Eunapius of Sardis, coll.
ARCA 28, [Leeds) 1990 , p . 56 n . 41, qui renvoie à 18 Alan Cameron, « The date and identity
of Macrobius», JRS 56 , 1966, p. 25-38, à la p. 31 ; 19 J. Flamant,Macrobe et le néo-plato
nisme latin à la fin du IVe siècle, Leiden 1977, p.69.
STEPHEN GERSH .
160 EUSTATHE D ’ANTIOCHE RE 9 DIV
Évêque chrétien , né à Sidé en Pamphylie , confesseur sous Dioclétien ou
Licinius, évêque de Bérée en Syrie (auj. Alep ), puis métropolite d' Antioche (en
324), figure depremier plan du Concile de Nicée (325), ultérieurement considéré
commehérétique et déposé lors d'un synode arien tenu à Antioche vers 330 et
exilé par l'empereur. Il serait mort en Thrace avant 337 au cours de son exil,
mais certains historiensconsidèrent qu'il serait mortbeaucoup plustard.
Cf. 1 A . Jülicher, art. « Eustathios» 9, RE VI 1, 1907, col. 1448- 1449 ; 2 M .
Spanneut, Recherches surles écrits d 'Eustathe d 'Antioche avec une édition nou
velle des fragments dogmatiques et exégétiques, coll. « Mélanges et travaux des
Facultés catholiques de Lille» 55, Lille 1948, 154 p .; 3 Id., art. « Eustathe d’An
tioche » , DHGE XVI, 1967, col. 13-23.Nomenclature des cuvres dans 4 CPG II
3350 -3398.
Eustathe fut l' auteur d'un traité Sur l'âme contre les philosophes (CPG
3351), sans doute composé avant les querelles théologiques qui suivirent le
Concile de Nicée. Six fragments de caractère nettement philosophique ont été
conservés dans les Sacra Parallela de Jean Damascène. Ils ont été édités par
E 161 EUSTATHE DE CAPPADOCE 369
Spanneut 2, p. 95 - 96 (fragments 1-6 ) ; voir aussi p . 62 -64 , où ce traité est distin
gué d'un ouvrage intitulé Sur l'âme contre les Ariens. Quelques corrections aux
fragments 3 et 4 ont été proposées par 5 F. Scheidweiler, « Die Fragmente des
Eustathios von Antiocheia », ByzZ 48, 1955, p. 73-85.
RICHARD GOULET.
161 EUSTATHE DE CAPPADOCE RE 16 PLREI: 1 MIV
A .Un des principaux disciples de Jamblique (Eunape, Vies des philosophes et
des sophistes V 1, 5 ; p. 11, 9 Giangrande).
Il était parent d 'Aidésius de Cappadoce ( A 56 ) quilui confia ses propriétés
lorsqu'il partit s'installer à Pergame en Asie (VI 4, 6 ; p. 25, 1-4).
Eunape ne dit pas qu'Aidésius le chargea « de continuer son enseignement en Cappadoce » ,
comme l'écrit 1 J. Bidez (édit.), L 'Empereur Julien, Euvres complètes, t. I, 2e partie , 2e éd .,
CUF, Paris 1960 , p . 37 ; voir aussi 2 W . Schmid , art. « Eustathios» 16 , RE VI 1, 1907, col.
1451 (« Nachfolger des Aidesios in Kappadokien » ) , et 3 O . Seeck, Die Briefe des Libanius,
coll. TU , Leipzig 1906 , réimpr. Hildesheim 1966, p. 147 : « Verwandter des Aedesius, der ihm
seinen Lehrstuhl in Cappadocien übertrug, als er selbst nach Asien übersiedelte ...»
Il jouissait de talents oratoires réputés magiques (p. 25 , 7 -13). Bien qu 'il ne
fût pas chrétien ni issu de l'armée ou de l'administration , il fut envoyé par l'em
pereur (Constance) en ambassade auprès du Roides Perses Sapor (p. 25, 13-24 ;
26 , 13). Son charme et son talentauraientpresque convaincu le roi, qui avait une
inclination naturelle à la vertu (p. 26 , 23), à renoncer à la tiare pour revêtir le
tribôn des philosophes (26 , 26 - 27, 2 ). Malheureusement l' ambassade tourna
court à cause des machinations de certains mages qui calomnièrent le philo
sophe .
A tort, Eunape rapporte comme occasion de cette ambassade une attaque subite des Perses
contre Antioche (p. 25, 17 -21), incident survenu beaucoup plus tôt sous le règne de Gallien
(253-268).
Cette ambassade est également évoquée par Ammien Marcellin XVII 5 . Elle
aurait été envoyée à Ctésiphon, capitale du royaume des Parthes, en 358
(Datiano et Cereali consulibus). Eustathe, qui avait été recommandé par Muso
nianus (XVII 5, 15 ), préfet du prétoire d'Orient (XV 13, 1), aurait été accom
pagné par le comte (comes) Prosper et le tribun (tribunus et notarius) Spectatus.
Ammien confirme l'échec de cette ambassade (XVII 14, 1-2).
Selon Eunape, la Grèce entière souhaitait la visite d'Eustathe (p. 27, 11-13).
Malgré les signes divinatoires qui annonçaient sa venue, Eustathe ne se rendit
jamais en Grèce. LesGrecs lui envoyèrent alors une délégation formée de sages
de renom afin de lui demander pourquoi les faits avaientpu contredire les signes
divinatoires. Après avoir longtemps analysé les signes rapportés, Eustathe en
conclut que les signes ne pouvaient se rapporter qu'à quelqu'un demoins impor
tant que lui... (p . 27, 13- 28, 3).
Eustathe fut l' époux de Sosipatra, une femme philosophe initiée à la sagesse
par deux vieillards “Chaldéens”, qui fait l'objet d'un long récit romancé dans les
Vies d'Eunape (VI6 , 5-9, 14 ).Avant son mariage, elle prédisit à son futur époux
qu'ils auraient trois enfants et qu 'il ne vivrait plus que cinq ans avant d'aller
370 EUSTATHE DE CAPPADOCE E 161
prendre sa place dans la région de la lune (p. 32, 17 - 33, 4). A la mort d'Eustathe,
qui arriva commeprévu, Sosipatra se rendit à Pergameavec ses enfants et ensei
gna la philosophie chez elle , près d'Aidésius (p . 33, 9 -17). Un de ses fils fut
Antoninus, qui se retira à Canope en Égypte (* A 221).
Cf. 4 R . J. Penella , Greek philosophers and sophists in the fourth century
A . D . Studies in Eunapius of Sardis, coll. ARCA 28, (Leeds) 1990, p . 53-59 ;
5 Ariel Lewin , « Il filosofo Eustazio nelle Vitae Sophistarum di Eunapio di
Sardi» , SCI7, 1983- 1984 , p . 92 -100.
Le témoignage d'Eunape soulève un problème chronologique peut-être inso
luble . (1) Le fils d'Eustathe et de Sosipatra, Antoninus, aurait prédit à Canope la
destruction du Sérapeum et il serait mort, à un âge avancé, avant la réalisation
de cette prophétie en 391 (p . 40, 17-18 Giangrande). Il faut donc situer la nais
sance d'Antoninus et le mariage de ses parents assez tôtdans la première moitié
du IVe siècle . Seeck 3, p. 78 (Antoninus IV ) et 147), suppose qu 'il est né au plus
tard en 320 , ce qui lui donnerait 70 ans en 390. (2 ) Après la mort d'Eustathe
(uetà tắv ånoxúpnouv Eủotadiov : selon Penella, il faudrait lire: après (la fin
de) la retraite (temporaire ) d' Aidésius), Sosipatra se retira à Pergame en Asie et
elle enseigna près d 'Aidésius, qui se chargea de la formation des trois enfants
(p . 32, 18 ; p. 35, 24). (3) Selon Eunape, Aidésius était déjà mort lorsque
Constance fit proclamer Julien César en 355 (p. 46 , 15 -16 ). (4 ) Au moment de
leur mariage, Sosipatra aurait prédit à Eustathe qu 'ils auraient trois fils et que
lui-même ne vivrait plus que cinq ans (p . 32, 17-23 Giangrande). Le texte n 'est
cependantpas très sûr. (5) Les témoignages d 'Ammien , de Basile, de Libanius et
de Julien (voir plus bas) attestent qu 'Eustathe était encore en activité en 355 et
358, qu'il vivait encore en 362.
Le mariage de Sosipatra et d'Eustathe doit donc se situer cinq ans avant la
mort d 'Eustathe. Sosipatra s'installe ensuite à Pergame près d' Aidésius. Celui-ci
estmort avant 355 . Eustathe serait donc mort au plus tard vers 350 et Antoninus
né au plus tôt en 345 . Il avait donc au maximum 45 ans en 390. Plus grave : cette
chronologie contredit les autres témoignages historiques qui évoquent des
voyages d'Eustathe en 355 (Basile ), une ambassade en 358 (Ammien ), une visite
à Julien en 362... Si, à l'inverse , on suppose qu’Eustathe est mort après 362
( Julien ), il n 'a pu épouser Sosipatra que cinq ans auparavant: en conséquence
Sosipatra n'a pas pu enseigner en même temps qu 'Aidésius à Pergame et Anto
ninus n 'avait qu 'une trentaine d'années au maximum en 390 . Il n 'avait donc pas
atteint un âge avancé à sa mort. Si d 'autre part Eustathe était un condisciple
d'Aidésius chez Jamblique, il devait avoir une vingtaine d'années au moins à la
mort de Jamblique, que l'on situe vers 320 , et un mariage vers le milieu du siècle
paraît alors peu vraisemblable.
Finalement, la donnée la moins sûre est la période de cinq ans qui aurait
séparé le mariage et la mort d'Eustathe. Mais elle semble solidaire du témoi
gnage d' Eunape sur l'enseignement de Sosipatra à Pergame. On ne voit pas
pourquoi Sosipatra aurait choisi de se rendre chez Aidésius si Eustathe était alors
encore vivant.
E 161 EUSTATHE DE CAPPADOCE 371
En ce qui concerne la conjecture de Penella, elle ne manque pas d'intérêt, car Eunape a
effectivement évoqué une retraite temporaire d 'Aidésius. Lewin 5 , p . 97 , pour sa part imagine
qu 'Eunape évoque ici une " retraite " spirituelle d 'Eustathe lui-même. Mais , s' il est vrai
qu 'árovúpnous ne signifie jamais “mort” ou “ trépas" , comme on l'a parfois traduit, il ne veut
pas dire non plus " retraite ” (comme ávaxúpnoi ), mais plutôt “ retrait”. Dans un contexte
platonicien , il n 'est pas impossible que l' expression veuille dire : " après qu 'Eustathe se fut
retiré” là d ' où il était venu , c ' est- à -dire dans le monde intelligible . En tout cas, pour expliquer
le départ de Sosipatra pour Pergame, il était nécessaire d 'évoquer un événement de la vie
d'Eustathe et non d 'Aidésius, comme le voudrait Penella . Si le départ de Sosipatra n ' impli
quait pas la mort de son époux, apparemment annoncée quelques lignes plus haut, on se serait
attendu à ce qu 'Eunape nous expliquât la raison de cette retraite d'Eustathe et pourquoi
Aidésius fut amené à prendre en charge l' éducation des enfants de Sosipatra.
La prophétie de Sosipatra est obscure et le texte qui la transmet est à plusieurs endroits cor
rompu et reconstitue. « Sosipatra dit a Eustathe (corriger προς Ευστάθιος en προς Ευστά
Olov dans l' édition Giangrande, p . 32, 16 ) et à ceux qui étaient présents : “ Ecoute, Eustathe, et
que ceux qui sont présents soient témoins. J'enfanterai de toi trois enfants. Tous, d 'après les
apparences humaines, ne réussiront pas à atteindre le bien , mais , du point de vue divin , (pas)
un seul. Toi aussi tu mourras avantmoi, obtenant en partage une belle destinée conforme à tes
mérites, mais moi peut-être une meilleure. Car pour toi la danse se fera dans la région de la
lune et tu n 'adoreras plus ni ne philosopheras <après> la cinquième année (je lis <uetà > Tó
réuntov , comp. 79, 17 et 29, 10 et 12 pour des formules semblables),- voilà en effet ce que
me dit ton image - etmême tu dépasseras le lieu situé sous la lune dans une course bonne et
bien guidée. Pour ma part, je voudrais bien dire ce qui m 'adviendra...” Après avoir gardé un
long silence , elle prononça cesmots : “mais mon dieu me l'interdit.” » (p. 32, 16 - 33,4 Gian
grande). Selon Lewin 5 , p . 96 -97, la prophétie n 'annoncerait pas la mort du philosophe, mais
un dépassement de sa condition humaine aumoyen de pratiques ascétiques.
Si l'on veut redonner une certaine cohérence à cette chronologie , le plus
simple est de rejeter le témoignage d'Eunape sur la prédiction de Sosipatra et le
lien qu 'il établit entre l'installation de Sosipatra à Pergame auprès d' Aidésius et
la mort d 'Eustathe. Le mariage d'Eustathe et de Sosipatra, tout comme la nais
sance d' Antoninus, pourraient être situés plus tôt dans la première moitié du Ive
siècle, et la mort d 'Eustathe quelque temps après la mort de Julien . L 'épisode de
la prophétie serait un apport romanesque tiré peut-être d'un toutautre contexte .
Sur le caractère romanesque de ce passage, voir 6 R . Pack , « A romantic narrative in Euna
pius », TAPHA 83, 1952, p . 198 -204. Selon Seeck, 3 , p . 78 (s.v. Antoninus IV ), Antoninus
peut difficilement être né après 320 et le mariage d 'Eustathe et de Sosipatra doit encore être
antérieur (ibid., p. 147).
Le récit d'Eunape peut être complété par plusieurs autres témoignages que
l'on peutavec plus oumoins de certitude rattacher au disciple de Jamblique.
B. Un Eustathe était le dédicataire d'un ouvrage de Jamblique, Sur la musique
(Ilepì uovolxñs), dont Stobée a conservé un extrait (Anth. II 31, 117) :
« ...sachant cette seule chose que les grandes natures engendrent les grands
maux lorsqu 'elles ont été corrompues et que nécessairement lesmeilleures acti
vités sont les plus nuisibles lorsqu'elles se sont tournées vers le mal» (... < £> v
εκείνο ειδότας, ως αί τε μεγάλαι φύσεις τα μεγάλα κακά γεννώσι δια
φθαρείσαι και τα κράτιστα επιτηδεύματα πάντως έστι βλαβερώτατα επί το
xaxòv péPavta ).
C . Bien qu'il ne l'eût jamais rencontré, Julien adressa à Eustathe le philo
sophe, en 362, une invitation à venir à Constantinople rejoindre le cercle de phi
372 EUSTATHE DE CAPPADOCE E 161
losophes dont il avait décidé de s'entourer (Lettre 34 , à Eustathe, philosophe ).
L 'empereurmit à sa disposition une voiture de la poste publique et deux chevaux
supplémentaires de renfort. Eustathe dut rapidement évoquer des problèmes de
santé pour demander à quitter la cour. La lettre suivante de Julien (Lettre 35)
autorise Eustathe à retourner dans sa patrie en ayant recours à une voiture de la
poste publique. Ce permis arriva trop tard et Eustathe fit à pied le voyage de
retour, comme il le raconte dans une courte lettre conservée dans la correspon
dance de l'empereur (Lettre 36 : A Julien – Eustathe, philosophe). Elle mérite
d'être citée :
« Quelle chance pour nous que le permis (oúvonua ) soit arrivé trop tard ! Au lieu de
trembler de peur, juché sur un chariot de la poste , au lieu de tomber sur des muletiers ivres et
des mules “ saoules d 'orge" , comme dit Homère (Iliade 2 506 et 0 263), pour être restées à ne
rien faire et à se gorger, au lieu d 'avoir à souffrir de la poussière dans le tapage des cris
discordants mêlés au claquement des fouets , j'ai eu l'agrément de cheminer à mon aise le long
d'une route couverte et ombreuse, pourvue de fontaines et de stations faites pour l'heure où le
repos doit succéder à la fatigue. J'y pouvais faire halte dans la fraîcheur de la brise et sous
l'épais feuillage des platanes ou des cyprès, en tenant en main le Phèdre de Myrrhinonte ou
quelque autre dialogue de Platon . Pendant que je jouis ainsi de ce libre voyage, ô tête divine et
sacrée, j'ai pensé qu 'il convenait de t'écrire pour t' en faire part.» (trad. J. Bidez)
D . C 'est sans doute à ce philosophe qu 'est adressée la Lettre 123 de Libanius
(Eủotadiw ), datée par Seeck 3, p . 364, de l’hiver 359-360 (t. X , p . 124-125
Förster). Libanius se console des attaques dont il fait l'objet en rappelant celles
qui furent adressées à Eustathe, loué comme étant oiioooowv ó doxiuótatos
(§ 4 ), au maître d'Eustathe, au maître de ce dernier et au maître de celui-là
encore ( goi xaì rõ số 8 Baoxảo xaì rõ xe-ooo xaì T YE Lộ'xíuoc, 8 3).
Libanius semble donc rattacher Eustathe à une tradition scolaire impliquant trois
maîtres successifs. Peut-être faut- il reconnaître en eux : Jamblique, Porphyre et
Plotin .
Eustathe est également mentionné dans la Lettre 463 de Libanius, adressée à
Thémistius à Constantinople au cours de l'hiver 355 -356 (t. X , p. 447 Förster).
Elle atteste la présence récente d'Eustathe à Antioche dans l'entourage de Liba
nius.
D ' autres Eustathe apparaissent dans la correspondance et les discours de
Libanius,mais ilne s'agit plus de lamêmepersonne.
E . Un Eustathe est connu par Élias, In Categ., p. 156, 34-35 Busse (CAG
XVIII 1), comme commentateur des Catégories d'Aristote (üç onoLv Eủotálog
• Diócopos únouvnuatioaç tàç Kamyopías). Le passage rapporte son inter
prétation de Cat. 3, 1 b 21 (ibid ., p . 156 , 34 - 157, 17 ). Comme Alexandre
d'Aphrodise , il aurait considéré , à propos du skopos des Catégories, que les
catégories portaient sur les ouvai, alors que d'autres interprètes les rapportaient
aux vonuara (Porphyre) ou aux npáruata (Herminos) (ibid., p. 129, 10 -11
Busse ). On retrouve la même définition du skopos, rapportée à Alexandre et à
Eustathe, dans les scholies sur les Catégories attribuées à Aréthas et éditées par
M . Share, Arethas of Caesarea 's Scholia on Porphyry 's Isagoge and Aristotle 's
Categories (Codex Vaticanus Urbinas graecus 35). A critical edition , coll .
« Corpus philosophorum Medii Aevi/Commentaria in Aristotelem Byzantina » 1,
E 161 EUSTATHE DE CAPPADOCE 373
Athènes/Bruxelles/Paris 1994, schol. 214, p . 133, 12-13 Share (= 31 b 14 -15
Brandis).
Dans l'introduction de son propre commentaire sur les Catégories, Simplicius mentionne
les commentaires de plusieurs devanciers dont « Maxime, élève d 'Aidésios le Jambliquéen »
(p . 1, 15 Kalbfleisch ), dont il constate l' accord avec Alexandre sur presque tous les points ,
mais il ne parle pas du commentaire d 'Eustathe qui suivait, selon Élias, lui aussi l'interpré
tation d 'Alexandre, au moins en ce qui concerne le skopos des Catégories.
Fort curieusement, Jean Philopon (in Categ., p. 8,33 -9,2 Busse (CAG XIII
1]) semble ranger Eustathe parmi les commentateurs qui rattachaient les catégo
ries aux pragmata et non aux phénai: οι δε περί πραγμάτων μόνων οιηθέντες
είναι τον σκοπόν, οίος εγένετο ο Ευστάθιος, φασίν ότι περί πραγμάτων
ποιείται την διαίρεσιν ο φιλόσοφος...
Sur ces témoignages contradictoires, y compris pour Alexandre et Herminos,
voir 7 Ph. Hoffmann, « Catégories et langage selon Simplicius. La question du
“ skopos” du traité aristotélicien des "Catégories" » , dans I. Hadot ( édit.), Simpli
cius, sa vie , son cuvre, sa survie . Actes du Colloque international de Paris (28
sept. - Jer oct. 1985), coll. « Peripatoi» 15 , Berlin 1987, p.61- 90, notamment
p. 68 -71.
. Ces différents témoignages sont commentés plus amplement dans une longue étude,
encore inédite , de 8 Ph. Hoffmann , intitulée Les principes de l'interprétation néoplatonicienne
des Catégories d 'Aristote de Porphyre au Pseudo-Aréthas (1998 ), destinée à paraître comme
deuxième fascicule de la traduction commentée du Commentaire de Simplicius aux Catégo
ries d'Aristote dirigée par Ilsetraut Hadot. Voir chap. I, I, 2 , n .62 et 69 ; chap. I, II, 9 ; chap . I,
V, 2.
La tradition consistant à rassembler les trois skopoi proposés dans une même
définition remonterait en fait, selon Simplicius (in Categ., p. 10, 8- 19), à
Alexandre lui-même et aurait été partagée par Porphyre et Jamblique. Mais , il est
possible, selon Ph . Hoffmann, que Simplicius ait prêté à Alexandre et Porphyre
la définition du but enseignée par Jamblique. Dans ces conditions, Eustathius, en
considérant que les catégories portaient sur lesmots (htepi bwvõv ) ou les choses
( htepi npaquátwv), ne se serait pas rangé à l'interprétation de son maître Jam
blique. Il est égalementpossible que ce commentateurdes Catégories ne soit pas
l'Eustathius disciple de Jamblique.
Sur ce ou ces Eustathius, voir aussi 9 St. Ebbesen, Commentators and Com
mentaries on Aristotle 's Sophistici Elenchi. A Study of Post-Aristotelian Ancient
and Medieval Writings on fallacies, coll. « Corpus Latinum Commentariorum in
Aristotelem Graecorum - De Wulf-Mansion Centre » VII 2, Leiden 1981, t. I:
The Greek tradition, p. 248-249 etnotes 4 et 5 , p. 249.
F .Une scholie (récente ) sur les Réfutations sophistiques 164 a 24 (publiée par
Ebbesen 9, t. II, p . 322 , schol. 6 ), malheureusement corrompue, associe les noms
de Michel d'Éphèse et d'“ Eustathe de Laodicée le philosophe”. Il y avait dans
l' Antiquité au moins huit ou neuf villes de ce nom en Asie mineure, dont deux
étaient situées sur le Pont (RE 8 et 9). Une identification avec Eustathe de Cap
padoce n 'est donc pas inimaginable. Mais il pourrait tout aussi bien s'agir,
comme c'est le cas pour Michel d 'Éphèse , d'un commentateur byzantin .
374 EUSTATHE DE CAPPADOCE E 161
Ebbesen 9 , t. II, p. 248, signale un évêque de Laodicée en Phrygie à la fin du
Vilje siècle . En revanche, il ne semble pas que cette formule puisse désigner
Eustathe (RE 18 ) de Thessalonique (né à Contantinople ).
G . La Lettre 1 de Basile de Césarée est adressée à " Eustathe le philosophe".
Comme Basile semble voir dans son destinataire un compatriote , une iden
tification avec le philosophe Eustathe de Cappadoce peut être légitimement
envisagée .
La lettre a été récemmenttraduite et annotée par 10 W .- D . Hauschild (édit.), Basilius von
Caesarea, Briefe, Erster Teil. Eingeleitet, übersetzt und erläutert von W .- D . H ., coll. « Biblio
thek der griechischen Literatur» 32, Stuttgart 1990, p . 33-34 (qui la date de l'automne 357).
En réponse apparemment à une lettre d'Eustathe, Basile explique dans cette
lettre comment le Destin (eipuapuévn ), la Nécessité (åváyxn ) ou la Fortune
(túyn ) se sont acharnés à mettre des obstacles sur sa route pour l'empêcher de le
rencontrer. Attiré par la renommée de la « philosophie » d 'Eustathe, Basile quitta
Athènes où il étudiait, sans doute pour retrouver ce nouveau maître. Les étapes
du voyage vers la Cappadoce sont évoquées de façon tellement rhétorique qu 'il
est difficile de les identifier. Il passa en courant (Trapé pauov) à côté de “ la ville
sur l'Hellespont" en ne se laissant pas plus attirer par les charmes de l'endroit
qu ’Ulysse par les chants des Sirènes (Od. XII 158 -200 ). Il traversa l'Asie et
atteignit enfin « la Patrie » , entendons apparemment la patrie commune de Basile
et d'Eustathe, sans doute Césarée de Cappadoce. Comme le philosophe n 'y était
pas, il se rendit non sans peine en Syrie (à Antioche sans doute ) pour apprendre
qu ’Eustathe était parti en Égypte. Il suivitdonc sa trace jusqu'à Alexandrie ,où il
découvrit que le philosophe était parti chez les Perses. Il décida alors de ne pas
aller plus loin , par crainte de devoir le poursuivre jusqu'en Inde... Il semble que
Basile et Eustathe, au moment de la lettre, habitent la même région (Éni tñs
aútñs xúpac), mais des ennuis de santé font craindre à Basile de ne pouvoir
encore rencontrer au cours de l'hiver « l'Éloquence » de son correspondant (tñ
hoylórntí oov ).
Pour loyiórs employé comme formule épistolaire , voir Lettre 7 à Grégoire (ligne 1) ;
Lettre 77 à un destinataire inconnu (ligne 2) ; Lettre 150 à Amphiloque 1, 29 ; 3 , 6 ; Lettre 212
à Hilarios 1 , 4 ; etc.
Voilà donc la série de contre-temps qui ont pu apparaître aux yeux de Basile
comme les auvres du Destin ou de la Nécessité, dépassant en cruauté les
mythiques supplices de Tantale (Od. XI 582-592).Mais grâce aux lettres – celle
qu ' il est en train d 'écrire ? une lettre reçue d 'Eustathe ? – il a changé d ' idée et a
compris qu 'il fallait voir dans ces événements la trace de la Providence qui
administre toutes choses mieux que nous pourrions le faire.
Tout comme chez Libanius, on trouve dans la correspondance de Basile plu
sieurs Eustathe. On a souvent identifié le destinataire au philosophe Eustathe de
Cappadoce. Quelques détails du texte de Basile suggèrent en effet qu 'il écrivait à
un païen et qu'il avait la courtoisie d'éviter toute allusion chrétienne. La lettre
regorge d 'allusionsmythologiques (Ulysse , Tantale ), de réminiscences classi
ques et de termes philosophiques. Elle présente le destinataire comme un compa
E 161 EUSTATHE DE CAPPADOCE 375
triote (cappadocien ?), évoque son passage à Antioche (où Eustathe a séjourné,
comme Libanius en témoigne), et un voyage en Perse (où Eustathe fut envoyé en
ambassade,comme on l'a vu).
11 J. Gribomont, « Eustathe le philosophe et les voyages du jeune Basile de
Césarée » , RHE 54, 1959, p. 115 - 124, a cependant remis en cause cette identifi
cation et proposé de reconnaître dans le destinataire un autre cappadocien ,
Eustathe de Sébaste, qui fut longtemps un ami de Basile et l'un de ses corres
pondants.
Sur Eustathe de Sébaste, voir encore 12 J. Gribomont, DSp IV , 1960, col. 1708 -1712, et
DHGE XVI, 1967, col. 26 - 33, et 13 W . D . Hauschild, art. « Eustathius von Sebate » , TRE X ,
1982, p . 547 -550 . Cette identification a été apparemment acceptée par tous les spécialistes de
Basile . Voir Penella 4 , p . 55 n . 38, qui renvoie à 14 G . Lazzati, « Basilio di Cesarea insegnò
retorica ?» , Studi emateriali di storia delle religioni 38, 1967, p. 284 -292 ; 15 Y . Courtonne,
« Réflexions critiques sur une lettre de saint Basile » , BAGB 33, 1974, p. 85 -89 ; 16 Marcella
Forlin Patrucco , « Vocazione ascetica e paideia greca ( A proposito di Bas., Ep. 1) » , RSLR 15,
1979, p . 54 -62. 17 Dom Robert Pouchet, Basile le Grand et son univers d 'amis d 'après sa
correspondance. Une stratégie de communion , coll. « Studia Ephemeridis “ Augustianum " »
36, Roma 1992, p. 88-93, accepte également les conclusions de Dom Gribomont.
Hauschild 10, p. 33- 34 , accepte cette identification au point de supprimer les mots « le
philosophe » dans l'intitulé de la lettre . Ils auraient été ajoutés parce que la « philosophie » du
destinataire est évoquée dans le contenu de la lettre. Il supprime de même les mots « le philo
sophe» dans le titre de la lettre 9 « à Maxime le philosophe » (p. 56 ). La thèse de Gribomont
est également acceptée par Lewin 5, p. 93.
Cette identification avec Eustathe de Sébaste mérite considération , mais ne peut pas être
tenue comme établie. Pour commencer, toutes les lettres de Basile à Eustathe de Sébaste sont
intitulées « A Eustathe de Sébaste » . La première apparition sûre d 'Eustathe de Sébaste dans la
correspondance de Basile est la Lettre 79, que l'on date de 371, alors que Basile était déjà
évêque. Basile évoque ailleurs les visites que lui avait faites Eustathe, lorsque, avec Grégoire
de Nazianze, ils pratiquaient la vie monastique dans le nord de la Cappadoce.Mais la Lettre 1
futmanifestement écrite bien avant. On la date de 357.
D 'autres lettres sont adressées à « Eustathe l'archiâtre » ou à « Eustathe d'Himmeria,
évêque» . L ' intitulé de la Lettre 1 (« A Eustathe le Philosophe» ) suggère donc qu 'on souhaitait
bien identifier le destinataire parmi les divers homonymes. Julien désignait lui aussi Eustathe
de la même façon . En revanche, la désignation d 'Eustathe de Sébaste comme " philosophe"
serait des plus étranges. " Philosophe" n 'est en tout cas jamais employé ailleurs par Basile à
propos d 'Eustathe de Sébaste. (Lorsque Socrate , H . E . II 43 (PG 67, col. 352 -353), écrit
qu 'Eustathe de Sébaste portait l'habit des philosophes, il faut comprendre qu 'il portait l'habit
monastique.) Il faudrait ou bien supposer que le mot a été tiré par la tradition manuscrite du
contenu de la lettre où la " philosophie " du destinataire est évoquée (c ' est l'interprétation de
Hauschild ), ou bien interpréter lemot dans le sens très étroit qu'il a eu dans les milieux chré
tiens, où il peut évoquer la vie monastique - bien que ce sens n 'apparaisse pas dans la corres
pondance de Basile (dans la Lettre VIII, 1, d 'authenticité douteuse, « philosophie » semble
désigner le dogme chrétien ). Ces solutions sont possibles, mais elles ne s'imposent pas. Enfin ,
si l' on peut expliquer le caractère classique, pour ne pas dire " païen " , de la lettre de Basile par
l'influence des récentes études athéniennes sur le jeune homme, il existe au moins une phrase
que Basile pouvait difficilement adresser à un chrétien imprégné d 'idéal monastique comme
Eustathe de Sébaste. Evoquant tous les obstacles qui l'ont empêché de rencontrer le destina
taire , Basile écrit : « Ne sont-ce pas là les ouvrages du destin , comme tu dirais toi-même ? »
(trad. Courtonne ). Dom Gribomont cite cette phrase, dans la traduction de Courtonne à la
p. 118 de son article , sans aucun commentaire . A la page suivante, il cite apparemment la
même phrase – en tout cas, il donne en note la même référence (“ lignes 38 - 39" ) – dans une
376 EUSTATHE DE CAPPADOCE E 161
traduction toute différente : « N 'es-tu pas obligé d 'avouer toi-même qu 'il y a là une vraie
fatalité ?» Sans ce coup de pouce, la phrase (Taŭta o x eiuapuévns Épya , wc âv autos
einous;) confirmerait ce que toute la lettre suggère : la lettre est adressée à un philosophe
païen . Que Basile ait pu tenir un tel langage à l'ascète qu 'était l'évêque de Sébaste semble des
plus improbables. En cela, cette lettre se distingue des lettres où des réminiscences profanes
sont employées : ce n 'est pas la présence de ces traits de culture inévitables qui est
significative,mais l' absence de traits chrétiens.
Pourquoi Eustathe de Sébaste serait-il allé en Perse ? Pourquoi en tout cas serait-il allé en
Inde où Basile feint de craindre de devoir le suivre ? A l'époque de la lettre (357 ?) Eustathe
de Sébaste était déjà installé surle trône épiscopal de Sébaste.
Comment expliquer, dans l'évolution spirituelle de Basile , ce départ d'Athè
nes pour revenir étudier la philosophie auprès d'un compatriote, ce voyage de
l'Hellespont (au large de Constantinople, Nicomédie ou Lampsaque ?) en Cap
padoce en passant par l' Asie et samétropole, puis cette course-poursuite sur les
traces du philosophe en Syrie (Antioche), puis en Égypte (Alexandrie ) ? C 'est là
une autre question qu 'il faut abandonner aux spécialistes de Basile . On sait, par
son propre témoignage (Lettre 223 adressée à Eustathe de Sébaste cette fois en
375), qu 'il regretta d'avoir passé toute sa jeunesse dans les études profanes...
« Oui, j' ai dépensé beaucoup de temps pour la vanité, et j'ai perdu presque toute ma jeu
nesse dans le vain travail auquel je m 'appliquais pour acquérir les enseignements de la sagesse
qui a été déclarée folle par Dieu (I Cor. 1, 20 ). Enfin , un jour, je m 'éveillai comme d 'un pro
fond sommeil, je tournai les yeux vers l'admirable lumière de la vérité évangélique et je vis
l'inutilité de la sagesse des princes de ce siècle, ceux qui sontmarqués pour la déchéance (I
Cor. 2, 6 ), Alors je pleurai beaucoup surmamisérable vie , et je souhaitai qu 'on me donnât des
directives pour m 'introduire dans les dogmes de la piété. Avant tout j'avais à cæur d'opérer un
redressement de mes meurs longtemps perverties par la fréquentation des gens demauvaise
vie... » (PG 32, 823 A ; trad. Courtonne) Basile chercha alors des hommes qui vivaient la vie
décrite dans l'Évangile . « Je découvris beaucoup de ces hommes à Alexandrie , beaucoup dans
le reste de l'Égypte , d'autres en Palestine, en Cælésyrie , en Mésopotamie ...» Finalement, il
en trouva dans sa propre patrie ( $ 3).
Il est remarquable que les lieux évoqués dans la lettre correspondent en quelque sorte au
voyage de retour de celui que fit Basile pour retrouver Eustathe. Il est difficile d'assigner une
date précise et un lieu précis à cette « conversion » de Basile à la vie évangélique. Si on met
cependant les deux lettres en rapport, on ne peutmanquer de constater que la première décrit
un voyage vers le Sud, de la Cappadoce en Égypte, à la recherche d'un philosophe, alors que
l'autre décrit un voyage vers le Nord , de l'Égypte en Cappadoce, à la recherche de témoins de
la vie monastique. Tout se passe comme si, parti à la recherche d'un philosophe, Basile avait
attrapé en Égypte le virus de la vie monastique et en avait recherché les traces à travers
l'Orient dans son voyage de retour vers sa patrie . On comprend dès lors le ton de sa lettre à
Eustathe le philosophe : ce qui pouvait apparaître comme les embûches du Destin s 'est révélé
la manifestation d 'une sollicitude providentielle. Basile qui habite la même région qu 'Eustathe
qu 'il a pourchassé si loin ne montre plus aucun empressement à lui rendre visite : « Je dis qu 'il
faut en savoir gré à Dieu s' il donne ses biens, et ne pas se fâcher s'il les tient en réserve. Donc
nous aussi, s'il nous accorde de nous réunir avec toi, nous regarderons cela comme le bien
suprême en même temps que le plus doux plaisir (nouvelles allusions philosophiques ?) ; mais
s 'il diffère notre réunion , nous supporterons cette peine avec douceur, car, de toute façon ,
mieux sans doute que nous puissions y pourvoir nous-même, Dieu dirige nos affaires » (trad.
Courtonne).
Selon Courtonne (p. 4 n. 2), « le vrai motif de tous ces voyages était le désir qu'avait
Basile d 'étudier la viemonastique. C 'est par une aimable fiction littéraire que Basile se donne
ici comme lancé à la poursuite d'Eustathe » . Dans sa lettre 1 , en tout cas, Basile ne dit rien de
tel.
E 161 EUSTATHE DE CAPPADOCE 377
Sur la tradition manuscrite des lettres de Basile, voir l'imposante étude de 18 P . J. Fedwick,
Bibliotheca Basiliana Universalis. A Study of the Manuscript Tradition of the Works of Basil
of Caesarea , t. I : The Letters, coll. « Corpus Christianorum » , Turnhout 1993, XL11 -755 p.,
notamment, sur la Lettre 1, p. 432-434.
Parmi les homonymes d'Eustathe liés à Basile de Césarée, signalons le traducteur des
Homélies sur l'Hexaméron de Basile de Césarée. Voir 19 H . Marti, « Das Übersetzen philoso
phischer Texte gegen Ende des 4 . Jahrhunderts » , dans J. Hamesse et M . Fattori (édit.), Ren
contres de cultures dans la philosophie médiévale. Traductions et traducteurs de l'antiquité
tardive au XIVe siècle. Actes du Colloque international de Cassino , 15- 17 juin 1989, Louvain
la -Neuve/Cassino 1990 , p. 23-45 ; 20 B . Altaner, « Eustathius, der lateinische Übersetzer der
Hexameron -Homilien Basilius des Großen » , ZNTW 39, 1940, p. 161-170, repris dans Kleine
patristische Studien , coll. TU 83, Berlin 1967, p. 437-447. Édition par 21 E. Amand de
Mendieta et S . Y . Rudberg, Eustathe. Ancienne version latine des neuf homélies sur l'Hexaé
méron de Basile de Césarée. Édition critique avec prolégomènes et tables, coll. TU 66 , Berlin
1958, notamment p. XI-LXIII.
H . Un rapprochement a déjà été envisagé entre Eustathe de Cappadoce et un
rhéteur Eustathe (RE 17) connu commecommentateur des Staseis d'Hermogène
(ÉEnyolc eic tàç otábelG: Doxopatres, Rhet. Graec. II 545 Walz ) et peut-être
aussi comme auteur d 'un llepi €úpéoewÇ (Anonym . VII 704 Walz ). Il n 'y aurait
rien d'étonnant à ce qu'un néoplatonicien, commentateur des Catégories, ait
aussi commenté Hermogène.
22 I. Hadot, « La vie et l'æuvre de Simplicius d'après des sources grecques et arabes»,
dans I. Hadot (édit.), Simplicius, sa vie, son ouvre, sa survie. Actes du Colloque international
de Paris (28 sept. - Jer oct. 1985), coll. « Peripatoi» 15 , Berlin 1987, p . 3- 39, notamment p . 34
et 35 , voit dans les fragments d' Eustathe sur la rhétorique d 'Hermogène l'euvre du néoplato
nicien, disciple de Jamblique. Elle associe Eustathe aux autres commentateurs néoplatoniciens
Marcellinus, Sopatros et Syrianus, ainsi qu 'à Porphyre. Elle renvoie sur Eustathe et les autres
commentateurs à 23 G . A . Kennedy, A History of Rhetoric, t. III : Greek Rhetoric under
Christian Emperors, Princeton (N . J.) 1983, XVIII -333 p . Mais Kennedy évoque seulement
l'ambassade d 'Eustathe chez Sapor ( p . 21-22), puis nomme (p . 115) “ Eustathios” parmi les
auteurs cités dansles commentaires tardifs d 'Hermogène, sans se prononcer sur leur identité.
La datation de cet auteur dont des fragments nombreux sont conservés est
malheureusement fort incertaine. Il est postérieur à Minucianus qu 'il suivait sur
certains points, et sans doute aussi au Commentaire de Porphyre sur Minucianus.
Il est d'autre part déjà cité par des commentateurs d'Hermogène à partir du ve
siècle. En revanche, il n 'est pas cité par Syrianus et c 'est ce qui a amené les
spécialistes à le dater plutôt du Ve siècle. Ce silence de Syrianus n 'ayant pas un
poids déterminant (on a vu que Simplicius ne citait pas le commentaire
d'Eustathe sur les Catégories, connu par Élias et Philopon), faire remonter la
date de ces fragments au IVe siècle n 'est peut- être pas une affaire impossible.
Rien n 'impose cependant l'identification avec Eustathe de Cappadoce, car le
nom étaitmanifestement très répandu.
Cf. 24 J. Brzoska, art. « Eustathios » 17 , RE VI 1, 1907, col. 1451- 1452 ;
25 St. Glöckner, Quaestiones rhetoricae. Historiae artis rhetoricae qualis fuerit
aevo Imperatorio capita selecta , coll. « Breslauer Philol. Abhandlungen » VIII 2 ,
Breslau 1901, p. 78 -88 ; 26 L . Schilling, « Quaestiones rhetoricae selectae » ,
JKPh Suppl. 28, 1903, p. 663-692, notamment, pour les fragments d'Eustathe,
p. 715-733 ; les fragments tirés du Messanensis S. Salv. 119 (fin du XIII s.)
378 EUSTATHE DE CAPPADOCE E 161
avaient déjà été publiés par 27 H . Rabe, « De Christophori commentario
Hermogenis librum Iepi otágewv» , RhM 50, 1895, p. 242-249.
I. C 'est à tort que 28 L . von Jan, Macrobii Ambrosii Theodosii opera quae
supersunt (1848- 1852), t. I, p. XXX, a identifié Eustathe de Cappadoce avec le
philosophe grec des Saturnales de Macrobe (2 E 159), loué pour son éloquence
(Saturn . I 5, 13 -16 ). La situation dramatique des Saturnalia est généralement
datée des années 384 (cf. 29 Alan Cameron , « The date and identity of Macro
bius» , JRS 56 , 1966, p. 25- 38 , à la p . 31). 30 J. Flamant,Macrobe et le néo -pla
tonisme latin à la fin du IVe siècle, Leiden 1977, p. 67-69, se prononce contre
l' identification . Un tel voyage d 'Eustathe en Occident alors qu 'il avait au moins
80 ans, puisqu'il avait été disciple de Jamblique avant 320 , est des plus impro
bables .
RICHARD GOULET.
162 EUSTOCHIUS D 'ALEXANDRIE RE 3 M III
Eustochius d'Alexandrie (Porphyre , Vita Plotini 7, 8) « se consacra au seul
enseignement de Plotin et revêtit les dispositions d 'un authentique philosophe. »
(V . Plot. 7, 10 - 12). Ce médecin que Plotin connut vers la fin de sa vie , resta
auprès de lui et le soigna jusqu 'à sa mort (V. Plot. 2, 22). Lorsque Plotin , qui se
trouvait sur le domaine de Zéthus en Campanie , fut sur le point de mourir,
Eustochius ( V. Plot. 2 , 23) arriva sur le tard auprès de lui, parce qu'il habitait à
Pouzzoles , à six bornes milliaires de là ; ce fut le seul de ses disciples présent
lors de son décès. C 'est sur le seul témoignage d'Eustochius que se fonde
Porphyre , qui se trouvait alors à Lilybée en Sicile, pour nous décrire la maladie
qui emporta Plotin , pour citer ses dernières paroles (V . Plot. 2, 24 et 2, 34 ) et
même estimer son âge ( V. Plot. 2 , 29).
Une scholie à Enn. IV 4, 29, 55 distingue entre lesmanuscrits d' Eustochius et
ceux de Porphyre. Sur la question de savoir s' il existait une édition des traités de
Plotin due à Eustochius, et à quoi, si tel était le cas, elle pouvait correspondre,
voir les avis opposés de Marie -Odile Goulet-Cazé, dans Porphyre, La Vie de
Plotin , t. I, Paris 1982, p . 287-294 ( « L 'édition porphyrienne des Ennéades. État
de la question » ), et de Luc Brisson , ibid , t. II, Paris 1992, p .68 -69 (« Une édition
d 'Eustochius ? » ), avec la réponse de M .-O .Goulet-Cazé, p. 71-76 (« Remarques
sur l'édition d’Eustochius» ).
LUC BRISSON .

163 EUSTRATE DE NICÉE RE 2 ca 1050 - ca 1120


Métropolite de Nicée, auteur d'ouvrages théologiques et de commentaires
d'Aristote.
I. LA VIE
Eustrate de Nicée vécut, selon toute probabilité , de 1050 à 1120 environ .
Cette datation repose sur 1 J. Dräseke, « Zu Eustratios von Nikäa » dans BZ 5 , 1896 ,
p . 319-336 , et, en particulier, p. 336 ; 2 E.Martini, art. « Eustratios Metropolit von Nikaia » ,
E 163 EUSTRATE DE NICÉE 379
RE 6 , 1, col. 1490-1491, reporte la date de sa naissance à 1050/ 1055 ; R . Browning signale à
propos des deux dates : « We do not know when he died . The date cited in the handbooks,
c . 1120 , is the result of a somewhat labile construction by Draeseke. The date of his birth is
equally unknown ; it could be as late as 1060 » (3 R . Browning, « An unpublished funeral
oration on Anna Comnena» , PCPhS 188, n .s. 8, 1962, p . 1 -12, et, en particulier, p. 6- 7, cet
article ayant été repris, avec quelques modifications, dans 4 R . Sorabji (édit.), Aristotle
Transformed . The Ancient Commentators and Their Influence, London 1990 , p . 393-406 , en
particulier p . 399 ; l'ensemble du texte dont Browning 3, p. 11-12, a donné des extraits a été
publié par 5 J. Darrouzès (édit.), Georges ei Dèmètrios Tornikès, Lettres et Discours, intro
duction , texte , analyse, traduction et notes par ..., coll. « Le monde byzantin » , Paris 1970 ,
« Éloge d'Anne Comnène. Discours sur la mort de la Porphyrogénète Kyra Anne la Kaisa
rissa » (« Wóyos Éni tą Davára tñs nopoupoyevvŕtou xupās " Aving tñs xaloapioonç» ),
aux p. 220 -323. H . P. F . Mercken admet, sans discussion , la datation de J. Dräseke comme
définitive (6 H . P .F. Mercken , « The Greek commentators on Aristotle 's Ethics » dans Sorabji
4 , p . 407-443 et, en particulier, p. 410 ; même avis dans 7 -8 H . P. F. Mercken (édit.), The
Greek Commentaries on the Nicomachean Ethics of Aristotle in the Latin Translation of
Robert Grosseteste, Bishop of Lincoln ( † 1253), t. 1 : Eustratius on Book I and the Anony
mous Scholia on Books II, III and IV . Critical edition with an introductory study, coll.
« Corpus Latinum commentariorum in Aristotelem graecorum » VI, 1, Leiden 1973 ; t. 3: The
Anonymous Commentary on Book VII, Aspasius on Book VIII and Michael of Ephesus on
Books IX and X . Critical edition with an introductory study, coll. « Corpus Latinum commen
tariorum in Aristotelem graecorum » VI, 3, Leuven 1991, t. 1, p. 6 * (voir aussi bibliographie
sommaire in p . 6 * n . 2 ). 9 Th. N . Zèsès (édit.), Nixnta Eeídov Móyos xarà Eủotpatiov
Νικαίας, Αριστοτέλειου Πανεπιστήμιον Θεσσαλονίκης. Επιστημονική Επετηρίς
Okoloyixñs Exorñs. Mapápenua 21 toũ TO ' Tópov, Thessalonique 1976, p. 7-8, en se
fondant sur le fait qu 'Eustrate avait le même âge que Nicètas Séïdès, son adversaire, déduit,
lui aussi, que les dates avancées par Dräseke sont bonnes.
Dans sa carrière ecclésiastique,Eustrate a tout d 'abord été diacre et repúcquos
à l'école qui était abritée à l'église de Saint- Théodore dans le quartier dit tà
Eowpaxlov. Ce renseignement biographique est conservé dans 10 J. Gouillard,
« Le procès officiel de Jean l’Italien . Les actes et leurs sous-entendus» , TM 9,
1985, p . 133-174 , et, plus précisément, p. 159, 1. 434 : Eủotpátios yeyovuç
Tp6Equos tñs oxorñs toũ åylov Okodópou tõv Eowpaxlov (« Eustrate, qui
avait dirigé l'école de Saint-Théodore à Sphôrakiou »).
Sur l'école de l'église de Saint- Théodore située dans le quartier dit tà Epwpaxlov, voir
11 Fr. Fuchs, Die höheren Schulen von Konstantinopel im Mittelalter, coll. « Byzantinisches
Archiv » , Leipzig/Berlin 1926 , p.49-50 ; également, 12 R . Janin, La géographie ecclésiastique
de l'Empire byzantin , 1re partie :Le Siège de Constantinople et le Patriarcat Ecuménique, III :
Les églises et les monastères, coll. « Publications de l'Institut français d'Études byzantines » ,
Paris , 2e éd . 1969, p . 154 ; 13 R . Browning, « The Patriarchal School at Constantinople in the
Twelfth Century » , Byzantion 32, 1962, p . 167-202, et 33, 1963, p . 11-40 , en particulier 32,
1962, p. 173 = 14 R . Browning, Studies on Byzantine History, Literature and Education , coll.
« Collected Studies» 59, London 1977, nº X , 1re partie (même pagination que l'original), avec
référence, précisément, à Eustratios et au documentmentionné plus haut; 15 P. Lemerle, « Le
gouvernement des philosophes», dans Cinq études sur le XIe siècle byzantin , coll. « Lemonde
byzantin » , Paris 1977, p. 228 -229. Sur l'emplacement de ce quartier et de l'église de Saint
Théodore, voir: 16 R . Janin , Constantinople byzantine. Développementurbain et répertoire
topographique, coll. « Archives de l'Orient chrétien » 10, Paris, Institut français d' études
byzantines, 2e éd., 1964, p. 428-429, et Janin 12, Les églises etlesmonastères, p. 152-153.
C 'est pendant cette période qu 'Eustrate a suivi les cours de Jean Italos, qui
était alors consul des philosophes (Unatog Tõv Qlaooopwv, voir, entre autres, le
témoignage de 17 Nicétas Choniatès (ca 1155-1215/1216 ), Ex libro XXIII The
380 EUSTRATE DE NICÉE E 163
sauri Orthodoxae fidei, PG 140 , col. 135 - 138, et, en particulier, col. 135 - 136 :
TOÚTOV (’Iwávvov toŨ ’Italoī ) uaOnts Eủotpátios (« celui-ci, c 'est-à -dire
Jean Italos, eut comme élève Eustrate » ). Ayant été mis en examen avec d'autres
disciples d'Italos, Eustrate se désolidarisa de son maître et put ainsi échapper à la
chute de ce dernier, condamné pour hérésie en 1082 (voir Gouillard 10 , texte du
procès et traduction , p. 158- 161).Manifestement, pendant le procès, Eustrate ne
dirigeait plus l' école de Saint- Théodore, ainsi que l'atteste l'expression o
yeyovuç np6quos, « celui qui dirigea » (voir texte supra ; cf. remarques de
Gouillard 10, p. 206 -207).
Sur la condamnation d'Italos, voir Gouillard 10 , remarques p. 133-135, texte p . 136 -169,
index p . 170 - 174 . Le dossier de la condamnation d 'Italos est conservé dans un unique témoin ,
le Dionysiou 120 , manuscrit du XIVe siècle de contenu canonique , ff. 711-718 . Déjà, avant la
découverte du manuscrit par P . Uspenskij, on connaissait, grâce au synodikon de l'Ortho
doxie, compris dans le Kutlumus 42 (du XIIe s.), l'existence de dix articles introduits par
Michel VII Doukas à propos d ' Italos et, également, d 'un article par Alexis Ter Comnène ( 1081
1118 ). En fait, une première série de thèses, sous Michel VII Doukas Parapinakès (1071
1078 ), avait été censurée, sans nom d'auteur, en 1076 - 1077, par un synode sur lequel on ne
dispose que d'informations indirectes. Ces propositions n'engagaient pas la responsabilité de
Jean Italos. En revanche, l' anathème final renvoie à un procés personnel dont les pièces ont
été pour la plupart conservées dans le Dionysiou . En fait, on y trouve deux actes impériaux
(sèmeiosis + pittakion ) et trois des quatre actions synodales, tenues contre Italos les 20 mars, 21
mars et 11 avril 1082.Malheureusement, la sèmeiôsis synodale prévue par Alexis en guise
d 'arrêté d'application de son jugementmanque dans le Dionysiou ; de cet acte a survécu uni
quement l'anathématisme qu 'il avait mission d' établir, conservé dans le Synodikon de
l’Orthodoxie, voir 18 J. Gouillard (édit.), « Le Synodikon de l’Orthodoxie . Édition et com
mentaire » , TM 2 , 1967, p. 1-316 (texte et trad . aux p . 44 - 107 , appendices au texte donnés aux
p. 108 - 118 ), texte aux p. 56 -61 et analyse aux p . 188 - 202 . Nulle trace non plus dans le Diony
siou des deux pièces à conviction versées au procès, à savoir l'exposé de foi de Jean donné in
extenso et le mémoire insidieux de Michel Kaspakès. Enfin , font défaut dans le Dionysiou les
actes du premier des deux synodes tenus peu avant l'intervention du Palais.
Devenu oikoumenikosdidaskalos (?), il est promumétropolite de Nicée, déjà
avant 1112 (lors des pourparlers avec les Latins, voir plus loin , il l' était déjà ).
Théologien de la cour, il jouit de l'estime de l'empereur et expose le point de
vue byzantin sur les azymes et la procession du Saint-Esprit dans un débat avec
Pierre Grossolanus tenu en 1112 ; voir 19 V. Grumel, « Autour du voyage de
Pierre Grossolanus archevêque de Milan, à Constantinople, en 1112. Notes
d 'histoire et de littérature» , EO 32,1933, p. 22-33 et, en particulier, p. 26 -27. La
postérité byzantine, influencée par l'anathème qui a ultérieurement frappé
Eustrate (voir plus loin ), a émis des doutes sur le caractère doctrinal des affirma
tions qu 'a tenues Eustrate lors de cette rencontre (et qu 'il a, pas la suite , mises
par écrit), voir Nicétas Choniatès 17, col. 136 : oủx ảoparāç oủOÈ ÉTALVETÕS
Toùç nepi toữ liveúuatoç Móyouç eEnveyze (« il a prononcé, au sujet du Saint
Esprit, des affirmations qui n 'étaientnisûres ni louables» ).
Afin de secourir l'empereurdans sa lutte contre l'hérésie, Eustrate participe vers 1114 à un
débat sur les deux natures du Christ avec un représentant arménien (Sergius ou Tigrane ; voir
discussion in Zèsès 9 , p . 14 - 17 et 19 - 20 , qui se fonde sur le témoignage de Séïdès pour mon
trer que l'interlocuteur d 'Eustrate était Sergius et non pas Tigrane ). Dans ce débat, qui eut lieu
à Philippopolis en présence de l'empereur Alexis Ter Comnène, Eustrate choqua son interlocu
teur, qui refusa de continuer les pourparlers, à cause de la témérité des expressions employées
E 163 EUSTRATE DE NICÉE 381
(« il a parlé sans vergogne » , åvaidős époéytato, « cette expression blâmable » , tnv éxéol
μον ταύτην την φωνήν, « ces paroles déplacées et tout a fait inaccoutumées», την άτοπον
taúrnv, xai navTÁTOLV Gouvon pñolv, selon les termes de Nicétas Choniatès 17, col.
136 - 137 ).
Suite à cet entretien, Eustrate a ébauché deux textes dont la doctrine n 'était
pas orthodoxe. Ces traités ayant été dérobés et diffusés par ses adversaires, ils
provoquèrent la réaction du clergé, comme en témoigne le discours que Séïdès
adressa à l'empereur en 1116 (édité dans sa totalité par Zèsès 9). Pour éviter que
les rumeurs ne se propagent, le patriarche Jean IX Agapètos (1111- 1134) convo
qua le Synode. Celui-ci se réunit le 27 avril 1117 en présence de l'empereur,
« siégeant au Philopation avec le patriarche Jean » , qui présenta alors une apolo
gie rédigée par Eustrate lui-même. Dans ce texte, Eustrate abjurait les erreurs
contenues dans les deux traités incriminés.
Dernière édition de l'apologie d'Eustrate , suivie de la minute de la première séance du pro
cès, par 20 P . Joannou , « Der Nominalismus und die menschliche Psychologie Christi. Das
Semeioma gegen Eustratios von Nikaia (1117)», BZ 47, 1954, p. 369-378 ; présentation ,
commentaire et bibliographie de cet examen synodal par 21 V. Grumel et J. Darrouzès, Les
Regestes des Actes du patriarcat de Constantinople , vol. I : Les Actesdes patriarches, fasc. II
et III: Les Regestes de 715 à 1206 , éd . par V . Grumel et deuxième éd. revue par J. Darrouzès,
coll. « Le patriarcatbyzantin », Série I, Paris, Institut français d 'Études byzantines, 2e éd .
1989, n° 1003 aux p. 460-461,la citation supra provenant de la p.460).
Le vote a eu lieu plus tard , lors d'une session synodale probablement effec
tuée en été 1117 (l'empereur n 'a pas pu y assister). Durant celle -ci, le patriarche
appela les métropolites à la clémence et proposa de laisser à Eustrate son rang.
La demande du patriarche n 'a pas été prise en considération car la plupart des
prélats se prononcèrent, dans le vote effectué, contre Eustrate.
Voir 22 P . Joannou , « Eustrate de Nicée. Trois pièces inédites de son procès (1117 ) » ,
REByz 10 , 1952, p. 24-34, et, en particulier, p . 27-29 gnômé du patriarche avec appel à la
clémence, et p . 29 - 31 vote des membres du synode. Voir aussi Grumel et Darrouzès 21,
nº 1003a aux p. 461-462 avec précisions sur le vote et, également, 23 J. Darrouzès, Docu
ments inédits d'ecclésiologie byzantine. Textes édités, traduits et annotés, coll. « Archives de
l'Orient chrétien » 10, Paris, Institut français d'Études byzantines, 1966, p. 59, précisions sur
le même vote , qui n ' était probablement pasle vote définitif.
Dans une dernière session , tenue sous la présidence de l' empereur Alexis jer
Comnène et du patriarche Jean IX Agapetos, Nicétas d 'Héraclée, neveu du mé
tropolite de Serres, se prononça sur les raisons qui, allant à l'encontre de la
volonté de l'empereur, rendaient obligatoire la déposition d 'Eustrate . Eustrate fut
finalement condamné à la suspense à vie. Sur demande du Synode, la condamna
tion , dont témoigne Choniatès 17 , a été enregistrée dans le Synodikon de l'Or
thodoxie.
Discours de Nicétas édité par 24 P . Joannou , « Le sort des évêques hérétiques réconciliés.
Un discours de Nicétas de Serres contre Eustrate de Nicée » , Byz 28 , 1958, p . 1- 30 , texte aux
p . 8 - 30 = Darrouzès 23 , commentaire du texte de Nicétas d 'Héraclée , Sur les Hérésiarques,
aux p . 54 -62 , avec corrections proposées pour Joannou 24 , texte et traduction aux p. 276 - 305
avec Appendice comprenant des extraits du discours de Séïdès (édité , comme il a été signalé,
dans sa totalité par Zèsès 9), aux p. 306 - 309 ; commentaire dans Grumel et Darrouzès 21,
n° 1003b aux p. 462 -463). Sur l'inscription d 'Eustrate dans le Synodikon de l'Orthodoxie ,
voir Gouillard 18 , p . 68 -71 pour le texte et la traduction correspondants du Synodikon, p . 206
210 pour le commentaire. Bibliographie sur Eustrate convenablement réunie par 25 B .
Skoulatos, Les personnages byzantins de l'Alexiade. Analyse prosopographique et synthèse ,
382 EUSTRATE DE NICÉE E 163
coll. « Recueil de travaux d'histoire et de philologie de l'Université de Louvain » 6e série, fasc .
20, Louvain -la-Neuve et Louvain 1980, nº 59 « Eustratios, évêque de Nicée » , p. 89-91.
II.EUSTRATE COMMENTATEUR
Eustrate a fréquenté le cercle d' Anne Comnène, fille d'Alexis jer Comnène
(1081- 1118), qui avait sans succès essayé, après la mort de son père en août
1118, d'usurper le trône impérial en faveur de son mari, Nicéphore Bryennios.
Anne Comnène porte dans l'Alexiadeun jugement particulièrement favorable sur
Eustrate, qu' elle qualifie d' « homme savant dans les sciences sacrées et profa
nes, plus fort en dialectique que ceux qui fréquentaient le Portique ou l'Acadé
mie » (26 Anne Comnène, Alexiade. Règne de l'empereur Alexis I Comnène
(1081- 1118 ), t. III, livres XI-XV , « Coll. byzantine», Paris 1945, p. 182, VIII, 9 ,
3 -6 ). C 'est probablement à l'instigation de la princesse porphyrogénète
qu’Eustrate composa , après sa déposition en 1117, ses commentaires d 'Aristote.
Le commentaire sur le livre VI de l'Éthique à Nicomaque est dédié à une
princesse cultivée : Baoliç Deooeßńs, Baolis piónoye, Baoinis plnárade
xai Piłóxare (p. 256, 3 -4 Hayduck ), qui est très probablement Anne Comnène.
Cette thèse a été soutenue en premier lieu par 3 Browning, p . 6 -8 , et a été reprise par
27 A . C . Lloyd, « The Aristotelianism of Eustratios of Nicaea » , dans J. Wiesner (édit.), Aristo
telis Werk und Wirkung, Mélanges P . Moraux , t. II, Berlin 1987 , p . 341- 351, et, en particulier,
p . 341 -342. Mercken 6 , p . 414 et 8 , p . 6 , admet que cette conjecture est la meilleure . Voir
aussi Darrouzès 5 , p . 20- 24 et p. 278- 289.Mercken 8 , p . 23* - 26 * , considère que le renouveau
philosophique que Browning prête à Anne Comnène n 'a pas dû dépasser les efforts exégéti
ques d 'Eustrate et de Michel. Mais il faut savoir qu 'en matière d ' enseignement à Byzance, les
documents institutionnels font souvent défaut.
S 'il faut ainsi rattacher Eustrate au cercle intellectuel d 'Anne Comnène, la
composition des commentaires doit se situer , de façon approximative, après sa
condamnation en 1117 et avantsa mort, survenue peut-être en 1120 .
Michel d'Éphèse appartenait, lui aussi, au même cercle ; voir Darrouzès 5 ,
comm . à la p. 23, texte grec et trad. aux p. 282- 283 : « J'ai entendu moi-même le
savant originaire d 'Éphèse rejeter sur cette basilissa la cause de la privation de
ses yeux, parce qu'il avait travaillé des nuits entières sans sommeil aux commen
taires des æuvres d 'Aristote commandées par elle ; de là des dommages aux yeux
que provoquent les chandelles par assèchement».
Pendant cette période, Eustrate a commenté Aristote et, plus précisément, les
Seconds Analytiques, livre II, et l'Éthique à Nicomaque, livres I et VI. Ces
commentaires sont extrêmement développés, et appartiennent « to the most
interesting category of Aristotelian commentary, in which ideas and notmerely
expressions are explained and discussed » (Lloyd 27, p . 342). A la production
philosophique d 'Eustrate se rattache également un opuscule (que l'on oublie
fréquemment lorsqu'on énumère ses æuvres philosophiques), intitulé : " Opos
xadoxos biooopias Maatwvos, édité par 28 P. Joannou, « Die Definition
des Seins bei Eustratios von Nikaia. Die Universalienlehre in der byzantinischen
Theologie im XI. Jh.» , BZ 47, 1954 , p. 358 - 368 et, en particulier, p. 365- 368,
d 'après quatre manuscrits, dont le principal est le Paris. gr. 2138. La présence de
ce texte avait été signalée dans Joannou 20 , p. 24 n . 10 . Ce texte peut être
E 163 EUSTRATE DE NICÉE 383

rapproché, du point de vue de la date de composition, d 'un opuscule météoro


logique probablement composé par Eustrate . Cet opuscule météorologique, dont
la tradition manuscrite est faible et problématique, est dédié à Marie d'Alanie,
épouse de Michel VII Doukas (1071- 1078 ) et de Nicéphore Botaneiatès (1078
1081); 29 P. Polesso Schiavon , « Un trattato inedito demeteorologia di Eustra
zio di Nicea » , RSBN n . s . 2 -3, 1965- 1966 , p . 285-304, texte aux p . 290 - 304 ;
voir 30 H .Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur der Byzantiner,
coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » XII et « Byzantinisches Handbuch
im Rahmen des Handbuchs der Altertumswissenschaft » 5 , München 1978,
vol. I, p. 34 n . 122 (avec réf. biblio .), etMercken 8, p. 5 *-6 *. Sur la philosophie
d'Eustrate et, notamment, sur les rapports de sa pensée avec celle d 'Aristote, voir
Joannou 28, p. 358-365 ; Lloyd 27, p. 341-351 ; Mercken 7, p. 12* - 14 *, et 8,
p . 6 * -7 * ; 31K . Giocarinis, « Eustratius of Nicaea's Defense of the Doctrine of
Ideas» , FranciscStud 24, 1964, p. 158- 204.
Bibliographie sur Eustrate commentateur d 'Aristote réunie par 32 M . Cacouros,art, sur la
Philosophie byzantine, dans Encyclopédie Philosophique Universelle, publiée sous la dir, d ' A .
Jacob , vol. IV : Le Discours Philosophique, sous la direction de J.-F. Mattei, Paris 1998 ,
contribution nº 77, p . 1362-1384, et, en particulier, p . 1371.
A . Le commentaire aux Seconds Analytiques, livre II : 33 M . Hayduck (édit.),
Eustratii in Analyticorum posteriorum librum II comm ., CAG XXI 1 , Berlin
1907, ce commentaire est extrêmement développé. Comme le signale 34 P.
Moraux (édit.), Le commentaire d'Alexandre d 'Aphrodise aux “ Seconds Ana
lytiques" d'Aristote, coll. « Peripatoi» 13, Berlin 1979, p. 6 : « Fatigant à force
d'être prolixe et de se répéter inlassablement, l'auteur risque de décourager après
quelques pages. Et pourtant, son commentaire mérite qu 'on s'y arrête ...» . Les
sources employées par Eustrate sont variées: Alexandre d’Aphrodise (Moraux
34, p . 81- 129 pour le livre II), Thémistius (voir 35 M . Wallies (édit.), Themistii
in Analytica Posteriora paraphrasis, CAG V 1, Berlin 1900 ) et Jean Philopon
(voir 36 M .Wallies (édit.), In Analytica Posteriora cum Anonymo in lib . II, CAG
XIII 3 , Berlin 1909), ou au moins une source dont dérive aussi le commentaire
de Philopon . Voir aperçu sur les sources d'Eustrate dans 37 M . Cacouros, Théo
dore Prodrome, Le commentaire au second livre des Analytiques postérieurs
d 'Aristote. Editio princeps du texte , étude de la tradition manuscrite et des sour
ces de Prodrome, Thèse Université Paris IV -Sorbonne, Paris 1992, p.491-494.
Plus précisément, Eustrate a employé des extraits étendus du commentaire
d'Alexandre d 'Aphrodise, aujourd 'hui perdu, qu 'il cite parfois nommément. En
fait, il est le seul, avec l'auteur anonyme (Wallies 36 , p. 547-603) et quelques
scholies (Moraux 34 , p. 83 sq.), à nous transmettre des extraits provenant de ce
commentaire .Lemétropolite de Nicée a également employé, à plusieurs reprises,
la paraphrase de Thémistius (voir une liste des passages employés par Eustrate
dans Cacouros 37, p. 494 n. 27), qu'il cite une seule fois (Hayduck 33, p. 11, 5
6 ). Pareillement, Eustrate emploie soit le commentaire philoponien , soit une
source dont dériverait aussi le commentaire de Philopon . Pour donner un exem
ple de cette liaison étroite , signalons que l'introduction d'Eustrate comprend une
multitude des passages qu'on rencontre , sous une forme identique ou presque,
384 EUSTRATE DE NICÉE E 163
dans le commentaire philoponien : voir, par exemple, Eustrate dans Hayduck 33 ,
p . 3, 7 - 10 ; et Philopon dans Wallies 36 , p. 335, 32-34. Sur les endroits parallèles
dans les Préfaces d'Eustrate et de Philopon , voir, en particulier, la question du
titre attribué aux Seconds Analytiques, étudiée dans 38 M . Cacouros, « Les préfa
ces des commentaires grecs antiques et byzantins aux SecondsAnalytiques, livre
II. Notes sur la tradition exégétique des Seconds Analytiques d'Aristote » , dans
J.-D . Dubois et B . Roussel (édit.), Entrer en matière. Les prologues, coll. « Patri
moines.Religions du Livre », Paris 1998, p. 247-269 et, en particulier, p . 256 sq.
Il est encore tôt pour mesurer l'étendue exacte de l'influence du commentaire
d' Eustrate sur la postérité byzantine. On peut toutefois signaler que Théodore
Prodrome, érudit byzantin du XIIe siècle, l'a utilisé dans son commentaire aux
Seconds Analytiques, livre II (voir Cacouros 37 , édition du texte de Prodrome
aux p. 168 - 373, apparats aux p. 379-476 et étude des sources aux p . 481-827, en
particulier p. 503 -507). En revanche, Jean Chortasménos (ca 1370 -1431), qui a
largement employé le commentaire de Prodrome dans sa métaphrase au livre II
des Seconds Analytiques, ne semble pas avoir utilisé directement Eustrate (voir
étude des sources dans 37 M . Cacouros, « Un commentaire byzantin (inédit) au
deuxième livre des Seconds Analytiques d 'Aristote , attribuable à Jean
Chortasménos » , RHT 24, 1994, p. 149 -198 et, en particulier, p. 185 - 197).
Tout récemment, il a été signalé qu'une innovation exégétique qui, au sein de la tradition
grecque, se rencontre uniquement dans le commentaire d 'Eustrate se retrouve dans le com
mentaire moyen d ' Averroès aux Seconds Analytiques (Talhis kitab al-Burhān ), composé à
Séville vers 1170 ; voir 39 M . Cacouros, «Eustrate employé dans le commentaire moyen
d 'Averroès aux Seconds Analytiques d 'Aristote ?» , Actes du Congrès International « Averroè
commentatore di Aristotele, 800mo anniversario di Averroè (1198 -1998) », organisé par
l'Istituto Universitario Orientale et l'Istituto Italiano per gli studi filosofici (Naples, 14 - 16
janvier 1999), sous la direction de C . Baffioni, à paraître.
B . Le commentaire à l'Éthique à Nicomaque. L' Éthique à Nicomaque a été
commentée dans le milieu d' Anne Comnène par deux érudits : Eustrate et Michel
d'Éphèse , les deux commentaires ayant été édités dans la collection Commenta
ria in Aristotelem graeca : 40 G . Heylbut (édit.), Eustratii et Michaelis et Ano
nyma in Ethica Nicomachea commentaria , CAG XX , Berlin 1892 ; 41 M .
Hayduck (édit.),Michaelis Ephesii in Ethic. libr. V comm ., CAG XXII 3, Berlin
1901.
En fait, Eustrate s'est chargé des livres I et VI, et ses commentaires, comme
celui aux Seconds Analytiques, livre II, « are commentaries in the fullest sense of
the word . They are not primarily concerned with explaining particular passages,
phrases, or words in the text, but with interpreting the very scope, design and
impact of Aristotle's Ethics» (Mercken 7 , p. 12* pour la citation, aperçu aux p .
6 * - 14 * et 8, p. 13 *- 21* ). Michel d'Éphèse a commenté les livres V , IX et X
(aperçu in Mercken 7, p . 22*-28* ; les dates concernant la vie deMichel, p. 22* .
24 * ont été revues dansMercken 6 , p. 430 et 8, p . 4 *, 13* sq., suivant Darrouzès
5 ,mentionné supra), et, dans son exégèse, « he explains both the letter and the
spirit of Aristotle 's text, concerns himself with textual criticism , points out the
connection between various passages, spells out arguments..., advances parallel
E 163 EUSTRATE DE NICÉE 385
texts, makes cross references... and refers also to other philosophers, especially
to Plato » (Mercken 7, p .24* -25*).
Le commentaire d 'Eustrate à l'Éthique à Nicomaque, livres I et VI, a été tra
duit en latin , vers 1240 - 1243, par Robert Grosseteste (ca 1168-1253). Plus préci
sément, l'évêque de Lincoln traduisit du grec une compilation , probablement
réalisée vers la fin du XIIe siècle, qui comprenait: – le commentaire d 'Eustrate
pour les livres I et VI (voir supra) ; - des scholies anonymes, portant sur les
livres II, III, IV et V , qui semblent, d'après Mercken 7 , p. 14 * -15 * , avoir été
compilées par une seule personne « or at least in one school notmuch later than
the end of the second century of our era » (voir aperçu dansMercken 7, p . 14 * .
22 * ) et, mieux , du dernier quart de ce siècle , voir Mercken 8 , p . 3* ; - le com
mentaire de Michel pour les livres V , IX et X (voir supra); – un commentaire
anonyme du livre VII, peut-être de la fin du XIIe siècle (aperçu dans Mercken 7,
p. 28 * et dans 8, p. 26 * ) ; – le commentaire d’Aspasius sur le livre VIII (édité par
42 G . Heylbut, Aspasii in Ethica Nicomachea quae supersunt commentaria ,
CAG XIX 1, Berlin 1889, p . 158 - 186 , aperçu in Mercken 7, p. 28 *-29 * ). Les
commentaires traduits en latin accompagnaient la traduction du texte d 'Aristote
divisée en sections.Mercken 7, p. 38* (aperçu sur la compilation et sa traduction
in p. 38 * sq ., traduction éditée ibidem et dans Mercken 8 ) semble suggérer que la
présentation du corpus: « texte d'Aristote séparé en sections + commentaires qui
l'accompagnent» (laissons de côté les notulae) est due à Grosseteste . Or, cela
semble assez improbable , étant donné que cette mise en page se rencontre dans
les manuscrits grecs du XIIIe siècle , qui n'étaient pas inconnus de Grosseteste .
Rappelons, à cet égard, que Grosseteste semble avoir eu connaissance, égale
ment, du commentaire de Prodrome aux Seconds Analytiques, livre II (43 M .
Cacouros, « Théodore Prodrome, Robert Grosseteste , Jacques de Venise et
l'histoire d'une erreur interprétative dans l'exégèse des Seconds Analytiques II,
1-2 » , Actes du Symposium de Philosophie byzantine et latine, Athènes, 11-14
novembre 1993, Cahiers de l'Institut du Moyen -Âge grec et latin 66 , 1996 ,
p . 135- 155).
Cette dernière remarque nous donne l'occasion de combiner les données
existantes et de constater la présence des milieux en contact qui, dans la période
qui va de ca 1130 à ca 1250 , ont commenté Aristote , tout en permettant la
transmission en Occident des textes élaborés. Les données sont les suivantes:
(a ) Jacques de Venise , commentateur d 'Aristote , a très probablement été en
contact avec le cercle d 'Anne Comnène, notamment avec Michel d' Éphèse (et
non pas, dirions-nous, vu les dates, avec Eustrate ); voir Browning 3, p. 6 , repris
dans Mercken 8 , p . 22 ; bibliographie sur Jacques de Venise réunie dans
Cacouros 43, p . 150- 151). Il connaissait donc l'activité exégétique de ces érudits.
Ces rapports doiventse situer à Constantinople au deuxième quart du XIIe siècle ;
(b ) RobertGrosseteste a eu en mains, entre autres commentaires de l'Éthique à
Nicomaque, ceux qui avaient été composésdans le cercle d 'Anne Comnène, et il
les traduisit en latin ; ( c ) Théodore Prodrome ( la date de sa vie ne peut pas être
fixée avec précision , mais elle se situe probablement entre 1100 et 1160 ou 1180 ,
386 EUSTRATE DE NICÉE E 163

voir références dans Cacouros 39, p. 149 n. 1), a peut-être connu Eustrate (décé
dé en 1120 suivant Dräseke 1). Prodrome, dans son commentaire aux Seconds
Analytiques, livre II, a utilisé celui d'Eustrate (Cacouros 37 , p. 495, 503 -507) ;
(d ) Théodore Prodrome et Jacques de Venise ont vécu à Constantinople durant la
même période (Cacouros 43, p . 150 ) ; (e) Une erreur interprétative, que réfute
Prodrome, se trouve reproduite dans le commentaire de Grosseteste. On sait par
ailleurs que l'évêque de Lincoln avait probablement consulté le commentaire de
Jacques de Venise . Nous avions donc émis l'hypothèse que cette erreur figurait
dans le commentaire perdu de Jacques aux Seconds Analytiques (hypothèse
développée dans Cacouros 43).
A travers ces remarques, on voit s'esquisser les différents cercles d 'érudits
byzantins et occidentaux , qui ont travaillé à l'exégèse des Analytiques et de
l' Éthique à Nicomaque et qui ont, directement ou indirectement, cuvré à son
passage en Occident: Eustrate et Michel d 'Éphèse;Michel d 'Éphèse , Prodrome,
et Jacques de Venise ; Robert Grosseteste . Si donc, comme nous l'avons suggéré
plus haut, la mise en page du corpus ethicum (texte d’Aristote fragmenté en
sections + commentaires l'encadrant) est antérieure à la traduction faite par
Grosseteste , cette mise en page a été très probablement effectuée soit dans la
génération « Eustrate » soit dans la génération suivante , qui est la génération
« Prodrome» .
Deux étapes supplémentaires dans la transmission du comm . d ' Eustrate
à Byzance. Les manuscrits du commentaire d'Eustrate à l'Éthique à Nicomaque
nous permettent d'esquisser brièvement deux étapes supplémentaires dans la
transmission de ce texte à Byzance.
(a ) Le comm . d 'Eustrate dans la Constantinople reconquise en 1261. Le
Laur. 85, 1 est un manuscrit sur papier (480/485 x 300/305 mm ., (III)+ 762+[ III ]
ff.), copié par plusieurs scribes et surnommé « l'Océan » . Il comprend plusieurs
commentaires d'Aristote. Parmiceux-ci on trouve, suivantMercken 8, p. 4 *, une
compilation des commentaires à l'Éthique dont la forme diffère un peu de celle
employée par Grosseteste. En fait, les témoins de cette classe « omit the anony
mous scholia on II- V , but contain most or all of the remaining commentary of
Aspasius» ( ibidem ). Pour les livres I et VI, on a employé le commentaire
d'Eustrate . Or, le Laurentianus est un manuscrit exceptionnel. Car ce manuscrit,
avions-nous suggéré, « était manifestement destiné à former un texte " canoni
que " qu 'il faudrait garder comme témoignage, une collection de l'æuvre aristo
télicienne destinée à l'éternité et non pas nécessairement à être consultée ». Ce
document date probablement des années 1265- 1270 et semble donc contem
porain des premières années du règne deMichel VIII Paléologue (1261- 1282)
ou , moins probablement, des dernières années de l'Empire de Nicée (1204
1261). Il est le résultat de l'initiative ambitieuse d'un érudit qui connaît bien
Aristote et qui aurait occupé une charge d 'enseignement importante dans l'Uni
versité impériale ou à l'École patriarcale de Constantinople (voir 44 M .
Cacouros « Le Laur. 85, 1 témoin de l'activité conjointe d'un groupe de copistes
travaillantdans la secondemoitié du XIIIe siècle » , dans G . Prato (édit.), Actes du
E 163 EUSTRATE DE NICÉE 387
Ve Congrès International de Paléographie grecque, Crémone, 5 -11 octobre
1998, sous presse). Ainsi, ce manuscrit constitue un témoin précieux du renou
veau quimarque le début du règne de Michel VIII. Ces remarques concernant le
Laurentianus nous obligent à considérer différemment la version du corpus
comm . ethicorum compris dans le volume et rendent nécessaire la réévaluation
du rôle de ce témoin dans la transmission du corpus. Elles permettent également
de constater que, depuis l'activité d'Eustrate , de Michel d'Éphèse, de Prodrome
et de Jacques de Venise, les changements survenus dans la composition du
corpus ethicum n 'avaient pas modifié la place et l'importance du commentaire
d ' Eustrate.
(b ) Le comm . d 'Eustrate à Constantinople dans les années 1350. Le Coislin .
161, manuscrit sur papier (300 x 224 mm ., 458 ff.) comprend plusieurs commen
taires d'Aristote , dont la compilation éthique que « Grosseteste had before him
except for the anonymous scholia on Book V » (Mercken 8 , p . 4 * , voir aussi 7 ,
p. 4 *).Or, ce témoin fait partie d'un groupe de manuscrits datant tous des années
1350-1375 et comprenant, d'une part, une édition complète du corpus aristo
telicum , d'autre part plusieurs textes du Quadrivium (= arithmétique, géométrie,
astronomie, la musique ayant été omise ). Chaque texte d 'Aristote ou du Quadri
vium est encadré d'extraits numérotés provenant d'un ou de plusieurs commen
taires. On avait proposé Nicéphore Grégoras (1290 /1291- 1359/1360 ) comme
maître d'ouvre de cet ensemble, en considérant que lesmanuscrits existants sont
des copies d 'un original qui, lui, aurait été perdu. Or, grâce à la comparaison
paléographique et codicologique que nous avons récemment effectuée (papier,
mise en page, systèmes de renvoi employés, décoration, écriture), il a été possi
ble de démontrer que: ( 1) les manuscrits ont été écrits par Néophytos Prodro
mènos, moine au monastère de Prodromou à Pétra (Constantinople ), dont nous
éditons actuellement les auvres philosophiques et théologiques; (2) Néophytos
est, en plus, le responsable , au moins en partie, de l' édition constantinopolitaine
d 'Aristote commenté. Si donc il est vrai que, pour ce qui concerne le corpus
ethicum , la version du Coislin . 161 correspond , plus ou moins (voir supra ), à
celle qu 'a eue Grosseteste , reste à savoir si Néophytos est à l'origine de la modi
fication apportée et, notamment, d 'autres modifications, ou si, contre ses habi
tudes (il n 'hésite pas à intervenir pour enrichir ou compléter les textes copiés), il
se serait contenté de copier le texte transmis. Dans tous les cas, on peut retenir
que le commentaire d 'Eustrate aux livres I et VI a été conservé dans cette vaste
compilation .
Voir 45 M . Cacouros, « Néophytos Prodromènos copiste et responsable (?) de
l'édition Quadrivium - Corpus aristotelicum du 14° siècle » , REByz 56 , 1998 ,
p. 193 -212, et, en particulier, p. 193-198, 201-204, 210-212. Sur le monastère de
Prodromou , voir Janin 12, p . 421-429 ; sur les dépendances de ce monastère qui
servirent à l' enseignement et à la copie des manuscrits, voir bibliographie dans
Cacouros 45 , p . 199 n. 27 et 30 et, plus récemment, 46 M . Cacouros, « Deux épi
sodes inconnus dans la réception de Proclus à Byzance aux XIII -XIVe siècles» ,
C . Steel et d ' A . Segonds (édit.), Actes du Colloque international organisé pour
388 EUSTRATE DE NICÉE E 163
célébrer l'achèvement de l'édition de la Theologia Platonica de Proclus, en
l'honneur de ses éditeurs H . D . Saffrey et L. G . Westerink, Louvain (Hoger Insti
tuut voor Wijsbegeerte, De Wulf-Mansion Centrum ), 13-17 mai 1998, sous
presse.
La postérité latine de la traduction de Grosseteste. Comme le signale
Mercken 8 , p . 46 * -52* , la traduction deGrosseteste (comprenant, comme il a été
signalé , le commentaire d'Eustrate pour les livres I et VI) a été largement utilisée
au Moyen Âge. Par exemple, Albert le Grand par exemple a emprunté à cette
compilation des extraits étendus dans ses deux commentaires à l' Éthique à
Nicomaque. Henry Bate de Malines, Jean Buridan et d 'autres auteurs médiévaux
en firent autant. Eustrate s'est donc trouvé fréquemment employé et cité.
MICHEL CACOUROS.
Eustrate avait donc commenté les livres I et VI, tandis que Michel d'Éphèse
avait commenté les livres V , IX et X de l'Éthique à Nicomaque. Les commen
taires qui, au XIIe siècle , étaient attribués à l'Anonymeancien pour les livres II
V , à l'Anonyme tardif pour le livre VII et à Aspasius (* A 461, nº 7) pour le
livre VIII, correspondent, sauf pour le livre V , aux livres de l'Éthique que
Michel et Eustrate n 'ont pas commentés et pourraient s'inscrire dans le même
projet exégétique d'ensemble . La compilation du XIIe siècle des commentaires
de l'Éthique à Nicomaque est la suivante : I (Eustrate ), II-IV (Scholies anonymes
anciennes), V (Scholies anonymes anciennes et Michel), VI (Eustrate), VII
(Commentaire anonyme tardif), VIII (Aspasius), IX -X (Michel). Cette liste igno
re les commentaires d 'Aspasius aux livres I- IV et VII qui ne seront redécouverts
que plus tard ( à la fin du XIIIe siècle selon 47 P . Moraux , Der Aristotelismus, II,
p . 252). On pourrait donc envisager l'hypothèse qu' Anne Comnène aurait
demandé à Michel et à Eustrate de combler les lacunes des commentaires des
Anonymes et d' Aspasius : livres I, VI, IX et X . Cette hypothèse n 'expliquerait
pas pourquoi le livre V a donné lieu à un nouveau commentaire. En guise
d 'explication , Mercken 8 , p . 24 * et 25 * , avance une deuxième hypothèse :
l'intention de Michel était de fondre dans un nouveau commentaire les scholies
de l'Anonyme sur les livres II à V . Il n'aurait atteint son objectif que pour le
livre V .
HÉLÈNE LONGPRÉ.
164 EUSTROPHOS D 'ATHÈNES FI
Cet Athénien avait été, en même temps que Plutarque de Chéronée , l'élève
d'Ammonios d'Athènes (24A 138 ). Il était l'adepte d'un platonisme pythagori
sant, à en juger par sa défense de la mystique des nombres dans le dialogue Sur
l' E de Delphes (387 d - e ). Il intervient également dans les Propos de Table (VII
4 ) , comme invité deMestrius Florus, vers la fin du jer siècle.
BERNADETTE PUECH .
E 169 EUTHYDÈME 389
165 EUTH [
Épicurien (?) dont le nom a été restitué par Crönert, Kolotes und Menedemos,
p . 82, dans un passage des plus incertains d'un ouvrage de Philodème contenu en
PHerc. 1780 pz. VI13: EůOl[.
TIZIANO DORANDI.
166 EUTHOSIÓN DE RHÉGIUM
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p. 145 , 19 Deubner .
BRUNO CENTRONE.
167 EUTHYCLÈS II
Stoïcien fictif, invité avec d 'autres philosophes à l'anniversaire de la fille
d'un certain Scamônidès à Athènes (Alciphron , Lettre d'Autoclètos à Hétoima
ristos III 55 (notée par erreur 65 ), p . 86 -87 Hercher ). La lettre, qui reprend le
thème du Banquet de Lucien , entend ridiculiser le comportement des philo
sophes. Sur l'onomastique de ces personnages fictifs, voir J. Schwartz, « Ono
mastique des philosophes chez Lucien de Samosate et Alciphron », AC 51, 1982,
p . 259- 264.
RICHARD GOULET.
168 EUTHYCLÈS DE RHÉGIUM
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth . 36 , 267, p. 145, 20 Deubner.
BRUNO CENTRONE .
169 EUTHYDÈME RE 12 PA 5520 va
Identification . Vers la fin de son discours dans le Banquet de Platon (222 b),
Alcibiade mentionne, parmi ceux dont Socrate a su se faire aimer, « Euthydème,
le fils de Dioclès ». On tient généralement cet Euthydème pour identique à celui
dont Xénophon (Mem . I 2 , 29-30) rapporte qu'il était l'objet des assiduités de
Critias et avec celui qu 'il appelle plus loin « le beau » (Mem . IV 2, 1), avec lequel
Socrate a ensuite plusieurs entretiens (Mem . IV 2. 3. 5. 6, 2- 11); cette double
identification exclut que l'Euthydème de Xénophon soit le fils de Céphale (Rép.
I, 328b ). Enfin , c 'est encore du même Euthydème, pense-t-on généralement,
qu 'il est question comme d 'un familier de Socrate dans une anecdote sur le com
portement de ce dernier face aux colères de Xanthippe rapportée par Plutarque
(de cohib . ira 13, 461d).
En revanche, on le distingue le plus souvent d 'Euthydème de Chios
( E 172), interlocuteur de Socrate dans le dialogue de Platon qui porte son nom .
1 K . Joël, Der echte und der xenophontische Sokrates I, Berlin 1893, p. 370-377,
a fait cependant l'hypothèse que le nom d'Euthydème, tant chez Xénophon que
dans le dialogue de Platon , pourrait n 'être qu 'un masque d'Antisthène qui se
serait représenté lui-même sous ce nom dans l'un de ses dialogues. Cette hypo
390 EUTHYDÈME E 169
thèse, de toute façon incontrôlable , se heurte aux différences, à la fois d'âge,
d'origine (les ambitions politiques de l'Euthydème de Xénophon impliquent
qu'il est citoyen d'Athènes) et d'activité entre le jeune homme que s'attache
Socrate et le sophiste déjà vieux avec qui il débat.
Par ailleurs, dans une des lettres pseudosocratiques (Socr. Ep. XIII = SSR IV A 224, 7-8 ),
il est question d'un Euthydème fils de Glaucon (Ejdúonuov tov raúxwvoc) : 2 U . von
Wilamowitz-Moellendorff, « Phaidon von Elis » , Hermes 14 , 1879, p .187-193, notamment
p. 191 = Kleine Schriften III, Berlin 1969, p .41-48, notamment p .45, a conjecturé une lacune
apres τον, ου auraient disparu les mots Διοκλέους και Χαρμίδην τον, ΓΕuthydeme dont il
s 'agit étant donc explicitement dans ce cas celui du Banquet. Ignorant cette correction, 3 L .
Köhler, Die Briefe des Sokrates und der Sokratiker, coll. « Philologus Suppl.Bd. » 20 , 2 ,
Berlin 1928, p . 104 , semble penser plutôt qu 'il s'agit du sophiste Euthydème de Chios
puisque, renvoyant à l' Euthydème de Platon (271 c), elle argumente que, si l'Euthydème dont
parle l' auteur de la lettre a réellement vécu , il devait être plus âgé que Socrate . La référence
qu ' elle ajoute auxMémorables I 2, 29, semble indiquer que pour elle l'aimé de Critias serait
ce même Euthydème de Chios. 4 L . Rossetti , pour sa part ( « 'Socratica ' in Fedone di Elide » ,
StudUrb (Ser. B ) 47, 1973, p . 364 -381, notamment p. 373 n. 34), souligne que le fils de
Glaucon ne peut être que Charmide, ce qui va dans le sens de la correction de Wilamowitz 2 ,
mais pense qu'il s'agit cette fois du fils de Céphale (Rép. I, 328b ) plutôt que du fils de
Dioclès.
Personnalité. S'il doit être compté parmi les membres du cercle socratique,
aucune doctrine, ni aucune activité philosophique ultérieure, ne semble devoir
être attribuée à Euthydème. C 'est seulement dans les Mémorables de Xénophon
que la mention du personnage dépasse l'anecdote . Comme le remarque 5 Leo
Strauss, Xenophon 's Socrates, Ithaca/London 1972, p. 101, les entretiens de
Socrate avec Euthydème, une fois ce dernier convaincu de ses insuffisances et de
la nécessité d 'apprendre auprès de Socrate (Mem . IV 2 ), composent, sous la
forme d'un enseignement exempt d'elenchos, une sorte de compendium de la
doctrine socratique : enseignement sur la providence divine et la nécessité d 'ho
norer les dieux (Mem . IV 3) ; sur la tempérance (Mem . IV 5) ; exemples de
définitions dialectiques : la piété , la justice , la sagesse , le bien , le beau, le coura
ge (Mem . IV 6 ).
MICHEL NARCY.

170 EUTHYDÈME
Personnage fictif mentionné dans une lettre d 'Alciphron I 34 (la courtisane
Thaïs) (p. 55 -56 Hercher). Il serait devenu prétentieux depuis qu'il s'adonne à la
philosophie . Il fréquente l'Académie avec le vêtement approprié et un petit livre.
RICHARD GOULET.
171 EUTHYDÈME
Péripatéticien fictif du dialogue satirique de Lucien , Hermotime 11.
RICHARD GOULET.
172 EUTHYDÈME DE CHIOS RE 13 va
Sophiste , interlocuteur de Socrate, en compagnie de son frère Dionysodore ,
dans l’ Euthydème de Platon . Sur les détails biographiques donnés par Platon
E 172 EUTHYDÈME DE CHIOS 391
concernant les deux frères, voir 1 M . Narcy, art. « Dionysodoros de Chios» ,
DPLA II, 1994, D 192, p . 875-877, et 2 M . Canto , Platon. Euthydème, Tra
duction nouvelle, introduction et notes, coll. GF 492, Paris 1989, p. 27-28,
p. 179 n. 6 . Euthydème étant le protagoniste du dialogue, c'est sur lui que s'est
concentrée la discussion concernant l'historicité de ces deux personnages. Platon
leur fait soutenir les paradoxes selon lesquels il n 'est possible de rien dire de
faux (283e- 284c) ni de contredire (285d- 286b): ces deux thèses étant attri
buées par Aristote à Antisthène (Metaph. A 29, 1024 b 33 -34 ), 3 H . Bonitz ,
Platonische Studien, Berlin 1886 ( réimpr. Hildesheim 1968), p . 137, en a conclu
que les deux frères ne sont que des représentants fictifs d'Antisthène. Cette opi
nion a fait autorité (cf. 4 Th .Gomperz , Griechische Denker II, Leipzig 1902, 40
édition 1925, p . 423-425 ; 5 H . Raeder, Platons philosophische Entwicklung,
Leipzig 1905, 2e édition 1920, réimpression 1973, p. 139 599.; 6 P . Natorp ,
Platos Ideenlehre, 2e édition Leipzig 1922 (réimpression Darmstadt 1975),
p . 120 , 124 ) jusqu 'à l'article de 7 K . Praechter, « Platon und Euthydemos » ,
Philologus 87, 1932, p. 121-135 (= Kleine Schriften, Hildesheim /New York
1973, p. 14 -28 ). Praechter tire argument de la thèse attribuée dans le Cratyle de
Platon (386d) à Euthydème: « toutes choses sontpareillement à tous, à la fois et
toujours » . A la différence de l'Euthydème, où les deux paradoxes précités
(Euthd. 283e - 284c, 285 d - 286 b ) étaient aussitôt attribués à Protagoras (Euthd.
286c), les deux frères se voyantainsi refuser une quelconque originalité , ici cette
thèse est dite propre à Euthydème, par différence justement avec le principe
protagoréen de l'homme-mesure. Aristote cite également par deux fois ( S. E . 20,
1776 12 ; cf. Rh. II 24, 1401 a 27) Euthydème comme l'auteur d 'un sophisme qui
ne figure 'pas dans l'Euthydème de Platon (même si, comme l'observe Canto 2 ,
p. 28, on en trouve dans ce dialogue qui procèdent du même principe): Aristote
aurait donc disposé à propos d'Euthydème d'une source indépendante de Platon ,
ce qui non seulement plaide en faveur de l'existence réelle d 'un sophiste de ce
nom ,mais permet de lui attribuer un recueil d'arguments qui a pu être la source
commune de Platon et d'Aristote. A l'appui de cette hypothèse, on peut citer
l'observation de 8 M . A . Stewart, « Plato' s Sophistry» , PAS Suppl. vol. 51, 1977
(21-44 ), p. 33- 35, selon qui on peut reconnaître dans l’Euthydème une répartition
en trois groupes des sophismes rapportés par Platon : ambiguïtés sémantiques
(portant sur des termes : 275d- 277 c ), ambiguïtés syntaxiques (283b - 288b),
emploi de termes ou d'expressions dont le sens varie selon qu' ils sont pris
absolument ou de façon relative, avec ou sans restriction (293 a - 304 b). Si les
sophismes de l'Euthydème sont empruntés à un «manuel» préexistant, ils y
étaientpeut-être déjà groupés ainsi.
9 L .- A . Dorion, Aristote. Les Réfutations sophistiques, Introduction, traduction et com
mentaire, coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité classique» 18, Paris 1995, p . 36 , se
fondant sur le fait qu'Euthydème « n 'est pas à proprement parler un sophiste ,mais plutôt un
éristique » , le rattache (« de près ou de loin » ) auxMégariques.
Traduction. 6 The Older Sophists, edited by R. K . Sprague, University of
South Carolina Press , Columbia (South Carolina) 1972, Appendix : “ Euthy
demus of Chios” , p. 294 - 301.
392 EUTHYDÈME DE CHIOS E 172
Études. Praechter 7. Une liste des sophismes prêtés par Platon à Euthydème
et à son frère a été dressée par 11 F . Decleva Caizzi (édit.), Platone. Eutidemo,
Traduzione, coll. « Classici della filosofia » , Milano 1996 , p. 165. Pour l'analyse
de ces sophismes, on peut se reporter, outre à Stewart 8 , aux commentaires de
l' Euthydème de Platon : 12 R . K . Sprague, Plato 's Use of Fallacy. A Study of the
« Euthydemus» and some other Dialogues, London 1962; 13 R . S. W . Hawtrey,
Commentary on Plato 's « Euthydemus » , coll. « Memoirs of the American Philo
sophical Society » 147, Philadelphia 1981 ; 14 M . Narcy, Le Philosophe et son
double , Un commentaire de l'« Euthydème» de Platon, coll. « Histoire des doc
trines de l'Antiquité classique » 8 , Paris 1984 ; 15 M . Canto , L 'Intrigue philoso
phique. Essai sur l'Euthydème de Platon , Paris 1987. (Pour ceux des sophismes
de l’Euthydème de Platon qui se retrouvent dans les Réfutations sophistiques
d'Aristote, ainsi que pour celui qu 'Aristote est seul à mentionner , on peut voir
également Dorion 9.)
MICHEL NARCY.

173 EUTHYNOS DE TARENTE


Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique ,
V. pyth. 36 , 267, p. 144, 14 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
174 EUTHYNOUS DE LOCRES RESuppl. X :8
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p. 145 , 8 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
175 EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE RE PLRE II : DM VI
A . Auteur de plusieurs commentaires conservés sur des traités géométriques
d' Archimède et d' Apollonius de Pergé.
Euvres.
(1) Commentaire sur les quatre premiers livres des Conica d'Apollonius de
Pergé. L 'ouvrage était dédié à l'architecte Anthemius de Tralles (cf. PLRE III :
2] (mort en 534) et comprenait une nouvelle édition du texte d'Apollonius.
Mis en présence de plusieurs manuscrits comportant des variantes, Eutocius explique avoir
inséré la version qui lui semblait la plus claire dans le texte , et les autres en marge. Au ix®
siècle, un des frères Banu Musa, qui avait donné une traduction arabe du texte d'Apollonius, a
comparé l'édition d' Eutocius à une version pré-eutocienne de ce texte , dans laquelle il trouva
plus de fautes que dans l'édition d 'Eutocius. En conséquence, il traduisit les quatre premiers
livres d 'après l'édition d'Eutocius et les trois autres livres d 'après le manuscrit pré-eutocien.
1 Commentarii in Conica. J.L . Heiberg ( édit.), Apollonii Pergaei quae Grae
cae exstant, coll. BT, t. II, Leipzig 1893 (réimpr. Stuttgart 1974 ), p . 168 -360.
Voir également 2 E . S. Stamatis, Al104AQNIOY KONIKA, Athènes 1975- 1976 ,
t. IV , p. 209-383, avec traduction en grec moderne.
Cf. 3 Micheline Decorps-Foulquier, « Eutocius d'Ascalon éditeur du traité des
Coniques d'Apollonios de Pergé et l'exigence de “ clarté” .Un exemple des pra
E 175 EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE 393
tiques exégétiques et critiques des héritiers de la science alexandrine» , dans G .
Argoud et J.- Y . Guillaumin (édit.), Sciences exactes et sciences appliquées à
Alexandrie ( 11Pe siècle av. J.-C . - per siècle ap. J.-C .). Actes du Colloque interna
tional de Saint- Étienne (6 -8 juin 1996 ), coll. « Centre Jean Palerne,Mémoires»
16 , Saint-Étienne 1998, p. 87- 101.
(2 ) Commentaire sur le traité d'Archimède Sur la sphère et le cylindre. Com
mentarii in libros De sphaera et cylindro . 4 J.L . Heiberg (édit.), Archimedis
opera omnia cum commentariis Eutocii, coll. BT, t. III, 2° éd., Leipzig 1915 (éd .
revue par E . Stamatis, Stuttgart 1972), p . 2 -224.
Le premier livre est dédié à Ammonius (rpátiote bihoooowv 'Auuøvle ,
p . 12 , 19 Mugler), sans doute le philosophe néoplatonicien d'Alexandrie
(> A 141), mort après 517, dont l'intérêt pour la géométrie et l'astronomie est
bien attesté (voir Damascius, V. Isid . $ 79).
(3) Commentaire sur le traité d'Archimède Sur la mesure du cercle. Commen
tarius in Dimensionem circuli. Ibid ., p. 228 - 260.
(4 ) Commentaire sur le traité d' Archimède Sur l'équilibre des plans. Com
mentarii in libros De planorum aequilibriis. Ibid., p . 264 - 318 . L 'ouvrage est
dédié à un certain Métpos (p. 166 , 3 Mugler), qu' il n 'est pas possible d'identi
fier.
Les traités (2 ) et (3 ) se terminent par une formule rappelant l'auteur et le titre de l'ouvrage,
suivie, dans tous les cas, par l'indication suivante : éxoógewg napavayuwodeions to Muan
olw ungavixa ' loidópw nuetépW Bidaoxárw . Voir in De sphaera, p . 40, 24 -27 Mugler;
p. 140 , 22-25 ; in Dim ., p. 163, 14 - 16 . On a souvent compris qu ' Eutocius aurait mis à profit
une édition du texte d 'Archimède établie par son maître l'ingénieur (mechanikos) Isidore de
Milet (PLRE III : 4 ). Comme cet Isidore a collaboré avec Anthemius de Tralles (dédicataire du
commentaire sur Apollonius) à la reconstruction de Sainte -Sophie dans les années 530 , le
floruit d'Eutocius devrait être situé au milieu du vie siècle.Mais si Eutocius a dédié un traité à
Ammonius d 'Alexandrie , mort sans doute avant 520, il est peu vraisemblable qu 'il ait été
disciple d'Isidore une vingtaine d'années plus tard .
D 'autres ont donc compris que ces éditions collationnées ( ?) par Isidore n 'étaient pas
celles d 'Archimède, mais celles des commentaires d 'Eutocius. Les indications devraient, dans
cette perspective, être portées au compte d 'un élève d 'Isidore et être retranchées du texte
comme des interpolations. Il serait étonnant que si Eutocius était l'auteur de ces « colophons» ,
il ait parlé de lui-même à la troisièmepersonne (« D 'Eutocius d'Ascalon, commentaire , etc. » ),
puis ait évoqué « son maître » dans la phrase suivante. Cela dit, selon Heiberg, p. 359, « die
Éxoools ist jedenfalls eine Ausgabe des Archimedes, nicht des Commentars des Eutokios ;
sonst würde der Artikel tñs nicht fehlen dürfen » . Dans sa seconde édition des traités d 'Ar
chimède, Heiberg n ' en a pasmoins imprimé ces lignes entre crochets droits .
Selon 5 T. L . Heath , History of Greek mathematics, Oxford 1921, t. II, p. 540, les allusions
à Isidore l'architecte (PLRE III) devraient être considérées comme des interpolations. Voir de
même 6 E.J. Dijksterhuis, Archimedes, Copenhague 1956 , p. 35 n.6.
On connaît par la Souda (E 3770) un autre Eutocius d 'Ascalon avec lequel le
mathématicien a parfois été confondu. A la suite de Tannery, Ch .Mugler (p. 1),
écrit par exemple : « Né en 480, à peu près, à Ascalon , d 'une famille riche d 'ori
gine thrace ». En vérité , le passage de la Souda, où l'on a parfois reconnu un
fragment de la Chronique d'Eunape (p. 273, 18 - 274, 7 Müller ), présente cet
Eutocius comme un soldat d'origine thrace ayant déserté en Palestine avec de
394 EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE E 175
l'argent de sa compagnie ; il aurait tenté en vain d'acheter la citoyenneté à Éleu
théropolis, puis aurait obtenu le droit de cité à Ascalon en achetant les complai
sances d 'un certain Cratéros .
Traductions. Les éditions d'Apollonius et d 'Archimède publiées par Heiberg
comportent une traduction latine. Traduction française par 7 Ch . Mugler (édit.),
Archimède, t. IV : Commentaires d'Eutocius et fragments, coll. CUF, Paris 1972 .
Voir également, 8 P. Ver Eecke, Les æuvres complètes d 'Archimède suivies des
commentaires d 'Eutocius d 'Ascalon, Paris , 2e éd., 1960 .
(5 ) Eutocius fait également allusion à des scholies qu'il aurait données sur le
premier livre de la Syntaxis de Ptolémée . Voir son Commentaire sur les coniques
I 11, p. 256 , 15- 16 Stamatis (év tomç oyoríoLg Tpátou Birziou tñs Itone
ualov ouVtáčewG). 9 J. Mogenet, L 'Introduction à l’Almageste, coll. «Mé
moires de la Classe des Lettres et des sciences morales et politiques de l'Aca
démie Royale de Belgique » 51, fasc . 2 , Bruxelles 1956 , 50 p., a cru reconnaître
ce commentaire d ’Eutocius dans les Prolegomena anonymes à l'Almageste de
Ptolémée. Il s'agit de quinze chapitres sur des thèmesmathématiques importants
pour l' étude du livre I de l’Almageste de Ptolémée. « Tous les éléments (du
contenu de l'Introduction ) trouvent leur unité dans le premier livre de l' Alma
geste de Ptolémée, dont ils constituent une sorte de commentaire » (Mogenet 9,
p . 4 ). Cette attribution est toutefois contestée par Knorr 16 (cité plus loin ) qui
envisage un auteur antérieur à Eutocius, et cité par lui, du nom d 'Arcadius
(p. 166).
Cf. 10 P. Tannery , « Eutocius et ses contemporains» , Bull Sc. Math ., 2e sér.,
8, 1884, p. 315-329, repris dans ses Mémoires scientifiques, t. II, Toulouse/Paris
1912 , p. 118 - 136 ; 11 J. L . Heiberg, « Philologische Studien zu griechischen Ma
thematikern, I:Über Eutokios» , JKPh Suppl. 11, 1880, p. 357- 384 (voir notam
ment p . 364-371 sur les sources philosophiques etmathématiques d'Eutocius);
12 Fr. Hultsch , art. « Eutokios » RE VI 1 , 1907, col. 1518 ; 13 I. Bulmer - Thomas,
art. « Eutocius» , DSB IV , 1971, p . 488-491 ; 13 A . Cameron , « Isidore of Miletus
and Hypatia. On the editing ofmathematical texts » ,GRBS 30 , 1990 , p. 103- 127 ;
15 I. Hadot, « Les aspects sociaux et institutionnels des sciences et de la méde
cine dans l'Antiquité tardive » , AnTard 6 , 1998, p . 233-250 , notamment p. 240
241. Plusieurs chapitres sont consacrés à Eutocius dans 16 W . R . Knorr, Textual
studies in Ancient and Medieval Geometry , Boston 1989, XVIII-852 p. Voir
notamment: Part I, chap . 5 : « Eutocius' Anthology of Cube duplication » , p. 77
129 ; chap . 6 : « Eutocius' Text of Eratosthenes: A thesis of U . von Wilamo
witz », p 131-153 ; chap. 7: « On Eutocius: A Thesis of J. Mogenet», p. 155
211 ; chap. 9 : « The Ancient Commentators and their methods : Pappus and
Eutocius» , p. 225- 245; Part III, chap. 6 : « Eutocius' text of Dimension of the
Circle » , p. 513-534.
La survie des commentaires d'Eutocius est intimement liée à celle de l'æuvre
d'Archimède et d 'Apollonius de Pergé. Voir 17 M . Clagett, Archimedes in the
Middle Ages, I: The Arabo-Latin tradition,Madison 1964, XXX-720 p.; 18 C .
E 175 EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE 395
Dollo (édit.), Archimede. Mito , tradizione, scienza (Colloque de Catane 1989),
coll. « Biblioteca di Nuncius - Studi e testi » 4, Firenze (1992), VIII-486 p.
B. Ce mathématicien doit sansdoute être identifié avec un philosophe néopla
tonicien qui dispensa des cours sur l’ Isagogè de Porphyre (cf. 19 L .G . Weste
rink , « Elias on the Prior Analytics» , Mnemosyne 14, 1961, p . 134, 4 -6 , repris
dans Texts and Studies in neoplatonism and byzantine literature. Collected
papers, Amsterdam 1980, p. 67, 4-6, et I. Hadot 15, p. 240-241).
A la différence d 'Alexandre et de Thémistius, Eutocius examinait la question " la logique
est-elle un instrument ou une partie de la philosophie ?” dès le début de son commentaire de
l'Isagogè de Porphyre et non pas au début de l' étude du syllogisme. Le témoignage ne permet
pas d ' établir si Elias fait allusion à l'enseignement qu 'il aurait suivi ou à des commentaires
écrits , comme c 'est certainement le cas pour Alexandre et Thémistius. L 'emploi du présent
(Intel) à propos d 'Eutocius qui est, de toutes façons, antérieur à Élias d' au moins une généra
tion, pourrait suggérer que c'est par un commentaire écrit que sa pratique était connue.
Eutocius aurait enseigné, comme Olympiodore, au néoplatonicien chrétien
David, sans doute à Alexandrie (David , Commentaire des Analytiques d 'Aristo
te, conservé seulement en traduction arménienne : voir l'édition de 20 S.
Arevšatyan , Érévan 1967, p. 54 ).Westerink a envisagé qu' il ait été le successeur
direct d' Ammonius. Selon Westerink 19 , p. 131 (=64), Eutociusaurait pu ensei
gner à Alexandrie entre Ammonius,mort vers 520, et Olympiodore,mort après
565, ce dernier ayant eu pour successeurs Élias, David et Étienne d' Alexandrie
(Stéphanos). Voir également, sur les différents maîtres de l'école d'Alexandrie
après Hermias, 21 L . G . Westerink et alii, Prolégomènes à la philosophie de
Platon, coll. CUF, Paris 1990, p . XVI-LXII, reconstruction qui reste cependant
pour une large part hypothétique .
Un extrait du commentaire d'Eutocius sur l’Isagogè a été conservé dans les
scholies sur ce traité de Porphyre attribuées à Aréthas et éditées par 22 M . Share ,
Arethas of Caesarea 's Scholia on Porphyry 's Isagoge and Aristotle 's Categories
(Codex Vaticanus Urbinas graecus 35 ). A critical edition , coll. « Corpus philo
sophorum Medii Aevi/Commentaria in Aristotelem Byzantina » 1, Athènes/
Bruxelles/Paris 1994, schol. 36 , p. 20 , 29 sqq. (f. 4 ', sur les mots lowç et boxet
dans Isag., 2, 10-13), avec les remarques de Share, p. XIII-XIV.
C . C 'est peut-être le même philosophe qu 'il faut reconnaître sous le nom
d'Atocius qui figure comme celui d 'un commentateur d'Aristote dans une liste
énumérant comme les plus utiles les noms suivants : Top úplog BOTULĘ,
’ANÉFavopos ’Appodloleús, 'Audúvios, ’Applavós, Eűxalpos, ’ATÓXLOS,
Zaxapiaç xal TpiboŰVOÇ * * * đô£após (23 O .Kroehnert,Canonesne poetarum
scriptorum artificium per antiquitatem fuerunt ? Diss. Königsberg 1897, p . 8 =
24 P. de Lagarde, Symmikta , Göttingen 1877 , p. 175). Cf. 25 H . Dörrie et M .
Baltes, Der Platonismus in der Antike , t. III : Der Platonismus im 2 . und 3. Jahr
hundert nach Christus. Bausteine 73- 100, Stuttgart/Bad Cannstatt 1993, n° 76 .5 ,
p . 20 -21 et commentaire , p . 153 -155 . « Völlig unbekannt sind die angeblichen
Aristoteleskommentatoren Arrianos, Atokios, Eukairos, Zacharias und Tribu
nos » (Baltes, p. 154).
396 EUTOCIUS D ' ALEXANDRIE E 175
Cette liste n 'est pas d'une solidité à toute épreuve,mais les noms qui y figurent ne sem
blent pas y avoir été introduits de façon tout à fait gratuite. Pour Arrianos, on pourrait envisa
ger de l' identifier à l'auteur du Nepi Metebpwv cité par Jean Philopon , In Meteor., p . 138
Ideler (cf. DPhA , t. I, p . 597), lequel Philopon est mentionné immédiatementauparavant dans
la liste comme commentateur de Platon . On aurait pu voir dans ce traité un commentaire des
Météorologiques. Un Eucairos (ME 79), auditeur d'Aristote, est mentionné dans la liste des
ouvrages d' Aristote conservée par Hésychius, n° 168 (cf. DPha , t. I, p. 431) : Evpuixtwy
Intuárwv oß ', üç onolv Eűxalpos ó ảxovoms aútoŨ . Baltes (p . 154 n . 6 ) signale aussi
Élias, in Categ. p . 144, 12 - 14 Busse (sous la forme Eůxalploc), à propos de la division des
écrits d' Aristote: từ 6k Toux(Aa C Tooc EỦxaístov của YeYouuukva 63ồoukova
βιβλία περί συμμίκτων ζητημάτων χωρίς προοιμίων και επιλόγου και της διαιρέσεως.
La Souda, s.v. Tp16Oūvos, T 952, 1. IV , p . 587, 15 - 27 Adler, connaît de son côté un médecin
Tribunus (RE 18), d'origine palestinienne, de l'époque de Chosroès ( cf. Baltes 25, p. 154
155). La source de la Souda est apparemment inconnue,mais le rôle prêté à ce médecin à la
cour de Chosroès (vie s.) rappelle inévitablement le séjour des philosophes néoplatoniciens
chez ce roi ; ce médecin savant ou éloquent (abyloc) et religieux (äxwc dè ou pwv te xai
Oeoplans xai tñs érlelxelaç és āxpov nxwv) – du pointde vue chrétien ou païen ? (cf. pour
chacun de ces termes l'Index verborum de l' édition Zintzen des fragments de la Vie d ' Isidore
de Damascius) - pourrait avoir été lié à ces philosophes. (Pour le terme ÉRLELXńs, voir 26 P.
Athanassiadi, Damascius, p . 147, 120 ; « The word ÉTTLElxns is one of the favourite Damascian
terms occuring over twenty times in the surviving fragments ; its basic meaning seems to be
not just fair , educated and upper class, but also traditionally pious, i. e. " good pagan " » . ]
Zacharias pourrait être Zacharie le Scholastique, auteur de l'Ammonius, un dialogue dirigé
contre l'éternité du monde qui aurait pu, on ne sait en quel contexte , suggérer que l'auteur
avait commenté Aristote. Remarquons que l'épisode du médecin Tribunus est raconté dans
l'Histoire ecclésiastique de Zacharias (XII 7 , p . 256 , 9 Ahrens- Krüger ) où il est cependant
appelé Tribonianus.
D . Sous le nom d'Eutocius est conservé un horoscope, confectionné à
Alexandrie et partiellement publié par 27 A . Olivieri, CCAG I, 1898 , p. 170-171,
qui a pu être daté du 28 octobre 497 par 28 O . Neugebauer et H . B . Van Hoesen ,
Greek Horoscopes, coll. « Memoirs of the American Philological Society » 48,
Philadelphia 1959, p . 152-157 (voir aussi p. 188-189 sur la transmission du
texte ). Cf. 29 W . Gundel et H .G . Gundel, Astrologumena. Die astrologische
Literatur in der Antike und ihre Geschichte, coll. « Sudhoffs Archiv » , Beiheft 6 ,
Wiesbaden 1966 , p. 247.
RICHARD GOULET.

176 EUTRAPELUS (P. VOLUMNIUS -) RE 11 fa


A . Ami de Cicéron (1 H .Gundel, art. « (P.) Volumnius Eutrapelus», RE IX A
1, 1961, col. 878 -879), chevalier romain (cf. 2 C . Nicolet, L 'ordre équestre à
l'époque républicaine (312-43 av. J.-C .), t. II : Prosopographie des chevaliers
romains, Paris 1974 , n° 401), P. Volumnius Eutrapelus est partisan d'Antoine
après la mort de César et praefectus fabrum en 44a (Cornelius Nepos, Att. 12 , 4 ).
Il fut également le patron de l'affranchie Volumnia appelée Cytheris, la maî
tresse d 'Antoine. Selon Macrobe (Sat. III 3, 11), il fit partie des pontifes. Son
cognomen vient de son goût pour la plaisanterie (EÚtpanenía ) largement souli
gné par Cicéron dans les deux lettres qu'il lui adresse (Fam . VII 32 et 33)
Peut-on rattacher P. Volumnius Eutrapelus à une école philosophique ? Dans
son étude prosopographique (3 Prosopography of Roman Epicurean, p. 89) C.J.
E 178 EUXÈNE D 'HÉRACLÉE 397

Castner le classe parmiles Epicurei incerti. Une lettre de Cicéron (Fam . VII 33,
2 ) indique des liens avec C . Cassius Longinus dont les affinités épicuriennes sont
connues ; il paraît également avoir eu des relations avec Atticus (P - A 505)
(Cornelius Nepos, Att. 9 ). Il est cité par Horace dans les Épîtres (I 18 , 31- 36 ),
comme celui « qui voulant nuire à quelqu'un lui donne des vêtements de prix » ,
car la richesse lui fera oublier ses devoirs et perdre sa place dans la société en
devenant gladiateur.
P . Volumnius Eutrapelus semble dans ces conditions proche de l'épicurisme;
il est d 'ailleurs considéré comme un épicurien par 4 A . Momigliano (JRS 31,
1941, p .152- 157).
B . Castner 3, p . 90, semble attacher quelque importance à un passage de Plu
tarque (Brutus 48, 2- 4 ) où estmentionné un Publius Volumnius, « philosophe et
compagnon de Brutus dans toutes ses campagnes» , qui cite différents prodiges
précédant la bataille de Philippes ; il faudrait, selon elle , considérer que les deux
hommes sont identiques. Aucun élémentne justifie pourtant cette conclusion .
MICHÈLE DUCOS.
177 EUTROPIUS RE 8 PLRE II :3 fl. 470
Ami de Sidoine Apollinaire. Son attachement aux doctrines de Plotin et à la
« palestre des platoniciens» (Epist. III 6 , 2 ) l'avait poussé vers l'otium et le
renoncement aux charges du service impérial que son rang sénatorial et la tradi
tion familiale – il comptait parmi ses ancêtres Sabinus, consul en 316 - lui
faisaientun devoir de briguer. Une lettre (I 6 ), datée probablementde 467, dans
laquelle Sidoine lui reproche de manifester, en ne s' intéressant qu 'à l'admi
nistration de son domaine (S $ 3- 4), un attachement aux « dogmes d 'Épicure qui
admet que la vertu soit sacrifiée et définit le souverain bien par le seul plaisir
corporel» (8 5), est suivie , en 470, d 'une lettre de félicitation pour sa nomination
comme préfet des Gaules (fonctions qu' il exerça en 470). Dans cette lettre,
Sidoine fait également allusion à un service public qu'ils auraient antérieurement
exercé en commun (III 6 , 1) .
P . Henry, Plotin et l'Occident, Louvain 1934, p . 199-202, voit dans le témoi
gnage de la lettre III 6 , 2 d 'Apollinaire « le dernier écho de la grande voix
profonde de Plotin » . Voir aussi P. Courcelle , Les lettres grecques en Occident,
p . 243.
RICHARD GOULET.
178 EUXÈNE D 'HÉRACLÉE RE 5 fl.DI
D 'après Philostrate, Vie d 'Apollonius de Tyane I 7 , Euxène d 'Héraclée-sur-le
Pont, établi à Égées de Cilicie , fut le maître d ' Apollonios de Tyane, durant un an
ou deux, jusqu 'à ce que celui-ci atteignît sa seizième année ; il lui enseigna la
doctrine de Pythagore qu'il connaissait parfaitement, sans la pratiquer, vivant en
épicurien dévoyé. Il apparaît qu'Euxène reconnut très vite la valeur de son élève
( V . Apoll. I 8 ; I 14 ) et que ce dernier lui témoigna en retour affection et recon
398 EUXÈNE D 'HÉRACLÉE E 178
naissance (V. Apoll. I 7). La très brève mention de la Souda, s. v. Ejdúonuoc, E
3504, n'est qu 'une reprise de Philostrate.
Ce nom a été omis dans la Prosopographia Heracleotica publiée par W .
Ameling en appendice à Lloyd Jones, The Inscriptions of Heraclea Pontica, coll.
IK 47, Bonn 1994.
PATRICK ROBIANO .
179 EUXÉNÔN RE mort ca 352
Tyrannicide et sans doute disciple de Platon .
D 'après le témoignage de Memnon, historien d 'Héraclée -sur-le-Pont, livre IX
(Photius, cod. 224 , t. IV p. 49-50 Henry = FGrHist III B n° 434, p. 337- 338 ,
avec commentaire, p . 267-272), Euxénôn , cité avec un certain Léon , nous est
présenté comme un des conjurés qui assassinèrent en 353/2 Cléarque (MC 140 ),
tyran d 'Héraclée-sur- le -Pont et ancien disciple de Platon et d' Isocrate. Il fut tué,
comme ses complices, soit immédiatement par les gardes du corps de Cléarque,
soit un peu plus tard ,de façon fort cruelle.
Comme le chef de la conspiration , Chion d 'Héraclée (* C 110 ), était un
disciple de Platon , on peut supposer qu 'Euxénôn l’était aussi. D 'ailleurs d'autres
sources nous ont donné deux noms de conjurés : Antithéos (> A 219 ) et Léoni
dès ; or, ce dernier est explicitement désigné par Trogue-Pompée, Épitomè de
Justin XVI5 , 12 -13, comme un disciple de Platon .
Voir la Prosopographia Heracleotica publiée par W . Ameling en appendice à
Lloyd Jones, The Inscriptions of Heraclea Pontica, coll. IK 47 , Bonn 1994 ,
p. 137 .
PATRICK ROBIANO .
180 EUXITHÉOS RE 5
Dans le second livre de ses Vies (fr. 38 Wehrli = Athénée IV, 157c, Philolaos,
DK 44 b 14 ), le péripatéticien Cléarque de Soles ( C140 ), rapporte une
doctrine enseignée par le pythagoricien Euxithéos : les âmes sont liées au corps
pour expier une faute et des châtiments encore plus graves sont réservés aux
hommes qui n 'attendent pas le consentement de dieu pour rompre ce lien avec le
corps. Euxithéos est presque certainementun personnage fictif. Voir W . Burkert,
Lore and Science, p . 124 n . 21.
Dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 145, 4 Deubner, estmentionné un
Accideoç (2 - D 89) parmi les pythagoriciens de Paros.
BRUNO CENTRONE.
181 EUXITHÉOS Fiva
Ce disciple d'Aristote , probablement athénien, semble avoir été connu surtout
commeorateur politique : selon Plutarque, Praec. ger. reip . 803 c, ses discours
se caractérisaient par un goût de la dérision provocatrice qui annonçait ceux de
Caton l'Ancien et de Cicéron .
BERNADETTE PUECH .
E 184 ÉVAGRE LE PONTIQUE 399
182 EUXITHÉOS D 'ATHÈNES
Stobée, Anthologie II 15, 38, cite une sentence de ce personnage par ailleurs
inconnu : « < Eu> xithéos l’Athénien a dit que ceux qui sont bons < en paroles> ,
mais ne sont pas bons dans leur vie sont semblables aux bonnes choses (que l'on
voit) en rêve » . Le nom est d 'ailleurs corrigé : < Eu > xithéos, à la fois dans le
lemme et dans l'introduction de la sentence. D 'autres reconstitutions, comme
Dexithéos, seraient possibles.
RICHARD GOULET.
183 ÉVAGRE PLREI: 1 IV
Le philosophe Evagrius est attesté , à Rome, dans le fragment de liste CIL VI
2153, en même temps qu 'un autre philosophe, Sébasmius, et que cinq prêtres de
rang consulaire ; le document date des années 320.
BERNADETTE PUECH .
184 ÉVAGRE LE PONTIQUE ca 345-399
Moine grec, disciple de Basile de Césarée et de Grégoire de Nazianze ,
condamné au Vie s . pour origénisme en même temps qu' Origène et Didyme
l'Aveugle .
Les rares informations biographiques dontnous disposons viennent de sour
ces monastiques (principalement du ch . 38 de l'Histoire Lausiaque de Pallade)
ou d 'historiens ecclésiastiques du ve s. (Socrate , H . E . IV 23, et Sozomène, H . E .
VI 30). Né vers 345 à Ibora, dans la province du Pont, il s 'attacha à Basile, puis
à Grégoire de Nazianze qui le nomma diacre . En 380 , il suivit ce dernier à
Constantinople et se distingua dans la lutte contre les hérétiques. A la suite d 'une
aventure sentimentale avec la femme d 'un haut fonctionnaire, il quitta précipi
tamment la capitale et se rendit à Jérusalem . De là , vers 383, sur les conseils de
Mélanie l' Ancienne et de Rufin d'Aquilée, il gagna l'Égypte pour y mener la vie
monastique (deux ans à Nitrie et quatorze aux Kellia ). Ilmourut au début de 399 .
C 'est dans les conditions précaires du désert égyptien qu'il composa la quasi
totalité de son æuvre . Voir d'une part les notices de A . et C .Guillaumont, 1 DSP
IV , 1961, col. 1731- 1744 ; 2 RAC VI, 1966 , col. 1088 -1107 ; 3 TRE X , 1982 ,
p . 565-570 , et d 'autre part 4 A . Guillaumont, Les Képhalaia Gnostica ’ d ’Évagre
le Pontique et l'histoire de l'origénisme chez lesGrecs et chez les Syriens, coll.
« Patristica Sorbonensia » 5, Paris 1962.
Nous savons peu de choses sur la formation littéraire et philosophique reçue
par Évagre . L 'historien Sozomène nous dit qu' il fut instruit dans la philosophie
et les sciences sacrées par Grégoire de Nazianze lui-même, et Pallade nous le
présente comme « un fin dialecticien contre toutes les hérésies» . Pour une éva
luation de cette formation , voir 5 W . Lackner, « Zur profanen Bildung des Eua
grios Pontikos» , Hans Gerstinger-Festgabe, Graz 1967, p . 17 -29, qui relève et
commente les textes dans lesquels Évagre montre une certaine connaissance de
l'Isagogè de Porphyre et de l'Organon aristotélicien.
400 ÉVAGRE LE PONTIQUE E 184

L 'œuvre d'Évagre est actuellement d'un accès difficile : elle se trouve disper
sée dans des publications variées et le travail de reconstitution et d' édition cri
tique n 'en est qu' à ses débuts. A la suite de la damnatio memoriae qui l'a frap
pée pour cause d 'origenisme, une partie a en outre disparu dans sa langue origi
nelle et n 'est plus conservée que dans des versions orientales (syriaques et
arméniennes principalement). Voir liste (comportant de nombreuses inexacti
tudes et quelques textes étrangers ) dans CPG t. II et Supplementum , nºs 2430
2483.
Évagre exprime de préférence sa pensée sous la forme de courts chapitres
(képhalaia ) dont l'obscurité voulue est destinée à écarter les lecteurs profanes et
à exercer la sagacité de ceux qui sont en mesure de comprendre. Ses traités sont
toujours adaptés au degré spirituel des destinataires, principalement des moines.
Nous ne retiendrons ici que lesœuvres de caractère plus spéculatif ayant quelque
rapport avec la philosophie . Le cæur de l'euvre est constitué par une trilogie
comprenant le Traité pratique (éd . A . et C . Guillaumont, SC 170 et 171, Paris
1971), le Gnostique (iidem , SC 356 , Paris 1989 ; texte partiellement perdu en
grec) et les Képhalaia Gnostica (six centuries tronquées, de 90 chapitres cha
cune , qui ne sont conservées dans leur intégralité qu'en syriaque à travers deux
versions: éd. A . Guillaumont, Les six Centuries des « Képhalaia gnostica »
d 'Évagre le Pontique, PO 28, 1, Paris 1958 ; seul un quart de l'æuvre a été
retrouvé en grec ). Le premier ouvrage analyse les passions regroupées sous huit
pensées (Roylouoi) génériques et indique les moyens de les combattre et de par
venir à l'impassibilité (apatheia ); le second détermine les devoirs de celui qui a
atteint un haut degré spirituel, le gnostique ; le troisième expose les grandes
lignes du systèmemétaphysique (cosmologie, eschatologie, christologie et théo
logie ).
A ces trois æuvres fondamentales on peut joindre les trois suivantes: le traité
Sur les pensées ( éd . P .Gehin, A . et C .Guillaumont, SC 438, Paris 1998), qui est
consacré à l'analyse des logismoi et présente une théorie originale des noêmata ;
une collection de Skemmata (CPG 2433), dontles 39 premiers chapitres forment
une sorte de petit traité sur l'activité de l'intellect et les 23 derniers un abrégé de
la doctrine sur les logismoi, et les Chapitres sur la prière (CPG 2452), qui préci
sent les conditions d 'accès à la prière pure, considérée par l'auteur comme la
plus haute activité mentale de l'homme ici-bas (traduits et commentés par I.
Hausherr, Les leçons d'un contemplatif, Paris 1960 ). Évagre est aussi l'auteur
d 'une correspondance comprenant 64 lettres, dont deux au moins ont un réel
intérêt philosophique: la Lettre sur la Trinité (CPG 2439 ; en syriaque Lettre sur
la foi), entièrement conservée en grec parmi la correspondance de saint Basile
( éd . J.Gribomont dans M . Forlin Patrucco, Basilio di Cesarea . Le Lettere, I,
Torino 1983, p. 84 -113) , et la Grande lettre à Mélanie l'Ancienne (CPG 2438 ;
conservée uniquement en syriaque; trad. anglaise et comm . par M . Parmentier,
« Evagrius of Pontus' " Letter to Melania” », Bijdragen , tijdschrift voor filosofie
en theologie 46, 1985, p . 2-38). On pourra prendre une vue d 'ensemble sur la
correspondance à travers la traduction allemande donnée par G . Bunge, Evagrios
E 184 ÉVAGRE LE PONTIQUE 401
Pontikos, Briefe aus der Wüste , Trier 1986 . Évagre a enfin commenté sous forme
de scholies quatre livres de l'Ancien Testament: Proverbes (éd . P . Gehin, SC
340, Paris 1987) ; Ecclésiaste (iidem , SC 397, Paris 1993) ; Job (quelques frag
ments conservés dans les chaînes exégétiques) et Psaumes ( éd . préparée par M .
J. Rondeau ; se reporter au tableau des textes déjà édités établi par la même,dans
OCP 26 , 1960, p. 328-348). Le total des scholies conservées dépasse les 1800 .
Évagre est un adepte de l' exégèse allégorique issue de la tradition alexandrine,
telle qu 'elle a été pratiquée par Philon d ' Alexandrie et Origène, à condition que
celle- ci reste dans les limites du bon sens (refus d ' allégoriser à tout prix tous les
détails d 'un texte ). Le genre littéraire des textes commentés, qui sont des textes
sapientiaux, fait que cette exégèse est discontinue etmorcelée et qu ' elle s'inté
resse peu à l'enchaînement des idées ou au skopos du livre (sur ce point Évagre
est plus proche de Porphyre que de Jamblique). Plusieurs scholies de caractère
philosophique se présentent comme des « notes de lecture» , citant des philo
sophes comme Aristote (seulphilosophe à être nommé deux fois) et Porphyre ou
des auteurs patristiques comme Clément d'Alexandrie et Origène.
L'æuvre d ’Évagre révèle une pensée rigoureuse et audacieuse , et une certaine
aisance dans le maniement de la logique aristotélicienne (goût pour les distinc
tions et les définitions, recours fréquent aux syllogismes). Un certain nombre de
notions philosophiques communes se trouvent remployées et réinterprétées de
façon originale. Ainsi en est-il de la trichotomie « éthique, physique et théolo
gie» , issue d 'une des divisions de la philosophie qui avaient cours alors, à
laquelle Évagre donne un contenu entièrement nouveau, et dont il fait un usage
étendu, puisqu'elle exprime tout à la fois les diverses étapes du progrès spirituel
et les divers niveaux de compréhension de l'Écriture . Pour sa conception de la
yu @ ols, notion centrale de son æuvre, Évagre est tributaire de Clément
d'Alexandrie. Comme ce dernier, il forme le projet d 'une vraie gnose , distincte
de la pseudo- gnose des sectes philosophico-religieuses. Fondée sur l'interpréta
tion allégorique des écritures et la recherche des principes explicatifs (logoi) de
tous les êtres créés, corporels et incorporels, elle culmine dans la connaissance
de Dieu lui-même, qui est « connaissance essentielle » . Les niveaux de connais
sance sont toujours liés à la plus ou moins grande pureté de l'intellect, appelé à
retrouver sa « nudité » originelle . Un dernier trait remarquable de l'euvre
d 'Évagre, c 'est la finesse des analyses psychologiques, résultat d 'une attention
permanente à soi et de l'expérience accumulée par plusieurs générations de
Pères; cette psychologie est très marquée par les représentations cosmologiques
de l' époque, qui placent l'homme au point de rencontre d'influences contraires,
hostiles ou favorables (d 'où l'importance de la démonologie et de l' angélologie).
Présentation synthétique de la doctrine d'Évagre dans Guillaumont 4, p . 102
123, et 6 Id., « Un philosophe au désert: Évagre le Pontique» , Aux origines du
monachisme chrétien, coll. « Spiritualité Orientale » 30, Abbaye de Bellefontaine
1979, p. 185-212.
Concernant les sources philosophiques et patristiques d 'Évagre, on trouvera
des éléments épars dans les introductions et les commentaires des éditions cri
402 ÉVAGRE LE PONTIQUE E 184
tiques récentes (SC 170-171, 340, 356 , 397 et 438 ). Si, du côté chrétien , on peut
aisément distinguer trois sortes d'influences (alexandrine, cappadocienne et
monastique égyptienne), il est plus difficile de situer la pensée d 'Évagre face à la
philosophie païenne et de faire la part entre ce qui relève de conceptions commu
nément répandues et ce qui vient d'une fréquentation directe des auteurs. La part
stoïcienne est importante dans le domaine éthique et dans la théorie de la
connaissance. L 'æuvre reflète l' intérêt porté à Aristote à l'occasion des contro
verses théologiques suscitées par l'arianisme dialectique d 'Aèce et d 'Eunome
( E 122),mais il faudrait surtout la confronter avec le néoplatonisme: des rap
prochements ont déjà été établis avec Plotin et Porphyre (à noter, dans ce dernier
cas, la parenté des képhalaia évagriens avec les Sentences pour conduire aux
intelligibles et le même accentmis sur la vie selon l'intellect). Brèves indications
sur les sources philosophiques dans A . et C . Guillaumont 2, col. 1103-1105 .
Quelques études particulières : sur le problème du nombre dans la Trinité, 7 R .
Arnou, « Unité numérique et unité de nature chez les Pères, après le Concile de
Nicée » , Gregorianum 15, 1934, p . 242-254 ; sur l'intellect, 8 K . Ware, « Nous
and noesis in Plato , Aristotle and Evagrius of Pontus» , Diotima 13, 1985 ,
p . 158- 163, et 9 A . Guillaumont, « La vision de l'intellect par lui-même dans la
mystique évagrienne» , dans Études sur la spiritualité de l'Orient chrétien, coll.
« Spiritualité Orientale » 66, Abbaye de Bellefontaine 1996 , p . 144- 150 (parenté
avec l'expérience mystique plotinienne); sur les devoirs du gnostique comme
maître spirituel et interprète de l'Écriture , 10 A . Guillaumont, « Le Gnostique
chez Clément d 'Alexandrie et chez Évagre le Pontique », Ibidem , p. 151-160.
L ' influence d 'Évagre sur les auteurs spirituels a été considérable dans le
monde byzantin (par ex. sur Maxime le Confesseur) et dans le monde syriaque,
où ses euvres ont été traduites dès la fin du ve siècle (voir Guillaumont 4 ,
p . 171-332) ; dans le monde occidental latin , cette influence s'est surtout exercée
par l'intermédiaire de Cassien de Marseille .
PAUL GÉHIN .

185 ÉVARESTOS DE CRÈTE MII


Aelius Aristide ( + A 349) avait fait la connaissance de ce philosophe au cours
de son séjour en Égypte, donc vers 140. Évarestos séjourna un peu plus tard à
l'Asclépieion de Pergame, « pour s'informer à propos du dieu » (Discours Sacrés
IV 23 ). Rien n 'autorise l'hypothèse de C . A . Behr, Aelius Aristides and the
Sacred Tales, Amsterdam 1968, p . 54, qui songeait (« possibly » ) à rattacher
Évarestos à l'école de Gaius, que cet auteur situe à Pergame.
BERNADETTE PUECH .
186 EVARETUS ( Q . AELIUS EGRILIUS - ) PIR2 A 171, RE Aelius 52 MII
Ami de Salvius Iulianus, ce philosophe accompagna le jurisconsulte lors de
son gouvernement en Germanie inférieure, sous Antonin , commeen témoigne la
statue que sa femme et ses enfants lui élevèrent à Wesseling (CIL XIII 8159 =
ILS 7776 ). Son cognomen indique une origine grecque ; peut-être tenait-il sa
E 187 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE 403

citoyenneté romaine d 'Egrilius Plarianus, ami de Fronton (Ad am . I 4 ), comme


l'a supposé G . Hensen , Volumen tertium collectionis Orellianae supplementa
exhibens, Zurich 1856 , n° 5600.
BERNADETTE PUECH .
187 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE (ou deMessène) RE 3 ca 340 - ca 260
Auteur d'un récit de voyage autopiste ” intitulé ' Iepà åvaypaoń (« Récit
sacré» ou « Inscription sacrée » ?), qui servait de cadre à l'exposé d 'idées philo
sophiques sur l'origine des dieux. Cet ouvrage (dont au moins un troisième livre
est cité par Athénée XIV , 658 f) a fait l'objet d 'une traduction ou d 'une adapta
tion en latin par le poète Ennius ( E 25) : Euhemerus – Sacra Scriptio ou Sacra
Historia , dont les principaux vestiges se lisent chez Lactance.
Fragments et témoignages. 1 F. Jacoby, FGrHist 63, t. I, 1923, p. 300-313
(pas de commentaire) ; 2 Giovanna Vallauri (édit.), Evemero diMessene. Testi
monianze e frammenti con introduzione e commento, coll. « Pubbl. della Facoltà
di Lettere e Filosofia dell'Univ. di Torino » VIII 3, Torino 1956 ; 3 M .
Wyniarczyk (édit.), Euhemeri Messenii reliquiae, coll. BT, Stuttgart/Leipzig
1991, XXXVII-76 p., avec bibliographie, p.XVIII-XXXI.
Pour les fragments d ' Ennius, voir 4 G . Garbarino , Roma e la filosofia greca dalle origini
alla fine del II secolo A . C ., Torino 1973, t. I, fr. 49-54, p. 72-73 ; t. II, p . 289- 308 ( commen
taire ) ; 5 M . Winiarczyk , « Ennius' Euhemerus sive Sacra historia » , RAM 137, 1994 , p . 274 .
291. Trad. angl. par 6 E . H . Warmington, Remains of Old Latin, coll. LCL 294, Cambridge
(Mass .)/London 1935 , vol. I : Ennius and Caecilius, p . 414 -431.
Bibliographie . 7 M . Winiarczyk, « Bibliographie zum antiken Atheismus» ,
Elenchos 10 , 1989, p. 126 -144 , qui rassemble 291 références sur Évhémère .
Cf. 8 F . Jacoby, art. « Euemeros» 3, RE VI 1, 1907, col. 952-972 ; 9 A . Polet,
Deux utopies hellénistiques. La Panchaïe d 'Évhémère et la Cité du Soleil de
Jambule, coll. BFAC IX 1, Le Caire 1947 ; 10 H . F . Van der Meer, Euhemerus
van Messene, Diss. Amsterdam 1949 ; 11 G . Vallauri, Origine e diffusione dell
Evemerismo nel pensiero classico, coll. « Pubbl. della Facoltà di Lettere e Filo
sofia dell'Università di Torino » XII 5, Torino 1960 ; 12 K . Thraede, art. « Euhe
merismus» , RAC VI, 1966, col. 877-890 ; 13 J. Pépin, Mythe et allégorie. Les
origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes,Nouvelle édition, revue
et augmentée, Paris 1976 , p. 147-149 ; 14 R . Bichler, « Zur historischen Beur
teilung der griechischen Staatsutopie »,GB 11, 1984, p. 179-206 ; 15 V . Domín
guez García , Los dioses de la ruta del incienso . Un estudio sobre Evémero de
Mesene, Oviedo 1994 , 211 p., texte grec et traduction espagnole des passages
conservés par Diodore et Eusébe; p. 157- 171, bibliographie, p. 173-190.
Informations biographiques. Le seul renseignement biographique que nous
possédions est fourni par Diodore VI 1, 4 (test. 3 Wyniarczyk), qui présente
Évhémère comme un amidu roi Cassandre de Macédoine (316 -297), à l'instiga
tion duquel il aurait entrepris de grands voyages. Le renseignement était sans
doute tiré du prologue du roman, qui pouvait cependant situer les voyages
d 'Évhémère dans un cadre historique fictif. Les dates généralement retenues (ca
340 - ca 260) sontdonc très approximatives.
404 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE E 187
Cette datation peut être confirmée parune allusion à Évhémère chez Callimaque (lambes):
« Venez, rassemblez-vous dans le sanctuaire devant lesmurs, I là où l'inventeur de l'antique
Zeus Panchaios, I ce vieillard hâbleur, griffonne des livres impies » ( trad. Lachenaud). Voir
16 R . Pfeiffer (édit.), Callimachus, t. I, Oxford 1949, p . 162 (sur lambes 1 , fr. 191, 9- 11). Les
vers sont cités par le Pseudo -Plutarque, Opinions des philosophes I 7 , qui y reconnaît une
allusion à Évhémère . Voir aussi Sextus, Adv. Math . IX 51. Selon 17 Dee L . Clayman , Calli
machus' lambi, coll. « Mnemosyne. Suppl.» 59, Leiden 1980, p. 11-12, qui reprend une hypo
thèse de 18 B . R . Rees, « Callimachus, lambus I. 9- 10 » , CR 11, 1961, p . 287 -289, les vers que
Callimaque mettait dans la bouche du fantôme d'Hipponax feraient allusion à une statue
d 'Évhémère située dans le Sérapéion de Parménion à Alexandrie.
La forme grecque de l'ethnique ne permet pas de savoir s'il était originaire de Messine en
Sicile ou de Messène dans le Péloponnèse . On penche généralement pour la première hypo
thèse. D 'autres sources font venir Évhémère de Tégée (Théodoret, Thérapeutique II 112 et III
4 ; voir aussi (Galien ), Hist. Philos. 35), d 'Agrigente (Clément, Protreptique II 24 , 2 ) ou de
Cos (Athénée XIV , 658 f).
Le voyage à Panchaïa. Le fragment le plus important est un extrait du livre
VI de Diodore de Sicile conservé par Eusébe de Césarée, Praep. Evang. II 2, 52
62, qui doit être lu en parallèle avec la description de l'île de Panchaïa au livre V
de Diodore (chapitres 42 -46 ).
Sur l'île d'Évhémère et la signification de son nom , voir 19 K . Ziegler, art. « Panchāïa»,
RE XVIII 3 , 1949, col. 493-495.Certains auteurs antiques (comme Ératosthène, Polybe, Posi
donius ou Strabon ) ont critiqué les informations géographiques fournies par Évhémère ,
comme s'ils avaient ignoré le caractère fictif de son récit.
Le point central du récit consistait dans la description de l'île de Panchaïa, à
plusieurs jours de navigation de l'Arabie heureuse dans l'Océan Indien , et de sa
société divisée en (a ) prêtres et artisans, (b ) cultivateurs et (c) soldats et pasteurs
(V 45 3 ; cf. Hippodamos de Milet apud Aristote, Polit. II 8, 1267 b ).Les prêtres
de Panchaïa se présentaient comme des Crétois installés dans l'île par Zeus,
quand il était roi du monde habité, et ils fondaient cette origine sur le grand nom
bre de termes crétois que véhiculait leur langue (V 46 , 3). C 'est dans le cadre de
ce récit qu 'Évhémère introduisait son enseignement philosophique fondé sur une
inscription (avaypaoń , V 46 , 3) gravée sur une stèle d'or par Zeus dans un
temple (Zeus Triphylios) qu 'il avait érigé sur l' île quand il était encore un hom
me régnant sur toute la terre habitée (V 46, 3 ; voir aussi Lactance, Inst. I 11, 33
34). L 'inscription , en caractères panchéens (ou en hiéroglyphes égyptiens selon
Diodore V 46 , 7), racontait en résumé les hauts -faits d'Ouranos, Cronos et Zeus,
conçus commedes rois orientaux,mais aussi, selon Diodore V 46, 7, ceux d 'Ar
témis et d' Apollon , tels que les avait consignés Hermès. Évhémère s'intéressait
non seulement aux dieux mentionnés (dont la généalogie est exposée par Dio
dore VI 1 , 8 - 10 ), mais aussiaux héros et à d 'autres divinités qui n 'appartenaient
pas au Panthéon grec (Ammon ?). Ainsi, pour lui, Cadmos aurait été le cuisinier
d 'un roi et il se serait enfui avec Harmonia, une joueuse de flûte (Athénée XIV ,
658 f = test. 77 W .). D 'après la version d 'Ennius, Vénus (Aphrodite) aurait de
même été la première prostituée et aurait institué cet art parmi les femmes de
Chypre (apud Lactance , Div. Inst. I 17 , 9- 10 = test. 75 A W .).
On peut résumer les généalogies divines qui servaient à démontrer la théorie
au moyen de deux stemmas.
E 187 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE 405

Version de Diodore (Eusèbe):


Ouranos - Hestia

Titan Cronos oo Rhéa Démèter

Zeus Héra Poseidon

Courètes (Héra ) Perséphone (Déméter) Athéna (Thémis )


Version de Lactance :

(frères?) Ouranos/Uranus - Hestia /Vesta

Titan Cronos/Saturne - Rhéa/Ops Démèter/Cérès

Titans Zeus/Jupiter Héra/Junon Poséidon/Neptune Plouton/Dis Pater/Orcus Glauca


L ' évhémérisme” . Toute cette mise en scène ethnologique servait, croit-on,
à justifier par des documents historiques en principe incontestables, bien que
difficilement vérifiables , une doctrine philosophique concernant l'origine des
croyances religieuses. Pour Évhémère , les dieux traditionnels de la religion
populaire étaient à l'origine des hommes puissants (Sextus, Adv. Math . IX 17 ;
voir aussi IX 34 et 51), « généraux, amiraux et rois » (Plutarque, De Iside et Osi
ride 23, 360 a ), qui s'attribuèrentdes prérogatives divines pour assurer leur pou
voir, ou bien des bienfaiteurs de l'humanité qui furent divinisés en reconnais
sance de leur évergétisme.
Un des éléments de la méthode d' Évhémère était d' indiquer comment chacun de ces dieux
était mort et à quel endroit il avait été enseveli (Cicéron, De nat. deor. I 119 , et les passages
d 'Ennius cités à ce propos par A . S. Pease, M . Tulli Ciceronis De natura deorum libri III,
Cambridge (Mass.) 1955 , réimpr. Darmstadt 1968, t. I, p . 519). Selon Lactance (Instit. I 11, 8),
Évhémère exposait en effet leur naissance, leurs mariages, leurs enfants , leur carrière poli
tique, leurs exploits, leur mort et leur sépulture .
Cette définition de l'évhémérisme, qui a valu à son auteur, dès l'antiquité ,
d' être considéré comme athée , laisse ouvertes de nombreuses questions qui ne
trouvent pas dans les fragments de réponse incontestable . (1) Quel rapport entre
tenait le récit de voyage à Panchaïa avec l'explication théologique ? (2) En four
nissantune explication rationaliste de l'origine des dieux, Évhémère entendait-il
détruire les croyances religieuses ? ( 3) Cette dénonciation de l'origine humaine
des dieux terrestres (du panthéon hellénique ) était-elle compatible avec une
vénération des dieux célestes ? (4) Les deux modes de divinisation attestés par
les fragments (auto -consécration des rois primitifs et divinisation des bienfai
teurs de l'humanité) sont-ils équivalents ? Le premier n 'implique-t- il pas une
critique plus poussée de la religion que le second ? On ne peut ici qu'aborder
rapidement ces différents points afin d' illustrer les tendances de la recherche.
406 ÉVHÉMÈRE DEMESSINE E 187
Panchaïa , une utopie ? On a assez souvent rattaché la description de l'île de
Panchaïa à la tradition utopique de l'époque hellénistique. Voir encore récem
ment 20 L . Giangrande, « Les utopies hellénistiques », CEA 5, 1976 , p. 17-33
(surtout p. 22 -25), repris sans grands changements sous le titre « Les utopies
grecques» ,REA 78-79, 1976-1977, p. 120-128 (surtout p. 123-124), qui établit
un rapprochement avec la fondation d 'Ouranopolis sur le mont Athos par
Alexarque, le frère de Cassandre (Athénée III, 98 d -f ; Strabon VII, fr. 35).
La fondation d'Ouranopolis semble inspirée par l'idéaluniversaliste d 'Alexandre le Grand.
Les citoyens de cette cité s 'appelaient les Ouranides, leur caractéristique commune n 'était
donc pas d'habiter un pays déterminé,mais bien d 'être des fils du Ciel. Une langue originale,
dont Athénée a préservéun échantillon,avait été créée à leur intention.
Il est certain que le récit d'Évhémère ressemble à d'autres récits utopistes de
l' époque hellénistique, comme ceux d 'Hécatée d 'Abdère ( H 12) ou de
lamboulos ( I 5).Mais 21Marianne Zumschlinge, Euhemeros. Staatstheore
tische und staatsutopische Motive, Diss. Bonn 1976 , 247 p., notamment p. 240 ,
et, à sa suite, 22 R .J. Müller, « Überlegungen zur ' lepà 'Avaypaoń des Euhe
meros von Messene» , Hermes 121, 1993, p. 276 -300, notamment p. 292, consi
dèrent que le récit ne présente pas les caractéristiques de l'utopie au sens strict :
les institutions et les conditions de vie sur l'île ne sont pas présentées commeun
idéal plus ou moins réalisable conçu en opposition avec la situation présente . Ces
auteurs considèrent que le voyage fictif servait essentiellement à fonder l'expli
cation evhémériste de l'origine de la religion sur l'existence de documents
conservés, fût-ce dans un pays difficile d'accès. Déjà Jacoby 8, col. 961- 962,
avait montré que l'utopie d' Évhémère fait l'économie de tous les détails mer
veilleux et incroyables qui caractérisaient ce genre littéraire, sans doute pour ne
pas compromettre la confiance que le lecteur devait accorder à l'enseignement
théologique essentiel. Il constatait de même (col. 962) que les informations
fournies sur l'organisation sociale de Panchaïa ne semblent pas inspirées par un
projet de réformepolitique.
Selon Müller 22, p . 298-299, le récit de voyage était entièrement subordonné à l' enseigne
ment philosophique. Pour prouver que les dieux étaient primitivement des rois humains, il
suffisait de trouver des documents anciens racontant leurs exploits et, si possible, écrits de la
main même de ces rois. Il ne fallait pas situer un tel document en Grèce, dont on savait les
traditions écrites trop récentes et surtout où il était trop facile de vérifier l'existence ou
l'absence d ' un tel document, ni même en Egypte, car l'Egypte était trop bien connue des
Grecs et les documents égyptiens n 'auraient pas expliqué l'origine des dieux grecs. L 'île de
Panchaïa offrait l'avantage de l'éloignement, mais surtout elle était en rapport avec la Crète.
Ses institutions n 'ayant pas été soumises à des bouleversements, elle répondait parfaitementau
projet d'Évhémère. Son clergé traditionaliste, puissant, riche et coupé du reste de la population
( interdiction de quitter le sanctuaire ), pouvait garantir la conservation de l'inscription de Zeus.
Selon Jacoby 8 , col. 963, l'enseignement d 'Evhémère n ' était donc pas le fruit de réflexions
personnelles, ni le souvenir d'entretiens avec des prêtres ou de lectures savantes,mais bien le
dévoilement d 'un document conservé écrit de la main même de Zeus (Diodore V 46 , 3 ) et
d'Hermès ( V 46 , 7) .
Une religion sécularisée ? L 'île de Panchaïa est donc une sorte de sanctuaire
ancestral, lointain et inaccessible, susceptible de fournir une information pré
cieuse sur les origines des cultes grecs. Mais c 'est aussi une société sacrale,
E 187 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE 407
dominée par son clergé et rassemblée autour de son temple. Comment Évhémère
: !12, religieuse
mettait- il en rapport sa critique ableau ididyllique
au chalec ttableau
55 )21 -il avec . de cette
société religieuse ? Quel rôle attribuait-il au clergé de la pieuse Panchaïa
(Diodore apud Eusèbe, P . E . II 2 , 55) ? Ces prêtres étaient-ils présentés comme
les divulgateurs de l'explication evhémériste ou bien comme des représentants
typiques de l'obscurantisme religieux ?
Les fragments ne conservent en vérité aucun jugement de valeur sur Panchaïa.
On signale sa richesse et son ancienneté (Diodore apud Eusébe, P. E . II 2, 56 , cf.
Diodore V 42, 5 ). La piété des habitants de Panchaïa est également mentionnée
(Diodore apud Eusèbe, P . E. II 2 , 55), sans que cela fasse l'objet ni de louanges,
ni d'aucune forme d' ironie . Il semble pourtant que ces prêtres soient conscients
de l'origine humaine de leurs dieux, puisqu 'ils se représentaient eux-mêmes
comme les descendants d'anciens Crétois amenés par Zeus à Panchaïa « lorsqu' il
régnait chez les hommes sur toute la terre habitée » (Diodore V 46 , 3). Ils n 'hési
taient pas à montrer les inscriptions gravées par Zeus « à l'époque où, vivant
encore parmi les hommes, il fonda le sanctuaire » (Diodore V 46 , 3). Il faut donc
penser que la doctrine d 'Évhémère sur l'origine des dieux était déjà celle du
clergé de Panchaïa .Mais alors , le culte rendu à ces dieux ne devait être conçu ,
dans l'esprit d 'Évhémère, ni comme une supercherie ni comme une illusion .
Peut-on concevoir que l'explication rationaliste ait été compatible avec une
reconnaissance de la légitimité du culte rendu ?
L 'athéisme d'Évhémère. Si on ne lit dans les fragments aucune condamna
tion de la religion de Panchaïa et de ses prêtres, alors même que ces derniers
semblent parfaitement conscients de l'origine humaine de leurs dieux, on peut se
demander si Évhémère se proposait vraiment d'“'écraser l'infâme" et s'il méritait
bien l'accusation d'athéisme que l'antiquité a attachée à son nom .
Évhémère ("de Tégée" ) est associé aux athées célèbres Diagoras " de Milet” ou Théodore
de Cyrène par Théodoret, Thérapeutique II 112 et III 4 . Eustathe, In Od., I, p . 134 , ajoute
“ Diogène le Phrygien " (= Diogène d'Apollonie ), Hippon , “ Sosias” et Épicure. Ces divers
noms sont empruntés par Eustathe à Élien , Hist. var. II 31, qui oppose tous ces athées chez les
Grecs à la sagesse des barbares qui n 'ont jamais douté de l'existence et de la providence des
dieux. Clément, Protreprique II 24, associe Évhémère “ d'Agrigente " à Nicagoras de Chypre ,
Diagoras de Milet, Hippon deMilet et Théodore de Cyrène. Voir aussi Sextus, Adv. Math . IX
17 : Eůňuepos de Ó Érixindeic čokos (associé à Prodicos de Céos) et IX 51 ; Théophile
d ' Antioche, Ad Autolycum III 7 . La critique evhémériste des dieux de la religion populaire a
évidemment fourni de l'eau au moulin des apologètes chrétiens. Voir surtout 23 F . Zucker,
« Euhemeros und seine ‘lepà ávaypapń bei den christlichen Schriftstellern » , Philologus64,
1905, p .465-472.
On a également contesté l' athéisme d'Évhémère à cause d'un passage qui
présente le roi Ouranos comme un homme bon, bienfaisant et savant astronome,
qui « fut le premier à honorer par des sacrifices les dieux célestes» (Diodore VI
1, 8), « éternels et incorruptibles» (VI 1, 2). L 'explication de l'origine humaine
des dieux terrestres ne remettrait pas en cause la vénération due aux dieux
célestes comme le soleil ou la lune. Ces deux catégories sont nettement distin
guées dans le fragment conservé par Eusebe (P. E. II 2, 52-54). Selon Jacoby 8,
col. 964, il serait donc excessif de faire d'Évhémère un athée, comme on l'a fait
408 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE E 187
déjà dans l'antiquité. Sa théologie ne portait que sur la seconde classe de dieux ,
les dieux terrestres (Éniyeloi Qeol). 24 A .J. Festugière, La Révélation d'Hermès
Trismégiste, t. II : Le Dieu cosmique, Paris 1949, p . 192- 193, rattache lui aussi
Évhémère à un courant intellectuel (illustré notamment par Théophraste) qui, à
côté d'une « attitude sceptique et rationaliste à l'égard des dieux traditionnels » ,
essayait de promouvoir comme vrais dieux les dieux célestes, le Ciel lui-même
et les astres.
Il importe cependant de bien circonscrire les fragments pour ne pas prêter à
Évhémère des idées que Diodore pouvait emprunter à d'autres sources. Selon
25 W . Spoerri (Späthellenistische Berichte über Welt, Kultur und Götter, coll.
« Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft >> 9, Basel 1959, p. 189
195), la distinction entre dieux célestes ou éternels (åíòloi) et dieux terrestres
que l'on trouve dans le fragment conservé par Eusebe (P. E. II 2 , 52-62 = Dio
dore VI 1, 1-2 = test. 25 W .) ne devrait pas être attribuée à Évhémère. Ce dernier
en toutcas ne traitait que des dieux terrestres.
D 'autre part, dans le passage cité plus haut (Diodore VI 1, 8), le portrait
d 'Ouranos comme initiateur du culte aux dieux célestes contredit d 'autres
témoignages qui présentent Zeus comme l'initiateur d'un culte rendu à son
grand-père Ouranos. Dans le fragment conservé par Eusébe, on peut voir que les
extraits d'Évhémère étaient rapportés au style indirect par Diodore et entrecou
pés d'interventions de Diodore lui-même. Les mots " dans le livre précédent"
dans le fragment cité par Eusebe (P . E. II 2, 57) renvoient ainsi au livre V de
Diodore, où l'historien avait déjà parlé de l'île de Panchaïa . Par conséquent, le
passage sur Ouranos (apud Eusébe, P . E . II 2 , 58 = Diodore VI 1 , 8 ) pourrait ne
pas être un compte rendu littéral du point de vue d'Évhémère et avoir été conta
miné par d'autres conceptions chères à Diodore. Les variantes que l'on relève
entre l'extrait du livre VI et la description de Panchaïa au livre V invitent égale
ment à envisager la possibilité que Diodore ait utilisé dans son livre VI une
source intermédiaire où le récit d'Évhémère avait déjà été résumé et peut-être
réinterprété . Chez Diodore V 44 , 6 , le roiOuranos est dit avoir habité les hau
teurs de l'île de Panchaïa , où il s'adonnait à l'observation (et non au culte ) des
astres (ενδιατρίβειν εν τώδε τω τόπω, και από του ύψους έφοράν τόν τε
ουρανόν και τα κατ' αυτόν άστρα).
Un point de vue évhémériste plus cohérent sur Ouranos, divinisé parce qu'il avaitmis ses
connaissances astronomiques au service de son peuple, peut être lu chez Diodore III 56 , 3-5,
dans un passage emprunté à Dionysios Scytobrachion. Voir FGrHist 32 F 7 (et commentaire ),
et 26 J. S. Rusten, Dionysius Skytobrachion, coll. « Abhandlungen der Rheinisch -West
fälischen Akademie der Wissenschaften , Sonderreihe : Papyrologica Coloniensia » 10 ,
Opladen 1982, fr. 6 .
Selon la mythologie des Atlantes, Ouranos était un roi qui avait rassemblé dans l' enceinte
d 'une ville les hommes qui habitaient ici et là. Il imposa à ses sujets de mettre un terme à leur
mode de vie anarchique et bestial après avoir découvert l'utilisation et la conservation des
produits de la culture et plusieurs autres choses utiles. Il s'empara de la plus grande partie de
la terre habitée et principalement des régions occidentales etnordiques. Comme il était devenu
un observateur attentif des astres, il prédit de nombreux faits qui devaient se produire dans le
monde. Il introduisit pour les multitudes l'année à partir du mouvement du soleil, lesmois à
partir du cours de la lune, demême qu'il enseigna les saisons pour chaque année . C 'est pour
E 187 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE 409
quoi les gens, qui ignoraient l'ordre éternel des astres, émerveillés de voir ce qui arrivait
conformément aux prédictions, supposèrent que l' initiateur de ces innovations avait part à une
nature divine. Après qu 'il eut quitté le monde des hommes, ils lui rendirent des honneurs
immortels à cause de ses bienfaits et de sa connaissance des astres. Ils transférèrent son propre
nom au monde entier, considérant à la fois que ce nom (ouranos) était approprié aux levers et
aux couchers des astres, ainsi qu 'à tout ce qui arrive dans le monde, et que par la grandeur des
honneurs rendus il continuerait à accorder des bienfaits. Et à tout jamais ils l'appelèrent roi de
l' univers .
On voit donc que, contrairement au passage conservé par Eusébe, c 'est Ouranos quidonna
son nom au ciel (voir égalementLactance, Inst. I 11, 63), ce qui est une façon de réduire la
divinité du ciel à son " ordre éternel" immanent.
Enfin , si les hommes d'autrefois eurent l'idée de considérer certains de leurs
contemporains commedes dieux, c 'est manifestement parce qu'ils croyaient en
l'existence des dieux ou en avaient une quelconque notion . Il est intéressant de
remarquer à ce propos que 27 F . Susemihl (GGLA , t. I, Leipzig 1891, p. 321
322) a supposé que c'est justement pour cette raison qu'Évhémère aurait pré
senté Ouranos comme un adorateur des dieux célestes : par la suite, c 'est à des
hommes que l'on aurait octroyé le statut divin qu 'on avait dans un premier temps
réservé au Ciel et aux astres. Loin de limiter l'athéisme d 'Évhémère, l'exemple
d'Ouranos ne serait qu 'une astuce pour désamorcer une possible objection .
Deux modes de divinisation . Pour déterminer la finalité de la critique reli
gieuse d 'Évhémère , on peut également mettre à profit la nature des explications
qu'il fournit de l'origine des dieux. On distingue dans les fragments au moins
deux explications qui, sans être incompatibles entre elles, n 'accordent pas la
même légitimité aux dieux. D 'après Sextus, Adv.Math . IX 17 (test. 27 W .), qui
se présente comme une citation littérale et pourrait dépendre directement du
prologue de l'ouvrage, à une époque où la vie humaine était encore “ désordon
née”, des hommes puissants, pour asservir leurs congénères, se seraient revêtus
eux -mêmes d'une puissance divine supérieure et auraient en conséquence été
tenus pour dieux par le peuple . Face à cette auto - consécration , Évhémère envisa
geait également une divinisation , avant ou après leur mort, des hommes qui
apportèrent un concours inestimable à l'avancée de la civilisation (cf. Eusébe,
P . E. II 2 , 53, etaussi Diodore III 56 , 3 -5 (Denys Scytobrachion), si l'inspiration
de ce dernier texte estbien évhémériste).
Les querelles dynastiques racontées par Lactance et plusbrièvement évoquées
par Diodore suggèrent plutôt le mode de divinisation décrit par Sextus. De
même, les fragments concernant Cadmos ou Aphrodite semblent comporter une
pointe de dépréciation qui suggère chez Évhémère une attitude critique.Mais le
thème de l'évergétisme n'est pas absent de ces fragments. On y apprend par
exemple qu 'Ouranos était un homme bon , bienfaisant et expert dans la connais
sance du mouvement des astres (apud Eusébe, P. E. II 2, 58 ). Lorsqu 'il habitait
sur l'Olympe, Zeus exerçait un pouvoir judiciaire et c 'est à lui que l'on venait
montrer les découvertes utiles au genre humain (Lactance, Instit. I 11, 32, fr. 70
W .). Comme premier législateur, il aurait prohibé l'anthropophagie ( ibid . I
13, 2 ) .
410 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE E 187
Évergétisme royal et divinisation. On pourrait imaginer que ces deux expli
cations, dont aucune ne peut apparemmentêtre rejetée, puissent toutes deux ser
vir un même projet de démystification ,mettant en cause à la fois la naïveté des
peuples et le cynisme politique de leurs dirigeants. Il est plus difficile de les inté
grer toutes deux dans une perspective qui ne serait pas athée, mais, si l'on veut,
simplement politique. On peut en effet concevoir un évhémérisme radicalorienté
vers la dénonciation de la religion traditionnelle , se proposant de montrer dans
les dieux non seulement des bienfaiteurs de l'humanité, mais des despotes
machiavéliques. Face à cette interprétation, on peut imaginer une approche plus
neutre, expliquant l'origine des dieux sans remettre fondamentalement en cause
le droit de ces bienfaiteurs de l'humanité à la reconnaissance des peuples. La
religion recevrait une explication rationnelle, mais ne serait pas nécessairement
condamnée. C 'est dans cette perspective que 28 H . Dörrie , art. « Euhemeros » ,
KP II, 1967, col. 414 -415 , reprenant un point de vue déjà exprimé par 29 P .J. M .
Van Gils, Quaestiones Euhemereae, Diss. Univ. Amsterdam , Kerkrade 1902, a
vu dans l'ouvrage d'Évhémère une exhortation adressée aux princes hellénisti
ques comme Cassandre à pratiquer un évergétisme susceptible de leur assurer la
même divinisation que celle dontont joui les rois primitifs que furent Ouranos,
Cronos et Zeus. Dans le même sens, V . Domínguez García ( 15 , p . 156 ) voit dans
l' entreprise d 'Évhémère un essai de « fondation cosmico-politique de la divinité
des epigeioi theoi que furent Ouranos, Zeus, Héraclès, Dionysos et les
Ptolémées » .
Inversement certains historiens (par exemple 30 E . Schwartz , Fünf Vorträge
über den griechischen Roman, Das Romanhafte in der erzählenden Literaturder
Griechen, Berlin 1896 , p . 106 ), ont vu dans les généalogies divines d 'Évhémère
une sorte demiroir parodique des querelles dynastiques et des entreprises d 'auto
déification de l'époque d 'Alexandre et des diadoques, notamment dans le
royaume des Ptolémée. Voir aussi 31 R . Hirzel, Der Dialog, Ein literarhisto
rischer Versuch, I, Leipzig 1895, réimpr. Hildesheim , p. 390 -398.
Ces deux points de vue sont rejetés par Jacoby 8 , col. 967. Il semble impos
sible en effet de trouver des indices en leur faveur dans les fragments conservés.
Sources.On peut déjà trouver chez les historiens et les philosophes grecs les
principales idées d'Évhémère. Jacoby 8, col. 968 -969, signale de nombreux rap
prochements avec les Aigyptiaka d'Hécatée d 'Abdère (2H 12).
Conclusion sur le caractère du récit. On voit donc que la théologie évhé
mériste ne s 'identifie peut-être pas à la pensée originale d 'Évhémère et que plu
sieurs traits littéraires et doctrinaux que l'on relève dans les fragments s 'accom
modent mal de l'athéisme radical que lui ont prêté des auteurs antiques qui
n'avaient probablement plus de contact direct avec la ' lepà åvaypapń .Mais
l' athéisme d 'Évhémère, déjà affirmé par son contemporain Callimaque, est diffi
cile à nier .
Toutes les interprétations signalées plus haut présupposent que le propos
essentiel d 'Évhémère est d'ordre philosophique et que le cadre narratif du
voyage à Panchaïa ne servait qu' à fournir un fondement historique à la doctrine
E 187 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE 411
de l'auteur sur l'origine des dieux. On pourrait envisager, au moins à titre d 'hy
pothèse , que dans cet ouvrage la perspective romanesque soit première et les
doctrines philosophiques secondaires. Tout d' abord on a vu que la société
sacrale de Panchaïa , qui n 'est jamais critiquée dans nos fragments, servait très
mal un projet athéiste radical. Ensuite, on sait que l'explication rationaliste des
mythes n ' était pas une innovation d 'Évhémère et qu 'elle ne devait plus choquer
grandmonde à une époque où la foi dans les dieux de la religion populaire avait
été depuis longtemps ébranlée par les philosophes. Enfin , le recours à la stèle
d ' or gravée par Zeus dans une île inaccessible était un procédé tellement grossier
qu 'on peut douter qu 'il ait pu convaincre un lecteur cultivé de l'époque hellé
nistique. C 'est à la littérature de voyages fantastiques qu 'il faudrait alors ratta
cher la ‘ lepà avaypaoń d 'Évhémère . Les idées “ évhéméristes” n 'auraient servi
qu'à enrichir de points de vue originaux la doctrine des prêtres de Panchaïa et à
divertir les lecteurs. Il faudrait alors renoncer à y chercher une cohérence philo
sophique irréprochable.
Voir aussi l'étude récente de 32 C . Colpe, « Utopie und Atheismus in der
Euhemeros-Tradition » , dans M .Wacht (édit.), Panchaia. Festschrift K . Thraede,
coll. JAC - Ergänzungsband 22,Münster, 1995, p. 32-44.
RICHARD GOULET.
188 EXUPERANTIA (CONCORDIA -) F III/D IV
Philosophe d 'Hadrumète, épicurienne si l'on en juge par la teneur des précep
tes que son mari, M . Eustorgius Héraclamon Léonidès ( H 42), fit graver sur le
tombeau familial (BACTH 1955/6 , p . 40-46 ; cf. J. Ferguson , « Epicureanism
under the Roman Empire » , ANRW II 36 , 4 , 1990, p . 2320).
BERNADETTE PUECH .
1 FABIANUS (PAPIRIUS -) RE P 54 Fja
Né sans doute vers 35a, Papirius Fabianus vécut sous le règne d' Auguste et
une partie du règne de Tibère. Il se forma auprès des rhéteurs Arellius Fuscus et
Rubellius Blandus et s' acquit d 'ailleursune réputation notable (Sénèque, Contr.
II, pr. 1). Mais après avoir rencontré et entendu le philosophe Sextius, il se
tourna vers la philosophie, tout en continuant un certain temps à pratiquer la rhé
torique (Sénèque, Contr. II, pr. 4 ) avec Rubellius Blandus.
On ne sait quand eut lieu la rencontre avec Sextius, peut- être vers 10a ( 1 M .
Griffin , Seneca. A philosopher in Politics, Oxford , 2e éd ., 1991, p . 40 ). Dans
l'évocation tracée par Sénèque le rhéteur, plusieurs passages (II, pr. 2 ) suggèrent
un intérêt pour la philosophie, voire la diatribe, permettant une vive critique de
l'époque. Mais c 'est aussi « une âme se préparant par des préceptes purs et
vigoureux » . Sénèque souligne également sa sérénité . Dans le De breuitae uitae
(10, 1), Sénèque le philosophe insiste sur la vivacité avec laquelle il exhortait à
la lutte contre les passions: « car il ne fallait pas combattre avec finesse, ni avec
de minuscules blessures, mais défaire la ligne de bataille par une attaque » .
Papirius Fabianus se présente ainsi comme l'adepte d 'une philosophie pratique
proche du stoïcisme,mais qui ne se confond pas avec elle ; c'est la philosophie
de Sextius (voir les études de 2 Italo Lana, « Sextiorum nova et Romani roboris
secta » , RFIC 81, 1953, p. 209-215 , et 3 Id ., « La scuola dei Sesti» , dans Le latin ,
langue de la philosophie , Rome 1992, p . 109- 124).
Papirius Fabianus écrivit de nombreux livres de philosophie, autant que Cicé
ron selon Sénèque (epist. 100, 1) : des libri ciuiles, qui semblent avoir été un
traité de politique, des libri causarum naturalium , fréquemment cités par Pline
l'Ancien dans l'index de ses sources (voir le détail dans 4 W . Kroll,art. « Papi
rius Fabianus» , RE XVIII 3 , 1949, col. 1056 - 1059) et mentionnés également par
Charisius, et un traité De animalibus. L ' intérêt de Papirius Fabianus pour les
questions naturelles est indéniable. Pline l’Ancien se réfère souvent à lui et le
proclame rerum naturae peritissimus. Sénèque le cite dans les Questions Natu
relles (III 27, 3 ) et lui doit sans doute son intérêtmanifeste pour les sciences de
la nature . L ' influence de Papirius Fabianus sur le philosophe fut certaine et c 'est
sans doute à travers lui qu'il a connu Sextius le père.
MICHÈLE DUCOS.
2 FABIUS V -VI
Ami et interlocuteur de Boèce dans le Commentaire de ce dernier sur l'Isa
gogè de Porphyre (première édition ). Le commentaire se présente comme un
dialogue, faisant alterner les questionsde Fabius et les réponses de Boèce. Voir
414 FABIUS F2

Boèce, In Isag. ed . pr., ed . G . Schepps et S. Brandt, CSEL 48, Wien/Leipzig


1906 ,p . 3 sq.
STEPHEN GERSH .
FABIUS + FULGENTIUS (FABIUS PLANCIADES)
FABIUS GALLUS (M . - ) RE 6
Il est désormais admis que ce personnage portait en fait le nom de M . Fabius
Gallus, comme l'indiquent les manuscrits, et non Fadius qui est une correction
de I. C . Orelli ; il faut donc distinguer deux tribuns en 579, M . Fabius Gallus et
T . Fadius, comme l'a suggéré 1 D . R . Shackleton Bailey, « Two Tribunes 57
B .C .» , CR 12 , 1962, p. 195-197, puis indiqué dans son édition de la correspon
dance de Cicéron (voir également 2 M . Dondin -Payre, « Homo nouus, un slogan
de Cicéron à César» , Historia 30 , 1981, p . 22- 80 , notamment, pour les Fadii,
p . 76 -80 , et 3 E . Deniaux, Clientèles et pouvoir à l' époque de Cicéron ,
« Collection de l'École française de Rome» 182, Rome 1993, p .497-498).
M . Fabius Gallus était le voisin de Cicéron en Campanie, d'où leur relation
d 'amitié ancienne, accentuée par leur goût commun pour les études. Cicéron lui
adresse plusieurs lettres et le mentionne dans d'autres pour le recommander à
des amis. Les sympathies épicuriennes de M . FabiusGallus paraissent certaines :
outre ses liens avec C . Cassius Longinus, le témoignage de Cicéron est très clair
dans deux lettres. L 'une adressée à Papirius Paetus ( sans doute , lui aussi épicu
rien )mentionne Fabius Gallus dans.« le groupe de biberons épicuriens que tu
fréquentes » (tuis combibonibus Epicureis, Fam . IX , 5 , 2 , trad . L . A . Constans et
J. Bayet, CUF , t. IV , Lettre CCLXII). Dans une autre lettre (Fam . VII 26 , 1)
Cicéron se moque du cher Épicure (Epicurus tuus) de Fabius Gallus et de ses
affirmations sur les maladies. Ce personnage doit donc être classé parmiles épi
curiens (Cf. 4 C .J. Castner, ProsopographyofRomans Epicureans, p. 34 - 35 ). En
45a, Fabius Gallus avait composé un « Caton » , en hommage à Caton d'Utique
(Cicéron, Fam . VII 24),ce quimontre l'importance de ce personnage et la valeur
de la liberté pour les épicuriens. Mais Fabius Gallus semble avoir marqué
ailleurs son mépris pour l'activité politique (5 J. Beaujeu , Cicéron , Correspon
dance, t. VIII, CUF, Paris 1983, p . 233 , note à Fam . VII 25 ).
MICHÈLE DUCOS.
4 FABIUS MAXIMUS RE 100
Les indications concernant ce personnage mentionné dans les Satires d'Ho
race (I 113 ; I 2 , 134 paraît plus douteux ) se réduisent à celles que donne le scho
liaste Porphyrion (Ad Horat. Sat. I 113). « Fabius Maximus de Narbonne, né de
famille équestre, suivit le parti pompéien et écrivit quelques livres portant sur la
philosophie stoïcienne » . Seule l'appartenance de Fabius Maximus au stoïcisme
nous est donc connue, sans autres précisions. En ce qui concerne ses origines
familiales, C . Nicolet, L 'ordre équestre à l'époque républicaine (312-43 av. J.
C.), t. II : Prosopographie des chevaliers romains, Paris 1974, p. 871, indique
F6 FANNIUS (C. -) 415
que ce personnage serait un descendant d 'un indigène qui aurait reçu la citoyen
neté romaine de FabiusMaximus Allobrogicus, consul en 121 av. J.- C .
Cf. F .Münzer, art. « FabiusMaximus » 100 , RE VI 2, 1909, col. 1776 .
MICHÈLE DUCOS.
5 FANNIA RE 22 PIR2 F 118 FI
Fille du sénateur P . Clodius Thrasea Paetus (PIR2 C 1187), chef de l'oppo
sition stoïcienne à l'empereur Néron à Rome,mort en 66 , et d' Arria minor ( A
422), petite -fille d'Aulus Caecina Paetus (PIR ? C 103) et d' Arria maior (» A
421), Fannia devint, avant 56 , la seconde épouse d'Helvidius Priscus ( H 39).
Elle était la belle -mère (nouerca, Pline, Lettres IX 13, 3) d 'Helvidius Priscus fils
( H 40). Elle partagea à deux reprises l'exil de ce dernier, d'abord à Apollonie
en 66 sousNéron (Schol. Iuv. V 36 ), puis sous Vespasien .Elle fut de plus, en 93 ,
reléguée avec sa mère Arria et vit ses biens confisqués pour avoir encouragé et
aidé Herennius Senecion à écrire une biographie de son mari (cf. Pline, Lettres
VII 19 , 5 ; Tacite , Agricola 2 ; Dion Cassius, LXVII 13 Epit.), condamné à mort
sous Vespasien (en 74 , selon R . Syme, Tacitus, Oxford 1958 , p. 212). Pline le
Jeune, qui était proche de cette famille , ne tarit pas d'éloges sur les vertus de
cette femme courageuse (Lettres III 11, 3 ; III 16 , 2; VII 19 ; IX 13, 3).Revenues
à Rome sous Nerva, Fannia et Arria appuyèrent Pline lorsqu 'il décida (en 96 /97)
de venger Helvidius Priscus fils en attaquant courageusement devant le Sénat
Publicius Certus ( IX 13 ; cf. RE Publicius 32), délateur sous Domitien. Pline qui
raconte les détails de la séance dans sa lettre IX 13, avait également publié un
ouvrage sur la question $ $ 1 , 14 et 24 .
Fannia fut victime d'une contagion en soignant chez elle la vestale Junia et ne
semble pas y avoir survécu (ibid ., VII 19 , 1- 3).
Aulus Caecina Paetus Arria maior
P. Clodius Thrasea Paetus Arria minor

X Helvidius Priscus Fannia

Helvidius Priscus fils Anteia


Cf. A . Kappelmacher, art. « Fannia » 22, RE VI 2 , 1909, col. 1995 ; J.
Melmoux, « C . Helvidius Priscus, disciple et héritier de Thrasea » , PP 30, 1975,
p. 23 -40 ; J. Malitz , « Helvidius Priscus und Vespasian . Zur Geschichte der
“ stoischen ” Senatsopposition » ,Hermes 113, 1985, p. 231-246 ; A .N . Sherwin
White , The Letters of Pliny. A Historical and Social Commentary, Oxford 1966,
p. 243, 424 sq., 492, 496 et 747.
RICHARD GOULET.
6 FANNIUS (C . -) RE 7 Fja
Dans le Brutus 26 , 99, Cicéron distingue deux personnages portant ce nom ;
l’un C . Fannius C .f. consul en 1224, tribun de la plebe en 1424, et auteur d'un
416 FANNIUS F6

discours contre la proposition de C . Gracchus concernant les alliés et le nom


latin , l'autre, C . Fannius M . f., gendre de Laelius, disciple de Panétius et auteur
d'une æuvre historique. Plus tard dans deux lettres à Atticus (12 , 5 , b et 16 , 13 c,
2), l'une écrite en 45 et l'autre en 44 , l'écrivain demande à son amides préci
sions sur la date du tribunat de Fannius. Ces hésitations répétées conduisent les
savants contemporains à considérer que Cicéron a commis une erreur et
confondu deux personnages (voir G . V . Sumner, The Orators in Cicero 's Brutus.
Prosopography and Chronology, coll. « Phoenix – Suppl.» 11, Toronto 1973,
p. 53 et p. 170-175). En fait, c 'est C . Fannius, M . f., qui a été tribun militaire en
141, tribun de la plèbe entre 139 et 134, préteur vers 126 et consulen 122, ce qui
constitue une carrière plus conforme aux pratiques habituelles. En tant que
consul, il prononce le discours cité plus haut contre C . Gracchus. Il est égale
ment le gendre de Laelius, membre du « cercle des Scipions » (Cf. De republica I
18) et aussi le disciple de Panétius. Il n 'est pas sûr qu 'il ait été aussi l'historien .
Cf. F. Münzer, art. « C . Fannius » 7 , RE VI 2, 1909, col. 1987-1992 ; F .
Càssola , « I Fanni in età repubblicana », Vichiana 12 , 1983, p. 84-112.
MICHÈLE DUCOS .
7 FAUSTINUS
Destinataire, vraisemblablement fictif, du De Platone d’ Apulée ( A 294).
On notera que son nom n 'apparaît pas au début du livre I,mais seulement à la
première ligne du livre II ($ 219 : Faustine fili), consacré à l'exposé de la partie
morale de la philosophie de Platon .
Comparant l'exposé de la doctrine platonicienne que donne le De Platone
avec celui qu 'on trouve dans l' Epitome d ’Albinus, J. Beaujeu (édit.), Apulée :
Opuscules philosophiques et fragments, CUF, Paris 1973, Introd., p. 53,montre
que ce qui était chez Albinus un exposé dogmatique se transforme chez Apulée
en « sermon parénétique » : l'apostrophe à Faustinus, au début du livre II, « appa
rente le texte à une épître de direction de conscience, comme celles que Sénèque
adressait à Lucilius » .
C 'est à ce même Faustinus qu'Apulée a également dédié sa traduction du
Iepi xóquou pseudo-aristotélicien , employant à la deuxième ligne du Demundo
la même expression Faustine fili: Apulée a substitué, cette fois, le nom de
Faustinus à celui d ' Alexandre le Grand , qui du reste n 'était dans le Nepì xóquou
qu’un dédicataire lui aussi fictif (c'est afin de se faire passer pour Aristote que
l'auteur du lepì xóquou lui avait dédié son traité). Comme le note encore J.
Beaujeu (op. cit., p . 310 n. 2 , relative au $ 285), le cognomen Faustinus était très
courant à l'époque impériale.
JEAN -MARIE FLAMAND.
8 FAVONIUS (M . - ) RE 1
Homme politique au caractère violent et prompt, qui fut tribun de la plèbe en
60, édile en 52 et préteur en 49 ; c' était un disciple fougueux de Caton d 'Utique,
dont il imitait la parrhèsia ( Plutarque, César 41, 3 ; Pompée 60, 7-8 ; Brutus 12 ,
F9 FAVONIUS EULOGIUS 417
3 ; Caton le Jeune 46, 1 ; Dion Cassius XXXVIII 7 , 1 ; Suétone, Auguste 13).
Plutarque explique qu '« il ne tenait aucun compte de sa dignité de sénateur
romain et que, grâce au côté cynique de sa franchise (TQ OÈ HUVLXD tñs
tappnoiac), il émoussait souvent la dureté de ses propos» (Brutus 34, 5 ). Un
jour que Brutus et Cassius se rencontrèrent à Sardes et se disputèrent, Marcus
Favonius voulut intervenir. Bien que les serviteurs eussent reçu l'ordre de ne
laisser entrer personne, il força la porte et se mit à déclamer des vers d'Homère .
Si Cassius se mit à rire, Brutus en revanche le chassa, en le traitant d'haplokuna
(surnom qui était déjà celui d 'Antisthène; cf. Diogène Laërce VI 13) et de
pseudokuna. Par ces termes Brutus voulait certainement dire que Favonius était
un vrai chien , mais un faux Cynique (Brutus, 34, 1-7). Sur la biographie du
personnage, voir F.Münzer , RE VI 2 , 1909, col. 2074-2077.
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
9 FAVONIUS EULOGIUS RE 2 DV
Rhéteur plus ou moins officiel de Carthage , qui fut l'élève d'Augustin d'Hip
pone (** A 508 ) ; celui-ci en témoigne lui-même incidemment dans le De cura
pro mortuis gerenda 11, 13, éd . Zycha (CSEL 41), p. 642, 12 - 643,4 . Auteur
d 'une Disputatio de Somnio Scipionis, de date inconnue ; comme le commentaire
deMacrobe sur le même texte cicéronien n 'est pas davantage daté, on pouvait
penser que le problème de la priorité entre les deux commentateurs ne manque
rait pas d'être agité ; faute d'arguments, on semble s'être rangé à une solution de
convenance : eu égard à sa brièveté et à son niveau modeste , la Disputatio de
Favonius Eulogius peut difficilement avoir suivi une æuvre aussi riche que le
commentaire de Macrobe , fruit de multiples lectures entrecroisées, d 'autant plus
que Favonius semble avoir reçu commande du dédicataire Superius, consulaire
de Byzacène (cf. 1, 3 : iubere dignaris ; 28 : studio tuo paruisse). Toutefois,mal
gré leur différence de qualité , il est important de noter entre les deux ouvrages un
certain nombre d'analogies dans la démarche et dans le choix des thèmes.
Éditions et travaux. Il existe trois éditionsmodernes: 1 A . Holder, coll. BT,
Leipzig 1901 (avec index de la latinité) ; 2 R .- E . Van Weddingen, coll. « Lato
mus » 27, Bruxelles 1957 (avec trad. française ); 3 L . Scarpa, Padova 1974 (avec
trad. ital.). Importantes observations textuelles et doctrinales de 4 M . Sicherl,
Beiträge zur Kritik und Erklärung des Favonius Eulogius, coll. AAWM /GS 1959,
10 ,Wiesbaden , p. 667-709.
La Disputatio obéit à un plan très clair. L 'auteur choisit dans le texte de Cicé
ron deux éléments, auxquels il bornera son commentaire: ( 1) l'annonce faite par
Scipion l'Africain à son petit-fils qu'il décédera à cinquante -six ans (56 = 7 x 8 ,
qui sont deux numeri pleni) ; (2) la musique des sphères. Le premier thème
occupe chez Favonius la première partie du commentaire (1, 2 - 20), le second la
seconde partie (20 -27).
La théorie des nombres. Favonius traite desnombres 1 à 10 (à ceci près que
la monade n 'est pas un nombre) dans une perspective qu 'il rattache à Pythagore ;
après avoir parlé du 7 et du 8, il revient au texte de Cicéron pour établir que leur
418 FAVONIUS EULOGIUS F9

produit, 56 , est également numerus plenissimus, numerus perfectus (18). Cette


partie arithmologique a fait l'objet d'un article éclairant de 5 E . Martinelli,
« Considerazioni sulla monade in Favonio Eulogio » , ScrPhil 2 , 1980, p . 175
186 ; prolongeant certains travaux de F . E . Robbins, l' auteurmet en regard de la
Disputatio différents extraits grecs (Anatolius, Théon, Lydus) et latins (Censo
rinus,Martianus Capella , Calcidius, Macrobe) qui en montrent bien l'environne
ment.
La musique des sphères. Sans coïncider avec le commentaire deMacrobe, la
Disputatio confirme la vogue du thème à la fin du IVe s., cf. J. Pépin , art.
« Harmonie der Sphären », RAC XIII, 1985, col. 593-618 .
JEAN PÉPIN .

10 FAVORINUS D 'ARLES RE + RESuppl. VI: I- II


Sophiste et philosophe.
Cf. 1 W . Schmid , art. « Favorinus aus Arelate » , RE VI 2, 1909, col.
2078-2084 ; 2 Id ., art. « Favorinus» , RESuppl. VI, 1935, col. 65-70 ; 3 K .Gerth ,
art. « Zweite Sophistik » , RESuppl. VIII, 1956 , n° 102, col. 749- 752 ; 4 A . Stein ,
PIR ? III, 1943, F 123, p . 119- 120.
Étude d 'introduction . 5 A . Barigazzi,« Favorino di Arelate » , ANRW II 34,
1 , 1993, p . 556 -581, avec complément bibliographique depuis 1965, p. 580 -581;
6 L . Holford -Strevens, « Favorinus. Theman of paradoxes » , dans J. Barnes et
M . Griffin (édit.), Philosophia togata , II : Plato and Aristotle at Rome, Oxford
1997, p . 188 -217.
Témoignages et fragments.
Édition de base: 7 A . Barigazzi ( édit.), Favorino di Arelate ,Opere. Introdu
zione, testo critico e commento , Firenze 1966 (vie, æuvres, philosophie , style ,
portrait ; bibliographie ; témoignages, fragments, discours, avec commentaire
détaillé ; concordance avec éditions antérieures; index complet). Il est utile de
consulter aussi 8 E . Mensching (édit.), Favorin von Arelate. Der erste Teil der
Fragmente : Memorabilien und Omnigena historia , coll. « Texte und Kommen
tare » 3, Berlin 1963, et l'editio princeps du papyrus du De exilio par 9 M . Norsa
et G . Vitelli, Il papiro Vaticano greco 11.1 . Dabwpivov lepi purñs, coll.
« Studi e testi» 53, Roma 1931, avec introduction , traduction , commentaire et
photographie du papyrus.
Les testimonia sont regroupés dans Barigazzi 7 et Mensching 8 . Les princi
pales sources anciennes sont Aulu -Gelle , Philostrate, Stobée et la Souda.
Biographie . Né à Arles, en Narbonnaise , sans doute autour de 80. Chevalier
romain , d'origine ou par adlectio . Eunuque de naissance. Il étudia peut-être à
Marseille, puis à Rome, en Grèce et en Asie Mineure. Au cours de nombreux
voyages, il séjourna notamment à Corinthe, à Athènes, peut-être à Delphes et à
Nicopolis, et il fut très admiré à Éphèse . Un des lettrés les plus illustres réunis
autour d'Hadrien , il fut honoré de statues de bronze à Corinthe et Athènes et se
vit offrir à Arles la charge d'apxiepeúc. Mais il encourut la disgrâce de l'empe
F10 FAVORINUS D 'ARLES 419
reur, ses statues furent abattues et il fut relégué à Chios, en partie à la suite des
intrigues de son rival Polémon. Rentré à Rome sans doute dès le début du règne
d'Antonin (138), il fréquenta la meilleure société , à Rome et dans les villas
d 'Ostie ou d'Antium (consulaires Fronton et Quadratus, jurisconsulte Sextus
Caecilius, hommes de lettres Hérode Atticus et Aulu -Gelle ). Sophiste et brillant
causeur, féru d'atticisme, d'une grande érudition en langue grecque et latine, il
résumait ainsi les trois paradoxes de sa vie : Tarátns Öv érnví[elv, Eůvoûyos
@ v uolyelaç zpíveodal,Baoilet Olabépeodal xai (ñv (Philostrate, V. Soph . I
8). Il mourut assez âgé, entre 143 (consulat de Fronton ) et 177 (mort d'Hérode
Atticus).Lucien le tient pour un contemporain ayant été célèbre en Grèce quel
que temps avant lui (Eunuque 7).
Son infirmité est étudiée précisément par 10 H . J.Mason , « Favorinus' disor
der. Reifenstein 's syndrome in Antiquity », Janus66 , 1979, p. 1- 13.
Maîtres et disciples, amis et ennemis. Il eutpour maîtres Dion Chrysostome
(2 - D 166 ), qu' il dut entendre à Rome au début du liº siècle et qui le présenta
peut-être à la cour impériale ; il lui ressemblait peu, dit Philostrate. Il cite souvent
dans ses æuvres Démétrius le cynique (» D 43] (Philostrate , V. Apoll. IV 25). Il
entendit peut-être Épictète à Nicopolis. Il fut ami de Plutarque, qui lui dédia son
traité De primo frigido (peut-être après 107) et une lettre (perdue) Sur l'amitié ,
mentionnée dans le catalogue de Lamprias, et le mit en scène dans ses Propos de
table (VIII, 734 d-f); il dédia lui-même à Plutarque un livre de son traité lepi
tñs xarainntixñs davtaoías, donna son nom au traité Młoúrapxos ñ nepi
tñs ’Axaonuaïxñs diadéoews etmit en scène, dans son Mpòç 'Enixtntov, un
esclave philosophe de Plutarque, Onésimos. Le sophiste Aelius Dionysius, de
Milet, connut comme lui la faveur puis la disgrâce d 'Hadrien. Hérode Atticus,
qui le tenait pour « son maître et son père », hérita , à sa mort, de sa bibliothèque,
d 'unemaison à Rome et de l'esclave indien Autolékythos. Le sophiste Antonius
Polémon le desservit auprès d'Hadrien et traça un portrait féroce de l'“ eunuque
celte" dans son traité de physiognomonie ; à Smyrne, le philosophe Timocrate
prit le parti de Polémon contre Favorinus. Favorinus fut raillé aussi par les
cyniques, Lucius, Démonax ( D 74) et Lucien. Il eut pour disciples Alexandre
Péloplaton ( * A 121), sophiste de Séleucie , Quadration , sans doute identique au
consul de 142 L . Statius Quadratus, Démétrius d 'Alexandrie , conférencier sous
Marc -Aurèle selon Galien (3G 3) et qui, selon Philostrate , imitait le style de
Favorinus ; et surtout Aulu -Gelle (2 - A 509), qui a recueilli dans ses Nuits
attiques beaucoup de ses thèmes et arguments (voir, à ce sujet, 11 M . Pezzati,
« Gellio e la scuola di Favorino » , ANSP, Ser. III 3, 1973, p . 837 -860 , et 12 L .
Holford -Strevens, Aulus Gellius, London 1988, chap . VI, p . 72- 92).
Sur Favorinus et Plutarque , voir aussi 13 C . P. Jones, Plutarch and Rome, Oxford 1971,
p . 35- 36 et 60 -61.Le De primo frigido est daté à partir d'une allusion à une guerre dacique de
Trajan , qu 'on suppose être la seconde, mais aussi d 'après l'âge présumé de Favorinus : voir
aussi, 14 Id., « Towards a Chronology of Plutarch 's Works» , JRS 56 , 1966 , p. 72 -73.
15 Sur Favorinus et Dion Chrysostome, voir P. Desideri, Dione di Prusa . Un intellettuale
greco nell'impero romano, coll. « Bibl. di cultura contempor.» 135,Messina 1978, p. 5 -6 .
Sur ses rapports avec Hadrien , voir 16 S . Swain , « Favorinus and Hadrian » , ZPÉ 79, 1989,
p. 150- 158.
420 FAVORINUS D 'ARLES F 10
École philosophique. Présenté dans les sources antiques comme sophiste et
philosophe, il paraît aux modernes, au mieux, un “demi-philosophe” . Il connais
sait bien Aristote , il avait peut-être entendu Épictète , il aimait, comme les scep
tiques, paradoxes et antithèses et pratiquait comme eux la suspension du juge
ment. Mais c'est des positions de la Nouvelle Académie qu'il est le plus proche :
voir la discussion approfondie de 17 J. Glucker, Antiochus and the Late Aca
demy, coll. « Hypomnemata » 56 , Göttingen 1978, p. 280 -293, et Barigazzi 7 ,
p . 21-26 . L 'hypothèse d'une évolution de la rhétorique à la philosophie, proposée
par 18 Th . Colardeau , De Favorini Arelatensis studiis et scriptis, Thèse, Gratia
nopoli, Allier, 1903, est infirmée par ce que nous savons de la date et du contenu
de ses æuvres.
Sur ses conceptions cosmologiques, théologiques et éthiques, voir aussi 19 P . Geigen
muller, « Harmonien und Dissonanzen bei Dio, Plutarch und Favorin » , JKPh 51, 1923,
p . 209 -229, et, sur sa morale pratique, 20 T . Antonini, « Le fonti del MEPI OYTHE di Favo
rino » , RAL Ser. VI, 10 , 1934, p . 174 -256 . Sur ses prescriptions pour l'éducation du jeune
enfant, remontant en partie à Chrysippe, mais aussi aux péripatéticiens et aux médecins, voir
surtout Aulu -Gelle XII 1, et la dissertation de 21 W . Schick , Favorin lepi naidwv und die
antike Erziehungslehre, Leipzig 1911.
Euvres. Polygraphe fécond, Favorinus aurait voulu , selon la Souda , rivaliser
par le nombre de titres avec son maître et ami Plutarque. Nous avons conservé
trois discours à peu près complets et des fragments , qu 'il est parfois difficile de
distribuer entre la vingtaine d 'œuvres dontnous connaissons les titres. Nous cite
rons ces derniers dans l'ordre de l'édition Barigazzi.
(1) < 'Eyxbulov Oepoitou >, Éloge de Thersite (voir l'appréciation
d'Aulu -Gelle XVII 12 , 1-2).
(2) < 'Eyxbulov tñs tetaptalaç> , Éloge de la fièvre quarte (voir
Aulu -Gelle XVII 12, 1-5 ).
(3) Mpòs toûç Xardalous, Contre les Chaldéens (résumé par Aulu -Gelle
XIV 1, 1- 36 ).
(4 ) ‘ Ynèp tővMovouáxwv, Pour les gladiateurs (titre cité par Philostrate , V .
Soph. I 8 ).
(5) 'Ynèp tõv Baraveíwv, Pour les bains publics (ibid .).
(6 ) 'Eni tõv añowv, Bagatelles, corrigé parfois à tort. Une citation d'Euri
pide (Bacch. 386 -388) est attribuée avec vraisemblance à cette æuvre par A .
Barigazzi.
(7) Tepi tñs onuódous ou (Anuádous) owopooúvns, titre conservé par
Phrynichos, Eclogè, s.v.tóxlov .
(8 ) Hepàeuxñs, Sur la prière (Id., s.v. OLDOVOLV), dont faisait partie peut-être
le fragment 97 sur la prière de Socrate.
(9 ) Lepimpws, Sur la vieillesse : le titre et les fragments 9-17 Barigazzi sont
cités par Stobée.
( 10 ) Tepi Ewrpátouç xai tñs xat' aŭtóv épwtixñs téxins, Socrate et son
art d 'aimer : titre conservé par la Souda ; les fragments 18 -21 Barigazzi en pro
viennentpeut-être . Le thème est emprunté au Banquet de Platon . L 'ouvrage était
F10 FAVORINUS D 'ARLES 421
sans doute réfuté par Galien dans son écritMpós tóv Dabwpivov xatà Ewrpá
TOUC.
Plusieurs traités de Galien visaient Favorinus: Sur le meilleur enseignement contre Favo
rinus, Pour Épictète contre Favorinus, Contre Favorinus sur Socrate. Voir la notice consacrée
à Galien ( G 3) .
(11) Hepì tñs 'Ouńpov blooopias, De la philosophie d'Homère (Souda ).
(12) Tepi tñs Olaims tõu piooópwv, Du régimedes philosophes (Souda ).
(13) NepiNátwvos, Sur Platon (Souda).
(14) llepi idɛwv, Des formes (Phrynichos, Eclogè, s.v. ovuntwua), traité
philosophique sans doute plutôt que rhétorique.
(15) Iluppwvelwv Tpónwv Bubnía í', Des tropes pyrrhoniens en dix livres
(Aulu -Gelle XI 5, 5 ; Diogène Laërce IX 87 ; Philostrate, V. Soph . I 8), peut-être
paraphrasé par Aulu -Gelle (fr. 26 ), admiré par Philostrate . Favorinus admet que
les sceptiques puissent être juges,malgré leur tendance à suspendre leur juge
ment.
( 16 ) Troútapxoc Ô nepi tñs ' Axaðnuaïxñs diabéoews, Plutarque ou
l'académisme, dédié à Plutarque, critiqué par Galien , De optimo genere docendi,
40-52. Il traitait de l'énoxń de l'Académie, ancienne et nouvelle , et des critères
de vérité.
(17) Nepi tñs xatainntixñs pavtaoias, De l'imagination cataleptique (De
la représentation compréhensive ?), trois livres,dédiés respectivement à Hadrien
(l'Empereur ou le sophiste Hadrien de Tyr ?), Dryson et Aristarque. Favorinus
attaquait la théorie stoïcienne de la représentation .
(18) Ilpos 'Enixtntov, Contre Epictète, dialogue entre Épictète et un esclave
de Plutarque, refuté par Galien dans son “Υπέρ Επικτήτου πρός Φαβωρύνον
év, Défense d 'Épictète contre Favorinus, un livre. L 'ouvragemarquait les diffé
rences entre académiciens et stoïciens quantaux critères de vérité .
(19) ' Anxibiáons, Alcibiade, cité par Galien , De optimo genere docendi 1.
Le nom pourrait être celui d'un contemporain , garde d 'Hadrien (Photios, Bibl.
cod. 83 b 25 ), plutôt que celui du général athénien contemporain de Socrate.
Favorinus montrait, selon Galien,undèv elval xatarnntov (rien n 'est connais
sable de façon sure) ou meme μηδε τον ήλιον είναι καταληπτόν ( meme le
soleil n 'est pas connaissable).
(20 ) ’Anouvnuoveúuata ,Mémorables, au moins cinq livres, utilisés par
Diogène Laërce, Élien, Athénée, Clément d'Alexandrie . L 'ouvrage contenait
beaucoup d'anecdotes sur des philosophes du VIe au IVe siècle.
Il avait également publié un Abrégé des Hypomnemata de Pamphilè d 'Épidaure , attesté par
Étienne de Byzance , Ethnica (Epit.), p. 547, 14, s.v. 'Ponteīc . Hérodien, Mepi napwvúuwv III
2, p. 891, 3, et Étienne de Byzance, Ethnica , p. 72, 7, signalent pour leur part un ouvrage de
Favorinus intituléNepiKupnvaïxñs Tónews.
(21) Mavrodann iotopía , Histoire variée (Omnigena historia ), en vingt
quatre livres désignés par les lettres de l'alphabet, traitantnotamment de person
nages ou de lieux célèbres, utilisé par les mêmes auteurs que l'ouvrage précé
dent. Sôpatros d ’Apamée, selon Photios, Bibl. 161 ( 103 b ) , avait tiré le livre III
S
422 FAVORINU D 'ARLES F10
de ses 'Exroyal du livre v et des livres &àw (t excepté) de l’Omnigena histo
ria .
(22) Nepi Túxns, De Fortuna, discours conservé parmiles æuvres de Dion
Chrysostome (Discours 64) et aujourd 'hui unanimement attribué à Favorinus.
Des développements sur les attributs et la toute-puissance de la Fortune enca
drent un éloge de Naples et de son origine.
(23) Kop volaxós, Corinthiaca (Pseudo-Dion Chrysostome, Discours 37) .
Date : ca 130 . Favorinus plaide pour défendre la statue de bronze que les Corin
thiens lui ont dressée dix ans plus tôt près de leur bibliothèque mais qu'ils ont
abattue quand le bruit de sa disgrâce leur est parvenu .
Sur ces deux discours (35 et 64 du corpus de Dion Chrysostome), voir 22 A . Amato, Studi
su Favorino . Le Orazioni pseudo -crisostomiche, Salerno 1993, 165 p . (étude de la tradition
manuscrite , traduction italienne des deux discours et version latine de Thomas Naogeorgius.
L 'auteur prépare une édition avec traduction française pour la CUF).
(24 ) < Īlepi puyñs, De exilio > , texte mutilé au début et à la fin , publié d'après
le papyrus grec nº 11 du Vatican . C 'est une consolation pour tous les exilés
futurs , écrite pendant l'exil à Chio (vers 132- 138 ), un des nombreux opuscules
sur ce thème écrits dans l'Antiquité ( Télès, Sénèque, Dion Chrysostome, Muso
nius Rufus, Plutarque...).
([25]) Philostrate , loc. cit., rejette commeapocryphe un eic Ilpotevov parfois
attribué à Favorinus.
([26 ]) Les Tvwuoroyluá cités par la Souda, les yvõual conservées par Sto
bée, dans un papyrus du IIIe siècle et plusieurs manuscrits, sont sans doute des
extraits des æuvres mentionnées ci-dessus,non un recueil portant ce titre consti
tué par Favorinus lui-même. Voir , sur ce point, 23 J. Freudenthal, « Zu Phavo
rinus und der mittelalterlichen Florilegienlitteratur » , RAM 25, 1880, p . 408 -430 ;
24 C . K . Callanan et A . Bertini Malgarini, « Übersehene Favorin -Fragmente aus
einer Oxforder Handschrift », RAM 129, 1986 , p . 170 -184. Photios atteste que
Sôpatros d 'Apamée avait constitué un livre d'excerpta de Favorinus (voir
ci-dessus nº 21).
Ce que nous connaissons de la philosophie de Favorinus ressortit donc surtout
à la théorie de la connaissance et à la morale pratique.
SIMONE FOLLET.

FELIX→MINUCIUS FELIX
FIGULUS→ NIGIDIUS FIGULUS
11 FIRMIANUS
“ Prêtre du Capitole", érudit (noruuaońs) et “ philosophe digne d'admiration”
(oủx đOatuaotoç biógodoc). Il estmentionné dans la Théosophie de Tübin
gen , 74, p. 188 , 4 -5 Erbse, comme interprète des Oracles sibyllins.
Voir la nouvelle édition procurée par H . Erbse : Theosophorum Graecorum Fragmenta ,
iterum recensuit H . E ., coll. BT, Stuttgart/Leipzig 1995, « Textus genuinus Theosophiae Sibyl
larum », § 3, p .63, li. 71 - 66 , li. 100 .
RICHARD GOULET.
F 12 FIRMICUSMATERNUS 423
12 FIRMICUSMATERNUS ( IULIUS -) RE 11 DM IV
La date exacte de la naissance de Iulius Firmicus Maternus est inconnue. De
certains passages de ses ouvrages, on peut déduire qu'il était originaire de Syra
cuse et qu 'il fut un homme de loi au début de sa carrière. Les souscriptions de
manuscrits anciens font état de son rang sénatorial. Il était apparemment encore
païen lorsqu 'il écrivit un ouvrage sur l'astrologie , intitulé Mathesis. L 'ouvrage
comportait huit livres et était dédié à Lollianus (RE 10)Mavortius, gouverneur
de Campanie. Des allusions à une éclipse solaire récente et à Constantin comme
empereur régnant permettent de dater l'ouvrage entre 334 et 337. Après s'être
converti au christianisme, FirmicusMaternus écrivit un second ouvrage dirigé
contre le paganisme et dédié aux empereurs Constance II et Constant : le De
Errore profanarum religionum . Comme l'ouvrage évoque l'expédition de
Constant dans les îles britanniques et le présente comme régnant en Occident, il
faut le dater entre 343 et 350 .
La contradiction doctrinale qui oppose l'ouvrage astrologique et l'écrit contre le paga
nisme a conduit certains savants à les attribuer à deux auteurs différents. Cette hypothèse est
inutile si l'on tient compte de la chronologie présentée plus haut, de la fréquence des conver
sions, authentiques ou “ politiques", de ce genre et de la mention , dans l'un et l'autre ouvrage,
de l'origine sicilienne de leur auteur. De plus, l'hypothèse a été réfutée de façon décisive par
1C . H . Moore, Julius Firmicus, der Heide und der Christ, Diss. München 1897 , qui a rassem
blé une imposante collection de parallèles linguistiques entre la Mathesis et le De Errore.
EUVRES
1.Mathesis
Selon Firmicus Maternus lui-même (Math . VIII 33, 1), l'ouvrage se divise en
une introduction générale (livre I) et un examen technique détaillé de l'astrologie
(livres II -VIII). Dans son introduction , l'auteur défend l'astrologie contre ses
détracteurs , qui considèrent qu'on ne peut se fier à ses méthodes de prédiction et
que le déterminisme qu 'elle suppose limiterait la responsabilité morale . Firmicus
Maternus s'appuie ici sur une argumentation traditionnelle qui remonte à
l' époque de Carnéade.La réponse met à contribution certaines doctrines médio
ou néoplatoniciennes pour montrer (a) que les prédictions ne sont pas toujours
fiables parce que l'âmehumaine est affaiblie du fait de son entrée dans le corps
et (b ) que l'âme humaine, en se dégageant du corps et en retrouvant son énergie
originelle, peut échapper au déterminisme et aux entraves qu 'il représente pour
la liberté morale . Dans la partie technique - dont les sept parties sontmises en
parallèle avec les sept planètes (voir Math. VIII 33, 1) – l'auteur aborde les
questions suivantes: les éléments de l'astrologie (livre II) ; l'influence exercée
par les sept planètes dans chacun des douze signes du zodiaque, le thema mundi
(c'est-à -dire l'horoscope du monde lui-même), la corrélation entre les cinq âges
du monde et les mouvements des planètes (livre III) ; la relation entre la lune et
les autres planètes, le dominus geniturae, les décans (livre IV ) ; les quatre car
dines du ciel, l'influence des planètes selon les signes du zodiaque, l'établisse
ment des horoscopes, le chronocrator (livre VI); l'établissement des horoscopes
424 FIRMICUS MATERNUS F 12

(livre VII), la sphaera barbarica, c 'est-à -dire les constellations autres que celles
qui fontpartie du zodiaque (livre VIII).
Éditions. 2 W . Kroll, F. Skutsch et K . Ziegler (édit.), Matheseos libri VIII,
coll. BT, Stuttgart 1897-1913 ; 3 P .Monat (édit.), Firmicus Maternus, Mathesis,
CUF, Paris 1992-1997.
Traductions. Anglaise : 4 J. R . Bram , Ancient Astrology : Theory and prac
tice. Matheseos libri VIII, Park Ridge (NJ) 1975 (peu fiable ). Française :
Monat 3.
2 .De Errore profanarum religionum
L'ouvrage comprend une première partie (chap. 1-17), de portée générale ,
dirigée contre les religions païennes et les cultes à mystères. On peut établir une
subdivision entre une première section (chap . 1-8 ) traitant de la divinisation
d 'entités du monde physique – par exemple identification de Mithra, d' Anahita
ou de Liber Pater, avec le soleil ou la lune - , une seconde section ( chap . 9- 12 )
consacrée à la divinisation des passions humaines – identifiées par exemple à
Adonis, Cinyras et Sabazios -, et une troisièmesection (chap . 13-17) consacrée à
la divinisation des activités humaines – identifiées par exemple à Sarapis, Cérès
etMars. La seconde partie de l'ouvrage ( chap. 18 -27) est de portée plus particu
lière et tente d 'expliquer comment les paroles et les gestes des cultes mystériques
ont été empruntés à la Bible selon un plan du Diable pour tromper l'humanité .
Le De Errore s'achève (chap. 28-29) par une exhortation adressée aux empe
reurs, les invitant à supprimer les religions païennes dans l’Empire romain .
Éditions. 5 R . Turcan (édit.), Firmicus Maternus, L 'Erreur des religions
païennes, CUF, Paris 1982.
Traductions. Anglaise : 6 C . A . Forbes, New York 1970. Française : Turcan
5 . Italienne : 7 A . Pastorino, Firenze 1956 .
FIRMICUSMATERNUS ET LA PHILOSOPHIE
Les œuvres de FirmicusMaternus, même si elles ne sont pas explicitement
des traités philosophiques, font appel à un grand nombre d 'idées philosophiques.
Ces idées relèvent principalement de ce qu 'on pourrait appeler un “ syncrétisme
stoïco -platonicien ” . Elles sont empruntées aux sources avouées ou tacites de
l'auteur: Cicéron, divers écrits “hermétiques" et Porphyre .
(1) Trois premiers principes métaphysiques ou physiques sont enseignés:
(i) un Dieu – un être inconnaissable et éternel défini comme substance, puissance
et activité – qui produit le monde, les corps célestes et l'homme; (ii) une Pensée
- un être éternel et igné défini commepuissance et activité – qui introduit dans le
cosmos la vie et la nécessité ; (iii) un Esprit qui produit et maintient le monde, les
corps célestes et l'homme. Parmi ces principes, la Pensée est moins nettement
distinguée de Dieu que ne l'est l'Esprit.
(2 ) Firmicus Maternus suppose entre Dieu et l'homme une relation causale ,
conçue comme un rapport entre macrocosme et microcosme, impliquant la
médiation des corps célestes. Dans cette perspective, les corps célestes, notam
F13 FIRMUS CASTRICIUS 425
ment le soleil, sont décrits commesoutenus par la pensée divine et comme étant
eux-mêmes pensée(s) et dispensateurs des pensées humaines.
( 3 ) L 'âme humaine est conçue comme transcendante, immortelle et éthérée.
Dans le processus cyclique qui sous-tend toute existence humaine, elle descend
vers la terre en passant à travers les corps célestes et en particulier le soleil. Ce
faisant, elle devient sujette aux vices. Elle remonte ensuite au ciel en passant à
travers les corps célestes et en particulier la lune, où elle se débarrasse de ces
mêmes vices.
STEPHEN GERSH .
13 FIRMUS CASTRICIUS RE (Castricius) 8 M III
Porphyre rapporte qu'à la fin de sa vie, Plotin se retira sur des terres,
« qu'avaient possédées Castricius, appelé Firmus; ce dernier, des hommes de
notre temps le plus cultivé (ploxaráratoc), vénérait Plotin , secondait Amélius
en toutes choses tel un bon serviteur et à moi-même Porphyre demeura attaché
en toutes choses comme à un véritable frère » (Porphyre, Vita Plotini 7 , 24 -28).
Castricius possédait alors des propriétés situées près de Minturnes; c'est de là
qu' était envoyé à Plotin , qui s' était retiré en Campanie , ce qui lui était nécessaire
(Vita Plot. 2 , 20 -23).
Parmi les disciples de Plotin , Castricius n ' était pas un disciple de stricte
observance. Il appartenait à un groupe qui refusait de se désintéresser des
affaires publiques, et c'est peut- être pour cela que, à la mort de Plotin , il se trou
vait à Rome (Vita Plot. 2 , 33). Par ailleurs , Castricius, de même que plusieurs
autres membres de l'École, avait renoncé au végétarisme. Il devait le trouver
injustifiable en théorie et inconciliable avec le respect du culte établi, ainsi
qu 'avec les exigences de la vie publique. Il semble même qu 'il donna des confé
rences publiques pour expliquer son attitude (Porphyre, De abstinentia I 3).
C 'est pour ramener Castricius à toute la rigueur de l'ascétisme que Porphyre
composa le traité Deabstinentia (I 1; II 1 ; III 1 ; IV 1).
Il est possible que ce soit ce Castricius qui a composé un commentaire sur le
Parménide de Platon attesté par Damascius (Vita Isidori, chez Photius, Bibl.,
cod. 242, fr. 244, p. 201, 1 Zintzen
" zon ).
).

Enfin , il faut signaler un Kaotpixlog Ó Nexacús dont on a retrouvé un frag


mentconservé dans une Vie d 'Homère , peut-être par l'intermédiaire de Porphyre
(cf. Homeri opera V , rec. T. W . Allen (1912 ), Oxford 1959, p. 256 sq. = Souda ,
s.v. "Ounpos). Mais Castricius est un nom largement répandu en toutes les
régions et à toutes les époques, si bien qu 'on se gardera de proposer une identifi
cation hâtive, d 'autant plus que l'ethnique ne semble pas correspondre au pro
priétaire terrien de la Vita Plotini.
Sur l'identification proposée par P. Calligas avec le premier des minusculos tyrannos
(Firmus, Saturninus, Proclus et Bonosus) qu 'évoque l'Historia Augusta, voir la note de L .
Brisson , dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, p. 233.
LUC BRISSON.
426 FLAVIANUS SULPICIUS F14

FLACCUS (Q .HORATIUS -) → HORACE


FLAVIANUS NICOMACHUS FLAVIANUS
14 FLAVIANUS SULPICIUS (G .AELIUS -)
Ce notable d'Ancyre, deux fois galatarque, est connu par les inscriptions de
plusieurs statues élevées par des particuliers qu'il avait obligés : IGR III 196 et
197 ; Mordtmann ,Marmora Ancyrana , Berlin 1874, p. 21,n° 8 ; JHS 44 , 1924,
p. 42-43. Dans cette dernière, parmises autres titres qui se réfèrent aux fonctions
exercées dans la cité et dans la province, figure celui de novotépavos
φιλόσοφος.
BERNADETTE PUECH .
15 FLAVIUS - - - IV ?
Une inscription très mutilée, IG XIV 278 (IGR I 500), était gravée sur la base
de la statue élevée par la cité de Lilybée à un philosophe , Flavius, dont le
cognomen n 'est pas conservé. Si la cité dont il était originaire, une colonie
romaine, s 'appelait bien Flavia ... Constantia , son activité doit se placer au IVe
siècle au plus tôt.
BERNADETTE PUECH .

FLAVIUS ARCHIPPUS (FLAVIUS -)


FLAVIUS + ATTICUS (FLAVIUS -)
FLAVIUS + BOETHUS (FLAVIUS -)
FLAVIUS DIONYSODORUS (F. M . S. -)
FLAVIUS EUTROPIUS (FLAVIUS -)
FLAVIUS + GLAUCUS (T. FLAVIUS -)
FLAVIUS HERMOCRATES
FLAVIUS + HIERAX (FLAVIUS -)
FLAVIUS IULIANUS (F . CLAUDIUS --)
FLAVIUS MAXIMUS ( T. F. -)
FLAVIUS → MENANDER (FLAVIUS -)
FLAVIUS + POSIDONIUS (FLAVIUS -)
FLAVIUS → POUSAIOS (F . ILLUSTR . -)
FLAVIUS THEODORUS (F.MANLIUS -)
FLAVIUS — THEODORUS (FLAVIUS -)
16 FLORUS (L .MESTRIUS -) PIR2 M 531 I/II
Consul sous Vespasien , dont il se permettait de corriger les fautes de pronon
ciation (Suétone, Vesp . 22, 3), proconsul d’Asie en 88/9 (cf. W . Eck, « Prokon
suln von Asia in der flavisch-trajanischen Zeit» , ZPE 45, 1982, p . 149),Mestrius
F 18 FRONTON 427

Florus semble ensuite s'être retiré en Grèce, ou du moins y avoir séjourné très
régulièrement: dans les propos de Table , Plutarque, qui le classe au nombre des
tempéraments philosophiques (piógopou púoes, 734 d ), le met en scène à
plusieurs reprises (I 9 ; III 3 -5 ; V 7 et 10 ; VII 1, 2, 4 , 6 ; VIII 1 , 2 et 10), le plus
souvent dans sa résidence des Thermopyles, où il s'entourait d'hommes de
lettres et de philosophes; la présence chez lui d 'Autoboulos (2 + A 511), fils de
Plutarque, et de Favorinus (MF 10 ) implique qu 'il résidait en Grèce vers 110 ;
voir C . P . Jones, Plutarch and Rome, Oxford 1971, p . 48 -49. On rencontre égale
ment dans son entourage un stoïcien athénien , Thémistoclès. Lui-même ne paraît
s ' être attaché à aucune école précise, même si on le trouve à l'occasion plongé
dans la lecture d'Aristote (734 d). C 'est certainement son intervention qui valut
leur qualité de citoyens romains à Plutarque et à Euphratès de Tyr (» - E 132) .
Peut- être est-il identique au sénateur Florus qui aurait envisagé, selon Épictète I
2 , 12 -15 , de jouer son rôle dans un spectacle donné par Néron , de peur de s'ex
poser à sa colère: voir F . Millar, « Epictetus and the imperial court» , JRS 55,
1965 , p . 141. Il avait en tout cas atteint l'âge adulte avant la fin du règne de
Néron, car il fut l'un des officiers d 'Othon à la bataille de Bédriac (Plutarque,
Othon 14 , 2).
BERNADETTE PUECH .
17 FORTUNATIANUS (QovprouvaTLavóc) RE 4 PLREI:1 MIV
Ami et correspondant de Libanius, haut fonctionnaire sous les empereurs
Constance II, Julien , Jovien et Valens . Il était païen et apparemment originaire
d'Antioche . Libanius le présente comme philosophe (Lettre 644, 3 ; 294 , 9) et
comme poète (Lettre 1373 ; 1425, 2 ). Il le dépeintaussi comme « un homme qui
vivait dans les livres » (Discours XIV 9). Il est le dédicataire des lettres 565
(avant que Libanius quitte Contantinople pour s'installer à Antioche en 354 ),
644, 650 , 661, 1144, 1157, 1262, 1373, 1425 , 1436 , 1515. Il est encore men
tionné dans les lettres 364, 4 ; 716 , 1 et 694, 9 .
Cf. O . Seeck, art. « Fortunatianus» 4,RE VII 1, 1910 , col. 44 ; Id ., Die Briefe
des Libanius, Leipzig 1906, p. 159- 160 (Fortunatianus I) ; A . Lippold , art.
« Fortunatianus» 1, KP II, 1967, col.600 .
RICHARD GOULET.
18 FRONTON RE 8 MI
« Stoïcien », mentionné par Martial, Epigr. XIV (Apophoreta) 106 : « On te
donne cette aiguière rouge à l'anse cintrée. I Le stoïcien Fronton s'en servait
pour prendre de l'eau fraîche» (trad . Izaac). « Les Apophoreta étaient joints
comme des étiquettes à des objets divers tirés au sort entre les invités à la table
du maître du logis , qui, dans les grandes occasions, instituait une vraie loterie .
C 'était là un genre de réjouissances qui pouvait appartenir à tous lesmoments de
l'année,mais qui était particulièrement propre aux Saturnales, dont il ne se sépa
rait pour ainsi dire pas. (...) Les livres XIII-XIV (...) furent publiés aux Satur
nales de 84 ou 85 » (Izaac, tome II 2 , p. 193).
428 FRONTON F18
Il faut signaler que le père de Martial s'appelait < Valerius (RE 191]> Fronton (V 34) et
que l'Epigr. I 55 évoque une gloire éclatante de l'armée et du barreau du nom de Marcus
Fronton [RE 9 ], qui se plaisait à vivre sur son petit domaine, loin des devoirs de société
qu'impose la ville. Mais toute identification serait gratuite.
RICHARD GOULET.
19 FRONTON (M . CORNELIUS -) RE Cornelius 157 PIR C 1364 100 - ca 167
Rhéteur d 'origine africaine, né à Cirta (Constantine) en Numidie, ayant
exercé principalement à Rome, où il fut le maître de Lucius Verus et de Marc
Aurèle, jusqu 'à ce que ce dernier rejette la rhétorique au profit de la philosophie
(vers 147). Une grande partie de sa correspondance a été retrouvée dans des
palimpsestes deMilan et du Vatican .Loin d'être philosophe, Fronton reléguait la
philosophie à un rôle fort subalterne par rapport à la rhétorique. Il fut l'élève du
philosophe Athénodote (HA 499). Il fut consul suffect en 143 sous Antonin le
Pieux. Au momentde partir exercer son proconsulat en Asie (charge qu 'il ne put
exercer pour des raisons de santé), il écrivit à d'anciens amis d 'Alexandrie de
venir le rejoindre à Athènes (ad Antoninum Pium 8), ce qui suggère qu 'il avait
sans doute effectué un voyage d'étude à Alexandrie dans sa jeunesse. Il eut à
Rome de nombreux disciples, dont C . Aufidius Victorinus (Script. Hist. Aug.,
Marc. Anton. III 8), qui devint son gendre, et sa maison était le lieu de conver
sations savantes auxquelles assista le jeune Aulu -Gelle (Nuits attiques XIX 8, 1),
parfois en compagnie de Favorinus ou d'autres savants (II 26 ; XIII 28 ; XIX 10).
Stemma de la famille de Fronton.
Titus

Quadratus Cornelius Fronton - Gratia


5 filles Gratia - C . Aufidius Victorinus
mortes
en bas âge un fils M . Aufidius Victorinus Fronto
mort à 3 ans (consul en 199)
(Decimanus ?)

Il ne faut pas confondre Cornelius Fronton avec le rhéteur Fronton d'Émèse (absent de la
RE), qui, selon la Souda (s.v. “ Fronton ” , 0735 ), vécut sous l'empereur Sévère (193-211) à
Rome et fut le rival des rhéteurs Philostrate l'Ancien et Apsinès de Gadara à Athènes. Cet
homonyme de la fin du 11° siècle et du début du lire siècle mourut à Athènes à l'âge de 60 ans.
Cet auteur prolifique eut comme héritier le critique Longin, qui était le fils de sa seur Fron
tonis. Voir 1 K . Gerth , art. « Zweite Sophistik » , RESuppl. VIII, 1956 , col. 752, nº 104 ; 2 L .
Brisson et M . Patillon , « Longinus Platonicus Philosophus et Philologus. I. Longinus Philo
sophus » , ANRW II 37 , 7 , 1994, p . 5217 et fr. 1 b , p. 5231-5232. Cornelius Fronton était d 'ori
gine africaine et non syrienne et ne vécut jamais, semble-t-il, en Orient, n 'ayant pu, pour des
raisons de santé, assumer le proconsulat en Asie. Ilmourut d'ailleurs vers 167.
Éditions. 3 Michael P. J. Van den Hout (édit.), M . Cornelii Frontonis Epistu
lae, Leiden 1954 ; 4 Id . (édit.), Fronto, Epistulae, schedis tam editis quam inedi
tis Edm . Hauleri usus, iterum ed. M . P.J. Van d . H ., coll. BT, Leipzig 1988 ,
XCVI-296 p .
F19 FRONTON (M . CORNELIUS - ) 429
Traductions. Anglaise: 5 C . R . Haines ( édit.), The Correspondence of Mar
cus Cornelius Fronto with Marcus Aurelius Antoninus, Lucius Verus, Antoninus
Pius, and Various friends, coll. LCL 112 -113, London /Cambridge (Mass.)
( 1919 ), “ revised and reprinted ” 1982, 2 vol. ; bibliographie , p . XLIV -LII ; ita
lienne : 6 Frontone. Opere, trad . F . Portalupi, coll. « Classici latini» 29, Torino
1974, 544 p . 7 pl. 2 indices; espagnole : 7 A . Palacios Martín , Frontón, Epistola
rio , introd., trad . y notas, coll. « Biblioteca clásica Gredos » 161, Madrid 1992,
422 p . index.
Bibliographie. 8 P . V . Cova, « Marco Cornelio Frontone» , ANRW II 34, 2 ,
1994, p . 873-918 ; 9 Id ., « Marco Cornelio Frontone. Rassegna bibliografica
1989-1995» , BStudLat 27, 1997, p. 591-618.
Lexique. 10 A . Pennacini, Lessico del De orationibus e del De eloquentia di
M . C. Frontone con rilevazioni statistiche, coll. « Alpha-Omega , Reihe A :
Lexika, Indizes, Konkordanzen zur klass . Philol.» 32, Hildesheim 1976 , XI- 390
p . ; 11 R . Fontanella , M . Olivetti et M . Ramella Votta ( édit.), Index verborum mit
statistischen Aufstellungen zu De nepote amisso, De feriis Alsiensibus, Arion,
Laudes fumi et pulveris, Laudes neglegentiae von M . C . Fronto , coll. « Alpha
Omega Reihe A , Lexika, Indizes, Konkordanzen zur klass . Philol.» 58 , Hil
desheim 1981, XI-377 p . Voir aussi 12 M . Mattea, « Statistical researches in the
verbum lexical field on (lire “ of” ? ) the Frontonian rhetorical works, De oratio
nibus and De eloquentia » , RELO 3 , 1975, p . 35 -55.
Études d 'orientation . 13 J. Brzoska, art. « Cornelius... Fronto (M .) » 157,
RE IV 1 , 1900 , col. 1312-1340 ; 14 E . Champlin , Fronto and Antonine Rome,
Cambridge (Mass.) 1980, XII-185 p . ; 15 M . A . Attilio , « Ricerche su Frontone » ,
MAL, Serie IX , 4, 4, Roma 1994 , p. 240-312.
Chronologie. 16 E . Champlin , « The Chronology of Fronto » , JRS 64, 1974 ,
p . 136 - 159, situe la mort de Fronton vers 167. Voir cependant 17 M . L . Astarita,
« Questioni di cronologia frontoniana » , Koinonia 2 , 1978 , p . 7 -42 , selon laquelle
Fronton a dû vivre jusqu'en 175 au moins. Voir dans le même sens : 18 M . C .
Cristofori, « L 'Oratio di Frontone contro i cristiani e la persecuzione di Marco
Aurelio » , RSCI 32, 1978 , p . 130- 139, qui considère que l'Oratio de Fronton
contre les chrétiens semble avoir comporté le motif de la recherche d 'office des
chrétiens, qui ne fut appliquée qu'entre 175 et 177 par Marc-Aurèle. 19 J. E. G .
Whitehorne, « Ad amicos I 5 and 6 and the date of Fronto 's death », dans C .
Deroux C . ( édit.), Studies in Latin literature and Roman history, coll. « Lato
mus» 164, Bruxelles 1979, t. I, p. 475-482.
Sur Fronton et Marc- Aurèle . Un document important relatif à la “ conver
sion” de Marc-Aurèle à la philosophie est la lettre à Fronton, dans laquelle le
jeune César marque sa préférence pour la lecture d '" Ariston ” (Ariston de Chios
( A 397 ] ?), plutôt que pour les exercices rhétoriques que lui impose son maître
(Ad M . Caes. IV 13). 20 H . Gärtner, « Ein Kronprinz und sein Lehrer. Marc
Aurel in seiner Korrespondenz mit Fronto » , dans P. Neukam (édit.), Struktur
und Gehalt, coll. « Dialog Schule -Wissenschaft, Klass. Sprachen & Lit.» 17 ,
München 1983, p . 25 -49 ; 21 F . Della Corte , « Un precettore diMarco Aurelio ,
430 FRONTON (M . CORNELIUS -) F19
Frontone » , C & S 95 , 1985, p . 68-74 . Sur la “ lettre de conversion” de Marc
Aurèle, voir 22 H . Görgemanns, « Der Bekehrungsbrief Marc Aurels, RhM 134 ,
1991, p . 96 - 109 ; 23 P . Hadot, La Citadelle intérieure . Introduction aux Pensées
de Marc Aurèle, Paris 1992, passim , notamment sur la lettre à Fronton , p. 24-27 .
Sur le discours contre les Chrétiens mentionné par Minucius Felix , Octa
vius 9, 6 -7 et 31, 2 (et peut-être utilisé ailleurs dans l'ouvrage ), voir 24 P. Frassi
netti,« L 'orazione di Frontone contro i Cristiani» ,GIF 3, 1949, p. 238 sq.; 25 B .
Balwin, « Fronto on the Christians » , ICS 15, 1990 , p . 177- 181; 26 C . P. H .
Bammel, « Die erste lateinische Rede gegen die Christen » , ZKG 104 , 1993 ,
p . 311.
Sur la “ philosophie” de Fronton , voir 27 P . Grimal, « La philosophie de M .
Cornelius Fronton » , dans Au miroir de la culture antique. Mélanges R .
Marache, Rennes 1992, p . 251- 257 ; 28 P. V . Cova, « La filostorghia di Fron
tone » , dans Id ., Lo stoico imperfetto . Un 'immagine minore dell'uomo nella lette
ratura latina del principato , coll. « Studi e testi dell'antichità » 10 ,Napoli 1978 ,
p. 114 -131. Sur l'influence rhétorique durable de Fronton surMarc- Aurèle phi
losophe, voir 29 M . Alexandre, « Le travail de la sentence chez Marc Aurèle.
Philosophie et rhétorique », dans Formes brèves. De la yvóun à la pointe, mé
tamorphoses de la sententia = La Licorne 3, 1979, p. 125-158 ; 30 A . Michel,
« Rhétorique et philosophie au second siècle après J.-C . », ANRW II 34 , 1 , Berlin
1993, p . 3-78; 31 J.-M . André ,« Les Écoles philosophiques aux deux premiers
siècles de l'Empire » , ANRW II 36 , 1, 1987, p. 37-39. Parmi les textes qui dévoi
lent les réserves que Fronton manifestait à l'égard de la philosophie , on peut
citer la lettre (écrite en grec) à Appius Apollonides (Ad amicos I 2 ), dans laquelle
il recommande Sulpicius Cornelianus parce qu 'il est un bon rhéteur, un ami et
qu 'il n 'est pas philosophe... Il sait en revanche apprécier les qualités de philo
sophe de Julius Aquilinus (» A 296 ), lorsqu 'il le recommande à Aegrilius Pla
rianus (Ad amicos I 4). A Marc -Aurèle quimarquait finalement son mépris pour
la rhétorique, Fronton adresse une longue lettre (De Eloquentia I) où il dénonce
comme tout aussi futiles les exercices dialectiques de Diodore (MD 124) ou
d' Alexinus (P- A 125) et montre que l'éloquence, de toutes façons indispensable
à l'empereur, peut au moins être une servante de la philosophie ( comitem philo
sophiae), comme elle l'a été pour Platon, Xénophon , Antisthène, Chrysippe.
Iconographie. Marc -Aurèle aurait demandé au sénat d' élever une statue en
l'honneur de Fronton (Script. Hist. Aug., Marc. Anton. II 5). 32 J.- C. Balty ,« Un
nouveau portrait de rhéteur aux Musées royaux d 'Art et d'Histoire» , BMAH 55,
1984 , p. 53-62, croit reconnaître un portrait de M . Cornelius Fronto dans un
fragment d 'un buste de marbre blanc (inv. A 3917) remontant au milieu de
l'époque antonine.
RICHARD GOULET.

20 FRONTON II/III ?
Le nom de Fronton , pensionnaire du Musée d'Alexandrie, apparaît sur une
base de statue trouvée en Lydie (TAM V 498,région de Maionia ). Il paraît être
F23 FULGENTIUS 431
celui du personnage représenté par la statue, qui doit avoir été élevée, comme
l'ont supposé J. Keil et A . von Premerstein (Bericht über eine zweite Reise in
Lydien II,Wien 1911, p. 107 - 108 n° 210), dans une demeure privée, car l'ortho
graphe peu conventionnelle, l'emploi du nominatif pour le nom du personnage
honoré, l'absence de patronyme et d' ethnique se démarquent des usages offi
ciels. Selon toute vraisemblance, Fronton était donc un proche, parent ou ami, du
propriétaire de ce domaine de Méonie . Aussi est-il très douteux (malgré P .
Lemerle , « Inscriptions latines et grecques de Philippes » , BCH 59, 1935, p. 134)
qu' il soit identique au rhéteur Fronton d'Émèse connu par la Souda (Q 735) ou
au philosophe Domitius Fronton d’Hippone (» F 21).
[Il serait également imprudent d 'y reconnaître un portrait du rhéteur M . Cornelius Fronton
( F 19), mais on ne peut toutefois ignorer que le célèbre rhéteur d 'origine africaine avait fort
probablement étudié à Alexandrie avant de s'installer à Rome (ad Antoninum Pium 8), qu 'il
avait toute sa vie défendu à Rome les intérêts publics et privés des habitants de Cilicie (ibid .)
et que seule la maladie l'empêcha d 'aller exercer son proconsulat en Asie. Qu'un tel person
nage, maître de l'empereurMarc-Aurèle , ait pu être honoré à Alexandrie et en Lydie par une
statue portant son simple nom n 'est pas inimaginable . R . G .)
BERNADETTE PUECH .
21 FRONTON (DOMITIUS -)
Un philosophe stoïcien Domitius Fronton fut honoré d 'une statue par la ville
d'Hippone, à une date qu'il n 'est pas possible de préciser: BACTH 1954, p. 188
189.
L 'inscription est reproduite dans P . Grimal, La civilisation romaine, coll. « Les grandes
civilisations» 1, Paris 1960, entre les pages 184 et 185 (pl. 75).
BERNADETTE PUECH .
22 FUFFICIUS ( L . IUNIUS -) RESuppl. V :75 a
L 'inscription CIL V 2135, mentionnant un philosophe L . Iunius Fufficius
- dans lequel on a cherché à reconnaître le stoïcien Iunius Rusticus, ou son
parent Iunius Arulenus Rusticus, maître de Marc-Aurèle – est en réalité une
création du faussaire Ligorio : voir Ch. Hülsen , « Eine Ligorische Porträt
fälschung» ,MDAI(R ) 17, 1902, p. 317-321.
BERNADETTE PUECH.
23 FULGENTIUS (FABIUS PLANCIADES - ) RE 13 V -VI
Les problèmes historiques et littéraires soulevés par la vie et l'æuvre du
mythographe Fulgence sont considérables. Il est en particulier difficile d'établir
(1) l'identité de l'auteur, ( 2) l' étendue de ses euvres authentiques, (3) le lieu et
la date de son activité .
(1) On se demande encore s'il convient d 'identifier Fabius Planciades Fulgen
tius (RE 3), auquel on rapporte au moins trois ouvrages de caractère mythogra
phique, avec Claudius Gordianus Fulgentius qui écrivit des ouvrages de théolo
gie et devint peut-être évêque de Ruspe (RE 2). Pour un examen de la bibliogra
phie et des arguments contraires à l'identification , voir 1 G . Pennisi, Fulgenzio e
432 FULGENTIUS F 23
la Expositio Sermonum Antiquorum , Firenze 1963, p. 15- 19 ; pour un examen de
la bibliographie et des arguments favorables à l'identification, voir 2 P . Langlois ,
« Les æuvres de Fulgence le Mythographe et le problème des deux Fulgence » ,
JAC 7, 1964, p . 94- 105. La suite de la présente notice considère que la nécessité
d'identifier les deux personnages n 'est pas encore établie.
(2 ) Deux ouvrages : Mitologiae et Expositio Virgilianae Continentiae sont
rapportés uniquement au nom de Fabius Planciades Fulgentius dans la tradition
manuscrite. Un troisième ouvrage, intitulé Expositio Sermonum Antiquorum , est
associé ou bien à Fabius Planciades Fulgentius ou bien à un “ Fulgentius Episco
pus” . Dans certains manuscrits des XII° ou XIIe siècles, un ouvrage intitulé De
Aetatibus mundi et hominis est rattaché à Claudius Gordianus Fulgentius. Dans
un manuscrit du XIIe siècle , un écrit intitulé Super Thebaiden est associé à
" Fulgentius Episcopus”. Puisque l'Expos. Virg. Cont. se réfère apparemment aux
Mitol. en plusieurs passages, il est certain que ces deux ouvrages sontdu même
auteur. Ces écrits peuvent être rapprochés également par des caractéristiques
stylistiques remarquables qui leur sont communes: l'association de l'allégorie et
de l' étymologie , le recours à des citations impressionnantes mais inexactes et un
ensemble d 'expressions et de tournures caractéristiques .
( 3) Un terminus post quem pour l'æuvre de Fulgence est fourni par les
sources les plus récentes que l'on peut identifier de façon certaine à l' arrière
plan de son ouvrage : Martianus Capella et Orose. Il serait donc postérieur aux
années 430. L 'auteur était vraisemblablement originaire d 'Afrique du Nord :
c 'est ce qu'on peut déduire du fait qu'il présente le libyen comme sa langue
native, qu 'il connaît en détail la géographie de l'Égypte (Alexandrie, Méroé,
etc .), et qu 'il emploie un latin très coloré caractéristique de cette région. Qu'il fut
chrétien est également facile à conclure de sa connaissance manifeste de la
Bible, du fait qu 'il a dédié son commentaire de Virgile à un " lévite ”, c'est-à -dire
à un diacre, et de son recours à Tertullien comme autorité pour expliquer des
mots latins obscurs. En revanche un terminus post quem plus tardif (532-533) ne
peut être accepté que si l'on identifie le mythographe et l'évêque.
Éditions. Les trois æuvres qui peuvent être attribuées de façon certaine à
Fabius Planciades Fulgentius peuvent être rapidement résumées. Les Mitologiae
consistent en trois livres comprenant chacun un prologue et une interprétation
allégorique de différents mythes classiques. Le prologue au livre I définit le
décor de l'ouvrage : l'auteurbénéficie d'une vision de la muse Calliope dans un
endroit ombragé. Il discute avec elle , déclarant qu 'il souhaite exposer la véritable
signification des mythes dans le cadre d 'une sorte de jeu poétique. Calliope
répond qu'une telle entreprise nécessiterait non seulement sa présence , mais
celle de Philosophia, d ’Urania et de Satira . Fulgence rejette la troisième comme
étant inappropriée à son projet. Le prologue introduit alors un changement de
décor : l'auteur est maintenant décrit comme bénéficiant d 'une vision de la muse
Calliope alors qu 'il reste couché. Cette fois , elle explique qu 'elle va parler de la
nature des dieux, dans la mesure où l'on rencontre sur ce point beaucoup d 'in
compréhension, liée à la superstition . A la suite du prologue vient la série d 'in
F 23 FULGENTIUS 433
terprétation des mythes, chaque mythe étant d' abord exposé, puis interprété de
façon allégorique.
L' Expositio Virgilianae Continentiae commence aussi par une description de
l'auteur recevant une vision. Cette fois, c'est le poète Virgile qui apparaît et pro
pose d 'expliquer les secreta physicae, c'est-à-dire la signification allégorique de
l' Enéide conforme à la Physique. Virgile explique comment les livres I -XII
décrivent le status humanae vitae: le livre I raconte le naufrage qui signifie allé
goriquement la naissance humaine ; les livres II- III les errances qui représentent
l'enfance ; le livre IV la concupiscence qui correspond à l'adolescence ; le livre
V les jeux qui représentent la maturité et la responsabilité, tandis que le livre VI
raconte la descente aux Enfers qui signifie allégoriquement la maturité et l'édu
cation. Les livres VII-XII sont interprétés de façon plus sommaire: chaque fois
le récit est censé représenter une nouvelle étape dans la maturation psycholo
gique.
L ' Expositio Sermonum Antiquorum commence sans aucune évocation du
décor. L 'auteur affirme simplement qu 'il donne satisfaction à une demande qui
lui a été faite de fournir un traité sur des mots obscurs. Suit l'explication de 62
termes dans laquelle l'auteurmet à contribution des citations d 'auteurs latins.
Édition . 3 R . Helm , Fabii Planciades Fulgentii Opera , Leipzig 1898 .
Traduction anglaise : 4 L .G . Whitbread , Fulgentius the Mythographer,
Colombus (Ohio ) 1971.
Cf. 5 0 . Skutsch, art. « Fulgentius » 3 (der Grammatiker und Mythograph ],
RE VII 1, 1910, col. 215-227 ; 6 P . Courcelle, Les Lettres grecques en Occident,
p. 206 -209.
FULGENCE ET LA PHILOSOPHIE
Les vues philosophiques de Fulgence sont uniquement celles qui apparaissent
à l'occasion dans le cadre de ses interprétations allégoriques . Ces interprétations
peuvent être classées sous quatre chapitres : (i) métaphysiques, par exemple
l'explication de Saturne comme sacrum nun (nus = voũs), ou celle de Promé
thée comme pronianteu , quod nos latine praevidentiam dei dicimus; (ii) physi
ques - qui regroupe peut-être le plus grand nombre d 'interprétations de Ful
gence -, par exemple l' explication de Jupiter, Junon , Neptune et Pluton comme
étant les éléments du monde physique , feu, air, eau et terre (car Junon = Héra /
aer, Neptune = Poseidon/poiein idean, c' est- à-dire faire des formes dans l'eau) ;
(iii) astronomiques – égalementune catégorie d'interprétations fort employée par
Fulgence -, par exemple l'explication d'Apollon comme étant le soleil (Apollon/
apollusthai, c 'est-à -dire le dessèchement de la végétation) ; (iv)morales, par
exemple l'explication d 'Hercule et d 'Antée comme étantrespectivement la vertu
et la concupiscence. L 'association de l' étymologie et de l'allégorie est relative
ment fréquente chez les auteurs latins de la fin de l' Antiquité commeMacrobe et
Martianus Capella . L ' originalité de Fulgence réside dans le caractère condensé
de son exposé et dans l'élaboration d 'une allégorie systématique de l' Énéide.
STEPHEN GERSH.
434 FULVIUSNOBILIOR F 24
24 FULVIUS NOBILIOR (M . - ) REF 91 DIIa
M . Fulvius Nobilior fut édile curule en 196a (Tite-Live XXXIII 42, 8 ), préteur
en 193a (XXXIV 54, 2), propréteur d 'Espagne et obtint ensuite les honneurs de
l’Ovatio . Consul en 189a avec Cn .Manlius Vulso , il mène la guerre contre les
Étoliens et remporte sur la ligue étolienne la victoire d 'Ambracie à laquelle
Ennius (BE 25 ) consacra un poème. A son retour à Rome, en 186 , il célèbre un
triomphe dont Tite -Live souligne l'importance (XXXIX 22, 1- 2). Il donne alors
des jeux votifs auxquels participent des athlètes et des artifices (sans doute des
technites dionysiaques, selon 1 J. Ferrary , Philhellénisme et impérialisme, p . 519
n . 15). Censeur en 180 - 179, il fait alors construire la basilique Aemilia et Fulvia .
Outre les jeux de 186 , l'intérêt pour la Grèce et la culture grecque que mani
feste Fulvius Nobilior, se révèle d' abord dans la protection accordée à Ennius. Il
apparaît surtout dans le temple d 'Hercules Musarum qui fut construit avec le
butin pris aux Étoliens et qu 'il consacra comme censeur en 180 -179. Par là, les
Muses figurent à Rome sous leur nom grec, comme c'est aussi le cas dans les
Annales d' Ennius, car les premiers écrivains romains les nommaient Camènes.
En outre 2 P. Boyancé (« Fulvius Nobilior et le dieu ineffable» , RPh 1955,
p . 172 - 192, repris dans Études sur la religion romaine, Rome 1972, p. 227-252)
a rappelé l'importance des Muses chez les pythagoriciens, car elles sont les
déesses de l'accord musical et de la concorde en politique. L 'association des
Muses avec Hercule semble ancienne dans le pythagorisme; peut-être mêmeest
elle apparue à Crotone et dans le Sud de l'Italie . Ainsi s'affirme l'influence du
pythagorisme sur Fulvius Nobilior. Elle semble confirmée par d 'autres indices :
selon Macrobe (Saturnales I 2, 16 ) Fulvius Nobilior était l'auteur d 'un ouvrage
sur les Fastes, qu' il avait déposé dans le temple d 'Hercules Musarum . Il y avait
insisté sur l'astronomie et, surtout, sur le rôle de Numa dans la création du
calendrier, et ces explications montrent encore l'influence du pythagorisme
(Boyancé 2). Enfin , un fragment de J. Lydus (De ostentis 16 ) insiste sur la
présence d 'un « dieu ineffable, père de toutes choses» et la possibilité d 'accéder
à sa connaissance par l'étude des astres; cette conception semble également
proche du pythagorisme et du Timée de Platon.
Cf. 3 [F. Münzer), art. « M . Fulvius Nobilior» 91, RE VII 1, 1910, col. 265
268 ; 4 K . Rosen , « Die falschen Numabücher. Politik , Religion und Literatur in
Rom 181 v. Chr.» , Chiron 15, 1985, p. 65 -90 ; 5 M . T. MarabiniMoevs, « Le
Muse di Ambracia » , BA 66 .12, 1981, p. 1-58 ["'Il est vraisemblable que Cerdo
nous a laissé, sur un vase arétin de 30 av. J.-C . env., la représentation du groupe
de quatre Muses accompagnées d 'Héraclès que M . Fulvius Nobilior avait
rapporté d'Ambracie et qu 'il avait placé au temple d 'Hercule devenu aedes
Herculis Musarum , près du Circus Flaminius. Ce groupe, euvre du cercle de
Lysippe, était sans doute à l'origine un don d'un acteur tragique en commé
moration d'une victoire.” (rés. APh )] ; 6 M . Martina, « Aedes Herculis Musa
rum » , DArch N .S. 3, 1981, p. 49 -68; 7 L . Richardson , « Hercules Musarum and
the Porticus Philippi in Rome» , AJA 81, 1977, p. 355- 361.
MICHÈLE DUCOS.
F 26 FURIUS PHILUS 435

25 FUNDANUS (G .MINICIUS - ) REM 13 III


Originaire de Ticinum , Minicius Fundanus, dont Plutarque évoque le carac
tère irascible dans le De cohibenda ira (passim ) et le De tranquillitate animi,
464 e , semble avoir été un élève de Musonius. Il cite en effet l'une de ses
maximes (De cohib. ira, 453 e), en des termes qui suggèrent qu 'il avait entendu
personnellement le philosophe, probablement à Rome, à son retour d' exil; voir
D . Babut, Plutarque et le stoïcisme, Paris 1969, p. 185 et 240, et C . P . Jones,
Plutarch and Rome, Oxford 1971, p. 58 . Fundanus était par ailleurs l'ami de
Tacite et de Pline le Jeune : voir R . Syme, Tacitus, Oxford 1958, p.650 et 801, et
A . N . Sherwin -White , The Letters of Pliny, Oxford 1966 , p. 291. Pline réclame à
l'occasion pour tel ou tel de ses amis (Ep. IV 15 et VI 6 ) l'appui de ce sénateur
très actif (I 9), protégé par la faveur de l'empereur (IV 15 ); il soumet l'un de ses
ouvrages à la critique de son purisme exigeant (VII 12 ); il présente Fundanus
comme un sage, adonné à la philosophie dès son jeune âge, dont la force d'âme
stoïcienne fut néanmoins profondément ébranlée par la mort de sa fille (V 16 ):
l'urne funéraire de la petite Marcella a d 'ailleurs été conservée, ainsi que celle de
sa mère (CIL VI 16631 et 16632). Fundanus fut consul suffect en 107 (ILS 2002
et 3541 ; CIL XIV 2242), légat de Dalmatie (Gnomon 31, 1959, p. 515 -516 ), puis
proconsul d 'Asie en 122/3 (voir W . Eck, Senatoren von Vespasian bis Hadrian ,
München 1970, p . 193, 218 et 223) : c'est à lui qu 'est adressé le célèbre rescrit
d'Hadrien en faveur des chrétiens (Eusèbe, Hist. Eccl. IV 8 et 9).
BERNADETTE PUECH .

26 FURIUS PHILUS (L . -) REF 77 МІІa


La carrière politique de L . Furius Philus nous échappe presque totalement :
elle se réduit à la mention de son consulat en 136a avec Sex . Atilius Serranus
(Cicéron , Off. III 109). Il fut alors conduit à mener au sénat le débat sur l'affaire
de Numance et le traité de C .Mancinus (Ibid.).
Philus semble avoir été un orateur cultivé (Brutus 108 ), connaissant Térence,
proche de Scipion Émilien . Cicéron le mentionne à plusieurs reprises parmiles
amis de ce dernier (De oratore II 37, 54 ; Lael. 19, 69 ; 27 , 101). Il en partage
sans doute les choix philosophiques. Dans le Pro Murena (31, 66 ) il figure parmi
ceux qui ont été influencés par Panétius; cette affirmation paraît avoir peu de
poids selon G . Garbarino, Roma e la filosofia greca, p . 423, mais reste vraisem
blable.Dans le livre III du De republica, Furius se fait à contre-cæur, semble-t-il
(5, 8 ), le défenseur des thèses soutenues par Carnéade (=+C42) en 155a en
s'inspirant, selon ce qui est affirmé dans le dialogue, d 'une conférence de Car
néade. Il s'oppose ainsi à l'idée d 'une justice fondée sur la nature défendue par
Laelius. Selon J.-L . Ferrary, « Le discours de Philus (Cicéron , De re publica III ,
8-31) et la philosophie de Carnéade » , REL 55 , 1977, p. 128 - 156 , ce discours
reproduit plutôt un écrit de Clitomaque (cf. Id ., Philhellénisme et Impérialisme,
p. 360 ) auquel Cicéron ajoute des données romaines. L . Furius Philus semble
également avoir été l'auteur d' un traité sur le droit pontifical.
436 FURIUS PHILUS F 26
Cf. F . Münzer, art. « L . Furius Philus » 77, RE VII 1, 1910 , col. 360.
MICHÈLE DUCOS.
27 FUSCUS ( M . ARISTIUS - ) RE 2
Amiintime du poète Horace (2H 167), mentionné dans plusieurs poèmes
(Sat. 1 9,61; I 10 , 83 ; Carm . I 22 ; Ep. I 10 ). Porphyrion (Ad Horat. Sat. I 9, 60 )
le qualifie de praestantissimus grammaticus et indique qu' il écrivit des comé
dies ; peut-être faut-il ajouter à ces cuvres des tragédies en se fondant sur un
passage du Ps. Acron (Ad Horat. Ep. I 20, 1).
Les liens qu ’Aristius Fuscus entretientavec la philosophie sont certains,mais
complexes dans leur interprétation . Dans les Épîtres (I 10 ), l'accentest mis surla
nécessité d'être satisfait de son sort (« Sois satisfait de ton sort et tu vivras selon
la sagesse » , I 10 , 45) et sur une vie conforme à la nature (I 10, 12 ), thèmes qui
renvoient sans aucun doute à la philosophie ,mais restent fort peu précis. Dans
l'Ode I 22 se trouve évoqué dans les deux premières strophes l'homme irrépro
chable en sa vie et innocentde tout crime, qui n 'a pas besoin d 'armes même
dans les régions les plus dangereuses. Il s'agit également dans ces vers d'un
thèmementionné par bien des philosophes comme Sénèque ou Épicure. Dans
leur commentaire, R . G . M . Nisbet et M . Hubbard (Horace, Odes, Book I, Oxford
1970 , ad loc., p . 264) suggèrent néanmoins que la maxime initiale de l'ode
(Integer uitae scelerisque purus) contientune certaine coloration stoïcienne : non
eget (V 2) peut évoquer l'autarcie du sage. De la même façon , le vers 12 de
l'épître I 10 (uiuere naturae si conuenienter oportet) peut évoquer la maxime
stoïcienne : vivre conformément à la nature ,même si Horace joue avec elle. De
telles considérations ont conduit à suggérer que Aristius Fuscus pouvait être un
stoïcien . Mais, en l'absence d'indications plus précises, il semble difficile de
formuler cette conclusion avec fermeté .
Cf. K . Gantar, « Horazens Freund Aristius Fuscus » , dans P . Haendel et W .
Meid (édit.), Festschrift für Robert Muth zum 65.Geburtstag am 1. Januar 1981
dargebracht von Freunden und Kollegen , coll. « Innsbrucker Beiträge zur
Kulturwissenschaft » , Innsbruck 1983, p. 129-134 ; S. J. Harrison , « Fuscus the
Stoic.Horace Odes 1. 22 and Epistles 1. 10» ,CQ 42, 1992, p. 543-547.
MICHÈLE DUCOS.
GAIUS → AMAFINIUS GAIUS
GAIUS AMYNIAS DE SAMOS (C . IULIUS -)
GAIUS + APOLLONIUS DE PERGE
GAIUS BLOSSIUS DE CUMES (C. -)
GAIUS + COTTA (C .AURELIUS -)
GAIUS — FLAVIANUS SULPICIUS (C .AELIUS -)
GAIUS HAURANUS (C . STALLIUS -)
GAIUS HELVIDIUS PRISCUS (C. -)
GAIUS► HEMINA (C. CASSIUS-)
GAIUS HERAS (GAIUS -)
GAIUS → LONGINUS (C . CASSIUS -)
GAIUS + LUCILLUS (C :-)
GAIUS + MACEDO (C . CALPURNIUS COLLEGA - )
GAIUS PETRONIUSARBITER (C. -)
GAIUS SABINUS (C . IULIUS -)
GAIUS — SELLIUS (C .-)
GAIUS→ TELESINUS (C . LUCIUS - )
GAIUS + VELLEIUS (C . -)
1 GAIUS RE 93 ja
Dédicataire supposé du livre IV de la Rhétorique de Philodème (PHerc.
1007/ 1673, XLII 5, vol. I, p. 223 Sudhaus). Sur le papyrus, on lit, en réalité : 6
Tate Návoa. Voir T.Dorandi, « Gaio bambino », ZPE 111, 1996 ,p. 41-42.
TIZIANO DORANDI.
2 GAIUS RESuppl. III DM II
Moyen -platonicien d'une certaine envergure dont la réputation s'estmain
tenue jusqu 'à la fin de l'antiquité. On ne connaît la date ni de sa naissance ni de
sa mort, pas plus que l'endroit ou les endroits où s'est déroulée sa carrière. On
peut penser, avec 1 W . Theiler, « Tacitus und die antike Schicksalslehre » , dans
Phyllobolia für Peter von der Mühll, Basel 1945 , p. 70 , repris dans ses
Forschungen zum Neuplatonismus, Berlin 1966 , p. 83, qu'il est né vers 75 après
J.-C .Le fait que son éditeur Albinus (voir ci-dessous) enseignait à Smyrne à une
certaine époque n 'implique pas que Gaius, lui aussi, ait tenu école dans cette
438 GAIUS G2
cité. 2 Th . Sinko , « De Apulei et Albini doctrinae Platonicae adumbratione » ,
Dissertationes phil. cl. Acad. litt. Cracoviensis 41, 1905 , p. 129-178, a essayé de
reconstruire les doctrines d'une « école de Gaius » à partir de la thèse de 3 J.
Freudenthal, Hellenistische Studien, Heft III : « Der Platoniker Albinos und der
falsche Alkinoos » , Berlin 1879, soutenant que l'auteur du Aldaoxarixòç r v
Tátovog doyuárwv, transmis sous le nom d' Alcinoos (* A 92), était en réa
lité le moyen -platonicien Albinos (** A 78 ), élève de Gaius. Sur la base des
similitudes entre le Aldaoxarıxós et le De Platone et eius dogmate d ’Apulée
(MA 294 ), Sinko a conclu que les deux auteurs ont puisé leurs doctrines dans la
mêmesource, qui serait les leçons de Gaius. En dépit deshésitations exprimées
par 4 K . Praechter, « Zum Platoniker Gaios » , Hermes 51, 1916 , p. 510 n. 1,
repris dans ses Kleine Schriften , hrsg. von H . Dörrie , coll. « Collectanea » 7,
Hildesheim 1973 , p. 81 n. 1, et dans le recueil publié par Cl. Zintzen (édit.), Der
Mittelplatonismus, Darmstadt 1981, p . 82 n . 1, « l'école de Gaius» postulée par
Sinko a connu un succès immédiat. H . Diels, par exemple , a cru pouvoir attri
buer à cette école hypothétique le commentaire anonyme sur le Théétète de Pla
ton conservé dans P . Berol. 9782 ; cf. 5 H . Diels et W . Schubart, Anonymer
Kommentar zu Platons Theaetet, coll. « Berliner Klassiker Texte» 2 , Berlin
1905, p . XXIV -XXXVII. (Voir maintenant6 G . Bastianini et A . A . Long, CPF I
1 * * (1992), n° 60, 1 , p . 268-451). Dans les dernières décennies cependant, une
attitude plus critique s'est développée à l'égard des hypothèses de Sinko et de
Freudenthal. Que les divergences entre le Aldaoxalixóc et le De Platone et eius
dogmate sont aussi importantes que les similitudes a été souligné par 7 J. H .
Loenen , « Albinus'Metaphysics. An attempt at reconciliation » ,Mnemosyne 10 ,
1957, p . 36 -40,et, de façon plusdétaillée ,par 8 J. Dillon, The Middle Platonists,
London 1977, p. 266 -338. En mêmetemps, 9 M .Giusta,« ’ Albívou 'Enitouno
'Arxivóou Aldaoxarıxós ? » , AAT 95, 1960- 1961, p . 167- 194 , et 10 J.
Whittaker , « Parisinus graecus 1962 and the writings of Albinus. Part 2 » ,
Phoenix 28 , 1974 , p. 450 -456 , repris dans Studies in Platonism and Patristic
Thought, coll. « Collected studies series» 201, London 1984 , nº XXI, et surtout
11 id ., « Platonic philosophy in the early centuries of the Empire » , dans ANRW II
36 , 1, 1987, p. 81-123, ont démontré que les arguments de Freudenthal sur
l'identité de l'auteur du Aldaoraixós reposaient sur des bases fausses ou
insuffisantes. Ces conclusions, généralement acceptées, rendent très hasardeuse
la reconstitution , à partir des affinités entre Alcinoos et Apulée, d'une hypo
thétique « école de Gaius» qui aurait exercé une influence prépondérante et
identifiable sur le platonisme du lle siècle de notre ère.
Témoignages. ( 1) Une inscription de Delphes (FD III 4 , 1033 ; sur la date ,
voir 12 B . Puech , « Soclaros de Tithorée », REG 94, 1981, p. 190 -191), datant
des années 120 /130 ap . J.-C ., atteste que le droit de cité a été décerné par les
Delphiens à un philosophe Gaius, fils de Xénon , qui pourrait bien être identique
au moyen -platonicien . Vers le milieu du II° siècle, la cité de Delphes a honoré du
même droit de cité un groupe de quatre philosophes platoniciens, dont l'un était
Bacchios de Paphos ( 3 + B 2 ), fils adoptif de Gaius (FD III 4 , 94 ). Il est bien ten
G 2 GAIUS 439

tant de reconnaître en ce père adoptif le platonicien du mêmenom . Selon 13 K .


Praechter, « Nikostratos der Platoniker » , Hermes 57, 1922, p . 483-484, repris
dans ses Kleine Schriften , hrsg. von H . Dörrie , coll. « Collectanea» 7 , Hil
desheim 1973, p. 103- 104, et d 'autres érudits, il s'agit du Bacchios qui était le
premiermaître en philosophie du futur empereur Marc -Aurèle (cf.Méd . I 6 ).
Pour l'archontat de Flavius Sôclaros, qui permet de dater l'inscription, 14 B . Puech,
« Prosopographie et chronologie delphique sous le Haut-Empire. L ' apport de Plutarque et de
l'histoire littéraire » , Topoi 8, 1998 , p. 261-262, se prononce pour l'année 130 environ.
(2) Selon le pinax du Parisinus graecus 1962, fol. 146 ', Albinus a édité les
σχολαί de Gaius en onze livres ('Αλβίνου των Γαίου σχολών υποτυπώσεων
πλατωνικών δογμάτων). Cet ouvrage, perdu depuis le XIVe siecle , est men
tionné au VIe siècle par le néoplatonicien Priscianus dans ses Solutiones eorum
de quibus dubitavit Chosroes Persarum rex (Supplementum Aristotelicum I 2 ,
p . 42, 8 -10 Bywater) : usi quoque sumus utilibus quae sunt... Albini (codd.
Lavini) quoque ex Gaii scholis exemplaribus Platonicorum dogmatum . Cf. 15 J.
Whittaker, « Parisinus graecus 1962 and the writings of Albinus. Part I» ,
Phoenix 28, 1974 , p . 325- 332 et pl. 2 , repris dans Studies in Platonism and
Patristic Thought, coll. « Collected studies series» 201, London 1984, nº XX . Il
est donc probable qu'Albinus fut l' élève de Gaius.
( 3 ) Selon Porphyre, Vita Plotini 14, 10 - 14 Henry -Schwyzer, on lisait les
commentaires de Gaius dans les réunions de l'école de Plotin .
(4 ) Lemédecin Galien ( > G 3) a été formédans la philosophie de Platon par
deux élèves de Gaius, d' abord à Pergame (vers 143 ap. J.-C .) par un concitoyen
anonyme ( De an. morb. Ι 8, p. 32, 1-3 Marguardt: βραχύν δέ τινα χρόνον και
Πλατωνικού μαθητού Γαίου [scil. ήκουον], διά το μή σχολάζειν αυτόν εις
πολιτικής ασχολίαν ελκόμενον υπό των πολιτών), et plus tard (vers 150 ap.
J.- C .) a Smyrne par Albinos ( De propr. libr. II, p. 97, 8-11 Müller: τρία δέ μοι
βιβλία παρά τινων εδόθη γεγραμμένα, πρίν εις Σμύρναν εκ Περγάμου
μεταβήναι Πέλοπός τε του ιατρού και 'Αλβίνου του Πλατωνικού χάριν).
( 5) Proclus, In Tim., I, p. 340, 24 Diehl ( οι περί 'Αλβίνον και Γάιον Πλατω
νικοί).
( 6) Proclus, In Remp. II , p . 96, 11-13 Kroll (των Πλατωνικών οι κορυφαίοι,
Νουμήνιος, 'Αλβίνος, Γάιος, Μάξιμος ο Νικαεύς, Αρποκρατίων, Ευκλεί
δης, και επί πάσιν Πορφύριος).
(7 ) Parisinus Coislinianus 387, fol. 154" , et Bodleianus Auct. T. 2 . 11, fol.
359' (έν δε τη φιλοσοφία διέπρεψαν Πλάτων και Αριστοτέλης ο τούτου
μαθητής: ών τον μεν Πλάτωνα υπομνηματίζουσι πλείστοι χρησιμώτεροι
δε Γάιος, ' Αλβίνος, Πρισκιανός, Ταύρος, Πρόκλος, Δαμάσκιος, Ιωάννης ο
Φιλόπονος, όστις και κατά Πρισκιανού [= Πρόκλου ?] ηγωνίσατο, πολλάκις
δε και κατά 'Αριστοτέλους).
Études d 'orientation. Praechter 4 , p . 510 -529 (= Kl. Schriften, p. 81-100 =
Mittelplatonismus p . 67-88] ; 16 K . Praechter, art. « Gaios» , RESuppl. III, 1918,
col. 535-537 ; Dillon 8 , p . 266 -267 et 340 ; 17 C . Mazzarelli, « Bibliografia
440 GAIUS G 2
Medioplatonica. Parte prima: Gaio , Albino e Anonimo Commentatore del Tee
teto » ,RFN 72, 1980, p. 111 ; Whittaker 10 , p . 102-110 .
Bibliographies. Mazzarelli 18, p . 112-114 ; 19 L . Deitz , « Bibliographie du
platonisme impérial antérieur à Plotin : 1926 -1986 » , dans ANRW II 36 , 1, 1987,
p . 149 .
JOHN WHITTAKER (+).
3 GALIEN DE PERGAME RE 2 129 -après 210
Médecin grec .
Le nomen Claudios n 'est pas attesté par la tradition manuscrite, il n 'apparaît
qu 'à la Renaissance et provient sans doute d'une mauvaise transcription de l'ab
bréviation Cl. (Clarissimus) accolée au cognomen Galenos.
A. BIOGRAPHIE DEGALIEN
Sources. On estassez bien renseigné sur les principaux événements de la vie
de Galien grâce aux récits d'inspiration autobiographique et aux nombreuses
anecdotes qui émaillent son æuvre par ailleurs considérable (voir en particulier
les traités Sur ses propres livres, Sur l'ordre de ses propres livres, De l'utilité
des parties, Procédures anatomiques, Thérapeutique à Glaucon, Des facultés
naturelles et le Pronostic ). Les principaux passages ont été rassemblés et traduits
par 1 P. Moraux , Galien de Pergame. Souvenirs d'un médecin , Paris 1985. En
revanche, les contemporains du médecin de Pergame, tout comme les auteurs
immédiatement postérieurs sontrestés étonnamment discrets sur sa personnalité
et il faudra attendre 160 ans après la date présumée de sa mort pour que son nom
soit enfin cité commemédecin chez Oribase (vers 320-vers 400 ), Collection mé
dicale, passim (voir en particulier l'éloge de Galien , livre I, Préface, dans l'édi
tion de Ch. Daremberg, Paris 1876 ) ; voir 2 J. Scarborough , « The Galenic Ques
tion », AGM 65 , 1981, p. 1-31. Au VIe siècle , Aétius d 'Amida et Alexandre de
Tralles citent à leur tour Galien dans leurs propres æuvres, mais de façon en
grande partie dépendante d 'Oribase. Le nom de Galien apparaît il est vrai chez
Athénée, Deipnosophistes I, le (vers 200),mais dans un passage qui a toutes les
chances d'être une interpolation byzantine des X -XIe siècles. Galien y est pré
senté comme ayant composé plus d'ouvrages sur la philosophie et la médecine
que tous ses prédécesseurs. Dans son Histoire ecclésiastique V 28 , 13 - 14 , Eu
sèbe de Césarée (vers 265-vers 340) voit de même en Galien non pas tant un
médecin qu’un philosophe et un disciple d 'Aristote, auteur de nombreux com
mentaires portant sur différents problèmes philosophiques. La notice de la Souda
(vers 1000 ) s'en tient quant à elle à la célébrité désormais universellement
reconnue de Galien et renonce à faire l'inventaire de ses innombrables traités
non seulementmédicaux, mais , là aussi, philosophiques et rhétoriques (voir Sui
dae Lexicon , t. I, p . 506 , 32 Adler), célébrité dont Tzetzes, Historiarum variarum
Chiliades II 16 -25 ; VI 279 -282 et 300 -302 ; XII 397 (éd . P. A .M . Leone (Napoli
1968]), continue de se faire l'écho au XIIe siècle. Si cependant Galien fut très tôt
reconnu non seulement comme médecin , mais aussi comme philosophe, ses trai
G3 GALIEN DE PERGAME 441

tés philosophiques ne nous ontpas été transmis aussi fidèlement que ses traités
médicaux et la majeure partie d ' entre eux sont aujourd 'hui irrémédiablement
perdus. Les faits biographiques retenus ici sont fondés pour l'essentiel sur le
témoignage personnel de Galien auquel on confrontera, dans la mesure du pos
sible , celui de la tradition byzantine et arabe. Il sera fait référence pour l'œuvre
de Galien à l'édition de Ch . G . Kühn , Leipzig 1821- 1833 (réimpr. Hildesheim
1965) , 21 volumes (= K .), pour certains traités à celle des Scripta Minora,
Leipzig 1884 -1893 , trois tomes ( = SM ), ou encore , quand elles existent, aux édi
tions récentes du Corpus Medicorum Graecorum publiées à Berlin (= CMG ).
Date de naissance . Plusieurs dates ont été soutenues pour la naissance de
Galien. Les indications fournies sur ce point par lemédecin de Pergame dans ses
propres æuvres sont en effet contradictoires et autorisent aussi bien la date de
129 que celle de 130 . La solution dépend en fait de la date du premier séjour
romain de Galien. J. Ilberg, le premier, après avoir noté que 3 E . Klebs dans la
Prosopographia Imperii Romani saec. I-II-III, Berlin 1897, pars I, p. 374,
n° 701, hésitait sur la date de naissance exacte de Galien (« Natus est anno fere
128/129 » ), démontra dans 4 « Aus Galens Praxis. Ein Kulturbild aus der
römischen Kaiserzeit» , JKPh 15 , 1905 (repris dans H . Flashar [édit.), Antike
Medizin , Darmstadt 1971, p. 361-416 ), p . 277 n. 1, que la date de 128 était
impossible à soutenir et que seule celle de 129 méritait d' être retenue. Dans un
passage du Sur ses propres livres 2, Galien déclare en effet être revenu de Rome
dans sa patrie (au terme de son premier séjour dans la capitale ) à l'âge de 37 ans
révolus ('Enavñadov uÈv oův Šx 'Póuns eic tnv natpida , nennpwuévwV
UOL TÕU Èx yevetñc étāv ' xai x', t.XIX , p . 16 , 6 - 8 K . = SM II, p . 97, 6 -8 ). Il
nous apprend en outre dans le Pronostic 9 (t. XIV , p. 649, 12 K . = p . 118 éd . V .
Nutton (CMG V 8 , 1]) que, peu après son départ de Rome, Lucius Verus, alors
associé à Marc-Aurèle à la tête de l'empire , et au retour de sa campagne contre
les Parthes, fit son entrée dans la ville . Ces événements se situent pour Ilberg en
166 (cf. Historia Augusta, Vita Marci 12, 13) et, pour 5 V . Nutton , « The Chro
nology ofGalen 's Early Career » , CQ 23, 1973 , p . 158, le retour de L . Verus à
Rome n 'a pu de toute façon intervenir après la fin août 166 , puisque l'on sait que
les deux empereurs ont célébré leur triomphe contre les Parthes en octobre de
cette même année. Ilberg conclut donc du témoignage de Galien que le médecin
de Pergame parvint au terme de sa trente -septième année au cours de l'été 166 .
Le premier séjour de Galien à Rome ayant duré trois années à compter de son
premier succès public (la cure réussie du philosophe Eudème ( E 92), qui eut
lieu vraisemblablement au cours de l'hiver 162/63), sa date de naissance se
situerait donc en 129. Mais 6 J. Walsh , « Date of Galen 's Birth » , AnnMedHist
( n .s.] 1, 1929, p . 378-382, en s' appuyant sur un passage peu sûrdu Commentaire
à Hippocrate sur les articulations I prol. (t. XVIII A , p. 347, 14 -16 K .), où
Galien fait allusion à sa première arrivée à Rome à l'âge de 32 ans (uetà to
tplaxootov xai dettepov Étoc év ‘Póun OLÉTplPa ,mais les mots xai deúte
pov, omis en grec, sont restitués sur la seule foi de la traduction latine), en
conclut qu'il convient de fixer la date de naissance de Galien en 130. Cette
442 GALIEN DE PERGAME G3
seconde hypothèse oblige cependantWalsh à ne pas tenir compte du témoignage
de Galien quand il nous dit avoir rejoint sa patrie à l'âge de 37 ans révolus
(t. XIX , p. 16 , 6 -8 K . = SM II, p . 97, 6 -8) et à l'imputer aux erreurs de mémoire
d 'un médecin déjà vieillissant. La date de 129, corroborée par le témoignage du
Pronostic et du Sur ses propres livres, est cependant la plus fréquemment rete
nue et c'est à partir de celle -ci que nous établirons désormais toutes les autres
dates.
Mois de naissance. Les hypothèses relatives au mois de naissance de Galien
reposent sur une allusion du Sur lesmédicaments composés selon les genres III 2
(t. XIII, p. 599, 10 - 14 K .). L 'auteurmentionne en effet à cet endroit son entrée
en charge à Pergame comme médecin des gladiateurs, peu après son retour
d'Alexandrie , alors qu'il venait juste d ' entrer dans sa vingt-neuvième année (TOŨ
yàp Évátov xai eixootoŰ ÉTouç nexóunv). Cette responsabilité lui fut confiée
par le grand -prêtre alors que celui-ci venait de prendre ses fonctions, événement
qui avait habituellement lieu à l'équinoxe d'automne. On en a déduit que Galien
était né fin août-début septembre (voir 7 W . A . Greenhill, dans Smith 's Dictio
nary of Greek and Roman Biography, London 1854, vol. II, p. 207-217, et
Nutton 5, p . 159, qui reprend les conclusions de Walsh 6 , p . 378 sq., en repous
sant les objections de 8 J. Ilberg, « Wann istGalenos geboren ?» , AGM 23, 1930 ,
p. 289-292).
Enfance à Pergame. Les écrits deGalien font assez rarement allusion à ses
toutes premières années passées dans sa patrie, Pergame. Ils font en revanche
une large place au portrait de ses parents. Le souvenir de sa mère, acariâtre et
irascible au point d 'être comparée à une nouvelle Xanthippe, n'est évoqué
qu'une seule fois (Du diagnostic et du traitement des passions de l'âme 8 : t. V ,
p. 40, 17 -41, 2 K . = p . 27-28 éd. W . de Boer (CMG V 4 , 1.1]).Le portrait de son
père, en revanche, beaucoup plus flatteur, reflète l'influence qu'eut sur son fils
cet homme décrit comme le moins irascible, le plus juste, le plus honnête et le
plus humain qui soit (t. V , p. 40, 15 -17 K . = p. 27 de Boer). Galien nementionne
nulle part le nom de ses parents, mais, si l'on en croit deux témoignages tardifs
(Souda, s. v. "Galenos” et Tzetzès, Chiliades XII 8 ), son père se serait nommé
Nicon . Sa formation était très solide, puisque Galien nous le décrit comme parti
culièrement exercé en géométrie , arithmétique, architecture , calcul, astronomie
et grammaire (t. V , p. 42, 4 -6 K . = p . 28 de Boer; Sur les bons et les mauvais
sucs des aliments 1 : t. VI, p. 755, 12-17 K . = p. 392, 21 sqq. Helmreich (CMG V
4 , 2 ]). Il joua manifestement un grand rôle dans l'éducation de son fils, « l'éle
vant au milieu de ces disciplines et de toutes les autres connaissances qui font
partie de l'éducation » (Sur l'ordre de ses propres livres 4 : t. XIX , p . 59, 5-7 K .
= SM II, p . 88, 9 - 12 ) .
Premières années de formation. Galien nous apprend que, lorsqu'il eut
atteint l'âge de quatorze ans, son père décida de le confier à différents maîtres
qui enseignaient la philosophie à Pergame. Sont cités un stoïcien élève de Philo
pator,un platonicien élève de Gaios (2 +G 2), un péripatéticien , élève d 'Aspasios
(> A 461), et un épicurien originaire d 'Athènes (Du diagnostic et du traitement
EN E ERGAME
G3 GALI D P 443
des passions de l'âme 8 : t. V , p . 41, 10 - 42, 2 K .= p . 28 de Boer). Galien ne
commença donc pas directement des études de médecine,mais reçut d 'abord une
formation philosophique. Il se souviendra de ces premières années, prolégo
mènes nécessaires à la formation du médecin accompli, lorsqu'il affirmera dans
le titre d’un de ses traités que « Le meilleur médecin est aussi philosophe» .
L 'idéal de Galien est d'ailleurs de pratiquer conjointement médecine et philo
sophie (principalement la logique), afin d 'être capable de mener à bien toutes les
démonstrationsnécessaires.
Différentes études ont été consacrées à l'influence marquante de la philoso
phie sur la pensée médicale de Galien ; voir en particulier 9 P .Moraux, « Galien
comme philosophe : la philosophie de la nature » , dans Nutton 26 (cité plus loin ),
p. 87 - 116 ; 10 P. L . Donini, « Motivi filosofici in Galeno », PP 35 , 1980 , p. 333
370 ; 11 Id ., « Galeno e la filosofia », ANRW II 36 , 5, p. 3484- 3504 , et 12 R . J.
Hankinson , « Galen 's Philosophical Eclecticism » , ANRW II 36 , 5, p. 3505-3522.
Cependant Galien apparaît tout d'abord grandement déçu par l'enseignement de
ses maîtres, dont il s'aperçoit bien vite qu '« ils se trouvent en désaccord entre
eux et que certaines de leurs théories contredisentmême les lois de la physique >>
(Sur ses propres livres 11: t. XIX , p. 40 K . = SM II, p. 116). Son père déjà
l'avait mis en garde contre les différentes écoles, en lui recommandant de n 'être
membre d 'aucune,mais de se montrer également critique à l'égard de toutes (Du
diagnostic et du traitement des passions de l'âme 8 : t. V , p . 42 K . = p. 29 de
Boer). C 'est finalement la pratique de la géométrie , de l'arithmétique et du cal
cul qui lui permit d'échapper au « scepticisme pyrrhonien » qui le guettait en se
consacrant aux démonstrations de type géométrique (Pronostic 9 : t. XIV , p .651
K . = p . 116 - 117 Nutton ). Deux ans plus tard , à l'âge de seize ans, il entreprend
conjointement des études de médecine et de philosophie (Sur l'ordre de ses
propres livres 4 : t. XIX , p. 59 K . = SM II, p. 88 ). Il a alors pourmaître Aischrion
( A 73 ), adepte de la secte des empiristes (De la faculté des médicaments
simples XI 24 : t. XII, p. 356 K .), Stratonicos, élève lui-même de Sabinus, parti
san d ’un hippocratismepur (Sur la bile noire 4 : t. V , p . 119 K . = p . 78 de Boer ),
et Satyros, disciple d'un certain Quintos (Procédures anatomiques I 1: t. II,
p . 217 , 13- 16 K . et I 2 : p. 224, 12 - 225, 10 K . = p. 3 et 11 éd. I.Garofalo (Napoli
1986 ); Sur l'ordre de ses propres livres 3 : t. XIX , p. 57 K . = SM II, p. 87).
L ' influence de Satyros devait être la plus décisive. A ces trois noms, on peut
peut-être ajouter celui d ' Aificianos (3DPha Suppl. I), que Galien mentionne à
trois reprises et toujours en même temps que Satyros (Commentaire aux Epidé
mies III I 40 : t. XVII A , p . 575 K . = p . 59 éd . E . Wenkebach (CMG V 10, 2 .1 ) ;
Sur l'ordre de ses propres livres 3 : t. XIX , p . 57-58 K . = SM II, p. 87 ; Commen
taire à l'Officine du médecin I : t. XVIII B , p. 654 K .). Sur ce personnage mysté
rieux , voir 13 P. Moraux , « Ein unbekannter Lehrer Galens » , ZPE 53, 1983 ,
p . 85 -88. Galien a vingt ans et se trouve encore à Pergame quand son père meurt
en 148/149 (Sur les bons et lesmauvais sucs des aliments 1 : t. VI, p . 755, 11-14
K . = p. 393, 12 Helmreich ). Désormais le choix de sesmaîtres ne doit plus rien à
son père. Désireux de puiser le savoir à sa source et de suivre l'enseignement des
444 GALIEN DE PERGAME G3
professeurs les plus réputés, il entreprend une longue série de voyages d' études
qui dureront près de dix ans.
Lesmaîtres de Galien .Galien se rend d 'abord à Smyrne en 149 pour suivre
les cours de Pélops (Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p. 16 K . = SM II, p. 97 ),
qu'il considère comme son « second maître » après Satyros. Pélops enseignait à
la manière de Quintus, ayant été élève de Numisianus. Sur Quintus (mort vers
145 ) et Numisianus (mort vers 151), dont les doctrines ne furent connues de
Galien que par l'intermédiaire de leurs disciples, Satyros et Aificianos pour
Quintus, Pélops et Héracleianos pourNumisianus, voir 14 V . Nutton , « Numisia
nus and Galen », AGM 71, 1987, p. 235 -239, ainsi que 15 M . D . Grmek et D .
Gourévitch, « L 'école médicale de Quintus et de Numisianus» ,Mémoires du
centre Jean Palerne 8, 1988 , p. 43-60 , et desmêmes auteurs, 16 « Aux sources
de la doctrinemédicale de Galien : l'enseignement deMarinus, Quintus et Numi
sianus », ANRW II 37, 2 , p . 1491-1528. Après un séjour d'au moins deux ans à
Smyrne, Galien se rend à Corinthe, vers 151, dans l'intention de suivre l'ensei
gnement de Numisianus. On ne sait s 'il le trouva effectivement ou si Numisianus
était déjà reparti dans sa patrie à Alexandrie (Procédures anatomiques I 1 : t. II,
p. 217 K . = p. 3 Garofalo ). Bien que presque tous les biographes modernes de
Galien laissent entendre qu'il a connu personnellement Numisianus, rien dans les
sources ne permet de l'affirmer (cf. 17 J. Walsh , « Galen 's studies at the Alexan
drian school» , AnnMedHist n .s. 9 , 1927, p. 138). Et la majeure partie du séjour
de Galien à Alexandrie se situe en réalité après la mort de Numisianus. Sur
place, il assiste aux leçons du médecin méthodiste Julianus (Contre Julianus :
t. XVIII A , p . 246 -299 K . = p. 33-70 Wenkebach (CMG V 10 , 3); De la méthode
thérapeutique 17: t. X , p. 51-57 K .) qu 'il ne considéra cependant jamais comme
son maître. Galien réside alors chez le fils de Numisianus, Heracleianus
(Procédures anatomiques I 1 : t. II, p . 218 K . = p. 3-5 Garofalo ; Sur les médica
ments composés selon les lieux I 2 : t. XII, p . 177 K . ; Commentaire à la Nature
de l'homme II 6 : t. XV, p . 136 K . = p . 70 Mewaldt (CMG V 9, 1]), qui détient
jalousement les papiers de son père. Malgré tous ses efforts , Galien ne pourra
jamais avoir accès aux ouvrages anatomiques de Numisianus que son fils semble
avoir brûlés juste avant sa propre mort (Procédures anatomiques XIV 1: t. I,
p. 231, et t. II , p . 167 Simon (Leipzig 1906 ); p. 183 Duckworth (Cambridge
1962]). La date exacte de l'arrivée de Galien à Alexandrie n 'est pas connue (la
date traditionnelle de 152, défendue par 18 G . Sarton , Galen of Pergamum ,
Lawrence 1954, p . 18, a été avancée à 151 par Grmek et Gourévitch 15 , p. 50
52), mais se situe au plus tard à l'automne 153 ( 19 V . Nutton , « Galen and
Egypt» , dans J. Kollesch et D . Nickel (édit.], Galen und das hellenistische Erbe,
Stuttgart 1993, p . 12). On sait en revanche qu 'il quitta l'Égypte en 157 pour
rejoindre Pergame où il avait sans doute continué à entretenir de nombreux
contacts avec des membres influents.
Médecin des gladiateurs. Peu après son retour d 'Alexandrie, Galien est
nommémédecin des gladiateurs , à l'âge de vingt-huit ans (Sur les médicaments
composés selon les genres III 2 : t. XIII, p. 599, 10 - 14 K .). Sa surprise à l'an
G3 GALIEN DE PERGAME 445

nonce de cette nomination semble indiquer que d'habitude le poste était confié à
des médecins plus âgés et plus expérimentés. Cette période de la vie de Galien
pose cependant trois problèmes: ni la date d'entrée en charge de Galien comme
médecin des gladiateurs , ni la durée de son mandat, ni les raisons qui l'amene
rent à l'interrompre ne sont exactement connues. Le plus probable est que Galien
prit ses fonctions à l'automne 157 (Nutton 5 , p . 162- 163), sans attendre avril/mai
158, c'est-à-dire la veille des spectacles de gladiateurs qui chaque été avaient
lieu à Pergame (cette dernière opinion a été défendue par Ilberg 4 , p. 283). Nous
savons par ailleurs que Galien fut en charge de la santé des gladiateurs sous cinq
grands-prêtres (Sur les médicaments composés selon les genres III 2: t. XIII,
p . 600 K .) et que s'écoulèrent seulement septmois avant que le deuxième grand
prêtre succédât au premier. Il s'agit vraisemblablement là d 'un intervalle inhabi
tuel, dû peut-être au décès du premier grand -prêtre (voir 20 L . Robert, Les gla
diateurs dans l'Orient grec, Paris 1940, p. 256 sqq.; 283-285 ). Walsh 6 , p. 378 ,
en conclut cependant queGalien n 'occupa sa charge que pendant 35 mois (5 fois
septmois). De façon plus vraisemblable , Nutton 5, p. 163- 164, pense qu 'en rai
son de circonstances exceptionnelles, Galien fut amené à servir sous cinq grands
prêtres pendant quatre ans ( et non cing) de l'automne 157 à l'automne 161. Cette
expérience est couronnée de succès si l'on en croit Galien , qui affirme avec
fierté avoir considérablement réduit le nombre de décès parmi les gladiateurs
blessés par rapport à ses prédécesseurs. Galien reste alors encore un an dans sa
ville natale avantde se rendre à Rome. Peut-être profita-t-il de cette période pour
entreprendre quelques-uns des nombreux voyages scientifiques auxquels il fait
allusion dans ses écrits et qu 'il est souvent difficile, pour ne pas dire impossible,
de situer précisément. Quoi qu'il en soit, son départ pour Rome intervient au
cours de l'été ou de l'automne 162. On a souvent essayé de justifier le départ de
Galien pour Rome, à l'issue de cette période, par l'existence d'une stasis qui
l'aurait chassé de sa ville natale. Il est vrai qu 'une fois à Rome Galien se déclare
prêt à rentrer dans sa patrie dès que la stasis aura pris fin (Pronostic 4 : t. XIV ,
p .622 K . = p. 92 Nutton ; ibid . 9 : t. XIV , p.648 K . = p. 116 Nutton ), mais rien
ne permet d'affirmer qu'elle sévissait déjà lors de son départ et qu 'elle n 'a pas
plutôt éclaté en son absence, alors qu'il séjournait déjà à Rome (voir Nutton 5 ,
p. 164- 165).Galien n 'eut sans doute pas besoin d 'événements aussi graves pour
se décider au départ : un voyage à Rome s'imposait de toute façon dans sa
carrière .
Voyages scientifiques. Nous savons que Galien visita la côte lycienne, vrai
semblablement lors de son voyage de retour d 'Alexandrie à Pergame en 166 /7 . Il
se rendit également en Palestine, sur la rive orientale de la Mer morte. Un autre
voyage le conduisit à Chypre, d'où il rapporte du minerai de cadmie . Galien
précise d'ailleurs à ce sujet qu 'il a rapporté le minerai en Asie mineure avant de
le transporter plus tard à Rome (Sur la faculté des médicaments simples IX 3 :
t. XII, p . 220 et 227 K .). Une trentaine d'années, précise Galien dans ce traité
qu 'il est censé avoir rédigé dans les années 190 , se sont écoulées depuis lors. Le
voyage à Chypre apparaît en outre fréquemment associé à celui de Syrie Pales
446 GALIEN DE PERGAME G3
tine (ibid ., t. XII, p. 171 et 216 K .). Si les deux voyages ont bien eu lieu en
même temps, ils doivent se situer peu avant le premier départ de Galien pour
Rome en 162. S 'ils sont indépendants, celui pour Chypre peut aisémentavoir eu
lieu entre 166 et 167 (voir Nutton 5, p. 170). La visite en Palestine se situe, quant
à elle, impérativement avant 166 , soit en 157, soit en 161/2. Galien se rendit éga
lement plusieurs fois à Lemnos, à la recherche de la fameuse « terre lemnienne » .
Ilnous apprend qu'une première tentative échoua, lors de son second voyage à
Rome (Sur la faculté des médicaments simples IX 1 : t. XII, p . 171 K .) . Alors
qu 'il faisait en bateau la traversée d 'Alexandrie de Troade à Thessalonique,
Galien pria le capitaine de faire escale à Lemnos, mais la région qui l'intéressait
était éloignée du lieu où il débarqua et, le capitaine n 'ayant pas le temps d'at
tendre le retour de Galien , celui-ci dut renoncer. Plus tard , revenant de Rome à
Pergame par la route (ibid ., t. XII, p. 172 K .), il s'arrêta à Philippes, prit un
bateau pour Thasos, puis de là pour Lemnos.Greenhill 7, p. 208, fait intervenir
cette seconde visite à Lemnos au cours du second séjour de Galien à Rome, dans
les années 190 , à un moment où il éprouva le désir de revoir sa patrie . L 'hypo
thèse la plus vraisemblable autorisée par le témoignage de Galien est cependant
qu 'il s'arrêta pour la première fois à Lemnos lors de son second voyage à Rome
après s'être embarqué à Alexandrie de Troade et avant de poursuivre par voie de
terre à travers la Thrace et la Macédoine. Il y a cependant une objection à cette
interprétation et elle est d'ordre géographique : si Galien s'est rendu par mer
d 'Alexandrie de Troade à Thessalonique, il n 'a pas eu ensuite à traverser la
Thrace. Pour Nutton 5, p. 167- 168 , Galien aurait donc effectué deux voyages :
l'un en passant effectivement par la Thrace et la Macédoine, l'autre , le premier,
en débarquant à Thessalonique. Dans cette hypothèse, la première visite de
Galien à Lemnos se situerait lors de son second voyage pour Rome, en 168. La
seconde visite à Lemnos, elle , ne peut être précisément datée, elle interviendrait
assez tard, dans les dernières années du second siècle. Cela pourrait expliquer le
délai imposé à la publication des livres IX et suivants du Sur la faculté desmédi
caments simples. Galien aurait attendu d'être en possession de toutes les infor
mations pour les publier (Nutton 5, p. 169). Les autres voyages sont,eux, impos
sibles à dater, mais, sur la foi de Sur la faculté des médicaments simples IX 1 :
t. XII, p. 171 K ., ils se situentavant 168. C 'est le cas des voyages à Chypre (Sur
les facultés des aliments I 11 : t. VI, p. 507 K .), en Syrie-Palestine (Sur les
facultés des médicaments simples IX 1 : t. XII, p . 171 K .; ibid ., IX 3 : t. XII,
p. 203 et 216 K .), et peut- être aussi en Lycie (ibid., t. XII, p . 203 K .). Walsh 6 ,
p . 379, cependant, les place en 167/8 , et Ilberg 4, p . 291, en 161/2. Fidèle à la
tradition du médecin itinérant,Galien a également à plusieurs reprises visité la
Grèce et l'Italie . Si les dates et l'itinéraire exacts de tous ces voyages ne peuvent
toujours être précisés, le but commun de tous ces déplacements,en revanche, est
fort clair. Galien voulait sans nul doute pouvoir examiner et se procurer sur place
des ingrédients rares, des herbes médicamenteuses, mais surtout des produits
d'origine minérale, entrant dans la composition de diverses préparations pharma
ceutiques, dont la célèbre thériaque.
G3 GALIEN DE PERGAME 447

Premier séjour à Rome. Quand Galien arrive à Rome, en 162, il est tout
juste âgé de 33 ans (voir t.XVIII A , p. 347 K . et t. XIX , p. 15 K . déjà cités). Les
principaux événements relatifs à ce premier séjour romain , ainsi que les premiers
succès de Galien , sont en grande partie relatés dans le Pronostic, composé en
178. Au cours de ce premier hiver 162/3 , alors qu 'il est encore peu connu des
principaux cercles romains, il est amené à soigner le philosophe Eudeme
(YE92) (Pronostic 3: t. XIV ,p .613 K . = p . 82 Nutton ). Originaire de Pergame,
Eudème était installé à Rome depuis une dizaine d'années et Galien avait peut
être été son élève à Pergame.Lesmédecins convoqués par Eudème étant impuis
sants à le guérir d 'un accès de fièvre quarte, le philosophe fait appel à Galien ,
qui formule un brillant diagnostic , doublé d'un excellent pronostic . L 'éclatant
succès alors remporté par Galien marque l'origine de sa gloire naissante et
contribue à lui assurer une solide réputation (Ilberg 4 , p . 377) auprès des
membres les plus éminents de la société romaine fréquentés par Eudème, comme
Sergius Paulus et Flavius Boéthus (2- B 49) l'ex -consul (Pronostic 2 : t. XIV ,
p. 605 K . = p. 74-82 Nutton ). Dans le même temps, la maladie du médecin de
Sicile, ami du philosophe Glaucon (3- G 20), est l'occasion pourGalien de susci
ter l'admiration de tous par son pronostic,même si pour cela le spectaculaire le
dispute quelque peu à la probité intellectuelle (Des lieux affectés V 8 : t. VIII,
p. 361 K .). Fort de ses succès, Galien compte dès lors dans sa clientèle de nom
breux patients (Ilberg 4 , p. 379). Certains nomssortentmême de l'anonymat, tels
ceux de l'esclave de Charilampès, du rhéteur Diomède, de la femme de Justus
(Pronostic 5 : t. XIV , p . 624 sqq. K . = p . 94 Nutton ) ou de celle de Boéthus (ibid .
8 : t. XIV , p.641 sqq . K . = p. 110 -116 Nutton ). Parallèlement Galien multiplie
les conférences publiques, au cours desquelles il se livre principalement à des
démonstrations anatomiques qui sont pour lui l'occasion là encore de démontrer
sa supériorité surses collègues (Sur les facultés naturelles I 13: t. II, p. 34- 38 K .
= SM III, p. 122 sqq.). Le célèbre débat avec Alexandre de Damas (2 A 114 ) a
lieu au milieu de l' année 163 (Pronostic 5 : t. XIV , p. 627 sqq. K . = p . 97-99
Nutton) quand Galien est invité par Flavius Boéthus à mettre en lumière le
mécanisme de la respiration et de la voix chez les êtres vivants. A en croire
Galien, ces conférences publiques, ainsi que les immenses succès qu'il remporte
alors , lui valent bientôt la haine féroce de ses collègues. Raillerie et ironie (Sur
les facultés naturelles I 13 : t. II, p. 34- 35 K .) se muent bientôt en attaques de
plus en plus virulentes (Sur les différences du pouls II 3 : t. VIII, p. 571-572 K .).
Le principal reproche fait à Galien par ses adversaires est, semble -t-il, de
recourir à la divination pour établir ses pronostics (Pronostic 4 : t. XIV , p. 620
sqq. K . = p. 88-90 Nutton, et Commentaire au Pronostic III 37 : t. XVIII B ,
p. 300 K .). Les menaces cependant se font de plus en plus précises et Galien
commence à craindre pour sa vie. Son ami Eudème le metmême en garde contre
une tentative d'empoisonnement (Pronostic 4 : t. XIV , p.623 sqq. K . = p. 92
Nutton ). Ses honoraires assurant à Galien une aisance qui dépasse ses veux
(Boéthus lui a envoyé 400 pièces d 'or pour avoir guéri sa femme), un an après
son arrivée à Rome, à l'âge de 34 ans, en 163, il déclare renoncer à son ensei
448 GALIEN DE PERGAME G3
gnement public et à ses démonstrations anatomiques pour ne pas exaspérer
davantage la haine de ses adversaires (Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p . 19 K .
= SM II, p . 99). A l' été 166 enfin , avant le retour de campagne de Lucius Verus
et après presque quatre années passées à Rome, Galien exécute un projet,
semble -t-il, longuementmûri : le retour dans sa patrie. En effet, dès les premiers
mois de sa présence dans la capitale ,Galien avait déjà confié à Eudème son désir
de regagner Pergame au plus tôt,mentionnant comme seul obstacle à son projet
la guerre civile qui sévissait alors dans sa patrie (Pronostic 4 : t.XIV , p .622 K . =
p . 92 Nutton ). Alors que les détails et l'itinéraire de ce départ précipité qui prend
toutes les allures d 'une fuite nous sontassez bien connus, en revanche lesmotifs
en restent assez hypothétiques. Galien en effet quitte Rome en feignant de partir
visiter la Campanie , après avoir chargé un serviteur laissé sur place de vendre
ses biens (Pronostic 9 : t. XIV , p.648 K . = p . 116 - 118 Nutton ). De là il gagne
Brindisi, bien décidé à embarquer sur le premier bateau qui lèverait l'ancre. Il
fait bientôt voile pour Cassiopé, au nord- est de Corcyre (ibid . 9 ), avant d 'arriver
à Corinthe où il décide, avec un ami crétois, d'envoyer ses bagages par bateau à
Athènes et de poursuivre lui-même par voie de terre en passant par Mégare (Sur
le diagnostic et le traitement des passions de l'âme 4 : t. V , p . 18 = p. 13- 14 De
Boer). On peut supposer qu 'il regagna ensuite l'Asie mineure par mer au départ
d' Athènes. Galien quitte donc Rome en véritable criminel, en proie à la crainte
que sa fuite ne soit découverte et qu 'il ne soit rattrapé par les soldats de l'empe
reur (Pronostic 9 : t. XIV , p. 648 K . = p. 118 Nutton ). Plusieurs hypothèses ont
été émises pour expliquer ce curieux épisode : peut-être Galien craignait- il un
assassinat, peut-être voulait-il, pour un motif que nous ignorons, se soustraire à
la justice, ou peut-être encore désirait-il échapper à la grande épidémie de peste
ramenée par les armées d'Orient et quimenaçait Rome. Cette dernière hypothèse
ne peut être prouvée , mais est rendue assez vraisemblable par le rapprochement
de deux passages où Galien , d'une part, reconnaît avoir craint que des person
nages influents, en parlant de ses intentions de départ à l'empereur, n 'aient pu
empêcher son départ à temps (ibid. 9: t. XIV , p . 648 K . = p . 116 Nutton) et où ,
d 'autre part, il reconnaît, cette fois explicitement, avoir quitté Rome dès que la
peste se mit à sévir (Sur ses propres livres 1 : t. XIX , p. 15 K . = SM II, p. 96 ). Il
est alors possible queGalien ait préféré taire dans un premier temps cemotif peu
glorieux pour un médecin en l'entourant d'un certain mystère ( Ilberg 4 , p. 389).
Retour à Pergame. Galien rejoint Pergame, vraisemblablement entre sep
tembre 166 et début 167, âgé de 37 ans (Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p. 16
K . = SM II, p . 97). On ignore à peu près tout de la nouvelle existence de Galien
dans sa patrie , car il nous dit seulement s'être alors livré à « ses occupations
habituelles » (Ibid . 2 : t. XIX , p. 17 K . = SM II, p. 98), sans que cette expression
fort vague doive faire supposer qu 'il reprit à cette époque ses anciennes fonc
tions demédecin des gladiateurs. Quoi qu'il en soit, il ne jouit pas fort longtemps
de son séjour à Pergame, puisqu 'au cours de l'hiver 168 / 169 les deux empereurs,
Marc-Aurèle et Lucius Verus, basés à Aquilée, où ils prenaient leurs quartiers
d'hiver et veillaient aux préparatifs de la future expédition contre les Germains,
G3 GALIEN DE PERGAME 449
lui font bientôt parvenir un billet le rappelant auprès d 'eux (Pronostic 9 : t. XIV ,
p . 650 K . = p. 118 Nutton ; Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p . 17-18 K . = SM II,
p . 98). Il ne semble pas, avant cette date, que Galien ait été en contact direct avec
la cour ou l'un des deux empereurs. En réalité, c 'est seulement sur proposition
d 'un des membres de leur entourage que ceux -ci semblent avoir songé à Galien
pour les accompagner en campagne en tant que médecin militaire (ibid . 2). Ce
dernier se montre de toute façon fort peu empressé d 'occuper ces nouvelles
fonctions qui, tout en l'exposant à de nombreux dangers, risquent de l' éloigner
assez longuementde ses chères études.
Second séjour à Rome. Galien se met cependant en route et parvient à
Aquilée au cours de ce même hiver 168/ 9 après avoir fait route par Alexandrie
de Troade, Lemnos et Thessalonique.Mais, sur place, l'épidémie de peste redou
ble, contraignant bientôt les deux empereurs à regagner Rome. L . Verusmeurt
en chemin d 'une attaque d 'apoplexie (début 169). Galien quitte à son tour Aqui
lée, où la situation est devenue effroyable, pour rejoindre Marc -Aurèle à Rome.
Il entreprend alors de dissuader l'empereurde l' emmener en expédition. Cet épi
sode est brièvementmentionné dans deux textes (Pronostic 9 : t. XIV , p. 650 K .
= p. 118 Nutton ; Des antidotes I 1 : t. XIV , p . 4 K .), mais un troisième nous
fournit davantage de détails. Galien n 'a en effet pas hésité à invoquer un rêve
envoyé par Asclépios et lui interdisant de participer à l'expédition (Sur ses
propres livres 2 : t. XIX , p . 18 -19 K . = SM II, p . 99). Les traités galéniques
témoignent, il est vrai, en plusieurs endroits de la dévotion toute particulière
entretenue par Galien à l'égard d'Asclépios (voir en particulier ibid . 2 ; Sur la
méthode thérapeutique I 4 : t. X , p. 609 K .). Si le lecteur moderne peut cepen
dant, dans ce cas précis, être tenté de penser à un stratagème, cette pensée ne
semble manifestement pas avoir effleuré l'empereur, qui se résout finalement à
laisser Galien à Rome,mais en l'investissant de la charge de médecin officiel
attaché au service de son fils, le jeune Commode, alors âgé de huit ans et destiné
à lui succéder sur le trône (Pronostic 9 : t. XIV , p .650 K . = p. 118 Nutton ). Tou
jours soucieux de se soustraire à la haine et à l'envie de ses collègues, Galien
décide de se tenir le plus éloigné possible de Rome, séjournant tantôt ici, tantôt
là où se trouverait le fils de l'empereur, et consacrant presque tout son temps à la
rédaction de nombreux traités philosophiques et médicaux (ibid . 9 ; Sur ses
propres livres 2 : t. XIX , p . 19 K . = SM II, p . 99). Lemédecin de Pergame aborde
alors une période particulièrement féconde pour son activité d 'écrivain et la plus
grande partie des traités qui nous sont parvenus ont été composés à cette époque.
Le signe que Galien mène alors une vie plus retirée, davantage tournée vers
l'étude et presque tout entière consacrée à l'écriture , transparaît dans le silence
qu 'il entretient désormais sur les détails de son existence. Ces dernières années
contrastent en effet fortement avec les premières, pour lesquelles nous dispo
sions d 'un abondant matériau autobiographique. Galien se limite désormais à
quelques allusions, laissant dans l'ombre des pans entiers de ses trente ou qua
rante dernières années. Plusieurs allusions nous permettent cependant de déduire
qu 'il ne semble pas avoir durablement quitté Rome dans cette dernière partie de
450 GALIEN DE PERGAME G3
son existence. Galien nous apprend seulement que Marc-Aurèle , encore en cam
pagne contre les Germains (il ne rentra à Rome qu 'en 176 ), demanda à son
intendant général Euphratès, après la mort de son médecin personnel Démétrios,
de lui désigner une personne capable de lui préparer sa thériaque quotidienne et
qu 'Euphratès proposa le nom de Galien , qui fut accepté (Sur les antidotes I 1 :
t. XIV , p. 4 -5 K .). Nous savons également que vraisemblablement dans cette
même période, antérieure à 176 , Galien soigna le jeune Commode atteint d'une
amygdalite (Pronostic 12 : t. XIV , p .662 K . = p. 130 -134 Nutton ). Marc -Aurèle
lui-même, de retour à Rome (si l'on admet que cet épisode se situe bien en 176 /7
et non au cours de l' été 169; voir sur ce point l' édition du Pronostic de V .
Nutton , CMG , p . 217 -218 ), devait l'appeler en consultation et proclamer sa
supériorité sur les autres médecins (Pronostic 11 : t. XIV , p .658 K . = p . 126 -128
Nutton ). A Rome, Galien s'était installé sur la Voie Sacrée , où il possédait, non
loin du forum de Vespasien et à proximité du Temple de la Paix , un cabinet de
travail où il déposait ses biens les plus précieux, aussi bien les manuscrits origi
naux de ses ouvrages que les ingrédients les plus rares nécessaires à la réalisation
de nombreuses préparations pharmaceutiques (Sur les médicaments composés
selon les genres I 1 : t. XIII, p. 362 K . ; Sur les antidotes I 13 : t. XIV , p .65-66
K .). Ce cabinet fut détruit par le feu en 192, au cours du terrible incendie qui
ravagea égalementle Temple de la Paix et une partie du Palatin . Galien y perdit
une grande partie de ses ouvrages, dont, pour certains, il ne possédait pas de
copies (Sur les médicaments composés selon les genres, ibid . ; Des antidotes,
ibid .; Sur ses propres livres 2 : t. XIX , p. 19 K . = SM II, p . 99). Il s'emploie
alors , dans ses dernières années, à réécrire certains ouvrages, comme les deux
derniers livres de son vaste traité sur les Médicaments composés selon les
genres. On sait enfin que Galien séjourna encore à Rome plusieurs années après
l'incendie de 192 grâce à une allusion conjointe aux règnes de Commode (180
192) et de Septime Sévère (193-211). En effet, ce dernier devait remettre à
l'honneur la pratique abandonnée par Commode de prendre régulièrement une
thériaque et c'est à Galien qu' échut à nouveau le soin de la préparer (Sur les
antidotes I 13 : 1. XIV , p. 65 K .).
Lieu et date de la mortdeGalien . S 'il est certain que Galien était encore à
Rome en 193, date de l'avènement de Septime Sévère, on chercherait en vain
dans ses écrits, dumoins ceux que nous avons conservés, une allusion aux toutes
dernières années de son existence, qui restent de ce fait entourées d 'un assez pro
fond mystère. Nous ignorons s'il est mort à Rome ou si, comme on l'a supposé,
il est retournémourir dans sa patrie, à Pergame. Il est également difficile d 'avan
cer une date précise pour sa mort. La date traditionnellement adoptée de 199
repose en réalité sur la foi d'un témoignage tardif, celui de la Souda, qui indique
dans la notice consacrée à Galien que celui-ci mourut à l'âge de 70 ans. Un
simple calcul établi à partir de 129 pris comme date de naissance aboutit donc à
199 . Cependant la tradition arabe (Işhāq ibn Hunayn au IXe siècle , Al-Mubaššir
au XIe siècle, Ibn Abi Uşaybi'a au XIIIe siècle ) précise que Galien vécut quatre
vingt-sept ans, dix- sept ans en tant qu 'enfant et étudiant et soixante -dix en tant
G3 GALIEN DE PERGAME 451
que savant et professeur, ce qui situerait sa mort autour de 216 . Sans peut-être
aller aussi loin , 21 V . Nutton, « Galen in the eyes of his contemporaries » , BHM
58, 1984, p. 324, est en tout cas partisan, sur la foi d'une citation d' Alexandre
d'Aphrodise (2 + A 112) rapportée par l'écrivain arabe Al-Siġistāni (Xe s.), de
situer la mort de Galien après 210, et plus vraisemblablement entre 210 et 213,
un an après l'achèvement de La thériaque à Pison, si du moins cet ouvrage est
bien authentique. En outre , le nombre non négligeable de traités qui, selon les
spécialistes de la chronologie du corpus galénique, ne peuvent avoir été rédigés
que sous le règne de Septime Sévère , impose de toute façon un report de quel
ques années de la date traditionnelle (voir 22 J. Ilberg, « Über die Schriftstellerei
des Klaudios Galenos » , RAM 44, 1889, p. 207 -239 ; 47, 1892, p. 489-514 ; 51,
1896 , p. 165- 196 ; 52, 1897, p. 591-623; 23 K . Bardong, « Beiträge zur Hippo
krates- und Galenforschung» , NAWG 7, 1942, p. 577 -640 ; 24 D . W . Peterson ,
« Observations on the chronology of the Galenic corpus» , BHM 51, 1977,
p. 484-495). La tradition occidentale et byzantine (Tzetzes, Chiliades XII 397)
va d 'ailleurs elle aussi dans le sens d 'un abaissement de la date traditionnelle en
faisant vivre Galien jusque sous Caracalla (211-217).

B. LE CORPUSGALÉNIQUE
L 'activité littéraire de Galien . Les dimensions du corpus galénique l'attes
tent suffisamment, Galien était un travailleur infatigable, un écrivain exception
nellement prolifique, qui réalisa la performance remarquable d'avoir composé en
moyenne cinq cents pages par an pendant les cinquante années de son activité
littéraire (Moraux 1, p. 29 ). Il composa ses premiers ouvrages médicaux avant
l'âge de vingt ans, alors qu ' il était encore étudiant (Sur ses propres livres 1 :
t. XIX , p. 12 K . = SM II, p . 93 -94 ) mais ses débuts dans la carrière littéraire
datent réellement de son premier séjour à Rome. Il s'agit alors bien souvent de
notes ou d 'aide-mémoire destinés à des amis ou d'anciens disciples et dont
Galien ne prend pas toujours la précaution de conserver une copie . A la mort de
leurs propriétaires, certains de ces écrits que Galien ne destinait pas à la publi
cation furentperdus ou usurpés par des médecins peu scrupuleux qui se les attri
buèrent (ibid . prol. : t. XIX , p. 12 K . = SM II, p. 94). D 'autres encore ont été
composés par Galien à l'occasion de telle ou telle polémique soulevée par les
représentants des différentes écoles médicales alors présentes à Rome, les
Méthodistes, les Empiristes et les Dogmatistes. Galien reconnaît d 'ailleurs
volontiers que ces premiers écrits ont été composés par gloriole et dans un esprit
essentiellement partisan (ibid . 1: t. XIX , p. 14 K . = SM II, p. 95). Plus tard , sen
sible au fait que l'opposition entre les écoles se situe davantage sur le plan des
principes et de la méthode que sur celui de la pratique médicale , Galien multi
pliera dans ses ouvrages les remarques d 'ordre épistémologique destinées à
démontrer l'importance des observations scientifiques bien menées et des raison
nements fondés sur la démonstration . Parvenu à l'âge de la maturité , Galien
déclare écrire non pas pour devenir célèbre, mais seulement pour accéder au
désir de ses amis qui lui en font la demande et, plus généralement, pour se
452 GALIEN DE PERGAME G3
constituer à lui-même une réserve d 'aide-mémoire en vue de la « vieillesse
oublieuse » (Sur la méthode thérapeutique VII 1: t. X , p . 456 K .). Ce dédain
pour la célébrité le conduit même dans un premier temps à ne plus mentionner
son nom sur ses œuvres (ibid.). Cependant, apprenant que des faux circulent sous
son nom , que ses propres traités sont remaniés à son insu , Galien décide dans les
dernières années de sa vie d 'indiquer le contenu de tous les traités dont il est
l'auteur (Sur ses propres livres, prol.: t. XIX , p. 10 K . = SM II, p . 92). Il s'em
ploie également, au cours de son second séjour à Rome, à récupérer auprès
d 'amis les écrits dont il n'avait pas conservé de copie, pour les corriger. C 'est le
cas notamment des ouvrages destinés à ses élèves et qu'il intitula « Aux
débutants » .Demême, après l'incendie du Temple de la Paix (192), il fut amené
à réécrire certains de ses ouvrages dans leur intégralité . Ses dernières années sont
également consacrées à la poursuite d'un vaste projet qu 'il ne pourra complè
tementmener à bien : la rédaction de commentaires aux plus importants traités
d 'Hippocrate (Sur l'ordre de ses propres livres 3 : t. XIX , p . 57-58 K . = SM II,
p . 86 -87). Au total, à une activité exceptionnellement féconde de médecin et
d ' auteur médical,Galien a su allier un talent non moins productif d 'auteur philo
sophique, de la rédaction de son important traité Sur la démonstration , dès 162, à
celle du Sur ses propres opinions, dans les dernières années de son existence.
Présentation d 'ensemble . A la différence de ce que l'on observe pour le cor
pus hippocratique ( * + H 152), le corpus galénique est l'æuvre d' un seul auteur,
même si l'authenticité de certaines æuvres a pu êtremise en question. Le corpus
galénique frappe d 'abord par son étendue, puisqu'il représente ,à lui seul,près du
dixième de la littérature grecque conservée. Toutes les disciplines de l'artmédi
cal sont abordées: anatomie , physiologie , embryologie , hygiène, diététique ,
pathologie , thérapeutique, pharmacologie , mais aussi philosophie, grammaire ,
éthique... Nous sommes loin cependant de posséder l'intégralité de cette æuvre
immense. Nous ne connaissons de certains traités que le titre , et pour d'autres,
dont l'original grec est perdu, nous ne possédons plus que des traductions arabes
ou latines. Il se pourrait bien en effet que Galien n 'ait pas écrit moins de cing
cents traités. Le naufrage est particulièrement important pour les æuvres philo
sophiques,morales et rhétoriques, dont fort peu nous sont parvenues. LeMoyen
Age grec et latin s 'intéressa en effet davantage aux traités médicaux que philo
sophiques. Et nombreux sont les ouvrages qui ne nous sont connus que par des
traductions ou des citations chez des auteurs syriaques (voir 25 R . Degen ,
« Galen im Syrischen : Eine Übersicht über die syrische Überlieferung der Werke
Galens » , dans 26 V . Nutton [édit.), Galen : Problemsand Prospects, Oxford
1981), arabes (voir 27 G . Bergsträsser, Hunain ibn Ishaq. Über die syrischen
und arabischen Galen-Übersetzungen , Leipzig 1925, et 28 M . Steinschneider,
Die arabischen Übersetzungen aus dem Griechischen, Graz 1960 (réimpr. de
quatre articles parus en 1889- 1896 ]) et dans unemoindre mesure hébreux (voir
29 M . Steinschneider, Die hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die
Juden als Dolmetscher, Graz 1956 (Berlin 1893) ; E . Lieber, « Galen in Hebrew :
The transmission of Galen ' s works in the mediaeval Islamic world » , dans
G3 GALIEN DE PERGAME 453
Nutton 26 , p. 167-186 , et 30 M . Zonta , Un interprete ebreo della filosofia di
Galeno, coll. « Eurasiatica » ( Quaderni del Dipartimento di Studi Eurasiatici,
Università degli Studi di Venezia ) 39, Torino 1995) . Voir également 31 G .
p . 1987-2017 . Pour tenter de reconstituer cet imposant corpus philosophique,
nous possédons encore aujourd 'hui la liste de ses propres livres que Galien rédi
gea à la fin de sa vie (Surses propres livres ),ainsi qu'un autre traité où il donne
des indications sur l'ordre dans lequel ses æuvres doivent être lues (Sur l'ordre
de ses propres livres). Le traducteur arabe Hunayn ibn Işhāq nous a également
conservé dans sa Risala (IXe s.) une liste des ouvrages de Galien qu' il était
encore possible de lire à son époque, ainsi que, pour chaque traité, l'indication
des différents traducteurs syriaques ou arabes (Bergsträsser 27 ). Hunayn a en
outre consacré un court traité aux cuvres de Galien non mentionnées dans ses
ouvrages bibliographiques (voir 32 M . Meyerhof, « Über echte und unechte
Schriften Galens nach arabischen Quellen » , SPAW 20, 1928, p . 533-548) . On
dispose également, au Xe siècle, de la liste des ouvrages de Galien établie par le
libraire musulman Al-Nadim dans son Fihrist (voir la traduction de 33 B .
Dodge, The Fihrist of Al-Nadim ,New York London , 1970 , vol. II, p.680-686 ), à
laquelle il convient d 'ajouter, au XIIIe siècle , les titres cités par Ibn Abi Uşaybi'a
à l'intérieur de son importante notice consacrée à Galien ( voir l'édition de 34 A .
Müller, Ibn Abi Osaibia , Sources de renseignements sur les classes des méde
cins, Le Caire/Königsberg 1882- 1884, vol. I, p. 30 sqq. et celle de 35 Sumaih az
Zain , Bérouth 1956 -1957, t. I et II)
Bibliographies . La première bibliographie à consulter est celle qui fut dres
sée par Galien lui-même dans son traité intitulé Sur ses propres livres, où le
médecin de Pergame, soucieux de faire échec aux faussaires et de mettre en
garde son lecteur contre les faux ouvrages circulant sous son nom , entreprend de
dresser la liste de ses principaux traités et d 'indiquer pour chacun la date et le
lieu de sa rédaction . On le complétera par le Sur l'ordre de ses propres livres où ,
en réponse à la demande de son ami Eugénianos, Galien entreprend d 'indiquer à
son lecteur dans quel ordre il doit lire ses différents ouvrages pour en retirer le
meilleur enseignement possible. Outre la série d ' articles de Ilberg 22 sur la chro
nologie du corpus galénique, à compléter par Bardong 23 et Peterson 24, on
citera la bibliographie régulièrement mise à jour (à partir de février 1988) de
36 G . Fichtner, Verzeichnis der galenischen und pseudogalenischen Schriften,
Tübingen , Institut für Geschichte der Medizin , à laquelle il faut ajouter l'impor
tante contribution de 37 J. Kollesch et D . Nickel, « Bibliographia Galeniana
1900 - 1993 » , ANRW II 37, 2, 1994, p . 1351-1420.
Éditions. Sur la tradition manuscrite, outre le répertoire déjà ancien des
manuscrits médicaux de 38 H . Diels, Die Handschriften der antiken Ärzte,
APAW 1905, et en dehors de quelques éditions critiques ou de quelques articles
sur la tradition de tel ou tel traité particulier , on ne dispose que d'une seule étude
d 'ensemble récente, celle de 39 N . G . Wilson, « Aspects of the transmission of
Galen » , dans Le strade del testo , a cura di G . Cavallo , coll. « Studi e commenti»
454 GALIEN DE PERGAME G3

5, Bari 1987, p. 45-64. Depuis l'édition princeps des æuvres de Galien (Editio
Aldina parue à Venise en 1525), la seule édition à peu près complète dont nous
disposions aujourd 'hui est l'édition de K . G . Kühn , parue à Leipzig de 1821 à
1833 (réimpr. Hildesheim 1965) (K ). Plusieurs traités ont également été édités
dans la collection des Scripta Minora (SM ), Leipzig 1884 -1893 : tome I, éd. J.
Marquardt, 1884 ; tome II, éd. I.Müller, 1891 ; tome III, éd. G . Helmreich , 1893 ,
auxquels il faut ajouter les titres parus dans le Corpus Medicorum Graecorum
(CMG ) édité à Berlin.
Traductions. Outre les traductions du Corpus Medicorum Graecorum déjà
cité, on dispose en italien des traductions de 40 Ivan Garofalo et Mario Vegetti ,
Opere scelte di Galeno, Torino 1978 , en espagnol de celles de 41 J. B . Lafont et
A . R . Moreno, Obras de Galeno, La Plata 1947, et 42 J. A . Ochoa et L . Sanz
Mingote, Madrid 1986 , en anglais de 43 P. N . Singer, Selected Works, Oxford
1997, et en français de celles de 44 Ch . Daremberg, Euvres anatomiques, phy
siologiques etmédicales de Galien , Paris 1854, pour les traités suivants : tome I:
Quod optimus medicus sit quoque philosophus, Adhortatio ad artes addiscendas,
Quod animimores corporis temperamenta sequantur, De consuetudinibus, De
usu partium I-XII; tome II : De usu partium XIII-XVII, De naturalibus faculta
tibus, Demotu musculorum , De sectis ad tirones, De optima secta ad Thrasybu
lum , Ad Glauconem de medendimethodo . A ces traductions françaises déjà
anciennes, on peut ajouter, pour les œuvres philosophiques et rhétoriques, les
traductions plus récentes de 45 R . Van Der Elst, Galien , Traité des passions de
l'âme et de ses erreurs, Paris 1914 , 46 J.-P. Levet, « L ’Institutio Logica de
Galien : la syllogistique, traduction accompagnée de notes » , dans L 'Antiquité
classique d'Hippocrate à Alcuin , coll. « TRAMES » , Université de Limoges,
1985, p. 57-80, et 47 P . Pellegrin, C . Dalimier et J.-P . Levet, Galien. Traités
philosophiques et logiques, coll. GF, Paris 1998, pour les traités suivants : Des
sectes pour les débutants, Esquisse empirique, De l'expérience médicale, Des
sophismes verbaux, Institution logique. Il faut encore signaler, pour les deux
traités Les Passions et les erreurs de l'âme et Les facultés de l'âme suivent les
tempéraments du corps, les traductions de 48 V . Barras, T. Birchler et A .- F .
Morand récemment parues dans la collection « La Roue à Livres » , Paris 1995.
Euvres philosophiques, morales et rhétoriques. Il convient d ' être averti du
fait que la pensée philosophique de Galien est loin de trouver sa seule expression
dans les traités particuliers consacrés à ce thème. Médecine et philosophie sont
en effet à ce point liées dans le corpus galénique que presque tous les traités , à
un degré plus ou moins prononcé, abordent par un biais ou un autre les questions
philosophiques. On se limitera cependant, dans la présentation qui suit, aux trai
tés explicitement consacrés à ces questions, ou dont le titre – pour les traités per
dus – offre une indication suffisamment explicite du contenu philosophique.
L 'ampleur même de l'œuvre galénique imposait ce choix qui, en tant que tel,
n 'échappe peut- être pas totalement à un certain arbitraire. Les éditions autres que
les éditions Kühn (K ) et Scripta minora (SM ) sont signalées par le sigle (E ), les
traductions par le sigle (trad .), les références à Degen 25, Bergsträsser 27 et
G3 GALIEN DE PERGAME 455
Meyerhof 32 sont respectivement données sous les formes abrégées (Deg.),
(Berg.) et (Mey.).
A. Euvres conservées en grec :
(1) Protreptique à l'étude de la médecine (TlpotpenTIXÒÇ Én ' latpixv): t. I, p. 1- 39 K .;
SM I, 103-129 ; Deg.n° 1 ; Berg. n° 110. Sur le titre de ce traité , voir 49 A . Barigazzi, « Sul
titolo del Protrettico diGaleno » , Prometheus 2, 1979, p. 157- 163. Aucun manuscrit grec de ce
traité n 'est conservé (celui qui a servi de modèle à l'édition princeps est perdu) et la traduction
arabe de Hunayn n ' a pas été conservée. Seul reste un sommaire arabe qui a été édité par 50 A .
Badawi, Dirasat wa-nusus fi l-falsafa wa-l-'ulum 'inda l-'Arab, Beirut 1981, p. 187 -189, et
des citations en hébreu (voir Zonta 30 , p. 81-93 ). Une traduction française a été établie par
Daremberg 44 , Euvres I. Voir 51 G . Kaibel, Berlin 1894 (réimpr. 1963) (E ); 52 J. Walsch,
« Galen 's Exhortation to the Study of the Arts, especially Medicine» , MedLife 37, 1930,
p . 507-529 (T) ; 53 E .Wenkebach , « Galens Protreptikosfragment», QSGN 6 , 1935, p.88 -121
(E et trad. all.) ; 54 W . John, Galens Protrepticus ad medicinam , Göttingen 1936 (E et trad .
all.) ; 55 P . Lüth et W . Knapp, « Galen von Pergamon : Ermunterung zu Kunst und
Wissenschaft», Hippokrates 34 , 1963, p. 665 -669 (trad. all.) ; 56 I.G . Galli Calderini, Nobiltà
delle arti, Napoli 1986 (E et trad. ital.) ; Ochoa et Sanz Mingote 42 (trad. esp .) et 57 A .
Barigazzi,Galeno, Esortazione alla medicina, coll. CMG V 1, 1, Berlin 1992 (E ettrad. ital.).
(2) Sur le meilleur enseignement contre Favorinus (ſlepi tñs áporng didaoxanlaç apos
Pabwpivov) : t. I, p. 40-52 K .; SM I, 82-92. Sur Favorinus d'Arles (MF 10 ), voir 58 A . Bari
gazzi, Favorino di Arelate, Opere, Firenze 1966 . Barigazzi estime que ce philosophe et érudit,
qui fut l' élève de Dion de Pruse ( D 166 ) et l' ami de Plutarque , vécut entre les années 80 et
160. Outre le présent ouvrage, Galien avait consacré deux autres traités à la réfutation des
thèses de Favorinus, voir infra nº 57 et 72. 59 C . L . Kayser, Galeni Mepi ápíorns Oldaoxa
nías, in Philostrati Vitae Sophistarum , Heidelberg 1838 ; réimpr. Hildesheim 1964 (E ) ; 60 A .
Brinkmann, Galeni De optimo docendi genere libellus, Univ. Progr., Bonn 1914 (E ) ; Ochoa et
Sanz Mingote 42 (trad. esp.); Barigazzi 57, Galeno, Sull'ottima maniera d 'insegnare, coll.
CMG V 1, 1 , Berlin 1991 (E et trad . ital.).
(3) Que le meilleur médecin est aussi philosophe ("Oti o aplotos latpòs xai pióoo
poç): 1. I, p. 53 -63 K . ; SM II, 1-8 ; Deg. n° 2 ; Berg. n° 103. Daremberg 44 , Euvres I (trad.
fr.) ; 61 I.Müller, Galeni Quod optimus medicus sit quoque philosophus, Erlangen 1875 (E ) ;
62 G . Bilancioni, « Galeno , Come l'ottimomedico sia anche filosofo » , RCCM 1914, p . 481
sq. (E et trad. ital.) ;63 E . Wenkebach , « Der hippokratische Arzt als das Ideal Galens» ,
OSGN 3 -4 , 1932 - 1933 , p . 155 -175 (E ) ; 64 P . Bachmann , « Galens Abhandlung darüber, dass
der vorzügliche Arzt Philosoph sein muss » , NAWG 1965, p. 1 -67 (texte arabe et trad . all.) ;
65 P . Lüth et W . Knapp, « Der beste Arzt ist Wissenschaftler », MedWelt 33, 1965, p. 2185
2187 (trad. all.); 66 P. Brain, « Galen on the ideal of the physician », SAfrMedJ 52, 1977,
p. 936 -938 (trad . angl.) ; Garofalo et Vegetti 40 (trad. ital.); Ochoa et Sanz Mingote 42 (trad.
esp .).
(4) Sur les écoles pour les débutants ( ſlepi aipédeWV tolç eloayouévoiç ): t. I, p.64-105
K . ; SM III, 1- 32 ; Deg. n° 3 ; Berg. n° 3. Daremberg 44, Euvres II (trad. fr.); 67 G . Helm
reich,Galeni libellus lepi aipéoewV tots eloayouévols, ActSemPhilolErl 2, 1881, p. 239
310 (E ). Sur la traduction arabe, voir 68 M .S. Salim , Kitab Galinus fi Firaq at-tibb li-l
muta 'allimin , Caire 1977 (texte arabe seul), et 69 J.S . Wilkie et G . E .R . Lloyd , « The Arabic
version of Galen ' s De sectis ad eos qui introducuntur » , JHS 98 , 1978 , p. 167 -169. Sur la tra
duction latine ancienne et le commentaire ravennate, voir 70 L . G . Westerink (et alii), Agnellus
of Ravenna : Lectures on Galen 's De sectis, Latin text and translation by Seminar Classics,
coll. « Arethusa Monographs» 8, Buffalo 1981, et 71 O . Temkin, « Studies on Late Alexan
drian Medicine. I. Alexandrian Commentaries on Galen 's De sectis ad introducendos » , BHM
3, 1935 , p . 405 -430, et 72 N . Palmieri, L 'antica versione del “ De sectis" di Galeno, Pisa
1990. Pour les traductions en langue moderne, voir Garofalo et Vegetti 40 (trad . ital.); 73 R .
Walzer et M . Frede, Three treatises on the nature of science (On the sects for beginners, An
456 GALIEN DE PERGAME G3
outline of empiricism , On medical experience), Indianapolis 1985 (trad. angl.); Ochoa et Sanz
Mingote 42 (trad. esp.);Pellegrin et alii 47 (trad. fr.).
(5) De la constitution de l'art médical à Patrophile (Mpòs Matpósinov trepi ovotáoews
latpixñs): t. I, p. 224 -304 K .; Berg.nº 117. Sur la tradition manuscrite de ce traité initiale
ment composé de deux livres, l'un sur les arts en général, l'autre sur la médecine en particu
lier,mais qui est perdu, voir 74 S. Fortuna, « La tradizione del De constitutione artismedicae
di Galeno » , BollClass, serie terza, fasc. 11, 1990, p. 48 -77, et 75 Id ., « Galen 's De constitu
tione artismedicae in the Renaissance » , CQ43, 1993, p . 302-319, et 76 Id ., Galeno, A Patro
filo sulla costituzionedella medicina, coll. CMG V 1, 3, Berlin 1997 (E et trad.ital.).
(6 ) Sur les doctrines d'Hippocrate et Platon en 9 livres (ſlepi tõv 'Intoxpátouç xal
' Innoxpátous doyuátwv): t. V , p. 181-805 K .; Deg. n° 28 ; Berg.n° 46. 77 I. v.Müller, Cl.
Galeni De placitis Hipp. etPl. libri IX , Leipzig 1874 (E), et 78 Ph. DeLacy,Galeni De placi
tis Hippocratis etPlatonis, I- III, coll. CMG V 4, 1, 2, Berlin 1978-1984 (E et trad . angl.).
(7) Que les facultés de l'âmesuivent les tempéraments du corps ("Oti tals toŨ owuatos
xpáoeoi ai tñs yuxñs ouvá Eiç ÉTOVTAL): t. IV , p. 767-822 K .; SM II, 32-79 ; Deg. n° 23 ;
Berg. n° 123. Daremberg 44, (Euvres I (trad. fr.); texte reproduit avec une préface de J.
Pigeaud, Clichy, G .R .E.C ., 1993 ; 79 E . Haucke, Galen : Dass die Vermögen der Seele eine
Folge der Mischungen des Körpers sind, coll. « Abhandl. zur Gesch . der Medizin und Natur
wissenschaften » 21, Berlin 1937 (trad . all.); 80 L . Garcia Ballester, Alma y enfermedad en la
obra de Galeno , Granada 1972 (trad. esp .) ; 81 H . H . Biesterfeldt, Galens Traktat, dass die
Kräfte der Seele den Mischungen des Körpers folgen , Leipzig 1973 (texte arabe et trad . all.);
Garofalo et Vegetti 40 (trad. ital.); Barras, Birchler et Morand 48 (trad. fr.).
(8) Sur le diagnostic des passions et des erreurs propres à chacun (ſlepi tõv idlwv
Éxáorw naObvxai auaprnuárwv tñs olayúnews): Deg. n° 24 et 25 ; Berg. n° 118. Ce
titre générique, cité in SM II, 121, regroupe deux livres consacrés l'un aux passions, l'autre
aux erreurs de l'âme et généralement édités de façon séparée:
- Sur le diagnostic et le traitement des passions propres de l'âme de chacun (ſlepi
StarV0S60C xai HoaTeac rõv v v txeotoo porõ 8í V Tae5v): t. V , p. 1-57 K .; SM I,
1 -44. 82 W . de Boer, Galeni De propriorum animi cujuslibet affectuum dignotione et cura
tione, coll. CMG V 4 , 1, 1, Berlin 1937 (E ) ; 83 P . W . Harkins et W . Riese , Galen On the pas
sions and errors of the soul, Columbus (Ohio) 1963 (trad. angl. d'après l' éd. dDe Boer);
84 M . Menghi, Galeno : Le passioni e gli errori dell'anima (M . Menghi et M . Vegetti édit.),
Venezia 1984 (trad. ital.); Van Der Elst 45 (trad. fr.); Barras, Birchler et Morand 48 (trad. fr.).
- Sur le diagnostic et le traitement des erreurs de l'âme de chacun (ſlepi dlayvágewS
xai Depanelaç tõv Év tñ éxáotou quxñ auapruárwv) : t. V , p. 58 - 103 K . ; SM I, 45 -81.
W . de Boer, Galeni De animi cujuslibet peccatorum dignotione et curatione, CMG V 4, 1, 1 ,
Berlin 1937 (E ) ; Van Der Elst 45 (trad. fr.); Harkins et Riese 83 (trad . angl.) ; 85 C .Mancini
G . Fravega, In qual modo si possono conoscere e curare le infermità dell'animo, coll.
« Scientia veterum » 40, Genova 1963 (trad. ital.);Menghi 84 (trad. ital.); Barras, Birchler et
Morand 48 (trad . fr.).
(9) Sur les habitudes (ſlepiéo @ v) : SM II, 9-31 ; Deg. n° 87 ; Berg. n° 45. Conservé dans
un seul manuscrit grec , le traité fut édité pour la première fois par 86 F. R . Dietz, Galeni De
consuetudinibus, Leipzig 1832 (E ). Voir, pour la traduction française, Daremberg 44, CEuvres
I. Sont également conservées une traduction latine de Nicolas de Reggio et une traduction
arabe de Hubayš, voir 87 J.M . Schmutte, Galeni De consuetudinibus cum Nicolai versione.
Versionem Arabicam ab Hunaino confectam in linguam Germanicam vertit F . Pfaff, coll.
CMG Suppl. III, Leipzig/Berlin 1941, et 88 F. Klein -Franke, « The Arabic Version ofGalen 's
Iepi łoőv » , JSAI 1, 1979, p. 125- 150 (E ). Sur les citations de ce traité en hébreu, voir Zonta
30 , p. 95-97.
(10) Introduction à la dialectique (Eloarum dlałextixń ): Deg. n° 93 ; Berg . n° 126.
89 M . Mynas, Eloaywyn ôla extixń. Mpõrov dlopowdeioa xai onuooLEVOEToa uerà
podewplaç xai napexboWv, Paris 1844 (E ) ; 90 K . Kalbfleisch, Galeni Institutio Logica,
Leipzig 1896 (E); 91 E. Orth, Galen , Einführung in die Logik, Roma 1938 (trad . all.); 92 J.
G3 GALIEN DE PERGAME 457
Mau , Galen , Einführung in die Logik, Berlin 1960 (trad. all.); 93 J.S.Kieffer, Galen's Institu
tio Logica, Baltimore 1964 (trad. angl.) ; Garofalo et Vegetti 40 (trad. ital.) ; A . Ramirez Trejo,
Galeno : Iniciación a la Dialéctica, Mexico 1982 (E . et trad . esp .) ; Levet 46 (trad . fr. par
tielle ) ; 94 M . Baldassarri, Galeno Dalla Introduzione alla dialettica, Como 1986 ( E et trad.
ital.); Pellegrin et alii 47 (trad. fr.).
(11) Des sophismes liés à l'expression (ſlepi tõv trapà tnv NÉELV Oodlouátwv): 1.XIV ,
p . 582-598 K . Ce traité est le premier commentaire conservé des Réfutations sophistiques
d ' Aristote. C . G . Gabler a été le premier à l' éditer avec des commentaires en latin en 1903.
Voir, plus récemment, 95 R . B . Edlow , Galen On language and ambiguity : An English trans
lation ofDe captionibus, coll. « Philosophia antiqua » 31, Leiden 1977 (E ettrad. angl.); 96 S.
Ebbesen , Commentators and Commentaries on Aristotle 's Sofistici Elenchi, Leiden 1981, 3
vol.; II, p. 1- 16 pourle texte de Galien ; traduction partielle de 97 M . Baratin et F. Desbordes
dans L 'Analyse linguistique dans l'Antiquité classique,Paris 1981, 1: Les théories, p. 133
140 ; traduction intégrale dans 98 B . Cassin , L 'effet sophistique, Paris 1995 , p. 519 -533, et
Pellegrin et alii 47 (trad. fr.).
(12) Sur les éléments selon Hippocrate en 2 livres (ſlepi tõv xal' ' Intoxpámuotol
xeiwv) :t. I, p. 413-508 K .; Deg. n° 6 ; Berg .n° 11. 99 G . Helmreich ,Galeni De elementis ex
Hippocratis sententia libri II, Erlangen 1878 (E ) ; sur la traduction arabe, voir 100 J. S. Wilkie
et G . E. R . Lloyd, « The Arabic version of Galen 's De elementis secundum Hippocratem » , JHS
102, 1982, p. 232 sq.
(13) Glossaire hippocratique (Twv ' Innoxpátous riwoo věEnmouc ): t. XIX , p. 62
157 K .; Berg . n° 107. 101 F. Perazzi, « Il glossario ippocratico di Galeno : traduzione del
proemio, commento e considerazioni» , RivStorMed 12, 1968, p. 28 -44 ; 102 Id ., « Esame
comparativo dei glossari di Eroziano e di G . per una impostazione critica attuale degli studi
ippocratici» , Annali dell' Ospedale Maria Vittoria ( Torino) 14 , 1971.
( 14 ) Sur les écrits authentiques et inauthentiques d'Hippocrate (ſlepi tõv runoiwv te xai
voowv 'Intoxpátouc OvYypaupátwv) : Deg. n° 90 ; Berg. n° 104. 103 J.Mewaldt, « Galen
Uber echte und unechte Hippokratika » , Hermes 44 , 1909, p . 111-134 , a retrouvé un fragment
grec qui, selon lui, pourrait bien appartenir à ce traité.
B . Euvres conservées en latin :
(15) Sur les causes synectiques ( ſlepi ouvextiXāv aitlõv): Deg. n° 85 ; Berg. n° 59.
104 K . Kalbfleisch , Galeni De causis continentibus libellus a Nicolao Regino in sermonem
Latinum translatus, Marburg 1904 (E ) ; 105 M . Lyons, On cohesive causes (texte arabe et
trad. angl.) et K . Kalbfleisch, De causis contentivis (version latine), coll. CMG Suppl. Or. II,
Berlin 1969.
( 16 ) Sur les causes procatarctiques (ſlepi npoxatapxtixõv altıőv): Deg. n° 86 ; Berg.
n° 58. Seule est conservée la traduction latine de Nicolas de Reggio , voir 106 K . Bardong,
Galeni De causis procatarcticis libellus a Nicolao Regino in sermonem Latinum translatus ad
codicum fidem recensuit in Graecum sermonem retro vertit, coll. CMG Suppl. II,
Leipzig /Berlin 1937, et 107 R . J. Hankinson, Galen On antecedent causes, coll. « Cambridge
Texts and Commentaries » 35 , Cambridge 1998 .
(17) Esquisse empirique (“ YTOTúnWOLÇ ŠunTelpixń): Berg. n° 111. 108 M . Bonnet,De Cl.
Galeni subfiguratione empirica, Diss. phil., Bonn 1872 (E ); 109 K . Deichgräber, Die
griechische Empirikerschule . Sammlung der Fragmente und Darstellung der Lehre, Berlin
1930 , p . 42- 90 (réimpr. Berlin /Zurich 1965) (trad. latine et rétroversion en grec) ; 110 J.
Atzpodien , Galens Subfiguratio empirica , coll. « Abh.ndlungen zur Geschichte der Medizin
und der Naturwissenschaften » 52,Husum 1986 (trad . all.); Walzer et Frede 73 (trad . angl.);
Pellegrin et alii 47 (trad. fr.).
(18 ) Des passions et de leur traitement en trois livres (De passionibus et cura libri III).
Traité seulement conservé dans trois manuscrits latins et une traduction anonyme en hébreu .
Voir Fichtner 36 , n° 310 .
458 GALIEN DE PERGAME G3
C . @ uvres conservées en arabe :
(19) Sur l'expériencemédicale (Ilepi tñs iatpixñs Éuttelpiac): Deg. n° 89;Berg. n° 109.
Seuls des fragments sont conservés en grec. Voir 111 H . Schöne, « Die Streitschrift Galens
gegen die empirischen Ärzte », SPAW 1901, p. 1255-1263 (E ). Pour la traduction arabe, voir
112 R . Walzer, Galen . On medical experience, Oxford 1944 (texte arabe et trad . angl.). Voir
aussi Walzer et Frede 73 (trad. angl.), Pellegrin et alii 47 (trad. fr.) et 113 I. Garofalo, « Due
passidel De experientia medica diGaleno » ,ASNP 5, 1975, p. 1305-1306 .
(20 ) Comment l'homme découvre ses vices et ses fautes: Berg. n° 118. L 'original grec de
ce traité estperdu , seule est conservée une traduction arabe, voir 114 G .C . Anawati, « Homo
islamicus», dans Images ofMan in Ancient and Medieval Thought, Louvain 1976 , p. 242.
(21) Que les meilleurs des hommes tirent profitmême de leurs ennemis : Deg. n° 125 ;
Berg. n° 121;Mey. n° 26 . L 'original grec de ce traité est perdu, voir Anawati 114, p. 242.
Seul est conservé un fragment dans une citation de Ibn Abi Uşaybi'a (Xille s.). Pour la traduc
tion allemande de ce fragment, voir 115 M . Meyerhof, « Autobiographische Bruchstücke
Galens aus arabischen Quellen » , AGM 22 , 1929, p . 72 -86 .
D . Euvres conservées à l'état de fragments ou dont ilne reste que des cita
tions :
(22) Sur la démonstration en 15 livres ( Ilepi årrodeleewç: SM II, 117 ; Deg. n° 88 ; Berg .
nº 115. Il s'agit là de l'æuvremajeure de Galien consacrée à la logique. On la date des années
158 -162. Le texte grec était déjà mutilé du temps de Hunayn, au IXe siècle. Les seuls témoi
gnages aujourd'hui conservés en grec, en dehors des passages cités par Jean Philopon , sont les
autocitations de Galien dans ses écrits postérieurs (voir la reconstruction de 116 I. von Müller,
« Über Galens Werk vom wissenschaftlichen Beweis », ABAW 20 , 1895, p. 403-478 ). La ver
sion arabe n ' a pas non plus été conservée. Mais on dispose des nombreuses citations et cri
tiques de Abū Bakr al-Rāzi dans ses Dubitationes in Galenum (voir 117 S . Pines, « Razi cri
tique de Galien » , Actes du 7e Congrès Internat. d 'Histoire des Sciences ( Jérusalem 1953),
p. 480 -487, repris dans 118 S . Pines, Studies in Arabic versions ofGreek texts and in mediae
val science, Leiden 1986 (= The collected works of S. Pines, vol. II) , p . 256 - 263. Voir aussi
119 G . Strohmaier, « Zitate in den Zweifeln an Galen des Rhazes » , dans K . D . Fischer, D .
Nickel et P. Potter ( édit.), Text and Tradition. Studies presented to J. Kollesch , Leiden 1998,
p . 263 -287. Le De demonstratione a également été cité par Maimonide et Averroès ( voir
Zonta 30, p. 17 n. 82).
(23) Sur mes propres opinions en 3 livres (ſlepi tõv Eaurą doxoúvtwv ou Nepi tūv
idiwv dobávrwv): SM II, 122 ; Deg. n° 98 ; Berg. n° 113. Ce traité fut composé par Galien
dans les dernières années de sa vie . Il y avait rassemblé, sous une forme volontairement syn
thétique, ses opinions philosophiques les plus marquantes déjà soutenues dans ses précédents
traités. L 'intérêt d'un tel ouvrage résidait donc moins dans la matière elle -même que dans son
traitement systématique. Il ne subsiste en grec qu 'un important fragment correspondant aux
chapitres 13 à 15 (voir 120 G . Helmreich , « Galeni lepi tõv éauto doxoúvtwv fragmenta
inedita » , Philologus 52 , 1893, p . 432 -434 ; 59, 1900 , p . 316 -317). Il faut également noter que
le fragment conservé dans l'édition de Kühn sous le titre De la substance des facultés natu
relles (ſlepi oủoias tõv puolxõv duváuewv ) appartient en réalité au Surmes propres opi.
nions (t. IV , p. 757-766 K .). On possède en outre une traduction latine partielle (chapitres 14
et 15) datée de la première moitié du XIVe siècle. Hunayn (Berg . n° 113) nous apprend que le
traité a été traduit deux fois en syriaque etdeux fois en arabe. Toutes ces traductions sont per
dues,mais l'une des traductions arabes a servi de base à une traduction latine du début du XIIe
siècle . Une partie du chapitre 1 de cette traduction arabo-latine a été éditée par 121 K .
Kalbfleisch , « Parthenios bei Galen » , Hermes 77 , 1942, p . 376 -379. La conclusion du traité a
été publiée par 122 B . Einarson , « A Note on the Latin Translation of Galen De propriis
placitis » , CPh 54 , 1959, p. 258-259. Enfin un passage du chapitre 2 a été édité par 123 V .
Nutton , « Galen 's philosophical testament : On my own opinions » , dans J. Wiesner (édit.),
Aristoteles. Werk und Wirkung, P.Moraux gewidmet, t. II : Kommentierung, Überlieferung,
G3 GALIEN DE PERGAME 459
Nachleben, Berlin 1987, p. 27-51. V.Nutton annonce une édition complète du traité: CMG V
3, 2 (sous presse ). Sur l'importance des citations en hébreu : Zonta 30, p. 102-108.
(24 ) Sur le vocabulairemédicalen 5 livres (ſlepi tõv latpixõ v óvouátwv): Deg. n° 94 ;
Berg. n° 114 ;Mey. n° 25. Ce traité est perdu en grec et seule la première partie est conservée
dans la traduction de Hubayš, voir 124 M .Meyerhof, « La version arabe d 'un traité perdu de
Galien » , Byzantion 3 , 1926 , p . 413-442, et 125 Id . « Über das Leidener arabische Fragment
von Galens Schrift Über die medizinischen Namen », SPAW 1928 , p. 296 -319 ; 126 M .
Meyerhof et J. Schacht, « Galen . Über die medizinischen Namen (Arabic and German ) » ,
APAW 1931, 3 (E . et trad.).
(25) Desmeurs en 4 livres (ſlepinowv) : Deg. n° 116 ; Berg .n° 119. Composé après 185.
Il ne subsiste de ce traité qu 'une autocitation de Galien dans le Sur le diagnostic et le traite
mentdes passions de l'âme (chapitre 6 ). La traduction arabe de Hunayn ibn Işhāq est égale
ment perdue. Seulun sommaire arabe a été conservé et publié pour la première fois par 127 P .
Kraus, « G . Ethica » , BFAUE 5, 1937 , p . 1-51 (texte arabe seul), puis plus récemment par
128 A . Badawi, La transmission de la philosophie grecque au monde arabe, 2e éd ., Paris,
1987 . Il existe une traduction allemande de ce sommaire , mais limitée au livre I, par 129 F .
Rosenthal, Das Fortleben der Antike im Islam , Zürich 1968, p . 120 -133 (= en traduction
anglaise, The Classical Heritage in Islam , London 1975 , p . 85 -94 ). Il existe en outre une
traduction intégrale en anglais établie par 130 J. N . Mattock , « A translation of the Arabic
epitome of G .' s book Mepi nowv » , dans Festschrift R . Walzer, coll. « Oriental Studies » 5 ,
Oxford 1972, p . 235 -260, et depuis peu une traduction italienne (voir Zonta 30 , p . 125 -145 ).
Voir aussi 131 R . Walzer, « New Light on Galen 'sMoral Philosophy » , CQ 43, 1949, p. 82
96 , et 132 Id., « A Diatribe of Galen », HTAR 47, 1954, p. 243-254 ; 133 S.M . Stern , « Some
fragments of Galen 's On dispositions (ſlepi nowv) in Arabic» , CQ n.s. 6, 1956 , p. 91- 101,
repris dans S . M . Stern ,Medieval Arabic and Hebrew Thought, hrsg. von F . W . Zimmermann ,
London 1983, Nr. III. Sur l'importance des citations conservées en hébreu pour la
reconstruction du texte original, voir Zonta 30, p. 29-80.
(26 ) Sur la matière médicale dans le Timée de Platon en quatre livres (Ilepi tõv Év TQ
Nátwvos Tyuaiw latpixūs eipnuévwv ), plus connu sous le titre Commentaire au Timée de
Platon en 4 livres : SM II, 122 ; Deg. n° 97 ; Berg. n° 122. Seuls ont été conservés un long
fragment grec et quelques extraits d'auteurs arabes et juifs. Du fragment grec est d'abord
parue une traduction latine deGadaldinus (Agostino Gadaldini) chez les Juntes (Venise 1550).
Le texte grec fut publié pour la première fois par 134 Ch . Daremberg, Fragments du commen
taire de Galien sur le Timée de Platon, Paris 1848, qui semble avoir redécouvert à la Biblio
thèque nationale le manuscrit dont s'était servi Gadaldinus (Parisinus gr. 2383). Ce même
texte, joint à quelques extraits de Rāzi etMaïmonide, a été réédité par 135 O . Schröder,Galeni
In Platonis Timaeum commentarii fragmenta . Appendicem Arabicam addidit P . Kahle, coll.
CMG Suppl. I, Leipzig/Berlin , 1934 (E ). Voir aussi 136 C .J. Larrain, « Ein unbekanntes
Exzerpt aus Galens Timaioskommentar » , ZPE 85, 1991, p . 9- 30 , et 137 Id ., Galens Kommen
tar zu Platons Timaios,Stuttgart 1992 (E ).
(27) Sommaire du Timée de Platon (Compendium Timaei Platonis ). Ce sommaire fait par
tie d'une série plus vaste en huit livres intitulée Synopsis des dialogues platoniciens(Tia
TWVIXāv Olaróywv OÚVOQis , mentionné dans SM II, 122 ), dont il occupait le livre III (voir
nº 95). Ont été conservés de ce sommaire quelques fragments en arabe édités par 138 P. Kraus
et R . Walzer, Galeni Compendium Timaei Platonis aliorumque dialogorum synopsis quae
extant fragmenta , coll. « Corpus Platonicum medii Aevi » - Plato Arabus 1,London 1951 (E ).
Voir aussi 139 A .J. Festugière et R .M . Tonneau, « Le Compendium Timaei deGalien »,REG
65, 1952, p. 97-118 , repris dans A.J. Festugière, Études de philosophie grecque, coll. « Biblio
thèque d'Histoire de la philosophie » ,Paris 1971, p. 487-506 .
(28) Sommaire de la République de Platon (Compendium Rei publicae Platonis): SM II,
122 ; Deg. n° 96 ; Berg. n° 124. Ce sommaire fait partie , comme le précédent, de la somme
intitulée Synopsis des dialogues platoniciens. On sait par Hunayn (Berg . n° 124 ) que Galien
avait consacré au sommaire des quatre premiers livres de la République le livre II de sa Synop
sis, et aux livres cinq à dix le début du livre III. Le texte original de ce sommaire est perdu et
460 GALIEN DE PERGAME G3
sa traduction arabe l'est aussi presque totalement. Seules sont conservées quelques citations
chez les auteurs arabes. Ces fragments ont été édités par Kraus et Walzer 138 . Voir aussi
140 R .Walzer, Galen on Jews and Christians, Oxford 1949, 141 G . Levi della Vida, « Two
fragments of Galen in Arabic translation » , JAOS 70, 1950, p. 182 -187, et 142 R . Köbert,
« Das nur in arabischer Uberlieferung erhaltene Urteil Galens über die Christen » , Orientalia
25, 1956 , p. 404-409.
(29) Sommaire des Lois de Platon. Seule est conservée une citation de ce sommaire dans le
Commentaire de Maïmonide aux Aphorismes d'Hippocrate, voir Kraus et Walzer 138, p. 39
(texte arabe), p. 100 -101 (traduction latine).
( 30 ) Sommaire du Phédon de Platon (Compendium Phaedonis Platonis). Sur les fragments
arabes seuls conservés, voir Levidella Vida 141.
(31) Sur les plaisirs de l'amour (ſlepi áopodioiwv): t. V, p. 911-914 K . Seul un fragment
grec est conservé chez Oribase , Collectiones mediceae VI 37 , mais peut-être n ' est-il pas
authentique, voir 143 J. Raeder, Oribasii Collectionum medicarum reliquiae, coll. CMG VI, 1.
1, Leipzig 1928, p. 187-189 (E ), et 144 G . B. Scarano, « Il De venereis di Galeno » ,
PagStorMed 10, 1966, n.6 , p. 85- 90 .
(32) Sur l'absence de chagrin (ſlepi áruniac): SM II, 121; Deg. n° 117 ;Berg . n° 120 . Le
texte grec est entièrement perdu. Hunayn nous apprend qu 'il aurait été traduit par Hubayš sous
le titre Sur la façon d'écarter les soucis et aurait été composé par Galien à la demande d'un de
ses amis qui s' était étonné de ne jamais l'avoir vu chagriné par aucune difficulté. Seules sont
conservées quelques citations, en particulier dans Ibn Abi Uşaybi' a (voir Meyerhof 115 , p. 72
86 , en particulier p. 85). Sur les citations conservées en hébreu, voirZonta 30, p. 113- 123.
(33) Commentaire au Que le premiermoteur est immobile (Eiç tò npūTOV XLVOŪV
áxívntov < ajtó > ): SM II, 123 ; Deg. n° 118 ; Berg.n° 125. Ce traité consacré à l'examen
d 'un des thèmes centraux de la Métaphysique d 'Aristote est complètement perdu en grec. De
la traduction de Hunayn n 'ont été conservées que quelques citations chez les bibliographes
arabes. On peut cependant avoir une idée du contenu du traité grâce à la critique qu ' en a faite
Alexandre d'Aphrodise ( A 112 , nº 25) dansune de ses æuvres elle-même conservée seule
ment en arabe (voir 145 N . Rescher et M . E . Marmura , The Refutation by Alexander of
Aphrodisias of Galen 's Treatise on the Theory of Motion , Islamabad 1965 , et 146 S . Pines,
« Omne quod movetur necesse est ab aliquo moveri. A refutation of Galen by Alexander of
Aphrodisias and the theory ofmotion » , Isis 52, 1961, p . 21-54 = Pines 118 , vol. II, p . 218
251).
(34) Sur la providence (ſlepi npovolas). Seules sont conservées des citations en arabe
chezMaimonide dans ses Aphorismes.
(35 ) Sur les éléments (ſlepiotoixelwv). Seul est conservé un fragment en grec dans le
Parisinusgr. 1883, fol. 354.
E. Euvres qui semblent totalementperdues:
L 'ordre de présentation retenu ici est celui suivi parGalien dans le Sur ses propres livres.
Sauf avis contraire, les références à ce traité, ainsi que les titres adoptés pour les différents
ouvrages cités, sont donnés d 'après l' édition d’I.Müller dans Scripta Minora , vol. II, Leipzig,
1891 (= SM II).
Sur Asclepiade :
(36 ) Sur l'essence de l'âme selon Asclépiade (Tepi oủolaç tñs quxñs xar' 'Aoxin
triádnv ): SM II, 115 ; Deg. n° 124 ; Berg. n° 108 . Ce traité était, semble-t-il, consacré à l'exa
men des théories d'Asclépiade de Pruse (" A 450 ) sur la nature de l'âme. Cemédecin vécut à
Rome au début du jer siècle . La tradition lui attribue dix -sept euvres, mais aucune de celles-ci
ne paraît avoir traité de l'âme en particulier.
Traités de logique:
(37) Sur les principes nécessaires aux démonstrations (ſlepi tõv åvayxaiwv eis tás
åtodelĘELÇ) : SM II, 119.
G3 GALIEN DE PERGAME 461
(38 ) Sur les prémisses omises dans la formulation des démonstrations ( ſlepi tõv napa
heltouÉVWV npotáoeWV Év tñ NÉEEL TŰv ånodeigewv): SM II, 119.
(39) Sur les prémisses de même signification (ſlepi tõv looduvauovoőv napotáoewv):
SM II, 119.
(40) Sur les démonstrations relatives au pourquoi (ſlepi tõv xatà TÒ SLóti áhodeltewv):
SM II, 119 et 123 .
(41) Sur le nombre des syllogismes (ſlepi toŨ TÕV Oumoylouõv đpiOuoő): SM II, 119 ;
Deg.n° 115 ; Berg. n° 127.
(42) Sur l'exemple en 2 livres (ſlepi napadeiyuaroc): SM II, 119 .
(43) Sur l'induction (ſlepi łnaywrñs): SM II, 119.
(44) Sur la ressemblance ( ſlepi eixóvos): SM II, 119 (ou Sur le vraisemblable, lepi
eixótos, correction proposée par K . Kalbfleisch, Über Galens Einleitung in die Logik,
Leipzig 1897, p. 683 sq.)
(45) Sur la similitude en 3 livres (ſlepiouocórntoç): SM II, 119.
(46 ) Sur les principes hypothétiques (Ilepì < tőv> ÉĘ Únoéoewv åpxūv): SM II, 119 ;
Berg.n° 116 .
(47) Sur la signification de « selon le genre» et « selon l'espèce » et leurs conjonctions
dans notre langage spontané (ſlepi <TÕV> xarà rò révoç xal to eldoç xai râu
ouçuyoúvtwv aŭrots onvalvouévwv nuiv xarà tnv aŭtouatov owvýv) : SM II, 119 et
120.
(48) Sur le possible (ſlepi toŨ duvatoũ): SM II, 119. Ce traité a inspiré à Alexandre
d 'Aphrodise une Réfutation de la thèse de Galien sur le possible, voir 147 J. C . Bürgel ( édit.),
Averroes « Contra Galenum » . Das Kapitel von der Atmung im Colliget des Averroes als ein
Zeugnis mittelalterlich - islamischer Kritik an Galen , NAWG , 1967, p. 283 n . 1.
(49) Sur les acceptionsmultiples en 3 livres (ſlepi tõv noraxõç neyouévwv): SM II,
119 . Un peu plus loin (SM II, 121), ce traité est de nouveau cité comme comportant cette fois
deux livres seulement. L 'éditeur des Scripta Minora , I. Müller, est cependant d 'avis que ce
deuxièmepassage est une interpolation .
(50 ) Sur les caractères communs etparticuliers à l'intérieur des arts ( ſlepi tõv év tais
Téxvalg XOLVõv xai idiwv) : SM II, 119.
(51) Sur lesdiscours qui se contredisenteux-mêmes (Ilepi tõv ÈAUTOÙS nepitpenóvtWV
Móywv ): SM II, 119.
(52) Sur les prémisses admises (ſlepi tõv Év exouévwv apotáoewv): SM II, 119.
(53) Sur les syllogismes issus de prémisses mixtes (ſlepi tõv Èx MLXTÛV npotáoewV
omoylouwv): SMII, 120 et 123.
(54 ) Comment il faut distinguer la recherche portant sur la chose de celle portant sur le
nom et sa signification ("Onwç xeń dlaxpivelv thu npayuatixnv Sýtnou tñs xat' ovoua
xai onua vóuevov): SM II, 120.
(55) Sur Clitomaque et ses solutions de la démonstration (ſlepiKeltouáxov xai tūv
tñs åndeleewç aŭtoŨ Núoewv) : SM II, 120. Ce Clitomaque (* C 149) est le philosophe
originaire de Carthage et disciple de Carnéade auquel il succéda à la tête de l'Académie (IIe s.
av. J.- C .). Voir Diogène Laërce, Viesdesphilosophes IV 67.
(56 ) Sur la raison commune en 2 livres (ſlepi toŨ XOLVOũ Nóyou): SM II, 120.
(57) Pour Épictète contre Favorinus ('Yntèp 'Emixtútov npòs Dabwpivov ): SM II, 120 .
Sur Favorinus ( F 10 ), voir supra nº 2. Si l'on en croit une allusion de Galien dans le Sur le
meilleur enseignement contre Favorinus (éd. Barigazzi 57 , p. 92, 13- 14 ), le Pour Épictète
contre Favorinus semble être la réplique au Contre Épictète (Ipós 'Enixtntov ) dans lequel
Favorinus faisait converser le philosophe stoïcien avec Onésime, l'esclave de Plutarque. Un
esclave de Plutarque, forméà la philosophie , est égalementmis en scène par Aulu-Gelle, Nuits
Attiques I 26 , 5.
462 GALIEN DE PERGAME G3
(58) Sur l'utilité des syllogismes (ſlepi xpelaç ourdoylouwv): SM II, 120 .
(59) Sur le bon usage en 3 livres (ſlepi óvouátwv opdómtoç): SM II, 90 et 120 .
(60) Sur le fait que chaque être est à la fois un etmultiple ( ſlepi toŨ TÔV OUTWV Éxaotov
Év r'Elvai xainožá): SM II, 120.
(61) Sur le fait qu 'il est impossible qu 'une chose et la même chose s 'accordent nécessaire
ment avec des opposés (Ilepi toŨ oti toic ảvtixEVUÉVOLÇ Êv xai taútov ŠE aváyung
åxonovDelv ådúvatóv £otiv ) : SM II, 120.
(62) Sur la découverte par voie de démonstration (ſlepi tñs åntogelxtixñS EÚPÉOEWG):
SM II, 120.
(63) Dialogues contre le philosophe <...> en particulier sur l'art de philosopher sur les
notions communes ( ? ) (Alároyol noos olhooooov † idiws < tepi> TOŪ xarà ras xolvas
évvolaç < pioOODETU > ). Le texte du De libris propriis est ici peu sûr. SM II, 120.
(64 ) Contre ceux qui entendent les mots à fin de chicane (Ilpoç tous Énnpeaotix @ c
åxoúovtaç tõv óvouátwv): SM II, 120.
(65) Sur la signification des expressions « selon l'espèce » et « selon le genre» etde celles
qui leur sontproches (ſlepi tõv onuarvouévwv éx tñs <xat'> elboç xai yévog pwvñs xai
tāv napaxeLUÉVWv aútotc ). Peut-être s ' agit - il ici du même traité que celui déjà cité plus
haut (nº47). C 'est en tout cas l'avis de Ilberg 22 , RHM 44, 1889, p . 214 .
(66 ) Synopsis sur la théorie de la démonstration (EÚvodic tñs ÁnoÔELXTIXñs Dewplaç ):
SM II, 120 ; Mey. n° 73.
(67) Sur le jugementdes divergencesdoctrinales (ſlepi tñs xpioews tõv dlapuvoúvtwV
Év toiç dóyuao.v ): SM II, 120.
(68) Que la quantité est inséparable de la substance première ("Oti tñs apáms ovoias
åxupuotoç ń nogórns): SM II, 120.
(69) Sur la démonstration par l'impossible (ſlepi tñs Ol' áðuvátov ảnodelcew ): SM II,
121.
(70) Sur les choses qui adviennent en vue de quelque raison (ſlepi tõv évexá tou
riyvouévwv) : SM II, 121.
(71) Sur la recherche concernant le mot et sa signification (ſlepi tñs xat' ovoua vai
onuaivóuevov (ntoew ( ) : SM II, 121.
Traités de philosophie morale :
(72) Contre Favorinus sur Socrate (Mpòs tov Qabwpivov xarà Ewxpátous): SM II,
121. Le titre de ce traité pose problèmeet fut corrigé par 148 E . Zeller, Die Philosophie der
Griechen III 2, Leipzig 1923, p. 78 n. 2, et Brinkmann 60 en Mpós tóv Dabwpivov xatà
Ewupátouc. Il pourrait s'agir là de la critique de Galien au livre de Favorinus intitulé Sur
Socrate et son opinion sur l'art d 'aimer (ſlepi Ewxpátouç xai tñs xar' aútov ÉpwtixñS
Téxins) que mentionne la Souda, t. IV , p .690, 23-25 Adler. Il conviendrait alors de traduire
ce titre par En réponse à l'ouvrage de Favorinus Contre Socrate, ou bien , avec xará + gén.
employé au sens de nepí + gén ., Contre l'ouvrage de Favorinus sur Socrate .
(73) Sur la fin de la philosophie (ſlepi toŨ xatà ouoooplav térovs): SM II, 121.
(74 ) Sur les relations des conférenciers avec leurs auditeurs (Ilɛpì tñs TūV ÉTLOELXVU
HÉVWV < npòc> toùç åxovovtaç ouvovoiac): SM II, 121.
(75) Sur ceux qui enseignentfrauduleusement (ſlepi tūv åvayeyuwoxóvtwv Náopa): SM
II, 121.
( 76 ) Sur l'égalité entre les fautes et le châtiment (ſlepi đuaptnuárwv xai xoáoews
ioórntoc): SM II, 121.
(77) Sur la consolation (ſlepi napauvdias): SM II, 121.
(78 ) Sur la diatribe dans la demeure deMénarque contre Bakkhidès et Cyrus (ſlepi tñs Év
aủañ Mevápxov dlatpibñs após Baxxionv xai Kūpov) : SM II, 121. Ces personnages sont
tous également inconnus.
G3 GALIEN DE PERGAME 463
(79) Sur la participation aux dialogues (ſlepi tñc év tolç olaróyouç ouvovoiaç) : SM II,
121.
(80) Contre les orateurs de l'agora (Ipoç toùç åyopalous önropas): SM II, 121.
(81) Sur le plaisir etla peine (ſlepi ń dovñs xai tróvou ): SM II, 121.
(82) Des choses conformes à chaque fin poursuivie dans la vie (ſlepi tõv åxonoúowy
ÉxúOTŲ TÉRELBíwv): SM II, 121.
(83) Sur les propos couramment tenus contre les membresdes écoles (ſlepi tõv onuooiq
Önévtwv TPòç toùG Ånò tõu aipłoewv): SM II, 121.
(84 ) Sur la concorde (ſlepi ouovolaç): SM II, 121.
(85) Surla pudeur en 2 livres (ſlepi aidoūs):SM II, 121.
( 86 ) Sur les propos couramment tenus contre les flatteurs (ſlepi tõv onuoolą öndévtwv
xanh xocdxv): SM II, 122.
(87) Sur la calomnie où il est aussi question dema propre vie (Ilepi tñs olaborñs év
xai nepi toũ idiou Blou) : SM II, 122.
(88 ) Les sept fous en un livre (Kpovíoxol ÉTTà év Éví) : SM II, 122 . Le terme grec
Kpovíoxos, diminutif de Kpovos , serait ici employé au sens de « vieux fou » , « vieux
radoteur» , voir Garofalo et Vegetti 40, p. 88 n . 52.
(89) Sur les propos couramment tenus du temps de Pertinar (Iepi tõv éni Neptívaxos
Onuogia ondéVTwv) : SMII, 122. Il s 'agit du Pertinax qui profita de la crise consécutive à
l'assassinat de l'empereur Commode pour parvenir à la tête de l'empire. Son règne ne dura
que fort peu de temps, de janvier à mars 193.
(90) Jusqu 'à quel point faut-il se soucier de la considération et de l'opinion du grand
nombre (Méxpl Tógov tñs napà tots homolç ryuñs xai dóens ppovtioTÉOV łotiv) : SM
II, 122.
(91) Sur la rédaction des testaments (ſlepi dlaOnxőv TOLÍOEWC): SM II, 122.
Sur Platon et la philosophie platonicienne :
(92) Sur l'école de Platon (ſlepi tñs Naátwvos aipéoew ): SM II, 122.
(93) Contre ceux qui ont une autre opinion que Platon sur les Idées en 3 livres (Ipós
TOÙÇ Étépws ñ nátwv tepi tõv ideāv dótavrac) [?]: SM II, 122.Le texte grec est ici peu
sûr puisque la tradition manuscrite fait en réalité mention de deux traités (Ilpos ToùÇ ÉTÉPOUS
Ô Nátwv: ſlepi rõv idiwy do avtwy). Le premier de ces titres cependant est inintelligible et
le second désigne un traité déjà cité (voir nº 23). 149 K . Kalbfleisch , Philologus 55, 1896 ,
p .690, et 150 J. Ilberg, RhM 52, 1897, p. 597 n. 2, ont donc proposé la correction adoptée ici.
(94) Sur la théorie logique selon Platon (ſlepi tñs xarà Mátwva loyixñs Dewpías) :
SM II, 122.
(95) Synopsis des dialogues platoniciens en 8 livres (I/AATWVLXőv olaróywu oúvodu ):
SM II, 122. Le texte grec de cette Synopsis est perdu. Hunayn précise (Berg. n° 124) que, sur
les huit livres que comptait cet ouvrage, seuls les quatre premiers furent traduits en arabe par
ses prédécesseurs. On apprend ainsi que le livre I était consacré au Cratyle, au Sophiste , au
Politique, au Parménide et à l'Euthydème, le livre II aux quatre premiers livres de la Répu
blique (voir supra n° 28 ), le livre III aux livres cinq à dix de la République et au Timée, le
livre IV aux Lois . De ces traductions arabes, seuls ont été conservés des fragments pour les
sommaires consacrés au Timée, à la République et aux Lois (voir supra nº 27, 28 et 29 ).
( 96 ) Sur les transitions dans le Philèbe (ſlepi tõv Év Olańbw metabáoewv) : SM II, 122. .
(97) Sur les parties et les facultés de l'âme en 3 livres (ſlepi tõv tñs quxñs pepőv xai
Ouvápewv) : SM II, 122.
Sur Aristote et la philosophie aristotélicienne:
(98) Commentaire au De interpretatione en 3 livres (Eiç tò Nepà Épunvelaç útrouvń
uata ) : SM II, 118 et 122 ; Berg. n° 128.
464 GALIEN DE PERGAME G3
(99) Commentaire aux Premiers analytiques en 8 livres (Ilpotépwv åvalutix V ÚNO
uvnuata ) : SM II, 118 et 122 . Sur les huit livres que comptait ce commentaire, Galien dit en
avoir consacré quatre au premier et quatre au second livre des Premiers analytiques.
(100 ) Commentaire aux Seconds analytiques en 11 livres (AEUTépwv ávautixWV
únouvnuata ) : SM II, 118 et 122. Galien déclare cette fois avoir consacré six livres de com
mentaire au premier livre et cinq au second.
(101) Commentaire aux Catégories en 4 livres (Eic tàs déxa xatnyopias únouvń
uara ): SM II, 118 et 123. Il s 'agit là d'un commentaire partiel ne concernant que les dix
premiers chapitres des Catégories, seuls considérés par Galien comme authentiques.
( 102) Commentaire au Sur l'affirmation et la négation de Théophraste en 6 livres (Eic tò
trepà xatabáoews xaiáno ágewÇ Okoopáotov únouvnuara ) : SM II, 118 et 123.
(103) Commentaire au Sur la quantité en 3 livres (Eiç tò nepi toŨ nooaxūç): SM II, 123.
(104) Commentaire au livre d 'Eudème Sur l'expression en 3 livres (Eic tò lepi RÉEEWS
ter plusieurs livres figure bien au nombre des æuvres du philosophe péripatéticien Eudème
(NE 93 ), originaire de Rhodes et contemporain de Théophraste .
Sur les stoïciens et la philosophie stoïcienne:
(105) Sur la théorie logique selon Chrysippe en 3 livres (Ilepi tñs xarà XpúoutTOV
loyixñs Dewpiac): SM II, 123.
(106 ) Commentaire à la syllogistique de Chrysippe en 4 livres (Tñs Xpuoinnou outro
YLOTLXÑS Únouvnuata ): SM II, 119 et 123. Ce commentaire était composé de trois livres
consacrés à la première syllogistique et d'un à la seconde.
(107) Sur la faculté et la théorie logiques en 7 livres (ſlepi tñs doyixñs ouválewç xal
Dewpiac): SM II, 123.
( 108) De l'utilité des observationssur les syllogismes, livrespremier et second (ſlepi tñs
Xpelaç tūv eis toùç outdoyiouovs dewpnuátwv npõrov xaideútepov): SM II, 123.
(109) Que la géométrie analytique est supérieure à celle des stoïciens ("Oti ń yewletPixn
åvalutixn due vwv tñs tūv Etwixõv): SM II, 123.
Traités relatifs à la philosophie d'Épicure:
(110 ) Sur le bonheur et la vie heureuse selon Épicure en 2 livres (Ilɛpi tñs xar' 'Enixov
pov etdaluovoc xaiparapiou Blou): SMII, 123.
(111) Sur le plaisir obscurciselon Épicure (Nepi tñs xat' 'Enixovpov ozaupou <uévng>
noovñs ) : SM II, 123. Ce titre fait allusion au jugement d 'Épicure selon lequel ne nous par
viennent de certains plaisirs minimes que des impressions notablement affaiblies ou obscur
cies. Voir 151 H . Usener, Epicurea , Leipzig 1887 , p . 289, fr. 441, et 152 R . Philippson ,
« Epicurea » , RhM 87, 1938, p. 169-177 (surGalien p. 170 sqq.).
(112) Que les causes productrices du plaisir ont été imparfaitement décrites par Épicure
("Oti tà mointixà tñs ňoovñs éMitās 'Etrixoúpw NÉNEXTAI): SM II, 123.
(113) Sur l'école hédoniste (ſlepi tñs ń dovexñs aipéoewÇ) : SMII, 124.
(114 ) Si la physiologie est utile à la philosophiemorale (Ei ń prololoyla xenowoc eis
tņv ňocxnu piloooplav): SM II, 124.
(115 ) Sur les neuf livres de Métrodore contre les sophistes (ſlepi tõv npoç tous
Ooplotás év véa > Mntpooápov ) : SM II, 124. Galien fait ici allusion à Métrodore de Lamp
saque, élève et ami d 'Épicure, auteur d 'un traité contre les sophistes en neuf livres (voir Dio
gène Laërce X 23) .
(116 ) Lettre à l'épicurien Celse (PC67 B ] ('EnloTONń npòs Kéroov 'Enixoúpelov):
SM II, 124. Ce philosophe épicurien qui vécut au temps de Néron ne doit pas être confondu
avec l'auteur du De re medica, son homonyme, ni avec le philosophe combattu par Origène
dans son Contre Celse.
G3 GALIEN DE PERGAME 465
(117) Lettre de l'épicurien Pudentianus ('Enlotorn MovdevtiAVOŨ 'Etrixoupelov ) : SM
II, 124.
Traités rhétoriques :
(118) Sur le vocabulaire des écrivains attiques en 48 livres (ſlepi tõv napà toiç 'Attl
xoiç ourypapeŰOLV óvouátwv) : SM II, 124 .
(119) Sur le vocabulaire courant d'Eupolis en 3 livres (ſlepi tõv nap' Eúnóhol
moltixõv óvouátwv) : SM II, 124.
(120) Sur le vocabulaire courant d'Aristophane en 5 livres ( ſlepi tõv nap' 'Aplotopável
notixőv óvouátwv) : SM II, 124 .
(121) Sur le vocabulaire courant de Cratinos en 2 livres (ſlepi tõv napà Kpativw
nohtixõv óvouátwv): SM II, 124 .
(122) Exemples de vocabulaire propre aux auteurs comiques (Tūv idiwv xwuixőv
óvouátwvnapadeiyuara ) : SM II, 124 .
(123) Si l'ancienne comédie est une lecture utile pour les étudiants (El xoñoluov
åváyvwoua toiç TOLÒEVOLÉVOLS ń nałalà xwuwdía ): SM II, 124 .
(124) Contre ceux quiblâment les auteurs de fautes de langage en 6 livres (ſpoç toùç
ÉTLTY @ vtaç tolç ooloxicovol tſ owvſ) : SM II, 90 et 124 ; Berg. n° 129.
(125) Sur les impropriétés en attique ('Attixõv napáonuos (ou conuwv]): SM II, 124.
(126 ) Sur la clarté etl'obscurité (ſlepioaonveíaç xaiđoapeias): SM II, 124.
(127) Si l'on peut être à la fois critique et grammairien (El dúvatal tiç elval xpitixÒS
xaì rocuuaTuxóc) : SM II, 124.
Autres :
( 128) Explication du vocabulaire en usage chez les auteurs attiques et chez les comiques
('EEńmous éx twv 'Attix @ V Ourypapéwv xadánEp Éx tbv xwlixWv) : SM II, 90. Peut- être
cet ouvrage se confond-il avec deux autres traités cités plus haut séparément (voir supra
nº 118 et 122).
(129) Des æuvres authentiques et inauthentiques d 'Hippocrate (llepi tây yunoiwv xai
voowv ' Intoxpátouç ourypaquátwv). Voir 153 J. Mewaldt, « Galenos Über echte und
unechte Hippokratika » , Hermes 44 , 1909 , p . 111-134 .
E. Euvres considérées comme inauthentiques :
(130 ) Sur l'histoire philosophe (ſlepi piogófov iotopíac): t. XIX, p. 222-345 K . 154 H .
Diels, Doxographi Graeci, 2. Aufl., Berlin 1929, p. 233-258 ; 595-648 ( E ). 155 S. Mekler,
« Zu Pseudogalens Minooogos iotopía » , dans Festschrift Theodor Gomperz, Wien 1902 ,
p. 300 - 302 . Sur l'histoire et la tradition du texte, voir 156 J. Mansfeld et D . T . Runia , Aetiana .
The method and intellectual context of a doxographer, I : The Sources, Leiden 1997, p . 141
sqq.
(131) Des parties de la philosophie (ſlepi eidāv blooopiac). Seuls sont conservés quel
ques fragments en grec . 157 M . Wellmann , Galeni quifertur departibusphilosophiae libellus,
Gymn. Progr. Berlin 1882.
(132) Sur la meilleure secte à Thrasybule (Ipoc Opaoúbovlov nepì đpiorns aipé
GEWC) : t. I, p. 106 -223 K . Daremberg 44, Euvres, II (trad. fr.). 158 I. v. Müller, « Über die
dem Galen zugeschriebene Abhandlung Hepi đpiorns aipéoewÇ» , SBAW 1898, p. 53- 162.
(133) De l'âme. Seule est conservée une traduction en hébreu établie à partir de l'arabe.
Voir 159 A . Jellinek, Galens Dialog Über die Seele. Aus dem Arabischen übersetzt von
Jehuda ben Salomo Alcharisi, Leipzig 1852 (trad . all.), et 160 E . Bertola, « Un dialogo ps.
Galenico sui problemidell'anima»,RFN 60, 1968, p. 191-210
(134 ) Que les qualités sont incorporelles. Voir 161 E. Orth , « Les æuvres d 'Albinos le Pla
tonicien » , AC 16, 1947, p. 113 sqq.; 162 M . Giusta, L'opusculo pseudogalenico : "Oti ai
466 GALIEN DE PERGAME G3
TOLÓIntes dobuator, édition ettraduction, Torino 1976 ; 163 R . B . Todd, « The Author of De
qualitatibus incorporeis. If not Albinus, who ?»,AC 46 , 1977,p. 198-204.
( 135) Réponse à ceux qui écrivent sur les choses semblables:Mey. n° 74. Pour ce traité ,
comme pour les suivants, nous ne disposons que de l' indication du titre donnée par Meyer
hof 32.
(136) Que l'âme est immortelle :Mey.n°45.
(137) Sur l'algèbre en 3 livres :Mey .nº60.
( 138) De la miséricorde du créateur tout-puissant et supérieur à l'égard des hommes:
Mey. n°65. Il s'agit là d'un faux vraisemblablement composé par un médecin chrétien .
(139) Où il est question de la fonction du soleil, de la lune etdes étoiles: Mey. n° 71.
VÉRONIQUE BOUDON .
4 IUNIUSGALLIO (= L .ANNAEUS NOVATUS) RE A 12 PIR2 1 757 MI
Novatus, frère aîné du philosophe Sénèque, fut adopté dans son testament par
L . Iunius Gallio (** G 5), rhéteur proche de son père , Sénèque le rhéteur. Cette
adoption , attestée en 52 , semble postérieure à la mort de Caligula, comme le
montre le De ira . Iunius Gallio commença une carrière politique : il est questeur
sous Tibère, tribun et édile sous le règne de Caligula, proconsul d 'Achaïe sous le
règne de Claude. Il devient enfin préteur sous Néron ; en 51-52, il occupe un
poste prétorien et est consul suffect en 55. Cette carrière ralentie semble être due
aux liens de cette famille avec Séjan , préfet du prétoire mis à mort sous Tibère
(M . Griffin , Seneca, a philosopher in politics, 2e éd., Oxford 1991, p. 44-45 ),
tandis que la présence de Sénèque aux côtés de Néron a pu la développer.
Gallion survécut à lamort de Sénèque,mais fut quelque temps après contraint de
se donner la mort. Gallion est mentionné à plusieurs reprises dans les Lettres à
Lucilius ; il est le dédicataire de plusieurs traités de Sénèque : De ira, De uita
beata , De remediis fortuitorum .
Cf. O . Rossbach , art. « L . Annaeus Novatus» 12 , RE I 2, 1894, col. 2236
2237 .
MICHÈLE DUCOS.
5 IUNIUSGALLIO (L . -) REI77 MI
IuniusGallio est un orateur contemporain de Sénèque le rhéteur. Sa naissance
semble se situer après 33a, mais nous ne savons rien de plus sur sa formation et
sa carrière. Qualifié de « déclamateur philosophe» (E . Norden , Die antike
Kunstprosa, Leipzig 1918 , t. I 2, p. 250, 2) il s' intéresse aux lois non écrites ou
bien affirme que tous les hommes sont égaux par nature. Ces indications si géné
rales semblent relever de la « diatribe» ; elles ne permettent pas de rattacher
Iunius Gallio à une école philosophique précise .
Il adopta L . Annaeus Novatus (3G 4), le frère aîné de Sénèque le philosophe.
Cf. K . Gerth, art. « Iunius Gallio » 77,RE XI, 1, 1918; col. 1035- 1039.
MICHÈLE DUCOS .
G8 GAUDENCE 467
6 GALLUS IV ?
Dédicataire de la Vie d'Aristote de Ptolémée (sur ce document, voir DPHA I,
p . 414-416). La version arabe contenue dans le manuscrit Istanbul Aya Sofya
4833 contient une préface adressée à Gallus. Flavius Claudius Constantius
Gallus, frère de l'empereur Julien et César d 'Orient entre 351 et 354 , auquel a
pensé M . Plezia , pourrait être le dédicataire de Ptolémée,mais le personnage, au
témoignage de son frère, s' intéressait davantage à la chasse qu 'à la philosophie .
La datation de Ptolémée étant elle -même très incertaine et Gallus n ' étant pour
nous qu 'un nom , on se gardera de toute affirmation péremptoire .
RICHARD GOULET.
GALLUS FADIUSGALLUS
GALLUS SULPICIUSGALLUS
GARTYDAS DE CROTONE V -IV
Scholarque pythagoricien selon Jamblique, V. pyth . 36 , 265, p . 142, 10 -24
Deubner; il existe cependant différentes leçons pour ce nom (p. 142, 21) : Tydas
(Kiessling); Gorgidas (Nauck); Gortydas (Bentley) ;Gorgiadas (Boeckh), tiré
d 'un rapprochement avec Claudien Mamert, De statu an. II 7. 1 P. Corssen ,
« Die Sprengung des pythagoreischen Bundes», Philologus 71, 1912, p. 332
352, notamment p . 349, propose en fait de lire Gartydas chez Jamblique etGor
giadès dans le passage de Claudien Mamert.
Selon Jamblique, la succession des scholarques pythagoriciens devrait être
établie de la façon suivante : Pythagore, Aristaios (» A 341), Mnémarchos,
Boulagoras (P- B 55), à l' époque duquel survint le sac de Crotone, puis Gartydas
qui, revenant d 'un voyage commencé avant le début de la guerre, serait mort de
chagrin en constatantla ruine de sa patrie. L 'événement pourrait être daté en 388
av. J.-C . si l'on suit la reconstruction de 2 A . Rostagni, « Le vicende della scuola
pitagorica secondo Timeo » , AAT 49, 1914, p . 554-574, repris dans Scritti
minori, t. II, 1 : Hellenica -Hellenistica, Torino 1956 , p. 28 -50 .
BRUNO CENTRONE.
8 GAUDENCE RE 7 Ive ?
Musicographe d'époque incertaine : on l'a situé entre l'astronome et théori
cien Claude Ptolémée, au II s., et le ve,mais de préférence au Ive, au temps du
musicographe Alypius, auquel il s'apparente pour ce qui touche à la notation
musicale.
Éditions critiques et traductions. Editio princeps : 1 M .Meibomius, Anti
quae Musicae Auctores septem I, Amsterdam 1652, p. 1-29 (avec trad. latine et
notes critiques) ; réimpr. dans la collection «Monuments of Music and Music
Literature in Facsimile» II/51, New York 1977 ; 2 K . von Jan , Musici Scriptores
Graeci, Leipzig 1895, p. 327-355 ; réimpr. Hildesheim 1962; 3 A . Doucakis,
thèse de l'École Pratique des Hautes-Études, Paris 1974 (avec trad . française );
4 L . Zanoncelli, La manualistica musicale greca, Milano 1990, p. 327-350 (avec
trad . italienne ; reproduit le texte de von Jan 2 ,mais avec un apparat différent).
468 GAUDENCE G8
Autres traductions. Latines: Une traduction latine, non conservée, est attri
buée à un certain Muc(t)ianus par Cassiodore (Instit. II, 5), son contemporain.
Italienne: Une traduction anonyme du XVI° s.,copiée par Ercole Bottrigari, a été
attribuée tantôt à Hermann Cruserius, tantôt à Joh . Bap. Augius de Bologne, en
1545, par von Jan 2 , p. 326 ;mais cette attribution est rejetée par 5 F . Alberto
Gallo , dans Catalogus translationum et commentariorum .Medieval and Renais
sance Latin Translations and Commentaries. Annotated Lists and Guides 3,
Washington 1976 , p . 70. Française : 6 Ch .-Ém . Ruelle, Collection des auteurs
grecs relatifs à la musique 5, Paris 1895, p . 53-91 (avec un essai de reconstitu
tion des 14 diagrammes de la section XV laissés en blanc dans les manuscrits ,
p . 93-102).
Bibliographie. Outre les préfaces et commentaires aux éditions et traductions
citées (en particulier Doucakis 3), voir 7 A .Möhler, Die griechische, griechisch
römische und altchristlich -lateinische Musik . Ein Beitrag zur Geschichte des
gregorianischen Chorals, coll. « Römische Quartalschrift » 9. Supplement Heft,
Roma 1898, p . 23 ; 8 Christ-Schmid -Stählin , GGL VII 2/2 (6e éd. 1924 ), p . 895
($ 770), et 9 G . Reaney, dans Die Musik in Geschichte und Gegenwart, t. IV ,
Kassel 1955 , p. 1469 -1470 (avec bibl.).
Gaudence – surnommé CavôÉVTLOG Diaboobos en tête de tous lesmanuscrits
de son unique traité – est l'auteur d'une Eloaywy åpuovixń en partie incom
plète mais qui présente néanmoins une bonne vue d 'ensemble de la théorie
musicale grecque en usage à son époque, à l' intention de ceux quiallient l'expé
rience de la pratique musicale au raisonnement abstrait (l' indication des sections
est celle de von Jan 2, suivi par Ruelle 6 ): son et intervalle (I-IV ), genres (diato
nique-chromatique-enharmonique), tétracordes et systèmes, classification des
sons en homophones (à l'unisson ), consonants , dissonants et paraphones (inter
médiaires entre les sons consonants et dissonants ), limma et apotomé (demi-tons
mineur et majeur) ( V -VIII ; XIV -XVIII) proportions arithmétiques des conso
nances (IX -XIII), sons fixes et sonsmobiles du Grand Système (XVIII) , formes
ou aspects de l’octave (XIX ), notation musicale (XX -XXII: exposé incomplet).
De ce synopsis il ressort que les sections « canoniques» sur les métaboles
(modulations de rythme ou d'un genre à l'autre) et la mélopée (technique de la
composition )manquent.
Sources. Les auteurs utilisés par Gaudence sontpeu nombreux, selon Zanon
celli 4 (p. 307-308 ): Aristote, Aristide Quintilien (111®-IVe s.), Aristoxène surtout,
dontil fait siennes la division de la quarte en 5 demi-tons et la classification des
consonances en quarte, quinte , octave ; octave + quarte , octave + quinte et
double octave. De ce fait, Gaudence est considéré comme un théoricien d 'obé
dience aristoxénienne plutôt que pythagoricienne, même s'il rapporte la légende
de la découverte des consonances par Pythagore (XI: « Pythagore et les forge
rons » ) et retient le postulat pythagoricien de l' indivisibilité du ton en deux demi
tons égaux .
Tradition manuscrite. Elle est recensée in extenso par 10 Thomas J.Mathie
sen, Ancient Greek Music Theory. A Catalogue raisonné ofManuscripts, coll.
G10 GÉDALEIOS 469
« Répertoire International des Sources Musicales » 11, München 1988, qui décrit
31 manuscrits dont 21 du XVI° siècle. Seuls 2 mss sont du XIIe siècle . Cf. aussi
von Jan 2 et Ruelle 6 .
YVES CHARTIER .

9 GAUROS III-IV
Dédicataire de l'ouvrage pseudo - galénique Ad Gaurum quomodo animetur
fetus, édité par 1 K . Kalbfleisch , « Die neuplatonische , fälschlich dem Galen
zugeschriebene Schrift [ pós Taūpov nepi toŨ TÕÇ ŠupuxoũTAI tà Šubova » ,
APAW , 1895, p . 33-62. Kalbfleisch y a soutenu que le véritable auteur de cet
ouvrage aurait été Porphyre , et la plupart des historiens se sont ralliés à cet avis.
Si tel est le cas, Gauros – dont nous ne savons rien par ailleurs – aura été élève
de Porphyre , probablement à Rome, après la mort de Plotin (270 de notre ère ).
Voir s.v. Gédaleios.
Cf. 2 J. Bidez, Vie de Porphyre, le philosophe néo-platonicien, avec les frag
ments des traités Iepi ayarjátwv et De regressu animae, Gand 1913, réimpr.
Hildesheim 1964 , p . 104 -105 ; 3 R . Beutler, art. « Porphyrios » ,RE XXII 1, 1953,
col. 312 ; 4 J. Bouffartigue et M . Patillon , Introduction à Porphyre, De l'absti
nence, t. I, CUF, Paris 1977, p. XIX sqq. Traduction française avec notes de l'Ad
Gaurum par 5 A - J. Festugière, La Révélation d 'Hermès Trismégiste, t. III : Les
Doctrines de l'âme, Paris 1953, réimpr. Paris 1986, Appendice II, p . 265-305.
Voir aussi W . Deuse , Untersuchungen zur mittelplatonischen und neuplato
nischen Seelenlehre, coll. AAWM /GS, Einzelveröffentlichung 3, Wiesbaden
1983, 278 p.
MICHAEL CHASE .

10 GÉDALEIOS III -IV


Dédicataire du grand Commentaire en sept livres sur les “ Catégories"
d 'Aristote de Porphyre (cf. Simplicius, In Cat., p. 2, 7 ; 10 ; 21 ; 33, 14 ; 34, 1 ; 13
Kalbfleisch ) , nous ne savons rien d 'autre sur lui. Probablement élève de Por
phyre à Rome après la mort de Plotin (270 ), Gédaleios a pu appartenir au cercle
d 'élèves du philosophe tyrien provenant de l'aristocratie romaine, tels que
Castricius Firmus (dédicataire du De abstinentia : » F 13), Chrysaorius (dédica
taire de l’Isagogè : * C 117), Gauros ( ~ +69) et Némertius. Si l'on accepte
l'hypothèse de H .D . Saffrey (« Pourquoi Porphyre a -t-il édité Plotin ? Réponse
provisoire » , dans l'ouvrage collectif, Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, Études
d' Introduction, texte grec et traduction française, commentaire, notes complé
mentaires, bibliographie, coll. « Histoire des Doctrines de l'Antiquité Classique»
16 , Paris 1992, p. 31-64) selon lequel Porphyre ne serait jamais revenu de Sicile ,
et n 'aurait donc point pris la tête de l'École de Plotin à Rome à la mort de celui
ci, ces nomsne représenteraient que des correspondants de Porphyre.
Cf. J. Bidez, Vie de Porphyre, le philosophe néo -platonicien, avec les frag
ments des traités ɛpi ávarmátwv et De regressu animae, Gand 1913, réimpr.
Hildesheim 1964 , p. 104 -105 ; R . Beutler, art. « Porphyrios» , RE XXII 1, 1953,
470 GÉDALEIOS G 10
col. 312 ; J. Bouffartigue et M . Patillon , Introduction à Porphyre, De l'absti
nence, t. I, CUF, Paris 1977, p . XIX sqq.
(Des extraits de ce commentaire perdu, qu'il ne faut pas confondre avec le Commentaire
par questions et réponses édité par Busse (CAG IV 1), peuvent être retrouvés chez les com
mentateurs postérieurs des Catégories, notamment chez Simplicius. M . Chase en prépare une
édition avec traduction française et commentaire . R .G .)
MICHAEL CHASE .

GELLIUS (AULUS-) → AULU GELLE


11 GELLIUS DE CORINTHE (LUCIUS - ) PIR ? G 125 (= G 128 ?) DM II
Le dédicataire des Entretiens d'Épictète rédigés par Arrien , Lucius Gellius,
appartient sûrement à la grande famille corinthienne des Gellii, attestée du jer au
III° siècle .Mais le stemma de la famille est controversé. Après examen des pro
positions divergentes de G . W . Bowersock, « A New Inscription of Arrian » ,
GRBS 8, 1967, p. 279-280 ; J. H . Oliver, « Arrian and the Gellii of Corinth »,
GRBS 11, 1970 , p. 335 -338 , et L . Moretti, « Epigraphica » , RFIC 103, 1975 ,
p. 182-186 , repris dans Epigrafia e storia. Scritti scelti, Roma 1990 , p . 329-333,
nous proposerions de répartir ainsi les documents principaux relatifs à divers
membres de cette famille de Trajan à Antonin .
L. Gellius Menander honore ses amis les procurateurs d'Achaie C . Caelius
Sartialis,sous Trajan, et C . Ceriſalis ?), sous Hadrien (PIR ? C 670,675). Avec L .
Gellius Justus, qui est probablement son fils , il honore Cn. Cornelius Pulcher ,
futur archonte des Panhellènes (B . D . Meritt, Corinth VIII 1 , 82 et 83 ; cf. B .
Puech, « Grands prêtres et helladarques d'Achaïe », REA 85, 1983, p . 17-21).
En 127 (date consulaire ), L . Gellius Justus, fils deMénandros, est agonothète
des Caesarea de l’Isthme, et son homonyme, L . Gellius Justus filius) – très pro
bablement son fils - est hellanodice : W . R . Biers et D . J . Geagan , « A New List
of Victors in the Caesarea at Isthmia », Hesperia 39, 1970 , p. 79-93 et pl. 17-18,
amélioré par J. et L . Robert, Bull. épigr. 1971, nº 307. L 'inscription latine muti
lée A . B . West, Corinth VIII 2, n° 93 p . 77-79, peut concerner le même person
nage et la même agonothésie.
L . Gellius Menander et L . Gellius Justus f. honorent successivement L .
Antonius Albus, peut- être en 127/8, en tout cas avant 132 (Corinth VIII 3, 125,
corrigée par J. H . Oliver et D . J. Geagan, AJA 72, 1968, p. 156 -157, et W . Eck,
« Die Laufbahn des L . Antonius Albus, Suffektkonsulunter Hadrian », EpigrStud
9 , 1972 , p . 17 -23 et pl. 1), le consulaire et philosophe, gouverneur de Cappa
doce, leur ami et bienfaiteur L . Flavius Arrianus, entre 131 et 137 (Corinth VIII
3, 124, améliorée par G . W . Bowersock, art. cit., J. et L . Robert, Bull. épigr.
1968, 253; 1971, 304), et l' empereur Antonin , à la fin de 139 (CIL III 7269, ver
sion corrigée de III 501). Les deux noms étaient peut- être associés aussi dans
l'inscription très mutilée Corinth VIII 3 , 263 et pl. 23.
En 131 ou 135 peut-être (date consulaire mutilée), l'agonothète des Isthmia
était L . GelliosMenander, fils deMysticos (Corinth VIII 3, 223, avec les correc
G 12 GELLIUS PUBLICOLA 471
tions de L . Moretti, art. cit., et d ’ A . Spawforth , « The Appaleni of Corinth » ,
GRBS 15 , 1974, p . 295-297). Sa place exacte dans le stemmane peut être établie.
Pour le dédicataire des Entretiens, G . W . Bowersock avait proposé le nom de
Menander, J. H . Oliver celui de Justus.Aux arguments chronologiques invoqués
par ce dernier (vers 125 -130, date probable de publication des Entretiens, Justus,
comme Arrien , était dans son acmé), s' ajoute un argument stylistique : Arrien a
pu préférer l'ancienne forme républicaine du nom , malgré l'ambiguïté qu 'elle
comportait, en raison de la mode archaïsante qui régnait sous Hadrien et Anto
nin , mais surtout pour éviter le nom romain Justus, en accord avec son choix
stylistique d'atticiste (voir, sur ce point, H . Tonnet, Arrien de Nicomédie, sa per
sonnalité et ses écrits atticistes, 2 vol., Amsterdam 1988, passim ; en comparant
Périple 23, 4 , et Entretiens, I 11, 31, il donne aussi, t. I, p.63, un argument qui
ferait dater les Entretiens avant la mort d'Antinoos, octobre 130).
Pour les interprétations possibles de l' épître dédicatoire des Entretiens, voir
l'art. « Arrien » (PA 425) .
Omis dans RE.
SIMONE FOLLET.

12 GELLIUS PUBLICOLA (L . -) RE 17
Né vers 136a et mort vers 55a, L . Gellius Publicola accomplit une carrière
politique dont nous ne connaissons que quelques étapes; il fut préteur pérégrin
en 94a (cf. IG IX 483 = Dittenberger, Sylloge 327) et proconsul l'année suivante ,
en 93a. Consul en 72a,il participa à l'expédition contre Spartacus et à la guerre
contre les pirates. Il fut élu censeur en 70 ; partisan de Cicéron au moment de la
conjuration de Catilina, il propose de lui décerner une couronne civique (Aulu
Gelle., Noct. Att. V 6 , 15) et en 59a, il s 'oppose à César, alors consul. Cicéron
(Brut. 174) souligne la longueur de sa vie , en mentionnant qu 'il fut un orateur
qui n 'eut guère de succès.
Si la carrière politique de L . Gellius fut importante, son activité philosophique
est plus limitée. Elle se réduit à une réunion regroupant des philosophes à Athè
nes, en 939. Cette réunion est mentionnée dans le De legibus (I 20 , 53) par
Atticus qui déclare tenir cette affirmation de Phèdre, le philosophe épicurien . L .
Gellius convoqua tous les philosophes qui se trouvaient alors dans cette ville, les
réunit en un même lieu et leur recommanda vivement de mettre fin à leurs dis
sensions: « s 'ils avaient l'intention de ne pas passer leur vie en querelles, l'af
faire pouvait donner lieu à un accord, et en même temps, il leur promettait son
aide, si quelque accord pouvait se faire entre eux » . Pour Cicéron , il s'agit là
d 'une anecdote amusante, qui a donné lieu à de nombreuses plaisanteries. Elle ne
révèle pas les connaissances philosophiques de L . Gellius,mais son incapacité à
comprendre les différentes écoles et leurs thèses.
Cf. F. Münzer, art. « L . Gellius Poplicola » 17, RE VII 1, 1910 , col. 1001
1003, et RESuppl. III , 1918, col. 542.
MICHÈLE DUCOS.
472 GÉMINA G 13
13 GÉMINA RESuppl. XV : 2 M III
Une des femmes fort attachées à la philosophie qui étaient dévouées à Plotin
(Porphyre, Vie de Plotin 9 , 1- 2). C ' est chez elle qu'habitait Plotin . Sa fille
Gémina (> G 14) appartenait au même cercle .
H . D . Saffrey (« Pourquoi Porphyre a-t-il édité Plotin ? Réponse provisoire », dans Por
phyre, La Vie de Plotin, t. II, p. 32) pense qu 'il pourrait s 'agir d' Afinia M . F. Gemina
Baebiana, veuve de l'empereur Trébonien (cf. H .Dessau, ILS 527 = CIL XI 1927).
LUC BRISSON .

14 GÉMINA RESuppl.XV : 3 M III


Fille et homonyme (Porphyre, Vita Plotini 9 , 3) de la précédente .
LUC BRISSON .
15 GÉMINOS RE 1 ja ? IIP ?
Auteur, sans doute originaire de Rhodes, d'une introduction élémentaire à
l'astronomie intitulée (1) Eloaywyn eis tá Dalvóleva , « Introduction aux phé
nomènes (scil. de l'astronomie » ), et de quelques autres écrits perdus dont les
fragments conservés comprennent (2 ) un survol des mathématiques, ( 3) une
description du statut de l'optique, et (4 ) un abrégé desMeteorologica de Posido
nius d 'Apamée.
Datation. Nous ne disposons, concernant sa vie et sa datation, d 'aucun témoi
gnage externe. Une fourchette chronologique est fournie par le fait qu'il cite
Posidonius (ca 135-50 av. J.-C .) et est lui-même cité par Alexandre d ’Aphrodise
[PA 112) (fl. ca 200 ap. J.-C .). Toutes les autres tentatives pour fixer ces dates
de façon plus précise reposent essentiellement sur des conjectures. Voir 1 G .
Aujac ( édit.), Géminos, Introduction aux Phénomènes, Paris 1975, p. XIX -XXIV
(avec une bibliographie des études antérieures).
Appartenance philosophique. Géminos est généralement considéré comme
un stoïcien, mais son appartenance philosophique ne peut être déterminée qu 'à
partir de textes qui traitent d' astronomie , de mathématiques et de philosophie des
sciences ; ces textes rapprochent leur auteur d'une des composantes de l'héritage
de Posidonius plutôt que du stoïcisme dans son ensemble .
Études d 'orientation . Examen d'ensemble dans 2 M .C . P. Schmidt, « Philo
logische Beiträge zu griechischen Mathematikern » , Philologus 42, 1884 , p. 82
118 , et 45 , 1886 , p .63-81 et p . 278 -320 ; 3 K .Manitius, Gemini Elementa Astro
nomiae, Leipzig 1898 (réimpr. Stuttgart 1974), p. 237-252 ; 4 K . Tittel, art.
« Geminos» 1, RE VII 1, 1910, col. 1026 -1050 ; et Aujac 1, p. IX -XXIV . Nous
avons préparé pour le Catalogus Translationum et Commentariorum , vol. VIII,
une nouvelle étude qui prendra tout spécialement en considération les éditions et
les traductions de Géminus publiées à la Renaissance.
(1) L ' Introduction à l'astronomie
Éditions critiques.Manitius 3 et Aujac 1. L 'édition de G . Aujac a marqué un
progrès important par rapport à celle de Manitius, qui dépendait dans une trop
G 15 GÉMINOS 473

grande mesure des éditions antérieures. Il faut encore faire référence à l'édition
de Manitius, dans la mesure où l' édition Aujac est divisée en chapitres et en sec
tions, sans comporter de linéation .
Traductions. Hébraïque : Celle de Moïses b . Samuel ibn Tibbon (fl. 1240
1283) en 1246 était fondée sur une version arabe aujourd'hui perdue dans
laquelle l’Isagogè était présentée comme une introduction à l'astronomie par
Ptolémée (voir Manitius 3 , p . XXII ; Aujac 1, p. CIV -CV ) ; latine : Gérard de Cré
mone (ca 1170) à partir de l'arabe (voirManitius 3, p . XVIII-XXI, et p. 285-289;
Aujac 1, p . CV-CVIII) ; Abraham de Balmes (mort en 1523) d' après l'hébreu
(voir Manitius 3 , p .XXI-XXII ; un fragment est conservé à Milan , à la Biblio
thèque Ambrosienne, P 167 sup., fol.47 et 49) ; Thomas Saville (mort en 1593):
elle est conservée à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan , R 124 sup., fol. 1-48
et P 227 sup . fol. 6 -49) ; 5 Edo Hilderich ( 1533- 1599), Gemini De Apparentibus
Coelestibus, Altdorf 1590 ; Leiden 1603 ; il en existe une version révisée publiée
avec les éditions de Denys Petau (1583- 1652) dans 6 Uranologion, Paris 1630 ,
p . 1-70 ; 7 Opus de doctrina temporum , Antwerpen 1703, p . 1-39 ; et 8 Patrolo
gia Graeca, vol. XIX , p. 745 -867 ; française : 9 N . Halma, Chronologie de Pto
lémée, II, Paris 1819, p . 7 -88 ; Aujac 1 , p. 2 -113.
Commentaires. Manitius 3, p . 252-283 ; Aujac 1, p . 119- 168 .
Titre et genre littéraire. L 'opinion commune considère le traité de Géminus
comme une introduction aux phénomènes célestes telle que les étudie l'astro
nomie . Un point de vue différent a cependant été proposé par 10 F. Blass , De
Gemino et Posidonio, Kiel 1883, p. 8 , et relancé récemment, avec de nouveaux
arguments, par 11 R . Goulet, Cléomède, Théorie élémentaire , Paris 1980, p . 18
20 : l'Isagogè serait une introduction au poème astronomique d ' Aratus, Les Phé
nomènes. Goulet met également en évidence le caractère isagogique des traités
auxquels celui deGéminus se rattache.
Contenu. L 'Isagoge est un survol élémentaire de l'astronomie en dix-huit
chapitres. Il contient une description des signes du zodiaque (chap . 1 - 2), une liste
des constellations (chap. 3 ) et une explication des levers et des couchers des
étoiles (chap . 7 , 13 , 14). On y trouve également les exposés habituels sur la géo
graphie terrestre et céleste (chap. 4, 5, 15 , 16 ), les phases de la lune (chap . 9 ), les
éclipses de la lune et du soleil (chap. 10 et 11), ainsi que sur les variations dans
la durée des jours et desmois (chap . 6 et 8 ). L 'examen du mouvement planétaire
(chap. 12) reste élémentaire . Au chap. 17 , Géminus dénie aux astres toute
influence sur les prédictionsmétéorologiques. Enfin , au chap. 18, on trouve une
étude sur la constitution des calendriers.
On considère que le calendrier, ou parapegma, qui figure en appendice, est
emprunté à une source plus ancienne. Il fut mis à profit par Joseph Scaliger
(1540 - 1609) dans ses célèbres études chronologiques, et par d 'autres auteurs à sa
suite ; voirManitius 3 , p. 282- 283, et 12 A.Grafton, Joseph Scaliger : a study in
the history of classical scholarship , II: Historical Chronology, Oxford 1993,
p. 411-412 . Voir également, sur le calendrier : 13 B . L . Van der Waerden ,
474 GÉMINOS G15
« Greek Astronomical Calendars, V : The motion of the sun in the parapegma of
Geminos and in the Romaka-Siddhanta » , AHES 24, 1985, p . 231-239.
Pseudo-Géminus ? Le principal problème soulevé par l'Isagoge est le fait
qu 'il est d'un caractère beaucoup plus élémentaire que les autres textes attribués
à Géminus. La solution la plus radicale proposée pour expliquer cette divergence
est celle de 14 K . Reinhardt, Poseidonius, München 1921, p . 178 - 183. Selon lui,
le traité serait antérieur à Posidonius et son auteur serait un pseudo -Géminus
dont l'ouvrage aurait été classé par erreur avec les auvres d'un mathématicien
de plus haut niveau portant ce nom . Reinhardt a fait observer avec pertinence
l' absence de toute référence à Posidonius dans l’Isagogè, alors qu 'y sont cités à
plusieurs reprises des auteurs hellénistiques comme Cratès de Mallos (2C 203)
ou Pythéas de Marseille, qui avaient donné des versions populaires de la cosmo
logie et de la géographie. Les vues de Reinhardt ont trouvé un écho chez certains
auteurs, dont 15 W . Theiler, Poseidonios : Die Fragmente , Berlin 1982, t. II,
p . 134 et 155, mais elles sont d’un radicalisme exagéré. Rien n'empêchait
Géminus, peut-être pour des raisons professionnelles, de composer cet ouvrage
d' introduction , tout en poursuivant des études en mathématiques et en philo
sophie des sciences. On peut d'ailleurs relever, ainsi qu'il sera suggéré plus loin ,
des liens entre l'Isagoge et un passage de Géminus sur le statut de l'astronomie
qui abrège un développementde Posidonius.
La Sphère de Proclus. Aux Xve et Xviº siècles, quatre chapitres de l'Isagoge
de Géminus (dans l'ordre : les chap . IV , V , XV et III) circulèrent de façon sépa
rée comme étant La Sphère de Proclus, le néoplatonicien du ve siècle. Entre
1490 et 1620 parurent huit traductions latines et cinq traductions vernaculaires
de cet opuscule. La traduction de Thomas Linacre (ca 1460- 1524) connut plus de
quarante éditions. Même après la publication de l'ouvrage de Géminus, on
continua à croire que Proclus avait emprunté ces chapitres à Géminus, alors qu 'il
est aujourd'hui manifeste que ces chapitres n 'ont été séparés et attribués à Pro
clus qu 'au cours du XVe siècle. Une description des innombrables traductions
sera publiée dans notre article du Catalogus Translationum et Commentariorum ,
vol. VIII. Sur les manuscrits grecs et quelques-unes des premières éditions, voir
16 R . B . Todd, « The Manuscripts of the pseudo-Proclian Sphaera», RHT 23,
1993, p. 57-71.
(2 ) L ’abrégé mathématique
Dans son commentaire sur le premier livre d’Euclide, Proclus rapporte les
vues de Géminus sur les mathématiques en mettant à profit un abrégé aujour
d 'hui perdu. L 'ouvrage portait peut-être comme titre Táxis ou Oewpía tov
Madnuárwv (voir les titres donnés par Pappus, Collectio VIII 3, p . 1026, 8 -9
Hultsch, et Eutocius, Commentaria in Conica, p. 170, 24- 26 Heiberg). Cet
ouvrage devrait dépendre d'ouvrages perdus de Posidonius et Proclus a pu lui
emprunter ce qu'il connaît du stoïcien d'Apamée. Voir 17 É. Bréhier, « Posido
nius d ’Apamée, théoricien de la géométrie » , REG 27, 1914, p. 44 -58 .
L ' étude la plus complète sur les vestiges de Géminus chez Proclus reste celle
de 18 K . Tittel, De Gemini Stoici studiismathematicis quaestiones philologae,
G 15 GÉMINOS 475
Leipzig 1895. Voir également 19 P. Tannery , La géométrie grecque, Paris 1887,
chap . 1 et 3 ; 20 J. G . Van Pesch , De Procli fontibus, Leiden 1900 , p . 87- 113 ;
Tittel 4 , col. 1040 -1050 ; Aujac 1, p . LVII-LXIV ; et 21 G . Aujac, « Une source de
la pensée scientifique de Proclus : Géminos de Rhodes» , Diotima 4, 1976 , p . 47
52. Sur la possibilité que Géminus ait été connu par les Arabes, voir 22 P.
Tannery , « Le philosophe Aganis est-il identique à Géminus ?» , BiblMath , nou
velle série, 3 , 1901, p . 9 -11, repris dans ses Mémoires scientifiques publiés par
J.- L . Heiberg et H .-G . Zeuthen, t. III (Sciences exactes dans l'Antiquité),
Paris/Toulouse 1915, p . 37-41. La réponse négative donnée par Tannery à cette
question a été remise en cause par Tittel 4, col. 1039. Sur Aganis, voir DPHA A
29 a .
Le passage le plus important de cet ouvrage perdu est une classification des
sciencesmathématiques rapportée par Proclus, In primum Euclidis Elementorum
librum Commentaria, ed . J. Friedlein , Leipzig 1873, p. 38 , 1 - 42,8 . Le texte est
traduit en anglais dans 23 M . Cohen et I. Drabkin , A Source book in Greek
Science, Cambridge (Mass) 1958, p . 31- 35, et 24 G . Morrow , Proclus: A com
mentary on the first book of Euclid 's Elements, Princeton 1970, p. 31-35 ; en
français dans Tannery 19 , p . 39 -42, et Aujac 1, p . 114 -117 . On lit également
ailleurs chez Proclus des développements importants sur le statut des axiomes en
mathématiques.
( 3) Le fragment sur l'optique
Il s'agit d'un bref examen du statut de l'optique par rapport aux autres
sciences mathématiques, théoriques ou appliquées. Il est en général conservé,
sans indication de titre ou d 'auteur, comme un appendice dans les manuscrits du
traité d 'optique de Damianus ( D 6 ). La seule édition moderne se trouve dans
25 R . Schöne, Damianos Schrift über Optik, Berlin 1897, p. 23, 10 - 30 , 11, avec
traduction allemande. On relève des parallèlesmanifestes avec les fragments de
Géminus convervés par Proclus dans son commentaire sur Euclide (voir Schöne
25, p . 26, 2 ). D 'autre part, la distinction entre l' optique géométrique et la théorie
physique (p. 24 , 7-20 ), de même que la présentation des théories physiques
comme des hypothèses utilisées par l'optique (p . 24, 12 -13), rappellent des idées
exprimées par Géminus dans l'exposé des Météorologiques de Posidonius étudié
dans la section suivante .
(4 ) L 'abrégé des Météorologiques de Posidonius
Dans son commentaire sur la Physique d'Aristote, Simplicius cite, à travers
Alexandre d ’Aphrodise , un abrégé des Météorologiques de Posidonius par
Géminus (cf. 26 H . Diels (édit.), Simplicii in Aristotelis Physicorum Libros, coll.
CAG IX , Berlin 1882, p . 291,21- 292 ,31) . Le fait que ce passage est cité à
propos du développement d 'Aristote sur la classification des sciences dans la
Physique, II 2, 193 b 22 - 194 a 12, a conduit à penser que Posidonius avait
emprunté ses “points de départ” (ápopuai) aristotéliciens à cet ouvrage, ainsi
que Simplicius le suggère (In Phys., p . 291, 22-23; p . 292, 31). Cette conclusion
476 GÉMINOS G 15

a été contestée par 27 F . Sandbach , Aristotle and the Stoics, Cambridge 1985,
p .61; voir cependant 28 R . B . Todd, AncPhil 8, 1988, p . 307 -308.
Titre. L 'ouvrage de Géminus n 'était pas un simple abrégé de Posidonius,
mais un résuméinterprétatif. C 'est ce que montre clairement le passage de Sim
plicius (In Phys. p. 291, 21-22),une fois corrigé. Alexandre aurait cité une éELV
... £x tñs Étitouñs <tñs> tõv Tooelowvíov Metewpożoyixõv ŠEnyoews
TÒç å opuòç årò ’Aplototé ouç Raboữoav. C ' est H . Diels ( 26 ad loc.) et
auparavant 29 E .Martini, Quaestiones Posidonianae, Leipzig 1896 , p. 374, qui
ont proposé l'addition de tñs. Il semble préférable de considérer que enyoews
est un complément d'énitouñs, plutôt que de le faire dépendre de tàs ápopuds
comme le suggère 30 I.G . Kidd, Posidonius, t. II : The Commentary, 2 volumes,
Cambridge 1988, p . 129. Si l'abrégé de Géminus constituait ainsi une paraphrase
exégétique, il ne citait sans doute pas le texte de Posidonius de façon aussi litté
rale que Kidd 30, p . 129, le suppose.
Éditions critiques. Diels 26 , p . 291,22 -292, 31; Manitius 3 , p . 283-285 ;
Aujac 1, p. 110 -113 ; 31 L . Edelstein & I.G . Kidd (édit.), Posidonius, t. I: The
Fragments, 2e éd., Cambridge 1989, F 18, p. 44 -45 ; Theiler 15 F 255, vol. I,
p . 187- 188.
Traductions. Anglaises : 32 T . Heath, Aristarchus of Samos : the ancient
Copernicus, Oxford 1913, p . 275-276 , reprise dans Cohen et Drabkin 23, p. 90
91; 33 L . Edelstein, « The Philosophical System of Posidonius» , AJPh 57, 1936,
p. 319-320 ; 34 B . Fleet, Simplicius on Aristotle 's Physics 2, London 1997, p .47
48. Française :Aujac 1 , p. 110 -113 . Allemande : 35 B . L . Van der Waerden,
« Die gemeinsame Quelle der erkenntnis-theoretischen Abhandlungen von lam
blichos und Proklos» , SHAW 12 , 1980, p . 28-29 (partielle ); 36 Id., Die Astro
nomie der Griechen : eine Einführung, Darmstadt 1988, p. 118 -120.
Commentaires. Aujac 1 , p. L -LVII et p . 110 -113; Kidd 30, t. I, p. 129-136 ;
Theiler 15 , t. II, p. 134- 137. Le passage est commenté dans de nombreux ouvra
ges consacrés à Posidonius ou à la science antique. Importante analyse récente
situant le passage dans son contexte intellectuel ancien par 37 G . E . R . Lloyd ,
« Saving the Appearances» , CQ 28 , 1978, p . 202-222, notamment p . 212-214,
article réimpr. avec une introduction dans 38 Id., Methods and problems in
Greek science , Cambridge 1991, chap. XI, p . 248-277, notamment p . 265-268 .
Plus anciennement, Blass 10 avait suggéré que l'abrégé faisait originellement
partie de l'Isagoge de Géminus et qu'il en fut ultérieurement séparé. Sur cette
hypothèse trop compliquée , voir Tannery 2,chap. 2.
Analyse. Le passage constitue un document d' importance capitale pour l'his
toire de la philosophie des sciences chez les Grecs. Il présente l'astronomie
comme une science subalterne de la théorie physique et considère que les astro
nomes s 'égarent en essayant de formuler des hypothèses qui « sauvent les phé
nomènes » sans être fondées sur une théorie physique correcte. On peut se
demander si de telles conceptions jouent un rôle dans le reste de l'œuvre de
Géminus. Il est certain que la classification des sciences que ce passage propose
rappelle un thème rencontré à la fois dans le long fragment tiré de l'abrégé
G 16 GÉSSIOS 477
mathématique de Géminus et dans son fragment sur l'optique. Certains de ces
thèmes se reflètent également dans l'Isagoge.
En I 19 par exemple, Géminus fait référence à l'hypothèse formulée par les
astronomes pour expliquer le mouvement irrégulier des planètes en supposant
que toutes les planètes se meuvent à la même vitesse. Géminus laisse entendre
que la théorie physique enseigne au contraire que la vitesse des planètes diffère ,
ainsi que Cléomède ( C 162) le prétend (Caelestia II 1, li. 334-338 Todd). Les
deux auteurs semblent respecter le principe posidonien fondamental concernant
la suprématie de la théorie physique. Sur Cléomède, voir 39 R .B . Todd , « The
Stoics and their cosmology in the first and second century A . D . » , ANRW II 36 ,
3, 1989, p . 1368 -1369.
Demême, dans l’Isagogè XVI 2, le mouvement centripète des corps lourds
est dit expliquer pourquoi il existe sur une terre sphérique une zone antipode. Ce
principe de la physique était souvent invoqué pour expliquer la sphéricité de la
terre et du monde comme fondement de la théorie astronomique, notamment
chez Strabon , Géogr. II 5, 2 , un passage où l'on reconnaît généralement
l'influence de Posidonius (cf. Theiler 15 , t. II, p. 13- 14).
ROBERT B . TODD .
GENTILIANUS + AMELIUS GENTILIANUS
16 GES (S)IOSDE PÉTRA PLRE 11:3 V - VI
Iatrosophiste célèbre de l'époque de l'empereur Zénon (474 -491), disciple et
rival de Domnus le Juif. Il pratiqua et enseigna la médecine à Alexandrie
(Damascius, Vie d ' Isidore, fr. 335 ; trad. angl. par P. Athanassiadi, Damascius,
p. 291-293). D 'après Zacharie le Scholastique, De opificio mundi (col. 1060,
p. 107 Colonna), il avait étudié la philosophie sous la direction d'Ammonios
d'Alexandrie (2A 141), mort vers 520. Damascius (fr. 335 ) confirme qu 'il
s'était un peu intéressé à la philosophie , mais moins qu 'à la médecine. Il accu
mula des richesses considérables et obtint des Romains des distinctions excep
tionnelles. C 'est chez lui qu 'Héraïscos (MH 67), pourchassé par la police de
l'empereur Zénon, se cacha et mourut (Damascius, Vie d'Isidore , fr. 334 ). Il est
le destinataire de lettres de Procope de Gaza (Lettres 16 , 102, 122, 125, 16 éd.
L . M . Massa Positano , Napoli 1962). Il est cité comme médecin dans le Com
mentaire de Stéphanos d'Athènes sur Hippocrate , II 53, CMG XI 1, 3, 1, 1985 ,
p. 256 .
Gésios est l'un des personnages de l'Ammonius sive De opificio mundi de
Zacharie le Scholastique (PG 85, 1012 sqq.). A Béryte, l'auteur rapporte à un
élève d 'Ammonios de tendances païennes les échanges tenus à Alexandrie avec
Ammonios et le iatrosophiste Gésios.
Voir M . Minniti Colonna (édit.), Zacaria Scolastico. Ammonio . Introduzione, testo critico,
traduzione, commentario, Napoli 1973.
Selon Sophonius de Jérusalem (VII° siècle ), SS. Cyri et loannis miracula 30
(“ De Gesio iatrosophista” ) (texte grec et traduction latine dans A . Mai, Spicile
gium Romanum , Roma 1835-1844, t. III, 303-318),malgré son baptême,Gésios
478 GESSIOS G 16
serait resté secrètementpaïen et aurait ridiculisé lesmiracles opérés par les saints
Cyrus et Jean en montrant qu'ilsmettaient en cause des pratiques médicales déjà
recommandées par Hippocrate et Galien ,mais se serait vraiment converti après
avoir été miraculeusement guéri par les deux saints à Ménuthis près d'Alexan
drie .
Selon Étienne de Byzance, Ethnica , p. 200, 7, le nom deGésios, o neplbavns
tāv iatpūv ooplotńs, viendrait deGéa , une ville proche de Pétra .
Pour les autres détails de sa carrière, on se reportera à la notice de la PLRE II.
Cf. W . Schmid , art. « Gessios » , RE VII 1, 1910, col. 1324 .
RICHARD GOULET.
17 GÉTIANUS (Taltlavóc)
Dédicataire, selon Photius, Bibl. cod. 151, du lexique platonicien conservé de
Timée (antérieur à la fin du ve siècle ). Voir l'édition de K . F . Hermann , Platonis
dialogi secundum Thrasylli tetralogias dispositi, coll. BT, vol. 6 , Leipzig, 1853,
p. 397-408.
RICHARD GOULET.
18 GLAUCIAS (Taavxlaç) RE 8 (+ Suppl. III) DIIa
Célèbre médecin de l' école empirique. Aucun document n'atteste qu'il ait été
en relations avec la tradition philosophique du scepticisme pyrrhonien , ce qui
pourrait confirmer indirectement l'indication deMénodote de Nicomédie (cité
par Diogène Laërce IX 115) d 'après laquelle cette tradition avait subi une longue
éclipse après la mort de Timon de Phlionte .
Sources anciennes rassemblées par 1 K . Deichgräber, Die griechische Empi
rikerschule, Berlin 1930 ; réimpr. augmentée, Berlin /Zürich 1965, fr. 4, 7c, 10b
(Galien, Subfiguratio empirica, p . 83, 23), 154- 163 (p . 168-170 ). Cf. aussi
p . 257-258 et Zusätze , p. 407, 19; 409, 35; 413, 38 ;417,6 ;418, 13.
Informations biographiques. Glaucias est mentionné non dans toutes, mais
dans plusieurs listes de médecins empiriques.
(1) Celsus, Prooemium 10, p. 18 , 23 sq. Marx (CML I) (= fr. 4 Deichgräber] :
Sérapion (d'Alexandrie ) est le premiermédecin qui ait professé que l'enseigne
ment rationnel n 'a rien à voir avec la médecine, et que celle-ci réside seulement
dans l'usage et l'expérience. « A sa suite , Apollonius (= A 270) et Glaucias, un
peu plus tard Héraclide de Tarente ( + H 58) et quelques autres non négligeables
se sont appelés “ empiriques" à partir de cette profession de foi» .
( 2 ) (Galien ] Eloaywyn ñ latpós, XIV 683, 11 K . ( = fr. 6 Deichgräber): le
premier médecin empirique est Philinos de Cos, qui s' écarta de l'école rationa
liste après avoir été l' élève d'Hérophile, bien que certains, voulant établir l'anté
riorité de l'école empirique, la fassent remonter jusqu 'à Acron d’Agrigente
( A 14 ). (Galien ) mentionne ensuite Sérapion d'Alexandrie, les deux Apollo
nios d ’Antioche, père et fils (P- A 270 et 271),Ménodote et Sextus (Empiricus),
mais non Glaucias.
G 18 GLAUCIAS 479
( 3) Cod. Hauniensis Lat. 1653 f. 73' (= fr. 7c Deichgräber) : mentionne
comme médecins empiriques Sérapion , Héraclide, Glaucias,Ménodote , Teudas
(= Théodas ) et Théodose .
(4 ) Galien, OepaTEUTLXN MÉDodoç, X 142, 13 [ = fr. 32E Deichgräber, p. 114,
28 ] cite les médecins empiriquesMénodote , Sarapion (ms. A ), Théodas, Glau
cias, Apollonius ( A 270 ), Calliclès (non mentionné dans DPhA II ; son identi
fication avec l'Académicien Calliclès de Larisse (> C 18) est refusée par
Deichgräber , p. 353), Diodore (non mentionné dans DPHA II), Héraclide, Lycos.
Mais cette liste sert d 'exemple dans la discussion d 'un problème de logique ; elle
n'a certainementpas de prétentions chronologiques.
(5 ) Galien , Subfiguratio empirica XI (= fr. 10b Deichgräber, p . 83, 23 , qui
édite la version latine médiévale , seule conservée , et sa propre rétroversion en
grec ; traduction anglaise dans 2 R . Walzer et M . Frede, Galen - Three Treatises
on the Nature of Science, Indianapolis 1985, p. 43), estime que les médecins
empiriques auraient dû imiter l' attitude modeste et pragmatique de Pyrrhon,
méfiant à l'égard des arguments dialectiques, et se contenter,commeHippocrate
( » H 152 ), demanifester leurs talents thérapeutiques par des actes et par l'obser
vation des signes dans le diagnostic et le pronostic . « C 'est en faisant tout cela ,
ajoute Galien, qu'Hippocrate acquit parmi tous ses contemporains la réputation
d'un Asclépius, et non, par Zeus, en élaborant le discours Par trois <moyens>
(per tria sermo, ó Alà tplőv Nóyos), comme Sérapion, ni le Trépied (tripos, ó
Tpinous ), comme Glaucias, ni en écrivant des livres de dizaines de milliers de
mots, que l'on divise encore soi-même en deux parties de façon que chacune se
suffise à elle -même, comme Ménodote » .
La date de Glaucias a été fixée par Deichgräber (p. 168) vers 1754, à partir de
celles d'Apollonius le père (» A 270 ), son contemporain , de Sérapion (vers
2259) qui le précède, et d 'Héraclide de Tarente (situé par Deichgräber vers 75a,
mais cette date est discutée, cf. la notice qui lui est consacrée [ H 58), ainsi que
celle sur Héraclide maître d'Énésidème (» H 54]) qui le suit. Cf. aussi 3 H .
Gossen , art. «Glaukias» ,RESuppl. III, 1918 ,col. 785.
Deichgräber (1 , p. 168) appelle Glaucias " Glaucias de Tarente” , comme à sa
suite beaucoup d'auteurs postérieurs; mais aucun des documents qu 'il cite dans
son livre , sauf erreur, ne faitmention d 'une telle origine. Il s'agit peut-être d'une
confusion avec le grand médecin empirique Héraclide de Tarente ( souvent dési
gné par les sources du seul nom de " Tarentin ”, cf. Deichgräber 1, p. 356 ), ou
d 'une extrapolation à partir du cas d 'Héraclide .
Euvres. Glaucias est l'un des plus anciens auteurs qui se soient préoccupés
d'expliquer les mots et les expressions d'Hippocrate : il en avait composé un
volumineux glossaire, disposé par ordre alphabétique etdonnant les contextes et
les références (Érotien p . 4 , 21 et 8 , 5 = fr. 311 et 311a Deichgräber; Galien, Sur
les Épidémies d 'Hippocrate II 2 , 20 = fr. 337 B Deichgräber). Quelques échan
tillons de ses gloses ont été préservés ( fr. 313, 318, 324, 326 , 333, 349, 364
Deichgräber). Cf. 4 M . Wellmann, Hippokratesglossare , Berlin 1931, p . 10 et
14 -17.
480 GLAUCIAS G 18

Glaucias avait été aussi l'un des plus anciens commentateurs du Livre VI des
Épidémies d 'Hippocrate (Galien , Sur les Épidémies d 'Hippocrate VI,t.XVII A ,
p . 793, 4 K . = fr. 350 Deichgräber) ; nous avons gardé quelques échantillons de
son commentaire (fr. 354, 356 , 361 Deichgräber).
On lui attribue des inventions pour le pansement de la tête (fr. 155 -156
Deichgräber), des recherches sur les plantes médicinales et des préceptes diété
tiques (fr. 157 - 163 Deichgräber; le fr. 163 se réfère à un certain Glaucidès,mais
celui-ci, de l'avis de tous les spécialistes,n 'est autre queGlaucias ).
L ' ouvrage de Glaucias dont la perte est la plus regrettable, du point de vue
philosophique, est certainement le Trépied, que le contexte de sa mention chez
Galien ( ci -dessus, n° 5) incite à considérer comme un livre de caractère théo
rique etméthodologique. Deux points sont à considérer ici séparément: le titre
lui-même et le contenu probable de l'ouvrage.
Avec ses connotations delphiques, le symbole du trépied se prêtait aisément à
illustrer le thème de l'accès à la sagesse et à la vérité ( cf. Diogène Laërce I 27
28 ) ; ce symbolisme a perduré jusqu 'au Tripos de l'Université de Cambridge .
Bien antérieurement à Glaucias, nous savons (cf. Diogène Laërce X 14 ) qu'un
ouvrage portant le même titre avait été composé par Nausiphane de Téos, philo
sophe démocritéen qui avait été l' élève de Pyrrhon, et dont Épicure (» E 36 ) fut
l'auditeur avantde lui vouer une haine violente (témoignages et fragments dans
DK II 75, p. 246 -250). Plus généralement, le nombre 3 (dont la “ perfection" était
exaltée par la tradition pythagoricienne et platonicienne, cf. le Tplayuós d ’lon
de Chio ,DK 36 A 1, A6, B 1 ; Platon Timée 31 b -c ; Aristote Du Ciel 268 a 6
sq.) semble avoir servi d 'emblème, dans la tradition démocritéenne, à des écrits
et à des doctrines de caractère méthodologique (" canonique" ), comme on va le
voir .
Le symbole du trépied pouvait cependant illustrer les contenus les plus divers,
comme le montre un passage de Plutarque, De E ap. Delph., 387 b-c, où le syl
logisme (en fait, le " premier indémontrable” stoïcien , modus ponendo ponens,
avec ses deux prémisses et sa conclusion ) est appelé " le trépied de la vérité ” . En
ce qui concerne le Trépied de Glaucias, il est hautement vraisemblable que les
trois jambes en étaient les trois sources de l' expérience médicale selon les empi
riques , à savoir l'observation personnelle ou de propre vue (aŭtovía ), l'étude
critique des témoignages (iotopla ) et le "passage du semblable <au semblable> ”
( ń toũ óuolov Metábaolc ), qui autorise à effectuer des inférences d 'un cas
observé à un cas semblable (cf. 5 V . Brochard , Les sceptiques grecs, Paris 1887,
2e éd., Paris 1923, p . 369 ; Gossen 3, col. 785 ; Deichgräber 1, p . 258 ; 6 M . Dal
Pra , Lo scetticismo greco, 2e éd. revue, Roma/Bari 1975, vol. II, p . 438-439 ;
7 Ph. Mudry, La Préface du DeMedicina de Celse, Rome 1982, p. 113). S 'il est
vraisemblable que la systématisation la plus rigoureuse de cette méthodologie
soit due à Ménodote de Nicomédie (vers 125), elle avait sans doute été mise en
place, antérieurement à Glaucias lui-même, par Sérapion (donné par Celse
comme le premier théoricien de l' empirisme médical, cf. ci- dessus nº 1) dans
son discours Par trois <moyens> , peut-être ainsi nommé d 'après ses premiers
G 18 GLAUCIAS 481
mots ; ce qui n 'exclut pas l'hypothèse (Deichgräber 1, p. 258 n . 2) d'un clin
d 'ail à l'aphorisme d'Hippocrate (Epid . I 11): « l'art <médical> passe par trois
<points> (ń téxin ôlà tpc@ v): lamaladie , lemalade et lemédecin » .
La similitude de titre entre l'ouvrage de Glaucias et celui de Nausiphane a
incité quelques interprètes à croire que la méthodologie tripartite des empiriques
était déjà l'objet du Trépied de Nausiphane (cf. Brochard 5 , p. 370 -371, qui
relève jusque chez Aristote des prodromes de cette méthode ; 8 Ph. et E . De Lacy
(édit.), Philodemus – On Methods of Inference, Napoli 1978, p . 174) ; cet ouvra
ge serait ainsi la source commune de la méthode des empiriques et de celle , à
certains égards très voisine, d'un épicurien comme Zénon de Sidon (mais
Brochard ne remarque pas que ce dernier, né vers 150a, étant postérieur à Glau
cias, pourrait avoir été influencé par lui, ou encore par Sérapion ).
Sans entrer ici dans le détail d'une question controversée, on peut noter que la
principale hypothèse concurrente (« au moins aussi vraisemblable » que la précé
dente selon 9 E . Asmis, Epicurus' Scientific Method , Ithaca 1984, p. 338 n . 4)
est que le Trépied de Nausiphane ait exposé une théorie pré -épicurienne des trois
critères de vérité (sensation , prénotion , affect), théorie dont les trois éléments ne
se superposent nullement, nidans leur nature ni dans leur fonction , à ceux du tri
nôme des empiristes. Selon Diogène Laërce X 14, Ariston (de Céos ? » A 396 )
aurait dit, dans sa Vie d 'Epicure , que ce dernier avait écrit son Canon à partir
( ěx ) du Trépied de Nausiphane; il est vrai que la phrase de Diogène est lourde
ment corrigée par diverses conjectures, cf. la discussion dans 10 A . Laks,
« Édition critique et commentée de la “ Vie d 'Épicure" dans Diogène Laërce (X ,
1-34) » , Cahiers de Philologie 1, 1976 , p. 16 et 75 -76 . De plus, si l'on en croyait
l'information hautement suspecte du démocritéen Diotime (de Tyr, » D 208 ),
transmise par Sextus Empiricus, A . M . VII 140 , Démocrite aurait déjà professé
une théorie des trois critères qui coïncide en substance avec celle du Canon
d'Épicure (cf. la discussion de ce passage par 11 G . Striker, « Kputplov tñs
åandeias » , NAWG 2 , 1974, p. 58, et en traduction anglaise dans Essays on
Hellenistic Epistemology and Ethics, Cambridge 1996 , p. 28 -29). Si l'on ajoute à
cela que parmi les ouvrages de Démocrite figurait (Diogène Laërce IX 47) un
traité en trois livres intitulé Sur les questions logiques < ou > Canon , traité cité
deux fois par Sextus Empiricus (A . M . VII 138-139 et VIII 327) , on peut être
tenté de supposer que le Canon d 'Épicure descendait en droite ligne, via Nausi
phane, de Démocrite lui-même. Mais il faut reconnaître que cette hypothèse
repose sur une accumulation d ' indices très faibles. Si l'on considère, par exem
ple , les extraits de la Rhétorique de Philodème portant sur la polémique menée
contre Nausiphane par Métrodore de Lampsaque, l'ami d'Épicure (DK 75 B 1
2 ), on constate d'abord que rien n 'indique explicitement que les renseignements
concernant la pensée de Nausiphane proviennent de son Trépied (Diels et Kranz
n 'expliquentnulle part, sauf erreur, pourquoi ils les classent comme des “ frag
ments” tirés de cet ouvrage) ; on constate ensuite que, dans le cas où ces frag
ments en proviendraient, ils inviteraient plutôt à voir dans le titre du Trépied une
allusion à trois compétences (la science de la nature, la politique et la rhétorique)
482 GLAUCIAS G 18
que Nausiphane recommandait d 'acquérir solidairement (comme le suggèrent au
moins implicitement 12 F . Longo Auricchio et A . Tepedino Guerra, « Per un rie
same della polemica epicurea contro Nausifane» , dans F .Romano (édit.],Demo
crito e l'atomismo antico, Catania 1980, p. 470). On notera que 13 K . von Fritz,
art. « Nausiphanes» , RE XVI 2 , 1935, col. 2021-2027, ne tentait pas de donner
un contenu précis au Trépied et ne semblait pas considérer que cet ouvrage fût la
source des informations données par Philodème.
Si d 'aussi grandes incertitudes entourent le Trépied de Nausiphane, il semble ,
à plus forte raison , qu'il convienne d 'être extrêmement prudent à l'égard de
l'ouvrage homonyme de Glaucias. On peut être raisonnablement certain que la
méthodologie tripartite desmédecins empiriques y était exposée , sous une forme
plus ou moins élaborée ;mais,même en admettant que cette méthodologie ne
soit pas née de rien, on se gardera d'affirmer qu' elle avait eu des précédents
systématiques chez les philosophes, et on hésitera à rattacher le médecin Glau
cias lui-même à une filiation philosophique déterminée, qu'elle ait été démocri
téenne, épicurienne ou pyrrhonienne.
JACQUES BRUNSCHWIG .
19 GLAUCIAS
Personnage fictif, fils d 'un certain Alexiclès et disciple du péripatéticien
Cléodème (2°C 159), dans le dialogue satirique de Lucien, Philopseudès 14 . A
sa demande, un mage hyperboréen lui aurait livré pour une nuit Chrysis, femme
de Dèméas. Selon Cléodème qui lui servait de Oldaoxaroc tpos toùc nóyous,
sans cette aventure amoureuse , qui le détourna des études,Glaucias aurait connu
toutes les doctines du Péripatos, car à dix-huit ans il avait déjà achevé la Phy
sique ( Duolxnv åxpóaoiv ).
RICHARD GOULET.
20 GLAUCON DM II
Médecin et philosophe contemporain de Galien de Pergame ( G 3) .
Ce personnage est apparemment absent de la RE.
A . Sources. Ce personnage ne nous est connu que par le témoignage de
Galien , qui lui a dédicacé un de ses ouvrages, le Ad Glauconem de methodo
medendi (t. XI, p . 1- 146 Kühn). Galien désigne en plusieurs endroits Glaucon
comme philosophe (Tm raúxwvl TÕ ploooow , De libris propriis 4 : t. XIX ,
p . 31, 12 -13 K .; únóraúxwvOS TOŨ Olooódov, De locis affectis V 8 : t. VIII,
p. 361, 13 K .),mais en réalité, tout comme Galien lui-même, Glaucon était à la
foismédecin et philosophe.
Pline l'Ancien, dans son Histoire naturelle XXII 57, cite à côté d'Hippocrate (2H 152) et
de Nicandre un troisième médecin du nom de Glaucon (RE 9 ). Ce Glaucon est seulement
connu de Pline pour avoir loué les vertus nutritives du bupleuron (Boúnavpov). Rien donc ne
permet d 'affirmer, en l'absence d 'autre précision , qu 'il s'agit dans les deux cas du même
personnage. (La chronologie l'interdit même, puisque Pline est mort en 79 et que Galien a
rencontré Glaucon à Rome en 162. S. F.)
G 20 GLAUCON 483
B. Biographie. Le médecin de Pergame semble avoir fait la connaissance de
Glaucon lors de son premier séjour à Rome. Dans le De locis affectis V 8
(t. VIII, p . 361-366 K .), Galien raconte en effet comment il fut amené, à la
demandemême de Glaucon, à soigner un de ses malades, un médecin sicilien .
Ayant rencontré Galien dans la rue, Glaucon l'arrêta pour lui faire part de son
admiration. Il avait entendu parler des diagnostics et des prévisions auxquels
Galien excellait tout particulièrement, et non pas pour le mettre à l'épreuve, mais
pour bénéficier de la démonstration d 'un tel savoir- faire, il invita Galien à
l'accompagner chez lemédecin sicilien. Arrivé sur place,Galien observe tous les
détails de la vie quotidienne et de l'activité de la maison susceptibles d 'orienter
et étayer son diagnostic . Et sans informer Glaucon sur les indices ainsi rassem
blés, sans s'interdire au besoin de recourir à quelque stratagème, il n 'hésite pas à
présenter son diagnostic comme issu de sa seule réflexion personnelle, suscitant
de la part de Glaucon la plus vive admiration . Après cet épisode, Glaucon
semble manifestement être resté lié à Galien , et mêmeavoir suivi ses cours et ses
conférences, si l'on en croit certaines allusions dans le Ad Glauconem de
methodo medendi.
Lors du second séjour de Galien à Rome, sous le règne de Marc -Aurèle , et
alors que le médecin de Pergame travaillait à son grand traité en quatorze livres
sur la méthode thérapeutique, le De methodo medendi(t. X , p. 1- 1021 K .), Glau
con , qui se préparait à partir pour un long voyage à l' étranger , le pria de rédiger
à son intention un aperçu de sa méthode thérapeutique. Galien composa alors un
plus court traité en deux livres qu 'il dédicaça à son amiGlaucon et intitula Ad
Glauconem de methodo medendi (t. XI, p. 1-146 K .). Le premier livre de cet
ouvrage, consacré à l' exposé des aspects fondamentaux de la méthode thérapeu
tique , porte principalement sur le diagnostic et le traitement des fièvres, tandis
que le second traite des inflammations et des humeurs. Galien se réfère à plu
sieurs reprises dans ses autres écrits à cet abrégé de sa méthode thérapeutique
(voir De crisibus II 13 : t. IX , p . 696 K ., et De libris propriis 4 : t. XIX , p . 31, 1
et 15 K .; il convient de rejeter comme suspects les passages empruntés au De
remediis parabilibus I 16 et 17 du Pseudo-Galien : t. XIV , p . 384 , 13 et 389, 3
K .) .
Le philosophe platonicien . Les seuls renseignements un peu précis dont
nous puissions disposer à propos de Glaucon nous sont fournis par le Ad Glau
conem et consistent en quelques allusions plus ou moins développées. On
apprend ainsi à la lecture de ce traité que Glaucon était formé à l' étude de la phi
losophie platonicienne. Exposant en effet ce qu'il faut entendre par « méthode
analytique» , Galien s'interrompt pour adresser ces mots à Glaucon : « Cela me
suffit pour te faire comprendre, en peu de mots, ce que je veux démontrer. Il
serait ridicule de prétendre t' enseigner ce que tu sais depuis si longtemps, pour
l' avoir appris de Platon » (napà Giátwvos aútà nárai ueuaOnxóta, A d
Glauconem de methodo medendi I 1 : t. XI, p . 4 K .).
Le médecin disciple de Galien . Glaucon paraît surtout avoir assidûment
suivi l'enseignement de Galien. C 'est du moins ce que l'on peut conclure d'une
484 GLAUCON G 20
allusion au traitement des ædèmes que Glaucon est supposé bien connaître pour
en avoir entendu exposer les principes de la bouche même de Galien (nxovoas
nuõv deyóvtwv, Ibid . II 4 : t. XI, p . 101 K .).Le médecin de Pergame prend éga
lement la peine de rappeler à Glaucon le contenu de certains entretiens qu 'il eut
en sa présence avec certains de ses collègues rassemblés au chevet d 'un malade
commun ( διό νύν αναμνήσαι σε προσήκει των ρηθέντων ημίν προς αλλή
houç, Ibid . II 6 : t. XI, p. 105 K .). Cela laisse supposer que Glaucon accompagna
également Galien au cours de ses visites, comme c'était l'usage pour les disci
ples d 'un médecin . Il put donc observer son maître dans la pratique de son art et
eutmême à maintes reprises l'occasion de le voir procéder à certains traitements
delicats comme celui des ulceres fistuleux (της τούτου θεραπείας ην εθεάσω
Me toráxis eni torby troinoQuevov, Ibid . II 10 : t. XI, p. 125 K .; voir aussi
t. XI, p . 128 K .). Glaucon suivit également l'enseignement de Galien sur les
médicaments (Ibid . II 9 : t. XI, p. 124 K .) et devait quitter Romemuni des remè
des que Galien lui avait remis et dont la liste est dressée à la fin du traité (Ibid . II
13 : t. XI, p. 144-145 K .). Le domaine de la thérapeutique paraît être celui qui
retint le plus l' attention de Glaucon, puisque Galien lui fit la promesse, lorsqu 'il
les aurait achevés, de lui remettre un exemplaire de ses ouvrages Sur les
médicaments selon les genres et Sur les lieux affectés. Pour finir Galien se décla
re même prêt , au cas où Glaucon se trouverait retenu au dehors plus longtemps, à
lui envoyer sans tarder, comme au plus fidèle de ses disciples, chacun de ses
écrits (Ibid . II 13 :t. XI, p . 146 K .).
VÉRONIQUE BOUDON.
21 GLAUCON D ’ATHÈNES RE7 fya
Glaucon , du dème de Collytos, était le fils d 'Ariston et de Périctioné . Il avait
pour frères Adimante (* A 23) et Platon (Apol. 33 e -34 a ), pour sæur Potonè , et
pour demi- frère Antiphon , le fils de Pyrilampès (Parménide 126 a - 127 a), le
second époux de Périctionè (cf. l'arbre généalogique, s. v. « Adimante d 'Athè
nes » , DPhA I, p . 55). S 'il est réel, le combat évoqué en République II, 368 a
pourrait être celui livré à Nisaia contre les Mégariens (Diodore XIII 65) ; et
l'amoureux quiaurait composé l' élégie célébrant ce haut-fait pourrait être Critias
(B + C 216 ). Glaucon doit avoir dans les vingt ans, lorsque Socrate (Xénophon ,
Mémorables III 6) tente de le dissuader de se consacrer aux affaires publiques.
Pour une description de la répartition et de la nature des interventions d’Adi
mante et de Glaucon dans la République, voir A . Diès (édit.), Platon , Répu
blique, texte établi et traduit par É. Chambry, CUF, Paris 1932, Introduction
p . XXII sq. Glaucon est présent lors du procès de Socrate (Apol. 33 e -34 a ). Le
caractère de Glaucon apparaît à travers ses interventions dans la République. Il
est moins pénétrant qu'Adimante, il voitmoins bien les lacunes du raisonnement
et il fait des objectionsmoins graves. Glaucon est hardi et combatif (III, 357 a),
il s'intéresse à la musique (III, 398 e), c 'est un amateur de chiens de chasse et
d 'oiseaux de race (V , 459 a ), il est porté à l'amour ( V , 474 d ), ambitieux, mais
de façon noble, et c 'est un amidu bien dire (VIII, 548 e ).
G 25 GNAEUS 485
Au début du Parménide, Adimante et Glaucon amènent Céphale de Clazo
mènes ( C 78) chez leur demi- frère Antiphon ( A 210 ) pour qu 'il lui relate
l'entretien , connu grâce à Pythodoros, qui avait réuni Socrate , Zénon et Parmé
nide (Parm . 126 a -127 d).
C 'est à ce Glaucon que Diogène Laërce ( II 124 ) attribue plusieurs titres de
dialogues ; il considère que 9 sont authentiques et que 32 ne le sont pas. Il cite :
Pheidylos, Euripide, Amyntichos, Euthias, Lysitheidès, Aristophane, Céphalos,
Anaxiphème,Ménéxène.
Cf. (P.Natorp ), art. «Glaucon » 7,RE VII 1, 1910 , col. 1402- 1403.
LUC BRISSON .
22 GLAUCOS VII
En réaction contre la tendance dominante à son époque, le médecin Glaucos
estimait que dans la pratique de son art il n 'y avait pas de place pour la philoso
phie . L 'agressivité avec laquelle il soutient sa position donne lieu à une rapide
caricature dans le De tuenda sanitate de Plutarque (122 b -c).
BERNADETTE PUECH .

23 GLAUCOS ( T . FLAVIUS -) DE MARATHON PIR ? F 281 II/III


Arrière -petit- fils du stoïcien Statius Sarapion et fils de Glaucos de Marathon ,
hiérophante , le poète , rhéteur et philosophe Titus Flavius Glaucos, de Marathon
(IG II2 3704), était peut-être lui-même platonicien, comme son oncle le sophiste
T. Flavius Callaischros ( C 13). Les quelques épigrammes de sa composition
conservées par les inscriptions ( IG II² 3632, 3661, 3662, 3709, (3811 ?) ; 1.Olym
pia 457) et l'Anthologie Palatine (IX 774, 775 ; App. 111) ne permettent guère
d' en décider. Sur ces poèmes, voir E . Bowie, « Greek Sophists and Greek Poetry
in the Second Sophistic » , ANRW II 33, 1, 1989, p . 236 -244 . Voir aussi J. H .
Oliver, « Two Athenian poets » , Hesperia Suppl. 8, 1949, p. 243-258.
BERNADETTE PUECH.
24 GLYCINOS DE MÉTAPONTE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p . 144, 8 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
GLYCON LYCON
25 GNAEUS RE 95 ja
Dédicataire au moins du livre IV de la Poétique de Philodème (PHerc. 207 ,
fr. 8a 8 , p . 315 Sbordone : Tvate ). Il était membre probablement de la famille des
Pisones. F . Sbordone, Il quarto libro del nepi noinuárwv di Filodemo, Napoli
1969, p . 345, a proposé de l'identifier avec Cn. Calpurnius Piso, Cn . f. Cn. n . (cf.
F. Münzer, art. « Calpurnius» 95, RE III 1, 1897, col. 1391-1392) .
TIZIANO DORANDI.
486 GORGIADAS G 26
GONIOPOUS → ZEUXIS
26 GORGIADAS
Claudien Mamert, De statu an. II 7, mentionne un Gorgiadès parmi les pytha
goriciens qui auraient soutenu par écrit la doctrine de l' incorporéité de l'âme. Il
n 'y a pas de raison de penser qu'il existait un écrit pseudépigraphe portant le
nom de Gorgiadès selon 1 H . Thesleff, An Introduction to the Pythagorean wri
tings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p. 120-121; il s'agirait plutôt d 'une
généralisation opérée par Claudien à partir d 'une liste de pythagoriciens.
Boeckh a proposé de lire Copyládav chez Jamblique, V. pyth. 36 , 265,
p . 142, 21, là où Deubner et Klein ont raptúdav. Voir l' apparat critique de
l' édition Deubner -Klein . 2 P . Corssen , « Die Sprengung des pythagoreischen
Bundes» , Philologus 71, 1912, p. 332-352, notamment p . 349, propose en fait de
lire Gartydas (MG 7 ) chez Jamblique et Gorgiadès dans le passage de Claudien .
BRUNO CENTRONE.
27 GORGIAS
Dans deux vers anonymes de l'Anthologie Palatine VII 134, on peut lire :
« C 'est ici que je repose, moi la tête de Gorgias le cynique ; pour toujours j'ai
cessé ... de cracher et de me moucher» (trad. S. Follet). Cf. S . Follet, « Les
Cyniques dans la poésie épigrammatique à l' époque impériale » , dans M .- 0 .
Goulet-Cazé et R . Goulet (édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements, Paris,
1993, p . 372.
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
28 GORGIAS DE LEONTINOI RE 8 V - IV
Désigné par Philostrate comme le « père » de la sophistique (V . Soph. I 9 , 1) ,
Gorgias est d'après la Souda un orateur. On trouve déjà la même ambiguïté chez
Platon , qui, dans l'Hippias Majeur (282 b ), le désigne comme « le sophiste de
Léontini» mais, dans le Gorgias (449 a), lui fait revendiquer l'appellation d 'ora
teur .
Gorgias est absent de la réunion des sophistes qui sert de cadre au Protago
ras ; d 'une réponse de Ménon dans le dialogue du même nom (Men . 95 c ), il res
sort que Gorgias tournait en dérision les sophistes qui se donnaient pourmaîtres
de vertu , lui-mêmene se proposant que de rendre les gens « habiles » (PELVOÚc).
Il ne faut cependant pas en conclure trop vite que Platon ne comptait pas Gorgias
parmi les sophistes, car non seulement dans le Gorgias Socrate lui fait admettre
l'impossibilité d ' être orateur sans connaître la justice et donc sans être juste , et
par conséquent la nécessité que les deux s'enseignent ensemble (Grg. 460 a -
461 a), mais il conteste aussi par deux fois qu 'il y ait une différence entre
sophistes et rhéteurs (Grg . 465 c, 520 a ).
De la biographie de Gorgias, une date est connue avec certitude : en 427a, il
conduisit l'ambassade de sa cité venue demander contre sa voisine Syracuse
l'appui d 'Athènes. Unemission de cette importance ne pouvant, semble-t-il, être
confiée qu 'à un homme d 'âge mûr, on suppose que Gorgias avait à ce moment
G 28 GORGIAS DE LEONTINOI 487
atteint la quarantaine, ce qui situe sa naissance vers 480 . Comme d 'autre part les
témoignages s'accordent à dire qu 'il vécut centenaire ou davantage, on date sa
mort des environs de 380a: contemporain de Socrate, il lui aurait survécu et
aurait donc également connu les débuts de Platon ; il aurait en particulier , selon
Athénée (Deipn. 505 d ), lu le Gorgias. Ce dernier dialogue, quimet en scène une
rencontre de Gorgias avec Socrate , suppose un séjour de Gorgias à Athènes
postérieur à son ambassade, tout comme celui qu'évoque le début du Ménon
(71 c ). Même si l'on ne peut accorder que peu de crédit à ces indications, quine
reposent que sur les dates dramatiques des dialogues platoniciens, il est certain
que Gorgias circula en Grèce continentale : Philostrate (V . Soph. I 9, 4 ) men
tionne un Discours pythique (= prononcé à Delphes) et un Discours olympique
(= prononcé à Olympie ). Il rapporte également (Ep. 73 = DK 82 A 35 ) que Gor
gias eut un succès tel auprès des Thessaliens que parler en public (ontopeúeLV)
se disait chez eux ropyláÇelv (« gorgianiser» ). Le début du Ménon (70 a-b) fait
également état d 'un séjour de Gorgias en Thessalie et du succès qu 'il y connut ;
là encore, les données chronologiques implicites dans ce passage placent ce
séjour en Thessalie à une date tardive dans la carrière de Gorgias, ce que confir
merait une tradition rapportée par Pausanias (VI 17, 9) selon laquelle Gorgias fut
en faveur auprès de Jason , tyran de Phères , dont le règne se situe approximati
vement de 380 à 370a : si cette tradition est exacte, elle confirme la longévité de
Gorgias et fait en même temps supposer qu 'il serait mort en Thessalie .
Plusieurs sources (Souda, ibid . et s. v. 'Euntedoxñs ; Diogène Laërce VIII 58 ;
Olympiodore, in Gorg. p. 8, 2 - 3 Westerink ; Scholia in Plat. Gorg. 465 d =
p. 140 Greene) font de Gorgias, qui était le frère d 'un médecin (Souda s. v.
Copyíac ; cf. Platon, Grg. 448 b), un élève d'Empédocle ( E 19). Son influence
sur l'éloquence et la prose attiques est attestée par de nombreuses sources: la
Souda ( s. v. Copylac) lui attribue pour disciples non seulement Isocrate (» I 38 ]
(cf. Cicéron , Caton 5 , 12 ; Quintilien , III 1 , 13) et Alcidamas (* * A 88) qui lui
aurait succédé en tant que chef d ' école (cf. DPHA I, p . 101), mais Périclès lui
même.
Si l'on tient 427a, date de l'ambassade de Gorgias à Athènes, pour celle de sa
première venue en Grèce continentale, cette dernière information, pourtant
transmise égalementpar Philostrate ( V. Soph . 19, 3) est nécessairement inexacte ,
Périclès étant déjà mort à cette date. Philostrate lui-même, cependant, précise
ailleurs (Ep. 73) que c 'est par l' intermédiaire d ’Aspasie de Milet (MA 460) que
Périclès aurait reçu l'influence du style de Gorgias. Or, sur la base de l'indica
tion donnée par lemême Philostrate (V . Soph . I 1), selon laquelle c'est en Thes
salie que Gorgias inaugura l'ancienne sophistique, on peut supposer que la car
rière continentale de Gorgias, dès avant son ambassade à Athènes, avait com
mencé en Thessalie, où Aspasie, comme Isocrate (cf. Cicéron, Orat. 52, 176 ),
aurait pu recevoir son enseignement avant de le transmettre à Périclès.
Philostrate indique ( V. Soph. I 9, 3) qu ' à Athènes l' influence de Gorgias
s'exerça, en même temps que sur Périclès, sur Thucydide, tous deux étant déjà
vieux, mais aussi sur Critias (* C 216 ) et Alcibiade (2- A 86 ), qui étaient des
488 GORGIAS DE LEONTINOI G 28
jeunes gens; Philostrate déclare également qu'Agathon le poète tragique « gor
gianise » souvent dans ses iambes (cf. Platon, Banquet 198 c). Antisthène
( * A 211) (Diogène Laërce VI 1 = SSR V A 11, cf. Nota 22) et Eschine le
Socratique ( A 71] (Philostrate , Ep . 73), Apollodore de Phalère ( » A 249]
(Platon, Banquet 185 c ), Protarque (Platon, Phil. 58 a; Aristote, Phys. II 6 ,
197 b 10) et peut- être Lycophron (cf. Aristote , Rhet. III 3 , 1405 a 34 ) auraient
été aussi les élèves de Gorgias.
Jusqu'à la découverte des fragments papyrologiques d'Antiphon (> A 209]
(cf. DPHA I, p . 233-243), Gorgias était le seul représentant de l'ancienne sophis
tique dont des œuvres nous aient été transmises par tradition directe: l'Éloge
d 'Hélène et la Défense de Palamède. Dans le premier,Gorgias innocente Hélène
de la guerre de Troie causée par son infidélité , en montrant qu 'aucune explica
tion de sa conduite n'implique sa responsabilité : elle a été victime soit de la
volonté des dieux, soit de la force de son ravisseur, soit de son éloquence , soit
enfin du désir, c' est-à-dire de l'effet psychologique d'impressions visuelles indé
pendantes de sa volonté. « Parmon discours, peut alors conclure Gorgias, j'ai
effacé la mauvaise réputation d 'une femme» , faisant ainsi l' éloge, en même
temps que d 'Hélène, de son propre métier de rhéteur. Dans la Défense de Pala
mède, l'intéressé plaide l'innocence face à l'accusation de trahison lancée contre
lui par Ulysse. Après avoir appliqué le procédé de la reductio ad absurdum à
chacune des conditions requises pour accomplir le crime donton l'accuse, puis à
chacun des motifs qu 'il aurait pu avoir de le commettre, il invoque l'impossibi
lité pour son accusateur, puis de façon générale pour la parole , de mettre qui les
écoute au contact des faits. Non seulement on trouve dans cet exercice rhétorique
un certain nombre d'arguments, y compris le principe de non -contradiction (25),
quideviendront classiques,mais le thème de l'impossibilité pour le discours de
communiquer les faits, ainsi que le raisonnement consistant à montrer l'absur
dité d 'une hypothèse puis à l'accorder pour montrer l'absurdité de la suivante,
rapprochent le Palamède de la réfutation de l'éléatisme contenue dans un écrit
attribué à Gorgias et intitulé Sur le non -être ou Dela nature , dont il existe deux
versions, transmises l'une par Sextus Empiricus (A. M . VII 65-87), l'autre dans
le traité pseudo -aristotélicien DeMelisso Xenophane Gorgia (cf. DPHA I,
p .534 -537), 979 a 12 - 980 b 21. L 'argumentation en est la suivante : rien n 'est ;
s'il y avait quelque chose, ce ne serait pas connaissable ; si c' était connaissable ,
ce ne serait pas communicable .
L ' attribution de cet écrit à Gorgias a été contestée ; on lui a opposé le silence
observé par Platon et Aristote à son sujet: toutes leurs mentions et citations de
Gorgias se réfèrent à son activité et à ses æuvres de rhéteur. Si la doctrine de
Calliclès ( 2 + C 17) dans le Gorgias, par exemple, peut être rattachée à l'excuse
de la force invoquée dans l'Éloge d 'Hélène, rien ne la rattache à l'écrit sur le
non -être . La parenté de l'argumentation de cet écrit philosophique avec celle du
Palamède plaide au contraire pour son attribution à Gorgias, qui est aujourd 'hui
universellement admise. Cette parenté ouvre cependant la voie à deux interpréta
tions opposées qui continuent de partager les interprètes. Pour les uns, dont le
G 28 GORGIAS DE LEONTINOI 489
chef de file reste 1 H . Gomperz , Sophistik und Rhetorik , Leipzig/Berlin 1912
(réimpr. Darmstadt 1965), p . 1- 35, Gorgias est un rhéteur et n 'a aucune place
dans l'histoire de la philosophie : l’écrit sur le non -être est un exercice rhétorique
au même titre que l'Hélène et le Palamède, un « jeu » (nalyulov), selon le
propre terme appliqué par Gorgias à l'Éloge d'Hélène (21). Pour les autres (2 W .
Nestle, « Die Schrift des Gorgias “ Über die Natur oder über das Nichtseiende” » ,
Hermes 57, 1922, p. 551- 562 = Griechische Studien, Stuttgart 1948, p. 240-252,
3 G . Calogero, Studi sull'eleatismo, Roma 1932, trad . allem . Studien über den
Eleatismus, Darmstadt 1970, notamment p. 171-242), il s'agit d'une polémique
sérieuse dirigée contre l'éléatisme, l'Hélène et le Palamède ne faisant qu'exploi
ter à des fins rhétoriques la logique élaborée sur le terrain proprement philoso
phique. A cette alternative on peut échapper de deux façons : en adoptant soit
l'interprétation génétique de 4 H . Diels, « Gorgias und Empedokles» , SPAW
1884 , p . 343- 368 (= Sophistik , hrsg. von C . J. Classen , coll. « Wege der
Forschung » 187, Darmstadt 1976 , p. 351- 383), selon laquelle, d'abord physicien
de l' école d 'Empédocle , Gorgias, au contact de la dialectique éléatique, serait
devenu un sceptique éristique, ce qui l' aurait conduit à perdre tout intérêt pour la
théorie et à se consacrer exclusivement à la pratique de la rhétorique: ainsi s 'ex
pliqueraient sa postérité uniquement rhétorique et l'oubli de son écrit sur le non
être par les contemporains de ses élèves ; soit celle de 5 E . Dupréel Les
Sophistes, Neuchâtel 1948, p. 59-113, pour qui l'écrit sur le non -être est une
introduction philosophique à la rhétorique, substituant l'art du discours à la
science de la nature en éliminant celle -ci par les moyens de celle - là . Dans la
même ligne, il fautmentionner l'interprétation plus récente de 6 M . Untersteiner ,
I Sofisti, Milano 19672 (réimpr. Milano 1996 , trad . fr. par A . Tordesillas, Les
Sophistes, Paris 1993), ch . IV -IX , qui attribue à Gorgias un “ irrationalisme tra
gique” aux termes duquel le discours et l'art oratoire sont respectivement
l'unique lieu et le seul moyen de la décision éthique qui en chaque occasion
incombe au sujet de l'action face aux contradictions du réel.
Éditions. - Les témoignages et fragments, l'Hélène et le Palamède ainsi que
la version de Sextus Empiricus de l' écrit sur le non -être sont rassemblés dans
7 DK II, p . 271- 307 (n° 82), 8 M . Untersteiner, Sofisti. Testimonianze e fram
menti. Fascicolo secondo, Firenze 19612, p . 2 -149 (qui donne les deux versions
de l' écrit sur le non - être ), texte et traduction italienne. 9 Th . Buchheim (édit.),
Gorgias. Reden, Fragmente und Testimonien , coll. « Philosophische Bibliothek »
404, Hamburg 1989, texte et traduction allemande.
- Hélène et Palamède: 10 F. Blass (édit.), Antiphontis orationes et fragmenta
adiunctis Gorgiae Antisthenis Alcidamantis quae feruntur declamationibus,
Leipzig 18812, p . 150 - 174 . 11 L . Radermacher ( édit.), Artium Scriptores (Reste
der voraristotelischen Rhetorik ), SAWW 227, 3 , Wien 1951, p . 42 -66 . 12 L .
Càffaro (édit.), Gorgia . Encomio di Elena, Apologia di Palamede, Firenze 1997,
texte et traduction italienne.
- Hélène : 13 O . Immisch (édit.),Gorgiae Helena, Berlin 1927, texte et tra
duction allemande. 14 F .Donadi ( édit.),Gorgia, Encomio di Elena, Roma 1982.
490 GORGIAS DE LEONTINOI G 28
15 D . M .McDowell, Gorgias. Encomium of Helen, Bristol 1982, texte et traduc
tion anglaise.
- Ps.- Aristote , De Melisso XenophaneGorgia : 16 O . Apelt ( édit.), Aristotelis
quae feruntur De Plantis... DeMelisso Xenophane Gorgia , « Bibliotheca Scrip
torum Graecorum et Romanorum Teubneriana » , Leipzig 1888, p . 165-194 ;
17 H . Diels (édit.), « Aristotelis qui fertur de Melisso Xenophane Gorgia » ,
APAW 1900, I, p. 3-40 ; 18 B . Cassin , Si Parménide. Le traité anonyme De
Melisso Xenophane Gorgia. Édition critique et commentaire , Lille 1980, texte,
commentaire et traduction française. Le texte et la traduction de la version de
l' écrit sur le non - être contenue dans ce traité (p . 429- 565) ont été reproduits,
avec quelques modifications, dans Ead ., Parménide. Sur la Nature ou sur l'étant.
La langue de l'être ?, Paris 1998, p . 252- 267.
Traductions seules. La totalité du matériel rassemblé dans DK 7 a été tra
duite en anglais par 19 G . Kennedy, dans R . K . Sprague (édit.), The Older
Sophists, Columbia (South Carolina) 1972, p . 30-67, en français par 20 J.-P .
Dumont, Les Sophistes. Fragments et témoignages, Paris 1969, p . 55-110 , puis
par 21 J.- L . Poirier, dans Dumont, Présocratiques, p . 1009 -1050. On trouve une
traduction des deux versions de l'écrit sur le non -être et de l' Éloge d'Hélène
dans 22 B . Cassin , L'Effet sophistique, Paris 1995, p . 128-148.
Études d 'orientation . Diels 4 ; 23 O . Apelt, «Gorgias bei Pseudo-Aristoteles
und bei Sextus Empiricus » , RHM 44 , 1888, p . 203-219 ; Gomperz 1 ; Nestle 2 ;
Calogero 3 ; Dupréel 5 ; 24 G . Calogero, « Gorgias and the Socratic Principle
Nemo Sua Sponte Peccat», JHS 77, 1957 , p . 12 -17 = Essays in AncientGreek
Philosophy, ed. by J. P . Anton et G . L . Kustas, Albany 1971, p . 176 - 186 =
Sophistik, hrsg. von C . J. Classen, coll. « Wege der Forschung » 187, Darmstadt
1976 , p . 408-421; 25 C . M . J. Sicking, « Gorgias und die Philosophen » ,Mnemo
syne, 4° s., 17, 1964 , p. 225 -247 = Sophistik , hrsg. von C .J. Classen , coll. « Wege
der Forschung» 187, Darmstadt 1976 , p . 384 -407; 26 M .Migliori, La Filosofia
di Gorgia. Contributi per una riscoperta del sofista di Lentini,Milano 1973 ;
27 H .J. Newiger, Untersuchungen zu Gorgias' Schrift über das Nichtseiende,
Berlin 1973 ; 28 W . J. Verdenius, « Gorgias' Doctrine of Deception » , dans G . B .
Kerferd (édit.), The Sophists and their Legacy, coll. « Hermes Einzelschriften >>
44, Wiesbaden 1981, p . 116 -128 ; 29 A . A . Long, « Methodsof argument in Gor
gias' Palamedes» , dans K . Boudouris (édit.), H APXAIA EODIETIKH. The
Sophistic Movement, Athens 1984, p . 233 -241; 30 L . Montoneri et F . Romano
(édit.), Gorgia e la sofistica. Atti del Convegno Internazionale (Lentini-Catania
12 - 15 dic . 1983), Catania 1985 (= Siculorum Gymnasium 38 , 1985 ), 2 vol. ;
31 T . Cole , « Le origini della retorica » , QUCC, n . s. 23, 1986 , p . 7-21; 32 A .
Tordesillas, « Palamède contre toutes raisons » , dans J.- F . Mattei (édit.), La Nais
sance de la raison en Grèce, Paris 1990, p. 241-255 ; 33 E . Berti, «Gorgia e la
dialettica antica » , Sei lezioni sulla sofistica, a cura di C . Natali, Roma 1992,
p. 11-26 . 34 G . Mazzara, Gorgia . La Retorica del verosimile , Sankt Augustin
1999, avec en appendice, p . 199- 241, le texte grec avec traduction italienne des
G 29 GORGIPPIDÈS 491

deux versions de l' écrit sur le non-être , de l' Éloge d'Hélène, de la Défense de
Palamède et de quelques fragments.
Bibliographie . 35 C .J. Classen, « Bibliographie zur Sophistik », Elenchos 6,
1985, p . 75 -140 (Gorgias: p . 114- 120 ) = mise à jour de la bibliographie parue
dans Sophistik, hrsg . von C .J. Classen, coll. « Wege der Forschung » 187, Darm
stadt 1976 (Gorgias, p . 683-689) ; Untersteiner 6 (mise à jour dans la traduction
française, t. II, p. 269-314 ) ; 36 Centro di Studio del Pensiero Antico, « Biblio
grafia sui Filosofi della Magna Grecia e della Sicilia antica » , a cura di C .
Cunsolo ,Roma 1997 (URL = http ://cisadu2.let.uniroma1.it/cspa).
MICHEL NARCY.
Iconographie. Les statues antiques de Gorgias n 'ont pas dû manquer, à en
juger d 'après sa solide renommée . Lui-même y pourvut, puisqu 'il trouva bon
d' élever sa propre statue en bronze doré à Delphes,moyen original d'assurer sa
publicité : « hominum primus et auream statuam et solidam LXXXX circiter
Olympiade Gorgias Leontinus Delphis in templo posuit sibi; tantus erat docen
dae artis oratoriae quaestus» , écrit Pline, H . N . XXXIII 83. Cette statue est éga
lement mentionnée par Pausanias X 18 , 7 : Énixovoos dè eixūv åváОnua rop
yiov toŰ Éx Aeovtivwv, aútoc ropylac éotiv . Elle était située près de celle de
Phryné et, comme elle , placée sur une colonne, disposition fréquente : nou ye
και Φρύνην την θεσπιακήν έστιν ιδείν, επί κίονος κακείνην ως Γοργίαν
(Pseudo-Dion Chrysostome, Orat. XXXVII 28). Enfin , d 'après Plutarque,
Decem Orat. vita 838 d ), il se trouvait aussi sur le monument funéraire d'Iso
crate ( * I 38), érigé vers 338 av. J.-C . près du Cynosarge: Copriav eię opaſpav
αστρολογικήν βλέποντα, αυτόν τε τον Ισόκρατην παρεστώτα.
De toutes ces statues il ne reste rien . En revanche, nous possédons la dédicace
sur marbre de la statue qu 'Eumolpos, un membre de sa famille , lui fit élever à
Olympie , comme le rapporte Pausanias VI 17 , 7 ; voir M . Fraenkel, Archäolo
gische Zeitung 35, 1877 , p.43, n° 54 (DK 82 A 8):
Χαρμαντίδου Γοργίας Λεοντίνος.
Tημ μεν αδελφών Δηϊκράτης τηγ Γοργίου έσχεν, Γοργίου ασκήσαι ψυχήν αρετής ες αγώνας
Éx taúrns 8 ' aútą (t) yiyveral ' Innoxpams, ουδείς πω θνητών καλλίον' ηύρε τέχνην,
“Ιπποκράτους δ' Εύμολπος, δς εικόνα τήνδ' ανέθηκεν, ού και Απόλλωνος γυάλοις είκών ανάκειται,
@ loowv, narociaç xai piías, évexa . ου πλούτου παράδειγμ',ευσεβείας δε τρόπων.
Cette manière de se mettre en avant, ou d 'y veiller par l'intermédiaire de
proches, n 'est évidemment pas imputable aux prétentions philosophiques de
Gorgias – aucun véritable philosophe n 'a d 'ailleurs eu cette attitude -,mais plu
tôt à sa volonté d ' apparaître comme un grand orateur; c 'est d 'ailleurs ce trait que
la postérité a davantage reconnu.
MARIE -CHRISTINE HELLMANN .

29 GORGIPPIDÈS MF IIIa
Dédicataire de plusieurs ouvrages de Chrysippe concernant la logique. Voir
les traités 17 , 18, 19 , 20 (?), 21, 118 et 132 dans la liste commentée par P . Hadot,
492 GORGIPPIDÈS G 29
art. « Chrysippe de Soles» (B+ C 124), DPLA II, p. 340, 351 et 353. De tels ouvra
ges ne pouvaient guère être dédiés qu’ à des disciples ou à des collègues au sein
de l'école stoïcienne.
Cléanthe avait écrit un ouvrage Sur Gorgippe (D . L . VII 175). Mais il ne doit pas s'agir du
même personnage .
RICHARD GOULET.
30 GORGOS DE SPARTE RE 14 MF II
Stoïcien, mentionné commedisciple de Panétius de Rhodes (mort vers 1104)
dans l’Index Stoicorum de Philodème, col. LXXVI 5-6 (p. 124 Dorandi):Cópyos
axedallu [6 ]YLỌS.
Gorgos est également cité, en compagnie d 'autres stoïciens, dont Panétius,
parmi les hiéropes des Ptolemaia dans IG II 1938, li.62-63. L 'inscription se
situe vers le milieu du II s. av. J.-C ., sous l’archontat de Lysiadès, entre 152/1 et
148 /7 (cf. B . D .Meritt, Hesperia 33, 1964, p. 207 ; Id ., « Athenian Archons 34776
– 48 /7 B . C .» , Historia 26 , 1977, p. 161- 191; C . Habicht, « The Eponymous
Archons of Athens from 159/8 to 141/0 », Hesperia 57, 1988, p . 237-247; T .
Dorandi, Ricerche sulla cronologia dei filosofi ellenistici, p. 35 -38 ). L 'inscrip
tion a été étudiée par W . Crönert, « Eine attische Stoikerinschrift » , SPAW 1904,
I, p. 471-483. Sur ce document, où figurent plusieurs nomsde l' école stoïcienne,
voir aussi la notice « Antipatros de Tarse » 205, DPLA I, p. 221-222.
BERNADETTE PUECH et RICHARD GOULET.
31 GORGYLOS RE 2 M III
Ce nom figure parmi les neuf exécuteurs testamentaires (épimélètes) du testa
ment de Straton de Lampsaque (mort vers 268%), cité par Diogène Laërce V 62.
Il n'est pas dit expressément qu'il s'agit de disciples au sein de l'école péripaté
ticienne,mais la phrase qui suit stipule que la diatribè est léguée à Lycon (hui
tième exécuteurtestamentaire dans la liste ) parce que les autres sont trop âgés ou
trop occupés (aoxooi).
RICHARD GOULET.
32 GRACCHUS ( TIBERIUS SEMPRONIUS -) RES 54 164- 153
Fils de Ti. Sempronius Gracchus et de Cornelia , Ti.Gracchus est tribun mili
taire en Afrique, questeur du consul Mancinus en Espagne, puis tribun de la
plèbe en 1330. Il est l'auteur d 'un projet de loi agraire prévoyant de limiter les
possessions de l'ager publicus et sa répartition en lots inaliénables de 30 jugères,
attribués aux plus pauvres par une commission de triumvirs . Ces réformes ren
contrent l'hostilité de la plèbe et du sénat. Tiberius semble avoir voulu briguer
un second mandat,mais il est assassiné au cours d 'émeutes.
Nos principales sources biographiques sont (a) Plutarque, Vie de Tib . Grac
chus, et (b ) Appien, B. C., I 7- 18. Sur Appien , voir J.H . Fortlage, « Die Quelle zu
Appians Darstellung der politischen Ziele des Tiberius Sempronius Gracchus »,
Helikon 11- 12, 1971- 1972, p . 166 - 191.
G 33 GRAECINUS (IULIUS - ) 493
La culture littéraire et philosophique de Ti. Gracchus ne fait aucun doute . Les
auteurs anciens sont nombreux à mentionner la présence à ses côtés du rhéteur
Diophane de Mitylène et du philosophe Blossius de Cumes ( - B 40) (Plutarque,
Tib . Gracchus 8, 6 ; 20, 5 ; Cicéron, Lael. 11, 37). Ce stoïcien, disciple d' Antipa
tros de Tarse (» A 205 ), est considéré par Plutarque commeun inspirateur et un
guide (20 , 5 ). Exerça- t-il une influence sur les projets politiques de Tiberius
Gracchus ? La question est discutée . Mais les savants contemporains tendent à la
souligner en insistant sur l'exigence de justice sociale qui fonde ces projets.
Outre 1 G . Garbarino, Roma e la filosofia greca, p .450-455, on se reportera sur
tout à 2 C . Nicolet, « L 'inspiration de C . Gracchus» , REA 67, 1965, p . 142- 158 ;
3 Id ., Les Gracques, Paris 1967 ; 4 I. Hadot, « Tradition stoïcienne et idées poli
tiques au temps desGracques»,REL 48, 1970, p. 133-175.
Cf. 5 F .Münzer, art. « Ti. Sempronius Gracchus» 54, RE II A 2, 1923, col.
1409- 1426 . La bibliographie sur la question étant immense, nous nous bornons
ici à donner quelques brèves indications: 6 J. Carcopino, Autour des Gracques,
Paris 1928 ; 7 D . C . Earl, Tiberius Gracchus. A study on Politics, Bruxelles
1963; 8 A . H . Bernstein , Tiberius Gracchus: Tradition and Apostasy, Ithaca,
Cornell University Press 1978 , XII-303 p.; 9 D . Stockton , The Gracchi, Oxford
1979. Pour des indications plus récentes, on se reportera à la 10 CAH , t. IX , 2°
éd., Cambridge 1994 .
MICHÈLE DUCOS.
33 GRAECINUS ( IULIUS -) REI63 PIR ? I 344
Père de Cn. Iulius Agricola, le beau-père de l'historien Tacite . Originaire de
Fréjus, fils d'un procurateur de César (Tacite, Agricola 4 , 1), il fut lui-même de
rang sénatorial et atteignit la préture (voir l'inscription trouvée à Rome,
AnnÉpigr, 1946, n° 94). Intéressé par l'agriculture , il écrivit un traité de viticul
ture que cite Columelle (I 1, 14 ) . Il fut mis à mort par Caligula vers la fin de
l'année 39 parce qu 'il encourut la colère de l'empereur en refusant d'accuser M .
Silanus (Tacite, Ibid .).
Dans le même passage, Tacite insiste sur son « goût pour l'éloquence et la
sagesse » ; il faut entendre par là un intérêt manifeste pour la philosophie. Les
qualités humaines de IuliusGraecinus sont également soulignées par Sénèque ; il
le qualifie de uir egregius (homme éminent, Epist. XXIX 6 ). Lamême expres
sion se retrouve dans le De beneficiis (II 21, 5) où sont rappelées les cir
constances de sa mort: « ... Julius Graecinus, une âme d' élite que C. César mit à
mort pour la seule raison que ses qualités étaient supérieures au degré qui est
avantageux à un tyran. » Sénèque mentionne aussi le désintéressementde ce per
sonnage et son souci de la moralité : au moment où il organise des jeux, il refuse
les sommes que lui proposent des sénateurs qu 'il juge peu estimables morale
ment (De ben. II 21, 5 -6 ).
Peu d'indices toutefois permettent de préciser quelle école philosophique sut
retenir l'attention de Iulius Graecinus,mais son souci d 'une morale exigeante ,
ainsi que l'intérêt que lui porte Sénèque, peuvent le rapprocher du stoïcisme.
MICHÈLE DUCOS.
494 GRÉGOIRE D 'ALEXANDRIE G 34
34 GRÉGOIRE D 'ALEXANDRIE PLRE II :1 MV
Frère du philosophe néoplatonicien Hermeias d 'Alexandrie (2 * H 78), connu
par la Vie d ’Isidore de Damascius (fr. 123 ). Il était « d 'un esprit extrêmement vif,
prompt à la recherche et à l'étude; par ailleurs, il n'était jamais en repos, il n 'ap
portait aucun calme dans ses habitudes,mais il était toujours quelque peu agité ;
lorsque les deux frères revinrent d'Athènes à Alexandrie (sansdoute après avoir
étudié chez Syrianus), Grégoire tomba gravement malade et à un tel point que
son cerveau garda peu la capacité de raisonner et se trouva fort diminué » (Epit.
Phot. 75 ; p. 104, 5-10 Zintzen ; trad . Henry; passage également conservé par la
Souda, s.v. Fonyóploc, r 453 = fr. 123 Zintzen ).
Ce nom est absent de la RE. Voir le stemma de cette famille dans la notice
consacrée à Hermeias d 'Alexandrie ( H 78 ).
RICHARD GOULET.
35 GYMNOSOPHISTES
Littéralement: « les sages nus » .
Ce terme, attesté pour la première fois dans P .Berol. 13044 du jer siècle av. J.
C ., désigne des sages le plus souvent indiens, parfois éthiopiens, qui se caracté
risent par une nudité complète ou partielle .
Les gymnosophistes indiens. Porphyre, dans son traité De abstinentia ,
affirme en citant Bardesane de Syrie (= ^ B 11) que la classe des gymnosophistes
est divisée en deux sectes, les Brahmanes, prêtres de père en fils, et les Sar
manes, qui ont choisi leur existence de renonçants. Il reprend là une distinction
que faisaitMégasthène (FGrHist 715 ), ambassadeur de Séleucos Nicator auprès
du roi indien Candragupta dans les années 304- 297 (cf. 1 A . Zambrini, « Gli
’ Ivôixá diMegastene » , ASNP 12 , 1982, p . 71-149 ), qui n 'utilisait pas le terme
de gymnosophistes, mais distinguait les Brahmanes des Garmanes (cf. Strabon ,
XV 1, 58-60).Néarque (FGrHist 133), historien compagnon d'Alexandre, avait
quant à lui différencié les Brahmanes, conseillers du roi, des autres sophistes,
spécialisés dans les sciences de la nature (cf. Strabon , XV 1,66).
Le P .Berol. 13044 (édité et commenté par 2 U . Wilcken, « Alexander der
Große und die indischen Gymnosophisten » , SPAW 1923, p . 150- 183) rapporte
un entretien entre Alexandre et dix gymnosophistes. Les neuf premiers sages
doivent répondre chacun à l'une desneuf questions qu'Alexandre leur pose sur
la physique et la métaphysique, le dixième sage devant juger de la qualité des
réponses (cf. 3 G . Chr. Hansen , « Alexander und die Brahmanen » , Klio 43-45,
1964, p . 351- 380 ; 4 G . Dumézil, « Alexandre et les sages de l' Inde » , étude n° 31
de La courtisane et les seigneurs colorés, Paris 1983, p . 66 - 74 ; 5 A . J. Festu
gière, « Trois rencontres entre la Grèce et l'Inde » , RHR 125 , 1943, p. 32 -57,
repris dans Études de philosophie grecque, Paris 1971, p . 157-182; 6 G . Zuntz ,
« Zu Alexanders Gespräch mit den Gymnosophisten », Hermes 87, 1959, p . 436
440 ; 7 H . Van Thiel, « Alexandersgespräch mit den Gymnosophisten » ,Hermes
100, 1972, p . 343- 358 ; 8 C . Muckensturm , « Alexandre à la rencontre des
gymnosophistes » , Actes des Xire Metageitnia ,Mulhouse 1991, p. 47-59).
G 35 GYMNOSOPHISTES 495
Le récit de cet entretien a connu une grande fortune, par la suite , puisqu 'on le
retrouve chez Plutarque (Vita Alexandri 64 -65, 1) à propos de la répression par
Alexandre de la révolte de Sabbas, chez Clément d'Alexandrie (Strom . VI 4, 38)
et dans le Roman d 'Alexandre (III 5 -7) du Pseudo -Callisthène (cf. version A ,
éditée par 9 W . Kroll, Historiae Alexandri Magni recensio vetusta , Berlin 1926 ;
version B, éditée par 10 L . Bergson, Der griechische Alexanderroman, Rezen
sion B , Uppsala 1965 ; voir aussi 11 H . Van Thiel, Leben und Taten Alexanders
von Makedonien , Darmstadt 1974 (édition et traduction ), et 12 G . Bounoure et
B . Serret, Le Roman d 'Alexandre , Paris 1992, (traduction et commentaire ); voir
aussi les versions latines du Roman d 'Alexandre : Julius Valerius, Res gestae
Alexandri Macedonis III 10 -12 ; Incerti auctoris epitoma rerum gestarum
Alexandri Magni, $ $ 79-84, éditée par 13 P .H . Thomas, Leipzig 1966 ; cf.
d'autre part le CGL III 385, 58 -386 ).
On rapporte aussi un autre entretien entre Onésicrite , compagnon d 'Alexan
dre, et les sophistes indiens de Taxila, Calanos ( C 14) et Dandamis ( D 20 ).
Plutarque, Vita Alexandri 65, résume cet entretien en précisant qu'Onésicrite est
un ancien élève de Diogène le Cynique ( D 147). Au second siècle de notre ère,
le Pap. Genev. inv. 251 (publié par 14 V .Martin , « Un recueil de diatribes cyni
ques, Pap.Genev. inv. 271», MH 16 , 1959, p. 77-115, ainsi que par 15 W . H .
Willis et K . Maresch , « The encounter of Alexander with the Brahmans. New
fragments of the Cynic Diatribe P. Genev. inv. 271 », ZPE 74, 1988, p . 59-83)
combine l'entretien d' Alexandre et celui d'Onésicrite. Ce texte a servi de source
à la seconde partie du Récit sur la vie des Brahmanes composé par Palladios
dans les années 408 -410 (cf. 16 J. D . M . Derrett, « The history of Palladius on the
races of India and the Brahmans » , C & M 21, 1960 , p. 64 -135 , et 17 W . Berghoff
[édit.), Palladius. De gentibus Indiae et Bragmanibus, Meisenheim am Glan
1967, p. 1-55).
La tradition rapporte qu 'un certain nombre de sages grecs aurait, bien avant
Alexandre, conversé avec les gymnosophistes indiens. C 'est notamment le cas
de Lycurgue (Plutarque, Vit. Lycurg. 4 , 8 ), de Pythagore (Clément d 'Alexandrie,
Strom . I 15, 70, 1, et Eusébe de Césarée, Praep. evang. X 4 ), de Démocrite
(Diogène Laërce IX 35, et Élien, V. H . IV 20), de Socrate (Eusébe de Césarée,
Praep. evang. XI 6 - 8), de Platon , qui aurait reçu des sages indiens la croyance en
l'immortalité de l'âme (Pausanias IV 32 , 4).
D 'autres sages grecs, après Alexandre, ont voulu connaître les gymno
sophistes indiens, en particulier Pyrrhon (Diogène Laërce IX 61 et 63) et Plotin
(Porphyre, Vita Plotini 3 ). Philostrate consacre une section de la Vie d 'Apollo
nios de Tyane (III 14 -51) au récit du séjour d'Apollonios dans la citadelle des
Brahmanes.
La diversité des sources ne permet pas d'apprécier dans sa globalité la pensée
des gymnosophistes. Quelques thèmes cependant sont récurrents: leur proximité
avec la nature, leur croyance en l'immortalité et leur conception cyclique du
temps. Les sources parlent essentiellement de leurmode de vie , généralement
ascétique et parfois surprenant. Il se caractérise par un respect total de la nature
496 GYMNOSOPHISTES G 35
et souvent par le refus des acquis de la civilisation.Mais ilest malaisé de distin
guer dans leur conduite ce qui relève de l'obéissance à une règle personnelle, de
rites religieux ou d'une philosophie proprement dite . Leur pensée est d'autant
plus difficile à cerner qu 'ils se méfient du langage et observent de longues
périodes de silence (cf. Athénée le Poliorcète , De machinis V 7 ). Les sources
décrivent les gymnosophistes plus qu 'elles ne leur donnent la parole.
A cela s 'ajoute le filtrage de leur pensée par la pensée grecque, en particulier
par la pensée cynique (cf. 18 Claire Muckensturm , « Les gymnosophistes étaient
ils des cyniques modèles ?» , dans Le cynisme ancien et ses prolongements, Paris
1993, p . 225-239). On peut parler d 'une légende des gymnosophistes, en parti
culier dans les textes où ils n 'apparaissent qu' allusivement, comme des modèles
ou des exemples. Ils sont cités pour leur courage devant la mort (cf. Philon
d ' Alexandrie , De Abrahamo 182 ; Flavius Josèphe, B. J . VII 8 ; Clément
d'Alexandrie, Strom . II 20, 125 ; Lucien , De morte Peregrini 25). Ils sontaussi
cités comme des modèles de piété (Proclus, In Tim ., Prologue du livre II), de
longévité (Paseudo -Lucien,Macr. 4 ) et de simplicité (voir Philon , De somniis II
56 , et Jean Chrysostome, In epist. ad Cor. II 15, 3 ). Plus brièvement encore, ils
apparaissent dans les listes stéréotypées de sages barbares, quand il est débattu
de l'origine grecque ou barbare de la philosophie (voir par ex . Clément
d 'Alexandrie , Strom . VI 7, 57 ; Diogène Laërce I 1; ou Théodoret de Cyr, Grae
carum affectionum curatio 1 25 et V 58).
Les gymnosophistes éthiopiens sont plusmarginaux dans les sources que les
sages indiens. Dans la Vie d 'Apollonios de Tyane (VI 5-23), Apollonios ren
contre les gymnosophistes éthiopiens et les considère comme apparentés aux
sages indiens, mais inférieurs à eux (voir 19 P. Robiano, « Les gymnosophistes
éthiopiens chez Philostrate et chez Héliodore» , REA, 94, 1992, p . 413-428).
Dans les Éthiopiques d 'Héliodore , le roiHydaspe invite « les sages qu'on appelle
gymnosophistes » à assister au sacrifice célébrant sa victoire sur les Perses ( X 6 ).
Le chef des gymnosophistes, Sisimithrès, intervient à plusieurs reprises pour
s 'opposer au sacrifice de Chariclée (X 9 -15 ), conseiller Hydaspe et participer au
cortège des noces de Théagène et Chariclée ( X 41).
CLAIRE MUCKENSTURM -POULLE.
36 GYTHIOS DE LOCRES RE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth. 36 , 267, p. 145, 7 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
1 HABROTÉLEIA
Pythagoricienne, fille d 'Habrotélès (3 + H 2) de Tarente, dont le nom figure
dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 147, 2 -3 Deubner.
BRUNO CENTRONE .
2 HABROTÉLÈS DE TARENTE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p . 144, 17 Deubner. Il était le père de la pythagoricienne Habro
téleia ( H 1).
BRUNO CENTRONE.
3 HAGIAS ЛІ
Ce jeune homme était étudiant auprès de Plutarque à Chéronée dans le dernier
quart du jer siècle (Propos de Table III 7 -9).
BERNADETTE PUECH .

4 HAGNON RE 4 IIa
Académicien , disciple de Carnéade (MC 42), dont il avait transcrit les cours
(Philod., Acad. hist., col. 23, 4-6 = Carnéade T 3b 7 sq.Mette ). Cicéron , Luc. 16 ,
loue son intelligence par rapport à Clitomaque (2°C 149). Quintilien (II 17 , 15 )
rapporte qu'il écrivit un traité contre la rhétorique. Selon Plutarque (De soll.
anim . 12 , 968 d ), il aurait discuté de la ruse des éléphants (cf. C . W .Müller, Die
Kurzdialoge der Appendix Platonica. Philologische Beiträge zur nachplato
nischen Sokratik, München 1975, p. 309 sq.). Très incertains sont les témoi
gnages d 'Athénée (XIII, 602 d -e : à propos des coutumes sexuelles des Spar
tiates) et des scholies à Homère ( II. IV 101, vol. I, p. 173, 23 -25 Dindorf: avec
une explication allégorique).
Cf. H . von Arnim , art. « Hagnon » 4 , RE VII 2, 1912, col. 2209; H . Dörrie ,
art. « Hagnon » 3, KP II, 1975, col.917; W .Görler , GGP, Antike 4 , p. 909.
TIZIANO DORANDI.
5 HAIMÔN DE CROTONE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth. 36 , 267, p . 143, 19 Deubner .
BRUNO CENTRONE.
6 HANIOCHOS DE MÉTAPONTE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth. 36 , 267, p . 144 , 8 Deubner.
BRUNO CENTRONE .
498 HARPOCRATION H7
7 HARPOCRATION RE 7 III
Un certain Harpocration, que son épigramme funéraire (IG I12 10826 ; W .
Peek, GVI 588) définit comme ontwp Mèv Elnett, Dióoogos 8' à xpñ voetv,
était établi à Athènes au IIIe siècle. Rien ne permet d 'établir un rapprochement
avec les deux sophistes homonymes connus par la Souda ( A 4013 et 4014).
Voir cependant la notice consacrée à Harpocration d'Argos ( H 9).
BERNADETTE PUECH.
8 HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE RE 10 | ép.imp.
Le nom d 'Harpocration apparaît lié à deux écrits de la tradition hermétique de
science naturelle , ayant une orientation magico -astrologique.
Cf. 1 H . Gossen , art. « Harpokration » 10, RE VII 2, 1912 , col. 2416 -2417 ;
2 M . Stephan , suppl. à l'art. « Harpokration » 10, RESuppl. VI, 1935, col. 102
103 ; 3 F. Kudlien, art. « Harpokration » 3, KP II, 1967, col. 944.
A . Harpocration d 'Alexandrie est rattaché tout d 'abord à l'histoire complexe
de l'écrit hermétique intitulé Kupavídes, consacré à l'établissement des corres
pondances (ovunádelal) entre les éléments divers des trois règnes de la nature
(animaux, plantes et pierres), qui sont associés dans un usage médico-magique
par leurs propriétés occultes. Cet écrit est divisé en 24 chapitres qui correspon
dent aux lettres de l'alphabet grec. Chaque chapitre s'occupe d 'une plante, un
oiseau, un poisson et une pierre, dont les lettres initiales correspondent à la lettre
en question .
Pour les traits généraux de la littérature lapidaire, nous renvoyons à 4 R . Halleux et J.
Schamp, « Origines et typologie de la littérature lapidaire » , dans Les lapidaires grecs: Lapi
daire orphique, Kérygmes lapidaires d 'Orphée, Socrate et Denys, Lapidaire nautique, Dami
géron- Évax (traduction latine), texte établi ettraduit, CUF, Paris 1985, p. XIII-XXXIV (« Intro
duction » ).
Texte. 5 Ch . E . Ruelle dans F. de Mély, Les lapidaires de l'Antiquité et du
Moyen Age, t. II, III : Lapidaires grecs, Paris 1898 , 1902 (texte grec, très défi
cient, de Ruelle et traduction par de Mély ) ; 6 D . Kaimakis, Die Kyraniden, coll.
« Beiträge zur klassichen Philologie » 76 ,Meisenheim am Glan 1976 . Nous sui
vons cette édition , qui marque un progrès considérable par rapport aux éditions
antérieures. Nous avons ici pour la première fois le texte grec complet des
Cyranides, qui inclut les parties conservées des livres V et VI jusqu'alors iné
dites. Enfin , on peut lire une traduction latine de 1169 dans 7 L . Delatte , Textes
latins et vieux français relatifs aux Cyranides, Liège/Paris 1942 , p . 11-206 .
Études d 'orientation. 8 P . Tannery, « Les Cyranides» , REG 17, 1904,
p . 335-349 ; 9 R . Gauszyniec , « Studien zu den Kyraniden » , ByzJ 1, 1920,
p. 353- 367 ; 10 M . Wellmann , Markellus von Side als Arzt und die Koiraniden
des Hermes Trismegistos, coll. « Philologus Suppl.» XXVII 2 , Leipzig 1934 ;
11 A . J. Festugière, La révélation d 'Hermès Trismégiste, t. I: L 'astrologie et les
sciences occultes, Paris 19502, réimpr. 1989, p. 201-216 ; 12 G . Fowden, The
Egyptian Hermes. A historical approach to the pagan mind , Cambridge/London
1986 , p .87-91 et 161-165 .
H8 HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE 499
Le premier livre des Cyranides constituait à l'origine un traité autonome inti
tulé Kupavís, d'après le nom d 'un pseudo- roi perse Kupavós. Festugière 11,
p. 205 , affirme que ce livre remonte au moins au IIIP. Il a été joint aux autres
livres des Cyranides sous la forme que nous connaissons aujourd 'hui à une date
antérieure au VIII° siècle , étant donné que le premier témoignage que nousavons
de cette fusion est dû à Georges le Syncelle, Chronique, p. 36 , 14 sq. (cf. p. 57,
16 sq.) Mosshammer (écrit après 806 ). D 'après le prologue, le livre I des Cyra
nides est la synthèse de deux ouvrages de contenu presque identique : l'ouvrage
« authentique » (hermétique) de Cyranos roi des Perses, et celui d'Harpocration
d 'Alexandrie. Le rédacteur byzantin a reproduit assez fidèlement (bien que tou
jours de façon résumée) les prologues des deux auteurs qui racontaient l'un et
l'autre en des termes très semblables que le texte du traité provenait d 'une
inscription enterrée. L 'un et l'autre auteur font référence dans ce récit sur l'ori
gine du traité à un ouvrage antérieur intitulé ’Apxaïxn bißhoc.
Harpocration , qui se présente comme un Alexandrin , intitulait sa rédaction
Bißłoç ånò Eupiac DepaneutIX et il la dédiait à sa fille (li. 30 Kaimakis).
Cf. le ms. Marc. class. V cod. 13 : éx tőv toŨ ' Aproxpatiwvoc toŨ 'Adetav péwÇ
περί φυσικών δυνάμεων ζώων τε φυτών και λίθων, και έγραψε προς την ιδίαν θυγατέρα,
et Coislin . 158 : Bubalov ' Aproxpatiwvoç, oúvoeolç TOŨ Kupavoở Baouléwç nepì xo
λίθων πετεινών τε και ιχθύων και βοτανών κατ' αλφαβήτου.
Dans le prologue qu 'il ajouta au traité, Harpocration racontait comment, au
cours d'un voyage en Asie , lorsqu' il séjournait dans la ville de Séleucie , il ren
contra un vieillard connaissant la langue grecque qui luimontra entre autres un
écrit magique qui se trouvait dans un lieu voisin , gravé en caractères syriaques
sur une stèle , écrit dont il reproduit le texte à partir de la traduction que le vieil
lard lui fournit.
Sur le prologue, voir Gauszyniec 9 , p . 361- 367; sur le rôle que le motif littéraire de la
découverte d'un écrit joue dans la tradition hermétique, voir Festugière 11, p. 319-324, no
tamment 322 sq . La fiction littéraire de la découverte d ' un écrit ancien vénéré indique dans
cette tradition un travail de refonte et d ' interprétation de textes prestigieux (cf. Wellmann 10 ,
p . 12 - 13 ) . Enfin , d 'après Festugière 11, p . 201, la rédaction d 'Harpocration aurait été faite sur
la rédaction précédente (celle de Cyranos) dans le dessein apparemment de la rendre plus
claire .
Lerédacteur byzantin remarque ici etlà tout au long du livre les passages sur
lesquels les deux rédactions varient (chap. 1, li. 77 sq., p. 25 ; li. 130 -138, p. 28 ;
chap . 7, li. 86 sq., p . 54 ; chap . 10 , li. 8, p . 62 ; chap . 11, li. 7, p.68; chap . 21, li.
93, p . 98 ; li. 132 sq., p. 100 ; chap. 22, li. 58, p. 108). Wellmann 10 , p. 12- 13,
ainsi que plus tard Festugière 11, p. 204, croient reconnaître le texte authentique
d'Harpocration dans le manuscrit D , Parisinus graecus 2256 , fol. 546 -562, bien
que sous la forme d'extraits . En revanche, Kaimakis 6 , p .6 sq., rejette cette
hypothèse, tout en démontrant que le fait que ce manuscrit ne contienne pas cer
taines parties n 'implique pas que son texte est plus originel ; il croit plutôt que
ces parties ont été supprimées dans un souci de piété par le rédacteur byzantin .
Les Cyranides présentent une série de passages en vers où on reconstitue par
fois, non sans difficulté , des séries d'acrostiches où on peut lire les noms
MAINOE (chap. 1, li. 130- 138, p .28 sq. ; chap.4 , li. 55-63, p. 42 sq. ;chap. 7, li.
500 HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE H8

22-44, p . 50-52 ; chap. 8 , li. 8 - 12 , p . 58 sq.) ou MAENOE MAPKEMAYNS (chap.


21, li. 70-85, p. 96 sq.). Ces acrostiches ont été édités par 13 M .L . West,
« Magnus and Marcellinus : Unnoticed acrostics in the Cyranides», CQ 32, 1982,
p . 480 -481, qui suggère d'identifier ce Magnus, sinon avec Harpocration lui
même, du moins avec un personnage originaire de Nisibe qui exerça comme
médecin à Alexandrie au IVP (le iatrosophiste dont parle Eunape, vit. Soph. 20),
tandis que le personnage appelé Marcellinus pourrait être l'historien Ammien
Marcellin (cf. 14 R . Führer, « Noch ein Akrostichon in den Kyraniden », ZPE 58 ,
1985, p. 270). Fowden 12, p. 87 sq. n. 57, reconnaît dans les acrostiches en
question les noms de deux représentants de l' école pneumatique qui semblent
avoir vécu ca 100P : Magnus d 'Éphèse (cf. 15 W . Kroll, art. « Magnus » 28 , RE
XIV 1, 1928 , col. 494 ; 16 Fr. Kudlien , art. « Pneumatische Ärzte » 51, RESuppl.
XI, 1968, col. 1097-1108, notamment col. 1098) ; et Marcellinus (cf. 17 W .
Kroll, art. « Marcellinus» 51, RE XIV 2 , 1930 , col. 1488- 1489). En ce sens, il
attire l'attention sur les portraits de deux médecins que l'on trouve ensemble
dans un manuscrit de la Bibliothèque de l'Université de Bologne,ms. 3632,Xve
S., fol. 17-26 (cf. 18 A . Olivieri et N . Festa, « Indice dei codici greci delle biblio
tece Universitaria e Comunale di Bologna », RFIC 3, 1895, p . 385 -495, notam
ment p . 454 ). Les acrostiches seraient l’quvre de ces auteurs et se seraient
retrouvés dans le texte hermétique à travers la rédaction d'Harpocration , étant
donné que le premier fragment en vers acrostiches est introduit par une indica
tion du rédacteur byzantin où il affirme qu'il suit sur ce point le texte d'Harpo
cration (chap. 1, li. 127- 129, p. 28).
B. Dans un des manuscrits des Cyranides, I, le Matritensis Graecus 4631
(olim N - 110 ), daté de 1474 (cf. 19 G . de Andrés , Catálogo de los códices grie
gos de la Biblioteca Nacional, Madrid 1987, p . 158 sq.), le texte hermétique est
suivi (fol. 75-77) par une lettre d'Harpocration adressée à un empereur et servant .
d'introduction à un opuscule de botaniquemédico -astrologique dont le manus
crit en question fournit seulementles premières pages.
L 'auteur raconte comment, après s'être formé dans la grammaire en Asie, il est parti à
Alexandrie pour exercer sa profession . Dans cette ville il se consacra passionnément à l'étude
de la médecine, en suivant les enseignements des écoles médicales en vogue. L 'ample
recherche qu'il entreprit pour améliorer ses connaissances l'amena à un livre de Néchepso sur
la médecine astrologique, Néchepso étant le roi fabuleux de l'Égypte qui (avec Pétosiris )
représente une figure emblématique de la sagesse astrologique de ce pays (cf. 20 F. Cumont,
L 'Égypte des astrologues, Bruxelles 1937, p . 128 sq., 171 sq. ; 21 W . Kroll, art. « Nechepso » ,
RE XVI, 1933, col. 2160 -2167). L 'échec de la mise en pratique des recettes contenues dans ce
livre l'amena à nouveau à une pénible pérégrination à Thèbes, où il fit la connaissance des
prêtres. L 'un d 'eux, pour lequel il se prit en particulier d 'amitié, lui révéla les secrets ignorés
par Néchepso , attribuant le peu d 'efficacité des recettes de Néchepso à son ignorance du lieu
et du moment précis où les plantes doivent être cueillies. Sur ce point, le prêtre lui donne
quelques exemples.
Lorsque Gossen 1, col. 2416 , fait référence à un traité « inédit» intitulé lepi puolxūv
duválewv, transmis dans le manuscrit Matritensis et traitant des correspondances entre des
plantes, des animaux et des pierres, il confond l'ouvrage d'Harpocration remodelé dans les
Cyranides (prologue, li. 1 - 5 , p . 14 ) avec le traité qui est placé après la lettre en question et qui
est consacré exclusivement à la botanique astrologique. Pour la place de ce traité dans l'en
semble complexe d'écrits hermétiques sur l'astrologie , voir 22 F . Pfister , art. « Pflanzenaber
H8 HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE 501
glaube », RE XIX , 1937-1938, col. 1446 -1456, notamment col. 1451 ; Festugière 11, p. 137
186, notamment p . 143- 160.
La lettre fut éditée par 23 Ch. Graux, « Lettre inédite d'Harpocration à un
empereur, publiée d'après un manuscrit de la Biblioteca Nacional de Madrid» ,
RPh 2 , 1878 , p. 65-77, notamment p . 70-77, qui identifia son auteur avec l’Har
pocration cité dans le prologue des Cyranides. Plus tard, 24 P . Boudreaux,
CCAG , t. VIII 3, 1912, p. 139- 141, édita l'opuscule astrologique à partir d'un
grand nombre de manuscrits grecs qui en présentent, sous des versions diffé
rentes, le texte complet, bien que sans le titre et sans le début de la lettre , qui
apparaît en outre résumée. Boudreaux reprend l' identification (proposée par
Graux) de l'auteur de la lettre avec l'Harpocration des Cyranides, malgré la dif
ficulté posée par l'origine alexandrine de celui-ci, car cette origine semble s'ac
corder difficilement avec les renseignements autobiographiques que l'on peut
tirer de la lettre .
Dans un recueil byzantin , Boudreaux 24 , p. 134 , découvrit un fragment d 'un
astrologue du nom de Thessalos qui coïncidait avec un passage de la lettre . Par
ailleurs, dans un manuscrit latin de l'École de Médecine de Montpellier (Mon
tepessulanus, cod. 277, XIV°/xve s.) contenant des ouvrages de médecine de
caractère magique, alchimique et astrologique (parmi lesquels les Cyranides), on
trouva une traduction latine de la lettre ainsi que le traité complet sur les plantes
zodiacales, l'une et l'autre sous le nom de Thessalos (Thessalus philosophus de
virtutibus herbarum : fol. 31-35). Le texte se termine par la phrase : explicit liber
Thessali philosophi. Également, au début de la traduction latine des Cyranides,
on fait allusion au liber qui dicitur Thessalimysterium ad Hermetem , id estMer
curium de XII herbis XII signis attributis et de VII aliis stellis per VII alias stel
las (cf. 25 F. Boll, CCAG , t. VIII 4, 1912 , p. 253 -262 ; 26 H . Diels, Die Hand
schriften der antiken Ärzte. Griechische Abteilung, II. Teil : Die übrigen grie
chischen Ärzte ausser Hippokrates und Galenos, Berlin 1906 , p. 107). A partir
de ces deux témoignages, 27 F . Cumont, « Écrits hermétiques. II. Le médecin
Thessalus et les plantes astrales d'Hermès Trismégiste » , RPh 42, 1918, p. 85
108 , tente de démontrer que la mention d'Harpocration dans le titre de la lettre
du Matritensis n 'est pas authentique. D 'après lui, c'est le nom de Thessalos
(reconstitué dans un passage douteux du texte à partir de la version latine ) qui
était celui de l'auteur véritable de la lettre. Cette conclusion a été acceptée par
28 A .-J Festugière , « L 'expérience religieuse du médecin Thessalos» , RBi 48,
1939, p. 45 -77 (cf. Id . 11, p . 56 -59), et récemment par Fowden 12 , p. 162- 165
(cf. en revanche 29 F .Kudlien, art. « Thessalos » 6 , KP V , 1975, col. 763-764).
Le fait que la lettre est dédiée de façon imprécise à Katoap Ekbaotós rend
difficile l'identification du destinataire et donc l'utilisation de la dédicace pour la
datation de la lettre . Pfister 22, col. 1451, songe à Auguste ; Cumont 27, p. 98
sq., sur la base des versions latines, à Claude ou Néron ;Graux 23, p. 65, enfin , à
Julien .
Identité de l'auteur et localisation chronologique. Les critiques ont for
mulé des hypothèses diverses (dont aucune n 'est soutenue par des preuves
502 HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE H8

concluantes) identifiantnotre Harpocration avec l'un ou l'autre des Harpocration


connus, datés (souvent seulement de façon très conjecturale ) entre II et IVP. Ces
hypothèses dépendent fondamentalement de l'acceptation ou du refus de l' iden
tité de l'Harpocration de la lettre avec celle du rédacteur des Cyranides.
(a ) Valerius Harpocration . Il s'agit du célèbre rhéteur dont il nous est par
venu un Lexique des dix orateurs (cf. 30 H . Schultz , art. « Harpokration » 5, RE
VII, 1912, col. 2412-2416 ; 31 H . Gärtner, art. « Harpokration » 2, KP II, col.
944 ). 32 R . J. Iriarte, Regiae Bibliothecae Matritensis Codices Graeci Manu
scripti, t. I, Madrid 1769, cod. Matrit. Graec. 432, fut le premier à faire cette
identification sur la base de la lettre qui vient d'être citée (dont il avait aussi le
premier signalé l'existence), du fait qu 'Harpocration y dit qu 'il a appris la gram
maire en Asie avant son départ à Alexandrie , où il éclipsa les philologues les
plus réputés. Cette identification est contestée par Gossen 1, col. 2417 , quiconsi
dère qu'il vaudrait mieux songer à une interpolation dans la lettre qu'attribuer au
célèbre grammarien Valerius Harpocration un écrit d'une telle « charlatanerie ».
Graux 23, p. 65, qui incline pour identifier l'Harpocration de la lettre avec l'ami
de Libanios (cf. infra , b ), ne tient pas l'hypothèse pour invraisemblable ,mais
reconnaît qu 'elle ne repose sur aucune preuve proprement dite. Kaimakis 6 , p . 3 ,
s 'est prononcé dans le même sens. En revanche, Tannery 8 , p . 158, reprend
l'hypothèse selon laquelle l'auteur de notre texte hermétique serait le même que
celui du lexique des dix orateurs, et sont du même avis 33 D . Serruys, « Kolpa
víðeç» , RPh 32 , 1908, p. 158 - 160, notamment p. 158 ; 34 Fr. Cumont,« La plus
ancienne géographie astrologique » , Klio 9 , 1909 , p. 263- 273, p. 267 note 4 ;
Wellmann 10 , p . 9 ; et Kudlien 3 , col. 944.
35 F. Boll, « Das Eingangsstück der Ps.-Klementinen » , ZNTW 17, 1916 ,
p. 139 -148 , notamment p. 139, en partant de la lettre du manuscrit Matritensis,
place notre Harpocration à l'époque de Lucien , du fait qu 'Harpocration affirme
dans son prologue avoir visité la ville de Séleucie , qui fut complètementdétruite
lors de l'expédition de Lucius Verus (165P), et que Septime Sévère trouva
déserte. Si on accepte cette hypothèse , la dernière chronologie proposée pour
Valerius Harpocration le place au ITP ou plutôt au IIP (cf. 36 B. Hemmerdinger,
« Deux notes papyrologiques» , REG 72, 1959, p. 106 - 109, notamment p. 107
109 (« Les papyrus et la datation de Harpocration » ), et 37 J.J. Keaney, Harpo
kration . Lexeis of the ten orators, Amsterdam , 1991, p. IX -XI). Cela dit, aucun de
ces deux travaux ne met en relation cet Harpocration avec l'auteur de notre texte .
(b) Le correspondant de Libanios. Cet Harpocration était originaire
d'Égypte (Libanios, Lettres 371) et il était poète (Lettres 367, 727, 728) et pro
fesseur de grammaire (doué d 'un grand talent pour la parole) à Antioche, où il
vivait dans l'intimité de Libanios, et après 358, à Constantinople, où il fut appelé
par Thémistios (Lettres 367, 371, 729 ; cf. 38 O . Seeck , art. « Harpokration » 1 ,
RE VII, 1912, col. 2410 ) . C 'est de Mély 5 , t. II 1, préf. p. IX , qui, le premier,
suggéra que « l'Harpocration qui figure dans les Cyranides est selon toute vrai
semblance l'ami et le correspondant de Libanius ». Dans un autre travail, 39 F .
de Mély , « Les Cyranides» , RPh 24 , 1900, p. 119- 131, reprend cette hypothèse :
ION
H9 HARPOCRAT D 'ARGOS 503
il soutient que l'auteur des Cyranides a été Harpocration d'Alexandrie (ca 350
360 ). Par ailleurs, les critiques ont eu tendance à confondre deux personnages
homonymes, le lexicographe et l'ami de Libanios : cette confusion fut déjà reje
tée par 40 C . Boysen , De Harpocrationis lexici fontibus quaestiones selectae.
Accedunt fragmenta lexicorum rhetoricorum ex codd. Coisl. n . 347 et Paris.
n . 2635 nunc primum excerpta , Diss. Kiliae 1876 , chap . I, § 2, mais elle semble
suggérée par Gossen 1, col. 2417, et Kaimakis 6 , p . 3. Pour sa part, Graux 23,
p . 65, qui identifie aussi l'auteur de la lettre hermétique avec l'ami de Libanios,
pense que Julien est l'empereur auquel cette lettre est adressée, et il fixe en
conséquence la date de sa composition entre les mois de décembre 361 et de
juillet 363 (cf. ibid . n . 1) . Cette identification de notre Harpocration avec le
grammarien mentionné dans les lettres de Libanios a été reçue favorablementpar
Festugière 11, p. 204 .
(c) Gossen 1, col. 2417, pense que le caractère de la lettre s 'harmonise bien
avec l'Harpocration dont Tertullien , De corona 7, décrit les idées pédagogiques.
Festugière 11, p . 205 n. 5, semble hésiter entre cette identification et la précé
dente (b).
(d ) Boudreaux 24, p. 133 et n . 1 , place chronologiquement Harpocration au
IIP, en suggérant qu 'il peut très plausiblement s'identifier soit avec le grammai
rien Aelius Harpocration cité par la Souda, s.v. ' Aproxpatiwv, A 4013, t. I,
p. 367, 1-4 Adler (cf. 41 L . Radermacher, art. « Harpokration » 3, RE VII 1912,
col. 1411 sq.), soit avec Harpocration d'Argos (» H 9), platonicien , disciple
d'Atticus (d 'après Proclus, In Platonis Timaeum comm . 28 c, t. I, p . 305 , 6 sq.
Diehl), appartenant au temps de Marc -Aurèle . La Souda, s.v. 'Aproxpatiwv, A
4011, t. I, p. 366 , 38 sq. Adler, attribue à cet Harpocration un lexique de Platon
(cf. 42 H . Dietrich , art. « Harpokration » 1, KP II, 1967, col. 944 ).
PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ et JAVIER CAMPOS DAROCA .
9 HARPOCRATION D 'ARGOS RE 2 FII
Moyen -platonicien, élève d'Atticus (** A 507) selon Proclus, In Tim . I,
p. 305 , 6 -7 Diehl. Il est mentionné avec Atticus par le scholiaste du Vaticanus
graecus 2197, fol. 34 ' (cf. Proclus, In Remp. II, p. 377 , 15 -17 Kroll), avec Cro
nius 2 ( 223) et Numénius par Jamblique, De an . cité par Stobée, Anthol. I,
p. 380, 17- 19 Wachsmuth = Numénius, fr. 48 des Places (oi nepi Kpoviów te
xai Novuńvlov xai 'Aproxpatiwva ), et ibid., I, p. 375, 14 - 16 W . = Numénius,
fr. 43 des Places, et avec Plotin , Boéthos (~ B 44 ?) et Numénius par Énée de
Gaza, Theophr., p. 12, 5 -6 Colonna = Numénius, fr. 49 des Places. Son impor
tance parmi les commentateurs de Platon à l'époque pré-porphyrienne est
signalée par Proclus, In Remp. II, p. 96 , 11- 13 Kroll (tõv IłatwVLXÕV o xopu
φαίοι, Νουμήνιος, ' Αλβίνος, Γάϊος, Μάξιμος ο Νικαεύς, “Αρποκρατίων,
Eůxhelons, xai énì não v loppúplos). Bien qu'il soit qualifié de ovubiwing
Kaloapos dans la Souda, s.v. ' Aproxpatiwv, 'Aprelos ( A 4011, t. I, p. 366 ,
27-29 Adler), on a hésité, pour des raisons chronologiques, à l'identifier avec le
grammaticus Harpocration nommé par l'Histoire Auguste (SHA, Verus 2, 5)
504 HARPOCRATION D ' ARGOS H9

parmi les maîtres de Lucius Verus ; cf. 1 J. Dillon , The Middle Platonists, Lon
don 1977, p . 258-259.
Harpocration fut l'auteur, selon la Souda (loc. cit.), de deux ouvrages perdus:
Υπόμνημα είς Πλάτωνα ένα βιβλίοις κδ', et Λέξεις Πλάτωνος έν βιβλίοις
B '. C 'est au premier de ces ouvrages qu 'on peut attribuer les observations sur les
dialogues de Platon (Alcibiade 1, Phédon, Phèdre, République, Timée) rapportées
par Jamblique, Proclus, Hermias, Énée de Gaza, Damascius, Olympiodore, le
scholiaste du Vaticanus graecus 2197 (voir plus haut) et l'Anonyme du Parisi
nus graecus 1918 (voir 5 ci-dessous).
On ne connaît ni la date de sa naissance ni celle de sa mort. Il faut peut-être
l'identifier avec le Harpocration (2 - H 7 ), commémoré dansune inscription funé
raire d 'Athènes datant du 1e siècle (IG II 10826): quelxpós oủ qulupov
xarúntw I túuboç ävop' Énei oop@ v 18őpa Movośwv Mérlota , tõv 1 68'
έξοχον λαχών | “ Αρποκρατίων πρός αστών τρίς μάκαρ κληίζεται Γούνεκ'
ñv ontwp uèv eineīv , I dióoogos 8 ' à xeñ voetv . C 'est en tout cas la seule
attestation du nom d 'Harpocration dans la prosopographie attique ( comme me
l'a confirmé le professeur John Traill de l'Université de Toronto ). Si cette identi
fication est fondée, on pourrait en conclure qu 'Harpocration a passé à Athènes la
dernière partie , peut-être la partie la plus glorieuse , de sa carrière.
Témoignages. Voir 2 J. Dillon, « Harpocration's Commentary on Plato :
Fragments of a Middle Platonic Commentary », CSCA 4, 1971, p. 125-146;
3 L . G . Westerink, The Greek Commentaries on Plato ' s Phaedo, t. I: Olympio
dorus, Amsterdam 1976, Index I, s.n ., et 4 t. II :Damascius, Amsterdam 1977,
Index I, s.n .; 5 J. Whittaker, « Harpocration and Serenus in a Paris manuscript» ,
Scriptorium 33, 1979, p . 59-62, repris dans Studies in Platonism and Patristic
Thought, coll. « Collected studies series » 201, London 1984, n° XXIV .
École. Harpocration est resté fidèle à l'enseignement de son maître Atticus en
soutenant que le monde est engendré selon le temps,mais qu 'il reste impéris
sable de par le vouloir de Dieu . Sur d 'autres points considérés comme fondamen
taux à l'époque (rôle du Démiurge ,métempsycose , origine du mal), Harpocra
tion a cependant abandonné ou modifié les doctrines de son maître, sous l'in
fluence de Numénius et de Cronius.
Études d 'orientation. 6 H . von Arnim , art. « Harpokration » 2 , RE VII 2 ,
1912, col. 2411;Westerink 3, p. 12 - 13;"Dillon 1, p .258- 262.
Bibliographie. 7 L . Deitz , « Bibliographie du platonismeimpérial antérieur à
Plotin : 1926 - 1986 » , dans ANRW II 36, 1, 1987, p. 151.
JOHN WHITTAKER (†).
HASDRUBAL + CLE ( I ) TOMAQUE DE CARTHAGE
H 12 HÉCATÉE D'ABDÈRE 505
10 HAURANUS (C .STALLIUS -) RE Stallius 3 MF Ia ?
Stallius Hauranus , connu par l'inscription de Naples CIL X 2971 comme
appartenant au « cheur des Épicuriens, quimène joyeuse vie » , est situé par J.
Ferguson , « Epicureanism under the Roman Empire » , ANRW II 36, 4 , 1990 ,
p . 2262, vers la fin de la République. Une date légèrement postérieure n 'est pas
non plus exclue ; la définition implique en tout cas que l'épicurisme populaire
était déjà largement diffusé à son époque.
BERNADETTE PUECH .
11 HÉCATÉE
Personnage inconnu,mentionné dans la Stoicorum historia de Philodème, col.
12 , 1 - 3 (= SVF I 39 et FDS 131) en relation avec Athénodore de Soles
( * * A 496 ). Susemihl, GGLA, I, p . 73 n . 292, pense à un disciple de Zénon de
Cittium ; Crönert, Kolotes und Menedemos, p. 141 n . 550 , a proposé de
l'identifier avec Hécaton de Rhodes (» H 13) . Cf. T . Dorandi (édit.), Filodemo :
La Stoa da Zenone a Panezio , p. 10 et 145.
TIZIANO DORANDI.
12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE RE 4 PP 16915 FIV / D IIIa
Écrivain du début de l'époque hellénistique, présenté comme disciple de
Pyrrhon (Diogène Laërce IX 69), auteur de monographies historico -ethnogra
phiques de tendance philosophique, qui ont eu une influence remarquable sur la
littérature utopique ainsi que sur la littérature apologétique juive de la fin de
l'époque hellénistique.
Cf. 1 E . Schwartz, « Hekataios von Teios» , RAM 40 , 1885, p. 223- 262; 2 F .
Susemihl, GGLA, Leipzig 1891, t. I, p . 310 -314 ; 3 F. Jacoby, art. « Hekataios >>
4, RE VII 2, 1912, col. 2750-2769, repris dans Griechische Geschichtschreiber,
Stuttgart 1956 , p . 227-237 ; 4 W . Spoerri, art. « Hekataios von Abdera» , RAC
XIV , 1988, col. 276 -310 ; 5 Id ., art. « Hekataios » 4 , KP II, 1967, col. 980-982 ;
6 B . Z . Wacholder, art. « Hecataeus of Abdera» , EncJud VIII, 1971, p . 237.
Éditions d 'ensemble des fragments. Cf. 7 C .Müller, FHG , t. II,p . 384-396 ,
t. IV , p .675 ; 8 DK 73, t. II, p. 240 -245. Nous suivons la numérotation et la
distribution des fragments (et des témoignages ) de l' édition de 9 F . Jacoby,
FGrHist 264, t. III A , Leiden 1940, réimpr. 1964, p. 11-64 (Kommentar : t. III a,
Leiden 1943, réimpr. 1964, p . 29-87), qui est la plus complète (ajouter 10 J.
Mette , « Die “ Kleinen ” griechischen Historiker heute » , Lustrum 27, 1985, p. 33
38, notamment p . 37) . Cela dit, il faut reconnaître que les opinions sur l'authen
ticité et l'attribution des fragments varientconsidérablement parmi les critiques.
La suggestion de 11 R . Merkelbach, « Literarische Texte unter Ausschluß der christli
chen » , APF 16 , 1956 (1958 ), p . 82 - 129, notamment p . 112 - 114 , n° 1117 , qui attribue un
fragment de papyrus (PMichael. 4 = Pack2 2271) aux Aigyptiaka d 'Hécatée, fut déjà mise en
question par 12 P . M . Fraser, Ptolemaic Alexandria, t. II, Oxford , 1972, p . 772 sq . n . 40, et
plus récemment par 13 S.West,« P.Michael. 4 : Factor fiction ?», ZPE 10, 1973,p. 75-77.
L ' étude de la personnalité littéraire et philosophique d'Hécatée d 'Abdère se
heurte à deux difficultés qui compliquent considérablement la recherche. La
506 HÉCATÉE D 'ABDÈRE H 12
première difficulté est due à la confusion fréquente de cet Hécatée avec Hécatée
de Milet (FGrHist 1), auteur qui a joui d'une plus grande renommée. La pratique
habituelle de ne pas citer le nom de la patrie a contribué largement à cette confu
sion .
Le recueil de Jacobymet en évidence cette difficulté . En effet, on peut constater les chan
gements d 'attribution que l'éditeur a faits entre la première édition du tome 1 A des FGrHist
(Berlin 1922) et la deuxième, qui inclut un appendice d 'Addenda (und delenda ) (Leiden 1957,
réimpr. 1968, p. * 1 -* 5) . Les témoignages et fragments d'Hécatée de Milet rassemblés comme
FGrHist 1, test. 5 bis (Plutarque, Vie de Lycurgue 20, 3 = Apoth. Lac. 218 b ), test. 13 = fr. 194
(Strabon VII 3 , 6 , 299 ), test. 14 (Agatharchidès de Cnide, De la Mer Rouge, ap. Photius, Bibl.,
cod . 250 , 454 b , p . 172 -173 Henry ; GGM , t. I, p . 156 , 12 Müller), fr. 195 (Périple Anonyme
du Pont- Euxin 49, 6 , GGM , t. I, p . 413, 37 sq. Müller = Pseudo -Scymnos, v. 869, GGM , 1. I,
p . 232 Müller), fr. 370 (Pline, Histoire Naturelle IV 94 = Solin 19, 2 ) et fr. 373 (Diodore de
Sicile XL 3, 8 , ap . Photius, Bibliothèque, cod . 244 , 381 ą, p. 379 - 381 Henry ) sont attribués
plus tard à Hécatée d 'Abdère comme test. 5 , fr. 8 , test. 9 , tesi. 2 b = fr. 13, fr. 14 el fr. 6
respectivement. En revanche, les fragments 15 (Aétius, Placita II 20, 16 , p. 351 b , 9 - 11 Diels )
et 18 (Érotien , p . 55 , 7 Nachmanson ) d 'Hécatée d 'Abdère sont rassemblés dans les Addenda à
Hécatée de Milet (FGrHist 1, t. I, p . 4 ) avec les numéros 302 bis et 284 bis. Enfin , 14 G .
Nenci, Hecataei Milesii Fragmenta , Firenze 1954 , p. 113, revendique en outre pour Hécatée
de Milet les fragments 3 (= 386 Nenci, D . L . I 9 ) et 5 ( = 338 Nenci, Plutarque, De Iside et
Osiride, 353 b ).
La deuxième difficulté concerne la prolifération à l'époque hellénistique
d'écrits pseudépigraphes juifs sous le nom d 'Hécatée d'Abdère.
Les fragments concernant les Juifs ont bénéficié d'une attention particulière
de la part des spécialistes des écrits intertestamentaires ainsi qu 'en général de la
part des chercheurs du peuple juif, dans la mesure où Hécatée d' Abdère fournit
le premier témoignage païen un peu développé qui nous soit parvenu sur ce
peuple. Cependant, les critiques ne s'accordent aucunement sur l'authenticité de
la plupart de ces fragments ni sur leur datation .
Éditions des fragments concernant les Juifs. 15 Th. Reinach, Textes d'au
teurs grecs et romains relatifs au Judaïsme, réunis, traduits et annotés, Paris
1895, réimpr. Hildesheim 1963, p . 227 -236 ; 16 A .- M . Denis, Fragmenta pseu
doepigraphorum quae supersunt Graeca una cum historicorum et auctorum
Judaeorum hellenistarum fragmentis, dans A .-M . Denis et M . de Jonge, Pseudo
epigrapha Veteris Testamenti Graece, t. III, Leiden 1970, p . 199-202 (texte
grec) ; 17 M . Stern, Greek and Latin authors on Jews and Judaism , t. I, Jeru
salem 1974, p. 20 -44 (texte grec avec traduction anglaise et notes) ; 18 C . R .
Holladay, Fragments from Hellenistic Jewish authors, t. I : Historians, coll.
« Society of Biblical Literature. Texts and Translations» 20 , « Pseudoepigrapha
Series» 10, Chico 1983, p. 277-335 (texte grec avec une traduction anglaise et
des notes). Il y a deux traductions remarquables des fragments: cf. 19 R . Doran,
dans J.H . Charlesworth (édit.), The Old Testament pseudoepigrapha, t. II :
Expansions of the Old Testament and legends, wisdom and philosophical litera
ture, prayers, psalms and odes fragments of the lost Judaeo-Hellenistic works,
New York 1985, p. 905- 919 ; et 20 N . Walter, « Pseudo -Hekataios I und II. Die
Fragmente jüdisch -hellenistischen Historiker» , dans W .G . Kummel et C .
H 12 HÉCATÉE D'ABDÈRE 507

Habicht (édit.), Jüdische Schriften aus hellenistisch -römischer Zeit, Band I,


Lieferung 2,Gütersloh 1974, p. 144-160 .
Lieu d 'origine. La plupart des témoignages et des fragments contenant des
renseignements sur ce sujet (test. 1, 3, 7 a, fr. 4, 17, 23) s'accordent pour fixer la
ville d 'Abdère comme la patrie de notre Hécatée. Cependant, Strabon XIV 1 , 20 ,
644 C . (= test. 2 a ), lorsqu 'il parle de Téos, mentionne parmi les citoyens
illustres de cette ville un Hécatée qui ne peut être que le nôtre . En outre, 21 G .
Roeper, Über einige Schriftsteller mit Namen Hekataios, Danzig 1877, t. I, p. 1
sqq., conjecture l'ethnique « Thuoc» dans un passage douteux du Périple Ano
nyme du Pont-Euxin 49, 6 , GGM , t. I, p. 413, 37 sq.Müller (= test. 2 b et fr. 13).
Cette conjecture est acceptée par Jacoby 3, col. 2750, parmi celles qui ont été
proposées, pour lesquelles nous renvoyons à 22 A . Diller, « Fragmenta periege
seos ad Nicomeden Regem (Pseudo -Scymni]» , dans The Tradition of minor
Greek geographers, Amsterdam 1952, réimpr, dans la coll. « PhilologicalMono
graphs published by the APhA » 14, 1986 , p . 165 sq. A son tour, Schwartz 1 ,
p . 234 , incline aussi pour cette deuxième origine. Il suppose, en effet, que les
autres sources ont remplacé le nom de la métropole par celui de la colonie (cf.
23 P. Herrmann , « Teos und Abdera im 5. Jahrhundert v. Chr. Ein neues Frag
ment der Teiorum Dirae », Chiron 11, 1981, p. 1- 30 , notamment p. 27- 30 ), dans
le dessein de rattacher plus étroitement la personnalité d'Hécatée à l'école philo
sophique d'Abdère (cf. infra ). En revanche, Jacoby 3, col. 2751 ( cf. Id . 9 , t. III a
p . 31), suggère la possibilité que le nom « de Téos » réponde à une convention
littéraire : Hécatée se présenterait dans son livre Sur les Hyperboréens, le seul
connu par Strabon , comme originaire de Téos pour rendre les renseignements
concernant son voyage plus dignes de foi. En tout cas, on peut rappeler des cas
parallèles d 'une double origine (cf. Roeper 21, p. 22 sq .), comme c'est le cas de
Protagoras d'Abdère ,considéré par Eupolis commeoriginaire de Téos (DK 80 A
1 = D . L . IX 50).
Chronologie et données biographiques. Diodore I 46, 8 (= test. 4 ) parle
d 'un séjour d'Hécatée en Égypte à l' époque de Ptolémée ler. Le rapport avec ce
roi constitue un point fondamental dans la reconstitution de la biographie d'Hé
catée par les auteurs anciens etmodernes. A propos du problème de la datation
de l'écrit d'Hécatée sur les Égyptiens, 24 J. O . Murray, « Hecataeus of Abdera
and pharaonic kingship » , JEA 6 , 1970, p . 141-171, notamment p . 144, place ce
séjour dans les premières années du gouvernement de Ptolémée, établi en Égypte
en 3234. A ce sujet, Murray, qui présuppose que le livre I de Diodore suit pour
l'essentiel l'écrit d'Hécatée, relève une série d'indices permettant une datation
haute, à savoir :
(a) la mort du bæuf Apis (Diodore I 84), qui fixerait 300a comme terminus
ante quem ;
(b ) le fait que Ptolémée ne reçoit pas dans ce livre le titre de roi, qu 'il ne
prend qu 'à partir de 3054 (contra Fraser 12, t. II, n . 6 , p. 719) ;
(c) le peu d 'importance reconnu à Alexandrie par rapport à Memphis ;
508 HÉCATÉE D'ABDÈRE H 12

(d) le fait que le Pseudo-Aristéas considère Hécatée comme antérieur à Démé


trios de Phalère (cf. infra ).
Flavius-Josèphe, Contre Apion I 183 (= test. 7 a ), lorsqu'il introduit l' épitomé
de l'écrit Sur les Juifs du Pseudo-Hécatée, affirme que son auteur accompagna
Ptolémée jer dans sa campagne de Syrie (320 -3184), en faisant référence concrè
tement à la bataille de Gaza contre Démétrios Poliorcète ; en outre, il présente
Hécatée comme contemporain (ouvaxuáoas) d'Alexandre le Grand. Jacoby 9 ,
t. III a, p. 33, sur la base du fragment 5, où il identifie l'Archidamidas cité avec
Archidamos IV (roi de Sparte en 294 "), suggère qu 'Hécatée a accompli une
mission diplomatique à Sparte sur l'ordre de ce roi. Étant donné qu'Hécatée
n 'est pas cité à propos de la traduction de La Septante , les critiques sont arrivés à
la conclusion qu 'il ne vivait plus à l'époque de Ptolémée II, associé au trône en
285a et roi depuis 282a (cf. Jacoby 9 ,t. III 2, p. 32).
Contre cette reconstitution, 25 F.H . Diamond, Hecataeus of Abdera . A new
historical approach , Diss. University of California, Los Angeles 1974, p . 136
144, n'envisage pas de raison pour limiter la vie d 'Hécatée au temps de Ptolé
mée ler ni pour supposer une liaison particulière de l'historien avec la cour de ce
roi. D 'après lui, on peut prolonger la durée de la vie d'Hécatée jusqu 'au règne de
Ptolémée III. En ce qui concerne Flavius-Josèphe, Diamond 25, p. 140 - 142,met
en relief l'intérêt apologétique qui préside à son témoignage, étant donné que cet
auteur essaye d'accorder le plus possible d'ancienneté au peuple juif.
On ne peut pas vérifier le renseignement selon lequel Hécatée futdisciple de
Pyrrhon d' Élis, le fondateur de la philosophie sceptique (test. 3 = D .L . IX 69 =
Pyrrhon , test. 39 Decleva Caizzi). La chronologie de Pyrrhon se fonde sur le
témoignage de la Souda, s.v. Núppwv, II 3238, t. IV , p . 278, 6 Adler, qui, à la
suite probablement d'Apollodore d 'Athènes (FGrHist 244, fr. 39 = D .L . IX 61),
fixe le floruit du philosophe dans la 111° Olympiade (336 -333 ). Par ailleurs, les
critiques ont fixé sa mort ca 275a (cf. 26 F . Decleva Caizzi, Pirrone. Testimo
nianze , coll. « Elenchos» 5, Napoli 1981, p. 283-285 ; 27 K . von Fritz , art. « Pyr
rhon » 1, RE XXIV 2 , 1963, col. 89 -106 , notamment col. 90, qui suggère 270a).
Pyrrhon a été disciple du philosophe démocritéen Anaxarque d 'Abdère (DK 69 A 1 ; DK
70 A 1 ; cf. » A 160), qu 'il accompagna pendant l'expédition d'Alexandre , d'après D . L . IX
61. Müller 7, t. II, p . 384 , conjecture qu 'il faut lire dans ce passage de Diogène Laërce le nom
« Hécatée d 'Abdère » au lieu de la leçon des manuscrits, qui donne le nom d 'un personnage
obscur: « Ascanios d ’ Abdère » ( A 436 ), qui affirmait , d 'après D . L ., que Pyrrhon avait em
prunté aux sages d 'Orient son idéal d'áxataingia et d'énoyń. Par conséquent, Müller attri
bue à Hécatée un écrit sur la vie de Pyrrhon , et cette hypothèse a été reprise par 28 E . Rohde,
Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig 19143, réimpr. Hildesheim /New York
1974, p. 225-226 n . 1 (cf. Susemihl 2 , t. I, p . 310 -311 n . 10 , et avec des réserves Jacoby 3, col.
2751). Decleva Caizzi 26 , p . 135 sq., a rejeté cette hypothèse à partir du vocabulaire du texte,
qui présuppose un développement de la philosophie très improbable pour un auteur de
l'époque d 'Hécatée. On pourrait placer ce développement au plus tôt au IIa.
Les données biographiques dont on dispose sur Hécatée ne permettent pas de
fixer lemoment de son rapport avec Pyrrhon . A côté d 'Hécatée, Diogène Laërce
cite Timon de Phlionte , dont la vie est placée entre 325 et 235a (cf. 29 M . di
Marco, Timone di Fliunte . Silli. Introduzione, edizione critica, traduzione e
H12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE 509
commento , coll. « Testi e commenti» 40, Roma 1989, p . 1-5 ) et Nausiphanès, le
maître d 'Épicure (DK 75 A 3) .
Euvre. Bien qu'Hécatée ait été rattaché à plusieurs tendances de la pensée
philosophique de son époque, on ne connaît pas l'existence d 'un ouvrage de
caractère strictement philosophique sous son nom . La production d 'Hécatée
appartientau domaine de l'historiographie et peut-être à celui de l' érudition phi
lologique et littéraire.
(1) Hepi tñs noiňoews 'Ouńpou xai 'Holódov. On ne possède aucun frag
mentde cet écrit Sur la poésie d 'Homère et Hésiode, que nous connaissons seu
lement par la Souda, s.v. “ ExataTOS, E 359 , t. II, p. 213, 22 sq. Adler (= test. 1).
Jacoby 9 , t. III a, p. 60, nie la possibilité d 'attribuer à cet écrit ou à un autre écrit
philologique similaire le fragment 18 (= Érotien , p . 55, 7 Nachmanson ; cf. Suse
mihl 2 ,t. I, p. 311 n . 14), qu 'il accorde à Hécatée de Milet. C 'est sans doute à un
tel écrit qu'Hécatée doit le titre de xpitixòç xai ypapuatıxós, qui coïncide
avec celui donné à Philétas de Cos (IV -1114). D 'après la Souda, Hécatée a reçu ce
titre (outre celui de Diaboodos) ola ypauuatixnv Éxwv napaoxeuńv. Enfin ,
on ne peut pas exclure la possibilité que l'ouvrage en question ait eu un caractère
philosophique. Ainsi, Jacoby 9 , t. III a, p . 32, suggère qu’Hécatée y comparait
les idéaux de vie et l'utilité pédagogique des poètes Homère et Hésiode (cf. Dion
Chrysostome II 2 ; Thémistios XV 184 c -d ). Par ailleurs, on connaît bien l'atti
tude critique adoptée par l' école sceptique à l'égard des grammairiens et des
philologues (cf. Pyrrhon , fr. 21 Decleva Caizzi; Timon de Phlionte, fr. 12 et 61
diMarco ).
(2) Hepi ‘ Ynepßopéwu (test. 6 ; fr. 7 - 14). L'authenticité de ce titre est assurée
par l'unanimité de nos témoignages (cf. scholies sur Apollonios de Rhodes II
675 = test. 6 a et Pline, Histoire Naturelle VI 55 = test. 6 b ). A la suite d'Éra
tosthène, Strabon VII 3, 6, 299 C . (= test. 2 a et fr. 8 ) place cet ouvrage Sur les
Hyperboréens à côté de la fabulation de Théopompe de Chios sur la terre des
Méropes et de celle d'Évhémère de Messine ( E 187) sur l'île Panchaïe. Les
critiques ont interprété cette localisation d 'Hécatée entre Théopompe et Évhé
mère commeun indice de son antériorité par rapport à Évhémère.
Hécatée poursuit une longue tradition d 'idéalisation des peuples septentrio
naux (cf. 30 R . Dion, Aspects politiques de la géographie antique, Paris 1977,
p . 260-270 ) et reprend le modèle littéraire du récit de voyage, dans lequel le
détail géographique et le témoignage direct jouent un rôle très important
(cf. Rohde 28, p . 226 -231 ; Jacoby 9, t. III a, p. 52-54 ; Id . 3, col. 2755 -2756 ;
31 J. D . P . Bolton, Aristeas of Proconnesus, Oxford 1962, p . 24; 32 S. Mangani,
« Una geografia fantastica ? : Pitea diMassalia e l'immaginario greco» , RSA 22
23, 1992-1993, p . 25 -42).
(3 ) Tepi Aiyuntiwv. L ' écrit d 'Hécatée sur l'histoire et la civilisation d 'Égyp
te est connu d'ordinaire sous le nom générique d 'Aigyptiaka, bien que ce titre ne
soit pas attesté. D . L . I 10 (= fr. 1) cite l'ouvrage avec le titre lepi tñs tõv
Ayuntiw piooopias (Sur la philosophie des Égyptiens), repris par DK . Mais
ce titre semble indiquer plutôt une section de la première partie de l'ouvrage.
510 HÉCATÉE D 'ABDÈRE H 12
Diodore de Sicile I 46, 8 (= FGrHist. 264, Anhang, t. III A , p. 33), la source
principale pour sa reconstitution , ne précise pas le titre ,mais il fait seulement
référence à Hécatée comme à un des nombreux auteurs grecs à avoir composé
des histoires sur l'Égypte (Alyurtlaxai iotopía.).
Les critiques ont essayé de dater les Aigyptiaka, d'une part d'après le témoi
gnage cité plus haut concernant le séjour d 'Hécatée en Égypte, d'autre part d'a
près la chronologie relative fournie par des auteurs qui ont vraisemblablement
utilisé l'ouvrage, notamment Théophraste (ca 370 -288 /5 , scholarque du Lycée
depuis 3224).
Théophraste fait référence à deux reprises aux listes royales égyptiennes (åvaypapai
Úntèp Baotwv $8 24 et 55 ; FGrHist 665, fr. 36 ) dans son ouvrage De lapidibus, dont la date
de composition semble postérieure à 315/4a. 33 W . Jaeger, Diokles von Karystos. Die grie
chischeMedizin und die Schule des Aristoteles, Berlin 1938, 2 . Aufl. 1963, p . 213 sq., tout en
rattachant cette référence à Hécatée d 'Abdère , en tant que source autorisée pour les sujets
égyptiens, propose une chronologie relative de l'un et de l'autre écrit : 300 /298a pour celui de
Théophraste (cf. p . 119) ; 305 /300a pour celui d 'Hécatée (cf. p . 132). Toutefois, aussi bien la
datation tardive de l'écrit de Théophraste que sa dépendance par rapport à celui d 'Hécatée ont
été rejetées par 34 D . E . Eichholz , Theophrastus De Lapidibus, Oxford 1965, p . 9 -12.
Nous avons déjà rapporté l'avis de Murray 24, qui suggère une datation haute pour le
séjour d 'Hécatée en Égypte ainsi que pour la composition de son ouvrage (cf. aussi 35 Id .,
« The date of Hecataeus' work on Egypt» , JEA 59, 1973, p . 163-168 ). D 'après Murray 24,
l'écrit d'Hécatée, marqué par une tendance nette pour l'idéalisation de l'histoire et des institu
tions égyptiennes, doit être interprété dans le cadre de la politique des premières années du
gouvernement de Ptolémée ſer, lorsque celui-ci cherchait la collaboration de la population
indigène , notamment des très influents cercles sacerdotaux .
Jaeger 33, p. 134- 153 (cf. 36 Id ., « Greeks and Jews. The firstGreek records of Jewish
religion and civilization » , JR 18 , 1938, p . 123 - 153, repris dans Scripta Minora , t. II, Roma
1960, p. 169-183), pense de même que Théophraste doit à Hécatée la connaissance des Juifs
qu 'il démontre dans son écrit De pietate (apud Porphyre, De abstinentia II 26 = FGrHist 737,
fr. 6 = Stern nº 4 = Théophraste, fr. 584 a, t. II, p. 422 sq. Fortenbaugh ), qui peut être daté en
320 - 315a (cf. 37 J. Bernays, Theophrasts Schrift über die Frömmigkeit, Berlin 1886 , p . 109
sq.; 38 W . Pötscher, Theophrastos Peri eusebeias, Leiden 1964, p. 122 -125 ; 39 O . Regen
bogen , art. « Theophrastos » 3, RESuppl. VII, 1940 , col. 1354 - 1562 , col. 1515 ). Contre cette
hypothèse de Jaeger sur l' antériorité d 'Hécatée par rapport à Théophraste , voir 40 M . Stern ,
« The chronological sequence of the first references to Jews in Greek literature » , JEA 59,
1963, p. 159-163.
Les fragments proprement dits qui nous sontparvenus de cet ouvrage d'Héca
tée sont très pauvres. Toute reconstitution dépend de l'hypothèse selon laquelle
Diodore en a tiré (avec plus ou moins de fidélité) le matériel pour le livre I de sa
Bibliothèque historique. Hécatée n'y est cependant cité qu'une fois (I 46, 8 =
test. 4 = fr. 2), parmi les « nombreux Grecs qui ont visité Thèbes au temps de
Ptolémée Lagos et qui ont écrit des histoires sur l'Égypte » , comme source pour
la description de la tombe d'Ossymandias. Cependant, la cohérence interne du
texte de Diodore, ainsi que la coïncidence entre certains fragments tirés d'autres
auteurs et certains passages de la Bibliothèque, suggèrent Hécatée comme la
source de l'ensemble du livre en question.
C'est l'hypothèse défendue par les critiques, depuis 41 E. Schwartz, art.
« Diodoros» 38 , RE V I 1903, col. 663-704 , notamment col. 669-672, jusqu'à
Jacoby 9,t. III a, p. 75-85; et Murray 24 , p. 144-150 . Cela dit,le commentaire
H 12 HÉCATÉE D'ABDÈRE 511
de 42 A . Burton , Diodorus Siculus. Book I. A commentary, coll. EPRO 29,
Leiden 1972, présente un résultat moins net en ce qui concerne la question
complexe des sources du livre I de la Bibliothèque de Diodore. Le livre fonda
mental sur cette question reste celui de 43 W . Spoerri, Späthellenistische
Berichte über Welt, Kultur und Götter. Untersuchungen zu Diodor von Sizilien ,
coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft » 9 , Basel 1959.
La doxographie rapportée par D .L . I 10 (= fr. 1) sous le titre « philosophie des Égyptiens
sur les dieux et la justice » inclut une série de sujets qui correspondent assez exactement à des
parties importantes du livre I de Diodore , notamment aux chapitres 7 et 8, d'où on a voulu
tirer davantage dematériel pour l'æuvre d 'Hécatée (cf. infra ). Cette doxographie fait partie
d'une section plus ample (1 6 -10 ), analysée en détail par Spoerri 43, p . 53-67, que Diogène
Laërce attribue à « ceux qui affirment que la philosophie est née parmi les barbares » (1 6 ) .
Dans cette section , on présente les représentants les plus éminents de cette philosophie bar
bare : Gymnosophistes, Druides, Chaldéens, Mages (pour lesquels on cite Hécatée, fr. 3) et
prêtres égyptiens. Diogène Laërce y suit le procédé de présenter les opinions bien connues
avec l'expression générale « dit-on » , et il ne cite des auteurs précis que pour certains détails
ou des points discutés. Ce procédé nous empêche donc de déterminer exactement les limites
du texte correspondant à Hécatée.
Chez DK 8 , 73 B 6 , D . L . I 9 -11 est recensé comme un fragment d'Hécatée.Mais cet avis a
été contesté par Jacoby 9, t. III a, p. 38 -41, qui affirme la nécessité d'une comparaison détail
lée des sources avant de prolonger le fragment au -delà de ce que le texte définit de façon
objective. Hécatée apparaît cité deux fois, chaque fois à côté d'un autre auteur d 'un écrit sur
l'Égypte :
(a) à côté deManéthon , auteur d'un Épitomé de la physique (FGrHist 609, fr. 17 ), sur les
dieux égyptiens et leur représentation symbolique ;
(b) à côté d'Aristagoras (connu comme auteur d'Aigyptiaka, FGrHist 608 a, fr. 5), sur
l'activité scientifiquedes prêtres égyptiens.
Ce n 'est que dans le premier cas que l'on trouve une correspondance nette avec Diodore I
11, 1, et cette correspondance se borne, comme le remarque Jacoby, à l'identification Osiris =
Soleil, Isis = Lune . Cependant, il ne faut pas oublier que Manéthon apparaît comme source
alternative et que l'idée attribuée à Hécatée et à Manéthon n 'est pas l'identification citée mais
l'idée que les Égyptiens utilisaient symboliquement certains animaux (scarabée, serpent et
faucon entre autres) pour représenter les dieux (cf. Spoerri 43, p . 55 et n . 10 ), idée qui ne
trouve pas de correspondance chez Diodore.
Le fragment 4,transmis par Plutarque, Isis et Osiris 9, 354 c-d, fournit une interprétation
du dieu Ammon que l'on peut rattacher aussi à un passage de Diodore I 13 , 2 . En réalité , la
seule correspondance d'Hécatée avec Diodore est dans ce passage l' identification Zeus =
Ammon , qui n 'est nullement originelle, comme le remarque Plutarque lui-même. Par ailleurs,
encore une fois, Manéthon y est cité à côté d'Hécatée.
Le fragment 5, concernant la réglementation de l'usage du vin dans le régimede vie du roi
selon les lois écrites, est tiré aussi de Plutarque, Isis et Osiris 6 , 353 b . Ce fragment corres
pond assez bien à un passage de la section de Diodore consacrée à la constitution égyptienne
(1 70, 11).
Les fragments 19 a (= Porphyre, Quaestiones Homericae (1383),1.I, p. 136 , 18 Schrader)
et 19 b (= Étienne de Byzance, Ethnica, s.v. Albonohis, p. 234 Meineke; cf. aussi les passages
rassemblés parMette 10) sontdavantage problématiques, car le nom d'Hécatée n 'y est qu'une
conjecture (cf. Jacoby 3, col. 2752, pour les diverses corrections proposées). En tout cas, les
renseignements qu ' on y trouve s'accordent avec Diodore I 15 , 1 -2 ; 1 31,7 ; 1 45, 4 -7 .
C 'est 44 K . Reinhardt, « Hekataios von Abdera und Demokrit» , Hermes 47,
1912, p. 492-512 (repris dans Vermächtnis der Antike. Gesammelte Essays zur
Philosophie und Geschichtsschreibung,Göttingen 19662, p. 114 -132), qui a dé
512 HÉCATÉE D 'ABDÈRE H 12
fendu de façon la plus radicale l'influence d'Hécatée sur le livre I de Diodore. En
effet, à partir non seulement des chapitres 7 et 8 de ce livre mais d 'autres cha
pitres, notamment le chapitre 10 , Reinhardtrevendique pour Hécatée l'ensemble
de la cosmogonie , de la zoogonie et de l'histoire de la culture que Diodore met
au début de sa Bibliothèque. D 'après lui, Hécatée a adapté à ses Aigyptiaka une
série d 'idées remontant finalement à Démocrite d' Abdère ( D 70 ) et en général
à l'école atomiste . Reinhardt modifie ainsi la tendance des critiques à attribuer à
l'école d 'Épicure ( »- E 36 ) les chapitres en question de Diodore (cf.
45 E .Norden , Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie, coll. JKPh
Suppl. 19, 1893, p . 364-462,notamment p .413 sq.; Spoerri 43, p . 1-5); il expli
que les coïncidences entre Diodore et Epicure par l'existence d 'une source
commune : Démocrite .
Sur la base des dialogues de Platon, où il reconnaît une réélaboration des idées exprimées
par Démocrite dans le Mixpós Oláxoguos , Reinhardt reconstitue l' ensemble complexe
d' idées du philosophe atomiste sur les origines de la société humaine, sur la culture et sur le
langage. Bien que cette reconstitution ne soit pas acceptée par Jacoby 9, t. III a, p. 39 , elle
permet de mettre à contribution les chapitres de Diodore pour la reconstitution de l'æuvre per
due de Démocrite (DK 68 B 5 ; t. II p.135-6 ; D 70, p. 691 sq.). Enfin , la reconstitution de
Reinhardt a été contestée aussi par Spoerri 43, p. 132- 163. D 'autres auteurs ont essayé de
développer l'hypothèse de Reinhardt: cf. 46 Th. Cole, Democritus and the sources of Greek
anthropology, coll. « PhilologicalMonographs published by the APHA » 25, Cleveland, 1967,
réimpr. 1990 ; Murray 24, p . 169-70 ; 47 G . Vlastos, « On prehistory in Diodorus» , AJPh 67,
1946 , p. 51-59.
Hécatée incluait dans ses Aigyptiaka une digression sur les Juifs (fr. 6 ), que
Diodore réserve pour le livre XL et dernier de sa Bibliothèque, livre transmis de
façon fragmentaire par Photius, Bibl., cod. 244, 379 a -381 b , p. 134-137 Henry.
La place de cette digression dans l'ouvrage originaire n 'est pas claire . Jacoby 9 ,
t. III a, p. 49 sq ., suggère de la placer dans la section concernant les migrations
égyptiennes, correspondant à Diodore I 28 -29. Cependant, il décèle une certaine
contradiction entre le fragment 6 , où les Juifs sont considérés comme des étran
gers chassés de l'Égypte , et Diodore I 28-29, où ils sont considérés comme des
Égyptiens d 'origine qui ont émigré en raison de l'excès de la population au pays
du Nil. Jacoby résout cette difficulté en considérant le fragment 6 comme une
variante du récit sur les migrations. D 'après lui, c'est ainsi qu'il faut interpréter
l'expression üç tivés paolv du texte (cf.Diamond 25, p . 26 sq.).
En réalité, c 'est le nom d 'Hécatée de Milet qui apparaît dans le texte. Cependant, depuis
48 J. P . Wesseling (édit. de Diodore, Amsterdam 1746 ), avec des rares exceptions (cf. 49 F .
Dornseiff, Echtheitsfragen antik -griechischer Literatur. Rettungen des Theognis, Phokylides,
Hekataios, Choirilos, Berlin 1939, p . 54 -56 ) , on reconnaît ici une erreur de Photius (cf. Dia
mond 25 , p . 129 - 130 ) ou de Diodore lui-même (cf. Jacoby 9 , t. III a, p . 46 ). Enfin , Nenci 14 ,
p . 113, cite Petrus Zornius, auteur du premier recueil des fragments d'Hécatée d 'Abdère
(Hecataei Abderitae philosophi ethistorici bis mille abhinc annos longe celeberrimi Eglogae
sive Fragmenta integri olim libri de historia et antiquitatibus aeviveterum Ebraeorum , graece
et latine, cum notis Josephi Scaligeri et commentario perpetuo Petri Zornii. Praeter prolego
mena, figuras aeneas etinsigne quoddam ảnoonappátlov HecataeiMilesii quod haud dis
similis argumenti est, Altonae 1730), qui reconnaît dans cet Hécatée de Milet un contemporain
d'Hécatée d 'Abdère, différent du logographe.
H 12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE 513
La digression sur les Juifs sert à Diodore pour introduire l'activité de Pompée
en Judée en 638. Il est intéressant de constater que Diodore a recours à Hécatée
comme source alors qu 'il aurait pu faire appel à des auteurs plus récents, comme
Posidonios, qu 'il suit en d'autres passages de son œuvre touchantaussi le peuple
juif (par exemple, XXXIVN 1 = FGrHist 87, fr. 109). Cela peut s 'expliquer par
l'attitude « classiciste » de Diodore dans la sélection de ses sources.Mais on peut
alléguer aussi d 'autres raisons, comme sa volonté de tracer un portrait plus
« positif » du peuple juif à une époque où les positions anti-juives étaientdeve
nues de plus en plus radicales.
Finalement, il ne faut pas oublier que le fragment qui nous occupe est le résul
tat d'une double abréviation : celle de Diodore, qui a changé l'original sur des
aspects essentiels (cf. Jaeger 33, p. 150 sq .; Jacoby 9 ,t. III a, p . 48 ; Diamond
25 , p. 5- 134 ); et celle de Photius, qui a fait un travail assez sommaire (cf.
Diamond 25, p. 5-12). Les critiques ne se sont pas mis d ' accord sur l'attribution
de la dernière section du fragment (8 b ), où l'auteur fait référence à la décadence
desmæurs motivée par la domination étrangère du peuple juif. Jacoby 9, t. III a,
p. 52, incline pour Diodore ( cf.Murray 24, p. 149 n . 1), en alléguant la coïnci
dence avec Diodore I 95, 6 , passage où on formule un jugement similaire sur la
décadence des meurs égyptiennes.
Ce jugement est placé à la fin de la liste de législateurs qui a été attribuée aussi à Hécatée
(cf. 50 J. Bidez et F . Cumont, Les Mages hellénisés, t. I, Paris 1938 , réimpr. Paris 1973, p . 20
sq.),mais Jacoby ne l'inclut pas dans son fragment 25 (cf. infra ). En revanche, 51 K . Rein
hardt, Poseidonios über Ursprung und Entartung. Interpretation zweier kulturgeschichtlicher
Fragmente , coll. « Orient und Antike » 6 , Heidelberg 1928, repris dans Vermächtnis der An
tike. Gesammelte Essays zur Philosophie und Geschichtsschreibung, Göttingen 19662, p . 402
460, notamment p . 413, fait référence au passage cité pour caractériser l'avis d'Hécatée face à
celui de Posidonius. A son tour, Diamond 25, p . 118 - 128 , considère que la critique s 'adresse
aux Juifs eux -mêmes qui ont abandonné leursmeurs ancestrales, et que les circonstances poli
tiques de la domination étrangère ne seraient qu 'un élément secondaire. D 'après lui, cette cri
tique provient de certains cercles piétistes et nationalistes, d 'où l'aurait tirée Hécatée.
Sur l'histoire de l'Égypte composée par Hécatée, voir récemment 52 M .S . Burstein ,
« Hecataeus of Abdera's history of Egypt» , dans J. H . Johnson (édit.), Life in a multi-cultural
society. Egypt from Cambyses to Constantine and beyond, Fourth International Congress of
Demotics, The Oriental Institute , The University of Chicago, September 4 -8 , 1990 , coll.
« Studies in ancient oriental civilization » 51, Chicago 1992, p. 45-49.
Portée philosophique de l'euvre d'Hécatée. Les témoignages et les frag
ments présententHécatée commeun philosophe aux intérêts larges (cf. la Souda,
s.v. ' Exatatos = test. 1) et le rangent dans deux courants de pensée : dans la tra
dition des Abdéritains, c'est -à-dire celle des adeptes de Démocrite, et dans la
tradition sceptique que Pyrrhon d'Elis inaugure . Cependant, Hécatée n 'apparaît
pas dans les oladoxalde ces écoles (cf. Clément d'Alexandrie , Stromates I 64,
2-4 , et Eusébe, P. É. XIV 17,19 et XIV 18, 27-29). Clément d'Alexandrie le
place dans le groupe des philosophes d ’Abdère, à la tête duquel se trouvait
Démocrite (test. 31; cf. 53 V. E . Alfieri, « Per la cronologia della scuola di Abde
ra » , dans Estudios de historia de la filosofía en homenaje a R. Mondolfo, t. I,
Tucumán 1957 , p . 149- 157), et où il inclut, en outre, Apollodore de Cyzique
( +*+ A 247; DK 76 A 1) et Nausiphane (DK 75 A 1; cf.54 H . Dörrie,art. « Nausi
514 HÉCATÉE D 'ABDÈRE H 12
phanes », KP IV , 1975, col 16 - 17), qui fut le maître d'Épicure ; il distingue Héca
tée de ceux -ci en ce qu 'il a proposé l'autarcie (aŭtápxela ) comme fin (téhoc ).
Cette tradition démocritéenne a été le point de référence fondamental pour la
caractérisation d 'Hécatée dans les travaux de Reinhardt 44 , et de Bidez et
Cumont 50, t. I, p . 240 , et t. II, p. 31 n . 3 . Le lien d 'Hécatée avec le scepticisme
attesté par D . L . IX 69 (= test. 3 a ), qui le mentionne comme disciple de Pyrrhon
d 'Élis (360-275/ 70 ) et compagnon de Timon de Phlionte et de Nausiphane,
s'explique bien par le rapport étroit de Pyrrhon avec la tradition démocritéenne,
malgré les différences relevées déjà par Sextus Empiricus, H . P . I 213 (cf. 55 D .
Seadley, « Sextus Empiricus and the atomist criteria of truth » , dans Sesto Empi
rico e il pensiero antico = Elenchos 13, Napoli 1992, p . 19-56 ). Rohde 28 , p . 224
et 229, et Diamond 25, p. 91, 235-245, ont insisté sur ce lien philosophique pour
expliquer l'intérêt et l'attitude favorable d 'Hécatée envers les idées et les pra
tiques religieuses des différents peuples barbares. Schwartz 1, p . 242-250, iden
tifie des influences des diverses écoles, reconnaissant des positions stoïciennes et
cyniques, en plus des influences démocritéennes et sceptiques (cf. 56 E . Zeller,
Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung dargestellt,
t. I : Allgemeine Einleitung. Vorsokratische Philosophie. Siebente Auflage
(Obraldruck der sechsten Auflage 1920 ). Mit Unterstützung von F. Lortzing,
hrsg. von W . Nestle, Leipzig 1923, p. 1193 sq.). Jacoby 3 , col. 2754 (cf. Id . 9,
t. III a , p . 33), minimise ces coïncidences et les explique par une dépendance
commune par rapport à la Sophistique du IVe siècle av. J.-C . En fait, Plutarque,
Vie de Lycurgue 20 , 3 (= test. 5 ) se réfère à Hécatée (à propos d 'un séjour de
celui-ci à Sparte ) comme à un « sophiste » , ce qui semble indiquer une activité
itinérante comme celle de Timon de Phlionte (cf. Diogène Laërce IX 110 = test.
1 DiMarco) ou celle de Bion de Borysthène (cf. test. 12 sq . Kindstrand).
La mention d 'Hécatée dans le témoignage 5 est faite dans le cadre d 'une série
d 'anecdotes sur le « laconisme» proverbial des Spartiates: le silence d 'Hécatée à
un banquet provoque la critique des assistants, mais aussi l' éloge d ' Archidami
das par la maxime suivante: ο ειδώς λόγον και καιρόν οίδεν. Εtant donné que
dans l'un des deux seuls fragments d' Anaxarque ( A 148) que nous connais
sons celui-ci aborde la question du moment opportun pour parler, Diels soup
çonne que cette anecdote se rapportait originellement à Anaxarque, maître de
Pyrrhon , à qui on n ' a attribué qu 'un ouvrage Sur la royauté (cf. DK 8 , 72 B 1,
t. II, p. 241, app. crit.).
Le fragment 15 (= Aétius, Placita II 20, 16 , p . 351 b , 9- 11 Diels) attribue à
Hécatée une doxa concernant la physique (ävapua (Heeren : avarua A ) voepov
το εκ θαλάττης είναι τον ήλιον), gue Diels a incluse parmi les fragments de
l'histoire égyptienne (DK 73 B 9 ) et qu'il a associée à la crue du Nil (cf. Héro
dote II 25) . Jacoby 9 , t. III a , p . 60 sq., objecte que l' interprétation physique du
soleil ne s'accorde pas avec ce qu'on lit dans la théologie égyptienne transmise
par Diodore, qui y voit un dieu éternel et premier. D 'après la suggestion de
Diels, il pense qu 'il serait peut-être plus approprié d'attribuer cette interprétation
à Hécatée de Milet (FGrHist 1, fr. 302 bis, t. I A , p. * 4 n . 5). Le nom d 'Hécatée
H 12 HÉCATÉE D'ABDÈRE 515
suit celui d'Héraclite (DK 22 A 12) et nous connaissons de nombreuses versions
de la même doxa attribuées à Zénon (SVF I 120), Cléanthe (cf. SVF II655 A ) et
aux stoïciens en général (cf. Plutarque, Placita II 20 ), où on l'associe à la théorie
de l'avaduuiaois, dont l'origine remonte à Diogène d 'Apollonie ( D 139 ; cf.
DK 64 A 17). Sur l'élaboration stoïcienne du texte d 'Héraclite , cf. 57 M .L .
West, Early Greek philosophy and the Orient, Oxford 1971, p. 129 sq.Les inté
rêts scientifiques s'accordent bien avec ce qu 'on lit dans le fragment 1, mais ne
s'accordent pas avec la tradition pyrrhonienne (cf. D .L . IX 64 ). La possibilité
d'attribuer à Hécatée les Theologumena diodoréens, avec toute la spéculation
physique qu 'ils contiennent, a été rejetée par Spoerri 43, p. 164 -211, notamment
p . 205.
Le témoignage 3 b, concernant l' idéal éthique d'Hécatée , l'aútápxela , ne
fournit pas une information significative, car l'idéal d'« autarcie » constitue un
principe largement accepté dans les différents courants de pensée éthique d'épo
que hellénistique.
Son premier développement est dû à quelques disciples de Socrate ,notamment Antisthène
(2A 211) et Aristippe (* A 356 ), qui voyaient chez le maître le modèle d 'une vie fondée sur
le contrôle de soi et l'indépendance à l'égard des choses externes (cf. 58 H . North ,
Sophrosyne. Self-knowledge and self-restraint in Greek literature, Ithaca/New York 1966 ,
p. 125 -127). L 'autarcie est, également, un concept lié à la tradition démocritéenne (cf. DK 8 ,
68 B 176 et 246 ; 59 G . Vlastos, « Ethics and physics in Democritus » , PhR 54, 1945, p. 578
592 ; 55, 1946, p . 53-64, repris dans R . E. Allen et D .J. Furley (édit.), Studies in Presocratic
Philosophy, t. II : The Eleatics and Pluralists, coll. « International Library of Philosophy and
Scientific Method », London , 1970, p. 381-408 ; et North 58 , p. 118 -120 ). Il s'agit d 'une fin
voisine d 'autres fins (Téan ) proposées par des représentants de cette tradition (cf. Jacoby 3,
col. 2754).Néanmoins, tout au long du Iva l'autarcie a subi d 'importants développements grâ
ce aux différentes écoles philosophiques héritières du socratisme, notamment la cynique;
cf.60 A . N . M . Rich , « The Cynic conception of aútápxela » , Mnemosyne 9, 1956, p. 23-29
(repris dans M . Billerberck ( édit.), Die Kyniker in der modernen Forschung. Aufsätze mit
Einführung und Bibliographie, coll. « Bochumer Studien zur Philosophie » 15 , Amsterdam
1991, p. 233- 239). Plus tard le stoïcisme fera du caractère autosuffisant de la vertu pour le
bonheur un trait qui le différenciera d'autres écoles (cf. 61 J.M . Rist, Stoic philosophy,
Cambridge 1969, p. 54-80 ; et 62 M . Forschner, Die stoische Ethik. Über den Zusammenhang
von Natur -, Sprach - und Moralphilosophie im altstoischen System , Stuttgart 1981, p . 212
226 ). Selon Jacoby 9, t. III a, p . 33, l'autarcie ne doit pas être utilisée pour rattacher les idées
d 'Hécatée à une école spécifique.
Hécatée se distingue comme divulgateur d'idées et de thèmes de la pensée
politique grecque à travers la forme littéraire de la monographie ethnographique,
dans laquelle il applique les catégories de la réflexion philosophique sur la
société idéale à la description des peuples barbares et il adapte les formes éta
blies de la tradition historiographique (cf. Jacoby 9,t. III a, p. 34 sq., p. 79, et
63 R . Drews, The Greek accounts of Eastern history, Cambridge (Mass.) 1973,
p. 123- 130). Il crée ainsi des images idéalisées qui tranchent sur l'état de déca
dence institutionnelle du monde grec. Jacoby 3 , col. 2755, a forgé pour ce genre
littéraire le titre bien trouvé d'« utopie ethnographique », qui aurait l'attrait de
présenter l'état idéal comme quelque chose de réel. Ce genre réalise donc le
desideratum platonicien , exprimé dans Timée 19 b -c, à propos de l'État idéal
projeté dans La République, de contempler les idées en mouvement comme
516 HÉCATÉE D 'ABDÈRE H 12

quelque chose de vivant. Profiter des formes de la tradition historiographique


hérodotéenne est un trait qui remonte également à Platon (cf. 64 P. Vidal
Naquet, « Athènes et l'Atlantide » , REG 77 , 1964, p. 420 -444, repris dans le
Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, coll.
« La Découverte/Fondations» , Paris 19832, p. 335- 360). Par ailleurs, depuis le
début de l' époque hellénistique, l'ethnographie reçoit et assimile les concepts
élaborés à l'intérieur des écoles philosophiques et les applique à l'interprétation
de la diversité ethnique et culturelle à laquelle elle s'oppose (cf.65 K . Trüdinger,
Studien zur Geschichte der griechisch -römischen Ethnographie, Basel 1918 ,
p. 50, 138 ; et 66 A. Dihle, « Hellenistische Ethnographie » , dans Grecs et barba
res, coll. « Entretiens sur l'Antiquité Classique » 8, Vandæuvres/Genève 1962,
p . 207-232, repris dans Id., Antike und Orient.Gesammelte Aufsätze, Heidelberg
1984, p . 21-46 ).
On a essayé de voir dans les fragments ethnographiques, dans ceux qui sont
certains aussi bien que dans les douteux, l'application de l'idéal éthique de l' au
tarcie . Jacoby 3 , col. 2757, considérait que les Hyperboréens, qui remplacent les
Scythes comme communauté idéale gouvernée par la simplicité et par l'autarcie
(cf. Trüdinger 65, p . 48-59, 135), étaient présentés par Hécatée comme la réali
sation de cette vertu (cf.67 J. Haussleiter, Der Vegetarismus in der Antike, coll.
« Religionsgeschichtliche Versuche und Vorarbeiten » 24, Berlin 1935, p . 30).
Dans ces fragments, on ne trouve cependant pas de passage relié à l’autarcie ou à
des idées voisines, mais les renseignements tournent autour des pratiques reli
gieuses. Bien plus intéressant est le cas du livre sur l'Égypte, qui supposa un
point d'inflexion important dans l'historiographie en général et dans le thème
égyptien en particulier (cf. 68 F . Froidefond , Le mirage égyptien dans la littéra
ture grecque d 'Homère à Aristote, Aix-en -Provence 1971, p. 356 sq.). L 'idéal de
vie simple s'exprimedans les meurs millénaires du peuple égyptien tout au long
du livre de Diodore, où l'on a vu une dépendance à l'égard d 'Hécatée.
Diodore I 54, 1, et Plutarque, Isis et Osiris 354 a, racontentl'un et l'autre une histoire édi
fiante sur le premier pharaon qui introduisit en Égypte la vie molle et luxueuse , et son succes
seur, qui réinstaura la vie simple etmaudit la mémoire du premier. Chez Athénée X , 418 e , on
trouve une anecdote semblable attribuée au traité lepi aŭtapxelaç d 'un certain Alexis, dont
Meineke corrigea le nom en proposant Alexi< no > s , c'est- à -dire Alexinos d ' Élis ( * A 125 ;
SR , fr. II C 19 ), dernier représentant de l'école mégarique, que l'on peut placer dans le premier
tiers du Mia (cf. contra Susemihl 2 , t. II, p . 19 sq. n . 596; et 69 K . Döring, Die Megariker.
Kommentierte Sammlung der Testimonien , coll. « Studien zur antiken Philosophie » 2, Amster
dam 1972, p . 122). Jacoby 3 , col. 2754, remarque que le tableau de la vie des pharaons égyp
tiens chez Diodore I 70 sq., exalte aussi le contrôle absolu des appétits et des passions des
monarques d'Égypte et la régulation stricte de leur régime (fr. 5 ). La continence les libère des
misères de la Fortune (túxn ). C 'est cette opposition aŭrápxelA /Túxn que nous trouvons juste
ment chez Démocrite (cf. North 58, p. 119 ). Le régime alimentaire du peuple égyptien est
égalementmarqué par la simplicité (1 89 4), étant donné que, malgré la fertilité du pays, à
chaque endroit ils s ' abstiennent d ' une série d 'aliments , et leurs pratiques médicales sont fon
dées sur l'épuration de l'excédent de nourriture (T ) Teputtóv) qui n 'a pas été absorbé par le
corps (cf. Diodore I 82 , 1 sq.). L 'autarcie est donc un idéal social, qui se reconnaît même dans
la situation géographique du pays (cf. Murray 24, p. 148) et qui dépend de l'implantation
d ' une série de lois et non d'une position personnelle qui rend sage l'individu, comme dans la
pensée éthique et gnoséologique de l'Hellénisme. C 'est dans ce sens-là que Plutarque décrit le
H12 HÉCATÉE D ' ABDÈRE 517

comportement de Lycurgue et de Numa comme un modèle pour leurs sociétés respectives


(cf. Plutarque, Vie de Numa 24, 75 f) . Murray 24 a remarqué le rôle que le tableau de la
monarchie pharaonique tracé par Hécatée a joué dans la tradition des traités sur la royauté, qui
fleurit dès la seconde moitié du iva (cf. 70 P. Hadot, art. « Fürstenspiegel » , RAC 8, 1972 ,
col. 555 -632, notamment col. 561 sq .). L 'autarcie comme une vertu du roi joue un rôle impor
tant dans le traité d 'Ecphantos ( E9) Sur la royauté, ap. Stobée IV 7 , 66 , t. IV , p . 278 Hense
(cf. 71 L . Delatte , Les traités de la royauté d 'Ecphante, Diotogène et Sthénidas, Liège 1942 ;
72 E . R . Goodenaugh, « The Political thought of Hellenistic kingship » , YCIS 1, 1928, p. 55
102).
L 'ensemble des fragments ethnographiques fait ressortir l'intérêt constant
d 'Hécatée pour la question des croyances et des pratiques religieuses des diffé
rents peuples, et en particulier pour la question de la nature des dieux et de la
représentation de ceux-ci, aussi bien linguistique que figurative, qui découle de
ces croyances (cf. 73 P . Wendland, La cultura ellenistico-romana nei suoi rap
porti con giudaismo e cristianesimo, trad . italienne, avec appendice bibliogra
phique par L . Firpo, de la quatrième édition allemande due à H . Dörrie (Die hel
lenistisch -römische Kultur in ihren Beziehungen zum Judentum und Christen
tum , coll. « Handbuch zum Neuen Testament» I 2, Tübingen 1972 ), Brescia
1986 , p. 160 -163). La description de la vie des Hyperboréens est dominée par
l' épiphanie annuelle du dieu qui les transforme en prêtres d'Apollon (fr. 7). Le
fragment 1, dans les termes délimités plus haut, évoque la pratique de la repré
sentation zoomorphique des dieux égyptiens, et explique par la suite la construc
tion de temples et de statues à partir du fait que les Égyptiensne connaissentpas
la forme de ces divinités (xataoxEVáÇELV OÈ áráruata xai teuévn tồ un
Eldéval TņV TOŨ DECŨ Mopońv). Le fragment 4 offre une interprétation du nom
d'Ammon dérivée de la nature « occulte » de ce dieu . Jacoby 9, t. III a, p .43-45 ,
conclut à propos de ce fragment que c'était justement dans le matériel « égypto
logique » , notamment dans les données linguistiques, que Diodore avait simplifié
l'original. Plutarque, Isis et Osiris 355 a, et Diodore I 11,1, interprètent l'un et
l'autre le nom d'Osiris comme « celui qui a beaucoup d'yeux (roavósoar
Moc) »,mais Plutarque est le seul à inclure une analyse étymologique qui semble
avoir un certain fondement dans la langue originale (cf. Burton 42, p . 64 -66 ). Le
traité de Plutarque contient d'autres passages de ce genre (cf. Isis et Osiris 372
d) quipourraient revenir à Hécatée, cité deux fois dans le traité , bien que cela ne
soit pas sûr (cf. Jacoby 9, t. III a, p .43). La pratique de rassembler des rensei
gnements sur les coutumes religieuses, en prêtant attention surtout aux dieux et à
leur nom , est généralement typique de l'ethnographie ancienne et se trouve
largement attestée chez Hérodote . Ainsi, Hérodote II 42 identifiait déjà Zeus à
Ammon (cf. 74 W . Burkert, « Herodot über die Namen der Götter: Polytheismus
als historisches Problem » ,MH 42, 1985 , p. 121- 132). Le caractère central des
croyances religieuses dans la vie sociale d’un peuple met au premier plan les
sociétés théocratiques et hiérocratiques, que l'on suppose spécialement excel
lentes et stables (cf. 75 Id .,Greek Religion, Cambridge (Mass.) 1985, p. 332
337). D 'un autre côté , la recherche d 'un sens propre des noms divins, situés par
leur importance au même niveau que leur représentation visuelle , renvoie à la
définition démocritéenne de ces nomscomme des åráruata bwvnevta (DK 68
518 HÉCATÉE D 'ABDÈRE H 12
B 142): cf. 76 P .M . Gentinetta , Zur Sprachbetrachtung bei den Sophisten und in
der stoisch-hellenistischen Zeit, Winterthur 1961, p. 29- 35 ; 77 D . di Cesare, La
semantica nella filosofia greca , Roma 1980 , p. 33-49, notamment p . 45 sq., qui
considère comme d'origine démocritéenne le passage de Diodore I 8 .
Le fragment 6, malgré toutes les difficultés de sa transmission complexe,
constitue le premier témoignage remarquable du contact de la culture grecque
avec le monde juif (cf. 78 A .Momigliano, Alien wisdom . The limits of Helleni
zation, Cambridge/London New York 1975 , réimpr. 1978, p. 74 -96 ; trad . franç.:
Sagesses barbares. Les limites de l'hellénisation , coll. « Textes à l'appui. His
toire classique » , Paris 1980). C 'est grâce à lui que nous pouvons accéder à
l'image qu ’un intellectuel grec comme Hécatée se faisait d'une culture jus
qu 'alors « inconnue » dans les termes de la double tradition dont il est l'héritier:
l'ethnographie et la philosophie.
Un élément fondamental pour l'interprétation de ce fragment est celui de la
description de la nohtela particulière juive comme le résultat de la prévision du
législateurMoïse. La bibliographie sur ce sujet est abondante : cf. 79 F . H .
Diamond , « Hecataeus of Abdera and the Mosaic constitution » , dans S . M . Bur
stein et L . A . Okin (édit.), Panhellenica. Essays in ancient history and historio
graphy in honor of T. S. Brown, Stanley (Kansas) 1980 , p . 77 -95 ; 80 H . Gon
zelman, Heiden-Juden -Christen. Auseinandersetzung in der Literatur der helle
nistisch-römischen Zeit, coll. « Beiträge zur historischen Theologie » 62, Tübin
gen 1981, p. 56 -58 ; 81 M . Hengel, Judentum und Hellenismus. Studien zur ihrer
Begegnung unter besonderer Berücksichtigung Palästinasbis zurMitte des 2.
Jh . v. Chr., coll. « Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament»
10 , Tübingen 1988', p. 161-176 ; 82 E . Will et C . Orrieux, loudaïsmos-Helle
nismos. Essai sur le judaïsme judéen à l'époque hellénistique, Nancy 1986 ,
p.67- 96 , notamment p. 83-93 (traduction et commentaire du fragment).
La figure deMoïse comme fondateur et législateur constitue un des éléments
clés dans la littérature judéo-hellénistique, qui est en cela l'héritière d'Hécatée
d 'Abdère (cf. 83 I. Heinimann , art. « Moses » 1, RE XVI 1, 1933, col. 359 -375;
84 J. G . Gager, Moses in Greco -Roman paganism , coll. « JBL . Monograph
Series » 16 , Nashville /New York 1972, p . 26 - 37 ; 85 Z . B . Wacholder , Eupo
lemus. A study of Judaeo-Greek Literature, coll. « Monographs of the Hebrew
Union College » 3 , CincinnatiNew York /Los Angeles/Jerusalem 1974, p . 71- 96 ;
86 D . Timpe, « Moses als Gesetzgeber » , Saeculum 31, 1980, p. 66 -77).
Wacholder 85, p . 85- 96 , a remarqué l'importance que la figure d 'Hermès dans les Aigyp
tiaka d 'Hécatée, telle que nous la connaissons par Diodore ( 1 16 , 1 , et I 94 , 2 ), a eue, dans l' in
terprétation de Moïse comme« héros culturel» clé pour la diffusion de la culture juive à l' épo
que hellénistique . Entre autres exploits civilisateurs, on attribue à Hermès, identifié tradition
nellement avec le dieu égyptien Thot, l'invention du langage et de l'écriture, les premières
observations des astres et la législation juive, révélée au pharaon Mneves. Cela fait partie
d'une tendance générale à considérer l'Égypte comme le lieu d 'origine de toute la culture.
C 'est à partir de l'euvre d 'Hécatée d ' Abdère, le représentant le plus important de cette ten
dance philo -égyptienne, que des auteurs judéo -hellénistiques comme Eupolémos (FGrHist
723) et Artapanos ( FGrHist 726 ) auraient appliqué ce modèle égyptien au monde juif, en pré
H 12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE 519
sentant les patriarches, notamment Abraham et Moïse , comme des « héros civilisateurs » (cf.
Hengel 81, p. 161-176 ).
Moïse , auquel on attribue les vertus de opóvnouc et d 'avopeia (cf. Bidez et
Cumont 50 , t. I, p. 240 sq.), représente la figure centrale du fragment. Les Juifs
sont chassés de l'Égypte à la suite d'une épidémie qui s'abat sur le pays et qui
est attribuée à la présence d'étrangers et à leurs traditions religieuses particu
lières. Guidé par Moïse, un groupe de Juifs chassés s'installe en Judée, oùMoïse
fonde la ville de Jérusalem et organise son peuple en accord avec des principes
où l'on a reconnu les traces de la réflexion politique du IVe siècle av. J.-C . (cf.
Jaeger 36 , p . 136 - 143; Id . 33 , p. 144 - 153 ; et Hengel 81 p. 465 sq.). Cependant,
un bon nombre d 'éléments appartient aussi à la tradition juive, ce qui a amené
certains auteurs à postuler et à fixer une source indigène pour la plus grande par
tie du matériel utilisé par Hécatée (cf. Diamond 25 , p. 205 -288 ; et 87 D .
Mendels, « Hecataeus of Abdera and a Jewish “ patrios politeia ” of the Persian
period » ,ZATW 95, 1983, p. 96 -110 ).
Les dispositions sur la division sociale du travail dans la société juive, qui
assignent le contrôle à une caste sacerdotale soigneusement choisie, sont particu
lièrement remarquables. En outre, elles prêtent une attention spéciale à la distri
bution des terres et aux garanties de leur inaliénabilité, ainsi qu'à la régulation de
l'éducation, des mariages, de la descendance et des pratiques funéraires. Tout
cela trouve des parallélismes significatifs dans les propositions platoniciennes de
la République et des Lois . Diamond 79 , p. 83-92, voit comme source d'inspira
tion les formulations aristotéliciennes sur l'État et la société, appliquées à un
matériel qui provient essentiellement d'une source juive. Un des éléments les
plus débattus de la description d 'Hécatée est la conception de la divinité attri
buée à Moïse, idée qui joue un rôle prépondérant dans le cadre de l'activité
législatrice du personnage.Moïse rejette radicalement la représentation anthro
pomorphique de la divinité, ce qui est une position fondamentale pour recon
naître le judaïsme comme une « philosophie » . Hengel71 p. 466 , p. 482 , rattache
cette image de la divinité à la tradition grecque de critique du polythéisme qui
commence avec Xénophane. En revanche, Diamond 79, p. 76 sq., insiste sur le
caractère irréductible à la pensée grecque de l'idée de divinité dans le monde juif
et affirme qu'Hécatée a su saisir l'innovation radicale que représentait dans le
domaine des idées religieuses la figure de Moïse (cf. Will et Orrieux 82, p . 84
85). Le dieu unique est défini (4 ) comme « le ciel qui entoure la terre » et le
« mattre de toutes les choses » (τον περιέχοντα την γήν ουρανόν μόνον είναι
Dedv xai tõvowv xúplov ). On y reconnaît d'ordinaire l'effet d'une interpre
tatio graeca (cf. Hengel 81, p. 266 , p . 545 -546 , p. 555), mais cela rentre aussi
dans la tradition juive (cf. Diamond 79, p. 76 -99 ; Stern 17, p. 30).
Dans la partie consacrée à la description de la classe sacerdotale ($$ 4-6 ), Hécatée remar
quait la dévotion extraordinaire du peuple à la parole du souverain prêtre, qui était présenté
comme « messager» du dieu (ayyenog toŨ DeoŨ ; cf. 88 F . R . Walton , « The messenger of
God in Hecateus of Abdera » , HTMR 48, 1955 , p . 255 -257 ) . Cette partie se terminait par une
référence à la Torah qui répond à une connaissance plus ou moins directe des textes juifs, bien
qu 'elle ne soit pas une citation littérale et n 'implique pas l'existence d 'une traduction anté
520 HÉCATÉE D'ABDÈRE H 12
rieure à La Septante. Il faut attendre l'æuvre du Pseudo-Longin (1 ), De Sublimitate IX 9 , pour
trouver une référence similaire dans la littérature païenne (cf. Stern 17 , p . 32).
La valorisation de la politeia de Moïse de la part d 'Hécatée ne manque pas
d 'ambiguïté. D 'un côté, la présentation des Juifs traduit un modèle, dans la
mesure où ils réalisent l'idéal de société qui dans le monde grec ne peut guère
être aperçu que dans les fabulations et les traités des philosophes. Cette vision
essentiellement favorable des Juifs est peut-être la plus ancienne représentation
de ce peuple commeun « peuple de philosophes » qui a été l' image dominante au
cours du Ilie siècle av. J.-C . (cf. 89 H . Lewy, « Aristotle and the Jewish Sage
according to Clearchus of Soli» , HTHR 31, 1938 , p . 205-235 ; Momigliano 78 ,
p . 86 ; et Hengel 81, p. 466-469).
D 'un autre côté , certains points de la description d'Hécatée ne permettent pas
de parler tout simplement d' idéalisation . Jacoby 9,t. III a, p. 48, rejette les inter
prétations idéalisantes du fragment, qui présente à ses yeux une froide objecti
vité, visant avant tout à présenter le caractère juif comme différent du commun
des hommes. C 'est ce sens qui se détache de l'affirmation d'Hécatée selon
laquelle Moïse implanta un régime inhumain (antávopwToL) « à cause de leur
expulsion » (Old Tv idlav Čavnaaoiav ; pourdes interprétations de cette expres
sion , voir Diamond 25 , p. 144- 153, p. 205-234 ). Bien qu'il soit difficile de
reconnaître chez Hécatée une attitude anti- juive (cf. 90 I. Heinimann , art. « Anti
semitismus » , RESuppl. V , 1931, col. 3-34, notamment col. 25 sq.), les argu
ments de ségrégation et de différence radicale par rapport à d 'autres peuples ser
viront de point de départ pour les écrivains anti-juifs à partir de la deuxième par
tie du 11° siècle av. J.- C . (cf.Gonzelman 80, p. 43-120 ; 91 Z . Yavetz , « Judeo
phobia in Classical Antiquity », JJS 44, 1993, p . 1-22 ; et 92 M . Bohrmann,
« Amixia, atheia . Une approche du monothéisme juif» , DHA 20, 1994, p. 171
196 , notamment p. 180- 182).
Pseudoepigrapha. Étant donné que les Juifs étaient présentés sous un angle
favorable dans les Aigyptiaka, les écrits d'Hécatée ont bénéficié d'un grand
retentissement dans le milieu intellectuel de ce peuple , qui, depuis le tire siècle
av. J.- C ., commença à faire connaître sa culture au monde hellénistique sous des
formes qui associaient les genres caractéristiques de la littérature biblique (cf.
93 A .-M . Denis, « Les genres littéraires dans les pseudépigraphes d'Ancien
Testament» , JSJ 13, 1982, p. 1-5) avec les motifs et les idées de la littérature
historique et philosophique grecque. C 'est dans ce milieu intellectuel qu 'il faut
placer une série d 'écrits attribués à Hécatée que nous connaissons pour l'essen
tiel grâce aux amples citations de Flavius-Josèphe et aux références plus conci
ses des Pères de l'Église.
L'authenticité d'un écrit attribué à Hécatée Sur les Juifs, dont nous sont par
venus quelques fragments (cf. infra ), fut déjà mise en doute au jer siècle ap. J.-C .
par Herennius Philon de Byblos (test. 7 c = ap. Origène, Contre Celse I 15 ;
FGrHist 790, fr. 9 ; cf. 94 A . I. Baumgarten , The Phoenician history of Philo of
Byblos. A commentary, coll. EPRO 89, Leiden 1981). Cependant, le témoignage
de cet auteur n 'est pas considéré aujourd 'hui comme probant (cf. 95 J. D .
H 12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE 521
Gauger, « Zitate in der jüdischen Apologetik und die Authentizität der Heka
taiospassagen bei Flavius Josephus und im Ps.Aristeas-Brief» , JSJ 13, 1982 ,
p. 6 -46 , notamment p. 19).
Cf. 96 H . Willrich , « Hekataios von Abdera und die jüdischen Literaten » , dans A . Schalit
(édit.), Zur Josephus-Forschung, coll. WdF 84 , Darmstadt 1973, p. 1-26 (= H . Willrich ,
Judaica. Forschungen zur hellenistisch -jüdischen Geschichte und Litteratur, Göttingen 1900,
chapitre 3 , p . 86 - 111) ; Jacoby 9, t. III a, p .61-66 ; 97 A .-M . Denis , Introduction aux pseudépi
graphes grecs de l'Ancien Testament, coll. « Studia in Vetera Testamenti pseudepigrapha » 1,
Leiden 1970, p . 262-267 ; 98 M . Hengel, « Anonymität, Pseudoepigraphie und " literarische
Fälschung " in der jüdisch -hellenistischen Literatur » , dans Pseudepigrapha I. Pseudopytha
gorica, Lettres de Platon, Littérature pseudépigraphique juive , coll. « Entretiens sur l' anti
quité classique» 18, Vandæuvres /Genève 1972, p . 231-329, notamment p. 301-303 ; 99 L . H .
Feldman, Josephus and modern scholarship (1937- 1980), Berlin /New York 1980, p . 396 -400 ;
100 M . Goodman , « Pseudo -Hecataeus », dans E . Schürer, The history of Jewish people in the
age of Jesus Christ, III 1 (édit. G . Vermes, F . Millar et M . Goodman ), Edinburgh 1986 ,
p . 272-275 ;Gonzelman 80, p . 164-170 ; Spoerri 4 , col. 289- 303 ; 101 R . Doran, « The Jewish
Hellenistic historians before Josephus» , dans ANRW II 20, 1 , 1987, p . 246- 297 ; 102 H . W .
Attridge, « Pseudo -Hecataeus » , dans M .E . Stone (édit.), Jewish writings of the Second Temple
period : Apocrypha, pseudepigrapha, Qumran sectarian writings, Philo, Josephus, coll.
« Compendia Rerum Judaicarum ad Novum Testamentum » sect. II, t. II, Amsterdam 1989,
p.626 -627.
Jacoby reconnaît dans son édition l'existence d 'au moins deux écrits pseu
dépigraphiques transmis sous le nom d 'Hécatée:
( a) epi 'lovôaiwv (fr. 21 = Flavius-Josèphe, Contre Apion I 186 -205 =
Stern nº 12 ; fr. 22 = Flavius-Josèphe, Contre Apion II 42-47 = Stern nº 13 ; fr.
23 = Aristeas, Ad Aristoc. Ep. 31). Le fragment 21 est un long passage où Fla
vius-Josèphe cite sommairement (xepaalwoốc (Contre Apion I 184 ]) l’écrit
dans lequel Hécatée racontait à la première personne son contact avec le monde
juif à l'occasion d 'une des campagnes en Syrie de Ptolémée fer, qu ' il accompa
gnait. D 'après Hécatée ,un grand nombre de Juifs sont partis en Égypte à la suite
de la bataille de Gaza , et se sont installés à Alexandrie grâce à la bienveillance
de Ptolémée. Parmi ces Juifs , Hécatée fit connaissance d 'un prêtre souverain
appelé Exéchias qui était le chef des émigrés et qui leur lisait leurs lois. On lit
ensuite une description des traits particuliers des Juifs (notamment l'obéissance à
la loi) ainsi qu'une description des caractéristiques du territoire que ce peuple
occupe et de sa capitale Jérusalem , notamment du temple . Le fragment se ter
mine par une anecdote ayant comme protagoniste un Juif du nom de Mosollamos
quiréfute la superstition des soldats grecs. L 'authenticité des fragments 22 et 23
est plus discutée. La citation d'Hécatée dans la Lettre d 'Aristée à Philocrate (fr.
23) peut servir à dater l' écrit d 'Hécatée, bien que la date de la lettre , qu ' on fixe
d 'ordinaire au IIe siècle av. J.-C ., n 'aille pas sans discussion (cf. Hengel 98,
p. 298 -301 ; Spoerri 4 , col. 294 ). L 'extension de la citation n 'est pas claire non
plus. Dans le passage en question , Démétrios de Phalère explique au roi Ptolé
mée pourquoi les écrivains grecs n 'ontpas cité les textes juifs ,malgré leur excel
lence : « C 'est que la doctrine qu'ils contiennent est “ auguste et sainte” (dlà tò
áyvňu tiva xai geuunn Elval tnv Év aŭtots dewplav) selon l'expression
d'Hécatée d 'Abdère » (cf. 103 A . Pelletier, Lettre d 'Aristée à Philocrate, intro
522 HÉCATÉE D 'ABDÈRE H 12
duction, texte critique, traduction et notes, coll. SC 89, Paris 1962, p . 120 sq. et
n . 2). Pelletier limite la citation à la caractérisation de la loi (cf. 104 J.Geffcken,
Zwei griechische Apologeten, coll.« Sammlung wissenschaftlicher Kommentare
zu griechischen und römischen Schriftstellern » , Leipzig 1907, p .XII ;Gauger 95,
p . 36 -38 ; Doran 19 , p. 912 ), tandis que d 'autres critiques (cf. déjà Willrich 96 ,
p . 13) attribuentaussi à Hécatée l'argument dans lequel cette caractérisation est
insérée . Enfin , Jacoby 9 , t. III a, p . 61, 74, considère que la citation est une
invention qui ne peut être attribuée à aucun écrit.
(b ) Kat' " Aßpauov xai toùs Aiyuntious (test. 8 a = Flavius- Josèphe, A .J. I
158-159 ; fr. 24 = Clément d'Alexandrie , Stromates V 113, 1 qui fournit le titre ).
Dans cet écrit sur Abraham , que Clément d 'Alexandrie mentionne de façon
obscure comme xat' " Aſpauov xai tous Alyuntious, le protagoniste pro
nonce des vers attribués à Sophocle exaltant, face à l'ignorance des idolâtres, un
dieu unique et créateur (TGrF II, fr. 618 ; cf. Denis 16 , p . 162 sq.). Remarquons
que le rôle principal y est joué par Abraham , tandis que dans le fragment 6
d'Hécatée ce rôle est joué par Moïse . Cela rattache cet écrit aux nombreux
ouvrages sur Abraham dans la littérature judéo-hellénistique culminant par ceux
de Flavius-Josèphe et de Philon d 'Alexandrie (cf. Spoerri 4 , col. 297).
La tendance apologétique que présentent ces deux écrits, face au ton plus
objectif qu'on trouve dans le fragment6 , a été considérée comme un indice clair
de leur caractère pseudépigraphique (cf. Jacoby 9, t. III a, p. 62). D 'ailleurs, les
particularités du genre et du ton ont amené les critiques à les attribuer à deux
auteurs et à deux époques différents. La tendance la plus répandue est de distin
guer un Pseudo-Hécatée I, plus ancien , antérieur à ou contemporain du Pseudo
Aristée ( cf. Spoerri 4, col. 295 ), qui serait l'auteur de l'ouvrage sur les Juifs; et
un Pseudo-Hécatée II, plus tardif, qui serait l'auteur de l'ouvrage sur Abraham et
les Égyptiens (cf. 105 W . Speyer, Die literarische Fälschung in heidnischen und
christlichen Literatur, coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » I 2 , Mün
chen 1971, p . 160 - 161). Wacholder 85, p. 263- 266 , propose de distinguer trois
Pseudo-Hécatée, tandis que Willrich 96 , p . 9 sq., ne distingue pas entre les deux
Pseudo -Hécatée distingués d 'ordinaire, et il cite Flavius-Josèphe, AJ I 159, pour
démontrer que le Pseudo-Hécatée incluait l'histoire sur les patriarches. Enfin ,
Geffcken 104, p . XII, veut reconstituer au moins quatre Pseudo-Hécatée.
Pour les hypothèses différentes concernant la distribution des fragments, nous
renvoyons à Holladay 18 , p . 283-287, et Gauger 95, 41-42. Pour les problèmes
concernant leur authenticité ainsi que leur attribution à des auteurs différents et
la chronologie de ceux-ci, voir Stern 17, p. 20 -25 ; Holladay 18 , p . 277 -300 ;
Doran 19, p . 905-908 ; et Gauger 95, p . 6 -25, qui établit une série de critères
pour l' attribution des fragments.
Les critiques s'accordent en général à reconnaître le caractère pseudépigraphique de l'écrit
sur Abraham qui contient la citation du fragment de tragédie attribué à Sophocle (cf. Spoerri 4 ,
col. 296 -299 et 301- 303, pour les falsifications des poètes). Cette citation rend difficile une
datation haute de l'écrit. En revanche, les critiques ne s 'accordent aucunement sur l'authenti
cité de l'autre écrit, transmis essentiellement par Flavius-Josèphe. A la suite de Willrich 96 ,
p . 1- 10 , et Jacoby 9 , t. III a, p.61 sq., l'authenticité a éte mise en cause par 106 B . Schaller,
H12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE 523
« Hekataios von Abdera Über die Juden . Zur Frage der Echtheit und der Datierung »,ZNW 54 ,
1963, p. 15 -31 ; Walter 20, p . 144-146 ; et Murray 24, p . 144, 163- 165. Elle a été acceptée par
107 H . Lewy, « Hekataios von Abdera lepi ' lovdalwy » , ZNW 31, 1932, p. 117- 132, dont
l'avis a obtenu de plus en plus l'appui des spécialistes : cf. 108 M . Engers, « De Hecataei
Abderitae fragmentis » , Mnemosyne 21, 1953, p . 229-241; 109 J. D . Gager, « Pseudo-Heca
taeus again » , ZNW 60 , 1969, 130 - 139 ; 110 M . Stern , « The Jews in Greek and Latin Litera
ture », dans S . Safrai et M . Stern (édit.), The Jewish people in the first century : Historical
geography, politicalhistory, social, cultural and religious life and institutions, coll. « Com
pendia Rerum Judaicarum ad Novum Testamentum » sect. I, t. II, Philadelphia, 1976 , p. 1101
1159, notamment p . 1108 -1109 ; Doran 19, p . 907 ; Gauger 95 , p . 17 -40 ; 111 J. J. Collins,
Between Athens and Jerusalem . Jewish identity in the Hellenistic diaspora, Crossroad/New
York 1983, p . 43 et 138 - 141 ; 112 A . Kasher, The Jews in Hellenistic and Roman Egypt. The
struggle for equal rights, Tübingen 1985, p . 39-41 ; 113 E . Gabba, « La Palestina e gli Ebrei
negli storici classici fra il V e il III sec. a . C .» , RivBibl 34 , 1986 , p. 130 - 137 ; 114 Id., « The
growth of antijudaism or the Greek attitude towards Jews » , dans Cambridge History of
Judaism , t. II, Cambridge/New York/Sydney 1989 , p. 626 -627. Cf. notamment 115 M . Pucci
Ben Zeev, « The reliability of Josephus Flavius: the case of Hecataeus' and Manetho ' s
accounts of Jews and Judaism : Fifteen years of contemporary research » , JSJ 24 , 1993 , p . 215
234 .
Postérité . Cf. Jacoby 3 , col. 2765-2768 ; Id . 9 , t. III a, p. 37 sq.; Murray 24,
p . 166 - 169 ; Spoerri 4 , col. 286 -288 . Si on laisse de côté la réception d'Hécatée
par la littérature juive et chrétienne (pour laquelle voir Spoerri 4 , col. 308 -310),
son influence immédiate la plus significative est celle qu 'il a exercée sur l'histo
riographie hellénistique.
Le rapport d'Hécatée avec l'æuvre de Manéthon est complexe. On a vu plus
haut que les deux historiens apparaissent deux fois cités ensemble pour un même
renseignement. Par ailleurs, Diodore présente des coïncidences significatives
avec les fragments deManéthon (cf. Spoerri 43, p. 195 , 205 n . 19).Murray 24,
p. 167-168 , en accord avec la chronologie qu 'il propose, considère que Mané
thon s'est servi du livre d ’Hécatée. A son tour, Burton 42, p. 28 sq., allègue cette
dépendance en appui de l'idée que le livre I de Diodore ne suit pas exclusive
ment Hécatée. D 'ordinaire, les critiques actuels s'accordent pour indiquer
comme le trait essentiel et propre deManéthon le fait qu 'il offrait une histoire de
l'Égypte en suivant des sources et des formes littéraires indigènes, tout en
connaissant la littérature grecque sur le sujet (cf. 116 D .Mendels, « The Polemi
cal Character of Manetho 's Aegyptiaca » , dans H . Verdin , G . Schepens et E . de
Keyser (édit.), Purposes of history. Studies in Greek historiography from the 4th
to the 2nd centuries B. C ., coll. « Studia Hellenistica » 30 , Louvain 1990 , p. 91
109 ). Manéthon incluait aussi dans son histoire au moins deux récits sur
l'« expulsion » des Juifs, épisode dont la liaison avec celui de l'exode est peu
claire. En effet, il traitait de la domination impie des « bergers » et de leur expul
sion par le roi légitime (cf. Flavius-Josèphe, Contre Apion I 73-91 = FGrHist
609, fr. 8, 9 a = Stern nº 19). Ces bergers (qu'on a mis en rapport avec l'invasion
des Hyksos pendant la XVe dynastie ) s'installèrent en Judée et construisirentla
ville de Jérusalem . Dans un autre fragment, transmis aussi par Flavius-Josèphe,
Contre Apion I 227 -251 (= FGrHist 609, fr. 10 a = Stern nº 21), Manéthon
racontait comment des « lépreux et d'autres gens impurs» sortirent d'Égypte , car
leur présence dans le pays avait entraîné la colère divine, et comment ils furent
524 HÉCATÉE D 'ABDÈRE H12
guidés par un prêtre d'Héliopolis du nom d 'Osarseph, qui est identifié à la fin du
fragment avec Moïse . Fraser 12, t. I, p . 508 sq., trouve aussi chez Hécatée une
attestation antérieure de cette histoire, qu 'aussi bien Hécatée que Manéthon
auraient trouvée dans les écrits des prêtres égyptiens (cf. 117 L . Troiani, « Sui
frammenti diManetone nel primo libro del Contra Apionem di Flavio Josefo » ,
SCO 24, 1975, 97 -126 ; Spoerri 4, col. 283-284 ; Stern 110, p. 1111-1114 ; Pucci
Ben Zeev 115 , p. 224-234).
A son tour, 118 A . Zambrini, « Gli Indiká di Megastene I », ANSP 30 s., 12,
1982, p. 71- 149, notamment p. 97- 101 et 140- 148, reconnaît l'empreinte litté
raire et philosophique d'Hécatée sur l'écrit de Mégasthène, dans lequel l'histo
rien mettait en parallèle la sagesse des Brahmanes et celle des Juifs (cf. FGrHist
715, fr. 3). Murray 24, p . 152- 157, remarque aussi que la description qu'Aga
tharchidès (3- A 32) fait de la monarchie des Éthiopiens, telle que nous la
connaissons par Diodore III 5 -7, présente des parallélismes remarquables avec la
présentation qu 'Hécatée fait de la monarchie égyptienne comme subordonnée
complètement aux lois.
Un fragment de Posidonius transmis par Strabon XVI 2, 34-45, concernant
l'origine du peuple juif et de la législation mosaïque (= FGrHist 87, fr. 70), offre
aussides coïncidences remarquables avec le fragment 6 d'Hécatée si discuté. Le
passage a été étudié en détail par Reinhardt 51, p. 402-425, 441-445. Reinhardt
remarque que Posidonius développe lesmotifs de la description d 'Hécatée selon
ses propres idées sur la divinité (cf. Hengel 81, p. 469-473) et sur l'origine et la
décadence des sociétés. A partir de ce passage, Reinhardt songe à l'existence
d'un ouvrage spécial de Posidonius sur Pompée, tandis que la plupart des auteurs
placent le fragment en question dans les Histoires (cf. 119 J.Malitz, Die Histo
rien des Poseidonios, München 1993, p. 316 -319). En tout cas, il faut préciser
que l'attribution de ce passage à Posidonius n 'est pas reconnue par tous les cri
tiques: cf. 120 J. D . Gauger, « Eine missverstandene Strabonstelle (zum Juden
berichtXVI 2, 37)» ,Historia 28, 1979, p. 211-224 ; 121 I.G . Kidd, Posidonius,
t. II : The Commentary : (ii) fragments 150 -293, coll. « Cambridge Classical
Texts andMonographs» 14 b , Cambridge 1988, p. 951 sq.
Chez Strabon XVI 2, 38 -39, on trouve une liste de législateurs qui ont reçu chacun , de la
part des dieux nationaux, les lois pour leur peuple . Ce catalogue présente un parallèle signi
ficatif chez Diodore I 94, 1 -2 (= Stern nº 58 ), où commence une section sur les législateurs
égyptiens ( 1 94 -95 ; cf. aussi Plutarque, Vie de Numa IV 7- 8, où Moïse fait défaut, et Flavius
Josèphe, Contre Apion II 151- 165 ). Cette section a été attribuée aussi à Hécatée d'Abdère par
Bidez et Cumont, t. I, p . 20 sq., mais Jacoby 9, t. III a, p . 78, à la suite de Schwartz 41,
col.670 (cf.Murray 24 , p . 149 n . 1), ne l' inclut pas dans son fragment 25. Parmiles person
nages cités apparaît Moïse , qui aurait reçu les lois de laô . Ce serait la première mention du
dieu des Juifs par un auteur païen (cf. Stern 17, p. 172 ; Spoerri 4 , col. 288 ; Will et Orrieux
82, p . 42 sq.). Reinhardt 51, p . 441-445, combine les fragments de Diodore et Strabon pour
reconstituer la pensée de Posidonius sur Moïse , pensée nourrie par une comparaison entre
différentes cultures. Diamond 25 , p . 58 , 65, a remarqué la différence fondamentale entre le
Moïse de Strabon , homme inspiré par la divinité, représentation revenant à Posidonius, et le
Moïse homme politique habile qui apparaît chez Diodore.
La question posée par Jacoby du rapport entre les idées théologiques d'Hé
catée et celles d 'Évhémère ( » E 187) présente un intérêt particulier. En effet,
H 12 HÉCATÉE D'ABDÈRE 525
Jacoby 9 ,t. III a, p. 2758 sq. (cf. 122 Id., art. « Euemeros» 3, RE VI 1, 1907, col.
952-972 notamment col. 969),met en parallèle certains passages des Theologu
mena de Diodore, dans lesquels est faite une distinction entre des dieux « éter
nels » (aídlot: Bibliothèque I 11,1) et des dieux « terrestres» (éniyelol: ibid., I
13, 1), et un fragment d 'Évhémère transmis également par Diodore VI 1, 1-2 ,
ainsi que par Eusèbe, P . E . II 2 , 52-53 (= test. 53 Winiarczyk ), dans lequel on
trouve la même distinction. A partir de ce parallèle, il suggère qu'Hécatée a été
la source dont Évhémère a tiré ses idées révolutionnaires sur les dieux
(cf. 123 M .P . Nilsson, Geschichte der griechischen Religion, t. II, coll. « Hand
buch der Altertumswissenschaft» V 2 , 1, München 19612, p. 285 -286 ). Cette
hypothèse a été contestée par Spoerri 43, p. 189- 195, qui observe que dans le
fragment d'Évhémère l'indication sur les deux genres de dieux appartient plutôt
à Diodore, tandis que la citation d 'Évhémère proprement dite commence plus
loin , à partir du paragraphe 4 (cf. Fraser 12 , t. I, p. 289-298, t. II, n . 115, p. 450
451, et n . 828, p. 454 ). L ' interprétation de Spoerri semble avoir été acceptée
généralement par les critiques (cf. 124 R . J. Müller, « Überlegungen zur IEPA
ANASPAOH des Euhemeros von Messene» , Hermes 121, 1993, p. 277-300,
notamment p . 283-287).
Diodore et Plutarque sont les derniers auteurs païens qui ont usé largement de
l'ouvrage d 'Hécatée sur l'Égypte. Cependant, on a remarqué que la figure de
Táavtos dans l'euvre de Philon de Byblos (FGrHist 790 , fr. 1 = Eusébe, P. E. I
9, 24 ) se fonde sur la figure d'Hermès- Thot dans l'euvre d'Hécatée (cf. 125 L .
Troiani, L 'opera storiografica di Filone di Biblos, Pisa 1974, p.63-64), et
Wacholder 85 , p. 81, a placé aussi chez Hécatée l'origine d'Hermès Trismégistr
(cf. 126 A . J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, t. I: L'astrologie
et les sciences occultes, Paris 19502, réimpr. 1989, p.67-88, notamment p. 70
sq., 88). A son tour, le récit sur les Hyperboréens a bénéficié d'une plus grande
fortune, si bien que le nom d 'Hécatée est devenu une autorité sur ce peuple
mythique jusqu 'à l'époque de la Renaissance, grâce notamment à la réception de
ce récit par des auteurs comme Pline.
Citons, par exemple , 127 Natale Conti, Mythologiae sive explicationum fabularum libri
decem in quibus omnia prope naturalis et moralis philosophiae dogmata contenta fuisse
demonstratur, Venetiae (édit. Alde Manuce ) 1551 (1567 , réimpr. New York 1976 ); édition
augmentée: nuper ab ipso auctore pluribus sexcentis locis aucti et locupletati, ut patebit cum
antiquis conferentibus, Venetiae 1581 (Patavii 1616 , réimpr.New York 1979) . Cet ouvrage de
Conti, qui fut très influent, contient, outre les références qu 'on peut contrôler (IX 6 = Diodore
II 47 = FGrHist 264, fr. 7), des falsifications d'Hécatée , comme celle de IX 15 (= FGrHist
264, fr. 20), déjà reconnue par Rohde 28, p . 229 n. 3.
Dans le domaine de la philosophie, nous nous sommes déjà demandé si les
courts renseignements que l'on trouve chez Théophraste sur l'Égypte et sur les
Juifs proviennnent d 'Hécatée. Enfin , d 'autres auteurs moins importants qu 'Hé
catée semble avoir influencés sont Crantor (** C 195), le premier commentateur
de l'Atlantide de Platon (FGrHist 665 , fr. 31; cf. Jaeger 33, p. 129 et 132), et
Alexinos (cf. supra ).
JAVIER CAMPOS DAROCA et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ.
526 HÉCATON DE RHODES H 13
13 HÉCATON DE RHODES RE 1 Dja
Philosophe stoïcien , disciple de Panétius de Rhodes (Cicéron, De officiis III
15 ,63 = Panétius, fr.41 Alesse).
Fragments et témoignages. 1 H .N . Fowler, Panaetii et Hecatonis librorum
fragmenta , Diss. Bonn 1885; 2 H . Gomoll, Der stoische Philosoph Hekaton.
Seine Begriffswelt und Nachwirkung unter Beigabe seiner Fragmente, Bonn /
Leipzig 1933.
Cf. 3 H . von Arnim , art. « Hekaton » , RE VII 2, 1912, col. 2797; 4 A .
Schmekel, Die Philosophie der mittleren Stoa in ihrem geschichtlichen
Zusammenhange dargestellt, Berlin 1892, p . 290 -296 ; 5 M . Pohlenz, Die Stoa,
t. I, p. 240-241; t. II, p . 123-124 ; 6 Francesca Alesse , Panezio di Rodi. Testimo
nianze. Edizione, traduzione e commento , coll. « Elenchos» 27 , Napoli 1997,
p . 176 - 177.
Euvres. Plusieurs de ses ouvrages sont cités par Diogène Laërce dans des
passages biographiques aussi bien que doxographiques.
(1 ) Xpemai, Chries en au moins deux livres (D . L . VI 4 = fr. 21 Gomoll; VII
172 = fr. 25 ; D . L . VI 32 = fr. 22 ; VI 95 = fr. 23): dits d' Antisthène, de Diogène,
de Métroclès, de Cléanthe. Le livre I est cité en VI 32 = fr. 22. Dans le deuxième
livre, il parlait de Zénon de Citium ( D . L . VII 26 = fr. 24 ).
(2) Hepi terõv, Sur les fins ou lepi ténous, Sur la fin , en au moins sept
livres ( TlogeidúVloç xai 'Exátwv év toīç Hepi ten @ v , D . L . VII 87 = fr. 1 :
définition de la fin selon les Stoïciens). Un septième livre du lepi ténous est
cité en D .L . VII 102 (fr. 2).
( 3) Ilepi đpetõv, Sur les vertus, en au moins trois livres (premier livre : D .L .
VII 90 = fr. 6 ; livre III: D . L . VII 125 = fr. 7) .
(4 ) Lepi ayaObv, Sur les biens, en au moins neuf livres (livre II: D . L . VII
127 = fr. 3 ; livre III D . L . VII 101 = fr. 4 ). Le neuvième livre est cité en D . L . VII
103 ( fr. 5 ).
(5 ) lepinadwv, Sur les passions, en au moins deux livres (livre II : D . L . VII
110 = fr. 9).
(6 ) Tepi napadó£wv, Sur les paradoxes, en trois livres (Év toitu (Long qui
suit co et t] Iepi napadówv, D . L . VII 124 = fr. 20 ). Les manuscrits B et P ont
ici yi'. Von Arnim retient“ 13 Bücher" .
(7 ) Sur le (s ) devoir (s ) (De officio ou De officiis : Nepì saońxovtos?).
D 'après Cicéron , De officiis III 15 , 63, ces livres étaient dédiés à Q . Tubero
( = Quintus Aelius Tubero, RE 155 ), ce qui a conduit à penser qu 'Hécaton avait
fréquenté quelque temps à Rome le cercle des Scipions. Cicéron cite en III 23,
89-90 le sixième livre de ce De officiis. Hécaton est cité à plusieurs reprises dans
le De beneficiis de Sénèque: I 3 , 9 ; II 18, 2 ; II 21, 4 ; III 18, 1 ; VI 37, 1. Outre
les emprunts possibles d 'anecdotes grecques aux Chries, le Nepi zaońxovtos
constituerait, selon F . Préchac (CUF), la source principale du traité de Sénèque
(p . XXXI-XXXIII). Pohlenz 5 , t. II, p . 123, croit que Sénèque utilisait plutôt une
monographie d 'Hécaton ſepi yapítwv (Sur les bienfaits).
H 16 HÉGÉSIANAX 527
Comparetti et Gomoll ont voulu identifier à Hécaton un philosophe, disciple de Panétius,
mentionné dans l' Index Stoicorum , col. 72 (p . 122 Dorandi), « mort à Rome du vivant de
Panétius» . L 'hypothèse est indémontable.
Hécaton est cité également dans trois des premières lettres à Lucilius (Epist.
5, 7 ; 6 , 7 et 9, 6).
En D . L. VII 2, “Hécaton" est cité sans autre précision en conjonction avec
Apollonius de Tyr (MA 286 ), à propos de la conversion à la philosophie de
Zénon de Citium . De même, il est cité en VII 181 (= fr. 27) à propos de la
conversion de Chrysippe. Son nom seul apparaît encore dans une liste où figu
rent d 'abord Chrysippe, Cléanthe et Posidonius en VII 91.
Hécaton faisait l'objet d'une section biographique dans la partie finale perdue
du livre VII de Diogène Laërce, entre Panétius et Posidonius, commel'atteste un
index ancien conservé dans le Parisinus graecus 1759 (cf. éd. Long, p. 392 ). Sur
cette liste, voir 7 T . Dorandi, « Considerazioni sull' index locupletior di Diogene
Laerzio » , Prometheus 18 , 1992, p . 121-126 .
RICHARD GOULET.
14 HÉDÉIA FIV – D III
Avec Mammarion, Érotion (» E 55) etNicidion , l'une des courtisanes du Jar
din d'Épicure à Athènes (D .L . X 7).
Cf. K . Schneider, art. « Hetairai» , RE VIII 2, 1913, col. 1331-1372, notam
ment col. 1365 .
RICHARD GOULET.
15 HÉDYLOS avant F IIIa
La liste des æuvres de Chrysippe conservée par Diogène Laërce signale,
parmi les écrits logiques : ( 1) Avoiç tõv ‘Høúzov Únodetixőv B ' (« Solution
des arguments hypothétiques d 'Hédylos» ), (2 ) Aúouç tov ' Hoúhov ÚnoDeti
xőv tpos ’Aplotoxpéovta xai 'Anorāv a ' (« Solution des arguments hypo
thétiques d'Hédylos, à Aristocréon et Apollas»). D ' après P . Hadot (DPhA II,
p . 348), « ces arguments hypothétiques devaient avoir un rapport avec le sophis
me du Menteur» , car le second ouvrage est inséré dans un ensemble de traités
relatifs à ce sophisme.
On ignore à quelle époque vivait ce logicien, dans quel contexte il avait
formulé ses arguments et à quelle école il appartenait.
RICHARD GOULET.
16 HÉGÉSIANAX RE 3
Est cité comme cynique par Photius, Bibl., cod. 167, p. 114 b 24 Bekker ,
quand celui-ci donne la liste des philosophes auxquels Stobée a emprunté des
citations et des mots célèbres . Cette liste se clôt par dix nomsde cyniques, pré
sentés comme tels, donc mis à part, puisque l'appartenance des autres philo
sophes cités n 'est pas indiquée . Nous ne savons rien par ailleurs de cet Hégésia
nax .
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
528 HÉGÉSIANAX H17
17 HÉGÉSIANAX (DE COLOPHON ) D III
A l'occasion de la mort de ce jeune homme, une lettre d'Épicure (» E 36 ) fut
adressée à Dosithéos (MD 224 ), son père, et Pyrson, son frère (Plutarque, Non
posse suaviter vivi secundum Epicurum 20, 1101 a-b (fr. 46 Arrighetti?, fr. 167,
p. 120 Usener). Sur cette lettre , dont on a retrouvé récemment un fragment (fr.
128 Smith ) gravé sur la stoa de Diogène d 'Oinoanda (~ D 141), voir DPhA II
898 -899.
RICHARD GOULET.
18 HÉGÉSIAS DE CYRÈNE RE 12 FIV - D IIIa
Philosophe cyrénaïque, surnommé « Peisithanatos» , c 'est-à -dire « celui qui
persuade de mourir ». Il était le chef d'une des trois tendances distinguées à l'in
térieur de l'école par Diogène Laërce II 85 : l'école des Hégésiaques. La succes
sion des premiers scholarques cyrénaïques est présentée par Diogène Laërce II
86 de la manière suivante :
Aristippe de Cyrène
Arétè (fille Aithiops de Ptolémaïs Antipatros de Cyrène
d' Aristippe )

AristippeMétrodidacte Épitimidès de Cyrène


(fils d'Arétè )
Théodore l' Athée Paraibatès

Hégésias Peisithanatos Annicéris


Selon la Souda s.v. ’AplotiinOS, A 3908, tome I, p. 354, 22 - 355,2 Adler ,
Annicéris serait le disciple d'Hégésias et non son condisciple ,mais cette section
de la notice est empruntée à Diogène Laërce et n 'a donc pas de valeur indépen
dante.
Les témoignages anciens sur Hégésias (sans traduction ) ont été rassemblés
par G . Giannantoni, SSR , t. II, 1990, nº IV F , p. 113- 115 ; t. III, ‘nota 20', p. 189
n. 1 (bibliographie ). Sur Hégésias en particulier , voir J. C .Murray, « An Ancient
Pessimist » , PhR 2, 1893, p. 24 - 34. E . Spinelli, « P.Köln 205 : Il “ Socrate " di
Egesia ?» ,ZPE 91, 1992, p. 10 - 14 .
La doxographie de l'école d 'Hégésiasest ensuite présentée par Diogène en II
93-96 . Voir M .-O . Goulet- Cazé, dans Diogène Laërce. Vies et doctrines des
philosophes illustres. Traduction française sous la direction de M .-O . Goulet
Cazé, coll. « La Pochotèque », Paris 1999, Introduction au livre II, p. 178- 198, et
notamment pour les hégésiaques p. 194-196 . Selon Cicéron , Tusculanes I 83-84,
Hégésias enseignait que la mort nous arrache à desmaux, non à des biens. La
force de son argumentation était telle que le roi Ptolémée (Soter ?) < à Alexan
drie > l'empêcha d'enseigner sa doctrine, parce que nombre de gens, après l'avoir
entendu , se donnaient la mort (Valère Maxime VIII 9 ext. 3 = fr. 5 Giannantoni).
H21 HÉGÉSINOS 529
Dans son ’Anoxaptepôv, « Celui qui se laisse mourir de faim » , le héros
exposait à ses amis, qui voulaient le convaincre de renoncer au suicide, tous les
maux de l'existence humaine. Plutarque, De amore prolis 5, 497 d, confirme
qu 'Hégésias avait convaincu plusieurs de ses auditeurs de se laisser mourir de
faim . Une maxime a été conservée par Épiphane, Adv. haer. III 2 , 9 (fr. 2
Giannantoni) : « il est profitable au méchant de vivre, au sage demourir» .
Contrairement à ce que suppose Long dans son index, l'Hégésias (» H 19 )
mentionné dans une anecdote relative à Diogène le Cynique (D . L . VI 48 = fr. 7
Giannantoni) n 'est sans doute pas Hégésias de Cyrène, mais Hégésias de Sinope
( + H 19).
Cf. K . Döring, dans GGP, Antike 2 /1, p. 257-258 et bibliographie p . 355.
RICHARD GOULET.
19 HÉGÉSIAS DE SINOPE RE 11 FIV
Ce philosophe , surnommé Cloios, « Collier de Chien » , est mentionné par
Diogène Laërce VI 84 , parmi les disciples du philosophe cynique Diogène de
Sinope (* D 147) . Son surnom , comme le suggère P . Natorp, RE VII, 1912,
col. 2607, pourrait s'expliquer à partir de son dévouement à Diogène le Chien .
C 'est certainement à cet Hégésias, compatriote de Diogène , que se rapporte
l'anecdote mentionnée en Diogène Laërce VI 48, contrairement à ce que laisse
entendre l'index de l' édition Long de Diogène Laërce, qui attribue le passage au
cyrénaïque Hégésias o teloldávatos ( H 18) : « A Hégésias qui le priait de lui
prêter un de ses ouvrages , Diogène répondit : “ Pauvre sot que tu es, Hégésias !
Les figues sèches, tu n ' en prendspas des peintes,mais des vraies, alors que pour
l'ascèse , tu négliges la vraie et tu te précipites sur celle qu 'on trouve dans les
livres” ».
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
20 HÉGÉSIDAMOS va
Mentionné par la Souda (s.v. ' Innias, I 543, p.659 Adler) comme le maître
du « sophiste et philosophe » Hippias d 'Élis. Aucune autre mention de cet Hégé
sidamos ne nous étant parvenue par ailleurs , O . Apelt, Beiträge zur Geschichte
der griechischen Philosophie, Leipzig 1891, p. 382 -385, a fait l'hypothèse d' une
déformation par un copiste du nom d 'Hippodamos ; hypothèse à l'appui de
laquelle il présente un certain nombre de rapprochements entre Hippodamos de
Milet (2H 153) et Hippias (2- H 145), qui rendraient vraisemblable que le
second ait pu être présenté comme l' élève du premier .
MICHEL NARCY .

HÉGÉSILAOS → HÉGÉSINOS
21 HÉGÉSINOS III/ IIa
Philosophe académicien , scholarque à la suite d'Évandre (» E 65) et de
Téléclès.
530 HÉGÉSINOS H21
Aux fragments recueillis par H .J. Mette, « Weitere Akademiker heute. Von
Lakydes bis zu Kleitomachos» , Lustrum 27, 1985, p. 52, on peut adjouter (ps.
Gal.), Hist. phil. 3 (= Carn . T 6b Mette) et Souda II 1707 (vol. IV , p . 140 sq.
Adler ) = Carn . T 6dMette ).
Clément d' Alexandrie (Strom . I 14, p. 40, 16 , 17 Stählin = Carn. T 6a Mette )
mentionne un philosophe Hégésilaos,maître de Carnéade et son prédécesseur à
la tête de l'Académie . On ne peut pas décider si Hégésilaos est une faute de
Clément pour Hégésinos ou si le philosophe avait changé son nom en Hégésinos
(cf. H . Daebritz , art. « Hegesilaos », RE VII 2 , 1912, col. 2609).
U . Köhler (IG II 385) a proposé d' identifier avec Hégésinos le personnage
honoré dans une inscription de 193/29 (IG 112 886 ). Cf. Chr. Habicht, Hellenistic
Athens and her philosophers, Princeton 1988, p . 13 = Athen in hellenistischer
Zeit,München 1994, p. 241.
Cf. H . von Arnim , art. « Hegesinos» RE VII 2, 1912, col. 2610 ; W . Görler,
GGP, Antike 4, p . 835 sq .
TIZIANO DORANDI.
HÉGÉSIPOLIS MÉNÉDÈME D'ÉRÉTRIE
22 HÉGIAS D 'ATHÈNES RE 5 PLRE II: FV
Philosophe néoplatonicien , disciple de Proclus et d' Isidore . Il était fils de
Théagénès, qui fut archonte athénien , petit-fils d’Archiadas 1 (MA 314), lui
même petit-fils de Plutarque d 'Athènes, fondateur de l'École néoplatonicienne
d' Athènes (voir les essais d'arbres généalogiques dans H . D . Saffrey et L .G .
Westerink [édit.), Proclus, Théologie platonicienne, CUF, vol. I, Paris 1968, p.
XXXV, et dans PLRE, vol. II, Cambridge 1980 , p. 1329). Tout ce que nous
savons de ce philosophe nous vient du Proclus de Marinus (éd . Boissonade ,
Leipzig 1814) et de la Vie d 'Isidore par Damascius, elle -même connue à travers
les citations de Photius dans sa Bibliothèque et la notice de la Souda (éd. C .
Zintzen , Hildesheim 1967 ; trad. anglaise par P . Athanassiadi, Damascius,
p. 319-321).
Il est né probablement vers la fin des années soixante du ve siècle, et a été
élevé dans l'ambiance de l' École de philosophie de Proclus, qui avait d 'abord
mis en lui tous ses espoirs. Marinus, dans son Proclus, chap. 26 , raconte que
pendant les cinq dernières années de sa vie , entre 480 et 485, Proclus avait une
activité très diminuée , son état de santé étant devenu précaire. Il dit: « Bien qu 'il
fût dans cet état de faiblesse, ce qui incitait Proclus à donner encore quelques
cours d 'exégèse , c'était Hégias qui, dès l'adolescence, donnait des preuves évi
dentes de toutes les vertus de ses ancêtres et montrait qu'il appartenait à la
chaîne véritablement d'or de la race issue de Solon . Hégias donc suivait attenti
vement les cours de Proclus sur les écrits de Platon et sur les autres théologies.
En outre , le vieillard lui donnait des devoirs de géométrie et se réjouissait gran
dement à voir l'enfant progresser petit à petit dans chacune des disciplines ma
thématiques » . Hégias devait avoir entre dix et quinze ans, et Proclus qui avait
H 24 HÉLICAON DE RHÉGIUM 531
décelé que l'âme de Solon revivait en lui, veillait à sa première éducation .
Encore tout jeune Hégias avait donc été formé à la théologie platonicienne et aux
théologies orphique et chaldaïque. On croyait alors qu' il ne serait pas inférieur à
son aïeul, le Grand Plutarque (V. Isid ., fr. 351). Il semble qu 'il se soit lancé à
fond dans la mystique chaldaïque, puisque son maître Isidore, le chef de l'École
après Proclus et Marinus, devait le reprendre et lui dire: « Hégias, si, comme tu
le dis et je le dis moi aussi, la théurgie est une chose très divine, il faut néan
moins que ceux qui doivent devenir des dieux (= les théurges) soient d ' abord des
hommes. C 'est la raison pour laquelle Platon aussi disait qu 'il n 'est pas donné
aux hommes un plus grand bien que la philosophie (Tim . 47 b 1-2 ), eh bien ,
aujourd 'hui, ce don de la philosophie n 'est plus sur le tranchant du rasoir (c'est
à -dire au moment critique de son apogée ),mais pour sûr dans son extrême vieil
lesse » (V. Isid . 227). On peut douter qu 'Hégias ait tenu compte des avertisse
ments d'Isidore, puisque Damascius devait porter sur la réputation d 'Hégias à
Athènes le jugement sans appel que voici: « Aussi loin que remontent nos sou
venirs, nous n 'avons jamais vu mépriser la philosophie à Athènes, comme nous
l'avons vu faire sous Hégias » ( V . Isid . fr. 221). K . Praechter, art. « Hegias» 5 ,
RE VII 2, 1912, col. 2615, a tiré de ce texte qu'Hégias aurait pu être un temps
chef de l'École philosophique,mais aucune autre source ne vient confirmer cette
hypothèse douteuse et aucune place ne peut lui être attribuée dans la succession
des chefs de l'École . Hégias était un païen fanatique et il se fit des ennemis
parmi ceux qui se servaient du régime en place pour machiner des complots,
comprenez les Chrétiens. Il mettait un zèle outrancier à conserver les cultes tra
ditionnels de l'Attique. Damascius note encore qu 'Hégias a été meilleur que son
père Théagénès pour ses qualités morales et son talent oratoire (V. Isid., fr. 351).
Aucun écrit de lui n 'a été conservé. En bref, Hégias semble avoir été un aristo
crate athénien, philosophe médiocre et théurge militant dans la période intermé
diaire entre la mort de Proclus (485) et l'arrivée de Damascius à la tête de
l'École (vers 515).
HENRI DOMINIQUE SAFFREY .
23 HÉLANDROS DE TARENTE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V . pyth . 36 , 267, p. 144 , 18 Deubner .
BRUNO CENTRONE.
24 HÉLICAON DE RHÉGIUM RE 4
Pythagoricien,mentionné par Jamblique, V.pyth. 27 , 130 ,p .73,25- 74,3 ; 30,
172 , p. 96 , 24 - 97, 3 Deubner, parmi les auteurs des constitutions de Rhégium ,
lesquels se seraient distingués par leurs activités et leurs mæurs ; leurs conci
toyens leur auraient accordé des honneurs divins. Il figure dans le catalogue de
Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 145, 19.
BRUNO CENTRONE.
532 HÉLICON DE CYZIQUE H 25
25 HÉLICON DE CYZIQUE RE 3 IV /IIIa
Astronome, disciple d 'Eudoxe de Cnide (» -E 98).
Témoignages. 1. F . Lasserre (édit.), De Léodamas de Thasos à Philippe
d 'Oponte. Témoignages et fragments, Napoli 1987, p. 139- 143, 349-352, 575
576 .
On ne peut pas le considérer comme un académicien au sens propre du terme.
Selon le témoignage de la Lettre XIII pseudo-platonicienne, Hélicon aurait été
disciple d 'Eudoxe ( T 24 Lasserre) et aurait suivi les leçons de l'un des élèves
d ' Isocrate (2 + 1 38 ), ainsi que celles de Polyxenos, l'un des élèves de Bryson
( » B 68).
Dans cette lettre, Platon le recommande au tyran de Syracuse , Denys, parce
qu'il pense qu 'il pourra lui être utile , mais la lettre est fictive et son témoignage
doit être récusé (cf. G . Pasquali, Le lettere di Platone, Firenze 1938, 2e éd. 1967,
p . 186 -188, et K . Gaiser, Sandalion 4, 1981, p. 80 sq.). Selon Plutarque (Vita
Dion. 19 = T 3 Lasserre ), Hélicon aurait prédit à Denys, pendant son séjour à
Syracuse , une éclipse de soleil et il aurait gagné ainsi l'admiration du tyran, qui
lui aurait donné en cadeau un talent d'argent. L 'éclipse est celle du 12 mai 361.
On doit, toutefois, suspecter ce renseignement, parce que la date de 361 s'ac
corde difficilement avec les données relatives aux carrières d 'Hélicon ( T 1) et
d'Eudoxe (D .L . VIII 86 -87 = T 7). Hélicon s'installa à Syracuse plutôt entre 355
et 350 , après la fermeture de l'école d 'Eudoxe à Cyzique (cf. Lasserre 1, p. 576 ).
Cf. F . Boll, art. « Helikon » 3, RE VIII 1, 1912 , col. 7 sq.; J. Mau, art.
« Helikon » 2 , KP II, 1975, col. 994 sq.
TIZIANO DORANDI.
26 HÉLIODORE Ira (?)
Personnage cité deux fois dans la Vita Philonidis, PHerc. 1044, fr. 21, 1-4 et
28, Gallo .
L 'hypothèse de Wilamowitz (signalée par W . Crönert, « Die Epikureer in
Syrien » , JEAI 10 , 1907, p . 148 s. v.) qui supposait que les deux occurrences
visaient le même Héliodore et suggérait de l'identifier avec Héliodore d ' Antio
che, ministre de Séleucos IV Philopator est convaincante (voir D . Gera, « Philo
nides the Epicurean at court : early connections» , ZPE 125, 1999, p . 77-83).
TIZIANO DORANDI.
27 HÉLIODORE
Le scholiaste de Juvénal mentionne un Héliodore, philosophe stoïcien, qui
aurait été l'accusateur de L . Iunius Silanus. Juvénal ferait allusion à ce person
nage dans la satire I, 34. Voir J. Ferguson, A Prosopography to the poems of
Juvenal, Bruxelles 1987, p. 112.
MICHÈLE DUCOS.
H 29 HÉLIODORE D 'ALEXANDRIE 533
28 HÉLIODORE DII
A . Diadoque de l'école épicurienne d'Athènes – mais non nécessairement
athénien d'origine -, successeur de Popillios Théotimos , attesté encore en 121
(IG II? 1099), destinataire d'une lettre d'Hadrien datée entre le 14 février et le 14
mars 125, il semble avoir adressé une demande excessive à Hadrien et avoir
essuyé un refus, au moins partiel : voir S . Follet, « Lettres d 'Hadrien aux épicu
riens d' Athènes (14 .2- 14.3.125): SEG III 226 + IG 112 1097 », REG 107, 1994 ,
p. 158- 171. Il doit s'agir du philosophe ami d'Hadrien puis déchiré par lui dans
une lettre célèbre mentionné par l'Histoire Auguste , V. Hadr. XV 5 et XVI 10 ,
en même temps qu'Épictète (3-E 33).
B . L 'identification souvent proposée de ce scholarque à C . Avidius Heliodo
rus (PIR A 1405 et H 51) n 'est appuyée ni par la lecture de la ligne 8 de
l'inscription ci-dessus, ni par la vraisemblance, puisqu' en vertu des décisions
prises en 121 le diadoque devait plutôt être un pérégrin , ni par ce qui est connu
de la carrière de C . Avidius Heliodorus, nommépréfet d'Égypte à la fin du règne
d 'Hadrien et maintenu dans ce poste par Antonin (voir , en dernier lieu , S . A .
Stertz, « Semper in omnibus varius: The Emperor Hadrian and Intellectuals» ,

(Directeur de la chancellerie grecque d 'Hadrien, puis préfet d 'Égypte de 137 à 142 (voir G .
Bastianini, « Il Prefetto d 'Egitto » , ANRW II 10 , 1, 1988, p. 508 ), C . Avidius Héliodôros devait
cette promotion, selon Dion Cassius abrégé par Xiphilin (72, 22, 2), à ses talents de rhéteur.
Aucune source ne permet de supposer qu 'il ait été philosophe. L 'hypothèse d' A . Stein , PIR2 A
1405 et H 51, selon laquelle le préfet d 'Égypte serait identique au philosophe Héliodore, ami
d 'Hadrien et scholarque de l'école épicurienne d'Athènes, est donc peu plausible, bien qu 'elle
ait été reprise par H . G . Pflaum , « La valeur de la source inspiratrice de la Vita Hadriani» ,
Bonn. Hist. Aug. Colloquium 1968/ 9, coll. « Antiquitas » 4, 7 , Bonn 1970 , p. 181, et R . Syme,
« Hadrian as Philhellene. Neglected Aspects » , ibid . 1982/3 , coll. « Antiquitas» 4 , 17, Bonn
1985, p. 341- 345. B .P .)
SIMONE FOLLET.
29 HÉLIODORE D 'ALEXANDRIE RESuppl. XV:12a M III
Aristotélicien du IIIe siècle ap. J.-C . que le philosophe Longin , dans la pré
face de son livre Sur la fin (Porphyre, Vita Plotini 20 , 35 -36 ), associe à Annius
( 24A 187),Médius et Phoebion ; dans leurs écrits , ils n 'ont retenu des anciens
que des éléments mineurs (V. Plot. 20 , 60 -65 ). Longin ajoute : « on pourrait leur
adjoindre aussi Héliodore, parce que luinon plus, au regard de ce que ses prédé
cesseurs ont dit dans leurs leçons, n 'a rien apporté de plus à l'articulation du rai
sonnement» (V . Plot. 20 ,65-68 ).
Sous le nom d'Héliodore, on possède un commentaire sur l'Éthique à Nicomaque (édité
par G . Heylbut dans CAG XIX 2 , 1889), dont on a reconnu depuis longtemps qu 'il s'agissait
d'une fausse attribution due à Constantin Paléocappa : voir P .Moraux , Der Aristotelismus bei
den Griechen , coll. « Peripatoi> 5 , t. I, Berlin 1975, p. 137 -138. Voir la note d ' A . -Ph .
Segonds, dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, p . 287. Paléocappa a pu s'inspirer de la Vie de
Plotin, mais le commentaire est attribué à un Héliodore de Pruse (MH 34 ) et non d 'Alexan
drie.
LUC BRISSON.
534 HÉLIODORE D 'ALEXANDRIE H 30
30 HÉLIODORE D'ALEXANDRIE RE 13 PLRE II:6 MF V
Philosophe et astronome néoplatonicien, disciple de Proclus. Syrianus, le
deuxième chef de l'École néoplatonicienne d' Athènes, avait marié l'une de ses
parentes, Aidésia (P + A 55), à l'un de ses disciples, Hermias d 'Alexandrie
(» H 78 ). (Hermias enseigna à Alexandrie, où il introduisit les doctrines de
l' École d'Athènes, cf. L . G . Westerink (édit.), Prolégomènes à la philosophie de
Platon , CUF, Paris 1990 , p. X -XI). Ils eurent trois fils: le fils aînémourut jeune,
les deux autres étaient Ammonius (* A 141) et Héliodore. Ils durent naître à
Alexandrie dans la décennie 440 -450 . Hermias mourut peu après, laissant ses
deux enfants à la charge de leurmère. Nous savons par la Souda (t. II, p. 162,
13 -21 Adler = Damascius, Vita Isidori, fr. 127) qu 'Aidésia, soucieuse de leur
bonne formation philosophique, les emmena à Athènes pour qu 'ils deviennent
tous deux élèves de Proclus, le successeur de Syrianus à la direction de l'École
de philosophie . Ils suivirent vraisemblablement le cursus complet des études
philosophiques et théologiques sur cinq ou six années, puis, une fois le cycle
achevé, revinrent à Alexandrie où Ammonius devint professeur de philosophie .
Son frère, Héliodore, bien qu 'il porte aussi le titre de diaboodoç, n 'est en fait
connu que par des observations astronomiques ,et l'on ne sait rien de son activité
de philosophe. Dans plusieursmanuscrits de l' Almageste de Ptolémée, on trouve
une note liminaire qui a sûrement été recopiée du propre exemplaire de ce texte
appartenant à Héliodore. Cette note , découverte et publiée pour la première fois
par Ismaël Boulliau (Astronomia Philolaica, Paris 1645, t. I, p. 246 , 278 , 326
327, 346 , t. II, p . 172) et republiée par J. L . Heiberg au tome II des Claudii Ptole
maei Opera quae exstant omnia , Lipsiae 1907, p. XXXV- XXXVII, enregistre des
observations astronomiques faites par Héliodore (l'une d'elles avec son frère
Ammonius, une autre , celle de 475 , avec un Delos, qui peut désigner soit le
< divin » Proclus soit plus probablement son “ oncle ", Grégoire, le frère d 'Her
mias), entre les années 475 et 510 . Elles sont au nombre de sept et concernent
des occultations ou des conjonctions de planètes. Les dates exactes sont: 18 nov.
475, 1er mai 498, 21 fév. 503, 27 sept. 508, 11 mars et 13 juin 509, 21 août 510 .
Seule la première observation a été faite à Athènes, toutes les autres, à Alexan
drie . Par conséquent, on peut raisonnablement penser que la date de la première
observation en 475 tombe dans les années où Ammonius et Héliodore étaient
ensemble à Athènes, étudiants dans l'école de Proclus, les autres dates s 'échelon
nent sur la durée de leur activité à Alexandrie . Ces observations astronomiques
ont été étudiées en grand détail et parfaitement vérifiées par O . Neugebauer, A
History of AncientMathematical Astronomy, Part II, Berlin /Heidelberg , 1975 ,
p . 1038 - 1041. Damascius, qui a été élève d'Ammonius, dit qu 'Ammonius était
plus doué et plus avide d'apprendre que son frère (V. Isid., fr. 127). On peut faire
l'hypothèse que, dans le temps où Ammonius était le grand professeur de philo
sophie à Alexandrie , dans la secondemoitié du Ve siècle , Héliodore était pour lui
une sorte d'assistantspécialisé dans les sciencesmathématiques. Il faut toutefois
retirer à Héliodore la paternité d'un commentaire sur Paul d' Alexandrie qui lui
est attribué dans le manuscrit Vindob . phil. gr. 115, cf. J. Warnon , « Le commen
H 31 HÉLIODORE D ' ÉMÈSE 535
taire attribué à Héliodore sur les ElfararikA de Paul d ' Alexandrie » , dans
Recherches de Philologie et de Linguistique, Louvain 1969, p. 197-217 ,et L . G .
Westerink, « Ein astrologisches Kolleg aus dem Jahre 564» , dans ByzZ 64 , 1971,
p . 6 -21, reproduit dans Texts and Studies in Neoplatonism and Byzantine litera
ture , Amsterdam 1980, p . 279-294. Le texte en a été édité sous le titre :Heliodori
ut dicitur in Paulum Alexandrinum commentarium , edd. Boer-Pingree, Leipzig
1962. Aucun écrit de la plume d'Héliodore ne nous est donc parvenu.
HENRI DOMINIQUE SAFFREY.
31 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE RE 15 III ?
Romancier dont l'æuvre a suscité des interprétations philosophiques.
Héliodore est l'auteur du plus célèbre roman grec , en dix livres, qui nous est
parvenu intégralement sous différents titres, l'Éthiopique, ALOLOTTLXÒV (Bíbalov),
les Éthiopiques, tà ALOlorixá (sans doute le titre courant), Chariclée , º Xapi
xhela (titre byzantin ) ou l'Histoire éthiopique de Théagène et Chariclée, td
trepi Oeayévnv xai Xapixdelav. Voir 1 R . M . Rattenbury, T . W . Lumb,
J.Maillon (édit.) , Héliodore, Les Éthiopiques ( Théagène et Chariclée), texte
établi par R . M . R . et T. W .L . et traduit par J. M ., CUF, Paris 1935 - 1943, 24
éd. 1960, p . VII n . 1 et p. 2,pour tous les titresdonnés par lesmanuscrits.
Éditions. L'édition de Rattenbury et Lumb 1 s'est imposée comme l' édition
de référence, mais il ne faut pas négliger celle de 2 A . Colonna, Heliodori
Aethiopica , Roma 1938 ; cette dernière regroupe en outre l'essentiel des testimo
nia sur la réception de l'æuvre à l' époque byzantine. Le même savant a récem
ment donné une nouvelle édition : 3 A . Colonna, Le Etiopiche di Eliodoro, testo ,
introd., nota biograf., nota bibliograf., nota crit. a cura di C . A ., trad. e comm . a
cura di Bevilacqua J., coll. « Classici greci» , Torino 1987. Toutes deux ont été
vivement critiquées (cf. Rattenbury et Lumb 1, t. III, p. V -VII pour Colonna 2, et
4 E . V .Maltese ,Maia 40, 1988, p . 192-196 pour Colonna 3).
Études d 'ensemble. Parmi la masse croissante de publications consacrées
aux Éthiopiques, on retiendra pour une première approche la synthèse très dense
de 5 A . Billault, « Présentation des Éthiopiques» , IL 39, 1987, p . 25-30, et l'ex
cellente monographie de 6 G . N . Sandy, Heliodorus, Boston 1982 . On lira aussi
7 E . Feuillâtre, Études sur les Éthiopiques d 'Héliodore , coll. « Publications de la
Faculté des Lettres et Sciences humaines de Poitiers » 2 , Paris 1966 , 8 B . P .
Reardon , Courants littéraires grecs des Ile et Ille siècles après J. C ., coll.
« Annales littéraires de l'Université de Nantes» 3 , Paris 1971, p . 381-392, et
9 A . Billault, La Création romanesque dans la littérature grecque à l'époque
impériale, Paris 1991. L 'ouvrage de Colonna 3, p. 27-32, donne, jusqu'en 1982,
une bibliographie essentielle en ce qui concerne les éditions, les traductions et
les études portant sur les Éthiopiques. Les travaux postérieurs les plus importants
seront cités dans cette notice.
Le roman ayant eu à Byzance, puis en Occident, une fortune extraordinaire
qui lui a souvent valu des lectures à tendances philosophiques etmorales, il peut
être intéressant de lire les témoignages critiques recueillis dans Colonna 2 , aux
536 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE H31
quels il faut ajouter les éditions de 10 H . Gärtner, « Johannes Eugenikos, Pro
theoria zu Heliodors Aithiopika » , ByzZ 64, 1971, p. 322- 325, et de 11 A . R .
Dyck, Psellus, The Essays on Euripides and George of Pisidia and on Heliodo
rus and Achilles Tatius, coll. « Byzantina Vindobonensia » 16 , Wien 1986 . L 'ar
ticle de 12 H . Gärtner, « Charikleia in Byzanz » , A & A 15, 1969, p. 47-69 est
utile . Enfin, on trouvera dans 13 T.Hägg, The Novel in Antiquity , Oxford 1983,
p . 73-80, 192-210, mention , avec iconographie, des æuvres inspirées par les
Éthiopiques à Byzance et dans l'Europe moderne.
L'auteur. Sur l'existence du romancier,nous n 'avons que deux témoignages.
Le premier est fourni par l'euvre elle -même (Éthiopiques X 41, 4) : « Ainsi finit
l'histoire éthiopique de Théagène et Chariclée. L 'auteur en est un Phénicien
d' Émèse, de la race d'Hélios, Héliodore, fils de Théodose » (trad. Maillon ). Le
second est une information de l'écrivain Socrate (Hist. Eccl. V 22 = PG 67,
col.639) qui, à propos du célibat des prêtres, relate qu '« en Thessalie cette cou
tume fut introduite par Héliodore, lorsqu 'il devint évêque de Trikka ; on attribue
à ce même Héliodore (où déYetal) une histoire d'amour qu' il écrivit dans sa
jeunesse et intitula les Éthiopiques» (trad.Maillon ). Il semble (cf. Rattenbury 1,
P. VII- VIII) que le texte de Socrate ait inspiré Photius (cod. 73) et Nicéphore
Callistus (Hist. Eccles. XII 34 = PG 146 , col. 860 ). Ces minces renseignements,
surtout ceux donnés par Socrate, ont été interprétés dans des sens très différents
par les philologues.
En effet, comme on trouve dans la Souda qu ’un autre romancier, Achille
Tatius ( > A 8 ), aurait été évêque, certains spécialistes, au premier rang desquels
14 E .Rohde, Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig 3e éd . 1914,
p. 472-473, ont rejeté comme suspecte l'information de l' écrivain ecclésiastique.
Mais ses défenseurs font valoir que ce dernier n 'affirme pas qu 'Héliodore était
chrétien quand il composa son roman ,mais qu 'il le devint, par la suite . Cette
thèse, bien défendue par Rattenbury 1, p. VII-XI, a été reprise récemment par
Colonna 3, p . 11-12, et surtout par 15 P . Chuvin, Chronique des derniers païens.
La disparition du paganisme dans l'Empire romain , du règne de Constantin à
celui de Justinien, coll. « Histoire » , Paris 1990 , p. 321-322. De plus, détail trou
blant, des savants ont constaté que le texte d'Héliodore paraît précis et exact à
propos des réalités thessaliennes (cf. notamment 16 L . Robert, « Deux épigram
mes de Philippe de Thessalonique », JS 1982 , p. 139 -162, et 17 J. Pouilloux ,
« Delphes dans les Éthiopiques d'Héliodore » , IS 1983, p . 259-286 ), ce qui
confirmerait partiellement l'information de Socrate .
D 'autre part, certains, et déjà Amyot, ont voulu identifier le romancier avec le
sophiste Héliodore l'Arabe, contemporain de Caracalla , mentionné par Philo
strate dans ses Vies de sophistes II 32 . Mais l'hypothèse est rejetée par
Rattenbury 1, p. XV n . 2, et jugée « très peu plausible » par Maillon 1, p. LXXXIII
n. 1, même s'il la trouve séduisante pour expliquer les similitudes que l'on a
relevées entre Philostrate et Héliodore (même prudence chez 18 R.Merkelbach ,
Roman und Mysterium in der Antike, München/Berlin 1962, p. 234, et rejet plus
H 31 HÉLIODORE D'ÉMÈSE 537
brutal de la thèse, reprise dernièrement par R .L . Fox, Pagans and Christians,
New York 1987, chez Chuvin 15 , p . 324 n . 5).
Quant à la souscription , elle a, elle aussi, donné lieu à des interprétations
divergentes. Rohde 14 , p .471 n. 3 et p. 498 n . 1 (« 'Halódwpoc ein Pseudo
nym ? So nennt sich Aristides Ocódwpoc » ), suivi par Maillon 1, p. LXXXIV , a
posé la question : faut- il entendre que le romancier se prétend descendant d'Hé
lios, par jeu de mots, ou bien qu'il se réclame de la famille des prêtres d 'Hélios ?
Pour Rattenbury 1, p. XII, il ne s'agirait pas d'un pseudonyme. D 'autre part,
19 O . Dilke, « Heliodorus and the Colour Problem », PP 193, 1980, a souligné,
p. 269-270, que rien n'autorise à reconnaître en Héliodore un Noir, un Éthiopien,
mais que la signature de son auvre, qui pourrait être un poème de sa composi
tion en trimètres iambiques, fait apparaître le mot helios comme le cinquième
mot avant la fin , comme il était le cinquième mot du début; il accepte l'idée,
communément admise , qu 'Héliodore était prêtre du Soleil, le dieu d'Émèse. En
revanche, il se pourrait que l'appellation de « phénicien » , POTVLE, joue sur la
polysémie du mot, renvoyant à la « palme » et à « phénicien » (cf. 20 M . Laplace,
« Les Ethiopiques d'Héliodore, ou la genèse d'un panégyrique de l'amour» , REA
94, 1992, p. 225) aussi bien qu'au « phénix » , oiseau solaire par excellence (voir
Chuvin 15 , p. 200).
Enfin, si le romancier peut se déclarer « phénicien », cela s'expliquerait par le
fait que la ville d'Émèse a été intégrée à la province de Syrie -Phénicie à partir du
règne d' Élagabal, voire de Caracalla (cf., pour une intégration sous Élagabal,
Rattenbury 1, p. XI n . 2, qui cite le témoignage ambigu d'Ulpien, Digeste L XV
1, 4 ; l'hypothèse est reprise par Colonna 3, p. 23. En revanche, Billault 6, p. 25
n . 11, penche pour Caracalla , comme Sandy 6 , p. 2 n . 1).Mais peut- être faut-il
voir là, selon 21 A .R . Birley, The African Emperor Septimius Severus, London
1988, p. 71, un terme générique : « By extension Arab Emesa considered itself,
or was considered to be, a Phoenician city » .
Datation . Vu le peu que nous savons de l'auteur, la datation de l'æuvre
suscite évidemment des controverses, et il n 'est pas question de reprendre ici
toutes les hypothèses qui ont été avancées. Reardon 8 , p . 334 n. 57, offre une
bonne synthèse sur la question .
Il est acquis que le passage de Socrate constitue un terminus ante quem , c 'est-à -dire avant
le ve s. ; en revanche, le terminus post quem n 'est pas établi. Le rattachement d 'Émèse à la
province de Syrie -Phénicie , qui justifierait l'appellation de « Phénicien » et interdirait toute
datation antérieure au IIIe s ., n ' a pas retenu l'attention des spécialistes (à l' exception notable
de Colonna 3 , p. 11). Certains d'entre eux proposent donc une date plus haute. Ainsi Pouilloux
17 , p . 286 , se fondant sur les réalités delphiques telles qu ' elles apparaissent dans le roman ,
pense au lle s., ou au débutdu lie. De même Feuillâtre 7, p . 147- 148, souhaite placer le roman
dans la première moitié du Ile s., sous le règne d 'Hadrien , en s'appuyant notamment sur la
place importante que Delphes occupe dans le récit ; il rejette l'hypothèse d 'une cuvre exaltant
Hélios ( « Nous ne trouvons aucune trace d'un culte du Soleil analogue à celui qui était prati
qué au temps des Sévère » ), alors que c 'est précisément cette hypothèse que retiennent nombre
de chercheurs voulant faire d'Héliodore un contemporain des empereurs Élagabal et
Alexandre Sévère , tous deux natifs d'Émèse, apparentés aux grands prêtres etpropagateurs du
culte solaire.
538 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE H 31
Par exemple, Rattenbury 1, p . XIII-XIV , contestant la thèse de Rohde qui propose le règne
d 'Aurélien (270-275), estime qu '« Héliodore a dû écrire quelque temps après 220 environ » .
Quant à 22 F. Altheim , Literatur und Gesellschaft im ausgehenden Altertum , Halle/Saale
1948, t. I, p . 93-124 , il conclut, au terme d'une longue démonstration, p. 120, qu 'Héliodore
souhaite faire oublier l'image négative qu 'Élagabal a donnée du culte solaire ; il situe donc le
romancier entre les règnes d 'Elagabal et d 'Aurélien .
Mais un article a bouleversé les données du problème, sans toutefois convaincre totale
ment. 23 M . H . A . L . H . Van der Valk , « Remarques sur la date des “ Éthiopiques " d 'Hélio
dore » , Mnemosyne 9, 1941, p . 97-100, a établi un parallèle entre le siège de Syénédécrit par
Héliodore (IX 2 -8 ) et celui de Nisibemené par Chapour II en 350 et décrit par l'empereur
Julien (Orat. I 22-23 ; Orat. III 11- 16 ). Cette thèse a reçu un accueil généralement favorable.
Citons parmi ses plus récents partisans Chuvin 15 , p . 321 - 325 , et notamment p. 324 : « Si on se
refuse à torturer les témoignages d 'Ephraïm , de Julien et de Socrate , tous les trois auteurs sûrs
et bien informés. .. ils concordent à placer l'activité d 'Héliodore dans la seconde moitié du Ive
siècle » , c 'est- à -dire au temps de Théodose, et Colonna 3 , p . 23-25 , qui va plus loin en fixant
la date de naissance d'Héliodore autour de 320 - 340 , la rédaction de son roman autour de 370
380, et son épiscopat après 380. Sandy 6, p. 4 -5 , aboutit à la même conclusion.
Néanmoins,la thèse de Van der Valk 23 a été réfutée , entre autres par 24 T. Szepessy, « Le
siège de Nisibe et la chronologie d 'Héliodore » , AAntHung 24 , 1976 , p . 247-276 : ce serait
Julien qui serait lecteur d 'Héliodore (cf. aussi les réfutations de Feuillâtre 7, p . 148, et p. 139 :
le modèle d 'Héliodore serait la Cyropédie relatant le siège de Babylone par Cyrus ; d'autre
part, p. 135 , l'auteur affirme qu ' « il paraît vraisemblable , mais non certain qu 'Héliodore ait été
l'objetdesmoqueries de Lucien » , l'Histoire vraie parodiant le livre IX des Éthiopiques).
Enfin , la datation des Éthiopiques est liée souvent à la Vie d 'Apollonios de Tyane de Philo
strate, publiée vraisemblablement après 217 .Mais, là encore, des divergences apparaissent:
certains reconnaissentune parenté qui reposerait essentiellement sur les deux figures de sages
que sont Calasiris et Apollonios, et sur la mention , propre aux deux æuvres, de l'existence de
gymnosophistes ( ~ 6 35) éthiopiens (cf., entre autres, Rohde 14, p . 462-471, repris par
Maillon 1 , p . LXXXVI-LXXXVII, Merkelbach 18, p. 243 n . 2 , Reardon 8 , p. 390 n . 192, 25 T .
Szepessy, « Die Aithiopika des Heliodoros und der griechische sophistische Liebesroman »,
AAntHung 5, 1957, p. 246 , Chuvin 15, p . 322, Colonna 3 , p . 13 : « Da Filostrato ... egli ha
preso qualcosa in ogni pagina del romanzo » ), tandis que d'autres la nient (cf. Feuillâtre 7 ,
p . 128-132) ou s'interrogent (cf. Billault 5 , p . 28 n . 20).
Interprétation de l'æuvre. Du statut que l' on accorde à l'ouvre dépend en
très grande partie la lecture qui en est faite. Comme tout roman , ce roman relève
d 'une critique littéraire, fondée sur des critères esthétiques. A ce titre , les Éthio
piques seraient la plus brillante des productions de la Seconde Sophistique ( selon
Rattenbury 1, p. XVIII, « c'est la structure qui constitue le principal mérite des
Éthiopiques » ): la virtuosité de la construction – début in medias res, qui fait que
l'æuvre commence par ce qui est le milieu de l'histoire, l'emboîtement de récits,
surtout dans le fort long discours rétrospectif de Calasiris (II 24 - V 33), plaide
raient en ce sens. Pour une étude sur la construction de l'euvre, on se reportera
au travail de 26 M . Pulquério Futre Pinheiro, Estruturas técnico -narrativas nas
Etiopicas de Heliodoro, Lisboa 1987. Dès l'époque byzantine, les qualités
d'écriture de l’æuvre ont été relevées; Psellos 24-28 Dyck ,dans une comparai
son restée célèbre, a évoqué un serpent qui se déroule. Les chercheurs contempo
rains ontmontré tout ce que la structure de l'æuvre doit à Homère et ce qu 'elle
possède d'original (voir le brillant 27 M . Fusillo , Naissance du roman, traduc
tion française par M . Abrioux de Il Romanzo greco. Polifonia ed Eros, coll.
« Poétique », Paris 1991, p. 131-134 ; 147- 165); s'appuyant sur les travaux et la
H 31 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE 539
réflexion de la critique d'aujourd 'hui, ils se sont plu à rappeler qu'il s'agit avant
tout d'un jeu. Cette tendance est représentée essentiellement,mais non exclusi
vement, par l'école anglo-saxonne, qui souligne avec force que les Éthiopiques
sont d'abord, voire exclusivement, une æuvre littéraire qui se donne à voir ; ce
qui pourrait paraître message philosophique ou religieux ne sert que les fins litté
raires (cf. le titre significatif de l'article de 28 G .N . Sandy, « Characterization
and philosophical decor in Heliodorus' Aithiopica » , TAPHA 112 , 1982, p. 141
167 ; l'auteur y affirme (p. 165) : « I see the philosophical component as literary
embellishment» ; on citera aussi le bel article de 29 J.J. Winkler, « The menda
city of Kalasiris and the narrative strategy of Heliodoros' " Aithiopika" » , dans
J. J. Winkler et G . Williams (édit.), Later Greek Literature, coll. « Yale Classical
Studies » 27, Cambridge 1982, p. 93-158, dans lequel on lit (p . 122) : « These
references are not meant philosophically or religiously but rather as reflexive
allusions to the novel's own structure of progressive and problematic intelligi
bility » . Il y aurait lieu de citer encore 30 G . Anderson, Eros sophistes. Ancient
novelists at play, Chico 1982, p. 33-40, et 31 Id ., Ancient Fiction. The novel in
the graeco -roman world , Beckenham 1984, p. 83-85 .
Mais on a peut-être oublié que la construction du texte, si remarquable par sa
complexité , s'apparente à celle d'un autre roman , d' inspiration clairement pytha
goricienne, qui ne nous est pratiquement connu que par un résumé de Photius,
les Merveilles au -delà de Thulé d'Antonius Diogène (2D 137). Fusillo 27 ,
p. 160 , parle d 'une « influence » .
Dans ces conditions, résumer en quelques lignes ce roman, en respectant sa
structure narrative et ses effets (Photius, Bibl. cod . 73 recompose l’æuvre de
façon linéaire pouren rendre compte ), est une gageure :
Une scène de carnage sur un rivage : nous voyonsdes piratesmorts, et un couple debeaux
jeunes gens, qu 'observe, avant de l'enlever , une troupe de brigands, les Pâtres du delta du Nil,
conduits par leur chef. Puis, nous apprenons que le jeune homme se nomme Théagène, la
jeune fille Chariclée, et qu 'ils ont pour compagnon d' infortune un prisonnier grec, Cnémon ,
lequel raconte comment, pour fuir l'amour d 'une marâtre, il a été contraint de quitter Athènes.
Quant au chef des brigands, Thyamis, il s'avère le fils d'un prêtre deMemphis, dépossédé par
son frère de la fonction sacerdotale transmise par leur père. Thyamis veut épouser Chariclée,
qui fait passer Théagène pour son frère.Mais une attaque de brigands, suscitée par le frère de
Thyamis , Pétosiris, survient: les jeunes gens sont séparés, et Chariclée, confiée à la garde de
Cnémon , est transférée dans une grotte. C ' est là que se rend Thyamis, dans un accès de jalou
sie , pour tuer Chariclée. Au cours de la bataille , il est fait prisonnier ; Théagène et Cnémon ont
réussi à se cacher. (Livre I). Or, il se révèle que Chariclée est vivante et que Thyamis abusé a
tué à sa place une certaine Thisbé... ancienne servante de la belle -mère de Cnémon devenue
maîtresse d'un marchand de Naucratis, Nausiclès, que lui a enlevée, avant de la cacher dans la
grotte , Thermoutis, l'écuyer de Thyamis ! Tous quittent le repaire des Pâtres séparément. Aux
abords du bourg de Chemmis, Cnémon rencontre un vieillard égyptien qui lui promet de lui
faire le récit de ses malheurs et l'invite dans la maison de son hôte, qui n ' est autre que Nausi
clès. Comme le vieil homme se lamente sur Théagène et Chariclée, Cnémon , bouleversé par
cette coïncidence, lui apprend qu 'ils sont en vie et demande en échange des informations sur
eux . Commence alors, de la part de celui qui se nomme Calasiris, un long récit rétrospectif.
Prêtre à Memphis, Calasiris a quitté sa ville pour ne pas succomber aux charmes de la courti -
sane Rhodopis et pour éviter de voir ce que les dieux lui ont fait pressentir, la lutte de ses deux
fils, dont l'aîné s'appelle ... Thyamis. Il a donc voyagé jusqu'à Delphes où, dès son arrivée, un
540 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE H 31
oracle lui annonce son retour en Égypte . Il fait connaissance du prêtre d'Apollon, Chariclès,
qui lui relate comment, parti en Egypte pour oublier des malheurs domestiques, il a recueilli
d'un gymnosophiste éthiopien une fillette d'une merveilleuse beauté que sa mère avait fait
exposer. De retour à Delphes, Chariclès a donné à la jeune fille une excellente éducation, mais
se désespère de la voir rebelle au mariage; aussi sollicite-t-il Calasiris afin que celui-ci use des
charmes égyptiens pour la rendre amoureuse. Avant une cérémonie religieuse à laquelle doi
vent participer le Thessalien Théagène et la zacore d'Artémis, Chariclée, la Pythie fait
entendre un nouvel oracle laissant entendre que « celle qui est d'abord Grâce (záplv ) et enfin
Gloire (whéos) » , ainsi que le « fils d 'une déesse (O£ãs yavérny )» vont bientôt quitter son
temple « pour atteindre la terre sombre brûlée par le soleil où ils trouveront récompense de
leur vertu et blanche couronne » . (Livre II). Calasiris rapporte ensuite le coup de foudre réci
proque de Théagène et Chariclée, survenu au cours des festivités religieuses, et la double
vision d 'Apollon et d 'Artémis qui le somme d'emmener en Égypte les jeunes gens. (Livre III).
Alors, grâce à la bandelette exposée avec Chariclée, il découvre qu 'elle est fille de Persinna ,
reine d' Éthiopie : elle est née blanche de parents noirs parce que sa mère , au moment de la
conception , contemplait un tableau reproduisant Andromède ! Calasiris révèle sa naissance à
Chariclée, lui déclare que Persinna l'a chargé de lui ramener sa fille et, pour tromper Chari
clès, feint un enlèvement de l'héroïne par Théagène. Tous les trois embarquent sur un bateau
phénicien à destination de Carthage. (Livre IV ). Alors que Calasiris commence à raconter le
voyage, survient Nausiclès annonçant avoir « trouvé Thisbé,mais en mieux » , et le sommeil
interrompt là Calasiris. Le lendemain, il s'avère que cette Thisbé est en fait Chariclée , que
Nausiclès, dans son expédition punitive appuyée par les Perses, a sauvée en la faisant passer
pour Thisbé; quant à Théagène, il est envoyé à Memphis au satrape du Grand Roi. Le lecteur
assiste aux retrouvailles de Chariclée, Cnémon etCalasiris, avant que ce dernier ne reprenne le
fil de son histoire : en mer, le marchand phénicien, propriétaire du bateau, demande Chariclée
en mariage ; des pirates guettent le navire, pour s'emparer de ses richesses ... et de Chariclée,
dont leur chef est amoureux ,mais, après un abordage réussi, ils ne peuvent empêcher un nau
frage sur la côte égyptienne. C 'est au moment où le chef des pirates va épouser Chariclée que
Calasiris dresse contre lui un rival.Il s'ensuitunemêlée générale et fortmeurtrière à l'issue de
laquelle, sous les yeux de Calasiris impuissant, les Pâtres enlèvent Théagène et Chariclée .
Calasiris a terminé son récit avec l'épisode qui ouvre le roman . (Livre V ). Les hommes partent
à la recherche de Théagène. En chemin , Cnémon raconte à Nausiclès comment il a connu
Thisbé, et un amide Nausiclès leur apprend que Thyamis a intercepté Théagène qu 'il tient pri
sonnier. Cnémon renonce à poursuivre son séjour en Égypte et décide de repartir pour la
Grèce avec Nausiclès, lequellui avoue être le marchand amant de Thisbé, et lui donne sa fille
en mariage ! (Livre VI) Pendant ce temps, arrivé à Memphis pour recouvrer sa fonction sacer
dotale , Thyamis affronte son frère Pétosiris dans un combat singulier qu'interrompt l'arrivée
providentielle de leur père , Calasiris. Chariclée , elle , retrouve Théagène qui a accompagné
Thyamis. Calasiris peut alors mourir en paix . Mais sa mort livre nos héros à Arsacé, femmedu
satrape. Profitant de ce que son mari est parti guerroyer contre les Éthiopiens, elle emprisonne
Chariclée , et Théagène dont elle est amoureuse. (Livre VII) Informé, le satrape exige que les
prisonniers lui soient envoyés, et à Memphis, Chariclée, accusée d'empoisonnement par
Arsacé, échappe miraculeusement au bûcher. Mais, alors qu 'ils sont conduits vers le satrape,
les héros, qui ont appris en route le suicide de leur persécutrice, sont capturés par des Éthio
piens décidés à les offrir à leur roi. (Livre VIII). Celui-ci accueille volontiers ces prisonniers
qu'il se promet de sacrifier à son retour en Éthiopie, et il attaque Syéné, en détournant le Nil.
Puis, fort de sa victoire sur les Perses, le roi Hydaspe, auquel un songe a annoncé une fille ,
quitte l'Egypte . (Livre IX ). Le dernier livre, qui se situe à Méroé, capitale de l'Ethiopie, mul
tiplie les scènes de reconnaissance : Sisimithrès, le gymnosophiste quiavait confié Chariclée à
Chariclès, reconnaît la jeune fille, et Persinna identifie en elle sa fille. Les Éthiopiens renon
cent à leurs cruels sacrifices. Enfin , ultime coup de théâtre, Chariclès, parti à la poursuite du
ravisseur de Chariclée, arrive à temps pour assister au mariage des héros, qui deviennent, cou
ronnés de blanc , prêtres du Soleil et de la Lune. L 'oracle delphique s'est réalisé.
H31 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE 541
A l'opposé de cette lecture exclusivement littéraire, certains spécialistes ont
voulu voir dans les Éthiopiques un manifeste politique et religieux. L 'ouvrage de
Merkelbach 18, très controversé au moment de sa publication , développe systé
matiquement, p. 234 -298 , la thèse selon laquelle le roman est, comme tous les
autres, un Mysterientext, en l'occurrence une euvre à la gloire du dieu Soleil.
Quoi qu 'il pense de cette démonstration , le lecteur trouvera dans ce travail de
grande érudition des parallèles éclairants avec des textes néoplatoniciens ou
néopythagoriciens; il trouvera aussi, relevés par l'auteur, à la suite de K .
Kerenyi, Die griechisch-orientalische Romanliteratur in religionsgeschichtlicher
Beleuchtung, Tübingen 1927, les éléments isiaques qui se liraient dans le roman .
Quelques années auparavant, Altheim 22, p. 95- 96 , 115-120, avait voulu montrer
que le roman était un texte de propagande destiné à asseoir l'autorité du dieu
solaire originaire d'Émèse , patrie des empereurs syriens . Cette interprétation est
acceptée tantôt sans réserve ( cf. 32 J. Hani, « Le personnage de Charikleia dans
les Éthiopiques. Incarnation de l'idéalmoral et religieux d 'une époque» , BAGB
1978, p . 271: « hymne à la gloire du Soleil-Dieu » ; Szepessy 25, p. 243-251),
tantôt avec prudence (cf. Chuvin 15 , p. 200 ; Billault 5, p. 28), voire rejetée (cf.
Feuillâtre 7 , p . 130).
Ceux qui tiennent à une lecture littéraire de l'æuvre condamnent évidemment
l'interprétation religieuse, même s'ils reconnaissent la présence importante de la
religion (cf., par exemple , Rattenbury 1, p. XX -XXI; Anderson 31, p . 81-85 ;
33 J.R .Morgan , introduction aux Éthiopiques, dans B . P. Reardon [édit.], Col
lected ancient Greek novels, Berkeley /Los Angeles/London 1989, p . 350 : « a
very religious, or rather religiose , text ». Reardon 8, p. 385 -386 , réévalue cette
dimension de l'æuvre qui lui donne son sens et son originalité sur le plan litté
raire, avantde souligner, p. 390, combien , dans ce roman ,« ilmanque singulière
ment ce que de nos jours on appellerait une vraie doctrine religieuse » ). Certains
distinguent néanmoins dans les Éthiopiques un souci, comme l' écritMaillon 1,
p .LXXXVI, de « concilier la tradition philosophique et le sens du divin et du
mystère » . Quant à Fusillo 27 , p . 140 - 141, il montre parfaitement comment la
complexité de la structure narrative répond à une Weltanschauung fondée sur la
religion : « Cette organisation complexe, qui permet de présenter les événements
sous différents angles et de les dévoiler peu à peu a une valeur sémantique : elle
exprime le caractère nécessairement ambigu de l'interprétation de la réalité (...)
Tel est bien le présupposé théologique sur lequel repose le système d 'Héliodore :
le monde divin communique à l'homme des signes et des indices, à partir des
quels il doit construire, par hypothèses successives, une vision cohérente » . En
revanche, la thèse de Coray, exprimée dans son édition des Éthiopiques, 'Halo
dupov Alolonixá , Paris 1804, selon laquelle le christianisme imprégnerait le
roman , a été contestée très tôt (cf. les critiques de Rohde 14 , p. 462 ; 472) et a
fait long feu.
Orientations philosophiques des Éthiopiques. Les Éthiopiques, dès l'épo
que byzantine, ont suscité des interprétations philosophiques, grâce, notamment,
à la lecture allégorique d' inspiration néoplatonicienne. Mentionnons pour mé
542 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE H 31
moire Philippe le Philosophe, Της Χαρικλείας ερμήνευμα της σώφρονος (ed.
Colonna 2, p . 365), qui voit dans Chariclée et ses tribulations l'image de l'âme et
de son destin (sa chute dans le corps et le monde avant sa réintégration dans sa
patrie ) et Jean Eugenikos qui, dans sa Ilpodewpía toŨ Nouopúraxos, li. 36 -39
Gärtner, reconnaît dans le roman l’illustration des quatre vertus cardinales
(åvopeia , OLXALOOÚvn , owopooúvn , opóvnouc ) et une élévation de ton qui la
rapproche du « sage Salomon » (li. 44 ). Psellos et Photius quant à eux font une
lecture essentiellementmorale qui ne retient que l'éloge de la virginité .
Sur le commentaire de Philippe le philosophe, voir maintenant L. Tarán, « The authorship
of an allegorical interpretation of Heliodorus' Aethiopica » , dans EOQIHE MAIHTOPEX . Cher
cheurs de Sagesse. Hommage à Jean Pépin , publié sous la direction de M . -O . Goulet-Cazé,
Goulven Madec et Denis O 'Brien, « Collection des Études Augustiniennes» - Série Antiquité
131, Paris 1992, p . 203-230 .
Depuis, les philologues n 'ont pas cessé de chercher dans ce roman d'aven
tures et d 'amour une coloration philosophique en raison de la personnalité et de
l'idéal de l'héroïne (« Hypatie que l'amour dérobe à la science et à la philoso
phie » selon Maillon 1, p .LXXXV ; d'ailleurs, à la suite de Geffcken , Sandy 28,
p. 166 , remarque que les femmes ont été fréquemment introduites dans les
cercles pythagoriciens, puis néoplatoniciens) et surtout du personnage de Cala
siris, prêtre d 'Isis et figure de sage pratiquant la continence et un régime stricte
ment végétarien . Pour les uns, c'est le pythagorisme, ou le néo-pythagorisme,
plus ou moins associé au platonisme, qui est prégnant. C 'est la thèse, entre
autres, de Rohde 14 , p . 467, de Maillon 1, p. LXXXVI-LXXXVII (« Calasiris,
comme Apollonios de Tyane, est un modèle d'ascétismepythagoricien » ) et de
Szepessy 25, p. 243 ; elle repose essentiellement sur l'idée que Calasiris est un
double d 'Apollonios de Tyane, et donc, comme lui, un adepte de Pythagore .
Cette adhésion au pythagorisme se manifesterait par l'aspect extérieur de Cala
siris ( cheveux longs : cf. II 21, 2 ; VII 7 , 2 ; vêtement de lin , « calasiris» dési
gnant une tunique de lin ), son régime alimentaire, végétarien et abstinent (cf. II
23, 5 ). L 'interdiction des sacrifices sanglants à l'initiative des gymnosophistes
éthiopiens est également invoquée. D 'autre part, la fréquente dénomination des
dieux sous la forme o zpeittoveç serait un indice pythagoricien (cf. Maillon 1,
p . LXXXV ;mais 34 Ch. Lacombrade, « Sur l'auteur et la date des Éthiopiques» ,
REG 83, 1970, p. 75, fait un rapprochement avec Jamblique). Enfin , le passage II
24, 6 (« abandonnant son corps dissous pour une autre destinée» ) est compris par
Maillon 1 , note ad loc., comme une allusion aux théories pythagoricienne et
orphique de la métempsychose. On trouvera dans Feuillâtre 7, p. 128 - 132, une
réfutation de la lecture pythagoricienne du roman . Et il est vrai que les mêmes
faits, vu le syncrétisme philosophique de l' époque, peuvent être interprétés de
façon différente . Ainsi, pour 35 J.R .Morgan , « History, romance and realism in
the “ Aithiopika" of Heliodorus » , CIAnt 1 , 1982, p . 250 , le végétarisme est un
signe néoplatonicien au même titre, sans doute, que le vêtement et les cheveux.
De la même façon , les endroits où il est question de l'âme ont reçu des interpré
tations néopythagoriciennes ou néoplatoniciennes : ainsi pour II 31, 1 (« je ne
voulais pas commettre la faute de laisser en péril une âme revêtue de la forme
H 31 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE 543

humaine, quxdu änat évav pornoaoav » ) ;Colonna 3, p . 12, signale mêmeun


rapprochement possible avec la pensée chrétienne. L 'expression tò voepòv tñs
quxñs (II 15 , 2 ) est relevée par 36 M . P . Nilsson, Geschichte der griechischen
Religion II,München 2e éd. 1961, p. 542 n . 5 , comme un indice néoplatonicien
plutôt que néopythagoricien .
Pour d'autres, en effet, le platonisme, ou le néoplatonisme (cf., par exemple ,
Feuillâtre 7, p. 125-127 ; Billault 5, p. 28 ; Laplace 20 ,passim ), serait la marque
du roman. La théorie de l'amour développée au moment du coup de foudre (III
5 , 4 -6 ) unissant les héros est souvent invoquée.Mais Fusillo 27, p . 215, insiste
sur la modification apportée à la doctrine platonicienne (« réinterprétation philo
sophique de genre romanesque » ), à la suite de Plutarque Dialogue sur l'amour,
766 e -f : la beauté féminine est prise en compte . D 'autres critères sont également
retenus pour étayer la thèse du platonisme. Ainsi Lacombrade 34, p. 75, rattache
les épithètes désignant la virginité au néoplatonisme et Sandy 28, p. 154 - 164 ,
relève l'interprétation d'Homère et l'allégorie , ainsi que le recours par Calasiris
au pieux mensonge tel qu'il est défini dans la République III, 414 -415 . La struc
ture de l'æuvre qui reposerait sur une construction tout entière fondée sur les
nombres rappellerait, selon 37 C .Meillier, « Note sur l'arithmologie des Éthio
piques d'Héliodore» , Kentron 2 , 1986 , p . 113, que le « beau qui vientde la pro
portion est inséparable du divin , dans la tradition platonicienne » .
Enfin , il n 'est pas jusqu 'au stoïcisme qui ne soit sollicité. Hani 32 , p. 270,
évoque le stoïcisme, pour le dépasser aussitôt: « Charicleia est, sans aucun doute ,
une héroïne selon le cœur des Stoïciens.Mais c'est plus encore , peut-être, dans
l'ambiance du platonisme qu 'elle trouve sa respiration profonde ». C 'est aussi la
conclusion de Fusillo 27 , p . 250 : « L 'éros est subsumédans une dimension reli
gieuse cathartique, où se fondent l' idéal stoïcien du mariage et le néoplatonisme
du culte d'Hélios » ; il s'appuie , note 92, sur 38 D . Kövendi, « Heliodors Aithio
pika. Eine literarische Würdigung » , dans F . Altheim et R . Stiehl, Die Araber in
der alten Welt, Berlin 1966 , t. III, p . 168 -171 : « le finale unirait à la théorie stoï
cienne, qui voit dans le Soleil l'origine de la vie et de la raison, l'exaltation pla
tonicienne de l'amour en relation avec la nature » . D 'autre part, un passage qui
fait intervenir la Providence divine à propos de l’isthme du Péloponnèse
(V 17, 1- 3) a été interprété comme d'inspiration stoïcienne (cf. 39 P . Grimal,
Romans grecs et latins, coll. « Bibliothèque de la Pléiade» , Paris 1958, note ad
loc., repris par Billault 9, p. 279). De plus, s'il s'avérait que le passage I 14, où il
est question de la justice, soit un écho des Phénomènes d 'Aratos (vers 96 -136 ),
comme le suggère Morgan 33, note ad loc., nous aurions un indice stoïcien sup
plémentaire.
Les réalités philosophiques dans les Éthiopiques. Elles sont rares, et leur
intérêt est variable. On peut noter comme particulièrement précieuse la locali
sation du Jardin d ' Épicure par rapport à l' Académie , c 'est- à -dire en dehors de la
ville, en dépassant le jardin d 'Académos (I 16 , 5 ; I 17, 5 ), que le texte d'Hélio
dore permet de déterminer (cf. 40 M . L . Clarke « The Garden of Epicurus » ,
544 HÉLIODORE D 'ÉMÈSE H31
Phoenix 27, 1973, p. 386 - 387). Mais cela n 'interdit pas de constater que l'ana
chronisme est considérable (cf.Morgan 33, p. 367 n. 20 ).
Les philosophes n 'apparaissent en tant que tels qu’à propos de la ville de
Delphes, qualifiée de « musée » , c 'est- à -dire de centre intellectuel (II 27, 2 ) .
Héliodore mentionne en effet ( II 27, 3 ; II 28 , 1-5) leur présence dans la ville et
évoque les thèmes de discussion, bien conventionnels, que Calasiris engage avec
eux : ils concernent la religion égyptienne et les crues du Nil. La thèse de Calasi
ris selon laquelle la crue du Nil s'explique par l'évaporation est fort proche de
celle de Démocrite cité par Diodore I 39, comme le relèvent Rohde 14, p . 486
n . 2 ; Maillon 1 , p . 84 n . 2 ; Fusillo 27 , p . 71. L 'atmosphère intellectuelle corres
pondrait, d'après Billault 9, p. 29, et Feuillâtre 7, p. 147, à la réalité du Haut
Empire.
Il faut noter aussi (IV 12, 1) que la reine d'Éthiopie a autour d 'elle un cercle
de « sages» ou de « savants », cop @ v, et que la cour respecte la hiérarchie tradi
tionnelle entre sagesse éthiopienne et sagesse égyptienne, la première l'empor
tant sur la seconde.
Citons pour terminer des développements sur la vraie sagesse et la fausse
sagesse, l'une représentée par l'astrologie, l'autre par la nécromancie ( III 16 , 3
5), et l'affirmation que le sage n' a besoin de rien : « Le sage nemanque jamais de
rien, car il n 'a que des désirs à la mesure de ses moyens, et n 'attend des dieux
que ce qu'il sait convenable de leur demander » (V 12 , 1, trad.Maillon).
PATRICK ROBIANO.
32 HÉLIODORE DE LARISSA V ? VI ?
Ce personnage n 'est connu que par la mention qui est faite de son nom dans
les deux titres suivants : AqulavoŨ toũ ‘Halodópou Raplooalov xepárala
tõv Óntixõv ÚTOOéoewv. Sur cet ouvrage, ses éditions et commentaires, ainsi
que sur sa datation probable au Ve ou Vie siècle de notre ère, voir 1 R .B . Todd ,
art. « Damianos» D 6 , DPhA II, p. 594- 597. La plus récente édition est celle de
2 R . Schöne, Damianos Schrift über Optik , Berlin 1897. L 'ouvrage fut attribué à
Héliodore au début de l'époque moderne uniquement parce que le nom de
Damianus faisait défaut dans le manuscrit utilisé pour l'editio princeps de 3 E .
Danti, Heliodori Larissaei Capita Opticorum , Firenze 1573. Todd 1 a également
suggéré de mettre le caractère élémentaire de ce traité en rapport avec son
contenu philosophique, manifestement inspiré par un point de vue platonicien .
Son cadre d'origine était donc probablement celui d'un enseignement philoso
phique dans lequel pouvait prendre place, à titre de complément, une telle intro
duction élémentaire , pour ne pas dire simpliste, à l'optique.
La présente notice se propose d'élargir et de réviser de manière significative
les brèves explications précédemment fournies dans la section “ Damien et
Héliodore” de la notice consacrée à Damien (Todd 1) : quel rôle pouvait jouer
Héliodore par rapport à Damien , l'auteur du traité conservé ?
Si 'Halodúpou n 'était qu'un patronyme, il n 'y aurait aucune raison de mettre
Héliodore en rapport avec l'ouvrage de Damianus. Mais l'ajout d'indications
H 32 HÉLIODORE DE LARISSA 545

patronymiques (fournies communément comme simples génitifs) n ' est pas habi
tuel dans l'intitulé des traités antiques à côté du nom de leur auteur. Une excep
tion bien connue – la mention du nom d 'Hermias d 'Alexandrie (2H 78) dans le
titre des ouvrages écrits par son fils Ammonius d'Alexandrie (2A 141) ou com
posés d'après son enseignement – tendrait à suggérer qu 'un patronyme n ' était
ajouté que si des rapports professionnels ou intellectuels, et non seulement fami
liaux , étaient impliqués. Hermias était un philosophe de plein droit et la présence
de son nom dans le titre entendait probablement rappeler qu 'Ammonius n ' était
pas seulement son fils, mais aussi son héritier intellectuel. Similairement, dans le
cas de Damianus, la mention d 'Héliodore suggère , pour le moins, que ce dernier
était engagé dans la même sphère d'activité que son fils.
Un tel rapport n 'implique cependant pas qu 'Héliodore ait nécessairement
exercé une influence particulière sur le traité d'optique, pas plus qu 'on ne consi
dère qu 'Hermias ait pu influencer de façon décisive le travail d 'Ammonius com
me commentateur d 'Aristote. Pouvons-nous donc supposer que l'ouvrage de
Damianus fut composé sans rapport de dépendance à l'égard de son père , si ce
n 'est que ce dernier s'intéressait à la philosophie platonicienne, l'enseignait
peut- être , et pouvait s'occuper de mathématiques ? La réponse dépend du sens
que nous donnons aux mots xepárala tõy ÓTTIXWV ÚTORÉDewv. Kepárala
désigne des sommaires composés à partir d'exposés plus développés.Dans le cas
de Damianus, on imagine mal que ces résumés se rapportent à quelque ouvrage
identifié de façon imprécise comme des ontıxai ÚnoDÉOELS (l'Optique d'Eu
clide par exemple). Il est plus vraisemblable qu 'il a résumé l’quvre d'Héliodore
de Larissa, que ce soient des cours ou un traité écrit aujourd 'hui disparu . Dans
cette perspective, le nom d'Héliodore aurait été signalé dans le titre afin de rap
peler qu'il était la source de ce résumé. (En ce sens, voir 4 A . Segonds, art.
« Domninus de Larissa» D 219, DPLA II, p. 894.)Mais puisque le nom apparaît
sous la forme d 'un patronyme, Héliodore devait alors être aussi bien le père de
Damianus que son maître. Cette hypothèse expliquerait pourquoi les mots ånò
buvñs ne figurent pas devant le nom d 'Héliodore. Cette formule était fréquem
ment utilisée aux Ve et vie siècles pour indiquer qu'un ouvrage reposait sur l'en
seignement oral d'un philosophe ou d'un homme de science. Voir l'étude cé
lèbre de 5 M . Richard , « ANO ONNHE » , Byzantion 20 , 1950, p. 191-222 (reprise
dans ses Opera Minora, Turnhout/Leuven , t. III, 1977 , nº 60 ), notamment
p . 192-201. Si Damianus était le fils d 'Héliodore, il était sans doute préférable de
ne pas avoir recours à une telle expression qui eût seulement suggéré qu'il était
son disciple .
On peut donc considérer, de façon vraisemblable , qu 'Héliodore de Larissa
était (a) le père de Damianus ; (b ) qu'il s'adonnait d'une façon ou d'une autre à
quelque activité philosophique ou scientifique ; (c) qu 'il écrivit un ouvrage élé
mentaire d'optique, composé dans une perspective platonicienne, ou du moins
qu 'il dispensa un enseignement en cette matière ; enfin (d) que son fils abrégea
ce traité ou cet enseignement dans l'ouvrage transmis sous son nom . Il n 'est pas
possible d 'établir dans quelle mesure le résumé conservé abrège fidèlement
546 HÉLIODORE DE LARISSA H 32

l'original ni dans quelle proportion l'original a été abrégé. On peut seulement


estimer possible qu 'Héliodore ait développé un enseignement un peu moins
simpliste que celui que son fils a conservé.
ROBERT B . TODD.
33 HÉLIODORE DE MALLOS RE 12
Académicien disciple de Charmadas (2 + C 100 ), mentionné dans l'Academi
corum historia de Philodème, col. 36 , 2. Cf. H . von Arnim , art. « Heliodoros>>
12 , RE VIII 1 , 1912, col. 8 .
TIZIANO DORANDI.
34 HÉLIODORE DE PRUSE
A ce philosophe inconnu a été attribuée une paraphrase grecque de l'Éthique
à Nicomaque, éditée par G . Heylbut dans le CAG XIX 2 , 1889. Cette attribution
ne repose que sur le témoignage du Parisinus gr. 1870 , copié par Constantin
Paléocappa au XVe siècle . Elle est vraisemblablement une invention de ce
copiste , comme l'a montré L . Cohn , « Heliodor von Prusa , eine Erfindung Paläo
kappas » , BPhW 9, 1889 [n° 45 ), col. 1419- 1420. D 'autres manuscrits l'attribuent
au néoplatonicien Olympiodore . Au début du XVIe siècle, dans la seconde édition
qu ' il donna de ce texte ( 1617), Daniel Heinse avait présenté comme l'æuvre
d' Andronicos de Rhodes (HA 181) cette ouvre , anonyme dans le plus ancien
manuscrit et dans l'editio princeps procurée par le même savant (1607).
Voir P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen von Andronikos bis
Alexander von Aphrodisias, t. I: Die Renaissance des Aristotelismus im I. Jh. v .
Chr., coll. « Peripatoi» 5 , Berlin 1973, p . 136 - 138.
Le nom a pu être inspiré par la lettre de Longin citée par Porphyre , V. Plot.
20, 36 et66, qui mentionne un péripatéticien Héliodore (milieu du 11 s.). Ce
dernier était cependant originaire d'Alexandrie (> H 29).
RICHARD GOULET.
35 HELLESPONTIUS DE GALATIE RE PLREI: MF IV
Disciple de Chrysanthe de Sardes (2°C 116 ) à Sardes etmaître de Procopius
(Eunape, Vies des philosophes et des sophistes XXIII 4 , 11- 12 et 6 , 2 -7 ; p . 98 ,
11-22 et p. 99, 25- 101, 2 Giangrande ).
Il n 'y a aucune raison d'en faire un sophiste plutôt qu 'un philosophe, comme
le voudrait la PLRE. Hellespontius apparaît, dans les Vies d ’Eunape, dans la vie
de Chrysanthe et ce ne peut être que la philosophie qu 'à un âge avancé il est
venu étudier chez Chrysanthe. Il jouissait d 'une grande réputation pour sa sa
gesse (TÕVÉnì oogia nepißontwv, p . 98, 12) et aurait pu être le premier de tous
s'il n 'avait compté Chrysanthe parmi ses contemporains. Épris de sagesse
(oopiac... épaotńs, p . 98, 17 ), il voyagea jusqu'aux confins du monde habité
pour voir s 'il y avait quelque part quelqu 'un qui en sût plus que lui-même (p . 98 ,
18 -19). C 'est ce désir d'apprendre qui le conduisit à Sardes alors qu'il était déjà
âgé. Pour un motif un peu obscur dans le récit d'Eunape, Hellespontius se retira
H 39 HELVIDIUS PRISCUS 547
à Apamée de Bithynie , où ilmourut après avoir enjoint à son disciple Procopius
(PLRE I: 10 ) d 'aller étudier auprès de Chrysanthe (p. 100, 13 - 101, 2 ). Chrysanthe
mourutl'année suivante (p . 101, 3).
Hellespontius est vraisemblablement le destinataire d 'une lettre de Libanius
(Epist. 461 = V 78, n° 1259) datée de l'hiver 355-356 par 0 . Seeck, Die Briefe
des Libanius, coll. TU 15 , 1-2 , Leipzig 1906 , réimpr. 1966 , p . 168, et P . Petit,
Les Étudiants de Libanius. Un professeur de faculté et ses élèves au Bas Empire,
coll. « Études prosopographiques» 1 , Paris ( 1957), p. 48-49. La lettre montre
qu 'il avait envoyé son fils étudier chez Libanius : le maître s'étonne, plusieurs
semaines après le début de l'année scolaire, de n 'avoir toujours pas vu apparaître
cet élève annoncé... C 'est sans doute une simple coquille qui amène Petit, op.
cit., p . 130, à mentionner « les fils d 'Hellespontius » .
Cf. R . J. Penella,Greek philosophers and sophists in the fourth century A . D .
Studies in Eunapius of Sardis, coll. ARCA 28 , (Leeds] 1990, p . 78.
RICHARD GOULET.
36 HÉLÔRIPPOS DE SAMOS
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth. 36 , 267, p. 146 , 2 Deubner.
BRUNO CENTRONE.

37 HÉLÔRIS DE SAMOS
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth . 36 , 267, p. 146, 3 Deubner.
BRUNO CENTRONE.
38 HELPIDIUS PLREI:5 MIV
“ Philosophe" , destinataire d 'une lettre faussement attribuée à l'Empereur
Julien (Epist. 195).
RICHARD GOULET.

39 HELVIDIUS PRISCUS (C . -) RE H 3 PIR2 H 59 MI


Originaire du municipe de Cluviae dans le Samnium (Tacite, Hist. IV 5) ,
Helvidius est légat d'une légion en Arménie en 51 (Ann. XII 49); il a exercé
également les fonctions de quaestor Achaiae, bien que nous ne connaissions pas
la date exacte de cette charge. Avant 56, il épouse Fannia (2- F 5), la fille du
sénateur stoïcien Thraséa Paetus. En 56 , sous le règne de Néron, Helvidius est
tribun de la plèbe et accuse le questeur du trésor Obultronius Sabinus (Ann. XIII
28). Il n 'exerce plus d 'autre fonction sous Néron. Après le procès et la condam
nation à mort de son beau-père Thraséa , il est exilé (Ann. XVI 33 ; Hist IV 6 ) ou
encore il semble avoir été relégué à Apollonie (Schol. luv. V 36 ). Réhabilité par
Galba (Hist. IV 6 ), il attaque aussitôt Eprius Marcellus, délateur qui avait provo
qué l'accusation et entraîné la condamnation à mort de Thraséa , puis , au début
du règne de Vespasien , il s'oppose à nouveau à Eprius Marcellus en demandant
548 HELVIDIUS PRISCUS H 39

que les membres de la délégation sénatoriale envoyée à Vespasien ne soient pas


tirés au sortmais choisis par les magistrats ; mais cette demande n 'aboutit pas.
En 70 , Helvidius devient préteur (Hist. IV 53). S 'il est sensible aux intérêts de
l'État, il évite l'adulation envers le prince. Mais cet excès d'indépendance entraî
ne son exil (Suétone, Vespasien 15), puis sa mort en 71 ou 74 (74, selon R .
Syme, Tacitus, Oxford 1958, p.212).
Les attaches d'Helvidius Priscus avec le stoïcismene font aucun doute; outre
des liens familiaux, il y a également une adhésion indéniable aux thèses du Por
tique. Elle est manifeste dans le jugement que Tacite porte sur lui: « (Helvidius)
eut pour maîtres les philosophes qui estiment qu'il n' est d'autre bien que ce qui
est moralement beau, d 'autre mal que ce qui est moralement laid et ne comptent
ni parmi les biens ni parmiles maux le pouvoir, la noblesse et tout ce qui exté
rieur à l'âme... Il puisa surtout dans le caractère de son beau -père l'esprit d 'indé
pendance » (Hist. IV 5. Cf. P . A . Brunt, « Stoicism and Principat » , PBSR 1975,
p. 7-34). Cette conviction stoïcienne est encore illustrée par Épictète (I 2 , 19
22) : Helvidius Priscus est l'homme qui a su être fidèle à son rôle et à sa dignité
personnelle .
Iunius Rusticus prononça un éloge de lui (Suétone, Domitien 10) et sa biogra
phie fut écrite par Hérennius Sénecion (Tacite , Agr. 2 ; Pline le Jeune, Ep. VII
19 , 5).
Cf. A .Gaheis, art. « C . Helvidius Priscus » 3, RE VIII 1 , 1912, col. 216 - 221 ;
J . Melmoux, « C . Helvidius Priscus, disciple et héritier de Thrasea » , PP 30,
1975, p . 23-40 ; J. Malitz , « Helvidius Priscus und Vespasian . ZurGeschichte der
“ stoischen” Senatsopposition » ,Hermes 113, 1985, p . 231-246.
MICHÈLE DUCOS.
40 HELVIDIUS PRISCUS RE 4 PIR ? H 60 FI
Fils de C . Helvidius Priscus ( H 39 ), né avant 56 , date à laquelle son père
épouse Fannia ( F5), il est sénateur et consulaire (Pline le Jeune, Ep. IX 13, 3) ;
il semble avoir exercé le consulat avant 87 , selon R . Syme (Tacitus, Oxford
1958, p. 83 n . 3 ). Par la suite, il n 'exerce plus aucune fonction officielle et choi
sit la tranquillité et la retraite (Pline le Jeune, Ibid .). Toutefois , il encourt la
colère de Domitien sous le prétexte d'avoir dans un exordium critiqué, sous les
noms de Paris et d ' Enone, le divorce du prince avec Domitia (Suétone, Dom .
10, 6 ; Pline III 11, 3) et est condamné à mort avec bien d 'autres sénateurs
( Tacite , Agr. 45 ; Pline III 11).
Helvidius Priscus paraît, commeson père , avoir appartenu à l'opposition stoï
cienne. Il faut également mentionner ses liens avec Pline le Jeune ; ce dernier
semble avoir été très lié avec lui et le présente à plusieurs reprises comme son
ami (IV 13, 3 ; IX 13, 4 ). L ' écrivain ne se borne pas à déplorer la mort de ses
deux filles (IV 13) . Après la mort de Domitien , il avait voulu poursuivre les cou
pables et les accuser au sénat. Cette tentative n 'aboutit pas,mais le discours Sur
la vengeance d'Helvidius fut ensuite publié par Pline (IX 13, 24).
H 42 HÉRACLAMON LÉONIDÈS 549
Cf. A .Gaheis,art.« Helvidius (Priscus)» 4, RE VIII 1, 1912 , col. 221.
MICHÈLE DUCOS.
41 HEMINA (L . CASSIUS -) REC 47 IIa
Nous savons peu de choses sur cet historien romain du second siècle av. J.- C .
Il est mentionné commeauteur d 'Annales; 40 fragments subsistent portant sur
les origines de l' Italie ou la naissance de Rome et ses débuts. C 'est également
Cassius Hemina qui avait rapporté la découverte des livres attribués à Numa en
181 avant J.-C . (Pline l'Ancien , H . N . XIII 84 = fr. 37 Peter ; cf. Tite -Live XL
29), livres que cet historien affirmait être véritablement l'æuvre de Numa et d'un
contenu explicitement pythagoricien , si l'on en croit Pline.
Cette affirmation a conduit à conclure que Cassius Hemina, lui aussi, était un
pythagoricien . C 'est ce qu 'écrit 1 S . Mazzarino (Il pensiero storico classico ,
Bari 1973, t. I, p. 114 ). Il s'appuie sur le fragment 24 : « tout ce qui naît, on dit
qu 'il meurt tout entier» ; car cette théorie « cyclique » prouverait l'appartenance
de Cassius Hemina à la philosophie pythagoricienne ; cette interprétation est
discutée par 2 E . Rawson, « The First Latin Annalists » , Latomus, 35, 1976 ,
p . 689-717, qui voit dans ce fragment un lieu commun ; elle reste toutefois une
affirmation de caractère philosophique, pour 3 G .Garbarino (Roma e la filosofia ,
p. 252). Mazzarino 1, p. 106 , insiste également sur l'attention portée au suicide
et sa condamnation (fr. 15). Il faudrait surtoutmettre l'accent sur la place attri
buée à la religion dansnombre de fragments (6 , 11, 15 ) ou encore l'importance
reconnue à Numa (fr. 12, 13). Garbarino 3 s'attache au fragment 1 qui porte sur
Saturne et le présente comme un homme ayant voyagé en Italie ; cette inter
prétation évhémériste semble l'écho d 'un thème traité par Ennius ( » E 25 ) dans
son Euhemerus. Ce type d' interprétation figure également dans les fragments 4
et 7, concernant Faunus et Évandre. Il semble donc possible de conclure à une
influence pythagoricienne sur Cassius Hemina.
Les fragments ont été rassemblés par 4 H . Peter HRR, 2e éd ., coll. BT,
Leipzig, rééd . 1967, et plus récemment par 5 C . Santini, I frammenti di L. Cassio
Emina, Pisa 1995.
Cf. 6 C . Cichorius, art. « L . Cassius Hemina » 47, RE III 2, 1899, coll. 1723
1725 ; 7 Udo W . Scholz , « Zu L. Cassius Hemina », Hermes 117 , 1989, p. 167
181.
MICHÈLE DUCOS .

42 HÉRACLAMON LÉONIDÈS (M . EUSTORGIUS - ) III/IV


Les maximes que fit graver sur le tombeau familial, vers le début du Ive
siècle , ce Grec d'Hadrumète (BACTH 1955- 1956 , p. 40 -46 ) sont manifestement
inspirées par l'épicurisme populaire, même si par ailleurs le dieu qu'elles évo
quent est certainement celui des chrétiens, comme le montrent la formule in pace
ainsi quecertains motifs des mosaïques quirecouvraient les tombes. J. Ferguson ,
« Epicureanism under the Roman Empire » , ANRW II 36 , 4 , 1990 , p . 2320 , sup
550 HÉRACLAMON LÉONIDÈS H 42
pose qu 'Héraclamon avait pu se convertir au christianisme après la mort de sa
femme, Concordia Exuperantia ( E 188).
BERNADETTE PUECH.
43 HÉRACLAS RE 2 M III
Disciple et collaborateur d'Origène à Alexandrie , puis évêque de la ville de
231 à 246 .
Cf. 1 H . Lietzmann , art. « Heraklas » , RE VIII 1 , 1907, col. 423 ; 2 P . Nautin ,
Lettres et écrivains chrétiens des 11° et lire siècles, coll. « Patristica » 2 , Paris
1961, chap. IV : « Alexandre de Jérusalem et ses correspondants » , p. 105- 137 ;
3 Id ., Origène, t. I: « Sa vie et son æuvre » , coll. « Christianisme antique» 1,
Paris 1977, p . 166 - 168, 173, 386 -387 et passim ; 4 H . Crouzel, art. « Héraclas» ,
DHGE 23, 1990, col. 1302-1303.
Eusébe, Hist. eccl. VI 15, raconte comment Origène, à quiavait été confié par
l'évêque Démétrius l'enseignement de la catéchèse à Alexandrie (VI 3, 3 et 8 ; 8,
1 et 3 ; 14 , 11), dut laisser à son disciple Héraclas les nombreux catéchumènes
qui se présentaient afin de se réserver l'instruction des plus avancés. Eusebe pré
sente cet Héraclas comme « zélé dans les choses divines et d'ailleurs homme très
disert et non dépourvu de philosophie » (VI 15).
Comme l'a montré P. Nautin , la source de son information est une lettre auto
biographique d'Origène adressée depuis Athènes à Alexandre de Jérusalem . Un
extrait en est cité en VI 19, 12-14 . Origène y justifiait l'intérêt qu 'il avait lui
même porté à la culture hellénique, en se recommandant de l'exemple de Pan
tène et du prêtre Héraclas, qu 'il avait trouvé « chez le maître des disciplines phi
losophiques où il se fortifiait déjà depuis cinq ans» lorsque lui-même arriva dans
cette école . « Sous l'influence de ce maître, alors qu'auparavant il portait le
vêtementcommun, il le quitta et prit le manteau des philosophes qu 'il garde jus
qu'à présent, et il ne cesse pas d'étudier les livres des Grecs autant qu 'il le peut»
(trad. Bardy). Dans cette même lettre sans doute , Origène présentait Héraclas et
son frère Plutarque, qui allait subir le martyre (VI 4, 1), comme deux des pre
miers convertis du paganisme venus auprès de lui entendre la parole de Dieu (VI
3, 1- 2). Selon Eusébe, Héraclas avait donné « un très grand exemple de vie phi
losophique et ascétique » (ibid .).
Lorsqu’Origène fut contraint d' émigrer d 'Alexandrie à Césarée (en 232), il
laissa à Héraclas la responsabilité de la catéchèse à Alexandrie (VI 26 ). Peu
après, l'évêque Démétriusmourut et Héraclas lui succéda au patriarcat.
Héraclas était égalementmentionné par Jules l’Africain dans ses Chronogra
phies. Il racontait qu'il avait entrepris un voyage à Alexandrie à cause de la
grande réputation d'Héraclas, « dont nous avons dit, précise Eusébe, qu 'il était
très versé dans les études philosophiques et les autres disciplines » (VI31, 2).
Héraclas mourut en 246 et c'est Denys d 'Alexandrie qui lui succéda sur le
trône épiscopal (VI 35).
Comme Eusébe cite ailleurs (VI 19 , 6 ) le témoignage de Porphyre (Contra
Christianos fr. 39 Harnack ) qui faisait d'Origène l'auditeur d'Ammonius (maître
H 46 HÉRACLEIOS 551
de Plotin ), on a identifié à ce philosophe le « maître des disciplines philoso
phiques » dontparlait Origène.Mais il est possible que Porphyre ait confondu ici
Origène le Chrétien et Origène le Platonicien . Voir 5 R . Goulet, art. « Ammonios
dit Saccas» A 140, DPhA I, p. 165- 168, et 6 Id ., « Porphyre , Ammonius, les deux
Origène et les autres », RHPR 57, 1977, p . 471-496 .
Le ton d'hostilité qu'on relève dans le témoignage d 'Origène à l'égard d'Hé
raclas s'explique sans doute par le fait que son disciple s'était rangé du côté de
Démétrius d'Alexandrie dans la querelle qui entraîna le départ d'Origène. Des
témoignages tardifs confirment l'hostilité de Démétrius et d 'Héraclas à l'égard
d 'Origène: ACO III 197, 30 (Synode de Constantinople et Jérusalem en 536 ); III
202, 24 ; voir encore Photius, Interrog. decem 9 (PG 104, 1229) : « Héraclas,
devenu évêque d 'Alexandrie , chercha à déposer l'évêque Ammonius de
Thmouis , coupable à ses yeux d 'avoir donné l'hospitalité à Origène » (Nautin 2,
p. 129 n. 1). Voir aussi Nautin 2, p. 246 n. 4.
RICHARD GOULET.
44 HÉRACLÉIA (AURELIA -) III
L 'épithète pilooopwtárn apparaît comme un héritage familial dans le cas
d'Aurelia Héracléia , de Sparte, « nouvelle Pénélope » , honorée à sa mort d 'une
statue par la cité (IG V 1, 599 ): le même superlatif est en effet appliqué à sa
mère, Aurelia Oppia , et à son grand-père maternel Aurelius Calliſcratès) (IG V
1, 598). Outre les qualités traditionnellement célébrées chez les femmes, l'épi
gramme funéraire gravée à la suite du décret vante sa mèris et la sagesse de son
esprit.
BERNADETTE PUECH.
45 HÉRACL (E) IOS F III
Péripatéticien ,un des dix yvápluoi auxquels Lycon (mort vers 2254) lègue le
Péripatos dans son testament en leur confiant la charge de choisir un nouveau
scholarque (Diogène Laërce V 70 ).
RICHARD GOULET.

46 HÉRACLEIOS RE 12 et 16 (doublets ) PLREI: 4 IV


Ce cynique vécut au temps de l'empereur Julien . Quelques mois après être
monté sur le trône, Julien avait été invité à écouter une conférence du philo
sophe, dont le ton et le contenu allaient tout à fait à l' encontre de la politique de
rénovation de l'hellénisme qu'il menait dans l'Empire ; les propos d 'Héracleios
avaient tellement scandalisé l'empereur qu 'au début de l'année 362 celui-ci
écrivit contre lui son septième discours : Ilpos ' Hpáxhelov Kuvixòv nepi toŨ
TÕÇ XUVLOTÉOv xai ei npÉTEL TÕ xuvi uudouç náTTELV, Contre Héracleios le
Cynique sur la question de savoir s'il faut pratiquer la vie cynique et s 'il
convient au Cynique de composer des mythes. Eunape, Chronique, fr. 18, 3
Müller (= FHG IV 22), fait allusion au discours d'Héracleios et à la réponse de
Julien ; il rapporte en outre les paroles qu’Héracleios adressa à Procope, un
552 HÉRACLEIOS H 46
parent de Julien qui voulait usurper le titre d 'empereur (ibid ., fr. 31 Müller =
FHG IV 26 ). Libanios, Discours XVIII, p . 157 (voir aussi XVII 16 - 17), et
Socrate , Histoire ecclésiastique III 23, 34 , parlent aussi du discours de Julien . Ce
texte permet de se faire une idée assez précise d'Héracleios : équipé du bâton ,
cheveux longs, le philosophe parcourt les cités et les camps, en pratiquant le
franc-parler des cyniques,mais aux yeux de l'Empereur il ne mérite pas de se
réclamer de Diogène (18, 223 c ) qui, lui, respectait les dieux (25, 238 a -d) ;
Julien lui reproche de se prétendre philosophe alors qu 'il est sans culture (23 ,
235 a ), d'avoir tout fait pour être introduit auprès de l' empereur alors que celui
ci n 'avait aucune envie de le voir, lui et les autres cyniques qui l'accom
pagnaient, et d'avoir diffusé en guise de publicité ses écrits subversifs un peu
partout, non seulement dans les cités et les camps (18 , 223 d ), mais même au
Palais (18, 224 d). A partir du Discours de Julien , on peut reconstituer les
grandes idées qu 'Héracleios développait dans sa conférence qui était censée ,
selon ce que dit Eunape, aider Julien à gouverner : il bafouait les dieux, notam
ment Hélios qu ' il couvrait de blasphèmes ( 1 , 205 a , et 4 , 208 b ) ; il prétendait
justifier l'emploi qu 'il faisait d'un mythe en arguant que la loi lui interdisait
d'user de la franchise et il n 'hésitait pas, dans ce récit à clefs (4, 208 b, et 23,
234 c-d), à se comparer lui-même à Zeus et à comparer Julien à Pan. L 'empereur
ne ménage pas ses sarcasmes contre ce « chien qui aboyait sans clarté ni
noblesse , mais qui comme les nourrices débitait des contes qu 'il ne savait même
pas composer de façon sensée » (204 a). Voir J. Bidez, Vie de l'Empereur Julien,
« Collection d'Études Anciennes », Paris 1930, p. 248-252 ; l'introduction de G .
Rochefort à son édition des Discours de Julien, t. II 1, CUF, Paris 1963, p. 34
42; J.M . Alonso -Nuñez, « L 'Empereur Julien et les Cyniques», LEC 52, 1984,
p. 254 -259 ; J. Bouffartigue, « Le cynisme dans le cursus philosophique au Ive
siècle. Le témoignage de l'Empereur Julien » , dans M .-O . Goulet-Cazé et R .
Goulet ( édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements, p. 339-358 ; Id ., L'Empe
reur Julien et la culture de son temps, coll. « Études Augustiniennes» , Série
Antiquité 133, Paris 1992, passim ; K . Döring, « Kaiser Julians Plädoyer für den
Kynismus » , RhM 140, 1997 , p. 386 -400 .
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
47 HÉRACLÉODOROS Iva
Disciple de Platon , connu seulement par la Lettre V attribuée à Démosthène.
Le jeune Démosthène demande à Héracléodoros d' épargner son protégé Épi
timos poursuivi en justice par un certain Aratos, secondé par Héracléodoros. Les
renseignements de la lettre sont très vagues et toutes les personnes sont incon
nues. On a douté , peut-être à juste titre, de l'authenticité même de la lettre et de
son attribution à Démosthène. Cf. J. A . Goldstein , The letters of Demosthenes,
New York /London 1968, p. 261 sq.; R . Clavaud (édit.), Démosthène, Lettres et
fragments, CUF, Paris 1987, p.64-68, 122- 123, 180 .
TIZIANO DORANDI.
H49 HÉRACLÉODOROS 553
48 HÉRACLÉODOROS RE 4 ja ?
Adversaire de Philodème, qu 'on a, d 'une manière convaincante , reconnu
comme représentant desupitixoi (1 W . Kroll, art. « Herakleodoros» 4, RESuppl.
III, 1918, col. 909, pense plutôt à un « Epikureer strengerer Richtung » . Cf.
2 N . A . Greenberg, The poetic theory of Philodemus, New York London 1990 ,
p . 165 sq., et 3 J. Porter, « Oiupitixoi: A reassessment» , dans J. G . J. Abbenes ,
S . R . Slings et I. Sluiter, Greek literary theory after Aristotle, Amsterdam 1995 ,
p . 83- 109).
Il est nommé seulement dans la Poétique de Philodème. Dans le livre V
(PHerc. 1425, col. 24 , 27-32), Philodème confronte sa pensée avec celle de
Cratès de Mallos ( C 203) ; en PHerc. 1676 , fr. 3 (= Tract. C col. III Sbor
done), Philodème rappelle le nom Héracléodoros dans un débat sur l'acapela ;
en PHerc. 1081, fr. 23 (= Tract. Cfr. n Sbordone), Héracléodoros paraît scep
tique au sujet de l'efficacité du vonua (les deux papyri transmettent probable
ment le livre III de la Poétique de Philodème. Pour un essai de reconstruction du
traité de Philodème, cf. 4 T. Dorandi, ZPE 91, 1992, p. 29 -46 ; 5 Id., ZPE 97,
1993, p. 81-86 ; 6 C . Romeo, dans M . Capasso (édit.), Il rotolo librario, Galatina
1994 , p . 105-123, et 7 R . Janko dans D . Obbink [édit.], Philodemus and poetry,
Oxford 1995 , p.69-96 ). Le témoignage du PHerc. 1081, fr. 26 , 21 (= Tract. D ,
fr. 24 Nardelli) , est très douteux à cause de l' état fragmentaire du contexte . On a
également repéré des traces de la pensée d 'Héracléodoros en maints passages du
PHerc. 1676 (cf. 8 M . L . Nardelli, in Proceed. XVI Intern . Congr. Papyrology,
Chico 1981, p. 163- 171).
Selon Philodème, Héracléodoros, à la différence de Cratès de Mallos, qui fai
sait reposer la valeur et la spécificité de la poésie sur la pwvń (entendue comme
kubwvía ) qui se manifeste dans la oúvonois, les faisait résider dans la seule
oúvonoic. En réalité , il ne semble pas qu 'Héracléodoros ait donné moins d'im
portance à l'eủowvía et il est probable que Philodème a accentué intentionnelle
ment la distinction entre ευφωνία et σύνθησις dans le but de montrer que Crates
était en contradiction avec lui même (cf. 9 J. Porter, CronErc 19, 1989, p. 174
sq. et Porter 3). Héracléow Poe
cu ula a tété
La bibliographie sur Héracléodoros
ica ,rassemblée
N par 10 C . Mangoni
(édit.), Filodemo. Il quinto libro della Poetica , Napoli 1993 , pp . 275 -276 ; voir
Obbin [édit.), Philode
aussi Janko 7, p . 89-92, ainsi que 11 E . Asmis , dans DD ..Obbink
mus and poetry, Oxford 1995, p. 167- 168 .
TIZIANO DORANDI.
49 HÉRACLÉODOROS
Clément d'Alexandrie (Strom . V 5 , 31, 2 ) cite un extrait d'un certain Aristo
critos (P - A 376) intitulé Mpòs 'Hpaxleódwpov å tidooóueva. Le passage
concerne l'ultimatum lancé en langage figuré par le Scythe Atoeas aux Byzan
tins. A . Le Boulluec, dans son commentaire au passage de Clément (SC 279,
p . 133), propose d ' identifier cet Héracléodore au philosophe, peut-être épicurien ,
attaqué par Philodème (**H 48).
RICHARD GOULET.
N
554 HÉRACLÉO DE MÉGARE H 50
50 HÉRACLÉON DE MÉGARE FI
Ce jeune homme intervient dans le De defectu oraculorum et le De sollertia
animalium de Plutarque, deux dialogues dont la date dramatique doit se situer
dans les années 80 (cf. B . Puech , « Prosopographie des amis de Plutarque » ,
ANRW II 33, 6 , 1992 , p. 4837 et 4842) . Il était donc probablement l'élève de
Plutarque à cette époque.
BERNADETTE PUECH .
51 HÉRACLIDE “ le philosophe" II
Destinataire d 'une lettre d 'un certain Théon conservée dans PMilVogliano 11
(du 11 s. de notre ère ). Cette lettre de Théon à son ami (étaipw ) Héraclide “ le
philosophe" commence par la formule de salutation platonicienne eń npÁTTELV
(cf. D . L . III61; Lucien , Laps. 4 ). La lettre est éditée , traduite et commentée par
A . Linguiti, dans CPF I 1* , nº 6 , p . 110- 114. La lettre signale plusieurs traités
stoïciens de Boéthos de Sidon, Diogène de Babylonie , Antipatros de Tarse et
Posidonius d' Apamée.
RICHARD GOULET.
52 HÉRACLIDE fl. D II
A la suite de la σχολή dont fut tire l'Adversus Colotem, οι περί “ Ηρακλεί
önv, sur la route du gymnase, auraienttrouvé que les attaques de Plutarque et de
ses amis contre Épicure etMétrodore n ' étaient pas fondées et étaient trop véhé
mentes. Zeuxippe qui rapporte leurs propos avait pour sa part trouvé ces propos
encore trop délayés.
Cet Héraclide est inconnu. Apparemment, il aurait soutenu que les épicuriens
n 'avaient jamais manifesté à l'égard des autres philosophes l'agressivité que leur
avait prêtée la discussion contre Colotès...
Héraclide est présenté comme grammatikos en 1086 f. Plutarque souligne
ironiquement qu 'un grammatikos aurait dû être plus sévère à l' égard d'Épicure
etMétrodore, lesquels n 'ont pasménagé les poètes.
RICHARD GOULET .
53 HÉRACLIDE fl. F III
Philosophe stoïcien ,mentionné comme disciple de Chrysippe de Soles dans
l'Index Stoicorum de Philodème(col. XLVII 5-6 ; p . 98 Dorandi) : ‘Hpalxacions.
Il est également connu comme dédicataire, avec un certain Pollis, du traité
Tepi Tõv ooolouátwv, en deux livres, de Chrysippe (Diogène Laërce VII 198,
p . 389, 6 Long).
H . von Arnim , art. « Herakleides » 40, RE VIII 1 , 1912, col.469, le confond à
tort avec Héraclide de Tarse (» H 59) , stoïcien de la fin du 11 s . av. J. -C .,
disciple d’Antipatros de Tarse ( 2 + A 205), dont un point de vue doctrinal est évo
quépar D . L . VII 121.
CHRISTIAN GUÉRARD (+ ).
H 54 HÉRACLIDE 555
54 HÉRACLIDE RE 41 DIA
Un philosophe portant ce nom est mentionné, sans patronyme ni ethnique,
dans le passage célèbre (IX 116 ) où Diogène Laërce présente une " succession”
des représentants du scepticisme "pyrrhonien” depuis Euphranor, élève de
Timon , jusqu 'à Saturninus, élève de Sextus Empiricus (sur cette " succession ",
voir quelques références bibliographiques et indications d' ensemble dans les
notices consacrées à Dioscouridès de Chypre ( D 203) et à Eubule d 'Alexan
drie (» E 75 ]). Selon ce document fort discuté , cet Héraclide aurait été l'auditeur
de Ptolémée, le condisciple de Sarpédon et le maître d'Énésidème.
(1) L 'auditeur de Ptolémée. Originaire de Cyrène (cf. Diogène Laërce IX
115 ), ce Ptolémée fut, d 'après Ménodote de Nicomédie ( ibid .), le promoteur de
la résurrection du pyrrhonisme, qui était tombé dans une longue éclipse après la
mort de Timon de Phlionte (vers 225a). Il était aussi un médecin , très vraisem
blablement de l' école empirique, dont il reste quelques maigres fragments de
caractère pharmaceutique, cf. 1 K . Deichgräber, Die griechische Empiriker
schule, Berlin 1930 ; réimpr. augmentée, Berlin /Zürich 1965, p. 20 et fr. 166
167, p . 172.
(2 ) Le condisciple de Sarpédon. Ce personnage est totalement inconnu par
ailleurs (cf. von Arnim , RE 3). Une confusion avec Sérapion d ' Alexandrie (par
fois appelé Sarapion ) serait certainement en conflit avec la chronologie , puisque
Sérapion,médecin empirique, doit avoir été actif au milieu du II° siècle av . J.- C .,
alors qu 'Énésidème l' a été au jer siècle av. J.- C .; mais comme Sérapion était
célèbre , au point d ' être parfois tenu pour le fondateur de l' école empirique (cf.
Celse, Prohoem . 10 = fr.4 Deichgräber), et commela “succession ” sceptique est
très vraisemblablement une fabrication artificielle , faite sans doute avec des
nomsde personnages réels, mais destinée à établir une continuité fictive dans la
tradition pyrrhonienne (cf. 2 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, coll.
« Hypomnemata » 56 , Göttingen 1978, p . 351-354 ), il n 'est pas impossible que
derrière le nom de Sarpédon se cache celui de Sérapion .
(3 ) Lemaître d 'Énésidème (Alveoíonuoc) (» E 24 ). Ce dernier est présenté
dans le texte de Diogène Laërce comme originaire de Cnossos, et aussi comme
« l' auteur de huit livres de Discours pyrrhoniens» (ſluppuveiwv Tóywv óxtù
Biblia ). Ces informations recoupent,à quelques légères différences près, celles
que donne Photius dans sa Bibl., cod. 212 (le nom du philosophe y est orthogra
phié Aivnoidnuos; il est dit qu'« il vient d 'Aegae» ; le titre de son livre est
libellé « Huit livres de ſuppúvia » , ſuppwviwv Móyou n ') ; 3 F. Decleva Caizzi,
« Ainesidemus and the Academy» , CQ 42, 1992, p. 176 -189, a montré que ces
différences ne rendent pas les deux témoignages incompatibles. C 'est Énési
dème, et non Ptolémée, qui était considéré par Aristoclès de Messine ( > A 369),
cité par Eusébe, P. E. XIV 18, 29 , comme le responsable de la résurrection
« récente, à Alexandrie d 'Égypte , de ces balivernes (pyrrhoniennes]» . Les histo
riens modernes, qui ne sont pas dépourvus de documentation sur la pensée
d ' Énésidème, alors qu ' ils ne savent à peu près rien de celle de Ptolémée, ont
unanimement suivi Aristoclès sur ce point. Ils ont certainement raison, et l'on
556 HÉRACLIDE H 54
peutmême se demander si la position deMénodote ,médecin empirique, n' était
pas dictée par le souci de donner le beau rôle à un autremédecin , Ptolémée de
Cyrène, plutôt qu 'à Énésidème, qui n 'est présenté nulle part commeayant exercé
la médecine.
Élève d 'un médecin empirique, maître de l'un des plus grands représentants
antiques de la philosophie sceptique, Héraclide se trouve ainsi placé à un carre
four stratégique de l'histoire de la pensée ancienne, et sa personnalité a tout
naturellement excité la curiosité des historiens modernes. Ceux -ci ont souvent
tenté d'identifier notre Héraclide avec tel ou tel de ses homonymes ou quasi
homonymes. Trois candidatures principales ont été avancées pour cette identifi
cation : Héraclide de Tarente (RE 54), Héraclide d 'Érythrées (RE 55) et Héraclite
( sic) de Tyr (RE 11).
(1) Héraclide de Tarente (» H 58). Il serait agréable de penser que le maître
d'Énésidème a été ce grand médecin empirique, très souvent cité et approuvé par
Galien,auteur en particulier d 'un ouvrage Iepi tñs èuttelpixñs aipéoewç dont
Galien avait composé une synopsis en sept ou huit livres (Libr. propr. p. 115 , 14
Müller). D 'assez nombreux fragments subsistent de son æuvre (cf. Deichgräber,
fr. 1 , 4, 7c, 168-246 ). Formé par le médecin hérophiléen Mantias (fr. 193
Deichgräber), il passa à l'empirisme, peut-être sous l'influence de Ptolémée de
Cyrène, s'il est bien identique à notre Héraclide. Les principaux partisans de
cette identification , acceptée sans discussion par 4 F. Caujolle -Zaslawsky, DPA
II, p. 883, sont 5 P . L . Haas, De Philosophorum Scepticorum Successionibus
eorumque usque ad Sextum Empiricum Scriptis, Würzburg 1875 ; 6 M .
Wellmann , art. « Empirische Schule », RE V 2 , 1905, col. 2517 , et surtout K .
Deichgräber 1, p. 172- 173 et 258-259.
Contre cette identification, on a fait cependant valoir des objections, surtout
chronologiques, encore que la chronologie d 'Héraclide de Tarente soit loin
d 'être fixée avec précision . Le choix est entre une datation haute (début 114), qui
exclurait qu 'il ait pu être le maître d 'Énésidème, et une datation basse (début I ),
qui ne l’exclurait pas. Les principales difficultés de la datation basse ont été
relevées par 7 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen “, III. 2 .2 , Leipzig 1903 ,
p . 3-4 n. 1, et par 8 V . Brochard, Les sceptiques grecs, Paris 1887, 2e éd., Paris
1923, p . 232 -233. Elles s 'appuient essentiellement sur le témoignage de Celse
(Prohoem . 10, partiellement reproduit comme fr. 4 dans Deichgräber ), qui incite
à situer Héraclide de Tarente « peu après Apollonius ( le père, HA 270 ) et Glau
cias » (eux -mêmes situés vers le débutdu 1 “), mais avantAsclépiade de Bithynie
ou de Pruse ( > A 450 ). La date de ce dernier, à vrai dire , est également discutée,
mais il pourrait être né vers 170a ( cf. 9 E .Rawson, « The life and death of Ascle
piades of Bithynia », CQ 32 , 1982, p. 358-370 ; 10 R . Goulet, art. « Asclépiadès
de Pruse » , DPhA I, p . 624 -625 ). L 'activité d'Héraclide de Tarente se situerait
ainsi vers le milieu du II° siècle av. J.-C . (comme l'accepte aussi 11 Ph.Mudry ,
La Préface du De Medicina de Celse, Rome 1982, p. 72-73), c'est-à-dire trop tôt
pour qu 'il ait pu être le maître d 'Énésidème.
H 54 HÉRACLIDE 557
Il est à noter, cependant, que, dès 1912, 12 H . Gossen , art. « Herakleides von
Tarent» , RE VIII 1, col. 493, considérait que le problème de la datation d'Héra
clide de Tarente avait été définitivement réglé en faveur d 'une datation basse
(« vers 754» ), depuis la découverte d'un papyrus du chirurgien Héliodore (MFI;
le papyrus lui-même est de III), où le nom d'Héraclide se trouve plusieurs fois
cité . Ce papyrus a été publié par 13 J. Nicole, APF 4 , 1908 , p. 269-271, et com
menté dans les pages qui suivent par J. Ilberg (cf. en particulier p . 279). Il sem
ble, malheureusement, que Gossen ait mal interprété l'argumentation d ' Ilberg :
loin de justifier la datation basse d'Héraclide à l'aide du papyrus, celui-ci tenait
pour acquise cette datation, qu'il avait peut- être tirée de Wellmann 6 , col. 2517,
tout en atténuant sa précision (Wellmann disait « vers 90 ^»>; Ilberg dit, plus pru
demment, « première moitié de la » ). Ilberg se servait alors de la datation d 'Hé
raclide comme d'une donnée quilui permettait de fixer la date d'un autre méde
cin cité dans le contexte du papyrus, Philoxénos. Il n 'empêche que l'erreur de
Gossen , si c'en est bien une, a eu pour résultat de conférer à la datation de 75a
( fixée sans doute par dimidiation de l'estimation d 'Ilberg) le prestige de la RE .
C 'est peut-être là que Deichgräber a trouvé l'autorisation d'adopter sans autre
discussion cette même date de 750 (1, p. 172), ce qui lui permettait d' identifier
Héraclide de Tarente avec le maître d'Énésidème (1, p. 259). On ne compren
drait guère, autrement, comment Deichgräber aurait pu négliger les objections
chronologiques élevées auparavant par Zeller 7 et par Brochard 8, s' attirant ainsi
les reproches justifiés de Glucker 2, p . 109 n . 38. Ces objections gardent ainsi
toute leur force, et c'est à très juste titre qu 'elles sont considérées comme déci
sives par 14 W . Görler,« Älterer Pyrrhonismus – Jüngere Akademie - Antiochos
aus Askalon » , dans GGP, Antike 4 , p. 986. Il est vrai que l'identification du
maître d 'Énésidème avec Héraclide de Tarente garde quelque attrait même pour
les érudits qui n 'en ignorent pas les difficultés chronologiques (ainsi Decleva
Caizzi 3 , p . 178 et n. 7, qui rappelle à ce propos que les deux seuls fragments
conservés de Ptolémée de Cyrène, fr. 166 et 167 Deichgräber, sont cités par
Celse et Galien comme « provenant d 'Héraclide » ) ; mais il semble tout de même
préférable de ne pas faire comme si ces difficultés n'existaient pas.
(2) Héraclide d'Érythrées. Second candidat à l'identification avec le maître
d'Énésidème, ce médecin hérophiléen originaire d'Érythrées ( et non d' Érétrie ,
pace 15 M . Dal Pra , Lo scetticismo greco, 2e éd., Roma/Bari 1975, t. II, p. 350 )
est cité par Strabon (XIV , p . 645 C .) commeayant été son contemporain (donc
au 14), ce qui conviendrait à l'hypothèse ; Zeller 7, p. 4, n . (O ), est tenté par cette
identification , sans toutefois être affirmatif.Mais ici encore, des difficultés chro
nologiques apparaissent; Brochard 8, p . 233-236 , les discute longuement. Contre
le témoignage de Strabon , plusieurs historiens de la médecine situent Héraclide
d'Érythrées entre F Ilia etMira , en s'appuyant sur le fait que Galien (In Hippocr.
Epid. VI, t. XVII A , p . 793, 4 Kühn = fr. 350 Deichgräber) le fait figurer parmi
les plus anciens commentateurs de ce livre des Épidémies d 'Hippocrate, entre
Zeuxis de Tarente (ou Zeuxis < et Héraclide> de Tarente ?) d 'une part, Baccheios
et Glaucias de l'autre. De plus, toujours selon Galien (De diff. puls. IV 10),
558 HÉRACLIDE H 54
Héraclide d'Érythrées a été l' élève de Chryserme, que l'on place généralement
au IIa. Pour concilier ces données avec le témoignage de Strabon , 16 Ch .
Daremberg, Histoire des sciencesmédicales, Paris 1870, p. 167, avait supposé
qu'il y avait eu deux Héraclide d'Érythrées, tous deuxmédecinshérophiléens, le
contemporain de Strabon pouvant seul avoir été le maître d 'Énésidème.
Brochard (8, p. 234) déclare qu'« il ne reste plus qu'à se rallier à l'hypothèse de
Daremberg, si invraisemblable qu 'elle paraisse d'abord » ;mais, comme on va le
voir, ce ralliement n ' est que provisoire .
(3) Héraclite de Tyr. Reste à considérer la candidature de cet académicien,
élève de Clitomaque ( C 149) et de Philon de Larisse , ami d'Antiochos d'Asca
lon (» A 200), mais en discussion avec lui à propos de Philon ; il nous est princi
palement connu par Cicéron , Lucullus 11- 12. Cette candidature a été proposée
par 17 E . Pappenheim , « Der Sitz der Schule der pyrrhonischen Skeptiker» ,
AGPh 1, 1888, p. 41, puis par 18 R . Philippson , « Diogene di Enoanda e Aristote
le », RFIC 66 , 1938, p. 249 ; elle reste considérée commeune « suggestion sédui
sante » par Glucker 2, p. 109 n. 38. Son principal attrait est de mettre Énésidème
en relations étroites avec un académicien témoin des discussions et des disputes
intérieures à l'école , ce qui s'harmoniserait au mieux avec la communis opinio
(fondée sur un passage célèbre de Photius, Bibl., cod. 212, 169 b 30-35) selon
laquelle Énésidème aurait appartenu à l'Académie avant de reprendre le flam
beau “pyrrhonien ” du scepticisme radical.Mais cette communis opinio a été ré
voquée en doute par F . Decleva Caizzi (3 , p. 189 n . 57), qui n 'a pas manqué d 'en
tirer aussitôt les conséquences contre la candidature d 'Héraclite de Tyr. De plus,
si Ptolémée de Cyrène est bien un médecin empirique, on ne voit guère pourquoi
un académicien commeHéraclite de Tyr aurait bien pu être son élève (rappelons
cependant que, d'après le résumé fourni par Stobée, Anthol. II 40, son maître
Philon de Larisse avait écrit un ouvrage de morale dans lequel il construisait,
bien qu 'en termes très généraux, un parallèle soutenu entre la tâche du philoso
phe et celle du médecin ; cf. Brochard 8, p. 205 -206 , et Görler 14 , p. 926 -927).
Que conclure de toutes ces discussions ? Aucune des identifications avancées
ne paraît véritablement s'imposer. Beaucoup d 'historiens sont visiblement dans
l'embarras ; ainsi 19 L .Robin , Pyrrhon et le scepticisme grec, Paris 1944 , p. 138 ,
déclare -t-il d'un côté que « la question semble être pratiquement insoluble » ,
mais aussi, de l'autre , qu'« il n 'est pas impossible que déjà existât chez lui
(Héraclide de Tarente ) l' idéal pyrrhonien » (p . 188 ). Plus explicitement " pyrrho
nien" est le verdict final de Brochard (8 , p. 236 ): « Aussi conclurions-nous
volontiers qu'Héraclide le sceptique n'estni de Tarente ni d'Érythrées. C 'est un
personnage dont on ne sait que le nom , à la manière de Sarpédon et de
Zeuxippe ; et tous nos efforts pour le tirer de son obscurité sont parfaitement
vains » . Tout au plus peut-on accepter, commeGörler (14, p. 986 ), l'hypothèse
qu'il ait été lui aussi un médecin empirique déjà quelque peu imbibé de pyrrho
nisme, s'il est vrai qu 'il a été l'élève de Ptolémée de Cyrène, et si l'on tient
compte des objectifs généraux de la “succession” présentée par Diogène Laërce.
JACQUES BRUNSCHWIG .
H 57 HÉRACLIDE DE BARGYLIA 559
55 HÉRACLIDE D 'AINOS RE 2 Iva
Académicien , disciple de Platon (D . L. III46).Avec son frère Python, il tua le
tyran thrace Kotys (automne 360a: U . Kahrstedt, Forschungen zur Geschichte
des ausgehenden fünften und des vierten Jahrhunderts, Berlin 1910 , p. 70).
Après le meurtre de Kotys, Héraclide et Python quittèrent la Thrace et se rendi
rent à Athènes, où les deux frères furent honorés d 'une couronne d 'or (Philod .,
Acad. hist. col. 6 , 15-20 ; Plut.,De laude ips., 542 e-f ; Praec. Reip . ger., 816 e ).
Aucun témoignage ne suggère que les deux platoniciens avaient tué Kotys pour
changer le régime politique de la Thrace. Aristote (Pol. V , 1313 b 20 ) dit qu'ils
tuèrent le tyran pour venger la mort de leur père qui avait été assassiné par
Kotys. Pour Philostrate (V . Apoll. VII 2) les deux jeunes furent inspirés par leur
formation philosophique et par l'amourde la liberté. Plutarque (Adv. Col., 1126
c )mentionne Héraclide et Python comme exemples positifs de la pensée politi
que de Platon.
Démétrios de Magnésie (2+ D 52) confond Héraclide d 'Ainos avec son homo
nyme du Pont (F 18 Mejer ap. D .L . V 89). Cf. F.Wehrli, Herakleides Pontikos,
coll. « Die Schule des Aristoteles » VII, Basel/Stuttgart, 2e éd. 1969, p.62.
Cf. F . Stählin , art. « Herakleides » 2, RE VIII 1, 1912 , col. 458 ; M . Isnardi
Parente, Studi sull'Accademia platonica antica, coll. « Saggi filosofici» 1,
Firenze 1979, p . 292 ; A . Wörle, Die politische Tätigkeit der Schüler Platons,
Darmstadt 1981, p . 155- 159 .
TIZIANO DORANDI.

56 HÉRACLIDE D 'ATHÈNES (AURELIUS - ) II


A . L 'inscription d'un hermès érigé au pied de l'Acropole (IG 112 3801)
indique qu ’Aurelius Héracleidès, du dème des Eupyrides, fut titulaire d'une
chaire de philosophie stoïcienne (Sládoxo < > TÕV áno Zńvwvog Mórwv), sous
Marc -Aurèle au plus tôt, comme le prouve son gentilice : voir S. Follet, Athènes
au Ifème et au Illème siècle, Paris 1976 , p. 91. Ce pourrait être sous ce règne préci
sément qu 'avait eu lieu sa nomination, si le disciple qui a fait élever le monu
ment, Symmachos de Phlya, est bien , comme le supposait J. Kirchner, le père de
deux éphèbes de 185/6 .
B . Le maître athénien est donc très probablement identique, comme l' a
signalé R . W . Sharples, « The School of Alexander ?» , dans R . Sorabji (édit.),
Aristotle transformed,London 1990, p. 92-94, au stoïcien Héracleidès, réfuté par
Alexandre d 'Aphrodisias (** A 112) dans son commentaire du De Caelo (fr. 2
Vitelli).
BERNADETTE PUECH .

57 HERACLIDE DE BARGYLIA RE 39
Dialecticien, auteur d 'un ouvrage contre Épicure (D . L . V 94). Cf. P .Natorp,
art. « Herackleides» 39, RE VIII 1, 1929, col. 469 .
TIZIANO DORANDI.
560 HÉRACLIDE DE TARENTE H 58

58 HÉRACLIDE DE TARENTE II - I
Médecin empiriste .
Il reste de l'æuvre d'Héraclide de Tarente une centaine de fragments emprun
tés à une dizaine de traités et aujourd'hui disponibles dans la récente édition de
1 Alessia Guardasole, Eraclide di Taranto, Frammenti, Napoli 1997. La figure
de ce médecin , sans doute le plus grand parmi lesmédecins empiristes (cf. 2 P .
Diebgen, Geschichte der Medizin . Die historische Entwicklung der Heilkunde
und des ärztlichen Lebens, I, Berlin 1949- 1955 , p. 100 ), se dessine également à
travers les témoignages deGalien (De diebus decretoriis I 2 = Kühn IX , 775, et
De compositione medicamentorum secundum locos VI 9 = Kühn XII, 989 ),
Célius Aurélien (Demorbis acutis (= Celeres passiones] I 17, 166) et Celse (De
medicina VIII 20, 4 ).
Biographie. La chronologie d 'Héraclide de Tarente est loin d'être fixée. Les
avis divergent entre partisans d'une datation basse (début du jer siècle av. J.-C .),
représentés par 3 M . Wellmann , « Zur Geschichte der Medizin im Alterthume
(I) » , Hermes 23 , 1888, p . 556 -566 , et 4 Id ., art. « Empirische Schule » ,RE V 2 ,
1905, col. 2517, 5 H .Gossen, art. « Herakeides von Tarent» , RE VIII 1, col. 493,
et 6 K . Deichgräber, Die griechische Empirikerschule, Berlin 1930 ; réimpr.
augmentée , Berlin /Zürich 1965, p. 172-173 et 258 -259, auxquels s'opposent les
partisans d ’une datation haute (milieu du IIe siècle av. J.-C .) essentiellement
défendue par 7 E . Zeller, Die Philosophie der Griechen “, III 2, 2, Leipzig 1903,
p . 3-4 n. 1, et 8 V . Brochard , Les sceptiques grecs, Paris 1887, 2e éd ., Paris 1923,
p. 232-233. Sur les difficultés soulevées par la datation basse et sur les
principaux arguments avancés en faveur de la datation haute , voir pour plus de
détails la mise au point de J. Brunschwig (3H 54 ). La dernière éditrice des
fragments d'Héraclide, Guardasole 1, p . 23, se range, quant à elle , à l'avis de M .
Wellmann en situant le floruit du médecin aux environs de 75 av. J.-C . Quoi
qu 'il en soit, il semble établi qu 'Héraclide est né à Tarente et a été l'élève de
l'hérophiléen Mantias (Galien , De compositione medicamentorum secundum
locos VI 9 = Kühn XII, 989, 2 = test. 14 Guardasole ), semble -t-il à Alexandrie,
centre historique de l' école hérophiléenne. Il n 'est pas pour autant nécessaire de
supposer, à la suite de Wellmann 9 , ap. F . Susemihl, GGLA, II, 1891- 1892,
p . 419, qu'Héraclide a disséqué des cadavres. Guardasole 1, p . 232, fr. 54, a en
effet noté , à propos du passage de Célius Aurélien (Demorbis acutis III 17, 142)
sur lequel s'appuie Wellmann et où il est question des intestins, qu 'Héraclide a
très bien pu les observer lors d 'un examen externe, grâce à la forte tension de la
peau. Héraclide devait ensuite rejoindre l'école empiriste, vraisemblablement
sous l'influence de Ptolémée de Cyrène dont il fut l' élève (Diogène Laërce IX
116). Galien tenait Héraclide en haute estime (De compositione medicamento
rum secundum locos VI 9 = Kühn XII, 989) et prisait tout particulièrement son
amour de la vérité (= In Hipp. De articulis comm . IV 40 = Kühn XVIII A , 735,
10 ).
Euvres. Héraclide passe pour s'être affranchi de la tradition empiriste en
introduisant de nombreux éléments rationnels, réalisant ainsi une sorte de média
H 58 HÉRACLIDE DE TARENTE 561
tion entre les deux écoles empiriste et dogmatiste (voir 10 M . Frede, « The Em
pirist attitude towards reason and theory » , dans R . J. Hankinson ( édit.),Method,
medicine and metaphysics. Studies in the philosophy of ancient science, Edmon
ton 1988, p. 89-92). L 'importance assignée par Héraclide au Nóros conçu com
meprincipe de connaissance ne devait cependant jamais l' amener à négliger le
rôle premier de l'expérience à l'intérieur de son activité médicale. Il apparaît
donc bien souvent comme le précurseur de la nouvelle orientation que devait
prendre après lui l'école empiriste . Et le rapprochement opéré par Diogène
Laërce (IX 116 ) entre Héraclide et Énésidème (2E 24) ne pourrait bien être ,
selon Guardasole 1, p . 26 , qu 'une preuve supplémentaire de la notoriété atteinte
par le médecin empiriste : le philosophe sceptique et le médecin empiriste
seraient l'illustration , chacun dans leur école , de leur capacité à innover. Sur les
difficultés soulevées par l'identification d 'Héraclide de Tarente avec le maître
d 'Énésidème, voir la mise au pointde J. Brunschwig ( » H 54 ).
Les principaux pharmacologistes de l'antiquité, Asclépiade le Jeune, Andro
maque, Éra , Criton , Musa et Ménécrate , ainsi que des médecins pneumatistes
comme Archigène ou éclectiques comme Rufus d 'Éphèse, ont largement puisé,
pour élaborer leurs propres théories, dans le vaste matériel rassemblé par Héra
clide de Tarente. Sur ce point, voir 11 A . Guardasole , « Per la positione di Era
clide de Taranto nella storia del pensiero medico » , Koinonia 19, 1995, p. 64-67.
Héraclide de Tarente a en effet abordé dans son æuvre aussi bien la patholo
gie et la pharmacologie que la sphygmologie et l'exégèse hippocratique. Les
tentatives respectives de 12 V . Tavone Passalacqua, Eraclide di Taranto . Noti
zie, citazioni e frammenti tratti dagli Autori dell'antichità classica, Roma 1958 ,
p . 11 sqq., et Frede 10, p . 89, pour classer chronologiquement les æuvres d 'Hé
raclide de Tarente ayant abouti à des résultats assez divergents , la prudence re
commande, eu égard à l' état extrêmement fragmentaire de nos sources, d 'adop
ter un ordre thématique pour la présentation des cuvres du médecin empiriste :
A. Pharmacologie (cf. éd . Guardasole 1, test. 14-26 ; fr. 1- 38 a ):
(1) Ad Antiochida (fr. 1-5 ; 7),
(2) Ad Astydamanta (fr. 6 et 7),
(3) Etpatiórns (fr. 7),
(4 ) Theriaca ou lepi Onpiwv npayuateía (test. 26 ; fr. 37-38 a),
auxquels il faut ajouter un Nicolaus (cf. Célius Aurélien , De morbis acutis I
17, 166 ) et peut- être un lepi oxevaoíaç xai doxiuaoías papuáxwv (cf.
Galien , De simplicium medicamentorum temperamentis et facultatibus 6
prooem . = Kühn XI, 794, 16 = test. 20), appellation vraisemblablement géné
rique sous laquelle le médecin de Pergame désigne, plutôt qu 'un traité précis ,
une ou plusieurs des euvres pharmacologiques d'Héraclide.
B . Sphygmologie (cf. test. 27 ; fr. 39-42) :
Héraclide aurait composé, selon le témoignage de Galien (De pulsuum diffe
rentia IV 4 = Kühn VIII, 726, 12 = fr. 39 , 13) un traité en plusieurs livres intitulé
562 HÉRACLIDE DE TARENTE H 58

Ilpos tò nepi opuyuwv ' Hpopírov et dirigé contre les théories du médecin
alexandrin Hérophile sur le pouls. Il n' en reste aucun fragment assuré.
C. Thérapeutique (cf. test. 28 ; fr. 43-64):
(1) Curationes de externis passionibus (test. 28 ; fr. 43) qui comptait au moins
quatre livres.
(2) Curationes de internis passionibus (fr. 48-56 ) en quatre livres au moins
également et quifutlargement utilisé par Célius Aurélien.
D . Diététique (cf. fr.65-72a) :
Héraclide a abordé la diététique dans de nombreux ouvrages de pharmacolo
gie ou de thérapeutique, et lui a consacré un traité à part entière , qui comptait au
moins trois livres, connu sous le titre de Symposium et abondamment utilisé par
Athénée dans ses Deipnosophistes.
E . Commentaires hippocratiques (cf. test. 29-32 ; fr. 73-97) :
Selon Galien (In Hipp. De officina medici comm . I prooem . = Kühn XVIII B ,
631, 15 - 16 = test. 30 ),Héraclide aurait été, avec l'hérophiléen Zeuxis, le premier
à avoir commenté l' intégralité du corpus hippocratique ou du moins ce qu 'il en
considérait comme authentique. Les fragments conservés portent sur les ouvra
ges suivants d 'Hippocrate : De l'art (fr. 73) ; Des lieux dans l'homme (fr. 74 ) ; De
l'officine du médecin (fr. 75) ; Des articulations (fr. 76) ;Mochlique (fr. 77) ;
Maladie sacrée (fr. 78); Épidémies II, III, IV et VI (fr. 79-94) ; Aphorismes (fr.
95) ; et probablement Des humeurs (fr. 96 ) et Sur l'aliment (fr. 97) auxquels il
convient d'ajouter une sorte de glossaire, peut- être en trois livres, et intitulé
Ilpos BaxxETOV Tepi tūv ‘ IntoxpátoUS RÉEEWV (test. 29 et fr. 90 ) dans lequel
Héraclide polémiquait avec le commentateur alexandrin Bacchios de Tanagra sur
le sens de certainsmots rares ou difficiles d 'Hippocrate .
F . L 'empirisme:
Le lepì rñs éu Telpixñs aipéoewç, en plusieurs livres, vaste somme consa
crée à la théorie empirique eut sans aucun doute une audience importante . Elle
inspira a Galien une Synopsis en sept livres intitulée Σύνοψις των Ηρακλείδου
nepi tñs čuttelpluns aipéoews (cf.Gal., De libris propriis 38 = éd . I.Müller,
Scripta minora II, 1891, p . 115 ). L 'ouvrage d 'Héraclide, comme celui de Galien,
sontmalheureusementperdus.
Sur Héraclide, voir également 13 A . Guardasole , « Elementi di fisiologia e
metodologia di ricerca empirica in un frammento di Eraclide di Taranto » , AAP
45, 1996 , p . 315 -325.
VÉRONIQUE BOUDON .

59 HÉRACLIDE DE TARSE RE 40 FIIa


Philosophe stoïcien, disciple d 'Antipatros de Tarse (- + A 205). Avec Athéno
dore (de Tarse ( * * A 497) ), il soutenait, contre la théorie stoïcienne orthodoxe,
H 60 HÉRACLIDE LE PONTIQUE 563
que « toutes les fautes ne sont pas égales» (ävioá baol tà Quaprnuara , Dio
gène Laërce VII 121 = SVF , t. III, p. 258 , li. 16 - 17).
Héraclide faisait l' objet d'une section biographique dans la partie finale per
due du livre VII de Diogène Laërce, comme l'atteste un index ancien conservé
dans le Parisinus graecus 1759 (cf. éd. Long, p. 392). Sur cette liste, voir
T. Dorandi, « Considerazioni sull' index locupletior diDiogene Laerzio » , Prome
theus 18, 1992, p. 121-126 .
H . von Arnim , art. « Herakleides » 40, RE VIII 1, 1912, col. 469, le confond à
tort avec un disciple homonyme (» H 53) de Chrysippe de Soles.
RICHARD GOULET.
60 HÉRACLIDE LE PONTIQUE RE 45 + RESuppl. XI Iva
Disciple de Platon , membre actif de l'Académie jusqu 'à la mort de Speu
sippe. Par son œuvre , Héraclide relève aussi bien de l'Académie que du Péripa
tos, dont il préfigure souvent les développements ultérieurs (cf. Chamailéon
(PC 93 ), Cléarque (MC 140 ], Dicéarque (2D 98 ), Aristoxène ( A 417]). Dans
la littérature critique , Héraclide le Pontique est étudié aussi bien comme repré
sentant de l'Ancienne Académie que du Péripatos (cf infra 4 et 5).
Il faut prendre garde à ne pas confondre notre philosophe avec le grammai
rien Héraclide le Pontique dit le Jeune (actif sous Claude et Néron ; cf.
Gottschalk 2, p. 129 sqq. (cf. infra ); 1 A . R . Dyck , « New lighton Greek authors
from grammatical texts » ,MH 46 , 1989, p . 1- 8 (p . 5 -6 sur les fr. 118 -119
Wehrli]); le risque de confusion concerne surtout l' attribution de fragments ou
témoignages relatifs à des sujets littéraires.
La présente notice n 'est pas proportionnelle à l'importance de ce philosophe ;
on renvoie le lecteur en particulier à l'excellente monographie récente de H . B .
Gottschalk et aux deux articles de la nouvelle édition de « l'Überweg-Praechter»
(cf. infra, 2, 5 , 6 ).
Études d 'orientation. L ' étude critique la plus complète sur la pensée d 'Héra
clide est celle de 2 H . B . Gottschalk , Heraclides of Pontus, Oxford 1980, 178 p .
(importante bibliographie, p. 163- 170 ); c.r. par A . A . Long,CR 32, 1982, p. 200
202 , et J.Mansfeld , Mnemosyne 38, 1985, p. 202-208 ; 3 R . Daebritz , art. « Hera
kleides » 45 , RE VIII 1, 1913, col. 472-484 ; 4 F. Wehrli, art. « Herakleides (45 )
der Pontiker » , RESuppl. XI, 1968, col. 675 -686 ; 5 H . J. Krämer, « Die Ältere
Akademie » $ 5 : Herakleides Pontikos, GGP, Antike 3, 1983, p . 88 - 102 (biblio
graphie , p . 98 -102) ; 6 F .Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen
Kaiserzeit » $ 18 : Herakleides Pontikos, GGP, Antike 3, 1983, p. 523 -529
(bibliographie, p . 528-529) ; 7 A . J. Podlecki, « The Peripatetics as literary cri
tics» , Phoenix 23, 1969, p. 114- 137 (surtout p. 115- 117) ; 8 W . Burkert, Lore
and science in ancient Pythagoreanism , Cambridge Mass. 1972 (trad . revue de
Weisheit und Wissenschaft: Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon ,
Nürnberg 1962).
564 HÉRACLIDE LE PONTIQUE H60
Pour la prosopographie d 'Héraclée , voir 9 W . Ameling, « Prosopographia
Heracleotica » dans Lloyd Jones, The Inscriptions of Heraclea Pontica, coll. IK ,
47, Bonn, 1994, n° 140.
Témoignages et fragments. 10 F. Wehrli, Herakleides Pontikos, coll. « Die
Schule des Aristoteles » 7, Basel/Stuttgart 19692 (Wehrli retient 181 fragments,
avec bibliographie , p . 57) ; il faut aussi consulter les deux appendices de
Gottschalk 2, p. 148 -162: 1. « Addenda and corrigenda to the fragments» ,
2. « Texts wrongly attributed to Heraclides» . 11 K . Gaiser, Philodems Acade
mica , p . 119 - 123 ; 208 -216 (texte ) ; 483-493 (comment.). 12 CPF I 1 * * , p . 199
220 .
Vie. Commebiographes anciens d 'Héraclide le Pontique, en dehors de D .L .
V 86 -94, on connaît Hermippe de Smyrne (fr. 14a Wehrli), Sotion d 'Alexandrie
(fr. 3 Wehrli), Hippobote ( fr. 16 Wehrli) et Démétrios de Magnésie (fr. 16
Wehrli).
Héraclide, fils d'Euthyphron (nº 136 Ameling), est né à Héraclée du Pont
(côte sud de la Mer Noire) dans une ancienne famille aisée de la cité. Jeune
homme, sans doute , il se rend à Athènes où il entre à l'Académie pour suivre les
leçons de Platon. La date de ce voyage doit se situer quelques années avant
361/0 où Héraclide remplace le maître lorsde son troisième voyage en Sicile. On
peut raisonnablement penser qu 'en 361/0 Héraclide n 'avait en tout cas pasmoins
de 25 ans, ce qui placerait la date de sa naissance entre 390 et 380 (Gottschalk 1,
p. 4 (vers 385 ); Krämer 5 , p. 88 (vers 390 ); Wehrli 4, col. 675, fournit une date
trop basse : « au plus tard en 380 » ). Il restera à l'Académie pendant le reste de la
vie de Platon et jusqu'à la mort de Speusippe (339) ; en effet, pour la succession
de Speusippe, on lui préféra , de peu , Xénocrate. De retour à Héraclée, il semble
avoir eu quelques élèves dont Denys d'Héraclée ( D 82) dit « le Renégat» (o
Metadéuevos, fr. 12 Wehrli) et peut- être Chamailéon d 'Héraclée (2 C 93]
(Gottschalk 2, p. 4 ; cf. fr. 176 Wehrli). On n 'a cependant aucune preuve qu 'ilait
fondé une véritable école à Héraclée. Il semble qu'Héraclide ait encore vécu un
certain temps après la mort d 'Alexandre le Grand (cf. Gottschalk 2, p . 5 et n . 15 ;
Krämer 5 , p. 88 (H .meurt vers 310 ]).
D 'après Sotion (D .L . V 86 = fr. 3 Wehrli), Héraclide aurait été l' élève de
pythagoriciens, ce qui n 'est pas impossible (cf. Wehrli 4, col.676 ), et d'Aristote ,
ce qui est exclu , à moins de considérer que cette relation ait eu lieu au sein de
l'Académie ,avant 347 (sur cette question, cf.Gottschalk 2 , p. 3).
Euvres. Diogène Laërce (V 86 -88 ) nous a conservé une liste des æuvres
d'Héraclide le Pontique, mais celle -ci est lacunaire et présente une certaine
confusion dans le classement des titres sous les rubriques retenues (éthique, phy
sique, grammaire, « musique » (= musicologie et critique littéraire ), rhétorique,
histoire) ; par ailleurs, les ouvrages mentionnés par Diogène sont tous présentés
comme des dialogues, ce qui ne vaut que pour certains d'entre eux seulement
(sur le caractère propre du dialogue héraclidéen, cf. Gottschalk 1, p. 9- 12 ;
Wehrli 4 , col. 678 -679). On trouvera la liste des ouvrages d'Héraclide ci-des
sous, telle qu'elle figure chez Wehrli 6 , p . 523-524 ;nous avons souligné pardes
H60 HÉRACLIDE LE PONTIQUE 565
astérisques les titres ne figurant pas dans le catalogue de Diogène et indiqué les
références aux fragments de Wehrli seulement là où ceux -ci s'ajoutent à la seule
mention du catalogue.
I. Logique et ontologie
(1 ) Oewpnuatixòv a', Théorématique, en un livre.
(2) Hepikidāv a', Sur les idées, en un livre .
(3 ) ’Atiwua a', Axiome, en un livre .
(4) Lepì tåyadoŨ a ' (fr. 7 -8 Wehrli), Sur le bien, en un livre .
(5 ) Tlepi voŨ, Sur l'intellect.
(6) lepi otoxaquoŨ a ', Sur la conjecture, en un livre .
( 7) AúcewV ŠPLOTIXőv ' B ', Solutions éristiques, livres I et II.
II. Écrits polémiques et exégétiques
(8 ) Moos tà Zúvwvos a ', Contre les doctrines de Zénon (d 'Élée ), en un livre.
(9) Mpòs tà Mýtpwvog a', Contre les doctrines de Métron (Métrodore de
Chios ?), en un livre.
(10) Mpós Anuóxpitov (Ilepi Anuóxpitov H . S . Long), Contre (ou Sur)
Démocrite.
(11) Ipoc tòv Anuóxputov: ¿ Enyńoeis a '(peut-être identique au précédent),
Contre Démocrite, exégèses, en un livre .
(12) Tipos Alovúolov a ', Contre (ou à) Denys, en un livre (il s'agit plutôtde
Denys d 'Héraclée 2
[ D 82], disciple un temps d 'Héraclide, que de Denys II de
Syracuse).
( 13) 'Hoaxeitou & Enyńoelg Ó ' ( fr. 39 Wehrli), Exégèses d 'Héraclite, en
quatre livres.
( 14) Tepi tūv Iudayopelwv (fr. 40 -41 Wehrli), Sur les pythagoriciens.
III. Physique et cosmologie
( 15) Hepi púoewÇ (fr. 118- 123 Wehrli),Surla nature.
(16) * QUOIXūs åttopoúueva (fr. 118-123 Wehrli), Apories relevant de la
physique.
(17) Aúoeic a'(fr. 118-123 Wehrli), Solutions, en un livre.
( 18 )Iepi kidówv (fr. 118- 123 Wehrli), Sur les images (au sens
démocritéen ).
(19) Nepi tõv év oúpava a ' (Steph. : Nepi Tūv oúpavõu a ' codd., Long) ( fr.
104- 117 Wehrli), Sur les (phénomènes) célestes, en un livre.
IV . Psychologie
(20) IlpoonTIXÒv (-Wv ? Wehrli 6 ) a ', Prévision(s ), en un livre .
(21) Hepìquxñs (fr. 90- 103 Wehrli), Sur l'âme.
566 HÉRACLIDE LE PONTIQUE 1 60
(22) Kat' islav nepi buxñs (fr. 90- 109 Wehrli), Un livre particulier Sur
l'âme.
(23) * llepi tñs önvou ñ lepi vóowv (= Airíainepi vóowv a ' ?) (fr. 76-89
Wehrli), Sur la femme sans souffle ( = en transe) ou Sur les maladies.
(24) Nepi tūv év " Aldov (= Iepi tõv xad' " Alônv D . L . V 88 ; fr. 71-72
Wehrli), Sur les choses de l'Hadès.
(25) * ” Aßapıs (fr. 73-75 Wehrli), Abaris, cf. Burkert 8 , p . 103, n . 32 et P .
Boyancé . « Sur l'“ Abaris” d'Héraclide le Pontique » , REA 36, 1934, p . 321-352.
V . Éthique et politique
(26 ) ſepì cúdaquovias a ' (fr. 44 Wehrli), Sur le bonheur, en un livre.
(27) TepiBiwv a 'B ' (fr. 45 Wehrli), Sur les genres de vie , livres I et II.
(28 ) Mɛpi eủoeſelaç e ' (a ' Long) (fr. 46 -47 Wehrli), Sur la piété, en cing
livres.
(29) Ilepi OlxalOOÚvns r ' (fr. 48-51 Wehrli), Sur la justice, en trois livres.
(30 ) Ilɛpi owoposúvns a ', Sur la modération, en un livre.
(31) Hepi åvopeias a ', Sur le courage, en un livre .
(32) Tepi đpetñs a ', Sur la vertu, en un livre .
(33) * Lepi dovñs (mentionné par D . L . V 88 en dehors du catalogue ; fr. 55
61 Wehrli), Sur le plaisir. Cf. 13 K . Brinkmann, « Platons Philebos und
Herakleides Pontikos' Dialog Tepi ndovñs» , Hermes 100 , 1972, p . 523-530 .
Voir aussi 14 A . Brancacci, « Le Iepi nòovñs d 'Héraclide du Pont (Fr. 55
Wehrli) » , dans La fêlure du plaisir. Études sur le Philèbe de Platon , t. II :
Contextes, sous la direction de Monique Dixsaut, avec la collaboration de F .
Teisserenc, coll. « Tradition de la pensée classique» , Paris 1999 , p. 99- 125.
( 34 ) Kleiviac a ', Clinias,en un livre.
(35) * Tepi écovoias (mentionné par D . L . V 88 en dehors du catalogue), Sur
le pouvoir.
(36 ) ’Axoúolos a ', L'involontaire, en un livre. Wehrli 10, p. 81, propose de
corriger le titre en Nepi árovolov.
(37) 'Epwtixós ( fr. 64 -66 Wehrli), Érotique. Peut-être identique au Clinias,
cf. 15 M . Gigante, Diogene Laerzio, Vite dei filosofi, Roma/Bari 1962 [19833 ),
n . 188 ad D .L . V 87.
(38) 'Ynoðñxal a ', Sentences,un livre.
(39) * Zwpokotons (fr.68- 70 Wehrli), Zoroastre.
(40 ) Tepi tñs åpxñs a ' (fr. 144- 145 Wehrli), Sur l'autorité, en un livre.
(41) Tepi vouwv a ' (fr. 146 -150 Wehrli), Sur les lois, en un livre.
(42) Evvóñual a ', Conventions, en un livre.
H 60 HÉRACLIDE LE PONTIQUE 567
VI. Rhétorique et poétique
(43) Tepi óvouátwv a ', Sur les noms, en un livre (Gottschalk 2 , p . 160- 162).
Ce titre et le suivant sont rangés à tort dans la rubrique précédente dans Wehrli
6, p. 524.
(44) Xapaxtñpes a ', Caractères (du style ), en un livre.
(45) Hepi tointixñs xai tây trointāv a ', Sur la poésie et sur les poètes, en
un livre.
(46 ) Hepi toũ Öntopeúelv ñ Mowtayópas ( fr. 33 Wehrli), Sur la pratique de
la rhétorique ou Protagoras.
(47) * lepì 'Ouńpou (fr. 169-170 Wehrli), Sur Homère.
(48 ) Aúoewv 'Ounpixőv a ' B ' (fr. 171-175 Wehrli), Solutions de (questions ]
homériques, livres I et II.
(49) ɛpi tñs 'Ouńpov xai 'Holódou naixías a ' B ' (fr. 176 -177 Wehrli), Sur
l'époque d 'Homère et d 'Hésiode, livres I et II.
(50) Nepì ’Apxlóxov xai 'Ouńpou a ' B ', Sur Archiloque et Homère, livres I
et II.
(51) Tepi tõv TPL@ tpaywdontolőv a ', Sur les trois auteurs tragiques, en un
livre.
(52) Tepi tōv nap ' Eủpinión xai Eodoxiei a ' B ' r'. lQuestions ) euripi
diennes et sophocléennes, livres I, II et III.
(53) Lepi uovoixñS a ' B ', Sur la “musique ” , livres I et II (fr. 157- 163
Wehrli). En fait au moins trois livres (cf. fr. 161 et 163 Wehrli).
(54) * Euvaywyn TÔV ÉV MOVOLYñ <olaraudávtwv> (fr. 157- 163 Wehrli),
Répertoire des artistes qui se sont illustrés dans le domaine de la musique ;
formepeut-être une partie du précédent (Wehrli 6 , p .527).
VII. Recueils
(55) * [lepì xenouõv (fr. 130 - 141 Wehrli), Sur les oracles.
(56 ) * llepi xonompiwv (fr. 130 -141 Wehrli), Sur les sites oraculaires ou Sur
les oracles; peut-être identique au précédent (Wehrli 6 , p. 527).
(57) Tepikúpnuátwv (fr. 152 Wehrli), Sur les inventions.
(58) * Krioeic iepūv (fr. 153- 155 Wehrli), Fondations de sanctuaires.
(59) * llepi vñowv (fr. 124- 127 Wehrli), Sur les îles; cf. 16 P. Ceccarelli, « I
Nesiotika» ,ASNP 19 , 1989, p . 903-935.
Diogène Laërce ( V 89) mentionne encore des ouvrages de géométrie (Yew
MetPixá ) et de dialectique (PlaNextixá; s'agit-il des ouvrages classés ci-dessus
dans la catégorie « logique et ontologie » ?) .
On trouvera dans Gottschalk 1, p. 13- 36 , une bonne étude sur le dialogue inti
tulé lepi tñs árvou ñ Hepi vóowv (« Sur la femme sans souffle ( = en transe) ou
Sur lesmaladies» ); l'auteur traite en particulier de deux anecdotes appartenant à
cet ouvrage : l'une relative à l'apothéose d'Empédocle (fr. 83 Wehrli), l'autre
568 HÉRACLIDE LE PONTIQUE H 60
relative à l'invention du terme « philosophie » par Pythagore (fr. 87-88 Wehrli).
Le même auteur discute longuementde deux théories « scientifiques» attribuées
à Héraclide, souvent considérées comme anticipatrices, sur la matière considérée
comme composée de particules microscopiques (chap. 3 : « The theory of avap
uol oyxol ( = « particles which are ‘unarticulated in the sense of uninterrupted » ,
p . 42 » ; cf. 17 C . Eucken , « Zur Frage einer Molekulartheorie bei Herakleides
und Asklepiades (= Asclépiade de Pruse ou de Bithynie , » A 450) » MH 40,
1983, p . 119- 122) et sur le mouvement circulaire de la terre (chap. 4 : « The
astronomical fragments » ; cf. aussi 18 P . Moraux , Aristotelismus, t. II, p . 311
n . 75 ; 19 E. Syska, Studien zur Theologie des Macrobius, coll. « Beiträge zur
Altertumskunde» 44 , Stuttgart 1993, p. 223-224 ; 20 L . Tarán, « Proclus and the
old Academy» , dans J. Pépin et H . D . Saffrey ( édit.), Proclus lecteur et inter
prète des anciens, Paris 1987, p . 227-276 (p . 263- 266 ) ; 21 B . S . Eastwood,
« Heraclides and heliocentrism : texts, diagrams and interpretations», JHA 23,
1992, p. 233- 260).Notons qu'il ne fautpas exagérer le caractère scientifique de
l’æuvre astronomique d 'Héraclide (cf. Gottschalk 1 , p . 58 n . 1, pour la biblio
graphie ; Wehrli 10, p. 94-95 : « H . war schwerlich wissenschaftlicher Astro
nom » , p. 95). On voit par ailleurs,à propos du raz de marée qui détruisit la cité
d'Hélikè en 373, qu 'Héraclide adopte une explication résolument religieuse du
phénomène – il y voit une manifestation de la justice divine -, contrairement à
Callisthène ( >* C 36 ) (Sénèque, N . Q . VII 16 ) ( fr. 46 Wehrli ; cf. Gottschalk 2 ,
p . 94 -95 ; cf. 22 L . Prandi, « La rifondazione del « Panionion » e la catastrofe di
Elice (373 a . C .) » , dans M . Sordi [édit.), Fenomeni naturali e avvenimenti
storici nell'antichità , coll. « Contributi dell' Istituto di storia antica » 15 , Milano
1989, p . 43-59).
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

61 HÉRACLIDE LEMBOS RE 51 (cf. 47 et 49) DM II


Auteur de recherches historico -littéraires et érudites, connu surtout comme
compilateur et abréviateur. Chez les critiques modernes , Héraclide Lembos est
souvent présenté comme péripatéticien , eu égard aux genres littéraires auxquels
il s'est consacré et aux auteurs qu 'il a abrégés (Hermippe »» H 86 ), Satyros ,
qualifiés parfois de péripatéticiens dans la littérature ancienne).
Héraclide Lembos remplit sans doute aussi des fonctions officielles en
Égypte , sous Ptolémée VI Philométor (180 - 145) .
Études d 'orientation . 1 R . Daebritz , art. « Herakleides» 51, RE VIII 1, 1912,
col. 488 -491 ; 2 F . Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen
Kaiserzeit» , GGP, Antike 3, 1983, p. 459-599 (sur Héraclide Lembos, p . 584
585) ; 3 H . Lucas, « Zu Herakleides Lembos» , Hermes 75, 1940, p . 234-237;
4 P . M . Fraser, Ptolemaic Alexandria , Oxford 1972 , t. I, p . 514-515 ; 5 A .
Lamedica, « Il POxy 1800 e le forme della biografia greca » , SIFC 78, 1985,
p . 55-75 (p. 74-75 sur POxy 1367) ; 6 J.-L . Ferrary , Philhellénisme et impéria
lisme, p . 225 (addendum , p . 662).
H61 HÉRACLIDE LEMBOS 569
Fragments et témoignages. Il n 'existe aucune édition intégrale des frag
ments des æuvres d 'Héraclide Lembos. On utilisera les éditions partielles sui
vantes: 7 FHG III, p. 167-171 ;on trouvera les extraits conservés de son Epitomé
des Constitutions d' Aristote dans 8 M .R . Dilts, Heraclidis Lembi Excerpta Poli
tiarum , coll. « Greek , Roman and Byzantine Monographs » 5, Durham N .C .
1971, et dans 9 0 . Gigon , Aristotelis Opera III, Librorum deperditorum Frag
menta , Berlin New York 1987, p. 564 -571. 10 I. Gallo , CPF I 1* *, p. 249-257 :
grâce à POxy 1367, on conserve un fragment de la fin du livre I et du début du
livre II de son Epitomé du lepi vouodetőv (Sur les législateurs ) d 'Hermippe de
Smyrne, ainsi que la mention d'un abrégé du Sur les sept sages et du Pythagore
du même auteur (» H 86 ) ; cf. sur le même texte 11 I.Gallo , Frammenti biogra
fici da papiri, vol. I, Roma 1975 , p . 13-55 (texte et commentaire ), p . 215
(addendum ).
Certains fragments attribués généralement à Héraclide le Pontique (» H 60 )
l'ont aussi été à Héraclide Lembos : cf. 12 G . F. Unger, « Herakleides Pontikos
der Kritiker » , RHM 38, 1883, p. 481-506 (cf. p. 493 n . 2), et 13 H . B . Gottschalk ,
Heraclides of Pontus, Oxford 1980, p . 128 n . 2 et 129 n . 3, p . 131 n. 10 et 15 ,
p. 157.
Vie. Selon la Souda (H 462, p. 581 Adler), Héraclide Lembos a vécu
(yeyovác) sous Ptolémée VI (180- 145). Il était le fils d'un certain Sarapion
(Souda, loc. cit.; D .L . VIII 7, 44 et 58 ). Le passage cité de la Souda le donne
comme citoyen d'Oxyrhynque ('Ocupuyximns), tandis que Diogène Laërce (V
94) le mentionne, dans son catalogue des homonymes d 'Héraclide, comme
citoyen de Callatis (côte ouest de la Mer Noire, auj.Mangalia) ou d'Alexandrie
(Karłatiavos Ñ 'Arecav peúc).
Après des tentatives visant à exclure l'un ou l'autre de ces trois témoignages (cf. Lucas 3,
p. 234 : Héraclide est originaire d'Oxyrhynque ; il est dit Callatien en tant qu 'abréviateur des
Vies de Satyros de Callatis et Alexandrin en tant qu 'abréviateur des Successions de Sotion
d 'Alexandrie ; 14 J . Mejer, Diogenes Laertius and his Hellenistic Background , coll. « Hermes
Einzelschriften >> 40 , Wiesbaden 1978, p . 63 n . 11 : l'origine d 'Héraclide est Alexandrie ou
Oxyrhynque, tandis que la cité de Callatis lui a été attribuée à cause de sa relation littéraire à
Satyros), on a cherché, avec vraisemblance, à concilier ces données de la tradition en le faisant
originaire de Callatis, citoyen d'Alexandrie et d 'Oxyrhynque, où il a peut- être rempli un rôle
officiel (cf. Fraser 4 , t. II, p . 741n . 172 (avec bibliographie critique sur la question ) ; FHG 7 ,
p. 167 : H . est né à Callatis, étudie et remplit des charges officielles à Alexandrie et se retire
vivre à Oxyrhynque ; Daebritz 1, col. 488 : H . estné à Callatis, remplit des charges administra
tives à Oxyrhynque et finit sa vie à Alexandrie ; cf. aussi 15 F . Wehrli, Sotion , coll. « Die
Schule des Aristoteles » , Supplementband II, Basel/Stuttgart 1978, p. 7). Rappelons que W .
Crönert (Kolotes und Menedemos, p . 136 -137) distinguait deux auteurs, l'un surnommé
Lembos, homme d 'État et historien , originaire d 'Oxyrhynque, l'autre fils de Sarapion , de
Callatis ou d 'Alexandrie, qui se serait illustré comme abréviateur.
La signification du surnom Méußoc n ' est pas claire . Deux témoignages ont laissé penser
(Daebritz 1 , col. 489) qu 'Héraclide reprenait, étrangement (mais voir Apollonius Molon
NA 267), le surnom de son père : Photius (Bibl. cod. 213 Ó toŰ Abuşov (Diels : mss.
Réußpou ] 'Hoaxhelons; mais voir une autre explication dans W . Crönert, Kolotes und Mene
demos, p. 136 ) et la Souda (loc. cit.), où la relative og énexañon Aéußog pourrait renvoyer au
nom du père. Un unique témoignage ancien (D .L . V 94 ) tente d 'expliquer l'origine de ce sur
nom : Héraclide serait l'auteur d'un außeutiXÒÇ Nóyoç dont par ailleurs on ignore tout. 'O
570 HÉRACLIDE LEMBOS H61
réußoc est le nom d 'un petit bateau, canot ou chaloupe (cf. L . Casson, Ships and Seamanship
in the Ancient World , Princeton N .J. 1971, p . 125- 127 (petit bateau de guerre rapide et
maneuvrable ) et 162- 163 (chaloupe de transport en Égypte )) ; on a noté qu'un de ses contem
porains, le capitaine d 'Antiochus, Théodote , était surnommé ó 'Hulóhos ( = bateau rapide de
pirate) (cf. FHG 7 , p . 167 ; Daebritz 1, col. 489).Mais, dans les deux cas, on ignore ce qui leur
aurait valu ce surnom . En fait, aucune des hypothèses émises sur cette question ne s'impose
(cf. encore Lucas 3,p. 235).
Héraclide avait à son service , en tant que scribe (unoypapeús) et lecteur
(åvayuwoths), l'historien et géographe Agatharchidès de Cnide (Photius, Bibl.
cod. 213 MA 32 ( corriger : Photius présente Agatharchidès comme un ypauma
Tixóc et non comme un ypafuatiotńs]).
Euvres.
1. 'lotopíal,Histoires: au moins 37 livres (mélange de mythologie et
d 'histoire ) ; seuls 5 fragments sont conservés. FHG 7, p. 168 - 169. Le seul frag
ment qui ne soit pas conservé par Athénée (fr. 1 FHG : Festus, p . 269 (Müller ),
rapportant une version particulière de l'origine du nom Roma; cf. FGrHist III C ,
840 F , 13 b ; Ferrary 6 ), trouve un parallèle dans une anecdote remontant aux
Nóuqua Bapßapixá d 'Aristote (cf. Gigon 9, fr. 700 -702). Héraclide avait intro
duit des passages du même ouvrage d ’Aristote dans ses extraits de certaines des
politeiai aristotéliciennes (Dilts 8, p. 7 n . 2 [passages contenus dans les $ $ 43,
44, 48, 58 ]). Cet ouvrage a peut-être été abrégé par un certain Héron d 'Athènes
(Souda, H 552, t. II, p . 590 Adler).
2 .AußeutixÒÇ Tóyoç (D . L . V 94) ; Daebritz 1 , col. 489-490, émet l'hypo
thèse qu 'Héraclide y traitait de questions homériques, hypothèse qui se trou
verait renforcée si l'Héraclide d 'Alexandrie que cite Eustathe (ad Iliadem 1 (XI]
639, t. III, p. 288 Van der Valk ; cf. encore O (VIII) 448, vol. II, p.614 Van der
Valk (d 'après l'éditeur, il s'agit du grammairien Héraclide de Milet ]) était iden
tique au Lembos ; autre hypothèse, Lucas 3, p . 236 : il s'agirait d'une encyclo
pédie de poche sur toutce qu 'il est utile de savoir .
3. Abrégé de certaines Vies d'Hermippe de Smyrne : 'Enitoun tõv 'Epuin
TOV Tepi vouooetőv xal Entà Oopov xai Mudayópov, 16 CPF I 1* * , p. 249
257, avec bibliographie (= POxy 1367 ; publié en 1915, ce fragment ne figure
évidemment pas dans FHG 7 ; non mentionné par Wehrli 2 ). Cf. 17 F .
Montanari, « Un passo corrotto in Eraclide Lembo, Epitome di Ermippo (P . Oxy.
1367, fr. 1, col. I, 12-15) » dans Studi di filologia classica in onore di Giusto
Monaco, Palermo 1991, vol. I (Letteratura Greca), p. 415-419. Voir aussi 18 I.
Gallo, Frammenti biografici da papiri, I 1, p. 15 -55 ; CPF II 1* *, 59 (Gallo ) et
pl. I.
4. Abrégé des Vies de Satyros de Callatis (tāv Eatúpou Biwy Étltouń, cf.
D . L . VIII 40 ; VIII 53 et IX 26 ). A la lecture de D . L . VIII 53, on a l'impression
qu 'Héraclide a corrigé le texte de Satyros qu 'il abrégeait.
5 . Abrégé des Successions (des philosophes) de Sotion d ' Alexandrie , en 6
livres (D .L . V 94 : yeypapuç thu Aladoxnv ÉV EE Bißaious ) ( tūv Ewtiwvog
Aladox@ V ŠTlTouń , cf. D .L . V 79; X 1).
H62 HÉRACLITE 571
On a peut- être conservé les têtes de chapitres de l'abrégé dans la liste des
sectes transmise par un certain Joseppus (Josephus Christianus, Xe s. ap. J.- C .) et
attribuée à un Héraclide pythagoricien (Hypomnesticon 143, PG 106 , col. 160
Migne (cf. 19 H . Diels, Doxographi Graeci, p . 148 -153, cf. 20 R . Daebritz, art.
« Herakleides » 47, RE VIII 1, 1913, col. 487) ; cf. 21 W . von Kienle , Die
Berichte über die Sukzessionen der Philosophen in der hellenistischen und
spätantiken Literatur, Berlin 1961, p . 93-95 .
6 . Extraits des Politeiai d'Aristote. Plusieurs manuscrits nous ont conservé
des extraits de ces extraits sous le titre 'Ex Twv 'Hoaxhaidov nepi TrollTELõv; cf.
22 H . Bloch, Heracleides Lembos and his Epitome of Aristotle 's Politeiai,
TAPHA 71, 1940, p . 27-39 (l'auteur démontre avec de bons arguments que cet
Héraclide est le Lembos). Ces extraits sont particulièrement importants, parce
qu 'ils nous ont conservé le contenu du début de la Constitution d 'Athènes.
Édition par Dilts 8.
7 . Il est très hasardeux d'attribuer à Héraclide Lembos la Vie d 'Archimède
d 'Héraclide mentionnée par Eutocius ( In Archimedem De circuli dimensione, éd .
Ch. Mugler (CUF, Archimède t. IV , 1972, p . 142] = FHG III, p . 171).
L'importance d 'Héraclide Lembos ne tient pas dans les quelques fragments et
témoignages qui ont survécu – l'auteur y apparaît comme un amateur d 'anec
dotes et de récitsmerveilleux -,mais dans la place qu 'il occupe comme intermé
diaire dans la tradition de l'histoire de la philosophie . Diogène Laërce l'a utilisé,
sans doute plus largement que les références explicites ne le laissent entendre. Il
faut toutefois nuancer certaines affirmations comme celles de Wilamowitz , qui
voyait dans la Vie de Ménédème d 'Érétrie de Diogène un simple démarquage de
celle d'Héraclide Lembos (cf. 22 U . von Wilamowitz -Moellendorff, Antigonos
von Karystos, coll. « Philologische Untersuchungen » 4 , Berlin 1881, p . 89 ;
Mejer 14, p . 40 et 67 ; 23 D . Knoepfler, La Vie de Ménédème d 'Érétrie de
Diogène Laërce. Contribution à l'histoire et à la critique du texte des “ Vies des
philosophes” , coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft » 21,
Basel 1991, p. 13-14).
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

62 HÉRACLITE FI- D II ?
Ami d'Épictète. Ce dernier le donne comme exemple d 'une provocation mal
habile : « C 'est comme mon amiHéraclite dans une petite affaire qu'il eut à
Rhodes pour un bout de champ. Il venait de prouver aux juges que sa cause était
juste. Arrivant à la péroraison , il leur dit : " Je ne vous adresserai pas de supplica
tions, et je me soucie peu également du verdict que vous allez prononcer ; c 'est
vous, bien plus que moi, qui êtes mis en jugement” . Il gâta ainsi toute son
affaire » (Entretiens II 2 , 17 ; trad. J. Souilhé). Le ton semble être celui d 'un
philosophe et Épictète y voit une imitation critiquable du discours de Socrate à
son procès.
RICHARD GOULET.
572 HÉRACLITE H 63

63 HÉRACLITE RE 12 I?
Commentateur d'Homère.
Éditions et traductions. On dispose de deux bonnes éditions modernes de
cet auteur: 1 Heracliti Quaestiones Homericae, par lesmembres de la Société
philologique de Bonn , notamment Fr. (Elmann , coll. BT, Leipzig 1910 (riche
index verborum ); 2 Héraclite , Allégories d 'Homère, par F . Buffière , CUF, Paris
1962. Importante trad . espagnole (sans texte ) : 3 Heráclito , Alegorías de Homero,
introd. par E . Calderón Dorda, trad . et notes par M . A . Ozaeta Gálvez, coll.
« Biblioteca Clásica Gredos » 125 ,Madrid 1989, 314 p. Bien qu'il semble se pré
senter ainsi sous d'heureux auspices, ce texte pose bien des problèmes.
Seule réalité objective : l'existence d'un recueil de brèves exégèses allégo
riques d'Homère ( Iliade, puis Odyssée, chap. 60 sqq.). Pour le reste , le ms. M
porte in fine « D 'Héraclite , Problèmes homériques sur ce qu 'Homère a formulé
en allégorie sur les dieux » . Rien que de très banal dans ce nom d'auteur et ce
titre . La date reste très vague. Les auteurs cités les plus récents (Apollodore
[** A 244), Cratès [PMC 203], Hérodicos de Babylonie (» H 100 )) sont du II s.
av. J.-C . (Buffière 2 ; en fait, un autre de ces auteurs est du jer s.: Alexandre
“Lychnos” d 'Éphèse (PA 113] cité en 12, 8, cf. Calderón Dorda 3). Quant au
terminus ante quem , on indique l'æuvre de Plutarque, au motif qu 'elle marque le
début de l'exégèse mystique d 'Homère par les pythagoriciens, qu 'Héraclite ,
tellement avide d 'exalter le poète, n 'aurait pu taire , ce qui est le cas (Buffière 2 ).
Cela dit, un consensus s'est imposé pour situer Héraclite au jer siècle de notre
ère, et faire de lui le contemporain de Cornutus (MC 190 ), les deux auteurs ayant
subi l'influence du lepi Okõv d’Apollodore, cf. 4 C . Reinhardt, DeGraecorum
theologia capita duo, Berlin 1910 . C 'est aussi pour des problèmes de chrono
logie et pour ses rapports avec un autre homérisant plus ancien (Hécatée d ' Ab
dère (2- H 12 ]) que s'est intéressé à la cosmogonie d'Héraclite (chap. 43 sq . et 64
sq.) 5 W . Spoerri, Späthellenistische Berichte über Welt, Kultur und Götter, coll.
« Schweiz. Beitr . zur Altertumswiss.» 9, Basel 1959, p.69-74 et 105 - 107.
Un recueil représentatif. Beaucoup d 'interrogations subsistent donc. Elles
ne doivent pas empêcher de lire ce texte très intéressant. Se rattache -t-il à une
école philosophique ? Les attaques assez virulentes qui y sont portées contre Pla
ton ( 76 , 6 - 79, 1) et contre Épicure (79, 2 -11) orientent vers le stoïcisme, auquel
se rattachait également Cornutus. Voir, dans ce sens, 6 A . A . Long, « Stoic rea
dings of Homer» , dans R . Lamberton et J.J. Keaney, Homer 's ancient readers.
The hermeneutics ofGreek epic 's earliest exegetes, Princeton University Press,
1992, p . 41-66 . L'appartenance stoïcienne d'Héraclite a été confirmée assez
récemment par une tout autre méthode, celle de l'esthétique littéraire , cf. 7 W .
Bernard , Spätantike Dichtungstheorien . Untersuchungen zu Proklos, Herakleitos
und Plutarch, coll. « Beiträge zur Altertumskunde » 3, Stuttgart 1990 . La thèse
de cet ouvrage est que l'Antiquité a pratiqué l'allégorèse, en gros, de deux
façons. L 'une est celle des platoniciens ; elle est marquée par deux caractères: la
personnalité propre des intervenants divins subsiste sans se dissoudre dans leur
signification ; d'autre part, cette signification , élaborée d 'après des critères
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 573
objectifs, est au service de la dialectique. L 'autre allégorèse consiste à prendre
des êtres personnels insérés dans une histoire (Héra , Aphrodite , etc.) pour leur
substituer des abstractions (l'air, la volupté , etc.): ce serait celle des préso
cratiques, et des stoïciens leurs descendants . Bernard parle dans le premier cas
d'allégorie " diérétique” (dihairetisch ), dans le second d'allégorie “ substitutive" :
c'est pour la dernière qu 'il invoque l’Héraclite homériste comme un exemple
privilégié.
On s'est intéressé aussi chez ce dernier à sa façon de citer Homère : 8 Chr. D .
Stanley, « Paul and Homer: Greco-Roman Citation Practice in the First Century
CE » , NT 32, 1990 , p . 48 -78 , partant de la liberté prise par Paul dans ses citations
de la Bible hébraïque (suppression de mots et de phrases, substitutions, combi
naison de textes d'origine différente dans une citation unique, etc.), la rapproche
de la pratique de certains auteurs grecs à peu près contemporains : Strabon, ps.
Longin , Héraclite , Plutarque, dans leur utilisation du texte d'Homère. Voir
encore, sur le même thème, 9 J. Whittaker, « The Value of indirect tradition in
the establishment of Greek philosophical texts, or the art of misquotation » , dans
J. N . Grant ( édit.), Editing Greek and Latin Texts,New York 1989, p. 63-95.
JEAN PÉPIN .
64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE RE 10 (+ Suppl. X) ca 520 - ca 460
Philosophe présocratique. Le premier penseur grec dont nous possédions un
nombre relativement important de citations et de témoignages doctrinaux.
PLAN DE LA NOTICE
Outils principaux. Éditions. Bibliographies.
I. L 'HOMME

1. État civil et chronologie .Nom . Patronyme. Ville d'origine. Dates.


2 . Biographie politique. Abdication . Rôle dans la levée du siège d'Éphèse par les Perses.
Destitution d 'un tyran. Échec politique. Opinions politiques. Rapports avec Darius. Retrait de
la vie publique.
3. Biographie philosophique. Isolement et autodidaxie. Culture. Maîtres ? Rapports avec
les philosophes contemporains. Disciples ?Récapitulation chronologique.
4 . Biographie légendaire. Ignorance et omniscience. Arrogance et orgueil. Apophtegmes
et anecdotes.Misanthropie . Le philosophe larmoyant. La mort d'Héraclite .
5 . Iconographie.
II . LE LIVRE

1.Histoire. Existence . Diffusion.


2 . Forme et contenu du livre. Titres. Articulations. Dimensions. Contenu du livre selon
les Anciens. Localisation de certains fragments.
3. Style et obscurité du livre selon les Anciens.
4. État actuel du corpus. Les éditions.
574 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
III. LA DOCTRINE ?
1. La crise actuelle des études héraclitéennes.
2 . Principaux axes de la recherche.Méthode et déontologie . Étude systématique de la
tradition . Recension des informations pertinentes .
3.La poétique des fragments.
4. Vers la reconstruction du livre et de la doctrine.
Outils principaux. Éditions. Il n 'existe toujours pas d' édition exhaustive
des textes anciens relatifs à Héraclite , mais seulement de multiples éditions de
ses « fragments » , accompagnés parfois des témoignages bio - et doxographiques
les plus importants. Les éditions les plus complètes actuellement existantes sont :
1 M .Marcovich (édit.), Heraclitus. Editio Maior, with a short commentary ,
Mérida 1967, et 2 Id ., Eraclito , Frammenti, Firenze 1978 (version italienne légè
rement corrigée et augmentée de 1) (citées infra, quand il s'agit de textes, sous la
forme Mch lc = Marcovich 1 ou 2 , fragment 1, texte (c)], ainsi que
3 R .Mondolfo et L . Tarán (édit.), Eraclito. Testimonianze e imitazioni, Firenze
1971. 1 et 2 ne contiennent que les fragments, paraphrases et réminiscences
(avec leurs contextes immédiats ), 3 seulement les témoignages bio - et doxogra
phiques essentiels , ainsi que divers « échos » et imitations. Bien que, prises en
semble , ces éditions recouvrent la totalité des textes de 4 H . Diels et W . Kranz
(édit.), Die Fragmente der Vorsokratiker, 6e éd. (et sqq.), 1951 (et sqq.), vol. I,
p 139- 190 (+ Nachtrag, p. 491-495), vol. III, p . 659 (Epilogus 1952), cette col
lection classique demeure utile tant en raison de sa présentation condensée des
textes fondamentaux et de sa numérotation devenue standard (nous l'utiliserons
nous-même ci-dessous) qu 'en raison , surtout, de l'influence énorme qu 'elle a
exercée tout au long du XXe siècle sur les études héraclitéennes (citée sous la
forme standard DK A 12 (témoignages), DK B 36 (fragments) ou DK C 5 (imi
tations)]. Outre ces éditions, signalons les récentes publications commentées de
deux sources papyrologiques nouvelles sur Héraclite : une citation conjointe de
B 3 et B 94 dans le papyrus de Derveni – 5 K . Tsantsanoglou et G .M . Paras
soglou , « Heraclitus in the Derveni papyrus » , Aristoxenica, Menandrea, Frag
menta philosophica, coll. « Studi e testi per il CPF » 3, Firenze 1988, p . 125-133
(cf. encore version italienne abrégée ,mais remise à jour : 6 Id . « Heraclitus, 57
IT » , dans CPF 1/1 * * , Firenze 1992, p . 221-226 ; et nouvelle édition et discus
sion du texte dans 7 K . Tsantsanoglou , « The First columns of the Derveni Papy
rus and their religious significance » dans A . Laks and G . W . Most (édit.), Stu
dies on the Derveni Papyrus, Oxford 1997, p. 94 , 96 -97, 106 -110 ) (= 18 (infra ),
texte T 87) – et un fragment astronomique absolument nouveau composé de 2 ou
3 citations connexes dans le papyrus d 'Oxyrhynque 3310 – 8 S. N .Mouraviev,
« Heraclitus 57 4T» , dans CPF 1/1* * , Firenze 1992, p. 229-242. (Pour les édi
tions antérieures ou postérieures de Henri Estienne, Schleiermacher, Lassalle ,
Mullach , Schuster, Bywater , Diels, Snell, Walzer, Mazzantini, Bollack et
Wismann , Kahn , Diano -Serra, Colli, Conche, cf. infra 125 -144.)
L 'ensemble des sources relatives à la vie et au livre (opinions et citations
exclues) d 'Héraclite (textes originaux et traduction en russe ) a été pour la pre
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 575
mière fois réuni et publié dans 9 C .H . Mypabbe, = Mouraviev (édit.), « Testi
monia de uita et scripto Heracliti Ephesii» , VDI 1974, n° 4/130 , p. 195-218 ;
1975, n° 1/ 131, p . 229- 244 (textes cités infra sous la forme M 16a = Memoria,
texte XVI a ). Ces textes sont commentés dans: 10 Id ., « Kushi repakinta
pecckoro » (La vie d ' H . d ' É .), VDI 1974 , n° 4 /130 , p . 3 - 23 ; 11 Id .,
« Tepakjut: COBPEMEHHUKU, jerenja, Ukohorpaduv » ( H . : ses contemporains,
sa légende, son iconographie ), VDI 1975, n° 1/131, p . 27 -48 ; 12 Id ., « Khura
Tepakjuta 3 pecckoro » (Le livre d ' H . d ' É .), VDI 1976 , n° 2 /136 , 47 -72 (où les
p . 68-71 contiennent des additions et des corrections à 9, 10 et 11). (Une édition
revue, augmentée et corrigée de 9 à 12 avec traduction et commentaire en fran
çais figurera dans 16 (cf. infra ), vol. III. 1, en préparation ). La littérature essen
tielle antérieure à 1974 est citée dans 9 , n° 4 /130, p . 215-218 et n° 1/131, p . 241
et utilisée dans 10 à 12 ; pour les travaux plus récents, cf. infra .
Une des sources biographiques principales étant Diogène Laërce IX 1- 17 =
DK A 1, il est important de reconnaître les diverses strates amalgamées dans ce
chapitre . Nous y distinguons : 1° un texte de base à deux éléments – une biogra
phie caractérologique d 'Héraclite remontant sans doute au Nepi toŨ xovOÍČELV
Únepndavíac d 'Ariston de Céos (ou de son homonyme de Chios: cf. 13 G .
Ranocchia, Aristone di Ceo o Aristone di Chio ? Studio sull'autore del Peri tou
kouphizein hyperephanias, Thèse, Perugia, 1997-1998, 239 p .) (et peut- être
empruntée par lui à une comédie intitulée Karaxouußntńs) et un pinax de
bibliothèque -, 2° des textes complémentaires (la doxographie théophrastienne,
les lettres , les épigrammes...) et 3° une vingtaine d'additions ponctuelles au
texte de base et aux compléments ; cf. 14 S . N . Mouraviev, « La Vie d'Héraclite
de Diogène Laërce » [I et II), Phronesis 32, 1987, p . 1-33, et 33, 1988, p . 117, et
dans 15 'Oooi dičñolog. Le vie della ricerca. Studi in onore di F . Adorno,
Firenze , 1996 , p . 371-383.
En 1991, l'auteur de ces lignes a amorcé la publication de 16 S. N . Mouraviev
(édit.), Heraclitea. Édition critique complète des témoignages sur la vie et
læuvre d'Héraclite d ' Éphèse et des vestiges de son livre, Moscou /Paris ( en cing
parties : I. Prolegomena, II. Traditio Heraclitea, III. Recensio Heraclitea , IV .
Refectio libriHeracliti, V . Indices). Actuellement sont parus les volumes 17 Id .,
Heraclitea IV , Héraclite d 'Éphèse, Les Muses ou De la Nature , A . Texte et tra
duction, 1991, et 18 Id ., Heraclitea II. A . 1, Héraclite d ' Éphèse, La Tradition
antique et médiévale, A . Témoignages et citations, 1. D 'Épicharme à Platon et
Héraclide le Pontique, 1993 (textes cités infra sous la forme T 12 = Traditio ,
texte n° 12 ]. Une réédition de 18 prolongée jusqu' à Philon d' Alexandrie est
parue en 1999 : S . N . Mouraviev (édit.) , Heraclitea , II.A .1, Héraclite d 'Éphèse ,
Tradition antique et médiévale, A . Témoignages et citations, textes et traduc
tions, 1. D 'Épicharme à Philon d 'Alexandrie, Sankt Augustin 1993, XXVI- 170 p.
Dans la même série paraîtront, en 2000 -2005, les autres volumes de 16 .
Bibliographies. Il existe deux bibliographies spécialement consacrées
aux études héraclitéennes couvrant la période de 1499 à 1984 : 19 E . N . Roussos,
Heraklit-Bibliographie, Darmstadt 1971, et 20 F. De Martino, L . Rossetti, P .
576 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
Rosati, Eraclito. Bibliografia 1970- 1984 e complementi 1621- 1969, Napoli
1986 . Cf. encore 21 L . Paquet, M . Roussel et Y . Lafrance, Les Présocratiques.
Bibliographie analytique (1879 -1980 ), t. 1,Montréal/Paris 1988 , p. 444 -555 , et
22 L . Paquet et Y . Lafrance, Les Présocratiques. Bibliographie analytique
( 1450 -1879), t. 3, Supplément, (Montréal), 1995 (cf. index ). Pour la période
après 1984, on consultera utilement les rubriques « Heraclitus Ephesius» et
« Philosophica » de la partie Auteurs et Textes et la section « Philosophie » de
23 L 'Année philologique, t. LV et sqq., Paris 1986 et sqq., 24 International phi
losophical bibliography, t. XXVII et sqq., Louvain - la -Neuve 1985 et sqq., ainsi
que 25 le supplément bibliographique de la revue Gnomon (München ). 26 M .
Marcovich , art. « Herakleitos » , RESuppl. X , 1965 , col. 246 -320 , contient une
mine de références systématiques (jusqu 'en 1964 ) à laquelle nous renvoyons im
plicitement. Une bibliographie héraclitéenne systématique détaillée figurera dans
Mouraviev 16 , vol. I.
I. L 'HOMME
1 . État civil et chronologie. Nom . Pas de variantes (cf. 10 , p . 3),mais par
fois confondu dans les mss . ( et même dans certains ouvrages périphériques de
ces derniers siècles) avec Herakleides, Heraclidus, Héraclide. Cf. Marcovich 1,
p. 602-604 ;Marcovich 2, p. 409-411;Mouraviev 18, p. 105 (littérature ancienne
citée dans Bywater 130 [infra ), p . VIII et n . 6).
Rajouter Cyrill., C . Iulian. I 13 (p. 134, 16 Burguière-Évieux) à la liste c en
18 , ibid .
Patronyme. Toutes les 14 formes manuscrites de nos sources sont paléo
graphiquement réductibles à trois formes initiales : ( 1 ) BAOENNOE, (2 ) BAY
ENNOE (cf.Marcovich 26 , col. 246 sq.; 9, textes M jab) - qui ne sont peut-être
que deux variantes orthographiques d 'un mêmenom prononcé (blusõn ] (Moura
viev 10, p. 5 ; cf. 27 W . Crönert, Kolotes und Menedemos, 1906 , p . 184 et n . 4 ;
28 O .Masson, « A propos de Błóowv, nom du père d 'Héraclite » , RPh 60 , 1986 ,
p . 279 -281, qui croient plutôt à une contamination de Błóowv par Baú(w ) - et
(3) HPAKSN ( T)OE (?; npaxlovtoç Diog. F ,npaxwvtoç Diog. BP ,npaxivos
Souda).
Les hypothèses émises sur l'identité du porteur du nom d'HPAKIN , ou
HPAKIE ( ?), (le père (autre nom ), le grand-père ou le frère - et héritier du
« trône» – d'Héraclite ) ou l'origine de l'erreur (confusion avec un autre Héra
clite , corruption HPAK [Neltog Ó Broo ]SNOE + HPAKSNOE) n ' ont qu 'un
défaut: leur gratuité .
Ville d ' origine. Tout semble confirmer qu'Héraclite était originaire et
citoyen d'Éphèse en Asie Mineure et rien n 'indique qu'il ait jamais quitté cette
cité. Cf. Démétrius de Magnésie et Démétrius de Phalère ap. D . L . IX 15 = M
186 sur son refus de se rendre à Athènes.
[Justin .) Coh. ad. gent. 3 est bien sûr corrompu ; lire 'Hpáxhelt < oç vai
" Initiao > OÇ Ó MetanoVTĪVOS. — 29 H . Gomperz, Philosophical Studies, Boston
1953, p . 89, il est vrai, discerne dans le fr. B 121 « a certain flavor of the refugee
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 577
or emigrant mentality » (écrit à la fin des années 30, quand Gomperz s'était lui
même retrouvé en émigration ).
Dates. Selon Apollodore ( ?), FGrHist 244 F 340 chez Diog. L . IX 1 (DK A
1, 1 = M 2a) et dans la Souda , s.v. 'Hpáxeltog (DK A la = M 26), le floruit
d'Héraclite coïncide avec Ol. 69 (504-501), selon Eusébe = Jérôme, Chron.
p. 107 , 14 Helm ? (M 29) avec Ol. 70 (500 -497) ( idem chez Cyrill., C. Iul. I 13
(M 20 = DK 59 A 4, 68 A 4 ); les autres chroniques dépendant d'Eusebe (M 30)
présentent divers écarts plus ou moins grands par rapport à cette date , quand ces
écarts ne dégénèrentpas en confusion totale ,mais sont toutes également inaccep
tables). Le même Eusèbe, p. 111, 22 , signale un second floruit de l'Éphésien
sous Ol. 80 , 1 (460 ) [M 4 ] et un troisième sous Ol. 81, 1 (456 ) (M 3b). Enfin ,
Aristote , fr. 71 Rose ap. Apollod ., FGrHist 244 F 32a (ap. Diog. L. VIII 52 = M
5a) et Diog. L . IX 3 (DK A 1 = M 56), indiquent qu 'Héraclite estmort à l'âge de
60 ans.
De tout cela l'on déduit généralement, tout en soulignant la précarité de cette
déduction , qu'Héraclite devait avoir dans les 40 ans (âge de l'åruń ) vers 500 et
serait né vers 540. Cf. 30 H . Diels, « Chronologische Untersuchungen über
Apollodors Chronik » , RHM 31, 1876 , p. 33-34 ; 31 F. Jacoby, Apollodors Chro
nik, coll. « Philologische Untersuchungen » 16 , Berlin 1902 , p. 227 -230 , etc .
Quant à la date de sa mort, elle est tenue pour incertaine, l'information
d'Aristote (ou d 'Apollodore) étant depuis Sturz (32 H . F. Sturz , Empedocles
Agrigentinus. De vita et philosophia eius..., Lipsiae 1805, p. XXI-XXII) considé
rée (à tort) comme fruit d'une corruption ('Hpáxeitov pour 'Hpaxeions).
[Cf. 33 S. Mouraviev, « Aristote fr. 71 Rose ou A quel âge estmort Héraclite ?» ,
REG 93, 1980, p. 511-515, où cette opinion est réfutée.) Si les données ne sont
pas corrompues, Héraclite serait donc mort vers 480. Toutefois, une analyse des
contextes des trois floruit signalés par Eusébe exige une révision de cette conclu
sion .
En effet: ( 1) Dans M 2° (p . 107, 14 ) (cf. DK 59 A 4 = 68 A 4 ) sontaffirmés
sous Ol. 70 (500 -497 ), outre celui d'Héraclite , les floruit d'Hellanicus (né en
497 -496 [Pamphila ap. Gell. XV 23 ) ou en 480 (V. Eur. p . 2, 5 Schw .)), de
Démocrite (né en 494 (floruit en 454,Diod. XIV 11, 5 ), en 470 [Thrasyll. ap.
Diog. L . IX 41] ou en 460 ( floruit en 420, Apollod . ap . Diog. L . ibid.); cf.
D . O ' Brien > D 70, p. 655 -677) et d'Anaxagore (né en 500 (floruit en 460 ,
Apollod. ap . Diog. L . ibid .); cf. R . Goulet PA 158, p. 184 - 186 , et D . O 'Brien,
ibid.). Nous avons donc là , comme l'a déjà remarqué Jacoby 31, p. 229 n. 4,
deux cas évidents de confusion entre date de naissance et date d 'épanouissement.
(2) Dans M 3b (p. 111, 21) sont affirmés d'abord, sous Ol. 81 (456 -453), les flo
ruit d'Empédocle et Parménide (= DK 28 A 11 a), puis, sous Ol. 81, 1 (456 ),
ceux de Zénon (d 'Élée) et Héraclite (= DK 29 A 3); compte tenu de ces dates, de
Plat., Parm . 127 a, voire de la tradition rapprochant chronologiquement Héra
clite d 'Empédocle , reflétée par exemple par Eus., P .E . X 14 , 15 (M 3a), c'est son
« père adoptif» Parménide que Zénon aurait dû avoir eu pour partenaire, et c 'est
Empédocle qu 'aurait dû avoir eu pour partenaire Héraclite, et non l' inverse.
578 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
Nous avons donc là aussi un quiproquo évident. (3) Dans le contexte de M 4
(p . 111, 10), nous lisons sous Ol. 80 , 1 (460 ) : Anaxagoras moritur (= DK 59 A
4 , cf. A 18 ). Heraclitus clarus habetur; or, né en 500, Anaxagore avait 40 ans en
460 (cf. supra) et est mort à 72 ans (Diog. L . II 7) en 428. Donc nouvelle confu
sion du même genre : il faut lire Heraclitus moritur. Anaxagoras cla
rus habetur. (Cf. 34 Vallarsius (éd.), Sancti Hieronymi interpretatio Chronicae
Eusebii Pamphili, ap. Migne, PL 27, 1846 , p. 251 note c ; 35 K .F . Hermann ,
Disputatio de philosophorum Ionicorum aetate, Gottingae 1849, p . 10, 22 ; Mou
raviev 10 , p. 5- 12). En dépit du verdict de Diels 30 , p. 36 (« ...so ist dabei ein für
alle Mal von den Benutzung solcher Spätlinge abzusehen » ), ces sources tardives
et fautives nous ont appris l'existence dans la tradition d'une date de la mort du
philosophe, la seule dontnous disposions: 460.
Mort à l'âge de 60 ans vers 460 , Héraclite serait donc né vers 520 , son
(premier) floruit apollodorien (eusébien ) se situerait entre 504 et 494, quand il
devait avoir entre 16 et 26 ans, et correspondrait à quelque événementmarquant
de sa « carrière » , et non à l'âge de 40 ans, comme le veut le dogme acméiste . Le
second floruit eusébien , celui de 460 , correspond à la date de sa mort, et le troi
sième, celui de 456 , doit sans doute se rattacher à quelque date empédocléenne et
peut s'expliquer par le (faux) synchronisme Héraclite-Empédocle (cf. supra et
infra). Pour une autre explication du troisième floruit, cf. l'art. « Hermodore »
(2H 90 ).
Cette chronologie, prise en bloc, serait apollodorienne,mais certains de ses
éléments (longévité – et date de la mort?) remontent ou peuvent remonter à
Aristote , par exemple à sa Constitution d 'Éphèse ou à ses Victoires olympiques.
C 'est sans doute là aussi que figuraient les originaux des informations relatives à
la biographie politique du philosophe. Quant au rapprochement chronologique
avec Empédocle , attribué par certains modernes à Héraclide Lembus et reflété
par Eusébe, P. E . X 14 , 15 , Hermias, Irris. gr. phil. 8 et 13, Hippol., Ref. I 3 -4 , il
serait le fruit d 'une interprétation abusive de Plat., Soph . 242 d -e , Arist., De cael.
279 b 14 (et fr. 71) et de textes similaires rapprochant les doctrines des deux
penseurs. (Par contrecoup, elle a peut- être engendré une théorie de leur double
succession à Pythagore apparemment impliquée par Eusébe et Hippolyte , Il. cc.).
Cf. Jacoby 31, p . 230 ; 36 G . S. Kirk, Heraclitus. The cosmic fragments, Cam
bridge 1954 ; réimpr. « with corrections » 1962, p . 25.
Outre la chronologie traditionnelle et la nôtre (supra ), signalons encore celle
de Reinhardt 61 et Hölscher 62 (cf. infra , Rapports avec les philosophes
contemporains), à savoir vers 530 -470 , qui tend à justifier l'antériorité du livre
de Parménide, et celle , non argumentée, de Colli 143 ( infra ), p . 171, à savoir
vers 510 -450.
2 . Biographie politique. Abdication. Selon les Successions d'Antisthè
ne (de Rhodes ?], FGrHist 508 F 10 = fr. 10 Giannattasio Andria , ap. Diog. L .
IX 6 (DK A 1 = M 64),Héraclite aurait cédé sa royauté à son frère. S'il ne s'agit
pas d'une affabulation caractérologique (onuetov 8 ' aŭtoŨ tñs ueyaro
Ppooúvns...) suggérée par le fr. B 52 (TTALDÓS ń Baoianin), le philosophe aurait
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 579
appartenu à la famille des descendants du fondateur légendaire d 'Éphèse
Androclès, fils de Codros, les Androclides (ou Basilides), dont Strabon XIV 3
[632 C.) (DK A 2 = M 6b) nous apprend que ses membres continuaient encore,
un demi-millénaire plus tard , à présider les assemblées et à officier aux rites de
Démèter d' Éleusis . Cette origine, qui en fait un parent de Solon , expliquerait la
grande estime que lui portaient les Athéniens (Schuster 129 (infra ), p . 363, 388 ;
37 A . Chiapelli, « Sopra alcuni frammenti delle XII tavole nelle loro relazioni
con Eraclito e Pitagora » , ArchGiurid 35, 1885, p. 116 ).
Cf. Mouraviev 10 , p . 12-14, où nous avons supposé que l'abdication avait
pour motif de permettre à Héraclite de se libérer de ces charges honorifiques et
de participer activement à la vie politique de la cité. 38 A . Capizzi, Eraclito e la
sua leggenda, Roma 1979, p. 81, situe, lui, l'abdication à la fin de la carrière
politique d 'Héraclite.
Rôle dans la levée du siège d ' Éphèse par les Per
ses. A en croire une anecdote rapportée par Thémistius, De uirt. p. 40 (DK A
3b = M 7a , 20c ( traduction allemande de J. Gildemeister: on trouvera la version
originale syriaque, seule préservée, et une traduction latine nouvelle par R .Mach
dans 39 Themistii Orationes, III, edd. Schenkl, Downey et Norman , Leipzig
1974, p . 56 -59 ]), Héraclite aurait contribué à la résistance des Éphésiens, assié
gés par les Perses, en leur conseillant par le geste (la préparation silencieuse d' un
gruau d 'orge à l'eau froide) de modérer leur train de vie , conseil qui aurait été
suivi et aurait eu pour effet de décourager les assiégeants.
Cf. Plut., De garr. 511 b = DK A 3b = M 206, et schol. BT in Il. X , 149 = M
200 (Mch 31d), où l'épisode illustre aussi l'éloquence du geste silencieux , mais
dans un contexte politique soit non précisé, soit différent. L ' anecdote elle-même
a sans doute été suggérée par le fragment B 125 (quinous parle du cycéon, breu
vage à base de farine d'orge), le fr. B 125A (contre le luxe des Éphésiens ; cf. B
29) et le caractère taciturne que la tradition prêtait au philosophe (cf. Diog. L . IX
12 = M 20a). Nous ne savons rien d 'un siège d 'Éphèse par les Perses – la cité
semble avoir opté pour la neutralité –, mais nous savons que les Ephésiens ont
soutenu les forces ioniennes et athéniennes lors de leur débarquement près de la
ville en 498 , ce qui permit à celles- ci de prendre et incendier Sardes. Les forces
ioniennes ayant été battues à (sous les murs d ' ?) Éphèse (Hérodote V 100, 1 ;
102 , 1- 2) et des représailles perses étant plus que méritées, il n 'est pas impro
bable qu'il y ait effectivement eu un siège et il est possible qu’une intervention
du jeune philosophe ait persuadé les assiégeants , « victorieux par les armes » , à
renoncer à leur projet. Cf 10 , p. 14 - 15 ; Capizzi 38, p .57-59.
Destitution d ’ un tyran. Autre exploit diplomatique d 'Héraclite, il
aurait persuadé le tyran d ' Éphèse Mélancomas à renoncer au pouvoir (Clément,
Strom . I 65, 4 = DK A 3 = M 84).
Ce tyran est autrement inconnu, et on ignore par qui la cité était gouvernée
pendant et après l'insurrection ionienne et la guerre gréco-persane, mais on
notera qu'il y avait déjà eu peu auparavantà Éphèse un tyran Kwuāç (cf. Souda,
s. v. ' Intővas) et encore plus tôt un tyran Ménac (Élien, V . H . III 26 ; Polyen VI
580 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
50 ; cf. Hérodote I 26 et 92 ; cf. L. Bürchner, art. « Ephesos» 1, RE V 1, 1905,
col. 2788 ). Toutefois le nom « hybride » Merayxóuas est lui aussi attesté à
Éphèse (Polybe VIII 15 sqq.) bien qu 'à propos d 'événements datant de 214
(Marcovich 26 , col. 251). Si on ajoute à cela que la tyrannie en Ionie avait été
« abolie » par Aristagore en 499 (Hérodote V 36 -37) et de nouveau par Mardo
nius en 492 (VI43, 3-4 ), on aura épuisé toute l'information disponible. Conclu
sion : il a pu y avoir à Éphèse un tyran de ce nom et il est possible qu'Héraclite
l' ait convaincu de se laisser destituer sans résistance. (Peut- être était-ce le prix
de la levée du siège ?) Cf. 10, p . 15- 18. Selon Capizzi 38 , p . 47, 60 , la destitution
daterait de 499 et le tyran serait revenu à Éphèse en 496 .
Échec politique. Enfin , Héraclite lui-même nous apprend (ap. Strab .
XIV 24 (642 C .), Diog. L . IX 2 , Cic ., Tusc . disp. V 105 = DK B 121 = Mch 105
= M 9a-d) la défaite politique qu 'il a essuyée en la personne d 'Hermodore,banni
par les Éphésiens (PH 90). Selon les lettres pseudo-héraclitéennes, l'expulsion
d 'Hermodore avait eu pour cause son activité de législateur, dans laquelle il
aurait été secondé par Héraclite ([Heraclit.] Ep. VII 1 OUVTEXVLTEÚOAVTá gol
tous vóuous ).
Cet événement n 'a pu se produire qu 'après la restauration de la démocratie à
Éphèse , c 'est-à-dire soit en 499, soit en ou après 492 (opinions s'appuyant sur
Hérodote, Il. cc.), soit en ou après 478 (année de la libération de l'Ionie ). Tel est
aussi le terminus post quem de la « publication » du livre d'Héraclite. Cf. 10,
p . 21-22.
Selon (Heraclit.], Ep. VII 1 = M 9f, et Athénag., Suppl. pro Chr. 31 (où
nhaúveto est un inchoatif), Héraclite aurait lui-même été menacé d 'expulsion .
Opinions politiques. Elles ont donné lieu aux reconstructions les
plus divergentes. Bornons-nous à citer les principaux travaux qui leur sont
consacrés (pour d 'autres titres, cf. Roussos 19, p . 70 -74 ; DeMartino et al. 20,
p . 173, index s.v. “ Politiche” ): 40 P. Bise , La politique d 'Héraclite d 'Éphèse,
Paris 1925 ; 41 S. Mazzarino, Fra Oriente e Occidente, Firenze 1947, p. 215
218 ; 42 A .Zoubos, Heraklit von Ephesos als Staatsmann und Gesetzgeber,
Athènes 1956 ; 43 H . Blass, Gott und Gesetze. Ein Beitrag zur Frage des Natur
rechts bei Heraklit, Bonn 1958 ; 44 B . Helm , « Social roots of the Heraclitean
metaphysics » , JHI 25, 1964 , p . 565-571 ; 45 R . Schottlaender, « Heraklits ange
blicher Aristokratismus», Klio 43-45, 1965, p. 23-29; Marcovich 26 , col. 251
252 ; 46 B. Wisniewski, « Héraclite sur la meilleure forme de gouvernement» ,
RSC 21, 1973, p . 177-180 ; Mouraviev 10, p . 18-22; Capizzi 38, p . 15 -63 ; 47 S .
Tondo, « Ermodoro e Eraclito » , SIFC 49, 1977 , p . 37-67 (56 sqq.); 48 L .
Rossetti, « Eraclito (e Solone) sulla stasis » , dans 49 Id . (édit.) Atti del Sympo
sium Heracliteum 1981, Roma 1983, t. I, p . 347-359; 50 S. Jedynak, « Heraklit i
Demokryt. Początki greckiejmysli społecznej (Les origines de la pensée sociale
grecque ) » , Meander 39, 1984, p . 201-206 ; 51 K . Boudouris, « Heraclitus and the
dialectical conception of politics » , dans 52 Id . (édit.), Ionian philosophy,
Athènes 1989, p . 58-79 ; 53 M . V . García Quintela, El rey melancolico, Antropo
logía de los fragmentos de Heráclito , Madrid 1992, p . 13-67 ; 54 J. Frère, « Les
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 581
idées politiques d'Héraclite d'Éphèse » , Ktema nº 19, 1994, 231-238, et 55 Id .
« Politique et religion à Éphèse entre 550 et450 » , Kernos 9, 1996 , 87-94.
Si personne ne doute de l'appartenance d'Héraclite à la descendance d 'An
droclès, c'est-à -dire à la crème de la noblesse ionienne, lesmodernes divergent
sur sa position vis -à -vis de l' aristocratie, de la tyrannie et de la démocratie en
tant que modes de gouvernement. Ces divergences sont encore aggravées par le
problème brûlant de son attitude à l'égard de la domination perse et par les
incertitudes chronologiques. Le point de vue traditionnel, qui remonte à 56 J.
Bernays, Die heraklitischen Briefe, Berlin 1869, p . 19 -21 (cf. Zoubos 42, Helm
44), en fait un partisan de l'aristocratie (B 104, B 49), ennemidu parti démocra
tique ( B 121, cf. Timon ap . D . L . IX 6 óxronoídopos), parti représenté par le
tyran qu 'il contribue à destituer ( A 3 = M 8 ). Plus récemment, l'idée a été soute
nue au contraire que les tyrans ioniens représentaient l' élément conservateur et
persophile et qu 'Héraclite appartenait donc à l'opposition démocratique anti
tyrannique et antiperse exigeant l'institution de lois écrites (cf. B 44, B 114 ) pour
mettre fin à l’åßpooúvn des classes possédantes (B 29, B 125A , B 9, etc.); cf.
Mazzarino 41, Schottlaender 45 , Capizzi 38, p. 15-63. Mais le rôle de la tyrannie
était en réalité quelque chose de fluctuant et les tyrans eux-mêmes, des girouet
tes. Si en 499 la plupart des tyrans ioniens, destitués par Aristagore et Hystias
(tyrans eux aussi, mais antiperses), étaient évidemment persophiles, il devait en
être autrement en 492 quand les Perses se sont eux-mêmes mis à destituer les
tyrans (revenus entre temps au pouvoir ?) et à restaurer la démocratie (à quoi une
telle restauration aurait-elle rimé si elle favorisait l'opposition antiperse ?). Et la
situation devait avoir changé encore une fois après 478. Il est donc hasardeux,
faute d ' en connaître les circonstances exactes, de tirer argument de l'unique
mention du tyran Melancomas que nous connaissions pour prêter telle ou telle
doctrine politique à Héraclite . Restent les divers fragments politiques que nous
possédons. La meilleure façon de les concilier semble être celle proposée par
Marcovich 26 , col. 251-252 (et développée par nous dans 10, p. 18 -22), c 'est-à
dire d ' interpréter l'idéal héraclitéen comme celui d 'une aisymnétie, espèce de
régime présidentiel consistant à accorder démocratiquement un pouvoir considé
rable, mais limité par une constitution écrite , à un citoyen particulièrement
valeureux et compétent, capable de garantir l'homonoia et de modérer les appé
tits excessifs . Pareille position – somptuaire et favorable à une législation écrite
- cadre bien avec l'image d 'une aristocratie guerrière appauvrie , privée de ses
privilèges et de son pouvoir traditionnel (cf. Théognis) par une nouvelle classe
de démagogues (dont faisaient partie les tyrans) plus habiles au négoce, aux
intrigues et aux coups bas qu 'à la guerre, et idéalisant avec d 'autant plus de
conviction ses valeurs ancestrales qu 'elle n 'a rien à perdre et peut s'offrir le luxe
de mettre sa culture au service de la cause publique : légiférer et gouverner au
nom de la concorde (cf. Solon ). - Quant à la problématique soulevée - à
l'instar de Bise 40 – par Rossetti 48 (qui a relevé de nombreuses contradictions
entre divers fragments « politiques» et « politico » -philosophiques héraclitéens),
elle est sans doute l'effet inévitable de la condition humaine en vertu de laquelle
582 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE H 64
tout penseur, aussi indépendant soit-il, est quand même condamné à osciller
entre l'objectif et le subjectif, l'idéal et le réel, la théorie et la pratique, le désin
téressement et l' intérêt, l'impassibilité et la passion...
Rapports avec Darius. Selon la correspondance apocryphe d 'Hé
raclite ([Héraclite), Lettres I et II = D . L . IX 13- 14, et cf. Souda, s.v. 'Hpá
XELTOS = DK A la, Cedren . 157 C , Clément, Strom . I65, 4 = DK A 3, voire
Épict., Enchir. 21 ; M 11a-d), le philosophe aurait eu, à propos de son ouvrage,
des rapports épistolaires avec Darius. (En outre, selon la Lettre III, Darius se
serait indigné du bannissement d 'Hermodore .) Comme le monarque perse est
mort en 486 , cela nous fournirait un terminus ante quem (du bannissement et) de
la publication du livre et confirmerait une date reculée (499 ou 492 ) du terminus
post quem . Mais l'historicité des rapports Héraclite-Darius, quoique possible,
n 'en reste pasmoins on ne peut plus douteuse. (Cf. > Héraclite (Pseudo - ), H 64 )
Cf. 10, p . 22 et infra .
Retrait de la vie publique. Là s' arrête la partie politique de la
biographie d'Héraclite et commence la partie philosophique. Déçu sans doute
par l'échec de ses projets politiques, Héraclite aurait quitté la vie publique et
écrit l'ouvrage qui l'a rendu célèbre. La légende (cf. infra), en tout cas, nous le
dépeindra comme une espèce d 'ermite, vivant extra muros,méprisant ses conci
toyens et refusant de légiférer pour eux.
3. Biographie philosophique. Le problème crucial est celui des rapports avec
les philosophes antérieurs et contemporains.
Isolement et autodidaxie. Malgré les « témoignages» – fort
imprécis au demeurant - d'un Platon (Soph. 242 d = DK A 10 = T 124 'ládes
MoÕoal, où la référence est plutôt géographique ou dialectale ) et d 'un Aristote
(Metaph . 983b6 - 984 a 7 , où il est classé parmi lesfeiotol qui rác év űans
είδει μόνας διήθησαν αρχάς είναι πάντων, a la suite des Ioniens Thales, Hip
pon, Anaximène, Diogène d'Apollonie et de l' Italique Hippase de Métaponte,
mais avant l' Italique Empédocle et l' Ionien Anaxagore, en vertu d' une classifi
cation fondée sur la nature et le nombre du/des principe( s) choisiſs ) par chacun ),
les Successions de philosophes dont nous possédons des vestiges en font un
isolé , sans l'inclure ni dans la lignée ionienne, ni ( a fortiori) dans l'italique. Cf.
D .L . VIII 91, IX 20 = M 12ab, où il figure avec Xénophane parmioi onopádnu
(dans D .L . I 13-15, tout comme chez Clément, Strom . I 62, 1 -64,4 , il brille par
son absence) ; Hippolyte I 4 , qui le place après Empédocle mais avant Anaxi
mandre ; Épiphane III 2, 9 (ap. Diels 131 (cf. infra ), p . 591 (cf. p. 176 ]) = M 12°,
qui le range, avec Empédocle et Prodicos, dans un groupe à part différant des
autres lignées, y compris l'ionienne et l'italique ; et Héraclide le Pythagoricien
( ?) – ou Lembus (?) – ap. Josippe (cf. Diels, ibid . p . 149) où la « secte héracli
téenne» est précédée des sectes pythagoricienne et « empédocléenne » et suivie
des sectes éléate , « protagoricienne » et démocritéenne. (Aucune de ces lignées
ne figure, hélas, dans 57 R . Giannattasio Andria, I frammenti delle " Successioni
dei filosofi” , Napoli 1989.] Cf.Mouraviev 11 , p.27-28 .
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 583
Il n 'est donc pas étonnant que Diog. Laer. IX 5 et quatre autres auteurs (la
Souda, Tatien , Dion Chrysostome, Olympiodore = Plutarque ; cf.Mch 15d2-6 =
M 136-8), dont les informations remontent clairement à une même source , le
déclarent autodidacte . Leur source commune s’inspirait indéniablement du fr. B
101 édi noaunv &uewuTÓv « J'ai cherché moi-même» (aussi ambigu en grec
qu'en français ,mais se prêtant aussi à cette interprétation), quoique le fr. B 108
óxóowv Móyouç nxovoa oủoeis à LXVETTAL ÉS TOÛTO... eût aussi bien fait l'af
faire – et montré par la même occasion qu '« autodidacte » ne signifie pas
« ignorant de ce que les autres ont dit». Mais nxovoa n 'implique naturellement
rien de plus qu'une familiarité indirecte avec les doctrines diffusées soit orale
ment, soit par écrit, autrement dit une bonne culture .
Culture. Héraclite nous en fournit lui-même la preuve, en évoquant un
nombre assez impressionnant de grandes figures de l'époque archaïque et de
prédécesseurs immédiats dont il devait avoir entendu interpréter, lu ou étudié les
æuvres et les doctrines: Homère (B 56 , B 42, A 22, cf. B 105), Hésiode (B 57 ,
B 106 , B 40 = M 14a), Archiloque (B 42), Thalès (B 38), Bias (B 39, cf. B 104),
Pythagore ( B 129, B 81, B 40 = M 14a ; cf. Clément, Strom . I 129, 4 ) , Xéno
phane (B 40 = M 14a ; cf. Sotion ap . D .L . IX 5 = fr. 30 Wehrli) et Hécatée (B 40
= M 14a). Tous ces personnages ont vécu avant Héraclite ou été, comme c 'est
certainement le cas pour les trois derniers nommés, ses contemporains aînés. Cf.
11, p . 29.
La structure du fr. B 40 = M 14a, où deux couples de noms sont clairement
distingués : Hesiode et Pythagore d 'abord , Xénophane et Hécatée de Milet
ensuite, et où tous les noms sont disposés dans un ordre d' aînesse , a depuis long
temps été interprétée (58 E .Zeller, De Hermodoro Ephesio et Hermodoro Plato
nico, Marburg 1859, p. 13-14 ; 59 H . Gomperz, « Über die ursprüngliche Reihen
folge einiger Bruchstücke Heraklits » , Hermes 58, 1923, p. 36 n . 1 ; 60 W . Kranz,
« Vorsokratisches» ,Hermes 69, 1934, p. 115; Marcovich 26 , col. 248) comme
indiquant que les deux premiers personnages nommés étaient déjà morts , au
moment de l'écriture, et les deux autres vivants. Sachant que Pythagore est mort
en 497 au plus tard (Eus., Chron .), que Xénophane était encore en vie et âgé de
92 ans en 479 /8 (cf. DK 21 B 8 , B 22 ) etmourut sans doute en 477 /6 (en lisant
2A 94 ' au lieu de A 91' dans la source de Timée, FHG I 215 = FGrH 566 F
133, ap . Clément, Strom . I 64, 2) et enfin qu 'Hécatée estmort vers 480 -478
(Jacoby, FGrH 4 T 1 = Souda, s.v. 'EXávixos), cette hypothèse semble pro
bable et impliquerait qu'Héraclite a écrit son traité avant478 et, par conséquent,
que le bannissement d 'Hermodore aurait été antérieur à la victoire sur les Perses.
Ce terminus ante quem ,moins précis que celui que suggère la date de la mort de
Darius, ne le contredit pas non plus et présente l'avantage d' être plus fiable . Le
livre aurait donc certainement été écrit entre 499 (date la plus reculée possible du
bannissement d 'Hermodore ) et 480 -478 (date de la mort d 'Hécatée), peut-être
avant 486 (date de la mort de Darius). Nous retombons donc sur la même
conclusion que supra. Cf. 11, p . 29 -30.
584 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE H 64
Maîtres ? Deux sources (« certains» chez Sotion dans D . L . IX 5 (DK A
1, 5 = M 14d) et la Souda (DK A la = M 14e]) affirment tout demême qu'Héra
clite aurait « écouté » Xénophane, ce qui est parfaitement possible (Xéno
phane était un rhapsode itinérant) - à condition de ne pas en déduire un rapport
(exclu par le fr. B 40 ) de maître à disciple . La seconde de ces sources indique
qu 'Héraclite aurait également « écouté » Hippase de Métaponte (» H 144 ).
En effet, depuis Aristote (e.g . Metaph. 984 a 7 , etc .), ce dernier est parfois cité
en compagnie d 'Héraclite, et avant lui ( sauf dans la doxographie d'« Aétius» ),
en tant qu 'autre adepte du feu comme principe de toutes les choses. Mais ,
sachant que c 'est le seul point commun qu ' on leur reconnaisse et vu la distance
considérable qui sépare Métaponte d 'Éphèse et l'unicité de ce témoignage très
tardif, il est encore plus sujet à caution que le précédent.
Clément d 'Alexandrie ( Strom . VI 2 , 27 ) fait d 'Héraclite un plagiaire d 'Or
phée , opinion peut-être fondée sur des textes orphiques tardifs (cf. ibid . VI 17,
1). Quant à l' affirmation de Philopon, In Categ. p. 2 Busse, faisant d'Héraclite
un disciple de Pyrrhon (et non son maître, comme traduit F .Decleva Caizzi
dans son Pirrone), elle se passe de commentaire.
Rapports avec les philosophes contemporains. Bien
qu'en vertu de la chronologie nouvelle proposée ci-dessus Héraclite et Par
ménide aient appartenu à la même génération, et contrairement à l'opinion
jadis soutenue par 61 K . Reinhardt, Parmenides und die Geschichte der grie
chischen Philosophie, Bonn 1916 , réimpr. Frankfurt am Main 1959 , p. 157, et
reprise par 62 U . Hölscher, Anfängliches Fragen, Studien zur frühen grie
chischen Philosophie, Göttingen 1968, p . 163- 165 (cf. 63, Id ., « Heraklit
zwischen Tradition und Aufklärung » , A & A 31, 1985, p . 4 -6 ), rien ne nous per
met d 'affirmer que le premier a connu l'ouvrage philosophique du second
(l'inverse semble plus probable ). L'argumentation chronologique est ici, à notre
avis, inopérante . L ' argumentation philosophique implique une pétition de prin
cipe : elle suppose connue la doctrine dontelle est censée expliquer, ne serait-ce
que partiellement, la genèse . Seuls restentvalables les arguments philologiques,
c 'est-à -dire les rencontres formelles entre les deux textes.
Or, jusqu' ici les arguments de part et d 'autre ont justement été avant tout
chronologiques et philosophiques : lequel des deux ouvrages, à en juger par des
critères extrinsèques, a le plus de chances d 'avoir été antérieur, et laquelle des
deux doctrines, à en juger par des critères intrinsèques, a besoin de l'autre pour
que sa genèse ou sa teneur soient compréhensibles.Malheureusement, les argu
ments de la première espèce comportent trop d'incertitudes et se fondent sur un
faux postulat (la diffusion d 'un ouvrage philosophique exigerait des années,
alors qu 'en réalité une doctrine enseignée ou un ouvrage rendu public à Éphèse
ou à Élée pouvait atteindre l' autre bout du monde hellénique en quelques semai
nes, pourvu que son sujet suscite suffisamment d' intérêt dans un cercle déter
miné de personnes jouissant d'influence). Et les arguments de la seconde espèce
sont lourdement teintés de subjectivisme. En revanche, les arguments fondés sur
la forme (correspondances verbales, emprunts, échos, etc .) peuvent s 'avérer être
H64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 585
décisifs pour peu qu 'ils soient asymétriques. Faute de place, nous laissons la
question ouverte , tout en notant que les partisans de l' antériorité d'Héraclite
citent un certain nombre de textes parménidéens à l'appui de leur thèse (DK 28
B 6 , 4 - 9, B 8 , 55 sqq., B 5 , B 7 , 1-2 ), alors qu 'aucun texte héraclitéen n 'a jamais
été cité à l'appuide la thèse inverse , seulement des doctrines.Cf. (la liste qui suit
est très sélective) 64 J. Bernays,« Heraklitische Studien », RHM 7, 1850, p. 1146
115 ) n . 2 = Id ., Gesammelte Abhandlungen I, Berlin 1885, p .62(-63) n . 1 ; 65 A .
Patin , « Parmenides im Kampf gegen Heraklit » , JKPh Suppl. 25 , 1899, p . 489
560 ; 66 W . Kranz, « Heraklit, frg. 120 » , SPAW 1916 , p . 1175 ; id . 60 , p. 117
sqq. ; 67 G . Calogero , Studi sull'eleatismo, Roma 1932, p. 35 ,41; Kirk 36 , p. 2
3 ; 68 M . Untersteiner , Parmenide, Firenze 1958, p . CXIIsqq.; 69 L . Tarán , Par
menides, Princeton 1965 , ad fr. B 6 ; 70 R . Mondolfo, « Heráclito y Parmé
nides », Cuadernos filosóficos 2, 1961, p. 5-16 ; 71 Id ., « Testimonianze su Era
clito anteriori a Platone », RSF 16 , 1961, p . 399-424 = 3, p. XLVI-LXIV (et cf.
p. 185 -189) ; Kahn 141 (cf. infra ) p. 317 n . 160 ; etc . Parmi les adversaires de la
présence d 'allusions à Héraclite chez Parménide, citons, outre Reinhardt 61 et
Hölscher 62 (cf. supra ): 72 0 . Gigon , Untersuchungen zu Heraklit, Leipzig
1935, et 73 W . Jaeger , The Theology of the early Greek philosophers, Oxford
1947, selon lesquels Héraclite et Parménide auraient chacun ignoré l'existence
de l'autre; et Marcovich 26 , col. 249 et 312 .
En revanche, nous savons – fait négligé par la totalité des études héracli
téennes modernes – qu'un autre philosophe de l' école éléate ,Mélissos de
Samos, a rencontré Héraclite et s' est entretenu avec lui (eis nóyous nadev (la
traduction fréquenta ses conférences (J.- P . Dumont) trahit l'original]) (D . L . IX
24 = 18 , texte T 7 = DK 30 A 1).
Les obstacles chronologiques pouvant être invoqués contre la réalité d 'une
telle rencontre sont levés par la date de naissance nouvelle que nous avons sug
gérée pour Héraclite (vers 520 ) et celle que G . Reale a défendue avec de bons
arguments pour Mélissos (autour de 500 ), cf. 74 G . Reale , Melisso, testimo
nianze e frammenti, Firenze 1970, p . 7- 10 ; l' entrevue a pu avoir lieu entre 480 et
460 , et cela d 'autant plus aisément qu'Éphèse est à quelques heures de naviga
tion de l'île de Samos. En revanche, il est douteux queMélissos ait réellement
« fait connaître» (ouvéornoev) Héraclite aux Éphésiens comme (plus tard) Hip
pocrate l'aurait fait vis -à -vis de Démocrite et des Abdéritains (allusion aux
Lettres pseudo-hippocratiques). Cf. 11, p . 30 -32.
Disciples ? La tradition ne lui connaît pas non plus de disciples directs:
Mélissos s 'exclut lui-même (sa doctrine est à l'opposé de l'héraclitéenne ), les
Héraclitéens ne seraientapparus que grâce à la diffusion du livre (D . L . IX 6 = T
16 ) et Cratyle ne pouvait avoir personnellement connu Héraclite pour être né
trop tard (vers 450,cf. ? »-C 210 , p. 504-505).
Pour les textes relatifs aux Héraclitéens, cf. 18, chap. 5 (Héraclitéens
anonymes ), 6 (Antisthène l'Héraclitéen ; » A 218, cf. A 214 ), 7-9 (Pausanias,
Nicomède et Dionysios, cf. » D 169), 10 (Scythinos de Téos) et 11 (Cratyle , cf.
» C 210 ). — A en juger par les sources, le terme Héraclitéens et les appella
586 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H64
tions analogues désignaient plusieurs catégories de partisans réels ou prétendus
d'Héraclite : les imitateurs éphésiens d'Héraclite (Diog. L . l. c.; Plat., Theaet.
179 d 4 et Schol.; Procl., in Crat. 22 = T 16 à T 19), les partisans de « l'opinion
la plus extrême» relative au flux universel mentionnés dans la Métaphysique
d 'Aristote (1010 a 7 , 987 a 32 et 1078 b 13, cf. Syrian , et Alex. Aphr. in hh. II. et
Procl., in Crat. 14 = T 20 à T 26A), les philosophes « héraclitisants », partisans
de la théorie des exhalaisons macro- et microcosmiques, mentionnés dans les
Problèmes pseudo-aristotéliciens (934 b 23, 908 a 28 = T 27, T 28 ), et enfin les
« coulants» critiqués dans le Théétète de Platon. Excepté ces derniers, qui
n 'étaient pas de véritables sectataires d'Héraclite (Platon (152 d) énumère Épi
charme, Empédocle , Protagoras, et fait ultérieurement allusion à Démocrite ; tous
ces penseurs n'avaient en commun avec l'Éphésien que le fait d'admettre le
mouvement), il s'agit sans doute : dans le premier cas, d'Éphésiens ou pseudo
tels dont nous ignorons tout; dans le second , de Cratyle l'Athénien , voire d'au
tres penseurs que préoccupaient les problèmes de l'écoulement des choses et de
la justesse des noms; et dans le troisième, de physiciens ou de médecins se récla
mant d'Héraclite et soutenant des thèses que les stoïciens ou certains auteurs
hippocratiques n 'auraient peut-être pas reniées. Rien (sauf la distance chronolo
gique pouvant séparer les deux groupes extrêmes) n 'interdit,mais rien non plus
n 'autorise ni ne suggère, l'identification des premiers aux seconds ou des
seconds aux troisièmes, pas plus que l'appartenance des Héraclitéens connus de
nom (supra ) à l'un ou l'autre de ces groupes. En tout état de cause donc, l' impor
tance et l' influence de ces Héraclitéens ( sauf celle de Cratyle sur Platon ) a été
minime.
Voilà toute l'information plus ou moins plausible dont nous disposons sur la
biographie politique et philosophique d 'Héraclite . Tout le reste relève apparem
ment de la fiction .
Récapitulation chronologique. Le tableau ci-dessous rassemble
les résultats signalés ci-dessus relatifs à la chronologie héraclitéenne (en espacé)
en les insérant dans leur contexte historique (en romains) et philosophico-litté
raire ( en italiques). Les dates entre parenthèses suscitentdes doutes sérieux.
débutdu VIe s. Renversement de la monarchie des Androclides. Tyrannie de
Pythagore
fre 1/2 du Vies. Tyrannie deMélas
Tyrannie de Pindare, fils deMélas
571/0 Naissance de Xénophane à Colophon
vers 560 Prise d' Éphèse et conquête de l'Ionie par Crésus, roi de Lydie.
Éviction de Pindare par Crésus
entre 560 et 546(?) Aisymnétie quinquennale d'Aristarqued'Athènes
546 Conquête de la Lydie et de l’ lonie (Éphèse incluse) par Cyrus II.
[Restauration de la tyrannie à Éphèse ?]
546 / 5 Xénophane s'expatrie de Colophon
après 546 ? Tyrannie d 'Athénagoras (et de Comas ?)
H 64 HÉRACLITE D ' ÉPHÈSE 587
(Premier?]bannissement d'Hipponax
541/37 Floruit d 'Hipponax (selon la Chronique de Paros et Pline)
529 Mort de CyrusII
529-523 Règnede Cambyse
523-522 Règne de pseudo-Bardias lemage Gaumata .Indépendance de facto
d'Éphèse ? (démocratie ? retour d 'Hipponax? ]
522 Accession au trône de Darius ſer
521 Floruit d'Hipponax(selon Proclus)(= son second bannissement?]
521- ? (?) (Tyrannie de Comas?]
vers 520 Naissance d'Héraclite (etdeParménide?)
506 -501 (?) “ Périégèse" et "Généalogie " d'Hécatée ?
autour de 501 Floruit d 'Héraclite (= son abdication ?)
vers 500 (?) Naissance de Mélissos de Samos
499 Début de l'insurrection ionienne contre la Perse. Déposition des
tyrans ioniens par Aristagore
498 (printemps-été) Débarquement des loniens-Athéniens à Éphèse,incendie par eux de
Sardes, leur défaite devant Éphèse (siège d'Éphèse par les
Perses? Participation d 'Héraclite aux pour .
parlers pour la levée du siège ?]
avant ou en 497 Mort de Pythagore de Samos
494 Destruction de Milet par les Perses. Un détachement d'hommes de
Chios est massacré par les Éphésiens
492 Réforme démocratique de Mardonios en lonie
(499 ?) 492 [Renoncement au pouvoir du tyran Melancomas (Mélas, fils de
Comas ?) sous l ' influence d 'Héraclite ? )
(499 ?) 492 ou après Expulsion d ' Éphèse d ' Hermodore, l ' ami
d ' Héraclite
entre (499 ?) 492 et Écriture par Héraclite de son livre
485778
entre (499 ?) 492 et Déposition par Héraclite de son livre au temple d'Artémis (? )
460
486 Mort de Darius. Accession au trône de Xerxès fer.
480 -479 Batailles des Thermopyles, de Platées,deMycale
480 /78 (?) Mort d 'Hécatée deMilet
entre 480/70 et 460 Rencontre d 'Héraclite avec Mélissos
478 -467 Tyrannie de Hiéron à Syracuse
47716 (?) Mort de Xénophanelà Syracuse ?)
465 Mort deXerxès jer. Accession au trône d 'Artaxerxes
vers 460 (?) Mort d 'Héraclite
456 (Floruit d 'Hermodore ?)
E
588 HÉRACLIT D 'ÉPHÈSE H 64
452-450 Rédaction des XII Tables par les décemvirs à Rome (avec la parti
cipation d'Hermodore ?)
356 Destruction du temple d'Artémis d'Éphèse incendié parHérostrate
4. Biographie légendaire. Elle se subdivise en trois composantes: les anec
dotes et apophtegmes (biographiques et philosophiques), les récits de la mort et
le topos caractérologique du philosophe quipleure .
Les anecdotes biographiques sont, elles aussi, essentiellement caractérolo
giques et soit se ramènent à des lieux communs vrais de la plupart des philo
sophes, soit ont été déduites du livre d'Héraclite.
Ignorance et omniscience. Selon un groupe de textes remontant à une source
commune (M 16 = Aristonym ., ap. Stob . III 21, 7 ; Gnomol. Vat. 743 n° 310 Sternbach ; D . L .
IX 5 ; Hippol., Ref. I 4 , 1 ; Procl., in Tim . I, p. 351, 5 Diehl), jeune, Héraclite aurait affirméne
rien savoir (cf. Démocr. DK 68 B 304 , Métrodore 70 B 1, Socrate , ap. D .L . II 32, etc.), et
vieux, prétendu tout savoir et taxé tous les hommes d 'ignorance (cf. fr. B 1, B 34 , B 5, B 17 ,
B 19, B 56 , B 15, B 72, etc.). Cf. 11, p. 33.
Arrogance et orgueil. Les traits les plus marquants de son caractère étaient :
l'orgueil (ueyaroqpooúvn ) et l'arrogance (únepovía ) (M 17 = D . L . IX 1 ; 6 ; Schol. in Pl.
Rep . VI, 498 a, et in Pl. Theaet. 179 e ; D . L . IX 28 ) et Diogène Laërce cite en exemple des
fragments (B 40 à B 44 et B 121) dont une partie figurait déjà dans le texte de base de son
chapitre héraclitéen, et d'autres ont été ajoutés par lui. Suit dans le texte de base de Diogène
(IX 2- 3 = M 18a, M 21a) le récit du refus d 'Héraclite de légiférer pour les Éphésiens (cf. fr.
B 121, B 125A ) et de la vie d'anachorète qu 'il adopte , préférant jouer aux osselets avec des
enfants (cf. fr. B 52, ainsi que B 121, B 56, B 117) plutôt que faire de la politique avec les
adultes ; dans une addition ponctuelle remontant en dernière instance à l'Apologie de Socrate
de Démétrius de Phalère (fr. 91 Wehrli),Diogène (IX 15 = M 186) ajoute qu'Héraclite, admiré
par les Athéniens (et invité à Athènes ? pour écrire des lois ?), aurait préféré vivre à Ephèse.
Comme l'Apologie mentionnait également les relations tendues de Socrate, Démocrite ,
Anaxagore, Diogène d 'Apollonie, voire Protagoras, avec les Athéniens, cette dernière infor
mation peut fort bien être véridique ; cf. 75 S .Mouraviev, « Marginalia Heraclitea » , REG , 93,
1985, p . 131- 132 . Le reste a sans doute été (1 ) suggéré par l'échec politique réel d'Héraclite à
Éphèse et (2) déduit du contenu de son ouvrage. Cf. 11, p. 33-34.
Apophtegmes et anecdotes. Les anecdotes à apophtegmes philo
sophiques sont rares: nous n 'en connaissons que trois. Celle relatée par Aristote,
De part. anim . 645 a 17 (M 199 = DK A 9), malgré sa probable intention
comique originelle (préaristotélienne, cf. infra), nemanque pas de pertinence : il
y a des dieux partout,mêmedans les choses apparemment les plus répugnantes.
Pour l'interprétation correcte de ce passage (invós = “ fosse d' aisance") et un amendement
du texte (Opeóuevos pour Depóuevos), cf.: 76 D .S.Robertson , « On the story of Heraclitus
told by Aristotle ...» , PCPHS 169-171, 1938, p. 10 ; Mouraviev 78, p . 129-130 ; 77 D . Koestler ,
REG 98, 1985, p. 440 ; 78 S .Mouraviev, REG 99, 1986 , p . 400-401 (ainsi que 79 D . Gallop,
« The riddles of Heraclitus » , dans Boudouris [édit.) 52 , p. 133 n . 36 , qui ignore 75 , 77 et 78 ) .
Cette interprétation réintègre l'anecdote dans un contexte coprologique typique de la comédie,
qui n'est pas sans rappeler non plus les circonstances légendaires de la mort du philosophe (cf.
infra ).
La deuxième anecdote , citée seulement par Lassalle 127 (infra), t. II, p. 270 (= M 196 ),
mérite d 'être reproduite in extenso : Joh. Sicul., in Hermog. De ideis (VI, p. 95 Walz) Glò xal
“ Ηράκλειτος ο φυσικός το διά τί Θερών ανατέμνει κατά μέλος το ζώον έρωτώμενος,
« Énei žyw tòv Oldáoxovtá ue tnv DÚOlv tõv ovTwV» nexpivato . Bien que Lassalle y ait
vu un développement de B I et une preuve de ce qu 'Héraclite avait pratiqué l'anatomie , il
s'agit plutôtdu fruit d'une confusion entre l'anecdote précédente et son contexte aristotélicien .
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 589
Quant à la troisième anecdote , à « apophtegme» mimique (la préparation silencieuse d 'un
gruau d 'orge), nous avons déjà mentionné supra , à propos du rôle d'Héraclite dans la levée
d'un siège d 'Ephèse, ce qu 'elle pouvait comporter d 'historique (M 78 = M 200 ; cf. M 206, M .
20d). A part cela, elle se rattache au thème de la brachylogie du philosophe : cf. encore la
boutade rapportée par Diogène Laërce : « Pourquoi je me tais ? Pour vous faire jaser » (IX 12 =
M 20 ). Cf. 80 A . M . Battegazzore, Gestualità e oracolarità in Eraclito , Genova 1979,
passim . Cf. 11, p. 36.
Misanthropie. Le philosophe larmoy ant. La biographie
caractérologique d'Héraclite trouve son couronnement dans les références à sa
misanthropie , qui fera de lui, quatre siècles plus tard, le philosophe larmoyant.
« Complètement dégoûté des hommes (uloavopwrnoac), il s'en alla vivre dans
la montagne...» (D . L . IX 3 = M 21"); cf. Plin ., H . N . VII 79 sq., (Heraclit.] Ep.
VII 1 ; 4 = M 21bc.
Dans les deux derniers textes cités Héraclite ne pleure pas encore ; tout comme la Sibylle
de son fr. B 92 il s'abstient seulement de rire (cf. les lemmes d 'Anth . gr. VII 79 et 479 els
'Hpáxheltov... tòv åyéhaotov). Mais à partir du ſer s. av. J.-C., en milieu romain , par
contraste sans doute avec l'image légendaire de Démocrite le philosophe-qui-rit, Héraclite
devient le philosophe-qui-pleure. Bornons-nous à indiquer ici les principaux textes et les
travaux récents : Sotion, De ira ap. Stob . III 20, 53 ; Sénèque, De ira II 10, 5 , De tranqu. an.
XV 2 ; Juvénal, X 28 - 32 ; Lucien , Vit, auct. 14 ; Anth. gr. IX 148 ; Hippol., Ref. I 4 , 1 ; Her
mias, Irris. gent. philos. 13 ( = M 21Aa- h ) . Cf. 81 C . E . Lutz, « Democritus and Heraclitus » , CJ
49, 1953- 1954, p . 309 - 314 ; 82 W . Trillitzsch , « Heraklit, der weinende Philosoph » ,
WZLeipzig 11, 1962, p . 573-575 ; 83 A . Buck, « Democritus ridens et Heraclitus flens » , Wort
und Text. Festschrift für F . Schalk , Frankfurt a. M ., 1963, p. 167 - 187 (sur la fortune de
l' image à l'époque humaniste ); 84 S . J. Luria , « Heraklit und Demokrit » , Altertum 9 , 1963,
p . 310 - 315 ; Mouraviev 11, p . 37 ; 85 V . Bécares, « Heráclito lloraba y Demócrito reía : fortuna
literaria y origines de un tópico antiguo » , SPS5 , 1980, p . 37-49 (la fortune de l'image sur
tout dans la littérature hispanophone et son origine en tant qu 'amalgame de pratiques médi
cales hippocratiques et de la caractérologie péripatéticienne).
La mort d ' Héraclite. Les divers détails et les nombreuses versions
de la légende se prêtent à une présentation tabulaire qui en montre à la fois les
points communs, les divergences et les sources d 'inspiration héraclitéennes les
plus probables (M 22a-k: Abréviations – TB = texte de base de Diogène Laërce
[ IX 3] remontant probablement ici à Ariston de Céos ou de Chios, voire via cet
Ariston au Karaxorvußntńs, une comédie (?) de « Croton » (cf.Mouraviev 14 ,
1987, p. 17- 26 et 1988, p. 117 ); Épigr. = épigramme de D . L . (ibid . 4 ]; Plut. =
Plut., De tuenda san. 136 B ; Phil. = Philostr., Vit. Apoll. I 9 ; (Heracl.] = (Hera
clit.] Ep. VI 1 ; 3 ; M .Aur. = Marc. Aurel. III 3, 4 ; Tat. = Tatian , Or. ad Gr. 3 ;
Herm . = Hermippe, ap. D.L .IX 4 ;Nean. = Néanthe, ibid.; Arist. = Aristo C. ap.
Sotion , ap. D . L . IX 5 ; Hippob . = Hippobote, ibid .; Souda 1, 2 = Souda, s.v.
'Hpáxheltoc).
1. H. se nourrit d'herbes et de plantes. ТВ B 29 , B 4 ,B9
2. Il tombe malade d'hydropisie. Toutes les sources B 118, B 117 , B 77,
(certaines implicitement) B 36 , B 126
3. Il consulte lesmédecins. TB, Plut., (Heracl.] B 58
4 . Il leur demande de « transformer le TB, Plut., Phil., Allusion à son
déluge en sécheresse » . (Heracl.); cf. Emped. 31 obscurité; cf. B 126,
B 111 B 65 ?
590 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H64
4A. Il leur demande de vider ses entrailles Herm .
en chassant l'humidité.
5 . Les médecins ne comprennentpas. TB , Phil., (Heracl.] Obscurité
5A. Lesmédecins refusent. Herm .
5B. H. interdit auxmédecins de le soigner. Souda,cf. (Heracl.) Arrogance
6. H . décide de se soigner lui-même (au (Heracl.), Tat. Autodidaxie
moyen de la philosophie).
7. H . s'enfouit dans de la bouse devache, TB , M .Aur., Tat., B 96 , cf. A 9
Herm ., Souda 1
8. aidé par des enfants, Herm . B 121, B 56, B 117,
B 52
9 . dans une étable, TB
9A. au soleil, Herm ., Souda 1
10. pour s 'y sécher, TB , Souda 1
11.mais sans résultat. TB
TIA. La bouse durcit Tat.,Nean. (impl.)
12. H .meurt d 'hydropisie. TB (impl.), Epigr.,
Herm . (impl.)
12A. H.meurt broyé par la bouse durcie. | Tat.
12B. Incapable de se libérer et défiguré Nean ., Souda 1 B 84 , B 97 , cf. B 96
par le changement, H . meurt dévoré par et Hérod. I 140
des chiens quine le reconnaissent pas.
13. H . guérit de l'hydropisie etmeurt Arist., Hippob.
d 'une autre maladie
14. H .meurt enfoui sous du sable Souda 2
15. H . est enterré sur l'agora Herm .

Il s'agit clairement d'une seule etmême narration sur laquelle, suite à des lacunes ou déforma
tions apparues en cours de transmission , certains ont brodé de nouveaux détails . Quant à la
version 2 de la Souda, elle n'est peut-être que le fruit d'une simple corruption : cf. Ariston ap.
D .L . IX 5 = fr. 28 Wehrli áno aveTV 8' ärini vóowl (AMA[nivoo ](21) et Souda auw
(AMSI)... únodaveīv.
Les circonstances légendaires de la mort d'Héraclite ont été abordées dans de
nombreuses études qu 'il n 'y a pas lieu de résumer ici (elles relèvent surtout de
l'histoire littéraire et un peu de l'histoire des idées – par le biais des leçons
morales qu ' en ont tirées péripatéticiens, cyniques et stoïciens de basse époque -,
mais n 'ont pratiquement rien à voir avec le philosophe lui-même et sa doctrine
véritable ). Citons (ordre chronologique) les travaux spéciaux les plus intéres
sants en indiquant parfois entre parenthèses certaines des thèses défendues (pour
une discussion plus détaillée et d'abondantes références bibliographiques, cf.
Marcovich 26 , col.250 -255).
Lassalle 127 (infra), I, p. 42-44, n . 1 (collection intéressante de textes contenant l'expres
sion enoußpiac aúxuóv qui remonteraii à un original héraclitéen ); 86 H . Fränkel, « A
thought pattern in Heraclitus » , AJPh 59, 1938 , p. 309 -311 = « Eine heraklitische Denkform »
dans 87 Id ., Wege und Formen des frühgriechischen Denkens, München, 1955 (3e éd. 1968),
p . 253- 255 (nombreuses observations sur les fragments ayant servi de base à la légende);
88 R .Muth , « Heraklits Tod », AA 7, 1954 , p. 250 -253 (parallèles dans lamédecine ancienne);
89 Id., « Nochmal Heraklits Tod » , AA 8 , 1955, p . 251-252 ; 90 J. Haussleiter, « Zum Tode
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 591
v 11,p.39242of Heraclitus », CRBS dles avestiques parlo Greek philosophy
Heraklits v . Ephesos» , Altertum 10, 1964, p . 9 -13 ; 91 M . L . West, Early Greek philosophy
and the Orieni, Oxford , 1971, p . 165 -202 (parallèles avestiques parfois très curieux) ;
92 J . Fairweather, « The death of Heraclitus » , GRBS 14 , 1973, p . 233 -239 (motifs parallèles
grecs) ;Mouraviev 11, p. 37-42 (récapitulation de la bibliographie antérieure ).
5. Iconographie . Quoique les considérations ci-dessous soient encore hypo
thétiques, elles reposent sur des coïncidences troublantes, incontournables et
excluant toute falsification délibérée, et suggèrent que nous disposons d'au
moins trois portraits d'Héraclite , remontant tous à un même original du ve s. av.
J.-C . Les monuments existants ou attestés qui le représent(ai)ent ou peuvent le
représenter se subdivisenten trois catégories distinctes: les monnaies, les hermès
etmonuments connexes et la statue de Gortyne. (Cf.Mouraviev 9 , 1974, p . 214
215, items M 23-M 25 ; id . 11, p. 43-46 .)
1) Des monnaies d 'Éphèse émises entre les règnes d'Antonin le Pieux (138
161) et Gallien (254 -268 ), portent le nom du philosophe HPAKAE(I) TOE EOE
EISN et le représentent debout, torse nu sauf un pan de son vêtement jeté par
dessus l'épaule gauche et tenant de la main gauche une espèce de massue
noueuse appuyée un peu à la manière d 'un fusil sur l'épaule ou l'avant-bras
gauche (cf. 11, p. 44, fig . 1 = M 23a). Il en existe plusieurs variantes se distin
guant par la légende, l'inclinaison du bras droit et du gourdin
Cf. 93 Bürchner dans ZN 9 , 1882, p. 123-124 , pl. IV , 21 ; 94 H . von Fritze dans H . Diels
132 (cf. infra), 1re éd. p. XI-XII (avec description de huit émissions différentes) ; cf. Id. ap.
DK 4, vol. I, p . 144 ; II, p. 3 ; 95 J.J. Bernoulli, Griechische Ikonographie,t. I, München 1901,
p. 84, n° 341, pl. II 4 ; 96 R . Delbrück, Antike Porträts, pl. 16 ; 97 K . Schefold, Die Bildnisse
der antike Dichter, Redner und Denker, Basel 1943, p . 172 - 173 n° 16 ; p . 220 n° 16 ;
98 British Museum Catalogue, lonia , p. 98 n° 341, pl. XIV 12 ; 99 G . Richter, The Portraits of
the Greeks, London 1965, t. I , p . 80 et n° 313. Diels, I. c., émet trois hypothèses sur la signifi
cation du gourdin : moyen de persuasion d 'Héraclès symbolisant le logos d 'Héraclite (cf.
Héracl., Homer. Alleg. 34 ) , simple exploitation de la similitude des noms du héros et du philo
sophe ou représentation fidèle du oxinwv åvri oxuntpov mentionné par Strab . XIV 3 = DK
A 2 = M 6b (cf. encore infra ).
2 ) Un hermès acéphale portant l'inscription en lettres carrées sur trois lignes
HPAKAEITOE BAYENNOE (avec un petit omicron au -dessus du Y ) EOEXIOE ( IG
XIV n° 1159), qui se trouvait originellement avec d'autres hermès acéphales dans
la Villa dei Pisoni – souvent confondue avec la villa d'Hadrien – à Tivoli (vue
avant 1488 par Fra Giocondo et en 1503 par Martin Sieder); grâce à Pighius, il
fut transporté entre 1550 et 1555 à Rome et installé dans la pergola du jardin de
la villa du pape Jules III (pontificat 1550- 1555) – devenu plus tard jardin des
Médicis -, où il fut doté d'une tête ; il fut transféré un siècle plus tard, après
1640, à Florence et on ne retrouva plus sa trace en 1727 ; - cet hermès a été des
siné ou gravé au moins six fois alors qu 'il se trouvait encore à Tivoli et à Rome :
(a ) dessin fait entre 1547 et 1555 par St. W . Pighius, dans le codex Pighianus
Berolinensis, actuellement à Tübingen , f. 142v, reprod. dans 100 E .Mandowsky
et Ch .Mitchell, Pirro Ligorio 's Roman antiquities, London 1963, pl. 39a, her
mès acéphale inscrit;
(b ) dessin fait vers 1550-1553 par Pirro Ligorio, dans le cod. XIII.B.7 , Biblio
thèque nationale de Naples, p. 415, reprod. dans Mandowsky-Mitchell 100, pl.
38b ,hermès inscrit avec un contour- silhouette en guise de tête ;
592 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE H 64
(c) dessin fait vers 1559 par J.-J. Boissard, dans le codex S 68, Bibliothèque
royale de Stockholm , f. 78 ', reprod . dans Mandowsky-Mitchell 100 , pl. 42a,
hermès inscrit avec tête barbue « abstraite » ;
(d ) gravure du Portugais Achilles Statius (Estaço) qui édita en 1569 un recueil
de reproductions de portraits antiques sculptés dans le marbre : 101 Inlustrium
virorum ut extant in Urbe expressi vultus, Romae 1569, pl. VIII ; reprod . dans
102 J. Frel, Contributions à l'iconographie grecque, Praha 1969, tab . V 5 ; 11,
p. 45 fig. 4 = M 23c ; l'hermès est réduit à un simple buste avec l'inscription
originale et possède une tête à traits très individualisés; cf. 103 Illustrium ima
gines ex antiquis marmoribus, nomismatibus et gemmis expressae quae extant
Romae... Theodorus Gallaeus delineabat. Editio altera, aliquot imaginibus et J.
Fabri (Jean Le Febvre] ad singulas commentario auctior atque illustrior,
Antwerpiae 1606 , pl. 65 ; 104 Jacobus Gronovius, Thesaurus Graecarum anti
quitatum , II, Lugdun. Batav. 1698,pl. 56.
(e) gravure de Fulvius Ursinus (Orsini), qui édita en 1570 un nouveau recueil
de reproductions de portraits antiques sur divers supports : 105 Imagines et elo
gia virorum illustrium et eruditorum ex antiquis lapidibus et numismatibus
expressa, cum annotationibus ex bibliotheca Fulvi Ursini, p. 63, hermès acé
phale inscrit (cf. p. 6 et 109) ;
(f) dessin fait par Pirro Ligorio après 1570, dans le cod. a.II.10.J.23, Turin ,
Archivio di Stato , p. 42 ; reprod. partielle dans Mandowsky -Mitchell 100, pl.
46d ; buste (ou hermès ?) inscrit avec tête assez individualisée, mais différente de
celle de Statius, malgré des affinités évidentes de la présentation.
A ces monuments iconographiques se rattachent trois témoignages de Ligorio et d 'Orsini:
A . Su la montagna di Tivoli... furono cavati termini ( = hermès) con diverse effigie... et
essendo spicate le teste dalli suoi termini furono portate quelle a Roma in casa di Picchi (=
Pighius)... dove essendo per varii casi trasportate ... (Ligorio , cod . XIII.B .7 , Bibliothèque
nationale de Naples, p . 405 ; cité d 'après Mandowsky-Mitchell 100, p . 127 doc. 1) ; autrement
dit, on avait également ramené de Tivoli des têtes sans hermès qui se seraient ensuite disper
sées ;
B . .. .quae ( sc . hermae ) dum reponere aliqui suis truncis non satis diligenter curant, aliena
capita non suis pectoribus, ut in Aristophane, Heraclito , Carneade, et Isocrate factum est, im
posuerunt (Orsini 105 , p . 6 ) ; Oltre a ciò l'hanno posta le (sic ap . Mandowsky-Mitchell, erra
tim pro la ?] effigie falsamenta applicata, non è la sua vera effigie, mais Ligorio ajoute :
C . L 'effigie addunque del termino l'habbiamo veduta dimarmo nelle antichità del cardi
nal pio di Carpi senza nome et col nome scritto in uno ametisto antico che havea Fabritio
Romano Anticario di Trastevere (Ligorio, cod . a . 11.10 . J.23, Turin , Archivio di Stato, p. 42 ;
cité d'après Mandowsky-Mitchell 100, p . 93-94). Il y aurait donc eu confusion dans la restitu
tion des têtes aux poitrines, celle attribuée notamment à l'hermès d 'Héraclite l'aurait été de
façon erronée, mais Ligorio aurait vu la tête originale sansnom dans la collection du cardinal
Carpi et une gemme de la même tête avec le nom d 'Héraclite (cf. infra, 4 ).
De tout cela les modernes ont (1) conclu que les images à tête silhouette ou
abstraite , de même que les témoignages B de Ligorio et Orsini, signalaient
qu 'une tête antique étrangère avait été ajoutée vers 1550 à l'hermès acéphale
d'Héraclite , et (2) supposé que cette tête était celle que reproduit Statius pl. VIII,
alors que la tête reproduite (de mémoire ?) par Ligorio correspondrait à celle ,
anonyme, qu 'il affirme avoir vue dans la collection du cardinal de Carpi et que
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 593
Statius semble avoir représentée sur sa pl.XXXVIII. Commenous allons le voir ,
il existe de bonnes raisons pour mettre en doute le bien - fondé de cette conclu
sion .
L 'ouvrage de référence sur l'histoire des hermès de Tivoli est 106 Ch . Huelsen, « Die
Hermeninschriften berühmter Griechen und die ikonographischen Sammlungen des XVI.
Jahrhunderts » , MDAI( R ) 1901, p . 123 - 154, 159 n° 13 : voir encore : Mandowsky-Mitchell
100, p. 93-94 nº 79, p. 127 -128 (doc. 2 , 3 , 5) et pl. h.-t. 38 , 39, 42 , 46 ; Richter 99, p . 22, 80 ;
cf. Bernoulli 95 , t. I, p . 85 ; Frel 102, p. 17.
3) En 1885, à quelques pas du bâtiment circulaire où avait été trouvé le
célèbre code de Gortyne (Crète ), fut découverte une statue de marbre de deux
mètres de haut, actuellement conservée au Musée d'Héraclion . Dans un article
publié 25 ans après, 107 G . Lippold , « Das Bildnis des Heraklit» ,MDAI(A ) 36 ,
1911, p. 153 démontre que, à en juger par la pose générale, les vêtements, le
geste du bras droit, le gourdin noueux, cette statue ressemble de façon frappante
à l'Héraclite des monnaies, à cette différence près qu 'il tient le gourdin à la
manière d'une crosse de pâtre, son extrémité libre prenant appui sur le sol. Datée
de l'époque des Sévères par le premier éditeur, 108 L .Mariani, « Statue of an
asclepiad from Gortyna » , AJA 1, 1897, p. 280 (« etwa um 200 n. Chr.», Lippold
107, p. 155), c'est probablement une copie – modifiée sans doute, ajouterons
nous, plutôt pour des raisons techniques (changement de matériau ) qu'en raison
de l'incompétence du copiste - d’un original antique de bronze semblable à celui
qui est représenté sur les monnaies (cf. le support du bras droit et la position
nouvelle de la massue). Lippold semble tout ignorer au sujet de l'hermès.
Mariani 108, p . 279-285, y voyait le portrait d 'un asclépiade, copie d 'un original archaïque
du ve s . av . J. - C . ; Lippold 107 , p . 156 , date l' original du milieu du ve s . av . J.- C . ; cf. Schefold
97 , p . 160, n° 4 ; Richter 99, p . 80, nos 306 , 307, 310 ; cf. 109 Dontas, « Kopf eines Neuplato
nikers», MDAI(A )69-70, 1954- 1955, p . 147-152 et pl. XIV ; 110 D .Metzler, Untersuchungen
zu den griechischen Porträts des 5. Jahrhunderts, Thèse , Münster 1966 , p. 72 (pour qui,
comme apparemment pour Dontas 109, il s'agirait du portrait d 'un néoplatonicien du ve s. ap .
J.-C .).
4) La dernière découverte iconographique héraclitéenne est une gemme du
Musée national numismatique d' Athènes provenant de la collection de K . Kara
panos, portant en bas l'inscription HPAKAEITOE (la seule reproduction où on la
devine est dans Richter 99, n° 312, et la seule où on la voit clairement figure
sous le même numéro ibid . (99 ), Supplement, London 1972) et publiée par 111 I.
Svoronos, Journal international d 'archéologie numismatique, 1913, p . 163, pl.
V , n° 357 (cf. Frel 102, pl. V 3-4 ; Mouraviev 11, p. 45 fig . 4). C 'est sans doute
elle quementionne Pirro Ligorio dans le texte C , cité supra. Cf. aussi 112 Por
traits d 'hommes et de femmes illustres... avec l'explication de Jean Le Febvre (=
103 sans les illustrations), traduit par C. C. B * * * (Charles-César Baudelot de
Dairval), Paris 1710 , p. 65 : « On le voit ( sc. Héraclite ) encore sur un Diaspro ,
comme portent les Italiens; son portrait est parfaitement bien gravé dans le
Cabinet de Fulvius Ursinus...» Selon Frel 102, ce pourrait être une imitation
moderne d'après une gravure de Statius.
Nous avonsmaintenant réuni les éléments essentiels de notre démonstration.
Il ne reste plus qu 'à préciser que, d'une part, la tête sur la gemme (4 ) ressemble
594 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
fort à celle de l'hermès-buste représenté par Statius- Estaço (2d ) lequel aurait fort
bien pu, mais sans que cela fût une nécessité, lui avoir servi de modèle (l' in
verse , en revanche, est improbable vu la pauvreté de la gemme en détails), et
que, d'autre part, la tête du buste gravé par Estaço présente une ressemblance
physionomique absolument frappante avec la tête de la statue de Gortyne: confi
gurations caractéristiques identiques du système barbe-lèvres-moustache, du
profil du nez, des yeux à orbites peu profondes et à arcade sourcilière légèrement
protubérante ; seule différence marquée : le front de la statue est caché par une
frange de cheveux, celui du buste est découvert,mais même là la bombure fron
tale reste la même. Comme il ne pouvait pas y avoir eu double accointance entre
le renaissant Estaço et le moderne Lippold , d 'un côté, et entre ce dernier et les
poinçonneurs des monnaies d'Éphèse du 11e siècle, de l'autre, et comme une
double coïncidence de cette sorte serait d'une improbabilité quasi absolue, force
est de conclure qu 'Estaço a bel et bien, et fort consciencieusement, reproduit la
bonne tête avec la bonne inscription , soit que, contrairement à l'opinion de Ligo
rio et d'Orsini, elle eût été correctement identifiée dès le début, soit qu' il se fût
agi d 'une reconstruction correcte sur le papier effectuée par Estaço à partir de la
vraie tête conservée chez le cardinal di Carpi et identifiée grâce à la gemme de
l' antiquaire Fabrizio Romano (témoignage C ), qui, en ce cas, est authentique.
Peut-on considérer la statue de Gortyne, la gemme et l'original de la gravure
comme des copies remontant à un portrait véritable ? Cela ne semble pas impos
sible : la fameuse tête de Thémistocle (ca 528 -462 ) trouvée à Ostia en 1938 le
confirme.
Signalons en outre (après Frel 102) la tête sans hermès déterrée avec d'autres têtes en
1779, toujours à Tivoli, par le chevalier Azara, ambassadeur du roi d'Espagne auprès du Vati
can , et dotée d 'un nouvel hermès portant le nom d 'Héraclite , conservée à Aranjuez (Richter
99, n° 366 , en tant que Pittacos ) ; une statue décapitée du Sérapeion de Memphis représentant
un homme drapé assis, auprès de qui est posé un bâton noueux : identifiée en 1917 par von
Wilcken à partir d'un dessin de Mariette, elle fut republiée par Picard en 1955 (cf. 113 J. P.
Lauer et Ch. Picard , Les statues ptolémaïques du Sérapeion de Memphis, Paris 1955 , p . 137
143) ; ainsi que la série d 'hermès, la plupart fort endommagés et dont certains avaient été ori
ginellement doubles (Héraclite -Démocrite ? ), que Frel 102, p . 21- 24 , tab . IV et VI (Budapest),
V I et VII (Aix -en -Provence ), V 2 ( Thermes de Rome) = M 24ab estime avoir identifiés.
Richter 99 , p . 80 -81, considère en outre comme « évidente » l' appartenance à une statue per
due du philosophe d 'un bloc de pierre inscrit HPAKA en caractères du Ilia trouvé à Paphos
(Chypre) et publié en 1888 (mais n 'aurait-il pas aussi bien pu provenir d 'un Héraclès, d'un
Héraclide... ?) [signalé par T . Mitford , ABSA 56 , 1961, p. 7, n° 11, il voisinait dans le
sanctuaire d 'Aphrodite avec les représentations d 'Épicure et de Zénon ) et, à l'instar de
Bernoulli 95 , I 85, signale quelques autres identifications plus que douteuses.
< Il faut encore ajouter à la liste de Richter 99 et de Frel 102 la figure – un relief - d'un
sarcophage de Muses du lle siècle , conservé à Malibu : J. Frel, Portraits Getty Museum , nº 48
(Héraclès/Héraclite ?) Il montre un homme barbu, tenant à la fois la massue et le volumen ,
donc Héraclès en philosophe,d 'où l'hypothèse « Héraclite » de J. Frel.
Les témoignages littéraires et épigraphiques ne nous renseignent guère sur les traits attri
bués au philosophe. Tout au plus peut-on lui supposer une expression fermée et peu enga
geante, puisque Diogène Laërce IX 1 le dit hautain et méprisant; il passait pour pessimiste et
misanthrope, ce qui coïncide avec la manière dont Sidoine Apollinaire l'oppose à l'aimable
Démocrite ( D 70 ), par sa morosité : « fletu oculis clausis » (Epist. IX 9, 14 ). En parlant de sa
H 64 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE 595
statue dans le Zeuxippe (un gymnase ) de Constantinople , Christodore de Thèbes, dit Coptos,
(** C 115 ), Anth . gr. II 354 -356 (M 25), le décrit aussi « pleurant». M .-C. HELLMANN>
La lettre IV de pseudo-Héraclite ([Heracl.), Ep. IV , 1 -2 ) fait état d'un autel (Bwuós)
qu'Héraclite aurait consacré à Héraclès avec l'inscription équivoque HPAKAEITNIEOELINI,
anecdote qui pourrait avoir eu pour origine, outre l'ambiguïté légendaire du philosophe (cf.
infra ) et la quasi-identité étymologique de son nom et de celui d 'Héraclès, l'existence à
Éphèse d 'une statue d 'Héraclite (armé du oxinwv ?) ressemblant à Héraclès: l'original de la
copie de Gortyne représenté sur les monnaies ?
II.LE LIVRE
1. Histoire. Existence. Depuis Aristote , Rhet. 1407 b 16 (DK A 4 ), et au
moins jusqu'aux pères de l'Église du lie s., Hippolyte de Rome et Clément
d'Alexandrie (la plupart des auteurs postérieurs citent de seconde main ), les
Anciens sont unanimes à attribuer un livre à Héraclite . Cf. Mouraviev 9, textes
M 262-f; Mouraviev 12, p. 47-48 ; 114 Id ., « Titres, sous-titres et articulations du
livre d'Héraclite d' Éphèse » , dans J.-C . Fredouille et al. (édit.), Titres et articula
tions du texte dans les cuvres antiques. Actes du Colloque International de
Chantilly . 13-15 décembre 1994, Paris 1997, p. 35-53 ( 35 -37).
Ces témoignages sont contestés par certains modernes. Ainsi G . S. Kirk 36 , p . 7, écrit : « It
is possible that Heraclitus wrote no book ... The fragments... have the appearance ofbeing iso
lated statements, or yvõual... In or perhaps shortly after Heraclitus' lifetime a collection of
these sayings was made, conceivably by a pupil... » Cette opinion n ' a guère remporté l'adhé
sion des chercheurs . En revanche, l'idée que le livre n 'était qu 'un recueil d ’aphorismes, émise
par Diels 132 (infra ), 1re éd. p . VIII = 2e éd . p . XIII, jouit d 'une popularité d 'autant plus grande
qu 'elle aussi dispense de la nécessité de reconstituer la structure tant du texte que du système.
(Cf. e. g. Bollack -Wismann 139 (infra ), p . 49, 27 ; autres références dansMouraviev 114, p . 36
n. 6 ; cf. infra, III.3 La poétique des fragments ). — Une autre forme de contestation du livre
consiste à affirmer que loin d'être un ouvrage de philosophie , il ne traitait que de politique (cf.
infra, II.2 Contenu selon les Anciens).
Diffusion. Nous ne disposons que de trois témoignages directs : (1) le
philosophe dédia (ůvéonxe) son livre au temple d'Artémis d'Éphèse (Diog. L.
IX 6 , Tatien , Or. ad Gr. 3 = M 39ab ); (2) celui- ci eutun tel succès que se consti
tua une secte d'Héraclitéens (Diog. L . IX 6 = M 40a, cf. Plat., Theaet. 179d
180c = M 406 et supra, I.3 Disciples ?); (3) Euripide fit le voyage d'Éphèse , se
rendit au temple d'Artémis, apprit par cæur le livre d'Héraclite et en communi
qua le texte à Socrate (Tatien, Or. ad Gr. 3, Diog. L . IX 6 et II 22 = M 41a-C).
La plausibilité de la déposition au temple d'Artémis a été mise en doute, mais cf., e.g.,
Certam . Hom . et Hes. 1, 1. 320 Allen (à propos de l'Hymne à Apollon ) ; Gorgon, FGrHist515
F 18 (à propos de la VIIe Ode olympique de Pindare, en 464a) ; Diog. L . IV 25 (à propos de
Crantor) ; Apollonius rex Tyri 51, p . 116 Riese2. Voir 115 W . H . D . Rouse, Greek votive offe
rings, 1902 , p . 64 -65 ; West 91, p . 5 ; et surtout 116 D . Young (édit.), Theognis, 2e éd .,
Leipzig, 1971, p. X . Nous ignorons si c 'était la seule forme de publication ou un moyen sup
plémentaire de préserver l'ouvrage contre les vicissitudes du temps. Dans la première éventua
lité, elle n 'a pas empêché la diffusion du livre ni à Éphèse (les Héraclitéens), ni en Sicile (cf.
infra ), ni à Athènes. Dans la seconde, elle n ' a pas sauvé l'exemplaire déposé au temple de
l'autodafé d'Hérostrate (toutefois, ce que 117 J. Brun, Héraclite ou le Philosophe de l'éternel
retour, Paris 1963, p . 39, écrit à ce sujet relève du roman - feuilleton ).
Selon une autre version , également rapportée par Diogène Laërce (IX 12 = M 410) et
remontant, par le grammairien Séleucos interposé, à un inconnu du nom de Croton (?), auteur
d ' un Plongeur abyssal, c' est un certain Cratès (cf. ~ C 199) qui aurait introduit l' ouvrage
596 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
héraclitéen à Athènes. Mais KPATHE est une corruption facile de ES2-KPATHE et le Kata
xolvußnts de ce Croton a tout l'air d 'avoir été une comédie (cf. aussi le mètre iambique,
noté déjà par Kirk 36 , p . 10 , de la réaction de Socrate). De là à supposer que toute l'histoire de
l'introduction du livre à Athènes par le tandem Socrate -Euripide (deux cibles de prédilection
des auteurs de comédies) serait une affabulation pure et simple de comédiographe, il n ' y a
qu 'un pas que nous ne franchirons pourtant pas, car l'épisode en lui-même n 'est niimpossible
ni improbable, surtout si l'on tient compte de la bibliophilie notoire d 'Euripide (cf. Aristoph .,
Ran . 943) – et des réminiscences héraclitéennes qu 'on trouve dans ses æuvres - ainsi que de
l'intérêt du Socrate historique pour les ouvrages des sages anciens (cf. Xén.,Mem . I 6 , 14 ). On
ne peut naturellement pas être aussi affirmatif, faute de témoignages corroborants , quant à la
plausibilité du voyage à Éphèse et de la mémorisation de son livre par cœur (qui cadre
pourtant très bien avec lemétier d 'acteur d'Euripide).
Et il existe un assez grand nombre d'indices indirects (la plupart, il est vrai,
contestés) – sous forme de réminiscenceshéraclitéennes possibles chez Parmé
nide, Épicharme, Simonide, Pindare, Eschyle, auteurs dontnous savons perti
nemment que tous,sauf, peut-être, le premier,faisaient (et que le premier pouvait
fort bien faire) partie du cercle d'hommes de lettres qui s'était constitué autour
d'Hiéron – pourestimer que le livre d'Héraclite était connu dès 478-467 à Syra
cuse .
En ce qui concerne le destin ultérieur de l'ouvrage, l'état de la tradition permet d 'affirmer
qu 'il circulait encore au début du IIIe s. ap. J.-C . (cf. les nombreuses citations chez Plutarque,
Clément d 'Alexandrie , Hippolyte de Rome, etc .), mais devint fort rare à partir du IVe. Ce fait
est probablement à mettre en rapport avec le passage du rouleau de papyrus à un support plus
parfait, le codex de velin , et à la propagation du christianisme: on ne recopiait que les philo
sophes païens les plus demandés (Platon, Aristote, Lucrèce ).
2 . Forme et contenu du livre. Titres. Le locus classicus, contenant tous
les titres que nous connaissions, est Diog. Laert. IX 12 = M 28, passage qui
remonte à la seconde source du texte de base de la Vie d 'Héraclite , un pinax de
bibliothèque (cf. Mouraviev 14, 1987, p. 18- 19). Nous y trouvons les intitulés
Μούσαι, Περί φύσεως, 'Ακριβές ολάκισμα προς στάθμην βίου (vers attribue
à un Diodote ; " D 135), trváun nowv Tpónov xóquoc Évos tūv Euuntáv
twuf. Seul le second est corroboré par d'autres sources: nous en avons dénom
bré huit mentions dans cinq sources indépendantes : chez (Héracl.) Ep., Cicéron ,
Diogène Laërce, Clément et Sextus. — Les Muses ne réapparaît nulle part
ailleurs en tant que titre,mais cemot est appliqué à Héraclite , qualifié lesMuses
ioniennes, et à Empédocle , qualifié les Muses siciliennes, dans un passage
célèbre du Sophiste de Platon (242 D = T 124 ), et ce surnom est imité par Clé
ment d'Alexandrie (Strom . V , 59, 4), voire, peut-être, par Lucrèce (1 657). Cf.
aussi Thémist., Or. 26 , 318 d. — Les deux (ou trois) autres « titres » ne sont
attestés qu'ici (et dans la Souda , s.v. Anaíov zovußntńs, où ce passage de
Diogène a été recopié ). ( Textes réunis ou cités dans 9 , ad M 28.)
Nepi púoewç était un titre standard appliqué aux ouvrages de nombreux présocratiques
qui devait avoir d 'abord été une brève description de leur contenu principal,mais a peu à peu
été perçu comme un nom de genre littéraire (traité de philosophie de la nature ). Pareille
description n 'est d'ailleurs vraiment nécessaire que lorsqu 'un même écrivain est auteur de
plusieurs ouvrages et que son nom seul ne suffit pas pour identifier l'euvre. Chez les préso
cratiques, le cas se présente pour la première fois chez Xénophane et Empédocle , dont la tradi
tion nous dit qu' ils composèrent chacun plus d'un poème. Mais le premier ouvrage de philo
sophie dont nous puissions affirmer avec certitude que son titre lui a été donné sinon par son
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 597
auteur lui-même, dumoins du vivantde celui- ci, est le lepi qúoewÇ Ô Tepi toũ óvtos, De la
nature ou de l'étant de Mélissos (Simpl., Phys. 70 , 16 ; De caelo 577 , 10 = 30 A 4 DK ). La
preuve nous en est fournie par le titre parodique que Gorgias donna à son propre traité anti
éléen : ſlepi toū un outoç ñ nepi Quoews, Du non -étant ou de la nature (Sext., A . M . VII 65
= 82 B 3 DK ). Littérature récente sur la question : 118 E . Schmalzriedt, Peri physeos. Zur
Frühgeschichte der Buchtitel, München 1970 ; 119 G . Naddaf, L 'origine et l'évolution du
concept grec de phusis, Lewiston 1993, p. 9-58.
Moõoal demeure un titre mystérieux. La plupart des modernes ne voient dans ces Muses
qu 'une réinterprétation du passage du Sophiste . Sans contester la probabilité assez grande de
cette explication , il conviendrait de s ' interroger toutefois sur ce que Platon lui-même entendait
par Mo✓odi, voire sur la possibilité d'inverser le raisonnement et de chercher dans le passage
platonicien une référence sinon au titre, en tout cas à quelque désignation antérieure du livre
qui en aurait souligné le caractère spécifique, un caractère partagé par le poème d'Empédocle
(cf. peut-être < tñs púoewÇ> Movotov = ó puolxòç < óvoc> = Nepi ' Ouńpov d ’Alcida
mas (Arist., Rhet. 1406 a 24 ; Certamen Hom . et Hes.73-74 (Allen ); Stob. IV 52, 22 ; Diog. L .
VIII 56 ; PMich . 2754 (fin ); et M . Narcy, notice « Alcidamas d'Élée », A 88, DPHA I, p. 105
108 ), les Movoeta Nóywv de Polos d’Agrigente (Plat., Phaedr. 267 b 10 = DK 80 A 26 ),
1' etymologie platonicienne de Μούσαι dans Plat., Crat. 406 a: τάς δε Μούσας... από του
μώσθαι... της ζητήσεώς τε και φιλοσοφίας το όνομα τούτο επωνόμασε [scil. ο νομο
Oérns] « [le législateur) a donné aux Muses... ce nom appartenant à la fois à la recherche et à
la philosophie ... en partant de uñodal " chercher”...» etc . (cf. Épicharmefr. 117 ; 288 K .). Il
nous semble probable que Platon a joué sur deux sens de uovoal: celui de = quaestiones (" re
cherches" , " interrogations" , " énigmes") et celui de “Muses" , ce qui rend possible l'hypothèse
que le premier de ces sens ait pu avoir déjà été utilisé avant Platon pour désigner le livre d 'Hé
raclite. (Notez que tous les auteurs cités ci-dessus ont des rapports directs avec des cités de
Grande Grèce : Élée , Agrigente, Syracuse ...)
Le « titre » proposé par Diodote est clairement une catchphrase de son propre cru (cf. id.
ap. D .L . IX 15). Quant au dernier – ou aux deux derniers – titre(s) avec son (leur) indéniable
Heraklitstil (Kranz, DK ad loc.), il(s) pose(nt) trop de problèmes de lecture et d'interprétation
pour qu 'il soit possible de l(es) examiner ici. Qu 'il suffise de formuler l'hypothèse qui nous
semble la plus plausible : il s 'agirait du début défiguré de l'entrée en matière du livre, intercalé
entre la sphragis (perdue) etle début proprement dit (fr. B 1).
Nous ne pensons pas qu'Héraclite ait jamais éprouvé le besoin d' intituler son
livre ,mais il est tout à fait possible que celui-ci ait circulé déjà très tôt en tant
que tò 'Hoaxeitou nepi púoews, même si son sujet ne se limitait pas à la
« physique » au sens aristotélicien . N 'oublions pas qu 'Héraclite avait affirmé lui
même au début du livre que ses explications étaient les fruits d'une analyse
« selon nature » (B 1 ływ dinyeõual dialpéwv xarà púolv ). (Cf. 12 , p . 49 -53;
114 , p. 37 -41.)
Articulations.Nousne disposonsà ce sujet que d'une seule information
ancienne : l'inventaire (remontant lui aussi au pinax de bibliothèque du texte de
base ) des parties du livre qu'on trouve chez Diogène Laërce IX 5 : TÒ dè
φερόμενον αυτού (scil. Ηρακλείτου) βιβλίον εστί μέν από του συνέχοντος
περί φύσεως, διήρηται δε εις τρείς λόγους, είς τε τον περί του παντός και
noaltixòv xai Deoloyixóv, « Le livre de lui qui circule est, de par son contenu
général, sur la nature, mais il se divise en trois logoi: le logos sur le tout, le logos
politique et le logos théologique.»
De l'avis quasi unanime des modernes, cette subdivision ne tient pas debout. Pour citer
Diels (DK ad loc.) : « 3 Bücher gab es zu Heraklits Zeit nicht... Ein alexandrinischer Auszug
kann so geordnet gewesen sein » . Mais nous ne savons rien de l'existence de ce genre
598 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H64
d 'Auszüge et rien d'autre dans notre pinax ne suggère qu 'il y fût question d'un recueil d' ex
traits. 120 K . Deichgräber, « Bemerkungen zu Diogenes' Bericht über Heraklit » , Philologus,
93, 1938, p . 19-20, s'appuyant sur 121 R . Hirzel, Untersuchungen zu Cicerosphilosophischen
Schriften , t. II/ 1, Leipzig 1882, réimpr. Hildesheim 1964, p . 177 -179, et suivi par Kirk 36 ,
p . 7 , propose une origine stoïcienne à cette division. Selon Cléanthe, la philosophie se divisait
en six parties : dialectique, rhétorique, éthique, politique, physique et théologie (Diog. L . VII
41) et le même Cléanthe aurait établi que le livre d 'Héraclite, auquel il a consacré un commen
taire , ne traitait que des trois dernières disciplines, sans que cela implique aucune division du
livre en parties. Mais alors que faire de Oinpntai ? Cette hypothèse pose aussi un autre pro
blème: pourquoi la partie physique est-elle appelée o nepi toŨ navtocóyoc et non puOLXÓC
hoyos et pourquoi est-elle quand même séparée de la théologie ? Sans doute parce que puol
κός ne faisait pas l' affaire. Or, pour un stoicien, το πάν = το όλον και το άπειρον κενόν et le
divin est le principemoteur de la matière inerte (Sext., A. M . IX 332 ; Diog. L . VII 134 ). Est-ce
à dire que, selon Cléanthe, Héraclite, d 'une part, ne traitait pas de la physique et, d 'autre part,
distinguait l'univers entouré de vide de l'univers en tant que terrain d 'action du divin ?
Mais la division en trois logoi admet une explication plus simple. A une épo
que où il était devenu courant de subdiviser (d'« aérer» ) les textes difficiles,
quelque éditeur aurait plus ou moins arbitrairement scindé celui d'Héraclite en
plusieurs blocs et leur aurait donné des sous-titres qui reflétaient grosso modo le
contenu essentiel de chaque partie. Iepi toŨ NAVTóc signifierait alors plutôt A
propos de tout que A propos du Tout ou que, à plus forte raison , A propos de
l 'univers. Si l'explication est correcte , cela nous suggère de façon très
vague, mais quand même intéressante, l'ordre original de certains des thèmes
abordés. Il était question d'abord de « tout» (= « n'importe quoi » ?), puis de
politique, puis de théologie . Avec la physique comme fond commun ? (Cf. 12 ,
p. 53-57 ; 114,p .41-42). Voir encore infra , III.4 (fin ).
Dimensions. Aucune de nos sources (cf. 9, textes M 26a-f, M 27a-f) ne
mentionne de second , troisième... « livre » du traité d'Héraclite et presque toutes
le désignent au singulier. Il est vrai que certaines (notamment Aristote , Rhet.
1407 b 14 ,mais à côté de oúrypajua au singulier !) parlent de tà 'Hpaxeitou
ou tà 'Hpaxheitela , mais le substantif ellipse s'y déchiffre facilement comme
" phrases” , “ paroles”, “ opinions” . (Toutes les exceptions indubitables (citées ad
M 27°) datentau plus tôt de la Basse Antiquité et appartiennent à des auteurs qui
n 'ont jamais lu Héraclite et dont certains croyaientmême qu 'Héraclite écrivait
en vers.] Cela implique que le livre d'Héraclite entrait dans un seul rouleau de
papyrus, permet d'en évaluer les dimensions originelles comme égales ou infé
rieures à un volumen archaïque (un chant homérique) et de tenter une comparai
son avec ce qui nous en reste .
A notre connaissance, il n 'existe qu 'une tentative sérieuse d 'évaluer la fraction du livre qui
nous est parvenue: celle de Gomperz 59, p . 27 -31. Il utilise trois critères indépendants : la lon
gueur originale la plus probable des poèmes d 'Empédocle et Parménide, le rapport entre le
nombre d'informations doxographiques héraclitéennes dont nous possédons les originaux et
celui des informations dont les originaux sont perdus, le rapport entre le nombre de fragments
cités une fois et celui des fragments cités plus d 'une fois. Conclusion : nous possédons un peu
moins de la moitié du livre. Marcovich 26 , col. 269, partantde l'observation (relativement cor
recte) qu'une grande partie de la doxographie héraclitéenne peut être déduite des fragments
transmis, en a conclu qu 'on pouvait supposer « daß uns vom Büchlein H .' nicht zuviel fehlt
(schlimmstenfalls, daß wir nur ein Hälfte vor uns haben ) » , — Nous avons nous-même tenté
une supputation provisoire partiellement reproduite dans VDI, 1970, nº 113 (dans un premier
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 599
article que par ailleurs nous aurions préféré ne pas avoir publié), partiellement inédite, en par
tant, d 'une part, du maximum sus-indiqué (un « livre » ) et des dimensions approximatives
d 'ouvrages analogues de la même époque et, d'autre part, du rapport mathématique entre le
nombre de fragments cités et le nombre total de citations de fragments (à supposer que toutes
les citations avaient une probabilité plus ou moins identique d'être citées). Il en a résulté que
la partie conservée devait représenter près des deux tiers de l' original. Ces calculs seront à
refaire et à parfaire quand nous aurons achevé la publication de 16 , vol. II, et disposerons d 'un
inventaire complet des citations et textes cités (leur justification théorique et leur résultat
devront paraître dans 16 , vol. IV .B = commentaire de 17 ). Cf. encore les remarques provi
soires de 17 , p . XVII-XX . — Curieusement, Marcovich a entre temps changé d 'avis : « the
extant 110 or so genuine sayings do not exceed say 20 % of the original collection of Heracli
tus» , cf. 122 M .Marcovich , compte rendu deKahn 141 (infra ), Gnomon, 54, 1982, p. 418 .
Contenu du livre selon les Anciens. Outre la division sus
mentionnée en trois logoi, nous disposons d ’encore trois témoignages. Selon
l'auteur anonyme de la pseudo-lettre de Darius à Héraclite ((Heraclit.), Ep . I = M
295) : « par endroits, à interpréter littéralement ce que tu dis, il (le livre ) semble
énoncer une sorte de conception de l'ordre du monde tout entier ( ewplaç
xóduOU TOŨ oóuntavtos) et de ce qui s'y passe en vertu de cet ordre et est sou
mis à un mouvement des plus divins.Mais il semble suspendre son jugement en
ce qui concerne l'étude et la connaissance de la plupart des choses...» (cf. Sext.,
A. M . VII 133 = DK A 16 Eńynols toŨ Tpónov tñS TOŐ TAVTÓS OLOLX “ dewç et
le dernier « titre » du livre cité supra). Théophraste aussi, dans son exposé de la
physique héraclitéenne, se plaint de l'omission de certains sujets qui lui parais
sent importants (D . L . IX 8.9.11 = M 36 "). Cette interprétation philosophique du
livre est présupposée par la quasi-totalité de nos sources. Toutefois, selon Dio
dote (l'auteur du troisième « titre» ; ap. D .L . IX 15 = M 304), « l'ouvrage d'Hé
raclite n 'est pas sur la nature ,mais sur l'État; ce qui y est dit sur la nature est
fourni à titre d'illustration » . Et selon Sextus (A. M . VII 7 = M 306), « on s'est
posé la question de savoir, à propos d 'Héraclite , s' il était seulement philosophe
de la nature ou encore philosophe moraliste ». A en juger par les vestiges et
notamment par le nombre de fragments éthiques, physiques et politiques resca
pés, la question reproduite par Sextus est parfaitement légitime; les reproches de
[Darius] et Théophraste, qui confirment l'existence d'une partie physique, sem
blent eux aussi justifiés; et la présence de thèmes politiques est indéniable. Si
donc nous combinons ces témoignages avec la division en logoi, nous obtenons
les cinq thèmes suivants: nepi toŨ TAUTÓS, physique, théologie (également
confirmée par des citations), éthique et politique. Il n'y a que l'absolutisation du
dernier sujet au détriment du reste qui suscite desdoutes sérieux.
L ' opinion singulière de Diodote n 'en a pasmoins trouvé un adepte moderne: Capizzi 38,
qui accuse toute la tradition héraclitéenne - de Platon à Hegel et Zeller – de mystification
involontaire et tente – pour vérifier cette « hypothèse de travail » – une réinterprétation totale
des fragments en tant que vestiges d' un commentaire à contenu strictement politique en rap
port avec l'actualité éphésienne de l'époque des guerres médiques : l'exégèse de la législation
écrite (aóyoc ) introduite en 499 par Hermodore pour galvaniser la résistance antiperse des
Éphésiens.Malgré son incontestable ingéniosité et de nombreuses suggestions intéressantes
(surtout s'agissant des opinions politiques d 'Héraclite ), cette « vérification » astucieuse est
rendue caduque par le nombre impressionnant d 'hypothèses gratuites et de conjectures indé
montrables et/ou improbables qu 'elle est obligée d 'intégrer (sans parler de la difficulté chro
600 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
nologique suscitée par l'intervalle de 47 ans qu'elle implique entre les deux périodes d 'activité
du législateur).
Localisation de certains fragments.Nous ne sommes rensei
gnés par nos sources que sur celle de B 1 et de B 2 : au début du livre pour le
premier (Aristote et Sextus = DK A 4 et A 16 , 132 = Mch ld et la), près du
début pour le second (Sextus = DK A 16 = Mch 23a). Comme, toutefois, B 1
commence avec une particule dè et ne comporte pas de sphragide, et comme en
outre les mots ò óyoc ode semblent exiger quelque introduction définitoire
préalable de ce terme, les modernes divergent fort sur la façon de comprendre év
tñu åpxñí: " toutau début” ou “ quelque part au début". Et les évaluations de la
distance entre B 1 et B 2 sont encore plus discordantes. Cf. 12 , p. 60 -61.
Signalons encore deux hypothèses modernesdont la première est à rejeter, alors que l'autre
semble être quasi indubitable. 123 V . Macchioro, Eraclito. Nuovi studi sull'orfismo, Bari
1922, p. 24, 26 n . 1, tire argument des mots d 'Hippolyte, Ref. omn. haer. IX M
( 31) év BÈ
TOÚTwl tõl xeparaíwi návra duoŨ tov idlov voŰV ÉÉDero (scil. 'Hpáxheltos) pour pré
tendre qu'Hippolyte se serait servi d 'un chapitre particulier du livre d 'Héraclite et qu'il serait
possible d 'utiliser les citations hippolytiennes (à savoir B 50, B 51, B1, et de B 52 à B 67 )
« per tentar di ricostruire questo capitolo » . D 'autresmodernes ontcru qu'Hippolyte parlait ici
de son propre chapitre héraclitéen . En fait év OÈ TOÚTUL TÕI xeparaiwi signifie tout bonne
ment " sur ce chapitre” = “sur cette question” (celle de l'identité du Père et du Fils ). Cf.
Mouraviev 12 , p. 58 -60 ; 124 Id., « Hippolyte, Héraclite et Noët (commentaire d 'Hippol., Ref.
omn. Haer. IX 8 -10) » , ANRW II 36 , 6 , 1992, p . 4398 n . 30 . En revanche,Marcovich 26 , col.
258, doit avoir raison de supposer que le fr. B 30 xóquov tóvde... servait de début à la partie
physique du livre .
3. Style et obscuritédu livre selon les Anciens. Il y a plusde vingt ans,nous
avions réuni dans 9, 1975, p. 233-239 (plus addenda dans 12, p . 68-71), une
trentaine de textes anciens et à peu près autant de références au surnom de
OXOTELVÓS, bref tout ce que nous avions pu répertorier alors sur la légendaire
obscurité d'Héraclite et plus généralement sur son style . Depuis, cette collection
de textes a grandi et nous en proposons ci-dessous une liste (moins les simples
mentions du surnom ) dans l'ordre et sous les numéros sous lesquels ils figure
ront dans le vol. III.A de 16 (sauf indication contraire , numérotation inchangée
par rapport à 9).
M 33-37 Obscurité – M 33 (explications linguistiques): (a ) Arist.,
Rhet. r 5, 1407 b 11 ; (al) Anonym ., Comm . in Arist. Rhet. r 5 , 1407 b 11 (CAG XXI/2,
p. 183, 5 Rabe); (b ) Démétr., De elocut. 191-192 ; (c) Théon, Progymn. 4, 19 (I, p. 187, 13
Walz , Rhet. Gr.) ; (d ) loan . Doxapatr., Homiliae in Aphthoni Progymn. ( II, p. 226 , 2 Walz ,
Rhet. Gr.) – M 34 (exemples de citations obscures) : (a ) Héraclit., Homer.
alleg . 24, 3 -5 ; (b ) Lucien , Vit. auct. 14 ; ( c) Asclép., in Arist. Metaph . r 3 , 1005 b 23, p . 251,
20 ; 32 ; 258, 36 (Hayduck); (d) Apul., Demundo 20 ; (e) Simpl., in Arist. De caelo p. 294, 13
(CAG VII, Heiberg) ; (f) Simpl., in Arist. Phys. p. 77, 30 (CAG IX , Diels); (g ) Plotin IV 8 [6 ]
1, 11 (II, p . 224 , 226 Henry et Schwyzer) ; (h ) Tzetz., Schol, ad exeg. in Iliad. p . 126
(Hermann ) ; (i) lolim ( d ) ] Sén ., Epist. XII 7 ; (k ) Eustath ., in Il. I 49 - M 35 (profondeur) :
(a ) Ariston de Céos, fr. 30 (Wehrli VI) ap. Diog. L . II 22 ; (b ) Souda s. v. Analov xouußntoù
(II, p . 37, 20 ; 24 ; 29 Adler) ; ( c ) David , in Porph . Isag. 4 (CAG XVIII/ 2 , p . 105, 10 Busse )
Graece; (c2) Idem Armeniace (p. 34, 19 = 121 Arevšatyan (Erevan , 1976 ; 1980 ]) ; (d) Élias, in
Porph. Isagog. 16 (CAG XVIIVI, p . 41, 30 Busse) — M 35A (in adéquation calé .
gorielle): (a) Plat., Sympos. 186 E 4 — 187 C 2 ; (b) Simpl., in Arist. Phys. p.50, 23 (CAG
IX , Diels); (c ) (Élias/David ), in Porph. Isagog. 28, 26 -28 (p. 61-62 Westerink ) ; (d ) loan .
Sicul., Schol. in Hermog. De ideis. I 4 , 66 (VI, p. 197, 13 Walz, Rhet. Gr.) – M 36
H64 HÉRACLITE D' ÉPHÈSE 601
(incohérence et impulsivité) : (a ) Anonymi (= Ariston de Céos ?), Timon de
Phlionte et Théophraste ap. Diogène Laërce IX 6 ; (b ) Diog. L . IX 8 ; 9 ; 11 (e Theophrasto ) ;
(c) (Darius), Ep . ad Heraclit. (p. 305 Tarán ), cf. Diog. L . IX 13 - M 37 (le cliché
tardif) : (a ) Poeta quidam ap. Cicer. (cf. d infra) ; (b ) Tit. Liv . XXIII 39, 3 ; (c ) Lucr. I635
644 ; (d ) Cicér., De fin . II 5 , 15 ; (e ) Id ., De diuin . II64, 132 sq. ; ( f) Id ., De nat. deor. I 26 , 74 ;
(g ) Id., Denat. deor. III 14 , 35 ; (h) Clém ., Strom . V 50, 2 ; (i) Anth. Gr. VII 128 = Diog. L . IX
16 — M 37A (le surnom ) 33 références que nousomettons.
M 38 Clarté :(a) Diog. L. IX 7 ;(b) Anth. Gr. IX 540 = Diog. L. IX 16 ; (c) Sext., A.M .
I 301; (d ) Aetna 537 sqq. — M 38A Poésie ? : (a) Plat., Soph . 242 D 6 [T 124 ] (cf. Clém .,
Strom . V , 59, 4 ) ; (b ) Souda, s.v. 'HpáxaelToC ; (c ) Tatien , Or. ad Gr. 3 ; (d ) Plut., De def.
orac. 12, 415 f ; (e ) Cf. M 37C, vers 644 -645 ; (f) Ficin , De immort, animorum XV 4 .
Les premiers témoins que nous connaissions de cette obscurité proverbiale
d 'Héraclite s'appelaient donc Socrate (M 35 ") – si l'anecdote contient ne
fût-ce qu 'une parcelle de vérité -, Platon - qui y fait clairementallusion dans
sa description caricaturale des Héraclitéens (T 17 = Theaet. 180 a 3-7 : Dès
qu 'on leur demande quelque chose, ils sortentde leurs carquois des formu
lettes énigmatiques ſónuatioxla aiviyuatúồn] dont ils vous arrosent
comme si c 'étaient des flèches. Et si on cherche à comprendre le sens de l'une
d 'elles, ils vous clouent d'une autre flèche reformulée à neuf...) et surtout, par la
bouche d'Éryximaque, dans le Banquet (M 35A9) – etAristote , qui signale
des difficultés concrètes qu 'on trouve dans son livre ( M 33a ). Un siècle plus tard ,
à la fin du IIIe s. av. J.-C ., un Macédonien aurait même été surnommé l'Obscur
parce qu 'il s'appelait Héraclite (M 37c). A dater du jer s. av. J.-C ., le surnom
l'Obscur était devenu un attribut quasi obligatoire du nom du philosophe, et
même douze siècles plus tard, Eustathe (in Od. IV 450 = M 37Ab) éprouve le
besoin de préciser, en parlant d'un Héraclite, que ce n 'est pas de l'Obscur qu'il
s'agit.
Toutes nos sources sont d'accord pour affirmer que le livre d'Héraclite n 'était
pas facile à comprendre. Certains auteurs précisent toutefois que l'ouvrage de
l'Éphésien n'était obscur que partiellement. Le plus catégorique est Diogène
Laërce (M 38 ), mais Socrate (M 35a), si c 'est lui, et l'auteur anonyme de la
lettre attribuée à Darius (M 36 ") sont également convaincus d'avoir partiellement
compris le livre.
Il est vrai que l'Héraclite , auteur des Allégories Homériques (M 34a), et Clément
d 'Alexandrie (M 37h) parlent de l'obscurité du livre en tant que tel, mais c 'est plutôt là un
manque de nuances qu ’une affirmation catégorique. Clément, en tout cas, ne cache pas ailleurs
son admiration pour l'Éphésien qu 'il cite abondamment: il est notre source la plus riche en
citationshéraclitéennes.
En revanche, les anciens sont loin d 'être unanimes sur les causes et les motifs
de l'obscurité d'Héraclite. Toutes leurs explications peuvent être réduites à trois :
le livre était obscur (1) par la faute d'Héraclite lui-même, ou (2) en raison de la
complexité (profondeur) de son objet (despensées exprimées), ou (3) à cause de
l'incompréhension de ses lecteurs.
La « faute » d 'Héraclite pouvait avoir été intentionnelle ou involontaire . Platon (M 35Aa),
Aristote et Démétrius (M 33ab ; cf. M 33d ) penchaient apparemment pour la seconde explica
tion : si Héraclite est obscur, c 'est à cause de la maladresse de son style. [ Théon, par contre ,
n 'exclut pas une « maladresse » intentionnelle : « soit exprès, soit par ignorance » ( M 33c ; cf.
602 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
M 34C).] Théophraste estime lui aussi que l'obscurité de l'Éphésien était involontaire et lui
trouve une explication psychologique ou , plutôt, physiologique : Héraclite souffrait de bile
noire, c ' était un impulsif, et c'est cela qui l'empêchait demener ses thèses à terme et d 'épuiser
ses sujets (M 36ab; cf. M 346 fin ).
Mais l'explication opposée est de beaucoup la plus populaire : c'est en connaissance de
cause, par mépris pour la foule qu 'Héraclite s'exprimait de façon incompréhensible : pour que
seuls les « capables» le comprennent (certains et Timon chez Diog. L . (M 36a), Cicéron (M
370, M 37f; cf. M 378), Clément (M 37h), Anth. Gr. VII 129 (M 37i), pseudo -Darius (M 36C);
cf. Théon (M 33 ), M 348, M 34k, etc.) ; ou pour inciter les lecteurs à la réflexion (Plotin (M
348 ]) ; ou à titre de gymnastique intellectuelle (Asclepius [ M 34°)).
A la version d'un ésotérisme délibéré (destiné à effaroucher une partie des lecteurs poten
tiels et à donner matière à réflexion aux autres) s'oppose celle d 'un « ésotérismemalgré lui» :
ce n 'est pas Héraclite qui est obscur, ce sont les pensées qu 'il expose (ou les phénomènes qu 'il
décrit) qui le sont en raison de leur profondeur, de leur complexité, de leur nature occulte . Les
comprendre exige un énorme effort intellectuel, - ce qui avait aussi pour effet d 'éliminer une
partie des lecteurs. Telle est l'opinion des néoplatoniciens David et Élias (M 35€, M 350) :
mais la même idée est déjà impliquée par la deuxièmepartie de la réponse de Socrate (M 35a) :
les plongeurs de Délos étaient des pêcheurs de perles ; et c'est là le fondement de la théorie qui
ne voit chez Héraclite que symboles et allégories (Héraclite l'Homérique (M 34a), Asclépius
(M 34c]). C 'est sans doute ici qu'il faut également ranger l'épigramme anonymeAnth . Gr. IX
540 (M 38b), bien qu 'elle puisse être aussi interprétée comme impliquant un ésotérisme déli
béré (selon qu'on prend l'initiation au sens propre ou en un sens métaphorique).
Une réciproque de cette explication fait retomber la faute sur la stupidité des lecteurs : ce
n 'est pas Héraclite qui est obscur, c'est le lecteur qui est incapable de comprendre les choses
qu 'il décrit fidèlement. L 'auteur de l'Etna l'affirmede tout lecteur (M 380), Sextus seulement
des grammairiens sourcilleux ( M 38°).
Il n'y a que Lucrèce, emporté par le feu de la polémique, pour accuser Héra
clite de ne « briller par son obscurité» qu'aux yeux des sots, d'écrire pour
séduire et détourner de la vérité. En revanche, Lucrèce, poète lui-même, est pra
tiquement le seul auteur antique à témoigner de la beauté (trompeuse , il est vrai)
du style d'Héraclite « qui flatte les oreilles et est fardé de sons agréables »
(M 37'). Hormis ce vers , il n 'y a, sur le caractère poétique de la prose d 'Héra
clite, que les témoignages fort imprécis ou douteux que nous avons réunis sous
M 38A et dont seul celui de Platon possède un certain poids (à défaut de netteté ).
Il est intéressant de confronter ces opinions subjectives des anciens avec les exemples
d ' obscurité héraclitéenne qu 'ils citent, c 'est-à - dire avec les difficultés objectives auxquelles ils
se sontheurtés. Commençons par celles qui relèventde l'expression.
Aristote (M 33a) signale deux causes concrètes de difficulté : l'absence d'un nombre suffi
sant (1) de oúvoequoi, de connectifs (conjonctions et particules), et (2 ) de marques de ponc
tuation .Malheureusement, l'exemple fourni par Aristote n 'illustre que le second reproche: la
difficulté y est due non à l'absence de connectifs, mais à l'ordre des mots en tant que marque
des relations syntaxiques (il eût suffi de placer alel soit avant łóvros, soit au contraire plus
prèsde vívovrai pour qu'il n'y ait aucun problème). C' est un cas typique d 'amphibolie, selon
la terminologie grecque, d 'homonymie syntaxique comme nous dirions, nous. (C 'est aussi
d'amphibolie qu 'il est question ,mais sans exemples héraclitéens, chez Théon et Jean Doxo
patre ( M 33cd ] et chez le commentateur anonyme d'Aristote (M 33al). Par contre, les
« rencontres de consonnes » dont fait état ce dernier semblent ne rien devoir à l'Éphésien .)
Les autres reproches relevant de l'expression - l'emploide locutions étranges, c'est-à-dire
de termes impropres (M 35Ab Eévolç tloi... onuaoiv, cf. M 336 év tolç xupious ),le recours à
un langage symbolique ou allégorique (M 349, M 34C), ou poétique (M 37€) etc. – en eux
mêmes trop vagues, sont illustrés plus concrètement, comme nous verrons, par des exemples
relevant plutôt du contenu .
H 64 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE 603
En effet, l' obscurité des fragments B 49A et B 62 cités par Héraclite l'Homérique (M 34a)
(cf. Lucien (M 34b)] n 'a rien à voir avec la syntaxe ou l' insuffisance de connectifs. Ces asser
tions syntaxiquement transparentes sont « obscures » parce qu 'elles violent la loi de la contra
diction. Pour un Grec post-aristotélicien , on ne peut pas affirmer en même temps A et non - A
sans soit dire des stupidités ou des contre-vérités (cf. M 37 '), soit utiliser un langage symbo
lique (allégorique). Cette dernière approche suppose que soient trouvées pour A et non - A des
interprétations telles que la contradiction disparaisse. Aristote, lui,hésitait à être aussi catégo
rique : « Il est impossible que quelqu 'un admette que la même chose est et n 'est pas, comme
l'affirmait, selon certains, Héraclite ... » (T 138 = Metaph. 1005 b 23). Et c'est peut-être pour
cela que son commentateur Asclépius ( M 34c) pour qui dire que la même chose est et n 'est
pas revient à prétendre que toutes les choses admettent la même définition - fait lui aussi appel
à la nécessité d'une interprétation symbolique.
Simplicius et Jean de Sicile (M 35A6, M 35Ad) - inspirés sans doute par Platon (M 35Aa),
chez qui le reproche est implicite - mettent le doigt sur une autre difficulté logique du même
genre inhérente à Héraclite et difficile à « digérer» d'un point de vue aristotélicien . Parlant de
la citation platonicienne d 'Héraclite dans le Sophiste (242 d ), Olapepóuevov åki ovudépetal
(T 124 ), Simplicius y voit un exemple de la paradoxologie dénoncée par Aristote : « comme si
quelqu 'un appelait l'être " un homme" » (Phys. 185 a 7 = T 137). L 'exemple aristotélicien est
un cas typique d'inadéquation catégorielle et c'est une inadéquation de ce genre que perçoit
Simplicius dans la citation du Sophiste et que nous trouvons nous-mêmes là où Platon cite un
texte presque identique d 'Héraclite : l'Un, l'harmonie ne peut « différer » , sinon il y aurait
multiplicité, disharmonie, contradiction interne, car harmonie implique accord , c 'est-à - dire
dépassement des différences (Banquet 186 e - 187c = M 35Aa = T 123). Jean de Sicile (M
35Ad) semble d'ailleurs énoncer toute une théorie, apparemment empruntée à Hermogène, de
ce genre d 'obscurité, mais s'exprime assez obscurément lui-même et ne mentionne Héraclite
qu 'au passage.
Il est possible que ce soit aussi une inadéquation de ce genre (plutôt que l'archaïsme du
langage de l'Éphésien ) que « pseudo-David/pseudo-Elias» (M 35AC) interprète comme
obscurité issue de la qualité des mots, de leur singularité ou étrangeté. D 'ailleurs ce passage
semble effectivement s'inspirer du texte du Banquet de Platon (cf. EÉVOLG... onugolv et M
35Aa[187 a 4 ] tots ye øńugolv oủ xarūs).
Beaucoup plus terre à terre est la difficulté enregistrée par Théophraste : Héraclite ne dit
pas tout ce qu 'il conviendrait de dire sur les sujets qu ' il aborde, il s 'interrompt ou se tait au
moment où l' on attend de lui une réponse : il n 'explique pas clairement comment le Tout se
constitue à partir du feu, ilne dit rien de l'« ambiant» , il ne se prononce pas sur la nature de la
terre et des « bols » des astres (M 36ab ). La « suspension de jugement» (ÉTTOYn ) dont parle
pseudo-Darius (M 36C) reflète sans doute une constatation du même genre.
Enfin, Sénèque (M 340) nous fournit involontairement un exemple de la façon dont
l'« obscurité » pouvait n ' être qu 'un simple effet de l'absence de contexte : grâce à Plutarque
qui nous a conservé le mêmetexte (Cam . 19 = B 106 ), nous savons que celui-ci visait Hésiode
et sa division des jours en fastes et néfastes (Travaux et jours 765 sqq.). Sénèque nous
démontre ainsi qu 'au moment où il écrivit ce passage, lui, ou sa source, n 'avait pas lu Héra
clite (ou avait oublié le contexte pertinent) et se croyait autorisé à proposer (ou à reproduire )
des interprétations contradictoires du fragment cité.
Ainsi, (1) l'obscurité du livre d'Héraclite pour les Anciens ne fait pas l'ombre
d 'un doute , mais elle n ' était pas totale et donnait lieu à des attitudes et des inter
prétations très diverses. Les difficultés éprouvées par les modernes ne sontdonc
pas le fait exclusif de la fragmentation et de la corruption du texte originel, de la
perte du contexte . (2) Abstraction faite de leurs opinions subjectives sur les rai
sons et les mobiles de cette obscurité , nous avons pu en dégager un certain
nombre de causes objectives concrètes, probables ou certaines, à savoir (de l'ex
pression au contenu) :
604 HÉRACLITE D ' ÉPHÈSE H 64
a . les effets sonores ;
b.lemanque de connectifs (et l'ambiguïté syntaxique quien découle);
c. l'ambiguïté syntaxique créée par l'ordre desmots ;
d. les thèses enfreignant la loi dela contradiction ;
e. les thèses combinant des catégories incompatibles ;
f. le non-épuisement, et l'incohérence du traitement,de certains sujets ;
g. l' absence du contexte .
Trois de ces causes (de a à c) relèvent de la forme linguistique de l'expression
(dans deux cas source d'ambiguïté ), deux autres (d et e) de la forme logique du
contenu (source de contradiction) et lesdeux dernières de la formeimparfaite ou
incomplète soit du texte original, soit du texte transmis. Bref, l'obscurité héracli
téenne est avant tout tributaire de la formede son texte et mérite donc d ' être ana
lysée sous cet angle.
Platon, Lucrèce et quelques autres auteurs (M 370, M 38A ) nous suggèrent en
outre qu'en un certain sens cette formeétait poétique, ce qui expliquerait nombre
de particularités tant phoniques que grammaticales, syntaxiques et logiques du
langage héraclitéen ; cf. infra, III.3.
4. État actuel du corpus.Les éditions. Comme ceux de tous les préso
cratiques, le livre d 'Héraclite ne s'est pas conservé, mais nous disposons d'un
corpus assez vaste de citations qui en proviennent (les fragments) et de témoi
gnages sur les opinions que l'Éphésien y professait. Nous avons déjà dit qu'il
n 'existe pas encore d ' édition exhaustive de ce corpus des vestiges du livre et de
la doctrine. Il est donc encore très difficile de les chiffrer. Si le nombre des
fragments peut encore être approximativement indiqué – entre 110 et 140, de une
à une dizaine de lignes chacun , pouvant être considérés comme textuels (selon
l'idée qu 'on se fait de leur textualité et de leur authenticité ), et jusqu'à 180 , si on
y inclut les témoignages relatifs à des opinions ponctuelles, c'est-à-dire ceux qui,
sans être textuels, se rapportent à un passage déterminé du livre (exemple : DK A
22 ) -, le nombre des témoignages et a fortiori celui des opinions prêtées à Héra
clite par les Anciens demeurent indéterminés. L 'historien est donc obligé de
faire flèche de tout bois et de rechercher les textes qui lui manquent (et leurs
contextes) là où ils se trouvent: dans les éditions des sources antiques, dans les
études consacrées à ces sources et à Héraclite et aussi dans les diverses éditions
critiques des vestiges d'Héraclite . Pour lui faciliter la tâche, nous répertorions
ces dernières ci-dessous, avec de brèves annotations. Il n 'est pas inutile de savoir
que certains textes (réputés secondaires) connus des modernes au xixe s., mais
omis ou négligés par Bywater 130 et Diels 132- 133, ont été complètement per
dus de vue au XXe s.
125 H . Stephanus (H . Estienne), Moinois pilóoopoc. Poesis philosophica. Vel saltem Re
liquiae poesis philosophicae Empedoclis, Parmenidis, Xenophanis, Cleanthis, Timonis, Epi
charmi. Adiuncta sunt Orphei illius Carmina qui a suis appellatus fuit ó Deódoyoc. Item
Heracliti et Democriti loci quidam et eorum epistolae. Excudebat H . S ., s.l., 1573; p . 129- 155.
— Une quarantaine de fragments, certains avec les contextes des sources, disposés par cita
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 605
teurs, dans un ordre apparemment arbitraire de ceux -ci, et huit des neuf lettres pseudo -héracli
téennes (IV à VIII, I à III). Sans numérotation , commentaire ou apparat.
126 F. Schleiermacher, « Heraklit der Dunkle von Ephesos dargestellt aus den Trümmern
seines Werkes und den Zeugnissen der Alten > , Museum der Altertumswissenschaft 1, 1808 ,
p . 313 -533 = Id ., Sämmtliche Werke, t. III/2, Berlin 1838, 146 p. - 75 fragments, numérotés
de 1 à 73 (les numéros 37 et 38 sont attribués deux fois ), disposés dans l'ordre d 'exposition de
la doctrine, avec commentaire critique et philosophique incluant de nombreux témoignages.
127 F . Lassalle , Die Philosophie Herakleitos des Dunklen von Ephesos. Nach einer neuen
Sammlung seiner Bruchstücke und der Zeugnisse der Alten dargestellt, t. I-II, Berlin 1858 ;
réimpr. en 1 vol. Hildesheim 1970 , XV + 379 (+ ) V + 479 p . — Monographie philosophique
d' inspiration hégélienne incorporant unemine de textes fondamentaux et secondaires dont bon
nombre ont depuis été oubliés (cf. index). Pas de numérotation ,philologie parfois défectueuse.
128 F. W . A . Mullach, Fragmenta Philosophorum Graecorum . Collegit, recensuit, vertit,
annotationibus et prolegomenis illustravit, indicibus instruxit F . W . A . M ., t. I, Paris 1860
(réimpr. Aalen 1960 ), p. 310 -329. — 96 itemsnumérotés de 1 à 96 incluant les 75 fragments
de Schleiermacher (même ordre de succession, numéros différents), les citations hippoly
tiennes d 'Héraclite (editio princeps 1851) et des extraits du De uictu pseudo-hippocratique,
avec citation des contextes etde textes parallèles et traduction latine en bas de page.
129 P . Schuster, « Heraklit von Ephesus. Ein Versuch dessen Fragmente in ihrer ursprüng
lichen Ordnung wiederherzustellen » , dans Acta Societatis philologicae Lipsiensis 3, 1873,
p . IX -XVIII, 3 -398 . - Reconstruction commentée incorporant 145 items, y compris des extraits
du De uictu pseudo-hippocratique, numérotés de 1 à 140. Philologiquement et philosophique
ment faible,maismérite d'être consulté compte tenu des bonnes idées épisodiques de l'auteur.
130 I. Bywater, Heracliti Ephesii reliquiae. Rec. I. B ., Oxford 1877 ; réimpr. London
1970, XVI + 90 p . — 138 fragments (les huit derniers spuria ) disposés dans l'ordre supposé de
l'original avec, en bas de page , leurs divers contextes chez les citateurs, leurs paraphrases et
réminiscences, et un apparat critique succinct, plus, en appendice, des éditions critiques de
(1) Diog. Laërce IX 1-17, (II) Hippocr. De uictu I 3 -24, (III) 2 fragments de Scythinos de
Téos, (IV ) Lucien , Vit. auct. 14 , (V ) (Héraclit.), Lettres I-IX , et un epimetrum avec un extrait
de Zosimus, De la vertu et de la composition des eaux.
131 H . Diels, Doxographi Graeci, Berlin 1879 ; 4e réimpr. 1965, X + 854 p. Ouvrage capi
tal réunissant pratiquement toutes les sources doxographiques au sens strict (c'est-à -dire
remontant à Théophraste et à la tradition des Placita et des Successiones) relatives (entre
autres) à Héraclite: “ Aétius” (c'est-à-dire (Plutarque), Placita et Stobée, Ecl. I en parallèle),
Arius Didyme, Théophraste, Physic. Opin . et De sens. fragmenta, Cicéron , De deor, nai. I et
Philodème, De piet. I (extraits en parallèle), Hippolyte , Philosophum . (= Ref. omn. haer. I) ,
Plut., Strom . fr., Épiphane, var. excerpta , (Galien ), Hist. philos., Hermias, Irris. gent. philos.
Noter toutefois que pour nombre de ces textes il existe des éditions plus récentes et de qualité
supérieure .
132 H . Diels, Herakleitos von Ephesos, griechisch und deutsch, Berlin 1901, XII + 56 p .;
2e éd . 1909, XVI + 83 p . et 133 Id., Die Fragmente der Vorsokratiker, griechisch und deutsch,
Berlin 1903, p . 58 -89 (sans apparat) ; 2e éd., t. I, 1906 , p . 54 -87 (textes) ; t. II/1, 1907, p . VI,
VIII, 660 -667 (apparat); t. II/2, 1910, p. VII-VIII (iconogr.) ; 3e éd., 1912, t. I, p. 67- 113 ; t. II,
P . IV (iconogr.) ; 4e éd ., 1922, t. I = 3e éd. plus p . XXIII-XXVI (suppléments ) ; 5e et 6e éd . cf.
supra Diels -Kranz 4 . Disposées dans l'ordre chronologique, ces éditions reflètent l'évolution
du corpus réuni par Diels et complété ensuite par Kranz. Sauf celle de 1901 où les fragments
(138 au total, numérotés de 1 à 137) viennent au début, sans sigle, et les témoignages consti
tuent un supplément divisé en trois groupes : A (vie ), B (doctrine), C (imitations), l'ordon
nance et la composition sont grosso modo celles que nous retouvons dans DK (où il y a 12
fragments et 14 témoignages et imitations de plus qu 'en 1901). Les éditions héraclitéennes
séparées ont toutefois une Introduction intéressante (agrandie dans la deuxième) et des notes
plus fournies (et non nécessairement identiques dans les deux éditions).
134 B. Snell, Heraklit. Fragmente, griechisch und deutsch, München 1926 , 40 p.; 2e éd.
améliorée, 1940, 54 p. (nombreuses rééditions / réimpressionssans changements). Texte criti
606 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
que sans apparat et traduction originale de tous les fragments considérés comme authentiques
(ordonnance et numérotation de Diels) et de quelques textes doxographiques etbiographiques,
avec un Nachwort. Très commode à consulter en raison de son format réduit.
135 R. Walzer , Eraclito. Raccolta dei frammenti, Firenze 1939 ; réimpr.Hildesheim , 1964,
VIII + 157 p . Espèce de croisement des éditions de Diels et de Bywater. Tous les textes A et B
du premier (sauf B 126A- B 128 et B 130 -B 139) sont reproduits et traduits avec, au -dessous,
bref apparat, notes, contextes des citateurs, textes parallèles et renvois bibliographiques.
Ordonnance et numérotation de Diels (mais A 22 et B 129 sont devenus respectivement B 9A
et B 127) . Demeure utile.
136 C . Mazzantini, Eraclito. I frammenti e le testimonianze. Testo e traduzione, Torino
1945, 312 p. Introduction monographique, texte critique des fragments estimés authentiques
(sans contexte ) et des témoignages, avec traduction en regard et notes en bas de page, appen
dices critico -exégétiques, notes bibliographiques, index des sources, des fragments, des noms.
Ordonnance et numérotation de Diels (mais B 129 est devenu B 127). Honnête et sérieux.
Kirk 36 . Édition commentée de près d 'une cinquantaine de fragments supposés cosmo
logiques. Les textes critiques, avec apparat et traduction , y occupent une place très modeste,
en revanche le commentaire philologique et philosophique est pléthorique . Consciencieux , très
érudit et bien informé sur la problématique et les travaux antérieurs, il est hypercritique, mé
fiant, subjectif, raisonneur et plat dans son argumentation et ses conclusions. Vu son influence
exceptionnelle,mérite d'être attentivementétudié et critiqué.
Marcovich 1 et 2. Fruit d'un prodigieux travail de collecte , sélection , critique et classement
des textes pertinents, cette édition consiste en 124 fragments (dont 3 douteux et 10 inauthen
tiques) présentés avec tous les contextes immédiats dans lesquels ils sont cités, ainsi que les
paraphrases et les réminiscences identifiables. N 'est traduit que le texte adopté du fragment.
Sont omis les témoignages sur la vie et le livre et les témoignages sur la doctrine n 'ayant de
rapport avec aucun fragment - à l'exception de DK A 1 (9 -12), A 13, A 16 , A 18 - 19, eux
mêmes érigés au rang de fragments. L 'ordonnance et la numérotation sontnouvelles, fondées
sur un classement thématique (25 groupes distribués entre trois parties : doctrine du logos,
doctrine du feu, éthique-politique et divers). Le commentaire philologique et exégétique est
sommaire , peu original et plutôt dogmatique et tributaire du mainstream Reinhardt-Kirk
Guthrie. Cf. compte rendu de 1 dans 137 Mypabbel, VDI 1970, n° 4/114 , p. 162- 171.
Mondolfo-Tarán 3. Fait pendantà Marcovich 2 et ne contient que lestémoignages et imita
tions : les textes A 1 à A 23 de DK (avec de nombreux compléments) et un chapitre refondu
d'imitations C 1 à C 16 (incorporantDK C 18 C 5), édités par Mondolfo, plus une édition
nouvelle complète des Lettres pseudohéraclitéennes,préparée par Tarán. Tous les textes sont
traduits et abondamment commentés. Une introduction longue de près de 200 p. reproduit
quatre articles de Mondolfo sur les témoignages antérieurs à Platon et ceux de Platon et
Aristote. La documentation est riche, la philologie hésitante (excepté pour les Lettres), l'exé
gèse généreuse et confiante . Cf. compte rendu dans 138 Mypabbeb, VDI 1974, n° 2/128,
p. 194 -203.
139 J. Bollack et H . Wismann, Héraclite ou la séparation , Paris 1972, 407 p . Édition très
peu canonique, réfléchie mais fort sujette à caution , des fragments sans contextes, avec intro
duction, traduction et commentaire critique, linguistique et exégétique. Numérotation et
ordonnance selon DK (mais 34 fragments astérisqués en tant qu 'inauthentiques et 8 amputés
d 'une partie de leur texte ) ; cf. compte rendu détaillé dans 140 Mouraviev , « Comprendre
Héraclite » , L 'Age de la science, 3, La philosophie et son histoire, Paris 1990, p. 184 -211.
141 Ch. H .Kahn, The art and thought of Heraclitus, Cambridge 1979, XIV + 354 p. Édi
tion critique et traduction avec commentaire philosophique détaillé des seuls fragments, sans
les contextes, disposés dans un ordre nouveau reproduisant l'ordre supposé de l'original.
Numérotation nouvelle des 125 fragments considérés comme authentiques (10 autres frag
ments douteux ou inauthentiques figurent en anglais dans un appendice). Texte critique selon
Marcovich 1 = 2, avec écarts occasionnels par rapport à lui et à DK signalés dans un apparat
succinct. L 'intérêt principalde cette édition est dans les deux caractéristiques essentielles de
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 607
son commentaire : (1) la grande importance prêtée dans le titre du livre et dans un chapitre
spécial, contrastant malheureusementavec le peu de place qui luiest réservé dansle commen
taire proprement dit, à la forme littéraire condensée et intentionnellement ambiguë du livre
d'Héraclite , et (2) le traditionnalismemodéré etgénéralement justifié des interprétations phi
losophiques .
142 C . Diano et G . Serra , Eraclito . I frammenti e le testimonianze, (Milano ) 1980, XX +
214 p . (Euvre posthume inachevée du premier des deux auteurs ,mort en 1974, – le second a
complété le commentaire, rédigé l'apparat critique et dressé les tables de concordance et
l'index des mots -, c 'est une édition critique avec traduction de 126 fragments considérés
comme authentiques (sans contextes) et une traduction (sans texte grec) de 61 témoignages
bio- et doxographiques (dont 16 absents dans DK ). L 'ordre et la numérotation des textes
(fragments et témoignages) sont nouveaux et la disposition des fragments se rapproche fort
d'une reconstruction ,malheureusement inexplicite et non argumentée, du livre. Le commen
taire de Diano (textes 1 à 14 ) etde Serra présente un intérêt philologique et exégétique certain .
143 G . Colli, La sapienza greca , t. III , Eraclito , Milano 1980 , 216 p. Euvre posthume in
achevée, elle aussi, cette édition reproduit pratiquement, grâce aux soins de D . Del Corno ,
l'état du travail au moment où il fut interrompu par la mort de l'auteur, survenue en 1979. Elle
se compose de : 121 fragments textuels (parfois avec contexte minimal) numérotés A 1 -A 121
dans l'ordre nouveau (en fait, un mélange savant) où Colli les avait disposés, 18 témoignages
doxographiques les plus anciens numérotés A ' 122-A ' 139, dans l'ordre non -définitif où ils
étaient disposés à sa mort, et de 8 textes numérotés BI- B 8 présentés comme postérieurs ou
de tradition incertaine, dans un ordre définitif. Chaque texte est traduit et doté d 'un apparat
avec renvois à des textes parallèles, variantes manuscrites les plus importantes et nomsdes
auteurs des amendements acceptés, et d 'une bibliographie. Le commentaire se compose des
ébauches laissées par Colli et d 'extraits pertinents de ses écrits antérieurs.Malheureusement,
ce travail est philologiquement faible et subjectif, comporte des erreursmatérielles et se fonde
sur une bibliographie très insuffisante. Il n ' en présente pasmoins, vu la personnalité de l'au
teur et à condition d 'en vérifier les données de base, un intérêt incontestable en tant que source
d' idées et d 'approches originales.
144 M . Conche, Héraclite . Fragments, Paris 1986 , 496 p . Édition critique commentée de
149 fragments sans contextes dont 136 considérés comme authentiques, numérotés de 1 à 136
et disposés dans « l'ordre même de la recherche» . Commentaire philologique aléatoire, com
mentaire philosophique intéressant, mais souvent hypothéqué par les insuffisances de la philo
logie. Pour un compte rendu détaillé, cf. 140, p. 212-232.
Mouraviev 16 est un projet ambitieux et de longue haleine appelé à combler les lacunes
dont il a été question supra, mais dont les deux volumes parus (17 , 18 ) ne donnent encore
qu'une idée très incomplète.
III.LA DOCTRINE ?
1. La crise actuelle des études héraclitéennes. Au début de ce siècle, 145 O .
Spengler, Heraklit. Eine Studie über den energetischen Grundgedanken seiner
Philosophie , Halle 1904 , réimpr. dans 146 Id ., Reden und Aufsätzen, München
1961, p. 2-4, déplorait que les interprétations antérieures erronées d'Héraclite ,au
nombre de neuf, eussent quasiment épuisé toutes les possibilités et qu 'il n 'en
restât plus qu 'une: la bonne, qu 'il allait justement énoncer. Au milieu de ce
siècle , dans son Prólogo à la traduction espagnole de cette thèse, 147 Id ., Herá
clito, Buenos Aires 1947, p . 13 -84 , R .Mondolfo ne put s'empêcher de réfuter
cette opinion , en résumant onze interprétations plus récentes que celle de Spen
gler. Et cette prolifération d'interprétations différentes, souvent mutuellement
irréductibles et inconciliables, s'est tant et si bien poursuivie jusqu 'à nos jours
que serait bien téméraire celui qui voudrait, aujourd 'hui, en dresser un inventaire
608 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H 64
tant soit peu complet. Chose plus grave, les divergences, loin de diminuer, se
multiplient, s'approfondissent et portent non seulement sur la doctrine propre
ment dite ,mais aussi et toujours davantage sur le texte , sur des questions de
philologie telles que l'existence et la philosophicité du livre, l'existence d'un
texte continu et d'un système cohérent, l'authenticité de nombreux fragments,
leur degré de littéralité, leur leçon correcte , leur structure syntaxique, la signifi
cation des mots, etc., si bien qu 'il n 'existe actuellement pratiquement aucun
fragment, aucun témoignage, aucun point de doctrine sur lequel il y ait un
consensus réel, dont la leçon , le sens et la portée ne fassent pas problème et
soient solidement établis. Si, au XIXe siècle , l'objet des débats était le sens philo
sophique à prêter à un corpus de textes relativement stable et fixe, aujourd 'hui ils
portent avant tout sur la composition et le contenu matériel de ce corpus, qui
deviennentde plus en plus tributaires du « sens» qu 'on souhaite y trouver.
Bref, il est grand temps de dresser un constat d'échec : 190 années après
Schleiermacher,malgré des acquis indubitables,les études héraclitéennes en sont
toujours au stade des tâtonnements , des piétinements, du guesswork . D 'abord
purement exégétique, celui-ci a peu à peu gagné les fondements philologiques de
l'interprétation, si bien qu 'on ne sait même plus ce qu'au juste on interprète.
Tout cela ne peut signifier qu'une chose, que l'« héraclitologie » n 'a toujours pas
débouché sur une méthode tant soit peu adaptée à ce qui fait l'originalité des
vestiges de la pensée d'Héraclite et, faute d'une telle méthode adéquate à son
objet, elle en arrive parfois à enfreindre les règles de toute philologie .
Outre deux articles que nous avons nous-même consacrés à ce sujet (148 Mouraviev,
« Comment interpréter Héraclite : vers une méthodologie scientifique des études héracli
téennes » , dans Boudouris (édit.) 52 , p . 270 -279, et Id . 140 , passim ) nous ne pouvions, avani
1998 , n 'en signaler qu 'un seul autre : 149 T .M . Robinson, « Methodology in the reading of
Heraclitus » , dans Boudouris (édit .) 52, p . 344 - 352 . La parution toute récente de la volumi
neuse monographie de 150 G . L . J. Schönbeck , Sunbowl or symbol : Models for the interpre
tation of Heraclitus ' sun notion , Amsterdam 1998 , XLVIII & 436 p ., où le problème du soleil
d'Héraclite sert demotif à une vaste enquête épistémologique etméthodologique sur les multi
ples procédures cognitives et domaines du savoir (et de l'ignorance)moderne auxquels l'histo
rien de la philosophie archaïque antique devrait faire – mais ne fait pas – appel pour atteindre
son but, rétablit quelque peu l'équilibre et suggérera inconstablement des approches nouvelles
prometteuses aux chercheurs de demain , mais les formidables exigences qu 'elle formule vis -à
vis de cette recherche et les conclusions extrêment pessimistes auxquelles elle aboutit malgré
elle s'agissant de la faisabilité desmodèles proposés, risquentde décourager plus d'une voca
tion « héraclitologique » .

Aussi brûlant qu'il soit, il ne saurait être question de traiter , dans un article de
dictionnaire , un problème aussi difficile et encore si peu élaboré.Mais nous
croyons utile de définir ici quelques axes importants de la recherche qui sont
encore soit négligés, soit presque totalement inexplorés. Ce sont, primo, la mise
au point graduelle d 'une méthode spécialement adaptée au cas Héraclite ;
secundo, l'édition et l' étude systématique de la tradition ; tertio, l'extraction de
toute l' information pertinente que cette tradition renferme; quarto , l'analyse et
la synthèse de la forme poétique des fragments du livre et, quinto, la reconstruc
tion du livre et de la doctrine .
H 64 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE 609
2. Principaux axes de la recherche. Méthode et déontologie.
Abstraction faite de règles déontologiques universelles absolument évidentes,
mais nonobstant à tout bout de champ enfreintes (comme: a . la nécessité de
connaître non seulement la littérature germanophone ou anglophone des trente
dernières années,mais encore toute la littérature moderne et ancienne pertinente ,
quelle qu 'en soit la langue ; b. l'obligation de juger les résultats d'autrui, et les
siens, à la qualité des procédures suivies et des arguments avancés, et non en
fonction du prestige de leur auteur ou de leur convenance subjective ; c. le devoir
d 'éviter les formules floues du genre likely-unlikely et d'argumenter explicite
ment et par le menu toute solution adoptée, défendue, etc .), les études héracli
téennes doivent se plier à toute une série d'exigences découlant de la nature
même de leur objet.
Cet objet se compose de textes, ce qui implique une certaine déontologie philologique. Ces
textes relèvent de la philosophie , d'où s'ensuit le besoin d 'une déontologie et d 'une méthodo
logie herméneutiques. La philosophie en question est on ne peut plus archaïque, fait qui ne
peutmanquer de susciter des interrogations quant aux formes de sa philosophicité et se réper
cuter sur le choix des moyens pour la dégager. Cette philosophie s'exprime de surcroît dans
une langue morte, constatation qui nous ramène dans la sphère philologique et pose le pro
blème de la récupération du sens linguistique immédiat, sans lequel il serait vain de vouloir
comprendre le sens profond. Enfin , elle nous est parvenue dans un état fragmentaire, lacuneux,
parfois déformé ou corrompu , toujours privé de contexte, et cela nous place devant la néces
sité de débarrasser d 'abord les débris archéologiques rescapés de la gangue qui les recouvre ,
puis de reconstituer l' ouvrage à partir de ces débris . Il suffit de garder cette situation en tête
pour comprendre qu 'ignorer toutes ces distinctions et utiliser en vrac une partie (aussi impor
tante soit-elle) des sources à l' état vierge, avec ce qu 'elles semblent vouloir dire ( et ce à un
niveau sémantique indéterminé) dans le contexte du citateur, ou au contraire abstraction faite
de ce contexte, et reconstruire la doctrine du philosophe à partir de là , en s'aidant de son
« bon sens» , de son « bon goût» , de son Sprachgefühl (concept vide de sens s'agissant d'une
langue morte) et de l'autorité de ses prédécesseurs (qui se servaient des mêmes « critères » ),
relève de la plus pure utopie .
Il est donc indispensable d' élaborer une méthode, c'est-à-dire d’établir
d'abord, et de proclamer, les rapports de valeur, d 'importance et de préséance
méthodologique et logique qui conditionnent et justifient toutes les procédures
pertinentes afin de pouvoir, ensuite , s'y conformer légitimement et en tirer
argument en faveur des résultats obtenus. Les paragraphes suivants ne font que
décrire certaines pratiques quidécoulentde la méthode dont nous nous sommes
nous-même doté.
Cette méthode est fondamentalement philologique, elle accorde la priorité à la lettre du
texte par rapport à son contenu, et ceci de propos délibéré : mieux la lettre sera établie et plus
se rétrécira la liberté d'interprétation du contenu , moins l'on sera tenté par les mirages post
modernistes et destructivistes. Ce n 'est qu 'ensuite qu 'entreront en jeu les critères des contenus
locaux (les divers thèmes), de la cohérence interne (la structure du livre ), du contenu global (le
« système» ), du contexte noologique (mythologique, scientifique, philosophique) antérieur et
contemporain , etc . Prendre pour point de départ un thèmeparticulier (e.g. le soleil d'Héraclite )
en le détachant du reste, et vouloir l'analyser, en renonçant consciemment à tout établissement
préalable du matériel textuel, comme le fait Schönbeck 150 passim , revient, nous semble -t-il,
à élargir inutilement et au -delà de toute mesure l' éventail des approches et des interprétations
possibles, à engendrer d 'innombrables interférences et réverbérations fortuites et non avérées
quine font qu 'accroître le bruit,et finalement à noyer dans ce bruit le contenu original recher
ché. Plutôt que et avant de multiplier les approches analytiques etles distinctions sémantiques
610 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE H64
subtiles et de faire appel aux lumières de diverses autres sciences modernes, il convient
d 'écarter ou de valider d 'abord tout ce qui peut l'être philologiquement au niveau de l' écriture
(graphie, « orthographie » , paléographie , codicologie ), de la transmission et de la critique du
texte (élimination des erreurs de copiste, comblement des lacunes, analyse du contexte du cita
teur ), de la langue (identification des critères de littéralité , des structures linguistiques et
supralinguistiques, établissement du sens superficiel) , de la tradition prophorique et doxogra
phique (comparaison des variantes d 'un même fragment, évolution d 'une information sur la
doctrine), etc . Ce qui suit ne concerne que ces priorités-là.
Étude systématique de la tradition. Avant d'utiliser les sour
ces, il faut, d'abord, les avoir toutes réunies, et ensuite les avoir toutes comprises
(et, si nécessaire et possible, établies) en tant que sources. Autrement dit, il faut
savoir tout ce qui a été dit d'Héraclite , tout ce qu 'on lui a prêté comme citations
et opinions, sans préjuger aucunement de la valeur historique et de la signifi
cation originelle de ces informations. C 'est le stade de la critique des sources et
des citations. Il suppose la préparation d'une édition complète et un travail
d'interprétation systématique de la tradition héraclitéenne en tant que tradition .
Tel est l'objectif de la deuxième partie, Traditio Heraclitea, de Mouraviev 16, dont un
premier fascicule (cf. id . 18 ) est déjà paru et qui contiendra , outre une édition de tous les
textesde la tradition, un commentaire philologique et « pégologique » .
Recension des informations pertinentes. Une fois les sour
ces réunies et interprétées pour elles-mêmes, il faut en extraire tout le métal pré
cieux. Celui-ci se subdivise assez naturellement en trois catégories : les témoi
gnages historiques sur la vie et le livre d'Héraclite ; les opinions qui lui sont
prêtées ; les citations de son livre. Si ces dernières, commenous l'avons vu , ont
eu droit à d ' innombrables éditions, les secondes et les premières ont été fort
négligées.
Hormis la section A de Diels 132- 133 = Diels-Kranz 4 (et ses multiples reproductions), il
n ' existe que Mondolfo - Tarán 3 et, pour les témoignages sur la vie et le livre , Mouraviev 9
(près de 150 items contre 12 dans DK et 13 dansMondolfo) avec les commentaires de 10 - 12 .
La troisième partie de Id . 16 , Recensio Heraclitea, s'ouvrira par une nouvelle édition augmen
tée de 9 -12,Memoria, qui sera suivie par une édition systématique des témoignages sur la
doctrine, les Placita .
Mais même les éditions existantes des fragments, malgré leur nombre, ne
répondent pas à des critères méthodologiques sains. En fait, elles sont souvent,
chacune, la combinaison contre nature d 'une édition de certaines sources (les
citations prises dans leurs contextes), d'une édition des fragments que ces
sources renferment (les citations abstraction faite de leurs contextes) et d'une
exégèse des contenus doctrinaux des fragments replacés en quelque sorte dans
leur contexte originel supposé (l'ordonnance, les traductions, le commentaire).
C 'est ainsi que le texte n° la de Marcovich, 1 ou 2 , est à la fois une édition de Sextus, Adu.
math. VII 132 (contexte), du fr. B 1 (la citation y est « corrigée » compte tenu de trois autres
sources : Hippolyte, Clément, Aristote ) et de l' interprétation de ce dernier par Marcovich
(traduction et commentaire).
Une véritable édition des fragments ne peut résulter que de la confrontation
(après établissement, dans l'édition des sources, de leur lettre et de leur sens pour
les citateurs) (1) des diverses versions d'un même fragment, en vue d'en établir
le texte le meilleur, et (2) de tous les fragments entre eux , en vue d 'en établir ,
H 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 611
dans le commentaire, les paramètres linguistiques et stylistiques. Elle doit éviter
deux choses : faire double emploi avec l'édition des sources (ce qui n 'exclut pas
des retours à celles- ci dans le commentaire) et prétendre à un contenu philoso
phique définitif. C 'est le stade de la critique externe et interne des fragments en
tant que fragments du livre perdu.
L'édition commentée des fragments constituera le troisième élément, Fragmenta Heracliti,
de la troisième partie deMouraviev 16 et sera peut-être suivie d 'un quatrième élément, Fontes
Heracliti, réunissant les textes, d'Homère à Simonide, dont Héraclite a pu lui-même s'inspirer.
3. La poétique des fragments. L 'établissementdes paramètres linguistiques
et stylistiques des fragments (en réalité , il s'agit ni plus nimoins de la poétique
héraclitéenne en tant que principalmoyen d 'expression de sa doctrine) est une
tâche d'autant plus brûlante qu 'elle a été complètement négligée par lemain
stream des études héraclitéennes avant Kahn 141, et cela malgré son rôle abso
lument crucialpour les recherches futures, et demeure toujours une terra inco
gnita pour la plupart des chercheurs. On trouvera donc ci-dessous, d'abord une
bibliographie assez complète des travaux existants (mais ignorés par la grande
majorité des modernes) où ce sujet est abordé, et ensuite, une brève caracté
ristique du phénomène lui-même.
151 E . Warmbier, Studia Heraclitea, Thèse, Berolini 1891, passim (figures de rhétorique);
152 E . Norden , Die antike Kunstprosa. Vom VI. Jahrhundert v. Chr. bis in die Zeit der Renais
sance, t. I, Leipzig 1898 ; 5e éd . Hildesheim 1958, p. 18 -44 (antithèses, jeux de mots, mètre) ;
153 W . A . Heidel, « On certain fragments of the Presocratics » , PAAAS 48 , 1913, p . 708 -713
(mètre); 154 A . W . De Groot, Der antike Prosarhythmus, t. I, Groningen -Haag 1921), p. 29
30 (mètre ) ; 155 B . Snell, « Die Sprache Heraklits » , Hermes61, 1926 , p . 353- 381 = 156 Id .,
Gesammelte Schriften, Göttingen 1966 , p. 129-151 (nature poétique) ; 157 J. Haberle , Unter
suchungen über den ionischen Prosastil, Inaug.-Dissert., München 1938 , passim (poétismes,
néologismes, images, parataxe, expressions polaires, antithèses); 158 G . Rudberg, « Heraklei
tos und Gorgias » , dans Serta Eitremiana. Opuscula philologica S. Eitrem septuagenario
oblata , Osloae 1942, p . 128 -140 (figures gorgiennes); 159 J.D . Denniston , Greek prose style,
Oxford 1952 ; 1965, p . 2 - 3, 74 , 103, 127, 136 - 137 (allitérations, jeux de mots, répétition ,
chiasme, asyndète, consonance); 160 U . Hölscher, « Der Logos bei Heraklit », dans Varia
Variorum . Festgabe für Karl Reinhardt, Münster-Köln 1952, p . 72 -75 Id . 61, p. 136 - 141
(paradoxe, énigme, comparaison) ; 161 C . Schick, « Studi sui primordi della prosa greca »,
ArchGlottltal40, 1955 , p . 111-121 (antithèses, archaïsmes, déverbatifs, phrases nominales,
images, ordre des mots, participes, répétitions, consonances, composition en anneau, etc.);
162 K . Deichgräber, « Rhythmische Elemente im Logos des Heraklit » , AAWMIGS 1962,
p. 477-552 = Rhythmische Elemente im Logos des Heraklit, Wiesbaden 1963, 76 p. (mètre);
163 G . S . Kirk , « Heraclitus's contribution to the development of a language for philosophy » ,
ABG 9, 1964, p. 73-77 ; 164 E . A . Havelock, « Pre- literacy and the Pre-Socratics », BICS 13,
1966 , p . 54- 58 (tradition orale et novation écrite ) ; 165 S . Lilja , On the style of the earliest
Greek prose, coll. « Commentationes Humanarum Litterarum » 41/3, Helsinki 1968, passim
(poétismes,mètre, alliterations, répétitions, paronomases, chiasmes, hypotaxe, etc.) ; Hölscher
62, p . 144 - 149 (comparaisons et style gnomique) ; 166 M . Schavernoch , Studien zur Sprache
Heraklits. Thèse, Wien 1968 , 75 p. (antithèses, expressions polaires, participes, ordre des
mots , chiasmes, parallélismes, compositions en anneau, paronomases) ; 167 G . Romeyer
Dherbey, « Le discours et le contraire. Notes sur le débat entre Aristote et Héraclite au livrer
de la Métaphysique » , EPh 1970, p . 475 -497 (rapport entre forme linguistique et doctrine) ;
Bollack -Wismann 139 (cf. index Formes de langue ) ; 168 Mypabbel, «Cuina6OTOHNYHOCT
PUTMUYECKoń mposh ſepakjuta 30ecckoro [Le syllabotonisme de la prose rythmique
d'Héraclite d 'Ephèse ) » , AHMU4Hocmo u coopeMeHHOCMb. K 80 - nemulo Dedopa
AnekcaHôpobura ſlemposckozo ,Mockba 1972, p. 236 -251; Kahn 141, p. 87 -95 (densité lin
612 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE Η 64
guistique, résonance) et cf. index ; 169 E . Tagliaferro, « Tipologia del paragone eracliteo »
dans Rossetti (édit.) 49, t. I, p . 169- 180 ; 170 E . A . Havelock, « The linguistic task of the Pre
socratics », dans 171 K . Robb (édit.), Language and thought in early Greek philosophy, La
Salle 1983, p. 33-36 et passim ; 172 K . Robb, « Preliterate age and the linguistic art of Heracli
tus » , dans Id . ( édit.) 171, p. 153 -206 ; 173 Mouraviev, « Crux eruditorum : le dossier du fr. B
26 DK d 'Héraclite » , dans La philosophie grecque et sa portée culturelle et historique,
Moscou 1985 , p. 85 -89, 99- 114 ; 174 MypaBBeB, « CκpHTav rapMOHMν . ΠοπΓοTOBYTenbHKe
MaTepaΠΗ κ οπMcaΗΜΟ ΠΟ3ΤΜκM ΓepaκπMTa Ha ypoBHe φοHeM [ L ' harmonie cachée. Mate
riaux préparatoires pour la description de la poétique d 'Héraclite au niveau des phonèmes » ,
dans Παλeoβαλκακucmuκα μ ακmu Hormo, MocKBa 1989, p. 145-164 ; 175 Mouraviev, « Le
dossier du fr. B 21 Diels -Kranz d'Héraclite d'Éphèse » , REG 104, 1991, p. 70-75, 80 -82 ;
176 V. Tejera, « Listening to Heraclitus », Monist 74, 1991, p. 491-516; 177 Ε . Ε. Pels,
Vormen van opspraak – taal- en denkstructuren bij Herakleitos (thèse ), Amsterdam 1992, 280
p.; 178 A . Chitwood, « Heraclitus αινικτής. Ηeraclitus and the riddle », SCO 43, 1993, p. 49
61 (philologie nulle ) ; 179 A . Iannucci, « La obscuritas della prosa eraclitea » , Lexis 12 , 1994 ,
p . 47-66 ; 180 R . Dilcher, Studies in Heraclitus, Hildesheim 1995, p. 99- 139 ; 181 C .J.
Classen, « Beobachtungen zur Sprache Heraclits» , Philologus 140, 1996 , p. 191-200 . Cette
liste est loin d 'être exhaustive,mais contient le plus important de ce que nous avons trouvé sur
le sujet.
Malgré le nombre impressionnant de ces travaux et la reconnaissance crois
sante, ces quinze dernières années, du rôle que la poétique héraclitéenne est
appelée à jouer dans l'exégèse de sa doctrine, son étude n 'en est qu 'à ses pre
miers balbutiements. Pour le démontrer, nous allons citer ci-dessous quelques
exemples (un par figure ), la plupart inédits avant nous, de certaines des nom
breuses configurations poético -rhétoriques dont son texte est saturé.Nous sui
vrons grosso modo l'ordre phonétique → morphologie → sémantique. Faute de
place, nous ne précisons pas les effets des structures dégagées sur le contenu
final total des textes concernés,mais tenons à en souligner la réalité et l'impor
tance herméneutique.
Tout d'abord, au niveau prosodique, les fragments textuels héraclitéens se distin
guent par la cohabitation en eux de deux rythmes, l'un syllabotonique (ex . 1 ) , s 'étendant à la
totalité du texte , l'autre quantitatif (métrique) se manifestant sous forme d 'incrustations dac
tylo -spondaïques (ex. 2 ) ou jambo -trochaïques occasionnelles (ex . 3 ) – nous en avons dénom
bré près de 70 .
Ex. 1 (B 1), rythmesyllabotonique etcôlométrie:
του δε λόγου τούδ(ε) εόντος | αιεί Ο ο ΧοOoXolo X
αξύνετοι γίνονται άνθρωποι οΧοοΧοοΧοο
και πρόσθεν ή ακούσαι ο ΧοΟο Χο
κ( αι) ακούσαντες το πρώτον οΧο Ο ο Χο
γινομένων γάρ πάντων ο ο ΧοοΧο
κατά τον λόγον τόνδε ο Ο ο ΧοΧο
απείροισιν εοίκασι πειρώμενοι ο ΧοοοΧοο ο Χοο
κ αι) επέων και έργων τοιούτων οΧοοΧοοΧο
όχοίων εγώ διηγεύμαι ο ΧοοΧοοΧο
διαιρέων κατά φύσιν οοΧοοΧο
και φράζων όπως έχει ο Χο Ο ο Χο
τους δ(ε) άλλους ανθρώπους λανθάνει οΧοοΧοοΧο
οχόσ( α) εγερθέντες ποιούσιν οΧοο Χο ο Χο
όκωσπερ Χοο
Η 64 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE 613
15 όχόσα εύδοντες ο ΧοΧοο
16 επιλανθάνονται ο Ο ο Χοο
Cola isosyllabiques: 1 = 2 (10 syllabes), 8 = 9 = 12 = 13 = [14 + 15] (9 syllabes), 3 = 4 =
5 = 6 = 10 = 11 (7 syllabes), 15 = 16 ( 6 syllabes).
Cola isorythmiques: 3 = 4 ; 5 = 10 ; 6 = 11 ; 8 = 9 = 12 = 13 ; 15 = 16.
Syncola isosyllabiques: 3 + 4 = 5 + 6 = 10 + 11 (14 syllabes), 8 + 9 = 12 + 13 (18 syllabes).
Syncôla isorythmiques: 5 + 6 = 10 + 11.
Ex.2 (B 26 )mètre dactylo -spondaïque:
άνθρωπος εν ευφροσύνηι φάος άπτεται έαυτώι (- 1- cc 1 - ccI- CI – cc |- -)
Ex. 3 (B 91, Plat. Crat.402A)mètre iambique:
δις ες τον αυτόν ποταμόν ουκ αν έμβαίης ( c - c - | - cc c - Tc - c -)
Ensuite , au niveau phonique, les fragments héraclitéens affichentnon seulement des
allitérations (ex. 4 ) – on en a répertorié dans une cinquantaine de fragments - et des homéoté
leutes (ex. 5 ) - leur nombre n 'est que de peu inférieur à celuides alliterations -,mais aussi de
fréquentes consonances phoniques mixtes et complexes (ex. 6 et 7), voire des structures pho
niques aussi recherchées que les consonances palindromiques (ex. 8 ) dont nous avons identi
fié près d 'une dizaine.
Ex.4 (B 21)système allitératif :
θάνατός εστιν οκόσα εγερθέντες ορέομεν (1) h- e- h- e- h
όχόσα δε εύδοντες ύπνος h - he- h
Ex. 5 (B 22) systèmede rimes internes:
χρυσόν γάρ οι διζήμενοι γην πολλήν ορύσσουσι και ευρίσκουσιν ολίγον
-on 1 -oj-oj 1-ên -ên 1 -usi -usi-| -on
Ex.6 (B 1) consonancemixte :
κατά φύσιν και φράζων ka- ph -n I ka - ph- n
Ex. 7 (B 23) consonance complexe :
δίκης άνομοι ούκ άν έδησαν

d -kês an - omo - -k an - dêsan

(legon demontrée dans 182 Mouraviev, Hermes 101, 1973, p. 114-117, cf.Ιd. 140, p. 204 -205,
225).
Ex. 8 (B 9) consonance palindromique:
όνοι σύρματ’ αν έλoιντο μάλλον ή χρυσόν

onoj syrmat ' an helojnto mâllon ê khryson


614 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE Η 64
Quelque part à la charnière entre le niveau phonique et tous les autres, on trouve l'ana
gramme (ex. 9 ).
Ex. 9 ( Β 22):
kaj hewriskouşin oligon
KH RYSON

Il s'agitnaturellement de la solution de l'énigme oriyov ti;


Si nous passonsmaintenant dans le domaine morphologique, nous y trouvons d’innom
brables répétitions : de morphèmes (morphophones et morphosèmes) grammaticaux, de
thèmes et de radicaux, de vocables-types, de vocables-formes, de lexèmes. Ces répétitions
s'articulent sur l'axe syntagmatique pour constituer des figures telles que le parallélisme (ex.
10), le chiasme (ex. 11), l'anneau ( ex . 12) et diverses configurations doubles (ex. 13) ou
mixtes (ex. 14 ).
Ex. 10 (B 61) parallélisme(morphémique, grammatical et sémique — syntaxique) :
θάλασσα I ύδωρ ( καθαρώτατον Ι και Ι μιαρώτατον
ιχθύσι | μεν Ι πότιμον Ι και Ι σωτήριον
ανθρώποις δε άποτον Τ και Τ ολέθριον
Ex. 11 (B 21) chiasme (morphémique, grammatical et sémique) :
θάνατός έστιν οκόσα δρέομεν όχόσα δε ύπνος
εγερθέντες εύδοντες

Ex. 12 (B 79) anneau (lexical) :


ανήρ νήπιος ήκουσε πρός δαίμονος όκωσπερ παίς πρός άνδρός
Ex. 13 (B 90) parallélismelexical doublé d'un chiasmegrammatical :
πυρός ανταμείβεται πάντα
και πυρ απάντων
Génitif Verbe Nominatif conj.Nominatif (Verbe)Génitif

Dans la seconde partie du fragment la situation est inverse: chiasme lexical et parallélisme
grammatical :
όκωσπερ χρυσού χρήματα καιχρημάτωνχρυσός

Conjonction Génitif T Nominatif


Conjonction Génitif T Nominatif
Η 64 HÉRACLITE D 'ÉPHÈSE 615
Ex. 14 (B 36 ) double parallélisme grammatical et, partiellement, lexical doublé d'une
ordonnance palindromique et d 'un anneau lexicaux (rhizomiques) :
ψυχήισι γάρ θάνατος I ύδωρ γενέσθαι
ύδατι δε θάνατος γήν γενέσθαι

εκ γής Ι δε ύδωρ γίνεται


εξ | ύδατος δε ψυχή (γίνεται)
ψυχ
γάρ
θάνατ
ύδ-(τ)
γιν- γεν
ύδ- τ
δε
θάνατ
γή
γιν- γεν
εκ
γή
ύδ-(τ)
εξ γεν
γιν-
ύδ-( τ)
δε
- ψυχ
Le niveau syntaxique héraclitéen se distingue avant tout par ses « ambiguïtés» (polypho
nies seraitun terme plus approprié), autrementdit par la coexistence simultanée dans un même
texte de deux ou plusieurs structures syntaxiques homonymes alternatives. Mais comme les
« ambiguïtés » héraclitéennes ne sont pas toutes syntaxiques, nous allons en donner d 'abord
des exemples relevant de la prosodie (ex. 15, 16 ), de la graphie (ex. 16 , 17), de la morphologie
(ex. 18) et du lexique (ex. 19).
Ex. 15 ( Β 81): Γ'occurrence κοπίδων correspond a deux vocables-types κοπις accentués
différemment et signifiant l'un 'menteur' et l'autre 'poignard à immoler'.
Ex. 16 ( Β 48):la graphie ΒΙΟΣ , νu son contexte, designe a la fois βίος et βιός et est ora
lement imprononçable .
Ex. 17 (B 67): la graphie AMOIOYTAI se prête à deux lectures contradictoires :
άλλοιούται “change ” et αλλ' οιούται “ mais demeure un ”.
Ex. 18 (Β 108): OTI correspond a la conjunction ότι et au relatif ό τι.
Ex. 19 (B 25): les valeurs (opposées) de uópoi etuoipaç peuvent être permutées.
Les «ambiguités » Syntaxiques sont également de plusieurs sortes. Il yales από κοινού,
quand un même mot se rapporte à la fois au membre antérieur et au membre postérieur de la
phrase (ex. 20 ), les propositions où sujet et attribut, sujet et objet sont intervertibles (ex . 21) ,
les propositions à ellipses admettant plus d 'une lecture (ex . 22 ) et enfin les propositions indé
terminées, qui sont de deux espèces: indétermination due à la possibilité d'un grand nombre
de structures alternatives (ex . 23) et indétermination due à l'absence de toute structure syn
taxique identifiable (ex . 24 ).
616 HÉRACLITE D' ÉPHÈSE H 64
Ex. 20 (Β 112): double rattachement possible de και σοφίη et και ποιείν, ce qui permet
quatre syntaxes différentes.
Ex. 21 ( Β 35): les groupes πολλώνίστορας et φιλοσόφους άνδρας peuvent etre interpre
tés comme sujet et attributou attribut et sujet. Cf.Mouraviev 140, p . 208 .
Ex. 22 (B 1, dernière phrase ): la comparaison peut être traduite comme ils oublient tout ce
qu 'ils font en dormant ou comme leur échappe tout ce qu 'ils oublient en dormant. Cf.Moura
viev 140, p . 208.
Ex. 24 ( Β 32) : έν το σοφόν μούνον λέγεσθαι ουκ εθέλει και εθέλει Ζηνός oύνομα.
(1) λέγεσθαι peut etre regi par les deux verbes ούκ έθέλει και εθέλει ou seulement par ουκ
éénel et régir à son tour un des nominatifs/accusatifs du début, (2 ) Znvós ouvoua peut être
non un accusatif interne, ou de spécification , dépendant de Néyeolat, mais l'objet direct du
second ééel, (3) les deux verbes régissant des éléments nominaux différents peuvent aussi
avoir des sujets différents : un des nominatifs/accusatifs neutres du début pour le premier et
Znvós oůvoua pour le second ; (4 ) en outre, dans chacun de ces trois cas : a . le sujet et le
régime/attribut peuvent être intervertis ; b . Hoővov peut aller soit avec to 000ov , soit avec
Néyeobal et être interprété soit comme un adjectif (substantivé ou non : " seul” , “ le seul" ,
" l'unique" ), soit comme un adverbe (“ seulement" , " uniquement " ) ; c . les trois ou quatre pre
miers mots peuvent constituer une attributive indépendante signifiant Le sage est (seulement)
un . Il en résulte la possibilité théorique de 18 interprétations syntaxiques différentes du frag
ment et d'un nombre important de lectures différentes de son contenu. Cf. Mouraviev 140 ,
p . 209-210 et n . 41, id . 17 , p . 16 n . 1 , id . 184 (infra) p. 155- 164, 174, id. 183 (infra ) p . 370
385.
Ex . 24 ( B 26 ) absence de toutmarqueur du découpage syntaxique, excepté un dé ayant
pour effet d 'éclipser le parallélisme grammatical et sémique du texte qui se substitue à la syn
taxe (cf. id. 173, p. 99-107) :
άνθρωπος | εν ευφροσύνηι Ι φάος | άπτεταιΙ εαυτώι
αποθανών | αποσβεσθείς όψεις | ζών δε Ι . άπτεται τεθνεώτος
εύδων | αποσβεσθείς όψεις | εγρηρορώς | άπτεται εύδοντος
Pour que ce catalogue soit complet et instructif, il faudrait ajouter les divers
types de jeux de mots et de sens, les images, les comparaisons, les exemples, les
antithèses, les oxymores etc. et surtoutmesurer cas par cas l'impact des produits
sémantiquesde ces diverses configurations - polyphonie , paradoxie, perplexité,
hésitation, ironie, etc . – sur le conditionnement psychologique et esthétique du
lecteur et, partant, sur la perception du contenu de son message recherchée par le
philosophe et sur ce message lui-même. Cet impact peut être de minime à fon
damental,mais, vu la façon systématique dont Héraclite a recours à de tels pro
cédés, et sauf accident dans la transmission des textes, il est toujours intention
nel. Cf. 183 Mouraviev, Poétique et philosophie chez Héraclite . Introduction à
la problématique (thèse ), Paris-Sorbonne, 1996 , XX + 516 p.; 184 Id., « The hid
den patterns of the logos (Poetic form and philosophical content in Heraclitus) » ,
dans 185 K . Boudouris (édit.), The Philosophy of Logos, Athens 1996 , vol. I,
p. 148 -168.
4. Vers la reconstruction du livre et de la doctrine. Compte tenu de la pau
vreté relative de notre documentation doxographique et de la richesse relative
des fragments (citations et témoignages ponctuels) qui nous sont parvenus - cf.
H 64 HÉRACLITE D'ÉPHÈSE 617
supra, II.2 Dimensions -, et aussi de l'importance de la dimension poétique des
fragments textuels (totalement ignorée par la doxographie), il semble méthodo
logiquement plus raisonnable de reconstruire la doctrine du philosophe par le
biais d'une reconstruction préalable, et aussi philologique (aphilosophique) que
possible , de son texte .
Les tentatives de reconstituer l'ordre initial des fragments n 'ont pasmanqué: citonscelles,
explicites, de Schuster 129, Bywater 130, Kahn 141, et celle, non explicitée, de Diano dans
Diano-Serra 142. D 'autres modernes ont préféré le principe du classement thématique : Kirk
36 , Marcovich 1 = 2 . Enfin , il y a eu les tentatives de reconstruction partielle du début du
livre : 186 A . Patin , Heraklits Einheitslehre, die Grundlage seines Systems und der Anfang
seines Buches. Programm des Ludwigs-Gymnasiums für das Schuljahr 1884-1885, München
1885 = Leipzig 1886 , 100 p . ; Gomperz 59, p. 20 -56 ; 187 Id., « " Heraklits Einheitslehre" von
Alois Patin als Ausgangspunkt zum Verständnis Heraklits » , WS43, 1924, p. 115 -135 ; West
91, p. 113-123 ; 188 D . Holwerda, Sprünge in die Tiefen Heraklits, Groningen 1978, p . 36 -63,
122 ; Hölscher 63, p . 1-24. Le défaut des reconstitutions de l'ordre est que leurs auteurs,
découragés par la conviction (erronée) que nous ne posséderions qu 'une petite fraction de
l'original, s'abstiennent de toute tentative de reconstruire un texte continu , de raccorder les
fragments bout à bout. Le défaut des reconstructions partielles, dont les auteurs tentent préci
sément de reconstruire un texte continu , est en revanche d ' être partielles, c 'est- à - dire de résul -
ter d'un choix d 'entre tous les fragments disponibles sans qu 'il soit nécessaire de les localiser
tous quelque part.
Or il n 'y a que cette dernière contrainte – trouver une case , et seulement une,
pour chaque fragment (et chaque témoignage ponctuel original) - qui permette,
de concert avec les affinités (ou incompatibilités) réciproques, notamment poé
tiques, des textes et les traces des articulations internes du livre qui subsistent
dans les fragments (cf. à ce sujet Mouraviev 114 ), de restreindre au maximum
l'arbitraire du « reconstructeur» . Malheureusement, nous ne connaissons à ce
jour que deux tentatives – toutes deux on ne peut plus préalables (mais c 'est le
premier pas qui compte ) -, et qui toutes deux nous appartiennent, d 'une telle
reconstruction : 189 Mypabbeb, «Iepaksut Jpecckué . OparmeHTH COYWHEHOV,
43BecThoro non HaBaHvem „Mysu ” ynu „ O npupone” » dans Jykpeyuŭ , O
npupode beuyeu , Mockba 1983, p. 237-268 , cf. p . 361-371, et Id . 17 où l'on trou
vera, p. XV-XXII, quelques indications supplémentaires et provisoires sur cette
étape du travail.
Soit dit en passant, la seconde reconstruction , où nous avons renoncé à notre tentative anté
rieure, suggérée par Móyos nepì toŨ TAVTÓS (Diog. L . IX 5 ), de localiser la physique-astro
météorologie dans la partie initiale du livre, s'accorde quand même bien avec la division en
trois logoi à condition, primo, d' y voir plutôtune énumération des thèmes principaux du livre
et, secundo, d 'admettre l'existence d 'un quatrième logos, le puolxós, omis de la liste en tant
que coïncidant avec le Ouvéywu nóyoc de l'ouvrage .

SERGE MOURAVIEV .
618 HÉRACLITE (PSEUDO -) H 64a
64a HÉRACLITE (PSEUDO -) RESuppl. X : IP ?
D 'époque incertaine, auteur (ou auteurs) de sept Lettres faussement attribuées
à Héraclite etde deux autres attribuées au roi Darius, inspirées pour l'essentiel
de ce qu 'on appelle la « philosophie populaire cynico -stoïcienne» .
Éditions et traductions. 1 M . Musurus, Epistolae diversorum philosopho
rum , oratorum , rhetorum sex et viginti, Venetiis 1499 (editio princeps ; il y man
que la lettre IX ) ; 2 E . Lubinus, Epistolae Hippocratis, Democriti, Heracliti,
Diogenis nunc primum editae Graece simul ac Latine, Heidelbergae 1601 ; 3 A .
Westermann, Heracliti Epistolae quae feruntur, denuo recensitas edidit A . W .,
Lipsiae 1856 -1857 ; 4 J. Bernays, Die heraklitischen Briefe . Ein Beitrag zur phi
losophischen und religionsgeschichtlichen Literatur, hrsg. und übers., Berlin
1869; 5 R . Hercher, « Heracliti Ephesii Epistolae », dans Epistolographi Graeci,
(graece et latine) recensuit, recognovit, adnotatione critica et indicibus instruxit
R . H ., Parisiis 1873, p . 280-288 (cf. p . LXI-LXII) ; 6 I. Bywater, Heracliti Ephesii
Reliquiae, Oxonii 1877 (texte grec de Bernays 4 légèrement corrigé) ; 7 E .
Bordero, Eraclito , Torino 1910 (trad . ital.); 8 V . Martin , « Un recueil de diatribes
cyniques. Pap. Genev. inv. 271» ,MH 16 , 1959, p. 77-115 , notamment p. 80 -83,
96 -106 (lettre VII et sa « continuation » ); 9 A .J. Cappelletti, Epístolas Pseudo
Heraclíteas, Introducción , traducción y notas, Rosario 1960 ; 10 A .- M . Denis ,
Fragmenta pseudoepigraphorum quae supersunt Graeca una cum historicorum
et auctorum Judaeorum Hellenistarum fragmentis, dans A .- M . Denis et M . de
Jonge, Pseudoepigrapha Veteris Testamenti Graece, t. III, Leiden 1970, p. 157
160 ; 11 L . Tarán , Lettere Pseudo-Eraclitee, dans R .Mondolfo et L . Tarán , Era
clito . Testimonianze e imitazioni, Introduzione, traduzione e commento, coll.
« Biblioteca di studi superiori» 59, Firenze 1972, p. 279-359, notamment p. 305
359 ; 12 H . W . Attridge, First- century cynicism in the epistles of Heraclitus,
Introduction, Greek text and translation, coll. « Harvard Theological Studies »
29, Missoula (Mont.) 1976 ; 13 R . Kassel, « Der siebente pseudoheraklitische
Brief auf Pergament und Papyrus» , ZPE 14, 1974, p . 128 -132 ; 14 J. Diggle,
« Pseudo-Heraclitus. Pap. Genev. inv. 271, XIV 40 , 2 » , ZPE 20 , 1976, p . 299
( lettre VII) ; 15 A . J.Malherbe, The Cynic Epistles. A study edition, coll. « So
ciety of Biblical Literature. Sources for Biblical Study » 12, Missoula (Mont.)
1977, p. 22 -23 (introduction ) et p. 185 -215 (texte grec et traduction anglaise par
D .R . Worley).
Sur la tradition manuscrite, voir notamment Attridge 12, p . 41-51 ; 16 M . Sicherl, « An
hang : Das Briefcorpus 12 » , dans E .Müseler, Die Kynikerbriefe, t. I : Die Überlieferung, coll.
« Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» N .F ., 1 . Reihe : « Monographien » 6 .
Paderborn /München /Wien /Zürich 1994 , p. 105 - 162, notamment p . 138 - 140 .
Études d 'orientation . 17 F. Susemihl, GGLA, t. II, p .600 n . 96 ; 18 0 .
Stählin , dans W . Schmid , Wilhelm von Christ's Geschichte der griechischen
Literatur, Zweiter Teil : Die nachklassische Periode der griechischen Literatur,
Erste Hälfte : Von 320 vor Christus bis 100 nach Christus, coll. « Handbuch der
Altertumswissenschaft » VII 2, 1, Sechste Auflage unter Mitwirkung von 0 .
Stählin , München 1920 , réimpr. 1959, p.624 ; 19 W . Schmid , Geschichte der
griechischen Literatur, Erster Teil : Die klassische Periode der griechischen
H 64a HÉRACLITE (PSEUDO -) 619
Literatur, Erster Band: Die griechische Literatur vor der attischen Hegemonie,
coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft» VII 1, 1 ,München 1929, p. 755 ;
20 1. Heinemann , art. « Herakleitos (Briefe des]» , RESuppl. V , 1931, col. 228
232 ; 21 A .N .Zoubos, Bemerkungen über die pseudoheraklitischen Briefe ,Mün
chen 1954 ; 22 M . Marcovich , art. « Herakleitos » 10 , RESuppl. X , 1965, col.
246 -320 ; 23 H . Dörrie , « Herakleitos» 1, KP II, 1967, col. 1046 -1048, notam
ment col. 1048 ; 24 G . O 'Daly, art. « Heraklit. Die pseudoheraklitischen Briefe »,
RAC XIV , 1988,col. 592.
Analyse et interprétation . On connaît comme lettres du Pseudo-Héraclite
neuf écrits du corpus épistolaire grec qui nous est parvenu. En réalité, l'auteur
imaginaire des lettres I et III n 'est pas Héraclite (ca 540 -480 "), mais son contem
porain le roi perse Darius, qui s'adresse à lui dans l'une, aux habitants d'Éphèse
dans l'autre . La lettre II contient la réponse d'Héraclite à Darius ; les lettres IV ,
VII, VIII et IX sont adressées par le philosophe à son ami Hermodore ; enfin , les
lettres V et VI sont adressées par lui à un certain Amphidamas. Pour l'analyse et
l'interprétation de ces lettres, nous suivons notamment Tarán 11, p . 285 -302.
Dans la lettre I, Darius propose à Héraclite de devenir son hôte à la cour afin
de lui expliquer de vive voix son livre (llepi qúoews, Sur la nature), dont cer
taines parties lui semblent très difficiles à comprendre,même pour les connais
seurs de la philosophie et de la littérature grecques. Par ailleurs, il allègue que les
Grecs, tout en étant d 'ordinaire incapables de distinguer ceux qui, parmi eux,
sont sages,méprisent les enseignements touchant la droite conduite et le droit
régimede vie que ces hommes enseignent, tandis que, chez lui, Héraclite jouira
de tous les privilèges et pourra mener une vie conforme à ses exigences.
Tarán 11, p. 286 , trouve dans cette lettre des échos de la doctrine d'Héraclite :
une allusion à DK 22 B 30, ainsi qu 'une référence à la doctrine du flux universel
(cf. p . 308). Il y trouve aussi des échos de la tradition biographique concernant
Héraclite : le titre de son livre , l'allusion traditionnelle à la difficulté et à l'obscu
rité du philosophe (interprétées comme unemarque de scepticisme), ainsi qu 'une
allusion possible à son style oraculaire ou prophétique (interprété cependant en
un sens cynico -stoïcien ; cf. p. 309 sq.).
La lettre II, très brève, contient la réponse d 'Héraclite. Elle est écrite dans un
style qui veut être poétique, et entièrement en dialecte ionien , tandis que les
autres sont plutôt atticisantes. Héraclite refuse l'invitation de Darius, en allé
guant que les hommes, à cause de leur ignorance, sont à la recherche de la
richesse, sont en proie au désir insatiable et à la renommée, et s'attirent l'envie
de tous (topos bien connu des vie et ve siècles av. J.-C .). Lui, en revanche, il se
contente de peu, conformément à sa pensée.
Dans la lettre III,Darius s'adresse aux Éphésiens, les réprimandant pouravoir
banni son ami Hermodore (PH 90), qui était le meilleur homme non seulement
d 'Éphèse, mais de toute l' Ionie, capable de rendre vertueux les hommes par ses
discours et par ses lois . Il les menace de lancer contre eux une armée, s 'ils ne
l'admettent pas à nouveau dans sa patrie et ne lui restituent pas son patrimoine. Il
leur rappelle les avantages qu 'il leur a accordés en raison de son amitié pour leur
620 HÉRACLITE (PSEUDO -) H64a
concitoyen . Il s'offre enfin comme arbitre pour déterminer le caractère juste ou
injuste de leurs accusations contre Hermodore.
Héraclite n 'est nullement mentionné dans cette lettre, mais le bannissement
d 'Hermodore est un motif qui revientdans les lettres VII, VIII et IX attribuées à
ce philosophe (cf. aussi la lettre IV ). Par ailleurs, selon Tarán 11, p. 312 n . aux li.
3 -5 , la terminologie utilisée au début de la lettre indiquerait que l'auteur connais
sait les paroles par lesquellesHéraclite attaqua les habitants d 'Éphèse pour avoir
chassé son amiHermodore (cf.DK 22 B 121).
Dans la lettre IV , l'une des plus développées,Héraclite commence par exhor
ter Hermodore à ne pas se lamenter sur ses malheurs (sans doute une allusion à
son bannissement), car lui, qui se trouve dans sa patrie, connaît également des
problèmes. En effet, il lui raconte comment Euthyclès l'a accusé injustement
d ' impiété, au motif qu 'il aurait inscrit son nom sur un autel qu ' il a fait
construire, alors qu 'en fait, il n' y a pas fait inscrire le nom « Héraclite » mais
« Héraclès» . Qui plus est, le fait que les habitants d'Éphèse l'accusentde vouloir
devenir un dieu parce qu 'il possède un autel révèle la corruption de leurs
croyances, puisqu'ils identifient la divinité avec des pierres (autels et temples),
quand la vraie divinité n 'est pas faite par les mains humaines et n 'habite pas
dans les temples des hommes ; au contraire l'univers entier est son temple. Enfin ,
il affirme que la prétention de devenir un dieu n 'est pas signe d'impiété, car
Héraclès lui-même, tout en naissanthomme, est devenu dieu.
La lettre a été définie comme une « diatribe » contre les Éphésiens ignorants ,
qui ne savent même pas lire, et qui méconnaissent surtout la vraie divinité. Qui
plus est, elle a été décrite comme une « diatribe » contre les croyances et les
cultes dominants .
Considérant que cette lettre est animée par une tendance iconoclaste qui ne
peut s'expliquer dans le cadre d 'aucune des écoles philosophiques grecques,
Bernays 4, p. 26 sqq., veut y trouver (de même que dans les lettres VII et IX ) une
influence de la littérature biblique. Or, il trouve dans la mêmelettre IV d'autres
éléments (par exemple , la référence à la divinisation d 'Héraclès et à son mariage
avec Hébé) qui ne lui semblent pas pouvoir être l'euvre d'un auteur juif ou
chrétien , mais d'un auteur païen , qui serait aussi le responsable de l'accentmis
sur la notion de nalosía . Par conséquent, il émet l'hypothèse selon laquelle un
auteur juif (il ne trouve pas dans la lettre d 'élément spécifiquement chrétien ) a
interpolé une lettre écrite par un auteur païen , qui voulait attaquer la religion de
l'État, en usurpant le nom d 'Héraclite.
25 J. Geffcken , Zwei griechische Apologeten , coll. « Sammlung wissenschaftlicher Kom
mentare zu griechischen und römischen Schriftstellern» , Leipzig 1907, p. XXII, se montre
sceptique à propos de l'hypothèse de Bernays, laquelle a été contestée par 26 I. Heinemann ,
Poseidonios' metaphysische Schriften , Breslau 1921, t. I, p . 124. Cependant, l'influence bibli
que a été entièrement acceptée par 27 W . Bousset et H . Gressman , Die Religion des Juden
tums im späthellenistischen Zeitalter, coll. « Handbuch zum Neuen Testament» 21, Tübingen
19263, p . 30 ; et par 28 P. Riessler, Altjüdisches Schriftum ausserhalb der Bibel, Augsburg
1928 , p . 307 (cf. aussi 29 J. Schneider, art. « Brief » , RAC II, 1954, col. 564-585, notamment
col. 574 ). Elle a été développée par 30 E. Pfleiderer, Die Philosophie des Heraklit von Ephe
H 64a HÉRACLITE (PSEUDO -) 621
sus im Lichte der Mysterienidee, Berlin 1886, p. 327 -348 et 356 -365 ; 31 Id ., « Die pseudohe
raklitischen Briefe und ihr Verfasser », RHM N .F. 42, 1887, p . 153- 163 (cf. aussi 32 Id., « Zur
Identität des Verfassers von Sapientia Salomonis und pseudo -heraklitischen Briefen » , JbPTh
15, 1889, p . 319-320). D 'après lui, l'ensemble des lettres du Pseudo -Héraclite aurait été
l'euvre de l'auteur de la Sagesse de Salomon. En revanche, cet avis a été rejeté à juste titre
par 33 H . Diels, « Bericht über die deutsche Literatur der Vorsokratiker i. J. 1886 » , AGPh 1,
1887, p . 95 - 110 , notamment p. 109 - 110 . A son tour, 34 E . Norden , « Der vierte heraklitische
Brief » , dans Beiträge zur Geschichte der griechischen Philosophie , coll. JKPh Suppl. 19,
1893, p . 364 -462,notamment p . 386 -392, accepte l'hypothèse d'une influence biblique dans la
lettre IV , bien qu'il ne croie pas nécessaire de supposer un interpolateur, car les passages que
Bernays 4 considère comme purement païens peuvent, à ses yeux, être l'æuvre d 'un juif de
l'époque hellénistique ou d'un chrétien. Enfin, 35 E . Schürer,Geschichte des jüdischen Volkes
im Zeitalter Jesu Christi, Leipzig 19074, t. III, p. 624 sq., interprète l'ensemble des lettres
commelittérature juive,bien qu'il formule quelques réserves.
D 'un autre point de vue, 36 P. Wendland, « Philo und die kynisch -stoische
Diatribe », dans P. Wendland et 0 . Kern, Beiträge zur Geschichte der griechi
schen Philosophie und Religion, Berlin 1895, p. 1-75, notamment p. 39 sq.,
montre que les éléments de la lettre VII interprétés par Bernays 4, p. 72 sqq.,
comme le résultat d'une influence biblique sont plutôt des lieux communs de ce
qu ’on a appelé la « diatribe» cynico-stoïcienne. Plus tard , Stählin 18, t. II 1,
p. 624, applique également cet avis aux lettres VII et IX , où Bernays 4 croyait
voir aussi une influence biblique.
Pour la notion de « diatribe » « cynique » ( époque hellénistique) ou « cynico-stoïcienne »
(époque impériale ), notion très confusément définie comme genre littéraire par les philologues
modernes, voir la bibliographie citée dans la notice Épictète (2 E 33, section C ). Les thèmes
que l'on attribue à cette littérature sont en réalité ceux de la « philosophie populaire» (non
moins confusément définie), qui dépasse sans doute la notion de « diatribe » , si on essaie de
définir celle -ciavec plus de précision.
L 'hypothèse de Wendland-Stählin reconnaissant l'influence cynico- stoïcienne
sur le Pseudo-Héraclite a été reprise par la plupart des critiques:
Cf. 37 E . Norden, Agnostos Theos. Untersuchungen zur Formengeschichte religiöser
Rede, Leipzig/Berlin 1913, p. 389 sq. (cf. p . 31 sqq. ; Norden révise ici son avis antérieur
(cf. Id . 34 ]); Heinemann 20, col. 229-231 ; Cappelletti 9, p.8 sqq.
D 'après 38 J. Strugnell et H . Attridge, « The Epistles of Heraclitus and the Jewish pseude
pigrapha . A warning» , HTAR 64 , 1971, p . 411-413, la recension de la lettre VII découverte à
côté d'autres « diatribes cyniques » dans le papyrus publié par Martin 8 (cf. infra ) confirme
que les lettres IV et VII sont cyniques, et non pas une partie d 'un pseudépigraphe juif (cf.
Tarán 11, p. 288 n. 18 ).
Attridge 12 , p . 13 sqq., rejette l'influence juive sur les lettres IV , VII et IX , montrant que
les thèmes revendiqués pour celle-ci (par exemple , l'intolérance religieuse, le pessimisme, la
morale sexuelle rigide, l'influence des préceptes noachiques, le végétarisme) sont cyniques
autant que juifs. 39 Pascale Derron , Pseudo - Phocylide. Sentences, texte établi, traduit et com
menté, CUF, Paris 1986 , p . LXII, accepte l'hypothèse de l' influence cynico - stoïcienne. Elle ne
se prononce pas sur le point controversé de l' influence juive,mais se borne à invoquer les tra
vaux de Wendland : « ...P . Wendland a depuis longtemps relevé chez le Juif Philon la pré
sence de cesmêmes thèmes, établissant l'existence d'un fonds de philosophie populaire com
mun entre Philon ,Musonius Rufus, le Pseudo -Héraclite , Sénèque, Épictète, constitué déjà au
jer siècle av. J.- C . » .
Ceux qui ont rejeté l'influence juive ou chrétienne ont songé souvent à une
influence stoïcienne sur la lettre IV , étant donné que son auteur défend la « reli
622 HÉRACLITE (PSEUDO -) H 64a
gion cosmique » . Tarán 11, p. 291, reconnaît que le point de départ de l'attaque
du Pseudo-Héraclite contre la religion commune peut se trouver dans un frag
ment d'Héraclite (DK B 5). En tout cas, il pense que l'idée selon laquelle aucun
temple n 'est divin , sauf le cosmos, c'est-à-dire l' idée de la religion cosmique,
qui était un topos de l'époque hellénistique (cf. 40 A .J. Festugière , La Révéla
tion d 'Hermès Trismégiste, t. II : Le dieu cosmique, Paris 1949, réimpr. 1986 ),
fait songer surtout à une influence des stoïciens, qui sont les grands promoteurs
de la religion cosmique. Tarán 11 pense par exemple à Zénon , SVF I 264, p.61.
D 'après lui (p. 291), la divinisation dont parle le Pseudo-Héraclite n'est pas autre
chose que l'aútápxela du sage cynico -stoïcien . Tarán remarque en outre
(p. 292) que l'interprétation idéalisée que le Pseudo-Héraclite fait de la légende
d'Héraclès coïncide avec l' interprétation cynico -stoïcienne : Héraclès est le héros
qui se sauve par sa propre vertu ; Hébé (= la jeunesse ) est l'immortalité que la
renommée procure et qui dépend de la vertu . Rien dans la lettre n 'indique une
croyance dans l’immortalité de l'âme. Enfin , d 'après Tarán , l'idée que le sage
survit dans sa renommée semble se fonder sur des motifs héraclitéens (cf. DK 22
B 29), mais cela n 'empêche pas à ses yeux que la source directe de la lettre ait
été un auteur cynico -stoïcien .
41 A . J.Malherbe, « Pseudo -Heraclitus, Epistle 4 : The Divinization of the wise man », JAC
21, 1978, p . 42-64 (cf. 42 Id ., Socialaspects of early Christianity, Philadelphia 19832, p . 116
n . 130 ), soutient que la structure logique de la lettre IV a une unité qui s'oppose à l'idée d ' in
terpolations juives ou chrétiennes.Mais l'écrit ne se révèle pas non plus à son avis spécifi
quement stoïcien. Malherbe voit plutôt dans cet écrit la propagande philosophique d ' un
cynique.
Sur les cyniques et la figure d 'Héraclite , voir en général 43 J. F . Kindstrand, « The Cynics
and Heraclitus » , Eranos 82 , 1984, p. 149- 178 , notamment p . 164- 166 (« The Letters of Hera
clitus» , dans « Cynic influence on the characterization of Heraclitus », p. 153-166 ). D 'après
Kindstrand, bien que les cyniques n ' aient jamais essayé de récupérerHéraclite pour leur philo
sophie, la tradition biographique tardive présente ces derniers et Héraclite sous des traits sem
blables : agressivité, mépris de la foule, etc. Kindstrand estime difficile, en l' état actuel de nos
connaissances, d 'aller au -delà de cette constatation d 'affinités générales. En effet, si les cyni
ques considéraient le philosophe d 'Éphèse comme une sorte de précurseur, Kindstrand affirme
qu ' ils ne semblent pas pour autant s ' inspirer directement de ses paroles, sauf en ce qui
concerne la critique de la religion populaire .
Les lettres V et VI d 'Héraclite à Amphidamas forment une unité sur la pré
tendue hydropisie d'Héraclite : la première parle de la maladie en général ; la
deuxièmea été décrite comme une « diatribe» contre lesmédecins quiignorent la
cause de la maladie et donc son traitement.
Comme le remarque Tarán 11, p. 292 sq., la légende de la maladie d 'Héraclite
se trouve aussi dans la tradition biographique du philosophe, qui est antérieure
au moins en partie aux lettres, car des variantes de cette légende étaient déjà
connues d'Hermippe au III et de Néanthe de Cyzique au 11a (cf. DK 22 A 1, t. I,
p. 140 = D . L. IX 3-4 ). Étant donné que le Pseudo-Héraclite semble se fonder sur
une version un peu plus développée que celle que rapporte Diogène Laërce, qui
d'ailleurs présente des détails qui n 'apparaissent pas dans les lettres, Tarán
considère comme probable que cette légende s'est formée à partir de certains
H 64a HÉRACLITE (PSEUDO -) 623

mots d'Héraclite . Il rappelle en particulier DK 22 B 36 : quxſolv Oávatoç údwp


Yevéolai (cf. B 118, B 126 , et Pseudo-Héraclite V 2).
Selon la lettre V, Héraclite , en partant de sa doctrine physique selon laquelle
ce qui est humide devient sec (changement vers le haut par le pouvoir du soleil)
et ce qui est sec devienthumide (changement vers le bas), et en partant de l'idée
que la santé consiste en un équilibre des éléments opposés, aurait essayé de
vaincre sa maladie (l'excès d'humidité) en imitant la nature (= dieu ). On ne
trouve pas dans cette lettre ni dans la lettre VI d'allusion au remède inutile tenté
par le philosophe, selon la tradition biographique, pour se guérir, à savoir se
couvrir de fumier dans la pensée que la chaleur de celui-ci ferait évaporer
l'humidité qui l'affligeait. En revanche, la lettre V (cf. aussi la lettre VII) partage
avec la tradition biographique l' idée de la mélancolie et celle de la misanthropie
d' Héraclite .
Si dans la lettre IV l'immortalité dépendait de la renommée de la vertu (cf. supra ), dans la
lettre V ( 2 ) on affirme ouvertement l' immortalité de l'âme face à la mortalité du corps : l'âme
du sage Héraclite s 'élèvera jusqu 'au ciel et y habitera comme un citoyen parmi les dieux
(cf. Tarán 11, p. 327, n . aux li. 14 -17).
Dans la lettre VI, Héraclite attaque lesmédecins et leur reproche d'ignorer les
doctrines qu 'il a exposées dans la lettre précédente. Cela rappelle la tradition
biographique, selon laquelle Héraclite aurait demandé aux médecins la façon de
se guérir, et les médecins ne l'auraientmême pas compris . La polémique contre
les médecins ignorants semble donc trouver aussi son origine dans la tradition
biographique, bien que dans celle- ci on ne trouve pas de référence à la doctrine
selon laquelle la santé consiste dans un équilibre . D 'après Tarán 11, p . 295, cette
polémique se fonde sur l'interprétation de DK 22 B 58 comme une attaque
contre les médecins, bien qu'il soit probable que ce fragment doive être inter
prété autrement (cf. n. 295).
En tout cas, Tarán 11, p . 296 , affirme que cette interprétation a donné lieu à
une « diatribe » contre les médecins qui semble d 'origine cynique. Le rôle accor
dé dans les lettres V et VI à la connaissance de la nature (púous) est bien pour
Tarán d 'origine cynico-stoïcienne. En ce qui concerne d ' autres éléments (la diffi
culté de la connaissance de la nature, l'ignorance des hommes ou la divinité du
sage), il suggère qu'ils ont été inspirés à l'auteur de la lettre ou à sa source par le
mot énigmatique d 'Héraclite : qúolç xpúnteodal DieT (DK 22 B 123). Par
conséquent, les lettres V et VIont été formées d'après Tarán par un amalgame
de trois sources: des mots authentiques d'Héraclite , des anecdotes pseudo-bio
graphiques formées à partir de certains mots du philosophe, et la « diatribe
cynico-stoïcienne » .
La lettre VII, adressée par Héraclite à Hermodore, reprend le sujet de la persé
cution d 'Héraclite par leshabitants d 'Éphèse , thème traité aussi dans la lettre IV .
Comme dans cette lettre , le bannissement d'Hermodore joue dans la lettre VII un
rôle secondaire, bien que la raison alléguée maintenant pour la persécution soit le
fait qu 'Héraclite a collaboré avec son ami (exilé ) dans la création de lois .
D 'après Tarán 11, p . 296 sq ., cette mention explicite du rôle d 'Hermodore
624 HÉRACLITE (PSEUDO-) H 64a

comme législateur distingue les trois dernières lettres (VII, VIII et IX ) de la tra
dition biographique. En effet, d 'après D . L . IX 2, c'est Héraclite et non Hermo
dore qui a été invité à faire des lois et qui a refusé parce que la ville était déjà
dominée par une constitution perverse. Tarán 11, p. 297, suggère que l'auteur de
la lettre VII (ainsi que celui de la lettre VIII : cf. p. 299) peut avoir connu la
légende d'Hermodore comme législateur en Italie , collaborant aux lois des XII
tables (cf. DK 22 A 3 a ).
En tout cas, dans la lettre qui nous occupe, Hermodore a été chassé pour avoir
rédigé des lois, qu 'on ne précise pas.Les Éphésiens, dans le but de chasser aussi
son collaborateur Héraclite, adoptent une loi (de toute évidence créée ad homi
nem ), qui punit d 'exil immédiat « tout homme qui ne rit pas et quihait tout ce qui
est humain » (1). Cette référence à la misanthropie et à la mélancolie d'Héraclite ,
que nous avonsdéjà trouvées dans la lettre V (3 ), représente un topos bien connu
dans la tradition biographique du philosophe (cf. Tarán 11, p. 344 , n. ad loc.).
Héraclite reproche tout d 'abord aux habitants d 'Éphèse de ne pas distinguer entre une loi et
un jugement, car la loi qu ' ils viennent d 'adopter vise en réalité seulement Héraclite , tandis
qu 'une loi doit être générale. Tarán 11, p . 341 n ., suggère que l'auteur a pu avoir à l'esprit DK
22 B 114 : { ov vũ kéYourác ioxoot Eo ai xem rõ { ovỡ návov, jx0OT£o vouỤ TóÀc.
Mais il considère qu 'on peut voir aussi dans cette affirmation sur le caractère général de la loi
une influence stoïcienne, notamment dans la mesure où l'auteur fait référence par la suite à
l'idée que le sage représente la loi pour les autres hommes et que tous les hommes doivent
obéir à la loide la nature.
Ensuite, le sage assure qu 'il quittera la cité immédiatement, si ses concitoyens rédigent la
loi en question de façon plus conforme à la réalité , en disant qu 'il faut chasser de la cité « tout
homme qui hait le mal » (xaxía ). Le reste de la lettre est interprété comme une « diatribe »
contre les habitants d' Éphèse (l'humanité en général) pour leur débauche et leur démence :
l'auteur censure les habitudes des hommes aussi bien dans la paix que dans la guerre, et il
propose les animaux commemodèles d 'une vie conforme à la nature.
D 'après Tarán 11, p . 297 sq ., et Attridge 12 , p. 25- 39, toutcela rentre bien dans le domaine
de la « diatribe cynico -stoïcienne » sans qu 'il soit nécessaire d' invoquer, comme le faisait
Bernays 4,l'influence biblique.
Le texte de cette lettre VII nous est parvenu aussi dans le Pap. Genev. inv.
271 du IIe siècle de notre ère , publié par Martin 8 en 1959, à côté d ' autres écrits
quiont été définis par les critiques commedes « diatribes cyniques» .
Cf. 44 P . Photiadès, « Les diatribes cyniques du papyrus de Genève 271, leurs traductions
et élaborations successives » , MH 16 , 1959, p . 116 - 139, notamment p . 136 - 139 ( « La septième
lettre de ps.Héraclite, et sa continuation » ) ; 45 J. T . Kakridis, « Zum Kynikerpapyrus Pap.
Genev, inv. 271 » , MH 17 , 1960 , p . 34 - 36 (notes critiques à l' appendice de la lettre VII) ;
46 Id ., « Weiteres zum Kynikerpapyrus (Pap. Genev. inv. 271) », PP 16 , 1961, p. 383-386 ;
47 Id ., « A Cynic Homeromastix » , dans J. L . Heller ( édit.), Serta Turyniana. Studies in Greek
Literature and Palaeography in honor of Alexander Turyn , Urbana /Chicago/London 1974 ,
p . 361- 373 ; 48 U . Criscuolo, « Per la fortuna della diatriba cinica (Pap. Genevensis inv.
271) » , AFLM 3-4 , 1970 -1971, p . 455 -467, notamment p . 458 -464 ; 49 I. M . Nachov, « Trois
diatribes cyniques» ( en russe), dans M . J. Grabar-Passek , M . L . Gasparov et T . I. Kuznecova
(édit.), Antiquité et temps modernes, pour le 80e anniversaire de Fédor Aleksandrović
Petrocskij,Moscou 1972, p. 164-175.
En fait le papyrus a été considéré comme un recueil de « diatribes» cyniques,
dans lequel on distingue les parties suivantes :
H64a HÉRACLITE (PSEUDO-) 625
- Col. I-VIII : une « diatribe » entre Alexandre et le sage indien Dandamis ( D 20) ;
- Col. IX -XII : lettre VII du Pseudo-Héraclite à Hermodore, interprétée à nouveau comme
une « diatribe » ;
- Col. XIII-XV : partie, très voisine de la précédente, peut-être un appendice ou une conti
nuation de la lettre citée, contenant un éloge de la vie dans la nature ainsi qu'une « diatribe >>
contre Homère et les poètes en général.
La lettre se termine dans la col. XII li. 31 du papyrus par le mot ratéxeode
(le texte des manuscrits se termine par κατέχεσθε εις πάσαν αδικίαν), mais
dans la même ligne 31, après une lacune, le texte continue jusqu 'à la col. XV.
D 'après Martin 8, p. 81 (cf. Photiadès 44, p. 136 , et Kakridis 47, p. 361), cela
veut dire que le papyrus fournit un texte plus complet que la tradition manus
crite. En revanche, Tarán 11, p . 298, n 'est pas convaincu par cette interprétation ,
étant donné que les lignes 31-38 du papyrus présentent des lacunes importantes,
et il est donc impossible de déterminer si la lettre finissait dans l'une de ces
lignes. Par ailleurs , le fait que le reste du papyrus traite de thèmes qui se trouvent
déjà dans la lettre et qui sont en réalité des lieux communs amène Tarán à suggé
rer qu 'un copiste est responsable de ce développement, qu'il l'ait ajouté de son
propre cru ou l'ait tiré d 'autres sources.
Cf. aussi 50 B .Galerkina, « La lettre VII du Pseudo-Héraclite à la lumière des dernières
trouvailles » (en russe , avec résumé en anglais), VLU 1974 n° 20 , p . 107 - 114 , pour qui le sup
plément de texte qu'on trouve dans le papyrus serait une addition due à un auteur différent.
En tout cas, les similitudes du texte inconnu dans la tradition manuscrite avec
le texte de la lettre VII connu par ailleurs sont tout à fait remarquables (cf. la tra
duction française deMartin 8, p. 81-83 ; le texte grec et son commentaire chez
Kakridis 47, p . 362 sqq.).
La lettre VIII se place dans le cadre du départ d'Hermodore pour l'Italie (en
exil, bien que cela ne soit pas précisé ).Héraclite fustige la cécité des Éphésiens,
qui ne se rendent pas compte qu 'ils méprisent un homme sage qui sera sans
doute accueilli en Italie avec les plus grands honneurs etdont les lois seront sans
doute adoptées par tous les peuples, tandis que les Éphésiens resteront dans
l'esclavage,même au milieu des plus grandes richesses (cf. DK 22 B 125 a et
121. Comme le remarque Tarán 11, p. 299, dans cette lettre l'amitié entre Héra
clite et Hermodore joue un rôle plus important que dans les autres lettres:
Héraclite insiste pour connaître la date du départ de son ami, il veut dialoguer
avec lui de vive voix sur les sujets les plus divers (les lois entre autres) au lieu de
lui écrire sur ces sujets, car il préfère en garder le secret. A ce propos, il censure
l'homme commun pour ne pas savoir garder un secret; il donne une interpréta
tion allégorique de la légende des Athéniens considérés comme le peuple
autochtone de l' Attique : les Athéniens ont compris que leshommes, étant donné
qu 'ils sont nés de la terre, ont l'esprit crevassé , ce pourquoi ils ne retiennent rien ,
mais déversent tout par leur loquacité , sauf s'ils ont été éduqués dans les mys
tères.
Enfin , dans la lettre IX , adressée encore une fois à Hermodore, Héraclite
continue à censurer les Éphésiens pour avoir chassé le meilleur des hommes.
L 'auteur révèle maintenant de façon explicite la raison du bannissement d ’Her
626 HÉRACLITE (PSEUDO - ) H 64a
modore , à savoir qu 'il a rédigé des lois révolutionnaires promulguant l'égalité de
droits pour les affranchis ainsi que la possibilité de suivre le cursus honorum
pour leurs fils. D 'après Tarán 11, p . 299 sq., ce renseignement, qui indiquerait
une certaine connaissance de la situation des affranchis à Rome, différente de
leur situation dans les cités grecques (cf. p . 356 , note à IX 4 -6 ), ouvre la voie à
une « diatribe » contre les Éphésiens, fondée sur le cosmopolitisme, sur l'égalité
des hommes par nature , sur l'idée que les animaux vivent conformément à la
nature tandis que les hommes vivent contre la nature, sur la divinité de l'homme
sage, sur le paradoxe que seul le sage (vertueux) est un homme libre et un
citoyen tandis que l'homme pervers (vicieux) est un homme esclave et sans
patrie . Tarán remarque que tous ces thèmes se trouvent chez les auteurs cynico
stoïciens depuis le jer siècle av. J.-C . Le Pseudo -Héraclite qualifie Hésiode de
menteur (cf.Homère dans la lettre IV ) pour avoir dit que les Érinyes de la Justice
sont trente mille, quand en réalité ce nombre ne suffit pas pour couvrir la perver
sité du monde. Tarán 11, p . 300 , reconnaît dans la mention des Erinyes de la
Justice une référence à DK 22 B 94 . Par ailleurs, il rappelle qu 'Héraclite avait
critiqué aussi bien Hésiode qu'Homère (cf. DK 22 B 40, B 42, A 22).Cependant,
il estime que la critique des poètes, de même que la critique de la mythologie
populaire dans la lettre VII et la critique du culte traditionneldans les lettres IV
et IX , suggèrent une origine stoïcienne ou cynique plutôt qu ’une origine héracli
téenne, dans la mesure notamment où ces critiques se rattachent à la propagande
pour la religion cosmique.
La question de l'auteur et la date de composition . Tarán 11, p . 300,consta
te qu 'il y a une différence marquée de style entre les trois premières lettres et les
six autres : « Tandis que ces dernières sont en réalité des diatribes contre les
Éphésiens et contre les médecins, les trois premières lettresne sont pas à propre
ment parler des diatribes et semblent témoigner plutôt d'un intérêt biographique
pour Héraclite. » Étant donné que celui-ci a vécu en ca 540-480a, il a été associé
à Darius, personnage qui apparaît dans les trois premières lettres. Les lettres I et
II sont citées par Diogène Laërce IX 12- 14 (DK 22 A 1, t. I, p. 142), ce qui
constitue un terminus ante quem . Tarán considère comme probable qu 'elles sont
l'euvre d 'un même auteur et ont été composées à une date indéterminée entre le
Ille siècle av. J.- C . et le 1er siècle de notre ère, car la source de Diogène Laërce ne
semble pas postérieure au jer siècle. A l'encontre de Bernays 4, Tarán 11, p. 301,
n 'écarte pas la possibilité que la lettre III soit l'æuvre du même auteur que celui
des lettres I et II.
Quant à la lettre IV , Tarán, s'appuyant sur les différences de style, suggère
qu'elle appartient à un autre auteur et à une autre école. Par ailleurs , à la suite de
Bernays 4 , il met à contribution un passage ( 4 ) qui lui semble contenir un vatici
nium post eventum (cf. aussi Heinemann 20 , col. 228) : « si tu pouvais par résur
rection revenir en vie après cinq cents ans, tu trouverais Héraclite encore
vivant.» En effet, en supposant que l'auteur de la lettre connaissait, au moins de
façon approximative , l'époque où Héraclite a vécu (ca 500“), Tarán suggère le jer
siècle de notre ère commedate de composition de cette lettre.
H65 HÉRACLITE DE RHODIAPOLIS 627

D 'après Attridge 12, p . 5 sq., cette datation semble confirmée par la vision qu'Héraclite
raconte dans la lettre VIII, vision selon laquelle Éphèse serait soumise aux lois italiennes
d 'Hermodore. En effet, la domination de l'Asie par Rome a commencé vers 133a.
En ce qui concerne la lettre VII, sa composition ne peut pas être postérieure à IP ou au
début de lIP , étant donné que le papyrus de Genève inv. 271 qui la contient n 'est pas postérieur
à cette date .
De l'avis de Tarán 11, p. 301, l'auteur des lettres V et VI (qui forment un
groupe) peut être le même que celuide la lettre IV , étant donné que l'accusation
d'Euthyclès contre Héraclite mentionnée dans cette dernière lettre (cf. supra )
reparaît dans la lettre V (2). Tarán reconnaît que dans celle -ci on affirme l'im
mortalité de l'âme, tandis que dans la lettre IV on ne parle que de l'immortalité
procurée par la renommée. Cependant, il ne considère pas comme impossible
pour autant que l'une et l'autre lettres appartiennent au même auteur ou à la
même école rhétorique. Enfin , Tarán 11, p. 302, remarque que l'auteur des
lettres IV -IX , à la différence de celui des trois premières, cherche à imiter le
style d 'Héraclite , caractérisé par l'asyndète, le ton arrogant, la concision et
l'obscurité .
En résumé, Tarán 11, ibid ., reconnaît dans les lettres I- III et dans les lettres
IV - IX deux écoles différentes, dont la deuxième serait dominée par la « diatribe
cynico- stoïcienne » . Il considère que les lettres I et II appartiennent à un même
auteur, tandis qu 'il laisse en suspens la question de savoir si la lettre III appar
tient aussi à ce même auteur. Tarán n 'estime pas impossible que les lettres IV -V
( formant un groupe) et les lettres VII-IX (formant un autre groupe ) soient
l'œuvre d 'un même auteur, différent de l'auteur des lettres I- II (et peut-être III).
Il y voit en tout cas l'empreinte d 'une même école. Quant à la date de composi
tion , il place les lettres IV -IX vers le 1er siècle de notre ère, c'est-à -dire à l'épo
que post-alexandrine (cf. Bernays 4, p . 9 ; Susemihl 17 , t. II, p.600 n . 96 ), tout
en considérant comme probable que les lettres I- III sont antérieures.
PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ et JUAN LUIS LÓPEZ CRUCES.
65 HÉRACLITE DE RHODIAPOLIS RESuppl. IV :8b
Médecin , poète et philosophe épicurien.
Prêtre d’Asclépios dans sa cité natale de Rhodiapolis, ce médecin avait acquis
une vaste célébrité : l'inscription de sa statue dans sa patrie (TAM II 910 ; voir L .
Robert, « Deux poètes grecs à l'époque impériale », dans Stèlè [Mélanges Kon
doléon ), Athènes 1977, p . 14 = Opera Minora VII, p. 582) précise qu 'il avait été
pareillementhonoré à Rhodes (dont il avait été fait citoyen ), à Alexandrie et à
Athènes. C 'est qu'il avait rédigé, et adressé aux bibliothèques de ces cités, plu
sieurs ouvrages, consacrés bien sûr à la médecine – entre autres, des poèmes qui
lui avaient valu le titre d'« Homère des poèmes médicaux » – mais aussi à la phi
losophie . L 'orientation de ces derniers ne fait guère de doute , car l'auteur avait
été honoré à Athènes par les philosophes épicuriens. Il n 'y a donc probablement
pas lieu d'établir un rapprochement avec son homonyme, également citoyen de
Rhodes, qui était l'ami d'Épictète (» H 62] (II 2 , 17).
BERNADETTE PUECH .
628 HÉRACLITE DE TYR H 66

66 HÉRACLITE DE TYR RE 11 ca 135-55a


Académicien , disciple de Clitomaque de Carthage (MC 149) et de Philon de
Larisse, dont il était, probablement, contemporain . La chronologie d 'Héraclite
(ca 135 -55) a été établie par 1 J. Glucker, Antiochus and the late Academy, coll.
« Hypomnemata » 56 , Göttingen 1978 , p. 100 n. 11. Héraclite est connu seule
ment par Cicéron , Lucul. 11- 12 (= Antioch . F 5 Mette . Cf. Philod., Acad . hist.
col. 34, 16 ). Selon le témoignage de Cicéron , il était à Alexandrie en 87 quand
Antiochus ( A 200 ) reçut les deux livres de Philon qui excitèrent sa colère. An
tiochus ne croyait pas qu 'ils étaient de son maître Philon ; Héraclite , disciple lui
même de Philon , confirma leur authenticité , mais il ajouta, toutefois, qu ' il
n 'avait jamais lu quelque chose de semblable ni chez Philon ni chez les autres
académiciens. P . et C . Sellius et Tertilius Rogus admirent que Philon avait discu
té sur ce sujet aussi à Rome. Antiochus écrivit alors un livre contre Philon inti
tulé Sosus, où il rapportait les discussions qu 'il avait eues – en présence de
Lucullus – avec Héraclite pour défendre l'Académie traditionnelle contre l'Aca
démie sceptique de Philon (cf. Glucker 1, p. 13- 14 , 18 , 92 sq., et 2 T. Dorandi,
« Gli Academica quale fonte per la storia dell'Academia » , dans B . Inwood et J.
Mansfeld (édit.), Assent and argument. Studies in Cicero 's "Academic books " ,
Leiden 1997, p. 89- 106 ) . Peut-être Héraclite était-il lui-même un personnage du
dialogue Sosus (cf. Glucker 1, p .417 -419).
On peut supposer qu 'Héraclite avait étudié à Athènes avant de se rendre à
Alexandrie . Il ne retourna probablement pas à Athènes et ne fut pas scholarque
après Philon.
L 'hypothèse de 3 E . Pappenheim , « Der Sitz der pyrrhoneischen Skeptiker»
AGPh 1, 1888, p. 41-42, qui fait d'Héraclite le maître d 'Énésidème (» E 24) en
se fondant sur son identification avec l'Héraclide mentionné par D . L . IX 116 , est
sans fondement (cf. 4 J. Barnes, Antiochus of Ascalon , dans M . Griffin et J.
Barnes ( édit.), Philosophia Togata , Oxford 1989, p. 59 n. 37. Pour la chrono
logie d'Énésidème, cf. 5 F . Decleva Caizzi, CQ42, 1992, p. 176 - 189, et 6 J.
Mansfeld , dans L . Ayres [ édit.), The passionate intellect. Essays on the transfor
mation of classical traditions, presented to Professeur I.G . Kidd, coll. « Rutgers
University studies in classical humanities » 7, New Brunswick , N .J., 1995 ,
p . 235 -248).
Études d 'orientation . 7 H . von Arnim , art. « Herakleitos » 11, RE VIII 1,
1912, col. 508 ; Glucker 1, p . 13-14, 18 , 92 sq., 100 n. 11, 109 n. 38 , 118 n . 69,
119 n . 73 ; 8 H . Tarrant, Scepticism or Platonism ?, Cambridge 1985, p . 151
n. 39 ; Barnes 4, p. 59-60,64.
TIZIANO DORANDI.
67 HÉRAÏSCUS RE MF V
Philosophe néoplatonicien d'Alexandrie , auteur, selon Damascius, d'un
ouvrage « sur la philosophie générale des Égyptiens» , dédié à Proclus.
Il était frère d 'Asclépiadès (2+ A 446 ), et, comme lui,maître d 'Isidore (» I 31]
(Damascius, Vie d 'Isidore, fr. * 160, si le fragment concerne bien Isidore et si les
H 67 HÉRAÏSCUS 629
" frères” évoqués par le fragment sont bien Asclépiadès et Héraïscus). Asclépia
dès est l'aîné, Héraïscus le cadet d 'après le témoignage de Damascius, Traité des
premiers principes, p. 324, 3 et 6 Ruelle = t. III, p . 167, 7 et 12 Westerink
Combès. Héraïscus avait une nature plus “ divine” que son frère, mais possédait
moins à fond que ce dernier la sagesse égyptienne ( fr. 161), du fait qu 'il avait
vécu à l'étranger et était ouvert aux rites étrangers (fr. 163). Héraïscus, semble -t
il, surpassait son frère par les dons naturels et la science (fr. 161). Un rêve lui
avait révélé qu'il était une réincarnation de Bacchus (fr. 172).
1 J.Maspéro , « Horapollon et la fin du paganisme égyptien » , BIAO 11, 1914 , p . 187, com
prend : « Un songe révéla (à quelqu'un) qu 'il était devenu Bakkhos-Osiris ». Ce passage ferait
suite à un autre fragment portant sur la momification d 'Héraïscus. Maspéro commente : « Les
gens de ce temps-là savaient-ils encore que le mort s'identifiait à Osiris, qu'il “devenait
Osiris " , selon la très ancienne croyance pharaonique ? » .
Il était doux et bon et manifestait un emportement viril à contrer la méchan
ceté et les complots des hommes (peut-être plus concrètement des chrétiens),
sans excéder la mesure de la justice (fr. 173). Il pouvait distinguer les statues
sacrées animées des inanimées, du fait que les premières provoquaient chez lui
une commotion divinatoire (Delaguós ) qu 'il ne ressentait pas en présence des
secondes (fr. 174 ). Il éprouvait également des migraines soudaines lorsqu 'il se
trouvait en contact avec des femmes indisposées (fr. 174 et Epit. Phot. 107) .
Lorsqu' il mourut, son frère Asclépiadès le fit momifier à la manière des prêtres
égyptiens, ce qui fut l'occasion de signes merveilleux (ibid.). Sa naissance déjà
fut marquée d 'un caractère sacré : il naquit avec un doigt posé sur les lèvres
prescrivant le silence, de la mêmemanière que l'on se représentait la naissance
du Soleil et d 'Horus (ibid.). Il fallut une intervention chirurgicale pour décoller
le doigt de ses lèvres.
Il avait peut- être séjourné à Athènes: « Proclus reconnaissait (...) que Héraïs
cus lui était supérieur, car ce qu'il savait lui-même, Héraïscus le savait aussi,
mais ce que l'autre savait, Proclus l'ignorait » (Epit. Phot. 107 ; trad. Henry).
Sous le règne de Zénon (474 -491) et sans doute , d'après l'ordre des extraits
conservés par Photius, avant le départ d'Isidore à Athènes en 485 , Héraïscus fut
arrêté avec Horapollon (HH 165) et refusa , malgré les mauvais traitements
qu'on leur fit subir, de révéler l'endroit où se cachaient le philosophe Isidore et
le grammairien Harpocras (Damascius, Vie d ' Isidore, fr. * 314 et * 315 ).
Héraïscus avait prédit qu ’Horapollon serait infidèle aux lois ancestrales, c'est-à
dire qu 'il se convertirait spontanément au christianisme, sans la pression d'au
cune nécessité (fr. * 317).
Surcet épisode, qui rappelle un conflit semblable avec les Chrétiens, rapporté par Zacharie
le Scholastique, mais s'en distingue probablement, voir 2 P . Chuvin , Chronique des derniers
païens, Paris 1990, p. 113-114. Voir aussi 3 M . Tardieu , Les paysages reliques. Routes et
haltes syriennes d 'Isidore à Simplicius, Louvain /Paris (1990), p . 20 n . 4 .
Ilmourut de maladie dans la maison du médecin Gésios (Gessius, MG 16 )
alors qu 'il était recherché par les hommes de l'empereur Zénon (fr. 334 ). Il est
présenté comme déjà décédé dans PCairo III 67295, qui reproduit une requête
que l'on peut dater de 493 environ.
630 HÉRAÏSCUS H 67
Selon Tardieu 3 , p . 19 n . 3, il faudrait situer sa mort vers 488, « peu de temps avant le
départ d'Isidore et de Damascius » d ' Alexandrie.
Sa fille épousa Horapollon, le fils d 'Asclépiadès,mais quitta la maison avec
un étranger. Voir PCairo III 67295 et les notices « Asclépiadès» ( A 446 ) et
« Horapollon » (MH 165). Son père était peut-être Horapollon 2 (" H 164).
Voir Zacharie le Scholastique, Vie de Sévère, p. 16 et 22 Kugener, où Héraïs
cus estmentionné avec les philosophes alexandrins Horapollon , Asclépiodote ,
Ammonius et Isidore . Voir Tardieu 3, p. 19-20 et n . 3.
Sur les positions métaphysiques d'Héraïscus et son activité littéraire, il faut
lire un important passage de Damascius, Traité des premiers principes, I,
p. 323, 16 - 324, 6 Ruelle = t. III, p. 167, 1-24 [avec commentaire p. 239-241]
Westerink -Combès (= Asclépiadès, FGrHist624 B 1) :
« Quant aux Égyptiens, Eudème (» E 93) ne rapporte rien de précis, mais les philosophes
égyptiens qui sont nos contemporains nous ont fait connaître leur vraie doctrine cachée ,
l'ayant trouvée justement dans certaines formules égyptiennes (ou : certains traités, logoi], à
savoir que, d 'après elles, il y aurait (d 'abord ) le principe unique du tout, célébré sous le nom
de Ténèbre inconnaissable et celle-ci est invoquée trois fois sous ce nom ; puis, viendraient les
deux principes, l' Eau et le Sable, d 'après Héraïscus, et d 'après son [frère) aîné, Asclépiadès, le
Sable et l'Eau , à partir desquels a été engendré le premier Kmèphis, qui a engendré ensuite le
deuxième, lequel a engendré à son tour le troisième; ces derniers remplissent le diacosme
intelligible tout entier. C 'estainsi que l'entend Asclépiadès, tandis qu 'Héraïscus, son cadet, dit
que le troisième, qui a été appelé Kmèphis du nom de son père et de son grand-père, est le
Soleil ; c 'est lui, je pense , qui est l'intellect intelligible .
Mais si l'on doit parvenir à l' exactitude sur ce sujet à partir de ces auteurs, il faut savoir
cependant que les Égyptiens sont souvent enclins à diviser ce qui subsiste dans l'union ; en
effet, ils divisent l'intelligible en de nombreuses propriétés divines, comme peuvent s'en
rendre compte tous ceux qui le veulent, en lisant leurs écrits, je veux dire l'exposé d 'Héraïscus
sur la philosophie générale des Egyptiens, dédié à Proclus le Philosophe, et celui qu 'Asclépia
dès avait commencé à écrire sur l'accord des Égyptiens avec les autres théologies, » (trad.
Combès).
Sur Kmèphis, voir les témoignages rassemblés par 4 H .J. Thissen, « KMHQ - Ein
verkannter Gott » , ZPE 112 , 1996 , p. 153- 160.
Cf. 5 K . Praechter, art. « Heraiskos» , RE VIII 1, 1912, col. 421-422.
RICHARD GOULET.
68 HÉRAS RE 3 PIR2 H 91 FI
Philosophe cynique. Après 75, sous l'empereur Vespasien, Héras pénétra ,
avec Diogène (P + D 151), un autre cynique, dans le théâtre à Rome. Les deux
philosophes voulaient critiquer publiquement Bérénice qui espérait le mariage
avec Titus. Tandis que Diogène, après avoir longuement injurié le couple, fut
seulement fouetté , Héras, convaincu de ne pas subir une punition plus sévère,
émit des vociférations inconvenantes, mais il eut, lui, la tête coupée (Dion
CassiusLXVI 15, 5).
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
69 HÉRAS (C . CINATUS -) DII
Peut-être était -ce parce qu'il était lui-même philosophe , comme l'a supposé
A. Calderini, « Arti liberali in documenti dell'Egitto romano », dans Scritti in
H72 HÉRILLOS 631
onore di U . E . Paoli, Firenze 1956 , p . 155, que Gaius Cinatus Héras, intervenant
comme témoin en 130 dans un testament d 'Oxyrrynchos (P .Oxy. III 492),avait
fait représenter sur son sceau une figure de philosophe.
BERNADETTE PUECH.
70 HERCULIANOS RE FIV - D V
Élève d 'Hypatie à Alexandrie en même temps que Synésius de Cyrène, qui
lui adresse plusieurs lettres, toutes à dater de 398 et 399 (Ep. 137- 146 ; sur la
datation, cf. D . Roques, Études sur la correspondance de Synésios de Cyrène,
Bruxelles 1989, p . 96 -99). Celui-ci lui rappelle leurs entretiens, l'exhorte à la vie
philosophique (« la vie selon l'esprit est la fin de l'homme» , Ep. 137, 7 , p . 240, 7
Garzya), la voie qui conduit à Dieu (Ep . 142, p. 24), lui citant tantôt Plotin (Ep.
139, p. 243, 15- 16 ), tantôt Platon (Ep. 140, p. 244, 8) ou Porphyre (Id ., p. 245,21
- 246 , 2 ). C ' était un personnage influent en Égypte , puisque Synésius lui recom
mande les porteurs de deux lettres et sollicite son aide dans l'affaire qui motive
leur déplacement et dans une autre qui concerne ses amis (Ep . 144 et 145).
PIERRE MARAVAL .
71 HÉRÉAS MF III
Stoïcien ,mentionné comme disciple de Chrysippe de Soles, dans l’Index
Stoicorum de Philodème,col. XLVII 9-10 (p .98 Dorandi): 'Hlpłac.
RICHARD GOULET.
HERENNIUS — SENECIO (HERENNIUS -)
HERENNIUS ERENNIUS
72 HÉRILLOS RE fl. M III
Philosophe stoïcien hétérodoxe, disciple de Zénon de Citium .
Fragments et témoignages. SVF I409-421, t. I, p. 91,2 - 93, 5. Ajouter SVF I
363 (Cicéron ) ; SVF I 481, p . 107 , 3 (Diogène Laërce VII 174 ) ; Diogène Laërce
VII 37 ; Plutarque, De comm . not. 25, 1070 d (= SVF I 410 ). En revanche,
supprimer Ind. Stoic . Herc., col. XXXVII (= SVF I410, où la colonne est notée
XXXVI), qui, dans le texte restitué par Traversa et Dorandi, fait référence à
Apollonius ( de Tyr (2 - A 286 )] etne concerne pas Hérillos.
Traduction italienne : 1 N . Festa , I frammenti degli stoichi antichi, Bari
1935, t. II, p . 37-43.
Cf. 2 H . von Arnim , art. « Herillos» , RE VIII 1 , 1912, col. 683-684 ; 3 G .
Rodier, Études de philosophie grecque, Paris 1926 , p . 290 -291 ; 4 N . Festa , « Il
filosofo Erillo e la sua produzione letteraria » , RAL, ser. VI, 9, 1933, p. 220-226 ;
5 P . Von der Mühll, « Zwei alte Stoiker. Zunameund Herkunft » , MH 20 , 1963,
p . 1- 9 ; 6 A . N . Zoubos, « Zu den Alptoelç 'Hoidreiwv » , Platon 16 , 1964,
p . 23- 324 ; 7 M . Pohlenz, Die Stoa ’, Göttingen 1964, t. II, p . 70 ; 8 A . M .
Ioppolo , « Lo stoicismo di Erillo » , Phronesis 30 , 1985, p. 58 - 78.
632 HÉRILLOS H72
P . Von der Mühll 5 a montré qu 'Hérillos n 'était sans doute pas originaire de
Carthage, comme le rapporte Diogène Laërce VII 37 (Kapxndóvlog),mais de
Chalcédoine, ainsi que l'attestent les meilleurs manuscrits en VII 165 (Xarxn
Cóvios). Très jeune, il aurait été confié à Zénon de Citium . Il était probablement
très beau , puisque beaucoup de gens s' éprirent de lui, à tel point que, pour les
écarter ,Zénon fit tondre ses cheveux ( D . L . VII 166 ).
Au bout d 'un certain temps,Hérillos se montra en désaccord avec son maître.
Il afficha certaines positions platonisantes, déclarant en particulier que l'ÉTL
ornun (la science) était le souverain bien . C 'est cette thèse qui devait lui assurer
une certaine postérité ( D . L . VII 165). Il distingua également entre la fin (princi
pale) et la fin subordonnée (únoteniç ): « la dernière est visée en même temps
par ceux qui ne sont pas sages , alors que la première ne l' est que par le sage »
( D . L . VII 165) .
Il écrivit de courts ouvrages, « pleins de vigueur» , opposés à Zénon ; Cléanthe
écrivit tout un traité contre lui (D . L . VII 174 = SVF 1 481, p . 107, 3 ). Il se rap
procha d'Ariston de Chios, en reprenant la doctrine des ådlápopa (cf. Cicéron,
SVF I 412-418 ; voir Zoubos 6 ). Hérillos aurait été combattu par Chrysippe (cf.
Pohlenz 6), au troisième livre du lepi åyaoWv (SVF III 25, p . 9, 3).
Diogène Laërce (VII 166 = SVF I 409) nous livre une liste de douze titres des
æuvres d 'Hérillos (voir Festa 3) :
(1) Hepi đoxńoews, Sur l'entraînement,
(2) Hepi nabőv, Sur les passions,
(3) Tepi útonńqews, Sur la précompréhension,
(4 ) Nouodérns, Le Législateur,
(5 ) MALEUTIXÓS,Maïeutique,
(6 ) ’Avrloépwv, L 'Adversaire,
(7) Albáoxaros, Le Maître,
(8 ) Algoxevá (wv, Le Réviseur,
(9 ) Eúdúvwv, Le Correcteur,
( 10 ) 'Epuñs, Hermès,
(11) Mńdela , Médée,
desdialogues,
enfin , un dernier ouvrage dont le nombre de livres n 'est pas indiqué:
(12) Oéoewv ňocx v , Thèses éthiques.
CHRISTIAN GUÉRARD (+).
73 HERMAGORAS D 'AMPHIPOLIS RE 4 fl. M III
Philosophe stoïcien , originaire d 'Amphipolis en Thrace, disciple de Persaios
de Citium , selon la Souda , s. v. ' Epuayópas, E 3023, t. II, p. 411, 26 -28 Adler
(= SVF I 462, p . 102, 32 - 34 ). Il aurait écrit les « dialogues» suivants:
H75 HERMARQUE DE MYTILÈNE 633

(1) Mlooxówv, a', L ' ennemidu chien , en un livre ;


(2 ) Iepi átuxnuátwv, Sur les infortunes;
Von Arnim (SVF I 462) comprend : Miooxówv ñ nepì åtuxnuárwv. Il pourrait s'agir,
selon von Arnim , d'un ouvrage dirigé contre le cynisme.
(3) " Exxutov: Čoti dè ♡ooxonia , L'effusion, " qui concerne la divination par
les aufs”;
(4) Hepi ooploteíac npòs toùs ’Axaðnuaïxoús, Sur la sophistique, contre
les Académiciens.
« Offenbar ist es die durch Arkesilaos in die Akademie eingeführte Lehrmethode, die H .,
im Gegensatz zu dem dogmatischen Unterricht seiner eigenen Schule , als ooploteía bezeich
net und bekampft » (von Arnim ).
Cf. F . Susemihl,GGLA I, p . 74; R . Hirzel, Der Dialog, Leipzig 1895, p . 402 ;
H . von Arnim , art. « Hermagoras » 4, RE VIII 1, 1912, col.692.
CHRISTIAN GUÉRARD (1).
74 HERMAÏSCUS ІІја
Destinataire d'une lettre pseudépigraphe de Cratès de Thèbes (Lettre 4), dans
laquelle le philosophe cynique souligne à son interlocuteur le rôle positif de
l'entraînement à la souffrance : « Que l'on doive choisir la souffrance ou que l'on
doive la fuir, souffre afin de ne pas souffrir. Car en ne souffrant pas, on ne fuit
pas la souffrance,mais par son contraire on la recherchemême» .
La lettre est éditée et traduite en allemand par Eike Müseler, Die Kynikerbriefe , coll.
« Studien zurGeschichte und Kultur des Altertums» , Neue Folge, erste Reihe, Bd. 7, Pader
born 1994, p . 84 ; trad. anglaise par R . F . Hock, dans A .J. Malherbe (édit.), The Cynic epistles,
coll. « Society of Biblical Literature - Sources for Biblical Study » 12, Missoula (Montana )
1977, p . 57.
On peut se demander s 'il faut identifier cet Hermaïscus avec le personnage d 'une comédie
d 'Alexis, Kpátela ñ papuaxonáins (fr. 120 Kassel- Austin ), dont Athénée, Deipnosoph.
XI, 473 d , rapporte l'extrait suivant, en précisant que la conversation porte sur quelqu'un qui
boit dans une taverne : « Ensuite je vois Hermaïscus qui vide une de ces grandes coupes, avec
à côté de lui sa couverture et son havresac » .
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
75 HERMARQUE DE MYTILÈNE RE 1 IV /IIa
Philosophe épicurien , premier scholarque du Jardin à la suite d' Épicure .
Témoignages et fragments. 1 K .Krohn, Der Epikureer Hermarchos, Berlin
1921 ; 2 F . Longo Auricchio , Ermarco. Frammenti, Edizione, traduzione e
commento , coll. « La Scuola di Epicuro» 6 ,Napoli 1988.
Bibliographies. 3 H . von Arnim , art. « Hermarchos» 1, RE VIII 1, 1913, col.
721-722 ; 4 R . Philippson , PhW 43, 1923, col. 1- 10 (C.-r, de Krohn 1) ; 5 E .
Bignone, L 'Aristotele perduto e la formazione filosofica di Epicuro, Firenze
1936 , 2e éd. 1973 ; 6 I. Gallo, Ermarco e la polemica epicurea contro Ermarco ,
dans l'ouvrage collectif, Esistenza e destino nel pensiero greco arcaico, Napoli
1985 , p . 33-50 ; 7 D . Obbink , « Hermarchos, Against Empedocles », CQ 38 ,
1988 , p. 428 -435 ; 8 P. A . Vander Waerdt, « Hermarchus and the Epicurean
634 HERMARQUE DE MYTILÈNE H75
Genealogy of morals » , TAPA 118, 1988, p . 87 -106 ; 9 F . Longo Auricchio ,
Bilancio su Ermarco, dans l'ouvrage collectif, Ercolano 1738 -1988 : 250 anni di
ricerca archeologica, Roma 1993, p. 273-276 ; 10 M . Erler, GGP, Antike 4,
p. 227 -234.
Biographie . Hermarque (sur la graphie du nom , cf. 11 F . Longo Auricchio ,
dans Studi Gigante, Napoli 1994 , p . 384 sq. n . 12) est souvent mentionné dans
les sources anciennes, avec Épicure, Métrodore et Polyen , comme l'un des
quatre ‘guides' (waonyeuóveç ou čvopec) du Jardin .
Hermarque naquit à Mytilène, sur l'île de Lesbos, à une date non précisée
(12 A . Angeli, CronErc 11 , 1981, p. 91 n. 533, propose ca 3254). Il était, de
toute façon , plus ou moins contemporain d 'Épicure. Son père s 'appelait Agémor
tos (D . L . X 24 = F 1 et D .L . X 14 -15 = F 8). Dans sa jeunesse, Hermarque avait
étudié la rhétorique. Il rencontra Épicure àMytilène vers 310, pendant son séjour
dans l' île de Lesbos, mais il n 'adhéra probablement pas tout de suite à sa
philosophie et il ne suivit Épicure que lorque ce dernier retourna à Athènes : c' est
ce que l'on peut déduire du fait qu'Épicure lui écrivit encore pour le détourner
de la rhétorique et l' inviter à se vouer définitivement à la philosophie (F 53 =
Diog . Oen. F 127 Smith . Cf. 13 M . F . Smith , Diogenes of Oenoanda. The Epicu
rean Inscription , Napoli 1993 , p . 559 sq .). Peut-être n 'a -t-il rejoint Épicure à
Athènes qu'après la fondation du Jardin (306 ).
Une révision du papyrus original très fragmentaire du PHerc . 1040 a permis à
Longo 2 (p . 48 -55) de refuser de façon décisive l'interprétation de Bignone
5 (p . 481-484), selon lequel le papyrus contenait une Vie d 'Hermarque ; Bignone
a essayé de reconstruire quelques épisodes de la jeunesse du philosophe avec de
nouveaux renseignements au sujet de sa rencontre avec Épicure à Mytilène.
Entre 290 et 270 peut-être, Hermarque se rendit à Lampsaque avec Pythocles
et Ctésippe (* C 226 ) afin de visiter l' école épicurienne locale ( F 2 . Cf. 14 D .
Sedley, CronErc 6 , 1976 , p . 46 sq.). Ce ne fut pas la seule fois qu'Hermarque
quitta Athènes, comme le montre un passage d' Athénée (Deipnosophistes XIII,
588 b = F 41), qui permet de supposer l'existence d 'un échange épistolaire entre
Épicure et Hermarque (Philippson 4 , col. 3 , a cherché à démontrer que les lettres
remontent à 277-270 ,mais ses résultats sont fort incertains, cf. Longo 2, p. 26 et
163) . Philodème (Ad contub., col. 6 , 17 -18 = F 3) rappelle qu'Hermarque était
épris de l’hétaïre Démétria (3D 38).
Cicéron (De fin . II 30, 96 = F 5) rapporte qu'Épicure près de mourir avait
adressé à Hermarque une lettre exposant son testament spirituel (l'epistula
supremorum dierum ). Avec plus de vraisemblance, d'autres sources considèrent,
au contraire, que la lettre était adressée à Idoménée (* * I 14 . Cf. F 23 Angeli et
Longo 2 , p . 27 et 114 ). Au moment de la mort d'Épicure (270 ), Hermarque était,
en effet, à Athènes tout près de son maître (F 4 ). Épicure lui confia la direction
du Jardin (F 6 - 10), malgré sa condition de métèque (cf. 15 T . Dorandi, Labeo 38,
1992, p. 57-62). Ilmourut de paralysie à un âge avancé. Il eutcomme successeur
à la tête du Jardin Polystrate (D . L . X 25 = T 11- 12).
H75 HERMARQUE DE MYTILÈNE 635
Lamort d 'Hermarque représenta une ligne de partage des eaux dans l'histoire
du Jardin , entre la première génération d 'épicuriens, qui avaient écouté directe
ment la parole du maître, et les suivants, y compris, peut-être, Polystrate lui
même (cf. T . Dorandi, Ricerche sulla cronologia dei filosofi ellenistici, p . 49.
Sur la position d'Hermarque à l' intérieur du Jardin , cf. Longo 2 , p . 27-32).
Titres attestés. Diogène Laërce ( X 25 = F 25) nous transmet quelques titres
des ouvrages d 'Hermarque, qu'ildéclare “ très beaux" :
(1) 'Enotoxá, Recueils épistolaires,
(2 ) lepi 'Eunedoxéos, eíxoolxai dúo, Sur Empédocle, en 22 livres. Sur le
titre de ces deux premiers écrits , voir plus bas.
(3) ɛpi uaOnuárov, Sur les sciences,
( 4 ) TlpósMátwva, Contre Platon,
(5) Ipòç ’AplotovéAnv, Contre Aristote.
Outre ces ouvrages, nous connaissons deux sentences attribuées à Hermarque
( F 23- 24 ), des Lettres (F 40 -42) et quelques témoignages, de Philodème ou d 'au
teurs tardifs, relatifs à des sujets éthiques plus généraux (F 43-48).
On possède des fragments seulement des 'Eniotonixá et du lepi 'Eunedo
xéoç. On avait cru généralement qu'Hermarque avait écrit un seul ouvrage inti
tulé 'Eniotohıxd trepi 'Eunte oxhéoç : Épîtres sur Empédocle . De façon indé
pendante , Longo 2 , p . 33 (cf. Longo 9 , p . 275) et Obbink 7 , p . 428-435, ont
démontré qu 'il s 'agit de deux ouvrages distincts et que le titre du deuxième est
Ilpos 'Eunedoxnéa et non lepi 'Eunedoxhéous. Cela a été rendu possible par
la publication de POxy. 3318 (= F 28), le réexamen de quelques passages du De
pietate de Philodème (F 27, 29- 30 ) et une inspection du Cod. Neap. Burb. III B
29 de Diogène Laërce. Ces recherches ont confirmé l'intuition déjà formulée par
J. Bernays (Theophrastos' Schrift über Frömmigkeit, Berlin 1866 , p . 139) et Th .
Gomperz (Eine Auswahl herkulanischer kleiner Schriften , hrsg. v. T . Dorandi,
Leiden 1993, p . 23 n . 11), autrefois critiquée par Usener (Epicurea, Lipsiae
1887, p. 369),mais défendue par Philippson 4, col. 3 .
Mpòs 'Euntedoxhéa : Contre Empédocle (F 27-34). La datation de l'ouvrage
est incertaine. On a déduit de Philodème (De piet., PHerc. 1077,col. 18, 23- 30 =
F 29) que le dernier livre du Προς Εμπεδοκλέα précédait le livre XII du De
natura d 'Épicure, antérieur à 301 (cf. Longo 2 , p . 126 sq.). Gallo 6 , p . 42 sqq., a
supposé que l'ouvrage était dirigé contre les Kadapuoi d 'Empédocle (2 E 19).
Le fragment le plus étendu, transmis par Porphyre (De abst. I 7 -12 , 26 , 4 =
F 34 ), est relatif à l'origine du droit dans la société primitive (Longo 2 , p . 137
150 , et Vander Waerdt 8, p. 87- 106 ). Dans les autres fragments, Hermarque
discutait aussi de questions théologiques (F 27, 29-31), de l' anthropomorphisme
divin (F 32 : les dieux respirent et parlent). Il n 'est pas exclu qu 'au même ouvra
ge appartiennent quelques fragments où l'on discute des Oaiuw veç (F 50) et des
tépata ( F 51) d 'Empédocle et de la transmigration des âmes (F 52). La sugges
tion de Krohn 1 (p . 9 et F 28) de rapporter au Mpòs 'Eunedoxréa les Maximes
capitales 31-40 d 'Épicure fut déjà réfutée, à juste titre , par Philippson 4 , col. 4 -8 .
636 HERMARQUE DE MYTILÈNE H 75
'Entotoixá : Traités sous la forme de lettre (ou Recueils épistolaires). Un
ÉTLOTOAixóv , adressé à un Théopheidès inconnu et daté précisément de 267/6 ,
est transmis dans la Rhétorique de Philodème ( F 35 - 36 . Cf. F 37-39) . Il contient
une polémique d'Hermarque contre le philosophe mégarique Alexinos d'Élis
( * A 125) : Hermarque, comme Épicure et Métrodore, soutient que seule la
rhétorique sophistique jouit du statut de technè, bien qu 'elle ne soit pas douée,
elle-même, d 'efficacité dans le domaine politique et judiciaire (Longo 2 , p . 35
sq., 150 - 160 ). Du même ouvrage dérive, peut-être , un autre fragment très
lacunaire transmis par la Rhétorique de Philodème (PHerc. 1646, fr. 4 . Cf.
T . Dorandi,ZPE 82, 1990 , p . 81).
MpósTátwva : Contre Platon. Déjà Krohn 1, p. 10 (cf. Philippson 4 , col. 9 ,
et Longo 2 , p . 171- 173) a rattaché à cet ouvrage un passage de Proclus (In Plat.
Tim . II,66 d -e, p . 216 Diehl = F 48),où l'on discute de l'opportunité de la prière.
Des autres titres nous ne possédons aucun vestige. Nous lisons, toutefois,
dans les sources anciennes des témoignages sur la pensée d'Hermarque au sujet
de la colère (F 43),de la flatterie (F 44), de l'amitié ( F 45),de la nécessité d 'une
vie frugale (F 47) . Cf. Longo 2 , p . 164 - 171.
L 'existence d 'une correspondance d 'Hermarque est attestée par la Vie ano
nymede Philonidès, Athénée et Diogène Laërce (F 40-42). Sans grande impor
tance sont deux apophtegmes concernantla mort et la vie (F 23-24).
TIZIANO DORANDI.
Iconographie. La tradition littéraire ne mentionne pas de portrait d 'Her
marque,mais les représentations conservées sont nombreuses.
Cf. 10 G . Richter, Portraits, II, 1965, p. 203- 206 ; 11 V . Kruse-Berdoldt,
Kopienkritische Untersuchungen zu den Porträts des Epikur, Metrodor und
Hermarch, Diss. Göttingen 1975 ; 12 H .Wrede, « Bildnisse epikureischer Philo
sophen » , AM 97, 1982, p . 235-249, pl. 48-50 ; 13 K . Morgenthaler, dans
Gesichter2, 1983, p. 42-43, n° 13.
Dix -neuf répliques de la tête subsistent: Richter 10, p . 203-205, nos 1-20 [la
tête qui porte le n° 20 est étudiée de nouveau par K . Morgenthaler 13 ), sauf le
nº 19 , buste du Musée Rockefeller à Jérusalem (inv. 35.3449), de Samarie , où je
reconnaisMétrodore. Un hermès acéphale inscrit est perdu : Richter 10, p . 205,
n° 21. Une statue assise conserve sa tête : Richter 10 , p. 205, n° 1. Une statuette
acéphale reproduit le corps : Richter 10, p . 205 , n° 2 .
Un petit buste inscrit en bronze, trouvé dans la « Villa des Pisons» à Hercula
num (Richter 10, p. 204, n° 10), assure l'identification de copies du même type .
Le dessin des mèches de cheveux, le rendu de la moustache et le visage placide
sont caractéristiques. La bouche petite s'entrouvre comme pour parler. La pléni
tude des traits se retrouve sur les portraits de Métrodore et contraste avec l'ex
pression plus vigoureuse d 'Épicure ; le visage est cependant plus individualisé
que celui de Métrodore et se rapproche en cela de celui du Maître. Les copies
reproduisent l'image d 'un Hermarque plus ou moins âgé,mais il est excessif de
H 76 HERMEIAS 637
distinguer deux types bien définis, l'un du philosophe à la quarantaine, l'autre du
vieillard , comme le fait 14 W . Gauer , JdI 83, 1968, p . 167- 169.
Le soin apporté aux cheveux et à la barbe caractérisait, en pleine époque im
périale , les épicuriens, selon Alciphron III 19 (55 ), 3, et, du vivant d 'Hermarque,
rompait avec la mode des chevelures désordonnées. Ce trait rapproche la figure
d'une série de représentations de la fin du IVe siècle av. J.- C . (cf. Gauer 14 ,
p. 168 ); le portrait d'Hermarque ressemble donc au type de l' élégant athénien de
la fin de l' époque classique, en réaction contre des tendances de la mode
contemporaine, commele suppose Wrede 12 .
Le type statuaire est identifié sûrement grâce à une petite statue de Florence
(Richter 10 , p. 205 , n° 1), qui a conservé sa tête. Il est très proche de celui que
l'on attribue au maître du Jardin . Le philosophe, assis sur un banc, appuie la tête
sur sa main gauche. Le modèle de ce type était sans doute exposé dans le Kèpos
athénien, dans le groupe d ' Épicure , deMétrodore et d 'Hermarque, qui fut, selon
Kruse- Berdoldt 11, érigé en bronze après la mort du fondateur de l'École . La
formemême du siège signalait la place d 'Hermarque dans la hiérarchie épicu
rienne : dans ce groupe original, Épicure seultrônait sur un siège à têtes de lion ,
Métrodore étant assis sur un klismos avec un petit coussin et Hermarque sur un
simple banc. Cette hiérarchie fut quelquefois oubliée à l'époque impériale : Her
marque a droit au trône du maître sur une statuette acéphale d ' Ostie (Richter 10 ,
p . 205 , n° 2 ). Ces différences dans la forme des sièges font peut-être allusion ,
selon Wrede 12, à un dit d 'Épicure rapporté par Sénèque, Epist. 5 , 11 (52), 3- 4) :
le maître se range lui-même dans la catégorie des hommes capables de trouver
seuls la vérité ;Métrodore a besoin d' aide pour l'atteindre ; quant à Hermarque, il
est de ceux qu'il faut contraindre à la trouver.
Deux bustes miniatures en bronze de la « Villa des Pisons » à Herculanum
sont les plus anciennes copies qui subsistent, vers la fin du jer siècle av. J.-C .:
l'un, inscrit, a été trouvé avec ceux de Démosthène, d 'Épicure et de Zénon
(Richter 10 , p . 204, n° 10 ; cf. 15 Lorenz, Galerien, 1965, p . 12, p . VI, 3) ; l'autre
est semblable pour la forme du buste à ceux de Démosthène et d ' Épicure d 'une
autre série (Richter 10, p . 204 , n° 12). La petite statue assise qui a conservé sa
tête faisait pendant à une statue acéphale où l'on reconnaît Épicure (Richter 10 ,
p . 205, n° 1 ; cf. Lorenz 15, p . 16 ).
FRANÇOIS QUEYREL.
76 HERMEIAS RE 15 FII
e t
Apologist chrétien , connu uniquemen en tant qu'auteur du Alaoupuós tõv
ŠEw piogópwv (Irrisio gentilium philosophorum ), probablement écrit vers la
fin du II° s. ap . J.-C .
Éditions. 1 J. C . T . von Otto (édit.), Corpus Apologetarum Christianorum
saeculi secundi edidit I. C . T. de O ., t. IX , Jenae 1872, p . XL-LI et 1-31 ; 2 H .
Diels (édit.), Doxographi Graeci. Collegit, recensuit prolegomenis indicibusque
instruxit H . D ., Berolini 1879 (editio iterata Berolini et Lipsiae 1929 ; réimpr.
638 HERMEIAS H 76
Berlin 1965 et 1976). Pour le manuscrit le plus ancien , non utilisé par les édi
teurs, le codex Patmiacus 202, voir 3 R . Knopf, « Über eine neu untersuchte
Handschrift zum Alaoupuós tõvětw blooóbwv des Hermias» , ZWT 43 (NF
8), 1900, p. 626 -638. Il existe maintenant une nouvelle édition : 4 R . P . C .
Hanson (édit.), Hermias. Satire des philosophes païens. Introduction , texte cri
tique, notes, appendices et index par R . P .C .H ., coll. « Sources chrétiennes » 388,
Paris 1993, 149 p .
Commentaire. 5 G . A . Rizzo , Ermia filosofo. Lo scherno dei filosofi gentili
con introduzione e commento a cura di G . A. R ., coll. « Biblioteca di classici
greci commentati per le scuole » , Livorno 1931, XXXII-45 p .
Traduction - française : D . Joussot, dans Hanson 4 ; - allemande: 6 A . Di
Pauli, Hermias' des Philosophen Verspottung der nichtchristlichen Philosophen ,
coll. « Bibliothek der Kirchenväter: Frühchristliche Apologeten und Märtyrer
akten aus dem Griechischen und Lateinischen übersetzt» , t. II, Kempten/
München 1913, p . 113-122 ; - italiennes : 7 E . Buonaiuti, « I filosofi pagani alla
sbarra » , RicRel 5, 1929, p. 251-258 ; 8 G .A . Rizzo, Lo scherno di Ermia , coll.
« I Classici Christiani» 9, Siena 1929, XIII- 16 p. ; 9 L . Torraca, Dossografi greci
tradotti da L . T ., coll. « Pubblicazioni dell'Istituto Universitario diMagistero di
Catania , Serie filosofica - Testi e documenti » 5, Padova 1961, p .429-437 et
480-482 (notes).
Études d 'orientation . 10 A . von Di Pauli, Die Irrisio des Hermias, coll.
« Forschungen zur Christlichen Literatur- und Dogmengeschichte » VII 2, Pader
born 1907, 53 p . ; 11 G . Loeschcke, art. « Hermias » 15, RE VIII 2 , 1913, col.
832-833 ; 12 L . Alfonsi, Ermia filosofo, Brescia 1947, 129 p . ; 13 J. H . Waszink ,
art.« Hermias», RAC XIV , 1988, col. 808-815.
Bibliographies. 14 W . Totok, Handbuch der Geschichte der Philosophie,
t. II :Mittelalter, Frankfurt am Main 1973, p. 58 ; 15 B . Altaner et A . Stuiber,
Patrologie. Leben , Schriften und Lehre der Kirchenväter, ge éd ., Freiburg/
Basel/Wien 1978, p. 78 ; 16 Corpus Christianorum . Clavis patrum Graecorum ,
t. I : Patres Antenicaeni, cura et studio M . Geerard , Brepols/Turnhout 1983,
p . 56 ; Hanson 4 , p . 91-94.
Hermeias n 'estmentionné que dans le titre de l'ouvrage et, en tant que per
sonne, il reste parfaitement inconnu.
Datation . La date de cet écrit a été très débattue, les datations ayant varié
entre les II et III s. ap. J.- C . d 'une part, et les ve et ve s. ap. J.- C . d 'autre part ;
pour un aperçu sur les recherches antérieures, voir von Di Pauli 10 , p . 2 -4 ;
Alfonsi 12, p . 18-40 ; Hanson 4 , p . 12 -18. Le langage employé dans l' Irrisio
ainsi que des ressemblances avec Lucien , Maxime de Tyr et Tatien sont des
arguments qui invitent à situer cet écrit dans la seconde moitié du ile s. ap . J.- C .
Voir 17 J. F. Kindstrand, « The Date and Character of Hermias' Irrisio » , VChr
34, 1980 , p . 341-350 ; 18 R . Bauckham , « The Fall of the Angels as the Source of
Philosophy in Hermias and Clement of Alexandria » , VChr 39, 1985, p . 313
330 ; Waszink 13, col. 810 -815; Hanson 4 , p. 66 -67.
H 78 HERMEIAS D 'ALEXANDRIE 639

École. L' Irrisio est une satire humoristique qui vise à dénoncer la futilité de
la philosophie grecque en attirant l'attention du lecteur sur le désaccord des phi
losophes concernant des problèmes essentiels. L 'auteur, Hermeias, est inclus
traditionnellement parmi les apologistes chrétiens, bien que très peu du contenu
de cet écrit, sauf le titre et l'introduction , soit d 'origine chrétienne. Voir Hanson
4, p. 20-23 et 37-47, pour ce qui est du rattachement de l' écrit à la Bible et à la
doctrine chrétienne. L 'auteur présente des traits qui l'assimilent incontestable
ment à un rhéteur, influencé par des idées cyniques et sceptiques. Voir
Kindstrand 17, p . 350 -353.
JAN FREDRIK KINDSTRAND .
77 HERMEIAS RE 12 FI
Géomètre, l'un des invités d 'Ammonios (P - A 138) au banquet du livre IX des
Propos de Table de Plutarque .La scène est censée se placer une année où le phi
losophe était stratège des hoplites , donc sous les Flaviens. Hermeias s'y montre
obsédé par la symbolique des nombres, au point que les autres convives doivent
le faire taire pour pouvoir orienter la conversation vers d'autres sujets,mais cette
manie ne constitue probablement pas une raison suffisante pour le classer sans
hésitation au nombre des pythagoriciens ; J.P . Hershbell , « Plutarch 's Pythago
rean Friends» , CB 60, 1984, p. 73-78, estime que l'on ne peut pas se prononcer
sur ce point.
BERNADETTE PUECH .
78 HERMEIAS D ’ALEXANDRIE RE 13 MV
Philosophe néoplatonicien , condisciple à Athènes de Proclus chez Syrianus
(mort en 437) (Damascius, Vie d 'Isidore, fr. 120 et Epit. Phot. 74 ), puis profes
seur à Alexandrie. Il était le frère de Grégoire d' Alexandrie (2+ G 34 ) (Ibid., fr.
123 et Epit. Phot. 75 ). Il fut l'époux d'Aidésia (> A 55), parente de Syrianus, et
le père des philosophes Ammonius (* * A 141) et Héliodore (2H 30 ), lesquels
furent les maîtres de Damascius (fr. 119). Un premier fils d'Hermeias et d' Ai
désia étaitmort à l'âge de sept ans (Epit. Phot. 76 ). A la mort d 'Hermeias, Aidé
sia dut veiller à la formation philosophique des deux enfants et leur assura, jus
qu 'à ce qu' ils s'adonnent à la philosophie , la pension alimentaire qui avait été
accordée à leur père (fr. * 124). Elle se rendit avec eux à Athènes pour qu'ils
étudient auprès de Proclus (fr. * 127).

Grégoire Hermeias - Aidésia

x Ammonius Héliodore
A son habitude, Damascius exprime sur son compte un jugement mitigé:
« Comme travailleur, nul ne le surpassait, mais il n 'était pas très intelligent ni
640 HERMEIAS D'ALEXANDRIE H 78
très habile à découvrir des raisonnements probants, il n ' était donc pas davantage
un remarquable chercheur de vérité ; aussi était- il incapable de discuter avec
vigueur contre ceux qui élevaient des objections, alors qu 'il se rappelait à peu
près tout ce qu 'il avait entendu expliquer par son maître ſi.e. Syrianus) et tout ce
qu 'il avait trouvé écrit dans les livres. Mais la spontanéité d'esprit ne fleurissait
pas sur son érudition » (Epit. Phot. 74 ; p . 100, 10 - 102, 1 Zintzen ; trad. Henry ;
voir aussi fr. 120 et 121). Damascius admire cependant sans réserve sa rectitude
morale quil'amenait à donner pour un livre davantage que le prix qui lui en était
demandé lorsque le vendeur en ignorait la valeur véritable (Epit. Phot. 74 ;
p . 102, 2 - 104, 4 Zintzen ; voir aussi fr. 122).
Il était l' ami d'Égyptos, le frère de Théodotè,mère d'Isidore (fr. 119), et, à la
mort de cet Égyptos (ou lorsque lui-même était à l'article de la mort, comme
l'entend P . Athanassiadi, Damascius, p . 155 n . 129), il l'assura sous serment que
l'âmeest immortelle et indestructible (fr. 120).
Hermeias d'Alexandrie, le rhéteur, mentionné dans le fr. 289, n'est sans doute qu'un
homonyme(PLRE 11:4 ).
Son commentaire du Phèdre de Platon , fondé sur l'enseignement de Syrianus,
est conservé. Il s'agit en réalité des notes prises par Hermeias au cours de
Syrianus. Y sont mentionnées des objections soulevées par « notre compagnon
Proclus» (p . 92, 6 ; 154, 28 ) ou par l'auteur lui-même (p. 24, 5 ; 154, 21) et la
réponse du « philosophe» . L 'auteur cite Plotin , Porphyre, Jamblique, Harpocra
tion et Posidonius. Bien que l'expression ne soit pas utilisée dans le titre, ce
serait là un exemple d'un commentaire composé áno owvñs. Voir 1 M . Richard ,
« ANO OSNHE» , Byzantion 20, 1950, p. 191-222 ; repris dans Opera Minora,
t. III, Turnhout/Louvain 1977, nº60. Le commentaire est profondémentmarqué
par la méthode exégétique de Jamblique ( I 3).
Sur ce commentaire, voir aussi 2 L . G . Westerink, « The Alexandrian commentators and
the introductions to their commentaries » , dans R . Sorabji (édit.) , Aristotle transformed. The
Ancient commentators and their influence, Ithaca (NY), Cornell Univ . Pr., 1990, p. 325- 348,
qui y voit « a set of unrevised notes of Syrianus' lectures on the dialogue » (p . 325).
C 'est le seul commentaire sur le Phèdre qui soit conservé.Des commentaires
perdus de Jamblique, de Syrianus et de Proclus sont cependant attestés, ainsi que
des scholies de Michel Psellos.
Selon 3 A . Bielmeier, Die neuplatonische Phaidrosinterpretation . Ihr Werde
gang und ihre Eigenart, coll. « Rhetorische Studien » 16 , Paderborn 1930 , p. 33
35, le commentaire permettrait de retrouver des extraits du commentaire de
Jamblique.
Édition . 4 P . Couvreur (édit.), Hermiae Alexandrini in Platonis Phaedrum
Scholia , coll. « Bibliothèque de l’ÉPHÉ », fasc . 133, Paris 1901, XXIV-272 p. ;
réimpr. sous les soins de C . Zintzen , Hildesheim 1971, avec un index verborum
dactylographié, p . 273-297, et un Nachwort, p. 298-300.
Une traduction roumaine est parue en accompagnement d 'une traduction du
Phédon et du Phèdre dans 5 G . Lijceanu, A . Cornea et R . Bercea ( édit.), Plato
Philosophus. Opere complete, t. IV : Phédon ; Phèdre; Commentaire d'Hermias
H 79 HERMETICA 641
sur le Phèdre, trad. P . Creţia et M . Tecuşan , « Clas. filos. univ.» , Bucureşti
1983. Traduction allemande récente par 6 Hildegund Bernard, Hermeias von
Alexandrien. Kommentar zu Platons “ Phaidros", übersetzt und eingeleitet von
H . B ., coll. « Philosophische Untersuchungen » 1, Tübingen 1997 , VIII-442 p.
Voir le compte rendu donné par G . Bendinelli, Adamantius 4 , 1999, p. 288 -291.
Traduction allemande récente par 7 H . Bernard, Hermeias von Alexandrien.
Kommentar zu Platons Phaidros, coll. « Philosophische Untersuchungen » 1,
Tübingen 1997, VIII-442 p.
C 'est le seul ouvrage connu d'Hermeias, mais son fils Ammonius fait réfé
rence à son interprétation des Premiers Analytiques d 'Aristote sur les syllo
gismes de la deuxième et troisième figure (in Anal. Pr., p. 31, 24-25 Wallies), en
l'associant à Proclus et au maître de ce dernier, c'est-à-dire Syrianus.
Cf. 8 K . Praechter, art. « Hermeias» 13, RE VIII 1, 1912, col. 732-735 ; 9 Id .,
« Richtungen und Schulen im Neuplatonismus» , dans Genethliakon für Carl
Robert, Berlin 1910, p. 150 n . 2, repris dans Kleine Schriften, hrsg. von H .
Dörrie, coll. « Collectanea » 7, p. 210 n . 2 ; 10 Id., c.r. de la collection Die
griechischen Aristoteles-Kommentare dans ByzZ 18 , 1909, p. 524 = Kleine
Schriften, p. 290 n . 4 ; 11 M .Minniti Colonna, « I codici napoletani degli Scholia
in Platonis Phaedrum di Ermia Alessandrino » , Vichiana 7, 1978, p. 193- 201;
12 M .B . J. Allen , « Two commentaries on the Phaedrus. Ficino 's indebtedness to
Hermias» , JWI42, 1980, p . 110 -129 ; 13 C. Moreschini, « Alcuni aspetti degli
Scholia in Phaedrum di Ermia Alessandrino » , dans M .-O . Goulet-Cazé, G .
Madec et D . O 'Brien (édit.), EOQIHE MAIHTOPEE, " Chercheurs de sagesse",
Hommage à Jean Pépin , Paris 1992, p. 451-460 ; 14 Id., « La " Teologia” e
l'esegesi del “ Fedro" di Platone secondo Ermia Alessandrino » , dans M . Serena
Funghi (édit.), 040I AIZHEIO2. Le Vie della ricerca. Studi in onore di F .
Adorno, Firenze 1996 , p. 361-369 ; 15 Id ., « Motivi esegetici e filosofici negli
“ Scholia in Phaedrum ” di Ermia Alessandrino » , Cassiodorus 2, 1996 , p. 99- 117.
Un manuscrit de l'Escorial, disparu dans l'incendie de 1579, signale des
Mathematica du médecin Hermeias, mais il n 'est pas sûr qu 'il s 'agisse du
philosophe, lequel n 'est jamais désigné comme médecin . Voir Couvreur 4 ,
p . VIII .
RICHARD GOULET.
79 HERMETICA
Les textes philosophiques du Corpus Hermeticum comprennent dix -sept trai
tés (numérotés traditionnellement I-XIV et XVI-XVIII).
La notice « Asclepius » renvoyait à « Corpus Hermeticum » et cette dernière notice ren
voyait à « Hermetica » . Il serait inconvenant de retarder davantage la publication de la notice
ainsi annoncée. Nous avons dû cependant nous borner à présenter les principales publications
classiques ou récentes en nous limitant d 'ailleurs aux textes proprement philosophiques de la
période gréco -romaine et en laissant de côté toute la littérature astrologique, alchimique et
magique transmise sous l'autorité d'Hermès.
Les textes hermétiques se présentent comme des livres exposant, de diverses
manières (traités, dialogues ), les révélations du dieu égyptien Thoth , identifié à
642 HERMETICA H 79
Hermès. Les plus anciens documents, de caractère astrologique, peuvent remon
ter au début du 11e siècle av. J.-C . Les textes philosophiques du Corpus Hermeti
cum sont plus tardifs et ont été écrits entre 100 et 300 de notre ère. Ils mettent en
scène, souventdans le cadre de dialogues, diverses divinités comme Hermès, Tat
(= Thoth), Asclépius, Ammôn, Agathos Daimon, Isis et Horus. La séparation
entre l'hermétismedes sciences occultes et l'hermétisme philosophique, rappelée
par Festugière 46 , p . 28 , n 'est pas tranchée,mais incorporer dans la présente
notice les textes astrologiques, alchimiques et magiques, qui font l'objet du pre
mier tome de La Révélation d 'Hermès Trismégiste (Festugière 1),nous entraîne
rait loin de la philosophie .
Sur les points communs entre ces deux composantes des écrits hermétiques, voir Festu
gière 1 , t. I, p . 87 - 88 .
Sur le dieu égyptien Thoth et son assimilation à Hermès, voir Festugière 1 ,
t. I, p . 67-74.
On a beaucoup discuté de l'origine grecque ou orientale de cette littérature .
A . D . Nock écrit : « Sauf le cadre , ils contiennent extrêmement peu d'éléments
égyptiens. Les idées sont celles de la pensée philosophique grecque populaire,
sous une forme très éclectique, avec ce mélange de platonisme, d 'aristotélisme et
de stoïcisme qui était alors si répandu ; çà et là paraissent des traces de judaïsme
et, probablement aussi, d'une littérature religieuse dont la source utlime est
l'Iran : par contre, nulle marque évidente ni de christianisme ni de néoplato
nisme » (4, p. V).
On a également tenté de déterminer le Sitz -im -Leben de cette production litté
raire : conventicules hermétiques, religion constituée , courant spirituel informel ?
Le statut du discours philosophique dans les textes hermétiques a été bien décrit
par Festugière 46 , p . 37 : « Tout se passe comme si l'on se trouvait en présence
non pas d'une école philosophique en possession d'un système,mais d'une école
de piété qui, prenant pour point de départ n 'importe quel problème scolaire et
sans s'arrêter à la discussion de ce problème pour lui-même, chercherait le pre
mier prétexte pour s'évader dans le domaine de l'homélie dévote et de la direc
tion spirituelle » . La présence de points de vue irréconciliables sur le monde
(tantôt pénétré par la divinité et point de départ de la contemplation divine, tantôt
mauvais et constituant un obstacle à la découverte du dieu caché) ont amené la
plupart des spécialistes à rejeter l'idée que l'hermétisme ait pu être issu « d'une
confrérie religieuse au sens propre , d'une Église avec ses dogmes, ses rites, sa
liturgie , une Église dont le Corpus Hermeticum aurait constitué la Bible >>
(Festugière 46, p . 38). Contre les reconstitutions de confréries hermétiques pro
posées par Reitzenstein 42, notamment p . 248, Festugière 1 , t. I, p. 81-87, fait
valoir toute une série d'arguments qui invitent à voir dans l'hermétisme un phé
nomène essentiellement littéraire : « Diversité de la littérature hermétique ; ana
logie avec les autres branches similaires du genre prophétique ; emploi universel,
dans ces sortes d 'ouvrages, d'un cadre et d 'expressions empruntés aux mystères ;
absence de toute indication permettant de conclure, dans l'hermétisme, à une
hiérarchie sacrée et à des sacrements ; répugnance à l' égard de toutacte de culte
H 79 HERMETICA 643
autre que la seule prière ; divergences doctrinales aboutissant à deux façons de
vivre exactement opposées : tous ces faits obligent à tenir les écrits hermétiques
pour un phénomène purement littéraire , et non pour les " liturgies” d 'une confré
rie demystes» (1,t. I, p . 84).
Les testimonia anciens relatifs à l'hermétisme grec sont rassemblés par
Festugière 1 , p . 76 -81.
Études générales. 1 A .J. Festugière , La Révélation d'Hermès Trismégiste,
t. I : L 'astrologie et les sciences occultes, avec un appendice sur l'Hermétisme
arabe de L .Massignon , coll. « Études bibliques », Paris 1944, XIV-425 p .; t. II :
Le Dieu cosmique, 1949, XVIII-610 p . ; t. III : Les doctrines de l'âme, suivi de
Jamblique , Traité de l'âme, traduction et commentaire ; Porphyre, De
l'animation de l' embryon, 1953, XIV -314 p . ; t. IV : Le Dieu inconnu et la
Gnose, XII-315 p . (Réédité aux Belles Lettres dans la « Collection d 'Études
Anciennes » en 1981). L' appendice du t. I a été repris dans 2 L . Massignon ,
Inventaire de la littérature hermétique arabe, dans Opera Minora, t. I, Paris
1969, p .650 -666 .
Éditions d'ensemble. 3 W . Scott, Hermetica . The Ancient Greek and Latin
writings which contain religious or philosophic teachings ascribed to Hermes
Trismegistus. Edited with English translation , Oxford 1924-1936 , 4 vol. ;
réimpr. Boston 1983-1985 ; 4 A . D . Nock et A . J. Festugière (édit.), Corpus
Hermeticum , CUF, 4 vol., Paris 1945- 1954.
Dans sa Préface au premier tome, Nock annonçait pour le troisième volume un essai sur
l'évolution générale de la littérature hermétique. Dans son introduction aux fragments divers
publiés dans le vol. IV , p. 103, Nock déclare renoncer à ce projet et renvoie aux études
publiées par le Père Festugière entre temps.
Traductions d ' ensemble. Française :Nock et Festugière 4 (qu'il faut parfois
mettre à jour grâce aux corrections apportées par Festugière 1). Anglaise : 5 B . P.
Copenhaver (édit.), Hermetica. The Greek Corpus Hermeticum and the Latin
Asclepius in a new English translation, ed.with notes and an introduction by
B . P. C ., Cambridge 1992, LXXXII -320 p. index. Allemand : 6 Das Corpus Her
meticum deutsch : Übersetzung, Darstellung und Kommentierung in drei Teilen
im Auftrag der Heidelberger Akademie der Wissenschaften bearb . und hrsg. von
C . Colpe und J. Holzhausen , coll. « Clavis pansophiae » 7 , 1 - 2 Stuttgart/Bad
Cannstatt 1997, t. I: Die griechischen Traktate und der lateinische « Asclepius » ,
übers. und eingel. von J. Holzhausen , XIII- 316 p. ; t. II : Exzerpte , Nag-Ham
madi-Texte, Testimonien, übers. und eingel. von J. Holzhausen, VIII- p. 319-665.
Espagnol : 7 Tratados del Corpus Hermeticum . Introd ., versión y notas de J.
García Font, coll. « Aurum » , Barcelona 1997, 266 p.
Bibliographie . 8 A . González Blanco, « Hermetism . A bibliographical
approach » , ANRW II 17, 4 , 1984, p . 2240 -2281 ; 9 K .H . Dannenfeldt, « Herme
tica philosophica » , Catalogus translationum I, 1960, p. 137- 156.
Index. 10 L . Delatte, S. Govaerts et J. Denooz, Index du Corpus Hermeticum ,
coll. « Lessico intell. europeo » 13,Roma 1977, XXIV - 360 p .
644 HERMETICA H79
ASCLÉPIUS
( D 'Hermès Trismégiste : Livre sacré dédié à Asclépius). Lambeaux ( « une
mosaïque de petits logoi distincts dont chacun a pour objet un problème particu
lier » , Festugière 1, t. II, p . 18 ), traduits du grec, d'un Discours parfait (Abyos
TÉNELOS) et d 'autres ouvrages disparus. Analyse du traité dans Festugière 1 , t. II,
p. 18 -27 . Fragments de l'original grec chez Lactance et dans le papyrus Mimaut,
qui intègre la prière finale dans une pratique de magie . Cette traduction latine,
déjà citée par Augustin (Cité de Dieu ), est attribuée, à partir du XIe siècle à Apu
lée par la tradition directe (voir la notice de J.-M . Flamand, DPA, A 294, t. I,
p . 312 -313). Une version copte du Discours parfait a été retrouvée à Nag Ham
madi en Haute-Égypte .
Études. 11 P . Siniscalco , « Ermete Trismegisto , profeta pagano della rivela
zione cristiana. La fortuna di un passo ermetico (Asclepius 8 ( ?)) nell'interpre
tazione di scrittori cristiani» , AAT 101, 1966 - 1967, p. 83- 113 ; 12 A . J. Festu
gière, « Les dieux ousiarques de l'“ Asclépius” » (1938), repris dans son recueil
de travaux Hermétisme et mystique païenne, Paris 1967, p. 121- 130 ; 13 J.
Schwartz , « Note sur la Petite Apocalypse de l'Asclepius » , RHPUR 62, 1982,
p . 165- 169 ; 14 D . N . Wigtil, « Incorrect apocalyptic . The Hermetic " Asclepius"
as an improvement on theGreek original» , ANRW II 17, 4, 1984 , p. 2282 -2297 ;
15 C . Moreschini, Dall'Asclepius al Crater Hermetis. Studi sull'ermetismo
latino tardo -antico e rinascimentale , coll. « Bibl. di studi antichi » 47, Pisa 1985 ,
293 p. ; 16 M . Bertolini, « Sul lessico filosofico dell'Asclepius» , ASNP 15,
1985, p . 1151-1209 ; 17 S . Gersh , Middle Platonism and Neoplatonism . The
Latin tradition , coll. « Publications in Medieval Studies » 23, Notre Dame
(Indiana) 1986 , t. I, p. 329-387 (comparaison entre l'Asclépius et les doctrines
anthropologiques médio -platoniciennes) ; 18 A . Camplani, « Alcune note sul
testo del VI codice di Nag Hammadi. La predizione di Hermes ad Asclepius » ,
Augustinianum 26 , 1986, p . 349- 368 ; 19 M . Van Esbroeck, « L 'apport des
versions orientales pour la compréhension de l' Asclepius dans les Philosophica
d ’Apulée » , dans M . Pavan et U . Cozzoli (édit.), L 'eredità classica nelle lingue
orientali, coll. « Acta encyclopaedica» 5 , Roma 1986, p . 27-35 ; 20 J.-P.Mahé,
« Remarques d 'un latiniste sur l'Asclepius copte de Nag Hammadi» , RSR 48,
1974, p. 136 -155 ; 21 Id., « Le fragment du Discours parfait dans la bibliothèque
de Nag Hammadi» dans B . Barc (édit.), Colloque international sur les textes de
Nag Hammadi (Québec, 22 -25 août 1978 ), coll. « Bibl. copte de Nag Hammadi »
Sect. Études, 1, Québec 1981, p . 304-327 ; 22 Id., « Le Discours parfait d 'après
l'Asclépius latin . Utilisation des sources et cohérence rédactionnelle » , ibid .,
p . 405-434.
CORPUS HERMETICUM
Les dix -sept traités de ce corpus (numérotés de 1 à 14 et de 17 à 18, par suite
de l'insertion par Turnèbe d'un quinzièmetraité formé de trois extraits de Sto
bée ) « diffèrent et par le titre ou l'adresse, et par la forme (monologue ou dia
logue) et le genre littéraire, et, ce qui est plus essentiel, par la doctrine »
H 79 HERMETICA 645
(Festugière 46 p . 33). Le corpus a été constitué entre le vie et le xie siècle et
n 'est attesté qu'à partir de Psellos. Au vie siècle Stobée ne connaissait encore
que diverses collections de logoi (voir Festugière 1, t. II, p . 2 -5). Typologie
sommaire des traités dans Festugière 46 , p . 34- 38. Sur la tradition manuscrite
(une vingtaine de manuscrits des XIV -XVI° siècles remontant à un même arché
type), voir Nock 4 , t. I, p. XI-LIV . Sur la forme littéraire de chaque traité, voir
Festugière 1, t. II, p. 9- 18 .
TRAITÉ I : POIMANDRÈS.
Ce premier traité « est une arétalogie, c'est-à-dire le récit d'unemanifestation
soudaine et miraculeuse (arétè ) de la divinité, ici le Noûs divin ou Intellect
Suprême. Au cours d'un songe ou d 'une extase, le Noûs apparaît au disciple qui,
cette fois, est Hermès lui-même, et il lui fait voir la genèse du monde spirituel et
du monde sensible, l' émanation , à partir du Dieu suprême, de ses fils divins, le
Logos ou Verbe, le Noûs ou Intellect, l' Anthropos ou “ Premier Homme”
céleste ; puis la chute de ce Premier Homme et la création des sept premiers
hommes terrestres, d 'où est issue l'humanité ; enfin la remontée des âmes et leur
sort posthume. A la fin , le disciple se met à prêcher aux hommes la révélation du
salut et il chante un hymne à Dieu » (Festugière 46 , p . 34). Le Poimandrès offre
l'exposé le plus complet de « doctrine hermétique du salut», systématisée par
Festugière 46 , p . 50 -69 .
L' identité du disciple (Hermès) est établie par une référence à la révélation du Poimandrès
contenue dans le traité XIII 15 , qui est un discours d'Hermès à son fils Tat. La révélation
d 'Hermès remonte donc à celle que lui a faite Poimandrès.
Traductions. Italienne : 23 P. Scarpi, Ermete Trismegisto , Poimandres,
( trad.) a cura di P. S., « Collana Il Convivio » , Venezia 1987, 105 p. Allemande :
Hermes Trismegistos, Poemander oder Von der göttlichen Macht und Weisheit,
in der Übers. und den Anm . von D . Tiedemann ,mit einer Einl. von M . Vollmer,
coll. « Ergebnisse Philos.» , Hamburg 1990 , XXXVII-121 p .
Index. 24 D . Georgi et J. Strugnell (édit.), Concordance to the Corpus
Hermeticum . Tractate one. The Poimandres, coll. « Concordances to Patristic
and late classical texts » , Cambridge,MA, 1971, IV -26 p.
Études. 25 'R . Reitzenstein , Poimandres. Studien zur griechisch-ägyptischen
und frühchristlichen Literatur, Leipzig 1904 ; 26 B . A . Pearson , « Jewish ele
ments in Corpus Hermeticum I (Poimandres) » , dans R . van den Broek et M .J.
Vermaseren (édit.), Studies in gnosticism and Hellenistic religions presented to
Gilles Quispel on the occasion of his 65th birthday, coll. EPRO 91, Leiden 1981,
p . 336 - 348 ; 27 R . A . Segal, The Poimandres as myth . Scholarly theory and
gnostic meaning, coll. « Rel. & reason » 33, Amsterdam /Berlin 1986 , VIII
214 p . ; 28 J. Buechli, Der Poimandres, ein paganisiertes Evangelium .
Sprachliche und begriffliche Untersuchungen zum 1. Traktat des Corpus Her
meticum , coll. « Wiss. Unters. zum N . T.» R . 2, 27, Tübingen 1987, XI-232 p. ;
29 J. Holzhausen , « Natur und Gottes Wille im hermetischen Traktat Poiman
dres » , Hermes 120 , 1992, p. 483-489.
646 HERMETICA H79
AUTRES TRAITÉS
Traité II A : D 'Hermès à Tat : Discours universel (noroE KAOOAIKOE).
Dialogue perdu.
Traité II B (titre perdu).
Traité III : D 'Hermès : Discours sacré (IEPOE AOTO )
Traité IV : D ’Hermès à Tat : Le Cratère ou la Monade (O KPATHP, H
MONAE)
Traité V : D 'Hermès à son fils Tat : Que Dieu est à la fois inapparent et le
plus apparent.
Traité VI: (Que le Bien n 'existe qu 'en Dieu seul et nulle part ailleurs.)
Traité VII : (Que le plus grand des maux parmiles hommes, c'est l'ignorance
touchant Dieu.)
Traité VIII : (Qu'aucun des êtres ne périt et que c 'est à tort qu'on nomme les
changements destructions et morts.]
Traité IX : (Sur l'intellection et la sensation.]
Suite d'un “ Discours parfait” (Nóyos TÉRELOC) prononcé la veille. On a pensé qu'il pour
rait s'agir de l' original grec perdu de l'Asclépius.
Traité X : D ’Hermès Trismégiste : La Clef.
Suite des Leçonsgénérales (YeVixoi Nóyou) prononcées devant Tat.
Traité XI: Nous à Hermès.
Traité XII : D 'Hermès Trismégiste : Sur l'intellect commun, à Tat.
Traité XIII : D ’Hermès Trismégiste à son fils Tat: Discours secret sur la mon
tagne concernantla regénération et la règle du silence.
Mentionne les Leçons générales et renvoie au Poimandrès.
Études. 30 W . C . Grese , Corpus Hermeticum XIII and early Christian literature, coll.
« Studia ad Corpus Hellenisticum Novi Testamenti » 5, Leiden 1979, XU1-229 p. ; 31 K .- W .
Tröger, Mysterienglaube und Gnosis in CorpusHermeticum XIII, Berlin 1971.
Traité XIV : D ’Hermès Trismégiste à Asclépios : Santé de l'âme. [Lettre)
Traité XVI : D 'Asclépios au roi Ammon : Définitions. Sur Dieu , sur la
matière, sur le mal, sur la fatalité, sur le soleil, sur la substance
intelligible, sur l'essence divine, sur l'homme, sur la disposition
du plérôme, sur les sept astres, sur l'homme selon l' image.
(Lettre)
Traité XVII : (fragment d 'un dialogue entre Tat et un roi...)
Traité XVIII : [Des entraves qu'apporte à l'âme ce qui arrive au corps.)
EXTRAITS DIVERS
Extraits conservés par l'Anthologie de Stobée (29 fragments tirés de quatre
cycles de traités), « les uns ne comportant que quelques lignes, les autres consti
tuant un logos complet, ou presque complet, quelques-uns remarquables et par la
doctrine et par la forme (ainsi surtout les extraits des logoi d'Isis à Horus, et,
parmi ces derniers, la Koré Kosmou ) » (Festugière 46 p. 33). On les range selon
H 79 HERMETICA 647
le personnage auquel ils sont adressés : logoi d 'Hermès à Tat, d 'Hermès à
Ammon , d'Isis à Horus.
Fragments divers empruntés à Tertullien, Lactance , Jamblique, Zosime
l'alchimiste, etc . Quelques autres fragments tirés du Contre lulianum de Cyrille
d 'Alexandrie .
Les extraits XXIII-XXIV sont tirés de la Korè Kosmou (Fille ou pupille du
monde).
Études sur la Korè Kosmou. 32 A . J. Festugière, « La création des âmes dans
la Korè Kosmou » (1939 ), repris dans son recueil de travaux Hermétisme et
mystique païenne, Paris 1967, p. 230-248 ; 33 P. A . Carozzi, « Gnose et sotério
logie dans la Korè Kosmou hermétique » , dans J . Ries, Y . Janssens et J. M .
Sevrin (édit.), Gnosticisme et monde hellénistique, Actes du Colloque de
Louvain -la -Neuve (11- 14 mars 1980 ), coll. « Publ. de l'Inst. Orientaliste de
Louvain » 27 ,Leuven 1982, p.61-78 ; 34 H . Jackson , « Kópn xóquov . Isis, pupil
of the eye of the world », CE 61, 1986 (121), p. 116 - 135 ; 35 H . D . Betz ,
« Schöpfung und Erlösung im hermetischen Fragment Kore Kosmou » , article de
1966 repris avec des compléments bibliographiques dans ses Gesammelte
Aufsätze, I : Hellenismus und Urchristentum , Tübingen 1990 , p. 22 -51.
NOUVEAUX TEXTES
Découverts entre autres dans la bibliothèque gnostique de Nag Hammadi et
dans desmanuscrits arméniens.
36 J.-P. Mahé, « Les Définitions d'Hermès Trismégiste à Asclepius (Traduc
tion de l'arménien ) » , RSR 50 , 1976 , p. 193-214 ; 37 M . G . de Durand, « Un
traité hermétique conservé en arménien », RHR 190, 1976 , p . 55-72 ; 38 J.-P.
Mahé, Hermès en Haute- Égypte , t. I: Les textes hermétiques de Nag Hammadi et
leurs parallèles grecs et latins, coll. « Bibl. copte de Nag Hammadi» 3, Québec
1978 , XIX -171 p . ; t. II : Les fragments du " Discours parfait" et les “ Défini
tions” hermétiques arméniennes (NH VI, 8, 8a), coll. « Bibl. copte de Nag Ham
madi» Section Textes 7, Québec 1982, L -565 p. ; 39 J.-P .Mahé, « Fragments
hermétiques dans les Papyri Vindobonenses Graecae 29456 rº et 29828 rº » ,
dans E . Lucchesi et H . D . Saffrey (édit.),MémorialAndré- Jean Festugière. Anti
quité païenne et chrétienne. Vingt-cinq études réunies et présentées, coll.
« Cahiers d'orientalisme» 10 , Genève 1984 , p . 51-64 ; 40 J. Paramelle et J.-P.
Mahé, « Extraits hermétiques inédits dans un manuscrit d ' Oxford » , REG 104 ,
1991, p. 109- 139 ; 41 J.-P. Mahé, « Preliminary remarks on the demotic Book of
Thoth and the Greek Hermetica » , VChr 50, 1996 , p. 353-363.
ÉTUDES SUR LE CORPUS HERMETICUM
42 R . Reitzenstein , Poimandres, Leipzig 1904 ; 43 W . Kroll, art. « Hermes
Trismegistos » , RE VIII 1, 1912 , col. 792-823 ; 44 J. Kroll, Die Lehren des
Hermes Trismegistos, Münster 1914 , réimpr. 1928, VII -44 p. ; 45 G . van
Moorsel, The Mysteries of Hermes Trismegistus, Utrecht 1955 ; 46 A .J. Festu
gière, « L 'Hermétisme» , dans son recueil de travaux Hermétisme et mystique
648 HERMETICA H 79
païenne, Paris 1967, p. 28 -87 (version revue d'une étude parue dans le Bull. de
la société royale de Lund en 1947- 1948, p. 1-59) ; 47 A .J. Festugière, « Hermé
tisme et gnose païenne » , dans son recueil de travaux Hermétisme et mystique
païenne, Paris 1967, p. 88 -99 (précédemment paru dans l'Histoire générale des
religions, Paris 1945, t. III, p.61-65) ; 48 A . J. Festugière, « Hermetica » (1938),
dans son recueil de travaux Hermétisme etmystique païenne, Paris 1967, p . 100
120 (1 : Le baptême dans le cratère ; II : Le corps exécré par le soleil) ; 49 Jean
Doresse, « L 'Hermétisme égyptianisant» , dans Histoire des Religions, t. II
(publié sous la direction de H .-Ch . Puech ) : La formation des religions univer
selles et des religions du salut dans le monde méditerranéen et le Proche-Orient.
Les religions constituées en Occident et leurs contre -courants, coll. « Encyclo
pédie de la Pléiade» , 34 , Paris 1972, p. 430 -497 (bibliographie : p. 493-497) ;
50 J.-P . Mahé, « Le sens et la composition du traité hermétique L 'ogdoade et
l'ennéade, conservé dans le codex VI de Nag Hammadi» , RSR 48, 1974 , p . 54
65 ; 51 J.- P . Mahé, « Stobaei Hermetica XIX , 1 et les Définitions hermétiques
arméniennes » , REG 94 , 1981, p. 523 -525 ; 52 J. F. Horman, The text of the
Hermetic literature and the tendencies of itsmajor collections, Diss.,McMaster
Univ . Hammond, Ont., 1974 (microfiches) ; 53 H . Hornik , « The philosophical
Hermetica. Their history and meaning» , AAT 109, 1975, p . 343-392 ; 54 J. P .
Ponsing, « L 'origine égyptienne de la formule un -et-seul» , RHPHR 60, 1980,
p. 29-34 ; 55 F. di Carlo, Letteratura e ideologia dell'ermetismo, Foggia 1981,
214 p. ; 56 G . Filoramo, Le religioni di salvezza del mondo antico, II : L 'erme
tismo filosofico, Torino 1979, 134 p . ; 57 G . Sfameni Gasparro , Gnostica et
hermetica. Saggi sullo gnosticismo e sull’ermetismo, coll. « Nuovi Saggi » 82,
Roma 1982, 336 p. ; 58 F . Daumas, « Le fonds égyptien de l'hermétisme» , dans
J. Ries, Y . Janssens et J. M . Sevrin (édit.),Gnosticisme etmonde hellénistique,
Actes du Colloque de Louvain -la -Neuve (11-14 mars 1980 ), coll. « Publ. de
l'Inst. Orientaliste de Louvain » 27, Leuven 1982, p. 3-25 ; 59 E . Iversen ,
Egyptian and hermetic doctrine, coll. « Opuscula Graecolatina» 27, København
1984 , 71 p. ;60 F . Bonardel, « L'hermétisme» , coll. « Que sais -je ? », Paris
1985, 128 p . ; 61 J.- P . Mahé, « La création dans les Hermetica » , RecAug 21,
1986 , p. 3-53 ; 62 C .Moreschini, « Per una storia dell'ermetismo latino » , dans
Le trasformazioni della cultura nella tarda antichità , coll. « Storia » 19, Roma
1985 , t. II, p . 529-543 ; 63 D . J. M . Whitehouse, The hymns of the Corpus Her
meticum . Forms with a diverse functional history, Diss., Harvard University
Cambridge,MA, 1985 , 458 p. ; 64 G . Fowden , The Egyptian Hermes. A histori
cal approach to late paganism , Cambridge 1986 , 244 p . ; 65 N . Makris,
« Hermès Trismégiste et l'Égypte » , EPh 1987, p. 169- 178 ; 66 H .J. Sheppard ,
A . Kehl et Robert McL . Wilson, art. « Hermetik » , RLAC XIV , 1988, col. 780
807 (Pagane Hermetik , Vulgär-Hermetik , Gelehrte Hermetik ; Hermetik und
Judentum , Hermetik und Christentum ) ; 67 G . Luck , « The doctrine of salvation
in the Hermetic writings » , SCent 8, 1991, p . 31-41 ;68 J.-P .Mahé, « La voie
d 'immortalité à la lumière des Hermetica de Nag Hammadi et de découvertes
plus récentes », VChr 40, 1991, p. 347-375 ; 69 Th .McAllister Scott, Egyptian
H 79 HERMETICA 649
elements in Hermetic literature, Diss. Harvard Univ., Cambridge, MA, 1991,
277 p. (microfilm ) ; 70 J.-P. Mahé, « Le rôle de l' élément astrologique dans les
écrits philosophiques d 'Hermès Trismégiste » , dans J.-J. Abry (édit.), Les
tablettes astrologiques de Grand (Vosges) et l'astrologie en Gaule romaine,
« Coll. du Centre d ' études romaines et gallo romaines » N . S . 12 , Lyon /Paris
1993, p. 161- 167 ; 71 G . Quispel, « Hermes Trismegistus and the origins of
Gnosticism », VChr 46 , 1991, p . 1-19.
INFLUENCE ET RÉCEPTION
72 J. Pépin , « Grégoire de Nazianze, lecteur de la littérature hermétique » ,
VChr 36 , 1982 , p . 251-260 ; 73 S . Giversen , « Hermetic communities ? » dans
S. J. Podemann (édit.), Rethinking religion. Studies in the Hellenistic process,
coll. « Opusc. Graecolatina Suppl. Musei Tusculani » 30 , København 1989 ,
p. 49- 54 ; 74 Hermes Trismegistus, pater philosophorum . Tektsgeschiedenis van
het Corpus Hermeticum . Tentoonstelling in de Bibliotheca Philosophica Herme
tica, Amsterdam 1990, Amsterdam 1991,XX -152 p . ill.
SURVIE MÉDIÉVALE ET ORIENTALE
Pour l'hermétisme arabe, voir Massignon 2 .
75 L . Sturlese, « Saints et magiciens. Albert le Grand en face d'Hermès
Trismégiste » , ArchPhilos 43, 1980, p.615-634 ; 76 A. Bausani, « Il Kitab 'Ard
Miftāh an -Nujām attribuito a Hermes. Prima traduzione araba di un testo astro
logico ? » ,MAL 27, 1983, p . 81-141 ; 77 I. Merkel et A . G . Debus ( édit.), Herme
ticism and the Renaissance. Intellectual history and the occult in early modern
Europe, coll. « Folger Institute symposia », Washington 1988, 438 p. Contient
(notamment) les études suivantes : 78 B . Copenhaver, « Hermes Trismegistus,
Proclus and the question of a philosophy of magic in the Renaissance » , p. 79
110 ; 79 W . C .Grese, « Magic in Hellenistic hermeticism » , p. 45-58 ; 80 M . Idel,
« Hermeticism and judaism » , p . 59- 76 ; 81 J. Scarborough, « Hermetic and rela
ted texts in classical antiquity » , p. 19 -44 ; 82 P . Zambelli, « Scholastic and
humanist views of hermeticism and witchcraft » , p. 125 - 153 ; 83 Présence de
l'hermétisme = Cahiers de l'hermétisme, Paris 1988, 239 p . Contient les études
suivantes : 84 M .J. Allen , « Marsile Ficin , Hermès et le Corpus Hermeticum » ,
p . 110 -119 ; 85 A . Faivre, « La postérité de l’hermétisme alexandrin (repères
historiques et bibliographiques) » , p. 13-23 ; 86 A . Faivre , « D 'Hermès-Mercure
à Hermès Trismégiste . Au confluent du mythe et du mythique » , p. 24 -48 ; 87 I.
Pantin , « Les commentaires de Lefèvre d'Étaples au Corpus Hermeticum , p . 167
183 ; 88 A . Grafton , « Higher criticism ancient and modern . The lamentable
deaths of Hermes and the Sibyls », dans A . C . Dionisotti, A . Grafton et J. Kraye
(édit.), The uses of Greek and Latin . Historical essays, coll. « Warburg Inst.
Surveys and Texts » 16 , London 1988 , p . 155- 170 (Isaac Casaubon et le Corpus
Hermeticum ) ; 89 P . Lucentini, « L 'Asclepius ermetico nel secolo XII » , dans
H . J. Westra (édit.), From Athens to Chartres. Neoplatonism and medieval
thought. Studies in honour of Édouard Jeauneau, coll. « Studien und Texte zur
650 HERMETICA H79
Geistesgeschichte des Mittelalters » 35, Leiden 1992, p . 397-420 ; 90 Id., « Il
commento all’Asclepius del Vaticano Ottoboniano lat. 811 » , dans M . Ciliberto e
C . Varoli (édit.), Filosofia e cultura. Per Eugenio Garin , « Collana Accademia» ,
Roma 1991, t. I, p. 39-59 (édition du commentaire ) ; 91 Id . « Glosae super
Trismegistum : un commento medievale all' Asclepius ermetico » , AHMA 62,
1995, p. 189-293 (rés, en angl. & en ital.] ; 92 F.A . Yates, Giordano Bruno and
the Hermetic tradition , London 1964.
RICHARD GOULET.

80 HERMIAS D 'ATARNÉE RE 11 ?-3419


Tyran d 'Atarnée (en Mysie, face à Lesbos).
Cf. 1 P . Natorp, art. « Hermias » 11, RE VIII 1, 1912, col. 831-832 ; 2 P. Von
der Mühll, art. « Hermias » 11, RESuppl. III, 1918, col. 1126 - 1130 ; 3 D . E . W .
Wormell, « The literary tradition concerning Hermias of Atarneus» , YCIS 5 ,
1935, p. 59-92 ; 4 G . Pasquali, Le lettere di Platone, Firenze 1938, 2e éd. 1967,
p . 210 -225 ; 5 I. Düring, Aristotle in the ancient biographicaltradition ,Göteborg
1957, p. 272-279 ; 6 H . Berve, Die Tyrannis bei den Griechen, München 1967,
t. I, p . 332-335 ; 7 M . Isnardi Parente, Studi sull'Accademia platonica antica,
coll. « Saggi filosofici» 1, Firenze 1979, p. 293 -294 ; 8 A . Wörle, Die politische
Tätigkeit der Schüler Platons, Darmstadt 1981, p . 128 -139 ; 9 T . Dorandi (édit.),
Filodemo : Platone e l'Academia, p. 32 ; 10 R . D .Milns, « Hermias of Atarneus
and the fourth Philippic speech » , dans Studi F . della Corte , I, Urbino 1987,
p. 287 - 302 ; 11 B . Meißner, Historiker zwischen Polis und Königshof,Göttingen
1992 , p. 377 -383.
La tradition ancienne sur Hermias est controversée car elle est fondée sur
deux types de sources, les unes favorables, les autres défavorables, entrelacées
entre elles. La source principale est le commentaire de Didyme sur les Philip
piques de Démosthène conservé dans PBerol. inv. 9780 (II-III s.: col. 4 ,59
6 ,62, p . 11-22 Pearson-Stephens). Didyme rapporte les deux traditions: selon la
tradition défavorable (Théopompe de Chios), Hermias était eunuque, natif de
Bithynie et esclave d'Eubule, qui l' affranchit et, après sa mort, le laissa tyran
d' Atarnée et d'Assos ; selon la tradition favorable (Callisthène et Aristote ),
Hermias représente l'idéal du roi-philosophe, qui avait organisé un État gou
verné de manière modérée (npaotépa duvaoteta ). Les deux traditions se trou
vaient déjà mêlées dans la Vie d 'Aristote d 'Hermippe (cf. H . Diels , dans H . Diels
et W . Schubert ( édit.], De Demosthene commenta, Berlin 1904, p .XXXIII-XLIII;
Wormell 3, p. 81 sq.; Milns 10 , p. 295 n . 33, 302 n. 52 ; contra F . Wehrli,
Hermippos der Kallimacheer , coll. « Die Schule des Aristoteles » Suppl. I,
Basel/Stuttgart 1974, p . 76).
Voici ce que nous pouvons dire de façon à peu près certaine sur Hermias :
peut-être entre 360- 350 Hermias vécut à Athènes, où il fréquenta l'Académie ,
mais il ne rencontra pas Platon , s'il faut en croire la Lettre VI de Platon (322 e.
Cf.Wörle 8, p. 129 sq.). En revanche, à Athènes Hermias avait connu Aristote
H 81 HERMIAS DE PHÉNICIE 651
(cf. Strabo XIII 1, 54). Revenu à Atarnée, après la mort d 'Eubule (ca 350 ), Her
mias devint tyran de la ville (Wörle 8 , p . 131 n . 1). A la mort de Platon (348/7 ),
Aristote et Théophraste (?) se rendirent chez Hermias et se joignirent à Érastos
( - E 49) et à Coriscos (3-C 187), qui étaient déjà à Atarnée depuis quelques an
nées. Hermias leur aurait donné la ville d 'Assos pour qu 'ils y habitent: ils y
vécurent et pratiquèrent la philosophie dans une vie communautaire (cf. Dorandi
9, p . 32 n . 22). Pendant ces années Hermias et ses compagnons (' Epuías xai oi
ÉTATOOL) signèrent une alliance avec la cité d 'Érythrées en lonie (SIG 229 ; cf.
M .N . Tod, A Selection of Greek Historical Inscriptions, t. II, Oxford 1948,
nº 165 ; H . Bengston, Die Verträge der griechisch-römischen Welt von 700 bis
338 v. Chr. München 1962, n° 322) : on a supposé, peut- être avec raison, que oi
Étaīpoi étaient Érastos et Coriscos. Par la suite , Hermias entra en contact avec
Philippe II de Macédonie et soutint son projet de rendre aux Grecs l' Asie
Mineure. Le roi de Perse, Artaxerxès III Ochos, en apprenant le fait, ordonna au
satrape Mentor de Rhodes de capturer Hermias. Hermias ne céda pas, même
sous la torture, et il fut finalement exécuté (en 341: la proposition de 11 M .
Sordi, Kokalos 5 , 1959, p . 107-118, d'avancer cette date à 345 /4 n 'est pas
convaincante ). Aristote et Théophraste avaient déjà quitté Atarnée pour Lesbos
en 345 /4 ; après la mort d 'Hermias, Érastos et Coriscos retournèrent à Scepsis .
Aristote épousa Pythias, nièce et fille adoptive d 'Hermias.
Callisthène exalta la mort d 'Hermias par un éloge en prose (FGrHist 124 F 2
3 ), tandis qu'Aristote composa pour lui une épigramme et un hymne intitulé A la
vertu (F 1- 3 Plezia . Cf. 12 A . Santoni, « L 'inno di Aristotele per Ermia di Atar
neo » , dans G . Arrighetti et F . Montanari (édit.), La componente autobiografica
nella poesia greca e latina fra realtà e artificio letterario , Pisa 1993, p . 179
195 ).
Selon le témoignage de la Souda, E 3040 (vol. II, p . 414, 16 - 17 Adler),Her
mias aurait écrit un livre sur l'immortalité de l'âme, IepiPuxñs, óri á ávatos,
sous l'influence d 'Aristote .
TIZIANO DORANDI.
81 HERMIAS DE PHÉNICIE RE 14 DVI
Avec Damascius de Syrie (2 + D 3 ), Simplicius de Cilicie , Eulamius (ou Eula
lius (2E 112 ]) de Phrygie , Priscianus de Lydie, Diogène de Phénicie (2 + D 143)
et Isidore de Gaza (» I 31), ce philosophe païen quitta l'empire byzantin après
529 (date à laquelle Justinien interdit l' enseignement aux païens et ferma l'école
néoplatonicienne d 'Athènes) pour se rendre en Perse , qu 'il croyait être le pays
du roi-philosophe de Platon . Déçus par la conduite des Perses, ces philosophes
obtinrent de rentrer chez eux , malgré le désir de Chosroès ( P + C 113) de se les
attacher. Ce dernier obtint toutefois de Justinien qu' ils ne soient pas inquiétés
pour leur religion (Agathias, Hist. II 10 , 3 - 31, 4 ; voir aussi Souda, s. v. apÉOCELS,
11 2251). Sur cet exil collectif des philosophes et le témoignage d 'Agathias, voir
Ph. Hoffmann, art. « Damascius» D 3 , DPLA II, p . 559- 563.
652 HERMIAS DE PHÉNICIE H 81
(Sa qualité de philosophe ne peut être déduite que de l'expression utilisée collectivement
par Agathias pour qualifier le groupe des exilés païens: ... Oůtou on oův änavTES TÒ öxpov
& Tov, xacờ Toánơio, CŨy ẻo lộ cao huýt xoÓvụ btAooo0ngayTot, « tous ceux-là
donc, la fleur la plus noble, pour parler en poète, des philosophes de notre temps » (II 30 ; trad.
I. Hadot (19961). Ailleurs, Agathias (II 30 -31) les qualifie encore de « philosophes » .
Damascius, Simplicius et Priscianus le Lydien sont les seuls qui sont clairement connus
comme philosophes, c'est-à -dire professeurs de philosophie néoplatonicienne et écrivains.
Pour les quatre autres, on ne peut exclure une « idéalisation » du récit d 'Agathias (le chiffre 7,
déjà , suscite des soupçons): ils pourraient être des « intellectuels païens» d 'obédience néopla
tonicienne, ou même des professeurs de rhétorique. Voir DPhA II, p . 560 . PH .HOFFMANN )
PIERRE MARAVAL .
HERMIAS DE SAMOS RE 5
Fils d ’Hermodore , de Samos. Il raconta qu’une oie était éprise du philosophe
académicien Lacydès de Cyrène (Athénée , Deipnosoph. XIII, 606 c = Lacyd. F
10c Mette. Cf. F 10 ab). On a supposé ,mais sans preuves concrètes, que son
ouvrage était un 'Epwtixós philosophique. Hermeias fut, peut- être , disciple de
Lacydès.
Cf. F. Jacoby, art. « Hermeias » 5, RE VIII 1, 1912, col. 731.
TIZIANO DORANDI.

83 HERMINUS RE 2 II
Péripatéticien , commentateur d'Aristote , peut- être originaire de Pergame.
Édition des témoignages et des fragments. 1 H . Schmidt, DeHermino Peri
patetico , Diss .,Marburg 1907, 45 p .
Études. 2 H . von Arnim , art. « Herminos » 2, RE VIII 1, 1913, col. 835 (11
lignes !) ; 3 P. Moraux, Der Aristotelismus bei der Griechen , t. II, p. 361-398 ;
4 H . B . Gottschalk , « Aristotelian philosophy in the Roman world from the time
of Cicero to the end of the second century AD » , ANRW II 36 , 2 ,1987, p . 1158
1159 ; 5 P . Courcelle , Les Lettres grecques en Occident de Macrobe à
Cassiodore , Paris 19482, p. 266 et n . 2 (sur Boèce et Herminus).
Vie. La présente notice se fonde essentiellement sur l'excellent chapitre
consacré à Herminus par P .Moraux 3. Les renseignements biographiques sur
Herminus sont rares et parfois ambigus. Alexandre d 'Aphrodise présente Hermi
nus comme l'un de ses maîtres (ap. Simplicius, in De caelo , p. 430 , 32 -33
Heiberg ; cf.* A 112 ). Il fut peut-être disciple du commentateur d 'Aristote,
Aspasius (P A 461), à Pergame; dans sa discussion des témoignages grecs,
Moraux 3 , p. 361-362, laisse la question ouverte (p . 362, n . 7) ; il s'agit de
(a ) Simpl. in De caelo, p .430 , 32-33 et 431, 10 -11 Heiberg (ces deux passages
indiquent seulement, sur un point particulier, une identité de doctrine entre les
deux commentateurs) et de (b) Galien , De propriorum animi cuiuslibet affec
tuum dignotione et curatione 8 de Boer (= De cognoscendis curandisque animi
morbis 8, p . 32 , 5 - 7 Marquardt ; trad . fr. dans 6 Galien , L 'âme et ses passions,
introd., trad. et notes par V . Barras, T . Birchler et A .-N . Morand, coll. « La roue
à livres » , Paris 1995, p . 31) ; dans ce passage, Galien (129 - après 200 ) nous
apprend que lui-même avait suivi entre autres les leçons, après sa 14e année
H 83 HERMINUS 653
(donc vers 144/5), d 'un concitoyen « disciple du péripatéticien Aspasios» qui
revenait d'un long voyage à l'étranger (ě ånodnuias Maxpãs ; il devait avoir
au moins 30 ans ( au moins 25 ans pourMoraux 3 , p . 362]). Or, la tradition arabe
nous a conservé en traduction un traité d 'Alexandre d 'Aphrodise (cf. 7 R .
Rescher et M .E . Marmura , The refutation by Alexander of Aphrodisias of
Galen 's treatise of the theory ofmotion , Islamabad 1965 (texte et trad. anglaise])
où on apprend que Galien avait adressé à Herminus une lettre dans laquelle il
critiquait la thèse aristotélicienne selon laquelle « toutmû est mû par un moteur»
(le nom d'Herminus se lit au prix d'une infime correction, cf. Moraux 3, p. 362
n . 6 ; mais « le texte est ambigu » comme le souligne 8 P . Thillet, Alexandre
d 'Aphrodise, Traité du destin , CUF, Paris 1984, p . XVlII n . 1). En révélant
l'existence d 'une relation personnelle entre Galien et Herminus, ce témoignage
viendrait renforcer l'hypothèse selon laquelle le « disciple du péripatéticien
Aspasius » dont Galien fut l'élève pourrait être Herminus (Moraux 3 , p . 362 n . 7,
envisage aussi comme possible l'identification de ce personnage anonyme avec
le péripatéticien Eudème de Pergame (PE 92 ) ; cette dernière hypothèse est la
seule retenue dans le chapitre du même ouvrage consacré à Galien , p . 687 n . 1 ;
cf. encore Ibid ., p . 226 , n. 3 ; contra , Gottschalk 4 , p. 1158 ). Si on accepte ce
raisonnement, on conclura qu'Herminus était originaire de Pergame.
Par ailleurs, on peutpenser qu'il était à peu près contemporain du philosophe
cynique Démonax de Chypre ( D 74 : ca 70 -170 ; Moraux 3 , p . 361: ca 80
175/180) dont Lucien (Demonax 56) nous a conservé une pointe lancée contre
Herminus (repòs Epuīvov Tòv ’Aplototełıxóv). Alexandre d'Aphrodise (né
au début de la seconde moitié du 11 s ., * A 112) aurait suivi, on ne sait dans
quelle cité, les cours d 'Herminus entre, disons, 175 et 185.
Pour les dates, Moraux 3, p. 363, propose ca 120 à 180 /190 (notons toutefois
que, dans son raisonnement, Moraux s 'appuie sur l'identification d'Herminus
avec le « disciple du péripatéticien Aspasios» , dontGalien aurait suivi les cours
« vers 145 » ; pour la raison indiquée ci-dessus [le maître anonyme de Galien
devait avoir au moins 30 ans en 144/5 ), nous conclurions à une date de naissance
légèrement plus haute , ca 115 [sous l'hypothèse bien entendu de l' identité
d'Herminus et du « disciple du péripatéticien Aspasius» ]).
Il faut se garder de confondre notre auteur avec le stoïcien homonyme
(» H 84 ) que Longin a entendu dans sa jeunesse, vers 220 (Porphyre, Vita
Plotini20, 47).
Euvres. D 'après nos sources, Herminus a commenté principalement l' Orga
non d' Aristote. Il ne subsiste de ces commentaires que de maigres fragments et
témoignages, commentésavec détails parMoraux 3.
(1) Commentaire sur les Catégories (Schmidt 1 , p . 11-21;Moraux 3, p . 363
374). On trouve dans le Commentaire de Simplicius sur les Catégories
d 'Aristote (CAG VIII) la plupart des fragments du commentaire d 'Herminus.
D 'après Simplicius (in Cat., p . 13, 11 sqq. Kalbfleisch ) et Porphyre (in Cat.,
p . 59, 15- 19 Busse ), Herminus avait compris correctement l'intention d ' Aristote :
les Catégories traitent des sons vocaux (ouvai) en tant qu'ils signifient des réali
654 HERMINUS H 83
tés (ntpáyuara ). A partir d 'Olympiodore (Proleg ., p . 18, 23-32 Busse), Hermi
nus passe , on ne saitau juste pourquoi,pour avoir défendu la thèse selon laquelle
les Catégories traitaient des seules réalités (htepi Móvwv npayuátwv) ; cf.
Schmidt 1, p. 12.
(2 ) Commentaire sur le De interpretatione (Schmidt 1, p. 21- 32 ;Moraux 3,
p . 374 - 382). SurHerminus et Boèce (» B 41), cf. 9 J.Magee, Boethius on signi
fication and mind, coll. « Philosophia antiqua » , Leiden 1989, p . 9 - 14 (à propos
de De int. 16a6 -8) et 93-95 (critique d 'Herminus).
(3 ) Commentaire sur les Premiers analytiques (Schmidt 1, p . 32-39 ;Moraux
3, p. 382-394).
(4 ) Commentaire sur les Topiques (Schmidt 1, p . 39-41 ; Moraux 3, p . 394
396 ).
(5 ) Commentaire sur le De caelo (?) (Schmidt 1 , p . 42-44 ;Moraux 3, p . 396
398). Il s'agit en fait d'une conférence à laquelle a assisté Alexandre (Alex . ap.
Simpl., in De caelo , p. 380 , 3-5 Heiberg); la thèse défendue par Herminus était
la suivante : la cause de l'éternité du mouvement céleste est due à la présence,
immanente au ciel, de l'âme céleste et non pas, semble-t- il, à l'existence d 'un
premier moteur transcendant.
Les jugements que porte Moraux 3 sur Herminus comme commentateur sont
plutôt mitigés : Herminus ne se montre pas comme un maître particulièrement
doué (p. 394) et, quand il soulève de vrais problèmes, il se contente trop souvent
d 'une interprétation superficielle (p . 396 ).
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

84 HERMINUS RE 1 M III
Stoïcien du IIIe siècle. Dans la préface de son livre Sur la fin , le philosophe
Longin le range parmiceux qui se sont contentés d 'enseigner sans vouloir écrire
(Porphyre, Vita Plotini 20, 47).
LUC BRISSON.
85 HERMINUS PLRE II :2 DM V
D 'abord curiale à Péluse, il devint par la suite gouverneur d'une province
voisine (Augustamnique II ?). Converti au christianisme par Isidore de Péluse,
qui lui adressa plusieurs lettres d'explication de ses rites et de ses doctrines (Ep .
18 , 43, 126 , 136 , 229, 230 , 242-247, 287, 288 , 317 , 334, 537, 637, 719, 735 ,
736 , 995, 1053, 1055 , 1170, 1175 , 1176 , 1372 , 1373, 1551, 1584 , 1590, 1591,
1596 , 1628, 1629, 1679, 1770 , 1771, 1867, 1946 ; les Ep. 1174 , 1701, 1702,
1725 sont adressées à Herminus et d 'autres correspondants : cf. P. Évieux, Isi
dore de Péluse , Paris 1995 , p . 117 n . 131). Alors qu 'il est gouverneur, Isidore
l'invite à rester fidèle à la philosophie qui est la sienne, malgré l'élévation à
laquelle il est parvenu .
PIERRE MARAVAL.
H 86 HERMIPPE DE SMYRNE 655
86 HERMIPPE DE SMYRNE RE 6 MF III
“ Péripatéticien ” , auteur de nombreuses biographies .
Éditions. Témoignages et fragments ont été réunis par 1 F. Wehrli, Hermip
pos der Kallimacheer, coll. « Die Schule des Aristoteles» , Supplementband I,
Basel/Stuttgart 1974 , et, plus récemment, par 2 F. Jacoby, “Die Fragmente der
griechischen Historiker” Continued, part IV : Biography and Antiquarian Litera
ture edited by G . Schepens, t. IV A : Biography, Fascicle 3 : Hermippos of
Smyrna by J. Bollansée, Leiden 1999, XXXII-631 p. On trouvera les témoignages
papyrologiques, accompagnés d 'une abondante bibliographie , dans 3 CPF I 1 * *
n° 59, p. 249- 267 (cf. aussi CPFI1*, p. 50-51).
Études d 'orientation . 4 St. Heibges, art. « Hermippos » 6 , RE VIII, 1913,
col. 845 -852 ; 5 F . Wehrli, « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen Kai
serzeit » , GGP, Antike 3, 1983, p . 583-584 ; 6 R . Pfeiffer, History of classical
scholarship , t. I: From the beginnings to the end of the Hellenistic Age, Oxford
1968 , p. 150 -151 ; 7 P. M . Fraser, Ptolemaic Alexandria , Oxford 1972 , t. I,
p. 780 -781 ; t. II, p . 656 n. 52 ; 8 A . J. Podlecki, « The Peripatetics as literary cri
tics » , Phoenix 23, 1969, p. 114 -137 (surtout p. 127- 128).
Sur Hermippe commebiographe, cf. 9 F . Leo, Die griechisch -römische Bio
graphie nach ihrer literarischen Form , Leipzig 1901, p . 124-128 ; 10 O . Gigon,
art. « Biographie . A . Griechische Biographie » , LAW , col. 469-471 ; 11 A . Dihle,
Studien zur griechischen Biographie, Göttingen 1956 ; 12 A . Momigliano, The
Development of Greek biography, Cambridge, Mass. 1971 (trad. fr., Naissance
de la biographie en Grèce ancienne, Strasbourg 1991); 13 Id ., « Second thoughts
on Greek biography » , dans Quinto contributo alla storia degli studi classici e
delmondo antico , Roma 1975, p . 33 -47 (trad. fr. dans Id ., Problèmes d 'historio
graphie ancienne et moderne , coll. « Bibliothèque des Histoires» , Paris 1983,
p . 104 - 119 ; 14 F . Wehrli, « Von der antiken Biographie » , dans H . Haffter und
Th . Szlesak (édit.), Theoria und humanitas. Gesammelte Schriften zur antiken
Gedankenwelt (Zum 70. Geburtstag von F. Wehrli), Zürich München 1972,
p. 237-241 ; 15 G . Arrighetti, « Riflessione sulla letteratura e biografia presso i
Greci» , dans La philologie grecque à l'époque hellénistique et romaine, coll.
« Entretiens sur l' Antiquité Classique » 40 , Vandæuvres/Genève 1994 , p . 212
249.
Vie. Connu principalement comme biographe, Hermippe est par deux fois
qualifié de « péripatéticien » chez les auteurs anciens quilementionnent (fr. 1 et
96 Wehrli), ce qui se justifie par le genre littéraire adopté, mais n 'indique pas
une formation effective au sein du Péripatos (Wehrli 1, p. 7 ; Pfeiffer 6 , p. 150 ;
cf aussi 16 J. P. Lynch, Aristotle 's school. A study of a Greek educational insti
tution , Berkeley 1972, p. 136 sqq.). Il reçoit aussi l'épithète de « callimaquéen »
(Karipaxelos), sans doute en tant que disciple de Callimaque de Cyrène
(PC 22), dont il prolonge l’æuvre érudite en la popularisant.
Il serait originaire de Smyrne selon un unique témoignage (fr. 93 Wehrli
[Athénée VII, 327 b ), auquel il faut peut-être ajouter POxy 2176 fr. 12 , 3 (CPF I
1* *, p . 267]). Il exerce sans doute son activité à Alexandrie où il doit avoir pro
656 HERMIPPE DE SMYRNE H 86
fité de la fameuse bibliothèque (Pfeiffer 6 , p . 129). Sa relation avec Callimaque
(ca 310-240) – vers la fin de la vie de ce dernier ( R . Pfeiffer , Callimachus,
Oxford, vol. I, 1949, p . 780 ) - , et la mention qu'il fait de la mort de Chrysippe
[MC 119 ] (entre 208/7 et 205/4 ( ?) ; fr. 59 Wehrli) permettent de placer son
activité dans la seconde moitié du III° s. av. J.-C .
Euvres. D 'après les témoignages conservés, son æuvre se divise en deux
catégories.
I. Des vies (Bio ) de philosophes, de législateurs, de poètes, d 'orateurs et
d 'historiens (fr. 1-94 Wehrli ; jugement d'ensemble de l'activité biographique
d 'Hermippe : Wehrli 1 , p . 102 -106 ). A côté de la référence générale év tois
Blouc (fr. 11, 30 , 45 Wehrli (trois passages tirés de D .L .) ; sur le sens de cette
dénomination, cf. Wehrli 1, p. 102 ), les auteurs anciens mentionnent les œuvres
particulières suivantes :
(1 ) HepiMáywv, Sur les mages (au moins deux livres, cf. fr. 3 Wehrli). Fr. 2
4 Wehrli.
(2) Hepi tõv Entà oop @ v , Sur les sept sages ou Tepì tớv gobūv, Sur les
sages ( au moins quatre livres, cf. fr. 16 Wehrli). Fr. 5- 16 Wehrli. On a reconnu
en Hermippe la source principale de la Vie de Solon de Plutarque (17 P. Von der
Mühll, « Antiker Historismus in Plutarchs Biographie des Solon » , Klio 35, 1942,
p . 89- 102 ;Momigliano 13, p . 41 ; 18 A .Martina, « Plutarco, vita di Solone 2 , 1 » ,
RIL 113, 1979, p. 88- 98 ).
(3) Tepi Iudayópov, Sur Pythagore (au moins deux livres, cf. fr. 22 et 23
Wehrli). Fr. 18-24 Wehrli. Cf. 19 W . Burkert, Lore and science, passim .
(4) Tepi ’AplotoTÉROUS, Sur Aristote (au moins deux livres, cf. fr. 46, 47a,
48, 49 Wehrli). Fr. 44-49 Wehrli. Sur l'hypothèse de l' existence d 'un catalogue
des ouvrages d 'Aristote semblable à celui attesté pour Théophraste (fr. 54 et 55
Wehrli), qui aurait pu faire partie de la biographie d 'Aristote et que Diogène
Laërce (V 22-27 ) aurait utilisé dans sa vie d 'Aristote, cf. 20 P . Moraux, Les
listes anciennes des ouvrages d'Aristote, coll. « Aristote - Traductions et
Études » 4 , Louvain 1951, p. 221-233 (la source ultime de Diogène n 'est pas
Hermippe, mais Ariston de Céos [ A 396 ]), 21 I. Düring, Aristotle in the
ancientbiographical tradition , coll. « Acta Universitatis Gothoburgensis» 68,
Göteborg 1957, p. 79 (Hermippe est la source principale de toute la vie
d 'Aristote de Diogène), 22 I. Düring, « Ariston or Hermippus ?» , C & M 17,
1956 , p . 11-21 (critique de la thèse de Moraux 20), 23 A . H . Chroust, « A brief
account of the traditional vitae Aristotelis » , REG 77 , 1964, p . 50-69 ; cf. encore
24 J.Mejer, Diogenes Laertius and his Hellenistic background, coll. « Hermes
Einzelschriften » 40, Wiesbaden 1978 , p . 33 n . 68. Sur la place de ce catalogue
dans la tradition , voir la notice « Aristote de Stagire » A 414 , DPLA I, 1989 ,
p .424, et 25 P.Moraux, Aristotelismus,t. I, p .4 n. 2.
(5) Tepi Oeoppáotov, Sur Théophraste. Fr. 51-55 Wehrli. On apprend par
une scholie figurant à la fin de certains manuscrits de la Métaphysique de Théo
phraste qu 'Hermippe avait dressé un catalogue des æuvres de l'Érésien , d 'où,
H 86 HERMIPPE DE SMYRNE 657

comme chez Andronicus, la Métaphysique était absente (fr. 54 Wehrli) ; sur cette
question, cf. 26 Théophraste,Métaphysique, texte édité, traduit et annoté par A .
Laks et G . W . Most, CUF, Paris 1993, p . XI-XVIII. Parmi les élèves de Théo
phraste, qui étaientpeut- être traités dans cette monographie, figuraient Lysima
que (fr.56), Lycon (fr. 57), Démétrius de Phalère (fr. 58).
(6 ) Ilɛpi Copyíou, Sur Gorgias. Fr. 63 Wehrli.
(7 ) Tepi( ToŨ) ’looxpátous, Sur Isocrate. Fr. 64-66 Wehrli.
(8 ) Nepi tõv 'looupátoug Maontāv, Sur les disciples d 'Isocrate (au moins
trois livres, cf. fr. 68 a II Wehrli). Fr.67-78 Wehrli.
(9 ) lepi (tūv) vouodetāv, Sur les législateurs (au moins six livres, cf. fr. 88
Wehrli). Fr. 80 -88 Wehrli. Pour le fr. 82 Wehrli, cf. CPF I 1* * , p . 249-257 (I.
Gallo ) ; le fragment conservé appartient à la fin du livre I et au début du livre II
de l'Epitomé du ſlepi vouobetwv rédigé par Héraclide Lembos ( * H 61).
(10) ɛ [pi t ]āv årò pilooopias eis (åp ]vo ! [Elíaç xai duvaotellas
uedeo ]mxótwv, Sur ceux qui sont passés de la philosophie à la réalisation
d 'exploits et à l'exercice du pouvoir ; cf. fr. 89 Wehrli, qui adopte la lecture eis
(Tupavvídjas (Acad. Philos. Ind. Herc., col. XI 4 - 7 Mekler, qui lisait eis
(åp ]ıoğ[ɛ]ļas); la lecture adoptée ici est celle de T . Dorandi, Filodemo, Storia
dei filosofi [.] Platone e l'Academia (PHerc. 1021 e 164 ), edizione, traduzione e
commento a cura di T . D ., coll. « La Scuola di Epicuro » 12,Napoli 1991, p . 142
(cf. p. 91 n . 350). Le même ouvrage est cité sous une formelégèrement différen
te et abrégée dans l' Ind. Stoic. Herc., col. XVI 3 -6 : Hepi tõv å [tò piroloogias
siç duva (otellas ueſtaJOTÁVW ( V , Sur ceux qui passèrent de la philosophie à
l'exercice du pouvoir ; cf. fr. 90 Wehrli ; la lecture adoptée ici est celle de T .
Dorandi, Filodemo, Storia dei filosofi. La Stoà da Zenone a Panezio (PHerc.
1018), edizione, traduzione e commento a cura di T . D ., coll. « Philosophia Anti
qua » 60, Leiden 1994,p .68.
(11) Euvaywyn tõv xarőç åvaowvNÉVTWV ŠE 'Ouńpov, Recueil d 'ensei
gnements moraux tirés d 'Homère. Fr. 92 Wehrli.
(12 ) Tepi 'Innovaxtos, Sur Hipponax. Fr. 93 Wehrli.
En outre, les philosophes dont on sait qu 'Hermippe avait parlé – ce qui ne
veut pas dire qu 'il avait consacré une monographie à chacun – sont les suivants
(avec mention des fragments de l' édition Wehrli 1) : Phérécyde de Syros (fr. 17),
Empédocle (fr. 25 -27), Zénon d 'Elée ( fr. 28), Héraclite (fr. 29), Anaxagore (fr .
30) , Démocrite ( fr. 31), Socrate ( fr. 32 ), Eschine le Socratique ? ( fr. 33),
Antisthène (fr. 34), Stilpon (fr. 35 ), Alexinos (fr. 36 ), Philiscos (fr. 37),Méné
dème d ' Érétrie (fr. 38 ), Ménippe (fr. 39), Platon (fr. 40 -41), Héraclide le Pon
tique (fr. 42), Arcésilas (fr. 43), Callisthène (fr. 50 ), Lysimaque (fr. 56 ), Lycon
( fr. 57), Démétrius de Phalère (fr. 58 ), Chrysippe (fr. 59), Épicure (fr. 60 -61) .
II. Des considérations mythologiques sur les astres et sur les constellations
(fr. 95-102 Wehrli (« Sternsagen » ]).
Aucun titre ne nous est conservé. Wehrli ( 1 , p . 38) suggère Dalvóueva ? (cf.
fr. 95 ), Kataomplouoi [sic ] ?). Le fr. 99 Wehrli (Hygin , De astronomia II 4 ,
658 HERMIPPE DE SMYRNE H 86
p . 25 Viré) comporte l'expression « Hermippus qui de sideribus ( < htepi tõv
đotépwv> ) scripsit»,mais l'auteur renvoie au contenu de l'ouvrage plutôt qu 'il
n 'en donne le titre . Dans le fr. 102 Wehrli (Athénée XI, 478 a), Hermippe est
qualifié d'åotporoyıxós (= auteurde recherches sur les astres).
Plus d'un tiers des témoignages sur les biographies d 'Hermippe provient de
Diogène Laërce, ce qui laisse penser que notre biographe a été utilisé, directe
ment ou indirectement, par Diogène (sur cette question , cf. la bibliographie de
Wehrli 1 , p. 107 - 108, et Mejer 24, p. 32-34 ; cf. aussi le compte rendu de 27 M .
Gigante, Gnomon 55 , 1983, p. 9- 14.
On peut supposer qu 'une partie plus ou moins importante ( en tout cas fr. 5 ;
18 ; 82 Wehrli) des témoignages sur les Vies a été empruntée à un abrégé; sans
doute celui d'Héraclide Lembos (2+ H 61).
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .

87 HERMOCRATÈS DE PHOCÉE (FLAVIUS -) MII


Ce philosophe fut honoré à Phocée de trois statues. L'une (IGR IV 1324) fut
élevée par un donateur inconnu alors qu 'il était stéphanéphore . Une autre, dont
l'inscription ne mentionne pas sa qualité de philosophe, fut offerte par un parent
de sa femme (connue par une copie de Cyriaque d’ Ancône, elle a été éditée par
E . Ziebarth , Wiss. Beiläge zum Jahresber. Wilhelms-Gymnasiums Hamburg
1903, p . 10 ). La troisième, dont l'inscription , transmise par trois copies très
divergentes, présente quelques difficultés (plutôt que IGR IV 1326 , voir CIG
Add. 3414 et Mouseion II 2, 1, 1875 /76 , p. 11, avec la correction d'H . Engel
mann, ZPE 42, 1981, p. 202-208), fut élevée par sa femme, Vibia Polla . Le nom
de cette dernière assure que le philosophe Hermocratès ne peut être identique,
comme l'admettait Stein (PIR2 F 285), à l'asiarque T. Flavius Varus Calvisianus
Hermocratès, qui appartient à une génération antérieure (F I ou D II) de la même
famille . Il suggère également un lien de parenté étroit entre le philosophe et le
sophiste homonyme (RE 12), dont la seur porte le même cognomen que Vibia
Polla : selon toute vraisemblance, le premier était le grand -père du second .
BERNADETTE PUECH .
88 HERMODAMAS DE SAMOS RE: VII - VIa
Hermodamas, descendant de Créophyle, le poète épique rival d'Homère,
aurait été le maître de Pythagore selon Jamblique (V . pyth. 2 , 11, p. 9, 5-18
Deubner), Porphyre (V . Pyth. 1), Diogène Laërce (VIII 2), Hesychius (cf. Souda
II 3120, s.v. Ivoayópas, t. IV , p. 262 , 17- 18 Adler). Selon le récit de Jam
blique, Pythagore, âgé de dix-huit ans, s'enfuit nuitammentavec Hermodamas
juste avant que Polycrate n 'impose sa tyrannie à Samos (5324), et alla trouver
Phérécyde, puis Anaximandre et enfin Thalès . Selon Porphyre, dont la source est
Néanthe (FGrHist 84 F 29), les études de Pythagore auprès d'Hermodamas déjà
âgé se situeraientaprès un séjour à Tyr auprès des Chaldéens et les contacts avec
Phérécyde auraient précédé ceux qu'il eut avec Hermodamas. La version de
H 90 HERMODORE D ' ÉPHÈSE 659
Diogène, quidépend probablement lui aussi de Néanthe, concorde avec celle de
Porphyre. Chez Apulée , Flor. 15 , on cite Leodamantem Creophyli discipulum .
BRUNO CENTRONE.
89 HERMODORE RE 6 IIIa
Épicurien sans doute fictif.
Dans le dialogue de Lucien, Icaroménippe 15 , dans lequel Ménippe raconte à
un ami le voyage céleste qu'il vient d 'effectuer, sontmentionnés quelques per
sonnages historiques du IVe ou du IIIe siècle av. J.-C . dont Ménippe put voir,
depuis la lune, certaines actions caractéristiques. On relève les nomsde Ptolé
mée, Lysimaque, Séleucus, Alexandre de Thessalie (tyran de Phères), Antigone.
D 'autres noms sont pour nous inconnus ou difficiles à identifier avec précision :
Attale, Arsacès, Spatinos, etc. Après les rois grecs et barbares, Ménippe évoque
quelques actions ridicules de personnagesmoins illustres: « Hermodore l'Épicu
rien qui se parjure pour mille drachmes, Agathoclès le stoïcien (2 A 38) qui
traîne son disciple en justice pour une question de salaire, le rhéteur Cleinias qui
vole une coupe au temple d'Asclépios, et le cynique Hérophile (» H 108 ) qui
dort au bordel» (§ 16 ). Comme l'ensemble du développement entend dévoiler
les vices des grands et des humbles, il est possible que les exemples historiques
(dont certainsne nous sont connus que par Lucien ) ne soient choisis que pour
leur caractère typique et que les personnages nommés ensuite n 'aient reçu des
noms propres que pour rendre plus concrets les exemples évoqués. Ces philo
sophes sont en tout cas inconnus par ailleurs. D 'un autre côté, comme les faits
signalés ne réapparaissent pas chez Lucien et que les noms choisis – sauf Aga
thoclès – ne sont pas utilisés pour d 'autres personnages, il n 'est pas impossible
que ces exemples soient empruntés à un ouvrage de Ménippe. Cf. R . Helm ,
Lukian und Menipp, Leipzig/Berlin 1906 , p . 77 -78. Hermodore réapparaît au
§ 26 .
RICHARD GOULET.
90 HERMODORE D 'ÉPHÈSE RE 3 FVI - M Va
Législateur éphésien, hetairos (? cf. D . L . IX 3 = M 9c) d 'Héraclite (» H 64 ),
banni d 'Éphèse par ses concitoyens à cause de sa valeur, comme nous l' apprend
le philosophe indigné (Heracl. DK 22 B 121 = fr. 105 Marcovich = M 9a). Son
expulsion sert en outre de thème à une lettre pseudépigraphe de Darius aux
Éphésiens, et il est lui-même le destinataire de quatre des sept lettres pseudépi
graphes attribuées à Héraclite (cf. (Heracl.] Ep . III, IV , VII-IX , cf. M ge;
MH 64 ). Probablement identique à (1) l’Hermodore auteur d'une loi, citée par
Polémon (fr. 96 ap. Hesych., s.v. OXUỒixaí = FHG III, p . 147 = M 109) sur la
façon dont doivent se chausser les femmes libres, et presque certainement iden
tique à (2) l'Hermodore ayant pris part, voire ayantdonné l'impulsion initiale , en
453/2, à la rédaction des dix premières des Douze Tables romaines et dont une
statue se dressait à Rome in comitio (Pompon. ap . Digest. I 2 , 2, 4 = M 10 "; Plin .
Hist. nat. XXXIV 21 = DK 22 A 3a = M 10 “). Cette dernière identification
660 HERMODORE D 'ÉPHÈSE H 90
remonte en tout cas au moins à la fin du premier siècle av. J.- C . ( cf. Strab. XIV
25 [642 C.) = M 96 ; (Heracl.] Ep. VIII 1-2; Pompon. I.c.).
Les témoignages pertinents sont réunis avec traduction en russe dans 1 S . N . Mouraviev
(édit.), « Testimonia de uita et scripto Heracliti Ephesii » , VDI 1974, n° 4/130, p. 202-204 (cf.
textes IXa-f et Xa- c, pour lesquels nous utilisons supra et infra la notation M 9a-f et 10a-C) et
commentés dans 2 id., « % u3Hb ſepakjuta 3pecckoro » (La vie d 'H . d’É .), ibid ., p. 18-22
(une réédition revue et augmentée avec traduction et commentaire en français, est en prépara
tion dans le vol. III. A Memoria de 3 id., (édit.), Heraclitea. Edition critique complète des
témoignages sur la vie et l'quvre d 'Héraclite d 'Éphèse et des vestiges de son livre, Moscou/
Paris ). — Les travaux les plus importants à leur sujet sont: 4 E . Zeller, De Hermodoro Ephe
sio et Hermodoro Platonico, Marburg 1859, p . 7 -26 ; 5 J. Bernays, Die heraklitischen Briefe.
Ein Beitrag zur philosophischen und religionsgeschichtlichen Literatur, Berlin 1869, 17 -21,
81- 90 , 129-131 ; 6 A . Chiapelli, « Sopra alcuni frammenti delle XII tavole nelle loro relazioni
con Eraclito e Pitagora » : Archivio Giuridico 35 , Pisa 1885, 113-120 ; 7 F. Boesch, De XII
tabularum legi a Graecis petita , Thèse, Göttingen , 1893, p . 58 sqq. ; 8 U . v . Wilamowitz
Moellendorff, « Nordionische Steine » , APAW , 1909, p. 71, n. 1; 9 Münzer, art. « Hermo
doros» , RE VIII, 1913, col. 859-861; 10 S. Mazzarino, Fra Oriente e Occidente, Firenze
1947, p. 215 -218 ; 11 M .Marcovich , art. « Herakleitos » , RESuppl. X , 1965, col. 251-252 ;
12 R . Schottlaender, « Heraklits angeblicher Aristokratismus » , Klio , 1965 , p. 23 -29 ; 13 R .
Mondolfo ap. R . Monfolfo et L . Tarán, Eraclito . Testimonianze e imitazioni, Firenze 1972 ,
p. 13-14 (n. 3); 17 (n . 6 ) ; 14 L . Tarán , ibid., p. 296 -300, 312-315, 318- 319, 349-350; 15 S.
Tondo, « Ermodoro ed Eraclito », SIFC 49, 1977, p. 37-67 ; 16 A . Capizzi, Eraclito e la sua
leggenda, Roma, 1979, p. 40 -45 et passim (cf. index ) ; 17 Ch. H . Kahn , The art and thought of
Heraclitus. An edition of the fragments with translation and commentary, Cambridge 1979,
p. 59 note , p. 178 -179.
Les sources relatives à Hermodore relèvent de trois problématiques diffé
rentes quoique interconnectées : (1) la datation du bannissement d'Hermodore et
ses implications tant pour la chronologie héraclitéenne (en tant que terminus ante
quem de l'écriture de son livre ) que pour la reconstitution de la doctrine politique
des deux hommes ; (2 ) l'identification de l'Hermodore héraclitéen à l'auteur de
la loi citée par Polémon ; (3) l'identification de l'Hermodore héraclitéen (et de
l'auteur de la loi) au collaborateur des décemvirs, avec évaluation de l'historicité
et du caractère de cette coopération , reconstitution des circonstances biogra
phiques et historiques qui ont pu y aboutir et recherche des traces éventuelles
d'une influence héraclitéenne sur le contenu des Dix tables. — L 'approche
qu 'on trouvera ci-dessous est conforme au principe de la présomption d 'exacti
tude et/ou de bonne foi que nous estimons nécessaire d'appliquer à toutes les
sources antiques pour peu qu 'il n 'ait pas été pertinemment prouvé qu 'elles sont
erronées ou mensongères.
1. Pour ce qui est de la date la plus plausible de l'ostracisme (entre 492 et
486 ) et des opinions politiques probables des deux Éphésiens, nous renvoyons à
l'article « Héraclite d'Éphèse » (» H 64, § 1.2)
Indiquons toutefois que cette datation de l'expulsion n' est pas sans importance pour le
problème de l'identification des deux Hermodore, celui d 'Éphèse et celui de Rome. Ceux qui,
implicitement, commeMazzarino 10 , p . 217 , ou explicitement, comme Capizzi 16 , p. 49, 59,
situent le bannissement en 499-498 , sont obligés de nier (cf. Mazzarino 10, ibid . « si favo
leggiava » ] ou d'ignorer (cf. Capizzi 16 , p. 41 « a torto o a ragione» ] la tradition romaine,
tandis que ceux qui, comme 18 U . Hölscher, Anfängliches Fragen, Göttingen 1968, p. 164, le
situententre 478 et 470, considèrent cette datation comme « in hohem Gradewahrscheinlich » .
D 'autre part,même s'il ne s'agissait pas formellement d 'un ostracisme, cette datation présente
H90 HERMODORE D'ÉPHÈSE 661
un intérêt incontestable pour l'histoire de cette institution (rappelons que la loi athénienne
correspondante date de 505 /4 , mais n ' a été appliquée effectivement qu 'à partir de 488 /7 ) .
Retenons enfin que, selon la tradition , l'Hermodore expulsé d ' Éphèse était effectivement un
législateur (Lettres III ; IX I et 6 ; VII I et 9 = M Jel) et un « amidu roi » Darius (Lettre III =
M 9e), qui avait participé au gouvernement de la cité (Cicéron , Tusc. V 105 = M 9d, l'appelle
princeps Ephesiorum ).
2. Le texte cité par Polémon I. c. (M 104), qu 'on attribuait antérieurement au
disciple de Platon (cf. 19 E. Preller, Polemonis Periegetae fragmenta, Leipzig
1838, p . 148 ) et en lequel Wilamowitz 8, 1.c., a reconnu un fragment de la
législation de l'ami d'Héraclite , est pratiquement le seul texte à recueillir l'una
nimité des suffrages (cf. e. g. Münzer 9, col. 860, « das passe gut für einen
Gesetzgeber aus der Zeit von den Perserkriegen » ; Mazzarino 10 , p . 217 ;
Marcovich 11, col. 252 ; Capizzi 16 , p. 41) en tant que témoignage confirmant sa
qualité de législateur : loéuwv napà ' Epuodupwl yeypápeal onoi: « ÚTO
δήματα δε φορείς την ελευθέρην σκυδικάς λευκές και μασθλητίνας ».
L ' ionisme čreveépnv (dont l'authenticité semble garantie parHesychius qui cite
le fragment comme exemple d'une autre forme pour luiinsolite , oxudlxal) et le
contenu de cette norme, sans doute appelée à exclure le port, par les femmes
libres, de chaussures plus luxueuses et plus vives en couleurs que les sandales
scythes de cuir blanc, cadrent bien et avec le dialecte d' Éphèse , et avec les
attaques d'Héraclite contre le luxe de ses concitoyens (cf. DK 22 B 29, B 125A ,
B 9, B 4 ). Tondo 15 , p . 56 -57, y reconnaît lui aussi une norme somptuaire.
Il est vrai qu 'en revanche le 8 de oxuôixòç n 'a toujours pas reçu d 'explication satisfai
sante : il s 'agirait soit d 'un macédonisme dont on ne voit pas bien ce qu 'il pourrait faire ici (cf.
20 M . Schmidt, Hesychii Alexandrini Lexicon , t. III, 1861, p .51; Tondo 15 p. 57, y soupçonne
la trace d'une médiation macédonienne dans l'importation de ces sandales,mais oxvoixaí:-xá
avec le normal est aussi, et bien mieux, attesté, cf. Hesych ., s.v. oxudixá únodńuata nola ,
Harpocrat., s.v. oxvoixai: Eldóc tl Únodńuatos), soit d 'une source épigraphique d 'Asie
Mineure avec confusion du type Oapynila - Tapmaca (Mazzarino 10, p . 217 et 388 n . 623,
mais l' analogie est trop faible et linguistiquement vulnérable ).
3. L ' étude la plus importante sur l’Hermodore collaborateur des décemvirs et
son identification avec le compagnon d'Héraclite est incontestablement celle de
S . Tondo 15, dont nous nous inspirerons amplement ci-dessous (en revanche,
nous ne sommes pas convaincus par ses considérations sur la chronologie d'Hé
raclite et celle des Lettres pseudo-héraclitéennes). Mais revenons d 'abord aux
sources. Après avoir cité le fr. B 121 d'Héraclite, Strabon , 1.c. (M 9b), ajoute :
doxet d ' oúros ó åvặp vóuouç tivàs 'Pwualous ourypápai. Un demi- siècle
plus tard, Pline, l.c. (M 10b), dans son histoire des arts figuratifs, signale la pré
sence au Comitium (c'est-à-dire à l' endroit même où étaient exposées les XII
tables de la loi) d'une statue publice dicata en l'honneur d'Hermodore d'Éphèse,
legum quas decemuiri scribebant interpres. Enfin , Pomponius, l'historien du
droit romain , dans un ouvrage intitulé Liber singularis enchiridii rédigé sous le
principat d'Hadrien, parle (I. c. = M 105) des lois des XII tables quarum ferenda
rum auctorem fuisse decemuiris Hermodorum quendam Ephesium exulatem in
Italiam quidam rettulerunt.
Autrement dit, les trois sources confirment toutes l'existence d 'un Hermodore d 'Éphèse
collaborateur des législateurs romains, deux d 'entre elles indiquent qu 'il fut exilé de sa cité
662 HERMODORE D 'ÉPHÈSE H 90
d 'origine, et une l'identifie directement à l'Hermodore héraclitéen. Selon Bernays 5, p. 85 , la
chose est « so gut wie wenig anderes aus der älteren Geschichte Roms bezeugt » . Pourtant,
c'est le point de vue sceptique qui a prévalu (partiellement à cause du doxet de Strabon et du
quidam rettulerunt de Pomponius). Mais si Zeller 1, p . 15, se bornait à émettre des doutes (cf.
ibid. p. 16 ), Münzer 9, col. 860 -861, échafaude toute une théorie , en vertu de laquelle il s'agi
rait d'une légende, fruit d'une Verbreitung de la tradition reflétée par Polémon ; Varron , la
source de Pline, serait le Umheber der ganzen Erfindung et aurait interprété de la sorte une
statue qui par pur accident portait le nom d 'un Hermodore d 'Éphèse autrement inconnu. Cf.
encore Boesch 7 , p. 62 ; 21 F. Jacoby, Apollodors Chronik, Berlin 1902, p . 229-230 (« die
Fabel von Hermodoros... Gesetzgeber der Römer» ) ;Marcovich 11, col. 252 (« diese Tradi
tion... ist hochwahrscheinlich falsch » ).
Acceptés littéralement et réintégrés dans leurs contextes historique, juridique
et artistique, ces témoignages permettent pourtant de construire un tableau par
faitement cohérent des événements et du rôle d'Hermodore.
Premier élément du tableau. De très nombreuses sources confirment qu'avant
de rédiger leur texte définitif les décemvirs avaient commencé par récolter une
vaste documentation juridique d'origine essentiellement grecque (ils envoyèrent
une délégation en Grèce, à Athènes,mais aussi en Grande Grèce, étudièrent les
systèmes normatifs grecs, avant tout le système athénien de Solon , etc.; cf. réfé
rences détaillées dans Tondo 15, p. 37 n . 1) et par publier sur dix tables une édi
tion provisoire de leurs propositions (Dion . Halic ., Ant. Rom . X 57, 5). Ils ont
donc inévitablement eu besoin de l'aide d'experts compétents en jurisprudence
grecque.Hermodore d 'Éphèse est le seul candidat que nous connaissions pour ce
rôle.
Deuxième élément. L 'Hermodore d 'Éphèse de Strabon a écrit des lois (= cer
taines lois ) pour les Romains (vóuouç tivàs ' Pwuaíonc ovYypápai). Celui de
Pline a travaillé en qualité d' interpres des lois qu'écrivaient les décemvirs ,
autrement dit, sans doute , de traducteur et de commentateur des sources grecques
qu'ils utilisaient (« un 'opera dimediazione culturale» , selon Tondo 15 , p. 39).
Enfin , celui de Pomponius – lequel, comme le démontre Tondo, p. 40 , parlait
sans doute , dans son contexte , de la rédaction des dix premières tables ex acci
denti appellatae... leges duodecim tabularum - a été l'auctor de leur publication ,
et auctor signifie ici, comme souvent, la même chose que suasor, impulsor
( Tondo, ibid .). Commeces dix tables se composaientde deux éléments essentiels
– les coutumes non écrites romaines et le droit écrit grec - et comme les pre
mières exigeaient beaucoup plus de travail que les secondes,ilest logique que la
seconde partie du travail ait été terminée avant. Ainsi, Hermodore aurait joué un
rôle non seulement de médiateur et d 'auteur,mais encore de pionnier.
Quant aux expressions dubitatives, elles n 'ont pas beaucoup de poids : le doxei de Strabon
signale seulement qu'il répète une information qu'il n'a pas vérifiée personnellement; le qui
dam rettulerunt de Pomponius signifie exactement ce qu'il dit : « certains ont indiqué » -
certains,mais non pas tous.
Troisième élément: dans un assez long paragraphe ( Tondo 15 , p . 41 -48 )
consacré à l'histoire de la statuaire romaine, un paragraphe d'une érudition parti
culièrement impressionnante , mais dont, faute de compétence suffisante , nous
sommes mauvais juge, Tondo démontre : (1) que l'opinion faisant de la statue
d'Hermodore une évocation posthume érigée longtemps après la mort du per
H91 HERMODORE DE SYRACUSE 663
sonnage ne repose pas sur grand- chose: pareille évocation suppose une célébrité
bien plus grande que celle d 'Hermodore (cf. quidam rettulerunt) ; (2) que la sta
tue d'Hermodore est mentionnée non comme une rareté , mais comme la pre
mière d'une série de statues érigées en un laps de temps relativement court en
l'honneur de divers personnages en rapport avec des événements isolés d 'impor
tance secondaire , ce qui prouve qu 'elles l'ont été juste après les événements en
question ; (3) que le piédestal devait porter une inscription indiquant le nom du
personnage, le fait que la statue avait été érigée par l'État (publice dicata ), voire
le service concret rendu par lui à la cité. D 'où cette conclusion : l'information
fournie par Pline est digne de confiance et confirme les autres témoignages.
( Tondo 15, p. 47-48).
En ce qui concerne la vie et l' activité d'Hermodore entre les deux événements les plus
marquants de sa vie, force est d 'avouer notre ignorance. Il pouvait être allé d'abord à Athènes
(ce qui expliquerait la réputation d'Héraclite auprès des Athéniens: D . L . IX 15), ou en Crète ,
et avoir participé à l'élaboration du fameux code de Gortyne ( c 'est juste à côté de ce monu
ment épigraphique que fut trouvée la copie romaine tardive d 'une statue archaïque représen
tant sans doute Héraclite , cf. la notice « Héraclite d' Éphèse » , H 64, $ 1.5 , ou en Grande Grèce
(où Héraclite sera connu dès les années 470 et où, deux décennies plus tard, les décemvirs
enverront une ambassade), ou directement à Rome (comme le suggère la Lettre VIII et
l'estime Tondo 15, p. 49-53, en arguantde l'introduction à Rome du culte de Diane-Artémis,
de la présence dans la Ville d'une colonie ionienne - phocéenne – etdes rapports privilégiés
que Rome entretenait avec Massalia ). Il n 'est pas exclu , en outre , que le troisième floruit
d 'Héraclite (O1, 81, 1 = 456 / 5 ; notice H 64, § 1. 1 Dates ) ait été à l'origine un floruit de l' ami
d 'Héraclite Hermodore et qu'il ait figuré sous Ol. 81, 4 = 453/2.
Signalons pour conclure la seule analogie concrète entre la législation des XII
tables et la doctrine d'Héraclite qui ait été trouvée jusqu'ici: le fr. 5a (Bruns) de
la table X Homine mortuo ne ossa legito quo post funus faciat a été comparé par
Chiapelli 6 , p . 116 -117, au fr. B 96 d 'Héraclite vÉXVEÇ xonpiwv éxßantótepol.
Les deux textes ont en commun « in quanto poco conto fossero tenuti i cada
veri » .
Mention doit également être faite, pour conlure, de la riche étude de V . Placella « Vico,
Eraclito ed Ermodoro » dans L . Rossetti (édit.), Atti del Symposium Heracliteum 1981, vol.
II: La “ Fortuna " di Eraclito nel pensiero moderno, Roma 1983, p . 39-76 (cf. p. 54 -73),
consacrée à l'épisode peut-être le plus remarquable du Nachleben de toute cette probléma
tique : la façon dont l'interprétait le grand penseur italien Giambattista Vico et le rôle capital
qu'il lui assignait dans sa philosophie de l'histoire.
SERGEMOURAVIEV .

91 HERMODORE DE SYRACUSE RE 5 Iva


Académicien, qui rencontra Platon en Sicile au cours de la visite de ce dernier
à Syracuse.
Témoignages et fragments. 1 M . Isnardi Parente , Senocrate -Ermodoro.
Frammenti, Napoli 1981, p . 155 - 160 , 259- 263, 437-444 ; 2 FGrHist 1008
(p. 192 -211: J. Bollansée).
Cf. 3 P . Natorp , art. « Hermodoros » 5, RE VIII 1, 1912, col. 861; 4 H .J.
Krämer, « Ältere Akademie» , dans GGP Antike 3, p. 121 sq., 128 sq., 148 ; 5 H .
Dörrie, Der Platonismus in der Antike, Stuttgart/Bad Cannstatt 1987, p. 80 -89,
664 HERMODORE DE SYRACUSE H91
294- 308 ; 6 M . Isnardi Parente, Studi sull'Accademia platonica antica , coll.
« Saggi filosofici » 1, Firenze 1979, p. 123-132 ; 7 F. Lasserre, De Léodamas de
Thasos à Philippe d 'Oponte . Témoignages et fragments, Napoli 1987, p . 215
223, 425-430, 667-680 ; 8 M . Isnardi Parente, « Supplementum Academicum »,
MAL , Serie IX , vol. VI 2, Roma 1995 , p. 254 sq., 259, 272-273.
Hermodore fut célèbre dans l' antiquité à cause de l'histoire du commerce des
livres de Platon (Philod., Acad. hist., col. 6 , 6 - 10 ; Cic ., Ad Att. XIII 21, 4 ;
Souda, A 661 (vol. III, p . 281 Adler );Zénob. V 6 = F 1-3 = FGrHist 1008 T 2),
un renseignement dénué de fondement qui remonte probablement à une source
anti-académicienne (une comédie ? cf.Adesp. 937 Kassel-Austin ).
Deux titres sont connus de cet auteur: lepipadnuátwv et lepilátwvoc.
L'ouvrage Nepi padnuárwv contenait, peut- être, une tentative d'histoire des
mathématiques (ou des sciences) à partir de Zoroastre. Les trois fragments
conservés (D . L . I 2 = F 6 ; 1 8 = F 6A (M . Isnardi Parente, PP 42, 1987, p. 292
294) et Plut., De Is. et Osir. 46, 369 e ) concernent Zoroastre et pourraient être
interprétés en relation avec la croyance répandue que Platon était Zoroastre res
suscité. Isnardi 1 , p . 437 sq., avance l'hypothèse que l'ouvrage serait une des
Énlyelpňoelc écrites sur Platon et sa doctrine au cours de son séjour à Syracuse,
mais rejetées par le philosophe (cf. Plat., Epist. VII, 341 b-c).
Le lepi Gaátwvos contenait une section biographique et une section doctri
nale. De la première dérivent les deux fragments (D .L . II 106 et III 6 = F 4 -5 =
FGrHist 1008 F 1) où on lit que Platon s'enfuit à Mégare chez Euclide (» E 82)
après la mort de Socrate. De la section doctrinale parvinrent à Simplicius (in
Arist. Phys., p . 247 , 30 sqq. Diels = F 7 et p . 256 , 31 sqq. = F 8 = FGrHist 1008
F2), par l'intermédiaire de Dercyllide (2D 87) et Porphyre (F 146 Smith ), deux
fragments qui contiennent une intéressante théorie des catégories .
Hermodore déplace le næud de la pensée platonicienne de la doctrine des
idées à celle des principes et de la division catégorielle de l'être. La réalité toute
entière se partage en réalités en soi (xao' aútá ) et réalités relatives (npós
ÉTepa ), lesquelles, à leur tour, se partagent en contraires (xat ’ évavría ) et en
relatives pures (rtpós tl), à leur tour divisées en définies (úplouéva ) et indé
finies (åópiota ). Il s'agit d 'une doctrine analogue à la division proposée par
Xénocrate (F 95 Isnardi), avec cependant une plus grande complexité . Hermo
dore nie à l'indéfini la qualité de véritable principe, qu'il reconnaît seulement à
l’un (év ). Isnardi 6 , p. 123- 132, et Isnardi 1, p. 440 -444 , doute qu 'on puisse
étudier cette doctrine en rapport avec Sextus Empiricus, Adv. phys. (= Adv. math.
X ) II 269 .
Lasserre 7 (cf. Id., CronErc 13, 1983, p.63-74, etMH 40, 1983, p. 169-177) a
supposé que, dans les colonnes initiales de l'Academicorum historia (col. XIZ ,
3/5, Y, 1* , 1-2, 5), Philodème a emprunté au livre lepi naátwvoç d'Hermo
dore les renseignements sur les voyages de Platon en Sicile , sur sa mort, ainsi
que l'histoire du développement desmathématiques à l'Académie sous la direc
tion du philosophe et le jugement sur la succession de Platon . J' ai déjà exprimé
H93 HERMOGÈNE 665
les motifs qui m 'amènent à rejeter cette hypothèse (Prometheus 15, 1989,
p. 191-192. Cf. 8 Isnardi,p . 254 sq. et 2 FGrHist 1008, p. 202).
Du témoignage très incertain du pseudo -Plutarque, Pro nobilitate 7 (vol. VII,
p . 218 -220 Bernardakis = F * 9), on a déduit qu 'Hermodore avait écrit un livre
Περί ευγενείας.
TIZIANO DORANDI.
92 HERMODOTE RESuppl. XII
Cynique sans doute fictif mentionné dans une épigramme de Lucillius
(Anthologie Palatine XI 154 ): « Quiconque est pauvre et illettré ne tourne plus la
meule 1 Comme jadis, il ne porte plus de fardeaux pour un maigre salaire ; 1 Il
laisse pousser sa barbe et, dès le carrefour, en levant son bâton , I affirme qu 'il
est, lui, le premier chien de la vertu . I Voici le décret très sage d 'Hermodotos:
quiconque est sans le sou I n 'a qu ' à déposer sa misérable tunique (c 'est-à -dire
mourir selon Gigante ), et il n 'aura plus faim » [trad . S . Follet). Voir M . Gigante,
« Il decreto di Ermodoto » ,Maia 22 , 1970, p. 48-50 ; S. Follet, « Les Cyniques
dans la poésie épigrammatique à l' époque impériale » , dans M .- O . Goulet-Cazé
et R . Goulet (édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements , p. 371-372.
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ
93 HERMOGÈNE RE 26 II-III
Chrétien platonicien gnosticisant.
Sources biographiques anciennes. On le rencontre d'abord en Syrie,
puisque Théophile , évêque d 'Antioche, aurait écrit, selon Eusébe de Césarée,
Hist. eccl. IV 24, un ouvrage intitulé Ipoç thu aipeolv 'Epuoyévous, aujour
d'hui perdu. Tertullien lui consacre ensuite deux traités, l’Aduersus Hermoge
nem ( cf. éd . 1 E . Kroymann , CSEL XLVII, Wien /Leipzig 1906 , reproduit dans
2 CCL I, Turnhout 1954, p . 395-435, et 3 J.- H . Waszink, « Stromata patristica et
mediaevalia » 5 , Utrecht 1956 , puis une traduction avec commentaire , 4 Id.,
Tertullian . The Treatise Against Hermogenes, coll. « Ancient Christian Writers »
24, London 1956 ; éd.,trad . et commentaire par 5 F. Chapot, souspresse dans la
collection « Sources chrétiennes» ) et le De censu animae, qui a disparu mais
dont les grandes lignes de l'argumentation sont connues par certains passages du
De anima (cf. 6 J.- H . Waszink, Q. S. F . Tertulliani de anima, edited with intro
duction and commentary, Amsterdam 1947, p . 7 - 14). Tertullien le présente
comme un peintre (Adu. Hermogenem 1 , 2 ; De monogamia 16 , 1) contemporain
(Adu. Hermogenem 1, 2 : ad hodiernum homo in saeculo ). On pense générale
ment qu 'il vécut entre 180 et 205 (7 J. Kraus, LTK , Freiburg 1960, t. V , p. 261)
et arriva en Afrique autour de 200 ( 8 G . May, « Hermogenes - ein früh
christlicher Theologe zwischen Platonismus und Gnosis » , dans Studia Patristica
XV , 1984, p . 461-476 , notamment p . 462). Il a pu venir à Carthage pour pour
suivre sa carrière de peintre, 9 A . Quacquarelli, « L 'Aduersus Hermogenem di
Tertulliano » , RSCF 4 , 1951, p. 61-69, notamment p. 65, ou plutôt à la suite de la
réfutation de Théophile , 10 T. D . Barnes, Tertullian, a historical and literary
study, Oxford 1971, p . 80 .
666 HERMOGÈNE H 93
Témoignages et fragments. Rassemblés, traduits et commentés par 11 F .
Chapot, « L 'hérésie d 'Hermogène. Fragments et commentaire » , Recherches
Augustiniennes 30 , 1997, p . 3- 111.
École. Hermogène dut écrire un ouvrage sur la matière, peut-être rédigé en
grec, puis traduit en latin , que Tertullien connaissait, cf. Chapot 11, p. 6 -13. Il est
surtout connu pour avoir défendu, contre le dogme naissant de la création ex
nihilo , l' idée de la formation du monde à partir d 'une matière éternelle et pré
existante . Sur l'interprétation de sa théorie de la matière et du mal, cf. 12 G .
Uhlhorn, « Hermogenes» , R ( E )PTHK VII, 1899, p . 756 -758 ; 13 J. C . M . Van
Winden , « St Ambrose's interpretation of the concept of matter» , VChr 16 , 1962,
p . 205 -215 ; 14 Id ., « Some additional observations on St Ambrose's concept of
matter » , VChr 18 , 1964, p. 144- 145 ; 15 J. Pépin , « Écho de théories gnostiques
de la matière au début de l'Examéron de saint Ambroise» , Romanitas et
Christianitas (= Mélanges Waszink), Amsterdam 1973, p . 259-273. Sa concep
tion de la matière dépend des sources médio -platoniciennes, cf, 16 J. H .
Waszink, « Observations on Tertullian's treatise against Hermogenes» , VChr 9 ,
1955, p. 129- 147 ; 17 G .May, Schöpfung aus dem Nichts, Stuttgart 1978, p. 142
150 . La thèse de 18 E . Heintzel, Hermogenes, der Hauptvertreter des philo
sophischen Dualismus in der alten Kirche, Berlin 1902, selon laquelle Hermo
gène serait aristotélicien , est aujourd 'hui périmée . On décèle également chez lui
des traits de polémique antistoïcienne, cf. Chapot 11, p. 55 , 59,62-63.Mais on
ne peut nier qu'il ait aussi subi l'influence de la gnose, particulièrement sensible
dans son insatisfaction devant le monde créé. Ainsi ses théories sur l'origine
matérielle de l'âme humaine, la perte de l'Esprit divin , la présence, tapie sous le
cosmos, de la matière désordonnée qui ébranle l'ordre, la venue d 'un Sauveur
détaché de la création qui vient nous arracher à un monde plongé dans la
matière, font d 'Hermogène un chrétien gnosticisant. Cf. 19 M . Tardieu, « La
gnose manichéenne et les oracles chaldaïques» , dans The Rediscovery of
Gnosticism , II,Leiden 1980, p. 194 -237, notamment p. 226 ;May 8, p. 463-464,
473 ; Chapot 11, p . 103- 107.
L'enseignement d'Hermogène dut avoir un certain rayonnement. Tertullien
fait allusion à ses élèves (Adu. Herm . 38 , 3 : Et si qui discipulorum tuorum
uoluerit argumentari),mais dans une formule dont on peut penser qu 'elle est
surtout oratoire. Pourtant Filastre, Diuersarum hereseon liber 54 (26 ) (cf. aussi
Augustin , De haeresibus 41, 31-53, CCL XLVI, p . 309) évoque, à côté des
Sabelliens et des Praxiens, les Hermogéniens, que 20 G . Bareille , DTC VI, col.
2130, suivi par Quacquarelli 9 , p .63 sq., pense reconnaître dans les deux
Galates, Séleucos et Hermias, qui occupent la notice suivante du Diuersarum
hereseon liber 55 (27). Des rapprochements sont en effetpossibles et, ajoutés à
l'origine géographique commune, permettent de reconnaître, sinon l' enseigne
ment d 'Hermogène lui-même, du moins l'influence de sa pensée dans les
milieux chrétiens d'Asie Mineure .
FRÉDÉRIC CHAPOT.
H 96 HERMON 667
94 HERMOGÈNE D 'ATHÈNES absent de la RE F va
Le père d 'Hermogène, Hipponicos (cf. Cratyle 384 a ; Xénophon,Mémo
rables I 2 , 48 ), fils de Callias (cf. L . Brisson , art. « Callias d'Alopéké » C 16 ,
DPhA , t. II, p . 163- 167), exerça durant l' été 422a la fonction de stratège. Hippo
nicos appartenait donc à l'une des familles d' Athènes les plus riches et les plus
en vue ; sa fille Hipparété épousa Alcibiade (Plutarque, Vie d 'Alcibiade 8). Par
ailleurs, Hermogène fut un fidèle disciple de Socrate. Dans le Phédon (59 b ), il
est cité parmi ceux qui assistent aux derniers moments de Socrate. Du Cratyle où
il est mis en scène comme soutenant la thèse suivant laquelle la rectitude de la
dénomination dépend d'une convention et d 'un accord , il ressort qu'Hermogène
connaît les théories de Protagoras et qu' il est très lié avec Cratyle , avec qui il
s 'entretient souvent et qu 'il accompagne, à la fin du dialogue, lorsque ce dernier
part pour la campagne (Cratyle 440 e ). Rien toutefois ne laisse supposer
qu ’Hermogène ait adopté les doctrines de Parménide, commele prétend Diogène
Laërce (III 6 ), qui en fait l'un des maîtres de Platon après la mort de Socrate .
Toujours selon Diogène Laërce ( III 21), Hermogène était le fils de Criton
(* C 220) et le frère de Critobule ( C 217). Cette information est évidemment
fausse , car elle est contredite par tout ce qu 'on lit chez Platon et chez Xénophon .
LUC BRISSON.
95 HERMOGÈNE DU PONT RE 16 PLRE 1:3 DM IV
Juriste païen ,mais qui avait étudié la philosophie , d'un caractère doux , et
« plus soumis à la raison qu 'à la passion » (Libanius, Or. I 115 ; qualités confir
mées par Ammien Marcellin , Res gestae, XIX 12, 6). Il servit dans sa jeunesse à
la cour d'un empereur tyrannique, sans doute Licinius, en tant que conseiller
juridique, puis revint à la vie privée, s'adonna à la philosophie , voyagea. A la
cour de Constantin , sans doute quaestor sacri palatii. Proconsul d 'Asie (c 'est en
tant que tel qu 'Himérius lui consacre son Or. XIV 18 - 30 ). Finit Préfet du pré
toire d'Orient (Libanius, loc. cit., Sozomène, Hist. eccl. IV 24, 5, Cod . Theod. I
7 , 1). Échangea de nombreuses lettres avec Libanius, qui le couvre d' éloges (Ep.
40, 44, 49, 55, 95, 109, 127, 138 , 173, 353).Mort en 361 (Ammien Marcellin
XXI 6 , 9 ) .
PIERRE MARAVAL .
96 HERMON RE 8 MII
Personnage fictif, philosophe épicurien invité au banquet donné par Aristé
nète à l'occasion du mariage de sa fille Cléanthis dans le dialogue satirique de
Lucien Le banquet ou Les lapithes 9. Sa présence entraîne des problèmes de pré
séance avec le stoïcien plusâgé Zénothémis, hostile par principe aux épicuriens.
Il appartenait à la famille la plus noble de sa cité et était prêtre du temple des
Dioscures ($ 7 ; voir aussi $ 9). Zénothémis le stoïcien l'accuse plus loin d'avoir
coupé les boucles de la chevelure des Dioscures parce qu 'elles étaient en or
( $ 32 ).
RICHARD GOULET.
668 HERMON H 97
97 HERMON
Épicurien (?) dont le nom a été lu par Crönert, Kolotes und Menedemos,
p. 83, dans un passage des plus incertains d 'un ouvrage de Philodème contenu en
PHerc. 1780 pz. VIII fr. 1 :" Epuwv. Peut-être faut-il l'identifier avec l'homo
nyme dont le nom a été lu par Crönert, Kolotes und Menedemos, p. 73, dans un
passage du PHerc. 1041, col. 6b : " Epuw [v.
TIZIANO DORANDI.
98 HERMOTIME
Stoïcien fictif du dialogue satirique de Lucien quiporte son nom . Ce dialogue
présente une confrontation entre les principales sectes philosophiques du 11°
siècle ap. J.-C . Hermotime est finalement convaincu par son ami Lycinus
d 'abandonner ses études philosophiques et de mener la vie d'un homme ordi
naire.
RICHARD GOULET.

99 HERMOTIME DE CLAZOMÈNES RE 2
Figure légendaire de thaumaturge.
Selon le témoignage d 'Héraclide le Pontique (apud D .L . VIII 4 -5 = Héraclide
le Pontique, fr. 89 Wehrli), une des incarnations antérieures de l'âme de Pytha
gore se réalisa dans un certain Hermotime (Aithalidès, Euphorbe, Hermotime,
puis Pyrrhos de Délos et enfin Pythagore ; voir aussi Porphyre, V. Pyth. 45 ; Hip
polyte , Refut. haer., p . 7 Miller (Oxford 1851) = p . 60, 46 Marcovich (Berlin
1986 ] = DDG 557, 5- 8 ). Hermotime, pour prouver qu'il avait été autrefois
Euphorbe (à l'époque de la Guerre de Troie), aurait reconnu , dans le temple
d 'Apollon du sanctuaire des Branchides, le bouclier dédié par Ménélas à
Apollon lors de son voyage de retour de Troie ; ce bouclier était réduit en pièces
et il n 'en restait que la décoration en ivoire .
Selon de nombreux témoignages, l'âme d 'Hermotime pouvait abandonner son
corps et partir en voyage, revenant ensuite dans son corps; ses ennemis, grâce à
la trahison de sa femme, avaient jeté son corps sans âme dans les flammes ; les
citoyens de Clazomènes auraient dédommagé Hermotime en lui élevant un
temple. Voir Pline, Nat. Hist. VII 174 ; Plutarque, De gen . Socr. 22, p. 592c (où
le personnage est appelé Hermodore de Clazomènes); Lucien, Encomium mus
cae 7 ; Tertullien , De an . II 44 , 1; Origène, Contra Celsum III 3, 32 ; Hippolyte ,
Ref. haer. p. 7 M .
Selon Aristote,Métaph. 984 b 18- 20 , Hermotime aurait anticipé la doctrine du
voûç proposée par son compatriote Anaxagore ; cf. Aristote, fr. 61 Rose ' =
Jamblique, Protr. 8 (p . 48, 9-21 Pistelli), où il est dit que la thèse selon laquelle
“ le nous est le dieu en nous” remonte à Hermotime ou à Anaxagore ; voir sur ce
thème 1 M . Detienne, « Les origines religieuses de la notion de l'intellect: Her
motime et Anaxagore », RPhilos 89, 1964, p. 167-178. Il est possible qu'Aristote
fasse allusion à Hermotime dans De an. 404 a 25 - 26 . Selon 2 A . H . Chroust,
« Who is Al-Kindi's "Greek King” (Frag. 11,Ross) of Aristotle's Eudemus ? »,
H 100 HÉRODICOS DE BABYLONIE 669
The Modern Schoolman 1972-1973, p . 379-381, à propos d'un témoignage d ’Al
Kindi, God. Taimuriyye Falsafa 55 = Arist. fr. 11 Ross (Eudemus), remontant
probablement à Aristote , il faudrait reconnaître Hermotime dans le grand roi
dont l'âmeentra en extase et qui prophétisait de façon infaillible les événements
à venir en se détachant des liens avec le corps.
BRUNO CENTRONE.
99a HERMOTIME DE COLOPHON RE 3 FIV
Mathématicien , peut-être membre de l'Ancienne Académie ,mentionné dans
le répertoire desmathématiciens utilisé par Proclus, Commentaire sur le Premier
livre des Éléments d 'Euclide, p . 67, 20 Hertlein : « Hermotimos de Colophon fit
progresser les théories élaborées avant lui par Eudoxe ( E 98 ) et par Théétète .
Il découvrit plusieurs propositions des éléments et énonça quelques-uns des
lieux » (trad . Lasserre ). Cette mention d 'Hermotime vient après une phrase où
Proclus déclare, à propos d 'autres mathématiciens : « Ces mathématiciens , donc,
séjournaient ensemble à l'Académie et y poursuivaient en commun leurs
recherches » .
Cf. 1 C . R . Tittel, art. « Hermotimos aus Colophon » 3, RE VIII 1, 1912 , col.
905 ; 2 F . Lasserre (édit.), De Léodamas de Thasos à Philippe d 'Oponte . Témoi
gnages et Fragments, édités, traduits et commentés par F . L ., coll. « La Scuola di
Platone» 2 ,Napoli 1987,n° 17 , p. 145-148 (textes ), 351- 358 (traduction ), 577
582 (commentaire ). Le passage de Proclus est également traduit par 3 P . Ver
Eecke, Proclus de Lycie. Les commentaires sur le premier livre des Éléments
d 'Euclide, « Collection de travaux de l'Académie Internationale d 'Histoire des
Sciences» 1, Bruges 1948, p. 60-61, et par 4 G . R .Morrow , Proclus. A commen
tary on the First Book of Euclid ' s Elements. Translated with Introduction and
Notes by G . R . M ., Princeton Univ . Press 1970, trad. p . 56 .
Selon Lasserre 1, p. 435, la mention d'Hermotime chez Proclus à la suite des
mathématiciens académiciens, impliquerait qu'il n 'a pas séjourné lui-même à
l'Académie ou qu'il y a travaillé à une époque plus tardive que celle d 'Amyclas
( A 149) et de ses condisciples. « Mais il a développé les théories d ’ Eudoxe et
de Théétète , et c 'est ce qui lui vaut d 'avoir été rattaché néanmoins à l' école de
Platon par Philippe ».
Lasserre rapproche du témoignage unique de Proclus quelques passages
d 'Aristote, d’Euclide et d 'Apollonius de Pergé qui font mention de découvertes
mathématiques qui pourraient dater de l' époque d'Hermotime.
RICHARD GOULET.
100 HÉRODICOS DE BABYLONIE RE 1 MII
Philologue de l'École de Pergame, originaire de la province de Babylone
(Baburuvios : Athénée V , 222 a ), i.e. de Séleucie sur le Tigre .
Disciple de Cratès deMallos (* C 202), il voit, à l'instar de son maître, en
Homère la source de toute connaissance : astronomie , mathématiques, géogra
phie , médecine. S ' il peut intéresser l'histoire de la philosophie , ce n 'est pas par
670 HÉRODICOS DE BABYLONIE H 100

le contenu de ses æuvres, qui n 'a rien de proprement philosophique,mais parce


qu 'il est l'adversaire déclaré de Socrate et de Platon : effectivement, la véritable
« homérolâtrie» propre à l' École de Pergame (cf. la formule caractéristique de
cette École : 018áoxel " Ounpos) a conduit Hérodicos à un antiplatonisme systé
matique, qui outrepasse largement les positions de Cratès. Ce qu 'Hérodicos ne
peut pardonner à Platon , c'est évidemment d'avoir banni Homère, comme tous
les poètes, de sa cité idéale (Rep. X ,606e-607 a).
Les témoignages anciens sur la vie et l'æuvre d'Hérodicos ont été examinés
par 1 K . Schmidt, De Herodico Crateteo, (Progr.) Elbing 1886 , étude dont l'es
sentiel a été repris par 2 W . Gudeman , art. « Herodikos» 1, RE VIII 1, 1912,
col. 973 -978 . Édition commentée des fragments et analyse du contexte histo
rique par 3 I. Düring, Herodicus the Cratetean , Stockholm 1941, 172 p . Il est
difficile de dire si Hérodicos fut un disciple direct ou indirect de Cratès, faute
d'une chronologie assez fine; sur les Kpatńteloi, voir 4 C . Wachsmuth , De
Cratete Mallota , diss. Leipzig 1860, p. 6 -7 . Athénée, qui nous a transmis presque
tous les fragments qui restent de l'æuvre d'Hérodicos, l'appelle toujours ó
Kpartelos (v. gr.219 c, 234 d ). On trouve en outre trois citations de cet auteur
dans les Scholies à l' lliade, une dans celles d 'Aristophane, et une chez Héraclite,
Allégories homériques.
L 'æuvre principale d'Hérodicos est connue sous le titre de Eóquixta Úno
uvňuata : à l'intérieur de ce recueil d 'écrits divers, on a pu distinguer deux trai
tés dont Athénée a préservé des extraits assez étendus, l'un intitulé Ilpos tov
Dihoowzpárny, l'autre lepi ouunrooiwv. Le premier est un ouvrage composite ,
qui consiste en une série de critiques tournées contre Socrate et ses élèves, et en
particulier contre Platon . Cet aspect polémique, qui, dans un même rejet, amal
game de façon assez indistincte Socrate et Platon , a longtemps été mal compris :
ainsi, Casaubon avait commis un véritable contresens dans son interprétation
d 'Athénée 215 f, et ce contresens est encore présent dans l'étude de 5 C . F .
Wegener, De aula attalica litterarum artiumque fautrice, Diss . Copenhagen
1836 , p. 156 . C 'est seulement avec les recherches de Schmidt 1 que l'intention
violemment polémique d'Hérodicos contre Socrate a été pleinement perçue. En
exploitant systématiquement les citations d 'Athénée, Düring 3, p. 12-89, a ras
semblé et commenté avec soin ces textes polémiques, et tenté de donner une
certaine cohérence à un ensemble qui n 'a jamais dû être très construit. Düring a
réparti le contenu de l'ouvrage sous cinq rubriques principales: ( 1) la vie mili
taire de Socrate ; (2 ) les anachronismes qui déparent les dialogues de Platon ;
(3) la jalousie entre Platon et Xénophon ; (4 ) la médisance des philosophes ;
(5) les écrits et les disciples de Platon .Mais la transmission de ces fragments
s'est faite de façon très indirecte : Athénée cite cet ouvrage sans l'avoir eu sous
les yeux, il a pu trouver les passages qu 'il cite déjà cités par Favorinus dans la
Mavrodann iotopia , et Favorinus lui-même les a sans doute tirés de recueils de
citations antérieurs.
Dans le second traité d'Hérodicos, intitulé ſlepi ouurooiwv (Sur les ban
quets), était proposée une comparaison entre les diverses coutumes de banquet.
H101 HÉRODORE D 'HÉRACLÉE 671
Hérodicos est aussi l'auteur d'une prosopographie des personnages persiflés
dans la comédie attique, intitulée Kwuwdoúuevol: l'ouvrage comportait au
moins six livres, il n 'en reste que de misérables fragments. A quoi s'ajoute l'épi
gramme joyeusement féroce par laquelle Hérodicos s'adresse aux ’Aplotáp
XELOL, les disciples d'Aristarque qu 'avait bannis d' Alexandrie , en septembre 146 ,
la décision brutale de Ptolémée VII Physcon : texte rapporté par Athénée V , 222
a (édité et commenté par Düring 3, p. 6 -7 ; voir aussi 6 P. M . Fraser, Ptolemaic
Alexandria , Oxford 1972, t. I, p. 468 et la riche note nº 193, t. II, p.676 -677).
JEAN -MARIE FLAMAND.
101 HÉRODORE D'HÉRACLÉE RE 4 première moitié Iva
Mythographe grec de tendance rationaliste dont l'æuvre ne nous est connue
que par des fragments.
Éditions des fragments. 1 F. Jacoby, FGrHist 31 (Texte : t. I A , p. 215-228 ;
Kommentar : t. I a, p. 502-509 ; Addenda : t. I A , p. * 12-* 13) ; fr. 4 = Épiménide,
DK 3 B 2, t. I p . 33 ; fr. 39 = Épiménide, DK 3 B 12 , t. I, p . 35 ; fr. 12 = Orphée,
DK 1 A 13 a , t. I, p. 5 ; cf. 2 R. A . Pack, The Greek and Latin literary texts from
Greco-Roman Egypt, Second revised and enlarged edition , Ann Arbor 1965,
n° 1209, indiquant une référence douteuse à Hérodore dans un papyrus égyptien ,
PSI 10, 1173 (ed. G . Coppola ), à propos du fr. 65 Jacoby (cf. G . Arrighetti,
« Hypomnemata e Scholia ; alcuni problemi» , MPGL 2, 1977, p . 49-67 ; W .
Luppe, « Nachlese und Überlegungen zum Mythographus-Homericus-Codex
P.S.I. 1173 » , ZPE 116 , 1997, p. 13-18, notamment p. 14 sq.; M . van Rossum
Steenbeek , Greek readers' digests ? Studies on a selection of subliterary papyri,
Leiden , coll. « Mnemosyne » , Suppl. 175, Leiden 1998 , p. 301-308 nº 56 ).
L 'établissement des fragments d'Hérodore se heurte à cette difficulté que le nom d'Héro
dote ('Hpódotoc) apparaît souvent dans la tradition manuscrite comme variante de son nom
('Hpóówpoç) : cf. par exemple test. I et fr. 1, 2, 4 , 11, 14 , 16 , 18, 19, 22 a , 25 b, 28 , 33, 34 a
et b , 36 , 37, 41 a, 44, 53, 61, 63. Dans les fragments 64-67 de Jacoby, le nom d 'Hérodore
apparaît comme une variante ou une correction proposée par les éditeurs des textes correspon
dants. Quelques passages d'attribution douteuse ont été discutés par 3 E . Orth , « Ein Fragment
des Herodoros » , BPhW 1925, col. 778 -783 ; et 4 Id. , « Curae criticae » , Emerita 26 , 1958,
p . 201-213, notamment p . 202.
Cf. 5 F . Jacoby, art. « Herodoros » 4, RE VIII 1, 1912 , col. 980 -987; 6 W .
Spoerri, art. « Herodoros », KP II, 1965, col. 1098- 1099 ; 7 P . Desideri, « Cultura
eracleota : da Herodoro a Heraclide Pontico » , dans B . Rémy (édit.), Pontica, t. I :
Recherches sur l'histoire du Pont dans l'antiquité , coll. « Varia Anatolica » 5 ,
« Mémoires du Centre Jean Palerne » 9, «Mémoires du CERA » 1, Istanbul 1991,
p. 7-24 , notamment, p. 8- 13 ; 8 W . Schmid , Geschichte der griechischen Litera
tur. Erster Teil: Die klassische Periode der griechischen Literatur in der Zeit
der attischen Hegemonie vor dem Eingreifen der Sophistik, coll. « Handbuch der
Altertumswissenschaft» VII 1, 3 ,München, 1934, p.697-700 .
Datation et données biographiques. Hérodore représente pour nous le pre
mier écrivain de la culture d'Héraclée. On peut placer son activité dans la pre
mière moitié du IVe siècle av. J.-C . sur la base du fait qu 'Aristote,Histoire des
672 HÉRODORE D 'HÉRACLÉE H 101
animaux VI 5, 563 a 7, et IX 11,615 a 10 (= fr. 3), le présente comme le père du
sophiste Bryson ( d 'Héraclée, MB 68). Jacoby 1, t. I a , p . 502 (cf. Spoerri 6 , col.
1098) , affirme qu 'il a écrit vers 4009, en tout cas après Phérécyde d 'Athènes et
Hellanicos de Lesbos, des auteurs de généalogies qu'il a sans doute utilisés pour
ses ouvrages mythologiques (cf. fr. 16 , 23, 25 a, etc .; voir Jacoby 3 , col. 981).
Hérodore est né à Héraclée -du-Pont (il est surnommé d'ordinaire ó 'Hpaxieu
mns, mais Plutarque l'appelle ó lovtixóc). Bien qu 'on ne connaisse rien sur sa
vie , Desideri 7, p. 9, suggère que le fait que son fils Bryson (qu' il ait été ou non
disciple de Socrate ) a agi dans le milieu des écoles philosophiques socratiques
dans l'Athènes du IVe siècle av. J.- C . semble suggérer l'existence de contacts
culturels étroits entre Athènes et Héraclée dans les dernières décennies du ve
siècle. D 'après Desideri 7 , p. 11, certains indices attestent le « philo -socratisme»
des habitants d 'Héraclée et en général suggèrent une influence de la culture
athénienne contemporaine sur cette ville. Enfin , Desideri 7, p . 10 sq., envisage
l'activité littéraire d 'Hérodore sur la légende d 'Héraclès et des Argonautes
comme un témoignage sur l'entrée d'Héraclée dans la culture « nationale » grec
que de son temps.
Pour la prosopographie d'Héraclée , voir W . Ameling, « Prosopographia Hera
cleotica» dans Lloyd Jones, The Inscriptions of Heraclea Pontica, coll. IK , 47,
Bonn , 1994 , n° 141.
Euvre. L 'ouvrage principal d'Hérodore était une histoire monumentale
d'Héraclès (o xao ' 'Hpaxnéa óyos), composée en dialecte ionien. Compre
nant au moins 17 livres, cet écrit rassemblait l'abondante tradition sur ce héros
qui, en tant qu'élément clé de l'idée panhellénique, est devenu l'objet d 'une
activité mythographique importante à l'époque classique. Outre Hécatée de
Milet, FGrHist 1 , ce domaine est représenté par Phérécyde d ' Athènes, FGrHist
3 , et Hellanicos de Lesbos, FGrHist 4 , en compagnie desquels Hérodore apparaît
souvent dans l'appareil de références mythographiques de scholiastes et d ' éru
dits de basse époque (cf. Jacoby 3, col. 981).
Cependant, l'originalité d'Hérodore ne se limite pas à avoir fourni une ver
sion propre des épisodes de la vie d'Héraclès. En effet, son originalité sur ce
point semble s' être bornée à avoir renforcé la liaison de sa patrie Héraclée avec
les exploits du grand héros panhellénique. La nouveauté principale d'Hérodore
est d 'avoir donné à la légende d'Héraclès un sens encyclopédique. En effet,
d'après Jacoby 3, col. 982 , Hérodore use de l'histoire d'Héraclès comme d'un
cadre (« Rahmen » ) pour introduire une série complexe de renseignements
concernant la géographie , l' ethnographie et, en général, l'histoire naturelle .
L 'auteur s'inscrit donc dans la tendance du sophiste Hippias [MH 145) (DK 86
A 9, B 5), qui usait de la matière mythographique dans un dessein encyclopé
dique semblable dans son dialogue Tpwixóç.Les fragments qui nous sontpar
venus permettent difficilement de reconstituer la structure interne et la succes
sion narrative des épisodes de l'histoire d 'Héraclès composée par Hérodore .
Dans son article de la RE, Jacoby 3, col. 985, mettait en doute l'existence
indépendante d'autres ouvrages d'Hérodore, comme les Argonautiques ('Apro
H 101 HÉRODORE D 'HÉRACLÉE 673
VAŬTAL L’ Aprovautixá]), que nous connaissons seulement par les scholies sur
Apollonios de Rhodes (fr. 5- 10, 38 -55, peut-être 51 et 65), ou la Légende de
Pélops (év leoneią ), mentionnée seulement une fois dans les scholies sur
Pindare , Pythiques XI 25 b (= fr. 11). Il y suggérait que ces titres pouvaient dési
gner simplement des digressions dans l'ouvrage sur Héraclès.Mais plus tard ,
dans son commentaire, Jacoby 1, t. I a, p. 503-504, reconnaît qu'il s'agissait bien
de deux ouvrages indépendants. C 'est à tort, en tout cas, comme le remarque
Schmidt 8, t. I, p. 697 n . 9, que 9 A . Gudeman , art. « Herodoros» 5, RE VIII 1,
1912 , col. 988, attribuait les fragments des Argonautiques à un autre Hérodore.
Cet ouvrage, commecelui d 'autres historiens d'Héraclée, a été une des sources d'Apollo
nios de Rhodes, notamment en ce qui concerne les épisodes du voyage sur les bords du Pont :
cf. 10 E . R . Knorr, De Apollonii Rhodii Argonauticorum fontibus quaestiones selectae, Diss.
Inaug. Lipsiae 1902 ; 11 G . Knaack , « De fabulis nonnullis Cyzicenis » , dans Commentationes
philologae in honorem sodalitii philologorum gryphiswaldensis, coll. « Philologische Untersu
chungen » 8 , Berolini 1887 ; 12 Id ., « Encheirogastores» , Hermes 37, 1902, p. 292-297, no
tamment p. 293; 13 F. Vian (édit.), Apollonios de Rhodes. Argonautiques, texte et notes, tra
duction par É . Delage, t. I : Chants I-II, CUF, Paris 1976, p . 156 - 163.
Les critiques n 'ont pas douté de l'existence d'un ouvrage d'Hérodore intitulé
Histoire d 'Orphée et de Musée ('Oppéwç xai Movoalov iotopía ), que nous
connaissons grâce à Olympiodore, ap. Photius, Bibl. cod. 80 , 61 a 31 sq., (= fr.
12 = DK 1 A 13 a = test. 230 Kern ). En revanche, Jacoby 1, t. I a, p .505 sq., suit
la correction proposée par C .Müller dans les scholies de Pindare, Isthmiques IV
87 (= fr. 19): 'Hpóowpos yoŨv Évi trodi au lieu de 'Hpódwpos yoŨv év Oidi
tw, niant donc l'existence d 'un ouvrage d 'Hérodore sur Edipe. Par ailleurs, le
prétendu titre Oidinous ne pourrait pas répondre, d 'après Jacoby, à un ouvrage
narratifmais seulement à une tragédie.
Intérêtphilosophique. Hérodore est importantdans l'histoire de la pensée en
raison de deux caractéristiques de son euvre :
(A ) L 'activité mythographique d'Hérodore s'inscrit dans une tendance de
rationalisation des légendes qui remonte à Hécatée de Milet et triomphe de plus
en plus tout au long du ve siècle, dans le cadre d'un vaste processus de renouvel
lement culturel qui a son point culminant dans la sophistique. C 'est dans ce
cadre que Jacoby veut insérer la personnalité d 'Hérodore (cf. 14 W .Nestle, Von
Mythos zum Logos. Die Selbstentfaltung des griechischen Denkens von Homer
bis auf die Sophistik und Sokrates, Stuttgart 19422, p . 147; 15 F. M . Wipprecht,
Die Entwicklung der rationalistischen Mythendeutung bei den Griechen ,
Donaueschingen 1902, t. I,p . 38 . La même ligne sera suivie plus tard par Palai
phatos etÉvhémère (2 E 187).
L ’æuvre d 'Hérodore a été fréquemment caractérisée comme « roman prag
matique» destiné à la formation d 'un vaste public (cf. 16 E . Schwartz, art.
« Apollodoros » 61, RE I, 2 1894, col. 2855 -2886 , notamment col. 2880 ; et
17 Id ., Fünf Vorträge über den griechischen Roman . Das Romanhafte in der
erzählenden Literatur der Griechen, Berlin 19452, p. 50 sq. ( 1896 ' p. 34 sq.);
18 U . von Wilamowitz-Moellendorff, Euripides, Herakles, Zweite Bearbeitung,
Berlin 1895,t. I, p . 100).
674 HÉRODORE D 'HÉRACLÉE H 101
Certains fragments suggèrentmême une interprétation allégorique. A ce sujet,
le développement le plus intéressant se trouve dans la transformation de l'his
toire et de la figure d'Héraclès selon un idéalmoral et philosophique. On peut
citer en particulier le fragment 13 (= Clément d'Alexandrie , Stromates I 73 ,
p. 47, 3 Stählin ) où on interprète l'épisode du soutien de la voûte céleste par
Héraclès comme l'acquisition des savoirs concernant les astres sous le magistère
d'Atlas. Le fragment 14 (Georges Cédrénos, Chronique, t. I, p . 33 Bekker ; Anec
dota Graeca, t. II, p . 380 , 22 Cramer ; Eclog. Hist. Cod. Paris. gr. 1630) présente
Héraclès transformé en philosophe : ses attributs mythologiques sont des sym
boles de sa condition morale ; son voyage en Occident a commemission d'intro
duire la philosophie dans cette partie dumonde.
Par conséquent, l'activité d'Hérodore s'inscrit dans la tendance qui va de
l' élaboration sophistique de la figure d'Héraclès (cf. Prodicos, DK 84 B 2) jus
qu 'à la conversion d'Héraclès en emblème d'un idéal éthique que l'on trouve
chez Antisthène (SSR, fr. 92-99 Giannantoni) et dans la secte cynique ( cf. infra).
Cela dit, c'est la tendance rationaliste qui prédomine chez Hérodore, commele
met en évidence Jacoby 1,t. I a, p. 506, à propos du fragment 30 , où on voit bien
l'opposition entre Hérodore et Antisthène sur le sens de la légende de Promé
thée.
Sur la représentation cynique d 'Héraclès comme héros de l'énergie morale , de l'effort et
de l'ascèse, voir 19 R . Höistad , Cynic hero and cynic king. Studies in the cynic conception of
man , Diss. Lund, Uppsala 1948, p. 33-50 ; 20 L . Gil, « El cinismo y la remodelación de los
arquetipos culturales griegos » , RevUnivComplut 28, 1980 - 1981, p . 43-78 , notamment p . 47
53 ; 21 M .-O . Goulet-Cazé, L 'ascèse cynique. Un commentaire de Diogène Laërce VI 70-71,
coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité Classique » 10 , Paris 1986 , p . 32 sq ., 208-210 ;
22 G . Giannantoni, SSR, t. IV , p . 309-317, 518 sq.
(B ) Certains fragments d'Hérodore fournissent des renseignements très inté
ressants pour l' étude de l'origine et la divulgation de quelques idées rattachées
au pythagorisme ancien (cf. Schmid 8, p.699) .
Il faut remarquer tout d 'abord la coïncidence entre le renseignement fourni
par le fragment 21 (= Athénée II, 57 e-f), à propos des habitants de la lune, et
nos renseignements sur les idées de Philolaos à ce sujet (Aétius II 30, 1, p. 361
Diels = DK 44 B 20). La coïncidence a été remarquée par 23 Th .-M .Martin ,
« Hypothèse astronomique de Philolaus », Bollettino di bibliografia e di storia
delle scienze matematiche e fisiche 5, 1972, p. 127-257, notamment p. 144 (cf.
déjà 24 H . Diels, DK , t. I, p . 404 n . ad loc.).
D 'après le fragment 4, rapporté par Tatien, Discours auxGrecs 27, Hérodore
présentait le lion de Némée tué par Héraclès comme originaire de la lune, point
sur lequel il était en accord avec Épiménide (DK 3 B 2 ). La question concernant
le caractère habitable de la lune fut déjà abordée par Anaxagore de Clazomènes
(DK 59 A 77 ; YA 158). Cependant, comme le remarque 25 W . Burkert,
Weisheit und Wissenschaft. Studien zu Pythagoras, Philolaos und Platon , coll.
« Erlanger Beiträge zur Sprach - und Kunstwissenschaft » 10 , Nürnberg, 1961,
p. 323 -325, les corps célestes ontjoué un rôle important dans l'établissement des
idées pythagoriciennes sur l'au -delà et sur les îles des Bienheureux (cf. aussi
H 102 HÉRODOTE 675
26 E . Rohde, Der griechische Roman und seine Vorläufer, 19143, réimpr. Hil
desheim /New York 1960, 1974 , p. 288 sq. n . 2 ).
Le fragment précédent se rattache au fragment 22 rapporté par Aristote ,
Histoire des animaux VI, 563 a 7 (= (Pseudo -] Antigone de Carystos, Mirabilia
42) et par Plutarque, Vie de Romulus 9 (= Questions romaines 93, 286 b ) .
D 'après ce fragment, Hérodore affirmait que les vautours proviendraient d'une
terre différente de la nôtre et qui n 'est pas visible pour nous (ảd ' Étépaç yñs
åońãou nuīv ). Jacoby 1 , t. I a, p. 506 , identifie cette terre avec la lune, tandis
que Burkert 25 , p . 325, l' identifie avec l'åvtiyowv pythagoricienne (cf. Philo
laos, DK 44 A 17).
Le fragment 1 (= Proclus, Scholies sur Hésiode, Travaux41) atteste qu'Héro
dore mentionnait la nourriture magique appelée örupov dans le récit des aven
tures d 'Héraclès. Jacoby complète ce renseignement avec Porphyre , Vie de
Pythagore 34 sq. (cf. Rohde 26 , p . 275 n . 2). Jacoby 1 , t. I a , p . 506 , trouvait
aussi un sens pythagoricien dans le fragment 19 ( selon la correction déjà men
tionnée de Müller), selon lequel la taille d 'Héraclès mesurait quatre coudées et
un pied.
Ces coïncidences ne permettent cependant pas d ' établir de façon sûre un rap
port entre Hérodore et les auteurs pythagoriciens, notamment Philolaos. En fait,
on ne peut pas écarter la possibilité que les renseignements fournis par Hérodore
soient indépendants du pythagorisme, car on pourrait expliquer les coïncidences
si on pense qu 'Hérodore a pu avoir une connaissance directe des pratiques
« chamaniques » qui se trouveraient aussi à l'origine des idées pythagoriciennes
sur l'immortalité de l'âme et son séjour dans l'au -delà (cf. Burkert 25 , p . 323) .
PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ et JAVIER CAMPOS DAROCA.
102 HÉRODOTE RE 10 DII
Disciple d 'Épicure (» - E 36) (mort en 271/0 ) et destinataire d'une de ses
lettres, sur les points principaux de la physique, conservée par Diogène Laërce
(X 29 -83). Dans sa lettre à Pythoclès (X 85), Épicure fait référence à ce " petit
résumé” adressé à Hérodote (év tñ ulupõ énitoun após 'Hpódotov). Un pas
sage doxographique sur la mantique y fait également référence, sans mentionner
le nom d'Hérodote (X 135).
La lettre à Hérodote est transmise pour sa part avec des scholies qui font référence à une
Meyáan énitouń (X 39,40, 73).
A l'intérieur d 'un développement reprenantdes critiques dirigées contre Épi
cure, Diogène rapporte une attaque présentée par « Timocratès et Hérodote Év TQ
llepi 'Enixoúpou éonbelaç» (X 4 ). Dans cet ouvrage, qu 'il faut sans doute
attribuer à Hérodote et non aux deux épicuriens ensemble, était soutenue l'idée
qu ’Épicure n 'était pas un authentique citoyen (d 'Athènes) (un Elvai te punoiws
đotov ). Il est possible que, tout comme Timocratès de Lampsaque, le frère de
Métrodore, Hérodote ait quitté le Jardin ( X 6 ) et s'en soit pris à son ancien
maître.
676 HÉRODOTE H 102
Selon H . Steckel, art. « Epikuros », RESuppl. XI, 1968, col. 581, il est possible que l'ou
vrage d 'Hérodote ait été en fait une réponse aux attaques de Timocrate contre lemaître.
Un autre reproche que l'on adressait à Épicure était « d 'avoir fait l'éloge
d' Idoménée, d'Hérodote et de Timocrate – sans doute avant l'apostasie de ces
derniers – pour avoir publié ou rendu publics les matériaux secrets qui le concer
naient (τους έκπυστα αυτού τα κρύφια ποιήσαντας) et de les avoir flattes
pour cette raison même » ( X 5 ).
Le passage est d' interprétation difficile. On a pensé qu'il s 'agissait de la publication de
doctrines ésotériques (ainsi Gigante dans sa traduction : « Né lesinò lodi e adulazioni a Idome
neo, Erodoto e Timocrate , che avevano divulgato le sue dottrine esoteriche » , et Usener, dans
son index, s.v . xpúola ). H . von Arnim , art. « Herodotos » 10 , RE VIII 1 , 1912, col. 990 , croit
plutôt à des « zur Publikation ungeeignete Vorkommisse aus Epikurs Privatleben » ,
RICHARD GOULET.
103 HÉRODOTE DE NICOMÉDIE
Académicien , disciple de Carnéade ( C 42), mentionné dans l'Academico
rum historia de Philodème, col. 23, 42 = 32, 34 (= Carnéade T 3b 12 Mette).
TIZIANO DORANDI.
107 HÉRONAS RE
Auteur d 'un commentaire de l’ ApiОuntixn cioaywyň de Nicomaque de
Gérasa, signalé par Eutocius d'Ascalon ( E 175 ) dans son Commentaire sur le
livre II du De sphaera et cylindro d 'Archimède, t. III, p . 120, 22-23 Heiberg
( 1915) = t. IV , p .82, 25-26 Mugler.
RICHARD GOULET.
108 HÉROPHILE RE 3 IIIa
Cynique sans doute fictif.
Ménippe, dans le dialogue de Lucien, Icaroménippe 15, raconte à un ami le
voyage céleste qu 'il vient d'effectuer. Il mentionne quelques personnages histo
riques des Ive ou IIIe siècles av. J.- C . dont il put voir, depuis la lune, certaines
actions caractéristiques. Après quelques noms illustres,Ménippe cite quelques
philosophes par ailleurs inconnus, comme Hermodore l'Épicurien ( » H 89),
Agathoclès le Stoïcien (> A 38) ou le cynique Hérophile « qui dort au bordel»
(§ 16 ). Sur l'historicité de ces différentes figures, on se reportera à la notice
« Hermodore » .
H . von Arnim , art. « Herophilos» 3 , RE VIII 1, 1912, col. 1104, rappelle que Zeller IV3
p. 769 ,le range à tort parmi les cyniques d 'époque impériale.
RICHARD GOULET.
109 HÉROPHILE RE 2 I-II ?
Auteur d'un lexique philosophique stoïcien (Iεpi otwixñs óvouárov
χρήσεως) , auguel Origene emprunte plusieurs definitions de τέλος et de θεός.
Voir (Dub.), Selecta in Psalmos, PG XII, col. 1053 a-b = Hülser , FDS 241. G .
Rietz, De Origenis prologis in Psalterium quaestiones selectae, lena 1914 .
H112 HESTIAIOS DE TARENTE 677
Cf. H . von Arnim , art. « Herophilos» 2, RE VIII 1, 1912, col. 1104.
RICHARD GOULET.

HÉROPHILE HIÉROPHILE
110 HESTIAIOS DEMILET IIIa ?
L 'épigramme funéraire d'Hestiaios, fils de Ménandros (W . Peek, GVI 2018 ),
proclame hautement son attachement au platonisme, sur un ton résolument
polémique, assez peu habituel dans les épitaphes. Les épicuriens y sont en effet
directement pris à partie : « ce n'est pas selon de vaines doctrines qu 'il amené sa
vie , celui qu'a accueilli ce tombeau ancestral, mais selon celles qui procèdent de
la sagesse, les doctrines hautement inspirées reçues de Socrate et de Platon , et
non l'hédonisme impie des épicuriens » .
BERNADETTE PUECH .

111 HESTIAIOS DE PÉRINTHE RE 7 Iva


Académicien , disciple de Platon .
Témoignages et fragments. 1 F . Lasserre, De Léodamas de Thasos à Phi
lippe d 'Oponte. Témoignages et fragments, Napoli 1987, p. 97-102, 311-316 ,
531-538.
Hestiaios aurait assisté aux leçons de Platon Sur le bien et recueilli par écrit
les thèmes sous forme énigmatique (Porph . F 174 Smith ap . Simpl., in Phys.,
p. 453, 13-19 Diels = F 1, et Théophr.,Metaph. 6 a 23-b 17 Laks-Most = F 2. Cf.
2 M . Isnardi Parente,MH 46 , 1989, p . 144- 146, et 3 M . Van Raalte, Theophras
tus. Metaphysics : Introduction, translation and commentary, Leiden 1993,
p . 257-277, notamment 270 sq.). Aétios, Plac. I 22, 1-3 (= F 3), rapporte la
définition de la nature du temps, entendu comme le déplacement des astres les
uns par rapport aux autres et, en Plac. IV 13, 4 -5 (= F 4 ), l'explication de la
vision : Hestiaios unit les rayons aux images et appelle ce qui se produit un
rayon -image. Galien (F 5a-c ) rappelle une discussion d'Hestiaios sur l' inter
prétation d 'un passage du Timée de Platon à propos de la respiration (79 a-e).
Lasserre 1 , p . 532, a suggéré que toutes ces opinions provenaientdu compte
rendu de la leçon Tepi rayadoň de Platon donné par Hestiaios.
Cf. 4 P. Natorp , art. « Hestiaios » 7, RE VIII 2 , 1913, col. 1314 ; 5 H . J.
Krämer, « Ältere Akademie » , dans GGP, Antike 3, p. 121 sq., 128 sq., 148.
TIZIANO DORANDI.
112 HESTIAIOS DE TARENTE
Un pythagoricien du nom d 'Hestiaios figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth. 36 , 267 ; p. 144, 12 Deubner. Il était le père d 'Archytas ( A 322), selon
Aristoxène (fr. 47 Wehrli = D . L . VIII 79) ; Souda A 4121, s.v. 'Apyútaç; t. I,
p . 377-378 Adler.
BRUNO CENTRONE.
678 HÉSYCHIUS DE MILET H113
113 HÉSYCHIUS “ ILLUSTRIUS” DE MILET RE 10 PLRE II:14 VI
Auteur d 'une chronique universelle et d 'un répertoire onomastique des
hommes de lettres célèbres de l'antiquité.
Cf. 1 H . Schultz , art. « Hesychios» 10, RE VIII 2 , 1913, col. 1322-1327 ;
2 W . Spoerri, art. « Hesychios» 4 , KP II, 1975, col. 1121-1122 ; 3 W . Christ et
W . Schmid, Geschichte der griechischen Litteratur II 2, München 19246,
p . 1039 sq. ; 4 G . Wentzel, «Hesychiana » , Hermes 33, 1898 , p . 275-312 ; 5 A .
Biedl, Zur Textgeschichte des Laertios Diogenes. Das grosse Exzerpt 0 , coll.
« Studi e Testi » 184 , Città del Vaticano 1955, p . 47-50 ; 6 W . T. Treadgold , The
nature of the “ Bibliotheca ” of Photios, Washington 1980, p . 31-32 ; 7 J.
Schamp, Photios historien des lettres, Paris 1987, p . 53-67; 8 D . Knoepfler, La
Vie de Ménédème de Diogène Laërce, Basel 1991, p. 53-55.
Biographie . On ne sait presque rien de la vie d 'Hésychius. Le peu d'informa
tions dont nous disposons provient de la Souda ( s. v. 'Hoúyloc Miańolos, H 611,
t. II, p. 594 Adler) et de Photius (Bibliothèque, cod. 69 : vol. I, p . 101-102
Henry). Ses parents s 'appelaient Hesychius (PLRE II :13) et Philosophia (cf.
Schultz 1 , col. 1322) ; il vécut, fort probablement, entre le règne de l' empereur
Anastase ler (491-518 ) et celui de Justinien (527-565). Les sources le désignent
comme è imoúotplos, c 'est- à -dire commeuir illustris, qui est probablement un
titre honorifique.
Euvres.Hesychius futl'auteur d’æuvres relevant de l'histoire et de l'histoire
littéraire. On connaît les titres d' au moins deux de ses ouvrages : l’'lotopia
“Ρωμαϊκή τε και παντοδαπή et l' Όνοματολόγος ή Πίναξ των έν παιδεία
óvouaotāv.
(1 ) L ''lotopia 'Pwuaïxń te xai navtodanń (Photius), ou - titremoins vrai
semblable – Xpoveun 'lotopia (Souda ), était une chronique universelle qui
commençait avec le roi assyrien Bélos et s'achevait avec la mort de l'empereur
Anastase ler (on en trouve un résumédans le cod. 69 de la Bibliothèque de Pho
tius). Elle comprenait six parties: la première racontait les événements antérieurs
à la guerre de Troie , la seconde ceux qui sont compris entre la chute de Troie et
la fondation de Rome, la troisième les événements s' étendant jusqu' à la fin de la
royauté et l'institution du consulat, la quatrième couvrait l'époque de la répu
blique jusqu 'à Jules César, la cinquième s ' étendait de l'empereur Auguste à la
fondation de Constantinople , la sixième enfin allait de Constantin à la mort
d 'Anastase rer. Peu de fragments de cet ouvrage ont été conservés, hormis une
section (du livre VI) reprise dans l'ouvrage plus tardif intitulé Nátpia Kwv
OTAVTLVOUTÓNews (conservé dans lemanuscrit Palat. Heidelb . 398 ) etmention
née également dans les llátpia de l'auteur appelé Codinos et dans l'ouvrage
anonyme Vita Constantini Magni (conservé dans le manuscrit Angelicus gr. 22).
Cf. 9 Th. Preger, Scriptores originum Constantinopolitanarum , I, Lipsiae 1901,
p . 1-18 (les $8 3-38 sont repris dans F . Jacoby, FGrHist 390 ; cf. aussi FGrHist
III b , p . 184 ).
H113 HÉSYCHIUS DEMILET 679
Dans un autre ouvrage, également perdu , Hesychius traitait de l'histoire
contemporaine, racontant les événements survenus entre le règne de Justin (518
527) et les premières années du règne de Justinien (527- 565).
Il faut attribuer à un auteur homonyme de la même époque l'ouvrage sur la
naissance du Christ dont un fragment (“Hovyiov eis mu yévvnoLv) est transmis
par le Chronicon Paschale (vol. II, p . 116 Dindorf = PG 92, col. 1057- 1058. Cf.
Schultz 1, col. 1322- 1323).
(2 ) L ' OvouatoróYoç ñ Tívač tūv Šv Taldelạ óvouaotāv était une histoire
de la littérature classique limitée, à ce qu 'il semble , aux auteurs païens. L 'ou
vrage était divisé en six sections: poètes, philosophes, historiens, orateurs et
sophistes, grammairiens etmédecins, auteurs techniques. On a supposé que tou
tes les biographies étaient structurées selon le schéma suivant: lemma ; patrie ;
genre littéraire ; nom des parents, des enfants , des maîtres et des disciples ; lieu et
date de son activité littéraire et de samort ; liste des ouvrages (cf. 10 G . Wentzel,
Die griechische Übersetzung der viri inlustres des Hieronymus, Leipzig 1895,
p . 57 -63, Wentzel 4 , p . 275 sq ., et 11 F . Leo , Die griechisch -römische Biogra
phie nach ihrer literarischen Form , Leipzig 1901, p. 30 sq .).
Wentzel 10 , p. 3 (voir aussi Treadgold 6 , p. 31-32), a soutenu que, entre 829
et 857, quelqu 'un avait composé un abrégé de l' Ovouatoróyoç. Dans cet
ouvrage les six sections originales disparurent, tous les auteurs furent classés
dans l'ordre alphabétique et leur nombre s' accrut par l'addition des auteurs
chrétiens et des personnalités littéraires postérieures à Hésychius. L ' abréviateur
ne se borna pas à introduire un ordre alphabétique et à augmenter le nombre de
notices,mais il en abrégea également certaines. Cette hypothèse a été récemment
remise en cause par Schamp 7, p. 53-67, qui a démontré qu 'il n 'a jamais existé
un " abrégé” de l’ ’Ovouatoróyos d 'Hesychius. La phrase où éttitouń ŁOTI
TOŨTO TÒ Bißríov (“ dont le présent livre est un “ abrégé” ) qu'on lit dans l' article
Ησύχιος Μιλήσιος de la Souda (έγραψεν Όνοματολόγον ή Πίνακα των εν
Taldeia óvouaotāv, oŰ ÉTitouń łoti TOŨTO TÒ Bißríov) fait allusion au travail
d 'un des compilateurs du lexique ; elle ne doit pas être lue comme une déclara
tion de l'auteur anonyme de la Souda révélant que son lexique est un résumé de
l 'Ovouatoróyoç d'Hesychius.
On a repéré des vestiges de l'ouvrage dans les Scholies sur Platon (cf.
Wentzel 4, p. 275-276 , et 12 W . Ch . Greene, Scholia platonica, Haverfordiae
1938, p. XXXI). Il est plus difficile , en revanche, de définir les rapports entre
l' 'Ovouatołóyoc et les Ethnica d 'Étienne de Byzance, du fait qu’on ignore
lequel des deux auteurs est le plus ancien (cf. 13 E .Honigmann, art. « Stephanos
(Byzantios) » , RE III A 2 , 1929, col. 2394).
On peut se faire une vague idée de l'ouvrage d 'Hésychius grâce à ce qu 'on
appelle la Vita Menagiana (ou la Vita Hesychii) d 'Aristote (14 I. Düring,
Aristotle in the ancient biographical Tradition, Göteborg 1957, p . 80 -92) et aux
fragments conservés principalement dans la Souda.
L 'édition de l' 'Ovouatoróyos procurée par Flach est inutilisable, parce
qu 'elle est fondée sur des présupposés erronés (15 HesychiiMilesii Onomatologi
680 HÉSYCHIUS DE MILET H113
quae supersunt cum prolegomenis ed . Io . Flach, Lipsiae 1882, et 16 Biographi
graeci qui ab Hesychio pendent rec . Io. Flach , Berolini 1883). Pour reconstituer
l'ouvrage, Flach se fondait non seulement sur la Souda,mais aussi sur le Viola
rium de la pseudo-Eudocie ( - E 96 ),Quvre que l'éditeur s 'obstinait à considérer
comme authentique et qu 'il croyait dépendre , de façon indépendante, de l''Ovo
uatoróyoc d'Hesychius. Mais le Violarium de la pseudo-Eudocie est un faux
notoire fabriqué par Constantin Paléocappa (cf. 17 P . Pulch , De Eudociae quod
fertur Violario , Argentorati 1880, et 18 Id ., « Zu Eudocia . Constantinus Paleo
cappa, der Verfasser des Violariums» , Hermes 17 , 1882, p. 177- 192 ); il fut
compilé au XVIe siècle à partir de sources pour la plupart déjà imprimées : la
Souda, le lexique de l'humaniste Varinus Phavorinus Camers, les Scholia de
Nonnus sur Grégoire de Nazianze, les æuvres de Cornutus et de Palaephatus (cf.
19 L . Cohn, art.« Eudokia » 3,RE VI1, 1907, col. 912-913).
Pseudo-Hesychius. Le petit ouvrage intitulé ‘Hovyiov Mianolov trepì tūv
Év Taldeia diadau ávtwv est un faux. Il s'agit en vérité d'une compilation
effectuée à partir des æuvres de Diogène Laërce et de la Souda par un auteur
anonyme (cf. 20 K . Lehrs, RhM 17, 1862, p. 453-457 = Die Pindarscholien. Eine
kritische Untersuchung zur philologische Quellenkunde, Leipzig 1873, p . 159
164) sans doute au XIe siècle. La plus récente édition, 21 Hesychii Milesii qui
fertur de uiris illustribus librum , ed . Io. Flach , Lipsiae 1880 , est fondée sur des
manuscrits récents . La découverte de l'archétype (cod. Vat. gr. 96 , du début du
XIIe siècle = 0 ) a rendu cette édition définitivement dépassée (22 E .Martini, LS
20, 1902, p . 154- 166 . Cf. Biedl 5 , p . 47-51, et Knoepfler 8 , p . 53-55 ). On ne peut
pas dire si l'auteur anonyme de cette compilation est le même qui avait réuni les
extraits de Diogène Laërce conservés eux aussi dans le cod . Vat. gr. 96 (cf. 23 L .
Tartaglia, RAAN 49, 1979, p . 158-159).
TIZIANO DORANDI.

HÉSYCHIUS + HOSTILIANUS HÉSYCHIUS D 'APAMÉE


114 HÉTOIMOCLÈS MII
Personnage fictif, grave stoïcien dont une lettre est lue au banquetdonné par
Aristainétos ( + A 339) à l'occasion du mariage de sa fille Cléanthis avec Chai
réas (P - C 87) dans le dialogue satirique de Lucien Le banquetou Les lapithes
22. Dans sa lettre ($ $ 22 -27), Hétoimoclès, qui avait refusé une invitation à dîner
de son riche disciple Pamménès dans l'attente de l'invitation d'Aristainétos,
reproche à ce dernier ne pas lui avoir fait une place dans l'assemblée des philo
sophes convoqués, de lui avoir préféré comme maître pour son fils Zénon son
collègue stoïcien Diphilos (MD 212 ), qui lui avait volé deux disciples et qu 'il
accuse à mots couverts d ' être l'amant de Zénon. La lettre affiche, comme il se
doit, le plus grand mépris pour les plaisirs de la table . Et c'est, selon le narrateur
Lycinus, justement parce qu'il le croyait dédaigneux de telles manifestations
qu 'Aristainétos n 'avait pas jugé bon de l'inviter, convaincu qu 'il refuserait...
( § 28 ). Hétoimoclès reproche à Aristainétos de ne pas savoir distinguer le
meilleur et le pire et de ne pas avoir la καταληπτική φαντασία stoicienne
H 115 HICÉTAS DE SYRACUSE 681
(§ 23). Il critique ses collègues Zénothémis et Diphilos, qu'il s'engage à faire
taire d'un simple syllogisme, et recommande au maître du banquet de leur
demander « ce qu 'est la philosophie» ou « ce qui différencie oxéois et ÉELç »
(§ 23). Il évoque également comme raisonnements où il saurait manifester sa
supériorité " le cornu” , “ le sorite" et " le moissonneur". Vexé par les attaques
d'Hétoimoclès, Zénothémis parle de lui comme d'un charlatan (yóns, $ 32).
RICHARD GOULET.
115 HICÉTAS DE SYRACUSE RE 4 V -Iva ?
Pythagoricien mentionné par Aétius III 9 ,1.2 (DDG 376 , 10 - 11) ; son nom
figure également dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p . 143, 19
147, 6 Deubner.
Témoignages. 1 DK 50 (37) ; t. I, p. 441-442 ; 2 M . Timpanaro Cardini, Pita
gorici. Testimonianze e frammenti, fasc. II, Firenze 1962, 24 (50), p . 414 -415.
Selon Théophraste (test. 240 Fortenbaugh = Cicéron, Acad. pr. II 39, 123),
Hicétas aurait soutenu la thèse de l'immobilité de tous les astres sauf la terre,
laquelle tournerait circum axem . Selon Diogène Laërce VIII 85, certains attri
buaient à Philolaos, d 'autres à Hicétas, l'invention de la thèse selon laquelle le
mouvement de la terre s'effectuerait en cercle . Dans ce cas, Hicétas serait anté
rieur à Philolaos ou tout au plus son contemporain . Le témoignage d'Aétius
(mentionné plus haut) attribue à Hicétas l'hypothèse de l'existence d 'une anti
terre (åvtiyowv), également défendue par Philolaos. Selon une thèse déjà
ancienne de 3 P. Tannery , « Pseudonymes antiques », dans Mémoires scienti
fiques IX , Paris 1897, p . 232, et « Ecphante de Syracuse» , dansMémoires scien
tifiques VII, Paris 1898, p. 249, bien que l'existence historique d'Hicétas ne soit
pas contestable , les témoignages doctrinaux le concernant dériveraient d'un dia
logue d'Héraclide le Pontique (» H 60 ) dont Hicétas et Ecphante (» E 8)
auraient été les protagonistes ; d 'autres savants ont rejeté cette hypothèse ; sur
cette question et sur les problèmes relatifs au système astronomique d 'Hicétas,
on consultera 4 E .Zeller et R .Mondolfo, La filosofia deiGreci nel suo sviluppo
storico , I 2 , Firenze 19502, p. 349 ; 5 W . K . C . Guthrie, A History of Greek
Philosophy, t. I : The earlier Presocratics and the Pythagoreans, Cambridge
1962, p. 323-327 ;6 F .Wehrli, Die Schule des Aristoteles, Heft VII :Herakleides
Pontikos, Basel/Stuttgart, 1953, 19692, p . 95 - 96 ; 7 W . Burkert, Lore and Science
in Ancient Pythagoreanism , p . 341 et n . 17- 19 ; 8 B . L . Van der Waerden , Die
Pythagoreer. Religiöse Bruderschaft und Schule der Wissenschaft, Zürich/
München 1979, p. 462 -464.
Selon 9 T. L . Heath , Aristarchus of Samos, the Ancient Copernicus: A History
of Greek Astronomy to Aristarchus, Oxford 1949, p. 189, Hicétas devrait être
identifié avec Hicétas de Syracuse (RE 2,mort en 339a), le tyran de Léontinoi,
ami de Dion et rival de Denys II.
BRUNO CENTRONE.
682 HIÉRAX H 116
116 HIÉRAX RE 9 II ?
Auteur d 'un traité Sur la justice (ſlepi OixaLOOÚvns),dont huit fragments ont
été cités dans l'Anthologie de Stobée .
Références des fragments: (1) III 4, 121; t. III, p. 251, 4 - 252,9 Hense ;
(2) III 5 , 44 ; p. 269, 10 - 270, 9 ; (3) III 8 , 19 ; p. 344,20 - 345 , 9 ; (4) III 9, 53 ;
p . 364 ,8 - 365, 17 ; (5) III 9, 54 ; p. 365 , 18 - 368, 9 ; (6 ) III 9, 55 ; p. 368, 10 -14 ;
(7) III 10, 77 ; p. 428 , 1 - 429,8 ; (8) IV 31, 92 ; t. V , p. 767, 5- 15.
Le nom apparaît également dans la liste des philosophes cités par Stobée qu'a
rapportée Photius, Bibl. cod . 167 (t. II, p. 156 , 4 Henry).
A cet auteur, par ailleurs inconnu, une étude minutieuse a été consacrée par
K . Praechter, « Hierax der Platoniker » , Hermes 41, 1906, p . 593-618, reprise
dans ses Kleine Schriften , hrsg. von H . Dörrie, coll. « Collectanea» 7 , Hil
desheim 1973, p . 55 -80 .
Selon Praechter, Hiérax est un platonicien qui se rattache au moyen-plato
nisme illustré par Alcinoos (= A 92), Apulée ( A 294) etMaxime de Tyr, et il
devrait être daté du second siècle de notre ère. On le voit critiquer les définitions
aristotéliciennes et stoïciennes de la justice (fr. 5 : p. 365, 19 - 366 , 1) avant de
proposer sa propre définition (fr . 6 ), malheureusement coupée de son commen
taire. Les réminiscences platoniciennes sont nombreuses. On relève également
quelques références littéraires à Nicandre de Colophon et Archélaos ( A 308 ) le
Physicien (fr. 7 ; p. 428 ,22 -429, 1), ainsi qu 'au Pseudo -Phocylide (fr. 5 ;
p. 367, 22 - 368, 1).
Ce platonisme incontestable est toutefois tempéré par de nombreux traits
doctrinaux aristotéliciens ou stoïciens, que Praechter considère commedéjà inté
grés au platonisme de l'époque.
Le manque de rigueur dans l'argumentation ne semble pas s'expliquer seule
ment par le caractère fragmentaire du texte transmis ,mais aussi par le contexte
scolaire de sa production . Sans être de simples notes de cours , l'ouvrage emprun
terait beaucoup de ses caractéristiques à l'enseignement oral.
Sur l'auteur, on ne peut rien dire. Hiérax est un nom fréquent en Égypte ,mais
on le rencontre également ailleurs. On pourrait citer un très grand nombre d 'oc
currences dans les inscriptions de diverses régions pour compléter les quelques
exemples donnés par Praechter. Rien ne permet de l' identifier avec l'un ou
l'autre des philosophes de ce nom que nous avons répertoriés.
Après avoir nettement rejeté l'identification de ce philosophe avec Hiérax le
néoplatonicien ( H 119 ), disciple de Proclus au Ve siècle, parce que les frag
ments ne contiennent aucun trait néoplatonicien (cf. GGA 1909, p. 544 n . 1),
Praechter est partiellement revenu sur cette prise de position en soulignant le fait
que les particularités spécifiquement néoplatoniciennes ont marqué un certain
retrait dans le néoplatonisme alexandrin . Voir son article « Hierax » 9, RE VIII 2,
1912, col. 1410 - 1411. Il ne considère pas pour autant l'identification comme
probable .
H 119 HIÉRAX D 'ALEXANDRIE 683
Si l'on excepte la traduction latine de Stobée par G . Frölich (Bâle 1551), ces
fragments n 'ont jamais été traduits et ils sont rarement cités ou commentés.
RICHARD GOULET.
117 HIÉRAX ( FLAVIUS -) MII
Membre du Musée d 'Alexandrie , Flavius Hiérax avait fait exécuter la statue
offerte par les « philosophes » du Musée au rhéteur Aelius Démétrios (F . Kayser,
Recueil des inscriptions grecques et latines d 'Alexandrie impériale, Le Caire
1994, n° 98 ; voir APF 2 , 1902/1905, n° 127).Même si la rédaction de l'inscrip
tion peut paraître quelque peu ambiguë , il n 'y a certainement pas lieu de com
prendre, avec C . P. Jones, « A Friend of Galen » , CQ 17 , 1967, p. 311-312, que
Démétrios était le maître des philosophes du Musée dans leur ensemble (« a rhe
tor who taught philosophers » ) : la formule finale de « maître et père » doit s'ap
pliquer uniquement à la relation entre Démétrios et Hiérax (« les philosophes ont
honoré le rhéteur Aelius Démétrios, leur commensal Flavius Hiérax ayant fait
élever la statue de son maître et père » ). Comme l'a indiqué C . P. Jones, Démé
trios est très vraisemblablement l'ami de Favorinus (B + F 10 ) mentionné par
Galien (t. XIV , p. 627 Kühn ). En revanche , l'identification proposée par le
même auteur entre l'élève de Démétrios et l'Éphésien T. Flavius Lucius Hiérax
est peu convaincante , pour les raisons indiquées dans BE 1968, 173 et parce que
le nom Hiérax est très commun en Égypte.
BERNADETTE PUECH .
118 HIÉRAX (SILVANUS DOROTHÉOS -) MF IV
Cherchant sans doute à faire admettre qu'il n 'était pas astreint aux liturgies,
Silvanus Dorothéos Hiérax , dit aussi Eusébios , obtint en 372 un certificat attes
tant qu'il avait fourni, avec le témoignage de sa fille adoptive, la preuve qu'il
était bien un philosophe (P.Leipzig 48).
BERNADETTE PUECH .
119 HIÉRAX D 'ALEXANDRIE RE 10 MV
Frère d 'un certain Synésius (PLRE II :3) qui n 'est pas l'évêque chrétien. Il
accompagna Ammonius ( A 141) et Héliodore (2 H 30), les fils d'Hermeias
(PH 78), lorsqu 'ils vinrentavec leurmère, Aidésia (PA 55), étudier la philoso
phie chez Proclus (mort en 485) à Athènes (Damascius, Vie d ' Isidore, fr. * 127) .
« Hiérax d'Alexandrie, le contemporain d'Ammonius, dit avoir vu une "bête de Pan ” qu'on
apportait d' Éthiopie à Byzance ; elle ressemblait exactement aux images qu 'on en peint et
qu'on en sculpte ; il dit avoir entendu son cri comme on la portait à travers Alexandrie ; on
aurait dit celui d'un oiseau » (Epit. Phot., 78 ; p. 108, 11- 14 Zintzen ; trad. Henry ).
Cf. K . Praechter, art.« Hierax » ,RE VIII 2, 1913, col. 1411.
L 'auteur des fragments sur la justice ( H 116) conservés par Stobée (2+J 2)
doit être un homonymeplus ancien .
RICHARD GOULET.
684 HIÉRIOS H 120
120 HIÉRIOS RE 8 PLRE 1:2 MIV
Philosophe du temps de Julien , frère de Diogène (Ep . 198 de Libanius : cf.
DPHA II, D 140 B ) et oncle d'Aristophane de Corinthe (fils de sa sœur,mariée à
Ménandre de Corinthe ), pour lequel intercède Libanius Or. XIV ( à Julien ).Mort
à l' époque de ce discours (362). Sa philosophie ne doit pas avoir été opposée à
celle de Julien etde son entourage néoplatonicien (Or. XIV 7 , 32, 34), car Liba
nius pense que Julien . aurait été heureux de l'avoir près de lui. Cf. O . Seeck , Die
Briefe des Libanios, Leipzig 1906 , p. 175 (voir aussi p . 88 ).
PIERRE MARAVAL .
121 HIÉRIOS RE 9 PLREI:1 DM IV
Philosophe néoplatonicien, disciple de Jamblique. Ammonius d 'Alexandrie ,
dans son Commentaire sur les Premiers Analytiques (CAG VI 6 , p . 31, 16
Wallies),mentionne une opinion tenue par Porphyre, Jamblique et aussiMaxime
d 'Éphèse, dont il dit qu' il fut l' élève de Hiérios, lui-même élève de Jamblique : •
Máquos, < c> åxpoatsnv ‘ Ieplov toŨ ’laußniyov åxpoatoŨ . Il faut donc
compter ce Hiérius lui aussi parmi les disciples de Jamblique. Eunape, dans ses
Vies des Philosophes et des Sophistes (V 1, 4 -7, p. 11, 7-27 Giangrande ), a un
chapitre surJamblique dans lequelilmentionne le succès remporté par le profes
seur de philosophie à Apamée pour attirer des disciples en grand nombre . Il en
nomme plusieurs parmilesquels ne figure pas notre Hiérius. C 'est tout ce que
nous pouvons en dire dans l'état actuel de notre documentation.
HENRIDOMINIQUE SAFFREY.
122 HIÉRIOS D 'ATHÈNES RE 10 PLRE II :5 MV
Fils de Plutarque, Hiérios « philosopha sous l'autorité de Proclus» (mort en
485). La RE et Zintzen (p. 122 sur Epit. Phot. 88 ) pensent que son père , Plutar
que, était le philosophe néoplatonicien, maître de Syrianus et, à la fin de sa vie ,
du jeune Proclus, mais la PLRE considère que le fondateur de l' école néoplato
nicienne d 'Athènes (mort en 432 ) pouvait difficilement avoir un fils élève de
Proclus et envisage un personnage différent (PLRE II:2 ).
On connaît un petit-fils du philosophe néoplatonicien Plutarque d 'Athènes
nommé Archiadas (2 + A 314), qui était un contemporain de Proclus. SiHiérios
est le fils du Plutarque, grand-père d'Archiadas, il devait être plus vieux que
Proclus d'environ une génération . (On peut cependant estimer que Damascius
aurait précisé davantage l'identité de ce Plutarque s'il n 'avait été le philosophe
célèbre qui apparaît à plusieurs reprises ailleurs dans les fragments.)
Saffrey et Westerink (introduction à la Théologie platonicienne de Proclus,
t. I, p. XXX) considèrent que Hiérios fut bien le frère d'Asclépigéneia I
( A 451) et le père d'Archiadas I. Comme Hiérios était, ainsi que l'avons vu,
plus âgé que Proclus, ces deux auteurs supposent que l'expression employée par
Damascius: úno Ipóxiw blooogoŨvta , ne signifie pas que Hiérios avait étu
dié la philosophie sous la direction de Proclus, mais bien qu'il avait enseigné
comme l'un de ses assistants. [Pour la formule, voir cependant Damascius, Vie
H 122 HIÉRIOS D 'ATHÈNES 685
d 'Isidore, fr. * 160 et fr. 120 , passages qui suggèrent plutôt un rapport de maître
à élève.)
Hiérios, ou plutôt, s'il faut suivre les manuscrits , " Plutarque, athénien, fils de
Hiérios” (PLRE II :4 ), est mentionné dans un autre passage de la Souda (s.v.
HautpétLOS ; Damascius, Vie d 'Isidore, fr. 289), avec Hermeias d'Alexandrie
“ le rhéteur” ([PLRE II :4 ), qu'il ne faut sans doute pas confondre avec le philo
sophe néoplatonicien , H 78) comme les deux hommes les plus savants de leur
époque, dépassés seulement en polymathie par Pamprépios. En combinant le
stemma de Marinus et celui de Damascius, ce Plutarque, fils de Hiérios, devien
drait le frère d 'Archiadas I.
Asmus et, à sa suite, Zintzen (p . 235 , 4 ), corrigent ici, sansdoute à tort, en “ Hiérios fils de
Plutarque”.
La PLRE suppose que le fils de Hiérios enseigna à Pamprépius vers 473/476 .
Damascius ne le ditpas nettement.
Que Hiérios, disciple (ou assistant) de Proclus, ait pu avoir un fils qui ensei
gnait à Athènes une dizaine d 'années avant la mort de Proclus pose à nouveau
problème. Il est vrai que la carrière de Proclus fut très longue, puisqu 'ilsuccéda
à Syrianus vers 437, quand il avait 25 ans (voir Saffrey et Westerink, introduc
tion à la Théologie platonicienne de Proclus, t.I, p . XIX ).
Un arbre généalogique, emprunté à Saffrey et Westerink , t. I, p . XXXV, per
mettra de se représenter l'histoire de cette famille . Les données relatives au fils
de Plutarque d'Athènes et au fils de Hiérios, empruntées à la Vie d 'Isidore de
Damascius, apparaissent en italiques.
Plutarque
Nestorios
Plutarque d' Athènes (+432) Timocrate
Hiérios Asclépigéneia 1 00 (?) Hégias l'archonte
(IG II/III 2, nº 3692
Archiadas 1 - Ploutarchè Plutarque Sironen nº 11, p. 26 -27)
Asclépigéneia II - Théagénès
Hégias
Eupeithios Archiadas II
Qu 'Asclépigéneia I ait été l'épouse d'Hégias l'archonte a été proposé par P. Athanassiadi,
Damascius, p. 253 (n. 277).
Damascius rapporte que Hiérios aurait vu dans la maison de Kyrinos (Quiri
nus) une petite tête humaine de la taille d'un pois chiche, parfaitement consti
tuée, dont la bouche laissait sortir une voix aussi forte que celle de milliers
d'hommes (Epit. Phot. 88 ; p. 122, 8-16 Zintzen).
Voir H . Janssens, « A propos de la Casa Romuli » , MusB 28, 1924, p . 59 sqq ., qui
identifiait cette maison à une des huttes de paille et de bois situées à Rome. Contre cette
686 HIÉRIOS D 'ATHÈNES H 122
interprétation, voir A . Brouwers, « Casa Romuli ou maison de Kyrinos ? (Damascius, Vie
d 'Isidore, 88) » , dans Hommages à Léon Herrmann, coll. « Latomus » 44, Bruxelles-Berchem
1960, p. 215-218, qui considère que Hiérios n'a pu voir cette maison qu 'à Athènes ou à
Alexandrie .
Cf. K . Praechter, art. « Hierios » 10, RE VIII 2, 1913, col. 1459.
RICHARD GOULET.
123 HIÉRIOS DE PHÉNICIE RE 2 PLREI:4 MIV
Originaire de Damas, païen et frotté de philosophie ; revient dans sa patrie en
360 après avoir administré une province consulaire (Libanius, Ep. 195). Prae
fectus Aegypti en 364 (Libanius, Ep . 1183). Son influence sur Valens eut pour
conséquence, en 366 , l'exécution d’Andronicos, un ancien élève de Libanius
(qui le traite à cette occasion de « renard » : Or. I, 171).
PIERREMARAVAL .

124 HIÉROCLÈS RE 17 DM II ?
Philosophe stoïcien .
A . Calvisius Taurus aimait citer, à propos d'Épicure , le mot du stoïcien Hié
roclès (viri sancti et gravis ) qu 'Aulu -Gelle (Aulu -Gelle IX 5, 8) rapporte en
grec : « Le plaisir est la fin, doctrine de courtisane ! Il n'y pas de providence,
doctrine quemême une courtisane ne partagerait pas...» (noovn téros,nópvns
dóyua: oủx fotiv TPóvola , oủ è trópung Bóyua ). Les épithètes qu 'Aulu -Gelle
attribue à ce philosophe donnent à entendre qu 'il s'agissait d'un contemporain ,
peut-être connu personnellement. Cf. 1 K . Praechter, « Hierokles der Stoiker» ,
Leipzig 1901, VII- 159 p ., repris dans Kleine Schriften , hrsg. von H . Dörrie , coll.
« Collectanea » 7 , Hildesheim 1973, p. 314 -468, notamment p .420 .
B. Plusieurs extraitsmoraux de ce philosophe ont été conservés par Stobée I
3, 53 et 54 et II 9, 7 (Tíva tpónov Deots xenotéov ); III 39, 34 - 36 ( Ilūs
natpidl xenotkov ); IV 22a, 21-24 (Ilepi yánov ) et IV 24a, 14 (Ilepi yauov ?) ;
IV 25, 53 ( Il @ s xpnotkov tots yoveŨOLV) ; IV 27, 20 (ſlepi biaðendíac ); IV
27, 23 (Ilūç ovYyEvéol xpnotkov) ; IV 28, 21 (Oixovoulxóc). Selon Praechter
1, p. 321, ces divers extraits proviendraient d'un même ouvrage et pouvaient
s'enchaîner les uns les autres dans l'ordre présenté par Stobée, peut- être séparés
par des développements disparus attestés par des références internes dans les
extraits.
Texte et traduction des extraits sur le mariage dans 2 E . Eyben, « De latere Stoa over het
huvelijk » , Hermeneus 50, 1978, p. 15 -32 ; 71-94 ; 337-358.
C . La Souda , s.v. 'Eunodúv, E 1032 , t. II, p. 262, 2-5 Adler , cite un extrait
des Philosophoumena d'un certain Hierocles (εν β' φιλοσοφουμένων περί των
pihooópwv), que le contenu invite à rapprocher de l'auteur de Stobée : « Lequel
d 'entre eux (scil. des philosophes) ne s'est pas marié, n 'a pas élevé des enfants
ou ne s'est pas soucié de sa richesse, quand aucun obstacle ne l'en empêchait ?»
Le terme éunodúv apparaît dans un contexte semblable dans un des extraits de
Stobée (cf. IV 22a, 22, li. 7): il nous faut, comme le sage, nous marier si une cir
constance particulière ne fait pas obstacle.Une autre lexis du même auteur, em
H 124 HIÉROCLÈS 687
pruntée cette fois au livre I des Philosophoumena, est citée s.v. Néoyn (1 309,
t. III, p. 252 , 26 -28). Trois autres, sans indication de l'ouvrage, ss. vv . Ola
éYOLUTO Yuvaltív (A 626 , t. II, p.62, 14 -15), OLÓti (4 1214 , t. II, p . 114, 22
23) et Téuvovou pápuaxov (T 301, t. IV , p . 522, 9 - 10 ).
Voir Michel Apostolios, Cent. 8 prov. 20 . Certaines de ces citations se retrouvent chez
d 'autres lexicographes, notamment chez Photius. Elles pourraient provenir d 'un recueil
atticiste . Cf. Praechter 1, p. 320 .
D . PBerol inv. 9780' [Pack2 536 ) (un papyrus que l'on a daté de la fin du 11€
siècle de notre ère, probablement découvert à Hermoupolis en Égypte ) a
conservé toute la première partie de l’’HOLXn Otolyeiwolc (Introduction élémen
taire à l' éthique) d 'un certain Hiéroclès .
Édition . 3 H . von Arnim (édit.), Hierokles. Ethische Elementarlehre (Papyrus
9780 ). Nebst den bei Stobäus erhaltenen ethischen Exzerpten aus Hierokles,
unter Mitwirkung von W . Schubart, coll. « Berliner Klassiker Texte » 4, Berlin
1906 (comprend en appendice les fragments de B. conservés par Stobée).Nou
velle édition par 4 G . Bastianini et A . A . Long, CPF I 1* * , 1992, nº 60, 1,
p . 268 -451 (introduction : p. 268-295, avec bibliographie, p. 268-270 ; édition
critique et traduction italienne : p . 296 - 367 ; commentaire : p. 368-451). A la
suite de la publication d 'un article de 5 V . Delle Donne , « Per una nuova edi
zione dei “ Principi di etica” di lerocle Stoico (P . Berol. 9780 ) », AIIS 10, 1987
1988 (paru en novembre 1991), p . 113- 144 , les deux mêmes auteurs ont apporté
des compléments et des corrections à leur édition dans 6 « Dopo la nuova edi
zione degli Elementi di etica di lerocle stoico (PBerol 97804) » , dans Studi su
codici e papiri filosofici. Platone, Aristotele, lerocle, coll. « Accademia Toscana
di Scienze e Lettere “ La Colombaria ” – Studi» 129, Firenze 1992, p. 221-249.
Voir également 7 V . Delle Donne, « Sulla nuova edizione della ’HOXN OTOL
xeiwolç di lerocle Stoico » , SIFC 13, 1995, p . 29-99 (notes critiques et exé
gétiques).
Traductions : – italienne : 8 U . Moricca, « Un trattato di etica stoica poco
conosciuto » , Bilychnis 34, 1930, p . 77- 100 ; Bastianini et Long 4 , p. 296 -367.
Voir aussi une mention (possible ) dans PVars. 5 : CPF I 1 *, nº 4, où un Hiéroclès est pré
senté comme l'auteur de neuf rouleaux dans un catalogue de livres où figurent des auteurs
stoïciens.
Le texte a été copié sur le verso du papyrus qui a conservé le commentaire de
Didyme sur les Philippiques de Démosthène (Pack? 339). L 'ouvrage se distingue
de la littérature stoïcienne d 'époque impériale (Musonius Rufus, Épictète
(PE 33] ou Marc-Aurèle) par son approche purement scientifique et scolaire,
dépourvue de toute parénèse ou de diatribe, sinon de recherche stylistique
(Bastianini et Long 4, p. 282). « Nous devons probablement considérer l'æuvre
de Hiéroclès comme un manuel attrayant, se proposant d'éviter l' aridité caracté
ristique d'ouvrages comme ceux de Chrysippe et de rendre l'éthique stoïcienne
accessible et surtout lisible » ( 4 , p . 283).
L 'identification de cet auteur stoïcien avec le stoïcien homonyme connu par
Aulu -Gelle et Stobée est généralement acceptée depuis von Arnim (3 , p. VIII-XI).
Avec Hiéroclès d 'Hyllarima en Carie ( H 127), notre auteur n 'a de commun
688 HIÉROCLÈS H 124
que le nom , nom par ailleurs fort répandu. Voir Praechter 1, qui, avantmême la
découverte du papyrus, avait montré que les fragments conservés par Stobée ne
pouvaient être attribués au néoplatonicien (MH 126 ) de la première moitié du ve
siècle, commentateur des Vers d'Or et auteur d'un traité Sur la providence cité
par Photius, comme le pensaient encore Mullach (I 408 a) et Zeller (III 2 ,p . 753
n . 4 ).
Il n 'estpas sûr que les fragments conservés par Stobée (qui se rattachent pour
le fond a un traité sur les καθήκοντα) aient fait partie de l' Ηθική στοιχείωσις,
comme le suggérait von Arnim (cf. 3, p. 284-286 ).
En tout cas, aucun indice n ’invite à attribuer à Hiéroclès une origine alexan
drine, comme le fait 9 O . Gigon , art. « Hierokles von Alexandria » , LAW , col.
1296 .
Cf. 10 H . von Arnim , art. « Hierokles » 17 , RE VIII 2 , 1913, col. 1479 ;
11 P. W . Van der Horst, « Hierocles the Stoic and the New Testament. A contri
bution to the Corpus Hellenisticum », NT 17 , 1975, p . 156 -160 ; 12 B . Inwood ,
« Hierocles. Theory and argument in the second century A .D .» , OSAPh 2 , 1984,
p. 151- 183 ; 13 G . Badalamenti, « lerocle stoico e il concetto di ouvaioOnouc » ,
ADFF 3 , 1987, p. 53-97 ; 14 M . Isnardi Parente, « lerocle stoico. Oikeiosis e
doveri sociali » , ANRW II 36 , 3, 1989, p. 2201-2226 ; 15 A .A . Long, « Notes on
Hierocles Stoicus apud Stobaeum », dans M . Serena Funghi (édit.), 0401
AIZHEIOE. Le Vie della ricerca. Studi in onore di F . Adorno, Firenze 1996 ,
p. 299-309.
RICHARD GOULET.

125 HIÉROCLÈS (SOSSIANUS -) RE 13 PLREI: 4 D III


Lactance, Div. Inst. V 2, 12 (CSEL XIX 1, p. 405, 22 sq.),mentionne un juge
de Bithynie qui joua un rôle prépondérant dans la persécution des chrétiens sous
Dioclétien et qui composa deux livres intitulés Philalèthès dans lesquels il atta
quait le christianisme tout en se donnant le rôle d 'un conseiller humain et bien
veillant. Avec beaucoup d 'érudition , il s'efforçait de débusquer lesmensonges et
les contradictions des Saintes Écritures. Il s' en prenait également à Paul, à Pierre
et aux autres apôtres, les présentant comme des pêcheurs grossiers et ignorants .
« Cet auteur, rapporte Lactance, affirmait que le Christ lui-même, chassé par
les Juifs, avait groupé neuf cents hommes et exercé le brigandage. (...) Il
essayait d 'affaiblir l'importance des miracles du Christ sans toutefois les nier , et
voulait démontrer qu 'Apollonius (de Tyane) (PA 284 ) en avait fait de pareils et
même de plus grands. (...) Si le Christ était un magicien , parce qu'il a accompli
des prodiges, Apollonius s'est montré plus habile encore , puisque, à t'en croire ,
au moment où Domitien se disposait à le punir, il disparut soudain de son tribu
nal, - tandis que le Christ, lui, se laissa prendre et attacher à la croix ! Ce polé
miste a peut-être voulu incriminer l'orgueil du Christ pour s'être donné comme
un dieu , afin de faire ressortir la modestie d' Apollonius qui, plus grand thauma
turge, n 'a nullementréclamé sa déification ...» (trad . P. de Labriolle, La réaction
païenne, Paris 1934 , p . 308 ).
H 125 HIÉROCLÈS (SOSSIANUS -) 689
A la fin de son ouvrage, l'auteur entonnait les louanges du Dieu suprême, le
proclamant roi, très grand , créateur de l'univers, Source du Bien , père de toutes
choses, qui a forméet qui conserve les vivants !
Le nom de ce juge nous est connu, car, dans le De mortibus persecutorum
XVI 4 (SC 39, t. I, p . 94 Moreau ), Lactance semble faire allusion au même per
sonnage quand il parle de Hieroclem ex vicario praesidem , qui auctor et consi
liarius ad faciendam persecutionem . Hiéroclès, comme Lactance, exerçait alors
son activité à Nicomédie , lieu de la résidence impériale.
Le Philalethès de Hiéroclès nous est également connu par Eusébe, qui en
donna, vers 311-313, une réfutation qui est conservée. Sa réfutation se limite à
vrai dire à la critique de la comparaison dressée par Hiéroclès entre Jésus et
Apollonios de Tyane. Pour le reste , nous dit Eusebe (chap. 1), Hiéroclès a
emprunté sa critique, «mot pourmot et syllabe par syllabe », à d'autres écrits, ce
qui lui permetde renvoyer le lecteur aux apologies plus anciennes, comme « les
huit livres du Contre Celse d'Origène» , où les objections de Hiéroclès ou leurs
sources ontdéjà reçu leur réponse. L 'ouvrage est signalé par Photius, Bibl. cod.
39 : « Lu d 'Eusébe, fils de Pamphile , un petit livre de réfutation des écrits consa
crés par Hiéroclès à la défense d'Apollonius de Tyane » (trad. Henry).
Édition critique du traité d'Eusèbe par 1 C .L . Kayser, Flavii Philostrati opera
auctiora . Accedunt Apollonii epistolae. Eusebius aduersus Hieroclem ..., coll.
BT, Leipzig 1870,réimpr. 1964, t. I, p. 369-413. Texte et traduction anglaise par
2 F . C . Conybeare , à la suite de la Vie d 'Apollonius de Tyane de Philostrate , coll.
LCL ,London 1912, t. II, p. 483-605. Édition récente par 3 Ed. des Places, avec
une traduction française par Marguerite Forrat,coll. SC 333, Paris 1987, 244 p .
On a proposé de retrouver le texte de l'ouvrage de Hiéroclès que résume
Lactance dans les objections du Monogénès de Macarios de Magnésie.
Cette identification fut proposée dans la préface de P . Foucart à l' édition de Ch . Blondel,
soutenue par Louis Duchesne et reprise par 4 T . W . Crafer , « MacariusMagnesius, a neglected
Apologist », JThS 8 , 1906 - 1907, p . 401-423 ; 546 -571. Crafer notamment a supposé que le
Philalèthès était la relation écrite d’un débat public réel ayant opposé le Gouverneur Hiéroclès
et Macarios, dans la région d ' Édesse, avant la persécution et avant que Hiéroclès n 'eût été
nommé en Bithynie vers 303. Devant les difficultés chronologiques rappelées par ses cri
tiques, Crafer a renoncé par la suite à soutenir la réalité historique du débat présenté dans le
Monogénès. Il n 'en a pas moins continué à soutenir que les objections de l'adversaire de
Macarios provenaient du Philalèthès de Hiéroclès, auquel répondrait le titre Monogénès. Voir
5 T. W . Crafer, « The Work of Porphyry against the Christians and its reconstruction » , JTHS
15, 1914, p. 360 -395 ; 481-512 , et 6 Id ., The Apocriticus of Macarius Magnes, coll. « Transla
tions of Christian Literature » , Series I, Greek Texts, Londres 1919.
Pour la carrière de ce personnage qui nous est connue par plusieurs autres
sources littéraires, épigraphiques et papyrologiques, on se reportera à l'introduc
tion de Marguerite Forrat 3, p. 11-18, et à la notice de la PLRE .
M . Forrat (3) distingue quatre étapes importantes dans la carrière de Hiéro
clès :
– vers 297, gouverneur de la province où Palmyre était située (Phénicie
libanaise ?) ; il était membre de l'ordre équestre ;
690 HIÉROCLÈS (SOSSIANUS -) H 125
- avant 303, vicaire < d'Orient> ; c'est l'époque probable de la rédaction du
Philalethès ;
- en 303, au début de la persécution de Dioclétien, gouverneurde Bithynie ;
- en 310-311 environ, préfet d'Égypte .
Voir aussi : T . D . Barnes, « Sossianus Hierocles and the antecedents of the “Great
Persecution" » , HSCPh 80, 1976, p . 239 -252.
Cf. 7 T . D . Barnes, « The New Empire of Diocletian and Constantine,
Cambridge/London 1982 ; 8 W . Speyer, art. « Hierokles 1 (Sossianus Hiero
cles) » , RAC XV , 1989, p. 103- 109; 9 Th. Hägg, « Hierocles the lover of truth
and Eusebius the sophist », SO 57, 1992, p . 138 -150 ; 10 S. Campani, « Un
cristiano e l' irrazionale : il Contra Hieroclem di Eusebio di Cesarea » , GFRF 1 ,
1991, p. 17-25.
RICHARD GOULET.
126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE RE 18 DM V
Philosophe néoplatonicien , disciple de Plutarque d'Athènes.
Biographie . Nous ne possédons que peu de détails sur la vie du philosophe
néoplatonicien Hiéroclès. Il se présente lui-même, dans son traité Sur la Provi
dence et l'Heimarménè (Photius, Bibl. cod . 214, t. III, p. 130 Henry ), comme
disciple fidèle de Plutarque d' Athènes (sur ce dernier, cf. 1 D . P. Taormina, Plu
tarco di Atene ; l'Uno, l'Anima, le Forme, Catania 1989), qui était diadoque de
Platon , c'est-à-dire chef de l'école néoplatonicienne privée d 'Athènes, et qui est
mort en 432 de notre ère, à peu près deux ans après l'arrivée du jeune Proclus
dans son école (Marinus, Vita Procli 12). Cette date nous fournit un terminus
ante quem pour la datation des études d'Hiéroclès chez Plutarque. D 'autre part,
le dialogue Théophraste d' Énée de Gaza, dont A . Segonds (2 art. « Ainéas de
Gaza » A 64 , DPhA I, 1989, p. 82-87) date avec de bonnes raisons la compo
sition entre 485 et 490, parle d 'Hiéroclès comme étantmort. Nous pouvons donc
considérer comme sûr le fait qu'Hiéroclès a étudié chez Plutarque d'Athènes
avant 432 et qu 'il était mort avant 490 . En dehors de cela , toutes les autres dates
que l'on a proposées concernant la vie d 'Hiéroclès, et dont on parlera plus loin ,
sont de pures hypothèses.
Nous pouvons glaner quelques traits de la personnalité d'Hiéroclès ainsi que
de rares détails de sa vie dans les fragments de la Vie d'Isidore de Damascius,
qui parle de lui comme de quelqu 'un qui estmort,mais ces fragments ne nous
apportent pas plus de précision en ce qui concerne les dates de la naissance et de
la mort d'Hiéroclés : par une remarque de Damascius (Vita Isidori 64 , p . 94, 10
11 Zintzen ), nous savons seulement qu 'il composait cette æuvre au temps du
règne de Théodoric le Grand, donc entre 497 et 526 . Damascius dit d ' Hiéroclès
qu 'il possédait une maîtrise étonnante du langage et " une extrême abondance de
la pensée” et qu 'il avait enseigné à Alexandrie , où il avait comme élève entre
autres Théosebius (Vita Isidori 54, p . 80, 1- 11 Zintzen ), dont Damascius parle
encore à d 'autres endroits (Vita Isidori 106 , p. 83 1-4 et 56 -59, p . 82 et 84
Zintzen). Son enseignement à Alexandrie fut interrompu par un séjour à
H 126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE 691
Byzance, où il futmalmené, c'est-à-dire mis en prison et battu , par les Chrétiens,
mais il montra à cette occasion un courage extraordinaire. Il fut condamné à
l'exil,mais revint plus tard à Alexandrie, où il continua à enseigner (Vita Isidori
106 , p . 83, 5 - 11).
Orientation philosophique
Dans sa Vie d ' Isidore ($ 106 , p . 83, 12-15 Zintzen ), Damascius énumère
comme æuvres écrites d'Hiéroclès les deux traités que nous connaissons encore
aujourd 'hui: le commentaire sur le Carmen aureum que nous possédons en
entier, et le traité Sur la providence et l'Heimarménè (Vita Isidori 106 , p. 83, 12
15 Zintzen ) dont il nous reste quelques traces dans deux résumés de Photius
(Bibl., cod. 214 , t. III, p. 125 -130 Henry et cod. 251, t. VII, p. 189-206 Henry ).
Dans le mêmepassage, Damascius dit d ’Hiéroclès qu 'il est “ sans précision quant
aux notions philosophiques”. Ce jugementnégatif, après tant d'éloges dispensés
à l'égard d 'Hiéroclès, pourrait surprendre , si l'on ne savait pas que Damascius,
tout au long de sa vie d ' Isidore, a l'habitude, à propos de presque chaque per
sonnage traité , et aussi à propos de son maître Isidore dont il veut honorer la
mémoire , de distribuer à côté des louanges une bonne dose de critique, parfois
difficilement conciliable avec les louanges. Ce que la critique de Damascius doit
viser ici, c 'est le fait que le système philosophique d 'Hiéroclès, qui se situe dans
le courant néoplatonicien entre Jamblique et Syrianus-Proclus (cf. 3 I. Hadot, Le
problème du néoplatonisme alexandrin : Hiéroclès et Simplicius, coll. « Études
Augustiniennes» , Paris 1978 ; 4 Eadem , « Le démiurge comme principe dérivé
dans le système ontologique d'Hiéroclès. A propos du livre de N . Aujoulat “Le
néoplatonisme alexandrin : Hiéroclès d'Alexandrie" » , REG 103, 1990 , p. 241
262; 5 Eadem , « A propos de la place ontologique du démiurge dans le système
philosophique d ’Hiéroclès le néoplatonicien . Dernière réponse à M . Aujoulat» ,
REG 106 , 1993, p . 430 -459 ), ne connaît pas encore tous les raffinements du
système auxquels le néoplatonisme aboutit précisément sous Proclus et encore
ultérieurementsous Damascius.
Comparant le commentaire de Simplicius sur le Manuel d'Épictète avec celui
d'Hiéroclès sur le Carmen aureum , 6 K . Praechter, art. « Hierokles» 18, RE VIII
2 , 1913, col. 1479 - 1487, et 7 Id ., art. « Simplikios » , RE III A , 1 1927, col. 204
213, croyait pouvoir déceler, dans ces deux commentaires, une forme plus
simple du néoplatonisme, forme qui serait propre à l'école d 'Alexandrie, ne
comporterait pas les complications hiérarchiques de l'école d 'Athènes et se
rattacherait plutôt à la tradition du moyen -platonisme sous l'influence du
christianisme. Le point de différence le plus important serait constitué par
l'identification entre le “ principe des principes" et le Démiurge qui crée et régit
l'univers. L ’Un absolu , comme principe élevé au -dessus de l'Intelligible et de
l'Intellect, viendrait donc à disparaître. Or cette doctrine de l'Un absolu
caractérisait Plotin et ses successeurs . Cette thèse de Praechter, dans ses grands
traits, a été suivie par 8 Theo Kobusch, Studien zur Philosophie des Hierokles
von Alexandrien . Untersuchungen zum christlichen Neuplatonismus, coll.
« Epimeleia » 27, München 1976 , et par 9 N . Aujoulat, Le néoplatonisme
692 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE H 126
alexandrin : Hiéroclès d 'Alexandrie , Leiden 1986 ). Mais en fait (cf. I. Hadot 3,
4 , 5 ) le système philosophique d'Hiéroclès, dans les doctrines concernant la
création du Monde, le démiurge, la matière, la providence et les classes d'âmes,
ne s'écarte pas du courantnéoplatonicien de son temps. Hiéroclès n 'a pas fait un
retour au moyen -platonisme, et spécialement à Origène le païen , et il n 'a pas été
contaminé par le christianisme,mais son système philosophique se situe, comme
les dates approximatives de sa vie le laissent déjà supposer , entre les systèmes de
Jamblique et de Proclus. A propos de l'influence de Jamblique sur l’æuvre
d 'Hiéroclès, cf. aussi 10 D . J. O 'Meara, Pythagoras revived, Oxford 1989,
p. 109-118.
Euvres. Il s'agit du traité Sur la Providence et l'Heimarménè et du commen
taire sur le Carmen aureum . Contrairement à ce que soutient 11 N . Aujoulat,
« Sur la vie et les æuvres de Hiéroclès : problèmes de chronologie » , Pallas 23 ,
Annales Publiées par l'Université de Toulouse - Le Mirail, Nouvelle Série , XII,
fasc. 3, 1976 , p . 19, on ne saurait déceler des différences de doctrine entre ces
deux euvres.
12 R .Henry , Photius, Bibliothèque, l. III, Paris 1962, p . 125, note 1, attribue par erreur en
outre à Hiéroclès un écrit sur Apollonius de Tyane, mais l'auteur en question est un autre
Hiéroclès ( » H 125) , païen lui aussi, qui vécut deux siècles plus tôt sous le règne de Dioclé
tien et dont l'œuvre nous est connue à travers la polémique d ' Eusébe de Césarée. Il ne faudrait
pas non plus confondre, avec N . Aujoulat ( 9 , p . 2 ) , Hiéroclès le néoplatonicien avec le stoïcien
du même nom ( H 124 ), qui vivait au 11° siècle de notre ère et avait écrit une "HOix OTOL
xelwoic.
(1) Ilepi nepovolaç xal cipuapuévns, Sur la Providence et l'Heimarménè
Nous ne connaissons ce traité en sept livres que par les deux brefs résumés
qu 'en donne Photius dans les codd: 214 et 251 de sa Bibliothèque (édition et tra
duction française : Photius, Bibliothèque, t. III et t. VII, texte établi et traduit par
R . Henry, Paris 1962 et 1974 ).
Dédicace : Selon Photius (cod. 214 , 171b 22 sqq., t. III, p. 125 Henry), qui
tire ses renseignements de toute évidence de la dédicace même d 'Hiéroclès, cette
@ uvre a été adressée à un certain Olympiodore, homme épris de philosophie et
instigateur du traité d 'Hiéroclès, qui s'était distingué dans les ambassades ro
maines et “ avait amené dans l'obédience des Romains beaucoup de très grandes
nations barbares, ce qui lui valut auprès d'eux les plus grands honneurs” .
Aujoulat 11, qui suit 13 A . Elter, « Zu Hierokles dem Neuplatoniker », RhM 65,
1910, p. 175- 199, et également 14 Alan Cameron ,« Wandering Poets : a Literary
Movement in Byzantine Egypt», Historia , 14, 1965, p . 476 n . 37 (où il faudrait
lire " cod. 214” au lieu de " cod. 314”), ainsi que 15 L . Török , « A contribution to
post-meroitic chronology : The Blemmyes in Lower Nubia » , dans RSO 58 , 1984 ,
p. 224 , et 16 P. Chuvin , Chronique des derniers païens, Paris 1990, p. 98 , identi
fient, sans laisser planer l'ombre d ’un doute , cet Olympiodore avec Olympiodore
de Thèbes en Égypte . Sur ce dernier, auteur d'un recueil de matériel historique
pour les années 407-425 et très probablementaussi d 'une Blemyomachia ( éd. E .
Livrea), cf. 17 W . Haedicke, « Olympiodoros» 11, RE XVIII 1, 1942, col. 201
207, 18 E .A . Thompson, « Olympiodorus of Thebes » , CQ 38, 1944, p . 43-52 ,
H 126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE 693
ainsi que 19 J. F. Matthews, « Olympiodorus of Thebes and the History of the
West», JRS 60, 1970 , p. 79-97, et 20 R .Maisano, Olimpiodoro Tebano, Fram
menti Storici, Introduzione, traduzione e note con in appendice il testo greco,
Napoli 1979, qui tous les quatre ne traitent pas du problème de l'identification.
De ce recueil historique, qui a été utilisé par Zosime et Sozomène, Photius (Bibl.,
cod. 80, t. I, p. 166 -187 Henry) donne également un résumé. Concernant l'iden
tification des deux Olympiodore, 21 The Prosopography of the Later Roman
Empire , t. II, Cambridge 1980, p . 798 -799, s'exprime à propos d 'Olympiodore
de Thèbes avec plus de circonspection en disant que celui-ci “ is presumably
identical” avec le dédicataire d 'Hiéroclès, tandis que s.v “Hierocles" la même
prosopographie (p. 560 ) identifie les deux . 22 B . Baldwin , « Olympiodorus of
Thebes» , AC 49, 1980, p . 219 conserve un doute .
Le résumé de Photius (cod . 80 , 58b37, t. I, p. 173 Henry) mentionne une
ambassade d 'Olympiodore de Thèbes auprès des Huns qui a eu lieu, comme
nous le savons par ailleurs, en 412. Selon N . Aujoulat (9, p . 2 ; 11, p . 20 et 28),
qui suit Elter 13, la date de la publication du traité Sur la Providence et l'Hei
marménè peut en conséquence être fixée autour de 415. Cette datation est tout à
fait hasardeuse. Même si nous supposions que l'identification des deux Olym
piodore est sûre , ce qui est pourtant loin d 'être le cas, il reste que Photius parle
d'ambassades au pluriel à propos d 'Olympiodore, le dédicataire d'Hiéroclès. Il
n 'y a aucune raison sérieuse permettant de mettre la seule ambassade (ca 412)
d'Olympiodore de Thèbesmentionnée par Photius en rapport avec la publication
du traité Sur la Providence et l'Heimarménè. Etmême si l'on supposait en plus
qu'Hiéroclès avait parlé d'une seule ambassade en utilisant, par un procédérhé
torique, le pluriel au lieu du singulier, cela ne signifierait pas non plus que le
traité Sur la Providence et l'Heimarménè ait été écrit peu de temps après cette
ambassade, donc vers 415. La seule chose que l'on puisse affirmer, c' est que le
traité en question s 'adresse forcément à un Olympiodore vivant. Or, on ne
connaît pas la date de la mort d'Olympiodore de Thèbes. Le dernier événement
raconté dans son recueil historique est l'avènement de Valentinien III en 425 ,
mais il n 'y a pas de raisons valables pour mettre cette date en rapport avec la
mort d 'Olympiodore de Thèbes (cf. Haedicke 17, col. 201), car l'avènement de
Valentinien peut bien être considéré comme le point final voulu par Olympio
dore pour son histoire. Comme l'œuvre a été dédiée à Théodose II, la date de sa
publication se situe entre 425 et la mort de Théodose en 450. Cet intervalle
considérable peut être diminué de quelques années en s'appuyant sur la date
vraisemblable de la publication de l’æuvre historique de Sozomène, qui avait
utilisé Olympiodore. En effet, Sozomène mentionne dans sa dédicace au même
Théodose II un événement de 443 qu 'il qualifie comme récent (cf.Matthews 19,
p .81 n . 20 ). On arrive donc aux dates 425 -ca 440 pour la publication de l'æuvre
d'Olympiodore de Thèbes, sans que tout cela puisse donner le moindre indice
pour la date de publication du traité d'Hiéroclès.
P. Chuvin 16 , p. 98 , identifie en plus " les nombreuses et très grandes nations
barbares” amenées dans l'obédience des Romains, par lesquelles, selon Photius
694 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE H 126
(qui puise dans la dédicace d 'Hiéroclès), Olympiodore fut hautement honoré
(Photius, Bibl., cod. 214, 171 b 26 sqq., t. III, p. 125 Henry), avec la seule nation
des Blemmyes, peuplade vivant aux confins de la frontière sud de l' Égypte , dont
parle Photius à propos d 'Olympiodore l'historien (Bibl., cod. 80 , 62 a 9 sqq., t. I,
p . 182 Henry) dans les termes suivants : " L 'historien (c'est-à -dire Olympiodore
de Thèbes) dit que, lors de son voyage d 'exploration aux environs de Thèbes et
de Soènè, les chefs et devins des Barbares voisins de Talmis, les Blemmyes,
manifestèrent le désir de le rencontrer ; c 'était sa réputation qui les attirait.” Cette
phrase, P. Chuvin 16, p. 98, semble l'attribuer par erreur non pas à Photius écri
vant sur l'historien Olympiodore , mais à son "biographe" Hiéroclès, épithète que
rien ne justifie : une dédicace n 'équivaut pas à une biographie . Cette identifica
tion n 'est pas plus fondée que la supposition de Török 15, p . 224, selon laquelle
le voyage d'Olympiodore auprès des Blemmyes aurait été non un voyage d 'ex
ploration, commeOlympiodore le dit lui-même,mais une ambassade.
Ce qui devrait étonner, si l'on croit à l' identité des deux Olympiodore, c'est le
fait qu'Hiéroclès ne semble pas avoir mentionné, dans sa préface, les intérêts
d'Olympiodore pour l'histoire et sa profession de poète (mentionnée par Photius
résumant l'historien Olympiodore dans Bibl., cod . 80 , 56b 13- 14 , t. I, p. 166
Henry) ; autrement Photius aurait très probablement noté ces traits en lisant
Hiéroclès, et il aurait lui-même fait le rapprochement entre les deux Olympio
dore. Même si l'euvre historique d 'Olympiodore n 'avait pas encore paru au
moment où Hiéroclès lui adressait son traité Sur la Providence et l'Heimarménè,
ilaurait dû parler de son intérêt pour l'histoire et surtout de son activité de poète ,
au lieu de mentionner seulement ses connaissances en philosophie et ses exploits
diplomatiques et guerriers. Car si on lit sans idées préconçues la remarque de
Photius d 'après Hiéroclès, disant qu 'Olympiodore " s' était distingué dans les
ambassades romaines et avait amené dans l'obédience des Romainsbeaucoup de
très grandes nationsbarbares” , on pense, en ce qui concerne la dernière partie de
la phrase, plutôt à des faits d 'armes. Il est donc prudent, à propos de l'iden
tification d 'Olympiodore de Thèbes en Égypte, poète et historien, et d 'Olym
piodore , dédicataire du traité d 'Hiéroclès, de se prononcer pour un non liquet.
Sur le résumé du cod. 251 de Photius, voir 23 N . Aujoulat, « Sur le début du De providen
tia d ’Hiéroclès d'Alexandrie. Photius, Bibliothèque, cod. 251, 460 b 24 - 461 a 22» , ByzS57,
1996 , p . 217-228 .
Le plan du traité (cf. I. Hadot 3 , p . 67-143).
jer livre : D 'après Photius, Bibl., cod. 214 , 173 a 5 -9 , t. III, p . 128 Henry , " le
premier livre consistait dans l' exposé des exercices et recherches qu'il a faits sur
la providence, la justice et le jugement qui va fondre sur nous selon le mérite de
nos actions”.On ne peut pas décider d 'une façon sûre si cette phrase doit être
comprise comme signifiant que le premier livre contenait un exposé complet des
doctrines d 'Hiéroclès ou seulement une " prothéorie” , c 'est-à -dire un conspectus
préliminaire du contenu de tout le traité, ce qui semble plus probable.
2° livre : “Le second, en regroupant les opinions platoniciennes, procure leur
confirmation sur la base des écrits même de Platon ” (cod. 214 , 173 a 9- 10 ,t. III,
H 126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE 695
p . 129 Henry). En fonction des deux possibilités d 'interprétation de la phrase de
Photius résumant le 1er livre , on peut imaginer ou bien que le deuxième livre
exposait d 'unemanière détaillée les doctrines platoniciennes, ou bien qu'il fai
sait seulement la démonstration de la justesse des doctrines rapportées dans le 1er
livre . De toute évidence, il faut entendre par “ doctrines platoniciennes” les thèses
élaborées par l'école platonicienne dans son effort ininterrompu d'exégèse des
écrits de Platon . Plus précisément encore, grâce à ce que nous dit Photius du
septième livre du traité Sur la Providence et l'Heimarménè (voir plus bas), on
peut affirmer que ces "doctrines platoniciennes” correspondaientchez Hiéroclès
à l'actualité représentée pour lui par Plutarque d' Athènes. C 'étaient ces thèses-là
qu ’Hiéroclès cherchait à corroborer par des citations des écrits de Platon .
3° livre : “Le troisième présente les objections dont on pourrait user pour
contester ses opinions et s'évertue à en réduire le danger” (ibid., 173 a 11-13). Il
s 'agit donc d 'une réfutation des opinions opposées aux propres thèses d 'Hiéro
clès. Le résumé contenu dans le codex 251 nous a conservé des extraits de la
réponse d 'Hiéroclès à ceux quinient l'existence du libre arbitre de l'homme.
4e livre: " Le quatrième veut concilier avec les doctrines de Platon ce qu'on
appelle les Oracles et les institutions sacrées de l'hiératique” (ibid., 173 a 13-15 ).
Nous rencontrons ici un élément doctrinal d'une grande importance.En effet, ce
que Photius nomme tà deyóueva Rória n 'est rien d'autre que les fameux
Oracles Chaldaïques, écriture sainte des néoplatoniciens qui joue un grand rôle
dans le néoplatonismeà partir de Porphyre et surtout de Jamblique, et qui aurait
été révélée dans la seconde moitié du 11e siècle de notre ère. Le terme " hiéra
tique" a été introduit dans le néoplatonisme par Jamblique, qui l'empruntait pro
bablement à l'hermétisme ( cf. 24 H . Lewy, Chaldaean Oracles and Theurgy,
Nouvelle édition par M . Tardieu, coll. « Études Augustiniennes » , Paris 1978,
p. 464 ) et, dans le Demysteriis de Jamblique, il embrasse, comme d 'ailleurs le
terme souvent équivalent “ théurgie ”, toutes les formes de rites religieux tradi
tionnels ainsi que la théurgie au sens propre des Oracles Chaldaïques (cf. sur ce
point la thèse encore inédite de 25 J. Carlier, Recherches sur la Lettre à Anébon
de Porphyre , Paris 1995 , le chapitre “Conclusions B : Théurgies” : “ ...dans l'en
semble, la théurgie du Demysteriis, c'est la religion de la fin de l'Antiquité dans
ses aspects les plus divers , théorisée et justifiée à l'aide de concepts empruntés
pour l'essentiel aux Oracles Chaldaïques, qui fournissent à Jamblique une grille
de déchiffrement universelle , applicable à tous les rituels qu 'il choisira d'inté
grer." Voir aussi 26 F . W . Cremer, Die Chaldäischen Orakel und Jamblich " de
mysteriis ", Meisenheim am Glan 1969, p . 24 -25 et 148 -149). Dans le commen
taire sur le Carmen aureum , la technique hiératique est pour Hiéroclès un des
deux moyens de purification du véhicule lumineux de l'âme rationnelle , qui est
congénital avec la dernière et immatériel et immortel comme elle . Il met en
parallèle les deux formes de la purification de l'âme raisonnable humaine, les
sciences mathématiques et la contemplation dialectique des étants, avec les deux
formes de la purification du corps lumineux (In Carm . aur. XXVI, 21-22, p. 116
sq . Köhler). Le premier degré de cette purification, mis en parallèle avec les
696 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE H 126

sciences mathématiques, est la télestique, qui comprend tous les rites liés aux
différents cultes des Cités (In Carm . aur. XXVI, 26 , p. 118, 10 - 11 Köhler ). Le
deuxième degré, mis en parallèlle avec la contemplation dialectique des étants,
peut, dans ce contexte, difficilement désigner autre chose que la théurgie au sens
propre. De toute manière, ni la contemplation dialectique des étants ni ce genre
de théurgie ne sont accessibles aux débutants et elles ne sont donc pas traitées
dans le commentaire. (Ce fait ne s'explique nullement par une influence chré
tienne, comme le croit 27 H . S. Schibli, « Hierocles of Alexandria and the vehicle
of the soul», Hermes 121, 1993, p. 109- 117, notamment p . 114 , en se fiant im
prudemment aux arguments infondés de Aujoulat 9.) L 'usage que fait Hiéroclès
des termes “ hiératique" et " télestique" dans son commentaire sur le Carmen au
reum ne prouve pas que, dans un autre contexte , il n 'ait pu employer le terme
"hiératique” également dans un sens plus vaste, comme le fait Jamblique dans le
Demysteriis, ou qu 'il n' ait pu, par exemple en faisant un cours sur le Phèdre de
Platon , éventuellement distinguer deux formes de la télestique ( comme Hermias
Syrianus le font dans le commentaire sur le Phèdre ), dont l'une serait telle qu 'il
l'a décrite dans le commentaire sur le Carmen aureum , et dont l'autre serait pla
cée plus haut que la philosophie (cf. 28 O . Ballériaux, « Qloooowç tà Deovp
ylxà EETÁČELV . Syrianus et la télestique » , Kernos 2, 1989, p. 13-25). A propos
du sens de “ télestique" dans le Phèdre de Platon, cf. 29 Id ., « Mantique et télesti
que dans le Phèdre de Platon » , Kernos 3, 1990, p. 35 -43). Mais une chose est
sûre : si Hiéroclès s'emploie à prouver l'accord de Platon avec les Oracles Chal
daïques et la pratique hiératique qui, dans le commentaire sur le Carmen
aureum , est pour lui la théurgie, il se range parmi les adhérents de Jamblique et
utilise un procédé qu'il ne peut pas avoir trouvé chez les auteurs du moyen
platonisme. Enfin , il cite très souvent, dans son commentaire sur le Carmen
aureum , les Oracles Chaldaïques.
5e livre: “Le cinquième fait remonter à Orphée , à Homère et à tous ceux qui
étaient célèbres avant l'apparition de Platon la philosophie de Platon sur ces
sujets” (ibid ., 173 a 15 -18 ). Nous retrouvons cet effort systématique d'assimila
tion dans les commentaires de Proclus, mais aussi déjà chez son maître Syrianus,
qui lui aussi avait été le disciple de Plutarque d' Athènes. La Souda, s.v. “Syria
nos” , t. IV , p . 479, 1 Adler , nous dit qu'il avait écrit dix livres sur l'accord
doctrinal entre Orphée, Pythagore, Platon et les Oracles Chaldaïques.Mais la
conception d'une transmission supposée des révélations philosophiques par la
lignée Orphée – Pythagore - Platon et l'incorporation des Oracles Chaldaïques
était déjà l'æuvre de Jamblique (cf. O 'Meara 10, p . 114 - 118 , sur l'influence du
syncrétisme jambliquéen sur Hiéroclès). Dans le résumé de Photius, le nom ,
entre autres, de Pythagore se cache certainement dans la tournure “tous ceux qui
étaient célèbres avant l'apparition de Platon ”. Comme l'exemple de l’Alexandrin
Hiéroclès le prouve, ce syncrétisme n 'est pas un signe distinctif du néoplato
nisme enseigné à Athènes.
6° livre : “ Le sixième prend tous les philosophes postérieurs à Platon, avec
Aristote lui-même comme le plus important, jusqu 'à Ammonius d 'Alexandrie
H 126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE 697
(> A 140 ), dont les disciples les plus remarquables furent Plotin et Origène (scil.
Origène le païen) ; il prend donc, après Platon et jusqu'aux hommes que l'on
vient de mentionner, tous ceux qui se sont fait un nom en philosophie et il prou
ve qu'ils sont tous d'accord avec les vues doctrinales de Platon ; tous ceux qui
ont tenté de rompre l'unité de vue entre Platon et Aristote, il les range parmiles
mauvais, dont il faut se détourner avec horreur; ils ont altéré beaucoup de don
nées de l'æuvre de Platon tout en le proclamant leurmaître et il en va de même
pour les écrits d 'Aristote de la part de ceux qui se réclament de son école . Et
toutes leurs machinations n 'ont pas eu d 'autre but que de trouver les moyens de
mettre en conflit le Stagirite et le fils d' Ariston” (ibid ., 173a18-31). Il fautmettre
ce texte en rapport avec un passage parallèle du début (cod. 214 , 171633
172 a 8, t. III, p . 125): “Le but déclaré de la présente enquête , c'est de traiter de
la Providence en mettant ensemble la doctrine de Platon et celle d 'Aristote ;
l'auteur veut, en effet, rapprocher les deux penseurs non seulement dans leurs
théories sur la Providence,mais aussi sur tous les points où ils conçoivent l'âme
comme immortelle et où ils ont philosophé sur le ciel et sur le monde. Quant à
tous ceux qui ontmis ces auteurs en désaccord, il explique longuement qu'ils se
sont gravement trompés... Il ajoute que ces derniers ont formé un cheur
imposant jusqu 'au moment où a brillé la sagesse d 'Ammonius, dont il rappelle
avec emphase qu'il fut surnommé " l' élève des dieux” . C ' est lui, dit-il, qui a
ramené à leur pureté les doctrines de ces deux anciens philosophes, enlevé les
sottises qui s' étaient développées des deux côtés et montré l'accord entre la
pensée de Platon et celle d 'Aristote sur les questions de doctrine importantes et
les plus nécessaires."
Le sixième livre fait donc l'histoire du platonisme en soulignant fortement
l' accord des philosophies de Platon et d'Aristote. Cette tendance à l'harmonisa
tion a ses racines déjà dans le moyen-platonisme, où cependant elle était encore
largement combattue, et c'est seulement avec Porphyre et Jamblique qu 'elle s'est
imposée à des degrés variables à l'ensemble des néoplatoniciens (cf. à ce propos
30 I. Hadot, « Aristote dans l'enseignement philosophique néoplatonicien » , dans
RThPh 124, 1992, p. 407-425, notamment p . 418-425). Hiéroclès cependant
attribue ce rôle à Ammonius Saccas (MA 140 ), le maître de Plotin . On a proposé
comme source de cette histoire de la philosophie ou Porphyre (I.Hadot 3 , p . 75
76 ) ou Jamblique (O 'Meara 10, p. 113). Cela n'est pas nécessairement une alter
native : Jamblique, comme il le fait souvent, a bien pu prendre comme base de
son propre travail une cuvre de Porphyre .
7e livre : “Le septièmelivre prend un nouveau départ en traitant de la doctrine
de cet Ammonius, dont on vient de parler. Plotin et Origène et assurément aussi
Porphyre et Jamblique ainsi que leurs successeurs, selon son propos, sont nés de
souche divine, jusqu 'à l' Athénien Plutarque, dont il dit qu 'il a été le maître qui
lui a enseigné leurs doctrines ; tous ceux -là sont en accord avec la philosophie de
Platon ramenée à son état de pureté” (ibid., 173a 32-40, t. II, p. 129-130 Henry ;
cf. ibid ., cod. 251, 461a 24 sqq., t. VII, p . 191 Henry) .
698 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE H 126
Le septième livre a donc pour but de prouver que depuis Ammonius Saccas
jusqu 'à Plutarque d 'Athènes les doctrines sur la Providence et l'Heimarméné
sont restées les mêmes – ce qui, du point de vue historique, est vrai dans les
grandes lignes -, et qu 'elles sont conformes à la philosophie de Platon, ce quiest
moins vrai, quand on pense au caractère typiquement néoplatonicien de ces doc
trines. Quant à la désignation d 'Ammonius Saccas comme celui qui aurait dura
blement rétabli dans sa pureté la vraie doctrine de Platon , entendons la doctrine
néoplatonicienne, pour les générations des néoplatoniciens après lui, il semble
qu 'il ait été réellement le véritable inventeur de l'exégèse fondamentalement
néoplatonicienne du Parménide de Platon en interprétant les hypothèses comme
se rapportant à des hypostases réelles, interprétation dont résultait la conception
d'un Un au-delà de l' étant ou de l'intellect (cf. 31 H .- D . Saffrey, « La Théologie
platonicienne de Proclus et l'histoire du néoplatonisme », dans 32 G . Boss et G .
Seel (édit.), Proclus et son influence. Actes du Colloque de Neuchâtel, juin 1985,
Zürich 1987, p. 32). Son élève Origène pourtant, après avoir adhéré aux doc
trines de son maître, s'en était éloigné plus tard (cf. 33 H .-R . Schwyzer, « Pro
klos über den Platoniker Origenes» , dans 32, p. 45-59), fait qu 'Hiéroclès ne
mentionne pas, probablement parce qu 'il ne l'avait pas trouvé dans sa source,
qui a peut-être été écrite avant la volte-face d 'Origène.
Dans les quelques paragraphes que Photius emploie à résumer les doctrines
d'Hiéroclès concernant la matière engendrée hors du temps, le démiurge qui
crée, sans matière préexistante, de toute éternité etpar son seulêtre , la structure
ternaire du démiurge qui se reflète dans les trois classes d'âmes, le véhicule de
l'âme, on ne saurait rien trouver qui permette de distinguer ces doctrines du néo
platonisme ambiant. Au contraire, dans tout ce que nous dit Hiéroclès sur ces
thèmes, on trouve des détails précis, caractéristiques, structurés, qui correspon
dent exactement au néoplatonisme de son temps et sont très proches de Jambli
que.
(2 ) Le commentaire sur le Carmen aureum
Édition critique. F. W . Köhler, Hieroclis in Aureum Pythagoreorum Carmen
commentarius, coll. BT, Stuttgart 1974, XXX -135 p. On peut regretter que l'ap
paratus fontium de cette édition soit si succinct. Son auteur, qui n 'est visible
ment pas un spécialiste du néoplatonisme, ne relève pas par exemple les nom
breuses citations et allusions d 'Hiéroclès aux Oracles Chaldaïques.
34 Pascale Derron , « Inventaire des manuscrits des Vers d 'or pythagoriciens» , RHT 22,
1992, p . 1- 17 , recense 200 manuscrits, dont quelques-uns conservent le commentaire de Hié
roclès.
Traduction. De toutes les traductions, la seule à laquelle on peut attribuer
une certaine valeur, parce qu'elle s'appuie sur un texte bien établi, mais qui ne
reflète pas encore avec assez de précision le contenu doctrinal, est celle de F .W .
Köhler, Hierokles, Kommentar zum pythagoreischen Goldenen Gedicht, coll.
« Griech. u . Lat. Schriftst.» , Stuttgart 1983, 102 p .
Au sujet du Carmen aureum lui-même, cf. 35 J. C . Thom , The Pythagorean
Golden Verses, with Introduction and Commentary , Leiden /New York /Köln
H 126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE 699
1995, qui, avant de proposer sa datation propre, 350 -300 avant notre ère (p . 57
sq.), résume les recherches antérieures aux siennes quant à la date de sa compo
sition et son présumé auteur. J. C . Thom est d 'avis que le Carmen aureum servait
à un groupe pythagoricien de texte fondamental pour l'instruction des jeunes
(p . 80 ).
Aux yeux des néoplatoniciens, le caractère gnomique du Carmen aureum le
rendait, comme le Manuel d'Épictète, éminemment apte à une introduction à la
philosophie néoplatonicienne (cf.I. Hadot 3 , p . 160-164). De son côté, Hiéroclès
le constate dans la préface à son commentaire: " Il est donc nécessaire pour
acquérir cette science (c'est-à -dire la philosophie) ... de posséder certaines
règles (xavovec) rédigées d 'une manière concise , comme des aphorismes scien
tifiques, afin que, selon un ordre précis et une bonne méthode, nous parvenions
au but de la viemorale . Parmi ces règles ... les poèmes pythagoriciens qu 'à juste
titre on appelle Vers d 'Or sont à placer parmiles premiers (p. 5 , 7 sqq.Köhler).”
Il déclare ensuite (p . 6 , 26 - 7, 1) que le poème a pour but de procurer aux
lecteurs une empreinte philosophique (xapaxtñpa Olóoopov ) avant les autres
lectures, c'est-à-dire avant de commencer le cursus néoplatonicien d'études qui
consistait dans la lecture d'un choix défini d'æuvres d 'abord d 'Aristote et
ensuite de Platon . Une telle æuvre , destinée aux débutants, comme d'ailleurs le
commentaire lui-même, ne permet guère de développer in extenso le système
philosophique néoplatonicien, comme le dit Hiéroclès lui-même à la fin de son
commentaire : " Telle a été notre exégèse des Vers d 'Or. Elle contient un aperçu
sommaire et modeste sur l'enseignement des pythagoriciens. En effet, il n 'a pas
semblé qu 'il fût permis de garder à mes explications la concision des Vers d 'Or
eux -mêmes ... ni de les étendre à toute l'ampleur de la philosophie tout entière
... Bien plutôt, il m 'a semblé souhaitable d' imposer à mes explications une
mesure telle qu 'elle soit apte à donner le sens des Vers et, à propos de leur inter
prétation , à ne développer, des dogmes généraux, que ce qui convient à une exé
gèse de ces Vers.” (XXVII 1, p . 121, 19 sqq. Köhler). Hiéroclès a donc très clai
rement fait comprendre que son commentaire ne développait pas tous les détails
de son système philosophique. Puisque le texte à commenter ne parle que des
dieux du culte et de Zeus comme du plus éminent de ceux-ci, il n 'aurait pas été
surprenant qu 'Hiéroclès ne fasse jamais allusion à une hypostase supérieure au
démiurge qu'il identifie à Zeus (cf. XXV 1, p. 105, 4-5 ; XXV 4, p. 106 , 8- 9
Köhler) et à l’Intellect (cf. Photius, Bibl., cod. 251, t. VII, p. 194 Henry, et In
Carm . aur., XX 19, p. 89, 19 -20 Köhler: le démiurge = Deos vontóc). Mais il
existe quand même un endroit du commentaire qui montre qu 'Hiéroclès ne
considérait pas le démiurge comme la plus haute entité ontologique, contraire
ment à ce que pensent Praechter 6 , Kobusch 8 et Aujoulat 9. Il s'agit du déve
loppement arithmologique des pages 87, 16 -89, 18 Köhler, où la tétractys men
tionnée dans le Carmen aureum est assimilée par Hiéroclès au démiurge, et
celui-ci au nombre quatre parmi les dix premiers nombres (= Idées-Nombres) qui
sont pourvus, selon une tradition pythagorico-platonicienne plusieurs fois sécu
laire, de hautes fonctions causales et créatrices. Dans ce texte , la situation subor
700 HIÉROCLÈS D ' ALEXANDRIE H 126
donnée et causalement dépendante du démiurge, identifié au nombre quatre
(= tétrade), par rapport aux nombres deux (= dyade) et un (= monade), ressort
très clairement (cf. I.Hadot 4 etsurtout 5). Comme par ailleurs le démiurge avait
été identifié par Hiéroclès avec l'Intellect, le nombre un , la monade, ne peut se
situer qu 'au -delà de l'Être ou Intellect, ce qui prouve encore une fois le caractère
purement néoplatonicien de la philosophie d'Hiéroclès.
Le commentaire sur le Carmen aureum démontre clairement que, pour Hiéro
clès, à la suite de Jamblique, le pythagorisme contenait toutes les vérités fonda
mentales de la philosophie de Platon (cf. O 'Meara 10, p . 115 sqq.). O 'Meara
remarque que le commentaire (XXVI 2, p. 111, 13- 14 Köhler) évoque Platon
comme interprète , dans le Phèdre, de la doctrine pythagoricienne et décrit le per
sonnage de Timée dans le Timée de Platon comme enseignant avec exactitude
les dogmes pythagoriciens (Préface, 5, p. 6 , 2 Köhler). Enfin , demême que chez
Jamblique, Empédocle (* + E 19) est désigné comme pythagoricien (XXIV 2,
p . 98, 10 Köhler ). Cette doctrine de Jamblique, selon laquelle la philosophie de
Pythagore est la source de celle de Platon , remonte très probablement aux
moyen-platoniciens que nous appelons “néopythagoriciens” , qui se distinguent
des autres moyen -platoniciens essentiellement par le fait qu 'ils étudient les
æuvres de Platon comme témoignage de la philosophie de Pythagore et non pas
commeeuvres contenant une doctrine originale.
S 'il existe, dans l'æuvre d 'Hiéroclès, un certain nombre de traits doctrinaux
qui se fondent sur la philosophie de Jamblique et ne se trouvent pas à une date
antérieure à celui-ci (cf. I. Hadot 3, p. 71, 1er paragraphe ; 93-97 ; 98 -110 ; 112
113), cela ne veut pas dire que le système philosophique d'Hiéroclès ne s'écarte
pas occasionnellement de celui de Jamblique. Voici un exemple. En XXVI 4 ,
p. 112, 5 - 17 Köhler, Hiéroclès explique, en citant les Oracles Chaldaïques, que
l'âme raisonnable humaine possède un véhicule, le corps lumineux , qui lui est
congénital et qui est, comme elle , immatériel et l'æuvre du démiurge. Ce corps
lumineux ou pneumatique immatériel, qui est une espèce de vie, assure la jonc
tion de l'âme raisonnable humaine avec son corpsmatériel. Le corps lumineux
se place, lors de l'incorporation de l'âme raisonnable, dans le corps mortel et
encore inanimé et lui insuffle la vie . Or, il n 'y a pas de doute que l’immortalité
de l'âmeraisonnable humaine et de son corps lumineux ait été affirmée égale
ment par Jamblique.Mais ce dernier a-t-il admis aussi que le corps lumineux est,
comme l'âme raisonnable , l’æuvre du démiurge ? 36 J. F. Finamore, lamblichus
and the Theory of the Vehicle of the Soul, Chico , California 1985 , p. 11 et
ailleurs , répond affirmativement à cette question , tandis que 37 W . Deuse, dans
son compte rendu du livre de Finamore (Gnomon 59, 1987, p. 409), s'élève
contre cette affirmation. Par contre il semble être sûr que Jamblique tenait pour
immortelle l'âme irrationnelle (cf. Finamore 36 , p. 15 sqq.) qui, pour Hiéroclès
comme pour les néoplatoniciens postérieurs , était mortelle .Mais contrairement
aux néoplatoniciens postérieurs , qui attribuent à l'âme humaine deux véhicules
différents, Hiéroclès n 'en connaît, commeJamblique et les Oracles Chaldaïques,
qu 'un seul. Cet exemple éclaire bien la position intermédiaire d'Hiéroclès entre
H 129 HIÉRONYMOS DE RHODES 701

Jamblique et les néoplatoniciens postérieurs. Nous connaissonsmalheureuse


ment trop peu de choses de la philosophie du maître d 'Hiéroclès, Plutarque
d' Athènes, pour pouvoir nous rendre compte de l' étendue de son influence per
sonnelle sur son élève.
ILSETRAUT HADOT.
127 HIÉROCLÈS D 'HYLLARIMA (Carie) RE 17(b )
Selon Étienne de Byzance, Ethnica (epitome), p. 647, 18 , d 'Hyllarima en
Carie, ville voisine de Stratonicée, était originaire Hiéroclès, célèbre pour être
passé des exercices athlétiques à la vie philosophique (odev pu ‘ lepoxins, ó
årò đoảnoewv Šnioooopiav åyOeíc ). Cf. K . Praechter,« Hierokles der Stoi
ker » ,Leipzig 1901, VII-159 p., repris dans Kleine Schriften hrsg. von H . Dörrie,
coll. « Collectanea » 7, Hildesheim /New York 1973, p . 314-468, notamment
p. 421-422, quiréserve son jugement sur une identification avec le stoïcien du 11°
siècle de notre ère (MH 124 ). Un terminus ante quem pourrait être fourni par la
source d 'Étienne de Byzance : on pense généralement à l'ouvrage du gram
mairien du lie siècle de notre ère Philon de Byblos, llepi nónewv xai ous
εκάστη αυτών ενδόξους ήνεγκε.
RICHARD GOULET.

128 HIERONYMOS RE 13
Damascius est le seulnéoplatonicien à faire état d'une théogonie ſorphique ?]
qu 'il attribue, non sans quelque hésitation, à deux personnages énigmatiques :
« La théologie rapportée d'après Hiéronymos et Hellanikos, si toutefois il ne
s'agit pas du même personnage, est la suivante » (De princ. par. 123 bis, Ruelle
I, p. 317, 5-6 = Combès-Westerink III, p. 160 , 17 -18 ). Les fragments qui sub
sistent de cette théogonie sont réunis dans les Orphicorum fragmenta d ' O . Kern
(Berlin 1922) aux numéros 54 à 59.
Cf. A . Gudeman , art. « Hieronymos » 3, RE VIII 2, 1913, col. 1564. Voir
aussi M .L . West, « Graeco -Oriental orphism in the third century B . C .» , dans
D . M . Pippidi (édit.), Assimilation et résistance à la culture gréco -romaine dans
le monde ancien, Paris/Bucarest 1976 , p. 221-226 .
LUC BRISSON .

129 HIÉRONYMOS DE RHODES RE 12 IIIa


Philosophe péripatéticien.
Fragments et témoignages. 1 F. Wehrli, Hieronymos von Rhodos; Kritolaos
und seine Schüler ; Rückblick : Der Peripatos in vorchristlicher Zeit ; Register,
coll. « Die Schule des Aristoteles » 10 , Basel/Stuttgart 19692. p. 9 -23 (frag
ments) ; p . 29 -44 (commentaire). A cette collection il faut ajouter un fragment
papyrologique, POxy. 3656 : 2 P. J. Parsons, dans H .M . Cockle , The Oxy
rhynchus Papyri, vol. LII, coll. « Greco-Roman Memoirs » 72 , London 1984,
p. 47 -50, repris dans 3 CPF I 1* * (1992), p. 452-453 (F .Montanari).
702 HIERONYMOS DE RHODES H 129
Études. 4 R . Daebritz , art. « Hieronymos» 12 , RE VIII 2 , 1913, col. 1561
1564; 5 G . Arrighetti, « leronimo di Rodi» , SCO 3 (noté 2 ), 1955, p. 111- 128 ;
6 F . Wehrli « Der Peripatos bis zum Beginn der römischen Kaiserzeit » , GGP,
Antike 3, 1983, p. 575-576 ; 7 A . J. Podlecki, « The Peripatetics as literary cri
tics» , Phoenix 23, 1969, p. 114-137 (surtout p . 125-126 ); 8 M .C . Dalfino,
« Ieronimo di Rodi: la dottrina della vacuitas doloris » , Elenchos 14 , 1993,
p . 277- 304 ; 9 T. Dorandi, « Varietà ercolanesi,6 - 10 », CronErc 21, 1991, p . 105
109.
Vie . Les renseignements sur sa vie sont maigres. Son origine rhodienne est
bien attestée (fr. 1 ; 8a ; 9d ; 27 ; 28 ; 35 ; 39 ; 43; 44 ; 45 Wehrli), ainsi que son
appartenance au Péripatos (fr. 2 ; 3 ; 4 ; (6 ); 7 ; 8c ; 9c ; 13 ; 28 ; 34 ; 51 Wehrli).
Hiéronymos a pu être introduit à la philosophie péripatéticienne par Praxiphane à
Rhodes même, où une tradition aristotélicienne semble s'être développée après
322/1 sous l'impulsion de son compatriote Eudème ( E93) (Wehrli 6 , p . 575 ;
cf. R . Pfeiffer, History of classical scholarship , p . 266 ). Pour la chronologie , on
se fonde principalement sur trois témoignages: ( 1) Ses relations avec Arcésilas
de Pitane (> A 302 ] (fr. 4 et 6 Wehrli); (2) Sa responsabilité dans l'organisation
(avec Arcésilas (?), cf.Wehrli 1, p. 29 ;mais les liens d 'Arcésilas avec la cour de
Pergame rendent sa participation active à l'organisation de ces festivités peu
probable (PA 302, p . 329 Dorandi]) des fêtes annuelles organisées à Athènes à
la mémoire d 'Halcyoneus, fils d ’Antigone Gonatas, mort vraisemblablement en
Attique au cours de la guerre de Chrémonidès (26776 -262 ?) ; sur cette question ,
cf. 10 Chr. Habicht, Untersuchungen zur politischen Geschichte Athens im 3 .
Jahrhundert v. Chr., coll. « Vestigia , Beiträge zur alten Geschichte » 30 ,
München 1979, p. 72-73 ; Id ., « Hellenistic Athens and her philosophers» , dans
C . Habicht (édit.), Athen in hellenistischer Zeit, München 1994, p . 231-247
(p. 235) ; (3) Ses relations (conflictuelles) avec le scholarque du Lycée,Lycon de
Troade (fr. 3 et 4 Wehrli). On peut ajouter le témoignage de Diogène Laërce (IV
41), selon lequel il aurait rencontré Aridicas de Rhodes ('Aploeixnv est une cor
rection , fr. 4 Wehrli ; cf. » A 330). On en déduit qu 'il a dû vivre dans les deux
premiers tiers du IIIe s (Wehrli 1, p . 29, et Wehrli 6 , p . 575). Aucun indice ne
permet de préciser la date de sa mort. Daebritz 4, col. 1561, propose ca 290 -230 .
Ce qui précède laisse entendre qu' il a vécu à Athènes. Qu 'il ait été scholarque du
Lycée, comme est seule à l'indiquer la Vita Hesychiana dans une liste désordon
née de scholarques péripatéticiens (fr. 2 Wehrli), paraît peu vraisemblable :
l'école péripatéticienne semble bien avoir été dirigée à l'époque par son adver
saire Lycon (scholarque de 268 à 224 ; cf. 11 J. P . Lynch, Aristotle 's school. A
study of a Greek educational institution , Berkeley/Los Angeles/London 1972,
p. 141 et n . 12 ). D 'après le fr. 6 Wehrli, Hiéronymos tenait « école » à Athènes.
Ses bonnes relations avec Antigone ont fait penser qu 'il était le destinataire des
lettres (?) envoyées par le roi macédonien mentionnées dans la Vita Arati (fr. 5a
et 5b Wehrli), mais il doit plutôt s'agir de l'historien des Diadoques et des Épi
gones, Hiéronymos de Cardie (voir la notice « Antigone Gonatas » A 194 , DPhA
I, 1989, p . 213 [R . Goulet ), et 12 J. Hornblower, Hieronymus of Cardia, coll.
H 129 HIÉRONYMOS DE RHODES 703

« Oxford Classical and PhilosophicalMonographs » , Oxford 1981, p . 15). Pour


d'autres confusions possibles avec des homonymes, cf.Wehrli 1, p . 44 .
Euvres. Les titres d 'ouvrages de Hiéronymos mentionnés par les anciens
sont peu nombreux . Je les donne en suivant l'ordre des fragments publiés par
Wehrli 1, en indiquant entre crochets droits les témoignages ou fragments rangés
par Wehrli sous le mêmetitre :
(1) Tepì łnoxñs, Sur la suspension ( du jugement] (fr. 24 Wehrli). Si le titre
est exact (cf. infra , nº 9 ), il pouvait s 'agir d ' un ouvrage traitant sur le mode
historico -biographique (Wehrli 1, p . 35) d 'une notion fondamentale de la philo
sophie de l'académicien Arcésilas (» A 302) avec qui Hieronymos avait été en
relation (cf. fr. 4 et 6 Wehrli (tirés de la vie d 'Arcesilas de D . L .)). D 'autre part,
le seul témoignage sur ce titre, conservé par Diogène Laërce (II 105 ), rapporte
une anecdote concernant Phédon d 'Élis. Il se pourrait alors que Hiéronymos ait
traité de Phédon comme d 'un tenant de la thèse sceptique. On sait en effet que
l'héritier de l'École d'Élis,Ménédème d'Érétrie , a défendu une thèse semblable
(cf. 13 D . Knoepfler, La vie de Ménédème d'Érétrie de Diogène Laërce. Contri
bution à l'histoire et à la critique du texte des Vies des philosophes, coll.
« Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft » 21, Basel 1991, p . 189
n . 51; cf. encore 14 F . Decleva Caizzi, « Prolegomeni ad una raccolta delle fonti
relative a Pirrone di Elide » , dans G . Giannantoni (édit.), Lo scetticismo antico,
Napoli 1981, t. I, p . 118 - 119 ). Que Hiéronymos ait lui-même défendu une forme
de suspension de jugement, rien ne permet de l'affirmer (contra , cf. Wehrli 1,
p . 15 ). Sur cet ouvrage, voir encore F . Decleva Caizzi, « Pirroniani ed Accade
mici nel III secolo A . C .» , dans Aspects de la philosophie hellénistique, coll.
« Entretiens sur l'Antiquité classique» 32, Vandæuvres-Genève 1986 , p. 165
166 .
(2) Lepì uéons, Sur l'ivresse (fr. 27 et 28 Wehrli [fr. 25-28 ]). Une æuvre
portant le même titre est attribuée à Aristote (fr. 666 -677 Gigon ), à Théophraste
(D . L . V 44 = fr.436 n°31Fortenbaugh et alii) et à Chamailéon (* * C 93).
(3) Hepì noint@ v , Sur les poètes (fr. 33 Wehrli (fr. 29-33 Wehrli]).
(4 ) Tepi tpayWOLONTOLWV (Souda, s.v. 'Avayupaolos, t. I, 1, n° 1841 Adler ;
(- 80noc@ v , Wehrli 1, p . 16 ]), Sur les poètes tragiques (fr. 32 Wehrli) .
(5) Iepi xldapwdāv, Sur les citharèdes (= le 5€ livre Sur les poètes, fr. 33
Wehrli) .
(6 ) ' Iotopixà únouvňuata ,Mémoires historiques (fr. 35 et 36 Wehrli). Ce
titre et le suivant sont compris dans une même section intitulée par Wehrli
« Histoire culturelle et éléments biographiques de diverses provenances » (fr. 34
49 Wehrli).
(7) Enopádnu únou vňuata ,Mémoires variés (fr. 39 et 41 Wehrli).
(8) 'Eniotomaí (?), Lettres (fr. 38 Wehrli).
A cette liste il faut ajouter un nouveau titre, conservé dans un papyrus d 'Oxy
rhynchus (POxy 3656 , II-III s.) :
704 HIÉRONYMOS DE RHODES H 129

(9) Tepi ouvoxñs (Parsons 2, p. 47-50 ; CPF 3 ). Le fragment de papyrus qui


nous a conservé ce titre doit appartenir à une histoire anecdotique des vies de
philosophes. Le texte parle d 'une jeune fille (mvpipaxa (= ukipaxa ) lignes 15
16 : on a pensé à Axiothéa de Phlionte (2 + A 517 ]) qui aurait suivi les leçons de
Platon ( ?), de Speusippe puis de Ménédème d ' Érétrie (confusion avec l'Acadé
micien homonyme,Ménédème de Pyrrha ; le témoignage est rapporté à tort à
Ménédème d 'Érétrie par les éditeurs modernes (CPF I 1 * * , p . 472 )) et ajoute :
« Hiéronymos de Rhodes, lui aussi, a parlé d 'elle dans son traité Sur la synochè»
(ěv Tŷ Nepi ouvoxñs ouvypáupati, lignes 7 -11) . S'agit-il du même ouvrage
que le premier de la liste , comme on en a fait l'hypothèse (cf. CPF 3 , p . 453) ?
Mais alors quel en était le titre original ? La signification du terme ouvoxń n 'est
d 'ailleurs pas claire (cf. CPF 3, p. 453 : " On coherence ?” [Parsons) ; “ Dell'im
pedimento " (Gigante ]). Cf. en dernier lieu M . Gigante , « Quando interloquisce
un papiro » , dans M . Capasso (édit.), Papiri letterari greci e latini, coll. « Papy
rologica Lupiensia » 1, Galatina 1992, p . 7 -11 (l'auteur considère que POxy 3656
nous donne le titre original de l'ouvrage transmis par les manuscrits de Diogène
Laërce sous le nom de Mepi énoxñs).
Cette liste, qui n 'embrasse certainement pas la totalité de la production de
Hiéronymos, comme on le verra, doit encore être réduite. En effet, le fr. 33
Wehrli nous apprend que le llepixdapwd @ u formait le cinquième livre du lepi
ποιητών et il est probable que le Περί τραγωδ(ι)οποιών faisait lui aussi partie
du même ouvrage. D 'autre part, les deux Mémoires mentionnés (fr. 34 -49
Wehrli) peuvent renvoyer à un seul ouvrage. Quant aux Lettres, l'expression uti
lisée par Athénée (X , 435 a : 'Iepúvupós te ¿v Talc ÉALOTOMATç oeó paotów
onol őti XTĖ.) est ambiguë : il peut s 'agir aussi bien de lettres de Hiéronymos
que de Théophraste , pour qui un corpus de lettres est bien attesté (fr. 727, nº 15
et 16 Fortenbaugh et alii) .
A côté des témoignages que l'on peut attribuer raisonnablement – mais sans
certitude – aux ouvrages mentionnés, il subsiste des groupes de témoignages
suffisamment homogènes pour que Wehrli ait pu les rapporter à d' autres æuvres
dont lestitres ne sont pas attestés.
(a ) Sur le telos. Un groupe important de témoignages traite de la question tra
ditionnelle à l'époque hellénistique de la fin dernière des biens (summum
bonum ; finis (bonorum ) ; ultimum bonorum ; extremum ; tò aipetov, Téos; fr.
8- 18 Wehrli) ; les témoignages les plus significatifs viennent de Cicéron, en par
ticulier du De finibus. Les expressions, verbales et nominales, désignant la fin
dernière dans la philosophie morale de Hiéronymos sont, d 'après les témoi
gnages conservés: nihil dolere, non dolere, dolore vacare, vacare omnimolestia ,
sine ulla molestia vivere, vacuitas doloris, indolentia (Cicéron ) ; indolentia =
årtovía (Porphyrion, II-IIIe s.); đoxantwç ñv (Clément d 'Alexandrie ); koyan
oia (Jamblique) [Sur ce terme d 'origine sans doute speusippéenne, cf. M . Isnardi
Parente , Speusippo, Frammenti, edizione, traduzione e commento a cura di
M . I. P ., coll. « La scuola di Platone » 1, Napoli 1980 , p . 350 ). Sur la différence
H 130 HIÉROPHILE 705
entre cette conception du telos et celle , proche dans sa formulation , d'Épicure ,
cf. Arrighetti 5, p. 120- 121.
(b ) Sur l'éducation . Deux témoignages (fr. 19 -20 Wehrli) pourraient appar
tenir à un ouvrage sur l'éducation (cf. par ex. Théophraste , llepi naidwv åyw
yñs a ', fr.436 , n° 10 Fortenbaugh et alii).
(c) Sur la colère (fr. 21-23 Wehrli); cf. Arrighetti 5, p. 112-116 et n. 4,
p. 112.
( d ) Critique littéraire. Comme la plupart des péripatéticiens, Hiéronymos
s'est aussi intéressé aux questions de critique littéraire et en particulier aux
rythmes des textes des orateurs (fr. 50 -52 Wehrli ; les fr. 51 et 52 mentionnent
ses critiques sur la prose d'Isocrate ).
(e) Sur la perception. Un témoignage isolé pourrait renvoyer à une théorie de
la perception visuelle et olfactive (Plut. Quaest. conv. I,626 a ; fr. 53 Wehrli) ;
malheureusement le texte de Plutarque est lacunaire ; on a pu faire l'hypothèse
que la lacune était importante et que la théorie rapportée par l'un des convives
du banquet n ' était pas celle de Hiéronymos (cf. F . Fuhrmann, Plutarque, Euvres
morales, CUF, t. IX , 1, Paris 1972, p . 165 n. 1 ad p . 45),mais d 'un autre philo
sophe, sans doute un épicurien , dont le nom a disparu . En fait, la théorie corpus
culaire de la vision qui y est développée,malgré son caractère épicurien , pourrait
bien être celle de Hiéronymos (Wehrli 1, p . 43-44).
Les jugements portés sur l'euvre de Hiéronymos – en fait 53 fragments –
sont généralement très critiques (« fu un ardente polemista , nulla di piú » ,
Arrighetti 5, p. 128).
Témoignage archéologique. On a parfois identifié à notre philosophe le Hié
ronymos de l'inscription figurant sur le linteau d'un monument funéraire rhodien
dont le relief sculpté représente une scène d 'école (philosophique ?) et une repré
sentation peut- être platonicienne de l'au-delà . L'inscription se lit 'Iepwvúhov
TOŨ Eluulivou Tablov' « Hiéronymos, fils de Simylinos, du dème Tloïen » . Cf.
15 F . Hiller v . Gaertringen und C . Robert, « Relief von dem Grabmal eines rho
dischen Schulmeister », Hermes 37, 1902, p . 121- 146 (avec une planche et un
appendice sur le patronyme et le démotique de Hiéronymos) ; Arrighetti 5 ,
p. 123-127 (l'auteur ne tranche pas, mais insiste sur les difficultés de la thèse
défendue par ceux qui identifient les deux personnages); 16 P . M . Fraser, Rho
dian funerary monuments , Oxford 1977, p. 34 -36 (bibliographie, p. 129, n . 197)
etplanche 97 (selon l'auteur, l'attribution au philosophe de Rhodes est possible).
JEAN -PIERRE SCHNEIDER .
130 HIÉROPHILE “ le philosophe"
Auteur d 'un traité sur les aliments attribué dans d 'autres manuscrits à Hippo
crate . Le préambule présente la philosophie et la médecine comme deux sciences
indispensables données aux hommes par la nature divine, l'une pour l'âme,
l'autre pour le corps. Voir A . Delatte, Anecdota Atheniensia , t. II : Textes grecs
relatifs à l'histoire des sciences, coll. « Bibliothèque de la Faculté de philosophie
706 HIÉROPHILE H 130

et lettres de l'Université de Liège» 88 , 1939, p. 456 , qui date l'ouvrage de l'épo


que impériale. A .J. Festugière , dans son édition du Corpus Hermeticum , t. IV ,
Extrait XXIII tiré de Stobée, n . 248 (à la p. 49), envisage de lire "Hérophile” .
RICHARD GOULET.
131 HILARIUS D 'ACHAÏE RE 5 PRLE 1:7 MF IV
Philosophe d 'Achaïe, visite Antioche en 388 (Libanius, Ep. 863), revient dans
sa patrie en 390 (Ibid ., 947, 950 ). Peut-être père d 'Hilarius d' Antioche (RE 7
PLRE 1 :8), que Libanius déclare descendant d'un philosophe (Or. XXXI47) et
qui fut son élève en 360- 361 (Ep. 286 , 1053) .
PIERRE MARAVAL .
132 HILARIUS D 'ANTIOCHE RE (Hilarios) 2 PLRE II:5 MF V
Philosophe néoplatonicien connu par la Souda, s.v. ' Ináploc (= Damascius,
Vie d’Isidore, fr. * 222 ; p . 187, 1 - 189,7 Zintzen ; traduction anglaise dans P .
Athanassiadi, Damascius, p . 227-229, § 91). Il était un des principaux décurions
d'Antioche en Syrie .
[ Il pouvait être un descendant d 'Hilarius d ' Antioche (RE 7 , PLRE 1:8 ), lui-même descen
dant d 'un philosophe anonyme. Cet Hilarius, membre du conseil d 'Antioche, fut envoyé à
Théodose après la révolte de 387 (Zosime, Hist. IV 41, 2 - 3 , Libanius, Ep . 973, 987) et devint
proconsul de Palestine en 392-393 (Id.). PIERREMARAVAL .)
Naturellement doué d'un esprit curieux et perspicace, il possédait une riche
bibliothèque. Il était cependant venu tardivement à la philosophie, parce qu 'il
avait été contraint d 'exercer des responsabilités publiques. Dans sa jeunesse, un
caractère un peu intempérant ne l' avait pas porté non plus vers de telles études. Il
eut cependant la chance, comme le dit Damascius, que son épouse se laisse
séduire par un rhéteur du nom deMoschos, un de ses familiers. Comme le cou
ple était sans enfant, Hilarios en profita pour léguer sa femme et tous ses biens à
son rival, se débarrassant du même coup sur Moschos des obligations liées à sa
condition de décurion d' Antioche, et partit en Carie et en Lydie, puis à Athènes
où s'illustrait alors Proclus, afin de suivre un enseignement philosophique .Mais
Proclus, qui n 'appréciait pas sa mollesse (tpuoń ) et avait appris qu 'il était venu
avec sesmaîtresses, refusa de le prendre comme élève et Hilarios dut quitter
Athènes. Proclus mentionne dans ses Hypotyposes astronomiques 73, p. 76, 23
Manitius,un Hilarios d’Antioche dont ilappréciaitun exposé astronomique. S 'il
s'agit du même personnage, ce passage révèle tout un aspect scientifique de
l'activité d'Hilarios qui n 'apparaît pas chez Damascius.
Hilarios le philosophe (mais les manuscrits ont Hilapios) était, avec Maras et
Domninos (2D 219) , l'un des seuls hommes raisonnables (uéTPLOl) que préten
dait avoir rencontrés le philosophe Asclépiodote d' Alexandrie ( * A 453) au
cours d 'un voyage de troismois (Damascius, Vie d 'Isidore, fr. *221).
Cf. K . Praechter, art. « Hilarios » 2 , RE VIII 2, 1913, col. 1600 .
RICHARD GOULET.
H 135 HILDEBALD 707
133 HILARIUS DE BITHYNIE RE 6 PLREI:9 mort en 395
Peintre et portraitiste de talentdécapité, avec ses serviteurs, près de Corinthe
par les Goths en 395. Eunape (Vies des philosophes et des sophistes VIII 2, 1-3),
qui le connaissait personnellement, le considérait comme l'égal d'Euphranor (RE
8). Il se proposait de raconter plus longuement les événements dans le récit de
l'invasion barbare qu'il destinait à sa Chronique (cf. fr. 65 Müller). RE et PLRE
présentent Hilarios comme un philosophe, sans doute parce qu 'Eunape, après
avoir loué la pureté de sa paideia , emploie pour décrire sa maîtrise de la peinture
l'expression xatè ypapexnv OÚtw pioooooavta ...
RICHARD GOULET.
134 HILARIUS DE PHRYGIE RE 2 PLREI:7 mort en 371
Avec Simonide, Patricius de Lydie et Andronicus de Carie (2 - A 180), l'un
des accusés du complot d 'Antioche sous Valens. Selon Zosime IV 14- 15 , ces
conjures faisaient partie du groupe des intellectuels (τους επί φιλοσοφία δια
bońtous ñ áraws nóyolc évteOpauuévous...) qui avaient suscité la méfiance
de l' empereur.
D 'après la Souda (s. v. ' Ináploc, I 292; t. II, p.630, 15 - 17 Adler = Eunape,
Chronique, fr. 40 Müller), Hilarius de Phrygie , qui vivait à l'époque de l'empe
reur Jovien, n 'était pas un homme connu xatà taldelav , mais « un dieu sem
blait partager avec lui la connaissance de l'avenir, de sorte qu 'il était un devin
excellent» .
Les circonstances du complot sont longuement rapportées par Ammien Mar
cellin : voir notamment XXIX 1 , 7 .28 -33.35. 38 ; XXXI 14 , 8 . La condamnation à
mort d'Hilarius est impliquée par XXIX 1 , 38.
Selon Ammien XXIX 1, 7, Hilarius avait auparavant exercé des fonctions au
sein des services impériaux (militaverat in palatio ). Ce détail amène Stein à
l'identifier à un légat de Constance à Alexandrie en 356 qui organisa la fuite
d 'Athanase.
Cf. K . Praechter (?), art. « Hilarios » 1, RE VIII 2, 1913, col. 1599- 1600 , et A .
Stein , art. « Hilarius» 2, ibid., col. 1600- 1601 (doublet!). Sur les procès relatifs à
la divination politique, cf. H . Funke, «Majestäts- und Magieprozesse bei Am
mianus Marcellinus » , JbAC 10 , 1967, p. 145 -175.
RICHARD GOULET.
135 HILDEBALD VII ?
Comme Athanarit (2 + A 470) et Marcomir, « philosophe Goth » mentionné
parmi ses sources par le Géographe anonyme de Ravenne . L 'existence et la
datation de ces personnages ont été contestées. Cf. par exemple W . Wattenbach
et W . Levison , Deutschlands Geschichtsquellen im Mittelalter, Vorzeit und
Karolinger, t. I, Weimar 1952 , p.69 (bibliographie , p.69 n . 113). En faveur de
l'historicité de ces noms et de ces sources, voir J. Schnetz , Untersuchungen über
die Quellen der Kosmographie des anonymen Geographen von Ravenna , SBAW
1942, Heft 7, p. 75-76 . P. Riché, Éducation et culture dans l'Occident barbare .
708 HILDEBALD H 135
Vr -vif siècles, coll. « Patristica Sorboniensia » 4 , Paris 1962, p. 97 n . 42, consi
dère que le terme “philosophe” peut qualifier ici des géographes.
RICHARD GOULET.
136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS RE 1 et RESuppl. III: 1 IV
Orateur de tendance asianiste .
Éditions. 1 A . Colonna (édit.), Himerii declamationes et orationes cum de
perditarum fragmentis, Academia Lynceorum , Roma 1951 (histoire des éditions,
P . VII-IX ; index nominum , p . 255- 267 ; index verborum notabilium , p . 269-271 ;
Himerii editionum congruentiae, p . 272 : porte sur 2 G .Wernsdorf ( édit.),Hime
rii sophistae quae reperiri potuerunt...,Göttingen 1790, et 3 Fr. Dübner ( édit.),
Himerii sophistae declamationes dans A . Westermann, Philostratorum et Calli
strati opera, Paris, Didot, 1849 ; rerum index quae in hoc volumine continentur,
p . 273-275 ). 4 . H . Schenkl, « Neue Bruchstücke des Himerios» , Hermes 46 ,
1911, p . 414 -430 ; 5 S . Eitrem et L. Amundsen , « Fragments from the Speeches
of Himerios. P .Osl. inv. no. 1478 » , C & M 17, 1956 , p . 23-30 (pap. du Vie s.,
premier découvert d 'Himérius; p . 24-29 corrections importantes à Colonna 1 ] ;
p . 29- 30 les fr . e- f proviennent de parties de discours ou de discours inconnus
jusqu'ici]. 6 A .Guida, « Frammenti inediti di Eupoli, Teleclide, Teognide,Giu
liano e Imerio da un nuovo codice del Lexicon Vindobonense» , Prometheus 5 ,
1979, p . 193 -216 (particulièrement p . 210-214). 7 R . Henry (édit.), Photius.
Bibliothèque VI (" codices” 242-245). Texte établi et traduit par R . H ., « Collec
tion byzantine » , Paris 1971 (or. I-XXXVI, p . 56 -126 doubles). Il est à noter que
R . Henry 7bis (édit.), Photius. Bibliothèque I- VIII. Texte établi et traduit par
R . H . a été voici peu réimprimé dans la CUF (Paris 1991). L ' introduction , la tra
duction et les notes deWernsdorf 2 peuvent encore être utiles.
Traductions. Latine, au moins pour les textes connus à son époque,
Wernsdorf 2, p .21-889; française (partielle)Henry 7 .
Indices. Voir Colonna 1.
Tradition manuscrite . Colonna 1, p. XXVII-XXXIII.
Tradition indirecte . Colonna 1 , p . IX -XXVII (le témoignage de Photius) ;
p. XXXIII-XXXVII (le Neapolitanus bibl. nat. gr. II C 32, papier du début du XIV
S. et sa double série d 'extraits d 'Himérius); p. XXXVIII-XLI (le Lexique d 'André
Lopadiotès du début du XIVe s. conservé dans Vindobonensis hist. gr. s. XIV ,
Vaticanus gr. 22 de 1343 et Vaticanus gr. 12 s. XIV ). Guida 6 (à propos du
codex II D 29 de la Bibliothèque Nationale de Naples, nouveau témoin de la se
conde moitié du XVe s. du Lexique de Lopadiotès: deux brefs fragments inédits
et un complément avec des corrections au fr. XII Colonna). Henry 7, p. 56 - 126 .
8 E . Berti, « L 'esemplare di Imerio letto da Fozio » , SCO 22 , 1973, p . 111-114
[ analyse grammaticale serrée de la formule d'introduction du cod. 243 de Pho
tius: le Byzantin avait à sa disposition une anthologie fondée sur la première
moitié des discours ).
Études d 'orientation. 9 H . Schenkl, art. « Himerios » 1, RE VIII 2 , 1913, col.
1622- 1635 ; 10 Id ., art. « Himerios» 1, RESuppl. III, 1918, col. 1151-1153;
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 709
11 Id ., « Zur Biographie des Rhetors Himerios » , RHM 72, 1917-1918, p. 34-40 ;
12 A . H .M . Jones, J. R . Martindale et J. Morris, PLRE I, 1971, p.436 (Himerius
2 ) (cité dorénavant Jones 12 ); 13 H . Gärtner, art. « Himerios » , KP 2, 1975 , col.
1149- 1150 ; 14 Id ., art. « Himerios » , RAC 15 , 1989, col. 167-173. La plupart des
études ont trait à Himérius utilisateur des poètes lyriques : 15 I. Maehly,
« Sappho bei Himerius», RhM 21, 1866 , p. 301- 308 ; 16 I.Mesk , « Sappho und
Theokrit in der ersten Rede des Himerios », WS 44, 1925, p. 160- 170 ; 17 J. D .
Meerwaldt, « Epithalamica I : de Himerio Sapphus imitatore » , Mnemosyne 7,
1954, p. 19-38 ; 18 C . Gallavotti, « Echi di Alceo » , RFIC 93, 1965, p. 135- 146 ;
19 Giuseppa Cuffari, I riferimenti poetici di Imerio , coll. « Università di
Palermo. Istituto di Filologia Greca Quaderni» 12, Palermo 1983, p. 23- 119
(index). 20 T .D . Barnes, « Himerius and the Fourth Century » , CPh 82, 1987,
p . 206 -225 , donne la première étude prosopographique de l'æuvre ; elle conduit
à une mise en cause radicale de la chronologie reçue qu 'il faudra examiner de
près. La philosophie n 'a été abordée que par un seul érudit : 21 E . Richtsteig,
« Das Platonstudium des Rhetors Himerius» , Jahresber. der Schles. Gesellschaft
für vaterl. Kultur 4 , 1918 , p . 1- 10 (non vidi), et surtout 22 Id ., « Himerius und
Platon » , Byz ) 2 , 1921, p . 1-32 (donne aussi un panorama général précieux ).
État du texte . Fruit d 'un travail de quelque quarante ans, l'édition de
Wernsdorf 2 fut publiée, posthume, par son frère, I. Ch., en 1790. Depuis long
temps, les discours d 'Himérius n 'étaient plus connus qu 'à travers les extraits
conservés dans la Bibliothèque de Photius (Henry 7). H . Estienne avait eu le
mérite d 'attirer l'attention sur lui en publiant, en 1567, ses Declamationes, en
même temps, notamment, que celles de Polémon . L ' invention des rares
manuscrits disponibles fut très lente . Au milieu du XVII s.,Léon Allatius (1630
1650 ) avait cherché de son côté à exhumer les restes de l'orateur, sans toutefois
procurer d ' édition . Les restes de son travail consistent dans un manuscrit de
miscellanea, V (Romanus Vallicellianus gr. 173, s.XVII in .), copié en partie de
sa main . Le document contient Or. 40 -41, 44 -48, 54, 59 -60,62-66 , 68 -69, 61, 8,
74, et, d 'une autre main , Or. 9 et 6 . Allatius avait pu s'appuyer sur R (BN Suppl.
gr. 352, olim Vatican . gr. 997 , ss. XIII et XV). Dans sa célèbre Bibliotheca
graeca (t. IX , p . 426 -429) , J. A . Fabricius publia le n°47 sur la base de B
(Oxoniensis Baroccianus gr. 131, ss. XIV -XV), qui contient Or. 38-41, 44 -45 et
59 -61. A peu près à la même époque, I. H . Mai publia les n° 9, 6 et 47 qu 'il tirait
de A (Monacensis gr. 564 , s. XIV ). Wernsdorf 2 n 'avait pu mettre la main sur
l'ouvrage d'Allatius, découvert par Colonna 1, mais son édition est fondée sur
les autres témoins. Dübner 3 s'était contenté d'ajouter à Wernsdorf 2 quelques
leçons tirées de R et de corriger la traduction . Schenkl 4 compléta les textes
connus à l'aide des trois séries d 'extraits donnés dans le Neapolitanus
bibl.nat.gr. II 6 , 32 (s. XIV in .). Colonna 1 exploita en outre les données fournies
par le Lexique d'André Lopadiotès. La seule édition scientifique à laquelle il faut
recourir aujourd 'hui est celle qu'il a publiée en 1951 (Colonna 1). Elle offre
aussi une fort intéressante histoire du texte.
710 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
Les témoignages les plus importants figurent dans la Bibliothèque, où Photius
traite d 'Himérius à deux reprises. Le cod. 165 de Photius (voir Henry 7bis, t. II,
Paris 1960, p. 136 -140) donne l'équivalent d'un pinax pour une édition de
soixante-douze discours. Il est peu probable qu'elle ait été préparée par Himérius
lui-mêmeparce que les titres y ont un aspect impersonnel (Schenkl 9, col. 1631).
La série d'extraits du cod. 243 reflète à peu près la même disposition, encore que
des titres diffèrent de part et d'autre. Pourtant, le n° 14 (sans doute tombé par
homoioteleuton ) et les nºs 1-32 Colonna n 'ont pas trouvé place dans le pinax,
alors que Photius en propose des extraits au cod . 243. Par suite , les codd. 165 et
243 dépendraient de deux éditions légèrement différentes. Celle quiavait été dé
pouillée pour le cod. 165 avait peut-être perdu les folios ou le cahier correspon
dant à Or. 31-32. Photius ne donne aucune précision sur la présentation du livre .
Pour Barnes 20 , p. 207, elle avait été réalisée par un élève d'Himérius peu après
sa mort. Quant à la seconde, elle devait avoir comporté deux volumes (23 Th .
Hägg, Photios als Vermittler antiker Literatur. Untersuchungen zur Technik des
Referierens und Exzerpierens in der Bibliotheke, Uppsala 1975 , p. 157 et 159;
voir déjà Colonna 1, p. XIV). En effet, la série des extraits fournis au cod. 243
s'arrête au n° 36 . Au total, le nombre de discours pour lesquels nous avons des
titres ou des fragments s'élève à soixante -quinze. Photius écrivait, s'adressant à
son frère Tarasios, le dédicataire de la Bibliothèque (t. II, p. 139,28 -140,30
Henry ): " ce sont là , je pense, les seuls discours du sophiste Himérius, soit envi
ron soixante-dix , que ton amour du travail t'a fait lire en notre présence” .
Colonna 1, p . XV, croyait pouvoir en déduire que Photius avait pu lire d 'autres produc
tions, mais qu ' il avait renoncé à en donner une recension . Je n 'en crois rien . L 'érudit byzantin
donne une critique de style détaillée et très flatteuse, qu 'il répartit sur deux passages
[ p . 136 , 27 - 137, 3 ; p . 140, 30 -42 ; voir, tout récemment, 24 G .M . Greco, « Fozio e Imerio » ,
CCC 14 , 1993, p. 389 - 390 ). Le fait est exceptionnel. Dans la suite, on lit des indications
biographiques où ne sont pas celées les relations étroites d'Himérius avec Julien l'Apostat
(p. 140, 42 -44). Photius ne s 'est pas autocensuré, comme le suggérait Colonna : il exprime le
regret, vu les qualités de l'écrivain , de n 'avoir pu trouver davantage de productions de
l'orateur. Je ne suis pas sûr qu 'il ait existé un discours complémentaire , comme semblait le
croire Colonna 1, p . XV. Au début de Or. 68 (p. 238 C ), le manuscrit R porte : taúrny
διείλεκται προ του λόγου, δς έχει την επιγραφήν: Περί του σκώμματος: έστι δε προ
τρεπτικός προς το χρήναι την ποικιλίαν τήν εν τοις λόγοις ασπάζεσθαι. « On a procede
à cette discussion (oratoire) avant le discours intitulé “ De la facétie ” . C 'est un protreplique
montrant qu 'il faut rechercher la variété dans les discours. » Le copiste ou sa source, qui donne
des parties de Or. 23-27, 29- 30 , 33-35 , 38-41, 4-48,54-59,62-66 ,68-69,61, 8 et 74, connais
sait un état du texte où figurait un titre Nepi oxúuuaroc ; la préposition npó marque une
inversion par rapport à l'ordre naturel: l'édition eût dû suivre la chronologie réelle. Le sujet ne
correspond pas à Or.69. En revanche, les discours précédents dans l'ordre de Photius el de R
(65-67) indiquent des situations conflictuelles, réelles ou imaginées pour les besoins de la
rhétorique. Les titres forment visiblement une série, dans laquelle la chronologie n 'a pas été
respectée, mais l'exigence du classement thématique. On serait donc assez tenté d'identifier le
llepi oxuuuaroc avec Or. 67, soit In Quintiliani asseclas, qui tumultuose audiebant (p . 237
C ) “ aux amis de Cytianos (sic ) quiavaient écouté dans le désordre quand il avait prononcé une
improvisation" (cod. 165, II, p . 139, 18 -19).
L 'aspect du cod. 243 invite à d 'autres considérations importantes. Tel qu 'il est transmis
dans les manuscrits, le texte conserve la trace d 'altérations, qui prennent la forme de gloses
intruses. Les unes sont purement explicatives (9, 175 = p. 96 , 34 ; 1,62 = p. 59, 7-8); d'autres
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 711
tiennent à la nécessité de rendre intelligibles des morceaux tirés de leur contexte (8, 30-32 =
p . 92, 23 -24 ; 9, 63-68 = p . 95, 32 -36 ) ou d'abréger sans compromettre l'intelligence du texte
(6 , 338 -342 = p . 90 , 10 -12). Autant d' indices qui trahissent la main d 'un excerpteur conscient
de sa responsabilité. Entre 11 et 12 se loge un extrait qui a comme titre : " Tiré des autres
discours qui sont différents et qui ont des sujets divers" . C 'est là une indication isolée. L 'un
des passages (p . 102 , 29 - 103, 40 ) se rapporte visiblement à Gallus et à Julien (25 J. Bidez, La
Vie de l'empereur Julien, Paris 1930 , p. 95), associés dans un panegyrique de Constance II,
donné comme un petit-fils du Soleil. La texture des autres phrases, qui ne permet pas de resti
tuer une continuité, donne à supposer qu ' il s 'agissait en effet d 'un choix . La forme, pas plus
que l'irruption , de l'extrait ne doit rien à Photius, qui l'a trouvé comme tel dans l'ouvrage
qu ' il reproduisait. Manifestement, il s 'est produit, au cours de la tradition antérieure , un dépla
cement de texte au sein de l'ensemble. On peut d'ailleurs supposer que, s'il avait été en mesu
re de le faire , l'excerpteur eût cherché à nous éclairer , comme il l' a fait ailleurs, sur l' identité
du personnage important qui a quitté une haute charge (p. 102, 21-23). Rien n 'oblige donc à
supposer que Photius ait quelque part dans l' introduction des gloses explicatives défigurant
l'original ou, de façon plus générale, qu 'il ait décidé des extraits qu 'il convenait de prélever ou
non , comme le croit Hägg 23 , p . 158 . Que le cod. 243 forme les restes d 'une anthologie est
hors de doute , comme l' a montré Colonna 1, p . XV ; c'est elle qui est parvenue à Photius
(Colonna 1, p . XVI), qui s'est contenté d 'y prélever un choix plus réduit encore . C 'est ce que
confirme l'excellente analyse textuelle de Berti 8 . Autre chose est de prouver qu 'Himérius lui
même fut l'auteurdu premier choix .
Les discours attestés sont les suivants :
(1) Declamatio Hyperidis pro Demosthene
(2) Declamatio Demosthenis pro Aeschine
(3) Declamatio contra Epicurum
(4 ) Declamatio contra divitem
(5) Declamatio Themistoclis contra Persarum regem
(6 ) Polemarchica
(7) Areopagitica
(8 ) Lamentatio in filium Rufinum defunctum
(9 ) Epithalamia in Severum
(10) Diogenes, sive in abitum amici
(11) Ad amicos, cum ipse abiret Corinthum
(12) In Flaviani discessum
(13) In Pisonis domus advenas
(14) In Aegyptium advenam
(15) In discessum amici
(16 ) Extemporalis, ob tumultum in schola coortum
(17) In adventum Cypriorum civium
(18) In civem Cappadocem auditorem
(19) Quia pulchra sunt rara
(20) In Musonium proconsulem
(21) In Severum advenam
(22) Declamatio
712 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136

(23) In Ursacium comitem


(24) In Severum amicum
(25) In Scylacium Graeciae proconsulem
( 26 ) In advenas Ephesios, Mysos, etc .
(27) In discipulos e patria sua advectos
(28) In Athenaeum comitem
(29) In Privatum Romanum
(30) Ad familiares, postquam ipse Corintho reverterat
(31) Hortativa in Ampelium
(32) In Anatolium praefectum praetorii
(33) In Phoebum Alexandriproconsulis filium
(34 ) In Arcadium comitem etmedicum
(35) In accessum discipulorum
( 36 ) In abitum Flaviani
(37) Epithalamia in Panathenaeum
(38) Declamatio in Cerbonium proconsulem
(39) Declamatio in lulianum et Musonium
(40) Oratio Philippis habita
(41) In urbem Constantinopolim
(42) In Sallustium praesidem
(43) In Flavianum proconsulem
(44) In diem natalem amici
(45) Declamatio in sanitatem amici reciperatam
(46 ) In insidiatores et in Basilium proconsulem
(47) Altera in Basilium proconsulem
(48) In Hermogenem Graeciae proconsulem
(49) In Plotianum proconsulem
(50) In Ampelium proconsulem
(51) In Praetextatum Graeciae proconsulem etin familiares
(52) In lulianum imperatorem
(53) Declamatio habita Nicomediae
(54) In advenas
(55) In advenam
(56 ) In Zenonem familiarem
(57) In Aphobium advenam
(58) In quemdam discipulum factum propter Neptuni oraculum
(59) In cives ex lonia peregrinos
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 713

(60) In hospites lones


(61) In auditores
(62) In honorem amici Constantinopolitani
(63) Oratio habita postquam ipse a patria reverterat -
(64 ) Oratio extemporalis in auditorium suum
(65 ) Contra eos qui segniter orationes audiebant
(66 ) In discipulos qui contumaces videbantur
(67) In Quintilianiasseclas, qui tumultuose audiebant
(68) Ad persequendam in dicendo varietatem
(69) Oratio habita postquam ipse a volnere sanatus erat
(70 ) Oratio habita postquam ipse Corintho reverterat
(71) In stilum et in discipulos
(72) In Lacedaemonum urbem
(73) Quia minime deceat auditiones esse publicas
(74) Quia semper exercitationibus vacandum sit
(75 ) Declamatio Corinthi habita .
On voudrait connaître le principe d'ordonnance de la collection que Photius
avait eue entre lesmains. On a tôt fait de s'apercevoir qu'elle n 'a rien de chrono
logique (voir Schenkl 9, col. 1626 ). La suite des discours 1- 10 conserve les
traces d ’une organisation par genre . Les nº 1-5 relèvent de la déclamation
(uerétn ). Les deux premiers appartiennent au type délibératif (ovubOUREUTL
xos), les trois autres, au type judiciaire (OlxaVixós), et ils étaient tous précédés
d'une apodewpía , voir le témoignage de Photius, cod . 165 (II, p. 136 , 15- 17) et
cod. 243 (VI, p. 56 , 26 ; p. 64, 33). Toutefois, le titre et la npodewpla de 4 ont
disparu. C 'est par erreur que Schenkl 9 , col. 1626 , étend les déclamations jus
qu'au nº 11. Le n° 6 est un éloge (éyxbulov) ; 7-9 sont donnés comme “ non fic
tifs” (où araouatixoi) par Photius (cod. 165 , II, p. 137, 18 ; 11) ; 10 est un
discours d 'adieu (nponteunTixóc) , comme 11; 9-10 étaient aussi munis d 'un
préambule . La disposition correspond à la hiérarchie des genres qu'avait établie
Aristote (Rhétorique I 3, 1358 b 7 -8 ; voir 26 J.Martin , Antike Rhetorik. Technik
und Methode dans le Handbuch II 3 de H . Bengtson ,München 1974, p . 10 ). A
partir de Or. 12 , toutefois, il n 'y a plus de principe clairement décelable , sauf
que surnagent des blocs homogènes à distribution chronologique (39-41), per
sonnelle (46 -47) ou thématique (54-55 ; 59-60 ). La présentation syntaxique de
Or. 6 dans le cod. 165 (II, p. 137, 4 ) suggère à Schenkl 9, col. 1631, que l'ordon
nance de la première partie serait, aux yeux de Photius, d 'Himérius lui-même.
Les autres discours auraient été disposés vaille que vaille par un éditeur soucieux
de faire reproduire toutes les pièces qu 'il avait en mains.
Forme et style . L 'art d'Himérius relève de la prose d'apparat (voir déjà
27 Schmid -Stählin , Geschichte der griechischen Literatur II 2, dans le Hand
buch d ' I. von Müller,München 1913, p . 811). Seuls les nº 1 - 7 , rédigés, excep
714 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
tionnellement, au moins par rapport à la production conservée, en style politique,
constituent des uerétal. Pour une analyse du n° 4, voir 28 D . A . Russell, Greek
Declamation, Cambridge 1983, p. 29-30, qui suggère un rapprochement avec
Edipe. Conservé intégralement, le n° 6 appartient au même genre que les entitá
blolNóyou prononcés par l' archonte notuapxoç . Voir les précédents, pastiches
ou réalité – les cas ont soulevé d 'épineuses discussions -, de Gorgias (82 B 5-6
D .- K .'),de Périclès chez Thucydide (II 35 -46 ), de Lysias (2), d'Aspasie dans le
Ménexène de Platon (236 d 4 - 249 c 8 ), d 'Hypéride (6 , p. 291-305 Colin ) et de
Démosthène (60). Sauf les nºs 39 -41, composés à l' occasion de l'invitation à le
rejoindre lancée par Julien , tous les discours sont le fruit de l'activité d 'Himérius
comme chef d 'école . Toutefois, le n° 8 est une monodie en l'honneur de son fils
Rufin mort prématurément (29 H . Hunger, Die hochsprachliche profane Litera
tur der Byzantiner I, dans le Handbuch de H . Bengtson XII 5, 1, München 1978 ,
p . 133). Les nºs 41 et 48 relèvent de l'éyxáulov (Hunger 29, p. 120- 121). Les
nºs 10 , 12 , 15 et 36 saluent le départ d 'amis ; Himérius a prononcé un discours du
même style (nº 11) pour célébrer son propre départ. Il s'agit de nponteuntixoi
ou de Ouvraxtixol Tóyol (Hunger 29, p. 148). Le sophiste a composé aussi des
discours demariage (épithalames), des Étlaráulol nóyou, nº 9 et 37 (Hunger
29, p . 150 ). L ' ecphrasis a aussi (n° 41 et62) sa place dans l'euvre (Hunger 29 ,
p . 172 ), même si le n° 41 est aussi un éyxbulov. Sur le moment où étaient pro
noncés les discours relevant proprement des activités de l' école , voir 30 G . A .
Kennedy, Greek Rhetoric under Christian Emperors, Princeton 1983, p. 143. A
titre d 'exemple, Kennedy 30 , p . 144 -146 , offre une analyse précise du discours
48, le plus long de ceux qui ont été conservés. En tant que discours de salutation ,
il répond aux règles du npoodwintixós,mais, dans la première partie (1 - 16 ), il
intègre un apoyúuvagua sous la forme d 'un mythe, mais aussi d 'autres élé
ments qui font de l' ensemble une æuvre parfaitement réussie . Le § 12 est un
excursus néo-platonicien à propos de l'âme, qui charrie des réminiscences du
Phèdre.
L ' influence des orateurs anciens ne se traduit chez Himérius que de façon
sporadique et en fonction du type d'éloquence choisi. Ainsi, pour Démosthène,
dans les nº 1- 3 ; 4-5 ; Aelius Aristide, le n° 6 ,mais surtout, Polémon. Voir, pour
la bibliographie sur le sujet,Gärtner 14, col. 168. Bien que justifiées, les recher
ches visant à montrer l'influence de Polémon via Himérius sur la prose de Basile
de Césarée et deGrégoire de Nazianze n ' ont pas conduit jusqu'ici à des résultats
assurés, voir Gärtner 14 , col. 171-172 (avec la bibliographie topique ). A juste
titre, 31 E . Norden , Die antike Kunstprosa, vom VI. Jahrhundert v. Chr. bis in
die Zeit der Renaissance, I, 5e éd ., Darmstadt 1958 (Leipzig-Berlin 1916 ),
p . 428 -431, faisait déjà observer que, pour caractériser sa propre manière,
Himérius use de mots comme çuvos, uéros, non , doua (cf. Gärtner 14, col.
169) ; à l'occasion , ilmentionne (48, 2 ) sa pópulyĚ et il parle de ses auditeurs
comme de xopeutaí auxquels il se donne comme un autre Apollon Musagète .
Alors que Libanius est un des derniers à avoir usé des clausules fondées sur la
quantité des syllabes, Himérius recourt à un système reposant sur l'accent
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 715
tonique (Kennedy 30, p. 49). La recherche fondamentale sur la question demeure
celle de 32 Daniel Serruys, « Les procédés toniques d'Himérius et les origines du
" cursus” byzantin » , dans Philologie et linguistique. Mélanges offerts à Louis
Havet, Paris 1909, p. 475-499. Parmi les procédés toniques d'Himérius, un seul
survivra de façon rigoureuse chez les stylistes byzantins, la recherche d'un nom
bre pair d' atones pénultièmes. Par exemple , le proparoxyton pénultième n ' est
admis que si lemot final est accentué sur la syllabe initiale . Pour d'autres détails
et justifications, on lira les conclusions de Serruys 32, p . 495-496 .
La vie de l'auteur. Les témoignages sur la vie d 'Himérius ne sont pasnom
breux. Ils sont commodément réunis dans Colonna 1, p. XLIX -LII. Le plus riche
en données factuelles est celui de la Souda (I 348 , s.v. fluéploc), qui donne le
nom de son père, le rhéteur Ameinias, inconnu par ailleurs, et sa ville d 'origine,
Prusias, sur les bords du fleuve Kieros, en Bithynie (Wernsdorf 2, p. XL ;
Schenkl 10, col. 1151 ; voir aussi Eunape de Sardes, Vies des sophistes XIV 1, 1
Giangrande).
1. Chronologie
Les textes connus ne permettent pas, en tout cas, de préciser sa date de nais
sance , pour laquelle on est réduit aux conjectures : 300-304 (33 B . Keil, « Zwei
Identificationen » , Hermes 42, 1907, p. 550 -553) ; 308-310 (34 F. Schemmel,
« Die Hochschule von Athen im IV . und V . Jahrhundert p . Ch .n .» , JKPh 22 ,
1908, p . 499) ; avant 310 (35 L . Petit de Julleville, L ' école d 'Athènes au 4e
siècle, Paris 1868) ; vers 310 (Kennedy 30,p. 141, sansargument); sansdoute en
315 (Wernsdorf 2 , p . XLIII) ; vers 320 (Barnes 20, p. 223). Voir déjà , sur tout
cela , le résuméde Schenkl 9, col. 1622 .
Himérius était dans sa première barbe, quand il vint étudier à Constantinople
(Or. 41, 2). Il avait abandonné sa patrie pour suivre un ami infidèle (Or. 12, 15).
La question est évidemment de fixer la date où apparut cet appendice pileux.
Keil 33 s'y est efforcé à partir d 'un passage de Or. 74 , 4 , où il est question d 'un sophiste
anonyme tirant de l'adage éx toũ Raleiv đei tò NareTv napayévetai un enseignement sur
les vertus de l'improvisation en rhétorique. Colonna 1 (p . 248 n .) voyait dans l'expression un
trimètre iambique " ignoti cuiusdam poetae" . Cuffari 19, p . 109, n . 93, ne connaît pas davan
tage l'identification de Keil. Keil 33 (p. 548-550) a identifié le personnage avec un rhéteur
nommé Phrynichos, qu 'il ne faudrait surtout pas confondre avec Phrynichos Arabios dit
“ l'Arabe" . Lemot est cité trois fois , et la source est Évagoras et Aquila , c 'est-à-dire la téyvn
d 'Aquila reprenant le témoignage d'Évagoras. Pour tout cela, le document de base est le
Commentaire au traité sur les états de cause d 'Hermogène par Syrianus, le néo-platonicien.
Phrynichos aurait eu un vif succès à Athènes, couronné par la présence assidue de quelque
trois cents élèves. Keil 33 a tenté de dater Évagoras et Aquila , qu 'il situe respectivement à la
fin du premier et à la fin du deuxième tiers du IVe s . L ' enchaînement et l' identification des
textes est au -dessus de toute contestation ; ce qui l' est moins, c 'est la réalité du contact entre
Phrynichos et Himérius : nxovoá TOTE pourrait signifier aussi " j 'ai entendu dire" , voire " j 'ai
lu ” (cf. 36 L . Pernot, art. « Aquila » A 295, DPA I, p . 319 ). On trouvera d 'autres données
intéressantes dans 37 D . M . Schenkeveld , « The Philosopher Aquila (Charisius, Ars gramm .
p . 251. 22ff. Barw .) » , CQ 41, 1991, p . 493-494. Le savant hollandais fait remarquer à juste
titre que Julien (Or. 8 Sur la mère des dieux 3, 162 c, p. 107-108 Rochefort) use d'une
expression identique à propos de Xénarque, un contemporain d 'Auguste . D ' autre part ,Ménan
dre le Rhéteur (Division des discours d 'exhibition II 4 , p . 116 , 4 -13 Russell-Wilson , voir
38 D . A . Russell et N .G . Wilson ,Menander Rhetor, edit.with translation and commentary by
716 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
D . A . R . and N .G . W ., Oxford 1981) recommandait aux auteurs de Nariai de glisser au fil du
discours récits de rêves et historiettes. Telle est la portée de Or. 74, 4. Sans doute était-ce le
même procédé qu 'avait utilisé Himérius pour son n° 72 (voir infra ). L 'usage d'Himérius
confirme le scepticisme de Schenkeveld 37. Or. 45, 1 (nxovou sans troté ) renvoie à Hésiode,
fr. 240 Rzach et Or. 48 , 21 (åxoúw ) rappelle que Platon fut le disciple de Socrate et pratiqua
les exercices athlétiques durant sa jeunesse (voir infra ). Pour Phrynichos, le trait ne peut pro
venir que d 'une lecture, peut-être de la téxin d 'Évagoras. Quoi qu 'il en soit des dates respec
tives de Phrynichos, Evagoras et Aquila , il estdangereux de fonder sur elles seules un système
chronologique faisant remonter vers le haut l'arrivée d 'Himérius à Athènes et, partant, sa date
de naissance.
On pouvaitmonter en épingle d 'autres rapprochements, déjà suggérés par Keil 33 (p . 552
553). Or. 41, 2 oppose le destin d'Himérius à celui d'autres, conduits sur le Rhin ou sur les
bords légendaires de l'Océan . La question est de savoir si le passage est utilisable à des fins
chronologiques. On a essayé depuis longtemps. Déjà , Wernsdorf 2, p. 575, avait fait observer
que Prohérésius avait été invité à la cour de Constant à Trèves en 343 ou peu après (la confu
sion Rhin -Moselle n 'est pas si rare, voir Jean le Lydien , Des magistratures I 50 ). Voir aussi
39 K . Münscher, « Bericht über die Literatur der zweiten Sophistik ( rednerische Epideiktik
und Belletristik ) aus den Jahren 1905-1909» , JAW 149, 1910, p. 157. L 'argument est repris
par Barnes 20 , p . 208 -209, qui ajoute que la mention de l'Océan serait une référence à l'expé
dition de Constant en Bretagne durant l'hiver 342/3. Ce serait là un moyen commode de flatter
Constant. Ce que l'on voit moinsbien , c 'est l'intérêt que pourrait avoir eu Himérius à flatter
Constant plus de dix ans après sa mort (350). Au demeurant, l'orateur risquait de multiplier
ainsi les références à des faits depuis longtemps oubliés, si même, aumoins pour le voyage de
Prohérésius, ils avaientjamais été connusdeses auditeurs constantinopolitains.
L'argumentation est donc loin d'emporter la conviction. Pourquoi la phrase d 'Himérius
n 'aurait- elle pas une portée générale, en d 'autres termes viserait de jeunes rhéteurs ou gram
matici hellénophones allant tenter leur chance à l'Ouest ? On peut trouver dans le livre clas
sique de 40 H .- I. Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, 2e éd ., Paris 1965, p . 428
429,avec les notes), une liste sommaire de références. Elle omet, par exemple , l'enseignement
que Lucien fut amené à prodiguer en Gaule au milieu du lle s. (Double accusation 27 ; Apolo
gie 15 ). Certes, on ne peut, faute de documents, retracer l'histoire de l' enseignement du grec
en Gaule, bien attesté pourtant. Ainsi, dans le célèbre Discours pour la restauration de l' école
d 'Autun , daté du printemps de 298 (41 Ed. Galletier (édit.), Panegyriques latins I (I- V), CUF,
Paris 1949, p . 108 ), Eumène, l'auteur, évoque son grand-père qu 'il ne paraît pas avoir connu .
Originaire d'Athènes, celui-ci avait gagné la célébrité à Rome avant de terminer sa carrière en
enseignant, jusqu'à plus de quatre-vingts ans, aux écoles Méniennes d'Autun (5, 17, 2-4 Gal
letier), soit vraisemblablement jusqu 'aux années 250 -260 . Or, les écoles avaient été fermées
avant qu 'Eumène entrât dans l'enfance : allusion au sac de la ville en 269 (Galletier, p . 103 et
p. 135 n. 2 ). Eumène naquit sans doute au début des années 260. Qu'enseignait son aïeul ?
Hellénophone, il a dû enseigner le grec, voire aussile latin . Rhéteur lui-mêmeou grammaticus
à ses débuts, mais dans d'autres cités qu 'Autun, Eumène fut choisi commemagistermemoriae
par Constance Chlore (ca 293). Après quoi, le César lui confia la direction de l' école en 297
[Galletier 41, p. 104 -105, cf. P.L . Schmidt dans 42 R . Herzog (édit.), Nouvelle histoire de la
littérature latine, V : Restauration et renouveau . La littérature latine de 284 à 374 après J. C .,
(trad . fr. G . Nauroy), Turnhout 1993, p . 192- 193). On peut se demander si le bilinguismene
justifia point la décision du César. Toujours est- il qu'Eumène s'adresse à un certain Glaucos,
hellène lui aussi,mais non d 'origine attique, un noble vieillard à qui il attribue la résurrection
de l'école (5, 17, 4 Cujus... locum ... ab isto venerabili sene... recoli ornarique ): peut- être le
premier professeur, de grec sans doute , à y avoir repris des leçons (Galletier 41, p. 113 n . 3,
mais voir p. 135 n . 4, où l'éditeur confesse son embarras). Au demeurant, Eumène se donne
comme succédant à son grand-père (5, 17, 4 ) : continuité dans la mission et l'enseignement.
On notera que des découvertes récentes à Autun ontpermis d'enrichir quelque peu le dos
sier. La découverte en avril 1965 d 'une mosaïque portant la figure d' Anacréon a été signalée
par 43 R . Martin , « Informations archéologiques» ,Gallia , 24 , 1966 , p.408 -409. Le portrait est
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 717
entouré de vers, formant une sorte de petite anthologie scolaire, où l'on reconnaît successive
ment le fr. 38 Gentili = 396 Page (4 premiers vers) et le fr. 49 G . = 429 P . (2 suivants) avec,
peut-être, deux vers refaits sur un anacréontique (45, 8 -12 Bergk). L 'écriture paraît remonter
au lle s., peut-être à la fin . Il n ' est pas impossible que le propriétaire de la maison ait été un des
rhéteurs enseignant la culture grecque dans les écolesMéniennes. On lira la démonstration de
44 Michèle et A . Blanchard, « Lamosaïque d 'Anacréon à Autun » , REA, 75, 1973, p . 268 - 279,
qui donnent toute la bibliographie antérieure et les planches nécessaires. Entreprises en 1990
dans le jardin contigu , de nouvelles fouilles ont permis de mettre au jour des fragments de
tableau figurant l'un un vieil auteur (Homère ?), l'autre, le philosophe épicurien Métrodore
(voir 45 Musée Rolin (édit.), Métrodore : un philosophe, unemosaïque, s.d . ( 1992 ) : fig. 1 :
panneau après restauration ; fig. 2 : détail du personnage). Assis à méditer un papyrus à la
main , ce dernier est entouré par le texte d 'une sentence bien connue du Gnomologium Vatica
num (6 , 14 Arrighetti), citée également par Plutarque (Contra Ep. Beat., 1104 e et 1106 e) et
Stobée (XVI 29), voir A . Blanchard , « Métrodore » 45 , p. 49 -54 (voir déjà 46 Id., « Épicure,
“ Sentence Vaticane” 14 : Épicure ou Métrodore ?», REG 54, 1991, p. 394 -409 ) offre une
bonne étude du texte, avec apparat critique. La découverte ouvre à nouveau la question de
l'attribution de la sentence à Métrodore, déjà indiquée, à vrai dire , par le Vat. gr. 743. La gra
phie de l'inscription pourrait être de la fin du 11e ou du début du me s.
De l'efficacité des enseignements de l'école, on a quelques preuves. L'évêque Réticius,
qui joua un rôle important aux conciles de Rome (313) et d 'Arles (314 ), était capable de lire
Origène. Écrites à Autun entre 316 et 323, les Laudes Romani (148 hexamètres ) étaient
l'æuvre d'un poète qui connaissait le grec (sur tout ceci, voir 47 G . Bardy, La question des
langues dans l'Église ancienne, t. I, Paris 1948, p. 178 ). Mais Autun n 'est proche ni du Rhin
nide l'Océan.
A Bordeaux aussi, quoique plusieurs décennies plus tard, l' enseignement du grec était
assez florissant. Parmi les rhéteurs ou grammatici que l'on peut prendre en compte pour des
raisons chronologiques, Citarius, Crispus,Mnestheus et Urbicus (voir 48 R . A . Kaster, Guar
dians of Language: the Grammarian and Society in Late Antiquity, Berkeley /Los Angeles/
London 1988 , respectivement p . 253-254 ; 263-264 ; 312 ; 375 avec Ausone, 11 ( Professeurs)
respectivement 13 ; 21 tit. et 1-6 ; 8, 3 ; 21 tit. et 10 -24 ), les deuxième et quatrième ensei
gnaient les deux langues (encore que le grec de ce dernier fût remarquable). C 'est normal dans
la mesure où l'onomastique dénonce en eux des non -hellénophones. Aussi n 'enseignèrent-ils
que les rudiments. Tous deux avaient des affranchis pour pères. Citarius était originaire d 'une
ville de Sicile ; quant à Mnestheus, il n 'avait pas fait cours à Ausone, à la différence de son
père Spercheus. Nous ne savons rien de leur origine. Or, selon W . L . Liebermann, dans Herzog
42, p. 318, né vers 310 , Ausone avait reçu sa première formation en grec et en latin auprès de
grammairiens de Bordeaux, avant 320 . Spercheus fut peut-être l'un d'entre eux. S' il fut un
On a dit qu 'Eumène avait officié en qualité de magistermemoriae, vraisemblablement à la
cour de Constance à Trèves (Galletier 41, p. 105 ). Nous savons qu 'en 376 Harmonius avait
enseigné grec et latin dans la ville (Kaster 48, p. 288).La présence de grammatici graeci y est
attestée par un édit du 23 mai 376 (CTh XIII 3 , 11), c'est-à-dire la loi scolaire de Gratien qui
fixe les salaires officiels à verser à chacun des enseignants en fonction de leur grade (Kaster
48, p. 116 - 117). Cela ne signifie pas pour autant qu 'il y aurait eu une création d'école : un
enseignement du grec a dû exister bien avant cela, même s'il a pu être interrompu durant les
périodes de grands troubles ou d 'anarchie . Certes, Prohérésius avait été un de ces hommes qui
se laissèrent, pour un temps ou définitivement, séduire par les Sirènes de l'Occident,mais il ne
fut ni le premier ni le dernier. De toute évidence, les conclusions que l'on prétend tirer du pas
sage d'Himérius dépassent les prémisses.
Aux yeux de Keil 33, p. 552-553, la phrase d'Himérius fait allusion à un moment où l'Em
pire était toujours unitaire , c 'est-à -dire le temps de Constantin . La capitale en cause serait
donc Arles, bien que Constantin n 'eût plus mis les pieds en Gaule depuis novembre 316 . Il
resterait que l'absence de l'empereur n 'aurait rien changé à l' attrait de la ville, en sorte que
jusqu'en 323 et à la victoire de Constantin, les ambitieux de tout poil auraient continué à y
718 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
accourir. Contemporain , Himérius aurait eu sa première barbe avant 323, c' est-à-dire qu'il
serait né avec le siècle ou presque . Durant la deuxième décennie, Constantin y fit faire de
nombreux embellissements, qui ont dû donner l'occasion d' inaugurations accompagnées de
force déploiements de rhétorique, propres à tenter maints jeunes gens assoiffés de gloire. Voilà
qui mène avant 324 , durant les intervalles où la tension politique entre Constantin et Licinius
n 'était point trop vive, soit entre les batailles de Cibalae et de Chrysopolis (8 octobre 314 - 18
septembre 324). On peut, en outre, rappeler qu 'Hermogène (48, 34 ) prédisait déjà à l'élo
quence d'Himérius un grand avenir. Quand le fit-il ? Lorsque les discours d'Himérius étaient
encore en pleine jeunesse (TOÚTOUS nb @ vrac). Ce sont lesmots mêmeutilisés pour caractéri
ser l' arrivée d 'Himérius à Constantinople, la future nouvelle capitale. On est tenté, par consé
quent, de la fixer sous le règne de Licinius.
On le voit, un des éléments décisifs tient à la représentation que l'on se fait de la carrière
d'Hermogène (ⓇH 95 ), dont Himérius évoque la studieuse jeunesse (48, voir infra ). Pour cou
ronner sa formation , le jeune homme s'attacha même à devenir bilingue (28). La question de
chronologie est capitale, car de la réponse dépend un écart de trois décennies. Dans sa prime
jeunesse , Hermogène servit à la cour d'un tyran, comparé à Phalaris (48, 18-19). D 'habitude,
on identifie le souverain en cause avec l'Auguste Licinius (Barnes 20, p . 219 n . 61, qui donne
toute la bibliographie antérieure). Selon Barnes, au contraire, la comparaison conviendrait
mieux à Gallus qu 'à Licinius. Dans la bibliographie antérieure , on se contente de citer le nom
de ce dernier sans justifier l'identification .Malgré les apparences, Barnes n 'est pasbeaucoup
plus précis sur ce point. Les méfaits de Gallus sont notoires. Encore conviendrait -il de voir
s'ils méritent la comparaison avec ceux que la légende prête à Phalaris. En 352, la sédition de
Juifs, menée par leur " rex " Patricius, fut punie par la destruction complète de Diocésarée
(Socrate II 33 ; Sozomène IV 7, 5 ; l'historiographe Arien dans Philostorge, p . 222 Bidez =
Théophane, Chronographie, p. 40, 20-23 de Boor, qui ajoute, à propos des Juifs et des Sama
ritains, qu 'ils furent exterminés par l'armée romaine Tayyever , Aurelius Victor, Césars 42,
11, indique le nom du “ rex ”, mais non la destruction de villes). Y a-t-il donc quelque exagé
ration , au moins au regard des sources, à parler de l'" extermination de villes entières" (49 E .
Stein , Histoire du Bas-Empire, I: De l' État Romain à l' État Byzantin (284 -476 ), 1 (texte ), s.l.
[Bruges) 1959, p . 141). Il n 'est guère que la Chronique d'Eusebe (a. 2368 ), non citée par
Stein , pour évoquer la destruction d 'une pluralité de cités, Diocésarée, Tibériade et Diospolis
(voir aussi Agapius deMenbidg, Histoire universelle dans PO VII 4, p. 571-572 Vasilief:
“Gallus qui les (sc. les Juifs) détruisit et démolit leurs villes et leurs demeures" ). Pour une
étude détaillée, avec références aux études en hébreu sur le sujet, voir 50 A .M . Rabello,
Giustiniano, Ebrei e Samaritani. Alla luce delle fonti storico -letterarie, ecclesiastiche e giuri
diche I, Milano 1987, p. 32-33 et 338-339 (avec , ici, une erreur de date et la reproduction en
grec et en latin des sources principales). Ammien Marcellin (XIV 1, 3) rapporte une variante
de l'épisode de Phèdre,dont fut victime un noble Alexandrin, Clématius ; XIV 7, 1-7 décrit les
persécutions d 'anciensmagistrats, de notables, de plébéiens en Orient (sans autre précision ),
puis la mise à mort des chefs du sénat d ' Antioche ; il livra à la foule Théophilos, gouverneur
de Syrie en 354 (XIV 7, 5 et XV 13, 2, avec Libanios 1, 103). Sur ce dernier point, la présen
tation d 'Ammien , compagnon de Julien , est très défavorable à Gallus ; Libanius décrit la chose
comme entendue depuis son bureau , sans incriminer quiconque. Réduit aux abois , le prince fit
exécuter le préfet du Prétoire Domitien , envoyé de Constance II avec mission de lui remettre
une convocation à Milan , et le questeur Montius (Ammien XIV 7, 9- 17 ). Les torts ne furent
pas uniquement dans le camp du prince (7 , 10 ), car le curateur Luscus n 'avait pas manqué
d'exciter la fureur des soldats (7, 17). On observera que, pour le détail,nous sommes tribu
taires du seul Ammien . Licinius n 'a pas meilleure réputation . Toutefois, les traits sont ici plus
appuyés. Licinius s'en prenait aux philosophes,même innocents, à qui il infligeait des tortures
servili more (Aurelius Victor, Césars 41, 5 ). Dans un chapitre très rhétorique, Eusébe évoque
les exactions perpétrées par Licinius : suppression desmesures de pitié à l'avantage des pri
sonniers ( H .E . X 8, 11), viols (13), persécution d 'évêques (14-15 ), dépeçage (17 ; on ne sait si
le fait fut isolé ou fréquent). On peut se contenter de souligner deux constantes : mesures
contre les intellectuels (philosophes et évêques), cruautésmonstrueuses. On le voit, quoi qu 'en
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 719
ait écrit Barnes, Hermogène avait davantage de raisons de chercher à protéger d 'éventuelles
victimes sous Licinius que sousGallus et, aux yeux de la propagande post-constantinienne, le
premier se retrouve mieux dans la physionomie de Phalaris . D 'autre part , Hermogène avait
officié toïc Deolc (Himérius48, 18 ), expression dans laquelle on doit reconnaître un empereur
à la fois mort et divinisé (Barnes 20 , p. 219, avec la n. 62: le pluriel est généralisant). Pour le
savant historien , ce pourrait être aussi bien Constance Il que Constantin . Logique étrange :
totc Deots désigne le personnage qualifié de Phalaris, c 'est-à- dire le tyran , soit Licinius (vue
traditionnelle) ou plutôt, comme le soutient Barnes 20, Gallus. Pour ce dernier, qui n 'avait pas
la dignité d 'Auguste , il est douteux que l'on procédât jamais à une déification : convoqué à
Milan par l'Auguste Constance II, il fut arrêté avant d'avoir posé le pied en Italie, jugé et exé
cuté à Fianone en Istrie , à la fin de 354. La répression qui suivit valutmêmede gros ennuis à
son demi-frère Julien (Stein 49, I 1, p. 142 et 2 (notes), p.491, n. 66 -68, qui énumère toutes
les sources). Même si l'on ne veut voir ici que rhétorique , viser Gallus en usant pour lui des
circonlocutions officiellesusuelles pour un Auguste eût été la dernière des maladresses,
On voudrait savoir quelle fonction occupa Hermogène. La jeunesse et le renoncement du
personnage à la carrière plaident pour un emploimodeste à la cour. Dans l'expression grecque
qui fait de lui un “ gardien des secrets " (búrať rõv å oppntwv), on se gardera de chercher
des secrets importants, par exemple, des secrets d 'État. Hermogène en était le dépositaire au
service des dieux ; par la suite, il transmettait à son mandant les "oracles" (onun) de ceux -ci,
c 'est- à-dire les mesures à prendre. Ces derniers sont évidemment les Augustes en place,
Constantin le Grand et Licinius probablement. Wernsdorf (2 , p. 641) voit en Hermogène un
àyyehladópos ou un agens in rebus chargé de porter aux gouverneurs de province des lettres
de l'empereur et de lui transmettre des rapports sur les événements locaux. Il aurait donc été
sous les ordres du magister officiorum . Jones 12 , s.v. « Flavius Hermogenes» 9 (p . 424 ), prend
les données au pied de la lettre : " (the tyrant) used him as his messenger when he wanted to
take the advise of oracles". On ne savait pas Licinius si épris des meurs antiques ! On ne peut
fixer autrementune date entre 314 et 324 , encore que l'on soit tenté, en raison de ce que l'on
entrevoit de la chronologie d'Himérius, d'opter pour les dernières années.
Les phrases chantournées d'Himériusdessinent en filigrane certains des heurs etmalheurs
d 'Hermogène, plus clairement, en tout cas, qu 'on ne l'a dit. Jones 12, p . 422-424 , répertorie
neuf Hermogène, en indiquant que les nº 2, 3 et 9 sont peut-être les mêmes personnages. Il y
manque Hermogène d 'Amasée, un des visiteurs de la tombe dite " de Memnon " , au côté de
Nicagoras II (Dittenberger, OGIS 694 ;51 J. Baillet, Inscriptions grecques et latines des tom
beaux des rois ou Syringes, à Thèbes, fasc . 2, Le Caire 1923, n° 1261 et 1283 gravés ; voir, du
même, 52 « Constantin et le dadouque d 'Eleusis » , CRAI 1922 , p. 291). Amasée se trouve dans
le Pont, d 'où était originaire le n° 3 de la PLRE . Baillet 51, p . 304, assimile le pèlerin à notre
Hermogène, dont il retrace brièvement la biographie. Le groupe des signataires de la tombe
appartenait au milieu platonicien . Himérius (48, 2) reproche aux Athéniens d'avoir laissé
Hermogène (PLRE 9 ) accorder sa sollicitude à Corinthe d'abord (en fait, les Éphyréens,
d 'après le nom originel de Corinthe ). Il s'agit donc bien dumême fonctionnaire qui fit réaliser
d ' importants travaux de restauration dans le port de Corinthe (IG IV 209) ; voir 53 Alison
Frantz , The Athenian Agora , XXIV : Late Antiquity, Princeton 1988, p. 22 ; 54 E . Groag, Die
Reichsbeamten von Achaia in spätrömischer Zeit, Budapest 1946 , p. 36 -38 ; Jones 12, p. 424.
Le discours 48 n 'est donc pas contemporain de l'entrée en fonction du proconsul d 'Achaïe .
Avant son accueil à Athènes, une saison au moins paraît s' être écoulée dans la cité portuaire :
le thème de l'hiver est récurrent dans le discours pour déplorer l'absence du proconsul. Les
préoccupations platoniciennes du personnage étaient patentes. 55 H .D . Saffrey et L . G .
Westerink (édit.), Proclus. Théologie platonicienne. Livre I, CUF, Paris 1968 , p. XL , rappro
chent, à juste titre, les activités philosophiques d'Hermogène (PLRE 9 ] d 'une Épître (21, 1 ) de
Libanius; elle atteste l'admiration pour le souci dont faisait preuve le préfet du Prétoire
Hermogène (PLRE 3] à l'endroit de la philosophie. Ces personnages sont en effet les seuls à
avoirmanifesté de l'intérêt pour la discipline. On possède donc d'assez solides raisons pour
établir l'équation PLRE 3 = 9. Sans argumenter, ils situent le proconsulat entre ca 353- 358.
On peut dater la lettre avec une précision relativement grande. Le destinataire était un
720 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
Bithynien nommé Aristainétos, qui entra en relation avec Hermogène, tout juste nommé préfet
du Prétoire, à l' été de 358. Il mourut à Nicomédie, victime du tremblement de terre du 24 août
358 (56 O . Seeck, Die Briefe des Libanius, Leipzig 1906 (réimpr. Hildesheim 1966 ), p. 85).
Le prédécesseur d 'Hermogène, StrategiusMusonianus, est donné à ce rang pour la dernière
fois le 7 juin 358 (Cod. Theod. I 5, 6 ). Hermogène semble donc être entré en fonction peu
après cette date. Précédemment, en qualité de proconsul d'Achaïe, il a dû séjourner à Corinthe
durant l'hiver 357 -358 au plus tard .
Richtsteig 22, p. 10, a marqué l'importance des emprunts au mythe de l'attelage ailé dans
le Phèdre (246 b -c ; 248 a-b ) de Platon , en soulignant les récurrences verbales. Le passage du
présent discours (48 , 12) est celui quimet le plus longuement en æuvre un morceau du dia
logue. Il n 'appartenait pas, naturellement, à Richtsteig d 'en dégager la signification sur le plan
biographique. L 'orateur vient de s'engager à offrir le miroir d 'une âme, en d 'autres termes
d 'une vie (48, 12 ) : elle aspire toujours aux occupations les plus belles et les plus hautes ;
compagne de Dieu, pour avoir vu souvent, au cours de sa révolution , la plaine de vérité et
s 'être gorgée de la contemplation des spectacles de là -haut, lorsque, par l'effet d 'une
conjoncture, après la chute de ses ailes, elle a revêtu un corps et a reçu pour y habiter le
séjour d ' ici-bas et que, tombée dans le destin contraire, elle s 'est, ne fût-ce que pour peu de
temps, remplie de l'oubli des spectacles de là -haut, il ne lui arrive point jusqu 'au bout de
demeurer sans ailes et de gaspiller sa vie dans l'ignorance.Mais lorsqu 'elle voit quelqu 'une
des beautés d 'ici-bas, elle se réveille et se laisse porter par samémoire vers ce qu 'elle avait
vu autrefois, quand , en compagnie des dieux, elle tournait autour du ciel même ; dans son
mouvement, elle a des préoccupationscélestes, recherche le séjour d 'en haut et ouvre à l'en
tour du champ des réalités. Certes, le moyen est ingénieux pour marquer les convictions inti
mes de l'intéressé. La métaphore surtout fait découvrir les aléas d 'une trajectoire que
n 'avaient pas épargnée les vicissitudes ou les disgrâces. La vêture philosophique indique
qu 'Hermogène avait servi plusieurs Augustes, et pas nécessairement des Césars seulement.
Voilà qui suggère une carrière longue traversée probablement par des souverains comme
Licinius, Constantin et Constance II.
Liée à la carrière d'Hermogène, la date la plus ancienne que l' on puisse
atteindre pour Himérius paraît donc renvoyer au règne de Licinius, c'est-à-dire
avant 324 .
2. Le milieu
Par mariage, Himérius se trouva lié à une des familles les plus illustres
d'Athènes. Le lignage a été élucidé par 57 O . Schissel, « Die Familie des Minu
kianos. Ein Beitrag zur Personenkunde der neuplatonischen Athen » , Klio 21,
1927, p. 361-373. Dans deux passages, Apulée (Métamorphoses I 2, 1 et II 2, 8–
3, 3) rappelle qu 'originaire de Thessalie, Lucius descendait par sa mère Salvia
du philosophe stoïcien Sextus, neveu de Plutarque et maître de Marc-Aurèle .
Elle eut de son mari, Minucianus rer, contemporain d'Antonin le Pieux , un fils,
Mnésaios (= Lucius d ’Apulée), père de Nicagoras jer. Ce dernier eut lui aussi un
fils, Minucianus II, qui engendra à son tour Nicagoras II, dont la fille épousa
Himérius (voir l'arbre généalogique de Schissel 57, p. 371).
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 721

Plutarque deChéronée
Sextus (maître deMarc Aurèle)
Salvia - Minucianus I (sous Antonin le Pieux)
Lucius/Mnésaios
Nicagoras I
Minucianus II
Nicagoras II
fille oo Himérius
Rufin fille
Avocat, Minucianus fer (Souda, M 1087, s.v. Mivouxlavós) avait rédigé des Nóyou
diápopor. C' est ce qui avait permis à Himérius de soutenir que sa voix avait souvent permis
des libérations (Or. 7 , 4 , voir Schissel 57, p . 364). Tout en donnant des éléments biogra
phiques propres à Minucianus II, l'article de la Souda luiprête la rédaction d 'æuvres qui sorti
rent de la plume de son bisaïeul : une téyin önroplyn en deux livres, des commentaires à
Démosthène (le fait ressort d'Hermogène, Des formes, p . 267, 3 sq., avec les scholies de Jean
Doxopatros VI 111, 15 - 17 Walz , et Syrianos I 13 , 1 - 10 Rabe ; Hermogène, o.l., 384, 4 , avec
Jean Doxopatros VI435 , 17 - 19 Walz, voir 58 St. Glöckner, Quaestiones rhetoricae. Historiae
artis rhetoricae qualis fuerit aevo imperatorio capita selecta , Breslau 1901, p . 25 ; Schissel
57, p. 366) et des Progymnasmata (Souda, M 590, s.v.Mévav poc) expliqués par Ménandre
de Laodicée du Lycos. Une querelle d 'école l'opposa à Hermogène. Ses progymnasmata se
présentaient armés de tous les outils de la logique (Schissel 57, p . 366 ). La téyun fut attaquée
par Hermogène et défendue par Porphyre. Le travail de ce dernier fut vraisemblablement exé
cuté avant 262/3 , durant son séjour à Athènes, à un moment où il suivait les cours de Longin ,
qui fut probablement un élève de Minucianus (Bidez 25 , p . 30 ; Schissel 57, p . 365). Mnésaios
est donné comme orateur par la Souda (N 373, s.v . Nixayópac ). Nicagoras ſer adressa un
Ilocobavtixóc à Philippe l'Arabe (Souda N 373, s.v. Nixayopac) ; il écrivit comme Plu
targue des Vies des hommes illustres et un Περί Κλεοπάτρας της εν Τρωάδι. Lie d'amitie
avec Longin, il fut invité par lui à un banquet pour l'anniversaire de Platon (Eusébe, Prépara
tion évangélique X 3, 9- 11 ; Schissel57, p. 367 -368 ).Même s'il n 'est pas donné explicitement
comme platonicien , la présence d 'un représentant d 'une famille fière de remonter à Plutarque
suffisait à donner à Nicagoras ſer la couleur idéologique idoine (Schissel 57, p . 364 ; 368). On
s'explique donc bien qu 'en Or. 7 , 4, Himérius rapproche le meilleur orateur de la lignée ,
Minucianus ler, du plus grand philosophe, Nicagoras Jer. Dans le chef du collaborateur de la
Souda, la confusion de Minucianus (er avec son arrière-petit- fils et homonymeMinucianus II
se conçoit aisément. Lui aussi avait composé des ouvrages de rhétorique, dont nous avons
conservé un lepi étriyelpnuárwv (Hammer, dans Rhetores graeci I, p. 340- 351 Spengel). La
présentation des arguments repose sur les définitions et la division , bref, on retrouve ici le type
d'armature aristotélico - platonicienne mis en æuvre par Minucianus (er (Schissel 57, p. 369).
Une des constantes de la famille fut l'attachement aux cultes traditionnels,notamment aux
mystères d 'Eleusis. Nicagoras Jer (Marcos lounios) occupa le grade de hiérokéryce, le troi
sième de la hiérarchie (Philostrate, Vie des sophistes II 33, 4 ; IG 112 3814 (Éleusis]). Son fils,
Minucianus II, fut le dédicant de deux statues en l'honneur du proconsul Claudios Illyrios ; les
bases inscrites furent trouvées sur l'Acropole (IG 112 3689 -3690 ). D 'après 59 Simone Follet,
Athènes au 11e et au IIIe siècle. Études chronologiques et prosopographiques, Paris 1976 ,
p. 142-143, la dédicace daterait de la période entre le 10 et le 31 décembre 265. Nicagoras II
722 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
(PLRE Nicagoras 1 ), qui fut dadouque, soit le deuxième grade de la hiérarchie, des mystères
d 'Éleusis, se rendit, sous Constantin Jer, dans les Syringes, en d'autres termes, les tombes des
pharaons thébains, comme nous l'apprennent deux graffiti exhumés dans la tombe du Pharaon
Ramsès VI (Dittenberger, OGIS 720 -721) et datés de 326 . De rédaction maladroite, le premier
graffito mentionne Platon , qui serait venu sur les lieux longtemps avant le visiteur athénien .
Boniment du cicerone, qui avait sans doute prêté sa plume et son style . Sur la paroi opposée
figurait un texte tout semblable, mais d'une élégance plus sobre, sans doute de la main de
l'Athénien. Le caractère officiel de la visite ne saurait guère faire de doute : on peut lire aussi
dans le voisinage de l'inscription le nom de personnages en fonction, sans compter celui
d 'autres revendiquant le patronage platonicien (Baillet 52, p . 287 ; 290 -295 ; Schissel 57 ,
p. 370). L 'appartenance de Nicagoras II à l' école platonicienne n 'est donc point douteuse. On
s'est efforcé d 'expliquer le voyage. Baillet 52 (p . 286 -289) y voyait les suites d 'une mission
d' inspection et d 'enquête sur l' état des temples ou la désaffection des esprits. Pour 60 G .
Fowden, « Nicagoras of Athens and the Lateran Obelisk » , JHS 107 , 1987, p. 51-57, le voyage
s'inscrivait dans le cadre du projet, non réalisé, de Constantin d 'offrir, pour ses Vicennalia, en
327 , à sa nouvelle capitale, l'obélisque dit “ du Latran ” (il se dresse, depuis Sixte V , en 1588,
Place Saint-Jean -de -Latran ). L 'æuvre d 'art eut bien la destination prévue, mais en 357, à
Rome l'Ancienne, grâce à Constance II. Le discours 8, 21 mentionne en outre Musonius
comme olhoooootepov. Il s 'agit de C . M . Rufus Musonius, le philosophe stoïcien , maître
d'Épictète et de Dion de Pruse . Tout souvenir du personnage n'était pas perdu à l'époque de
Julien , qui le cite, en le comparant à Socrate (Lettres, 30 ; voir aussi Souda M 1305, s.v.
Movo ÁviOS, avec une erreur de texte : Bápwv pour [ vápwv, voir aussi B 114 s.v . Bápeus ),
pourmontrer combien il avait pris à cæur les intérêts des gens de l'île de Gyare où il avait été
exilé sous Néron en 65 -66 . Voir, à ce propos, 61 J. Bouffartigue, L 'Empereur Julien et la
culture de son temps, Paris 1992 , p . 94 ; on trouve plusieurs allusions au personnage chez
Thémistius, à propos de l'exil sous Néron [6 (Oládendol ñ nepi Olhadenoías), 107
Schenkl-Downey ; 7 (ſlepi tõv ňtuxnxótwv éni Oủárevtoc), 141; 34 (Ilepi tñs åpxñs),
223 Schenkl-Downey-Norman) et de son retour en faveur sous Titus (13 ('Epwtixòç ñ nepi
xárlous Baolixoũ ), 248 Schenkl-Downey).
Sous le nom de Sopatros court un traité intitulé Division des recherches
(Alaipeous Sntnuárwv) qui contient des exemples, avec indications pédago
giques, de 81 thèmes de déclamation arrangés par stasis. Or, l'auteur se donne
pour un étudiant du sophiste Himérius (62 Ch . Walz, Rhetores graeci, VIII,
p. 318, 29). Dans un autre traité, les Prolégomènes à Aristide (III, p. 757, 24-27
Dinforf), l'auteur affirme qu 'il transmet l'enseignement de ses maîtres d' Athènes
et le fruit de ses lectures et recherches en commun avec d'autres. La terminolo
gie utilisée n 'est pas exactement celle d'Hermogène, dont le nom n 'apparaît pas
dans la collection de traités. Il est assez probable que le tout résulte de l'activité
d'un rhéteur de la fin du IVe s. travaillanten milieu néo -platonicien . Peut-être le
personnage est-il le petit-fils du philosophe Sopatros, non dépourvu d' éloquence
lui-même, quidétint un poste à la cour de Constantin Ier avant d' être mis à mort.
Voir Kennedy 30, p. 104- 105. Dans ce cas, on comprendrait la vigueur avec
laquelle Himérius souligne les attaches platoniciennes de la famille de sa femme.
Toutefois, le faisceau de données mériterait d'être enrichi.
Dans l’Anthologie de Stobée (IV 5,51 -60, 1) est conservée une série d'extraits de Sopatros
a son frère Hémérios ( Ημερίω) sur le theme πώς δεί πράττειν την εγκεχειρισμένην αυτό
nyeuoviav. On a corrigé à juste titre (Schmid -Stählin 27, II 2 , p . 890 n . 2 ) en luepiw .
L 'échange eut lieu entre les deux fils de Sopatros,Sopatros 2, un philosophe du milieu du Ive
S., et Himérius 3 (voir PLRE I, p. 846 ).
Malheureusement, on ne peut dater le mariage d'Himérius avec précision .
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 723
Il aurait eu un fils appelé Jamblique, d 'après Colonna 1, p. L , qui cite Libanjos (Lettres,
571 Förster) comme testimonium III b. Il s'agit en réalité de Jamblique 2 , originaire d 'Apamée
(PLRE I lamblichus 2 ), fils d 'un autre Himérius, haut fonctionnaire (PLRE I Himerius 3 ).
Son fils Rufin lui avait donné de grandes espérances. Né à Athènes (Or. 7, 3 ;
entre 341-346 , selon Schenkl 9 , col. 1623 ; dans le discours, le père plaidait pour
la naturalisation de son fils ; lui-même avait déjà obtenu la sienne), Rufin était
mort à l'adolescence (Or. 8 , 21, entre 357 et 362, d 'après Schenkl 9 ). Il venait de
prononcer son premier discours public (8 , 4 ). Le père avait déjà atteint son
rñpaç. Par suite, son mariage doit dater luiaussi du début des années 340.
Tout autre est le systèmede Barnes 20, p . 222-223, d 'après qui la nouvelle du
malheur pourrait avoir touché le père durant la période où il s'efforçait de
rejoindre Julien, par exemple en mai 362. Le fleuveMélas (Or. 8, 22) serait donc
cappadocien. Le mariage d 'Himérius aurait seulement été célébré durant les
années 350. Subrepticement, il donne un coup de pouce aux données généalo
giques en faisant de l'épouse d'Himérius la petite - fille de Nicagoras II, et non sa
fille, comme dans le tableau de Schissel 57, p . 371 (cité cependant p . 222 n . 74).
Himérius avait eu aussi une fille (Or. 8, 12: voir infra ).
3. La carrière
Il fit une carrière de sophiste à Athènes, interrompue, il est vrai, parmaints
voyages sur lesquels nous renseignent les fragments de ses discours: à Corinthe
(Or. 11 ; 30, 75, mais l' époque est impossible à préciser) ; à Nicomédie (53) et à
Sparte (72). L ' article de la Souda souligne (åvtitaidetoaç Ipoatpeoiw év
'AOńvais) que Prohérésius et lui étaient rivaux à Athènes. Le tournantde sa vie
fut l'avènement de Julien l’Apostat. D ' après Photius (cod. 165, II, p. 140, 2 -3),
“ le sommet de sa carrière se situe sous Constance et sous l'impie des impies,
Julien ” . Indication désespérément vague, car elle couvre une période allant de
337 à 363. En fait, on chercherait en vain dans la longue énumération de Photius
le titre d 'une æuvre adressée à Constance II, encore que ne manquèrent pas les
discours prononcés en l'honneur de dignitaires du régime. Les règles propres à la
rhétorique rendent l'identification et la datation des événements difficiles. (63 J .
Schamp, Photios historien des lettres. La Bibliothèque et ses notices biogra
phiques, Paris 1987, p . 202-203) .
a. Sous Constantin ( ?)
Il est malaisé de situer avec précision le proconsulat de Basilius, fils d 'un
consul païen et d 'origine occidentale (Or. 46, 8). Barnes 20, p . 217-218 , a tenté
d 'apporter des précisions. Il distingue quatre personnages qu 'il essaye de situer
les unspar rapport aux autres. On connaît en effet notammentun ValeriusMaxi
mus signo Basilius qui fut praefectus Urbi entre 319 et 323 (Jones 12 , s.v.
Maximus 48, p. 590) et Valerius Maximus, qui fut consul en 327 puis préfet du
prétoire entre 327 et 337 ( Jones 12, s.v .Maximus 49, p . 590). Le premier pour
rait être un parent du second, “possibly father or uncle” . L 'adresse de Or. 46, 8
plaide dans ce sens ( natpós Únátov Báornua ). Au contraire, selon Barnes
20, p . 217, qui ne fournit aucun argument ni référence, le texte pourrait être
interprété comme suggérant l'identification du praefectus Urbi de 319-323 avec
724 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
le consul de 327, là où la PLRE distingue deux fonctionnaires. A ses yeux, le
personnage visé par Himérius serait PLRE Basilius 3 , le petit-fils de PLRE
Maximus 48. Préfet de la ville de Rome en mars 395 (CTH VII 24, 1) , il serait le
fils de PLRE Maximus 17, préfet de la ville de Rome sous Julien en 361- 362. Par
suite , le Basilius d 'Himérius aurait occupé le proconsulat dans les années 370 .
La supposition ne tient qu'au prix d'une correction en Or. 46, 8, où únápxou
prendrait la place d 'únátov. L 'exposé repose sur une argumentation si elliptique
qu 'elle n 'emporte pas la conviction. Rien n ' empêche de supposer que le person
nage d'Himérius soit Maximus 49, fils de Maximus 48. Or. 46 , 11 donne à sup
poser qu’Himérius parla en Achaïe , ce qui pourrait désigner Corinthe. Le fait
qu 'Himérius ne put entrer en lice qu 'après tous les autres sophistes appelés à
participer au concours dont le sujet avait été proposé par le proconsul tend à
montrer qu'il était tout jeune et avait encore à se faire un nom en Achaïe. Selon
Schenkl 9 , col. 1624 , Or. 46 serait au nombre des derniers discours. L ' Or. 38 ,
adressé au proconsul (d 'Achaïe ) Cerbonius, fait allusion à l'activité de construc
teur de ce dernier (1-2), qui rend à Athènes le même service qu 'Apollon faisant
sortir Délos des ondes ; voir Frantz 53, p . 20 -24 ; 64 E . Sironen, « Life and Ad
ministration of Late Roman Attica in the Light of Public Inscriptions » , dans
Paavo Castrén (édit.), Post-Herulian Athens, coll. « Papers and Monographs of
the Finnish Institute at Athens » 1, Helsinki 1994, p . 37 et p . 45 n. 166 . Plus pré
cisément, ce fut lui qui rétablit le service des eaux, car désormais les nymphes
jouent de nouveau dans les rues ($ 9, p. 158, 80 -82, cf. Frantz 53, p. 21). Selon
Jones 12, s. v. Cervonius, il était en exercice avant Scylacius. On considère que
Cerbonius avait exercé sa fonction au cours de la seconde partie du règne de
Constantin (Frantz 53, p. 20, qui cite Groag 54, p. 27 -28). Toutefois, Barnes 20 ,
p . 216 , fixe son proconsulat d 'Achaïe en 353/4 “ on the chronology argued here
for Himerius' career” , sans autre justification , non plus qu'à la p . 324. L 'inscrip
tion de Thespies SEG XV 323, datée par l'éditeur " ca 325:337 ?” , le donne
comme proconsul. Il n ' y a pas de relation chronologique clairement décelable
entre les deux faits . D 'après le titulus qui se lit dans les manuscrits, cette rahlá
fut la première à avoir été prononcée par Himérius à Athènes év TV Apaltwpiw .
b. Sous Constance
Or. 33 fut prononcé devant Phoibos, le fils du proconsul Alexandre (PLRE I
Alexander 3), qui fut en charge à Constantinople en 342. Obligé de quitter la
capitale à la suite d ' émeutes (Libanius, Or. 1 (Autobiographie ), 44 -45), provo
quées surtout pardes rivalités entre évêques chrétiens: 65 P. Petit dans J.Martin
et P. Petit (édit.), Libanios. Discours 1 (Autobiographie), CUF, Paris 1979,
p. 217 (n . complémentaire au § 44)], Alexandre trouva refuge à Périnthe; à peine
revenu pourmettre de l' ordre , il fut, en une nuit, remplacé par Liménius (PLRE I
Limenius 2 ), qui força Libanios à quitter la cité, quelques mois plus tard. La titu
lature définit l'occasion du discours : après un premier cycle d'études à Corinthe,
le jeune homme avait continué à étudier sous la direction d'Himérius (aúto
napà toŨ natpos metà tà év Kopívow Oldaoxadema). Les fragments laissent
entrevoir une métaphore filée où l'on décèle les équivalences suivantes: Évago
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 725
ras = Alexandre 3 ; Nicoclès = Phoibos; Isocrate = Himérius. Par suite , le
discours aurait été prononcé vers 342. Le début du discours mentionne un
sophiste demoindre renom : celui dont Phoebus avait suivi les leçons à Corinthe
avant de se rendre à Athènes auprès d 'Himérius. La comparaison montre ce der
nier déjà bien en place à ce moment, à la tête d 'une école en pleine gloire . Natu
rellement, les mots peuvent avoir eu aussi une portée publicitaire. Himérius se
serait rendu à Constantinople pour la circonstance, selon Barnes 20, p . 214 . C 'est
reconnaître qu 'Himérius officiait déjà alors à Athènes, contrairement à ce qu 'af
firme Barnes 20, p. 224. Le n° 32 est adressé eic 'AvatórLOV Ünapxov, c'est-à
dire à un préfet du prétoire, conformément au sens usuel du vocable unapxoc.
Barnes renvoie à l'article de 66 A . F . Norman , « The Illyrian Prefecture of Ana
tolius», RHM 100, 1957, p. 253-259, qui souligne la nécessité de distinguer deux
homonymes de Béryte , Anatolius , qui visita Athènes peu après 343 en qualité de
préfet du prétoire d 'Illyricum , et un autre , qui exerça lesmêmes fonctions de 357
à 360 (année de sa mort). Le nom est d ' ailleurs relativement fréquent. La vue
traditionnelle consiste à identifier les deux hauts fonctionnaires, comme le fait
encore Jones 12 , s.v. Anatolius 3, p. 59 ; voir Norman 66, p. 253, pour la présen
tation du problème. Il reste que 67 V . Neri, « Le prefetture del pretorio nel perio
do 346-350 d . C . » , RSA 4 , 1974, p . 91-99, a essayé de ruiner l'argumentation de
Norman en faisant valoir des rapprochements entre les données offertes par
Eunape pour l'Anatolius préfet sous Constant et celles qui se trouvent dans les
lettres de Libanius pour l'Anatolius des années 357 -360 . Contrairement à ce
qu 'il affirme, l'indication chronologique d'Eunape n 'a rien d'approximatif, car
les événements sont étroitement liés. Après le concours ridicule, ce fut à Anato
lius que s'adressa Prohérésius pour obtenir l'exécution de la faveur promise par
Constant (Eunape X 7 , 6 Giangrande), à savoir le droit pour Athènes de prélever
l'impôt sur plusieurs îles afin de soulager ses finances. On imagine mal que
l'orateur ait attendu dix ans pour faire monnayer ses talents au bénéfice de sa
cité. Cela n 'empêche pas Barnes 20 , p . 216 , de conclure , sans argumenter, que le
personnage d 'Himérius est celui qui exerça ses fonctions de 357 à 360 . Eunape
( X 6 , 6 ) mentionne explicitement la présence d'Himérius et sa participation au
concours gagné par Prohérésius (6 , 10). Or, les faits se déroulèrent peu après que
Prohérésius eut remporté des succès fracassants à la cour de Constant à Trèves,
soit en 343 ou plutôt peu après (Eunape X 7 , 1). D 'autre part, on peut esquisser
les débuts de la carrière d' Anatolius. Il fut vicaire d 'Asie (CTh XI 30 , 19 ; XII 1,
28 ) en 339 avant d 'arriver à la préfecture, mentionnée par des textes législatifs
de 346 (CTh XII 1 , 38) et de 349 (CTh XII 1 , 39); pour des raisons qu'il expose
p. 258-259, Norman 66 , p. 253, indique que cette dernière date est “ notoriously
doubtful of acceptance” . Si, commele suggère Norman 66, p. 258, le séjour de
Prohérésius à l'Ouest eut pour motif le panégyrique de Constant pour l'expédi
tion en Bretagne, il ne peut guère avoir eu lieu qu 'au printemps 344. Vinrent
ensuite le voyage à Rome et le retour à Athènes: on peut donc fixer raisonna
blement le passage d ' Anatolius à Athènes en 345 au plus tard. Que le discours
32 ait été prononcé dans la circonstance n 'est pas douteux. Païen dévot, juriste
726 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
expert et fin lettré, Anatolius avait aussi, semble-t-il, l'esprit sarcastique. Le
sujet qu 'il avait mis au concours avait été choisi de façon à tourner en ridicule la
gent universitaire d 'Athènes (Eunape X 6 , 5 ; 10) : seul Prohérésius réussit à tirer
honorablement son épingle du jeu . Un passage du discours (3) paraît faire allu
sion aux modalités d'organisation : Il y eut une chasse à notre art (menée par) le
grand préfet (Ońpa yéyove tñs nuetépaç téxins ópéyaç únapxos).
Invité par le gouverneur Pompeianus (gouverneur de Bithynie entre 343/348,
voir PLRE I, s.v. Pompeianus 2), Himérius y avait livré une joute oratoire contre
Libanios (voir Lettres 742, 1 Foerster et Déclamation 46, intitulée oxbuua ô
IouiniavÒç npoubarev, d'après Colonna 1, p. XLIX n.). L 'événement eut lieu
durant le séjour de ce dernier à Nicomédie (de 344 à 349, voir Petit 65, p. 8 -9, et
le § 51 de l’Autobiographie). Apparemment, Pompeianus avait tourné en déri
sion “ l'homme d' Athènes, en vêtements resplendissants ” . Bien que son nom ne
fût pas prononcé dans la lettre de Libanius, il s 'agirait bien d 'Himérius (Schmid
Stählin 27, p . 812). L 'identification est donnée formellement par Wernsdorf 2 ,
p. XLV ; Petit de Julleville 35 , p. 70 ; Seeck 56 , p . 242 ; Schemmel 34 , p . 498 ;
Schenkl 9, col. 1623 ; 67 R. Förster et K . Münscher, art. « Libanios», RE XII 2,
1925, col. 2490 ; Barnes 20, p. 212,mais, après réflexion , rejetée comme mal
assurée par Schenkl 10 , col. 1152 ; 11, p. 39-40. La difficulté viendrait d'une ap
parente contradiction. La lettre 742 , 1, adressée en 362 à Celsus (BC 72), un de
ses anciens étudiants de Nicomédie, où Libanius adopte un ton sarcastique, ne
permettrait pas de croire que durant l'hiver 355 /6 il envoie à Gorgonios, asses
seur du gouverneur d'Arménie , une lettre de recommandation en faveur d 'Hi
mérius (Lettre 469). Par suite , les relations entre Himérius et Libanius auraient
connu des alternances difficilement explicables. L'argument ne tient pas. On
n 'écrit pas à un ancien élève avec qui on évoque de bons souvenirs communs sur
le ton donton use pour une lettre, presque officielle , de recommandation . D 'ail
leurs , pour justifier son appel à l'aide, Libanius fait appel à la solidarité indis
pensable entre païens. Qu 'il y ait eu rivalité ou non , l'intérêt supérieur réclamait
l' oubli des sentiments étroitement personnels. Le voyage aurait donc eu lieu
avant le changement de gouverneur en Bithynie , soit au plus tard avant la fin de
348. Libanios confesse d 'ailleurs qu 'il était plus riche de loisirs à consacrer à
l' éloquence que d'argent. Voilà qui encouragerait encore à remonter plus haut la
date de l'événement. Gärtner 13, col. 1149, donne la date de " gegen 350” .
Scylacius, proconsul d'Achaïe, à qui est adressé le discours n° 25, fut vicaire
d 'Asie, après un poste à la cour impossible à préciser (25, 32-33). Publiée par
68 L . Robert (dans J. des Gagnières, P. Devambez, Lilly Kahil et R . Ginouvès,
Laodicée du Lycos. Le nymphée. Campagnes 1961- 1963, Québec/Paris 1969,
p. 339 -351), une épigramme de Laodicée rappelle l'activité de constructeur qui
avait été la sienne à Milet. Les p. 346 - 351 offrent une excellente élucidation de
Or. 25, 72- 94. Himérius fait allusion à ses exploits en Ionie (li. 33-34 ), contre les
pirates pisidiens (li.67-68 ; 95 -99) et dans la région proche du Méandre (li. 73
79). Or, une loi du 24 février 343 est adressée à Scylacius, pp. Cyzico (CTh XI
30, 22). Ce dernier avait donc occupé plus tard son poste à Athènes, et le
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 727

discours date de cette époque, voir Barnes 20 , p. 215 . Toutefois, comme


Constantcontinua à porter la responsabilité de l'Achaře jusqu'à sa mort en 350,
il est peu probable que le proconsulat d ' Achaïe de Scylacius puisse être situé
avant cette date : Groag 54, p. 34 ;Robert68, p. 345 ; Barnes 20, p. 215.
Or.62 a été prononcé à Constantinople, en l'honneur d 'un personnage dont le
nom évoquait celui des Muses, c'est-à-dire Flavius Strategius Musonianus
(Strategius Musonianus PLREI - à moins que ce ne soit Musonius 1). Il était
alors proconsulde Constantinople (Or. 52, 6 ). Le discours a donc été prononcé
avant 353, année durant laquelle il devint proconsul d'Achaïe (PLRE I Strategius
Musonianus).
Au temps de leur jeunesse , vers 355, Basile de Césarée et Grégoire de
Nazianze avaient fréquenté Himérius (Socrate IV 26 ; Sozomène VI 17). 69 J.
Bernardi, « Un regard sur la vie étudiante à Athènes au milieu du IVe s. après J.
C . », REG 103, 1990, p . 80 -94, voit dans le premier étudiant cappadocien du
discours 18 le futur Basile le Grand. Pour affirmer que Basile et Grégoire de
Nazianze avaient subi l'influence d'Himérius, il se fonde sur des récurrences
verbales indiquées dans 70 J. Bernardi (édit.), Grégoire de Nazianze. Discours
42-43. Introduction , texte critique, traduction et notes par J. B ., SC 384, Paris
1992, p. 38- 39. Par suite , Or. 18 (Bernardi 70, p. 40 ) aurait été prononcé en 358
à l'occasion du départ de Basile .
Les nº 29, 31 et 50 mettent en cause, à différents titres, la personne d'Ampé
lius. Celui-ci est bien connu pour avoir été proconsul d'Achaïe en 359 -360
(Barnes 20 , p. 215). Son activité de constructeur est attestée par plusieurs
inscriptions, reproduites par Groag 54, p . 42. L 'une a trait à la restauration de
monuments du sanctuaire d ' Amyclées non loin de Sparte ( IG V 1, 455, voir
aussi 71 A . M . Woodward , « Sparta. The Inscriptions» ,ABSA, 26 , 1923-1925,
p . 229). On peut se demander s'il n 'y a pas lieu d ' en rapprocher le n° 72 . La
description de Photius indique qu 'Himérius s'était décidé au voyage après un
songe qui lui avait enjoint d'aller prier le dieu d'Amyclées. Ce rêve pourrait
avoir été une présentation rhétorique propre à louer l'action du fonctionnaire.
Dans ce cas, il faudrait situer le discours durant ces années 359 - 360. Le n° 50
donne le titre d'Ampelius, à la différence du n° 31, 11 qui fait explicitement
référence aux constructions de Sparte. Les discours 31, 50 et 72 pourraient donc
avoir été prononcés durant les mêmes mois, comme le n° 29, adressé au Romain
Privatus, précepteurdu fils d'Ampelius, désigné cette fois encore avec son titre .
Il n 'est pas impossible qu 'Himérius ait pris alors une sorte de retraite : c'est ce
que donnent à entendre les premières lignes conservées du n° 20 (1, 1-3), adressé
à Musonius, proconsul d'Achaïe (Musonius 1 PLRE I). Malheureusement, entre
le proconsulat de Strategius Musonianus en 353 et la seule apparition de Muso
nius en 362, en plein règne de Julien , comme ancien proconsul, il subsiste un
gros trou dans notre documentation. Il faut tenir compte encore du fait que le
même fut aussi Magister officiorum en 356 /7. Il ne reste donc que le créneau
chronologique des années 357/8 - 361/2 . Est-ce le moment où Himérius perdit son
fils Rufin ? Il était alors loin d 'Athènes, où il avait abandonné sa chaire. Je ne
728 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
crois pas qu'il soit possible d' être beaucoup plus précis. Dans le Mélas, sur les
bords duquel il séjournait quand il apprit le décès de son fils (Or. 8, 22), Schenkl
9, col. 1624, voit le fleuve qui arrose Orchomène de Béotie : car c 'est là, dans
une des propriétés apportées en dot par sa femme, une descendante de Plutarque
de Chéronée, qu'il avait fait bâtir thermes et maisons pour Rufin (8, 3).
Schemmel 34 , p.499 , y voyait le Mélas sur lequel se trouvait Césarée de Cappa
doce. La supposition de Schenkl est plus vraisemblable .Wernsdorf 2, p. L, a ras
semblé quantité de passages d 'où il ressortirait qu'Himérius s 'était plaint des at
taques adressées à son enseignement: Or. 38, 4 -7 (Socrate contre les sophistes
Calliclès et Thrasymaque) ; 45 , 4 (Dionysos enfant en butte à la haine des
Titans) ; 69 ( sans doute à la suite d'un bizutage ou d 'une échauffourée entre
étudiants qui avait mal tourné) ; 46 , 6 (malheurs d 'Orphée chez les Lébèthres et
d'Ésope chez les Delphiens). Les deux premiers exemples sont donnés comme
des Oinynuata de façon attique ; le dernier tient, à mon sens, au dispositif du
concours où Himérius fut amené à parler en dernier lieu . Il n 'y a pas là matière à
expliquer un renoncement d 'Himérius à la fin des années 350, qu'un deuil expli
querait plus aisément.
c. Sous Julien
La place du n° 51 suggère qu'il fut prononcé avant le départ pour l'Orient
(Schenkl 9 , col. 1624 ). Vettius Agorius Praetextatus fut proconsul d ’Achaïe de
362 à 364 (PLRE I), voire 365 (Barnes 20 , p. 220 ); sur la carrière de Praetex
tatus, la meilleure étude reste celle de 72 O . Seeck , Q . Aurelii Symmachi quae
supersunt, Berlin 1883 (réimpr. 1961), dans M . G . H . Auctores antiquissimi VI 1,
p . LXIII-XC ; le titre est indiqué p . LXXXVII n . 399. Venu à Athènes en 362/3 ,
Eunape (XIV 1, 1) n 'y rencontra point Himérius, qui avait obéi à l'appel de
Julien l’Apostat, dont il espérait un retour en grâce à cause de son hostilité vis-à
vis de Prohérésius. Le voyage vers l'Orient lui fournit l'occasion de nouveaux
discours , Or. 52 , pour lequel la notice de Photius (cod. 165, II, p. 139, 5-6 )
donne clairement à entendre qu'il s'agissait du départ de l'orateur; 39 (à Thessa
lonique), 40 (à Philippes), 41 (à Constantinople , où il venait, juste avant la céré
monie, d'être initié au culte de Mithra ). Le titre du discours 39 dans les
manuscrits indique les fonctionnaires présents: outre Julien , Himérius avait
devant lui le vicaire Musonius, ancien sophiste, Calliopius, le consularis de
Macédoine et le préfet d'Achaïe Musonius. L 'importance du deuxième est
confirmée par une inscription relative à la dédicace d'un autel à Thessalonique
(73 D . Feissel, « Recueil des inscriptions chrétiennes deMacédoine du IIIe au vie
siècle » , BCH Suppl. 8 , Paris 1983, n° 86 bis, p . 247). Après le voyage de sa jeu
nesse, où Himérius avait montré une éloquence encore verte , il avait désormais
les cheveux blancs (Or.41, 2). Himérius n 'eut apparemment pas le succès
escompté. Toujours est-il qu'il demeura longtemps absent d 'Athènes, réfugié on
ne sait où . Il n 'y revint qu 'après la mort de Prohérésius, en 369. Barnes 20 ,
p. 222 -223, fait voyager Himérius en compagnie de Julien. LeMélas aurait été la
rivière qui coule non loin de Césarée en Cappadoce, où , au cours de l'expédition ,
au début de l' été 362, il aurait été cruellement frappé par la nouvelle de la mort
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 729

de son fils. Voyagea-t-il en Égypte durant le séjour de l'empereur à Antioche ?


C 'est ce que suppose Barnes 20 , p. 223, sur la base de rapprochements dont il
reconnaît le caractère assez aventureux .
d. Après Julien
Les nº 9 et 24 roulent sur un certain Severus, dont Barnes 20, p. 212-213, a
retracé la carrière avec brio . Gouverneur de Galatie puis consularis de Bithynie
(Or. 24, 37), il fut ensuite comes de l'empereur (li. 32-33), avant de devenir pré
fet du prétoire (li. 27 -29). Comme Himérius fait référence à la Bithynie , son
poste ne devait pas être éloigné sur le plan géographique. Par rapport à la capi
tale, apparemment: autant suggérer la préfecture du Prétoire à Constantinople .
Le premier porteur du titre, nomméle 11 décembre 359 (Chron. min . 1, p . 239 ;
Jérôme, Chronique, 241 e Helm ; Socrate II 41, 1), s'appelait Honoratus. Or, les
Fastes de la préfecture n 'ont pas de vide substantiel avant 366 . Par conséquent,
le discours est postérieur à la préfecture de Severus, dont le titre n 'est pas indi
qué, soit entre 366 et 372. On peut être un peu plus précis. Nous savons par
Eunape (XIV 1, 1) qu ’Himérius ne revint pas à Athènes avant la mort de Prohé
résius. 74 R . Goulet, « Sur la chronologie de la vie et des æuvres d 'Eunape de
Sardes» , JHS 100, 1980, p . 60-64 et p. 67-68, a montré que la mort de Prohéré
sius a dû se produire en 369, au printemps ou au début de l' été. Pour la préfec
ture en cause, il faut donc resserrer la fourchette chronologique aux années 369
372.
Le n° 12 est un discours d' adieu adressé à Flavianus, tout juste nommé pro
consul d ' Asie . On connaît effectivement (Barnes 20 , p . 214 ) un Nicomachus
Flavianus (PLRE Nicomachus Flavianus 14 ), qui occupa ce poste en 383/4 (CTh
VII 18, 8 ; IX 29, 2 ; XII 6 , 18 , avec Symmaque, Lettres II 24). Il s'agissait du
gendre de l'orateur (pour un arbre généalogique, voir Seeck 72 , p. XL). Ce
n ' était pas son premier commandement (Or. 12, 16 ): il avait été avant 382
consularis de Campanie . Ce qui est curieux , c'est qu'Himérius ait éprouvé le
besoin de consacrer trois discours d 'adieu à Flavianus. Il faudrait imaginer alors
trois départs, dont l'un pour gagner le poste de proconsul d 'Asie . Si l'identifica
tion de Barnes 20, p. 224 -225, est correcte, on devrait rapprocher le discours 12
d'un groupe de statues érigées à Gortyne entre 379 et 383 par le consularis de
Crète , Oecumenius Dositheus Asclepiodotus. Toutes honorent des aristocrates
romains dont les titres sont corrects pour 382 -383. Les dirigeants de Gortyne
ressentirent-ils alors le besoin du patronage de hauts fonctionnaires païens ? En
384, Cynégius, le préfet du Prétoire d'Orient, commençait une campagne de
mise à sac de temples et de sanctuaires païens ; sur ce point, voir Zosime,
Histoire nouvelle IV 37, 3, avec la note très détaillée de 75 Fr. Paschoud (édit.),
Zosime. Histoire nouvelle, II, 2° partie (livre IV ), CUF, Paris 1979 , p . 424 -426 ;
Jones 12 (s.v. Maternus Cynegius 12), p. 235-236 , et, très récemment, 76 F . R .
Trombley, Hellenic Religion and Christianization c. 370 -529, t. I, Leiden 1993,
p . 123 (destruction du temple de Zeus à Apamée), p . 145 -146 (du temple
d 'Allat-Athéna à Palmyre).
730 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
On peut résumer le trop maigre bilan sous la forme d'un tableau :
CONSTANTIN
Or. 46 ( ?)
Or. 38 (?)
CONSTANCE
Or. 33 ca 342
Or. 32 ca 345
à Nicomédie avant fin 348
Or. 25 après la mort de Constant (350)
Or. 62 avant 353
Or. 18 sans doute en 358
Or. 29, 31, 50 359/60
Or. 72 peut- être 359/60
Or. 8 357/8 - 361/2
JULIEN
Or. 51, 52, 39 , 40, 41 avantl'été 362
APRÈS JULIEN
Or. 9,24 369-372
Or. 12 383 - 384

Himérius était propriétaire de biens considérables. Il énumère (Or. 8, 3)


richesses, maisons et thermes ; certains se situaient en Arménie (Libanius, Let
tres 469, 1) ; d'autres, non loin du fleuve Mélas, où il prétend avoir composé
l'oraison funèbre de son fils (Or. 8, 22). En Or. 54, 1, Himérius proclame sa joie
de se retrouver à nouveau face à son Oéatpov. Wernsdorf 2 , p. XLVII et
Schemmel 34, p.499, prennent le terme littéralementau sens d'auditorium . Dans
ce cas, l'orateur aurait été en mesure de s'acheter ou de louer un édifice où il
aurait pu dispenser son enseignement. C 'est possible, encore que le mot puisse,
depuis l'époque classique (LS) s.v. 2), revêtir le sens de Deataí, “ spectateurs " ou
" auditeurs" , ce qui paraît plus vraisemblable. Libanius (Lettres 838, 10 ) fait
encore allusion à Himérius, sans que l'on sache très bien de quoi il est question .
Voir la discussion de Colonna 1, p.LI, n. (test. IV ).
Il mourut chez sa fille, fort âgé, atteint d'épilepsie (Eunape XIV 2 , 1) ou
d 'une grave affection aux yeux ( impós tnv LV : cécité ? Souda, l.l. ). La date
est impossible à déterminer .
Himérius et la philosophie. Toutes les références sont commodément réu
nies par Richtsteig 22. On distinguera trois parties : les discours relatifs à un
philosophe ; les mentions destinées à soutenir une propagande et les allusions à
portée purement littéraire .
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 731
(a) Discours relatifs à un philosophe
Le discours 3 est dirigé Contre Épicure et il n'est connu que par un extrait de
Photius. Himérius a imaginé qu 'on lui intentait un procès public . Rien de telne
figure ailleurs dans la littérature grecque, au moins à cette date . Le seul rappro
chement que l'on puisse établir,mais il se pourrait qu 'Himérius eût donné l'im
pulsion , est un cas de figure dans lequel Épicure était examiné pour son admis
sibilité en qualité de Oqdoữxos lors des Mystères (Syrianus, Scholies à Hermo
gène, Sur les états de cause IV , p. 719 Walz). Il est évident que de tels procès
imaginaires recouvrent des thèses philosophiques, comme l'indique, fort à pro
pos, Russell 28 , p. 107. Il n 'existe pas dans le texte de Photius de séparation
entre Or. 3 et 4. Le titre de Or. 4 ou l'équivalent est fourni dans le cod. 165, II,
p. 136, 22- 23 : ο δε κατά πλουσίου πένητος ανδρός οικίαν όλην μυσαρούς
zevúoavtos Opáuaoi. Or. 3, dont le titre complet était “ Épicure qui nie
l'existence de la Providence est l'objet d'une accusation d 'impiété ” était une
déclamation relevant du genre judiciaire. De la ripodewpía , une seule phrase est
conservée. Elle affirme que la philosophie peut être aussimatière à rhétorique.
Les restes du discours conservé sont donnés comme tirés de l'exorde. La
conjonction des atomes et du vide, comparée au chaos (14 ), conduit à la négation
de la Providence. Du reste , cette dernière ne répartit pas la justice selon les
mérites (19). Ériger le plaisir en souverain bien équivaut à faire disparaître la
vertu , les tribunaux, les jugements, les récompenses et les châtiments (4). Barnes
20, p. 224 n . 80, rapproche, ingénieusement, la critique d'Epicure pour son refus
de la Providence des condamnations passées par Julien , par exemple dans la
Lettre 89 (Au grand-prêtre Théodore, 301 c, p. 169 Bidez), écrite en janvier 363.
Il s'agit d'un projet d'encyclique rappelant leurs devoirs aux prêtres du paga
nisme.
Le document prône l'interdiction des livres d 'Épicure et de Pyrrhon , encore que, ajoute
Julien, un sort favorable ait déjà fait disparaître la plupart d 'entre eux. On ne peut parler de
condamnation formelle dans le discours 6 de Julien (Lettre à Thémistius), 2, 255 b : 5 , 259 b .
daté des semaines entre la mi-novembre et le 11 décembre 361 (77 G . Rochefort, L 'empereur
Julien . Euvres complètes II. 1re partie , CUF, Paris 1963, p. 10 ). Or, Julien entretenait une cor
respondance avec Thémistius depuis cinq ans aumoins (Rochefort 77, p . 3 ) : il n 'est donc pas
surprenant que le premier passage évoque les nodopíal de Thémistius contre Épicure . Par ail
leurs, dans ses discours , Thémistius excluait Épicure des philosophes à lire, à deux reprises, 20
(Epitaphios), p . 7, 6 -11 et 26 (Apologie de l'éloquence), p. 139, 10 - 15 Schenkl-Downey
Norman , où chaque fois apparaît le terme xatároyoç. Dans le premier cas, il est vrai, il
s'agissait du message intellectuel de son père, Eugénius. Le discours 20 est de peu postérieur
au début d 'octobre 355, date de la mort d 'Eugénius (78 W . Stegemann, art. « Themistios » 2,
RE V 2, 1934, col. 1662) ; Or. 26 est de date incertaine, mais postérieur à la fin de 355 et à la
désignation de Thémistius comme membre du sénat de Constantinople (Stegemann 78 , col.
1664). Certes, les épicuriens firent l'objet de poursuites avérées. Au lle s. av. J.- C ., Alc(a )ios et
Philiscos furent expulsés de Rome sous le consulat de L . Postumius (Athénée XII 547 a ;
Élien , Histoires variées IX 12 ; Souda, E 2405 , s.v. 'Enixovpos ), voir Michèle Ducos, art.
« Alc (a )ios » A 84 , DPha I, p . 99 - 100 ; ils subirent un traitement analogue chez les Messéniens
(Athénée, l.l. ; Élien, fr. 39 = Souda,l.l, beaucoup plus détaillé); chez les Lyktiens en Crète
(Élien , I.I. = Souda, I. I., avec , d ' ailleurs, des prescriptions atroces). Rien n ' interdit, toutefois ,
de considérer que l'hostilité à Épicure était un trait caractéristique du platonisme à la fin du
IVe s. Le problème n 'est pas abordé par 79 J. Ferguson, « Epicureanism under the Roman
732 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
Empire » (revised and supplemented by J.P. Hershbell), ANRW II 36, 4, 1990 , p. 2318 . De
façon générale, pour ce qui est de Thémistius et de Julien , les indications de cet auteur sont
peu intéressantes. Himérius n 'a pas droit à la moindre mention . C 'est en qualité de néo -plato
nicien que, d 'après le discours 20 (p. 7, 10 ), Eugénius exclut Epicure du programme de lecture
de ses disciples: il lui verse du parfum sur la tête (uúpov xarà tñs xeparñs xataxéac). Tel
est aussi - et la citation n 'est guère mentionnée que dans le livre de 80 Br. Colpi, Die Taldea
des Themistios. Ein Beitrag zurGeschichte der Bildung im vierten Jahrhundert nach Christus,
Berne/Francfort/New York Paris 1987, p. 87 (suite de la n . 133, p . 85 ) où elle ne fait l'objet
d'aucune exploitation – le traitement qu 'inflige Platon (République III, 398 a 7-8) à Homère
en l' excluant de sa cité (uúpov xaTd tñs xeparñs xatayÉCVTEC ). Les rapprochements d 'Hi
mérius avec les positions de Thémistius en la matière ne sont pas faits par Bouffartigue 61,
p . 120 et 136 . On notera que , dans Or. 8 (Sur la mère des dieux), 162 a, Julien critique Epicure
parce qu 'il n 'admet pas le principe premier : ce doit aussi avoir été la raison profonde de la
damnatio prononcée par Eugénius. Le prince rejoint ainsi Himérius, mais la similitude entre
les textes est trop ténue pour que l'on puisse établir entre eux une relation chronologique et
par conséquent des liens de dépendance. La date de 362/3 pour le discours 3 d'Himérius, pro
posée par Barnes 20 , qui ne cite pas le discours 8 de Julien , seul texte à alléguer pour la cir
constance, est donc fragile . Pour la date de Julien, Or. 8, voir Rochefort 77, p. 102.
Pour illustrer l'idée que le sage renonce aux biens illusoires pour se consacrer
à la recherche de la vertu , le discours introduit deux anecdotes relatives à
Anaxagore et à Démocrite (18). Voir déjà Wernsdorf 2 , p . 85- 86 . Pour Anaxa
gore, il s'agit d 'une variante de 59 A 13 D .-K . (non mentionnée ): " Anaxagore
laissa toutes ses terres aux moutons; il enseignait par le fait même quel genre
d 'exploitation agricole convient aux sages”.
Libanius utilise l'historiette à son tour, le 1er janvier 363 (pour la date, voir Schmid -Stählin
27, p. 802) :“mais (Julien),louant chez Anaxagore l'abandon de la terre paternelle sans l'avoir
ensemencée et la préparation de son âme pour en tirer des revenus” (...). Il est ici question du
zèle déployé par l'empereur pour accumuler des livres : 12 (A l'empereur Julien ), 32 (variante
non mentionnée ). On ajoutera le passage au dossier de la bibliothèque de Julien , dans 81 P .
Lemerle , Le premier humanisme byzantin . Notes et remarques sur culture et enseignement à
Byzance des origines au Xe siècle, Paris 1971, p . 60-61, avec les références à Julien , Lettres
106 (A Porphyre directeur général des finances), 107 ( A Ecdicius, préfet d 'Egypte), qui rou
lent sur la bibliothèque de Georges de Cappadoce, un de ses maîtres pour l'éducation chré
tienne, assassiné à Alexandrie le 24 décembre 361, Discours 2 (Eloge d 'Eusébie), 15. Le trait
est assez répandu et a son origine chez Platon (Hippias majeur, 283 a 3-6 ), où il s'agit d 'un
gros héritage négligé par le philosophe. La phrase de Socrate est sarcastique (voir Diogène
Laërce II 6-7). Le trait figure aussi dans la bouche d'Apollonios de Tyane (Philostrate, Vie
d 'Apollonius I 13), qui a laissé pratiquement tous les biens qui lui revenaient à son frère, un
individu peu recommandable, et à ses parents besogneux. Le philosophe justifie ainsi son
geste : en laissant ses biens à des troupeaux de beufs et de moutons , Anaxagore de Clazo
mènes s'estmontré philosophe à l'endroit des animaux plus que des hommes. Pourtant, il est
fort probable que la source d 'Himérius soit Plutarque, chez qui l'anecdote figure deux fois
(Périclès 16 , 7 : Anaxagore laissa toutes ses terres en friche et en pâture aux moutons ; Il ne
faut pas s'endetter 8 (= Mor. 831 f) : Anaxagore abandonna ses terres aux moutons). Lemot
unióboroc d 'Himérius apparaissait déjà dans Maxime de Tyr (16 , 1 c), pour illustrer l' idée
que la vie contemplative l'emporte sur la vie pratique. La leçon finale est denotre orateur.
D 'après Himérius (= 68 A 25 D .-K .),“Démocrite restait volontiers malade de
corps pour avoir la santé dans la meilleure partie de lui-même” . La traduction de
82 J.-P. Dumont (édit.), Les Présocratiques, Paris 1988 , p. 760 , procède d'une
tentative pour situer le passage au sein d'une série de témoignages : “ Démocrite
rendit volontairement son corps malade (...)".
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 733
On peut distinguer trois types de données, selon qu 'elles visent la cécité, le suicide ou la
maladie de Démocrite. Pour les premières, la source la plus ancienne (83 O . Ribbeck , Comico
rum Romanorum fragmenta ? , Leipzig 1873 (réimpr. Hildesheim 1962), p. 291 = Aulu-Gelle X
17 , 2 ) est un mime de Laberius ( 1er s. av. J.- C .), le Restio (Le Cordier). Démocrite aurait placé
devant ses yeux un bouclier d 'argent face au soleil levant. Le fait est confirmé par Tertullien
(Apologétique 46 , 11 = 68 A 26 ),mais nié par Plutarque (De la curiosité 12 (= Mor. 521 c-d )].
Cicéron évoque aussi (Tusculanes V 114 = 68 A 22) l' infirmité qui affligea le philosophe,
mais la présente comme naturelle . Avant Homère, il allègue les précédents des philosophes
Diodote le Stoïcien ( D111) et Asclépiade de Phlionte ( A 449) pour montrer que la cécité
n ' empêche en rien , bien au contraire , la pratique de la philosophie. Un second courant se rap
porte à un suicide par privation de nourriture . Le texte de base est fourni par Lucrèce (III
1039 -1041 = 68 A 24 ), d 'après qui Démocrite " alla de lui-même au -devant de la mort pour lui
offrir sa tête” . La décision du vieillard aurait eu pourmotif la diminution de ses facultés intel
lectuelles : pendant quatre jours, il se serait abstenu de nourriture, puis, vu la proximité des
Thesmophories, aurait retardé quelque peu l'échéance fatale par des artifices (Anonyme de
Londres 37, 34 ; Caelius Aurelianus, Des maladies aiguës II 37 ; Athénée II, 46 e = 68 A 28
29). La maladie de Démocrite n 'est attestée que dans deux passages, dont le nôtre. Selon
Marc-Aurèle (III 3, 5 = 68 A 30 ), qui compare son cas à celui de Socrate, il seraitmort de
maladie pédiculaire. La confusion avec Phérécyde est patente (84 J. Schamp, « La mort en
fleurs. Considérations sur la maladie “ pédiculaire" de Sylla » , AC 60, 1991, p . 155 ), et la
phrase est interpolée (85 A . I. Trannoy [édit.),Marc-Aurèle. Pensées, CUF, Paris 1925, p. 20
n . 1). Du reste , il faudrait se demander pourquoiDémocrite aurait mérité d' être répertorié au
nombre de ceux qui avaient attenté à la majesté divine. C 'est la justification seule qui permet
de rapprocher la donnée d' Himérius de celles de Cicéron , de Plutarque et de Tertullien . D .
O 'Brien , art. « Démocrite » D 70,DPA II, p.677-680,n'accorde aucune place à ces passages
dans la section IV Anecdotes biographiques.
(b) Mentions destinées à soutenir une propagande
(1) Or. 40 exalte le double avantage qui fut celuide la ville de Philippes:
avoir hérité de la sagesse athénienne et de l'autorité de Philippe. Derrière ces
mots, il faut déceler respectivement Himérius et Julien . Le précédent d 'Ulysse,
orateur en Sicile et chez Alcinoos, forme la part de la poésie , avant d'introduire
l'exemple de Gorgias ( G 28) qui sert à illustrer une première partie du point
initial (5 ). Himérius retrace donc l'itinéraire de ce dernier : de Sicile à Athènes,
puis en Béotie, à Platées, “avant de s'adresser à une antique cité” (npiv nóv
αρχαίαν προσφθέγξασθαι). Lalocution revient plus haut deux fois a propos de
la cité de Philippes (2).
On est tenté de supposer un voyage de Gorgias à Philippes, ce qui n' est pas possible pour
des raisons chronologiques (voir plus bas). Certes, il est impossible de dessiner avec précision
dans le temps et l'espace les pérégrinations de Gorgias dont on connaît les étapes suivantes:
Athènes, Olympie , Delphes, la Thessalie avec Larissa en particulier. Les leçons dispensées à
Proxène de Béotie (Xénophon, Anabase II 6 , 16 = 82 A 5) donnent à supposer queGorgias
s'était quelque peu attardé dans la région. Il est impossible, évidemment, que Gorgias ait parlé
à Platées : la cité avait été rasée durant l' été de 427 (Thucydide III 68, 3, voir déjà Wernsdorf
2, p. 501).Mais le toponymePlatées peutavoir servi à désigner la Béotie dans son ensemble ,
par synecdoque. Que Philippes fût appelée un “ dème attique " ne doit pas surprendre, voir
86 P . Collart, Philippes ville de Macédoine depuis ses origines jusqu 'à la fin de la conquête
romaine, Paris 1937, p . 313 (voir déjà p. 135 n . 1) . Daton en Thrace avait été fondée en
360/59 , au cours de son exil, par Callistratos d'Aphidna, fils de Callicratès, le célèbre orateur
et homme politique admiré par Démosthène (Scylax 67, p. 54 Müller ; Zénobius IV 34, s.v.
Oágos áraObv (CPG I, p. 94 )). Pour " avoir mal conseillé le peuple ", il avait été condamné à
mort une première fois en 361 (Démosthène 50 (Contre Polyclès), 48 ; Hypéride 3 (Pour
734 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
Euxénippos), 1, p . 165 Colin ; Lycurgue 93) et il avait trouvé un salut provisoire en fuyant
chez son beau -frère Timomachos qui commandait une flotte à Thasos. A son instigation , les
Thasiensmenèrent une expédition coloniale sur le continent, dont le résultat fut la fondation
d 'une cité nommée tantôt Krénides, tantôt Daton (ou Datos, dans les textes : Collart 86 ,
p . 133-136 ). D 'après Hérodote (IX 75) cependant, ce fut à Daton que mourut au combat en
465 Sophanès en quête de mines d'or pour Athènes. En fait, le nom même recouvrait un site
notablement plus vaste qu ' une simple cité, soit à peu près le district de Philippes à l'époque
romaine , c ' est-à -dire un territoire qui renfermait des zones côtières etmontagneuses cachant
des gisements d ' or (Collart 86 , p . 41-46 , où figurent dans les notes tous les textes anciens
disponibles ). Callistrate donna le nom de la région à la ville qu 'il créait, durant les derniers
mois du règne de Perdiccas, juste avant l'accession au trône de Philippe II, en 359. En 356 ,
Philippe avait soumis Amphipolis, quand les habitants de Daton firent appel à lui pour faire
face à la menace des Thraces (Étienne de Byzance, s. v. Qalanol). L 'occupation permit l'arri
vée de nouveaux colons : Philippe rebaptisa Daton en lui donnant son propre nom . Le fait est
attesté par des historiens du IVe s., Éphore et Philochore (cités par Harpocration , s.v. Aarós ;
voir aussi Diodore de Sicile XVI 8, 6 ; Appien , Guerres civiles IV 105). Philippe trouvait ainsi
le métal indispensable à sa politique d'expansion .
Parlant devant les notables qui l'accueillaient, Himérius ne pouvait risquer
des assimilations erronées, Gorgias est ici un prête-nom flatteur autant pour
l'hôte de Philippes que pour Himérius lui-même. Le rôle du philosophe sera tenu
par Aristote (* A 414 ) (6 - 7) à un triple titre , celui d 'éducateur, de héraut et
d'admirateur. Il convenait d'ajouter au dessin des traits de couleur. C 'est le sens
de l'épisode d'Hermias (» H 80 ) introduit ici par Himérius. Or. 40 , 6 est donné
comme fr.674 dans 87 V . Rose, Aristotelis qui ferebantur librorum fragmenta ,
Leipzig 1886 , à la suite de Diogène Laërce V 6 : « Devenu très proche du Stagi
rite , Hermias, en raison de toute sa vertu , sut rendre, jusqu'au plus profond du
cæur, le maître fou de sa personne. Des désirs qu 'il nourrissait pour lui, Aristote ,
comme on peut l'entendre dire , donna, parmi tous ceux que l'on peutmonter en
épingle , les indices suivants : il entraîna à fond son éloquence, lui inculqua la
vertu et offrit à son lit de mort la parure de la seule élégie qu'il eût dédiée à ses
proches ».
Les images doucement érotiques parcourant le texte sont les échos assourdis d'une tradi
tion défavorable aux protagonistes qui se lit chez Diogène Laërce ( V 3 ). Elle a sans doute pour
point de départ le traite 'Αρίστιππος < > περί παλαιάς τρυφής, qui prétait des relations
pédérastiques à nombre de grands personnages comme Empédocle, Socrate, Xénophon , Pla
ton , Théophraste et Aristote . Voir 88 A .- H . Chroust, « The Vita Aristotelis of Diogenes Laer
tius » , dans son recueil d 'études Aristotle . New light on his life and on some of his lost works,
I : Some novel interpretations of the man and his life, London 1973, p. 42. Si l'on comprend
bien , le passage fait allusion à l' épigramme gravée sur la statue élevée en l'honneur d'Hermias
à Delphes (voir Anth. Pal. III 48 ).
Himérius a tout à fait disparu comme témoin de la biographie d'Aristote dans
89 O . Gigon , Aristotelis opera, III : Librorum deperditorum fragmenta, Berlin
1987, p . 19-22, qui reproduit D .L . V 1- 35 comme T 1. La suite du discours (7
C .) constitue le fr. 675 de Rose 87, donné à la suite de D .L . V 7 : « Mais voici
encore une preuve non moins considérable de la sollicitude que lui montra le
Stagirite . Il se trouva qu ’Alexandre l'appelait en Asie , afin qu 'il y fût à la fois le
héraut et le témoin de ses victoires sur la Perse. Comme sa route l'avait mené à
Atarnée, voyant la petite cité tout altérée de vertu et de sagesse, il n'y passa point
en gardant le silence,mais ce fut par un bref ouvrage qu 'il prit congé d 'elle ainsi
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 735
que d'Hermias » . La tirade vise le célèbre hymne à la vertu , dont la nature était
déjà discutée par les Anciens, péan ou scolion (voir Athénée XV ,696 a ). C 'est
sans doute la ville elle -même qui est saluée à travers les derniers vers . Entre
Aristote et Himérius, la similitude des situations est patente. Les deux para
graphes forment le fr. 23 de 88 I. Düring, Aristotle in the Ancient Biographical
Tradition, Göteborg 1957, p. 282, qui y voit “ not so much a romanticising of
history as sheer fiction ”. En fait, la version, légendaire (voir, par exemple, Vita
Vulgata 23 et Vita Marciana 23 dans Düring 88, respectivement p. 135 et 100 ),
du voyage d' Aristote pour rejoindre Alexandre a été amalgamée avec l'affaire de
l'hymne, dont la date de composition , pour ne rien dire de l'authenticité,
demeure ignorée.Modifiée de la sorte, l'historiette suggérait à l'hôte d'Himérius
à Philippes de se voir sous les traits d'Hermias ; semblablement, Julien devenait
ainsi un nouvel Alexandre, vainqueur des Perses (Wernsdorf 2, p. 506 ). La com
paraison sert donc admirablement la propagande impériale . Il est intéressant de
noter qu ’Himérius n 'utilise pas la tradition qui fait d 'Aristote le professeur
d 'Alexandre.
(2) Or. 48 est consacré pour une bonne part à un éloge de la carrière d'Her
mogène (2 - H 95). Les étapes caractéristiques de la vie de Platon ont servi à
établir le schéma de cette partie : jeunesse vouée à diverses activités, conversion
à la philosophie , voyages d'exploration et de vérification . Platon aussi s'était
adonné à la lutte et aux exercices physiques (21), tradition qui remonte à
Dicéarque (BD 98) : voir Apulée, De Platone eteius dogmate I 2, 184 ; Diogène
Laërce III 4 (avec mention du gymnaste Ariston d'Argos). Dans le même sens,
Hermogène servit durant sa jeunesse , probablementsous Licinius (18 ); pour tout
ceci, voir supra La vie de l'auteur, Chronologie. Auprès de lui, il joua un rôle
analogue à celui de Pythagore au côté de Phalaris, soit Licinius le tyran .
La rencontre entre Pythagore et Phalaris n'est narrée que dans de rares æuvres. Wernsdorf
2 , p. 642, donne d 'utiles données, où l'on corrigera toutefois la référence aux deux Phalaris de
Lucien , où il n 'est pas question de la rencontre entre le tyran et le philosophe. En revanche, on
la trouve dans le ps.- Phalaris (Lettres, 74 (à Orsilochos) , p . 428 Hercher ), qui fait allusion à un
séjour de quatre mois . La lettre n° 23 ( p . 413 -414 Hercher) est une invitation pressante à
Pythagore, à qui il ne cèle rien de la tyrannie. Isidore de Péluse (Lettres IV 205 dans PG 78 ,
col. 1297 A ) fait, lui aussi, allusion à l' échec de Pythagore après le retour de Phalaris à la
tyrannie. Mort vers 435, Isidore est largement postérieur à Himérius, tandis que la correspon
dance prêtée à Phalaris date du IVe s. ap. J.-C . (Schmid -Stählin 26 , II, p . 483 avec la n. 8 ;
toutefois , 90 Serena Bianchetti, Falaride e pseudofalaride. Storia e leggenda, Roma 1987,
p. 148- 152, rapproche les correspondances de Pythagore et de Phalaris, notamment sur la base
de la Lettre 74 de ce dernier ; aucune des deux correspondances n 'offre de trame romanesque,
si bien que, peut-on considérer, la rédaction de celle de Phalaris a dû s'opérer au cours d'un
processus de compilation pluriséculaire ). Les indices sont trop ténus pour que l'on puisse
établir une relation entre les textes. Ce qui est le plus remarquable, c 'est le regain d 'intérêt que
suscita la légende aux Ive et ve siècles. Le seul texte à mentionner Abaris (> A 3 ) est La vie
pythagoricienne de Jamblique. Chez Jamblique (§ 215), Pythagore était retenu à la cour du
tyran, chez qui le rejoignit Abaris, l'Hyperboréen , dontHimérius ne pipe mot ici. Il souhaitait
améliorer le sort des Siciliens. C 'est là un provignement ultérieur de la légende, d'après
91 H . B . Gottschalk ,Heraclides of Pontus, Oxford 1980, p. 125, qui rappelle toute la biblio
graphie antérieure . Au contraire , chez le rhéteur, Pythagore avait répondu à un appelde Phala
ris, quiavait exprimé le désir de le connaître (19). Les pressions du philosophe furent vouées à
736 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
l'échec (20 ). Jamblique ( V. P. 217-219) rapporte longuement les propos tenus devant le tyran .
Le jour où il comptait faire exécuter Pythagore et Abaris, Phalaris succomba au cours d 'un
soulèvement (V. P. 221). Chez Isidore de Péluse, Pythagore aurait refusé de reprendre des
relations avec Phalaris en raison du retour de celui-ci à la tyrannie.
Himérius termine le développementpar la proposition : Pythagore se retirait
aussitôt de la Sicile. Il a sûrement utilisé une version voisine de la légende,mais
il l'a adaptée aux nécessités de l'éloge qu'il composait. Loin de manquer son
entreprise comme Pythagore (19), Hermogène multiplia au profit de son maître
les rappels de mythes anciens et les récits tirés de la poésie ou de l'histoire (V. P .
227-228), parce qu'avant celui de la sagesse, il avait déjà aussi le goût du
savoir. Après son renoncement aux honneurs et au pouvoir, la conversion
d'Hermogène à la philosophie fut aussi radicale que celle de Platon après la ren
contre avec Socrate (21). En outre, il s'attacha à devenir un excellent orateur et
un poète inspiré (22). Bref, il n 'y eut point d 'instrument intellectuel qu'il négli
geât: donc, il s'attache d 'abord aux instruments avec la plus grande attention ,
πρώτον μεν δή των οργάνων πλείστην ποιείται την επιμέλειαν. Le mot
όργανον ένοque Aristote.
Himérius les cite à mots couverts en 22 : il apprend la démonstration (ánódELELV (...)uav
Oável). Les termes semblent viser un enseignement analogue à celui qu 'avait dispensé
Aristote dans ses Analytiques (An . Pr. I 1, 24 a 11- 12). Les locutions ooplotác édelv etTV
adoleo yoÚVtWV xpareiv rappellent le titre et le contenu des Sophistici Elenchi (voir 164 a
20 - 22). En somme, Hermogène a appris la logique aristotélicienne comme une propedeutique,
c'est là un préambule indispensable chez les néo-platoniciens depuis Porphyre au moins :
92 P. Hadot, « La division des parties de la philosophie dans l'Antiquité »,MH 36 , 1979,
p. 220. Ainsi armé de tous les outils indispensables, le jeune homme pouvait aborder avec
compétence la philosophie. C 'était le moment de rappeler la division de la philosophie en
trois, pratique (tñs uèv siç tàç apátels = la morale ), physique ( tñs 8è nepi mupúolv = la
physique) etmétaphysique (tà únièp oúpavov, 23), encore que la désignation de la dernière
soit surprenante . L 'ordre est probablement significatif : c 'est celui qui respecte le cursus sco
laire et par conséquent la progression spirituelle de l'étudiant, Hadot 92, p . 213-221 (éthique,
physique et époptique, c'est-à-dire métaphysique et théologie ).
La suite décrit le parcours philosophique d 'Hermogène: vénération pour la
gloire de Platon et d'Aristote , avec étude approfondie de leur système et lecture
de leurs æuvres (23). Il connaissait aussi le stoïcisme de Zénon , Cléanthe et
Chrysippe (23), les xolvai obal d'Épicure et de Démocrite (24), y compris
leurs thèses en matière de physique.On ne sait ce que sont ces xolvai dótal. On
pense, naturellement, à un recueil scolaire, qu 'il serait intéressant de mettre en
évidence. Au menu d 'Hermogène figurèrent aussi toutes les Académies, ancien
ne, moyenne et nouvelle probablement (24), et la sagesse partie du Lycée jus
qu'en Libye et à Cyrène ( 24 ).
Il est malaisé d 'épingler un nom sur les æuvres ainsi visées, d 'autant plus que les éditeurs
divergent sur la lecture du passage correspondant du manuscrit R . Wernsdorf (2 , p . 652) a
Méxol Auxins, dont il n 'y a pas trace dans l'apparat de Colonna 1 . Toutefois, après réflexion
sur les données, il se demande s 'il ne faut pas corriger en Albuns, texte même de Colonna 1 .
La leçon Auxins suggère à Wernsdorf 2 le scholarque péripatéticien d'Athènes Critolaos de
Phasélis, au 11e s. av. J.-C . ( » -C219), cité par Plutarque [De l'exil 14 (= Mor., 605 b )], à moins
qu 'il ne s 'agisse d 'un certain Épigonus (de Cilicie ? » € 40 ), inconnu par ailleurs (Ammien
Marcellin XIV 7, 18 ; voir 93 Éd. Galletier et J. Fontaine (édit.), Ammien Marcellin . Histoire
(livres XIV -XVI), CUF, Paris 1968, p. 213 (n. complém . à la p. 84)] ou du célèbre Maxime
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 737
d 'Éphèse , l'amide Julien,un néo - platonicien notoire (Éphèse n 'est d 'ailleurs pas en Lycie ). Si
l'on adopte Albúns, il faut, dit-il, penser à l'académicien Clitomaque de Carthage (MC 149).
Pour Cyrène, il s'agirait de l'école d'Aristippe (WA 356 );au demeurant, Wernsdorf 2, p.652,
cite d'autres noms (Apollonios Cronos [ⓇA 276 ), Carnéade [~ 42] et Lacydès). Plus loin ,
l'orateur mentionne la compétence acquise par Hermogène en matière de géographie et
d ' astronomie. S 'agit-il de Ptolémée ? Suivre le cycle des quatre écoles philosophiques tradi
tionnelles revenait à accomplir un cycle académique normal, comme l'affirme, à ce propos,
94 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy, Göttingen 1978 , p . 148. Himérius mentionne
enfin les tropes de Pyrrhon (24 ), qu 'Hermogène tenait pour un tapównua (le manuscrit R
donne le mot παρέψημα , corrigé par Duebner et retenu par Colonna) της άλλης φιλοσοφίας,
bien qu 'il eût parcouru la doctrine. Il ne dit rien du nombre de ces tropes, que la tradition fixe
à dix , sans toutefois les attribuer formellement à Pyrrhon mais bien à Énésidème [RE 24 ]
(Diogène Laërce IX 87, qui cite aussi comme source Sextus Empiricus; ils sont neuf, d'après
le livre VIII de l'histoire de la philosophie d' Aristoclès de Messine (2 A 369), cité par
Eusébe, P . E . XIV 18, 11 ; Sextus Empiricus, A . M . VII 345 ). Voir, à ce sujet, le livre classique
de 95 V . Brochard, Les sceptiques grecs, 2e éd ., Paris 1959, p . 57. On notera, toutefois , que
Favorinus d'Arles avait écrit des MuppoVeLoL tpótol en dix livres (Aulu -Gelle XI 5 , 5, où le
titre est reproduit en grec ; le passage n'est pas relevé dans les testimonia de 96 E.Mensching
(édit.), Favorin von Arelate . Der erste Teil der Fragmente. Memorabilia und omnigena histo
ria , Berlin 1963, p . 3 -7 ),mais par 97 A . Barigazzi, Favorino di Arelate. Opere, introduzione,
testo critico e commento, Firenze 1966 , p . 172 - 175 (= nº 26 ). Favorinus ne comptait que neuf
tropes, selon 98 L . Robin , Pyrrhon et le scepticisme grec , Paris 1944, p. 154. Le n° 158 du
Catalogue de Lamprias des euvres de Ρlutarque est un Περί των Πύρρωνος δέκα τρόπων.
Désormais, on consultera principalement le chapitre “ The Ten Modes" dans 99 Julia Annas et
J. Barnes, The Modes of Scepticism , Cambridge/London 1985, p . 19- 30 , où l'examen de la
tradition ne joue pas un rôle essentiel. On trouvera toutefois p . 21 une mention d'Hermogène ,
avec une traduction du passage d 'Himérius. Le livre de 100 J. Barnes, The Toils of Scepticism ,
Cambridge/London 1990, ne revient pas sur la formation d ’Hermogène.
Imitateur de Platon en cela encore, Hermogène se mit à voyager, en Égypte,
pour en rencontrer les prophètes (li. 284 toùç Éxeĩ Tpoońtas ; D .L ., III 4 a
aussi napà tous npoońtas, voir Richtsteig 22, p. 6),en Sicile ,sur les traces de
la philosophie pythagoricienne (25). Reprenant du service , il fut accueilli par son
maître comme Socrate le fut par Alcibiade (29). La comparaison termine une
série où Himérius énumère auparavant Thésée pour Héraclès, Cléarque pour
Cyrus et Simonide pour Hiéron. Autant de personnages dont la valeur s'était
marquée aussi bien dans les conseils que sur le champ de bataille. L 'allusion à
Socrate doit viser la bataille de Potidée (431), d'après le Banquet, 221 a, et sur
tout Plutarque, Alcibiade 7, 4-5 .
(3) L 'activité de constructeur du proconsul Cerbonius (n° 38) lui vaut d'être
comparé à Socrate , une des gloires d' Athènes. Himérius en profite pour offrir à
ses auditeurs un åttixòv dinynua sur la sophistique (Or. 38, 4-7). Trois
sophistes sont ici présentés, Gorgias, Prodicos et Hippias. Comme l' indique
Richtsteig 22, p . 4 , c' est l'ordre de Platon, Apologie 19 e 3-4, à la différence de
Thémistius qui omet Hippias et mentionne plus souvent Protagoras en même
temps que les autres grands sophistes. Himérius caractérise la polymathie d'Hip
pias (2 H 145) par les adjectifs rohútponóv tiva xai noveldñ. Socrate de
vient leur grand rival, ce dont profitent certains disciples de Gorgias, comme
Calliclès et Thrasymaque, pour le railler. Thrasymaque est cité en même temps
que Gorgias en 85 A 12 = Cicéron , L 'orateur 39, où il ne s'agit que d'une simili
738 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
tude de style . Calliclès ( C 17) avait été l'hôte de Gorgias [> G 28] (Platon ,
Gorgias, 447 b 9 ). Nulle part les sarcasmes contre la laideur et le nez camard de
Socrate (6 ) ne sontmis dans la bouche des deux sophistes. En revanche, Théo
dore les évoque dans Platon , Théétète, 143 e 4. Par ailleurs, Thrasymaque est
donné comme insulteur de Socrate par Thémistius (Or. 26 Sur l'art de parler,
138 ). Himérius rappelle aussi la fameuse réponse de l'oracle de Delphes (7) sur
la sagesse de Socrate au début de l'Apologie (21 a 4 -7), sans donner le nom de
Chéréphon ( C 109). Ces témoignages ne sont pas cités dans 101 G . Giannan
toni, Socratis et Socraticorum reliquiae I, s.l.[Napoli) 1990 .
(4) Dans Or. 46, 2, Himérius reconnaît avoir affaire à des trublions. Il ne
connaît pas le motif de l'opposition , mais l'explique au cours d'une pirouette
oratoire : ses adversaires ont entendu dire qu'il voulait danser pour les Muses.
Prétexte excellent pour introduire le thème d 'Orphée, auquel Himérius se com
pare implicitement. Les Libéthriens proches du Pangée appréciaient la compa
gnie d'Orphée avant qu 'il ne répandît parmi eux le chant qu 'il tenait de sa mère.
Dès qu'il eut touché sa lyre et entonné un chant inspiré, les malheureux qui, sous
l' effet de la jalousie , livrèrent Orphée et ses chants à une violence toute féminine
devinrent eux-mêmes des femmes par la grâce des mythes (3 -4 ). L 'allusion est
claire : il s'agit de la légende du démembrement par les femmes déchaînées.
Himérius offre une explication d'allure rationaliste , ce qui lui permet de glisser
dans une phrase ambiguë un sous-entendu insultant.
Pour diverses explications, voir Eschyle, fr. 83 a (Bassarae) = T 46 Kern = ps.-Éra
tosthène, Catastérismes 24 , p. 29, 66 Olivieri ; 83 b = scholies à Germanicus, Aratos. Phéno .
mènes, p. 84 , 8 et p . 151, 10 et 19 Breysig ; Phanoclès, fr. 1 = 1 77 K .; Virgile , Géorgiques IV
516 (avec Mythographe du Vatican I 75 ; Ovide, Métamorphoses X 78 ; Hygin, Astronomie II
7, 1 et Platon , République X ,620 a ) = 1 76 K . ; voir aussi Hygin , o.l., II 6 , 3, Virgile , o .l., 521
527, et Ovide, o.l., XI 1-19, paraissent avoir suivi la version des Bassarae d'Eschyle, selon
102 O . Kern , Orphicorum fragmenta , Berlin 1922, p. 33.
L 'injustice dont il fut la victime est ensuite comparée au destin infligé par les
Delphiens à Ésope (4). La lyre ne fut point négligée pour autant par la mère
d 'Orphée (5) : en échange, les Lébèthres reçurent la folie, l'inculture et le
silence, et son chant revint aux chênes, aux rochers, aux oiseaux des champs et
aux bêtes qu’Orphée préférait à la voix des Lébèthres.
(5 ) Or. 68, 10 offre une variante de la version du mythe de Prométhée rappor
tée dans le Protagoras de Platon (320 c 8 –322 d 5). Le pastiche est franchement
souligné (10, 11-12) : n + óơi ºne too ảo ooTov xì gàđalõa vioragamo
(...). On notera cependant que les dieux ne sont ici pour aucune part dans cette
création , dont la nature seule est la cause. L 'action divine consista seulement à
envoyer les " démons” Prométhée et Épiméthée pour aider la nature, qui n 'avait
réussi qu'à donner à toutes les créatures un aspect identique. Prométhée avait
reçu en apanage intelligence et sensibilité, Épiméthée force et vitesse. Ce fut
ainsi qu 'ils furent en mesure de modifier la création de la nature en y introdui
sant la variété: pour l'homme, le abyos, pour les autres, les virtualités restantes,
à la mesure de ce qui leur convenait. Le but était évidemment de donner une
justification mythique à l'exigence de troixixía propre à la rhétorique. Pour cette
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 739
raison, il n 'y avait aucune utilité à souligner l' imprévoyance d'Épiméthée. Le
passage n 'est pas répertorié dans80 C 1-5 et 84 A 4 b D .-K .O.
Au demeurant, le mythe a eu un certain succès à l'époque. Le progymnasma 12 (Promé
thée) de Libanius est une ecphrasis qui paraît correspondre à une æuvre d 'art. Les deux héros
reparaissent chez Thémistius, 27 (htepi toŨ un detv), p . 162, 13 - 163, 24 Schenkl-Downey
Norman , où le mythe n 'est pas destiné à justifier un procédé oratoire, mais sert à introduire
une leçon de morale etun éloge de l'éloquence. Dans la fameuse jarre, ou plutôt un cratère, se
trouvaient raison (voûç) et intelligence (dpovnouc) : c 'est la part réservée aux hommes chez
qui ces qualités s 'expriment à travers l' éloquence .
(c) Allusions à portée purement littéraire.
(1 ) Himérius mentionne à deux reprises le personnage mythique d ' Abaris
(FA 3). Il le présente comme un sage parfaitement hellénophone. Sa langue
était la pure expression “ du cœur de l'Académie et du Lycée même” (Or. 23, 4 ) ,
c 'est-à-dire du pur attique, bien que son habit et son attitude fussent tout à fait
scythes.
Sur l'origine scythe d ’Abaris, voir Jamblique (De vita pythag. 90), Eusèbe, Chron., Pro
cope de Gaza , Lettres 96 ( p . 569 -570 Hercher), Souda, A 18 s. v. " Abapıç. Sa maîtrise de la
langue grecque s 'explique par une tradition rapportée par Diodore de Sicile (II 47, 4 = Héca
tée, 264 F 7 Jacoby), qui souligne l' étroitesse des relations des Hyperboréens avec l'Hellade,
en particulier avec l' Attique et Délos. Pourtant, Himérius est seul à marquer nettement l'iden
tité de langue, demême qu'à décrire le costumebarbare dans lequel il se présenta à Athènes
(23, 7 ) : la douceur du regard et la beauté du visage trahissaient lesmeurs grecques qu 'il avait
adoptées. Plusieurs textes font allusion au séjour d 'Abaris à Athènes : d 'après Harpocration ,
s.v. " Abapis , Souda, l.l., à la suite d'une épidémie frappant tous les peuples, l'oracle d 'Apol
lon avait répondu que les Athéniens devraient prier pour le salut de tous. Dès lors, les ambas
sadeurs se pressèrent à Athènes, y compris Abaris pour les Hyperboréens. L 'épidémie aurait
cessé après l' institution des Mponpóola , selon les Scholies VEGQ à Aristophane, Cavaliers
729 a et Lh à 729 d , qui rapportent aussi la venue d’Abaris commethéore .
(2) Anacharsis (P - A 155 ) apparaît dans deux discours distincts : Or. 29, 2-3,
17, 20 et 32, 9. Il fut le premier Scythe à être venu en Hellade (32, 9), le désir de
connaître le feu d 'Éleusis l'amena aux mystères ; voir Lucien, Scythe 8, d'après
qui il fut le seul barbare à recevoir l' initiation, et aussi Hérodote IV 77, d 'après
qui il aurait été envoyé en Hellade pour se mettre à son école . D 'après Or. 29, 5
6 , il ne connaissait pas le grec avant d'arriver en Hellade; voir 103 J.F .
Kindstrand , Anacharsis. The Legend and the Apophthegmata , Uppsala 1981,
p . 7, qui cite Lucien , Scythe 7, et Lactance, Institutions divines III 25, 18 . Il entra
en relations avec Solon (29, 14 -21) ; voir Kindstrand 103, p . 40, avec la n . 24. Le
destinataire du discours , Ursacius, était un comes originaire d 'Illyrie (23, 5 ;
Barnes 20 , p. 214 ). Il s'agissait peut-être du même personnage qui futmagister
officiorum en 364-365, appelé par Ammien Marcellin (XXVI 4, 4 ; 5, 7) Delmata
crudus. D 'après Or. 23, 4, il aurait réussi à bien apprendre le grec,mais n 'avait
pas changé sa tenue.
(3) Périclès ne devint orateur qu'après avoir reçu l'enseignement d'Anaxa
gore ( -A 158): Or. 8, 4.
Voir 59 A 1 = Diogène Laërce II 12- 13 ; A 15 = Platon, Phèdre , 269 e-270 a ; Alcibiade.
118 c ; Isocrate 15 (Sur l' échange), 235 ; Plutarque, Périclès 4 , 6 ; Cicéron, De l'orateur III
138 ; A 17 = Diodore de Sicile XII 39, 2 ; A 19 = Olympiodore , Commentaires aux Météoro
logiques, p. 17 , 19 Stüve. Le témoignage d 'Himériusmanque dans D .-K .6.
740 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136

(4 ) Himérius rappelle l'efficacité des discours de Cinéas le Thessalien


(* * C 127) pour la réussite des opérationsmilitaires de Pyrrhus : Or. 10, 19.
(5 ) Le mérite de Gorgias (* * G 28) en matière d'éloquence n 'est pas inférieur
à celuide Corax et de Tisias: Or. 24, 17 -19. Sa pratique de la rhétorique lui valut
l'érection de statues d 'or: Or. 32, 11. Voir 82 A 1 D .-K .$ = Philostrate , Vie des
sophistes I 9, 4 (une seule statue, à Delphes, dans le sanctuaire d'Apollon
Pythien ). Le témoignage manque dans D .-K . et 104 M . Untersteiner, I Sofisti.
Testimonianze e frammenti II, Firenze 1949, p. 4 .
(6 ) La philosophie d 'Héraclite d 'Éphèse (MH 64 ) a inspiré les spéculations
métaphysiques de Platon : Or.60, 2. Le témoignage manque dans D .- K.O. Himé
rius vient d 'évoquer la lyre, la médecine et la poésie ioniennes.
Platon (Sophiste, 242 d 7-8 ) fait allusion aux Muses d ’ lonie (etde Sicile) qui prétendent
que l' être est à la fois un et plusieurs, avec, en e 2-3, la phrase diapepóuevov ràp åki ovu e
petal. La phrase rappelle 22 B 51 = Hippolyte , Réfutation de toutes les hérésies IX 9. C 'est
probablement le passage que vise l'orateur. L 'accord de Platon avec Héraclite est mentionné
par Diogène Laërce (III 8 ), au moins pour ce qui est du sensible, voir Wernsdorf 2 , p . 575.
(7) Le personnage d'Orphée ne joue guère qu'un rôle symbolique, sa lyre:
Or. 24, 39 ; endormant les bêtes en jouant: li. 40-44 ; sa lyre remplissant Lesbos
de musique au point qu 'elle se répandit à travers l'univers entier : Or. 26 , 34 -38 .
Cf. Or. 27 , 5 ; 35 , 34- 35 ; 38, 9. Himérius critique les Thraces d'avoir privé
Athènes d'Orphée : Or. 39, 5 ; Orphée victime de la folie : Or.69, 3.
(8) Dans un passage très mutilé (Or. 35, 25-27), quelqu 'un “ apprenait aussi à
Philolaos, qui était un amant authentique dans les propos de Socrate , à aimer des
amours justement” (?putas épãv Olxaiws). Ces lignes ne se laissentillustrer, à
la rigueur, que par un passage d'Aristote (Politique II 12 , 1274 a 32-b 5 ). Le per
sonnage n 'a rien à voir avec le pythagoricien du même nom : il s'agit du législa
teur de Thèbes, originaire de Corinthe. Il abandonna sa famille , les Bacchiades,
et la ville où elle détenait le pouvoir, pour suivre son éromène, Dioclès, le vain
queur aux Jeux Olympiques (13° olympiade, en 728 av. J.-C .), qui fuyait l'amour
que lui vouait sa mère Alcyoné. Il est l'auteur de lois sur la procréation, dites
“ lois d'adoption” .
(9) La carrière de Pythagore se déroula, non pas à Samos, mais en Italie : Or.
27 , 46 -47 ; célébrité de sa sagesse : Or. 32, 11 ; maître du médecin Démocédès de
Crotone (2D 64): Or. 34, li. 33-37 ; ce dernier, après avoir connu le luxe de la
Perse, avait préféré le régime de Crotone: Or. 64, 2 (on lira ses aventures en
Perse et à Crotone entre autres dans Hérodote III 129- 138, résumé par Athénée
XII, 522 a -c ; Élien, H . V. VIII 17 ; Souda, A 442 s.v. Anuoxńons); la musique
de Pythagore : Or. 35 ,67; Pythagore faisant de l' Italie la rivale d' Athènes : Or.
41, 12 ; les loniens colonisateurs de l'Italie de Pythagore : Or. 60 , 1.
(10) Les références à Socrate sont nombreuses: Or. 3, 66 ; 10 ,62 ; 16, 23 ; 27,
41 ; 35, 9 ; 12, 16 , 26 -27, 66 , 70 ; 64, 36 , et sont dépourvues d'intérêt. Il est
donné comme le maître du fils de Clinias, c' est-à -dire Alcibiade (** A 86 ), dont
Xénophon n 'avait pas embrassé le parti: Or. 44, 54 ; comme priant les dieux
pour avoir la beauté intérieure : Or. 38 , 51. Philolaos était un amant authentique
H 136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 741
dans les propos de Socrate : Or. 35, 26. On montrait toujours la maison de ce
dernier aux touristes, ainsi que celle de Démosthène (64, 3) ; voir Bouffartigue
61, p . 247.
(11) Le personnage de Solon symbolise l' Athènes légendaire : Or. 1, 58 [ici,
avec Dracon ) ; 2, 25 ; 129; 24, 58 ; 29, 14- 15 ( sa gloire ); 36 , 27 [ses lois ). Un
passage important, qui ne figure dans aucun des recueils de fragments,est relatif
aux origines de la tragédie : Or. 34, 21- 33 ; voir 105 A .Martina, Solon . Testimo
nia veterum , Roma 1968 , n° 713, p. 319. Amoureux du savoir, il voyagea en
Lydie , en Ionie et en Égypte . Le voyage en Égypte est bien connu, voir les
témoignages réunis par Martina 105, n° 33 ; pour la Lydie , voir nº 70 -99 ; pour
l'Ionie (il s 'agit de la rencontre avec Thalès de Milet), voir nº 121- 123 ; pour les
deux derniers voyages , le témoignage d 'Himérius n 'est pas rappelé ; à son retour,
Solon trouva Eschyle qui, après les inventeurs de la tragédie, Thespis et ses pré
décesseurs, voulutmettre la poésie sur un piedestal en imaginant le logeion . Il
éprouva de l'admiration pour les tragédies d' Eschyle et se mit à les expliquer
afin que l'on tirât de ses poèmes des livrets pour la tragédie (la rencontre est évi
demment impossible , pour des raisons chronologiques).
(12) Thalès de Milet aurait fait l'objet d'un éloge dans la bouche d'Alcée, un
jour où Lesbos célébrait une panegyrie : Or. 28, 2 = 11 A 11 a. Toutefois , le texte
n 'offre pas toute garantie , notamment pour l'identification du philosophe. Voir
les notes de 106 H . Diels et W . Kranz, Die Fragmente der Vorsokratiker I, 6e
éd., 1951, p. 76 , et Colonna 1, p. 128. Le passage constitue le fr. 24 d' Alcman
dans 107 D . L . Page, Poetae melicigraeci, Oxford 1962, p. 40, avec la note .
Cuffaro 19 , p . 106 ,avec la n . 90, lit de même Alcée et considère qu'il s'agissait
probablement du philosophe deMilet.
(13) Himérius rappelle que Xénophon, après Socrate, eut à porter les armes:
Or. 16 , 6 ; pour illustrer le thème de la satiété de la présence, il rapporte une
anecdote d 'après laquelle , après ses exploits en Asie Mineure contre Artaxerxes
II, Xénophon se serait absenté une année entière de Byzance. Une fois passés les
vivats de la foule au moment où la ville était prise, son retour au terme d 'une
longue disparition aurait été un stratagèmehabile pour reconquérir la popularité ;
voir Or. 30 , 25- 33 et la parabase de Xénophon , Anabase VII (début). L 'anec
dote n 'est pas mentionnée dans 108 Ed . Delebecque, Essai sur la vie de Xéno
phon , Paris 1957. Voilà qui répond tout à fait à la situation d 'Himérius, à son
retour de Corinthe. La donnée permet de conclure le discours sur une pirouette
amusante . L 'ensemble de ces épisodes historiques dura non pas une année,mais
environ six mois, d 'octobre 400 à mars 399, d'après le tableau chronologique de
Delebecque 108 , p. 506 -507. On peut chercher là un indice chronologique : Or.
30 a dû suivre une année de congé " universitaire” qu’Himérius a passée à
Corinthe. Mais le discours ne se laisse pas dater, en sorte que le rapprochement
n 'est utilisable que pour un essai de chronologie interne. Si Or. 30 et Or. 70 res
sortissent au même genre oratoire, on peut supposer qu 'il y eut deux voyages à
Corinthe. Ce fut au cours de l'un d 'entre eux que fut prononcé Or. 75 . L 'orateur
compare le style de Xénophon à du miel: Or. 44, 6 , etmentionne la Cyropédie
742 HIMÉRIUS DE PROUSIAS H 136
(6 -7). Xénophon n 'avait aucune sympathie pour Platon (Or. 16 , 6 ) ; voir Aulu
Gelle XIV 3 , 1 ; Diogène Laërce II 57 ; III 34 ; Athénée XI, 504 e , etMarcellinus,
Vie de Thucydide 27.
C'est là une tradition bien attestée, qui aurait pour origine une littérature antisocratique et
un écrit Contre le philosocrate d 'Hérodicos de Babylonie (pH 100), de date incertaine, mais
vraisemblablement du milieu du ile s. av. J.- C . ( 109 J. Geffcken , « Antiplatonika » , Hermes 64,
1939 , p . 98 -101). Le traité serait la source d 'Athénée aux livres V et XI (voir 110 K .
Münscher, « Xenophon in der griechisch -römischen Literatur » , Philologus Supplbd . 13 , 2 ,
1920, p . 64 sq .). Il est vrai que l'on peutdéceler les traces d ' un débat entre Platon et Xéno
phon (Delebecque 108 , p . 388 -394 ) ; pour tout cela , voir l'excellent commentaire de 111 R .
Marache (édit.), Aulu -Gelle. Les Nuits attiques III (livres XI-XV ), CUF, Paris 1989, p . 133,
n . 1.
JACQUES SCHAMP.
137 HIPP
Épicurien dont le nom avait été restitué par W . Crönert, RhMus 56 , 1901,
p.615 (= Studi ercolanesi,Napoli 1975, p. 111), dans un passage des plus incer
tains d'un ouvrage anonyme contenu en PHerc. 118 , fr. 29 : 'Innoxions
( * H 149), mais Crönert par la suite rejeta cette restitution dans Kolotes und
Menedemos, p . 191. Cf. M . Capasso, CronErc 12, 1982, p. 6 n. 12.
TIZIANO DORANDI.
138 HIPPARCHIA DE MARONÉE RE 1 fl. ca 336a
Philosophe cynique, sæur de Métroclès et épouse de Cratès de Thèbes, avec
lequel elle a vécu son union , y inclus les rapports sexuels, selon les principes de
lamorale cynique.
Témoignages. Les témoignages relatifs à Hipparchia sont rassemblés chez
1 G . Giannantoni, SSR , t. II, p. 577-579 (= V I). Il faut ajouter les références sui
vantes, qui se trouvent toutes aussi dans le recueil de Giannantoni: IV H 2
( Théodore de Cyrène), V B 139, 164, 533, 573 (Diogène de Sinope ), V H 19-26 ,
30, 88, 115 - 120 (Cratès de Thèbes) et VL I (Métroclès de Maronée ). En re
vanche, nous ne trouvons pas chez Giannantoni une mention d 'Hipparchia faite
par Plutarque, Non posse suaviter vivi secundum Epicurum , 1086 e, ni l'opinion
d'Augustin, Cité de Dieu XIV 20 (« De vanissima turpitudine Cynicorum » ),
pour qui la consommation publique du mariage d'Hipparchia et de Cratès n'a
pas eu lieu en réalité parce qu 'il serait impossible d 'éprouver le désir sexuel sous
les regards d 'autrui. Par ailleurs, il faut écarter la dédicace à Hipparchia que 2 E .
Zeller, Die Philosophie der Griechen in ihrer geschichtlichen Entwicklung, t. II
1 : Sokrates und die Sokratiker. Plato und die alte Akademie, Fünfte Auflage
(Obraldruck).Mit einem Anhang von E. Hoffmann : Der gegenwärtige Stand der
Platon -Forschung, Leipzig 1922, p . 304 sq. n . 4, croyait voir dans les trois pre
miers vers du fragment 5 Diels de Cratès (= V H 71 Giannantoni; cf. Giannan
toni 1, t. IV p. 565 n. 13 et p . 575 -576 ) ; de même, il faut écarter la référence au
mariage de Cratès et Hipparchia que 3 G . A . Gerhard, Phoinix von Kolophon.
Texte und Untersuchungen, Leipzig/Berlin 1909, p. 209, croyait voir à son tour
dans le fragment 58 Livrea de Cercidas de Mégalopolis (cf. 4 J.L .López Cruces,
H 138 HIPPARCHIA DEMARONÉE 743
Les méliambes de Cercidas deMégalopolis. Politique et tradition littéraire, coll.
« Classical and Byzantine Monographs» 32, Amsterdam 1995, p . 243-246).
Biographie . Le témoignage le plus développé sur la vie d'Hipparchia est
fourni par D .L . VI 96 - 98 (= VII Giannantoni), qui n'est en réalité qu 'un déve
loppement inséré dans la vie de Cratès ( * C 205), comme l'a montré 5 M .-O .
Goulet-Cazé, « Une liste de disciples de Cratès le cynique en Diogène Laërce 6 ,
95» ,Hermes 114 , 1986 , p . 247-252, notamment p. 248. D ' après ce récit, Hip
parchia, dont le nom suggère l'appartenance à un lignage noble , était née à
Maronée (en Thrace) et elle était seur de Métroclès. Celui-ci, qui fut d'abord
disciple de Théophraste, quitta l'école péripatéticienne à la suite d'un incident
fortuit incompatible avec le raffinementde cette école qui lui fit éprouver un tel
malaise , un tel accablement qu 'il se serait laissé mourir si le cynique Cratès
n ' était pas intervenu pour luimontrer dans la pratique que naturalia non sunt
turpia ( D . L . VI 94 = Cratès VL I Giannantoni). A partir de ce moment, il
devint l' élève de Cratès. C 'est par l'intermédiaire de son frère qu ’Hipparchia a
fait la connaissance du philosophe, dont elle s'est éprise d 'un tel amour que, tout
en rejetant des prétendants nobles et riches, elle menaçait de se donner la mort si
on l'empêchait de l'épouser. Ses parents , alarmés par l'attitude de leur fille ,
firent venir le cynique, qui, incapable de la persuader avec d'autres raisons, se
dépouilla devant elle de ses vêtements (il était petit et laid, si bien qu 'on se
moquait de lui lorsqu'il s 'entraînait au gymnase : cf. D . L. VI91 = V H 40 Ģian
nantoni) et lui dit : « Voilà ton fiancé et tout son avoir , décide -toi en consé
quence, car tu ne saurais être ma compagne à moins d 'adopter aussi mes habi
tudes de vie » (trad . L . Paquet légèrementmodifiée ). Hipparchia n 'hésita pas à
choisir Cratès et tout ce qu'il impliquait. Depuis ce jour, ils furent unis par ce
que Cratès lui-même appela un « mariage de chien » (xuvoyaulav ; cf. la Souda,
s.v. Kpárns, K 2341, t. III, p. 182 , 15 Adler = V H 19 Giannantoni). Hipparchia
suivait partout son époux (cf.Ménandre chez D . L . VI 93 = fr. 117, 118 Kock =
fr. 104 Koerte = V H 26 Giannantoni) et ils avaient l'habitude de consommer
publiquement leur union ,même, dit-on , devant le regard stupéfait de Zénon de
Citium (Apulée, Florides 14 = V H 24 Giannantoni), qui était trop timide pour
adhérer à l'impudence des cyniques (cf. D .L . VII 3 = V H 38).
Rejetant les activités traditionnelles de la femme grecque,Hipparchia accom
pagna partout son mari. C 'est dans un banquet chez Lysimachos (le diadoque)
qu 'elle rencontra Théodore l'Athée et le confondit au moyen d'un sophisme,
comme le raconte D. L . VI 97 (= VI 1, 12 - 24 Giannantoni; cf. V I 2). D 'après
Diogène Laërce, pour toute réponse Théodore tenta de la ridiculiser en lui soule
vant son vêtement,mais Hipparchia ne se laissa nullement troubler, comme l'au
rait fait une femme quelconque. Alors , en reprenant le vers qu’Euripide, Bac
chantes 1236 , met dans la bouche d'Agavé, Théodore lui dit ironiquement:
« Est-ce bien celle-là quia laissé sur lemétier la navette ? ». Hipparchia répondit
hardiment à ce défi: « C 'est bien moi, Théodore. Est-ce que tu penses que j' ai
mal décidé sur moi-même si je consacre à mon éducation tout le temps que j'al
lais perdre au métier ? » .
744 HIPPARCHIA DE MARONÉE H 138
A en croire le témoignage de Ménandre cité plus haut, Hipparchia eut une
fille que Cratès donna en mariage après l'avoir offerte à l'essai trente jours. Cela
rappelle le principe de Diogene selon lequel τον πείσαντα τη πεισθείση
OUVEīval (cf. D .L . VI 72 = V B 353 Giannantoni). Par ailleurs, D .L . VI 88 (= V
H 19, 4-9 Giannantoni) emprunte à Ératosthène de Cyrène (= FGrHist 241 F 21 ;
" E 52) un renseignement selon lequel Hipparchia et Cratès eurent un fils du
nom de Pasiclès, homonyme du frère de Cratès qui semble avoir étudié auprès
d 'Euclide deMégare (PE 82] (cf. Giannantoni 1, SSR, II A 25 et t. IV , 95-97).
D 'après le témoignage d'Ératosthène, Cratès, lorsque son fils fut sorti de
l'éphébie, le mena dans un bordel afin de lui montrer le mariage que lui pro
posait son père .
Dans la biographie laërtienne de Cratès, il y a un témoignage provenant de Dioclès de
Magnésie selon lequel la maison de Cratès aurait eu un certain rapport avec Alexandre , tandis
que celle d 'Hipparchia en aurait eu un autre avec Philippe (D . L . VI 88 = V H 30 Giannan
toni). Le passage en question semble contenir une lacune, restituée différemment par les cri
tiques, et il reste peu précis . En tout cas, on s' accorde aujourd 'hui pour dénier toute vraisem
blance à une rencontre d'Alexandre avec Cratès (cf.Giannantoni 1, t. IV , p. 564 sq.). D 'après
6 J. M . García González, « Hipparchia de Maronea , filósofo cínico » , dans J . M . García
González et A . Pociña Pérez (édit.), Studia Graecolatina Carmen Sanmillan in memoriam
dicata , Granada 1988 , p. 179 - 187, notamment p . 180 n . 5, le témoignage peut faire référence à
la destruction de Thèbes par Alexandre en 335a (cf. V H 31 Giannantoni) ; cette circonstance a
peut-être été la cause de l'arrivée de Cratès à Athènes dans une situation économique difficile,
et a pu donner lieu à la tradition cynique selon laquelle Cratès a renoncé volontairement à ses
possessions. En revanche, la relation de Philippe avec la maison d 'Hipparchia peut répondre à
une vérité historique. A ce sujet, García González 6 , ibid ., a émis l'hypothèse selon laquelle
Hipparchia et sa famille ont dû quitter le territoire de la Thrace à la suite de la conquête de
Maronée par Philippe à l' été 3554, et se sont installés à Athènes, où Hipparchia a fait la
connaissance de Cratès.García González pense qu'Hipparchia s'est unie à Cratès et à sa façon
de vivre itinérante sans la médiation de l'histoire du mariage, du moins telle que Diogène
Laërce la raconte . Il reconnaît le caractère purement spéculatif de cette hypothèse, mais il
trouve ainsi un trait d 'union entre Cratès et Hipparchia , à savoir : le fait que l'un comme l'au
tre étaient, en tant que représentants du premier cynisme, des personnages déracinés ; ce fait,
qui se trouve sans doute rattaché à l'origine du mouvement cynique, leur aurait permis de
prendre suffisamment de distance à l'égard des normes et des institutions de la cité pour les
critiquer et les rejeter. Enfin , tout en rappelant que Diogène fut un exilé de Sinope et Monime
de Syracuse un esclave , García González suggère que la destruction de Thèbes a dû jouer
aussi un rôle important dans la vie de Cratès, indépendamment de l'épisode relatif au dépouil
lement volontaire de ses biens.
Une épigramme d'Antipater de Sidon (fl. 120a; Anth. Pal. VII 413 = V I3
Giannantoni) met dans la bouche d'Hipparchia son renoncement aux signes exté
rieurs de la condition féminine conventionnelle et son acceptation volontaire de
la vie forte des Cyniques. D 'après cette épigramme,Hipparchia se prétendait
pour cela supérieure à la Ménalienne Atalante « autant que la sagesse l'emporte
sur les courses dans la montagne » (trad. Éd. des Places; cf. 7 G . Giangrande,
« Beiträge zur Anthologie », Hermes 96 , 1968, p. 167- 177, notamment p. 170
sq.).
Parmi les lettres attribuées aux cyniques, on en trouve huit adressées à Hipparchia, dont
sept sont attribuées à Cratès etune à Diogène, à qui en outre on attribue une autre lettre adres
sée aux citoyens de Maronée, pour les féliciter d'avoir changé le nom de leur ville en celui
d 'Hipparchia. Bien que toutes ces lettres soient apocryphes et de basse époque (cf.Giannan
H 138 HIPPARCHIA DEMARONÉE 745
toni 1, t. IV , p. 578 -579, avec des références bibliographiques), il est intéressant de réfléchir
un peu sur leur contenu . Dans les lettres de Diogène (lettre 43, aux habitants de Maronée, et 3,
à Hipparchia = V B 532 et 573 Giannantoni), on trouve un mêmemotif répété : il est important
qu 'Hipparchia se soit adonnée à la philosophie, quoiqu 'elle soit femme. Les lettres de Cratès à
Hipparchia traitent aussi la question de la femme,mais leur teneur est différente : les femmes
ne sont pas par nature différentes des hommes (lettre 28 = VH 115 Giannantoni) ; Hipparchia
n 'est pas inférieure aux hommes, de même que les chiennes ne sont pas inférieures aux chiens
(lettre 29 = V H 116 Giannantoni). Par ailleurs, si on fait exception de la lettre 1, qui est une
lettre de circonstance (Diogène est en train de mourir et Cratès appelle Hipparchia pour
qu 'elle apprenne à affronter la mort comme un philosophe), dans les lettres 28 et 29 Cratès
exhorte Hipparchia à persévérer dans la philosophie en prenant comme point de départ l'idée
que les femmes et les hommes sont égaux par nature, comme le démontrèrent les Amazones
(exemple de femmes placées aux marges de la civilisation ; cf. déjà Hérodote IV 114 , 3) et
comme on le voit chez les chiens (exemple animal). Les lettres 30 et 32 (= V H 117 et 119
Giannantoni) traduisent aussi une exhortation à la philosophie , mais on y envisage le motif de
l'abandon du métier du point de vue opposé : Cratès reproche à Hipparchia d'avoir tissé une
tunique pour lui et il l'incite à s'éloigner de ces travaux et à se consacrer à la pratique de ce
qu 'elle a appris de lui et de Diogène. La lettre 32 contenant le même motif est beaucoup plus
dure : « Je regrette que tu continues à te comporter vulgairement et que tu ne te consacres pas à
la philosophie, à laquelle je t'ai encouragée... Que les autres femmes, qui ne recherchent aucun
de tes travaux , réalisent les travaux du métier !» . La question controversée concernant le fils
de Cratès et d'Hipparchia apparaît dans la lettre 33 (= VH 120 Giannantoni) : Cratès félicite
Hipparchia pour la naissance de son fils, notamment parce que l'accouchement s' est bien
passé grâce au fait qu 'Hipparchia, à la différence des autres femmes, avait pratiqué l'exercice
physique comme les athlètes. Cratès conclut la lettre avec des conseils sur l'éducation de
l'enfant qui présentent un caractère cynico - stoïcien évident (cf. sur le motif des bains froids
8 M . Vegetti, « Passioni e bagni caldi. Il problema del bambino cattivo nell'antropologia stoi-
ca », dans Tra Edipo e Euclide. Forme del sapere antico, Milano 1983, p. 71-90).
Chronologie. Le seultémoignage qui fournit une date sur la vie d'Hipparchia
est la notice de la Souda, s.v. 'Innapxia , I 517, t. II, p. 657, 17 Adler (= VI2
Giannantoni), qui fixe son floruit dans la 111° Olympiade (336 /333a). On peut
tenter d'établir la date de sa rencontre avec Cratès, dont le floruit se place dans la
113e Olympiade (328 /3254), en prenant commeréférence le séjour de son frère
Métroclès au Lycée auprès de Théophraste : à ce sujet, les dates marquantes de la
vie de Théophraste sont 3550, année de son arrivée à Athènes, et 322a, année où
il devient le chef de l'école. Ce n 'est probablementpas beaucoup avant ni beau
coup après cette date qu'il faut placer les études de Métroclès au Lycée. Par
conséquent, si on accepte l' interprétation la plus commune selon laquelle c'est
par l'intermédiaire de Métroclès qu 'Hipparchia a fait connaissance de Cratès,
elle devait avoir à cette époque environ cinquante -quatre ans, presque une
dizaine d 'années de plus que Cratès, à en croire la chronologie de la Souda .Mais
ces conclusions semblentpeu vraisemblables.
Euvre. Diogène Laërce ne dit rien sur les ouvrages qu 'aurait composés Hip
parchia . En revanche, la Souda, s.v. ' Innapxia , affirme qu 'elle a écrit des Hypo
thèses philosophiques, des Épichérèmes et des Questions adressées à Théodore
dit l'Athée.
Unc

Traductions des témoignages. Une partie des témoignages ont été traduits
en français par 9 L . Paquet, Les Cyniques grecs. Fragments et témoignages,
nouvelle édition revue, corrigée et augmentée , coll. « Philosophica » 35, Ottawa
746 HIPPARCHIA DEMARONÉE H 138
1988 (1975 ', coll.« Philosophica» 4). Les lettres de Cratès à Hipparchia ont été
éditées récemment (avec traduction allemande) par Eike Müseler, Die Kyniker
briefe, coll. « Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums», Neue Folge,
erste Reihe, Bd. 7, Paderborn 1994, p. 82-113, et traduites en anglais par 10 R. F.
Hock dans A . J. Malherbe, The Cynic Epistles, coll. « Society of Biblical Lite
rature . Sources for Biblical Study » 12,Missoula (Montana) 1977,p.53-89. Voir
également les lettres 3 et 43 de Diogène (p. 94 et 172 Malherbe ; p. 4 et 72
Müseler)
Bibliographie. Les travaux consacrés spécialement à Hipparchia sont peu
nombreux : cf. 11 H . von Arnim , art. « Hipparchia» ,RE VIII 2, 1913, col. 1662 ;
García González 6 , p. 179 -187 ; 12 T. Dorandi, « Figure femminili della filosofia
antica» , dans F. de Martino (édit.), Rose di Pieria , Bari 1991, p. 263 -278 ,
notamment p . 268-273. En revanche, les références à Hipparchia contenues dans
les ouvrages sur le cynisme sontbeaucoup plus nombreuses :
Cf. 13 K . W . Goettling, « Diogenes der Cyniker oder die Philosophie des griechischen Pro
letariats. Ein Vortrag » , dans Gesammelte Abhandlungen aus dem classichen Alterthume, t. I,
Halle 1851, p . 251-277, notamment p. 269 (repris dans 14 M . Billerbeck, Die Kyniker in der
modernen Forschung. Aufsätze mit Einführung und Bibliographie, coll. « Bochumer Studien
zur Philosophie » 15, Amsterdam 1991, p. 31-57, notamment p.49) ; E. Zeller 2, 1. II 1, p. 245
n . 3, 275 n . 1 et 279 n . 3 ; 15 F . Susemihl, GGLA , t. I, p. 29 ; Gerhard 3 , p. 122 n . 2 , 134, 209
n . 4 et 277 n . 5 ; 16 R . Asmus, « Der Kyniker Sallustius bei Damascius » , JKPh 25, 1910,
p. 504 -522 , notamment p . 513 ; 17 G . A . Gerhard, « Zur Legende vom Kyniker Diogenes » ,
ARW 15, 1912, p. 388 -408, notamment. p. 405 sq. (repris dans Billerbeck 14, p.89-106 ,
notamment p. 102 sq.) ; 18 E . Schwartz , « Diogenes der Hund und Krates der Kyniker» , dans
Charakterköpfe aus der Antike,hrsg. von J. Stroux, 3. Auflage der Neuausgabe, Leipzig 1950
(1943 ), p. 121- 141 (= Charak. VI), notamment p. 137 sq . ; 19 D . R . Dudley, A History of
cynicism . From Diogenes to the bih century A . D ., London 1937, réimpr. Hildesheim 1967,
p . 49 -52 et 221 ; 20 V . E . Emeljanov, The Letters of Diogenes, Ann Arbor 1968, p . 92 -94 et
216 ; 21 J. M . Rist, Stoic Philosophy, Cambridge 1969, p . 61 ; 22 J. Roca Ferrer, « Kynikos
trópos. Cinismo y subversión literaria en la antigüedad » (= BIEH 8 ), Thèse Barcelona 1974 ,
p . 27, 39, 44 et 121 ; 23 A . J. Festugière , La vie spirituelle en Grèce à l'époque hellénistique
ou les besoins de l'esprit dans un monde raffiné, coll. « Empreinte » 1 , Paris 1977, p . 140 ;
24 H . Niehues-Pröbsting, Der Kynismus des Diogenes und der Begriff des Zynismus, coll.
« Humanistische Bibliothek . Abhandlungen >> 40, München 1979, p . 52 n . 20 , p . 158 et 241 ;
25 M . Billerbeck, « Greek cynicism in imperial Rome », dans Billerbeck 14, p. 147 -166 ,
notamment p . 164 (paru d 'abord en trad. franç. ; « La réception du cynisme à Rome » , AC 51,
1982, p. 151-173); 26 M . Daraki, « La sagesse des Cyniques grecs», dans C .Mossé (prés.),
La Grèce ancienne, coll. «Points. Histoire », Paris 1986 , p. 92- 108, notamment p. 105
(= L 'histoire 3 , 1978, p. 5 -13) ; 27 M .Onfray, Cynismes. Portraitdu philosophe en chien, coll.
« Figures », Paris 1990 , p. 21, 68, 81-82 et 153-157 ; 28 G . Dorival, « L ' image des cyniques
chez les Pères Grecs » , dans M .-O . Goulet-Cazé et R . Goulet (édit.), Le cynisme ancien,
p . 418 -443, notamment p . 428 ; 29 M . Billerbeck , « Le cynisme idéalisé d ' Épictète à Julien » ,
dans Le cynisme ancien , p . 319-338, notamment p . 326 ; 30 J. Moles, « Le cosmopolitisme
cynique » , dans Le cynisme ancien, p. 259 -280 , notamment p. 269.
Si on laisse de côté l'ouvrage de 31 G .Ménage, Historia Mulierum Philosopharum , Lug
duni 1690 (vu dans 32 H .G . Huebner, Commentarii in Diogenem Laertium , editionem curavit
H .G . H ., t. II : Isaaci Casauboninotae atque AegidiMenagii observationes et emendationes in
Diogenem Laertium . Addita est Historia Mulierum Philosophorum ab eodem Menagio scripta,
Lipsiae 1833, p .615 (n° 7 : « Cynicae >>), dont il y a maintenant une traduction anglaise de
B . H . Zedler (The history ofwomen philosophers, Lanham 1984 ), c 'est récemment que la per
sonnalité d 'Hipparchia a suscité un intérêt spécial dans les études sur l'activité intellectuelle
H 138 HIPPARCHIA DEMARONÉE 747
des femmes dans l' Antiquité : cf. 33 E . Cantarella, L 'ambiguo malanno. Condizione e imma
gine della donna nell'antichità greca e romana , Roma 1986, p . 96 -97 ; 34 M . E . Waithe,
« Arete, Asclepigenia , Axiothea, Cleobulina, Hipparchia and Lasthenia », dans Ead. (édit.), A
history of women philosophers, t. I: Ancient women philosophers 600 B. C .-500 A . D .,
Dordrecht/Boston/Lancaster 1987, p . 197 -209 ; 35 J.McIntosh Snyder, The woman and the
lyre. Women writers in classicalGreece and Rome, Southern Illinois University 1989, p . 105
108 ; 36 M . Le Doeuff, L ' étude et le rouet. Des femmes, de la philosophie, etc., Paris 1989
(passim ).
Le choix d'Hipparchia . L 'approche critique la plus courante, qui remonte à
la tradition doxographique ancienne, envisage la personnalité et l'attitude d 'Hip
parchia en référence à Cratès. Elle se centre sur le thème du mariage, dans la
mesure où il devientun argument contre le cynisme ou en faveur d'un adoucis
sement du rigorisme de Diogène. Cette interprétation a été dépassée récemment
par des contributions nouvelles provenant du domaine de la recherche sur la
condition de la femme et provenantnotamment d'un projet méthodologique qui
cherche à « rendre la voix aux femmes. .. reléguées à l'oubli par une conception
masculine de la société et de l'histoire » (cf. 37 A . López López, No solo hilaron
lana. Escritoras romanas en prosa y verso, Madrid 1994, p. IX ).
En tout cas, le choix d'Hipparchia se comprend dans le contexte de l' attitude
du cynisme des premiers temps à l'égard de trois aspects concrets de la société :
le mariage, la sexualité et la condition de la femme.
L ' institution du mariage établit dans la cité un cadre de relations sociales qui
fixe les limites entre la sauvagerie et la civilisation en matière de rapport sexuel.
Dans ce cadre, la femme joue un rôle très déterminé et restreint. On peut parler
de l'existence de toute une idéologie de la puun oixovóuoc et de toute une
" normative” réglant le comportement de la ruun eyrunt dans la cité construite
selon les valeurs de Prométhée (cf. 38 I. Savalli, La donna nella società della
Grecia antica, Bologna 1983, p. 96 - 132). Il n 'est donc pas étonnant que le
cynisme des premiers temps, dans sa critique du vóuoc et de la dóca et dans sa
défense de la púols , se soit occupé d'une façon particulière de la question du
mariage, car le mariage se trouve au fondement de la cité civilisée de Prométhée
(cf. 39 J.- P. Vernant, « A la table des hommes. Mythe de fondation du sacrifice
chez Hésiode » , dans La cuisine du sacrifice en pays grec, coll. « Bibl. des hist. » ,
Paris 1979, p. 37-132). En fait, c'est dans la question de la morale sexuelle que
le cynisme contemporain de Diogène manifeste son rejet le plus radical de la
cité. L 'institution du mariage accorde à la sexualité un lieu privé rattaché à une
fonction sociale : l'éducation d'enfants légitimes destinés à assurer la continuité
de la maison et de la cité . Avant d'être domestiquée par le mariage, la femme
avait été selon les Grecs un être sauvage (cf. 40 C . Bérard, « L 'ordre des fem
mes» , dans l'ouvrage collectif La cité des images. Religion et société en Grèce
antique, Lausanne /Paris 1984 , p . 85 sqq.). L 'état antérieur au mariage rattache la
femme à Artémis, la divinité chasseresse , et la place aux confins du monde sau
vage, tandis que le mariage (comme l'agriculture) l' établit dans le domaine du
monde civilisé et la fixe dans un territoire, celui de la maison (olxos), dont elle
ne doit pas franchir le seuil, car ce serait « propre aux chiens » ( cf.Ménandre, fr.
529 Koerte = Stobée IV 23, 11 Hense). De la sorte , la femme est mise à l'écart
748 HIPPARCHIA DEMARONÉE H 138
du domaine politique et se maintient enfermée dans le domaine de la maison, où
elle s'occupe du métier, ce qu 'elle fait en silence, car le silence (ou le peu de
parole ) est un ornement chez la femme, dont le discours ne doit jamais être un
discours public (cf. Plutarque, Praec, coniug., 142 c). Lemétier et le silence se
trouvent normalement rattachés l'un à l'autre dans l' imaginaire de la féminité.
De toute évidence, le mariage, en tant qu'institution fondamentale de la cité, a eu
pour les cyniques un intérêt quiest allé au delà de la question pure et simple de
savoir s'il est avantageux ou désavantageux pour le sage d 'être marié. En fait,
dans la doxographie relative à Diogène, on trouve un espace nouveau pour la
sexualité év qúoel, un espace gagné à force d 'éliminer chez l'homme la condi
tion humaine et de le rendre à l'état originaire de l'animal, voire de la bête sau
vage.
De ce point de vue, le mariage d'Hipparchia avec l'un des plus illustres parti
sans de Diogène a été mis à contribution pour soutenir l'hypothèse que le
cynisme a connu un certain relâchement avec Cratès et les cyniques postérieurs.
En effet, la plupart des critiques ont interprété ce mariage comme un fait réel,
bien que surprenant, qui atteste un changement d'attitude dans la teneur de la
doctrine cynique : cf. Zeller 2, t. II 1, p. 275 n . 1 ; Gerhard 3, p. 277 (qui décrit
Hipparchia comme « weibliche kynische Heilige» ); Festugière 23, p. 139 -144 ;
Emeljanov 20, p. 69-70. Indépendammentdes circonstances qui ontdéterminé ce
point de vue, l'union de Cratès et Hipparchia présente certains traits particuliers
qui apparaissent invariablement dans la tradition : le fait que cette union est
consommée en public et le fait que l'activité d 'Hipparchia est orientée vers l'ex
térieur de lamaison (qu'elle n 'avait même pas).
La morale grecque est très explicite sur certains sujets : c'est le cas des
rapports sexuels . Nos témoignages sont unanimes dans la présentation de l'hy
ménée cynique comme réalisé en public . Ce comportement rappelle bien le
principe de Diogène selon lequel tout doit être réalisé en public (návra toLETU
Év TÕ ułow : cf. D . L . VI69 = V B 147 Giannantoni), un principe qui traduit la
subversion préconisée par le cynisme à travers l'invasion de la vie publique par
la vie privée. En général, ce genre de rapport sexuel suscite toujours dans la litté
rature grecque une condamnation explicite, soit parce qu'on le présente comme
faisant partie des habitudes (vóuoi) de certains peuples éloignés de la civilisa
tion, soit parce qu'on affirme qu 'il rend l'homme égal à l'animal.
La comparaison avec Atalante, Agavé ou les Amazones place Hipparchia dans le domaine
des femmes que 41 C . Arrigoni, Camilla, amazzone e sacerdotessa di Diana , coll. « Testi e
documenti per lo studio dell' Antichità » 69, Milano 1982, p. 25 n. 26 , appelle « spéciales » , du
fait qu ' elles se trouvent en dehors de la norme: « In generale caccia femminile e lavoro della
lana sono incompatibili perché espressione di status ed ethos antitetici, essenzialmente un' op
posizione fra natura e cultura. » Hipparchia est comparée de même aux prostituées, qui sont
aussi des femmes spéciales, réunissant dans leur comportement sexuel tout ce qu'il a de sau
vage. La tentative de Diogène consistant à rendre sauvage la vie (cf. Plutarque, De esu carn.,
995 C - d = V B 93 Giannantoni) présente l'animal comme un modèle, la nature comme une
vérité, la vie comme un but dans la lutte inflexible contre le vouos et contre la dóba . En
accord avec cela , le portrait d 'Hipparchia que l'on peut reconstituer représente la partie sau
vage de la femme, la décrivant comme ménade, amazone, chasseresse, prostituée. Tout en
H 138 HIPPARCHIA DE MARONÉE 749
étant incorporée dans la cité à travers la parodie de l'institution du mariage (xuvoyauía ),
Hipparchia introduit au sein de cette institution (de l'intérieur même de la société) tous les
éléments sauvages qui font partie de la critique généralisée de l' état civilisé que préconise le
cynismede l'époque de Diogène (cf. 42 M . Detienne, « Entre bêtes et dieux » , dans Destins du
cannibalisme = Nouvelle Revue de Psychanalyse 6 , 1972, p. 231-246 , notamment p . 243).
Nos sources présentent aussi un autre aspectdu comportement d 'Hipparchia,
celui qui fait référence à son activité à côté de son compagnon Cratès. De ce
point de vue, Hipparchia s'oppose radicalement à l'image sociale de la femme
athénienne, dont l'activité est restreinte à la maison et marquée par le silence.
L 'anecdote décrivant sa rencontre avec Théodore (cf. supra) semble confirmer
l'idée que pour les cyniques la femme joue le même rôle que l'homme et pos
sède donc lesmêmes droits (cf.43 L . Henrion , La conception de la nature et du
rôle de la femme chez les philosophes cyniques et stoïciens, Thèse Liège 1942
1943).
La thèse de l'identité de l'homme et de la femme est exprimée assez nettement par Dio
gène dans la Politeia (cf. V B 125 -126 Giannantoni) et n 'a rien d 'étonnant, si on pense que les
cyniques défendent la vie avev vóuov , äveu TÓNews, év QUOel. Cependant, cette idée semble
s'opposer à la misogynie de Diogène attestée par tant d'anecdotes. En réalité, on peut essayer
d'harmoniser ces deux aspects apparemment opposés si on pense que les insultes de Diogène
contre les femmes s'adressent aux femmes xarà dóEav, c'est- à-dire à celles qui agissent selon
l' image commune de la femme dans la cité. Dans la Politeia , Diogène s 'oppose à la condition
féminine, qu ' il envisage comme un fait imposé par la société, en faveur de la femme comme
un simple fait biologique . En ce sens, on peut affirmer qu 'Hipparchia s 'est libérée de la
condition féminine imposée, et qu ' elle a réalisé cette libération (dans le système social lui
même qui la produit) comme faisant partie d 'un programme théorique « d 'évacuation de la
spécificité humaine » (cf. Daraki 26 , p . 103). La rencontre avec Théodore met en relief cet
aspect du comportement d 'Hipparchia : Théodore essaie de blesser Hipparchia dans sa pudeur,
mais Hipparchia n 'est nullementtroublée, comme le serait une femmenormale. Elle n 'agit pas
devant Théodore comme une femme, parce qu 'elle a transgressé la seule condition féminine
possible dans la cité civilisée, à savoir la condition que lui fixait l'idéologie de la yuvn
oixovóuos ; mais le fait biologique inévitable reste inaltéré avec toutes ses conséquences dans
le domaine de la búouc. Ainsi, on peut interpréter le sens ultime du passage d 'Épictète ,
Entretiens III 22, 76 (= V H 20 , 8 -10 Giannantoni) comme suit : Hipparchia , libérée de sa
condition sociale de femme, est du point de vue biologique « une femme » , mais du point de
vue sociologique elle est « un autre Cratès » . La « femmemasculinisée » dont parle Daraki 26 ,
p. 104- 105 , est un fait social,non pas une altération de la nature.
. Iconographie. H . Fuhrmann,« GesprächeüberLiebe und Ehe aufBildern des
Altertums» ,MDAI(R ) 55, 1940, p. 86 -91 (« II. Krates und Hipparchia »), fig . 9, a
reconnu avec vraisemblance le portrait d'Hipparchia sur une fresque des Jardins
de la Farnésine conservée dans le Museo delle Terme à Rome (cf. aussi G . M . A .
Richter, The Portraits of the Greeks, London 1965 , t. II, p . 186 ; I. Bragantini et
M . de Vos, Le decorazioni della villa romana della Farnesina, II 1: Le pitture,
Roma 1982 ; L . A . Scatozza Höricht, Il volto dei filosofi antichi, Napoli 1986 ,
p. 129, 131). La jeune femme, convenablement habillée, porte sur la tête un
coffre et tend la main droite vers un personnage hirsute, qui serait, selon cette
interprétation , Cratès (MC 205, p. 500 ). Celui-ci, qui semble interrompu dans sa
marche, apparaît vêtu d'un manteau court, s'appuyant sur un bâton et portant un
balluchon sur les épaules, ainsi qu'une espèce de sac rectangulaire , dont il accro
che avec samain gauche la courroie qui s'appuie sur l' épaule droite, au dessus
750 HIPPARCHIA DEMARONÉE H 138

d 'une peau. Le coffre que porte Hipparchia semble confirmer que celle- ci
s'adresse à Cratès en tant que sa fiancée , car ce type de coffre, où la fiancée
porterait ses possessions, apparaît dans une série de vases représentant des
processions de noces ( cf. D . Clay, « Picturing Diogenes » , dans R . B . Branham et
M .- O . Goulet-Cazé (édit. ), The Cynics. The Cynic Movement in Antiquity and Its
Legacy, coll. « Hellenistic Culture and Society » 23, p . 366 - 387, notamment
p . 372 sq. ). La scène a été rattachée au récit de D .L . VI 96 -97 , ainsi qu ' à D . L .
VI 93.
Hipparchia est aussi vraisemblablement représentée à côté de Cratès sur une
médaille (moderne ?) conservée au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque
Nationale de Paris (cf. Richter, fig . 1081- 1082).
JESÚSMARÍA GARCÍA GONZÁLEZ et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ.
139 HIPPARCHIDÈS DE RHÉGIUM
Pythagoricien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique (V. pyth. 36 ,
267, p . 145, 19 Deubner ). F . Jacoby, art. « Hippys von Rhegion » , RE VIII 2 ,
1913, col. 1927-1930 , voir col. 1929, a émis l'hypothèse que l'Hippys
( H 159) de Rhégium mentionné par Phanias d'Érèse (fr. 12 Wehrli) chez
Plutarque serait en réalité Hipparchidès; il est cité comme autorité à propos de
doctrines du pythagoricien Pétron d’Himère.
BRUNO CENTRONE.

140 HIPPARCHOS RE 14
Témoignages. 1 H . A . Brown, Philosophorum Pythagoreorum collectionis
specimen , Diss . Chicago 1941, p . 58-69.
Pythagoricien , destinataire d 'une lettre du pseudo-Lysis conservée en deux
versions différentes : (a ) Jamblique, V . pyth. 17 , 75-78, p . 42,23 - 45, 16 Deubner ;
(b ) Hercher, Epistolographi graeci, Paris 1873, p. 601-603; édition avec traduc
tion allemande en regard et commentaire dans 2 A . Städele , Die Briefe des
Pythagoras und der Pythagoreer, coll. « Beiträge zur klassischen Philologie »
115, Meisenheim am Glan 1980 p . 154 -159 ; 203-251 ; sur cette lettre , voir égale
ment 3 W . Burkert, « Hellenistische Pseudopythagorica» , Philologus 105, 1961,
p . 16 -43, en part. p. 17 -28. Dans la version abrégée conservée par Diogène
Laërce VIII 42, le destinataire est Hippasos (2H 144). Dans cette lettre , il est
reproché à Hipparque d 'avoir divulgué les doctrines pythagoriciennes à des non
initiés après avoir expérimenté les raffinements de la vie sicilienne ; il est invité à
changer d 'attitude, sous peine d 'être considéré commemort. Cf. Clément, Strom .
V 57, 3, p . 364 , 27-29 Stählin (et les remarques d ’A . Le Boulluec , dans son édi
tion de Stromates II, coll. SC 278-279, t. II, Paris 1981, p . 210 -211) ; Synésius,
Epist. 143 ; la lettre est datée du IIIe s. av. J.-C . par Burkert 3, du fer-11° s. de notre
ère par Städele 2.
L'existence historique d’Hipparque pose problème et on a à plusieurs reprises
émis l'hypothèse d 'une confusion avec Archippos ( + + A 321) et avec Hippasos
( » H 144 ). Selon 4 E . Rohde, « Zu Iamblichus De vita Pythagorica » , RAM 34,
H 141 HIPPARCHOS D ' ILION 751
1879, p. 260-271, voir p . 262, Hipparque ne serait autre qu'Archippos. Selon
Olympiodore, in Plat. Phaed. 610, 9 Norvin (cf. L . G . Westerink , The Greek
commentaries on Plato 's Phaedo, 1: Olympiodorus, Amsterdam 1976 , 1, 13, 20 ,
p . 57), cf. Schol. in Plat Phaed . 61d, p . 9 Greene, Hipparque aurait été , avec
Philolaos, un des rescapés de l'incendie de l'école pythagoricienne (allumé par
“Gylon ” (= Cylon ? C 229 ), puni pour avoir révélé un secret). Dans cette
perspective, la confusion avec Archippos serait assez probable (cf. Jamblique, V .
pyth. 35 , 249, p. 134, 8 Deubner ; Porphyre, V. Pyth . 55, où les rescapés sont
Archippe et Lysis ; chez Diogène Laërce VIII 39, il s'agit d'Archytas et Lysis );
Olympiodore amalgame les témoignages de Platon , Plutarque (dans le De gen .
Socr., 583 a , les rescapés sontLysis et Philolaos), la lettre de Lysis et Aristoxène,
voir 5 W . Burkert, Lore and Science, p. 228 n . 48 . Selon Städele 2, p. 213 n . 28 ,
il est possible que le « faible » Hipparque de la lettre provienne d'une déforma
tion du nom du pythagoricien Archippos. Selon 6 H . Thesleff, The Pythagorean
Texts , p . 88 -89, Hipparque est peut- être un amalgame des noms d 'Archippos et
d 'Hippasos. Comme Jamblique ne mentionne qu'une seule fois Hipparque ,
tandis qu 'Hippasos est cité plusieurs fois en rapport avec la divulgation du secret
pythagoricien , dont il est également question dans la lettre, nous sommes
probablement en présence d'une confusion entre Hippasos et Hipparchos. Voir
7 Jamblique, Vie de Pythagore. Introduction , traduction et notes par L . Brisson et
A .-Ph. Segonds, Paris 1996 , p. 171 n . 2. Chez Macrobe, In somn. Scip. I 14, 19,
et Tertullien , De an. 5, 2, est attribuée à Hipparque une conception de l'âme
comme étant ignée ; dans ces passages une confusion avec Hippasos est presque
certaine, cf. Aétius IV 3 , 4 = DDG 388, 3-4 . Hipparque ne figure pas cependant
dans le catalogue de Jamblique, V. pyth . 36 , 267, p. 143, 19 - 147, 6.
Sous le nom d 'Hipparque a été conservé chez Stobée IV 44, 81 un llepi
eủovuíaç d'environ 65 lignes en dialecte dorien. Contenu : nécessité pour
l'homme d 'affronter l'adversité et les maux de l'existence avec tranquillité
d'âme. Édition dans Brown 1, p . 64 -69; Thesleff 6 , p. 89, 6 -91, 16 ; dans DK 68
[55 ] c7, t. II, p . 228 , 21 - 230 ,7 parmi les imitations de Démocrite . Traduction
anglaise dans 8 R . Navon , The Pythagorean Writings, p . 79-81, et dans 9 D . R .
Fideler , The Pythagorean Sourcebook and Library, p . 247 -248 . Traduction ita
lienne de V .E . Alfieri dans 10 I Presocratici. Testimonianze e Frammenti, vol.
II,Roma/Bari 1981, p . 826 -829. Datation : 11° s. av. J.- C . selon 11 H . Thesleff,
An Introduction to the Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961,
p . 115.
BRUNO CENTRONE .

141 HIPPARCHOS D ' ILION


Académicien , disciple de Carnéade ( C42), mentionné dans l'Academico
rum historia de Philodème, col. 23, 10 (= Carnéade T 3b 9 Mette ).
TIZIANO DORANDI.
752 HIPPARCHOS DE SOLES H 142
142 HIPPARCHOS DE SOLES la
Académicien, disciple de Carnéade ( C42), mentionné dans l'Academico
rum historia de Philodème, col. 23, 10 (= Carnéade T 3b 10 Mette). Cf. H . von
Arnim , art. « Hipparchos» 16 , RE VIII 2, 1913,col. 1665.
TIZIANO DORANDI.
143 HIPPARCHOS DE STAGIRE RE 17 Туа
A . Dans le testament d 'Aristote cité par Diogène Laërce V 11 - 16 , Hipparque
est mentionné, avec Aristoménès, Timarque, Diotélès et Théophraste , comme
l'un des exécuteurs testamentaires (épimélètes). En attendant l'arrivée d ’Antipa
tros qui est désigné comme épitropos universel, ces épimélètes devront veiller
sur Herpyllis et les enfants, de même que sur tous les biens laissés par le philo
sophe ( V 11-12).
B . La Souda consacre une notice à ce personnage (s. v. "Innapxos, I 520 ;
t. II, p. 657 , 22-24 Adler) : « Hipparque, Stagirite , philosophe, disciple d 'Aristote
et son parent. (Il écrivit) Qu 'est-ce qui estmâle et qu 'est-ce qui est femelle chez
les dieux ? ( Tí to appev xai Onau tapà Deoīc), Qu'est-ce que le mariage ? ( Tis
ó yáuoc) et d'autres traités » . Il s'agissait, selon H . Daebritz , art. « Hipparchos >>
17 , RE VIII 2, 1913, col. 1666 , de « philosophische Auseinandersetzungen mit
der Mythologie, also über Stoffe, die der Meister selbst wissenschaftlicher
Untersuchung nicht wert hielt (Metaph . II 4 , 1000 a 19 : " les subtilités de la
Fable ne valent pas la peine qu 'on les soumette à un examen sérieux ” (trad.
Tricot]) » , mais qui pouvaient trouver dans des réflexions comme celles de
Metaph. XII 8, 1074 b 3, leur point de départ.
C . Un Hipparque apparaît également dans le testamentde Théophraste (mort
vers 286 ), cité par Diogène Laërce V 51-57. La chronologie n 'interdit pas
d 'identifier le disciple d'Aristote et l'ami de Théophraste ,mais, comme l'a fait
remarquer Daebritz, l'Hipparque du testament de Théophraste apparaît davan
tage comme un homme d 'affaires que comme un philosophe. Il n ' en reste pas
moins qu 'il était le premier des dix héritiers solidaires du « jardin, du péripatos
et de toutes les maisons attenantes au jardin » : Théophraste laissait ces biens à
ses amis pour qu 'ils pussent y étudier et y philosopher en commun (ovoxo
ná (elv xai ovuoooodeīv, V 52-53). Hipparque était le dépositaire de fonds
qui devaient servir à l'exécution d 'un certain nombre de dispositions testamen
taires, notamment à la restauration du Musée détérioré pendant la révolte anti
macédonienne à Athènes (289-287). Il devra également verser 2000 drachmes
aux affranchis Pompylos et Threpta (V 54 ) et 3000 drachmes à Callinos (> C 26 ]
(V 55 ). Hipparque venait apparemment de subir un “ naufrage” dans ses affaires
personnelles, ce qui incita peut-être Théophraste à ne pas l'associer à Mélantès et
Pancréon comme héritier . Après avoir versé à Mélantès et Pancréon un talent
chacun et avoir déboursé les sommes nécessaires à l'exécution des diverses
dispositions du testament, Hipparque pourrait se tenir pour quitte des sommes
que Théophraste avait déposées chez lui.Hipparque est encore nommé en tête de
H 144 HIPPASOSDE MÉTAPONTE 753
la liste des épimélètes du testament ( V 56 ). Il avait un fils, nomméHégésias,
chez qui une copie du testamentavait été déposée .
RICHARD GOULET.

144 HIPPASOS DE MÉTAPONTE RE 15 ya

Pythagoricien ancien .
Témoignages. 1 DK 18 ( 8 ) ; t. I, p. 107 - 110 ; 2 M . Timpanaro Cardini, Pita
gorici. Testimonianze e frammenti, fasc . I, Firenze 1958 , 5 (18), p. 84 -105. Dio
gène Laërce VIII 84 lui accorde une place dans la section des Vies consacrée à
Pythagore et aux pythagoriciens. Il le qualifie de nudayop .xós. Il était origi
naire deMétaponte selon Aristote,Métaph. 984 a 7, et Diogène Laërce. Un Hip
pasos figure parmiles pythagoriciens de Sybaris dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth. 36 , 267, p. 144, 20 Deubner; d 'après V . pyth . 18 , 81, p. 81, 3 -4, certains
le disaient de Crotone, d'autres de Métaponte .
Il fut le maître d 'Héraclite (» H 64) selon la Souda H 471 s.v. 'HpáxNELTOS,
t. II, p . 583, 32-584, 1 Adler; celui d 'Empédocle (B - E 19) selon une lettre du
pseudo- Télaugès citée par Diogène Laërce VIII 55 (= Néanthe, FGrHist 84F 26 ).
Un Hippasos de Phlionte est cité par Pausanias II 13, 2, comme arrière -grand
père de Pythagore (cf. D .L . VIII 1).
Dans le récit des émeutes antipythagoriciennes de Crotone transmis par Apol
lonius chez Jamblique, V. pyth . 35, 254 -264 , p . 136 , 14 - 142, 9 Deubner, cf. 257,
p . 138, 23, un Hippasos, responsable de réformes démocratiques, figure parmi
les adversaires des pythagoriciens avec Ninon, auteur d 'un faux hieros logos
destiné à dénigrer la secte . De là vient peut-être l'attribution à Hippasos d 'un
mystikos logos (voir plus bas).
Hippasos est principalement mentionné en rapport avec (a ) la distinction
parmi les pythagoriciens entre acousmatiques et mathématiques, et (b ) la divul
gation de doctrines secrètes pythagoriciennes.
(a ) En ce qui concerne la distinction entre " acousmatiques” et “mathéma
tiques”, Jamblique la présente sous deux versions contradictoires. Selon V. pyth .
17, 81, p. 46 ,24 - 47, 3 Deubner, les "mathématiques” étaient reconnus par les
autres comme pythagoriciens, mais eux-mêmes ne reconnaissaient pas comme
tels les "acousmatiques” , considérant que la doctrine de ces derniers n 'était pas
celle de Pythagore, mais celle d'Hippasos. Chez Jamblique, De comm . math .
scient., p . 76, 19 - 77, 2 Klein , on dit au contraire que les “ acousmatiques” étaient
reconnus comme pythagoriciens par les autres, mais qu'eux-mêmes ne recon
naissaient pas les “mathématiques” , considérant que la doctrine de ces derniers
n 'était pas celle de Pythagore, mais celle d 'Hippasos. 3 W . Burkert, Lore and
Science, p. 192- 208 , a montré que la version originelle était la seconde et que par
conséquent Hippasos était à l'origine de la tendance mathématique, donnant
naissance à un groupe qui se distingua de l'orientation acousmatique, sans pour
autant renier la foi pythagoricienne. Jamblique aurait altéré cette version en
faisantainsi d 'Hippasos un pythagoricien « acousmatique » (in Nicom ., p . 10, 20
754 HIPPASOS DE MÉTAPONTE H 144

Pistelli ; de anima chez Stobée I 49, 32, à sa suite, Syrianus, in Ar. Metaph.
1080b 16 , p. 123, 7 Kroll).
(b) Selon Jamblique, V. pyth . 18, 88, p. 52, 2-8, Hippasos aurait divulgué par
écrit la construction de la sphère au moyen des douze pentagones (opaipav tņu
εκ των δώδεκα πενταγώνων) et pour cette raison il aurait peri en mer comme
impie ; selon une autre version, la doctrine divulguée aurait été celle des nombres
irrationnels et des grandeurs incommensurables (cf. V. pyth . 34, 247, p . 132, 17
23). La légende de la divulgation du secret pourrait remonter à la tradition des
“mathématiques" eux-mêmes : ces derniers, dont l'activité représentait aux yeux
des acousmatiques un enseignement nouveau et subversif qui ne pouvait être
reconnu comme authentiquement pythagoricien , jugeaient nécessaire de faire
remonter ces doctrines scientifiques jusqu 'à Pythagore lui-même afin de leur
conférer l'autorité du maître ; en conséquence, Hippasos futpar la suite réduit au
rang de plagiaire et de divulgateur des secrets (cf. Burkert 3 , p . 207). Le témoi
gnage de Clément, Strom . V 57, 3 , selon lequel un " Innapxos fut exclu de la
communauté pour avoir publié les doctrines pythagoriciennes, est inséré parmi
les témoignages relatifs à Hippasos dans DK ; sur les confusions entre Hippasos
et Hipparchos, voir la notice consacrée à ce dernier.
Euvres. Selon Démétrius deMagnésie, dans ses Homonymes, cité par D .L .
VIII 84, Hippasos n 'aurait laissé aucun écrit ; Héraclide Lembos (114), chez D .L .
VIII 7, cite un Muotixòç Nóyos qui aurait été écrit par Hippasos pour diffamer
Pythagore ; il faut sans doute mettre ce témoignage en rapport avec le hieros
logos qu' aurait composé Ninon pour diffamer les pythagoriciens, selon le récit
des émeutes antipythagoriciennes transmis par Apollonius (supra) ; on a pu éga
lement attribuer ultérieurement à Hippasos un matériel qui circulait sous le nom
de Pythagore et que l'on jugeait ennuyeux (cf. Burkert 3, p . 207 n . 78 ).
Il est donc assez probable que sous le nom d 'Hippasos circulaient déjà au III
s . av. J.- C . des écrits pseudépigraphes (cf. 4 H . Thesleff, An Introduction to the
Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p. 106). Un Iepi tõv
åróywv ypauuátwv (?) apocryphe, cité chez Élias, p . 125, 12-13 Busse (CAG
XVIII 1 = 93, 5 - 9 Thesleff), et dont l'auteur aurait péri dans un naufrage (cf.
Jamblique, V. pyth. 34, 247), était peut- être attribué à Hippasos (cf. Thesleff 4 ,
p . 14 ).
Un fragment d'un écrit sur l'âme est cité sous le nom d'Hippon de Métaponte
par Claudien Mamert, De anima II 7 ; il est inclus parmi les témoignages sur
Hippasos dans DK ; il est probable cependant qu 'il s'agit d 'un passage d'Hippon
de Rhégium (» H 157) (cf. 5 H . Thesleff, The Pythagorean texts of the Helle
nistic period, Åbo 1965, p. 93).
A Hippasos sont attribuées diverses expériences mettant à profit des vases
remplis d'eau ou des disques de bronze de même diamètre mais de différente
épaisseur pour établir les rapports numériques qui présidentaux harmoniesmusi
cales (Schol. in Plat. Phaed. 108 d, p . 15 Greene = Aristoxène fr. 90 Wehrli).
Hippasos aurait le premier (de même qu’ Archytas par la suite) désigné comme
" harmonique" la proportion du type (a -b ) : (b -c ) = a : c , jusqu 'alors appelée “ sub
H 145 HIPPIAS D 'ÉLIS 755
contraria ” (hypenantia ). Aristote cite Hippasos avec Héraclite comme philo
sophes ayant posé que le principe de la réalité est le feu. Dans les témoignages
doxographiques, qui remontent en dernière analyse à Théophraste , est attribuée à
Hippasos une doctrine selon laquelle le tout est un et limité, en mouvement
continu ; le principe serait le feu, à partir duquel les choses se formeraient par
condensation et raréfaction ; on trouve également des allusions (D .L . VIII 84) à
une théorie du changement périodique dans l'univers .
BRUNO CENTRONE.
145 HIPPIAS D 'ÉLIS RE 13 DK 86 va
Sophiste , originaire d'Élis (Ouest du Péloponnèse ). Interlocuteur de Socrate
dans deux dialogues de Platon qui portent son nom , Hippias mineur et Hippias
majeur (l'authenticité de ce dernier dialogue étant parfois contestée) et dans les
Mémorables de Xénophon (IV 4 , 5 -25, cf. DK 86 A 14), il est aussi l'un des per
sonnages du Protagoras, où notamment il fait avec succès office de médiateur
entre Protagoras et Socrate au moment où ce dernier menace de mettre un terme
à la discussion (Prt. 337c - 338 b = DK 86 C 1). Au témoignage de Platon (Hp.
Ma. 281 a-c, cf. DK 86 A 6 ), il conjuguait, comme Gorgias de Léontini ( G 28 )
et Prodicos de Céos (ibid ., 282b ), le rôle public d'ambassadeur de sa cité ,
notamment auprès de Sparte , et l'activité privée d 'un sophiste donnant des
leçons payantes.
Datation. Présenté par Platon comme« beaucoup plus jeune » que Protagoras
(Hp. Ma. 282e = DK 86 A 7), on déduit en général de sa mention dans l’Apolo
gie de Socrate du même auteur (19 e = DK 86 A 4 ) qu 'il était actif en 399a et
qu'il survécut à Socrate ; Philostrate (V. Soph. I 11, 1, cf. DK A 2) parle de son
âge avancé, ce qui fait penser qu 'il fut actif jusque dans les premières décennies
du IVe siècle . Du Pseudo-Plutarque (Vitae decem oratorum , V . Isocr. 838a,
839 b ) et de Zosime ( V . Isocr. 253, 4 ), on peut conclure qu 'Isocrate (» I 38 ), lui
même âgé, épousa la fille d'Hippias, Plathané, déjà mère de trois fils dont il
adopta le plus jeune, Apharée ; si, comme le dit Harpocration, cet Apharée était
en réalité le fils d 'Hippias, c 'est la veuve de ce dernier, non sa fille , qu 'épousa
Isocrate , ce qui réduit l'écart entre eux (cf. DK 86 A 3 ). (Voir cependant la
notice « Isocrate » .]
Euvres.Lamaigreur de notre documentation contraste avec la réputation qui
est la sienne d'avoir beaucoup écrit (DK 86 A 1), et dans les domaines les plus
divers. Sous l'apparence des railleries dont il fait à ce propos l'objet de la part de
Socrate , Platon atteste la diversité de ses compétences. Critiqué par Protagoras
pour enseigner ce que ce dernier appelle des téXVal (calcul, astronomie, géomé
trie , musique : cf. Prt. 318e), Hippias allait jusqu'à pratiquer lui-même les
métiersmanuels, s' il est vrai, comme le rapporte également Platon , qu 'il vint une
fois à Olympie n 'ayant rien sur sa personne (anneau , chaussures, tunique...) qui
ne fût son æuvre (Hp. Mi. 368 b ). Platon le fait se déclarer excellent à la fois
dans l'éloquence épidictique et dans l'art de l'improvisation en réponse à une
question quelconque (Hp. Mi. 363d); au début de l'Hippias Mineur, Hippias
756 HIPPIAS D ' ÉLIS H 145
vient ainsi de disserter sur Homère , et se déclare prêt à répondre aux questions
de Socrate. Dans l'Hippias Majeur, Hippias fait état de son savoir en matière
d '« archéologie » , c'est-à-dire de généalogie des héros et des dieux et de fonda
tion des cités, qui ont fait son succès à Sparte (Hp. Ma. 285d), ainsi que d'un
discours sur l'éducation , également destiné au public lacédémonien , composé
sous la forme d'un dialogue entre Néoptolème et Nestor; Philostrate (V . Soph. I
11, 4) mentionne ce discours sous le nom de Dialogue troyen, sans qu 'il soit
possible évidemment de savoir s'il s'agit du titre original; même chose pour les
diarétenç mentionnées par le même auteur (V . Soph. I 11, 1), où Hippias aurait
traité de géométrie , d'astronomie et de musique. Des témoins plus tardifs confir
ment le témoignage de Platon sur les recherches historiques d'Hippias : on lui
attribue des Nomsdes peuples (DK 86 B 2 ),une liste des vainqueurs olympiques
(DK 86 B 3), des considérations d 'ordre philologique (DK 86 B 9) et un Recueil
(Euvaywyn ) qui, d'après la citation qui en est faite par Athénée (Deipnosoph .
XIII, 608 f = DK 86 B 4 ), rassemblait probablement des informations diverses
d 'ordre historique. Enfin , Aristote mentionne Hippias pour la résolution de
questions de prosodie dans Homère (Polit. 25 , 1461a 21 ; cf. S. E. 4 , 166b 1 sqq.
= DK 86 B 20) et, d'après Pausanias (V 25, 4 = DK 86 B 1), il aurait lui-même
composé des vers. A tout cela Platon ajoute , dans l'Hippias Mineur (368 d), la
mnémotechnie où , dit-il, Hippias pensait être le plus brillant.
Proclus (in Euclid ., p. 272 , 3 Friedlein = DK 86 B 21) donne le nom d'Hip
pias comme celui de l'un des inventeurs de lignes qu 'il appelle « quadratrices» ;
ce nom implique que les lignes ou courbes en question étaient utilisées dans les
tentatives de quadrature du cercle, mais Proclus en parle seulement comme d'un
procédé permettant de diviser un angle droit en trois parties égales. Contestée par
un certain nombre d'historiens de la pensée antique, l'identification de cet Hip
piasmathématicien avec le sophiste Hippias d'Élis est majoritairement acceptée
depuis 1 A . A . Björnbo, art. « Hippias» 13, RE VIII 2 , 1913, col. 1707 -1711.
Selon 2 W . Schmid , Geschichte der griechischen Literatur, 1. Teil, Bd. 3,
München 1940 , p. 50, nous n 'avons pas de preuve que Hippias se soit appliqué
comme les Ioniens à la philosophie naturelle . Diogène Laërce (I 24 = DK 86 B
7) cite pourtant Hippias en même temps qu 'Aristote pour avoir rapporté que
Thalès attribuait une âme aux objets inanimés. Rapprochant ce témoignage de
l'unique citation textuelle d'Hippias qui nous ait été transmise (Clément
d 'Alexandrie , Strom . VI 15 = DK 86 B 6 ), où celui-ci semble invoquer comme
autorités Orphée,Musée, Hesiode et Homère , 3 B . Snell, « Die Nachrichten über
die Lehren des Thales und die Anfänge der griechischen Philosophie - und Litera
turgeschichte » , Philologus 96 , 1944 , p. 170 -182 (= Id ., Gesammelte Schriften ,
Göttingen 1966 , p. 119- 128 = Sophistik, hrsg. von C .J. Classen, coll. « Wege der
Forschung » 187, Darmstadt 1976 , p. 478-490 ) a fait l'hypothèse que l'informa
tion transmise par Diogène Laërce provenait d'un ouvrage où Hippias, avant
Platon (Cra . 402 b , Tht. 175e, 180c-d), aurait fait remonter à Homère faisant
naître toutes choses d'Océan et Téthys la généalogie de la physique de Thalès
faisant de l'eau le principe universel. Source commune de Platon et d 'Aristote
H 145 HIPPIAS D ' ÉLIS 757
(Metaph . A 3, 983b21 sqq.), Hippias, s'il ne fut pas physicien , aurait donc en
tout cas été le premier historien de la philosophie et l'inventeur de la doxogra
phie . (Pour des prolongements de l'étude de Snell 3 , voir 4 C .J. Classen ,
« Bemerkungen zu zwei griechischen “ Philosophiehistorikern” » , Philologus 109,
1965, p. 175- 178 ; 5 J.Mansfeld , « Cratylus 402 a-c : Plato or Hippias ?» , dans L .
Rossetti (édit.), Atti del Symposium Heracliteum 1981, t. I, Roma 1983, p. 43
55.)
Doctrine. En se fondant surtout sur le passage du Protagoras de Platon où
Hippias déclare que « par nature le semblable est apparenté au semblable » et que
« la loi est le tyran des hommes » (Prt. 337c-d), et sur sa discussion avec Socrate
dans les Mémorables de Xénophon (IV 4 ), où il conteste l'autorité du droit
positif au profit des lois non écrites, dont le critère est qu 'elles sont universelle
ment respectées, on a vu en Hippias le premier théoricien du droit naturel et du
cosmopolitisme. C 'est ainsi que 6 H . Diels, « Ein antikes System des Natur
rechts » , Internationale Monatsschrift für Wissenschaft, Kunst und Technik 11,
1917, col. 81- 102 (trad. fr.: « Une doctrine du droit naturel dans l’Antiquité » ,
Revue française d 'histoire des idées politiques 3, 1996 , p . 161- 173), n 'a voulu
voir dans la théorie du droit naturel qu 'il attribuait à « Antiphon le sophiste »
qu ’un emprunt à Hippias. Hippias s'est vu sous cet aspect conférer une impor
tance primordiale dans l'histoire de la pensée grecque et de la pensée politique
en général, importance qui contraste avec le traitement que lui réserve celui qui
en est pour nous le principal témoin , Platon . Hippias a donc fait l'objet de plu
sieurs « réhabilitations» , dontles plus notoires furent celles de 7 E . Dupréel, Les
Sophistes, Neuchâtel 1948, p. 185 -393, qui, non content de retrouver dans les
témoignages relatifs à Hippias « les traces d'une philosophie » , prétendit déchif
frer dans le texte platonicien lui-même les traces d 'emprunts multiples au
sophiste d'Élis ; de 8 M . Untersteiner, I Sofisti, Torino 1949 ' (trad. angl. par K .
Freeman , The Sophists, Oxford 1954), Milano 19672 (réimpr.Milano 1996 ; trad .
franç. par A . Tordesillas, Les Sophistes, coll. « Bibliothèque d 'Histoire de la
Philosophie » , Paris 1993), ch . XV, qui en fait le théoricien de « la 'physis' abso
lue» , c'est-à -dire d'un naturalisme non seulement politique ou juridique,mais
éthique et gnoséologique. L 'interprétation de M . Untersteiner se signale en outre
par l'attribution à Hippias, via son identification avec l'Anonyme de Jamblique
( * I 4), du chapitre III 84 de Thucydide, ainsi que du prologue des Caractères
de Théophraste. Selon Untersteiner 8, les Dissoi Logoi (2 + D 214 ) trahissent éga
lement l'influence d ’Hippias, et la « digression philosophique» de la Lettre VII
de Platon est une polémique contre lui, ce qui permet de reconstituer a contrario
les traits de sa doctrine.
Sila prédominance a souvent été donnée aux aspects éthiques et politiques de
la pensée d'Hippias, quelques auteurs ont cherché à ordonner la diversité de ses
activités et des domaines auxquels il a touché autour d'un principe qui en assu
rerait la cohérence. Parmiles « profils » ainsi esquissés, citons 9 A . Momigliano ,
« Ideali di vita nella sofistica : Ippia e Crizia » , La Cultura, n.s. 9, 1930, p. 321
330 = Quarto Contributo alla Storia degli Studi Classici e del Mondo Antico,
758 HIPPIAS D 'ÉLIS H 145
Roma 1969,p . 145- 154 (trad.allem .dans Sophistik, hrsg. von C .J. Classen, coll.
« Wege der Forschung» 187, Darmstadt 1976 , p . 465 -477), pour qui l'ampleur
même des activités d 'Hippias et les positions théoriques qui sont les siennes
s'expliquent par la volonté d 'autarcie ; 10 J. Brunschwig, « Hippias d' Élis, philo
sophe-ambassadeur» , dans K . Boudouris (édit.), The Sophistic Movement,
Athènes 1984, p. 269-276 , pour qui, selon une démarche analogue, il est possible
de donner une cohérence à la figure d'Hippias à partir de son métier d'ambassa
deur, c 'est-à -dire de médiateur, de pacificateur, attaché dans tous les domaines à
« rapprocher les parties en conflit et là ) rétablir des continuités là où il y a des
coupures » .
Éditions. Témoignages et fragments : 11 DK II, p . 326 -334 (n° 86) ;
12 Sofisti. Testimonianze e frammenti, fascicolo terzo . Introduzione, traduzione e
commento a cura di M . Untersteiner, Firenze 1954, p . 38 -109 (aux fragments B
de Diels, M . Untersteiner ajoute le prologue des Caractères de Théophraste ;
dans la rubrique C (Imitation ), où Diels ne fait figurer que Platon, Protagoras
337c - 338 b , il ajoute Hippias majeur 301b et une scholie au Gorgias 497c
[ p . 160 Greene )).
Traductions seules. Traduction anglaise par 13 D . Gallop, The Older
Sophists edited by R .K . Sprague, University of South Carolina Press, Columbia
(South Carolina) 1972, p . 94-105. Traduction française par 14 J.- P . Dumont, Les
Sophistes. Fragments et témoignages, Paris 1969, p . 141-156 ; 15 Id ., Présocra
tiques, p. 1078- 1090.
Bibliographie. 16 C . J. Classen, « Bibliographie zur Sophistik » , Elenchos 6 ,
1985 (Hippias, p . 120-122) = mise à jour de la bibliographie parue dans
Sophistik, hrsg . von C . J. Classen , coll. « Wege der Forschung » 187, Darmstadt
1976 (Hippias, p . 689-691).
Études d 'orientation . 17 H . Gomperz , Sophistik und Rhetorik , Leipzig
Berlin 1912 (réimpr. Darmstadt 1965), p .68-79 ; 18 W . Schmid ,Geschichte der
griechischen Literatur, 1. Teil, Bd. 3,München 1940 , p . 49-57 ; 19 W . Nestle ,
Vom Mythos zum Logos. Die Selbstentfaltung des griechischen Denkens von
Homer bis auf die Sophistik und Sokrates, 2e éd ., Stuttgart 1942, réimpr. 1975,
p . 360-371 ; 20 W . K . C . Guthrie , HGP I 3 = The Sophists, Cambridge 1971,
p . 280 -285.
Sur la mnémotechnie : 21 H . Blum , Die antike Mnemotechnik , coll. « Spu
dasmata » 15 , Hildesheim New York 1969, p .48-55.
Sur la quadratrice : Björnbo 1 ; 22 Th . Heath , A History of Greek Mathema
tics, Oxford 1921, t. I, p . 182, 226 -230 ; 23 K . Freeman, The Pre-Socratic Philo
sophers. A Companion to Diels' " Fragmente der Vorsokratiker", Oxford ,
« Second Edition » , 1966 , p . 385-388.
MICHEL NARCY.
H 148 HIPPOBOTOS 759
146 HIPPIAS DE PTOLÉMAÏS IV ?
Ce platonicien a laissé sa signature dans les Tombeaux des Rois à Thèbes (J.
Baillet, Inscriptions grecques et latines des tombeaux des rois ou Syringes, Le
Caire 1923, n° 1984). Une datation précise est impossible,mais c'est surtout au
IVe siècle que le pèlerinage de Thèbes semble avoir été de tradition dans les
milieux platoniciens (voir B . Puech , art. « Bèsas de Panopolis » , B 29, DPKA II ,
p . 106 - 107).
BERNADETTE PUECH .

147 HIPPOL
Épicurien (?) dont le nom a été lu par Crönert, Kolotes und Menedemos,
p. 98 , dans un passage des plus incertains d'un ouvrage anonyme contenu en
PHerc . 1040 pz. III 1, 3 : tÕL ' Inno [ et 5 : ‘I]nto -. Cf. M . Capasso , CronErc 12,
1982, p .6 n . 12. Pour le nom , voir l' épicurien Hippocléidès, » H 149.
TIZIANO DORANDI.

148 HIPPOBOTOS RE fl. DM II ou Fra ?


Historien de la philosophie et biographe.
Le nom est rare, mais attesté pour un vainqueur de la course à pied à Olympie en 456 . (cf.
FGrHist 415 F 2 = P. Oxy. 222 (col. II ol. 81 ; 456 )). Voir aussi les noms ' Innoßáraç et
' Ingroßoris dans LGPN , t. II,p. 237 et t. III/A , p. 222.
Fragments et témoignages. 1 M .Gigante , « Frammenti di Ippoboto . Contri
buto alla storia della storiografia filosofica » , dans Omaggio a Piero Treves,
Padova 1983, p. 151-193 (« Hippoboti fragmenta nunc primum collegit Marcel
lus Gigante » , p . 179-193, avec traduction italienne). Hippobote est également
nomméavec Hiéronymos de Rhodes (PH 129] (Év tớ lepi ouvoxñs) et un
certain Aristophane le péripatéticien (mA 404 ) (ÉV to ſlepi árunias) dans un
fragmentbiographique contenu dans POxy. 3656 , publié par P . J. Parsons, dans
2 Helen M . Cockle (édit.), The Oxyrhynchus Papyri, t. 52 , coll. « Greco -Roman
Memoirs » 72,London 1984, p. 47-50. Voir 3 M .Gigante, « Accessione Ippobo
tea » , PP 220, 1985, p . 69 ; 4 Id., « Biografia e dossografia in Diogene Laerzio » ,
Elenchos 7, 1987, p. 59-62.
Euvres. Diogène cite deux titres apparemment distincts d 'Hippobote :
(1) Tepi aipédeWV, Sur les écoles de pensée (I 19 et II 88).
(2 ) ’Avaypad tõv olhoooowv, Répertoire desphilosophes (I 42).
« Il concetto di aipeous privilegia un sistema, il concetto di åvaypaoń privilegia l'indivi
duo,il Dióoopoç» (Gigante 1, p . 154).
Cf. 5 H . von Arnim , art. « Hippobotos» , RE VIII 2 , 1913, col. 1722- 1723 ;
6 U . von Wilamowitz -Mællendorff, Antigonos von Karystos, coll. « Philolo
gische Untersuchungen >> 4, Berlin 1881 ; réimpr. Berlin 1965 ; 7 J . Bidez, La
biographie d 'Empédocle, Gand 1894, p . 6 -10, considérait que la Vie d'Empé
docle (VIII 51-77) chez Diogène Laërce dépendait d'Hippobote ; 8 A . Gercke,
De quibusdam Laertii Diogenis auctoribus, Greiswald 1899, voyait en Hippo
bote la source unique de Diogène... ; 9 Giuseppina Donzelli, « Il NEPI AIPEEESN
760 HIPPOBOTOS H 148
di Ippoboto e il KYNIEMOE » ,RFIC 37, 1959, p. 24-39; 10 W . von Kienle , Die
Berichte über die Sukzessionen der Philosophen in der hellenistischen und spät
antiken Literatur, Berlin 1961, p . 77 sqq.; 11 J. Mejer, Diogenes Laertius and
his Hellenistic Background, coll. « Hermes - Einzelschriften » 40 , Wiesbaden
1978, p. 45, 69 -72 et 77 sq.; 12 J. Glucker, Antiochus and the Late Academy,
coll. « Hypomnemata » 56 ,Göttingen 1978, p. 176 - 180 ; 13 M .- O .Goulet-Cazé,
« Le livre VI de Diogène Laërce : Analyse de sa structure et réflexions méthodo
logiques» , ANRW II 36 , 6 , 1992, p. 3880 -4048, notamment p . 3923- 3927.
Datation . La citation la plus ancienne a été retrouvée chez Philodème(milieu
du jer siècle av. J.-C .), De Stoicis = PHerc 339/155, col. XII 20 - XIII 12 Dorandi
(vai Letà I TOÚtwv ó 'Ilinoporos, à la suite d'une suggestion de A . Koerte ).
Hippobote y est associé à Apollodore d 'Athènes, dontla Chronique date de 144a.
Dans les témoignages antiques (Philodème, Diogène Laërce, Clément, Anato
lius, Porphyre et Jamblique), Hippobote est souvent associé à d'autres sources
d ' époque hellénistique: Hermippe (fr. 6 : simple succession de deux listes de
sages en fait : fr : 16 : succession de deux anecdotes), Démétrius de Magnésie (fr.
7 : après avoir cité son témoignage sur Héraclide le Pontique et avoir reproduit
l'épigramme qu'il en avait tirée , D . L . ajoute qu 'Hippobote dit la même chose ;
même utilisation des sources dans le fr. 21 à propos de Démocrite ), Androcyde
(fr. 13), Euboulidès le Pythagoricien (fr. 13), Aristoxène (fr. 13) et Néanthe de
Cyzique (fr. 13, 17, 18, 19 ), Apollodore d' Athènes (fr. 5 ), Ariston de Chios (fr.
20) et Sotion (fr. 20 ). Il faut maintenant ajouter Hiéronymos de Rhodes et
Aristophane le Péripatéticien (Aristoxène ?] dans le fragment biographique de
POxy. En aucun de ces passages n 'est précisé le rapport d 'une source à l'autre.
Que la plus ancienne ait été connue à travers la plus récente est dans chaque cas
une simple possibilité, généralement invérifiable , qu 'il est téméraire de transfor
mer en preuve d'une hypothèse chronologique. Qu'Apollodore d'Athènes ait
suivi Hippobote et que ce dernier doive en conséquence être daté de la première
moitié du lle siècle est une déduction fondée sur ce type d 'argumentation . De
façon certaine on peut donc le situer entre les successeurs de Timon de Phlionte
(fr. 22) et Philodème ( fr. 5 ), à supposer que la reconstitution de Koerte et
Dorandi soit la bonne.
L 'utilisation de la liste des neuf « écoles de pensée et de vie » (aipłoelç xai
àywyás) du fr. 1 est délicate.
« Hippobote ,dans son traité Sur les écolesdepensée, dit qu 'il y a neuf écoles de pensée ou
mouvements : 1° l' école mégarique, 2° l'érétri(a )que, 3° la cyrénaïque, 4° l'épicurienne,
5° l'annicérienne, 6° la théodoréenne, 7° la zénonienne, également (appelée) stoïcienne,
8° l'académicienne antique, 9° la péripatéticienne ; mais ni la cynique, ni l'éliaque, ni la dia
lectique. »
Von Arnim considérait que la désignation de l'école stoïcienne comme
« zénonienne » et le fait que seule « l' Ancienne Académie » soit mentionnée prou
vaient que la liste ne reconnaissait pas encore le rôle fondamental de Chrysippe
(mort à la fin du IIIe siècle av. J.-C .) dans l'école et ignorait la nouveauté doctri
nale introduite par la Nouvelle Académie de Carnéade. Mais on ignore dans
quelle perspective a été dressée cette liste et à quelles fins elle devait servir. Hip
H 150 HIPPOCRATE 761
pobote n 'incluait pas dans cette liste les écoles cynique, éliaque et dialectique,
mais , puisqu 'il connaissait une Ancienne Académie, que faisait-il de la ou des
Académies plus récentes ? Selon Glucker 12, p. 178, au contraire , si Hippobote
ne mentionne que l'Ancienne Académie, c 'est parce qu 'il se situe lui-même
après la fin de l'Académie sceptique et après Antiochus d 'Ascalon au jer siècle
av. J.- C .
La Souda (1 554), qui désigne Hippobote comme " philosophe",ne semble le connaître que
par ce passage de Diogène Laërce cité sous aipeous ( A 286 ).
La liste des (douze) Sages retenue par Hippobote est conservée par Diogène
Laërce I 42, dans son Introduction générale sur les Sept Sages qui suit la Vie de
Thalès :
« Hippobote dans son Registre des philosophes (donne les noms suivants) : Orphée, Linos,
Solon , Périandre , Anacharsis, Cléobule , Myson , Thalès, Bias, Pittacos, Épicharme, Pytha
gore. »
RICHARD GOULET.
149 HIPPOCLÉIDÈS RE 2 D III
Épicurien , contemporain et amide Polystrate (RE 7 : troisième scholarque du
Jardin et successeur d'Hermarque (2H 75 ), D . L . X 25), il serait né et mort le
même jour que lui selon Valère Maxime, I 8, ext. 17 : « A ce point de notre
exposé trouvent place naturellement les philosophes Polystrate et Hippocléidès,
nés le même jour, formés ensemble à la doctrine de leur maître Épicure , associés
également dans la possession desmêmes biens et dans le développement de leur
école, morts au mêmemoment dans une vieillesse avancée . Le partage si total et
si constant d 'un même sort comme d 'une amitié , qui refuserait de la considérer
comme l'æuvre de la divine Concorde elle -même, qui en a assumé la naissance ,
l'extension et la fin ? » (trad. R . Combès , Valère Maxime. Faits et dits mémo
rables, t. I, CUF, Paris 1995 , p. 153).
Un Hippocléidès apparaît dans PHerc 1418, col. XVIII (cf. W . Liebich ,
Aufbau, Absicht und Form der Pragmateiai Philodems, Berlin 1960 , 11- 125 p .,
notamment p . 19 -25 ; Cesira Militello , Filodemo,Memorie Epicuree (PHerc .
1418 e 310 ). Edizione, traduzione e commento a cura di C .M ., coll. « La Scuola
di Epicuro » 16 ,Napoli 1997, p . 128) et peut-être dans d'autres passages encore.
Voir aussi l'épicurien Hippo [-, » H 147.
RICHARD GOULET.
150 HIPPOCRATE RE 13 MIII
Quatrième des neuf exécuteurs testamentaires (épimélètes) du testament de
Straton de Lampsaque, mort vers 268a (Diogène Laërce V 62-63). Il n 'est pas dit
expressément qu'il s'agit de disciples au sein de l'école péripatéticienne,mais la
phrase qui suit stipule que la diatribè est léguée à Lycon (huitième nom dans la
liste ) parce que les autres sont trop âgés ou trop occupés (őoxonol).
RICHARD GOULET.
762 HIPPOCRATE DE CHIOS H 151

151 HIPPOCRATE DE CHIOS RE 14 fl. M va


Mathématicien (géomètre ) et astronome « para -pythagoricien », dont l'œuvre
ne nous est pas parvenue .
On ne peut pas parler de fragments proprement dits. Les témoignages ont été
rassemblés dans 1 DK 42 ( 30 ), t. I, 42 (3), p. 395-397 (très incomplet), et
2 M . Timpanaro Cardini, Pitagorici. Testimonianze e frammenti, fasc . II : Ippo
crate di Chio , Filolao, Archita e pitagorici minori, coll. « Biblioteca di studi
superiori» 41, Firenze 1962 (19692), 16 (42), p. 28-73 (introduction : p . 28 -37 ;
traduction italienne et commentaire : p. 38-73).
Cf. 3 P. Tannery , « Hippocrate de Chios » , La géométrie grecque, comment
son histoire nous est parvenue et ce que nous en savons. Essai critique, Paris
1887, réimpr. 1988 , coll. « Les grands classiques Gauthier- Villars » , p . 108 -120
(publié d 'abord dans BullScMath , 2e sér. 10 , 1886 , p. 213-226 ); 4 G . J. Allman,
«Greek geometry from Thales to Euclid III» , Hermathena 4 , 1883, p. 180 -228 ,
notamment p. 185 -206 (repris dans Greek geometry from Thales to Euclid , coll.
« Dublin University Press series» , Dublin /London 1889, p. 52- 101, chap. III:
« The geometers of the fifth century B .C . : Hippocrates of Chios, Democritus » ,
notamment p . 57-79) ; 5 E . Hoppe, Mathematik und Astronomie im klassichen
Altertum , coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaft » 1, Heidel
berg 1911, p . 105- 116 ; 6 A . A . Björnbo , art. « Hippokrates » 14 , RE VIII 2 , 1913,
col. 1780 -1801 ; 7 Th . Heath , A history ofGreek mathematics, t. I : From Thales
to Euclid , Oxford 1921, p. 182-202 (cf. 8 Id ., A Manual of Greek mathematics,
New York 1963); 9 O . Becker et J.E . Hofmann , Geschichte der Mathematik,
Bonn 1951, p . 53 sq. (cf. 10 O . Becker, Grundlagen der Mathematik in
geschichtlicher Entwicklung, coll. « Orbis Academicus. Problemgeschichten der
Wissenschaft in Dokumenten und Darstellungen » II 6 , Zweite erweiterte
Auflage, Freiburg im Breisgau /München 1964, p . 29-33, 79, 87, 91 ; 11 Id ., Das
mathematische Denken der Antike, coll. « Studienhefte zur Altertumswissen
schaft » 3, Göttingen 1957, 19662 (mit einem Nachtrag von G . Patzig ), p . 58-60) ;
12 B . L . van der Waerden , Erwachende Wissenschaft. Ägyptische, babylonische
und griechischeMathematik , aus dem Holländischen übersetzt von H . Habicht
mit Zusätzen des Verfassers, Zweite, ergänzte Auflage, coll. « Wissenschaft und
Kultur » 8 , Basel/Stuttgart 1966 , p . 216 -224 ; 13 F . Lasserre , La naissance des
mathématiques à l'époque de Platon, coll. « Vestigia » 7, Fribourg Suisse/Paris
1990, p. 166 - 177 (paru d 'abord en version anglaise : The birth ofmathematics in
the age of Plato , London 1964) ; 14 Á . Szabó , Les débuts des mathématiques
grecques, traduit de l' allemand [ = Anfänge der griechischen Mathematik,
Budapest 1969) par M . Federspiel, coll. « L 'histoire des sciences. Textes et
études » , Paris 1977, p . 22 sqq., 46 sqq., 93 sq., 106 - 108, 190 sqq., 269 sqq., 362
s99.; 15 J.Mau , art. « Hippokrates » 7, KP II, 1967, col. 1165- 1168 ;
16 I. Blumer-Thomas, « Hippocrates of Chios », DSB VI, 1972, p. 410-418 ;
17 M .Conche, art. « Hippocrate de Chios» , dans Les Euvres philosophiques.
Dictionnaire, volume dirigé par J.- F. Mattéi, t. I: Philosophie occidentale : ure
millénaire av. J.- C . - 1889, Paris 1992, p . 175- 176 .
H 151 HIPPOCRATE DE CHIOS 763
Biographie et chronologie. Lorsqu'il parle des doctrines mathématiques des
pythagoriciens, Jamblique, De communimathematica scientia 25, p. 77, 24 - 78, 1
Festa (= test. 2 , li. 15- 19 Timpanaro ), mentionne Hippocrate de Chios et Théo
dore de Cyrène comme les mathématiciens les plus importants de leur temps et
comme les diffuseurs et les continuateurs de ces doctrines, après leur publica
tion. Ce témoignage est complété par celui de Proclus, In primum Euclidis
elementorum librum comm ., Prol. II, p . 66 , 4 -7 Friedlein (= test. 1 Timpanaro ),
dans son résumé de l'histoire de la géométrie , tiré d'Eudème de Rhodes ( E 93]
(= fr. 140 Wehrli2) selon la plupart des critiques (cf. en revanche Lasserre 13 ,
p . 7 sq., pour qui ce résumé a été tiré en réalité de Philippe d'Oponte, disciple de
Platon ). En effet, Proclus affirme qu 'après Anaxagore de Clazomènes ( + A 158 )
et Enopide de Chios (qui était un peu plus jeune qu ' Anaxagore), c'est Hippo
crate de Chios (« le découvreur de la quadrature de la lunule » ) et Théodore de
Cyrène qui brillèrent en géométrie . Proclus cite ensuite Platon comme venant
après eux (p. 66 , 8 sqq. Friedlein ). Étant donné qu 'Anaxagore estné vers 500a et
que Platon est allé à Cyrène entendre Théodore après la mort de Socrate en 399a
(cf. D . L . III 6 ), on peut situer le floruit d'Hippocrate vers la moitié du ve siècle
av. J.- C . Simplicius, in Phys. I 2, p .69, 22 Diels, présente bien Hippocrate
commeayant vécu avant Aristote .
Björnbo 6 , col. 1871, place la vie d 'Hippocrate ca 470 -400”, de sorte que celui-ci serait
contemporain de Socrate et de Démocrite . Il le situe au plus tôt en 450 -4004. D 'après lui,
Hippocrate aurait pu ainsi trouver la première solution de la duplication du cube, problème qui
fut traité aussi par Platon (cf. infra, B ).
Cette imprécision chronologique se rattache à la pauvreté des renseignements
biographiques qui nous sont parvenus. L 'indication de la patrie d 'Hippocrate ,
l'île de Chios, dans la plupart de nos sources, répond peut-être à l'homonymie de
notre auteur avec le célèbre médecin Hippocrate de Cos (PH 152 ] (cf. Olym
piodore, in Meteor. I 5, 342 a 34, p. 45 , 24 sq. Stüve = test. 5, li. 254 sq. Timpa
naro). Par ailleurs , en dehors du fait qu 'il estné à Chios (y fut-il l'élève d' Eno
pide ?), on ne connaît qu ’un détail de sa biographie, selon lequel il aurait prati
qué le commerce maritime (cf. Plutarque, Vie de Solon II 8 = test. 2, li. 12 sq.
Timpanaro ; Olympiodore, loc. cit.). Jean Philopon , in Phys. I 2, p. 31, 3-7 Vitelli
(= test. 2, li. 20 -25 Timpanaro ), rattache à cette première profession une anecdote
qui a pour nous surtout l'intérêt de mettre en contact Hippocrate avec la philo
sophie athénienne. En effet, il raconte qu 'Hippocrate, ayant été attaqué par un
navire pirate et ayant perdu tous ses biens, est allé à Athènes requérir contre les
« pirates» : comme il a dû attendre longtemps pour son procès, il y a fréquenté
les philosophes et il est devenu tellement fort en géométrie qu 'il a entrepris de
résoudre la quadrature du cercle . Pour sa part, Aristote , Éthique à Nicomaque
VIII 14 , 1247 a 17 (= test. 2, li. 7-11 Timpanaro ), avait déjà rappelé l'anecdote
(d 'une façon quelque peu différente ) pour en tirer une conclusion négative sur la
personnalité d'Hippocrate. D 'après lui, au cours d'une navigation, celui-ci aurait
perdu une grande somme d' argent à cause de l'intervention des « percepteurs du
droit du cinquantième» placés à Byzance, du fait que ceux-ci l'avaient jugéniais
(OL' EÚńDelav). Aristote présente cet exemple pourmontrer que l'on peutman
764 HIPPOCRATE DE CHIOS H 151
quer complètement de sagesse pratique tout en n 'étant pas un ignorant, car
« Hippocrate était un géomètre, mais il semblait un lâche et un insensé » (Bag
xaiäopwv) dans les autres affaires.
En un essai pour harmoniser les récits de Philopon et d 'Aristote , on a supposé que le
navire d 'Hippocrate fut capturé par des pirates athéniens pendant la guerre de Samos en 4404,
à laquelle Byzance avait participé (cf. Björnbo 6 , col. 1781 ; Blumer -Thomas 16 , p. 410 ).Mais
les rapports commerciaux entre Athènes et Chios étaient très fréquents à l' époque, et on peut
comprendre qu'Hippocrate soit allé à Athènes demander justice puisque les Athéniens déte
naient alors l'hégémonie sur la mer (cf. Timpanaro Cardini 2 , p . 40 n .). D 'ailleurs, il est aussi
vraisemblable que les percepteurs dont parle Philopon aient été des Athéniens exerçant le
contrôle sur l'entrée du Pont- Euxin . Enfin , il ne faut peut-être pas négliger les différences
entre les récits d 'Aristote et de Philopon, notamment le fait que les percepteurs dont parle le
premier deviennent des pirates chez Philopon . Si on considère l'incise ws Néyovoiv d 'Aris
tote, on peut penser que l'historiette n 'était déjà pas très sûre à son époque.
Quant à sa filiation philosophique, Tannery 3, p. 109, défend l'hypothèse
qu 'Hippocrate, loin d'avoir appris la géométrie à Athènes, a été l'un des pre
miers à y enseigner cette science, qu 'il aurait apprise dans sa patrie auprès
d'Enopide, car la renommée de celui-ci suggère qu 'il y avait à Chios une école
importante de mathématiques. Tannery remarque aussi qu'on ne possède aucune
preuve du fait qu 'Hippocrate a eu des maîtres pythagoriciens, bien qu 'il connût
la géométrie pythagoricienne qui venait d' être publiée (cf. supra). Timpanaro
Cardini 2, p. 29 sq., s'accorde avec Tannery sur l'idée qu'Hippocrate avait déjà
une formation lorsqu 'il est arrivé à Athènes. Elle reconnaît aussi qu 'on ne peut
pas le considérer comme pythagoricien au sens strict de disciple de l'école ,mais
elle insiste sur l'importance de l'influence pythagoricienne sur le philosophe. En
effet,même siHippocrate n'apparaît pas dans la liste despythagoriciens rappor
tée par Jamblique, De vita Pythagorica 36 , p. 143, 19 - 146 , 16 Deubner , Timpa
naro Cardini 2, p . 28, affirme que lorsque cet auteur l'introduit dans l'ouvrage
cité plus haut à côté de Théodore de Cyrène, qui apparaît bien dans la liste, il
veut le rapprocher de Pythagore . A ce sujet, Timpanaro Cardini 2 remarque la
proximité de Chios par rapport à Samos, la patrie de Pythagore (p. 28 sq.), et le
fait qu 'Hippocrate défend aussi des idées pythagoriciennes en tant qu 'astronome.
Par conséquent, elle propose de le qualifier de « para-pythagoricien » (p . 31).
Tout en reprenant ce qualificatif, Blumer- Thomas 16 , p. 410 , décrit Hippocrate
comme un « compagnon de route » des pythagoriciens.
Le premier à avoir rangé Hippocrate directement parmiles pythagoriciens est 18 J. A .Fa
bricius, Bibliotheca Graeca sive Notitia scriptorum veterum Graecorum , quorumcumque
monumenta integra aut fragmenta edita extant, editio quarta variorum curis emendatior atque
auctior curante Gottlieb Christophoro Harles, accedunt I. A . Fabricii et Christoph . Augusti
Heumanni supplementa inedita, Hamburgi 1790, t. I, p. 848 .Mais Fabricius se fondait sur une
conjecture erronée (cf. Björnbo 6 , col. 1783), car il lisait Hippocrate au lieu d 'Hippasos dans
Jamblique, De communimathematica scientia 25, p. 77, 18 Festa.
Allman 4, p. 188 = p .60, analyse le passage de Jamblique qui suit la mention d 'Hippocrate
et Théodore (p . 78, 1 sqq. Festa), où l'auteur raconte comment les mathématiques se sont pro
pagées par l'æuvre des pythagoriciens, lorsqu 'un de leurs membres, ayant perdu sa fortune et
vivant dans la nécessité, a obtenu l' autorisation de gagner sa vie en enseignant la géométrie
Sur la base de l'anecdote maritime racontée plus haut, Allmann suggère que ce pythagoricien
anonyme a pu être Hippocrate. Blumer-Thomas 16 , ibid., se montre favorable à cette sugges
H 151 HIPPOCRATE DE CHIOS 765
tion , tandis que Björnbo 6, col. 1782, s'était déjà opposé à elle sur la base d'un autre passage
de Jamblique, De vita Pythagorica 31, p. 109, 10 sqq. Deubner, selon lequel le pythagoricien
en question fut Philolaos (cf. 19 L . Brisson et A . Segonds, Jamblique, Vie de Pythagore, Intro
duction , traduction etnotes, coll. «La roue à livres» , Paris 1996 , p . 108 ).
On connaît le nom d 'un des disciples d 'Hippocrate grâce à Aristote,Météoro
logiques I 6 , 342 b 29 - 343 a 1 (= test. 5, li. 225 -252 Timpanaro ) : il s'agit d 'un
certain Eschyle (Aischylos, * A 74 ] (autrement inconnu ) qui aurait collaboré
avec luidans ses recherches astronomiques.
Blumer- Thomas 16 , p. 417 n . 40 , considère que l'expression oi tepi 'Intoxpárnu em
ployée par Aristote, loc. cit., implique qu 'Hippocrate tenait école. En réalité cette formule peut
faire référence à Hippocrate seulement (cf. la traduction de Timpanaro Cardini 2, p. 67).
(Euvre. On ne connaît qu 'un titre de l’æuvre d 'Hippocrate , celui de Erol
xeta . En effet, Proclus, loc. cit., p. 66 , 7 sq. Friedlein , affirme qu'Hippocrate a
été le premier à composer des Éléments . D 'après Timpanaro Cardini 2, p. 35, il
n 'y a pas de raison de douter de l'authenticité de ce titre en supposant que Pro
clus l'a tiré d’Euclide ( E 80 ) pour l'appliquer au recueil d'Hippocrate. Timpa
naro Cardini 2 , ibid ., allègue que le terme otoixetov désigne de longue date les
particules élémentaires de l'univers, unies par un lien d 'interdépendance:
« Niente di strano quindi, se s' intendono questi primiElementi come serie ordi
nata di conoscenzematematiche per via logico -deduttiva ; esigenza naturalissima
in un geometra, che sapeva applicare ilmetodo analitico e fare uso di tanti teo
remi e problemi come appare dal frammento delle lunole ». Pour le contenu du
recueil, voir infra, C .
Nous offrons ici un sommaire des contributions d'Hippocrate dans le domai
ne des mathématiques, théoriques ou appliquées, selon ce que l'on peut reconsti
tuer à travers nos sources.
A. LA MÉTHODE D 'ANALYSE
D 'après Proclus, op. cit., Prop. I, probl. I, p. 213, 7-11 Friedlein (= test. 4 a
Timpanaro), Hippocrate a été le premier à appliquer la réduction de problèmes
difficiles de la géométrie. Par réduction (ånaywyń ) Proclus entend « le passage
(metáßaois ) d'un problème ou théorème à un autre qui, tout en étant déjà connu
ou déjà résolu , rend évident aussi celui qui a été proposé » . Blumer- Thomas 16 ,
p. 411, rappelle qu 'on a supposé parfois, sur la base de Platon, République VI,
5106 -511c, ainsi que de D . L . III 24 et de Proclus lui-même, ibid., p . 211, 18 -20
Friedlein, que c 'est Platon qui a été l'inventeur de cette méthode. Or, comme le
remarque Blumer- Thomas 16 , ibid ., d'un côté , Platon fait référence à l'analyse
philosophique ; de l'autre, Diogène Laërce et Proclus affirment seulement que
Platon a communiqué ou expliqué à Léodamas de Thasos la méthode de recher
che par analyse (åvávols) - ici géométrique -. On n'en déduit donc pas que
Platon a inventé la méthode de « réduction » ou « analyse » (le sens de ces mots
semble ici le même). Cela dit, il est difficile d 'accepter que la méthode en elle
même n 'ait pas été utilisée avant Hippocrate par les pythagoriciens : cf. 20 G .
Loria, Le scienze essatte nell'antica Grecia ,Milano 19142, p. 75, 77 sq.; Timpa
naro Cardini 2, p. 62 sq.; Blumer- Thomas 16 , p. 411; Conche 17 , p. 176 (cf.
infra, B ).
766 HIPPOCRATE DE CHIOS H 151
B . LE PROBLÈME DE LA DUPLICATION DU CUBE
Cf. 21 A . Sturm , « Das Delische Problem I: Behandlung des Problems in der
platonischen Zeit» , dans XXIX. Programm des K . K . Ober-Gymnasiums der
Benedictiner zu Seitenstetten. Veröffentlicht am Schlusse des Schuljahres 1895 ,
Linz 1895 , p. 3-56 , notamment p. 17-22 ; 22 P. Tannery, « Sur les solutions du
Problème de Délos par Archytas et par Eudoxe. Divination d'une solution per
due » ,MemSocScBord, 2° sér., 2, 1878 , p. 277 -283 (repris dans Mémoires scien
tifiques, t. I: Sciences exactes dans l'Antiquité 1876 - 1883, 1, Toulouse/Paris
1912, réimpr. 1995, coll. « Les grands classiques Gauthier-Villars » , p. 53-61) ;
Björnbo 6 , col. 1785 sq.; Heath 7, t. I, p. 200 -201; Becker 11, p. 75, 82, 86 , 89 ;
Blumer- Thomas 16 , p. 411; 23 P. Cosenza, « Una tecnica di trasformazione nella
sillogistica di Aristote », AAN 85, 1974, p. 60-91; 24 S. Maracchia, « La ridu
zione di Ippocrate di Chio » , C & S 1975 n° 56 , p. 174 - 182 ; 25 H . J. Krämer,
GGP, Antike 3, p . 77 sq., 132.
Hippocrate s'est occupé d 'un des problèmes classiques des mathématiques
anciennes, le problème dit “ de Délos ” ou de la duplication du cube. Comme le
remarque 26 L . Brisson , Platon . Timée, Critias, coll.GF 618, Paris 1992, p. 46 ,
232 n. 136 , le fait qu'on ne savait pas extraire la racine cubique à l'époque de
Platon rendait toute solution à ce problème impossible. Proclus, op. cit., Prop. I,
probl. I, p. 213, 2 -7 Friedlein , présente comme un exemple de la méthode de
réduction la réduction du problème de la duplication du cube à celui de trouver
deux moyennes proportionnelles entre deux segments de droite donnés a et b
(dans le cas particulier, le côté du cube donné et son double ). Il n 'attribue pas
cette réduction à Hippocrate ,mais d 'après la lettre (inauthentique) d 'Ératosthène
de Cyrène (PE 52 ) à Ptolémée Évergète conservée par Eutocios, Comm . in
libros de sphaera et cylindro II, p . 104, 12 Heiberg (= test. 4, li. 207 -213 Timpa
naro ), c'est Hippocrate qui aurait contribué à la solution du problème grâce à
cette réduction , qui impliquait toutefois – comme remarque le Pseudo -Erato
sthène – un problème non moins difficile (cf. Timpanaro Cardini 2, p.63 n . ad
loc.). En effet,même si on connaissait déjà dans le milieu pythagoricien la façon
de trouver une moyenne proportionnelle entre deux droites (donc la façon de
doubler le carré : cf. Platon ,Ménon 81 e - 84b), on ne connaissait pas la façon
d'en trouver deux. D 'après Loria 20, Timpanaro Cardini 2 ou Blumer- Thomas
16 (cf. supra, A ), l'originalité d 'Hippocrate a été de comprendre (par analogie )
que la duplication du cube impliquait de trouver deux moyennes proportion
nelles. A son tour, Heath 7 , t. I, p . 201, a suggéré la possibilité que cette idée ait
été empruntée par Hippocrate à la théorie des nombres. En effet, Platon affirme
dans le Timée 32 a-b, qu 'il y a un nombre moyen proportionnel entre deux nom
bres carrés,mais qu'il en faut deux entre deux nombres cubiques (cf. Brisson 26 ,
p .46).
En notation moderne, la réduction d'Hippocrate se présente de la sorte : si a :
x = x : y = y : b , alors a' : x3 = a : b ; et si b = 2a, il s'ensuit qu 'un cube de côté x
est le double d'un cube de côté a . Autrement dit, le problème de trouver un cube
H 151 HIPPOCRATE DE CHIOS 767
qui soit le double d 'un cube ayant le côté a se réduit à trouver deux moyennes
proportionnelles, x et y , entre a et 2b .
D 'après Eutocios ( E 175), loc. cit., Ménèchme de Proconnèse (IVa), le disciple d 'Eu
doxe de Cnide ( E 98 ), aurait repris la proposition d 'Hippocrate selon laquelle la racine cubi
que de a est égale à la première des deux moyennes proportionnelles entre a et b , et aurait
résolu les équations dérivant de a : x = x : y = y : b , à savoir: y = r2 et y = b : x (cf. Sturm 21,
p . 37 -48 ; Becker 11, p . 82 -85). Or, comme le remarque 27 J.Mau , art. « Menaichmos » 3 , KP
III, 1969, col. 1196 , l'attribution de cette solution à Ménèchme est irréelle , parce qu 'elle pré
suppose des propositions de la théorie des sections coniques (ellipse, parabole et hyperbole )
d 'Apollonios de Pergé (IIIa; cf. 28 A . Sturm , « Das Delische Problem II (Fortsetzung] :
Behandlung des Problems in der alexandrinischen Zeit » , dans XXX. Programm des K . K .
Ober-Gymnasiumsder Benedictiner zu Seitenstetten. Veröffentlicht am Schlusse des Schul
jahres 1896 , Linz 1896 , p . 57- 97 , notamment p .66 -74 ). On peut dire en tout cas que la réduc
tion d 'Hippocrate a contribué au développement de cette théorie et donc à la solution du
problème.
C . LA QUADRATURE DES LUNULES
Cf. 29 P. Tannery, « Hippocrate de Chios et la quadrature des lunules» ,
MemSocScBord, 2° sér.,2 , 1878, p . 179- 184 (repris dansMémoires scientifiques,
t. I, Toulouse/ Paris 1912, réimpr. 1995, p. 46 -52); 30 Id ., « Le fragment d'Eu
dème sur la quadrature des lunules » ,MemSocScBord, 2° sér., 5 , 1883, p. 217
237 (repris dans Mémoires scientifiques, t. I, Toulouse /Paris 1912, réimpr. 1995 ,
p . 339 -370 ); 31 Id ., « Simplicius et la quadrature du cercle » , BiblMath , 3° sér.,
3, 1902, p. 342-349 (repris dans Mémoires scientifiques, t. III: Sciences exactes
dans l'Antiquité 1899 -1913, III, Toulouse /Paris 1915, réimpr. 1995, p. 119- 130 ) ;
32 J.L . Heiberg, «Griechische und römische Mathematik. Jahresberichte » , Phi
lologus 43, 1884, p. 321-346 , 467-522, notamment p . 336 -344 ; 33 H . Usener et
P . Tannery, « II Appendix Hippocratea» , dans H . Diels, Simplicii in Aristotelis
physicorum libros quattuor priores commentaria , coll. CAG 9, Berolini 1882,
p. XXIII-XXVI (= « H . Usener Bonnensis de supplendis Hippocratis quas omisit
Eudemus constructionibus » ), p. XXVI-XXXI (« Paulus Tannery Haurensis in
Simplicii de Antiphonte et Hippocrate excerpta p. 54 -69 » ); 34 F. Rudio , « Der
Bericht des Simplicius über die Quadraturen des Antiphon und des Hippo
krates» , BiblMath, ze sér., 3, 1902, p.7-62 ; 35 Id., « Zur Rehabilitation des
Simplicius », BiblMath 4 , 1903, p. 13- 18 ; 36 Id ., « Die Möndchen des Hippo
krates» , VNGZ 50 , 1905, p . 177 -200 (« Nachtrag » , ibid., p . 224 ) ; 37 Id ., « Noti
zen zu dem Berichte des Simplicius » , ibid ., p. 213-223 ; 38 Id., Der Bericht des
Simplicius über die Quadraturen des Antiphon und des Hippokrates, griechisch
und deutsch . Mit einem historischen Erläuterungsbericht als Einleitung. Im
Anhangen ergänzende Urkunden , verbunden durch eine Übersicht über die
Geschichte des Problemes von der Kreisquadratur von Euklid , coll. « Urkunden
zur Geschichte der Mathematik im Altertume» 1. Heft, Leipzig 1907 (cf. Heath
7 , t. I, p . 187- 190 ) ; 39 W . Schmidt, « Zu dem Berichte des Simplicius über die
Möndchen des Hippokrates » , BiblMath, ze sér., 4, 1903, p. 118- 126 ; Heath 7,
t. I, p. 183- 200 ; 40 O . Becker, « Zur Textgestaltung des Eudemischen Berichts
über die Quadratur der Möndchen durch Hippokrates von Chios» , QStGM , Abt.
B , 3 , 1936 , p . 411-418 ; 41 Id., « Zum Text eines mathematischen Beweises in
768 HIPPOCRATE DE CHIOS H 151
eudemischen Bericht über die Quadraturen der “ Möndchen ” durch Hippokrates
von Chios bei Simplicius », Philologus 99, 1954- 1955 , p . 313 -316 ; 42 F. Wehrli,
Eudemos von Rhodos, coll. « Die Schule des Aristoteles» , t. VIII, Basel 19692,
p . 59, 28 -66 ,6 ; 43 G . Lloyd , « The alleged fallacy of Hippocrates of Chios» ,
Apeiron 20, 1987, p. 103-128 ; 44 M . Federspiel, « Sur la locution ép ' oŬ / $ '
servant à désigner des êtres géométriques par des lettres.Avec des remarques sur
l'art de traduire et sur la langue mathématique d'Hippocrate de Chio » , dans J.- Y .
Guillaumin (édit.),Mathématiques dans l'antiquité, coll. « Mémoires du Centre
Jean Palerne» 11 , Saint-Étienne 1992, p. 9 -25.
Hippocrate s’est occupé en particulier de la géométrie du cercle , dont il peut
être considéré comme le fondateur (cf. Conche 17, p. 176 ). Il se rendit surtout
célèbre par la quadrature des lunules, figures planes formées par l'intersection de
deux arcs de cercle dont la concavité est tournée dans le même sens. En effet, la
quadrature du cercle entier étant impossible, on a trouvé celle de quelques-unes
de ses parties, et la première et la plus célèbre est celle des lunules due à Hippo
crate. Ce travail nous est connu par Simplicius, in Phys. I 2, 185 a 14 , p. 53, 28 -
69, 34 Diels (= test. 3 , li. 34 -206 Timpanaro ), qui reconnaît avoir tiré son récit de
l'Histoire de la Géométrie d 'Eudème de Rhodes (» E 93] ( fr. 140 Wehrli?).
D 'après Björnbo 6 , col. 1790, l'argument d'Hippocrate représente pour nous le
fragment le plus ancien des mathématiques grecques qui nous soit parvenu . On
comprend bien en tout cas pourquoi, depuis Rudio jusqu 'à Becker ou Wehrli, les
critiques ont tenté de reconstituer cet argument en séparant lesmots d'Eudèmeet
de Simplicius,mais cette tentative se révèle plutôt vaine (cf. les notes de Timpa
naro Cardini 2, p . 44 sq .; et Blumer- Thomas 16 , p.411).
Pour les démonstrations complexes de la quadrature des lunules selon Hippo
crate et les détails du texte de Simplicius, nous renvoyons encore à Timpanaro
Cardini 2 , p .42-60 (avec de riches notes) et à Blumer-Thomas 16 , p. 411-414
(cf. aussi Björnbo 6 , col. 1787 sqq.; etMau 15, col. 1166 - 1168). Rappelons ici
seulement qu 'Aristote, Sophistici Elenchi 11, 171 b 12- 16 (cf. Id ., Physica I 2,
185 a, 16 sqq. = test. 3, li. 26 -33 Timpanaro ), accusa Hippocrate comme géomè
tre d 'avoir créé un paralogisme avec ses lunules. On peut mieux comprendre
cette accusation grâce à Simplicius, loc. cit., p . 56 sq. Diels, où Alexandre
d'Aphrodisias attribue à Hippocrate l'erreur d'avoir appliqué à la lunule
construite sur le côté de l'hexagone inscrit dans le cercle, la quadrature propre de
la lunule construite sur le côté du carré inscrit dans le cercle , comme si les deux
lunules étaient identiques. En réalité cette erreur ne se trouvait pas dans la
démonstration d'Hippocrate telle que Simplicius la présente selon Eudème. Hip
pocrate était conscient qu 'on ne pouvait carrer que trois lunules : la lunule
(construite sur un triangle isocèle composé de deux triangles isocèles rectangles)
ayant un arc extérieur égal à un demi-cercle ; la lunule (construite sur un trapèze)
ayant un arc extérieur plus grand qu 'un demi-cercle ; et celle (construite sur une
figure plus compliquée décrite comme veŰOLç) ayant un arc extérieur moins
grand qu 'un demi-cercle. Cependant, il ajoutait une autre quadrature, celle d'une
lunule et d 'un cercle ensemble , qui produit un cercle divisé en six sections. C 'est
H 151 HIPPOCRATE DE CHIOS 769
probablement à partir d 'ici qu ' Aristote a envisagé une tromperie dans la
démonstration d'Hippocrate , dans la pensée que celui-ci prétendait avoir trouvé
la quadrature du cercle à travers celle des lunules, une idée qui est passée aux
commentateurs d 'Aristote , comme Olympiodore, loc. cit., p. 45, 25 sq. Stüve
(cf. Timpanaro Cardini 2, p . 33 sq.; Blumer - Thomas 16 , p.413): de toute évi
dence, comme l'affirme Blumer- Thomas 16 , p. 414, la prétendue tromperie rési
derait, d 'un côté, dans le fait que la lunule carrée avec le cercle ne s'identifie pas
avec aucune des lunules préalablement carrées par Hippocrate ; de l'autre, dans
le fait qu 'Hippocrate a carré des lunules ayant un arc extérieur égal, plus grand
ou moins grand qu ’un demi-cercle,mais qu'au lieu de carrer toutes les lunules, il
en a carré seulement une de chaque classe. En réalité , l'æuvre d'Hippocrate ne
contenait pas cette tromperie (cf. récemment Lloyd 43). Il ne pensait nullement
avoir trouvé la quadrature du cercle. Cela n 'empêche cependant pas de penser
qu ’Hippocrate s'est intéressé à ce problème (cf. Philopon, loc. cit.), qui était l'un
des problèmes classiques des mathématiques de son temps. Dans ce sens,
Blumer- Thomas 16 , p . 412, suggère qu'Hippocrate a pu caresser l'espoir que les
quadratures des lunules, développées de façon appropriée, pouvaient conduire à
la quadrature du cercle . A son tour, Timpanaro Cardini 2, p. 34, considère que la
quatrième quadrature d 'Hippocrate montre que celui-ci était attiré par la nature
irrationnelle de l' aire du cercle : « Egli certamente mirò a ottenere la rigorosa
equivalenza delle figure more geometrico, mentre le considerazioni paradossali
di Zenone sull'infinito e l'infinitesimo suggeriscono piuttosto la quadratura
“ sofistica " di Antifonte ; è pur vero però che, enunciando nella quadratura delle
lunole il teorema che i cerchi stanno fra loro comei quadrati dei loro diametri,
già implicitamente assumeva l'approssimazione all'infinito del quadrato al
cerchio e preludeva a quel metodo di “ esaustione” che, secondo Archimede, fu
per la prima volta formulato da Eudosso di Cnido » (cf. Krämer 25 , p . 77) .
Notons que dans certains manuscrits latins du Moyen Age on trouve une quadrature du
cercle per lunulas : cf. 45 M . Clagett, « The Quadatura circuli per lunulas » , Appendix II, dans
Archimedes in the Middle Ages, Madison 1964 , t. I, p .610 -626 , qui présente deux versions
médiévalesdes quadratures d 'Hippocrate .
Enfin , les critiques ne se sont pas accordés sur la question de savoir si la qua
drature des lunules faisait partie des Éléments d 'Hippocrate ou constituait un
livre à part. L ' origine de cette dernière hypothèse, formulée pourla première fois
par Tannery 30,Mémoires scientifiques, t. I, p. 354-358 , se trouve dans le fait
que les Éléments d’Euclide ne parlent nullement des lunules . Loria 20 , p .91, a
tendance à se ranger à cet avis (cf. aussi Blumer-Thomas 16 , p . 416), tandis que
Timpanaro Cardini 2, p. 37, ne se montre pas très convaincue.
D . LES ÉLÉMENTS DE GÉOMÉTRIE
Cf. Björnbo 6 , col. 1783- 1785 ; Heath 7, t. I, p. 201-202; Lasserre 13, p . 9 -11; Timpanaro
Cardini 2, p. 35-37 ; Blumer- Thomas 16 , p. 414-416 ; 46 B . L . van der Waerden, « Über das
erste Buch der Elemente Euklids. Zusammenfassung » , AIHS 26 , 1976 , 295 -296 ; 47 Id., « Die
Postulate und Konstruktionen in der frühgriechischen Geometrie » , AHES 18 , 1977 -1978,
p. 343-357 ; Krämer 25, p. 134.
770 HIPPOCRATE DE CHIOS H 151
Proclus, comme nous l'avons dit plus haut,affirme dans son résumé de l'his
toire de la géométrie (tiré vraisemblablement d 'Eudème) qu'Hippocrate a été
l'auteur du premier recueil d' Éléments . Parmi les géomètres postérieurs que
Proclus cite , il en mentionne deux qui ont composé aussi des Éléments : Léon
(p . 66 , 20 sq . Friedlein) et Theudios de Magnésie (p. 67, 14- 16 Friedlein ). Mais
seuls les Éléments d'Euclide (ca 3009) nous sontparvenus.
Cependant, les critiques ont considéré qu 'il est possible de se faire une idée
du contenu du recueil d'Hippocrate. En général, ils estiment à peu près établi,
comme Lasserre 13, p. 11, qu ’Hippocrate « exposait déjà par une succession de
théorèmes la matière des quatre premiers livres d'Euclide, c'est-à-dire des
constructions des figures élémentaires et de certains polygones réguliers, les
égalités et les similitudes de ces figures, quelques problèmes de partage et quel
ques problèmes relatifs au cercle» . Dans le même sens, Timpanaro Cardini 2,
p . 36 sq., suppose qu 'Hippocrate a éprouvé la nécessité de rassembler d 'une
façon systématique des connaissances qui se trouvaient alors sans doute disper
sées et désordonnées, celles qu 'il a acquises dans sa patrie et celles qu'il a trou
vées dans le milieu athénien : « Si può ritenere che tra la fine del VI secolo e il
principio del v venisse elaborata la materia che costituisce la sostanza dei due
primi libri di Euclide, e che nella la metà del sec. V prendesse sviluppo la geo
metria del cerchio , che occupa i libri III e IV di Euclide, a cui certamente Ippo
crate dette un contributo decisivo. »
Pour un essai de reconstitution plus précis, nous renvoyons notamment à Blumer- Thomas
16 , p. 414 -416 . Pour la question de savoir si la quadrature des lunules faisait partie des
Éléments, voir supra, B .
D. L'ASTRONOMIE
Grâce aux Météorologiques d'Aristote, on connaît certaines opinions d 'Hip
pocrate (et de son disciple Eschyle) dans le domaine de l'astronomie : des opi
nions, d 'un côté, sur les comètes, notamment l'idée qu'elles sont des planètes
dont la queue est due à un effet de réflexion (I 6 , 342 b 29 - 343 a 20 = test. 5,
225-252 Timpanaro ; cf. Olympiodore, loc. cit., p. 45, 29 sqq. Stüve) ; de l'autre ,
sur la Voie lactée, qui serait aussi un phénomène de réflexion de nos rayons
visuels vers le soleil (I 8, 345 b 9 -12 = test. 5, 264- 267 Timpanaro). Aristote
formule ses objections aussi bien dans un cas que dans l'autre (cf. Alexandre
d'Aphrodisias, in Meteor. I 8, 345 a 11, p. 38, 28 -32 Wendland = test. 6 , 268
274 Timpanaro ).
L'astronomie d'Hippocrate semble avoir subi notamment l'influence des py
thagoriciens, comme on le constate en ce qui concerne la question des comètes,
ainsi que le remarque Timpanaro Cardini 2 , p. 29 (cf. aussi Blumer -Thomas 16 ,
p .416 ): « In un 'epoca di intense ricerche astronomiche come fu il sec. V, in cui i
Pitagorici andarono variamente elaborando le loro dottrine dal sistema geocen
trico a quello pirocentrico diFilolao , troviamo Ippocrate sostenere in accordo coi
Pitagorici che la cometa è un astro errante , come i cinque pianeti, e solo discu
tere e dissentire sulla costituzione della chioma, non sulla natura del nucleo.»
PEDRO PABLO FUENTESGONZÁLEZ .
H 152 HIPPOCRATE DE COS 771
152 HIPPOCRATE DE COS RE 16 +RESuppl. VI ca 460 - ca 360a
Médecin grec, le plus célèbre de l'Antiquité classique, sous le nom duquel est
transmis l'essentiel de la production médicale des ve-ive siècles av. J.-C ., le
Corpushippocratique.
Sources biographiques anciennes. Les sources les plus anciennes appartien
nent au Corpus hippocratique lui-même. Bien que souventméprisés et relégués
dans le domaine de la légende, les traités pseudépigraphiques, le Discours d 'am
bassade (Presbeutikos, IVa ou III“), le Discours à l'autel (Epibomios, IVa ou
époque hellénistique), le Décret des Athéniens (époque hellénistique) offrent des
informations confirmées depuis par les découvertes épigraphiques,tandis que les
Lettres (19- IP ) mêlent tradition ancienne et éléments romancés. Les biographies
sont au nombre de trois : (1) Vie d 'Hippocrate selon Soranos, rédigée entre le fie
et le vie s. ap . J.-C ., mais citantparmi ses sources Eratosthène de Cyrène (IIIa) et
Soranos de Cos (cf. J. Ilberg (édit.), Sorani Gynaeciorum Libri IV, CMG IV ,
Leipzig/Berlin 1927, p . 175 - 178 ). (2 ) Souda, I 564, t. II, p. 662-663 Adler.
(3) Tzetzès, Chiliades VII, nº 155, vers 944 -989, p. 276 -277 Kiessling = vers
931- 981, p. 292-294 Leone. Il faut ajouter une vie anonyme en latin , la Vie de
Bruxelles, remontant sans doute à un original grec, découverte dans un manuscrit
de Bruxelles du XII° s. de notre ère (cf. H . Schöne [édit.), « Bruchstücke einer
neuen Hippokratesvita » , RAM 58, 1903, p. 56 -66 ). Textes réunis et étudiés par
1 J. Rubin Pinault, Hippocratic Lives and Legends, coll. « Studies in Ancient
Medicine » 4 , Leiden 1992. Enfin sont conservées plusieurs vies arabes (liste
donnée par Rubin Pinault 1 , p . 95 n . 1 , avec étude des plus importantes, p. 95
124, et leur traduction anglaise, p. 135- 144).
Informations biographiques. Pour une synthèse récente , voir 2 J. Jouanna,
Hippocrate , Paris 1992, p. 13-84 . (a ) Datation . D 'après la Vie selon Soranos,
qui cite les recherches de Soranos de Cos dans les archives même de l'île, Hip
pocrate est né le 27 du mois dorien Agrianos, la première année de la quatre
vingtième olympiade, c'est-à-dire en 460 av. J.-C ., et connaît son floruit durant
la guerre du Péloponnèse (cf.aussi Discours d'ambassade 8, où Hippocrate, lors
de l'expédition de Sicile, envoie son fils Thessalos,médecin lui aussi, accompa
gner les troupes). (b ) Origine. Hippocrate estné dans l'île dorienne de Cos et
appartient aux Asclepiades de Cos (cf. Platon, Protagoras 311 b ), famille de
médecins prétendant descendre de Podalire et de son père Asclépios. Certaines
biographies donnent des généalogies complètes depuis ces ancêtres mythiques,
Hippocrate étant le dix -septième (Tzetzès), le dix-huitième (Lettre 2) ou le dix
neuvième ( Vie selon Soranos) descendant d'Asclépios. Son père est le médecin
Héracléidas, sa mère Phénarète , ou Praxithéa fille de Phénarète , une Héraclide.
Hippocrate est donc à la fois Asclépiade et Héraclide (cf. Discours d 'ambassade
9 ; voir aussi la Vie de Bruxelles, d'après laquelle Machaon et Podalire, les fils
d'Asclépios, ont pour mère Épiona, fille d 'Héraclès). Voir 3 M . Gamberale,
« Ricerche sul genos degli Asclepiadi», RAL 33, 1978, p . 83-95, et 4 Id., « La
genealogia di Ippocrate di Cos e gli Asclepiadi di Rodi» , RAL 35, 1980 , p . 109
116 . (c) Formation. La transmission du savoir médical s'effectuant chez les
772 HIPPOCRATE DE COS H152

Asclépiades de père en fils, c'est auprès de son père Héracléidas qu 'Hippocrate


reçut sa première formation,avant de transmettre lui-mêmeson savoir à ses deux
fils, Thessalos et Dracon , et à son disciple et gendre, Polybe. Les biographies
anciennes citent également d'autres maîtres, médecin , sophiste ou philosophes,
dont le choix s' explique sans doute par la volonté de faire coïncider des écrits du
Corpus avec des contemporains plausibles: commemédecin , la Vie selon Sora
nos, la Souda, Tzetzès et la scholie W à la République III, 406 a mentionnent
Hérodicos ( sans doute de Sélymbrie), attaqué pour ses prescriptions diététiques
par Platon, Rép. III, 406a -407c, et probablement visé par les critiques de l'au
teur hippocratique d 'Épidémies VI 3, 18 ; comme maître de rhétorique et
sophiste , Gorgias de Léontini [ > G 28 ] (dont le style présente des parentés avec
la prose d 'art de plusieurs traités, en particulier Vents ou Art) ; comme philo
sophe, Démocrite d 'Abdère [» D 70] (cf. aussi Celse, DeMedicina, Proem . 8 ).
La Souda mentionne également Prodicos (cf. aussi Pline, Hist. Nat. XXIX 4),
corruption probable d 'Hérodicos, tandis qu'un texte conservé dans une traduc
tion latine, l'Ars Medicinae (Paris. lat. 7028, fol. 3 ' ; voir 5 R . Laux (édit.),
Kyklos 3, 1930 , p . 417-434 ), cite Mélissos, nommé dans Nature de l'homme. Par
ailleurs, d 'après une tradition déjà attestée par Strabon, XIV 2, 19 , Hippocrate
aurait également exploité les récits de guérisons miraculeuses inscrites sur les
stèles du sanctuaire d ' Asclépios à Cos (cf. 6 F . Robert, « Hippocrate et le clergé
d'Asclépios à Cos », CRAI 1939, p . 91-99, qui y voit une manæuvre du clergé
pour s'approprier la gloire d'Hippocrate ). Enfin , on rapporte une tradition hostile
à Hippocrate , lequel aurait incendié le temple après avoir relevé les inscriptions
pour se poser ainsi en découvreur de l'artmédical (cf. Pline, Hist. Nat. XXIX 2,
qui l'emprunte à Varron). (d ) Carrière . Elle se déroule , dans un premier
temps, à Cos, mais la renommée d 'Hippocrate dépasse vite ce cadre . Si l'on en
croit les Lettres 10 -21, la ville d' Abdère fait appel à lui pour guérir Démocrite de
sa folie (voir 7 Th. Rütten , Demokrit lachender Philosoph und sanguinischer
Melancholiker. Eine pseudohippokratische Geschichte, Leiden 1992) ; Arta
xerxes Ier, roi de Perse de 464 à 424, souhaite s'attacher ses services contre d' im
menses richesses que le médecin refuse par désintéressement et patriotisme (cf.
Lettres 1 - 9, ainsi que Galien , Que l' excellentmédecin est aussi philosophe 3, et
Plutarque, Vie de Caton l'Ancien 23, 3 -4 , 350c). Voir, pour le développement
légendaire de cet épisode, Rubin Pinault 1, p. 79-93. Parvenu à l'âge mûr, après
la mort de ses parents (Vie selon Soranos), Hippocrate quitte Cos avec ses deux
fils, à la suite d 'un rêve d 'après Soranos de Cos, ou bien à la suite de l'incendie
des archives de Cnide d'après la Vie selon Soranos, qui cite le Tepi tñs latpl
xñs yevearoylas d 'Andréas (III“), disciple d 'Hérophile (voir 8 H . von Staden ,
Herophilus, The Art ofMedicine in Early Alexandria , Cambridge 1989, p . 472
477), ou encore de celui des archives de l'école médicale de Cos d 'après
Tzetzès, ou enfin , plus vraisemblablement, par simple désir d 'élargir son expé
rience, d 'après Galien , Que l'excellentmédecin est aussi philosophe 3. Il laisse
son école médicale entre les mains de son gendre Polybe (voir 9 H . Grensemann ,
art. « Polybos» 8 , RESuppl. XIV , 1974 , p . 428-436 ) et part pour la Thessalie et la
H 152 HIPPOCRATE DE COS 773
Grèce du Nord. Il s'installe à Larissa etmène probablement avec ses disciples la
vie de médecin itinérant passant de cité en cité, dont les traités des Épidémies
pourraient garder le souvenir. Deux épisodes marquentcette période : Hippocrate
guérit le roi deMacédoine Perdiccas de la maladie d 'amour qui le rongeait (Vie
selon Soranos, Souda , Tzetzès,Galien, Que l'excellent médecin est aussi philo
sophe 3 ; voir Rubin Pinault 1, p.61-77) ; appelé par les Barbares en proie à une
pestilence (distincte de la « peste d'Athènes» et datable des années 419-416
d'après le Discours d 'ambassade), Hippocrate leur refuse son aide,mais prédit
la marche de la maladie en Grèce et se déplace lui-même pourmettre en garde
les cités grecques. L 'épigraphie confirme son passage à Delphes,mentionné dans
le Discours d'Ambassade et rapporté par Pausanias X 2, 6 (voir 10 H . Pomtow ,
« Delphische Neufunde III. Hippokrates und die Asklepiaden in Delphi» , Klio
15, 1918 , p. 308 ; 11 J. Bousquet, « Inscriptions de Delphes » [7. Delphes et les
Asclépiades), BCH 80, 1956 , p. 579 -591; 12 G . Rougemont, Corpus des
inscriptions de Delphes, I. Lois sacrées et règlements religieux, Paris 1977 ,
p. 122 -124 ). En remerciement pour son aide, plusieurs villes lui décernent des
honneurs, notamment Athènes (cf. Décret des Athéniens). Sur cet épisode, voir
Rubin Pinault 1, p. 35 -60 . La célébrité d'Hippocrate croît rapidement: Platon ,
Prot. 311 b- c, en fait le représentant paradigmatique de l' artmédical, au même
titre que Polyclète ou Phidias pour la sculpture ; un passage du Phèdre 270c
(souvent évoqué à propos de la question hippocratique, cf. infra ) fait allusion à la
méthode d 'Hippocrate , preuve qu'on avait à Athènes une connaissance précise
de son enseignement. Il semble avoir mis son renom au service de sa patrie en
intervenant en sa faveur lors d 'un différend entre Cos, qui appartenait à l'empire
athénien , et Athènes, à la fin de la guerre du Péloponnèse, sans doute en 411
408: il prône la modération à la puissance athénienne et envoie son fils Thes
salos plaider la cause de l'île auprès des Athéniens (cf. Discours d 'ambassade,
Discours à l'autel et Vie selon Soranos). Il meurt à Larissa, en Thessalie , entre
375 et 350 , à un âge très avancé (85, 90 , 104 ou même 109 ans selon les sources,
104 ans étantle chiffre le plus souvent cité ). Il est enterré entre Larissa et Gyrton
et fait à Cos l'objet d 'un culte héroïque public (d'après les recherches de Soranos
de Cos dans les archives de l'île ). (e ) Légendes hippocratiques. A partir
des épisodes les plus marquants rapportés par les textes pseudépigraphiques ou
les biographies (Démocrite , Artaxerxès, Perdiccas, la pestilence), des légendes
continuent à se développer autour de la figure d'Hippocrate jusqu 'à une époque
tardive. Voir 13 Th. Meyer -Steineg, « Hippokrates-Erzählungen », AGM 6, 1912,
p. 1- 11 ; 14 E . Wickersheimer, « Légendes hippocratiques du Moyen -Âge » ,
AGM 45, 1961, p . 164-175.
Iconographie. Si l'on interprète correctement Aristote , Polit. VII, 1326a 15 ,
Hippocrate devait être de petite taille . Les biographes s'accordent sur sa calvitie
et insistent sur son habitude d'avoir la tête couverte d'un pilos ou d'un pan de
son himation. L 'iconographie , très riche, ne donne que des représentations
d 'Hippocrate tête nue. Voir, pour une mise au point récente des représentations
d 'Hippocrate, 15 A . Hillert, Antike Ärztedarstellungen,MSMG 25, 1990, p . 24
774 HIPPOCRATE DE COS H 152
40 (avec la bibliographie ) ; cf. aussi 16 G . M . A . Richter, The Portraits of the
Greeks, London 1965, I, p. 152 - 153; pour les bustes, M . V . Barrow , « Portraits of
Hippocrates » , MedHist 16 , 1972, p. 85-88 ; pour les monnaies, qui associent
souvent Hippocrate à Héraclès ou au culte d 'Asclépios, voir, outre Richter 16 ,
17 K . Shefold , Die Bildnisse der antiken Dichter, Redner und Denker, Basel
1943, p. 173, n° 24 -25, et p. 217, ainsi que 18 M . Putscher, « Das Bildnis des
Hippokrates und das Kultbild des Asklepios in Kos » ,MSB 87, 1966 , p . 17 -40 .
LE CORPUS HIPPOCRATIQUE
L ’euvre attribuée à Hippocrate, appelée Corpus ou Collection hippocratique,
compte une soixantaine de traités , rédigés en ionien, dont le noyau le plus ancien
date de la seconde moitié du ve s. av. J.-C . et de la première moitié du IVe s.
Éditions. Opera omnia . L 'édition de référence reste à ce jour 19 É. Littré,
Euvres complètes d'Hippocrate, 10 vol., Paris 1839-1861, réimpr. Amsterdam
1961 (texte grec avec traduction française ; édition la plus complète , qui n 'est
toujours pas remplacée, bien que de nombreux traités aient été réédités depuis
sur des basesmanuscrites plus saines).
Opera selecta . 20 H . Kühlewein , Hippocratis opera quae feruntur omnia , 2
vol., coll. BT, Leipzig 1894 - 1902 (deux premiers volumes, seuls parus, d'une
édition devant donner l'intégralité du Corpus en sept volumes); 21 W . H .S.
Jones (vol. I, II, IV ), E . T. Withington (vol. III), P . Potter (vol. V, VI et VIII) et
W . D . Smith (vol. VII), Hippocrates with an English translation , coll. LCL,
London /Cambridge (Mass.), 1923- 1931 (vol. I-IV ), 1988 (vol. V -VI), 1994 (vol.
VII) et 1995 (vol. VIII) ; 22 J.L . Heiberg , Hippocratis Indices librorum . lus
iurandum . Lex. De arte . De medico. De decente habitu . Praeceptiones. De
prisca medicina. De aere locis aquis. De alimento . De liquidorum usu. De flati
bus, coll. CMG I 1, Leipzig/Berlin , 1927 (texte grec seul) ; 23 J. E . Pétrequin ,
Chirurgie d 'Hippocrate , 2 vol., Paris 1877 -1878 (édition , avec traduction fran
çaise et commentaire , des textes chirurgicaux du Corpus). Éditions intégrales en
cours dans le CMG et dans la CUF, voir la liste des traités pour les volumes
parus.
Liste des traités avec indication des principales éditions. Contrairement à
d'autres corpus, il n 'existe pas, pour la Collection hippocratique, d'ordre « cano
nique » des traités sur lequel s'accordent les témoins manuscrits . Il apparaît
même clairement que l'ordre dans lequel les textes nous sont transmis dans les
manuscrits résulte de bouleversements disloquant parfois des ensembles (ainsi le
groupe Épidémies 1 à VII, constitué en réalité de trois blocs distincts) ou , à l'in
verse, associant des ouvrages indépendants à l'origine (Maladies I- IV ) ; certains
de ces accidents remontent à l'Antiquité et s'expliquent par le mode de transmis
sion des æuvres sur rouleau de papyrus. Voir, sur cette question , 24 J. Jouanna,
« Remarques sur les réclames dans la tradition hippocratique. Analyse archéolo
gique du texte des manuscrits » , Ktéma 2, 1977, p. 381-396 . Nous adoptons ici
un classement traditionnel par « genres » , hérité pour l'essentiel de la liste que
donne Érotien (IP) au début de son glossaire hippocratique (voir 25 E .
H 152 HIPPOCRATE DE COS 775
Nachmanson, Erotiani vocum Hippocraticarum Collectio cum fragmentis,
Uppsala 1918 ). Pour un résumé succinct de chacun de ces ouvrages avec indica
tion de leur date probable , voir Jouanna 2 , p. 527-563, ainsi que 26 P. Potter,
Short handbook of Hippocratic medicine, Québec 1988, p . 11-33 (« The Hippo
cratic writings » ).
A . Déontologie et réflexion sur l'artmédical:
(1) Serment (" Opxoc): Littré 19, IV , p . 610-633 ; Pétrequin 23, 1; Jones 21, I;
Heiberg 22 ; 27 L . Edelstein , Der hippokratische Eid , Zürich 1969; 28 K .
Deichgräber, Der hippokratische Eid , 4e éd., Stuttgart 1983; 29 D . Lipourlis,
'Innoxpatiun latpixń, Thessalonique 1983 ; 30 Ch. Lichtenthaeler, Der hippo
kratische Eid ,Köln 1984. Version chrétienne du Serment et version en vers édi
tées dans Heiberg 22 et dans 31 W . H . S. Jones, The Doctor's Oath , Cambridge
1924 .
(2) Loi (Nóuoc): Littré 19, IV , p.634 -670 ; Jones 21, II ;Heiberg 22.
(3 ) Art (ſlepi téyuns) : Littré 19 , VI, p . 1-28 ; Jones 21 , II; Heiberg 22 ; 32 J.
Jouanna, coll. CUF V 1, 1988.
(4 ) Ancienne médecine ( Ilepì ápxains intpixñs) : Littré 19 , I, p . 570-637 ;
Kühlewein 20, I; Jones 21, I; Heiberg 22 ; 33 W . H . S. Jones, Philosophy and
Medicine in AncientGreece. With an edition of ſlepi ápxains iatpixñs, Balti
more 1946 ; 34 A . J. Festugière, Hippocrate, L'ancienne médecine, Paris 1948 ;
35 J. Jouanna, coll. CUF II 1, 1990.
(5 ) Médecin (Ilepi intpoũ): Littré 19 , IX , p . 198-223 ; Pétrequin 23, 1 ; Jones
21, II ( chap. 1 seul) ; Heiberg 22 ; Potter 21, VIII.
(6 ) Bienséance (Ilepi eủoynuogúvns) : Littré 19, IX , p . 222-245 ; Jones 21,
II ; Heiberg 22.
(7) Préceptes ( Tlapayyería ) : Littré 19 , IX , p . 246 -273 ; Jones 21, I; Heiberg
22.
(8 ) Quel doit être celui qui apprend l'art médical ? (Ilodanóv det εlvai Tòv
uavěávovta ) ou Testament d 'Hippocrate (AlaOnun ) : 36 K . Deichgräber,Medi
cus gratiosus. Untersuchungen zu einem griechischen Arztbild , AAWMIGS 1970,
3 (version courte en grec et en arabe, version longue en grec et en latin ) .
B. Sémiologie :
( 9) Pronostic (Ilpoyvuotixóv ) : Littré 19 , II, p . 110- 191; Kühlewein 20, I;
Jones 21, II ; 37 B . Alexanderson, Die hippokratische Schrift Prognostikon.
Überlieferung und Text, Göteborg 1963 ; Lipourlis 29.
(10 ) Épidémies I et III ('Enionulõv tÒ TPĒTOV - Tò tpítov): Littré 19 , II,
p . 553-717 et III, p . 1- 149 ; Kühlewein 20 , I ; Jones 21, I.
(11) Épidémies II, IV et VI (’Enlônueñv tÒ Deútepov - TÒ tétaptov - tò
EXTOV) : Littré 19, V , p . 3 - 197 et 260-357 ; Smith 21, VII ; pour Epid. IV (et par
tiellement pour Epid . II et VI), 38 V . Langholf, Syntaktische Untersuchungen zu
Hippokrates-Texten , AAMW /GS, 1977 ; pour Epid. VI, 39 D .Manetti- A . Roselli,
Ippocrate . Epidemie libro sesto , Firenze 1982.
776 HIPPOCRATE DE COS H 152
( 12) Épidémies V et VII ('EnconucÕU TÒ TÉUATOV - TÒ 680uov ): Littré 18 ,
V , p . 198 -259 et 358 -469 ; Smith 21, VII.
( 13) Aphorismes (’Apoplouoi) : Littré 19 , IV , p . 396 -609 ; Jones 21, IV ;
40 C .Magdelaine, Histoire du texte et édition critique, traduite et commentée
des Aphorismes d 'Hippocrate, Thèse Paris IV , 1994 (à paraître dans la CUF).
(14) Humeurs (Ilepi you @ v ): Littré 19 , V , p . 470-503 ; Jones 21, IV .
( 15) Crises (Ilepi xploiwv): Littré 19 , IX , p. 274 -295 ; 41 G . Preiser, Die
hippokratische Schrift De judicationibus und De diebus judicatoriis, Diss ., Kiel
1957 .
(16 ) Jours critiques (ſlepixploiuwv): Littré 19 , IX , p . 296 -307 ; Preiser 41.
(17) Prorrhétique I (Ilpoppntixòv a'): Littré 19 , V , p. 504-573; 42 H .
Polack, Textkritische Untersuchungen zu der hippokratischen Schrift Prorrhe
ticos 1, Hamburg 1976 (rédigé en 1954 ) ; Potter 21, VIII.
(18) Prorrhétique II (IIpoppntixòv B ') : Littré 19, IX , p . 1-75 ; 43 B .
Mondrain , Édition critique, traduite et commentée d 'un traité hippocratique,
Prorrhétique II, Thèse Paris IV , 1984 (à paraître dans la CUF) ; Potter 21, VIII.
( 19) Prénotions coaques (Kwarai Tpoyvúgels): Littré 19 , V , p. 574-733.
C . Ériologie au sens large:
(20)Nature de l'homme (Ilepi púolos åvopúnou): Littré 19, VI, p . 29-69;
Jones 21, IV ; 44 J. Jouanna, Hippocrate. La nature de l'homme, coll. CMG I 1 ,
3, Berlin 1975 .
(21) Génération /Nature de l' enfant ( ſlepi yovñs/ lepi púolos taldíov) :
Littré 19, VII, p . 470 -542 ; 45 R . Joly, coll. CUF XI, 1970 ; trad. et comm . :
46 I. M . Lonie , The Hippocratic treatises On Generation, On the Nature of the
Child , Diseases IV , coll. « Ars Medica » 7 , Berlin /New York 1981.
(22) Chairs (ſlepi oapx @ v): Littré 19 , VIII, p. 576 -615 ; 47 K . Deichgräber,
Hippokrates Über Entstehung und Aufbau des menschlichen Körpers ( Ilɛpi
oapx@ v), Leipzig/Berlin 1935; 48 R. Joly ,CUF XIII, 1978 ; Potter 21, VIII.
(23) Fætus de huit mois comprenant Foetus de sept mois (Ilɛpi óxta
uńvou/ſlepi entauńvou ) :Littré 19 , VII, p. 432 -461; 49 H . Grensemann , Hippo
krates Über Achtmonatskinder. Über das Siebenmonatskind (unecht), coll. CMG
I 2 , 1, Berlin 1968 (incluant le traité récent Fætus de sept mois donné par le
Vatic. gr. 276 ); Joly 45.
(24 ) Semaines (Ilepi ébouádwv) : Littré 19, VIII, p .616 -673 (texte perdu en
grec ; traduction latine d 'après le Paris. lat. 7027) et IX , p. 430- 466 (addition de
Ch . Daremberg, qui édite une traduction latine supérieure qu'il a découverte à
Milan dans l'Ambros. G 108 , pars inf.) ; 50 W . H . Roscher, Die hippokratische
Schrift von der Siebenzahl, Paderborn 1913, réimpr. New York 1967 (édition des
versions grecque, latine et arabe) ; 51 M .L . West, « The Cosmology of 'Hippo
crates ' Dehebdomadibus» , CQ 21, 1971, p . 365-388 (édition des chap. 1- 12 ).
(25) Dentition (Ilɛpì ôdovropuins) :Littré 19, VIII, p. 542-549; Jones 21, II ;
Joly 48.
H 152 HIPPOCRATE DE COS 777
( 26 ) Caur ( ſlepi xapoins) : Littré 19 , IX , p. 76 -93 ; 52 F . K . Unger, lepi
xapding, Liber Hippocraticus De Corde, Leiden 1923 (= Mnemosyne 51, 1923,
p. 1- 101) ; 53 J. Bidez et G . Leboucq, « Une anatomie antique du caur humain .
Philistion de Locres et le Timée de Platon » , REG 57, 1944 , 7 -40 ; 54 P . Manuli
et M . Vegetti, Cuore, sangue e cervello . Biologia e antropologia nel pensiero
antico,Milano 1977 (texte de Littré, avec comm .) ; 55 M .- P . Duminil, CUF VIII,
1998.
(27) Glandes (Ilepi ádévwv) : Littré 19 , VIII, p . 550-575 ; Joly 48 ; Potter 21,
VIII.
(28) Nature des os (ſlepi dotéwv púolos): Littré 19 , IX , p. 162- 197 ;
Duminil 55.
(29) Airs, eaux, lieux (Ilepi képwv, údátwv, Tónov) : Littré 19 , II, p . 1-93 ;
Kühlewein 20 , I ; Jones 21, I; Heiberg 22 ; 56 H . Diller, Hippokrates Über die
Umwelt, coll. CMGI1, 2 , Berlin 1970 ; Lipourlis 29 ; 57J. Jouanna, coll. CUF, II
2 , 1996 .
(30) Vents (ſlepi Quoőv) : Littré 19, VI, p . 88 -117 ; Jones 21, II ; Heiberg 22 ;
Jouanna 32.
(31) Maladie sacrée ( ſlepi inpñs vouoov) : Littré 19, VI, p . 350 -397 ; Jones
21, II ; 58 H . Grensemann, Die hippokratische Schrift Über die heilige Krank
heit,coll. « Ars Medica» II 1, Berlin 1968 ; Lipourlis 29.
D . Diététique:
(32) Régime (Ilepi dialmns): Littré 19 , VI, p .462-663 ; Jones 21, IV ; 59 R .
Joly, CUF VI 1, 1967; 60 R . Joly (avec la collaboration de S . Byl),Hippocrate .
Du régime, CMG I 2 , 4 , Berlin 1984.
(33) Régime dans les maladies aiguës (ſlepi dialing océwv) : Littré 19, II,
p . 192-377 ; Kühlewein 20, I; Jones 21, II ; 61 R . Joly, CUF VI2 , 1972 .
(34) Régime dans les maladies aiguës, appendice (Ilepi Stalins Etwv,
voda ): Littré 19, II,p. 378-529 ;Kühlewein 20, 1; Joly 61 ; Potter 21, VI.
(35) Aliment (ſlepi tpoons) : Littré 19 , IX , p . 94-121 ; Jones 21, 1; Joly 61 ;
62 K . Deichgräber, Pseudhippokrates Überdie Nahrung. Eine stoisch -herakliti
sierende Schrift aus der Zeit um Christi Geburt, AAWMIGS 1973, 3.
E . Nosologie et thérapeutique :
(36 )Maladies I (Ilɛpi voúowv a '): Littré 19 , VI, p . 138-205 ; 63 R . Wittern ,
Die hippokratische Schrift De morbis I. Ausgabe, Übersetzung und Erläute
rungen , Hildesheim 1974 ; Potter 21, V .
(37) Maladies II (1 ) et ( 2), incluant Régime salutaire ( ſlepi voúowv B '- lepi
blairns úyle vñS) : Littré 19, VII, p . 1- 115 ; 64 J. Jouanna, CUF X 2 , 1983;
Potter 21, V .
(38 ) Maladies III (ſlepi voúowv y ') : Littré 19, VII, p. 116 -162 ;65 P . Potter,
Hippokrates Über die Krankheiten III, coll. CMG I 2 , 3, Berlin 1980 ; Potter 21,
VI.
778 HIPPOCRATE DE COS H 152
(39) Maladies IV (Ilepà votowv 8') : Littré 19 , VII,p . 542-615; Joly 45 ; trad.
et comm .: Lonie 46.
(40) Affections (ſlepi nao @ v ) : Littré 19, VI, p . 206 -272 ; Potter 21, VI.
(41) Affections internes (Ilepi tõv ÉVTÒç nadwv): Littré 19, VII, p . 166 - 303;
Potter 21, VI.
(42) Remèdes (ſlepi Dapuáxwv) : 66 H . Schöne, « Hippokrates Iepi pap
Máxwv » , Rhm 73, 1920 -24, p . 434 -448 : extrait d 'un traité se rapprochant d 'Af
fections 36 et attribué au livre des Remèdes que cite souvent Affections.
(43) Lieux dans l'homme (ſlepi tónwv tõv xatà ăvopwnov): Littré 19 , VI,
p . 273-349 ; Joly 48 ; Potter 21, VIII.
(44 ) Usage des liquides (ſlepi úypôv xpňoloc) : Littré 19, VI, p . 116 - 137 ;
Heiberg 22 ; Joly 61 ; Potter 21, VIII.
(45) Vision (Ilepi oqloc): Littré 19, IX , p . 122- 161 (édition de l'ophtalmo
logue J. Sichel) ; Joly 48.
F .Gynécologie:
(46) Maladies des femmes 1- 11 et Femmes stériles = Maladies des femmes III
(ruvaixeiwv a ' xai B '-Nepi ábópwv) : Littré 19, VIII, p. 1-463 ;67 H .Grense
mann, Hippokratische Gynäkologie , Wiesbaden 1982 (couche C , restes d ' un
traité écrit par l'auteur de Génération, Nature de l'enfant, Maladies IV intégrés
dans l'ensemble);68 N . Countouris, Hippokratische Gynäkologie. Die Gynäko
logischen Texte des Autors B nach den pseudohippokratischen Schriften De
Mulieribus I und II, Diss ., Hamburg 1985 (couche B , réécriture des fiches sur les
maladies de la couche A ) .
(47) Maladies des jeunes filles (Ilepi napoɛvíwv): Littré 19, VIII, p . 464
471.
(48) Nature de la femme ( ſlepi dúolos YUVAlXEins) : Littré 19 , VII, p . 310
431; 69 H . Trapp, Die hippokratische Schrift De natura muliebri. Ausgabe und
textkritischer Kommentar, Diss.,Hamburg 1967.
(49) Superfétation (ſlepi ÉtixUKOLos) : Littré 19 , VIII, p . 472-509 ; 70 C .
Lienau , Hippokrates Über Nachempfängnis, Geburtshilfe und Schwanger
schaftsleiden , Berlin 1973.
(50) Excision du fætus (Ilepi éyxatatouñs éubpúov) : Littré 19, VIII,
p . 510-517.
G . Chirurgie :
(51) Officine du médecin (Kat' intpelov) : Littré 19, III, p. 262-337 ;
Pétrequin 23, II; Kühlewein 20, II; Withington 21, III.
(52) Fractures/Articulations (Ilepi äyuwu - lepi äppwv): Littré 19, III,
p . 337-563 et IV, p. 1-327; Pétrequin 23, II ;Kühlewein 20, II; Withington 21,
III.
(53) Mochlique (Moxaixóc): Littré 19, IV , p . 328 -397 ; Pétrequin 23, II ;
Kühlewein 20, II ; Withington 21, III.
H 152 HIPPOCRATE DE COS 779

(54) Plaies (Ilepi €2xõv): Littré 19 , VI, p . 398-433 ; Pétrequin 23, 1; Potter
21, VIII ; Duminil 55.
(55) Fistules (Ilepi ovpiyywv) : Littré 19, VI, p . 446 - 561; Pétrequin 23, I ;
Joly 48 ; Potter 21, VIII.
(56 ) Hémorroïdes (ſlepi aiuoppoíowv): Littré 19 , VI, p. 434 - 445; Pétrequin
23, 1 ; Joly 48 ; Potter 21 , VIII.
( 57) Plaies de la tête (Ilepi tõv év tñ xebarñ tpwuátwv) : Littré 19, III,
p . 150- 261 ; Pétrequin 23, 1; Kühlewein 20, II; Withington 21, III.
(58 ) Anatomie (Iεpi ávatouñs): Littré 19, VIII, p. 536 -541 ; Duminil 55 .
H . Lettres et écrits biographiques :
(59) Décret des Athéniens (Abyua 'Aonvaíwv): Littré 19, IX , p. 400 -402 ;
71 W . D . Smith , Hippocrates Pseudepigraphic Writings, Leiden 1990 .
(60) Discours à l'autel ('Etibbulos) : Littré 19 , IX , p . 402-404 ; Smith 69.
(61) Discours d 'ambassade (Ilpeobeutixóc) : Littré 19, IX , p . 404 -428 ;
Smith 71.
(62) Lettres (’Eniotolaí, corpus de 24 lettres) : Littré 19 , IX , p . 308 -400 ;
72 D . Sakalis, 'Intoxpátous 'Emotoraí, Ioannina 1989; Smith 71 ; Voir aussi,
pour deux lettres célèbres absentes de ces éditions, 73 F . Z . Ermerins, Anecdota
Medica Graeca , Leiden 1840, p. 278 -297 (Lettre au roi Ptolémée sur la consti
tution de l'homme) ; 74 J. F . Boissonade, Anecdota Graeca, III, Paris 1831,
p .422-428 (Lettre au roi Ptolémée sur la santé).
1. Autres.
Outre ces œuvres traditionnellement admises dans les éditions « complètes»
du Corpus (à l'exception du n° 8 , qui ne figure pas dans lesmanuscrits grecs à
l'origine des éditions, et du n° 42), de nombreux autres opuscules – près d 'une
centaine -, parfois conservés en latin ou en arabe seulement, sont également
attribués à Hippocrate . En voir la liste dans 75 R . Gossen , art. « Hippokrates >>
16 , RE VIII 2 , 1913, col. 1847-1850 (nº 57- 158 ), ainsi que, pour les manuscrits
qui les transmettent, 76 H . Diels, Die Handschriften der antiken Ärzte , dans
APAW , 1905, réimpr. Leipzig 1970, p. 39-57.
Traductions et anthologies. 77 Ch. Adams, The Genuine Works of Hippo
crates, 2 vol., London 1849; 78 Ch. Daremberg, Euvres choisies d 'Hippocrate ,
2e éd., Paris 1855 ; 79 R . Fuchs, Hippokrates. Sämmtliche Werke , 3 vol.,
München 1895- 1900 ; 80 R . Kapferer et G . Sticker, Die Werke des Hippokrates.
Die hippokratische Schriftensammlung in neuer deutscher Übersetzung , 5 vol.,
Stuttgart 1933- 1940 ; 81 J. Chadwick et W . N . Mann , The Medical Works of
Hippocrates, Oxford 1950 ; 82 W . Capelle , Hippokrates. Fünf auserlesene
Schriften , Zürich 1955 ; 83 H . Diller , Hippokrates. Schriften . Die Anfänge der
abendländischen Medizin , Hamburg 1962 ; 84 R . Joly, Hippocrate, Médecine
grecque, Paris 1964 ; 85 M . Vegetti, Opere di Ippocrate , Torino 1965 ; G . E . R .
Lloyd, Hippocratic Writings, coll. « Pelican Classics » , Harmondsworth 1978 ;
86 A . Debru , Hippocrate, La consultation , Paris 1985 (trad. de Littré); 87 A .
780 HIPPOCRATE DE COS H 152
Pecker (édit.), Hippocrate, Euvres complètes, 4 vol., Paris 1979- 1990 (trad. de
Littré publiée séparément, avec introduction et commentaires de P. Theil et Th .
Vetter) ; 88 C .Garcia Gual, M . Lara Nava , J. A . Lopez Ferez, L . Sanz Lingote ,
A . Esteban et alii, Tratados hipocráticos I- VI,Madrid 1983- 1990 (en cours) ;
89 D . Gourevitch , M . Grmek et P. Pellegrin , Hippocrate, De l'Art médical, Paris
1994 (trad. de Littré) ; 89bis Hippocrate, L 'art de la médecine. Traduction et pré
sentation par J. Jouanna et C .Magdelaine, coll.GF, Paris, 1999.
Instrumenta studiorum . Concordance et index : 90 J. H . Kühn et U .
Fleischer, Index Hippocraticus, 4 vol., Göttingen 1986 -1989 (reposant,bien que
l'ensemble des références soit donné d'après l' édition Littré , sur une collation de
première main des principaux manuscrits , avec indication des variantes, et sur
l'utilisation des éditions critiques les plus récentes) ; 91 G . Maloney et W . Frohn ,
Concordance des æuvres hippocratiques, 5 vol., Québec 1984, réimpr. Hil
desheim 1986 (essentiellement faite à partir du texte de Littré); 92 G . Maloney,
Indexes inverses du vocabulaire hippocratique, Québec 1987.
Bibliographies : 93 G . Maloney et R . Savoie , Cinq cents ans de biblio
graphie hippocratique (1473-1982 ), Québec 1982 ; à compléter pour 1983 -1992
par 94 S. Byl, « Les dix dernières années (1983- 1992) de la recherche hippocra
tique » , Centre Jean -Palerne, Lettre d 'informations 22,mai 1993, p . 1-39; 95 B .
Bruni Celli, Bibliografía hipocrática , Caracas 1984 ; 96 M . D . Grmek , « Un
siècle d ' études hippocratiques. Bibliographie critique » , dans Pecker 87, t. IV ,
Paris 1990 , p .431-442.
Pour les éditions : voir 97 H . Leitner, Bibliography to the Ancient
Medical Authors, Bern /Stuttgart/Wien 1973; 98 G . Fichtner, Corpus Hippocrati
cum . Verzeichnis der hippokratischen und pseudohippokratischen Schriften ,
Tübingen Institut für Geschichte der Medizin , 1992 (sur demande, constamment
réactualisé).
Pour la transmission du Corpus: pour les manuscrits de chaque
traité , en grec, et éventuellement en latin , syriaque, arabe et hébreu , voir Diels
30, p . 3 -57, qui, bien que vieilli, demeure le point de départ indispensable de
toute recherche; pour les papyrus, voir 99 M .- H . Marganne et P. Mertens,
« Medici et Medica. Catalogue des Papyrus littéraires grecs et latins (=Mertens
Pack ”)» , dans B . Mandilaras, Proceedings of the International Congress of
Papyrology, Athènes 1988, vol. 1, p . 105- 146 ; pour la tradition latine, voir
100 G . Sabbah (édit.), Bibliographie des textesmédicaux latins. Antiquité et haut
Moyen -Âge, coll. « Mémoires du Centre Jean Palerne» 6 , Saint-Étienne 1988,
p. 94 -107 ; pour la tradition arabe, voir 101 F. Sezgin , Geschichte des arabischen
Schrifttums, t. III. Medizin , Pharmacie , Zoologie, Tierheilkunde, Leiden 1970,
p . 23 -48 ; 102 M . Ullmann , Die Medizin im Islam = Handbuch der Orientalistik
VI 1, Leiden /Köln 1970, p . 25 -35 ; pour la tradition hébraïque, voir 103 M .
Steinschneider, Die hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden
als Dolmetscher, Graz 1956 (Berlin 1893) ; pour l'histoire du texte , voir les
synthèses de 104 J. Irigoin , « Hippocrate et la Collection hippocratique », ACF
1987 -1988, p . 629-647, et 105 Id ., « Hippocrate , Galien et quelques autres méde
H 152 HIPPOCRATE DE COS 781
cins grecs» ,ACF 1988-1989, p. 585-603, et de 106 G . Strohmaier, « La tradition
hippocratique en latin et en arabe» , dans G . Sabbah ( édit.), Le latin médical,
coll. « Mémoires du Centre Jean Palerne » 10 , Saint-Étienne 1991, p. 27-39.
Études d'ensemble. Gossen 75 ; 107 L. Edelstein , lepi đépwv und die
Sammlung der hippokratischen Schriften , Berlin 1931 ; 108 K . Deichgräber, Die
Epidemien und das Corpus Hippocraticum . Voruntersuchungen zu einer
Geschichte der koischen Ärzteschule , coll. « APAW » 3, Berlin 1933 (2e éd .,
avec « Nachwort und Nachträge» , en 1971) ; 109 L . Edelstein , art. « Hippokra
tes », RESuppl. VI, 1935, col. 1290- 1345 ; 110 M . Pohlenz, Hippokrates und die
Begründung der wissenschaftlichen Medizin , Berlin 1938 ; 111 L . Bourgey,
Observation et expérience chez les médecins de la Collection hippocratique,
Paris 1953 ; 112 N . Van Brock , Recherches sur le vocabulaire médical du grec
ancien, soins et guérison , Paris 1961 ; 113 W . Müri, Der Arzt im Altertum , 3e éd.,
München 1962; 114 R . Joly , Le niveau de la science hippocratique. Contribu
tion à la psychologie de l'histoire des sciences, Paris 1966 ; 115 F . Kudlien , Der
Beginn des medizinischen Denkens bei den Griechen von Homer bis Hippo
krates, Zürich /Stuttgart 1967 ; 116 P. Lain Entralgo, La Medicina hipocratica,
Madrid 1970 ; 117 H . Flashar (édit.), Antike Medizin, coll. « Wege der
Forschung» 221, Darmstadt 1971 ; 118 E . Vintro, Hipocrates y la nosologia
hipocratica, Barcelona 1972 ; 119 H . Diller, Kleine Schriften zur antiken Medi
zin , Berlin 1973 ; 120 J. Jouanna , Hippocrate. Pour une archéologie de l'école
de Cnide, Paris 1974 ; 121 A . Roselli, La chirurgia ippocratica , Firenze 1975 ;
122 J. Ducatillon, Polémiques dans la Collection Hippocratique, Lille 1977 ;
123 W . D . Smith , The Hippocratic Tradition, Ithaca/London 1979 ; 124 J.
Pigeaud , La maladie de l'âme. Étude sur la relation de l'âme et du corps dans la
tradition médico -philosophique antique, Paris 1981 ; 125 A . Thivel, Cnide et
Cos ? Essai sur les doctrines médicales dans la Collection Hippocratique, coll.
« Publications de la Faculté des lettres et des sciences humaines de Nice » 21,
Paris 1981 ; 126 M .-P. Duminil, Le sang, les vaisseaux, le cæur dans la Collec
tion Hippocratique. Anatomie et physiologie, Paris 1983 ; 127 M . D .Grmek, Les
maladies à l'aube de la civilisation occidentale , Paris 1983; 128 D . Gourevitch ,
Le triangle hippocratique dans le monde gréco- romain : le malade, sa maladie et
son médecin , coll. BEFAR 251, Rome 1984 ; 129 V . Di Benedetto , Il medico e la
malattia . La scienza di Ippocrate, Torino 1986 ; 130 J. Pigeaud, Folie et cure de
la folie chez les médecins de l'antiquité gréco -romaine : la manie , Paris 1987 ;
131 V . Langholf,Medical Theories in Hippocrates. Early Texts and the 'Epide
mics ', coll. « Untersuchungen zur antiken Literatur und Geschichte » 34, Berlin /
New York 1990 ; 132 L . Ayache, Hippocrate, Paris 1992 ; Jouanna 2 ; 133 J.
Jouanna, « La naissance de l'art médical occidental» , dans M . D . Grmek (édit.),
Histoire de la pensée médicale en Occident, 1. Antiquité etMoyen -Âge, Paris
1995, p. 25 -66.
Il faut ajouter à ces ouvrages la série des Colloques internationaux qui se
tiennent tous les trois ans depuis 1972 et reflètent l'essor et le dynamisme des
études hippocratiques depuis une vingtaine d 'années: 134 L . Bourgey et J.
782 HIPPOCRATE DE COS H 152
Jouanna (édit.), La Collection hippocratique et son rôle dans l'histoire de la
médecine. Colloque de Strasbourg (23-27 octobre 1972), coll. « Trav. du Centre
de Recherche sur le Proche-Orient et la Grèce antiques » 10 , Leiden 1975 ;
135 R . Joly (édit.), Corpus Hippocraticum , Actes du Colloque hippocratique de
Mons (22- 26 sept. 1975), Mons 1977 ; 136 M . D . Grmek et F . Robert ( édit.),
Hippocratica, Actes du colloque hippocratique de Paris (4 - 9 septembre 1978 ),
Paris 1980 ; 137 Fr. Lasserre et Ph. Mudry (édit.), Formes de pensée dans la
Collection hippocratique, Actes du IVe Colloque International Hippocratique
(Lausanne, 21- 26 septembre 1981), Genève 1983; 138 G . Baader et R . Winau
(édit.), Epidemien - Theorie - Praxis- Tradition . Verhandlungen des Ve Colloque
international hippocratique, Berlin , 10 .-15. 9. 1984, coll. « Sudhoffs Archiv
Beihefte » 27, Stuttgart 1989 ; 139 P . Potter, G . Maloney et J. Desautels (édit.),
La maladie et lesmaladies dans la Collection Hippocratique : Actes du Vre Col
loque internationalhippocratique (Québec, du 28 septembre au 3 octobre 1987),
Québec 1990 ; 140 J. A . Lopez-Ferez (édit.), Tratados Hipocráticos. Actas del
Vire Colloque International Hippocratique (Madrid , 24 -29 de Septiembre de
1990), Madrid 1992 ; 141 R . Wittern et P. Pellegrin (édit.), Hippokratische
Medizin und antike Philosophie. Verhandlungen des VIII. Internationalen Hip
pokrates-Kolloquium (Kloster Banz, Staffelstein, 23-28. Sept. 1993), Hildesheim /
Zürich/New York 1996 ; 141bis Aspetti della Terapia nel « Corpus hippocra
ticum ». Atti del « IXe colloque International Hippocratique» (Pisa 25 -29 settem
bre 1996 ), a cura di I. Garofalo, A . Lami, D .Manetti, A . Roselli, coll. « Accade
mia toscana di Scienze e Lettere “ La Columbaria" » , 183, Firenze 1999.
Présentation du Corpus hippocratique. La soixantaine d'ouvrages tradi
tionnellement inclus dans le Corpus forme un ensemble disparate tant par les
sujets abordés, les styles, les dates de rédaction (du ve s. av. J.-C jusqu'au début
de notre ère pour Dentition ou Bienséance) que par les doctrinesexprimées, dont
les contradictions s'opposent à l'unité d'auteur.
(a) La question hippocratique. Les seuls témoignages anciens incontestables
que l'on possède prouvent que deux au moins des traités appartenant au Corpus
ne sont pas de la main d'Hippocrate, ainsi Nature de l'homme, dû à son disciple
Polybe (cf. Aristote, H .A . III 3, 512b 12 - 513 a 7 ), ou encore Nature des Os, dont
un chapitre au moins est de la main de Syennésis de Chypre, un autre de ses
disciples (cf. Aristote , H . A. III 2, 511b23- 30 ). La « question hippocratique »
s'est très vite posée, puisque déjà Érotien, au jer s. de notre ère , dressait la liste
des écrits hippocratiques jugés authentiques, tandis que Galien , au siècle suivant,
lui consacrait un ouvrage, aujourd 'hui perdu (Sur les écrits authentiques et
bâtards d 'Hippocrate ). Elle a longtemps animé les recherches, et les modernes
ont cru pouvoir déterminer quel(s) traité(s) revenai( en )t à Hippocrate en exploi
tant deux témoignages: (1) le célèbre passage du Phèdre, 270c sq., qui évoque la
méthode hippocratique selon laquelle une connaissance du corps est impossible
sans celle du tout (ToŰ Őhou ); selon l'interprétation qu 'on fait de ce témoignage,
on a cru retrouver l'application de cette méthode dans divers traités, entre autres
Nature de l'homme, AncienneMédecine, Airs, eaux, lieux ou Régime,mais sans
H 152 HIPPOCRATE DE COS 783
véritable certitude (très riche bibliographie sur cette question , reflétant la diver
sité des interprétations : cf., pour ne citer que les études les plus significatives,
142 W . Capelle , « Zur hippokratischen Frage », Hermes 57, 1922, p. 247-265 ;
143 P . Kucharski,« Laméthode d'Hippocrate dans le Phèdre », REG 52, 1939,
p. 301-357 ; 144 R . Joly , « La question hippocratique et le témoignage du
Phèdre », REG 74, 1961, p .69-92; 145 H .Herter, « The problematic mention of
Hippocrates in Plato 's Phaedrus» , ICS 1, 1976 , p. 22-42 ; 146 J. Jouanna, « La
Collection hippocratique et Platon » , REG 90, 1977, p. 15 - 28 ; 147 R . Joly , « Pla
ton , Phèdre et Hippocrate : vingt ans après» , dans Lasserre etMudry 43, p . 407
422 ; 148 J.Mansfeld, « Plato and the method of Hippocrates », GRBS 21, 1980 ,
p. 341- 362); (2 ) le papyrus deMénon, ou Anonyme de Londres (IIP ; édité par
149 H . Diels, Anonymi Londinensis ex Aristotelis latricis Menoniis et aliis
medicis eclogae, Berlin 1893 ; 150 W . H .S . Jones, The MedicalWritings of Ano
nymous Londinensis, Cambridge 1947), doxographie médicale liée au cercle
aristotélicien , dont une partie (col. V 35- VII 40), consacrée à Hippocrate, insiste
sur la primauté de l'air dans la production des maladies, idée qu 'on retrouve
dans le traité des Vents. Mais la critique moderne n ’ attribue pas cet ouvrage à
Hippocrate même (pour les rapports entre Vents et l’Anonymede Londres, voir
Jouanna 32 , p . 39 -47) . On se heurte à des difficultés analogues si l'on tente d 'ex
ploiter les témoignages quasi contemporains: Ctésias (cf. Galien , Comm . aux
Articulations, IV 40) et Dioclès (frg. 187 Wellmann = Galien , Comm . aux Arti
culations III 23) critiquent en les attribuant nommément à Hippocrate certaines
pratiques ou conceptions médicales qu 'on trouve dans Articulations ou Épidé
mies l; de même, on sait que l'alexandrin Hérophile a contesté le Pronostic
( fragment 33 et 261 von Staden 8 ).Mais l'analyse terminologique montre entre
ces traités, que les témoignages anciens inciteraient à attribuer à Hippocrate, des
divergences telles qu'elles rendent peu probable l'unité d 'auteur. L 'absence de
résultats concrets s'est traduite par un scepticisme grandissant, jusqu'aux posi
tions extrêmes d ’Edelstein , selon qui Hippocrate n 'est qu 'un nom sans réalité
tangible (cf. Edelstein 107 et surtout 27) ; avant lui, doutes émis aussi par 151 U .
von Wilamowitz , « Die hippokratische Schrift ſlepi ipñs vouoou », SPAW 1901,
p . 2 -23 ; 152 O . Regenbogen, « Hippokrates und die hippokratische Sammlung » ,
JKPh 47 , 1921, p . 185 - 197 ; à l' inverse ,mise en évidence des liens entre certains
traités et la personne même d 'Hippocrate, ou du moins de son école, par
Deichgräber 108, p . 162-172 ; pour un passage en revue des diverses opinions
sur la question, cf. 153 L . Edelstein , « The genuine works of Hippocrates» , BHM
7, 1939, p . 236 -248 = Ancient Medicine, p. 133- 144, ainsi que, pour une biblio
graphie récente sur ce point, 154 G . E . R . Lloyd, « The Hippocratic Question » ,
dans Methods and Problems in Greek Science , Cambridge 1991, p . 194 - 223
(reprise avec additions etmise à jour bibliographique de l' article de 1975).
(b) Les « écoles» médicales. A défaut de pouvoir attribuer des traités à Hip
pocrate lui-même, on a tenté de les rattacher à son école , celle de Cos, par oppo
sition à l' école rivale de Cnide, en s'appuyant sur la critique de l'ouvrage fonda
mental de l'école de Cnide, Sentences cnidiennes, qu 'on lit dans le Régime des
784 HIPPOCRATE DE COS H 152
maladies aiguës, chap. 1 : l'auteur reproche aux Cnidiens leur thérapeutique
sommaire et une trop grande subdivision des maladies, caractéristiques qu 'on
retrouve dans certains traités nosologiques (Maladies II et III, Affections inter
nes) et gynécologiques (Maladies des femmes I-III, Nature de la femme). Voir,
pour les premiers , Jouanna 120 , et, pour les seconds, 155 H . Grensemann , Kni
dische Medizin , I, Berlin 1975 , et II, Stuttgart 1987. Sont rattachés à l'école
coaque, pourne citer que les principaux traités, le groupe des Épidémies, Airs,
eaux, lieux, Pronostic, Aphorismes,Maladie sacrée, Humeurs, Prénotions coa
ques, Prorrhétique I et II, ainsi que les traités chirurgicaux. Voir Deichgräber
108, p. 9- 127. Cependant cette distinction entre les écoles, qui ne peut rendre
compte de l'intégralité du Corpus et qui est parfois trop systématique, est elle
même contestée et relativisée. Voir la remise en question de 156 W .D . Smith ,
« Galen on Coans versus Cnidians » , BHM 47, 1973, p . 569-585, et également
Thivel 125, avec la mise au point et les réserves de Jouanna 64 , p. 31-32, n. 3.
LA PENSÉE HIPPOCRATIQUE ET LA PHILOSOPHIE
1. De la pratiquemédicale à la réflexion sur la médecine
Il s'agit ici non de donner une description exhaustive de la pensée hippocra
tique, mais d 'insister simplement sur quelques points qui peuvent intéresser
l'histoire des idées. Indépendamment des divergences théoriques et de l'hétéro
généité du Corpus, un même fonds commun et une unité de pensée se dégagent.
(a) Primauté de l'observation : priorité est donnée à l' observation débouchant,
chez les médecins cnidiens, sur une typologie nosologique très détaillée et
l'expression d 'un diagnostic (voir Maladies II, Affections internes), tandis que
l’école coaque tire de l'observation concrète (voir par exemple Épidémies, réu
nissant les « fiches cliniques » de plusieurs dizaines de malades) des règles géné
rales régissant le cours des maladies permettant la formulation d 'un pronostic
(cf. en particulier Pronostic, Épidémies, Prénotions coaques, Prorrhétique 1 et
II). Bien des observations sontrestées célèbres, comme le faciès hippocratique
(Pronostic 2), la carphologie (Pronostic 4 ), l'hippocratisme digital (Pronostic
17), tout comme la pratique de l'auscultation immédiate (Maladies II 47b , 59,
61 entre autres). Voir Grmek 127, surtout p . 409-436 (« Pronostic, diagnostic et
conceptualisation des maladies chez Hippocrate » ).
(b) Anatomie et physiologie . En l'absence de dissection , les connaissances
anatomiques et physiologiques restent très limitées et presque exclusivement
dépendantes de reconstructions intellectuelles. Voir 157 C . R . S . Harris, The
Heart and the Vascular System in Ancient Greek Medicine, Oxford 1973 ;
Vegetti etManuli 54; Duminil 126 ; pour la théorie des humeurs (sang, phlegme,
bile noire, bile jaune ), énoncée pour la première fois dans Nature de l'homme,
voir 158 E . Schöner, Das Viererschema in der antiken Humoralpathologie ,
Wiesbaden 1964. Pour la méthode de reconstruction de l'invisible à partir du
visible, par analogie (cf. Anaxagore, DK 59 B 21 a), voir 159 H . Diller, « "OUIS
đônAoV và balo uela » , Hermes 67, 1932, p. 14-42.
H 152 HIPPOCRATE DE COS 785
(c) Approche rationnelle de la maladie : sont prônés le refus d'une causalité
divine ou magique dans l'origine des maladies et la recherche d 'une causalité
rationnelle. Cf. en particulier Maladie Sacrée , à propos de l'épilepsie, ou Airs,
eaux, lieux, à propos de la maladie des Scythes (à comparer avec Hérodote I 105
et IV 67, qui ne retient que l'explication religieuse ). Voir entre autres sur ce
point 160 G . E. R . Lloyd, Magic, reason and experience. Studies in the origins
and development of Greek science, Cambridge 1979 , p . 10 -58 (« the criticism of
magic and the inquiry concerning nature » ) et la synthèse de Jouanna 2, p. 259
297 (« le rationalismehippocratique et le divin »). Decette approche découle une
nouvelle conception de la santé et de la maladie. D 'après Ancienne médecine et
Nature de l'homme, la santé se définit par le mélange harmonieux (notions de
upãous et de lletplórns ) des éléments constitutifs du corps et l'équilibre de leur
force respective (dúvaques, notion étudiée par 161 G . Plamböck , « "Dynamis” im
Corpus Hippocraticum » , AAWMIGS 1964, 2 , p . 63- 110 ), la maladie étant la
domination d'un élément sur les autres. Pour les rapprochements possibles avec
la définition donnée par Alcméon de Crotone ( A 98 ] (santé/isonomie , maladiel
monarchie ), voir 162 L . MacKinney, « The concept of isonomia in Greek Medi
cine» , dans J. Mau et E . G . Schmidt ( édit.), Isonomia , Berlin 1964, p. 79-88 ;
163 G . Cambiano, « Patologia e metafora politica. Alcmeone, Platone e Corpus
Hippocraticum », Elenchos 3, 1982 , p. 219-236 . Pour les différentes phases
distinguées dans le cours de la maladie (crise, paroxysme, coction , dépôt, réci
dive, métastase, jours critiques), voir Bourgey 111, p. 236 -251 ; Langholf 131,
p. 73-134 . Si la santé est équilibre entre les constituants internes de l'individu ,
elle est aussi équilibre entre l'homme et son milieu naturel (cf. surtout, pour
l'illustration de cette médecinemétéorologique, Airs, eaux, lieux : influence sur
la santé de l'orientation aux vents et au soleil, de l'eau, du climat, de la nature du
sol), point de départ d'une réflexion ethnographique approfondie sur les relations
entre climat, physique et moral (comparaison des peuples de l'Europe et de
l' Asie) et sur les notions de púous et vouoc. Voir 164 H . Diller, Wanderarzt und
Aitiologe, Leipzig 1934 (qui voit sur le traité l'influence marquée de Démocrite ,
mais n 'a pas été suivi sur ce point, cf. 165 A . Stückelberger , Vestigia Democri
tea , Basel 1984 , p . 80 sq.) ; 166 F . Heinimann , Nomos und Physis. Herkunft und
Bedeutung einer Antithese im griechischen Denken des 5. Jahrhunderts , coll.
« Schweizer. Beitr. zur Altertumswiss.» 1, Basel, 2e éd., 1965; 167 M . Pohlenz,
.« Nomos und Physis», Hermes 81, 1953, p . 418 -438 ; 168 J. Desautels, L 'image
du monde selon Hippocrate , Québec 1982 ; 169 M . Pinna, « Ippocrate fondatore
della teoria dei climi» , RGI 95, 1988, p. 3-19 ; 170 J.-F . Staszak , La géographie
d 'avant la géographie. Le climat chez Aristote et Hippocrate, Paris 1995, p. 125
207. Pour la thérapeutique, d'où les procédés magiques sont presque totalement
absents, voir 171 J.H . Dierbach, Die Arzneimittel des Hippokrates, Heidelberg
1924 ; 172 J. Stannard , « Hippocratic Pharmacology » , BHM 35, 1961, p. 497
518 ; Aspetti della Terapia 141bis; pour allopathie et homéopathie , voir 173 J.
Scarborough , « Theoretical assomptions in Hippocratic pharmacology » , dans
Lasserre et Mudry 137, p. 307-325 ; 174 C . W .Müller , Gleiches zu Gleichem ,
786 HIPPOCRATE DE COS H 152
coll. « Klassisch -philologische Studien » 31, Wiesbaden 1965 ; pour les traités
chirurgicaux, voir Roselli 121.
(d ) Réflexion sur l' art médical. Deux traités, Ancienne médecine et surtout
Art, offrent des discussions épistémologiques développées sur la nature de l'art,
son origine et sa méthode, s 'inscrivant, avec Ancienne médecine, dans une
réflexion plus large sur l'histoire humaine et le passage de la vie sauvage à la
civilisation (voir 175 H . Herter, « Die kulturhistorische Theorie der hippokra
tischen Schrift « Von der alten Medizin » » ,Maia 15, 1963, p. 464-483; pour le
rapprochement courant avec le Mixpós Oláxoguos de Démocrite , voir la mise
au point de Stückelberger 165, p . 82-85, et Jouanna 35 , p . 46 -48). Pour la
réflexion sur l'art chez les médecins hippocratiques (antithèse téxvn/ túyn!
återvin et nécessité d 'un savoir causal), voir 176 F . Heinimann, « Eine vorpla
tonische Theorie der téxun » ,MH 18, 1961, p. 105-130, avec bibliographie
p. 106 n . 9 ; 177 P . Joos, « Zufall, Kunst und Natur bei den Hippokratikern »,
Janus 46, 1957, p. 238-252, Jouanna 31, p. 183- 190, et Jouanna 35 , p. 34-49;
pour la notion de cause , cause déclenchante et cause profonde (npopaois et
aitiov), voir en dernier lieu 178 R . Rechenauer, Thukydides und die hippokra
tische Medizin . Naturwissenschaftliche Methodik als Modell für Geschichts
deutung, Hildesheim 1991.
2. Le Corpus hippocratique et la philosophie
Peu de domaines reflètent aussi nettement la diversité d'auteurs et de pensées
dans le Corpus que l'étude des relations entre médecine et philosophie, depuis
les traités qui rejettent l' intrusion de la philosophie en médecine, comme
Ancienne médecine ou Nature de l'homme, jusqu' à Bienséance, qui proclame
que « lemédecin philosophe est égal aux dieux » (chap . 5).
(a ) Pensée présocratique et médecine philosophique. Entre les philosophes
presocratiques, traitant de problèmes biologiques, et les médecins hippocra
tiques, les intérêts communs et par conséquent les points de rencontre – n 'impli
quant pas nécessairement une influence des uns sur les autres – sont nombreux .
Le dépistage des doctrines présocratiques dans le Corpus et de leur influence , en
particulier dans le domaine de l'embryologie , a été l'une des principales voies de
recherche jusqu 'à ce jour. Voir sur cette question le relevé bibliographique de
179 M . Roussel, « Corpus hippocratique et pensée présocratique », dans L .
Paquet, M . Roussel et L . Lafrance, Les Présocratiques. Bibliographie analytique
(1879- 1980 ),Montréal/Paris, t. II, 1989, p . 386 -425 (175 titres retenus), auquel
il faut ajouter 180 J.Longrigg, « Presocratic Philosophy and Hippocratic Medi
cine » , HistSc 27 , 1989, p. 1- 39, et son ouvrage 181 Greek rational medicine.
Philosophy and medicine from Alcmaeon to the Alexandrians, London New
York 1993 (chap. 4 , « Presocratic philosophy and the Hippocratic Corpus) ;
182 B . Vitrac,Médecine et philosophie au temps d 'Hippocrate , Paris 1989, ainsi
que les actes du huitième colloque hippocratique (141). Toutefois , bien que la
tendance dominante des études ait été de supposer une relation de dépendance
des médecins par rapport aux philosophes (ou plus rarement l'inverse), il faut
H 152 HIPPOCRATE DE COS 787
sans doute rectifier cette optique et plutôt envisager une relation de concurrence
entre médecins et philosophes, dans une égalité de compétence (voir 183 J.
Jouanna, « La naissance de la science de l'homme chez les médecins et les
savants à l'époque d'Hippocrate : problèmes de méthode », dans Lopez Ferez
140 , p . 91-111 ).
A côté de réminiscences ou de rencontres de détail, souvent trop peu précises
ou trop peu significatives pour être interprétées comme la trace d'une influence
indéniable des penseurs présocratiques, certains traités relèvent d 'une véritable
médecine philosophique. Malgré leurs divergences profondes et les opinions
variées qu 'ils reflètent (monisme, dualisme, théorie septénaire...), tous affirment
comme préalable à l'art médical la nécessité d'une connaissance des éléments
constitutifs de l'homme, associant ainsimédecine et cosmologie . Parmi les trai
tés se rattachant à cette tendance, les plus significatifs sont les suivants :
- Régime (traité n° 32). Fin va ou première moitié IVa. Un exposé sur le
régime nécessitant une connaissance préalable de la nature humaine, l'ensemble
du livre I (chap . 1-36 ) est consacré à l'anthropologie : anthropogénèse à partir de
deux substances primordiales, eau et feu , cosmobiologie (avec l'une des plus
anciennes formulations conservées de la théorie micro -macrocosmique) et
embryogénèse à l' imitation de l'univers. Voir Joly 51, p. 25 -33, et 184 Id .,
Recherches sur le traité pseudo-hippocratique du Régime, Paris 1960 , p . 20 -91,
qui minimise l'influence d'Héraclite , jugée jusqu 'alors prépondérante , mais en
réalité surtout stylistique, et relève les points de contact avec le pythagorisme,
Anaxagore ( A 158 ) (panspermatisme et embryologie), Hippon (2H 157) et
Empédocle (2E 19) . Pour les divers types d ' intelligence, selon la variété du
mélange eau/feu , voir aussi 185 J. Jouanna, « La théorie de l'intelligence et de
l'âme dans le traité hippocratique du Régime; ses rapports avec Empédocle et le
Timée de Platon », REG 79, 1966 , p. XV -XVIII.
- Vents (traité nº 30). Fin Va. Exposé sur le rôle primordial de l'air dans les
processus vitaux, les maladies et la santé , où est réhabilitée, contre le pluralisme
empédocléen, la théorie d'Anaximène (» A 168) sur la primauté de l'air dans
l'univers , reprise par Diogène d'Apollonie (2D 139). On remarque, toutefois,
l'originalité de l'auteur, qui voit la source de la pensée non dans l'air, mais dans
le sang, se rapprochant ainsi d 'Empédocle. Pour une synthèse récente, voir
Jouanna 32, p. 25-29 (« Les Vents et la philosophie présocratique» , avec relevé
des points de rencontre entre Vents etDiogène).
- Chairs (traité n° 22). Fin Va-début IV . Étude du corps humain rattachée à
une cosmologie à trois éléments, éther, air et terre, et anthropogénèse à partir du
mélange et de la transformation des éléments premiers , avec insistance sur les
notions de gras (alttapóv) et de glutineux (xorādes), et affirmation d'une
théorie septénaire. Voir surtout Deichgräber 47 , en particulier p. 24-61 (« Der
Autor und sein Werk » ), repris et résumé par Joly 48, p. 181-185, qui relève les
analogies avec Empédocle, Archélaos (P + A 308) et surtout Diogène d'Apollonie .
- Semaines (traité n° 24). Traité presque entièrement perdu en grec, conservé
en latin et partiellement en arabe, qui établit une correspondance entre l'homme
788 HIPPOCRATE DE COS H 152
microcosme et l'univers -macrocosme, dans une cosmologie et une anthropologie
entièrement fondées sur le nombre sept (phases de la lune, saisons, vents, parties
du corps, jours critiques...). Voir les nombreuses études de W . Roscher (pour
qui le traité, lié à Anaximandre et Anaximène, est antérieur aux théories pytha
goriciennes et daterait des vie-ve siècles ), en particulier 186 Die Hebdomaden
lehre der griechischen Philosophen und Ärzte . Ein Beitrag zur Geschichte der
griechischen Philosophie und Medizin , Leipzig 1906 ; 187 J. Mansfeld , The
pseudo-Hippocratic tract NEPI EBAOMAAN ch. 1-11 and Greek philosophy,
Assen 1971, qui note l'influence prépondérante des stoïciens et surtout de Posi
donius, et date en conséquence le traité du jer s. de notre ère, ainsi que West 51,
p. 365- 388, qui fait la synthèse des travaux précédents. .
- Aliment (traité n° 35). Imitation d 'aphorismes héraclitéens. Voir 188 H .
Diller, « Eine stoisch -pneumatische Schrift im Corpus Hippocraticum » , AGM
29, 1936 , p . 178-195 (qui souligne l'influence du milieu stoïcien et de l'école
pneumatique, et date le traité du jer s. de notre ère, conclusion contestée toutefois
par Joly 61, p. 133-135, qui note l'absence d 'éléments spécifiques de l'école
pneumatique et penche pour l' époque hellénistique) et Deichgräber 62.
(b ) La médecine contre la philosophie . A l'inverse, deux traités s'élèvent
contre la médecine philosophique et l' intrusion de postulats philosophiques en
médecine, dans une démarche parallèle et comparable aux efforts d 'autresméde
cins pour distinguer la médecine de la magie. Cette polémique, plus largement,
pose aussi le problème épistémologique de la méthode à adopter en médecine
(sur cette question , voir 189 J. H . Kühn , System - und Methodenprobleme im
Corpus Hippocraticum , coll. « Hermes Einzelschriften » 11, Wiesbaden 1956 ).
Bien que cette attitude d'opposition entre médecine et philosophie ne rende
compte que partiellement du Corpus, c'est généralement celle qui a retenu
l'attention et caractérisé l'esprit hippocratique : cf. déjà Celse, De Medicina ,
Proem ., selon qui, dans un premier temps, la médecine n 'était qu 'une part de la
philosophie, avant qu 'Hippocrate ne l'en détache et n ' en fasse un art indépen
dant. Ces deux traités sont les suivants :
- Ancienne médecine (traité n° 4). Fin Va. Critique des médecins novateurs
qui partent d 'un postulat (úntódols; sur ce mot, voir Jones 33, p. 26 -32, et
Jouanna 34, p . 155 n. 2) pour réduire les causes des maladies à un ou deux prin
cipes (le chaud, le froid, etc .) et définir une thérapeutique, alors que la médecine
possède déjà , selon l'auteur, sa propre méthode, fondée sur l'observation empi
rique. Pour l'identification des adversaires ici visés, voir 190 G . E .R . Lloyd ,
« Who is attacked in On Ancient Medicine ?» , Phronesis 8 , 1963, p. 108- 126
(Alcméon, ou plus probablement Philolaos) ; Jouanna 34 , p. 22-34 (« la critique
d'une médecine philosophique » : Philolaos, Pétron d'Égine, et surtout Hippon de
Crotone (2 - H 157]). Élargissement de la polémique à tous ceux qui adoptent une
attitude philosophique en médecine et prônent une connaissance de l'homme
antérieure à la médecine, comme Empédocle ( » E 19 ), nommément cité (chap .
20) ; à l'inverse, c 'est par la médecine qu'on pourra parvenir à une réelle
connaissance de l'homme. Pour les rapports entre Ancienne Médecine et les
H 152 HIPPOCRATE DE COS 789
traités philosophiques du Corpus, en particulier Régime, voir Jouanna 34 , p . 29
32, avec bibliographie p . 31 n . 1- 2 ; pour les rapports avec Platon , voir la thèse
originale - et très contestée - de 191 H . Diller, « Hippokratische Medizin und
attische Philosophie» , Hermes 80 , 1952, p . 385-409 (= Diller 119, p. 46 -70 ),
selon qui le traité estpostérieur à Platon .
- Nature de l'homme (traité nº 20 ). Seul traité dont on connaisse avec certi
tude l'auteur, Polybe, disciple d'Hippocrate (cf. Aristote , H . A. III 3, 512 b 12
513 a 7 , et Anonyme de Londres XIX 1- 18 ), daté des années 410 -400. Polémique
virulente (chap . 1- 2 ) contre les philosophes, plus particulièrement contre les
monistes, ioniens (Diogène d' Apollonie ( D 139 ), Philolaos de Crotone,
Hippon (» H 157 ]) aussi bien qu 'éléates (Mélissos de Samos, nommément cité,
dont les thèses sont habilement reprises par l'auteur pour réfuter celles de Dio
gène). Voir 192 A . Thivel, « ¿ Quiénes son los adversarios de Pólibo en los dos
primeros capitulos del tratado De la naturaleza del hombre ? » , dans Lopez-Ferez
140, p . 145 - 155 ; 193 J. Jouanna, « Rapports entre Mélissos de Samos et Diogène
d' Apollonie , à la lumière du traité hippocratique De Natura Hominis », REA 67,
1965, p . 306 - 323, ainsi que Jouanna 44, p . 39-43. Comme dans Ancienne Méde
cine, l' auteur affirme l'autonomie de la médecine, en tant que domaine de l'ob
servable, du visible (pavepóv), par opposition à la cosmologie, terrain du spécu
latif.
Malgré le rejetdes spéculations philosophiques, l'attitude des deux traités ne
laisse pas d'être ambiguë : les théoriesmédicales d 'Ancienne Médecine, en parti
culier la conception de la santé comme équilibre et mélange harmonieux des
duváuels du corps et de la maladie comme suprématie et isolement de l'un
d ' entre eux , témoignent de l'influence d ’Alcméon de Crotone et offrent des
rapprochements possibles avec Anaxagore ( voir sur ce point Jouanna 35 , p . 57
60 ); Nature de l'homme rejette le monisme, mais pour défendre les thèses du
philosophe dont il s' inspire, Empédocle , dont la théorie des quatre éléments
trouve une transposition médicale dans celle des quatre humeurs . Ainsi, même
chez des adversaires déclarés de la philosophie , la tentation d' énoncer des théo
ries aussi systématiques que le schéma quaternaire des humeurs n 'est jamais
loin , tout comme le passage permanent du descriptif à l'interprétatif. Sur cette
ambiguïté constante des relations entre médecine et philosophie, voir
194 G . E .R . Lloyd, « Aspects of the interrelations ofmedicine, magic and philo
sophy in ancientGreece », Apeiron 9, 1, 1975, p . 1-17 ; 195 J. Longrigg, « Philo
sophy and medicine. Some early interactions» , HSPh 67, 1963, p . 147-175, et
Longrigg 181, p . 100 - 103 ; Jouanna 2, p. 409-452 (« De l'observation du visible
à la reconstruction de l'invisible » ).
3. Éthique.
La déontologie hippocratique est résumée essentiellement dans Serment et des
ouvrages postérieurs à Hippocrate, Loi,Médecin , Préceptes, Bienséance, Quel
doit être celui qui apprend l'artmédical: retenue et discrétion du médecin, préfi
gurant le secretmédical; volonté de préserver avant toutla vie (refus de fournir
du poison , d 'aider à des suicides ou des avortements) ; souci permanent de la
790 HIPPOCRATE DE COS H 152
réputation de l'art. Voir 196 U . Fleischer, Untersuchungen zu den pseudohippo
kratischen Schriften laparyeniai ſlepi intpoŨ und lepi eủoynuooúvns, Ber
lin 1939. Sur la figure du médecin hippocratique et ses relations avec son patient,
dominées par le principe énoncé en Épidémies I, « être utile ou ne pas nuire » ,
voir 197 W .Müri, Arzt und Patient bei Hippokrates, Bern 1936 ; Deichgräber 36
(analyse en particulier des « grâcieusetés » du médecin pour le malade et des
efforts pour adoucir le traitement); Gourevitch 128 (en particulier les chap . II 1
4 ) ; 198 H . Flashar et J. Jouanna (édit.),Médecine et morale dans l'Antiquité ,
coll. « Entretiens sur l'Antiquité classique» 43, Vandæuvres-Genève 1997.
JACQUES JOUANNA et CAROLINE MAGDELAINE.
153 PSEUDO -HIPPODAMOS DE MILET
A . La tradition tardive qui fait du célèbre architecte et urbaniste de Milet (va)
un pythagoricien ( en DK 39 ( 27 ) ; t. I, p . 389 - 391, Hippodamos est inclus parmi
les penseurs " proches du pythagorisme"), au demeurantmal attestée (Stobée IV
34, 71 ; IV 1, 93, infra ), ne repose sur aucun fondement sûr; selon une hypothèse
ancienne de Fabricius, elle pourrait être due au fait qu 'Hippodamos aurait des
siné les plans de Thurium pour Périclès, ce qui incitait à l'associer avec la
Grande Grèce, et par là avec les pythagoriciens (cf. 1 H . Thesleff, An Introduc
tion to the Pythagorean writings of the Hellenistic period, Åbo 1961, p . 111-112,
n . 5 ). Dans Schol, in Aristoph. Equ. 327, il est dit que certains le rattachaient à
Thurium , d'autres à Samos.
B . Sous le nom d 'Hippodamos de Thurium a été transmis par Stobée IV 39,
26 un nepi kúbaluovías (Sur le bonheur) d ' environ 95 lignes en dialecte
dorien . Contenu : le bonheur, qui représente la perfection de la vie et de l'activité
humaines, dépend de la possession et de l'usage de la vertu et de la bonne for
tune ; il n 'est possible que dans un État régi par de bonnes lois. Édition dans 2 H .
Thesleff, The Pythagorean texts, p . 94, 7 - 97, 15. Thesleff rattache à cette æuvre
un fragment de deux lignes cité par Clément, Strom . II 102, 1 , sur les trois
espèces de philia . Traduction anglaise dans 3 D . R . Fideler, The Pythagorean
Sourcebook and Library, p . 215-217. Datation : 119 selon Thesleff 1, p . 115 ; 1a
selon 4 W . Burkert, « Zur geistesgeschichtlichen Einordnung einiger Pseudo
pythagorica » , dans Pseudepigrapha I, Vandeuvres/Genève 1971, p . 25-55, en
part. p . 38 -41; 5 B . Centrone, Pseudopythagorica ethica. I trattati morali di
Archita , Metopo, Teage, Eurifamo. Introduzione, edizione, traduzione e com
mento a cura di B . C ., Napoli 1990, p . 15 n . 7 ; 41-44.
Dans la Souda © 83, s. v. Osavó 1, t. II, p . 688, 16 Adler, Hippodamos de
Thurium figure comme dédicataire d 'un lepi đperñs (Sur la vertu ) de la
pseudo-Théano.
C . Sous le lemme Hippodamos le Pythagoricien ont été transmis par Stobée
IV 34, 71 ; IV 1, 93 ; 94 ; 95, 4 , des fragments d'un ſepi nollteias (Sur la
constitution de l'État) en dialecte dorien (en tout environ 140 lignes). Contenu :
division de l'État en trois classes, avec des subdivisions ultérieures; la meilleure
constitution est une synthèse des formes naturelles de gouvernement, en premier
H 154 HIPPOLYTE DE ROME 791
lieu la monarchie et l'aristocratie. Traduction anglaise de K . S. Guthrie (1920 )
dans 6 R .Navon, The Pythagorean writings, p. 91-95, et dans Fideler 3, p. 217
220. Traduction italienne dans 7 I. Lana, « L 'utopia di Ippodamo di Mileto », RF
40, 1949, cf. I frammenti, p . 315-331. Traduction française incorporée dans le
texte de l'étude de 8 A . Delatte , Essai sur la politique pythagoricienne,
Liège/Paris 1922,cf. p . 125-176 : le chapitre intitulé « Le Tepi noliteiac attri
bué à Hippodamos et quelques ouvrages d'inspiration analogue» . Datation : 111a
selon Thesleff 1, p. 110 ; 115 ; 9 G . J. D . Aalders, Political thought in Hellenistic
times, Amsterdam 1975, p. 27- 38.
BRUNO CENTRONE .
154 HIPPOLYTE DE ROME DM III
Évêque schismatique et polygraphe romain .
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Identité de l'auteur et corpus littéraire. 1 P. Nautin , Hippolyte et Josipe,
Contribution à l'histoire de la littérature chrétienne du troisième siècle , Paris
1947 ; 2 M . Richard , « Hippolyte de Rome (Saint)» , dans DSp VII, 1, 1969, col.
531-571 = Opera minora, vol. 1, Turnhout/Louvain 1976 , n° 10 ; 3 V . Loi, « La
problematica storico -letteraria su Ippolito di Roma» , dans Ricerche su Ippolito ,
coll. « Studia ephemeridis Augustinianum » 13, Roma 1977, p . 9 -16 ; 4 V . Loi,
« L' identità letteraria di Ippolito diRoma» , ibid., p. 67-88 ; 5 M .Geerard, CPG
I, 1983, p. 256 -278 ; 6 P. Nautin , « Ippolito » , dans Dizionario patristico e di
antichità cristiane, t. II, Roma 1983, col. 1791-1798 ; 7 M .Marcovich , « Hippo
lyt von Rom » , dans TRE XV , 1986 , p. 381-387 ; 8 J. Frickel, Das Dunkel um
Hippolyt von Rom , Ein Lösungsversuch : die Schriften Elenchos und Contra
Noetum , Graz 1988 ; 9 M . Simonetti, « Aggiornamento su Ippolito » , dans Nuove
ricerche su Ippolito, coll. « Studia ephemeridis Augustinianum » 30, Roma 1989,
p . 75-130 ; 10 C . Scholten , « Hippolytos II ( von Rom )» , dans RAC XV, 1991,
col. 492 -551 ; 11 A . Brent, Hippolytus and the Roman Church in the third cen
tury, Communities in tension before the emergence of a monarch -bishop, coll.
« Supplements to Vigiliae Christianae » 31, Leiden 1995 ; 12 A . Brent, « Was
Hippolytus a schismatic ?» , VChr 49, 1995, p. 215 -244 ; 13 M . Simonetti, « Una
nuova proposta su Ippolito » , Augustinianum 36 , 1996 , p. 13-46 (étude critique
de Brent 11).
Statue et témoignages. 14 H . Leclercq, « Hippolyte (Statue et cimetière de
saint) », dans DACL VI, 2, Paris 1925 , col. 2419 -2483; 15 M .Guarducci, « La
statua di “ sant'Ippolito ” » , dans Ricerche su Ippolito , coll. « Studia ephemeridis
Augustinianum » 13, Roma 1977, p . 17-30 ; 16 P . Testini, « Di alcune testimo
nianze relative a Ippolito » , ibid ., p . 45-65 ; 17 M . Guarducci, « La “ statua di
sant' Ippolito " e la sua provenienza » , dans Nuove ricerche su Ippolito , coll.
« Studia ephemeridis Augustinianum » 30 , Roma 1989, p. 61-74 ; 18 E . dal
Covolo , « Ancora sulla “ statua di sant'Ippolito ", Per una messa a punto dei rap
porti tra i Severi e il cristianesimo » , Augustinianum 32 , 1992, p . 51- 59 = Studia
patristica, t. 24 ,Louvain 1993 , p.62-69; Brent 11, pl. 1- 24 et p. 3-367.
792 HIPPOLYTE DE ROME H 154
Réfutation , éditions. 19 P . Wendland (édit.), Hippolytus Werke, 3 , Refutatio
omnium haeresium , coll. GCS 26 , Leipzig 1916 , réimpr. Hildesheim /New York
1977 ; 20 M . Marcovich ( édit.), Hippolytus, Refutatio omnium haeresium , coll.
« Patristische Texte und Studien » 25 , Berlin /New York 1986 [hypercritique,
utile pour son apparat philosophique).
- , traductions. 21 J. H . Macmahon , The Refutation of all heresies by Hippo
lytus.. ., coll. « Ante -Nicene Christian library » 6 , 1 , Edinburgh 1868 = The Ante
Nicene Fathers..., 5, Hippolytus..., Buffalo (New York ) 1888, réimpr. Grand
Rapids (Michigan ) 1965, p . 9 - 162 ; 22 F . Legge, Philosophumena or the Refuta
tion of all heresies formerly attributed to Origen , but now to Hippolytus..., 2
vol., London 1921; 23 G . K . Preysing, Des heiligen Hippolytus von Rom Wider
legung aller Häresien (Philosophumena ), coll. « Bibliothek der Kirchenväter»
40, München 1922 ; 24 A . Siouville , Hippolyte de Rome, Philosophumena ou
Réfutation de toutes les hérésies, 2 vol., Paris 1928 (partielle , sans les notices
philosophiques du livre 1 ]; 25 J.- P . Dumont, Les Présocratiques, « Bibliothèque
de la Pléiade » , Paris 1988, passim (pour les notices incluses dans le Diels
Kranz ).
- , études. 26 K . Koschorke, Hippolyt's Ketzerbekämpfung und Polemik
gegen die Gnostiker. Eine tendenzkritische Untersuchung seiner Refutatio
omnium haeresium , Wiesbaden 1975 ; 27 G . Vallée, A study in anti-Gnostic
polemics, Irenaeus, Hippolytus and Epiphanius, Waterloo (Ontario ) 1981.
Sur l'univers, éditions. 28 K . Holl, Fragmente vornicänischer Kirchenväter
aus den Sacra parallela , coll. TU 20 , 2, Leipzig 1899, p . 137- 143 (fragment de
Jean Damascène ); 29 R . Henry, Photius, Bibliothèque, 1, Codices 1- 84, « Col
lection byzantine » , Paris 1959 , p. 33-35 (fragment de Photius) ; 30 W .J.Malley,
« Four unedited fragments of the De universo of the Pseudo- Josephus found in
the Chronicon of George Hamartolus (Coislin 305) » , JThS 16 , 1965, p . 13 -25,
voir p . 15- 16 (fragments de Georges Hamartolos).
- , traductions.Nautin 1, p . 71-72 (fragment de Photius) et 74 -78 (fragment
de Jean Damascène) ; Henry 29 (fragment de Photius) ; Malley 30 , p. 16 -17
[fragments de Georges Hamartolos).
- , études. 31 M . Van Esbroeck, « Le passage d 'Eznik (p . 241) dans le De
universo d 'Hippolyte » , Muséon 87, 1974, p . 441-444 ; 32 E . Prinzivalli, « Due
passi escatologici del Peri pantos di Ippolito » , VetChr 16, 1979, p. 63-75 ;
33 Ch. E . Hill, « Hades ofHippolytus or Tartarus of Tertullian ? The authorship
of the fragment De universo » , VChr 43, 1989, p. 105- 126 ; 34 A . Whealey,
« Hippolytus' lost De universo and De resurrectione : some new hypotheses» ,
VChr 50, 1996 , p . 244 -256 .
Doxographie et philosophie . 35 H . Diels, Doxographi Graeci, Berlin 1879,
réimpr. Berlin 1958, p . 144 - 156 ; 36 R . Ganschinietz , Hippolytos' Capitel gegen
die Magier, Refut. haer. IV 28-42, coll. TU 39, 2 , Leipzig 1913 ; 37 J. Filliozat,
« La doctrine des brâhmanes d 'après saint Hippolyte » , RHR 130, 1945, p. 59-91 ;
38 K . Jañaček , « Hippolytus and Sextus Empiricus» , Eunomia 3, 1959, p . 19 -21 ;
39 N . Brox , « Kelsos und Hippolytos, Zur frühchristlichen Geschichtspolemik » ,
H 154 HIPPOLYTE DE ROME 793
VChr 20, 1966 , p . 150 - 158 ; 40 J. Pépin , Idées grecques sur l'homme et sur Dieu ,
Paris 1971, p. 34-51 (Héraclite et Noët) ;41 C .Moreschini, « La doxa di Platone
nella Refutatio di Ippolito (I 19) », SCO 21, 1972, p. 254-260; 42 J.P. Hershbell,
« Hippolytus' Elenchos as a source for Empedocles re-examined », Phronesis 18 ,
1973, p. 97- 114 et 187 -203 ; 43 J. Mansfeld , « Heraclitus fr. B 63 D .-K .» ,
Elenchos 4, 1983, p. 197-205 = Studies in later Greek philosophy and gnosti
cism , London 1989, n° 8 ; 44 J.Mansfeld , « Resurrection added : the interpretatio
Christiana of a Stoic doctrine » , VChr 37, 1983, p. 218 -233, voir p . 218 -225 =
Studies in later Greek philosophy and gnosticism , London 1989, n° 2; 45 M .
Marcovich, « Plato and Stoa in Hippolytus' theology » , ICS 11, 1986 , p. 265
269 ; 46 C . Osborne, Rethinking early Greek philosophy,Hippolytus of Rome
and the Presocratics, London 1987 ; 47 I.Mueller, « Hippolytus retractatus : a
discussion of Catherine Osborne, Rethinking early Greek philosophy » , OSAPh
7, 1989, p . 233-251 ; 48 M .J. Edwards, « Hippolytus of Rome on Aristotle» ,
Eranos 88, 1990, p. 25-29 ; 49 J. Mansfeld , Heresiography in context, Hippo
lytus' Elenchos as a source for Greek philosophy, coll. « Philosophia antiqua »
56 , Leiden 1992 ; 50 S.N . Mouraviev, « Hippolyte , Héraclite et Noët (Commen
taire d'Hippolyte, Refut. omn. haer. IX 8-10)» , dans ANRW II 36, 6 , 1992,
p. 4375 -4402 ; 51 I. Mueller, « Heterodoxy and doxography in Hippolytus'
Refutation of all heresies » , ibid., p. 4309 -4374 ; 52 J. Mansfeld et D . T. Runia,
Aëtiana, The method and intellectual context of a doxographer, 1, The sources,
coll. « Philosophia antiqua » 73,Leiden 1997.
IDENTITÉ DE L'AUTEUR ET CORPUS LITTÉRAIRE
Le personnage auquel est consacrée cette notice est extrêmement controversé
(Loi 3). Aucun accord général ne s'est encore fait sur sa vie ni sur son œuvre , ni
même sur son nom . Il s'agit, par définition , de l'auteur d 'une Réfutation de
toutes les hérésies, ouvrage que sesmanuscrits attribuent à Origène,mais dont la
teneur montre qu'il ne peut être de l'Alexandrin. De toute évidence, l' écrivain
est l'un des protagonistes de l'église romaine de la première moitié du IIIe s.,
méconnu par les Anciens etdécouvert en 1851 lors de la réapparition de l'essen
tiel du texte : contemporain et concitoyen de l'évêque Calliste (217-222), il
raconte comment il s'est opposé à lui et l'a accusé d'hérésie jusqu'à devenir le
chef d 'une communauté schismatique, « le premier antipape » comme on le dit
par anachronisme (conflit minimisé, voire nié par Brent 11, p. 368-457, et 12).
L 'auteur de la Réfutation fait allusion à trois de ses compositions antérieures, un
autre traité hérésiologique perdu (I, préface, 1), un ouvrage historique identifia
ble à une Chronique conservée sans nom d'auteur (X 30 , 1.5.7) et un écrit philo
sophique Sur l'univers subsistant dans divers fragments sous le nom de
'Ivonnos (X 32, 4). On a conclu de cette dernière indication que les trois æuvres
sont d'un certain Josipe jusqu'alors inconnu (Nautin 1, p. 63-88 ). Ceux qui veu
lent échapper à cette déduction sont contraints de soutenir que, bien qu 'il soit
visiblement chrétien , le Sur l'univers a été faussement attribué à l'historien juif
homonyme Josèphe (par exemple Brent 11, p . 346 -350). D 'autres solutions,
794 HIPPOLYTE DE ROME H 154

comme l'identification de cet écrit au Sur le paradis de Tertullien (Hill 33), sont
invraisemblables.
Il se trouve de plus que la Chronique et le Sur l'univers figurent dans un cata
logue d'ouvrages inscrit sur la base d'une statue, retrouvée à Rome en 1551 et
aujourd'hui à la Bibliothèque vaticane, qui représente un personnage assis dans
une chaire (Leclercq 14 , col. 2419-2435). Si l'on rapporte le monument à l'au
teur de ces deux écrits, comme cela a toujours été fait (sauf par Brent 11, voir ci
après), son corpus littéraire s'enrichit d 'une dizaine de titres. Voici la liste com
plète : Sur les Psaumes, Sur la pythonisse, Défense de l'Évangile de Jean et de
l'Apocalypse, Sur les charismes, La tradition apostolique, Chroniques, Contre
les Grecs et contre Platon ou Sur l'univers, Protreptique à Sévérina , Démon
stration des dates de Pâques, Odes sur toutes les Écritures, Sur Dieu et la résur
rection de la chair, Sur le bien et d 'où vient le mal. Toutes ces æuvres, hormis
les deux précitées, sont entièrement perdues ou , comme la Tradition apostolique,
n 'existent plus que sous des formes très remaniées. Mais l'extrême variété des
genres auxquels elles ressortissent suffit à montrer que leur auteur était un
exceptionnel polygraphe et qu 'il ambitionnait de s'illustrer dans tous les
domaines pouvant relever du magistère d 'un évêque : l'exégèse, le canon , la
liturgie, l'histoire, la philosophie, l'apologétique, le comput, la poésie et, si l'on
joint la Réfutation , l'hérésiologie .
Un dernier ouvrage, attribué au même auteur par une indication complémen
taire du catalogue, est constitué par un calendrier prévisionnel des lunes et des
Pâques de 222 à 333 gravé sur les deux côtés de la chaire de la statue. Depuis
l'exhumation de celle -ci, on a remarqué que ce cycle pascal est identique à celui
qu ’Eusébe rattache à un responsable ecclésiastique de localisation indéterminée
qu 'il appelle Hippolyte (Hist. eccl. VI 22 ; cf. VI 20 , 2). De nombreux historiens
ont donc identifié les deux computistes, ce qui a des conséquences plus ou moins
acceptables. D 'une part, la dénomination d'Hippolyte se trouve transférée à
l'écrivain romain . Cela peut effectivement permettre de mieux rendre compte
des traditions hagiographiques et des données archéologiques qui témoignent de
l'existence à Rome d 'un martyr et d 'un cimetière portant ce nom (Leclercq 14 ,
col. 2435-2483 ; Testini 16 ). La biographie du personnage serait alors un peu
plus complète : il aurait été déporté en Sardaigne avec l'évêque légitime Pontien
en 235 (Catalogue libérien ), lors de la persécution de Maximin ; ses reliques
auraient été ensevelies sur la voie Tiburtine (Déposition des martyrs), près de
l'endroit présumé de la découverte de la statue. D 'autre part, le corpus défini
jusqu' ici se grossit encore de la quinzaine de titres - surtout des commentaires
bibliques, en grande partie conservés - qui apparaissent dans les notices hippo
lytiennes d 'Eusebe (Hist. eccl. VI 22 ), de Jérôme (Hommes ill.61) et de Photius
( Bibl. codd. 121 et 202) . On y inclut notamment deux ouvrages exégétiques,
l'Antichrist et le Sur Daniel, et un second traité hérésiologique, le Syntagma ou
Contre Noët.Mais la cohérence d'un si vaste ensemble littéraire est loin d'être
assurée, car d' importantes contradictions entre ces nouveaux écrits et ceux rete
nus auparavant surgissent. Plutôt donc que d'adopter la thèse encore prédomi
H 154 HIPPOLYTE DE ROME 795
nante qui voit dans toutes ces æuvres ou presque des productions d'Hippolyte
(Richard 2 ;Marcovich 7 ; Frickel 8 ; Scholten 10 ),mieux vaut en rester à la divi
sion du corpus en deux parties dues respectivement à l'hérésiologue romain et à
l'exégète non localisé, qu'on les appelle Josipe et Hippolyte (Nautin 1 et 6 ) ou
qu 'on préfère deux Hippolyte distincts (Loi 4 ; Simonetti 9). Il suffit pour cela de
postuler qu 'Eusébe reproduit une fausse attribution du comput ou qu'il confond
deux homonymes en une même personne.
Une troisième voie a été récemment explorée par le biais d'une réinterpréta
tion de la statue. Quand celle - ci a été retrouvée, elle était mutilée et a été restau
rée comme si elle était celle de l'écrivain . Or on a montré depuis qu 'elle remon
tait au Ir s. et représentait à l'origine une autre personne, féminine, sans doute la
philosophe épicurienne Thémista de Lampsaque (Guarducci 15 et 17).Lemarbre
aurait été remployé au III° s. par les disciples de l'évêque dissident pour servir de
support au catalogue de ses euvres et à son calendrier pascal sous le couvert
d'une allégorie de quelque vertu ; il aurait pu être placé dans la bibliothèque du
Panthéon (dal Covolo 18 ).Mais dernièrement, on a proposé que le monument,
érigé plutôt dans un lieu de culte , soit celui de la communauté en tant que telle ,
dont il aurait symbolisé l'unité (Brent 11, p. 3-114). Les ouvrages qui y sont
catalogués seraient ceux de l'« école hippolytienne » et non ceux d'un individu
particulier, si bien que l'ensemble du corpus devrait être partagé entre au moins
trois personnes (ibid ., p. 115 - 367). Toutefois cette nouvelle vue implique la
coexistence de partis ennemis au sein de l'église romaine, autrement dit un
épiscopat prémonarchique (ibid ., p . 368 -540 ); un état aussi archaïque de l' insti
tution à l'époque et au lieu considérés semble difficile à admettre (Simonetti 13).
On notera pour finir que la solution adoptée quant à l'identité de l'auteur importe
assez peu à l'historien de la philosophie , puisqu 'en toute hypothèse les æuvres
en cause , à commencer par la Réfutation et le Sur l'univers, sont du même écri
vain , l'adversairemalheureux de Calliste . Cette observation renforce d'ailleurs la
théorie selon laquelle l'hérésiologue est un personnage distinct, caractérisé par
une « physionomie intellectuelle » tournée vers la spéculation (Nautin 1 , p . 79
82 ; Prinzivalli 32 ).
EUVRES TOTALEMENT OU PARTIELLEMENT PHILOSOPHIQUES
(1) Réfutation de toutes les hérésies (Katà naowv aipéoewv ŠMeyxos:
Geerard 5 ,n° 1899). L'æuvre, conservée aux quatre cinquièmes environ, compte
quelque 7350 lignes (Wendland 19 ou Marcovich 20). Elle comporte trois par
ties, l'exposé des doctrines païennes (livres 1-4 ), celui des doctrines hérétiques
(livres 5-9) et celui de la vérité chrétienne (livre 10 ). Le début de la première
partie , précisément le livre 1, consacré aux systèmes philosophiques grecs, est
appelé Philosophoumena (IX 8, 2); l'intitulé a été parfois étendu à l'ensemble de
l'ouvrage. Cette introduction doxographique passe en revue divers représentants
des trois parties traditionnelles de la philosophie , à savoir, selon le classement de
l'auteur, Thalès, Pythagore, Empédocle , Héraclite , Anaximandre , Anaximène,
Anaxagore, Archélaos, Parménide, Leucippe, Démocrite , Xénophane, Ecphante
796 HIPPOLYTE DE ROME H 154

et Hippon pour la physique, Socrate et Platon pour l' éthique et enfin Aristote et
les stoïciens pour la dialectique ; elle leur adjoint quelques figures ou écoles
jugées inclassables dans les catégories précédentes, Epicure, les académiciens,
les brahmanes, les druides et Hésiode. D 'autres noms sont cités incidemment,
dans ce livre ou dans les suivants, Aristoxène le Musicien ( A 417), Diodore
d'Érétrie (2D 130 ), Aratos de Soles (** A 298), Andronicos le Péripatéticien
(> A 181), etc . Demême, de substantiels compléments aux notices du livre 1
apparaissent çà et là dans le corps de l'ouvrage pour certains philosophes, spécia
lement Empédocle (VII 29, 4 -26 ) et Héraclite (IX 9, 1 - 10,8 ). Les Philoso
phoumena ont été souvent détachés par la tradition manuscrite du reste de la
Réfutation , pour servir d 'abrégé philosophique, indépendamment de l'argumen
tation hérésiologique ; c'est ainsi qu 'ils ont été utilisés, dans le monde arabe, par
le Pseudo-Ammonius (2 - A 142).
(2 ) Sur l'univers (Ilepi toŨ tartós : Geerard 5 , n° 1898), intitulé aussi
Contre les Grecs et contre Platon par le catalogue de la statue et ailleurs Sur la
cause de l'univers (Ilepì tñs ToŨ Tavtos aitiac) ou Sur l'essence de l'univers
(Ilepi tñs toŨ Tavtos ojoias) - c 'est cette dernière formulation , attestée par
(A ) la Réfutation X 32, 4 , qui semble la plus exacte. L 'æuvre ne subsiste que
dans trois séries de fragments, d'un total d'environ 200 lignes, transmis par (B )
Georges Hamartolos, Chronique 2 (Malley 30 ), (C ) Photius, Bibl. cod. 48
(Henry 29) et (D ) Jean Damascène, Sacra parallela 2 , 801 (Holl 28 ), à quoi on
peut ajouter une allusion chez (E ) Jean Philopon , La création du monde 3, 16
(Nautin 1, p. 73) et une paraphrase chez (F ) Eznik de Kolb , Sur Dieu 356 -357
(Van Esbroeck 31). Selon Photius, l'auteur combattait un certain Alcinous
(* * A 94 ), identifiable, sans que cela soit aucunement nécessaire , à l’Alcinoos
médioplatonicien auteur du Didaskalikos (7 + A 92) plutôt qu'à leur homonyme
stoïcien ( + A 93) cité par Philostrate. Le plan général de l'écrit peut être
reconstitué avec une certaine vraisemblance d'après les indications des différents
fragments (Malley 30, p. 18-22). Une première partie traitait des doctrines grec
ques: contradictions des poètes et de Platon (B , C et F), thèses d'Alcinous sur
l'âme, la matière et la résurrection (C ), priorité du judaïsme sur l'hellénisme (C );
une seconde partie exposait la doctrine chrétienne : théorie des essences (A ),
création du monde (E ), anthropologie et christologie (C ), démonologie et escha
tologie (D ). D 'après le contexte du passage concerné de la Réfutation , l'univers
est constitué de quatre essences – les quatre éléments, avec une variante pour
l'air : le feu, l'esprit, l'eau et la terre ; tous les êtres sont faits d 'une ou de
plusieurs d 'entre elles, l'homme est la synthèse des quatre (X 32, 1-4 ; 33, 3-7).
(3) Sur Dieu et la résurrection de la chair (Ilepi DeoŰ xai oapxòs åvaotá
DEWC). L 'euvre est entièrement perdue et seul son titre est conservé sur le cata
logue de la statue (en rejetant une hypothèse de Whealey 34, p. 250 -254, qui la
retrouve dans le Sur la résurrection du Pseudo - Justin ). Il s'agit bien d 'un
ouvrage philosophique, où , commedans le traité précédent, la réalité de la résur
rection était sans doute prouvée par une théorie des essences.
H 154 HIPPOLYTE DE ROME 797
(4) Sur le bien et l'origine du mal (Ilepì tåyadoũ xai nodev tÒ xaxóv).
L 'æuvre est aussi totalementperdue et seul son titre est conservé sur le catalogue
de la statue (en rejetant une autre hypothèse de Whealey 34, p. 244-250, qui la
retrouve dans le fragment damascénien du Sur l'univers ). L 'ouvrage visait sans
doute les gnostiques, comme le traité perdu d' Irénée Sur la monarchie ou Que
Dieu n 'est pas l'auteur des maux (Eusébe, Hist. eccl. V 20 , 1). Le sujet est évo
qué ainsi dans la conclusion de la Réfutation : « Dieu , qui a créé lemonde, ne l'a
fait ni ne le fait mauvais, mais beau et bon, car celui qui fait est bon ... C'est
l'homme, parce qu 'il est doué du libre arbitre, qui engendre le mal» ( X 33, 8 -9 ).
HÉRÉSIOLOGIE ET PHILOSOPHIE
A la différence des hérésiologues qui l'ont le plus directement précédé ou
suivi, Irénée, Hippolyte (celui du Syntagma) et Épiphane, l'auteur de la Réfuta
tion réserve une place primordiale à la description des doctrines non chrétiennes
et ne procède à aucune réfutation à proprement parler (en dépit de la traduction
consacrée du titre). Sa thèse est que les hérétiquesont frauduleusement emprunté
leurs théories aux divers systèmes des peuples païens, avant tout la philosophie
desGrecs, mais aussi lesmystères des Égyptiens, la divination des Chaldéens et
la magie des Babyloniens. C 'est la simple mise en évidence d 'une similitude
quelconque d'une secte avec l'un de ces systèmes – la ressemblance étant inter
prétée comme une dépendance – qui suffit à la disqualifier. La démonstration
repose donc essentiellement sur le concept de plagiat, exprimé par les vocables
xheployéw ou xhepinoyos (références dansMarcovich 20 , p. 476 , s.v.). Voici
quelques-unes de ces prétendues relations: Empédocle et Marcion, Héraclite et
Noët, Aristote et Basilide, lesmystagogues et les naassènes, les astrologues et les
pérates, les magiciens et les marcosiens. On a noté à ce propos, sans vraiment
l’expliquer, que plusieurs philosophies sont exposées pour elles-mêmes, sans
être mises en corrélation avec aucune hérésie , et inversement, ce qui va à
l'encontre de la thèse (Mansfeld 49, p. 44-56 ). Il faut en chercher la raison dans
une prétention encyclopédique de l'écrivain , qui veut faire de sa Réfutation un
système doxographique universel, comme il a voulu faire de sa Chronique un
système chronologique universel.
La thèse du plagiat n 'est pas sans rapport avec le jugement relativementfavo
rable que l'auteur porte sur la philosophie . A tout prendre, les philosophes sont
préférables aux hérétiques : les premiers sont certes dans l'erreur, mais les
seconds sont à la fois dans l'erreur et menteurs . Les doctrines des Grecs sont
même en un sens « dignes de foi» , car elles permettent de comprendre les héré
sies (I, préface, 1); sur le sujet du divin , elles sont « plus anciennes et plus
respectables» que celles des sectaires (ibid . 8). L 'hérésiologue n 'hésite donc pas
à conclure son ouvrage majeur sur des considérations très philosophiques : les
idées platoniciennes lui servent à fonder l'æuvre créatrice du Logos (X 33, 2) et
le « connais-toi toi-même» socratique à élaborer une doctrine de la divinisation
de l'homme (X 34, 4). Quantau courant où il se situe, c'est celui du médioplato
nisme de son époque (Moreschini 41 ;Marcovich 45 ;Mueller 47), un platonisme
798 HIPPOLYTE DE ROME H 154

marqué par le néopythagorisme (Mansfeld 49, p . 243-316). Qu'il s'attaque en


priorité à Platon dans le Sur l'univers ne signifie pas que sa préférence aille à un
autre ; au contraire, c'est qu'il voit en lui le penseur le plus accompli : en le réfu
tant, il réfute du même coup tous ses rivaux . Son admiration pour les Grecs se
révèle enfin dans le choix de leur langue, qui ne s'imposait plus à un Romain de
ce temps – le cas rappelle celui d'Élien ( A 62).
Poussé par l'ampleur de son dessein , l'auteur de la Réfutation a utilisé de
multiples sources (tableau, contestable , dansMarcovich 20, p. 18 -31). En raison
de leur transmission séparée, on s'est longtemps concentré sur les seuls Philo
sophoumena, qui auraient été composés à partir de deux documents principaux ,
exemplaires de l'histoire antique de la philosophie, l'un de genre biographique,
l'autre de genre doctrinal (Diels 35 ). Il apparaîtmaintenant que les données y
sont plus nombreuses etmoins différenciées (Mansfeld 49, p . 1-19); le texte est
proche de celui, perdu , d'Aétios (ibid ., p . 20 -26 ), sans être l'une des bases de sa
reconstitution (Mansfeld et Runia 52, p . 107).Mais surtout, l’æuvre est à consi
dérer dans sa totalité, ses dix livres étant liés les uns aux autres (Mueller 51, avec
réticence ; Mansfeld 49, plus radicalement). L 'écrivain ne travaille généralement
que de seconde main , et l' identification de ses informateurs reste souvent incer
taine : ici, on renonce à lui reconnaître un contact avec le Celse de Lucien
(> C 68 : Ganschinietz 36 ) ou avec celui d 'Origène (B + C 70 : Brox 39 ) ; là , on
s 'interroge sur ses moyens d 'accès à Aristote (Edwards 48 ) ou à Sextus Empi
ricus (Janáček 38). En outre , ilréarrange pour son propos l'ordre et les opinions
des philosophes comme il le fait pour la succession et les doctrines des héré
iarques (Mansfeld 49, p. 27 -43). L 'étude des fragments qu'il produit doit être
faite en fonction de l'interprétation qu'il en donne (Osborne 46, p . 1-32). Quant
à sa méthode rédactionnelle , elle est variable : il cite , compile , paraphrase et
résume tour à tour, explicitement ou sans le dire (vue d'ensemble dansMansfeld
49, p . 317 -325), avec une prédilection marquée pour le commentaire de centons
(ibid ., p . 153-242).
On a d ' abord apprécié l'hérésiologue pour les morceaux inconnus par ailleurs
qu' il transmet en assez grand nombre - en particulier des fragments présocra
tiques, d'Empédocle et d 'Héraclite principalement (références dans Marcovich
20, p. 426 , s. v.). Personne ne nie plus l'intérêt de ses notices pour l'histoire de la
philosophie, une fois admis qu' il soumet sa documentation à sa visée polémique
(pour Empédocle, Hershbell 42 ; Osborne 46 , p. 87- 131 ; pour Héraclite, Osborne
46 , p . 132-182 ; Mouraviev 50). De fait, beaucoup d'inexactitudes de sa Réfuta
tion ne sont que le reflet de l'évolution des doctrines, par exemple quand il prête
à Platon un troisième principe, la matière (I 19, 1 : Moreschini 41) ; plusieurs
paradoxes s'expliquent demême, ainsi quand il rapporte l'idée de résurrection à
la pensée héraclitéenne (IX 10, 6 :Mansfeld 43) ou stoïcienne ( 21, 5 :Mansfeld
44). Quelques-unes des informations dont il dispose sont d 'une qualité inatten
due, comme celles sur la philosophie indienne (Filliozat 37 ). Quant aux corres
pondances longtemps décriées qu 'il établit entre les hérétiques et les philosophes
pour sa thèse du plagiat, elles sont aujourd'hui mieux considérées : elles peuvent
H 157 HIPPON DE SAMOS 799
en effet faire écho à des influences réelles (pour l'association de Basilide avec
Aristote , voir M . Tardieu, art. « Basilide » B 13, DPLA II, p. 87), ou du moins, en
l'absence de fondement historique, avoir une certaine pertinence (pour le paral
lèle entre Noët et Héraclite, voir Pépin 40).
DANIEL A . BERTRAND .

155 HIPPOMÉDON D 'ARGOS RE 10


Pythagoricien figurant parmi les Argiens dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth. 36 , 267; p . 145, 14 Deubner. Dans V. pyth . 87, il est dit qu 'Hippomédon
d 'Argos ou d 'Asiné (voir l'apparat critique de l'édition Deubner) appartenait à la
secte des “ acousmatiques” ; selon Hippomédon , Pythagore aurait fourni les
explications et les démonstrations de tous les akousmata ; celles-ci auraient été
par la suite perdues et seuls les problèmes auraient été conservés.
BRUNO CENTRONE.
156 HIPPON FIva ?
Destinataire d'une lettre pseudépigraphe de Diogène de Sinope (Lettre 25).
Conscient que, pour devenir un philosophe accompli, il lui fallait apprendre de
Diogène ce quiconcernait les choses au -delà de la vie (tà Metà tò (nv ),Hippon
avait demandé au philosophe son avis sur la mort et la sépulture.
La lettre est éditée et traduite en allemand par Eike Müseler, Die Kynikerbriefe, coll.
« Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» , Neue Folge, erste Reihe, Bd. 7, Pader
born 1994 , p . 28 - 29 ; trad. anglaise par B . Fiore, dans A . J. Malherbe (édit.), The Cynic
epistles, coll. « Society of Biblical Literature - Sources for Biblical Study » 12 , Missoula
(Montana) 1977, p. 116 - 117.
MARIE-ODILE GOULET-CAZÉ.
157 HIPPON DE SAMOS RE 6 va

Philosophe etmédecin .
Origine. Trois, voire quatre origines différentes sont attribuées à Hippon :
Samos, par Jamblique et, d'après Censorinus ( C 74), par Aristoxène (»- A 417)
(DK 38 A 1) ; Métaponte , par Censorinus lui-même (DK 38 A 1. 16 ); Rhegium ,
par Sextus Empiricus et par Hippolyte (DK 38 A 1. 3. 5) ; enfin Crotone si,
comme on le pense depuis Diels, c 'est bien de lui qu'il est question dans les
extraits des ’latpixá de Ménon transcrits par l' Anonyme de Londres (DK 38 A
11). Retenant, sur la foi d 'Aristoxène, Samos pour son lieu de naissance, on
explique en général ces localisations diverses par les voyages qu'il aurait faits en
Italie méridionale , ce qui s'accorderait avec sa présence dans le catalogue des
pythagoriciens de Jamblique : Métaponte, Rhegium et naturellement Crotone
étaient des foyers importants du pythagorisme.
Datation . Une indication approximative pour sa datation est donnée par les
témoignages (DK 38 A 2) selon lesquels il aurait été l'objet, comme Socrate
dans les Nuées d 'Aristophane, des railleries du comique Cratinos dans une pièce
intitulée Ceux qui voient tout (Ilavóntal). L 'auteur de ce témoignage, un scho
liaste d’Aristophane, semblant indiquer que cette pièce était antérieure aux
800 HIPPON DE SAMOS H 157
Nuées (423a), et Cratinos n 'ayant, semble -t-il, atteint la notoriété que vers 450º,
on peut en déduire qu'Hippon était actif dans la période ainsi délimitée et même,
à un moment donné, présent à Athènes.
Doctrine. Une assez grande incertitude semble avoir régné sur la teneur
exacte de ses doctrines, comme l'a montré 1 A . Maddalena, Ionici. Testimo
nianze e frammenti, coll. « La Nuova Italia » , Firenze 1963, p. 214-224. Des
reconstructions plus positives de la pensée d'Hippon ont été tentées par 2 R .
Laurenti, « Gli epigoni della scuola milesia . Ippone e Diogene d 'Apollonia » ,
Sophia 39, 1971, p. 67-89, notamment p. 68-77; 3 A . J. Cappelletti, « Los epígo
nos de la Filosofía Jónica » , RVF 3, 1975, p . 7 -31, notamment p . 8 - 16 .
Voici un inventaire succinct des données de la tradition . La mention (d 'ail
leurs méprisante ) d 'Hippon par Aristote à la suite de Thalès (Metaph . A 3 ,
984 a 3 = DK 38 A 7), chronologiquement incongrue, s'expliquerait si, comme
Thalès, il avait professé que le principe de toutes choses est l'eau : c 'est ce
qu 'affirment Aristote lui-même (de An. I 2 , 405b2 = DK 31 A 4 ), Simplicius
(DK 38 A 4) et Jean Philopon (DK 38 A 8 . 10 ). Mais selon Alexandre d ’Aphro
dise , Hippon parlait seulement de « l'humide » , sans préciser s'il s'agissait de
l'eau comme chez Thalès ou de l'air comme chez Anaximène. Sextus Empiricus,
de son côté , lui attribue deux principes opposés, le feu et l'eau (DK 38 A 5),
mais Hippolyte, tout en donnant le même témoignage, résout peut-être l'énigme
en attribuant à Hippon la doctrine d ’une génération de l'un de ces principes (le
feu ) par l'autre (l'eau) (DK 38 A 3).
Une scholie au Protreptique de Clément d 'Alexandrie (2C 154) indique
qu 'il était traité d 'impie dans une comédie de Cratinos (DK 38 A 2 ) ; Simplicius
fait état de sa réputation d' athée (DK 38 A 4 ), et Jean Philopon rapporte même
qu'il était ainsi surnommé (DK 38 A 8 ; cf. DK 38 A 6 . 9 ), ce qu'il explique,
comme Simplicius, par le fait qu'il ne reconnaissait que l' eau pour principe
unique de toutes choses, le Pseudo -Alexandre (DK 38 A 9 ) se limitant pour sa
part à donner pour explication qu 'il ne reconnaissait rien en dehors des choses
sensibles. Sans faire allusion à ce matérialisme, Clément d 'Alexandrie proteste
contre l'accusation d' athéismeportée à l' encontre d 'Hippon , qu'il place dans la
lignée d 'Évhémère « d 'Agrigente » (= de Messine, » E 187) parmiles sages dont
il loue la clairvoyance à l'égard des dieux païens (DK 38 A 8 ).
Selon les témoignages déjà cités d ' Aristote (de An. I 2 , 405 b 2 = DK 31 A 4 )
et d'Hippolyte (DK 38 A 3), la cosmologie d 'Hippon trouvait une application
dans sa conception de l'âme, qu 'il jugeait faite d 'eau ; selon Jean Philopon , c'est
la même doctrine qu 'évoque Aristote, sans nommer Hippon , à la fin du chapitre I
2 du De anima (cf. DK 38 A 10 ). Cette conception de l'âme, selon Aristote et
Hippolyte , s'appuyait sur la constatation de l'humidité de la semence chez les
animaux, ce qui signifie que l'âme était pour Hippon le principe de la génération
et qui explique que, plus généralement, l'humide était pour lui le principe phy
siologique fondamental.Ménon lui attribue une explication des maladies par
altération de l'humidité propre au corps, sous l'effet du froid aussi bien que du
chaud (DK 38 A 11). L'abondance et surtout la précision des témoignages rela
H 159 HIPPYS DE RHÉGIUM 801
tifs aux conceptionsbiologiques, et en particulier embryologiques, d'Hippon , ont
conduit 4 A . Capizzi, « Il Principio delle cose. Storia di una falsificazione» ,
Contributo 5 , 1981, nº 2, p . 5 -18, à formuler l'hypothèse que nous n 'aurions pas
affaire avec Hippon à des applications biologiques, embryologiques et médicales
de la cosmologie de Thalès (l'eau principe de toutes choses), mais au contraire à
une extrapolation à l'ensemble du cosmos de théories nées de l'observation ; le
rapprochement avec Thalès ne serait pas dans ce cas le fait d'Aristote , mais
d'Hippon lui-même, désireux de conférer ainsi à sa doctrine plus d'ancienneté
qu 'elle n 'en avait en réalité . L 'unique fragment conservé (DK 38 B 1), cité dans
une scholie à l'Iliade, où Hippon argumente en faveur de l'idée que toutes les
eaux ont leur source dans la mer, ne plaide cependant pas en faveur d 'une telle
hypothèse.
Éditions des témoignages et fragments. 5 DK 38 (traduction française par
6 J.- P . Dumont, Présocratiques, p . 461- 469) ; 7 lonici. Testimonianze e fram
menti, a cura di A . Maddalena, « La Nuova Italia », Firenze, 1963, p. 226 -243
(avec traduction italienne).
Études d'orientation .Outre Laurenti 2 et Cappelletti 3 , on peut renvoyer aux
notices consacrées à Hippon par 8 J. Burnet, Early Greek Philosophy, London
1892, 19082, § 185 (= L'Aurore de la philosophie grecque, trad. fr. par A .
Reymond, Paris (1919'] 1970, p . 405-406 ); 9 K . Freeman, The Pre -Socratic
Philosophers, 19662, p. 209-211. Voir également 10 H . Diels, « Über die Genfer
Fragmente des Xenophanes und Hippon » , SPAW 31, 1891, p. 575-583, notam
ment p. 578 -583 ; 11 Id., « Über die Excerpte von Menons latrika in dem Lon
doner Papyrus 137 » , Hermes 28, 1893, p . 407-434, notamment p. 420 -421;
12 A . Olivieri, « L 'Italiota Hippon » , La Civiltà greca in Italia meridionale,
Napoli 1931, p. 149- 160 ; 13 E . Lesky, « Die Zeugungs- und Vererbungslehren
der Antike und ihr Nachwirken » , AAWM /GS 19, 1950 (1951), p. 1251- 1253 ;
14 J. B .McDiarmid , « Theophrastus on the Presocratic Causes» , HSPh 61, 1953,
p. 85 -156 , notamment p . 88 -93 ; 15 M . Timpanaro Cardini (édit.), Pitagorici.
Testimonianze e frammenti. Terzo fascicolo : Pitagorici anonimi e risonanze
pitagoriche, coll. « La Nuova Italia », Firenze 1964, 19732, p . 366 -369.
MICHEL NARCY.
158 HIPPOTHALÈS D 'ATHÈNES RE : PA 7613 MIV
Disciple de Platon mentionné dans une liste conservée par Diogène Laërce III
47. Il ne peut que difficilement être identique au jeune Hippothalès, fils de Hié
ronymos, rencontré par Socrate (Platon, Lysis 203 a et 204 b ).
RICHARD GOULET.
159 HIPPYS DE RHÉGIUM RE 10 ya ?
On a envisagé de rattacher l'historien Hippys de Rhégium , de date imprécise,
au mouvement pythagoricien. Selon Plutarque, De defect. or. 22,422b -e, Hippys
de Rhégium , cité par Phanias d' Érèse (fr. 12 Wehrli), aurait attribué à Pétron
d 'Himère (en Sicile ) une doctrine selon laquelle il y aurait 183 mondes diffé
802 HIPPYS DE RHÉGIUM H 159

rents, disposés en triangle, soixante sur chaque côté et trois aux angles, chacun
étant disposé à côté de l'autre xarà otocyklov. Le caractère géométrique de
cette cosmologie a conduit à considérer Pétron comme un pythagoricien et le
qualificatif a été appliqué par voie de conséquence à Hippys lui-même, sur des
bases assez fragiles (Mueller: imbutus doctrinis pythagoricorum ). En sens
contraire s'est exprimé 1 U . von Wilamowitz , « Hippys von Rhegion » , Hermes
19, 1884, p . 442 -452, qui a envisagé une confusion de nom avec Hippasos
(2H 144 ). 2 F. Jacoby, art. « Hippys von Rhegion », RE VIII 2 , 1913, col, 1927
1930 , voir col. 1929, en revanche, arguant du fait qu 'il est difficile d 'expliquer
l'adjectif ‘ Pnyivos que fournit Plutarque en l'attribuant à Hippasos, a pensé à un
Hipparchidès de Rhégium (2 - H 139) qui figure dans le catalogue de Jamblique
(V. pyth . 36 , 267, p . 145, 19 Deubner). Or, dans la Souda, I 591, s.v. "Intus, il est
dit qu 'Hippys futle premier à écrire les Elxeaixai apátels, ouvrage qui fut par
la suite abrégé par un certain Myès (Múns), et ce dernier nom figure dans le
catalogue des pythagoriciens de Paestum chez Jamblique, V. pyth . 36 , 267,
p . 145 , 10. Jacoby a donc émis l'hypothèse que les Eixeacxai nepáčels et le
présumé Hipparchidès constitueraient une fiction littéraire du pythagoricien
Myès, conçue afin de pourvoir son ouvrage d'une garantie d 'antiquité ; en sens
contraire , 3 W . Schmid , Geschichte der griechischen Literatur,München 1934 ,
réimpr. 1959, p . 701-703.
BRUNO CENTRONE.
160 HIRTIUS (AULUS – ) RE H2 ja
Bien qu'il ne soit pas cité dans les sept premiers livres de la Guerre des
Gaules, Hirtius était aux côtés de César (2°C 8) où il fit office, probablement à
partir de 54, de secrétaire de l'imperator. Homme de confiance de César, Hirtius
participa aux ultimes négociations avant le déclenchement de la guerre civile , et
il est vraisemblable qu'il prit part aux campagnes espagnole et grecque.
Bien qu'il entretînt des relations amicales avec Cicéron , qui fut certainement
son maître de rhétorique, Hirtius se vit cependant confier par César la tâche
d 'écrire, après le suicide héroïque de Caton (B+C 59), un pamphlet contre ce der
nier pour répliquer à l' éloge funèbre composé par Cicéron , et au Caton rédigé
par Brutus, où Caton était représenté comme l'authentique personnification de la
uirtus romaine, avant que le dictateur ne rédige lui-même les deux livres de son
Anticaton (45).
Il serait cependant excessif de faire de ce pamphlet la preuve qu 'Hirtius était
un épicurien résolu ; on sait par exemple que M . Fabius Gallus (2°F 3), pourtant
connu comme épicurien , a écrit un panegyrique de Caton . D 'autre part, dans son
De Fato , Cicéron met en scène un Hirtius qui, s 'il n 'est évidemment pas un
disciple de l' école académicienne, ne marque aucune obédience à quelque école
philosophique. De même, sa gourmandise , souvent citée par Cicéron (par
exemple , Ad fam ., IX 16 , 7),ne saurait suffire à faire d'Hirtius un épicurien .
Nommépréteur en 46, puis propréteur en Gaule Chevelue et Narbonnaise en
45, sa fidélité envers César conduisit ce dernier à le désigner consul, avec Vibius
H 160 HIRTIUS (AULUS -) 803
Pansa , pour l'année 43 (Cicéron, Ad Att. XIV 9 , 2). Aussi, après les Ides de mars
44, gagner le soutien du futur consul fut l'objectif des différentes factions, en
particulier desRépublicainsmeurtriers de César ainsi que d 'Octave.
Modéré, attaché à la paix publique, Hirtius tenta la conciliation avant de finir
par s 'opposer aux menées d 'Antoine en Cisalpine, si bien que,malgré sa volonté
d'empêcher la guerre, Hirtius fut contraint d 'ouvrir son consulat sur des opéra
tions militaires contre l'ancien lieutenant de César. En liaison avec les troupes
d 'Octave, il contraignit Antoine à quitter Bologne. Son courage près deModène,
où il sauva son collègue Pansa , lui valut le titre d 'imperator. Mais, quelques
jours après, sous les murs de Modène, où Antoine subit une nouvelle défaite ,
Hirtius trouva la mort.
Parallèlement à ce rôle politique, la fin de la vie d 'Hirtius futmarquée par une
activité littéraire. Ayant en effet établi une deuxième édition de la Guerre des
Gaules, il entreprit de la lier à l'autre ouvrage de César , la Guerre civile, et
ajouta dans ce but un huitième livre à la Guerre des Gaules, où il racontait les
dernières opérations de 50-51. Son intention est de se situer dans une stricte
obedience à César dont, dans la lettre à Balbus qui constitue la préface de ce
livre VIII, il célèbre les qualités littéraires ; il s'efforce de justifier les actes du
conquérant, et insiste également sur la clémence de César, en utilisant le terme
de la propagande officielle clementia , termerarement employé par César. Hirtius
fit, d 'autre part, le projet de poursuivre le récit des campagnes de César ; il com
posa probablement lui-même la Guerre d 'Alexandrie , mais c 'est à d 'autres géné
raux qu 'il commanda la Guerre d 'Afrique et la Guerre d 'Espagne, dont le style
est trop éloigné pour suggérer qu 'ils soient de la main d'Hirtius.
Bien que sa mort prématurée l'empêchât de voir l'accomplissement de ce
Corpus césarien ,dont la publication fut vraisemblablement due à Balbus, Hirtius
restera comme l'ami et fidèle homme de plume de César. Si rien ne le lie avec
évidence à une école philosophique, il semble en revanche être un bon exemple
de ces nombreux aristocrates partisans de César qui, s'ils affichèrent des sympa
thies pour l'épicurisme, se distinguèrent avant tout par leur souci demodération ,
souci qui trouva son expression privilégiée dans la clémence dont sut faire
preuve le dictateur.
Édition . La Guerre des Gaules, livre VIII. Texte établi et traduit par L . A .
Constans, CUF, Paris 1926 ; La Guerre d 'Alexandrie. Texte établi et traduit par
J. Andrieu, CUF, Paris 1954.
Cf. P . Von der Mühll, art. « Hirtius» 2 , RE VIII 2 , 1913, col. 1956 -1962 ; O .
Seel, Hirtius, Leipzig 1935 ; K . Barwick, « Problemen zu den Commentarii
Caesars und seiner Fortsetzer » , Forschungen und Forschritte 1939, p . 130 -181 ;
R . Syme, La Révolution romaine, Oxford 1939, 2e éd. revue 1952 ; A . Momi
gliano,compte rendu de B . Farrington, Science and politics in the AncientWorld
(1939), JRS 31, 1941, p . 149-157 ; L . W . Daly , « Aulus Hirtius and the Corpus
Caesarianum » , CW 44, 1951, p. 113-117 ; A . Haury , « Autour d ’Hirtius, littéra
ture et politique » , REA 61, 1959, p . 84 -95 ; J. Kerschensteiner, « Cicero und Hir
tius» , dans Studien zur alten Geschichte , S. Lauffer zum 70. Geburtstag, Roma
804 HIRTIUS (AULUS -) H 160
1986 , p. 559 -575 ; C . Castner, Prosopography of Roman Epicureans, Frankfurt
am Main 1988, p. 82-83.
FABRICE EMPLI.
161 HODIOS DE CARTHAGE
Pythagoricien ancien dont le nom figure dans le catalogue de Jamblique,
V. pyth. 36 , 267,p. 145, 3 Deubner.
[ Selon O . Masson, « Sur quelques noms de philosophes grecs. A propos du “Dictionnaire
des philosophes antiques”, vol. II», RPh 1994, p. 231-237, et Id ., « Des philosophes " cartha
ginois" chez Jamblique ? » , en appendice à un article intitulé « La patrie de Diogène Laërce
est-elle inconnue ? » , MH 52, 1995, p . 229 -230 , « il est bien peu plausible qu 'un groupe de
pythagoriciens aux noms grecs (Anthès – mais il faudrait conserver pour ce nom " de type
corintho -mégarien " le nominatif rare en -ñv transmis par le ms. F : Anthen -, Miltiadès,
Hodios et Léocritos) ait existé à Carthage à cette époque.» Il faudrait envisager une confusion
entre KapxndóvLOS (carthaginois ) et Xarxndóvlog (chalcédonien ). La confusion est attestée
pour le nom du stoïcien Hérillos de Carthage ( H 72 ). La liste de Jamblique mentionne effec
tivement des pythagoriciens dans la région de Chalcédoine : on y trouve un Dardanien , un
" Pontique" , des Cyzicéniens... Mais en ce qui concerne Miltiadès, il était déjà présenté
comme carthaginois en V. pyth. 27, 128 , dans un contexte narratif où l'on parle expressément
de Carthage (l'épisode concerne les îles Lipari au nord de la Sicile , selon Diodore de Sicile, V
11). Avant de la corriger, il faudrait en fait mieux connaître l'origine et la date de cette liste
transmise par Jamblique, ainsi que sa finalité littéraire et sa valeur historique. L . Brisson et A .
Ph . Segonds, Jamblique, Vie de Pythagore. Introduction , traduction etnotes, coll. « La Roue à
Livres», Paris 1996 , p. 220 n. 33 etn. 34 , se refusent eux aussi à corriger le texte . R.G .)
BRUNO CENTRONE.
162 HONORATUS RE 10 PIR? H 195. II
Le cynique Honoratus philosophait enveloppé d'une peau d'ours (arktos).
C 'est pourquoi Démonax (Lucien, Démonax 19) par raillerie l'appelait non pas
Honoratus,mais Arcesilas (Arkesilaos).
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
163 HORAPOLLON RE
Auteur d'un traité conservé sur les Hiéroglyphes égyptiens. Il est possible
qu 'il faille l'identifier avec l'un des deux Horapollon de Phainébytis (» H 164 et
165) connus,mais le nom était trop fréquent en Égypte pour qu 'une telle iden
tification soit assurée.
Selon 1 J. Maspéro, « Horapollon et la fin du paganisme égyptien » , BIAO 11, 1914,
p . 191, et 2 O . Masson , « A propos d 'Horapollon, l'auteur des Hieroglyphica » , REG 105 ,
1992 , p . 231- 235, avec un appendice sur le nom d ’’Appodirns xóun par J.-L . Fournet,
p . 235 -236 , il faudrait l'identifier avec Horapollon 2 (MH 164 ). 3 P. Athanassasiadi,
Damascius, p. 21, présente cette attribution comme un fait établi. Selon Maspéro etMasson, il
faudrait comprendre Nelýov, transmis par certains manuscrits, comme signifiant: " du pays
du Nil" et donc simplement“ Égyptien". Il ne faudrait donc pas désigner cet auteur comme
originaire de Nilopolis (Nelontonimns) comme on l'a fait parfois.
Les Hieroglyphika en deux livres avaient été écrits en “ langue égyptienne”,
probablement en démotique, et furent traduits en grec par un certain Philippos
dans un grec parfois inattendu. Le livre I expose en 70 chapitres “ comment ils
désignent l'éternité” , le monde, l' année, le mois , etc ., ou bien " que veulent-ils
H 163 HORAPOLLON 805
signifier lorsqu 'ils dessinent un épervier”, etc . Un second livre donne un titre
plus développé : Interprétation des caractères hiéroglyphiques chez les Égyp
tiens. Il comprend 119 chapitres similaires à ceux du premier livre. Ce livre,
publié pour la première fois en 1515 , a connu un grand succès et a longtemps
contribué à orienter le déchiffrement des hiéroglyphes sur une fausse piste par
une approche trop naïve présupposant pour chaque signe une correspondance
idéogrammatique avec des réalités ou des concepts . C 'est la conception expri
mée par Plotin V 8 , 6 , 6 -8 (ÊV ÉxaotOV EXGOTOV nepáyuatos árarua ÉVTU
TWOAVTEC ), bien que Plotin ait pu penser dans le contexte aux idéogrammes des
bâtiments religieux et non aux hiéroglyphes des textes, dontcertains comportent
une valeur consonantique.
On a cru reconnaître dans le traducteur Philippe le philosophe, auteur d'un commentaire
allégorique partiellement conservé des Éthiopiques d 'Héliodore. Cette identification est refu
sée par 4 L . Tarán , « The authorship of an allegorical interpretation of Heliodorus' Aethio
pica » , dans M .- O . Goulet-Cazé, G . Madec et D . O 'Brien (édit.), EOQIHEMAIHTOPEL, " Cher
cheursde sagesse ", Hommage à Jean Pépin , Paris 1992, p. 203-230, notamment p. 204 .
Édition . 5 F . Sbordone (édit.), Hori Apollinis Hieroglyphica, Napoli 1940 .
Traduction anglaise. 6 G . Boas ( édit.), The Hieroglyphics of Horapollo,
translated by G . B ., coll. « Bollingen series » 23, New York 1950 ; réimpr. « with
a new foreword by A . Grafton » , coll. « Mythos » , Princeton University Press ,
1993, XXIV- 120 p. ; 7 H .- J. Thissen , « Horapollinis Hieroglyphika. Prolego
mena » , dans M .Minas, J. Zeidler et alii (edit.), Aspekte spätägyptischer Kultur.
Festschrift für Erich Winter, coll. « Aegyptiaca Treverensia » 7 , Mainz 1994,
p. 255-263, annonce une nouvelle traduction allemande commentée.
Cf. 8 G . Roeder, art. « Horapollon » , RE VIII 2 , 1913, col. 2313-2319 ; 9 B .
Van de Walle , « Informations complémentaires au sujet des Hieroglyphica
d 'Horapollon » , OLP 6 -7, 1975 -1976 , p. 543-554 ; 10 Sandra Sider (édit.),
« Horapollo » , dans F .E . Cranz, V . Brown et P. O . Kristeller (édit.), Catalogus
translationum et commentariorum . Mediaeval and Renaissance Latin transla
tions and commentaries, VI: Annotated lists and guides, Washington 1986 ,
p. 15- 29 ; 11 Ead., « Horapollo . Addenda et corrigenda» , dans V . Brown (édit.),
Catalogus translationum et commentariorum . Mediaeval and Renaissance Latin
translations and commentaries, VII: Annotated lists and guides, Washington
1992, p . 325.
Études récentes. 12 C .Miralles, « Carmina popularia fr. 35 Page» , Faventia
3, 1981, p . 89- 96 ; 13 G . Lambin , « Trois refrains nuptiaux et le fragment 124
Mette d'Eschyle, AC 55, 1986 , p. 66 -85 ; 14 P . W . Van der Horst, « The secret
hieroglyphs in classical literature » , dans J. den Boeft et A . H . M . Kessels (édit.),
Actus. Studies in honour of H . L. W . Nelson , Utrecht 1982, p. 115 - 123 ; 15 L .
Motte, « L 'hiéroglyphe, d'Esna à l'Évangile de Vérité » , dans Deuxièmes jour
nées d' études coptes, Strasbourg, 25 mai 1984, « Cahiers de la Bibliothèque
copte » 3, Louvain /Paris 1986 , p. 111- 116 ; 16 H .-J. Thissen , « Vom Bild zur
Buchstaben – vom Buchstaben zum Bild : von der Arbeit an Horapollons
Hieroglyphica » , coll. AAWM /GS, Stuttgart 1998. 28 p .; 17 Claude- Françoise
Brunon , « Le ciel d'Horapollon » , dans B . Bakhouche, A .Moreau et J.-C . Turpin
806 HORAPOLLON H 163
(édit.), Les astres. Actes du colloque international de Montpellier, 23-25 mars
1995, t. II : Les correspondances entre le ciel, la terre et l'homme, Les « survi
vances» de l'astrologie antique,Montpellier 1996 , p . 153-168.
RICHARD GOULET.
164 HORAPOLLON DE PHÉNÉBYTHIS PLRE I et II: 1 DV
« Grammairien de Phénébythis, village du nome Panopolite (en Thébaïde),
ayant enseigné à Alexandrie et en Égypte , puis à Constantinople sous Théodose »
< II le Jeune (408 -450 ) ?> (Souda, s.v. 'Spanówv, 12 159). La Souda lui attri
bue plusieurs ouvrages : des Temenika (sur les villes sacrées ?), un commentaire
de Sophocle , d'Alcée, un autre Sur Homère. Le reste de la notice de la Souda
semble concerner son petit-fils ( A 165 ).
1 P . Athanassiadi, Damascius, p . 282 n . 330, à la suggestion de Stéphane Diebler, a retenu
cette notice de la Souda comme un nouveau fragment de la Vie d 'Isidore de Damascius.
Il était sans doute le père d' Asclépiadès d'Alexandrie (> A 446 ) et d'Hé
raïscus ( » H 67), tous deux philosophes néoplatoniciens, et le grand -père du
philosophe Flavius Horapollon (9H 165). Ce dernier présente son grand-père
comme professeur de philosophie à Alexandrie (PCairo III 67295). Voir le
stemma 31 dans PLRE II, p . 1326 .
C'est sans doute lui qui est mentionné comme “ philosophe" par Étienne de
Byzance, Ethnica, p . 662 Meineke, dans sa notice sur Phénébythis. Photius
(Bibl., cod . 279, 536 a) a pour sa part rencontré dans un manuscrit contenant la
Chrestomathie d'Helladius d'Antinoupolis un écrit du grammairien Horapollon
sur les antiquités d 'Alexandrie (htepi tõv natpiwv 'Arečavopeias). La phrase
qui suit chez Photius (« il a aussi composé des drames dans la même forme » )
peut se rapporter à Horapollon ou à un des auteurs cités dans les lignes qui
précèdent.
Selon 2 J. Maspéro , « Horapollon et la fin du paganisme égyptien » , BIAO 11, 1914,
p. 163-195, notamment p . 190, les Antiquités d 'Alexandrie seraient plutôt l'œuvre d'Hora
pollon 2 (voir la notice suivante ) et s'inscriraient dans le contexte d'une défense nationaliste
de la religion égyptienne ancestrale. A la page suivante (p . 191), l'hypothèse est présentée
comme une certitude.
Eustathe, Comm . sur l'Iliade, t. I, p . 689, 16 - 17 Van der Valk, explique la formation du
nom Horapollon : • 'Spanóniwv ('Spanówv ?), ávnp Nóyloc, oŬ ñ ouveous Éx toŨ
* . pop ( ook ?) xai Amoov, 4 vai Zub kneers clot Poison.
RICHARD GOULET.
165 HORAPOLLON (FIAVIUS -) DE PHÉNÉBYTHIS PLRE II:2 FV
Fils d 'Asclépiadès d 'Alexandrie (* * A 446 ) et neveu d'Héraïscus (= + H 67),
professeur de philosophie à Alexandrie sous l'empereur Zénon (474-491). Selon
Damascius, Vie d' Isidore, fr. *317, p. 253, 1-8 Zintzen (Souda, s.v. 'Spanón
awv, 12 159 ), Horapollon n 'avait pas le caractère d’un (véritable ) philosophe.
Son oncle Héraïscus avait prédit qu 'il serait infidèle aux lois ancestrales, c 'est- à
dire qu 'il se convertirait spontanément au christianisme, sans être sous la pres
sion d 'aucune nécessité. En vérité, sous le règne de Zénon , il fut arrêté avec
H 165 HORAPOLLON DE PHÉNÉBYTHIS 807
Héraïscus et refusa,malgré lesmauvais traitements qu' on leur fit subir, de révé
ler l'endroit où se cachaient le philosophe Isidore (* * I 31) et le grammairien
Harpocras (Damascius, Vie d ' Isidore , fr. * 314 et * 315).
Les passages sonttraduits en anglais dans 1 P. Athanassiadi, Damascius, p. 281 et285.
PCairo III 67295, édité, traduit et commenté par 2 J. Maspéro, « Horapollon
et la fin du paganisme égyptien » , BIAO 11, 1914, p . 163- 195, a conservé la
copie (exécutée par Dioscoros d 'Aphroditô , 540-585) d' une pétition adressée
(vers 493) aux autorités par le “ clarissime” philosophe Flavius Horapollon , fils
d 'Asclépiadès, propriétaire à Phénébythis, afin d 'obtenir la restitution des biens
emportés en son absence par son épouse infidèle , qui était la fille d 'Héraïscus et
donc sa cousine.
Dans cette lettre (citée dans DPHA I, p. 621), on apprend qu 'après avoir fré
quenté les Académies d 'Alexandrie , Horapollon exerça ses dons naturels pour les
belles lettres (ou " pour la discussion philosophique” ) en offrant à qui le cherchait
l' enseignement philosophique, comme l'avaient fait avant lui son grand -père et
son père Asclépiadès, qui l' avait formé dans cette discipline. La lettre nous
apprend également qu 'Asclépiadès et son frère (Héraïscus) habitaient la même
maison et que leurs enfants (Horapollon et la fille d 'Héraïscus qu 'il allait épou
ser) furent élevés ensemble (I 18- 19). La maison qu 'il possédait à Phainébytis
(Kūm Išgāw : ' A podítns xúun ) fut léguée à Horapollon qui y habita avec sa
femme jusqu 'à ce que cette dernière, profitant du fait que son époux enseignait à
Alexandrie , partît avec un étranger en emportant le mobilier et non sans avoir
tenté de retrouver à coups de pic les réserves cachées par son mari (1 26 ).
Le nom du grand -père d ’Horapollon n 'est pas indiqué dans le papyrus,mais il
pourrait s 'agir d 'Horapollon , grammairien et philosophe ( H 162) ou de
l'auteur des Hieroglyphika (3 + H 163), à supposer qu'il ne s'agisse pas d 'une
seule etmême personne.
Cf. 3 R . Rémondon , « L 'Égypte et la suprême résistance au christianisme (ve_
Viie siècles) » , BIAO 51, 1952, p .63-78, en particulier p . 64-65 ; 4 P . Athanas
siadi, « Persecution and response in late paganism : the evidence of Damascius» ,
JHS 113, 1993, p. 1-29.
Horapollon est également mentionné dans la Vie de Sévère de Zacharias le
Scholastique.
Voir l' édition de 5 M .- A . Kugener dans PO II 1, Paris 1904 ; réimpr. 1971, p . 1-115, avec
traduction française ; le commentaire annoncé n 'est jamais paru . Traduction moins fidèle par
6 F .Nau dans la ROC 4 , 1899, p. 343-353 ; 543- 571; 5 , 1900, p . 75-98.
Horapollon y est présenté comme un grammairien païen d'Alexandrie (p. 15
Kugener; voir aussi 20, 11- 12), à l'époque du Patriarche Pierre d'Alexandrie
(482 -489), maître notamment de Paralios d' Aphrodisias, alors païen , qui soumit
des questions concernant la religion à « Horapollon , Héraïskos, Asklépiodotos,
Ammonios, Isidore , et aux autres philosophes qui étaient auprès d 'eux. » (p. 16 ,
9 -12 ; voir aussi p . 22 , 14 -15 ). Paralios, converti par son frère Athanase au
monastère de Salomon , fut battu par les autres élèves païens d ’Horapollon, appa
remment en l'absence du maître (p . 23, 5 - 11). Par la suite , dans le cadre d 'une
808 HORAPOLLON DE PHÉNÉBYTHIS H 165
campagne contre le culte des idoles, Horapollon dut s' enfuir d 'Alexandrie (p . 27,
1 -2). L 'ensemble de l'épisode est résuméetcommenté par Athanassiadi 1, p . 27
29 .
Selon Athanassiadi 1, p. 21, Horapollon futresponsable de la conversion au paganisme de
plusieurs de ses élèves, ce qui lui valut le surnom de " Psychapollo " , destructeur des âmes ( Vie
de Sévère 32). Il aurait été le maître de Damascius (p . 20 -21) au début des années 480 .
Signalons toutefois que dans le passage que Photius (Bibl., cod. 181) consacre aux maîtres de
Damascius dans les diverses disciplines, le nom d'Horapollon n 'est pas mentionné. Voir Ph .
Hoffmann , art. « Damascius» D 3 , DPLA II, p . 543-544. Mme Athanassiadi propose égale
ment de rattacher la composition de l'Histoire nouvelle de Zosime au cercle intellectuel
d 'Horapollon à Alexandrie (Appendice III, p . 350 -357).
Horapollon fut le maître du grammairien Timothée de Gaza (PLRE II:3) qui
vécut sous Anastase (491-516 ), d'après une scholie tardive sur le glossaire de
Cyrillus signalée par 7 R . Reitzenstein , Geschichte der griechischen Etymo
logika. Ein Beitrag zur Geschichte der Philologie in Alexandria und Byzanz,
Leipzig 1847, p . 296 .
RICHARD GOULET.
166 HORARIUS
A . S. Benjamin , « The altars ofHadrian in Athens» , Hesperia 32 , 1963, p. 65 ,
restitue le titre de < i o6$ > w dans la dédicace au datif pour un certain Hora
rius, honoré par l'un de ses parents. La restitution s'appuie sur le fait que, dans le
nombre assez restreint de documents analogues pour de simples particuliers , on
relève la présence de plusieurs professeurs et philosophes ; elle est néanmoins
très hypothétique. Le cognomen pourrait être Festianus, plusieurs fois attesté à
Athènes.
BERNADETTE PUECH .
167 HORATIUS FLACCUS (Q . -) RE 10 69a-8a
Horace est l'un des poètes latins dont la vie nous est le mieux connue grâce
aux vies antiques, comme celle de Suétone (Cf. 1 F. Villeneuve (édit.], Horace,
Odes et Epodes, CUF, Paris 1929, p. LXXXV-VIII), et surtout grâce aux nom
breuses indications qu'il a données dans son œuvre .
Né à Venouse en 69a, il est le fils d'un affranchi, ancien coactor argentarius.
Ses études se font à Rome, puis à Athènes, aux environs de 44a, aumoment de la
mort de César et de la lutte contre Brutus et Cassius. Cf. 2 B . Stenuit, « Le séjour
d'Horace à Athènes» , LEC 47, 1979, p. 249-255 .
Horace s'engage même dans l'armée de Brutus et participe à la bataille de
Philippes en 429. S'il perd alors tous ses biens, il peut rapidement revenir à
Rome et achète une charge de scriba quaestorius (3 D . Armstrong, « Horatius
eques et scriba : satires 1.6 and 2.7 » , TAPhA 116 , 1986, p. 255-258). C 'est alors
qu 'il écrit ses premiers poèmes: les Épodes, dont la rédaction semble commen
cer en 41a et 38a (bien que les dernières soient postérieures), les Satires, dont le
premier livre fut achevé et publié en 349. Les Satires le fontconnaître. Présenté à
Mécène par Virgile et Plotius, il reçoit la protection deMécène. Et ce dernier lui
H 167 HORATIUS FLACCUS 809

fit don d'une propriété en Sabine, à une date qui nous échappe. La publication du
second livre des Satires fut légèrement postérieure, vers 304. Par ses relations
avec Mécène, Horace semble proche du pouvoir. Il célèbre d'ailleurs les bien
faits du régime augustéen dans les Odes civiques du livre III, écrites sans doute
entre 240 et 23a . Les autres Odes sont d'un style différent, inspiré de la poésie
lyrique grecque. Les trois premiers livres semblent avoir été publiés vers 23a.
C 'est à peu près à cette date qu 'Auguste propose à Horace de devenir son secré
taire,mais le poète refuse manifestant ainsi son indépendance d'esprit, tout en
restant cependant proche des dirigeants et du pouvoir. Il écrit alors les Épîtres
dont le premier livre est publié vers 194. Un second livre traitant de questions
littéraires et du rôle du poète dans la cité est publié sans doute vers 13a ou peu
après. Il comprend en particulier le long poème, adressé aux Pisons, que l'on
nomme souvent Art Poétique. L 'æuvre littéraire du poète s'arrête là , Horace
meurt en 8 av. J.-C .
La référence à la philosophie est indéniable dans l’quvre d'Horace,mais les
choix du poète restent des plus difficiles à déterminer, tant les æuvres paraissent
se contredire et permettre des interprétations opposées. Dans les Épîtres (II 2 ,
42-45), Horace déclare avoir « cherché le vrai dans les bosquets d'Académos» .
Cette déclaration semble indiquer qu 'il se veut alors proche de l'Académie et
insiste sur la quête du vrai et du bien qui est la sienne. Mais les Satires contredi
sent cette affiration , car la présence de l'épicurisme est manifeste . Philodème est
mentionné dans ce recueil (I 2, 120 ). La satire I peut paraître générale dans sa
volonté de critiquer et de restreindre l'avidité humaine, mais elle se réfère à
l'homme satisfait de son sort, qui « quitte la vie comme un convive rassasié » ;
cette formule fait manifestement écho à Lucrèce ( III 935 ). En outre d 'autres
thèmes se réfèrent clairement aux thèses épicuriennes ; dans la satire V (100
104) le poète fait allusion à la représentation épicurienne des dieux en déclarant:
« j'ai appris que les dieux menaient une vie dépourvue de soucis et que si la
nature crée des phénomènes extraordinaires, ce ne sont pas les dieux malheureux
qui les envoient du haut du ciel» ; en outre dans la satire III (100 -119), la nais
sance de la société et du droit comme le développement du langage sont présen
tés d'une façon analogue à celle de Lucrèce. Dans la satire II 6 , la recherche d'un
bonheur simple, proche de la nature et le sens de l'amitié , ainsi que la descrip
tion d 'une vie urbaine pleine d'agitation , peuvent conduire aux mêmes conclu
sions. Horace s'affirme ainsi comme un proche de l'épicurisme avec une
connaissance précise de Lucrèce, même s'il n 'est pas assuré qu 'il appartenait
aux cercles épicuriens de Campanie .
Les choix d'Horace paraisssent évoluer dans les æuvres ultérieures. Cette
affirmation s'appuie sur l'ode I 34 souvent citée : « Adorateur réservé des dieux
et peu assidu , tandis que j'errais professant une sagesse folle , je suis contraint de
partir en arrière avec mes voiles et de suivre à nouveau l'itinéraire délaissé car
Diespiter divisant les nuages de son feu fulgurant a mené au milieu d'un ciel
serein ses chevaux tonnant et son char rapide » . A la suite de ce prodige, Horace
aurait renoncé à l'épicurismepour se tourner vers une autre école philosophique ,
810 HORATIUS FLACCUS H 167
peut-être le stoïcisme. La constance des choix épicuriens a pourtant été souli
gnée ; ce poème peut être interprété de façon opposée et avoir une portée poli
tique en se référant à l'apparition d'Auguste et à la bataille d 'Actium . La pré
sence des dieux dans le reste du poème peut relever d 'une tradition poétique qui
n 'engage pas profondément Horace. Mais l'invitation à profiter du temps pré
sent, la célèbre formule du carpe diem , se fonde sur une autre sagesse. Et l'on
souligne la constance de l'adhésion épicurienne chez le poète (cf. 4 R . Ferri, I
dispiaceri di un Epicureo . Uno studio sulla poetica oraziana delle Epistole, Pisa
1993). La place qu'il fait à Auguste peut aller dans le même sens, car les épicu
riens acceptaient le souverain qui assure la tranquillité à ses sujets.
L ' interprétation des Épîtres est tout aussimalaisée. Dans le livre II l'esthé
tique du poème montre des choix qui peuvent renvoyer à l'épicurisme (avec les
notions d'usus ou de dulcis), mais il existe des donnés empruntées à l'aristoté
lisme, comme 5 P . Grimal l'a montré dans son étude sur l’Art Poétique (Paris
1962) ; et la notion de decorum n 'est pas épicurienne. Le livre I paraît également
complexe. Une importante place est faite aux questions philosophiques ; leur
importance est constamment répétée. Horace critique à plusieurs reprises un
stoïcisme trop dogmatique ; il se qualifie (IV 15 - 16 ) de « porc du troupeau d 'Épi
cure» , mais cette affirmation lancée comme une plaisanterie n 'est peut-être pas à
prendre à la lettre . Pourtant, elle est précédée par une invitation à profiter de
l' instant, à regarder chacun des jours comme le dernier ; c 'est un thème épicurien
qui apparaît fréquemment chez Horace. L 'aspiration à un bonheur simple, la
recherche de l'otium et la réserve envers la politique vont dans le même sens,
ainsi que la recherche de la tranquillité (euthymia ). Mais l'influence de Panétius
a été soulignée et se manifeste dans la notion de decorum (6 M .J.MacGann ,
Studies in Horace's first Book of Epistles , Bruxelles 1969). Il semble donc que la
philosophie d'Horace soit proche de l'épicurisme, mais sans se tenir exclusive
ment à cette école ( 7 C . Castner, A prosopography of the Roman Epicureans,
p. 92 -95, le classe parmiles Epicurei incerti).
8 A . Traglia , « L 'epicureismo di Orazio », dans Atti del III convegno di studio (10 -12
Ottobre 1970), coll. « Horatianum », Roma 1971, p . 41-54.
Horace combine cette influence avec d'autres écoles, cherchant les données
les plus proches de sa morale , en gardant sa liberté d'esprit : nullius addictus
iurare in uerba magistri (Epist. I 1, 14). Cette volonté d'éclectisme, cette distan
ce par rapport aux écoles conduisent à le rapprocher de la philosophie académi
que dont l'influence paraît décisive sur sa pensée (9 K . Gantar, « Horaz zwischen
Akademie und Epikur» , ZAnt 22, 1972 , p. 5- 24 ; cf. 10 C . Lévy, Cicero Acade
micus,Rome 1992, p .92-93).
Éditions. 11 A . Kiessling et R . Heinze (édit.), Q. Horatius Flaccus, t. I:
Oden , 11e éd., Hildesheim /Zürich 1984, t. II : Satiren, 10e éd., Hildesheim 1968,
t. III : Episteln, 11e éd . 1984 ; 12 S . Borzsák (édit.), Horatius. Opera, coll. BT,
Leipzig 1984, XII- 362 p .; 13 J.K . Schoenberger et 0 . Schoenberger (édit.),
Horatius. Satiren und Episteln , coll. « Schr. & Quellen der Alten Welt » 33, Ber
lin 1976 , 349 p. ; 14 C .F . K . Herzlieb, J. P .Uz, W . Killy et E. A . Schmidt( édit.),
H 167 HORATIUS FLACCUS 811
Horatius. Oden und Epoden , coll. « Bibl. der alten Welt», Zürich 1981, 557 p. ;
15 K . Quinn (édit.), Horatius. The Odes, coll. « Class. Ser.», New York 1980,
XVIII-333 p . ; 16 C . O . Brink (édit.), Horatius. Horace on poetry, t. I: Prolego
mena to the literary Epistles, Cambridge 1963; t. II : The Ars poetica, Cam
bridge 1971 ; t. III: Epistles, Book 11: The letters to Augustus and to Florus,
Cambridge 1982 ; 17 D . R . Shackleton Bailey (édit.),Horatius. Opera, coll. BT,
Stuttgart 19912 , X -372 p.; 18 N . Rudd (édit.), Horatius. Epistles, Book ii and
Epistle to the Pisones (Ars Poetica). ed .,with a comm ., coll. « Cambridge Greek
& Latin Class.» , Cambridge Univ . Pr., 1989, X -244 p .; 19 R . Mayer (édit.),
Horace Epistles Book I, coll. « Cambridge Greek and Latin Classics» , Cam
bridge Univ . Press 1994, VIII-291 p. ; 20 D .Mankin (édit.), Horace Epodes, coll.
« Greek and Latin Classics » , Cambridge Univ . Press, VII-321 p .
Lexique. 21 J.-J. Iso Echegoyen , Concordantia Horatiana. A concordance to
Horace , coll. « Alpha-Omega Reihe A » 108, Hildesheim 1990 , 594 p .
Bibliographie. Étant donné l'abondance de la bibliographie consacrée à
Horace, nous nous bornons à renvoyer à 22 ANRW II 31, 3 , 1981, où figurent
une abondante bibliographie et des synthèses concernant les œuvres. Voir aussi
23 E . Doblhofer, « Horaz in der Forschung nach 1957 » , coll. « Erträge der
Forschung » 279, Darmstadt 1992, XIII-205 p.
Études récentes sur Horace et la philosophie . 24 P . Grimal, « La philoso
phie d 'Horace au premier livre des Épîtres», Vita Latina (Avignon ) 72 , 1978,
p . 2 -10 ; 25 W . D . Lebek , « Horaz und die Philosophie . Die Oden » , ANRW II 31,
3 , 1981, p . 2031- 2092 ; 26 W . S . Andersen , « The Roman Socrates : Horace and
his Satires » , dans Essays on Roman Satire, Princeton 1982, p . 13 -49 ; 27 R .
Mayer,« Horace's Epistles I and philosophy» , AJPh 107, 1986 , p. 55 -73 ; 28 J.
Moles, « Cynicism in Epistles I » , dans F. Cairns et alii ( édit.), Papers of the
Liverpool Latin Seminar, V , 1985, coll.« ARCA Class. & Mediev. Texts, Papers
& Monogr. » 19, Liverpool 1986 . p . 33-60 ; 29 A . Grilli, « Orazio e le filosofie
minori» , A & R 32, 1987, p . 8 - 18 ; 30 Caterina Dominici, Epicureismo e stoicismo
nella Roma antica. Lucrezio, Virgilio, Orazio (Odi civili), Seneca, Abano 1985,
143 p. ; 31 P. Grimal, « L' éclectisme philosophique dans l’Art Poétique d'Ho
race », dans 1 2000 anni dell’Ars Poetica, coll. « Pubbl. del D .AR.FI.CL.ET. »
119, Genoa 1988, p . 9 -26 ; 32 A . Michel, « L 'épicurisme, la parole et la beauté
dans les Épîtres. D 'Horace à Tacite » , AAntHung 30 , 1982-1984, p . 255- 265 ;
33 F . Della Corte , « Areio Didimo, Orazio e la dossograpfia d 'età augustea » ,
Maia 43, 1991, p. 67 -81 ; 34 A . Michel, « Poétique et sagesse dans les Odes
d'Horace» , REL 70, 1992, p. 126 -137 ; 35 A. Traina, « Orazio e Aristippo. Le
Epistole e l'arte di convivere» , RFIC 119, 1991, p. 285-305 ; 36 I. Gallo ,
« Orazio e la filosofia greca» , Aufidus 1993, nº 20 , p. 37-48 ; 37 G . Gigante ,
« Quel che Aristippo non aveva detto » , PP 48, 1993, p . 267-280 ; 38 A . Grilli,
« Orazio e il pensiero filosofico » , dans P. V . Cova et G . E .Manzoni (édit.), Voci
oraziane, coll. « Collana Secondaria Superiore Saggi » , Brescia 1993, p . 29-40 ;
39 Id., « Orazio : la filosofia e le filosofie » , dans Atti del convegno di Venosa, 8
15 novembre 1992, Venosa 1993, p . 47- 57 ; 40 P . Grimal, « Recherche sur l'épi
812 HORATIUS FLACCUS H 167
curisme d'Horace » , REL 71, 1993 , p. 154 - 160 ; 41 W . Ludwig (édit.), Horace.
L'æuvre et les imitations. Un siècle d'interprétation, coll.« Entretiens sur l'An
tiquité classique » 39, Vandæuvres/Genève 1993, 439 p.; 42 M .Maróth , « Epiku
reische Elemente in der Dichtkunst des Horaz » ,ACD 29, 1993, p. 99- 109 ; 43 G .
Milanese, « Aspetti del lessico filosofico di Orazio » ,ACD 29, 1993, p. 111- 122 ;
44 R . Müller, « Horaz und die Philosophie als Lebenskunst» , ACD 29, 1993,
p . 123 -137 ; 45 N . Rudd , « Horace as a moralist » , dans N . Rudd ( édit.), Horace
2000. A celebration . Essays for the bimillenium edited by N . R ., London 1993,
p.64-88 ; 46 C . Szekeres, « Stoische philosophische Termini bei Horaz » , ACD
29, 1993, p. 181- 189 ; 47 A . Traina, « Orazio e Aristippo. le Epistole e l'arte di
convivere » , dans R . Uglione (édit.), Atti del convegno nazionale di studi su
Orazio : Torino, 13 -14 -15 aprile 1992, Torino 1993, p. 193-204.
MICHÈLE DUCOS.
168 HORTENSINUS II ?
Le médecin Hortensinus,mort à Rome à 52 ans, avait dû donner des confé
rences sur des sujets touchant aussi bien à la philosophie qu'à la médecine: son
epitaphe le présente comme εν λόγοις φιλοσόφους και ηθει θαυμαστός (IGUR
835 ).
BERNADETTE PUECH .
169 HORUS RE PLREI: IV
L'Égyptien Horus, fils d'un certain Valens et frère d 'un certain Phanès, était
pugiliste et avait remporté les jeux olympiques de 364 à Antioche. Comme son
frère , il honorait Hermès non seulement par ses exploits à la palestre , mais aussi
par son appétit de savoir (Énlovuía óywv, Libanios, Lettres 1278 et 1279) .
C 'est ce même Horus que l'on retrouve comme interlocuteur des Saturnales
de Macrobe. Il arrive en compagnie d ' un homme effronté, Évangelus, et de
Disarius, le meilleur médecin de Rome (I 7, 3) et il fait une intervention à propos
du culte de Saturne (I 7, 14 - 16 ).On apprend dans cet ouvrage (cf. 17, 3.14 ; I 15,
3; VII 7 , 8 ; VII 13, 10; VII 17, 14 ) qu 'après une carrière de boxeur profession
nel riche en succès, il se mit aux philosophiae studia et qu 'il acquit une solide
réputation dans le milieu cynique. Comme Diogène, il se faisait un point d'hon
neur de n 'avoir aucun esclave et de ne rien posséder en dehors du vêtement
cynique.
Symmaque, dans une lettre qu'il adresse à son frère Flavien (Lettre II 39), fait
l'éloge du personnage qu 'il présente comme un ami qui lui est cher et qu 'il
recommande à son frère .
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ .
170 HOSIUS (ou OSIUS)
Patron du philosophe platonicien Calcidius (* * C 12 ) et dédicataire de la tra
duction et du commentaire du Timée de Platon rédigés par cet auteur. A la suite
d 'une note contenue dans certains manuscrits , on l' a identifié traditionnellement
H 171 HOSTILIANUS 813
à l'évêque Osius (ou Ossius) de Cordoue (ca 246 -347/8 ap. J.-C .), conseiller
ecclésiastique de Constantin et l'une des figuresmarquantes du Concile de Nicée
( 325) .
Mais J. H . Waszink (Timaeus a Calcidio translatus, p . IX ) considérait que les
dates de l' évêque de Cordoue ne correspondaient pas à l' état de la langue de
Calcidius (qu 'il faudrait dater plutôt du ve siècle que du Ive) ni à sa position
philosophique (dont ce savant considère , mais sans raisons déterminantes,
qu 'elle est marquée par l' influence de Porphyre ).
En guise d 'alternative, Waszink a proposé un rapprochement avec un Hosius
de Milan (RE 1, PLRE II :2). Cet Osius est connu par une inscription sur son
tombeau à Milan (CIL V 6253) comme l'arrière-petit- fils d ’un consularis de
Vénétie et d ' Istrie . Il était le mari d 'une certaine Domnica ensevelie dans le
même tombeau . L 'inscription lui attribue les titres de comes rerum privatarum ,
comes sacrarum largitionum et patricius. Il s'agissait manifestement d 'un per
sonnage de haut rang dans l'administration impériale.
Un comes sacrarum largitionum portant ce nom est mentionné dans le Code théodosien
(VI 30 , 13) : il était présent à la cour d 'Orient le 25 novembre 395. Il s'agit probablement de la
même personne. Cet Osius peut raisonnablement être également identifié avec l'Espagnol (RE
2 ), d'origine servile (Claudien , In Eutrop. II 345-353, 446, 559), à qui est attribuée la position
de magister officiorum , toujours à la cour d ' Orient, du 18 janvier 396 et 15 décembre 398
(Cod. Theod. VI 26 , 6 ; 27, 8 -9 ; 30, 13).
Rien cependant ne permet de penser que ce haut fonctionnaire était chrétien
(ce qu' il pouvait bien être en vérité), ni qu 'il ait porté intérêt à la philosophie .
Waszink n 'a indiqué son nom qu'à titre de suggestion , pour montrer que d'autres
Osii, en plus de l'évêque,méritaient d' être pris en considération.
Il importe en tout cas de remarquer que Calcidius présente son patron comme
une autorité en matière de doctrine chrétienne (Comm . chap . 133) et, dans sa
Préface ( p . 6 , 5 ), il déclare qu ’Osius lui a confié cette tâche non sine diuino
instinctu , ce qui semble impliquer , puisque Calcidius est chrétien , un rapport
particulier entre Osius et le Tout-Puissant. Ce sont là , semble -t-il, des indications
suggérant qu 'Osius était un ecclésiastique éminent.
Cf. O . Seeck, art. « Hosius », RE VIII 2, 1913, col. 2493 ; J. Sundwall,
Abhandlungen zur Geschichte des ausgehenden Römertums, Helsingfors 1929,
p. 144- 145 ; J.H . Waszink (édit.), Timaeus a Calcidio translatus commentario
que instructus, coll. « Plato Latinus» 4, London /Leiden 1962, p. XI.
JOHN DILLON .
171 HOSTILIANUS RE 1 PIR² H 222
Il fait partie des philosophes expulsés de Rome par Vespasien en 74. Il fut
envoyé en même temps que Démétrios le Cynique dans les îles (Dion Cassius
LXVI 13, 2). Mais est-ce un cynique ou un stoïcien ? Et dans cette dernière
hypothèse, faut-il l'identifier au philosophe stoïcien C . Tutilius Hostilianus
(BH 172) ?
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
814 HOSTILIANUS DE CORTONE H 172
172 HOSTILIANUS DE CORTONE ( C. TUTILIUS -) PIR2 H 222 MFI
Ce stoïcien , connu par un cippe des environs de Rome (CIL VI9785), est très
vraisemblablementidentique, comme l'avait indiqué F. Bücheler, RhM 63, 1908 ,
p . 194, au philosophe homonyme (» H 171) exilé par Vespasien en raison des
positions qu'il avait exprimées sur le pouvoirmonarchique (Dion Cassius LXVI
13, 2, résumé par Xiphilin LXV 11, 2) ; que ce dernier ait été exilé en même
temps que le cynique Démétrios (OD 43) n 'implique en effet nullement qu 'il ait
été lui-même un cynique, comme l'admet J. Hahn , Der Philosoph und die
Gesellschaft, Stuttgart 1989, p . 189.
BERNADETTE PUECH .
173 HOSTILIANUS HÉSYCHIUS D ’APAMÉE absent de la RE MIII
Amélius, disciple de Plotin , donna à son fils adoptif Hostilianus Hesychius
(Porphyre , Vita Plotini 3, 46 -48) d' Apamée les 100 livres de scholies qu'il avait
rédigés à partir des cours de Plotin . C 'estprobablementauprès de lui qu 'Amélius
se trouve à la mort de Plotin en 270 (V. Plot. 2, 33).
Sur la formeOustillianos, retenue par les éditeurs et attestée à Herculanum , voir la note de
L . Brisson et A .-Ph . Segonds, dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, p . 220 .
LUC BRISSON .
174 HYLLOS DE SOLES MF IIIa
Stoïcien ,disciple de Sphaïros du Bosphore, puis de Chrysippe de Soles. Il est
mentionné dans l'Index Stoicorum de Philodème, col. XLVI 1-5 (p. 96 Dorandi),
où sont cités les Xpvolnnou tapai d'Aristocréon (» A 374 ), neveu de Chry
sippe : "Y oç Eoreùs i öv xai Epaipwi nipoeoxonaxéval onoliv ’ Aploto
lxpéWV év tałç Xpuoinlttov ) tapais .
RICHARD GOULET.
175 HYPATIE D 'ALEXANDRIE RE PLRE II :1 ca 355 - 415
Femme philosophe néoplatonicienne, disciple et collaboratrice de son père,
Théon . 1 D . Roques, « La famille d'Hypatie» , REG 108, 1995, p. 128- 149, vou
drait que le vrai nom du père d'Hypatie soit Théotecnos pour la raison que
Synésius dans deux de ses lettres, Ep. 5, p. 26 , 2 Garzya, et Ep. 16 , p . 37, 4, em
ploie l'expression tòv tatépa Ocótextov,mais dans la lettre 5, ce personnage
est désigné comme faisant partie du cheur des disciples d 'Hypatie et dans la
lettre 16 , comme un étaipos de Synésius; il est douteux que ces qualifications
conviennent au père de la philosophe, et d'autre part on ne comprend pas bien
pourquoi Théon n 'aurait pas signé ses propres æuvres de son vrai nom .
0 . Masson, « Deótexvoç “ fils de Dieu ” », REG 110 , 1997, p.618 -619, a montré que le
nom de Théotecnos est rare et d 'origine chrétienne.
Ce que nous savons au sujet d'Hypatie nous vient de trois sources: l'Histoire
ecclésiastique de Socrate (PG 67, VII 13- 15), la Vie d 'Isidore par Damascius
(éd . Zintzen , Hildesheim 1967, fr. 102 - 105 ) et la Chronique de Jean de Nikiu
( trad . R . H . Charles, Oxford 1916 , p . 100 - 102). Elle est probablement née autour
de l'année 355 (cf. 2 R . J. Penella , « When was Hypatia born ?», Historia 33,
H 175 HYPATIE D 'ALEXANDRIE 815
1984, p. 126 -128 ), puisqu 'elle pouvait être âgée d'environ 60 ans au moment de
sa mort en 415 , selon la Chronique de Malalas (p. 359 Dindorf = PG 97, 536 A :
nu dè nanaià yuvń ).Synésius de Cyrène fut son élève dans la dernière décennie
du IVe siècle . Elle travailla avec son père Théon au Commentaire sur l'Alma
geste . Dans le manuscrit Laur. 28, 18 , le troisième livre du commentaire de
Theon porte la mention : ' Exôóơ£C TapatarVoWeing rõ bàooooo
Ouyatpiuou ‘Ynatią , que l'on doit traduire : « Édition revue et corrigée parma
fille, la philosophe Hypatie » (cf. 3 A . Rome [édit.), Commentaires de Pappus et
de Théon d 'Alexandrie sur l’Almageste , coll. « Studi e Testi» 106 , t. III,Città del
Vaticano 1943, p . 807). Nous sommes donc en présence d'une note ajoutée par
Théon lui-même pour signaler la collaboration de sa fille à son travail. D 'après
4 A . Cameron, « Isidore of Miletus and Hypatia : On editing ofMathematical
Texts »,GRBS 31, 1990, p. 103-127, cette collaboration aurait consisté dans le
fait qu'Hypatie aurait établi un bon texte de l'Almageste de Ptolémée à l'usage
de son père pour le commenter (il faut remarquer que 5 G . J. Toomer, Ptolemy's
Almagest, London 1984 , p. 5, a observé des interpolations anciennes dans le
texte de l’Almageste, mais en général ces interpolations sontmalheureuses; doit
on cependant les attribuer à Hypatie , comme le voudrait Cameron ?). Dans une
étude approfondie, W . R . Knorr, Textual studies in Ancient and MedievalGeo
metry, Boston /Basel/Berlin 1989, p. 753 -804, a réussi à retrouver des interven
tions, aussi bien dans le commentaire de Théon que dans celui d'Eutocius
d 'Ascalon (2E 175), qui prouvent qu 'Hypatie a vraiment collaboré au travail de
son père et que ses corrections ont été reprises par son successeur. D 'autre part,
en étudiant d 'une manière approfondie la tradition textuelle d 'un écrit d ’Archi
mède intitulé De la dimension du cercle, Knorr est amené à l'hypothèse d'un état
du texte antérieur à celui qui est encore conservé, et à en placer la rédaction au
tout débutdu IVe siècle, ce qui le conduit à l'attribuer à Hypatie. De plus, nous
sommes autorisés à croire qu’Hypatie n ' était pas non plus médiocre dans les
connaissances astronomiques puisque nous savons par la Souda qu 'elle avait
composé des commentaires sur Diophante , Apollonius de Pergé et les Tables
Faciles de Ptolémée. Cependant dire qu 'Hypatie était « philosophe » signifie
qu 'elle enseignait la philosophie à Alexandrie . Cela est d'ailleurs dit explicite
ment par Damascius dans la Vie d 'Isidore , fr. 102 : « Bien qu ' étant une femme,
elle portait le manteau des philosophes, et même, dans ses déplacements dans la
ville , elle enseignait d'une manière publique à qui voulait l' entendre ou bien
Platon , ou bien Aristote, ou bien n 'importe quel autre philosophe » . Il n 'est pas
sûr que cela veuille dire qu'Hypatie était titulaire d'une chaire officielle de phi
losophie à Alexandrie , ni qu 'elle y enseignait en pleine rue, comme le voudrait
7 Ét. Évrard, « À quel titre Hypatie enseigna-t-elle la philosophie ?», REG 90 ,
1977, p .69-74. C' est plus probablement une critique de Damascius qui veut pré
senter l'enseignement d 'Hypatie comme ayant le caractère de celui des philo
sophes cyniques, par opposition aux philosophes sérieux qui doivent enseigner à
une élite dans un cercle fermé comme on le faisait à Athènes. La remarque
qu’Hypatie portait le toíbwv des cyniques va dans le même sens, c 'est une cari
816 HYPATIE D 'ALEXANDRIE H 175

cature (cf. 8 A . Cameron et J. Long, Barbarians and Politics at the Court of


Arcadius, Berkeley 1993, p. 41-44).Nous n 'avons conservé aucun écrit philoso
phique d'Hypatie, s'il en a même existé , et nous n 'avons aucun témoignage
explicite sur la doctrine qu'elle enseignait. Pour essayer d'en retrouver quelque
chose , 9 J. M . Rist, « Hypatia », Phoenix 19 , 1965, p . 214-225, a pensé chercher
dans l'œuvre de celui que l'on peut considérer comme un successeur immédiat
d'Hypatie à Alexandrie , Hiéroclès (2- H 126 ), où il a cru déceler un type de phi
losophie antérieure au néoplatonisme.Mais 10 I. Hadot, Le problème du néopla
tonisme alexandrin : Hiéroclès et Simplicius, Paris 1978, p. 67-143, et 11 Ead.,
« Le démiurge comme principe dérivé dans le système ontologique de Hiéro
clès» , REG 103, 1990, p. 241- 262), a montré qu'il n 'en est rien. On peutdonc se
demander auprès de qui Hypatie a pu trouver sa formation philosophique. En
examinant complètement les Vies des philosophes et des sophistes par Eunape,
12 R . J. Penella , Greek Philosophers and Sophists in the Fourth Century A . D .,
Leeds 1990, a montré que, au IVe siècle , tout l'enseignementphilosophique, au
moins en Orient, a été assuré par les successeurs de Jamblique. Plus précisément,
on connaît par Eunape un fils de la philosophe Sosipatra , Antoninus (BA 221),
qui s'était installé en Égypte , à Alexandrie , puis à Canope, où il enseignait les
rites religieux locaux et la philosophie platonicienne (Eunape, Vitae Sophista
rum , VI 6 , p . 37 , 8 - 16 Giangrande). Avant sa mort, il avait prédit la destruction
du Sérapeum d 'Alexandrie , qui eut lieu en 391 : « Ce qu 'il y avait de divin en lui
fut révélé sans tarder , car il n 'avait pas plus tôt quitté lemonde des hommes que
les cultes d'Alexandrie , en particulier celui de Sérapis, furent balayés » (13 P.
Chuvin , Chronique des derniers païens, Paris 1990 , p . 110 et 168). Il est évi
demment tentant de faire d'Hypatie une disciple de cet Antoninus. C 'est l'hypo
thèse que font Cameron et Long 8, p. 50 -51. Or Eunape (VI 11, 11, p. 40, 8- 17
Giangrande) lui-même compare Antoninus à Jamblique. On voit donc que le
néoplatonisme jamblichéen a pu très vraisemblablement parvenir par Antoninus
jusqu 'à Hypatie. C 'est ce que confirme une autre piste que l'on peut suivre pour
remonter jusqu 'à l'enseignement d'Hypatie à travers les œuvres de son élève si
admiratif, Synésius. Or les thèmes classiques du néoplatonisme se retrouvent
chez Synésius, en particulier dans son De providentia (Cameron and Long, 8,
p . 281-290 ). Et depuis longtemps, 14 W . Theiler ( « Die chaldäischen Orakel und
die Hymnen des Synesios », Schriften der Königsberger Gelehrten Gesellschaft,
Geistesw . Kl. 18 , 1942,reproduit dans Forschungen zum Neuplatonismus, Berlin
1966 , p . 252- 301) a montré tout ce que les hymnes de Synésius doivent aux
Oracles Chaldaïques. Cette connaissance des Oracles ne peut venir que du
fameux commentaire de Jamblique, à travers Sosipatra , Antoninus et Hypatie.
Ainsi le platonisme d 'Hypatie apparaît comme un sous-produit de celui de Jam
blique, il suivait certainement les exégèses platoniciennes de Jamblique, qui les
avait illustrées par des citations des Oracles Chaldaïques.Mais dans l'absence
totale de tout document sorti de la main même de la philosophe, cette conclusion
doit rester une inférence plausible . [Il faut renoncer à attribuer à Palladas une
épigramme de l'Anthologie Palatine IX 400 , qui célèbre une Hypatie , homo
H 175 HYPATIE D 'ALEXANDRIE 817

nyme de la nôtre, cf. 15 A . Cameron, The Greek Anthology from Meleager to


Planudes, Oxford 1993, p. 323-324; voir cependant 16 E. Livrea, « A. P. 9. 400 :
iscrizione funeraria di Ipazia ?» , ZPE n° 117, 1997, p. 99- 102.]
Comme le platonisme d'Hypatie, sa mort elle aussi a prêté à des présentations
variées. On a cherché à en faire unemartyre païenne. En fait, si l'on s' en remet
au récit de l'historien Socrate, Histoire ecclésiastique VII 13-15 , elle aurait été la
victime d'un conflit purement politique entre le patriarche Cyrille et le préfet
Oreste. En tant que professeur de philosophie à Alexandrie , Hypatie tenait dans
la ville un rang social élevé, qui la mettait naturellement en rapport avec les
autorités politiques et administratives. Lorsque le préfet Oreste sollicitait ses
avis , elle entrait aussitôt en conflit avec l'autorité rivale, celle du patriarche, cf.
17 J. Rougé, « La politique de Cyrille d 'Alexandrie et le meurtre d'Hypatie » ,
CristStor 11, 1990 , p. 485 -504 ; 18 P. Évieux, dans Cyrille d 'Alexandrie, Lettres
festales I- VI, coll. SC 372, Paris 1991, p . 50 -56 ; 19 P . Brown, Power and Per
suasion in Late Antiquity,Madison (Wisconsin ) 1992, p . 115-117 ; 20 Chr. Haas,
Alexandria in Late Antiquity. Topography and Social Conflict, Baltimore/
London 1997, p. 312- 313. Un tel conflit se produisit dans l'année 415 ou 416 . Il
se déroule en trois épisodes. Au cours d 'un rassemblement au théâtre , une bagar
re entre Juifs et Chrétiens dégénère en guerre ouverte ; il y a desmorts ; l'évêque
Cyrille fait envahir les synagogues et chasse les Juifs de la ville . L 'autorité du
préfet est ainsi affaiblie et Cyrille en profite , en faisant venir une troupe de cinq
centsmoines ,pour fomenter une atmosphère de révolte contre Oreste. Ce dernier
est injurié, traité de païen et blessé au visage par une pierre lancée par un moine
excité. Le préfet fait mettre à la torture lemoine qui en meurt. L 'évêque veut en
faire un martyr,mais, pour une fois, les chrétiens ne suivent pas leur évêque.
Cyrille donc ne pouvant atteindre directement son adversaire , ses partisans diri
gèrent leur hostilité sur un personnage de l' entourage du préfet, ce fut Hypatie .
En 415 ou 416 , elle fut assassinée par les moines fanatiques, sans doute à
l'instigation du patriarche qui rétablit du coup son autorité, cf. Chuvin 13, p. 91
94, et Haas 20, p. 313-316 . La conclusion est tirée par Jean de Nikiu : le peuple
d'Alexandrie acclamait son patriarche et le célébrait comme « un nouveau Théo
phile » , son prédécesseur qui avait fait démolir le Sérapéum (cf. Cameron et
Long, 8 , p . 61-62). Pour une biographie bien informée, voir 21 Maria Dzielska,
Hypatia of Alexandria , coll. « Revealing Antiquity » 8 , Cambridge (Mass.) 1995,
qui présente aussi d'une manière détaillée la « légende littéraire d'Hypatie » ,
p . 1-26 , et pour une présentation générale , voir Chr. Lacombrade, art. « Hypa
tia » , RAC XVI, 1994, col. 956 - 967. Voir également 22 Gemma Beretta , Ipazia
d 'Alessandria, coll. « Gli Studi» 70, Roma 1993, XII-298 p .
Penella 12 , p.61-62, a suggéré que, si Eunape a tellementdéveloppé la vie de
la philosophe Sosipatra, ce fut pour traiter cette dernière comme le pendant asia
tique de la philosophe alexandrine Hypatie . Eunape a composé ses Vies dans les
années où Hypatie enseignait à Alexandrie . C 'est une hypothèse intéressante et
même vraisemblable .
HENRIDOMINIQUE SAFFREY .
818 HYPÉRIDE H 177
176 HYPÉRIDE D 'ATHÈNES RE : PA 13912 ca 390-322
Orateur et homme politique athénien, fils de Glaucippe, du dème de Collytos.
Chaméléon d 'Héraclée (fr. 45 Wehrli), un péripatéticien du IIIe siècle av. J.- C .,
en faisait un auditeur de Platon (Diogène Laërce III 46) , comme Lycurgue l'ora
teur.
Il faut corriger “ 2.46” en “ 3.46 " dans l'index de Long,p. 595.
Les Vies des dix orateurs du pseudo-Plutarque contiennent une Vie d 'Hy
péride (IX ) qui rapporte de même qu'Hypéride fut acroatès de Platon en même
temps que Lycurgue (848 d ). Ce témoignage est invérifiable et généralement
tenu pour douteux. Voir G . Colin , Hypéride, Discours, coll. CUF, Paris 1946,
p . 8 - 9 : « S 'il a suivi l'enseignement de Platon , ce dut être de sa part affaire de
mode plus que d 'affinité intellectuelle . (...) Au reste , à toutes sortes d'égards,
son genre de vie n 'avait rien de la sévérité philosophique » .
Cf. T. Thalheim ,art. « Hypereides » , RE IX 1, 1914 , col. 281-285 ; J. H . Kühn,
art. « Hypereides» , LAW , col. 1347 -1348 ; G . Bartolini, Iperide. Rassegna di
problemi e di studi ( 1912- 1970 ), coll. « Proagones Studi» 13, Padua 1977, 160
P. ; J. Engels, Studien zur politischen Biographie des Hypereides. Athen in der
Epoche der lykurgischen Reformen und des makedonischen Universalreiches,
coll. « Quellen und Forschungen zur antiken Welt» 2,München 1989,483 p.
Iconographie. F . Poulsen, « Ein Porträt des Redners Hypereides», dans K .
Fittschen (édit.),Griechische Porträts, Darmstadt 1988, p. 176 - 184.
RICHARD GOULET.
177 HYPÉRIDE
Démonax, dans le dialogue de Lucien qui porte son nom ( $ 48), dit à un
cynique équipé d'une massue (Űnepov) et qui se prétend disciple d' Antisthène
(2 * A 211), de Cratès (2 - C 205) et de Diogène ( D 147), qu'il est plutôt disciple
d'Hypéride. On ne sait si ce nom a été inventé pour la plaisanterie ou s'il corres
pond à un personnage réel.
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
178 HYPSAIOS
« Philosophe » de doctrine et d 'époque inconnues , connu seulement par huit
sentences conservées par Stobée et par deuxmentions qu'en fait Photius, d 'une
part en tant que philosophe (Bibl., cod. 167, 114 b ) et d 'autre part en tant que
poète (Bibl., cod. 167, 115 a). Il n 'y a pas lieu de douter de l'exactitude du nom ,
même s'il a été considéré comme une forme corrompue d'Épictète : voir 1 V .
Rose, Aristoteles Pseudepigraphus, Leipzig 1863, p .612.
L 'extrait conservé par Stobée IV 32, 20 se retrouve également chez Apostolius Paroemio
graphus, Cent. 8 , 89h, où il est sansdoute emprunté à Stobée .
Stobée se réfère à l'æuvre d 'Hypsaios de deux manières : nous lisons en II 31,
53 le lemme Anubvaxtos, ‘ Ypalov xai Ewxpátous, et en II 46 , 18 la réfé
rence suivante : Éx tõv ‘ Ypalov únoOnx@ v nepi toũ củepyeteīv. L 'explica
tion la plus plausible semble être que nous sommes en présence de fragments
d'un grand ouvrage de caractère gnomologique, regroupant desmatériaux éma
H 178 HYPSAIOS 819
nant de plusieurs auteurs et qui avait été divisé en chapitres en fonction des
sujets traités (cf. aussi Stobée II 4, 14 , avec la note de C . Wachsmuth ). L 'analo
gue le plus proche pourrait être le Gnomologium Byzantinum édité par
Wachsmuth , qui renferme des matériaux de Démocrite, d'Épictète et d 'Isocrate,
entre autres, et qui est également divisé en chapitres en fonction des sujets trai
tés. Voir 2 H . Schenkl, « loannis Stobaei Anthologium rec. C . Wachsmuth et 0 .
Hense . Volumen tertium Anthologii librum tertium ab O . Hense editum conti
nens. Berolini 1894 » , GGA 157, 1895, p. 489; 3 A . Elter, ſvofixà duolbuata
des Socrates Plutarch Demophilus Demonax Aristonymus u. a ., Univ .- Progr.
Bonn 1900 , col. 33-35 et col. 46. Certaines des sentences conservées ont le
caractère d 'ouoiwua: II 31, 53, qui se retrouve également dans Gnomologium
Byzantinum 18 Wachsmuth et dans Ivwmixà duobuata 34 Elter, les deux édi
teurs donnant plusieurs références, et IV 31, 45. En outre, il y a un certain lien
thématique entre cette dernière sentence et II 46, 18 , 18a et 19 , IV 32, 20 et IV
33, 30 , en ce qu'elles abordent des sujets comme la charité, la richesse et la pau
vreté. IV 33 , 30 se retrouve égalementdans les Epicteti et Moschionis sententiae
25 Elter (= 17 Schenkl).Reste finalement IV 52, 33, qui constitue une paraphrase
d' un fragment de Ménandre (Stobée IV 52, 27 , etc . = fr. 111 Körte 2 ). Bien que
Photius ait conclu à l'existence d 'un poète Hypsaios , compte tenu de cette sen
tence poétique, il est plus vraisemblable qu'il s'agit d 'une citation utilisée par le
« philosophe» Hypsaios; voir 4 A. Meineke, Ioannis Stobaei Florilegium , t. IV ,
Leipzig 1857, p. XX.
JAN FREDRIK KINDSTRAND .
1 IACOB (Jacques) dit “ Psychristus” RE 3 PLRE II :3 MF V
Cemédecin alexandrin , fils d 'Hesychius < de Damas ?> (PLRE II :8 ), comes et
archiâtre à Constantinople sous le règne de Léon jer (457-474 ), connu par plu
sieurs sources anciennes , est appelé " philosophe” par Jean Malalas, Chronogra
phia, p . 370 , 8- 9 (ús äplotov iatpov xai Diaboodov) et Chron. Pasch., s.a.
467. La Souda consacre pour sa part deux notices à Jacques (I 12 et 13), toutes
deux puisées dans la Vie d 'Isidore de Damascius.
Sa pratique médicale semble avoir été marquée par une grande philanthropie
et comporter des traits pythagoriciens (que souligne Zintzen dans les notes de
son édition des fragments de la Vie d 'Isidore par Damascius). Il persuadait les
riches d 'aider les pauvres qui avaient besoin de traitement médical; lui-même
exerçait à titre gratuit, se contentant de la pension qui lui était versée sur les
fonds publics (Damascius, Vita Isidori, Epit. Phot. 123 ; p . 168 , 7 -8 Zintzen ). Il
privilégiait les traitements à base de purgatifs et de bains, plutôt que les cautéri
sations et la chirurgie ; il combattait les ulcères les plus graves par un régime et
ne pratiquait pas la phlébotomie (ibid. 122 ; p . 168,4 -6 Zintzen).
Le nom de Jacques est mentionné dans quelques textes médicaux antiques
comme l'inventeur de certaines médications (voir les références chez Alexandre
de Tralles ou Aétius d 'Amida dans l'article de Gossen ). On célébrait en lui non
seulement le talent clinique, mais le savoir médical, ainsi que la sûreté du dia
gnostic , qui lui firent tenir le premier rang parmi les médecins de son temps et
être comparé aux plus grands noms de l'histoire de la profession (Souda, s.v.
’láxwßos, t. II, p. 601, 24 sqq. Adler ; 163,15- 167,8 Zintzen ). On luireconnais
sait une puissance divine, on le tenait pour un “ Sauveur” , possédant l'âme d'As
clépius, et ses collègues se moquaient de lui en le présentant non comme un mé
decin ,mais comme un ami des dieux et un être sacré (Souda, s.v. ’láxwßos, t. II,
p . 601, 24 sqq. Adler ; 165, 18 Zintzen ). Il soigna un jour Proclus (mort en 485) à
Athènes, lui prescrivant de s'abstenir de chou et de se rassasier de mauve
(Zintzen suit ici un autremanuscrit qui a “ de légumes"). Mais Proclus, fidèle à la
règle pythagoricienne, refusa de prendre de la mauve (Epit. Phot. 125 ; p . 168,
11-13 Zintzen).
Damascius avait vu à Athènes une statue de Jacques. Il ne le trouva pas beau
(eúpuńs), mais lui reconnut dignité et gravité (Epit. Phot. 124 ; p . 168, 9- 10
Zintzen ). Le Sénat de Constantinople avait également élevé une statue du méde
cin aux thermes de Zeuxippe (Jean Malalas, Chronographia, p . 370 , 9 ). Gossen
confond les deux témoignages. Cette statue du Zeuxippe ne figure pas parmiles
quatre-vingt statues de cet édifice décrites par Christodoros de Coptos ( C 115)
vers 500 (Anth . Pal., livre II). Jacques soigna également dans la capitale l'empe
reur Léon (Marcell. com . s.a. 462) et prit la défense du sophiste et “ philosophe"
822 ІАСОВ 11
païen Isocasius de Cilicie (2 +1 37) en 467 et obtint que ce dernier, alors questeur,
fût jugé à Constantinople devant le Préfet du prétoire Pousaios et le Sénat et non
devant le gouverneur de Bithynie Théophile.
Le surnom de Psychristos ou Psychrestos est expliqué par Alexandre de
Tralles, Therapeutica, t. II, p. 163 Puschmann : il viendrait de ce que ce médecin
usait d 'une alimentation humidifiante (úypalvoúon tpoon), « parce qu'il voyait
que les hommes sont affaires et cupides et qu 'ils passent la totalité de leur
existence dans les peines et les soucis » . Alexandre fournit d 'autres recettes mé
dicales, incomplètement conservées, de cemédecin (II, p. 565 et 571). Jacques
est également cité dans le commentaire d'Olympiodore sur le Gorgias, 40 , 5 ;
p. 204, 14 - 16 Westerink : selon Ammonius, le maître d'Olympiodore , Jacques
déclarait que le médecin ne devait pas être malade et qu 'il devait d 'abord se soi
gner, puis ensuite aller soigner les autres.
Bien qu'il soit dit alexandrin ,mais d 'origine damascénienne (par son père),
Jacques serait né (vers 410 selon Gossen ) à Drépane en Argolide, où son père
Hesychius avait pris épouse . Jacques reçut sa formation médicale de son père à
Byzance. Il était venu l'y retrouver après avoir appris qu'il s 'y était installé après
une errance de dix -neuf ans dans le monde entier pour l' étude et la pratique de
son art (Souda, s.v. ’láxwßos, t. II, p . 601, 14 sqq. Adler; 163, 5 -14 Zintzen ).
Dans un autre fragment, Damascius semble dire qu'Hesychius avait erré 40 ans
et qu 'il enseigna la médecine à son fils pendant le même nombre d'années
(Damascius, Vita Isidori, Epit. Phot. 120 ; p. 162, 1-5 Zintzen). Gossen en
conclut à tort que le fils avait accompagné son père au cours de tous ces voyages,
à Alexandrie, puis en Italie. La Souda (fr. 190 Zintzen) précise bien qu'Hésy
chius avait abandonné son fils et son épouse, qui se remaria d'ailleurs et eutdeux
autres fils et une fille .
Jacques était le seulmédecin “moderne" auquel le philosophe Asclépiodote
(2A 453) reconnaissait de la valeur, ce qui le rapprochait de sommités comme
Hippocrate ou Soranus (Souda, s.v. Ewpavós, E 852 ; voir aussi Epit. Phot. 129;
et le dépassa même en retrouvant les vertus de l'ellébore blanc, qui lui permit de
guérir contre toute attente (itapadów ) des maladies réputées incurables
(Damascius, Vita Isidori, Epit. Phot. 128 ; p . 174, 1-4 Zintzen ). Jacques lui
même ne le cédait pas en prouesses aussi merveilleuses, puisqu'en apprenant
qu 'une femmeavait perdu toutes ses dents parce qu'elle éternuait trop souvent, il
en aurait déduit « son allure , son teint, la taille de son corps et toutes les caracté
ristiques naturelles de son âme» (Damascius, Epit. Phot. 120 , p . 162, 6 - 10
Zintzen , trad. Henry).
Cf. H . Gossen , art. « Iakobos » , 3, RE IX 1, 1914 , col. 622-623 ( comporte
plusieurs inexactitudes) ; PLRE II :3 , p . 581-582. Pour les fragments de la Vie
d' Isidore , voir Cl. Zintzen (édit.), Damascii Vitae Isidori reliquiae edidit adno
tationibusque instruxit C .Z ., coll. « Bibliotheca Graeca et Latina Suppletoria » 1,
Hildesheim 1967, XIV -376 p . ; R . Asmus, Das Leben des Philosophen Isidoros
12 IAMBLICHOS D'APAMÉE 823
von Damaskios aus Damaskos, Leipzig 1913. Traduction anglaise dans P .
Athanassiadi, Damascius, p . 207 -213 (ß 84).
RICHARD GOULET.

2 IAMBLICHOS D ’APAMÉE RE 4, PLRE 1:2 MF IV


A . Cet homonyme de Jamblique de Chalcis était peut-être philosophe lui
même.
Fils d 'un certain Himérius (PLRE 1:3), il était le petit-fils du philosophe
Sopatros d' Apamée (RE 11 ; PLREI:1) et le neveu du fils de ce dernier, Sopa
tros (RE 12 ; PLREI:2), correspondantde Libanios. Il était également parent du
rhéteur Libanios (Libanios, Ep. 571, 1 ;576 , 1 ; 801, 3). Contemporain de ce der
nier, qui lui écrivit plusieurs lettres et le recommanda à un certain nombre de ses
correspondants, il était encore vivant en 391 (Libanios, Ep. 1007, datée de 391
par O . Seeck, Die Briefe des Libanius zeitlich geordnet,Leipzig 1906 ). Une par
tie de sa vie s'est certainement déroulée à Antioche, où il fut en relation étroite
avec Libanios : la séparation évoquée par les lettres de Libanios à partir du mo
ment où Jamblique se met à voyager le laisse en tout cas penser. Ses voyages le
conduisirent à Athènes, où il finit par s'installer pour un long séjour (Libanios,
Ep. 801, datée de 362/3).
Arbre généalogique de Jamblique d 'Apamée.
Sopatros 1 d' Apamée (disciple de Jamblique de Chalcis)
Sopatros 2 (tav. 365) Himérios 3

Achaeus200 fille Jamblique 2 d'Apamée (disciple et parentde Libanios)

plusieurs fils
Il était païen (Libanios, Ep. 571, 2 ; 801, 2 ; 984 , 2 ) . Était- il philosophe ?
Libanios lui reconnaît la qualité de sophos (Ep. 982, 2 ). Ilmentionne son ascen
dance philosophique (Ep. 475, 3 ; 593, 1). Certaines formules du rhéteur sont peu
compatibles avec un éventuel statut de philosophe : le jeune Jamblique aurait eu
l' étoffe d 'un philosophe et aurait souhaité faire des études de philosophie , mais,
orphelin et donc privé de moyens, il n 'aurait pu réaliser ce projet (Ep. 575, 4).
Dans une autre lettre , Libanios le définit comme rhéteur (Ep. 573, 2).
Toutefois, ces témoignages négatifs datent d 'une époque où Jamblique n 'était
pas encore installé durablement à Athènes. Avant de s'y fixer, il a apparemment
nourri le projet d 'aller apprendre la philosophie en Égypte (Libanios, Ep. 385, 2 ,
datée de 358 ). Dans une autre de ses lettres (Ep. 1466 , 1, lettre datée de 365),
Libanios emploie l'expression « vous autres les philosophes» , et le déclare fami
lier de Pythagore, Platon , Aristote, ainsi que de « son homonyme» (ibid ., 4).
C 'est probablement le même Jamblique que deux épigrammes retrouvées à
Athènes et datant de la fin du IVe siècle célèbrent pour avoir généreusement
824 IAMBLICHOS D ' APAMÉE 12

contribué à la reconstruction des remparts,mais aussi pour avoir orné la cité de


sa sophia (A . E . Raubitschek , « lamblichos at Athens» , Hesperia 33, 1964, p .63
68), et le même également que Symmaque, dans une de ses lettres, range parmi
les studiosos sapientiae viros (Ep. IX 2 ).
B . En revanche, le personnage évoqué sous le nom de Jamblique par Cédré
nos, Synopsis Historiôn 313 B - C , et par Zonaras, Epitome Historiôn XIII 16 , 37
45 , ne saurait être confondu avec le précédent. Ce Jamblique,maître d 'un certain
Proclos, aurait été inquiété , en mêmetemps que Libanios , pour avoir cherché à
connaître le nom du successeur de l' empereur Valens, et se serait donné la mort.
Or Valens est mort en 378, alors que Jamblique est encore vivant en 391. Le
Jamblique évoqué par les deux chroniqueurs byzantins est manifestement un
produit de la légende. Les événements réels qui fondent cette légende sont bien
connus : Libanios y fait plusieurs allusions (Autob. 171- 177), et ils sont racontés
en détail par Ammien Marcellin (XXIX 1, 6 -39). Ni Libanios ni Ammien ne
mentionnent à ce propos de personnage nommé Jamblique, et l'on ne sait pour
quoi la légende s' est emparée de ce nom . Il n 'est pas non plus question de Pro
clos chez le rhéteur ni chez l'historien. On note toutefois que Libanios et Jam
blique connaissaient tous deux un Proclos (Libanios, Ep. 360, 1).
JEAN BOUFFARTIGUE .
3 IAMBLICHOS DE CHALCIS RE 3 ca 345 - ca 320
Philosophe néoplatonicien.
Études d 'orientation et recueils. 1 K . Praechter, « Richtungen und Schulen
im Neuplatonismus» , dans Genethliakon für Karl Robert, Berlin 1910 , p. 105
156 ; 2 J. Bidez, « Le philosophe Jamblique et son école » , REG 32 , 1919, p . 29
40 ; 3 De Jamblique à Proclus, coll. « Entretiens de la Fondation Hardt» 21,
Vandæuvres/Genève 1975, 300 p . ; 4 J. Dillon , « lamblichus of Chalcis (c . 240
325 A . D .) » , ANRW II 36 , 2, 1987, p . 862-909 ; 5 D .J. O 'Meara, Pythagoras
revived . Mathematics and philosophy in Late Antiquity, Oxford 1989; 6 H .J.
Blumenthal et E .G . Clark (édit.), The Divine lamblichus, Philosopher and Man
ofGods, Bristol 1993, VIII-215 p . (études de P .M . Huby, C . Steel, D .P. Taor
mina, J. Dillon , J.F . Finamore , D . O 'Meara, A . Smith , F . Romano, A . Charles
Saget, G . Shaw , A . Sheppard , H .D . Saffrey, M .J. Edwards, L. Cardullo ). .
Études récentes sur la philosophie de Jamblique. 7 E . des Places, « La
religion de Jamblique » , dans 3 , p. 69- 101; 8 B .D . Larsen , « La place de Jam
blique dans la philosophie antique tardive» ,dans 3 , p. 1-34 ; 9 R . E .Witt, « lam
blichus as a forerunner of Julian » , dans 3 , p . 35 -67 ; 10 W . Deuse, « Der
Demiurg bei Porphyrios und Jamblich » , dans C . Zintzen ( édit.), Die Philosophie
des Neuplatonismus, coll. « Wege der Forschung» 436 , Darmstadt 1977, p . 238
278 ; 12 C .G . Steel, The Changing Self. A Study of the soul in Later Neoplato
nism : lamblichus, Damascius, Priscianus, coll. « Verhandl. Acad . Wetensch .
Lett. & schone Kunsten Kl. Lett. » XL 85 , Bruxelles 1978, 186 p. ; 13 S . Gersh ,
From lamblichus to Eriugena, An investigation of the prehistory and evolution
of the Pseudo-Dionysian tradition, coll. « Stud. zur Problemgesch.der antike und
13 IAMBLICHOS DE CHALCIS 825

mittelalterl. Philos.» 7, Leiden 1978, XII-365 p. ; 14 Ph.Hoffmann, « Jamblique


exégète du pythagoricien Archytas: trois originalités d' une doctrine du temps»,
EPh, 1980, p . 307-323 ; 15 J. Finamore , lamblichus and the theory of the vehicle
of the soul, coll. « American Class. Stud. » 14 , Chico 1985 , IX - 173 p . ; 16 G .
Shaw , « Theurgy. Rituals of unification in the Neoplatonism of lamblichus» ,
Traditio 41, 1985, p. 1-28 ; 17 Id., « Theurgy as demiurgy. Iamblichus' solution
to the problem of embodiment» , Dionysius 12, 1988, p . 37-59 ; 18 J. Dillon,
« Porphyry and lamblichus in Proclus' Commentary on the Parmenides» , dans J.
Duffy et J. Perdotto ( édit.), Gonimos.Neoplatonic and Byzantine Studies presen
ted to L .G . Westerink, Buffalo 1988, p . 21-48 ; 19 G . Shaw , Theurgy and the
soul. The Neoplatonism of lamblichus, University Park (PA ) 1995 , X - 268 p .;
20 D .P . Taormina, Jamblique, critique de Plotin et de Porphyre . Quatre études,
coll. « Tradition de la pensée classique », Paris 1999, 191 p.
Fragments exégétiques. 21 B . D . Larsen, Jamblique de Chalcis, exégète et
philosophe, 2 vol., Arhus 1972, 510 et 137 p . (Append. : Testimonia et fragmenta
exegetica. Longue introduction,mais sans traduction ); 22 J.M . Dillon, lamblichi
in Platonis dialogos commentariorum fragmenta . Edited with translation and
commentary by J.M .D ., coll. « Philosophia Antiqua » 23, Leiden 1973, VIII
450 p .
Lexique. 23 D .P . Taormina, Il lessico delle potenze dell'anima in Giamblico,
coll. « Symbolon » 10, Firenze 1990 .
Biographie et chronologie. Nous disposons de peu d'informations biogra
phiques sur Jamblique. Nous dépendons essentiellement des Vies des philoso
phes et des sophistes d 'Eunape de Sardes ( sect. V , p . 10, 17 - 17, 7 Giangrande),
une cuvre dont on ne peut extraire beaucoup de renseignements sûrs. Il est tou
tefois possible, avec un peu d 'efforts, de reconstruire quelques éléments de la
biographie du philosophe.
Sur le témoignage d'Eunape, voir 24 R .J. Penella ,Greek philosophers and sophists in the
Fourth century A . D . Studies in Eunapius of Sardis, coll. « ARCA » 18, (Leeds) 1990 , notam
ment p. 43-48.
D 'après Eunape, Jamblique naquit à Chalcis, « ville située dans cette partie de
la Syrie que l'on appelle Coelé (“Creuse") » (p. 10 , 20 Giangrande). Même ce
détail apparemment objectif soulève des problèmes, dans la mesure où le nom de
« Coelé-Syrie » a été donné à des régions différentes selon les époques et que
dans chacune de ces régions se trouvait une ville nommée Chalcis. A l' origine le
nom se rapportait à la Syrie méridionale, comprenant le Liban actuel, mais
lorsque Septime-Sévère divisa l'administration de la Syrie en 194 de notre ère , il
appela la province qui se trouvait au Nord “ Coelé” . Pour un auteur écrivant à la
fin du IVe siècle comme Eunape, “Coelé” ne pouvait faire référence qu'à la par
tie nord de la Syrie . Jamblique serait donc originaire de Chalcis ad Belum , l'ac
tuelle Qinnesrin , un point stratégique important à l'est de la vallée de l'Oronte ,
sur la route menant de Béroé (Alep) à Apamée et d' Antioche à l'Orient.
25 J. Vanderspoel, « Themistios and the origin of lamblichos », Hermes 116 , 1988,p. 125
128, conclut d'un passage de Thémistius (Or. 24 , 301b ) que Jamblique était originaire de
Chalcis ad Libanum , l' actuelle 'Anjar.
826 IAMBLICHOS DE CHALCIS 13

Eunape nous dit, dans le mêmepassage, que Jamblique était « le descendant


d 'ancêtres célèbres et qu 'il grandit dans le luxe et le bien -être » ( v xai xarà
Yévos uèv Šnipavns xai tūv åbpőv xai evdaluóvwv, p . 10, 18-19 G .). Avec
plus de précision, Photius (Bibl., cod. 181), qui cite la Vie d 'Isidore de Da
mascius (p . 2 , 1 sqq. Zintzen), rapporte que Jamblique était un descendant de
Sampsigéramos, fondateur de la lignée des prêtres-rois d 'Émèse (cf. Strabon ,
Geogr. XVI 2, 10 ), lequel vivait vers 70 -60 av. J.-C ., époque où il mit à profit
l'effondrement de l'empire séleucidepour assurer l'indépendance de son peuple .
Il avait un fils du nom de Jamblique et ses descendants restèrent au pouvoir à
Édesse jusqu 'au règne de Domitien , lorsqu 'ils furent déposés, et même alors ils
restèrent influents dans la région . Damascius rapporte également que Jamblique
descendait d'un certain Monimos, qui pourrait avoir été le fondateur (xtíorns)
de Chalcis, à condition que l'on corrige, dans une notice d'Étienne de Byzance
consacrée à Xarxis, “Monikos” en “Monimos”. Un tel lignage, s'agissant de
philosophes, ne devrait pas recevoir une trop grande importance,mais, dans le
cas de Jamblique, il pourrait expliquer l'intérêt qu 'il portait aux religions orien
tales et le respect qu 'il professait, dans son De anima et ailleurs , pour la sagesse
« des prêtres les plus anciens » . Il est difficile de savoir quel lien d 'hérédité le
rattachait à chacun de ces ancêtres célèbres,mais il était peut-être le produit d'un
mariage dynastique entre les plus importantes familles d'Émèse et de Chalcis.
La date de naissance de Jamblique n'a pas été transmise par nos sources et on
a beaucoup de peine à la déterminer de façon précise. La Souda situe son floruit
sous le règne de Constantin (306 -337), ce qui inviterait à placer sa naissance au
plus tôt en 265, à condition de supposer que la source de cette information
situait, de façon traditionnelle, le floruit à 40 ans. On a eu tendance toutefois à
faire remonter sa date de naissance plus haut, vers 242, pour tenir compte d'une
indication étrange de la Vie de Plotin parPorphyre (chap. 9 , 3-5), quimentionne
qu ’un certain Ariston ( A 391), “ le fils de Jamblique” , épousa l'une des élèves
de Plotin , Amphicléia (» A 144), présentée comme l'une des “ femmes fort atta
chées à la philosophie ” qui fréquentaient cette école .Mais, même en reculant
ainsi la naissance de Jamblique jusqu 'à la limite de la vraisemblance, il faut sup
poser que le fils de Jamblique, né par exemple vers 265, aura épousé une ving
taine d'années plus tard une ancienne élève de Plotin (mort en 270 ), elle-même
par conséquent âgée d'une quarantaine d'années (à moins qu 'elle n 'ait été une
des pupilles de Plotin ,mentionnées en Vita Plotini 9, 7-9, auquel cas elle pouvait
être un peu plus jeune). Dans ces conditions, il serait tentant d 'intervertir les
noms et de suggérer que c'est en réalité Jamblique, fils d' Ariston , qui épousa
Amphicléia,mais rien dans la tradition manuscrite n 'appuierait cette conjecture .
D 'un autre côté, la possibilité que le père d 'Ariston soit un autre Jamblique ,
distinct du philosophe, est, à mon avis, difficile à retenir : Porphyre présente
Jamblique comme une personne connue de son lecteur et il ne pouvait penser
qu'au Jamblique qui avait été son disciple .
26 A . Cameron, « The date of lamblichus' birth »,Hermes 96 , 1969, p. 374-376.
13 IAMBLICHOS DE CHALCIS 827
Quoi qu'il en soit, Eunape poursuit (p. 10, 21-22 G .) en disant que Jamblique
avait étudié avec un certain Anatolius, qu 'il présente comme" détenant le second
rôle après Porphyre” (si tel est le sens de la formule tõ uetà Moppúplov tà
Oettepa depouévw ). On ne nous dit pas en quel endroit ontpu se dérouler ces
études, mais l'hypothèse la plus naturelle serait de les situer à Rome. Dans
Dillon 22, p . 8-9 (et dans Dillon 5, p. 866 -867), j'avais tenté d'identifier ce per
sonnage avec Anatolius (2* A 157), l'aristotélicien chrétien qui fut évêque de
Laodicée (et dont l'ouvrage Sur la décade est utilisé dans les Theologoumena
arithmetikès faussement attribués à Jamblique),mais j'en suis maintenant beau
coup moins persuadé. On peut à tout le moins l'identifier à l'Anatolius auquel
Porphyre a dédié ses Homerica Zetemata et auquel Jamblique adressa une lettre
sur la justice dontdeux extraits ont été conservés par Stobée (III 9, 35 -36 ).
On peut supposer, comme l'a suggéré 27 Zeller (Phil. d. Gr. III”, p.612-613),
que Jamblique vint à Romeet fréquenta l’école (vers le milieu des années 270 ?)
quand Porphyre était encore en Sicile, où il semble être resté assez longtemps
après la mort de Plotin ; puis, au retour de Porphyre, qu' il fréquenta ce dernier
personnellement. C 'est en tout cas ainsi qu 'Eunape présente les choses (elta
HET' 'Avatólov loppupiw npoodeis ÉQUTÓv, p. 10,23 - 11, 1 G .) et cette
reconstitution paraît assez vraisemblable . Elle éclaire quelque peu la continuité
entre l'école de Plotin et celle de Porphyre.
Le témoignage d 'Eunape sur des études de Jamblique auprès de Porphyre est confirmépar
la Souda (ss.vv. Mawtīvos, t. IV , p. 151, 25 Adler ; Mopoúploc, t. IV , p. 178, 16 ; 'láubaixos,
1. II, p. 603, 22 -24) et la Théosophie de Tübingen 66 , p . 183, 27. On n' a cependant pas de
témoignage direct, sinon un passage du De anima de Jamblique (apud Stobée I 49, 37 ; 1. I,
p . 375, 25 Wachsmuth ), où l'auteur déclare avoir un jour “ entendu ” Porphyre et d 'autres pla
toniciens soutenir un argument qu 'il critique.Mais on sait que le mot åxovelv peut dans un tel
contexte signifier « lire » et non « entendre de vive voix » . Voir Dillon 22 , p . 10 n . 4 ; 28 R .
Goulet, « L 'Oracle d'Apollon dans la Vie de Plotin » , dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. I :
Travaux préliminaires et index grec complet, coll. « Histoire des doctrines de l' Antiquité clas
sique » 6 , Paris 1982, p . 407 n . 6 , et 29 D .M . Schenkeveld, « Prose usage of AKOYEIN “ To
Read ” » , CQ42, 1992, p . 129- 141. Selon 30 H .D . Saffrey, « Pourquoi Porphyre a-t-il édité
Plotin ? Réponse provisoire » , dans Porphyre, La Vie de Plotin , t. II, coll. « Histoire des doc
trines de l'Antiquité classique » 16 , Paris 1992 , p . 40 -42 , le lien réel qui rattacha Jamblique à
Porphyre et qui est attesté par exemple par le fait que le traité Sur le Connais-toi toi-même de
Porphyre était dédié à Jamblique, n 'autoriserait pas à présenter Jamblique comme un élève de
Porphyre dansune école qu'il aurait tenue à Rome ou ailleurs.
Ce scénario n ’exclut pas cependant une période d 'études plus ancienne à
Alexandrie , comme l'a suggéré Larsen 21, I, p . 38 -39 , mais rien non plus ne le
suggère, surtout si l'on ne retientpas comme établie l'identification d'Anatolius
avec l' aristotélicien chrétien (acceptée par Larsen ). En tout cas, après son séjour
à Rome, sans doute au plus tard en 290, Jamblique revint dans sa Syrie natale
pour ouvrir sa propre école. Il semble que ses rapports avec son maître Porphyre
se soient progressivement détériorés, si l'on en juge d 'après les témoignages
dontnous disposons (bien que ces témoignages ne doiventpas nous faire oublier
que dans une très large mesure Jamblique est resté dépendant de son ancien
maître). Il est certain cependant que sur des questions comme l'efficacité des
828 IAMBLICHOS DE CHALCIS 13

rites théurgiques, la nature de l'âme ou le premier principe, les idées de Jambli


que divergèrent fortementpar rapport à celles de Porphyre (et aussi de Plotin ).
En Syrie, Jamblique a pu séjourner quelque temps à Daphné,la banlieue élé
gante d ’Antioche - s'il faut en croire Jean Malalas, Chron. XII, p . 312 , 11-12 ,
qui le situe à cet endroit sous les règnes de Maxence et de Gaudence (305-312
ap. J.-C .) -,mais de meilleurs témoins (Libanius, Or. 18, 187 ; 52, 21; Ep. 1389
Foerster) le présentent comme établi à Apamée . En tout cas, nous savons qu'il
fut dans les années 310 le correspondant d 'un de ses admirateurs, le Pseudo
Julien, qui dans une lettre (Julien, Epist. 184 Bidez -Cumont) laisse clairement
entendre qu 'il lui écrit à Apamée.
L ' analyse des lettres 181 et 183- 187, que l'on peut dater des années 314-319 , montre,
selon 31 T. D . Barnes, « A correspondent of lamblichus » , GRBS 19, 1978 , p . 99 - 106 , que ce
Pseudo -Julien , qui était attaché à la cour de Licinius, écrivait à Jamblique alors qu 'il vivait à
Apamée. On ne disposerait d 'aucun témoignage sur Jamblique postérieur à 319.
32 J. Vanderspoel, « lamblichus at Daphne » , GRBS 29, 1988, p . 83- 86 , envisage que
Daphné ne soit pas la banlieue célèbre d 'Antioche, mais plutôt une localité moins importante
située près de Césarée de Philippe. Jamblique aurait pu enseigner à Daphné sous le règne de
Galère plutôt qu 'à la fin des années 310.
Le choix d 'Apamée n ' était peut- être pas fortuit. Sans remonter jusqu' à Numénius d 'Apa
mée, on se rappellera qu 'Amélius, qui était resté 24 ans chez Plotin à Rome, était établi à
Apamée à la mort de son maître en 270 (Vita Plotini 2 , 32- 33). Dans cette ville , il s'illustra
suffisamment pour qu 'on lui applique plus tard comme gentilice, à lui qui venait de Toscane
(7 , 2 -3), le qualificatif " Apameus” (Souda , s.v. 'Auéios, t. I, p . 138, 16 - 17 Adler). Il y
adopta un fils, né sans doute dans cette ville, du nom d 'Hostilianus Hesychius d ' Apamée
12H 173 ] (3, 47 -48 ), à qui il légua la centaine de livres de scholies qu' il avait tirées des cours
de Plotin ( 3. 46 -47). Sur l' intérêt que portait Amélius à la philosophie de Numénius et sur
cette école philosophique d'Apamée, dont on a peut-être retrouvé des vestiges archéologiques,
voir R . Goulet 28 , p. 405 -408 . 33 H . D . Saffrey et L .G . Westerink , dans l' introduction à leur
édition de la Théologie platonicienne de Proclus, CUF, t. I, p . XLIV, écrivent: « Il semble donc
que Porphyre à Rome, puis Amélius à Apamée furent les maîtres de Jamblique et que ce
dernier succéda à Amélius dans l'école fondée par lui.»
A Apamée, son patron , et aussi son disciple de prédilection , était un aristo
crate de l'endroit nommé Sopatros, qui semble lui avoir fourni une villa où
dispenser son enseignement (p. 12 , 16 -17 G .). Ce Sopatros est présenté par
Sozomène (Hist. eccl. I 5, 1) comme " présidant à la succession de Plotin ”. De
nombreux disciples fréquentaient cette école , notamment, comme le dit Eunape
(p. 11, 11- 15 G .), Aidésius ( A 56 ) et Eustathe (HE 161) de Cappadoce, Eu
phrasios et un certain Théodore de Grèce, que l'on peut vraisemblablementiden
tifier avec Théodore d'Asiné, qui s'éloigna par la suite de l'orientation philo
sophique de Jamblique. D 'autres disciples, non mentionnés par Eunape, sont
connus, comme Dexippe (* D 88), auteur d'un court commentaire conservé sur
les Catégories d'Aristote, et Hiérius (MH 121),maître de Maxime d'Éphèse, qui
enseigna à l'empereur Julien (Ammonius, In Anal. pr., p . 31, 16 ). Sur la diado
chè de Jamblique selon Eunape, voir DPHA I, p. 77.
On croit avoir retrouvé sous une cathédrale à Apamée le siège de cette école néoplatoni
cienne, qui fut orné de plusieurs mosaïques sans doute à l'époque de Julien et peut- être grâce
au zèle de Sopatros le jeune, fils ou plutôt gendre du philosophe Sopatros (voir Goulet 28 ,
p. 408 n. 2). 34 J.-Ch. Balty, « Nouvelles mosaïques païennes et groupe épiscopal dit " Cathé
13 IAMBLICHOS DE CHALCIS 829
drale de l'est" à Apamée de Syrie » , CRAI 1972, p. 103-127 ; 35 J. et J.-Ch. Balty , « Julien et
Apamée. Aspects de la restauration de l'hellénisme et de la politique anti-chrétienne de
l'empereur » , DHA 1, 1974 , p. 267-304 . L 'analyse de l'ensemble de mosaïques du IVe s.
retrouvé sous la cathédrale de l'est permet de supposer que là se trouvait le siège de l'école de
Jamblique. Le décor en est inspiré de la pensée de Julien et suggère un programme didactique
empreint demodération et de sagesse antique, mais où pointe déjà l'hostilité au christianisme.
Voir également 36 J. et J.-Ch. Balty , « Apamée de Syrie , archéologie et histoire. I : Des ori
gines à la tétrarchie » , ANRW II 8, 1978, p. 103- 134 , et 37 J. et J.- Ch. Balty, « Un programme
philosophique sous la cathédrale d 'Apamée : l' ensemble néo-platonicien de l'empereur
Julien » , dans Texte et image. Actes du Colloque international de Chantilly (1982), Paris 1984,
p. 167- 176.
Il semble qu 'en 325 Jamblique était déjà mort, car nous apprenons que son
principal disciple , Sopatros, était déjà à la cour impériale de Constantinople en
326 /7, où il futcondamné à mort par suite des machinations du préfet du prétoire
Ablabius (p . 18 , 16 - 20 ,27 G .). Après la mort de Jamblique, nous dit Eunape
(p. 18 , 14 -15 G .), ses disciples se dispersèrent, à cause du climat religieux et
politique défavorable aux païens qui prévalait en Syrie . Par la suite, Aidésius
refonda l'école à Pergame (p. 25, 2-3 G .).
En ce qui concerne la nature et le contenu de l'instruction qui était dispensée
dans l'école de Jamblique, elle avait une coloration pythagoricienne nettement
marquée. On commençait probablementavec la philosophe pythagoricienne, en
s'aidant d 'une série de dix ouvrages que Jamblique avait lui-même composés sur
Pythagore et le pythagorisme. Ces ouvrages, dont quatre sont conservés, com
prenaient une vie de Pythagore, une exhortation générale à la philosophie , puis
des introductions à la théorie mathématique, la physique, l' éthique, la musique,
la géométrie et l'astronomie. On devait continuer avec l' étude des ouvrages
d ' Aristote (en commençant par les Catégories) et de Platon . Dans l'œuvre de ce
dernier Jamblique avait défini un canon de dialogues à étudier successivement
qui reprenait des listes plus anciennes d'époque médio -platonicienne. Cette liste
est conservée dans les Prolégomènes anonymes à la philosophie de Platon, chap .
26 . Elle comprenait (a) un ensemble de cours portant sur 10 dialogues, définis
sant un progrès de la connaissance de soi à la connaissance de la cause finale, le
Bien : Premier Alcibiade, Gorgias, Phédon, Cratyle, Théétète, Sophiste , Politi
que, Phèdre , Banquet et Philèbe ; (b ) un cours de plus haut niveau commentant
seulement les deux dialogues qui exposent le sommet de la philosophie platoni
cienne : le Timée consacré à la théorie physique, et le Parménide, qui traitait de
la métaphysique ou des premiers principes.
On peut donc supposer que le commentaire des textes jouait un rôle signifi
catif dans le curriculum des études dans l'école de Jamblique. Eunape fait éga
lement allusion (p . 15, 13 - 16 ,4 G .) à des sessions publiques de questions et
réponses, dont l'une opposa Jamblique à un philosophe rival, Alypius (* A 129),
ainsi qu 'à des excursions des membres de l'école , dont l’une avait pour but les
sources chaudes de Gadara (p. 13 , 13- 16 G .). Il faut également prendre en
compte la réputation qui resta attachée à Jamblique dans le domaine des pra
tiquesmagiques. Il était très certainement partisan de cette magie supérieure qui
était appelée " théurgie ” et l'un de ses principaux traités conservés est une
830 IAMBLICHOS DE CHALCIS 13
défense de la théurgie contre les objections sceptiques de Porphyre .Cet ouvrage
est habituellement connu , depuis Marsile Ficin , sous le titre Sur lesmystères des
Égyptiens, mais son titre original était : Réponse de maître Abammon (* A 1) à
la lettre de Porphyre à Anébon (2- A 183). Jamblique assumait le rôle d'un grand
prêtre égyptien pour répondre aux objections que Porphyre avaitfeint d'adresser
à un prêtre égyptien imaginaire . Pour illustrer les pouvoirs magiques de Jam
blique,Eunape rapporte quelques anecdotes pieusement transmises par son maî
tre Chrysanthe (2°C 116 ), disciple lui-même d 'Aidésius (458 -459).
Euvres. Il n ' est pas possible d' établir un ordre chronologique des différents
ouvrages conservés ou seulement attestés de Jamblique. On s'en tiendra donc à
un ordre purement logique.
38 0 . Ballériaux, « A la recherche du Jamblique perdu... » , dans Serta Leodiensia
secunda . Mélanges publiés par les Classiques de Liège à l'occasion du 175e anniversaire de
l'Université, Liège 1992, p. 1-12.
(1)On a déjà signalé plus haut une série de dix ouvrages d'introduction sur
Pythagore et le pythagorisme (Συναγωγή των Πυθαγορείων δογμάτων). Une
table des matières conservée dans le manuscrit de Florence Laurentianus 86 .3
(XIVe siècle ) donne lesneuf premiers de ces dix titres. Cette collection , qui com
prenait une bonne quantité de citations inavouées d 'auteurs plus anciens (dont
certaines de grande valeur), était constituée par les traités suivants :
(a ) Sur la Vie de Pythagore ou Sur la vie pythagoricienne (Bloc Iuda
yopixóc): une présentation de la vie de Pythagore et de la vie conforme aux
principes pythagoriciens, qui pouvait être en rapport avec le mode de vie suivi
dans l'école de Jamblique lui-même;
39 De Vita Pythagorica , ed. L.Deubner, coll. BT, Leipzig 1937; réimpr.avec corrections
par U . Klein , Stuttgart 1975 , XLIV - 1.58 p . Traductions anglaises : 40 T .M . Johnson (1907) ,
réimpr. Grand Rapids (Mich .) 1988 ; 41 lamblichus on the Pythagorean Life, translated with
notes and introduction by G . Clark , coll. « Transl. texts for historians » 8 , Liverpool 1989, XXI
122 p . ; 42 lamblichus, On the pythagorean way of life, text, translation and notes by J. Dillon
et J. Hershbell, coll. « Society of Biblical Literature. Texts and translations » 29 ; « Graeco
Roman religion series » 11, Atlanta 1991, X1- 285 p . Texte grec et traduction allemande :
43 lamblichi, De Vita Pythagorica liber, hrsg. von M . von Albrecht, Stuttgart/Zürich 1963.
Traduction française : 44 Jamblique, Vie de Pythagore, Introduction , traduction et notes par L .
Brisson et A . Segonds, coll. « La Roue à Livres » , Paris 1996 , C -240 p . Traduction italienne :
45 Giamblico, La vita pitagorica, a cura di L . Montoneri, Bari 1973 ; 2e éd. 1984. Traduction
espagnole : 46 Jámblico, Vida pitagórica, trad., introd . y notas de E . A . Ramos Jurado,Madrid
1991, 169 p .
Étude capitale : 47 L . Deubner, « Bemerkungen zum Text der Vita Pythagorae des lambli
chos » , SPAW XIX , 1935, p .612-690, 824 -827, repris dans Kleine Schriften zur klassischen
Philologie, coll. « Beiträge zur klass. Phil.» 140, Königstein 1982, p. 471-555. Voir égale
ment: 48 E . Rohde, « Die Quellen des lamblichus in seiner Biographie des Pythagoras », RhM
26 , 1871, p . 554-576 ; 27, 1872, p. 23-61, repris dans Kleine Schriften, t. II, Tübingen 1901,
p . 102- 172 .
(b) Exhortation à la philosophie (IIpotpentixóc);
49 Protrepticus, ed . H . Pistelli, coll. BT, Leipzig 1888 ; 50 Jamblique, Protreptique. Texte
établi et traduit par E . des Places, CUF, Paris 1989, 172 p. en partie doubles (avec traduction
française). Trad . allemande par 51 O . Schoenberger : lamblichos, Aufruf zur Philosophie ,
Würzburg 1984, 110 p . Traduction anglaise : 52 lamblichus, The Exhortation to philosophy :
13 IAMBLICHO DE CHALCIS 831
S
including the Letters of lamblichus and Proclus' Commentary on the Chaldean oracles, transl.
by T.M . Johnson, with a foreword by J. Godwin , ed . by S. Neuville, Grand Rapids, Mich .,
1988, 128 p .
(c) Sur les principes généraux des mathématiques;
53 De communi mathematica scientia , ad fidem cod. Florentini ed. N . Festa , coll. BT,
Leipzig 1891; réimpr.avec corrections par U . Klein, Stuttgart 1975, XXV-152 p.
(d ) un commentaire sur l' Introduction à l'arithmétique de Nicomaque de
Gérasa.
54 In Nicomachi Arithmeticam Introductionem , ad fidem cod. Florentini ed. H . Pistelli,
coll. BT, Leipzig 1894 ; réimpr. avec corrections par U .Klein , Stuttgart 1975, XXIII- 195 p.
Ces traités sont les seuls qui aient survécu , mais O 'Meara 6 a récemment
retrouvé le plan d 'ensemble des livres V ( Sur l'arithmétique dans le domaine de
la physique), VI (Sur l'arithmétique dans le domaine de l'éthique ) et VII (Sur
l'arithmétique dans le domaine de la théologie ) dans une série de petits ouvrages
deMichel Psellus portant les mêmes titres et plagiant manifestement Jamblique.
55 D .J. O'Meara, « New fragments from lamblichus' collection of Pythagorean doctri
nes», AJPh 102, 1981, p . 26 -40.
On ne sait presque rien des livres VIII- X : ils devaient comprendre des intro
ductions à la géométrie , la musique et l'astronomie . L 'ensemble constituait une
introduction exhaustive à la sagesse pythagoricienne.
Le dernier traité (Sur l'astronomie chez Pythagore), absent de la table des matières du
Laurentianus, est signalé dans la préface du quatrièmetraité .
(2) Les mystères des Égyptiens, ou La réponse de maître Abammon à la
Lettre de Porphyre à Anébon, et les Solutions aux problèmes qui y sont posés.
Ce traité a été divisé par Nicolas Scutelli, son second éditeur (Rome 1556 ), en
dix livres de très inégale longueur, une division qui ne rend pas toujours parfai
tement justice à son contenu exact. L 'ouvrage est construit autour d'une série de
réponses à des problèmes soulevés par Porphyre, à propos de notre connaissance
des dieux , des distinctions qu 'il faut établir entre les différents niveaux d' êtres
divins, la nature de la prophétie , la possibilité d'imposer sa volonté aux dieux, la
théorie du sacrifice, le symbolisme de la théologie égyptienne (thème qui a
donné son titre à l'ensemble de l'ouvrage à la Renaissance), la nature du démon
personnel et la nature du bonheur. L 'ensemble donne une impression de désor
dre , mais il ne manque pas de cohérence si on le considère comme la réponse à
une série de questions. Il fait appel à une argumentation solide et à une rhéto
rique efficace, pour peu que l'on se situe à l'intérieur d'un univers de pensée qui
accepte la validité des pratiques théurgiques.
Édition critique et traduction française: 56 Jamblique, Les Mystères d 'Égypte . Texte établi
et traduit par E . des Places, CUF, Paris 1966 , 225 p . en partie doubles. Réédition corrigée en
1989 et 1996 . Traduction italienne par 57 A .R . Sodano, Giamblico. I misteri egiziani.
Abammone. Lettera a Porfirio, coll. « I classici del pensiero » , Sez. 1º Filos. class. e tardo -ant.,
Milano 1984, 484 p . Traduction espagnole : 58 E . Á . Ramos Jurado (édit.), Jámblico . Sobre los
misterios egipcios. Introd ., trad. y notas, coll. « Biblioteca clásica Gredos » 242,Madrid 1997 ,
236 p.
Études : 59 M . Sicherl, Die Handschriften, Ausgaben und Übersetzungen von lamblichos
De Mysteriis, Berlin 1957 ; 60 F.W . Cremer, Die Chaldäischen Orakel und Jamblich De
832 IAMBLICHOS DE CHALCIS 13
Mysteriis, coll. « Beitr, zur klass. Philol.» 26 , Meisenheim am Glan 1969, 165 p .; 61 H . D .
Saffrey, « Abammon , pseudonyme de Jamblique » , dans Philomathes. Studies and Essays in
the Humanities in memory of Philip Merlan, The Hague 1971, p. 227-239, repris dans
62 Recherches sur le néoplatonisme après Plotin , coll. « Histoire des doctrines de l'Antiquité
classique» 14 , Paris 1990 , p . 95 - 107 ; 63 Id., « Plan des livres I et II du De mysteriis de Jam
blique » , dans Zetesis (Mélanges E. de Strycker), Antwerpen/Utrecht 1973, p. 281-295 ; repris
dans62 p . 109- 123 ; 64 C . Zintzen , « Bemerkungen zum Aufstiegsweg der Seele in Jamblichs
De mysteriis » , dans H . Blume et F. Mann (édit. ), Platonismus und Christentum . Festschrift
für Heinrich Doerrie, coll. JbAC Erg.-Bd. 10 ,Münster 1983, p. 312 -328 ;65 A .H . Armstrong,
« Jamblique et l'Égypte », EPh 1987, p. 521-532 ;66 B . Nasemann, Theurgie und Philosophie
in Jamblichs De Mysteriis, coll. « Beitr. zur Altertumskunde» 11, Stuttgart 1991, 320 p.
67 H . D . Saffrey, « Les livres IV à VII du De Mysteriis de Jamblique relus avec la Lettre de
Porphyre à Anébon » , dans Blumenthal et Clark 6 , p . 144 - 158 ; 68 Id., « Relecture de
Jamblique , Demysteriis VIII, chap . 1 - 5 , dans S . Gersh et Ch. Kannengiesser (édit.), Platonism
in Late Antiquity (Mélanges Éd . des Places), Notre Dame 1992 , p. 157- 171; 69 Id .,
« Réflexions sur la pseudonymie Abammon -Jamblique » , dans J. J . Cleary (édit.), Traditions of
Platonism . Essays in honour of John Dillon , Aldershot 1999, p. 307 -318 (sur les passages
montrant que Jamblique oublie qu 'il a revêtu le rôle d'un prêtre égyptien ) ; 70 Id ., « Enuelov /
Signum dans la littérature néoplatonicienne et la théurgie » , dans M . L . Bianchi (édit.), Signum
(Colloquio Internazionale, Roma, 8 - 10 gennaio 1998 ), Firenze 1999, p . 23 -38 ; 71 C . Van
Liefferinge, La Théurgie, des Oracles Chaldaïques à Proclus, coll. « Kernos- Supplément » 9,
Liège 1999, 319 p ., notamment chap . 1 ; « La théurgie selon le De mysteriis de Jamblique» ,
p . 23-126 , où l'auteur s'attache à démontrer que la théurgie n 'a pour Jamblique rien à voir
avec la magie et que son Demysteriis est une entreprise de réhabilitation philosophique de la
religion païenne. Voir déjà 72 Ead., « Jamblique, lecteur de Plutarque ?» , RPHA 16 , 1998 ,
p . 37-53. 73 Th. Stäcker, Die Stellung der Theurgie in der Lehre Jamblichs, coll. « Studien zur
klassischen Philologie » 92, Bern/Frankfurt am Main 1995 , 293 p.
(3 ) Sur l'âme. De larges extraits de ce traité principalement doxographique
ont été conservés dans l'Anthologie de Stobée . Dans son Commentaire sur le De
anima (attribué de façon erronée à Simplicius) et sa Metaphrasis in Theo
phrastum , Priscianus Lydus reconnaît sa dette à l'égard de cet ouvrage. L 'inten
tion de Jamblique était apparemment de marquer son dissentiment par rapport
aux doctrines sur l'âme de ses prédécesseurs immédiats , Plotin , Amélius et
Porphyre.
Traduction française par 74 A .J. Festugière, La Révélation d 'Hermès Trismégiste, t. III :
Les doctrines de l'âme, Paris 1953, Appendice I, p. 177- 264. Voir 75 Annick Charles-Saget,
« Jamblique, doxographie et philosophie dans le traité De l'âme», SyllClass 8, 1997, p . 121
128.
(4) Sur la descente de l'âme. Cet ouvrage, mentionné par Jean Lydus, De
mensibus, p. 167, 23, devait être différent du précédent, car Lydus fait référence
à un premier livre .
(5) Commentaires sur Platon . Des commentaires de Jamblique sont attestés
pour les dialogues suivants, qui appartenaient au premier cycle de son enseigne
ment: (a ) Premier Alcibiade (cité dans les commentaires de Proclus et d'Olym
piodore ); (b ) Phédon (cité dans le commentaire de Damascius) ; (c ) Sophiste
(des scholies sur ce dialogue ont conservé les vues de Jamblique sur le sujet ou
le skopos du dialogue) ; (d) Phèdre (cité dans le commentaire d'Hermias
d 'Alexandrie (= H 78 ) et dans la Théologie platonicienne de Proclus) ;
(e) Philèbe (cité dans le commentaire de Damascius ( + D 3]). Sont également
attestés des commentaires surle (f) Timée (mentionné plusieurs fois dans le com
13 IAMBLICHOS DE CHALCIS 833
mentaire de Proclus, avec quelques citations textuelles dans le commentaire de
Simplicius sur la Physique d'Aristote ) et (g ) sur le Parménide (quelques réfé
rences anonymes,mais identifiables, dans le commentaire de Proclus, et quel
ques autres explicites dans le commentaire de Damascius, ainsi que dans le
commentaire de Syrianus sur la Métaphysique).
Les fragments des commentaires sur Platon et sur Aristote ont été rassemblés par Larsen
21. Texte, traduction anglaise et commentaire des fragments des commentaires sur Platon dans
Dillon 22. Voir 76 H . J. Blumenthal, « lamblichus as a commentator.» , SyllClass 8 , 1997, p . 1
13 ; 77 G . Van Riel, « The transcendent cause : lamblichus and the Philebus of Plato » ,
SyllClass 8 , 1997 , p . 31 -46 ; 78 C .G . Steel, « lamblichus and the theological interpretation of
the Parmenides » , SyllClass 8 , 1997 , p. 15 - 30 ; 79 G . Van Riel, « Le Philèbe dans l' interpréta
tion de Jamblique », dans La fêlure du plaisir. Études sur le Philèbe de Platon, t. II: Contextes,
sous la direction de Monique Dixsaut, avec la collaboration de F . Teisserenc, coll. « Tradition
de la pensée classique » , Paris 1999, p . 169- 190.
(6 ) Commentaires sur Aristote . (a) Le commentaire de Simplicius sur les
Catégories se réfère à plusieurs reprises au commentaire de Jamblique sur le
même traité et rejoint parfois mot pour mot le bref commentaire de Dexippe,
disciple de Jamblique ; (b) Ammonius et Philopon signalent également dansleurs
propres commentaires un commentaire de Jamblique sur les Premiers analy
tiques. En ce qui concerne le De interpretatione et le De caelo , les témoignages
sontmoins nets , bien que Jamblique soit cité sur différents points de détail dans
les commentaires d 'Ammonius et d 'Étienne sur le De interpretatione, et que
Simplicius ait transmis les vues de Jamblique sur le skopos du De caelo .
Voir Larsen 21 et 80 J. Pinborg, « Jamblichos som Aristoteleskommentator » , MT 21- 22,
1973, p . 21-22, 93-105 ; 81 R . Chiaradonna, « Porfirio e Giamblico critici di Plotino nei com
menti alle Categorie di Dexippo e Simplicio » , Florllib 7, 1996 , p . 77-91 ; 82 R . L . Cardullo ,
« La Noepà dewpia diGiamblico, come chiave di lettura della Categorie di Aristotele : alcuni
esempi » , SyllClass 8, 1997 , p . 79 - 94 ; 83 J. M . Dillon « lamblichus ' voepà Dewpia of
Aristotle 's Categories » , SyllClass 8 , 1997, p .65-77.
Il ne semble pas que Jamblique ait commenté expressément le De anima d'Aristote :
84 H .J. Blumenthal, « Did lamblichus write a commentary on the De anima ?» , Hermes 102 ,
1974, p . 540 -556 .
(7) Un commentaire en au moins 28 livres des Oracles chaldaïques est attesté
par des références dans le De principiis de Damascius (I, p. 86 , 5 Ruelle ), par
Marinus (Proclus 26 ) et Jean Lydus (Demens. IV 159).
(8) Une Théologie platonicienne (Proclus, Théologie platonicienne III 11).
(9) Sur les dieux (Proclus, Théologie platonicienne, et Damascius, De prin
cipiis).Cet ouvrage a pu inspirer les Discours IV et V de l' empereur Julien , ainsi
que le De Diis et Mundo de Salloustios.
( 10 ) Sur les statues. Photius, Bibl., cod. 215, résume une réfutation de cet
ouvrage par Jean Philopon. Il traitait de la façon de construire les statues et pro
bablement de les animer, ainsi que des prières que l'on pouvait leur adresser . Il
s'en prenait peut-être aux idées que Porphyre avait exposées dans un ouvrage
portant le même titre . Plusieurs des citations de Jamblique que l'on rencontre
dans le De Mensibus de Lydus pourraient provenir de cet ouvrage ou du traité
Sur les dieux.
834 IAMBLICHOS DE CHALCIS 13
(11) Un traité Sur les vertus est cité par Damascius, In Phaed. B § 143,
p . 112, 21 Norvin , comme source pour la doctrine de Jamblique sur les sept
niveaux de vertus.
(12) Sur la providence et le destin. Cité par Proclus, De prov., p. 5 , 2- 3
Boese .
(13) Sur les symboles (pythagoriciens). Jamblique y fait allusion dans son
Protreptique (p. 112, 2). L 'ouvrage devait traiter ce sujet de la même manière
que le faitJamblique dans la partie finale de son Protreptique.
(14) Némésius d'Émèse (De nat. hom . 51) mentionne un traité de Jamblique
sur le sujet suivant : « la métempsychose (ai Metevowuatuoelc) ne s'effectue
pas des hommes vers les animaux irrationnels, nides animaux irrationnels vers
les hommes ,mais seulementdes animaux vers d'autres animaux et des hommes
vers d'autres hommes» . Il est difficile de trouver un titre plus explicite . Il est
cependant possible qu'il s'agisse d'une référence à un chapitre du De anima, où
le sujet était certainement traité.
(15) Un traité Sur la discrimination du meilleur discours (ſlepi xpioewÇ
åplotou nóyou), ouvrage de caractère sans doute purement rhétorique, est cité
par Syrianus, In Hermogenem , I, p. 9 , 11 Rabe.
Dans un petit traité sur les Idées, Athanase le Rhéteur (1571- 1663) déclare se fonder sur ce
qu 'a écrit Jamblique, sans faire à celui- ci de références précises : 85 B . D . Larsen , « Un témoi
gnage grec tardif sur Jamblique et la tradition platonicienne. Athanase le Rhéteur» , CIMA 20,
1977, p . 1 -37.
(16 ) Un commentaire sur les Vers d 'or de Pythagore est mentionné par
Jérôme (Contra Rufinum III 39, col. 507 A ). Unmanuscrit arabe inédit conservé
à Princeton (ms Garrett 308 , ff. 303b - 308b ) est attribué sous ce titre à Jam
blique. Il a été récemment édité par 86 H . Daiber ( édit.), Neuplatonische
Pythagorica in arabischem Gewande : der Kommentar des lamblichus zu den
Carmina aurea : ein verlorener griechischer Text in arabischer Überlieferung,
coll. « Verhandelingen . Afd. Letterkunde. Nieuwe Reeks » N . R ., 161, Amster
dam ,Koninklijke Nederlandse Akademie van Wetenschappen 1995, 139 p.
(17) Stobée a conservé des extraits de 19 lettres de Jamblique adressées à des
correspondants divers : Sopatros, Dexippe (** D 88), Eustathe (» E 161] (tous
des disciples connus), Anatolius ( A 157] (sans doute son maître),Macédonius,
Poemenius, Agrippa ( A 51), Dyscolius (> D 231] (peut-être identique à un
préfet du prétoire d'Orient en activité dans les années 320 : la lettre porte sur
l'exercice du gouvernement), Olympius, Asphalius ( * A 462) et une femme du
nom d'Arétè (> A 327). Le nom du destinataire de la lettre Sur le mariage n 'a
pas été conservé.De toutes ces lettres, celle adressée à Macédonius Sur le destin
est peut-être celle qui présente la plus grande importance philosophique.
Trad. Johnson 52.
(18 ) Eunape (p. 16 , 7 G .) prétend avoir lu une Vie d 'Alypius que Jamblique
aurait composée après la mort de ce philosophe à partir d'un long texte autobio
graphique d ’Alypius. Il formule sur cet ouvrage un jugement assez sévère
(p . 16 , 8 - 17 , 1 G .).
13 IAMBLICHOS DE CHALCIS 835
(19) L 'attribution à Jamblique des Theologoumena Arithmeticae est mainte
nant rejetée.
87 Theologoumena Arithmeticae, ed . V . de Falco, Leipzig 1922 ; réimpr. avec corrections
par U . Klein , Stuttgart 1975, XXXVI-90 p .; trad. angl. par 88 R . Waterfield, The Theology of
arithmetic, Grand Rapids,Mich., 1988.
Études : 89 R.A .H . Waterfield , « Emendations of Theologoumena Arithmeticae (De
Falco )», CQ 38, 1988, p . 215-227 ; 90 S.J. Bucking, « Onmeasuring the range of Anatolian
text in the ( lamblichean ] Theologoumena Arithmeticae » , GB 18 , 1992, p . 127 -148 ; 91 Id .,
« The excerpt format of the (lamblichean) Theologoumena Arithmeticae and its impact upon
the range of Anatolian text»,GB 19 , 1993, p. 157-172.
Style et vocabulaire. Malgré la haute opinion qu 'il avait de Jamblique ,
Eunape lui reproche ouvertement d’user d'un style qui laisse à désirer. « Il n 'était
en rien, dit-il, inférieur à Porphyre , si ce n 'est en ce qui concerne la composition
et la force du style (ntanu ooov xatà tņu ouvonxnv xai dúvaulv toŨ Nóyou).
Car ses affirmationsne sont empreintes ni de charme ni de grâce, elles ne sont
pas limpides et elles n 'offrentpas la beauté de la simplicité. Elles ne sont cepen
dant pas tout à fait obscures et elles ne présentent pas d'erreurs de diction . Sim
plement, Jamblique, comme Platon le disait de Xénocrate, “ n'avait pas sacrifié
aux Grâces” d'Hermès (Taīs 'Epuaïxais où réoutal Xáplolv ). C ' est pourquoi
il ne retient pas et n 'enchante pas le lecteur au point de le garder à sa lecture,
mais il est plutôt de nature à le repousser et à irriter ses oreilles » (p. 11, 1- 9 G .).
Quiconque a peiné sur le De mysteriis par exemple ou sur les fragments tex
tuels du Commentaire sur les Catégories pourra confirmer la valeur de ce juge
ment. Jamblique avait la malheureuse habitude d'accumuler des séries d'adjectifs
ou de phrases adjectivales, et d 'enfiler des suites de propositions coordonnées
pour construire des phrases excessivement longues qui découragent le lecteur.
Dans deux cas Simplicius a conservé des extraits du Commentaire de Jamblique
sur le Timée (In Phys., I, p. 793, 23 sqq. = fr.63 Dillon ; In Phys., I, p. 794 , 26
sqq. = fr.68 Dillon ) qui sont également cités par Proclus (In Tim . III, p. 30, 30
sqq.; III 51, 21 sqq .). Or, Proclus (qui peut lui-même être fort prolixe) a coupé
un ou plusieurs adjectifs, voire une ou plusieurs phrases, dans la citation .
En ce qui concerne le vocabulaire , Jamblique est probablement responsable
d 'une grande partie du vocabulaire technique caractéristique de l'école néopla
tonicienne d 'Athènes.Malheureusement, dans le Commentaire de Proclus sur le
Timée (et encore moins dans son Commentaire sur le Parménide), on ne trouve
aucune citation textuelle de Jamblique, si bien qu 'on ne peut jamais être tout à
fait sûr de l'origine d'un terme technique. Mais l'étude des passages où Jam
blique est mis à profit par Proclusmontre que plusieurs des termes techniques de
la métaphysique néoplatonicienne ultérieure , par exemple auédextos, ãoyeros,
διαστηματικώς, το εν της ψυχής, ενεξουσιάζω, ενιαίος, εξηρημένος (και
υπερκόσμιος και απόλυτος), ηνωμένως, πρωτουργός/ δευτερουργός (bien
que ces termes apparaissent dans les Lois de Platon), ouvovolhoual (qui appa
raît toutefois chez Alexandre d' Aphrodise), ont été utilisés déjà par Jamblique,
de même que des concepts comme hénades, le domaine intelligible -intellectuel,
et le systèmedes trois niveaux de chaque hypostase : non participé (Québextos),
836 IAMBLICHOS DE CHALCIS 13
participé (uetexóuevos) et “ par participation, ou relation” (xatà MÉDEELV, év
oxéoel). C 'est à lui, de façon générale, plutôt qu'à Plotin ou Porphyre , qu 'est
due la complexe hiérarchisation des niveaux de l'être qui caractérise le néopla
tonisme tardif.
Influence. Comme nous l'avons suggéré dans la section précédente, l'in
fluence exercée par Jamblique sur la métaphysique de l'école d'Athènes fut
considérable, à commencer par Plutarque d 'Athènes, mais aussi, en passant par
Syrianus et Proclus, jusqu'à Damascius, qui adoptait les positions de Jamblique
de préférence à celles de Syrianus et de Proclus sur plusieurs points doctrinaux
comme la nature du premier principe ou la nature de l'âme.
Il semble que la connaissance de ses commentaires sur Platon et Aristote n ' ait
pas longtemps survécu à la fermeture de l'école platonicienne à Athènes en 529
ap. J.- C . Damascius semble avoir une connaissance personnelle de son Commen
taire sur le Parménide, et Olympiodore cite , sans dépendre de Proclus, son Com
mentaire sur le Premier Alcibiade. Simplicius a conservé quelques précieux
extraits de son Commentaire sur le Timée et plusieurs de son Commentaire sur
les Catégories d 'Aristote . Jean Philopon s'en prit à son traité Sur les statues,
Jean Lydus semble utiliser directement ses ouvrages Sur les dieux et Sur la
descente de l'âme, de même que son Commentaire sur les Oracles chaldaïques,
et Jean Stobée cite son traité Sur l'âme et plusieurs de ses Lettres ; mais par la
suite ne survivront que les traités de la série pythagoricienne et le Demysteriis.
Dans le premier cas, comme nous l'avons vu, seuls les quatre premiers ouvrages
ont été conservés,mais Michel Psellus, au Xe siècle , pouvait encore lire les trai
tés 5 - 7 . Dans l'ensemble, les aspects les plus techniques de la philosophie de
Jamblique furent absorbés par ses successeurs et les écrits de ces derniers éclip
sèrent les siens, ne laissant que les æuvres plus " exotériques" et son manifeste
sur la théurgie , le De mysteriis, ce qui eut pour conséquence de transmettre à la
Renaissance et aux siècles ultérieurs une image trompeuse de l'apport de Jam
blique à la tradition philosophique.
JOHN DILLON.
4 IAMBLICHOS (Anonymede Jamblique) RESuppl. “ Iamblichos" 3. va ?
1 F . Blass, Commentatio de Antiphonte sophista lamblichi auctore, Kiel
1889, a le premier affirmé que Jamblique, dans le chapitre 20 de son Protrep
tique, pratiquant la mêmeméthode de composition que dans le reste de l'ouvra
ge, reproduit des passages d 'un écrit dont l'auteur serait cette fois un sophiste du
ve siècle av. J.-C ., à savoir Antiphon « le sophiste » (2 + A 209 Antiphon d 'Athè
nes). L 'argumentation de Blass était la suivante : ( 1) Après la découverte par I.
Bywater (« On a Lost Dialogue of Aristotle » , JP 2 , 1869, p. 55 -69) de fragments
du Protreptique perdu d'Aristote dans les chapitres 5- 12 de celui de Jamblique,
il était logique de penser que le chapitre 20, comme tous les autres (abstraction
faite naturellement des chapitres 1 et 21, introduction et conclusion dues à Jam
blique lui-même), était composé d 'extraits d' un ouvrage utilisé par Jamblique.
( 2 ) Guidé par cette hypothèse , Blass isolait dans le chapitre 20 sept fragments
14 ANONYME DE JAMBLIQUE 837
(qu 'il désignait par les six premières lettres seulementde l' alphabet, mais il divi
sait en deux le fragment D ) qui, à la différence des extraits identifiés dans les
chapitres précédents , ne pouvaient être attribués ni à Platon ni à Aristote (et
encore moins à Jamblique ): Blass les jugeait étrangers à « la manière de philoso
pher qui provient de Platon et d 'Aristote » ; autrement dit, il s 'agissait d 'extraits
d 'un ouvrage antérieur à Platon , remontant donc au Ve siècle . ( 3 ) Les particulari
tés de la langue dans laquelle sont écrits ces passages - de l'attique mêlé d ' io
nismes – ne laissent, selon Blass , le choix qu ' entre trois auteurs : Gorgias, Anti
phon et Thucydide. Ces extraits ne se trouvant pas dans l'ouvrage de Thucydide,
étant par ailleurs exempts de gorgianismes, on est conduit par élimination à les
attribuer à Antiphon – un « Antiphon le sophiste » que Blass tenait pour distinct
de l'orateur et, sur la base d 'un passage desMémorables de Xénophon (I 6 , 13),
pour un étranger, dont il était bien naturel qu 'il ne s'exprimât pas en bon attique.
Avant même que la découverte des fragments papyrologiques du Sur la Vérité
aient révélé en Antiphon l'auteur d'une critique de la loi incompatible avec
l'éloge qui en est fait par celui qu'on appelle désormais l'Anonyme de Jambli
que, l'attribution proposée par Blass 1 fut rejetée par 2 U . von Wilamowitz
Moellendorff, Aristoteles und Athen , Berlin 1893 , t. I, p . 174 n . 77, qui décelait
une étroite parenté entre le fragment i de l' Anonyme (nécessité, pour l'acquisi
tion de la vertu , de conjuguer dons naturels, exercice, et un apprentissage com
mencé de bonne heure ) et le fragment B 3 DK de Protagoras. 3 K . Töpfer, Die
sogenannten Fragmente des Sophisten Antiphon bei lamblichos, Arnau 1902 , qui
avait d 'abord rejeté l'attribution à Antiphon pour des raisons stylistiques, attri
bua lui aussi les fragments à Protagoras dans 4 Zu der Frage über die Autor
schaft des 20. Kap. im lamblicheischen Protreptikos, Gmunden 1907.
Si la proximité de certaines des idées exprimées par l'Anonyme (principale
ment sa défense de la loi) avec la doctrine de Protagoras a été par la suite tenue
pour acquise, il est cependant apparu difficile d' identifier purement et simple
ment à Protagoras l'auteur des fragments, dans la mesure où l'analyse de leur
contenu rendait tout aussi légitimes d 'autres rapprochements. Ainsi 5 H .
Gomperz, Sophistik und Rhetorik, Leipzig/Berlin 1912 (réimpr. Darmstadt
1965), p. 89-90 , tout en admettant que le contenu des fragments était pour la plus
grande part emprunté à Protagoras, insistait sur la proximité avec Hippias
( H 145 ), ce qui, aux yeux de 6 K . Bitterauf,RESuppl. III, 1918, col. 116 -118,
revenait à faire comme lui de l’Anonyme un éclectique. Opinion partagée alors
par 7 W . Nestle, « Spuren der Sophistik bei Isokrates » , Philologus 70 , 1911,
p . 1-51, notamment p.47-48 = Griechische Studien , Stuttgart 1948 , p . 451-501,
notamment p. 497-498. Abandonnant l'identification à Protagoras, 8 A . Levi,
« L 'anonimo diGiamblico » , Sophia 9, 1941, p . 235 -246 = Storia della Sofistica,
a cura di D . Pesce, Napoli 1966 , p. 177 -191 (trad . all. dans Sophistik , hrsg. von
C .J. Classen , coll. « Wege der Forschung » 187 , Darmstadt 1976 , p .612 -626 ),
maintenait cependant l'appartenance de l'auteur à « l' école de Protagoras » , ce
pendant que 9 M .Untersteiner,« Un nuovo frammento dell'Anonymus lamblichi.
Identificazione dell’Anonimo con Ippia » , RIL 77, 1943-1944, p. 442 -458 (= Id.,
838 ANONYME DE JAMBLIQUE 14
Scritti Minori, Brescia 1971, p. 422 -439 ; trad . all. dans Sophistik , hrsg. von C . J.
Classen , coll. « Wege der Forschung » 187, Darmstadt 1976 , p. 591-611), allant
plus loin que Gomperz 5 ,adoptait résolument la thèse de l'identification à Hip
pias. Presque au mêmemoment 10 W . Nestle, Vom Mythos zum Logos. Die
Selbstentfaltung des griechischen Denkens von Homer bis auf die Sophistik und
Sokrates, 2e éd., Stuttgart 1942, réimpr. 1975, p . 424 -433, proposait pour son
« éclectique » le nom d'Antiphon de Rhamnonte (« l'orateur » ). Plus récemment,
11 J.-P. Dumont, « Jamblique, lecteur des sophistes. Problème du Protreptique » ,
dans Le Néoplatonisme, Royaumont 9-13 juin 1969, Paris 1971, p. 203-212, tout
en déclarant ne pas vouloir « se livrer au jeu de la recherche des sources » , s'est
toutefois déclaré pour « un disciple de Prodicos » (p. 211).
Bien que, dans les histoires de la philosophie comme dans les recueils de
fragments, l' Anonyme soit toujours rangé parmiles sophistes, son appartenance
au mouvement sophistique est rien moins que certaine. Comme le fait observer
Nestle 10 , p. 424 , son peu d'estime pour la rhétorique, qui constituait pourtant
« le cæur de l' enseignement sophistique » , suffit à faire douter qu'il soit lui
même un sophiste professionnel (l'auteur le compare à ce titre à Critias
[2C 216 ]). Tout en maintenant une datation au Ve siècle , certains ont proposé
des identifications qui placent l’Anonyme en dehors de la sophistique : Démo
crite (>+ D 70 ] (12 Q . Cataudella , « L ’Anonymus lamblichi e Democrito » , SIFC
60, 1932, p . 5 -22 ; 13 Id., « Nuove ricerche sull’Anonimo di Giamblico e sulla
composizione del Protrettico » , RAL , serie 6 , 13, 1937, p. 182 -210 ; 14 Id ., « Chi
è l'anonimo diGiamblico ? », REG 63, 1950 , p. 74 - 106 ) ou l'un de ses élèves
(15 A . T. Cole , « The Anonymus lamblichi and his place in Greek political
thought» , HSPh 65, 1961, p . 127- 163) ; Théramène ( 16 W . Schmid , Geschichte
der griechischen Literatur, 1. Teil, Bd. 3,München 1940, p. 203).Mais d 'autres,
récusant le jugement de Blass 1 selon lequel la pensée de l'Anonyme est prépla
tonicienne, en ont fait un contemporain , voire un épigone de Platon. Ainsi 17 K .
Joël, Der echte und der xenophontische Sokrates II 2, Berlin 1901, p.678 sqq.,
faisait de l'Anonyme, en qui il proposait de reconnaître Antisthène (> A 211), un
socratique (position réitérée dans 18 Id., Geschichte der antiken Philosophie I,
Tübingen 1921, p. 684 -686 ). Sans proposer d 'identification, 19 M . Gigante ,
NOMOE BALIAEYE, Napoli 1956 (19932), p. 177- 186 , tient luiaussi l'Anonyme
pour un socratique, sur la base de rapprochements avec les Mémorables de
Xénophon (éloge de l'éyxpátela ) ou avec le Gorgias de Platon (critique du
droit du plus fort). Entre temps, 20 R . Cadiou, « A travers le Protreptique de
Jamblique » , REG 63, 1950 , p. 58 -73, est revenu à des considérations stylistiques
pour rapprocher l'Anonyme d'Isocrate (2 +I38 ) ou de son école .Mais déjà bien
avant eux, 21 P . Shorey, « QUOIS , Menérn , 'Enlotnun » , TAPHA 40, 1909,
p. 192 n. 1, avait fait observer qu 'une bonne part des « fragments » délimités par
Blass 1 pouvait passer pour des emprunts à Platon et à Isocrate. Mêmeen admet
tant, concluait-il, qu 'une partie du chapitre , bien moindre d'ailleurs que ce que
pensait Blass , remontât au Ve siècle, il était probable qu 'elle n 'avait dû parvenir
à Jamblique que par un intermédiaire platonisant. Peut-on encore, à partir de là ,
14 ANONYME DE JAMBLIQUE 839
dater l'ouvrage utilisé par Jamblique ? Un « intermédiaire platonisant» peut se
situer à peu près n'importe où entre Platon et Jamblique.
En multipliant les rapprochements possibles et en soulignant ses ressemblan
ces avec d 'autres écrivains supposés être ses contemporains ou ses prédéces
seurs , la recherche des sources a abouti à dénier à l'Anonyme, ou du moins à
passer sous silence, l'originalité qui peut être la sienne. Aussi n 'est-ce pas un
hasard si les études qui ont le mieux fait ressortir cette originalité sont celles qui
ont accordé le moins d 'importance à la recherche des sources : Dumont 11, et
surtout 22 R . Roller,Untersuchungen zum Anonymus lamblichi, Tübingen 1931.
Ce dernier est le premier à avoir mis l'accent sur la dimension politique des pas
sages sélectionnés par Blass 1 : il s'agit, selon lui, d'une réflexion non sur l'État
idéal, mais sur les avantages pratiques de la démocratie comme forme la plus
adaptée à l'activité des citoyens. Comme le remarque à son tour Dumont 11,
cette insistance sur l'heureuse incidence économique de l'obéissance aux lois est
une véritable originalité de l'Anonyme, qui rend difficile de l'identifier à aucun
auteur connu des Ve-ive siècles . En particulier, la prééminence affirmée des
« activités vitales» , c'est-à-dire économiques privées, sur les « affaires», c'est-à
dire la vie politique (p . 102, 1 -7 Pistelli = DK 89 , § 7 , 3-4 et 8 ), est une idée
étrangère aussi bien à Protagoras qu 'à Aristote , et on devrait s'étonner de la ren
contrer chez un auteur censé appartenir à la même période.
Éditions. 23 H . Pistelli (édit.), lamblichi Protrepticus, Leipzig 1888 (réimpr.
1967) ; 24 Éd. des Places (édit.), Jamblique, Protreptique, CUF , Paris 1989 ;
25 DK II, p. 400-404 (n° 89) ; 26 M . Untersteiner ( édit.), Sofisti. Testimonianze e
frammenti, fascicolo terzo. Introduzione, traduzione e commento , Firenze 1954 ,
p . 111- 147 (M . Untersteiner ajoute quelques lignes, p . 104, 14 -20 Pistelli, au
fragment 7 DK [F Blass), et surtout attribue en outre à l’Anonyme le chapitre 84
du livre III de Thucydide).
Traductions seules. Une traduction allemande des fragments édités par Diels
figure dans Töpfer 3 et dans Roller 22 ( p . 6 -58 ); 27 O . Schönberger (édit.),
lamblichos. Aufruf zur Philosophie . Erste deutsche Gesamtübersetzung, Würz
burg 1984. Traduction anglaise par 28 M . E . Reesor, The Older Sophists edited
by R . K . Sprague, University of South Carolina Press, Columbia (South Caro
lina) 1972 , p . 271-278. Traduction française par 29 J.- P . Dumont, Les Sophistes.
Fragments et témoignages, Paris 1969, p. 224-231; 30 Dumont, Présocratiques,
p . 1160 - 1166 .
Bibliographie . 31 C .J. Classen, « Bibliographie zur Sophistik » , Elenchos 6 ,
1985 (Anonymus lamblichi, p. 107-108) = mise à jour de la bibliographie parue
dans Sophistik, hrsg . von C . J. Classen , coll. « Wege der Forschung » 187,
Darmstadt 1976 (Anonymus lamblichi, p. 676 -677) .
Études d'orientation. Bitterauf 6 ; Gomperz 5 , p. 79-90 ; Schmid 16 , p. 198
203 ; Nestle 10, p . 424-433 ; 32 W . K . C . Guthrie , History of Greek Philosophy,
t. III = The Sophists, Cambridge 1971, p . 314-315.
MICHEL NARCY.
840 IAMBOULOS 15
5 IAMBOULOS RE IIIa ?
Auteur d 'un récit utopique où il évoquait son séjour de sept années chez un
peuple merveilleux, censé vivre sous l'Équateur, dans sept îles consacrées au
Soleil , ainsi que les caractéristiques d 'une de ces îles et de leurs habitants.
Cf. 1 F. Susemihl,GGLA, t. I, p. 324 -325 ; 2 W .Kroll, art. « Iambulos» , RE
IX 1, 1916 , col. 681-683 (cf. 3 W . Röllig, art. « Iambulos », KP II, 1967, col.
1308 - 1309 ); 4 E. Rohde, Der griechische Roman und seine Vorläufer, Leipzig
19143, réimpr. Hildesheim /New York 1960, 1974, p. 241-260 ; 5 R . von
Pöhlmann , Geschichte der sozialen Frage und des Sozialismus in der antiken
Welt, durchges. von F. Oertel,München 19253 (réimpr., avec une Introd . de K .
Christ, coll. « Wissenschaftliche Buchgesellschaft» , Darmstadt 1984), t. II,
p . 305 -324 ; 6 E . Salin , Platon und die griechische Utopie, München /Leipzig
1921, p. 235 -241 (« Jambulos' Sonneninsel» ), p. 280 (notes); 7 L . Gernet, « La
cité future et le pays des morts » , REG 46, 1933, p. 293-310 (repris dans Anthro
pologie de la Grèce antique, coll. « Textes à l'appui» , Paris 1968, p . 139-153; et
coll. « Champs. Champ historique » 105, Paris 1982 , p. 181-200) ; 8 J. Bidez,
« La Cité du Monde et la Cité du Soleil chez les Stoïciens» , BAB, 5e sér., 18,
1932, p. 244-291 ; 9 W . W . Tarn , « Alexander the Great and the unity of man
kind » , PBA 19, 1933, p. 123 - 166 , notamment p . 129- 131 (cf. aussi 10 Id .,
Alexander the Great, Cambridge 1948, t. II, p. 399 -449, notamment p. 411-413);
11 E . Visser, lamboulos en de Eilanden van de Zon, Groningen (cf. le c.r. de
12 F . Charlier, dans LEC 11, 1948 , p. 418 -419) ; 13 A . Polet, Deux utopies hel
lénistiques. La Panchaïe d 'Évhémère et la Cité du Soleil de Jambule , coll. BFAC
IX 1, Le Caire 1947 ; 14 D . Winston, lambulus. A literary study in Greek utopia
nism , Diss . Columbia 1956 (139 p., microfilm ; résumé dans DA XVI, 1956 ,
p . 2154-2155) ; 15 T . Szepessy, « lambule et son utopie » ( en hongrois),
AntikTanulm 3, 1956 , p. 235 -240 (résumé dans BCO 4, 1959, col. 343); 16 C .
Mossé, « Les utopies égalitaires à l'époque hellénistique » , RH 24 , 1969, p. 297
308 ; 17 H . Braunert, Utopia . Antworten griechischen Denkens auf die Heraus
forderung durch soziale Verhältnisse, coll. « Veröffentlichungen der Schleswig
Holsteinischen Universitätsgesellschaft » N .F. 51, Kiel 1969, p. 15 -17, et p. 25
26 (notes) ; 18 M . Baldassari, « Intorno all'utopia di Giambulo I, II» , RFN 65 ,
1973, p. 303-333, 471-487 (I: traduction italienne de l'utopie (avec des notes);
II : traitement des principales questions autour du texte); 19 J. Ferguson , Utopias
of the ancient World , London 1975 , p. 124 - 129 et 209 (notes); 20 L .Giangrande,
« Les utopies grecques» , REA 79, 1976 - 1977, p. 120 -128, notamment p . 124
sqq. ; 21 O . Žunec, « L 'utopie de lamboulos » (en serbo-croate ), L & G 6 , 1980,
p. 75 -94 (introduction, texte et traduction du texte ) ; 22 L . Bertelli, « L 'utopia
greca » , dans L . Firpo (édit.), Storia delle idee politiche, economiche e sociali,
t. I: L 'antichità classica, Torino 1982, p . 463-581, notamment p. 561-563;
23 F .F. Schwarz, « The itinerary of lambulus. Utopianism and history » , dans
Indology and law . Studies in honour of J. Duncan M . Derret, Wiesbaden 1983,
p. 18 -55 ; 24 M .K . Trofimova, « Interprétation de l'utopie de Iamboulos chez
Diodore » (en russe), dans Histoire des doctrines socialistes (en russe),Moskva
15 TAMBOULOS 841

Institut vseobščej istorii 1982, p. 236 -251; 25 B . Kytzler, « Nacherzählungen


und Einzelszenen . Auszüge aus utopischen Romanen » , dans Id . (édit.), Im
Reiche des Eros. Sämtliche Liebes- und Abenteuerromane der Antike, mit einer
Einl. u . Anm . hrsg . von B . K ., coll. « Winkler-Weltlit.-Dünndr.-Ausg. » , Mün
chen 1983, p . 667-714 (traduction de l'utopie de lamboulos entre autres );
26 L . di Capua, « L 'utopia di Giambulo tra filosofia e politica » ,AAN 100 , 1989,
p. 223-240 ; 27 M . Casevitz , Diodore de Sicile . Naissance des dieux et des
hommes. Bibliothèque Historique, Livres I et II, Introduction, traduction et notes,
coll. « La roue à livres» , Paris 1991, p . 180 - 185 (traduction ) ; p . 226 (notes) ;
28 J. Lens Tuero , dans ld . (édit.), Diodoro de Sicilia. Biblioteca histórica, Intro
ducción general, libros 7- 11, coll. « Autores griegos » , Madrid 1995, p .415-430
(traduction avec des notes de l'utopie de lamboulos) ; 29 M . Winiarczyk, « Das
Werk des Jambulos: Forschungsgeschichte (1550-1988) und Interpretations
versuch » , RHM 140 , 1997, p. 128 -153. . .
Le récit de Iamboulos est résumé à la fin du livre II de la Bibliothèque histo
rique de Diodore de Sicile (II 55 -60 ). Il a été lu très souvent comme un ouvrage
autonome depuis la Renaissance (cf. Bidez 8, p. 280 ; 30 B . Farrington , « Diodo
rus Siculus. Universal historian » , dans Head and hand in ancientGreece. Four
studies in the social relations of thought, coll. « The thinkers's Library » 121,
London 1947, p. 55-87 (= chap. III: publié auparavant de façon séparée : Swan
sea 1937), notamment p. 76 . En fait, il représente l'un des récits utopiques les
plus développés quinous soient parvenus en grec , tout en étant le plus complet
de ceux de l'époque hellénistique, ce qui le rend extrêmement intéressant.
Biographie. Iamboulos semble avoir été un personnage réel. Diodore le pré
sente du moins comme tel: d'après lui, lamboulos eut depuis son enfance le
souci de se procurer une éducation ; après la mort de son père, qui avait été
commerçant, il s'occupa lui aussi de commerce; lorsqu'ilmarchait vers l'inté
rieur de l'Arabie à la recherche de la région des épices, il fut capturé avec ses
compagnons par des brigands ; plus tard il fut capturé à nouveau avec l'un de ses
compagnons par des Éthiopiens, qui, dans le dessein de purifier leur pays, leur
ordonnèrent de naviguer vers le sud jusqu'à une île où ils devraient vivre dans le
bonheur, en rapportant aussi le bonheur aux Éthiopiens (55, 2-4). Pour sa part,
Lucien , Histoire vraie I 3, rattache le nom de lamboulos à celui de Ctésias, dont
le caractère historique est incontestable . Iamboulos semble donc avoir été un
commerçant qui réalisa de longs voyages et qui eut vraisemblablementdes rap
ports avec d 'autres commerçants qui avaient voyagé davantage encore que lui
(cf. Ferguson 19, p . 125). Qui plus est, 31 W . W . Ehlers, «Mit dem Südwestmon
sun nach Ceylon . Eine Interpretation der Iambul-Exzerpte Diodors », WJA 11,
1985, p. 73 -84 , interprète lamboulos comme un géographe (le premier voyageur
en Inde connu par son nom , le découvreur de Ceylan, et le premier homme du
monde grec qui y a vécu). Cependant, certains critiques ont défendu l' idée que
lamboulos n 'était qu 'un personnage de fiction (cf. Bertelli 22, p. 561).
Sur le problème de l'identification de l'île de lamboulos (Sumatra, Ceylan ,
Bali, Sukutra,Madagascar ?), voir Winiarczyk 29 p . 139 -141.
842 TAMBOULOS 15
Chronologie . On affirme d 'ordinaire que l'expédition d 'Alexandre en Inde en
3274, dans la mesure où elle a pu attirer à nouveau l'attention des Grecs sur
l' Inde, fournit un terminus post quem probable pour la composition de l'utopie
de lamboulos. En effet, celui-ci raconte qu 'il est arrivé justementdans ce pays
après avoir été chassé des îles du Soleil (où il avait passé sept années) avec son
compagnon (qui est mort durant le voyage). Un autre terminus post quem plus
précis est fixé probablement par l'euvre deMégasthène sur l' Inde, que l'on peut
dater vers 2900. En effet, la région de l'Inde où lamboulos est arrivé est une
région sablonneuse et marécageuse , identifiée d 'ordinaire avec la bouche du
Gange, que l'on connaissait par Mégasthène. De son côté, 32 H .J. Rose, « The
date of lambulos » , CQ 33, 1939, p . 9- 10, soutient que le récit de lamboulos
montre l'influence de l'æuvre de Posidonius, dont la date représenterait ainsi le
terminus post quem . En effet, Rose considère que la déclaration de lamboulos
selon laquelle le climat dans les îles du soleil est tempéré parce qu'il est situé
sous l' équateur (Diodore II 56 , 7) a été empruntée à Posidonius (FGrHist 87, fr.
78). D 'après lui, enfin , la rédaction du roman philosophique de lamboulos se
placerait à peu près du vivantde Diodore , au jer siècle av. J.-C . Cependant, cette
interprétation a été contestée par 33 W .W . Tarn , « The date of lambulus. A
note » , CQ 33, 1939, p. 193, pour qui lamboulos n 'a pas cité Posidonius, car
longtemps avant celui-ci Ératosthène de Cyrène (P- E 52) avait émis le même
jugement sur la zone équatoriale (Strabon II 3 , 2 = II A 5 Berger). D 'après lui,
Iamboulos appartient sans nul doute au IIIe siècle av. J.-C .
Quant au terminus ante quem , il est encore plus difficile de le fixer. Certains
critiques, comme Ferguson 19, p. 126 , insistent sur le fait que la connaissance
peu précise de certaines plantes, devenue plus exacte dans le courant de l'époque
hellénistique, fait songer au III° siècle av. J.-C . Cet argument, bien qu'il ne soit
pas négligeable , est loin d 'être déterminant. On a essayé aussi de trouver un
terminus ante quem dans la révolte qui a eu lieu à Pergame sous Aristonicos au
nie siècle av. J.-C . (cf. Strabon XIV 1, 38), car Aristonicos donnait à ses partisans
le nom d '« habitants de la cité du Soleil » (Héliopolitai), et on y a vu une
influence de la cité du Soleil de lamboulos (cf. Kroll 2 , col. 683 ; Bidez 8 ,
p . 249). Mais cette hypothèse n 'est pas convaincante , comme l' a remarqué
34 M . Rostovtzeff, The social and economic history of the Hellenistic World ,
Oxford 1941, (t. II) p . 808 n . 81 (p . 1523 sq.), p . 1132 (trad . franç. par 0 .
Demange : Histoire économique et sociale du monde hellénistique, coll. « Bou
quins », Paris 1989, p. 570 sq. n. 81 (p . 1139), 808).Nous nous rangeons à l'avis
de 35 M .I. Finley, « Utopianism ancient and modern » , dans The Critical spirit.
Essays in honor of H .Marcuse, Boston 1967, p . 11, selon lequel le récit de lam
boulos n 'a pas exercé une influence directe sur l'activité d'Aristonicos (cf.Gian
grande 20 , p. 127). D 'après Finley, il faut supposer l'influence d 'un troisième
élément aussi bien sur lamboulos que sur Aristonicos, la tradition religieuse du
Proche-Orient identifiant le soleil avec la justice. Cependant, il n 'est pas néces
saire de renvoyer directement aux traditions religieuses orientales pour justifier
cette identification (bien qu'on ne puisse pas exclure la possibilité qu' elles aient
15 TAMBOULOS 843
joué un rôle secondaire ). En effet , l'identification en question se trouve claire
ment dans la tradition intellectuelle grecque (cf.Gernet 7, p. 294 sqq., 309).
En outre, comme l'a remarqué à juste titre Tarn 9 , p . 142 (cf. aussi Id. 10, t. II, p . 431), il
ne faut pas oublier les liens existant entre la figure du roi et le culte solaire. Cet aspect du pro
blème a été souligné par Mossé 16 , p . 300. Il ne faut pas négliger non plus l'influence du
stoïcisme sur le mouvement d 'Aristonicos. Comme on sait, aux côtés d' Aristonicos se trouvait
un philosophe stoïcien, Blossius de Cumes (- B 40 ), qui prit part aussi à l'activité politique
des Gracques (cf. 36 H .C . Baldry, Ancient Utopias, Southampton 1956 , p. 21 sq .; et 37 A .
Erskine, The Hellenistic Stoa. Political thought and action , London 1990, p. 161 sqq.).
Pour un aperçu sur les différentes chronologies qui ont été proposées pour l'æuvre de lam
boulos, voir Winiarczyk 29, p. 146 sq .
Analyse du récit. Diodore a inséré le récit de lamboulos dans le contexte du
livre II consacré à l'Asie , dans lequel il ne s'est pas borné à juxtaposer les cha
pitres ethnographiques consacrés aux divers peuples,mais il a cherché un critère
pour disposer son matériel, à savoir le pouvoir créateur du soleil dans les diffé
rents domaines de la nature . Il n 'est pas fortuit que Diodore consacre les cha
pitres 51-53 de son livre à un long développement doctrinal qui remonte très
probablement à Posidonius.Mais il faut souligner que le schème conceptuel
selon lequel l'excellence despays dépend de l'exposition au soleil ne s'applique
pas seulement à ce passage du livre II que la plupart des spécialistes considèrent
comme d 'origine posidonienne (cf. 38 K . Reinhardt, Kosmos und Sympathie .
Neue Untersuchungen über Poseidonios, München 1926 , réimpr. Hildesheim /
New York 1976 , p. 372). En effet, ce scheme s'applique aussi à l'ensemble des
chapitres ethnographiques du livre II et touche le récit utopique final, car Dio
dore ne distingue pas les îles du Soleil dont parle lamboulos des territoires préa
lablementdécrits.
Cette indifférenciation peut être rendue manifeste par le fait suivant : lorsque Diodore, au
début du livre III, fait un résumédu contenu du livre II, il mentionne les divers peuples décrits
dans ce livre, même ceux qui, commeles Scythes, les Amazones et les Hyperboréens, occu
pent très peu de chapitres, mais il ne mentionne pas les Mèdes, les Indiens ni les habitants des
îles du Soleil. La suppression des Mèdes peut répondre au fait qu 'on les considère comme
inclus dans le résumé sur les Assyriens ; celle des Indiens se justifie peut-être par la mention
de l'expédition que Sémiramis lança contre eux , et où l'on parle d 'une grande armée, qui fait
référence sans doute à l'énorme extension de l' Inde. Quant à la suppression des îles du Soleil,
qui occupent une partie très considérable du livre, on peut l'expliquer à partir de la phrase qui
suit la mention de l'Arabie : ...et desmerveilles qu 'il y a. En effet, il est possible que pour son
résuméDiodore ait considéré les îles du Soleil comme susceptibles d 'êtres englobées avec les
merveilles de l'Arabie .
S'il est vrai que presque toute la partie ethnographique du livre II estmarquée
par l'exaltation des territoires soumis de façon particulière à l'influence solaire ,
cette exaltation parvient à son point culminant dans le cas des îles du Soleil. Tout
ce qui se trouve dans ces îles présente une qualité exceptionnelle . De la sorte , le
récit de Iamboulos constitue une des représentations les plus complètes du
monde paradisiaque dans la littérature classique.
Les critiques qui se sont occupés du récit de lamboulos se sont intéressés
notamment à la dimension sociale de l'utopie égalitaire ,mais il faut déceler aussi
d 'autres aspects. Nous commençons par ceux qui rattachent notre texte au reste
844 IAMBOULOS 15
du livre II, tout d'abord par la catégorie de la noixiía . Cette notion, que nous
traduisons par diversité, représente l'une des manifestations de l'excellence des
terres soumises de façon particulière à l'influence solaire : elle s'exprime en 49,
2 dans le domaine des parfums, en 51, 3 dans celuides animaux doubles, en 52,
6 sqq. dans celuides couleurs ;mais elle se trouve de façon dominante dans les
îles du Soleil, par exemple dans leurs sources abondantes, les unes d 'eau chaude,
appropriées pour le bain et pour le repos, les autres d 'eau froide, d'une douceur
extraordinaire et très bonnes pour la santé (57, 3 ; cf. 59, 8). Rappelons à ce sujet
que dans l'Atlantide de Platon il y avait aussi des sources de deux types, les unes
d 'eau froide (cf. Critias 113 e) et les autres d'eau chaude (ibid . 117 a), en
opposition nette avec la représentation de l'Athènes primordiale. Le vêtement
des habitants des îles du Soleil, enfin , tout en se caractérisant par l'austérité, était
digne d'admiration (59, 4).
En dépit de son importance, la catégorie de la noixinía , à ce que nous connaissons, n' a pas
été l'objet d 'une étude approfondie. En tout cas, cette catégorie n 'est pas banale. D 'un côté,
elle appartient au domaine de la sociologie , exprimant la variété multiforme qui s'oppose à la
simplicité (actórns). Elle apparaît ainsi comme une notion fondamentale dans la République
de Platon , qui oppose la cité de l'abondance à celle de l'austérité (cf. 372 sqq .), cités représen
tées en dernière analyse respectivement par la cité ionienne et la cité dorienne, c 'est - à - dire par
Athènes et par Sparte. Il n 'est pas difficile de trouver des visions opposées à celle de Platon et
rattachées à la pensée démocratique, dans lesquelles la troixinía est exaltée commemanifes
tation des avantages dontbénéficiait l'impérialiste Athènes démocratique (cf. la bibliographie
chez 39 M . Lombardo, « Habrosyne e habrá nelmondo greco arcaico » , dans l'ouvrage collec
tifModes de contacts et processus de transformation dans les sociétés antiques. Actes du col
loque de Cortone (24 - 30 mai 1981) organisé par la Scuola Normale Superiore et l'École fran
çaise de Rome, avec la collaboration du Centre de recherches d 'histoire ancienne de l'Univer
sité de Besançon , « Coll. de l'École française de Rome» 67, Pisa Roma 1983, p . 1077 - 1103).
D 'un autre côté, la noixinia représente aussi une catégorie culturelle, qui caractérise les
expressions artistiques variées et qui a été rejetée également par Platon dans sa République,
comme on peut le constater notamment dans la discussion concernant les rythmesmusicaux
en 399 e sqq. Dans le cas des habitants des îles du Soleil, cette catégorie se manifeste par leur
capacité exceptionnelle d'articulation, qui leur permet d 'émettre la plus grande variété de
sons, imitant non seulement tous les langages articulés des hommes mais aussi les sons diffé
rents des oiseaux , et en général tout genre de bruits et de sons. A ce sujet, on peut rappelerune
série de textes (depuis l'Hymne à Apollon d 'Homère ), où l'on exprimeune conception de la
finalité de l'art opposée à la conception éthico -pédagogique de Platon , et où l'on valorise par
conséquent la richesse des manifestations de l'art. De ce point de vue, le terme opposé à la
TOLXIXía est l’ånóms.
Le passage de lamboulos (56), dans lequel on raconte que les habitants des
îles du Soleil, grâce à leur langue bifide, possédaient la capacité de prononcer la
plus grande variété de sons, ne répond pas uniquement à une tradition paradoxo
graphique, comme on le soutient d'ordinaire . En fait, l'utopie de lamboulos
s'inscrit dans une riche tradition culturelle d'exaltation ou de rejet de la ToLXL
aia .Le passage en question trouve encore une fois son pendant (et son opposé)
dans plusieurs textes de Platon : ainsi République 379 a, où l'on critique dure
ment la capacité du poète qui imite tout genre de voix , aussi bien humaines
qu'animales, et de bruits ; ou Lois 669 c-d .
Antérieurement à Platon (dont la profession de dorisme culturel est évidente dans la Répu
blique), le poète Pratinas de Phlionte (Vi/va) avait déjà manifesté sa conviction anti-mimé.
15 IAMBOU 845
LOS
tique, notamment dans un texte composé sur un ton nettement polémique (fr. 1 Page, PMG ,
p . 708 ) où on lit : frappe l'homme qui a la voix.. . de crapaud ( v . 10 ). Il est significatif que
dans ce passage l'auteur qualifie son art de dorien ( v. 16 ). Dans le pôle opposé à cette capacité
linguistique extraordinaire des habitants de l' île du Soleil, Diodore (qui emprunte ses rensei
gnements à Agatharchidès de Cnide [* A 21]) rapporte la situation demi-sauvage des peuples
dans lesquels la communication linguistique se trouve encore dans un état primitif (cf. 40 J.
Lens Tuero , « Lenguaje y representación paradisiaca en la primera Péntada de la Biblioteca
histórica de Diodoro de Sicilia » , dans In Memoriam J . Cabrera Moreno , Granada 1992 ,
p . 215 -218 ; 41 J. Campos Daroca, Experiencias del lenguaje en las « Historias» de Heródoto ,
coll. « Humanidades» 7 , Almería 1992, p. 167 sqq.).
Bien entendu, la noixinia, opposée de nouveau à l'anórns, représente aussi une catégo
rie psychologique qui joue un rôle important dans la culture grecque depuis Homère. A ce
sujet, il est possible aussi d'envisager une association entre noixinia ionienne et ånórns
dorienne dans la littérature ancienne, encore une fois chez Platon, Lois 679 a - 680 d.
Un autre aspect intéressant qui permet de constater la continuité entre le récit
de lamboulos et le reste du livre II de la Bibliothèque est représenté par le fait
que les nombreux peuples qui y sont décrits ne sont pas d'ordinaire appelés bar
bares, ce qui tranche sur la fréquence avec laquelle cette dénomination est utili
sée dans certaines parties du livre III. Dans le livre II, les différents peuples sont
désignés normalementpar leurs noms ethniques : ainsi lesMèdes, les Indiens, les
Scythes. Quant à la partie initiale consacrée à l’Assyrie, le nom de ce peuple
n 'apparaît que très rarement, étant donné que le récit est tout à fait concentré
autour des figures de Ninos et de Sémiramis. Parallèlement, les habitants des îles
auxquelles est consacrée la dernière partie du récit sont appelés tout simplement
les habitants de l'île . L 'expression « barbare » est donc notablement absente du
livre II en tant que dénomination ethnique, bien qu'elle apparaisse dans un
nombre réduit de passages.
Mais, comme nous l'avons dit plus haut, l'aspect du récit de Iamboulos qui a
suscité le plus grand intérêt est celui de sa dimension sociale. Cela dit, sa com
préhension a été très entravée , notamment par le caractère dispersé et désor
donné du récit produit par l'abréviation de Diodore (ou d 'un auteur intermé
diaire), lequel s 'intéresse surtout aux aspects paradoxographiques. A leur tour,
les critiques modernes n 'ont pas toujours essayé de dépasser ce niveau d' inter
prétation paradoxographique.
L 'un des traits qui attire immédiatement notre attention est l'extrême égalita
risme qui prévaut dans les îles du Soleil. Cet égalitarisme caractérise l'organisa
tion sociale ,mais s'applique aussi à d'autres traits, comme la forme des îles et
l'aspect de leurs habitants. Ceux-ci sont extraordinairement grands et beaux, et
ils le sont de la même façon (cf. Rohde 4 , p. 247 n . 1 ; 42 B .Gatz , Weltalter,
goldene Zeit und sinnverwandte Vorstellungen , Hildesheim 1967, p . 39 ; et
Ferguson 19, p. 128). D 'un point de vue économique, les îles du Soleil, notam
ment celle qui est la plus importante d'entre elles, dans laquelle lamboulos et son
compagnon habitent pendant sept ans, se caractérisent par la fertilité extraordi
naire de leur terre. Grâce à cette qualité , leurs habitants bienheureux sont libérés
de la pratique de l'agriculture (57, 1) et, comme la terre et la mer leur procurent
aussi une alimentation carnée (59, 1-3), ils jouissent d'un loisir presque absolu .
846 TAMBOULOS 15
Comme le remarque 43 L . Bertelli, « Il modello della società rurale nell'utopia greca » ,
PPol 9 , 1976 , p. 183-208, les modèles de sociétés idéales proposés par les Grecs présentent
l'aspect mythique de la terre fertile et généreuse, qui offre à l'homme ses fruits en même
temps qu'un cadre favorable .
Du point de vue de l'organisation politico -sociale , assez développé dans le
texte , il convient de remarquer le régime politique, décrit par Diodore comme
fondé sur des associations de parenté , chaque unité étant formée par un nombre
de parents ne dépassant pas les quatre cents (57, 1). La souveraineté dans chaque
association est détenue par lemembre le plus âgé,auqueltous obéissent ; lorsque
l'un d'eux, après avoir eu cent cinquante ans révolus, quitte la vie volontaire
ment conformément à la loi, celui qui le suit en âge reçoit en succession la sou
veraineté (58, 6 ). L 'organisation sociale fondamentale est donc formée par de
petites unités, appelées en grec ovothuata, nom qui fait référence (quoique de
façon peu claire ) à une structure tribale .
En rassemblantles différentes données, qui se trouventtrès dispersées chez Diodore, on lit
en 58, 5 que chacune de ces unités élève un oiseau particulier, au moyen duquel on soumet les
nouveau -nés à une épreuve du caractère . Dans la mention de cet animal, on a envisagé l' écho
de la présence dans l'exposé originaire d 'animaux totémiques pour les différentes tribus. Le
plus ancien de chaque tribu détient un pouvoir quasi-monarchique. Après sa mort, comme
nous l'avons dit, il était remplacé par le membre le plus âgé. Iamboulos n ' a pas décrit l'orga
nisation sociale des îles comme un ensemble unifié, mais comme une série dispersée de petites
communautés tribales. Dans son résumé, Diodore présente les traits sociaux et culturels parta
gés par les tribus, et il ne mentionne que l'animal totémique comme trait particulier de cha
cune d 'elles. On peut se demander si dans le récit originaire cette diversité tribale impliquait
aussi une diversité de langues, ce qui s 'accorderait avec la capacité d 'imiter tous les langages
attribuée aux habitants des îles. En tout cas, l'écriture semble avoir été la même dans toutes les
îles. Il est aussi intéressant de remarquer que la dispersion de la population des îles du Soleil
en diverses communautés, chacune possédant un chef et un animal emblématique propres ,
présente un parallèle très étroit avec le portrait de l'Égypte pharaonique que Diodore fait dans
le livre I. Rappelons, par exemple, I 89, 5 , où on allègue une finalité politique de cette disper
sion , à savoir que les Égyptiensne puissent jamais se mettre d 'accord entre eux (cf. Plutarque,
Isis et Osiris, 380 a ). 44 A . Burton , Diodorus Siculus. Book I. A Commentary, coll. EPRO 29.
Leiden 1972 , p. 261, cite à ce sujet l'écrivain juif Artapanos, FGrHist. 726 , selon lequel
Moïse avait établi les différents cultes d 'animaux pour se conformer à l'ordre du roi Xéne
phres.
Les femmes et les enfants sont communs (58, 1). Lorsque les enfants sont
petits, ils sont fréquemment changés par ceux qui les élèvent afin qu'ils ne puis
sent pas être reconnus, fût-ce par leurs propresmères. Cela traduit une obsession
pour la communauté des enfants, comparable à celle de Platon, République 457 d
et460 с (cf. 45 G .J.D . Aalders, Political thought in Hellenistic times, Amster
dam 1975, p. 71). En revanche, Aristote, Politique 1262 a 14 sqq., affirme que la
ressemblance physique rend facilement évidente la relation de parenté, et il cri
tique nettement Platon (cf.46 W .L . Newman , The Politics of Aristotle, Oxford
1887, t. II, p . 239 ; 47 J. Aubonnet, Aristote. Politique, CUF, Paris 1960, t. I,
p. 137) sur le témoignage des auteurs de récits géographiques où on décrit cer
tains habitants de la Libye supérieure qui possèdent en commun les femmes et
répartissent les nouveau-nés selon la ressemblance (cf. Hérodote IV 180 ). Cette
façon d 'argumenter montre l'interdépendance entre le récit ethnographique et la
réflexion philosophique, etmet aussi en relief le caractère particulier des points
15 847
de vue sur lesquels, au sujet de la communauté des femmes et des enfants, se
rejoignent Platon et Iamboulos.
On pourrait objecter à ce rapprochement entre le texte de la République de Platon et le récit
de lamboulos que la coïncidence pourrait être purement fortuite , étant donné que toute
construction comportant la communauté de femmes et d 'enfants doit se demander s ' il faut
appliquer le postulat communiste jusqu'à ses conséquences les plus extrêmes. Mais le point de
rapprochement le plus significatif n'est pas la communauté radicale d'enfants (qu'on retrouve
aussi par exemple dans la description que Théopompe fait de la société étrusque : cf. FGrHist
115 , fr. 204 ), mais l'accent que les deux textes mettent sur l'occultation systématique des
signes d'identité . En tout cas, la connexion suggérée est renforcée par d 'autres que l'on peut
constater.
D 'ailleurs, la vie dans les îles du Soleil se caractérise par un principe strict de
rotation périodique dans la réalisation des différentes activités (59,6 ). A ce sujet,
l'utopie de lamboulos se distingue aussi bien de celle de Platon que des représen
tations ethnographiques idéalisées, qui comportaient normalement comme trait
positif la fixation permanente de chaque individu en une seule activité. Sur le
plan psychologique, il est significatif aussi qu 'on préconise un rapprochement
avec la nature , qui fait partie d'une renaissance spirituelle plus ample (cf.
48 L.Giangrande, « Les utopies hellénistiques» , CEA 5, 1976 , p . 17-33, notam
ment p. 29).
En général, tout est rigoureusement ordonné dans la vie sociale , y compris le
régime (59, 5 ). Les habitants des îles du Soleil parviennent à une extrême longé
vité et la plupart d 'entre eux ne tombent jamais malades (57, 4 ). Le sang d'un
petit animalpossède des qualités extraordinaires, en particulier celle de ressou
der tout membre vivant qui a été coupé. Cet animal prodigieux a été probable
ment emprunté par lamboulos à Ctésias (cf. FGrHist 688, fr. 51 b ).Malgré cela ,
tout homme restant mutilé ou souffrant d 'une incapacité physique est obligé de
quitter la vie conformément à une loi inexorable. Ils avaient en tout cas pour
norme de quitter la vie après avoir vécu un nombre déterminé d' années, et ils le
faisaient à l' aide de la « plante de la douce mort» , qui semble un nouvel écho de
Ctésias (FGrHist 688 , fr. 45 , 34 ; et fr. 45 m ). En général, pour ce topos, nous
renvoyons à 49 H . Reynen, « Klima und Krankheit auf den Inseln der Seligen » ,
Gymnasium 71, 1964,p. 77- 104, notamment p. 97- 98 et 100.
Par conséquent, « puisque les individus n'éprouvaient pas de rivalité entre
eux , ils passaient leur vie libres de luttes internes, valorisant la concorde par des
sus toute autre chose » (58, 1). Même si dans l' état actuel du texte nous lisons
cette phrase immédiatement après l'exposé de la communauté des femmes et des
enfants, elle caractérise l'ensemble du système politico -social: puisque l'ambi
tion (piaotluía ) n' existe pas entre les individus, ils passent leur vie libres de
guerres civiles (otádels), en appréciant énormément la concorde (duóvola ). Il
s'agit d'un système conceptuel et lexical qui se répète dans la plupart des repré
sentations paradisiaques et qui estparticulièrement voisin de celui qui expliquait
la dégradation de l'Atlantide dans le Critias. En effet, on trouve un corrélat
presque parfait entre l'ambition du récit de Iamboulos et la cupidité (Theovetia )
du Critias, de même qu'il existe un autre corrélat entre la concorde (duóvola )
du premier et l'amitié commune (piaía ń zouvň ) du second. Enfin , la condition
848 IAMBOULOS 15
psycho -sociale des habitants des îles du Soleil est le bonheur, qui fut promis à
Iamboulos et à son compagnon par les Éthiopiens (cf. supra).
Chez eux il existait aussi un grand intérêt pour toutes les formes de l'éduca
tion, notamment pour l'astronomie (57, 3). L 'intérêt pour l'astrologie s'explique
bien dans le contexte du culte astral pratiqué de préférence par ces peuples,mais
l'intérêt pour toutes les disciplines de l'éducation est d'ordinaire absent dans les
représentations paradisiaques (cf. Baldassari 18, p. 312 sq., qui remarque à juste
titre que le récit de lamboulos accorde une grande importance à ces disciplines).
On peut faire ici encore une fois une référence à la doctrine platonicienne, en
particulier à la doctrine sur la vie des hommes durant l'âge de Cronos dévelop
pée dans le Politique, constituant l'une des représentations par excellence du
monde paradisiaque chez les Grecs. La situation décrite est la même dans le
Politique 272 a-c et dans les Lois 713c -714, mais le commentaire de Platon
change. En effet, dans le Politique, on se demande si l'humanité de l'âge de
Cronos était plus heureuse que celle de l'époque contemporaine, car on soutient
que les habitants d'autrefois étaient infiniment plus heureux à condition qu'ils
profitassent de leurs avantages pour pratiquer la philosophie et la sagesse (cf.
50 A . Diès, Platon. Euvres complètes, CUF, Paris 1935, t. IX 1, p. XXXIX ),
tandis que cet intérêt pour la sagesse est significativement absent de la représen
tation décrite dans les Lois.
En général, on peut voir une contradiction interne dans les représentations paradisiaques
qui comportent les traits de l' abondance de biens naturels et la facilité de la vie : le fait que
cette facilité peut se transformer en une espèce de maladresse intellectuelle (ainsi chez Virgile,
Géorgiques I 124 ). C 'est là l'ambiguïté fondamentale dans les Lois, qui s'exprimenotamment
en 678 b : « Pensons-nous, homme étonnant, que dans leur ignorance de beaucoup de choses
belles qui ornent les villes, de beaucoup de choses aussi qui les déparent, ces gens- là aient
atteint le comble de la vertu ou du vice ? » ; et ibid . 678 a : « Mais n 'est- ce pas de ces condi
tions qu 'est sorti notre système actuel, cités, constitutions, métiers et lois, avec abondance de
vice, abondance aussi de vertu ? » (trad. E . des Places ; cf. 51 P . Vidal-Naquet, « Le mythe
platonicien du Politique, les ambiguïtés de l'âge d 'or et de l'histoire » , JHS 98 , 1978 , p . 132
141, notamment p. 141 = Langue, discours, société. Pour Émile Benveniste, Paris 1975,
p . 374 -391, notamment p . 391). Dans le pays de Musicanos décrit par Onésicrite avec des
traits paradisiaques, la seule science pratiquée de façon sérieuse est la médecine (cf. FGrHist
134 , fr. 24 ).
On peut constater que l'introduction de la paideia dans le monde paradisiaque n'est pas
sans créer une certaine contradiction . Les habitants des îles du Soleil passaient leur vie dans
les prairies, car la terre procurait en abondance des produits pour leur subsistance (57, 1). La
vie oisive en plein air en tant que catégorie ethnographique s 'accordemal avec le fait qu 'il
existe chez ces hommes un grand intérêt pour toutes les disciplines de l' éducation (57, 3 ) ; la
prairie représente le lieu par excellence du loisir relâché. Enfin , le grand intérêt attaché à
l'éducation par les habitants des îles du Soleil exprime nettement les inquiétudes philo
sophiquesde l'auteur du récit, qui s'accorde à ce sujet avec Platon .
Depuis Pindare, la prairie (nequóv) est rattachée aux activités propres aux Bienheureux :
l' équitation , les exercices de gymnastique, le jeu et la musique (cf. 52 A . Motte, Prairies et
Jardins de la Grèce antique, Bruxelles 1973, p . 261) . On possède des représentations des
Champs Élysées dans lesquelles l'exercice physique trouve une place à côté du chant et de la
danse, ainsi dans un fragment d 'un thrène de Pindare (fr. 129 Snell/Maehler ) et dans la célèbre
description du chant VI de l' Énéide (vv. 644 -645 : pars in gramineis exercentmembra
palaestris, / contendunt ludo et fulva luctantur harena ). Peut- être par conséquent les habitants
15 IAMBOULOS 849
de l'île du Soleil pratiquaient- ils des exercices de gymnastique dans les prairies. La supposi
tion que l'on fait souvent, selon laquelle le stoïcisme a exercé une influence sur le récit de
lamboulos, n 'empêche pas cette interprétation . En effet, on peut accepter que Zénon partageait
le mépris des cyniques à l'égard de l'athlétisme professionnel,mais il n 'y a pas de raison de
supposer qu ' il a répudié complètement l'éducation physique (cf. 53 D . Dawson , Cities of the
Gods. Communist utopias in Greek thought,New York/ Oxford 1992, p . 180).
Tamboulos dans la tradition des utopies grecques. Du point de vue formel,
lamboulos construit son récit à la première personne, à la différence par exemple
de Platon. En ce qui concerne le contenu, on constate sans difficulté une coïnci
dence remarquable de la cité de lamboulos avec la cité luxueuse de Platon, ainsi
que son opposition à la cité primordiale de Platon, caractérisée par l'ånórns.
Le monde de la cité du Soleil est un univers de noixinía, trait qui se manifeste
notamment dans l'extraordinaire capacité linguistique de ses habitants, et qui
rappelle de près le rôle important joué dans la cité luxueuse de Platon par le
poète capable d'imiter tout genre de voix et de bruits, rôle contesté âprement par
le philosophe (cf. République, 397 a ). On peut donc affirmer que l'utopie de
Iamboulos se place nettement du côté de la représentation du monde paradisiaque
caractérisée par l'abondance, et non du côté de celle caractérisée par l'austérité .
Cela dit, il faut reconnaître que la richesse, l'abondance et la diversité dans les
îles du Soleil présentent quelques restrictions. La restriction la plus importante
concerne l' alimentation . En effet, les habitants de ces îles, bien qu'ils disposent
spontanément de provisions de tout genre, ne les utilisent pas sans restriction ,
mais pratiquent la frugalité (59, 1). L ' introduction dans l'univers de la noxıría
de la catégorie de la frugalité (altótns) est à première vue étonnante , étant
donné que celle -ci appartient à l'univers de l'ånórns, non à celui de la troLXL
ría . Un autre aspect où l'utopie de lamboulos est originale par rapport aux
autres récits utopiques grecs est l'utilisation , dans une activité de paideia , du
grand loisir dont jouissent les habitants . Comme nous l'avons dit plus haut, ils
ont un grand intérêt pour toutes les disciplines de l' éducation , notamment pour
l'astronomie (57, 3). A ce sujet, les îles du Soleil ne correspondent pas exacte
ment à la cité simple de Platon ni à sa cité luxueuse.
En revanche, certains traits de la vie de l'île du Soleil s'accordent bien avec
des traits attribués par Platon à sa cité idéale, des traits qui s'accordent aussi avec
ceux que le philosophe attribue dans le Critias à l' Athènes primordiale , notam
ment la communauté des femmes et des enfants, et en général de tous les biens,
ainsi que la restriction alimentaire et l'intérêt pour l'éducation (cf. Critias, 110
d).
On peut donc affirmer que la référence à Platon a été décisive dans le récit de
Iamboulos. La représentation utopique qu'on y trouve présente de nombreux
parallèles avec la cité idéale de la République, ainsi qu 'avec l' Athènes primor
diale du Critias en ce qui concerne la restriction dans la satisfaction des désirs ,
l'éducation , et en général l'ordre qui préside à tous les aspects de la vie , notam
ment à l'alimentation. Ainsi, le régime de vie des habitants des îles du Soleil
peut être décrit avec les mots employés par Platon pour caractériser celui de
l'Athènes primordiale : un régime intermédiaire (Médov) entre la somptuosité et
850 IAMBOULOS 15
la parcimonie. Cependant, ces îles s'approchent plus de la cité luxueuse de la
République et de l' Atlantide du Critias en ce qui concerne d 'autres aspects ,
comme la diversité d'eaux chaudes et froides.
Pour l'importance philosophique et politique du récit concernant l' Atlantide, voir 54 P .
Vidal-Naquet, « Athènes et l'Atlantide. Structure et signification d'un mythe platonicien » ,
REG 77, 1964 , p . 420-444 (repris dans Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de
société dans le monde grec, coll. « La Découverte /Fondations » , Paris 19832 , p . 335 -360 ; et
55 L . Brisson, « De la philosophie politique à l'épopée : le “ Critias " de Platon » , RMM 75,
1970, p . 402-438.
Par ailleurs, les îles du Soleil présentent quelques aspects plus orientaux que
l'Atlantide platonicienne (et que la Panchaïe d'Évhémère (» E 187]). C'est dans
le cas des animaux qu 'on peut constater notamment ces aspects, qui répondent à
un développement excessif de la noixinía . La richesse de l'Athènes primordiale
du Critias, notamment agricole, était suffisante pour assurer l'alimentation et
l' éducation d'un corpsmilitaire fort et ample . Celle de l'Atlantide était tellement
extraordinaire qu'elle pouvait en outre nourrir des éléphants (l'animal qui a le
plus besoin d'aliments ), comme la Panchaïe d'Évhémère . Mais dans les îles du
Soleil il y avait davantage d'animaux singuliers et même merveilleux. Cela
répond au fait que le récit de Iamboulos n ' a pas subi seulement l' influence des
représentations utopiques que nous avons citées jusqu 'ici mais aussi celle de la
représentation traditionnelle de l' Inde, qui remonte à la période archaïque et fut
revitalisée par l'expédition d'Alexandre. D 'ordinaire, ces représentations paradi
siaques comportaient un état de grande abondance naturelle de biens, qui devrait
conduire (selon les conceptions anthropologiques le plus répandues) au luxe, à la
dissipation . Étant donné que cette catégorie s'oppose à celle qui caractérise nor
malement la psychologie des habitants des sociétés paradisiaques, c'est-à -dire à
la simplicité , un problèmedifficile se pose aux constructeurs d 'utopies. En effet,
le corrélat sociologique de l'ånórns est d'ordinaire la actórns ou parcimonie.
Or, peut-on s 'attendre à cette parcimonie au milieu de la plus grande abondance
naturelle ? La seule solution possible de cette difficulté est celle que Platon pro
pose dans le cas des habitants de l'Atlantide (Critias 121 a ; cf. 56 K . Kubusch ,
Aurea saecula. Mythos und Geschichte, Frankfurt 1986 , p . 41, avec d'autres
références du Critias) et qu 'Onésicrite propose aussi pour la terre de Musicanos
en Inde : bien que le pays possède une richesse extraordinaire en tout, ses habi
tants pratiquent un régimede vie austère et sain (cf. 57 R . Vischer, Das einfache
Leben .Wort- und motivgeschichtliche Untersuchungen zu einem Wertbegriff der
antiken Literatur, coll. « Studienhefte zur Altertumswissenschaft» 11,Göttingen
1965, p. 107). Cette solution (qu'on trouve aussi chez Mégasthène (cf. Vischer
57, p. 108 sq. ]) est justement celle que Diodore présente pour le cas des habitants
des îles du Soleil.
Onésicrite , le philosophe cynique qui prit part à l'expédition d ' Alexandre en Orient, racon
te dans un passage (FGrHist 134, fr. 24 Jacoby) que, bien que le pays de Musicanos ait procu
ré abondamment des biens, ses habitants pratiquaient l'austérité. En outre , le passage en
question (résumé par Strabon ) présente les caractéristiques de longévité et d'absence de mala
die comme si elles étaient la conséquence de l'austérité. Ces traits étaient depuis Hériode
caractéristiques du récit paradisiaque,mais ils n 'étaient pas le résultat de l'austérité ; ils étaient
compatibles avec l' abondance.
15 JAMBOULOS 851
De toute évidence, à l'arrière-plan des textes d'Onésicrite et de lamboulos se
trouve une réflexion médicale complexe: d'un côté, on y explique la grandeur et
la beauté des habitants de l'Asie par la riche alimentation que le pays leur pro
cure (cf. 56 , 2-3 ), selon la doctrine exposée dans le traité d 'Hippocrate, Sur les
Airs, les Eaux et les Lieux ; de l'autre , on y explique le manque demaladies et la
longévité qui s'en suit pour les habitants grâce à un régime de vie réglé et plus
ou moins austère. De ce point de vue, les catégories de l'ordre (tátis , 59, 5 ) et
de la mesure (cf. Platon, Critias 112 b ) se révèlent très importantes (cf. 58 J.
Lens Tuero, « The influence of someHippocratic passages upon Hellenistic uto
pias » , dans R . Wittern et P . Pellegrin (édit.), Hippokratische Medizin und antike
Philosophie. Verhandlungen des VIII. Internationalen Hippokrates-Kolloquiums
in Kloster Banz/Staffelstein vom 23. bis 28. September 1993, coll. « Medizin der
Antike » 1, Hildesheim 1996 , p.259-271,notamment p. 265 sqq.).
On voit donc comment le récit de lamboulos, si on dépasse le niveau d'une
lecture anecdotique centrée uniquement sur les éléments paradoxographiques,
présente une grande richesse conceptuelle, faisant partie de la tradition culturelle
grecque, notamment de la tradition concernant la réflexion ethnographique,
médicale et utopique (très liées entre elles).
Filiation philosophique. Certains critiques ont soutenu que les utopies hel
lénistiques en général n 'ont qu 'un caractère purement fantaisiste , qu'elles sont
des descriptions de peuples lointains et étranges (exotiques), non des créations
philosophiques (cf. 59 W .E. Brown, « Some Hellenistic utopias» , CW 48, 1955,
p. 57-62 ; Giangrande 48 ). Pour notre part, nous considérons que l'utopie de
lamboulos, comme les utopies grecques en général, possède une finalité philoso
phique ou politique plus ou moins nette (cf. di Capua 26 ; 60 V . Domínguez
García , Los dioses de la ruta del incienso. Un estudio sobre Evémero de Mesene,
Oviedo 1994, notamment p. 91-92 ; 61 R . Bichler, « Zur historischen Beurteilung
der griechischen Staatsutopie » ,GB 11, 1984, p . 179-206 ).
On voudrait définir la filiation philosophique concrète de lamboulos, bien que
notre connaissance de la personnalité de cet auteur soit très pauvre. A ce sujet, il
faut tout d 'abord insérer lamboulos fondamentalement dans la tradition uto
pique, qui était déjà très développée à son époque (cf. Gernet 7). Le fait que
Cléanthe d'Assos (MC 138 ) avait considéré le Soleil comme l'intelligence
directrice ( tò nyeuovixóv) et le cæur du monde (cf. SVF I 499) fait songer au
stoïcisme (cf. Bidez 8, p. 274 ); d'autres aspects , comme le régime de vie simple
pratiqué par les habitants des îles du Soleil, font songer au cynisme. Par consé
quent, certains auteurs affirment une influence cynico -stoïcienne sur lamboulos :
cf. Susemihl 1, t. I, p. 324 ; Kroll 2 , col. 682 sq. ; Bertelli 22 , p. 562 ; et62 Id.,
« Itinerari dell'utopia greca : dalla città ideale alle isole felici» , dans R . Uglione
(édit.), Atti del Convegno nazionale di studi su la città ideale nella tradizione
classica e biblico -cristiana (Torino 2 -3 - 4 Maggio 1985), Torino 1987, p . 35- 56 ,
notamment p. 53. De son côté , Rohde 4 , p . 260 n., va jusqu 'à dire que l'on peut
ranger lamboulos parmi les partisans de la doctrine stoïcienne ou de la doctrine
852 IAMBOULOS 15
cynique (cf. Winiarczyk 29, p. 137 sq ., sur l'influence stoïcienne dans le récit de
lamboulos, et p. 134 -137, sur ses sources en général).
Or, l'importance que le récit de Iamboulos accorde à l'éducation (57, 3) ne
s'harmonise pas avec une influence du cynisme ou de la Molteia de Zénon, qui
contestaient l'utilité de l'éyxúxalog Taldeía . En ce qui concerne l'influence
stoïcienne, il faut tenir compte en outre de l'hypothèse de Tarn 9 , 10 , selon
laquelle l' idéal de l'unité et de la fraternité humaines doit se placer déjà dans le
cadre de l'activité d 'Alexandre le Grand, avant la Politeia de Zénon , le fondateur
du stoïcisme. On sait que les idées de Tarn ont été reçues en général avec beau
coup de scepticisme, et cela à juste titre , notammenten ce qui concerne la carac
térisation d 'Alexandre. Cependant, nous retiendrions certains points où Tarn
semble avoir raison, par exemple , lorsqu'il affirme que l'Ouranopolis d'Alexar
que et la Panchaïe d 'Évhémère accordent un rôle important dans le système
religieux aux divinités astrales. Dans les récits de ces deux auteurs, comme c'est
l'habitude en général dans les récits qui font référence à des divinités pré-olym
piennes ou « para-olympiennes» , on exprime des idéaux égalitaristes et com
munistes. Donc, lamboulos peut aussi bien faire partie de cette tradition qui ne
dépend pas du stoïcisme (cf. Gernet 7, p. 294 sqq., 309).
Pour l'Ouranopolis d 'Alexarque, nous renvoyons à Tarn 9 , p. 141 sqq., Tarn 10 , 1. II,
p . 426 sqq . (cf. aussi 63 M . García Teijeiro , « Una lengua artificial en la Grecia helenística » ,
RSEL 11, 1981, p .69-82). A une date qu 'on ne peut pas préciser mais qu 'on peut placer très
probablement peu après 3164, Alexarque, le frère de Cassandre, a reçu le commandement sur
un vaste territoire situé dans l' isthme de l'Athos (appendice oriental de la Chalcidique), auquel
il donna le nom d 'Ouranopolis . Les sources littéraires relatives à l'organisation politique de ce
territoire sont Athénée et Clément d 'Alexandrie , qui citent nommément des autorités du 11a , le
premier Héraclide Lembos, le second Aristos de Salamine. En outre, une partie de ces rensei
gnements a été confirmée par la numismatique. Il convient ici de remarquer que la tradition
littéraire et la numismatique coïncident sur le rôle important joué dans l'organisation reli
gieuse de cette Ouranopolis par les divinités pré- olympiennes et « para-olympiennes » , en par
ticulier par Ouranos (quidonne le nom à la cité , dont les citoyens s'appellent significativement
non pas Ouranopolites mais Ouranides), ainsi qu 'Hélios et Aphrodite Ourania. Quant à la
célèbre Panchaïe d'Évhémère, le récit le plus complet se trouve chez Diodore de Sicile V
42, 4 -46 , 7. On y trouve Ouranos (D .S . V 44 , 6 , etc.) comme une divinité vénérée de façon
particulière et, à ce qu 'il semble , Aphrodite n 'était pas absente non plus, de l'æuvre d ' Évhé
mère (cf. 64 M . Winiarczyk, Euhemeri Messenii Reliquiae, coll. BT, Stuttgart/Leipzig 1991,
p. 51). Par ailleurs, le fleuve appelé « eau d'Hélios» (qui possédait des propriétés thérapeu
tiques) baignait la plaine dans laquelle se trouvait le temple de Zeus Triphylios.
A ces deux récits, il faut ajouter celui de lamboulos. Pendant les fêtes et les
banquets, les habitants des îles du Soleil chantent des hymnes et des louanges en
l'honneur des dieux, notamment en l'honneur du Soleil, qui donne son nom aux
îles et à leurs habitants (59, 7) ; ils adorent comme des divinités celui qui em
brasse tout, le soleil, ainsi que tous les objets célestes (59, 2). Le sens profond de
ces trois utopies, qui a amené leurs auteurs à les placer sous l'invocation de divi
nités astrales pré -olympiennes, est la promotion d'un idéal de concorde sociale
fondée sur l'égalitarisme communiste . Le récit de l'utopie de lamboulos mani
feste le sens politique profond qui préside à ces constructions utopiques, qui
nous sont parvenues souvent en des versions dégradées mettant en relief tout
d'abord les éléments fantastiques ou pittoresques. C 'est en raison de cette
16 IARCHAS 853
dimension politique fondamentale que le récit de Iamboulos coïncide sur certains
points avec l'utopie d'idéal dorien (cf.notammentla République de Platon),bien
qu 'elle représente surtout le genre d 'utopie orientalisante , dans laquelle la jouis
sance de la diversité joue légitimement un rôle important.
Influence. L 'influence du récit de lamboulos a été remarquable dans toute la
tradition de l'utopie ( cf. Farrington 30, p. 75 sq.; Bidez 8, p. 280 ; et 65 H .
Flashar, Formen utopischen Denken bei den Griechen, coll. « Innsbrucker Bei
träge zur Kulturwissenschaft » 3, Innsbruck 1974, p. 14 ). L 'exemple le plus celè
bre est celui de la Civitas Solis de Th .Campanella (1623).
Comme exemple de l'influence du récit de lamboulos à l'époque de la Renaissance, on
peut citer le fait qu 'une version latine apparaît dans l'ouvrage de 66 J. Boemus (H . Böhm ,
Jean de Boëme, dit Teutonic ), Omnium gentium mores, leges et ritus, ex multis clarissimis
rerum scriptoribus, a Joanne Boëmo, ..., nuper collecti et novissime recogniti..., Lugduni
1536 , p . 296 -297 (réimpr. Antuerpiae 1571, p .473 -481). Cet ouvrage fut traduit en français en
1540 , sous le titre : Recueil de diverses histories touchant les situations de toutes regions et
pays contenuz es trois parties du monde... Nouvellement traduict de Latin en François...,
Anvers 1540 . Le récit de lamboulos s 'y trouve au livre III, ch . 26 , fos 265 b - 268 b , où
Boemus n 'indique pas que la source en est Diodore. Plus tard , Boemus semble avoir été
utilisé, directement ou indirectement, par 67 Ambroise Paré, auteur de l'ouvrage Des monstres
et prodiges, dont la première édition sort à Paris en 1573 ( suite du livre intitulé De la genera
tion de l'homme, aux pages 365 -580) . En effet, 68 J. Céard (édit .), Ambroise Paré, Des
monstres et prodiges, édition critique et commentée, coll. « Travaux d 'Humanisme et Renais
sance » 115, Genève 1971, p . 199 (n . 311), considère que l'animal prodigieux dont parle Paré
dans le chapitre 36 , li. 59-75, p. 138 sq. Céard , provient en réalité du récit de lamboulos rap
porté par Boemus, peut-être par l'intermédiaire de 69 Fr. de Belleforest, auteur d 'une Histoire
universelle du monde..., Paris 1570, partiellement traduite de Boemus.
D 'autre part, le livre de Boemus fut traduit en espagnol par 70 F. Thamara, sous le titre El
libro de las Gentes del Mundo y de las Indias, Amberes 1556 . Le récit en espagnol de Iam
boulos fut repris par 71 A . de Torquemada, Jardín de Flores curiosas, Salamanca 1570 ; édi
tion fac-similé de l'édition Lérida 1573,Madrid 1955, p. 17b - 31 a ; édition de 72 G . Allegra ,
coll. « Clásicos Castalia » 129, Madrid 1982, p . 141-147 (cf. 73 G . Cabello Porras et J.
Campos Daroca, « Relatos utópicos en el Jardín de Torquemada » , AMal, 1996 , à paraître pro
chainement) . Il est intéressant de remarquer que Torquemada considère lamboulos comme un
contemporain de Boemus. Cela montre l' existence d ' une coïncidence de base entre l’ima
ginaire utopique grec et celui de la Renaissance, et explique aussi le fait que le récit ait été
souvent réimpriméà cette époque.
On peut indiquer enfin que 74 D .Mendels, « Hellenistic utopia and the Essenes » , HTAR
72, 1979 , p . 207 -222, défend la possibilité que certains modes de vie à Qumran aient été
conçus sous l' influence des utopieshellénistiques, en particulier de lamboulos.
JESÚS LENS TUERO (†) et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ .
6 IARCHAS
Brahmane avec lequel Apollonios de Tyane se serait entretenu lors de son
séjour en Inde.
larchas apparaît en effet dans la Vie d 'Apollonios de Tyane III 16 de
Philostrate comme le chefdes Brahmanes - Philostrate refuse l'appellation tradi
tionnelle de « gymnosophistes» -, non pas de ceux qu ’Alexandre rencontra,mais
des « vrais sages» qui habitent entre l'Hyphase et le Gange (V. Apoll. II 33).On
peut penser qu 'il s'agit d'un personnage de fiction . Certes, le nom d' larchas se
854 IARCHAS 16
retrouverait dans des textes sanskrits sous la formeAyārcyā ; toutefois, il faudrait
prouver qu 'il n 'y a pas dépendance par rapport à la tradition philostratéenne (cf.
1 D . Del Corno (édit.), Vita di Apollonio di Tiana, coll. « Biblioteca Adelphi»
82,Milano 1978, p. 30 n. 24 ). Quoique 2 T. Hopfner,« Die Brachmanen Indiens
und die Gymnosophisten des Philostrats », ArchOrient 6 , 1934 , p . 64 , n 'hésite
pas à dater d'août à novembre 45 le contact entre larchas et Apollonios, beau
coup de philologues doutent de la réalité de ce voyage en Inde. On trouvera
cependant dans 3 G . Anderson , Philostratus. Biography and belles lettres in the
third century A. D ., London 1986 , p . 206 -215, une analyse de l' épisode indien
qui ne remet pas fondamentalement en cause le texte de Philostrate.
larchas aurait été le maître du roi indien de Taxila Phraotès (V. Apoll. II 41).
D 'ailleurs, comme tout brahmane, il est conseiller du roi, mais à la différence de
ce qu 'affirmeNéarque = Strabon XV 1, 66 à propos des brahmanes, il ne suit pas
le roi, c'est le roi qui vient consulter (V. Apoll. III 27-33). Il est présenté par
Apollonios comme le sage par excellence, voire comme un dieu (V. Apoll.
VII 32). En revanche, pour Eusébe de Césarée, Contre Hiéroclès 18 , 19- 31 des
Places, il n 'est qu 'un magicien, un satrape, un tyran (on trouvera dans Eusébe de
Césarée, Contre Hiéroclès, introduction, traduction et notes par M . Forrat, texte
grec établi par E . des Places, coll. SC 333, Paris 1986, p. 234, s.v. “ larchas”, les
passages d'Eusebe, tous défavorables, concernant le personnage).
D 'après Philostrate, V. Apoll. III 41, il aurait inspiré au sage de Tyane une
æuvre en quatre livres sur la divination par les astres, mentionnée par Moira
génès, un des biographes d 'Apollonios, et un traité sur les sacrifices. Il semble
rait que cette fréquentation des brahmanes ait valu à Apollonios l'accusation de
sorcellerie (cf. V. Apoll. I 2 ). De plus, larchas, comme les brahmanes, est exor
ciste et bon médecin ( V . Apoll. III 38 -40) ; il lie d 'ailleurs divination et médecine
(V. Apoll. III 44). Enfin , il pratique le culte brahmanique, qui est surtout un culte
solaire célébré par des hymnes et culminant dans la lévitation ( V . Apoll. III 15
17).
A travers larchas, c'est la « philosophie » des Brahmanes, sagesse originelle et
insurpassable (V. Apoll. VI 11 ; 16 ) qu'expose Philostrate , selon les normes de la
tradition grecque qui veut que la sagesse indienne se manifeste notamment par
des réponses à des questions difficiles (la question sur la grandeur comparée de
la terre et de la mer, posée en V . Apoll. III 37 , se retrouve par exemple dans
d'autres textes, comme le remarque 4 A . J. Festugière, « Trois rencontres entre la
Grèce et Rome» , RHR 125 , 1942/1943, repris dans Études de philosophie grec
que, Paris 1971, p. 179 -181). La difficulté d'interprétation du livre III de la Vie
d 'Apollonios, comme chaque fois que les Grecs évoquent la pensée indienne,
tient au fait que nous ne sommes pas en mesure de discerner à coup sûr le noyau
authentique qui se cacherait dans l' interpretatio graeca. Festugière 4, p. 179,
souhaitait un commentaire réalisé par « un indianiste qui aurait connaissance
aussi des philosophies hellénistiques » . Sans être indianiste , Anderson 3, p. 210
215, a relevé le défi et comparé les informations fournies par Philostrate aux
textes indiens et au bouddhisme.
16 IARCHAS 855
Voiciles aspects essentiels de la doctrine prêtée à larchas et à ses congénères:
elle est systématiquement présentée comme l' inspiratrice de la doctrine pythago
ricienne,par exemple sur le chapitre de l'âme (cf. V. Apoll. III 19 -21, où se trou
ve définie et illustrée la théorie de la métensomatose , laquelle , depuis Alexandre
Polyhistor [* A 118 ] = Clément d 'Alexandrie , Stromates III 8, 60, est rattachée
aux sages indiens) ; des croyances sur l'âme dérive l'exigence d 'un régime
végétarien, transmis aux gymnosophistes éthiopiens et par eux à Pythagore (V .
Apoll. III 26 ; VI 11 ; VIII 7, 4 ). Peuvent être également apparentés à la philo
sophie pythagoricienne le culte de la mémoire et la physiognomonie , V. Apoll.
II 30 (cf. Jamblique, V. Pyth . 97 ; 164 pour la mémoire et V. Pyth . 71 pour la
physiognomonie), demême que la prescience et l'omniscience qui se fondent sur
la connaissance de soi (V. Apoll. III 16 ; III 18 ). Ces références, explicites ou
implicites, au pythagorisme sont intéressantes dans la mesure où toute une tradi
tion grecque postérieure à Alexandre aurait eu plutôt tendance à présenter les
gymnosophistes indiens sous les couleurs du cynisme: la rencontre d'Alexandre
avec le chef des brahmanes, Dandamis (ou Mandamis), avait été relatée initiale
ment par le philosophe cynique Onésicrite ; et le Pap. Genev. 271, daté du 11°
siècle de notre ère , donne de cette rencontre une version influencée par le
cynisme (voir 5 C .Muckensturm , art. « Dandamis» D 20 , DPhA II p.610 -612 , et
6 Ead. , « Les Gymnosophistes étaient-ils des Cyniques modèles ? » , dans M .
0 . Goulet-Cazé et R .Goulet (édit.], Le Cynisme ancien et ses prolongements,
Paris 1993, p . 225 -239). Cette insistance sur la référence au pythagorisme a
conduit 7 R . Reitzenstein, Hellenistische Wundererzählungen, 2e éd ., Leipzig
1906 , p . 42-45 , à voir dans les sages indiens une exaltation de Pythagore et de sa
philosophie contre le cynisme, incarné dans le récit de Philostrate par les
Gymnosophistes éthiopiens. Cette thèse, qui impliquerait un schéma remontant à
Moiragénès, a été examinée par 8 E .L .Bowie , « Apollonius of Tyana : Tradition
and reality » , ANRW II 16 , 2, 1978, p. 1674 - 1675. D 'autre part, on peut relever, à
la suite de Hopfner 2 , p. 62, que la critique de la théorie des nombres (V. Apoll.
III 30 ) est une critique de la théorie pythagoricienne qui vientnon d’Apollonios,
mais de Philostrate .
Si les considérations sur la connaissance de soi, la connaissance du monde, la
connaissance de dieu et les rapports nécessaires qu'elles entretiennent ( V. Apoll.
III 18) peuvent être rapprochées du pythagorisme (cf. 9 A . Delatte , Études sur la
littérature pythagoricienne, coll. « Bibliothèque de l'école des Hautes Études » –
Sciences historiques et philologiques, 217e fascicule, Paris 1915, qui offre
[p.69] une excellente mise au point sur le « connais-toi toi-même» pythagori
cien ), elles ont suscité des interprétations diverses et stimulantes. 10 P. Cour
celle , Connais -toi toi-même de Socrate à saint Bernard , coll. « Études augusti
niennes » , Paris 1974 - 1975, p.64-67, examine l' importance de cette exigence
d' larchas dans l'æuvre de Philostrate : en se reconnaissant d'origine divine,
l'homme embrasse et possède toute science ; il note (p. 66 ) que « cet exotisme
indien remonte à une tradition littéraire qui se trouve déjà dans tel fragment
d'Aristoxène. Mais l'on n 'oserait plus exclure absolument qu'il y ait quelque
856 IARCHAS 16
rapport avec l'avancée grecque vers l'Inde, puisque des fouilles très récentes ont
mis à jour au bord de l'Oxus, en Afghanistan , un temple d'Apollon et une
inscription comportant une longue liste de préceptes delphiques ». Quant à
Festugière 4, p. 192- 194, qui déclare n'avoir pas eu connaissance de 11 E .
Bréhier, La Philosophie de Plotin , coll. « Bibliothèque d'histoire de la philoso
phie », Paris 1968, p . 132 -133 (lequel conclut: « Ainsi l'on retrouve dans la
bouche de ces Hindous de fantaisie la doctrine de l'identité du moi avec l' être
universel et avec Dieu, la connaissance de soi, science de sa propre divinité , si
distincte de la connaissance de soi telle que l'entendaient les moralistes grecs » ),
il confronte ce passage avec un fragment d'Aristoxène de Tarente (" A 417)
transmis par Eusébe, P. E. XI 38, et avec le per Alcibiade pour souligner leur
unité de pensée.
D 'autre part, le discours d 'Iarchas sur l'univers ( V. Apoll. III 34-35) a parti
culièrement retenu l'attention : le sage affirme que le monde est composé de cinq
éléments , le cinquième étant l' éther, et qu'il est un être vivant dirigé par le dieu
créateur. DepuisMégasthène (= Strabon XV 1, 59), la théorie des cinq éléments
est attribuée aux Indiens, ce qui semble correspondre à la pensée indienne (sur la
théorie indienne des cinq éléments, voir 12 J. André et J. Filliozat, L 'Inde vue de
Rome, Textes latins de l'Antiquité relatifs à l'Inde, « Collection d' Études ancien
nes » , Paris 1986 , p. 381 n . 284 ). On peut déceler aussi, à cause de l'éther, une
influence aristotélicienne (lire Hopfner 2, p.63, où se trouvent relevées d 'autres
références possibles à propos de ce système cosmologique), sans oublier que
Platon , Epinomis 981 c, mentionne également l'éther ; l'influence de cette
@ uvre sur la V. Apoll. III 34 peut se percevoir encore dans l'usage du substantif
rare (woyovía présent en V . Apoll. III 34 et en Epinomis 980 с. Enfin , Del
Corno 1, p . 168 n. 35, évoque, à cause de la théorie de la sympathie, le système
de Posidonius. Quant à la comparaison du dieu suprême avec un pilote, elle peut
rappeler, entre autres, un passage du Politique 272 e,mais aussi, comme l'a sou
ligné 13 J. Rougé, « Trois textes d'époque impériale sur le navire» , Latomus 50 ,
1991, p.673, le fragment 18 deNuménius (éd. des Places).
Par ailleurs, plus isolé, et traité sur un ton polémique, le thème de la justice
est un thème, semble -t-il, important: être juste ne consiste pas seulement à
s'abstenir de l'injustice, contrairement à ce que professerait, d'après larchas, la
philosophie grecque (cf. V. Apoll. III 25 ; VI 3 ).
Stobée I 3 , 56 (= Ep. 78 dans 14 R.J. Penella , The Letters of Apollonius of
Tyana , coll. « Mnemosyne » Supplementum 56 ,Leiden 1979) nous a conservé un
passage du De Styge de Porphyre contenant un fragment d'une lettre d'Apollo
nios à Iarchas. Le corpus des Lettres d'Apollonios contient une lettre du roi
Phraotès à Iarchas (Ep. 77 b Penella = V. Apoll. II 41 ) et une lettre d'Apollonios
aux Brahmanes (Ep. 77 c Penella = V. Apoll. III 51). Philostrate (V. Apoll. I 2 ;
V 2) mentionne des lettres aux Indiens qui sont vraisemblablement des lettres
aux brahmanes.
PATRICK ROBIANO .
19 ICCIUS 857
7 IASON (Jason) D 'ATHÈNES Пала
Académicien , disciple de Carnéade ( + C 42),mentionné dans l'Academi
corum historia de Philodème, col. 23, 13, p. 160 Dorandi (= Carnéade T 3b 11
Mette).
TIZIANO DORANDI.
8 IASON (Jason) DE NYSA RE 11 ма
Philosophe stoïcien , disciple et successeur de Posidonius (mort vers 509) dans
son école de Rhodes. Il était également, par sa mère, petit-fils du philosophe
(Ouyatplooûç). Il était de Nysa par son père Ménécrate et Rhodien par sa mère
(Souda, s.v. ’láowv, I 52 ; t. II, p. 605, 7- 11 = Posidonius T 40 Edelstein -Kidd).
« Il écrivit des Vies d 'hommes illustres (Bíol évbówv), des Successions des phi
losophes (Olooóbwv Qladoxal), une Vie de la Grèce (Bíoç 'EMádoc) en qua
tre livres – selon certains. Il écrivit également sur Rhodes ».
Un ou plusieurs Jason , fils de Ménécrate, sont attestés dans une inscription de Rhodes du
jer siècle av. J. -C . (IG XII 1, nº 46 ).
On considère généralement que son père était Ménécrate de Nysa (RE 27), disciple
d 'Aristarque, présenté commeune célébrité de Nysa par Strabon XIV 1, 48 , 650. Mais il est à
remarquer que Strabon connaissait deux fils deMénécrate, Aristodèmede Nysa auprès duquel
il avait étudié à Nysa même, quand le maître était déjà très âgé (xai 'Aplotóồnuos éxeivou
viós, ou Oinxouoajev nuet. Égyaróynpw VÉOL TavtElās Év m Núon ) et Sostrate son frère,
sans compter un cousin, égalementnommé Aristodème, qui avait été le maître de Pompée le
Grand . A cette famille de ypauuatixol Strabon ne rattache pas Jason . L ' intérêt qu ' il portait à
Posidonius ne l'aurait-il pas amené à citer dans ce contexte son disciple et diadoque s'il avait
appartenu à cette famille ? A . Gercke, « War der Schwiegersohn des Poseidonios ein Schüler
Aristarchs ? » , RhM 62, 1907, p . 116 -122 (arbre généalogique, p. 122) considère que le père de
Jason appartenait à la famille du grammairien , mais qu ' il dut vivre une ou deux générations
après lui.
Fragments et témoignages. C .Müller, Scriptorum de rebus AlexandriMagni
fragmenta, Paris 1846, p . 159- 161.
Cf. F . Jacoby, art. « Iason » 11, RE IX 1 , 1914 , col. 780 -781 ; Rosa Giannatta
sio Andria , I frammenti delle “ Successioni dei filosofi", coll. « Università degli
studi di Salerno - Quaderni del dipartimento di scienze dell'antichità » 5, Napoli
1989, p. 161- 162.
RICHARD GOULET.
9 IASON (Jason ) DE [P ]AR [OS] ja
Académicien , disciple de Carneade ( + C 42), mentionné dans l'Academico
rum historia de Philodème, col. 23, 14, p. 160 Dorandi (= Carnéade T 3b 11
Mette ).
TIZIANO DORANDI.

10 ICCIUS RE 2 Fja
Intendant (procurator) administrant les biens d'Agrippa en Sicile . On peut
hésiter sur son statut: homme libre ou affranchi (G . Fabre et J.M . Roddaz,
« Recherches sur la “ familia de M . Agrippa », Athenaeum 60, 1982, p. 84-112).
858 ICCIUS 110

Horace lui dédie l'ode I 29 à un moment où lccius semble se décider à partir en


campagne contre les Arabes en 24 av. J.-C ., ainsi que l'épître I 12 . L ' intérêt
d'Iccius pour la philosophie est mentionné clairement dans ces deux poèmes.
Dans l'épître I 12 se trouve indiquée une curiosité générale pour les études
scientifiques et philosophiques: « ...au milieu de cette lèpre et de cette contagion
générale du gain , tu n'as pas une seule pensée petite et t’occupes encore des plus
hautes recherches: quelles causes retiennent la mer dans ses limites, ce qui règle
le cours de l'année, si les planètes dans leur marche errante vont d 'un mouve
ment spontané ou obéissent à des lois, ce qui obscurcit et fait disparaître le
disque de la lune et ce qui le découvre de nouveau , quels sont la signification et
le pouvoir de l'harmonie dissonante des choses, si c'est Empédocle ( E 19) qui
délire ou bien l'esprit subtil de Stertinius » (I 12 , 14 -20 ). La mention d'Empé
docle et du stoïcien Stertinius ne permet pas d'indiquer vraiment les choix
d 'Iccius et les vers suivants ne sont pas plus précis : « ...que tu immoles des
poissons ou bien des poireaux et des oignons. .. » (21-22 ). Les commentateurs
ont souvent souligné ici des échos d'Empédocle (cf . Diogène Laerce VIII 77 ) et
de Pythagore. Mais ces vers ne permettent pas de conclusions nettes. Faut- il
donc voir dans ce personnage un amateur de philosophie aux goûts mal détermi
nés ( cf. D . West, Horace Odes I, Oxford University Press 1995, p. 139) ? Mais
les Odes semblent un peu plus précises. Le poète exprime son étonnement
devant la conduite d' Iccius: « Qui nierait que les ruisseaux au cours rapide puis
sent remonter vers les montagnes abruptes et le Tibre refluer puisque toi, tu
aspires à échanger les livres du célèbre Panétius achetés dans le monde entier et
toute la famille socratique contre une cuirasse ibérique, toi qui promettais
mieux » (I 29, 10- 16 ). Les deux références philosophiques montrent clairement
l'intérêt d 'Iccius pour le domaine de la philosophie ; si l'allusion à la « famille
socratique » semble peu précise parce que Socrate passe pour le père des écoles
philosophiques venues après lui, la mention de Panétius laisse ici penser
qu ' Iccius est proche du stoïcisme. Ce point de vue se trouve confirmé par cer
tains vers de l'épître I 12 : pour reprocher à Iccius son désir excessif de s'enri
chir, qui ne s'accorde pas avec son intérêt pour la philosophie , Horace use mani
festement de maximes philosophiques. Les unes ont un caractère très général:
« il n 'est pas pauvre celui qui a à sa disposition l'usage d'un bien » (1 12, 4 );
d 'autres semblent plus proches du stoïcisme : « tu considères que tout est infé
rieur à la seule vertu » . L ' importance attachée à la uirtus, supérieure à tout le
reste , évoque nettement la philosophie du Portique et laisse penser qu 'Iccius est
un adepte de cette philosophie .
Cf. J.R .G . Wright, « Iccius' change of character, Horace, Odes I 29» ,Mne
mosyne 27 , 1974, p. 44 -52 ; J.- Y . Maleuvre, « Iccius et Pompéius ou Horace a-t- il
vraiment jeté son bouclier à Philippes ? (Odes I, 29, II, 7 et 16 , Epist. 1, 12 ) » ,
RBPH 70 , 1992 , p. 93- 108 : Elisa Romano , « La metamorfosi di un filosofo (Hor.
Carm . 1, 29) », dans C . Curti et C . Crimi( édit.), Scritti classici e cristiani offerti
a Francesco Corsaro, Catania 1994, t. II, p. 583-594 .
MICHÈLE DUCOS .
I 13 IDAIOS D ’HIMÈRE 859

11 ICCOS DE TARENTE RE + RESuppl. VII:


Témoignages.DK 25 (15), t. I, p . 216 -217.
Athlète et entraîneur, fils de Nicolaïdès de Tarente , vainqueur au pentathlon
aux Jeux Olympiques (cf. Pausanias VI, 10, 5 ). Un Iccos figure parmi les Taran
tins dans le catalogue des pythagoriciens de Jamblique, V. pyth. 36 , 267, p. 144 ,
16 Deubner. Iccos est mentionné par Platon dans le Protagoras 316d, quand
Protagoras affirme que l'art sophistique a été exercé par les Anciens, lesquels
cependant le dissimulaient sous d'autres arts à cause de l'aversion que celui-ci
suscitait. Dans les Lois, 840 a, Iccos de Tarente est mentionné non seulement
pour sa technique,mais aussi pour sa modération alliée à son courage ; il se serait
abstenu, au cours de sa préparation athlétique, de toutcommerce sexuel.
BRUNO CENTRONE.
12 ICHTHYAS LE MÉGARIQUE D - M IV
Philosophe mégarique , fils d 'un certain Métallos (s'il faut en croire les
manuscrits de Diogène Laërce en II 112), élève d 'Euclide de Mégare (» E 82) et
son successeur présumé à la tête de l'École,maître de Thrasymaque de Corinthe
(qui eut lui-même l'honneur de compter Stilpon comme auditeur).Un dialogue
de Diogène le Cynique lui est adressé (D .L . II 112 ; voir VI 80 où un dialogue
intitulé 'Ixovac est en effet signalé ). Il aurait péri de mort violente après avoir
comploté contre sa patrie (Mégare ?). Les rares témoignages subsistants sont dus
à Diogène Laërce (trois mentions, dont une empruntée à Héraclide (Lembos ]),
Athénée et Tertullien , ainsi qu 'à l'article “ Euclide" de la Souda, le tout réuni
dans 1 K . Döring, Die Megariker, fr. 32 A -B , 33, 47, 48 , 147. Traduction fran
çaise dans 2 R . Muller, p . 25, 28 et 54 . Commentaire et bibliographie chez
Döring 1, p. 100 -101 (cf. aussi p . 91-97) et Muller 2, p. 108 - 109. 3 G . Giannan
toni, SSR , fr. II H 1-3 .
ROBERTMULLER .
13 IDAIOS D ’HIMÈRE DK 63 abs. de la RE va
Physicien , mentionné seulement par Sextus Empiricus ( A.M . IX 360) avec
Anaximène (> A 168 ), Diogène d'Apollonie ( D 139) et Archélaos d' Athènes
(* * A 308 ) comme l'un de ceux qui ont fait de l'air le principe et l'élément de
toutes choses. Comme pour Diogène d 'Apollonie , sa proximité avec Anaximène
dans les témoignages tient à l'identité de la thèse qui leur est attribuée , sans
considération de chronologie. Bien que seuls Anaximène et Diogène (scil.
d 'Apollonie ) soient mentionnés à ce titre par Simplicius (in Phys., p . 149, 5
Diels), les passages d 'Aristote où il est question de ceux qui ont fait de l'air la
cause ou le principe unique de toutes choses sont retenus comme témoignages à
son sujet.
Éditions. DK 63.
Bibliographie. 1 A . Cappelletti, Diogenes de Apolonia y la segunda filosofía
jónica. coll. « Biblioteca de textos filosoficos », Macaraibo , Universidad del
860 IDAIOS D 'HIMÈRE 113

Zulia 1974 ; 2 Id ., « Los epígonos de la filosofía jónica » , RVF 3, 1975, p . 7 -31,


notamment p . 16 -18.
MICHEL NARCY.
14 IDOMÉNÉE DE LAMPSAQUE RE 5 IV - III
Philosophe épicurien.
Témoignages et fragments. 1 A . Angeli, « I frammenti di Idomeneo di
Lampsaco » , CronErc 11, 1981, p. 41- 101 ; 2 Ead., « Accessione a Idomeneo » ,
CronErc 14, 1984 , p . 147 ; 3 Ead., « La scuola epicurea di Lampsaco nelPHerc.
176 (fr. 5 coll. I, IV , VIII-XXIII) » , CronErc 18, 1988 , p. 38-45.
Cf. 4 H . Sauppe, « Idomeneus » , RhM 2 , 1843, p . 450 -452, repris dans Aus
gewählte Schriften , Berlin 1896 , p. 194 sq.; 5 F. Jacoby, art. « Idomeneus» 5,RE
IX 1 , 1914, col. 910 -912 ; 6 A . Vogliano , « Nuove lettere di Epicuro e dei suoi
scolari tratte dal papiro ercolanese n. 176 » ,AFLC 1-2 , 1926 -1927, p. 385-444;
7 R . Philippson , « Neues über Epikur und seine Schule » , NGG 1930 , p . 1- 32,
repris dans ses Studien zu Epikur und den Epikureern , hrsg. von C .J. Classen ,
Hildesheim /Zürich /New York 1986 , p . 192-223 ; 8 A . Momigliano, « Su alcuni
dati della vita di Epicuro » , RFIC 63, 1935, p . 302-316, repris dans Quinto
contributo alla storia degli studi classici e del mondo antico, Roma 1975 ,
p . 545-560 ; 9 E . Bignone, L 'Aristotele perduto e la formazione filosofica di Epi
curo, Firenze 1936 (réimpr. 1973) , t. I, p. 443, 446 , 493 ; 10 R . Philippson , art.
« Timokrates » 11, RE VI A 1, 1936 , col. 1266 -1269 ; 11 C . Diano, Lettere di
Epicuro e dei suoi nuovamente o per la prima volta edite, Firenze 1946 ; 12 A .
Vogliano , « Dall'epistolario di Epicuro e dei primi suoi scolari (papiro ercola
nese Nr. 176 ) », Prolegomena 1, 1952, p. 43-60 ; 13 R .Westman , Plutarch gegen
Kolotes. Sein Schrift " Adversus Colotem " als philosophiegeschichtliche Quelle,
coll. « Acta Philosophica Fennica » 7 , Helsinki 1955, p. 189-192 , 225-227 ; 14 F .
Jacoby, FGrHist, t. III B , Leiden 1955 , p. 189 - 195 , t. III b , p . 57-61; 15 M .
Isnardi Parente , Opere di Epicuro, Torino 1974 ( réimpr. 1983 ) ; 16 A . Momi
gliano, Lo sviluppo della biografia greca, Torino 1974, p . 75 , 125 ; 17 D . Sedley ,
« Epicurus and the mathematicians of Cyzicus» , CronErc 6 , 1976 , p . 26 - 28 ;
18 A . Angeli, « L 'opera “ SuiDemagoghi in Atene" di Idomeneo », Vichiana 10 ,
1981, p . 5 - 16 ; 19 D .P . Fowler, « Lucretius and Politics» , dans M . Griffin and J.
Barnes (édit.), Philosophia Togata. Essays on Philosophy and Roman Society,
Oxford 1989, p . 123 sq . ; 20 A . Tepedino Guerra , « Filosofia e società a Roma» ,
CronErc 21, 1981, p . 129 sq.; 21 E . Acosta Méndez et A . Angeli, Filodemo.
Testimonianze su Socrate, coll. « La Scuola di Epicuro » 13,Napoli 1992, p . 46
52 ; 22 A . Angeli, « Frammenti di lettere di Epicuro nei papiri d 'Ercolano » ,
CronErc 23, 1993, p . 11-27.
Biographie. Idoménée naquit à Lampsaque, sur la côte septentrionale de
l'Asie mineure, probablement vers 325 av. J. -C . (cf. Angeli 1, p. 43). Il était issu
d'une riche famille de la noblesse (Strabon XIII 589-590 C . = F 1). Vers l'âge de
quinze ans, il rencontra pour la première fois Épicure à Lampsaque, où le philo
sophe s'était établi après son départ de Mitylène en 310/309 (Philodème, De
I 14 IDOMÉNÉE DE LAMPSAQUE 861
rhet., PHerc. 463, col. IX = F 6 ; Théon, Progymn. 168 - 169 = F 12 ; Diogène
Laërce X 22 = F 23). Dans l'entourage d'Épicure vivaient alors ses premiers
disciples : Léonteus, Métrodore, son frère Timocrate , Colotès et, peut-être,
Thémista et Batis , seur de Métrodore, laquelle allait par la suite devenir
l'épouse d' Idoménée (Diogène Laërce X 25 = F2; X 23 = F 3 ).Lorsqu 'en 307/6
(D .L . X 2, en 305 /4 selon la Chronologie d'Apollodore : cf. 23 T. Dorandi,
Ricerche sulla cronologia dei filosofi ellenistici, coll. « Beiträge zur Alter
tumskunde » 19, Stuttgart 1991, p. 46 sq.), Épicure rentra à Athènes en ramenant
avec lui Métrodore, Idoménée se soucia de propager à Lampsaque la doctrine
d 'Épicure (D .L . X 4-5 = F 5), dont il s'éloigna cependant quelque temps pour
s'adonner à la politique. Les sources font allusion en termes généraux à un titre
décerné par un souverain , sans toutefois donner aucune indication sur la chrono
logie ou la carrière suivie par Idoménée, ni sur le nom du monarque (Sénèque,
Epist. XXI 3- 4, 5 = F 13 ; XXII 5 -6 = F 14). Les critiques ont proposé des inter
prétations opposées. La majorité suppose qu'Idoménée fut ministre de Lysi
maque, soit en 310 (Bignone 9 , t. I, p . 473 -501), soit entre 299 et 294 (24 H .
Steckel, art. « Epikuros» ,RESuppl. XI, 1968 , col. 586 ), soit après 285 (Isnardi
Parente 15 , p . 76 ). On évoque tantôt un pouvoir politique indéterminé (25 G .
Arrighetti, Epicuro , Opere, Torino 1960 , 2e éd. 1973, p.673), tantôtune tyrannie
instaurée par Idoménée (Jacoby 14, t. III b , Komm ., p. 84 n . 4 ; 26 A . Vogliano,
RFIC 1926, p. 319; 27 C . Jensen , AGWG 5 , 1933, p. 37 sq. ; Philippson 10 ,
col. 1266 ). De son côté,Momigliano 8 , p. 306 , parle d'Antigone le Borgne, en se
fondant sur un passage de Plutarque (Adv. Col., 1126 c ) qui évoque la défense de
l'école épicurienne contre les accusations de l'apostat Timocrate qu 'aurait pré
sentée un représentant du Jardin d'Athènes auprès d'une Baoihan ajan, quine
serait pas celle de Lysimaque, mais celle d ’Antigone et de son fils Démétrius,
lesquels assumèrent le titre royal en 306 en fixant leur résidence en Asie . Cette
chronologie concorde avec certains extraits de lettres (Scriptor Epicureus incer
tus, PHerc 176 , fr. 5, col. IX 1- 14 , dans Angeli 3 , p. 33, 36 sq., et Angeli 22,
p. 15), dont on peut déduire que la démission d'Idoménée aurait précédé l'apo
stasie de Timocrate survenue au plus tard en 301 av. J.-C . (cf. Angeli 1, p . 44
46 ; Angeli 3, p . 36 sq., Angeli 22, p. 12 sq.). Grâce à une correspondance épisto
laire intense (cf. F 13, 14 , Plut., Adv. Col., 1127 d = F 15 ; Philodème, Tract.
PHerc. 1418, col. XXXII 1-8 = F 16 ; Didyme l'Aveugle, In Eccl. 1, 13 b -c,
PTura, p . 24, 8 -11 Binder -Liesenborghs, p. 104-107 = F 16 b dans Angeli 2,
p . 147), Epicure persuada son jeune disciple de se consacrer entièrement à la vie
spéculative et lui confia, ainsi qu 'à Léonteus, la direction du centre épicurien de
Lampsaque (cf. Philodème, Epic. II, PHerc 1289, fr. 6 , col. III = F 9). Au len
demain du schisme de Timocrate (cf. Angeli 22, p . 13- 17), Épicure écrivit à
Idoménée afin qu 'il explique à ses amis politiques déjà touchés par Timocrate
combien les accusations dirigées contre l'école épicurienne étaientmalveillantes
et tendancieuses (Scr. Ep. inc., PHerc 176 , fr. 5, col. XV 1-15 dans Angeli 3,
p . 39). L 'expérience politique antérieure d'Idoménée a dû certainement détermi
ner la décision d'Épicure de lui confier, dans son Symposium , l'apologie de la
862 IDOMÉNÉE DE LAMPSAQUE I 14

rhétorique technique et de l'investigation scientifique de la nature (Philodème,


De rhet., PHerc 1672, col. X 21- XI 13 = F7; col. XIV 10 -19 = F 8 ; cf. Angeli
1, p . 74 -77 , et 28 D . Sedley, « Philosophical allegiance in the Greco -Roman
world » , dans Philosophia Togata (cf. 19 ), p . 114 n . 40 ). Idoménée dirigea
savamment le centre épicurien de Lampsaque, en intervenant avec ses compa
gnons en philosophie dans les polémiques menées par Épicure contre les écoles
rivales. Il était prompt à accueillir les conseils et les admonestations du Maître ,
qui d' Athènes contrôlait et suivait ses disciples lointains grâce à une correspon
dance assidue (cf. Angeli 1 , p .64-68) afin qu'ils ne dévient pas de ses enseigne
ments . C 'est dans cette optique qu 'il faut lire un fragment papyrologique
(Philodème, Epic. II, PHerc 1289, fr. 6 , col. III = F9) qui atteste , plutôt qu 'une
simple hétérodoxie à Lampsaque, la tendance du centre dirigé par Idoménée et
Léonteus – tendance immédiatement redtifiée par Épicure - à exacerber les
théories épicuriennes sous la pression de la polémique contre l'école d'Eudoxe à
Cyzique (cf. Angeli 1, p . 48 -55 , 29 Ead., « Eterodossia a Lampsaco ?» , dans Atti
Conv. Intern.: La regione sotterrata dal Vesuvio . Studi e prospettive, Napoli
1982, p. 415-426 ; 30 A . Tepedino Guerra et L . Torraca, « Etica e Astronomia
nella polemica epicurea contro i Ciziceni», dans G . Giannantoni et M . Gigante
(édit.), Epicureismo greco e romano. Atti del Congresso internazionale , Napoli
19-26 Maggio 1993, coll. « Elenchos» 25*,Napoli 1996 , t. I, p. 127- 154).
Dans le Bloc d'Idoménée, conservé de façon fragmentaire dans les colonnes
XIV -XVIII de PHerc 176 , ont été préservés des extraits de cinq lettres. La pre
mière fut envoyée par Idoménée à Épicure à l'occasion de la mort deMétrodore
(fr. 5, col. XIV ) ; la seconde par Épicure à Idoménée ( fr. 5, col. XIV inf.-XV) ; la
troisième par Idoménée à un amimalade à propos de la fonction cathartique de
la philosophie (fr. 5 , col. XV inf.-XVI); la quatrième par Idoménée à Léonteus
ou à Polyen à propos d 'Apollodore, son disciple (fr. 5, col. XVII ); la cinquième
par Idoménée à Épicure sur les funérailles du jeune Apollodore ( fr. 5, col. XVII
inf.-XVIII ). Ces extraits confirment le portrait moral d'Idoménée transmis par
les autres sources : la fidélité à l'enseignement du Maître, que célèbre également
l’Epistula supremarum dierum d ' Épicure (D .L . X 22 : F 23 ; voir encore F 12 ,
ainsi que Philodème, Lib . dic., PHerc. 1471, tab . II, fr. 6, 1- 10 = F 11), sa bien
veillante attention à l'endroit des amis de l'école, générosité manifestée par ses
dons en argent destinés à aider les épicuriens d' Athènes à faire face aux difficul
tés financières (Athénée VII, 279 f = F4 ; D .L . X 4 -5 = F 5 ; Plutarque, Adv. Col.
1117 d -e = F 17), enfin la sollicitude affectueuse avec laquelle il suivait les pro
grès de ses propres élèves dans l'apprentissage de la doctrine.
(Euvres. Outre les quatre extraits de lettres conservés en PHerc 176 , on
connaît, grâce à Diogène Laërce (F 24 -27) et Athénée (F 28), cinq fragments
d'un ouvrage biographique Sur les socratiques en un seul livre. L ' épicurien ten
tait de critiquer la dialectique et l'ironie de Socrate , tout en discréditant les suc
cesseurs du philosophe au moyen d'informations qui circulaient dans les milieux
socratiques (cf. Angeli 1, p . 56 -61, 92 sq., Acosta et Angeli 21).
I 16 IOLAOSDE BITHYNIE 863

A Idoménée sont enfin attribués par la critique un ouvrage Sur Samothrace


(Souda, s.v. 'I& Queveúc = FGrHist 547 T 1, cf. Angeli 18 , p. 8 et n . 32), ainsi
qu 'un ensemble de 17 fragments (FGrHist 338 F 1-15 , auxquels il faut ajouter
une Scholie sur Lucien, Tim . 30 ) qui seraient empruntés ou bien au traité Sur les
Socratiques, ou bien à un ouvrage Sur les démagogues à Athènes, à rattacher,
selon certains, au modèle biographique péripatéticien , selon d'autres à un type
pré-aristotélicien de biographie (cf. Angeli 18 , p . 5-8). Si la paternité idomé
néenne du premier traité fut rejetée par Jacoby à cause de sa thématique qui est
étrangère aux sphères d'intérêt des épicuriens, d'un autre côté l'incompatibilité
de contenu de certains fragments avec les perspectives épicuriennes sur la valeur
des personnages les plus illustres de l'histoire athénienne, sur l'art rhétorique et
sur le style d'Eschine, dévalorisé au profit de celui de Platon ,montre que l'Ido
ménée auteur de l'ouvrage Sur les démagogues ne saurait être identifié avec
l'Idoménée disciple d'Épicure et auteur du traité Sur les socratiques (cf. Angeli
18 , p . 5 - 16 , avec les réserves de Fowler 19, p. 123 sq.; mais voir Tepedino
Guerra 20 , p . 129 sq.). Voir également l'étude récente de 31 C . Cooper, « Idome
neus of Lampsacus on the Athenian demagogues » , EMC 16 , 1997, p . 455-482.
ANNA ANGELI.
ILLUSTRIUS→ POUSAIOS (FL . I. -)
IOANNES + PHILOPONUS (IOANNES -)
IOANNES → LYDUS (IOANNES -)
15 IOBATÈS
Roi de Libye, d' époque inconnue, grand amateur d' écrits pythagoriciens.
Cette passion amena des faussaires à porter les titres appropriés sur des ouvrages
quelconques et à les vieillir artificiellement pour les vendre au souverain comme
des documents précieux. Voir Olympiodore , Prolegomena, p. 13, 13 Busse, et
Élias, in Categ., p . 128 , 3-5 Busse, qui donnent cet exemple comme une des
multiples raisons qui expliquent la production d ’écrits pseudépigraphes.
RICHARD GOULET.
16 IOLAOS DE BITHYNIE ІІa
Épicurien (?), contemporain de Philonidès de Laodicée. Il est mentionné dans
la Vie anonyme de Philonidès (PHerc. 1044), fr. 11, 5 -8 (p. 65 Gallo ):
E [UVÉT]UXEv ( scil. Philonidès) dè | xai 'Iodáwi (uéxpı kils nooov 1 [xpó]vov
xai (nowoł]s amous [Q1JOoodouc. Très incertaine est la conjecture d'Usener,
RhM 56, 1901, p . 145 = Kleine Schriften , III, Leipzig/Berlin 1914, p . 188, qui
restitua son nom dans un passage lacunaire du même ouvrage (fr. 24 , 10 , p. 81
Gallo ) et supposa qu 'il était le grand-père du philosophe épicurien Antiphanès
( * * A 207). W . Crönert, « Der Epikureer Philonides» , SPAW , 1900, 2 , p . 957 sq .
= Studi Ercolanesi, Napoli 1975 , p. 59 , proposa de l' identifier avec le médecin
Iolaos ou lollas de Bithynie (RE 2) .
864 IOLAOS DE BITHYNIE 1 16
Cf. I. Gallo , Frammenti biografici da papiri, II : La biografia dei filosofi,
Roma 1980, p. 121 sq., 147- 149.
TIZIANO DORANDI.
17 IOLLAS DE SARDES
Académicien , disciple d'un philosophe inconnu (Antiochos d' Ascalon ?),
mentionné dans l'Academicorum historia de Philodème, col. 34, 7, p. 171 :
’lónias [ò ] Capolavó[s). Il faut l'identifier avec le personnage homonyme
honoré dans une inscription de Sardes ( ISardis 27).
Cf. Chr. Habicht, « Der Akademiker lollas von Sardis » , ZPE 74 , 1988 ,
p . 215 -218 , et T. Dorandi (édit.), Filodemo : Platone e l'Academia , p . 80 n . 296 .
TIZIANO DORANDI.
18 ION RE 14 MII
Person nag e if
fict , phi los oph e pla ton ici en s
, dan le dia log ue sati riqu e de
Lucien, Philopseudès 6 . Il se donnait comme le seul interprète à avoir compris
exactement la pensée de Platon et à pouvoir l'expliquer aux autres. Comme les
autres philosophes rassemblés auprès d'Eucratès malade, il prête foi aux récits
de miracles les plus incroyables et raconte comment un Syrien de Palestine exor
cise les démons et libère les lunatiques (§ 16 ).
RICHARD GOULET.
19 ION , surnommé" la Règle” (d xavÚv) MII
Personnage fictif, philosophe platonicien invité au banquet nuptialdonné par
Aristainétos (2A 339) à l'occasion du mariage de sa fille avec Chairéas, dans le
dialogue satirique de Lucien , Le Banquet ou Les lapithes 7. Chairéas était son
disciple. Pour relever le niveau du débat entre les philosophes présents, Ion fait
un éloge, assezmal venu en la circonstance, de la communauté platonicienne des
femmes ($ 39). Son surnom (o zaváv) était dû à la rectitude de sa pensée
(yvóun, $ 7). Son arrivée au banquet estperçue comme une manifestation divine
($ 7).
RICHARD GOULET.
20 ION DE CHIOS RE 11 va

Poète tragique et lyrique, mais aussi “philosophe” selon la Souda (s.v. " Iwv
Xios = DK A 3 ). Originaire de Chios, une île de la mer Égée occupée d' abord
par des colons ioniens, lon, fils d 'Orthoménès, aurait reçu le surnom de Xouthos,
qui était aussi un nom qu 'avait porté Hélénos , le père d'Achaios et d'Ion , l'an
cêtre éponyme de l'Ionie ( sur tout cela, cf. Harpocration , Lexique , s.v. " Iwv =
DK 36 A 1) ; peut-être le pythagoricien Xouthos (DK 33) doit-il être identifié à
Ion de Chios.
Ion de Chios, qui a pratiqué plusieurs genres poétiques (scholie à Aristo
phane, Paix, v. 832 sq. = DK A 2 ) aurait fait représenter ses premières tragédies,
selon la Souda (s. v. " Iwv Xioç = DK A 3 ), pendant la 82 olympiade (soit entre
I 20 ION DE CHIOS 865
452 et 449 av. J.-C .). On comprend dès lors que dans La Paix (v. 832-839),
représentée en 421, Aristophane y fasse référence.
L 'esclave demande à Trygée, qui revient du ciel, s'il est vrai que les personnes décédées
deviennentdes étoiles, comme on le prétend. Trygée répond que c 'est bien vrai, et que lon de
Chios, qui a composé un poème sur l' étoile du matin , est, après sa mort, devenu l'« étoile du
matin (àotoç đome) » , Cette remarque amusante n 'implique pas forcément qu 'lon de Chios
croyait en une destinée astrale de l'âme, commecela aurait été le cas chez les pythagoriciens.
Il aurait vécu de 490 à 422 environ (Diehl), à Chios, mais aussi à Athènes.
Outre sa production poétique, dont il reste de nombreux fragments, on attri
buait à Ion de Chios un traité , en prose, intitulé Tplayuós (au singulier) ou
Tplayuoi (au pluriel, comme le voulaientDémétrius de Scepsis et Apollonidès
de Nicée), qu'Harpocration présente comme dióoopov tl púyypauua. Cet
ouvrage, dont on n 'a pu expliquer le titre aussi bien dans l'Antiquité qu'à l'épo
quemoderne, aurait commencé ainsi: « Voici le commencementdemon traité:
toutes choses sont trois et rien n 'est ni plus nimoins que ces trois. Ce qui fait la
valeur de chaque être particulier, c'est la triade formée par l'intelligence (oúve
OLC), la force (upátoc) et la chance (tuxn )» (Harpocration , s.v. " Iwv; DK B 1).
Le témoignage de Plutarque va dans le même sens : « Ainsi, dans la partie de son
cuvre écrite en prose, le poète Ion affirme que la chance (Túxn ) a beau être ce
qu 'il y a de plus opposé au savoir (oopía ), elle est pourtant à l'origine d'effets
très voisins des siens.» (Plutarque, Fortune des Romains, 1, 316 d = DK B 3a ;
cf. aussi Propos de table VII 1, 1, 717 b = DK B 3b ). Pour sa part, Isocrate nous
orienterait vers un contexte plus cosmologique en évoquant « ... les traités des
Sages de jadis , dont l'un a affirmé que le nombre des êtres est infini; Empédocle
(PE 19 ), qu 'il est de quatre , auxquels s'ajoutent la Haine et l' Amour; et Ion ,
qu 'il est limité à trois» (Sur l'échange (XV ] 268 = DK A 6a). Plusieurs siècles
plus tard, Jean Philopon donnait ces précisions: « Pour Parménide, les éléments
étaient le feu et la terre ; Ion de Chios, l'auteur de tragédies, leur ajoutait l'air,
tandis qu 'Empédocle posait les quatre éléments» ( in De gen. et corr ., p. 107, 18
Vitelli = DK A 6a ). Ces témoignages ne sont pas forcément contradictoires ; les
trois principes mis en avant peuvent être à la fois d 'ordre physique (feu, terre et
air) et éthique (intelligence, force et chance) suivant le contexte . C 'est peut-être
au même ouvrage que fait référence cette remarque d'Aétius (II 25, 11, p. 356
Diels = DK A 7) concernant la substance de la lune : « Pour Ion, c'est un corps
en partie transparent et translucide, et en partie opaque.» C 'est sans doute le
même ouvrage qui est désigné comme Koouooyixós par la Scholie sur la Paix
d'Aristophane (DK A 2). Selon la Souda, Ion aurait écrit nepiMeteúpwv, mais
ce témoignage dépend manifestementde la scholie mentionnée, qui fait état d'un
poème d' Ion sur l' étoile du matin .
L 'authenticité de l'ouvrage semble avoir très tôt soulevé la suspicion. En effet, on lit dans
le Lexique d'Harpocration : Éypade ... Olóoopov ti oúyypaupa tov Tplayuòv énıypadó
uevov, onep Kaminaxos áutiéyeolai onow wÇ 'Enlyévous. La fin de cette phrase est
incompréhensible . Voilà pourquoi Bergk a corrigé en ÚTÒ 'EntlyÉVous signifiant par là que
Callimaque estimait qu'Épigène était le véritable auteur du Triagmos. En revanche Diels pro
pose ώς και Έπιγένης et Jacoby και Έπιγένης. Pfeiffer et Burkert optent pour l' une ou
l'autre de ces deux dernières solutions. Si on accepte cette leçon , Épigène pensait, comme le
866 ION DE CHIOS I 20
fera Callimaque après lui, que lon de Chios n 'était pas le véritable auteur du Triagmos. L 'ou
vrage s 'inscrit par ailleurs dans un contexte qui est celui du plagiat et de la pseudépigraphie .
En effet, on lit chez Diogène Laërce (VIII 8 = DK B 2a) : « Au dire d’ lon de Chios dans ses
Triagmoi, Pythagore a fait passer certains de ses poèmes pour des æuvres d'Orphée .» Clé
ment d 'Alexandrie (Stromates I 131 = DK B 2b ) écrit demême: « lon de Chios consigne dans
ses Triagmoi que Pythagore a fait passer certains de ses poèmes pour des æuvres d'Orphée. »
Ce témoignage ne laisse pas de surprendre. Même s 'il est vrai que, pour un Grec cultivé
contemporain des sophistes, il devait sembler peu vraisemblable que les poèmes conservés
sous le nom d 'Orphée datent de deux générations avant la guerre de Troie , il est encore plus
surprenant que l'attribution de ces poèmes soit rapportée à Pythagore, qui est censé n 'avoir
rien écrit. A la limite , lon de Chios ou un autre auteur aurait pu dans ses Triagmoimettre en
doute l'authenticité de poèmes circulant sous le nom d 'Orphée en y décelant des traits pytha
goriciens. Beaucoup plus tard , les polémiques autour du plagiat auraient fait de Pythagore un
plagiaire d'Orphée. Et dans la Souda , on trouve une Notice qui va jusqu' à faire d 'Orphée
l'auteur des Triagmoi: « Orphée : auteur de Triagmoi que la tradition attribue à lon le tra
gique ; c 'est là que se trouve ce qu 'on désigne sous le nom de Hiérostoliques » ( s .v . 'Opbeuc).
Il s'agit là d'une synthèse particulièrementmaladroite de plusieurs des traditions évoquées
jusqu'ici.
Ion écrivit aussi une histoire de la fondation de Chios (Pausanias VII 4, 8) et
des mémoires (υπομνήματα), probablement identiques aux επιδημίαι [le meme
ouvrage que le ouveronuntixóç mentionné par Pollux II 88), où il racontait les
visites effectuées à Chios par des personnages célèbres, dont Sophocle (Athénée ,
605 e); c'est probablement dans cet ouvrage qu 'il aurait aussi raconté que, dans
sa jeunesse, Socrate était venu à Samos en compagnie d'Archélaos (> A 308]
(D . L . VIII 8).
Le dialogue platonicien lon (cf. 530 a) met en scène non le poète de Chios,
mais un rhapsode d'Éphèse (RE 13).
Cf. DK 36 (uniquement les fragments " philosophiques”); FGrHist 392 ; (E .
Diehl], art. « Ion von Chios » 11, RE IX 2, 1916 , col. 1861-1868; A . von
Blumenthal, Ion von Chios. Die Reste seiner Werke, Stuttgart 1939 ; A . Leurini
(édit.), Ionis Chii. Testimonia et Fragmenta , collegit, disposuit, adnotatione
critica instruxit A .L ., coll. « Classical and Byzantinemonographs » 23, Amster
dam 1992 , XXXII-270 p .
LUC BRISSON
21 IONICUS DE SARDES RE MF IV
Médecin , philosophe, rhéteur et poète, fils d 'un médecin célèbre, disciple de
Zénon de Chypre (RE 15). Il était admiré par Oribase de Pergame. Ionicusne
nous est connu que par son concitoyen Eunape de Sardes (Vies des philosophes
et des sophistes XXII 1, 1-2, 2 ; p . 89, 18 -90 , 17 Giangrande). Outre ses connais
sances médicales, à la fois théoriques et pratiques, il jouissait d'une formation
complète dans toutes les branches de la philosophie et avait des talents divina
toires (Delaguós), qui se manifestaient non seulement dans le diagnostic médi
cal, mais dans ce type de divination philosophique qui était apprécié dans les
conventicules néoplatoniciens que fréquentait Eunape (p. 90 , 9-13). Lors
qu 'Eunape composa son ouvrage à la toute fin du IVe siècle, lonicus venait de
mourir, laissant deux fils .
I 25 ISAGORAS DE THESSALIE 867
Cf. W . Kroll, art. « Ionikos» ,RE IX 2, 1916 , col. 1895.
RICHARD GOULET.

22 IOVIANUS (Jovien ) | ép.imp.


On reconnaît ce nom dans une liste de commentateurs (grecs) des écrits lo
giques d'Aristote dans le Fihrist d 'Ibn Al-Nadim (t. I, 255 Fluegel) : Théo
phraste, Eudème, Herminus, lovianus, Jamblique, Alexandre, Thémistius, Por
phyre (fr. 3h T Smith ), Simplicius, Syrianus, Maxime, Aidésius, Lycus (Lu
cius ?), Nicostratus et Plotin . Tous les autres noms apparaissentdans la tradition
des commentateurs d 'Aristote. Voir par exemple Simplicius, In Categ., p. 1-2
Kalbfleisch , ou Philopon, In Categ., p. 7, 20 -21 Busse.Mais on ne voit pas à
quel commentateur ancien ce nom , peut-être déformé, se rapporte .
RICHARD GOULET.
IPHICIANUS-> AIPHICIANUS
23 IOVIUS FIV
Parentde Paulin de Nole , qui lui adresse sa lettre XVI (lovio fratri) sur divers
problèmes philosophiques, ainsi qu 'un de ses poèmes protreptici. Il lui reproche
de trouver du temps pour être philosophe et de n 'en pas trouver pour être chré
tien , lui conseille d' être dei philosophus et dei vates (6 ; CSEL 29, 120 - 121) ,
Peripateticus Deo, Pythagoreusmundo (7, 121).
PIERREMARAVAL.
24 IPHICLÈS D 'ÉPIRE RE 2 et 3 (doublets) PLREI: IV
Compagnon de l'Empereur Julien, au temps où celui-ci était éduqué par Mar
donios. Julien rappelle qu'Iphiclès avait les cheveux sales, la poitrine débraillée
et qu' en plein hiver il portait un méchant manteau (Discours IX 16 , 198 A ). Il
faut probablement identifier ce personnage avec l'Iphiclès mentionné par Liba
nios dans une lettre adressée à Thémistius en 356 /7 (Lettre 508 ) et avec l' Iphi
clès que les Épirotes, à la demande du préfet du prétoire Probus, envoyèrent
contre son gré, en 375, à l'Empereur Valentinien à Carnuntum . Au lieu de
remercier l'Empereur pour les mérites de Probus, Iphiclès, qui était réputé pour
sa force d'âme, parla en toute vérité et dénonça les méfaits du personnage à
l'Empereur, qui s'emporta alors violemment contre Probus (Ammien Marcellin
XXX 5 , 8 -10 ).
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
25 ISAGORAS DE THESSALIE
D 'après Philostrate , V. Apoll. VIII 8 , Apollonios de Tyane aurait eu, à Olym
pie , des discussions sur la nature des panégyries avec un certain Isagoras de
Thessalie, devenu son disciple dans cette ville . Cette rencontre est postérieure à
la comparution du sage devant Domitien , qui a sans doute eu lieu en 96 .
PATRICK ROBIANO.
868 ISCHOMACHOS I 26
26 ISCHOMACHOS absent de la RE Fya
A . Voici ce qu 'on lit chez Plutarque : « Et Aristippe ( * A 356 ) rencontrant
Ischomaque aux jeux Olympiques lui demandait ce que leur disait Socrate pour
s'attacher à ce point les jeunes gens. Il fut si vivement ému des bribes de
discours etdes exemples qu'il avait glanés, qu 'il eut un éblouissement et devint
tout pâle, et pour finir il fit voile vers Athènes et étancha sa soif ardente à la
source en s'enquérant de l'homme, de ses paroles et de sa philosophie . Celle -ci
avait pour fin de connaître ses propres défauts et de s'en corriger» (De curiosi
tate 2 ,Moralia 516 c, texte établi et traduit par Jean Dumortier, avec la collabo
ration de Jean Defradas).
LUC BRISSON .
B . Ischomachos, modèle de xaroxảyadía , est l'interlocuteurde Socrate dans
le long entretien sur l' éducation des femmes et l'économie domestique qui est
rapporté dans l'Économique de Xénophon (chap. 7-21). Sur l'historicité du per
sonnage, voir M . Treu , art. « Xenophon von Athen » 6 ,RE IX A 2 , 1983, sect. II
C 3, col. 1848- 1849, et, sur l'entretien dans son ensemble , col. 1849- 1871.
Cf. J. Kirchner, Prosopographia Attica, nºs 7725 -7727 .
RICHARD GOULET.
27 ISÉE L ’ASSYRIEN RE 9 PIR I 52 KP 2 FI- D II
Sophiste originaire de Syrie du Nord , il vint à Rome à plus de soixante ans.
Vers 97-100, Pline le Jeune (Ep. II 3) recommande à son amiNepos d' aller
l'entendre. Juvénal (Sat. III 74 ) fait allusion à son éloquence torrentielle .
Philostrate , dans la biographie qu 'il lui consacre ( V . soph. I 20, 2 ; voir aussi I
22, 1), loue son talent d' improvisateur et son art de concentrer une argumentation
en une brève formule. Il eut pour disciples Denys deMilet ( D 182) , Lollianus
d 'Éphèse (Philostrate , V. soph . I 23, 2 ; Souda I620 ), Marc de Byzance ( V . soph .
I 24 , 1) et l'empereur Hadrien ( IG I12 3632, 5 - 9 ). Philostrate le met aussi en rela
tion avec le rhéteur Ardys. Plusieurs épigrammes d'Éleusis permettent de suivre
ses descendants , dont deux hiérophantides, sur cinq générations (IG II 3709,
3632, 3662); son arrière-petite - fille Eunice épousa le frère du philosophe Fl.
Callaischros ( C 13). On ne sait s'il faut identifier le sophiste ou son fils homo
nyme à l'archonte -roi Lu( cius) Volusius Isaios, de Mélitè, auteur d 'une dédicace
à Apollon Ún ' "Aupaig ( IG II? 2897) ; le gentilice conviendrait peut-être mieux à
un Syrien qu 'à un Athénien .
Isée mérite une place parmiles philosophes,malgré une vie consacrée surtout
aux belles-lettres, en raison de sa conversion à l'ascétisme après une jeunesse
vouée aux plaisirs (Philostrate, loc. cit., d'où Souda I 620) ; son allusion aux
" jardins de Tantale”, ses formules "j'ai cessé d'avoir les yeux malades” (TTÉNOU
uai opoarulõv) et “ tous les plaisirs ne sont qu'ombres et songes” (oxid xai
óveipata ai ń dovai nãoal) paraissent avoir été célèbres. Sa “ sagesse" est
confirmée par une épigramme d'Éleusis, le qualifiant de copiarç únáTOV (IG 112
3632, 7 ) et une remarque de Pline, qui le présente comme un homme d 'école
I 30 ISIDORE 869
(scholasticus), mais ajoute : quo genere hominum nihil aut sincerius aut simpli
cius aut melius (Ep. II 3, 5).
Cf. A .N . Sherwin -White , The Letters of Pliny. A historical and social com
mentary, Oxford 1966 , p. 147 -148 ; P . Grimal, « Deux figures de la Correspon
dance de Pline : le philosophe Euphratès et le rhéteur Isée » , Latomus 14, 1955 ,
p . 381-383, repris dans Rome, la littérature et l'histoire, « Collection de l'École
française de Rome» 93, Rome 1986 , t. I, p . 399 -401; J. Ferguson , A Prosopo
graphy to the Poems of Juvenal, coll. « Latomus» 200, Bruxelles 1987, p . 121
122 ; G . Anderson , Philostratus. Biography and Belles Lettres in the Third Cen
tury A . D ., London/Sydney/Dover 1986 , passim (voir l'index ). Sur les inscrip
tions d 'Éleusis, voir P. Graindor, Chronologie des archontes athéniens sous
l'Empire, Gand 1922, p . 229-235 ; Id ., Marbres et textes antiques d 'époque
impériale , coll. « Université de Gand. Recueil de travaux publiés par la Faculté
de Philosophie et Lettres» 50, Gand 1992, p .69-72 ; J.H . Oliver, « Two Athenian
Poets » , Hesperia Suppl. 8, 1949, p. 243-258 ; K . Clinton , The Sacred Officials of
the Eleusinian Mysteries, coll. « Transactions of the American Philosophical
Society » 64, 3, Philadelphia 1974, p. 88 ; S. Follet, Athènes au frème et au 11ème
siècle. Études chronologiques et prosopographiques, « Collection d'études
anciennes » , Paris 1976 , p. 262-267.
SIMONE FOLLET.
28 ISIDORE RE 9 PIR2 I 55 I
Ce cynique se moqua publiquement de Néron , lui reprochant « de bien chan
ter les malheurs de Nauplius (probablement le père de Palamède), mais de mal
administrer ses propres biens » . L 'empereur se contenta de le punir en le
bannissant de Rome et d'Italie (Suétone,Néron 39, 5).
MARIE -ODILE GOULET-CAZÉ.
29 ISIDORE RE 22 II
Gnostique , fils et disciple de Basilide (2 B 13). On se reportera à la notice de
M . Tardieu , « Basilide le gnostique », DPLA II, 1994, p. 87-88, pour l' énuméra
tion des æuvres qui lui sont attribuées .
RICHARD GOULET.
30 ISIDORE PLRE II:1 IV - V ?
Dans la notice, exceptionnellement longue, qu 'elle consacre à Hypatie
d'Alexandrie (2- H 175 ), la Souda Y 166 présente la philosophe (ca 355-415)
comme l'épouse du philosophe Isidore. Ce renseignement est des plus douteux.
Selon la même notice en effet, Hypatie serait restée vierge (OLETÉRal napoévos).
Ilne pourrait en tout cas s'agir du philosophe Isidore d'Alexandrie (~ I 31), qui
est né seulement vers le milieu du ve siècle et qui était lui-mêmemarié à une
femme du nom de Domna (Damascius, Vita Isidori, fr. 339).
Une confusion avec une autre Hypatie est possible. Maria Dzielska, Hypatia of Alexandria ,
coll. « Revealing Antiquity » 8 , Cambridge (Mass.) 1995, p. 119, qui n 'examine pas ce témoi
870 ISIDORE I 30
gnage de la Souda, signale une Hypatie d'Alexandrie, veuve mentionnée dans un décret de
455. Elle rappelle d 'autre part que la comtesse Diodata Saluzzo -Roero di Revello (1775
1840 ), dans Ippazia ovvero della Filosofie (1827), a mis en scène Hypatie , disciple de Plotin
au “Lycée" d'Alexandrie et amoureuse du prince égyptien Isidore, qui luttait contre la domi
nation romaine...
RICHARD GOULET.

31 ISIDORE D 'ALEXANDRIE RE 17 PLRE II:5 FV


Philosophe néoplatonicien qui enseigna à Alexandrie et à Athènes . Ilnous est
connu par les fragments de la Vie d 'Isidore écrite par son disciple Damascius
(2D 3),ainsi que par la Vie de Sévère de Zacharie le Scholastique.
Sources.
( a) Les fragments de la Vie d 'Isidore, conservés dans la Bibliothèque du
patriarche Photius et par la Souda, ont été édités par Cl. Zintzen (édit.), Damascii
Vitae Isidori reliquiae edidit adnotationibusque instruxit C .Z ., coll. « Bibliotheca
Graeca et Latina Suppletoria » 1,Hildesheim 1967, XIV -376 p .; il en existe une
reconstitution plus ancienne avec une traduction allemande par R . Asmus, Das
Leben des Philosophen Isidoros von Damaskios aus Damaskos, Leipzig 1913 ;
voir aussi Id ., « Zur Rekonstruktion von Damascius' Leben des Isidorus » , ByzZ
18, 1909, p. 424-480 ; 19 , 1910 , p. 265-284 . Nouvelle reconstitution, avec tra
duction anglaise et commentaire, par P . Athanassiadi, Damascius. The Philoso
phical History. Text with translation and notes, Apameia 1999, 403 p., qui rap
pelle (p . 43) que la Souda cite l'ouvrage sous le titre d'Histoire philosophique
(Olóoopos ' lotopía ), déjà employé par Porphyre.
Les passages de la notice 242 de la Bibliothèque de Photius seront cités comme des para
graphes de l' Epit. ; les fragments tirés de la Souda seront cités comme " fr." , l'intitulé de la
notice n'étant cité qu 'exceptionnellement. Les fragments précédés d 'un astérisque sont attri
bués à Damascius par Zintzen de façon conjecturale .
Sur l' auteur et l'æuvre, voir Ph. Hoffmann, art. « Damascius» D 3, DPLA II,
1994, p. 566 -570 , où l'on trouvera toutes les références utiles. Voir aussi M .
Tardieu, Les paysages reliques. Routes et haltes syriennes d 'Isidore à Simpli
cius, coll. « Bibliothèque de l'École des Hautes Études - Sciences religieuses >>
94, Louvain /Paris (1990 ), 211 p .,notamment p . 19 -21.
(b) La Vie de Sévère a été éditée par M .-A . Kugener dans la PO II 1, Paris
1904 ; réimpr. 1971, p. 1- 115, avec traduction française ; le commentaire annon
cé n ' est jamais paru. Zintzen ne semble connaître que la traduction moins fidèle
de F. Nau dans la ROC 4, 1899, p. 343- 353 ; 543-571 ; 5, 1900 , p. 74- 98.
Zacharie le Scholastique mentionne Isidore dans un groupe de philosophes alexandrins où
figurent Horapollon , Héraïscus, Asclépiodote et Ammonios ( p. 16 , 9- 12 et 22 , 14 -15
Kugener). Selon lui, Isidore aurait été reconnu comme « un magicien manifeste et un perturba
teur» (p. 22, 15 ). Cf. R . Herzog, dans Pisciculi für F . Dölger, Münster 1939, p. 121, 17.
Cf. [W . Kroll], art. « Isidorus» 17 , RE IX 2 , 1916 , col. 2062-2064 ; P . Atha
nassiadi, Damascius, p. 32-36 ; 43-44.
La Vie d 'Isidore par Damascius. La Vie d 'Isidore, écrite sous le règne de
Théodoric en Italie (493-526 ) et donc avant 526 (Epit. 64 ), est dédiée à une cer
taine Théodora, fille de Cyrina et de Diogène. Elle s'intéressait à la philosophie
131 ISIDORE D 'ALEXANDRIE 871

et aux mathématiques. Comme ses sæurs , elle avait été formée par Damascius et
Isidore (Photius, Bibl., cod. 181) . Selon Photius, Damascius, dans les soixante
chapitres de sa biographie, ne racontait pas que la vie d'Isidore. Il décrivait éga
lement celle « de nombreux personnages contemporains de ce philosophe ou plus
anciens que lui; il réunit leurs actes, des récits qui les concernent, et il use de la
digression en abondance etmême à satiété » (Ibid., trad. Henry). Le lecteur des
fragments retient en effet l'impression qu 'ils nous en apprennent beaucoup
moins sur Isidore que sur tous les intellectuels de son temps ou de son entourage.
En plus de son ton antichrétien , Photius relève dans l'ouvrage de Damascius
une tendance à dévaloriser ses héros: « Pour tous ceux qu'il exalte dans ses écrits
et qu'il proclame supérieurs à la condition humaine pour l'excellence de leurs
conceptions dans le savoir et l'agilité de leur pensée, il s'érige lui-même en juge
de chacun et il n 'en est pas un de tous ceux qu 'il admire à qui il ne reproche
quelque insuffisance : celui qu 'il exalte pour son intelligence n'est pas intelligent
en tout point, celui qui est incomparable pour sa science ne sait pas tout, celui
que sa vertu place près de la divinité a beaucoup de défauts . Ainsi, chacun de
ceux qu'il exaltait est persiflé et ravalé ; de cette manière il s' arroge, par des
moyens détournés, le pouvoir sur eux tous et à tout propos. Aussi poursuit-il sa
vie d ' Isidore en le louant et en l'accablant tout autant de blâmes. » (Ibid ., trad .
Henry). Voir ce qu 'il dit à propos de Saloustius ( fr. 138 ): « Et s'il y a une vie
qu'il importe de critiquer, c' est assurément celle-ci» . Sur ce point de vue cri
tique de Damascius, voir P . Athanassiadi, Damascius, p . 26 -27.
La reconstitution des fragments s'appuie sur le lien qui est fourni par la suc
cession des extraits 1-230 de Photius qui semblent suivre l'ordre du récit biogra
phique.Mais l'ordre du récit n 'est pas nécessairement l'ordre des événements .
Plusieurs fragments attestent explicitement l'usage de la digression (Epit. 159 et
175) et de l'anticipation (Ibid. 306 : une anticipation dans l'exposé concernant
les successeurs de Proclus à Athènes). On n 'est pas toujours sûr non plus qu' en
tre deux extraits ne se soient pas trouvés plusieurs paragraphes ou plusieurs
pages, de sorte qu 'en l'absence de parallèles ou de détails caractéristiques, on
n 'est pas toujours assuré que les passages concernaient bien Isidore ou tel autre
personnage du contexte voisin . Pour ne prendre qu'un exemple, selon le fr. 84,
« Il était contraint de s'occuper de la bonne éducation de ses enfants.» Il pourrait
s'agir d 'Isidore .Mais on n 'entend parler à son propos que d'un mariage et d 'un
fils, nommé Proclus.
Datation. De cette masse de fragments si brillamment rassemblés et ordon
nés, on a peine à dégager des données biographiques nettes. Les dates de nais
sance et de mort sont fort imprécises. La donnée sans doute la plus ferme est la
venue d 'Isidore à Athènes, à une époque où on souhaitait lui confier la succes
sion de Proclus. Il semble être arrivé peu après la mort du philosophe, survenue
le 17 avril 485 (Marinus, Proclus 36 ). Auparavant, Isidore avait étudié chez
Proclus, puis avait déjà acquis une grande réputation à Alexandrie . En supposant
qu 'il avait entre 35 et 40 ans à la mort de Proclus, il faudrait situer sa naissance
vers 445 -450. On sait d 'autre part qu 'il enseigna à Damascius ( > D 3 ), né vers
872 ISIDORE D 'ALEXANDRIE 131
462, après que ce dernier eut enseigné la rhétorique à Alexandrie pendant neuf
ans. Isidore devait donc être encore en pleine activité au début des années 490 .
Comme la Vie d 'Isidore a été écrite par Damascius avant 526 , et sans doute
après la mort d' Ammonius (mort après 517, date à laquelle Jean Philopon a édité
ses leçons sur la Physique d'Aristote (CAG XVI, p. 703 ]), on peut supposer
qu’Isidore mourut dans la deuxième décennie du Vie siècle .
Famille et relations. On ignore le nom de son père, mais sa mère s'appelait
Théodotè (fr. 119 ). Elle était la seur d'un certain Égyptos, ami d'Hermeias
d'Alexandrie (2H 78). Isidore eut un frère du nom d 'Ulpien (PLRE II : 4 ), qui
fut un grand mathématicien etmourut jeune sans s' être marié (fr. 324 et Epit.
296 ), et une sæur aînée dont le fils, âgé alors de 18 ans comme Isidore lui-même,
mourut en tombant d 'un toit (fr.7 ).
Père o Théodotè Égyptos
Ulpien sæur Isidore oo Domna

fils Proclus II
Il épousa Domna et eut d' elle un fils qu'il appela Proclus, du nom de son
propre maître . Son épouse mourut cinq jours après la naissance de l'enfant et
débarrassa ainsi son époux d 'une « bête méchante et d 'une détestable com
pagne » (Epit. 301).
Le cercle des amis d 'Isidore éclaire le climat spirituel dans lequel il évoluait.
Ainsi ce Sarapion , philosophe pieux et chaste qui pratiquait le “Vivons cachés"
seuldans une petite maison en ne fréquentant que quelques voisins (fr. * 34) et en
pratiquant la prière et la méditation silencieuse (fr. * 39). N 'ayant pas de famille,
il légua à Isidore ce qu'il possédait, c'est-à -dire deux ou trois livres, dont la poé
sie d 'Orphée (fr. 287).
Maîtres et disciples. Parmi tous les intellectuels et philosophes mentionnés
dans la Vie d ' Isidore, il n 'est pas facile de distinguer les simples amis ou
contemporains de ceux qui étaient présentés comme desmaîtres ou des disciples
du philosophe. Il est possible que plusieurs des noms qui apparaissent chez Da
mascius (notamment dans les pages 68- 110 du recueil de Zintzen ) aient figuré
dans la biographie à titre de maîtres d'Isidore dans les différentes disciplines. On
pense à Léontios, à Olympos, à Théosebius, élève de Hiéroclès ( H 126 ), au
grammairien Ammonianus, au rhéteur Théon d'Alexandrie (qui enseigna en tout
cas à Damascius). Hermeias d' Alexandrie (» H 78 ), élève de Syrianus à Athènes
avant 437 et dont les fils Ammonius (** A 141) et Héliodore (~ * H 30), après sa
mort, purent étudier chez Proclus à Athènes grâce au courage de leurmère Aide
sia ( A 55) , n'a sans doute pas pu enseigner à Isidore.
Photius évoque une fois un maître d'Isidore sans le nommer (Epit. 37) et le
présente mêmecomme « son unique maître » . On a pensé à Héraïscus (Zintzen )
ou à Sarapion (Athanassidi). La Souda rapporte qu 'il pratiqua la philosophie
131 ISIDORE D 'ALEXANDRIE 873
sous la direction « des deux frères » (fr. * 160 ). On y reconnaît habituellement
Asclépiadès ( A 446 ) et Héraïscus (MH 67) d'Alexandrie, plutôt qu 'Ammonius
et Héliodore les fils d'Hermeias, comme l'avait cru P. Tannery (Mémoires, I,
Toulouse 1911, p. 114 sqq). Voir aussi Epit. 243 sur la philosophie égyptienne
que deux compagnons d' Isidore , en quête de l'antique sagesse, pratiquaientavec
ce dernier. On ne sait pas en quelles circonstances Isidore fit en compagnie
d'Asclépiadès « la traversée de la Mer Égée» (Epit. 93). Il fut peut-être aussi
l'élève d 'Asclépiodote d'Alexandrie (> A 453), car ce dernier sauva des eaux du
Méandre un compagnon de voyage dont il avait été autrefois le pédagogue (Epit.
116 ). Ce pourrait être Isidore . Par la suite , Isidore étudia avec Marinus la
philosophie d 'Aristote (Epit. 42 et fr. 90 ), sans doute dès son premier séjour à
Athènes et non après que Marinus eut succédé à Proclus.
Dans le fr. 90, l'allusion au “deuxième voyage d'Isidore à Athènes" (p .67, 165 Zintzen )
ne se rapporte pas à l'enseignement aristotélicien donné par Marinus à Isidore, mais à la mort
de Proclus mentionnée après.
Lors de ce premier séjour à Athènes, il ne fait pas de doute qu' Isidore fut
l' élève de Proclus. Le fragment 90 évoque Proclus comme « le maître commun »
de Marinus et d 'Isidore (p . 67, 17 Zintzen). Dans le même fragment, parlant à
Marinus, Isidore désigne Proclus comme « le maître » (p . 67 , 21 Zintzen ) et
considère que le commentaire qu'il avait donné du Philèbe rendait inutile celui
qu'avait rédigé son condisciple (fr. 90). « Proclus admirait dans le visage d'Isi
dore l'inspiration divine et la plénitude de la vie philosophique intérieure » (Epit.
80 ; trad. Henry). Apparemment dès leur première rencontre , Proclus accueillit
Isidore comme disciple (fr. 133). « Proclus prescrivit à Isidore de se transformer
en vue de la vie la meilleure et de revêtir le tribôn ;mais luine le supporta pas et
cela bien qu'il portât à Proclus la vénération qui est due à un dieu » (fr. * 135).
Dès ce premier séjour athénien , Isidore aurait été pressenti comme futur scho
larque par Proclus qui craignait que le platonisme et en particulier la tradition
exégétique de Jamblique et de Plutarque d 'Athènes ne soient abandonnés à
Athènes. Mais Isidore trouva cette succession trop lourde à porter (Epit. 150
151; fr. 252-253).
Faut-il mettre ce passage en rapport avec le fr. * 245 ? On y apprend qu'Isidore etMarinus
ne partageaient pas le même pointde vue sur l'interprétation du Parménide. PourMarinus, les
« hypothèses dialectiques » du dialogue ne portaient pas sur les dieux , mais sur les Formes
(Idées). Isidore lui démontra, par des preuves innombrables, que « l'exégèse théologique du
dialogue » était la plus conforme à la vérité. Sur ce point, Isidore suivait Proclus : « Marinus,
avec son naturel sans vigueur, ne put suivre l' élévation de pensée de son maître (i.e . Proclus)
qui commentait le Parménide et, des unités surnaturelles, il rabaissa son attention aux Formes
en se laissant entraîner plus souvent par les idées de Firmus (Firmus Castricius, le disciple de
Plotin ? + F 13) et de Galien ( G 3) que par les pures conceptions des hommes bienheureux»
( Epit. 275 ; trad. Henry). Le jugement de Damascius sur Marinus, qui lui avait enseigné la
géométrie, l'arithmétique et les autres disciplines à Athènes (Photius, Bibliothèque, cod . 181),
était de même assez sévère : « Marinus, d'après ses entretiens et d 'après ses écrits – lesquels
sont peu nombreux -, montrait qu 'il ne moissonnait pas au sillon profond d 'où germent les
vues savantes sur la nature des êtres » (Epit. 144 ; trad. Henry). Quoi qu'il en soit des diver
gences philosophiques, la santé de Marinus à elle seule donnait du souci à Proclus (Epit. 152)
et Isidore lui-mêmeprotégeaitMarinus (Epit. 143). C 'est peut- être au cours de son scholarchat
874 ISIDORE D 'ALEXANDRIE I 31
ultérieur que Marinus fut contraint, au cours d'une stasis à Athènes, de se retirer à Épidaure
« parce qu 'il craignait des attentats contre sa vie » (Epit. 277 ; trad. Henry ).
D 'autres noms mentionnés dans la Vie étaient plutôt ceux des condisciples
d' Isidore, ou de maîtres de ses condisciples, par exemple son confrère Saloustius
qui revint d 'Athènes avec Isidore (fr. 138). C 'est peut-être aussi le cas de Supé
rianus,Métrophane et Odainathus, disciple de Plutarque, Hiérius, Zénon de Per
game, disciple de Proclus. Doros l'Arabe (BD 221) pratiquait surtout Aristote,
mais Isidore le fit évoluer vers “ l'océan de la vérité” qu 'était à ses yeux la pen
sée de Platon (fr. 338).
P. Athaniassiadi, Damascius, p. 22, inclut Isidore parmi les disciples d'Horapollon
( H 165).
Carrière. Ce premier séjour athénien d 'Isidore fut sans doute suivi d 'une
période alexandrine, dont la durée n 'est pas précisée. Dans la première série des
fragments de Photius, on trouve plus loin une autre étape importante dans la car
rière d'Isidore : son départ d'Alexandrie (Epit. 297) et son arrivée à Athènes au
momentmême où Proclus venait de décéder (Epit. 188). C 'était peut- être déjà à
ce voyage que se rapportait une phrase antérieure : « Un véritable amour de la
philosophie s'implante en lui ; il rompt tout lien terrestre, foule aux pieds toute
espérance d 'honneurs aussi bien que de richesse et il arrive à Athènes » ( Epit.
153 ; trad . Henry ; le parallèle , fr. 255, remplace « à Athènes» par « chez Pro
clus » ).
Selon P . Athanassiadi, Damacius, p . 243 n . 265, ce passage pourrait cependant se rapporter
non pas à Isidore, mais à Asclépiodote (qui fut appelé par Proclus à Athènes pour lui succé
der).
Damascius était déjà un familier d'Isidore à cette époque et ce dernier lui demanda de le
cacher chez lui (Epit. 310 ). Selon Michel Tardieu, l'événement se situerait plus tard à Alexan
drie , mais en Epit. 187 et 188 , c'est le mêmemot qui est employé pour l'arrivée d 'Isidore chez
Damascius et l'arrivée d'Isidore à Athènes au momentde la mort de Proclus.
Il n 'est pas dit qu 'Isidore ait alors joué un rôle particulier dans l’ école, en tout
cas pas celui de scholarque, car c 'est Marinus qui assuma ces fonctions et, après
luiou sous lui (Photius, Bibl., cod. 181 : Tà Deútepa Mapívov pépwv), un cer
tain Zénodote . Il n 'est pas dit non plus qu 'Isidore se soit alors définitivement
installé à Athènes. C 'est apparemment par écrit que Marinus demanda à Isidore
son avis sur le commentaire du Parménide qu 'il avait composé (fr. 245) et cet
événement est postérieur à un événement semblable où Marinus avait montré à
Isidore son commentaire du Philèbe et l'avait brûlé (90 ) en constatant le peu
d'enthousiasme de son compagnon. Or ce premier épisode semble déjà se situer
après la mort de Proclus.
Le second voyage à Athènes se situe dans les fragments de Photius après une
série d 'extraits concernant une persécution des philosophes survenue à Alexan
drie . Il semble qu 'Isidore ait été dénoncé par le porteur d'une lettre qui prévenait
des compagnons demouvements policiers imminents (fr. * 314) et que recherché
il ait alors dû s'enfuir d' Alexandrie (Epit. 181).Michel Tardieu situe ces événe
ments après 488, mais la mention du conflit entre l'empereur Zénon et Illos
( Epit. 160), de même que l'allusion à une rencontre entre Pamprépius et Isidore à
Alexandrie (Epit. 172) suggèrent plutôtcomme date les années 482-484.
131 ISIDORE D 'ALEXANDRIE 875

C 'est en 481-482 que Pamprépius vint à Alexandrie (PLRE II, p . 827, d 'après l’horoscope
transmis par Rhétorius) et en 484 qu ' il fut exécuté par Illos dans une forteresse d ' Isaurie où
les rebelles s' étaient réfugiés. Sur cette période, voir Assunta Nagl, art. « Illos » , RE IX 2,
1916 , Nachträge, col. 2532-2541, et PLRE II, s.v. « Illus» 1, p . 586 -590.
Plus loin , on apprend que Marinus,cette fois, proposa à Isidore la succession
et que ce dernier fut élu (éungioon) « plus pour l'honneur que pour le fait
d'expliquer Platon » (Epit. 226 ).
P . Athanassiasi, Damascius, p . 325, construisant différemment, comprend : « he was elec
ted a diadochus of the Platonic School (ÉEnonoewc) in honorary rather than in real terms» .
A la mort de Marinus, Isidore envisagea de quitter Athènes (Epit. 229), si
bien qu'on ne sait pas s'il resta à Athènes ou s'il revint à Alexandrie . La vie phi
losophique athénienne se déroulait sous le patronnage d'Hégias (* H 22), fils de
Théagène et petit-fils d’Archiadas ( A 314 ) (Epit. 221), que Proclus avait tenu
en haute estime (Marinus, Proclus 26 ). Damascius semble rapporter le jugement
d'Isidore lorsqu 'il écrit : « aussi loin que remontentnos souvenirs, nous n 'avons
jamais vu mépriser la philosophie à Athènes comme nous l'avons vu déshonorer
sous Hégias» (Epit. 221 ; trad. Henry). « Isidore fortifiait Syrianus (non pas le
maître de Proclus,mort vers 437,mais un autre philosophe égalementmentionné
dans le fr. 324) et Hégias dans l'idée qu 'il était urgent de restaurer la philosophie
en décadence » (Epit. 230 ; trad. Henry), ce qui pourrait montrer qu 'Hégias
n 'était pas forcément responsable de la décadence constatée .
Isidore avait également été le maître de Damascius, notamment en “ dialec
tique" (Photius, Bibliothèque, cod. 181) ; on pense à Athènes où enseignèrent
deux autres maîtres dont parle Damascius, Marinus et Zénodote, mais un troi
sième maître , Ammonius, enseignait à Alexandrie et c 'est à Alexandrie que
Damascius exerçait alors le métier de rhéteur ; dans ce cas il faudrait supposer
qu ’Isidore y enseignait encore ou à nouveau au début des années 490, car
Damascius n'aurait guère pu suivre un tel enseignement philosophique aupara
vant.
On devine donc une carrière divisée par au moins deux séjours à Athènes ou
peut- être trois si Isidore n 'était pas resté à Athènes entre la mort de Proclus et la
fin de la vie de Marinus.
Par rapport à ce cadre général, on aimerait situer différentes séries de frag
ments . Avant le deuxième voyage à Athènes, et donc avant 485, figurent plu
sieurs fragments relatifs à des persécutions subies par les philosophes alexan
drins. Nous avons vu que ces extraits font allusion à des événements que l'on
peut dater des années 482-484.Mais d'autres détails concernant ces persécutions
apparaissent dans la Vie après la seconde venue d'Isidore à Athènes et ils sont
suivis par plusieurs fragments racontant un voyage en Orient fait par Isidore et
Damascius. D 'après l'ordre des fragments, le voyage semble s' être effectué du
sud au nord et donc peut-être au départ d' Alexandrie . On distingue comme lieux
géographiques: Gaza (où il rencontra Antonius d'Alexandrie: » A 224 ), l'Ara
bie, Bostra (rencontre de Dorus: » D 221), Damas,Héliopolis (Baalbek , où les
deux philosophes dénoncèrent les prétentions philosophiques d'Acamatios » A
4 ), plus loin Beyrouth et enfin une traversée vers Samos. L 'un de ces extraits fait
876 ISIDORE D 'ALEXANDRIE 131
allusion aux espérances qui portaient Isidore vers la Carie (Aphrodisias ?) et
Athènes, ce qui montre que le terme ultime de ce voyage (de huit mois ? Epit.
202) devait être un nouveau séjour à Athènes.Michel Tardieu a supposé que ce
départ – selon lui définitif - d' Alexandrie était lié aux persécutions subies par les
philosophes et que le voyage n 'avait pas pour but de conduire directement Isi
dore à Athènes,mais plutôt, sur le modèle d'une éclipse semblable de Proclus
(Marinus, Proclus 15), de soustraire les philosophes aux dangers qui les mena
çaient à Alexandrie . Tardieu date ce périple des années postérieures à 488. Il
faudrait supposer une nouvelle (et dernière ?) période alexandrine postérieure au
séjour de 485 à Athènes.
P . Athanassiadi, Damascius, p. 34 n . 47, distingue les étapes suivantes: premier séjour
d ' études d 'Isidore à Athènes dans les années 470 , retour à Alexandrie avec Saloustios ; ensei
gnement à Alexandrie jusque vers 488/9, avec une brève visite à Athènes lors de la mort de
Proclus (485 ) ; séjour à Athènes de 489 /90 jusqu 'à la mort de Marinus, puis départ d 'Athènes.
Orientations philosophiques. Isidore apparaît chez Damascius comme une
âme divine descendue dans le monde de la génération (Epit. 5 et 8) et le « flux
engloutissant du devenir » (Epit. 15 ). Il jouit de dons surnaturels qui n 'apparais
saient pas à l' état de veille, mais se déployaient lorsque son âme s' éloignait du
monde sensible au cours du sommeil (Epit. 13- 14 ). Son physique lui-même révé
lait cette nature divine : « Isidore avait l'aspect d 'un homme sage et âgé, grave
aussi, et ferme de caractère. Son visage était un peu carré, sainte image de
l'Hermès éloquent; quant à ses yeux , comment dire la grâce véritable d ' Aphro
dite qui était en eux et comment faire sentir la souveraine sagesse d'Athéna
qu'ils contenaient ? (...) Pour le dire en un mot, ces yeux-là reflétaient fidèle
ment son âme et non pas elle seule , mais aussi l'influx divin qui l'habitait »
(Epit. 16 ; trad. Henry). Ces qualités surnaturelles n 'avaient pas de répercussion
sur les facultés sensibles ou la mémoire du philosophe qui étaient normales et
nullement exceptionnelles (Epit. 17). Contrairement à trop de philosophes qui
montrent mémoire, habileté dans l'argumentation , sensibilité, mais sont dénués
dans leur âme du vrai savoir, Isidore n 'avait de remarquable que son âme en tant
que telle (Ibid.).
Pour Isidore , l'intelligence n'était pas affaire d' imagination ou d'habileté
dans le maniement des concepts, mais procédait d 'une possession divine « qui
ouvre et purifie doucement les yeux de l'âme et les éclaire de la lumière intelli
gible pour les mener à la contemplation et à la connaissance du vrai et du faux »
(Epit. 32). Autrement dit, sa philosophie n 'était pas tournée vers les choses d 'ici
bas, mais visait « les contemplations les plus vénérables ». (Voir aussi Epit. 239.]
« Après Platon, c'est aux subtilités étonnantes de Jamblique (21 3) qu'il s' inté
ressait » (Epit. 33; trad. Henry). En cela il s'opposait à de nombreux philosophes
qui trouvaient « que Jamblique est inaccessible ou qu'il s'exalte par une grandi
loquence pleine de suffisance plutôt qu 'il ne s'élève vers la vérité des choses »
(Epit. 34 ; trad . Henry ). Il fut un temps attaché à la plus divine philosophie
d 'Aristote (la “ philosophie première ” sans doute ) - que lui enseigna Marinus
(Epit. 42 ) -, puis, « voyant que celle -ci s'appuyait sur la contrainte de la logique
plutôt que sur l'esprit proprement dit, et qu'elle s'efforçait d 'être assez pratique
1 31 ISIDORE D 'ALEXANDRIE 877
sans trop se donner comme objectifs le divin ou l'intelligence, Isidore fit assez
peu de cas d'elle aussi », et se tourna finalement vers « les mystères de la pensée
platonicienne » (Epit. 35 ; trad. Henry). [Sur la philosophie d'Aristote , voir
encore le jugement d'Isidore sur Dorus l’Arabe (BD 221), fr. 338.) Les philo
sophes susceptibles de conduire à cette sagesse transcendante étaient, à ses yeux ,
Pythagore et Platon , qu ’Isidore divinisait, et, parmi les penseurs d' époque
récente , Porphyre, Jamblique, Syrianus et Proclus ( Ibid . et fr. 77). « Il appliquait
son esprit au plus haut point après Platon à Jamblique et aux amis de Jamblique
et aux philosophes qui le suivaient. Parmi eux ilassurait que le meilleur était son
concitoyen Syrianus, le maître de Proclus» (fr. 77). En revanche, toute l'érudi
tion d ’Aristote etde Chrysippe ne permet pas d'atteindre à cette sagesse . « Parmi
les philosophes récents, Hiéroclès (MH 126 ) et ceux qui lui ressemblent, qui
n 'avaient pas de lacune dans leur formation humaine, ont été, dit-il, fort défi
cients sur de nombreux points dans le domaine des divines idées» (Epit. 36 ;
trad. Henry ). C 'est à l'exemple de son “ unique” maître (Héraïscus selon Zintzen ,
Sarapion selon Athanassiadi) qu 'il concentrait ainsi son énergie sur un contact
direct, sans la médiation sensible de statues, avec les dieux invisibles « dans le
secret du mystère absolu » (Epit. 37-38 ; trad. Henry). « Il rejetait l'abondance
des livres » (Epit. 37 ; voir aussi 243) et ne semble pas en avoir produit lui
même. Damascius connaissait cependantdes hymnes d'Isidore dont il appréciait
l'élévation d'esprit sinon la qualité des vers (Epit. 61). C 'est d'ailleurs à
Damascius qu 'Isidore confiait le soin de les corriger (fr. 113).
On a retrouvé des hymnes d 'un certain Isidore,mais ils sont d'une époque plus ancienne.
Voir V .F. Vanderlip , The four Greek hymns of Isidorus and the cult of Isis, coll. « American
Studies in Papyrology » 12 , Toronto 1972, XVI-108 p. 15 pl.
Par ailleurs, il s'intéressait peu à la poésie et à la rhétorique (Epit. 61 et fr.
114). Il se méfiait de la contrainte de la dialectique et préférait purifier les yeux
de l'âme de ses disciples pour qu 'ils distinguent spontanément la vérité (Epit.
43). « Il mettait tous ses soins à la poursuite de la clarté et, laissant à d'autres les
heureux agencements de mots, il s'attachait à mettre les faits en relief et, le plus
souvent, ce n ' étaient pas des phrases qu 'il faisait entendre mais des pensées et
même encore moins des pensées que les essences mêmes des choses qu 'il mettait
en lumière » (Epit. 246 ; trad. Henry ). Cette conception de la philosophie, orien
tée vers la “ théologie” (fr. 124), Isidore l'avait acquise auprès de Proclus à
Athènes : « Il éprouvait de la joie à regarder Proclus (...); il croyait voir vraiment
en lui le visage de la philosophie » (Epit. 248 ; trad. Henry ), tout comme « Pro
clus admirait le visage d'Isidore quiavait un air inspiré et qui resplendissait de la
sagesse qui vivait en lui» (Epit. 249 ; trad .Henry ; voir aussi 80 et fr. 131). « Pro
clus plaçait la théologie devant la philosophie tout entière » (fr. 134 ).
Isidore était un adepte des pratiques chaldaïques et savait imiter les voix des
oiseaux pour établir la communication avec les dieux (fr. * 200 ). En revanche, on
l'entend reprocher à Hégias un enthousiasme excessif pour la théurgie : « Si
c'est, comme tu l'affirmes, Hégias, disait Isidore, une chose divine que la pra
tique de la théurgie, je le dis, moi aussi ; mais il faut que ceux qui seront des
dieux soient d'abord des hommes. C 'est pourquoi Platon disait, lui aussi, que,
878 ISIDORE D 'ALEXANDRIE 131
chez les hommes, il n 'était pas advenu de bien plus grand que la philosophie »
(Epit. 227; trad.Henry ).
RICHARD GOULET.
32 ISIDORE DE GAZA DVI
Un des philosophes qui avaient fui l'empire byzantin après 529 pour chercher
refuge à la cour du roi perse Chosroès (ⓇC 113) en qui ils croyaient voir le roi
philosophe de Platon (Agathias, Hist. II 30, 3 - 31, 4). Les autres philosophes
mentionnés étaient "Damascius le Syrien (2D 3), Simplicius le Cilicien , Eula
mius (ou Eulalius) le Phrygien (ME 112), Priscianus le Lydien , Hermias
(» H 81) et Diogène (MD 143), tous deux de Phénicie. Déçus par la conduite
des Perses, ces philosophes obtinrent de rentrer chez eux en 532, malgré le désir
de Chosroès de se les attacher. Ce dernier obtint toutefois de Justinien qu 'ils ne
soient pas inquiétés pour leur religion (Agathias, Hist. II, 10 , 3 - 31,4 ; voir aussi
Souda, s.v. nPÉOBELS, II 2251). Sur cet exil collectif des philosophes et le
témoignage d 'Agathias , voir Ph. Hoffmann, art. « Damascius» D 3 , DPLA II,
p. 559 -563. Le passage d'Agathias est traduit et commenté dans I. Hadot, Le
problème du néoplatonisme alexandrin : Hiéroclès et Simplicius, coll. « Études
augustiniennes» , Paris 1978 , p. 21-27 ; voir également Ead., « La vie et l'euvre
de Simplicius d 'après des sources grecques et arabes » , dans I. Hadot (édit.),
Simplicius. Sa vie, son æuvre, sa survie, Berlin 1987, p . 7 -9 .
P. Athanassiadi, Damascius, p. 297 n. 348, établit un lien entre cet Isidore et Isidore
d 'Alexandrie (» I 31) : « It is tempting to see a connection between Isidore of Gaza and our
Isidore (celui de la Vie d 'Isidore de Damascius) who may have been responsible for the for
mer 's philosophical conversion during his stay in Gaza in 498 -90 ; in recognition of his debt,
Isidore of Gaza would have assumed the name of his spiritual father either then or later when
he was summoned by Damascius to come and teach as one of the leading minds " from all over
the domain of Hellenism ” (Agathias II.30.3 ).»
Ce nom manque dans la RE et dans PLRE II.
PIERRE MARAVAL .
33 ISIDORE DE PÉLUSE RE 23 350- 360 /435-440
L 'existence même d' Isidore , auteur d'un vaste corpus d ' environ 2000 lettres,
a été mise en doute , mais la récente étude de P. Évieux sur ce personnage
(Isidorede Péluse, coll. « Théologie Historique», 99, Paris 1995) ne permet plus
de soutenir cette thèse . Originaire de Péluse , chrétien , Isidore suit le cycle com
plet de la paideia grecque, à Péluse puis à Alexandrie (un contact avec Hypatie
est possible, mais non certain ), avant de devenir sophiste dans sa ville natale,
puis un temps moine à Nitrie ; il est ensuite clerc de l'Église de Péluse, avant de
revenir à la vie monastique dans les environs de cette ville. L 'ensemble de sa
correspondance date de la dernière époque de sa vie ; c'est parmi elle qu'il faut
chercher les « traités» d'Isidore Contre les Grecs et Sur la non -existence du
destin (637 et 1053).
Isidore n 'est pas un philosophe au sens strict, bien que la Souda le désigne
sous ce titre, mais il a une réelle culture philosophique. Platon , le « chef des phi
I 34 ISIDORE DE SÉVILLE 879

losophes» (Ep. 1322 et 1355), occupe une grande place : il cite son nom , ses
æuvres ou ses idées dans 70 lettres. Il utilise aussi l'Éthique à Nicomaque, mais
le plus souvent ses connaissances reposent sur les doxographies ou les manuels
d 'école néoplatoniciens. Très critique vis-à-vis des procédés de la rhétorique
lorsque celle-ci n 'est que recherche de la forme, ou lorsque son art de la persua
sion fait violence à la vérité , il l'accepte si elle est convertie au service de la
vérité chrétienne. C 'est de lamêmefaçon qu'il utilise la philosophie païenne: les
philosophes ont souvent prôné la vertu ( Ep. 861), émis de justes hypothèses sur
l'au -delà et le jugement (837, 954, 1213), sur l'âme et son immortalité (756 ,
1791). Ainsi la sagesse divine et la sagesse humaine des philosophes se mêlent
pour ne former qu'un même breuvage (503).
PIERRE MARAVAL .

34 ISIDORE DE SÉVILLE (Hispalis) RE 27 560 ?-636


Évêque de Séville .
Bio -bibliographie . On eût bien étonné Isidore de Séville en lui prédisant
qu'il figurerait un jour dans un who 's who des philosophes antiques. Car cet
évêque n 'écrivit aucune cuvre proprement philosophique. Probablement né dans
les années 560, il a dû venir au monde dans la décennie où la disparition de
l'empereur Justinien marque pour nous le terme de l'« Antiquité tardive » occi
dentale : voir p. ex . 1 R .Martin , « Qu'est-ce que l'Antiquité tardive ? Réflexions
sur un problème de périodisation », dans Aiôn (= Caesarodunum X bis) 1976 ,
p . 261-304 . Et pourtant, cet évêque a encore possédé, assimilé , exposé une cer
taine connaissance des philosophies antiques; on en trouve une bonne part étu
diée et mise en ordre dans 2 J. Fontaine, Isidore de Séville et la culture classique
dans l'Espagne wisigothique (1959 ), 2e éd . en 3 volumes, Paris 1983 : voir sur
tout la cinquième partie, consacrée aux « Vestiges de la philosophie antique >>
dans les æuvres du Sévillan , p. 593-734. A complétermaintenant par les travaux,
souvent très neufs, de B . Ribémont sur la genèse et l'évolution des genres ency
clopédiques dans l'Occidentmédiéval latin (vaste travail d'habilitation , soutenu
avec succès en novembre 1995 : les 200 pages de la seconde partie apportent
bien des vues personnelles sur « Isidore de Séville, le fondateur de l'encyclopé
dismemédiéval» ; en particulier les quelque 100 pages du chap. 2 sur l'encyclo
pédisme isidorien , la philosophie et les sciences). 3 J. Fontaine, Isidore de
Séville. Genèse et originalité de la culture hispanique au temps des Wisigots,
Turnhout (à paraître ).
Non seulement, dans le sillage d 'Ambroise et d'Augustin , qui sontavec Gré
goire le Grand ses auteurs patristiques majeurs, il y a aussi chez Isidore (comme
l'a dit G .Madec, art. « Augustin » A 508, DPha I, 1989, p.671) des « aspects
philosophiques dans les œuvres du pasteur d'âmes » . Mais Isidore a plus ou
moins explicitement consacré nombre de pages, dans son encyclopédie des Éty
mologies, à des doctrines philosophiques, en matière de logique et de dialecti
que, sur la nature et l'homme, la morale et les devoirs, – y compris un abrégé
d'histoire de la philosophie . Et surtout, la visée et lesméthodes de cette encyclo
880 ISIDORE DE SÉVILLE I 34
pédie ne sont pas sans affinités avec certaines réflexions des philosophes anti
ques sur le langage, et sur son rôle en toute connaissance.
Ces réflexions lui sont généralement parvenues à travers le double écran de la
tradition scolaire et encyclopédique antique, mais aussi des grands écrivains
chrétiens latins, surtout du IVe siècle (il ne sait plus le grec ). A l'articulation
chronologique entre l'Antiquité et le hautMoyen Age, sa situation historique
explique la riche ambiguïté de sa position intellectuelle entre « culture païenne et
culture chrétienne » (Fontaine 2, p. 785-806 ), et la difficulté que l'on éprouve à
discerner si sa culture est « antique ou médiévale » (Fontaine 2, p. 807 -830 ).
Dans cette génération pour ainsi dire à cheval sur les vie et viie siècles, 4 M .
Banniard, Le haut Moyen Age occidental, coll. Que sais -je ?, nº 1807 , Paris
1980 , p. 113,a pu juger « plutôt antiques» Fortunat et Isidore, tandis qu'il disait
« plutôt médiévaux » Grégoire de Tours et même Grégoire le Grand - l'ami
intimede Léandre de Séville, moine et évêque, frère aîné d'Isidore, et son prédé
cesseur sur la chaire épiscopale de Séville .
A l' envisager « sub specie philosophiae antiquae » , la biographie d' Isidore
apparaît encore plus obscure et incertaine. Partir de son « curriculum » sobre et
prudent par 5 L .A . García Moreno, Prosopografía del reino visigodo de Toledo,
Universidad de Salamanca 1974, p. 91- 94 sur Leander et Isidorus. Comme son
frère aîné Léandre, Isidore est « né d 'un père (appelé ) Sévérien , appartenant à la
province de Carthagène» (Isid., uir. ill. 28 ), et d 'unemère peut-être nommée
Turtura , tous deux « personnes déplacées» de Carthagène à Séville (voir 6 J.
Fontaine et P . Cazier, « Qui a chassé de Carthaginoise Sévérien et les siens ?
Observations sur l'histoire familiale d 'Isidore de Séville » , dans Estudios en
homenaje a Claudio Sánchez Albornoz, Buenos Aires 1983, p. 349 -400 (réimpri
mé dans 7 J. Fontaine, Tradition et actualité chez Isidore de Séville, coll. « Col
lected studies series » 281, London 1988, nº I). Il était probablement issu d'une
famille de grands propriétaires hispano -romains, et appartenait donc à l'élite
sociale de la Carthaginoise et de la Bétique.
Cette famille a dû s'exiler, ou être expulsée , de la première de ces provinces
dans la seconde (au temps de l'enfance d'Isidore ? mais il a pu naître ensuite en
Bétique) : très vraisemblablementau cours ou à la suite des grands bouleverse
ments provoqués dans toutes ces régions par la tentative byzantine de reconqué
rir l'Espagne du Levant et du Sud, à partir du milieu du vie siècle . Qui a été
responsable de ce « déplacement» de la famille d 'Isidore ? Nous avions plaidé
(sup . 6 ) pour la responsabilité des Visigots ,mais il semble plus probable de pen
ser à celle des Byzantins (cf. p . ex. 8 M . Vallejo Girvés, Bizancio y la España
tardoantigua ..., Univ . de Alcalá de Henares 1993, p .437 ). En fait, on ne doit
plus réduire le problème des motivations de ce « déplacement » à une telle alter
native. Car plus important est l'accent que l'historiographie actuelle met sur
l'attentisme, envers les Visigots comme envers les Byzantins, des élites hispano
romaines du Sud : elles craignaient d'abord de voir frustrée une tendance à l'au
tonomie que le déclin et la chute de l'Empire avaient contribué à renforcer. Les
origines sociales d ' Isidore et son souci de maintenir la culture latine en même
I 34 ISIDORE DE SÉVILLE 881
temps que la foi catholique romaine, face aux Orientaux comme aux Visigots –
les uns et les autres considérés comme des hérétiques par les nicéens occiden
taux, au moins jusqu' en 589 pour les Visigots ariens – s'inscrivent dans cette
conjoncture historique et géographique complexe de l'Espagne du sud et du sud
est dans la seconde moitié du VIe siècle.
Léandre a pris un soin particulier de l'éducation de ses frères et sæur, Ful
gence, Florentine et le benjamin Isidore , devenus très tôtorphelins. La formation
d 'Isidore ne nous est connue que très indirectement : soit qu 'on l'induise des
inscriptions en vers de la bibliothèque sévillane qui nous ont été conservées (ed.
Beeson 1911 = PL 83, 1107), soit qu 'on la déduise du bilan des sources antiques
et chrétiennes de sa culture classique (Fontaine 2 passim ). La langue et le style
des rares æuvres de Léandre conservées (voir par exemple 9 J. Fontaine, « La
homilía de San Leandro ante el Concilio III de Toledo : temática y forma» , dans
Concilio III de Toledo, XIV Centenario 589 -1989, Toledo 1991, p. 249-270)
gageaient déjà le haut niveau de culture de ce frère aîné, qui joua un rôle certai
nement décisif dans l'éducation de son plus jeune frère. C 'est à ses côtés qu 'à
peine adulte , Isidore put assister à la conversion au catholicisme du roiRecca
rède, puis de tous les Visigots d'Espagne - jusqu'alors ariens.Cette conversion,
dont Léandre avait été le principal artisan , fut scellée et célébrée par lui au cours
du lile Concile national de Tolède, en 589. Dans le royaume unifié sous le double
pouvoir des rois visigots de Tolède et d'une hiérarchie catholique encore recru
tée, à ce moment, parmi les seuls Hispanoromains, Isidore a poursuivi l'æuvre à
la fois politique et religieuse de son frère ; mais il a mis personnellement l'accent
sur une reconstruction intellectuelle et morale , religieuse et institutionnelle , de
l'Église et de la culture , comme en témoignent l'ampleur et la diversité de ses
ouvrages. Amiet parfois mentor d ’un prince visigot lettré comme le roi Sisebut,
c'est pour répondre à une demande expresse de celui-ci qu'il met en chantier sa
vaste encyclopédie des Étymologies (voir Isid ., Epist. 2 , « Domino et filio Sise
buto » ).
Son idéal politique d 'un partage du pouvoir entre princes et évêques, nobles
se gothique et élites hispano-romaines, a inspiré les canons du Ive Concile de
Tolède qu 'il présida en 633 (et que des historiens appellent aujourd 'hui le
« concile constitutionnel» ), trois ans avant sa mort le 4 avril 636 - qui demeure
le jour de sa fête dans le calendrier liturgique romain .
L ’édition des æuvres d' Isidore publiée par Faustino Arévalo en 1803 reste
actuellement la seule où l'on trouve commodément réunie , en particulier dans sa
réédition par Migne, PL 81 à 83, la totalité des æuvres d ' Isidore ; mais son texte
est encore assis sur une base manuscrite insuffisante, et souvent récrit en un latin
plus classique que ne fut en réalité celui de l'auteur, tributaire de ses sources
patristiques, et déjà contaminé par l'évolution du latin « préroman » dont témoi
gnent les « ardoises visigotiques» inscrites (bon nombre sont contemporaines
d 'Isidore ).
Des éditions critiques modernes ont commencé d'être publiées il y a un
siècle: celles de la Chronique et de l'Histoire des Goths dans les MGH , AA 11
882 ISIDORE DE SÉVILLE I 34
en 1894 , par Mommsen, des Étymologies en 1911 par Lindsay, des 27 Carmina
en 1913 par Beeson. Il faut ensuite attendre la seconde partie du XXe siècle, et
une meilleure connaissance de la littérature patristique et des traits originaux du
« latin tardif » – en particulier celui d'Espagne -, pour que paraissent les éditions
du Traité de la nature par J. Fontaine en 1961 (contenant la première étude
approfondie de la langue d' Isidore), du Traité des hommes illustres par C .
Codoñer en 1964, du traité De l'origine des offices ecclésiastiques par C .
Lawson en 1989 (CCSL 113). D 'autres éditionscritiques annotées ontparu dans
la collection des Auteurs latins du Moyen Age (ALMA, Paris, Les Belles
Lettres) : Sur la naissance et le décès des Pères en 1985 par C . Chaparro , les
Différences, livre I, en 1992 par C . Codoñer, enfin livre par livre les Étymo
logies: livres XVII en 1981 par J. André ; II en 1983 par P .K .Marshall ; IX en
1984 par M . Reydellet; XII en 1986 par J. André ; XIX en 1995 par M . Rodrí
guez Pantoja Marquez ; sous presse, XIII par G . Gasparotto , XX par A . Baloira ,
XI par F. Gasti et XVIII par J. Canto Llorca.La liste détaillée des éditions dispo
nibles, précise et presque à jour (avec la distinction entre ouvrages authentiques
d'Isidore, et apocryphes pseudo-isidoriens), se trouve aujourd'hui dans 10 H .J.
Frede, Kirchenschriftsteller, Verzeichnis und Sigel..., 4te, aktualisierte Auflage,
Freiburg 1995, p. 574-583, et 11 CPL’, 1186 -1229.
Le renouveau des études isidoriennes aurait pu commencer plus tôt, après la
publication du recueil collectif des 12 Miscellanea Isidoriana , Roma 1936 , si ce
XIIIe centenaire de la mort d' Isidore (636 - 1936 ) n 'avait tragiquement coïncidé
avec l'éclatement de la guerre civile espagnole . La paix revenue en Europe, la
reprise de ces études est marquée par la réunion , en 1960 – anniversaire possible
et symbolique de la naissance d ’Isidore en 560 ( ?) – du colloque international
isidorien de León ; ses Actes sont publiés sous le titre 13 Isidoriana, León 1961.
Jocelyn Hillgarth y donne sa première bibliographie : 14 The position of Isido
rian Studies, A critical study of the Literature since 1935 , dans 13, p. 11-71 ; une
seconde 15, sur les travaux de la période 1951- 1975, paraît dans les StudiMedie
vali 24, 1983, p. 817-905. On complétera ces instruments spécialisés par les
bibliographies incluses dans notre thèse de 1959 (Fontaine 2), puis dans son
supplément, publié sous la forme d'un tome III de la seconde édition en 1983.
Voir aussi, maintenant, la chronique quinquennale sur l'Hispanie chrétienne et
visigotique qui paraît depuis 1975 dans la Revue des Études Anciennes ; les qua
tre premières ont été réunies en un volume: 16 Histoire et archéologie de la
péninsule ibérique : vingt années de recherches (1968 -1987), Paris 1993. La
chronique des années 1988- 1992 a paru dans la REA 97, 1995, p. 385-443.
Les affinités philosophiques des euvres d 'Isidore. Il convient donc de
situer les auvres de l' évêque de Séville dans les perspectives de restauration
d'une Espagne à la fois ancienne et nouvelle , fidèle aux traditions romaines et
chrétiennes de la culture tardive occidentale, mais d'une culture actualisée, adap
tée aux capacités et aux besoins de la nouvelle société hispano -visigotique (voir
Fontaine 2 , p. 863 sq. : « la Renaissance isidorienne » ). Ainsi seulement pourra -t
on percevoir trois traits singuliers de ces æuvres: leur intention de susciter un
I 34 ISIDORE DE SÉVILLE 883

renouveau intellectuel et pour ainsi dire de réaliser un « pèlerinage aux sources» ;


leur visée sociale et politique, en et pour un royaume récemment unifié dans sa
religion et son Église, sa monarchie et sa nouvelle capitale centrale de Tolède,
son territoire péninsulaire (que les Byzantins achèvent d'évacuer en 621); enfin
leur surprenant et durable succès ultérieur, dans la civilisation carolingienne et
l'Europemédiévale : elles ont puissamment contribué à en forger la mentalité, et
d'abord les outils intellectuels, en particulier encyclopédiques (voir B . Ribémont,
travaux annoncés supra).
On regroupera ici ces æuvres en quatre groupes, d'autant plus librement que
leur chronologie est encore incertaine: elle n 'a guère progressé depuis la tenta
tive de 17 J. A . de Aldama, « Indicaciones sobre la cronología de las obras de S .
Isidoro » , dans Miscellanea Isidoriana 12, p. 57-89 (étude fondamentale ,mais
encore loin d 'être définitive). On tentera de présenter ici cesæuvres en marquant
leurs affinités avec des formes anciennes de la culture, sinon mêmedes philoso
phies antiques.
a) La série « grammaticale » comporte trois titres transparents à la tradition
culturelle romaine dans laquelle ils s'insèrent. Jusque dans leurs titres, Différen
ces, Synonymes, Étymologies se rattachent respectivement à : un genre littéraire
technique de la grammaire ancienne; un exercice de la pédagogie rhétorique
destiné à enrichir le vocabulaire du futur orateur en pratiquant la uersio d 'un
texte (de latin en latin ) par la synonymie ; enfin un principe philosophique d'or
ganisation de tous les savoirs , appliqué par les encyclopédistes romains depuis
Varron . Ce ne sont encore là que les premières bases d'une formation de l'esprit
et de l'expression orale et écrite. Mais leur cohérence tient à une visée unitaire
sous l'égide de la grammaire , conçue implicitement, selon la formule heureuse –
même si elle date aujourd 'hui quelque peu – d 'E . Elorduy (Miscellanea Isido
riana 12, p . 293 sq.), comme une « science totalitaire». Cette didactique suppose
certaine croyance en la vertu cognitive des mots , et dans leur emprise sur les
réalités qu 'ils désignent: par les uerba et leur origo vers les res, une telle démar
che est bien orientée, par la science vers la sagesse ; elle est, comme telle, d 'affi
nités encore et déjà philosophiques.
b ) C 'est une formation proprement religieuse , symétrique et complémen
taire de la précédente , que vise une série demanuels destinés à être des sortes de
companions to biblical studies pour moines et clercs du royaume visigotique.
Mais là aussi, les résonances des titres n 'annoncent pas exclusivement une doc
trina christiana. De fait, dans l'arithmologie symbolique du Liber numerorum , à
l'héritage numérologique antique est juxtaposée une symbolique des nombres
« qui se rencontrent dans l'Écriture» (ainsi se termine le titre de l'opuscule ). Le
titre hellénisantdes Préludes (prooemia) aux différents livres de la Bible renvoie
à la paideia hellénistique, à travers l'ascendance des emplois rhétoriques et poé
tiques de ce mot. Celui des Allégories se réfère à l'emploi exégétique du mot par
saint Paul,mais sans qu 'on puisse oublier sa longue utilisation dans l'exégèse
philosophique des mythes d'Homère (voir p. ex. l'art. « Allegorese » du RAC I,
1950 , col. 283 sq.). Le traité De la naissance et du décès des Pères offre une
884 ISIDOREDE SÉVILLE I 34
série de notices biographiquesminiaturisées sur des personnages bibliques, héri
tant ainsi, encore , des origines sophistiques du genre de la biographie (voir p . ex .
ibid ., col. 386 ). Enfin , les Expositions, ou Questions sur divers livres de l'Écri
ture, évoquent, au -delà d 'Augustin , le genre philosophique antique des Zètè
mata . Ainsi, à travers la culture chrétienne, subsiste plus que la trace formelle
d'une culture philosophique : une trame de catégories de pensée d'où n 'est pas
absente une sorte de reflet lointain d'un héritage philosophique de l'Antiquité.
Sur cet ensemble demanuels, voir 18 J. Fontaine, « Grammaire sacrée et gram
maire profane : Isidore de Séville devant l'exégèse biblique » , dans Los Visi
godos. Historia y civilización , coll. « Antiguedad y cristianismo » 3, Universidad
de Murcia 1986 , p. 311- 329, et aussi 19 Id ., « Isidore de Séville pédagogue et
théoricien de l'exégèse » , dans Stimuli. Exegese und ihre Hermeneutik in Antike
und Christentum , Festschrift für E . Dassmann,Münster 1996 , p . 423 -434.
c) Au service de cette Église qu’Augustin avait appelée la ciuitas Dei pere
grinans, Isidore pratique plus explicitement un pèlerinage aux sources, en s'ef
forçant de restaurer une nouvelle culture chrétienne par un retour aux ori
gines. Cette reformatio (on emploie ici à dessein ce mot en son sens carolingien )
concerne au premier chef les fonctions et les devoirs de ses membres. Le traité
traditionnellementappelé De ecclesiasticis officiis n 'est pas un simple remanie
ment du traité d' Ambroise - qui lui-mêmene remontait point par son seul titre
au De officiis de Cicéron . Le titre authentique de ce traité d'Isidore , retrouvé
dans ses manuscrits par Chr. Lawson , était : De origine officiorum . Il exprimait
ainsi, d'emblée, l'intention déclarée d 'un retour à la pureté des origines, et
comme la variante chrétienne de cette reformatio in melius qui avait déjà été un
mot d'ordre de l'Antiquité tardive. C 'est avec la même intention qu ’Isidore
rédige une nouvelle Règle monastique, tandis que les traditions des débats doctri
naux entre les écoles philosophiques de l'Antiquité se perpétuent dans les
contestations judéo -chrétiennes, de Tertullien au traité d'Isidore De fide catho
lica contra ludaeos. Il n 'est pas jusqu'au genre des collections de Sentences des
philosophes (du type des Sententiae Sexti) qui ne se perpétue dans le titre, la
forme, le contenu des trois livres des Sentences ; ils apparaissent comme le testa
ment dogmatique (I), spirituel (II) et moral (III) d'Isidore (ce livre III offre une
morale « en situation » de divers états de vie , qui poursuit une tradition antique
précise – on pourrait même dire stoïcienne, en pensant aux Lettres à Lucilius de
Sénèque ). C 'est probablement sa dernière æuvre, sensiblement contemporaine
du IVe Concile de Tolède (633).
d) On peut enfin regrouper dans une commune perspective historique, avec le
traité Des hommes illustres (titre et genre d'abord passés de Suétone à Jérôme,
puis à Gennade), trois ouvrages qui font explicitement référence à la recherche
des origines : auprès du De origine officiorum , l'« Histoire des Visigots » (ainsi
appelée depuis ses premiers éditeurs) avait pour titre ancien De origine Gotho
rum ; enfin le dessein des Étymologies est explicité par Isidore lui-même, dans sa
lettre de dédicace au roi Sisebut, commecelui d'un traité « de origine quarundam
rerum » . Toutes les æuvres d' Isidore convergent ainsi vers cette restauration des
1 34 ISIDORE DE SÉVILLE 885

origines, celles des mots comme celles des choses, dans l'Église catholique aussi
bien que dans le royaume visigot, dans sa culture et dans sa langue.
Cet idéal s'inspire encore de la conviction antique que l'effort de la raison est
capable de réparer l'entropie du temps, et d 'atteindre une authenticité première
que ce temps avait comme effacée, dans la nature et la civilisation aussi bien que
dans l'évolution des mots et du langage. Dans son contenu comme dans son
dynamisme, ce mouvement de restauration fait doublement appel à la philoso
phie (autant qu 'à l'exégèse et à la théologie ). D 'une part, la philosophie est pour
ainsi dire au cœur de l'héritage à restaurer: les Étymologies contiennent des
vestiges importants de doctrines philosophiques, en particulier – sous le chef de
l'art dialectique – dans le chapitre II 24 « De definitione philosophiae ». Mais ,
d'autre part, l'idéal de la recherche de l'origo plonge ses racines dans des
doctrines philosophiques précises sur la valeur du langage, et non pas seulement
dans des idées tirées de la Bible , telles que la valeur primordiale de la Création
divine des res et l'imposition des uerba aux res par l'hommecréé. cc .
Les « membres dispersés» de la philosophie. D 'une manière que nous
dirions plus « dialectique » (au sens actuel de ce mot) que contradictoire, Isidore
reflète une double tradition chrétienne : défiance et hostilité envers les philo
sophes, mais aussi ouverture à la philosophie , dont Augustin fut pour lui le prin
cipal garant et médiateur - en particulier pour la philosophie de Varron . Etle fait
de « décadrer » de leur contexte patristique un certain nombre d ' emprunts des
écrivains du IVe siècle à des philosophes romains classiques leur restitue para
doxalement la fraîcheur immédiate de leur valeur originelle ; une sorte d 'antho
logie doxographique constelle ainsi de souvenirs précis de la philosophie antique
ces 20 livres des Étymologies, dont le projet encyclopédique est encore si
romain, si proche de la tradition varronienne médiatisée par Augustin et Cassio
dore .
La sédimentation scolaire de la paideia hellénistique, de la pensée romaine
classique, de leur remploi par le « bon usage » qu 'en avaient fait tour à tour
Ambroise, Augustin , et même parfois Jérôme, se manifeste dès les définitions
isidoriennes de la philosophie . Elles ont été directement transcrites de Cassio
dore, dans le chapitre d ' Etym . II 24 intitulé « Définition de la philosophie » (voir
Fontaine 2, p . 604 sq., et 20 P. Courcelle, Les lettres grecques..., Paris 1948,
p . 324 sq., qui montre leur emprunt dernier à Ammonius d 'Alexandrie
[2A 141]). On trouve aussi dans ce chapitre la tripartition ancienne de la philo
sophie en physique, éthique, logique, dont Isidore (qui les cite le plus souvent
dans cet ordre) attribue un peu simplement l'invention respective à Thalès ,
Socrate et Platon (Etym . II 24 , 4 -5 , à la suite de la Cité de Dieu VIII 2 sq.).
L ' érudition doxographique conflue avec celle des commentaires chrétiens sur
la Genèse, pour définir et exposer la « physique » isidorienne. Cette philosophie
de la nature ne se borne pas à neutraliser l'atomisme épicurien et à autoriser la
doctrine stoïcienne des éléments. Elle n 'est pas seulement répartie entre les
livres XI et XIII des Étymologies, sur l'homme et le monde. Le nom et le
contenu antiques des « traités de la nature » et l'allégorisation exégétique chré
886 ISIDORE DE SÉVILLE I 34
tienne de l'univers et de ses parties se juxtaposent dans le traité isidorien De
natura rerum (titre inverse - intentionnellement ? – de celui du poème de
Lucrèce, poète pourtant fort cité dans les Étymologies), alors que le contenu de
l'astronomie , dans le quadruuium qui occupe le livre III de l'encyclopédie , est ,
lui, strictement antique.
Mais deux textes relient cet ensemble aux traditions bibliques et philoso
phiques. La connaissance de la nature à travers les arts de la paideia hellé
nistique est justifiée comme un don divin par une parole (qu ’ Isidore croit de
Salomon ) dans le Livre de la Sagesse 7 , 17 (en tête du De natura rerum ). Mais la
conclusion du quadruuium (Etym . III 71, 41) - et donc de son astronomie – récrit
de manière originale un emprunt à Cassiodore : « Cette série des sept disciplines
profanes a été élevée jusqu'aux astres par les philosophes, à seule fin de dégager
des réalités terrestres les esprits embarrassés dans la sagesse profane, et de les
fixer dans la contemplation d 'En -haut» . La suite des sept « arts» serait ainsi
ordonnée en une progression contemplative qui élève l'esprit de la terre au ciel.
Voir 21 J. Fontaine, « Une relecture isidorienne de Cassiodore : la conclusion des
sept arts dans les Institutions et les Étymologies» , dans Polyanthema (Mélanges
S . Costanza = Studi tardo antichi 7 ),Messina 1989, p . 95 -109 .
Cette visée contemplative, qui oriente et spiritualise la connaissance des artes
libero dignae, n 'empêche pas Isidore de se soucier aussi des préceptes d'une
morale pratique fondée sur la raison. La philosophie reste pour lui (Etym . III 24,
1 et VIII 6 , 1) « une connaissance des choses divines et humaines, associée au
zèle pour une bonne conduite » (studium bene uiuendi). Sur les traces des
anciens, les définitions de sa psychologie sont liées, à la fois, à la spiritualité
chrétienne, mais aussi à une éthique élémentaire où se perpétuent des traditions
stoïciennes vulgarisées – et dès longtemps christianisées : telle la doctrine des
quatre vertus, dont il attribue la paternité à Socrate (Etym . II 24 , 6 ), et qu 'avait
résumée , à la génération précédente, l'évêque Martin de Braga dans sa Formula
uitae honestae.Mais on retiendra surtout la fin des Synonyma, un ouvrage dont
pourtant l'inspiration est quasi totalement biblique et chrétienne. Cette fin du
livre II adresse en effet à la raison l'éloge quasi hymnique de la philosophie que
Cicéron avait placé au début de sa cinquième Tusculane (Syn. II 102 = Tusc. V
2, 5 ; commentaire en Fontaine 2, p. 703 sq.).
La philosophie « logique » est exposée par Isidore dans le cadre de la rhéto
rique, qui en tire les procédés de son argumentation (ibid ., 255-276 ). Une partie
de ces pages est empruntée aux Institutions de Cassiodore ; y figurent encore des
emprunts aux Catégories d'Aristote , aux topiques de la tradition scolaire latine, à
l’ Isagoge de Porphyre, à la doctrine deMarius Victorinus sur les syllogismes. En
dépit des critiques acides de Tertullien contre la dialectique (voir Fontaine 2,
p .616 sq.), Isidore garde pour cette réduction scolaire de l'antique dialectique
platonicienne, puis aristotélicienne, la même estime positive que son maître
Augustin . Elle reste pour lui une discipline propre à former l'esprit, et une
méthode de découverte du vrai. En cela, il demeure fidèle à la tradition philoso
phique grecque (mais non point tempérée comme chez Cicéron, quine voyait en
I 34 ISIDORE DE SÉVILLE 887
elle qu ’un instrument au service de la démonstration oratoire - c'est-à-dire du
vraisemblable ).
La philosophie reparaît dans une présentation plus réticente, au cours du livre
VIII consacré à l'Église et aux « sectes» (haereses). Les sages de l'Antiquité y
comparaissent donc, à la suite des hérétiques juifs et chrétiens, dans une histoire
simplifiée des « philosophes païens» (Etym . VIII 6 « De philosophis pagano
rum » ). Des présocratiques aux platoniciens, Isidore expose l'étymologie des
appellations de leurs sectes, « dont les noms sont tirés de leurs fondateurs (aucto
res)» , ou « des emplacements de leurs communautés (conuenticuli) et des lieux
où ils se tenaient (stationes)» ( ibid ., VIII 6 , 6 : emprunt à Tertullien , Apol. 3, 6 ) ,
sans oublier les gymnosophistes et les « théologiens » . Enfin , une doxographie en
miniature regroupe, de Thalès et Pythagore à Cicéron et Varron , les idées de dif
férents philosophes et écoles sur Dieu, puis sur le monde. Elle s'achève par une
reprise de l'idée de Tertullien sur « les philosophes patriarches des hérétiques»
(Adu. Herm . 8, 2 ), dans l'affirmation insistante d' Etym . VIII 6 , 21 : « Les erreurs
des philosophes ont induit également des hérésies jusqu'à l'intérieur de l'Égli
se » . Tant il est vrai que, par une sorte de choc en retour de la signification chré
tienne du mot, le sens défavorable du mot haeresis a entaché d'une suspicion
implicite l'emploi qui en est fait ici pour désigner les « sectes» des philosophes
antiques.Mais on remarque l'absence de mention , en ce chapitre, de tout repré
sentant, grec ou latin , des philosophes de l'Antiquité tardive,même des philo
sophes chrétiens qu 'Isidore a certainement lus et utilisés (comme Lactance ou
Marius Victorinus)
Fondements philosophiques de l' encyclopédie isidorienne. Le projet et la
méthode des Étymologies ne sont pas réductibles à une sorte de cancérisation des
savoirs antiques par la grammaire. Dès l'abord , la « commande » royale de
l’æuvre à l' évêque de Séville, dans les années615 , invite à ne pas en réduire
l'horizon à celui d'un projet étroitement pédagogique, enfermé dans les bornes
d'une mythique « école de Séville » – du moins au sens scolaire du mot. La part
de Varron , parmi les auctores lointains de cette encyclopédie , décèle à la fois
son ambition linguistique et politique, et donc philosophique à ces deux titres.
Car il faut comprendre et juger cette entreprise en référence au double propos de
la philosophie : l'auteur des Étymologies, lui aussi,« s'attache à connaître le sens,
la nature et les causes des choses divines et humaines» , comme celui des Sen
tences s'attachera à faire « retenir et mettre en pratique toutes les règles du bien
vivre » (omnem bene uiuendi rationem ). Il paraît d'autant plus indiqué d'appli
quer ainsi à Isidore la définition classique du philosophe remontant à Cicéron
(De oratore I 212), dont les Étymologies II 24 , 1 commencent par reprendre la
formule .
Grâce à Augustin , et en particulier à la Cité de Dieu , Isidore s'est fait encore
une idée assez précise de Varron , de son savoir, de sa pensée. Il n'en cite pas
moins de 23 fragments, appartenant à ses ouvrages les plus divers : voir 22 J.
Fontaine, Isidorus Varro christianus ?, dans Bivium (Mélanges M .C . Díaz y
Díaz), Madrid 1983, p . 89- 106 (= Fontaine 6 , n° III). Mais il faut aussi rappeler
888 ISIDORE DE SÉVILLE I 34
qu 'au livre VI des Étymologies « Sur les livres et offices ecclésiastiques» , Var
ron occupe une place de choix dans la filière où Isidore lui-même prend place à
son tour: celle des polygraphes, qui ont tenté de saisir et exposer la totalité des
connaissances. La polygraphie est donc liée au projet encyclopédique, qui fut
aristotélicien avant d' être au cœur de l'enkyklios paideia hellénistique (si divers
qu 'apparaissent aujourd'hui les sens de cette expression ). Après les sept arts (I
III), la médecine et le droit (IV - V ) , les « choses divines» occupent dans l' ency
clopédie isidorienne les livres VI à VIII, avant les « choses humaines » : la pré
sentation de celles-ci part des langues et des groupes sociaux (IX ); elle passe par
la nature humaine et animale (XI-XII), le cosmos et la géographie (XIII-XV ) ,
cités et champs (XV), pierres et métaux (XVI); elle s'achève enfin dans les acti
vités collectives (agricoles en XVII,militaires, civiques, ludiques en XVIII) et ce
que nous appelons la culture matérielle (XIX et XX ). Telle est d'abord l'« héré
dité » antique de l'encyclopédie isidorienne, hérédité inscrite dans la répartition
et l'ordre de ses livres tout autant que dans les chapitres techniques du livre VI
consacrés aux bibliothèques, aux livres, aux polygraphes. Les modalités et la
mesure du rattachement (direct ou indirect) d'une partie de cettematière (surtout
dans la seconde moitié) aux Prata disparus (et à d 'autres ouvrages perdus) de
Suétone sont encore loin d ' être claires.
L'originalité de la méthode repose sur les quatre catégoriesde l' entendement
isidorien (différence, étymologie, analogie et glose ), et surtout sur la seconde : de
sorte que l'on peut parler d 'une « méthode étymologique » destinée à la fois à
établir et transmettre tous les savoirs. Ces catégories grammaticales sont logi
quement définies d'abord comme telles, dans le cadre du livre I consacré à la
grammaire ; mais la suite de l'ouvrage montre qu 'au -delà de la classe du gram
maticus antique, il s'agit bien d'une grammaire de l'entendement, applicable à
tout objet de science. Aussi le chapitre I 29 De etymologia mérite -t-il d 'être
minutieusement analysé, si l'on veut comprendre que l'etymologia est une
démarche de l'esprit dont la portée est philosophique (voir 23 J. Fontaine ,
« Cohérence et originalité de l' étymologie isidorienne» , dans Mélanges E.
Elorduy, Bilbao 1978, p. 113- 144 = Fontaine 7, nº X ). Le dynamisme de cette
opération cognitive apparaît dans le vocabulaire de la définition initiale : « L ' éty
mologie est l'origine des vocables, quand on saisit la valeur essentielle d'un
mot... par l'intermédiaire d 'une interprétation ». Il y va donc de la valeur des
mots, dans le sillage lointain du Cratyle de Platon , à la problématique duquel fait
encore clairement écho le § 3 : « Certaines réalités n 'ont pas été appelées
conformément à leur qualité innée, mais selon l'arbitraire de la volonté humai
ne». Dans la première catégorie , lesmots sont donc susceptibles de révéler les
choses. Et parmi les nombreuses filières dontpeutse réclamer la pratique étymo
logique d'Isidore, il en est de proprement stoïciennes, voire varroniennes (celles
du « quatrième degré » de l' étymologie – sur la valeur de révélation duquel
l'accord des spécialistes modernes de Varron ne s'est point encore fait).
Il faudrait souligner les affinités philosophiques de la notion isidorienne
d 'origine, en rappelant que l'étymologiste a pu connaître les titres des livres de
I 34 ISIDORE DE SÉVILLE 889
Varron De origine linguae latinae et De originibus scaenicis. Il conviendrait
même de réfléchir sur les analogies perceptibles entre les situations historiques
dans lesquelles Varron et Isidore se sont sentis respectivement appelés à une
reconstruction intellectuelle etmorale de leur temps sous une monarchie nou
velle : celle d'Auguste après un siècle de guerres civiles à Rome, celle de Sisebut
au terme de plus d 'un siècle de désordres divers et de destructions dans l'Espa
gne romaine. Dans les deux cas, il s'agissait de renouer une tradition romaine
rompue, d 'actualiser unemémoire, de raffermir une langue. C 'est en ce sens que
les Antiquités divines et humaines de Varron mais aussi son De origine linguae
latinae ont assumé des fonctions auxquelles il n 'est pas hors de propos de com
parer celles qu ’Isidore – Varro christianus – a confiées à ses Etymologies.
Quelques observations finales. Bien des thèmes philosophiques, souvent liés
à un vocabulaire et une formulation antiques, sont encore à découvrir dans les
@ uvres religieuses d'Isidore : il nous manque un second volet (conçu comme
Fontaine 2) sur « Isidore de Séville et la culture théologique dans l'Espagne visi
gotique » . En attendant, on peut voir l'excellente préface (à soi seule une mono
graphie) qu 'a donnée à une traduction espagnole des Étymologies 24 M .C . Díaz
y Díaz, San Isidoro, Etimologías..., coll. BAC 433,Madrid 1983, Introducción
general, p . 7 -257 ; et, sur les Sentences, 25 P . Cazier, Isidore de Séville et la
naissance de l'Espagne catholique, coll. « Théologie catholique » 96 , Paris 1994
(en attendant leur édition critique, à paraître dans le CCSL).
Si la philosophie est encore, pour nous, une recherche critique du sens, fondée
sur une connaissance et ordonnée à une action , on doit convenir qu 'Isidore a
laissé une euvre écrite dont l'ensemble est plus cohérent et mieux ordonné que
les juxtapositions et les contradictions du détail ne le laisseraient croire trop hâti
vement (voir 26 J. Fontaine, « Isidore philosophe ?», dansMélanges H . Otero, à
paraître ).Mais , à bien réfléchir , ces défauts ne sont encore que l'aggravation de
ceux de la « civilisation de la paideia » , dans laquelle une sorte de démo
cratisation des savoirs leur a fait perdre en compréhension ce qu 'ils gagnaient en
extension et en diffusion - y compris en matière de philosophie : d 'où cette
rétraction de toute la culture, qui va s'accentuant dans le cours de l'Antiquité
tardive.
Engagée et dégagée par rapport aux besoins pastoraux de son temps, cette
Quvre d'un évêque encore érudit de l'Espagne du Sud a connu un succès durable
dans la péninsule et surtout au-delà des Pyrénées, au cours des siècles suivants .
A ce titre, elle est, pour une bonne part, responsable de l'idée que purent encore
se faire de la philosophie antique, et surtout du genre littéraire de l'encyclopédie ,
ses lecteurs du Moyen Age chrétien. Cette idée est simplifiée,mais néanmoins
encore assez juste, au niveau premier des définitions et classifications, pour avoir
pris valeur de modèle. Et l'on doit prendre garde aussi au fait que le ferment de
la philosophie a pénétré jusque dans les catégories et les méthodes de la culture
isidorienne, dans son orientation générale , et surtout dans ce que nous avons
appelé son projet encyclopédique: là est le moins apparent,mais le plus profond,
le plus vivant aussi, en cet héritage préservé dans l'esprit de l'éclectismehellé
890 ISIDORE DE SÉVILLE I 34
nistique et romain . On le verra dans la très lente évolution des genres encyclopé
diques médiévaux : de plus ou moins près, ils s' inspireront tous du modèle isi
dorien , et de toutes les implications de sa méthode étymologique. Ce fait interdit
désormais de traiter Isidore, avec une érudition qui fut trop expéditive, de simple
« agent de transmission » de la culture antique.
Tout en reconnaissant une primauté de la sagesse chrétienne (celle des aspi
rants à la perfection d 'un style de vie évangélique, qu'Augustin avait appelés
« les amants de la beauté spirituelle » ), Isidore de Séville n 'a pas perdu l' enthou
siasme des plus anciens philosophes pour la connaissance désintéressée, pour
une intelligence globale du monde et de l'homme, pour un cycle cohérent de
tous les savoirs. D 'où son attachement au legs intellectuel et spirituel de ce
qu 'on pourrait appeler le courant libéral de la philosophie chrétienne : ce courant
que lui ont transmis Augustin , dans les opuscules philosophiques de sa jeunesse,
et Lactance aussi, bien plus tôt. De là vient l'adhésion d'Isidore à un certain
nombre de valeurs positives de la tradition antique – religieuse autant que philo
sophique –,mais peut-on séparer nettement les deux domainesdans la culture de
l'Antiquité, surtout tardive ? On le voit clairement au livre VIII des Étymologies :
le respect avec lequel l'évêque de Séville y évoque la sacralité païenne, dans une
étonnante fidélité au libéralisme de Lactance, y compense de manière heureuse
et paradoxale , à propos des poètes et des sibylles, de la mythologie etmême des
pagani, sa défiance immédiatement précédente face aux haereses des philo
sophes: voir 27 J. Fontaine, « Le « sacré » antique vu par un homme du vile siè
cle : le livre 8 des Étymologies d'Isidore de Séville » , dans BAGB 1989, p. 394
405 .
JACQUES FONTAINE.
35 ISIDORE DE THMOUIS II ou III
Comme de nombreux autres platoniciens, Isidore de Thmouis reçut le droit de
cité à Delphes.Le décret qui le lui conférait (FD III 2 , 116 ) fut gravé sur l'un des
blocs d'architrave du Trésor des Athéniens; vu l'époque des textes analogues qui
l'entourent, il pourrait se placer à la fin du II° ou au début du 111° siècle .
BERNADETTE PUECH .

36 ISIDORUS (IULIUS -) I?
Le philosophe égyptien Iulius Isidoros est connu par l' étiquette de la momie
d'un de ses esclaves (Sammelbuch 1206 ).Un rapport avec le cynique homonyme
exilé de Rome par Néron (» I 28 ) n 'est pas exclu mais ne peut être, vu la bana
lité du nom , que très hypothétique.
BERNADETTE PUECH .
138 ISOCRATE D 'ATHÈNES 891

37 ISOCASIUS D 'ÉGÉE (en Cilicie) RE PLRE II: ca 465


Grammairien , sophiste et haut fonctionnaire impérial païen, converti par la
suite au christianisme. Jean Malalas, Chronographia , p. 369-371, le qualifie de
philosophe ,mais c'est un titre qu 'il décerne volontiers , y compris à des figures
mythologiques . Il aurait été défendu auprès de l'Empereur Léon jer (457-474),
dans un procès à Constantinople , par un autre "philosophe ", le médecin Jacob
( I 1). Sur sa carrière , on consultera la notice de la PLRE II, s.v. “ Isocasius” ,
p .633-634.
RICHARD GOULET.

38 ISOCRATE D 'ATHÈNES RE 2 4362-338a


Maître d'éloquence politique et penseur.
Cf. 1 F . Blass, Die attische Beredsamkeit,t. II, 2e édit., Berlin 1892, réimpr.
Hildesheim 1962, p . 1 sqq. ; 2 R . C . Jebb , The Attic Orators from Antiphon to
Isaeos, t. II, réimpr.New York 1962, p. 1-260 ; 3 K .Münscher, art. « Isokrates »
2, RE IX 2 , 1916 , col. 2146 -2227 ; 4 A . Burk , Die Pädagogik des Isokrates als
Grundlegung des humanistischen Bildungsideals, im Vergleich mit den zeit
genössischen und den modernen Theorien dargestellt, Würzburg 1923 ; 5 G .
Mathieu et É. Brémond (édit.), Isocrate. Discours, CUF, 4 vol., Paris 1929- 1962
(« Introduction » par Mathieu, t. I, p . I-XXV) ; 6 G . Norlin et L . van Hook (édit.),
Isocrates, coll. LCL, 3 vol., 1928- 1929 et 1945, réimpr. 1980, 1982 et 1968
( « General Introduction » , par Norlin , t. I, p . IX -LI) ; 7 E . Mikkola , Isokrates.
Seine Anschauungen im Lichte seiner Schriften, coll. « Annales Academiae
Scientiarum Fennicae » série B , t. 89, Helsinki 1954 ; 8 W . Jaeger, Paideia . Die
Formung des griechischen Menschen , 3 vol., Berlin 1934 - 1947, t. III, p. 105
225 ; 9 G . A . Kennedy, The Art of Persuasion in Greece, Princeton Univ ., New
Jersey 1963, p . 174 -203 ; 10 P . Cloché, Isocrate et son temps, coll. « Annales lit
téraires de l'Université de Besançon » 54 , Paris 1964 ; 11 H .- I. Marrou , Histoire
de l'éducation dans l'Antiquité , 6e édit., Paris 1965, p. 131- 147 ; 12 G . L .
Cawkwell, art. « Isocrates» , OCD2, p . 554 sq.; 13 A . Lesky, Geschichte der
griechischen Literatur, 3e édit., Bern /München 1971, p. 653-664; 14 H . Gärtner,
art. « Isokrates» 2 , KP II, 1967, col. 1467- 1472 ; 15 F. Seck (édit.), Isokrates,
coll. « Wege der Forschung» 351, Darmstadt 1976 ; 16 M . A . Levi, art. « Isocra
te » , dans F.Della Corte ( édit.), Dizionario degli scrittori greci e latini,Milano
1988, t. II, p. 1161- 1168 ; 17 L . Canfora, « La democrazia restaurata : Isocrate » ,
dans Storia della letteratura greca, Roma/Bari 19882, p . 355 -373 ; 18 J.
Lombard, Isocrate. Rhétorique et éducation , Paris 1990 ; 19 Y . L . Too, The
Rhetoric of Identity in Isocrates. Text, Power, Ideology, Cambridge 1995 ; 20 A .
Masaracchia , Isocrate. Retorica e politica, Roma 1995.
Sources biographiques anciennes.
Cf. 21 A . Westermann, BIOTPADOI: Vitarum scriptores Graeci minores, Brunswick
1845, réimpr. Amsterdam 1964, p . 245-259 ; Blass 1 , t. II, p. 8 sqq. ;Münscher 3 , col. 2146
2149 ; Mathieu 5, t. I, p . I ; Norlin 6 , t. I, p . XI sq. ; Gärtner 14, col. 1467 sq.
892 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38

A . Sources conservées:
( 1) Denys d'Halicarnasse, Les orateurs antiques , III : Isocrate , chap. 1 .
(2 ) (Pseudo -)Plutarque, Vies des dix orateurs (= uvres morales 836e
839 d ), d'époque impériale tardive. Dans cette Vie on peut détecter des traces du
travail de Caecilius de Calè -Actè, contemporain de Denys ( cf. la notice de l'édi
tion de 22 M . Cuvigny (édit.], Plutarque. Quvres morales, CUF, t. XII', Paris
1981, p. 25 -43).
(3) Philostrate , Vies des sophistes I 17.
(4 ) On lit une Vie anonyme au début de certains manuscrits contenant les
discours d ' Isocrate , notamment dans le Laurentianus LIX 37, le Laurentianus
LVIII 5 et le Parisinus gr. 2932 (cf. Mathieu 5 , t. I, p. I n. 1). Édition récente
dansMathieu et Brémond 5 , t. I, p . XXXIII-XXXVIII.
Westermann 21 crut pouvoir attribuer cette Vie à Zosimos d’Ascalon , grammairien grec
qui vécut entre le VP et le VIP d 'après la Souda, s.v. Zuoquos, Z 168, t. II, p. 515 Adler ; voir
23 H . Gärtner, art. « Zosimos >> nº 7 , REX A , 1972, col. 790 -795, notamment col. 793. Selon
Westernann , la vie serait l'introduction à un commentaire sur l'orateur, dont on ne conserve
que les únoDÉOeiS de douze discours. La proposition a reçu l'appui, entre autres, de Münscher
3 , col. 2146 sq., de 24 G .Mathieu , Les idées politiques d 'Isocrate, 2e édit., Paris 1966 ( 1ère
édit. 1925), p. 176 , de Gärtner 23, ibid ., et de Canfora 17 , p . 357.
(5) Photius, Bibliothèque, cod. 260 (t. VIII, p . 147 Henry), qui dérive
directement de (Pseudo-)Plutarque.
(6 ) La Souda, s.v. 'looxpárns, I652,t. II, p. 670, 12-19 Adler.
B . Sources perdues:
(1) Démétrios de Phalère , qui écrivit un traité sur le style et la technique de
l'orateur, sur l'authenticité de ses discours , ainsi que sur sa vie et ses rapports
scolaires.
(2) Hermippe de Smyrne, Sur Isocrate (fr. 64 -66 Wehrli), où il joindrait les
informations concises qu 'il trouva dans les nívaxes de Callimaque à un autre
matériel anecdotique et suspect, comme l'épisode de la mort de l'orateur
(cf. infra ) et les railleries sur le métier de son père provenant des auteurs de
comédies Aristophane et Strattis (IV ). Ce dernier lui attribuait aussi un rapport
avec la prostituée Lagiske dans son Atalante (fr. 3, t. I, p. 712 Kock = 3 Kassel
& Austin ; cf. aussi (Pseudo-]Plutarque, 836 d). C 'est à Hermippe que reviennent
également d'importants renseignements recueillis dans les résumés des discours
transmis dans nos manuscrits , où il est cité à deux reprises.
· (3) Caecilius de Calè- Actè, rhéteur grec du la et contemporain de Denys
d 'Halicarnasse (cf. 25 W . Kroll, art. « Rhetorik » , RESuppl. VII, 1940 , col. 1039
1138, notamment col. 1105 sqq. ; 26 M . Fuhrmann, art. « Caecilius» III 2 , KPI,
1964, col. 988 sq.), qui écrivit un traité intitulé ſlepi toŨ yapaxtñpoç tõv déxa
øntópwy (cf. la Souda, s.v. Kexíacos, K 1165, t. III, p. 83, 8 sq. Adler). Il y joi
gnait la critique du style et le débat sur l'authenticité des æuvres d'Isocrate avec
des données sur sa vie . Sa source principale est Hermippe, bien que, selon l'hy
pothèse suivie par Münscher 3 , col.2148 , il ait pu emprunter à Héliodore, périé
gète du 1114 , l'information sur les monuments qu 'on lit dans (Pseudo -)Plutarque
838 b sqq.
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 893

A partir du tableau tracé par Münscher 3, col. 2146 sq., qui contient la
bibliographie ancienne à ce sujet, nous pouvons supposer qu 'aussi bien Denys
d'Halicarnasse que Caecilius de Calè -Actè, à partir desquels la tradition est assez
homogène, puisent leurs données en dernier ressort dans la biographie d'Her
mippe. Dans la transmission de certains renseignements la médiation de l'épicu
rien Philodèmeest importante (cf. infra). Denys d 'Halicarnasse s 'en serait tenu
aux données vérifiées; Caecilius, au contraire , aurait aussi laissé entrer dans son
euvre les données incertaines et pittoresques qui, à travers lui se retrouvent,
entre autres, chez (Pseudo-)Plutarque, dans la Vie anonyme et chez Photius.
Cemélange d'éléments vérifiés et douteux est un rappel à la prudence au moment d'accep
ter les renseignements que fournit cette tradition biographique. Le plus prudent est de les
confronter à ceux que nous fournissent les propres discours d ' Isocrate, qui sont la source
principale dont disposaient les philologues alexandrins pour l' élaboration des biographies de
l'orateur (cf.Norlin 6 , p. XI).
Vie .
Cf. Blass 1, t. II, p . 9 sqq.; Jebb 2 , t. II, p. 1-35 ; Münscher 3, col. 2149-2156 ,
2168-2171, 2220 sq.; Mathieu 5 ,t. I, p. I sqq.; Norlin 6, t. I, p . XI sqq.; Cloché
10 , p. 5- 8 ; Cawkwell 12, p. 554 ; Lesky 13, p. 654 sq. ; Levi 16 , p. 1161 sq.;
Lombard 18 , p. 22 sqq.
Chronologie. Isocrate est né dans la première année de la 86€ Olympiade,
sous l'archontat de Lysimachos, quatre ans avant la guerre du Péloponnèse,
c'est-à -dire en 436a (cf. Denys, Isocrate 1, 1 ; (Pseudo-]Plutarque 836 d ). Il est
mort dans la troisième année de la 110e Olympiade, quelques jours après la
défaite de Chéronée, lors des funérailles des morts de la bataille, en octobre 338a,
à l'âge de 98 ans (cf. [Pseudo- ]Plutarque 838 b ;Mathieu 5, t. I,p . III).
Provenance , famille et jeunesse. L 'orateur est né dans le dème d 'Erchia, en
Attique, comme Xénophon . Son père qui s'appelait Théodoros, était un citoyen
de la classe moyenne qui possédait une manufacture de flûtes (cf. Denys, Iso
crate 1, 1). (Pseudo-)Plutarque, 836 e, fournit plusieurs données concernant sa
famille : sa mère s'appelait Hédyto ; il avait une seur et trois frères : Télésippos,
Diomnestos et Théodoros, ce dernier cité dans une section (838 c) qui peut
remonter au périégète Héliodore.
Isocrate s'estmarié à un âge avancé avec Plathané, veuve d 'un certain Hip
pias qui, pour des raisons chronologiques, ne peut être identifié au sophiste
( H 145), comme le prétend (Pseudo-)Plutarque 839 b (cf. Münscher 3, col.
2154). Elle avait de son premier mariage un fils du nom d 'Aphareus qu'Isocrate
adopta (cf. [Pseudo-]Plutarque 839 b ; Harpocration , s.v. 'Apapeús ; la Souda,
s.v. ’Apapeús, A 4556 , t. I, p. 425 Adler).
(Pseudo-)Plutarque 838 c-d, à la suite d 'Héliodore d'après Münscher 3,
col. 2220 , énumère les parents d' Isocrate enterrés avec lui près du Cynosarges. A
partir notamment de ce passage, complété avec 839 d, 27 J. Kirchner, Prosopo
graphia Attica , Berlin 1901, nº 10518, et 28 J. K . Davies, Athenian Propertied
Families, Oxford 1971, p. 248, offrent l'arbre généalogique d ’Isocrate .Le passa
ge, cependant, est très corrompu en ce qui concerne les enfants d 'Aphareus et
894 ISOCRATE D 'ATHÈNES 1 38
exige quelques corrections (cf. 29 C . Tuplin , « Some Emendations to the Family
Tree of Isokrates», CQ 30 , 1980,p.299-305).
(Pseudo-)Plutarque 839 b nous informe qu 'étant enfant, Isocrate participa à une course de
chevaux (qu 'il a vraisemblablement gagnée ). Il est donc possible qu'il ait fait son service mili
taire pendant les années de la guerre du Péloponnèse dans la cavalerie athénienne, comme
Xénophon , et qu 'il ait été repinoroc dans les années qui ont précédé l'expédition de Sicile
(4189/416a; cf.Münscher 3, col. 2150 sq.).
Formation intellectuelle. Le métier du père a permis que ses enfants reçoi
vent une éducation spécialement soignée, comme le proclame Isocrate dans Sur
l'échange 161, source à ce sujet de la tradition biographique. Outre la formation
traditionnelle de la jeunesse athénienne, il a reçu l'éducation des sophistes (cf.
Quintilien III 1, 13 ; Blass 1, t. II, p. 11; Jebb 2, t. II, p. 4 ; Burk 4, p. 24 sqq.).
Denys d 'Halicarnasse, Isocrate 1 et (Pseudo -)Plutarque 836 f, reconnaissent
comme sesmaîtres les sophistes Prodicos de Céos, Tisias de Syracuse et Gorgias
de Leontinoi (2 + 6 28 ), ainsi que l'homme d'État et orateur Théramène ; la Vie
anonyme nomme ces deux derniers en y ajoutant Socrate. Sur Prodicos, voir
30 A . Kyprianos, Tà ánóponta ToŨ 'looxpárn ñ nepi Tóywv éoxnuatiqué
vwv, Athènes 1871, p. 17 sqq.; Münscher 3, col. 2151 et 2152, et Burk 4, p. 26 ;
sur Tisias, Münscher 3, ibid .; Burk 4, ibid .; sur Gorgias et Théramène, voir
infra . Il semble difficile d'admettre qu 'il a assisté aux cours de tous ces maîtres,
mais il a pu connaître et méditer leurs doctrines (cf.Norlin 6, t. I, p. XII).
(Pseudo-)Plutarque, 836 f - 837 a, raconte deux anecdotes qui renforcent le
lien entre Isocrate et Théramène. L 'une se rapporte à l'arrestation de Théramène
par les Trente ; l'autre à une collaboration entre eux dans la rédaction de certai
nes téxvalde Théramène composées quand celui-ci fut accusé devant les tribu
naux .
Les deux notices sont suspectes. Tout d'abord, si nous acceptons la formation que l'orateur
aurait reçue auprès de Gorgias en Thessalie (cf. infra ), il est difficile d 'admettre qu'il ait pu
connaître Théramène durant son emprisonnement et assister à sa mort à Athènes (cf.Mathieu
5 , t. I, p. II n . 2). Il est donc égalementdouteux qu 'il ait été élève de Théramène ; on sait en
tout cas que celui-ci avait vraiment ouvert une école. Quant aux téxval ( B 54 ), que l'on
devrait considérer non pas comme des traités rhétoriques, mais comme des discours-modèles
(cf. 31 T. Cole , The Origins of Rhetoric in Ancient Greece, Baltimore /London 1991, p. 71
sqq.), si elles ont existé, elles se seront perdues déjà au 11a. Au 1a, Cicéron ne les connaît pas
(cf. 32 U . von Wilamowitz -Moellendorff, Aristoteles und Athen, Berlin 1893, réimpr.
Hildesheim 1985 , t. I, p . 167 et n. 69 ; Canfora 17 , p . 360). Le rapport affectif et professionnel
que révèlent ces anecdotes cache une affinité politique manifeste, que Wilamowitz-Moellen
dorff 32, ibid ., élève au rang demilitantisme dans le parti de Théramène (cf. infra).
On ne peut pas non plus considérer Isocrate comme un disciple de Socrate,
bien qu'il l'ait certainement connu directement. A ce philosophe il a emprunté
quelques principes. Par ailleurs, il a façonné son apologie personnelle dans Sur
l'échange sur le modèle de l' Apologie de Socrate platonicienne (cf. infra).
Quant à Gorgias, on accepte généralement qu 'Isocrate serait parti en Thes
salie pour assister à ses cours (cf. Cicéron, Orator 176 ; Quintilien III 1, 13). A
son tour, (Pseudo -)Plutarque, 838 c, nous informe que sur le tombeau d'Isocrate ,
parmi les différentes représentations des poètes et de ses maîtres, se trouvait
celle de Gorgias, contemplant une sphère astronomique avec Isocrate à ses côtés.
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 895
On a proposé des dates diverses pour ce séjour: Blass 1, t. II, p. 14 , l'a placé après la
guerre décéliaque ; Jebb 2, t. II, p. 5, vers 390a ; Jaeger 8, t. III, p. 396 n. 10, peu avant410 ou
dans la dernière décennie du va ; Mathieu 5 , t. I, p . Il n . 1, avant cette guerre, notamment en
413a : les honoraires de Gorgias étaient si élevés qu 'Isocrate n'aurait pu les payer qu 'avantla
fin de la guerre,moment où l'orateur a perdu tout son patrimoine (cf. Sur l'échange 161). Ce
séjour se serait prolongé, ce qui expliquerait que les allusions de l'orateur à la fin de la guerre
du Péloponnèse et à la domination des Trente soient complètement dépourvues de données
précises et personnelles. Mais il est possible aussi que ce séjour n 'ait jamais eu lieu , comme
l'a récemment défendu Too 19 , p. 235-239. Ses arguments sontles suivants :
(1) Dès l'époque hellénistique, « entendre quelqu'un dire quelque chose » ne signifie sou
vent que « lire quelque chose dans l'euvre de quelqu'un » ; de même, « entendre quelqu'un »
signifie fréquemment « lire les æuvres de quelqu 'un » , comme le montre le matériel rassemblé
par 33 D . M . Schenkeveld , « Prose usages of AKOYEIN ‘ To Read '» , CQ42, 1992, p . 129
141.
(2) Quintilien admet que les sources ne sont pas d 'accord en ce qui concerne le maître
d' Isocrate .
( 3) Les auteurs qui nous informent sur l'instruction d'Isocrate ont écrit dans la période
romaine, plus de 400 ans après l' orateur et le sophiste, et ne sont pas impartiaux dans la
mesure où ils tracent des " généalogies" qui justifient leurs propres æuvres. De plus, outre les
mentions de Gorgias de la part d'Isocrate , qui contiennent toujours quelque critique (cf.infra),
tous les autres rapports entre les deux penseurs peuvent être des déductions des discours
d ' Isocrate , sans qu 'aucune tradition biographique n 'intervienne.
La Souda, s.v. Ilowtayópas, II 2958, t. IV , p. 247, 6 Adler, fait d'Isocrate un
disciple de ce sophiste, mais il s'agit d'une extension erronée de la liste demaî
tres offerte par Denys (cf. infra). La Souda, s.v. 'looxpárns,mentionne aussi
parmi ses maîtres un certain 'Epyivos, une mauvaise transmission peut-être
d'Archinos, nom de l'homme d'Etat, connu probablement d'Isocrate , qui lors de
la restauration de 403a collabora comme démocrate et introduisit l'alphabet
ionien en Attique; en fait, on a vu des rapports entre le Panégyrique d' Isocrate et
l' Épitaphe d 'Archinos (cf. Blass 1, t. II, p. 13, et Münscher 3, col. 2152 sq.).
Activité logographique. Après la défaite d 'Athènes lors de la guerre du
Péloponnèse en 404a, la tyrannie des Trente et la réimplantation du régime
démocratique en 403a, Isocrate perd son patrimoine (cf. Sur l'échange 161). La
solidité de l'éducation qu'il a reçue le rend capable de s'adonner au métier de
logographe.
Cette période est passée sous silence dans le récit de la vie offert dans le Sur l'échange
($ 2, 36 , 41 et surtout 161 sq.) et dans le Panégyrique 11 (cf. Jebb 2, t. II, p . 7 sq.). Par consé
quent ses adversaires se sont plu à le lui rappeler (cf. infra ): Antisthène ( » A 211) et
Speusippe ont consacré plusieurs traités à répondre au Contre Euthynous ; Platon fera allusion
à son activité comme logographe dans Euthydème 304 c sqq., et dans Phèdre 278 e sqq. ;
Aristote soutient (ap . Cicéron , Brutus 48 ) qu ' Isocrate est intervenu dans plusieurs procès en
tant que gestionnaire de biens. Denys d'Halicarnasse , Isocrate 18, atteste la polémique
ancienne sur l'authenticité des plaidoyers judiciaires d 'Isocrate : Aphareusnie que son père se
soit occupé de cette activité, tandis qu 'Aristote affirme qu 'on trouvait chez les marchands de
livres des ballots entiers de ses plaidoyers. Denys considère comme tendancieux les propos
d'Aristote ; en accord avec Céphisodôros (~ C 80 ), un disciple d'Isocrate, il accepte de consi
dérer que celui-cine composa qu'un petit nombre de plaidoyers (cf. infra).
Dans son corpus on conserve six plaidoyers judiciaires : Contre Euthynous,
Contre Callimachos, Contre Lochitès, Sur l'attelage, L'affaire de banque et
l’Éginétique, tous datables entre 403a et 3909. Étant donné l'intérêt d'Isocrate à
896 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
faire oublier la période où il fut logographe, il est raisonnable de penser qu'il
s'agit ou bien de nouvelles rédactions de discours à grand succès dont la pater
nité , à cause de l'agitation qu 'ils produisirent, est indéniable (ce semblerait être
le cas du Contre Euthynous), ou bien de discours-modèles conçus pour un usage
scolaire, comme l'ont défendu 34 U . von Wilamowitz-Moellendorff, Platon , 2e
édit., Berlin 1920, t. II, p. 107 n. 1; Mathieu 5, t. I, p. VI; 35 F. Cortés
Gabaudan, « La oratoria judicial en la escuela de Isocrates» , AEFUE 6 , 1983, p .
57-62,notamment p .60 sq.
Le contenu de ces discours se trouve résuméchez Münscher 3, col. 2155 sqq.;Mathieu 5,
t. I, p. IV -VIII ; Cloché 10, p . 9 -14. Il n 'est pas possible de préciser s'ils répondent à une vraie
présentation devant les tribunaux ou si Isocrate a révisé ultérieurement ces ouvrages en vue de
les publier (Aristote, Rhétorique 1392 b 11 sq ., mentionne une réflexion d ' Isocrate sur Eu
thynous qui ne figure pas dans le discours qui nous a été transmis). On ne sait pas non plus si
ce sontlà les seuls discours qu'il a composés. On peut supposer que pendant les dix ans envi
ron où il s 'est adonné à cette activité, il a dû en composer davantage, mais on ne peut pas pré
ciser leur nombre, s'agissant d 'euvres anonymes qui deviennent la propriété du plaideur (cf.
Mathieu 5 , t. I, p . V ). Dans Contre Euthynous, Sur l'attelage et L 'affaire de banque, Isocrate
tint tête à Lysias, ce qui révèle une profonde inimitié qui se manifesta lors de la défense de
positions politiques opposées (cf. Vie anonyme chez Mathieu et Brémond 5 , t. I, p. XXXVI, 131
sqq.; Münscher 3, col. 2156 et 2160 et 2162, et 36 J.C. Trevett, « P. Oxy. 2357 and Isocrates'
Trapeziticus » , ZPE 81, 1990, p . 22- 26 ).
Ayant été conçus pour être prononcés par différents plaideurs, il existe des différences
remarquables de composition et de style entre ces discours (cf. Mathieu 5 , t. I, p . V sq .). Au
sujet de la dimension orale de ces discours, cf. 37 A . P . Dorjahn et W . D . Fairchild, « Isocrates
and Improvisation » , CB 44, 1967, p . 6 - 10 , et 38 S. Usener (= S . Friemann ), Isokrates, Platon
und ihr Publikum . Hörer und Leser von Literatur im 4 . Jahrhundert v. Chr., coll.
« ScriptOralia » 63, sér. A 14 , Tübingen 1994, p. 22 sqq. L'utilisation de lieux communs que
l'on trouve chez d'autres logographes est caractéristique de cette production (cf., à propos de
l'ånpayuooúvn , 39 D . Lateiner, « An Analysis of Lysias' Political Defense Speeches» , RSA
11, 1981, p. 147- 160,notamment p. 155 sq.).
L'école d'Isocrate.Les années consacrées à la logographie ont permis à
Isocrate de connaître à fond le monde judiciaire et politique d'Athènes. Son rejet
de l'Athènes du discours , dominée par des dirigeants démagogiques et ambi
tieux, a été le facteur décisif qui l' a amené, en raison de la faiblesse de sa voix
(ouvň ) et de sonmanque de hardiesse pour affronter un vaste public (tórua ),à
se retirer de la vie publique (cf. Sur l'échange 4 et 151 sq.) et à se livrer à la
culture de la parole écrite commemoyen de communication.
Isocrate avoue ses limitations physiques et psychiques dans Philippe 81; Panathénaïque 9
sq . ; Epître aux magistrats de Mytilène 7 (cf. aussi sur l' échange 189 sqq .). C 'est de là que les
tire la tradition biographique : cf.Denys d'Halicarnasse, Isocrate 1 ; Vie anonyme (Mathieu et
Brémond 5 , t. I, p. XXXIV , 35 sqq.) ; (Pseudo-)Plutarque 837 a, qui rassemble quelques exagé
rations à ce sujet dans836 f sq. et 838 a, e-f; Philostrate, Vies des sophistes I 17 . Philodème,
Rhétorique IV (p. 196 Sudhaus) élargit remarquablementla liste des carences d'Isocrate : cf.
40 G . Indelli, « References to Isocrates in PHerc. 1007 (Philodemus, Rhetorica IV ) » , dans A .
Bülow -Jacobsen (édit.), Proceedings of the 20th International Congress of papyrology
(Copenhagen , August, 1992), Copenhagen 1994 , p . 361-366, en particulier p. 361 sq. Plu
sieurs critiques ont soutenu qu'Isocrate a intégré ces difficultés dans une stratégie d 'auto -pré
sentation : cf. 41 S. Gastaldi, « La retorica del IV secolo tra oralità e scrittura : “ Sugli scrittori
di discorsi ” di Alcidamante » , OS 13- 14, 1981, p. 189-225 , notamment p . 199 ; 42 G . Heil
brunn, « Isocrates on Rhetoric and Power» , Hermes 103, 1975, p . 154 - 178, en particulier
p. 157 sqq . ; et surtout Too 19 , p . 74 - 111 (cf. aussi 43 M . Cahn , « Reading Rhetoric Rhetori
1 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 897
cally : Isocrates and the Marketing of Insight» , Rhetorica 7.2, 1989, p . 121-144, notamment
p. 130 n. 21, et infra ). Sur l'éloignement des intellectuels de la politique du Iva, cf. 44 B .
Campbell,« Thought and Political Action in Athenian Tradition », HPTh 5, 1984, p. 17-59.
Donc, comme le raconte la Vie anonyme (cf.Mathieu et Brémond 5 , t. I,
p. XXXVI, 116 sq.), Isocrate ouvrit une école de rhétorique près du Lycée afin
d'enseigner sa « philosophie » , un art oratoire qui permet de dominer les situa
tions changeantes de la vie communautaire à l'aide du langage.
(Pseudo-)Plutarque, 837 b , rapporte qu 'Isocrate fonda d 'abord une école à Chios et qu ' il y
établit des magistratures et la même constitution que dans sa patrie . 45 C . F . Seeliger, De Dio
nysio Halicarnassensi Plutarchi qui vulgo fertur in Vitis Decem Oratorum auctore, Budissae
1874 , p . 36 sq., a considéré ce renseignement comme une fabulation . Blass 1, t. II, p . 16 sq . et
n. 2 ; Jebb 2, t. II, p . 6 ; et Münscher 3, col. 2170 sq., ont défendu la véracité de ce renseigne
ment, en situant le séjour à Chios en 4040/403a (Jebb ) ou entre 395a et 3904, notamment en
394a, après la libération de Cnide par Conon , père de son disciple Timothée (Blass,
Münscher). Mikkola 7 , p. 293, admet la possibilité qu 'il ait ouvert son école sur cette île en
393a. Mathieu 5 , t. I, p. II, estime prudent de douter de l' information faute d'autres témoi
gnages.
La date d' ouverture de l'école à Athènes a fait l'objet d 'un débat. Jebb 2 , t. II, p . 8, et
Münscher 3, col. 2172, soutiennent la date de 392a; Mathieu 5, t. I, p. II, incline pour 393a, de
même que, plus tard , Mikkola 7, p. 293, qui suggère la possibilité qu'il l'ait fondée à Chios
(cf. supra ) ; Jaeger 8 , t. III, p . 115 , rabaisse la date jusqu 'à la décennie de 380a. Le problème
principal est d 'accepter l'image, renforcée par Isocrate lui-même, d 'un abandon radicaldes
plaidoyers judiciaires au moment d 'ouvrir son école. Il est possible cependant qu 'il ait com
posé son dernier plaidoyer, l’Eginétique, après l'ouverture de l'école ( cf. Cortés Gabaudan 35 ,
p. 61 ; 46 Chr. Eucken , Isokrates. Seine Positionen in der Auseinandersetzung mit den zeit
genössischen Philosophen, coll.« Untersuchungen zur antiken Literatur und Geschichte » 19,
Berlin/New York 1983, p. 5 ; Too 19 , p. 154). Sur les aspects techniques de l'activité pédago
gique d'Isocrate, cf. infra.
Les honoraires étaient de mille drachmes, pas très élevés si on les compare à ceux des
sophistes. On connaît le montant grâce à l'anecdote sur l'apprentissage de Démosthène auprès
d ' Isocrate rapportée par (Pseudo- )Plutarque, 837 d . Cette anecdote contredirait l'affirmation
d 'Isocrate lui-même dans Sur l'échange 39, selon laquelle toute sa fortune provient de l'étran
ger, laissant entendre ainsi qu ' il n ' a jamais rien perçu des élèves athéniens ; cf. aussi (Pseudo - )
Plutarque 838 e, et Vie anonyme, chez Mathieu et Brémond 5 , t. I, p . XXXIV , 40 sqq. ; Blass 1,
1. II, p . 22 ; Münscher 3, col. 2171 ; Burk 4 , p . 44 sqq., et Mathieu 5 ,t. I, p. XI.
A partir de la fondation de son école, comme le remarque Mathieu 5 , t. I,
p. III, « l'histoire de sa vie ne fut plus guère que celle de son activité littéraire» .
C 'est dans cette période que l'on doit placer tous ses écrits, en y incluant peut
être les six plaidoyers judiciaires (cf. supra ). Isocrate veut exercer son influence
par ses écrits sur la vie communautaire , qui est orale par excellence. C 'est pour
quoi ilassigne aux discours des contextes fictifs quiles relient à l'Athènes de la
parole (cf. p. ex. Norlin 6, t. II, p. 192 n .; Too 19, p . 29 ; contra, 47 H .LI.
Hudson -Williams, « Isocrates and Recitations », CQ 43, 1949, p. 65-69, qui sou
tient que les discours furent réellement prononcés). Le sujet a été récemment
étudié à fond par Usener 38, p. 13- 137, pour qui les ouvrages d' Isocrate n 'ont
pas été conçus exclusivement pour l'écriture ni pour la récitation ,mais visaient
les deux modes de présentation de manière indistincte . Le problème de la
présentation des ouvrages doit être rattaché à celui des divers publics pour les
quels le penseur les a conçus : destinataire concret de l'æuvre, auditeurs d'une
898 ISOCRATE D 'ATHÈNES 138
récitation orale, lecteurs potentiels . Lecteur et auditeur apparaissent dans les
écrits d’Isocrate comme deux figures différentes (cf. Usener 38, p. 47 sqq.). Voir
aussi 48 A . Jähne, « Kommunikative Umsetzung gesellschaftlicher Problematik
bei Isokrates » , Philologus 135, 1991, p. 131- 139, et 49 J. A . E . Bons, « AMOI
BOAIA : Isocrates and Written Composition »,Mnemosyne 46 , 1993, p. 160- 171.
Le caractère fictif des discours d'Isocrate est appuyé par le témoignage d 'Aristote, Rhéto
rique III 17, 1418 6 26 sq., sur l'utilisation de porte -parole occasionnels. Ainsi, dans le Nico
clès, c 'est le roi chypriote qui parle ; dans l'Archidamos, le roi spartiate , et dans le Plataïque,
un citoyen de Platées devant l'Assemblée d ' Athènes (cf. Usener 38 , p. 31 sqq .). Too 19, p. 65
sqq., suggère que les contradictions idéologiques que l'on observe entre le Sur la paix, l'Ar
chidamos, le Panégyrique et le Panathénaïque, peuvent s'expliquer en attribuant les points de
vue que l'on y défend à différents porte -parole : le premier discours serait prononcé par un
membre anonyme du parti pacifiste d 'Eubule, dont la caractérisation est proche de celle d'Iso
crate , le deuxième par le roi spartiate , les deux autres par Isocrate lui-même. Sur l'utilisation
isocratique de discours antilogiques, cf. 50 P. Harding, « The Purpose of Isokrates' Archi
damos and On the Peace » , CSCA 6 , 1973, p . 137-149.
Outre son activité scolaire et littéraire,nous connaissons quelques épisodes de
sa vie (cf. Blass 1, t. II, p. 72 sqq.). D 'après (Pseudo-)Plutarque 837 c, il accom
pagna son disciple , l'homme d'État Timothée, lors d'une de ses expéditions dans
les premières années de la seconde Confédération athénienne. Sur la date précise
de ce voyage, cf.Münscher 3, col. 2189 (3764/3754),Mathieu 24, p. 84 sq., et Id .
5 , t. I, p. III (3769/374a). La même source ajoute qu ’Isocrate s'occupait de la
rédaction des lettres que son disciple envoyait aux Athéniens, ce qui doit signi
fier, d 'après Mathieu 24, p . 85, que l'orateur les rédigea pour qu ' elles fussent
publiées à Athènes et qu'elles servissent de propagande à la politique de son
disciple .
Vers 356a,un certain Mégacleidès entama contre Isocrate un procès en échan
ge de biens (ůvtidools) au sujet d'une triérarchie. L 'orateur ne put y comparaî
tre pour des raisons de santé et envoya son beau-fils Aphareus, qui perdit le pro
cès. Isocrate aurait vengé cette défaite en composant le discours fictif Sur
l'échange, où son adversaire s'appelle Lysimachos (cf. (Pseudo -]Plutarque
839 c, qui fait, à tort, référence à deux procès, et Photius, Bibl., cod . 260 , 487 b,
t. VIII, p. 47 Henry). La véracité du renseignement, acceptée par tous les spécia
listes, a été récemment mise en cause par Too 19, p. 80 : la donnée provient
d 'une remarque du discours Sur l' échange (§ 4 ),qui peut être aussi fictive que le
reste du discours.
La mort d’ Isocrate. Des renseignements sur la mort de l'orateur ont été
fournis par Denys, Isocrate 1, 6 ; (Pseudo -)Plutarque, 838 a-b ; Philostrate, Vies
des sophistes I 17 ; et la Vie anonyme (Mathieu et Brémond 5 , t. I, p. XXXVII,
153 sqq.). Isocrate estmort à l'âge de 98 ans, fin octobre 338a, au moment des
funérailles des morts de Chéronée. Il mourut d ’inanition , après être resté plu
sieurs jours sans manger, quatre d'après quelques-uns, neuf d'après Démétrios
de Phalère , quatorze d'après Aphareus (cf.Mathieu 24, p. 172 sq.). La tradition
biographique transforma une mort survenue probablement par maladie (cf.
Mathieu 5, t. I, p. IV ) en un geste patriotique : apprenant la défaite, il se serait
laissé mourir. Avant de mourir, il aurait prononcé des vers d' Euripide, notam
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 899
ment le premier vers de l'Archélaos, de l'Iphigénie en Tauride et du Phrixos,
laissant entendre que, après Danaos, Cadmos et Pélops, un quatrièmemaître bar
bare, Philippe, s' était emparé de la Grèce (cf. Éloge d 'Hélène 68 , et Panathé
naïque 80 ; 51 Th . S . Tzannetatos , « Le problème concernant la mort d ' Isocrate »
(en grec moderne ), Athena 61, 1957, p . 289- 322) . Jebb 2 , t. II, p . 31 sq., et
52 P . Brind ’ Amour, « Les dernières paroles d' Isocrate », REA 69, 1967, p. 59-61,
ont essayé de montrer qu 'Isocrate se réjouissait de la victoire de Philippe,
condition indispensable pour la concorde desGrecs, si désirée, et pour l'expédi
tion contre la Perse (cf.infra).
Euvres. Du vivant d ' Isocrate il n 'a pas existé d ' édition complète de ses
écrits, comme le prouve la dispute entre Céphisodôros et Aristote au sujet de
l' existence de plaidoyers judiciaires écrits par Isocrate et de leur nombre. Dans
l'antiquité on connut jusqu 'à soixante discours sous son nom ; la Vie anonyme
(Mathieu et Brémond 5 , t. I, p. XXXVI, 136 sqq.) donne une liste de discours
apocryphes. Un nombre si élevé s 'explique par la confusion des écrits de l'ora
teur avec ceux d'un disciple homonyme, originaire d 'Apollonie (cf. la Souda,
s. v. ’looxpárns) . Des soixante ouvrages, Denys d 'Halicarnasse en accepte
vingt-cinq comme authentiques, et Caecilius de Calè -Actè vingt-huit (cf.
(Pseudo-]Plutarque, 838 d ). La Souda, s. v. 'loozpárns, lui en attribue trente
deux. Le recueil d ’æuvres d 'Isocrate qui nous est parvenu, composé de vingt-et
un discours et neuf épîtres, est très ancien (cf.Mathieu 5 , t. I, p . XX), et on peut
considérer que nous conservons la plus grande partie de sa production ,dont il ne
manquerait que quatre discours, si nous acceptons l'avis de Denys, ou sept, si
nous acceptons celui de Caecilius.
Les ouvrages conservés d’Isocrate contiennent un bon nombre de références
internes et externes qui permettent d 'établir une chronologie relative et un ordre
de lecture ( cf. Mikkola 7 , p . 292 sqq. ; Eucken 46 , p . 284 ; Too 19, p . 41 sqq.).
Saufmention explicite , la datation est celle qu 'ontproposée Mathieu et Brémond
5 (entre parenthèses figure la numérotation des écrits canonique depuis l' édition
de Wolf 70) :
(1) Mpòs Eůdúvouv duáprupos (XXI): 4034/402a.
(2 ) Tapaypaoń npòc Karrinagov (XVIII) : 4029/4019.
( 3) Katà Aoxítov aixelas éniaoyos (XX): entre 4009 et 396a.
(4) Tepi toũ (eúyouç (XVI): 3969/395a.
(5) TPane( itIXÓS (XVII): entre 393a et 3919.
(6 ) Aiyiuntixóc (XIX ) : 3914/3904.
(7 ) Kard TõU OODLOTĀV (XIII) : 391 /3909.
(8 ) 'Eréung éyxbulov (X ) : entre 390a et 3809, plus probablement 385a (cf.
Eucken 46, p. 44).
(9 ) Havnrupuxós (IV ) : 380a.
(10) Bovolpis (XI) : 3754 (cf. Eucken 46, p . 173- 183).
(11) IłataixóÇ (XIV ) : début de 371a.
900 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
(12) (Ipòs AnuóVixov ] (I) : avant370a (cf.Münscher 3, col. 2196 ).
(13) Mpòç NixoxNéa (II): ca 370a.
( 14 ) Nixoxañs ñ Kúmploi (III) : 3684.
(15) ’looxpárns Alovuoiw yaipeiv (epist. I): 367a.
( 16 ) Eủayópas (IX ): 367a (cf. Eucken 46, p . 277 sq.).
(17) ’Apxidapoç (VI) : 366a.
( 18 ) Toīç ’lágovog nalolv (epist. VI) : 3599/3589.
(19) ’Apxidáuw ( epist. IX ): 3564.
(20 )Tepi tñs eipńvns (VIII): 356a.
(21) ’Apeonayıtıxóç (VII) : 354a.
(22) ſepì ávtidógewÇ (XV ): 3544/353a.
(23) Toîç Mutianvalwv õpxovoru (epist. VIII) : 3534/352a siue 3499/3484.
(24) Tquodów (epist. VII) : 3469/345a.
(25) Qiaintog (V ) : 346a.
(26 ) Ølinnw (epist. II) : 3449.
(27) ’Aletávopw (epist. V) : 3429/341a.
(28) NavaOnvaluÓS (XII) : 3422-3399.
(29) 'AVTitátow (epist. IV ) : 340*/339a (cf. Münscher 3, col. 2216 ).
(30) Dininnu (epist. III): automne 3384.
Quant à l'Areopagitique,53 W . Jaeger, « The Date of Isocrates' Areopagiticus and the
Athenian Opposition » , Athenian Studies presented to W . Scoti Ferguson (= HSPh Suppl. 1) ,
Cambridge 1941, p. 409-450 (trad . allemande dans Seck 15 , p . 139 -188 ), l'a situé en 357a au
tout début de la Guerre Sociale, c 'est- à-dire avant le discours Sur la paix . Cette datation a été
appuyée par 54 O . S . Due , « The Date of Isocrates' Areopagiticus » , dans Studies in Ancient
History and Numismatics presented to R. Thomsen , Aarhus Univ . 1988, p. 84 - 90 . Quant au
Panathénaïque, sa composition a été interrompue entre 342a et 339a à cause des ennuis de
santé que connut l' auteur (cf. § 267, et Masaracchia 20 , p . 81- 149). Les problèmes de cette
datation fournie par Isocrate lui-mêmeont été exposés par Mathieu 5 , t. IV , p.63 sgg. Contra ,
55 A . F . Natoli, « Isocrates, XII, 266 -272 : A Note on the Composition of the Panathenaicus » ,
MH 48, 1991, p. 146 -150, qui soutient une composition ininterrompue.
Outre ces écrits, on a attribué d'autres ouvrages à Isocrate dans l'antiquité :
- Un Éloge de Gryllos, en l'honneur du fils de Xénophon qui est mort dans
un engagement qui précéda la bataille de Mantinée. L 'information apparaissait
dans un traité Sur Théophraste d'Hermippe (apud D .L . II 55 = fr. 52 Wehrli).
L 'attribution à Isocrate a été refusée par Jebb 2 , t. II, p. 80 n. 2, qui pense que
c'est à Isocrate d'Apollonie qu'Hermippe fait allusion .Münscher 3, col. 2193 et
2202,etMathieu 5 ,t. IV , p. 228 , ont appuyé la paternité isocratique.
- Une téxvn Ontopixń ; cf. la documentation rapportée dans Radermacher 84
(B XXIV ), notamment Cicéron , De inuentione 2, 7 (= B XXIV 7) ; Quintilien,
Inst. Orat. II 15 ,4 (= B XXIV 18), qui met en cause son authenticité, et la Vie
anonyme (Mathieu et Brémond 5 , p . XXXVII, 148 sqq .= B XXIV 11).
1 38 ISOCRATE D 'ATHENES 901
L'existence d'un tel traité a été acceptée par 56 L. Spengel, Evvaywy texvớv, Stuttgart
1828, p . 154- 172 (cf. Kennedy 9 , p . 70 -74 , et 57 Id ., A New History of Classical Rhetoric,
Princeton Univ ., New Jersey 1994 , p. 48 sq.). Néanmoins, cela suppose un refus radical des
principes énoncés par Isocrate lui-même dans Contre les sophistes 12 sq. et 19 sq. (cf. infra ).
Par conséquent, la recherche moderne a généralement tendance à nier son existence (cf.
58 I. G . Pfund, De Isocratis vita et scriptis , Progr. Berlin 1833, p. 21 sq. ; Blass 1 , t. II, p . 104
sqq. et 585 ; Münscher 3, col. 2224 ;Mathieu 5, t. IV , p. 228 sqq.; Kroll 25, col. 1052 ; 59 W .
Steidle, « Redekunst und Bildung bei Isokrates» , Hermes 80, 1952, 259-296 , notamment
p . 266 sq. ; 60 V . Buchheit, Untersuchungen zur Theorie des Genos Epideiktikon von Gorgias
bis Aristoteles,München 1960 , p . 38 sqq. et 76 sq.; 61 K . Barwick , « Das Problem der isokra
teischen Techne» , Philologus 107, 1963, p . 43-60, repris dans Seck 15 , p . 275-295 ; Lesky 13,
p. 659 ; Gärtner 14 , col. 1468 ; Cahn 43, p . 127-137 ; Cole 31, p . 81 et 135 sq. ; Too 19, p . 164
sqq . ).
- (Pseudo-)Plutarque, 837 c, lui attribue la composition d 'une série d'épîtres
que Timothée aurait adressées aux Athéniens lors de l'expédition de 3764/375a
(cf. supra ).
- Un Éloge funèbre de Mausole , composé à l'occasion du concours institué
par Artémise en l'honneur de son mari,mort en 3539 . L 'information est fournie
par Aulu -Gelle X 18,avec des doutes, et aussi par (Pseudo-) Plutarque, 838 b . Il
doit s'agir à nouveau d'une confusion avec Isocrate d'Apollonie ; c'est à lui que
la Souda l'attribue (cf. Jebb 2 ,t. II, p. 80 n. 2 ; Mathieu 5, t. IV , p. 227).
- Les anciens ont conservé sur Isocrate un bon nombre d'anecdotes et
d'apophtegmes, comme ceux qu 'on lit dans la Vie du (Pseudo-)Plutarque et dans
la Vie anonyme. Plusieurs ont été compilés dans l'anthologie de Maxime le
Confesseur vers650P, et plus tard vers XIP dans une autre anthologie que les phi
lologues modernes ont rattachée à Antonius surnommé Melissa ( > A 226 ; cf.
Jebb 2, t. II, p. 259 sq .; Mathieu 5 , t. IV , p. 234 sqq.). Il n 'est pas prouvé que
certains d' entre eux remontent à des écrits d 'Isocrate aujourd'huiperdus.
Transmission. Cf. Drerup 79, p . IV -CXIV ; 62 F. Seck, Untersuchungen zum
Isokratestextmit einer Ausgabe der Rede an Nikokles, Thèse , Hamburg 1965 ;
Id. 15, p. 371 sq.; Mikkola 7, p. 274-292 ; aussi Münscher 3, col. 2224 sqq.;
Mathieu 5 , t. I, p . XX -XXV, et la section finale de la notice de chaque euvre ;
Norlin 6, t. I, p. XLVIsqq.
Les jugements de Denys et de Caecilius sur l'authenticité des écrits transmis
sous le nom d 'Isocrate ont donné lieu à une sélection dans la tradition ultérieure,
devenue très homogène, et à la perte de tous les apocryphes, de sorte que, dès le
TIP, au temps du rhéteur Hermogène, l'édition qu 'on pouvait lire était plus ou
moins semblable à la nôtre (cf.Münscher 3, col. 2224, et63 W . Speyer, Die lite
rarische Fälschung in heidnischen und christlichen Literatur. Ein Versuch ihrer
Deutung, München 1971, p. 128 ). Le texte des æuvres d' Isocrate nous est
parvenu à travers deux familles de manuscrits :
- La famille dite de la vulgate , composée de plus de centmanuscrits. Elle est
divisée à son tour en deux branches : l’une est constituée par le Laurentianus
LXXXVII 14 (O ), du XIIIP, sans descendance ; l'autre est formée par tout le
reste, qui, face à O , présente unanimement une lacune dans le discours Sur
902 ISOCRATE D 'ATHÈNES 138
l'échange du § 72 au $ 310.Lemeilleur d'entre eux est le Vaticanus 65 (1 ), qui
contienttous les discours mais non les lettres.
- La famille de l’Urbinas 111 (I ), du IXP-XP, qui est le meilleur manuscrit
d' Isocrate (cf. Drerup 79 , p. LXV). Il a été découvert par Bekker dans la
Bibliothèque Vaticane et a servi de base à toutes les éditions depuis celle de
Bekker lui-même en 1823 (74 ). Le Vaticanus 936 ( A ), du XIVP, ainsi que l'Am
brosianus 0 144 (E ), du XVP, en dérivent. Dans ce dernier, Moustoxydis 80
trouva la version complète du discours Sur l'échange. Les trois manuscrits pré
sentent la caractéristique commune de ne pas inclure le Contre Euthynous ni le
Contre Callimachos.
Pour les papyrus, voir 64 J. Lenaerts et P.Mertens, « Les papyrus d 'Isocrate » ,
CE 64, 1989, p . 216 -230 : inventaire et description de soixante - six papyrus, avec
bibliographie détaillée. Il faut y ajouter le P . Alex. inv. 613, édité par 65 C .
Gallazzi, « P . Alex. inv. 613 : frammento non riconosciuto di Isocrate, Paneg .
139 », RFIC 120, 1992, p. 5-9, les P. Vindob. G 31662 (= A Nicoclès 33 ; 35 sq.)
et G 39879 (= A Démonicos 45-48 ), édités par 66 H . Harrauer, « Zwei Isokra
tespapyri» , dans M .Capasso ( édit.), Papiri letterari greci e latini, coll. « Papyro
logica Lupiensia » 1, Galatina 1992 , p . 109 -115 , et le P. Laur. inv. II/25 (= A
Nicoclès 4 -5, 6 -7), édité par 67 W . Luppe et R . Pintaudi, « Frammenti letterari
laurenziani» , dans Miscellanea papyrologica in occasione del bicentenario dell'
edizione della Charta Borgiana, coll. « Papyrologica Florentina » 19 , Firenze
1990, t. II, p. 367-374. Cela fait un ensemble de soixante -dix papyrus, qui nous
transmettent des fragments de quatorze seulementdes vingt -et-un discours d' Iso
crate , les papyri le plus souvent cités étant l’A Démonicos (18), le Panegyrique
( 15 ) et l' A Nicoclès (11).
Certaines æuvres semblent avoir subi une mauvaise transmission et être mutilées. Le dis
cours Contre les sophistes (XIII) et les épîtres I, VI et IX s ' interrompent à la fin , et il manque
aussi le début du Sur l'attelage (XVI) et du Contre Lochitès (XX). Benseler 77 et Blass 78 ont
signalé l'existence de lacunes à tous ces endroits ; il semble malgré tout plus probable qu' Iso
crate lui-même ait choisi pour la publication la partie intéressante des deux discours judiciaires
(cf. Mathieu 5 , t. I, p. 37 sq . et 49 ) et qu 'il n 'ait jamais rien manqué à la fin du Contre les
sophistes et des épîtres I, VI et IX (cf. Too 19 , p . 164 sqq.). Il faut souligner aussi la présence
d ' interpolations dans A Nicoclès. Mikkola 7 , p . 285 sqq ., se demande si l 'auteur de ces addi
tionsest le même que celui des additionsde l'A Démonicos (cf. contra , Lesky 13 , p. 659).
Éditions. Editio princeps des discours: 68 Démétrius Chalcondyle , 'looupá
τους Λόγοι, διορθωθέντες υπό Δημητρίου του Χαλκονδύλου, Εν Μεδιολά
vw (Milan ) 1493 ; des épîtres : 69 Aldus Manutius, Venise 1499 (il manque
l'épître IX ), qui publia aussi les discours à Venise en 1513. Éditions d 'ensemble :
70 H . Wolf, Orationes et Epistolae... de graeco in latinum pridem conversae...,
Lutetiae 1553, et In omnia Isocratis opera et vitam eiusdem a diversis autoribus
descriptam annotationes, quibus et res et verba et series, in universum dilucide,
breviter ac ingeniose explicantur..., Basileae 1570 ; 71 H . Stephanus, Paris 1593 ;
72 A . Auger, Isocrates. Opera omnia , graece et latine, 3 vol. Parisiis 1782 ;
73 A . Coraï, 'looupátous Móyoi vai ’Emiotolai, 2 vol., Paris 1807 ; 74 I.
Bekker, Oratores Attici,t. II, Berlin 1823; 75 W .S. Dobson, Attic Orators, t. III,
London 1828 ; 76 G . Baiter et H . Sauppe, Oratores Attici, t. II, Zürich 1839 ;
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 903
77 G . E .Benseler, Isocratis orationes, coll. BT, Leipzig 1851; 78 F . Blass,
Isocratis orationes, 2e édit., coll. BT, 2 vol., Leipzig 1910 -1913 ; 79 E . Drerup,
Isocratis opera omnia , t. I (seul paru ), Leipzig 1906 (discours XXI, XVIII, XX,
XVII, XIX , XIII, X , XI, I, II, III et IX );Mathieu et Brémond 5 ; Norlin et van Hook
6 (le texte des t. I- II est fondé sur l'édition de Baiter et Sauppe 76 ; celuidu t. III,
sur celle de Blass 78). Quelques éditions partielles : 80 A .Moustoxydis , Anti
dosis, Milano 1812 (première édition complète du Sur l'échange); 81 B . G .
Mandilaras, Le discours Sur la paix d 'Isocrate selon le papyrus du British
Museum (en grec moderne), Athènes 1975 ; 82 S . Usher,Greek Orators, t. III :
Isocrates, Panegyricus and To Nicocles, edited with a transl. (and comm .), coll.
« Classical Texts Warminster » , Warminster 1990 (discours IV et II); 83 R .
Flacelière, Isocrate. Cinq discours: Éloge d 'Hélène, Busiris, Contre les so
phistes, Sur l'attelage, Contre Callimachos, édition , introduction et commen
taire, coll. « Érasme. Textes grecs» 1, Paris 1961. Édition des fragments et des
résumés de son enseignement rhétorique : 84 L. Radermacher,Artium scriptores
(Reste der voraristotelischen Rhetorik ), coll. « Österreichische Akad. d.
Wissenschaften . Philos.-philol. Klasse Sitzungsber.» 227, 3 , Wien 1951, p. 153
187 ( B XXIV ).
Traductions. Latine : Wolf 70 et Auger 72 ; française : Mathieu et Brémond
5 , que nous avons utilisée dans cet article ; anglaise : Norlin et van Hook 6 ; ita
lienne : 85 M .Marzi, 2 vol., coll. « Classici Greci» 13, Torino 1991 ; allemande :
86 A . H . Christian , 8 vol., Stuttgart 1833- 1836 ; 87 Chr. Ley -Hutton (trad.),
Isokrates, Sämtliche Werke, t. I: Reden 1-VIII, eingel. und erl. von K . Brodersen ,
coll. « Bibliothek der griechischen Literatur » 36 , Stuttgart 1993 ; grecque
moderne : 88 S. Papaïoannou et B . Mandilaras, 6 vol., coll. « Les Grecs» ,
Athènes 1993 ; espagnole : 89 J. M . Guzmán Hermida, 2 vol., coll. « Biblioteca
Clásica Gredos » ,Madrid 1979- 1980 .
Index. 90 S. Preuss, Index Isocrateus, Progr. Fürth 1904, réimpr. Hildesheim
1963. Index Nominum , chez Blass 1, t. II, p. 280 -324 , et Mathieu et Brémond 5 ,
1. IV , p . 241-254. Index de termes de rhétorique, de philosophie, de politique,
chez Mathieu et Brémond 5 ,t. IV , p. 254- 268.
Problèmes d 'authenticité. Cf. Mikkola 7 ; Seck 62 ; aussi, en général,
Münscher 3, col. 2223 sq., et les introductions aux éditions de Mathieu et
Brémond 5 , et de Norlin et van Hook 6 . Notamment sur l'authenticité des
épîtres, 91 C . Woyte , De Isocratis quae feruntur epistulis quaestiones selectae,
Thèse, Leipzig 1907; 92 U . von Wilamowitz -Moellendorff, « Unechte Briefe» ,
Hermes 33, 1898, p. 492 -498, notamment p .492 -495, et Id. 32, t. II, p. 391 sqq. ;
93 G . Weiss, Zur Echtheit der Briefe des Isokrates : syntaktische Beiträge,
Schwabach 1914 ; 94 J. Sykutris, art. « Epistolographie » , RESuppl. V , 1931,
col. 185-220, en particulier col. 210 sqq.; 95 L . F. Smith , The Genuineness of the
9th and 3rd Letters of Isocrates, Thèse, Lancaster, Pennsylvania 1940, et Speyer
63, p. 140 ; 96 J. Castellanos i Vila , « Situació actual sobre l'autenticitat i crono
logia de las Cartes d 'Isocrates » , dans C . Miralles (édit.), Homenatge a J. Alsina,
Barcelona 1969, p. 89-95 ;Lesky 13, p. 659 .
904 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
Plusieurs des æuvres du corpus isocratique ont été considérées comme apo
cryphes sur la base de différents arguments.On accepte généralement le carac
tère apocryphe de l’ A Démonicos( cf. Blass 1, t. II, p. 278 sqq.; Drerup 79,
p. CXXXIV ; Brémond 5 , t. I, p. 111 sqq. ; Mikkola 7, p . 276 -285 ; Lesky 13,
p. 659 ; contra , Norlin 6 , t. I, p. 3, et Too 19, p . 58 n. 53). L 'authenticité de
l'Épître VI est contestée aussi (cf. Woyte 91, p. 41-52, etMikkola 7 , p . 290
sqq.).
Genre littéraire. La délimitation du genre littéraire va de pair avec les pro
blèmes du classement et de l'authenticité des ouvrages. Ce sujet a été étudié en
détail par Too 19 , p. 10- 35, qui rapporte toutes les tentatives de classements
externes (cf. aussi Usener 38 , p. 51 sqq.). Too choisit un classement fondé sur les
informations tirées des discours mêmes, notamment Sur l'échange 45 sq., et
Panathénaïque 1 sq . (sur la proximité des deux classements, cf. 97 S. Wilcox,
« Isocrates' Genera of Prose » , AJPh 64, 1943, p. 427-431). Il y énumère plu
sieurs des nombreuses formes littéraires de prose ; elles fontmontre d 'un éventail
particulièrement ouvert face à la rigidité du schémaaristotélicien. A la fin de ces
énumérations, il place la forme qu 'il cultive : il s'agit de discours « pour intéres
ser les Grecs, leurs concitoyens et le public des réunions solennelles ('EXnvi
xoùç vaitoltiXoùç xainavnyupixoÚC )» , doués de musicalité et de rythme
(Sur l'échange 46 ), et de « ceux qui présentent des suggestions conformes aux
intérets de notre ville et de tous les Grecs (τους περί των συμφερόντων τη τε
nó el xai toiç örlos " EMnol ovußovreúovrac)» (Panathénaïque 2). Autre
ment dit, Isocrate réclame pour l'ensemble de son æuvre la qualification de
róyos notixóc, sous laquelle s'intègrent des formes différentes de discours ;
d'après l'auteur de la Rhetorica ad Alexandrum (1421 b 7 sqq.), ce logos com
prend les trois genres aristotéliciens : judiciaire , délibératif et épidictique. Le
discours « politique » doit être, tout d'abord, utile , idée développée en particulier
dans l'Éloge d 'Hélène et le Nicoclès (cf. aussi Denys d'Halicarnasse , Isocrate 1,
4, et infra ). Cela n 'exclut pas qu 'il soit, en deuxième lieu , agréable, par sa
proximité du langage poétique (cf. Sur l'échange 47, et Panathénaïque 2 ). De
plus, il est conçu comme la suite de la poésie gnomique d'Hésiode, de Phocylide
et de Théognis (cf. A Nicoclès 40 -49, et Eucken 46 , p. 231 sqq.).
Dans la section finale du Panathénaïque, Isocrate nous offre une autre information peut
être valable pour tous ses discours. Il y présente une discussion à l' intérieur de son école : un
disciple spartiate analyse le discours que le maître vient de prononcer, comprenant qu 'il pos
sède une double signification . Le fait qu 'Isocrate ne se prononce pas sur la correction ou
l'incorrection de l'analyse de son élève suggère la possibilité que tout discours isocratique
puisse être envisagé à deux niveaux : dans un sens littéral ou sémantique, compréhensible par
tous, et dans un sens secondaire et dianoétique, perceptible seulement par « le raisonnement
des esprits qui s' efforcent d'atteindre la vérité » ( $ 261): cf. Too 19, p. 70 sqq. ; 98 H . O .
Kröner, « Dialog und Rede. Zur Deutung des Isokratischen Panathenaikos » , A & A 15 , 1969,
p. 102 -121, repris dans Seck 15, p. 29 -328, et Bons 49, p. 161 sqq., avec bibliographie sur le
sujet aux n . 29 sqq. Contra, Schäublin 264, p . 172 ; 99 M . Erler, « Il Panatenaico d 'Isocrate e
la critica della scrittura nel Fedro : “ Aiuto " e " senso nascosto " » , Athenaeum 81, 1993,
p. 149- 164, notamment p. 155 sq. et 163 (trad. ital. d'Id .259).
Dans notre perspective littéraire, Isocrate doit être considéré comme l' initia
teur de divers genres littéraires.
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 905
L’Éloge d 'Hélène et le Busiris représentent la première codification et les premiers exem
ples de l' éloge en prose d'un sujet mythologique (cf. Buchheit 60, p. 45 sqq.; Gärtner 14,
col. 1468 sq. ). L 'Evagoras inaugure le genre de l' éloge d 'un personnage historique (cf. 100 J.
Sykutris, « Isokrates' Evagoras », Hermes 62, 1927, p . 24 -53, repris dans Seck 15, p. 74 -105 ;
101 K . Münscher, « Isokrates' Evagoras» , PhW 47, 1927 , col. 1063- 1070 et 1098 - 1103, repris
dans Seck 15 , p . 106 - 121 ; Buchheit 60, p. 64 sqq .; 102 P . Hadot, art. « Fürstenspiegel» , RAC
8 , 1972, col. 555 -632 , notamment col. 576 , et 103 T. Poulakos, « Isocrates' Use of Narrative
in the Evagoras. Epideictic Rhetoric and Moral Action », QJS 73, 1987, p . 317- 328 ). L ' impor
tance de ce discours dans la configuration du genre biographique a été signalée par 104 F .
Leo, Die griechish-römische Biographie nach ihrer literarischen Form , Leipzig 1901 (réimpr.
Hildesheim 1965), p . 91 sq ., et récemmentpar 105 T . Krischer, « Die Stellung der Biographie
in der griechischen Literatur » , Hermes 90 , 1982 , p . 51 -64 , notamment p . 59-63. Le discours
Sur l 'échange représente le premier exemple du genre littéraire de l' autobiographie dans
l' Antiquité (cf. 106 G . Misch, Geschichte der Autobiographie , 3e édit., Bern 1949, p. 158 -180,
repris dans Seck 15 , p . 189-215 , et récemment 107 M . Fuhrmann , « Rechtfertigung durch
Identität. Über eine Wurzel des Autobiographischen » , dans O .Marquard et K . Stierle [édit.),
Identität, coll. « Poetik und Hermeneutik » 8, München 1979, p. 685 -690 ; 108 M . Trédé
Boulmer, « La Grèce antique a -t- elle connu l'autobiographie ? » , dans M .-F . Baslez, P .
Hoffmann et L . Pernot (édit.], L 'invention de l'autobiographie d'Hésiode à Saint Augustin ,
Actes du deuxième colloque de l'Équipe de recherche sur l'hellénisme post-classique (Paris,
École normale supérieure , 14 - 16 juin 1990 ], Paris 1993, p . 13-20 , notamment p. 16 sq .). De
son côté , l' A Nicoclès et l' Évagoras représentent les premiers traités en prose sur les devoirs
du monarque (speculum principis ) de la littérature grecque (cf. Hadot 102 , col. 574 - 576 ).
Finalement, pour l' importance d ' Isocrate dans le genre historiographique, cf.Mathieu 24,
p. 200 sqq.
La philosophie d 'Isocrate
Depuis les dernières décennies, surtout depuis les années cinquante, une ana
lyse intrinsèque de l'euvre d'Isocrate a permis une revalorisation de l'activité
philosophique d' Isocrate. La comparaison continuelle avec Platon explique que
pendant tout le xixe siècle et une partie du XXe Isocrate ait été méprisé comme
un penseurmédiocre.
Cf. p . ex. 109 K . O . Müller et J. W . Donaldson , A History of the Literature of Ancient
Greece, t. II, London 1858 , p. 148 - 159, notamment p. 153 ( trad. fr., I. III, Paris 1883 , p . 478
498 , notamment p . 487) ;Münscher 3, col. 2151, 33 sg. ; 110 H . J. Rose, A Handbook of Greek
Literature from Homer to the Age of Lucian, London 1934, p. 285 : « He had a most unphilo
sophicmind and no turn for speculation either ethical or metaphysical » .
Sur la signification du terme « philosophie » chez Isocrate, nous renvoyons à
la bibliographie rassemblée par 111 D .Gillis, « The EthicalBasis of Isocratean
Rhetoric » , PP 24 , 1969, p. 321-348, notamment p. 328 n . 9 (cf. aussi Burk 4 ,
p .65 sqq. ; 112 M . A . Levi, Isocrate. Saggio critico, coll. « Biblioteca Storica
Universitaria » , série II, t. X , Milano/Varese 1959, p. 85 sqq., et Id. 16 , p. 1163 ;
113 I.Hadot, Arts libéraux et philosophie dans la pensée antique, Paris 1984 ,
p. 16 sqq.; Eucken 46 , p. 14 sqq.; 114 M . Dixsaut, art. « Isocrate» , dans J.-F.
Mattei (édit.), Les Euvres philosophiques. Dictionnaire,t. I, Paris 1992, p. 185
sq.; 115 P . Gómez, « laldeia y literatura : el discurso isocrático » , AFB 14 ,
1991, p. 53-70,notamment p. 58 sq .; Lombard 18 , p. 15 sq.). Ce n'est pas dans
un sens strict qu 'Isocrate emploie le terme « philosophie » pour désigner sa
propre activité en tant qu 'éducateur, mais dans un sens large couvrant toute
activité rattachée au savoir, y compris celle de ses concurrents.
906 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
Dans l'Éloge d'Hélène 6, il parle d'« une philosophie de la dispute (ň nepi tàç špidas
plooopia ) » ; dans l' A Nicoclès 51, il distingue parmi lesmaîtres de la sagesse (oi tepi tv
Olaoooplav ovTEC ) des groupes différents : les éristiques, les auteurs de discours politiques et
d'autres. Même dans le Sur l'échange, sauf quelques cas (cf. § 268 sqq.), c 'est toujours dans
un sens large qu 'il utilise le terme (cf. Eucken 46 , p . 7 et 14 sqq.). Ce sens est donc différent
du sens platonicien ; c 'est ce dernier qui va prévaloir, à partir du moment où Platon forge pour
désigner l'activité de son rival le terme « rhétorique (øntopixń ) » : cf. 116 E . Schiappa, « Did
Plato coin rhētorikë ?» , AJPh 111, 1990, p . 457-470, et Cole 31, p . 2 ; contra, 117 N .
O 'Sullivan , « Plato and ñ xarovuévn øntopixn » , Mnemosyne 46 , 1993, p . 87 -89, avec la
réponse de 118 E . Schiappa, « Plato and ń zarovuévn øntopixń : A Response to O 'Sullivan » ,
Mnemosyne 47, 1994, p.512-514 .
La « philosophie » d 'Isocrate enseigne à raisonner et à comprendre les rap
ports qui s'établissent entre les choses, ainsi qu'à être utile à la communauté. Il
s'agit donc d'une philosophie de nature sociale fondée sur les liens interperson
nels à l'intérieur de la communauté : le discours (aóyoc ) est le résultat d'un pro
cessus mental de compréhension de la réalité, et doit exprimer un jugement
(86& a) en accord avec une circonstance concrète (xalpós) de la polis.
Donc, Isocrate enseigne dans son école la culture et la maîtrise du Nóyos
(cf. supra ). L 'emploi du nóyos, de la parole ou du discours à des fins politiques
est d'abord recommandé, puis exalté dans Nicoclès 5-9, un passage que l'orateur
va répéter quelques années plus tard dans le Sur l'échange 253 sqq. Tout
d'abord , le logos nous distingue des animaux, lesquels sont supérieurs à l'hom
me par d 'autres aspects , et il nous permet de nous débarrasser de la vie sauvage
(§ 5 sq.). Il est donc le principe de la civilisation dans toutes sesmanifestations:
étant donné que chez les hommes il est inné « de nous convaincre mutuellement
et de faire apparaître clairement à nous-mêmes l'objet de nos décisions» ( $ 6 ),
c 'est lui qui rend possible la vie en communauté, qui permet l' établissement des
lois et l'invention des arts ( $ 6 ).
Cf. Norlin 6 , t. I, p. XXIII sq. ; Steidle 59, p . 276 sqq. ; 119 R . Johnson, « Isocrates 'Method
of Teaching » , AJPh 80 , 1959, p . 25 - 36 , notamment p. 33 sq. ; 120 S . Ijsseling , Rhetoric and
Philosophy in Conflict. An Historical Survey, The Hague 1976 , p . 18-25 ; 121 M . Dixsaut,
« Isocrate contre des sophistes sans sophistique » , dans B . Cassin (édit.), Le plaisir de parler.
Études de sophistique comparée, Paris 1986 , p .63-85 ; Gómez 115, p . 56 sqq., et Usener 38,
p. 67 sqq.
Sur la obča , nous renvoyons à 122 J.-P . Levet, Recherches sur dóta et les
notions apparentées chez Isocrate, Paris 1975 (cf. aussi Eucken 46 , passim ,
notamment p . 32 sqq. et 56 sqq.; Steidle 59, p. 261). Comme on le signale dans
le Contre les sophistes (cf. infra), seul un esprit apte à se faire des opinions
(Quyñs... dofaotixñs) permet la connaissance pratique des procédés du logos.
Dans l'Éloge d'Hélène, Isocrate exhorte ($ 5) tous ceux qui cherchent la vérité à
former leurs disciples « à la pratique de notre vie politique (tàs apátelc év als
noitevóueda )» , convaincus qu 'il vautmieux « apporter sur des sujets utiles
une opinion raisonnable (ětilelxãs dočá (elv ) que sur des sujets inutiles des
connaissances exactes» . Cette estimation positive de l'opinion est tout à fait
originale et suppose une prise de position face à une longue tradition où l'opi
nion était confrontée et subordonnée à la vérité (cf. Parménide DK 28 B 1, 30 et
8, 51 ; Démocrite DK 68 B 7), à la science (cf. Socrate, chez Xénophon ,
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 907
Mémorables III 9 , 6 , et chez Platon, Apologie de Socrate 21 c sqq. ; quant à
Antisthène, cf. infra ), ou bien à toutes les deux (cf. Gorgias, Palamède 24 [t. II,
p . 300 DK ] ; de même Hélène 8 - 14 [t. II, p. 290 sqq. DK ]). Le fait de tirer la
doxa de la sphère subjective et individuelle et de la considérer comme un élé
ment objectif par son application au monde de la collectivité est caractéristique
aussi d'Isocrate, face à Protagoras (cf. infra).
Une opinion ou un jugement seront corrects quand il s 'accorderontavec des
circonstances externes (xalpoí; cf. Steidle 59 , p. 260 et n . 4 ) auxquelles les
discours essaient de donner une réponse. Néanmoins, Isocrate utilise parfois le
termexalpós dans un sens strictement technique, comme le fait Alcidamas (cf.
infra ), c'est-à-dire comme la capacité d'ajuster le discours séance tenante aux
exigences ponctuelles de l'audience (cf. Vallozza 282).
La philosophie isocratique a simultanément une dimension pédagogique, une
dimension historique et une dimension rhétorique.
Dimension pédagogique. Cf. Burk 4, p . 34 sqq. ; Mathieu 5, t. I, p . X ; Steidle
59 ; Johnson 119 ; 123 S. Cecchi, « La pedagogia di Isocrate » , RSC 7, 1959,
p . 118-133 ; 124 F . Kühnert, « Die Bildungskonzeption des Isokrates » , dans R .
Müller (édit.) , Der Mensch alsMaß der Dinge, Berlin 1976 , p . 323-336 ; 125 E .
Rummel, « The Effective Teacher and the Successful Student» , EMC 21, 1977,
p . 92 - 96 ; Cahn 43 ; Lombard 18, p . 27 sqq., et Gómez 115.
Isocrate a exposé le programme de son école (dontnous pouvons imaginer le
fonctionnement grâce à Panathénaïque 200 sqq.) dans le discours Contre les
sophistes ($ 14 - 18). Il y assume trois conditions essentielles pour arriver à la
maîtrise de la parole et de la politique : les bonnes dispositions naturelles (EÚ
Quial), l' entraînement par l'expérience (tuttelpia ) et l'éducation (taídevoLG).
Cette triade provient de la sophistique (cf. Protagoras DK 80 B 3). Pour le
caractère traditionnel de cette triade, nous renvoyons à Steidle 59, p. 262 ;
126 L .C . Ford, The Sophistic Trichotomy of natural Ability, Practice, and
Knowledge in the Educational Philosophy of Isocrates, Thèse Princeton 1984,
résumée dans DA 44, 1984, p . 3375 A sq., notamment chap. IV et V ; Lombard
18, p . 38 sqq., et en général sur le débat natureléducation , nous renvoyons à
127 J. de Romilly , LesGrands Sophistes dans l'Athènes de Périclès, Paris 1988,
p. 57-89. Plus loin Isocrate explique ce dont le bon orateur a besoin (§ 16 sq.): il
n 'est pas difficile d'acquérir la connaissance théorique des procédés qui servent
à prononcer et à composer les discours si on trouve un savant en la matière ; en
revanche, « choisir pour chaque sujet les procédés qu 'il faut, les combiner et les
ranger dans l'ordre convenable , ne pas se tromper sur le moment propre à leur
emploi, donner par les pensées l'ornement qui sied à l'ensemble du discours et
employer des expressions harmonieuses et artistiques, voilà ce qui demande
beaucoup de soins et qui est la tâche d 'un esprit énergique et apte à se faire des
opinions (quxñs... Dočaotixñs)» . Autrement dit, il n 'existe pas une science du
discours qui puisse s'apprendre comme l' alphabet ($ 12 ), mais seulement la
possibilité d'une approche au moyen de la góta (cf. supra).
908 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
Dans ce passage, le terme grec pour « procédé » est idéa . Sur sa signification , voir
128 F. W . Schlatter, « Isocrates, Against the Sophists XVI» , AJPh 93, 1972, p. 591-597 ;
129 J. B . Lidow , « The Meaning of idéa in Isocrates» , PP 38, 1983, p. 273-287 ; Eucken 46 ,
p . 105 sq . et 235 sqq. ; 130 H .LI. Hudson -Williams, « Isocrates and Contemporary Rivals » ,
c.r. de Eucken 46 , dans CR 35, 1985, p . 20 -21.
L ' élève doit apprendre ces procédés tels que lemaître les lui enseigne. Celui
ci s'offre lui-même comme un modèle (napádelyua ) dont les disciples reçoi
vent l'empreinte (ÉVTUTWOÉvtac), devenant ainsi des copies du maître (§ 17 sq. ;
cf. Steidle 59, p. 265 , et surtout la documentation apportée par Too 19, p. 186
sqq., et infra ). Modèle lui-même, le maître sait proposer aux élèves d'autres
modèles pour qu'ils en tirent profit, à travers la lecture ou le débat. Isocrate
s ' insère ainsi dans une tradition qui propose l'imitation de personnages exem
plaires (tels Thésée, Héraclès, Agamemnon, Évagoras ou Timothée), une tradi
tion qui remonte à Homère et qui est très bien représentée chez Pindare ( cf.
Marrou 11, p. 134 ; Lombard 18, p . 45 sqq. ; Too 19, p. 129 sqq .; 131 E .
Alexiou, Ruhm und Ehre. Studien zu Begriffen, Werten und Motivierungen bei
Isokrates, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » N .F. 2,
93, Heidelberg 1995, p. 88 sqq.). L 'enseignement personnalisé permet à Isocrate
de chercher le modèle approprié à chaque élève. Ainsi s'explique que Nicoclès,
en tant que roi de Salamine à Chypre, ait besoin d'une éducation différente de
celle des autres élèves: le meilleurmodèle qu'il peut imiter est celui de son père
Évagoras.
Sur l'éducation du monarque, cf. 132 H . Kehl, Die Monarchie im politischen Denken des
Isokrates, Thèse Bonn 1962 ; 133 K . Rekucka-Bugajska, « Isocrates quid de optimo rege
docuerit» (en polon ., avec rés. en lat.),Meander 35, 1980 , p . 83 -95 . Sur la tradition pinda
rique de l' Evagoras, cf. 134 M . Vallozza, « Alcunimotivi del discorso di lode tra Pindaro e
Isocrate » , QUCC n .s. 35 (= 64 ), 1990 , p. 44 -58 , avec bibliographie p . 44 n . 2. Sur le caractère
modèle de l'histoire , cf. 135 G . Schmitz -Kahlmann , Das Beispiel der Geschichte im poli
tischen Denken des Isokrates, Leipzig 1939, et 136 M .Nouhaud, L 'utilisation de l'histoire par
les orateurs attiques, Paris 1982.
Le passage cité du Contre les sophistes suppose qu'Isocrate a dépassé le traité
rhétorique des sophistes itinérants, étant donné l'impossibilité de systématiser les
principes de la persuasion (cf. Sur l'échange 184 et 271, et infra), et qu 'il l'a
remplacé par un rapportmaître-élève personnalisé, prolongé sur trois ou quatre
années (cf. Sur l'échange 87). Pendant ce temps le maître contrôle l'apprentis
sage de l' élève. Il « adopte» symboliquement le disciple et s'engage à diriger son
futur agir politique ; c'est pourquoi la condition de disciple , comme celle de fils,
ne se perd jamais (cf.Rummel 125 ;Cahn 43, p. 135 sq. ; Lombard 18 , p. 48 sq.;
Too 19, p. 200 sqq.).
Ce discours s'interrompt brusquement après la promesse de rendre explicites les points de
son programme (§ 22). Contrairement à Auger 72, t. III, p . 1 sq., à Blass 1, t. II, p . 240 sq., et à
Drerup 79, p . CXXIX sq., qui ont pensé à une mutilation ancienne du discours, de nos jours on
considère l'ouvrage comme complet. Il s'agirait de l'introduction de son cours oralde rhéio
rique (cf. Mathieu 5 , t. I, p . 141 ; Eucken 46 , p. 6 ; 137 P. Harding, « An Education to All» ,
LCM 11, 1986, p . 134 sqq.; Cahn 43, p . 136 sq.). Une interprétation différente est offerte par
Too 19 , p. 156 sqq., qui permet d'expliquer aussi la fin tronquée des épîtres 1, VI et IX
(cf. supra).
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 909
L 'exposition du programme contenu dans le Contre les sophistes sera reprise
plusieurs années plus tard dans le Sur l'échange, où Isocrate développe sa pai
deia (§ 180 sqq.), qui concerne le soin de l'âme de la mêmemanière que l'art du
pédotribe concerne le soin du corps.Mikkola 7 , p. 196 - 201,a résumé cette phi
losophie dans les intitulés suivants:
(1 ) Lemaître doit apprendre à ses élèves à penser et à parler avec élégance.
( 2) La paideia sert à réfléchir (TÒ Ppoveiv ) et à bien parler (TÒ NÉVELV ).
(3) L'essentiel dans la rhétorique est d 'apprendre à convaincre (TÒ TelDelv ).
(4 ) Pour arriver à maîtriser les procédés des discours on a besoin de la philosophie , enten
due comme toute activité spirituelle qui aide l'homme à examiner et à juger la réalité , pour
trouver le ceur des affaires, leur vérité .
(5) L 'éloquence apprise est meilleure que l'innée, dans la mesure où elle aide à com
prendre l' essence hiérarchique de la réalité.
(6 ) Le bon orateur se reconnaît dans la grandeur des sujets qu'il choisit.
(7) La culture du raisonnement et celle de la rhétorique sontintimement unies.
(8 ) Celui quimaîtrise l'art de convaincre doit sympathiser avec celui qu 'il va convaincre
pour garantir son succès.
(9 ) Le mode de vie de l'orateur, ses vertus et sa bonne réputation , décident à la fin du
résultat du discours .
A des niveaux différents, son éducation est celle d ' Athènes, celle de la Grèce
et celle du monde (cf. Alexiou 131, p. 154 sqq.). Ce n'est pas tant pour des rai
sons ethniques qu'une personne sera grecque, que pour avoir reçu l'éducation
grecque (cf.Mathieu 22, p. 42 sq.; Levi 112, p. 64 sq .; Heilbrunn 42, p. 168,
mais aussi 138 J. Jüthner, « Isokrates und die Menschheitsidee », WS 47, 1928 ,
p. 26 -31, repris dans Seck 15, p. 122 -127 ;Masaracchia 20, p. 47-79).
Dimension historique. Cf. Mathieu 24 ; Cloché 10 ; 139 K . Bringmann ,
Studien zu den politischen Ideen des Isokrates, coll. « Hypomnemata» 14,
Göttingen 1965.
Face au caractère variable des circonstances externes, Isocrate offre une
image fixe et immuable de lui-même ; en fait, les témoignages qu 'il allègue en sa
faveur dans le Sur l'échange sont des fragments d'écrits précédents , qui mon
trent la cohérence de sa pensée au cours des années. C 'est grâce à son retrait
délibéré de l'arène politique athénienne et à son éloignement de la nolu
Tipayuooúvn (cf. supra ), à laquelle se sont adonnés les nouveaux politiciens
formés chez les sophistes, qu 'il a acquis cette image. Aumoyen de cette présen
tation cohérente de ses écrits, il réussit à créer chez le lecteur la conviction qu 'il
existe une adéquation parfaite entre ce que l'orateur dit et ce qu 'il est (cf. Dixsaut
121, et Too 19, p . 5 sq.). Son éloignement volontaire des rapports de pouvoir à
Athènes lui garantit un statut de conseiller à deux niveaux :
- A l'intérieur d ' Athènes, il se présente comme un citoyen anpáyuwv
modèle , opposé aux sycophantes et aux nouveaux politiciens. Ses conseils sont
désintéressés et dépourvus d 'ambition personnelle.
On situe généralement Isocrate dans la tradition conservatrice de Cimôn, Thucydide,
Nicias et Théramène, laquelle revendique une constitution mixte et s'oppose à l' empire et à la
rolunpayuooúvn démocratique (cf. les conclusions de Bringmann 139, p. 110 sq. ; 140 J. de
910 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
Romilly , « Les modérés athéniens vers lemilieu du IVe siècle : Échos et concordances » , REG
67, 1954 , p. 327 -354 ; 141 A . Demandt, Geschichte als Argument, chap. II : « Das klassische
Dekadenzmodell bei Isokrates » , Konstanz 1972, p . 18 -29 et 64 sq. ; Too 19, p . 103 sqq .). Les
réformes entamées par Théramène constituent essentiellement le retour à la TáTPLOS Tolteia
qu ' Isocrate propose dans divers écrits, comme Panegyrique 76 sqq., A Nicoclès 14 sqq.,
Nicoclès 14 sq., et surtout l'Areopagitique (cf. Levi 112, p. 9 sqq. ; Id., p. 1166 sq.; Canfora
17, p. 357 sqq.; 142 Id ., « Isocrate e Teramene » , dansMélanges P. Lévêque, t. V , coll. « Anna
les Litt. Univ. Besançon >> 429, Paris 1990 , p . 61-64 ; aussi 143 P . Cloché, « Isocrate et la poli
tique théraménienne » , LEC 5 , 1936 , p. 394 sqq. ; 144 C . Bearzot, « Teramene tra storia e
propaganda » , RIL 113, 1979 , p . 195 -219, sur l' idéalisation de la figure de Théramène dès la
fin du va). Le système politique idéal pour Isocrate est la démocratie , mais une démocratie
dans laquelle il existerait un primus inter pares. Il s'agit donc d 'une constitution mixte, à mi
chemin entre démocratie et monarchie, susceptible d 'être adaptée à des contextes différents,
c'est-à-dire à l'Athènes démocratique (cf. Éloge d 'Hélène 36 ) et à la cour des diversmonar
ques (cf. Nicoclès 14 - 26 ). C 'est du discours de Périclès chez Thucydide, où l'on décrit (II 65,
9 ) l’Athènes de l'époque comme une démocratie nominale,mais qui a en fait un gouverne
ment unipersonnel (Royw uÈv onuoxpatía , epyw dè ÚTTO TIPATOU Ávopos ápx ), qu 'Isocrate
a tiré l'idée (cf. Eucken 46, p. 96 sqq., qui renvoie à 145 F. Pointner, Die Verfassungstheorie
des Isokrates, Thèse München 1965, Augsburg 1969). Voir aussi Kehl 132, 146 I. Labriola ,
« Terminologia politica isocratea, I: Oligarchia, aristocrazia, democrazia » , OS 4 , 1978 ,
p. 147- 168, et 147 M . Silvestrini, « Terminologia politica isocratea, II : L 'Areopagitico o dell'
ambiguità isocratea » , QS 4, 1978, p. 169-183.
- Hors d'Athènes, comme il n'est pas un politicien actif danssa patrie, il peut
s'adresser avec objectivité à tous les Grecs au moyen de ses écrits. Dans ce
domaine, il défendra dès 3809 l'« idée panhellénique » : les Grecs doivent obtenir
la concorde (ouovola ) entre eux et entamer une expédition avantageuse contre
l'Empire perse , c'est-à-dire contre l’Asie .
Cf. 148 J. Kessler, Isokrates und die panhellenische Idee, coll. « Studia Historica » 14 ,
Paderborn 1911, réimpr.Roma 1965 ; Mathieu 24, p. 41 sqq., 95 sqq. et 153 sqq.; Norlin 6,
t. I, p. XXXII sqq.; 149 A .Momigliano, « L 'Europa come concetto politico presso Isocrate e
gli Isocratei» , RFIC n .s. 11, 1933, p . 477 -487 ; Bringmann 139 , p . 19 sqq.; Heilbrunn 42,
p. 160 sqq. ; 150 C . Bearzot, « Isocrate e il problema della democrazia » , Aevum 54, 1980,
p. 113-131; 151 J. de Romilly, « Isocrates and Europe», G & R 39, 1992, p. 2- 13. L 'idée avait
déjà une certaine tradition au temps d'Isocrate ; cf. Mathieu 24 , p . 17 -28 . Il l'avance dans
l' Éloge d 'Hélène, selon 152 G . Kennedy, « Isocrates' Encomium of Helen : a Panhellenic
Document» , TAPHA 89, 1958 , p . 77 -83, et l'exposera en détail dans le Panegyrique (380 ).
Isocrate y propose qu 'Athènes et Sparte commandent l'expédition contre les Perses, conférant
à Athènes le même rang qu 'à Sparte en raison de sa trajectoire historique éblouissante
(cf. Cloché 10 , p. 33 sqq., et 153 E . Buchner, Der Panegyrikos des Isokrates, coll. « Historia
Einzelschriften » 2 , Wiesbaden 1958 ; contra , Drerup 158 , 154 D . Gillis , « Isocrates' Panegy
ricus. The Rhetorical Texture » , WS n .s. 5, 1971, p. 52-73, Masaracchia 20 , p. 50, qui soutien
nent qu 'Isocrate ne pense qu'à une hégémonie non partagée d'Athènes). Le cours des événe
ments fait qu 'Isocrate considère que l'hégémonie ne doit pas être conférée à une cité,mais à
un chef, poste pour lequel il pense successivement à Denys de Syracuse (Epître à Denys,
367a), à Archidamos de Sparte (Epître à Archidamos, 3569) et à Philippe de Macédoine
(Philippe, 346a) : cf. 155 Th.S. Tzannetatos, « L'unité politique des Grecs anciens et Isocrate»
(en grec moderne), EEAth 12 , 1961-62, p. 437 -457. Sur le concept d'homonoia chez Isocrate,
cf. Levi 112, p .53 sqq., 156 J. de Romilly, « Eunoia in Isocrates or the Political Importance of
Creating Good Will» , JHS 78, 1958, p. 92- 101 (trad. allemande, dans Seck 15, p. 253-274),
157 S. Perlman , « Isocrates' Philippus and Panhellenism », Historia 18 , 1969, p. 370-374.
Un sujet très débattu a été l'influence que les conseils d' Isocrate ont eu sur la
politique contemporaine (cf.le résumé de Bringmann 139, p. 13 sqq.).
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 911
Les positions oscillent entre deux pôles extrêmes. D 'un côté, Mathieu 24 , en accord avec
Wilamowitz -Moellendorff 32, t. II, p. 381 sq., et 158 E . Drerup , « Epikritisches zum Panegy
rikos des Isokrates » , Philologus 54 , 1895, p . 636 -656 , notamment p . 639 (cf. aussi Kennedy
9 , p . 190 ), a soutenu (p . 81) que le Panegyrique a inspiré la fondation de la seconde confédé
ration athénienne. De plus, les points de vue exposés dans le Plataïque auraient été semblables
à ceux défendus par Callistratos à cette époque -là (p . 92 sq.), et ceux du Sur la paix et de
l' Areopagitique avancent desmesures qui caractérisent la politique d ' Eubule (p . 124 sq .).
Finalement, Mathieu 24 , p. 166 sq. et 174 , estime importante l'influence isocratique sur les
monarquesmacédoniens (cf. aussi 159 C . D . Adams, « Recent Viewsof the Political Influence
of Isocrates » , CPh 7, 1912, p . 343 -350 , et 160 M . L . W . Laistner, « The Influence of Isocrates'
Political Doctrines on Some Fourth -century Men of Affairs » , CW 23, 1930, p. 129-131). De
l'autre côté, Bringmann 139, et aussi Cawkwell 12, p . 555, ontminimisé l'influence politique
des discours d ' Isocrate .
Dimension rhétorique. Le style. Cf. Blass 1, t. II, p. 130 sqq.; Jebb 2, t. II,
p. 54 -79 ; 161 E .Norden , Die antike Kunstprosa, vom VI. Jahrhundert v. Chr. bis
in die Zeit der Renaissance, 2 vol., Leipzig 1898, réimpr. Leipzig/Berlin 1915
(t. I), 1918 (t. II), Darmstadt 19818, t. I, p. 113- 121; Burk 4, p. 124 sqq. ; Norlin
6 , t. I, p. 13 sqq.; Cawkwell 12, p. 555 ; 162 S . Usher, « The Style of Isocrates» ,
BICS 20, 1973, p. 39-67;Cole 31, p. 119 sq.; Usener 38, p. 69 sqq.
L ' immutabilité de la figure d’Isocrate est renforcée par le style de ses écrits.
On accepte généralement l'influence de Gorgias sur Isocrate dans ce domaine
(cf. Norden 161, t. I, p . 116 sqq.). Il lui a emprunté la conception poétique du
discours.Malgré tout, il est difficile d 'estimer la portée de cette influence à partir
de ce qui a été conservé du sophiste. Par rapport à Gorgias, Isocrate a homogé
néisé son expression, en se bornant à utiliser un langage quotidien avec une
grande précision .Même dans les plaidoyers , il a simplifié radicalement le systè
me des formules judiciaires, qui devient très uniforme après lui (cf. 163 F .
Cortés Gabaudan, Fórmulas retóricas de la oratoria judicial ática, coll. « Theses
et Studia Philologica Salmanticensia » 23, Salamanca 1986 , p . 279 -289 ). Il n 'est
pas habituel de trouver chez lui des mots poétiques, des solécismes ou des com
posés inusités. Aussi, Isocrate s'abstient-il de l'excès dans l' emploi du langage
métaphorique. Soucieux de faire parvenir parfaitement le message, il renforce les
éléments rythmiques et évite le choc de consonnes discordantes, ainsi que les
hiatus, c 'est-à-dire toute séquence qui entraverait la lecture . Il sait structurer les
contenus en de longues périodes , constituées par desmembres étroitement liées,
de façon à ne jamais perdre le lien des parties entre elles et leur rapport avec
l'ensemble (cf. Usher 162, p . 41 sqq.). La clarté dans l'exposition des idées et
l'homogénéité du langage employé font que le lecteur peut prévoir ce qu 'il va
lire par la suite , ce quiproduit en lui une satisfaction qui rend plus facile l'accep
tation des contenus présentés.
Il est possible que le désir d' Isocrate d ' influencer ses lecteurs éventuels se reflète , au
moins dans les éditions qu 'il a contrôlées, dans la présentation graphique des æuvres, qui a
bien pu respecter la disposition par membres caractéristique des æuvres poétiques, face à la
scriptio continua habituelle : cf. 164 G . Morocho Gayo, « Prosa griega y orden de palabras :
una aproximación » , dans Id . (édit.), Estudiosde prosa griega, León 1985, p. 141- 177, notam
ment p. 147 sqq.
Rapport d’ Isocrate avec d'autres penseurs. C 'est aussi par opposition aux
philosophes et aux penseurs rivaux qu 'Isocrate définit sa philosophie, dont il
912 ISOCRATE D 'ATHÈNES 1 38
estompe les contours pour que les critiques adressées aux uns affectent aussi les
autres. Il s 'agit d 'une conception agonique, que l'orateur décrit au début du
Panégyrique : il ne faut pas chercher l'originalité dans le choix du sujet, car tant
que les circonstances seront les mêmes, le sujet devra aussi être le même. Dans
cette mesure, l'orateur doit rivaliser avec ceux qui l'ont précédé et les dépasser.
Il justifie ainsi la méthode qu'il a pratiquée depuis qu'il a ouvert son école :
reprendre les conceptions et les formulations d 'autres penseurs et les corriger , de
manière à leur faire prendre une signification nouvelle et originale dans ses
œuvres (cf. Eucken 46 , p . 151). Il faut admettre également qu 'Isocrate a été
influencé par les critiques de ses adversaires (cf. 165 S. Wilcox , « Criticisms of
Isocrates and his bihooopia » , TAPHA 74, 1943, p. 427-431).
Xénophane de Colophon : Cf. Münscher 3 , col. 2151. A deux reprises des
attitudes d 'Isocrate rappellent celles de Xénophane :
– Dans Panegyrique 1, il critique l'excès dans l'appréciation de l'exercice
physique face à l'activité intellectuelle (cf. Xénophane, DK B 2 = 2 Gentili
Prato ; aussi Eucken 46 , p . 151).
- Dans Busiris 38 , le reproche adressé à Polycratès d 'avoir suivi les traditions
injurieuses des poètes sur les dieux rappelle l'attaque de Xénophane, DK B 11 =
14 Gentili-Prato (cf. aussi Eucken 46, p . 196 sqq.).
Socrate : Cf. Blass 1, t. II, p . 11 ; Norlin 6 , t. I, p. XVI-XIX ; Burk 4 , p . 27-30 ;
Kennedy 9 , p . 179- 185 ; Too 19, p . 192 sqq. Selon le Phèdre de Platon (278 e ),
Isocrate était un « compagnon (Étatpos) » de Socrate . Celui-ci fait l'éloge des
qualités naturelles de l'orateur, ainsi que de la noblesse de son temperament
moral. Il prophétise qu 'Isocrate dépassera tout le monde dans la rhétorique qu' il
pratique à présent et , si cela ne le satisfait pas, qu' « une impulsion divine » le
mènera à de plus grandes choses, car il aime par nature la sagesse (279 a): cf.
Jebb 2 , t. II, p . 3 ; Münscher 3, col. 2151; Burk 4 , p . 29 ; infra . L 'estime était
réciproque, à en juger par l'anecdote transmise par (Pseudo-)Plutarque 838 f.
L 'orateur ne fait pas souvent référence à Socrate , mais il est significatif qu'il ne
formule jamais d'attaque contre lui (cf.Kennedy 9 , p . 180 ). Des parallélismes
entre les deux ont été signalés par Jebb 2 , t. II, p. 49 sq. ; Norlin 6 , t. I, p . XVII
sq .; et Kennedy 9, p. 182 sqq.
Dans Contre les sophistes 8 , Isocrate estime valable comme principe de sa
propre activité la « culture de l'âme (tñs quxñs étlué elav) » , formulation
socratique de l'activité philosophique (cf. Platon, Apologie de Socrate 29 e ; 30
b ; Xénophon ,Mémorables I 2 , 4), dont les socratiques se sont, à son avis, écar
tés (cf.Eucken 46 , p. 23 sqq.).
La figure de Socrate préside à tout le Busiris. Pour l'orateur, l'Accusation de
Socrate du sophiste Polycratès est un discours manqué ($ 4 ), tout comme son
Apologie de Busiris, parce qu 'il y avait transformé Alcibiade en disciple du phi
losophe, ce qui ne constitue pas un motif de reproche mais d 'éloge ($ 5). Le
traité a contribué à rendre populaires quelques idées morales de l' école de
Socrate (cf. Blass 1, t. II, p . 40 sq. ;Mathieu 24, p . 176 ; Kennedy 9 , p . 180 sq .).
1 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 913
La meilleure preuve du respect envers le philosophe est l'effort calculé et
conscient que fait Isocrate pour se présenter soi-même dans l'apologie de sa vie,
le discours Sur l'échange, à la manière dont Socrate le fait dans l'Apologie de
Platon (cf. Münscher 3 , col. 2210 ; 166 R . J. Bonner, « The Legal Setting of
Isocrates' Antidosis » , CPh 15 , 1920 , p. 193- 197 ;Mathieu 24 , p . 179 ; Norlin 6 ,
t. I, p . XVII, qui a signalé les principaux parallélismes entre les deux æuvres ;
Mikkola 7, p. 168 sqq.; Fuhrmann 107). Too 19 , p . 192 sqq., a expliqué cette
caractérisation dans le cadre de la pédagogie imitative d ' Isocrate , pour laquelle
cf. Id . 19, p. 151 sqq., notamment p. 184 sqq. Le disciple doit imiter les discours
du maître ,mais non pas les reproduire servilement. L 'identité de l'élève doit se
construire sur celle du maître (cf. supra ),mais elle doit rester différente . Isocrate
ressemble à Socrate , mais il garde son identité propre. Il y a donc des éléments
qui font d ’Isocrate un penseur différent de Socrate : celui-ci n 'a jamais écrit et il
a sapé l' autorité du texte écrit, tandis qu 'Isocrate sera son plus grand défenseur
face à l'Athènes « orale » (cf. Too 19, p . 194, et Kennedy 9, p. 182 n . 87).
Protagoras: Protagoras figure à tort parmi les maîtres d'Isocrate (cf.
Münscher 3, col. 2151; supra). Isocrate accepta bien quelques-unes des théories
que l'on trouve dans ses fragments , comme celle de la triade des conditions
nécessaires pour la formation de l' élève (DK B 3 ; cf. Steidle 59, p . 262 ; supra ),
mais ilmodifie d 'ordinaire les enseignements du sophiste:
- Tous deux ont été payés pour leurs cours, mais Protagoras pour son ensei
gnementrhétorique (cf. D . L . IX 56 ), Isocrate pour son enseignement de la vertu
et la justice (cf. Eucken 46 , p. 21 sq.).
- Tous deux ont considéré la doxa comme l'objet de leur recherche, mais
tandis que pour Protagoras le « paraître» et l'« être» se rejoignent et la doxa est
restreinte à la sphère subjective, pour Isocrate il s'agit d'un concept collectif qui
permet l'accès à la réalité (cf. Wilamowitz -Moellendorff 34 , t. II, p. 110 ; Jaeger
8, t. III, p. 116 et 118 ; Steidle 59, p. 262; Eucken 46, p. 32 sqq.).
- Ils diffèrent aussi à propos de la notion de « consensus» (cf. Platon, Théé
tète 166 a sqq.; Id ., Protagoras 322 b -d ; Isocrate, Éloge d'Hélène 11 sq.). Voir
Eucken 46, p. 72 sq.
- Dans Nicoclès 7, l'exaltation isocratique de la parole en tant qu' élément qui
rend possible la vie communautaire rappelle la formulation de Protagoras, chez
Platon , Protagoras 320 c sqq. (cf. 167 F . Dümmler, Chronologische Beiträge zu
einigen platonischen Dialogen aus den Reden des Isokrates, Progr. Basel 1890 ,
repris dans Kleine Schriften , t. I,Leipzig 1901, p. 114 ; 168 K . Ries, Isokrates
und Platon im Ringen um die Philosophia, Diss., München 1959, p. 90 ). Iso
crate , malgré tout, dépasse la formulation de Protagoras puisqu 'il fait dépendre
de la parole les principes de Dikè et d 'Aidôs, qui pour Protagoras étaient la
garantie ultime des lois (cf. 169 J. de Romilly,Magic and Rhetoric in Ancient
Greece, Cambridge (Mass.]/London 1975, p . 53 ; Eucken 46 , p . 253) .
Malgré ces influences, Protagoras n 'est cité que dans l'Éloge d 'Hélène (§ 2),
où ilest choisi comme représentant des sophistes anciens,auprès de Gorgias, de
914 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
Zénon et de Mélissos, et il est considéré comme prédécesseur des socratiques
dans l' élaboration de paradoxes (cf. infra ).
Gorgias : Sur l'apprentissage d'Isocrate auprès de Gorgias et sur sa datation
possible, ainsi que sur l'influence stylistique du sophiste sur Isocrate , cf. supra.
Isocrate mentionne le sophiste à trois reprises. Dans le proème de l' Éloge
d 'Hélène, il critique Gorgias ouvertement comme un des sophistes qui ont légué
des écrits paradoxaux , et le place dans une tradition d'auteurs de paradoxes qui
remonte aux philosophes éléates et se poursuit jusqu 'aux socratiques. Gorgias,
nous dit-il, « ose déclarer que rien n 'existe de ce qui est» ( 3 = DK 82 B 1).
Dans Sur l'échange 268 , il répète, avec certainesmodifications, cette désappro
bation des spéculations ontologiques stériles : les êtres étaient quatre selon
Empédocle, trois selon Ion , deux selon Alcméon , un selon Parménide et Mélis
sos, et absolument aucun d 'après Gorgias. Isocrate juge de telles spéculations
comme des « inventions extraordinaires » semblables à des « tours d'adresse
(Oavuatonoliaus) qui ne servent à rien » ($ 269).Le caractère négatif du juge
ment devientmanifeste ,comme l'a montré Too 19, p.238 (cf.aussi Wilcox 97),
quand on constate l' utilisation péjorative de ce même vocabulaire dans Panathé
naïque 77 sq. Dans ce même discours , Isocrate cite ($ 155 sqq.) l'exemple de
Gorgias pour prouver qu' être un maître professionnel n 'implique pas amasser
une grande fortune : bien qu 'il ait été le sophiste qui a gagné le plus d'argent
grâce à ses honoraires élevés et au fait de ne pas devoir entretenir une famille ni
aider sa patrie, puisqu 'il menait une vie itinérante , il ne laissa que mille statères à
sa mort ($ 156 = DK 82 A 18 ). En revanche, Isocrate a toujours vécu lié à sa
patrie , l' a aidée et a assuré son bien - être en dépit de ses revenus, très inférieurs à
ceux de Gorgias ($ 158). Quand Isocrate mentionne le sophiste, son jugementest
manifestementnégatif.
De plus, à deux reprises il fait allusion au sophiste sans le nommer en établis
sant une compétition avec lui. Dans l’Éloge d'Hélène, il loue l'auteur d'un traité
sur Hélène qui,malgré tout, a commis l' erreur de prétendre qu'il écrit un éloge,
quand en réalité c'est une apologie qu 'il a faite ( 14). De nos jours on ne doute
pas qu ’Isocrate fait référence à Gorgias.
Cf. Gorgias, Éloge d 'Hélène 21 (1. II, p. 294 DK ) ; Blass 1, t. II, p. 72 sqq. ; Drerup 79,
p . CXXXII ; Norden 161, t. I, p .64 ; 170 H . Gomperz , « Isokrates und die Sokratik » I, WS27 ,
1905 , 163- 207 ; II, WS 28 , 1906 , 1-42, notamment p . 2 sqq. ; Buchheit 60 , p . 33 et 54 sqq. ;
Eucken 46, p . 75 et n . 98 ; Too 19, p . 238 . Les objectionsde Spengel 56, p . 71-75 (reprises par
171 K . Münscher, « 'looxpátous ' Elévng éyxbulov » , RAM 54 , 1899, p. 270 -276 ; Id . 3,
col. 2182 sq.; Brémond 5 , t. I, p . 158 sq.), ont été réfutées, en partant de points de vue diffé
rents, par Buchheit 60, p . 57 sqq.; Eucken 46 , p. 76 sq. On peut voir des analyses compara
tives des deux éloges chez 172 L . Braun, « Die schöne Helena, wie Gorgias und Isokrates sie
siehen », Hermes 90, 1982, p. 158-174 ; Eucken 46 , p. 92 sqq.; 173 J. C . Capriglione, « Elena
tra Gorgia e Isocrate ovvero si l'amore diventa politica » , SicGym 38, 1985, p. 429 -443 ; et
174 K . Tuszyńska-Maciejewska, « Gorgias' and Isocrates' different Encomia of Helen » , Eos
75, 1987, p . 279-289. La compétition isocratique devient encore plus évidente si on considère
les deux écrits comme des allégories de la rhétorique, suivant la proposition de 175 J.
Poulakos, « Gorgias' Encomium to Helen and the Defense of Rhetoric » , Rhetorica 1.2 , 1983 ,
p . 1 - 16 ; et 176 Id ., « Argument, Practicality , and Eloquence in Isocrates' Helen » , Rhetorica
4 .1, 1986 , p . 1-19. D 'après l'interprétation de Kennedy 9, p . 180, et Too 19, p . 238, l' essentiel
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 915
de ce discours n 'est pas l' éloge qu'Isocrate fait de Gorgias en tant qu 'auteur de l'Éloge
d 'Hélène,mais le reproche qui vient ensuite .
Le Panégyrique est conçu aussi comme une compétition intellectuelle d'Iso
crate avec ses prédécesseurs dans les chants panhelléniques, notamment Gorgias
et Lysias, qui avaient l'un et l'autre prononcé un discours aux Jeux Olympiques
de 392a et de 3884, respectivement (cf. Münscher 3, col. 2186 , et 177 H .-J.
Newiger , c.r. de Buchner 153, dans Gnomon 33, 1961, p. 761-768 , notamment
p . 765). Il est donc très probable , comme l'a suggéré Norlin 6 , p. XIII, qu ’ Iso
crate doive à l'enseignement et à l'exemple de Gorgias l'idée que la rhétorique
doit traiter des sujets de grande importance, panhelléniques. Il existe des ressem
blances verbales entre le début de ce discours et celui de l’Olympique de Gorgias
(cf. Eucken 46 , p. 151). De même, aussi bien la pensée que l'expression du
$ 158,où Isocrate déclare que la guerre contre les barbares a inspiré des hymnes,
tandis que la guerre contre les Grecs a inspiré des chants funèbres, ont été
empruntées à l'Épitaphe de Gorgias (cf. Philostrate , Vies des sophistes 19 ).
Sur la vision qu'Isocrate avait de la guerre comme phénomène de base de la vie sociale
voir 178 M . Bettalli, « Isocrate e la guerra », Opus 11, 1992, p . 37-56 .
Gorgias est donc le modèle oratoire qu’ Isocrate cherche à dépasser (cf. 179 C .
Natali, « Evitare Gorgia . La posizione di Isocrate verso il suo maestro » ,
SicGymn 38, 1985, p. 45-55 ). Cependant, la dette contractée par Isocrate envers
lui est grande. Tout d 'abord , Isocrate, de même que Gorgias dans son Éloge
d'Hélène 13, définit sa propre activité dans Contre les sophistes comme « philo
sophie » , en interprétant les discours philosophiques comme des disputes sur des
questions pratiques et éthiques (cf. Eucken 46 , p. 17 sq.). C 'est à lui qu' il a
emprunté l'idée du rapport entre la pensée et la communication , ainsi que l'idée
du pouvoir psychologique de la parole . On a envisagé une influence des idées de
Gorgias sur trois conceptions fondamentales de la pensée isocratique :
- Gorgias aurait influencé la conception du royoc d 'Isocrate. Il y a cependant
une différence fondamentale entre la description du logos dans l'Éloge d 'Hélène
deGorgias et son exaltation dans Nicoclès 5-9 : pour Gorgias il s'agit de quelque
chose de subjectif qui ne transcende pas les limites de l'individu, tandis que pour
Isocrate c 'est quelque chose d 'objectif et d 'inter-personnel qui permet la culture
(cf. Romilly 169, p . 52 sqq.; Eucken 46 , p. 254 ). Leur conception différente du
rapport entre le langage et la réalité a été analysée par 180 S. Jaekel,« Philo
sophisch orientierte Ansätze einer Sprachtheorie bei Gorgias, Isokrates und
Epikur», Arctos 22, 1988, p. 43-57.
- Gorgias aurait influencé aussi la conception de la boca d'Isocrate
(cf.Wilamowitz -Moellendorff 34 , t. II, p. 110 ; Jaeger 8, t. III, p. 116 , 118 ;
Steidle 59, p . 262). Cependant, Eucken 46 , p . 34, s'est opposé à juste titre à cette
idée : Gorgias définit la doxa d'une façon négative et la considère comme un
motif d'infortune (cf. Éloge d 'Hélène 11 sqq., et Palamède 24), tandis que pour
Isocrate c'est un motif de succès et de concorde et la seule chose qui permette
une orientation positive vers la réalité (cf. supra).
- Enfin , Gorgias aurait influencé la conception du xalpós d ' Isocrate
(cf. Contre les sophistes 16 ; aussi 181 W . Süss, Ethos. Studien zur älteren
916 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
griechischen Rhetorik , Leipzig/Berlin 1910 , réimpr. Aalen 1975, p. 18 sqq. ;
182 J.Wilson , « KAIROS as “ DueMesure” », Glotta 58 , 1980, p. 199). En revan
che, Steidle 59, p. 271 sq., et Eucken 46 , p. 29, signalent qu'on ne sait rien sur le
contenu du traité de Gorgias à ce sujet,mais on peut supposer qu 'il essayait d 'y
enseigner théoriquement la saisie du moment opportun , ce qui serait contraire au
programme d'Isocrate (cf. aussi Cahn 43, p . 129, et supra ).
L ' affirmation qu' on lit dans le Panegyrique que « la nature de la parole est telle qu' on peut
(...) rendre petites les grandes choses et donner de la grandeur aux petites, exposer de façon
nouvelle les idées anciennes et parler de façon classique sur les événements récents » ($ 8 ),
rappelle la formule que Platon , Phèdre 276 a -b, attribue à Tisias et à Gorgias. La ressemblance
des expressions fut remarquée par Ries 168 , p. 101, et 183 G . J. de Vries, A Commentary on
the Phaedrus of Plato, Amsterdam 1969, p. 222 sq. En dépit de la référence aux rhéteurs
siciliens, 184 G . Teichmüller, Literarische Fehden im vierten Jahrhundert vor Chr., 2 vol.,
Breslau 1881 -1884 , t. I, p . 72 sq., et 185 H . Raeder, Platons philosophische Entwicklung,
Leipzig 1905, p . 273 sq., ont compris cette ressemblance comme une critique adressée à la
formulation isocratique ; contra Eucken 46 , p. 270 sq.
Les Socratiques : Cf. Gomperz 170 ; 186 Chr. Eucken , « Prinzipien des
Handelns bei Isokrates und den Sokratikern », ZfP 25, 1978, p . 142-153 ; Id. 46 ,
p. 18-25 et 45 sqq. Le Contre les sophistes commence par une attaque adressée
contre « ceux qui s 'adonnent aux discussions (TWV nepì tàç špidas Platpl
Bóvtwv) ». Les éristiques ou disputeurs sont les philosophes socratiques, comme
le montre le fait qu ' Isocrate , tout au long de ses écrits, associe la dispute (épis)
aux socratiques , soit à tous les socratiques en général, soit à Platon ou Aristote
en particulier (cf. Éloge d'Hélène 6 , Sur l'échange 258 et 261, et Épître à
Alexandre 3 ; voir Gomperz 170, p. 172 sq., et Eucken 46 , p . 8 sqq.).
On a pensé que la cible de l'attaque était un groupe concret de socratiques: 187 L .
Spengel, Isokrates und Platon , coll. ABAW 7 ,München 1855, p . 747, a songé aux philosophes
mégariques; d 'autres critiques ont songé à Platon (cf. 188 H . Bonitz, Platonische Studien, 3e
édit., Berlin 1886 , réimpr. Hildesheim 1968, p . 136 n . 26 ; Jaeger 8 , t. III, p . 115 et 398 ;
Steidle 59, p. 259 ; Ries 168, p . 25 sqq.) ; à propos d 'Antisthène, cf. infra . Isocrate, cependant,
dans le but d'atteindre le plus grand nombre d'adversaires par son attaque, semble avoir
consciemment passé sous silence les traits distinctifs des différents groupes de socratiques (cf.
189 A . Patzer, Antisthenes der Sokratiker. Das literarische Werk und die Philosophie dar
gestellt am Katalog der Schriften , Diss. Heidelberg 1970 , p . 239 sqq. ; Eucken 46 , p. 19 sq. ;
Hudson -Williams 130, p . 21; 190 G . Giannantoni, SR , t. III, Roma 1985, p. 246 ; Too 19,
p. 160 sq.).
Isocrate critique les principes socratiques qui s'opposent davantage à sa
propre philosophie (§ 1-8 ): les socratiques proclament qu'ils cherchent la vérité,
mais ils démentent leur programme par leurs mensonges (§ 1). Ils prétendent
aussi posséder une science quimène au bonheur et pouvoir la transmettre (§ 3) ;
néanmoins, le bonheur est en rapport avec l'adéquation à des circonstances
concrètes, c'est pourquoi posséder une telle science équivaut à la capacité de
prévoir l'avenir. Bien que cette science soit si importante, ils ne demandent en
échange qu’un mince salaire : trois ou quatre mines seulement ($ 3). Et ils ne se
fient même pas à leurs disciples, puisqu 'ils exigent en garants de ceux -ci des
gens qui n 'ont jamais été leurs élèves, ce qui est illogique (§ 4-6). Dans § 7-8 ,
Isocrate récapitule ses critiques et en fait l'objet du consensus général concernant
les occupations des socratiques : « bavardage et petitesse d 'esprit (ådoreoxiav
1 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 917
xai ulxponoviav) etnon pas culture de l'âme( tñs quxñséléNelav )». Mais,
même si l'enseignement des socratiques, lorsqu'il est pratiqué,produit des résul
tats désastreux, il est, en tout cas, meilleur que celui des maîtres de rhétorique
(§ 20 ), parce que les premiers ont au moins promis dans leur discours vertu et
prudence, tandis que ceux -ci ont voulu enseigner par indiscrétion et convoitise
(cf. Éloge d 'Hélène 6 ).
Dans l'Éloge d'Hélène,Isocrate considère toujours les socratiques comme des
philosophes disputeurs. Isocrate les différencie des autres disputeurs (ärol dé),
les rhéteurs , renforçant ainsi la distinction du Contre les sophistes (cf. Patzer
189 , p. 242 sq., Eucken 46 , p. 47 sqq., et infra ). Il divise à nouveau les socrati
ques, qui se vantent de pouvoir disserter de manière appropriée sur un argument
étrange et paradoxal (äronov xai napádočov), en deux groupes : les uns
(notamment Antisthène; cf. infra ) ont atteint la vieillesse, en affirmant qu 'il
n 'est pas possible de mentir, nide contredire , ni d'opposer deux développements
sur les mêmes thèmes, tandis que les autres, expliquant que le courage, la
sagesse et la justice sont la même chose, que par nature nous ne possédons
aucune de ces qualités et qu 'il n'y a qu'une science (Énlotnun) qui les concerne
toutes. Isocrate disqualifie l' éthique des socratiques en les situant dans une
ancienne tradition de paradoxes qui remonte à la spéculation éléatique et
sophistique sur l'être( cf. § 3).
Antisthène : Le représentant principal des socratiques au moment où Isocrate
compose ses premiers discours est Antisthène et non pas Platon , dont l'école ne
dépassera que plus tard la renommée et le prestige de celle d 'Antisthène ( cf.
néanmoins Hudson -Williams 130, p . 20 sq.). A l'époque où Isocrate ouvrait son
école , Antisthène établissait la sienne. C 'est vers 392a qu 'il faut situer les pre
miers traités programmatiques de son école : la Vérité ('AnńDela ), de caractère
logico -dialectique, et un Protreptique à finalité éthique (SR fr. V A 208 ; cf.
191 A . Brancacci, OIKEIOS LOGOS. La filosofia del linguaggio diAntistene, coll.
« Elenchos» 20, Roma/Napoli 1990 , p . 36 et 97 sqq.). C 'est donc une opinion
majoritaire que la cible principale (parfois la seule ) de l'attaque qui ouvre le
discours Contre les sophistes est Antisthène.
Cf. 192 H .Usener, Quaestiones Anaximeneae, Göttingen 1856 , p. 12 (= Kleine Schriften ,
t. I, Leipzig /Berlin 1912, p. 10 ) ; 193 Id ., « Abfassungszeit des platonischen Phaidros» , RAM
35, 1880, p. 131- 151, notamment p. 137 (= Kleine Schriften, t. III, Leipzig /Berlin 1914 , p. 55
74 ) ; 194 F . Überweg, Untersuchungen über die Echtheit und Zeitfolge platonischer Schriften
und über die Hauptmomente aus Plato 's Leben , Wien 1861, p . 257 ; 195 Id ., « Zu Isokrates» ,
Philologus 17 , 1868, p . 175-180, notamment p. 175 sqq. ; Teichmüller 184, t. I, p. 84 ; 196 C .
Reinhardt, De Isocratis aemulis, Thèse, Bonn 1873 , p. 24 - 28 ; 197 P . Natorp, art. « An
tisthenes » 10, RE I 2, 1894 , col. 2538 - 2545 , notamment col. 2540 ;Münscher 3, col. 2172 sq. ;
Wilamowitz -Moellendorff 34, t. II, p. 108 sq .; Raeder 185, p. 138 ; Burk 4, p. 33 sq. et 51;
198 W . Burkert, c .r. de Ries 168 , dans Gnomon 33 , 1961, p . 349- 354 , notamment p . 351 ;
Eucken 46 , p. 25 sq ., 45 sq. et 65 sqq. ; Giannantoni 190, p . 245 sq. ; Brancacci 191, p. 97 sqq.
Les données suivantes, exposées surtout par Überweg 195 et Eucken 46 ,
semblent confirmer cette opinion :
- Le fait que les Socratiques feignent de chercher la vérité (§ 1 årńDelav
Inteīv), alors que dès le débutde leurprogramme (énáyyarma ) ils se mettent à
918 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
mentir (Levon Réyelv ), semble faire allusion de façon burlesque au traité Vérité
(sur ce traité, cf.Giannantoni 190, p . 300 sq., et Brancacci 191, p. 25 sqq. et 97
sqq.).
- La prétention d'une science dogmatique et absolue (§ 2 sq .) n'a aucun rap
port avec la maïeutique socratique ni avec les premiers dialogues aporétiques de
Platon ,mais elle se rapproche des doctrines d' Antisthène ( cf. Eucken 46 , p. 20 ).
- La prévision des åyadá et xaxá futurs ($ 2) aurait été enseignée par
Antisthène, de la même manière que par le Socrate du Lachès platonicien (cf.
199 K . Jöel, « Zu Platons Laches» , Hermes 41, 1906 , p. 310-318 , notamment
p . 314 , 200 M . Pohlenz, Aus Platos Werdezeit, Berlin 1913, p . 29 sq.,Münscher
3, col. 2173, et récemment Brancacci 191, p. 102).
- Isocrate montre l' impossibilité de prévoir l'avenir en alléguant l'autorité
d'Homère (§ 2). Eucken 46 , p. 26 , suggère que l'on peut rapprocher cela du fait
qu ’Antisthène avait consacré plusieurs æuvres à l'interprétation des poèmes
homériques.
- Antisthène touche des honoraires pour son enseignement ($ 3); cf. D . L . VI
9 (= SR fr. V A 172).
- Antisthène soutient que la vertu peut s'enseigner (§ 4 ) ; cf. D . L . VI 10 et VI
104 sq . (= SR fr. V A 134 et 135).
- Il y a des échos dans le vocabulaire: pour å avátous ( $ 4 ), cf. D . L . VI 10
( = SR fr . V A 135 ) ; pour uegey YVOūUTAS ( 5 ) , cf. D . L . VI 9 (= SR fr. VA
172 ).
- Les disputeurs affirment « qu 'ils n 'ont nul besoin de biens, qualifiant la
richesse de métal vil et d'orméprisable (åpyupídlov xai xpuoídlov)» (8 5). Sur
le mépris d'Antisthène pour la richesse et sur sa vie austère, voir Xénophon,
Banquet IV 34 sqq. (= SR fr. V A 82).
- La critique envers ceux qui observent les contradictions dans les mots mais
n 'examinent pas celles des actions ($ 7) peut aussi faire allusion à Antisthène ;
parmi ses traités (cf. D .L . VI 17), on trouve un Mepi Taldeias ñ nepi óvouá
των, et un Περί ονομάτων χρήσεως ή εριστικός egalement (sur la signification
de Éplotixóc dans ce titre, voir Giannantoni 190 , p. 225 , et Brancacci 191, p. 32
et 45). Les deux traités auraient été composés peu après le traité Vérité (cf.
Brancacci 191, p. 36 sq.).
Brancacci 191, p . 102 sqq., a suggéré que l'écrit d 'Antisthène qu’Isocrate a sous lesyeux
en faisant ces critiques n 'est pas la Vérité, comme on le pense généralement,mais le Protrep .
tique qu 'on lit chez Dion Chrysostome, Discours XIII 16 -27 ( = SR fr. V A 208 ), où la
« recherche de la vérité » s'identifiait à Diogopelv et formait un tout avec émiomun. Il a éga
lement proposé (p. 38) que la réplique à ces violentes attaques serait une série de pamphlets à
propos de l'activité logographique d ' Isocrate qui donnèrent lieu à la réplique tardive du pen
seur dans Panegyrique 188 sq. ( cf. infra ).
Dans le proème de l'Éloge d'Hélène (385a), Isocrate s'attaquait, entre autres,
à ceux qui « ont atteint la vieillesse , en affirmant qu 'il n 'était possible ni de dire,
ni de contester des erreurs , ni d'opposer deux développements sur les mêmes
thèmes » ( $ 1). Étant donné l'âge évoqué aussi bien que le contenu de cette cri
tique, il se réfère exclusivement à Antisthène.
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 919

Cf. Spengel 56 , p . 73 ; Id. 187, p . 755 ; Usener 192, p . 9 (= Kl. Schr., p . 8 ); Gomperz 170,
p . 174 et n. 1 ; Münscher 3, col. 2181 ; Brémond 5, t. I, p. 155 ; Ries 168 , p. 50 ; Patzer 189,
p . 241 sqq. et n . 138 ; Eucken 46 , p . 9 et 46 ; Giannantoni 190 , p. 246 sq. ; Brancacci 191,
p. 240 sq.
Le contenu de l'attaque s'adapte parfaitement à l’’Annoela d'Antisthène, où ,
comme dans l'æuvre homonyme de Protagoras, était traitée la théorie commune
de l'impossibilité de contredire (cf. Panégyrique 7-8 infra; 201 R. Hirzel, Der
Dialog. Ein literarischer Versuch , Leipzig 1895, réimpr. Hildesheim 1963, t. I,
p. 119, et Patzer 189, p. 115). Voir aussi 202 O . Gigon , Sokrates. Seine Bildung
in Dichtung und Geschichte, Bern 1947, p . 296 , selon lequel dans ce traité
Antisthène exposerait sa thèse sur le rapport de l'homme et de l’être, sous la
forme d 'un débat sur la tradition éléatico - sophistique (cf. Giannantoni 190 ,
p. 299 sq.). Antisthène aussi serait inclus parmi les disputeurs du deuxième
groupe de socratiques, dans la mesure où il soutenait que tous les actes du sage
sont guidés par la vertu (cf. SR fr. V A 192).
On a considéré que d'autres passages du proème faisaient référence à Antisthène : dans $ 8
il rapporte que certains « osent écrire que la vie des mendiants et des exilés ( tāv ntw
YEVÓVTWv xai bevyóvrwv) est plus enviable que celle des autres hommes » (cf. Usener 192 ,
p . 9 = Kl. Schr., p . 8 ; 203 A .Mueller, De Antisthenis Cynici vita et scriptis , Thèse,Marburgi
Cattorum 1860 , D. 18 n. 2 ; Überweg 195 , p . 179 ; Gomperz 170 , p . 175 ; Eucken 46 , p . 65 ;
contra , Münscher 3 , col. 2182 ; Patzer 189, p . 244 sq. ; Giannantoni 190, p . 249). Dans le $ 12,
il critique des orateurs « qui ont voulu faire l' éloge des Boußudiol, du sel ou de semblables
sujets » . Boußuriós peut signifier « bourdon » (ainsi le traduisentMathieu et Brémond 5, t. I,
p . 166 ), mais aussi une sorte de récipientpour boire, et c'est dans ce deuxième sens que l'uti
lise Antisthène dans son Protreptique (SR fr. V A 64 ; cf. 204 A . W . Winckelmann, Antisthenis
fragmenta , Turici 1842, p. 21 ; Gomperz 170, p. 175 ; Eucken 46 , p. 70 sq .; Giannantoni 190,
p. 249 ; contra,Münscher 3, ibid., etPatzer 189, ibid .)
L 'attaque contre les disputeurs se poursuit dans la section centrale (cf. Eucken
46 , p. 101 sqq., et Poulakos 176 ). Gomperz 170 , p. 175, avait déjà détecté dans
la comparaison entre Thésée et Héraclès (§ 23 sqq.) une critique de l'idéalisation
d'Héraclès par Antisthène. Cette idée a été développée par Eucken 46 , p. 101
sqq. Isocrate s'oppose à l'idée exposée par Antisthène dans l'Héraclèsmajeur, à
savoir que le tróvoç est un bien qui permet à l'homme de se suffire à lui-même
(cf. SR fr. V A 97 -99 ): Héraclès effectua ses novou en tant que sujet
d'Eurysthée, et donc comme un être non -autosuffisant; en outre, les dangers les
plus célèbres et les plus graves qu 'il dut affronter « étaient sans utilité pour autrui
et ne comportaient de risques que pour lui seul» ($ 25). Isocrate recaractérisera
plus tard le concept de novos ( 8 52 sqq.) comme utile à la communauté et
orienté vers la divinité , ce qui suppose qu 'il a essayé de dépasser la conception
de l’autarcie morale proposée par Antisthène. Face à son refus de l'égalité et de
la démocratie (cf. Aristote, Politique 1284 a 15 sqq. = SR fr. V A 51), Isocrate
défend dans l'excursus sur Thésée que l'homme ne peut être libre qu'à l' inté
rieur de la communauté, c'est-à-dire en étant un citoyen, et il défend le système
démocratique.
Eucken 46 , p. 103, a signalé une autre opposition possible à Antisthène. La figure de Thé
sée et de la démocratie athénienne est construite sur le modèle du discours funèbre que Péri
clès prononça chez Thucydide (cf. supra ). D 'après 205 H . Dittmar, Aischines von Sphettos.
Studien zur Literaturgeschichte der Sokratiker, coll. « Philologische Untersuchungen » 21,
920 ISOCRATE D 'ATHÈNES 1 38
Berlin 1912, p . 1 -17, l’ ’Aonaola d ' Antisthène (tome VI, nº 23 ; la numérotation suit l'édition
du catalogue tel qu'il a été édité par Patzer 189, p . 111-117, et reproduit dans DPHA A 211,
t. I, p . 252 sq.) consistait en une sévère invective contre Périclès, qui avait succombé à sa pas
sion pour Aspasie (cf. SR fr. VA 142-144 ; cf. Giannantoni 190, p. 295 -297). Isocrate aurait
donc réhabilité la figure de Périclès et son amour pour Aspasie à travers l'amour de Thésée, le
meilleur des héros, pour Hélène.
Au fur et à mesure que Platon acquiert de la réputation, Antisthène passe au
second plan dans les écrits d ’Isocrate . Dans le Panegyrique on peut encore trou
ver des allusions polémiques. En § 7 -8, Isocrate remarque qu'il n 'est pas impos
sible de faire connaître un même fait autrement que par une seule expression,
mais que « la nature de la parole est telle qu 'on peut s 'expliquer de bien des
façons sur le mêmesujet» . C 'est justement le contraire de ce qu 'Antisthène avait
soutenu dans son traité 'Aandela (cf. supra ). Vers la fin de l'æuvre, Isocrate
exhorte les Grecs à chercher la réconciliation d'Athènes avec Sparte , et il invite
ceux qui prétendent à l'éloquence à « cesser d'écrire contre le Dépôt (npoç tņu
napaxataOnxnv) et sur les autres sujets futiles d 'aujourd 'hui» et à rivaliser
avec le discours qu'il vient de faire . On y a vu une allusion au Contre Euthynous
qu 'Isocrate composa pour faire face à Lysias dans un procès qui eut lieu vers
4030/402a (qui peut coïncider ou non avec le discours qui nous est parvenu ; cf.
supra ) et où il s'agissait d'un dépôt fait en l'absence de témoins ; voir, néan
moins, 206 R .J. Bonner, « Note on Isocrates' Panegyricus IV 188 », CPh 15 ,
1920 , p. 385- 387, qui considère le dépôt comme un lieu commun d'exercices
oratoires. Antisthène aurait composé comme réplique un Ipòs tov 'looxpá
TOUS 'Auáptupov (Catalogue, tome I, n° 7 ; cf. Blass 1 , t. II, p. 219 sqq . ;
Münscher 3 , col.2157 sq.; Mathieu et Brémond 5 , t. II, p. 63 n . 4 ; Patzer 189,
p . 245 sq.; Eucken 46 , p. 160 sq.). Ce traité fut publié selon toute probabilité en
riposte aux premiers traités scolaires d' Isocrate, quand celui-ci niait avoir écrit
des discours judiciaires, ce qui augmenterait le mordant de l'attaque (cf.
Giannantoni 190, p. 244, et Brancacci 191, p. 38 ). Outre cette cuvre, nous trou
vons les titres suivants dans le catalogue d 'écrits d’Antisthène: lepi tõu
dixoypáowv, 'looypáon < c> xai Aeolaç ñ 'looxpárns (tome I, nº 5 et 6 ). Il
est difficile de savoir le titre précis de ces traités, de même que leur nombre.
Les différentes propositions ont été examinées par Giannantoni 190, p. 239-243, qui sug
gère (p. 243) l'existence d 'une seule æuvre appelée Nepi tūv Olxoypáowv: ' looypáon < c> ñ
Aeolas, avec le sous-titre 'looxpátous 'Auáprupov. Antisthène y aurait déformé les noms
d 'Isocrate et de Lysias, adversaires dans ce procès-là, de la mêmemanière qu'il appela Platon
« Záowy » (cf. 207 M . Pohlenz , « Antisthenicum » , Hermes 42, 1907 , p. 157- 159 ; Wilamo
witz -Moellendorff 34 , t. II, p. 113 sqq. ; Kroll 25, col. 1051 sq.; 208 F . Decleva Caizzi (édit.).
Antisthenis fragmenta , Milano /Varese 1966 , p . 78 sq . ; 209 M . Tulli, « Sul rapporto di Platone
con Isocrate : Profezia e lode di un lungo impegno letterario » , Athenaeum 78, 1990, p. 403
422, notamment p . 409) .
La polémique entre Isocrate et Antisthène semble se terminer par cette réfé
rence (cf. Patzer 189 , p . 246 ). A mesure que nous avançons dans le temps, les
références à Antisthène sontmoins probables (cf. Giannantoni 190, p. 249, qui a
compilé les propositions d'allusions d'Isocrate à Antisthène après le Panégy
rique ).
138 ISOCRATE D 'ATHÈNES 921
Platon :
Cf. la bibliographie ancienne chez Münscher 3 , col. 2171; Blass 1 , t. II, p. 28-41 ; 210 F.
Schleiermacher, Platons Werke, Berlin 18553, t. I 1, p. 51, 279, 366 ; Spengel 187, p. 731
769 ; 211 Id ., « Isokrates und Platon », Philologus 19, 1863, p. 593-598 ; 212 L . Konvalina,
Die Prophetie in Platons Phaedrus und Isokrates ' Rede gegen die Sophisten , Progr. Marburg
1866 ; 213 W . H . Thompson (édit.), Plato. Phaedrus, London 1868, p. 170- 183 ; 214 C . Huit,
« Platon et Isocrate » , REG 1, 1888, p. 49-60 ; Blass 1 , t. II, p. 28 -41 ; Jebb 2, t. II, p. 3 sq. et
49-53 ;215 E. Holzner, Platon 's Phaedrus und die Sophistenrede des Isokrates, Prague 1894 ;
Gomperz 170 ; Raeder 185 , p . 269 sqq. ; 216 C . Ritter, Platon , t. I, München 1910 , p . 209
215 ; Wilamowitz -Moellendorff 34, t. II, p. 106 -125 ; Burk 4, p. 29- 32 et 199 sqq. ; 217 G .
Rudberg, « Isokrates und Platon » , SO 2, 1924, p . 1 -25 ; 218 M . Mühl, « Zu Isokrates und
Platon » , PhW 1926 , p. 1289 ; Mathieu 24, p. 177 sqq. ; 219 Id., « Les premiers conflits entre
Platon et Isocrate et la date de l' Euthydème» , dans Mélanges Gustave Glotz, Paris 1932,
p . 555-564 ; 220 L . Robin , « Notice » , dans C .Moreschini et P. Vicaire , Platon. Phèdre, CUF,
2e édit., Paris 1985 (19331), p. VII-CCV, notamment p. XXXII-XXXV et CCI-CCV ; 221 R .
Flacelière , « L 'éloge d' Isocrate à la fin du Phèdre», REG 46, 1933, p. 224 sqq.; 222 R .L.
Howland, « The Attack on Isocrates in the Phaedrus» , CO 31, 1937 , p . 151 sqq.; Mathieu 5 ,
t. III, p. 91 s99. ; 223 0 . Regenbogen , « Bemerkungen zur Deutung des platonischen
Phaidros » ,Misc. Acad . Berlin 2.1, 1950, p. 189-219 (= Kleine Schriften , München 1961,
p . 248- 269) ; Steidle 59, p . 288 -293 ; 224 G . J. de Vries, « Isocrates' Reaction to the
Phaedrus» , Mnemosyne 6, 1953, p. 39-45 ; Jaeger 8, t. III, p. 257 sq.; Ries 168 ; Burkert 198,
p. 352 sq. ; Buchheit 60, p. 90 sqq.; 225 J.A . Coulter, « Phaedrus 279 A : The Praise of
Isocrates » , GRBS 8, 1967, p. 225 -236 ; G .J. de Vries 183, p. 15 sqq et 263 sq .; 226 ld.,
« Isocrates in the Phaedrus. A Reply » ,Mnemosyne 24 , 1971, p. 387 -390 ; 227 Id., « Plato en
de rhetorica » , Lampas 9, 1976 , p . 158 sqq. ; Romilly 169, p . 57 sq. ; Lesky 13, p. 660 sq. ;
228 H . Erbse ,« PlatonsUrteil über Isokrates», Hermes 1971, p. 183-197 (repris dans Seck 15,
p. 329-348, avec addendum de 1973, p. 348 -352); 229 M . Brown et J. Coulter, « The Middle
Speech of Plato 's Phaedrus » , JHPh 9, 1971, p. 405-423 ; 230 V . Tejera, « Irony and Allegory
in the Phaedrus » , PhRh 8, 1975 , p. 71-87 ; 231 F . Seck , « Die Komposition des “ Panegy
rikos ” » , dans Seck 15 , p . 353-370, notamment p . 364 sqq .; 232 N . Voliotis, « Isocrate et
Platon . Un effort pour interpréter Phèdre 278 e-279 b » (en grec moderne ), Platon 29, 1977 ,
p . 145 - 151; 233 Id., « Le terme" philosophie " dans les æuvres d 'Isocrate et les aspects remar
quables dans celles de Platon et d'Aristote » (en grec moderne), Platon 30 , 1978 , p . 134 - 139 ;
234 Id., « La théorie isocratique de la connaissance par rapport à Platon et à Aristote » (en grec
moderne), Platon 31, 1979 , p. 252-259 ; 235 Id ., « Recherches religieuses etmétaphysiques au
IVe siècle av. J.-C . La théologie de Platon et d ' Aristote en relation avec Isocrate » (en grec
moderne), Platon 32- 33, 1980 -81, p . 356 - 366 ; 236 J. Laborderie , Le dialogue platonicien de
la maturité, Paris 1978, p. 436 -440 ; 237 R . Burger, Platos 's Phaedrus, Alabama 1980 , p . 115
sag .; 238 S . Dusanić, « The Political Context of Plato 's Phaedrus» , RSA 10, 1980, p . 1- 26 ;
239 R . Clavaud, Le Ménexène de Platon et la rhétorique de son temps, Paris 1980, p. 297
302 ; Eucken 46 , p. 271 sqq . ; 240 N .D . Démétriadès, Anatomie de la rhétorique. Le désac
cord entre Isocrate et Platon (en grec moderne), Athènes 1983 ; 241 D . Babut, « Sur quelques
énigmes du “ Phèdre " », BAGB 3, 1987 , p . 258 sq., 281 sqq.; 242 M . Laplace, « L 'hommage
de Platon à Isocrate dans le Phèdre » , RPh 62, 1988, p. 273- 281 ; 243 E . Heitsch , « Tiulo
tepa » , Hermes 117, 1989, p . 278 -287 ; Lombard 18 , p . 17 sq. ; 244 Th . A . Szlezák, « Zum
Kontext der platonischen Thuidtepa . Bemerkungen zu Phaidros 278b-e » ,WJA n.s. 16 , 1990 ,
p. 75 -85 ; Tulli 209 ; 245 T. H . Irwin , « Plato : The Intellectual Background » , dans R . Kraut
( édit.), The Cambridge Companion to Plato , Cambridge 1992, p . 51-89, notamment p . 67 ;
246 G . Mazzara, « Lysias et Isocrate : ironie et simulation dans le Phèdre » , dans L . Rossetti
(édit.), Understanding the “ Phaedrus ". Proceedings of the II Symposium Platonicum , coll.
« Intern. Plato Studies » 1, SanktAugustin 1992, p. 214 -217.
A la fin du Phèdre (278 e - 269 b), Socrate porte un jugement sur son « com
pagnon (Étaſpoç)», le « bel Isocrate ('looxpárnu tòv zaróv)» (278 e): ses
922 ISOCRATE D 'ATHÈNES 1 38
qualités naturelles (tà tñs púoews) lui donnent trop de supériorité pour qu 'on
compare son éloquence à celle de Lysias ; en outre , son temperament moral
(ňoel) est plus noble (279 a). Ensuite il prophétise (279 a-b) : il n 'y aurait rien
d ' étrange à ce que, avec le temps, dans ce même genre d'éloquence qu' il prati
que à présent, il laissât en arrière, comme des enfants, tous ceux qui quelquefois
se sont adonnés à l' éloquence ; ni non plus, si cela ne le satisfaisait pas, à ce
qu 'une impulsion plus divine (tig opun Delotépa ) le menât à de plus grandes
choses (éni ueícw ). « La nature (púbel), dit Socrate, a mis dans son esprit une
certaine philosophie (TLS Qlooopia )» .
L 'analyse de l'éloge est compliquée : on doit situer la prophétie sur l'avenir
d ' Isocrate à la fin du Va, tandis que, lorsque le Phèdre est publié, le penseur a
dépassé la soixantaine; on a donc pensé que l' éloge nemanquait pas d 'une cer
taine ironie (cf. Flacelière 221 ; Voliotis 232 ; Eucken 46 , p . 271 sqq.; Laplace
242 ).
L 'interprétation du passage commeune raillerie envers un jeune homme qui promettait
d 'aller très loin , mais qui, finalement, n ' a pas progressé dans le sens que lui prédisait Socrate ,
a été souvent reprise (cf. Spengel 187, p . 19 et 39 ; Jebb 2 , t. II, p . 50 ; Raeder 185 , p . 269
sqq. ; Howland 222 ; de Vries 183 et 224 ; Coulter 225 , 226 et 227 (contestés par Erbse 228 ) ;
Burger 237, p . 115 sqq.; Heitsch 243; Irwin 245, p. 67 ; Mazzara 246, d 'après qui, derrière la
figure de Lysias, Platon aurait caché celle d 'Isocrate). En revanche, d'autres critiques, ainsi
que la Vie anonyme (Mathieu et Brémond 5 , p . XXXV , 93 sqq.), ont soutenu que Platon faisait
un éloge sincère d'Isocrate (cf. Schleiermacher 210 , t. I 1, p . 51 ; Blass 1, t. II, p . 28 sqq. ;
Wilamowitz -Moellendorff 34 , t. II, p. 106 sqq. et 121 sq. ; Ries 168 , p . 90 - 129, et récemment
Tulli 209). D 'après Tulli 209, l'évolution que Socrate envisage pour lui est celle qui se pro
duisit dans la première décennie du Iva, quand Isocrate abandonna la rhétorique judiciaire
pour se consacrer à l'éloquence épidictique. La confrontation entre les discours judiciaires
d'Isocrate et ceux de Lysias était devenue traditionnelle dans la première moitié du Iva :
Antisthène et Speusippe ont penché pour Lysias, Platon pour Isocrate , qui est plus ou moins
un échelon intermédiaire entre Lysias et la rhétorique philosophique que le philosophe pro
pose dans le Phèdre (cf. Brown et Coulter 229 ; Tejera 230 ; 247 E . Asmis, « Psychagogia in
Plato 's Phaedrus » , ICS 11, 1986 , p . 153 -172 ; 248 M . Laplace, « Platon et l'art d'écrire des
discours : critique deLysias et d' Isocrate , influence sur Denys d 'Halicarnasse », Rhetorica 13,
1995, p. 1-15). Tout cela n'interdit pasde percevoir toutdemême une attaque dans l'éloge, si
légère soit-elle : le passage de la logographie aux grands discours politiques présuppose qu'l
socrate fut un logographe pendant quelque temps, ce qu 'il essaya de cacher depuis le début de
son activité éducatrice (cf. supra. On lit une interprétation historique de l'éloge dans Dusanić
238 ).
C 'est là l'unique mention d 'Isocrate conservée dans le corpus platonicien .
Mais, aussi bien dans les écrits de l'un que de l'autre , on a détecté de nom
breuses allusions réciproques, la plupart du temps polémiques. Ce rapport a été
récemment étudié à fond par Eucken 46 , qui a réalisé un traitement équilibré en
évitant de subordonner un penseur à l'autre. Isocrate a adopté avec Platon la
même stratégie polémique qu'avec Antisthène (cf. supra) : il évite l' affrontement
ouvert et se réfère à lui au moyen d'allusions indirectes mais facilement compré
hensibles par les lecteurs contemporains. Pour sa part Platon , à la différence
d'Antisthène, assume dans cette polémique les armes de son adversaire, et fait
référence à lui de la mêmemanière indirecte et allusive. C 'est donc une tâche
épineuse que dedécider quand les parallélismes entre les deux auteurs supposent
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 923
un affrontementde leurs théories(cf. 249 W . Burkert, c.r. d’Eucken 46, dansMH
42, 1985, p. 355 sq., Hudson -Williams 130, p. 20 sq., et surtout 250 W . K .C .
Guthrie , A History of Greek Philosophy, t. IV , Cambridge 1975, p . 308 ). Un
autre problème qui rend difficile l'analyse est celui de la chronologie des dia
logues de Platon , qui, bien souvent, empêche d ' établir avec certitude un rapport
de cause à effet (cf. Burkert 198 , p. 350 ; 251 R . Nickel, c.r. d'Eucken 46 , dans
Gymnasium 92, 1985, p . 545-547, notamment p . 545 ). Tulli 209 , p . 403 sq., est
sceptique par rapport aux résultats de cette recherche. Suivant essentiellement
Eucken 46, nous allons exposer les points principaux de cette polémique tacite.
(1) Le Gorgias de Platon :
L'attaque de Contre les sophistes 1-8 , à l'égard des socratiques en tant que
« disputeurs» aurait trouvé en passant une réponse dans le Gorgias:
- En 463 a, Socrate définit la rhétorique comme « une pratique étrangère à
l’art, qui exige une âme douée d'imagination (Quxñs otoxaotixñs), de har
diesse (ůvopeiac), et naturellement apte au commerce des hommes» , dont le
nom générique est flatterie (xonaxeia ). La définition contientdes échos termi
nologiques de Contre les sophistes 17 (quxñs åvopixñs xai dočaotixñs), cité
supra . L 'expression otoxaotixów couvre chez Platon la même signification que
doçaotixóv chez Isocrate : la capacité d 'approcher de la vérité en ayant comme
guide non la connaissance, mais l'opinion quipermet de conjecturer.
Il est possible que Platon fasse allusion sur le mode parodique à Isocrate ou bien que les
deux renvoient à une source commune (cf. les états de la question de 252 E . R . Dodds (édit.),
Plato. Gorgias. A Revised Text with Commentary , Oxford 1959 , p . 225 , et Eucken 46 , p . 36
et n. 145). La troisième possibilité , que ce soit Isocrate qui critique Platon en employant son
langage, a été récemment envisagée par Too 19, p. 154 sqq., qui soutient que la place du
Contre les sophistes dans le corpus d ' Isocrate au début de son activité pédagogique ne doit
pas forcément coïncider avec sa chronologie historique ; le fait que le discours s'en prenne
surtout à Antisthène et non à Platon enlève de la valeur à cette proposition. Raeder 185 , p . 124
n . 3, et Dodds 252, p. 28 et 225 , ont nié un rapport entre les deux passages.
L ' intention du commentaire de Platon sera claire quelques années plus tard, quand dans la
République (V 457 b 8, c 5 et 472 a 3) il distinguera le philosophe du « philodoxe» ; c'est sous
ce nom qu 'il attaquera la paideia représentée par Isocrate (cf. 253 Y . Lafrance, La théorie pla
tonicienne de la Doxa , coll. « Noêsis » ,Montréal/Paris 1981, p . 120 sq.).
- En 519 c, Platon débat, de même qu ' Isocrate dans Contre les sophistes 3-6 ,
sur la rémunération de l'enseignement. Il y critique ceux qui visent à être des
maîtres de vertu ,mais accusent souvent un de leurs disciples de leur faire tort
« parce qu 'il refuse de les payer et qu'il ne leur témoigne pas toute la reconnais
sance due à leurs bienfaits » . Platon défend qu 'il est impossible que des hommes
devenus bons et justes traitent leur maître de la sorte, d 'où il découle que ces
hommes ne sont pas devenus bons et justes, et donc que le maître a échoué dans
son enseignement.
Jaeger 8 , t. III, p . 117, et Ries 168, p. 28 sq ., ont insisté sur la dépendance d ’Isocrate par
rapport à Platon. Dodds 252, p . 365, et Burkert 198, p. 351, préfèrentpenser à une vieille plai
santerie dirigée contre les sophistes. Eucken 46 , p . 39 sq., a soutenu que Platon reprend la
raillerie d'Isocrate pour différencier les authentiques maîtres de vertu, qui ne pensent pas à
leur sécurité financière, des faux .
924 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
(2 ) L ’ Euthydème de Platon :
Il est possible que Platon ait tenté de dépasser la définition isocratique de
l'« éristique » dans l' Euthydème en établissant une distinction entre deux formes
de discussion : la dialectique, une forme de discussion sérieuse qui aspire à la
science (290 c), et l' éristique, considérée comme très peu sérieuse (272 b ;
cf. Eucken 46 , p. 11 sq. et 45 sqq.). Dans ce dialogue, on a reconnu la figure
d' Isocrate derrière deux allusions:
- En 304 c sqq., on parle d'un auteur anonyme de plaidoyers judiciaires qui
n 'agit jamais en public et qui a exprimé son mépris général à l'égard de la philo
sophie . Socrate situe ce genre de personnes, à mi-chemin entre les philosophes et
les politiciens, en dessous des uns et des autres, bien qu 'ils aient tenté de se
rendre célèbres en discréditant les philosophes. La caractérisation cadre bien
avec Isocrate .
L 'identification a été défendue par Schleiermacher 210 , t. II 1, Berlin 1856 ), p. 279 et 366
(n . à p . 317, 23), et approuvée par Spengel 187, p. 36 , Thompson 213, p. 181, Blass 1 , t. II,
p. 34 sq., Jebb 2, t. II, p. 50 sq ., Norlin 6 , 1. I, p . XIX n ., Gomperz 170 , p. 29 sqq., Ries 168 ,
p . 39 sq., Guthrie 250 , t. IV , p . 282 sq., et Eucken 46 , p. 47 sqq., qui réfute les objections de
Gomperz 170, p . 31 sqq., de 254 H . von Arnim , Jugenddialoge und die Entstehungszeit des
Phaidros, Leipzig/Berlin 1914 , p . 129, et de Wilamowitz -Moellendorff 34, t. II, p. 166 . Dans
la question de Socrate (Euthydème 305 b ) qui demande si ce personnage anonyme agissait
devant les tribunaux ou préparait seulement les discours que d 'autres « exposaient dans le
combat (àywvídeolau)», Eucken 46, p . 49, a vu des échos de la distinction isocratique expo
sée dans Contre les sophistes 13 et 15 , entre Nóywu troints et åywvloths.
- En 289 c -d , Platon distingue le fabricant du discours et la personne qui agit
en public (àywvlotńs). Il ne considère comme artiste que ce dernier , d'où il
découle que pour lui Isocrate n 'avait pas d'art à offrir (cf. Teichmüller 184 , t. I,
p. 52,Raeder 185 , p. 144, Ries 168 , p. 45, et Eucken 46 , p. 49 sq . et n . 24 ).
(3) L ' Éloge d 'Hélène d ' Isocrate :
Dans le proème de l'Éloge d 'Hélène, Isocrate maintient sa conception de la
philosophie éristique : on peut y établir des groupes, parmi lesquels les socra
tiques, mais ils sont tous éristiques (cf. Ries 168 , p . 35 sqq., et supra). Cette atti
tude d’ Isocrate peut s'expliquer en partie par le fait que la théorie qu 'il n 'est pas
possible de mentir, ni de contredire , ni d 'opposer deux discours sur le même
sujet, que Platon réfute comme éristique en l'attribuant à Protagoras (cf. Euthy
dème 283 e- 284c et 285d- 286c), est chez lui associée à la figure du socratique
Antisthène (cf. Eucken 46 , p. 51 sqq.). Isocrate attaque les paradoxes des éristi
ques comme des connaissances exactes qui manquent d'utilité ( $ 5 nepi tõv
åxpňotwv åxpißñç éniotaobal) pour la vie communautaire, ce qui peut déjà
être interprété , d'après Eucken 46 , p. 56 -63, comme une anticipation de la criti
que qu ’Isocrate fait, dans le Sur l'échange ($ 258 sqq.), des enseignements théo
riques (essentiellementmathématiques, géométrie et astronomie ) et de l'onto
logie qui constituaient le curriculum de l'Académie .
Cette polémique continue dans la partie centrale.Dans la description de la beauté ($ 54 -60)
comme « être » et comme « idée » ( $ 54) , on trouve des échos de la terminologie platonicienne
(cf. 255 F . Dümmler, Akademika ,Gießen 1889, p . 55). Isocrate redéfinit l' idée de la beauté en
considérant que sa supériorité dérive de notre comportement envers elle, c 'est-à -dire de l'opi
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 925
nion générale à son égard . Il n 'existe donc pas une science des idées,mais seulement une opi
nion ou un jugement sur elles (cf. Eucken 46 , p. 105 sq .).
(4) Le Banquet de Platon :
On a envisagé de voir dans le discours d 'Agathon dans le Banquet de Platon
une attaque contre l' école de Gorgias et d'Isocrate (cf. Schleiermacher 210, t. II,
2 , Berlin 1824, p. 376 sq. ; 256 K . Lüddecke, « Über Beziehungen zwischen
Isokrates' Lobrede auf Helena und Platons Symposion » , RAM 52, 1987, p. 628
632 ; Buchheit 60 , p. 101 sqq.; Eucken 46 , p. 107 sqq.). De nombreux parallé
lismes conceptuels entre ce discours et l'Éloge d 'Hélène ont été relevés par
Eucken 46 , p. 110 sq. La conception exprimée par Agathon dans son discours est
dépassée par Socrate dans le sien . En effet, le philosophe définit l'amour par sa
tendance vers le beau (199 c - 207 a ), comme Isocrate et Agathon ,mais, à la dif
férence de ceux-ci, il distingue (207 a sqq.) l'amour envers les femmes de
l'amour envers les hommes, qui est l'authentique stimulus de l'activité spiri
tuelle du créateur et du poète , y compris Homère.
Dans son Éloge d 'Hélène, Isocrate montrait le pouvoir divin d 'Hélène par l'exemple de la
cécité de Stésichore (8 64 ). Deux passages platoniciens qui font référence à cet épisode consti
tuent une polémique contre Isocrate : Phèdre 242 d - 243 b (cf. Howland 222, p . 151 sqq. ; aussi
Eucken 46 , p . 115 - 120 , sur la dévaluation du modèle d 'Hélène et le caractère animal de
l'amour avec les femmes) et République, 586 a sqq. (cf. Teichmüller 184 , t. I, p . 113 sq.,
Dümmler 255, p. 55, et Eucken 46, p. 117 sqq.).
(5 )Le Panégyrique d ’ Isocrate et le Ménexène de Platon:
Pohlenz 200, p. 307 sq., et Buchner 153, p. 24 sq. et 45 sq., ont repéré plu
sieurs références au Ménexène de Platon. Voici les plus remarquables:
- à la fin du proème (§ 13 sq.), il critique ceux qui dans l'exorde d'un
discours essaient d'amadouer leurs auditeurs et donnent toutes sortes de raisons
pour défendre ce qu'ils vont dire ; parmi eux certains déclarent « qu 'ils se sont
subitement (ÉE ÚToyvíou ) préparés à parler» (§ 13). C ' est à Ménexène 235 c,
qu’ Isocrate a emprunté le refus de cette excuse, ainsi que l'expression ÉG ÚTO
ruíov.
- En § 32 sq ., Isocrate reprend , avec de légères différences, l'idée du
Ménexène (237 e sq.) que la terre attique est la mère des Athéniens, étant donné
qu 'elle les a alimentés avec du blé .
– Il y a des ressemblances structurales entre la description des batailles de
l'Artémision et des Thermopyles chez Isocrate ($ 91) et celle de Marathon dans
Ménexène 240 d (cf. Eucken 46, p. 164, qui signale des nuances qui permettent
de différencier l'utilisation dumêmemotif dans les deux passages).
- Isocrate s'enorgueillit au § 53 de ce que les Athéniens ont l'habitude de
rendre service aux plus faibles. Certains critiquent cela comme étant peu appro
prié, dit Isocrate , « comme si de telles paroles ne fournissaient pas un appui à
ceux qui veulent faire notre éloge ». On lit cette critique dansMénexène 244 e.
Le passage révèle donc le jugementméprisant d ’Isocrate à l'égard duMénexène,
qu 'il considère comme une caricature burlesque d'un document patriotique
(cf. Pohlenz 200, p . 307 sq., et Eucken 46, p. 164 sq.).
926 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
Une chronologie Panégyrique-Ménexène a été proposée par 257 C . W . Müller, « Platon
und der Panegyrikos des Isokrates: Überlegungen zum platonischen Menexenos» , Philologus
135, 1991, p. 140-156 , qui suggère de voir dans le Ménexène une parodie du Panegyrique.
(6 ) Isocrate et Platon sur l' Égypte :
Le Busiris fut publié peu de temps avant la République et il presuppose des
débats oraux préalables à la publication de cette cuvre de Platon (cf. Eucken 46 ,
p. 173 sqq.). Certains aspects de sa présentation de l'Égypte renvoient directe
ment à la République de Platon (cf. déjà Gomperz 170 , p . 192 sqq.). La société
égyptienne est divisée en trois castes : artisans, guerriers et prêtres, dans l' idée
qu 'il est plus profitable de s'adonner à une seule tâche (§ 15 sq.; Platon , 374 b
sqq., et 394 e); de ces groupes , les prêtres sontmenés vers la vertu au moyen de
l'étude de l'astronomie et desmathématiques, disciplines de l'Académie (§ 23 ;
Platon , 522 c sqq.), et à un âge avancé ils assument la direction de l'État (§ 23 ;
Platon , 540 a-b ) ; ils se consacrent alors à la médecine, étrangère à Platon , et
aussi à un genre de philosophie ( $ 22) qui correspond à la métaphysique et à la
théorie platonicienne de l'État.
Gomperz 170, 192 sqq. et 32 sqq., y a vu à tort une acceptation de l'importance de la doc
trine de Platon , par laquelle Isocrate remercierait Platon pour l'éloge que ce dernier lui avait
adressé dans Phèdre 278 e sqq. Teichmüller 184 , t. I, p. 106 sqq., y a vu une critique du
manque d 'originalité de la théorie platonicienne de l'État.
Cette idée de Teichmüller a été développée par Eucken 46 ,p. 183 sqq., qui a
perçu une critique de la République qu 'on peut résumer dans les points suivants :
- Isocrate a offert une présentation antilogique d'Athènes et de l'Égypte dans
le Panégyrique et dans le Busiris, opposition fondée sur les philosophies diffé
rentes qui les structurent. L 'État égyptien est guidé par la philosophie, « quipeut
à la fois fixer des lois et chercher la nature des choses» (Busiris 22); c'est une
société fermée dans laquelle on respecte les lois par crainte , car même le respect
envers les dieux est réglementé (Busiris 26 sq . ; cf. Eucken 46 , p . 199 sqq.).
Athènes, au contraire , qui fut la première à se pourvoir de lois et d 'une constitu
tion (Panégyrique 39), est une société ouverte et est fondée sur l'affrontement
agonique et l'espérance de la renommée générale (Panégyrique 44 et 50). C ' est
cette culture qui permet, face à la législation égyptienne rigide, qu 'il existe des
jugements corrects sur les dieux , tels ceux d ’Isocrate , ou peu appropriés , tels
ceux des poètes et de ceux qui les suivent, comme c'est le cas du destinataire de
ce discours, Polycratès (Busiris 38 sqq.). Un autre élément crucial de la culture
athénienne est le discours , qui n'a pas de sens dans le monde égyptien . Il existe
donc deux traditions pédagogiques différentes : l'athénienne, où s'insère Iso
crate , et l'égyptienne, dans laquelle l'orateur situe Platon ; il se réfère à lui dans
Busiris 17, où il remarque que le succès de l'organisation politique de l'Égypte
est tel « que les philosophes qui s'occupent de ces questions et y ont acquis la
plus grande réputation décidentde louer la constitution de l'Égypte » (cf. Eucken
46 , p . 179 sq .).
- L ' importation de modèles égyptiens en Grèce a toujours supposé une telle
altération de leur sens originaire qu 'ils sont devenus nuisibles. Ainsi, les Lace
démoniens ont imité certaines de ces coutumes égyptiennes (§ 17 sq.), mais ils
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 927
les utilisentmal, car étant des soldats, ils cherchent à s'emparer par la force du
bien des autres, ce qui n 'arrive pas en Égypte ($ 19 ). Chez Platon coexistent la
spécialisation des citoyens dans une seule activité et les institutions importées
par les Lacédémoniens (cf. République 374 d sq., 403 c sqq., 416 d sq. et420 a).
Demême, l'importation que Platon fait de la division du travail n 'est pas fidèle
au modèle égyptien,parce qu'il a associé cette idée à celle de la justice de l'État,
inexistante aussi bien dans le modèle original que dans l'imitation spartiate .
L 'autre exemple d' altération du modèle est celui de Pythagore, quifut le premier
à importer la philosophie égyptienne en Grèce : « il s'illustra ... par son intérêt
pour les sacrifices et les cérémonies des sanctuaires » , dans l'idée que «même si
des dieux cela ne lui faisait obtenir aucun avantage , du moins acquerrait-il une
très belle réputation auprès des hommes» ($ 28) ; c'est ainsi qu 'il dénature le but
originel des rituels égyptiens.
- L ' imitation platonicienne n 'est même pas originale (cf. Teichmüller 184 ,
t. I, p . 107 sq., qui rapporte au Busiris le commentaire de Crantor, ap. Proclus, In
Platonis Timaeum comm . 20 d , t. I, p . 75 , 30 - 76 , 10 Diehl (= Crantor, fr. 8
Mette), selon lequel les contemporains de Platon l'auraient critiqué pour ne pas
avoir forgé lui-même la République, pour avoir emprunté des coutumes égyp
tiennes et, par surcroît, pour avoir attribué des coutumes athéniennes et atlantes
aux Égyptiens). Qui plus est, comme le remarque Eucken 46 , p . 187 sqq., l'imi
tation platonicienne de l'État égyptien est une imitation au deuxième degré, dans
la mesure où Isocrate transforme les philosophes pythagoriciens en disciples des
Égyptiens et en même temps en maîtres de Platon.
Platon donnera sa riposte au discours isocratique dans le Timée à travers le
récit mythique de l' Athènes primitive et de l'Atlantide, selon lequel l'Égypte
serait une cité fondée par Athènes qui conserve plusieurs traits de la constitution
ancestrale de la métropole . Platon attribue donc une origine commune aux modè
les athénien et égyptien , qu 'Isocrate distinguait catégoriquement, et il légitime
ainsi sa proposition théorique et pédagogique dans le cadre d'Athènes (cf.
Eucken 46 , p . 208 sqq., qui considère comme une contre -attaque d ' Isocrate le
§ 74 de l'Aréopagitique).
(7) Rhétorique et écriture dans le Phèdre de Platon :
On a repéré dans ce dialogue plusieurs allusions polémiques contre Isocrate :
- En 267 a sq., Platon critique la maxime qu' il attribue à Tisias et à Gorgias
de « rendre petites les grandes choses et de donner de la grandeur aux petites»,
ainsi que d '« exposer de façon nouvelle les idées anciennes et de parler de façon
classique sur les événements récents » . Dans Panegyrique 8, Isocrate avait expri
mé la même ambition, quoique dans un contexte différent (cf. supra ). Teich
müller 184, t. I, p. 72 sq., et Raeder 185 , p. 273 sq. ont songé à une attaque
platonicienne (cf. aussi Ries 168 , p. 101, et de Vries 183, p. 222 sq.).
- Pour Platon le bon orateur a besoin de trois conditions : talent, science et
pratique (269 d). La formulation est proche de celle d 'Isocrate, telle qu'elle a été
décrite ci-dessus (cf. supra ). Il est possible qu 'il y ait là une référence directe à
Isocrate ou que les deux remontent à une source sophistique commune (cf.
928 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38

Spengel 187 , p . 17 , Gomperz 170, p . 168 sqq., Raeder 185 , p. 271 sqq ., Ries
168, p. 116 sqq., avec bibliographie , et la polémique entre de Vries 183, p . 16 et
232, et Erbse 228 ; voir aussi Eucken 46, p . 271 sqq.).
Le contexte immédiat éclaire ce sens polémique ; en 269 e sq., Platon déclare que la
science rhétorique, comme tous les grands arts, a besoin d' ůdoneoyla xai uetewporoyía ,
variante de l'accusation qu 'Isocrate adressait aux socratiques dans Contre les sophistes 8 , en
jugeant leur activité en tant qu 'adoneoyla xai uixpołoyla ; en 270 b sqq., il prescrit que la
rhétorique, comme la médecine, peut agir avec téxvn et non avec éuntepia et toißn ; en 271 c
sqq., il redéfinit le xalpós en réduisant sa signification à l'instant qu 'on doit attendre pour
utiliser la connaissance systématique de l'âme.
- Face à Isocrate, Platon défend (275 d sqq.) la prééminence du discoursparlé
sur le discours écrit (cf. Howland 222, p. 115 sqq., et Eucken 46 , p . 130 sqq. et
272 sq.). Le philosophe a emprunté à Alcidamas (* * A 87) la comparaison des
discours écrits avec des peintures ; il s'agit d'imitations que l'on doit considérer
uniquement comme un jeu face à la parole du sage et à la conversation dialec
tique (cf. 258 R .J. Connors, « Greek Rhetoric and the Transition from Orality » ,
Ph & Rh 19 .1, 1986, p. 38-65, notamment p . 49 sqq., Cole 31, p. 126 sqq., et
259 M . Erler, « Hilfe und Hintersinn : Isokrates' Panathenaikos und die Schrift
kritik im Phaidros » , dans L . Rossetti (édit.), Understanding the Phaedrus.
Proceedings of the II Symposium Platonicum , coll. « Intern . Plato Studies » 1,
Sankt Augustin 1992, p. 122- 137 (trad . it. Id . 99) ; aussi infra, à propos d 'Alci
damas .
(8 )Les discours chypriotes d ' Isocrate :
Dans le proème du discours A Nicoclès, il existe plusieurs allusions polémi
ques à Platon.
- Face à d 'autres, quine cherchent que des intérêts commerciaux (tuntoplav
TIOLOÚLevoi) et offrent au roi les présents habituels avec plus d'habileté que ceux
qui se sont consacrés au trafic (xannNEÚELV) ($ 1), Isocrate offre à Nicoclès « le
plusbeau , le plus utile des dons» (§ 2). Isocrate se sépare ainsi des trafiquants et
des boutiquiers, avec lesquels Platon , Protagoras 313 c sqq., et Sophiste 223 c
sqq., avait comparé lesmaîtres de sagesse et les sophistes.
- Aux $$ 4 -6 , il distingue entre la formation du roi et celle de l'homme cou
rant. Le manque de formation appropriée chez les rois a fait que beaucoup se
demandent lequel des deux genres de vie est le meilleur (§ 4 ). Teichmüller 184 ,
t. II, p. 19, y a vu une référence au mythe d' Er à la fin de la République de Platon
(617 d sqq.), où, à propos du choix du genre de vie, on rejette « la tyrannie et
d'autres pratiques de la sorte » (619 a) avec des exemples (619 b sq. et 620 c sq.).
Face à la distinction platonicienne entre la royauté , réalisable seulement dans la
cité idéale (445 d ), et la tyrannie, décrite comme une domination violente et
arbitraire (563 d sqq.), Isocrate présente le fait que le roi soit bon ou mauvais
comme dépendant de l'expérience concrète de son royaume.
- Au § 7 , il se demande si le cadeau qu'est son discours, une fois présenté ,
sera digne du thème proposé, car « de nombreux ouvrages écrits en vers ou en
prose , quand ils n 'existaient encore que dans la pensée de leur auteur, ont provo
qué un vif sentiment d' attente : une fois achevés et communiqués au public , ils
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 929
ont connu une réputation bien inférieure à l'espoir qu'ils avaient suscité » (7 ).
D 'après Eucken 46 , p. 224, il s'agit d'une référence à Platon , dont la République,
une fois publiée, est restée très en dessous des espérances qu'elle avait suscitées.
Dans la suite du discours , Isocrate répond enfin à la définition méprisante de
la « rhétorique » fournie par Platon dans le Gorgias comme une flatterie qui a
pour objet d'atteindre le plaisir (cf. supra, et Eucken 46 , p. 237 sqq.). Au § 28,
Isocrate conseille au roi de distinguer « les flatteurs habiles (tous téxvn
xonaxetovtas) des serviteurs dévoués ( ToùS MET' Eůvoias depanetovtac)
pour ne pas laisser les gens malhonnêtes l'emporter (néov... EXWOLv ) sur les
honnêtes gens ». Le conseil, dont la terminologie renvoie directement à la
discussion de Platon sur la rhétorique, permet à Isocrate de dépasser la définition
de celui-ci, parce que le but n 'est pas le plaisir, mais , comme on le montre tout
au long du discours, l'utilité. Au § 52, il oppose encore une fois sa philosophie
pratique de la doxa aux théories inutiles qui ne peuvent pas être réalisées.
Il est possible que dans tout le discours il utilise les termes idéa et yiyvúoxelv en les asso
ciant à des contextes divers pour les détacher de leur signification platonicienne et les redéfinir
dans le cadre de sa doctrine de la doxa (cf. Eucken 46, p . 235 sqq. et 240 sqq.).
Isocrate situe l'instruction du monarque dans la tradition de la poésie gnomi
que, et distingue cette littérature, utile , de celle d'Homère et des poètes de tra
gédies, qui est seulement agréable et que l'on peut caractériser comme « fabu
leuse » (§ 48 sq.). Or, tandis que Platon avait banni Homère et les poètes tragi
ques de sa cité idéale , parce qu 'ils n 'étaient pas capables de connaître la púols,
c 'est-à-dire l'être réel (cf. 598 d sqq.), Isocrate leur réserve une place dans la cité
justement parce qu 'ils ont su pénétrer la nature (Tv DúoLv) de l'homme ( $ 48 )
et représenter, l'un devant des auditeurs , les autres devant des spectateurs , les
luttes (Toùs árõvac) et les guerres des demi-dieux ($ 49 ; cf. Eucken 46, p . 243
247).
Dans le Nicoclès, avec le roi comme porte -parole, Isocrate s'en prend à ceux
qui pensent que quand on prononce des discours on ne le fait pas par vertu ,mais
par ambition (§ 1), une accusation qui apparaît déjà dans le Gorgias de Platon .
Isocrate a accompli pieusement tous ses devoirs, et il l'a fait pour que sa vie
s'écoule remplie des plus grands biens ( 2 ). L 'alternative entre vertu et ambi
tion n 'est donc pas valable , mais les deux sont en rapport.La question qu'il faut
se poser est, au contraire , de savoir si l'effort pour l'ambition se réalise par des
moyens justes ou injustes. Les Nóyou, de la même façon que la richesse , la force
et le courage, sont susceptibles d 'être mal utilisés,mais le malréside à l'intérieur
de l'homme et non des choses ($ 4 ). 260 S. Sudhaus, « Zur Zeitbestimmung des
Euthydem , des Gorgias und der Republik » , RAM 44, 1889, p . 52 sqq., notam
ment p .61, remarqua la ressemblance de cet exemple avec l'argumentation du
Gorgias platonicien dans Gorgias 456 c sq.(cf. Eucken 46 , p. 249 sqq., sur le
dépassement isocratique de la position de Gorgias dans ce dialogue et aussi
261 J. Macjon , « De sophisticae boni etmali rationis vestigiis apud Isocratem
obviis » (en polonais ), Meander 35, 1980 , p . 97- 110 , qui a détecté dans cette
argumentation des influences de Protagoras et de Prodicos). Dans l'Évagoras,
930 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
finalement, Isocrate oppose le napádelyua de feu le père de Nicoclès au
caractère paradigmatique des idées platoniciennes impersonnelles (cf. Eucken
46 , p . 267 sq.).
(9 ) Le Théétète et Le politique de Platon :
Platon répondra aux discours chypriotes dans Théétète 172c - 177b. Dans cet
excursus, il distingue l'essence de ceux qui « depuis leur jeunesse fréquentent les
tribunaux ou des lieux semblables» de celle des philosophes (172 c ). Tout
homme, déclare Platon, doit abandonner un genre de vie et « fuis » vers l'autre
pour s' approcher de la divinité autant que possible (176 b ) et être bon et juste
avec bon sens. Le malheur de l'orateur est de ressembler par ignorance au pre
mier genre et non au deuxième (176 e ). 262 Th . Berk, Fünf Abhandlungen zur
Geschichte der griechischen Philosophie und Astronomie, Leipzig 1883, p . 18
sqq., pensa à une allusion critique adressée à Isocrate , position qui a été reprise
récemment par Eucken 46, p. 275 sq. ; contra Teichmüller 184 , t. II, p. 326 , et
Burkert 198 , p . 350 n . 1. En faveur d 'une telle identification, il y a le fait que,
dans Théétète 174 d sqq., Platon décrit l' impassibilité du philosophe quand il
entend des éloges des tyrans, ce qui s'accorde avec une critique de l'Évagoras
isocratique comme discours modèle du genre . En tout cas, comme le signala
Dümmler 167, p . 79 sqq., notamment p. 104 sq., Isocrate se sentit visé, puisque
dans Sur l'échange 30, il reprit la distinction entre ceux qui fréquentent les tri
bunaux et les philosophes, en se situant dans le deuxième groupe. C 'est dans Le
politique que Platon donnera sa vraie riposte: quand il se demande si ce sont les
hommes ou les lois qui doivent dominer , Platon se prononce pour les lois écrites,
en l'absence d 'un roi qui se distingue en sagesse (301 d sqq. ; cf. Eucken 46 ,
p. 277 sq. et 282).
( 10 ) Attaques ultérieures :
Dans Sur l'échange 258-269, Isocrate critique à nouveau « les princes de
l' éristique et les professionnels de l'astronomie, de la géométrie et des autres
sciences du même ordre » (§ 261); on y a vu une attaque de l'Académie platoni
cienne (cf. Spengel 187 , p. 747 sqq .; Gomperz 170 , p . 11 et 15 ; Münscher 3 ,
col. 2211). Malgré tout, la cible principale est Aristote, encore membre de
l'Académie ( cf. infra). C 'est dans le Panathénaïque que nous trouvons l'attaque
finale (cf. 263 Chr. Eucken, « Leitende Gedanken im sokratischen Panathenai
kos » ,MH 39, 1982, p . 43- 70 ; 264 Chr. Schäublin , « Selbstinterpretation im
“Panathenaikos” des Isokrates ? » ,MH 39, 1982, p . 165- 178, notamment p. 174
sqq.; Erler 99 , p. 157, et supra ).
Speusippe :
La polémique ne se terminera pas avec la mort de Platon. Son disciple Speu
sippe écrivit, comme Antisthène, une riposte au Contre Euthynous d 'Isocrate (cf.
D .L . IV 5 et VI 15 ). Il écrira aussi, à propos du choix d 'un précepteur pour
Alexandre le Grand, une lettre à Philippe de Macédoine (Lettres des socratiques
XXX ) contre le Philippe d'Isocrate et en faveur d'Antipatros de Magnésie .
Pour l'authenticité de la lettre, cf. Mathieu 24, p . 178 ; Id . 5 , t. IV , p. 177 n . 1, et 1. III,
p. 93 n . 4 ; 265 E . Bickermann et J. Sykutris, Speusipps Brief an König Philipp, coll. « Berichte
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 931
Verh . Sächs. Ak.» , phi.-hist. Kl. 80, Leipzig 1928, p. 31 sqq. ; 266 M . M .Markle, « Support of
Athenian Intellectuals for Philip . A Study of Isokrates' “ Philippus" and Speusippus' Letter to
Philip » , JHS 96 , 1976 , p . 80 -99 ; 267 A . Frolíková, « Isokrates' Aufrufe an die Herrscher» (en
tchèque, rés. en all.), LF 102, 1979, p . 82- 86 ; 268 L. Tarán, Speusippus of Athens, Leiden
1981, p. 182; Usener 38, p. 38 sq. et n. 53. Contra, 269 L. Bertelli, « La lettera di Speusippo a
Filippo. Il problema dell'autenticità », AAT 111, 1977, p.75-111.
Alcidamas:
Cf. la bibliographie rassemblée par Gillis 111, p . 325 n . 6, par Eucken 46 , p. 28-31 et 121
140 , et surtout par 270 M . Narcy, art. « Alcidamas» A 87 , DPLA I, 1989, p. 102 sqq. Aussi
271Zs. Ritoók, « Alkidamas über die Sophisten » , Philologus 135, 1991, p. 157 - 163 ; 272 S .
Friemann ( = S . Usener), « Überlegungen zu Alkidamas' Rede über die Sophisten » , dans W .
Kullmann et M . Reichel ( édit.), Der Übergang von der Mündlichkeit zur Literatur, coll.
« Scriptoralia » 30, Tübingen 1990 , p. 301-315,et Bons 49,p. 162.
Alcidamas fut disciple de Gorgias et, selon la Souda, s.v. Copyiaç, r 388 , t. I,
p . 535, 25 sq. Adler, il lui succéda à la tête de son école . 273 J. Brzoska, art.
« Alkidamas» 4 , RE I 2, 1894, col. 1534 , signala qu 'à la différence d'Isocrate, on
ne lui connaît pas de disciple. Il fut l'auteur d'un traité Sur les auteurs de
discours écrits ou sur les Sophistes, qui visait exclusivement Isocrate, malgré la
dénomination collective du titre.
Les problèmes de datation de cet écrit ont été résumés par Narcy 270, p. 102 sq.: on admet
de nos jours que le Contre les sophistes d'Isocrate est antérieur au traité d 'Alcidamas et aussi
au Phèdre de Platon (cf. supra ), qui contient une autre attaque contre l'écriture, sans que l'on
puisse préciser exactement la chronologie relative de ces deux derniers écrits (cf. 274 H .
Raeder, « Alkidamas oder Plato als Gegner des Isokrates » , RHM 63, 1908, p . 495 -511).
Eucken 46 , p. 130 sqq., a soutenu la dépendance de Platon par rapport à Alcidamas, ce quine
signifierait pas qu'il reprenait ses points de vue, mais seulement quelques expressions for
melles pour attaquer le même rival. Récemment 275 J. Tomin, « A Preliminary Study of
Plato » , SO 67 , 1992, p . 80 -88, a soutenu l'antériorité du Phèdre, dont aussi bien Alcidamas
qu 'Isocrate dépendraient.
Il est très probable que la critique par Isocrate de ceux qui donnent des procé
dés fixes comme exemples de l'art créateur des discours politiques (Contre les
sophistes 12 sqq.), vise Alcidamas (cf.Gillis 111, p . 325 n. 6 ). Laméthode pro
posée dans Sur les sophistes par Alcidamas est proche de celle que critiquait
Isocrate , mais non identique, ce qui fait penser qu 'il s'agit d'une nouvelle ver
sion d'une critique antérieure et plus radicale. Il y aurait fondé la capacité d'im
provisation sur la connaissance générale d 'une série de schémas rhétoriques,
dont il aurait assimilé l'apprentissage à celuide l' alphabet;Eucken 46, p. 27-31.
Le discours Sur les sophistes aurait donc été la riposte d'Alcidamas.
Cf. 276 J. Vahlen , « Der Rhetor Alkidamas » , SAWW 43, 1863, p . 491-528 (= Gesammelte
philologische Schriften , Leipzig/Berlin 1911, p . 117 - 155 , notamment p . 144 sq.) ; Reinhardt
196 , p. 15 sq. ; 277 J. Hubík , « Alkidamas oder Isokrates ? Ein Beitrag zur Geschichte der
griechischen Rhetorik » , WS 23 , 1901, p . 234 -251 ; Raeder 274 ; Süss 181, p . 34 -49 ; 278 L . R .
van Hook, « Alcidamas versus Isocrates: the Spoken versus the Written Word », CW 12, 1919,
p . 89 -94 ; 279 G . Walberer, Isokrates und Alkidamas, Hamburg 1938 ; 280 H . Wersdörfer, Die
QIAOCOPIA des Isokrates im Spiegel ihrer Terminologie, Leipzig 1940 , p . 144 sq. ; 281 S .
Wilcox, « Isocrates' Fellow Rhetoricians » , AJPh 66 , 1945, p . 171- 186 ,notamment p. 179 sq. ;
Gastaldi41 ; Eucken 46 , p. 122 sq. ; 282 M . Vallozza, « Kaipóç nella retorica di Alcidamante
e di Isocrate, ovvero nell'oratoria orale e scritta » , QUCC 50, 1985, p. 119-123; Narcy 270,
p . 104 . Des allusions à Alcidamas en tant qu 'auteur de paradoxes ont été repérées dans l' Éloge
d 'Hélène 8 par Spengel 56 , p. 174, et dans § 12 par 283 J. Zycha, Bemerkungen zu den
932 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
Anspielungen und Beziehungen in der XIII. und X . Rede des Isokrates, Progr. Wien 1880,
p. 254 sqq. (cf. Münscher 171 et Id . 3, col. 2182). D 'après eux, le Sur les sophistes aurait été la
riposte à ce discours.
Il y propose une formation rhétorique fondée sur l'improvisation , car ce n 'est
qu 'en improvisant que l'on peut s'adapter à l'occasion (xalpós). Cette rhéto
rique orale devrait s'accompagner d'un manque d 'attention porté au style et à la
beauté verbale . Il s'agit donc de l' inverse de la rhétorique isocratique, fondée sur
l'écriture et très soucieuse des problèmes stylistiques. Comme l'a indiqué
Gastaldi 41, la critique d' Alcidamas court droit à l'échec, dans la mesure où les
discours d ' Isocrate ne répondent qu 'en apparence à l'univers oral de la polis ;
Isocrate,bien au contraire, a nié ce modèle oraleta défendu l'écriture comme un
mode de participation politique (cf. supra). Malgré tout, il faut admettre la pré
sence d' éléments oraux dans la composition des discours d' Isocrate ; cf. Connors
258 , p .61 n . 23 , Bons 49, p. 165, et surtout Usener 38.
Isocrate répond à Alcidamas dans Panégyrique 11 sq., où il remarque qu 'il y
a des gens qui comparent « les discours destinés à la perfection avec les plai
doyers portant sur des contrats privés» comme s'ils étaient identiques. Le pro
blème de l'oralité et de l'écriture sera abordé plus tard, d 'un autre point de vue,
dans l'Épître à Denys 2 sq ., et dans le Philippe 25-29 (cf. Eucken 46 , p. 132- 140 ,
et Usener 38, p. 106 -119 ).
38 ; Toolkn 46,P.128 sq. ophistry. From P3
Sur la défense de l'écriture par Isocrate, cf. Reinhardt 196 , p . 16 ; Blass 1, t. II, p . 353 ;
Mathieu et Brémond 5 , t. II, p . 17 n . 3 ; 284 T . M . Lentz, « Writing as Sophistry. From Pre
servation to Persuasion » , QIS 68, 1982, p . 60 -68 ; Eucken 46 , p . 125 sqq.; Gómez 115 , p. 61
sqq. ; Friemann 272 ; Cole 31, p . 74 ; Usener 38 ; Too 19, p. 113-129.
Polycratès :
Cf. Blass 1, t. II, p. 365- 372 ; Münscher 3, col. 2177 sqq.; Mathieu 5, 1. I, p. 183 sq .;
Dodds 252, p. 28 sq .; 285 G . E .L . Owen , « Philosophical Invective » , OSAPh 1, 1983, p . 1-25,
notamment p . 19 ; Eucken 46, p . 195- 205.
La polémique entre les deux semble avoir commencé quand Polycratès écrivit
un traité où il réfuta l' Éloge d 'Hélène (cf. 1°“ argument" d'un grammairien ano
nyme pour cet ouvrage chez Mathieu et Brémond 5 , t. I, p . 163). L 'argument du
Busiris (ibid ., t. I, p. 187 , 1 sqq.) nous informe que Polycratès, Athénien de nais
sance, s'était vu forcé par la pauvreté de faire le métier de sophiste , qu'il exerçait
à Chypre . Cette donnée a induit Münscher 3, col. 2177, etMathieu 5, t. I, p. 184 ,
à penser que le Busiris est la conséquence d 'un affrontement personnel visant à
obtenir du prestige parmi les disciples fortunés de l' île . D 'autres sources nous
présentent Polycratès comme un auteur de traités paradoxaux ainsi que mytho
logiques (cf.Münscher 3, col. 2177 sq.). Cela permet de comprendre qu 'il se soit
senti attaqué par l'Éloge d'Hélène; Blass 1, t. II, p. 371 n . 1, et Reinhardt 196 ,
p. 21, ont cru voir une allusion à cet auteur dans les $$ 8 et 12 de ce discours (cf.
Münscher 3, col. 2182). Plusieurs années plus tard , Isocrate a donné au Busiris la
forme d'une épître adressée à son concurrent, épître où il essaie de l' instruire et
de corriger les erreurs de ses écrits précédents : s'il cherche à tirer de l'argent de
la philosophie, il doit apprendre à enseigner. Les attaques sont adressées à son
Apologie de Busiris et à son Accusation de Socrate, et sont essentiellement les
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 933
suivantes : méconnaître la différence entre la louange et le blâme; assumer la
présentation que les poètes font des dieux, qu 'Isocrate considère comme impie ;
ne pas appliquer la « règle d'or» de ne pas faire aux autres ce qu'on ne voudrait
pas souffrir d'eux(cf. Eucken 46 ,p. 195- 205).
Aristote :
Cf.Münscher 3, col. 2208 sq.; Burk 4, p. 32 sq. et 202 sq.; Mathieu 24, p. 185 sqq.;
286 F. Solmsen, Entwicklung der aristotelischen Logik und Rhetorik, coll. « Neue Philolo
gische Untersuchungen » 4, Berlin 1929, p. 204 sqq. et 215 sqq.; 287 B . Einarson , « Aristo
tle's Protrepticus and the Structure of the Epinomis » , TAPHA 67, 1936 , p . 261-285 ; 288 E .
Bignone, L 'Aristotele perduto e la formazione di Epicuro, 2 vol., Firenze 1936 (2e édit. 1973) ;
289 P. von der Mühll, « Isokrates und der Protreptikos des Aristoteles » , Philologus 94 , 1939
1940, p. 259-265 ; 290 P . Thillet, « Note sur le Gryllos, ouvrage de jeunesse d’Aristote » ,
RPHA 97 , 1957, p . 352-354 ; 291 I. Düring, Aristotle and the Ancient Biographical Tradition ,
coll. « Studia Graeca et Latina Gothoburgensia » 5, Göteborg 1957, p. 299- 314 et 389 ; 292 Id.,
Aristotle's Protrepticus. An Attempt ofReconstruction , coll. « Studia Graeca et Latina Gotho
burgensia » 12 , Göteborg 1961, p . 20 et 33-35 ; 293 Id., Aristoteles. Darstellung und Interpre
tation seines Denkens, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » N .F . 1
Reihe, Heidelberg 1966, p. 404 sqq. ; 294 E . Berti, La filosofia del primo Aristotele, Padova
1962, p . 159- 185 et 548 sqq . ; 295 A . H . Chroust, « Aristotle 's earliest " Course of Lectures on
Rhetoric" » , AC 33, 1964, p. 58 -72 (repris dans Chroust299 , t. I, p. 105-116 ); 296 Id.,
« Aristotle enters the Academy» , CF 19, 1965, p. 21-29 (repris dans Chroust 299, t. I, p . 92
104 ) ; 297 Id., « What prompted Aristotle to address the Protrepticus to Themison » , Hermes
94, 1966 , p. 202-207 (repris dans Chroust 299, 1. II, p. 119- 125 ) ; 298 Id., « Aristotle's first
literary effort: theGryllus, a lost Dialogue on the Nature of Rhetoric » , REG 78, 1965, p . 576
591 (repris dans Chroust 299, t. II, p. 29-42); 299 Id., Aristotle. New Light on his Life and on
some of his Lost Works, 2 vol., London 1973 ; 300 N . Fujisawa, « Aristotle' s Conception of
Philosophy in the Protrepticus. Comparison with Isocrates, Plato , and Aristotle himself in his
later Treatises » (en japon., avec rés. en angl.), JCS 21, 1973, p. 1-19 ; Voliotis 233, 234 et
235 ; 301 R . Weil, « Isocrate et le Protreptique d 'Aristote » , REG 91, 1978 , p . XVIII ; 302 Id .,
« Aristote et Isocrate. Un conflit d' influences à Chypre » , dans V. Karageorghis (édit.),
Salamine de Chypre. Histoire et archéologie. États des recherches, Paris 1980 , p. 193-201 ;
303 Id., « Laisser parler Isocrate ?» , dans Energeia. Etudes aristotéliciennes offertes à A .
Jannone, Paris 1986 , p . 261- 270 ; Owen 285, p . 13 sqq.; 304 A . A . Rossius, « La polémique
d'Isocrate contre l'Académie » (en russe ), VDI 181, 1987, p. 93- 102; 305 R . Laurenti,
Aristotele. I frammenti dei dialoghi, Napoli 1987, p. 428 sqq.; 306 T. Dorandi, « La polemica
fra Aristotele e Isocrate nella testimonianza filodemea » , dans E. Berti et L . M . Napolitano
Valditara (édit.), Etica politica retorica. Studi su Aristotele e la sua presenza nell'età
moderna, L 'Aquila 1989, p. 201-205 ; 307 Id. « Epicuro contro Aristotele sulla Retorica »,
dans W . W . Fortenbaugh et D . C .Mirhady ( édit.), Peripatetic Rhetoric after Aristotle, coll.
« Rutgers Univ. Studies in Class. Humanities» 6 , New Brunswick/London 1994, p . 111-120 ;
308 L . Pernot, art. «Céphisodôros» C 80 , DPhA II, 1994, p. 266 -269.
Dans la polémique, on peut distinguer plusieurs phases, selon la reconstruc
tion de Berti 294 , secondée par Chroust et complétée par Dorandi 306 , p. 201, et
307 , p. 112 :
- Entre 360a et 3509, Aristote, encore membre de l'Académie, fâché par le
genre de rhétorique flatteuse qui se prodiguait alors à cause de la mort de
Gryllos, fils de Xénophon , et surtout par l' éloge d’ Isocrate (cf. supra), composa
un traité intitulé ſlepi ontopixñs ñ rpūlios (Sur la rhétorique ou Gryllos ; cf.
Düring 291, Chroust 298 et Thillet 290).
934 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38

- C 'est Céphisodôros, disciple d ’Isocrate , qui prit en charge la riposte , en


composant un traité contre Aristote en quatre livres (cf. Bignone 288, t. I, p . 58
sqq. ;Düring 291, p . 389 sqq.; Pernot 308).
- Aristote continua la polémique oralement, dans les cours de rhétorique que
Platon lui demanda de donner à l'Académie (cf. Chroust 295 et Dorandi 306 ).
- Isocrate, finalement, riposta dans Sur l'échange 258- 269, où l'attaque
contre l'Académie vise essentiellement Aristote (cf.Gomperz 170, p. 15 ;Norlin
6, t. II, p. 328 sq. n. b ; Rossius 304).
- Pour répondre à Isocrate et peut- être à Céphisodôros, Aristote composa le
Protreptique peu après 353a (cf. Einarson 287 ; Bignone 288, t. I, p . 98 sqq. et
126 sqq. ; Düring 292, p . 20 et 33; Id . 293, p. 404 sq. ; Dorandi 306, p . 203 sq.).
Von der Mühll 289 a défendu une chronologie inverse de ces écrits , grâce à
laquelle le discours d 'Isocrate deviendrait la riposte au Protreptique.
Düring 293, p. 406 , a expliqué le choix d 'un monarque chypriote (Thémison ) comme étant
un essai délibéré de polémiquer, ici aussi, avec Isocrate , seul représentant jusqu'alors de la
culture athénienne. Weil 302 a suggéré une opposition mutuelle entre le Sur l'échange d 'Iso
crate et le Protreptique d' Aristote à propos de leur influence respective à Chypre.
On peut repérer des traces de ces phases dans la Rhétorique de l'épicurien
Philodème, qui oppose les idéaux pédagogiques d'Aristote et d' Isocrate pour
plus tard leur opposer l' idéal de paideia épicurienne (cf. Bignone 288 , t. II, p. 92
sq.; Düring 291, p. 299 -314 , avec l'édition , la traduction et le commentaire du
témoignage (T 31); voir aussi un état de la question, ainsi que des propositions
nouvelles, chez Dorandi 306 et 307).
Quelques années plus tard (ca 3429/3414), Isocrate composa l' Épître à
Alexandre (V ), témoignage de la polémique que suscita le choix d'un précepteur
pour Alexandre le Grand . Assistèrent à ce choix deux disciples de l'orateur,
Théopompe de Chios et Isocrate d'Apollonie , mais la position isocratique se
heurta à l'opposition de Speusippe (cf. supra ). Dans l'épître, Isocrate s'en prend
à Aristote , et conseille au jeune prince d'abandonner l'étude de l’éristique et de
la dialectique pour s'adonner à l'éloquence politique (cf.Münscher 3 , col. 2216 ;
Mathieu 24 , p . 167 sq. et 185 ; Id . 5 , t. IV , p. 176 sq.; van Hook 6 , t. III, p. 425 ;
Eucken 46 , p. 10 ). On lit une dernière attaque dans le Panathénaïque (cf. § 16 ,
18 ), composé à la même époque (cf. Teichmüller 184 , t. I, p. 259-266 ;Mathieu
24 , p . 168, 181 et 185).
Des ressemblances doctrinales entre les deux penseurs ont été signalées par Mathieu 24 ,
p . 185 sqq. ; 309 E . Buchner, « Zwei Gutachten für die Behandlung der Barbaren durch
Alexander den Grossen ? », Hermes 82, 1954, p. 378-384 (repris dans Seck 15, p. 216-226 );
310 A . Daskalakis , « La jeunesse d 'Alexandre et l'enseignement d 'Aristote » , StudClas 7 ,
1965, p . 169-180 ; Weil 301, et Voliotis 233, 234 et 235. Les différences entre l'école d ' Iso
crate et celle d ' Aristote furent résumées par 311 F . Blass , Die griechische Beredsamkeit im
Zeitraum von Alexander bis aufAugustus, Berlin 1865 , réimpr. Hildesheim 1977, p . 78 sqq.
Autres adversaires:
Hermippe (dans l' argument du discours A Nicoclès = fr. 64 Wehrli) rapporte
une anecdote hostile à Isocrate empruntée à un certain Evandros, qui a écrit
« contre les sophistes» ; sur son identité , cf. 312 F. Wehrli,Hermippos der Kalli
I 38 ISOCRATE D 'ATHÈNES 935
macheer, coll. « Die Schule des Aristoteles» , Suppl. I, Basel/Stuttgart 1974 ,
p . 83.
Zoïlos d'Amphipolis, contemporain de l'orateur et peut-être disciple de
Polycratès, écrivit aussi contre Isocrate , d'après la Souda, s.v.Zwiños, Z 130,
t. II, p . 512, 18 Adler (cf. Blass 1, t. II, p . 373-378, notamment p. 373 ; 313 H .
Gärtner, art. « Zoilos» 4 , KP 5, 1975 , col. 1549- 1550 ).
Postérité d 'Isocrate.
Cf. Norden 161, t. II, p. 795-802 ; Burk 4 ,notamment p . 199 sqq. ; 314 H . M .
Hubbell, The Influence of Isocrates on Ciceron, Dionysius and Aristides, Yale
1913 ;Mathieu 5, t. I, p . X sq .; Gärtner 14, col. 1470 ; Lombard 18, 133 sqq.
L 'école d ' Isocrate a été célèbre dans l'antiquité , et elle fut fréquentée par des
personnalités du monde politique et culturel de toute la Grèce (cf. Isocrate , Sur
l' échange 224 ; Denys, Isocrate 1, 6 ; aussi Blass 1, t. II, p. 52-63; Jebb 2, t. II,
p . 12 sq.; Burk 4, p . 40 sqq., et Norlin 6 , t. I, p . XXVIII sq.). Cicéron a parlé avec
admiration de ses disciples (cf. De oratore II 94: ecce tibiexortus est Isocrates...
cuius e ludo tamquam ex equo Troiano meri principes exierunt; aussi Brutus 32 ,
et Orator 40 ). Hermippe (» H 86 ) écrivit un traité aujourd 'hui perdu sur les
Disciples d 'Isocrate (cf. fr.67-78 Wehrli). (Pseudo -)Plutarque, 837 c, lui attribue
environ cent élèves, un nombre confirmé par 315 R . Johnson, « A Note on the
Number of Isocrates Pupils » , AJPh 78, 1957, p. 297 -300 , qui déduit une
moyenne de six disciples par cours (cf. 316 P. Sanneg, De schola Isocratea,
Halle 1867, p. 60 , qui réunit le nom de quarante et un d 'entre eux). Dans Sur
l'échange 93 sqq., Isocrate nomme ses deux premières promotions, de trois et de
cinq élèves respectivement; sur leur identification , cf. Blass 1, t. II, p. 18 sqq. ; et
Münscher 3, col. 2169 sq . Plus loin (§ 101-139), il nomme aussi son disciple le
plus célèbre, l'homme d 'État Timothée, fils de Conon (cf.Münscher 3, ibid . ;
Too 19 , p . 131 sq., qui remarque le parallélisme entre Isocrate et Timothée
qu 'offre le Sur l'échange). Parmiceux qui ont été considérés comme ses disci
ples, on peut distinguer des hommes d'État et des orateurs comme Timothée ,
Isée, Lycurgue, Hypéride ( » H 176 ) , Isocrate d 'Apollonie , Aphareus, le fils
adoptif d' Isocrate, et Céphisodôros (MC 180), qui défendit son maître face aux
attaques d'Aristote (cf. supra ); de même que les historiens Théopompe de Chios
et Éphore de Cymé, et le poète tragique Théodecte. Il est possible aussi
qu 'Aristote ait fréquenté pendant trois ans (3670/364a) l'école d'Isocrate (et non
celle de Socrate , comme racontent quelques-unes des Vies du philosophe) avant
d 'entrer à l'Académie (cf. Chroust 297 et 299, p. 96 sqq.).
La renommée de son école lui valut, comme nous l'avons vu, de nombreux
affrontements avec des membres d'autres écoles. Les péripatéticiens ont repris
les attaques d'Aristote contre le style d 'Isocrate . Démétrios de Phalère (3+ D 54)
a critiqué la longueur excessive de ses périodes (fr. 169 Wehrli). Hiéronymos de
Rhodes (2H 129 ; ca 290a-2309 ) a consacré un traité à son style, où il déclarait
que les discours d'Isocrate étaient agréables à la lecture mais n'étaient pas aptes
à la déclamation (fr. 52 a Wehrli). Les deux critiques ont été reprises au la par
l'épicurien Philodème(cf. Philodème, Rhétorique IV , p. 197 -200 Sudhaus). C 'est
936 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
à lui que Denys d 'Halicarnasse (cf. Isocrate 13, 2 -5 ) a emprunté le jugement de
Hiéronymos, commel'a suggéré 317 L . Spengel (édit.),Das IV . Buch der Rheto
rik des Philodemos in den herkulanischen Rollen, coll. « Abhandl. d . bayer.
Akad. Wiss., philos.-philol. Kl.» III 1, 1837, p. 207-303, notamment p. 273, et à
sa suite 318 P . Costil, L 'esthétique littéraire de Denys d 'Halicarnasse, Thèse ,
Paris 1949, p. 369 ; 319 G . Aujac (édit.), Denys d 'Halicarnasse, CUF, t. I, 1978 ,
p. 193 sqq.; 320 T. Dorandi, « Varietà ercolanesi» , CronErc 21, 1991, p. 105
109, notamment p. 106 ; Indelli 40 , p. 362 sqq. La critique péripatéticienne du
style isocratique atteint une forme consacrée avec Denys et Caecilius; elle est
connue par (Pseudo-)Démétrios (cf. § 12, 22, 23, 25, 68 et299) et par (Pseudo -)
Longin ( cf. IV 2 , XXI 1 et XXXVIII 2 ), et au IIP elle est reprise par Hermogène
(cf. infra), à travers lequel l'information de la critique parvient à Photius (cf.
321 J . J. Bateman , « The Critiques of Isocrates' Style in Photius' Bibliotheca » ,
ICS 6 , 1981, p. 182- 196 ). Le style d 'Isocrate a été traité aussi par le philosophe
mégarique Philonicos, apud Denys d'Halicarnasse, Isocrate, 13, 2 ; il a été criti
qué par l’orateur Cléocharès de Myrléa , apud Photius, Bibl., cod. 176 , 121 b ,
t. II, p . 176 Henry (cf. Münscher 3, col. 2148 sq . et 2221) et par les philosophes
épicuriens (cf. 322 H .M . Hubbell, « Isocrates and the Epicureans » , CPh 11,
1916 , p . 405-418 ; Indelli 40 ; Dorandi 306 et 307 ).
Isocrate est passé à l'histoire comme le négatif de Platon. Ils représententdes
idéaux pédagogiques opposés, dans la mesure où ils ont des orientations diffé
rentes: l’un rhétorique, l'autre philosophique. Enfin , l'influence d’Isocrate a été
détectée chez un bon nombre d 'auteurs tout au long des siècles. Pour les débuts
de l'Hellénisme, cf. Burk 4 , p . 202 sqq. A propos de l'influence ponctuelle exer
cée par Isocrate sur Térence, voir 323 M . Pohlenz, « Der Prolog des Terenz » ,
SIFC 27 -28, 1956 , p. 434-443. L 'influence du style d' Isocrate sur Cicéron est
communément reconnue (cf. Jebb 2 , t. II, p . 34 sq. et 448 ; Norlin 6 , t. I, p . XVI,
et surtout Hubbell 314, ainsi que 324 S . E. Smethurst, « Cicero and Isocrates» ,
TAPHA 94, 1953, p. 261-320). Que Cicéron a connu directement les æuvres
d ' Isocrate a été prouvé par 325 A . Weische, Ciceros Nachahmung der attischen
Rednern, coll. « Bibliothek der klassischen Altertumswissenschaften » , N . F . 2.
Reihe, 45, Heidelberg 1972, p. 135 sq., 165 sq. Le jugement de l'orateur romain
sur Isocrate n 'est pas constant (cf. surtout 326 C . Natali, « L ' immagine di
Isocrate nelle opere di Cicerone », Rhetorica 3, 1985, p. 233-243 ; aussi 327 A. E .
Douglas, « A Further Note on Cicero, Brutus 48 » , Latomus 16 , 1957, p. 461;
328 E . Laughton , « Cicero and the Greek Orators » , AJPh 82, 1961, p . 27-49 ;
329 D .C . Innes, « Phidias and Ciceron, Brutus 70 » , CQ 23, 1978, p .470 sq., et
Too 19, p. 237). On a repéré des influences isocratiques ponctuelles dans des
æuvres de Cicéron : cf. 330 W . Richter, « Einige Rekonstruktions- und Quellen
probleme in Cicero De re publica , I : Die Praefatio des 3 . Buches und die
griechischen Kulturentstehungslehren » , RFIC 97, 1969, p. 55-81, et 331 E .
Karamalengou , « Le discours Pro Marcello et la place de Cicéron dans la monar
chie de César» (en grec moderne), Parousia 6 , 1988, p. 79- 106 .
I 38 ISOCRATE D'ATHÈNES 937
Denys d'Halicarnasse montre un énorme intérêt à son égard (cf. Aujac 319 ,
p . 40 sq. et 47 sqq .; 332 S. Usher (trad.), Dionysius of Halicarnassus. The
Critical Essays (texte grec par L . Radermacher), LCL, t. I, London 1974, p. XV
XX). Outre l'étude mentionnée plus haut, il a écrit un Traité critique sur Isocrate
(aujourd 'hui perdu ) où il reconnaissait, comme le rapporte (Pseudo -)Plutarque,
838 d, qu 'Isocrate était l'auteur de vingt-cinq des soixante æuvres qui circulaient
sous son nom , par rapport aux vingt-huit qu'accepte Caecilius. Il défend dans un
plaidoyer intitulé Pour la philosophie politique, perdu aussi,mais connu par une
citation dans son Thucydide 2, l'idée isocratique du butmoral de la rhétorique,
en accord avec les stoïciens et contre les épicuriens. Concernantnotre auteur il
estime la solidité de ses idées et l'orientation morale qu 'il conféra à son école ,
tandis que son style solennel ne lui plaît pas beaucoup (cf. Hubbell 314, p. 41
53 ; Aujac 319, p. 20 sqq. et 49 sqq.; Usher 332, p. XVI sq.; Laplace 242 ; Bons
49, p . 161 sqq.).
333 M .Mühl, « Der 2 . und 9 . Anacharsisbrief und Isokrates» , AC 40, 1971, p . 111- 120, a
repéré aussi des influences sur les Épîtres 2 et 9 de (Pseudo - )Anacharsis, datant probablement
de l'époque hellénistique (HA 155 , p . 178 ) ; cf. aussi 334 A . Henrichs, « Isokrates-Imitation
(P . Colon. inv. 3327) » , ZPE 1, 1967, p. 75 sq .
Au jer s. de notre ère, Quintilien, dans la même ligne que Cicéron, rejoint
Isocrate sur plusieurs points (cf. Burk 4 , p. 208 sqq.). Un peu avant, Philon
d 'Alexandrie a imité , consciemment ou non , des modèles isocratiques (cf.
335 R . W . Smith , The Art of Rhetoric in Alexandria. Its Theory and Practice in
the AncientWorld, The Hague 1974, p . 56). Au IIe siècle, la critique du style
d'Isocrate est reprise par le rhéteur Hermogène de Tarse dans le lepì ideāv II
11 (p . 397 sq. Rabe ; cf.Laplace 242). L 'influence d'Isocrate sur Aelius Aristide
a été étudiée par Hubbell 314 ; cf. aussi Smith 335 , p. 39 ; Romilly 169, p. 79
sqq., et récemment 336 F . Mestre , « Per una lectura de l'Egipci d 'Eli Arístides
(xaiNéyelv Ó Néywv, ar ' où xpõua oủoề npãyua) » , Ítaca 2, 1986 , p . 131
142. Pour Flavius- Josèphe,cf. 337 L . H . Feldman , « Josephus' Portrait of Saul» ,
HebrUCA 53, 1982, p . 45-99. Au IIIe siècle , Philostrate, Vie des sophistes I 17,
recueille des informations littéraires et biographiques sur notre auteur. Eusébe de
Césarée reprend la caractérisation isocratique du monarque dans la Vita
Constantini et dans De laudibus Constantini 1- 10 (= Trentenaire ). Cette caracté
risation accompagnera la monarchie byzantine jusqu 'à la prise de Constan
tinople ; cf. Hadot 102, et 338 H .Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur
der Byzantiner, München 1978 , t. I, p. 157 sqq. (trad. en grec moderne, t. I,
Athènes 1987, p . 245 sqq.); notamment sur Agapetos, au vie siècle , cf. Hunger
338, t. I, p . 160 sq . (trad. grecque, t. I, p . 247 sqq.), et 339 D . G . Letsios,
« L ' Exposition de chapitres parénétiques du Diacre Agapetos. Une synopsis de
l' idéologie de l'époque de Justinien sur le rang impérial» (en grec moderne),
Dodone 14.1, 1985, p. 175-210. Pour le débat au IVe siècle de notre ère entre
philosophie et rhétorique, cf. 340 J.M . Candau Morón , « Retórica y filosofía en
Juliano » , Emerita 55, 1987 , p. 313 -328. A la même époque, l'orateur Libanios
compose son Discours I sur le modèle du Sur l'échange (cf. 341 G .A . Kennedy,
Greek Rhetoric under Christian Emperors, Princeton,New Jersey 1983, p. 34 et
938 ISOCRATE D 'ATHÈNES I 38
152 sq.). Son influence se fait sentir aussi dans le panegyrique de Procope de
Gaza (cf. Kennedy 341, p. 174). La précision de son style est louée aux ve et vie
siècles par le sophiste Romanus (ſlepi åveluÉVOU 2 ; cf. 342 W . Camphausen ,
Romani Sophistae ſlepi åveluévou, Leipzig 1922) et par Dioscorus d'Aphroditô
( cf. 343 P . van Minnen , « Isocrates and Menander in Late Antique Perspective » ,
GRBS 33, 1992, p. 87-98). Au IXe siècle , Photius, Bibliothèque, cod. 159 (t. II,
p . 121 Henry), offre une énumération des discours et des épîtres d' Isocrate qu 'il
a lus , avec de brèves observations et un jugement esthétique dérivé des péripa
téticiens (cf. Bateman 321). Dans le cod. 260 (t. VIII, p . 147 Henry), il nous
fournit des informations biographiques sur Isocrate (cf. supra). Au Xe siècle ,
Constantin Porphyrogénète est influencé aussi par son style (cf. 344 R . J. H .
Jenkins, « The Classical Background of the Scriptores post Theophanem », DOP
8, 1954, p . 11-30).
Norden 161, t. II, p . 795-802, a étudié la diffusion d' Isocrate dans l'huma
nisme européen. 345 L . Gualdo Rosa, La fede nella 'Paideia '. Aspetti della for
tuna di Isocrate nei secoli XV e XVI, Roma 1984 (cf. aussi 346 H . W . Arndt, c.r.
de Gualdo Rosa 345, dans Gnomon 58 , 1986 , p. 399-404 ), a également analysé
en détail la diffusion d 'Isocrate dans la Renaissance italienne : les traductions en
latin de ses discours par les auteurs italiens, le débat sur sa conception rhéto
rique, ainsi que son extension dans toute l'Europe, surtout dans les pays de
langue germanique; cf. aussi Burk 4 , p . 211 sqq. Pour les travaux dédiés à des
auteurs appartenant aux siècles suivants, cf. 347 T . S. Beardsley, « Isokrates,
Shakespeare, and Calderón. Advice to a young Man » , Hispanic Review 42 ,
1974, p . 185- 198, où sont commentées deux adaptations dramatiques du discours
A Démonicos; 348 K .Kiniki, « Le discours à Nicoclès parMisiodax» , Hellenica
39, 1976 , p. 61- 115 ; 349 R . Maisano , « Il volgarizzamento d'Isocrate di
Giacomo Leopardi» , AAP 23, 1974, p . 253 - 269 ; aussi 350 A . Dutu, « Un criti
que des normes de conduite isocratiques, Dinicu Golescu » , RESE 5, 1967,
p . 475-488 .
On évoque de nos jours la nécessité de récupérer le modèle isocratique dans
l'éducation (cf. Poulakos 176 , p . 17 sqq. ; Lombard 18 , p . 133 sqq. ; 351 G . B .
Wittmer , Isocrates and the Rhetoric of Culture, Thèse de l'Univ . de Pittsburgh
1991, résumée dans DA 53, 1993, p . 3048 A ; Too 19 , p . 221-232).
Noticetraduite de l'espagnol et adaptée par Fedra Egea Tsibidou.
JUAN LUIS LÓPEZ CRUCES et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ .

39 ISSOS Iva
Dansun fragment rapporté à l'Eroticos d 'Aristote (fr. 4 Ross ), tiré d 'un traité
mystique sur l'amour d ' Abül- Hasan 'Ali b . Muhammad al-Daylami (fin du Xe
siècle de notre ère ] (cod. Tübingen Weisweiler, 81), un disciple du nom d 'Issos
interroge Aristote sur la nature de l'amour.Le passage est traduit en anglais dans
D . Ross, The Works of Aristotle translated into English , XII: Select fragments,
Oxford 1952, p . 26 . Sur ce passage, voir R . Walzer , « Aristotle , Galen , and Palla
I 40 ITALICUS (SILIUS -) 939

dius on Love », JRAS 1939, p. 407 -422, repris dans Greek into Arabic. Essays on
Islamic Philosophy, coll. « Oriental Studies» 1, Oxford 1962, p. 48-59.
Ce nom ne semble attesté en grec que pour la ville de Cilicie, lieu de la victoire d 'Alexan
dre sur Darius en 3338. “ Isos" est cependant le nom d'un fils de Priam tué par Agamemnon (II.
XI 101). Walzer ( p. 54 ) signale que cette forme est employée par Flavius Josèphe, Antiquités
juives X 8 , 6 , pour un nom d'origine juive. Il apparaît également dans une inscription de
l’Asclépieion d 'Épidaure (première moitié du II s. av. J.-C .) comme le nom du père de deux
proxènes d ' origine crétoise (IG IV 2 , n° 96 ) . Comme l' Eroticos est un dialogue composé sans
doute alors qu 'Aristote était encore membre de l'Académie, Walzer en conclut que Is( s)os
était un membre de l'Académie tardive d 'origine crétoise.
MAROUN AQUAD et RICHARD GOULET.
40 ITALICUS (SILIUS -) RE 17 PIR S 509 consul en 68
Hommepolitique et poète épique romain .
On connaît peu les détails de sa vie, dont témoignent principalement Plinę,
Epist. III 7 , et Martial VIII 66 . Né entre 23 et 35 , Tib . Catius Asconius Silius
Italicus (pour le nom complet, voir W . M . Calder, CR 49, 1935 , p. 216 -217) fut
consul en 68 ; il avait auparavant exercé une activité peu honorable comme
delator sous le règne de Néron. Après sa carrière politique, il s'adonna à une vie
de philosophe et de poète sur ses domaines, au sud de l' Italie. L 'appartenance
aux cercles stoïciens est confirmée par Cornutus ( C 190 ), qui luidédia un livre
(cf. Charisius, Gramm . I 125, 16 - 18 Keil), ainsi que par Épictète (» E 33) qui le
qualifie de philosophe romain (III 8, 7). Souffrant d'un mal incurable, ilmit fin à
sa vie (vers 101) par suicide (Pline, Epist. III 7, 1-2), comme l'admet l'éthique
stoïcienne si le malade craint pour sa libre volonté (EŬoyos žaywyń , cf. SVF
III 757-768 ).
Sa renommée de stoïcien est due surtout à la façon dont il décrit les héros
romains dans son épopée Punica. On ne doutera point du coloris stoïcien quand
Scipion , à l'instar d'Hercule à la croisée des chemins (cf. Xénophon , Mem . II 1,
21-34 ; Cic ., Off. I 118), se décide pour la vertu (livre 15); il en va de même de
l'épisode de Regulus, qui retourne à Carthage pour être torturé à mort (livre 6 ).
L ' interpretatio Stoica de ces deux personnages, imitant leurs modèles Hercule et
Caton (MC 59), a été élucidée avant tout par 1 M . von Albrecht, Silius Italicus.
Freiheit und Gebundenheit römischer Epik , Amsterdam 1964, et par 2 E . L .
Basset, « Regulus and the Serpent in the Punica » , CPh 50, 1955, p. 1-20. Ils sont
suivis, sans réserve, par 3 M .L . Colish , The Stoic Tradition from Antiquity to the
Early Middle Ages, coll. « Studies in the History of Christian Thought» 35 ,
Leiden 1985, t. I, p . 281- 289. Jugement plus nuancé chez 4 M . Billerbeck, « Stoi
zismus in der römischen Epik neronischer und flavischer Zeit » , ANRW II 32 , 5 ,
1986 , p. 3134 -3143: bien que les Punica ne cachent pas l' influence stoïcienne,
les qualités de virtus, fides et patientia ,mises en évidence par Scipion et par
Regulus, sontdes valeurs profondément romaines.
Orientation bibliographique. M . von Albrecht, A History of Roman Litera
ture ,coll. « Mnemosyne Supplements» 165, Leiden 1997, t. II, p . 969-971.
MARGARETHE BILLERBECK .
940 IUBA DEMAURÉTANIE 141
41 IUBA (Juba) II DE MAURÉTANIE RE 2 PIR 165 ca 50a - 23/24P
Auteur polygraphe, roi numide de Mauretanie de 250 à 23/24P, plus célèbre
comme érudit que comme souverain ,au dire de Pline,Histoire Naturelle V 16 .
Nom .Néopun. Ywb ( )y; gr. 'loßas, ’loúſas, 'loßárns (?) ; lat. Iuba.
Témoignages et fragments. 1 A . Görlitz , lubae Il regis Mauritaniae vita et
fragmentorum pars I, Breslau 1848, 2 Id ., De lubae II regis Mauritaniae frag
mentis, pars altera , Breslau 1862; 3 C. Müller, FHG , t. III, p. 465-484 ; 4 H .
Funaioli,GRF, t. I, p . 451-456 ; 5 F. Jacoby, FGrHist 275 (Text: t. III A , p. 127
155 ; Kommentar : t. III a, p. 317 -357 ; addenda et corrigenda: t. III a, p. 403
404 ).
Études d 'orientation . 6 I.G . Hulleman , De vita et scriptis lubae disputatio ,
Utrecht 1845 ; 7 W . Plagge, De luba II rege Mauretaniae, Münster 1849 ; 8 H .
Peter, Über den Wert der historischen Schriftstellerei von König luba II von
Mauretanien, Meissen 1879 ; 9 M .R . de la Blanchère , De rege luba regis lubae
filio, Paris 1883 ; 10 Susemihl, GGLA, t. II, p. 402 -414 ; 11 F. Jacoby, art.
« luba» 2, RE IX 2, 1916 , col. 2384 -2395 ; 12 W . Schmid ,Wilhelm von Christ's
Geschichte der griechischen Literatur, Zweiter Teil : Die nachklassische Periode
der griechischen Literatur, Erste Hälfte : Von 320 vor Christus bis 100 nach
Christus, coll. « Handbuch der Altertumswissenschaft » VII 2, 1, Sechste Auflage
unter Mitwirkung von O . Stählin , München 1920 , réimpr. 1959, p. 401-403 ;
13 S. Gsell, « Juba II, savant et écrivain » , RAF 68, 1927, p. 169- 197 (= 14 ,
p. 251-276 ) ; 14 Id ., Histoire ancienne de l'Afrique du Nord, t. VIII: Jules César
et l'Afrique. Fin des royaumes indigènes, Paris 1929, p. 206 - 287 ; 15 J. Carco
pino, Le Maroc antique, coll. « La suite des temps» 10, Paris 1943, p. 31-35 ;
16 A . Stein et L . Petersen, PIR2 IV 3, 1966 , I65 , p . 118-119 ; 17 W . Spoerri, art.
« luba» 2, KP II, 1967, col. 1493- 1494.
A . Biographie. Dans cette section consacrée à la biographie de Juba, nous
distribuons la matière en trois parties: la première concernant les données
principales sur la vie; la deuxième l'activité publique; la troisième enfin les
données relatives à la divinisation du personnage.
( 1) Juba II est fils du roi Juba I de Numidie etdescendant de Massinissa : CIL
II, n° 3417 : « Regi lubae regis I lubae filio regis I lempsalis n(epoti) regis Gau
dae I pronepoti regis Masinissae pronepotis nepoti | II vir quinq(ennali) patrono
| coloni» ; cf. 18 A . Beltrán , « Las inscripciones latinas honorarias de Carta
gena» , RABM 55, 1949, p. 523-526 . Il est né vers 50a. Son père prit une part
active dans les conflits armés de la fin de la République aux côtés des partisans
de Pompée. Lors de sa défaite à Thapsos en 46 , il fut contraint au suicide.
Encore enfant, Juba II est conduit à Rome, où il fait partie du cortège célébrant le
triomphe de César (cf. FGrHist 275 T 1, 2 a, 2 b). En Italie , il reçoit sans doute
l' instruction propre à l'oligarchie romaine, car il se forme dans l'entourage
d 'Auguste , qui lui accorde la citoyenneté romaine. Il prend le prénom et le nom
de son protecteur, c'est-à-dire Caius Iulius (cf. Gsell 14, p. 207 ), et fait partie de
sa cohors amicorum (T 1 et T 12 c = Avienus, Ora maritima 279 : « Octaviano
principi acceptissimus... Juba» ). D 'après le témoignage de Dion Cassius (LI 15,
141 IUBA DE MAURÉTANIE 941
6 = T 3 a), il accompagne Auguste dans une de ses expéditionsmilitaires, peut
être à Actium pendant la guerre contre Antoine (319) ou en Hispanie pendant la
campagne contre les Asturiens et les Cantabres en 26/25a(cf.Gsell 14, p. 208 ;
Carcopino 15 , p. 31). Grâce à un autre témoignage de Dion Cassius (LIII 26 , 2 =
T 4 a), on sait que Juba, après cette guerre, qui a eu lieu en 25a, date confirmée
par la numismatique (cf.Gsell 14, p . 211), reçoit d'Auguste la souveraineté sur
la Maurétanie unifiée. Dans nos sources, il est appelé Maupovoiwv Baoineúc
(T 12 a ), Aißúwv Baoideus ( T 7, F61), ou Aißúns xaiMaypovolac Baoideus
(T 1). Ce territoire coïncide avec l'État de Bocchus II (la Maurétanie de l'Est,
entre l'embouchure de la Mulucha (Moulouya ) et celle de l'Ampsaga (Oued -el
Kebir ]), l'État de Bogud (la Maurétanie de l'Ouest, de l'Océan à l'embouchure
de la Mulucha), ainsi qu 'avec une partie de la Gétulie à la place du royaume
paternel (cf. 19 J. Desanges, « Les territoires gétules de Juba II », REA 66 , 1964 ,
p. 33-47). Dion affirme ailleurs (LI 15, 6 = T 3 a ) qu'Auguste accorde à Juba
την βασιλείαν την πατρώαν, ce qui a fait croire a certains critiques que Juba
est devenu roi auparavant en Numidie (cf.Müller 3, t. III, p. 465 ). Cependant, il
ne faut pas interpréter l'expression de Dion comme « le royaume de son père »,
mais comme « la dignité royale qu 'avait possédée son père » (cf. Desanges 19,
p. 31 n . 5). Par ailleurs, Strabon XVII 3, 7 (= T 4 c) affirme que Juba a reçu les
royaumes de Bogud et de Bocchus outre les États de son père. Mais la réalité
s'oppose à cette affirmation, car la Numidie apparaît parmi les provinces romai
nes de 27a, comme en témoigne Dion Cassius LIII 12, 4 (cf. Desanges 19, p. 34 ).
Un autre passage de Strabon (VI 4 , 2 = T 4 b ) semble s 'accorder davantage à la
réalité historique : outre la Maurousie , Juba a reçu une grande partie du reste de
la Libye (cf. 20 P. Romanelli, Storia delle province romane dell'Africa, Roma
1959, p. 156 -158, 166 ). A ces témoignages il faut ajouter Tacite , Annales IV 5, 2
(= T 8 a ) : « Mauros Juba rex acceperat donum populi Romani» , et Pline,
Histoire Naturelle V 16 (= T 12 b ): « Juba... qui primus utrique Mauretaniae
imperitavit » . L 'affirmation de Pline est erronée, car Bocchus II avait été déjà roi
de Mauretanie entre 38 et 33a (cf. 21 J. Desanges [édit.), Pline l'Ancien . Histoire
naturelle . Livre V , 1 -46 . Texte établi, traduit et commenté , CUF, Paris 1980 ,
p. 142 [commentaire de V 16 , 2 ]).
Les Gétules se soulevèrent contre Juba en 6P (cf.Dion Cassius LV 28 , 3-4 =
T6 ). La révolte fut réprimée par Cossus Cornelius Lentulus, alors proconsul
d'Afrique ( cf. Velleius Paterculus II 116 , 2 ; Florus II 31 ; Orose, Adv. Pagan . VI
21, 18 ). Juba collabora à la victoire, si bien qu 'il fut associé à celle -ci avec Cos
sus, et il reçut les « triumphalia insignia » , comme l' indiquent lesmonnaies qu 'il
fit frapper dans les XXXI (6 - 7P ) et XXXII (7 -8P) années de son règne (cf. 22 J.
Mazard , Corpus nummorum Numidiae Mauretaniaeque, Paris 1953, nºs 193-201,
282). Il est possible que Juba ait dû faire face aussi à d'autres révoltes (cf.
Desanges 19, p . 37 sq.). En tout cas, il a pris part à la guerre contre Tacfarinas
(17 -24P) , car certaines des monnaies frappées entre les XLIII (18 -19P) et
XLVIII (23-24P) années de son règne attestentqu'il a été associé aussi aux pré
tendues victoires remportées sur Tacfarinas par les proconsuls de ces années-là .
942 IUBA DEMAURÉTANIE 141
Juba doit à Auguste, par l'intermédiaire d'Octavia (Plutarque, Vie de Marc
Antoine 87, 2 = T 3 b ) , son mariage avec Cléopâtre Sélène (PIR ? II,nº 1148 ; cf.
Dion Cassius LI 15, 6 = T 3 a ; Suétone, Vie d 'Auguste 48), la fille de Cléopâtre
et Marc-Antoine ( T 1). Cléopâtre Sélène est née probablement en 40a (cf.
23 F . Stähelin , art. « Kleopatra » 23, RE XI 1, 1921, col. 784). Elle a comme pré
cepteur Nicolas de Damas (FGrHist 90 T 2 ), et son expérience ressemble curieu
sement à celle de Juba : après la mort de ses parents, elle fut conduite à Rome en
294, faisant partie du triomphe d'Auguste (Dion Cassius LI 21, 8). Auguste
confia son éducation à Octavia. La date de son mariage avec Juba n'est pas sûre,
mais on peut songer comme terminus ante quem à 20/ 199, date où unemonnaie
avec les visages et les noms de Juba et Cléopâtre a été frappée (cf.Gsell 14,
p .218 ;Mazard 22, nº 357). Une épigramme de Crinagoras (AP IX 235) semble
faire allusion à ce mariage (cf. Stähelin 23, col. 784, et plus récemment, avec des
nouveaux arguments, 24 D . Braund, « Anth. Pal. 9.235 : Juba II, Cleopatra
Selene and the course of the Nile » , CQ 34, 1984, p. 175- 178 ). En revanche,
Gsell 14 , p .218 , s'oppose à cette interprétation .
D 'origine royale comme son époux, Cléopâtre a été peut- être rattachée officiellement à
Juba: l'un et l'autre apparaissent dans les monnaies, soit les deux ensemble, soit séparés.
Cléopâtre y est qualifiée souvent de Baoiloon, avec son nom et son titre toujours en grec,
même lorsqu 'on trouve la légende latine « Rex luba » (cf. Gsell 14, p . 243) . Sélène a collaboré
sans doute à la diffusion de la culture hellénistico -égyptienne. En ce sens, on peut remarquer
la présence demotifs égyptiens, notamment isiaques, dans les monnaies en question : d 'après
Pline (Histoire Naturelle V 51 = F 38 a ), Caesarea, capitale de Juba, possédait un Iseum ; les
monnaies confirment en tout cas l'existence du culte d 'Isis dans cette ville (cf. Mazard 22,
nos 222-226 [monnaies de Juba); nos 297, 298, 301-338 (monnaies de Juba et Cléopâtre avec
des symboles isiaques au revers)).
Juba et Cléopâtre ont eu un fils appelé Ptolémée, en souvenir des ancêtres de
Cléopâtre (une inscription d'Athènes, IG III 555 = OGIS 197 = IG II? 3445,le
décrit comme « fils du roi Juba, descendant du roi Ptolémée » ). D 'après Gsell 14 ,
p . 220-222, peu après la naissance de Ptolémée (6 -5a ?),Cléopâtre est morte (une
épitaphe de Crinagoras, Anth . Pal. VII 633, peut avoir été écrite en son honneur).
Ptolémée devientroi de Mauretanie en 23/24P, après la mort de son père, bien
qu 'il soit possible que Juba l'ait auparavant déjà associé au pouvoir , probable
ment en 20 /21, conformément aux renseignements fournis par la numismatique
(cf.Gsell 14 , p . 278 -279 ). Son royaume dura jusqu 'en 40P, date à laquelle Cali
gula le fit tuer (Suétone, Vie de Caligula 26 et 35 ; Dion Cassius LIX 25, 1;
Pline, Histoire Naturelle V 11) .
Les critiques ont donné des explications différentes sur les raisons possibles de la mort de
Ptolémée : cf. 25 J. Carcopino , « Sur la mort de Ptolémée, roi deMauretanie » , dansMélanges
de philologie , de littérature et d 'histoire ancienne offerts à A. Ernout, Paris 1940, p . 39-50,
repris dans Id. 15 , p . 191- 199 ; 26 M . Hofmann , art. « Ptolemaios von Mauretanien » 62, RE
XXIII 2 , 1959, col. 1780- 1787 ; 27 T . Kotula , « Encore sur la mort de Ptolémée, roide Mauré
tanie » , Archeologia 15, 1964, p . 76 -94 ; 28 D . Fishwick , « The annexation ofMauretania »,
Historia 20 , 1971, p . 467-487 ; 29 J.-C . Faur, « Caligula et la Maurétanie : la fin de Ptolémée» ,
Klio 55, 1973, p . 249-271 ; 30 D . Fishwick et B . D . Shaw , « Ptolemy ofMauretania and the
conspiracy of Gaetulicus » , Historia 25 , 1976 , p. 491-494 .
Après la mort de Ptolémée, Caligula fit de la Maurétanie une province romai
ne. Elle fut divisée à l'époque de Claude (42P) en Caesariensis et Tingitana
141 IUBA DEMAURÉTANIE 943
(Dion Cassius LX 9 , 5), correspondantaux royaumes de Bocchus et de Bogud
(Pline, Histoire Naturelle V 19).
Il n 'y a pas d'indice permettant de déterminer avec certitude si Juba a eu de
Cléopâtre d' autres descendants.On pourrait penser à Drusilla (PIR2 III, nº 196 ),
la femme d 'Antonius Félix , procurateur de Judée ,mentionnée par Tacite , Histoi
res V 9, comme « Cleopatrae et Antonii neptis » (cf. 31 A . Stein , art. « Drusilla »
2, RE V 2, 1905, col. 1741).
Grâce à Flavius-Josèphe (Antiquités judaïques XVII 349 ; Guerre des Juifs II
114 = T 7), on sait que Juba célébra un deuxièmemariage avec Glaphyra (PIR?
IV 1, nº 176 ), fille d'Archélaos, roide Cappadoce, et veuve d'Alexandre, le fils
d'Hérode le Grand. On ne possède pas d'autre renseignement sur ce sujet (cf.
cependant IG III 549 = OGIS 363 = IG II2 3437, avec des suppléments de
Mommsen : Bjaoiriooav (Taapúpav] | ’A [p ]y [ɛ ]a [álov Quylatépa , 'Ióſa |
yuvarxa ]). Müller 3, t. III, p. 466 (cf. aussi de la Blanchère , p. 76 -77 ; Gsell 14,
p . 222 sq.), suggère que Juba a célébré ce mariage lorsqu 'il a accompagné (ou
qu 'il s'est associé à) C . César, petit-fils d'Auguste , dans sa campagne en Orient
( 19 -4P). Mais cette supposition est très douteuse (cf. Jacoby 11, col. 2368 ). En
tout cas, le renseignement de Flavius-Josèphe, selon lequel Glaphyra est devenue
veuve de Juba avant son troisièmemariage avec Archélaos, un autre fils d 'Hé
rode, se révèle erroné.Müller 3, t. III, p . 466 , considère comme probable que
Juba répudia cette femme (cf. Gsell 14, p . 222 ; 32 H . Willrich , art. « Glaphyra »
2, RE VII 1, 1910, col. 1381).
(2) Juba établit sa capitale dans l'antique lol, qu'il rebaptisa Caesarea (Stra
bon XVII 3, 12 = T 5 a ), l'actuelle Cherchel, en l'honneur de l'empereur Au
guste , son protecteur. En donnant ce nom à sa capitale , il adopta l'attitude
politique typique des rois vassaux de Rome, qui donnaient le nom de Caesarea
(ou en grec Eeßaotń) à leurs cités les plus importantes, comme l'affirme Sué
tone, Auguste 60 : « reges amici atque socii et singuli in suo quisque regno Cae
sareas urbes condiderunt» (cf. aussi Eutrope, Breviarium ab Urbe condita VII
10 , 3 Santini: « tanto autem amore etiam apud barbaros fuit, ut reges populi
Romani amici in honorem eius conderent civitates, quas Caesareas nominarent,
sicut in Mauritania a rege luba» ).
Cf. 33 Ph. Leveau, Caesarea deMauretanie, une ville romaine et ses campagnes,« Coll.
de l' École Française de Rome» 70, Roma 1984, p . 16 - 19 . Sur Césarée de Mauretanie , voir
aussi 34 S . Gsell, Cherchel, antique Jol- Caesarea (mis à jour par M . Le Glay et E. S. Colo
zier), Alger 1952 ; 35 K . Fittschen , « Juba II. und seine Residenz lol/Caesarea (Cherchel) » ,
dans 36 H . G . Horn et C . B . Rüger (édit.), Die Numider. Reiter und Könige nördlich der
Sahara , coll. « Kunst und Altertum am Rhein » 96 , Bonn /Köln 1979, p . 227 -242 ; 37 Ph .
Leveau, « Caesarea deMaurétanie », ANRW II 10 , 2, 1982, p. 683-738.
Caesarea a fait l'objet d'une véritable refondation sous Juba. Celui-ci a entre
pris des travaux pour l' embellir et il en a fait un centre de civilisation et de
culture, si bien que la cité est devenue très célèbre (T 5 b = Pline, Histoire Natu
relle V 20 : « oppidum celeberrimum Caesarea » ; T 5c = Méla I 30 : « lol ad
mare aliquando ignobilis , nunc quia lubae regia fuit et quod Caesarea vocitatur
inlustris » ; cf. aussi Ampelius, Liber memorialis 38 , 2 : « luba .. . qui Caesaris
944 IUBA DE MAURÉTANIE 1 41
Augusti iussu regnavit etmagnificentissimam urbem Caesaream condidit» ). Les
données fournies par la numismatique et par l'archéologie (notamment la sta
tuaire ) prouvent que Caesarea a été l'une des premières cités de l'Occident à
rendre un culte à Auguste etmême à la domus Augusta : l'existence de Jeux en
l'honneur de l'empereur semble assurée, d'après Leveau, 33 , p. 17 , par la
construction de l'amphithéâtre.Leveau considère qu 'il faut sans doute expliquer
le caractère précoce de ce culte à Caesarea en le rattachantau culte qu 'on y ren
dait aux rois Maures. C 'est pourquoi, d 'après lui, « sous ces rois , ce culte a pu
prendre une importance croissante parallèlement au renforcement de la monar
chie et en liaison avec des influences hellénistiques et lagides , pour ne pas dire
égyptiennes » (ibid.).
On ne possède pas de renseignements dignes de foi sur la possible activité de
Juba dans l'urbanisation d 'autres lieux de Mauretanie , comme Tipasa (cf. 38 S.
Lancel, « Tipasa de Mauretanie : histoire et archéologie, I: État des questions des
origines préromaines à la fin du IIIe siècle », ANRW II 10, 2, 1982, p. 755 -756 ).
En toutcas, il faut lui attribuer la collection de bronzes réunis à Volubilis, si cette
ville a été sa résidence et sa deuxième capitale dans la Maurétanie occidentale ,
conformément à la thèse de 39 J. Carcopino, « Volubilis, résidence de Juba et des
gouverneurs romains» , Hespéris 17, 1935, p . 1- 24 = Id . 15 , p. 167- 190 ). Cette
thèse est suivie par 40 A . Jodin , Volubilis, regia lubae. Contribution à l'étude
des civilisations du Maroc antique préclaudien , « Publications du Centre Pierre
Pâris » 14, Paris 1987, p . 312-317. En fait, à ce qu 'il semble, il n 'y a pas de
preuves concluantes pour soutenir cette hypothèse, comme le montrent 41 H .
Ghazi et Ben Maïssa, « Volubilis et le problème de regia Jubae » , dans A .
Mastino et P. Ruggeri (édit.), L 'Africa romana 10 (Atti del X convegno di studio
Oristano. 11- 13 dicembre 1992, coll. « Publicazioni del Dipartimento di Storia
dell'Università degli studi di Sassari» 25, Sassari 1994, p. 243-261, car si on
attribue à Juba II la possession de deux capitales, ce cas serait unique en Afrique
Mineure ; en outre, il n 'y a pas de témoignages littéraires ou archéologiques (de
la statuaire ou des sources épigraphiques) permettant d'envisager une regia
Jubae en Volubilis. Celle -ci a été probablement une civitas foederata , statut
incompatible avec celui d'une cité regia (cf. 42 M . Christol et J.Gascou , « Volu
bilis,cité fédérée ?» ,MEFRA 92, 1980-1981, p. 329- 345).
En tout cas, Juba a contribué largement à l'apogée de la romanisation et à la
diffusion de la culture grecque au nord de l' Afrique,ainsi que, à une échelle plus
ou moins grande, à son développement économique. En ce sens, on sait qu'il
s'est efforcé de favoriser les rapports commerciaux de Caesarea (et en général de
la Maurétanie ) avec des cités de l'Hispania , l'Italie et la Gaule (cf.Gsell 14,
p. 231-233).
En suivant peut-être une tradition phénicienne et carthaginoise, Juba a été également le
fondateur aux « Purpurariae insulae » d 'une industrie de teinture de pourpre, la « purpura gae
tulica » , très appréciée à Rome(cf. Horace, Épîtres II 2 , 181 ;Ovide, Fastes II 319). Pour les
îles Purpuraires, nous renvoyons à 43 H . Treidler, art. « Purpurariae insulae » , RE XXIII 2,
1959 , col. 2020 -2028. Ces îles ont été situées face aux Autololes (Pline, Histoire Naturelle VI
201 = F 43). Sur ce peuple , voir 44 J. Desanges, Catalogue des tribus africaines de l'Antiquité
141 IUBA DE MAURÉTANIE 945
classique à l'ouest du Nil, Dakar 1962, p . 208 -211. Elles ont été identifiées avec l'île et les
îlots deMogador (cf.Gsell 14, p. 233-234 ; 45 J . Desjacques et P . Koeberlé, « Mogador et les
îles Purpuraires» , Hespéris 42, 1955, p . 193 -202), petite île située en face de l'actuelle cité de
Essaouira, sur la côte atlantique du Maroc (cf. 46 E . Lipiński, art. «Mogador», dans Diction
naire de la Civilisation Phénicienne et Punique, Paris 1992, p . 296 ). Certains critiques ont
soutenu aussi l'identification des Purpuraires avec une partie des îles Canaries, ou avec
Madeira et Porto Santo : cf. 47 E .H . Bunbury, A History of ancient geography, London 1879,
réimpr. Amsterdam /Uithoorn 1979, t. II, p . 175- 176 , 202 - 204 ; 48 J. Álvarez Delgado , « Las
“ Islas Afortunadas " en Plinio » , Revista de Historia (Universidad de la Laguna ) 11, 1945 ,
p . 26 -61; 49 Id ., « Purpura gaetulica » , Emerita 14, 1946 , p . 100 - 127 ; 50 L . de Sagazan ,
« L 'exploration par Juba II des îles Purpuraires et Fortunées », Revue Maritime, fasc . 125,
1956 , p. 1113-1121 ; 51 J.Gattefossé, « La pourpre gétule, invention du roi Juba de Mauréta
nie », Hespéris 44, 1957, p. 329-334 . Cependant, ces hypothèses ne sont pas acceptées
aujourd 'hui (cf. 52 A . Jodin, Les établissements du roi Juba II aux îles Purpuraires (Moga
dor), Tanger 1967, p. 8 -13).
Juba participait donc de l'évergétisme caractéristique des rois hellénistiques,
commel'attestent aussi d'autres renseignements :
(a)Le renseignement de Pausanias I 17, 2, selon lequel les Athéniens élevèrentune statue
de Juba dans le gymnase de Ptolémée, sur l'agora, où il y avait une grande bibliothèque, peut
s'expliquer par le philhellénisme de Juba et sa réputation d 'homme sage et érudit, bien qu 'il
puisse s'expliquer aussi comme un geste de reconnaissance pour des faveurs reçues. En fait,
comme l'affirme Suétone, Auguste 60 , les rois amici et socii de Rome « cuncti simul aedem
lovis Olympii Athenis antiquitus incohatam perficere communi sumptu destinaverunt ».
(b ) Les magistratures honorifiques que Juba détint à Gades et à Carthago Nova, les plus
importantes parmi les villes phéniciennes et puniques du sud de la péninsule ibérique, mon
trent qu'il a eu un rapport particulier avec l'Hispania (cf. 53 J.Mangas, « luba II de Maurita
nia,magistrado y patrono de ciudades hispanas », dans Actas del Congreso Internacional « El
Estrecho de Gibraltar » (Ceuta, noviembre 1987), t. I: Prehistoria e Historia de la Antigüe
dad,Madrid 1988, p. 731-740). En effet, d'après Avienus, Ora maritima 275 -283 (= T 12 c ),
Juba fut nomméduovir de Gadès, ancienne fondation phénicienne. En outre, par les docu
ments épigraphiques (CIL II, 3417) et numismatiques (cf. 54 M . del Mar Llorens Forcada, La
ciudad romana de Carthago Nova : las emisiones romanas, Universidad de Murcia, Murcia
duovir
1994 , p .65 -70 ) on sait qu ' il a été aussi patronus,magistratmunicipal avec le rang de
quinquennalis et magistrat monétaire de Carthago Nova, fondation punique des Barcides
(cf. 55 F. Beltrán Lloris, « Los magistrados monetales en Hispania » , Numisma 28 , 1978 ,
p. 169- 211; 56 A . Beltrán , « luba II y Ptolomeo , de Mauritania , II viri quinquennales de Car
thago Nova » , Caesaraugusta 51-52, 1980, p. 133- 141 ; 57 J. Mangas, « Magistrados mone
tales y patronos de ciudades »,dans Homenaje al Prof.A. Galmés,t. III,Madrid , 1987, p. 183
190). àCela dit, sa nomination commepatronus etduovir de cités de l'Hispania peut répondre
aussi des exigences du pouvoir central de Rome ainsi qu 'aux rapports commerciaux entre
ces villes et la Maurétanie (cf. Mangas 53, p . 737-739 ; 58 E . Gozalbes (González sic ) Cra
vioto, « Relaciones comerciales entre Carthago Nova y Mauritania durante el Principado de
Augusto » , AUMur 40, 1983, p. 13-26 ).
(3) Son évergétisme et son désir d'apparaître comme un roi intégrateur
(imposé par Rome et dévoué à la Grèce, mais non moins descendant de Massi
nissa) peut expliquer en partie sa prétention à rattacher sa généalogie à Héraclès.
Cette prétention semble confirmée par des monnaies qu'il a émises, le représen
tant avec la peau du lion de Némée ou avec d'autres attributs d'Héraclès,comme
la massue ou le scyphos (Gsell 14 , p. 237-238 ), ainsi que par le témoignage de
Plutarque, Vie de Sertorius 9 (= T 10), affirmant que son lignage était apparenté
à Sophax (fils d 'Héraclès et Tingis, la femme d ' Antée) et à son fils Diodoros,
fondateur de la dynastie des rois deMaurétanie. De cette volonté de se rattacher
946 IUBA DEMAURÉTANIE 141
à Héraclès et d 'acquérir des origines divines, on a conclu à l'existence d'un culte
rendu à Juba, qu' il faudrait rattacher aussi au phénomène principal de la religion
indigène commune au nord de l'Afrique, à savoir le culte rendu aux rois.
59 E .Gozalbes Cravioto (Gonzalbes sic ), « El culto indígena a los reyes en Mauritania
Tingitana. Surgimiento y pervivencia » ,MHA 5 , 1981, p . 153- 164 , soutient que ce culte royal
rendu à Juba est attesté par plusieurs indices ( cf. dans le même sens Gsell 14 , p. 235) :
(a ) une inscription associant Juba à Jupiter et à un génie local (CIL VIII 20627) ;
(b) les témoignages d 'auteurs chrétiens comme Minucius Felix (Octav. XXI 9 = T 9 :
« luba Mauris volentibus deus est» ) et Lactance (Institutiones divinae I 15, 8 : « hac scilicet
ratione Romani Caesares suos consecraverunt etMauri reges suos... Summa veneratione colue
runt, ut... Mauri lubam » [Nous pourrions ajouter Isidore, Etymologies VIII 11, 1 : « quos
pagani deos adserunt... ut... apud Mauros luba .» Il faut remarquer cependant que la divinisa
tion d'hommes est devenue un simple topos évhémériste chez ces auteurs chrétiens: cf. 60 K .
Thraede, art. « Euhemerismus » ,RAC VI, 1966, col. 877-890, notamment col. 888 sq .);
(c ) le fait que Lucceius Albinus, procurateur impérial des deux Maurétanies, avait tenté de
s'attirer les Mauritaniens en adoptant les insignes royaux et le nom de Juba (Tacite , Histoires
II 58 ).
En revanche, 61 F. Decret et M . Fantar, L 'Afrique du Nord dans l'antiquité, Paris 1981,
p . 256 -259 (qui renvoient à 62 G . Camps, « L 'inscription de Béja et le problème des Dii
Mauri » , RAF 98, 1954, p . 233- 261), remarquent comment l'onomastique libyenne permet très
souvent de constater que les rois prennent des noms de divinités : ce serait le cas de Juba ſer et
de son fils. Par conséquent, dans l'inscription citée, une divinité portant le nom de Juba est
invoquée en même temps que Jupiter et les « dii Ingirozoglezim » (cf. 63 J. B . Keune, art.
« luba » 4 , RESuppl. III, 1918, col. 1302-1303).
B . Euvre. On peut affirmer que Juba a écrit en grec, d'après le témoignage
fourni par Plutarque, Vie de César 55, 3 = T 2 a : ' Exnvwv toic roavuadeo
Tátous évapiouioc... ourypapeữOLV ; Id., Comparaison de Pélopidas et de
Marcellus 1, 8 = F 25: Tőv 'Exinvixõv ’ lóßą to BaoineT TILOTEÚQUEv. Comme
le remarque 64 J. Desanges, « Les sources de Pline dans sa description de la Tro
glodytique et de l'Éthiopie (NH 6 , 163- 97 )» , dans J. Pigeaud et J. Oroz (édit.),
Pline l'Ancien témoin de son temps, coll. « Bibliotheca Salmanticensis» , Estu
dios 87, Salamanca/Nantes 1987, p . 277 -292, notamment p . 282 sq. et n . 29 (cf.
65 J. André, « Erreurs de traduction chez Pline l' Ancien » , REL 37, 1959, p. 203
215), Juba devait connaître le grec mieux que Pline, qui le cite toujours parmi les
auctores externi.Mais il maîtrisait aussi le punique (cf. Ammien Marcellin XXII
15, 8 = F 38 b = FGrHist 764 F 19 a ; Solin XXXII 2 = FGrHist 764 F 19 b) et,
bien sûr, le latin .
Juba n 'a pas été un philosophe proprement dit. Cependant, nos témoignages
s'entendent à le décrire comme un homme cultivé et savant: cf. Plutarque, Vie de
Sertorius 9 , 10 (= T 10 ) : 'Ióſa... TOŨ Távtwv iotopixwtátov Baolhéwv; Plu
tarque, Vie de Marc-Antoine 87, 2 (= T3b): ’ióba to zapleotatu Baothéwv;
Athénée III 25, 83 b (= T 12 a ) : ävôpa novuabéotatov ; Pline, Histoire Natu
relle V 16 (= T 12 b ): « studiorum claritate memorabilior etiam quam regno » ;
Avienus, Ora maritima 280 (= T 12 c) :« literarum semper in studio luba» ; Am
pelius, Liber memorialis 38 , 2 : « luba rex litteratissimus » . D 'après Plutarque,
Vie de César 55 , 3 (= T 2 a ), Juba devait l'ampleur de sa culture à son séjour à
Rome, mais cet avis doit être nuancé, car, comme le remarque à juste titre 66 J.
141 IUBA DEMAURÉTANIE 947
Desanges, « L 'hellénismedans le royaume protégé de Maurétanie (25 av. J.-C .
40 ap. J.-C .) » , BACTH (b ) 20 -21, 1984 - 1985 , p. 53-61, la famille royale de
Numidie était trèscultivée et très hellénisée depuis le début du 11° siècle av . J.-C .
Juba était un auteur polygraphe ( T 1 = la Souda, s. v. « ’lóßaç » , I 399, t. II,
p. 638, 9 Adler : šypade návu norrá), si bien qu 'il a même cultivé quelquefois
la poésie. En effet, Athénée VIII, 31, 343 e-f (= F 104), cite une épigramme de
Juba adressée à l'acteur Leonteus à propos d 'une représentation de l'Hypsipyle ;
cf.67 A.- M . Desrousseaux, « Une épigramme du roi Juba (FHG III p. 483, fr.
83) » , dans Mélanges dédiés à la mémoire de F . Grat, t. I: Antiquité,Moyen âge,
Islam , Paris 1946, p . 27 - 30 , avec texte , traduction et commentaire ).Mais celui-ci
a été notamment un compilateur dans les domaines les plus divers, à la manière
d'Alexandre deMilet, dit Polyhistór (cf. Jacoby 5, t. III a, p. 317 -319 ; * A 118).
Cela dit,malgré son savoir encyclopédique, il a été plus crédule que critique.
Les écrits de Juba devaient contenir, selon les goûts de l'époque, un grand
nombre de références de tout genre et des renseignements sur des choses prodi
gieuses (mirabilia ). Pour les élaborer, l'auteur a eu à sa disposition des colla
borateurs ainsi qu'une bonne bibliothèque, comprenant des manuscrits grecs,
latins et puniques (cf. Gsell 14 , p. 253).
Grâce aux commentateurs d 'Aristote , on sait que Juba éprouva un grand inté
rêtpour réunir des « écrits pythagoriciens» (cf. Élias, In Aristotelis Categorias
comm ., p. 128, 5 sqq. Busse = T 11; Olympiodore , Prolegomena , p. 13, 13 sqq.
Busse ; Schmid 12, t. II 1, p. 376 sq. n . 9, p. 403 n . 1 ; 68 P .M . Fraser, Ptolemaic
Alexandria , t. II : Notes, Oxford 1972, p . 481-482, n . 151;69 C . W .Müller, « Die
neuplatonischen Aristoteleskommentatoren über Ursachen der Pseudepigra
phie », RhM 112, 1969, p. 120 -126 ). D 'après 70 W . Burkert, « Zur geistes
geschichtlichen Einordnung einiger Pseudopythagorica» , dans Pseudepigrapha
I: Pseudopythagorica - Lettres de Platon. Littérature pseudépigraphique juive,
coll. « Entretiens sur l'Antiquité Classique » 18, Vandæuvres-Genève 1972 ,
p . 25-55, notamment p .43, l'idée que les écrits pseudo-pythagoriciens qui nous
sont parvenus ont quelque rapport avec le recueil de Juba n 'est nullement
démontrable .
A ce qu'il semble , Juba s'est servi aussi de certains des « libri Punici » qui, d'après
Salluste, Bellum Jugurthinum 17, 7 , ont appartenu à son grand -père Hiempsal et qui ont fait
partie très probablement des bibliothèques de Carthage que le Sénat romain confia aux rois de
Numidie (cf. Pline , Histoire Naturelle XVIII 22). A ce sujet, voir 71 V . J. Matthews, « The
Libri Punici ofKing Hiempsal » , AJPh 93, 1972, p . 330 -335.
Enfin , Juba a pu disposer aussi de renseignements de première main : par
exemple , d'après nos témoignages, il organisa des expéditions pour étudier l'ori
gine du Nil (F 38 a ) ou l'archipel des Canaries (F 44 ).
De cette æuvre vaste et variée, seuls environ cent fragments nous sont parve
nus, possédant une valeur très diverse. A ces fragments il faut peut-être ajouter
certains passages de Pline, Plutarque ou Élien qui proviennenttrès probablement
de Juba, bien que celui-ci n 'y soit pas cité nommément. Pour montrer l'ampleur
des intérêts culturels de Juba, nous groupons les titres connus dans les sections
suivantes :
948 IUBA DE MAURÉTANIE 141

A . COMPILATIONS DE CARACTÈRE GÉOGRAPHICO-HISTORIQUE


On ne peut pas déterminer avec certitude si Juba eut dans l'esprit un ample
projet ethnographique, mais les quelques fragments conservés semblent bien
l'indiquer. Il a écrit en effet des ouvrages concernant une grande partie du
monde habité: Europe (Rome), Afrique et Asie . A ce que l'on peut savoir, pres
que tous ces ouvrages incluaient des digressions ethnographiques contenant une
riche information sur l'histoire naturelle .
(1) 'Apaßıxá (?). Le titre Arabica (cf. Pline, Histoire Naturelle IX 115 :
« Juba tradit Arabicis » = F 71) semble plus approprié et plus accordé à la tradi
tion ethnographique grecque que celui de Iepi 'Apaßias (cf. aussi De expedi
tione Arabica , chez Pline, Histoire Naturelle VI 141 = F 1) pour l' écrit de Juba
sur l'Arabie. Auguste a probablement confié à Juba la rédaction de cet ouvrage à
l'occasion de la campagne en Orient de C . César (cf. Pline, Histoire Naturelle
XII 56 = F 2 ; XXXII 10 = F 3 : « Juba in iis voluminibus, quae scripsit ad C .
Caesarem Augusti filium de Arabia » ), campagne à laquelle Juba lui-même a
peut-être pris part (cf.Gsell 14, p . 223, 266 -267). Il ne s'agissait pas, à ce qu 'il
semble , d'unemonographie historique sur cette expédition , comme on pourrait
le conclure à partir du témoignage de Pline, mais plutôt d 'une compilation
livresque faite dans le dessein de renseigner le prince sur la géographie , l'ethno
graphie et l'histoire de l'Arabie (cf.Desanges 63, p. 279 ; Jacoby 11, col. 2391).
Les fragments conservés permettent d 'affirmer que l'æuvre couvrait un terri
toire plus vaste que celui indiqué par le titre. En effet, on y décrivait les côtes qui
vont de l'Inde jusqu'au golfe Persique (F 1, 28-29) et celles qui bordent la mer
Rouge (F 34 -37). On y accordait vraisemblablement une importance considé
rable aux grandes voies commerciales, depuis l'Inde jusqu 'au Nil. D 'après Pline,
Histoire Naturelle VI 175 (= F 35), Juba affirmait que l'océan Atlantique s'éten
dait jusqu 'au promontoire Mossylique (Ras Antarah ?). Aux yeux de Desanges
63, p. 280 , cela traduit « une vision de l'Afrique particulièrement archaïque qui
attribue à ce continent une forme triangulaire» . Dans ce triangle, un côté repré
senterait le littoral de la Méditerranée, un autre celui de la mer Rouge et de
l'océan Indien , le troisième enfin (le plus large) représenterait la côte atlantique.
Malgré son archaïsme, d 'après 72 J. Desanges, Recherches sur l'activité des
Méditerranéens aux confins de l'Afrique (vie siècle avant J.- C . - IVe siècle après
J.-C .), coll. « École Française de Rome» 38, Roma 1978, p . 60, cette vision pré
sentait « l'avantage de prolonger idéalement “ ses Mauretanies” jusqu 'à faire face
à l' Inde» .
Outre les renseignements géographiques, cet écrit contenait aussi de nom
breux renseignements zoologiques (F 3 , 40, 57,58, 70, 71), botaniques (F 2, 62
69) et minéralogiques (F 72-79). Pline a utilisé sans doute les Arabica de Juba
comme la source principale pour la description de cette zone, en particulier de la
côte africaine de la mer Rouge ou Troglodytique (cf. Pline, Histoire Naturelle VI
170 = F 34 ). A son tour, Juba utilisa comme source les historiens d'Alexandre ,
notamment Onésicrite (F 28 = FGrHist 134 F 28 ), Néarque (F 29 = FGrHist 133
I 41 IUBA DEMAURÉTANIE 949
F1h = FGrHist 134 F 30 ), ainsi que, d'après Desanges 63, p. 279 sq., 283, des
auteurs alexandrins de « Traités de la mer Érythrée» .
Cf. 73 J. Campos Daroca et J.L. López Cruces, « Fragmentos de historiadores griegos
sobre Arabia » , dans A . Escobedo Rodríguez (édit.), Homenaje a la profesora Elena Pezzi,
Granada 1992, p . 283 -298, notamment p. 291.
(2) Nepi 'Agoupiwv. Cet écrit comprenait deux livres (Tatien, Adv. Graec.
36 = F 4 = Bérose, FGrHist 680 T 2) et dérivait des Baßuwvlaxá de Bérose
( B 26 , p. 104 ; Schmid 12, t. II 1, p. 226 , 402 n. 10 ). Outre le témoignage de
Tatien , nous ne possédons peut-être qu'un fragment très court ( F 59) de cet
ouvrage, qui a beaucoup contribué, avec les Xardaixá d 'Alexandre Polyhistor
(FGrHist 273 F 79-81), à la célébrité de Bérose (cf. Jacoby 11, col. 2389 ; Id. 5,
t. III a, p. 328 ).
(3) Aißuxá. Juba est l'auteur aussi d 'un ouvrage sur la Libye, en au moins
trois livres ( cf. le Pseudo-Plutarque, Parall.Min . 23, 311 b-c = F 5). Athénée III
25, 83 a-c (= F 6 ), prétend que le titre de cet ouvrage était lepi Aißúns (our
rpáupata ), mais nous inclinons plutôt pour le titre Libyca, que donne le
Pseudo -Plutarque. Grâce au passage d' Athénée, on sait que Juba connaissait le
Périple d'Hannon (GGM I, p. XVIII-XXXIII, 1- 14), et on peut supposer qu'il a
collaboré à sa popularité. En effet, Athénée fait référence à un ouvrage de Juba
intitulé Errances d 'Hannon (tais " Avvwvos Távalg), ce qui suggère à
Matthews 71, p . 333-334, que cet ouvrage était indépendant des Libyca et que
son auteur l’a composé sur la base de la version punique originaire du Périple .
Desanges 72 , p. 60-61, déclare aussidans le même sens: « Il est vrai que le titre
même choisi par Juba montre qu' il devait s'agir d'une euvre romanesque de
tradition hellénistique..., une sorte de pendant aux Errances d 'Ulysse dans la
mer Extérieure imaginées par Cratès de Pergame» .
C 'est peut-être dans les Lybica que les apports originaux de Juba furent les
plus nombreux . Il devait y inclure une section mythologique, par exemple sur
Héraclès et Tingé (T 10 ), ou sur Diomède (F 5), bien que la géographie et
l'histoire naturelle aient sans doute constitué les matières principales.
En ce qui concerne les renseignements géographiques fournis par cet écrit, on
peut citer la description des montagnes de l'Atlas, rapportée par Pline, Histoire
Naturelle V 16 = F 42 (cf. 74 R . Thouvenot, « La connaissance de la montagne
marocaine chez Pline l'Ancien » , Hespéris 26, 1939, p. 113- 121), la description
des îles de Maurétanie, c'est-à-dire des Purpuraires (cf. Pline, Histoire Naturelle
VI 201 = F 43), celle de l'archipel des Canaries (cf. Pline, Histoire Naturelle VI
203 -205 = F 44 ) et peut- être aussi celle des côtes du continent (cf. Gsell 14 ,
p. 262).
Juba plaçait les sources du Nil dans l'Atlas (cf. Pline, Histoire Naturelle V 51-54 = F 38
a ) . Les critiques ont soupçonné dans cette opinion la prétention de Juba à se rattacher cultu
rellement à l'Égypte (cf. Braund 24 , p . 177), voire un intérêt politique, car son explication de
l'origine du Nil semble une preuve de l'union étroite qu 'il supposait entre l'occident et l'orient
de l'Afrique, union qui répondait aux désirs d 'Auguste d'assurer la cohésion de l'Empire (cf.
75 D . Bonneau, La crue du Nil, divinité épyptienne, à travers mille ans d 'histoire (332 av.-641
ap. J.- C .), d 'après les auteurs grecs et latins, et les documents des époques ptolémaïque,
romaine et byzantine, coll. « Études et Commentaires» 52, Paris 1964, p. 147- 149, avec quel
950 IUBA DE MAURÉTANIE I 41
ques graves erreurs). Juba estimait que cette origine était démontrée par la similitude de cer
tains animaux (notamment le crocodile) et plantes existant sur le Nil et dans les fleuves de
l'Atlas (F 38 a = Pline, Histoire Naturelle V 51: « Nilus... originem , ut Juba rex potuit exqui
rere, in monte inferioris Mauretaniae non proculoceano habet» ).Mais il est possible aussi que
Juba ait fondé ses recherchesnotamment sur des sources littéraires puniques, c'est-à-dire sur
les « libri punici » cités plus haut (cf. Ammien Marcellin XXII 15, 8 = F 38 b = FGrHist 764 F
19 a : « rex... Iuba, Punicorum confisus textu librorum , a monte quodam oriri eum (scil.
Nilum ) exponit, qui situs in Mauritania despectat Oceanum » ; Solin XXXII 2 = FGrHist 764
F 19 b : « Originem habet a monte inferioris Mauretaniae, qui Oceano propinquat, hoc adfir
mant Punici libri, hoc lubam regem accipimus tradidisse » ). L 'hypothèse de Juba remonte à
Promathos (ou Promachos ) de Samos, cité par Aristote ,Météorologiques I 13 , 350 b 10 - 15 ; et
par le Pseudo-Aristote, De inundatione Nili (fr. 248, p . 194 Rose = 695, p. 749 b Gigon =
FGrHist 646 F 1, 5 ; cf. 76 D . Bonneau , « Liber Aristotelis de Inundatione Nili », Texte, Tra
duction , Étude, coll. « Études de papyrologie » 9, Le Caire 1971, p . 5 , § 7), qui est une traduc
tion latine du XIIIe siècle d 'un opuscule grec perdu ( * C 36 , p . 199- 201, avec la bibliographie
détaillée sur son attribution ). Aristote attribuait à ce personnage l'hypothèse selon laquelle
l'origine du Nil s'expliquait par la fonte des neiges couvrant les Monts d 'Argent en Afrique
nord-occidentale (cf. 77 F. Gisinger, art. « Promathos », RE XXIII 1, 1957, col. 1285- 1286 ;
78 S .Mazzarino , Il pensiero storico classico, t. I, Bari 19744, p . 130 - 131, 196 - 199 et n . 139
[ p . 564 ), 148 [ p. 568 ), 182 ( p. 584 -586 ), 183 (p . 5861). Avec Juba donc l'hypothèse de
l'origine occidentale du Nil fut renforcée. Son opinion fut reprise par Pline, qui a collaboré à
sa divulgation, ainsi que par Ammien Marcellin . On trouve aussi des réminiscences de cette
opinion chez Vitruve VIII 2, 6 -7 , Pausanias I 33, 6 , Dion Cassius LXXV 13, Solin XXXII 2- 4.
Enfin , les géographes romains des Ive et ve siècles, comme lulius Honorius (GLM 52, 1) et
Orosius (GLM 60, 1 sqq.), ont repris aussi cet avis (cf. 79 E . Honigmann , art. « Libye » 2 , RE
XIII 1926, col. 149-202, notamment col. 162-165).
En ce qui concerne l'archipel des Canaries, il faut remarquer tout d'abord qu'à la suite des
guerres puniques et de l'abandon par les Carthaginois des routes atlantiques qui en fut la
conséquence , un renouveau de la légende des « Fortunatae insulae » s'est produit. Sur les
aspects mythiques de ces îles, voir 80 G . Amiotti, « Le Isole Fortunate : mito, utopia, realtà
geografica » , dans M . Sordi (édit.), Geografia e storiografia nel mondo classico, Milano,
1988, p. 166 - 177 ; 81 M .Martínez Hernández, « Canarias en la Antigüedad : Mito y Utopía »,
dans Historia de Canarias, Las Palmas 1991, p . 21-40 ; 82 Id ., Canarias en la mitología.
Historia mítica del Archipiélago, La Laguna 1992. Juba (sur l'ordre et avec le soutien d'Au
guste ?) a envoyé une expédition dans l'archipel (cf. Pline, Histoire Naturelle VI 203 = F 44 :
« luba de Fortunatis ita inquisivit »). Il incorpora les résultats scientifiques de cette expédition
dans ses Libyca, d ' où Pline, Histoire Naturelle VI 202 -205 (= F 44 ) les a tirés. Dès lors,
l'identification entre les « Fortunatae insulae» et les Canaries (appelées aujourd'hui « Islas
afortunadas » ) est devenue commune.
Il y a une bibliographie considérable concernant les recherches de Juba sur l'archipel des
Canaries et l'identification de ses îles : cf. J. Álvarez Delgado 48, p. 34 -47 ; 83 A. García
Bellido , Las islas atlánticas en el mundo antiguo, Las Palmas de Gran Canaria 1967 ; 84 P .
Schmitt, « Connaissance des îles Canaries dans l'Antiquité » , Latomus 27, 1968, p . 362-391 ;
85 J. M . Blázquez, « Las islas Canarias en la antigüedad » , AEAtl 23, 1977, p. 35 -50 ; 86 A .
Cabrera, Las islas Canarias en elmundo clásico, Las Palmas de Gran Canaria 1988 ; 87 A .
Díaz Tejera , « Las Canarias en la Antigüedad » , dans Canarias y América , Madrid 1988 , p. 13
32 ; 88 E . Gozalbes (Gonzalbes sic ) Cravioto , « Sobre la ubicación de las Islas de los Afortu
nados en la antigüedad clásica », Anuario de Estudios Atlánticos (Madrid/Las Palmas) 35,
1989, p. 17 -43.
Plusieurs fragments sur l'histoire naturelle appartiennent aussi aux Libyca, en
particulier les fragments relatifs à la vie et aux habitudes des éléphants et des
lions (F 47-56 ), où l'on trouve des légendes et des anecdotes curieuses. Juba
traitait aussi dans son ouvrage des questions de botanique : ainsi, d'après lui (ap.
141 IUBA DEMAURÉTANIE 951
Athénée), lesGrecs devaientla connaissance du citron à Héraclès, parce que les
célèbres pommes d'or, rapportées du jardin des Hespérides, n 'étaient que les
fruits du citronnier .
Enfin , Pline a emprunté aux Lybica (ainsi qu'aux Arabica ) beaucoup de ren
seignements sur l'histoire naturelle , bien qu 'il ne semble pas possible de déter
miner le nombre et l'extension de ces emprunts , comme l'ont prétendu 89 P .
Ahlgrimm , De luba Plinii auctore in naturalis historiae de animalibus libris,
Schwerin 1907, pour la zoologie , et 90 J.G . Sprengel, « Die Quellen des älteren
Plinius im 12. und 13. Buch der Naturgeschichte » , RAM 46 , 1891, p. 54-70 ,
notamment p . 62 sqq., pour la botanique (cf.Gsell 14 , p . 273 n. 6 ).
(4 ) 'Pwualan iotopía. Ce titre nous est connu par Étienne de Byzance, Eth
nica, s.v. ’Aßoplyīveç, p . 7 , 18 sq. Meineke (= F 9), ibid ., s.v. 'Doria , p . 712,
p . 15 sq. Meineke ( = F 10 ; cf. ibid ., s. v. Nouavtia, p . 478, 1 sq. Meineke =
F 12), qui cite aussi l'ouvrage, comprenant probablement deux livres, portant un
autre titre : 'Pwualan ápxaloloyia . Il semble sûr qu 'il s'agissait d'un ouvrage
historique, qui fut peut-être utilisé par Plutarque (cf. 91 F.Reuss, De lubae regis
historia romana a Plutarcho expressa, Wetzlar 1880 ), Appien et Dion Cassius
(cf. 92 L . Keller , De luba Appiani Cassiique Dionis auctore, Diss. Marburg
1872 ; 93 H . Haupt, « König luba und Dio Cassius» , Philologus 40, 1881,
p . 378 -380 ). Pour les coïncidences entre les fragments qui nous sont parvenus et
certains passages de Denys d 'Halicarnasse, voir 94 A . Kiessling, « luba und
Dionysius von Halikarnass» , RhM 23, 1868, p. 672-673.
B .ÉCRITS SUR LA BOTANIQUE
(5) Hepi kúpopßlov ( ?). D 'après le témoignage de Pline, Histoire Naturelle V
16 , 3 ( cf.Galien , De compositione medicamentorum secundum locos IX 4,
t. XIII, p . 271 Kühn = F 8 a ), Juba consacra un traité particulier (« privatim
dicato volumine » ) à la plante euphorbea que Juba lui-même aurait découverte ,
d 'après Pline, Histoire Naturelle XXV 78 ( = F 7), « à l'endroit même où s'arrête
la nature » (Pline, Histoire Naturelle XXVII 2 ), chez les Autololes, d'après
Dioscoride,Matière médicale III 82, 1-3, t. II, p . 98 Wellmann (= F 8 b ). Juba
donna à cette plante le nom de son médecin Euphorbos, le frère d'Antonius
Musa (le médecin d'Auguste), à qui Pline, Histoire Naturelle V 16 (= F 42 )
attribue aussi la découverte .
Juba décrivait les propriétés thérapeutiques de la plante en question (cf. Pline, Histoire
Naturelle XXV 78 , 143 ; XXVI54 , 118 ; cf. Desanges 21, p . 142 - 143 [commentaire de V 16 ,
3]), qui a été appelé par la suite euphorbea (euphorbia resinifera ; cf. 95 J. André, Lexique des
termes de botanique en latin , coll. « Études et commentaires» 23, Paris 1956, p. 130 ; 96 Id .,
Les noms de plantes dans la Rome Antique, « Collection d'Études Anciennes» , Paris 1985,
p. 99 ).
Il n 'est pas impossible que cet écrit ait fait partie des Libyca (cf. Susemihl 10 ,
t. II, p . 412 ; Jacoby 5, t. III a, p . 329). D 'après 97 P . Pédech , «.Un texte discuté
de Pline. Le voyage de Polybe en Afrique (N . H . V, 9- 10 ).», REL 33, 1955,
p. 318 -332, notamment p. 325-327, 330, 332, la relation du voyage de Polybe en
Afrique telle que Pline la présente contient des détails qui semblent dériver du
traité de Juba sur l'euphorbe.
952 IUBA DE MAURÉTANIE 141
C . ÉCRITS SUR L 'HISTOIRE DE LA CULTURE (SENSU LATO )ET DE L'ART
(6 ) 'Ouocórntes ( Athénée IV 70 , 170 d -e = F 14 ) ou lepi Guolottuv
(Hesychius d 'Alexandrie, Lexicon, s.v.zaprń (900), t. II, p.417 Latte = F 13 a ).
Cet ouvrage, comprenant au moins quinze livres (F 13 a ), était un recueil de
similitudes notamment (non exclusivement) gréco -latines : Juba y mettait en
parallèle des habitudes, des institutions, ou des questions linguistiques, tout en
essayant d'ordinaire de défendre leur origine hellénique. L 'écrit, dont la source
principale a été probablement Varron avec des additions ou des corrections
remontant à Denys d'Halicarnasse (cf. Schmid 12, t. I 1, p. 513 n . 3 , 523) ou à
Sulpicius Galba (F 24 ), a été utilisé par Plutarque (cf. 98 A . Barth , De lubae
'Ouocórnol a Plutarcho expressis in quaestionibus Romanis et in Romulo
Numaque, Diss .Göttingen 1876 ), par Athénée et par les lexicographes anciens.
(7 ) Oeatpixn iotopía (Athénée IV 77, 175 d = F 15 a ; T 15 ; F 19), lepi
tñs Deatpixñs iotopías (scholies sur Aristophane, Thesmophories 1175 =
F 18) ou Oeatpixá (Hesychius d'Alexandrie , Lexicon, s.v. xronela (3074 ),
t. II, p .492 Latte = F 17 ). Comprenant au moins 17 livres (cf. Photius, Bibl., cod.
161, 104 b, 35 sq., p. 128 Henry = T 15 ), cet ouvrage était probablement
l'ouvrage de Juba le plus connu d'Athénée (cf. 99 G . Zecchini, La cultura sto
rica di Ateneo , Milano 1989, p. 194, n . 185 ; p . 248 n . 38). Les fragments qui
nous sont parvenus concernent notamment les instruments de musique. Juba a eu
comme source un Aristocles auteur d'écrits sur la musique, peut-être Aristocles
deMessine (2 + A 369, p. 383).
(8) Lepi ypapixñs (Photius, Bibl., cod. 161, 103 a , 31 sq., p. 123 sq.Henry =
T 15 ; Harpocration, s.v.Iorúyvwtoç = F 21). C 'est sans doute le même
ouvrage qu 'Harpocration , s.v. Iappaolos (= F 20 ), cite aussi comme lepi
(wypádwv, en au moins huit livres. Müller 3, t. III, p. 481, présente les frag
ments conservés ( concernant Polygnotos et Parrhasios) sous la rubrique llepi
γραφικής και περί ζωγράφων.
D . ÉCRITS GRAMMATICAUX
(9) Tepi poopāç détewÇ (cf. la Souda, s. v. Oxoußpioai, £ 652, t. IV , p. 384 ,
3 Adler = F 22) en au moinsdeux livres. Il s'agissait probablement d 'un ouvrage
de lexicographie où l'auteur enregistrait les changements de sens de certains
mots . C 'est peut-être cet ouvrage que visent les critiques de Didyme ( D 106 )
adressées à Juba (cf. la Souda, s.v. 'Ióſas, I 399, t. II, p .638 Adler = T 1 ; cf.
100 M . Schmidt, Didymi Chalcenteri grammatici Alexandrini fragmenta quae
supersunt omnia , Lipsiae 1854 , p. 15 sqq.).
E .ATTRIBUTIONS FAUSSES OU DOUTEUSES
( 10 ) QUOLOlovía (?). Le témoignage de Fulgence, Myth. II 1, 40 Helm

t. II, p. 412, n . 360 ; Jacoby 11, col. 2395 ;Gsell 14 , p . 261, n . 3 ; Jacoby 5 , t. III
a, p . 357).
(11 ) Sur la base de Geoponica XV 2 , 21 ( = F 61), où on cite Juba à propos de
l'apiculture ,Müller 3, t. III, p .481, suggéra que Juba écrivit aussi sur l'agri
141 IUBA DE MAURÉTANIE 953
culture . Mais cela n 'est nullement sûr (cf. Susemihl 10, t. II, p . 412 n . 360 ;
Jacoby 11, col. 2395). Cela dit, il n 'est pas impossible que l'agriculture ait fait
partie des matières traitées dans les Libyca.
(12) Onplaxóç. Il est difficile d ' attribuer à Juba un écrit portant ce titre, sur la
base de la scholie sur Nicandre, Theriaca 715 a, p . 262, 6 sq . Crugnola
(= F 102), où le nom ’lóbaç est une conjecture .
C . Postérité. Nos renseignements sur l'influence réelle (directe ou indirecte )
de l'euvre de Juba sur la littérature postérieure (cf. Gsell 14, p. 272-276 ) se
revèlent très déficients. Il n 'est pas facile d'arriver à des conclusions suffisament
fondées, ce qui explique en partie la rareté des études sur cette question . Cepen
dant, on peut supposer que Juba est la source d'un nombre considérable de
passages où il n 'est pas cité , mais qui remontent à lui. Ces textes pourraient être
ajoutés en appendice (« Anhang » ) aux fragments conservés. En particulier, Pline
et Plutarque lui doivent une grande partie de leurs références concernant la géo
graphie et l'histoire naturelle. Quant à Pline, Juba apparaît comme l'une des
sources des livres V , VI, VIII, X , XII, XIII, XIV , XV , XXV , XXVI, XXVIII,
XXXI, XXXII, XXXIII, XXXVI et XXXVII de l'Histoire Naturelle . En ce qui
concerne Plutarque, 101 W . C . Helmbold et E . N . O 'Neil, Plutarch 's quotations,
coll. «Philological Monographs published by the APhA » 19, Baltimore 1959,
p .49 sq ., relèvent une vingtaine de citations de Juba dans ses æuvres. Il est pro
bable que certains naturalistes comme Alexandros de Myndos (> A 119, p. 146 )
et, par son intermédiaire, Élien (HA 62, p . 80), se soient servis aussi de l'æuvre
de Juba, en particulier des Libyca, en ce qui concerne la vie et les habitudes des
éléphants et d 'autres animaux de l'Afrique du Nord (cf. 102 M . Wellmann ,
« Juba, eine Quelle des Aelian » , Hermes 27, 1892, p . 389-406 ; Schmid 12, t. II 2 ,
p . 787, 789). Il est possible aussi qu 'Alexandros de Myndos ait servi de source
intermédiaire à Philostrate dans les passages de la Vie d 'Apollonios de Tyane où
Juba est cité à propos des éléphants (II 13 = F 50 ; II 16 = F 52 ; cf. Gsell 14 ,
p . 275 ). Pour l' influence de Juba sur Sopatros d 'Apamée ('Exãoyai diápopol)
et sur un certain Rufus (Movoixn iotopia ), voir Schmidt 12, t. II 2 , p. 1086 et
p . 871 n . 3 .
D . Iconographie. On possède de nombreuses représentations de Juba, grâce à
divers documents :
( 1) Monnaies: cf.Mazard 22, nºs 125- 397 ; 103 D . Salzmann , « Zur Münzprä
gung der mauretanischen Könige Juba II. und Ptolemaios» ,MDAI(M ) 15 , 1974,
p . 174 -183. Sur les renseignements fournis par les monnaies de Juba, voir aussi
104 D . Fishwick , « Le culte impérial sous Juba II et Ptolémée de Maurétanie. Le
témoignage des monnaies» , BACTH 19 B , 1983, p. 225-233 ; 105 M . Coltelloni
Trannoy, « Le monnayage des rois Juba II et Ptolémée de Mauretanie : image
d 'une adhésion réitérée à la politique romaine » , Karthago 24, 1988 - 1989, p . 45
53 ; 106 H . R . Baldus, « Eine antike Elefanten -Dressur. Zu einem Münzbild
König Jubas II » , Chiron 20, 1990 , p , 217 -220 ; 107 J. Alexandropoulos, « Note
sur une monnaie à l'effigie de Juba II » , dans J. M . Blázquez et S .Moreno ( édit.),
954 IUBA DEMAURÉTANIE 141
Alimenta . Estudios en homenaje al Dr. Michel Ponsich,Gerión Anejos III,
Madrid 1991, p. 115 -118.
(2) Statuaire : On trouve peut-être une représentation de Juba dans un bronze
de Volubilis, ainsi que dans plusieurs bustes en marbre , conservés au Musée de
Cherchel ( cf. Gsell 34, p. 47-52), au Musée du Louvre (cf. 108 E . Boucher
Colozier, « Quelques marbres de Cherchel au Musée du Louvre » , Libyca 1,
1953, p. 23-28), à la glyptothèqueNy Carlsberg de Copenhague et au Musée du
Prado à Madrid ( 109 A . Blanco et M .Lorente ,Museo del Prado. Catálogo de la
escultura, Madrid 1969, p. 113, n° 385, lámina 13). Cependant, l'identification
de ces pièces est discutée.
Cf. 110 F . Poulsen , «Porträtkopf eines numidischen Königs» , SO 3 , 1925, p. 1- 12, notam
ment p. 4 ; 111 R . Thouvenot, « Bronzes d 'art trouvés au Maroc » , CRAI, 1945, p . 592 -605 ;
112 R . Bloch, « Une tête de Juba II, trouvée à Tigava », CRAI, 1946 , p. 109 -112 ; 113 J. Car
copino , « Notes sur les deux bustes trouvés à Volubilis » , Notices et Mémoires de la Société
archéologique de Constantine 68, 1953, p. 61-85 ; 114 J. Baradez, « Un grand bronze de Juba
II, témoin de l'ascendance mythique de Ptolémée de Mauretanie », BAM 4 , 1960, p . 117 -132 ;
115 G . M . A . Richter, The portraits of the Greeks, London 1965, p . 280 sq. ; 116 Ch . Boube
Piccot, Les bronzes antiques du Maroc, t. I : La statuaire, Rabat 1969, p . 69 sqq. ;
117 K . Fittschen , « Bildnisse numidischer Könige» , dans H .G . Horn et C . B . Rüger 36 , p . 209
226 ; Ghazi et Ben Maïssa 41, p. 257-258 .
JOSÉ MARÍA CAMACHO ROJO et PEDRO PABLO FUENTES GONZÁLEZ .
42 JULIA DOMNA RE 56 ca 170 -217
Seconde épouse de l'empereur Septime Sévère et mère des empereurs Cara
calla et Géta , plutôt connue par les textes littéraires sous le nom de Julia, éven
tuellement suivi de son titre (Augusta , AŬyovota ou Ekbaotń ), et sous le nom
de Julia Domna par les inscriptions (cf. 1 G .Herzog, art. « Iulius » 566 , RE
X 1, 1917, col. 926 -927). Elle a joué dans les domaines politique et culturel un
rôle de premier plan qui lui valut l'appellation, exceptionnelle pour une femme
de l'Antiquité, de « philosophe» .
Le gentilice Julius indique que sa famille a reçu fort tôt la citoyenneté
romaine, sans doute à l' époque augustéenne (cf. 2 F.Ghedini,Giulia Domna tra
Oriente ed Occidente . Le fonti archeologiche, coll. « La Fenice, collana di Sc.
dell'arte » 5, Roma 1984, XII-235 p ., 2 pl., p .4 n. 21). Quant à l' étymologie du
cognomen Domna, elle reste discutée. Les Romains y ont souvent vu, à tort, la
contraction de Domina ; en fait, d'après 3 A . Birley, The African emperor Sep
timius Severus,London 1988, p. 72, elle est à rattacher à l' arabe dumayna, dimi
nutif archaïque de Dimna, en rapport avec la couleur noire . 4 E . Kettenhofen ,
« Die syrischen Augustae in der historischen Überlieferung, Ein Beitrag zum
Problem der Orientalisierung» , coll. « Antiquitas» 3 , 24, Bonn 1979, p . 76 -78,
examine les différentes étymologies proposées.
Études d 'orientation . La synthèse de Herzog 1 est toujours utile, mais il faut
compléter avec les travaux plus récents de Birley 3, notamment p. 68 -80 , et de
Kettenhofen 4 dont les pages 9- 143 sont consacrées à Julia Domna. Ce dernier
ouvrage contient en outre une riche bibliographie , p. XIII-XXXIII, et, p. 299-309,
un relevé de toutes les inscriptions qui concernent le personnage. La monogra
I 42 JULIA DOMNA 955
phie de Ghedini 2 est indispensable : elle fournit les documents iconographiques
et retrace ( p . 3 - 15) la vie de Julia . Les éléments biographiques qui suivent sont
empruntés à ces quatre auteurs. Les ouvrages de 5 J. Babelon , Impératrices
syriennes, Paris 1957, et de 6 G . Turton, The syrian princesses. The women who
ruled Rome, A . D . 193-235, London 1974, contiennentdes pages qui présentent
un portrait plus romanesque que véridique de Julia Domna. En revanche, 7 G . W .
Bowersock , Greek sophists in the Roman empire, Oxford 1969, p . 101- 109
(« The circle of Julia Domna ») est une référence d 'une très grande valeur scien
tifique .
Biographie . Il est certain que Julia est la fille du grand-prêtre d 'Élagabal,
Julius Bassianus, le cognomen latinisé Bassianus dérivant sans doute du sémiti
que basus, titre sacerdotal (cf. Birley 3, p . 72). Si Dion Cassius (LXXIX 24, 1
Foster ) lui donne une origine populaire , il faut sans doute comprendre « non
sénatoriale » d 'après Birley 3, ibid.; elle est peut-être la petite-nièce d 'un certain
Julius Agrippa , primipilaris (cf. Birley 3, Appendix 2 n° 38 et 43 p . 222-223). Sa
sæur cadette est Julia Maesa, grand-mère de l'empereur Élagabal. Qu'elle soit
originaire de Syrie (Dion Cassius LXXVIII 10 , 2 ), et plus précisément d'Émèse ,
ville sainte du dieu -Soleil Élagabal, ne fait aucun doute (cf. Dion Cassius
LXXIX 30, 3; Hérodien V 3, 2). Pour un aperçu sur les liens familiaux de Julia
Domna, consulter l' arbre généalogique de la famille dressé par 8 R . D . Sullivan,
« The Dynasty of Emesa » ,ANRW II 8 , 1977, p. 200 .
L 'existence de Julia s'éclaire pour nous à partir de son mariage avec L . Septi
mius Severus, le futur empereur, qui n 'est alors que legatus pro praetore de la
Gaule Lyonnaise ; l'événement a lieu en 185, ou au plus tard en 187, la date est
controversée (cf. Ghedini 2 , p . 4 n . 22). Veuf, le propréteur, versé dans l'astrolo
gie, avait décidé de prendre pour femme Julia, à qui un horoscope avait prédit
qu 'elle épouserait un roi (S. H . A. Sev. 3, 9 ; Al. Sev. 5, 4 ; Get. 3, 1). Un premier
enfant, L . ( ?) Septimius Bassianus, qui deviendra Marc Aurèle Antonin , surnom
méCaracalla, naît le 4 avril 186 (ou 188 ; cf. Ghedini 2 , p . 5 n . 34 ; la source est
Dion Cassius LXXIX 6 , 5 ); il sera suivi de P . Septimius Geta le 27 mai 189 ( cf .
Sev. 4 , 2 ; 20, 2 ; Get. 3, 1 ).
Son mari devenu empereur le 9 avril 193, Julia , nouvelle Augusta , l'accom
pagne dans tous ses déplacements à travers l'empire et tire un bénéfice politique
évident de ses succès militaires : la guerre contre Pescennius Niger et ses alliés,
en Syrie , lui vaut, le 14 avril 195 , le titre de mater castrorum ; elle devient la
même année mater Caesaris, en 197 mater imperatoris destinati,mater Augusti
ou mater Augusti et Caesaris en 198, mater Augustorum en 209. Tous ces titres,
dont la nature politique est claire, s 'accompagnent d 'identifications à des divini
tés (cf.Herzog 1, col. 928 -929, pour un rapide résumé).
Durant les années 197-202, Julia séjourne en Orient, notamment en Égypte .
C 'est l' époque où le préfet du prétoire, Plautien , prend un tel ascendant sur
l'empereur qu 'il apparaît, dit Dion Cassius, comme un « quatrième César»
(LXXVI 15, 2 ) ; fort de l'appui de Septime Sévère et du mariage de sa fille
Plautilla avec le fils aîné de l'empereur (202 ?), il calomnie (l'accusation d 'adul
956 JULIA DOMNA I 42
tère se trouve dans S. H . A. Sev. 18, 8 sans être rattachée à Plautien) et écarte du
pouvoir l' impératrice, qui se plonge alors dans les activités intellectuelles et
philosophiques (Dion Cassius LXXVI 15, 6 -7 ; l'épisode est jugé crucial par la
Souda qui en fait l'essentiel de la notice qu 'elle consacre à l'impératrice, s. v.
’ lovnía AŰyovota ). Elle participe néanmoins à la célébration des ludi saecu
lares de 204 avant que l' assassinat de Plautien, qu 'elle apprend alors qu 'elle est
à côté de Plautilla (Dion CassiusLXXVII 4 , 4 ), ne luiredonne le pouvoir.
En 208, elle part de Rome pour la Bretagne avec l'empereur et ses fils
(Hérodien III 14, 2 ). Dion Cassius LXXVII 16 , 5 rapporte que l' impératrice se
scandalise des mæurs des femmes autochtones et que l'épouse d'un noble calé
donien nommé Argentocoxus réplique en taxant les Romaines d 'hypocrisie .
Faut-il donc ajouter foi à la S.H . A., Sev. 18, 8 qui désigne Julia comme adul
tère ? ou voir dans la réaction de l'impératrice de la « pruderie » (cf. Ghedini 2,
p . 12 n . 99) ? à moins, selon Herzog 1, col. 933, qu 'il ne s'agisse d'une simple
curiosité d 'ethnographe. En tout cas, la mort de Septime Sévère devant York le 4
février 211 marque le début des hostilités ouvertes entre ses deux fils . D 'après
Hérodien III 15, 6 , Antonin rejoint son frère et sa mère, et celle -ci, qui s 'efforce
d 'obtenir une réconciliation , a bien du mal à empêcher que l'Empire ne soit par
tagé en deux (Hérodien IV 3 , 8 -9 ) ; un an plus tard , fin février 212, elle verra
mourir dans ses bras Géta assassiné par son frère. Dion Cassius, LXXVIII 2, 1-6,
et Hérodien, IV 4, 3 relatent l'épisode de façon pathétique, et le premier précise
même qu 'il est interdit à l'impératrice de pleurer son fils.
Dès lors, Julia va suivre Caracalla des frontières nord -orientales de l'Empire
jusqu 'en Asie mineure ; elle ne s'installe à Antioche qu 'en 216 . Son ascendant
sur l'empereur paraît grand . Cela donne même lieu à des ragots sur leurs rap
ports , qui seraient incestueux ( d' après Hérodien IV 9 , 3 , les Alexandrins avaient
surnommé Julia Jocaste ; l'inceste est fréquemment évoqué par les textes posté
rieurs : cf. S.H . A ., Sev. 21, 7 ; Carac. 10 , 1 -4). Julia cumule de nombreux et nou
veaux titres pia , felix, mater senatus et patriae, mater populi Romani et son fils
la charge d 'une fonction très importante, dont la nature exacte nous échappe (cf.
Ghedini 2 , p . 14 n . 127), celle de la correspondance impériale ordinaire (Dion
Cassius LXXVIII 18 , 2) ; l'empereur l'autorise en outre à associer son nom au
sien dans les lettres officielles adressées au sénat.Mais l'assassinat de Caracalla,
dont elle apprend la nouvelle à Antioche, l'incite à mourir. Selon Hérodien
IV 13, 8, elle se donne la mort, mais l'historien refuse de se prononcer sur le
caractère spontané du suicide. Le récit de Dion est plus nuancé : sous l'effet de
cette annonce, l'impératrice pense se tuer, puis se ravise devant les bonnes
dispositions qu 'affiche à son égard le nouvel empereur,Macrin (LXXIX 23, 1
2) ; passionnée par le pouvoir, elle complote et aspire à atteindre la puissance de
Sémiramis ou de Nitocris (LXXIX 23, 3) ;mais chassée d 'Antioche par Macrin ,
informée de ce qui se dit à Rome au sujet de son fils, elle meurt en 217, épuisée
par un cancer du sein et le refusde nourriture (LXXIX 23, 6 ).
Documents iconographiques. Les représentations de Julia Domna sont parti
culièrementnombreuses ; elles servent avant tout à la propagande des Sévères.
I 42 JULIA DOMNA 957
On recourra en priorité à Ghedini 2 pour une approche d 'ensemble avant de
consulter les études suivantes, plus spécialisées.
Pour les monnaies, 9 H .Mattingly et E . A . Sydenham , The Roman imperial
Coinage, IV 1,London 1968 (références dans l'Index III, s.v. « Domna, Julia » ,
reste l'ouvrage de référence . 10 S . S .Lusna, « Julia Domna 's coinage and severan
dynastic propaganda », Latomus 54, 1995, p. 119-139, avec reproductions,mon
tre que les représentationsmonétaires de l'impératrice se situent dans la tradition
romaine et sont proches des effigies des femmes des Antonins, notamment des
deux Faustine; iln 'y a pas de tradition orientale perceptible. .
Pour les portraits , il semble qu 'il y ait la même volonté de s'inscrire dans la
lignée des Antonins, Julia étant représentée de la même façon que Faustine la
Jeune, épouse deMarc -Aurèle (cf. 11 D . Baharal, « The Portraits of Julia Domna
from the years 193-211 A . D . and the dynastic propaganda of L . Septimius Seve
rus », Latomus 51, 1992 , p . 110 - 119). Sur la répartition des portraits de Julia
Domna dans l'espace et dans le temps, voir 12 J. Fejfer, « The Portraits of the
severan empress Julia Domna : A new approach » , ARID 14 , 1985, p. 129- 138.
Nous n 'avons pas pu consulter les dissertations de 13 K . Buchholz , Die Bildnisse
der Kaiserinnen der severischen Zeit nach ihren Frisuren , Frankfurt a. M . 1963,
14 J.Meischner, Das Frauenporträt der Severerzeit, Freie Univ. Berlin 1964,
15 R . Schlüter, Die Bildnisse der Kaiserin Julia Domna,Münster 1971.
Le cercle de Julia Domna : Julia la Philosophe. Julia Domna fut appelée ń
Dióoogos (cf. Philostrate , V . Soph. II 30, ó tñs oinooooov rats ’ lovníac).
D 'autre part, on apprend de Dion Cassius (LXXVIII 18 , 3) que sous le règne de
Caracalla, à Antioche, elle recevait,au mêmetitre que l'empereur, des personna
lités avec lesquelles elle s'entretenait de philosophie (Épihooodei) avec une
passion croissante . Or, le mêmeDion Cassius fait remonter à l'année 200, qui
voit l'ascension du préfet Plautien , l'intérêt de l'impératrice, écartée du pouvoir,
pour la philosophie : « Pour cette raison , elle se mit à la philosophie (@looo
DETV ... nočaro ) et passait ses journées avec des sophistes (OODLOTAT ) » (LXXVI
15, 7). Il n 'est pas sûr qu'il s'agisse d'une réelle activité philosophique ; il s'agit
plutôt d 'une activité intellectuelle au sens large du terme comme semble l'attes
ter la mention de « sophistes ». D 'ailleurs, Philostrate, dans la Vie d 'Apollonios
de Tyane 13, écrit que Julia Domna τους ρητορικούς πάντας λόγους επήνει
xaiňonáčeto et indique qu 'elle lui demanda d' améliorer, sur le plan stylistique
uniquement, les Mémoires de Damis (2- D 9), la forme lui important, apparem
ment, plus que le fond. L 'impératrice serait donc davantage une adepte de la
Seconde Sophistique que de la philosophie,mais il n 'est guère facile de trancher
dans lamesure où dans les Vies de sophistes II 30 sontmentionnés, dans l' entou
rage de Julia , des yewuétpal et des piñóoopou. En fait, les termes de « rhéteur»,
« sophiste » et « philosophe » sont, à l'époque, fort difficiles à distinguer et peu
vent désigner la même personne (cf. Bowersock 7, p. 11- 15 ). Un document épi
graphique, la Lettre aux Éphésiens adressée par Julia Domna (AnnEpigr 1966 ,
n° 430), prouve d'ailleurs l'intérêt de l'impératrice pour les activités intellec
tuelles de la ville (lire le commentaire de 16 L . Robert, « Sur les inscriptions
958 JULIA DOMNA I 42
d 'Éphèse , fêtes, athlètes, empereurs, épigrammes» , RPh 41, 1967, p. 58 -62 ). Le
mot épraotplov, qui figure à la dernière ligne et quitroublait Robert, est com
pris par 17 B . Lifshitz , « Notes d'épigraphie grecque » , ZPE 6 , 1970 , p . 60,
comme « un emploi métaphorique... au sens d' établissement où l'on cultive la
rhétorique et la philosophie et on forme des rhéteurs et des philosophes » . Cette
hypothèse nous semble confirmée par un passage des Éthiopiques d'Héliodore
(II 26 , 1) qui définit Delphes exactement de la même façon : åvop @ v... 00p @ v
εργαστήριον.
L 'impératrice a rassemblé autour d'elle un certain nombre de lettrés et de
savants, au nombre desquels Philostrate , qui revendique l'appartenance à son
« cercle » , TOŨ nepi aúrny xúxov (V. Apoll. I 3). A la suite notamment de
V . Duruy, Histoire des Romains depuis les temps les plus reculés jusqu 'à Dio
clétien , t. VI, Paris 1879, s'est développée une représentation mythique du cercle
de Julia Domna, élaborée sur le modèle des cercles qui entouraient certaines
princesses italiennes de la Renaissance et on s'est plu à y introduire tout ce que
l'époque comptait de célébrités. Citons, parmi des auteurs plus récents , Babe
lon 5 , p . 146 -149, et 18 R . Turcan , Vivre à la cour des Césars, « Collection
d'Études anciennes» 57, Paris 1987, p . 212-213, qui nomme Oppien , Sérénus
Sammonicus, Galien, Diogène Laërce, Philostrate, Gordien , Aelius Maurus,
Ulpien et Papinien, avant de conclure : « Comme Hadrien , “Julie la philosophe”
(Philostrate ) anime une sorte d'académie æcuménique, mais où les Orientaux
dominent.» . L 'auteurmentionne en note , et en passant, l'ouvrage fondamental
de Bowersock 7. Or, cet historien , dans son chapitre « The circle of Julia
Domna » , p . 101-109, après avoir rappelé toutes les configurations du cercle et
leur origine, a définitivement ruiné l'image d'un regroupement des intellectuels
les plus en vue.Même si cette révision , aussiméthodique qu 'impitoyable , de la
liste des membres du cercle de l'impératrice est parfois jugée excessive ( ainsi
Ghedini 2, p . 10), elle est très souvent jugée salutaire (cf. notamment Birley 3 ,
p . 168, et Kettenhofen 4 , qui reprend la thèse de Bowersock 7 dans la section
qu'il consacre, p . 13 - 16 , au « cercle de Julia Domna» ). Les rares noms conser
vés, à la suite de Bowersock 7 , p . 108, sont ceux de Philostrate , de Philiscos de
Thessalie , titulaire , grâce à l'impératrice, de la chaire de rhétorique à Athènes, et
peut-être de Gordien (avec un doute sur l' identité de ce dernier, dédicataire des
Vies de sophistes et interlocuteur de Philostrate dans le temple de Daphné, à
Antioche ; cf. Bowersock 7, p. 6 -8 ; 105- 106 ). D 'après Bowersock 7, p. 108, la
mention de Julia Domna au vers 1 4 des Cynégétiques du Pseudo -Oppien n 'est
pas une preuve suffisante de l'appartenance du poète à ce groupe. En conclusion,
autant dire que nous n 'avons aucune certitude, non pas sur l'existence, mais sur
la composition de ce cercle . Bowersock 7, p. 109, affirme même que ses
membres devaient être médiocres, car les plus grands sophistes « avaientmieux à
faire qu 'à édifier une impératrice » ; les conditions de création du cercle -
disgrâce de Julia Domna – n 'avaient sans doute pas contribué à attirer les intel
lectuels brillants (p . 106 ) . De plus, le travail de Bowersock 7 a permis d 'aban
donner l'hypothèse, devenue un cliché, selon laquelle la cour de Julia Domna
142 JULIA DOMNA 959
était dominée par un milieu intellectuel oriental, porté sur le mysticisme (cf.
Bowersock 7, p. 101, repris par Kettenhofen 4, p. 16 ; mais Ghedini 2, p. 11,
évoque encore les tendances « misticheggianti » liées peut-être à la culture
orientale de l' impératrice).
Philostrate reste donc pour nous le témoin privilégié du cercle de Julia
Domna, entre autres à travers la création de la Vie d 'Apollonios de Tyane, entre
prise à la demande expresse de l' impératrice (V. Apoll. I 3). Comme l'æuvre
n 'est pas dédiée à sa commanditaire, il est généralement admis que sa parution
est postérieure à la mort de Julia (voir en dernier lieu, contre 19 A . Calderini,
« Teoria e pratica politica nella “ Vita di Apollonios Tianeo ”, RIL 74, 1940 -1941,
p . 213- 241, partisan d ’une datation haute , entre 200 et 205, la réfutation de
20 M .Mazza , « L 'intellettuale come ideologo : Flavio Filostrato ed uno “specu
lum principis” del III secolo d . C .» , dans P . Brown, L . Cracco -Ruggini, M .
Mazza [édit.], Governanti e intellettuali, popolo di Roma e popolo di Dio (I- VI),
Torino 1982, p. 102 - 104 ; on lira dans 21 E . Koskenniemi, Der philostrateische
Apollonios, coll. « Commentationes Humanarum Litterarum » 94, Helsinki 1991,
p . 31-44 , une rapide synthèse sur les différentes interprétations prêtant des
intentions politiques à cette cuvre de Philostrate, avec leurs incidences sur sa
datation ). Il nous semble que la remarque de bon sens de 22 F. Grosso, « La vita
diApollonio di Tiana come fonte storica » , Acme 7, 1954 , p. 515 n . 5, n'a pas été
suffisamment prise en compte : « Se Giulia Domna fosse stata ancora viva al
tempo della pubblicazione, il retore non avrebbe scritto che essa " amava e
lodava” ... i discorsi retorici» .
Dans quelle mesure la Vie d 'Apollonios de Tyane reflète-t-elle les préoccupa
tions de son auteur, il est difficile de le dire . Certains, dont Solmsen, comme le
rappelle Kettenhofen 4, p. 16 , ont émis des réserves, et de fait aucun document
ne mentionne l'intérêt de l'impératrice pour le pythagorisme ou Apollonios; seul
Dion Cassius LXXVIII 18, 4 signale la vénération de Caracalla pour le thauma
turge de Tyane auquel il consacre un autel.Néanmoins, l'idée d 'un cercle pytha
goricien gravitant autour de Julia Domna a souvent été avancée, et 23 W .
Burkert, « Zur geistesgeschichtlichen Einordnung einiger Pseudopythagorica» ,
dans K . von Fritz (édit.), Pseudepigrapha, I: Pseudopythagorica – Lettres de
Platon – Littérature pseudépigraphique juive, coll. « Entretiens sur l'Antiquité
classique» 18, Vandæuvres -Genève 1972, p . 54 , remarque que la mention par
Philostrate (V . soph. II 30) de « géomètres» et de « philosophes» « a une réso
nance bizarrement pythagoricienne» ; qualifiant la Vie d 'Apollonios de Tyane
d '« évangile pythagoricien », il affirme que le pythagorisme trouvait une « oreille
attentive » à la cour de Julia, avant de se demander, en conclusion de son exposé,
si le traité du pythagoricien Ecphante ( E9) Sur la Royauté ne pourrait pas être
né dans ce milieu.
L' examen des liens de Julia Domna avec la philosophie ne serait pas complet
sans la mention de la Lettre 73 de Philostrate.Malheureusement, les débats sur
l'authenticité de cette dernière et les difficultés d'interprétation du texte sont
gênants. On trouvera dans tous les travaux cités ci-dessous les corrections propo
960 JULIA DOMNA I 42

sées et les différentes traductions des passages délicats. Quel en est le contenu ?
Après avoir rappelé que Platon admirait les sophistes, et notamment Gorgias,
l'auteur, qui salue la « sagesse et l'intelligence » , oogía xai uñtis, de Julia
(Ghedini 2, p . 131, rappelle , citant ce passage , que Julia a été identifiée à Athé
na), lui demande de persuader Plutarque de ne pas s'en prendre aux sophistes. Il
apparaît aussi dans cette même lettre que l'impératrice s'était intéressée récem
ment aux dialogues d ’Eschine le Socratique. Or, Bowersock 7, p . 104 -105 , à
partir de données historiques et philologiques - il serait possible de retrouver des
parallèles avec la vie de Gorgias telle qu 'elle se lit dans les Vies de sophistes - a
voulu voir dans cette lettre l’æuvre d'un faussaire : « L 'auteur connaissait un trai
té de Plutarque contre les sophistes, mais malheureusement (...) sa chronologie,
faisant du sage de Chéronée un contemporain de Philostrate , était fausse.» Cette
thèse est acceptée par Kettenhofen 4 , p . 15, mais elle a été contestée. 24 C .P .
Jones, Plutarch and Rome, Oxford 1971, p. 131- 132, rappelle , exemples à
l'appui, que « c 'est un trait courantdes écrits polémiques antiques , et notamment
grecs, de traiter un adversaire mort comme s'il était encore en vie ». La thèse est
développée par 25 G . Anderson , « Putting pressure on Plutarch : Philostratus
Epistle 73 » , CPh 72, 1977, p. 43-45, à partir du Phèdre de Platon et de Lucien ,
Pro imaginibus 24. Enfin, 26 R . J. Penella, « Philostratus' Letter to Julia Dom
na » , Hermes 107, 1979, p. 161- 168, après une traduction commentée du texte,
reprend les arguments de Jones 24 et d 'Anderson 25 ; il montre que le propos de
la Lettre 73 est celui des autres æuvres de Philostrate , les Vies de sophistes et la
Vie d 'Apollonios de Tyane : il s'agit d'affirmer que « philosophy and sophistry /
rhetoric are compatible » (p. 168). Reste à savoir, comme se le demande 27 F.
Solmsen, art. « Philostratos» 10, RE XX 1, 1941, col. 165, si l'impératrice avait
lu l'ouvrage de Plutarque (qui ne nous est connu que par Isidore de Péluse Ep.
2, 42 = PG 78, 484 = fr. 186 Sandbach ).
PATRICK ROBIANO.
43 IULIANUS IV
Julianus faisaitpartie de ces intellectuels venus en nombre, au IVe siècle, faire
le pèlerinage des Tombeaux des Rois, en souvenir de celui que la tradition prê
tait à Platon : « Tu as eu le bonheur d'admirer cela , sage Platon ; situ avais pu toi
aussi, philosophe Julianus, voir le voyage du sage ! » (J. Baillet, Inscriptions
grecques et latines des tombeaux des rois ou Syringes, Le Caire 1923, n° 1255 ;
les signatures 902 et 1900 sont apparemment du même personnage). Sa visite
pourrait être contemporaine de celle du dadouque Nicagoras, en 326 ( voir Baillet
nº 1265 et G . Fowden , « Nicagoras of Athens and the Lateran Obelisk » , JHS
107, 1987, p . 51-57 ), ce qui amenait J. Baillet à envisager une identification avec
le sophiste Julien de Cappadoce (Eunape, Vies des philosophes et des sophistes
IX ; p . 59, 5 -63, 15 Giangrande). Mais rien ne permet de considérer le sophiste
comme un platonicien .
BERNADETTE PUECH .
I 46 IULIANUS 961

44 IULIANUS (IULIUS -) III ?


Un distique gravé sur le monument funéraire de ce « philosophe de premier
rang » laisse comprendre qu 'il avait trouvé la mort aux portes de Rome dans un
conflit au cours duquel la ville avait été sinon assiégée, du moins menacée :
DMS. Tulio luliano, viro magno, philosop (h )o primo. Hic cum lauru (m ) feret
Romanis iam relevatis, reclusus castris inpia morte perit (CIL VI 9783).
Mommsen (loc. cit.), suivi par Dessau (ILS 7778 ), avait supposé qu 'il s'agissait
du siège de Galère en 307. J. Hahn, Der Philosoph und die Gesellschaft, Stutt
gart 1989, p . 171, estime que la paléographie de l'inscription exclut une date
postérieure au IIIe siècle ; selon lui, Julianus aurait été tué lors de la crise de 193
ou des émeutes de 238 . La première de ces hypothèses semble difficilement
compatible avec les termes de l'inscription, qui suggèrent que la population
romaine dans son ensemble avait été impliquée dans les événements.
BERNADETTE PUECH .
45 IULIANUS DE TRALLES RE 1
Selon ce philosophe que citait Alexandre d'Aphrodise – apud Simplicius, In
De caelo (II 1, 284 a 14 -b 5), p . 380 , 1-3 Heiberg (CAG VII] -, le mouvement
uniforme et ordonné du ciel vers la droite était causé par l'Âme du monde :
Ιουλιανού μέν, φησί, του Τραλλιανού δόξα εν της επί δεξιά κινήσεως αιτίαν
aúto tnv yuxnv elval xai tñs duaroûç xal tetayuévns. Constatant
qu 'Alexandre n 'avait pas critiqué la position de Julien , Simplicius croit devoir
nuancer cette position : l’Ame du monde ne pourrait expliquer que le mouvement
de la sphère des fixes. Pour le mouvement des planètes, il faut supposer pour
chacune une âme particulière expliquant son mouvement propre . Selon H . von
Arnim , art. « Iulianos» 1, RE X 1, 1918, col. 9 , il pourrait s'agir d 'un péripatéti
cien ou d'un platonicien . Dans le même passage, Alexandre citait ensuite une
opinion d'Herminus (MH 83), ce qui peut donner une indication chronologique
approximative : il pourrait s'agir d'un auteur de la fin du jer s. ou du début du lie
siècle ap . J.-C .
RICHARD GOULET.

46 IULIANUS (Julien ) l'Empereur RE (I) 26 PLREI:29 MIV


Flavius Claudius Iulianus, né en 331/2 , empereur romain du 3 novembre 361
au 26 juin 363, passionné de philosophie et auteur de plusieurs œuvres à contenu
philosophique.
L 'ouvre écrite de Julien. En grande partie conservée, elle se distribue sous
les titres indiqués ci-après. Pour certains d'entre eux, il est nécessaire de prendre
en compte les variations dont la tradition les a affectés. L 'ordre de présentation
est celui pour lequel a opté la « Collection des Universités de France » : ilcorres
pond à des hypothèses raisonnables, quoique contestables dans le détail, sur
l'ordre chronologique de rédaction .
(1) 'Eyxáulov eic tòv aŭtoxpáropa Kwvorávtlov, Éloge de l'empereur
Constance = Premier Éloge de Constance = Discours ou Oratio I.
962 IULIANUS I 46
(2) Eủoebías rñs Baocidos éyxbulov, Éloge de l'impératrice Eusébie =
Éloge d 'Eusébie = Discours ou Oratio II = Discours ou Oratio III.
(3) Tlepi tõv toŨ aútorpáropos apáčewv Ñ nepi Baoideias, Sur les
actions de l' empereur ou Sur la royauté = Second Éloge de Constance =
Discours ou Oratio III = Discours ou Oratio II.
(4) Επί τη εξόδω τού αγαθωτάτου Σαλουστίου παραμυθητικός εις
ÉQUTÓV, A propos du départde l'excellent Saloustios, consolation à soi-même =
Sur le départ de Salluste = Lettre à Saloustios = Discours ou Oratio IV =
Discours ou Oratio VIII.
(5 ) ’Aonvaíwv tñ Bovañ xai rõ onuw, Lettre au Sénat et au peuple
d'Athènes = Lettre aux Athéniens.
(6 ) Oeulotiw placów, Au philosophe Thémistios = Lettre à Thémistios.
(7) Προς Ηράκλειον κυνικόν περί του πώς κυνιστέον και εί πρέπει το
xuvi uteous náTTELV, Contre le cynique Héracleios sur la question de savoir
s'il fautmener la vie cynique et s'il convient au cynique de composer des mythes
= Contre Héracleios = Discours ou Oratio VII.
(8 ) Eis tnv Mnrépa tūv DeWv, A la Mère des Dieux = La Mère des Dieux =
Discours ou Oratio VIII = Discours ou Oratio V .
(9) Eiç toùç åhaldeÚTouç xúvaç, Contre les chiens (ou les cyniques) igno
rants = Discours ou Oratio IX = Discours ou Oratio VI.
(10) Evuttóolov Ñ Kpóvia , Le Banquet ou les Saturnales = Les Césars =
Discours ou Oratio X .
(11) Eiç tóv Baoléa "Hilov npòs Earoúotiov, Au roi Hélios à l'intention
de Saloustios = Hélios Roi = Discours ou Oratio XI = Discours ou Oratio IV .
(12) ’AUTiOylXÒç ñ Mioonúywv, Le discours d'Antioche ou l'Ennemi de la
barbe = Le Misopogon = Discours ou Oratio XII.
(13) Contre lesGaliléens.
(14 ) Lettres.
(15) Fragments et épigrammes.
( 16) Textes législatifs.
Signalisation du texte de Julien . La liste qui précède montre qu 'une même ouvre de
Julien peut être désignée par des titres légèrement variants, et qu 'elle peut également être dési
gnée par des indications numériques différentes. Ainsi, pour les cuvres inscrites sous les
numéros 2, 3, 4 , 8 , 9 , 11, les références numériques sont différentes selon que l'on a affaire à
une étude réalisée avant ou après la publication de l'euvre correspondante dans la CUF.
L 'ordre de succession des discours de Julien adopté par l' editio princeps de Petau 1 (citée plus
bas) a en effet été modifié dans l'édition de la CUF, dont le classement s'est aujourd 'hui
imposé. Dans la liste ci-dessus, en cas de double numérotation , le premier des deux nombres
représente le classement de l'édition de la CUF.
Par ailleurs, les æuvres inscrites sous les lettres 1 à 12 ont été divisées en chapitres par les
éditeurs de la CUF. Cette division est en général reproduite sans changement par les éditions
plus récentes. Enfin , la plupart des éditions rappellent en marge la pagination de l'édition
Spanheim 2 (citée plus bas), chaque page étant divisée en quatre parts successives notées a , b .
c, d.
I 46 IULIANUS 963
Pour les æuvres inscrites sous les numéros 13- 16 , les procédures de signalisation sont par
tiellement ou totalement différentes : voir plus loin le détail des æuvres.
Éditions d 'ensemble.
1 D . Petau (édit.), Iuliani Imp. opera quae quidem reperiri potuerunt omnia ,
Paris 1630.
2 E . Spanheim (édit.), Iuliani imp. opera quae supersunt omnia et S. Cyrilli
Alexandrini archiepiscopi contra impium lulianum libri decem , Leipzig 1696 .
3 F .C . Hertlein (édit.), Juliani imperatoris quae supersuntpraeter reliquias
apud Cyrillum omnia , coll. BT, 2 vol., Leipzig 1876 .
4 W . C . Wright (édit.), The Works of the Emperor Julian , coll. LCL, 3 vol.,
London/New -York 1913 , 1913, 1923, avec traduction anglaise.
5 L'Empereur Julien . Euvres complètes, CUF, Paris 1932-1964, avec tra
duction française. Comprend 6 tome I 1: J. Bidez (édit.), Discours de Julien
César, 1932 ; 7 tome I 2 : J. Bidez (édit.), Lettres et Fragments, 1924 , 2e éd.
1960 ; 8 tome II 1 : G . Rochefort ( édit.), Discours de Julien empereur, 1963;
9 tome II 2 : C .Lacombrade (édit.), Discours de Julien empereur, 1964.
Plusieurs æuvres ont été récemment éditées et traduites en italien dans
10 C . Prato et A .Marcone (édit.),Giuliano Imperatore, Alla Madre degli dei e
altri discorsi, introd. di J . Fontaine, coll. « Scritt. greci e latini. Fondazione
Lorenzo Valla » ,Milano 1987, CX -355 p .
On indiquera plus loin, lors de la présentation des différentes æuvres de
Julien ,des éditions séparées récentes, dont chacune présente des progrès plus ou
moins importants par rapport aux éditions précitées.
Bibliographies. 11 W . E. Kaegi, « Research on Julian the Apostate . 1945
1964 » , CW , 58, 1965,p . 229-238 ; 12 M . Caltabiano, « Un quindicennio di studi
sull'imperatore Giuliano (1965-1980) », Koinonia 7 , 1983, p. 15-30 et p . 113
132 ; 8 , 1984, p . 17-31 ; 13 Id ., « Un decennio di studi sull'imperatore Giuliano
(1981-1991) » , Koinonia 17, 1993, p . 5 -34.
Sur l'histoire du texte des æuvres de Julien , le livre de 14 J. Bidez, La tradi
tion manuscrite et les éditions des discours de l' empereur Julien, coll. « Recueils
et travaux publiés par la Faculté de philosophie et lettres de l'Université de
Gand » 61, 1929, XII-154 p ., est toujours l'ouvrage de base .
Études d'orientation .
15 J. Bidez, La Vie de l'empereur Julien , « Collection d 'Études Anciennes» ,
Paris 1930, 2e tirage 1965, X -408 p ., unifie la biographie proprement dite, la
formation et l'itinéraire spirituel et idéologique de Julien . Les sources littéraires
y sont recueillies avec ampleur et précision ; les conclusions qu'en tire Bidez
vont quelquefois au -delà de ce que ces sources autorisent à inférer. Mais l' en
semble est généralement juste et constitue peut- être encore le meilleur instru
ment pour une approche de Julien.
16 R . Browning, The emperor Julian, London 1975, XII-256 p ., tend à insister
sur les conditions concrètes dans lesquelles se sont déroulés la prise de pouvoir
et le règne, aux dépens d'une attention suffisante aux conditions culturelles et
964 IULIANUS I 46
intellectuelles. L 'auteur tend à voir dans Julien une inquiète victime de son
enfance triste , et dans le paganisme et le néoplatonisme indûment confondus une
rêverie sans attaches avec le monde réel (voir le compte rendu critique de 17 P .
Brown, « The Last Pagan Emperor: Robert Browning 's The Emperor Julian » ,
dans P. Brown, Society and the Holy in Late Antiquity, London 1982, p . 83 - 102.
18 G . W . Bowersock, Julian the Apostate , London 1978 , XII- 135 p ., présente
au contraire un Julien plutôt en prise sur les affaires de son temps, et montre , non
sans parti-pris parfois, que cet homme de pouvoir a tout fait pour parvenir à
l'exercer, ce qui tend à faire suspecter la sincérité de ses écrits. Une telle posi
tion , appuyée sur de fines analyses, était sans doute nécessaire et donne à ce
livre, le premier qui soit relativementhostile à Julien depuis les derniers sursauts
de la polémique chrétienne au XIXe siècle, un rôle utile .
19 P. Athanassiadi-Fowden , Julian and Hellenism , an Intellectual Biography,
Oxford 1981, X -245 p., développe toute l' évolution intérieure qui a accompagné
etmotivé les actes de Julien, en privilégiant le domaine culturel et religieux par
rapport à la formation philosophique.
20 E . Pack, Städte und Steuern in der Politik Julians. Untersuchungen zu den
Quellen eines Kaiserbildes, coll. « Latomus » 194 , Bruxelles 1986 , 420 p ., est la
plusmoderne et la plus pénétrante des études consacrées spécifiquement à l'atti
tude, aux convictions et aux méthodes politiques de Julien.
21 J. Bouffartigue, L 'Empereur Julien et la culture de son temps, « Collection
des Études Augustiniennes » , Série Antiquité 133, Paris 1992, 752 p . Privilégiant
l'étude des rapports entre l'æuvre de Julien et sa culture, cet ouvrage aborde en
particulier la question de la formation , des connaissances et des choix philoso
phiques de l'empereur.
A ces monographies peuvent être ajoutés trois importants recueils.
22 R . Klein (édit.), Julian Apostata , coll. « Wege der Forschung » , Darmstadt
1978, VI-534 p .: articles publiés par divers auteurs en diverses langues et repris
ici en allemand.
23 R . Braun et J. Richer (édit.), L 'Empereur Julien, I: De l'histoire à la
légende (331- 1715), « Collection d ' études anciennes» , Paris 1978, 430 p., et
24 J. Richer (édit.), L ' Empereur Julien, II : De la légende au mythe (de Voltaire
à nos jours), « Collection d 'études anciennes » , Paris 1981, 576 p . Ces deux
recueils rassemblent des articles originaux dus à divers spécialistes.
Détail des écrits de Julien
- Le Premier Éloge de Constance. Écrit probablement en 356, ce discours
suit de très près les règles de l'éloge royal telles qu 'on peut les voir codifiées par
Ménandre le rhéteur (cf.Ménandre , $ $ 368-377, p . 76 - 94 Russell-Wilson ). Tou
tefois, Julien tient dans son exorde à se présenter comme philosophe et non
comme rhéteur. Il apparaît en outre qu 'il a eu recours au modèle constitué par
Thémistios, philosophe auteur d'éloges royaux. Avec certains textes de Thémis
tios, le débutde l'auvre constitue un des exemples du discours justifiant l'usage
de l'éloge royalpar le philosophe (voir Bouffartigue 21, p. 296 -300) .
I 46 IULIANUS 965
- Éloge d 'Eusébie . Dans ce discours composé durant l'hiver 356 -357, Julien,
entre autres sujets de gratitude, remercie l'impératrice de lui avoir permis de se
rendre en Grèce pour y compléter ses études. Sans dire qu'il a employé ce séjour
à des études de philosophie, Julien se félicite que la philosophie soit encore
vivace à Athènes, mais aussi à Corinthe (ou plutôt Sicyone), Argos et Sparte ( 12 ,
119b - c ).
- Second Éloge de Constance. Composé vraisemblablement en 357 ou 358,
ce discours est une sorte de réécriture du premier. Le même sujet est cette fois
traité de façon à faire entrer l'æuvre dans la catégorie des discours philoso
phiques. A vrai dire, la couleur rhétorique y est encore très marquée : les codes
du basilikos logos y sont respectés, et l'exégèse homérique y est active et menée
selon les lois de la grammaire et non de l'allégorie philosophique. En fait, le
modèle qui inspire Julien est celui qui guide des auteurs comme Dion Chryso
stome ou Maxime de Tyr, et son discours peut se situer également dans la lignée
de ces dialexeis philosophiques et philologiques, placées sous l'autorité et la
vénération d'Homère et de Platon . L ' éloge de l'empereur y est serti dans une
réflexion sur la royauté et dans un portrait idéal du bon souverain , correspondant
au second titre Iepi Baoireias (De la royauté ), à l'exemple encore du discours
de Thémistios intitulé De la philanthropie ou Constance. Julien y revendique le
droit de citer et commenter Platon (15, 69b-d), ce qu'il fait à plusieurs reprises,
s'inspirant de la République, duMénexène, du Timée et des Lois.
- La Lettre à Saloustios. Composée en 359 à l'occasion du rappel par
Constance de Saloustios, c'est-à -dire de Secundus Saturnin (i)us Salutius (ou
Salustius), jusque là présent en Gaule aux côtés de Julien , elle s'inscrit nettement
dans le genre rhétorique et suit les canons du discours de consolation (cf.
Ménandre le Rhéteur, $ 413, p . 128 Russell-Wilson ). On y note ( chap . 5), dans
une prosopopée de Périclès, une tentative de faire parler ce dernier en disciple
d 'Anaxagore, insistant sur le rôle du nous qui rapproche l'homme de l'Être
suprême,un nous d'aspect rationalisant assez distinct du nous néoplatonicien .
- La Lettre aux Athéniens. Composée en 361, elle vise à justifier la rébellion
de Julien contre Constance. Le contenu philosophique en est insignifiant,mais
Julien y déclare que, privé par Constance d 'une éducation normale , il a pu , grâce
à la philosophie, au contraire de son frère Gallus, réparer en lui le malmoral
causé par l'absence d ' éducation (4, 272 a ).
- La Lettre à Thémistios. Éditions particulières : 25 C . Prato et A . Fornaro
(édit.), Giuliano Imperatore, Epistola a Temistio , edizione critica, traduzione e
commento, coll. « Studi e Testi Latini e Greci» 2 , Lecce 1984 , XXII-78 p . ; 26 C .
Prato et A . Marcone (édit.), dans Prato etMarcone 10, p . 10 -39 (avec texte criti
que, traduction italienne et commentaire).
Écrite probablement vers la fin de l'année 361, au moment où Julien accède
au pouvoir suprême (datation soutenue par plusieurs historiens, dont 27 U .
Criscuolo, « Sull'epistola diGiuliano Imperatore al filosofo Temistio » , Koinonia
7, 1983, p. 89- 111, alors que 28 T. D . Barnes et J. Van der Spoel, « Julian and
Themistius » , GRBS 22, 1981, p . 187- 189, et 29 S . Bradbury, « The date of
966 IULIANUS I 46
Julian ' s Letter to Themistius » , GRBS 28 , 1987, p . 235-251, pensent qu 'elle fut
rédigée au momentde l'accession de Julien au rang de César en 355), cette lettre
réfute les arguments employés par Thémistios dans une lettre (non conservée)
adressée à Julien, selon lesquels il était légitime et souhaitable qu 'un philosophe
comme Julien occupât le pouvoir suprême. Julien y utilise des argumentations
déjà constituées, d 'origine philosophique, sur la nature et la fonction du monar
que ; il insiste sur l'inadaptation de sa formation philosophique à l'exercice du
pouvoir, et retourne contre Thémistios un texte de la Politique d 'Aristote que son
correspondantavait cité à l'appui de son pointde vue.
- Le Contre Héracleios. Prononcé au début de l'année 362 , ce discours
contient entre autres une condamnation du cynisme tel qu 'il était conçu par
Héracleios et les cyniques de son espèce, une réflexion sur le mythe et sur la
question de savoir à quelles parties de la philosophie convient l'interprétation
des mythes, des définitions scolastiques de la philosophie ainsi que des parties
qui la constituent, et des informations sur la nature du cynisme authentique. Voir
30 K . Döring, « Kaiser Julians Plädoyer für den Kynismus » , RhM 140 , 1997,
p. 386 -400.
- La Mère des Dieux. Éditions séparées: 31 C . Prato et A . Marcone (édit.),
dans Prato et Marcone 10, p . 46 -93 (avec texte critique, traduction italienne et
commentaire) ; 32 V . Ugenti (édit.),Giuliano Imperatore, Alla Madre degli Dei,
edizione critica, traduzione e commento a cura di V . U ., coll. « Università degli
Studi di Lecce, Dipartimento di Filologia Classica e Medioevale. Testi e Studi>>
6, Galatina 1992, XXXI-176 p.
Écrit probablement en mars 362 à l'occasion de la fête de la Grande Mère, ce
discours est une exégèse du mythe et du rituel métroaques. L 'interprétation pro
posée est cosmologique et sotériologique; elle s'appuie en partie sur des infor
mations philosophiques découlant de Jamblique, et notamment de son commen
taire perdu sur les Oracles Chaldaïques. Voir 33 H . Bogner, « Kaiser Julians 5 .
Rede » , Philologus 79, 1924, p . 258 -297.
- Le Contre les chiens ignorants. Édition séparée : 34 C . Prato et D . Micalella
(édit.), Giuliano Imperatore , Contro i cinici ignoranti, coll. « Studi e testi latini e
greci» 4 , Lecce 1988, XL- 128 p . (avec texte critique, traduction italienne et
commentaire ).
Écrit au début de l'été 362, ce discours contient une histoire du cynisme, une
tentative d 'exposé formel de la philosophie cynique et de ses parties, une défense
de Diogène contre les accusations dont il est victime, et une description du
cynisme authentique en contraste avec l'image dégradée qu 'en répandent les
cyniques contemporains de Julien .
- Les Césars. Cette revue satirique des empereurs romains, écrite sans doute
en décembre 361, serait dépourvue de toute relation à la philosophie si elle ne
mettait pas en vedette l' empereurMarc- Aurèle, à qui Julien prête assez mala
droitement quelques propos qu 'il juge caractéristiques du stoïcisme.
I 46 IULIANUS 967
- Hélios Roi. Édition séparée: 35 C . Prato et A .Marcone ( édit.), dans Prato et
Marcone 10 , p. 100 - 169 (avec texte critique, traduction italienne et commen
taire).
Conçu par Julien commeappartenant à la catégorie rhétorique de l'hymne (3,
131d ; 25, 145c; 37 , 152 a; 44, 158 a ) répertoriée, par exemple, par le rhéteur
Ménandre (p. 12- 14 Russell-Wilson ), cette æuvre expose une théologie philo
sophique du dieu Hélios, dont les éléments sont empruntés, selon l'affirmation
répétée de Julien (34, 150c-d ; 44, 157c-d), à un ou des écrits de Jamblique dif
ficiles à identifier et en tout cas disparus.
- Le Misopogon. Éditions séparées : 36 C . Prato et D . Micalella ( édit.), Giu
liano Imperatore, Misopogon , edizione critica, traduzione e commento, coll.
« Testi e Commenti » 5 , Roma 1979 , XL-206 p.; 37 C . Prato et A . Marcone
( édit.), dans Prato etMarcone 10 , p. 176 -251 (texte critique, traduction italienne
et commentaire).
Sous le parti-pris de l'auto -caricature, le Misopogon défend essentiellement
des valeurs morales, religieuses et culturelles, qui ne sont qu 'exceptionnellement
appuyées sur des doctrines ou des formules proprement philosophiques.
- Le Contre les Galiléens. Cette æuvre n 'est connue que par sa tradition indi
recte, qui repose essentiellement sur les citations qu'en a faites Cyrille d' Alexan
drie dans son Contre Julien.
Parmiles éditions d'ensemble de Julien , seule l' édition Wright 4 (t. III) com
porte les extraits du Contre les Galiléens (Spanheim 2 édite le Contre Julien de
Cyrille en signalant les citations de Julien ). Le texte y est celui de la première
édition critique, celle de 38 K .J. Neumann, Juliani Imperatoris librorum Contra
Christianos quae supersunt, Leipzig 1880. Un bon accès à l'æuvre est fourni par
39 E .Masaracchia (édit.), Giuliano Imperatore, Contra Galilaeos, introduzione,
testo critico e traduzione, coll. « Testi e commenti » 9, Roma 1990 , 395 p., indi
quant un très grand nombre de parallèles scripturaires et philosophiques. Voir
aussi 40 L 'Empereur Julien, Contre les Galiléens. Une imprécation contre le
christianisme. Introduction , traduction et commentaire par ChristopherGérard,
Bruxelles 1995 , 181 p., avec une postface de L . Couloubaritsis, « Sens philo .
sophique et politique du Contre les Galiléens » . A signaler également quelques
nouveaux fragments édités par 41 A . Guida, Teodoro diMopsuestia , Replica a
Giuliano Imperatore. Adversus criminationes in Christianos Iuliani Imperatoris.
In Appendice : Testimonianze sulla polemica antigiulianea in altre opere di
Teodoro , con nuovi frammenti del " Contro iGalilei" di Giuliano, Firenze 1994 ,
p . 199 -225.
La signalisation du texte pourra désormais s' effectuer à partir de la numérotation des frag
ments et de leurs lignes proposée par Masaracchia 39. En règle générale , les études antérieures
à cette publication signalisent le texte par référence à la pagination du Contre Julien de Cyrille
d ' Alexandrie dans l'édition Spanheim 2, signalisation utilisée également par Wright 4 ,
Neumann 38 etMasaracchia 39, alors que Malley 43 (cité plus bas) se fonde sur la pagination
de la PG LXXVI.
L'argumentation de Julien dans le Contre les Galiléens est de nature histo
rique, anthropologique et philologique. Si, dans l' Antiquité, toute réfutation
968 IULIANUS I 46
méthodique d 'une doctrine est par définition un travail philosophique, celle que
produit Julien n'est pas faite au nom des principes d'une école , et l'influence de
la scolastique néoplatonicienne y est réduite . Voir 42 A .Meredith ,« Porphyry
and Julian against the Christian » , ANRW II, 23, 2, 1980, p. 1119 -1149, et surtout
43 W .J.Malley, Hellenism and Christianity. The conflict between Hellenic and
Christian wisdom in the Contra Galileos of Julian the Apostate and the Contra
Julianum of St. Cyril of Alexandria , coll. « Analecta Gregoriana » 210, Roma
1978 , 466 p .
- Les Lettres. Éditions séparées: 44 B . K . Weis (édit.), Julian . Briefe, avec
trad. allemande et commentaire (le texte grec est celui de Bidez 7), München
1973, 366 p.; 45 M . Caltabiano ( édit.), L'epistolario diGiuliano Imperatore.
Saggio storico, trad., note e testo in appendice a cura di M .C ., coll. « Collana di
KOINONIA » 14, Napoli 1991, 405 p. (trad. ital. et commentaire ; le texte grec est
une photographie de celui de Bidez 7, sans l'apparat critique ).
L ' édition Bidez 7 reste indispensable pour l'accès au texte . Une signalisation
efficace ne peut que s'appuyer sur les pages et lignes de cette édition. J. Bidez a
pris le parti de faire un tri entre les lettres d'authenticité suspecte : les plus assu
rément inauthentiques n 'ont pas été reproduites, mais on les trouvera dans
46 J. Bidez et F. Cumont (édit.), Juliani imperatoris epistulae leges poematia
fragmenta varia , coll. « Nouvelle collection de textes et documents» , Paris/
Oxford 1922, XXVI- 332 p. (texte seul avec apparat critique). Beaucoup des
lettres de Julien ont un contenu ou un intérêt philosophique. D 'autres en sont
dépourvues. Plutôt que de tenter un tri inévitablement subjectif, on se bornera à
signaler ici celles qui sont adressées à des philosophes au sens large du terme:
Lettres 8 (à Eumenius (ME 119 ) et Pharianos, deux anciens condisciples que
Julien invite à se préparer aux études philosophiques); 11, 12, 13, adressées à
Priscos d'Athènes ; 26 , adressée à Maxime d' Éphèse ; 30 et 89, adressées à
Théodore , ancien élève de Maxime d 'Éphèse ; 34 et 35 , adressées à « Eustathe,
philosophe» (A+ E 161); 84, adressée à « Aristoxène, philosophe» ( ** A 415 ).
L 'édition 7 comporte aussi un tout petit nombre d' épigrammes et de frag
ments, dont seul le fr. 161 a un contenu philosophique.
- Textes législatifs. Extraits du Code Théodosien , et dans une moindre
mesure du Code Justinien , ces textes sont rassemblés dans Bidez et Cumont 46 .
Euvres philosophiques perdues ? La Souda, s.v. 'lovalavós (t. III, p . 643,
1-2 Adler), mentionne parmi les écrits de Julien les deux titres suivants: Sur
l'origine des maux ( Ilboev tà xaxá) et Sur les trois figures (du syllogisme)
( Ilepi tūv Tplőv oynuárwv). Aucun autre témoignage ne vient confirmer ces
indications. L 'allusion à l'ouvrage sur les figures du syllogisme semble être
l'effet de la mésinterprétation d'une tradition , rapportée par Ammonios (Com
mentaire des Premiers Analytiques, p. 31, 18-22 Wallies), selon laquelle Julien
aurait pris position dans un débat opposant Thémistios à Maxime d'Éphèse : voir
Bouffartigue 21, p. 567-568.
Indices. Index nominum et verborum général au tome II de l'édition Hertlein
4, p. 615 -641 (les verba ne représentent qu 'une sélection ) ; Index nominum et
I 46 IULIANUS 969
verborum particulier dans Prato et Fornaro 25, Ugenti 32, Prato et Micalella 34
et 36 ,Masaracchia 39 ; Index nominum particulier à chaque volume dans les trois
tomes de l' édition Wright 4 ; Index nominum des lettres, fragments, épigrammes
et lois dans Bidez 46, p. 293-313.
Données biographiques générales
Le dossier biographique de Julien est très volumineux, mais concerne surtout
l'homme d'État et l'acteur d'un drame historique, plutôt que le philosophe. On
se bornera ici à rappeler les dates essentielles de sa carrière, avant de réunir les
données de sa biographie philosophique.
Naissance : les informations d'Ammien Marcellin XXV 3, 23 et 5, 1 selon
lesquelles l'empereur est mort le 26 juin 363 dans sa 32e année, permettent de
situer la naissance de Julien entre le 27 juin 331 et le 25 juin 332. D 'une façon
générale, les historiens modernes de Julien ne se satisfont pas de cette fourchette
jugée trop large ; les fourchettes plus étroites qu 'ils proposent sont inégales en
probabilité et en vraisemblance ; aucune ne s'appuie sur des indices ou des
arguments incontestables. Voir par exemple 47 F. D . Gilliard , « The Birth Date
of Julian the Apostate » , CSCA 4 , 1971, p . 147 -151 (trad . allemande dans Klein
22, p . 448-454).
Élévation à la dignité de César : 6 novembre 355. « Pronunciamento » de
Lutèce (Julien proclamé Auguste par ses troupes): janvier-février 360 .Mort de
Constance et début du règne de Julien : 3 novembre 361. Entrée à Constantino
ple : 11 décembre 361. Arrivée à Antioche: 18 juillet 362. Départ pour l' expédi
tion en Perse : 5 mars 363.
Sur les détails de la biographie de Julien, voir Bidez 15 , Browning 16 ,
Bowersock 18 , Athanassiadi-Fowden 19. Sur le problème de la conversion au
paganisme, voir 48 K . Rosen , « Kaiser Julian auf dem Weg vom Christentum
zum Heidentum », JAC 40, 1997, p . 126 -146 .
Biographie philosophique. Sur la carrière philosophique de Julien , les
sources antiques les plus intéressantes sont les suivantes : Julien , Contre Héra
cleios 23, 235 a-d ;Misopogon 24-25, 353 b - 354 b ; 30 , 359c ; Lettre 12 ; Eunape,
Vie des Sophistes VII 1-2, p. 41-45 Giangrande (chapitre concernant Maxime
d 'Éphèse ); Libanios, Discours XVIII 10 -30 ; Discours XIII 12 ; Lettre 694.
D 'autres témoignages, très fragmentaires, seront indiqués ci-après.
Julien connut, à Nicomédie et Constantinople, un début de scolarité normal, à
ceciprès qu 'il bénéficia de l'attention d'un pédagogue remarquablement cultivé,
l'eunuque Mardonios (Misopogon 20 , 351 a - 22 , 352c). A une date qu' il n 'est
pas possible de déterminer avec une totale certitude, il fut « retiré de l'école »
(Lettre aux Athéniens 3, 271b) et placé par son oncle l' empereur Constance dans
le domaine impérial de Macellum en Cappadoce, où il resta six ans (voir 49 A . J.
Festugière, « Julien à Macellum » , JRS 47, 1957, p . 53-58 , trad. allemande dans
Klein 22, p . 241-255) . Les possibilités extrêmes de datation de ce séjour sont
341-347 et 345- 351, avec une probabilité plus marquée pour 342-348. Pendant
ce séjour, Julien fut « sevré de toute étude sérieuse » (Lettre aux Athéniens 3,
970 IULIANUS I 46
271c). Toutefois, il obtintde l'évêqueGeorges, titulaire du siège de Césarée de
Cappadoce, le prêt d'un certain nombre de livres, parmi lesquels « beaucoup sur
la philosophie » (Lettre 107, p. 185 , 10 et 14 sq. Bidez). C 'est à cette époque que
Julien situe son initiation à Platon et Aristote . Selon lui (Misopogon 30 , 359 c ),
celle-ci s'est faite lorsqu 'il faisait partie des meirakia . Il est probable que Julien
fait icimoins allusion à son âge qu'à une division scolaire, celle des élèves d'âge
« secondaire» en général, ou peut-être ,plus précisément, des élèves d'un certain
« cycle » de l'enseignement secondaire . Comme il est improbable qu'il ait pu
recevoir un quelconque enseignement philosophique à ce niveau , c'est selon
toute vraisemblance en autodidacte , au cours de sa relégation à Macellum , que
Julien a abordé, à un plus jeune âge que ses contemporains, les études philoso
phiques.
Diverses sources (Libanios, Disc. XV 27 ; XVIII 12-13 ; Socrate, Hist. Eccl.
III, 1, 369b ; Sozomène, Hist. Eccl. V 2, 15) laissent supposer qu 'à sa sortie de
Macellum Julien fréquenta d'abord , à Constantinople et Nicomédie , les classes
de grammaire et de rhétorique. Désireux d'accomplir des études philosophiques,
il se rendit d 'abord, selon Eunape (loc. cit.), à Pergame pour y suivre l' enseigne
ment d' Aidésios (MA 56 ), disciple de Jamblique, ainsi que de Chrysanthe de
Sardes (- C 116 ) et Eusébe de Myndos ( E 156 ), disciples d 'Aidésios. Il finit
par savoir qu 'un autre disciple d'Aidésios,Maxime, enseignait à Éphèse, et que
dans son enseignemententrait la théurgie , condamnée par Eusébe. Il partit alors
pour Éphèse et devint l'élève de Maxime. Chrysanthe vint lui aussi à Éphèse
pour collaborer à l'éducation philosophique du prince. Les assertions de Socrate
(ibid . 371 A ) et de Sozomène (Hist. Eccl. V 2, 16 ) selon lesquellesMaximeserait
venu lui-même chercher Julien à Nicomédie ont pour origine une interprétation
abusive d’un texte de Libanios (Discours XVIII 18).
Maxime d 'Éphèse est resté pour Julien lemaître vénéré, celui par qui il devait
être initié (teneo noóuevos, Contre Héracleios 23, 235 a ), le guide spirituel
(ńyeu6v, xaonyeuúv, Contre Héracleios 23, 235b -c ; Lettre 89, p. 152, 3 et
156 , 7 Bidez). Il faut toutefois préciser que l'attribution de ces prédicats à
Maxime ne peut que se déduire, parfois non sans hésitation , de leurs différents
contextes, car pas une fois dans son ouvre conservée Julien ne cite le nom de
Maxime, si ce n 'est dans l'adresse de la Lettre 26 ; les Lettres 190 et 191 Bidez
Cumont (46 ), adressées à un philosophe nommé Maxime, ne sont pas de Julien.
Quoi qu 'il en soit, la vénération de Julien pourMaxime s'est manifestée publi
quement, avec des marques excessives que Libanios (Discours XVIII 155- 156 )
cherche à justifier et qu'Ammien Marcellin (XXII 7, 3) réprouve .
Il n 'est pas certain que Julien ait reçu de Maxime une initiation à caractère
sacré sous la forme d'une cérémonie théurgique. Cette tradition ne peut s'ap
puyer que sur le témoignage suspect de Grégoire de Nazianze, Discours IV 55
56. On note au contraire que Julien parle de lui-mêmecomme d 'un catéchumène
de la philosophie . Il a , dit-il, la réputation de philosophe sans en avoir la qualité
(Éloge d 'Eusébie 13, 120b) ; il n 'est pas parvenu jusqu'à la philosophie (Lettre à
Thémistios 12 , 266d). D 'une manière encore plus significative, il affirme
I 46 IULIANUS 971
(Contre Héracleios 23, 235 a) qu 'il n 'a atteint que l'antichambre (tà np Oupa)
de la philosophie : il fait sûrement allusion ici à son cursus d 'études philoso
phiques (cf. Proclus, Commentaire sur l'Alcibiade61, 16 -17 Segonds). Julien
n'a pas atteint, selon ses propres dires, le degré suprême de l'initiation philoso
phique. Il fut en effet obligé d'interrompre ses études lorsqu'à la fin de 354
Constance le fit placer sous surveillance avant de le convoquer à la Cour de
Milan .
Julien reprit ses études l'année suivante à Athènes.Mais son séjour dans cette
ville fut très bref: il n 'a pu durer plus de cinq mois. Aucune de nos sources ne
permet de dire qu 'il s'inscrivit durant cette période à un cours de philosophie .
Socrate (III 1, 379C ) est le seul à parler de philosophie à propos de ce séjour, en
déclarant que Julien a reçu de Constance la permission d'aller à Athènes étudier
la philosophie. En tout cas, Julien n'a pas fréquenté l'école de Priscos à Athènes
puisqu 'il déclare à ce dernier, dans la Lettre 12 , p. 19 , 16 Bidez, qu 'il est son
« disciple sans titre » ,
Julien et le milieu philosophique de son temps. Après ses études, Julien est
resté en relation avec le milieu philosophique. Sur l'invitation de Julien (Lettre
26 ),Maxime rejoignit son ancien élève à Constantinople, probablement au début
de 362 (Eunape, V . Soph. VII 4, 1, p. 48 Giangrande ; Ammien Marcellin XXII
7, 3; Libanios,Discours XVIII 155). Il ne quitta plus l'empereur, et l' accompa
gna lors de son expédition en Perse (Ammien Marcellin XXV 3, 23). Un autre de
ses maîtres, Chrysanthe, fut aussi appelé à faire partie de ses conseillers ; il se
déroba, bien que Julien ait tout essayé pour le faire venir, y compris d'écrire à sa
femmeMélitta (Eunape , V . Soph. VII 4, 4 - 8, et XXIII 2, 5- 6 Giangrande ); mais
il accepta de Julien la charge de grand -prêtre de Lydie ( ibid .).
Des liens étroits se sont établis entre Julien et Priscos d'Athènes. Après un
échange de lettres (voir Lettres 11, 12, 13), Priscos est sans doute venu voir
Julien en Gaule : on peut supposer que c'est de ce voyage que parle Libanios en
Discours XII 55. Retourné à Athènes, Priscos fut rappelé auprès de Julien empe
reur (Eunape, V. Soph. VII 4 , 7) qu 'il ne quitta plus. Comme Maxime, il accom
pagna Julien en Perse , et les deux philosophes étaient à ses côtés lors de ses
derniers moments (Ammien Marcellin XXV 3, 23).
Avec Thémistios Julien eut des relations plus distantes. La Lettre à Thémis
tios (6 , 259d - 260 a ) évoque des lettres écrites à Thémistios par Julien en un
moment où il craignait pour sa vie. Le texte est ambigu mais ne permet que deux
hypothèses sur la date de ces lettres : elles ont été envoyées soit de Milan , en
355 , avant le séjour de Julien à Athènes, soit de Constantinople , quelquesmois
plus tôt, avant une étape en Grèce sur la route de Milan. Julien prend soin de
souligner le ton digne et courageux de ces lettres,mais il n'est pas interdit de
penser qu'elles avaient pour objectif de persuader Thémistios d 'intervenir auprès
de l'empereur en sa faveur. Plus tard , une lettre adressée par Thémistios à Julien
à l'occasion de son avènement donna l'occasion au nouvel empereur de prendre
dans sa réponse (la Lettre à Thémistios) l'attitude d 'un néoplatonicien rigoriste
face à un partenaire trop pragmatique. Dans cette attitude, Julien a manifeste
972 IULIANUS I 46
ment forcé sa nature , et sa froideur affichée ressemble à une pose dictée par ses
maîtres, qu 'on a toutes les raisons de supposer hostiles à Thémistios. En tout cas,
Julien affirme dans sa lettre que l'exercice du gouvernement de l'Empire ne peut
s'accomplir qu'aux dépens de la vie théorétique, condition de la philosophie, et
que seul un philosophe achevé (ayant parcouru toute la discipline de l'éthique, y
compris la politique) est apte à représenter sur terre le dieu roi de l'univers.
Julien fut également en relations avec l'auteur du traité Des Dieux et du
Monde. Pour définir la qualité de ces relations, il faudrait savoir si cet auteur est
Saturninus Secundus Salutius, avec qui Julien entretint des rapports suivis et
chaleureux (il est le destinataire du texte appelé , selon la tradition , Lettre à
Saloustios, ainsi que des Césars et d 'Hélios Roi), ou s' il s 'agit de Flavius Sal
lustius, avec qui Julien eut des rapports moins personnels . Après des années de
controverse, on ne peut encore se prononcer avec une totale certitude : voir
50 J . M . Alonso -Núñez, « El César Juliano y el filósofo Salustio » , Helmantica
29, 1978 , p. 399-402; 51 R . Étienne, « Flavius Sallustius et Secundus Salutius» ,
REA 65, 1963, p 104-108 ; 52 G . Rinaldi, « Sull'identificazione dell'autore del
Ilepi Dewv xai xoouou » , Koinonia 2, 1978 , p. 117- 152 ; 53 J.L . Desnier,
« Salutius-Salustius» , REA 85, 1983, p . 53-65.
Julien correspondit aussi avec les philosophes Eustathe (» E 161] (Lettres 34 ,
35, 36 ) et Aristoxène (> A 415 ) (Lettre 78 , voir DPA I,415 ), ce dernier inconnu
par ailleurs. Des relations avec des philosophes de la ville d' Argos nommés Dio
gène ( D 140 ) et Lamprias sont attestées par la Lettre 198, qui a des chances
d' être authentique,malgré les doutes de J. Bidez. Les lettres (Lettres 192, 103,
195) aux philosophes Euclide (P + E 81), Eugène (PE 110 ) et Elpidios (2 E 17)
sont certainement apocryphes. Il en est de même pour les lettres à Jamblique et à
Sopatros (Lettres 181 à 187), éditées par Bidez et Cumont (46 ). On peut ajouter
à la liste des philosophes destinataires des lettres de Julien le nom du grand
prêtre Théodore , puisqu 'il fut apparemment élève de Maxime d'Éphèse (Lettre
89, p. 152, 2 -3 et 166 , 6-7 Bidez). Quant au Plutarque destinataire de la Lettre
153, il pourrait être un ascendant du scholarque Plutarque d'Athènes, mais ce
n 'est là qu 'une possibilité parmi d 'autres. Sur Eustathe, Aristoxène, Théodore et
Plutarque, voir les notices de Caltabiano 45, p . 42, 46, 52, 54 .
Enfin des relations de vive hostilité opposèrent Julien à certains philosophes
cyniques de son temps, dont certains sont nommément désignés par l'empereur
(Contre Héracleios 18 , 224 d) : Asclépiadès ( + A 443), Chytron (PC 122 ),
Sérénianos. Le plus vivement attaqué est évidemment Héracleios (2H 46 ), éga
lement connu d'Eunape (Histoires, fr. 25, 3 et 34, 2 Blockley). Le cynique mori
géné dans le Contre les chiens ignorants reste anonyme. En revanche, l'attitude
de Julien est plus compréhensive envers un autre cynique nommé Iphiclès
[2+ 1 24 (ibid. 16 , 198 a-b ), probablement le même que le philosophe Iphiclès
loué par Ammien Marcellin XXX 5, 8- 10 .
Iconographie philosophique. Pour d' évidentes raisons l'iconographie de
Julien est plus riche que ne peutnormalement l'être celle d'un philosophe. Les
spécialistes s'efforcent de dégager les convergences entre les représentations
I 46 IULIANUS 973
figurées de Julien et les éléments de son portrait physique fourni par Ammien
Marcellin (XV 8 , 16 ; XXII 2 , 5 ; 14 , 3 ; XXIV 4 , 22) . La présence ou l'absence
de barbe est un trait intéressant, puisque à l'époque de Julien le port de la barbe
était lié à la pratique de la philosophie. Julien dut attendre d'être le maître suprê
me pour afficher son choix de vie. Le passage, sur les monnaies, d'un Julien
imberbe à un Julien barbu se situe en 362. Les statues du Louvre le représentent
comme un intellectuel, un rouleau à la main .Mais des problèmes d 'identification
subsistent pour de nombreuses pièces de cette iconographie. Voir 54 L . Cohen ,
« Sur l'iconographie de Julien », dans Braun et Richer 23, p . 213-227, et 55 P.
Lévêque, « De nouveaux portraits de l'empereur Julien » , Latomus 22, 1963,
p . 74 -84 (trad. allemande dans Klein 22 , p. 305-317) ; 56 Helga von Heintze,
« Nordsyrische Elfenbeinstatuetten . Zu den Bildnissen des Kaisers Julian » , dans
O . Feld et Urs Peschlow (édit.), Studien zur spätantiken und byzantinischen
Kunst, Friedrich Wilhelm Deichmann gewidmet, Bonn 1986 , t. III, p. 31-41.
Épigraphie philosophique. Une inscription grecque célèbre en Julien un
empereur « dont le règne est un produit de la philosophie » (éx pilooopias
Baolevouta , OGIS 520), le reconnaissant ainsi comme élève des philosophes.
Une autre, latine celle-ci, va plus loin avec la mention filosofiae magistro (CIL
III, Suppl. 1, 7088 ).
Sur l'iconographie et l'épigraphie concernant Julien , voir 57 J. Arce Marti
nez, Estudios sobre el Emperador Fl. Cl. Juliano. Fuentes literarias, epigrafi
cas, numismaticas, coll. « Anejos de AEA » 8,Madrid 1984, 258 p.
(Les inscriptions de plusieurs de ses statues saluent également en Julien le philosophe et
l'empereur : ainsi, à Éphèse, I.Ephesos II (IK 12 ) 313 A et VII (IK 17 ) 3021 : virtutum omnium
magistro , philosophiae principi, venerando et piissimo imperatori; à Pergame, Inschr. von
Pergamon 633 : domino totius orbis, filosofiae magistro ; à Iasos, I.lasos I (IK 28, 1) 14 : Tòv
εκ φιλοσοφίας βασιλεύοντα. B . PUECH . ]
Julien dans l'histoire de la philosophie : le témoin. Julien compte parmi les
hommes qui, dans l'Antiquité tout au moins, ont le plus vivement exalté la
valeur de la philosophie. Elle est pour lui un objet de passion. « Je ne suis épris
que de philosophie » , déclare -t-il (Lettre à Thémistios 2, 254 b ). Mais il ajoute
aussitôt qu 'il n 'a pu assouvir cette passion . A plusieurs reprises il déclare qu'il
n 'a pu accéder à la qualité de philosophe (Éloge d ’Eusébie 13 , 120b ; Lettre à
Thémistios 12, 26d; Contre Héracleios 23, 235 a et c ; Misopogon 29, 359 a). Ce
sentiment est lucide. Julien n 'est jamais cité par les néoplatoniciens postérieurs.
Quoi qu'en dise l'inscription précitée, il n 'a pas été un maître . Il fut un élève,
mais un élève enthousiaste , et la jubilation avec laquelle il réemploie dans ses
écrits les connaissances acquises auprès de ses maîtres fait de lui un précieux
témoin de l'enseignement dispensé dans les écoles de Pergame et d'Éphèse .
Certains de ses développements reproduisent manifestement des « questions
de cours », tels ceux qui concernent les définitions de la philosophie et le détail
de ses subdivisions (Contre Héracleios 10, Contre les chiens ignorants 11,
190 a ): voir Bouffartigue 21, p. 554-561. Par ailleurs, au nombre de leurs men
tions et de leurs citations, on voit se détacher dans les écrits de Julien les trois
sources primordiales dont l'étude était reconnue par le néoplatonisme tardif
974 IULIANUS I 46
comme un accès progressif à la vérité : Aristote, Platon , et les Oracles Chaldaï
ques. Julien déclare lui-même que les thèses aristotéliciennes doivent être ratta
chées à celles de Platon et l'ensemble aux oracles rendus par les dieux (Mère des
Dieux 3 , 162c-d).
Pourtant, la teneur des citations d'Aristote et de Platon ne reflète aucune
disposition scolastique. Alors que de Porphyre aux néoplatoniciens tardifs la
tradition scolaire privilégie l'Organon , Julien semble ignorer à peu près complè
tement cette partie de l'æuvre d' Aristote . Du reste, la quasi-totalité de ses cita
tions d 'Aristote paraît être de secondemain , et mise à part peut-être la Politique,
aucune des cuvres du Stagirite ne paraît avoir rencontré chez Julien un intérêt
privilégié. Voir 58 D .Micalella, « La Politica di Aristotele in Giuliano Impera
tore » , dans Ricerche di filologia classica, t. III : Interpretazioni antiche e mo
derne di testi greci, coll. « Bibl. di studi antichi» 53, Pisa 1987, p .67-81, où l'on
accueillera toutefois avec circonspection l'affirmation selon laquelle Julien avait
une connaissance détaillée et directe du texte de la Politique.
Platon est l'auteur le plus souvent nommé par Julien , et le plus souvent cité
après Homère et la Bible. A différentes reprises, Julien fait montre d'une cer
taine capacité à soumettre le texte de Platon à un commentaire exégétique : c'est
probablement là un acquis de ses études philosophiques. Toutefois, le poids rela
tif des divers dialogues dans l' ensemble des citations de Platon ne reflète aucun
des programmes pédagogiques dont on connaît par ailleurs l'existence . Par les
degrés de familiarité qu 'il manifeste vis-à-vis des divers écrits de Platon , Julien
est plutôt proche d'un Plutarque de Chéronée, c'est-à -dire qu'il se présente
comme un homme cultivé qui place la philosophie au premier rang des valeurs
culturelles, mais qui a construit sa connaissance de Platon hors de tout appareil
scolastique connu . Dépourvu de compétence aristotélicienne et très petit lecteur
d' Aristote , Julien est au contraire un vrai lecteur de Platon, mais quelques détails
de ses écrits laissent penser que certains dialogues pourraient lui être inconnus et
que, de certains autres, sa lecture n 'a été que partielle. Son passage par les écoles
de Pergame et d 'Éphèse a suscité ou conforté chez lui un puissant intérêt pour
les æuvres de Platon ; il l'a convaincu d 'autre part qu 'Aristote constituait un des
fondements de la vérité philosophique, mais tout se passe comme si Julien
n 'avait pas suivi d 'enseignement sur programme consacré à Platon et Aristote ,
ou n'en avait reçu que des bribes.
En revanche, en se montrant informé du contenu d'un commentaire sur les
Vers d 'Or pythagoriciens (Contre Héracleios 20, 225d - 226b ; Contre les chiens
ignorants 15, 1950- 196 d ), et cela dans un contexte très imprégné de souvenirs
scolaires, Julien témoigne de ce qu 'il a reçu un enseignement propedeutique
fondé sur la lecture commentée de ce texte .
De même, il est possible de reconstituer avec une certaine probabilité les
conditions dans lesquelles Julien a pu connaître les Oracles Chaldaïques com
mentés par Jamblique : il a suivi quelques cours consacrés à ce programme, qui
l'ont passionné (Lettre 12, p . 19, 12-13 Bidez) ; plus tard, il a utilisé pour son
compte personnel (mais avec l'aide de Maxime et de Priscos présents à ses
I 46 IULIANUS 975
côtés) le commentaire écrit de Jamblique, notamment lors de la rédaction de la
Mère des Dieux.
Bien entendu, il a acquis à Pergame et Éphèse une masse d'informations sur
l'æuvre et la doctrine de Jamblique, qui l'ont enthousiasme : il se déclare « fou
de Jamblique » (Lettre 12 , p. 19, 12 -13 Bidez), et le proclame égal à Platon
(Hélios Roi, 26 , 146a). Il est toutefois impossible de trouver dans les écrits de
Julien des citations formelles de Jamblique, soit garanties par la tradition directe ,
soit recoupées par d'autres témoins.Les euvres de Jamblique utilisées directe
mentpar Julien ne sont pas parvenues jusqu 'à nous. C 'est le cas notammentpour
le traité ou la partie de traité qui lui a fourni l'essentiel de la doctrine qu 'il a
« mise en hymne » dans Hélios Roi. Il reste que l'on repère , essentiellement dans
les æuvres écrites par Julien en 362 à Constantinople , une foule d'éléments doc
trinaux et terminologiques hérités de Jamblique. Voir 59 R . E . Witt, « Iamblichus
as a forerunner of Julian », dans le recueil De Jamblique à Proclus, coll.
« Entretiens de la Fondation Hardt» 21, Vandæuvres-Genève 1974, p. 35 -64 .
Dans la tradition pédagogique néoplatonicienne,Maxime d'Éphèse semble
s'être singularisé en prévoyant un cycle d'études intégrant le cynisme ancien , en
partie idéalisé, aux philosophies de vérité: Julien en a tiré une admiration pour le
cynisme diogénien qui lui rend d'autant plus insupportables les cyniques
contemporains qui trahissent le modèle. De cette initiative pédagogique Julien
est pour nous un témoin précieux : voir 60 J. Bouffartigue, « Le cynisme dans le
cursus philosophique au IVe siècle : le témoignage de l'empereur Julien » , dans
M .-O .Goulet-Cazé et R . Goulet ( édit.), Le cynisme ancien et ses prolongements,
Paris 1993, p . 339-358.
Le témoignage de Julien ne permet pas de reconstituer avec sûreté l'ensemble
des programmes d'études proposés par les écoles qu' il a fréquentées,mais les
indications qu' il fournit restent très utiles. Ainsi sait-on grâce à lui que ces
études comportaient, à l'intérieur de la discipline de la « théologie » , une partie
initiatique et mystérique » (Contre Héracleios 11, 216b ), dite encore « philoso
phie initiatique et mystagogique» (ibid. 17 , 222d). Il apparaît que Julien a été
admis à suivre cet enseignement et que c'est dans ce cadre , sans doute , qu 'il a
entendu une exégèse des mythes d'Héraclès et de Dionysos ( ibid . 14- 16 ).
La difficulté que l'on éprouve à dresser un tableau cohérent du cursus pro
posé à Pergame et Éphèse n 'est pas due seulement à la relative imprécision de
Julien. Elle semble provenir également de ce que les deux écoles n 'étaient pas
alignées sur un modèle unique. A travers le reflet qu 'en produit Julien , l'ensem
ble formé par les proches successeurs de Jamblique que sont Eusébe, Chrysan
the,Maxime et Priscos paraît dynamique, inventif, multiple . Il s'agit bien , certes,
d 'une même école, qui rejette à l'extérieur les mauvais platoniciens (Contre
Héracleios 24, 237b ). Ces mauvais platoniciens sont essentiellement des disci
ples de Théodore d 'Asiné, auquel Julien fait une allusion dont la signification
n ' est pas claire. Dans la Lettre 12 , p . 19, 7-8 Bidez , il écrit à Priscos: « Que les
disciples de Théodore ne viennent pas te ressasser que Jamblique fut un ambi
tieux », mais la phrase commence par « je t'en supplie », comme si Julien crai
976 IULIANUS I 46
gnait une trop grande complaisance de Priscos. Que Priscos ait été ou non un
élément de liaison entre la lignée de Jamblique et celle de Théodore, il apparaît
que les maîtres de Julien ne cherchaientpas à barricader leur école contre toute
contestation de l'orthodoxie jamblichéenne : voir Bouffartigue 21, p . 351, 356 ,
357, 359.
Julien dans l'histoire de la philosophie: le penseur. Le destin n 'a pas laissé
à Julien le temps de bâtir uneouvre philosophique. Tout porte à croire que, s'il
avait vécu plus longtemps, cette æuvre eût été abondante . En un an et demi (fin
361 - début 363), il a publié six écrits auxquels peut s' appliquer l'adjectif
« philosophique», à savoir la Lettre à Thémistios, le Contre Héracleios, la Mère
des Dieux, le Contre les chiens ignorants, Hélios Roi et le Contre les Galiléens.
A la question « pourquoi a-t-il commencé si tard ? », on peut répondre qu 'investi
de l'autorité suprême (notamment religieuse , car il se prévaut en ce sens de sa
qualité de Grand Pontife : Lettres 88, p . 151, 6 ; 89, p . 166 , 14 - 15), il a songé à en
tirer parti, assuré que son message aurait de l' écho ;mais il est probable aussi
qu'il se sentit encouragé par la présence à ses côtés de Maxime et de Priscos
grâce à laquelle il pouvait vérifier ou compléter ses compétences philosophiques.
En tout cas, c'est à des travaux de débutant que l'on a affaire. Ce qui nuit à la
mémoire de Julien philosophe, c'est l'aspect doublement morcelé de sa
réflexion . D 'une part il disperse son attention sur des sujets assez divers qui ten
dent à dessiner l'image d 'un polygraphe; d 'autre part, à l'intérieur de ces mono
graphies, il lui est difficile de contraindre sa pensée à suivre une ligne ferme. La
philosophie de Julien est sans doute plus virtuelle qu'achevée, plus une promesse
qu'une réalité ; on en perçoit néanmoins certains contours et certaines tendances :
voir 61 J. C . Foussard, « Julien philosophe» , dans Braun et Richer 24, p. 189
212.
La philosophie de Julien , pour autant que son aspect fragmentaire et inachevé
permette d'en juger, est une philosophie pragmatique (la position radicale qu 'il
affiche dans la Lettre à Thémistios est isolée et de circonstance). Tout travail
philosophique, tout logos philosophique est chez lui subordonné à la recherche
d'un résultat. La recherche pure est ce qui l'intéresse le moins. Lamission de la
philosophie telle qu'il la conçoit est de fournir à ceux qui sont capables d 'en
comprendre le langage, etnotamment à une classe dirigeante formée d'Hellènes
cultivés, d'une part des règles morales – c'est la fonction du cynisme dans sa
version néoplatonisée - d'autre part des certitudes sur la nature et l'origine du
monde, des dieux et des hommes. Le cynisme dans sa version revue par les
maîtres néoplatoniciens de Julien fournit les bases d 'une éthique privilégiant les
valeurs de la raison , de la piété, de la simplicité . Les certitudes sur le réel sont
fournies par la discipline que Julien appelle la mystagogie et qui consiste à tirer
des écrits inspirés, philosophiques et poétiques, les révélations enseignant la
hiérarchie des êtres, la nature des dieux , le destin et les pouvoirs de l'âme. Quant
au savoir indispensable sur les hommes tels qu 'ils sont, il est fourni par des
études de nature encyclopédique, notamment par l'histoire, la géographie, la
médecine .
I 46 IULIANUS 977
Bien qu 'il révère Pythagore, Platon et Jamblique en tant quemaîtres de vérité,
et qu'il déclare sans ambiguïté qu'après Jamblique la philosophie n' a plus rien à
découvrir (Hélios Roi44, 157c-d), Julien ne considère pas que la tâche de la
philosophie est terminée, puisqu'il lui reste à vérifier que les textes inspirés
confirment les vérités énoncées par Jamblique. La philosophie de Julien, si elle
avait pu se développer, aurait sans doute consisté pour une large part en un tra
vail exégétique . L 'empereur s 'y est essayé non sans un certain succès dans la
Mère des Dieux. Dans Hélios Roi, il a tenté d'enrichir le modèle fourni par
Jamblique par quelques allégorèses de son crû.Mais de tous les domaines dans
lesquels l'exégèse est susceptible de dégager des connaissances, c'est la théolo
gie que Julien considère comme le plus digne d 'intérêt. On retrouve là encore
son souci d'efficacité. Plus que de toute science ou technè, c'est de la religion
que Julien attend le salut individuel et collectif. La philosophie instruit la théo
logie qui instruit la pratique religieuse dont le bon exercice sauve chaque fidèle,
mais aussi chaque cité et l'Empire romain tout entier. L 'effet le plus précieux de
la philosophie consiste donc à apprendre aux hommes comment ils peuvent
communiquer avec la divinité et s'unir à elle. Julien a entamé l' élaboration d'une
théologie dont les traits distinctifs sont assez nets. Il reconnaît trois niveaux de
divinité : au sommet l'Un/Bien , puis au -dessous les dieux intellectifs (voepoi),
enfin les dieux visibles et encosmiques, c'est-à-dire les astres.Mais il néglige
manifestement les premier et troisièmeniveaux pour consacrer toute sa réflexion
et toute sa dévotion au niveau intermédiaire . Les dieux qu 'il vénère et veutfaire
vénérer sont des dieux incorporels, recteurs de l'univers , providentiels et intéres
sés au salut de l'humanité. Le « roi» des dieux intellectifs, que Julien appelle
Hélios ou parfois Zeus, tend à les subsumer tous, mais l'empereur est fermement
attaché au maintien de tous les cultes existants ; en conséquence, même s' il
considère que les autres dieux du paganisme sont des expressions ou des mani
festations d 'Hélios-Zeus, il juge essentiel de leur conserver une individualité
irréductible. L 'entreprise théologique de Julien est restée inachevée,mais elle a
commencé à définir les fonctions particulières de chacun des dieux reconnus par
les polythéismes antiques. Parmi ces fonctions, on remarque celle de sauveur des
hommes assumée par Dionysos, Héraclès et Asclépios, trois dieux qui ont pris
une apparence charnelle et qui ont visité l'humanité. La connaissance théologi
que, répétons-le, n 'est pas gratuite pour Julien : elle est au service de la formela
plus élevée et la plus efficace de la religion , qui est la théurgie . Cette discipline
est exaltée par Julien ,mais ne fait de sa part l'objet d'aucune théorie. Ce que
l'on constate, c 'est que la théurgie est pour lui le couronnement de la philosophie
mais qu' elle est également accessible sans la philosophie , dont on voit bien ainsi
le rôle subordonné.
Enfin , les écrits de Julien le montrent lourd de conceptions, souventimplicites
ou mal conceptualisées, dans le domaine de l'anthropologie . Il est un des rares
penseurs de l'Antiquité à proposer l'ébauche d'une histoire rationnelle de l'hu
manité (voir 62 J. Sirinelli, « Julien et l'histoire de l'humanité » , dans Mélanges
E. Delebecque, Aix 1983, p . 363-377), ainsi qu'une tentative pour dresser de la
978 IULIANUS I 46

diversité humaine la carte mondiale (ou plutôt æcuménique, le monde connu


s'arrêtant pour lui aux frontières de l'Empire et à leur voisinage immédiat). Sa
position antichrétienne l'a mêmeamené à bâtir un modèle d'histoire de l'huma
nité destiné à faire pièce au modèle proposé par Eusébe de Césarée (voir Bouf
fartigue 21, p. 454-455) . Dans ces entreprises, au stade où nous les saisissons, il
fait euvre de créateur autant que de compilateur, et l'intérêt qu'il manifeste pour
les natures et les cultures humaines suffit à le faire ranger dans une catégorie de
philosophes que son contemporain Thémistios représente égalementde son côté.
Julien et Thémistios se veulent autre chose que des philosophes de pure
contemplation , et ont l'un comme l'autre des raisons de se poser la question du
philosophe au pouvoir. On ne s'étonnera pas de trouver chez Julien quelques
pages de philosophie politique, essentiellement dans le Second Éloge de
Constance et dans la Lettre à Thémistios; voir 63 J. M . Candau -Morón , « La filo
sofia politica de Juliano », Habis 17, 1986 , p. 87-96 , et 64 M . Mazza , « Filosofia
religiosa ed imperium in Giuliano » , dans 65 B . Gentili (édit.), Giuliano Impera
tore. Atti del Convegno della S .I.S . A . C . (Messina 3 aprile 1984 ), Urbino 1986 ,
p. 39- 108 .Là encore, on ne peut refuser à Julien une certaine marge d'autonomie
et de réflexion personnelle dans la façon dont il brasse des idées dont quelques
unes sont originales. En revanche, il n 'a pas pu soumettre à une véritable analyse
philosophique le problème de l' éducation , de la paideia, dont toutmontre pour
tant qu 'il y voit une des clés de la conservation et de l'évolution salutaire de
l'humanité. L 'æuvre de Julien exprime seulement dans ce domaine l'intérêt et
l'inquiétude d 'une conscience vivement sensible au problèmemais dont les aspi
rations contradictoires sont peu favorables à la construction d'une théorie.
JEAN BOUFFARTIGUE.
47 IULIANUS (Julien ) LE CHALDÉEN RE 8 DM II
" Philosophe” , père de Julien le Théurge (~ I 48). Il aurait écrit un traité Sur
les démons en 4 livres. Cf. Souda I 433 ; t. II, p. 641, 32-34 Adler.
RICHARD GOULET.
48 IULIANUS (Julien ) LE THÉURGE RE 9 MII
Fils de Julien le Chaldéen ( > I 47). Selon la Souda (I 434 ; t. II, p . 642, 1 - 3
Adler ), il aurait vécu sousMarc-Aurèle ( 161-180) et aurait entre autres composé
( 1) Osovprixá , (2 ) Teleotixá, ( 3) Abyla ol' énőv (Oracles en vers ), dans
lesquels il faut reconnaître les fameux Oracles chaldaïques.
« C 'est celui-là qui, dit-on , un jour que les Romains mouraientde soif, subi
tement fit produire des nuages, se lever une tempête, tomber une pluie violente
avec des coups de tonnerre accompagnés d'éclairs ; et cela Julien l'accomplit par
le moyen d'un certain savoir. D 'autres disent que c'est Arnouphis (2 - A 419), le
philosophe égyptien , qui a opéré ce miracle » (trad. Saffrey). 1 H . D . Saffey,
« Les Néoplatoniciens et les Oracles chaldaïques» ,REAug 27, 1981, p. 209-225,
a montré l'origine de cette légende. D 'autres miracles analogues du magicien
Julien sont rapportés par Anastase le Sinaïte , Quaestions et responsiones, n° 20 ,
I 48 IULIANUS LE THÉURGE 979
PG 89, col. A -B ; Sozomène, Hist. eccl., p. 40, 8-9 Bidez-Hansen (GCS 50 ,
1960) ;Michel Psellus, A ceux quiavaient demandé combien il y a de genres de
discours philosophiques, passage cité par Éd. des Places, dans son édition des
fragments des Oracles chaldaïques, CUF, Paris 1971, p. 222.
Plus loin (p. 218 sqq.), H .D . Saffrey traduit et commente un passage de
Psellus – vraisemblablement emprunté au commentaire de Proclus sur les Ora
cles -, qui raconte que le père de Julien , « au moment où il était sur le point de
l'engendrer, demanda au dieu Rassembleur de l'univers une âme archangélique
pour l'existence de son fils, et une fois né, il le mit au contact de tous les dieux et
de l'âme de Platon , qui partage l'existence d' Apollon et d 'Hermès, et par le
moyen de l'art hiératique, il l'éleva jusqu 'à l'époptie de cette âme de Platon
pour pouvoir l'interroger sur ce qu 'il voulait » (trad. Saffrey). Doué d'une âme
aussi élevée, capable d 'interroger Platon dans une vision immédiate , Julien- fils
pouvait ainsi servir de médium pour obtenir des révélations. « Nous tenons alors
toute l'explication du caractère platonicien de certains de ces Oracles Chal
daïques » (Saffrey 1 ,p .219 ).
Cf. 2 W . Kroll, art. « Iulianus» 9 , RE X 1, 1918, col. 15 -17 ; 3 C . Van
Liefferinge, La Théurgie, des Oracles Chaldaïques à Proclus, coll. « Kernos -
Supplément» 9, Liège 1999, p. 15 -16 .
RICHARD GOULET.
IULIUS CAESAR→ CAESAR
IULIUS + AGRICOLA (IULIUS -)
IULIUS → ALEXANDER (IULIUS -)
IULIUS- AMYNIAS (C . I.) DE SAMOS
IULIUS→ AQUILINUS (IULIUS -)
IULIUS→ ASCLEPIADES ( IULIUS -)
IULIUS + BASSUS ( IULIUS)
IULIUS CANUS ( IULIUS -)
IULIUS → EUMELUS (M . IULIUS -)
IULIUS → GRAECINUS(IULIUS -)
IULIUS → ISIDORUS (IULIUS -)
IULIUS IULIANUS (IULIUS -)
IULIUS + NICETAS (IULIUS -)
IULIUS PHILARETIDAS (IULIUS -)
IULIUS POLLUX (IULIUS -)
IULIUS — PYTHAGORAS (IULIUS -)
IULIUS ROGATIANUS (IULIUS -)
IULIUS + RUFUS (T. IULIUS -)
980 JUNCUS I 49

IULIUS SABINUS (C. IULIUS -)


IULIUS + THEON ( C . IULIUS -)
IULIUS→ ZOSIMIANUS (IULIUS -)
49 IUNCUS RE 1 II ?
A . Stobée, Anthologie IV , cite quatre longs fragments extraits d'un dialogue
Sur la vieillesse d ' un certain luncus: [A ] IV 50a, 27 (p . 1026 , 10 - 1031, 13
Hense) ; [B ] IV 506, 85 (p. 1049,11- 1052, 16 ) ; [C ] IV 50c, 9 < 5 > (p. 1060, 10
1065, 11) ; [D ] IV 53, 35 (p. 1107, 16 - 1109,18). Le nom apparaît également
dans la liste des philosophes cités par Stobée dressée par Photius, Bibl. cod. 167
(t. II, p. 156 , 4 Henry).
Cf. 1 W . Kroll, art. « luncus » 1, RE X1, 1918 , col. 953-954 ; 2 R . Hirzel, Der
Dialog, t. II, Leipzig 1895, p. 252 sqq. ; 3 J. A . A . Faltin , Die luncus- Fragmente
bei Stobaeus, Diss. Freiburg im Br. 1910, 64 p .; 4 F . Wilhelm , Die Schrift des
luncus trepi mpws und ihr Verhältnis zu Ciceros Cato maior, Progr. Breslau
1911, 20 p. (« Beilage zum Jahresbericht des königlichen König -Wilhelms
Gymnasiums zu Breslau » ); 5 A . Dyroff, « Junkos und Ariston von Keos über
dasGreisenalter» , RAM 86 , 1937, p. 241-269; 6 A . Dyroff, Der Peripatos über
das Greisenalter, coll. « Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums» 21 ,
3, Paderborn 1939, p. 136 sq.; 7 J. H . Oliver, « Philosophers and Procurators,
relatives of the Aemilius Juncus of Vita Commodi 4, 11 » , Hesperia 36 , 1967, p .
42-56 ; 8 Id., « The Diadochê at Athens under the humanistic Emperors» , AJPh
98, 1977, p . 170-171.
L 'ouvrage se présentait comme un dialogue ou plus exactement un débat
oratoire (agôn : 1030, 14 ) entre deux intervenants devant un auditoire (TÕV
napovtov, 1030 , 13). Il faut sans doute lire les fragments dans l'ordre suivant:
[ B ] attaques contre la vieillesse adressées par le plus jeune au plus âgé
(p. 1049, 12 - 1050 , 1; p. 1028, 8-9 qui renvoie à 1051, 1 sq. ; p. 1028, 19 - 1029, 1
qui renvoie à 1051, 10 ; p. 1030 , 11- 12 qui renvoie à 1050 , 8) des deux orateurs,
[C ] défense de la vieillesse du point de vue de la tradition (" sages antiques” :
p. 1060, 13), ( A ) opinions personnelles en faveur de la vieillesse, (D ) la
vieillesse et la mort. Des passages des sections ultérieures renvoient aux objec
tions déjà formulées par l'adversaire (par exemple, p. 1027, 21-22). Les deux
orateurs ne sont pas explicitement présentés comme des philosophes, mais le
second reconnaît au premier une culture philosophique (p. 1108, 11-12) et se
présente lui-même comme le disciple d ’un philosophe (p . 1062, 5) dont il rap
porte l'enseignement oral sur la vieillesse (p . 1065, 10). Il évoque par ailleurs le
discours philosophique comme « un guide, un gardien , une richesse et une
lumière » (p . 1028, 16 -18 ). Les points de vue philosophiques exprimés en faveur
de la vieillesse ne sont pas attribués formellement à une école particulière. On
devine ici une pointe anti-épicurienne (“ les plaisirs admirés par certains” ,
p . 1108, 18 ), là affleure une terminologie stoïcienne ( opuń, opetiç, p . 1027, 8 ;
destructibilité du monde dans le feu et l'eau, p. 1108, 9 ),mais les allusions pla
toniciennes (l' ancien qui se trouve " au soir de sa vie” , p . 1028, 12-13 (comp.
I 49 IUNCUS 981
Lois VI, 770 a) ; mythe du jugement des âmes, p . 1109, 11-18) et quelques
détails doctrinaux (“ la partie irrationnelle et appétitive de l'âme” , p. 1027, 10,
par opposition à la partie rationnelle , p. 1027, 11; la mort comme séparation de
l'âme et du corps, p . 1050 , 15- 16 (comp. Gorg. 524 b ; Phédon 67 d ), prédisposi
tion du vieillard à devenir "semblable à Dieu” , p . 1064 , 4 ; 1027, 1- 3 ; 1027, 20 )
permettent de rattacher le second orateur au platonisme. On ne relève pas d'in
dice autorisant une datation du document, ni une localisation géographique du
débat. Rien ne s'oppose à ce que l'auteur ait vécu à Athènes à l'époque d'Ha
drien , comme invite à le supposer un rapprochement avec L . Aemilius Iuncus,
consul suffect en 127 et gendre de T . Varius Cailianos (24C 9 ), “ diadoque” vrai
semblablementplatonicien (voir Oliver 8 ).
Des rapprochements étroits ont été repérés avec le De Senectute de Cicéron.
Faltin 3, qui situait l'ouvrage de Juncus au début du IIe siècle de notre ère, a
voulu les expliquer par une commune dépendance à l'égard du traité d'Ariston
de Céos Sur la vieillesse ( A 396 ), connu par Cicéron , De senectute 1, 3 ( fr. 12
Wehrli). Dyroff, qui avait déjà signalé l' arrière-plan péripatéticien de l'argumen
tation (Dyroff 5 ), a même envisagé (Dyroff 6 , p . 136 sqq.), de façon peu cré
dible , que le nom lounkos soit une corruption de louliètos, ethnique d ’Ariston
(selon Diogène Laërce VII 164). Mais le thème avait été traité par bien d'autres
auteurs, notammentpar Théophraste (D .L . V 43).
Il n'existe pas de traduction moderne complète de l'ensemble des fragments.
On trouvera cependant une traduction anglaise du fragment (C ) dans Oliver 8,
p. 173-175 et du fragment (A ) dans Oliver 7, p. 54-56 .
RICHARD GOULET.
B . Comme l'a vu Oliver 7, p . 42-56 , et Oliver 8, p . 170-171, le philosophe
luncus, auteur du lepi ynows, est certainement identique au consulaire Aemi
lius Iuncus (PIR2 A 355), gendre du diadoque athénien T . Varius Cailianos
(2C 9 ). Il était établi à Athènes et appartenait au dème de Gargettos ; sur
l'interprétation des inscriptions athéniennes relatives à luncus et à ses proches,
voir 9 L . Robert, BE 1968, 226 , et 10 D . Peppa-Delmouzou , ArchDelt 25, 1970 ,
p. 194. Plusieurs générations successives de la même famille furent représentées
au sénat et leur distinction dans les différents catalogues prosopographiques est
sujette à caution (elle est à revoir en fonction de l' élément nouveau apporté par
une inscription de Tabala publiée par 11 H .Malay, « Letters of Pertinax and the
Proconsul Aemilius Juncus » , EA 12 , 1988 , p. 47 -52 ). D 'après l'analyse de cer
tains passages du lepimpws, proposée par Oliver 7 et 8, le traité pourrait dater
de l'époque d 'Hadrien . Il faut dans ce cas identifier le philosophe au premier en
date des sénateurs connus dans cette famille , le consul de 127, corrector en
Achaïe sous Hadrien : voir 12 H . Halfmann , Die Senatoren aus dem östlichen
Teil, coll. « Hypomnemata » 58 , Göttingen 1979, nº 55 . Il devintpar la suite pro
consul d' Afrique ou d'Asie, mais ne peut être identique au proconsul d'Asie
homonyme de 193/4 (cfMalay 11) : celui-ci était probablement son petit- fils .
BERNADETTE PUECH.
982 IUNIOR PHILOSOPHUS I 50
50 IUNIOR PHILOSOPHUS RE 3 MIV
Personnage inconnu , peut-être même fictif, auquel est attribué un ouvrage
géographique intitulé Descriptio totius mundi, qui constitue avec l'Expositio
totiusmundi (v. infra) une riche source d'informations sur la vie économique et
sur l'histoire événementielle du IVe s.
En réalité , le nom de « Iunior philosophus» sert à désigner non pas l'auteur de
ce bref ouvrage de géographie descriptive, mais le traducteur ou,mieux , l'adap
tateur d 'un original grec perdu, qui a pu être écrit à Antioche ou à Alexandrie
vers 350 . De cet original grec, æuvre d 'un auteur Oriental inconnu sans doute
d'origine mésopotamienne ou syrienne, il existe deux versions latines : une
recension longue, intitulée Expositio totiusmundi et gentium , qui pourrait avoir
été faite au début du Vie s., peut-être à Vivarium (cf. infra Rougé 3, p. 102 - 103 ),
et une recension un peu plus récente et plus courte , la Descriptio totius mundi.
Iunior serait donc responsable de la seconde recension, si l'on en croit la men
tion qui figure en tête desmanuscrits: « incipit liber Iunioris philosophi in quo
continetur totiusmundi descriptio » .
La recension longue ou Expositio a été publiée pour la première fois à
Genève, en 1628 , par le grand érudit protestant Jacques Godefroy, qui n 'a pas
fondé son édition sur un manuscrit ancien , mais sur l'apographe d 'un ms.
aujourd 'hui disparu, réalisé par François Juret et communiqué à J. Godefroy par
Claude Saumaise. La recension brève, longtemps oubliée, a été redécouverte au
XIXe s. (son existence avait toutefois été déjà signalée par Mabillon et par
Razan ).
Éditions. 1 Angelo Mai, Classici auctores e Vaticanis codicibus editi, III,
Roma 1831, p . 385-409 : éd. princeps, établie sur la base du manuscrit Cavensis
3 , fol. 391-397', datable du XIe s.; ce manuscrit, écrit en écriture bénéventine,
est l'un des rares produits du scriptorium de l'abbaye bénédictine de la Sainte
Trinité , à Cava dei Tirreni (Salerno ). 2 C .Müller, Geographi graeci minores, II,
Paris 1861, XLIX -LI et 513-528, qui a découvert et utilisé le manuscrit Paris. gr.
7418 , fol. 262 - 268' (XIVe s.). L 'édition de référence est aujourd 'hui celle de
Jean Rougé : 3 Expositio totius mundi et gentium , Introd., texte critique, traduc
tion, notes et commentaire par J.R ., coll. SC 124 (série annexe de textes non
chrétiens), Paris 1966 , 382 p ., 2 index, cartes : cette édition utilise pour la
première fois, outre les deux mss déjà connus, un troisièmems.,Madrid A 16 ,
19 (XII° s.), fol. 1900-201. Dans ces trois manuscrits , la Descriptio figure ,
évidemment, parmi d'autres ouvrages dont l'ensemble constitue un florilège
d'euvres antiques ou du haut Moyen Âge. Le surnom de Iunior étant fréquent
dans l'onomastique ancienne, et l'identité de l'auteur que ces manuscrits
appellent Iunior restant très floue, Rougé 3, Introd. p. 127, a émis l'hypothèse
suivante : « Tout comme l'Expositio , la Descriptio a de fortes chances d'être un
produit de Vivarium . Par la suite le compilateur du florilège, ayant les deux
versions à sa disposition , aurait choisi la version la plus courte , peut-être parce
que moins entachée de paganisme, et devant l'absence de nom d'auteur aurait
151 IUSTINUS 983
inventé le Tunior philosophus pour indiquer qu 'il choisissait le texte le plus
récent. »
JEAN -MARIE FLAMAND .

IUNIUS + ARULENUS RUSTICUS ( IUNIUS -)


IUNIUS — BRUTUS (IUNIUS -)
IUNIUS → FUFICIUS (IUNIUS -)
IUNIUS + GALLIO ( IUNIUS -)
IUNIUS + MAURICIUS (IUNIUS -)
IUNIUS → TORQUATUS (L . I. SILANUS)
51 IUSTINUS (Justin ) RE 11 II
Apologiste chrétien du II° siècle . Épithètes traditionnelles: " le Philosophe” (sa
profession ), “Martyr” (il a subi lemartyre, probablement en 165 ). Sa biographie
est mal connue. Il est né païen à Flavia Neapolis (Palestine). Le prologue de son
Dialogue, sous la mise en forme littéraire , laisse supposer qu 'il a expérimenté
dans sa jeunesse les diverses écoles philosophiques ; sa conversion au christia
nismeest aussi conversion à la philosophie : il vit en philosophe itinérant. Arrivé
à Rome sous Antonin le Pieux (138- 161), il y fonde son école et se heurte à
l'hostilité du philosophe cynique Crescens (RC211).
Répertoires bibliographiques . 1 A . Davids, Iustinus Philosophus etMartyr.
Bibliographie 1923- 1973, Nijmegen 1983,48 p. index (535 items) ; 2 J.Morales,
« La investigación sobre San Justino y sus escritos » , ScrTheol 16 , 1984, p. 869
896 .
Euvres perdues. Nombreuses, et importantes par leur influence sur la théo
logie qui va suivre ( Théophile d 'Antioche, Tertullien ), elles sont attestées soit
par Justin lui-même, soit pardes auteurs postérieurs .
(1) Eúvtayua xatà naoőv tõv yeyevnuévwv aipédewv, Traité contre
toutes les hérésies (Justin , 1re Apol. 26 , 8 ; Eusébe, Hist. ecclés. IV 11, 10) ;
(2) Ipós Mapxiwva ouvrayua, Traité contre Marcion ( Irénée IV 6, 2 ;
Eusébe, IV 11, 8 ; 18, 9) ;
(3) Aóyos npòs "Elinvas, Discours aux (contre les ?) Grecs (Eusèbe, IV
18, 3) ;
(4 )" Emerxos, Réfutation (contre lesGrecs, Eusébe,IV 18 , 4 );
(5) Hepi DeoŨ Movapxias, Sur la monarchie de Dieu (Eusèbe, ibid .);
(6) Ilepi puxñs, Sur l'âme (de nature doxographique, Eusèbe, IV 18 , 5).
Euvres conservées, qui sont les deux Apologies et le Dialogue avec Try
phon. Parmi les éditions globales, on se bornera à mentionner celle , toujours
indispensable , du 3 Corpus Apologetarum Christianorum Saeculi Secundi de I.
C . Th . de Otto , t. I, Iustinus Philosophus etMartyr, pars I, Apologia I & II (Ienae
31876 , 1re éd. 1842), pars II, Dialogus cum Tryphone Iudaeo (lenae 31877). A
984 IUSTINUS 151
quoi il faut toujours joindre 4 E . J. Goodspeed, Index Apologeticus, Leipzig
1912 , pour le vocabulaire de Justin (et des principaux apologistes du IIe siècle ).
LES APOLOGIES
Éditions : 5 L . Pautigny, coll. « Textes et Documents pour l' étude historique
du christianisme» 1 , Paris 1904 (avec trad . française ) ; 6 A . Wartelle , Paris 1987
(avec trad . française) ; 7 Ch . Munier, coll. « Paradosis » 39, Fribourg (Suisse)
1995 ; surtout 8 M . Marcovich, coll. « Patristische Texte und Studien >> 38 ,
Berlin /New York 1994.
Leur dualité même fait problème, et doit reposer sur une description confuse
d 'Eusébe, IV 18, 2 . On pense aujourd 'hui que le texte dit 2e Apol. est seulement
un appendice ajouté à la 1re, quand on ne va pas jusqu'à rejeter l'authenticité de
la 2 , cf. 9 R . Weijenborg, « Überlieferungsgeschichtliche Bemerkungen zu der
Justin dem Märtyrer zugeschriebenen Apologia Secunda» , dans Fr. Paschke
(édit.), Überlieferungsgeschichtliche Untersuchungen, coll. TU 125 , Berlin
1981, p. 593-603.
Quoi qu 'il en soit, cette æuvre est un document de premier ordre pour l' atti
tude de l'auteur devant la culture philosophique et surtout religieuse desGrecs. Il
n 'est pas impossible d'ailleurs qu' elle ait, dans sa composition d 'ensemble et
pour quelques détails, rapport au dialogue platonicien de même titre, cf. 10 J.-C .
Fredouille , « De l’Apologie de Socrate aux Apologies de Justin », dans Autour de
Tertullien, Hommage à R . Braun , t. II = Public. de la Fac. des L. et Sc. hum . de
Nice, 56 , 1990, p . 1-22. Pour l'attitude vis-à -vis de la culture grecque, 11 Ch.
Munier, L 'Apologie de saint Justin , philosophe etmartyr, coll. « Paradosis » 38,
Fribourg (Suisse) 1994 .
Une idée originale et fondamentale de l'Apologie est que le Logos chrétien
était à l'æuvre avant même son incarnation , et sous une forme dite “ séminale ”
(onepuatixos óyos ) inspirait non seulement les prophètes juifs, mais les sages
grecs, Socrate , Platon et les autres: il y avait là , dans le sens de la profondeur et
de l'universalisme, une alternative à l'argument apologétique banal du “ vol"
commis par les païens aux dépens des Écritures juives, cf. 12 J. Pépin, « Christia
nisme et mythologie. Jugements chrétiens sur les analogies du paganisme et du
christianisme» , dans, du mêmeauteur, De la philosophie ancienne à la théologie
patristique, coll. « Collected Studies Series » , London 1986 , nº VIII ; d'autre
part, Justin , ainsi, coupait court à l'argument antichrétien que Celse et Porphyre
allaient tirer de l'avènement tardif de l’Incarnation. Ce thème du spermatikos
lógos a fait l'objet de travaux importants : 13 R . Holte, « Logos Spermatikos.
Christianity and Ancient Philosophy according to St. Justin 's Apologies» , Studia
theologica, 12, 1958, p. 109- 168 ; 14 J. H . Waszink , « Bemerkungen zu Justins
Lehre vom Logos spermatikos» , dans Mullus, Festschrift Th. Klauser = Jahrb. f.
Antike und Christentum , Ergänzungsbd. 1, Münster Westfal. 1964, p . 380- 390 .
Voir aussi 15 C . J. De Vogel, « Problems concerning Justin Martyr. Did Justin
find a certain continuity between Greek philosophy and christian Faith ?» ,Mne
mosyne 31, 1978, p . 360-388.
151 IUSTINUS 985
LE DIALOGUE AVEC TRYPHON
Édition : 16 G . Archambault, coll. « Textes et Documents ...» 8 et 11, Paris
1909, 2 vol. (avec trad. française).
La première apologie chrétienne contre les Juifs. La mise en scène littéraire
est évidente , mais il se peut qu 'elle ait pris appui sur des conversations réelle
ment tenues avec un rabbin (Rabbi Tarphon ?), et qu'Eusebe (IV 18 , 6 ) situe à
Éphèse.
Dans le prologue de cet ouvrage, Justin décrit, selon un procédé courant dans
l’ Antiquité profane et chrétienne, sa quête de la vraie philosophie ; c' est pour lui
l'occasion de présenter un panorama des différentes écoles de l' époque (cha
pitres 1 à 9 ). Ce document d'histoire de la philosophie a suscité beaucoup d'inté
rêt dans les dernières décennies, comme on peut le voir dans les travaux sui
vants : 16 W . Schmid, « Frühe Apologetik und Platonismus. Ein Beitrag zur
Interpretation des Proöms von Justins Dialogus» , dans EPMHNEIA . Festschrift O .
Regenbogen , Heidelberg 1952 , p . 163-182 ; 17 N . Hyldahl, Philosophie und
Christentum . Eine Interpretation der Einleitung zum Dialog Justins, coll. « Acta
Theologica Danica » 9 , Kopenhagen 1966 ; 18 J . C . M . Van Winden , An Early
Christian Philosopher. Justin Martyr's Dialogue with Trypho, Chapters One to
Nine, coll. « Philosophia Patrum » 1, Leiden 1971 (excellent commentaire cursif
du texte ) ; 19 R . Joly, Christianisme et philosophie. Études sur Justin et les Apo
logistes grecs du deuxième siècle, Bruxelles 1973, p . 9 -74 ; 20 J. Pépin , « Prière
et providence au 2e siècle ( Justin , Dial. I 4 ) » , dans Images ofMan in Ancient
and Medieval Thought,Mélanges G . Verbeke, Louvain 1976, p . 111-125, repris
dans De la philosophie ancienne à la théologie patristique cité plus haut, nº X ;
21 J.C . M . Van Winden, « Le portrait de la philosophie grecque dans Justin ,
Dialogue I 4 -5 » , VChr 31, 1977, p . 181- 190 .
LE PLATONISME DE JUSTIN
Bien que la thèse adverse ait ses défenseurs, il est peu probable que Justin ait
eu un accès direct et plénier aux dialogues de Platon : ce n 'était pas, sauf excep
tions, l'habitude de l' époque ; la méconnaissance de ce fait de culture dévalue en
partie l'ouvrage, par ailleurs très méritant, de 22 J. M . Pfättisch , Der Einfluss
Platos auf die Theologie Justins des Märtyrers. Eine dogmengeschichtliche
Untersuchung, coll. « Forschungen zur christl. Literatur- und Dogmen
geschichte » 10 , 1, Paderborn 1910 . De Platon , Justin connaît en fait surtout les
passages que les platoniciens de son temps (les «moyens platoniciens» ) choisis
saient pour illustrer leur interprétation spécifique du platonisme; l' attention a été
attirée sur ce point notamment par l'article pionnier de 23 C . Andresen, « Justin
und der mittlere Platonismus», ZNTW 44 , 1952/53, p. 157- 195.
Une fois le principe acquis, on ne manqua pas d'en découvrir de nouveaux
indices, et de souligner l'influence probablement exercée sur Justin par tel ou tel
philosophe médio -platonicien, notamment Numénius. Ainsi 24 É . des Places,
« Platonisme moyen et apologétique chrétienne au 11° siècle ap. J.-C . Numénius,
Atticus, Justin » , dans Studia Patristica XV 1,coll. TU 128, Berlin 1984, p . 432
986 IUSTINUS 151
441 (Numénius est alors daté de la 1re moitié de ne siècle ). Dans le même sens,
25 M .J. Edwards, « On the Platonic Schooling of Justin Martyr» , JTHS 42 , 1991,
p. 17-34 .
Andresen semble avoir eu la main moins heureuse avec son ouvrage 26 Logos
und Nomos. Die Polemik des Kelsos wider das Christentum , coll. « Arbeiten zur
Kirchengeschichte » 30 , Berlin 1955. La thèse soutenue là était que le polémiste
antichrétien Celse eut une connaissance directe de l'œuvre de Justin , d'où la
conclusion que la " philosophie de l'histoire" du premier ne provient pas du
moyen platonisme, mais ne s'explique que si elle est une réponse à la théologie
du Logos du second . Cette perspective, déjà refusée par 27 J. H . Waszink dans sa
recension de 28 en VChr 12, 1958, p. 166 - 177, fut plus complètementrejetée par
29 G . T . Burke,« Celsus and Justin : Carl Andresen Revisited » , ZNTW 76 , 1985,
p . 107- 116 ; reprenant un à un les principaux exemples de correspondance allé
gués par Andresen entre les deux auteurs , Burke s 'efforça de les démonter pour
les réduire à la commune influence du moyen platonisme.
LES OUVRAGESMIS SOUS LE NOM DE JUSTIN
Ils sont en nombre considérable , et de nature assez différente. Un groupe
important pour l'histoire de la philosophie réunit quatre recueils intitulés
Quaestiones et responsiones ad orthodoxos, Quaestiones christianorum ad gen
tiles, Quaestiones Graecorum ad christianos et Confutatio dogmatum quorum
dam aristotelicorum (à lire dans l'édition 3 Otto, t. III, partes I et II : 30 Opera
Iustini subditicia (lenae 31880-81), ou, à défaut, en PG 6 , Appendix ); à l' évi
dence, ils ne proviennent pas de Justin , mais semblent remonter tous à un même
auteur, proche de la Syrie et vivant au début du Ve siècle (on a pensé, sans argu
ments suffisants, à Diodore de Tarse, à Théodoret de Cyr). Sur cet important
genre littéraire, cf. 31 L . Perrone, « Il genere delle Quaestiones et responsiones
nella letteratura cristiana antica fino ad Agostino » , dans « De diversis quaestio
nibus octoginta tribus » . « De diversis quaestionibus ad Simplicianum » di
Agostino d 'Ippona . Commento di L . Perrone, J. Pépin , F. Cocchini, Ch. Fabrizi,
E . Kraleva e M . G . Mara , coll. « Lectio Augustini – Settimana Agostiniana
Pavese » 12, Roma 1996 , p. 11-44.
Du moins à première vue, le cas serait tout autre pour trois æuvres également
conservées et attribuées à Justin , intitulées respectivement dans l'édition Otto 3,
t. II: 32 Opera lustini addubitata (lenae 31879 ), Oratio ad gentiles (Ilpos
" Erinvac), Cohortatio ad gentiles (Abyog napalveTIXÒÇ Após " Exnvas),De
monarchia (Ilepi uovapxiac); on en verra l'éd. récente par 33 M . Marcovich ,
coll. « Patristische Texte und Studien » 32, Berlin /New York 1990. La singularité
de ces titres est qu 'ils ressemblent d'assez près à ceux de trois ouvrages perdus
de Justin , qui ont été évoqués au début de cette notice; mais l' analogie s'arrête
au titre , et ce qu'Eusébe dit du contenu de ces ouvrages perdus ne s' accorde
nullement à celui des trois opera addubitata que nous lisons.
Une attention spéciale doit être portée au plus long et important d'entre eux ,
la Cohortatio ad gentiles ou ad Graecos. L 'auteur s'en prend aux poètes et aux
151 IUSTINUS 987
philosophes de la Grèce classique, accusés , pour le peu qu'ils disent de vrai,
d 'avoir plagié Moïse et les prophètes juifs ; telle est la théorie célèbre du “ larcin ”
(furta Graecorum ), qu'auraient commis les Grecs aux dépens des Juifs regardés
comme les ancêtres légitimes des chrétiens. Le but visé par ce pseudo-Justin est
de discréditer la philosophie ancienne; on a vu plus haut que le véritable Justin ,
avec son explication par le Lógos spermatikos, servait une intention tout autre . Il
faut lire dans cette perspective les chap. 29 et 30 de la Cohortatio , soutenant que
la doctrine platonicienne des Idées, de la création du monde et de l'homme tra
vestit, sans les comprendre, les enseignements de Moïse ; voir 34 M . Simonetti,
« In margine alla polemica antiplatonica della Cohortatio ps. giustinea », dans
Scritti in memoria di Angelo Brelich, coll. « Religioni e civiltà » 3 , Bari 1982,
p. 577-589. Pour artificiels que soient ces efforts réductionnistes, ils sont parfois
pour l'auteur l'occasion de livrer des données doxographiques intéressantes, sur
quoi cf. 35 L . Alfonsi, « Traces du jeune Aristote dans la Cohortatio ad Gentiles
faussement attribuée à Justin », VChr 2, 1948, p.65-88.
Cependant, notre connaissance de cet opuscule a été totalement renouvelée il
y a peu de temps avec la thèse de 36 Chr. Riedweg, Ps.- Justin (Markell von
Ankyra ?) ad Graecos De vera religione (bisher “ Cohortatio ad Graecos”), Ein
leitung und Kommentar, coll. « Schweizerische Beiträge zur Altertumswissen
schaft » 25/ 1-2 , Basel 1994, 711 p. Le premier de ces deux vol. expose la
perspective d 'ensemble de l'auteur, où l'on doit relever les points suivants .
Riedweg ne croit pas authentique le titre traditionnel de Cohortatio ad Graecos
= en grec Aoyoç TapaLVETIXÒS após " EMnvas ; car, dans la rhétorique ancien
ne, le discours parénétique s'adresse à des auditeurs dont les règlesmorales sont
celles mêmes de l'auteur, qui les engage seulement à s'y perfectionner; ici au
contraire, c 'est un chrétien qui veut convertir à sa croyance un auditoire païen.
D 'autre part, la formule ημίν ο περί της αληθούς θεοσεβείας πρόκειται
Nóyos se lisant au début du texte , Riedweg suppose là une reprise partielle du
titre , dont la totalité pouvait être Ad Graecos de uera religione.
La date de la Cohortatio avait donné lieu jusqu'ici aux hypothèses les plus
divergentes, cf. p . ex. 37 R . M .Grant, « Studies in the Apologists, II : The Cohor
tatio of Pseudo-Justin », dans HTER 51, 1958, p. 128 -134 . Le principe de travail
réside dans la mise en lumière des auteurs qui ont inspiré le texte ou s'en sont
inspirés. Déjà Simonetti 34 avait exploité à cette fin l'influence probable de
Clément d 'Alex., Strom . V 93 , 4 sur les chap . 29 et 30 de l'opuscule. Riedweg
(qui, p. 457, invoquerait dans ce dernier cas plutôt la lecture directe de Philon)
resserre l' intervalle en montrant que le ps.-Justin doit avoir lu Porphyre , et
d' autre part inspiré le Contra Julianum de Cyrille d 'Alexandrie , ce qui situerait
son Ad Graecos approximativement entre la période de l'activité littéraire de
Porphyre (environ 250- 310) et la date de l'ouvrage polémique de Cyrille (autour
de 440).
S' il faut dire un mot de la « philosophie » propre de ce ps.- Justin , c 'est-à-dire
de la nature de son platonisme, l'on découvre avec Riedweg que ce contempo
rain des grands néoplatoniciens est en réalité l'adepte du platonisme scolaire du
988 IUSTINUS 151
itº siècle, dépassé à son époque. Ce décalage n 'est surprenant qu'en apparence ;
en réalité, les innovations quimarquent la pensée de Plotin et de ses successeurs
semblent n 'avoir pas été d'emblée accessibles au public, même lettré, qui conti
nua assez longtemps à puiser sa nourriture intellectuelle auprès des représentants
du moyen platonisme; tel fut le cas, on s' en aperçoit aujourd'hui, de plusieurs
penseurs du IVe siècle comme le chrétien Calcidius (MC 12), commentateur du
Timée, et différents Pères de l'Église. Chr. Riedweg a finalement (cf. son art.
38 « A Christian Middle -Platonic Document – Ps.-Justin' s Ad Graecos de vera
religione hitherto known as Cohortatio ad Graecos », dans Studia Patristica
XXVI, Leuven 1993, p . 183) mis son point d'honneur à proposer, pour assumer
la paternité de l’Ad Graecos du ps.-Justin , le nom d 'un personnage connu . Il
s'agit de Marcel d ’ Ancyre, l'un des protagonistes des controverses ariennes en
Orient au milieu du IVe siècle ; outre une lettre au pape Jules ier, il subsiste de lui
128 fragments d'un ouvrage polémique contre l'arien Astérius ; on doit recon
naître que ces textes manifestent avec l'AdGraecos des ressemblances stylisti
ques véritablement impressionnantes. Cette piste très originale, aujourd 'hui un
sentier plein de promesses, est bien capable de devenir à brève échéance une
voie romaine. Aussi bien l'apport irremplaçable de Riedweg n 'est-il pas dans
cette identification conjecturale , réduite d'ailleurs aux dimensions d'un simple
Exkurs : il réside dans un commentaire détaillé (p . 198-530 ), éblouissant de
richesse, qui ne laisse dans l'ombre aucune syllabe du texte, aucune intention de
l'auteur.
JEAN PÉPIN .
1 JEAN DAMASCÈNE ca 655 - ca 745
I. PROSOPOGRAPHIE
1. LES SOURCES
A cause de la multiplicité et de la complexité des sources sur lesquelles elle se
fonde, la biographie de Jean Damascène constitue à elle seule un problème philo
logique, ayant donné lieu, depuis le xixe siècle , à un ardent débat impliquant des
patristiciens, des byzantinistes et des orientalistes. Sur celui- ci, voir entre autres
les bilans de 1 D . Fecioru , Viața sfântului Ioan Damaschin . Studiu de istorie lite
rară , cresțină, Bucarest 1935 ; 2 J. Nasrallah , Saint Jean de Damas. Son époque,
sa vie, son cuvre, Harissa 1950 ; 3 J. Hoeck, « Stand und Aufgaben der Da
maskenos-Forschung» , OCP 17 , 1951, p . 5 -60 ; 4 Th . Détorakès, Koguãs ó
Merwoóc. Bíoç xai Épyo, coll. « ’Aváłexta Bhatáowv » 28, Thessalonique
1979 ; 5 M .- F. Auzépy , « De la Palestine à Constantinople (VIII -IXe siècles):
Étienne le Sabaľte et Jean Damascène », TM 12 , 1994, p . 183-218 .Notre propos
n ' est pas de retracer le déroulement de ce débat, mais de procéder à une réca
pitulation critique de la documentation orientale et byzantine à laquelle la
recherche contemporaine se réfère pour esquisser la vie du "dernier Père de
l'Église " .
A . SOURCES ORIENTALES
Celles-ci comprennent: a. le seul témoignage strictement contemporain de
Jean Damascène que nous possédons, l'Epistula apologetica Eliae ad Leonem
syncellum Harranensem (en syriaque : éd. et trad. latine de 6 A . Van Roey, coll.
CSCO 469-470, Scriptores Syri 201-202, Louvain 1985), où JD est qualifié de
« egregius in parte vestra » (CSCO 470 , p . 69, li. 24) , tandis que trois de ses
æuvres (Dialectica , Expositio fidei, Contra Jacobitas) sont citées onze fois : voir
CSCO 470, p. 79. La date exacte de ce témoignage est difficile à établir ; rien
n ' empêche cependant de le situer , contre Van Roey, avant 743, puisque les trois
ouvrages damascéniens cités étaient certainement achevés avant cette date .
b . Les Chroniques d ’Al- Tabari (IX -Xe s.), Eutychios d'Alexandrie (Xe s.) et
Michel le Syrien (XII° s.), qui s'intéressent toutefois moins à JD qu 'à ses ancê
tres, Manşūr b . Sardjūn et Sardjūn b. Manşūr, chrétiens “ diphysites” et “maxi
mites” , qui occupèrent la charge de percepteurs des impôts de la région de
Damas, sous les basileis Maurice (582-602) et Héraclius (610 -642), puis sous les
califes Mu'āwiya jer (661-680), Yazid (680 -683 ), Mu'āwiya II (683) et ' Abd al
Malik (685 -705). Sur les informations fournies par ces Chroniques, voir (avec
circonspection ) Nasrallah 2 , passim , et Auzépy 5 , p . 195 - 199. c . Deux Vies
arabes, dont la première fut composée peu après 1084 par le moine Michel de
Saint-Syméon près d'Antioche ( éd . 7 C . Bacha, Biographie de Jean Damascène.
990 JEAN DAMASCÈNE JI
Texte original arabe, Harissa 1912 ; trad. angl. London 1912 ; trad. all. de 8 G .
Graf, « Das arabische Original der Vita des hl. Johannes von Damaskus» , Der
Katholik 93, 1913, p. 164- 190 et 320 - 331; trad . russe de 9 A . A . Vasiljev,
Arabskaga versia žitia sv. Joanna Damaskina, Saint-Petersbourg 1913; nouvelle
traduction anglaise de 10 R . D . Portillo , « The Arabic Life of St. John of
Damascus» , Parole de l'Orient 21, 1996 , p. 157- 188), et la seconde en 1665 par
Macaire Za'im , patriarche melkite d' Antioche (+ 1672), qui se serait fondé soit
sur une ancienne Vie arabe, différente de celle de Michel, soit sur une Vie
grecque (BHG3 394 ou BHG3 395 ?) : Noms et vies des Pères docteurs de l'Égli
se et des Mélodes (cf. Nasrallah 2, p . 6 ). – Sur la personnalité de Macaire , voir
11 J. Nasrallah , Notes et documents pour servir à l'histoire du Patriarcat melkite
d 'Antioche, t. I, Jérusalem 1965, p. 107 sq. et J. Rassi-Rihani, « Sources arabes
du “ Livre de l'Abeille" (Kitāb al-Nahlah ) de Makāriyūs ibn al-Za'im » , Parole de
l'Orient 21, 1996 , p. 215-244. d . Deux ( ?) Vies géorgiennes, l'une rédigée par
Éphrem Mtsiré (ca 1027 – ca 1094) à partir d 'une traduction grecque du texte
arabe de Michel de Saint-Syméon, donnée par un certain Samuel d'Adana (voir
12 G . Graf, Geschichte der christlichen arabischen Literatur, t. II, coll. ST 133,
Città del Vaticano 1947, p . 70 , et 12bis B . Flusin , « De l'arabe au grec , puis au
géorgien : une Vie de saint Jean Damascène », dans G . Contamine [édit.), Tra
duction et traducteurs au Moyen Age, Paris 1989, p. 51-61), l'autre traduite
directement de l'arabe (éd . 13 K . Kekelidze, Hristianskij Vostok 3, 1914 , p. 119
174). e. Concernant les Vies arméniennes de JD , traduites du grec ou de l'arabe,
voir 14 P. N . Akinian , dansHandes Amsorya 61, 1947, p. 193 -219.
B. SOURCES GRECQUES
1. Documents de la période iconoclaste (754-842): a. En 754, le concile ico
noclaste de Hiéria lance un quadruple anathème contre JD , nommé Mavooúp ,
qu 'il accuse non seulement d ' iconodoulie , mais aussi de falsification des textes
patristiques, de compromission avec le califat et de complot contre l'empire (cf.
15 J.-D . Mansi, Sacrorum Conciliorum Nova et Amplissima Collectio , Firenze
1767, réimpr. Graz 1960 , XIII, col. 356 D ). La phrase finale de l'anathème ń
τριάς τους τρείς καθεϊλεν, designe la mort spirituelle des iconophiles Germain
jer de Constantinople,Georges de Chypre et Jean Damascène.Mais la recherche
y voit également une référence à la mort physique de ces personnages, ce qui la
conduit à situer le décès de JD avant 754. b . A propos de cet anathème,
l'Histoire brève , $ 72,de Nicéphore jer de Constantinople (806 -815) note que les
iconoclastes ne manquaient pas de le répéter én ' áropãs, en se livrant à la
destruction des icônes (éd. 16 C . Mango , coll, CFHB 13, Washington , D .C .
1990, p. 144). On peut en conclure que dans les années 754- 787 , le “mauvais
nom ” de Mavooúp ne constitua pas seulement une référence pour les polé
mistes, mais qu 'il s'imprima également dans l'esprit des gens simples comme
synonyme de “ sarrasin ” hostile à la foi de l'empire . c . En 787, le concile de
Nicée II (cf.Mansi 14, XIII , col. 357 et 400 C ) leva l'anathème de Hiéria , en
ajoutantquelques informations relativement vagues sur JD : comme l' évangéliste
Matthieu (allusion à sa fonction de percepteur des impôts ?), « Jean » (son
JI JEAN DAMASCÈNE 991
“ surnom ” ,Mavooúp, donne lieu à une insulte conçue par les iconoclastes)
abandonna les richesses « de l' Arabie » (Damas n'est pas nommée), pour suivre
le Christ. Lorsque éclata la « folie » iconoclaste év årrodann , il prêcha ĆE
åvatoñs en faveur des pratiques antiques et de la paix de l'Église. d . La
première tentative de réhabilitation du personnage historique de JD a lieu en
Palestine, au tournant du VIIIe siècle . Elle est due à Stéphane le Sabaïte l'hymno
graphe ( † 807) – considéré par certaines sources hagiographiques comme le
propre neveu de JD (BHG3 394, p. 299, li. 24-26 ; 17 H . Delehaye, Synaxarium
Ecclesiae Constantinopolitanae = Propylaeum ad Acta Sanctorum Novembris,
Bruxelles 1902, col. 170, li. 20-23), mais souvent confondu, dès l'époque
byzantine, avec Stéphane le Sabaľte l'ascète († 794 ; cf. 18 R .-J. Lilie, I.Rochow
et alii, Prosopographie der Mittelbyzantinischer Zeit (641-867), I, Berlin /New
York 1998, p. 125 - 126 ) -, qui composa notamment un Canon de JD et sainte
Barbara (voir Ménées imprimés à la date du 4 décembre et 19 E . Follieri, Initia
hymnorum , t. I, coll. ST 211, Città del Vaticano, 1960, p. 433, li. 12-33). Si ce
Canon est bien authentique (rien ne s 'y oppose actuellement), il faut considérer
que l'essentiel de nos connaissances sur la vie de JD est déjà posé à cette date .
Généralement ignoré des biographes de JD , ce Canon n 'a jamais fait l'objet d'une analyse
suivie . Nous l'avons entreprise pour la première fois dans le cadre de notre article sur « Jean
Damascène » , à paraître dans 20 C . G . Conticello et V . S . Conticello , La Théologie byzantine,
t. I, Turnhout. En résumé, on trouve dans ce Canon les informations suivantes : JD est de
souche royale (Ode IV , tropaire 5 et 6 ) ; il abandonna les richesses, les plaisirs, les honneurs
(IV 5 ), distribua ses biens aux pauvres pour vivre dans la pauvreté (III 5 ; IV 6 ) et l'ascèse
(Kontakion ), et habita le désert (Kathisma: Stéphane, lui-même sabaľte, ne parle pas expres
sément d 'une entrée de JD au monastère de Saint- Sabas). Il fut un sage qui pratiqua la philoso
phie (1 6 : aplota tnv TWV ÖVTWV PÚOlv oxOTWV), se distingua dans la théologie trinitaire et
christologique, qu 'il enseigna par ses écrits (IX 5 ), fixa le dogme orthodoxe (Exaposteilaire ) et
la tradition hymnographique de l'Église (VI 6 ), à laquelle son apport en hymnes fut grand (IX
6 ) . Sage , il fut aussi un homme d'action qui combattit les manichéens, les nestoriens et les
jacobites, puis les iconoclastes (VII 5 , 6 ; VIII 5, 6 ). – En composant un Canon commun pour
JD et sainte Barbara, Stéphane voulut probablement signifier soit que JD mourut le jour de la
fête de la sainte (4 décembre ), soit qu ' il voua un culte spécial à celle -ci (voir ainsi la Laudatio
s. Barbarae, $ 23, éd . Kotter V , p . 277 , et le Canon de sainte Barbara composé par JD et édité
dans les Ménées à la mêmedate ). L 'hagiographie penche pour la première hypothèse , la litur
gie pour la seconde.
e. A travers la Vie de Stéphane le Jeune, composée vers 809 (BHG3 1666 ;
éd . critique par 21 M .-F. Auzépy, coll. « Birmingham Byzantine and Ottoman
Monographs » 3, Birmingham 1997, p. 126 , li. 4- 11), nous apprenons qu'à la
même époque, le parti iconophile de Constantinople vénérait lui aussi JD (ó
παρά του τυράννου τούτου Μανσούρ επονομασθείς, παρ' ημίν δε όσιος
xai Deodópos), en qui, cependant, il voyait principalement l'auteur d'un pseu
dépigraphe, l'Epistula ad Constantinum Caballinum (CPG 8114 ). f. Nos
connaissances sur le personnage historique de JD et sa famille ne sont complé
tées, pour cette période, que par la Chronographie de Théophane le Confesseur
( éd . 22 C . de Boor, Leipzig 1883, 2e éd . 1963; trad. angl. récente par 22bis C .
Mango , R . Scott et G . Greatrex , The Chronicle of Theophanes Confessor :
Byzantine and Near Eastern History AD 284 -813, Oxford 1997), composée en
992 JEAN DAMASCÈNE J1
810 -814, source principale et incontestée des biographes de JD . Théophane parle
de la famille des Manşūr, qualifiée de xPLOTLAVIXWtátn , aux années 691 , 730 ,
734 , 742 et 754. Il mentionne Manşūr b. Sardjūn , Sardjūn b .Manşūr, un certain
Théodore è toŨ Mavooúp , inconnu par ailleurs , et bien évidemment JD : en 730 ,
« Jean le didascale , fils deManṣūr, prêtre et moine, qui brillait en Syrie , anathé
matise avec les évêques orientaux l' empereur Léon III... » . g . La seconde crise
iconoclaste (815 - 842) ne nous a pas laissé de documents relatifs à JD . Il est
cependant certain que le concile de Sainte-Sophie (815), qui retrouva les actes
d 'Hiéria et en réactualisa les décisions, répéta le quadruple anathème, attisant
ainsi dans l'esprit des gens le mauvais souvenir du sarrasin Manṣūr. Dans le
même temps, Théodore Stoudite (759-826 ) utilisait certains écrits de JD , en
évitant toutefois de le citer nommément: cf. Epistula 48 , li. 232 sq. (éd . 23 G .
Fatouros, coll. CFHB 31/ 1, p . 137). Et, à l'extérieur des frontières de Byzance,
en Palestine ou en Italie méridionale restées iconophiles, on élaborait déjà
l'iconographie de JD telle que nous la connaissons aujourd'hui grâce au précieux
manuscrit des Sacra Parallela , le Parisin . gr. 923, jère moitié du IXe siècle (voir
24 K . Weitzmann , The Miniatures of the Sacra Parallela. Parisinus graecus
923, Princeton , N .J., 1979 : JD , encore nommé Manşūr et présenté comme
l'auteur des Sacra Parallela , porte le grand oynua monastique et, dans sa main
droite ,une plume; ilestâgé,avec unebarbe grise taillée en pointe, et nimbé).
2. Documents datantde la " Restauration de l'Orthodoxie ” (1X®-Xe siècles).
a . Pour commencer, signalons que le célèbre Parisin . gr. 1476 (a . 890), notre
meilleur témoin du Ménologe de Méthode de Constantinople (843-847), com
posé à Rome dans les années 815 -821 (voir 25 D . Stiernon, DSp X 2, 1978 ,
col. 1108 ), nous livre, dans le titre et à la fin de l' Oratio in ficum arefactam
(CPG 8058), une précieuse information : « De notre saint père Jean , moine et
prêtre de la Sainte-Résurrection du Christ notre Dieu, c'est-à -dire de Manşūr
[... ] ». Selon ce document, JD aurait donc été moine et prêtre de l'église patriar
cale de l'Anastasis à Jérusalem , une information que nous avons pu valider en
recourant à son æuvre homilétique et hymnographique : voir 26 V .S . Conticello ,
La « Source de Connaissance» de Jean Damascène, Thèse dactylographiée
(Université de Paris IV -Sorbonne), Paris 1996 , p. XVIII-XXXVII. On peutmain
tenant y ajouter 27 M . van Esbroeck , « Le discours de Jean Damascène pour la
Dédicace de l' Anastasis » , OCP 63, 1997, p. 53- 98 , qui adopte et confirmenotre
position. b . Au milieu du IXe siècle ,à Constantinople , on assiste à la diffusion de
deux pseudépigraphes placés sous l'autorité de JD . Le premier est l' Epistula ad
Theophilum imperatorem (CPG 8115 ; PG 95, col. 345-385 et ci-dessous II 1) ,
réécriture amplifiée du Synodikon des trois patriarches orientaux (836 ). Ce texte
posant d 'immenses problèmes aux philologues, nous nous bornerons à remar
quer à son propos qu 'à une date tardive, on éprouva le besoin de lier le nom de
l'empereur iconoclaste Théophile ( † 842) à celui de JD . Ce rapprochement histo
riquement insoutenable eut ses raisons, comme nous le verrons plus loin (I 1 B 2
c ). c. Le second pseudépigraphe est la curieuse Oratio de iis qui in fide dormie
runt (CPG 8112 ; PG 95 , col. 248 -277), un des seuls textes byzantins à soutenir
JI JEAN DAMASCÈNE 993
la possibilité d'une rémission des péchés après la mort, sous l'influence probable
de la littérature latine sur le Purgatoire et plus précisément des Dialogues de
Grégoire le Grand, dont la première traduction grecque (= Vaticanus gr. 1666 )
fut donnée en l'an 800 (cf. également le Patmiacus 48 du ixe siècle , qui réunit
les Dialogues et le Synodikon des trois patriarches orientaux). Lue à l'office du
samedi npò tñs anóxpews, cette Oratio connut une diffusion exceptionnelle :
nous en possédons aujourd 'hui 148 manuscrits ,moins que ceux de l'Expositio
fidei (221 mss)mais plus que ceux du Roman de Barlaam et Joasaph (145 mss).
Se fondant sur le style de ce traité, ainsi que sur les vers iambiques qu 'il contient, Hoeck 3,
p. 39-40, l'attribue sans hésitation à Michel le Syncelle (761-846 ), personnalité "hors normes"
du IXe siècle byzantin (voir 28 D . Stiernon , DSp X , 1979, col. 1193- 1197, auquel il faut ajou
ter 29 D . Donnet, Le Traité de la construction de la phrase de Michel le Syncelle de Jérusa
lem . Histoire du texte, traduction et commentaire , Bruxelles/Roma 1983), auteur, entre autres,
du célèbre Encomium b . Dionysii Areopagitae (BHG 556 ; PG 4 , col. 617-688 , et 30 R .- J.
Loenertz , Byzantina et franco -graeca , I, Roma 1970, p. 149- 162, qui en situe la rédaction vers
833) et de la traduction grecque de la Confessio fidei (PG 97, col. 1504 D - 1521 C ) de Théo
dore Abū Qurrā , composée vers 813 . A l'argument stylistique de Hoeck , que nous adoptons
entièrement, nous ajoutons les remarques suivantes : [1] L 'invocation en première place (PG
95 , col. 249 C - 252 B ) de l'autorité du Ps.-Denys pour soutenir la thèse centrale de l'Oratio -
les âmes des défunts vouées à la damnation peuvent obtenir le salut grâce aux prières réitérées
des vivants – fait directement écho à la longue citation de la “ vision de Carpos” (Epistula ad
Demophilum 6 , éd . 31 G . Heil et A .-M , Ritter, coll. PTS 36 , Berlin /New York 1991, p . 188
192) donnée dans l’ Encomium (PG 4, col.649 C -652 D , et la Souda, s.v. Denys l'Areopagite,
éd . 32 A . Adler, Lexicographi graeci VII, Leipzig 1931, p. 106 - 109, avec citation de Michel le
Syncelle). [2 ] La mention d'un épisode de la vie de Grégoire le Grand en PG 95, col. 261 D
264 A (“ historiette" non répertoriée dans la BHG et le Novum auctarium de la BHG ,
Bruxelles 1984 ; voir aussi 33 F . Halkin , « Le pape S. Grégoire le Grand dans l'hagiographie
byzantine » , OCP 21, 1955, p . 109- 114 ), et une certaine familiarité avec la doctrine du
Purgatoire, témoignent d 'un intérêt particulier pour la littérature latine. Or, nous savons que
Michel le Syncelle était un grand admirateur de l'Occident (cf. BHG3 1296 ) avec lequel il fut
plus d 'une fois en contact (controverse de Jérusalem sur le filioque de 807 , participation à
l'ambassade de 813, collaboration étroite avec le Sicilien Méthode, qui fut entre autres un
conseiller du pape Pascal jer) et dont il maîtrisait relativement bien l'historiographie (dans
l'Encomium , il procède à une intéressante " correction" de la date de la mortde Denys). Ajou
tons à cela que le culte de Grégoire le Grand est clairement attesté au début du IXe siècle au
monastère de Saint- Sabas en Palestine, où Michel séjourna de 798 à 813 : cf. le Canon de
Grégoire " le Dialogue" composé par Stéphane le Sabaïte (éd. 34 S . Eustratiades, lointai xai
úuvoypápou tñs ópěodófov éxxinolaç. A ': Oi ' lepoooavuital trointal, Jérusalem 1940 ,
p . 408 -411). [3 ] Nous devons à Michel le Syncelle et à Théophane Graptos (ca 778 -845), son
disciple et compagnon d'infortune durant la persécution iconoclaste, plusieurs textes de pre
mière importance relatifs à la commémoration des défunts, dans la Paraclétique, ainsi que
l'office du Samedinpò tñs ånóxpewç consacré aux âmes desdéfunts, dans le Triode.
Nous rappelons enfin, à la suite de Hoeck - et Lequien (PG 95, col. 247)! -, que l'Oratio
prend tout son sens dans le contexte de l'année 842-843 caractérisée par une série de pourpar
lers entre l' impératrice Théodora et le parti iconophile . S 'achevant avec l'intronisation de
Méthode (843) et la " Restauration de l'Orthodoxie” , ces pourparlers aboutirent également à un
ánať de l'histoire ecclésiastique byzantine , l'absolution post-mortem de " l'impie " Théophile
requise par Théodora en échange d'une condamnation officielle de l'iconoclasme (voir, par
exemple, BHG3 1731). L 'Oratio doit donc être perçue comme faisant partie du dossier d 'au
torités patristiques que Michel et Méthode mirent en avant pour convaincre les plus intransi
geants des iconophiles (sur eux, voir en dernier lieu 35 I. Doens et Ch . Hannick, « Das Peri
orismos-Dekret des Patriarchen Methodios I. gegen die Studiten Naukratios und Athanasios » ,
994 JEAN DAMASCÈNE J1
JÖB 22, 1973, p. 93-102), de l'orthodoxie ou du moins de la faisabilité xat' oixovoulav
d 'une telle absolution.
Mise sous l'autorité de JD , l'Oratio acquérait pour les iconophiles un poids
incontestable . Toutefois , cette fausse attribution n 'était d'aucune utilité pour
convaincre les proches de Théodora , issus des rangs iconoclastes et hostiles au
" comploteur" Manşūr. Il était donc urgent de réhabiliter aux yeux de la Cour le
personnage historique de JD - et vice versa , on pouvait enfin prendre appui sur
cette situation pour officialiser l'entrée de JD à Byzance. Ce fut le rôle principal
de la première Vie de JD , dont il sera question à présent. c. Étroitement liée à
l'Oratio de his qui in fide dormierunt, la Vie des mélodes Cosmas et Jean
Damascène est le principal document de cette période (BHG3 394 ; éd. 36 A .
Papadopoulos-Kerameus, 'Avárexta 'lepoooaouitiuñs Eraxvodoylas
(= AIE ), Saint-Petersbourg 1891-1898; réimpr. Bruxelles 1963, t. IV , p. 271
302, et extraits dans Détorakès 4 , p. 54-55 ; dates extrêmes de sa rédaction : 815
(reprise de l' iconoclasme) et 1156 (citation par Jean Merkouropoulos) ; BHG3
884a en serait une variante : cf. Détorakès 4 , p. 64 -70 ). Ce texte , dont l'Église
devait plus tard prohiber la lecture en public , a toujours été dédaigné par les
biographes de JD à cause de ses anachronismes grossiers – JD y est présenté
comme simultanément contemporain du roi de Perse Chosroès (590-628 ), des
basileis Léon III (716 -740), Constantin V (740-775) et Constantin VI (780-790),
ainsi que du patriarche de Constantinople Taraise (784 -806 ) -, de ses récits
invraisemblables – résurrection d'un mort, longs périples de JD et Cosmas en
Orient et Occident – et surtoutparce qu'il fait du père de JD un émir musulman
- nommé lui aussi Manşūr -, et de JD un converti de fraîche date, ce qui
contredit radicalement Théophane (voir ci-dessus I 1 B 1f). Nous résumons ici
les raisons qui nous ont conduite , contre l'opinion commune, à le dater de
l'année 842-843 et à en attribuer également la composition à Michel le Syncelle
(pour une argumentation plus détaillée , voir Conticello 20 ).
Sous une confusion apparente et peut-être délibérée, BHG3 394 nous donne des indications
permettant de circonscrire le contexte historique dans lequel elle fut composée : [1 ] l'absolu
tion posthume du musulman Manşūr, opérée grâce aux larmes et aux supplications de son fils
JD et de Cosmas, et accompagnée de la délivrance d'une indulgence (!) écrite de la main de
Cosmas, permettant la remontée définitive de Manṣūr de l'enfer au paradis (AIE IV , p . 276
278 ). Ce récit retraçant le salut d 'un musulman prend de grandes libertés à l'égard de la doc
trine de l'Église byzantine, qui exclut du paradis tous les non -baptisés (les anciens justes ont
été sauvés par la descente du Christ aux enfers). Lamise en avant de celui-ci ne peut être ima
ginée et n ' a de sens que dans le contexte des pourparlers relatifs à l' absolution posthume de
Théophile : si un non -baptisé a pu être sauvé par l' infinie miséricorde divine, ceci devrait être
possible a fortiori pour un baptisé ayant succombé à l'hérésie. Il semble donc que BHG3 394
soit en premier lieu une pièce de “ jurisprudence hagiographique" présentée lors de l'affaire
Théophile. ( 2 ) L 'auteur de BHG3 394 sait bien que son récit est incroyable ; pour l'étayer, il
introduit donc un second récit (AIE IV , p . 278) par l'expression mpos tous ánlotoŰVTAS
iotopíav åpxaiav où napaltoqual dunyoaodai. Il s'agit de nouveau de l'épisode de la
vie de Grégoire le Grand (voir ci-dessus I 1 B 2 c [2 ]), où il est question de l'absolution post
mortem de l'empereur Trajan , opérée grâce aux prières du Pape. La présence - ou plutôt la
reprise - de ce récit dans BHG3 394 confirme le rapport étroit de ce texte avec l'Oratio. [3]
L 'ambiance dans laquelle fut composée BHG3 394 peut être cernée de façon encore plus satis
faisante grâce à deux autres passages : a . le long récit d 'un fait miraculeux survenu dans
JI JEAN DAMASCÈNE 995
l'église du Prodrome (de Pétra ?) à Constantinople, sous Constantin VI, et à l'issue duquel
deux notables iconoclastes reçoivent – de leur vivant ! – la purgation par le feu, se conver
tissent, et provoquent la confession et le retour des foules restées dans l' impiété (AIE IV ,
p. 290 -297). Bien que l'action de ce récit se situe dans la période intermédiaire entre les deux
crises iconoclastes, elle témoigne plutôt du climat qui régnait au lendemain de la mort de
Théophile ; la Cour et les simples fidèles n ' avaient pas encore été officiellement contraints de
renoncer à l'hérésie et étaient donc normalement acceptés dans les lieux de culte ; cependant,
le " vent tournait" et, pour éviter un choc entre les deux partis , les chefs iconophiles se
devaient de rassurer le camp iconoclaste en lui promettant le pardon et le salut. b. Ce climat
d 'incertitude qui caractérisa l'année 842-843 est également perceptible dans la longue
dédicace de BHG3 394 , dans laquelle l'auteur s'adresse directement à Cosmas, qu 'il prie
instamment d 'aider le peuple désespéré à sortir des « maux présents » et « offrir la paix à
l' Église » (AIE IV , p. 302).
Une autre raison qui nous laisse croire que BHG3 394 est due à Michel le Syncelle , est
qu 'elle nous est conservée en particulier dans deux manuscrits reprenant les restes d 'un méno
loge mixte (combinant vies de saints et homélies pour les mois de septembre à janvier ; BHG3
394 à la date du 15 octobre), très probablement pré-métaphrastique, qui n'est pas sans présen
ter des similitudes avec ce que nous connaissons du Ménologe de Méthode (voir ci-dessus 11
B 2 a), dont nous savons queMichel fut le “ bras droit” .
Enfin , il nous semble que les anachronismes et les erreurs mis en avant par les biographes
de JD témoignentmoins d'une ignorance de l'histoire que d'une volonté de donner quelques
" prises” à l'imagination du lecteur. Il est impossible de passer tous ces points en revue.
Remarquons seulement, à titre d'exemple, que la confusion faisant de Sardjūn b. Manşūr, le
père de JD , un émir nomméManşūr, peut être due au rapprochement entre ce personnage et un
autre Manşūr strictement contemporain de Constantin V, qui n'est autre que le puissant calife
abbasside al-Manşūr (754-775), certainementmieux connu des byzantins que son homonyme
chrétien ; demême, les allusions à Taraise et au souvenir de Stéphane le Jeune ont pour butde
faire comprendre au lecteur dans quel camp se situent les protagonistes de BHG 394. On
remarquera par ailleurs que certains passages renvoient directement à des thèmes chers à
Michel le Syncelle : tel est le cas pour les voyages de Jean et Cosmas autour du monde
( ώσπερ ήλιος εξ Εώας πρός Δύσιν διαδραμών και όλην την Εσπέραν, μάλλον δε την
oixovuévny xúxhw uixpoŨ nepabúv, pour Cosmas, ce que l' Encomium nous dit également
de Denys), l' insistance sur le retour de Cosmas, de Rome à Jérusalem , par voie maritime
(Michel, qui avait entrepris d'aller de Jérusalem à Rome par voie terrestre avait amèrement
regretté ce choix , puisqu 'il fut définitivement bloqué à Constantinople ), la fascination de la
Perse (Michel se disait tepooyevńs ). En revanche, certaines allusions relèvent de son
expérience personnelle : connaissance exacte des Lieux saints, du parcours Jérusalem
Antioche -Nicomédie -Constantinople, de la topographie de Constantinople ; contact réel avec
Stéphane le Sabaľte l'hymnographe...
Quelles informations BHG3 394 nous livre-t-elle sur JD ? Sur le fond , rien de
plus et rien de moins que le Canon de JD et de sainte Barbara (cf. ci-dessus, I 1
B 1 d ), le reste constituant essentiellement une interprétation romancée du
témoignage de Stéphane le Sabaľte (un exemple : l'expression Saucoas
nowots i põol tñs đoxhoewÇ to owua TÒ OÓv du Kontakion du Canon donne
lieu , dans BHG3 394 , AIE IV , p. 284, li. 21-25 , à l'interprétation suivante Ilow
τος δε ο γέρων ώνόμασεν αυτόν Δαμασκηνόν, είτε διά το εν τω κήπω πολύ
δαμάσαι το σκηνος αυτού, είτε διά το εκ Δαμασκού προς αυτόν φοιτη
oal...) et des Actes de Nicée II (voir ci-dessus I 1 B 1c; ainsi, la prédication de
JD ĆE åvarorñs donne probablement naissance au récit de son voyage et de sa
prédication en Perse).BHG3 394 se réfère également à Stéphane le Sabaľte en le
qualifiant de neveu et disciple de JD et en affirmant qu'il l'accompagna dans les
996 JEAN DAMASCÈNE JI

-- -
derniers moments de sa vie : ôc xai év tñ áoanoel toŨ [...] 'Iwávvou ouu
παρών και το μαρτυρικόν αυτού και πολύαθλον σώμα εντίμως έθαψεν εν
τη των Περσών χώρα ου τον τάφον ο μέγας Κοσμάς ιδών [...] εδομήσατο
vaòv én ' óvóuatI TOŨ [...] ' Iwávvov (AIE IV , p. 299, li. 26 -31).Deux éléments
sont cependanttotalement neufs et détermineront le développement de toutes les
Vies postérieures : [1] dans BHG3 394 , il est pour la première fois question du
précepteur de JD , Cosmas, surnommé l’Hagiopolite : il naquit et grandit en
Crete, ou il devint diacre παρά του αρχιερέως της Κρήτης ; il fut melode et
thaumaturge ; ailleurs, nous apprenons qu' il fut aussi évêque deMaïouma, ce qui
est peut-être une interpolation tardive, l'existence d'un évêché orthodoxe de
Maïouma au vije-vine s. étant elle -même douteuse. Sans nous attarder sur ce
personnage problématique (cf. Détorakès 4 , passim ), issu vraisemblablement
d 'une identification d 'au moins trois homonymes – le Crétois Cosmas l'Ermite
(viº s.), Cosmas le Mélode (Vire s.) et un thaumaturge constantinopolitain ( rési
dant à Pétra ?) – nous dirons ici que son introduction dans la Vie de JD révèle
d 'une part la volonté d 'établir une parenté spirituelle entre les trois plus grands
compositeurs " hagiopolites” – André "l'évêque" de Crète , Cosmas le Mélode ,
JD – et d'autre part la nécessité de faire entrer le grand compositeur dans le
camp des iconophiles. De surcroît, la formation d 'un couple Cosmas-JD rappelle
certains autres couples célèbres : Cosmas et Damianos (sonorité proche de
Aauaoxnvós), Cyr et Jean, Jean et Barsanuphe, ou Barlaam et Joasaph . [2]
Autre élément nouveau : la dénonciation par Constantin V , auprès de Chosroès,
d 'un prétendu complot de JD , suivie du miracle de la main coupée. Ce récit
répond sans nul doute à un besoin de justifier à la fois l'existence de l' Epistula
ad Constantinum Caballinum (cf. I 1 B 1 e ) et l'accusation de complot portée par
le Concile de Hiéria contre JD . En effet, les termes mêmes de l'anathème -
Éníbovios tñs Baoideias – réapparaissent au sein de ce récit (cf. AIE IV ,
p . 281, li. 14 sq.). Quant au miracle de la main coupée, qui aurait donné lieu à un
certain type d 'iconographie (Vierge tolyepoữoa : cf. LCI VII, 1974 , col. 104 ;
col. 102- 104 : iconographie de JD ), il a peut- être été conçu du temps du second
iconoclasme: cf. BHG3 885 с, éd . 37 Th . Détorakès, « Lamain coupée de Jean
Damascène » , AB 104 , 1986 , p. 371-381. - A ces deux éléments, ajoutons les
informations détaillées et généralement correctes que BHG3 394 nous livre sur
l’æuvre théologique et hymnographique de JD , ainsi que celle selon laquelle
Jean fut moine et prêtre à Jérusalem (AIE IV , p. 279, li. 29-30 ), information qui
rejoint le témoignage du Parisin . gr. 1476 (cf. I В 2 a ). d .Retenant le strict
nécessaire de BHG3 394, la Souda (2e moitié du Xe s.), éd . Adler 32, t. II, p. 649,
nº 467, consacre une notice à JD , où celui-ci est qualifié, à la suite des Jean
Chrysostome, Philopon , Lydos et Stobée, de ávno xai aúrós royqubtaTOS,
ουδενός δεύτερος των κατ' αυτόν εν παιδεία λαμψάντων (cf. ΑΙΣ IV ,
p . 284, li. 32). L 'accent est mis sur la production littéraire de JD : Evyypáyuata
αυτού πάνυ πολλά και μάλιστα φιλόσοφα: είς τε την θείαν γραφής
Παράλληλοι κατ' εκλογήν, και οι ασματικοί κανόνες, ιαμβικοί και κατα
Royádnv. Cosmas le Mélode est mentionné,mais, commeBHG3 394, la Souda
J1 JEAN DAMASCÈNE 997

voit en lui un contemporain et un collaborateur de JD , non son frère :


Συνήκμαζε δ' αυτό και Κοσμάς ο εκ Ιεροσολύμων, ανήρ ευφυέστατος και
πνέων μουσικήν όλως την εναρμόνιον. Οι γούν ασματικοί κανόνες
Ιωάννου τε και Κοσμά σύγκρισιν ουκ εδέξαντο ουδε δέξαιντο, μέχρις αν ο
xao nuặc Bios Tevatoo hotmai.
3. Documents datant du règne de Basile II (976 - 1025 )
a . En 969, sous le règne de Nicéphore Phokas, les Byzantins reprennent
Antioche et installent au patriarcat une hiérarchie grecque, venue de la capitale ,
qui contribue à faire de ce siège un “ satellite" de Constantinople (voir 38 C .
Karalevskij, DHGE III, 1924 , col. 603 sq. ; 39 V . Grumel, EO 32 , 1933, p . 279
299 , et EO 33, 1934, p. 129-147 ; 40 Ch . Papadopoulos, ' Iotopía tñs 'Exxan
oias ’Avtloxelas, Alexandrie 1951, p. 813-881). Dans ce contexte – et peut
être en raison du fait que JD , syrien de naissance et grec de culture, apparaissait
subitement comme une figure emblématique de la politique de " byzantinisation ”
du patriarcat -, on assiste à une grande opération de traduction des euvres de
JD en arabe, qui s'achève en 989/990 . Il s'agit de la traduction d ' Antoine,
higoumène du monastère de Saint-Syméon , qui comprend notamment la
Dialectica , l'Expositio fidei, l' Expositio et declaratio fidei ( conservée seulement
en arabe : cf. ci -dessous II 3 [ 1 ]), ainsi que les traités contre les nestoriens, les
jacobites et les iconoclastes (voir Graf 11, t. II, p. 41-45 ; notons qu 'Antoine
traduisit également, à partir de la version grecque du Pape Zacharie , les Dia
logues deGrégoire le Grand). b . C 'est probablement de cette même période qu'il
fautdater “ l' original arabe" dont se réclame BHG3 884 (voir ci-dessous I 1 B 3
c ). Cette Vie fantôme a donné lieu a une ample discussion , depuis que Bacha 7
l' identifia , à tort, avec une autre Vie arabe composée par le moine Michel de
Saint-Syméon après 1084 (c 'est à cette même date que prend fin la domination
byzantine sur Antioche, raison pour laquelle Michel nous dit d'ailleurs avoir
" composé ” sa Vie de JD ). Signalons ici que cette Vie éditée par Bacha est perçue
depuis quelque temps par la recherche comme la reprise, pour ne pas dire le pla
giat du véritable " original” , qui serait quant à lui perdu (41 B . Hemmerdinger,
« La Vita arabe de saint Jean Damascène et BHG 884 », OCP 28, 1962 , p. 422
423) et dont elle serait en conséquence un excellent témoin .
Considérant pour notre part que BHG3 884 n 'ignorait pas les informations
livrées par BHG3 394 composée un siècle plus tôt, nous n 'adoptons pas cette
position et émettons la double hypothèse suivante : soit la source arabe de BHG3
884 n 'est pas une Vie , mais une simple notice historiographique sur JD mise en
avant dans une volonté de dissimuler la véritable source de ce texte , BHG3 394,
dont nous avons dit que la lecture fut prohibée par l'Église, soit " l'original”
arabe de BHG3 884 n 'est que la reprise ou la traduction de BHG3 394, une
traduction qui aurait pu être réalisée à Antioche à la suite du travail d 'Antoine.
Concernant ce deuxième point, remarquons qu' il existe une traduction arabe
d 'un texte proche de BHG3 394 (voir Nasrallah 2 , p . 6 ). Elle est mise sous le
nom d'un patriarche d 'Antioche,Macaire Za'ïm ( + 1672), un auteur dont l'acti
vité consista surtout à rassembler et “ rééditer” des textes de toutes sortes (voir ci
998 JEAN DAMASCÈNE JI
dessus I 1 A c).Macaire aurait-il retrouvé et réutilisé la Vie arabe perdue ? La
réponse nous sera peut-être donnée par les orientalistes. c.Nous en arrivons ainsi
à la Vie de notre saint Père Jean Damascène (BHG3 884 ; PG 94, col. 429-489),
la Vie " officielle" de JD , dans laquelle on s'est longtemps plu à voir le plus
ancien témoignage complet sur cet auteur.Les deux questions qui se sont posées
dès le début à propos de cette Vie sontcelle de sa date et celle de son auteur (voir
Hoeck 3, p. 8-9, et Détorakès 4, p. 32-35 ).
Concernantsa date : BHG3 884 ne peut pas avoir été rédigée après la fin du Xe siècle ou le
début du XIe siècle . Ses deux plus anciens manuscrits remontent en effet à cette époque : le
palimpseste Vindobonensis philos. gr. 158 , dont la datation a donné lieu à une controverse
désormais achevée, et Athos, Vatopédi 497.
Bien évidemment, cette datation du xe-xie siècle conditionne l'identification de son auteur.
Lui-même déclare qu 'il est homonyme de JD : il s'appelle donc Jean, et, si nous examinons
son style et son ton , nous reconnaissons en lui le lettré et l' ecclésiastique de haut rang. A son
sujet, les colophons des manuscrits se partagent en trois groupes : ceux qui en font un
patriarche de Jérusalem , ceux qui voient en lui un patriarche d' Antioche et ceux qui laissent la
Vie anonyme. Athos, Vatopédi 497, appartient au second groupe, tandis que le Vindobonensis
philos. gr. 158 , semble appartenir au troisième (mais son état de conservation ne permet pas
de l'affirmer). Étant donné que JD fut lui-même un membre du clergé hiérosolymitain , les pré
férences de ses biographes vont généralement à un patriarche de Jérusalem . Pour cette période,
nous avons en effet deux candidats, Jean VII (964-966 ) et Jean VIII (ca 1098 - 1106 ?), parmi
lesquels on opte généralement pour Jean VII, Jean VIII étant considéré comme déjà trop tardif
(par ailleurs son existence, ou en tout cas sa présence au siège de Jérusalem , n 'est pas sûre ).
Nous aimerions cependant faire remarquer que Jean VII (Yuhanna b . Djami') n ' a laissé
aucune cuvre et ne semble pas avoir le " profil" du lettré. Par ailleurs, son court patriarcat se
solda par l' incendie et le pillage de l'église de l'Anastasis et son propre martyre (voir le récit
de Yahya-ibn-Sa'id d'Antioche, Histoire, coll. PO 18, p. 799-802). S' il était l'auteur de BHG3
884, la tradition manuscrite nese serait-elle pas empressée de le préciser ?
Sans suivre l'argumentation des défenseurs d'un patriarche d'Antioche (cf. Détorakès 4,
p . 35 ), nous pensons que le meilleur candidat à la paternité de BHG 884 est Jean III d ' An
tioche (996 - 1021). Nos raisons sont les suivantes : [ 1 ] Si l'auteur de BHG3 884 était un
patriarche de Jérusalem , il aurait certainement fait valoir l'activité de prédication considérable
menée par JD à l' église de l' Anastasis ; or celle -ci est totalement passée sous silence. En
revanche, une foule de détails nous est donnée sur la famille de JD et son activité à Damas,
métropole importante du patriarcat d'Antioche, passée également sous contrôle byzantin à
partir de 974. [ 2 ] Au moment ou Jean III est installé au trône d 'Antioche (996 ), son clergé
arabophone possède déjà une excellente connaissance de JD , grâce aux traductions d'Antoine ;
toutefois, sa connaissance de la personnalité historique de JD semble être celle que livre une
Vie éoxeolaguévn å ypoxlori (PG 94, col. 433 B), qu'il est urgent de corriger. [3 ] Nous
savons que Jean III fut un lettré constantinopolitain : avant de recevoir l'ordination patriarcale,
à Constantinople même, il était chartophylax de la Grande Église (voir Grumel 39, p. 281
284 ); son profil correspond bien à celui de l'auteur de BHG3 884 (voir, par exemple, sa pré
sentation détaillée du prétendu cursus studiorum de JD , en PG 94 , col. 415 B - 448 A ). ( 4 ) A
ces raisons s'ajoute bien évidemment l'information du ms. Athos, Vatopédi497 (attribution de
la Vie à « Jean patriarche d'Antioche »), que Kotter V , p . 201, date en dernier lieu du Xe siècle .
Il est impossible de présenter dans le cadre de cet article tout le contenu de
BHG3 884, terreau de la plupart des biographies actuelles de JD .Nous relèverons
simplement que les informations qu'elle présente sont de deux types. Première
ment, celles qui émanent d 'une volonté de restructuration logique de BHG3 394 :
par exemple , la distinction d'un Cosmas précepteur de JD et d'un Cosmas frère
de JD , qui répercute une difficulté à saisir le personnage composite de BHG3
NE
JI JEAN DAMASCÈ 999
394 ; le renversement historique qui place l'épisode de la main coupée dans la
jeunesse de JD (donc sous Léon III et non sous Constantin V ) et en fait la cause
de son départ de Damas ; le long récit de l'épreuve monastique de JD (PG 94,
col. 461 C - 473 C ) qui fait écho au passage de BHG3 394 , $$ 15 - 16 (AIE IV ,
p . 282 -286 ). Deuxièmement, celles qui concernent le rôle de la famille des
Manşūr à Damas (cf. PG 94, col. 461 A -B ) et émanent, à notre sens, soit d 'une
tradition régionale orale, soit de notices arabes. Enfin , il nous est impossible de
dire d 'où est issue la précision selon laquelle JD aurait été moine à Saint-Sabas,
précision qui apparaît pour la première fois dans BHG3 884. En effet, dans BHG3
394 , nous apprenons que seul Cosmas fut enterré dans ce monastère , tandis que
JD le fut « dans les profondeurs de la Perse» , par Stéphane le Sabaľte l'hymno
graphe. Ces informations auraient-elles donné lieu à une extrapolation ? On peut
en tout cas noter qu'une autre appartenance monastique estmentionnée exacte
ment à la même époque dans le Vaticanus gr. 2081 (Xe s.) dans le titre du pre
mier Sermo de dormitione B . M . V. (cf. Kotter V , p .483 sq.) : 'Iwavvou , Tanel
νού και αμαρτωλού μοναχού, δούλου των δούλων του κυρίου ημών Ιησού
XplotoŨ tñs taratas navpaç. En effet, la « Vieille Laure » que Kotter V,
p . 463, identifie trop rapidement avec la « Grande Laure » de Saint-Sabas, dési
gne habituellementle monastère de Chariton ou Souka. d. Parmi les documents
datant du règne de Basile II, celui qui est le plus connu des byzantinistes est le
luxueux Ménologe de Basile II (= Vaticanus gr. 1613), en fait un synaxaire. Ce
document comporte , à la date du 29 novembre, une notice sur JD et Cosmas (éd .
de Turin 1907, II, p. 213), quireflète aussi bien BHG3 884 que BHG3 394 : de la
première il retient la noblesse et la piété de la famille de JD , ainsi que son entrée
au monastère avec son frère Cosmas ; de la seconde, la mention de l'exil et du
martyre de JD , et de son enterrement par son “disciple” (= Stéphane le Sabaïte).
e. Un mélange moins élégant de BHG3 394 et BHG3 884 est opéré par une notice
(= BHG3 885b ) conservée dans trois manuscrits, Sinaitic . gr. 376 (X -XI s.),
Marc. gr. 363 (XII° s.) et Athen. B.N . 2108 (XII° s.), et éditée sur la base du seul
Marc. par 42 M . Gordillo , « Damascenica » , Orientalia Christiana 8 /2 , 1926 ,
p .63-65 ; rec. de 43 M . Jugie, « Une nouvelle vie et un nouvel écrit de S. Jean
Damascène » , EO 28 , 1929, p. 35-41. Ainsi, après avoir relaté les événements
désormais classiques de la jeunesse de JD et de l'adoption de Cosmas, cette
notice semble procéder à la “ correction” de l'anachronisme que constitue, dans
BHG3 394, le voyage de Cosmas à Constantinople et sa rencontre avec le
patriarche Taraise, sous le règne de Constantin VI: ici, nous nous retrouvons
sous le règne de Léon III, ce qui est plus juste. Le patriarche est Germain fer,
dont on sait que la déposition provoqua la rédaction de la première Oratio c.
imag. calumn. de JD . Et, ce qui est “ théologiquement” plus logique, la rencontre
a lieu entre Germain et JD , que l'on fait donc aller à Constantinople. On apprend
également que JD mourut à Damas (!), un 4 décembre (= fête de sainte Barbara),
après avoir passé 70 ans dans l'ascèse . Comme le remarque justement Jugie 43,
p. 39, cette notice a surtout - et peut- être seulement – le mérite de nous livrer le
secret des 104 ans de JD , dont parlent les synaxaires plus tardifs, que l'on obtient
1000 JEAN DAMASCÈNE JI
en additionnant ces “ 70 ans d 'ascèse" aux quelque 34 ans de vie " dans le
monde" que l'on peut induire de BHG3 884. f. Si l'auteur de la notice du
Synaxaire de JD (BHG3 885c ; éd . Delehaye 17, col. 278 -279), procède effecti
vement à ce calcul, il se fonde pour le reste sur BHG3 884, dont il donne un
résumé. g. Cette période s'achève avec les traductions orientales de BHG3 884
par Michel de Saint-Syméon et Éphrem Mtsiré, dont il a été question en I LAC
et I 1 Ad. Remarquons qu 'il n 'y a pas eu de Vie métaphrastique de JD .
4. Les documents tardifs.
Du Xire au XVe siècle , la documentation relative à la vie de JD s'accroît en
volume, mais reste entièrement dépendante de la tradition antérieure . Les princi
paux textes signalés par les biographes de Jean Damascène sont les suivants :
a . Une Vie inédite conservée dans le ms. Athen . B.N . 321 du XII° s. (= BHG3
884a ; cf. Détorakès 4 , p. 64 -70), qui semble être une refonte de BHG3 394
privilégiant les récits relatifs à Cosmas. b . Une Vie de nos saints Pères
théophores (...), les frères Jean Damascène et Cosmas, relatée par [... ] Jean
Merkouropoulos, patriarche de Jérusalem (= BHG3 395 ; éd. A . Papadopoulos
Kerameus, AIE IV , p . 303-350), qui constitue une réfutation des principaux
points de BHG3 394 , s'appuyant, souvent littéralement, sur BHG3 884. Son
intérêt réside avant tout dans sa mention détaillée des æuvres hymnographiques
de Cosmas. Son auteur est Jean Merkouropoulos (fl. 1156), patriarche de Jéru
salem résidant à Constantinople, le siège de Jérusalem étant occupé par un clergé
latin de 1099 à 1187. En réponse à certaines hypothèses qui confondent Merkou
ropoulos et l'auteur de BHG3 884 (cf. Détorakès 4, p . 41-42), signalons que lui
même se distingue de son prédécesseur par ces mots : « Car j'ai ( ré -) écrit le récit
qu 'un autre avait composé à partir d 'un texte qu 'il avait trouvé [...) et qui était
rédigé en arabe. Priez donc pour la rémission de mes péchés, ô Pères, vous deux
qui portez le mêmenom que moi [ = JD et Jean III, l'auteur de BHG3 884 )» .
c. Un Panégyrique de Cosmas inédit, conservé dans le ms. Athos, Maupa r 44 ,
du XIIIe siècle (= BHG3 394b et Détorakès 4 ,p . 20-26 ). d . Un long Panégyrique
de JD ( = BHG3 885 ; PG 140, col. 812-885) dû au grand logothète Constantin
Akropolitès (†1324 ), reprise savante et enjolivée des données livrées par BHG
394 et 884 . Sur son auteur, surnommé le “ nouveau Métaphraste " , voir 44 D . M .
Nicol, « Constantine Akropolites. A Prosopographical Note » , DOP 19, 1965,
p. 249-256 , et 45 E . Trapp et alii, Prosopographisches Lexikon der Palaiologen
zeit, t. I, Wien 1976 , p . 49, n° 520. e. Enfin , sortant du milieu constantinopolitain
dans lequel ont probablement vu le jour tous les documents mentionnés ci-dessus
(I 1 B 4 a-d ), le récit intitulé Vie etmiracles de notre saint Père Cosmas le poète
(BHG3 394a; éd .46 Th.Détorakès, dans EHBS 41, 1974, p. 265-296 , à partir du
Vatican . Barberin . gr. 583 du XVe s.), qui nous livre à propos de JD les deux
informations suivantes : [1 ] JD fut enterré au monastère de Saint-Sabas, là même
où fut composé ce récit : Có Detoç 'Iwávuns) tnvMèv buxnu napéDeto TQ Oem ,
tò Bé Y£ cÃua Lõ xa quốc drix Movẽ teensamountai (p. 293, li. 977- 979);
[2 ] sa Vie (BHG3884 - ou 395 ?) est due à Jean patriarche de Jérusalem : Érépou
τετυχηκότος επαινετού και υμνητού ομωνυμούντος αυτό και τον
JI JEAN DAMASCÈNE 1001
åpxlepatixóU TETTLOTEVUÉVOU Opovov tñs 'lepovoarnu (p . 280, li. 532 sq. ;
remarquons qu’un nombre significatif de manuscrits attribuant BHG3 884 à un
patriarche de Jérusalem sont d 'origine sabaïte ). Il nous semble que ces deux
informations témoignent principalement de la volonté d'appropriation de la
gloire de JD par le monastère de Saint-Sabas, volonté qui vit probablement le
jour à la fin du Xe siècle (dans BHG3 884, JD est déjà présenté comme un moine
sabaïte) et qui ne put que se renforcer lors de l'occupation latine de la Terre
sainte, période pendant laquelle l'higoumène de Saint-Sabas devint, en l'absence
du patriarche, le chef des communautés grecques orthodoxes de Palestine (à ce
sujet, voir 47 Ch. Papadopoulos, lotopía tñs 'Exxinolas lepooolúuwv,
Jérusalem /Alexandrie 1910, p . 387 sq.). - Sur la question de la conservation des
reliques de JD à Saint-Sabas, voir Jean Phokas (XII° s.), Descriptio terrae
sanctae (PG 133, col. 948 C ) et 48 I. Phokylides, 'H iepå Aaúpa Eába toŨ
nylaguévov, Alexandrie 1927 ; sur leur présence à Constantinople au Xiure
siècle , voir Georges Pachymérés (1242 - ca 1310), Relations historiques VII 13
(éd . 49 A . Failler, coll. CFHB 24 /3, Paris 1999, p. 51-53) et les récits des voya
geurs russes Stéphane de Novgorod (XIVe s.) et Zosime le Diacre (x ve s.), éd .
50 G . P. Majeska, Russian Travelers to Constantinople in the Fourteenth and
Fifteenth centuries, coll. « Dumbarton Oaks Studies» 19, Washington, D .C .
1984, p . 42-43 et p . 186 -187.
2. BIOGRAPHIE SOMMAIRE
La présentation critique des sources a montré les difficultés liées à toute ten
tative de reconstruction de la biographie de JD . Il nous semble qu 'elle a aussi
permis de comprendre qu'il était abusif demener pareille reconstruction à partir
de BHG3 884, comme l'ont fait, jusqu 'à présent, les biographes de JD . Nous
essayerons donc maintenant de retrouver sommairement les grandes phases de la
vie de JD , en nous fondant sur les sources qui nous paraissent les moins contes
tables, sur certains événements marquants de cette période et surtout sur ses
propres écrits.
A . LES DATES
Les dates de naissance et de mort de JD restent inconnues et la durée de vie
de 104 ans qui lui est attribuée ne résiste pas à la critique des sources (voir I 1 B
3 e ). a . Nous pouvons cependant retenir quelques dates sûres concernant au
moins quatre générations de Manşūrides : [ 1 ] concernant Manşūr b . Sardjūn :
602 (mort de l'empereur Maurice : Manşūr est déjà en poste); 610 (première
trahison de Manşūr: Damas livrée aux Perses); 635 (deuxième trahison de
Manṣūr: Damas livrée aux Arabes) ; 661 (Manṣūr à la cour de Mu'āwiya Ier) ;
[2] concernant Sardjūn b .Manşūr: 691 (intervention de Sardjūn auprès du calife
'Abd al-Malik pour empêcher la destruction de l'église de Gethsemani) ;
[3] concernant JD : 730 (rédaction des Orationes c. imag. calumn. I et II); post
735 (rédaction de l’Epist. de hymno Trisagio); 742 (martyre et mort de Pierre de
Damas, un proche de JD ) ; (4 ) concernant Stéphane le Sabaľte l'hymnographe –
distinct de Stéphane le Sabaľte l'ascète , † 794 , dont on a montré qu 'il n ' était
1002 JEAN DAMASCÈNE J1

aucunement un parent de JD : voir 51 R . P . Blake, « Deux lacunes comblées dans


la Passio XX monachorum sabaitarum », AB 68, 1950 , p. 27-43, surtout 40 -42 -
qui aurait donné à son " oncle” JD une sépulture : 798 (attaque de la Laure de
Saint-Sabas, dont Stéphane fit le récit ); 807 (mort de Stéphane). b . Partant de
ces dates, nous pouvons avancer les estimations suivantes qui, nous le rappe
lons, ne se fondent sur aucune information historique sûre: Manşūr b . Sardjūn
(ca 575 - ca 665 ) ; Sardjūn b.Manşūr (ca 610 - ca 700 ) ; Jean Damascène (ca
655 · ca 745) ; Stéphane le Sabaľte (ca 725-807). La durée de vie de JD
correspond ainsi, en gros, à la présence du califat umayyade à Damas (661-750).
B. LES PÉRIODES
La biographie de JD doit tenir compte des quatre périodes suivantes (concer
nantles raisons qui nous ont conduit à opérer cette périodisation, voir Conticello
20) : 1. A la cour umayyade de Damas – ca 655 - ca 705 : JD passa certainement
son enfance et son adolescence à la cour umayyade, où son grand-père, puis son
père, occupèrent la charge importante et fort lucrative de percepteur des impôts .
Bien qu 'il évoluât dans une société dominée par l'Islam , il fut vraisembla
blement plus marqué par les milieux chrétiens chalcédoniens et hellénophones
fortement représentés à Damas (Sophrone de Jérusalem , † 638 , et André de
Crète , † 740 , sont eux aussi damascènes), au sein desquels il reçut sans doute son
éducation . A l'âge adulte et jusqu 'à la mort de son père, vers 700 , il seconda
celui-ci dans ses activités administratives. Il resta probablement en fonction
jusqu 'à la mort du calife 'Abd al-Malik ( † 705), dont son père était très proche.
2. Prêtre de l'église de l'Anastasis, à Jérusalem , et conseiller du patriarche Jean
V - ca 705 - ca 735 (cf. I В 2 a ): il nous semble que JD ne prolongea pas son
séjour à Damas au -delà de l'année 705 (à ce moment, il avait 50 ans environ ). En
effet, en cette année, qui vit la mort de 'Abd al-Malik , la cathédrale Saint-Jean
Baptiste de Damas, dépôt des reliques du Précurseur et haut lieu du chalcé
donisme syro-palestinien , fut confisquée et finalement remplacée par la grande
mosquée umayyade (voir E12, II, 1977, p . 289). En cette même année eut lieu la
restauration du patriarcat de Jérusalem , vacant depuis 67 ans. Le nouveau
patriarche à occuper le siège de Jérusalem fut Jean V , père spirituel et proche
ami de JD , comme ce dernier l' affirme dans l' Epist. de hymno Trisagio , 26 , 13
sq. (éd. Kotter IV , p. 329 ). Voir également la fin de la Laudatio s. Joannis
Chrysostomi (Kotter V , p . 370), passée inaperçue jusqu 'à présent: ' A '
ÉMONTEÚolç nuãç tous ouwvúuous (= JD et un autre Jean, probablement le
patriarche) xai avtidoins tnv nepos Tėv xtiotnv oixeiwolv ... Tout au long du
patriarcat de Jean V , JD resta auprès de lui à Jérusalem en qualité de prédicateur
de l'Anastasis et conseiller théologique: ses nombreuses hymnes et homélies,
composées pour les grandes fêtes de l'Anastasis , ainsi que ses traités polémiques
écrits à la demande d 'évêques de la région , en témoignent. JD soutint également
Jean V dans les moments difficiles de la première crise iconoclaste, en pronon
çant, en accord avec celui-ci, les Orationes c. imag. calumn. (cf. Kotter III,
p. 67-69). A ce moment, il avait 75 ans environ. 3. A Jérusalem après la mort de
Jean V - ca 735 - ca 742 : après la mort de son père spirituel, survenue en 735,
JI JEAN DAMASCÈNE 1003
JD semble occuper encore une position au patriarcat de Jérusalem .Mais à cause
de sa prise de position violente contre l' iconoclasme et le basileus byzantin
d' une part (l'Oratio c. imag. calumn. II 12 : Kotter III, p. 102- 104 , contient la
plus lourde critique du pouvoir impérial formulée par un auteur byzantin ), et
contre l’ Islam , d 'autre part (le De haeresibus, chap. 100 , éd. Kotter IV , p . 60 -67,
fourmille de propos insultants contre la religion du Prophète ), il tombe progressi
vement en disgrâce. Ainsi, peu de temps après 735, il est victime de dures
calomnies issues de son propre camp, auxquelles ilrépond par l'Epist. de hymno
Trisagio (voir Kotter IV , p. 304-306 ). En 742, Pierre de Damas, soutenu ouver
tement par JD (le C . Jacob. lui est adressé ; voir aussi I 1 A a ), subit le martyre et
la mort pour avoir tenu tête aux musulmans. A la suite de ces événements, ne
pouvant plus rester à Jérusalem , JD choisit vraisemblablement l'exil. Son âge est
de 87 ans environ. 4. Les dernières années – ca 742 - ca 745 : les témoignages
du Canon de JD et sainte Barbara et de BHG3 394 (ainsi que du Ménologe de
Basile II, qui reprend ce dernier sur ce point) confirment l'hypothèse selon
laquelle JD aurait passé ses dernières années loin de Jérusalem , « dans le désert»
pour le premier , « dans les profondeurs de la Perse » pour la seconde. La com
position de la Laudatio s. Barbarae, qui contient une prière personnelle au $ 23,
li. 10 sq., dans laquelle l'auteur prie la sainte de lui apporter son soutien devant
la gravité des événements, devrait être située dans cette période : Eűpoqui dé oe
και των εμών ψυχικών και σωματικών μωλώπων προσηνη θεραπεύτριαν
xai náoals TATS TEPLOTAtixaic OniqeolÉTOIuotátny npootátida (Kotter V ,
p . 277). Signalons à ce propos que la seule église de sainte Barbara que nous
connaissons dans la Palestine du VIIIe siècle est située dans le village de 'Abud,
sur les collines de Samarie , à 30 km au nord-ouest de Jérusalem (cf. 52 A .
Ovadiah , Corpus of the Byzantine Churches in the Holy Land , coll. « Theopha
neia » 22, Bonn 1970, p. 17).
II . EUVRES

1. ÉDITIONS CRITIQUES
Depuis les années 1950, l'æuvre de JD , qui avait déjà bénéficié, depuis le xve
s., de nombreuses éditions, fut l'objet d'un intérêt scientifique considérable, qui
porte aujourd 'hui ses fruits.
Tout d' abord, sur la suggestion de A . Ehrhard, les quelque 2000 manuscrits
connus transmettant une ou plusieurs auvres de JD ont été recensés et, dans la
mesure du possible , étudiés à l' Institut byzantin de l' Abbaye bénédictine de
Scheyern (Allemagne). Les principaux responsables de ce travail furent Hoeck 3
(présentation critique de 150 ouvrages attribués à JD ) et 53 B . Kotter, Die Über
lieferung der Pege Gnoseos des hl. Johannes von Damaskos, coll. SPB 5, Ettal
1959 ( sur les autres écrits damascéniens, voir les introductions des vol. III- V de
l'édition critique: III, p. 1-62 ; IV, p . 70-97 ; V , p . 3 -62). Cette étude préalable à
l'édition critique des Opera omnia du Damascène a également été complétée par
les recherches de 54 F . Dölger, Das griechische Barlaam -Roman, ein Werk des
1004 JEAN DAMASCÈNE JI

h. Johannes von Damaskos, coll. SPB 1, Ettal 1953; 55 B . Studer, Die theolo
gische Arbeitsweise des Johannes von Damaskus, coll. SPB 2, Ettal 1956 ; 56 K .
Rozemond, La christologie de Saint Jean Damascène, coll. SPB 8 , Ettal 1959, et
57 G . Richter , Die Dialektik des Johannes von Damaskos. Eine Untersuchung
des Textes nach seinen Quellen und seiner Bedeutung, coll. SPB 10, Ettal 1964.
En un deuxième temps, et jusqu'au décès de B. Kotter († 1987), ce travail a
donné lieu à la publication de cinq volumes d'æuvres de JD (I. Philosophie ,
II. Dogmatique systématique, III. Discours anti-iconoclastes, IV . Polémique, V .
Hagiographie et homilétique) : 58 B . Kotter, Die Schriften des Johannes von
Damaskos, I = coll. PTS 7 , Berlin 1969, p . 20 - 26 : Institutio elementaris (PG 95,
col. 100-112 ; CPG 8040) ; p. 51-146 : Dialectica, sive capita philosophica (PG
94, col. 521-676 ; CPG et CPGS 8041) - les versions brevior (50 chapitres) et
fusior (68 chapitres) sont éditées sur deux colonnes, en regard (voir Nivas,
p . 47- 50) ; p . 151- 173: Fragmenta philosophica (CPG 8042 : textes parallèles à
certains chapitres de la Dialectica , édités à partir du Oxon. Bodl. Auct. T . 1.6 ,
XI s .) . II = coll. PTS 12 , Berlin /New York 1973, p . 7 -239 : Expositio fidei (PG
94, col. 789- 1228 ; CPG et CPGS 8043). III = coll.PTS 17 (Berlin /New York
1975), p. 65-200 : Contra imaginum calumniatores orationes tres (PG 94 , col.
1232- 1420 ; CPG et CPGS 8045 ; les trois discours sont présentés sur trois
colonnes, en regard : voir synopse p. 59-61). IV = coll. PTS 22 (Berlin /New
York 1981), p . 19-67: Liber de haeresibus (PG 94 , col. 677-780 ; CPG et CPGS
8044) ; p. 109-153 : Contra Jacobitas (PG 94, col. 1436 -1501 ; CPG 8047) ;
p. 173-231 : De duabus in Christo voluntatibus (PG 95, col. 128 - 185 , CPG
8052 ; le texte étanttransmis dans deux versions, une présentation synoptique est
donnée pour les chap. 4 -9 ; concernant les modifications dans la numérotation
des chapitres, voir p. 160- 161) ; p. 238-253: De fide contra Nestorianos (CPG
8054); p. 263-288 : Contra Nestorianos (PG 95, col. 188-224 ; CPG 8053);
p . 304 - 332 : Epistola de hymno Trisagio (PG 95, col. 21 -61 ; CPG 8049) ; p . 351
398 : Contra Manichaeos (PG 94, col. 1505 - 1584 ; CPG 8048) ; p . 409 -417 : De
natura composita contra Acephalos (PG 95, col. 112-125 ; CPG 8051) ; p . 427
438 : Disputatio Christiani et Saraceni ( spuria : voir p . 420 ; PG 96 , col. 1336
1348 ; CPG et CPGS 8075 ). V = coll. PTS 29 (Berlin New York 1988), p . 72- 90 :
Oratio in Palmas (spuria ; CPG et CPGS 8086 ; le texte est transmis dans deux
rédactions a et z très différentes entre elles, qui sont ici éditées en parallèle , en
parties haute et basse des pages, avec deux apparats critiques distincts) ; p . 102
110 : Oratio in ficum arefactam et in parabolam vinae (PG 96 , col. 576 -588 ;
CPG 8058 ); p . 121-146 : Oratio in Sabbatum sanctum (PG 96 , col. 601-644 ;
CPG 8059) ; p . 169 -182 : Oratio in Nativitatem sanctae Dei genitricis Mariae
(spuria ; PG 96 , col. 661-680 ; CPG et CPGS 8060 ) ; p . 202-245 : Passio magni
martyris Artemii (PG 96 , col. 1252- 1320 ; CPG et CPGS 8082); p. 256 -278 :
Laudatio sanctaemartyris Barbarae (PG 96 , col. 781-813 ; CPG 8065) ; p. 289
303 : Laudatio sanctaemartyris Anastasiae (spuria ; CPG et CPGS 8068 ; editio
princeps) ; p . 324 - 347: Homilia in Nativitatem Domini (CPG 8067) ; p . 359 -370 :
Laudatio sancti Johannis Chrysostomi (PG 96 , col.61-781 ; CPG 8064 ) ; p . 381
JI JEAN DAMASCÈNE 1005
395 : Oratio in occursum Domini ( spuria ; CPG et CPGS 8066 ) ; p. 406 -418 :
Commentarius in sanctum prophetam Eliam (spurius ; CPG et CPGS 8083) ;
p . 436 -459 : Homilia in Transfigurationem Salvatoris nostri Jesu Christi (PG 96 ,
col. 545 -576 ; CPG et CPGS 8057) ; p . 483 -500 , 516 -540, 548 -555 : In Dormi
tionem sanctae Dei genitricis Mariae orationes tres (PG 96 , col. 700-721 ; 721
753 ; 753- 761 ; CPG et CPGS 8061 ; 8062 ; 8063).
L 'ensemble de ces publications a été accueilli avec enthousiasme par le
monde scientifique. Cependant, quelques critiques ont également été formulées.
Elles concernent notamment les points suivants : t. I. L ' édition partielle des
Fragmenta philosophica est déplacée et induit en erreur, car ces fragments ne
sont pas dus à JD et ne lui ont jamais été attribués (voir 59 R . Riedinger, ByzZ
63, 1970, p. 342-346 ) ; t. II. Le traité “ pseudo -cyrillien" De SS. Trinitate (PG 77,
col. 1120 -1173 ; CPG 5432) a été présenté dans l'apparat des sources comme
une source principale de l'Expositio fidei, alors qu 'il n 'est qu 'une compilation
tardive (XIII -XIVe s.), issue de celle -ci (voir 60 V .S . Conticello , « Pseudo
Cyril's De SS. Trinitate : A Compilation of Joseph the Philosopher (†1330 )» ,
OCP 61, 1995, p. 116 -129) ; t. III. La présentation synoptique de trois discours
relativement proches textuellement, mais rédigés par JD à trois moments
distincts et dans des circonstances différentes, détruit l'unité et la cohérence de
chaque discours et en rend la lecture malaisée (la preuve en est donnée par la
réduction des trois discours « en un seul» (sic !) opérée dans la trad. française de
Darras-Worms signalée plus loin sous le n° 70). De plus, la question de l'authen
ticité du troisième discours , conservé dans un seulms., Neapolitan . 54 (II B 16 )
du XIIIe siècle (ayant déjà servi à l' édition de M . Lequien , Paris 1712), est insuf
fisamment étudiée (voir 61 G . Richter, TLZ 102, 1977, p. 213-214 ;62 H .G .
Thümmel,ByzS 38, 1977, p. 224-228 ); t. IV . Le stemmadu De haeresibus établi
par Kotter est totalement erroné. En effet, pour constituer celui-ci, l'éditeur s'ap
puie sur l'hypothèse selon laquelle JD a repris , presque intégralement, l'Anake
phalaiôsis (CPG 3765 ; PG 42, col. 833-885) du Panarion d'Épiphane. Or, il est
aujourd 'hui prouvé que JD a utilisé le texte original du Panarion (PG 41, col.
156 - 1200 ; 42, col. 9-832 ; CPG 3745), devenant lui-même l'auteur d'une nou
velle Anakephalaiôsis, qui n'est autre que le De haeresibus (63 O . Knorr, « Zur
Überlieferungsgeschichte des “Liber de haeresibus” des Johannes von Da
maskus » , Byzz 91, 1997, p. 59-69). t. V . L 'établissement de l'authenticité ou de
l'inauthenticité des textes présentés dans cette édition sur la base de critères
strictement stylistiques conduit à certaines contradictions avec les résultats de
Hoeck (64 E . Lanne, Irénikon 60 , 1987, p. 579), suivis par M . Geerard , CPG III,
p. 511-536 (voir cependant CPGS, p. 462-468). Ajoutons à cela que la prise de
position (à la suite de Dölger 54 ) en faveur d'une attribution du Roman de Bar
laam et Joasaph à JD , rend ces critères fort discutables.
L 'édition des Opera omnia de JD se poursuit actuellement à Scheyern avec la
préparation d 'une nouvelle édition critique du Roman de Barlaam et Joasaph
(PG 96 , col. 860-1240 ; CPG et CPGS 8120) par les soins de R . Volk , qui a déjà
publié trois importantes études à ce propos : 65 « Urtext und Modifikationen des
1006 JEAN DAMASCÈNE JI
griechischen Barlaam -Romans. Prolegomena zur Neuausgabe» , ByzZ 86 /87,
1993-94, p . 442-461 ; 66 « Symeon Metaphrastes. Ein Benutzer des Barlaam
Romans» ,RSBN, N . S. 33, 1996 , p .67-180 ; 67 « Neues vom Schreiber Kallistos
und vom Fortwirken zweier illuminierter Handschriften des Griechischen Bar
laam -Romans » , JÖB 48, 1998, p . 243-272. Le travail de 68 F . Gahbauer, « Der
Osterkanon des Johannes von Damaskos. Text, Übersetzung und Kommentar » ,
SMGB 106, 1995 , p. 133-174 , s'inscrit aussi dans ce même contexte .
Favorisé par l'activité éditoriale des bénédictins de Scheyern, un intérêt pour
l'euvre damascénienne se manifeste depuis quelques années en France avec les
traductions des “ Écrits sur l’Islam ” par 69 R . Le Coz, coll. SC 383, Paris 1992,
de la Dialectica et de l' Expositio fidei par V. S . Conticello (Thèse dactyl. citée
sous le n° 26 ; une seconde trad. franç.de l'Expositio fidei due à G . M . de Durand
et P . Ledrux est en préparation ), des C . imag. calumn. orationes tres par 70 A .-L .
Darras-Worms, Le visage de l’invisible, Paris (cf. compte rendu par 71 V. S.
Conticello, REAug 42, 1996 , p. 192 -194 ), et en Italie avec deux traductions
italiennes de l' Ef par 72 S . Rinaldi, avec introduction de A . Siclari, Parma 1994,
et par 72bis V. Fazzo, coll. « Collana ditesti patristici » 142, Roma 1998 , et des
C . imag. calumn. orationes tres par 73 V . Fazzo, coll. « Collana di testi
patristici» 36 , Roma 1983. En outre , la Dialectica a été traduite en allemand par
74 G . Richter, Johannes von Damaskos, Philosophische Kapitel, coll. « Biblio
thek der Griechischen Literatur » 15 , Stuttgart 1982. - Sur les nombreuses autres
traductions, anciennes etmodernes, des æuvres de JD , voir les listes complètes
données par Kotter dans les introductions des cinq volumes de l' édition critique.
C 'est également à la suite de l'édition Kotter qu ' ont vu le jour les éditions
critiques de trois écrits faussement attribués à JD : l’Epistula ad Theophilum
imperatorem (PG 95, col. 345-385 ; CPG et CPGS8115), par 75 H . Gauer, Texte
zum byzantinischen Bilderstreit. Der Synodalbrief der drei Patriarchen des
Ostens von 836 und seine Verwandlung in sieben Jahrhunderten, coll. STB 1,
Frankfurt am Main 1994, p. 74 -128 (cf. compte rendu de 76 B . Flusin , REByz
53, 1995 , p. 361- 363), puis par 76bis J. A Munitiz, J. Chrysostomides, E .
Harvalia Crooke et Ch . Dendrinos (édit.), The Letter of the three Patriarchs to
Emperor Theophilos and related texts, Camberley 1997; la Responsio ad
Iudaeos (CPG et CPGS 8092), éd. 77 J. H . Declerck, Anonymus dialogus cum
ludaeis saeculi ut videtur sexti (CCG 30), TurnhoutLeuven 1994 ; les Opuscula
islamica, dont certains circulent également sous le titre de Concertationes cum
Saracenis (PG 94 , col. 1596 - 1597 ; CPG et CPGS 8076 ) , par 78 R . Glei et A .
Th. Khoury , coll. « Corpus islamo-christianum » , Series graeca 3, Würzburg
1995.
Signalons enfin que l'Homilia de encaeniis ecclesiae resurrectionis dominiet
in vivificam crucem (CPG et CPGS 8095), conservée uniquement dans la tra
duction géorgienne d 'Éphrem Mtsiré , a fait l'objet d 'une édition critique par
79 N . Goguadzé, Tbilissi 1986 , aux p . 196 -220 de son édition des Anciens
recueils métaphrastiques. Les lectures du mois de septembre (en géorgien , notre
Homilia à la date du 13 septembre ). A ce propos, voir van Esbroeck 27 , p. 53- 98 .
JI JEAN DAMASCÈNE 1007
2. EUVRESNE BÉNÉFICIANT PAS D 'UNE ÉDITION CRITIQUE
A . Nous n'avons aucune information récente concernantune édition critique
de ce qui reste des Hiera, florilège damascénien mieux connu à travers les nom
breuses collections qui en sont issues et qui circulent sous le titre de Sacra
Parallela (CPG et CPGS 8056 et ci-dessous II 4 C b ). Cette édition est attendue
depuis le XIXe siècle : voir entre autres les travaux préparatoires de 80 F . Loofs ,
Studien über die dem Johannes von Damaskus zugeschriebenen Parallelen ,
Halle 1892 ; 81 K . Holl, Die Sacra Parallela des Johannes Damascenus, coll.
TU 16 , 1 ; N .F . 1, 1, Leipzig 1897 ; 82 A . Ehrhard, « Zu den Sacra Parallela des
Johannes Damascenus und dem Florilegium des Maximos » , ByzZ 10 , 1901,
p. 394 -415 , et ceux plus récents de 83 O . Wahl, Die Prophetenzitate der Sacra
Parallela in ihrem Verhältnis zur Septuaginta -Textüberlieferung, coll. « Studien
zum Alten und Neuen Testament » 13, München 1965 (2 vol.) ; 84 Id ., Der
Sirach - Text der Sacra Parallela , coll. « Forschung zur Bibel» 16 , Würzburg
1974 ; 85 Id., Der Proverbien - und Kohelet- Text der Sacra Parallela , coll.
« Forschung zur Bibel» 51, Würzburg 1985 ; voir également l'excellente présen
tation d'ensemble de 86 M . Richard , « Florilèges damascéniens» , DSp V , 1962,
col. 476 -486 , repris dans Id., Opera minora I, Turnhout/Leuven 1976 , n° I.
B . Pareillement, concernant l'immense æuvre hymnographique de JD , le plus
souvent éditée " en vrac” au sein de publications destinées à la pratique liturgique
(Octoèque, Triode,Ménées...), il semble qu'aucune étude préparatoire à une
édition critique ne soit pour l'instant envisagée. Voir cependant CPG 8070 , au
quel il faut ajouter 87 G . Stathis, Lesmanuscrits de musique byzantine. Mont
Athos, I-III, Athènes 1975 , 1976 et 1993 ; 88 J. Raasted, The Hagiopolites. A
Byzantine Treatise on Musical Theory , coll. « Cahiers de l'Institut du Moyen âge
grec et latin de l'Université de Copenhague », Copenhague 1983 ; 89 Ch .
Hannick et G . Wolfram , Die Erotapokriseis des Pseudo -Johannes Damaskenos
zum Kirchengesang , coll. « Monumenta Musicae Byzantinae. Corpus scriptorum
de re musica » 5, Wien 1997.
C . Les autres écrits, encore attribuables à JD , qui n 'ont pas bénéficié d'une
édition critique forment les groupes suivants : a. authentiques: De recta senten
tia liber (PG 94, col. 1421-1432 ; CPG 8046 ); De sacris ieiuniis (PG 95, col. 64
77 ; CPG 8050). b . d 'attribution douteuse : (1) Écrits circulant sous le nom de
JD : De sancta Trinitate (PG 95, col. 9- 17 ; CPG 8077) ; Commentarii in epistu
las Pauli (PG 95, col. 441-1033 ; CPG 8079) ; Deprecationes I-III (PG 96 , col.
816 -817 ; CPG 8081) ; Fragmenta (CPG 8087); Martyrium s. Petri neomartyris
Capitoliadis (en géorgien : éd . 90 K . Kékélidzé , Hristianskij Vostok 4, 1917 ,
p . 1-69, et CPG 8100) ; Sermo in annuntiationem B . M . V . (en arabe : éd. 91 L .
Cheikho , al-Mašriq 17, 1914, p. 274 -277 ; CPG 8080 ; trad . latine dans PG 96 ,
col. 643 -648 ). [ 2 ] Écrits circulant sous le nom de Jean d ' Eubée : Homilia in
conceptionem deiparae (PG 96 , col. 1460-1500 ; CPG et CPGS 8135) ; Homilia
in sanctos innocentes (PG 96 , col. 1501- 1508 ; CPG 8136 ); Homilia in Lazarum
(CPG 8137) ; Passio s. Parasceuae (CPG 8138 ). c . inauthentiques: nous ne
pouvons pas dresser ici la longue liste des écrits faussement attribués à JD (à ce
1008 JEAN DAMASCÈNE JI
propos, voir Hoeck 3, passim ). Nous nous contenterons donc de signaler les
principaux pseudépigraphes qui n 'ont pas, à ce jour, bénéficié d 'une édition cri
tique : Oratio de iis qui in fide dormierunt (PG 95, col.248-277, CPG 8112 et ci
dessus, I В 2 c ); De sacris imaginibus contra Constantinum Caballinum (PG 95,
col. 309 -344 ; CPG 8114 ) ; De corpore et sanguine Christi (CPG 8117 et 92 N .
Armitage, « The Theology of the Introduction and Sermon “ De corpore et San
guine Christi” attributed to John Damascene» , OC 80, 1996 , p . 1- 10) .
3. INÉDITS
Si l'on excepte les Hiera (voir II 2 A et II 4 Cb), très peu d' écrits damascé
niens conservés dans leur original grec restent inédits. Les principaux d ' entre
eux sont: une Homilia de cruce (CPG 8084) ; un Conspectus historiarum magni
canonis conservé dans le Sinaiticus gr. 313 (CPG 8085 ) ; un Lexicon conservé
dans le Vatican. Palat. gr. 46 du XIIe siècle (Hoeck 3, p. 48, n° 121) ; une Pro
fessio fidei contenue dans le Vindobon. phil. gr. 149 du XIVe s. (Hoeck 3, p . 20 ,
n° 8) . Les autres révèlent par leur titremême leur inauthenticité . En revanche, un
certain nombre d 'écrits perdus dans leur original grec , mais conservés dans des
langues orientales, devraient retenir l'attention des philologues, car il est fort
probable que certains d 'entre eux sont authentiques. Ce sont: [ 1] Écrits en trad .
arabe : Expositio et declaratio fidei (CPG 8078 ; trad . latine dans PG 95, col.
417-438 ) ; Refutatio Saracenorum (CPG 8088 ); Tractatus de matre dei (CPG
8089); De virginitate (CPG 8090 ); Homilia in ascensionem domini (CPG 8091).
[2 ] Écrits (= fragments de l'Expositio fidei ?) en trad. arménienne: De para
diso (CPG 8093) ; De providentia (CPG 8094). [3 ] Écrits en trad. géorgienne :
Laudatio ss. martyrum et patrum (CPG 8096 ) ; In archangelos (CPG 8097) ;
Tractatus de theologia et de nativitate domini nostri lesu Christi (CPG 8098 );
Homilia in Iohannem Baptistam (CPG 8099).
4 . RECENSEMENT DES ŒUVRES D 'INTÉRÊT PHILOSOPHIQUE
A . Écrits de philosophie “ post-chalcédonienne” : a . Un nombre important
d 'écrits damascéniens authentiques traite des principaux concepts des Catégories
aristotéliciennes, ainsi que des notions de substance, nature , hypostase, en appor
tant des développements nouveaux, dont le sens ne peut être entièrement perçu
qu 'à la lumière des controverses christologiques post-chalcédoniennes et princi
palement dans le contexte des débats entre jacobites sévériens et chalcédoniens.
Ces écrits sont les suivants : Institutio elementaris (Eloaywyn doyuátov
στοιχειώδης από φωνης Ιωάννου ταπεινού μοναχού προς Ιωάννην τον
Solbratov Éníoxonov Aaoðixelaç : Kotter I, p. 20 -26 ) et Dialectica (Oló
ooda xebáraia / Inmn yuúoews : Kotter I, p . 47- 146 ), deux textes qui expo
sent les définitions néoplatoniciennes ou patristiques du vocabulaire philosophi
que en usage dans la controverse christologique et constituent en ce sens de
véritables " manuels de philosophie post-chalcédonienne" ; les traités Contra
Jacobitas (Kotter IV, p. 109-153), De natura composita contra Acephalos (Toû
οσίου πατρός ημών Ιωάννου του Δαμασκηνού περί συνθέτου φύσεως
xatà åxepárwv : Kotter IV , p. 409-417), De duabus in Christo voluntatibus
JI JEAN DAMASCÈNE 1009
( Του μακαρίου Ιωάννου μοναχού Δαμασκηνού περί των ιδιωμάτων των εν
τω ενί Χριστώ τώ κυρίω ημών δύο φύσεων, εξ επιδρομής δε και περί δύο
Deanuátwv xai évepyelőv xai ulāç únooTÁOews :Kotter IV , p . 173-231),De
fide contra Nestorianos (CPG 8054 ; Kotter IV , p . 238 -253), dans lesquels JD
procède à une réflexion philosophico -théologique menée à partir des concepts
définis dans l'Institutio elementaris et la Dialectica. La comparaison des traités
De fide contra Nestorianos, qui s'appuie sur la spéculation philosophique, et
Contra Nestorianos (Kotter IV , p . 263- 288 ), qui use d 'une argumentation
strictement patristique sur le même sujet, révèle la spécificité de la réflexion
philosophico - théologique damascénienne qui s 'exprime dans ce groupe de
textes. - Sur ce sujet, voir en dernier lieu Conticello 26 , p . CXVIII-CLXIX .
b . Écrits inauthentiques: trois textes relevant d'une réflexion similiaire ont par
fois été attribués de façon erronée à JD ; en réalité, nous pouvons affirmer
aujourd'hui qu 'ils ont fait partie de ses sources, notamment dans l' élaboration de
la Dialectica. Ce sont deux opuscules tirés de l'Hodegos d'Anastase le Sinaïte
(CPG 7745 ; éd. 93 K .-H . Uthemann , coll. CCG 8 ,Leuven/Turnhout 1981), inti
tulés Opoi dla opol (= Hodegos, chap . 2 ) et De duabus in Christo naturis
(= Hodegos, chap. 1 ?) : voir Hoeck , p . 22, n° 17 , et p . 23 , nº 26 . A ceux -ci
s' ajoute le florilège dogmatique connu sous le titre de Doctrina Patrum de
Incarnatione Verbi ( éd . 94 F . Diekamp, Münster 1907 ; réimpr. Aschendorff
1981), et plus spécialement, pour ce qui est de la philosophie, son chapitre 6 .
B . Écrits d 'intérêt cosmologique ou anthropologique : a . De nombreux
chapitres de l' Expositio fidei (ToŨ dolov åbbã 'Iwávvov.TPEObutépov Aqua
oxnvoũ čxooolg åxplons tñs opodobou níotews: Kotter II) traitent de sujets
cosmologiques (chap. 19-24) ou anthropologiques (chap. 26 -39), ces derniers
consistant principalement en des reprises ou des remaniements de Némésius
d'Émèse, De natura hominis (PG 40, col. 504-817 ; CPG 3550). Sur l'anthro
pologie de JD , voir en dernier lieu 95 F . R . Gahbauer, « Die Anthropologie des
Johannes von Damaskos » , Th & Ph 69, 1994, p . 1-21. b . Ces chapitres ont parfois
connu une diffusion en tant qu'opuscules indépendants : ainsi, Quid est homo ?
(Tí totiv ävopwntos; PG 95, col. 244) reprend substantiellement l'Expositio
fidei, chap. 24 ; Demensibus macedonicis (PG 95, col. 236 -238 ) cite Expositio
fidei, chap. 20 et 21. Il faut cependant souligner l'inauthenticité de la grande
majorité des opuscules d'intérêt cosmologique mis sous le nom de JD : voir
Hoeck 3, p .51-52. c. Inauthentiques et sans intérêt philosophique sont également
deux écrits astronomiques inédits transmis sous le nom de JD : voir Hoeck 3,
p . 48 -49, nos 122 et 123. d. L 'opuscule pseudépigraphe De generatione hominis
(CPG 8123), également transmis sous les noms de Pline, Libanios et Galien , a
été édité et présenté par 96 K . Krumbacher, Studien zu den Legenden des hl.
Theodosios, coll. SBAW 1892,München 1893, p . 220 -379 et 345-347. e. Contrai
rement à ces opuscules, le De virtutibus et vitiis ( Ilepì đpetov xai xaxl
quyixőv xai owuatixõv : PG 95, col. 85-97 ; CPG 8111), dont le plus ancien
témoin manuscrit remonte au VIIIe siècle , est présenté comme authentique par
Hoeck 3, p. 28, nos 50 et 51, mais rejeté parmiles æuvres inauthentiques par M .
1010 JEAN DAMASCÈNE JI
Geerard , qui le rapproche d 'un De virtutibus et passionibus (CPG 4055) relevant
de la littérature de l'« Ephraem graecus» . L 'intérêt philosophique de cet
opuscule réside dans le classement systématique des cing sens " doubles" du
corps et de l'âme, et des vertus et vices correspondants, qu 'il opère.
C . Écrits ayant conservé des fragments d'intérêt philosophique ou rela
tifs à l'histoire de la philosophie : a. De haeresibus (Kotter IV , p. 19-67). Le
$ 83 de cet ouvrage nous a conservé deux fragments du De arbitrio de Jean
Philopon (CPG 7260) : 'Iwávvov ypauuatixoŨ TOŨ Tpločitou toŨ Neyouévov
Olonovou éx ToŨ ' Tóyou toŨ ALALTNTOŨ (Kotter IV , p. 50-51); 'Ex ToŨ
ALALTNTOŨ xepáralov 6' (Kotter IV , p. 51-55). b . Sacra Parallela (CPG 8056 ).
Sous le titre de SP sont généralement citées des collections compilées à partir
des restes du grand florilège composé par JD (ou réalisé sous son parrainage ),
intitulé Hiera (“Iepá ) et divisé en trois livres : I. Dieu ; II. l'homme; III. les ver
tus et les vices, disposés quant à eux par paires ou “ parallèles” . Il semble que,
dans la forme initiale de l'ouvrage, chaque lemme ou titre rassemblait des cita
tions scripturaires et patristiques présentées dans un ordre constant: 1. citations
vétéro -testamentaires; 2 . citations néo -testamentaires; 3. citations patristiques,
dont (a) grandes autorités : Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Grégoire de
Nysse , Jean Chrysostome, Cyrille d'Alexandrie ; [b ] Pères prénicéens: Clément
de Rome et Pseudo-clémentines, Ignace, Justin , Théophile d 'Antioche, Irénée,
Clément d 'Alexandrie , Hippolyte, Cyprien , Denys d'Alexandrie , Grégoire le
Thaumaturge, Athénodore,Méthode, Pierre d'Alexandrie , Eusébe de Césarée (et
Eusébe d'Alexandrie), Doctrina Petri (éd. critique de ces fragments par 97 K .
Holl, Fragmente vornicänischer Kirchenväter aus den Sacra Parallela , coll. TU
20, 2 / N .F . 5 , 2, Leipzig 1899); 4. citations de Flavius Josèphe et Philon
d 'Alexandrie ( status quaestionis de l'édition de ces fragments dans Wahl 83,
p . 36 -40 , auquel on peut ajouter 98 F. Petit, « En marge de l'édition des frag
ments de Philon (Questions sur la Genèse et l'Exode). Les florilèges damascé
niens » , Studia Patristica 15, coll. TU 128, Berlin 1984, p . 20-25) ; 5. contrai
rement à ce qui apparaît dans les collections tardives des SP, aucune citation
d'auteur profane n ' était contenue dans les Hiera . – La collection de SP la plus
connue, et la seule éditée, est le Florilegium vaticanum , éd . M . Lequien , Paris
1712 (2e éd., Venise 1748), II, p. 278-730, repris dans PG 95 , col. 1040 -1588 ;
96 , col. 9-442 (voir Richard 86 , col. 480 -481). Dans la première édition de sa
99 Bibliotheca graeca, VIII, p. 806 -815, J. A . Fabricius donne la liste des auteurs
cités dans l'édition Lequien . Parmi eux, Épicure , Platon , Pythagore, Sextus, les
Stoïciens, Théognis représentent la littérature profane. Leurs citations constituent
toutefois des interpolations postérieures au IXe s. Dans la 2e édition de la
Bibliotheca graeca , IX , p. 722 -732, Harles mêle à cet index celui constitué par
100 A . M . Bandini, Catalogus manuscriptorum graecorum ... Bibliothecae
Mediceae Laurentianae..., I, Firenze 1764, p. 369- 370, en référence à un témoin
manuscrit d'une autre collection de SP , le Laurent. plut. VIII 22 . Cet index
" mixte ” (et renvoyant à deux paginations, l'une de l'éd . Lequien, l'autre du ms.
de Florence) a malheureusement été reproduit dans PG 94 , col. 45 -52 , sans
JI JEAN DAMASCÈNE 1011

avertissement. Il induit fortement en erreur, car les très nombreux noms de


philosophes antiques qui y apparaissent ne correspondent pas à des citations
données dans les SP ,mais à des chapitres tirés de Jean Stobée, compilés avec
une collection damascénienne dans le seul Laurent. plut. VIII 22 (voir Richard
86 , col. 480 et 495). c . Homilia in Nativitatem Jesu Christi (Kotter V , p . 324
347). Cette homélie , dont la plus grande partie doit être reconnue comme authen
tique, a été l' objet - à l' instar de la seconde Oratio in dormitionem B . M . V., 18
(voir Kotter V , p . 504-505) - d 'une longue interpolation qui occupe les $$ 7- 10.
L’ interpolation est tirée d 'un texte intitulé 'EEńynous TÕV npaxoévtwv év
Ilepoidi, éd. 101 E. Bratke, Das sogenannte Religionsgespräch am Hof der
Sasaniden , coll. TU 19 , 3 (N .F. 4, 3), Leipzig 1899, une pièce d'apologétique
païenne faisant état entre autres des prédictions de la naissance du Christ par les
Oracles. Signalons que ce texte nous est transmis dans son intégralité au sein du
florilège iconophile du ms. Moscou, Musée historique 265 (Vladimir 197) : cf.
102 A . Alexakis, Codex Parisinus Graecus 1115 and Its Archetype, coll. « Dum
barton Oaks Studies» 34, Washington , D .C ., 1996 , Appendix III. d. Proche de
cette thématique, nous avons un texte d'attribution douteuse , mais pourtant
reconnu comme authentique par Kotter , contre l'opinion de Hoeck, la Passio
magnimartyris Artemii (Kotter V, p. 202-245). Ce texte constitue, avec la
Bibliotheca, cod. 40 de Photios ( éd . R. Henry , Paris 1959, 1, p . 23-25), notre
principal relais pour la connaissance de l'Histoire ecclésiastique perdue de
l'eunomien Philostorgios (éd. des fragments par 103 J. Bidez, Philostorgius
Kirchengeschichte, coll. GCS 21, Leipzig 1913; 2e éd. Berlin 1972 ; 3e éd. Berlin
1981). Il nous transmet notamment les fragments suivants : Philostorgios, H . E . I
6 ; II 4 , 16 ; III 1, 2 , 22- 26 , 27, 28 ; IV 1, 2 , 3 ; V 5- 7, VII 1a, 1b, 1c, 3, 4a, 4b, 4c,
8a, 9a, 15a ; VIII 1a , 6a. A ces fragments, qui relatent l'accession au trône de
l'empereur Julien , il faut ajouter des passages retraçant: [1] un débat entre Julien
et l'évêque Macaire (S $ 25 -34) , dans lequel ce dernier se réfère à Hermès
Trismégiste et à la Vie de Pythagore; [2 ] un second débat entre Julien et
Artémios (S $ 40 -48), dans lequel l'empereur décrit sa religion astrale, en effec
tuant des parallèles avec le panthéon grec (Soleil- Apollon, Lune-Artémis ...),
qu'Artémios réfute en rappelant un oracle d 'Apollon (Mỹ őpeheç núuarov ue
και ύστατον εξερέεσθαι - και ο παθών θεός έστι, και ου θεότης πάθεν
aútń : $$ 46, 9- 17 ) et en évoquant Anaxagore , qualifié de “père spirituel”
d 'Archélaos et Périclès, Socrate et Platon . A cela s'ajoute une description
détaillée de l' anéantissementpar le feu divin du sanctuaire d 'Apollon à Daphne
près d 'Antioche. - Sur l'illustration byzantine des passages de la Passio Artemii
et de l'Homilia in Nat. J. C . relevant de l'apologétique païenne, voir 104 D .
Cacharelias, The codex Athous Esphigmenou 14 (Ph . D .), New York 1995 ; sur la
culture hellénique de JD , voir aussi van Esbroeck 27, p.62-64. e. Concernant le
Roman de Barlaam et Joasaph (CPG 8120 ), souvent attribué à JD , et son
utilisation de l’Apologie d 'Aristide, un texte relevant lui aussi de l'apologétique
contre les païens, voir l'article de 105 T . Bräm dans DPHA II, B 12, auquel il
faut ajouter la réponse critique de Volk 66 , p . 79-80 . f. Enfin , les Aldaoxarixal
1012 JEAN DAMASCÈNE J1
Épunvelat éditées par 106 P . Tannery , « Fragments de Jean Damascène » , REG
VI, 1893, p . 85-91 et 273-277, à partir du Parisin. gr. 2531 (XVe s.) constituent
une compilation de notices sur des personnages anciens ou mythiques et sur bon
nombre de philosophes grecs, antérieurs ou postérieurs au Christ. Cependant, ni
les informations livrées par celles-ci, ni leur attribution à JD ne devraient être
prises au sérieux, comme le montre 107 K . Krumbacher, ByzZ 2 , 1893, p.637
sq., et 3, 1894, p. 193, suivi par Hoeck, p . 47, n° 120 .
Pour une présentation critique de la littérature secondaire portant sur la pen
· sée philosophique de JD , voir 108 A . Siclari, « Il pensiero filosofico di Giovanni
di Damasco nella critica » ,Aevum 51, 1977, p . 349 -383.
VASSA S. CONTICELLO .
2 JEAN STOBÉE ou “ de Stobi” (en Macédoine yougoslave)
Auteur d 'une Anthologie, intitulée Extraits, Dits et Préceptes, en quatre livres
( éxłoy v, ånopeeyuátwv, únoOnxūv Bibaía réooapa ).
Édition . 1 C . Wachsmuth (édit.), loannis Stobaei Anthologii libri duo priores,
Berlin 1884, vol. I-II ; O . Hense (édit.), Ioannis Stobaei Anthologi libri duo
posteriores, Berlin, vol. 1 ( III), 1894, vol. 2 (IV ), 1909, vol. 3 (V ), 1912.
Réimpr. 1958. Pour la notice de Photius (cod. 167), voir l' édition de 2 R . Henry,
Photius, Bibliothèque, « Collection Byzantine» , t. II, Paris 1960, p . 149-159
(avec traduction française ).
Cf. 3 O . Hense , art. « Ioannes (18] Stobaios» , RE IX 2 , 1916 , Nachträge, col.
2549-2586 , où l'on trouvera les références aux études antérieures, notamment
celles de Wachsmuth , Elter et Hense lui-même. 4 J. Mansfeld et D . Runia,
Aëtiana. The method and intellectual context of a doxographer, I: The Sources,
coll. « Philosophica antica » 73,Leiden 1997, p . 196 -271.
On ne peut le dater que par le plus récent des auteurs qu 'il cite, c'est-à -dire le
philosophe Thémistius, mort vers 388. L 'Anthologie a donc pu être écrite au
début du ve siècle . Le nom de l'auteur suggère une origine chrétienne,même si
aucun auteur chrétien n 'est cité (Mansfeld et Runia 4, p. 197). Photius, au 1xe
siècle , avait encore à sa disposition un exemplaire complet en deux volumes et
seule la présentation qu'il en a donnée dans le codex 167 de sa Bibliothèque nous
renseigne sur la finalité de l'ouvrage, son plan et l'étendue des lacunes de sa
tradition directe .
L 'ouvrage aurait été compilé par l'auteur à l'intention de son fils Septimius,
" pour discipliner et améliorer chez son fils un naturel faiblement doué pour la
mémoire des lectures” .
La table des matières des 208 chapitres de l'ouvrage, conservée par Photius,
montre qu'un grand nombre de chapitres des deux premiers livres n 'ont pas été
conservés par la tradition directe .
Il est possible que la table de Photius s'inspire d'une table dressée par Stobée lui-même en
tête de son recueil pour en faciliter la consultation . On constate cependant dans la table de
Photius des raccourcis et des regroupements de titres par rapport aux intitulés conservés par
lesmanuscrits : plusieurs chapitres sont parfois résumés par un " etc.” ajouté à un titre initial
ou bien les titres de différents chapitres sont regroupés dans un titre synthétique.
J 2 JEAN STOBÉE 1013
L 'Anthologie commençait par deux chapitres introductifs regroupant des élo
ges de la philosophie et décrivant les différentes écoles philosophiques. On y
trouvait également des extraits sur la géométrie, la musique et l' arithmétique.
Quelques passages, principalementnéopythagoriciens, relatifs à ce dernier thème
sont conservés. Le reste du premier livre était consacré à la physique, le début du
second à la logique, tout le reste à l'éthique .
Les premiers chapitres du livre I se rattachent à la physique générale (pour
Photius il s'agit plutôt de “métaphysique") : l'existence d'un Dieu créateur et
d 'une Providence , la justice divine, la nécessité, le destin , la fortune, le temps,
puis les principes, les éléments, l'univers, la matière et la forme, les causes, etc.
Suivaient de longs chapitres de science naturelle (cosmologie , météorologie ,
géologie , biologie , physiologie animale et humaine, psychologie ), le tout princi
palement emprunté aux Placita d'Aétius (MA 27).
Le livre II aborde en premier lieu le problème de la connaissance par
l'hommedes choses divines, puis traite de la dialectique, de la rhétorique et de la
poétique. Mais , à partir du chapitre 7, tout le reste du livre et les deux livres
suivants sont consacrés à l' éthique, entendue au sens large et comprenant la
politique et l'administration domestique (“ économique” ) qui constituent les
thèmes principaux du dernier livre.
Les différents chapitres sont de longueur fort variable, regroupant parfois plus de 200
lemmes et parfoismoins de 10 . En règle générale , les chapitres font se succéder citations poé
tiques et citations de textes en prose . Certains vers attribués à des auteurs commeMétrodore
(IV 11, 3 et 5 ) ou Clitomaque (IV 41, 29 ) étaient vraisemblablement des citations poétiques
trouvées dans leurs æuvres et déplacées sous leur nom dans la première partie du chapitre .
Ailleurs, Stobée n 'a pas vu la forme poétique d 'une citation (Hermoloque en IV 34 , 66 ) ou
inversement a pris pour un vers une ligne en prose (Héraclite en 1 10, 7).
La notice de la Bibliothèque de Photius nous a également conservé une liste
de plus de 450 noms d'auteurs ayantfourni à Stobée la matière de ses chapitres.
Cette liste distingue – en les regroupant selon les lettres de l'alphabet grec -
d'abord (a ) des philosophes d'Eschine le Socratique (Aischinès) à Chilôn , avec
en appendice une liste de dix " cyniques” , puis (b ) des poètes d'Athénodore à
Charès, puis (c) des orateurs et des historiens d 'Aristide à Chryserme, (d ) des
rois et des généraux d'Alexandre à Charès, et enfin (e ) quelques inclassables,
d'Aristophane à Speusippe, parmi lesquels figurent plusieurs médecins mais
aussi des philosophes, qui apparaissaient déjà dans la première liste.
L'auteur de cet index semble avoir disposé les auteurs cités dans les lemmes dans ces cinq
catégories en les regroupant selon les lettres de l'alphabet grec dans l'ordre imposé par la
première occurrence du nom dans le texte . On constate ici et là des nomsdéplacés, sans doute
parce que parmanque de place ils avaient été inscrits en marge et par la suite intégrés à une
mauvaise place . Sur cette liste , voir 5 A . Elter, De loannis Stobaeis codice Photiano, Bonn
1880 .
Cette liste montre l'étendue des lectures de Stobée et la grande quantité de
textes qui, grâce à lui, ont été sauvés du naufrage de la littérature antique. Il est
peu d'éditions des fragments perdus d'un poète , d'un dramaturge comique ou
tragique, d 'un philosophe, des présocratiques aux philosophes du IVe siècle de
notre ère , qui ne puise chez Stobée quelque pièce de valeur. Il a transmis des
1014 JEAN STOBÉE J2
pages entières d 'auteurs dont le nom même, sans lui, eût été à jamais oublié .
C 'est le cas par exemple des longs extraits de Télès, un cynique du III° s. av. J.
C . Pour d'autres auteurs, comme Porphyre ou Jamblique, il révèle l'existence
d'auvres par ailleurs inconnues.Même pour des auteurs bien conservés en tra
dition directe comme Platon , son témoignage mérite d'être examiné, dans la
mesure où les citations qu 'il en fait reproduisent,malgré les vicissitudes de sa
propre tradition , un état du texte antérieur de plusieurs siècles aux plus anciens
manuscrits conservés. On constate que Stobée ne cite aucun auteur chrétien ; en
revanche, le nom de Flavius Josèphe apparaît en deux passages (III 38, 59 et III
42 , 17).
Si on laisse de côté les poètes (tragiques, comiques ou autres ), les rhéteurs
“ classiques”, les historiens, les hommes politiques, quelquesmédecins (dont An
tyllos, Euryphon , Galien cité une fois en IV 37, 14, et un certain “ Trophilus”, IV
38, 9, qui pourrait être Hérophile selon Roeper [6 H . von Staden , Herophilus.
The Art of Medicine in early Alexandria, Cambridge 1989, fr. 51, p . 125- 126 ,
avec comm . p. 135, retient le fragment, non sans réserves,mais écrit “ Trophi
mus" au lieu de “ Trophilus”, pourtant confirmé par la liste de Photius, p. 115 a
34 ]), pour s' en tenir aux philosophes et uniquement à ceux qui ne sont pas cités à
travers des doxographies ou des recueils intermédiaires d 'une grande importance
philosophique comme les Placita d 'Aétius ( A 27 ) ou l'Epitome d'Arius
Didyme (MA 324 ]), on peut dresser une liste des auteurs cités en les regroupant
par catégories:
Sages: Anacharsis, Bias, Chilon, Cléoboulos, Périandre, Pittacos, Solon, Thalès. Stobée
cite également un recueil d'apophtegmes des Sept Sages attribué à Démétrius de Phalère et un
autre attribué à Sosiadès.
Pythagore (Vers d 'or, sentences et dits) et pythagoriciens anciens (apophtegmes et écrits
pseudépigraphes édités par Thesleff et, pour certains, par Centrone) : Aisara ( A 69), Archy
tas ( A 322 -323), Arimnestos ( A 333), Aristaios (" * A 341), Aristombrote (* A 383),
Aristoxène ( » A 417 ), Bouthéros ( - B 58), Bryson (> 66 ), Callicratidas ( C 19 ), Charondas
( ** C 105 ), Cleinias (* C 145), Criton ( C 221), Damippos (* D 7), Dios (2D 197), Dioto
gène ( D 209), Ecphante ( E9), Euryphamos ( E 145), Eurysos ( + E 150 ?), Hipparque
(* H 140), Hippodamos ( H 153), Métopos de Métaponte , Ocellos, Onatos, Pempélos,
Périctionè, Philolaos, Phyntis, Polos, Sthénidas de Locres, Théagès, Théano, Zaleukos.
" Présocratiques” : Alcméon ( M+ A 98), Anaxagore (» A 158), Anaxarque (* A 160),
Anaximène ( A 168), Antiphon (*** A 209), Empédocle ( » E 19), Gorgias (* * E 28 ), Héraclite
(2H 64), Parménide, Prodicos, Protagoras, Xenophane, Zénon d 'Élée. Parmi les auteurs le
plus souventcités, on rencontre Démocrite ( D 70 ).
Socrate : sentences et apophtegmes. Socratiques et " petits socratiques” : Apollodore " le
Mégarique" (* A 253) (cité par Aristonymos), Aristippe (" A 356 ), Aristote de Cyrène
( + A 412 ), Coriscos (MC 187 ), Eschine de Sphettos (2A 71), Euclide ( E82), Ménédème,
Simon, Lettre à Aristippe, Stilpon, Théodore de Cyrène.
Xénophon : extraits de presque toutes ses æuvres.
Platon : nombreuses et longues citations (témoignages importants pour la tradition indi
recte ) de presque tous les dialogues (authentiques et inauthentiques) et des lettres.
Académiciens : Arcésilas ( A 302), Carnéade ( + C 42), Clitomaque ( C 149), Crantor
( C 195),Dion l'Académicien (= D 167 ?), Xénocrate ,Ménaichmos le géomètre , Speusippe.
Aristote (et pseudo- A .) : fragments divers et citationsdes Physiognomica , des traités ſlepi
åpetñs xai xaxlaç, Tepi urhuns, Nepi evyeveias, Euvaywy úxovouátwv Davuaoiwv,
J2 JEAN STOBÉE 1015
du Demundo (= Lettre à Alexandre ), d'une Lettre à Philippe, ainsi que de nombreux bons
mots tirés 'Ex tõv 'AplotoTÉÃOuç Xpelőv ou 'Ex TÕV XOLVõv ’AplototéNouç Olatpißőv.
Péripatéticiens: Théophraste, notamment ſepi napoque@ v, lepi ovußoralwv, et plu
sieurs fragments, Démétrius de Phalère (voir " Sages"), Hiéronymos < de Rhodes> ( » H 129 ?)
[II 31, 121 (sur l' éducation ) : référence absente de l'Index de Wachsmuth).
Cyniques : bonsmots d ’Antisthène ( A 211), Bion ( B 32), Cratès ( C 205), Démonax
( - D 74), Diogène ( D 147),Monime, Métroclès, " Socraticos". On a également attribué au
Démétrius ( D43) ami de Sénèque, plutôt qu 'à Démétrius de Phalère, un bref dialogue entre
Courage et Lâcheté transmis sous ce nom (III 8, 20 ).
Épicure (* * E 36) : quelques fragments et un extrait des Ratae Sententiae. Épicuriens:
Métrodore, Hermarque (» H 75), Polyen (s 'il faut lui attribuer la sentence citée en IV 56 , 31).
Stoïciens anciens: Antipatros de Tarse ou plus probablement de Tyr [> A 206 ] (deux
extraits Περί γάμου et Περί γυναικός συμβιώσεως) , Aratos ( Α 298), Chrysippe
( ~ C 121), Cléanthe ( C 138) (Hymne à Zeus), Zénon .
Ariston de Chios ( + A 397) : 'Ouolbuata. Nombreuses citations que l'on rapporte géné
ralement à ce philosophe stoïcien, bien que ce titre ne figure pas dans la liste des æuvres
d' Ariston transmise par Diogène Laërce VII 163.
Épictète (» E 33):Manuel et Entretiens transmis par Arrien (» A 425] (avec de nombreux
fragments recueillis par Schenkl). Stobée cite également d'Arrien des extraits tirés 'Ex tūv
Προτρεπτικών ομιλιών. C 'est a cet Arrien de Nicomédie ou a un physicien homonyme
( A 124) que se rapportent trois longs fragments “météorologiques”.
Certains propos d'Épictète sont également connus par son disciple Musonius Rufus, dont
Stobée cite de nombreuses diatribes. Musonius est lui-même cité dans un passage à travers un
certain Lucius quiaurait publié les propos de son maître .
Plutarque : citations nombreuses d'ouvrages conservés et plusieurs fragments d'euvres
perdues (recueillis par Sandbach ). De nombreuses autres citations d'auteurs anciens sont
citées à travers Plutarque.
Néopythagoriciens:Modératos le Pythagoricien . On peutrattacher à ce courant Apollonius
de Tyane (2* A 284), dont une vingtaine de lettres sont citées.
Néoplatoniciens : Porphyre : longs extraits de plusieurs traités perdus comme lepi
åvaruátwv, Sur le Styx , Sententiae, Hepi tõv tñs quxñs ouváuewv,Nepi toũ éd' nuīv,
Περί του γνώθι σαυτόν.
Jamblique : extraits du Protreptique, longues citations du De anima (traduites par A . J.
Festugière, Révélation , t. III ) et de lettres “ thématiques" adressées à de nombreux destinataires
comme Agrippa (2 -A 51), Anatolius (» A 157), Arétè (2+ A 327), Dexippe ( D 88),Dysco
lios (2-D 231), Eustathe (» E 161),Macédonius, Olympios, Sopatros.
Signalons égalementune citation des Hymnes orphiques etde nombreux extraits des écrits
hermétiques.
Parmi les textes (plus ou moins) philosophiques d 'auteurs moins connus qui ne sont
conservés que grâce à Stobée (et ne sontparfois pas répertoriés dans la RE),mentionnons:
- Anonyme,lepi ovysploewçMoútov xai 'Apetñs,
- Aristonymos (HA 403), Tomaria (Aristonymos est associé à Socrate dansun passage),
- Eusebios (- E 151), une soixantaine de fragments en dialecte ionien ,
- Favorinus (MF 10 ), nombreux extraits dont certains tirés d'un ouvrage Tepi mhpwc.
- Hermippe (= H 86), Euvaywy tõv xarőç ávaduvnDÉVTÁV ÉĘ 'Ouńpov,
- Hiérax, NepidixALOOÚvns ( H 116 ), six extraits,
- Hiéroclès le Stoïcien ( H 124), six diatribes,
- Hypsaios (» H 178),Hypotheka (Hypsaios est associé à Démonax et à Socrate dans un
passage),
- luncus (» I49), Nepirowç, quatre extraits,
1016 JEAN STOBÉE J2

- Nicolas (de Damas ), 'EAWV Ouvaywrn ,nombreux fragments,


- Nicostratos (cf. RE 27 : sophiste du lje s. ap. J.-C . et non le platonicien RE 26 ), Mepi
γάμου,
- Rhéginus, lepi piniac,
- (Aelios) Sérénos,'Anouvnuoveúuata,
- Sotion, Mepi oprns,
- Télès (iile siècle av. J.- C .), sept extraits cités à travers l'abrégé d'un certain Théodore
(RE 34 ),
- Théodore, ‘ Ynèp ’EATLOnpoplavñs.
D 'autres auteurs semblent être plutôt des rhéteurs :
- Cornelianus,Kata Bepovíxns,
- Crispinus ( C213),Karà Alovvolov, OV ,

- Gaius, ' Yrèp deonorðv, Kard Movoalou Moixeias, 'Ynèp louxiang, Karà
Μενάνδρας, Υπέρ Παύλου παιδός ιδίου έν μανία ανηρημένου,
– Iulius, £x tūv eis tòv ALÓvvoov xaimynatpida dexOévtov,
- Obrimos (RE 2, un rhéteur selon Photius, p. 115 a 33], <'Yntèp> Ilowtoyóvou
κρινομένου φαρμάκων, Υπέρ Σεβήρου,
- Sopatros, Lettre à son frère Himérius. Selon J. Schamp,il pourrait s'agir de deux fils du
sophiste Sopatros. Voir la notice consacrée au rhéteur Himérius ( H 136 ).
Quelques autres noms apparaissent ici et là quiméritent d'être rattachés à la tradition phi
losophique : un platonicien inconnu , Alcidamas ( ** A 88 ), Caton l'Ancien (* C 58 ), Céphiso
dore (™C 80 ?), Cléostrate (un buveur, qui n 'est sans doute pas Cléostrate de Ténédos
[2+ C 172]), Ésope (» E 60 ), Euphratès le Syrien ( » E 132), Euxitheos (» E 182), Linos ( Plepi
PúoewÇ xóquov ), Milon (Ovoixá ), Naucratès le Sage, Phalaris (Lettres), Pyrrhon, Scipion ,
Théoboulos (= Cléoboulos le Sage ?), Timon le Misanthrope.
Enfin, rappelons que l'auteur le plus récent utilisé par Stobée semble être Thémistius, dont
il cite le Mɛpiquxñs et plusieurs passages tirés Éx ToŨ METPLOTADOūç Ñ OLOTéxvou.
Pour la plupart de ces textes, il n' existe pas d'étude récente, ni d'édition postérieure à
l'édition Wachsmuth -Hense, encore moins de traduction en langue moderne. Encore une fois :
la liste dressée plus haut se borne à recenser les philosophes qui sont cités directement par
Stobée (ou qui sont présentés comme tels ) et n 'inclutpas de nombreux nomsqui apparaissent
par exemple dans les longs extraits des Placita d'Aétius.
Il n 'est pas sûr qu 'une si impressionnante collection d 'extraits ait été consti
tuée par la lecture directe des æuvres originales. Stobée a souventmis à profit
des recueils intermédiaires, répertoires alphabétiques des auteurs tragiques ou
comiques, collections d'apophtegmes classés par personnages, florilèges théma
tiques. L 'utilisation de cette documentation intermédiaire explique d 'ailleurs cer
taines lacunes ou certaines erreurs dans les lemmes qui introduisent chaque
citation .
La plupart du temps Stobée ne cite pas la source immédiate, ou bien il ne la cite qu'une
fois, puis cite directement les apophtegmes ou les sentences qui étaient prêtées à un person
nage dans la source en les plaçant sous le nom de ce personnage. Parfois, on connaît cette
source: par exemple le Banquet des Sept Sages, les Apophtegmesdes Rois et des Empereurs,
le traité Sur les fleuves de Plutarque ou du pseudo-Plutarque, les discours diogéniens de Dion
Chrysostome. Plus souvent, on devine une collection qui nous est inconnue par ailleurs. On a
ainsi identifié des recueils de citations d'Euripide ou de Ménandre classées selon l'ordre
alphabétique des titres des tragédies ou des comédies. En III 1, 30 -44, on relève un recueil
alphabétique de Iudayópou ruõuai.
J3 JUVÉNAL 1017
Voir 7 S. Luria, « Entstellung des Klassikertextes bei Stobaios »,RM 78, 1929, p. 81-104 ;
225-248 ; 8 R . M . Piccione, « Sulle fonti e le metodologie compilative di Stobeo » , Eikasmos 5,
1994, p . 281-317.
Tradition manuscrite . La tradition des deux premiers livres est distincte de
celle des deux derniers. Photius déjà lisait l'ouvrage en deux codices distincts.
On a longtemps distingué entre les Eclogae physicae et ethicae (livres I-II) et le
Florilegium ou les Sermones (livres III -IV ). Les deux premiers livres offraient
un contenu moins " pratique” que lesdeux derniers et ils ont fait l'objet d 'ampu
tations toujours plus importantes révélées par la table de Photius. Les lacunes
sontbeaucoup plus rares dans le second livre. Mais cette division de l’æuvre est
tout à fait artificielle et, à juste titre, Wachsmuth et Hense ont rendu à l'Antho
logie son unité originelle . Voir 9 A . L . Di Lello -Finuoli, « Il Florilegio Lauren
ziano » , QUCC 4, 1967, p . 139-173; 10 Id ., Un esemplare autografo di Arsenio e
il “ Florilegio ” di Stobae con studio paleografico di Paul Canart, Roma 1971 ;
11 W . Bühler, Zenobii Athoi Proverbia,Göttingen 1987, t. I, p. 293-298.
RICHARD GOULET.
3 JUVÉNAL (DECIMUS IUNIUS IUVENALIS ) RE Iunius 87 ca 60 -140
La vie du poète latin Juvénal nous est connue par plusieurs séries de témoi
gnages :
- Les vies de Juvénal rapportées dans les manuscrits, qui semblent provenir
d'un modèle unique. Elles présentent le poète comme le fils d'un affranchi. Il
commença par pratiquer la déclamation ,puis écrivit des satires d' abord contre le
pantomime Paris et développa ensuite ce genre d 'écrits avec vigueur. Son succès
grandissant, il fut banni de la ville et envoyé commander une cohorte en haute
Égypte , à l'âge de 80 ans. Là il périt rapidement d 'ennui et de terreur.
Depuis longtemps l'incohérence et l'inexactitude de ces lignes ont été souli
gnées ; elles sont fondées sur un mélange confus d 'indications vraies ou fausses
provenant des Satires. Cf. 1 J. Vahlen, Gesammelte philologischen Schriften II,
Leipzig 1923, p. 181, et 2 S . Braund, Juvenal. Satires Book I, Cambridge 1996 .
- Les données provenant de l'æuvre. Elles révèlent une connaissance du
monde des tribunaux et de la rhétorique. La ville de Rome lui est évidemment
familière. L ' évocation de l'Égypte paraîtmoins sûre . Au total, l'ensemble reste
mince.
- Juvénal est également mentionné par Martial dans trois épigrammes (VII
24 ; VII 91 ; XII 18 ) où se révèle une certaine intimité. Il y est qualifié de facun
dus et présenté commeun homme qui fréquente le quartier populaire de Suburre .
- Une inscription d 'Aquinum (CIL X 5 , 382). Elle mentionne un Decimus
Iunius Iuuenalis , tribun des cohortes Dalmates, magistratmunicipal (duouir ) ou
uir quinquennalis (chargé de la censure) et flamine du divin Vespasien . Selon
3 E . Courtney, A commentary on the Satires of Juvenal, London 1980, 1636 p .,
ce personnage appartiendrait à une génération postérieure. 4 R . Syme (« The
patria of Juvenal» , CPh 54 , 1979, p . 1- 15 , repris dans Roman Papers, Oxford
1984,t. III) a montré que cette inscription ne pouvait s'appliquer à Juvénal.La
1018 JUVÉNAL 13
mention du commandementmilitaire est erronée et les cohortes dalmates furent
créées sous Marc-Aurèle. Le nom est indiqué de façon imprécise, sans mention
de la tribu ou de l'origo . L 'historien souligne donc la rareté des données cer
taines dans un domaine où dominent la crédulité et les affirmations aléatoires.
L 'exil de Juvénal lui paraît tout aussi discutable . Le poète se présente donc
comme une figure énigmatique, sur laquelle nous possédons très peu de rensei
gnements . Telle est la conclusion de 5 J. Ferguson , A prosopography of the
poems of Juvenal, coll. « Latomus» 200 , Bruxelles 1987, 250 p.,même s' il tente
une reconstruction, et Braund 2 .
L ’influence de la philosophie dans les Satires a été diversement appréciée.
Des travaux comme ceux de 6 G . Highet (« The Philosophy of Juvenal » , TAPHA
30 , 1949, p . 254 -270 ) admettent une certaine connaissance philosophique, mais
de caractère général: elle s'exprime dans l'intérêt de Juvénal pour les compor
tements humains ou dans des formules générales concernant, par exemple , la
vertu et la vraie noblesse (Sat. VIII). Le poète connaît les maximes stoïciennes
(XV 143) , mais il dénonce aussi l' existence des Enfers comme les épicuriens. Il
faudrait ainsi conclure à l'éclectisme de Juvénal. Courtney 3 ne semble guère
s'attarder sur cette question . Toutefois des travaux récents ont insisté plus nette
ment sur l'influence philosophique : la satire VII (190 -202) évoque la doctrine de
la perfection du sage. La satire VIII est toute proche de Sénèque (Epist. 44) avec
l'accentmis sur la uirtus (voir 7 S. Braund , Beyond anger. A study of Juvenal's
third book of Satires, coll. « Cambridge classical studies» , Cambridge 1988,
XIII-302 p.). D 'autres parallèles précis révèlent une influence de Sénèque sur
Juvénal (p . 83-89) ; le poète évoque le déterminisme stoïcien. Dans la satire XV,
la philosophie domine également avec des échos du stoïcisme et la mention de
l'Humanitas. C ' est surtout la satire X qui a retenu l'attention des commentateurs
( 8 B . Dick, « Seneca and Juvenal 10 » , HSCP 73, 1969, p . 237 -246 ). Juvenal
oppose Héraclite (MH 64) et Démocrite ( D 70 ), mais il insiste sur la folie
humaine : les hommes ne savent pas reconnaître les vrais biens et les faux, tandis
que le poète distingue le faux bonheur de la prudentia . Ces thèmes apparaissent
fréquemment dans l'æuvre de Sénèque. Ils permettent de souligner l'influence
de ce philosophe sur Juvénal et, plus largement, celle du stoïcisme.
Cf. 9 F. Vollmer, art. « D . Iunius Iuvenalis» 87, REX 1, 1918, col. 1041
1050 ; 10 J. Gérard, Juvénal et la réalité contemporaine, « Collection d'études
anciennes » et « Publications de l'Université Paris X - Nanterre » , Paris 1976 , X
536 p.; 11 R .Marache, « Juvénal, peintre de la société de son temps » , ANRW II
33, 1, 1989, p . 592-639.
Bibliographie . 12 M . Coffey, « Juvenal 1941-1961» , Lustrum 8, 1963,
p . 161-217.
Éditions. 13 P. de Labriolle et F . Villeneuve ( édit.), Juvénal, Satires, texte
établi et traduit par P. de L . et F. V ., CUF, Paris 1921, XX11-206 p. (en partie
doubles) ; 14 J. Ferguson (édit.), luuenalis. The Satires, textwith comm . by J. F .,
coll. « Classical Series» , London 1979, XXXIX -326 p.; 15 E. Courtney ( édit.),
luuenalis. The Satires, coll. « Instrumenta litterarum » I, Roma 1984 , 149 p .;
J 3 JUVÉNAL 1019
16 J.R . S. Martyn (édit.), luuenalis. Saturae, Amsterdam 1987, XXX11-179 p.;
17 W . V . Clausen (édit.), A . Persi Flacci et D . luni luuenalis Saturae, ed . breui
que adnotatione critica denuo instruxit W . V . C ., coll. « Scriptorum classicorum
bibliotheca Oxoniensis » , Oxford 1992, XIV -198 p .; 18 J. A . Willis , luvenalis
saturae, BT, Leipzig/Stuttgart 1996 .
Lexique. 19 R . Kelling et A . Suskin , Index verborum luvenalis, Chapel Hill,
Univ. of North Carolina Press, 1951, VIII- 139 p .; 20 M . Dubrocard, Juvénal,
Satires. Index verborum , relevés statistiques, avec la collaboration du Labora
toire d'analyse statistique des Langues anciennes de l'Univ . de Liège, coll.
« Alpha-Omega, Reihe A , Lexika, Indizes, Konkordanzen zur klass . Philol.» 28,
Hildesheim 1976, XXVIII-148 p. 27 pl.
Études. 21 G . Highet, Juvenal the Satirist, London 1954.
MICHÈLE DUCOS.
Index des noms propres

Cet index contient les noms de tous les personnages historiques mentionnés dans les
notices. Les nomsdes auteurs des sources primaires anciennes ne sont pas pris en compte. En
règle générale, nous avons évité d 'identifier les personnages homonymes connus par des
sources distinctes, lorsque l'identification n 'apparaissait pas comme certaine. Une brève
caractérisation du personnage n 'a été ajoutée que là où elle semblait nécessaire, notamment
pour distinguer les homonymes. Il arrive que la translittération des nomspropres retenue dans
l'index ne soit pas celle qui a été utilisée dans les notices. Comme cet index entend compléter
la séquence des notices, lorsque le personnage bénéficie d'une notice dans le présent tome,
aucune référence n 'est faite à la notice correspondante. Les numéros renvoient aux notices
(pour les lettres E à J de l'alphabet) et un seul renvoi est indiqué pour une même notice, même
si le nom figure à plusieurs endroits. Toutefois, pour les notices qui comprennent plusieurs
pages, on a ajouté un renvoiaux pages où le nom propre apparaît.
Les numéros de notices sont séparés par des points-virgules, les numéros de pages pardes
virgules. Exemple :
Alcibiade C 16 ; 17 ; 102; 174; 175; 216 , p. 516 ,
520 ; D 13, p.604; 91; 195; 226 , p. 901, 905.
Cette référence doit se lire de la façon suivante: On trouvera le nom d'Alcibiade dans les
notices C 16 , C 17... C 216 , puis D 13, D 91, D 195, D 226 . Pour la notice C 216 , un renvoi
complémentaire est fait aux pages 516 et520. De même pour D 226 aux pages 901 et 905.
L 'identification des noms propres relevantde la tradition syriaque et arabe a été assurée par
Maroun Aouad. Sont indiqués, d'abord, une appellation usuelle, puis, entre parenthèses, les
autres éléments du nom , ce qui permet d'identifier les personnages désignés différemment et
d' éviter la confusion entre ceux qui ont des noms voisins. Quand il existe un nom équivalent
(transformation par les Latins...), il est indiqué entre crochets . Pour le classement alphabé
tique de ces noms, il n'est pas tenu compte de l'article défini français ou arabe (al-, l-),nide b.
'Abd al-Malik b. Marwān J 1, p. 989, 1001- Acamatios 1 31, p . 875.
1002. Achille Tatius, romancier H 31, p. 536 .
Abammon 1 3, p. 830-831. Achille, commentateur d'Aratos E 97.
Abaris H 60 ; 136 , p. 735, 739. Acoumène E 59.
al-Abhari (Ațir al-Din Mufaddal b . 'Umar) Acron d’Agrigente E 19, p. 81, 85 ; G 18 .
E 80, p . 265. Acron, fils d'Acron E 19, p. 85.
Abū Bakr al-Rāzi, voir al-Rāzi. Actoridès E 36 , p. 166.
Abū.l-Hasan 'Ali b . Muḥammad al-Daylami Adimante G 21.
I 39.
Aèce d'Antioche, évêque arien E 45 ; 122,
Abū 'Uțmān Sa'id b . Ya'qūb , voir al p. 325-327, 329, 333; 184, p. 402.
Dimašqi. Aelius Aristide E 86 ; 87 ; 185.
Abraham H 12 , p .519 , 522. Aelius Maurus I 42.
Abraham de Balmes G 15 .
Aétius d'Amida G 3, p .440 ; 1 1.
Abydénos E 156 . Aétius, le doxographe E 45 ; H 154 ; J 2 ,
Acace E 121, p. 315 . p. 1013-1014 , 1016 .
Académos H 31, p. 543. Agacléos, père d'Ératosthène E 52,p. 193.
1022 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Agapètos I 38, p. 937. Alcméon de Crotone H 152, p. 785, 789;
Agapius, évêque de Césarée E 156 . I 38, p. 914 ; J 2, p. 1014.
Agatharchidès de Cnide H 12, p. 524 ; 61; Alcuin E 33, p. 146.
15, p. 845. Alcyoné H 136 , p. 740.
Agathias E 112 ; H 81 ; 1 32. Alexandre“ Lychnos” d'Éphèse H 63.
Agathinos de Sparte H 105. Alexandre (= Alexandre d’Aphrodisias) I 22.
Agathoclès le Stoïcien H 89 ; 108. Alexandre (= Alexandre le Grand) I 38 ,
Agathon le poète G 28 ; I 38,p. 926 . p . 900 .
Agémortos H 75. Alexandre d'Égée, disciple du sophiste Julien
Agésilas, roide Sparte E 98. E 153 .
Agétor le Spartiate E 52, p. 233. Alexandre d'Aphrodisias E 80, p. 269; 92 ;
Aglaos, père d'Ératosthène de Cyrène E 52, 156 ; 161, p. 372-373 ; 163, p . 383 ; 175 ;
p. 193. G 3, p. 460 -461 ; 15 ; H 56 ; 83 ; 151,
Agricola (Cn. Iulius -) G 33. p . 768 ; 1 3, p. 835 ; 45.
Agrippa (Julius -), primipilaris 1 42. Alexandre d'Étolie E 52, p. 198 ; 139.
Agrippa (M . -), gendre d'Auguste I 10 . Alexandre de Damas G 3, p. 447.
Agrippa (Marcus Vispianius -), auteur des Alexandre de Jérusalem H 43.
Commentarii E 52, p. 234. Alexandre de Milet, dit Polyhistor E 82 ;
Agrippa , dédicataire de Jamblique 13, Alexand 156 ; 16 ; 41, p. 947, 949.
p . 834 ; J 2, p. 1015 . re de Myndos I 41, p . 953.
Aidésia H 30 ; 78 ; 119; 1 31, p. 872. Alexandre de Thessalie , tyran de Phères
Aidésius de Cappadoce E 34 ; 41; 121, E91 ; H 89.
p. 315 , 317 ; 154 ; 157 ; 161, p. 369-371 ; Alexandre de Tralles G 3, p. 440 ; 1 1.
13, p. 828, 830 ; 22 ; 46, p. 970. Alexandre le Grand E7; 33, p. 117 ; 36 ,
Aidésius de Sardes E 34 . p . 161- 162 ; 52, p . 195 - 196 , 205, 222 : 80.
Aificianus G 3, p. 443-444. p. 254 ; 187, p . 406, 410 ; F7 ; G 35 ; H 12,
Aisara J 2, p. 1014 . p. 508 ; 60 ; 64a, p. 625 ; 136 , p. 734 ; 138,
Aischrion G 3, p. 443.
p. 744 ; 15, p. 842, 850, 852 ;6 ; 38, p . 930,
934 ; 39 ; J 2, p . 1013.
Aithalidès H 99. Alexandre Péloplaton F 10 .
al-Māhāni E 80,p. 265. Alexandre Sévère H 31, p. 538 .
Alaric E 121, p. 315 , 320 , 322. Alexandre, archonte E 76 ; 77.
Albert le Grand E 163, p. 388. Alexandre, fils d'Hérode le Grand 141,
Albinus (Lucceius - ) 141, p. 946 . p . 943.
Albinus, médioplatonicien F7 ; G 2. Alexandre, proconsul H 136 , p. 724 .
Albus (L . Antonius - ) G 11. Alexandria de Céphallénie E 44.
Alc(a)ios, épicurien H 136 , p . 732. Alexarque, le frère de Cassandre E 187 ,
Alcée H 136 , p. 741; 164. p . 406 ; I 5, p. 852.
Alcibiade E 179 ; F 10 ; G 28 ; H 94 ; 136 , Alexiclès G 19.
p . 737, 740 ; I 38, p. 912.
Alcibiade, garde d'Hadrien F 10. Alexicratès E 18 .
Alcidamas E 139 ; G 28 ; I 38, p. 907, 928, Alexinos d 'Élis E 71; 125 ; F 19; H 12,
931-932 ; J 2 , p . 1016 . p. 516 , 525 ; 75 ; 86 .
Alcimos de Syracuse E 29. Alexis (= Alexinos d'Élis) H 12, p. 516 .
Alcinoos,médioplatonicien G 2 ; H 116 ; 154. Alexis fer Comnène E 163,p . 380 -381.
Alcinoos, stoïcien H 154. Alexis le comique E 28 ; H 74.
Alciphron E 170 . Alypius,musicographe G 8.
INDEX DES NOMS PROPRES 1023
Alypius, philosophe E 121, p. 317 ; 13, Anaxarque d’Abdère E 36 , p. 177-178 ; H 12,
p. 829, 834. p. 508,514 ; J 2, p. 1014.
Ambroise de Milan E 33, p. 141 ; I 34 , Anaxicratès, archonte E 36, p . 161- 162, 177.
p. 879, 884 -885. Anaxilas de Rhégium E 29.
Ambrosios, père d ' Ératosthène de Cyrène Anaximandre E 19, p. 79-80 ; H 64, p. 582;
E 52, p . 193. 88 ; 152, p. 788 ; 154.
Ameinias H 136 , p. 715. Anaximène de Lampsaque E 36 , p . 176 .
Amélius E 156 ; F 13 ; H 173 ; I 3 , p . 828, Anaximène de Milet H 64, p. 582 ; 152,
832 . p . 787-788 ; 154 ; 157 ; I 13 ; J 2, p. 1014.
Ammien Marcellin E 52, p. 234 ; 121, p. 322; Anaxiphème, titre d'un dialogue de Glaucon
H8;141, p . 950. G21.
Ammonianus I 31, p. 872. Anchytès E 19, p . 80 .
Ammonios d' Athènes E 164 ; H 77. Andréde Crète J 1, p. 996, 1002.
Ammonius (Saccas) E 53 ; H 126 . Andréas, disciple d'Hérophile H 152, p. 772.
Ammonius d' Alexandrie E 15, p. 58 -59, 63, Androclès, fils de Codros H 64, p. 579, 581.
65 ; 175 ; G 16 ; H 30 ; 32 ; 67 ; 78 ; 119; Androcyde E 69 ; H 148.
126 ; 165 ; 11; 31, p. 870, 872-873, 875 ; Andromaque, pharmacologiste H 58.
34 , p . 885 .
Ammonius de Thmouis H 43. Andronicos de Rhodes E 93 ; H 34 ; 86 ; 154 .
Ammonius,maître d'Origène H 43. Andronicos, élève de Libanius H 123.
Ampélius, proconsul d'Achaïe H 136 , p . 712 , Andronicus de Carie H 134.
727. Anébon E 156 ; 1 3, p. 830 -831.
Amphicléia I 3, p. 826 . Anne Comnène E 163, p. 382, 384-385.
Amphidamas H 64a, p.619, 622. Annicéris H 18 .
Amyclas H 99a. Annius H 29.
Amynomaque d'Athènes, exécuteur testa Anteia F 5 .
mentaire d 'Épicure E 34 ; 36 , p . 168. Anténor E 77.
Amyntichos, titre d 'un dialogue de Glaucon Anthémius de Tralles E 175 .
G21. Anthès H 161.
Anacharsis H 136 , p. 739 ; 148 ; J 2, p. 1014 . Antibios d’Ascalon E 68.
Anacharsis (Pseudo-) I 38 , p . 937. Antigone (identification imprécise ) H 89.
Anacréon H 136 , p. 716 . Antigone jer Gonatas E 125 ; H 129.
Anaritius E 80, p. 264. Antigone le Borgne E 36 , p. 166 ; 1 14 .
Anarizus E 80, p. 264 . Antigonus,médecin E 84.
Anastase ler,empereur H 113. Antiochi(da)s H 58.
Anastase le Sinaïte J 1, p. 1009. Antiochus d'Ascalon E 24, p. 90 ; 68 ; 97 ;
H 54 ;66 ; 148.; I 17.
Anatolius de Béryte H 136 , p.712, 725.Antiochus Épiphane E 101.
Anatolius de Laodicée E 60a ; F9 ; 13, Antipatros de Cyrène E 48.
p. 827 .
Antipatros de Macédoine H 143 ; I 38, p . 900.
Anatolius, dédicataire de Jamblique 13, Antipatros Magnésie 38 930
p . 834 ; J 2 , p. 1015. de I , p. .
Anaxagore de Clazomènes E 19, p . 76 , 80 , Antipatros de Sidon H 138 , p. 744.
84 ; 36 , p. 163- 164 ; 139; H 64, p. 577, 582, Antipatros de Tarse E 33, p . 125 ; G 32 ;
588 ; 86 ; 99 ; 101 ; 136, p. 732, 739 ; 151, H 51 ; 53; 59 ; J 2, p. 1015.
p . 763 ; 152, p . 787, 789 ; 154 ; 1 46, p . 965; Antipatros de Tyr J 2, p . 1015 .
J 1, p . 1011 ; 2, p. 1014 . Antiphatès, archonte E 36 , p. 173.
1024 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Antiphon de Céphisia E 38. Apollodore, disciple de Polyen I 14 .
Antiphon de Rhamnonte 1 4. Apollonides (Appius -) F 19.
Antiphon le sophiste E 139; H 145 ; 14 ; J 2, Apollonidès de Nicée I 20.
p . 1014 . Apollonidès, correspondant d'Épicure E 36 ,
Antiphon, fils de Pyrilampès G 21; 28. p. 178.
Antisthène d 'Athènes E 33, p. 126 ; 171; Apollonios d'Antioche, fils G 18 .
179 ; F8 ; 19 ; G 28 ; H 12 , p. 515 ; 13 ; 86 ; Apollonios d’Antioche, père G 18 ; H 54.
101 ; 177 ; 14 ; 38, p . 895, 916 -917, 919, Apollonios de Cyrène, académicien E 73.
920, 922, 924 , 930 ; J 2 , p . 1015 . Apollonios de Cyrène, dit Cronos E 71 ;
Antisthène de Rhodes H 64, p. 578. H 136 , p . 737.
Antisthène l'Héraclitéen H 64, p. 585 . Apollonios de Rhodes E 52, p . 199-201 ;
Antithéos E 179. H 101.
Antodoros E 36 , p . 176 . Apollonios, académicien E 65.
Antoine l'ermite E 33, p. 143. Apollonius de Pergé E 52, p. 208, 213 ; 80,
Antoine, higoumène du monastère de Saint- p. 253, 255 -256 , 258, 261, 266 -268 ; 175 ;
Syméon J 1, p . 997-998 . H 99a ; 151, p. 767 ; 175.
Antonin le Pieux E 33, p. 113 ; 86 ; 92 ; 142 ; Apollonius de Tyane E 24 , p. 92 ; 121,
186 ; F 10 ; 19 ; 611 ; H 28 ; 64 , p. 591 ; p . 316 ; 132 ; 156 ; 178 ; G 35 ; H 31, p. 538 ,
136 , p . 720 ; 1 51. 542 ; 125 ; 126 ; 136 , p. 732 ; 16 ; 25 ; 42 ;
Antoninus E 121, p. 317 ; 161, p. 370-371 ; J 2 , p . 1015.
H 175 . Apollonius de Tyr H 13 ; 72.
Antonius d 'Alexandrie I 31, p. 875. Apollonius Molon H 61.
Antonius Diogène H 31, p . 539. Apollophanès d'Antioche E 52, p . 195.
AntoniusMelissa I 38 , p. 901. Apsinès de Gadara F 19.
Antonius Musa, médecin d'Auguste 141, Apulée F7; G 2 ; H 116 .
p. 951. Aquila H 136, p. 715 .
Antyllos J 2 , p . 1014. Aquilinus (Julius -) F 19.
Apelle de Chios E 52, p. 194, 205. Aratos de Sicyone E 2.
Apelles,disciple d'Épicure E 36 ,p. 168, 178. Aratos de Soles E 52, p. 218 ; 98 ; G 15 ;
Apémantos, père d'Eudicos E 94. H 31, p. 543; 154 ; J 2 , p . 1015.
Aphareus H 145 ; I 38, p. 893, 895, 898, 935. Aratos, adversaire d'Épitimos H 47.
Aphobius H 136 , p. 712. Arcadius, empereur E 33, p . 143 ; 121,
Apia , fille deMétrodore E 36 , p . 166 . p. 320.
Apion E 156 . Arcadius,mathématicien E 175.
Apollas H 15 . Arcadius,médecin H 136 , p. 712 .
Apollinaire de Laodicée E 101. Arcéphon E 36 , p . 169.
Apollinaire de Ravenne E 14 . Arcesilas de Pitane E 2 ; 33, p . 128 ; 52,
Apollodore “ leMégarique" J 2,p. 1014 . p. 194 -195, 197, 205, 208, 233 ; 80, p. 255 ;
88 ; H 86 ; 129 ; J 2, p . 1014.
Apollodore d'Athènes E 19 , p. 75 ; 29 ; 36 , Arcésilas, héritier de Straton de Lampsaque
p. 159 ; 52, p. 224-225 ; 98 ; 115 ; H 12,
E 30.
p . 508 ;63; 64, p . 578 ; 148.
Archédèmos de Tarse E 33, p. 125 .
Apollodore d'Athènes, épicurien E 36 , Archélaos d ' Athènes E 36 , p. 164 ; 139 ;
p. 159, 171. H 116 ; 152, p. 787 ; 154 ; I 13 ; 20 ; JI,
Apollodore de Cyzique H 12 , p . 513. p. 1011.
Apollodore de Phalère, amide Socrate G 28. Archélaos, fils d'Hérode le Grand 141,
Apollodore de Séleucie E 102; 114. p . 943.
INDEX DES NOMS PROPRES 1025
Archélaos, roi de Cappadoce I41, p. 943. Aristée , auteur de la Lettre à Philocrate
Archiadas I H 22 ; 122; 1 31, p. 875. E 156 .
Archiadas II E 124 . Aristée, scholarque pythgoricien G7; J 2,
Archidamas I 38 , p. 900. p. 1014 .
Archidamidas H 12, p.508, 514. Aristide (Aelius - ) H 136 , p. 714 ; I 38,
Archidamos IV , roi de Sparte H 12, p . 508 ; p. 937 ; J 2 , p . 1013.
I 38, p. 898, 910 . Aristide Quintilien G 8 .
Archigène H 58. Aristide, apologète chrétien J 1, p . 1011.
Archiloque E 52,p. 232 ; H 60 ; 64, p. 583. Aristide,élève d'Ératosthène E 52, p. 202.
Archimède E 52. p. 213 : 80. p . 254- 255. Aristippe de Cyrène E 52, p. 204 ; 54 ; H 12 .
267-268 : 175 : H 107 : 151. p . 769: 175 . p . 515 ; 136 , p. 734, 737 ; 126 ; J2, p . 1014 .
Archinomos, père d 'Empédocle E 19, p . 74. Aristippe, Sur la sensualité des Anciens E 19,
Archinos I 38, p. 895. p. 85.
Archippe de Tarente E 26 ; H 140. Aristoboulos, frère d'Épicure E 36, p. 162,
175, 178 .
Archytas de Tarente E 1; 5 ; 8 ; 19 , p . 79 ; 52,
p . 211 ; 80 , p. 271 ; 98 ; 129 ; H 112 ; 144 ; Aristobule , commentateur juif E 156.
J 2, p. 1014. Aristoclès 1 41, p. 952.
Ardys, rhéteur I 27. Aristoclès de Messine E 24, p . 91, 95, 97 ;
Arellius FuscusF1. 75 ; H 54 ; 136 , p. 737 ; 141, p. 952.
Arésandros E 1. Aristoclès de Messine, auteur d 'un De
Arésas E 1. musica E 156 .
Arétè, dédicataire de Jamblique 13, p. 834 ; Aristocréon de Soles H 15 ; 174.
J2, p . 1015. Aristocritos H 49.
Aréthas de Patras, métropolite de Césarée Aristodémos18.
de Nysa, cousin de Ménécrate
E 33, p . 145 ; 121, p. 319 ; 175.
Argentocoxus I 42. Aristodémos deNysa, fils de Ménécrate 1 8.
Aridicas de Rhodes H 129. Aristodémos,tyran de Mégalopolis E 2.
Arieus H 105. Aristombrote J 2, p. 1014 .
Arignotos E 84.
Aristoménès H 143.
Ariston d 'Alexandrie E 36 , p. 159 ; 97.
Arimnestos J 2, p. 1014 . Ariston de Céos E 36 , p . 159 ; 52, p. 195 ;
Arion de Locres E 5 . 134 ; G 18 ; H 64, p. 575, 589 ; 86 ; I 49.
Aristagoras d'Éphèse H 64, p.580-581. Ariston de Chios E 52, p. 194 -195, 198, 205
Aristagoras, auteur d'Aegyptiaka H 12, 206 ; F 19 ; H 64, p . 575, 589; 72 ; 148 ; J 2,
p. 511. p . 1015.
Aristainétos de Bithynie H 136 , p. 720. Ariston, le fils de Jamblique I 3, p. 826 .
Aristainétos, personnage fictif chez Lucien Ariston, père de Platon G 21 ; H 126 .
H 96 ; 114 ; 1 19 . Aristonicos I 5, p. 842.
Aristarque d ' Alexandrie E 52, p. 201 ; Aristonymos, archonte E 36 , p. 177.
H 100 ; I 8. Aristonymos, auteur des Tomaria J 2,
Aristarque d'Athènes H 64, p. 586 . p. 1014 - 1015 .
Aristarque de Samos E 52, p. 213, 216 ; 80, Aristophane de Byzance E 36 , p. 159 ; 52,
p. 200 -202, 226 ; 80, p. 267.
p. 255. Aristophane de Corinthe H 120.
Aristarque, dédicataire de Favorinus F 10 . Aristophane le Comique E 52, p . 228 ; 60 ;
Aristée l'Ancien, mathématicien E 52, 139 ; G 3, p. 465; H 100 ; 157; I 20 ; 38 ,
p . 208 ; 80 , p. 256 , 268. p. 892 ; J 2, p. 1013.
1026 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Aristophane le péripatéticien H 148. Artapanos H 12, p . 519 ; 15, p. 846 .
Aristophane, titre d'un dialogue de Glaucon Artaxerxès ler H 64, p. 587 ; 152, p. 772.
G21. Artaxerxes II H 136, p. 741.
Aristophon, archonte E 73. Artaxerxès III Ochos H 80 .
Aristophon , auteur d 'une loi athénienne votée Artemidore d 'Éphèse E 52, p . 234 .
en 403/2 E 115. Artémios J 1, p. 1011.
Aristos de Salamine E 52, p. 202 ; 15, p. 852. Artémise I 38, p. 901.
Aristote de Cyrène J 2, p. 1014 . Ascanios d ’Abdère H 12, p. 508.
Aristote de Mytilène E 24, p . 91. Asclépiadès d 'Alexandrie H 67 ; 164 ; 165 ;
Aristote de Stagire E 7 ; 15, p. 57 -59,61, 64 ; 131, p. 872.
19 , p. 86 ; 36 , p. 161, 164 , 181 ; 52, p . 206 , Asclepiadès de Bithynie G 3 . p. 460 : H 54 :
223, 227, 231 ; 60 ; 71 ; 74 ; 79 ; 80 , p. 256 , 60,
269-270 ; 91 ; 93 ; 97 ; 98 ; 110 ; 111 ; 115 ; Asclépiadès de Clazomènes E 12 .
119 ; 122, p. 332 -333 ; 152 ; 154 ; 161,
p . 372 ; 163, p. 378 , 382 ; 181; 184, p. 399, Asclepiadès de Phlionte H 136 , p. 733.
401-402; F 10 ; 16 ; G 2 ; 3. p. 440 . 460. Asclepiadès le Jeune, pharmacologiste H 58.
464 ; 8 ; 10 ; 15 ; 18 ; 28 ; H 60 ; 61; 64, Asclepiadès, cynique I 46, p. 972.
p. 578, 588, 601 ; 75 ; 80 ; 83; 86 ; 99a ; Asclépigéneia I H 122.
126 ; 129; 136 , p. 734, 740 ; 143; 145 ; Asclépiodote d' Alexandrie H 67; 132 ; 165 ;
154 ; 175 ; 12 ; 3, p. 829 ; 4 ; 5 , p . 846 ; 13 ; 11: 31. p . 870. 873 .
22 ; 31, p. 874 , 877 ; 33 ; 34 , p. 886 ; 38 , Asclepiodotus (Oecumenius Dositheus - )
p. 895 . 899 , 916 , 930 , 933- 935 ; 39 ; 46 , H 136 . 0 . 729
p. 966, 970, 974 ; J 2, p. 1014 . Aspasie de Milet G 28 ; H 136 , p . 714 ; 1 38 .
Aristote, personnage du De facie de Plutar p. 919.
que E 33a.
Aristoxène de Tarente E 5 ; 69 ; 80 , p . 267 ; Aspasius E 92;
63. p. 442 83 . ; 163, p. 385 -386 , 388;
: H 111
98 ; 150 ; G 8 ; H 60; 140 ; 148 ; 154 ; 16 ;
J 2, p . 1014. · Asphalius, dédicataire de Jamblique 13.
p.834.
Aristoxène le philosophe , correspondant de Astérius I51.
Julien I 46 , p. 968, 972.
Aristylle E 52, p. 213, 218 . Astydamas H 58.
Arius Didymus E 97 ; 156 ; J 2, p. 1014. Athanarit H 135.
Arius,hérésiarque E 156 . Athanase d'Alexandrie E 33, p. 141 ; 45;
156 ; H 134.
Arnobe E 33, p. 141.
Arnouphis I 48. Athanase le Rhéteur I 3, p. 834.
Arria maior F 5. Athanase , empereur H 165.
ArriaminorF5. Athanase, frère de Paralios H 165.
Arrianos, commentateur d'Aristote E 175 . Athénagoras,tyran d'Éphèse H 64, p. 586 .
Arrianus (L . Flavius -) G 11. Athénagore , apologère chrétien E 122,
Arrien de Nicomédie E 33, p. 106 , 113, 116 p. 329.
118 , 120 -123, 125, 140 ; 52, p. 234 ; G 11; Athénaios
p . 159 .
<ó ÉtlypapuatonOLÓG> E 36,
J 2, p. 1015.
Arsa (Aurelia Xenonianè Maidatè -) E 109. Athénaios de Cyzique E 98.
Arsacé H 31, p. 540. AthénaiosdeNaucratis H 136 , p. 742.
Arsacès H 89 . Athénaios, disciple de Polyen E 36 , p . 166 ,
Arsinoé II Philadelphe E 52, p. 198. 178.
Arsinoé III Philopator E 52, p. 198 -199, 201, Athénaios, père deMétrodore E 36 , p . 166.
212 . Athénion E 57.
INDEX DES NOMS PROPRES 1027
Athénion, fils d'Athénion E 57. Basilius 3 (PLRE) H 136 , p. 724.
Athénodore de Soles H 11. Basilius, proconsul H 136 , p. 712, 723.
Athénodore de Tarse E 132 ; H 59. Bassianus (Julius -), grand-prêtre d'Élagabal
Athénodore , évêque du Pont J 1, p. 1010. 142.
Athénodore, poète J 2, p. 1013. Bassus de Corinthe E 132.
Athénodote , disciple de Musonius Rufus Batis, sæur de Métrodore E 36, p. 158, 166 ;
E 132 ; F 19. I 14 .
Atocius E 175 . Baton (= Baton de Sinope?) E 52, p. 233.
Atoeas H 49. Baton de Sinope E 52,p. 233.
Atossa (Aurelia Valoussia Cyrinia -) E 109. Bérénice, fille d' Agrippa H 68.
Attale H 89. Bérénice, reine de Cyrène E 52, p . 198-199,
Atticus (T . Pomponius -) E 176 ; F6 ; G 12 . 201.
Atticus,le platonicien E 156 ; H 8 ; 9 . Béronicianus de Sardes E 41 ; 121, p. 315,
Attius Clemens E 132. 318.
Auguste F1; H 8 ; 113; 136 , p. 715 ; 167; Bérose E 156 ; 141, p. 949.
I 34, p. 889 ; 41, p . 940-941, 943, 948 , 950 . Bias de Priène H 64, p . 583 ; 148 ; J
951. p. 1014.
Augustin d 'Hippone E 33. p . 141 : 152 : F9: Bion de Borysthène E 52, p . 194, 197 , 205 :
I 34 , p. 879, 884-887, 890 . H 12, p . 514 ; J 2 , p . 1015 .
Aulu -Gelle E 33,p. 141; F 10 ; 19; H 124. Blosôn H 64, p . 576 .
Aurélien , empereur H 31, p. 538 . Blossius de Cumes G 32 ; 1 5 , p . 843.
Aurelios Ammôn E 19, p. 70. Blusôn H 64, p . 576.
Aurelius Belius Philippus E 36 , p. 170. Bocchus II 1 41, p. 941, 943.
Ausone H 136 , p. 717. Boethius (Anicius Manlius Severinus -) F 2.
Autoboulos, fils de Plutarque F 16 . Boéthosde Sidon H 51.
Autodoros E 36 , p. 176 . Boéthos, mentionné dans le titre d'un ou
Autolékythos F 10 . vrage de Porphyre E 156 .
Autolycos de Pitane E 80 , p. 255. Boethus (Flavius -) E 92 ; G 3, p. 447.
Averroès , voir Ibn Rusd . Bogud I 41, p. 941, 943.
Aviénus E 52, p. 235. Boïdion E 36 , p. 169.
Axiothéa de Phlionte H 129. Bonosus, usurpateur F 13.
Boulagoras G 7.
Bacchios de Paphos G 2. Bouthéros J 2, p. 1014.
Bacchios de Tanagra , commentateur d'Hip Brontinos E 19 , p . 79 ; 39.
pocrate H 54 ; 58. Brutus F 8 ; H 160 ; 167.
Bakkhidès G 3 , p . 462. Bryson d'Héraclée E 82 ; H 25 ; 101.
Balbus H 160 . Bryson , disciple de Pythagore J 2, p. 1014 .
Bardesane de Syrie E 156 ; G 35. Buridan (Jean -) E 163, p. 388.
Bardias H 64, p.587. Byndacô E 1.
Basile de Césarée E 33, p. 141 : 122 , p . 328 . Byndacos E 1.
330, 332 ; 161, p . 374-376 ; 184, p. 399 ;
H 136 , p. 714, 727 ; J 1, p. 1010. Caeciliusde Calé-Acté I 38, p. 936 -937, 892.
Basile II, empereur J 1, p. 999. Cailianos ( T. Varius -) 1 49.
Basilide H 154 ; 1 29. Caius Iulius 141, p. 940.
Basilius (Valerius Maximus signo -) H 136 , Calanos G 35.
p . 723. Calasiris H 31, p. 538-540, 542-544.
1028 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Calcidius F9; H 170 ; 1 51. Cassien de Marseille E 184, p. 402.
Caligula G 4 ; 33 ;141, p. 942. Cassiodore I 34, p . 885 -886 .
Callaischros ( T. Flavius - ) G 23 ; 1 27. Cassius F 8 ; H 167.
Callias H 94. Castor deRhodes E 52, p. 225 .
Calliclès de Larisse G 18. CastriciusdeNicée F 13.
Calliclès, le sophiste E 139 ; G 28 ; H 136 , Castricius Firmus G 10 .
p . 728, 738. Catilina G 12.
Calliclès,médecin empiriste G 18 . Caton d 'Utique F3; 8 ; H 160 .
Callicratès, père d'Euboulos d' Éphèse E 76 . Caton l' Ancien E 25 : 181 :140 : 12. 0. 1016 .
Callicratès , père de Callistratos d’Aphidna Cébés de Thèbes E 114.
H 136 , p . 733. Celse l'Épicurien G 3, p.464.
Callicratidas de Sparte E 19, p. 74 ; J 2 , Celse le Platonicien E 33, p. 141; H 125;
p . 1014. 151 ; G 3 , p . 464.
Callicratidès, frère d'Empédocle E 19, p . 74. Celse , auteurdu De re medica G 3, p. 464 .
Callimachos de Cyrène E 52, p. 197-200, Celse, dédicataire d'un ouvrage de Lucien
204, 214 , 229 ; 80, p . 267 ; 187, p . 404, H 154.
410 ; H 86 ; I 38, p. 892.
Callimachos, adversaire d ' Isocrate ( 38, Celse , étudiant de Libanius H 136 , p . 726.
p . 895, 899. CensorinusF9.
Callinos d'Hermionè, disciple de Lycon Céphale de Clazomènes E 169 ; G 21.
E 134 . Céphale, titre d 'un dialogue de Glaucon
G21.
Callinos, disciple de Théophraste H 143.
Calliopius H 136 , p. 728 . Céphisodôros, rhéteur I 38, p. 895, 899, 934
Callippe E 98. 935 ; J 2, p . 1016 .
Calliste H 154. Cérambos E 1.
Callisthène E 52, p . 196 ; H 60 ; 80 ; 86 . Cerbonius, proconsul d 'Achaïe H 136 ,
p. 712, 724, 737.
Callistolas E 36 , p. 176 . Cercidas deMégalopolis H 138 , p . 743.
Callistratos d ' Aphidna, orateur et homme Cercops
E 39.
politique H 136 , p . 733 ;138 , p . 911. Ceri(alis ?) ( C . -) G 11 .
Callistratos, épicurien E 36 , p. 176. Certus (Publicius -) F5.
Calli(cratès ) (Aurelius -) H 44.
Calvisius Taurus H 124. César (C . - ) = Caligula G 33.
Cambyse H 64, p. 587. César (C . - ), petit-fils d 'Auguste I 41, p. 943.
Candragupta G 35. César (Jules --) E 176 ; G 12 ; H 113 ; 160 ;
167.
Caracalla G 3, p . 451 ; H 31, p . 536 . Chairéas H 114 ; I 19.
Caracalla = L . (?) Septimius Bassianus I 42. Chairédémos, frère d' Épicure E 36. p. 162.
Carnéade de Cyrène E 33,p. 128 ; 36 ,p. 171; 174.
65 ; 83 : 123 ; 159 ; F 12 ; 26 ; G 3, p . 461; Chaméléon d'Héraclée H 60 ; 129; 176 .
H4 ; 21; 103 ; 136 , p . 737 ; 141 ; 142; 148 ; Chapour
17 ; 9 ; J 2, p . 1014. II H 31, p. 538.
Carnéiscus E 36 , p . 163, 169. Charax (A . Claudius - ) de Pergame E 86 ;
87.
Carpocrate d 'Alexandrie E 44. Charès J 2, p. 1013.
Carystios de Pergame E 128. Chariclée G 35 ; H 31, p . 536 , 540, 543.
Casilon E 153. Chariclès H 31, p . 540.
Cassandre de Macédoine E 52, p . 233 ; 187, Charilampès G 3, p . 447.
p . 403,410 ; 1 5, p. 852. Charinos, archonte E 36 , p. 177.
INDEX DES NOMS PROPRES 1029
Charmadas H 33. Cléanthe d 'Assos E 33, p. 125 ; 45 ; H 12 ,
Charmidès, correspondant d'Épicure E 36 , p. 515 ; 13; 64, p. 598 ; 72 ; 1 5, p. 851 ; J 2,
p. 178. p . 1015.
Charmidès, correspondant de Diogène de Cléanthis H 96 ; 114 .
Sinope E 138. Cléarque d'Héraclée E 179.
Charmidès, fils de Glaucon E 169. Cléarque de Soles E 156 ; 180 ; H 60.
Charondas J 2 , p . 1014 . Cléarque de Sparte H 136 , p . 737.
Cheilon de Sparte E 4 . Cléarque, archonte E 36 , p . 172.
Cheilonis E4. Cléarque,préfet d'Asie E 121, p. 317 .
Chérémon E 156 . Cleinias de Tarente J 2 , p. 1014.
Chéréphon H 136 , p . 738. Cleinias le rhéteur H 89.
Chilon E 60 ; J 2, p. 1013-1014. Cleinomachos E 82.
Chion d'Héraclée E 179. Clématius H 136 , p. 718 .
Chionides E 29. Clément d' Alexandrie E 33, p. 141; 122,
Choirilos E 156 . p . 329-330 ; 184, p . 401 ; 1 51 ; J 1, p. 1010.
Chonouphis d 'Héliopolis E 98 . Clément de Rome J 1, p. 1010 .
Chonouphis de Memphis E 16 . Cléoboulos H 148 ; J 2, p. 1014.
Chosroès E 112 ; 175 ; H 81; I 32 ; J 1, Cléocharès deMyrléa I 38, p . 936 .
p . 994 , 996 . Cléodème E 84 ; G 19 .
Chrémonidès E 52, p. 191. Cléomède G 15 .
Christodoros de Coptos H 64, p . 595 ;11. Cléomène,disciple de Cratès de Thèbes E 3.
Chrysanthe de Sardes E 34 ; 41 ; 121, p . 311, Cléomène, rhapsode E 19, p. 82.
313-315, 317 ; 157 ; H 35 ; I 3, p . 830 ; 46 , Cléon E 139.
p . 970 -971, 975. Cléopâtre 141, p. 942.
Chrysaorius G 10 . Cléopâtre Sélène I 41, p. 942.
Chryserme H 54 ; J 2 , p . 1013. Cleostrate J 2 , p. 1016 .
Chrysippe de Cnide E 98. Clinias, fils d'Axiochos H 136 , p. 740.
Chrysippe de Soles E 31 ; 33, p . 125, 128,
132 ; 36 , p . 159, 171, 178 ; 80, p. 261 ; 102; Clinias, titre d'un ouvrage d 'Héraclide le
156 ; F 10 ; 19 ; G 3, p. 464 ; 29; H 13 ; 15 ; Pontique H 60.
53 : 59 : 71; 72 : 86 ; 124 : 136 , p. 736 ; Clitomaque de Carthage F 26 ; G 3 , p . 461 ;
148 ; 174 ; I 31, p . 877 ; J 2, p. 1015. H4 ; 54 ; 66 ; 136 , p . 737 ; J 2 , p . 1013
Chrysis G 19. 1014.
Chytron I 46, p . 972. Cnémon H 31, p. 539-540.
Cicéron E 24 , p . 90, 92; 52, p. 235 ; 80 , Codros H 64, p. 579.
p. 267 ; 176 ; 181; F1; 3 ; 6 ; 9 ; 12 ; 26 ; Colotès de Lampsaque E 19 , p. 86 ; 36 ,
G 12 ; H 13; 160 ; I 34 , p. 884, 886 -887 ; p. 165, 177-178 ; I 14 .
38, p. 935 -936 ; 49. Cômas H 64, p. 579, 586-587.
Cicéron (Quintus - ) E 24, p . 91-92. Commode, empereur G 3, p.449-450 , 463.
Cimôn I 38 , p . 909. Concordia Exuperantia H 42.
Cinéas le Thessalien H 136 , p. 740. Conon , père de Timothée I 38, p. 897, 935 .
Citarius H 136 , p . 717. Constance Chlore, empereur H 136 , p . 716 .
Claude II, empereur E 121, p. 320. Constance II, empereur E 121, p . 321 ; 122,
Claude, empereur E 121, p . 316 ; G 4 ; H 8 ; p . 326 -327 ; 161, p . 369-370 ; F 12 ; 17 ;
60 ; 1 41, p. 942. H 134 ; 136 , p . 711, 717 -718 , 720 , 722
Cléa E 142. 724 ; 1 46, p . 962, 964, 969, 971.
1030 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Constant, empereur F 12 ;H 136,p.716,725 , Critias d'Athènes E 58 ; 139 ; 179 ; G 21; 28 ;
727 . 14.
Constantin Akropolitès J 1,p. 1000. Critobule, fils de Criton E 38 ; 114 ; H 94 .
Constantin Jer, empereur E 121, p . 317, 320 ; Critolaos de Phasélis E 159 ; H 136 , p . 736 .
156 ; F 12 ; H 95 ; 136, p. 717-720 , 722- Criton E 38 ; 114 ; H 94 ; J 2 , p . 1014.
724 ; 1 3, p . 826 . Criton, pharmacologiste H 58.
Constantin Paléocappa E 95 ; H 29 ; 34 ; 113. Cronius E 36. p . 167 ;H9.
Constantin Porphyrogénète E 121, p . 318 Croton H 64, p. 595.
319, 323 ; I 38, p . 938. Ctésias H 152 , p. 783; 1 5, p.841, 847.
Constantin VJ1, p. 994 , 996 , 999. Ctésippe, épicurien E 36,p. 167- 168 ; H 75.
Constantin VI J 1 , p . 994 , 999. Ctésippe, fils de Criton E 38 .
Constantin X Ducas E 95. Cynégius, préfet du Prétoire d'Orient H 136 ,
Corax E 67 ; H 136 , p. 740. p. 729.
Coriscos de Scepsis E 49 ; H 80 ; J 2 , p. 1014. Cyprien J 1,p. 1010.
Cornelia G 32. Cyranos, roi des Perses H 8 .
Cornèlianè (Flavia Apphion -) H 104. Cyrille d 'Alexandrie E 122, p . 328 ; H 175 ;
Cornelianus (Sulpicius -) F 19. I 46, p . 967 ; 51 ; J 1 , p . 1010.
Cornelianus, auteur cité par Stobée J 2 , Cyrina I 31, p . 870.
p . 1016 . Cyrus II H 31, p . 538 ; 64, p . 586 ; 136 ,
Cornutus H 63 ; 113 ; 1 40. p . 737.
Cosmas J 1, p. 994-996 , 999-1000 . Cyrus, contemporain de Galien G 3 , p . 462.
Cosmas de Constantinople , le thaumaturge
J 1, p. 996 . Damas E 93.
Cosmas l'Ermite J 1, p . 996 . Damascius de Syrie E 33, p . 141; 93 ; 112 ;
Cosmas le Mélode J 1, p. 996 . 175 ; G 2 ; H 22 ; 67; 78 ; 81 ; 122 ; 126 ;
Crantor de Soles E 97 ; 117 ; 148; H 12, 128 ; 165 ; 175; 11; 3, p. 836 ; 31, p. 870 .
p . 525 ; J 2, p. 1014. 874 -875 , 877 .
Cratéros (d'Ascalon ?) E 175. Damianus G 15 ; H 32.
Cratéros, correspondant d 'Épicure E 36 , Damippos J 2, p . 1014 .
p . 178. Damis I 42 .
Cratès d'Athènes E 117. Damon E 80, p . 267 .
Cratès de Mallos G 15 ; H 48 ; 63; 100 ; 141, Dandamis G 35 ; H 64a, p .625 ; 1 6 .
p. 949 . Darius jer H 64, p. 582, 584 , 587, 599-601,
Cratèsde Thèbes E 3 ; 52, p. 207; H 74 ; 138, 618 ; 64a, p. 626 ; 90 .
p . 742-745, 747-748, 750 ; 177 ; J 2 , Darius II I 39.
p. 1015. David l'Invincible E 15, p . 58 -64 ; 175.
Cratès le Comique E 52, p . 228. Deinomachos E 84 .
Cratès, partisan d 'Héraclite H 64, p . 595. Démade E 60.
Cratinos le Comique G 3, p. 465 ; H 157. Dèmainétè E 84.
Cratyle E 122, p. 330 ; H 64, p. 585 ; 94. Déméas G 19.
Créophyle H 88. Démélata E 36 , p . 169.
Crescens le Cynique 1 51. Démétria E 36 , p. 169; H 75.
Crésus, roi de Lydie H 64, p. 586 . Démétrios (Aelius - ) H 117.
Crinagoras I 41, p. 942. Démétrios (Pseudo -) I 38, p. 936 .
Crispinus J 2,p. 1016 . Démétrios de Magnésie E 36 , p. 159 ; H 60 ;
Crispus H 136 , p. 717. 144 ; 148 .
INDEX DES NOMS PROPRES 1031
Démétrios de Phalère E 60 ; 156 ; H 12 , Denys le Périégète E 52, p . 234 .
p . 508, 521 ; 64, p. 588 ; 86 ; I 38, p. 892, Denys le Thrace E 52, p. 228.
935 ; J 2, p. 1014- 1015. Dercyllide H 91.
Démétrios jer Poliorcète , fils d'Antigone le Dexippe, dédicataire de Jamblique 13,
Borgne H 12, p. 508; 1 14. p. 828 , 834 ; J 2, p. 1015 .
Démétrios Lacon E 12 ; 19 , p . 86 ; 36 , p. 176 ; Dexippe, historien E 121, p. 319 -320.
80 , p . 266 . Dexithéos E 182.
Démétrios le Platonicien E 86 ; 87. Diagoras " de Milet” (= de Mélos) E 187,
Demetrius (Aelius - ) E 86 . p . 407.
Démétrius d 'Alexandrie F 10 . Diagoras deMélos E 139.
Démétrius d'Athènes , père de Timocratès Dicéarque H 60 ; 136 , p . 735.
E 36, p . 168. Didyme Chalcentère d'Alexandrie H 80 ;
Démétriusde Scepsis I 20. 124 ; 141, p. 952.
Démétrius de Trézène E 19, p. 79. Didyme d'Alexandrie , dit l'Aveugle E 36 ,
Démétrius le Cynique F 10 ; H 171; 172 ; J 2, p. 154 ; 184, p . 399.
p. 1015 . al-Dimašqi (Abū 'Uļman Sa'id b. Ya'qub)
Démétrius, évêque d'Alexandrie H 43. E 80 , p. 264.
Démétrius, médecin personnel de Marc Dinostrate E 98.
Aurèle G 3, p. 450. Diocléidès deMégare E 82.
Démétrius, père d'Épicratès d'Héraclée E 32. Dioclès de Caryste H 152, p. 783.
Démocédès de Crotone H 136 , p. 740. Dioclès de Magnésie E 36 , p. 159 ; H 138,
Démocharès E 61; 148. p . 744.
Démoclès, archonte E 36 , p . 177. Dioclès de Phlionte E 5 .
Démocrite d 'Abdère E 27 ; 36 , p . 163- 164, Dioclès, archonte E 36 , p . 177 .
180 ; 52 , p . 203; 82 ; 139 ; 151 ; G 18 ; 35 ; Dioclès, père d 'Euthydème E 179.
H 12, p .512-513, 516 ; 31, p. 544 ; 60 ; 64 ,
p . 577, 585 -586 , 588-589 ; 86 ; 136 , p. 732 Dioclès, vainqueur aux Jeux Olympiques
H 136 , p. 740.
733, 736 ; 140 ; 148 ; 151, p . 763 ; 152, Dioclétien, empereur E 60a ; 110 ; 156 ; 160 ;
p. 772, 785 ; 154 ; 178 ; 14 ; J 2, p. 1014 ; 3. H 125 ; 126 .
Démonax de Chypre E 33, p. 116 -117 ; 121, Diodore Cronos E 33 , p. 128 ; 71; F 19.
p . 316 ; F 10 ; H 83 ; 162 ; 177 ; J 2 , p . 1015.
Démonicos I 38, p . 900. Diodore d 'Alexandrie E 97.
Démophanès E 2 . Diodore d'Érétrie H 154.
Démosthène E 52, p. 228 ; 71 ; 128; H 47 ; Diodore de Sicile E 156 ; 187, p . 404, 408
409 ; H 12, p. 507, 510, 513 ; 15, p. 841,
75 ; 124 ; 136 , p. 711, 714 , 721, 733, 741 ; 843, 845-846
I 38 , p . 897. .
Denys d 'Alexandrie E 156 : H 43: Diodore de Tarse E 135 : 151.
p . 1010. Diodore de Tyr E 57.
Denys d 'Halicarnasse E 36 , p. 159; 156 ; Diodore, fils deMithrès E 36 , p. 177.
I 38 , p . 892, 936 -937 ; 41, p . 952 . Diodore,médecin empiriste G 18 .
Denys d'Héraclée H 60. Diodote le Stoïcien H 136 , p . 733.
Denys de Milet I 27. Diodote, commentateur d 'Héraclite H 64,
Denys II de Syracuse E 29 ; H 25 ; 60 ; 115 ; p. 597,599.
I 38 , p. 900, 910. Diogène d'Apollonie E 139 ; 187, p. 407 ;
Denys l'Ancien E 5 . H 12, p .515 ; 64, p. 582, 588 ; 152, p . 787,
Denys l'Areopagite (Pseudo-) E 15, p. 59 ; 789 ; I 13.
JI, p. 993. Diogène d'Argos 146, p. 972.
1032 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Diogène d'Oinoanda E 19 , p. 86 ; 36 , p. 155; Diotogène J 2, p. 1014.
H 17. Diphilos du Bosphore , disciple de Stilpon
Diogène de Babylonie E 102 ; 159 ; H 51. E 125 .
Diogène de Phénicie E 112 ; H 81; 1 32. Diphilos, stoïcien H 114 .
Diogène de Sinope E 33, p . 113, 126 ; 42 ; Disarius H 169.
60 ; 70 ; 72 ; 82 ; 138 ; G 35 ; H 13 ; 18 ; 19 ; Domitia H 40 .
46 ; 138, p. 743-745, 747-748 ; 156 ; 169 ; Domitién, empereur E9; 33, p . 113, 115 ;
177 ; I 12 ; 46 , p. 966 ; J 2 , p . 1015. 132 ; F5; H 40 ; 125; 1 3, p . 826 ; 25.
Diogène de Tarse E 36 , p . 156 .
Diogène Laerce H 64 , p . 575 ; E 36 , p . 156 , Domitien
Domna I ,30Préfet du Prétoire H 136 , p . 718.
; 31, p. 872 .
159 ; H 12, p. 511 ; 13; 59 ; 61 ; 64, p. 601; Domnica H 170 .
86 ; 113 ; 148 ; I 42. Domninos H 132 .
Diogène le Phrygien E 187,p. 407. Domnulus E 152.
Diogène le sophiste H 68. Dorus l'Arabe I 31, p. 874-875, 877 .
Diogène, frère d'Hiérios H 120 .
Diogène, père de Théodora I 31, p. 870. Dosithéos E 36 , p. 174, 178 ; H 17.
Diogène, titre d'un discours d'Himérius Dracon d 'Athènes H 136, p. 741.
H 136 , p. 711. Dracon, fils d'Hippocrate de Cos H 152,
Diogénianus E 156 . p . 772.
Diomède G 3, p. 447. Drusilla, femme d 'Antonius Félix 141,
p . 943.
Diomnestos I 38 , p. 893 .
Dryson F 10.
Dion Chrysostome E 132 ; F 10 ; G 3 , p. 455 ; Dyscolius, dédicataire de Jamblique 13,
H 136 , p . 722 ; 1 46 , p . 965; J 2, p . 1016 . p . 834 ; J 2, p. 1015.
Dion d'Alexandrie E 97.
Dion de Syracuse E 91 ; H 115. Eccélô E 1.
Dion l'Académicien J 2, p . 1014 . Eccélos de Lucanie E 10 .
Dionysios de Cyrène E 80, p. 266 . Ecdémos E 2.
Dionysios de Cyzique E 52, p. 190, 192. Échécrateia de Phlionte E 4 ; 5.
Dionysios Scytobrachion E 187, p. 408. Échécratès de Phlionte E 4 ; 6 ; 114 .
Dionysios, commentateur d 'Héraclite H 64, Échécratès de Tarente E 5.
p . 585.
Dionysius (Aelius -) F 10. Échécratidès le sophiste E 7.
Dionysodore E 171. Ecphante de Crotone H 12, p. 517 ; 154 ;
142 ; J 2, p. 1014 .
Diophane deMitylène G 32. Ecphante de Syracuse H 115 .
Diophante l'Arabe E 121, p. 312, 315. Ecpôlos E 1.
Diophante, mathématicien E 80, p. 266 ; Égyptos H 78 ; 131, p. 872.
H 175.
Dios J 2, p . 1014. Eirénaios, père deMéniscos de Milet E 12.
Dioscoride E 45. Élagabal, empereur H 31, p. 537-538 ; I 42.
Élias E 161, p. 377 ; 175.
Dioscorus d 'Aphroditô I 38 , p. 938 ; H 165.
Élien E 80, p. 267; H 154.
Dioscouridès de Chypre E 75 ; 130 ; H 54 ; Élothalès, père d'Épicharme E 29.
105.
Diotélès H 143. Elpidios, correspondant de Julien 1 46,
p . 972.
Diotimos le Stoïcien E 36 , p . 159, 178. Empédocle d'Agrigente E 36 , p . 163 ; 139 ;
Diotimos, archonte E 36, p. 177. G 28 ; H 60 ; 64, p. 577-578, 582, 586 , 596 ,
Diotimos, démocritéen 6 18 . 598 ; 75 ; 86 ; 126 ; 136 , p. 734 ; 144 ; 148;
INDEX DES NOMS PROPRES 1033
152, p. 787-788 ; 154 ; 1 10 ; 20 ; J 2 , Eratosthène de Cyrène E 51; 80, p. 254-255 ;
p . 1014 . 98 ; 139; 187, p.404 ; H 138, p.744; 151,
Empédocle, auteurde tragédies E 19 , p . 82. p. 766 ; 152, p . 771 ; 15, p. 842.
Empédocle, grand-père d 'Empédocle d 'Agri- Ératosthène l'historien E 52, p. 234.
gente E 19, p. 73. Erginos I 38, p. 895.
Énée de Gaza H 126 . Érotien H 152, p. 774, 782.
Énésidème E 75 ; H 54 ; 58 ; 66 ; 105 ; 136 , Érotion E 36 , p. 169 ; H 14.
p . 737. Éryximaque H 64, p .601.
Ennius E 29 ; 187, p . 403-404 ; F 24 ; H 41. Eschine de Chios,médecin E 121, p. 311.
Épainétos, archonte E 65. Eschine de Sphettos E 54 ; G 28 ; H 86 ; I 42 ;
Épaphrodite , affranchi de Néron E 33, J 2 , p. 1013- 1014.
p. 114-115. Eschine, orateur attique H 136 ,p. 711 ; 1 14 .
Éphore de CyméI 38,p.935. Eschine, père d 'Eudoxe E 98 .
Éphrem le Syrien J 1, p . 1010 . Eschyle, disciple d 'Hippocrate de Chios
Éphrem Mtsiré J 1, p. 990, 1000, 1006 . H 151, p . 765, 770.
Épicharme E 25 ; H 64, p. 586 , 596 ; 148. Eschyle , poète tragique H 64, p. 596 ; 136,
Épictète E 36 , p . 159 ; F 10 ; 16 ; G 3 , p . 461; p . 741.
11 ; H 28 ; 39 ; 62 ; 64a, p.621 ; 124 ; 126 ; Ésope H 136 ,p. 728, 738 ; J 2, p. 1016 .
136 , p. 722 ; 178 ; 1 40 ; J 2, p. 1015 . Étienne d'Alexandrie E 175.
Épicure de Samos E 19, p. 86 ; 34 ; 35 ; 55 ; Étienne de Byzance H 113.
80, p . 268 ; 90 ; 108 ; 133; 143 ; 177 ; 187, Euaion
Euaion de Lampsaque E 148.
p . 407 ; F3; 27 ; G 3 , p . 464 ; 18 ; H 12, Euandros d ' Athènes E 65.
p . 509, 512, 514 ; 14 ; 17 ; 31, p . 543 ; 52 ;
57 ; 63 ; 75 ; 86 ; 102 ; 124 ; 129; 136 , Euathlos,rhéteur sycophante E 67.
p. 711, 731-732, 736 ; 149 ; 154 ; 167; I 14 ; Euboulidès de Milet E 70 ; 125.
J 1, p. 1010 ; 2 , p . 1015 . Euboulidès le Pythagoricien H 148.
Épicure, fils de Léonteus de Lampsaque Euboulidès, auteur d'un ouvrage Sur Diogène
E 34 . E 72.
Épicure, fils deMétrodore E 34 ; 36 , p. 166 . Euboulos d'Alexandrie E 130 ; H 54 ; 105.
Épigène, auteur d 'un traité sur la poésie Euboulos d'Éphèse E 77.
d 'Orphée I 20. Euboulos d'Érythrées E 76 .
Épigénès de Byzance E 39. Euboulos le Comique E 72.
Épigénèsde Céphisia E 39. Euboulos, archonte E 36, p. 177.
Épigonus de Cilicie E 153; H 136 , p . 736 . Euboulos, pacifiste athénien I 38, p . 898,
Épigonus de Sparte E 121, p . 315 , 318 . 911.
Épiménide H 101. Euboulos, tyran H 80.
Épiona H 152,p. 771. Eucairos E 175.
Épiphane de Salamine H 154 ; J 1, p. 1005. Euclide de Mégare E 71; 80, p. 253 ; H 91;
Épiphane de Syrie E 121, p. 312, 315. 138, p. 744 ; I 12 ; J 2, p. 1014 .
Épitimos H 47. Euclide le mathématicien E 52, p. 194, 208,
212 ; 93 ; 98 ; G 15 ; H 32 ; 99a ; 151,
Epitus, enfantprodige E 33, p. 146. p . 765, 769-770 .
Eprius Marcellus H 39. Euclide, archonte E 80, p. 253 ; 115 .
Éra , pharmacologiste H 58. Euclide, auteur d 'un ouvrage sur la comédie
Érasistrate,médecin E 92. E117.
Érasistrate , père de Phéax E 58. Euclide,commentateur de Platon G 2.
Érastos H 80. Euclide,correspondant de Julien I 46 , p. 972.
1034 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Eucratès I 18 . Euphratès de Tyr F 16 ; J 2, p. 1016 .
Eucratidès E 84. Euphratès, intendant de Marc-Aurèle G 3 ,
Eudaimon (Valerius -) E 86 . p . 450 .
Eudaimon d 'Hadrianoi E 86 . Euphronios de Chersonèse E 52,p. 202, 227.
Eudème (= Eudèmede Rhodes) I 22. Eupolémos H 12, p. 519.
Eudème d' Alexandrie, anatomiste E 92. Eupolis G 3,p. 465; H 12, p. 507.
Eudèmede Chios E 88. Euripide E 25 ; 110 ; H 60 ; 64, p . 595-596 ;
Eudèmede Chypre E 93. 138, p. 743 ; I 38 , p. 898 ; J 2, p. 1016 .
Eudème de Pergame, péripatéticien G 3 . Euripide, titre d 'un dialogue de Glaucon
p. 441, 447 ; H 83. G21.
Eudème de Rhodes E 91; 92 ; G 3 , p . 464 ; Euryloque, correspondant d'Epicure E 36 ,
H 67 ; 129 ; 151, p . 763, 768. p . 178.
Eudème ó Papuaxonhang E 88. Euryloque,disciple de Pyrrhon E 36 ,p. 163.
Eudème, épicurien E 36 , p . 169. Euryloque, titre d 'un ouvrage d' Épicure
Eudème,médecin de Pergame E 92. E 36 , p. 175.
Eudème,médecin méthodiste E 92. Euryphamos J 2 , p. 1014.
Eudocie H 113. Euryphon de Cnide E 147 ; J 2, p. 1014.
Eudore d 'Alexandrie E 111. Eurysos E 150 ; J 2 , p. 1014 .
Eudoxe de Cnide E 36 , p . 167 ; 52, p . 211 Eurytos E 5 .
212, 225, 233; 80, p . 254 ; 93; 99 ; H 25 ; Eusébe d ' Émèse surnommé Pittakas E 40 .
99a ; 151, p . 767, 769; I 14. Eusébe de Césarée E 80, p. 267 ; H 125 ; 126 ;
Eudoxe de Rhodes E 98. 154 ; I 38, p. 937 ; 46 , p. 978 ; J 1, p . 1010 .
Eudoxe, évêque arien E 122, p . 326. Eusébe de Myndos E 121, p . 317 ; 151 ; 154 ;
Eudoxie, épouse d' Arcadius 320
E 121, p. . 146 , p. 970, 975.
Eudromos E 80, p. 268. Eusébe deNicomédie E 154.
Eugénès (Gaius Valerius -) E 109. Eusébe de Samosate E 154.
Eugénianos G 3, p . 453. Eusébe, auteur cité par Stobée J 2, p. 1015 .
Eugénios, correspondant de Libanios E 110. Eusèbe, disciple de Prohérésius E 154 ; 157.
Eugénius, père de Thémistius H 136 , p. 731 Eusébe, évêque d 'Alexandrie E 154 ; J 1,
732 ; I 46 , p . 972. p . 1010 .
Eulalius le Phrygien E 112 ; H 81; 1 32. Eusébe, évêque d'Émèse E 154.
Eulamius de Phrygie H 81 ; 1 32. Eusébie I46, p. 962, 965.
Eumène, rhéteur H 136, p . 716 , 717 . Eusébios (= Silvanus Dorothéos Hiérax)
Eumenius I 46, p . 968. H 118.
Eunape de Sardes E 41 ; 106 ; H 121 ; 136 , Eusebios, historien E 151.
p. 728; 175; 13, p. 825, 835 ; 21. Euserius, vicarius Asiae E 121, p. 313.
Eunape le rhéteur E 121, p. 311. Eustathe d’ Antioche E 156 .
Eunice I 27. Eustathe d ’Himmeria E 161, p. 375 .
Eunome l'Arien E 184, p. 402. Eustathe de Cappadoce E 121, p . 317 ; 159 ;
Eunome, papuaxonuing E 88. 13, p . 828, 834 ; 46 , p. 968, 972.
Euphante d 'Olynthe E 71. Eustathe de Laodicée E 161, p . 373.
Euphorbos,médecin de Juba I41, p. 951. Eustathe de Sébaste E 161, p. 375-376 .
Euphranor de Séleucie E 75 ; H 54; 105. Eustathe de Thessalonique E 161, p. 374.
Euphranor, le peintre H 133. Eustathe l'archiâtre E 161, p . 375.
Euphrasius, disciple de Jamblique E 121, Eustathe, commentateur d'Hermogène E 161,
p . 317 ; 135 ; 1 3, p. 828 . p . 377 .
INDEX DES NOMS PROPRES 1035
Eustathe, dédicataire de Jamblique J2, Firmus, usurpateur F 13.
p . 1015 . Flavianus (Nicomachus -), proconsul d’Asie
Eustathe, philosophe grec amide Macrobe H 136 , p . 711-712, 729.
E 158 ; 161, p . 378. Flavianus, frère de Symmaque H 169.
Eustathe, traducteur de Basile de Césarée Flavius- Josèphe E 156 ; H 12, p . 522 ; Jl,
E 161, p . 377. p . 1010 ; 2, p. 1014 .
Euthias, titre d 'un dialogue de Glaucon G 21. Florentine, sæur d ' Isidore de Séville I 34 ,
Euthios, archonte E 36 , p. 177. p. 881.
Euthyclès H 64a, p. 620 ,627. Florus, sénateur F 16.
Euthydème de Chios E 179. Fravitus E 121, p. 320 .
Euthydème, fils de Glaucon E 179. Fronton (Domitius -) d'Hippone F 20 .
Euthynous I 38 , p. 895, 899. Fronton (M . Cornelius -) E 132 ; 186 ; F 10 ;
Euthyphron H 60. 20 .
Eutocius d 'Ascalon E 15, p . 59 ; 80, p. 268 ; Fronton (Marcus -) F 18 .
H 107 ; 175. Fronton (Valerius -), père de Martial F 18 .
Eutocius d'Ascalon, soldatthrace E 175. Fronton d'Émèse F 19 ; 20.
Eutychios d 'Alexandrie J 1, p. 989. Frontonis F 19 .
Eutychius,évêque d'Éleuthéropolis E 45. Fulgence, frère d 'Isidore de Séville 1 34,
Euxitheos J 2, p. 1016 . p . 881.
Évagoras I 38, p . 900, 905 ; H 136 , p. 715, Fulgentius (Claudius Gordianus -) F 23.
724 ; I 38, p. 908, 930 . FulviusNobilior (M . - ) E 25.
Évandre de Phocée H 21.
Évandros, auteur d'un ouvrage Contre les Gaius,médioplatonicien E 185 ; G 3,p. 442.
sophistes I 38 , p . 934 . Gaius, rhéteur cité par Stobée J 2, p. 1016 .
Évangelus H 169. Galba (Sulpicius -) 141, p. 952.
Évhémère de Messine E 25 ; 52, p. 222 ; 156 ; Galba,empereur H 39 .
H 12, p. 509, 524 ; 101; 157 ; 15, p .850, Galère, empereur E 110 ; 1 3, p.828.
852.
Galien de Pergame E 15 , p.60 ; 33, p. 141;
Évhémère de Tégée E 139. 35 ; 54 ; 80 , p . 267 ; 92 ; F 10 ; G 2 ; 9 ; 16 ;
Exainétos d’Agrigente, olympionique E 19 ,20 ; H 54 ; 58 ; 83 ; 152, p . 782 ; 131,
p. 75. p. 873 ; 42 ; J 1, p. 1009 ; 2, p. 1014.
Exainétos d'Agrigente, père d'Empédocle Gallien ,empereur E 161, p. 369.
E 19 , p. 74. Gallio (L . Iunius -) G 4 .
Exéchias H 12, p . 521. Gallus (Flavius Claudius Constantius -)
E 40 ; 153 ; G 6 ; H 136 , p. 711, 718 ; I 46,
Fadius (T . - ) F 3. p . 965.
Fannia H 39 ; 40. Gallus (M . Fabius -) H 160.
Faustine la Jeune, épouse de Marc-Aurèle Gartydas G 26 .
142. Gaudence,empereur I 3, p. 828.
Favorinus d'Arles E 33, p. 141; F 16 ; 19 ; Gaumata H 64, p. 587.
G 3, p. 455, 461-462 ; H 100 ; 117 ; 136 , Gauros G 10 .
p. 737 ; J 2, p. 1015. al-Ğawhari (al-'Abbās b. Sa'id al-Gawhari)
Félix (Antonius -) 141, p . 943. E 80 , p. 265.
Festus, proconsul de la province d 'Asie al-Ğayyāni (Abū 'Abd Allāh Muhammad b.
E 121, p . 311. Mu'ad al-Gayyāni al-Qādi) E 80, p. 264.
Firmus Castricius I 31, p. 873. Gemina Baebiana (Afinia M . F. -) G 13.
1036 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Gémina, fille de Gémina G 13. Grégoire de Tours I 34 , p . 880 .
Gémina,mère de Gémina G 14. Grégoire le Grand I 34, p . 879-880 ; J 1,
Géminus E 80 , p. 256 , 258. p . 993-994, 997.
Gennade 1 34 , p . 884. Grégoire le Thaumaturge J 1, p . 1010.
Georgesde Cappadoce H 136 , p. 732. Grégoire , frère d'Hermias H 30 .
Georgesde Chypre J 1, p . 990. Gryllos I 38 , p. 900, 933.
Georges, titulaire du siège de Césarée I 46 ,
p. 970. Habrotéleia E 4; H 2.
Gérard de Crémone E 80 , p. 257, 264 ; G 15. Habrotélès de Tarente E 4 ; H 1 .
Germain jer de Constantinople J 1, p . 990 , Hadrien de Tyr F 10 .
999. Hadrien , empereur E 33, p. 113, 116 , 146 ;
Gésios H 67. 86 ; 87 ; 132 ; F 10 ; 25 ; G11 ; H 28 ; 31,
Géta (= P . Septimius Geta ) I 42. p. 537 ; 64 , p. 591; 1 27 ; 42 ; 49.
Glaphyra I 41, p. 943. al-Hağğāğ (b. Yusuf b.Maſar al-Ḥāsib ) E 80,
Glaucias H 54. p . 263.
Glaucidès G 18. Halcyoneus, fils d ’Antigone Gonatas H 129.
Glaucippe, père d 'Hypéride H 176 . Hannon I41, p . 949.
Glaucon ,médecin antérieur à Pline l'Ancien Harmonius H 136 , p. 717.
G 20 . Harpocras, grammairien H 165.
Glaucon, médecin contemporain de Galien Harpocration (Aelius -) H 8.
G 3, p. 440, 447. Harpocration (Valerius - ), rhéteur H 8 .
Glaucon, père d 'Euthydème E 169. Harpocration d 'Alexandrie H 8 .
GlaucosdeMarathon G 23. Harpocration d 'Argos, médioplatonicien
Glaucos de Rhégium E 19, p . 75. G 2 ; H 8 ; 78.
Glaucos, grammairien à Autun H 136 , p. 716 . Harpocration , le grammairien H 9 .
Gordien , empereur I 42. Harpocration ,mentionné par Tertullien H 8 .
GorgiadasG7; 26. Hécatée d 'Abdère E 156 ; 187, p. 406 , 410 ;
Gorgiadès G 7 ; 26. H63.
Gorgias de Leontinoi E 19, p. 76 , 81; 139 ; Hécatée de Milet H 12, p . 506, 513, 515 ; 64,
H 64, p. 597 ; 86 : 136 , p . 714 , 733, 737. p . 583, 587 ; 101.
740 : 145; 152 , p . 772 ; 14 ; 38, p. 894- 895 . Hécaton de Rhodes H 11.
911, 913-916 , 925, 927, 929, 931 ; 42 ; J 2, Hédéia E 36 , p . 169 ; 55.
p. 1014. Hédyto 1 38, p . 893.
Gorgidas 6 7. Hégémaque, archonte E 36 , p. 173.
Gorgippe G 29. Hégésianax, fils de Dosithéos E 36 , p . 169,
Gorgonios H 136, p. 726. 174.
Gortydas G 7. Hégésias de Cyrène E 48.
Gracchus (C . -) F6. Hégésias de Sinope H 18 .
Gracchus (Ti. Sempronius -) G 32. Hégésias, dépositaire du testament de Théo
Gratien, empereur H 136 , p. 717. phraste H 143.
Grégoire d'Alexandrie H 78. Hégésilaos H 21.
Grégoire de Nazianze E 33, p. 141; 161, Hégésinos de Pergame E 65.
p. 375 ; 184 , p. 399 ; H 113 ; 136 , p. 714, Hégias l' archonte H 122.
727 ; 1 46 ,p .970 ; J 1, p. 1010. Hégias, fils de Théagénès E 124 ; I 31,
Grégoire de Nysse E 80, p . 267 ; 122, p . 328, p . 875, 877.
330 -332 ; J 1, p . 1010. Hélicon de Cyzique E 98.
INDEX DES NOMSPROPRES 1037
Héliodore d'Alexandrie H 78 ; 119 ; I 31, Héraclite, commentateur d 'Homère H 64,
p.872, 873. p .601.
Héliodore d'Antioche H 26 . Héraclius, empereur J 1, p . 989.
Héliodore d'Émèse , romancier H 163. Héracôn H 64, p. 576 .
Héliodore de Pruse H 29. Héraïscus d'Alexandrie G 16 ; H 164 ; 165 ;
Héliodore l' Arabe H 31, p. 536 . 131, p. 870, 873, 877.
Héliodore, chirurgien H 54 . Hérillos de Carthage H 161.
Héliodore, périégète I 38, p. 892. Hermarque de Mitylène E 19, p. 86 ; 34 ; 36 ,
Héliodore, péripatéticien H 34 . p. 159, 165, 167- 169, 177 - 178, 181 ;
Héliodore, philosophe ami d'Hadrien E 33, H 149 ; J 2, p . 1015 .
p. 113 ; 87. Hermeias d'Alexandrie E 175 ; G 34 ; H 30 ;
Héliodore, scholarque épicurien à Athènes 32 ; 119 ; 126 ; I 31, p . 872 .
E 87. Hermeias d'Alexandrie, le rhéteur H 78 ; 122.
Heliodorus (C. Avidius -) E 87; H 28 . Hermeias de Phénicie E 112 ; 1 32.
Helladius d'Antinoupolis H 164 . Hermeias lemédecin H 78.
Hellanicosde Lesbos H 64, p. 577 ; 101. Hermias d' Atarnée H 136 , p. 734-735 .
Hellanicos, auteur intéressé par la théogonie Hermias de Galatie H 93.
orphique H 128. Herminus, péripatéticien E 92 ; 161, p. 372;
Hellopion E 16 . I 22 ;45.
Helvidius Priscus (C . -) H 40 . Herminus, stoïcien H 83.
Hémérios H 136 , p. 722. Hermippe de Smyrne E 36 , p. 159 ; 98 ; 139;
Héracleianos G 3, p . 444. H 60 ; 61; 64a , p . 622 ; 80 ; 148 ; I 38 ,
Héracléidas H 152, p. 771-772. p. 892, 900 , 935 ; J 2 , p. 1015 .
Héracleios le Cynique I 46,p. 962, 966 , 972. Hermocratès (T. Flavius Varus Calvisianus
-) H 87.
Héracléodore, épicurien H 49. Hermocratès de Phocée E 118 .
Héraclide d'Alexandrie H 61. Hermodore d'Éphèse H 64, p. 580, 582, 584,
Héraclide d'Érythrées H 54. 587, 599,619 ;64a, p. 620 , 623-627.
Héraclide de Tarente E 75 ; G 18 ; H 54. Hermodore de Samos H 82.
Héraclide de Tarse H 53. Hermodore de Syracuse E 82.
Héraclide le Pontique E 8 ; 22 ; H 55 ; 61 ; 86 ; Hermodore l'Épicurien H 108.
99 ; 115 ; 148 . Hermogène d'Amasée, visiteur de la tombe
Héraclide le Pontique dit le Jeune H 60. de Memnon (peut-être Hermogène du Pont)
Héraclide le Pythagoricien H 64, p . 582. H 136 , p. 719.
Héraclide Lembos E 36 , p . 159 ; H 64, Hermogène d'Athènes E 38 ; 122, p. 330 .
p. 582 ; 86 ; 144 ; 1 5 , p . 852. Hermogène de Tarse, le rhéteur E 161,
Héraclidepythagoricien H 61. p. 377 ; H 136 , p. 715, 721-722 ; I 38,
p. 901, 936 du
Héraclide , maître d ' Enésidème E 75 ; G 18; Hermogène , 937.
Pont H 136 , p . 712, 718 -720,
H 66 .
735-736 . J 2, p. 1013.
Héraclite d' Éphèse E 19, p. 79 ; 24 , p. 96 - 99 ; Hermoloque
139 ; H 12, p . 515 ; 60 ; 63 ; 64a, p .618, Hermotime de Clazomènes E 22.
622 ; 86 ; 90 ; 136 , p. 740 ; 144 ; 152, Hermotimede Colophon E 80 , p. 254 .
p . 787 ; 154 ; J 2, p. 1013- 1014 ; 3. Hérode Atticus F 10.
Héraclite de Macédoine H 64, p. 601. Hérode le Grand I 41, p . 943.
Héraclite de Rhodes H 65. Hérodicosde Babylonie H 63 ; 136 , p. 742.
Héraclite de Tyr H 54. Hérodicos de Sélymbrie H 152, p. 772.
1038 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Hérodote d 'Halicarnasse E 36 , p . 178 ; 121, Hilapios H 132.
p. 323 ; 139 ; 151 ; H 12, p.517 ; 101; 152, Hilarius d'Antioche H 131.
p. 785. Hilarius de Bithynie E 121, p. 320 .
Hérodote,l'Épicurien E 36 , p. 159- 160, 162, Himérius de Prousias E 121, p. 312, 315 ; H
168, 179 . 95.
Héron d 'Alexandrie E 80, p. 264, 269; Himérius, haut fonctionnaire H 136 , p . 722
H 106 . 723 ; 12.
Héron d'Athènes H 61. Hipparchia E 52, p. 207.
Hipparchide de Rhégium H 159.
Hérophile de Chalcédoine E 92 ; G 18 ; H 58 ; Hipparchidès
105 ; 130 ; 152, p. 783 ; J 2, p. 1014. Hipparchos de Nicée E 52, p. 217-218, 221
Hérophile, cynique H 89. 222, 227, 234 ; 98 .
Hérostrate H 64, p. 588, 595. Hipparchos, pythagoricien H 144 ; J 2,
Herpyllis H 143. p. 1014.
Hésiode E 36 , p. 162 ; 93; H 12, p. 509; 60 ; Hipparété H 94.
64, p . 583, 603, 626 ; 136 , p. 716 ; 145 ; Hipparinos E 91.
154 ; 15, p. 850 ; 38, p. 904. Hippasos deMétaponte E 19 , p. 79 ; 69 ; 129 ;
Hesychius d' Apamée (Hostilianus -) 13, H64, p. 576 , 582, 584 ; 140 ; 151, p. 764 ;
p . 828. 159.
Hesychiusde Damas, père de Jacob I 1. Hippasos de Phlionte H 144.
Hesychius, père d'Hésychius H 113. Hippias d' Élis E 52, p. 223 ; 59 ; 94 ; 139 ;
Hicétas de Syracuse, tyran de Léontinoi H 20 ; 101 ; 136 , p . 737 ; 1 4 .
H 115. Hippias, époux de Plathané I 38, p. 893.
Hicétas, pythagoricien E 8 ; H 115 . Hippobote E 69 ; 130 ; H 60.
Hiempsal I 41, p. 947. Hippobote, vainqueur à Olympie H 148.
Hiérax J 2, p. 1015 . Hippocléidès E 36, p. 169.
Hiérax (T. FlaviusLucius -) H 117 . Hippocrate de Chios E 52, p. 211, 213 ; 80.
Hiérax le néoplatonicien H 116 . p. 265.
Hiérius, fils de Plutarque d'Athènes 131, Hippocrate de Cos E 35 ; 80 , p. 267 ; 139 ;
p.874. G 3, p. 452, 460, 465 ; 16 ; 18 ; 20 ; H 54 ;
Hiérius, maître de Maxime d'Éphèse I 3, 58 ; 64, p . 585 ; 130 ; 151, p. 763 ; 11; 5.
p. 828. p. 851.
Hiéroclès (Sossianus -) E 156 ; H 126 . Hippodamos de Milet E 139 ; 187, p . 404 ;
Hiéroclès d 'Alexandrie E 33. p . 141 : H 124 : H20 ; J 2, p. 1014 .
175 ; 1 31, p. 872, 877. Hippolyte E 19 , p. 87 ; J 1, p . 1010 .
Hiéroclès d 'Hyllarima H 124. Hippon de Crotone H 152, p. 787-788 .
Hiéroclès le Stoïcien H 126 ; J 2, p. 1015. Hippon deMétaponte H 144.
Hiéron de Syracuse E 19 , p . 74 ; 29 ; H 64, Hippon deMilet E 187, p.407.
p. 587, 596 ; 136, p. 737. Hippon de Rhégium H 144.
Hiéronymos de Cardie H 129. Hippon de Samos E 187, p .407 ; H 64,
Hiéronymos de Rhodes E 93 ; H 148 ; I 38 , p . 582 ; 154.
p. 935 ; J 2, p. 1015. Hipponax E 187, p. 404 ; H 64 , p. 587 ; 86 .
Hiéronymos de Rhodes, fils de Simylinos Hipponicos H 94 .
H 129. Hippothalès, fils de Hiéronymos H 158.
Hiéronymos l'Égyptien E 156 . Hippys de Rhégium H 139.
Hiéronymos, auteur intéressé par l'orphisme Homère E 19, p . 81 ; 25 ; 52, p. 221-222, 225 .
H 128 . 226 ; 93 ; 94 ; 110 ; 139 ; 161, p. 372 ; H 12,
Hilaire d 'Arles E 152. p . 509 ; 31, p. 539, 543 ; 60 ;63, 64, p. 583,
INDEX DES NOMS PROPRES 1039
626 ; 86 ; 88 ; 100 ; 126 ; 136 , p. 717, 732- lon de Chios E 39 ; G 18 ; I 38 , p. 914 .
733 ; 145 ; 164 ; 15, p. 844 ; 34, p . 883 ; 38, lon le Platonicien E 84.
p . 908, 919, 929 ; 46, p . 965, 974. Ionicus E 121, p. 316 .
Honoratus H 136 , p . 729. Iphiclès I 46 , p . 972.
Honorius, empereur E 121, p. 320. Iraios, chargé des funérailles de Straton E 30.
Horace F 27 ; I 10. Irénée H 154 ; J 1, p . 1010 .
Horapollon (Flavius -) H 164. Isaios I 38, p. 935.
Horapollon de Phainébytis H 67 ; 163 ; I 31, Isaios (Luſcius] Volusius -) 1 27 .
p. 870 , 874 . Isaios, archonte E 36 , p. 177.
Horapollon,auteur des Hieroglyphika H 165. Isḥāq b. Hunayn (b. Ishaq al-'Ibādi) E 80 ,
Hosiusde Milan H 170. p. 257, 263.
Hostilianus (C . Tutilius -) H 171. Isidore d'Alexandrie E 34 ; H 22 ; 67 ; 78 ;
Hubayš (b . al-Hasan al-Aſsam al-Dimašqi) G 126 ; 165 ; 1 30 ; 32.
3 , p . 456 , 459 -460 . Isidore de Characène E 52, p. 234.
Hunayn (b. Işhāq al-'Ibādi Abū Zayd ) E 80 , Isidore de Gaza E 112 ; H 81.
p. 263 ; G 3, p . 453, 455, 458 -460, 463. Isidore deMilet E 175.
Hydaspe G 35 ; H 31, p. 540. Isidore de Péluse H 85 ; 136 , p. 735 -736 .
Hygin E 52, p. 235. Isidore le Cynique I 36 .
Hypatie d'Alexandrie E 80, p. 253 ; H 31, Isidore , hymnographe 1 31, p . 877.
p . 542 ; 70 ; I 30 ; 33.
Hypéride H 136 , p . 711, 714 ; I 38, p. 935. Isidore, prêtre d 'Alexandrie E 45.
Isocasius de Cilicie I 1 .
Hypsaios J 2 , p . 1015 .
Hypsiclès E 80, p . 266 . Isocrate E 36 , p . 164 ; 54 ; 82 ; 122, p . 326 ;
179 ; G 28 ; H 25 ; 86 ; 129 ; 136 , p. 725 ;
Hystias H 64, p. 581. 145 ; 178 ; 14.
Isocrate d'Apollonie I 38 , p. 900, 934 -935.
ladmon de Samos E 60 .
Iulius,rhéteur cité par Stobée J 2, p. 1016 .
lamboulos E 187, p. 406 . luncus J 2, p. 1015.
Iason I 38, p. 900. luncus (L .Aemilius -) 1 49.
Ibn Abi Uşaybi'a (Muwaffaq al-Din Abū l. luuenalis (Decimus Iunius - ), tribun des
'Abbas Ahmad b . al-Qāsim b . Halifa b . cohortes Dalmates J 3 .
Yūnus al-Hazraği) G 3, p . 453, 458, 460 .
Ibn al-Haytam (Abū 'Ali al-Hasan b. al Jacob lemédecin I 37.
Hasan - Husayn ? – b . al-Haytam al-Basri
al-Misri) E 80, p. 265. Jacques de Venise E 163, p . 385-387.
Ibn al-Nadim , voir al-Nadim . Jamblique d 'Apamée E 99 ; H 136 , p . 723.
Ibn Rusd (Abū l-Walid Muhammad b . Jamblique de Chalcis E 1 ; 15, p . 62 ; 22 ; 41 ;
Ahmad Muhammad al-Hafid) (Averroès ] 51 ; 110 ; 121, p . 310, 313, 315 , 317, 320 ;
G 3 , p . 458 . 122, p. 329, 332 ; 131 ; 159 ; 161, p. 369,
Ibrāhim b. Sinān b. Tābit b . Qurra E 80, 371-373, 378 ; 184, p . 401 ; H 78 ; 121 ;
p . 258. 126 ; 140 ; 144 ; 175 ; 12 ; 4 ; 22 ; 31, p. 873,
Ichthyas E 82. 876 ; 46, p . 966, 970, 972, 974, 977 ; J 2 ,
p. 1014-1015 .
Idoménée de Lampsaque E 36 , p. 158, 166,
177-178 ; H 75 ; 102. Jamblique, fils de Sampsigéramos I 3, p . 826 .
Ignace d 'Antioche J 1, p . 1010 . Jamblique,maître de Proclos 1 2.
Illos I 31, p . 874 -875. Jason , fils deMénécrate I 8.
Illyrios (Claudios -) H 136 , p . 721. Jason , tyran de Phères G 28.
lollas de Bithynie I 16 . Jean Chortasménos E 163, p . 384.
1040 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Jean Chrysostome E 33, p. 141 ; 45 ; 121, Junia F 5.
p. 320 ; 155 ; J 1, p. 996 , 1010. Justin , apologète chrétien E 33, p. 141 ; 122,
Jean de Jérusalem , évêque (Ive s.) E 45. p. 329 ; H 154 ; J 1, p. 1010 .
Jean de Nikiu H 175. Justin , empereur H 113.
Jean de Salisbury E 33, p. 147. Justinien , empereur E 112 ; H 81 ; 113 ; I 32 ;
Jean Eugenikos H 31, p. 542. 34 , p. 879.
Jean III d 'Antioche J 1, p . 998. Justus G 3, p. 447.
Jean Italos E 163, p. 379, 380. Justus (L .Gellius -) G 11.
Jean IX Agapètos E 163, p. 381. Justus f(ilius) (L .Gellius -) G 11.
Jean le Notaire E 154 . Juvénal I 27 .
Jean Lydus 1 3, p.836 ; J 1, p. 996.
Jean Merkouropoulos J 1, p. 1000 . al-Kindi (Abū Yusūf Ya'qūb b. Isḥāq) E 33,
Jean Philopon E 15 , p. 58 : 161. p. 373, 378 : p . 142 ; H 99.
163, p. 383-384 ; G 2 ; I 3, p. 836 ; 31, Kotys H 55.
p. 872 ; J 1, p. 996 , 1010. Kyrinos H 122.
Jean Scot Érigène E 33, p. 146 .
Jean Stobée H 124 ; 178 ; 1 3, p. 832, 836 ; Laberius H 136 , p. 733.
J 1, p . 996 . Lactance H 125 ; I 34 , p. 887, 890.
Jean V de Jérusalem J 1, p. 1002. Lacydès de Cyrène E 62 ; 65 ; 73 ; 76 ; 77 ;
Jean VII de Jérusalem = (Yuhanna b. Djamî') 126 ; H 82 ; 136 , p. 737.
J1, p. 998. LaeliusF6 ; 26 .
Jean VIII de Jérusalem J 1, p . 998. Lamprias E 19 , p. 87 ; F 10; H 136 , p. 737.
Jérôme E 45 ; 156;I 34,p.884 -885. Lamprias d 'Argos I 46 , p . 972 .
Josèphe (Flavius -) H 154. Léandre de Séville I 34 , p. 880 -881.
Joseppus H 61. Lecanios Areios de Tarse H 105.
Josipe H 154. Lentulus (Cossus Cornelius -) 141, p . 941.
Jovien F 17. Léocritos H 161.
Jovien, empereur E 106 ; 121, p . 321 ; 122, Léodamas de Thasos H 151, p. 765.
p . 327 ; H 134 .
Léon fer, empereur E 113 ;11; 37 .
Juba jer I 41, p . 940, 946 . Léon III, empereur J 1, p. 994, 999.
Jules fer, pape 1 51. Léon, conjuré du complot contre Cléarque
Jules l'Africain E 156 ; H 43. E 179 .
Julia Domna E 9. Léon , mathématicien E 80, p . 265 ; H 151,
Julianus,médecin méthodiste G 3, p. 444. p . 770.
Julien (Pseudo -) I 3, p. 828. Léonard de Pise E 80, p . 257.
Julien de Cappadoce E 121, p. 312, 315 ; Léonidas de Tarente E 108.
153 ; I 43.
Julien le Chaldéen I 48. Léonidès E 179.
Julien le Théurge I 47. Léonidès (M . Eustorgius Héraclamon -)
Julien , empereur E 17 ; 22 ; 119 ; 121, p . 311 E 188.
312. 317 . 320 - 321: 122. p . 327, 333 : 161. Léonteus de Lampsaque E 34 ; 36 , p . 158.
p . 371 : F17 : G 6 : H8: 31. p. 538 : 38 : 164- 165 , 167, 175, 177 - 178 ; 1 14 .
46 ; 120 ; 136 , p . 711-712, 714, 718 , 722- Leonteus, acteur 141, p. 947.
724, 727-728, 731-733, 735, 737 ; 13, Léontion d'Athènes E 36 , p. 166, 169, 177
p. 828 ; 24 ; J 1, p . 1011. 178 , 180 .
Julien , empereur = Flavius Claudius lulianus Léontios 1 31,p. 872.
E 157. Leucippe E 36 , p. 163; H 154.
INDEX DES NOMS PROPRES 1041
Libanius E 121, p . 312, 315 ; 161, p. 372, Lysias, élève d'Euphratès E 132.
374 ; F 17 ; H 8 ; 35 ; 95 ; 120 ; 131; 136 , Lysias, orateur H 136, p . 714 ; I 38, p . 896 ,
p. 714 , 719, 724, 726, 732 ; 12 ; 38, p. 937; 915, 920, 922.
46 , p . 971 ; J 1, p . 1009. Lysimachos, adversaire (fictif?) d ' Isocrate
Licinius, empereur E 160 ; H 95 ; 136 , p. 718 , 138, p. 898.
720, 735 ; 13, p. 828. Lysimaque (le diadoque ?) H 89.
Liménius H 136 , p. 724 . Lysimaque le diadoque E 36 , p. 166 , 170 ;
Linos H 148 ; J 2 , p . 1016 . H 138, p . 743 ; I 14 .
Lobon d'Argos E 19, p. 84. Lysimaque, disciple de Théophraste H 86 .
Lochitès I 38, p. 895, 899. Lysippe F 24.
Lollianus d'Éphèse 1 27 . Lysis de Tarente E 26 ; 145 ; H 140 .
Longin E 74 ; 156 ; F 19 ; H 29 ; 34 ; 136, Lysitheidès, titre d'un dialogue de Glaucon
p. 721. G 21.
Longin (Pseudo-) H 63; I 38, p. 936 .
Longinus (C . Cassius -) E 176 ; F 3. Macaire Za îm J I, p. 990 , 997.
Lucien de Samosate E 33, p. 141; 121, Macaire, évêque J 1, p. 1011.
p . 316 ; 167 ; F 10 ; H 31, p . 538 ; 76 ; 136 , Macarios de Magnésie H 125 .
p . 716 . Macédonius, dédicataire de Jamblique 13,
Lucilius, auteur cité par Censorinus E 82. p. 834 ; J 2 , p . 1015.
Lucilius, correspondant de Sénèque F7 ; Machaon H 152, p . 771.
H 13.
Macrin , empereur 142.
Lucillius,poète épigrammatiste H 92. Macrobe E 101 ; 158 ; 159 ;F9; H 169.
Luciusde Thessalie H 136 , p . 720. Maesa (Julia -) I42.
LuciusGellius E 33, p. 118, 120-123, 140. Magas, roi de Cyrène E 52, p. 199.
Lucius Verus F 19 ; G 3, p. 441,448 ; H 8 ; 9. Magnès E 29.
Lucius, cynique F 10 . Magnus d'Éphèse H 8.
Lucius, disciple de Musonius Rufus E 33, Magnus de Nisibe E 121, p. 313, 316 ; H 8.
p. 122 ; J 2 , p . 1015 .
Lucrèce E 11 ; 19, p . 86 ; 24 , p. 92 ; 36 , al-Maġribi
mad b. Abi
(Muhyi l-Din Yahyā b. Muḥam
al-Sukr) E 80, p. 265.
p. 155 ; H 64, p. 602 ; 167; I 34 , p . 886. al-Māhāni (Abū ' Abd Allāh Muḥammad b .
Luscus H 136, p. 718. 'Isā b . Ahmad) E 80, p . 265.
Lycinus H 98 ; 114. Maïmonide G 3, p. 458, 459,460.
Lycon de Troade E 30 ; 36, p. 181 ; 93; 134 ; Malchus E 113.
G 31 ; H 45 ; 86 ; 129 ; 150. Mammarion E 36 , p . 169; 55 ; H 14 .
Lycon,esclave d'Épicure E 36 , p. 168.
Lycophron de Chalcis E 52, p. 198, 227, 234 . Mancinus (C . -), consul F 26 ; G 32.
Lycophron , correspondant de Léonteus de Mandamis 1 6 .
Lampsaque E 36 , p . 164. Manéthon E 156 ; H 12, p. 511, 523-524.
Lycophron, orateur G 28. al-Mansur (Abū Ğa'far 'Abd Allāh b .
Lycos G 18. Muhammad ) J 1, p . 994 -995.
Lycurgue, légistlateur de Sparte G 35 ; H 12, Manşūr b. Sardjūn J I, p. 989, 991, 994,
p . 517 . 1001- 1002.
Lycurgue, orateur H 176 ; I 38, p. 935. Mantias H 54 ; 58.
Lycus (Lucius ?) I 22. Maras H 132.
Lydus F 9. Marc de Byzance 1 27.
Lysanias, grammairien de Cyrène E 52, Marc -Antoine (Marcus Antonius) E 176 ;
p . 193, 198. H 160 ; 141, p. 941-942.
1042 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Marc-Aurèle E 33, p . 113, 129-130, 136 , Maximus, épicurien , corrector des cités
141; 86 ; 87 ; 92 ; F 19 ; 20 ; 22 ; G 2 ; 3, libres E 33, p. 116 .
p. 441, 448, 450 ; 20 ; H 8 ; 56 ; 124 ; 136 , Mécène H 167.
p. 720 ; 1 42 ; 46 , p. 966 ; 48 ; J 3. Médius H 29.
Marcel d'Ancyre E 156 ; 151. Mégacleidès 1 38 , p. 898.
Marcella F 25. Mégalophanès E 2.
Marcellinus E 161, p. 377 ; H 8 . Mégasthène E 156 ; G 35 ; H 12, p. 524 ; 15.
Marcien d'Héraclée E 52, p. 234. p. 842, 850 ; 6 .
Marcion E 19, p. 85 ; H 154 ; 151. Melancomas H 64, p. 581, 587 , 579 .
Marcomir H 135. Mélanie l' Ancienne E 184, p . 399.
Mardonius, maître de Julien H 64, p. 580,
587 ; I 24 ; 46 , p. 969. Mélas H 64, p. 579, 586, 587.
Marie d'Alanie E 163, p. 383. Mélissos de Samos E 19, p. 76 ; H 64 , p. 585 .
Marinos de Tyr E 52, p . 234. 587, 597 ; 152, p. 772, 789 ; I 38 , p . 914.
Marinus de Néapolis E 80 , p. 257 ; H 22 ; Mélité, épouse de Chrysanthe de Sardes
122 ; I 31, p . 873-876 . E 121, p . 311.
Marius Victorinus I 34, p. 886 -887. Mélitta I 46, p. 971.
Martial J 3 . Memnon E 179.
Martianus Capella E 80, p. 267; F9; 23. Menander (L . Gellius - ) G 11.
Martin de Braga I 34, p . 886 . Ménandre d'Éphèse E 52, p. 202.
Massalenus E 33, p. 118 . Ménandre de Corinthe H 120 .
Massinissa I 41, p . 940 , 945 . Menandre de Laodicée H 136, p. 721.
Matron E 36 , p. 169. Ménandre le Rhéteur H 136 , p. 715.
Maurice, empereur J 1, p. 989, 1001. Ménandre , poète comique E 36 , p. 161 ; 54 ;
Mausole E 98 ; I 38 , p. 901. 110 ; H 138, p. 744 ; 178 ; J 2, p. 1016 .
Mavortius (Lollianus -) F 12 . Ménandros, père d'Hestiaios deMilet H 110 .
Maxence, empereur I 3 , p . 828. Ménarque G 3, p. 462.
Maxime d'Éphèse E 121, p. 313, 315, 317 ; Ménécée E 36 , p. 168, 179.
157 ; 161, p . 373, 375 ; H 121 ; 136 , p. 736 ; Ménechme de Proconnèse E 52, p. 211 ; 80,
13, p. 828 ; 46, p . 968, 970, 972, 974 -975. p. 254 ; 98 ; H 151, p. 767 ; J 2, p . 1014.
Maximede Nicée G 2. Ménéclès, philosophe “pyrrhoniaste ” E 24 ,
p . 92.
Maxime de Tyr H 76 ; 116 ; 136 , p. 732 ; 1 46 ,
p. 965. Ménécrate de Nysa I 8.
Maxime le Confesseur E 184, p. 402 ; I 38, Ménécrate, pharmacologiste H 58.
p . 901. Ménédème d'Érétrie H 86 ; 129 ; J 2, p. 1014.
Maxime, commentateur d 'Aristote (= Ménédème de Pyrrha H 129.
Maxime d'Éphèse ?) I 22. Ménédème le Cynique E 3.
Maxime, père d'Euclide E 81. Ménélaos, dialecticien E 71.
Maximin, empereur H 154. Ménélaos,mathématicien E 80, p. 267.
Maximus (Valerius -) H 136 , p . 723. Ménestrate E 36 , p. 169.
Maximus 17 (PLRE) H 136 , p. 724. Ménexène E 114 .
Maximus 48 (PLRE ) H 136, p. 724 . Ménexène, titre d'un dialogue de Glaucon
Maximus 49 (PLRE ) H 136 , p. 724. G21.
Maximus Allobrogicus (Fabius -) F4. Ménippe H 86 ; 89 ; 108.
Maximus, auteur d'un traité Sur la matière Ménippe, amid 'Apollonius de Tyane E 132 .
E 156 . Ménodore de Thyatire E 88 .
INDEX DES NOMS PROPRES 1043
Ménodote de Nicomédie E 75 ; 130; G 18 ; Mnésaios H 136, p. 720.
H 54 ; 105. Mnestheus H 136 , p. 717.
Ménon H 157. Mneves H 12, p. 519.
Mentor de Rhodes H 80. Modératus le Pythagoricien J 2, p. 1015.
Mentoridès E 36 , p. 166 . Moiragénès16.
Messalinus (C . Ulpius Prastina Pacatus -) Moïse H 12, p. 518 -520, 522, 524 ; 15 ,
E 33, p . 118 . p. 846 ; 51.
Mestrius Florus E 164 . Moïse b. Samuelb. Tibbon G 15.
Métallos I 12. Monime de Syracuse H 138, p. 744 ; J 2,
Méthode d'Olympe J 1, p. 1010. p. 1015.
Méthode de Constantinople J 1, p. 992, 995. Monime, fondateur de Chalcis I 3, p.826 .
Méthode le Sicilien J 1 , p . 993. Montius, questeur E 40 ; 153 ; H 136 , p. 718.
Méton de Paros E 19, p. 79. Moschos H 132.
Méton, père d'Empédocle E 19 , p. 73, 74.Mosollamos H 12, p. 521.
Métopos de Métaponte J 2, p. 1014. Motoxaris (Poplia Plancia Aurelia Magnianè
Métroclès de Maronée H 13 ; 138, p . 742- -) E 109.
743,745 ; J 2, p. 1015. Mu'āwiya fer b. Abi Sufyān J 1, p. 989, 1001.
Métrodore de Chios H 60. Mu'āwiya II b . Yazid b . Mu'āwiya jer J 1,
Métrodore de Lampsaque E 34 ; 36 , p. 158 - p. 989.
159, 166 , 168, 170, 175 -178 , 181 ; 143; Muc(t)ianus G 8.
G 3, p. 464 ; 18 ; H 52 ; 75 ; 102 ; 136, Musa, pharmacologiste H 58 .
p. 717 ; I 14 ; J 2, p. 1013, 1015. Musée H 145.
Métrodore, fils d 'Épicharme E 29. Musonianus (Flavius Strategius -) H 136,
Métron H 60. p. 720, 727.
Métrophane I 31, p. 874 . Musonianus, préfet du prétoire d'Orient
Michel d 'Éphèse E 80, p . 269 ; 161, p. 373 ; E 161, p . 369.
163, p. 382, 384 -388. Musonius Rufus E 33, p. 106, 113, 115, 122 ;
Michel de Saint-Syméon J 1, p. 989, 997, 132 ; F 25 ; H 64a, p.621; 124 ; 136 ,
1000 . p. 722 ; J 2, p. 1015.
Michel Kaspakès E 163, p. 380. Musonius, proconsul d 'Achaïe H 136 , p. 711,
Michel le Syncelle J 1, p. 993-995. 727 , 728 .
Michel le Syrien J 1 , p. 989. Musonius, vicaire d 'Asie et de Macédoine,
Michel Psellus H 31, p . 542 ; 78 : 1 3, p. 831, ancien sophiste E 121, p. 313 ; H 136 ,
836 . p. 728.
Michel VII Doukas E 163, p. 380, U , 383.
383 . Myès H 159.
Michel VIII Paléologue E 163, p. 386 -387. Myonidès E 129.
Milon J 2, p. 1016 . Myronianus d'Amastris E 36 , p . 160.
Miltiadès H 161. Mys, esclave d 'Épicure E 36 , p. 168, 178.
Minos E 52, p. 211. Myson H 148.
Minucianus (I ou II?) E 161, p. 377. Mysticos, père de L.GelliusMenander G 11.
Minucianus I H 136, p. 720-721.
Minucianus II H 136 , p . 720-721. al-Nadim (Abū l-Farağ Muhammad b . Abi
Mithrès E 36 , p. 166 , 170 , 176 -178. Ya'qūb Isḥāq al-Warrāq al-Bağdādi) G 3,
Mithridate E 57. p. 453 ; 1 22.
Mnaseas de Patara E 52, p. 202. Naşir al-Din al-Tūsi, voir al-Tūsi.
Mnémarchos G 7. Naucratès le Sage J 2, p. 1016 .
1044 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Nausiclès H 31, p . 540 . Nicolaos E 36 , p . 160.
Nausiphane de Téos E 36 , p. 163-164 ; 143; Nicolas (de Damas) J 2, p. 1016 .
G 18 ; H 12, p . 509, 513. Nicolas de Damas E 36 , p. 160 ; 156 ; 141,
Nausithoos E 78. p . 942.
al-Nayrizi (al-Fadi b . Hâtim Abū l-'Abbās) Nicolas de Reggio G 3, p. 456 -457.
(Anaritus ] E 80, p. 264 -265. Nicolaus, titre d'un ouvrage d 'Héraclide de
Néanthe de Cyzique E 69; H 64a, p . 622 ; Tarente H 58.
88 ; 148. Nicoloque de Rhodes E 75 ; 130 .
Néarque I 6 . Nicomaque de Gérasa E 80, p . 270 ; H 107 ;
Néchepso H 8. 13, p. 831.
Nectanébo jer E 98. Nicomédès H 64, p. 585.
Némertius G 10 . Nicoménès E 115.
Némésius d'Émèse E 122, p. 331-332 ; JI, Nicon G 3, p.442.
p. 1009. Nicosthénès, archonte E 65.
Néoclès E 36 , p. 175. Nicostratos le sophiste J 2 , p . 1016 .
Néoclès,frère d'Épicure E 36 , p. 162. Nicostratus, commentateur d 'Aristote I 22.
Néoclès, père d'Épicure E 36 , p. 162. Niger (Pescennius -) I 42.
Néophytos Prodromènos E 163, p. 387. Nil d'Ancyre E 33, p. 143, 144.
Néoptolèmede Parion E 52,p. 227. Nilos E 132 .
Nepos I 27. Ninon H 144.
Néron, empereur E 33, p. 114- 115 ; 121, Ninos 15, p . 845.
p . 316 ; F5 ; 16 ; G 3, p. 464 ; 4 ; H 8 ; 39 ; Nitocris I 42.
60 ; 136 , p. 722 ; 1 28 ; 40. Noët H 154.
Nerva, empereur F 5 . Nonnus E 19, p.68 ; 52, p . 235 ; H 113.
Nestorius,hiérophante E 121, p. 312 . Novatus (L . Annaeus -) G 5.
Nicagorasde Chypre E 187, p.407. Numa le Pythagoricien E 156 ; H 12, p. 517;
Nicagoras I H 136, p. 720 -721. 41.
Nicagoras II H 136 , p. 719-721, 723. Numénius d'Apamée E 156 ; G 2 ; H9; I 3,
Nicagoras,dadouque I 43. p . 828 ; 6 ; 51.
Nicandre de Colophon E 45 ; G 20 ; H 116 . Numisianus G 3, p. 444.
Nicanor E 36 , p. 168. Nymphidianus E 121, p. 315.
Nicéphore Botaneiatès E 163, p. 383.
Nicéphore Bryennios E 163, p. 382. Obrimos J 2, p. 1016 .
NicéphoreGrégoras E 163, p . 387. Obultronius Sabinus H 39.
Nicéphore fer de Constantinople J 1, p . 990. Occélo E I.
Nicéphore Phokas J 1, p. 997. Occélos de Lucanie E 1 ; J 2, p. 1014.
Nicétas d'Héraclée E 163, p. 381. Occilos de Lucanie E 1.
Nicètas Sérdès E 163, p. 379. Octave H 160.
Nicias, archonte E 36 , p. 173. Octavia I 41, p . 942.
Nicias, esclave d 'Épicure E 36 , p. 168. Odainathos I 31, p. 874.
Nicias, général athénien I 38, p. 909. Oinomaos de Gadara E 156.
Nicidion E 36 , p. 169; 55 ; H 14 . Oinopidèsde Chios H 151, p. 763.
Nicoclès, roi de Chypre H 136 , p. 725 ; I 38, Olympichos, chargé des funérailles de
p. 898, 900 , 908, 928-929. Straton E 30.
Nicoclès, tyran de Sicyone E 2. Olympiodore de Thèbes H 126 .
Nicolaïdès de Tarente 1 11. Olympiodore, archonte E 36 , p. 177.
INDEX DES NOMS PROPRES 1045
Olympiodore, néoplatonicien E 15, p. 59-61, Pansa (Vibius - ) H 160.
63 ; 33, p. 141; 175 ; H 34 ; 11; 3, p. 836 . Pantheia d'Agrigente E 19, p. 78.
Olympius, dédicataire de Jamblique 13, Papinien I 42.
p. 834 ; J 2, p. 1015. Papirius Paetus F3.
Olympius, père de Patricius E 99. Pappus d'Alexandrie E 80, p. 253, 255, 264.
Olympos I 31, p. 872. Paralios d' Aphrodisias H 165.
Onatos J 2, p . 1014 . Paris, pantomime J 3.
Onésicrite le Cynique E 52, p. 195 - 196 . Parménide E 19, p. 76 , 80 ; 82; H 64, p.577
Onésicrite , compagnon d'Alexandre G 35 ; 578, 584, 587, 596 , 598 ; 94 ; 154 ; I 20 ; 38,
15, p . 848, 850 ; 6 ; 41, p . 948. p .914 ; J 2 , p. 1014 .
Onésimos, esclave de Plutarque F 10 ; 63, Parménion E 128 ; 187, p. 404.
p . 461. Parnasius E 121, p. 315.
Oppia (Aurelia -) H 44. Parrhasios 1 41, p . 952.
Oppien I 42. Pascal ler, pape J 1, p. 993.
Oreste, préfet H 175. Pasiclès de Thèbes, fils de Cratès H 138 ,
Oribase de Pergame E 121, p. 311, 314, 316 ; p. 744.
G 3, p. 440 ; 121. Pasiclès de Thèbes, frère de Cratès H 138,
Origène d ' Alexandrie E 33, p . 141 ; 45 ; 122, p . 744 .
p . 330 ; 156 ; 184, p . 399, 401 ; H 43; 109 ; Patricius de Lydie H 134 .
125 ; 136 , p . 717 ; 154.
Origène le Platonicien E 53 ; 74 ; H 43; 126 . Patricius,“ rex" des Juifs H 136 , p. 718.
Orose F 23. Patricius, fils d 'Olympios E 99.
Paul d 'Alexandrie H 30.
Orphée H 126 ; 128 ; 136 , p. 728, 738, 740 ; Paul
145 ; 148 ; I 31, p . 872 ; J 2 , p . 1015. de Tarse E 33, p. 140, 143; 45 ; 52 ,
Orthoménès I 20 . p . 196 ; H 63 ; I 34 , p. 883.
Osarseph H 12 , p. 524. Paulin de Nole I 23.
Osiusde Cordoue H 170. Paulus (L . Sergius -) E 92 ; G 3, p. 447.
Ossymandias H 12 , p. 510. Pausanias de Géla , disciple d'Empédocle
Othon F 16 . E 19, p. 78, 80 -81, 84-85.
Ourias, archonte E 36 , p. 177. Pausanias, héraclitéen H 64, p. 585.
Oustillianos H 173. Pausanias, invité du Banquet de Platon E 59.
Peisianax d 'Agrigente E 19, p. 78.
P(r)asion E 121, p. 314 . Peisidamos de Rhodes E 85 .
Paetus (Aulus Caecina -) F5. Peisirrhode de Tarente E 4.
Palaephatus H 101 ; 113. Peisirrhodos de Tarente E 4.
Palladas H 175 . Pélops G 3, p. 444.
Palladios E 33, p. 141; G 35. Pempélos J 2, p. 1014.
Pamménès H 114. Perdiccas III deMacédoine (365-359) E 128 ;
Pamphilè d'Épidaure F 10. H 136, p . 734.
Pamphile de Césarée E 156 ; H 125. Perdiccas, général d'Alexandre E 36 , p. 161,
Pamphilos,maître d 'Épicure E 36 , p . 163. 162.
Pamprépius H 122 ; I 31, p. 874-875. Perdiccas, roi de Macédoine, soigné par
Pancratès E 84 . Hippocrate de Cos (peut- être Perdicass III)
Pancréon H 143. H 152 , p. 773.
Panétius de Rhodes E 33, p. 125, 137; 80, Périandre H 148 ; J 2 , p . 1014.
p. 267 ; 82 ; 132 ; F6 ; G 30 ; H 13 ; 167; Périclès G 28 ; H 136 , p. 714, 739 ; 153;138 ,
I 10 . p. 910 , 919 ; 46, p. 965 ; J 1, p. 1011.
1046 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Périclès (Poplius PlanciusMagnianus Aelia - Philiscos d'Égine H 86 .
nus Arrius - ) E 109. Philiscos de Thessalie I 42.
Périctionè G 21 ; J 2 , p . 1014. Philiscos, épicurien H 136 , p. 732.
Persée de Citium H 73. Philistion de Locres E 19, p. 81 ; 98.
Persinna H 31, p. 540. Philochore E 52, p. 194, 198 ; 139.
Pertinax G 3, p. 463. Philoclès E 84.
Pétosiris H 8 ; 31, p . 540. Philocrate d'Athènes, père d'Amynomaque
Pétron d'Égine H 152, p. 788. E 36, p. 168.
Pétron d'Himère H 139 ; 159. Philodème de Gadara E 36 , p. 157, 160, 178 ;
Petros E 175. G1; 18 ; 25 ; H 48 ; 148 ; 167 ; I 38 , p . 893 ,
Phaidrion, esclave d'Épicure E 36 , p. 168. 934 - 935 .
Phalaris H 136 , p. 718 -719 , 735-736 ; J 2, Philolaos de Corinthe H 136 , p . 740.
p. 1016 . Philolaos de Crotone E 5 ; 8 ; 19, p. 74 ; 150 ;
Phaléas de Chalcédoine E 139. H 101 ; 115 ; 140 ; 151, p. 765, 770 ; 152,
Phanès H 169. p. 788 -789 ; J 2, p. 1014.
Phanias d'Érèse H 139 ; 159. Philométor E 121, p . 317.
Phanias, grammairien E 108. Philon d'Alexandrie E 24, p. 96 ; 122, p. 326 ;
Phanton de Phlionte E 5. 156 ; 184, p. 401; H 12, p. 522 ; 64a,
p . 621 ;138, p . 937 ; 51 ; J 1, p. 1010 .
Pharianos E 119 ; I 46, p. 968. Philon d'Athènes E 143.
Phéax, fils d'Érasistratos E 58. Philon de Byblos E 156 ; H 12, p . 520, 525 ;
Phédon d'Élis E 5 ; 114 ; H 129. 127 .
Phèdre de Myrrhinonte E 59. Philon de Larisse E 24 , p. 90 ; 97; H 54;66.
Phèdre, épicurien G 12. Philon de Mégare E 71.
Pheidylos, titre d 'un dialogue de Glaucon Philon , adversaire de Sophoclès de Sounion
G21 . E 36 , p. 161.
Phénarète ,mère d'Hippocrate de Cos H 152, Philonicos138 , p. 936 .
p. 771. Philonidès de Laodicée E 36 , p. 177 ; 1 16 .
Phérécyde d'Athènes H 101. Philopator, stoïcien G 3, p. 442.
Phérécyde de Syros H 86 ; 88 ; 136 , p. 733. Philopoemen E 2 .
Phidias H 152, p. 773. Philosophia,mère d'Hésychius H 113.
PhilétasdeCos H 12 , p. 509. Philostorgios J 1, p. 1011.
Philinos de Cos G 18 .
Philostrate H 31, p. 536 ; 1 27 ; 38 , p. 892,
Philippe d'Oponte E 80, p. 254, 258 ; H 99a; 937 ; 41, p . 953.
151, p . 763. Philostrate (Flavius -) E 33, p. 141; 16 .
Philippe deMacédoine I 38, p. 900 . Philostrate de Lemnos E 121, p. 316 .
Philippe de Medma E 80, p. 254 . Philostrate l'Ancien F 19 .
Philippe deMégare E 125. Philoxénos H 54.
Philippe II de Macédoine E 125 : 128 : H 80 : Philtys E 1.
136 , p.733-734 ; 138, p . 744 ; I 38, p. 899, Phlégon de Tralles E 52, p. 223.
910, 930. Phocion E 7 .
Philippe l'Arabe, empereur H 136 , p. 721. Phocylide I 38 , p. 904.
Philippe le Philosophe H 31, p. 542 ; 163. Phoebion H 29.
Philippe V deMacédoine E 52, p. 193. Phoibos H 136, p . 712, 724, 725.
Philippos, archonte E 36 , p. 177. Photius E 33, p. 145 ; 121, p. 318 , 322 - 324 ;
Philippos, traducteur des Hieroglyphica H 31, p . 542 ; 136 , p . 710-711 ; I 38,
d 'Horapollon H 163. p. 892 ; J 2, p. 1012- 1013, 1017 .
INDEX DESNOMS PROPRES 1047
Phraotès I6. Pline l'Ancien F1; 141, p. 950-951, 953 ;
Phrynichos Arabios H 136 ,p. 715. J 1, p. 1009.
Phrynichos,rhéteur H 136 , p. 715- 716 . Pline le Jeune E 132 ; F5 ; 25 ; H 40 ; 1 27.
Phrynion , père d 'Échécratès de Phlionte E 5 . Plotianus H 136 , p. 712.
Phyntis J 2 , p. 1014. Plotin E 19, p. 87 ; 33, p. 141 ; 41; 51 ; 53 ;
Phyrson E 36 , p. 178. 74 ; 97; 121, p. 315-316 ; 122, p. 333; 156 ;
161, p . 372 ; 162 ; 177 ; 184 , p . 402 ; F 13 ;
Pierre d'Alexandrie H 165 ; J 1 , p . 1010. G2; 10 ; 13 ; 35 ; H 78 ; 126 ; 163 ; 173;
Pierre de Damas J 1, p. 1001, 1003. 13, p . 826 - 828, 832; 22 ; 31, p . 873.
Pierre Grossolanus E 163, p. 380 . Plotius H 167.
Pindare E 110 ; H 64, p. 596 ; 15, p. 848 ; 38 , Plutarque (Pseudo-) I 38, p. 892.
p. 908. Plutarque d'Athènes H 22 ; 122 ; 126 ; 13,
Pindare, tyran d'Éphèse H 64, p. 586 . p. 836 ; 31, p. 873; 46, p. 972.
Pisistrate E 60. Plutarque de Chéronée E 19 , p . 87 ; 121,
Piso (Cn. Calpurnius -) G 25. p. 316 ; 142 ; 156 ; 164 ; F 10 ; 16 ; G 3.
Pison H 136 , p. 711. p . 455, 461 ; H 3 ; 50 ; 52 ; 136 , p. 720, 728,
Pison (= Marcus Pupius Piso Calpurnianus, 732 , 737 ; 140 , 141, p. 953 ; 42 ; 46 ,
consul en 61) E 5 . p. 974 ; J 2 , p. 1015-1016 .
Pittacos H 148 ; J 2, p. 1014. Plutarque, correspondant de Julien 1 46,
Plarianus (Aegrilius -) F 19 . p . 972.
Plarianus (Egrilius -) E 186 . Podalire H 152, p. 771.
Plathané H 145 ; I 38, p . 893. Poemenius, dédicataire de Jamblique 13,
p. 834.
Platon E 1; 5 ; 6 ; 15, p. 61, 63, 65 ; 16 ; 19, Polémarque E 98.
p . 79, 86 ; 29 ; 33, p. 126 - 128 , 147 ; 36 ,
p . 161, 163, 181 ; 38 ; 44 ; 49 , 52, p. 203, PolémonH 90 .
d'Ilion le périégète E 52, p. 194 ;
210
74 :,80212
. p., 219,
254, 227,
258. 230
270 ;: 54
82 ;: 87
59;: 61; 71;: Polémon le sophiste F 10 ; H 136 , p. 714 .
91 : 94
97 : 98 : 99 : 110 : 112 : 114 : 115 : 119 : Polion , élève de Musonius Rufus E 33,
121, p . 316 - 317 ; 122, p. 330 , 333 ; 128 ; p . 122 .
139 ; 150 ; 156 ; 161, p. 372 ; 163, p. 382 ; Polla (Vibia -) H 87.
171 ; 179 ; F 13 ; 19 ; 24 ; G 2 ; 3, p. 459. Pollianos E 142.
460 , 463 -464 ; 21 ; 28 ; 35 ; H 8 ; 9 ; 12, Pollis H 53.
p . 512 , 516 , 519, 525 ; 22 ; 25 ; 31, p . 543 ; Polos d'Agrigente E 19. p . 81 : H 64. p. 597 .
47 ; 55 ; 60 ; 63 , 64, p . 597, 601-602 ; 70 ;
75 ; 78 ; 80 ; 81 ; 86 ; 90 ; 91; 94 ; 99a ; 100 ; Pôlos de Lucanie E 1 ; 10 ; J 2 , p. 1014 .
105 ; 110 ; 111; 113 ; 126 ; 129 ; 136 , Polybe de Mégalopolis E 187, p.404 ; 141,
p . 714. 716 , 720 -722 , 732, 734 -738 . 740 . p . 951. .
742 ; 140 ; 145 ; 151, p . 763, 765 ; 152, Polybe, gendre d 'Hippocrate de Cos H 152,
p . 773, 782 , 789 ; 154 ; 158 ; 170 : 175 : p. 772, 782 , 789.
176 ; 12 ; 3, p. 829, 835 ; 4 ; 5, p.844-850, Polychronius d'Apamée E 101.
853 ; 14 ; 18 ; 31, p. 874, 876 -877 ; 32 ; 33; Polyclète H 152, p. 773.
34, p. 885 , 888 ; 38, p. 905, 916 , 918-919, Polycrate de Samos H 88 ; I 38 , p. 912, 926 ,
921- 931, 934 , 936 ; 42 ; 43 ; 46 , p. 965 , 970 , 932. 935 .
974. 977 ; 51 ; JI, p . 1010 - 1011 ; 2 , Polven de Lampsaque E 34 ; 36 , p. 158 , 165
p. 1014. 168, 177-178 ; 80, p. 266 ; H 75 ; I 14 ; J 2,
Platon, disciple de Praxiphane E 36 , p. 164. p. 1015.
Plautien , préfet du prétoire I 42. Polyen, fils de Polyen de Lampsaque E 34 ;
Plautilla I 42. 36 , p. 165 - 166 .
1048 DICTIONNAIREDES PHILOSOPHES ANTIQUES
Polygnotos I 41, p. 952. Privatus, précepteur du fils d'Ampelius
Polymnastos de Phlionte E 5. H 136 , p. 727.
Polystrate de Caryste E 12 . Probus, amide Sidoine Apollinaire E 152.
Polystrate, épicurien E 36 , p. 169 ; H 75 ; Probus, préfet du prétoire 1 24 .
149. Proclus de Lycie E 33, p. 141 ; 80, p . 254
Polyxenos H 25. 255, 264-265 , 268 ; 93 ; 122 , p . 330 ; G 2 ;
Polyzélos E 67. 15 ; H 22; 30 ; 67 ; 78 ; 99a; 119 ; 122 ;
Pompée le Grand H 12, p . 513, 524 ; 18 ; 41, 126 ; 132 ; 151, p. 763, 765 ; 11; 3 , p . 835 ;
p. 940. 31, p. 871, 873-874, 876 -877.
Pompeianus , gouverneur de Bithynie H 136 , Proclus, fils d'Isidore d'Alexandrie E 34.
p . 726 . Proclus, usurpateur F 13.
Pompeius Julianus E 132. Procope de Gaza E 33, p . 141 ; G 16 ; I 38,
Pompylos H 143. p. 938 .
Pontien H 154. Procope, disciple d'Hellespontius de Galatie
Porphyre E 15 , p. 59 ; 19 , p. 87 ; 41 ; 74 ; 80, H 35.
p.264 ; 100 ; 101; 121, p. 315-316 ; 122, Procope, usurpateur E 122, p. 327 ; H 46 .
p . 330, 332 ; 156 ; 157 ; 161, p. 372-373, Prodicos de Céos E 139 ; 187, p. 407 ; H 64,
377 : 162 : 175 : 184. p . 399. 401-402 : F2: p. 582 ; 136 , p. 737 ; 145 ; 152 , p . 772 ; 14;
12 ; 13 ; G 2 ; 9 ; 10 ; H 43: 70 ; 91: 121 : 38 , p. 894 ; J 2 , p . 1014 .
126 ; 136 , p. 721, 736 ; 170 ; 13, p. 826 - Prohérésius E 121, p. 311-313, 315 , 318,
827, 830-832, 835 ; 6 ; 22 ; 31, p . 877 ; 34 , 320 ; H 136 , p. 716 -717, 723, 725, 728 .
p. 886 ; 46 , p. 974 ;51; J 2, p. 1014 - 1015 . Promachos de Samos 141, p. 950.
Posidonius d'Apamée E 24, p . 97 ; 33, Promathos de Samos 141, p. 950.
p. 125 ; 36 , p . 160 ; 52, p. 196 , 217, 227, Prosper E 161, p. 369.
234 ; 57 ; 80, p. 266 , 268 ; 97 ; 187, p. 404 ; Protagoras d'Abdère E 24, p. 96 ; 67 ; 139;
G 15 ; H 12, p . 513, 524 ; 13 ; 51 ; 78 ; 152 , 171: H 12, p . 507 ; 60 ; 64, p. 588 : 94 ; 136,
p . 788 ; 1 5, p. 842 ;6 ; 8. p . 737 ; 145 ; 14 ; 11 ; 38 , p . 895, 907 , 913,
Postumius (L . -) H 136 , p. 732. 919, 924 ; J 2, p . 1014 .
Potone G 21. Protarque G 28 .
Pousaios, préfet du prétoire I 1. Protérius E 121, p . 320 .
Praetextatus (Vettius Agorius -) H 136 , Proxène de Béotie H 136 , p. 733.
p. 712, 728 . Prytanis E 126 .
Pratinas de Phlionte I5 , p . 844. Pseudo -Aristée H 12, p. 508, 522.
Praxiphane E 36, p. 163- 164 ; 143; H 129. Pseudo-Phocylide H 116 .
Praxiphane deMytilène E 93. Ptolémaïs de Cyrène E 80 , p . 268.
Ptolémée H 18 ; 89.
Praxitèle de Chalcis E 132.
Praxithéa H 152, p. 771. Ptolémée de Cyrène E 75 ; 130 ; H 54 : 58 .
Ptolémée fer Soter E 52, p. 201; 80 , p . 253
Praylus de Troade E 75 ; 130 . 255 ; H 12, p. 507 , 510, 521.
Prépélaos E 52, p. 233. Ptolémée II Philadelphe E 52, p . 197- 198.
Priscianus ( = Proclus ?) G 2. Ptolémée III Évergète E 52, p . 193, 197 -200.
Priscianus de Lydie E 112 ; H 81; 13, p. 832 ; 210, 212, 219, 225-227 ; 125 ; H 12 , p. 508 ;
32 . 151, p . 766 .
Priscus (Helvidius -) F5. Ptolémée IV Philopator E 52, p. 193, 200 ,
212, 230 .
Priscus d ' Athènes E 121, p. 315, 318 ; 157 ; Ptolém
ée l' astronome E 52, p . 234 ; 80 ,
1 46 , p. 968, 971, 974-975. p . 256 ; 98 ; 100 ; 175 ; G 8 ; 15 ; H 30 ; 136 ,
Priscus fils (Helvidius -) F 5 . p. 737 ; 175.
INDEX DES NOMS PROPRES 1049
Ptolémée le Platonicien E 51. Rhéginus J 2, p. 1016 .
Prolémée V Épiphane E 52, p. 192, 197. Rhodopis H 31, p. 540.
Prolémée VI Philométor H 61. Rhyndaco de Lucanie E 1.
Ptolémée VII Physcon H 100 . Robert Grosseteste E 163, p. 385-388 .
Ptolémée, auteur d 'une Vie d 'Aristote G 6 . Rogus (Tertilius –) H 66 .
Ptolémée, fils de Juba 141, p. 942. Romanos IV Diogène E 95.
Pudentianus l'Épicurien G 3, p. 465. Romanus, sophiste I 38, p. 938.
Pulcher (Cn.Cornelius -) G 11. Rubellius Blandus Fl.
Pulchérie E 121, p. 314, 320 . Rufin d'Aquilée E 45 ; 184, p. 399.
Pyrilampès G 21. Rufin , fils d'Himérius H 136 , p. 711, 714,
Pyrrhon d ' Élis E 24 , p. 96 -97 ; 36 , p. 163- 723, 727.
164, 175 ; 75 ; 130 ; 143 ; G 18 ; 35 ; H 12, Rufus d'Éphèse H 58 .
p. 505, 513-514 ; 64, p . 584 ; 105 ; 136 , Rufus, auteur d'une Histoire de la musique
p.731, 737 ; J 2, p. 1016 . 141, p. 953.
Pyrrhos de Délos H 99. Rusticus (lunius Arulenus -), maître de
Pyrrhus H 136 , p. 740. Marc-Aurèle F 22.
Pyrson E 36 , p. 169, 177-178 ; H 17. Rusticus (lunius -) F 22 ; H 39.
Pythagore d'Éphèse H 64, p. 586 .
Pythagore de Samos E 15, p. 62 ; 19, p. 79. Sabbas G 35 .
80, 84 ; 22 ; 29 ; 45 ; 52, p . 208 ; 54 ; 69; Sabinus, consul en 316 E 177.
97 ; 132 ; 150 ; 178; F9 ; 6 7 ; 8 ; 35 ; H 31, Sabinus,médecin G 3 , p. 443.
p. 542 ; 60 ; 61; 64, p . 578 , 583, 587 ; 86 ;
88 ; 99 ; 126 ; 136 , p. 735, 740 ; 144; 148; al-Sahrastāni
'Abd al-Karim
(Abū l-Fath Muḥammad b.
) E 19, p. 87.
154 ; 155 ; I 2 ; 3, p. 829-830, 834 ; 6 ; 10 ; Sallustius (Flavius -) I 46 , p. 972.
20 ; 31, p . 877 ; 34, p. 887; 46, p. 977 ; J 1,
p. 1010 -1011 ;2, p. 1014, 1016 . Sallustius, auteur d' Empedoclea E 19, p . 86.
Pytharatos,archonte E 36 , p. 161-162, 177. Sallustius, praeses H 136 , p. 712.
PythéasdeMarseille E 52, p. 222 ; G 15 . Salomon I 34 , p. 886 .
Pythias H 80 . Saloustios, ami d' Isidore d'Alexandrie 1 31,
Pythoclès E 36 , p. 167-168, 178-179 ; H 75 ; p. 871, 874, 876 .
102. Salutius (Saturninus Secundus - ), dédicataire
Pythodore, fils d'Isolochos G 21. de discours de Julien I 46 , p. 962, 965, 972 .
Pythodore, fils de Polyzélos E 67. Salvia H 136, p. 720 .
Python H 55. Salvius lulianus E 186 .
Sampsigéramos I 3, p. 826 .
Quadration F 10 . Samuel d'Adana J 1, p. 990.
Quadratus (L . Statius -) F 10 . Sandè,mère deMétrodore E 36 , p. 166 .
Quintilien H 136 , p. 713 ; I 38, p. 937. Sannidoros E 36 , p . 176 .
Quintus G 3, p. 443-444 . Sapor, roi des Perses E 161, p. 369, 377.
Sappho E 110 .
Rabbi Tarphon I 51. Sarapion (Statius -) G 23.
Ramsès VI H 136 , p.722. Sarapion, ami d'Isidore d'Alexandrie 1 31,
al-Rāzi (Abū BakrMuhammad b. Zakāriyyā') p . 872, 877 .
[Rhazes ) G 3, p. 458 -459. Sarapion,médecin empirique G 18.
Reccarède I 34, p . 881. Sarapion,père d'HéraclideLembos H 61.
Regulus I 40. Sardjūn b. Manşūr J 1, p. 989, 991, 995,
Réticius H 136 , p . 717. 1001- 1002 .
1050 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Sarpédon H 54. Severus (Claudius - ), consul ordinaire en
Sartialis (C . Caelius -) G 11. 146 E 92.
Saturninus, sceptique E 75 ; 130 ; H 54 ; 105. Severus, préfet du prétoire H 136 , p. 711,
Saturninus, usurpateur F 13. 729.
Satyros de Callatis E 139 ; H 61. Sextius F 1.
Satyros, disciple de Quintus G 3, p. 443-444. Sextus (= Sextus Empiricus ?) J 1, p. 1010 .
Scamônidès E 167. Sextus Caecilius F 10.
Scipio Aemilianus (P. Cornelius -) F6 ; 26 ; Sextus Empiricus E 24, p. 93 ; 75 ; 130 ;
J 2 , p . 1016 . G 18 ; H 54 ; 64, p. 599 ; 105 ; 154.
Scipion l'Africain E 25 ; F 9 ; I40. Sextus, neveu de Plutarque H 136 , p. 720.
Scylacius, proconsul d'Achaïe H 136 , p. 712, Sidoine Apollinaire E 152 ; 177.
724, 726 -727. al-Siğzi (Abu Sa'id Ahmad b. Muḥammad b .
Scymnosde Chios E 52, p. 234. 'Abd al-Galil) E 80, p . 258 .
Scythinos de Téos H 64, p . 585. Silanus (L . Iunius -) H 27.
Sébasmius E 183. Silanus (M . -) G 33.
Séleucos de Galatie H 93. Silvius E 152.
Séleucos IV Philopator H 26 . Simmias de Thèbes E 5 ; 16 ; 114.
Séleucos Nicator G 35 . Simon le cordonnier H 106 ; J 2 , p . 1014 .
Séleucos, le grammairien H 64, p. 595. Simonide le poète E 19, p . 85 ; 42 ; H 64,
Séleucus, souverain d'identification incer p . 596 ; 134 ; 136 , p . 737.
taine H 89. Simplicius de Cilicie E 33, p. 113, 141- 142,
Sellius (C . -) H 66 . 145 ; 80, p . 264 ; 93 ; 112 ; 161, p . 373, 377 ;
Sellius (P. -) H 66 . G 15 ; H 81 ; 126 ; 151, p. 768 ; 1 22 ; 32;
45.
Sémiramis I 5 , p. 843, 845 ; 42.
Senecio (Herennius -) F5; H 39. Sisebut I 34, p. 881, 884.
Sisimithrès G 35 ; H 31, p . 540.
Sénèque le philosophe E 33, p. 141, 150 ; 97 ; Sôclaros (Flavius -) G 2.
F7; 10 ; 27 ; G 4 ; 5 ; 33 ; H 13 ; 64a,
p .621; I 34 , p. 884 ; J 3 . Socrate E 5 ; 19 , p. 79 ; 20 ; 33, p. 126 -127,
Sénèque le rhéteurF1; G 4 ; 5 . 143 ; 36 , p. 164 ; 38 ; 39 ; 54 ; 58 ; 60 ; 71 ;
82 ; 94 ; 99 ; 114 ; 139 ; 171 ; 179 ; F 10 ;
Septime Sévère, empereur F 19 ; G 3, p . 450 ; G 3, p.462 ; 21 ; 28; 35 ; H 12 , p. 515 ; 62;
H8;13, p. 825 ; 42. 64 , p. 588, 595-596 , 601 ; 86 ; 91 ; 94 ; 100 ;
Septimius,fils de Jean Stobée J 2, p. 1012. 101 ; 110 ; 136 , p . 716 , 722, 728 , 732-734,
Sérapion d'Alexandrie, médecin empirique 736 -737, 740 ; 145 ; 151, p. 763; 154 ; 157 ;
G 18 ; H 54. 158 ; 1 10 ; 14 ; 20 ; 26 ; 34 , p . 885 -886 ; 38,
Serenianus I 46, p. 972. p . 894, 912-913, 919, 922-923, 925 ; 51;
J1, p . 1011 ; 2, p. 1014 .
Serenus (Aelius), auteur d’ ’Atrouvnuoveú Socrate le Jeune E 98 .
tara J 2, P. 1016.
Serenus Sammonicus I 42. Socrate , historien H 175 .
Socraticos J 2, p. 1015.
Sergius de Reš'aynā E 54. Solon E 60 ; H 22 ; 64, p. 579, 581; 86 ; 136 ,
Serranus (Sex. Atilius -), consul en 136a p. 741 ; 148 ; J 2, p. 1014 .
F 26 .
Sévère Alexandre , empereur E 121, p . 316 . Sopatros E 161, p. 377.
Sévère le Platonicien E 156 .
Sopatros d'Apamée F 10 ; 141, p. 953.
Sopatros d 'Apamée, disciple de Jamblique
Sévérien I 34 , p. 880. E 121, p. 317 ; H 136 , p. 722 ; 12 ; 3,
Sévérina H 154. p. 828, 834 ; J 2, p. 1015-1016 .
INDEX DES NOMS PROPRES 1051
Sopatros le jeune I 3, p . 828. Stilpon E 82 ; 125 ; H 86 ; 1 12 ; J 2, p. 1014 .
Sopatros, correspondant de Julien 1 46, Strabon E 52, p . 234 ; 187, p. 404 ; H 63.
p . 972. Straton de Lampsaque E 30 ; 32 ; 36 , p. 181;
Sopatros, correspondant de Libanios I2. 52, p. 222 ; 80, p. 255 ; G 31 ; H 150.
Sopatros, fils de Sopatros H 136, p. 722. Stratonicos E 35 ; G 3, p. 443.
Sopatros, petit-fils de Sopatros d'Apamée Strattis I 38, p. 892.
H 136 , p . 722. Suétone H 167; 1 34, p . 884, 888.
Sophanès H 136 , p. 734. Superianus I 31, p.874.
Sophocle E 110 ; 139 ; H 12, p . 522 ; 60 ; Superius F 9.
164 ; I 20 .
Syennésis de Chypre H 152, p. 782.
Sophoclès de Sounion E 36 , p. 161. Sylla (Sextius -), ami de Plutarque de Ché
Sophrone de Jérusalem J 1, p . 1002. ronée E 18 .
Sopolis E 121, p. 312, 315 . Symmachos de Phlya H 56 .
Soranos de Cos H 152, p. 771-773 ; I 1. Symmachus (Quintus Aurelius -) E 99 ; 159 ;
Sosiadès J 2, p . 1014. H 169 ; 12.
Sosias E 187, p. 407. Symmachus Junior ( Q . Aurelius Memmius
Sosigénès, archonte E 36 , p. 160- 161. -) E 102.
Sosipatra E 121, p. 317 ; 161, p. 369-371; Symmachus, historien (=Symmachus
H 175. Junior?) E 101.
Sosithéos E 36 , p. 178. Synésius de Cyrène E 33,p. 141 ; H 70; 175.
Sostrate de Nysa I 8 . Synésius, frère d 'Hiérax H 119 .
Sosus d'Ascalon H 66. Syrianus E 80, p . 269 ; 161, p . 377 ; H 30 ;
Sotion , auteur d'un traité Sur la colère J 2 . 78 ; 122 ; 126 ; 136 , p. 715 ; 13, p. 836 ; 22 ;
p. 1016 . 31, p. 872, 877.
Sotion , auteur des Successions des philo. Syrianus III 31, p. 875 .
sophes E 36 , p. 160 ; 121, p . 316 ; 130 ;
H60 ; 61 ; 148 . al-Tabari (Abū Ğa'far Muhammad b.Garir b.
Souda H 113 ; 1 38, p. 892. Yazid ) J 1, p. 989.
Sozomène H 126 . Tābit b. Qurra E 80 , p. 257, 263, 265.
Spartacus G 12. Tacfarinas I 41, p . 941.
Spatinos H 89. Tacite F 25 ; G 33 .
Spectatus E 161, p. 369. Tadāri J 1, p. 993.
Spercheus H 136 , p. 717. Taraise, patriarche de Constantinople J 1 ,
Speusippe E 15 , p.61; H 60 ; 129 ; I 38, Tarasios, p. 994-995, 999.
p . 895 , 922, 930 , 934 ; J 2 , p. 1013- 1014. frère de Photius H 136 , p. 710.
Sphaïros du Bosphore H 174. Tatien E 156 ; H 76.
Stéphane le Jeune J 1, p. 991, 995. Taurus G 2.
Télaugès E 19, p. 74, 79-80 ; H 144.
Stéphane le Sabaľte l'ascète J 1, p. 991, 1001. Téléclès E 65 ; 76 ; 77 ; H 21.
Stéphane le Sabaľte l'hymnographe J 1 , Télès E 33. p . 123- 124 ; F 10 ; J 2, p. 1014,
p. 991, 995, 999, 1001. 1016 .
Stéphanos d 'Alexandrie E 15 , p . 60 ,63. Télésippos I 38, p . 893.
Stéphanos d'Athènes E 15 , p.60 ; G 16 . Téloclès, archonte E 36 , p : 177.
Stertinius I 10 . Térence F 26 ; 1 38, p. 936 .
Stésichore I 38 , p. 925 . Terpsion deMégare E 114 .
Sthénidas de Locres J 2 , p . 1014 . Tertullien F 23 ; H 93; 154 ; I 34, p . 884,
Stilichon E 121, p. 320 . 886 ; 51.
1052 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Teudas G 18 . Théodoric le Grand H 126 ; 1 31, p. 870 .
Thalès deMilet E 93; H 64, p. 582-583 ; 88; Théodose fer, empereur E 121, p. 320 , 322 ;
136 , p. 741; 145 ; 148 ; 154 ; 157 ; I 34 , 122, p. 327-328 ; H 31, p. 538 ; 132.
p. 885, 887 ; J 2, p. 1014 . Théodose II H 126 ; 164.
Théagène, archonte athénien H 22 ; I 31, Théodose,médecin G 18 .
p. 875. Théodotè H 78 ; 1 31, p. 872.
Théagène, personnage des Éthiopiques d'Hé- Théodote ó 'HuióduocH61.
liodore G 35 ; H 31, p. 536 , 540. Théognis H 64, p . 581; I 38 , p. 904 ; J 1,
Théagès J 2 , p . 1014. p . 1010 .
Théano H 153 ; J 2, p. 1014. Théombrote , disciple de Cratès de Thèbes
Théétète E 80, p. 254 ; 82 ; H 99a. E 3.
Théiodas de Laodicée E 75. Théomédon E 98 .
Thémista de Lampsaque E 34 ; 36, p . 165, Théon (= de Smyrne ?) F9.
167, 175, 177, 180 ; H 154 ; I 14 . Théon d'Alexandrie E 80, p. 253 ; H 175 ;
Thémistius E 110 ; 161, p. 372 ; 163, p . 383 ; 131, p. 872.
175 ; H 8 ; 136, p. 731-732, 739 ; 1 22 ; 46, Théon de Smyrne E 80, p . 270.
p. 962, 964- 966 , 968, 971-972, 978 ; J 2, Théon, ami d'Héraclide H 51.
p . 1012, 1016 .
Thémistocle H 64, p. 594 ; 136 , p. 711. Théon ,médecin E 121, p. 316 .
Thémistoclès, stoïcien F 16. Théophane Graptos J 1, p. 993.
Théophane le Confesseur J 1 , p . 991, 994.
Théoboulos (= Cléoboulos le Sage ?) J 2, Théophile d 'Alexandrie E 45 ; H 175.
p . 1016 .
Théodas 6 18. Théophile d'Antioche H 93 ; 151 ; 51,
p. 1010 .
Théodecte , poète tragique I 38, p. 935 . Théophile, empereur iconoclaste J 1, p. 992
Théodora , impératrice J 1, p. 993. 993, 995.
Théodora , fille de Cyrina et de Diogène I 31, Théophile , gouverneur de Syrie H 136,
p. 870. p . 718.
Théodore Abū Qurrā , voir Taņāri Théophraste E 19, p . 86 ; 36 , p . 180 -181; 52,
Théodore d'Asiné E 121, p. 317; 131; 13, p . 197 ; 93 ; 156 ; 187, p. 408 ; G 3 , p. 464 ;
p. 828 ; 46 , p . 975 . H 12, p. 510, 525 ; 64, p. 599, 602 ; 80 ; 86 ;
Théodore de Cyrène E 139 ; 187, p. 407 ; 129 : 136 . p . 734 ; 138, p. 743, 745 ; 143 ;
H 138 , p. 743, 749 ; 151, p . 763- 764 ; J 2, 144 ; 1 22 ; 49 ; J 2 , p . 1015 .
p . 1014. Théophris de Crotone E 1.
Théodore de Cyrène, géomètre H 136 , p . 738. Théopompe de Chios H 12 , p. 509 ; 80 ; 15,
Théodore de Grèce (= Théodore d 'Asiné? ) p. 847 : 38 , p. 934. 935 .
13, p . 828. Theosebius E 33, p. 141 ; H 126 ; I 31, p . 872.
Théodore le Lecteur E 135. Théotecnos H 175.
Théodore Prodromos E 163, p. 384-387. Théotimos (Popillios - ) H 28 .
Théodore Stoudite J 1, p. 992. Théramène I 4 ; 38, p. 894, 909.
Théodore ó toŨ Mavooúp J 1, p. 991. Thermoutis H 31, p . 540 .
Théodore,abréviateur de Télès J 2, p. 1016 . Théron d’Agrigente E 19, p. 74.
Théodore, adversaire d'Épicure E 36 , p. 160. Thespis H 136 ,p. 741.
Théodore, élève de Maxime d'Éphèse I 46, Thessalos le philosophe H 8.
p. 968, 972 . Thessalos, fils d 'Hippocrate de Cos H 152,
Théodore , frère d'Isocrate I 38, p. 893. p . 771-773.
Théodore, père d'Isocrate I 38, p. 893. Theudios de Magnésie E 80, p. 265 ; H 151,
Théodoret de Cyr E 33,p. 141 ; 151. p . 770.
INDEX DES NOMS PROPRES 1053
Thisbé H 31, p . 540. Titus, empereur E 33, p . 115 ; H 68 ; 136 ,
Thrasea Paetus (P. Clodius -)F5; H 39. p. 722.
Thrasybule de Naucratis E 132. Trajan , empereur E 18 ; F 10 ; G 11; J 1,
Thrasybule , destinataire d'un traité de Galien p. 994.
G 3, p.465. Trebonianus, empereur G 13.
Thrasydaios d'Agrigente E 19, p. 74. Tribonianus,médecin E 175.
Thrasylle E 52, p. 203. Tribunus E 175.
Thrasymaque de Chalcédoine E 139 ; H 136 , Triphiodore E 19, p.68.
p. 728, 738. Trophilus J 2, p. 1014.
Thrasymaque de Corinthe I 12. Trophimus J 2, p. 1014 .
Threpta H 143. Trygée I 20.
Thucydide G 28 ; H 136 , p. 714 ; 14 ; 38, Tryphon 151.
p . 909-910 ,919. Tubero (L . Aelius -) E 24, p . 91.
Thyamis H 31, p . 540 . Tubero (Lucius -) E 24, p. 91, 92.
Tibère, empereurFl; G 4 . Tubero (Quintus Aelius - ) H 13.
Timachidas de Rhodes E 52, p. 231. Turtura I 34, p . 880.
Timarque d'Alexandrie E 52, p . 231. Tuscianusde Phrygie E 121, p. 312.
Timarque, commentateur d 'Eratosthène E 52, al- Tūsi (Nasir al-Din Abū Ga'far Muhammad
p . 231. b . Muḥammad b. al-Hasan ) E 80, p. 257,
Timarque, épicurien (?) E 36 , p . 169. 259-260 , 265.
Timarque, exécuteur testamentaire d 'Aristote Tutilius (C.-) H 172.
H 143. Tychiadès E 84.
Timarque, fils de Pausanias E 52, p. 231, Tydas G 7 .
Timée de Locres E 5 . Tyndarès de Sparte E 18.
Timée, lexicographe G 17. Tyrsénis de Sybaris E 4 .
Timocharès E 52, p. 213, 218. Tyrsénos de Sybaris E 4.
Timocratès d' Athènes, exécuteur testamen
taire d 'Épicure E 34 ; 36 , p . 166 , 168 . Ulpien, juriste I 42.
Timocratès d'Héraclée E 132. Ulpien ,mathématicien I 31, p. 872.
Timocratès de Lampsaque, frère de 'Umar al-Hayvām E 80. p. 265.
Métrodore E 36 , p. 160, 166 , 175, 178 ; Urbicus H 136 , p . 717.
H 102 ; 1 14 .
Timocratès de Lampsaque, père de Ursacius H 136 , p. 712 , 739.
Métrodore E 36 , p. 166 , 176 .
Timocratès, disciple de Musonius Rufus Valens, empereur E 121, p. 317 , 322-323 ;
122, p. 327 ; F 17 ; H 123: 134 ; 12.
E 132 ; F 10 .
Timomachos H 136 , p. 734 . Valens, père d 'Horus H 169.
Timon de Phlionte E 19 , p. 73 ; 24, p. 95 ; 36 , Valentinien
Valentinien
ler, empereur E 121, p. 317 ; 1 24 .
III, empereur H 126 .
p . 160 ; 75 ; 82; 130 ; 143 ; G 18 ; H 12,
p . 508, 514 ; 54 ; 105 ; 148. Varron E 52, p . 235 ; H 90 ; I 34, p. 883, 885,
887 -888 ;41, p . 952 .
Timon le Misanthrope J 2 , p . 1016 . Vespasien, empereur E 132 ; F5; 16 ; H 39 ;
Timothée de Gaza H 165. 68 ; 171; J 3.
Timothée , disciple d'Isocrate I 38 , p. 897 Victorinus (C . Aufidius -) F 19.
898, 900 -901, 908, 935. Vigilantius E 152.
Tisias de Syracuse E 19, p. 81; 67; H 136 , Virgile E 52, p. 235 ; 159; F 23; H 167; 15,
p . 740 ; I 38, p . 894, 916 , 927. p. 848 .
1054 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Volumnia Cytheris E 176 . Zacharie le Scholastique E 175 ; G 16 ; H 67;
Vulso (Cn.Manlius -), consul en 1890 F 24 . 165 ; 1 31, p. 870.
Zacharie, pape J 1, p . 997.
Xanthippe E 179 ; G 3, p . 442. Zaleukos J 2 , p . 1014 .
Xanthosde Lydie E 19, p. 73 ; 52, p. 222. Zénodote d'Éphèse , bibliothécaire à Alexan
Xanthos de Phlionte E 19 , p . 73. drie E 52, p. 200.
Zénodote, scholarque néoplatonicien 131,
Xanthos de Samos E 60. p. 874 .
Xénarque H 136 , p . 715 . Zénon d 'Elée H 86 ; E 19, p . 76 , 80, 86 ; 45 ;
Xénephres I 5, p. 846 . 71 ; G 21 ; H 60 ; 64 , p . 577 ; 151, p. 769;
Xéniade de Corinthe E 72. 138 , p . 914 ; J 2 , p. 1014.
Xénocrate E 36 , p. 161, 164 ; 97 ; H 60 ; 91; Zénon deChypre 1 21.
13, p . 835 ; J 2 , p. 1014. Zénon de Citium E 20 ; 33, p . 125 ; 36 ,
Xénomède E 114 . p. 160 ; 45 ; 52, p. 190-191, 194, 205 ; 102;
Xénôn (Poplius Plancius Magnianus -) 132 ; H 11 ; 12, p . 515 ; 13 ; 64a, p. 622 ;
E 109. 72 ; 75 ; 136 , p . 736 ; 138, p . 743 ; 15,
p . 849, 852 ; J 2, p. 1015.
Xénon, père de GaiusG 2 . Zénon de PergameI 31, p. 874.
Xénophane E 19 , p. 80 ; 139; H 12, p .519 ; Zénon de Sidon E 36 , p . 178 ; 80, p . 266 ;
64, p. 582-584, 586 -587, 596 ; 154 ; I 38, 618
p. 912 ; J 2 , p . 1014. Zénon, amid'Himérius H 136 , p. 712.
Xénophile de Chalcidique de Thrace E 5 . Zénon , empereur G 16 ; H 67 ; 165 ; I 31,
Xénophon E 33, p. 126 ; 114 ; 156 ; 179 ; p . 874.
F19 ; H 94 ; 100 ; 136 , p . 734 , 740 -741;
Zénon, fils d'Aristainétos H 114 .
145 ; 14 ; 26 ; 38, p. 893-894, 900, 933 ; J 2 , Zénon,médecin E 121, p . 316 .
p. 1014 .
Zénothémis H 96 ; 114.
Xerxès jer E 19, p. 81,82; H 64, p. 587. Zéthus E 162.
Xouthos I 20.
Zeuxippe H 52 .
Zeuxis E 75 ; H 58.
Ya'qūb b . Isḥāq al-Kindi, voir al-Kindi Tarente H 54 .
Zeuxis deAmphipolis
Yahyā b. Sa'id Antioche
d' (Abū l-Farağ Zoilos
d' I 38, 935
p. .
Yahyā b. Sa'id b. Yahyā al-Anțāki) J 1, Zoroastre H 60 ; 91.
p. 998.
Yazid b .Mu'āwiya J 1, p. 989. Zosimos E 121, p . 322 ; H 126 ; 165.
Zosimos d' Ascalon I 38, p. 892
Index desmots -vedettes figurant
dans les titres d 'ouvrages des philosophes
Cet index devrait permettre de retrouver d 'après leurs mots principaux les ouvrages attri
bués aux philosophes quiont bénéficié d 'une notice dans le troisième tome de ce dictionnaire .
Un mêmemot peut renvoyer à plus d'un titre dans la même notice ou la même section de
notice. Commeles notices ne rapportent pas toujours en grec le titre des ouvrages, on a com
plété l'index grec par une liste de mots français ou latins, tels qu'ils apparaissent dans la
notice. Tous les titres attribués aux auteurs ne sont pas nécessairement des titres d 'ouvrages
philosophiques. Les commentaires, traductions et paraphrases sont regroupés sous le nom du
philosophe qui fait l'objet de ces travaux érudits. Lorsque la liste des œuvres comporte une
numérotation , on renvoie à ces numéros . Pour les notices longues, on renvoie également à la
page où le titre apparaît.
" Αβαρις Η 60 (25). Εμπεδοκλής Η 75.
"Αιδής Η 60 (24). Επικούρειος G 3 (116); 3 (117).
Αισχίνης Ε 82 (2 ). Επίκουρος G 3 (110); 3 (111) ; 3 (112).
' Ακαδημαϊκός F 10 (16) ; Η 73 (5 ). 'Επίκτητος F10 (18); G3(57).
' Αλκιβιάδης Ε 82 ( 5) ; F 10 (19). Έριγόνη Ε 52 (21).
' Αναξιμένης Ε 36 ( 40). Ερμής E 52 (20); Η 72 (10).
'Αντερινύς Ε 52 (22). "Έρμιππος Η 61 (3).
'Αντήνωρ E 19. Εύδημος G 3 (104).
"Αντίδωρος Ε 36 (36). Εύπολις G 3 (119).
' Αντιφέρων Η 72 ( 6).
'Αριστόβουλος Ε 36 (29). Ευριπίδης Η 60 (52).
'Αριστοτέλης Η 75 ; 86 ( 4). Ευρύλοχος E 36 (19).
'Αριστοφάνης G 3 (120).
'Αρίστων Ε 52 (26). Ζήνων Η 60 (8).
'Αρσινόη E 52 (27). Ζωροάστρης Η 60 (39).
'Αρχίλοχος H 60 (50).
' Ασκληπιάδης G 3 (37). “ Ηγησιάναξ E 36 (14).
"Αττικός G 3 (118); 3 (125) ; 3 (128). “Ηράκλειτος Η 60 (13).
“ Ηρόδοτος E 36 (42).
Βακχίδης G3 ( 78). “ Ησίοδος Ε 52 (22); Η 60 (49).
Βάτων Ε 52 (28).
Θεμίστα E 36 (17) ; 36 (53).
Γοργίας Η 86 (6). Θεόφραστος E 36 (54); G3(102) ; Η 86 (5).
Θερσίτης F10 (1).
Δημόκριτος E 36(47); Η 60 (10); 60 (11). “Ιπποκράτης G 3 ( 6) ; 3 (12); 3 (13) ; 3
Διογένης E71. (14) ; 3 (129).
Διονύσιος Η 60 (12). Ιππώναξ Η 86 (12).
Διόνυσος Ε 52 (24). Ίσοκράτης Η 86 ( 7) ; 86 ( 8).
1056 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Καλλιστόλας E 36 (38). Σάτυρος H 61 (4).
Κέλσος G3 (116). Σοφοκλής Η 60 (52).
Κλεινίας Η 60 (34). Στωϊκός G3 (109); H 109.
Κλειτόμαχος G3(55). Σωκράτης F10 (10) ; G3(72).
Κορινθιακός F 10 (23). Σωτίων Η 61 (5).
Κρατίνος G3 (121).
Κρίτων Ε 82 (4 ). Τίμαιος G 3 (26).
Κρόνισκος G3 (88). Τιμοκράτης E36 (24); 36 (34).
Κυρηναϊκός F 10 (20) .
Κύρος G 3 (78). Φαβωρίνος G 3 (57); 3 (72).
Φίληβος G3 (96).
Λαμπρίας Ε 82 (1). Φοίνιξ Ε 82 (3).
Λεμβευτικός H 61 (2).
Χαιρέδημος Ε 36 (11).
Μεγαρικός E 36 (5 ). Χαλδαίος F 10 (3).
Μέναρχος G3( 78). Χίρων Ε 19.
Μήδεια Η 72 (11). Χρύσιππος G3(105 ) ; 3 (106).
Μητρόδωρος Ε 36 (19); 36 (35) ; G3(115).
Μήτρων Η 60 ( 9).
Μίθρα Ε14. αγαθός Ε 52 (1); Η 13 (4); 60 (4).
Μίθρης Ε 36 (37) . αγοραίος G 3 (80).
αδύνατος G 3 (61) ; 3 (69).
Νεοκλής E 36 (17). αιδώς G 3 (85).
αίρεσις Ε 15 ( 7) ; 36 ( 8) : 52 (4 ) ; G 3 (4 ) ; 3
' Ολυμπιονίκης E52(13). (83) ; 3 (92) ; 3 (113) ; 3 (132) ; Η 58 ; 148.
Ομηρικός Η 60 (48). αιτία Η 60 (23); G3 (15) ; 3 (16).
" Ομηρος F10 (11) ; Η 60 (47); 60 (49): 60 ακίνητος G 3 (33).
(50) ; 86 (11). ακολουθείν G 3 ( 61).
'Ορφεύς Ε 39. ακόλουθος G3(82).
ακούειν G3( 64 ); 3 (74).
Περτίναξ G3 (89). ακούσιος Η 60 (36).
Πλάτων F 10 (13) ; G 3 (26) ; 3 (92) ; 3 (93); ακρόασις Ε 22.
3 (94) ; Η 9 ; 75 ; 91. αλυπία Ε 52 (3 ) ; G 3 (32).
Πλατωνικός Ε52 (8); G 3 (27) ; 3 (95). αμάρτημα G3(8); 3 (76).
Πλούταρχος F 10 (16). άμαυρούσθαι G3 (111 ).
Πολυμήδης E36 ( 33). αμείνων G3(109).
Ποσειδώνιος G 15 (4). αμφιβολία E 36 (45).
Πουδεντιανός G 3 (117). αναγιγνώσκειν G3 (75).
Πρόξενος F 10(25). αναγκαίος G 3 (37).
Πρωταγόρας Η 60 (46). ανάγκη G 3 (61).
Πυθαγόρας Η 61 (3) ;86(3). ανάγνωσμα G3(123).
Πυθαγόρειος Η 60 (14);13(1). αναγραφή Η 148.
αναλυτικός Ε 93 (3 ) ; G 3 (99); 3 (100) : 3
Πυθαγορικός 13 (1). (109).
Πυρρώνειος Ε 24 ; F 10 (15). αναμέτρησης Ε 52 (10).
INDEX DES TITRES 1057
αναφέρεσθαι E 39. γάμος H 143.
αναφωνείσθαι Η 86 (11). γένος G3 (47) ; 3 ( 65 ).
αναφώνησις E36 (46). γεωγραφικός Ε 52 (12).
ανδρεία Η 60 (31). γεωμετρία Ε 80, p. 262.
αντικείσθαι G3 (61). ' γεωμετρικός Ε 80, p. 261 ; 93 ( 6) ; G 3
αξίωμα Η 60 ( 3). (109).
άπνοος Η 60 (23). γή Ε 52 (10); 98 (7).
αποδεικτικός G3 ( 62) ; 3 ( 66). γήρως F 10 ( 9).
απόδειξις G 3 (22) ; 3 (37) ; 3 (38) ; 3 (40) ; 3 γίγνεσθαι G3 ( 70).
(55) ; 3 (69). γλώσσα G3(13).
απομνημόνευμα E 33 , p. 120 ; F 10 (20). γνήσιος G 3 (14) ; G3(129).
απορείσθαι Η 60 (16). γνώμη Ε 19; F 10 (26).
απόφασις G3 (102). γνωμολογικός F 10 (26).
αράχνη E 98 (5). γραμματικός Ε52 (17) ; G3 (127).
αρετή E 36 (31) ; Η 13 (3 ) ; 60 (32). γωνία E 36 (21) ; 93 (5).
αριθμητικός E93 ( 7 ).
αριθμός G 3 (41). δεδομένα (τα -) E 80, p. 257.
αριστεία Η 86 (10). δέκα G3 (101).
άριστος G 3 (2) ; 3 (3) ; 3 (132) ; 13 (15). δεύτερος G3 (100).
αρμονικός G 8. δημόσιος G 3 (83) ; 3 (86) ; 3 (89).
άρρην H 143. δημώδης F 10 (7).
αρχαίος Ε 52 (16). διαβολή G3 (87).
αρχή G 3 (46); Η 60 (40). διάγνωσις G 3 (8 ).
αρχιτεκτονικός Ε 52 (18). διαδοχή H 61 (5) ;18.
ασαφεία G3(126). διάθεσις F 10 (16).
άσκησις Η 72 (1). διαθήκη G 3 (91).
αστρολογικός Ε 93 (8). διαίρεσις Ε 80, p. 257; 97 (1 ).
αστρονομία Ε 52 ( 11); 98 (6). δίαιτα F 10 (12).
άτομος E 36 (2); 36 (21). διακρίνειν G3 (54).
ατύχημα Η 73 (2). διαλάμπειν Η 60 ( 54).
αυλή E 129 ; G3(78). διαλεκτικός G 3 (10).
αυλήτης Ε 129. διάλεξις E 33, p. 120.
διάλογος Ε 52 ( 6) ; 98 ; G 3 (27) ; 3 ( 63) ; 3
αυτόματος G3(47). (78) ; 3 (79) ; 3 (95).
αυτός G 3 (61). διαπορία Ε 36 ( 6).
αφανισμός E 98 (3). διασκευάζειν Η 72 (8).
αφή E 36 (22). διατριβή E 33, p. 118.
αφροδίσιος G 3 ( 31). διαφωνείσθαι G3( 67).
αχώριστος G 3 (68). διδασκαλία G3 ( 2).
διδάσκαλος Η 72 (7 ).
βαλανείον F 10 (5 ). δικαιοπραγία E 36 (16).
βασιλεία Ε9; 36 (39). δικαιοσύνη E 36 (31) ; Η 60 (29); 116.
βίος E 36 (15) : 121 (1) : 146 : G 3 (82) : 3 διότι G 3 (40).
(87); 3 (110); Η 60 (27); 61 (4); 86; 1 3 δόγμα G 3 (6) ; 3 (67); 13 (1).
( 1 ) ; 8. δοκείν G 3 (23).
1058 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
δόξα E 36 (7); 36 (24); 36 (37); G3(90). ερμηνεία E93 (2); G 3 (98).
δοξάζειν G 3 (23) ; 3 (93) . έρως E 36 (3).
δύναμις G3( 7) ; 3 (23) ; 3 (97) ; 3 (107). ερωτικός Ε 82 ( 6): F10 (10); Η 60 (37).
δυναστεία Η 86 (10). έτερος G 3 (93).
δυνατός G3 (48). ετέρως G 3 (93).
δώρον E 36 (32). ευγενεία H 91.
ευδαιμονία Η 60 ( 26) ; 153.
εγκώμιον F 10 (1); 10 (2). ευδαίμων G3 (110).
εγχειρίδιον Ε 33, p. 118. ευθυμία Η 140.
έθος G 3 (9). εύθυνος Η 72 (8).
είδος G 3 (47) ; 3 (65) ; 3 (131) ; Η 60 ( 2). εύρεσις G3(62 ).
είδωλον E 36 (27); Η 60 (18). εύρημα Η 60 (57).
εικών G 3 (44). ευσεβεία E 36 ( 51) ; Η 60 (28).
εικώς G 3 (44). ευχή F 10 (8).
ειμαρμένη E 36 (23); Η 126.
εισάγεσθαι G3(4). ζήτησις Ε 24; G3 (54); 3 ( 71).
εισαγωγή Ε 24; G3 (10); 8; 15 (1).
έκχυτος Η 73 (3). ηδονή E 36(52); G3(81): 3 (111); 3 (112);
ελλιπώς G 3 (112). Η 60 (33).
εμπειρία G3(19). ηδονικός G3 (113).
εμπειρικός G 3 (17) ; Η 58. ηθικός G3 (114) ; Η 72 ( 12) ; 124.
έν G3 (60); 3 (61). ήθος G 3 (25).
ενδέχεσθαι G 3 (52). ηλιακός Ε 98 (3).
ένδοξος 18. ηλικία Η 60 (49).
ένεκα G3 (70).
έννοια G 3 ( 63). θάνατος E 36 (37).
ένοπτρον Ε 98 (1). θεός E 36 (12); 98 (8); H 143.
εξήγησις G 3 (13) ; 3 (128) ; 15 ( 4); Η 60 θεραπεία G3 ( 8).
(11).; 60 (13). θέσις Η 72 (12).
εξουσία Η 60 (35). θεώρημα G3 (108).
επαγωγή G3(43). θεωρηματικός Η 60 (1).
έπεσθαι G 3 ( 7). θεωρία G3(66); 3(94); 3 (105); 3 (107):
επηρεαστικώς G 3 ( 64). 15 (2).
επιδείκνυσθαι G3 (74). θηλυς H 143.
επιθαλάμιος Ε 52 (23).
επιστολή E 36 (41) : 52 (29): G 3 (116) : 3 ιατρικός G3 (1) ; 3 ( 5) ; 3 (19) ; 3 (24).
(117) ; Η 129 ( 8). ιατρικώς G3 (26).
επιστολικός Η 75. ιατρός G 3 ( 3).
επιτιμάν G3 (124). ιδέα F 10 (14) ; G 3 (93).
επιτομή E 36 (4) ; 36 (42); 36 (49) ; 36 (50); ίδιος G 3 (8) ; G 3 (23) ; 3 (50); 3 ( 87) : 3
G 15 ( 4) ; Η 61 (3 ); 61 (4 ) ; 61 ( 5 ). (122 ) ; Η 60 ( 22 ) .
επιφανεία E 80, p. 258. ιδίως G3 ( 63 ).
εποχή H 129 (1). ιερός H 60 (58).
επτά Η 61 ( 3) ; 86 (2 ). ισοδυναμείν G3 (39).
έριστικός H 60 (7 ). ισότης G3 (76).
INDEX DES TITRES 1059
ιστορία Ε 52 (30) ; 74 ; 93 ( 6) ; 93 ( 7) ;93 μάγος Η 86 (1).
( 8); 121 (2 ); F 10 (21); G 3 (130) ; Η 61 μάθημα G 15 (2) ; Η 75 ; 91.
(1). μαθητής Η 86 ( 8).
ιστορικός Η 129 (6). μαιευτικός Η 72 ( 5).
μακάριος G3 (110).
καθαρμός Ε 19. μέθη Η 129 (2 ).
καθήκον Η 13 (7) . μεθιστάναι Η 86 (10).
κακός Ε 52 (1 ) . μελέτη E 52 ( 5).
καλώς Η 86 (11). μέρος G 3 (97).
κανών Ε 19; 36 (10) ; 80, p. 260 . μεσότης Ε 52 (7).
καταληπτικός F 10 (17). μετάβασις G 3 (96).
καταστερισμός E52 (11) ; Η 86. μετεωρολογείσθαι E 98 (10).
κατατομή Ε 80 260. μετεωρολογικός G 15 (4 ).
κατάφασις G 3 (102). μικτός G 3 (53).
κατηγορία G3 (101). μισοκύων Η 73 (1).
κατοπτρικός Ε 80 259. μονομάχος F 10 (4).
κατηγορία E93 (1). μουσικός E 36 (30); Η 60 (53) ; 60 (54).
κατοπτρικός Ε 80, p. 259. μυστικός H 144.
κενός E 36 (2 ).
κιθαρωδός H 129 ( 5). νησος Η 60 (59).
κινούν G3 ( 33). νόθος G 3 (14); 3 (129).
κοινός G 3 (50) ; 3 (56) ; 3 ( 63). νομοθέτης Η 61 (3) ; 72 ( 4); 86 ( 9).
κόλαξ G3 (86). νόμος H 60 (41).
κόλασις G 3 (76). νόσος E36 (37) ; Η 60 (23).
κόσμος E 98 (9). νούς Η 60( 5).
κράσις G 3 (7 ).
κρίσις G 3 (67); 13 (15). οκταετηρίς Ε52 (15) ; 98 (4 ).
κριτήριον E 36 (10). ομιλία E 33, p.120.
κριτικός G3 (127). ομοιότης G3(45).
κτίσις Η 60 (58). ομονοία G3(84).
κύριος Ε 36 ( 7). όνομα G 3 (24); 3 (54); 3 (59) ; 3 ( 64) ; 3
κύων E 98. (71) ; 3 (118) ; 3 (119) ; 3 (120) ; 3 (121) ; 3
κωμαστής E71. (122) ; Η 60 (43) ; 109.
κωμικός G 3 (122); 3 (128). όντα G 3 (60) .
κωμωδία E52 (16) ; G 3 (123). οπτικός Ε 80, p. 259.
κωνικός Ε 80, p. 258. όραν E 36 (20).
λάθρα G3(75). ορθότης G 3 (59).
λέγειν G 3 (26); 3 (49); 3 (83); 3 (86); 3 οσιότης E 36 (13).
( 89); 3 (112). ουρανός H 60 (19).
λέξις E93 (2); G 3 (11 ); 3 (38); 3 (104); Η 9. ουσία G 3(23); 3(36); 3(68).
λήρος F 10 ( 6). πάθος E 36 (24); G 3 ( 8) ; Η 13 (5 ) ; 72 (2 ).
λογικός G 3 (94); 3 (105); G 3 (107). παιδεύεσθαι G3 (123) .
λόγος Ε 24; 97 (1); G 3 (51) ; 3 (56); Η 61 παλαιός G 3 (123).
(2 ); 144; 13 (15). παντοδαπός F10 ( 21).
λύσις G 3 (55); Η 60 ( 7); 60 (17); 60 (48). παράδειγμα G3(122 ); 3 (42).
1060 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
παράδοξος Η 13 ( 6). σοφός Η 61 (3 ); 86 (2 ).
παρακείσθαι G3 (65) . σποράδην H 129 ( 7).
παραλείπεσθαι G 3 ( 38). στοιχείον Ε 80, p. 261 ; G 3 (12) ; 3 (35) ; Η
παραμυθία G3 (77). 151.
παράσημος G 3 (125). στοιχείωσις Ε 24; 36 (48); 80, p. 261 ; Η
πας Ε 1. 124 .
πενία E 52 ( 2). στοχασμός Η 60 ( 6).
περίοδος E 98 (7 ). στωϊκός H 109, p. 1057.
περιτρέπειν G 3 (51). σύγγραμμα G 3 (14); 3 (129).
πλούτος Ε 52 (2 ). συγγραφέυς G3(118); 3 (128).
ποίησις E 39 ; G3 (91). συζυγείν G 3 (47).
ποιητής Η 129 ( 3) ; 60 (45). συλλογισμός G 3 (41); 3 (53) ; 3 (58) : 3
ποιητικός G 3 (112) ; Η 60 (45). (108).
πόλις F 10 (20). συλλογιστικός G 3 (106).
πολιτεία Ε 19 ; Η 61 ( 6 ); 153. συμπόσιον Ε 36 (18).
πολιτικός G 3 (119); 3 (120); 3 (121). συναγωγή Η 60 (54); 86 (11);13(1).
πολλαχώς G3 ( 49). συνεκτικός G 3 (15).
πολύς G 3 (60) ; 3 (90). συνθήκη Η 60 (42).
πόνος G 3 (81). συνουσία G3(74) ; 3 (79).
πόρισμα Ε 80, p. 258. συνοχή H 129 (9).
ποσαχώς G 3 (103). σύνοψις G3(27); 3 (66); 3 ( 95).
ποσότης G 3 (68). σύστασις G 3 (5).
πραγματικός G 3 (54). σώμα G 3 ( 7).
προγνωστικός E 36 (25). σωφροσύνη F 10 (7); Η 60 (30).
προκαταρκτικός G 3 (16).
προνοία G3 (34) ; Η 126. τάξις G 15 (2).
προοπτικός H 60 (20). τάχος E 98 (2 ).
πρότασις G 3 (38) ; 3 (39); 3 (52); 3 (53). τέλος E 36 (9) ; G3( 73) ; 3 (82); Η 13 (2 ).
πρότερος G 3 (99). τέχνη F 10 (10) ; G3 (50).
προτρεπτικός E 36 (26); G 3 (1) ; 13 (1). τεταρταίος F 10 (2).
πρώτος E 24; G3 (33); 3 (68). τιμή G 3 (90).
τόπος Ε 80, p. 258.
ρητορεύειν Η 60 (46). τραγωδί)οποιός H 129 ( 4 ).
ρητορικός E 36 (55). τραγωδοποιός H 60 (51) .
ρήτωρ G3( 80). τρίπους G 18.
τρόπος F10 (15).
σαφηνεία G3( 126). τυραννίς Η 86 (10).
σημαινείσθαι G 3 (47); 3 (54); 3 (65 ); 3 τύχη F 10 (22).
(71).
σκευογραφικός Ε52 (19). υπόθεσις G 3 (46).
υποθήκη Η 60 (38).
σολοικίζειν G3 (124). υπόληψις Η 72 (3).
σοφία Ε 24. υπόμνημα G 3 (98) ; 3 (99) ; 3 (100) ; 3
σόφισμα G3 (11). (101) ; 3 (102) ; 3 (106) ; Η 9 ; 129 ( 6) ; 129
σοφιστεία Η 73 ( 5). ( 7).
σοφιστής E 121 (1) ; G 3 ( 115). υποτύπωσις Ε 24 ; G3(17).
INDEX DES TITRES 1061
palvóueva E 80, p. 259 ; 98 (1); G 15 (1); H - Sur la sphère et le cylindre, commen
86 . taire E 175.
Davtasía E 36 (28 ); F 10 (17). Aristophane G 21.
ploOopeTv G 3 (63). Aristote de Stagire E 74
Dihooopia E 52 (4) ; 97 (1); F 10 (11); G 3 - Catégories, commentaire E 15 (3); 93
(73); 3 (114 ) ; 3 (131) ; H 86 (10). (54 ); 154 ; 161, p. 372 ; G 3 (101) ; H 83
Diócopos E 121 (1); F 10 (12); G 3 (3) ; 3 (1) ; I 3 (6 ).
(63) ; 3 (130) ; H 148 ; 1 8. - De caelo, commentaire I 3 (6 ) ; com
ppovtiÇelv G 3 ( 90 ). mentaire (?) H 83 (5).
our E 36 (8); F 10 (24). - De Interpretatione, commentaire G 3
puolxóç E 22 ; 36 (4); 93 (4); G 3 (23). (98); H 83 (2); commentaire (?) I 3 (6 );
QUOLXW5 H 60 ( 16) scholies E 15 (4).
puola oyla G 3 (114). - Éthique à Nicomaque, paraphrase H 34 ;
púolç E 1 ; 19 ; 36 (1) ;60 (15). livre I et VI, commentaire ; E 163.
Dwvń G 3 (47); 3 (65) ; 3 (124 ). - Politeiai, extraits H 61 (6 ).
- Premiers Analytiques, commentaire ; E
15 (5) ; G 3 (99); H 78 ; 83 ( 3) ; 1 3 (6 ).
Xaíveiv E 52 (24). - Seconds Analytiques, commentaire E 15
xapaxmp H 60 (44). (6) ; G 3 (100 ); livre II, commentaire E
xápıç E 36 (32). 163.
Xpeia G 3 (108); 3 (58); H 13 (1). - Réfutations sophistiques, commentaire G
xphoquos G 3 (114) ; 3 (123). 3 (12).
xuñois H 109. - Topiques, commentaire H 83 (4).
xonouós H 60 (55). Athènes I 14 .
xonomprov H 60 (56 ).
Xpovixós E 121 (2). Caton F3.
Xpovoypapia E 52 (14). Céphalos G 21.
Devôáplov E 80 , p. 258. Égyptiens 1 3 (2).
Quyń G 3 (7) ; 3 ( 36 ) ; 3 (97) ; H 60 (21) ; 60 Épicharme E 25.
(22). Eudème
- Sur l'expression, commentaire G 3
wooxonia H73 (3) (104 )
Euripide G 21.
Euthias G 21.
Abammon I 3 (2). Évhémère E 25.
Alypius I 3 (18). Galien
Amyntichos G 21. - De Sectis, commentaire E 15 (7).
Anaxiphème G 21.
Anébon I 3 (2). Hélène G 28.
Apollonius de Pergé Hippocrate
- Conica, commentaire E 175. – Épidémies, livre VI, commentaire G 18 .
Archimède H 61 (7)
- Sur l'équilibre des plans, commentaire E Lysitheidès G 21.
175.
– Sur la mesure du cercle, commentaire E Ménécée E 36 (44).
175 . Ménéxène G 21.
1062 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
Nicomaque de Gérasa Théophraste.
- 'Αριθμητική εισαγωγή, commentaire Η - Sur l'affirmation et la négation, com
107 ; 13 (1). mentaire G 3 (102).
Nil E 93 (6).
Oracles chaldaïques âme G 3 (133); 3 (136 ); 13 (3) ; 3 (4).
- commentaire I 3 (7 ). ancien E 115 .

Palamède G 28. cieux E 93 (5 ).


Pheidylos G 21. comédie E 115.
Philalethès H 125. commentaire E 15 ( 3).
Platon E 15 (9) cube E 52 (25)
- commentaire H 9.
- dialogues, synopsis ;G 3 (27). démagogue I 14 .
- Cratyle, synopsis G 3 (95). descente 13 (4)
– Euthydème, synopsis G 3 (95 ). destin 13 (12)
- Gorgias E 74. dieux I 3 ( 9).
- Lois, sommaire G 3 (29) ; synopsis G 3 duplication E 52 (25).
(95 ).
- Parménide, commentaire F 13 ; 1 3 (5) ; élément E 80, p . 257.
synopsis ; G 3 (95). ennemi G 3 (21).
- Phédon , commentaire I 3 (5 ) ; sommaire épichérème H 138.
G 3 (30 )
- Phèdre , commentaire H 78 ;13 (5).
- Philèbe E 74;G 3 (96);commentaire 1 3 histoire E 121 (2 )
hommeG 3 (20); 3 (21).
(5 ).
hypothèse H 138.
– Politique,synopsis G 3 (95).
- Premier Alcibiade, commentaire I 3 (5).
- République E 74 ; sommaire G 3 (28); immortel
incorporel
G 3 (136).
G 3 (134).
synopsis G 3 (95).
- Sophiste, commentaire 1 3 (5); synopsis lettre 1 3 (2 )
G 3 (95).
- Timée , commentaire E 93 (2) ; G 3 (26 ) ;
I 3 (5 ); sommaire G 3 (27) ; synopsis G 3 maître I 3 (2 ).
(95). meilleur G 3 (21).
Porphyre mystère I 3 (2).
- Isagogè, commentaire E 15 (2); 15 (8). nature E 19.
Posidonius
– Meteorologica, abrégé G 15 (4). philosophie E 15 (1); 15 (3); 15 (9).
Pythagore platonicien 13 (8)
- Carmen Aureum , commentaire H 126 ; I
3 ( 16 ).
principe E 93 (4).
problème13 (2).
Pythoclès E 36 (43). profit G 3 (21).
prolégomènes E 15 (1) ; 15 ( 2) ; 15 (3) : 15
Samothrace I 14 . (9 ).
INDEX DES TITRES 1063
providence H 126 ; I 3 (12). vertu I 3 (11).
purification E 19 . vice G 3 (20)
vie H 61 (7); 13 (18).
qualité G 3 (134).
question H 138.
arithmetica 13 (19).
réponse G 3 (135) ; I 3 (2 ). communis I 3 (1).
semblable G 3 (135). cura G 3 (18)
socratique I 14. mathematica I 3 (1).
solution I 3 (2) natura E 11.
statue I 3 (10 ). passio G 3 (18).
symbole I 3 (13). res E 11.
théologie I 3 (8). scientia I 3 (1).
univers E 93 (5 ) . theologoumena I 3 (19).
Liste des notices du tome III
LETTRE E

ECCÉLOS DE LUCANIE 45 ÉPIPHANE DE SALAMINE


ECDÉLOS DE MÉGALOPOLIS 46 ÉPIPHRON DEMÉTAPONTE
ÉCHÉCLÈS D 'ÉPHÈSE ÉPISYLOS DE CROTONE
ÉCHÉCRATEIA DE PHLIONTE ÉPITIMIDÈS DECYRÈNE
ÉCHÉCRATÈS DE PHLIONTE 49 ÉRASTOS DE SCEPSIS
ÉCHÉCRATÈS DE TARENTE ÉRATOS DE CROTONE
ÉCHÉCRATIDÈS DEMÉTHYMNE ÉRATOSTHÈNE
ECPHANTE DE CROTONE ÉRATOSTHÈNE DE CYRÈNE
PSEUDO -ECPHANTE ERENNIUS
10 ECPOLOS ÉROSTROPHOS
EGNATIUS 55 ÉRÔTION
EIRÉNAIOS DE MILET ÉRÔTYLOS
13 EIRISCOS DEMÉTAPONTE ÉRYMNÉE
14 ELEUC (H )ADIUS 58 ÉRYXIAS DE STIRIA
15 ELIAS 59 ÉRYXIMAQUE D 'ATHÈNES
16 ELLOPIÔN DE PÉPARÈTHOS 60 ÉSOPE
17 ELPIDIUS 60a ÉTIENNE DE LAODICÉE
18 EMPÉDOCLE 61 EUAION DE LAMPSAQUE
EMPÉDOCLE D 'AGRIGENTE 62 EUANDROS D 'ATHÈNES
20 EMPÉDOS EUANDROS DE CROTONE
21 EMPÉDOS DE SYBARIS 64 EUANDROS DEMÉTAPONTE
22 EMPÉDOTIMEDE SYRACUSE EUANDROS DE PHOCÉE
ENDIOS DE SYBARIS EUANOR DE SYBARIS
24
ÉNÉSIDÈME EUATHLOS
25 ENNIUS (Q. -) 68 EUBIOS D 'ASCALON
ÉPAMINONDAS DE THÈBES 69 EUBOULIDÈS
27 ÉPANDRIDÈS 70 EUBOULIDÈS
ÉPICHARIDÈS EUBOULIDÈS DE MILET
ÉPICHARME DE SYRACUSE EUBOULOS
30 ÉPICRATÈS EUBOULOS
31. ÉPICRATÈS EUBOULOS
32 ÉPICRATÈS D'HÉRACLÉE 75 EUBOULOS D 'ALEXANDRIE
33 ÉPICTÈTE 76 EUBOULOS D ' ÉPHÈSE
33a ÉPICURE EUBOULOS D 'ÉRYTHRÉES
34 URE 78 EUBOULOSDE MESSÈNE
35 ÉPICURE DE PERGAME 79 EUCAIROS
50
ÉPICURE DE SAMOS EUCLIDE
ÉPIDICOS EUCLIDE
ÉPIGÉNÈS DE CÉPHISIA 82 EUCLIDE DEMÉGARE
ÉPIGÉNÈS EUCLIDE DE NICOMÉDIE
ÉPIGONOS DE CILICIE EUCRATES
41
ÉPIGONOS DE SPARTE 85 EUCRATIDAS DE RHODES
42 ÉPIMÉNIDE 86 EUDAIMON
ÉPIPHANE EUDAIMON D 'HADRIANOI
44 ÉPIPHANE DE CÉPHALLÉNIE EUDAMOS
1066 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
89 EUDAMOS 139 EURIPIDE
90 EUDÈME 140 EUJRYBOU [LOS
91
EUDÈME DE CHYPRE 141 EURYCRATÈS DE SPARTE
92 EUDÈME DE PERGAME 142 EURYDICE (MEMMIA -)
93 EUDÈME DE RHODES 143 EURYLOQUE
EUDICOS 144 EURYMÉDON DE TARENTE
EUDICOS DE LOCRES 145 EURYPHAMOS DE SYRACUSE
96 EUDOCIA et PSEUDO -EUDOCIA 146 PSEUDO-EURYPHAMOS
EUDORE D 'ALEXANDRIE 147 EURYPHON
98 EUDOXE DE CNIDE 148 EURYPYLOSDE COS
99 EUDOXIOS 149 EURYSTRATOS
100 EUDOXIUS 150 EURYTOS DE TARENTE
101 EUDOXIUS 151 EUSÈBE
102 EUDOXIUS (MACROBIUS PLOTINUS -) 152 EUSÈBE
103 EUDROMOS 153 EUSÈBE dit « Pittacas»
104 EUELTHÔN D 'ARGOS 154 EUSÈBE D 'ALEXANDRIE
105 EUÉNIOS 155 EUSÈBE D 'ÉMÈSE
106 EUÉTÈRIUS 156 EUSÈBE DE CÉSARÉE
107 EUÉTÈS DE LOCRES 157 EUSÈBE DE MYNDOS
108 EUGATHÈS DE LAPITHÉ 158 EUSTACHIUS
109 EUGÉNÈS (GAIUS VALERIUS -) DE 159 EUSTATHE
SELGE 160 EUSTATHE D 'ANTIOCHE
110 EUGÉNIOS 161 EUSTATHE DE CAPPADOCE
111 EU (H )ARMOSTOS 162 EUSTOCHIUS D 'ALEXANDRIE
112 EULAMIOS DE PHRYGIE 163 EUSTRATE DE NICÉE
113 EULOGIUS 164 EUSTROPHOS D 'ATHÈNES
114 EUMARÈS DE PHLIONTE 165 EUTHE
115 EUMÉLOS 166 EUTHOSIÓN DE RHÉGIUM
116 EUMÉLOS (M . IULIUS) 167 EUTHYCLES
117 EUMÉNÈS D 'ASPENDOS 168 EUTHYCLÈS DE RHÉGIUM
118 EUMÉNÈS DE PHOCÉE (L . VIBIUS -) 169 EUTHYDÈME
119 EUMÉNIUS 170 EUTHYDÈME
120 EUMOIROS DE PAROS 171 EUTHYDÈME
121 EUNAPE DE SARDES 172 EUTHYDÈME DE CHIOS
122 EUNOME 173 EUTHYNOS DE TARENTE
123 EUPEITHÈS DE PAPHOS 174 EUTHYNOUS DE LOCRES
124 EUPEITHIOS D 'ATHÈNES 175 EUTOCIUS D 'ALEXANDRIE
125 EUPHANTE D 'OLYNTHE 176 EUTRAPELUS (P . VOLUMNIUS -)
126 EUPHÉMOS DE MÉTAPONTE 177 EUTROPIUS
127 EUPHORION DE CHALCIS 178 EUXÈNE D'HÉRACLÉE
128 EUPHRAIOS D 'ORÉOS 179 EUXÉNÔN
129 EUPHRANOR 180 EUXITHÉOS
130 EUPHRANOR DE SÉLEUCIE 181 EUXITHÉOS
131 EUPHRASIUS 182 EUXITHÉOS D 'ATHÈNES
132 EUPHRATÈS (MESTRIUS) 183 ÉVAGRE
133 EUPHRONIOS
134 EUPHRONIOS 184 ÉVAGRE LE PONTIQUE
135 EUPHRONIOS 185 ÉVARESTOS DE CRÈTE
136 EUPHROSYNÈ 186 EVARETUS (Q. AELIUS EGRILIUS -)
137 EUPOL 187 ÉVHÉMÈRE DE MESSINE
138 EURÉMÔN 188 EXUPERANTIA (CONCORDIA - )
LETTREF
FABIANUS (PAPIRIUS -) 15 FLAVIUS - - -
FABIUS 16 FLORUS (L .MESTRIUS -)
FABIUSGALLUS (M . -) 17 FORTUNATIANUS (Pouprovvatlavós)
FABIUSMAXIMUS FRONTON
FANNIA 19 FRONTON (M . CORNELIUS -)
FANNIUS (C . -) 20 FRONTON
FAUSTINUS 1
FRONTON (DOMITIUS -)
FAVONIUS FUFFICIUS (L . IUNIUS -)
FAVONIUS EULOGIUS FULGENTIUS (FABIUS PLANCIADES -)
10 FAVORINUS D 'ARLES FULVIUS NOBILIOR (M . -)
11 FIRMIANUS 5
FUNDANUS (G .MINICIUS -)
12 FIRMICUSMATERNUS (IULIUS -) FURIUS PHILUS (L . -)
13 FIRMUS CASTRICIUS 27 FUSCUS (M .ARISTIUS --)
14 FLAVIANUS SULPICIUS (G . AELIUS -)
LETTREG
GAIUS 19 GLAUCIAS
GAIUS 20 GLAUCON
GALIEN DE PERGAME GLAUCON D'ATHÈNES
IUNIUSGALLIO (= L. ANNAEUS GLAUCOS
NOVATUS) GLAUCOS (T.FLAVIUS --) DE
IUNIUSGALLIO (L . -) MARATHON
GALLUS GLYCINOS DE MÉTAPONTE
GARTYDAS DE CROTONE GNAEUS
GAUDENCE GORGIADAS
GAUROS GORGIAS
GÉDALEIOS GORGIAS DE LEONTINOI
GELLIUS DE CORINTHE (LUCIUS -) GORGIPPIDÈS
12 GELLIUSPUBLICOLA (L. -) GORGOSDE SPARTE
13 GÉMINA GORGYLOS
GÉMINA GRACCHUS (TIBERIUS SEMPRONIUS -)
GÉMINOS 33 GRAECINUS (IULIUS -)
GES(S)IOS DE PÉTRA GRÉGOIRE D 'ALEXANDRIE
17 GÉTIANUS GYMNOSOPHISTES
18 GLAUCIAS 36 GYTHIOS DE LOCRES
LETTREH
yaua

HABRO 10 HAURANUS (C .STALLIUS -)


wn
ooo

HABROTÉLÈS DE TARENTE 11. HÉCATÉE


HAGIAS 12 HÉCATÉE D 'ABDÈRE
13
HAGNON HÉCATON DE RHODES
HAIMÔN DE CROTONE HÉDÉIA
HANIOCHOS DE MÉTAPONTE 15 HÉDYLOS
HARPOCRATION 16 HÉGÉSIANAX
HARPOCRATION D 'ALEXANDRIE HÉGÉSIANAX (DE COLOPHON )
HARPOCRATION D 'ARGOS 18 HÉGÉSIAS DE CYRENE
1068 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
19 HÉGÉSIAS DE SINOPE 68 HÉRAS
20 HÉGÉSIDAMOS 69 HÉRAS (C . CINATUS -)
21 HÉGÉSINOS 70 HERCULIANOS
HÉGIAS D 'ATHÈNES HÉRÉAS
HÉLANDROS DE TARENTE 72 HÉRILLOS
HÉLICAON DE RHÉGIUM 73 HERMAGORAS D 'AMPHIPOLIS
HÉLICON DE CYZIQUE HERMAISCUS
HÉLIODORE 75 HERMARQUE DEMYTILÈNE
HÉLIODORE HERMEIAS
28 HÉLIODORE HERMEIAS
HÉLIODORE D 'ALEXANDRIE HERMEIAS D 'ALEXANDRIE
HÉLIODORE D 'ALEXANDRIE 79 HERMETICA
HÉLIODORE D 'ÉMÈSE 80 HERMIAS D 'ATARNÉE
32 HÉLIODORE DE LARISSA 81 HERMIAS DE PHÉNICIE
HÉLIODORE DEMALLOS 82 HERMIAS DE SAMOS
HÉLIODORE DE PRUSE 83 HERMINUS
35 HELLESPONTIUS DEGALATIE 84 HERMINUS
HÉLÔRIPPOS DE SAMOS HERMINUS
HÉLÔRIS DE SAMOS HERMIPPE DE SMYRNE
HELPIDIUS 87 HERMOCRATÈS DE PHOCÉE (FLAVIUS -)
HELVIDIUS PRISCUS (C . -) 88 HERMODAMAS DE SAMOS
HELVIDIUS PRISCUS HERMODORE
HEMINA (L .CASSIUS -) HERMODORE D 'ÉPHÈSE
HÉRACLAMON LÉONIDÈS (M . 91. HERMODORE DE SYRACUSE
EUSTORGIUS - ) 92 HERMODOTE
HÉRACLAS HERMOGÈNE
HÉRACLÉIA (AURELIA -) HERMOGÈNE D 'ATHÈNES
HÉRACL (E )IOS 95 HERMOGÈNE DU PONT
HÉRACLEIOS 96 HERMON
HÉRACLÉODOROS 97 HERMON
HÉRACLÉODOROS 98 HERMOTIME
HÉRACLÉODOROS 99 HERMOTIME DE CLAZOMÈNES
HÉRACLÉON DE MÉGARE 99a HERMOTIME DE COLOPHON
HÉRACLIDE " le philosophe" 100 HÉRODICOS DE BABYLONIE
HÉRACLIDE 101 HÉRODORE D 'HÉRACLÉE
HÉRACLIDE 102 HÉRODOTE
HÉRACLIDE 103 HÉRODOTE DE NICOMÉDIE
HÉRACLIDE D 'AINOS 104 HÉRODOTE DE SMYRNE (FLAVIUS? -)
56 HÉRACLIDE D 'ATHÈNES (AURELIUS -) 105 HÉRODOTE DE TARSE
57 HÉRACLIDE DE BARGYLIA 106 HÉRON le cordonnier
HÉRACLIDE DE TARENTE 107 HÉRONAS
HÉRACLIDE DE TARSE 108 HÉROPHILE
60 HÉRACLIDE LE PONTIQUE 109 HÉROPHILE
HÉRACLIDE LEMBOS 110 HESTIAIOS DE MILET
HÉRACLITE 11 . HESTIAIOS DE PÉRINTHE
HÉRACLITE 112 HESTIAIOS DE TARENTE
HÉRACLITE D'ÉPHÈSE 113 HÉSYCHIUS "ILLUSTRIUS” DE MILET
HÉRACLITE (PSEUDO-) 114 HÉTOIMOCLÈS
65 HÉRACLITE DE RHODIAPOLIS 115 HICÉTAS DE SYRACUSE
HÉRACLITE DE TYR 116 HIÉRAX
67 HERAISCUS 117 HIÉRAX (FLAVIUS -)
DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES 1069
118 HIÉRAX (SILVANUS DOROTHÉOS -) 149 HIPPOCLÉIDÈS
119 HIÉRAX D 'ALEXANDRIE 150 HIPPOCRATE
120 HIÉRIOS 151 HIPPOCRATE DE CHIOS
121 HIÉRIOS 152 HIPPOCRATE DE COS
122 HIÉRIOS D 'ATHÈNES 153 PSEUDO -HIPPODAMOS DE MILET
123 HIÉRIOS DE PHÉNICIE 154 «HIPPOLYTE DE ROME»
124 HIÉROCLÈS 155 HIPPOMÉDON D 'ARGOS
125 HIÉROCLÈS (SOSSIANUS -) 156 HIPPON
126 HIÉROCLÈS D 'ALEXANDRIE 157 HIPPON DE SAMOS
127 HIÉROCLÈS D'HYLLARIMA 158 HIPPOTHALES D 'ATHENES
128 HIERONYMOS 159 HIPPYS DE RHÉGIUM
129 HIÉRONYMOS DE RHODES 160 HIRTIUS (AULUS -)
130 HIÉROPHILE " le philosophe" 161 HODIOS DE CARTHAGE
131 HILARIUS D 'ACHAYE 162 HONORATUS
132 HILARIUS D 'ANTIOCHE 163 HORAPOLLON
133 HILARIUS DE BITHYNIE 164 HORAPOLLON DE PHÉNÉBYTHIS
134 HILARIUS DE PHRYGIE 165 HORAPOLLON DE PHÉNÉBYTHIS
135 HILDEBALD 166 HORARIUS
136 HIMÉRIUS DE PROUSIAS 167 HORATIUS FLACCUS (Q. -)
137 HIPPL 168 HORTENSINUS
138 HIPPARCHIA DE MARONÉE 169 HORUS
139 HIPPARCHIDÈS DE RHÉGIUM 170 HOSIUS (ou OSIUS)
140 HIPPARCHOS 171 HOSTILIANUS
141. HIPPARCHOS D 'ILION 172 HOSTILIANUS DE CORTONE (C .
142 HIPPARCHOS DE SOLES TUTILIUS -)
143 HIPPARCHOS DE STAGIRE 173 HOSTILIANUS HÉSYCHIUS D 'APAMÉE
144 HIPPASOSDE MÉTAPONTE 174 HYLLOS DE SOLES
145 HIPPIAS 175 HYPATIE D 'ALEXANDRIE
146 HIPPIAS DE PTOLÉMAIS 176 HYPÉRIDE D 'ATHÈNES
147 HIPPOL 177 HYPÉRIDE
148 HIPPOBOTOS 178 HYPSAIOS
LETTRE I

IACOB (Jacques) dit “ Psychristus" 18 ION


IAMBLICHOS D 'APAMÉE 19TON , surnommé" la Règle" (o xavov)
IAMBLICHOS DE CHALCIS 20 ION DE CHIOS
IAMBLICHOS (Anonymede Jamblique) 21 IONICUS DE SARDES
IAMBOULOS 22 JOVIANUS (Jovien)
IARCHAS IOVIUS
TASON (Jason) D 'ATHÈNES IPHICLÈS D 'ÉPIRE
IASON (Jason ) DE NYSA 25 ISAGORAS DE THESSALIE
TASON (Jason ) DE (PJAR[OS] ISCHOMACHOS
ICCIUS ISÉE L 'ASSYRIEN
ICCOS DE TARENTE 28 ISIDORE
ICHTHYAS LE MÉGARIQUE ISIDORE
IDAIOS D 'HIMÈRE ISIDORE
IDOMÉNÉE DE LAMPSAQUE 31 ISIDORE D ' ALEXANDRIE
15 TOBATÈS 32 ISIDORE DE GAZA
IOLAOSDE BITHYNIE 33 ISIDORE DE PÉLUSE
17 TOLLAS DE SARDES 34 ISIDORE DE SÉVILLE
1070 DICTIONNAIRE DES PHILOSOPHES ANTIQUES
35 ISIDORE DE THMOUIS 44 IULIANUS (IULIUS -)
36 ISIDORUS (IULIUS -) 45 IULIANUS DE TRALLES
ISOCASIUS D 'ÉGÉE IULIANUS (Julien ) l'Empereur
ISOCRATE D 'ATHÈNES IULIANUS (Julien)LE CHALDÉEN
ISSOS 48 IULIANUS (Julien ) LE THÉURGE
ITALICUS (SILIUS -) IUNCUS
41 IUBA (Juba) II DE MAURÉTANIE 50 IUNIOR PHILOSOPHUS
42 JULIA DOMNA IUSTINUS (Justin)
43 IULIANUS 51
LETTREJ
JEAN DAMASCÈNE IUVENALIS (DECIMUS IUNIUS - )
2 JEAN STOBÉE
TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS

Auteurs des notices du troisième tome

Abréviations

NOTICES

LETTRE E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LETTREF

LETTRE G
LETTREH

LETTRE I .............

LETTRE J ........ ......... 989

Index des nomspropres ....... 1021


Index des mots-vedettes figurant dans les titres ....... 1055
Liste des notices du tome III 1065

Impression : EUROPE MEDIA DUPLICATION SA


F53110 lassay-les Châteaux
N°7383 -Dépôllégal : Mai 2000

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