Le Controle Des Marchés Publics

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UNIVERSITE DE LILLE 2

DROIT ET SANTE
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES,
POLITIQUES ET SOCIALES

LE CONTROLE DU DEPASSEMENT DU SEUIL


DES MARCHES PUBLICS

Mémoire pour le DEA de Droit Public


Année Universitaire 2001/2002

Par

Bruno VILLALVA

Sous la direction de Monsieur le Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE,


Vice-Président de l’Université de Lille 2
LE CONTROLE DU DEPASSEMENT DU SEUIL
DES MARCHES PUBLICS

« Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ; mieux vaudrait un sage ennemi ».
LA FONTAINE
Livre VIII. Fable 10 « L’ours et l’amateur des jardins ».

L’utilisation des seuils est fréquente en droit positif. Le droit civil1, le droit du travail2, le droit
fiscal3 ou encore, par exemple, le droit des concentrations économiques font couramment
appel à la technique des seuils pour doser le degré de droit applicable à un fait. L’emploi des
seuils sert ainsi à proportionner- en fonction d’un objectif précis – le droit convenable à une
situation donnée4. Pour sa part, le droit des marchés publics n’excepte pas à cette règle5.

L’ancien code des marchés publics prévu par le décret n° 64-719 du 17 juillet 1964 faisait un
usage important des seuils puisqu’il en prévoyait six6 s’échelonnant de 300 000 F TTC à 1
300 000F HT. Le nouveau code des marchés publics issu du décret n° 2001-210 du 7 mars
2001, qui le remplace, n’a pas échappé à la tentation d’y recourir. Mais, il a simplement

1
Au fil des années, le droit civil donne à l’enfant-mineur de plus en plus de droit lui permettant ainsi d’accéder à
une totale capacité juridique. C’est le système de la pré-majorité.
2
Le décompte des effectifs sert à la mise en place des organes de représentation du personnel c’est à dire les
délégués du personnel, les déléguées syndicaux, les comités d’entreprises ou les comités d’hygiène, de sécurité
et des conditions de travail. Voir l’ouvrage de Jean Pélissier, d’Alain Supiot et d’Antoine Jeammaud : « Droit du
travail » Précis-Dalloz 20ème édition 2000 page 610 et suivantes ; Voir également la thèse de C. SACHS-
DURAND : « Les seuils d’effectifs en droit du travail » LGDJ 1985.
3
Par exemple, les obligations déclaratives des contribuables sont définies en fonction du chiffre d’affaires hors
taxe qu’ils réalisent. On distingue ainsi le régime de l’évaluation réelle normale, le régime de l’évaluation réelle
simplifiée et le régime des micro-entreprises. Voir par exemple Maurice COZIAN : « Précis de fiscalité des
entreprises » Litec 2001 pages 187 et suivantes. L’imposition forfaitaire annuelle est également calculée en
fonction du chiffre d’affaires.
4
Pour paraphraser le Doyen CARBONNIER, on pourrait dire que les seuils s’inscrivent sur une échelle du droit
qui va du moins de droit au plus de droit.
5
Les délégations de service public recourent également aux seuils (de 450 000 F et 700 000 F). Voir l’article L
1411-12 du code général des collectivités territoriales. Lire également la récente réponse ministérielle, à la
question écrite de Marcel-Pierre Cleach du 24 janvier 2002 JO Sénat n° 35268 page 218, portant sur le calcul des
seuils prévus en matière de délégation de service public par la loi Sapin.
6
L’ancien code prévoyait ainsi un seuil de 300 000 F TTC pour les achats sur factures, un seuil de 700 000 F
TTC pour les marchés négociés, un seuil de 900 000 F TTC pour l’appel d’offres avec publicité au BOAMP, un
seuil de 900 000 F HT pour l’appel d’offres avec publicité communautaire pour l’Etat, un seuil de 1 300 000 F
HT pour l’appel d’offres avec publicité communautaire pour les collectivités locales. Le seuil des marchés de
maîtrise d’œuvre était variable selon l’importance des marchés. Les seuils allaient de 450 000 F TTC à 1 300
000 F TTC.
cherché à simplifier la tâche des acheteurs publics en réduisant leur nombre à trois7. On
trouve désormais un seuil de 90 000 Euros HT, un seuil de 130 000 Euros HT et un seuil de
200 000 Euros HT. Pour résumer très simplement, sous l’empire des nouvelles dispositions,
les marchés qui ne dépassent pas 90 000 Euros HT constituent des marchés sans formalités
préalables. Ceux qui sont compris entre 90 000 Euros HT et 200 000 Euros HT pour les
collectivités territoriales (ou 130 000 Euros HT concernant l’Etat) sont conclus au terme
d’une procédure de mise en concurrence simplifiée. Enfin, les marchés qui excèdent le seuil
de 200 000 Euros HT (ou de 130 000 Euros HT pour l’Etat) sont passés selon les règles de
l’appel d’offre.

Cela étant rappelé, les seuils des marchés publics remplissent des objectifs distincts et ont, de
ce fait, ont une utilité variable8. L’ancien code des marchés publics comportait cinq catégories
de seuil. Ainsi, il y avait des seuils de publicité9, des seuils de mise en concurrence (dits
également, seuils de procédure) pour les commandes hors marchés et les marchés négociés
inférieurs à 700 000 F TTC par exemple, des seuils rendant obligatoire la réunion des
commissions spécialisées des marchés10, un seuil de 300 000 F TTC imposant la passation
d’un marché formel et un seuil rendant obligatoire l’avance forfaitaire. Le nouveau code,
quant à lui, prévoit un seuil de passation pour les marchés sans formalités préalables11, ceux
adoptés selon la procédure de mise en concurrence simplifiée12, ou d’appel d’offres13, ainsi
que les marchés de maîtrise d’œuvre14 ; un seuil de publicité nationale15 ; un seuil de délai de

7
Pour être complet, on doit ajouter que les marchés de fournitures ou de services d’un montant supérieur à 750
000 Euros HT ainsi que les marchés de travaux qui excèdent 5 000 000 Euros HT doivent être précédé d’un avis
de préinformation lequel sera publié au Journal Officiel des Communautés Européennes. De son côté, le droit
communautaire possède ses propres seuils. Les seuils communautaires sont de 34 000 000 F HT pour les
marchés de travaux et de 1 350 000 F HT pour les marchés de fournitures et les marchés de services.
8
Sur ces seuils, voir F. OLIVIER : « Les seuils du Code des marchés publics » Contrats et marchés publics Août
2001 page 30 ; Voir la définition du terme seuil donné par Michel GUIBAL : « Mémento des marchés publics »
Le Moniteur 1996.
9
L’avis de la procédure de l’appel d’offres devait être obligatoirement publié au Bulletin Officiel d’Annonces
des Marchés Publics lorsque le marché était supérieur à 900 000 F HT.
10
Les commissions spécialisées (à savoir la Commission des marchés de bâtiment et de génie civil, la
Commission des marchés d’aéronautiques, de mécanique, de matériels électriques et d’armement, la
Commission des marchés électronique et de télécommunications, la Commission des marchés d’informatique, la
Commission des marchés d’approvisionnements généraux) sont chargées, au-delà d’un certain seuil, d’examiner
préalablement à leur passation les marchés de l’Etat et d’émettre un avis. Voir les articles 206 à 221 du code des
marchés publics.
11
Voir l’article 28 du nouveau code des marchés publics.
12
Voir l’article 32 du nouveau code des marchés publics.
13
Voir l’article 39 du nouveau code des marchés publics.
14
Voir l’article 74 du nouveau code des marchés publics.
15
Voir l’article 40 du nouveau code des marchés publics.
réception des candidatures16 ou de réception des offres17, un seuil pour le paiement de
l’avance forfaitaire18 ou celui des acomptes19, ainsi, qu’un seuil relatif à la composition de la
Commission d’appel d’offres des communes20 ou au paiement direct du sous-traitant.

Parmi ces différents seuils, le seuil de 300 000 F TTC de l’ancien code des marchés publics,
fixé par le décret n° 90-553 du 3 juin 1990, a été sans doute l’un des plus importants de tous21.
En effet, ce seuil était à la fois un seuil de marché et un seuil de procédure, c’est à dire qu’il
imposait en cas de dépassement concomitamment aux acheteurs publics la production d’un
marché public et la mise en œuvre des dispositions contraignantes du code pour la sélection
du cocontractant. Ce seuil prévoyait ce que l’on appelait les achats sur factures, les
commandes hors marchés ou encore les travaux sur mémoires. Les dispositions applicables à
ces commandes dites hors marchés - précisément parce qu’elles dérogeaient fortement à ces
règles - se trouvaient aux articles 123 et 321 de l’ancien code des marchés publics22. Cette
double numérotation correspondait alors au partage du code entre les marchés d’Etat et ceux
des collectivités territoriales. Avec le nouveau code des marchés publics, les commandes hors
marchés ont été remplacées par les marchés sans formalités préalables. Ceux-ci sont
désormais prévus par les articles 28, 29 et 30 du nouveau code. Mais en réalité, seuls les
contrats conclus dans le cadre de l’article 2823 sont les véritables successeurs des travaux sur
mémoire des articles 123 et 321 de l’ancien code des marchés publics.

16
Voir les articles 57 et 61 du nouveau code des marchés publics.
17
Voir les articles 57, 61, 58 et 66 du nouveau code des marchés publics.
18
Voir l’article 87 du nouveau code des marchés publics.
19
Voir l’article 89 du nouveau code des marchés publics.
20
Voir l’article 22 du nouveau code des marchés publics.
21
Ce seuil était autrefois de 150 000 F, puis le décret 85-42 du 8 janvier 1985 publié au Journal Officiel du 12
janvier (page 428) l’a fixé à 180 000 F.
22
Les articles 123 et 321 de l’ancien code des marchés publics prévoyaient : «Il peut être traité en dehors des
conditions fixées par le présent titre : 1° Pour les travaux, les fournitures ou les services dont le montant annuel
présumé, toutes taxes comprises, n’excède pas la somme 300 000 F ; 2° Pour les achats dans les conditions les
plus avantageuses de denrées alimentaires périssables sur foires ou marchés ou sur les lieux de production sans
limitation de montant ».
23
L’article 28 du nouveau code des marchés publics dispose : « Les marchés publics peuvent être passés sans
formalités préalables lorsque le seuil de 90 000 Euros HT n’est pas dépassé.
En cas de marchés portant sur des fournitures ou des services, les numéros pertinents de la nomenclature et les
références des fournisseurs ou des prestataires sont transmis par l’ordonnateur au comptable assignataire.
Le règlement des prestations peut avoir lieu sur présentation de mémoires ou factures ».
L’article 2924 traite en effet des achats de denrées périssables tandis que l’article 3025 porte sur
certains marchés passés sans formalités en raison de leur objet et non de leur montant ; ce sont
des marchés qui sont complètement déconnectés de la notion de seuil.

Les marchés sans formalités préalables de l’article 28 du nouveau code fixent un seuil de 90
000 Euros HT, ce qui correspond dans l’ancienne monnaie à 590 361 F HT ou encore 706 072
F TTC. Comparé au seuil des articles 123 et 321 de l’ancien code, on constate donc que ce
seuil a quasiment été doublé et qu’il correspond presque environ à celui de 700 000 F TTC
prévu sous l’ancien code des marchés publics en matière de procédure d’appel d’offres
obligatoire.

Traditionnellement, le respect de la computation du seuil des marchés publics est assuré par le
juge administratif26, juge naturel du code des marchés publics. Toutefois, un autre juge de
droit public assure le contrôle des dispositions de ce code et vient donc concurrencer le juge
administratif : il s’agit du juge financier. En effet, la Cour des Comptes et les Chambres
régionales des comptes sont chargées du contrôle juridictionnel des comptables publics et du
contrôle de la gestion des ordonnateurs des administrations publiques nationales ainsi que des
collectivités territoriales et des établissements publics locaux. A cette occasion, et en
application de règles qui leurs sont propres, les juges financiers sont amenés à jeter un regard
différent sur les marchés publics conclus par les décideurs publics. Ce phénomène de
concurrence entre le droit administratif et le droit de la comptabilité publique, et par voie de
conséquence entre les juges chargés d’en assurer l’observance ne doit cependant pas
étonner27. Le rôle du « juge financier, juge administratif » c’est à dire le rôle de juge

24
L’article 29 du nouveau code des marchés publics prévoit : « En deçà du seuil de 130 000 Euros HT pour
l’Etat et de 200 000 Euros HT pour les collectivités territoriales, les marchés publics peuvent être passés sans
formalités préalables pour les achats, dans les conditions les plus avantageuses, de denrées alimentaires
périssables sur foires ou marchés ou sur les lieux de production ».
25
L’article 30 du nouveau code des marchés publics, enfin rappelle : « Les marchés publics qui ont pour objet :
1° Des services juridiques ; 2° Des services sociaux et sanitaires ; 3° Des services récréatifs, culturels et sportifs
; 4° Des services d’éducation ainsi que des services de qualification et insertion professionnelles, sont soumis,
en ce qui concerne leur passation aux seules obligations relatives à la définition des prestations par référence à
des normes, lorsqu’elles existent, ainsi qu’à l’envoi d’un avis d’attribution. La liste des services relevant des
catégories mentionnées ci-dessus est fixée par décret. Les contrats ayant pour objet la représentation d’une
personne publique en vue du règlement d’un litige ne sont soumis qu’aux dispositions du présent article ainsi
que des titres Ier et II du présent code ».
26
Il y a en matière de marchés publics quatre juges administratifs : le juge des référés, le juge de l’excès de
pouvoir, le juge du contrat, le juge de l’astreinte. Voir Dominique POUYAUD : « La sanction de l’irrégularité
dans la passation des marchés » Droit Adm, avril 1998 page 4 et suivantes.
27
Sur les phénomènes de concurrence entre le juge administratif et le juge financier, voir l’ouvrage fondamental
de Stéphanie DAMAREY : « Le juge administratif, juge financier » Dalloz, 2001, 538 pages. Pour ne prendre
qu’un exemple propre au sujet traité, on rappellera que le Conseil d’Etat a consacré le principe du droit
administratif que joue le juge financier n’est plus à démontrer28. Le droit des marchés publics,
et notamment la question du seuil de ceux-ci, est ainsi au confluent du droit administratif et du
droit de la comptabilité publique. La matière des marchés publics en effet multiplie les points
de contact ou pour reprendre une expression déjà employée possède « des zones frontières »29.

Pour être précis, il faut ajouter encore que la question de la computation du seuil des marchés
publics ne se limite pas cette double approche ; car, à côté des juges administratifs et
financiers, l’administration joue un rôle non négligeable30. Pour des raisons tenant à la relative
rapidité de son intervention, elle délivre sous forme de réponses ministérielles31, de
circulaires, d’instructions ou d’avis donnés par la Direction des affaires juridiques32 des
interprétations administratives. Son intervention permet alors de fixer le sens d’un texte
législatif ou réglementaire dans un temps relativement court et évite de devoir attendre

budgétaire selon lequel l’autorisation de dépenser ne vaut pas celle de contracter. Voir CE du 13 novembre 1953
Chambre syndicale des industries et du commerce des armes, munitions et articles de chasse, Recueil page 487.
28
L’expression est de Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE. Voir l’Avant-propos au colloque
consacré au « Conseil d’Etat, juge financier » Revue française de Finances Publiques n° 70, juin 2000 pages 9 et
suivantes ; Le juge administratif « de droit commun » n’est donc pas le seul juge à connaître de cette matière.
L’expression juge de droit commun est tirée de l’article de Michel LASCOMBE et Xavier
VANDENDRIESSCHE : « Chronique de droit public financier » RFDA 2000 page 173. Il importe de lire cette
chronique inaugurale dans la mesure où elle scelle définitivement les enjeux de ce regard croisé. On peut y lire
les observations suivantes : « Il est donc nécessaire de déterminer, d’une part si le juge financier a la même
approche des notions du droit administratif que le juge administratif lui-même et d’autre part, si la
jurisprudence financière influe sur le fonctionnement même de l’administration, autrement dit si celle-ci tient
compte de ces décisions et observations pour se réformer et s’adapter » ou encore « Nous tenterons donc de
rechercher comment le juge administratif et le juge financier se complètent ou s’opposent dans l’application des
règles du droit administratif » ou encore « Cette analyse conduira nécessairement à se poser la question
controversée de l’étendue du pouvoir du comptable et du juge financier dans l’appréciation de la légalité des
actes administratifs et donc de la contrariété éventuelle des analyses dans ce cadre ». Voir enfin la récente étude
de Michel LASCOMBE : « Le juge des comptes, juge administratif ? » Mélanges Jean WALINE 2002 pages 639
et suivantes.
29
La Revue du Droit Public est partie, dans sa livraison n° 4 de l’année 1998, à la recherche des « zones
frontières » c’est à dire des liens qu’entretient le droit administratif avec d’autres droits et notamment le droit
financier. La Revue a confié à Jean-Pierre CAMBY (pages 953 et suivantes) le soin de traiter des relations
nouées entre ces deux branches du droit public. En réalité, on peut se poser la question de savoir si le droit public
financier à des zones de contact avec le droit administratif ou s’il ne recouvre pas, contrairement à ce que
soutient Jean-Pierre CAMBY, en totalité ce droit à la manière du droit fiscal à l’égard des autres branches du
droit. La comptabilité - qu’elle soit commerciale ou publique - a vocation à traduire en terme de flux financiers
l’ensemble des faits et actes juridiques. Plus rien dès lors ne saurait lui échapper.
30
La DGCCRF intervient dans le contrôle des marchés publics. La DGCRF a fait savoir dans son rapport pour
l’année 2000 qu’elle avait renforcé son contrôle sur ceux-ci (le nombre de lettres d’observations envoyées en
effet est en augmentation). Des sanctions ont même parfois été prises à cette occasion par le Conseil de la
concurrence.
31
Sur le rôle des questions posées aux ministres, on renverra à la lecture de Bruno OPPETIT : « L’essor des
réponses ministérielles » Droit et modernité PUF-Doctrine juridique 1998 pages 137 et suivantes.
32
La Direction des affaires juridiques a repris au sein du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie
(MINEFI) les attributions de la Commission centrale des marchés. Elle est chargée notamment d’émettre des
avis sur les questions posées par les acheteurs publics ou les entreprises candidates à un marché public. Même si
ses avis n’ont pas en soi de valeur juridique, l’habitude a été prise de les suivre tant que le juge ne les a pas remis
en cause. Dans les faits, ils servent donc de guide à l’ensemble des acteurs de la commande publique.
plusieurs années que la jurisprudence vienne préciser le sens d’une disposition qui, jusque-là,
était ou paraissait obscure. Ces réponses, ces avis forment un ensemble appelé doctrine
administrative33 qui doit être regardée comme l’instauration d’une procédure de consultation
officielle et gratuite de l’Administration semblable à la procédure romaine du rescrit34.

De cette profusion des sources – juridictionnelles et administratives - il en résulte un certain


désordre qui rend la question du dépassement du seuil des marchés publics particulièrement
difficile à appréhender. Même si le Professeur Pierre DELVOLVE a pu soutenir que le droit
des marchés publics tend à s’unifier, l’affirmation contraire ne semble pas dénuée de
fondement. Pour lui, en effet le droit des marchés publics a « reçu une impulsion qui
contribue à son unification. Celle-ci n’est pas totale. Il reste bien des éléments de divergence.
Du moins le mouvement est-il lancé. Il se manifeste par deux tendances : - d’une part, la
notion de marché public s’étend ; d’autre part, le régime des marchés publics se renforce »35.
Et l’éminent auteur d’ajouter que « dans leur volonté d’assurer le respect des règles régissant
les marchés publics, les pouvoirs publics, tant communautaires que français, ont institué de
nouveaux mécanismes de contrôle, dont l’aménagement, comportant extension des solutions à
de nombreux types de contrats, révèle encore une tendance à l’unification »36. En réalité, il ne
faut pas négliger que le contentieux des marchés publics est écartelé entre plusieurs juges
(juge administratif, juge financier, juge pénal, juge civil, Conseil de la concurrence et Cour
d’Appel de Paris, et juge des référés précontractuels) et que cet éclatement juridictionnel n’est
pas propice, contrairement à ce que prétend Pierre DELVOLVE, à l’unification de cette
branche du droit37. On sait trop bien, en effet, que la multiplication des juridictions contribue

33
La Direction Générale des impôts, laquelle relève également du MINEFI, a aussi mais avec certaines
spécificités sa doctrine administrative.
34
Sur cette notion, on lira avec beaucoup de profit l’article de Bruno OPPETIT : « La résurgence du rescrit »
Droit et modernité PUF-Doctrine juridique 1998 pages 153 et suivantes. D’une manière générale, sur la question
des avis en droit, on conseillera, même si, de manière surprenante, la Commission centrale des marchés n’y est
pas abordée, l’ouvrage rédigé sous la direction de Thierry REVET : « L’inflation des avis en droit » Economica-
Etudes juridiques 1998, 203 pages.
35
Voir Pierre DELVOLVE : « Vers l’unification du droit des marchés publics ? » Mélanges Roland DRAGO
Economica 1996 page 227.
36
Voir Pierre DELVOLVE : « Vers l’unification du droit des marchés publics ? » Mélanges Roland DRAGO
Economica 1996 page 236.
37
Pierre DELVOLVE reconnaît d’ailleurs partiellement cette donnée incontournable en rappelant que «
l’unification n’est pas telle qu’elle ait conduit à attribuer à un même ordre de juridiction le contentieux de tous
les marchés publics : elle laisse subsister la dualité de juridiction (contrat administratif – contrat de droit privé)
et corrélativement la dualité de compétence (administrative – judiciaire). Mais, s’agissant de faire respecter les
mêmes règles par des procédures et avec des pouvoirs juridictionnels identiques, on peut s’interroger sur la
légitimité de la division d’un même contentieux entre deux ordres de juridiction distincts ». Voir Pierre
DELVOLVE : « Vers l’unification du droit des marchés publics ? » Mélanges Roland DRAGO Economica 1996
page 237.
le plus souvent à développer les phénomènes de concurrence et à favoriser les divergences
jurisprudentielles38.

La question du seuil des marchés publics, enfin, est étroitement liée à celle, primordiale, de
leur prix. C’est pourquoi selon Michel GUIBAL « le prix est, avant tout, le seul critère
présent dans toutes les procédures d’attribution des marchés publics, quelles qu’elles soient.
Il est aussi un critère important, sinon essentiel, de la notion de marché public elle-même.
Dans ces conditions, il est un des éléments majeurs de la préparation des marchés et de leur
mise en concurrence, mais aussi de leur exécution. Si l’on ajoute à cela que le prix est
nécessairement payé avec des deniers publics, il devient évident que tout ce qui le concerne
est constitué par des éléments fondamentaux de l’élaboration des marchés publics :
détermination de sa hauteur, de la méthode d’analyse de l’offre dont il fait l’objet, de ses
modalités de calcul, de la technique de ses variations et de la procédure de paiement »39. On
signalera d’ailleurs que l’absence de prix d’un marché ou son imprécision sont sanctionnées
par la nullité du contrat40. Le prix prévu par un marché est définitif41 ; sa modification est
donc en principe interdite. L’Administration dispose cependant du pouvoir de modification
unilatérale du contrat et peut mettre à la charge de l’entreprise des prestations supplémentaires
qui entraîneront une augmentation du prix du marché42.

A la faveur de l’édiction du nouveau code des marchés publics, le calcul du seuil des
commandes hors marchés, concernant le passé43, et des marchés sans formalités préalables,
s’agissant du présent, a profondément évolué. Le droit des marchés publics est passé d’une
représentation statique ou figée et qui était sans rapport avec les réalités économiques à une
vision plus concrète des pratiques administratives et de la vie commerciale. La mise en place
du nouveau code des marchés publics correspond ainsi à l’abandon d’une méthode de

38
Il suffit de rappeler que la montée en puissance des droits de l’homme – d’aucuns, comme Michel Villey,
parlent même à ce propos d’idéologie - au cours de la fin du XXème siècle s’est accompagnée de la
multiplication des juridictions chargées d’en assurer la protection (Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat, Cour
de Cassation, Cour des Droits de l’Homme et Cour de Justice des Communautés Européennes) et du choc de
leurs jurisprudences.
39
Voir Michel GUIBAL : « Marché publics des collectivités territoriales. Régime général » Jurisclasseur
Collectivités territoriales 1995 Fasc. 770 n° 26 ; Relativement à cette question, on peut également lire de Victor
HAÏM : « Prix et règlement des marchés » Jurisclasseur administratif 1998 Fasc. 650.
40
CE 9 mars 1960 Massada Recueil Lebon page 187.
41
CE 21 mai 1990 Société Roudet, Req n° 79506.
42
Sur ces points, voir LAMY Droit public des affaires (sous la direction de Lucien RAPP et Philippe
TERNEYRE) 2001 n° 2520 et suivants.
43
En pratique, les délais d’apurement juridictionnel laisseront pendant quelques mois encore les dispositions de
l’ancien code des marchés publics en pleine lumière.
computation du seuil des marchés publics fondée sur le fournisseur au profit d’une méthode
plus réaliste qui préconise l’identification exacte de la prestation44. La computation du seuil
des marchés publics enregistre ainsi le passage d’une conception juridique ( Chapitre I ) à
une conception économique ( Chapitre II ).

44
La compréhension du nouveau code ne pouvant se faire sans le détour par les dispositions et les applications
de l’ancien, il a paru nécessaire de lui consacrer un chapitre.
CHAPITRE I – LE PASSAGE D’UNE CONCEPTION JURIDIQUE DE
LA COMPUTATION DU SEUIL DES MARCHES PUBLICS

On estime habituellement que les achats sans factures ont concerné plus de la moitié des
commandes publiques45. Ce vif succès s’explique pour deux raisons essentielles : les
commandes hors marchés sont tout d’abord soustraites, au moment de leur passation, aux
procédures de publicité et de mise en concurrence préalables prévues par le code des marchés
publics, ce qui leur confère une très grande simplicité ; les dispositions prévues par le titre I
des livres II et III intitulé « Passation des marchés » du code ne s’appliquant pas à elles46
Elles permettent ensuite aux décideurs publics d’agir avec une certaine rapidité et de satisfaire
leurs besoins dans des délais très brefs.

Compte tenu de cette utilisation importante, la passation des commandes hors marchés aurait
pu être une anodine formalité. En réalité, rien de tel. La méthode de calcul du seuil des achats
sans factures s’est avérée totalement inadaptée aux circonstances économiques ( Section I )
de sorte que, parfois contre leur gré, ses usagers47 se sont trouvés dans des situations
juridiques particulièrement délicates ( Section II ).

SECTION I – UNE DEFINITION INADAPTEE :

La définition du seuil des marchés publics des articles 123 et 321 de l’ancien code des
marchés publics a été à l’origine d’une simplicité biblique qui la rendait totalement
compréhensible pour tous ( A ). Mais, en contrepartie de cette indéniable qualité, la définition

45
Voir Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau Code des
marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 4.
46
Réponse ministérielle à Questions écrites de Jacquot n° 14789 JO Assemblée nationale 3 août 1998 page 4291
; Moniteur TP 28 août 1998 page 29. Le Conseil d’Etat a jugé par exemple que la lettre du maire invitant les
directeurs des écoles primaires de sa commune à préférer, en cas d’égalité d’offres, les fournisseurs locaux n’est
pas un acte administratif faisant grief si les fournitures commandées par les directeurs d’école sont d’un montant
inférieur au seuil de 300 000 F TTC. Cette solution s’explique par le fait que le code des marchés ne leur est pas
précisément applicable. Voir CE 26 mai 1997 Commune de La Courneuve, Revue du Trésor n° 11 novembre
1997 page 700.
47
Dans son Rapport de 1996 (page 17) la Mission interministérielle d’enquête sur les marchés publics déplorait
que les mémoires et achats sur factures se développent en dehors des prescriptions réglementaires. Selon elle, «
cet espace de liberté (article 123 et 321 du code des marchés publics) apparaît ainsi comme un espace de non-
droit qui peut donner lieu à tous les abus ». Citation extraite de Christine BRECHON-MOULENES : « Liberté
contractuelle des personnes publiques » AJDA 1998 pages 648. Créée par la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991, la
des commandes hors marchés a présenté rapidement l’inconvénient majeur de ne plus
coïncider avec les réalités économiques ( B ).

A – UNE DEFINITION SIMPLE

La définition du seuil des contrats conclus en application des articles 123 et 321 du code des
marchés publics a été l’œuvre de l’Administration ( 1 ). Bien que strictement entendue, les
juges ont pourtant autorisé certains dépassements ( 2 ).

1 – Une définition « administrative »

C’est à l’Administration ( a ) que l’on doit d’avoir donné aux utilisateurs du code des marchés
publics une méthode de computation du seuil des articles 123 et 321 et d’avoir ainsi créé la
théorie des « trois mêmes » ( b ).

a - Une interprétation administrative

Assez étonnamment, les articles 123 et 321 du code des marchés publics n’avaient pas prévu
de quelle manière le calcul du seuil des achats sans factures devait être effectué. Ce sont donc
deux instructions administratives du 29 décembre 197248 et du 10 novembre 1976 prises
respectivement pour l’application du code des marchés publics aux marchés d’Etat et aux
marchés des collectivités locales qui, en commentant le code de 1964, ont posé la règle
applicable. Selon l’instruction de 1972, par exemple, le seuil devait s’apprécier en
considération des prestations identiques ou similaires passées avec un même fournisseur au
cours d’une même année civile par un même acheteur, appelé « unité administrative ». De son
côté, l’instruction du 10 novembre 1976 disposait très exactement que « les commandes
doivent porter sur des prestations (travaux, fournitures ou services) de nature identique ou
similaire » et précisait que « par prestations de nature identique ou similaire, il faut entendre
toutes celles qui sont relatives à une même activité professionnelle du prestataire ». Toujours
selon cette instruction, le prix du contrat devait être prévisible puisqu’elle posait le principe en
49
vertu duquel « le montant présumé doit être apprécié dans le cadre d’une même année

mission interministérielle d’enquête sur les marchés et (depuis 1993) les conventions de délégation de service
public a notamment pour mission de veiller au respect des atteintes au principe de la mise en concurrence.
48
On notera que l’instruction du 29 décembre 1972 rappelle dans son article 1er que les actes pris en application
du code des marchés publics doivent respecter les règles de la comptabilité publique.
49
La référence au montant annuel présumé est explicitement tiré de l’article 123 du code des marchés publics.
civile pour les commandes passées par l’ensemble des services d’une même collectivité … à
un même fournisseur ».

Il est importe de faire observer, à ce propos, que ces deux instructions étaient en réalité des
circulaires parfaitement illégales. En effet, en application d’une jurisprudence constante du
Conseil d’Etat50, une circulaire ne doit rien ajouter au texte de loi ou réglementaire qu’elle est
chargée d’interpréter. Si elle va au-delà de la simple explication et qu’elle est innovante, on
considère qu’elle devient réglementaire et qu’elle peut alors être annulée sur le fondement de
l’incompétence de l’autorité qui la prise.

La théorie des « trois mêmes » a ensuite été reprise sous forme d’instructions administratives
par les services de la Direction de la Comptabilité Publique afin de servir de guide aux
comptables publics. Puis, en raison des lois de décentralisation de 1982 et de l’apparition de
pratiques divergentes sur l’ensemble du territoire, les pouvoirs publics ont décidé de doter
l’ensemble des comptables publics locaux d’un instrument unique. C’est ainsi que le décret n°
83-16 du 13 janvier 1983 pris consécutivement à la mise en place de la décentralisation,
lequel a été remplacé depuis lors par le décret n° 88-74 du 21 janvier 1988 et le décret n° 92-
1123 du 2 octobre 1992, a fixé la liste des pièces justificatives et demandé aux comptables
publics dans son annexe à l’article D-1617-19 du code général des collectivités territoriales «
de prendre en considération les commandes de nature identiques ou similaires dans l’année
civile à un même fournisseur ». Comme on peut le constater, ce texte était identique à celui
prévu dans les instructions de 1972 et 1976, la seule différence étant, mais elle est
d’importance, qu’il ne faisait plus référence à la notion de prévisibilité du montant de la
commande.

b - La théorie des « trois mêmes »

La simple lecture des instructions administratives comme de la nomenclature du décret


pièces-justificatives laissait une impression de facilité quant à l’application de ce triptyque. A
première vue, il ne semblait guère difficile de savoir ce qu’est un même fournisseur, une
même prestation et moins encore une même année. La seule difficulté aurait dû être celle de
savoir si les prestations prévues par la relation contractuelle entraient ou non dans le champ
d’application du code des marchés publics. C’est ainsi qu’il a été jugé que les prestations de
services consistant dans le recours à une société de main d’œuvre intérimaire51, dans la
surveillance, le gardiennage d’un parking52, le sponsoring53, la location de véhicules
automobiles54 entraient dans le champ d’application du code des marchés publics55 et que par
suite, la production d’un marché public était obligatoire dès le dépassement du 300 000 F
TTC. Pourtant, à côté de ces hypothèses, les juges ont parfois autorisé, en dehors des
prescriptions de la doctrine des « trois mêmes », le dépassement de ce seuil.

2 – L’autorisation de dépassements

Les juges ont accepté le dépassement du seuil de 300 000 F TTC prévus par les articles 123 et
321 du code des marchés publics lorsque celui-ci a été minime ( a ) ou encore lorsqu’il a
présenté un caractère imprévisible pour l’acheteur public ( b ).

a - Les dépassements minimes

Sous l’ancien code, les dépassements minimes du seuil ont été traités comme une absence
totale de dépassement et le juge financier se bornait le plus souvent à enjoindre pour l’avenir
le comptable de respecter les règles financières56. Récemment encore, dans une affaire57 où
les dépassements étaient inférieurs à 30 000 F (plus exactement 16 999 F et 27 798 F) la Cour
des comptes a eu l’occasion de rappeler qu’elle tolérait ces dépassements.

On remarquera que cette attitude n’a jamais été l’apanage que du seul droit des marchés
publics. Elle existe également en droit fiscal avec la tolérance légale58 ou encore en droit des

50
Voir CE Ass 29 janvier 1954 Institution Notre-Dame du Kreisker.
51
CRC Aquitaine 13 juillet 2000 Régie du port d’Arcachon, n° 2000-0113.
52
CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur 23 janvier 2001 Commune du Luc en Provence, n° 2000-1127.
53
CRC Rhône-Alpes 8 juin 2000 Département de la Loire, n° 2000-102.
54
Cour des comptes 6 juillet 2000 Chambre d’agriculture du Finistère, n° 26421.
55
Sur-le-champ d’application des règles relatives aux commandes hors marchés, Voir Cour des Comptes 25 mai
2000 Commune de Remiremont n° 25923.
56
Voir en ce sens Cour des Comptes 23 novembre 1998 Institut de physique du globe de Paris, n° 21081. Mais
dans cette affaire, de manière surprenante car contre toute attente, la Cour n’a pas mis en débet le comptable
concerné. Voir également Cour des comptes 21 juin et 30 septembre 1999 Institut national des langues et
civilisations orientales (INALCO) n° 23775.
57
Cour des comptes 6 juillet 2000 Ecole nationale supérieure de mécanique et des micro-techniques de
Besançon, n° 26854, Revue du Trésor 2001 page 375.
58
Voir article 1733 du code général des impôts.
obligations avec l’erreur de contenance lors de la vente d’un terrain59 où, en application de
l’adage latin Parum pro nihilo reputatur60, l’on identifie le peu au rien ; le parum au nihil.

Pourtant, de manière générale, ce courant jurisprudentiel autorisant de légers dépassements ne


pouvait qu’induire en erreur les utilisateurs du code. En effet, à partir de quel montant devait-
on considérer que le dépassement n’était plus minime, de 35 000 F, de 40 000 F ou bien de 50
000 F ? En laissant libre cours au stratégie de grignotage, ce courant jurisprudentiel a été en
réalité la négation même de la notion de seuil61.

b - Les dépassements imprévisibles

En outre, les juges ont estimé que les dépenses présentant un caractère imprévisible62
n’entraient pas dans la détermination du seuil. Selon l’instruction, les dépenses prévisibles
étaient « celles de fonctionnement courant pour lesquelles des crédits globaux sont
généralement reconduits d’une année sur l’autre, et, d’autre part celles correspondant à des
opérations individualisées dans le budget de la collectivité ». En toute logique, le juge
financier a alors estimé que des travaux d’entretien courants63 étaient des dépenses
prévisibles. A l’inverse, ont été regardées comme imprévisibles, les dépenses consistant dans
la mise aux normes sportives (l’homologation) du stade de Bastia suite à sa destruction
partielle du fait de l’effondrement d’une tribune64. Dans cette affaire, il a été jugé que la
circonstance qu’une entreprise ait été chargée d’exécuter des travaux identiques à ceux
résultant de cet accident n’était pas de nature à leur faire perdre leur caractère imprévisible.

59
Voir article 1619 du code civil.
60
Traduction : « peu et rien sont un tout ».
61
En marge, signalons que les changements successifs du taux de TVA ont une incidence sur le seuil de 300 000
F TTC. En cas de dépassement consécutif à une modification du taux de la TVA, il a été considéré que le
dépassement était minime et que, partant, il n’était pas nécessaire de recourir à un marché de régularisation.
62
La notion de prévisibilité n’est pas propre aux commandes hors marchés. Ainsi, le recours au marché négocié
est permis en cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles. Cette condition n’est
cependant pas remplie lorsque, devant l’arrivée de nouvelles familles, une collectivité territoriale passe un
marché négocié de travaux pour augmenter la capacité d’accueil d’une école. Voir CAA Paris 31 octobre 1995
SARL Debruyne et Etezd, Req n° 94PA01442 et 94PA016666, Juris-data n° 049614. La publication d’un avis
d’appel public à la concurrence au BOAMP est obligatoire lorsque le seuil est franchi. Toutefois, le dépassement
de ce seuil n’entraîne pas l’irrégularité de la procédure de passation du marché négocié lorsque les deux
conditions suivantes sont respectées : la collectivité publique a procédé à une évaluation sincère et raisonnable
du montant du marché et qu’elle n’a pas cherché à le sous-évaluer. Voir CE 14 mars 1997 Préfet des Pyrénées-
Orientales c/ Département des Pyrénées-Orientales, Req n° 170319, Juris-data n° 050352 ; Voir Quotidien
juridique 1997 n° 65 page 2 note.
63
Cour des comptes 12 février 1999 Agence comptable des services industriels de l’armement, n° 23635, Revue
du Trésor 2001 page 188.
64
CRC Corse 5 décembre 2000 District de Bastia, n° 00-059.
Dans le cadre de cette jurisprudence, il appartenait à la personne publique d’apporter la
preuve que le dépassement du seuil était la conséquence de dépenses fortuites ou
imprévisibles65. Ce caractère s’appréciait alors au moment du paiement de la dépense66. De
son côté, le comptable devait pouvoir présenter les justifications qui lui avaient permis de
regarder le dépassement du seuil comme étant la conséquence de dépenses imprévisibles67.
D’un maniement délicat, cette jurisprudence obligeait surtout les acheteurs publics à procéder
à une évaluation des seuils d’une manière sincère et raisonnable68. Ainsi, le juge administratif
a estimé que la personne publique n’appréciait pas de manière sincère et raisonnable le seuil
de 300 000 F TTC dès lors que, par le passé, ce seuil avait déjà été dépassé69.

Pour clore ce point, l’autorisation de dépassements, aussi minimes ou imprévisibles soient-ils,


semble être contraire à la logique qui sous-tend l’existence des seuils.

B – UNE DEFINITION IRREALISTE

Très rapidement, comme par épuisement, la théorie des « trois mêmes » a atteint ses propres
limites ; il est apparu que ni l’identification du service responsable du marché, ni celle du
fournisseur n’étaient une chose aisée. De la même manière, les notions de prestations
identiques ou de même année civile se sont montrées à l’usage d’une grande complexité. Pour
remédier à ces inconvénients, l’Administration sous différentes formes (questions
ministérielles auprès le plus souvent du Ministre de l’Economie ou saisine de la Commission
centrale des marchés) et les juges (administratifs et financiers) ont cherché alors à étoffer une
définition devenue imparfaite70.

Sont envisagées les conditions tenant aux parties au contrat ( 1 ) ainsi que celles relatives à la
prestation prévue par celui-ci ( 2 ).

65
Cour des Comptes 2 octobre 1996 Commune de Le Barp, Revue du Trésor 1997 page 108.
66
CRC Pays de Loire 3 février 1998 Commune de Saumur, Revue du Trésor 1998 page 263.
67
Voir le même arrêt Cour des comptes 12 février 1999 Agence comptable des services industriels de
l’armement, n° 23635, Revue du Trésor 2001 page 188.
68
Voir CAA Bordeaux 1998 n° 98-013309 Préfet de la Charente-maritime, Lamyline.
69
TA Lyon 6 octobre 1999 Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône, RD Immob 2000 page 167 obs F.
LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX.
70
La lecture de la « doctrine administrative » et de la jurisprudence laisse sur ce point une impression de très
grand fouillis dont l’effet premier a certainement été de déconcerter les utilisateurs du code des marchés publics.
1 - Les conditions tenant aux parties cocontractantes

Il est utile de revenir sur la définition de l’acheteur ( a ) et du fournisseur ( b ).

a - La notion d’acheteur

Pour commencer, le Ministre de l’Intérieur a eu l’occasion de préciser qu’une commune ne


pouvait constituer une association dans le but de lui faire procéder à des achats supérieurs à
300 000 F TTC. En effet, il faut y voir là un détournement de procédure dans la mesure où cet
achat échappe à la fois au code des marchés publics, aux règles prévues en matière de
comptabilité publique et au contrôle de la légalité71.

En dehors ce cas grossier de détournement des règles, le Ministre a fait savoir que pour
apprécier les commandes passées par un même service de l’Etat, il fallait prendre en compte
celles qui sont « passées par l’unité administrative à la tête de laquelle se trouve la personne
responsable des marchés ou pour l’ensemble des services d’un même établissement public ».
Rejoignant la position de l’instruction administrative prise pour l’application du code des
marchés publics, le Ministre a estimé que le dépassement du seuil s’appréciait au niveau de la
Direction départementale de l’équipement et non au niveau de ses propres subdivisions, les
arrondissements72.

S’agissant de l’appréciation de la notion de commandes passées par un même service, la


commission centrale des marchés a fait savoir que les universités ont le statut d’établissement
public et que, par suite, c’est à leur niveau que devait se déterminer le seuil des marchés
publics. Ce faisant, la commission centrale des marchés publics a rejeté l’appréciation du seuil
au niveau des subdivisions, des unités administratives (laboratoires, écoles etc…) qui
composent l’université73. En sens contraire, la Direction de la Comptabilité Publique avait
pourtant rappelé par une circulaire n° 31053 du 1er juin 1990 que l’appréciation se faisait par

71
Réponse ministérielle à Questions écrites JO Sénat 13 décembre 1990 page 2657.
72
Réponse ministérielle à Questions écrites JO Sénat 18 octobre 1990 : Moniteur des TP 7 décembre 1990 page
310.
73
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 276 septembre-octobre 1993 page 5. On rappellera que
cette position particulièrement « centralisatrice »a été critiquée par A. FROMENT-MEURICE : « Responsabilité
pécuniaire des comptables publics à raison du paiement irrégulier de commandes hors marchés » RFDA 1994
pages 23 et suivantes.
UFR. Puis, le juge des comptes74 a décidé que le calcul devait être effectué au niveau de
l’université (et non par UFR). Cette position s’explique par le fait que seule l’université
dispose de la personnalité morale. Dans un arrêt75 qui a semblé remettre en cause toutefois la
décision rendue le 10 septembre 1998 par la Chambre Régionale des Comptes d’Aquitaine, la
Cour des comptes a posé le principe selon lequel la détermination du seuil s’appréciait
différemment selon qu’une délégation de signature avait été accordée ou non par le Président
de l’Université aux directeurs des UFR. En cas de délégation, le calcul des seuils devait être
entrepris au niveau de chaque unité76.

Concernant les collectivités locales, le seuil était apprécié au niveau de l’ensemble des
services77, en cumulant même, le cas échéant, les achats du budget principal avec ceux des
budgets annexes.

b – La notion de fournisseur

La notion de fournisseur n’ayant pas fait l’objet d’une réelle définition, certains ont affirmé
que le numéro de SIRET ou la raison sociale permettraient d’identifier les fournisseurs. En
réalité, cette recommandation n’était pas acceptable dans la mesure où il était relativement
facile de tourner la règle des « trois mêmes ». Puisqu’il n’était pas obligatoire, en effet, selon
les instructions de 1972 et 1976, de totaliser l’ensemble des commandes similaires passées
avec plusieurs fournisseurs, il suffisait alors de recourir de manière fictive à la sous-traitance
ou encore de fractionner la commande entre diverses entreprises (le plus souvent des filiales)
d’un même groupe. Ainsi, par exemple, la commission centrale des marchés soutenait au
début des années quatre-vingt que la notion de fournisseur devait s’apprécier sans tenir
compte des liens que celui-ci pouvait avoir avec d’autres sociétés78. Cette position était
surprenante car elle omettait l’existence des groupes de sociétés. Fort heureusement, cette

74
CRC Aquitaine 10 septembre 1998 Université de Bordeaux-II Revue du Trésor 1998 page 742.
75
Cour des comptes 8 octobre 1998 Université de Paris IX Dauphine n° 20862.
76
En réalité, cette décision n’a pas réglé toutes les difficultés car les directeurs d’UFR peuvent avoir la qualité
d’ordonnateur secondaire en application de la loi et non sur le fondement de délégation par le Président de
l’Université.
77
CRC Bretagne 16 janvier 1998 Commune de Lannion Revue du Trésor 1998/3 page 265.
78
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 182 novembre-décembre 1981 page 4.
attitude n’a été ni celle de la Cour de Discipline Budgétaire et financière79 ni celle du juge des
Comptes80.

D’une manière tout aussi inconséquente, l’instruction préconisait de totaliser l’ensemble des
commandes passées avec un même fournisseur au cours d’une même année civile. Ainsi,
lorsqu’une seule entreprise effectuait des prestations de nature diverses, il fallait pour
apprécier le seuil cumuler toutes les dépenses du service avec le même fournisseur81.

2 - Les conditions tenant à la prestation prévue au contrat

Il convient d’étudier la prestation prévue au contrat à travers son objet ( a ) et sa durée ( b ).

a – La nature de la prestation

La difficulté a résidé dans le fait de savoir ce qu’il fallait entendre concrètement par «
prestation de nature identique ou similaire ». Une fois encore, certains avaient émis l’idée
selon laquelle le numéro du SIRET suffisait pour identifier, sans coup férir, les prestations
fournies par une même entreprise. Interrogée par les acteurs de l’achat public, la Commission
centrale des marchés a fait savoir que, pour elle, étaient des prestations relevant de la même
activité professionnelle, et devaient être par suite additionnées pour l’appréciation du seuil,
l’achat de mobilier de bureaux et l’entretien de ce mobilier82, l’achat de fourniture de bureaux
en grosses quantités et l’achat de papiers83 (imprimés par exemple), la réalisation de travaux
de blanchissage et la location de linge84, l’achat de photocopieurs et l’achat de matériel de
PAO85, l’achat de ciment, de gravillon, de sable, de briques, de parpaings et l’achat de
ferraille86, les prestations de travaux de peintures et les prestations d’étanchéité87, les

79
Voir CDBF 11 et 12 décembre 1991 : Marchés publics n° 269 novembre 1992 page 20. Dans cette espèce,
plusieurs entreprises appartenant en réalité à un même groupe s’étaient réparties les commandes portant sur des
prestations de nature identique.
80
Voir CRC Nord-Pas-de-Calais 16 juin 1999 n° 99-0128 Lycée Carnot à Bruay-la-Buissière, RFDA 2000 page
1126. En l’espèce, pour dégager sa responsabilité le comptable public affirmait en être en face de plusieurs
prestataires. Une seule société cachait en réalité deux fournisseurs.
81
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 196 septembre 1983 page 3. Le fondement de cette
doctrine administrative était qu’une entreprise ne peut avoir deux objets distincts. Voir également en ce sens
Réponse ministérielle à Questions écrites n° 5504, JO Assemblée Nationale 9 mai 1994 page 2342.
82
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 202 juin 1984 page 6.
83
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 202 juin 1984 page 6.
84
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 208 mars 1985 page 6.
85
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 244 septembre 1989 page 4.
86
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 249 mai 1990 page 4.
prestations de travaux d’électrification, d’assainissement et celles relatives à des travaux de
voirie88, les prestations de routage d’imprimés et celles d’affranchissement89, l’achat de
panneaux de signalisation, de plaques de rues et l’achat de pots de peinture, de diluant, et de
papiers peints servant aux ateliers de régies communales même si on pouvait légitimement
penser que cette assimilation n’était pas totalement évidente90. De même, elle a estimé que les
prestations de travaux d’aménagements des parkings et les prestations de travaux de voirie
(aménagement des trottoirs et assainissement pour les eaux pluviales) relevaient de la même
activité professionnelle91. En revanche, la Commission a décidé que n’appartenaient pas à la
même activité professionnelle les frais de routage confiés à une entreprise et les frais
d’affranchissement payés directement aux services postaux92.

En dépit de cette énumération, il était encore souvent difficile de dire si les prestations étaient
de nature identique ou similaire. La Commission a alors rappelé93 qu’il était possible de se
référer à la nomenclature des produits, travaux et services annexée à l’instruction sur le
recensement économique et la notification des marchés des collectivités locales et de leurs
établissements publics. On remarquera d’ailleurs que pour la Cour des comptes cette
nomenclature a été le document de référence à destination des comptables publics pour
effectuer le classement des dépenses. Selon la Commission, toutefois, l’appartenance de biens
ou de services à des rubriques différentes de la nomenclature relative au recensement des
marchés publics n’interdisait pas de regarder ces achats ou ces services comme relevant de la
même activité professionnelle. Ainsi, elle a décidé que l’achat de viande surgelée, de poisson
surgelé et d’autres produits alimentaires surgelés devaient être additionnées pour
l’appréciation du seuil94. De la même manière, elle a considéré que les prestations de services
d’un électricien et les prestations de fournitures (vendues par lui sans être posées)
appartenaient à la même activité professionnelle même si ces différents produits n’étaient pas
classés dans les mêmes rubriques de la nomenclature95.

87
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 253 novembre 1990 page 6.
88
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 254 décembre 1990 page 4.
89
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 2/97 page 3.
90
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 277 novembre 1993 page 7.
91
CRC Acquitaine 19 octobre 1995 Sieur C, Comptable de la Commune de Le Barp, Revue du Trésor n° 3-4
mars-avril 1996 page 189.
92
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 2/97 page 3.
93
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 244 septembre 1989 page 4.
94
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 208 mars 1985 page 6.
95
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 208 mars 1985 page 6. Ainsi également, les travaux
d’entretien de la voirie urbaine et des routes de campagne sont des prestations identiques. Pourtant, la
nomenclature classe ces travaux dans deux rubriques différentes. Voir en ce sens Marchés Publics n° 202.
La question de la qualification des prestations des commandes hors marchés n’a pas échappé
aux différents juges de droit public. Mais les approches n’ont pas été strictement identiques
dans la mesure où le juge des comptes s’appuie sur une nomenclature établie à partir du
recensement économique des marchés tandis que le juge administratif est libre de porter
n’importe quelle appréciation sur les prestations qui sont l’objet de la commande96.

Le juge financier, tout d’abord, a vu dans l’achat de pneumatiques neufs et d’occasion deux
prestations distinctes97. De même, il a considéré que la prestation de transport de déchets
urbains et l’arrangement d’un terrain de mâchefers produits par ces déchets n’étaient pas
identiques98. Mais, à l’inverse, il a jugé que des travaux d’adduction d’eau, de modification
des bordures de trottoirs, de réfection de la chaussée étaient des travaux de génie civil et qu’ils
constituaient une prestation unique99.

De son côté, le juge administratif a toujours vérifié si les prestations avaient bien, au-delà de
leurs libellés, un contenu identique. Puis, progressivement, pour éviter le tronçonnage des
marchés hors commandes, il a eu recours à la notion d’opération prévue par l’article 104-I-
10° du code des marchés publics pour les marchés négociés passés après une mise en
concurrence préalable100.

A l’aide de cette notion, le juge administratif s’est forgé un instrument de contrôle du


dépassement des seuils des marchés publics particulièrement efficace ; elle lui a permis en
effet de transcender les notions de fournisseurs, de prestations et d’annualité et de regarder
comme formant une unité des contrats conclus avec plusieurs fournisseurs, portant sur des

96
On constate que les juges administratifs et financiers ne font pas référence au même texte pour apprécier la
notion de « prestation de nature identique ou similaire ». Les juges administratifs recherchent si les prestations
ont une nature commune alors que les comptables publics, dont les comptes sont soumis ensuite à la juridiction
des juges financiers, doivent se borner à classer les mandats de paiements en fonction de leur objet sachant que
cette opération de classification a été effectuée par la nomenclature économique.
97
Cour des comptes 20 octobre 1998 Régie départementale des transports de l’Ain ; « Considérant que, pour
s’assurer que le seuil de passation des marchés est respecté, le comptable peut totaliser séparément les achats
de pneus neufs et les achats de pneus réchapés ».
98
Cour des comptes 30 mars 2000 Syndicat intercommunal pour l’incinération des déchets du pays de Quimper,
Revue du Trésor 2001 page 33.
99
CRC Centre 29 août 2000 Commune de Déols, n° 2000-0528.
100
Cet article offre la possibilité de conclure, après une mise en concurrence, des marchés négociés « pour les
travaux, fournitures ou services dont la valeur n’excède pas, pour le montant total de l’opération, un seuil de
700 000 F TTC ».
objets différents et intervenant même parfois sur plusieurs exercices budgétaires101. La
principale difficulté a alors été pour lui de dégager les éléments permettant de définir
l’existence d’une opération. Celle-ci repose sur un faisceau d’indices ; la concordance de
temps, de lieu, et d’action sont autant de signes de l’existence d’une seule opération102. Sont
par exemple des éléments dont le juge tient compte la parution des formalités de publicités «
le même jour dans les mêmes publications »103 ou encore la durée totale d’exécution104.

Pour le juge administratif, a constitué une opération unique la fourniture de béton par une
entreprise pour des travaux différents (huit marchés avaient été passés) mais commandée le
même jour par la personne publique105. l’achat de véhicules auprès d’entreprises différentes106,
la réalisation de trottoirs, à quatre endroits différents d’un quartier par quatre marchés
distincts entre les mêmes parties107. De même, le Conseil d’Etat108 a jugé qu’« alors même
que des deux marchés portaient sur des produits lactés susceptibles d’être distribués à
différentes catégories d’élèves et qu’ils faisaient l’objet d’une imputation sur des chapitres
différents du budget de la caisse des écoles, il s’agissait sous l’apparence de marchés
distincts de la réalisation d’une même opération ».

101
On parle à son propos d’unité fonctionnelle.
102
Pour la commission centrale des marchés, les critères de fonctionnalité et de programmation financière
permettent de repérer l’existence d’une opération. Il faut tenir compte de la nature des prestations réalisées, de la
similitude de leur objet, des modalités de leur réalisation, de la simultanéité des décisions d’achats et de l’unité
de l’imputation budgétaire. Commission centrale des marchés : marchés publics n° 216 mars 1986 page 7 et
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 280 mars 1994 page 5.
103
TA Orléans 28 octobre 1999 Préfet Eure et Loir BID DGCCRF n° 3/2000 page 14.
104
CAA Paris 11 octobre 1994 Editor Tennog Droit Adm 1994 n° 37.
105
TA Fort-de-France 3 décembre 1991 Préfet de Région de la Martinique c/ Commune Schoelcher Marchés
publics n° 266 juin-juillet 1992 page 15.
106
TA Rennes 20 mars 1991 Préfet du Morbihan c/ Ville de Vannes Marchés Publics 1992 n° 263 page 16. Dans
cette espèce, six marchés portant sur le renouvellement du parc automobile avaient été conclus avec trois
entreprises différentes.
107
CE 26 septembre 1994 Préfet d’Eure et Loir RD Immob 1995 page 96 observations F. LLORENS et Ph.
TERNEYRE. Au cas particulier, les trottoirs ont tous été réalisés à la même date et selon des techniques
identiques. Constitue une opération la passation de cinq marchés, dont trois passés avec la même entreprise,
portant sur le déplacement des réseaux EDF et France Télécom, du changement de la canalisation d’eau potable,
de la mise en conformité des réseaux d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées, d’installation d’un
nouvel éclairage public et d’aménagement de la voirie. Voir TA Rouen 7 mai 1996 Préfet de l’Eure Droit Adm
1996 commentaire n° 418.
108
CE 29 juillet 1994 Caisse des écoles d’Epinay-sur-Seine. En outre, le Conseil d’Etat a jugé que la conclusion
de deux marchés entre les mêmes parties et dont l’objet est identique, à savoir la réalisation de travaux de voirie
portant sur une même propriété, traduit l’existence d’une même opération. Voir CE 26 juillet 1991 Section
Commune de Sainte-Marie de la Réunion, Req n° 117717 RFDA 1991 page 966 conclusion H. LEGAL. De
même, les marchés négociés qui sont passés avec un même fournisseur pour des fournitures courantes identiques
sont irréguliers s’ils dépassent globalement, c’est à dire sur la durée totale de l’opération d’équipement, le seuil
de 700 000 F TTC. Au cas particulier, il s’agissait d’équiper 10 lycées en mobilier et fournitures pour un
montant total de 1 875 399,72 F. Voir CE 14 janvier 1998 Conseil régional de la Région Centre, Req n° 155409,
JCP E, 1998, n° 6, page 201.
Au fil des années, la notion d’opération est ainsi devenue un moyen de contrôle efficace des
marchés négociés pris sur le fondement de l’article 104 alinéa 10 du code des marchés
publics109. Toutefois, son emploi n’était pas exempte d’un certain empirisme110 ; ainsi il a été
jugé que ne constituait pas une opération, la passation d’un marché unique lequel était
composé de prestations distinctes111, la démolition de plusieurs lycées à des dates et selon des
techniques différentes112, ou encore, et assez curieusement, la division d’un marché en
plusieurs lots dans le but d’éviter les formalités de publicité au BOAMP113.

Devant les effets positifs obtenus par l’emploi de cette notion, le juge administratif a décidé
d’en faire application aux contrats conclus sur le fondement des articles 123 et 321 du code
des marchés publics114. Ainsi, pour la première fois, dans une affaire où la commune de Saint-
Ave avait confié à une société la réalisation de travaux de terrassement et de voirie d’un foyer
pour personnes âgées pour un montant s’élevant à 509 135 F HT, le juge administratif a
estimé qu’il avait eu méconnaissance des articles 250 et 321 du code des marchés publics.
Pour le juge, des travaux réalisés par ailleurs par la même entreprise mais relatifs cette fois à
l’aménagement d’une placette de la commune ne formait pas avec les précédents travaux une
seule et même une opération115. Par la suite, le juge administratif a renouvelé son appel à la

109 CE 8 février 1999 Syndicat intercommunal des eaux de la Gatine, Requête n° 156333, Conclusions
(essentielles) de Catherine Bergeal « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le conseil syndical du
syndicat intercommunal des eaux de la Gâtine a passé deux marchés négociés relatifs, d’une part à des travaux
d’étanchéité des cuves des châteaux d’eau « Des Granges » sur la commune Le Busseau et de « La Cotinière »
sur la commune de Secondigny pour un montant de 696 015, 96 F TTC ; que, dans les circonstances de l’espèce,
ces travaux approuvés par deux délibérations du même jour à des dates rapprochées qui devaient être effectués
sur les mêmes ouvrages et qui ont pour objet d’assurer la réfection des châteaux d’eau et leur fonctionnement
sont relatifs à une même opération au sens de l’article 104 alinéa 10 du code des marchés publics nonobstant la
circonstance que ces marchés avaient fait l’objet de deux avis d’appel à la concurrence ; que le montant global
de ces travaux artificiellement dissociés s’élevait ainsi à 1 395 874, 56 F TTC excédant le seuil prévu par les
dispositions réglementaires précitées ; que, dès lors, le syndicat intercommunal ne pouvait recourir à la
procédure des marchés négociés … ». Pour une décision récente, voir TA Cergy Pontoise 27 mars 2001 Préfet
de Seine-Saint-Denis n° 9915221/3.
110
On citera pour appréhender les difficultés l’exemple donné le commissaire du gouvernement Catherine
Bergeal sur l’arrêt CE 8 février 1999 Syndicat intercommunal des eaux de la Gatine, Requête n° 156333 ; « Soit
une collectivité locale décidant de refaire l’étanchéité et les peintures extérieures de ses châteaux d’eau. Doit-on
considérer qu’il s’agit d’une seule opération pour l’ensemble, de deux opérations relatives chacune à un
château d’eau, de deux opérations dont l’une est de la peinture portant sur deux châteaux d’eau et l’autre
d’étanchéité portant sur deux châteaux d’eau, ou de quatre opérations, à distinguer par château d’eau et par
nature d’opération ? ».
111
CE 12 décembre 1994 SARL Viale Vendôme RD Immob 1995 page 317.
112
CE 13 février 1987 Bonhenry Req n° 47971 RDP 1988 page 1422.
113
TA Grenoble 12 janvier 2001 Préfet de la Haute-Savoie c/ Commune de Thorens-Glières. Cette formalité
s’impose dès que le marché excède 900 000 F.
114
Mais les applications sont restées plutôt rares. Selon les auteurs du LAMY Droit public des affaires (sous la
direction de Lucien RAPP et Philippe TERNEYRE) 2001 n° 2117. « Il semble qu’une seule décision ait examiné
la validité d’une commande au regard de la notion d’opération ».
115
TA Rennes 16 décembre 1992 Préfet du Morbihan c/ Commune de Saint-Ave, Revue des Marchés Publics
1993 n° 275 page 12 conclusions Zimmermann.
notion d’opération dans un cas où il s’agissait de savoir si l’on pouvait cumuler les règles des
marchés négociés et celles des commandes sans factures116.

Prenant acte de cette évolution jurisprudentielle, l’administration a eu l’occasion de rappeler


qu’une collectivité publique ne pouvait procéder à un achat sur facture avec une entreprise si
une autre entreprise était déjà titulaire d’un marché pour la même opération117. Puis, la
Direction des affaires juridiques118 a fait savoir que « les notions d’opérations et de
prestations homogènes peuvent jouer alternativement pour l’appréciation des seuils des
articles 123 et 321. Si les achats ou prestations relevant d’une même opération sont d’un
montant supérieur à 300 000 F, il convient de passer un marché public. S’ils ne relèvent pas
d’une même opération, il faut distinguer selon qu’ils portent sur des prestations homogènes.
Dans l’affirmative, il conviendra de totaliser tous les achats ou prestations correspondant à
des commandes engagées au cours de l’année pour les comparer au seuil de déclenchement
des procédures formalisées ». Récemment, elle a rappelé que l’inscription d’une opération sur
deux budgets successifs ne permettait pas de fractionner un marché119.

Il est singulier d’observer que la notion d’opération est très proche en réalité de celle de
groupe de contrat, usitée en droit privé. Celle-ci peut être définie comme « un ensemble de
contrats distincts qui se rattachent les uns aux autres, soit parce qu’ils portent, en tout ou en
partie, sur un même bien, soit parce qu’ils se contribuent, ou participent, à une même
opération »120. La définition donnée par la doctrine civiliste montre bien l’interdépendance
que différents contrats peuvent entretenir. Recensant les avantages que procure cette notion,

116
CAA Lyon 23 juin 1994 Société Merx, Société Bernard Krief Séléction et M. Bernard Krief, Req n° 93-
00608, Revue de Droit Immobilier 1996 page 63, obs F. LLORENS et Ph. TERNEYRE. « Les quatre
prestations commandées par la commune avaient, bien que désignées sous des libellés différents, en réalité, le
même objet ; il n’est pas contesté que les trois entreprises contractantes de la commune appartenaient au même
groupe de sociétés ; dans ces conditions, sous l’apparence de quatre contrats conclus avec trois entreprises
juridiquement distinctes, il s’agissait de la réalisation d’une même opération dont le montant global s’élevait à
340 000 F HT, dépassant ainsi le seuil prévu par l’article 321 du code des marchés publics ». Au cas particulier,
le marché consistait en l’octroi de prestations (dont l’objet était identique) à trois entreprises d’un même groupe.
Il s’agissait d’une étude sur la communication et la promotion en matière de tourisme, d’une étude économique
et sociale sur l’emploi et d’une mission de conseil en relations avec la presse nationale et internationale pour la
promotion du tourisme. En l’espèce, la Cour a jugé que les commandes passées par trois entreprises devaient être
additionnées pour l’appréciation du seuil de 300 000 FTTC. Les prestations portaient des libellés différents mais
relevaient en réalité d’une même opération.
117
JO Sénat Q 16 septembre 1999 page 3073 Gazette des communes 25 octobre 1999 page 72.
118
Voir en ce sens DAJ, Courrier, Revue des marchés publics 2000 page 7.
119
Voir DAJ : marchés publics n° 1/2001 page 7.
120
Cette définition est celle de Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT, Eric SAVAUX : « Les obligations. Tome 1
: L’acte juridique » Armand Colin, 2000, 9ème édition, page 335.
les mêmes auteurs rappellent qu’elle permet de traiter globalement des situations présentant
une profonde parenté121 et de faire prévaloir, avant toutes choses, la réalité économique122.

b – Le cadre temporel de la prestation

Sur l’année de rattachement d’une commande hors marché, il fallait regarder l’ensemble des
dépenses réglées au cours de l’année civile123. Puis quelques années plus tard, le ministre124 a
estimé que pour l’appréciation du seuil de 300 000 F TTC, il fallait totaliser les achats
homogènes qui correspondent aux commandes engagées au cours de l’année. S’agissant des
marchés d’assurance, le seuil de 300 000 F TTC s’appréciait en tenant compte de la valeur
estimée du contrat sur sa durée totale si elle est inférieure ou égale à quatre années125. Pour les
contrats de location et les contrats de crédit-bail, le calcul du dépassement du seuil s’effectuait
en tenant compte de la totalité des loyers ou des redevances sur la durée du contrat126.

Comme on le constate, les pouvoirs publics, et notamment le juge administratif qui avait
développé une jurisprudence constructive, ont cherché tout au long de cette période à pallier
les imperfections de la théorie des « trois mêmes » laquelle permettait un peu trop aisément le
fractionnement ou le saucissonnage des commandes127. Mais, en agissant au coup par coup,
ils lui ont également fait perdre sa clarté.

121
Ainsi, ils parlent de « l’intérêt d’une homogénéité des situations juridiques ». Jacques FLOUR, Jean-Luc
AUBERT, Eric SAVAUX : « Les obligations. Tome 1 : L’acte juridique » Armand Colin, 2000, 9ème édition,
page 335.
122
Selon Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT, Eric SAVAUX cette théorie, qui bouscule le principe de l’effet
relatif des contrats prévu par l’article 1165 du code civil, permet de garantir « une communauté de fin
économique ».Voir Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT, Eric SAVAUX : « Les obligations. Tome 1 : L’acte
juridique » Armand Colin, 2000, 9ème édition, page 336 ; Plus loin, ils rappellent que cette théorie sert à mettre «
en lumière certaines solidarités de la vie économique ». Voir Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT, Eric
SAVAUX : « Les obligations. Tome 1 : L’acte juridique » Armand Colin, 2000, 9ème édition, page 337 ; Pour
Mme BRECHON-MOULENES, « la notion d’opération appelle celle de groupe : groupe de contrats ou
ensemble contractuel … ». Voir Christine BRECHON-MOULENES : « Synthèse » AJDA 1994 page 124.
123
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 212 août 1985 page 3.
124
Réponses ministérielles à Questions écrites JO Sénat 18 juillet 1996, Revue du Trésor n° 11 novembre 1996
page 692 ; à lire « Le rythme de l’engagement comptable est sans incidence sur le choix de la procédure du
marché. Si les achats ne relèvent pas d’une même opération, il y a lieu de distinguer selon qu’ils portent ou non
sur des prestations homogènes. Dans l’affirmative, il conviendra de totaliser tous les achats correspondant à des
commandes engagées au cours de l’année, pour les comparer au seuil de déclenchement des procédures
formalisées. Le fait qu’elles ne soient payées qu’au cours de l’année suivante ne conduira naturellement pas à
les prendre en compte pour l’appréciation des seuils, une deuxième fois, lors de leur paiement ».
125
Circulaire du ministre de l’Economie 27 juillet 1998 relative à la passation des marchés publics de services
d’assurance, Gazette des communes 26 octobre 1998 page 67.
126
Voir en ce sens : Réponse ministérielle à Questions écrites de Dominique Braye JO Sénat 18 juillet 1996.
127
Cette attitude se retrouve également dans la volonté du juge administratif de procéder à la recherche du
véritable gestionnaire du service public. Voir CE 11 mai 1987 Divier RFDA 1988 page 780 conclusions O.
SCHRAMECK. On peut rapprocher de l’arrêt Divier qui a consacré la notion de transparence de la personne
SECTION II – DES CONSEQUENCES DANGEREUSES

Du fait de son inadaptation, la méthode de computation du seuil prévue par les articles 123 et
321 du code des marchés publics a été le vecteur de risques importants pour les deux
principaux acteurs de la commande publique que sont le comptable et l’acheteur publics. En
cas de dépassement du seuil, en effet, ces deux protagonistes sont menacés d’être sanctionnés
selon des modalités différentes ; il faut dès lors envisager la situation du comptable ( A ) puis
celle de l’acheteur ( B ).

A – POUR LE COMPTABLE PUBLIC

Avant d’examiner de quelle manière le contrôle du dépassement du seuil des marchés publics
a profondément évolué sous l’influence de la Cour des Comptes et des Chambres régionales
des comptes ( 2 ), il convient liminairement de rappeler le contexte dans lequel les comptes du
comptable public sont contrôlés par les juges financiers ( 1 ).

1 – Le contrôle des comptes du comptable public :

Le contrôle des comptes du comptable public est effectué par la reddition des écritures ( a )
qui peut être alors l’occasion d’une mise en débet ( b ).

a - L’obligation de reddition des comptes

L’opération de jugement des comptes des comptables publics s’appelle la reddition des
comptes. Tout comptable doit ainsi rendre ses comptes au moins une fois dans l’année afin
que le juge des comptes en assure le contrôle. La Cour des comptes - en dernier ressort - pour
les comptables principaux et les Chambres régionales des comptes - en premier ressort -
s’agissant des comptables des collectivités territoriales et de leurs établissements publics
procèdent aux opérations d’apurement.

morale de droit privé, une affaire dans laquelle il a estimé que les contrats passés par des personnes privées sont
soumis au code des marchés publics dès lors qu’elles ne sont en réalité que le bras agissant d’une collectivité
publique. Dans cette hypothèse également, la personne privée a été reconnue comme étant fictive, transparente.
CAA Nancy 15 avril 1993 Département de la Marne, Droit administratif 1993 n° 348.
Le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique prévoit dans ses articles 11, 12 B et 13 que le comptable exerce un contrôle de la
validité des dépenses128. Outre ces fonctions de conseil, le comptable doit
traditionnellement129 s’assurer au moment du paiement de l’habilitation de l’ordonnateur, de
la disponibilité des crédits, de l’exacte imputation budgétaire130, de la régularité de l’acte
d’engagement, de la régularité externe des justifications de la dépense, de l’exactitude des
calculs de liquidation, de l’absence de prescription ou de déchéance ainsi que de l’absence de
saisie-arrêt ou de compensation131.

En matière de marchés publics, plus précisément, il doit contrôler que les pièces justificatives
que lui présente l’ordonnateur sont bien celles qui sont prévues par la nomenclature132. La
liste des pièces justificatives est fixée par le décret n° 83-16 du 13 janvier 1983 lequel a été
modifié le 21 janvier 1988 puis le 2 octobre 1992133. Très court, le décret pièces-justificatives
ne comprend que 5 articles seulement ; mais il renvoie à une annexe qui contient un chapitre
(portant le numéro 42) consacré aux paiements des marchés publics.

Le comptable qui constate à l’occasion de son contrôle une irrégularité doit suspendre, en
application de l’article 37 du décret du 29 décembre 1962, tout paiement et en informer
l’ordonnateur sur le fondement de l’article 15 de la loi du 2 mars 1982. Aux termes de cet

128
L’article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant Règlement général sur la comptabilité
publique (RGCP) dispose que « les comptables sont tenus d’exercer : en matière de dépenses le contrôle : de la
qualité de l’ordonnateur ou de son délégué ; de la disposition des crédits ; de l’exacte imputation des dépenses
aux chapitres qu’elles concernent selon la nature ou leur objet ; de la validité de la créance dans les conditions
prévues à l’article 13 ci-après ». L’article 13 prévoit « en ce qui concerne la validité de la créance, le contrôle
porte sur : la justification du service fait et de l’exactitude des calculs de la liquidation ; l’intervention préalable
des contrôles réglementaires et la production des justifications ».
129
Voir Cour des Comptes 13 octobre 1966 Régie des Rhues à Condat-en-Féniers, Recueil de la Cour des
Comptes page 103.
130
Le paiement de prestations sur des crédits non prévus à cet effet est une violation du principe de spécialité des
crédits. En l’espèce, le règlement avait pour but de dissimuler le dépassement du seuil légal des marchés. Cour
des Comptes (Référé) 9 août 1990 Ministre de la Recherche, Arrêts, jugements des juridictions financières,
Berger Levrault, 1990 page 233.
131
Sur cette question voir Jacques MAGNET : « Les comptables publics » LGDJ-Systèmes 1995 pages 58 et
suivantes. Le comptable public doit également vérifier que la transmission du contrat au représentant de l’Etat
aux fins de contrôle de sa légalité a bien été effectuée. Voir Chambre régionale des comptes de Corse 24
septembre 1992 Syndicat intercommunal d’enlèvement des ordures ménagères de Lavatoggio, Recueil Cour des
Comptes Page 85.
132
Voir Cour des Comptes 20 septembre 1973 Cazenave et Mazerolles comptables du service départemental de
protection contre l’incendie de Meurthe-et-Moselle, Revue administrative 1974 n° 160. Selon le Conseiller
MAGNET « Le principe est donc assez simple toute la nomenclature, rien que la nomenclature ! » Citation
extraite de Eric SAGALOVITSCH : « Le comptable public et l’exécution financière des marchés publics locaux
» Bulletin juridique des contrats publics n° 14 page 3.
133
L’article 47 du règlement général sur la comptabilité publique fixe pour l’Etat les pièces justificatives qui
doivent être produites au comptable.
article, il est en effet « tenu de motiver la suspension du paiement »134. Par suite, il demandera
la production d’un marché de régularisation.

b - La sanction : la mise en débet

Seuls fonctionnaires légalement autorisés à manier des fonds publics, les comptables publics
engagent leur responsabilité pécuniaire en cas de mauvaise exécution des règles relatives aux
opérations financières. Selon, en effet, l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23
février 1963 « la responsabilité du comptable public se trouve engagée dès lors qu’un déficit
ou un manquant en deniers ou en valeurs a été constatée, qu’une recette n’a pas été
recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée … »135. Appelée débet136 (ou mise en
débet), cette responsabilité, dont la nature est spéciale au sein du droit public, conduira à une
condamnation du comptable public au paiement sur son patrimoine privé des sommes
indûment payées en cas de dépenses ou de celles qu’il n’a pas perçues en cas de recettes. Le
comptable doit alors rembourser à la collectivité publique sur ses propres deniers les fonds
manquants.

S’agissant de la mise de jeu de la responsabilité du comptable, deux observations doivent


cependant être faites : d’une part, elle ne nécessite pas la moindre appréciation sur son
comportement car ce sont, comme il est coutume de le dire, les comptes qui sont jugés et non
les comptables137 ; d’autre part, la responsabilité du comptable est une responsabilité pour
faute présumée. Toutefois, cette présomption n’est pas irréfragable et supporte la charge
contraire.

Pour éviter sa mise en débet, le comptable public ne peut pas produire un marché de
régularisation postérieurement à un paiement irrégulier138. Car la régularité d’un paiement
s’apprécie à la date à laquelle il a été effectué et non rétroactivement.

134
Voir l’article L 1617-3 du code général des collectivités territoriales.
135
La loi de 1963 prévoit que le comptable engage sa responsabilité « dès lors qu’une recette n’a pas été
recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par la faute du comptable, l’organisme public
intéressé a dû indemniser un autre organisme public ou un tiers ».
136
Le débet est ce que doit le débiteur. Outre la mise en débet d’origine juridictionnelle, la responsabilité des
comptables peut être également mise en oeuvre par la voie administrative ; dans ce cas, il revient au ministre des
finances de prendre un arrêté de débet (ou mise en débet administrative).
137
Lire l’article L 111-1 du code des juridictions financières.
138
CRC de La Réunion 8 décembre 1992 Comptable de l’Hôpital Saint-Louis Revue du Trésor mai 1993.
En revanche, pour échapper au paiement des sommes payées irrégulièrement139, le comptable
pourra demander et obtenir au Ministre des Finances la remise gracieuse du débet. De sorte
que la responsabilité des comptables publics est le plus souvent ineffective140. Reste que la
mise en débet d’un comptable est toujours regardée comme une bévue dans la carrière d’un
fonctionnaire ; et que même si elle ne donne que très rarement lieu à des mesures
disciplinaires, elle pourra empêcher sinon retarder un déroulement de carrière satisfaisant141.
Pour cette raison, tout comptable public cherchera à l’éviter. En cas du moindre doute, la
décision de suspension du paiement142 d’une dépense permet au comptable d’éviter une mise
en débet. Inversement, et cela complique singulièrement la tâche des comptables publics, le
défaut ou le retard de paiement du créancier de la personne publique par le comptable permet
d’engager la responsabilité de cette dernière et donne droit par conséquent au versement d’une
indemnité143. En cas de condamnation de la personne publique au paiement d’une indemnité,
celle-ci peut demander au comptable public de lui rembourser cette somme sur le fondement
de l’action récursoire144. Si payer peut être une chose dangereuse pour le comptable public,
l’abstention ou l’atermoiement n’est pas recommandé non plus.

2 – Le contrôle du dépassement du seuil par le comptable public :

La responsabilité financière des comptables publics à raison du dépassement du seuil des


marchés publics date de la jurisprudence Soldevilla ( a ). En raison de sa juvénilité, son
application a toutefois nécessité quelques adaptations ( b ).

139
La demande de décharge de responsabilité pour cas de force majeure est également susceptible d’exonérer le
comptable de sa responsabilité.
140
Lorsque le ministre refuse totalement ou partiellement d’accorder par faveur la remise du débet au comptable,
le paiement est principalement effectué par une association dont sont membres tous les comptables publics :
l’association française de cautionnement mutuel.
141
Comme par exemple l’accès à un poste comptable d’un indice plus élevé. On pense au poste convoité de
receveur particulier des finances.
142
Le comptable qui suspend le paiement peut être contraint d’y procéder en cas de réquisition de l’ordonnateur.
L’article 8 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 prévoit que « lorsque les comptables publics ont,
conformément aux dispositions de l’article 37 ci-après, suspendu le paiement de dépenses, les ordonnateurs
peuvent requérir les comptables de payer, sous réserve des dispositions propres à chaque catégorie
d’organismes publics ». Du point de vue du comptable, l’ordre de réquisition (pourvu qu’il soit valable) entraîne
l’exonération de la responsabilité personnelle pécuniaire. La réquisition de l’ordonnateur permet alors un
transfert de responsabilité (voir l’article L 1617-3 alinéa du code général des collectivités territoriales). La loi de
finances n° 63-156 du 23 février 1963 a précisé dans son article 60-I que « les comptables publics ne sont pas
personnellement et pécuniairement responsables des opérations qu’ils ont effectuées sur réquisition régulière
des ordonnateurs ».
143
Voir Cour des Comptes 12 septembre 1984 Robiliard, agent comptable du collège de Paul-Langevin à
Rouvroy, Recueil de la Cour des Comptes page 122 ; ou encore Conseil d’Etat 30 octobre 1959 Ministre des
Finances c/ Murat, Recueil Lebon page 566.
a – L’avènement de la jurisprudence Soldevilla

En 1993, pour la première fois145, la Cour des comptes a constitué en débet un comptable qui
avait payé une commande hors marché excédant le seuil de passation des marchés. Jusqu’à
cette date, la Cour se bornait à enjoindre pour l’avenir « de veiller à l’application des
dispositions prévues par les articles 123 et 321 du Code des marchés publics ». En se fondant
sur la rubrique 40.3 du chapitre 4 intitulé « travaux, fournitures, services » de la liste des
pièces justificatives annexées au décret du 13 janvier 1983, la Cour a estimé que la disposition
selon laquelle il y a lieu « de prendre en considération les commandes de nature identique ou
similaire dans l’année civile à un même fournisseur » était opposable aux comptables. Il
s’ensuit que le comptable public doit procéder à la totalisation des mandats transmis par
l’ordonnateur et demander la production d’un marché en cas de dépassement du seuil. Dans
cette espèce, la Cour a jugé qu’en cas de franchissement du seuil, le comptable public engage
sa responsabilité pour les mandats qui excèdent le seuil et non pour la totalité des paiements
(contrairement à ce qu’avait estimé la Chambre régionale des comptes de Corse)146. Ainsi, le
débet est constitué dès le paiement du premier mandat qui permet le dépassement du seuil147.
Durant toute une décennie, les juridictions financières ont largement fait application de cette
jurisprudence Soldevilla148 rendant parfois la mission des comptables très ardue. Pour illustrer

144
Voir Conseil d’Etat Ass 28 juillet 1951 Laruelle et Delville, Lebon page 464 ; Conseil d’Etat Sect 22 mars
1957 Jeannier, Sirey 1958 page32 conclusions Kahn ; ainsi que l’article 60-IV de la loi du 23 février 1963.
145
Cour des Comptes 1er juillet 1993, Mme Soldevilla, comptable public du syndicat intercommunal
d’électrification de la Corse et département de Corse-du-Sud : Rec. C. Comptes 1993, page 79 ; Revue du
Trésor n° 12, déc, 1993 page 791. Voir également GAJF, 4ème édition n° 17 page 161 ou Rev Adm n° 277, note
A. FROMENT-MEURICE.
146
Concernant le moment du franchissement du seuil, la Chambre régionale des comptes de Corse a jugé que le
franchissement du seuil doit être apprécié dès que le cumul des mandats excède le seuil. Pour elle, la mise en
débet couvre l’ensemble des mandats payés par le comptable, y compris ceux qui sont inférieurs au seuil
(notamment le premier mandat payé par le comptable). Pour justifier sa position, la Chambre s’appuie sur le
caractère prévisible des dépenses. Selon elle, il appartient au comptable d’apprécier le caractère prévisible du
dépassement. La position de la Chambre a pu être influencé par l’instruction du 10 novembre 1976 qui demande
aux ordonnateurs (et non aux comptables publics) de prendre en compte le caractère prévisible du dépassement.
La Cour des comptes n’a pas retenu cette analyse et a rejeté le critère de la prévisibilité. Pour la Haute juridiction
financière, il ne faut pas faire application de l’instruction du 10 novembre 1976 (qui s’adresse aux ordonnateurs
et non aux comptables) mais de la nomenclature du décret du 13 janvier 1983 laquelle ne comprend que trois
critères (et non le caractère prévisible). Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que « la régularité du
paiement doit s’apprécier au jour de son exécution ».
147
Certaines questions n’ont cependant pas été résolues par la jurisprudence Soldevilla. En effet, que doit faire le
comptable lorsque le dépassement du seuil survient par la mise en paiement le même jour de plusieurs mandats
qui pris isolément sont inférieurs au seuil. Le comptable doit-il rejeter l’ensemble des mandats ou seulement
celui ou ceux qui permettent le dépassement du seuil en se fondant sur leur numérotation ?
148
Pour des exemples, voir Cour des comptes 10 novembre 1999 Chambre d’agriculture du Finistère, n° 24564.
CRC Nord-Pas-de-Calais 12 mai 1999 Commune de Gravelines, n° 99-0117. CRC Rhône-Alpes 27 janvier 1999
Syndicat intercommunal des eaux de Basse Ardèche, n° 99-009. CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur 29 mars
cela, on évoquera une affaire149 dans laquelle le dépassement du seuil a été rendu possible en
imputant les dépenses sur deux chapitres distincts. En procédant de la sorte, il était
particulièrement difficile au comptable de faire le rapprochement entre les deux dépenses dès
lors qu’elles étaient ventilées sur plusieurs comptes. En dépit de ces circonstances, la Cour
des Comptes a décidé que la responsabilité était engagée pour le montant total de la facture
qui avait permis le dépassement du seuil et non pour les sommes payées excédant 300 000 F
TTC150.

b – Les adaptations de la jurisprudence Soldevilla

La jurisprudence Soldevilla a fait l’objet de quelques ajustements. En l’absence d’une


nomenclature semblable à celle existante pour les collectivités locales, le juge financier n’a
pas pu transposer la jurisprudence Soldevilla aux comptables nationaux. Il lui a donc fallu
recourir à l’instruction administrative d’application des marchés publics de 1972 qui diffère
de la nomenclature pièces-justificatives en ce qu’elle fait référence à la notion de prévisibilité
des dépenses151.

La Cour des Comptes152 a précisé ensuite de quelle manière la condition tenant à l’annualité
devait se comprendre. Selon la Cour, le seuil de 300 000 F TTC doit être apprécié en
additionnant, non pas les factures payées au cours de l’exercice budgétaire, mais les
commandes passées au cours de l’année civile conformément aux règles suivies en matière de
comptabilité d’engagement153. Un problème subsistait cependant. A partir de quel moment
devait-on considérer qu’une commande est passée ? Les juridictions financières154 ont fait

1994 Sieur B, Comptable du département des Alpes-Maritimes Revue du Trésor janvier 1995 page 43. CRC
Aquitaine 2 septembre 1998 Commune de Tarnos, Revue du Trésor 1998 page 745.
149
Cour des comptes 25 novembre 1999 Payeur général du Trésor, n° 24767.
150
Cette solution est rigoureuse car elle met parfois à la charge du comptable bien plus que le montant des
sommes qui ont dépassé le seuil. En l’espèce, le mandat payé à tort s’élevait à 291 756 F ; le montant total du
marché était de 548 406,40 F.
151
Cour des Comptes 3 mars et 17 mars 1997 Mmes Guillemet et Perrier, comptables de l’Université de Paris
IX-Dauphine, Recueil page 21.
152
Cour des Comptes 6 mai 1999 Syndicat intercommunal pour l’informatique (SIPI) à Aubagne; n°22839 :
Revue du Trésor n° 12n, déc, page 786.
153
Comme l’on fait observer les Professeurs Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE cet arrêt va
en pratique poser un certain nombre de problèmes aux comptables publics. Comment en effet vont-ils savoir à
quelle date les commandes ont été passées. Voir Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE Revue
du Trésor n° 12 décembre 1999 page 786.
154
Cour des comptes 27 janvier 2000 Commune de Saint-Victoret, n° 25031, Revue du Trésor 2001 page 27.
savoir que c’est la date du bon de commande155 qui permet de dire qu’une commande a été
passée et non la date de l’établissement du devis (qui lui est antérieure), la date de facturation,
la date d’émission du mandat ou la date de paiement (lesquelles lui sont postérieures)156.

Au terme de cet examen, on constate donc que l’exercice de la mission confiée aux
comptables publics a été rendue de plus en plus difficile en raison des positions
jurisprudentielles adoptées par le juge financier. Certains d’entre eux ont même cherché,
comme le font les acheteurs publics, dans la doctrine administrative quelque repère, mais le
juge des comptes leur a signifié que les interprétations ministérielles ne leur étaient pas
opposables et qu’ils devaient ne pas en tenir compte lorsqu’elles n’étaient pas conformes aux
vérifications dont ils ont la charge d’effectuer157.

Cette situation ne pouvait manquer de rejaillir par contrecoup sur les acheteurs publics. «
Victime expiatoire », comme l’écrit Simon FROMONT158, le comptable a alors
corrélativement exercé une contrainte plus forte sur l’acheteur. De sorte, qu’il est permis de
s’interroger sur la pertinence de l’idée selon laquelle l’application de la législation par les
ordonnateurs sur les marchés publics serait caractérisée par la souplesse tandis que les règles
budgétaires applicables par les comptables sont marquées du sceau de la rigidité159.

En tout cas, même si les comptables publics ont empêché, par leur attitude vigilante digne des
pâtres, à de nombreux acheteurs publics de s’écarter de la règle, ils n’ont pû éviter à tous de

155
Cette solution traduit le principe de droit budgétaire selon lequel l’autorisation de dépenser ne vaut pas
obligation de dépenser (et donc de contracter). Voir CE 13 novembre 1953 Chambre syndicale des industries et
du commerce des armes, munitions et articles de chasse, Recueil page 487.
156
Voir également CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur 5 septembre 2000 Commune de Carcès, n° 2000-0741. La
solution rendue par la CRC Provence-Alpes-Côte d’Azur dans l’arrêt Commune de Carcès a été confirmée par la
CRC Nord-Pas-de-Calais le 21 juin 2000 (Commune de Brebières, n° 2000-0188) et la CRC Rhône-Alpes le 6
octobre 2000 (Commune de Viviers, n° 2000-253). Cet arrêt précise surtout que l’établissement du devis ne doit
pas être pris en compte pour le calcul du seuil.
157
Cour des Comptes 4 mai 1995 Barbette, receveur municipal de la commune de Canteleu, Recueil page 37
avec les conclusions, Revue du Trésor 1995 page 545.
158
Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier » Thèse Lille 2001
page 387. C’est très justement qu’il affirme (page 458) que « l’ordonnateur voit immanquablement sa liberté de
manœuvre se réduire » ou (page 570) que par sa jurisprudence « la Cour des comptes influe obligatoirement sur
l’application, par l’ordonnateur, des formalités prescrites par le Code des marchés publics ».
159
Telle est la thèse de D THOMAS : « Les relations entre le droit des marchés publics et le droit budgétaire et
comptable » RDP 1997 pages 1101 et suivantes. On peut au contraire penser que le droit relatif aux marchés
publics (c’est à dire aussi bien le Code des marchés publics que les règles de la comptabilité publique) s’applique
tout autant aux ordonnateurs qu’aux comptables. Autrement dit, il n’y aurait pas d’un côté un droit applicable
aux décideurs publics - le code des marchés publics - et d’un autre un droit - les règles comptables et budgétaires
- qui concerne les seuls comptables publics.
connaître les affres de l’irrespect des dispositions des articles 123 et 321 du code des marchés
publics.

B – POUR L’ACHETEUR PUBLIC

Les ordonnateurs160 sont des décideurs publics. Si l’on exclut les marchés publics nationaux
qui sont passés par les ministres et les préfets (ou autres chefs de services déconcentrés), il y a
en France 37 000 communes, presque autant de centres communaux d’action sociale et de
caisses des écoles auxquels il faut ajouter 19 000 établissements publics de coopération
intercommunale, 100 départements, 26 régions et environ un millier d’établissements publics
départementaux et régionaux. Au total, on dénombre au plan local pas moins de 94 000
ordonnateurs. Il faudrait y inclure presque 8000 collèges et lycées ainsi que les quelques 300
offices publics d’habitation à loyer modéré et offices publics d’aménagement concerté. Les
conséquences du dépassement du seuil des marchés publics sont désastreuses pour tous ces
hommes et ces femmes chargés d’engager juridiquement la collectivité dont ils assurent la
gestion publique.

Assez paradoxalement, les comportements qui s’affranchissent des règles relatives au seuil
des marchés publics ne trouvent pas de sanction dans le droit des marchés publics ( 1 ). A tout
le moins sur ce point, le droit des marchés publics est en effet un droit en quête de sanction
administrative. Depuis quelques années, en revanche, le respect du seuil des marchés publics
est assuré par d’autres branches du droit que le droit administratif . La répression des
dépassements des seuils lui est alors extérieure ( 2 ).

1 – Une sanction administrative introuvable

On affirme traditionnellement que le prononcé de la nullité d’un contrat par le juge a pour
effet de provoquer la disparition rétroactive du contrat irrégulièrement formé. Chacune des
parties a alors droit à la répétition, c’est à dire à la restitution des prestations accomplies : du
prix payé par l’une et des biens fournis ou des services accomplis par l’autre. Comme

160
Il faut distinguer l’ordonnateur de la personne responsable du marché. Cette dernière peut être amenée par le
jeu des délégations de signature ou de pouvoir à signer le marché pour le compte de l’ordonnateur.
l’enseigne la doctrine privatiste, qui applique l’adage latin Quod nullum est nullum producit
effectum161, l’annulation d’un contrat a les effets d’un contrat à l’envers.

En l’espèce, le juge administratif reste le premier défenseur du droit des marchés publics et
n’hésite aucunement à déclarer la nullité des contrats qui violent le seuil prévu par les articles
123 et 321 du code des marchés publics ( a ). Toutefois, force est d’admettre que devant la
complexité des problèmes que pose l’annulation des contrats excèdant le seuil de 300 000 F
TTC, la nullité qu’il prononce est très imparfaite ( b ).

a – La nullité des marchés :

Parce que l’atteinte aux règles de passation des marchés publics est une chose grave, le
Conseil d’Etat juge de manière constante que les marchés irrégulièrement conclus sont
entachés d’une nullité absolue. Le Conseil d’Etat a jugé que la commande verbale d’une
commune est illégale dès lors que le code des marchés publics nécessitait un écrit162. Au
surplus, la Haute juridiction163 estime que cette nullité est un moyen d’ordre public qui peut
être soulevé d’office par le juge.

L’attitude de rigueur qui est celle du juge administratif lorsqu’il est en présence d’un marché
public irrégulier se retrouvent-elle également lorsqu’il est confronté à un marché de
régularisation ? On sait en effet que la production d’un marché de régularisation est nécessaire
lorsque le comptable public a décidé de bloquer le paiement d’une dépense. Le recours à ce
type de régularisation permet au comptable public de payer l’entreprise tout en dégageant sa

161
« Ce qui est nul est de nul effet ».
162
CE 1er octobre 1969 Société des Etablissements Privés Recueil Lebon page 411. De plus en cas de non respect
du formalisme imposé par le code des marchés publics (cahier des charges, acte d’engagement, signatures,
notification…) du fait du franchissement du seuil de 300 000 F TTC, le marché n’est pas exécutoire. Et la
responsabilité de la collectivité publique peut être engagée part ailleurs. Voir CE 26 février 1988 OPHLM de
Villeneuve-Saint-Georges, Req n° 78530, Juris-data n° 005152, Droit Administratif 1988, 237 et 262.
163
CE Section 22 novembre 1942 Bongrand et Dupin Rec page 335 ; CE Section 26 mars 1965 Vve et Dlle
Moulinet Rec page 208 ; CE Section 29 janvier 1982 Martin RDP 1983 page 234. Sur ce dernier arrêt : «
Considérant qu’il résulte de l’instruction que pour faire procéder à l’installation du chauffage central dans son
groupe scolaire, la commune de Moussy-le-Neuf a conclu avec M. Martin, entrepreneur, un marché de gré à gré
de 49 392 F accompagné de cinq mémoires d’achat sur factures portant le montant total du marché 79 369, 79 F
hors taxes, que le recours à cette procédure constitue une méconnaissance volontaire des dispositions des
articles 279 et 310 du code des marchés publics régissant les contrats passés par les communes de moins de
5000 habitants qui faisaient obligation à la commune de Moussy-le-Neuf de procéder à une adjudication ou à un
appel d’offres ouvert dès lors que le montant du marché dépassait 50 000 F ; que par suite le contrat passé entre
ladite commune et M. Martin est nul et n’a pu faire naître aucune obligation à la charge de l’entrepreneur … ».
responsabilité164. Ces marchés, qui institutionnalisent les entorses faites aux règles de
passation des marchés publics, sont une technique d’évitement tout à fait critiquable165. En
effet, le recours aux marchés de régularisation ne permet pas d’oublier que le formalisme et
surtout les règles de mise en concurrence ont été écartés : l’attributaire du marché ayant déjà
été choisi et, le plus souvent, le marché déjà complètement exécuté.

Les marchés de régularisation sont donc un mal nécessaire, un pis-aller. Avec beaucoup de
réalisme, la Commission centrale des marchés a reconnu qu’ils ont «pour seul objet de
permettre le règlement des sommes dues au prestataire par le comptable public et n’ont pas
pour effet d’effacer l’irrégularité commise, ni les conséquences qu’elle peut avoir en cas de
recours contentieux »166. La commission a rappelé que leur illégalité tient à l’interdiction,
prévue par l’article 250 du code des marchés publics, de commencer l’exécution d’un marché
avant même sa conclusion167. Malgré l’avantage indéniable qu’il procure, un marché de
régularisation est illégal et peut par suite faire l’objet d’une annulation par le juge
administratif168.

Sauf cas très limités, comme par exemple le règlement des dépenses (d’un montant supérieur
à 300 000 F) présentant un caractère imprévisible169, le Conseil d’Etat juge que le recours aux
marchés de régularisations est illégal170. Cette illégalité trouve son origine dans les articles 39
et 250 du code des marchés publics lesquels prévoient que « Les marchés doivent être notifiés
avant tout commencement d’exécution »171. C’est pour cette raison que le juge administratif

164
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 2/95-96 page 4.
165
Ainsi, pour que le paiement par le comptable public soit financièrement régulier, il est nécessaire de produire
un acte administrativement irrégulier.
166
Voir Marchés publics n° 216 et 219. On dit parfois que les marchés de régularisation ne régularisent rien.
167
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 216 mars 1986 page 6.
168
Commission centrale des marchés : marchés publics n° 277 novembre 1993 page 7.
169
Cour des comptes 7 avril 1999 Syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable du Haut-Châtelleraudais,
n° 22580.
170
Voir en ce sens CE 27 mai 1998 n° 165109 Commune d’Agde, RD Immob 1998 page 361 obs F. LLORENS
et Ph. TERNEYRE (recours à un marché de régularisation pour rectifier la passation d’un marché négocié sans
mise en concurrence préalable dans des conditions illégales). Dans ses conclusions, le commissaire du
gouvernement, Mme Catherine BERGEAL s’exprimait alors ainsi : « nous pensons qu’un marché conclu alors
que les travaux ont déjà commencé voire sont terminés …. ne peut servir de base juridique au paiement de
prestations effectuées avant sa conclusion » ; Voir également TA Strasbourg n° 1052-82 du 24 février 1983,
Commune de Fessenheim c/ SA Lack et Cie. CAA Marseille 21 novembre 2000 Commune La Grande Motte n°
97MA 05398 Contrats et marchés publics août 2001 page 14 commentaire G ECKERT. Sur l’illégalité d’un
marché de régularisation, voir encore TA Saint-Denis-de-la-Réunion 18 avril 1990 Préfet de la Réunion, Recueil
des arrêts des TA et CAA 1990 Litec 1992 n° 233 page 311. Voir CE 2 novembre 1988 Préfet Hauts-de-Seine
c/OPHLM Malakoff et Société NCR, Moniteur des Travaux Publics 23 décembre 1988 page 46, Juris-data n°
000115.
171
Le nouveau code reprend à l’identique cette règle dans son article 79.
annule également les délibérations des conseils municipaux par lesquelles le maire est
autorisé à signer des marchés de régularisation172.

Si le juge administratif est prompt à annuler les contrats qui ne respectent pas les dispositions
des articles 123 et 321 du code des marchés publics, il éprouve davantage de difficulté à
imposer aux parties le rétablissement de la situation initiale.

b – Une nullité imparfaite :

Lorsqu’il décide de prononcer la nullité d’un contrat, le juge administratif devrait en bonne
logique ordonner à la fois la restitution du prix et des biens ou des prestations accomplis. La
pratique est cependant tellement éloignée de ce canevas que l’on peut se demander s’il ne
cherche pas en réalité à maintenir le contrat illégalement conclu. En d’autres termes, la nullité
est indolore car sans effet173.

Plusieurs raisons expliquent cette situation contrastée. Les contrats conclus par
l’Administration, tout d’abord, ont pour objet de faciliter l’accomplissement de mission de
service public ou, de manière plus neutre, d’intérêt général. Dans une étude consacrée à la
nullité pour vice du consentement, le Professeur Yves WEBER174 constatait que ce cas de
nullité restait peu utilisée et avançait que le contrat administratif est fondé sur la notion de

172
Voir TA Nice 21 décembre 1993 Préfet des Alpes-Maritimes.
173
Mme Dominique POUYAUD constate que « la sanction la plus fréquente de l’irrégularité d’un contrat n’est
pas la nullité ». Voir Dominique POUYAUD : « La nullité des contrats administratifs » LGDJ 1991 page 287.
Plus loin, elle affirme que « la violation de l’ordre public ou l’incompétence n’aboutissent que très rarement à la
nullité de la convention ». Voir Dominique POUYAUD : « La nullité des contrats administratifs » LGDJ 1991
page 288. Selon elle « la première caractéristique qui saute aux yeux est la grande pénurie d’arrêts constatant la
nullité des contrats administratifs. Contrastant avec la multiplicité des irrégularités affectant ces contrats, avec la
richesse des annulations en droit privé ou en excès de pouvoir et avec la relative abondance des nullités partielles
des contrats administratifs, les conventions de droit public font très rarement l’objet de jugements de nullité ».
Voir Dominique POUYAUD : « La nullité des contrats administratifs » LGDJ 1991 page 359. Pour D.
THOMAS « Le respect des procédures de passation et d’exécution des marchés n’est que superficiel car les
sanctions afférentes aux violations ne sont qu’illusoires. Il n’en est pas de même pour les comptables qui sont
soumis à des sanctions rigoureuses égales au montant de leur erreur ». Voir D THOMAS : « Les relations entre
le droit des marchés publics et le droit budgétaire et comptable » RDP 1997 page 1132.
174
Voir en ce sens le lumineux article d’Yves WEBER : « La théorie des vices du consentement dans les
contrats administratifs » Mélanges Roland DRAGO Economica 1996 page 337 ; D’une manière générale, on
retrouve en droit privé une attitude similaire du juge civil consistant à « sauver » des contrats de l’annulation
grâce à la théorie des nullités facultatives. On lira à ce propos la thèse d’Olivier GOUT : « Le juge et
l’annulation du contrat » PUAM 1999 Préface Pascal ANCEL spécialement la deuxième partie pages 337 et
suivantes.
service public. Le sauvetage des contrats175 s’explique par la volonté du juge de ne pas
perturber trop profondément le fonctionnement de l’administration. Et d’avancer que « si le
juge administratif privilégie le maintien des conventions, ce ne peut être que parce que celles-
ci sont conclues de manière générale en vue du bon fonctionnement du service public dont il
entend avant tout assurer la continuité »176. Dans quelle mesure ce propos relatif aux vices du
consentement ne s’applique-t-il pas également mutatis mutandis au formalisme prévu par le
code des marchés publics ?

En pratique, on voit mal, par exemple, le service administratif d’une mairie restituer les
photocopieurs, les imprimantes reliées à ses ordinateurs qu’il utilise quotidiennement et qui
sont essentiels à l’exercice de ses travaux suite à l’annulation par le juge administratif du
contrat par lequel ils ont été acquis. Cette position est renforcée par le fait que ni
l’administration, ni le fournisseur n’ont un réel intérêt au rétablissement ex ante de la
situation177. Enfin, des difficultés techniques – lorsque les restitutions portent sur des
prestations de services – peuvent se poser. Certains observateurs reconnaissent très bien
d’ailleurs que « dans la pratique, les préfets sont réticents à déférer les marchés auprès du
juge administratif car l’annulation d’un marché, surtout lorsque les irrégularités sont
formelles conduit à la mise en jeu de responsabilités et de situations comptables forts
complexes. En outre, les très rares sanctions qui sont prononcées interviennent de façon trop
tardive pour être véritablement dissuasives »178.

Ces éléments laissent à penser que la nullité est une chimère et que «… l’on pourrait presque
écrire, comme on le fait de l’ouvrage public, qu’un contrat administratif mal formé ne se
détruit pas, à cause du service public dont il est porteur »179. Devant tout cela, la
jurisprudence administrative s’est résigné à ne pas détruire complètement les marchés conclus
en dehors des dispositions du seuil de 300 000 F TTC. La question s’est posé alors de savoir

175
Pour Dominique POUYAUD « il a tendance dans le contentieux contractuel à assurer avant tout la stabilité
des conventions ». Voir Dominique POUYAUD : « La nullité des contrats administratifs » LGDJ 1991 page
360.
176
Selon le Professeur Yves WEBER « ce qui fait la spécificité d’un droit c’est son fondement, et que, tant que
se perpétuera l’impératif du service public, droit public et droit privé ne sauront constituer un seul droit ». Voir
en ce sens Yves WEBER : « La théorie des vices du consentement dans les contrats administratifs » Mélanges
Roland DRAGO Economica 1996 page 340.
177
Il est rare que les parties à un contrat saisissent le juge d’une demande aux fins d’annulation lorsqu’elles
profitent de cet accord.
178
Voir en ce sens les auteurs du LAMY Gestion et finances des collectivités locales 2000 page 537-12.
179
Voir en ce sens Yves WEBER : « La théorie des vices du consentement dans les contrats administratifs »
Mélanges Roland DRAGO Economica 1996 page 340.
comment procéder au paiement de l’entreprise cocontractante ? Trois moyens s’offrent au
juge.

Le Conseil d’Etat a jugé dans un considérant de principe180 que « le cocontractant de


l’Administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer, en tout état de
cause, le remboursement de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il
s’est engagé ». Cet arrêt consacre la théorie de l’enrichissement sans cause181 appelée
également action de in rem verso. Le recours à la théorie de l’enrichissement sans cause, qui
est un quasi-contrat, permet d’indemniser pour des raisons tenant à l’équité l’exécution de
travaux, la fourniture de prestations qui ont été effectué sur le fondement d’un contrat jamais
conclu, d’un contrat qui a été annulé ou en dehors des prévisions d’un contrat182.

La transaction prévue par l’article 2044 du code civil reste un autre moyen de régler le
fournisseur183 en cas d’annulation du marché par le juge administratif. La Cour des comptes a
reconnu la possibilité de recourir à la transaction184 en cas d’annulation d’un marché pour
résoudre les difficultés qui en découlent. Le Tribunal Administratif de Lyon a cependant pris
récemment une position qui fragilise le recours à la technique de la transaction en estimant
qu’elle n’était pas permise lorsqu’elle « n’a eu d’autre but que de permettre aux parties de se
soustraire à l’application des dispositions de livre III du Code des marchés publics, qui
hormis les cas prévus à l’article 321 du même code, imposent la passation d’un marché »185.
Il semblerait cependant que les juges du fond reconnaissent désormais la régularité du recours
à la transaction et contrôlent son contenu lors de la demande d’homologation186.

L’indemnisation du cocontractant de l’Administration peut enfin être obtenue par le recours


aux règles de la responsabilité extra-contractuelle.

180
Voir en ce sens CE 19 avril 1974 Société Entreprise Louis Segrette, AJDA 1974 page 453 ; CE 23 mai 1979
n° 00063, Commune de Fontenay-le-Fleury, Rec Lebon 1979 page 226.
181
Sur le recours au quasi-contrat, lire Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit
public financier » Thèse Lille 2001 pages 115 et suivantes.
182
Ainsi, G. BAYLE rappelle que l’enrichissement sans cause « concilie la protection des finances publiques et
le besoin d’assurer l’efficacité et la continuité de l’action administrative ». Citation extraite de l’ouvrage de
Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier » Thèse Lille 2001
page 117.
183
Cette opinion a été avancée par M. FABRE.
184
Voir en ce sens Cour des Comptes 26 mars 1992 Maire de Vallauris, Rev Adm 1993 page 141.
185
Voir en ce sens TA Lyon 6 octobre 1999 n° 99-01238 Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône, RD
Immob 2000 page 167.
186
Voir TA Versailles 24 décembre 2001 Saman c/ Société IBM France, req n° 01-4621 ; TA Melun 4 décembre
2001 Ministre de la Défense, req n° 01-3402.
Les difficultés - ou les réticences - que le juge administratif éprouve pour sanctionner
efficacement le dépassement du seuil des marchés publics ont conduit d’autres juges à se
substituer à lui187.

2 – Des sanctions extérieures au code des marchés publics

Il n’est pas sain que des dispositions ne trouvent pas par elle-même le respect qui leur ait dû et
que, pour continuer à jouer leur rôle, elles doivent appeler en renfort d’autres branches du
droit188. Concrètement, la sanction du dépassement du seuil ne porte plus alors sur le contrat
mais sur ceux qui l’ont conclu. On fait pression sur les acteurs de la commande publique dans
l’espoir qu’ils respecteront les dispositions du code des marchés publics189. En l’espèce, le
seuil des marchés publics trouve son application par le truchement de deux droits répressifs :
le droit pénal ( b )190 et dans une moindre mesure le droit public financier ( a ).

On observera enfin pour clore ce point que le droit de la concurrence s’est remontré jusqu’à
présent dans sa lutte contre les manquements aux articles 123 et 321 du code des marchés
publics d’une totale et rare ineffectivité191. Comme le déplore MICHEL BAZEX « lorsqu’on
reprend les décisions du Conseil de la concurrence intervenues depuis le début dans le

187
Les auteurs du LAMY constatent d’ailleurs avec Philippe TERNEYRE qu’il y a « une véritable
incompatibilité entre contentieux de l’annulation et droit des marchés publics ». Voir en ce sens LAMY Gestion
et finances des collectivités locales 2000 page 537-12.
188
Simon FROMONT parle à ce propos « des législations périphériques au droit de la commande publique »
Voir Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier » Thèse Lille
2001 page 442.
189
Ce phénomène n’est pas propre à l’objet de cette étude. On a constaté que lorsqu’un référé précontractuel est
intenté, les collectivités publiques ne s’empressent pas, contrairement à une idée répandue, de signer les
conventions de délégation de service public par crainte bien davantage du juge pénal que du juge administratif. Il
n’y a donc pas de course aux signatures.
190
Pour Florian LINDITCH, « l’intervention croissante du juge pénal dans le droit des marchés publics conduit
à poser la question d’un possible déclin de la sanction traditionnellement assurée par les juridictions
administratives ». Voir Florian LINDITCH : « Le droit des marchés publics » Dalloz / Connaissance du droit,
2ème édition 2002 page 107. Selon Florian LINDITCH, cette évolution entraîne « une forme de compétition entre
les différents juges de l’achat public et … pour pouvoir conserver le rôle moteur qui est le sien, le juge
administratif doit reprendre périodiquement l’initiative ….» Voir Florian LINDITCH : « Le droit des marchés
publics » Dalloz / Connaissance du droit, 2ème édition 2002 page 12.
191
Un auteur constatait avec un certain étonnement en 1996 que le juge administratif ne fasse pas application aux
marchés publics de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986.Voir Patrick SCHULTZ : « Eléments du
droit des marchés publics » LGDJ 1996 pages 73 et 74.
secteur des marchés publics, on constate qu’aucune sanction n’a jamais été prononcée contre
les acheteurs publics »192.

a –Une sanction ineffective : le droit public financier

Créée par une loi du 25 septembre 1948, la Cour de discipline budgétaire et financière a
mission de juger et sanctionner les ordonnateurs qui procèdent irrégulièrement à
l’engagement, à la liquidation, à l’ordonnancement ou au mandatement des marchés
publics193. L’absence de marché194 en cas de dépassement du seuil prévu par les articles 123
195
et 321 du code des marchés publics ou le fractionnement des commandes sont des
comportement qui peuvent conduire les ordonnateurs à être poursuivis devant la Cour de
discipline budgétaire et Financière. De même, la production d’un marché de régularisation
peut entraîner la condamnation de l’ordonnateur devant la Cour de Discipline Budgétaire et
Financière196. Malgré ces arrêts, le résultat est trompeur dans la mesure où les ministres, ainsi

192
Voir en ce sens Michel BAZEX : « Le Conseil de la concurrence et les marchés publics » AJDA 1994 page
106. Le titre de la deuxième partie de cet article est intitulé « L’absence de répression des comportements des
acheteurs publics ».
193
Les infractions susceptibles d’être sanctionnées par la CDBF sont énumérées aux articles L 313-1 à L 313-14
du code des juridictions financières. L’article L 313-4 par exemple porte sur le non-respect des règles relatives à
l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens, l’article L 313-6 sur l’avantage injustifié
procuré à autrui. Pour des applications, voir par exemple CDBF 6 novembre 1992 sur le favoritisme ; CDBF 11-
12 décembre 1991 n° CDBX 9210999X (s’agissant du fractionnement sur trois exercices avec trois fournisseurs
d’une commande de blanchissage de son linge par un centre hospitalier ; la sanction a été de … 5 000 F) ainsi
que CDBF 22 janvier 1992 n° CDBX 9210300X sur le découpage artificiel des prestations.
194
Voir CDBF 30 octobre 1985 Martin et Demoget JO 3 mai 1986 page 5992.
195
Voir CDBF 28 avril 1987 Benoît et Souquières JO 13 novembre 1987 page 13234 ou encore CDBF 11
décembre 1991 MM. Dehu et Belmokthar Recueil Cour des comptes 1991 page 136. Voir également Cour des
comptes 5 août 1997 Lettre du Président, n° 16841, Recueil de la Cour des Comptes page 303.
196
Voir par exemple CDBF 22 janvier 1992 Cuvelier et Gonzalez, Revue du Trésor 1993 page 35. Les faits de
cette affaire sont édifiants : « considérant que l’article 321 du code des marchés publics prévoit qu’il peut être
traité sur mémoire ou sur simple facture par les communes pour les travaux, fournitures ou services dont la
dépense n’excède pas un seuil, dont le montant, au moment des faits, était de 180 000 F pour la catégorie des
communes à laquelle le centre de formation des personnels communaux était rattaché ; considérant que le
centre de formation des personnels communaux a acquis, au cours des années 1985 et 1986, de micro-
ordinateurs pour un total de 2,3 millions de francs ; qu’il a acheté notamment 28 macintosh, dont 18 ont été
payés pour 697 980 F en 1985, et 10 pour 304 767 F en 1986 ; que sur les 18 macintosh acquis en 1985, 12 l’ont
été auprès de la société Galilée informatique ; que bien que ces résultats aient dépassé le seuil précité, ils n’ont
pas fait l’objet d’aucun marché et ont été réglés sur simple facture ; que, de même, des brochures intitulées
Cahier du centre de formation des personnels communaux ont été imprimées par la société Fricotel ; que ces
travaux, dont le coût a dépassé 259 000 F en 1985 et 305 000 F en 1986 n’ont pas fait l’objet d’un marché, le
seuil de l’article 321 était de 150 000 F au moment des faits ; que, si un marché de travaux d’imprimerie portant
le numéro 85-22 a bien été conclu le 10 septembre 1985 par le centre avec la société LY2 pour un montant de
321 000 F, des prestations importantes ont été exécutées par cette même société, en dehors du marché, soit
avant sa conclusion, en 1985, soit postérieurement, en 1985 et 1986 ; que le montant de ces travaux hors marché
a dépassé 352 000 F en 1985 et 347 000 F en 1986 ». ou encore CDBF 26 juin 1992 Le Coz, Simon, Duchêne,
Dupeyron, Lavenir et Loing Recueil Lebon page 632.
que les élus locaux197 depuis 1971, ne sont pas justiciables cette juridiction. Et la circonstance
que la Cour de discipline budgétaire et financière ait jugé que « la personne responsable du
marché au sens des dispositions du code des marchés publics » puisse être regardée comme
l’auteur d’une infraction198 n’enlève rien à ce constat.

Le bilan reste donc maigre et « on peut se demander si sa fonction n’est pas plus d’intimider
que de réprimer »199. Reste qu’en attendant une hypothétique montée en puissance de la Cour
de discipline budgétaire et financière, laquelle inciterait les ordonnateurs et leurs représentants
à mieux respecter le seuil des marchés publics, le droit pénal est devenu le seul et le véritable
instrument de contrainte pour les acheteurs publics en cas de dépassement du seuil des
marchés publics. Bien plus qu’une annulation dont les effets sont platoniques, les acheteurs
publics ont commencé avec le droit pénal à comprendre les dangers qui les menaçaient en cas
de dépassement du seuil des marchés publics.

b – Une sanction efficace : le droit pénal

A partir des années quatre-vingt dix, la lutte contre la corruption publique a conduit le
législateur a inclure dans le code pénal200 plusieurs délits concernant la passation des marchés
publics. Outre les délits de corruption passive et active prévus respectivement par les articles
L 432-11 et L 433-1 du nouveau code pénal, les deux principales incriminations en sont le
délit de prise illégale d’intérêts appelé également délit d’ingérence201 et le délit d’avantage
injustifié prévu par l’article 432-14 et désigné encore sous le terme de délit de favoritisme. Ce
délit de favoritisme202 a été créé par l’article 7 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la

197
En application de la loi du 29 janvier 1993, les élus locaux peuvent toutefois être justiciables de la Cour de
discipline budgétaire et financière lorsqu’ils ont procuré à autrui un avantage injustifié par l’usage irrégulier de
leur pouvoir de réquisition (article L 312-2).
198
Voir CDBF 7 février 1989 Denis Recueil Lebon page 411.
199
Voir André PAYSANT : « Finances publiques » Armand Colin 1999, 5 ème édition, page 234. Voir
également pour une même appréciation Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE : « Les finances
publiques » Dalloz / Connaissance du droit, 4ème édition, 2001 page 169.
200
Le nouveau code pénal est entré en vigueur le 1er mars 1994.
201
Voir les articles 432-12 et 432-13 du nouveau code pénal.
202
L’article 432-14 du code pénal prévoit « est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 Euros
d’amende le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public
ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de
l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national
chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne
agissante pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un
avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de
garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public
».
transparence et à la régularité des procédures de marché203. Il vise notamment la passation de
commandes204 excédant le seuil prévu par les articles 123 et 321 du code des marchés publics
ainsi que la conclusion des marchés de régularisation205. S’agissant d’un délit quasiment
objectif, la constitution de cette nouvelle infraction ne nécessite pas d’un élément
intentionnel206. Par voie de conséquence, le niveau de formation et d’expérience suffit pour
considérer qu’une personne a une connaissance suffisante de la réglementation applicable aux
marchés publics et qu’elle peut être pénalement poursuivie sur le fondement de cette
disposition207. De surcroît, cette pénalisation des marchés publics a été facilitée par la
multiplication des autorités chargées de veiller à leur respect. La mission interministérielle
d’enquête sur les marchés, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de
la répression des fraudes, le Conseil de la concurrence, le service central de prévention de la
corruption, le préfet dans le cadre du contrôle de la légalité, ainsi que le juge financier
peuvent avertir le juge pénal de faits susceptibles de recevoir la qualification de délit de
favoritisme208.

Dans ces conditions, les effets ne sont pas fait attendre trop longtemps. Ainsi, la circulaire
98.4/G3 du 2 juillet 1998 relative au premier bilan d’application du délit de favoritisme dans
les marchés publics et les délégations de service public209 rappelle que les condamnations
pénales proviennent fréquemment du recours injustifié à l’achat sans facture par le biais du
fractionnement de la commande lequel est le plus souvent obtenu par l’émission de fausses
factures par des entreprises amies de celle qui est attributaire du marché afin de diminuer le
montant, la date ou la nature des prestations. Pour le Président de la mission interministérielle
d’enquête sur les marchés, le constat est sans appel : les achats sur factures « constituent l’un
des terrains de prédilection de la fraude dans les marchés. On sait combien ces prestations,

203
Cette loi a également créé la Mission interministérielle d’enquête sur les marchés publics.
204
Voir Cass crim 12 novembre 1998 Marcel Graud, pourvoi n° 97-85333 ; Cass crim 30 juin 1999 requête n°
4460 et Cass crim 29 décembre requête n° 5678.
205
Voir en ce sens Cass crim 2 avril 1998 JCP Ed Ent 1998 page 2000.
206
Voir en ce sens Cass crim 2 avril 1998 JCP Ed Ent 1998 page 2000 ou encore Cass crim 15 septembre 1999
Droit Pénal mars 2000 n° 28 page 12 observations VERON. En sens inverse cependant, Réponse ministérielle n°
1881, JO Sénat (Questions) 25 mai 2000 page 1881 et CA Paris 20 janvier 2000 BJCP 2000 n° 14 page 66.
207
Le manquement à l’obligation de mise en concurrence pour une commande supérieure à 300 000 F TTC par
des prévenus qui ont déjà exercé des responsabilités similaires dans des collectivités territoriales révèle
l’existence d’une intention coupable. Voir en ce sens Cass crim 7 mars 2000 n° 99-84117.
208
Pour un exemple concernant le juge financier, voir CRC Rhône-Alpes 26 avril 1994, avis n° 94-37. Dans ce
cas, le ministère public de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes en informe qui le
Ministre de la Justice, qui le représentant du Parquet de la juridiction compétente.
209
Il est utile de signaler que 33 condamnations impliquant 40 personnes ont été prononcées de 1991 à 2001.
Voir Haritini MATSOPOULOU : « Marchés publics. Liberté d’accès et égalité des candidats » Jurisclasseur
Code Pénal 2001 article 432-14, n° 5.
attribuées sans aucune garantie propre à assurer la régulation de leur dévolution, ont été à
l’origine des pratiques corruptrices …. »210.

***

Au final, l’irréalisme de la méthode de computation du seuil des marchés publics a été la


source d’une très grande insécurité juridique211 : les comptables publics risquaient de plus de
plus souvent en cas de paiement injustifié une mise en débet ; et les acheteurs publics étaient
exposés à des condamnations pénales212 puis, consécutivement à celles-ci, à subir des revers
électoraux213. Pour ces raisons, et d’autres plus techniques comme celle relative au relèvement
du seuil des commandes hors marchés214 qui évite le recours à des procédures plus lourdes
(telles que la procédure d’appel d’offres) et inadaptées pour les petites communes, les élus
locaux ont alors sollicité la modification des règles de la commande publique.

Dès 1995, un parlementaire, M. TRASSY-PAILLORGUES, a été chargé par le


Gouvernement de préparer un nouveau code des marchés publics. La lettre de mission du
Premier Ministre Alain JUPPE demandait alors aux rapporteurs de bien vouloir : « unifier et
simplifier les législations existantes, afin de les rendre plus accessibles aux usagers et aux
citoyens (…) envisager une évolution du droit de la commande publique qui permette de
donner à celle-ci un cadre juridique cohérent et adapté à la réalité économique actuelle, dans

210
Voir Gérard PANCRAZI : « Le délit de favoritisme et le nouveau code des marchés publics » Contrats et
marchés publics Juris-classeur mai 2001 page 5.
211
Laquelle résulte principalement de « l’absence d’unité du droit des marchés publics locaux ». Voir Eric
SAGALOVITSCH : « Le comptable public et l’exécution financière des marchés publics locaux » Bulletin
juridique des contrats publics n° 14 page 10. On rapprochera la sécurité juridique de « l’objectif de valeur
constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ». Voir CC 16 décembre 1999 Codification.
212
Il est remarquable sur ce point qu’un des meilleurs spécialistes de la matière assigne (essentiellement ?) au
nouveau code la mission d’éradiquer le risque pénal. Voir la quatrième de couverture de Florian LINDITCH : «
Le droit des marchés publics » Dalloz / Connaissance du droit, 2ème édition 2002 où il s’interroge sur le point de
savoir si le décret sera suffisant « pour mettre fin à la pénalisation actuelle de la commande publique ».
Pessimiste, un auteur affirme que le juge pénal « ne devrait pas subir la répercussion de cette réfection » ou
encore « la survenance d’un nouveau code des marchés publics ne devrait pas freiner le juge pénal dans son
action ». Voir Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier » Thèse
Lille 2001 pages 220 et 242. D’une manière plus générale, Christine MAUGÜE parle de « la montée en
puissance du droit pénal des contrats publics ». Voir Christine MAUGÜE : « Les variations de la liberté
contractuelle dans les contrats administratifs » AJDA 1998 page 700. Sur la pénalisation de l’action
administrative et son incidence sur la légalité administrative, on lira également l’article de Florian LINDITCH :
« Droit pénal et droit administratif : à propos des nouvelles responsabilités des élus » pages 179 et suivantes, et
spécialement les pages 192 à 194 in « Juger les politiques. Nouvelles réflexions sur la responsabilité des
dirigeants publics » sous la direction de Jean-Jacques SUEUR L’Harmattan 2001.
213
La pénalisation de la vie administrative met le plus souvent - et c’est une chose heureuse - les élus dans une
situation politiquement délicate.
le strict respect des principes de transparence des choix et d’égalité de la concurrence, et qui
puisse également procurer à l’acheteur public une sécurité juridique accrue … étudier les
moyens d’atteindre ces objectifs et de contribuer à une simplification significative des textes
actuels … »215. Au cours du mois de juin 1996, les principaux intéressés, les élus locaux, ont
fait l’objet d’une consultation. De ces travaux est sorti le rapport TRASSY-PAILLORGUES
lequel a donné lieu en mars 1997 au dépôt du projet de loi « ARTHUIS-GALLAND ». Mais
ce texte n’a pas abouti suite au changement brusque de majorité gouvernementale intervenue
au cours du mois de juin 1997. Après avoir déposé un nouveau projet de loi, le nouveau
gouvernement a rédigé un décret au cours de l’année 2001 qui a cherché à se nourrir des
expériences du passé.
CHAPITRE II – A UNE CONCEPTION ECONOMIQUE DE LA
COMPUTATION DU SEUIL DES MARCHES PUBLICS

Préparé par la Direction des Affaires Juridiques avec le concours de la Direction Générale de
la Comptabilité Publique et celle de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression
des Fraudes, le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 a porté sur les fonts baptismaux le 9
septembre 2001, date de son entrée en vigueur, un nouveau code des marchés publics.
Reposant sur la volonté d’une meilleure prise en considération des réalités économiques –
conformément à une forte demande de la doctrine qui regrettait le retard pris par le droit des
marchés publics sur le droit fiscal216, le droit des sociétés ou encore le droit de la concurrence
- ce nouveau Code des marchés publics a cherché, à la différence de son prédécesseur, à
donner aux acheteurs publics une méthode de calcul des seuils qui soit sûre voire infaillible.
Le souci de réalisme217 qui a animé les rédacteurs de ce nouveau codex a trouvé son
aboutissement dans l’article 27. Cet article218, véritable bréviaire du calcul des seuils, sert en

214
Voir par exemple : réponses ministérielles à Questions écrites de Alfred Recours n° 50235 JO Assemblée
Nationale 11 décembre 2000 page 7001.
215
Citation extraite de Frédérique OLIVIER et Eric BARBRY : « Règles générales de formation des marchés
publics » Jurisclasseur Administratif 1998 Fasc. 635 n° 50.
216
Concernant le réalisme du droit fiscal, on lira l’article de Maurice COZIAN : « Propos désobligeants sur une
« tarte à la crème » : l’autonomie et le réalisme du droit fiscal » Les grands principes de la fiscalité des
entreprises Litec 1996 pages 3 et suivantes ; voir également la thèse de Gauthier BLANLUET : « Essai sur la
notion de propriété économique en droit privé français. Recherches au confluent du droit fiscal et du droit civil »
LGDJ 1999 Préface P. CATALA et M. COZIAN.
217
Voir Florian LINDITCH : « Le droit des marchés publics » Dalloz / Connaissance du droit 2000, page 102.
218
Article 27 du nouveau code des marchés publics : « Lorsqu’il est fonction d’un seuil, le choix de la procédure
applicable est déterminé dans les conditions suivantes.
effet à computer le seuil de procédures de mise en concurrence. Il permet ainsi de déterminer
les cas dans lesquels il est possible de recourir à marché sans formalités préalables, à un
marché passé après une mise en concurrence simplifiée ou bien encore à un marché conclu en
application de la procédure de l’appel d’offres.

En outre, le décret du 7 mars 2001 a prévu que l’article 27 entrerait en vigueur non pas le 9
septembre 2001, comme la plupart des dispositions du code, mais le 1er janvier 2002. Le choix
de cette date s’explique par la volonté de laisser au Gouvernement le temps de prendre les
arrêtés interministériels nécessaires à sa mise en oeuvre. On peut penser également que l’on a
cherché à simplifier la vie des acheteurs publics en faisant coïncider l’entrée en vigueur de cet
article avec le début d’une nouvelle année civile. Mais dans l’intervalle219, que faire ? Les
procédures engagées à partir du 9 septembre sur le fondement du nouveau code des marchés
publics ne pouvant plus se référer à l’ancien code lequel a été abrogé, il a été recommandé de
computer les seuils en cherchant à identifier des prestations homogènes puisque le seuil de 90
000 Euros HT est entré en vigueur avec la fin des vacances scolaires220. Pour d’autres, à partir
du 9 septembre 2001, il faudrait appliquer les nouveaux seuils mais en calculant selon la
méthode jurisprudentielle définie sous l’empire de l’ancien code. En tout état de cause, une
ancienne responsable politique, Mme Florence PARLY, a fait savoir que les comptables

I – En ce qui concerne les travaux, est prise en compte la valeur de tous les travaux se rapportant à une même
opération ou à un même ouvrage, quel que soit le nombre d’entrepreneurs auxquels la personne responsable du
marché fait appel.
II – En ce qui concerne les fournitures, est prise en compte, quel que soit le nombre de fournisseurs auxquels la
personne responsable du marché fait appel : a) si les besoins de la personne publique donnent lieu à un
ensemble unique de livraisons de fournitures homogènes, la valeur de l’ensemble de ces fournitures ; b) si les
besoins de la personne publique donnent lieu à des livraisons récurrentes de fournitures homogènes, la valeur
de l’ensemble des fournitures correspondant aux besoins d’une année. Le caractère homogène des fournitures
est apprécié par référence à une nomenclature définie par arrêté interministériel.
III – En ce qui concerne les services, est prise en compte, quel que soit le nombre de prestataires auxquels la
personne responsable du marché fait appel : a) si les besoins de la personne publique donnent lieu à un
ensemble unique de prestations homogènes et concourant à une même opération, la valeur de l’ensemble de ces
prestations ; b) si les besoins de la personne publique donnent lieu à des réalisations récurrentes de prestations
homogènes et concourant à une même opération, la valeur de l’ensemble des prestations correspondant aux
besoins d’une année ; c) si les besoins de la personne publique donnent lieu à la réalisation continue de
prestations homogènes, la valeur de l’ensemble de ces prestations sur la durée totale de leur réalisation. Le
caractère homogène des prestations de service est apprécié par référence à une nomenclature définie par arrêté
interministériel.
IV – En ce qui concerne les marchés comportant des lots, est prise en compte la valeur estimée de la totalité des
lots ».
219
Sur cette interrogation voir Réponses ministérielles à la Question écrites de Jean-Paul Bacquet du 16 juillet
2001 JOAN Q 10 septembre 2001 page 5182.
220
Sur cette question voir F. LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX : « Questions de seuils » Contrats et
marchés publics novembre 2001 page 2 ; De manière générale sur l’entrée en vigueur du nouveau code, on lira
l’article de Roland VANDERMEEREN : « La mise en œuvre du nouveau Code des marchés publics » Bulletin
juridique des contrats publics n° 16 pages 237 et suivantes.
publics avaient reçu des consignes221 pour que la période transitoire se déroule dans de bonnes
conditions.

Autre nouveauté de ce code, les marchés de l’article 28 sont désormais des marchés publics.
Par voie de conséquence, le seuil de 90 000 Euros HT n’est plus un seuil de marché mais
seulement un seuil de procédure.

Relativement à la computation des seuils, les objectifs du nouveau code des marchés publics
sont extrêmement élevés ( Section I ). Ils pourraient bien de ce fait rester parfaitement
inaccessibles ( Section II ).

SECTION I : UNE REFORME AMBITIEUSE

La simple lecture du décret du 7 mars 2001 ne suffisant pas à la compréhension de la réforme


du code des marchés publics, le Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a pris
pour son application le 28 août 2001 une instruction. Ce document, qui remplace les
instructions du 29 décembre 1972 et du 10 novembre 1976, rappelle que le choix de la
procédure dépend en principe du montant des achats ou prestations à réaliser.

Afin de rompre avec les pratiques anciennes, le nouveau code repose sur une solide
préparation de la commande publique222. Il importe dès lors de savoir quelle démarche devra
suivre l’acheteur public ( A ) avant même de commencer à computer les seuils selon les règles
prévues par l’article 27 ( B ).

A – LA NAISSANCE D’UNE DOUBLE OBLIGATION

221
Réponse à la question écrite de M. Jean-Louis Bianco du 21 janvier 2002 n° 1644 JO Assemblée nationale 23
janvier 2002 page 743 Sur cette période transitoire et pour l’année 2002 entière, la Direction générale de la
comptabilité publique a donné pour consigne aux comptables publics de considérer avec bienveillance le respect
des règles de computation des seuils (voir la circulaire non publiée du 8 février 2002).
222
L’arrêté du 13 décembre 2001 définissant la nomenclature prévue aux II et III de l’article 27 du code des
marchés publics donne un ordre d’examen des questions qu’il est nécessaire de se poser avant de passer un
marché. Selon ce texte : « la démarche à accomplir par l’acheteur public va donc se dérouler en plusieurs temps
: 1 – Il va définir son besoin. 2 – Il va ventiler les fournitures ou les services à acheter entre les différentes
familles homogènes identifiées par les rubriques à quatre chiffres de la nomenclature. 3 – Au sein de chaque
famille de fournitures ou de services, il va isoler les achats relevant d’une acquisition unique et regrouper ceux
entrant dans la catégorie des achats récurrents. 4 – Pour les services, il va également pouvoir isoler, au sein des
Préalablement avant toute computation du seuil, le nouveau code des marchés publics met à la
charge de ses utilisateurs une obligation de prévision des besoins ( 1 ) et une obligation de
détermination exacte de la nature du marché ( 2 ).

1 – L’obligation de prévision des besoins

L’obligation prévisionnelle des besoins n’est pas en soi une nouveauté223. L’ancien code des
marchés publics prévoyait bien dans ses articles 75 et 272, lesquels n’étaient toutefois pas
applicable au commandes hors marchés en ce qu’ils étaient inclus dans le titre I des livres II et
III portant sur la passation des marchés, que « les prestations qui font l’objet des marchés
doivent répondre exclusivement à la nature et à l’étendue des besoins à satisfaire. Le service
intéressé est tenu de déterminer aussi exactement que possible les spécifications et la
consistance de ces prestations avant tout appel à la concurrence et toute négociation ». Mais
cette obligation était restée en pratique trop souvent qu’un vœu pieux224. De manière répétée,
d’ailleurs, la Cour des Comptes soulignait dans ses rapports « l’impréparation notoire et
l’insuffisance de la définition initiale des besoins des collectivités signataires de marchés.
Cela aboutit, dans bien des cas, à une augmentation substantielle du coût prévisionnel et par-
là du coût de la réalisation »225.

L’expérience de l’ancien code a alors convaincu que le dépassement du seuil des marchés
publics - tout comme le recours intempestif aux avenants226 - résultait le plus souvent, et hors
le cas des violations caractérisées, d’une mauvaise programmation de l’acte d’achat.
Coûteuse, la dépense pouvait alors entraîner de lourdes charges pour les budgets publics dans
un système économique où « le régime normal des prix étant celui de la liberté, la hauteur du

achats ponctuels ou des achats récurrents d’une même famille homogène, des achats correspondant à une
opération ».
223
La prévision est nécessaire : il faut que les dépenses soient inscrites dans le budget en vertu du principe de
l’autorisation budgétaire.
224
S’agissant de définition préalable des besoins prévue par l’article 75 du code, le Ministre rappelait récemment
encore que « la détermination de la procédure de mise en concurrence des fournisseurs doit procéder d’une
évaluation préalable des besoins. Cette prévision est indispensable pour ne pas se retrouver a posteriori dans
une situation où l’on a fractionné des commandes qui auraient dû globalement faire l’objet d’une procédure de
publicité et de mise en concurrence ». Voir réponse ministérielle à Questions écrites de Dominique Picollet JO
Sénat 18 juillet 1996.
225
Voir D THOMAS : « Les relations entre le droit des marchés publics et le droit budgétaire et comptable »
RDP 1997 page 1111 ; L’auteur cite pour illustrer son propos les rapports au Président de la République de la
Cour des comptes des années 1993 (page 212) et 1994 (page 322).
226
Les commandes hors marchés dissimulaient parfois d’ailleurs des avenants à des marchés déjà conclus.
prix est théoriquement déterminée par le jeu de la concurrence »227. Trop souvent, soumises
au jeu de l’offre et la demande, les collectivités voyaient s’envoler228 au fil des négociations le
prix de leurs marchés publics. En conséquence, les auteurs du nouveau code ont pensé qu’il
fallait mettre en place un système de computation des seuils qui oblige impérativement les
acheteurs publics à évaluer et programmer avec précision leurs besoins.

C’est pourquoi le nouveau code indique que la prévision des besoins doit être préalable ( a ) et
précise ( b ).

a – Une obligation préalable

Dans le but rendre la commande publique plus efficace et d’éviter le gaspillage des deniers
publics, l’article 1er du nouveau code des marchés publics met à la charge des acheteurs
publics une stricte « définition préalable des besoins »229. Le non-respect de cette obligation
d’ailleurs comme cela a été observé « est susceptible de constituer une irrégularité au regard
des règles budgétaires, en ne permettant pas de rattacher les dépenses engagées au titre du
marché à l’autorisation accordée par l’assemblée délibérante lors du vote du budget, ou en
les rattachant artificiellement à une section ou à un chapitre du budget sans rapport avec
l’objet réel de la prestation »230.

b – Une obligation précise

Puis, l’article 5 du nouveau code a pris le soin de rappeler que « la nature et l’étendue des
besoins à satisfaire sont déterminées avec précision par la personne publique avant tout
appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d’un appel à la concurrence. Le

227
Lire M GUIBAL : « Marché publics des collectivités territoriales. Régime général » Jurisclasseur
Collectivités territoriales 1995 Fasc. 770 n° 29. Le simple fait d’abandonner les commandes hors marchés au
profit des procédures formalisées permet une baisse significative des prix. Voir CRC Languedoc-Roussillon 26
décembre 2000 LOD Centre hospitalier d’Alès.
228
Qui n’a pas en tête ces exemples de marchés dont le prix initialement prévu a été pulvérisé ? Les
dépassements de prix résultent soit du changement du contenu du projet en cours d’exécution, soit du délai qui
sépare la prise de décision par les autorités de leur réalisation par l’attributaire du marché.
229
Article 1er du nouveau code des marchés publics : « I – Les marchés publics sont les contrats conclus à titre
onéreux avec des personnes morales de droit public mentionnées à l’article 2, pour répondre à leurs besoins en
matière de travaux, de fournitures ou de services. Les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès
à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. L’efficacité
de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées par la définition préalable des
besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l’offre
économiquement la plus avantageuse ».
marché conclu par la personne publique doit avoir pour besoin exclusif de répondre à ces
besoins ». Cette définition des besoins doit être effectuée de manière la plus précise possible
car si les besoins sont sous-estimés, les conditions de mise en concurrence du code des
marchés publics ne seront pas considérées comme ayant été respectées231 ; et si, à l’opposé, ils
sont sur-estimés, la collectivité publique pourra voir sa responsabilité engagée232.

En cas d’impossibilité pour une personne publique de définir ses besoins avec précision233,
elle peut recourir notamment aux marchés fractionnés (marchés à bons de commande et
marchés à tranches conditionnelles) qui sont prévus par l’article 72234. Ceux-ci présentent
alors l’avantage de moduler les achats en fonction des besoins connus ainsi que des crédits
disponibles235.

2 – L’obligation de détermination des marchés

Après avoir défini ses besoins, la collectivité publique doit déterminer le type de marché
qu’elle entend conclure. A la différence de l’ancien code, l’article 1er-II impose dorénavant
aux acheteurs publics de distinguer, avant même de chercher à computer le seuil selon les
règles de l’article 27, si le marché projeté est un marché de travaux, un marché de fournitures
ou bien un marché de services236. Si le code distingue trois types de marchés ( a ), la nature de
ces marchés est parfois troublée du fait de l’existence de marchés complexes ( b ).

230
Voir Cyrille EMERY : « Passer un marché public » Delmas 1ere édition 2001 page 117.
231
L’imprécision du marché est sanctionnée par la nullité du contrat. Voir CE 29 décembre 1997 Département
de Paris Recueil Lebon page503. Voir également CRC Auvergne 31 octobre 2000 LOD à la commune de Puy-
en-Velay. Dans leurs observations, les juges financiers ont estimé que le défaut de précision du marché avait
faussé l’effectivité de la mise en concurrence.
232
Voir CE 18 novembre 1988 Ministre de l’Intérieur c/ SARL Les voyages Brounais Recueil Lebon page 964.
233
En dépit de la volonté des rédacteurs du décret, certaines dispositions du code portent la marque de
l’impossibilité pour les collectivités publiques de définir clairement leurs besoins. Il s’agit par exemple des
marchés de maîtrise d’œuvre, de la procédure d’appel d’offres sur performance des marchés de définition ou
encore des marchés négociés de l’article 35-I-2° du code.
234
Elle peut également recourir à l’appel d’offres sur performances prévues aux articles 36, 68 et 69 du nouveau
code.
235
Ces marchés sont souvent utilisés dans le milieu hospitalier. Le nombre de patients et la nature des
pathologies n’étant pas déterminés à l’avance, il est difficile de prévoir la quantité et le type de médicaments à
acheter.
236
Article 1er du nouveau code des marchés publics : « II - Les marchés publics de travaux ont pour objet la
réalisation de tous travaux de bâtiments ou de génie civil à la demande d’une personne publique exerçant la
maîtrise d’ouvrage. Les marchés publics de fournitures ont pour objet l’achat, la prise en crédit-bail, la location
ou la location-vente de produits ou matériels. Les marchés publics de services ont pour objet la réalisation de
prestations de services. Un marché public relevant d’une des trois catégories mentionnées ci-dessus peut
comporter à titre accessoire, des éléments relevant d’une autre catégorie. Lorsqu’un marché public a pour objet
à la fois des services et des fournitures, il est un marché de services si la valeur de ceux-ci dépasse celle des
produits à fournir ».
a – La répartition tripartite des marchés

L’article 1er du nouveau code des marchés publics prévoit dans son II que : « les marchés
publics de travaux ont pour objet la réalisation de tous travaux de bâtiments ou de génie civil
à la demande d’une personne publique exerçant la maîtrise d’ouvrage ». L’instruction
administrative est venue préciser que la personne publique doit se comporter en maître
d’ouvrage au sens de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage
publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée. Les marchés de travaux excluent
donc les ventes en l’état futur d’achèvement ainsi que les baux emphytéotiques administratifs
lesquels ne confient pas à la personne publique la maîtrise de l’ouvrage.

Reprenant les termes de la directive communautaire relative aux marchés de fournitures, le


nouveau code définit ensuite cette catégorie de marchés comme ceux qui « ont pour objet
l’achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits ou matériels ».
Concernant ces dernières, on notera que sont visées indistinctement les locations avec ou sans
option d’achat. Les marchés de fournitures peuvent comporter accessoirement des travaux de
pose et d’installations ; ces travaux ne changeant pas la nature du marché. En revanche, ne
sont pas considérés comme des marchés de fournitures, les marchés portant sur des ventes,
des locations-ventes ou des contrats de crédit-bail dont l’objet est un bien immobilier.

L’article 1er dispose enfin que « Les marchés publics de services ont pour objet la réalisation
de prestations de services ». Les marchés de services ont pour objet la réalisation de
prestations de services courantes ou spécifiques. Ils appartiennent à une catégorie attrape-tout
dont la vocation, dans une société tournée de plus en plus vers les services, sera de toute
évidence de s’enrichir.

b – La situation des marchés complexes

Il s’agit là de marchés qui, soumis à un phénomène d’hybridation, s’écartent des canons


habituels. Les marchés mixtes sont prévus par l’article 1er du code des marchés publics lequel
dispose que « un marché public relevant d’une des trois catégories mentionnées ci-dessus
peut comporter à titre accessoire, des éléments relevant d’une autre catégorie. Lorsqu’un
marché public a pour objet à la fois des services et des fournitures, il est un marché de
services si la valeur de ceux-ci dépasse celle des produits à fournir ». Ce sont des marchés
qui portent à la fois sur des fournitures et des services. Dans ce cas, on considère que ce sont
des marchés de services si la valeur de ceux-ci dépasse celle des fournitures et des marchés de
fournitures dans l’hypothèse inverse. Il incombe alors à l’acheteur public de rechercher quelle
est la prestation dominante (de services ou de fournitures) pour qualifier le marché envisagé.

On notera sur ce point que les marchés de travaux sont insusceptibles de donner lieu à des
marchés mixtes dans la mesure où les travaux ont une nature attractive ; le marché est alors
automatiquement qualifié de marché de travaux (y compris s’il comporte l’incorporation de
fournitures). Cette position est à rapprocher de celle déjà adoptée par la Cour de Justice des
Communautés Européennes237.

B – LA COMPUTATION DU SEUIL DES DIFFERENTS MARCHES

L’Instruction du Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie du 28 août 2001 prise


pour l’application du code des marchés publics est l’outil essentiel pour comprendre la
logique de l’article 27 du nouveau code. Il est fait observer en premier lieu que la computation
des seuils est effectuée au niveau de la personne responsable du marché. Par conséquent,
comme le rappelle l’instruction du 28 août 2001, « lorsque la personne responsable du
marché autorise, sous son autorité, certaines personnes à procéder à des achats sur factures
ou sur mémoires, c’est le montant total des achats effectués de la sorte qui est comparé aux
seuils en vigueur ». En second lieu, et surtout, le seuil est calculé comme le prévoit l’article
27 indépendamment du nombre d’entrepreneurs, de fournisseurs ou de prestataires. Cette
avancée par rapport à la lettre de l’ancien code est le résultat de la transposition des directives
communautaires portant sur les marchés publics. Il s’est agi de lutter efficacement contre la
pratique consistant à fractionner – le fameux saucissonnage - les marchés entre plusieurs
entreprises.

On distinguera les marchés de travaux ( 1 ) des marchés de fournitures ou de services pour


lesquels il est nécessaire de se référer à une nomenclature ( 2 ).

1 – Les marchés de travaux :

237
Voir CJCE 14 avril 1994 Gestion Hotelera Internacional, Aff C-331/92, Rec I page 1329.
Selon l’article 27 du nouveau code des marchés publics « est prise en compte la valeur de
tous les travaux se rapportant à une même opération ou à un même ouvrage, quel que soit le
nombre d’entrepreneurs auxquels la personne responsable du marché fait appel ». Les
travaux concernent aussi bien les travaux neufs que les travaux d’entretien et de maintenance.

La computation des marchés portant sur des travaux est effectué en ayant recours à la notion
d’opération ( a ) ou bien à celle d’ouvrage ( b ).

a - La notion d’opération

Déjà employée sous l’ancien code par le juge administratif238, la notion d’opération permet
d’appréhender un acte économique dans sa fonctionnalité, de le regarder comme un tout
parfaitement homogène parce que s’insérant dans un projet global. La réfection des toitures de
plusieurs écoles seront par exemple traitées uniformément. Toutefois, on ne saurait considérer
comme relevant d’une seule et même opération la conclusion simultanée d’un marché de
fournitures (des livres, par exemple) et d’un marché de travaux (la construction d’une
bibliothèque).

Pour illustrer le propos, l’instruction administrative rappelle qu’un conseil municipal peut
prendre une délibération par laquelle il décide la réalisation de travaux de peinture dans les
locaux de la mairie et d’une école. Dans ce cas, et parce que la dépense a été prévue par une
seule délibération, il faut additionner le montant total des travaux portant sur les deux
bâtiments239.

238
Voir CAA Marseille 2 mai 2000 District de Bastia, Req n° 97MA01245. Selon cet arrêt, « Considérant qu’il
résulte de l’instruction, d’une part, que les différentes phases de l’opération de restructuration du stade Armand
Cesari à Furiani appartenaient à une même opération tendant à l’édification d’un seul ouvrage destiné à
remplir par lui-même une fonction économique, dont le montant des travaux de la phase 1 déjà réalisés s’élevait
à 39 728 649 F et d’autre part, que la phase 2 des travaux de restructuration dudit stade a fait l’objet d’un
dossier unique de financement en date du 1er mars 1995, avec une estimation globale, d’où il résulte que la
dépense prévisionnelle du montant des travaux de construction de cette phase, qui comprend la tribune
principale nord et sa couverture, des compléments de travaux relatifs à l’éclairage, aux extérieurs et aux
reliquats et des travaux correspondant à des sujétions particulières, s’élevait à 44 500 000 F ; que la
circonstance que l’opération a été scindée en trois sous-ensembles est sans influence sur le caractère de
fonctionnalité économique unique de l’ouvrage envisagé au sens des dispositions susrappelées ; qu’ainsi le
montant estimé du marché, qui devait prendre en compte l’ensemble des travaux susmentionnés, s’établissait à
un montant supérieur au seuil fixé par l’arrêté du 9 février 1994 ; que par suite, la procédure de l’appel d’offre
était irrégulière à défaut de publicité au journal officiel des communautés européennes … ».
239
La position donnée par l’instruction est surprenante car elle risque d’inciter les conseils municipaux à prendre
autant de délibérations qu’il y a de travaux à accomplir pour ne pas dépasser le seuil. Comme s’il suffisait de
b - La notion d’ouvrage

Issue du droit communautaire240, la notion d’ouvrage est définie par l’article 1er de la directive
n° 93/37 du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des
marchés publics modifiée par la directive 97/52 du 13 octobre 1997. Selon ce texte « on
entend par « ouvrage » le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil
destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique »241.

2 - Les marchés faisant référence à une nomenclature :

L’article 27 a prévu dans son II et III que la computation du seuil des marchés de fournitures
et des marchés de services devait être effectuée par référence à une nomenclature regroupant
des familles de produits ou de services selon un critère d’homogénéité. L’arrêté du 13
décembre 2001 a défini la nomenclature générale applicable à l’ensemble des marchés publics
relevant de la méthode des seuils. Cette nomenclature n’est cependant pas destinée à
s’appliquer à tous. Les laboratoires de recherche ont demandé à bénéficier de règles de
computation plus souples que les autres acheteurs compte tenu de la spécificité de leur activité
et de la nature particulière des produits et services qu’ils utilisent. C’est ainsi qu’a été pris
l’arrêté du 24 décembre 2001 relatif à la nomenclature prévue par l’article 27 du code des
marchés publics, applicable à certaines activités de recherche.

Le caractère homogène des prestations de fournitures est déterminé dans une nomenclature
qui énumère « une liste des familles de produits ». Selon l’instruction, cette nomenclature «
présente plusieurs rubriques assorties d’un numéro et d’un intitulé ; chaque rubrique
regroupe des produits élémentaires qui constituent une famille homogène et doivent en

multiplier le nombre de délibérations pour tourner les règles de computation du seuil. On peut légitimement
penser que, soucieux de donner son plein effet à la notion d’opération, le juge ne suivra la position de
l’administration
240
Voir en ce sens CJCE 5 octobre 2000, C-16/98, Commission CE c/ République française, Droit adm déc 2000
page 18 ; Application de la notion d’ouvrage laquelle a une fonction technique et économique. La Cour a estimé
que les travaux d’électrification effectués sur le réseau de distribution électrique portaient sur le même ouvrage.
Les travaux portant sur les réseaux d’éclairage public de plusieurs syndicats intercommunaux ne portent pas en
revanche sur un seul ouvrage. Pour la Cour, il importe peu que plusieurs entités juridiques distinctes aient passé
plusieurs marchés portant sur un même ouvrage. Cette jurisprudence permet de faire échec aux tentatives de
saucissonnage des constructions puisqu’il n’est plus possible de scinder en plusieurs lots un ouvrage.
241
Voir également les directives « travaux » et « secteurs spéciaux ».
conséquence être agrégés. C’est à la personne responsable du marché qu’il appartient de
définir le caractère homogène des fournitures…».

Ainsi, chaque nomenclature comprend des catégories de fournitures ou services. Chaque


catégorie, rubrique ou groupe242 se décompose en familles homogènes, ce qui permet
d’affiner la nomenclature243. Les produits ou services sont ainsi regroupés à l’intérieur d’une
même rubrique par l’intermédiaire d’un numéro à 4 chiffres qui permet de les identifier. Si
l’on prend par exemple en matière de fournitures, la rubrique des denrées alimentaires
laquelle porte le numéro 10, on peut distinguer 15 familles de produits. La famille dont le
numéro est 10.01 porte sur les « denrées alimentaires surgelées ou congelées ». D’une
manière générale, on remarquera que la nomenclature est très détaillée244 ; il n'y a pas moins
de 11 familles homogènes pour la rubrique des produits d’habillement laquelle est intitulée «
Produits, textiles, cuirs habillements » et prend le numéro 14.

Le seuil s’apprécie donc par famille de fournitures ou de prestations homogènes. En matière


d’assurances, par exemple, une commune passera deux marchés distincts si elle contracte
séparément une police d’assurances couvrant les risques lié à l’utilisation de ses véhicules
(numéro 65.03) ou à la construction de bâtiments (numéro 65.04).

Mais l’arrêté ajoute que « toutefois, si l’acheteur public décide de regrouper plusieurs
fournitures ou plusieurs services appartenant au sein d’un seul marché, même si celui-ci est
alloti, c’est le montant global du marché qui devra être comparé aux seuils et non pas le
montant famille par famille ou lot par lot de produits qu’il regroupe ». Lorsque des marchés
de fournitures ou de services portent sur plusieurs familles de fournitures ou de services, le
seuil du marché en question est calculé en totalisant l’ensemble des achats ou des services.
Reprenons, l’exemple précédent, si la commune décide de passer un seul marché d’assurances
pour les deux types de risques, elle devra comparer le montant total de ce marché au seuil.
Cette hypothèse n’est assurément pas d’école car on voit mal la personne responsable du
marché passer plusieurs marchés lorsqu’elle acquiert plusieurs familles de fournitures ou de
services auprès d’une seule et même entreprise fournisseur.

242
La nomenclature générale détermine 29 rubriques de fournitures et 27 rubriques de prestations de services ; la
nomenclature recherche prévoit 11 groupes de prestations de services.
243
L’instruction rappelle que le contenu des familles homogènes n’est pas figé et qu’il peut donc évoluer.
La personne responsable du marché doit ensuite ne pas omettre « de mentionner clairement
dans le marché le numéro et la rubrique de la nomenclature correspondant. Ces informations
sont transmises au comptable »245.

a – Les marchés de fournitures

L’article 27 dispose : « est prise en compte, quel que soit le nombre de fournisseurs auxquels
la personne responsable du marché fait appel : a) si les besoins de la personne publique
donnent lieu à un ensemble unique de livraisons de fournitures homogènes, la valeur de
l’ensemble de ces fournitures ; b) si les besoins de la personne publique donnent lieu à des
livraisons récurrentes de fournitures homogènes, la valeur de l’ensemble des fournitures
correspondant aux besoins d’une année. Le caractère homogène des fournitures est apprécié
par référence à une nomenclature définie par arrêté interministériel ».

Le calcul des seuils des marchés de fournitures est plus complexe que celui des marchés de
travaux. L’achat de fournitures se fait d’une part par référence à une nomenclature246. Il existe
enusite deux modes distincts de computation des marchés de fournitures : il convient
d’apprécier soit le montant de l’ensemble unique des livraisons de fournitures homogènes ;
soit le montant de l’ensemble des livraisons récurrentes de fournitures homogènes acquises
par la collectivité publique au cours d’une même année, l’article 27 ne précisant pas s’il s’agit
d’une année civile ou non.

1 – L’ensemble unique de livraisons de fournitures homogènes :

Les fournitures homogènes relevant d’un ensemble unique doivent être additionnées sans tenir
compte de la règle de l’annualité. Il s’agit d’un besoin unique qui peut faire l’objet de
plusieurs livraisons sur une ou plusieurs années comme par exemple l’achat du mobilier d’une
école. Si une commune achète des denrées alimentaires, comme par exemple de la pâtisserie,

244
Les budgets devront alors suivre le détail de la nomenclature.
245
La transmission des numéros des rubriques au comptable assignataire est une obligation qui entérine la
jurisprudence financière. Elle a été prévue expressément par l’article 28 du nouveau code. Curieusement, le
décret du 2 mars 2001 n’a pas imposé pareille exigence aux autres procédures de mise en concurrence. Il s’agit
sans doute d’un oubli que tant l’instruction du 28 août 2001 que l’arrêté du 13 décembre 2001 ont entendu
combler.
246
La référence à la notion de fournitures homogènes n’est pas une totale nouveauté dans notre droit. En effet,
l’arrêté du 9 février 1994 chargé de mettre en œuvre les seuils communautaires des contrats de location faisait
déjà mention à une nomenclature.
qu’elle servira à l’occasion du fête, il faut considérer que cet achat est un ensemble unique de
livraisons de fournitures homogènes et non pas une livraison récurrente de fournitures
homogènes. Si cette fête présente un caractère répété, en raison d’une tradition locale, l’achat
de gâteaux sera regardé comme une livraison récurrente. Autre exemple, l’achat de livres
destinés à équiper une nouvelle bibliothèque doit être regardé comme l’achat d’un ensemble
unique de livraisons de fournitures homogènes et non pas comme une livraison récurrente de
fournitures. Il en va différemment si les livres achetés correspondent au volume d’achat
annuel qu’effectue une bibliothèque pour renouveler et/ou enrichir son fonds. Dans ce cas, il
s’agira alors d’une livraison récurrente de fournitures homogènes.

En tant que notion fonctionnelle (il n’est pas possible par exemple d’acheter des tables sans
les chaises ou des ordinateurs sans les équipements périphériques qui les accompagnent) la
notion d’ensemble unique est voisine de celle d’opération et joue un rôle similaire ; elle a
vocation à englober des achats distincts autour d’un projet commun.

2 – Les livraisons récurrentes de fournitures homogènes :

Ce sont là les besoins courants, répétitifs d’un service, comme par exemple l’achat de papier,
de fourniture de bureau, le renouvellement pour cause d’obsolescence des ordinateurs d’un
service administratif ou encore l’achat de seringues pour un établissement hospitalier. Dans ce
cas, le calcul du seuil s’effectue dans le cadre d’une année civile sauf si la personne
responsable du marché a décidé de passer un marché formalisé sur plusieurs années. Le
recours à un marché formalisé présente deux avantages certains : elle n’est pas dans
l’obligation toute les années de reprendre des démarches commerciales ; de plus, elle peut
profiter de la pluriannualité du marché comme argument commercial pour obtenir au cours de
la négociation une baisse des prix.

Concernant les marchés mixtes, le seuil se calcule en toutes hypothèses en cumulant


l’ensemble des dépenses de fournitures ou de services.

b - Les marchés de services :

L’article 27 prévoit enfin que « est prise en compte, quel que soit le nombre de prestataires
auxquels la personne responsable du marché fait appel : a) si les besoins de la personne
publique donnent lieu à un ensemble unique de prestations homogènes et concourant à une
même opération, la valeur de l’ensemble de ces prestations ; b) si les besoins de la personne
publique donnent lieu à des réalisations récurrentes de prestations homogènes et concourant
à une même opération, la valeur de l’ensemble des prestations correspondant aux besoins
d’une année ; c) si les besoins de la personne publique donnent lieu à la réalisation continue
de prestations homogènes, la valeur de l’ensemble de ces prestations sur la durée totale de
leur réalisation. Le caractère homogène des prestations de service est apprécié par référence
à une nomenclature définie par arrêté interministériel ».

L’appréciation des seuils des marchés de prestations de services est plus difficile encore que
pour les marchés de fournitures. La fréquence de la prestation est appréciée différemment
selon qu’elle est ponctuelle, récurrente ou continue. Ensuite, l’article 27 fait référence en
matière de prestations de services à l’année.

1 – L’ensemble unique de prestations homogènes concourant à une même opération :

L’ensemble unique de prestations homogènes est un besoin isolé, spécifique. Pour illustrer ce
cas, il est possible de citer l’étude de restructuration d’un quartier confiée à un cabinet
d’urbanisme ou la location de chambres d’hôtel (par exemple, une prestation d’hébergement)
dans le but d’accueillir un colloque réunissant l’ensemble des communautés urbaines
françaises. Dans ces exemples, la réfection d’un quartier ou l’organisation d’un symposium
consacré à l’intercommunalité sont bien des évènements uniques qui ne sont pas voués à se
répéter. Cet ensemble unique de prestations homogènes doit ensuite concourir à une même
opération, c’est à dire poursuivre la réalisation d’un objectif bien précis qui est librement et
subjectivement, pourrait-on dire, définie par la personne responsable du marché247.
L’instruction précise que des indices comme le contenu des prestations, la similitude des
modalités de réalisation des prestations ou la concomitance des décisions d’achats de ces
prestations sont autant de signes de l’existence d’une seule et même opération. Ainsi, ne
relèvent pas de la même opération et doivent donc être totalisé séparément une formation sur

247
Pour Christine MAUGÜE « la notion d’opération doit être entendue comme un projet présentant une unité
fonctionnelle. Cette notion conduit à ne pas s’arrêter, pour les services, à la notion de services homogènes et à
introduire une distinction plus fine, qui permettra de n’agréger que les services d’une même catégorie ayant
concouru au même projet. Ainsi, à titre d’exemple, le montant de toutes les études commandées par une
personne publique n’aura pas nécessairement à être cumulé pour déterminer la procédure applicable : des
prestations d’études dont la nature est a priori homogène pourront faire l’objet d’une comptabilisation distincte
l’euro et une formation pour la préparation aux concours administratifs, l’impression d’un
dépliant portant sur une application informatique et l’impression d’un guide relatif à la taxe
professionnelle. Dans ces deux cas, il s’agit bien de la même prestation homogène formant un
ensemble unique mais ce sont des opérations distinctes car elles ont été voulues comme telles
par leurs initiateurs. L’opération est donc définie par référence à un faisceau d’indices.

2 – Les réalisations récurrentes de prestations homogènes concourant à une même


opération

A l’inverse du cas précédent, il s’agit de besoins répétitifs. Les contrats de maintenance du


matériel informatique ou les contrats de surveillance et de gardiennage d’un bâtiment
administratif en sont des exemples topiques. De même, le service de la formation
professionnelle propose à échéance régulière (toutes les années dans l’hypothèse la moins
favorable) aux agents des actions de formations basiques (entraînement à la communication,
valorisation des ressources humaines, maîtrise du traitement de texte ou du tableur)

Comme en matière de livraison récurrente de fournitures homogènes, les réalisations


récurrentes de prestations homogènes (qui ont pour objet une opération identique) sont
appréciées dans le cadre de l’année. Toutefois, là également, comme pour les livraisons
récurrentes, la personne responsable du marché a la possibilité de décider « d’organiser ses
achats sur un plus long terme » et de passer par voie de conséquence un marché pluriannuel.
La personne responsable du marché devra alors estimer le marché sur sa durée totale. Pour
des raisons pratiques, on peut penser que les collectivités publiques auront tendance à préférer
la pluriannuelle à l’annualité.

3 – Les réalisations continues de prestations homogènes :

Ce sont des besoins qui s’exécutent continuellement dans le temps comme par exemple les
contrats de maintenance, de nettoyage ou d’assurance. La computation du seuil de ce type
particulier de prestation s’apprécie en fonction de la durée prévue au contrat. Cette durée248 ne
peut pas cependant être trop importante car elle serait contraire au principe d’efficacité prévu

si elles ont des objets différents et sont réalisées dans le cadre de projets distincts ». Voir Christine MAUGÜE :
« La réforme des procédures » Bulletin juridique des contrats publics n° 16 page 199.
248
Voir l’article 15 du nouveau code des marchés publics.
par l’article 1er du nouveau code des marchés publics ainsi qu’à son article 5, lequel
confirmant la jurisprudence du Conseil d’Etat249, rappelle que « le marché conclu par la
personne publique doit avoir pour objet exclusif de répondre à ces besoins ».

L’appréciation des réalisations continues de prestations homogènes sur la durée totale du


marché rend le recours aux bons de commande quasiment impossible dans la mesure où les
prestations continues donnent lieu à l’établissement d’un forfait global. Quoiqu’il en soit, en
cas de signature de marchés à bon de commande, il faudra alors estimer le montant du marché
sur sa durée totale. De même, les marchés à tranches conditionnelles doivent être appréciés en
tenant compte du montant global de la tranche ferme.

Il existe enfin des marchés particuliers : les marchés allotis et les marchés reconduits. En
application de l’article 27 du nouveau code, les premiers sont appréciés en cumulant les lots.
Quant aux marchés reconduits, il faut tenir compte en vertu de l’article 15 du code du montant
total des reconductions.

En marge de ce qui précède, on observera que l’arrêté du 13 décembre 2001 a repris la notion
d’achats imprévisibles existante sous l’ancien code. L’arrêté énonce dans un premier temps
que « le caractère imprévisible du besoin nouveau ne peut avoir aucune incidence sur le
choix de la procédure à mettre en oeuvre pour réaliser l’acquisition ». Puis, dérogeant, il
affirme que « si des achats ont déjà été réalisés sans formalités préalables en raison de leur
montant et que le montant des achats correspondant au besoin nouveau imprévisible fait
passer le montant total des acquisitions pour la même famille homogène au-dessus du seuil de
90 000 Euros HT, les marchés précédemment passés sans formalités préalables ne seront pas
considérés comme rétroactivement entachés d’illégalité ». Cette dérogation remet en cause la
lettre de l’article 27, sinon l’esprit du nouveau code des marchés publics qui repose sur l’idée
de programmation des besoins250. Par suite, on peut se demander avec le Professeur Florian
LINDITCH si le Conseil d’Etat n’invalidera pas cette disposition251.

*- *-*

249
Voir en ce sens CE 3 août 1996 Commune de Petit-Bourg (Requête n° 165075).
250
Actuellement en cours de préparation, un guide à destination des comptables publics précise que les achats
imprévisibles doivent être rattachés dans la catégorie des « achats ponctuels ».
251
Voir en ce sens Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau
Code des marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 7.
Pour résumer la philosophie générale des règles de computation du nouveau code des marchés
publics, on doit dire que l’article 27 est un article gigogne - Florian LINDITCH parle très
justement à son propos de « démultiplication des seuils » - qui donne aux personnes publiques
une étonnante liberté de programmation. Toutefois, ce que les collectivités publiques gagnent
en liberté, elles le perdent en sécurité. Car rien ne permet de dire que les autorités de contrôle
partageront la même vision qu’elles feront de leurs besoins et du découpage des prestations de
fournitures en ensemble unique. C’est pourquoi selon le Professeur LINDITCH le concept de
sincérité est amené à prendre un certain essor252.

SECTION II : UNE REFORME INAPPLICABLE

Le nouveau code des marchés publics ne paraît avoir conquis tous les acteurs de la commande
publique. Plusieurs questions de parlementaires (chargés de relayer les interrogations des
acheteurs) aux ministres expriment d’ailleurs très bien le désarroi ambiant. Ainsi, il a été
demandé si le nouveau code des marchés publics n’était pas pour les acheteurs publics une
source d’insécurité juridique253 ou encore, si les autorités locales pouvaient consulter les
Chambres régionales des comptes sur la manière de conclure leurs marchés publics ainsi que
leurs conventions de délégations de service public254. Il n’est pas douteux que les questions
posées seront certainement fréquentes255.

La raison de cette inquiétude provient principalement des règles de computation des seuils
prévues par l’article 27 du nouveau code. S’il est vrai, comme l’a affirmé Paul Valéry, que «
tout ce qui est simple est faux, mais ce qui n’est pas simple est inutilisable »256 l’article 27 est

252
Voir Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau Code des
marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 7.
253
Réponses ministérielles à la Question écrite de Philippe Leroy du 27 décembre 2002 n° 37388 JO Sénat 14
mars 2002 page 790.
254
Réponses ministérielles à la Question écrite de Mme Nicole Feidt du 6 août 2001 n° 64831 JO Assemblée
nationale 5 novembre 2001 page 6323. La réponse est négative. La question posée montre surtout la distance qui
sépare la mise en œuvre de ces contrats des risques qu’ils font encourir à leurs signataires.
255
Pour un exemple récent on renverra à Réponses ministérielles à la Question écrite de Mme Roselyne Bachelot
du 19 novembre 2001 n 69069 JO Assemblée nationale 11 mars 2002 page 1407. La question portait sur le
calcul du seuil en matière de services d’architecture et d’ingénierie. Elle est topique en ce qu’elle traduit le
trouble qui anime les utilisateurs du code.
256
Citation extraite de l’ouvrage de Cyrille EMERY : « Passer un marché public » Delmas 1ere édition 2001
page 147.
assurément à ranger au rayon des instruments juridiques complexes257. Dès lors, cet article
risque d’avoir un puissant effet d’éviction sur l’article 28 même si les problèmes de
computation des seuils induits par cette disposition ne se limitent évidemment pas à la seule
détermination du dépassement du seuil des marchés sans formalités préalables258.

De sorte que les marchés sans formalités préalables risquent fort de tomber en désuétude.
L’article 27, ce pavé de l’ours jeté dans la figure de l’acheteur, suppose une gymnastique
ménagère pour n’importe quel achat public ; on peut se demander s’il ne va susciter très
rapidement une forte réaction de rejet de la part des acteurs de la commande publique. Il
convient de poser la question de la pérennité de l’article 27 ( A ) mais également celle de
l’article 28 ( B ).

A – L’AVENIR DE L’ARTICLE 27 ?

L’avenir de l’article 27 est en jeu : deux raisons majeures laissent à penser que son espérance
de vie est limitée. Tout d’abord, l’article 27 est un mécanisme dont la maîtrise n’est pas une
chose aisée pour les acteurs de la commande publique ( 1 ). Le contrôle, ensuite, de la
computation du seuil des marchés sans formalités préalables ne semble pas pouvoir être
assuré efficacement par les juges administratifs et financiers ( 2 ).

1 – Un outil complexe

L’assise intellectuelle de l’article 27 est instable, mal assurée au regard de l’objectif de


sécurité juridique que lui ont assigné les rédacteurs du nouveau code. Ce quiproquo
méthodologique n’est sûrement pas étranger aux interrogations pratiques que cet article pose
et posera durant les années futures. D’un point de vue théorique, l’article 27 pose plusieurs
problèmes. Les notions d’ouvrage, d’opération ou d’ensemble unique sont des standards259,
des concepts flexibles qui laissent à l’interprète ultime - en l’occurrence le juge - le soin d’en
fixer les contours. Ce dernier a donc en vertu de son pouvoir d’interprétation une grande
liberté d’appréciation des faits qui lui sont soumis. En procédant à la qualification juridique

257
Le droit fiscal connaît, lui, le précompte mobilier ; les règles de cet instrument juridique sont si complexes
que de nombreux praticiens s’arrangent pour ne jamais devoir le mettre en œuvre.
258
Pour deux exemples concernant la procédure d’appel d’offres, on renverra à Thierry BEAUGE : « La réforme
du code des marchés publics commentée » AFNOR 2001 pages 54 et suivantes.
des faits, le juge va procéder à la subsomption des faits. Pourrait alors s’ensuivre le choc de
deux libertés, celle de programmation des acheteurs d’une part et celle des juges chargés
d’interpréter le texte d’autres part.

De même, l’article 27 fait référence à une nomenclature qui permet de définir ce que sont des
fournitures et des prestations homogènes. Cette nomenclature se présente comme - autrefois la
planification économique - l’incarnation de l’anti-hasard puisqu’elle a justement pour but
d’éviter que les acteurs de l’achat public aient le moindre doute sur l’homogénéité des
prestations de fournitures ou de services. La nomenclature a pour vocation à restreindre au
maximum le pouvoir d’interprétation - et d’hésitation - des acteurs de l’achat public. Elle
accrédite l’idée que les autorités normatives peuvent tout prévoir. Elle apparaît donc comme
un élément stabilisateur par rapport à l’ancien code des marchés publics. Va-t-elle pour autant
parvenir à donner aux ordonnateurs, aux comptables publics, et aux juges chargés de les
contrôler un vade-mecum efficace pour computer les seuils ? On en doute… Le recours à une
nomenclature repose sur le mythe de la complétude, le mythe de l’absence de lacunes des
textes. Cette attitude rappelle celle des Révolutionnaires qui, par méfiance des juges,
pensaient que la Loi pouvait absolument tout prévoir. Or, comme tout langage, la langue
juridique est un univers de sens260. Le sens, la clarté d’un texte ou d’une disposition n’est
jamais arrêté, n’est jamais un acquis définitif261.

Ces quelques éléments théoriques permettront d’éclairer les innombrables difficultés tenant à
la mise en oeuvre de l’article 27. L’énumération des questions liées à l’application de l’article

259
Les notions générales au contenu indéterminé, les notions-cadres ou notions floues sont nombreuses en droit :
les bonnes mœurs, l’ordre public, la faute, l’urgence, la dignité humaine.
260
Sur ce point, Herbert Hart parle de « la texture ouverte du droit ». Voir H.L.A. HART « Le concept de droit »
trad. M. VAN DE KERCHOVE, Bruxelles, Fac. univ. Saint-Louis 1976 page 155. Ainsi, il existe « au-delà d’un
« noyau de sens clair » d’un concept, une zone de pénombre qui l’entoure, de sorte que si un certain nombre de
cas types rentrent assurément dans l’extension du terme, il existe également un certain nombre de cas limites
dont il est difficile a priori douteux de savoir s’ils sont ou non visés par lui ». François OST et Michel VAN DE
KERCHOVE : « Jalons pour une théorie critique du droit » Publ. Fac. Univ. Saint-Louis Bruxelles 1987 page
356. Dans la même ligne, il est possible de renvoyer à la théorie des jeux de langage développée par le Second
Ludwig Wittgenstein dans ses « Investigations philosophiques ».
261
On rappellera que la loi du 31 décembre 1957 a décidé de transférer aux tribunaux judiciaires le contentieux
de la responsabilité extra-contractuelle résultant des dommages causés par un véhicule. En apparence simple, la
notion de véhicule s’est montrée particulièrement extensive. Ont été considérés comme un véhicule les bacs (TC
15 octobre 1973 Barbou), les charrettes (CE 25 juin 1986 Mme Curtol) voire un radeau (Cour de Cass Civ 1ere 8
janvier 1964) ou une luge de secours. Sur ce point, lire René CHAPUS : «Droit administratif général » Domat-
Montchrestien 2000 Tome I, pages 873 et suivantes. Ce qui fait dire au grand philosophe du droit, Charles
PERELMAN : « Concrètement quand il s’agit d’un texte rédigé dans une langue ordinaire, dire que le texte est
clair, c’est souligner le fait qu’en l’occurrence, il n’est pas discuté … ». Citation extraite de l’ouvrage de Benoît
FRYDMAN et Guy HAARSCHER : « Philosophie du droit » Dalloz-Connaissance du droit 1998 page 14.
27 ne sera pas envisagée dans le même ordre de présentation de la réforme (prévision des
besoins ; distinction du type de marché ; étude pour chaque marché de la méthode de
computation, selon que le marché fait ou non référence à une nomenclature, selon qu’il est
récurrent ou non, etc…). A cette méthode, il a semblé préférable de distinguer les questions
qui sont anciennes et pour lesquelles le nouveau code n’a apporté aucune réponse de celles
qui complètement nouvelles prennent leurs racines dans la réforme du mois de mars 2001.
Pour faire bref, on pourrait dire que le nouveau code n’a pas su résoudre toutes les questions
existantes relatives à la computation du seuil des marchés publics ( a ) mais qu’il en a créé de
nouvelles ( b ).

a – La non résolution des questions anciennes

Trois questions sont à envisager.

1 – Les frontières des marchés de l’article 27 sont poreuses

L’article 27 repose sur la distinction entre les marchés de travaux, de fournitures, et de


services. Si la disposition est nouvelle en droit des marchés publics, le problème est lui plus
ancien. Il convient en effet de se poser la question de savoir si cette répartition tripartite est
bien pertinente ? N’existe-t-il pas un risque pour l’acheteur public de se trouver, dans certains
cas, dans l’impossibilité de dire s’il se trouve en présence d’un marché de travaux, de
fournitures ou de services ?

Incontestablement, l’étude de la jurisprudence montre qu’il n’est pas toujours facile de dire si
l’on est en présence de marchés de travaux ou non car il faut distinguer les marchés portant
sur des travaux immobiliers des marchés de prestations de maintenance portant sur des
immeubles262. A l’inverse, divers travaux sont assimilables à des travaux immobiliers. Le
Conseil d’Etat a jugé que des travaux de déblaiement, de terrassement263 ont la nature de
travaux immobiliers. Les marchés de travaux doivent également être distingués des marchés

262
Voir en ce sens TA Lille 28 mars 2000 Préfet de la Région Nord-Pas-de-Calais, Préfet du Nord c/ Commune
de Marquette-Les-Lille, BJCP 2000 n° 12 page 321, conclusion G.PELISSIER.
263
Voir CE 29 avril 1983 SEM d’aménagement urbain de Saint-Jean-de-Luz, Droit adm 1983 com n° 246.
de fournitures, notamment lorsque le bien mobilier s’incorpore à un immeuble264. Les
marchés de travaux impliquent par ailleurs que la collectivité publique assure la maîtrise de
l’ouvrage. C’est pourquoi, les contours des marchés de travaux ne sont pas nets ; ils peuvent
au surplus être confondus avec la vente en l’état futur d’achèvement, le bail emphytéotique
administratif ou encore la location avec option d’achat.

De leur côté, les marchés de services doivent être distingués des marchés de fournitures et des
conventions de délégation de service public ou des contrats de louage de service. Certaines
prestations peuvent contenir autant de fournitures que de services. Comme le constate Laurent
RICHER, « le marché de services est en voie de diversification constante compte tenu du
développement de nouveaux services allant du nettoyage de locaux aux services
informatiques. La notion de service n’est pas des plus précises ; on peut considérer qu’est un
marché de services le contrat d’entreprises qui a un objet autre que des travaux à caractère
immobilier. Les frontières ne sont cependant pas immuables : ainsi les contrats pour le
ramassage des ordures ménagères ont été jadis qualifiés de marchés de travaux publics, alors
qu’ils sont aujourd’hui considérés comme des marchés de services »265.

Enfin, les contrats exclus du champ d’application du code des marchés publics, notamment
ceux prévus par l’article 3-3° du code lesquels portent sur l’acquisition ou la location de
terrains ou d’immeubles qui ne sont pas pris en crédit-bail, sont susceptibles de laisser planer
de nombreux doutes. Avant de savoir si ce type de contrat est soumis au code et si les
dispositions de l’article 27 lui seront applicables, la collectivité publique devra commencer
par procéder à une fine analyse de son financement.

On le voit, en distinguant entre marchés de travaux, de fournitures ou de services, le nouveau


code oblige les acheteurs publics à identifier avec précision le type de contrat qu’ils entendent
conclure et cela ne sera pas forcément chose facile.

2 – La détermination de la personne responsable du marché

264
Voir CAA Bordeaux 30 décembre 1991 Société Alarm Vidéo Systèm, à propos de la vente d’un système de
téléalarme à un centre communal d’action sociale. Les juges ont estimé qu’en raison de l’emprise du boîtier dans
le mur, il s’agissait d’un marché de travaux et non de fournitures.
265
Laurent RICHER : « Droit des contrats administratifs » LGDJ 2ème édition 1999 page 329 ; Et l’auteur
d’ajouter (page 330) « Mais ce n’est pas à l’intérieur de la catégorie des marchés de services qu’existent les plus
grosses difficultés de délimitation : le problème le plus délicat est celui de la distinction entre marché de
services et délégation de service public ».
Sur ce point, le nouveau code des marchés publics n’apporte rien puisqu’il reprend et
confirme les solutions adoptées par le code de 1964. En conséquence, les questions,
notamment pour les commandes passées au sein des Universités, qui étaient apparues sous
l’ancien code continueront de se poser. Plus gênant encore, la prise en considération du seuil
au niveau de la personne responsable du marché est contraire à l’évolution vers une plus
grande déconcentration administrative et financière266. Signalons pour tempérer ce propos que
l’article 7 du nouveau code donne la possibilité à l’Etat et aux établissements publics
nationaux dont les différents services disposent d’un budget propre de procéder eux-mêmes à
l’achat de leurs besoins. Toutefois, l’article 7 précise que ces services « peuvent coordonner
la passation de leurs marchés » en procédant à la désignation en leur sein d’un service
centralisateur. En bref, le nouveau code admet les achats « décentralisés » au sein d’une
personne publique mais préfèrerait qu’ils fassent l’objet d’une coordinations. Cela dit, il
semble difficile de croire que ce qui n’a pas été fait hier sera faire demain.

2 - Les marchés de travaux

Avant même l’entrée en vigueur du nouveau code, les difficultés liées à l’emploi des notions
d’opérations et d’ouvrage étaient connues.

α- La notion d’opération

Sur ce point, la méthode de computation des marchés de travaux issue de l’article 27


concrétise la jurisprudence du Conseil d’Etat auquelle il faudra à nouveau se référer267. Le
nouveau code des marchés publics n’innove donc pas et on continuera à utiliser la méthode du
faisceau d’indices (la similitude des achats, la proximité des achats par exemple) mise en

266
Pour Florian LINDITCH « comment expliquer aux services de tel conseil général que désormais les travaux
de bâtiments qu’ils soient relatifs aux collèges, aux services centraux ou aux services d’action sociale devront
être coordonnés par un seul « Service marché » ? Comment expliquer encore qu’il devra en aller de même des
fournitures de bureau ou des abonnements de presse, qu’il s’agisse de ceux des services techniques, sociaux,
culturels, éducatifs de villes comme Paris, Lyon, Marseille, alors que leurs agents ne se sont jamais rencontrés
et sont parfois localisés aux quatre coins de la ville ? ». Voir Florian LINDITCH : « Le droit des marchés publics
» Dalloz / Connaissance du droit, 2ème édition 2002, pages 72 et suivantes. La philosophie du nouveau code
semble donc remettre en cause sur ce point la déconcentration administrative et financière développée ces
dernières années. Le nouveau code oblige les personnes publiques à centraliser leurs achats pour évaluer
correctement le seuil. Voir également l’exemple donné par Patrice COSSALTER : « Les marchés sans
formalisme préalable » Territorial / L’essentiel Sur 2002 page 43.
place par la Haute juridiction administrative. Par suite, les problèmes posés sous l’empire de
l’ancien code continueront à être au cœur des marchés portant sur des travaux. Les travaux
d’entretien et de maintenance portant sur plusieurs immeubles bâtis d’une commune forment-
ils une même opération ou bien existe-t-il autant d’opérations qu’il y a d’immeubles ? De
même, faut-il distinguer les différents travaux d’entretien et de maintenance en fonction du
corps de métier intervenant (plâtrier, plombier, carreleur, etc…) ou considérer qu’ils
appartiennent à la même opération ?

Deux auteurs268 regrettaient avec une certaine dose de naïveté que la notion d’opération n’ait
pas été définie par les rédacteurs du décret. On voit mal comment on aurait pu le faire. Pour
autant, cette absence de définition n’est pas un bienfait269 ; elle laisse et laissera les usagers du
nouveau code dans une profonde incertitude à chaque fois qu’il s’agira de savoir si les
marchés de travaux entrepris relèvent d’une seule et même opération ou de plusieurs
opérations. Du coup, les acheteurs ne trouveront pas l’élément de sécurisation promis par le
nouveau code.

β - La notion d’ouvrage

La notion d’ouvrage posera des difficultés dans la mesure où elle perturbe celle d’entité
adjudicatrice. Pour deux auteurs « l’introduction de la notion communautaire d’ouvrage ne
simplifie nullement les choses. Même si elle possède une dimension concrète supérieure à
celle d’opération, il convient de remarquer qu’elle transcende la notion d’entité adjudicatrice
et que, dès lors, une procédure de publicité devrait être organisée pour un « ouvrage » réalisé
par plusieurs marchés de travaux passés par des entités adjudicatrices différentes »270. En
effet, on peut, au sens du droit communautaire, avoir un ouvrage effectué par différentes
collectivités publiques.

267
Voir les arrêts CE 26 septembre 1994 Préfet d’Eure-et-Loir et CE 8 février 1999 Syndicat intercommunal des
eaux de la Gâtine
268
Voir F. LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX : « Questions de seuils » Contrats et marchés publics
novembre 2001 page 2.
269
Voir en sens contraire Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le
nouveau Code des marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 4. Cet auteur parle « des
bienfaits d’une absence de définition ».
270
Voir Sophie PIGNON et Denis BANDET : « Le nouveau Code des marchés publics : quelques éclairages
pratiques » AJDA 2001, page 368.
Pour conclure, on se demandera si en faisant référence aux notions d’opération et d’ouvrage,
les concepteurs du nouveau code n’ont pas introduit une distinction qui ne présente aucune
utilité? En effet, la notion d’opération semble englober celle d’ouvrage. Florian LINDITCH
soutient que les notions d’opération et d’ouvrage sont très proches et que, en réalité, la notion
d’ouvrage est « une sous-catégorie » de celle d’opération271. Si tel est bien le cas, pourquoi
avoir eu recours à deux notions ? Il serait préférable de considérer que seule la notion
d’opération importe véritablement et de réserver l’usage de la notion d’ouvrage aux seuls
marchés de travaux relevant, en raison de leur coût, du droit communautaire.

En définitive, comme deux auteurs ont pu l’affirmer : « Les nouvelles règles de cumul de
montant ne résolvent pas entièrement les difficultés antérieures, notamment en maintenant,
sans la préciser outre mesure, la notion d’opération pour les travaux et les services »272. Pour
atténuer l'assaut qui vient d’être fait contre les marchés de travaux de l’article 27, on doit dire
que si « l’incertitude demeure en matière de marchés de travaux et l’introduction de la notion
communautaire d’ouvrage n’est pas de nature à la lever. Il reste que l’on ne voit pas vraiment
quel critère aurait pu mettre fin aux certitudes »273.

b – L’apparition de problèmes nouveaux

La lecture de l’article 27 suscite de nouvelles interrogations ; comment se servir de la


nomenclature ? Que faut-il entendre par achats récurrents ? Qu’est-ce donc un ensemble
unique ou une réalisation continue ? A quoi, enfin, renvoie la notion d’opération pour les
marchés de services ? Ce sont là quelques questions posées par cette nouvelle disposition.

α – La référence à une nomenclature

C’est une nomenclature, on l’a vu, qui précise le caractère homogène des fournitures et des
services. Sur le principe même de cette nomenclature, on signalera qu’elle risque d’être
rapidement dépassée et qu’elle devra suivre les évolutions techniques et technologiques.

271
Voir en ce sens Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau
Code des marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 4. La notion d’ouvrage est issue de
l’article 1-c de la Directive 93/37 sur les travaux.
272
Voir Sophie PIGNON et Denis BANDET : « Le nouveau Code des marchés publics : quelques éclairages
pratiques » AJDA 2001, page 369.
273
Lire Sophie PIGNON et Denis BANDET : « Le nouveau Code des marchés publics : quelques éclairages
pratiques » AJDA 2001, page 368.
L’existence d’une nomenclature pour les achats de fournitures et les prestations de services
part du principe un peu vain qu’il est possible de tout prévoir, qu’il est possible d’anticiper
tous les besoins des personnes publiques. En réalité, l’idée d’une nomenclature semble être
morte-née. Ou bien en effet elle cherche à l’exhaustivité en recensant le maximum de
fournitures et de services et elle sera rapidement frappée du syndrome macédonien, de même
qu’elle ne remplira pas sa fonction en permettant de rester presque constamment sous le seuil
de 90 000 Euros compte tenu de son extrême précision ; ou bien elle reste dans l’imprécision
en référençant que quelques produits et services et elle sera source d’insécurité juridique car
les acheteurs publics ne sauront pas si tel achat relève ou non de tel numéro de la
nomenclature ou de tel autre.

Au-delà de ces difficultés théoriques, les acheteurs devront dans certains cas faire preuve
d’imagination pour appliquer la nomenclature actuelle. A quelle catégorie ou rubrique doit-on
rattacher un produit ou un service ; puis, ensuite pour aboutir à un numéro à quatre chiffres, à
quelle famille ce produit ou ce service correspond-t-il ? Il ne faudrait pas que l’espace de
liberté que la nomenclature prévoit s’entrouvre sur un océan de perplexité. On observera
d’ailleurs que ce travail d’épluchage nécessitera de mettre à contribution l’entreprise
cocontractante. Le poissonnier devra par exemple en effet préciser si ses produits ont été
surgelés (numéro 10.02) ou non (numéro 10.08). Cette participation forcée des fournisseurs à
l’élaboration des marchés des acheteurs publics est en elle-même contraire à l’idée de
simplification de la commande publique.

Un projet de « guide pour la mise en oeuvre de l’article 27 » est actuellement en cours


d’élaboration par les services du MINEFI. Selon ce guide, le titulaire d’un marché
bénéficierait d’une exclusivité d’approvisionnement sur la totalité des fournitures ou des
services relevant d’un même rubrique de la nomenclature274. Or il est rappelé que chaque
rubrique se décompose en sous-rubiques : les familles. Outre que cette présentation ne
correspond pas aux prescriptions édictées par l’article 27, et qu’elle donne une rente de
situation au premier entrant dans une rubrique contraire aux principes les plus essentiels du
droit de la concurrence, elle illustre surtout la volonté du MINEFI de simplifier un dispositif
particulièrement complexe. En procédant de la sorte, les services de la comptabilité publique
espèrent-ils peut être pouvoir ainsi identifier la totalité des éléments d’une rubrique par un

274
Voir Cyrille EMERY : « Une interprétation de plus de l’article 27 du nouveau CMP ! » L’Actualité de la
Commande et des Contrats Publics n° 10 / avril 2002 pages 15 et suivantes.
fournisseur désigné une fois pour toute. A chaque rubrique, son fournisseur ou son prestataire.
On pensait que le nouveau code avait abandonné toute référence à la notion de fournisseur au
profit de celle de prestation mais voilà que devant le caractère protéiforme de la seconde, elle
réapparaît.

Ce guide préciserait par ailleurs qu’en cas de marché comportant des produits et des services
relevant de plusieurs familles, il conviendrait alors de retenir le numéro de nomenclature de la
prestation dominante pour référencer l’achat ou le service. Ainsi, on donnerait un seul numéro
à un achat par exemple comportant des produits relevant de plusieurs nomenclature. Là
encore, on constate que les services de la comptabilité publique cherche à simplifier au
maximum le travail des comptables publics en modifiant le système introduit par le
Gouvernement. Pour chaque livraison de fournitures à caractère mixte (c’est à dire
comportant des fournitures appartenant à plusieurs numéro de la nomenclature) l’acheteur
public devra « consolider » son achat. Par delà son illégalité patente, la méthode de calcul
préconisée par le guide va de plus conduire à un dépassement plus rapide du seuil de 90 000
Euros puisque tous les achats seront agrégés à un seul numéro – le numéro dominant - de la
nomenclature. La difficulté restera cependant de déterminer ce que sera dans chaque cas la
prestation dominante ; sans doute, l’examen de la facture et du prix de revient de chacun des
produits permettra de définir quelle est la prestation dominante. La nomenclature de l’article
27 avait cherché le détail et la liberté , le guide au contraire obéirait à une logique de
réunification des numéros de la nomenclature afin de permettre un meilleur contrôle.

Pour finir, il ne semble pas que les craintes provoquées par le guide275 soient réelles. En
pratique, on est disposé à croire que les acheteurs publics qui passeront des commandes
comprenant des produits appartenant à plusieurs familles homogènes au sein d’une même
rubrique voire à plusieurs familles homogènes pris dans des rubriques différentes n’hésiteront
pour des raisons de commodité dans le suivi de leur achat, mais également de respect de leur

275
Il est évident que, pour les comptables publics, le suivi des achats de fournitures et des prestations de services
sera une difficulté peu commune. Prenons par exemple le cas des achats de produits, plus simple que celui des
prestations de services. Le même numéro à quatre chiffres de la nomenclature d’un produit peut être l’objet au
titre d’une même année civile d’un achat faisant partie d’un ensemble unique, d’un achat récurrent, et semble-t-
il, d’un achat regroupé au sein d’un marché de services si sa valeur est inférieure à celle des prestations de
services. Sur plusieurs années, la situation se complique sérieusement dans la mesure où ce même numéro à
quatre chiffres peut être utilisé à trois ans de distance pour la satisfaction de deux achats d’ensemble unique et
d’un achat récurrent. Enfin, le calcul est rendu difficile par le fait qu’un achat récurrent peut avoir une durée
totale ne correspondant pas aux années civiles. Dans ce cas, le montant d’achat dans la famille homogène est-il
toujours de 90 000 Euros HT ou bien est-il de ce montant moins celui de l’achat homogène ?
cocontractant, à conclure, comme ils en ont la possibilité un seul marché, lequel leur fera
immanquablement dépasser le seuil de 90 000 Euros HT.

De même, on regrettera que le régime juridique de certaines fournitures comme celui des
livres ou de la presse demeure particulièrement incertains. Pour certains ces achats sont exclus
du champ du code des marchés publics alors que d’aucuns pensent au contraire qu’ils y
entrent dès lors que la nomenclature y fait référence.

Florian LINDITCH fait observer que le décret de mars 2001 se situe à un niveau plus élevé
dans la hiérarchie des normes que les arrêtés ministériels du mois de décembre 2001 ; il en
déduit que les contradictions qui existent ou existeraient entre le décret et ces arrêtés
ministériels doivent être résolus à l’avantage de celui-là276. Selon lui, l’article 27 obéit à une «
logique synthétique »277 c’est à dire sur une identification précise des besoins tandis que les
deux arrêtés reposent sur une conception arithmétique et donc sur l’addition des fournitures et
services composant ces besoins. Au terme de sa démonstration, il affirme que l’adoption de la
méthode développée par les deux arrêtés conduirait à ruiner la liberté de programmation des
administrations. A dire vrai, son propos semble est davantage une mise en garde que
l’expression de la réalité, la logique de l’addition étant d’une simplicité qui favorisait le
contrôle. La lecture de l’arrêté du 13 décembre 2001 ne laisse planer aucun doute sur le fait
que l’achat en double exemplaire d’une même fourniture ne doit pas être classé dans la même
rubrique des fournitures homogènes si l’un de ces achats appartient à un ensemble unique et
que l’autre relève d’une livraison récurrente ou encore si les deux achats, mais cela est moins
probable, donnent lieu à la livraison de deux ensembles uniques.

β – L’annualité

Se pose ensuite la question de savoir si la référence à l’année pour la computation des


marchés récurrents de fournitures et de services correspond à l’année civile278. Pour certains,
« en l’absence de précision expresse de l’article 27, rien ne permet de considérer que

276
Voir Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau Code des
marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 6.
277
Voir Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau Code des
marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 6.
278
Sous l’ancien code des marchés publics, il était possible de passer une commande d’un montant de 300 000 F
TTC quelques jours avant le 31 décembre d’une année et de passer la même commande pour le même montant
quelques jours après le 1er janvier de l’année suivante.
l’annualité évoquée est celle de l’année civile »279. On espère qu’il n’en ait rien et que la
notion d’année renvoie bien à l’année civile, laquelle coïncide au surplus avec l’exercice
budgétaire, et non à un périodicité de douze mois dont le point de départ est librement fixé par
l’acheteur public280. Si l’on devait admettre que les besoins d’une année se computent sur une
période de 12 mois, cela obligerait les comptables publics à vérifier pour chaque marché son
point de départ. Autant dire, que ce serait un pas de plus vers le raffinement de la matière ….

χ – Les notions d’ensemble unique et de récurrence

En matière de marchés de fournitures ou de services, les rédacteurs de l’article 27 ont


introduit une distinction qui tend à donner aux acheteurs publics encore davantage de liberté
et à leur éviter de dépasser trop fréquemment les seuils. Ces marchés sont en effet soumis à la
distinction entre les livraisons ou prestations d’un ensemble unique et celles qui sont
récurrentes. Comme on peut le remarquer, le nouveau code n’a pas repris à son compte les
distinctions traditionnellement utilisées en droit civil pour distinguer les contrats. Selon la
doctrine civiliste, les contrats à exécution instantanée sont des contrats281 dont « les
obligations sont susceptibles d’être exécutées par des prestations uniques, non répétées »
tandis que les contrats à exécution successive (ou contrats successifs) sont des contrats dont
les prestations s’exécutent dans le temps (comme par exemple, le contrat de bail ou le contrat
d’assurance). Ajoutons encore, pour être complet, que ces derniers connaissent une variante :
les contrats à exécution échelonnée. Ceux-ci282 « font simplement se succéder dans le temps
des prestations qui pourraient rationnellement constituer autant de contrats distincts, mais
qui sont considérées comme formant un tout en raison de l’unité de l’acte originaire ». De ces
distinctions savantes, le nouveau code n’a rien retenu et a préféré forger ses propres concepts.
On remarquera cependant que l’arrêté du 13 décembre 2001 assimile la notion de livraison
d’un ensemble unique à une achat ponctuel (ou à une acquisition unique). Devant tant
nouveauté, il a peut être semblé préférable de donner aux utilisateurs une notion plus
compréhensible.

279
Voir Frédérique OLIVIER : « Le nouveau droit des marchés publics. Une lecture pratique » Droit
administratif, Juillet 2001 page 6.
280
Dans cette hypothèse, le délai d’une année court-il à compter de la date de notification de la première
commande ou bien, car cela mériterait encore confirmation, à compter de la date de mandatement ?. Si, par
exemple, une commande d’un montant de 60 000 Euros HT portant sur la livraison de fournitures homogènes est
passée le 15 avril, elle empêchera la personne publique de passer une deuxième commande identique d’un
montant de 30 000 Euros HT avant le 14 avril de l’année suivante.
281
Voir Jean CARBONNIER : « Droit civil. Les Obligations » PUF-Thémis 22ème édition 2000 page 271.
282
Voir Jean CARBONNIER : « Droit civil. Les Obligations » PUF-Thémis 22ème édition 2000 page 271.
Car, à vrai dire, la distinction entre les marchés formés d’ensemble unique et ceux d’éléments
récurrents paraît très incertaine. Tout d’abord, la notion d’ensemble unique est le mariage des
contraires. Comment voudrait-on en effet que des biens (ou des services) hétérogènes
participent par leur union à la satisfaction d’un besoin ? Le terme « ensemble » fait penser à la
diversité alors que le terme « unique » conduit à l’inverse vers l’uniformité. D’un point de vue
pratique, les rédacteurs du code demandent à ses utilisateurs de computer le seuil de l’article
27 en prenant en compte l’acquisition de produits variés mais tendant à la réalisation d’un
projet et de les identifier à travers le numéro d’une famille homogène …Sans doute faut-il
deviner que la notion d’ensemble unique à vocation agréger les biens et services pour éviter
les fractionnements283. En ce sens, cette notion n’est pas très éloignée de celle d’opération en
matière de travaux.

Contrairement ensuite à ce que peut laisser penser la lecture de la nomenclature annexée à


l’arrêté du 13 décembre 2001, il n’y a pas de famille de fournitures qui ne peut donner lieu à
la livraison d’un ensemble unique de fournitures homogènes. Ainsi, à la faveur d’une fête
locale ou d’une tradition régionale, une personne publique peut être amenée à se faire livrer
des produits carnés surgelés ou des produits de la mer.

En plus de sa difficile compréhension, la notion d’ensemble unique n’est pas facilement


identifiable par rapport à celle de récurrence. Supposons qu’une fête municipale par exemple
soit organisée pour la première fois dans une commune et que, devant le succès populaire
rencontré, le maire décide de la reconduire l’année suivante. Dans pareil cas, va-t-on
considérer que la deuxième année donne lieu à une livraison récurrente ou considérer au
contraire que, faute de tradition bien établie, les deux années constituent chacune un ensemble
unique ? Un autre problème risque de se poser très rapidement : l’ensemble unique de
livraisons de fournitures homogènes s’apprécie sur une durée qui excède une année, le plus
souvent sur deux années. Mais à supposer que la livraison d’un ensemble unique de
fournitures homogènes s’effectue, pour une raison quelconque, sur plus de deux années, ne
va-t-on pas alors considérer que la troisième année ou la quatrième année constituent des
livraisons récurrentes de fournitures homogènes. Si tel devait être le cas cela entraînerait une
confusion entre la livraison d’un ensemble unique de fournitures homogènes et la livraison

283
L’acheteur va additionner différentes familles homogènes parce qu’ensemble elles forment un tout. Par
exemple, l’achat pour un congrès de boissons alcoolisées, de boissons à base de jus de fruits, d’apéritifs.
récurrente de fournitures homogènes. Ce risque ne paraît pas étranger au fait que la
nomenclature ne parle pas d’ensemble unique mais d’acquisition unique ou encore d’achat
ponctuel (par exemple, pour la création d’un nouveau service ou le renouvellement du
mobilier d’un service).

Pour cette raison, certains préconisent de considérer que les biens ayant un caractère récurrent
soient réglés sur la section de fonctionnement du budget tandis que ceux qui ne présentent pas
un tel caractère le soient sur la section d’investissement284. Bien que séduisante, cette solution
ne résout rien car il est précisément difficile de savoir si l’enregistrement comptable d’un bien
relève de l’une ou l’autre285. La seule chose de sûre, c’est qu’« il n’est pas certain que les
comptables publics veuillent prendre le risque de distinguer les achats récurrents de ceux qui
le sont pas. Il sera plus facile et peut-être plus prudent pour l’administration comptable de
considérer que, dans un numéro de nomenclature donné, le seuil de 90 000 Euros ne doit pas
être dépassé, achats récurrents ou non. Il est vrai que cette interprétation n’est pas conforme
à la lettre du texte de l’article 27. Elle est toutefois plus prudente dans l’attente d’une
jurisprudence et d’une doctrine claire »286.

En considérant que la confusion entre les notions d’ensemble unique et de récurrence n’ait pas
lieu, le travail de contrôle des comptables publics en restera pas moins d’une prodigieuse
difficulté puisque pour des fournitures homogènes (c’est à dire appartenant à la même
rubrique de la nomenclature) pourront faire simultanément l’objet d’une livraison d’un
ensemble unique et d’une livraison récurrente287. Tel est le cas par exemple d’une collectivité
qui simultanément achète des bureaux pour un nouveau service et des bureaux en
remplacement de ceux usagers d’un autre service.

Si l’on veut brouiller le tableau, on peut encore imaginer le cas d’une commune qui pour
répondre plusieurs besoins décide de faire l’acquisition de deux - ou plus - ensembles uniques

284
Sur cette hypothèse, voir Patrice COSSALTER : « Les marchés sans formalisme préalable » Territorial /
L’essentiel Sur 2002 page 60.
285
Cette distinction repose sur la différence entre les biens immobilisés et ceux comptabilisés comme des
charges courantes.
286
Voir Patrice COSSALTER : « Les marchés sans formalisme préalable » Territorial / L’essentiel Sur 2002
page 61.
287
Pour Patrice COSSALTER « le véritable problème d’interprétation se posera lorsqu’une administration aura
par exemple pour 100 000 Euros d’achat dans le numéro de nomenclature. Il sera alors tentant de considérer
que, sur ces 100 000 Euros, moins de 90 000 Euros correspondent à des achats récurrents, le reste à des achats
non récurrents ». Voir Patrice COSSALTER : « Les marchés sans formalisme préalable » Territorial /
L’essentiel Sur 2002 page 61.
de fournitures homogènes et de deux - ou plus – livraisons récurrentes. Dès lors, on risque
surtout d’assister à des pratiques consistant à découper les programmations pour rester sous le
seuil de 90 000 Euros288. Prenons par exemple, une collectivité qui à l’intention d’acquérir des
ordinateurs pour un montant supérieur à 90 000 Euros et supposons qu’elle veuille rester en
dessus de ce seuil pour éviter la lourdeur des procédures du code, elle devra alors prétexter
plusieurs besoins : deux ensembles uniques ou bien encore un besoin répondant à un
ensemble unique et une livraison récurrentes de fournitures. Libre à elle ensuite d’affecter les
ordinateurs où bon lui semble. Seule la totalisation de l’ensemble des ordinateurs dans la
même catégorie aurait permis d’éviter ce dévoiement.

δ – Les notions de récurrence et de réalisation continue

Pas plus que la précédente, la distinction entre les notions de récurrence et de réalisation
continue ne sera simple à utiliser.

Une prestation de services dont la réalisation est continue est un contrat successif au sens du
droit civil. Pourtant, au sens de l’article 27, un marché de services portant sur le nettoyage
pourra avoir tantôt un caractère récurrent (nettoyage des locaux administratifs), tantôt un
caractère continu (nettoyage d’une place publique), tantôt enfin une prestation formant un
ensemble unique (nettoyage d’une place après une manifestation exceptionnelle). Comme on
le voit dans cet exemple, la même prestation de nettoyage peut être définie différemment
selon les besoins de la collectivité publique.

ε – La notion d’opération de services

La notion d’opération de services est placée sous le signe de liberté puisqu’elle permet aux
personnes responsables du marché de moduler leurs actions publiques en fonction des
catégories d’usagers ( par exemple, les personnes âgées ou les jeunes enfants). La notion
d’opération offre aux acheteurs publics ainsi la possibilité de varier leurs interventions. Le
danger pourtant est que les autorités de contrôle devront découvrir le but que la collectivité

288
L’absence de cumul des dépenses relatives à une formation sur l’euro et une formation pour la préparation
aux concours administratifs est contestable. Car évidemment la première sert également à la réussite aux
concours. On peut imaginer qu’une personne publique mette en place autant de formation qu’il y a de matières
au programme d’un concours. Cet exemple montre surtout que la libre définition des besoins par les utilisateurs
s’est fixé et bien souvent donc de sonder ses intentions. Un auteur affirme que l’article 27 «
consacre donc pleinement la notion d’opération et espère qu’elle n’est pas contestable et ne
sera pas contestée en renvoyant à une nomenclature de référence qui sera transmise aux
comptables publics »289. C’est au contraire qu’il faut s’attendre. Pour rester sous le seuil de 90
000 Euros HT, les collectivités publiques qui restent maître de leur programmation comme l’a
rappelé l’Instruction d’application du 7 septembre 2001 pourront avoir tendance à multiplier
leur opérations de services. Et cette hypothèse ne sera assurément pas un cas d’école tant
l’habitude a été prise par les différents services d’une personne publique de passer
directement leurs commandes. Or, on sait que désormais les commandes portant sur le même
objet doivent être centralisés au niveau de la personne responsable du marché.

Si comme le précise l’Instruction, la notion d’opération de services est « une souplesse


apportée aux achats publics » ; en contrepartie, elle « ne doit faire l’objet d’aucun
détournement, notamment sous la forme d’un fractionnement abusif entre ces prestations très
proches qui relèvent d’une même opération ». S’agit-il d’un présage, un volonté de conjurer
le mauvais sort ?

Pour Florian LINDITCH, la notion d’opération en matière de services n’est pas utilisée dans
l’arrêté du 13 décembre 2001 à son rendement maximum. Ce dernier prévoit en effet que «
l’évaluation …se fera donc au sein d’une même famille homogène de services en isolant les
services correspondant à une même opération »290. Il faut, selon cet auteur, en déduire qu’une
même opération ne peut comprendre ni des fournitures et des services appartenant à des
familles différentes ni même des services de familles différentes. Ce point de vue n’est pas
partagé ; l’arrêté ne pouvait de toute évidence sérier tous les cas d’application. Certains
d’ailleurs apparaîtront avec la pratique. On peut simplement dire pour lever les inquiétudes
que rien n’empêche de considérer qu’une opération de services puisse regrouper des
fournitures et des services relevant de familles – nécessairement – différentes. Cela découle
de l’obligation faite à l’acheteur public de déterminer, préalablement à la computation des
seuils, si le contrat qu’il projette de conclure est un marché de fournitures ou un marché de
services. Concernant la deuxième crainte exprimée par l’auteur, on peut avancer qu’elle

du code laisse la porte ouverte à tous les excès, sinon à toutes les erreurs d’appréciation sur le découpage des
besoins.
289
Lire Antony TAILLEFAIT : « Le nouveau droit des marchés publics. Les aspects financiers et comptables »
Droit administratif, Juillet 2001 page 15.
trouve son origine dans la rédaction défectueuse du décret. L’article 27 en effet lie
expressément « prestations homogènes » et « opération » laissant sous-entendre que les
prestations non homogènes ne peuvent concourir à la formation d’une seule et même
opération. Mais cette position ne paraît pas logique. Comment admettre que des fournitures et
des prestations forcément non homogènes puissent être rassemblées sous la bannière d’un seul
et même marché et que les concernant la computation obéisse à la même règle et que dans le
même temps des prestations de services, certes non homogènes, mais participant à la
réalisation d’une même opération ne puisse pas être computer uniformément ? Cela n’aurait
aucun sens… Il faut donc considérer que l’arrêté n’interdit pas à une opération de services de
comprendre plusieurs familles de prestations homogènes et que celles-ci soient amalgamées
lors de la computation du seuil. Cela ressort de la notion d’opération même qui est un concept
fonctionnel.

En conclusion sur ce point, deux auteurs291 ont écrit que les dispositions de l’article 27
n’étaient en réalité que de « fausses nouvelles règles de calcul des seuils ». Au même
diapason, des praticiens292 affirment que le rehaussement des seuils dans le nouveau code des
marchés publics n’est qu’un leurre, un faux-semblant293 dans la mesure où la définition des
besoins est beaucoup plus exigeante que par le passé.

L’article 27 contraint les collectivités à programmer leurs besoins294. La programmation est


une liberté qui dans les mains des collectivités publiques doit permettre de définir quelles sont
les opérations, les actions qu’elles entendent mettre en œuvre295. La démultiplication des

290
Voir Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau Code des
marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 7.
291
Voir Sophie PIGNON et Denis BANDET : « Le nouveau Code des marchés publics : quelques éclairages
pratiques » AJDA 2001, page 367.
292
Voir Dominique DEPORCQ et Philippe SCHMIDT : « Les vertus en trompe-l’œil du nouveau Code »
POUVOIRS LOCAUX Les cahiers de la décentralisation n° 51/2001, page 113.
293
M. GUIBAL rappelle par exemple que « si l’ancien seuil de 300 000 F TTC est passé à 90 000 Euros HT,
pour autant, la notion d’opération s’est largement précisée au point de ne laisser que rarement échapper
l’obligation de recourir à une procédure formalisée ». Voir le commentaire de Michel GUIBAL sous l’article 27
: « Code des marchés publics » Le Moniteur 2001.
294
« L’innovation du code est donc là : si elles veulent recouvrer un peu de la liberté perdue avec la suppression
de l’achat sur facture par an et par fournisseur jusqu’à 300 000 F …, les collectivités publiques devront
apprendre à programmer à bon escient de manière à dégager plusieurs opérations ». Voir Florian LINDITCH :
« Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau Code des marchés publics » Contrats et
marchés publics février 2001 page 5.
295
Pour illustrer cette liberté, Florian LINDITCH rappelle que la collectivité « pourrait décider que
l’aménagement d’une place ne requiert pas de bancs ou de mobilier urbain, quitte dans un second temps à
lancer une nouvelle opération précisément consacrée à l’acquisition de mobilier... à condition que ce soit pour
l’ensemble de la commune et non pour la place en question ». Voir Florian LINDITCH : « Qui a peur de
seuils que l’article 27 autorise donne l’impression que la computation des seuils repose sur
l’entière subjectivité des acheteurs publics au risque de les enfermer dans une sorte de
solipsisme juridique296. Cet espace de liberté, comme si trop de liberté était contraire à
l’action, pourrait bien être cependant à l’usage un piège pour les acheteurs publics. On peut se
demander si les collectivités - surtout les plus petites pour lesquelles le relèvement du seuil a
été effectué - seront réellement en mesure de prévoir dans l’infime détail leur besoin futur.
L’article 27 est d’une utilisation tellement difficile que l’on peut se demander si les petites
communes auront les compétences nécessaires pour arriver à le mettre en œuvre297. Un
comble pour une réforme qui avait pour but de les aider !

En définitive, l’article 27 oscille constamment entre plusieurs logiques contradictoires298 :


d’une part éviter le fractionnement des commandes lesquels mettent hors jeu les seuils du
code des marchés publics en consolidant, en agrégeant produits et services et d’autre part
donner aux acheteurs publics la plus grande liberté contractuelle possible pour satisfaire leurs
besoins299. Le premier objectif est recherché par l’emploi des notions d’opération ou
d’ouvrage concernant les marchés de travaux, par l’indifférence au nombre d’entrepreneurs,
de fournisseurs ou de prestataires, par le recours à la notion d’ensemble unique ; le second,
par la mise en place d’une nomenclature servant à identifier les fournitures et prestations
homogènes, par le recours à la notion d’opérations de services, etc… Dans ces conditions, il
est difficile de vouloir une chose est son exact contraire300.

l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau Code des marchés publics » Contrats et marchés publics
février 2001 page 5.
296
Si on abandonne les règles de computation à l’entière subjectivité des acteurs, il risque d’y avoir autant
d’article 27 qu’il y a d’acheteurs publics.
297
Pour celles-ci, et même si dans un article dont l’intitulé rappelle le ton espiègle des comptines, Florian
LINDITCH n’y a vu là que l’introduction de nouvelles méthodes de travail, l’article 27 va être un épouvantail.
Voir Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau Code des
marchés publics » Contrats et marchés publics février 2001 page 4 et suivantes.
298
Le débat de fond est celui de l’équilibre à trouver entre l’ordre public et la liberté contractuelle. Selon les
auteurs du LAMY « la liberté de contracter et celle de déterminer le contenu du contrat sont, comme l’ensemble
de l’action administrative, régies par le principe de légalité qui limite tout à la fois les compétences et les
prérogatives des personnes publiques et de leurs agents. A cela s’ajoutent des considérations d’ordre comptable
et budgétaire, spécifiques au droit public, qui ne peuvent que limiter les marges de manœuvres des personnes
publiques. Si les personnes publiques, dès lors, bénéficient d’une liberté contractuelle, celle-ci ne peut avoir,
fondamentalement, la portée généralement attribuée ce principe : le principe de la liberté contractuelle des
personnes publiques ne peut, par essence, malgré des caractéristiques communes, avoir la même portée que le
principe de la liberté contractuelle des personnes privées ». Voir LAMY Droit public des affaires (sous la
direction de Lucien RAPP et Philippe TERNEYRE) 2001 n° 1869.
299
Selon Pierre JOXE, ancien Premier Président de la Cour des Comptes : « la problématique du droit des
marchés publics vise fondamentalement à encadrer la décision sans paralyser l’action ». Citation extraite de
Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier » Thèse Lille 2001
page 364.
300
Tiraillé entre sécurité et liberté, l’article 27 n’a pas véritablement pris parti.
Nul doute que l’article 27 exige désormais à tout acheteur public d’être un bon juriste doublé
d’un bon gestionnaire. Cet article rappelle à ceux qui l’auraient oublié que l’achat public est
avant tout une affaire de professionnels. L’Instruction du 28 août 2001 ne rappelle-t-elle
d’ailleurs pas dans son commentaire de l’article 5 du code de « la nécessité de
professionnaliser l’achat public ». Nul doute encore que cette disposition essentielle du
nouveau code des marchés publics incitera le juge financier à réitérer sa demande de mise en
place d’un service achat301.

2 – Un contrôle juridictionnel impossible

Outre les difficultés tenant à sa mise en œuvre, l’article 27 place le juge administratif ( a ) et
financier ( b ) dans une situation embarrassante : le premier voit son pouvoir d’intervention
restreint par le Législateur tandis que l’office juridictionnel du second est potentiellement sur
le point de changer de nature.

a – Pour le juge administratif

Sous les auspices de l’ancien code des marchés publics, la possibilité de soumettre au juge
administratif les commandes hors marchés a été âprement discutée. Ainsi, le Conseil d’Etat a
jugé que, sauf cas exceptionnels302, les achats sur factures, dont le formalisme est réduit à sa
plus simple expression (échange de lettres), étaient des contrats de droit privé303. N’étant pas
par ailleurs des marchés publics, le juge administratif a estimé ensuite, contrairement à la
position de l’Administration 304, que les commandes inférieurs à 300 000 F TTC n’avaient pas
à être transmises au contrôle de la légalité du préfet305.

L’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes


à caractère économique et financier (MURCEF) a modifié les données en disposant que « Les

301
Voir Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier » Thèse Lille
2001 page 384.
302
Il en va différemment en effet lorsque la commande hors marché a pour objet l’exécution de travaux publics.
303
CE 19 avril 1985 CNRS c/ Société Trindel : Marchés publics n° 217 avril-mai 1986 page 32. Cette solution a
confirmé la doctrine administrative. Voir Commission centrale des marchés : marchés publics n° 208 mars 1985
page 6.
304
Réponse ministérielle à M. L Souvet JO Sénat 31 août 2000 n° 23798 page 3028. Selon cette réponse, la
transmission s’imposait dès que le contrat était écrit.
305
CAA Bordeaux 27 mars 2000 Ferrault n° 98-02022.
marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats
administratifs »306. Désormais, l’ensemble des marchés publics sont des contrats
administratifs307 et il ne peut plus y avoir des marchés publics de droit privé308. Cette
disposition qui vise à contrecarrer l’arrêt Commune de Sauve309 rendu par le 4 juillet 1999 par
le Tribunal des conflits, et remet en cause l’arrêt multiséculaire Société des granits
porphyroïdes des Vosges du Conseil d’Etat a pour objectif de créer un bloc de compétence au
profit du juge administratif. Dès lors, certains ont pu légitimement croire que les marchés
publics seraient, étant tous sans exception des contrats administratifs, soumis à l’obligation de
transmission au représentant de l’Etat310 et que le dépassement des seuils serait alors contrôlé
par les services de la préfecture !

Mais ce choix n’a pas été celui du Législateur. Outre les contrats qui ont pour objet la
représentation d’une personne publique en vue du règlement d’un litige (article 78 alinéa 2 du
code des marchés publics) cette obligation de transmission au préfet ne concerne pas les
marchés passés sans formalités préalables en raison de leur montant311.

Bien que parfaitement compréhensible compte tenu du nombre important de marchés sans
formalités préalables conclus chaque année par les collectivités territoriales et par le fait que
ces contrats ne requiert en principe aucun écrit312, cette situation n’en demeure pas moins

306
Sur la loi MURCEF, on peut lire l’article d’Eric DELACOUR : « La loi MURCEF : aspects de droit public »
Droit administratif 2002 pages 5 et suivantes.
307
Pour une critique raisonnée de cette disposition, on renverra à l’article de Guylain CLAMOUR : « Loi
MURCEF : les enjeux de « l’administrativisation » des marchés publics » Dalloz 2002 pages 593 et suivantes.
308
A dire vrai, cette question n’est pas admise par tous. La CAA de Lyon vient, le 27 avril 2002, dans une affaire
Société MAJ blanchisserie de Pantin, de demander sur le fondement de l’article L 113-1 du CJA au Conseil
d’Etat si les marchés sans formalités préalables sont des contrats administratifs comme le prévoit l’article 2 de la
loi MURCEF.
309
Concernant l’existence de marchés privés soumis au code des marchés publics, trois hauts magistrats
affirmaient pourtant encore quelques années plus tôt « Nous croyons simplement qu’en pratique il est peu
vraisemblable qu’une telle situation se rencontre, de telle sorte que cette querelle paraît très théorique ». Voir
en ce sens Michel ROUGEVIN-BAVILLE, Renaud DENOIX DE SAINT-MARC, Daniel LABETOULLE : «
Leçons de droit administratif » Hachette Supérieur 1989 page 193.
310
Voir les articles L 2131-2, L 3131-2 et L 4141-2 du code général des collectivités territoriales ainsi que
l’article 78 du code des marchés publics. A titre d’exemple, l’article 2131-2 du CGCT fait obligation aux
autorités communales de transmettre, sur le fondement de l’article 2131-1 dudit code, au Préfet « les conventions
relatives aux marchés et aux emprunts ainsi que les conventions de concession ou d’affermage de services
publics locaux ».
311
Voir les articles L 2131-2-4°, L 3131-2-4°, L 4141-2-3° du code général des collectivités territoriales ainsi
que l’article L 6145-6 du code de la santé publique ; ces textes sont issus de l’article 11 de la loi MURCEF. Lire
également l’article de F. RAYNAL : « Contre l’obligation de transmettre au contrôle de légalité les contrats de
droit privé des hôpitaux publics » JCP Cahiers de droit de l’entreprise 2001 n° 1 page 12.
312
Un auteur s’interroge sur la compatibilité de la procédure de déféré qui requiert un écrit avec le
développement annoncé par l’article 56 du nouveau code des marchés de la dématérialisation des procédures. A
l’avenir devrait en effet se développer les procédures numériques. Voir en ce sens Jean-Gabriel MADINIER : «
regrettable. Même si, par le passé le contrôle de la légalité n’a pas eu l’efficacité escomptée et
que les préfets n’ont eu que trop souvent tendance à procéder à des « classements en
opportunité »313 on aurait pu penser que l’occasion était venue de permettre aux représentants
de l’Etat de mettre leur capacité d’expertise en avant et de prévenir les excès les plus
flagrants.

Et ce n’est pas l’existence du référé précontractuel prévue par l’article L 551-1 du code de
justice administrative dont l’objet est la suspension et l’annulation des procédures de
passation des marchés publics qui ne respectent pas les obligations de publicité ou de mise en
concurrence prévu qui semble être en mesure d’assurer le respect des dispositions de l’article
27 du nouveau code des marchés publics314. Plus que le droit, la science administrative nous
apprend en effet que les entreprises sont réticentes à introduire un recours contre la personne
publique qui les a écartées d’une commande. Un ancien Chef du bureau du contrôle de
légalité à la Direction Générale des Collectivités Locales315, ne rappelait-il pas, il y a peu de
temps encore, que le Préfet est « un requérant privilégié, seul tiers au contrat … habilité à
exercer un recours en excès de pouvoir à son encontre. Peu d’entreprises osent engager un
recours sur les conditions de la passation de contrats dont elles ont été évincées, par peur
sans doute des « représailles » dont elles pourraient être ultérieurement victimes dans l’accès
à la commande publique locale. Il y a là une « culture » du contentieux qui n’est pas encore
bien développée en France et dont l’absence est heureusement compensée par l’intervention
préfectorale ». Le propos n’a malheureusement pas été entendu …

La solution choisie par l’article 11 de la loi MURCEF est critiquable car dans le même temps
cette loi a décidé de renforcer les pouvoirs des autorités exécutives des collectivités
territoriales. Dans son article 9, codifié à l’article L 2122-22 du Code général des collectivités
territoriales316, elle prévoit désormais que « le maire peut, en outre, par délégation du conseil
municipal, être chargé en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (…) 4° De prendre

Les collectivités locales et la réforme des marchés publics » Bulletin juridique des contrats publics n° 16 pages
209 ; Sur cette question, on renverra au décret n° 2001-846 du 18 septembre 2001 pris en application du 3° de
l’article 56 du Code des marchés publics et relatif aux enchères électroniques. Cela dit, pourquoi le contrôle de la
légalité ne devrait-il pas s’adapter, lui aussi, à l’économie du XXIème siècle ?
313
L’expression est tirée de l’ouvrage de Henry-Michel CRUCIS : « Droit des contrôles financiers des
collectivités territoriales » AJDA. Le Moniteur 1998 page 195.
314
Plus généraliste, le référé-suspension de l’article L 521-1 du CJA peut permettre de censurer la passation d’un
marché public illégal.
315
Voir Pierre BRUNELLI : « Le contrôle de la légalité » LGDJ-Politiques locales 1998 pages 88 et 89.
316
Disposition identique pour les départements (article L 3221-11) et les régions (article L 4231-8)
toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des
marchés de travaux, de fournitures et de services qui peuvent être passés sans formalité
préalable, lorsque les crédits sont inscrits au budget ; (...) »317. Le maire peut donc obtenir
une délégation du Conseil municipal pour passer des marchés sans formalités préalables et en
l’informer qu’à l’occasion d’une séance ultérieure.

Cette mise à l’écart du juge administratif repose sur l’idée qu’il ne peut rien faire et que le
seul contrôle efficace est celui des comptables publics car systématique et préventif318. S’il y a
un fond de vérité dans ce propos, la confiance placée jusqu’à présent dans les autorités
financières de contrôle pourrait bien désormais décevoir.

b – Pour le juge financier

Suite à l’adoption de ce nouveau code, la position du juge financier n’est guère plus
confortable que celle du juge administratif. Dorénavant, en effet les marchés sans formalités
préalables sont des marchés publics et la jurisprudence Soldevilla qui reposait sur l’exigence
de la production d’un marché a perdu de son principal attrait. Le juge financier ne peut plus
exiger la production d’un marché pour le dépassement du seuil de l’article 28.
Corrélativement, le décret pièces-justificatives qui avait été le point de départ de cette
jurisprudence salutaire est devenu inutilisable pour la computation des seuils de l’article 27 et
ses jours seront désormais comptés319. Le juge financier, et avant lui le comptable public,

317
L’ancien article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales disposait : « Le maire peut, en outre,
par délégation du conseil municipal, être chargé en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (…) 4° De
prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés de
travaux, de fournitures et de services qui peuvent être passés en la forme négociée en raison de leur montant,
lorsque les crédits sont inscrits au budget ; (…) »
318
Voir en ce sens les propos de Michel LASCOMBE et de Xavier VANDENDRIESSCHE : « Chronique de
droit public financier » RFDA 2001 pages 485 et suivantes. Or, « on sait bien que ni le déféré administratif, ni la
demande de saisine du juge à la suite de l’intervention d’un particulier ne sont des moyens efficaces de réaliser
un contrôle des milliers d’actes que des collectivités territoriales et les établissements publics prennent chaque
année ». Selon D. THOMAS : « … le contrôle de légalité ne permet pas toujours de déceler les libertés prises
par les ordonnateurs envers le droit des marchés. Dans ces conditions, force est de constater que le comptable,
fonctionnaire de l’Etat, puis le juge financier auront la tâche essentielle de les découvrir par l’intermédiaire du
contrôle financier ». Voir D THOMAS : « Les relations entre le droit des marchés publics et le droit budgétaire
et comptable » RDP 1997 page 1112. Ou encore (page 1103) « De nombreux ordonnateurs ne respectent pas le
droit des marchés. Le contrôle de la légalité ne démontre pas, dans bien des cas, son efficacité. La justice
administrative est trop lente pour être effective. Par conséquent, un contrôle financier qui s’exerce tout au long
de l’exécution d’un marché peut-il compenser un contrôle de la légalité peu efficient ? Autrement dit le
comptable est-il le garant de l’emploi du Code des marchés ? ».
319
Avec l’entrée en vigueur du nouveau code des marchés publics, « un nouveau contrôle comptable du seuil
d’achat sur factures devra se mettre en place. Or ce contrôle du respect des seuils est victime du choc entre le «
décret pièces justificatives » (rubrique 40 renvoi 38) et le Code des marchés publics (article 27) ». Lire Antony
devront désormais exercer le contrôle du dépassement des marchés conclus en application de
l’article 28 en s’inspirant fortement des prescriptions prévues par l’article 27. Cela est-t-il
possible ? Pour répondre à la question , il est nécessaire de rappeler dans quel contexte
intervient le juge financier.

La Cour des Comptes a eu l’occasion de rappeler que « même entaché d’un vice, un acte
administratif sort son plein effet tant que la nullité n’en a pas été reconnue par l’autorité
compétente pour statuer sur sa légalité »320.Cette décision a été une manière de spécifier – ou
de borner - les compétences de chacun : au juge administratif le respect de la légalité
administrative ; au juge financier celui de la légalité financière. Il est constant que « le
contrôle de régularité financière est en principe un simple contrôle de forme, notamment de
production des justifications exigées par la nomenclature… »321.

Ainsi, en application d’une jurisprudence solidement établie par le Conseil d’Etat, les
comptables publics ne sont pas juges de la légalité des actes administratifs322. Le Commissaire
du Gouvernement, Mme GREVISSE, a conclu sur l’arrêt Ministre de l’Economie et des
Finances c/ S. Balme que les comptables publics « n’ont pas le pouvoir de se faire juges de la
légalité des décisions administratives ». Dans la lignée de sa jurisprudence Balme, la Haute
juridiction administrative a eu l’occasion de réitérer sa position323. Plus récemment encore, le
Conseil d’Etat a rappelé dans une affaire concernant le CHRU de Besançon que le comptable
n’avait pas le pouvoir de se faire juge de la légalité interne des décisions administratives324.

TAILLEFAIT : « Le nouveau droit des marchés publics. Les aspects financiers et comptables » Droit
administratif, Juillet 2001 page 15.
320
Cour des Comptes 28 mai 1952 Marillier, Receveur de la commune de Valentigney, GAJF, n° 15 pages 148 et
suivantes.
321
Voir Henry-Michel CRUCIS : « Droit des contrôles financiers des collectivités territoriales » AJDA. Le
Moniteur 1998 page 303. L’auteur cite notamment ROMIEU, FABRE et J. MAGNET pour lesquels le
comptable public ne doit pas procéder à une « appréciation personnelle » (ROMIEU), à un « raisonnement
juridique au fond » (FABRE) mais doit se borner à effectuer « principalement » un contrôle « de légalité externe
» (J. MAGNET). Pour sa part, Gaston JEZE écrivait que les comptables publics ne devaient pas chercher à
évaluer l’opportunité des décisions des ordonnateurs sous peine de commettre « un empiètement sur
l’administration active ».
322
CE Section 5 février 1971 Ministre de l’Economie et des Finances c/ S. Balme, AJDA 1971 page 173.
323
Voir Cour des Comptes 26 novembre 1991 Mme Baglione-Costa, agent comptable du centre hospitalier
général d’Antibes, Rec page 104 ; Voir par exemple CE 10 février 1997 Ibeau Requête n° 172307 Droit adm
1997 page 21.
324
CE 8 septembre 1997 Ministre de l’Economie et des Finances Revue du Trésor 2001 page 22. Sur l’arrêt du 8
septembre 1997 et sur ses conséquences sur le respect, de manière générale, de la légalité par les autorités
administratives, on lira la vive réaction de Michel LASCOMBE et de Xavier VANDENDRIESSCHE : «
Chronique de droit public financier » RFDA 2001 pages 485 et suivantes. On rappellera que les Professeurs
Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE ont invité les juridictions financières à reprendre à leur
compte la solution jurisprudentielle de l’arrêt de la CAA de Lyon Société Merx. Voir Michel LASCOMBE et
De son côté, la Haute Juridiction Financière a accepté la position prétorienne du Conseil
d’Etat en admettant que le juge financier n’avait à apprécier ni l’opportunité ni la légalité
interne des décisions de l’ordonnateur325.

Ce courant jurisprudentiel est cependant hautement critiquable pour plusieurs raisons : dans la
mesure où il interdit au comptable d’exercer son contrôle sur les ordonnateurs ; parce que le
juge administratif ensuite, n’est pas systématiquement saisi et que le respect de la légalité des
actes n’est alors plus assuré. Dans ces conditions « il faut estimer que le comptable n’est plus
qu’un simple exécutant des décisions prises par l’ordonnateur, c’est à dire un simple caissier
»326.

Par-dessus tout, les fondements de la jurisprudence Balme sont fragiles. La distinction entre
légalité externe et légalité interne est difficile à définir en droit administratif ; et cette
dichotomie ne paraît avoir d’ailleurs d’autres vertus que pédagogiques. En effet, le
détournement de pouvoir (c’est à dire l’illégalité de l’action tenant aux buts poursuivis) peut
se confondre avec l’illégalité tenant avec la violation de la loi - l’erreur de droit – (c’est à dire
avec l’illégalité tenant aux motifs de l’acte). Dans un article éclairant, Marie-José GUEDON
rappelle tour à tour que la violation directe de la loi peut se confondre avec l’incompétence,
de même que l’erreur de fait et l’erreur de droit, l’erreur sur les motifs et le détournement de
procédure, et (surtout pour notre propos) le vice de forme (substantielle) avec le fond du
droit327. Cela démontre la porosité, la malléabilité des cas d’ouverture du recours pour excès
de pouvoir. Il est établi que le juge administratif préfère censurer l’Administration sur le
fondement de l’erreur de droit que sur celui, moralement plus critiquable, du détournement de
pouvoir.

Xavier VANDENDRIESSCHE à la Revue du Trésor n° 12 décembre 1999 page 786. Cette attitude si elle était
suivie conduirait à déplacer les bornes de la légalité financière.
325
Cour des Comptes 21 janvier 1988 Mlle Benoist, Receveur de la commune de Civray, Recueil page 125 pour
laquelle « le comptable n’est pas juge de la légalité des actes administratifs ». . Cour des Comptes 26 novembre
1991 Mme Baglione-Costa, agent comptable du centre hospitalier général d’Antibes, Rec page 104. Dans l’arrêt
de 1988, elle reconnaît que « le comptable n’est pas juge de la légalité des actes administratifs ».
326
Voir Michel LASCOMBE : « Le juge des comptes, juge administratif ? » Mélanges Jean WALINE 2002 page
654.
327
Voir M-J. GUEDON : « La classification des moyens d’annulation des actes administratifs : réflexion sur un
état des travaux » AJDA 1978 pages 85 et suivantes (dans la deuxième partie intitulée « Relations et
interférences entre les différents moyens »).
Car comme le rappelle cet auteur, « la légalité est « une » : elle est indivisible »328. Par une
formule imagée, Marie-José GUEDON rappelle que les cas d’ouverture du recours pour excès
de pouvoir qui sont fondés sur la distinction entre la légalité externe et la légalité interne
s’enchevêtrent en réalité comme les anneaux de l’Olympisme329.

Derrière l’interdiction faite aux comptables publics de se faire juge de la légalité


administrative se cache une question majeure : celle du strict cantonnement du juge financier
qui ne doit pas empiéter, selon le Conseil d’Etat, sur les compétences naturelles de la
juridiction administrative. Cette position obéit à phénomène de concurrence entre des
juridictions dans la conquête de l’espace juridique et non à un découpage scientifique d’une
discipline.

Au cas présent, la computation des seuils de l’article 27 tourne irrémédiablement le dos à la


jurisprudence Balme. Des concepts comme ceux d’opération ou d’ouvrage pour les travaux,
d’ensemble unique, de livraison récurrente pour les fournitures et de prestations récurrentes
pour les services, ou encore de prestation continue pour les seules prestations vont forcément
obliger le comptable public, dans un premier temps, puis le juge des comptes, dans un second,
à porter une appréciation sur les conditions de fond du droit des marchés publics330.
Déterminer si une livraison est récurrente ou non est bien davantage que savoir si une
condition de forme est satisfaite. On remarquera d’ailleurs pour bien faire comprendre la
révolution que l’article 27 introduit que sous l’ancien code, le comptable et le juge des
comptes avaient abandonné l’usage de la notion d’opération au juge administratif pour ne pas
sortir de leur sphère de compétence, c’est à dire « de porter atteinte à la notion de contrôle

328
Voir M-J. GUEDON : « La classification des moyens d’annulation des actes administratifs : réflexion sur un
état des travaux » AJDA 1978 page 87. Selon Bernard CASTAING : « Contrôles externes » Jurisclasseur
Collectivités territoriales 1997 Fasc. 2090 n° 50. « Et, comme le contrôle de la légalité externe d’un acte est une
composante du contrôle de la légalité de cet acte, il en découle que le contrôle de la légalité effectué par les
comptables porte sur des éléments du contrôle a posteriori de l’acte ».
329
Voir M-J. GUEDON : « La classification des moyens d’annulation des actes administratifs : réflexion sur un
état des travaux » AJDA 1978 page 85. Selon le Conseiller d’Etat François Gazier « Une même irrégularité
selon la manière dont elle est décelée et dénoncée peut bien souvent constituer aussi bien une incompétence
qu’un défaut de base légale, un vice de procédure qu’un détournement de pouvoir, un détournement de
procédure qu’une erreur de fait ». Voir M-J. GUEDON : « La classification des moyens d’annulation des actes
administratifs : réflexion sur un état des travaux » AJDA 1978 page 85 ; Citation extraite de F. GAZIER : «
Essai de présentation nouvelle des ouvertures du recours pour excès de pouvoir en 1950 » EDCE 1951 pages 83
et suivantes.
330
Contrairement aux conséquences de la jurisprudence Soldevilla laquelle reposait sur le décret pièces-
justificatives.
extrinsèque de régularité de la dépense » ou « d’abandonner la vision mécanique du contrôle
des comptes »331.

La seule question qui subsiste donc - et qui n’est pas des moindres - est celle de savoir
comment, devant ce qui est une véritable deminutio capitis, le Conseil d’Etat va-t-il réagir ? Si
les comptables publics s’emparent des dispositions du code des marchés publics et qu’ils
obtiennent l’aval des juges financiers, les juridictions administratives risquent de ne plus être
maîtres pour longtemps de la question du dépassement des seuils des marchés publics. Si, au
contraire, les comptables sont bridés dans leur contrôle par les chambres régionales des
comptes, la Cour des comptes ou le Conseil d’Etat, la réforme, et l’espoir qu’un contrôle soit
effectué sur le dépassement des seuils, aura échoué. En tout cas, il faut espérer que l’on
assistera, pour reprendre une fois encore l’expression du Président B. GENEVOIS, à « un
dialogue des juges ».

On conclura en disant que les règles édictées par l’article 27 sont néfastes. Leurs mises en
oeuvre sont d’une difficulté sans pareille. Inspirées par des préoccupations de saine gestion, le
louable objectif des concepteurs du code est hors d’atteinte. Par suite et « au vu de ce qui
précède, on peut légitimement se demander si la nomenclature a un grand avenir devant elle,
tant elle semble difficile à appliquer »332. Et de poser alors abruptement la question : « Ne
serait-il pas plus prudent de la supprimer ? »333. C’est pourquoi d’aucuns334 se demandent si
la révision des règles de computation des seuils ou celles du recours aux marchés
complémentaires de l’article 35 n’est pas d’ores et déjà prévisible ? Au niveau du contrôle
ensuite, les notions développées par l’article 27 vont mettre les juges administratifs et
financiers dans une position de concurrence dont le vainqueur ne sera peut être pas le code
des marchés publics.

331
Lire Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier » Thèse Lille
2001 page 427. Voir également du même auteur (page 401) « Si la Cour autorisait le comptable à recourir à la
notion d’opération, elle bouleversait la nature des contrôles opérés par ce dernier. En effet, cela s’apparenterait
sans doute à un contrôle de la régularité intrinsèque de la dépense, donc de la légalité, puisqu’elle le conduirait
à envisager la satisfaction des besoins de même nature auprès de différents fournisseurs ou la réalisation d’un
besoin précis par le concours d’une pluralité d’intervenants différents. En limitant le calcul des seuils par
fournisseurs, pour des prestations de même nature et par année civile, la Cour évitait l’écueil de la notion
d’opération ».
332
Voir Cyrille EMERY : « Une interprétation de plus de l’article 27 du nouveau CMP ! » L’Actualité de la
Commande et des Contrats Publics n° 10 / avril 2002 page 17.
333
Voir Cyrille EMERY : « Une interprétation de plus de l’article 27 du nouveau CMP ! » L’Actualité de la
Commande et des Contrats Publics n° 10 / avril 2002 page 17.
334
Voir en ce sens Florian LINDITCH : « Le droit des marchés publics » Dalloz / Connaissance du droit, 2ème
édition 2002, page 73.
B – L’AVENIR DE L’ARTICLE 28 ?

Récemment une question intéressante a été posée à un Ministre335. Elle préfigure peut-être la
tentation que certaines collectivités publiques pourraient avoir pour échapper à la difficile
computation des seuils prévue par l’article 27 du nouveau code. Cette attitude consisterait à
rattacher artificiellement des prestations relevant de l’article 27 à celles prévues par l’article
30 (lesquelles ne se computent pas mais doivent être conformes à un objet). Au cas d’espèce,
il s’agissait de savoir si la restauration et le transport d’enfants qui fréquentent un centre de
loisirs sans hébergement peuvent bénéficier de la procédure de l’article 30 du code ? La
réponse a été négative car ces prestations sont hors du champ d’application de l’article 30.
Pour le Ministre, « les services connexes tels que les transports des enfants ou la restauration
n’y ont pas été intégrés dans la mesure où ils relèvent de secteurs concurrentiels pour
lesquels les procédures de droit commun du code des marchés publics doivent s’appliquer ».

Les marchés sans formalités préalables de l’article 28 du nouveau code présentent de


nombreux avantages336 : ils ne sont pas soumis à une procédure particulièrement astreignante
comme les autres marchés ; ils peuvent être passés sans écrit337 ; il n’est pas nécessaire
d’obtenir une délibération du conseil municipal ; le contrôle par le préfet n’est pas
systématiquement assuré et une simple lettre ou un bon de commande suffit pour engager la
dépense dès lors que le budget a ouvert des crédits suffisants. De plus, ils sont dispensés de la
formalité de la publicité préalable prévue par l’article 40, de délais de publicité, de la
rédaction d’un rapport écrit, de la nécessité de définir le besoin à partir, selon l’article 6 du
code, de normes homologuées. Enfin, le rapport de présentation de l’article 75, la publication
de l’avis d’attribution prévue par les articles 80 et 81 sont exclus. Ces quelques exemples

335
Réponses ministérielles à la Question écrite de Robert Bret du 14 février 2002 n° 38557 JO Sénat 18 avril
2002.
336
En regard de ces atouts, il faut rappeler que le nouveau code a procédé à un durcissement des conditions de
passation des marchés publics (voir les articles 5 à 19 et 39 à 56). Il s’agit pêle-mêle des dispositions suivantes :
l’avis de préinformation au JOCE (article 39), de l’avis d’appel public à la concurrence (article 40), de la mise à
disposition des pièces nécessaires à la consultation des candidats à un marché (article 41), le règlement de la
consultation (article 42), les règles relatives aux conditions fiscales, sociales et professionnelles des candidats
(articles 43 à 47), la présentation de l’offre sous la forme d’un acte d’engagement (article 48), la possibilité de
présenter un devis et des variantes au projet de l’Administration (articles 49 et 50), les critères de sélection
(articles 52 à 54).
337
La seule exception concerne les prestations de maîtrise d’œuvre prévue par le décret n° 93-1268 du 29
novembre 1993 portant application de la loi MOP. En pratique pourtant, et compte tenu de leur montant
relativement élevé de 90 000 Euros, les marchés sans formalités préalables seront le plus souvent matérialisés
par un écrit sous forme d’une lettre de commande, d’un bon de commande, d’une facture voire même un contrat.
montrent bien que, contrairement à qu’il est prétendu par certains, les formalités entourant les
marchés de l’article 28 ne sont pas susceptibles d’en affaiblir l’intérêt338.

Malgré cela, l’avenir des marchés sans formalités préalables paraît funeste ( 1 ). De plus, la
lente, mais inexorable, montée en puissance du droit de la concurrence au sein du droit
administratif est sur le point de leur faire perdre définitivement tout fondement ( 2 ).

1 - La fin des marchés sans formalités préalables

Les marchés de l’article 28 ne sont-ils pas amenés à disparaître ? Devant la complexité de


l’article 27, les acheteurs publics ne vont-ils pas délibérément choisir de recourir
systématiquement à une procédure formalisée et, partant, d’abandonner la procédure des
marchés sans formalités préalables. Cette possibilité présente l’avantage en premier lieu de ne
pas prendre le risque339 de dépasser le seuil de 90 000 Euros HT en raison d’une erreur de
computation du seuil de l’article 27. En second lieu, le recours systématique aux procédures
formalisées, comme par exemple la mise en concurrence simplifiée, permet de disposer pour
chaque famille de fourniture ou service homogène d’une réserve d’achat au moins égale à 200
000 Euros HT (ou 130 000 Euros HT s’agissant de l’Etat).

Le déclin de l’article 28 trouve sa cause dans le recours aux procédures formalisées ( a ) et


dans la promotion, voulue par le nouveau code des marchés publics, des procédures de
regroupement des commandes publiques ( b ).

a - Par le recours aux procédures formalisées

On peut redouter que les acheteurs publics décident délibérément d’écarter la procédure de
l’article 28. L’ancien code des marchés publics permettait à l’Administration de recourir à
l’une des trois procédures de passation des marchés publics (l’adjudication, l’appel d’offres
ou le marché négocié) alors même que les conditions des commandes hors marchés étaient

338
Lire sur ce point l’article de Muriel ECHEGUT : « Les marchés sans formalités préalables » Contrats et
marchés publics Janvier 2002 pages 4 et suivantes. Pour elle (page 6) « les formalités auxquelles sont assujettis
les marchés sans formalités préalables sont parmi les plus essentielles et les plus contraignantes d’un point de
vue administratif » ou encore. « … elles se traduisent inévitablement par des procédures administratives
relativement lourdes pour les acheteurs publics et apparaîtront souvent disproportionnées, lorsqu’elles
s’appliqueront à des achats de faibles montant ».
339
Les risques sont pénaux (le délit de favoritisme existe toujours), financiers et politiques.
satisfaites. Les acheteurs pouvaient donc choisir de se placer volontairement340 sous une
procédure plus contraignante. Aujourd’hui également, rien n’empêche un acheteur public de
préférer conclure un marché selon les règles de la procédure de mise en concurrence
simplifiée plutôt que celles des marchés sans formalités préalables. On rappellera d’ailleurs
que l’article 26 du code dispose qu’il est toujours possible de recourir à la procédure de droit
commun de l’appel d’offre et cela quelque que soit le montant du marché à passer.

Lorsque les besoins des collectivités publiques ne sont pas connus avec précision et qu’ils
sont au surplus récurrents, elles peuvent recourir à la technique des marchés à bons de
commande. Cette possibilité a même été recommandée par le ministre dans plusieurs réponses
à des questions écrites ainsi que par la commission centrale des marchés341. Enonçant les
difficultés liées à l’application de l’article 27, un praticien affirme que « le « pragmatique »
estimera pour sa part qu’il faut … ,dans bien des cas, passer des marchés à bons de
commande sur plusieurs années avec des bordereaux de prix détaillés après avoir procédé à
une estimation la plus fine possible de ces mêmes besoins, cela en concertation avec
l’ensemble des services de la perception »342. La contrepartie de ce choix est que
l’appréciation du seuil de l’article 27 est effectué en tenant compte de la durée totale du
marché. Dans ce cas, le seuil de 90 000 Euros HT risque fort d’être très rapidement
dépassé343.

Enfin, les acheteurs publics sont vivement incités à passer des marchés pluriannuels pour
négocier de meilleurs prix auprès de leurs cocontractants comme pour éviter, année après
année, de relancer de nouvelles procédures d’achat. Ce faisant, ils doivent alors évaluer le

340
Voir ce sens CE 15 octobre 1982 SA Affichage Giraudy, Droit Adm 1982 n° 375. Dans cet arrêt, il a été jugé
qu’une collectivité publique a toujours la possibilité de passer un marché public alors qu’elle pourrait se borner à
passer une commande hors marché. Voir également pour une illustration CAA Paris 24 juin 1999 n° 97-03210,
Commune de Noisy-Le-Sec. Les personnes publiques peuvent passer un marché négocié même si le marché est
inférieur à 300 000 F TTC. Elles ne sont pas contraintes de conclure une commande hors marché.
341
Voir en ce sens Réponses ministérielles à Questions écrites n° 12829 JO Assemblée Nationale 6 juin 1994
page 2880 ; Réponses ministérielles à Questions écrites n° 5504 JO Assemblée Nationale 9 mai 1994 page 2342
; ainsi que Commission centrale des marchés : Marchés publics n° 268, 1992 page 8 et Commission centrale des
marchés : Marchés publics n° 2/95-96 page 4. Sous l’ancien code des marchés publics, il était recommandé - et
donc possible - également de recourir en cas de doute sur le montant prévisible d’un marché de recourir au
marché négocié.
342
Voir Jean SARFATI : « Nomenclature des achats : vers des marchés… de détails ? » La Lettre du Cadre n°
226 février 2002 page 61.
343
Les personnes publiques peuvent également recourir aux marchés à tranches conditionnelles. Comme pour les
marchés à bons de commande, le seuil se compute sur la durée totale du marché. Sur les marchés à bons de
commandes et à tranches conditionnelles, voir l’article 72.
seuil de l’article 27 sur la durée totale de leur marché ce qui n’est assurément pas favorable
aux marchés de l’article 28.

On peut penser enfin que, dans certains cas, les collectivités publiques auront recours à la
procédure des marchés négociés de l’article 35-I-2° du code des marchés publics pour éviter
de computer les seuils en application de l’article 27. L’article 35-I-2° du code des marchés
publics leur donne la possibilité de conclure un marché sans limitation de montant « lorsque
la prestation de services à réaliser est d’une nature telle que les spécifications du marché ne
peuvent être établies préalablement avec une précision suffisante pour permettre le recours à
l’appel d’offres ».

Certaines dispositions du code des marchés publics (ou des règles de la comptabilité publique)
sont susceptibles enfin de limiter l’intérêt pour les marchés sans formalités préalables auprès
des entreprises cocontractantes ; ainsi, le paiement d’acomptes n’est pas autorisé pour ce type
de marchés. De même, en application du 1er alinéa de l’article 87-I du code des marchés
publics, une avance forfaitaire ne peut être accordée de plein droit qu’aux seuls titulaires des
marchés excédant le seuil de 90 000 Euros HT. En d’autres termes, le versement d’une telle
avance est laissé à la volonté de la personne responsable du marché.

b - Par le recours au groupement des commandes publiques

Pour tourner les difficultés liées à la mise en œuvre de l’article 27, les collectivités publiques
– principalement les petites communes – pourront avoir tendance à grouper leurs
commandes344 pour ne pas prendre le risque de franchir le seuil de 90 000 Euros. Les
groupements d’achats345 apparaissent comme un moyen pour les collectivités locales, qui
n’ont pas de service d’achat performant, de « disposer d’une expertise technique et financière
suffisante »346. L’article 8 du nouveau code347 leur donne la possibilité de constituer des

344
Sur cette pratique des commandes groupées, on lira la chronique de Daniel CHABANOL : « La
rationalisation de la commande publique » Bulletin juridique des contrats publics n° 16 pages 201 et suivantes.
345
L’article 8-II du nouveau code des marchés publics prévoit que « chaque membre du groupement s’engage,
dans la convention, à signer avec le cocontractant retenu un marché à hauteur de ses propres besoins, tels qu’il
les a préalablement déterminés ».
346
Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier » Thèse Lille 2001
page 478.
347
Le groupement de commandes prévu à l’article 8 du nouveau code des marchés publics résulte de la prise en
compte de la montée en puissance de l’intercommunalité.
groupements locaux de commandes publiques348. Au-delà des économies d’échelle qui en
sont induites, cette procédure (qui sous l’ancien code était placée sous la présidence du préfet
par le biais de la commission départementale des commandes publiques) permet de mutualiser
les procédures de passation des marchés publiques. On peut penser d’ailleurs que les toutes
petites communes qui sont membres d’un établissement de coopération intercommunale «
délégueront » à ce dernier la mission de procéder à l’acquisition des biens dont elles ont
besoin comme le leur permet l’article 8-I- 2° du nouveau code des marchés publics.

Dans le même esprit, on signalera enfin la possibilité prévue par l’article 9 du nouveau code
des marchés publics aux collectivités territoriales de solliciter l’Union des Groupements
d’achats Publics (UGAP) laquelle joue le rôle d’une centrale d’achat. Le décret n° 2001-887
du 28 septembre 2001349 (qui est venu préciser le décret n° 85-801 du 30 juillet 1985) donne
aux collectivités locales la possibilité de conclure des contrats de commandes d’un montant
maximum de 200 000 Euros HT selon les règles applicables aux marchés sans formalités
préalables. Ainsi, en passant par ce puissant intermédiaire, une collectivité locale se
déchargera en premier lieu des tracas liés à la mise en œuvre du code et pourra en second lieu
acheter sans formalités préalables pour un montant multiplié par deux.

Le regroupement de la commande publique va enfin se poursuivre par la progression de


l’intercommunalité. Deux spécialistes des questions locales rappellent que dans un avenir
proche, le nombre d’acheteurs publics sera réduit ; au lieu d’avoir 36 779 communes, la
France ne comptera plus que 3500 communautés de communes, 130 communautés
d’agglomérations et 20 communautés urbaines350. Comme les besoins des établissements
publics de coopérations intercommunales sont supérieurs aux collectivités qui les composent,
le seuil de 90 000 Euros HT sera aisément dépassé. La mise en place de structures
intercommunales351 mettra cependant les comptables publics dans une situation ardue pour

348
Sur les problèmes comptables posés par la désignation, en vertu d’un mandat, d’un coordonnateur comme
étant responsable de l’exécution et du règlement du marché, il faut lire les pertinentes observations de Cyrille
EMERY : « Passer un marché public » Delmas 1ere édition 2001 page 192.
349
Tirant les conséquences de la jurisprudence CAMIF, le décret n° 2001-887 du 28 septembre 2001 fait, sauf
exception, obligation aux acheteurs publics de respecter le code des marchés publics lors de la passation de
commandes avec l’UGAP. Voir CE 27 juillet 2001 CAMIF JCP Ed G 2001 I n° 318 Observations S.
BRACONNIER.
350
Voir Dominique DEPORCQ et Philippe SCHMIDT : « Les vertus en trompe-l’œil du nouveau Code »
POUVOIRS LOCAUX Les cahiers de la décentralisation n° 51/2001, page 116. Ces données sont tirées du
Rapport MAUROY.
351
Sur les relations entre collectivités locales et établissement public de coopération intercommunale, on peut
lire de Cyrille Emery : « Intercommunalité et contrats entre personnes publiques » AJDA 2000 page 592.
assurer le respect de la computation des seuils. Les établissements publics de coopération
intercommunale pourraient être tentés de fractionner leurs achats avec les collectivités locales
qui les composent352. Pour éviter ce subterfuge, il serait nécessaire qu’un seul comptable
public soit chargé du contrôle de l’établissement public de coopération intercommunale et
l’ensemble des collectivités locales qui en sont membres. Et qu’il dispose de logiciels
informatiques lui permettant d’effectuer des recoupements.

2 - L’avènement du droit de la concurrence

Jusqu’à présent, le seuil des commandes hors marchés était à la fois un seuil de marché et un
seuil de procédure. Avec le nouveau code des marchés, le seuil des marchés sans formalités
préalables n’est incontestablement plus un seuil de marché ; mais est-il resté toujours pour
autant un seuil de procédure ? Rien n’est moins sûr. Qu’il soit issu de l’article 1er du nouveau
code des marchés publics ( a ) ou bien du code de commerce ( b ), le droit de la concurrence
est sur le point de gommer définitivement la distinction entre les marchés publics inférieurs à
un montant de 90 000 Euros HT et ceux qui lui sont supérieurs353.

a – Par l’article 1er du nouveau code des marchés publics :

Il y a fort longtemps déjà que le Conseil d’Etat354 a consacré le principe de l’égalité d’accès à
la commande publique. Sous l’ancien code, la liberté d’accès aux marchés publics des
entreprises était prévue expressément par l’article 47 même si elle comportait quelques
réserves ou restrictions. Par ailleurs, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’existait pas de principe
général du droit imposant à l’Administration une mise en concurrence des éventuels
cocontractants lors de la passation des contrats administratifs ; pour la Haute juridiction,
l’obligation de mise en concurrence n’existe donc que pour les seuls marchés publics355.

352
Pendant longtemps, le fractionnement a consisté pour une personne publique à recourir à plusieurs entreprises
privées. A l’avenir, il pourrait bien prendre une forme nouvelle consistant à saucissonner un achat entre plusieurs
personnes publiques. La notion communautaire d’ouvrage devrait permettre de freiner les pratiques éventuelles
de saucissonnage du code entre collectivités locales.
353
Pour l’aspect commercial de la question, on renverra à la lecture de la thèse d’Olivier GUEZOU : « Ententes
et marchés publics » Thèse Nanterre. « Le rapprochement insensible des différentes procédures (du modèle type
que constitue l’appel d’offres) » plaide d’ailleurs en réalité pour l’abandon de la technique des seuils.
L’expression est de Florian LINDITCH. Voir Florian LINDITCH : « Le droit des marchés publics » Dalloz /
Connaissance du droit, 2ème édition 2002, page 29.
354
CE 9 juillet 1948 Bourgade.
355
Voir en ce sens CE 12 octobre 1994 Chambre syndicale des agents d’assurances des Hautes-Pyrénées RFDA
1995 page 20 Conclusions DANDELOT.
Logiquement donc, elle n’a pas prévu d’obligation de mise en concurrence avant l’attribution
d’un marché inférieur à 300 000 F TTC356. Mais depuis, les choses ont changé…

Dorénavant, l’article 1er du nouveau code reprend ce principe en prévoyant dans son
paragraphe I que « les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la
commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.
L’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont assurées
par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en
concurrence, ainsi que par le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ». Quelle
est la portée de cet article sur le seuil de l’article 28 du nouveau code des marchés publics ?

Pour certaines personnes, et non des moindres, l’incidence de cette disposition serait
quasiment nulle. Un praticien, Patrice COSSALTER357 affirme tout d’abord que les
dispositions de l’article 1er ne s’imposent pas aux marchés sans formalités de l’article 28 pour
au moins trois raisons. En premier lieu, l’obligation de définition préalable des besoins n’est
prévue par l’article 28 lequel est inséré dans une section intitulée « Absence de formalités ou
modalités particulières de passation ». En second lieu, si les rédacteurs du décret avaient eu
l’intention de soumettre les marchés de l’article 28 à une telle obligation, ils l’auraient fait
savoir expressément comme cela a été le cas des contrats de l’article 30. En dernier lieu,
l’article 6 dispose que les marchés de l’article 28 ne sont pas soumis à l’obligation de
référence aux normes homologuées. Pour lui, « la définition du besoin n’est pas juridiquement
obligatoire » et il ajoute qu’« il s’agit donc d’un problème d’opportunité et non d’un
problème juridique »358.

356
Voir Dominique DEPORCQ et Philippe SCHMIDT : « Les vertus en trompe-l’œil du nouveau Code »
POUVOIRS LOCAUX Les cahiers de la décentralisation n° 51/2001, page 113 ; et de citer en ce sens CE 24
janvier 1990 n° 62.781 Mme Paule Martinetti. Dans cet arrêt le Conseil d’Etat a déclaré : « aucun principe
général du droit n’imposait à la ville de faire appel à la concurrence pour procéder au choix de ses
cocontractants ». Voir également LAMY Droit public des affaires (sous la direction de Lucien RAPP et Philippe
TERNEYRE) 2001 n° 2084. « Il reste que, même en matière de marché public, le principe de mise en
concurrence ne vaut que pour les contrats dont le seuil excède le montant de 300 000 F TTC fixé par les articles
123 et 321 du Code des marchés publics ».
357
Sur ces arguments, lire Patrice COSSALTER : « Les marchés sans formalisme préalable » Territorial /
L’essentiel Sur 2002 pages 32 et également 73.
358
Sur ces arguments, lire Patrice COSSALTER : « Les marchés sans formalisme préalable » Territorial /
L’essentiel Sur 2002 pages 33 et 73. Il est frappant de constater que pour cet auteur l’obligation de définition des
besoins n’est pas obligatoire ! Comme s’il était envisageable de commencer à computer sans avoir préalablement
déterminé avec précision ses besoins.
Plus curieusement ensuite, à une question d’un parlementaire portant sur le fait de savoir si,
sur le fondement de l’article 1er du nouveau code, la mise en œuvre systématique d’une
procédure de mise en concurrence était obligatoire pour les marchés des articles 28, 30 et 35-
III, Mme Florence PARLY a répondu359 que cette procédure ne s’appliquait pas aux marchés
sans formalités préalables.

Ces deux avis sur la portée de l’article 1er ne pourront que surprendre. L’article 1er du nouveau
code renverse les principes existants. Sous l’ancien code des marchés publics, l’acheteur
public avait toujours, même sous le seuil de 300 000 F, la possibilité de recourir aux
procédures prévues par le code mais cela n’était pas pour lui une obligation. Aujourd’hui,
l’article 1er s’applique dès le premier euro dépensé360. Par suite, les acheteurs publics doivent
s’astreindre à procéder à une mise en concurrence sommaire afin de choisir l’offre
économiquement la plus avantageuse. Ainsi, même les marchés non formalisés ne peuvent
laisser à la personne publique la possibilité de faire n’importe quoi…c’est à dire de choisir
discrétionnairement n’importe quelle entreprise. Elles doivent veiller à sélectionner leurs
cocontractants selon des critères objectifs. L’instruction du 28 août 2001 rappelle que l’article
28 ne prévoit pas la mise en place d’une mise en concurrence formalisée mais elle
recommande en application de l’article 1er du code des marchés public aux personnes
publiques de faire jouer la concurrence avant de passer un marché sans formalités préalables.

En outre, même si les juridictions administratives ne font pas dans un premier temps, ce que
l’on peut sérieusement douter, une application rigoureuse de cet article aux marchés passés
sans formalités, il est certain que les juridictions pénales verront dans les marchés sans
formalités conclus en violation de cet article un délit de favoritisme. Dans ce cas, la question
des seuils risque d’être malmenée sous la poussée des juridictions pénales361. Comme le

359
Réponses ministérielles à la Question écrite de Jean-Louis Bianco du 23 janvier 2002 n° 1644 JO Assemblée
nationale 23 janvier 2002 page 743. Pour l’ancienne Secrétaire d’Etat au Budget « il n’y a aucune obligation de
mise en concurrence pour ces marchés, même si celle-ci reste possible ». Cette réponse est par ailleurs infondée ;
à lui seul, le droit communautaire est en mesure d’obliger à une mise en concurrence et une publicité. Il en est
déjà ainsi en matière de concession de service public CJCE 7 décembre 2000 Telaustria.
360
Autrement dit, les principes du droit de la concurrence commence à s’appliquer bien avant le franchissement
du seuil de 90 000 Euros HT.
361
Le délit de favoritisme est constitué dès que la liberté d’accès et l’égalité des candidats prévues par les articles
1er et 5 du code sont entravées. Il s’ensuit que la personne publique devra procéder du moins de manière
informelle à la recherche du meilleur cocontractant. Car « si la réglementation des marchés autorise des
marchés, « sans formalités préalables » ou « sans publicité ni mise en concurrence », elle ne dispense pas
l’acheteur de l’application du droit commun et ne lui permet donc pas de décider arbitrairement de l’utilisation
des fonds publics. Un marché sans mise en concurrence n’est pas un marché sans droit ». Voir Gérard
conseille un spécialiste des juridictions pénales : « Afin d’éviter toute contestation ultérieure,
on ne peut que suggérer aux acheteurs d’être en mesure de justifier du respect des obligations
de fond qui s’imposent à eux. Ils peuvent à cette fin conserver les devis qu’ils ont pu solliciter
auprès des fournisseurs ou d’entrepreneurs et les renseignements obtenus à l’occasion de la
recherche de produits ou de prestations, par exemple quant à leur prix, leur qualité ou, le cas
échéant, le caractère exclusif de la prestation »362.

Le garde des Sceaux a informé par voie de circulaire datée du 4 mars 2002 les membres du
Parquet que les règles énoncées par l’article 1er du nouveau code des marchés publics étaient
des règles de fond qui s’imposent à tous les contrats conclus sous les auspices dudit code et
que donc les marchés sans formalités préalables y sont assurément soumis. Cette circulaire
rappelle que le manquement à l’article 1er peut être poursuivi pénalement sur le fondement du
délit de l’octroi d’avantage injustifié. On observera que les prescriptions de l’article 1er
rejoigne la définition du délit de favoritisme.

Concrètement, et afin d’éviter qu’une entreprise évincée d’un marché sans formalités
préalables demande la condamnation pénale de la personne publique ainsi que l’annulation de
la décision de conclure le contrat, il est vivement conseillé aux personnes responsables du
marché de consulter un minimum de trois entreprises et surtout de bien conserver les preuves
de leurs pourparlers commerciaux363. En tous les cas, dans cette recherche du meilleur
cocontractant possible, elles doivent proportionner leur effort en fonction du montant de la
prestation projetée. Pour ce faire, l’acheteur public devra au préalable assurer une publicité
minimale364 pour que toutes les entreprises susceptibles d’être intéressées par le marché
puisse se présenter à lui.

PANCRAZI : « Le délit de favoritisme et le nouveau code des marchés publics » Contrats et marchés publics
Juris-classeur mai 2001 page 5.
362
Voir Gérard PANCRAZI : « Le délit de favoritisme et le nouveau code des marchés publics » Contrats et
marchés publics Juris-classeur mai 2001 page 5.
363
La présentation de devis et d’étude (sous forme écrite ou de simple fax) par la collectivité publique paraît
essentielle si elle veut pouvoir prouver qu’elle a effectué des recherches sérieuses. En bref, elle doit apporter la
preuve que la conclusion du contrat a été précédée de négociation avec plusieurs entrepreneurs.
364
Pour Muriel ECHEGUT « Simplement, à défaut d’être formelle puisqu’elle ne s’exprimera pas au travers
d’avis de publicité, elle sera « informelle », mais elle devra néanmoins être réalisée et l’acheteur public devra se
ménager la preuve du respect de cette obligation ». Lire Muriel ECHEGUT : « Les marchés sans formalités
préalables » Contrats et marchés publics Janvier 2002 page 6. Ce phénomène n’est pas propre au droit des
marchés publics. Suite aux conclusions du Rapport Bouchery relatif à la prévention de la corruption, la loi du 29
janvier 1993 a imposé aux délégations de service public une obligation de publicité dans le but de renforcer
l’information et la transparence.
Par suite, on peut penser que la question du dépassement du seuil de l’article 28 risque d’être
rapidement dépassée ; en s’insinuant dans le droit des marchés publics, le droit de la
concurrence, dont l’inspiration est communautaire365, érode ses concepts les plus anciens et
porte atteinte à sa légitimité même.

b – Par l’ordonnance du 1er décembre 1986 :

Le droit de la concurrence a pour but notamment de réprimer les ententes et les abus de
position dominante. Jusqu’à ce jour, le juge administratif a refusé de considérer les ententes
entre les acheteurs publics et ses cocontractants comme étant des ententes au sens des
dispositions du droit de la concurrence. En d’autres termes, il a estimé que l’ordonnance n°
86-1243 du 1er décembre 1986 (codifiée désormais aux articles L 410-1 et suivants du code de
commerce) ne pouvait pas se substituer au droit des marchés publics lequel doit être regardé
comme le droit de la concurrence des marchés publics366. Mais pour le Professeur GUIBAL
cette attitude ne saurait perdurer. Et de rappeler ensuite « que le droit des marchés publics soit
un droit public de la concurrence est une évidence, même si son acceptation n’est pas
toujours clairement affirmée. Que les personnes publiques soient soumises au droit commun
de la concurrence est un principe aujourd’hui acquis, même si cette soumission est rarement
proclamée. Alors, pour quelle raison se lèvent tant de réticences pour admettre que les deux
droits de la concurrence appliqués à la conclusion des marchés publics ne sont ni
contradictoires, ni antinomiques, mais complémentaires ? Peut-être un manque de rigueur
dans la référence et l’application des critères propres au droit commun de la concurrence

365
Voir CJCE 18 novembre 1999 Unitron Scandinavia et 3-S, C-275/98, Rec page I-8291, point 31 ; CJCE 7
décembre 2000 Teleaustria Verlags GmbH, Telefonadress GmbH et Telekom Austria AG, C 324/98 ; Voir
Dominique DEPORCQ et Philippe SCHMIDT : « Les vertus en trompe-l’œil du nouveau Code » POUVOIRS
LOCAUX Les cahiers de la décentralisation n° 51/2001, page 114 ; La Cour a jugé que le droit de la concurrence
s’applique même lorsque la situation en cause est exclue du champ d’application d’une directive communautaire.
Pour arriver à cette solution, la Cour a dégagé un principe en s’inspirant des traités. En droit communautaire, la
question des seuils a également fait l’objet d’un semblable débordement. En raison de l’effet direct des
dispositions contenues dans les traités communautaires, la Cour de Justice des Communautés Européennes fait
application des principes posés aux articles 6, 30, 52 ou 59 du Traité de Rome indépendamment du montant de la
commande publique.
366
Voir LAMY Droit public des affaires (sous la direction de Lucien RAPP et Philippe TERNEYRE) 2001, n°
1993.
»367. Dans la même veine, il a été écrit que « le droit des marchés publics est avant tout un «
droit de la concurrence » pour la distribution de la commande publique »368.

Mais ce raisonnement n’est cependant pas celui du Conseil de la concurrence369 qui applique
l’article 7 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 (devenu depuis l’article L 420-1
du Code de commerce). On peut se demander, dans ces conditions, si l’attitude du juge
administratif a un avenir ? Depuis peu, en effet, le Conseil d’Etat a accepté de contrôler sur le
fondement du droit interne de la concurrence les contrats publics370. Que le juge administratif
accepte que le droit de la concurrence investisse le code des marchés publics et la question du
seuil des marchés publics, particulièrement ceux de procédure, deviendra alors que très
secondaire371.

***

L’actuel code des marchés publics, et plus singulièrement son article 27, ne semble donc pas
avoir été rédigé pour s’installer dans la durée372. Tout d’abord, et cela a été abondamment

367
Voir en ce sens Michel GUIBAL : « Droit des marchés publics » JCP Entreprise et affaires n° 35, 2000, page
1323. Sur un mode quelque peu différent : « Le Code des marchés publics, plus qu’un code de la concurrence,
est un code de la consommation, et probablement le premier du genre compte tenu de son ancienneté ». Voir en
ce sens Michel BAZEX : « Le Conseil de la concurrence et les marchés publics » AJDA 1994 page 103.
368
Voir LAMY Droit public des affaires (sous la direction de Lucien RAPP et Philippe TERNEYRE) 2001 n°
2082.
369
Concernant le contrôle des ententes anticoncurrentielles, le Conseil de la concurrence a rendu en 1996 sur le
fondement de cette disposition 16 décisions portant sur la passation de marchés publics. Voir LAMY Droit
public des affaires (sous la direction de Lucien RAPP et Philippe TERNEYRE) 2001, n° 1993.
370
Voir CE Section 3 novembre 1997 n° 169907, Société Million et Marais , GAJA 12ème édition Dalloz 1999,
pages 816 et suivantes ; Voir CE Section 26 mars 1999 n° 202-260 Société EDA AJDA 1999 p. 247, concl. J.-H
Stahl, note M. Bazex. S’agissant du droit des marchés publics, on renverra au jugement rendu par le Tribunal
Administratif de Rouen. Voir TA Rouen 28 avril 2000 Entreprise Jean Lefebvre Normandie, AJDA 2000 page
842, note C. BRECHON-MOULENES.
371
Voir en ce sens Florian LINDITCH : « Le droit des marchés publics » Dalloz / Connaissance du droit, 2ème
édition 2002, page 77. « Il semble donc que dans un proche avenir l’on pourra voir le juge administratif
condamner pour entente la personne publique qui, pour rester en deçà des seuils rendant obligatoire la mise en
concurrence, fractionne sa commande en deux marchés … ou encore convainc le titulaire du marché d’en sous-
traiter une partie importante à des entreprises locales (voir par exemple CE 29 juillet 1998 Commune de
Léognan) ». Et encore (page 78) « il faut donc espérer que la jurisprudence Million et Marais permettra de
mettre fin à l’immunité des personnes publiques résultant de la solution antérieure. Immunité d’autant plus
inacceptable que la compétence exclusive du Conseil de la concurrence ne permettait jusqu’alors que de
poursuivre l’entreprise titulaire du contrat (au titre de l’abus de position dominante), alors que les clauses
figurant dans le contrat avaient bel et bien été acceptées par la collectivité publique elle-même, et pouvaient
même avoir été introduites à son initiative. La logique contractuelle la plus élémentaire doit donc pouvoir enfin
être respectée. Elle veut en effet que les deux parties (et plus seulement le cocontractant de l’administration)
soient également tenues pour responsables des effets anticoncurrentiels du marché qu’elles ont passé ensemble
».
372
Sur les carences du nouveau code, voir le commentaire de F. LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX : « Un
nouveau code pour les marchés publics » Contrats et marchés publics avril 2001 page 6.
relevé, le code n’a pas été l’œuvre du Législateur. Par suite, les questions concernant les
collectivités territoriales n’ont pas toutes été traitées. Les articles 34 et 72 de la Constitution
rendent l’intervention du Parlement nécessaire. Il n’est pas certain que le Conseil
constitutionnel admet aujourd’hui que la matière ne relève pas, dans la plupart de ses aspects,
du domaine législatif373. Les marchés publics sont d’une part des contrats qui en tant que tels
doivent être regardés comme des « obligations civiles et commerciales » au sens des
dispositions de l’article 34 de la Constitution ; ils affectent d’autre part « la libre
administration des collectivités locales » prévues aux articles 34 et 72 de la Constitution.

Ensuite, le droit des marchés publics reste un droit éparpillé, morcelé : des directives
communautaires, des lois éparses, comme la loi MURCEF374, la loi NRE375 ou la loi MOP376
ont pour objet cette matière. Au niveau communautaire, la commission européenne s’est
donnée pour mission d’unifier dans un futur proche les trois directives relatives aux travaux,
aux fournitures et aux services.

Pour finir, d’autres contrats administratifs, tels que, par exemple, les conventions de
délégation de service public viennent de faire l’objet d’une réforme377 sans que leur
modification soit l’occasion d’embrasser la totalité des contrats administratifs. Pour le coup, il
serait particulièrement bienvenu que la France se dote d’un Code des contrats publics378.

373
En effet, la jurisprudence Ordre des architectes du Conseil d’Etat confirmant l’habilitation faite par le
Législateur au Gouvernement d’intervenir en matière de marchés publics paraît de nos jours de plus en plus
fragile du fait de l’importance prise par la jurisprudence constitutionnelle. Voir CE 29 avril 1981 AJDA 1981
page 429 ou encore plus récemment CE 30 juin 1999 Département de l’Orne et Société Gespace France Recueil
CE page 227.
374
Cette loi comprend en effet un titre 1er qui est intitulé « Marchés publics, Ingénierie publique et Commande
publique ».
375
Cette loi consacrée aux nouvelles régulations économiques a un spectre particulièrement large qui va du droit
des concentrations économiques au droit des sociétés. Voir Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001.
376
La loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise
d’oeuvre privée.
377
La loi MURCEF consacre son article 3 à la définition de la délégation de service public.
378
Voir en ce sens Laurent RICHER : « Droit des contrats administratifs » LGDJ 2ème édition 1999 page 314 ; Et
l’auteur de conclure « Force est de constater que les améliorations viennent souvent du législateur. Verrons-
nous en France une Loi sur le contrat administratif ? ». Voir la conclusion générale de Laurent RICHER : «
Droit des contrats administratifs » LGDJ 2ème édition 1999 page 525.
BIBLIOGRAPHIE

I – Ouvrages généraux :

Jacques BOURDON, Jean-Marie PONTIER et Jean-Claude RICCI : « Droit des collectivités


territoriales » PUF / Thémis 2ème édition 1998

Michel BOUVIER, Marie-Christine ESCLASSAN, Jean-Pierre LASSALE : « Finances


publiques » LGDJ 4ème édition 1998

Jean CARBONNIER : « Droit civil. Les Obligations » PUF-Thémis 22ème édition 2000
René CHAPUS : «Droit administratif général » Domat-Montchrestien, 2000, 14ème édition
Tome I

René CHAPUS : « Droit du contentieux administratif » Domat-Montchrestien, 2001, 9ème


édition

Francis J. FABRE (avec la collaboration d’Anne FROMENT-MEURICE) : « Les grands


arrêts de la jurisprudence financière » Dalloz 1996, 4ème édition

Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT, Eric SAVAUX : « Les obligations. Tome 1 : L’acte
juridique » Armand Colin, 2000, 9ème édition

Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE : « Les finances publiques » Dalloz /


Connaissance du droit, 4ème édition , 2001

Marceau LONG, Prosper WEIL, Guy BRAIBANT, Pierre DELVOLVE, Bruno GENEVOIS :
« Les grands arrêts de la jurisprudence administrative » Dalloz 1999, 12ème édition

Laurent RICHER : « Droit des contrats administratifs » LGDJ 2ème édition 1999

André PAYSANT : « Finances publiques » Armand Colin, 5ème édition, 1999

Luc SAÏDJ : « Finances publiques » Dalloz 3ème édition 2000

II – Ouvrages spécialisés, thèses :

Thierry BEAUGE : « La réforme du code des marchés publics commentée » AFNOR 2001

Mireille BERBARI : « Marchés publics. La réforme à travers la jurisprudence. Décret n°


2001-210 : les fondements jurisprudentiels » Le Moniteur 2001

Stéphane BRACONNIER : « Droit des marchés publics » Imprimerie nationale-Essentiels


experts 2002, 396 pages
Christine BRECHON-MOULENES (sous la direction de) : « Droit des marchés publics » Le
Moniteur 2000 (par Christine BRECHON-MOULENES, Philippe de GERY, Laurent
RICHER, Rémi ROUQUETTE, Philippe TERNEYRE)

Nicolas CHARREL : « Marchés et délégations de service public. Le risque pénal » Le


Moniteur 2001

Patrice COSSALTER : « Les marchés sans formalisme préalable » Territorial / L’essentiel


Sur 2002

Henry-Michel CRUCIS : « Droit des contrôles financiers des collectivités territoriales »


AJDA. Le Moniteur 1998

Cyrille EMERY : « Passer un marché public » Delmas 1ere édition 2001

Valérie FEVRE-PELEE DE SAINT MAURICE : « Elus et marchés publics » Demos 2001

Simon FROMONT : « Le droit des marchés publics à l’épreuve du droit public financier »
Thèse Lille 2001

Olivier GOUT : « Le juge et l’annulation du contrat » PUAM 1999 Préface Pascal ANCEL

Michel GUIBAL : « Mémento des marchés publics » Le Moniteur 2ème édition 1996 et 3ème
édition 2001

JURIS-COMPACT : « Les collectivités territoriales et leurs contrats » Juris-Classeur 2002


sous la direction de Stéphane BRACONNIER

LAMY : « Droit public des affaires » 2001 (sous la direction de Lucien RAPP, Philippe
TERNEYRE, Nil SYMCHOWICZ et Michel GUIBAL)

LAMY : « Gestion et finances des collectivités locales » 2000


Florian LINDITCH : « Le droit des marchés publics » Dalloz / Connaissance du droit 2000,
156 pages (pour l’ancien code) ; et du même auteur « Le droit des marchés publics » Dalloz /
Connaissance du droit, 2ème édition 2002, 113 pages (pour le nouveau code)

Henry LONCHAMPT : « Les marchés publics » Berger-Levrault 1987

Jacques MAGNET : « Les comptables publics » LGDJ-Systèmes 1995

« MARCHES PUBLICS, La revue de l’achat public » Ministère de l’Economie des Finances


et de l’Industrie

Dominique POUYAUD : « La nullité des contrats administratifs » LGDJ 1991

Patrick SCHULTZ : « Eléments du droit des marchés publics » LGDJ 1996

CODE ADMINISTRATIF (partie Finances publiques par Michel LASCOMBE et Xavier


VANDENDRIESSCHE) Dalloz 2000

CODE DES JURIDICTIONS FINANCIERES (par Matthieu CONAN, Alain DOYELLE,


Bernard POUJADE, Jean-Philippe VACHIA) Le Moniteur 2001

CODE DES MARCHES PUBLICS (par François LLORENS, Pierre SOLER-COUTEAUX,


Gabriel ECKERT) Litec 1999

CODE DES MARCHES PUBLICS (par Michel GUIBAL, avec la collaboration de Nicolas
CHARREL) Le Moniteur 2001

CODE GENERAL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES (sous la direction de Jean-


Claude DOUENCE) Dalloz 2001

III – Articles :

Christine BRECHON-MOULENES : « Synthèse » AJDA 1994 pages 118 et suivantes


Bernard CASTAING : « Budget et comptabilité. Pièces justificatives des paiements locaux »
Jurisclasseur Collectivités territoriales 1999 Fasc. 2045

Bernard CASTAING : « Contrôles externes » Jurisclasseur Collectivités territoriales 1997


Fasc. 2090

Daniel CHABANOL : « La rationalisation de la commande publique » Bulletin juridique des


contrats publics n° 16 page 201

Hugues CLEPKENS et Jean-Pierre GUERRIER : « Gestion des marchés publics :


organisation interne et procédures » Jurisclasseur Collectivités territoriales 1995 Fasc. 2180

Thierry DAL FARRA : « Le risque de favoritisme : quelle perspective après la réforme de la


commande publique ? » Bulletin juridique des contrats publics n° 21 pages 91 et suivantes

Philippe DELELIS : « Les nouvelles procédures simplifiées » Contrats et marchés publics,


Editions Juris-classeur avril 2001 pages 13 et suivantes

Philippe DELELIS : « Observations sur le seuil de 300 000 F » Les Petites Affiches 1999 n°
161 pages 12 et suivantes

Pierre DELVOLVE : « Vers l’unification du droit des marchés publics ? » Mélanges Roland
DRAGO Economica 1996 page 225 et suivantes

Dominique DEPORCQ et Philippe SCHMIDT : « Les vertus en trompe-l’œil du nouveau


Code » POUVOIRS LOCAUX Les cahiers de la décentralisation n° 51/2001, page 113 et
suivantes

Muriel ECHEGUT : « Les marchés sans formalités préalables » Contrats et marchés publics
Janvier 2002 pages 4 et suivantes

Gabriel ECKERT : « Les aspects financiers du nouveau Code des marchés publics » Contrats
et marchés publics, Editions Juris-classeur avril 2001 pages 35 et suivantes

Cyrille EMERY : « Une interprétation de plus de l’article 27 du nouveau CMP ! »


L’Actualité de la Commande et des Contrats Publics n° 10 / avril 2002 pages 15 et suivantes
Michel FRATACCI : « Le contrôle juridictionnel du juge des comptes sur le respect du seuil
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Jean-Pierre GASTINEL : « Cour de discipline budgétaire et financière » Jurisclasseur


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M-J. GUEDON : « La classification des moyens d’annulation des actes administratifs :


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Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE : « Chronique de droit public


financier » RFDA

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Florian LINDITCH : « Qui a peur de l’article 27 ? Réflexion sur les seuils dans le nouveau
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Jean-Gabriel MADINIER : « Les collectivités locales et la réforme des marchés publics »


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Haritini MATSOPOULOU : « Marchés publics. Liberté d’accès et égalité des candidats »
Jurisclasseur Code Pénal 2001 article 432-14

Christine MAUGÜE : « La réforme des procédures » Bulletin juridique des contrats publics
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Vinh NGUYEN QUOC : « L’argent public et le droit des contrats » Mélanges Roland
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Frédérique OLIVIER et Eric BARBRY : « Conclusion du marché public » Jurisclasseur


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Frédérique OLIVIER : « Le nouveau droit des marchés publics. Une lecture pratique » Droit
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Frédérique OLIVIER et Eric BARBRY : « Règles générales de formation des marchés


publics » Jurisclasseur Administratif 1998 Fasc. 635

Gérard PANCRAZI : « Le délit de favoritisme et le nouveau code des marchés publics »


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Sophie PIGNON et Denis BANDET : « Le nouveau Code des marchés publics : quelques
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Christian POULY : « Contrôle des comptes des comptables publics » Jurisclasseur


Administratif 1995 n° 1240

Dominique POUYAUD : « La sanction de l’irrégularité dans la passation des marchés »


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Eric SAGALOVITSCH : « Le comptable public et l’exécution financière des marchés publics


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Jean SARFATI : « Nomenclature des achats : vers des marchés… de détails ? » La Lettre du
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Antony TAILLEFAIT : « Le nouveau droit des marchés publics. Les aspects financiers et
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Philippe TERNEYRE : « Le nouveau régime financier des marchés publics » Bulletin


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Philippe TERNEYRE : « Le contrôle de la légalité des marchés publics locaux. : essai


d’évaluation » Les Petites Affiches 1991 n° 20 pages 8 et suivantes

D THOMAS : « Les relations entre le droit des marchés publics et le droit budgétaire et
comptable » RDP 1997 pages 1101 et suivantes

Victor HAÏM : « Prix et règlement des marchés » Jurisclasseur Administratif 1998 Fasc. 650

Victor HAÏM : « Fin des marchés publics » Jurisclasseur Administratif 2000 Fasc. 653

Yves WEBER : « La théorie des vices du consentement dans les contrats administratifs »
Mélanges Roland DRAGO Economica 1996 page 315 et suivantes
LE CONTROLE DU DEPASSEMENT DU SEUIL
DES MARCHES PUBLICS

Introduction

CHAPITRE I – LE PASSAGE D’UNE CONCEPTION JURIDIQUE DE


LA COMPUTATION DU SEUIL DES MARCHES PUBLICS

Section I – UNE DEFINITION INADAPTEE

A – Une définition simple


1 – Une définition « administrative »

a - Une interprétation administrative


b - La théorie des « trois mêmes »

2 – L’autorisation de dépassements

a - Les dépassements minimes


b - Les dépassements imprévisibles

B – Une définition irréaliste

1 – Les conditions tenant aux parties au contrat

a - La notion d’acheteur
b - La notion de fournisseur

2 – Les conditions tenant à la prestation prévue au contrat

a - La nature de la prestation
b - Le cadre temporel de la prestation

Section II – DES CONSEQUENCES DANGEREUSES

A – Pour le comptable public

1 – Le contrôle des comptes du comptable public

a - L’obligation de reddition des comptes


b - La sanction : la mise en débet

2 – Le contrôle du dépassement du seuil par le comptable public

a – L’avènement de la jurisprudence Soldevilla


b – Les adaptations de la jurisprudence Soldevilla

B – Pour l’acheteur public

1 – Une sanction administrative introuvable

a - La nullité des marchés


b - Une nullité imparfaite

2 – Une sanction extérieure au code des marchés publics

a - Une sanction ineffective : le droit public financier


b - Une sanction efficace : le droit pénal

CHAPITRE II – A UNE CONCEPTION ECONOMIQUE DE LA


COMPUTATION DU SEUIL DES MARCHES PUBLICS

Section I – UNE REFORME AMBITIEUSE

A – La naissance d’une double obligation

1 – L’obligation de prévision des besoins

a – Une obligation préalable


b – Une obligation précise
2 – L’obligation de détermination des marchés

a – La répartition tripartite des marchés


b - La situation des marchés complexes

B – La computation du seuil des différents marchés

1 – Les marchés de travaux

a – La notion d’opération
b – La notion d’ouvrage

2 – Les marchés faisant référence à une nomenclature

a - Les marchés de fournitures


b - Les marchés de services

Section II – UNE REFORME INAPPLICABLE

A – L’avenir de l’article 27 ?

1 – Un outil complexe

a – La non résolution des questions anciennes


b – L’apparition de problèmes nouveaux

2 – Un contrôle juridictionnel impossible

a – Pour le juge administratif


b – Pour le juge financier

B – L’avenir de l’article 28 ?

1 - La fin des marchés sans formalités préalables


a - Par le recours aux procédures formalisées
b - Par le recours au groupement des commandes publiques

2 - L’avènement du droit de la concurrence

a - Par l’article 1er du nouveau code des marchés publics


b - Par l’ordonnance du 1er décembre 1986

Conclusion

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