Etude de Cas

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Institut Régional de Formation aux Métiers de la

Rééducation et Réadaptation
Pays de la Loire.
54, rue de la Baugerie - 44230 SAINT-
SEBASTIEN SUR LOIRE

Spécificités de la prise en charge de quatre


patients grands brûlés en unité de
réanimation d’un centre de grands brûlés.

Tanguy LE BARILLEC

Travail Ecrit de Fin d’Etudes


En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de
Masseur-Kinésithérapeute

Année scolaire : 2012-2013

REGION DES PAYS DE LA LOIRE


Résumé :

L’objectif de ce mémoire est de présenter la rééducation des patients grands brûlés en


réanimation ainsi que les situations exigeant des adaptations du kinésithérapeute, ou
l’empêchant d’effectuer ses soins au quotidien. Ces situations peuvent être de plusieurs
ordres, certaines ne pouvant être contournées, alors que des solutions peuvent être envisagées
pour d’autres. Pour illustrer le propos, des cas cliniques rencontrés en stage seront utilisés en
tant qu’exemples. Les patients seront présentés afin de comprendre le contexte de prise en
charge et les objectifs de nos soins. Ce travail n’est qu’un exemple, vécu dans un service
précis, et en aucun cas une généralisation à la prise en charge effectuée dans tous les services
par tous les kinésithérapeutes.

Mots clés :

• Brûlé
• Kinésithérapie
• Pronostic vital
• Réanimation

Key words :
• Burn
• Physiotherapy
• Rescucitation
• Vital prognosis
Sommaire

Introduction ......................................................................................................... 1
I. La brûlure et sa prise en charge médicale..................................................... 2
I. 1. La brûlure ............................................................................................................. 2
I. 2. Cicatrisation et traitement .................................................................................... 4
I. 2. a. Physiologie de la cicatrisation ................................................................................. 4
I. 2. b. Traitement de la brûlure .......................................................................................... 4
I. 2. c. Complications et cicatrisation pathologique ........................................................... 5
I. 3. La réanimation du patient grand brûlé ................................................................. 6
I. 3. a. Objectifs et moyens mis en œuvre .......................................................................... 6
I. 3. b. Complications de la réanimation ............................................................................ 8

II. La prise en charge kinésithérapique du grand brûlé ................................. 9


II. 1. Présentation des cas cliniques ............................................................................ 9
II. 2. Plan orthopédique ............................................................................................. 13
II. 3. Gestion de la douleur ........................................................................................ 19
II. 4. Plan respiratoire ................................................................................................ 21
II. 5. Levée de sédation et réveil ............................................................................... 22

III. Discussion .................................................................................................... 23


Conclusion .......................................................................................................... 27

Bibliographie
Introduction

Dans un service de réanimation des grands brûlés, la vie du patient est en danger, l’état
d’arrivée est souvent critique et nécessite une prise en charge rapide, précise et intense. Sur le
plan fonctionnel, la brûlure est source de nombreuses complications, le rôle du
kinésithérapeute dans un service aigu est avant tout préventif, mais primordial. Cependant,
quand la vie d’un patient est en jeu, la kinésithérapie n’apparaît pas prioritaire, et donc,
malgré les objectifs poursuivis par celle-ci, le quotidien dans ce type de service pour un
kinésithérapeute est constamment fait d’adaptations, de négociations et de compromis. Le but
de ce mémoire est de présenter la rééducation du patient brûlé et hospitalisé en service de
réanimation, et d’apporter des exemples concrets d’imprévus et de situations délicates
obligeant à revoir les objectifs quotidiennement dans ce milieu très spécialisé. Pour cela, 4 cas
cliniques rencontrés en stage sont utilisés à titre d’exemples concrets. Nous verrons qu’en
fonction des situations, le kinésithérapeute peut, ou non, proposer et trouver des solutions
pour parvenir à ses objectifs. Parfois, la survie du patient est en jeu et des concessions doivent
être faites. L’art de la rééducation des brûlés demande une étroite collaboration entre tous les
membres de l’équipe, et cela implique qu’une discipline ne doit pas provoquer l’échec des
autres pour accomplir ses objectifs. (1)
La problématique posée est donc la suivante : comment prendre un charge, du point de
vue kinésithérapique, des patients brûlés en service de réanimation sans pour autant interférer
avec les autres intervenants ayant un rôle prépondérant pour la survie des patients ?

1
I. La brûlure et sa prise en charge médicale
I. 1. La brûlure

La brûlure est une « lésion de la peau ou des muqueuses provoquée par leur exposition à une
chaleur intense ou par leur contact avec un agent physique ou chimique » (2)

On considère qu’une brûlure est grave selon différents critères :


• Si la surface brûlée est supérieure à 25% de la surface cutanée totale (SCT), ou 20%
aux âges extrêmes de la vie
• Si les lésions profondes dépassent 10% de la surface corporelle
• Si la brûlure se situe au niveau du visage, du cou, des mains ou du périnée
• Si des lésions d’inhalation sont associées
• S’il y a existence de brûlures électriques ou chimiques
• S’il y a présence de traumatismes associés, ou de pathologie grave préexistante. (3)
(4)

La peau est constituée de trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypoderme.


L’épiderme, couche la plus superficielle, est composée à 90% de kératinocytes qui lui
confèrent sa résistance. C’est la couche protectrice de la peau, elle assure la protection de la
lumière, des agressions traumatiques et des infections. La membrane basale ou jonction
dermo-épidermique sépare l’épiderme et le derme. Cette membrane permet le renouvellement
cellulaire des kératinocytes. Le derme quant à lui, essentiellement fibreux, est composé de
tissu conjonctif, et donne surtout à la peau sa solidité et son élasticité, grâce aux fibres de
collagène qu’il produit. (5) L’hypoderme, couche la plus profonde, est essentiellement
composée de tissu adipeux, et constitue donc un isolant thermique et un protecteur mécanique.

Une brûlure se caractérise par : son type, sa localisation et sa profondeur. Les


différents types de brûlures sont : thermique, chimique et électrique. En fonction de la
localisation de la brûlure, il y a certaines complications à prévenir. Les zones concaves sont
sources de rétractions. Au niveau de la face et du cou, le risque d’inhalation et de lésions
bronchiques et l’œdème peuvent provoquer une diminution de la lumière des voies aériennes
supérieures, et représenter un danger pour le patient.

Le dernier point caractérisant la brûlure est sa profondeur, il existe 3, voire 4 degrés


permettant de coter la profondeur d’une brûlure :
• 1er Degré : Atteinte de l’épiderme, couche superficielle de la peau.
• 2ème Degré : Destruction de la totalité de l’épiderme, et en partie de la jonction dermo-
épidermique.
• 3ème Degré : Destruction totale de l’épiderme, de la membrane basale et partielle voire
totale du derme.
• 4ème Degré : Brûlure extrêmement profonde, allant jusqu’aux muscles, aux tendons ou
aux os. (3) (6) (figure 1)

2
On peut différencier le 2ème degré en plusieurs catégories, en fonction de l’atteinte plus ou
moins profonde de la membrane basale et du derme. On parle de deuxième degré superficiel
ou deuxième degré profond. De plus, il est difficile de déterminer la profondeur d’une brûlure
d’emblée, en effet, celle-ci peut s’approfondir. Une brûlure du 2ème degré profond peut, sur
quelques jours, devenir du 3ème degré. On parle d’approfondissement ou de conversion. Cela
est dû au passage progressif d’une zone d’ischémie à une zone de nécrose, pouvant être dûe à
un œdème. (7) (8)

Figure 1 : Schéma d'une coupe de peau (3)

Afin de calculer la surface


corporelle brûlée, la façon la plus
simple reste la règle des 9 de AB
Wallace (1), chez l’adulte du moins,
puisque chez l’enfant, la tête occupe
une plus grande surface. (Figure 2)

Figure 2 : Règle des 9 de Wallace (1)

3
I. 2. Cicatrisation et traitement
I. 2. a. Physiologie de la cicatrisation

La cicatrisation se déroule classiquement en trois phases : la détersion, le


bourgeonnement et la maturation. La détersion correspond à la destruction des tissus
« morts », l’élimination de la nécrose. Le bourgeonnement lui, est marqué par la formation
d’un tissu de granulation qui est constitué d’un tissu lâche comprenant des fibroblastes qui
vont secréter du collagène pour former la matrice extra-cellulaire et des myofibroblastes qui
donnent le pouvoir de rétraction à la peau brûlée. Et, la maturation correspond au remodelage
de la peau, pendant laquelle les composants du derme se réorganisent, l’inflammation
diminue, et les myofibroblastes disparaissent. (8)

Il est possible de séparer en deux les brûlures du point de vue de la cicatrisation, entre
les brûlures du 1er degré et du 2ème degré superficiel, qui vont cicatriser spontanément en
moins de 10 jours, et les brûlures plus profondes qui ne vont pas cicatriser ou de façon
imparfaite. (8) En effet, une brûlure du 2ème degré profond peut cicatriser, puisqu’il reste
encore, par endroits parfois, la jonction dermo-épidermique qui permet une ré-
épithélialisation, mais, les zones où la lame basale est détruite, il va y avoir une
hyperproduction de tissu conjonctif par le derme dans le même temps que l’épidermisation.
On dit que l’épidermisation va se faire par îlots qui vont peu à peu se rejoindre. Mais, cette
cicatrisation est longue et pourra être source de séquelles si un traitement préventif efficace
n’y est pas associé. (8)

I. 2. b. Traitement de la brûlure

Il existe deux façons de traiter une brûlure : la cicatrisation dirigée, ou l’excision


précoce associée à la greffe. La cicatrisation dirigée a pour but d’orienter et de favoriser la
réparation cutanée. (9) L’excision-greffe précoce quant à elle, peut avoir deux objectifs :
fonctionnel ou de sauvetage. Si l’objectif est fonctionnel, le but est d’éviter une cicatrisation
longue dans le cas d’une brûlure profonde, qui pourrait être source de cicatrisation
pathologique, en effet, cela permet de court-circuiter la formation du tissu de granulation. (9)
Dans le cas d’excision-greffe de sauvetage, la vie du patient est en jeu : « il est reconnu par de
nombreux spécialistes que l’excision-greffe précoce de sauvetage permet de réduire la
mortalité des brûlés les plus graves, même si aucune étude comparative n’a pu formellement
l’objectiver ». (9) En effet, il est dit qu’un recouvrement rapide, même avec un tissu
temporaire, permet de diminuer la perte de liquide, favorise la protection contre les infections,
diminue la douleur, et favorise la thermorégulation. (1) La cicatrisation dirigée sera
privilégiée dans les cas de brûlures superficielles et intermédiaires afin de laisser la peau
cicatriser spontanément ou pour prendre du recul afin d’affiner le diagnostic en cas de
profondeur incertaine.

La cicatrisation dirigée est impossible lors d’une brûlure au 3ème degré ou plus, et est
compliquée, longue et imparfaite lorsqu’il s’agit du 2ème degré profond. Dans ces cas-là, la
chirurgie est indiquée. L’acte chirurgical correspond à une excision tangentielle du
revêtement cutané brûlé et, en fonction de l’état du plancher sous-jacent, effectuer une
autogreffe directement, ou effectuer un premier temps de recouvrement à l’aide de derme
artificiel, d’allogreffe (tissu prélevé sur des cadavres) ou de xénogreffe (tissu provenant de
cochon). Ce recouvrement ayant pour but de permettre au plancher sous-jacent de

4
bourgeonner afin de pouvoir accueillir une autogreffe ultérieurement, et de s’assurer que le
plancher soit viable et sans infection. (9)

Dans les deux cas, le tissu de recouvrement est fixé à l’aide d’agrafes, et une durée
d’immobilisation stricte est à observer, différente en fonction de la technique utilisée, et de
l’aspect de la greffe, de quelque type que ce soit.

La finalité étant, lorsqu’il y a excision, d’effectuer une autogreffe. Celle-ci consiste à


prélever de la peau saine, au minimum l’épiderme associée partiellement à la membrane
basale (greffe de peau mince), afin de la greffer sur une zone brûlée. Il est possible
d’augmenter la surface d’un prélèvement par 2, 3, 4, voire 6, en fonction de la surface cutanée
à greffer. Il est évident que plus la greffe sera expansée, et moins le résultat esthétique et
fonctionnel sera satisfaisant, mais cela est parfois nécessaire en fonction de la quantité de
peau prélevable sur le sujet par rapport à la surface à recouvrir. Lorsque la greffe est
expansée, la cicatrisation sera plus longue, elle peut en effet prendre quelques semaines
puisqu’elle va être dirigée à l’intérieur des mailles, elle est centripète. Cette cicatrisation
laissera des cicatrices en résille. (9) Il est possible de prélever des épaisseurs plus importante
de peau pour un meilleur résultat, mais cela implique de devoir traiter également la zone
donneuse, soit par une greffe de peau mince, soit par une suture, on parle de greffe de peau
semi-épaisse, ou de peau totale. (9) Seule la technique de greffe de peau mince sera
développée ici puisque c’est celle qui concerne les patients rencontrés.

I. 2. c. Complications et cicatrisation pathologique

En effet, plus la greffe est expansée, plus son pouvoir de rétraction est grand puisque
la peau va tendre à vouloir reprendre ses dimensions d’origine, donc le risque de limitations
d’amplitudes ultérieures augmente. (10)

On parle du concept H.A.R.A. dans la cicatrisation, il regroupe : hypertrophie,


adhérence, rétraction et attraction,
• L’hypertrophie est une prolifération anarchique du tissu de granulation provoquant
une hyperproduction de tissu fibreux. Les facteurs favorisants l’hypertrophie sont,
l’existence de tension, une durée de cicatrisation longue (2 à 3 semaines), l’âge (chez
le sujet jeune), la localisation anatomique (surtout en zone peu mobile) et l’origine des
patients (plus fréquente chez les Afro-américains). (1) La compression est un bon
moyen de lutte, en effet, elle réalise une anoxie tissulaire, provoquant la mort des
cellules par apoptose, ce qui entraine une diminution de volume à partir du 3ème mois
de port, mais doit être portée pendant au moins un an afin d’être efficace. Elle
necessite une compression équivalent à 25mmHg. Il est évident qu’il est impossible de
mettre des vêtements compressifs sur une peau fraichement brûlée. (1) Cette
diminution de volume interviendrait sans compression, mais sur un délai plus long, et
de façon moins efficace. (3) Cette cicatrisation pathologique dure 2 ans, alors qu’une
cicatrisation classique ne s’étale que sur 6 mois. (8)

• Les adhérences sont les conséquences de la cicatrisation et de l’atteinte du tissu sous


cutané. En effet, des liens peuvent se créer entre ces deux entités, faisant ainsi
disparaitre le plan de glissement fonctionnel permettant à la peau de se déplacer par
rapport au tissu sous-jacent et ne pas entraver les mouvements.

5
• La rétraction d’une cicatrice est un phénomène naturel induit par les myofibroblastes,
cependant, il peut être aggravé par une cicatrisation de longue durée. Ces
myofibroblastes sont présents et actifs au cours de la phase de granulation, et vont le
rester pendant toute la phase de maturation. La rétraction s’effectue d’abord au niveau
cutané, ensuite, cette limitation d’amplitude peut provoquer une rétraction des
structures péri-articulaires, et enfin, dans les cas extrêmes, une limitation d’origine
articulaire. (10) Afin de lutter contre cette rétraction pouvant être à l’origine de
déficits, la prévention est primordiale, et le kinésithérapeute joue un grand rôle dans
cette prévention, ce qui sera détaillé dans la prise en charge du patient.

• L’attraction, enfin, est le dernier phénomène apparaissant dans la cicatrisation, cela


se caractérise au niveau des zones où la peau est saine, en effet, la rétraction et les
adhérences vont venir provoquer une attraction de la peau saine vers la zone brûlée.

Tous ces phénomènes peuvent avoir pour conséquence la formation de brides venant
entraver la mobilité articulaire par simple manque de souplesse cutanée : « la bride est en effet
définie comme une déformation adaptative en corde d’arc localisée dans une région concave,
et née de la propagation loco-régionale de tensions attractiles, elles-mêmes issues de zones de
rétraction, d’adhérences et d’hypertrophie situées à distance (zones sources) ». (11)

L’ensemble de ces quatre phénomènes provoque des déficits esthétiques et fonctionnels


contre lesquels il faut lutter, et la kinésithérapie occupe une place importante dans cette lutte,
qui doit être la plus précoce possible. Toutefois, la kinésithérapie jouera surtout un rôle sur
l’aspect fonctionnel. La prise en charge devient chirurgicale en cas d’échec des autres
techniques, et à distance des brûlures (12 / 15 mois) afin de prendre en charges d’éventuelles
séquelles.

I. 3. La réanimation du patient grand brûlé


I. 3. a. Objectifs et moyens mis en œuvre

La réanimation vise à préserver le pronostic vital à court et à moyen terme, c’est la


première thérapeutique dispensée au patient, avant même l’hospitalisation. (12)

Lors d’une brûlure sévère, le patient peut entrer en état de choc suite à une
hypovolémie, « le choc est un défaut de fourniture et/ou d’utilisation d’énergie au niveau
cellulaire secondaire à une défaillance circulatoire » (13) Deux mécanismes vont provoquer
l’apparition d’une hypovolémie et d’un syndrome oedémateux : l’hyperperméabilité capillaire
et l’hypoprotidémie. (14) On retrouve ce choc dans les brûlures étendues à plus de 20% de la
surface corporelle. Les conséquences de cette défaillance sont : « un collapsus par
hypovolémie, une dépression myocardique, une modification des circulations régionales puis
une augmentation des besoins énergétiques cellulaires dans le cadre d’une réaction
inflammatoire explosive » (13) De plus, il a « pour première conséquence d’augmenter
l’étendue des brûlures profondes » (13), en effet, les zones d’ischémie, mal vascularisées du
fait du collapsus vont tendre vers la nécrose. Ce choc, a une durée variable, mais qui est
souvent inférieure à 48h. Etant donné l’hypoperfusion, certains organes vont être moins
vascularisés, ce qui peut provoquer une dysfonction de ceux-ci, voire un SDMV (syndrome de
défaillance multi-viscérale). De plus, même si le choc est traité, ce syndrome devient

6
autonome à cause des réactions inflammatoires. Les principaux organes touchés sont les reins,
le tube digestif et les poumons.

Dans la prise en charge d’un patient brûlé arrivant dans un secteur de réanimation,
l’objectif principal est de lutter contre l’hypovolémie apparaissant dans les premières heures.
En effet, le patient brûlé peut perdre jusqu’à 10L de volémie dans les premières 24h ; il y a
donc une nécessité de remplissage afin de maintenir une tension artérielle suffisante et de
prévenir des défaillances d’organes. Mais cela participe malgré tout à la formation d’oedèmes.
(7)

La lutte contre la douleur est également très importante. La brûlure étant une lésion
très douloureuse, la morphine et les hypnotiques sont très largement utilisés ; les antalgiques
de classe I et II utilisés seuls étant inefficaces (12). Les patients arrivent donc très
fréquemment sédatés dans les services de réanimation. Les patients ont également souvent
besoin d’une assistance ventilatoire juste après leur accident, du fait de la sédation et/ou de
lésions respiratoires associées. Elles peuvent être de plusieurs types : soit des lésions par
inhalation de fumées qui vont provoquer des brûlures au niveau de l’arbre bronchique, soit la
localisation cutanée qui va entrainer un œdème et une constriction au niveau des voies
aériennes, soit un effet blast, c’est-à-dire une explosion dans un milieu clos qui provoque une
onde de surpression pouvant provoquer des ecchymoses pariétales, un pneumothorax, des
ruptures alvéolaires ou encore des fistules artério-veineuses. (15) (16) Un patient brûlé
arrivant dans le centre spécialisé de grands brûlés passe systématiquement au bloc opératoire
afin de faire un état des lieux des brûlures, que ce soit au niveau de la surface, ou de la
profondeur, exciser les phlyctènes présentes, et faire un premier pansement. (1)

Une autre problématique importante pour les réanimateurs est l’hypermétabolisme,


c’est une autre caractéristique de la brûlure. C’est la sécrétion de catécholamines intense et
prolongée qui est le mécanisme principal de cet hypermétabolisme chez le brûlé. L’équilibre
entre production et destruction de protéines est perturbé dans le sens de la destruction
(catabolisme). (1) (14) Cela expose le brûlé au risque de dénutrition, c’est pour cela que la
nutrition entérale est obligatoire par une sonde naso-gastrique chez ces patients. La
dénutrition provoque en effet une immunodépression augmentant le risque d’infection qui est
déjà très grand, et peut entrainer un retard de cicatrisation. (17) (14) Il est dit que pour une
brûlure inférieure à 30% de la SCT les besoins sont multipliés par 1,5, et ils le sont par 2 si la
SCT est supérieure à 30%. (4)

L’objectif des réanimateurs sur le long terme est de stabiliser le patient sur le plan
hémodynamique tout en visant à arrêter la sédation ou la réduire au maximum et sevrer les
patients sur le plan ventilatoire. On sait que moins la sédation est lourde, moins la durée de
ventilation mécanique le sera. (18) En effet, plus la réanimation d’un patient va être longue,
plus les risques infectieux, de défaillances d’organes ou de neuropathies sont importants, sans
compter l’amyotrophie de non-utilisation.

Afin de lutter contre l’hypovolémie, des formules, comme la formule de Pakland (4),
sont utilisées pour calculer les besoins sur les premières 24h, sachant que la moitié de ces
besoins devra être apportée dans les 8 premières heures. Ce remplissage est indispensable et
doit être réalisé très précocement afin de normaliser la perfusion tissulaire, en effet, une
insuffisance d’apports entraine un risque de choc hypovolémique et de défaillance d’organes.
Toutefois, un excès d’apports provoque la formation excessive d’œdèmes, eux-mêmes

7
responsables de fibrose et de limitation articulaire, une altération de l’hématose pulmonaire et
une augmentation de la pression intra-abdominale. (12)

Une ventilation contrôlée peut également être mise en place, avec le contrôle de la
FiO2 (fraction inspirée en oxygène), avec également une possibilité d’ajouter du NO
(monoxyde d’azote), qui peut permettre d’augmenter le rapport ventilation/perfusion en cas
de désaturation avec une FiO2 à 100%. Les patients sont trachéotomisés dès que la
réanimation s’annonce longue, ou que la brûlure se situe au niveau de la face et du cou, ce qui
peut engendrer un œdème laryngé qui gênera l’intubation. Il a été remarqué qu’il y avait
moins de complications pendant la ventilation après le sevrage avec la trachéotomie par
rapport à l’intubation. (19)

Les constantes des patients sont prises toutes les heures par les infirmières, afin de
surveiller leur état, et des prélèvements sont effectués fréquemment afin de dépister toute
infection et la traiter le plus efficacement possible. Ces patients sont très fragiles sur le plan
immunitaire, et la barrière de la peau ayant été détruite, cela constitue une porte d’entrée très
large pour les germes. Tous les soignants touchants les zones brûlées du patient pendant les
pansements doivent donc s’habiller de tenues stériles pour le protéger au maximum.

I. 3. b. Complications de la réanimation

Les complications pouvant survenir chez le patient brûlé séjournant longtemps en


réanimation sont multiples et à prévenir du mieux possible. En effet, il peut même arriver que
certains patients souffrent plus d’une réanimation difficile avec des complications telles que
des infections pulmonaires et déficiences respiratoires sévères pouvant mettre en péril de
manière plus importante le pronostic vital, que la brûlure en elle-même. En effet, la
conséquence majeure du traitement sédatif et analgésique est la prolongation de la durée de
ventilation mécanique. (18)

La défaillance d’organe fait partie des soucis pouvant survenir, en effet, malgré la
régulation des apports contrôlée par le réanimateur, une longue réanimation peut altérer les
organes, comme le rein par exemple, et une dialyse est nécessaire dans ce cas.

Des infections pulmonaires ou PAVM (pneumopathie acquise sous ventilation


mécanique) sont fréquentes, d’où l’importance de sevrer les patients sur le plan ventilatoire le
plus rapidement possible, afin d’éviter qu’ils ne développent ce type d’infection venant se
surajouter à une réanimation déjà parfois compliquée.

Un SIRS (syndrome inflammatoire à réponse systémique) peut apparaitre, soit suite à


une infection, soit en dehors d’une infection si la brûlure est supérieure à 20% de la surface
cutanée totale. (20) Il est la conséquence de la réponse inflammatoire généralisée qui survient
suite à la brûlure étendue. (4) (7)

Une absence d’excision des tissus brûlés qui ne pourront pas cicatriser ou une absence
de recouvrement cutané des surfaces excisées augmentent le risque d’infection ainsi que le
risque de fièvre sans autre point d’appel que l’exposition des tissus sous-cutanés. C’est
pourquoi une excision et un recouvrement rapide sont préconisés. (1) Mais les chirurgiens
sont parfois partagés entre l’attente, afin de voir si la brûlure peut récupérer ou non et d’éviter
d’exciser un derme encore sain, et augmenter le risque de séquelles pour le patient.
8
II. La prise en charge kinésithérapique du grand brûlé
Le but de ce chapitre est de présenter la théorie de la rééducation du patient brûlé en
phase aiguë de réanimation, et d’y apporter des exemples concrets rencontrés en stage afin de
montrer les difficultés auxquelles le kinésithérapeute peut être confronté dans sa pratique.

II. 1. Présentation des cas cliniques

Mr B. :

Mr B., 63 ans, est admis dans le service le 5/09/2012 pour des brûlures, datant du
même jour, et dûes à un retour de flamme sur un feu de broussailles. C’est donc une brûlure
thermique. Le patient est brûlé à 45% de sa SCT. Les brûlures sont du deuxième et du 3ème
degré (Tableau 1).

Tableau 1 : Localisation et profondeur des brûlures de Mr B.

2ème degré 3ème degré


Face et partie G du cou Face post du bras et de l’avant-bras G (entre
Pastilles au niveau de la fesse et du flanc G 2ème degré profond et 3ème degré)
Main et poignet G en circulaire
Les deux membres inférieurs de la mi-cuisse
aux malléoles en circulaire

Figure 3 : Brûlures de Mr B. à son arrivée, après incisions de décharge.

9
Figure 4 : Brûlures de Mr B. à son arrivée, après incisions de décharge.

A son arrivée, des incisions de décharge ont été effectuées au niveau des zones brûlées
en circulaire, comme on peut le voir sur les photos, une trachéotomie percutanée a également
été effectuée. Afin de traiter ces brûlures, 4 blocs opératoires ont été effectués entre le 12
septembre et le 5 octobre :
• Le 1er a consisté à exciser puis recouvrir de xénogreffe les 2 membres inférieurs et la
main G.
• Le second était une ré-excision des membres inférieurs non recouverts, et une greffe
de peau mince, pleine de la main G, associée à une amputation trans-P1 de l’index qui
était nécrosé. A cela ont été associés une excision du membre supérieur G recouvert de
xénogreffe et une excision au Versajet® du visage. Le Versajet® est un dispositif
d’hydrodissection permettant d’être moins agressif au niveau de la peau.
• Au 3ème, les deux membres inférieurs ont été greffés, avec de la peau mince expansée
par 3 , les prises de greffes effectuées dans le dos ont nécessité un passage dans un lit
fluidisé.
• Le dernier, a permis de greffer le membre supérieur gauche, en peau mince expansée
en 3 pour 1 également, et d’effectuer des reprises sur les zones des membres inférieurs
où la greffe n’avait pas pris (faces antérieures des genoux et latérales des jambes).

Il faut aussi noter que la levée de sédation chez ce patient a eu lieu le 4/10/12, et que le
sevrage ventilatoire a débuté le même jour, pour aboutir à une ventilation au nez artificiel le
9/10. Une pneumopathie à E. Coli a été découverte le 8/09, ce qui fait que le patient présentait
toujours un encombrement lors du sevrage ventilatoire.

Mme H. :

Mme H., 76 ans, s’est brulée le 19/09 et est entrée dans le service le même jour. La
brûlure est thermique, sur 15% de la SCT, suite à une explosion de gaz à domicile sans effet
blast. Les brûlures sont du 2ème degré profond ou du 3ème degré (Tableau 2). Depuis 2009, la
patiente a fait 3 accidents vasculaires cérébraux, sans séquelles d’après les informations
obtenues, elle vit seule chez elle. Elle présente également une ACFA (arythmie complète par
fibrillation auriculaire) et une arthrose de hanche sévère à droite, ce qui conditionnera notre
mobilisation passive et pourra expliquer une limitation articulaire.

10
Tableau 2 : Localisation et profondeur des brûlures de Mme H.

2ème degré profond 3ème degré


Visage Face dorsale des 2 mains
Partie postérieure du cou
Occiput
Partie supérieure du dos
Pastilles au niveau des coups de pied

Elle est arrivée dans le service sédatée et ventilée, 2 attelles de main en position
intrinsèque plus ont été fabriquées et installées le 21/09, en prévention. La sédation a été
arrêtée le 21/09, mais le sevrage ventilatoire a été plus long puisqu’il n’a été acquis que le
3/10.

Elle a subi 2 blocs opératoires :


• Le premier, le 26/09 a permis d’effectuer des greffes de peau mince, pleines, au niveau
des faces dorsales des deux mains, et une excision au Versajet et une xénogreffe au
niveau du visage.
• Le second a été effectué le 4/10 et ont été greffés : le visage, le haut du dos, des
compléments pour la main droite, et des pastilles au niveau des pieds.

La patiente a été sevrée d’oxygène le 9/10, a été décanulée le 11 et est sortie du service
le 15. Elle était à ce moment capable de tenir debout avec l’aide de 2 soignants pendant
environ 30 secondes, ce qui permet de se rendre compte de l’état de fatigue que provoque la
sédation et les brûlures, même si la sédation a été très courte, et la brûlure peu étendue.

Mr A. :

Mr A, 63 ans, est entré dans le service le 31/08 pour une brûlure datant du même jour,
des suites d’une immolation à l’essence. Il s’est brûlé sur 50% de la SCT. Toutes les brûlures
sont au 3ème degré, et sont localisées sur les 2 bras et avant-bras en circulaire, sur le cou en
antérieur et postérieur, au niveau du thorax et de l’abdomen, dans le dos, au niveau de la main
gauche et du visage.

Deux incisions de décharges, une pour chaque bras ont été réalisées en urgence. Le
patient a subi 6 blocs opératoires, toutes les zones ont été greffées, sauf les bras par manque
de peau à prélever, sachant que les greffes au niveau du tronc étaient expansées de 6 pour 1
(situation du patient à la fin du stage). Mr A présentait en effet une surcharge pondérale
importante, de type androïde, offrant peu de surfaces de prélèvement au niveau des membres
inférieurs. La levée de sédation s’est effectuée le 1/10, mais Mr A présentait alors une
neuromyopathie de réanimation très importante, en effet, seulement des ébauches de
mouvement étaient possibles au niveau du pouce G, de la main droite, du coude droit, des
deux épaules et des deux chevilles. La cotation au testing international pour ces muscles était
de 1, l’amplitude complète sans pesanteur ne pouvait pas être atteinte. Cette neuropathie est
présente chez 15 à 20% des patients présentant une brûlure d’au moins 20% de la SCT. (1) La
communication, même non verbale, était très difficile. Mr A n’était plus sédaté, mais de fortes
doses de morphiniques lui étaient tout de même administrées en raison de l’étendue de ses
brûlures. Et, après 1 mois de sédation, les repères et la parole sont difficiles à retrouver.
Toutes les zones du corps, au niveau cutané, étaient à surveiller puisque la moindre partie de

11
peau saine avait été prélevée pour remplacer la peau brûlée. Ce patient devait donc bénéficier
de deux séances par jour, une pour mobiliser et lutter contre les raideurs qui étaient installées,
et une pour stimuler la motricité active et retrouver un schéma corporel dans les phases de
conscience.

Mme N. :

Mme N, 24 ans, est entrée dans le service le 31/08 pour une brûlure du même jour,
suite à une immolation. Elle s’est brûlée à 40% de la SCT. (Tableau 3)

Tableau 3 : Localisation et profondeur des brûlures de Mme N.

2ème degré 3ème degré


Abdomen et tronc (quelques zones de 3ème Bas du visage
degré) Partie antérieure et latérales du cou
Faces postérieures de cuisses et de jambes Partie interne des cuisses et des jambes
Face interne et postérieure du bras et de
l’avant-bras droit
Face interne et antérieure de l’avant-bras
droit

Figure 5 : Tronc et abdomen de Mme N., à J5 d'une excision associée à une xénogreffe.

Elle est arrivée dans le servie intubée, sédatée et ventilée, en état d’hypothermie à 32°.
Elle devait commencer un suivi en centre médico-psychologique et avait des problèmes
d’alcool d’après son conjoint. Elle a subi un seul bloc opératoire consistant en une excision
des zones brûlées associée à des xénogreffes, son état général ne permettant pas la chirurgie
par la suite. Elle développe un syndrome de détresse respiratoire aiguë à partir du 08/09, dû à
une pneumopathie acquise sous ventilation mécanique. En conséquence, elle a été placée sous
NO et curarisée. Le NO n’a eu aucun effet et malgré le curare, les pressions pulmonaires
étaient toujours élevées. En effet, le curare a pour but de diminuer le tonus musculaire pour
obtenir une ampliation thoraco-abdominale plus importante afin de diminuer la pression intra-
pulmonaire, mais en contrepartie, les articulations sont plus exposées puisque le tonus
musculaire de base qui permet de stabiliser un minimum les articulations est absent. Durant le
12
séjour, 3 hypnotiques différents ont été administrés, un surdosage en hypnovel a provoqué un
essai du nozinan, ce dernier aurait provoqué un syndrome malin des neuroleptiques, faisant
monter la température jusqu’à 41,9°. Le gamma OH a aussi été testé puis stoppé car il se
métabolisait en CO2, ce qui a nécessité un retour à l’hypnovel. La fonction rénale s’est
dégradée également nécessitant une dialyse continue à partir du 14/09. Mme N est décédée le
15/09.

II. 2. Plan orthopédique

La mobilisation passive est primordiale puisqu’elle a pour but d’entretenir la mobilité


lorsque les patients sont sédatés, ou présentent une amyotrophie de non utilisation ou une
neuromyopathie de réanimation, ou encore un œdème. Cette mobilisation passive ne doit pas
se faire de façon rapide en mettant en état de tension-relâchement la cicatrice, puisque cela
favorise la transformation des fibroblastes en myofibroblastes et majore donc la rétraction.
(21) « La mobilisation passive doit également se faire d’abord dans le sens inverse de la
rétraction, puis dans le sens de la rétraction en maintenant des temps posturants en fin
d’amplitude. Le nombre d’articulations visées sera augmenté au fur et à mesure afin d’avoir,
en fin de séance, une mise en tension maximale de la zone rétractile. » (22)

Il est vrai qu’en pratique, les patients présentent fréquemment des œdèmes,
conséquences du remplissage et de la réponse inflammatoire intense, qui doivent être
surveillés et traités afin d’éviter qu’ils n’entravent la mobilité. Pour cela, il faut installer les
membres en déclive, mettre des bas ou bandes de compression et mobiliser. (7) Le drainage
lymphatique manuel ou le massage circulatoire sont très difficiles, voire impossibles à réaliser
en raison de l’étendue des zones brûlées et des pansements. A ces problématiques s’ajoutent
les complications de la brûlure en elle-même puisque la peau brûlée a tendance à se rétracter,
surtout en zone concave, du fait des myofibroblastes, c’est pour cela qu’il faut être prudent
afin de ne pas augmenter leur fabrication par nos actes. Il faut donc veiller quotidiennement,
lorsque les consignes médico-chirurgicales et la douleur le permettent, à mobiliser ces patients
afin que la peau conserve sa souplesse et sa mobilité par rapport aux plans sous-jacents.

Il n’est pas possible d’effectuer des tractions sur la peau brûlée, ou de la masser, mais
par l’intermédiaire de la mobilisation, on peut placer la peau en capacité cutané maximale. Il
est évident que les zones ne présentant pas de brûlures sont aussi à surveiller, mobiliser et
installer (bottes anti-équin par exemple). Dans les zones présentant des raideurs, après une
immobilisation stricte post-chirurgicale, ou tout simplement un week-end où il n’y aura pas eu
de séances, les temps de postures manuelles de plusieurs minutes sont très intéressants et
efficaces. Pour ces actes, une aide par les antalgiques peut être nécessaire puisqu’ils sont
générateurs de douleurs.

En pratique, il n’est pas toujours possible de mobiliser quotidiennement les patients,


cela peut avoir des conséquences différentes en fonction de la raideur de chacun.

Dans le service, les pansements de greffe étaient refaits à J3 et à J5, afin que le
chirurgien puisse apprécier la qualité de cette dernière. Les mobilisations passives sont
théoriquement reprises à J5, si la qualité le permet. Pendant ces cinq jours d’immobilisation
associés à la chirurgie, la raideur de la zone était souvent présente. Mais, dans le cas où la
greffe n’était pas satisfaisante et que le chirurgien souhaitait laisser du temps à celle-ci pour
voir l’évolution, le pansement suivant se faisait à J8. Autant dire que 8 jours sans mobilisation

13
était toujours synonyme de raideur importante, surtout si un œdème était associé. Le cas s’est
présenté deux fois pendant le stage, avec 2 conclusions différentes, à chaque fois pour une
main.

Au niveau de la main, chez les adultes, les brûlures sont presque exclusivement
situées au niveau dorsal, contrairement à ce que l’on retrouve chez les enfants. La position
privilégiée d’installation sera donc en position intrinsèque plus. Cette position correspond à
une légère extension de poignet, une flexion des articulations métacarpo-phalangiennes
(MCP) aux alentours de 90°, une extension des inter-phalangiennes proximales et distales
(IPP et IPD) associées à une opposition du pouce. Les différents buts recherchés par cette
position sont : de prévenir la rétraction cutanée au niveau de la face dorsale, placer les
structures capsulo-ligamentaires dans une position longue afin d’éviter un enraidissement en
cas d’immobilisation prolongée, de protéger les tendons extenseurs et les articulations IPP et
IPD en les plaçant en extension. (9) (23) A cette immobilisation doivent s’ajouter des
mobilisations quotidiennes : on sait en effet que les MCP peuvent s’enraidir en 20 jours. (21)

Le premier cas fut avec Mme H, pour qui les greffes aux deux mains étaient trop
fragiles à J5 pour être mobilisées. Il fallut donc attendre J8. A ce moment-là, la patiente
n’était plus sédatée, et donc consciente, la raideur était présente mais la récupération se fit
rapidement et il n’y eut pas de difficultés particulières.

Le second cas, Mr B, fut lui plus difficile. En effet, il n’y a pas pu avoir de
mobilisations de sa main, déjà moins souple et plus gravement brûlée que Mme H, pendant 10
jours. En effet, pendant deux jours avant l’intervention, il présentait des saignements
importants pendant le pansement et un taux d’hémoglobine bas nécessitant une transfusion, la
mobilisation passive qui majorait ces saignements a donc été interdite. L’état de sa main était
grave, puisqu’une amputation a dû être associée au geste chirurgical, et que des expositions
tendineuses et articulaires étaient apparues, à cela s’ajoutait un œdème important (figure 6).
Nous savons que le potentiel de récupération d’une main présentant un œdème, même
minime, est plus faible. L’œdème limite en effet les échanges de nutriments, et compromet la
cicatrisation des tissus brûlés. (7) Les séances au niveau de cette main n’ont pu être reprises
qu’à J8. Il a fallu 15 jours de mobilisations et de postures manuelles ou dans l’attelle pour
retrouver une liberté de mouvement passif équivalente à ce que l’on avait avant le bloc
opératoire.

14
Figure 6 : Main de Mr B. après greffe de peau mince, à J8.

Face à ces consignes chirurgicales, le kinésithérapeute a comme seul moyen pour


limiter au maximum les complications, les attelles, la lutte contre l’œdème par la déclive, et
l’installation posturale correcte au lit. Il faut donc pouvoir faire passer le message à toute
l’équipe soignante afin que les attelles soient portées 24h/24, quand le chirurgien les autorise,
et que la déclive et l’installation soient maintenues le plus possible. Ces consignes sont parfois
compliquées à mettre en application.

C’est une difficulté qui a été rencontrée, à savoir que les infirmières et aides-
soignantes, n’ayant pas de connaissances poussées sur la biomécanique et l’anatomie, ne
voient pas le but recherché par l’installation, ou ne sont pas sensibles aux problématiques
fonctionnelles de kinésithérapie. C’est pourquoi il n’est pas rare de trouver les patients
installés sans extension de genou, ou avec une malposition d’épaule, ou avec une attelle mal
positionnée où les IPP et IPD sont en flexion et les MCP en extension, ce qui est la position la
plus courte pour les structures capsulo-ligamentaires et donc pouvant entrainer des raideurs.
La formation du personnel soignant prend tout son sens ici, il va falloir leur montrer comment
positionner l’attelle, et leur faire comprendre son but. Cela est primordial, et dans l’intérêt du
patient, que l’équipe soignante soit sensibilisée à cela. Mais, le message est difficile à faire
passer, puisque le personnel est très changeant et nombreux, et il est rébarbatif pour le
kinésithérapeute d’expliquer en détail à chaque membre de l’équipe le positionnement
optimal. De plus, mettre une attelle ou positionner un membre supérieur peut paraître
extrêmement simple, mais il est aussi très simple de faire une erreur. Cette erreur saute aux
yeux du thérapeute, mais pas forcément aux yeux de tout le personnel. (Figure 7)

15
Figure 7 : Placement de l'attelle : incorrect à gauche, correct à droite.

Afin de lutter contre les complications de la brûlure citées auparavant, la mobilisation


passive seule n’est pas suffisante, il faut en effet pouvoir maintenir les acquis de la séance en
installant correctement le patient au lit, sans quoi la séance devient obsolète. Il est donc
important de combiner une posture adéquate et des temps de mobilisation. (1) L’installation
ne doit pas être une posture d’étirement maximal prolongée tout au long de la journée, car elle
serait insupportable pour le patient et génératrice de douleurs, mais une position adaptée aux
zones brûlées ou sources de limitations afin d’éviter les déficits. Il faut trouver un compromis
entre complications et douleurs. Ce sont surtout les zones concaves, sources de brides, qui
doivent être surveillées et installées : région cervicale, creux axillaire, pli du coude, creux
poplités. A cela s’ajoutent les zones pouvant se rétracter et sources de gênes fonctionnelles :
les mains, les pieds (éviter la rétraction des gastrocnémiens) et le visage (conserver une
ouverture buccale.)

Pour cela, il faut utiliser des coussins, bottes anti-équins, colliers cervicaux,
conformateurs et orthèses. Au niveau cervical, un coussin de tête ou un collier seront utilisés
suivants les patients et le but recherché. En effet, selon la localisation et l’état de souplesse du
patient, un collier pourra devenir obligatoire soit pour maintenir le rachis cervical en
extension en cas de brûlures antérieures, soit en flexion en cas de brûlure postérieure. Il est
évident que ces positions ne seront pas dans une amplitude maximale afin de ne pas
provoquer de douleurs. En effet, les brûlures cervico-mentonnières peuvent être sources de
rétractions bloquant les mouvements de la tête et du rachis cervical. (9)

Mais, il a été rencontré en stage un cas particulier où il était impossible d’installer de


façon correcte la région cervico-mentonnière avec deux patients, Mme H et Mr B : celui de la
trachéotomie. Celle-ci se mettait à fuir dans certaines positions, et il était nécessaire de
16
maintenir une certaine flexion de cou afin d’empêcher ces fuites. L’obligation de maintenir
une certaine flexion peut donc aller à l’encontre de l’installation idéale pour lutter contre
l’enraidissement.

Toutefois, il n’existe pas de solution permettant de lutter contre ce problème, à part de


changer la canule. Il est possible de gonfler plus le ballonet, mais cela risque de provoquer des
lésions au niveau de la trachée : trachéomalacie ou hémorragie et c’est donc déconseillé. Le
changement de canule n’est pas un geste anodin, qui n’est effectué qu’à une fréquence précise
dans le but de lutter contre les infections, ou en cas de dysfonctionnement plus important. Et
même si le changement est envisagé, il n’est toujours pas possible : chez Mr B., lors du
changement, il a été impossible pour l’anesthésiste d’insérer une canule de plus gros diamètre
pour diminuer les fuites.

Le collier cervical peut aussi avoir une autre utilité puisqu’il peut également agir
comme un protecteur du rachis cervical en cas de curarisation du patient, en l’installant en
rectitude et éviter des mouvements de grande amplitude lors des retournements et autres
soins.

Pour ce qui est des membres supérieurs, la position préférentielle est l’abduction
d’épaule (90 à 100°), associée ou non à de l’extension de coude, en y ajoutant une déclive
pour faciliter le drainage de l’œdème. Il faudra être vigilant quant au positionnement de
l’épaule. Les patients étant sédatés, ils sont plutôt passifs, et ne peuvent donc pas se mobiliser
eux-mêmes. L’épaule étant une articulation complexe et fragile, éviter de générer des conflits
par un mauvais positionnement est important, il faut tenter de centrer la tête humérale malgré
l’abduction. Il s’agit d’aligner l’humérus avec la scapula, et veiller à ne pas provoquer une
anté- ou rétroposition du moignon. L’abduction ne se fera donc pas dans un plan strictement
frontal, mais dans le plan de la scapula, on parle d’abduction physiologique.

Pour ce qui est des membres inférieurs, une extension de genou doit être mise en
place lorsque cette zone est brûlée, cela est possible grâce aux différentes positions pouvant
être prises par le lit. Des bottes anti-équin avec décharge du talon peuvent être mises en place,
soit parce qu’il existe une brûlure au niveau postérieur de la jambe et du pied et que l’on veut
éviter une rétraction cutanée, soit parce que le patient présente une tension et un triceps sural
déjà partiellement rétracté et qui pourra donc être source de limitations d’amplitudes si la
cheville reste en flexion plantaire tout au long de la journée. La décharge talonnière diminue
le risque que le patient ne développe une escarre.

Cette optique d’installation du patient doit être la préoccupation de toute l’équipe


soignante. En effet, le patient va être mobilisé fréquemment dans la journée : pansement,
retournements pour décharge d’appui ou mobilisation respiratoire. Donc, toute l’équipe
soignante doit être au fait de l’installation que doit avoir le patient, et comment elle doit la
mettre en place de façon correcte et sans provoquer de douleurs. La formation des soignants
est donc primordiale afin que le patient soit dans un confort optimal, et ait un pronostic
fonctionnel le plus positif possible.

Il est fréquent que les patients soient placés sur le côté, afin de prévenir la formation
d’escarres et de recruter certains territoires pulmonaires, ou pour effectuer une toilette. La
nécessité de ces retournements est incontestable, mais le problème est qu’il faut que

17
l’installation du patient à la suite de ceux-ci soit effectuée. Pour rappeler à l’équipe soignante
dans quelle position doit être installé un patient, les instructions peuvent être notées sur un
tableau dans chaque chambre. Mais, par manque de temps, par oubli ou par mégarde, celle-ci
n’était pas faite, ou le plus souvent, faite de façon incomplète ou erronée. Le kinésithérapeute
a un rôle essentiel d’information de l’équipe, il va devoir répéter un nombre incalculable de
fois pour que l’ensemble du personnel soignant soit sensibilisé à ce problème. Cette difficulté
peut s’avérer frustrante, mais il est impératif qu’elle soit surmontée. D’autant plus qu’il faut
expliquer cela avec tact, puisqu’en fonction du caractère des gens, ils peuvent se vexer et ne
plus vouloir le faire. Cela est contre l’intérêt du patient, mais tous les soignants ne poursuivent
pas les mêmes objectifs, et certains objectifs du kinésithérapeute peuvent paraître superflus.
Le kinésithérapeute peut alors passer pour quelqu’un d’autoritaire ayant un rôle anodin dans
la survie du patient. Cela peut être difficile d’autant plus qu’il est extrêmement frustrant de se
sentir incompris ou non écouté pour le thérapeute qui a des objectifs légèrement différents du
reste de l’équipe. En effet, le kinésithérapeute ne peut agir que sur l’aspect fonctionnel, alors
que l’équipe est présente pour le pronostic vital.

De plus, les installations peuvent parfois être complexes et difficiles à réaliser. (Figure
8)

Figure 8 : Installation au lit de Mr A. (à gauche) et de Mme N (à droite).

Dans le cas de greffe, ou de prise de greffe sur une zone étant en appui sur le lit, les
patients ne peuvent rester dans un lit classique, même s’il est doté d’un matelas à air. En effet,
les pressions seraient trop importantes et les greffes ne pourraient pas prendre. Ils sont donc
installés, pour une durée courte, souvent entre 5 et 10 jours, dans un lit fluidisé. C’est un lit
contenant de la silice, plus fine que des grains de sable, avec un système de soufflerie
permettant de la répartir sur tout le corps. Cette soufflerie permanente permet d’agrandir la
zone d’appui, et le patient « flotte » sur son lit, avec des pressions très faibles et pas de point
d’appuis. Le souci de ces lits est qu’ils ne sont pas très larges, et que le patient s’enfonce
légèrement dedans. Il présente des rebords durs, ce qui est très gênant pour installer les
patients. Deux patients sont passés sur ces lits, Mr A qui présentait des brûlures dans le dos, et
qui a été greffé, et Mr B, pour qui les prises de greffes pour les membres inférieurs ont eu lieu
sur tout le dos. Pour Mr B, il devait avoir le bras en déclive pour que sa main, pas en très bon
état et gonflée, puisse désenfler. Mr A, devait être posturé en abduction d’épaule et en
extension de coude pour éviter les rétractions. Du fait de ces rebords, il était très difficile
d’installer ces deux patients sans leur provoquer de douleurs au niveau de l’appui. Il fallait
donc placer un coussin sous ce rebord, mais tout en conservant un bon alignement scapulo-

18
huméral. L’installation se doit donc d’être encore plus minutieuse que dans un lit classique,
d’autant plus que chez un patient sédaté, une posture douloureuse ne peut être modifiée par le
sujet lui-même. Le risque d’escarre en appuyant sur le rebord ou de malposition d’épaule est
grand. Si le patient est placé en abduction d’épaule, mais que du fait de la hauteur du rebord,
elle est mise en rotation médiale maximale, cette posture devient très vite insoutenable. Dans
ce cas, le personnel soignant doit être extrêmement vigilant, et les infirmières et aides-
soignantes étant beaucoup moins sensibles à ce souci, il peut arriver que l’installation soit
incorrecte. Il est alors du rôle du kinésithérapeute de bien se faire comprendre afin d’éviter
des erreurs pendant le week end, la nuit ou pendant son absence, ou encore que l’installation
du patient ne soit pas réalisée si les soignants ont peur de se tromper.
De plus, dans le cas de Mr B., son membre inférieur gauche se plaçait
systématiquement en adduction et rotation interne de hanche associée à un varus équin du
pied dans ce lit. Et malgré un repositionnement, il repartait dans ce schéma. Dans ce cas, nous
ne pouvions pas tenter de le bloquer, la soufflerie permanente du lit fluidisé ne le permettant
pas, à cela s’ajoute le fait qu’il était fraichement greffé. Cette attitude n’a pas entrainé de
limitations d’amplitudes ou de rétractions cutanées, mais il faut être vigilant à cela. Et si
l’alitement dans ce type de lit avait dû se prolonger, ou si des déficits majeurs s’étaient
présentés, il aurait fallu discuter avec le chirurgien pour savoir s’il aurait été possible de
placer une botte anti-équin, en fonction de l’état des greffes, afin de maintenir une
dorsiflexion et une rotation neutre de hanche. Cette attitude vicieuse semblait provenir d’une
rotation du bassin vers la droite dans ce lit, mais la surface sous le patient étant molle, toute
tentative de le replacer fut, comme pour la modification de la posture du membre inférieur,
infructueuse.

Une autre situation provoquant une difficulté pour les soins de kinésithérapie est
survenue, devant une problématique d’un autre ordre. Les patients en réanimation bénéficient
d’un monitorage permanent de leurs tensions artérielles, cela grâce à un cathéter inséré dans
une artère. Chez Mme N, le cathéter était positionnel, c'est-à-dire qu’il ne donnait des
informations correctes que placé dans certaines positions. Il était situé dans l’artère fémorale
gauche. Ce fait n’est pas rare, ni grave. Mais, dans ce cas, l’état général de la patiente était
inquiétant, il était donc impossible de mobiliser le membre inférieur de la patiente, et surtout,
impossible de la posturer au lit en extension de genoux, sans altérer les informations fournies
par le capteur. Cela a donc clairement limité l’action de prévention des rétractions cutanées au
niveau du creux poplité.

Dans ce cas présent, il n’y a pas d’alternatives possibles, en effet, changer un cathéter
est un geste médical, présentant un risque d’infection, il n’était donc pas question de changer
ce cathéter pour cette seule raison. Mais il est évident que ce type d’empêchement peut être
très désavantageux pour le patient, surtout s’il se prolonge. Il faudrait donc, si la situation
l’exige, s’arranger avec les médecins pour aménager un temps de mobilisation sous
surveillance.

II. 3. Gestion de la douleur

La douleur est très importante dans une brûlure. A cette douleur, s’ajoutent les soins
infirmiers, qui ont pour but de retirer la fibrine ou la peau brûlée décollée, et les chirurgies. La
gestion de la douleur est donc un souci constant pour toute l’équipe soignante. L’approche du
patient devra donc être adaptée et compréhensive. Les mobilisations devront être douces et
progressives par exemple. La gestion de la douleur est primordiale dans un service comme
19
celui-ci, pour le confort du patient, et pour que le patient reste actif dans la rééducation et ne
voit pas le kinésithérapeute comme un tortionnaire, et ne devienne donc pas opposant par la
suite, ce qui lui serait préjudiciable sans qu’il ne s’en rende compte. En effet, les soins sont
nécessaires pour le patient, mais ils peuvent être sources de douleurs par leur répétition ou
leur intensité. (24) Même sédatés, des signes cliniques permettent de savoir si le patient est
douloureux ou non : l’expression du visage, le tonus des membres et l’adaptation au
respirateur sont par exemple les items de la BPS (Behavioral Pain Scale). (25) Il faut
également surveiller la tension artérielle, qui est prise en continu, sachant qu’une
augmentation est souvent signe de douleurs ainsi que l’augmentation de la fréquence
respiratoire. Bien entendu, si le patient est conscient, il est plus efficace de lui poser
directement la question, en cherchant des moyens simples de communication non verbale
pour lui permettre de répondre (cligner des yeux, serrer une main … en fonction de ses
possibilités).

Malgré les antalgiques, il est évident que le patient puisse ressentir des douleurs lors
des séances. Le kinésithérapeute mobilise un membre, pendant que l’infirmière réalise une
détersion au niveau d’une zone brûlée, quand il n’y a pas 2 infirmières qui travaillent
simultanément. L’aide-soignante peut en plus s’ajouter à cela en effectuant la toilette du
patient. Cela peut paraître aberrant que le patient subisse tout cela dans le même temps, mais
il faut garder à l’esprit que ses pansements sont défaits pendant ce temps, la peau brûlée est
donc à l’air et il y a un risque d’infection. Et, du fait de la brûlure, la peau ne joue plus son
rôle de régulateur thermique, ni sa barrière immunologique, le patient peut donc chuter sa
température très rapidement, surtout que malgré cette organisation, il n’est pas rare qu’un
pansement dure 2 à 3 heures. Il est plus intéressant pour le kinésithérapeute d’effectuer ses
soins lorsque les pansements sont ouverts, puisqu’il peut voir les effets de son travail sur la
peau, et avoir un feedback visuel. Il peut donc apprécier plus facilement l’état de tension de la
peau, les lignes de tensions, les adhérences, que sous pansement. Donc, ces douleurs pouvant
être ressenties pendant les soins, il faut que le patient puisse leurs donner un sens, le pourquoi
de sa douleur, voire de sa souffrance. Il est donc primordial de communiquer avec lui, même
s’il n’est pas conscient, de lui expliquer les bénéfices de nos techniques afin qu’il puisse
mieux les gérer en comprenant qu’il ne souffre pas pour rien, et qu’il ne s’oppose donc pas
aux soins. 30% des patients ne gardent aucun souvenir de leurs séjours en réanimation, mais
pour les autres, la douleur peut être une source de souvenirs désagréables. (24)

Toutefois, un compromis est à trouver, et laisser le patient souffrir alors que l’on a les
moyens de le soulager n’est pas acceptable, une prise de recul est nécessaire. Il faut respecter
une juste mesure entre l’envie pour le kinésithérapeute de lutter contre les déformations et
d’aider le patient, et la souffrance pouvant être occasionnée qui peut être mal vécue.
Cela a été le cas avec Mr B., au sortir de ses 10 jours sans séances, la main n’était plus
souple, mais nous savions que cela pourrait récupérer en s’y attardant plus longuement chaque
jour. Mais 6 jours après cette reprise, la sédation fut arrêtée ; c’est une bonne nouvelle pour le
patient, mais cela complique légèrement notre tâche, puisque les douleurs ressenties peuvent
être plus importantes. Ce fut le cas, lors des transferts et retournements, le patient se plaignant
souvent de sa main et de ses phalanges qui le faisaient souffrir, s’ils avaient lieu l’après-midi.
Dans ce cas, lors de nos séances, même avec une prémédication, il fallait systématiquement
être attentif aux réactions du patient et lui demander de coter sa douleur à l’échelle verbale s’il
était en état d’éveil. Malgré notre envie de gagner en amplitude, il fallait respecter cette
douleur et aussi prendre le temps d’expliquer au patient pourquoi nous intensifiions la
rééducation sur cette main afin qu’il puisse comprendre cette douleur, et peut- être même la
supporter plus facilement, sachant que c’était dans son propre intérêt.

20
Pour pouvoir effectuer ses séances dans un minimum de douleurs, il est possible de
les effectuer pendant les soins infirmiers de pansement et de détersion, puisque des
antalgiques à courte durée d’action mais très puissants sont administrés pendant ces soins, et
que la dose donnée au patient peut être régulée à tout moment du soin. En effet, le
rémifentanil est quasiment tout le temps utilisé, en plus de la sédation et des morphiniques.
C’est un analgésique très puissant utilisé exclusivement dans des services de réanimation, qui
est très intéressant puisqu’il va être éliminé par le patient de façon quasiment instantanée
après la fin de l’administration. Il présente une demi-vie très courte, et ne s’accumule pas
(18), ce qui permet à l’infirmière de pouvoir donner de fortes doses en fonction des douleurs.
Pour le kinésithérapeute, il faut donc intervenir pendant le pansement du patient, avec les
infirmières. Le kinésithérapeute doit donc revêtir une tenue stérile et être attentif à ses gestes
afin de minimiser les risques d’infections. Des bolus de morphiniques ou un protocole de
rémifentanil sont aussi possibles en dehors des soins infirmiers, ils sont prescrits par les
réanimateurs pour les jours où il n’y a pas de soins infirmiers, ou quand le patient n’est plus
sédaté et douloureux dans la journée, ou quand des soins douloureux sont à faire.

Ces moyens de lutte sont très importants. En effet, il faut trouver la limite entre les
bienfaits apportés aux patients et la souffrance engendrée. Le patient doit pouvoir comprendre
ce qui lui arrive, pour ne pas tomber dans la maltraitance. Lorsqu’ils sont sédatés, il est
difficile voire impossible de savoir ce qu’ils entendent et comprennent ou non, mais dans le
doute, autant s’exprimer de manière calme et claire et lui expliquer ce qu’il se passe.

II. 4. Plan respiratoire

Dans un service de réanimation, où les patients sont fréquemment intubés ou


trachéotomisés, le kinésithérapeute a un rôle car « la kinésithérapie respiratoire de
réanimation prend en charge les aspects mécaniques de la pathologie ventilatoire articulés
autour de deux volets principaux : l’hypoactivité musculaire en lien avec les effets
dépresseurs centraux d’une sédation lourde et la dynamique des flux aériens avec le
désencombrement » (11). En cas de lésions pulmonaires suite à l’inhalation de fumées par
exemple, la kinésithérapie respiratoire est importante puisqu’elle va, associée à des
aspirations, permettre de suppléer le rôle du tapis muco-ciliaire lésé. (15) De plus, le
kinésithérapeute a un rôle dans le sevrage de la ventilation contrôlée ou assistée. Les patients
peuvent en effet présenter un asynchronisme au niveau de la respiration, et sont souvent
encombrés, surtout s’ils sont porteurs d’une infection pulmonaire (PAVM). Les techniques
pouvant être utilisées seront donc, la ventilation dirigée abdomino-diaphragmatique,
l’augmentation du flux expiratoire (lèvres pincées ou glotte ouverte), l’aide à la toux. Juste
après une intubation, la fermeture glottique est difficile, entrainant une élocution difficile, et
une toux inefficace. Il va donc falloir aider le patient à se dégager autrement que par la toux
dans les premier temps, soit par l’AFE rapide à glotte ouverte, soit par les aspirations naso-
pharyngées. Il va également s’agir d’éduquer le patient afin qu’il devienne autonome pour se
dégager seul le plus précocement possible.

Cet aspect de la prise en charge n’a pas posé de problème, étant donné que souvent,
lorsque les patients sont extubés, ils ne sont plus sédatés, et les séances de kinésithérapie
respiratoire peuvent avoir lieu presque quand on le souhaite, plutôt à distance des pansements.
Il est possible de fractionner les séances en fonction de l’état de fatigue du patient, et passer le
voir lorsque l’on a une disponibilité entre les pansements de deux patients par exemple.
21
II. 5. Levée de sédation et réveil

Lorsque les patients ne sont plus sédatés s’entame une période de réveil, plus ou moins
longue selon la durée de la sédation et selon chaque patient. Durant cette période, il faudra
stimuler le patient afin qu’il devienne de plus en plus actif dans la rééducation, tout en ne
l’agressant pas puisque le réveil peut être synonyme d’hallucinations du fait des doses
d’hypnotiques et de morphiniques qu’il a reçu, et que son état de fatigue est grand. Il s’agit de
stimuler sans épuiser.

Cette période de réveil peut prendre quelques jours, avec des moments de
communications, d’autres d’absences. Pendant cette phase, les patients présentent un manque
de mobilité active s’expliquant par un réveil difficile, des morphiniques toujours présents, ou
encore une amyotrophie et une diminution du schéma corporel. En effet, la présence des
pansements, se réveiller dans un lit fluidisé, l’environnement inconnu, peut perturber les
patients. Alors, retrouver une mobilité active est très important, et souvent difficile dans un
premier temps. Celle-ci permet de travailler, en plus du plan capsulo-ligamentaire en passif, le
plan musculo-tendineux car lorsque les mouvements sont faits activement, la contraction
musculaire permet de faire coulisser les tendons de façon plus importante, de stimuler les
muscles sous-utilisés lors de la sédation, de favoriser le retour veineux et donc le drainage
d’œdèmes éventuels. Tout cela a pour but de diminuer le risque d’adhérences, dues à l’œdème
et évidemment aux brûlures. A cette dimension s’ajoute le fait que lorsque les mouvements
sont réalisés en actif, cela diminue les résistances du patient, provoque une détente des
antagonistes par inhibition réciproque et permet au patient de gérer lui-même ses douleurs et
donc de mieux contrôler sa mobilisation. Au début, la mobilisation est plus active-aidée
qu’active.

Chez Mr A., la mobilisation active était très limitée du fait de la neuromyopathie de


réanimation. Et, pour avoir la meilleure réponse motrice possible, il fallait le voir à distance
des pansements, souvent en milieu d’après-midi. Cette séance était surtout composée de
stimulations motrices, la mobilisation passive se déroulant le matin lors du pansement. Le
patient comprenait parfaitement ce qu’on lui disait, mais ne parvenait pas à parler, il fallait
poser des questions simples, et il était capable de répondre par des clignements d’yeux, mais
ces réponses étaient parfois incohérentes, surtout lorsqu’il était fatigué. Le but de ces soins,
était de stimuler des contractions musculaires, mais il fallait être très vigilant à ne pas en
demander trop au patient, en effet, la séance durait 10 minutes maximum, et 5 répétitions par
mouvement constituaient souvent une limite.

Toutefois, quand le patient est réveillé et présent, il faut tenter de le reverticaliser et de


le réadapter à la station verticale le plus rapidement possible. Pour cela, les médecins
prescrivent d’abord un bord de lit à réaliser, avant de passer au fauteuil si ce dernier se passe
de façon satisfaisante. Cette étape est importante puisqu’elle va souvent être synonyme d’une
fin de réanimation et de sortie de service si le sevrage ventilatoire est réalisé de façon
parallèle, ou avant. Pour le patient, sortir du lit pour aller au fauteuil est un grand pas dans la
récupération et une source de motivation et de réjouissement.

Pour cette phase de réveil, c’est sensiblement le même principe que pour la
kinésithérapie respiratoire, à savoir qu’il est préférable de voir le patient à distance des
pansements, afin que son état d’éveil soit maximal, mais que ce point ne présente pas de
difficultés majeures. Il faudra juste être vigilant, lors des transferts lit / fauteuil et fauteuil / lit,
à tous les cathéters, sondes … Car en réanimation, ce nombre peut vite monter à une dizaine

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de fils, tubulures et autres. Pour exemple, Mr B. possédait 11 « branchements » lorsque nous
réalisions le transfert lit/fauteuil : sonde naso-gastrique, oxygène, les 4 fils
d’électrocardiogramme, le cathéter veineux avec ses tubulures reliées aux seringues
électriques, le cathéter artériel, la sonde urinaire, la Flexi Seal ® (entérocollecteur rectal à
ballonet), et le saturomètre. Ce transfert, sera donc à préparer avec une grande prudence, pour
s’assurer que tout pourra suivre le mouvement, sans rien arracher. La gestion de l’espace sera
importante.

Cependant, l’état d’éveil des patients va varier selon plusieurs paramètres : le


moment de la journée, le pansement effectué ou non le matin, il va aussi être différent en
fonction du patient. Ainsi, pour Mr B., une semaine après la levée de sédation, il a été capable
de tenir une heure au fauteuil, le transfert étant réalisé en passif. Alors que pour Mme H., qui
a pourtant subit une sédation beaucoup plus courte : 1 jour, contre 1 mois pour Mr B., il a
fallu 13 jours pour pouvoir effectuer un bord de lit, et n’étant pas brûlée aux membres
inférieurs, elle a pu se mettre debout avec l’aide de 2 soignants 20 jours après cet arrêt de
sédation. Une brûlure aux membres inférieurs est en effet très douloureuse lors de la mise en
charge, surtout si elle est circulaire, au vu de l’étendue de celles de Mr B., il n’était pas
envisageable de le lui demander, surtout qu’il venait de passer 1 mois alité, et présentait une
amyotrophie majeure. De plus, pendant cette période, il n’était pas possible d’installer Mme
H. au fauteuil tous les jours, il arrivait fréquemment que l’après-midi, en dehors du
pansement, elle dorme très profondément et ne soit pas en état de tenir la station assise.
Il faut donc s’adapter à la fatigue de chaque patient, et chacun va vivre cette sortie de
sédation de façon plus ou moins aisée, mais également s’adapter à la localisation des brûlures
afin d’orienter nos choix d’exercices : station debout pour Mme H., mais pas pour Mr B..

III. Discussion
Les techniques utilisées en rééducation sont peu nombreuses chez ces patients, surtout
à ce stade. Elles doivent toutefois être exécutées de manière rigoureuse, puisque le tissu
cutané est fragile, et il faut être attentif à ne pas générer de douleurs supplémentaires. Il est
difficile de pouvoir mobiliser ces patients sans provoquer de résistances de leurs parts, de
douleurs, sans aller ni trop loin, ni trop vite. En effet, la tension cutanée est différente d’une
hypo-extensibilité musculaire par exemple, et il faut être extrêmement lent, progressif et
fluide pour prendre en charge ces patients, ce qui demande un temps d’apprentissage. Une
autre technique demande un temps d’apprentissage : la fabrication des attelles. En effet, ces
orthèses thermoformables sont d’une grande importance dans la prise en charge. Mais il faut
de l’expérience pour les réaliser correctement, et chez ces patients, une difficulté s’ajoute ; les
pansements des patients étant refaits tous les jours, leurs volumes peut donc changer, il s’agit
donc de faire une attelle qui ne soit pas trop englobante pour qu’elle puisse être mise tous les
jours, mais qui le soit suffisamment pour être efficace et ne se déplace pas à chaque
mouvement imposé au patient. De même, l’installation au lit se doit d’être minutieuse, une
légère gêne peut vite devenir insupportable avec le temps. Certaines situations exigent tout de
même d’imposer plus de contraintes au patient afin de récupérer des amplitudes articulaires.
Mais il faudra tout de même savoir se fixer des limites pour ne pas faire souffrir
excessivement le sujet. Le plan respiratoire ne doit pas non plus être négligé, puisqu’il peut
engager le pronostic vital. Le contact avec le patient va être essentiel, à la fois pendant qu’il
est sédaté, et au réveil lors des premières séances. Il faut effectivement lui expliquer les

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conséquences de la brûlure sur la peau, lui faire adhérer à la rééducation puisqu’il va devoir
en être acteur, et se prendre en charge lui-même relativement rapidement. La cicatrisation
s’étale sur deux ans comme il a été expliqué auparavant, et il va en être de même pour la
rééducation. Une relation de confiance devra s’instaurer puisque nos soins, générateurs de
douleurs, devront être acceptés et leur intérêt compris. Notre posture par rapport à cette
douleur devra également être compréhensive et nos techniques s’y adapter. En effet, le patient
ne peut se rendre compte de l’évolution d’une brûlure non traitée, et il est de notre devoir de
tout faire pour qu’il ait les meilleures armes pour prévenir ces complications. Et cela passe
principalement par notre approche, parce que le patient a des contraintes importantes à
supporter, et il nous faut les lui faire accepter.

Pour un kinésithérapeute dans un service comme celui-ci, la routine n’a pas sa place.
C’est une obligation de constamment s’adapter, s’organiser au mieux afin de traiter tous les
patients dans les meilleures conditions.

Dans cette rééducation, certaines données ne peuvent être modifiées, et vont tout de
même influer sur nos stratégies. En effet, comme il a été dit, le pronostic vital du patient est
parfois sérieusement engagé, et donc certaines consignes sont largement prioritaires à notre
action. C’est le cas lorsque le patient ne peut être mobilisé à la suite d’une greffe puisque
celle-ci peut avoir un but de sauvetage, pour diminuer le risque infectieux et la perte de
liquide. Ces greffes nécessitent parfois un passage en lit fluidisé, auquel il faut s’adapter, qui
complique l’installation et rend les mobilisations plus difficiles. Une autre consigne pouvant
empêcher notre intervention, est que lorsqu’il est difficile de ventiler un patient, il peut être
curarisé et placer en décubitus ventral (DV) afin de tenter de mieux recruter ses poumons. Ce
cas ne s’est pas présenté, mais il est clair que le kinésithérapeute ne peut pas procéder à des
mobilisations de la même façon qu’en décubitus dorsal. Toutefois, son rôle sera là aussi
important dans l’installation du patient ; il est en effet curarisé, et en DV, le placement des
membres supérieurs est délicat pour ne pas provoquer de décentrage et de malposition
d’épaule.

Il arrive aussi parfois que certains patients ne puissent bénéficier de séance faute de
temps par rapport à l’organisation des autres soins.
Dans le service, les pansements étaient effectués le matin, et débutaient régulièrement
à la même heure. Comme il a été expliqué auparavant, la majorité des soins de kinésithérapie
sont douloureux, il est donc nécessaire de les effectuer pendant que les infirmières utilisent le
rémifentanil pour leurs pansements. Le problème se pose donc de pouvoir voir tous les
patients pendant le temps des pansements. Il arrive parfois qu’il faille faire un choix dans les
patients à voir, en « sacrifiant » la séance d’un ou plusieurs patients, au bénéfice d’un autre
qui a plus de raideurs ou des zones à traiter plus prioritaires. Dans le cas présent, la séance de
Mr A. était prioritaire sur les autres étant donnée l’étendue des lésions, et la présence de
raideurs débutantes au niveau des coudes et des mains, par rapport à d’autres patients ne
présentant pas de raideurs ou de rétractions récalcitrantes. Surtout qu’il n’était désormais plus
sédaté, et que les postures étaient douloureuses en dehors du protocole de rémifantanil. Mais,
il faut tout de même être vigilant quant à l’évolution des autres patients, et revoir ses priorités
quotidiennement. Pour cela, il faut passer dans toutes les chambres, avant le début des
pansements, afin d’apprécier l’état de raideur de chaque patient, et par la suite décider quel
patient sera le plus prioritaire. Il faut également une grande communication avec l’équipe
soignante pour savoir quand les infirmières comptent débuter leurs pansements, et dans quel
ordre afin d’essayer de planifier sa journée, et surtout la matinée dans notre cas.

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Une solution pourrait être envisagée afin de pallier à cette difficulté. L’anesthésiste du
service pourrait prévoire un protocole d’Ultiva® (rémifentanil) spécifique à la kinésithérapie.
L’inconvénient est qu’il faut qu’une infirmière prépare la solution d’Ultiva® et gère elle-
même l’augmentation des paliers, elle doit donc être présente pendant la séance. De plus, cette
possibilité augmente les doses d’antalgiques administrées au patient, le rendant encore plus
somnolent si jamais il n’est plus sédaté. Il y a donc des contraintes, c’est pourquoi cela ne
peut être réalisé que si l’état du patient nécessite une séance quotidienne afin de lutter contre
les difficultés. Il est évident que cela va aussi largement dépendre des habitudes du service et
des anesthésistes.

Un autre point très important est l’information du personnel, comme il a été expliqué
auparavant, l’installation du patient est primordiale. Elle doit poursuivre deux objectifs : le
confort du patient, et la prévention de troubles orthopédiques. L’idéal dans le service, serait
que le kinésithérapeute « prescrive » l’installation correcte du patient, et que l’équipe
soignante puisse l’effectuer. Pour que chaque membre de l’équipe puisse savoir quelle est la
posture de chaque patient, l’information doit être accessible de manière claire. En
réanimation, un tableau blanc avec des marqueurs effaçables était présent dans chaque
chambre. Ce tableau peut présenter un excellent support, visible facilement sans avoir à
chercher dans le dossier. Même si une annotation dans le dossier doit être présente afin de
garder une trace écrite en cas de doutes. Une autre option pourrait être de placer une photo
dans la chambre de chaque patient en fonction de l’installation à réaliser, l’idéal serait
d’associer les deux, une trace écrite, et un exemple permettant de mieux visualiser la situation.
Lorsqu’il a terminé sa séance, il est évident que le kinésithérapeute va installer le patient, mais
lorsque la séance est finie mais que le pansement ne l’est pas, ou lorsque le patient doit être
mobilisé pour une toilette, un changement de change, un soin infirmier particulier, le
personnel doit être capable de le ré-installer de façon correcte. Pour cela, les consignes du
kinésithérapeute doivent être claires et faciles à trouver.

Le plus important, est de réussir à faire comprendre la finalité de cette installation. En


effet, l’objectif des infirmières est de maintenir le patient en vie en respectant les consignes du
réanimateur, les objectifs du kinésithérapeute sont de prévenir les déformations orthopédiques
et les rétractions cutanées. Ils sont différents, mais le kinésithérapeute seul ne peut atteindre
ses objectifs, il lui faut la collaboration, et même la participation des infirmières et aides-
soignantes pour atteindre ses objectifs. Cette information comporte deux axes pour le
thérapeute : savoir expliquer de façon théorique son propos, et savoir faire adhérer l’équipe à
son projet thérapeutique. La difficulté réside dans ce deuxième point, en effet, avec la gestion
des effectifs et le roulement des équipes, le kinésithérapeute doit savoir s’intégrer et adopter la
bonne posture pour ne pas paraître autoritaire avec les autres membres mais se placer comme
un collègue avec qui collaborer, pour une meilleure adhésion. Surtout que notre rôle peut ne
pas paraître important aux yeux du personnel.
Pour cela, il faut leur montrer l’installation à effectuer, expliquer ce qu’est une abduction
d’épaule, leur faire sentir qu’il faut bien garder l’axe scapulo-huméral, qu’une rotation
exagérée est désagréable... Ce temps de formation pourrait, par exemple être effectué à la fin
d’un staff, il y en avait en effet un qui était effectué tous les matins dans ce service. Il
s’agirait ici de prendre le temps d’expliquer un point précis de l’installation à chaque fois, afin
de ne pas prendre un temps trop important entrainant un retard dans la prise en charge des
brûlés, tout en ayant la possibilité de voir toute l’équipe simultanément. Dans le service, les
chirurgiens faisaient le tour des pansements à voir, après ce staff, et ce moment est intéressant
pour le kinésithérapeute afin d’apprécier l’évolution des greffes, ou de se rendre compte

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visuellement des brûlures d’un entrant. Mais cette information pourrait se faire à n’importe
quel moment de la journée, en fonction du travail que doivent effectuer les infirmières ; un
horaire fixe serait l’idéal, pour que personne n’oublie, et que chacun puisse s’organiser. Une
information comme celle-ci permettrait que tout le personnel reçoive le même message, et
éviterait également au kinésithérapeute de se répéter tout au long de la journée auprès de
chaque soignant.

Mais, même si la théorie est acquise, bien l’appliquer est plus complexe, car à travers
ces pansements très épais, la représentation de l’articulation et les repères sont plus durs à
trouver. Il va donc s’agir de vérifier, dans les premiers temps, les installations effectuées, et
certains soignants ne vont pas hésiter à venir demander pour avoir un avis sur leur installation
et une correction. Nous pouvons dire qu’il s’agit d’un objectif à part entière du
kinésithérapeute dans ce service : informer le personnel soignant sur l’installation du sujet et
aux bases d’anatomie pour plus d’efficacité de la prévention, et un meilleur confort pour le
patient.

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Conclusion
La prise en charge d’un patient brûlé poursuit donc plusieurs objectifs : prévenir et
lutter contre les limitations d’amplitudes et autres troubles orthopédiques, participer au
désencombrement bronchique et au sevrage ventilatoire, préserver ou retrouver une mobilité
active des zones touchées, et tenter de faire accepter sa nouvelle situation au patient et lui
faire accepter nos contraintes. Un suivi psychologique sera d’une aide précieuse pour cela,
puisque ce dernier aspect est à la limite de nos champs de compétences, et les connaissances
d’un psychologue plus développées. Afin de réaliser ces objectifs, le thérapeute a comme
techniques : la mobilisation passive, les postures, l’utilisation d’orthèses et conformateurs,
thermoformables ou standards, l’installation au lit, la kinésithérapie respiratoire. Mais il ne
doit pas être seul, et une action interdisciplinaire est obligatoire pour une prise en charge
satisfaisante.

Une problématique pour le thérapeute est qu’il doit parvenir à s’intégrer dans le
service afin de faire adhérer toute l’équipe à son projet. Pour cela, l’information semble
indispensable, pour que tout le monde puisse comprendre notre rôle, et réaliser qu’il peut
participer à un meilleur confort et un meilleur avenir pour le patient. Le projet du
kinésithérapeute présente une certaine importance, et pour le faire aboutir, il doit obtenir
l’aide de tous. Il faut pour cela que chacun prenne le temps d’écouter notre message, mais
surtout que nous soyons capables de le faire passer avec tact et de façon claire et
compréhensible.

Nous pouvons dire qu’il y a un hiatus entre la théorie et la pratique courante ; ce qui
est vrai pour n’importe quelle pathologie en soi, il est toutefois majoré dans ce cas. Le
kinésithérapeute doit faire sa place, s’imposer parfois, négocier et s’adapter pour atteindre ses
objectifs. Un patient ne doit pas ressortir du service de réanimation plus raide sur le plan des
amplitudes articulaires qu’il n’est entré, à ce stade précoce, les rétractions, brides et autres
adhérences n’ont pas le temps d’entrainer des limitations. Le patient doit donc partir sur de
bonnes bases pour la suite de son combat contre la brûlure qui va être long et fastidieux. En
effet, la sortie de réanimation n’est qu’une première étape sur un long parcours composé du
centre de rééducation, des cures thermales pour les patients pouvant se les offrir, des
éventuelles opérations de séquelles, sans oublier les compressifs, conformateurs et attelles
qu’il va devoir porter 23h/24 pendant deux ans. En effet, les patients ont la possibilité de faire
2 cures thermales par an remboursées par la sécurité sociale, et peuvent en fonction de leurs
ressources, bénéficier de prestations supplémentaires (transport, hébergement, indemnités
journalières), mais ce n’est pas systématique. Faire une cure thermale est donc bénéfique pour
le patient, mais peut représenter un budget conséquent.

La réanimation est primordiale puisqu’elle sauve la vie du patient, mais au sortir de ce


service, c’est une toute nouvelle vie qui débute pour lui, et en aucun cas un retour à sa vie
passée. Il est alors facile de comprendre pourquoi il faut suivre ces patients sur un plan
psychologique, puisqu’ils vont devoir accepter leur nouvelle image, et supporter des
contraintes très importantes sur une longue durée pour obtenir un résultat fonctionnel et
esthétique optimal.

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