Crimes Familiaux. Tuer, Voler, Frapper Les Siens en Europe Du XVe Au XIXe Siecle

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Editions Belin

CRIMES FAMILIAUX. TUER, VOLER, FRAPPER LES SIENS EN EUROPE DU XVe AU XIXe
SIÈCLE
Author(s): Christophe REGINA and Stéphane MINVIELLE
Source: Annales de démographie historique , No. 2 (130), Crimes familiaux Tuer, voler,
frapper les siens en Europe du XVe au XIXe siècle (2015), pp. 7-24
Published by: Editions Belin

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/10.2307/26250801

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ANNALES DE DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE 2015 n° 2 p. 7 à 23

CRIMES FAMILIAUX.
TUER, VOLER, FRAPPER LES SIENS
EN EUROPE DU XVe AU XIXe SIÈCLE
par Christophe REGINA et Stéphane MINVIELLE

Les mythes et textes fondateurs des une création divine et, donc, sacrée, desti-
grandes civilisations de l’Antiquité ont née à s’épanouir sur le modèle de l’union
légué de nombreux témoignages de carna- féconde d’Adam et d’Ève, premier
ges commis en famille, révélateurs des homme et première femme, dont la
formes d’interdits moraux les plus descendance se multiplie, se répand et
condamnés. Cette récurrence thématique soumet le monde. Dès lors, porter atteinte
d’une pratique a priori singulière et à la famille et aux liens qui la constituent,
marginale témoigne, au-delà de la c’est aller contre la volonté divine. Toute-
condamnation, des effets du geste et de la fois, comme la mythologie grecque, la
symbolique qui lui est attachée. Dans la Bible contient un nombre important de
mythologie grecque, chez les Atrides, les crimes familiaux de toutes sortes et des
crimes familiaux sont vécus comme l’ex- plus atroces. Caïn, fils d’Adam et Ève, tue
pression d’une vengeance et du destin, qui son frère cadet Abel par jalousie. Abraham
punit de la façon la plus sévère ceux et est sur le point d’offrir son fils isaac en
celles qui sont frappés par le courroux holocauste quand un ange l’arrête dans
divin. À partir de Tantale, fils de Zeus et son élan. Son petit-fils Jacob, fils d’isaac et
fondateur de la lignée, qui sert aux dieux de Rébecca, vole l’héritage de son frère
en guise de festin son fils Pélops à Clytem- jumeau Ésaü avec la complicité de sa
nestre et Agamemnon, une tradition du mère. Amnon, fils du roi David, viole sa
crime familial s’instaure. Dans les Choé- demi-sœur Tamar puis est assassiné par
phores, avant même qu’Oreste n’exécute son frère Absalom…
sa mère coupable du meurtre de son Dans le contexte de l’Europe de la fin
époux, Électre ne parlait pas autrement du Moyen Âge, de l’époque moderne et
que d’une « mère atroce » pour qualifier du début de l’époque contemporaine, les
l’acte qui, dans un même élan, la privait mythes antiques et les récits bibliques
de père et de mère. En déviant la offrent donc un panorama complet des
vengeance des mères sur leur progéniture multiples « crimes » pouvant être commis
pour punir les pères de leurs actes, les entre parents. ils peuvent inspirer les
mythes de Médée ou de Procné, eux- clercs pour édifier les fidèles afin de
aussi, posent la question du pouvoir au conduire ces derniers à privilégier l’idéal
sein des familles et du droit de disposer de chrétien de la famille unie et solidaire
la destinée de ses enfants. Dans l’Europe plutôt que l’abomination du crime contre
des xve-xixe siècles, plus important encore son propre sang. Cependant, en chan-
est sans doute l’héritage biblique. En effet, geant radicalement la perspective, ne
dès la Genèse, la Bible fait de la famille peut-on aussi se demander dans quelle

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mesure l’Église, en instituant des règles certain monopole sur ces questions. il est
parfois très strictes en matière familiale par exemple impossible de nier le carac-
(valorisation du couple uni par le sacre- tère paternaliste de la monarchie française
ment du mariage réputé indissoluble, d’Ancien Régime qui légitime l’interven-
condamnation des naissances hors tion de la justice royale pour punir les
mariage, puissance du mari sur son sujets qui, à un moment donné, sont
épouse et ses enfants à l’intérieur du devenus des criminels familiaux. La ques-
foyer…), ne pousse pas au crime certains tion des infanticides (Follain, hochuli,
de ceux qui se retrouvent pris au piège de 2010), des suicides (Chaintrier, 2010 ;
relations ou de liens familiaux devenus Godineau, 2012) et des formes de délin-
insupportables. En effet, quels que soient quance sexuelle intrafamiliale, comme
leur gravité et leur nature, il serait réduc- l’inceste et l’adultère (Beauthier, 1990 ;
teur de considérer que les crimes fami- Esposito, 2004 ; Walch, 2009) peut se
liaux bravent uniquement des interdits, saisir comme l’occasion d’une double
imposés notamment par la religion. Dans sanction spirituelle et temporelle ayant
certains cas, ils apparaissent aussi comme des motivations néanmoins distinctes.
la seule alternative afin de se libérer d’une Au-delà de la volonté de détruire des
situation familiale ou sociale inextricable crimes jugés abominables, il y a, dans le
et intolérable. Même si l’acte criminel est droit canon et dans la loi souveraine, la
avant tout, sauf cas particulier comme la volonté de préserver les familles, véritables
folie, de la responsabilité de celui qui le séminaires des États (Bouchel, 1689, 79).
commet, il est donc important de le repla- Toutefois, une fois que la religion, la
cer dans un contexte plus large, en tenant société et/ou l’État s’est saisi d’un crime
compte des attentes et normes sociales familial, il n’est pas rare de constater un
pesant sur les individus. Sur le banc des fossé parfois abyssal entre l’impératif
accusés et parmi les pousse-au-crime, les partagé de punir de façon exemplaire les
religions ne sont toutefois pas les seules coupables et les accommodements possi-
coupables car, et c’est essentiel, les sociétés bles face à des situations singulières qui
ont intégré des normes de comporte- peuvent autant susciter l’effroi et la répro-
ments et des interdits qui les structurent bation que la pitié et l’indulgence. il y a
bien au-delà du champ des croyances et entre la loi et sa pratique de réels écarts
des interdits religieux. Une question qui interrogent davantage encore la ques-
importante consisterait même à élucider tion des interdits. En effet, en matière de
le fait de savoir dans quelle mesure les reli- crime d’infanticide, la rigueur des lois est
gions n’ont fait qu’institutionnaliser des soumise à celle de l’arbitraire des juges,
tabous plus anciens liés à un fonctionne- encouragés au xviiie siècle à l’indulgence
ment des groupes humains centré sur des plus qu’à la sentence.
liens familiaux auxquels il serait sacrilège Les articles de Martine Charageat,
de porter atteinte. En outre, dans l’Eu- Julie Doyon, Marie-Yvonne Crépin,
rope du Moyen  Âge et de l’époque Manon van der heijden et nicoleta
moderne, l’une des manifestations Roman rassemblées dans ce volume
du développement de l’État est son incur- montrent à la fois la richesse et le dyna-
sion de plus en plus fréquente dans la vie misme d’un champ de la recherche très
des familles, souvent au détriment des utile pour renouveler et enrichir l’écri-
Églises qui jouissaient jusque-là d’un ture de l’histoire des populations du

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passé, au-delà des seuls enjeux liés à un premier âge d’or du fait divers qui, s’il
l’histoire de la famille. ne se limite pas aux seuls crimes fami-
liaux, lui accorde une place de choix dans
le traitement de l’information. Centré sur
LE CRIME FAMILIAL, l’événement, souvent horrible et sangui-
UN OBJET HISTORIQUE LÉGITIME ?
naire, qui lui donne sa consistance, le
Les différents espaces géographiques révèle au public et déclenche son traite-
étudiés montrent que la question des ment judiciaire, il n’est pas étonnant que
crimes familiaux est aujourd’hui le fait divers ait été voué aux gémonies
travaillée à l’échelle de l’Europe, le plus par l’École des Annales qui n’y a vu
souvent dans une perspective d’histoire pendant longtemps que « l’écume » de
régionale ou nationale. Cette situation l’histoire, pour reprendre la jolie formula-
explique le faible développement d’ana- tion de Fernand Braudel. Pour devenir
lyses comparatives, qu’elles concernent un objet d’histoire, le crime familial a
des époques ou des régions différentes donc dû surmonter de nombreuses résis-
(Tinkova, 2005). Pourtant, Martine tances, qui n’émanent d’ailleurs pas seule-
Charageat insiste sur les temporalités ment des historiens eux-mêmes. L’un des
différentes dans le traitement du meur- premiers à avoir violemment attaqué le
tre entre conjoints entre la Castille et fait divers est Roland Barthes, qui lui nie
l’Aragon à la fin du Moyen  Âge, et toute dimension historique au prétexte
Marie-Yvonne Crépin sur les change- qu’il présenterait une « structure fermée »
ments intervenus du point de vue du lui enlevant toute portée et dévalorisant
droit entre la France de l’Ancien Régime le contexte dans lequel il se produit
et celle du xixe siècle. (Barthes, 1964). Dans les années 1990,
Par ailleurs, du point de vue de l’histo- Pierre Bourdieu creuse le même sillon de
riographie, l’intérêt des historiens pour l’« événement monstrueux » qui n’a d’au-
les crimes familiaux n’est pas nouveau tre intérêt que la restitution de faits futiles
mais inégalement présent dans l’espace et inutiles (Bourdieu, 1996). Toutefois, à
européen, avec des trajectoires très diver- partir des années 1980, le fait divers se
ses et des acquis plus ou moins anciens. transforme peu en peu en fait de société
C’est une dimension sur laquelle insistent (Claverie ; Lamaison, 1982 ; M’Msili,
peu les auteurs de ce dossier, comme s’ils 2000 ; D. Kalifa, 1995, 2010). il relève
considéraient qu’il n’est plus nécessaire de alors, au-delà de son récit, les dysfonc-
justifier et légitimer leur objet. Le cas tionnements de la société, les troubles et
français mérite une attention particulière. les angoisses du temps. Toute la question
En effet, les crimes familiaux n’y sont est alors de savoir quels sont les éléments
devenus qu’assez récemment une préoc- permettant de voir dans un crime familial
cupation pour la communauté des histo- un fait de société : le nombre ? l’intensité ?
riens, plus tardivement et de façon plus les représentations ? le retentissement ?
dispersée que dans les pays anglo-saxons l’émotion suscitée dans le public? Pour le
par exemple. L’une des raisons est le sociologue Laurent Mucchielli, c’est
discrédit durable pesant sur des affaires avant tout la manière dont une société est
assimilées de façon péjorative à des faits informée sur un fait divers qui assure
divers. Au xixe siècle, le développement cette transformation. Le crime familial ne
de la presse aboutit à l’« invention » et à serait donc pas par nature un fait social,

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mais il le deviendrait du fait de sa révéla- concentrent notamment sur l’analyse


tion et de la réaction qu’elle entraîne d’un crime familial (Soman, 1997 ;
(Mucchielli, 2009). Garnot, 1993), ce qui constitue l’une des
Malgré son caractère souvent mons- voies les plus fécondes de l’application en
trueux et la situation de voyeur dans France des méthodes et objets de la
lequel il place celui qui le scrute, le crime microstoria italienne. Dans les années
familial qui, dans les sociétés contempo- 1980 et 1990, les faits divers, et tout
raines, est souvent traité comme une particulièrement les crimes familiaux,
forme particulière de fait divers, repré- deviennent donc un objet de l’histoire
sente un moyen de plonger au cœur de la sociale puis de l’histoire culturelle, ce
vie d’une société et de ses représentations. qu’ils n’ont pas cessé d’être jusqu’à
En 1964, Jean-Paul Sartre montre, dans aujourd’hui. En 2009, le dossier
Le nouvel observateur, son intérêt pour « Familles et justices à l’époque
l’analyse des dysfonctionnements de la moderne », publié dans les Annales de
société1. À peu près à la même époque, Démographie historique, participe de ce
une première tentative de traitement même mouvement. Par rapport à d’autres
anthropologique, sociologique et histo- champs de l’histoire sociale, soulignons
rique du fait divers apparaît sous les pour terminer que l’étude des crimes
plumes de G. Auclair (Auclair, 1970) et familiaux a suivi un itinéraire assez origi-
de J.-P. Seguin (Seguin, 1959), sans nal : alors que beaucoup des premiers
oublier aussi le travail de Michel Foucault travaux publiés ont pris la forme d’une
(Foucault, 1973) sur Pierre Rivière, qui a étude de cas, on assiste depuis quelques
tué l’ensemble de sa famille en 1835. Ce années une montée en puissance d’appro-
dernier joue un rôle non négligeable dans ches plus résolument quantitatives
l’affirmation d’une analyse historique des (Tinkova, 2005), que l’on retrouve
crimes familiaux. Toutefois, c’est vrai- d’ailleurs dans les articles de ce dossier.
ment en 1983 que les historiens ont
commencé à s’emparer de la question des LA QUESTION DES SOURCES :
faits divers, notamment au travers d’un
PEUT-ON ÉCRIRE UNE HISTOIRE
dossier dirigé par Marc Ferro dans les
DES CRIMES FAMILIAUX ?
Annales (Ferro, 1983, 821-826 ; Cheva-
lier, 2009)2. il y affirme que « le fait divers Devenus un objet historique à part
apparaît [...] non plus comme un inci- entière, les crimes familiaux posent la
dent fortuit, [...] mais au contraire question des sources disponibles pour
comme une nécessité de l’histoire » et les analyser, thématique qui revient de
que, « en vérité, son étude passe par l’his- manière récurrente dans les cinq articles
toire narrative pour déboucher sur l’ana- du dossier. Pendant longtemps, les juris-
lyse fine du tissu social comme des tes et historiens du droit, qui étaient
représentations collectives ». En 1982, pratiquement les seuls à s’intéresser à ces
Élisabeth Claverie et Pierre Lamaison questions, ont privilégié l’analyse des
mettent en pratique ces nouvelles ambi- textes juridiques, des procédures et de la
tions portées par l’École des Annales dans jurisprudence, notamment dans des
leur étude sur violence et parenté en contextes d’évolution assez sensible du
Gévaudan (Claverie, Lamaison, 1982). droit sur un temps plus ou moins long.
Rapidement, d’autres historiens se Cette approche apparaît notamment

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très bien dans les articles d’Yvonne- l’infanticide et ses implications sociales
Marie Crépin et de nicoleta Roman. et familiales en Europe centrale, l’opéra
Dans les deux cas, elles peuvent mesurer Jenůfa de Leoš Janáček, créé en 1904 au
l’impact de l’évolution du droit dans le théâtre de Brno, est un chef d’œuvre
traitement des affaires criminelles par la musical en même temps qu’il propose
justice. Plus récente est la mobilisation une véritable ethnographie de la vie
de tous les documents produits par l’ins- rurale en pays tchèque à la fin du
titution judiciaire à partir de l’ouverture xixe siècle.
d’une procédure. ils sont devenus une Pour justifier son choix de se concen-
source incontournable et largement trer les affaires judiciaires, Manon van der
travaillée car ils ouvrent des perspectives heijden fait notamment référence au
d’analyse plus vastes et plus ancrées dans concept de Justiznutzung (utilisation de
les dynamiques sociales et familiales à la justice) défini par l’historien allemand
l’œuvre dans ce genre d’affaires. En Martin Dinges qui explique que la justice
effet, outre la confrontation des textes est un moyen comme un autre du
juridiques à la réalité du fonctionne- contrôle social et de la résolution des
ment de la justice, cette démarche conflits, par exemple familiaux (Daumas,
permet l’analyse des acteurs, de leurs 1988 ; Jury, 2003). En réalité, ce concept
actions et interactions, des discours reflète à la fois le principal intérêt et la
produits par l’institution judiciaire pour principale limite des sources judiciaires
relater les dires des accusés, des témoins, lors de l’étude d’affaires criminelles. En
des experts sollicités… effet, celles qui arrivent devant la justice
Toutefois, si la source judiciaire est génèrent une quantité parfois impres-
une matière première incontournable sionnante de documents à chaque étape
pour l’étude des crimes familiaux, elle de la procédure. Ce matériau archivis-
est loin d’être la seule. Dans son étude tique devient alors la principale, voire
sur l’infanticide en valachie au souvent la seule matière première de la
xixe  siècle, nicoleta Roman fait réfé- recherche historique. Or, aussi complet
rence à la presse qui assure la publicité soit-il, un dossier judiciaire ne permet
des affaires jugées et contribue à accen- que d’approcher très imparfaitement de
tuer la réprobation des crimes familiaux la réalité qu’il entend restituer (Faggion,
dans la société. il ne s’agit pas là d’une Regina, 2014). il livre une parole dont on
nouveauté, mais d’une inflexion ne sait jamais si elle est exactement le
majeure en partie destinée à attirer un reflet de ce qu’a voulu exprimer celui qui
lectorat plus nombreux, et aussi de plus l’a prononcée. En outre, elle conduit
en plus alphabétisé, avide d’histoires l’historien à considérer que tout est dans
sensationnelles. Une autre source, qui les pièces de l’instruction et du procès,
n’est pas mobilisée par les articles du l’amenant à négliger le contexte précis
dossier, rassemble de manière générique dans lequel les événements se sont
toutes les productions artistiques. Dans produits, les dynamiques familiales qui y
l’optique d’une histoire des représenta- ont conduit et les conséquences à plus ou
tions associées aux crimes familiaux, les moins long terme.
possibilités sont pourtant très nombreu- Par ailleurs, dans leurs archives judi-
ses : romans, peintures, sculptures, ciaires souvent très abondantes, les
pièces de théâtre… Pour travailler sur auteurs des articles du dossier insistent

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sur les nombreux obstacles qui compli- trouve derrière les murs des demeures et
quent l’étude de la criminalité et, tout dans le silence des secrets familiaux un
particulièrement, celle des crimes fami- espace d’expression tout à fait particulier,
liaux. En Aragon, Martine Charageat espace qui rend difficile l’externalisation
montre qu'à la fin du Moyen Âge, on ne de cette violence et de sa compréhension.
peut poursuivre les meurtres ou tentati- Traditionnellement présentée comme la
ves de meurtre entre époux que dans le garantie du bien-être de ses membres, la
cas où une plainte est déposée pour famille devrait relever, par principe, du
lancer la machine judiciaire, ce qui pose domaine du non droit. Et pourtant, au
plus largement le problème, difficile à regard des formes de violences se
résoudre, de l’ampleur réelle de la crimi- commettant au sein des familles, rares
nalité familiale mesurable par des statis- sont celles qui parviennent à s’extraire de
tiques. Dans le ressort du parlement de la gangue du secret. violences physiques,
Paris au xviiie siècle, Julie Doyon insiste, violences psychologiques, violences
quant à elle, sur la quasi-absence du vol sexuelles, violences meurtrières, la sphère
intrafamilial dans les affaires jugées. Elle privée des foyers n’en demeure pas moins
doit le traquer pour en retrouver la un possible à l’expression des violences.
trace, par exemple quand il est évoqué Chacune se nomme et se désigne :
comme circonstance aggravante dans « familicide », pour désigner l’homicide
d’autres affaires. Pourtant, elle établit dans les familles, « crime passionnel »,
que les affaires de vol accaparent une pour évoquer les violences conjugales,
bonne partie de l’activité du parlement « inceste », pour caractériser les violences
de Paris, au xviiie  siècle. Elle explique sexuelles, « uxoricide » (Pescador, 1996),
cette rareté par la difficulté d’établir la quand le mari tue sa femme,
certitude du vol à l’intérieur de la famille « infanticide », pour nommer le meurtre
et par la très large immunité dont béné- des enfants, « parricide », pour l’acte de
ficie le larcin intrafamilial (entre tuer son père ou sa mère, « fratricide »,
conjoints, entre parents et enfants…). pour le meurtre du frère ou de la sœur…
Enfin, en valachie, nicoleta Roman Les articles du dossier sont loin d’em-
souligne le caractère épars de la docu- brasser toute la diversité des crimes
mentation conservée, ce qui n’est pas familiaux et plusieurs proposent un
propre à la Roumanie du xixe siècle, et la éclairage intéressant sur les liens entre
nécessité de recourir à des fonds diffé- violence familiale et criminalité fami-
rents pour espérer identifier des cas d’in- liale. En effet, il est rare que le crime
fanticide et éventuellement confronter surgisse tel un coup de tonnerre dans un
des regards différents sur une même ciel serein. il est, la plupart du temps,
affaire. l’ultime avatar d’une situation de crise
plus ou moins ancienne et profonde.
LES MULTIPLES VISAGES Martine Charageat et Marie-Yvonne
Crépin se concentrent toutes les deux
DU CRIME FAMILIAL
sur la question du meurtre/assassinat3
Au sein des familles, la violence et ses du conjoint. La première souligne qu’il
déclinaisons ne sauraient se réduire à la s’agit, dans l’Espagne des xve-xvie siècles,
violence sanguinaire qui se solderait par d’une pratique relativement fréquente et
la perte de la vie. Bien au contraire, elle elle l’explique, en partie, par la grande

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réticence de la justice à accorder la sépara- là aussi d’annoncer le meurtre en deve-


tion des conjoints à la fin du Moyen Âge. nir que la justice doit empêcher en
La conclusion proposée par Marie- prenant des mesures conservatoires,
Yvonne Crépin est assez différente puis- telles que pouvaient l’être les séparations
qu’elle constate, dans la Bretagne du de corps et/ou de biens. Le meurtre
xviiie  siècle, que le meurtre du conjoint entre époux, étudié, entre autres, par
est loin d’être exceptionnel alors que les Benoît Garnot, montre que, la plupart
séparations sont assez facilement obte- du temps, la question des moyens mis
nues devant la justice. La question du lien en œuvre pour détruire l’autre se décide
entre la fréquence du crime contre le dans les excès nourris par la colère plus
conjoint et la dissolution totale ou que par préméditation. L’évolution des
partielle du lien matrimonial reste donc stratagèmes, des modalités et des expé-
entière même si, à n’en pas douter, la dients employés pour se débarrasser
possibilité offerte à des conjoints de se d’un conjoint encombrant témoigne elle
séparer ou de divorcer a probablement aussi des rapports à la violence entrete-
évité de nombreux drames. En revanche, nus par le genre. L’usage des armes à feu
on retrouve en Espagne, comme en par la femme pour assassiner un époux
Bretagne, de nom-breux traits communs violent ou gênant est, au final, fort
malgré l’éloignement spatial et temporel : récent. La grâce présidentielle accordée,
l’adultère comme cause principale de la en janvier 2016, à Jacqueline Sauvage,
pulsion homicide, la recherche d’éven- accusée du meurtre de son époux violent
tuelles complicités, notamment quand le et incestueux en 2012, pose en de
crime est commis par l’épouse sur son nouveaux termes le droit à violenter au
mari. plus proche par désir de délivrance. Les
Les violences meurtrières qui inter- formes de violences conjugales semblent
viennent au sein des couples en rupture aujourd’hui se diversifier à mesure que
prennent le plus souvent la forme de la loi les identifie et les sanctionne.
l’occasion qu’offre le quotidien (Garnot, Alors que la question de la fidélité du
1993 ; Garnot, 2014 ; Garcia herrero, conjoint semble au cœur de bon nombre
2008 ; Gauthier, 2003 ; Gil Ambrona, de crimes entre époux, Julie Doyon
2008 ; Guillais, 1985-1986 ; nolde, explore plus spécifiquement la dimension
2002). Sous l’Ancien Régime, hommes de l’intérêt dans la formation des senti-
et femmes recourent à l’empoisonne- ments, des solidarités et des conflits fami-
ment, à la violence physique ou au liaux. Pourtant, de façon assez surpre-
service d’un tiers. Les archives judiciaires nante, elle constate qu’une grande
montrent parfaitement que les objets majorité des affaires jugées par le parle-
ordinaires sont détournés de leur usage ment de Paris en lien avec le vol intrafa-
dans le cadre des conflits conjugaux. milial impliquent le recours à une
Ainsi, le couteau est probablement l’ou- violence létale, ce qu’elle interprète
til de la violence le plus employé pour comme l’existence d’autres formes de
suggérer aux juges la menace homicide à résolution des conflits (Castan, 1980),
laquelle époux et épouses en guerre qui ne recourent pas forcément à l’appel à
prétendent avoir échappé. Lorsque les la justice, surtout lorsqu’il est difficile
violences débouchent sur des effusions d’apporter des preuves ou d’établir de
de sang, sans toutefois ôter la vie, il s’agit façon claire la propriété d’un bien. Par

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ailleurs, l’attachement au secret et l’obses- et sociale des villes hollandaises sont


sion du maintien de la paix des familles autant de facteurs non familiaux qui
donnent lieu à d’intenses tractations afin ont une incidence directe sur la crimi-
d’éviter le scandale public lié à l’interven- nalité familiale.
tion du juge chaque fois que cela peut
être évité. Julie Doyon rappelle notam-
ment que certains procès intentés pour
LE COUPLE ET LA PARENTÉ
PROCHE AU CŒUR
vol ne vont pas au terme de la procédure
car des parents achèvent des processus de DE LA CRIMINALITÉ FAMILIALE
conciliation ou de réconciliation avant Le crime commis contre un parent peut
que le juge ait à se prononcer. être interprété comme la négation même
Parmi les articles du dossier, celui de de la famille conçue comme un espace
nicoleta Roman aborde, quant à lui, l’un protecteur et bienveillant à l’égard de ses
des crimes familiaux les mieux connus et membres. À ce titre, nous aurions tort de
les plus particuliers, l’infanticide le considérer comme un simple dérègle-
(Basilico, 2009, 2014 ; Berraondo Piuda, ment, forcément marginal par rapport à
2013 ; Jackson, 1996, 2002 ; Kilday, une norme de comportement. En effet,
2013 ; King, 2014 ; Lauwaert, 1999 ; les crimes familiaux permettent d’en
Minvielle, 2010 ; Ransel, 1988 ; Sandin, apprendre beaucoup sur les familles et les
2012 ; Soman, 1992, 1997 ; Tillier, 2001, dynamiques qui les animent. ils montrent
2011 ; Tinkova, 2005, Trévisi, 2003). De d’abord qu’elles se caractérisent par la
ce point de vue, les analyses proposées sur recherche d’un équilibre, toujours insta-
la valachie sont dans la droite ligne de ble, dans lequel les sentiments et l’intérêt
travaux antérieurs : le caractère souvent débouchent parfois sur les pires excès. Un
horrible du crime et de sa découverte, la autre élément fondamental est que la
situation de la jeune fille séduite et aban- famille ne forme pas un espace clos coupé
donnée qui a succombé aux avances de de son environnement social plus ou
celui qu’elle croyait destiné à devenir son moins immédiat. Les articles de Manon
époux, le rôle de complices plus ou moins van der heijden et de nicoleta Roman
actifs au moment de l’acte homicide… insistent notamment sur l’importance de
Enfin, Manon van der heijden inter- la surveillance que les habitants du quar-
roge la perception grandissante d’un tier et du village exercent sur l’ensemble
lien existant entre la consommation des familles. Elles apportent ainsi un éclai-
massive d’alcool (Lecoutre, 2011) et le rage intéressant sur la rumeur et ses usages
développement de comportements dans les affaires de crimes familiaux. Alors
agressifs et immoraux facilitant, mais qu’elle est souvent circonscrite aux bruits
pas de façon systématique, le passage à publics qui se déchaînent après l’ouver-
l’acte criminel. Elle montre surtout ture d’une procédure judiciaire, les exem-
l’importance d’une prise en compte du ples hollandais et roumains montrent
contexte pour trouver des éléments de l’omniprésence de la rumeur, qui ne sert
réponse à la hausse des violences et de la pas seulement à orienter la justice vers un
criminalité familiale en hollande à coupable possible mais participe du
l’époque moderne. L’évolution des contrôle social et intervient aussi en
pratiques de consommation d’alcool et la amont du crime pour éviter une escalade
dégradation de la situation économique de la violence.

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Un autre enseignement important est qui ne se limite pas aux limites diapha-
que les crimes familiaux ne semblent pas nes des foyers. Lorsque la justice est
frapper de manière indistincte l’ensem- sollicitée, c’est toujours à dessein, pour
ble des parents. ils concernent avant se départir des marques de l’opprobre
tout une parenté proche qui prend le que seule la voie judiciaire permet d’ef-
visage de l’époux/de l’épouse, du fils/de facer. Les réseaux de sociabilité étant
la fille, du père/de la mère, du frère/de la particulièrement inféodés à la fama
sœur… Le crime familial signifie donc publica, ou bonne réputation, il faut
surtout vouloir du mal à celui ou celle impérativement agir pour laver son
dont on est le plus proche, ce qui rend le honneur. Dans les affaires d’adultère par
passage à l’acte d’autant plus choquant. exemple, seuls les époux avaient en théo-
Ce sont les dérèglements des sentiments rie le pouvoir d’accuser leurs femmes de
et de l’amour familial, les querelles patri- ce crime, mais aussi celui de les faire
moniales centrées sur les dots et les héri- enfermer à temps ou à vie dans les refu-
tages, les tumultes d’une corésidence ges, lieux par excellence de détention des
inacceptable ou mal supportée qui femmes de mauvaise vie, pour soustraire
offrent à la fois le mobile et l’occasion de du groupe la source du déshonneur.
braver l’interdit. Toutefois, si chacun de Dans les cas de flagrants délits, les époux
ces éléments peut expliquer un crime, il étaient autorisés à supprimer femme et
suffit rarement pour comprendre le amant pour venger leur honneur, le
passage à l’acte. Ce dernier a besoin d’un crime familial devenant alors un geste
moteur plus puissant, qui est l’honneur cathartique. D’après Martine Chara-
menacé ou perdu (Barahona, 2003). geat, cette dimension est, par exemple,
Sa défense n’est nullement la seule très présente en Espagne, au
affaire des hommes : l’honneur est « de Moyen Âge, et légitime le recours à la
tous les biens, le plus précieux à soigner vengeance pour restaurer l’honneur
est, sans contredit, celui d’une bonne bafoué. Dans les cas d’infanticide, nico-
réputation. Eh ! La réputation ne fait- leta Roman montre que le geste homi-
elle pas encore tous les jours des cide cherche, tout à la fois, à préserver
Souverains ? » (Dareau, 1775, 7). Si l’honneur individuel de la jeune mère
l’honneur des rois n’est pas celui des célibataire et celui de sa famille tout
sujets, il demeure néanmoins un trait entière. En outre, nicoleta Roman et
commun à toute société d’Ancien Manon van der heijden font référence à
Régime, quels que soient l’âge, le sexe et un honneur de la communauté villa-
la condition sociale considérés. Dans les geoise ou du quartier qui est également
cas de crimes familiaux, l’honneur cons- menacé en cas de violences familiales ou
titue souvent un facteur essentiel. du meurtre d’un nouveau-né. En revan-
Comme l’a montré Michel nassiet, il est che, dans les sociétés occidentales, l’hon-
la pierre angulaire des rapports de socia- neur a cessé d’être aujourd’hui une
bilité (nassiet, 2011). Lorsque l’hon- motivation essentielle dans les crimes
neur familial est corrompu par l’un des qui se commettent en famille. C’est bel
membres de la famille, sa « réparation », et bien l’impossible réalisation de soi qui
comme il était alors d’usage de le dire, fait regarder l’autre comme un obstacle à
est une nécessité. Les honneurs bafoués une volonté d’existence autre dont la
sont à la source d’un ostracisme social seule issue, dans certains cas, ne semble

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pouvoir être que la mort du conjoint. succède au parricide l’infanticide


Cette criminalité pose la question à la (Depualis, 2003 ; harrington, 2009 ;
justice et à la société des silences qui Jackson, 1996 ; Tausiet Carlès, 1988 ;
entourent les foyers et des possibilités de vazquez Lesmes, 2010), puis l’uxoricide
les entendre avant qu’il ne soit trop tard. (Cohen, 2004 ; hardwick, 1988 ; 1998 ;
Jacobs, 2007 ; Juraric, 1987 ; Lambert,
2007) et, enfin, le fratricide (Muyart de
LE TRAITEMENT ET LA RÉPONSE vouglans, 1781, 163). Les divers
JUDICIAIRES : UNIFORMITÉ
travaux psychanalytiques, dans le
OU DIVERSITÉ ? prolongement des questionnements
L’histoire judiciaire permet d’envisa- philosophiques et juridiques, tentent à
ger les évolutions et la prise en considé- leur tour d'éclairer au-delà de la notion
ration de ces formes de criminalités de crime, celle de la violence familiale.
regardées et caractérisées de manière Ainsi, les foyers deviennent les
plurielle en fonction des sociétés et des potentiels séminaires des violences : la
époques (Lauwaert, 1999). La législa- psychanalyse enrichit les catégories clas-
tion criminelle d’Ancien Régime distin- siques de l'Ancien Régime notamment
gue les crimes familiaux des autres avec celle des violences psychologiques
formes d’homicides par une typologie qui n'étaient pas vraiment envisagées
voulue propice à la sanction de tous les auparavant. L'ivresse liée à l'alcoolisme
cas de figures. On trouve notamment est aussi prise en compte pour identifier
chez Muyart de vouglans, criminaliste les formes de violences et leur exacerba-
français du xviiie siècle, dans sa glose de tion au quotidien (Lynn, 1987). 
l’ordonnance criminelle de 1670, une Face à l’horreur du crime familial et à
hiérarchisation des crimes pouvant se ses multiples manifestations, le position-
commettre au sein des familles, s’affran- nement de la justice est à géométrie
chissant sur le sujet du droit romain. variable et peut conduire l’historien à
Sans surprise, le parricide constitue, certaines conclusions hâtives s’il néglige
dans la pyramide des interdits, le crime de prendre en compte le type de procé-
le plus abominable (Lapalus, 2004 ; dure qui lui permet d’être renseigné sur
Doyon, 2008 ; 2009). La lecture à la fois un crime familial. Dans son analyse du
divine et juridique transpose dans la cas breton, Marie-Yvonne Crépin
condamnation l’exigence de l’exempla- montre bien que le traitement judiciaire
rité. il n’y a pas à proprement parler, du meurtre du conjoint n’est pas le
selon Muyart de vouglans, de loi propre même quand il est mené par le parle-
à la punition de ce crime autre que celle ment de Rennes (qui est avant tout une
établie par la jurisprudence des arrêts. il juridiction d’appel) au xviiie siècle, puis
est d’usage de prononcer la peine de la quand il a lieu dans les tribunaux crimi-
roue contre les coupables, peine à nels et les cours d’assises du xixe siècle, où
laquelle on ajoute l’amende honorable, il est traité en première instance. En
le poing coupé, le corps mort brûlé et les outre, toujours en France, le passage de
cendres au vent dispersées. Les femmes la procédure inquisitoriale à la procédure
coupables de ce crime ne pouvant être accusatoire entre le xviiie et le xixe siècle
soumises à la peine de la roue, sont induit forcément un traitement différen-
brûlées. Dans la hiérarchie proposée, cié des affaires criminelles par la justice.

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Une fois la culpabilité établie, la peine Minvielle, 2010 ; Muchembled, 2009 ;


devrait être à la mesure de l’acte qu’elle Prosperi, 2005 ; Tillier, 2011). En vala-
souhaite punir. De ce point de vue, chie, nicoleta Roman montre qu'au
partout en Europe, la mort semble le xixe  siècle, la peine de mort ne concerne
destin partagé des meurtriers familiaux. plus que les infanticides les plus atroces
Or, de nombreux accommodements (et probablement mûrement prémédi-
sont possibles. Sont-ils le reflet d’une tés), alors que la peine la plus courante
perte de sacralité de l’institution fami- devient l’exil dans un monastère, ce qui
liale dont la préservation cesse d’être révèle le maintien tardif d’un partenariat
garantie par l’intervention des juges entre l’État et l’Église dans le combat
ecclésiastiques ? S’agit-il plutôt d’une contre certains crimes familiaux.
volonté de séparer le juste châtiment du Un autre élément fondamental est la
crime de la symbolique qui lui est atta- question de l’évolution et, surtout, de la
chée et devrait justifier la plus grande modernisation du droit, qui conduit à
rigueur dans la définition de la peine et faire émerger une justice à visage plus
de son exécution ? Assiste-t-on à une humain. En France, avec le code pénal
banalisation des crimes familiaux, qu’ils de 1791, la mort attend le meurtrier de
deviennent plus nombreux ou qu’ils son conjoint dans les seuls cas où la
soient punis au regard des processus dont préméditation est établie. En outre, les
ils sont l’aboutissement ? Les articles du juges sont invités à homogénéiser leurs
dossier sont loin d’apporter des réponses pratiques avec des peines fixes. Enfin,
définitives à ces questions. Dans l’Espa- Marie-Yvonne Crépin met en exergue la
gne de la fin du Moyen Âge, l’accommo- révolution que représente la possible
dement semble d’abord prendre le prise en compte de circonstances atté-
chemin du genre. En Aragon, la peine de nuantes à partir de 1832, ce qui réduit
mort est le sort réservé à la femme adul- drastiquement le nombre de condamna-
tère depuis au moins 1349 mais, dans le tions à mort au profit des peines de
même temps, Martine Charageat souli- prison. Le cas de la hollande à l’époque
gne la relative tolérance à l’égard des moderne montre, quant à lui, la plasti-
meurtriers de leurs épouses, souvent par cité d’un traitement des violences et de
l’obtention d’un acte de pardon donné la criminalité familiales qui ne fait de
par le Roi, la famille, voire la victime l’institution judiciaire que le dernier des
quand elle a survécu. Au contraire, au acteurs amenés à intervenir, ce qui
xviiie  siècle, le parlement de Bretagne rejoint le questionnement de Julie
semble appliquer le droit dans toute sa Doyon sur le fait de savoir jusqu’à quel
rigueur et, que l’homicide concerne le point la justice est prête à intervenir et se
mari ou l’épouse, la peine de mort est considère légitime pour entrer dans le
presque toujours prononcée. Dans ce secret des familles.
domaine, les affaires d’infanticide
présentent sans doute l’évolution la plus LE CRIME FAMILIAL :
franche, à savoir que, à partir du
UN INVARIANT SOCIAL ?
xviiie siècle, les juges tiennent compte de
la situation particulière de la mère, La prise en considération des crimes
autant considérée comme une coupable familiaux s’est longtemps réduite au
que comme une victime (Lalou, 1986 ; meurtre, faisant peu de cas de violences

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sans noms, car impensées et impensables. l’Ancien Régime en revanche, la Grande


il est intéressant de noter l’écart mani- ordonnance criminelle de 1670 lui
feste qui intervient entre l’élaboration de consacre de longs développements en
la loi et son application, entre la connais- cherchant à en apprécier toutes les subti-
sance d’une forme de criminalité et la lités. il s’agit avant tout d’isoler les inces-
relative émergence dans l’espace judi- tes sur lesquels pèsent les interdits
ciaire de ces formes de crimes. La justice moraux et spirituels les plus lourds. il
sait ce dont la société est capable mais n’a n’y a pas de peine spécifique à l’égard des
que peu l’occasion d’exercer sa vindicte. cas d’inceste. Pour prononcer leur juge-
Se pose dans toute sa complexité la ment, les juges sont invités à recourir
question du « chiffre noir4 » des crimes aux lois romaines et à se conformer à la
familiaux. De la prise en compte d’un jurisprudence des arrêts. Le châtiment
crime à sa sanction par la loi, du nombre est toujours proportionnel au degré de
de crimes commis au nombre de crimes parenté qui lie les couples incestueux.
punis, il semble évident qu’une large Ainsi, les « incestes contre nature » sont
partie des violences familiales restent punis de mort. « La peine de l’inceste
l’apanage du privé, contraint par le secret, d’un fils avec sa mère ou son aïeule, ou
par l’honneur (nassiet, 2011), la honte et d’un père avec sa fille ou sa petite-fille,
la volonté de dissimuler. Les rares affaires est la mort ». il en est de même entre
à émerger dans l’espace public sont frères et sœurs. La célèbre affaire de
toujours, au moment de leur prétendue Julien et Marguerite de Ravalet, en
découverte, fortement sanctionnées avant 1603, illustre parfaitement le malaise
qu’une certaine banalisation conjonctu- moral et social qu’un amour fraternel et
relle et structurelle n’intervienne. incestueux a pu susciter (Carmona,
Même si l’inceste constitue toujours 1987). Dans cette affaire, il n’était pas
un crime unanimement condamné, sa question d’une contrainte fraternelle
définition et son histoire montrent les exercée dans le but d’abuser une sœur
différentes lectures qui ont pu en être mais d’un amour mutuel. L’enjeu ne fut
livrées par la société (Bonte, 1994 ; pas tant le crime d’inceste que le partage
Léveillée, Lefebvre, 2011). Dans le réciproque d’un crime jugé comme une
dictionnaire de Furetière, on peut lire, à perversion sans bornes. La loi criminelle
l’article « inceste », qu’il s’agit d’un d’Ancien Régime comme la loi d’au-
« crime qui se commet quand on a la jourd’hui ont du mal à se positionner
compagnie charnelle de personnes qui dans ces affaires. Contrainte de prendre
sont parentes jusqu’à un certain degré en compte l’amour qui peut unir deux
prohibé par l’Église », indirectement par membres d’une même famille et de
l’État. À aucun moment, il n’y a dési- déceler la part de consentement ou au
gnation sexuée des individus, la défini- contraire l’absence, le degré de violence
tion laissant sous-entendre que l’inceste et de contrainte exercées, la position de
peut s’observer entre membres d’une la justice s’avère complexe. En définis-
même famille. il n’existe pas, à l’heure sant et en normalisant les rapports fami-
actuelle, de loi spécifique condamnant liaux à la lumière des interdits unanime-
l’inceste en France. Le terme d’inceste ment partagés, la justice devient
n’est d’ailleurs mentionné ni dans le elle-même productrice de criminalité
Code pénal, ni dans le Code civil. Sous intrafamiliale. L’exception devient alors

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un crime. La condamnation très large- aussi de la façon de les recevoir. La loi


ment unanime de l’inceste oblige la tend à instaurer au sein des couples l’in-
justice à contourner le problème en tériorisation d’une norme qui voudrait
ramenant l’inceste à un simple crime que le masculin soit lié à l’image du
d’agression sexuelle ou de viol, évacuant bourreau et que le féminin soit du côté
alors la complexité psychologique du des victimes. En légiférant pour renfor-
geste. L’inceste, au xixe  siècle, n’est déjà cer la protection des femmes, on ren-
plus celui condamné par l’Ancien Régime force de fait un clivage entre les sexes.
puisqu’il disparaît même du code pénal Les crimes familiaux et l’évolution de
(Giuliani, 2014). leur perception par la société, mais aussi
Que dire encore des violences conjuga- par le droit, montrent qu’au-delà de
les qui, sous l’Ancien Régime, se nom- l’apparent fait divers, il est possible d’in-
maient alors « mauvais traitements » terroger autrement la définition des
(Lottin, 1975; Liliequist, 2011; Murphy, familles et sa remise en cause par la
2004; Regina, 2015; Stone, 1993; Walch violence.
2009) ? Entre la reconnaissance à un
Christophe REGinA,
époux du droit d’exercer une correction
« modeste » et un abus de ce pouvoir FRAMESPA,
conduisant en justice, il s’avère difficile
Université Jean-Jaurès
[email protected]
de qualifier avec exactitude la violence
conjugale ordinaire. Aujourd’hui encore, Stéphane MinviELLE,
les cas de violences conjugales restent LiRE,
difficiles à circonscrire, non seulement en Université de la nouvelle-Calédonie
raison des occasions de ces violences mais [email protected]

NOTES
1. Le nouvel Observateur, 19  novem- 3. Aujourd’hui, meurtre et assassinat sont des
bre 1964. formes juridiques distinctes de l’homicide
2. Le début des années 1980 correspond intentionnel, le second se caractérisant par la
aussi au moment où Louis Chevalier consa- circonstance aggravante de la préméditation.
cre un cours au Collège de France à l’histoire 4. Désigne l’ensemble des crimes qui ne sont
des faits divers. pas connus.

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