L'arrêt Fraisse Du 2 Juin 2000 de La Cour de Cassation

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En quoi l’arrêt Fraisse du 2 juin 2000 de la

Cour de cassation est-il un arrêt majeur en


matière de hiérarchie des normes ?

SOMMAIRE [Masquer]
 1 Les faits et la procédure de l’arrêt Fraisse du 2 juin 2000 de la Cour de cassation
 2 Les prétentions des parties et le problème de droit de l’arrêt Fraisse
 3 La solution dégagée par l’arrêt Fraisse
 4 Quelle est la portée de l’arrêt Fraisse du 2 juin 2000 ?

L’arrêt Fraisse de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du

02/06/2000 est un arrêt majeur en droit constitutionnel français, car il est

venu réaffirmer la supériorité de la Constitution nationale sur les

conventions internationales.

En effet, cet arrêt Fraisse sans toutefois trancher avec la jurisprudence

antérieure en l’occurrence celle du Conseil d’État dans l’arrêt Sarran et

Levacher du 30 octobre 1998, soulève et résout une question de taille en


matière constitutionnelle : Celle de la supériorité entre la Constitution ou les

normes de valeur constitutionnelles et les normes de droit international ou

communautaire.

D’ailleurs, il était à une époque admis et par la Cour de cassation (arrêt

Cafés Jacques Vabre de 1975) et par le Conseil d’État (arrêt Nicolo du CE

de 1989) que les normes internationales étaient supérieures aux normes de

droit interne français.

Mais depuis l’arrêt Sarran et Levacher du Conseil d’État précité, la

jurisprudence semble dorénavant constante et inflexible sur la question : La

Constitution ou les normes de valeur constitutionnelle notamment les lois

organiques priment sur les normes in ternationales ou communautaires.

Par cet arrêt Fraisse, la Cour de cassation confirme et conforte donc la

jurisprudence du Conseil d’État en concluant dans son attendu décisoire

que la supériorité conférée aux engagements internationaux par l’article 55

de la Constitution ne s’appliquait pas aux normes de valeur constitutionnelle

en droit interne français.

LES FAITS ET LA PROCÉDURE DE L’ARRÊT


FRAISSE DU 2 JUIN 2000 DE LA COUR DE
CASSATION

Les faits de l’arrêt Fraisse sont les suivants : Mlle Fraisse avait sollicité une

inscription sur la liste électorale permettant aux habitants de la Nouvelle -

Calédonie de participer à l’élection du congrès et des assemblées de


provinces conformément à l’article 188 de la loi organique du 19 mars 1999

(n ° 99-209) relative à la Nouvelle -Calédonie des électeurs admis à

participer à l’élection ci-dessus mentionnée.

Toutefois, elle s’est vu refuser cette inscription sur la liste par une décision

de la commission administrative de Nouméa. En effet, ce refus est fondé

sur le fait que la requérante demeurait depuis moins de dix ans sur le

territoire calédonien comme le précise l’article 188 de ladite loi

organique qui conditionne l’autorisation de l’inscription à une présence

d’au moins dix années sur le territoire.

Mlle Fraisse décide alors de saisir le tribunal de première instance de

Nouméa pour faire annuler la décision de la commission. Mal heureusement,

sa requête tendant à l’annulation de ladite décision est aussi rejetée par le

tribunal dans son jugement du 3 mai 1999.

En conséquence, elle forma un pourvoi en cassation. Le premier président

de la Cour de cassation renvoya l’affaire devant l’Assemblée plénière de la

Cour de cassation puisqu’en l’espèce il s’agit d’une question de principe

dans l’arrêt Fraisse.

Le 2 juin 2000, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation qui est sa

formation solennelle rend un arrêt de rejet largement comment é par les

observateurs épris de droit comme à l’accoutumée.

LES PRÉTENTIONS DES PARTIES ET LE


PROBLÈME DE DROIT DE L’ARRÊT FRAISSE
Dans l’arrêt Fraisse, la requérante du pourvoi faisait grief au jugement du

juge du tribunal de première instance de Nouméa d e rejeter sa demande en

annulation de la décision de la commission administrative ayant refusé son

inscription sur la liste électorale.

Elle allègue que l’article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 (n ° 99-

209) relative à la Nouvelle-Calédonie exigeant d’un citoyen français « un

domicile de dix ans pour participer à l’élection des membres d’une

assemblée d’une collectivité de la République française » est incompatible

avec les textes issus du droit international ; notamment, les articles 2 et 25

du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre

1966, l’article 3 du protocole additionnel à la Convention européenne de

sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et enfin,

l’article 6 du traité de Maastricht signé le 7 février 1992.

La question de droit à laquelle devait répondre la Cour de cassation dans

l’arrêt Fraisse était celle de savoir quelle était la valeur constitutionnelle

accordée aux lois organiques et quelle était leur place dans la hiérarchie

des normes.

LA SOLUTION DÉGAGÉE PAR L’ARRÊT FRAISSE

En réponse au problème de droit posé dans l’arrêt Fraisse, l’Assemblée

plénière de la Cour de cassation a d’abord commencé par préc iser que « le


droit de Mlle X… à être inscrite sur les listes électorales pour les élections

… n’entre pas dans le champ d’application du droit communautaire ».

On ne pourrait pas dire mieux ! En effet, par principe, les questions relatives

à l’organisation des élections relèvent exclusivement de la souveraineté

nationale. Par conséquent, aucune norme supranationale, communautaire

ou internationale, soit elle ne devrait supplanter sur les normes internes en

la matière (voir le droit constitutionnel français ici) ; du moins celles de

valeur constitutionnelle.

Poursuivant son raisonnement, la haute juridiction française de l’ordre

judiciaire rappela dans l’arrêt Fraisse que l’article 188 de la loi organique

en cause avait une valeur constitutionnelle.

Pas du tout étonnant non plus puisque cette loi reprend les termes du

paragraphe 2.2.1 des orientations prévues au sein de l’accord de Nouméa

qui, selon l’article 77 de la Constitution, a-t-elle aussi une valeur

constitutionnelle. Il en résulte donc que les lois organiques ou la loi

organique au sens large ont en principe une valeur constitutionnelle.

En effet, la loi organique tire sa valeur de l’article 46 de la Constitution qui

fait d’elle une norme complémentaire à celle-ci. En ce sens qu’elle vient la

compléter en précisant les modalités d’organisation et de fonctionnement

de pouvoirs publics par la norme suprême. En réalité, la loi organique joue

un rôle de complémentarité avec la Constitution. Là où cette dernière est

laconique et floue, la loi organique est prolixe et claire.


Ainsi, en rappelant que l’article 188 de la loi organique en cause avait valeur

constitutionnelle, la Cour de cassation dans l’arrêt Fraisse admet de facto

la supériorité de celle-ci sur les lois ordinaires, mais toutefois, celle -ci

demeure en dessous de la Constitution. En effet, dans le bloc de

constitutionnalité, aucune norme n’égale la Constitution.

Mais, c’est surtout la solution retenue par la haute juridiction relati vement

au problème de droit soulevé qui est encore plus intéressante. En effet,

les juges de la cassation ont estimé que « la suprématie conférée aux

engagements internationaux ne s’applique pas dans l’ordre interne aux

dispositions de nature constitutionnelle ».

Cette solution de la Cour de cassation dans l’arrêt Fraisse ne souffre point

de clarté. En fait, comme pour ne la isser aucune zone d’ombre quant à la

compréhension et à l’interprétation de sa décision, elle a pris le soin de

préciser que contrairement à ce que beaucoup pensaient ou de la pratique

qui avait cours dans beaucoup d’États, la primauté des normes

internationales ne concerne pas les lois de valeur constitutionnelle.

Ainsi, comme l’article 188 de la loi organique en cause a été reconnu comme

étant de valeur constitutionnelle par l’article 77 de la Constitution, le grief

fait par la requérante au jugement du p remier degré prétendant que cet

article serait contraire aux normes internationales précitées n’était donc pas

fondé. En conséquence, dans l’arrêt Fraisse, la Cour a rejeté le pourvoi.


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De la lecture de la solution dégagée par la cassation se dégagent deux

de constats de taille :

Premièrement, les lois organiques se situent à un niveau supérieur aux

normes internationales en droit interne français comme l’a réaffirmé un

récent arrêt du Conseil d’État (CE, Ass., 21 Avril 2021).

Secondement, la supériorité accordée aux normes inter nationales ou

communautaires en droit interne français ne vaut que pour les lois ordinaires

qui restent inférieures aux normes de valeur constitutionnelle.

Se trouvent donc, exclues du principe, la Constitution et les lois organiques

qui sont de par leur finalité et la spécificité de leur procédure d’adoption

élevées au rang de normes constitutionnelles. C’est pourquoi un contrôle

préalable de constitutionnalité est requis les concernant avant leur

promulgation contrairement aux lois ordinaires.

QUELLE EST LA PORTÉE DE L’ARRÊT FRAISSE DU


2 JUIN 2000 ?

Par cet arrêt Fraisse de l’Assemblée plénière, la Cour de cassation érige

une solution de principe : la supériorité des normes de valeur

constitutionnelle sur toutes les normes internationales ainsi que sur les

normes européennes y compris en droit interne français .


Cependant, il faut noter que ce n’est pas du tout nouveau. Nous l’avons déjà

dit, l’arrêt d’espèce est confirmatif de l’arrêt Sarran du Conseil d’État de

1998. Toutefois, il est révélateur de quelque chose qui ne demeure pas sans

importance, l’inflexibilité des deux hautes juridictions françaises des deux

ordres sur le fait que les normes de valeur constitutionnelle ont une valeur

supérieure aux normes internationales et européennes en droit interne

français.

Cette position est confirmée par de récents arrêts et semble être partie pour

perdurer (CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie

pharmaceutique, n°226514 et l’arrêt Arcelor du Conseil d’État du 8 février,

n°287110).

Ainsi, en estimant que l’article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 en

cause avait une valeur constitutionnelle, la Cour de cassation dans l’arrêt

Fraisse a tout simplement conclu que le pourvoi en question était sans

fondement d’où le rejet.

Chose encore surprenante, c’est qu’aucune spécificité n’a été accordée aux

normes européennes. En effet, nombre de commentate urs pensaient qu’au

regard du droit positif français en l’occurrence la Constitution, les normes

européennes devaient prévaloir sur celle -ci.

Même s’il convient de dire que le Règlement européen occupe une place

spéciale dans le débat compte tenu de son ef fet direct immédiat. On ne peut

tout de même dire qu’il ait une valeur supérieure aux normes de valeur

constitutionnelle.
Toutefois, concernant les Directives européennes, la décision du Conseil

Constitutionnel du 10 juin 2004 en renfort à la jurisprudence de la Cour de

cassation se référant aux dispositions de l’article 88-1 de la constitution qui

prévoit expressément que « [la] République participe à l’Union européenne

(…) » a aussi conclu que la Constitution a valeur de supériorité sur les

normes européennes.

Raison pour laquelle l’arrêt Arcelor du Conseil d’État (CE, Assemblée, 8

février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine, n°287110) est venu

corroborer la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2004 précitée.

La solution se comprend mieux quand on se rapporte à l’article 54 de la

Constitution. En effet, cet article conditionne la signature ou la ratification

d’un engagement contraire ou comportant une clause contraire à la

Constitution à la révision de cette dernière.

Somme toute, en l’état actuel de la jurisprudence française, il ne fait l’ombre

d’un doute que la Constitution ou les normes de valeur constitutionnelle ;

en l’occurrence les lois organiques priment sur les normes communautaires

ou internationales.

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