La Leptospirose

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LA LEPTOSPIROSE

ICTERO HEMORRAGIQUE
Dr F. SARIAK

I INTRODUCTION

Les leptospiroses sont des zoonoses transmises accidentellement à l’homme et de déclaration


obligatoire. Elles sont considérées comme maladies professionnelles indemnisables. Elles sont dues à
des bactéries du genre leptospira dont il existe plusieurs sérotypes. Ce sont des bactéries qui ont un
tropisme marqué pour le foie, le rein et les méninges. La source de contamination est le plus souvent le
contact indirect avec une eau contaminée par l’urine d’animaux infectés.
Elles sont caractérisées par un grand polymorphisme clinique (allant d’un syndrome pseudo-
grippal à une défaillance multiviscérale), la fréquence des formes frustes. Des formes graves voire
mortelles peuvent être observées quelque soit le sérotype.
La leptospirose ictero-hemorragique ou spirochétose ictéro-hemorragique est la plus
anciennement connue des leptospiroses et la plus fréquente. Elle est due au sérogroupe leptospira-
ictero-hemorragiae. Ce sérogroupe est responsable des cas de leptospiroses en Algérie où elles sont en
progression .

II AGENT PATHOGENE

Les leptospires sont des bactéries spiralées, hélicoïdales, mobiles. Le genre leptospira
comprend 2 espèces : biflexa et interrogans. L’espèce interrogans est pathogène. Il existe plus de 200
sérovars groupés en 23 sérogroupes. Le sérogroupe leptospira ictérohemorragiae est le plus
fréquemment rencontré.
La culture nécessite un milieu spécial au sérum de lapin. La croissance du germe est lente et
nécessite en moyenne 6 à 10 jours d’incubation à 30°C.
Les leptospires possèdent un antigène somatique lipopolysaccharidique commun aux différents
sérogroupes et un antigène de surface spécifique du sérotype.
Les effets pathogènes des leptospires varient chez l’animal comme chez l’homme, des formes
infra-cliniques aux cas mortels. Il n’y a pas de spécificité entre sérotypes et gravité, site géographique et
hôte.

III EPIDEMIOLOGIE

1- Le réservoir de germe est constitué essentiellement par des mammifères. Le réservoir le plus
important est représenté par les rongeurs (les rats en particulier) mais les animaux domestiques (chiens)
et d’élevage (porcins) peuvent être aussi des réservoirs de leptospires . L’animal en cause est le plus
souvent un porteur sain. Les animaux infectés excrètent de grandes quantités de leptospires dans les
urines pendant des semaines, des mois voire des années.

2- Les leptospires sont particulièrement résistants dans le milieux extérieur (eau, boue). Leur
survie est favorisée par la chaleur et un pH alcalin. L’épidémiologie de la leptospirose est étroitement
liée aux conditions hydrométriques. Elle se rencontre partout dans le monde et en particulier dans les
pays chauds et humides. En climat tempéré elle se voit surtout pendant la période estivo-automnale.

3- La transmission  se fait habituellement par voie indirecte, par l’intermédiaire des milieux
hydriques (marécage, boue, rizières, étangs, rivières) pollués par les animaux infestés. La transmission
directe par morsure ou griffure est rare.

4- La porte d’entrée est le plus souvent cutanée, les leptospires pénètrent la peau surtout si elle
est lésée ou amollie par une immersion, plus rarement les muqueuses (conjonctivale, buccale, nasale,
génitale).

5- Les conditions épidémiologiques expliquent que certaines professions exposent au risque de


la leptospirose icterohémorragique (agriculteurs, égoutiers, éboueurs, éleveurs et personnels des
abattoirs, travailleurs des rizières). C’est aussi une maladie des loisirs, elle se voit en particulier pendant

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la période estivo-automnale chez des sujets aux antécédents de baignade ou de pèche dans une eau
douce (rivière ou étang) polluée par des animaux infestés.
IV PHYSIOPATHOLOGIE

Après avoir franchit la barrière cutanéo-muqueuse les leptospires déterminent une


bactériémie avec dissémination à tous les organes, en particuliers les méninges. A ce stade, les
leptospires sont mis en évidence dans les hémocultures et dans le L.C.R. Au 7 eme jour, les germes se
fixent au niveau des viscères, surtout le foie et le rein. A partir du 12 eme jour les leptospires sont éliminés
dans les urines. Une rechute fébrile survient au 15eme jour probablement d’origine immunologique.

V CLINIQUE

Type de description :

Ictère infectieux à recrudescence fébrile. C’est classiquement la forme la plus typique mais
non pas la plus fréquente.

A Incubation :

Elle est silencieuse et dure de 6 à 14 jours

B Début :

Phase septicémique ou phase pré ictérique : dure 5 jours.

Elle débute brutalement et très rapidement se constitue un tableau septicémique marqué par :

1 Un syndrome infectieux sévère : frissons, ascension thermique à 39°- 40°, malaise général.

2 Un syndrome algique intense : céphalées, myalgies diffuses (prédominant aux mollets,


cuisses et lombes), rachialgies (surtout lombaires), arthralgies, irritation conjonctivale et
pharyngée.

3 Une oligurie

4 Une épistaxis inconstante

L’examen physique met en évidence :

1 Un patient adynamique, une hypotension artérielle, une tachycardie

2 Un syndrome méningé inconstant

3 Des signes cutanéo-muqueux pouvant se manifester par :


Une injection conjonctivale bilatérale, un herpès naso-labial, un rash scarlatiniforme
ou morbilliforme.

4 Une splénomégalie de type septicémique, une hépatomégalie inconstamment retrouvées.

A ce stade, le diagnostic peut être envisagé devant :

1 la notion épidémiologique : notion de profession exposée

2 les manifestations cliniques : syndrome infectieux d’apparition brutale, intensité du


syndrome algique en particulier les myalgies,injection conjonctivale, la présence de signe
méningés

3 les examens complémentaires :

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 Signes biologiques de présomption :

- hyperleucocytose avec polynucleose neutrophile


- augmentation de l’urée sanguine, albuminurie, hématurie microscopique
- liquide céphalorachidien clair, avec une pleiocytose lymphocytaire, une proteïnorachie
modérée, une glycorachie normale.

 Diagnostic de certitude :

Mise en évidence des leptospires dans le sang (hémocultures) et dans le liquide


céphalorachidien.

C Phase d’état :

Phase ictérique.

1 L’ictère apparaît vers le 5eme-6eme jour et se constitue rapidement. Il est d’abord


conjonctival et atteint son maximum en 2 à 3 jours. Son intensité est variable, il est le plus
souvent de couleur rouge orangée (aspect de grenade mûre), en raison de la vasodilatation
cutanée.
Cet ictère s’accompagne d’urines foncées et de selles de coloration normale.
L’examen révèle un foie sensible et augmenté de volume. Le bilan hépatique montre souvent
une élévation de la bilirubine surtout conjuguée et un discret syndrome de cytolyse

2 Parallèlement à l’apparition de l’ictère:

 Le syndrome infectieux s’atténue

 Souvent le syndrome méningé s’accentue

 L’atteinte rénale est plus marquée : oligurie,hyperazotémie croissante

 Un syndrome hémorragique discret (gingivorragies, épistaxis) peut être observé

Le diagnostic à ce stade sera évoqué devant:

1 La notion épidémiologique

2 L’association caractéristique des 5 syndromes :


Infectieux, hépatique, rénal, méningé et hémorragique.

Aucune confirmation ne peut être apportée à ce stade car c’est une phase biologiquement
muette. Cette phase dure habituellement 5 jours.

D Evolution

L’évolution se fait en trois phases

1 Phase de défervescence thermique :

Elle s’observe à partir du 10 eme jour et dure 5 jours. La température se normalise, l’ictère et les
signes méningés régressent. Les anomalies du LCR sont transitoires, l’atteinte méningée nécessite une
surveillance clinique et biologique. L’urée sanguine reste élevée. Le malade est fatigué et amaigri.

2 Phase de recrudescence thermique ou rechute fébrile:

Elle survient le 15eme jour. La température s’élève à 39°C pendant 2 à 3 jours avec parfois
majoration des signes rénaux mais sans récidive de l’ictère.

3
3 Phase de défervescence thermique :

Elle apparaît vers le 20eme jour, elle est associée à une crise polyurique qui annonce la guérison.
La convalescence est longue marquée par une asthénie durable. Le malade guérit sans séquelles.

VI FORMES CLINIQUES

A Forme grave :

Ictère grave spirochétosique :


Il est rare et se voit surtout chez les sujets débilités ou éthyliques. L’ictère est précoce. Le
syndrome rénal est intense. Des troubles de la consciences et un syndrome hémorragique peuvent être
observés. L’évolution se fait vers la mort.

B Forme atténuée :

Ictère catarrhal ou infectieux bénin :


Il simule le tableau d’une hépatite virale. L’évolution est favorable.

C Formes anictèriques :

Elles sont fréquentes et de diagnostic difficile. On distingue :

1 Forme méningée pure : tableau d’une méningite lymphocytaire aigue bénigne avec rechute
fébrile.

2 Forme rénale fébrile : néphrite azotémique et albuminurique

3 Forme fébrile pure : pseudo grippale.

4 Formes inapparentes : de diagnostic sérologique.

D Formes compliquées :

Elles sont rares. Elles sont l’apanage des formes graves, des formes traitées
tardivement. Certaines d’entre elles peuvent compromettre le pronostic vital.

1 Complications rénales : insuffisance rénale

2 Complications hémorragiques :

 Mineures : épistaxis, gingivorragies, purpura.


 Viscérales : hémoptysie, hématémèse.

3 Complications neurologiques : encéphalite

4 Complications cardio-vasculaires : myocardite

5 Complications oculaires : uvéite antérieure ou postérieure, névrite optique.

VII DIAGNOSTIC

A Diagnostic positif

1 Anamnèse: notion de risque d’exposition professionnelle ou de loisir

2 Clinique: association des 5 syndromes: infectieux, rénal, hépatique, méningé, hémorragique.

4
3 signes d’orientation biologique :

 Hémogramme: hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile, thrombopénie.

 Bilan rénal : élévation de l’urée sanguine et surtout de la créatininémie, protéinurie,


hématurie.

 Ponction lombaire : L.C.R clair à prédominance lymphocytaire, proteinorachie


modérée, glycorachie normale.

4 Diagnostic de certitude

 Isolement du germe :
- Dans le sang (hémocultures) et le L.C.R les 5 premiers jours de la maladie

- Dans les urines à partir du 12eme jour. Elle n’est pas de pratique courante.

 La sérologie :

Les anticorps apparaissent vers le 10eme - 12eme jour. Leur taux augmente
progressivement jusqu’au 50eme jour puis diminue lentement. La technique de référence est
l’agglutination microscopique : sero – diagnostic de MARTIN et PETIT. Elle permet de
déterminer le sérotype. Le seuil de positivité est de 1/100.

B Diagnostic différentiel

Le grand polymorphisme clinique de la leptospirose rend souvent le diagnostic difficile. On


discutera :

1 A la phase de début : les pyrexies aiguës, les septicémies, un syndrome pseudo-


grippal.

2 A la phase d’état : les ictères infectieux (une hépatite, un accès pernicieux palustre,
une fièvre bilieuse hemoglobinurique, une fièvre jaune).

3 les formes anictèriques

VIII TRAITEMENT

A Traitement curatif

Le traitement curatif repose sur :

1 L’antibiothérapie qui doit être débutée précocement avant le 5 eme jour pour prévenir
les atteintes viscérales.

L’antibiotique de choix est la pénicilline G à la posologie de 5 à 10 millions


d’unités/24h en 4 perfusions pendant 10 à 15 jours. On peut faire appel également à une
aminopénicilline 500mg toutes les 6 heures en perfusions. En cas d’allergie aux bêtalactamines
on utilisera des cyclines (doxycycline, minocycline).

2 Le traitement symptomatique: réequilibration hydro-electrolytique, transfusion,


épuration extra-rénale, tonicardiaques …

A Traitement préventif

1 C’est une maladie à déclaration obligatoire.

2 Le malade doit être isolé.

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3 Pour les sujets exerçant une profession à risque, des mesures générales de
prévention s’imposent :
 Port de gants, lunettes, bottes
 Dératisation
 La vaccination peut constituer un moyen de prévention efficace et permanent en
milieu professionnel exposé. Mais la réalisation du vaccin est onéreuse et nécessite la
connaissance des sérotypes dominants qui sont susceptibles d’être différents d’une région à
l’autre, dans une même région, d’un groupe de sujet à l’autre.

IX CONCLUSION

Le polymorphisme extrême de la maladie rend difficile le diagnostic, il faut l’évoquer


systématiquement devant un risque d’exposition professionnelle ou de loisir en raison de sa
gravité. Sa prévention repose essentiellement sur des mesures d’hygiène.

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