Maître Spirituel Encore Peut Connu
Maître Spirituel Encore Peut Connu
Maître Spirituel Encore Peut Connu
UN M A Î T R E SP IR ITU EL E N C O R E
T R O P PEU C O N N U
faut de peu que Libermann ne nous soit aussi présenté comme la syn
thèse de toutes les spiritualités. Ainsi nous parle-t-on d’ « une âme
salésienne dans une structure sanjuaniste » (t. I, p. 56). Mais comment
pouvoir être un grand bérullien dans une structure sanjuaniste, j ’avoue
ne pas le saisir. — Ayant évoqué des résonances salésienne et féne-
lonienne, et même un peu sanjuaniste, l’auteur écrit : « h a spiritualité
libermanienne est au confluent de ces trois fleuves et la synthèse de
ces trois doctrines » (t. I, p. 486). — Plus loin encore : « Le P. hiber-
mann est une physionomie qui est la synthèse de la douceur de Jean
et de la fougue de Paul, du radicalisme de Jean de la Croix et de la
sérénité de François de Sales » (t. I, p. 561). Que le P. Libermann
s’inspire de la douceur de Jean et du zèle de Paul, oui, bien sûr, mais
il fut plus missiologue (au sens élevé du mot, voir t. II, troisième
section, pp. 235-344) que missionnaire effectif, n’ayant jamais été lui-
même en pays de mission. Quant à l’antithèse radicalisme de Jean de
la Croix et sérénité de François de Sales, est-elle si fondée? Jean de
la Croix fut toujours la sérénité même, jusqu’au fond du cachot de
Tolède comme au cours de son atroce dernière maladie, et François
de Sales, si on l’entend bien, est-il moins radical que Jean de la Croix?
Je ne le crois pas.
Libermann, lit-on encore, « est l’homme de la sagesse surnaturelle
qui agit par les motions du Saint-Esprit et l’homme de la prudence
naturelle dont le devoir est de coopérer à cette action de la grâce.
L ’union de cet art et de cette science confère à sa conception de
l ’action un équilibre qu’on chercherait en vain ailleurs avec la même
pureté, la même intensité et la même continuité » (t. II, p. 356). Tout
de même? E t saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de
Jésus (voir l’éloge des Jésuites par Libermann, t. II, p. 30g)? E t sainte
Thérèse d’Avila, réformatrice du Carmel? On trouverait bien d’autres
exemples d’une même authenticité dans un équilibre transcendant.
« Les intuitions de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus sur l’ascétisme
de petitesse, du P. Chevrier sur la pauvreté identificatrice et prophé
tique et du P. de Foucauld sur la vie d’effacement sont, dans l ’esprit
et la lettre authentiquement libermanniennes » (t. I, p. 444). Nous
préférerions dire authentiquement évangéliques, tout comme d’ailleurs
les intuitions correspondantes du P. Libermann, bien entendu. C’est
par le sommet que les diverses spiritualités catholiques se rejoignent.
Pour autant qu’elles sont évangéliques, elles se ressemblent toutes, mais
elles le sont chacune à leur manière, et c’est ainsi qu’elles diffèrent,
d’où leur authentique analogie propre, aussi loin de l ’univocité que
d’une ressemblance purement métaphorique. Je dirais volontiers que
le P. Libermann est tout évangélique, aussi simplement évangélique
qu’on peut l’être ; je n’en conclurais pas que Thérèse de l’Enfant-Jésus,
le P. Chevrier, le P. de Foucauld sont authentiquement libermanniens.
Ce n’est rien enlever d’évangélique ni à ceux-ci ni au P. Libermann.
Chacun garde et sa grandeur et son originalité.
Après avoir rapproché la spiritualité libermannienne « et de la dis
crétion bénédictine, synthèse si parfaite des qualités les plus solides
U N M A ÎTR E SP IR IT U E L EN C O R E TRO P P E U C O N N U 219
« ... Je désire que vou s sa ch iez que m on coeur est à vou s, que m on coeur
e st a u x A fricain s, to u t a u x A frica in s, to u t a u x hom m es noirs d o n t les âm es
so n t bonnes e t le s coeurs sensibles. Je les aim e to u s ten d re m e n t... » (p. 235).
F r . P h il ip p e de la T r in it é , O.C.D.
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