Le - TADJOURI Ahmed

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 101

REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE

MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA


RECHERCHE SCIENTIFIQUE
UNIVERSITE HADJ LAKHDAR DE BATNA

Faculté des Lettres et des Langues


Département de Français
Ecole doctorale de Français
Antenne de Batna
Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme de Magistère
Option : Sciences des Textes Littéraires
Titre

Espace et Intreculturalité dans


Les Nuits de Strasbourg d'Assia DJEBAR
Sous la direction du : présenté et soutenu par
Pr. KHADRAOUI Said Mr. TADJOURI Ahmed
Membres du jury:
Président : Pr. DAKHIA Abdel Waheb
Rapporteur : Pr. KHADRAOUI Said
Examinateur : Dr. RAISSI Rachid

Année universitaire: 2008/2009

1
Remerciement:

Je tiens à remercier mon directeur de thèse Mr. Saïd

KHADRAOUI pour ses conseils et ses encouragements.

Je tiens à remercier aussi tous mes enseignants surtout de l’école

doctorale.

Merci à tous ceux qui m’ont aidé à la réalisation de ce travail…

2
Dédicace :

Je dédie ce mémoire à toutes les personnes qui me sont

très chères:

D'abord, à ceux qui m'ont appris à savoir vivre :

Ma MERE, qui a fait de moi un homme sur qui elle peut

compter.

MON PERE, qui m'a appris la patience, la persévérance

et la responsabilité.

Puis à celle qui fait mon bonheur d'être ce que je suis

aujourd'hui:

"A mon amour retrouvé HANAA".

A ma tendre CHAMA, et ma très chère ZAHIRA.

A toutes les personnes qui aiment Ahmed

………..

3
Introduction

4
Aujourd’hui, L’interculturel est un sujet qui circulent partout. Ce sujet nous a
légué un ensemble des idées dont les relations qui gèrent les sociétés indiquent la
nécessité que les cultures doivent être partagées. Ces cultures renvoient à une forme
primordiale de la connaissance ; par leur biais. Ce partage nous situe dans un ensemble
de situations qui nous renferme et qui peuvent être aussi des situations problèmes. En
raison des ensembles de situations et les allusions que l’interculturel alimente, sa
connaissance se révèle indispensable à la compréhension de l’œuvre d’Assia DJEBAR ?
parce que ce dernier constitue une réalité complexe et mouvante.

La condition moderne vit le mal de vivre , l’homme contemporain se voit privé de


tout lieu vivifiant avec le monde sensible , aussi certain Assia DJEBAR cherche t elle à
renouer , par cet espace. Cependant , cette relation entre espace/interculturel , Assia
DJEBAR diffère par la nature de leur saisie : dans l’éveil et l’exaltation des désirs
exacerbé chez les personnages dans Les nuits de Strasbourg ; dans l’accord, épousant le
rythme de Strasbourg chez Thelja ; sans le surgissement d’une contradiction ( le
deuxième couple ). Cette confrontation permettra de mieux saisir la qualité propre de
chacune de ces arts poétiques.

Le choix d'Assia DJEBAR n'est pas hasardeux, prenant en considération sa vie, son
parcours en tant qu'écrivaine, sa maitrise de la langue française, les prix littéraires
qu'elle a obtenu… l'écrivaine a su s'adapter dans la société européenne et a pu
apprivoiser sa langue dés son enfance, cette langue qu'elle l'a permis de présenter sa
culture, d'exprimer ses pensées, son appartenance et transmettre sa culture à l'autre
d'une grande originalité.

Assia DJEBAR compare ses romans à des constructions architecturales énonçant par
cela son besoin de lieux expressifs qu'elle les exploite pour bâtir et construire ses textes.
Strasbourg est pour Assia DJEBAR un de ses lieux; dans cette œuvre Strasbourg n'est
plus qu'un simple lieu, elle est aussi une construction signifiante, un révélateur d'un
signifié social, historique et culturel.

5
L'importance accordée à ce lieu comme espace géographique dans lequel se déroulent
les événements du roman nous amène à nous interroger sur la relation entre le choix de
ce lieu et sa spécificité culturelle et interculturelle.

Comment se définit l’interculturel à travers l’étude de l’espace dans ce roman ?

Les hypothèses que nous émettrons à ce sujet sont :

1- L’interculturel se définirait à travers l’étude de la situation géographique de


Strasbourg.
2- L’interculturel se définirait à travers l’étude de l’histoire de cette ville.

3- L’interculturel se définirait à travers l’étude de la situation linguistique.

Nous devons signaler que notre recherche se situe tout d’abord sur la présentation
de l’auteur et la présentation du corpus sur lequel nous avons travaillé, ce qui nous
intéresse en particulier est l’entrée d’Assia DJEBAR à l’académie Française et son les
prix qu’elle a obtenu tout au long de son parcours artistique (Chapitre I).

En deuxième lieu, situe notre travail par rapport aux concepts-clés qui établit la
problématique de l’interculturel. La thématique interculturelle nous oblige à faire
recours à des notions et des concepts qui nous sembles susceptibles de structurer et
d’orienter notre problématique de l’espace et de son rapport avec l’interculturel et de
démontrer si Certains espace sont les lieu favorable de la pratique de l’interculturel ;
une définition de la culture sous différentes aspects, de l’espace romanesque, ses divers
types, ses fonctions et les techniques littéraires de sa représentation nous paraient
indispensables (Chapitre II).

6
Comme champs de pratique de l’interculturel, l’espace est un creuset dans lequel se
mélangent différents activités sociaux, c’est un point de rencontre entre le passé et le
présent et un pont sur lequel passent des peuples et des nations portant avec eux leurs
cultures, traditions et civilisations et aussi différentes langues, ces langues qui sont les
meilleurs transporteurs des faits culturels. (Chapitre III).

Concernant la méthode que nous préconisons dans notre travail ; c’est la


méthode descriptive et analytique, du fait que les relations entres les différentes cultures
et leurs relations avec l’espace géographique dans lequel elles circulent se présentent
comme un phénomène complexe et varié.
On veut ressentir les pages qui ne parlent pas, c'est un roman fort efficace, écrit
pour être lu, dont l'objet est de communiquer des convictions, de défendre de justes
causes, de faire penser, faire croire et faire agir .

7
Premier chapitre
Assia DJEBAR : vie et œuvres

8
1-Un parcours artistique exemplaire :

Ecrivain d'expression française, Assia DJEBAR est reconnue par les plus grandes
universités et institutions culturelles du monde pour son grand talent, sa maitrise de la
langue française et de l'écriture romanesque. Elle parle presque dans la majorité de ses
ouvrages de l'Algérie.

"J'ai passé presque la moitié de ma vie à vivre entre Alger et Paris, entre la
France et l'Algérie…mais j'ai tout ce temps, le plus souvent, écrit "sur" l'Algérie:
de prés ou de loin ; celle d'aujourd'hui ou celle de mon enfance, ou celle de mes
ancêtres" 1

L'Algérie est au cœur de ses œuvres à travers lesquelles elle exprime son identité,
ses racines, son attachement aux traditions de ses ancêtres, par une écriture très riches
d'évocations historiques, d'expressions psychologiques et de références sociales.

1-1 Biographie d’Assia DJEBAR :


De son vrai nom, Fatima Zohra IMALAYENE, née l’été de 1936 à Cherchell,
petite ville au nord-ouest d’Algérie et un lieu très important de rencontres et d’échanges
du monde antique.

"Assia DJEBAR appartient à une famille de petite bourgeoisie traditionnelle


Algérienne. Son père, Tahar IMALAYENE, est un instituteur (issu de l’école normale
musulmane d’instituteur de Bouzareah) - a fait ses études au cotés de Mouloud
FERAOUN- originaire de Gouraya. Sa mère Bahia SAHRAOUI, appartient à une
famille berbère des Berkani (issu de la tribu des ait Menasser du Dahra)"2.

C’est son père qui a conçu sa passion et son entichement envers les études. Grâce à
lui, elle a fait ses études dans une école coranique privée puis à l’école française
primaire de Mouzaya dans l’école où son père est instituteur et où elle sera la seule fille
arabe : « fillette arabe allant pour la première fois à l‟école, un matin d‟automne, main
dans la main du père » 3. Après les études secondaires à Blida en section classique (grec,
latin, anglais) elle obtint son baccalauréat en 1953 et fut parmi les premières
Algériennes à entrer à l’université d’Alger.
1
Assia, Djebar. (1999). Ces voix qui m'assiègent…en marge de ma francophonie. Paris, Albin Michel, 233
2
fr.wikipedia.org/wiki/Assia_Djebar
3
Assia, Djebar. (1995). L'amour, la fantasia. Paris : Albin Michel (1er éd. 1985 chez J.C.Lattes), 11

9
Elle a été le chef de liste des premières Algérienne à être admise à l’ENS de
Sèvres, à Paris en 1955, où elle choisit l’étude de l’histoire. En 1957, et en raison de la
guerre d’Algérie, Assia DJEBAR n’a pas passé ses examens et a participé au grèves des
étudiants Algériens à Paris, elle se rend avec son mari à Tunis en 1958 où elle a occupé
le poste d’une journaliste pour le journal EL MOUDJAHID. Elle écrit avec Frantz
FANON pour le même journal, ils ont fait aussi des enquêtes auprès des réfugies
Algériens à la frontière Algero-Tunisienne.

"A partir de 1959, elle étudie et enseigne l’histoire moderne et contemporaine à


l’université de Rabat au Maroc, là où elle s’occupe de beaucoup d’activités culturelles
pour les organisations et les associations Algériennes. En 1962, elle retourne en Algérie,
elle est professeur de l’histoire à l’université d’Alger, et un peu plus tard, professeur de
la sémiologie du cinéma.

De 1966 à 1975, elle réside le plus souvent en France, elle travaille au centre
culturel Algérien à Paris, docteur ès lettres de l’université de Montepilier. Elle épouse
l’écrivain Algérien Walid CARN avec lequel elle a écrit la pièce « rouge l’aube », puis
elle se remarie avec Malek ALLOULA" 1.
Elle enseigne la littérature comparée en Louisiane et ensuite à l’université de NEW
YORK, COLUMBIA. Aujourd’hui elle vit à Paris, Alger et les Etats-Unis.

1-2 Bibliographie :

Ecrivain de grand talent et cinéaste, auteur prolifique de romans, d’essais, de


poésie, de nouvelles et des pièces de théâtre…, Assia DJEBAR s’inscrit dans la durée et
se qualifiant de « femme écrivain »2 par ses œuvres littéraires très impressionnantes,
son début dans le domaine de la création littéraire est avec un roman court intitulé La
soif ( Julliard,1957 ) dans ce roman Assia DJEBAR évoque les pensées intimes d’une
jeunes fille bourgeoise; ce qu’était peu attentive aux grands mutations et changements

1
fr.wikipedia.org/wiki/Assia_Djebar.
2
www.tizi-medjbar.info/articles.php?lng=fr&pg=519.

10
Politiques et sociales de l’époque. Mais l’auteur l’a quelque peu désavoué, affirmant
qu’il s’agissait que d’un « exercice de style », dissimilant la grande tendresse qu’elle
avait pour ce roman « la soif » dans lequel elle essaye de faire comprendre aux
nouvelles générations que « pour le personnage de la soif, le découverte du corps est
aussi une révolution importante » 1
Aujourd’hui, le premier roman d’Assia DJEBAR est lu et apprécié par des
centaines de lecteurs pour sa forme que pour son contenu, ce qui satisfait la
romancière ; la soif « c‟était un air de flûte qui continue à être entendu, et qui continue
à être juste » 2.
Le premier roman est suivi des Impatients (Julliard, 1958) elle parle dans ce
roman de la composante sociale des personnages, une tentative de création de soi, de
l’intime, du couples….qui s’exprime par des images originales du jeu de la vie qu’Assia
DJEBAR prend plaisir à faire et à défaire.
En revanche, dans Les enfants du nouveau monde ( Julliard, 1962) elle essaye de
faire passer un message que les femmes et les hommes soient égaux, c’est une tentative
de reconstruction massive qui donnerait l’illusion de tout dire sur une tranche de vie, les
groupes sociaux ou les groupes historiques.
Il faut attendre 1967 pour lire Les alouettes naïves, en partie sur le maquis,
brossant une fresque des femmes dans la guerre, mais c’est la découverte du corps et du
couple qu’est à cette époque l’apport principal de l’auteur.
Ensuite, il y’a eu L‟amour, la fantasia (J-C. Lattes, 1985) dans lequel l’histoire
collective et l’histoire individuelle de l’héroïne s’entrelacent par le croisement du « je »
et du « nous », ce roman lui vaut le prix de l’amitié Franco-arabe.

Intéressé aux possibilités que lui offrent l’histoire, la psychanalyse, la linguistique,


la sémiologie, la peinture, la musique…..d’informer ses fictions et d’enrichir les
structures de représentation aussi de développer un discours littéraire contemporain qui
enrichisse le maximum de savoir dans une écriture fort bien maîtrisé.

1
CF.A. KHATIBI. Le roman maghrébin, Maspero, 1968. P62
2
"naissance d'un air de flute" In Arabies n=°2 de Février 1987

11
Dans Ombre sultane (J-C. Lattes, 1985), le couple, l’histoire, l’amour et la révolte
féminine s’entremêlent contre l’oppression…ils s’unissent dans une fiction où l’histoire
et la psychologie sont des forces révoltées. Elle prend les travaux de Delacroix et de
Picasso comme des sources d’inspiration.
Après, il y’a eu Femmes d‟Alger dans leur appartements (éd.des femmes, 1980),
dans ce roman Assia DJEBAR donne vie aux femmes peintes par Delacroix en 1934.
Ces femmes séquestrées dans les tableaux prennent forme et parole. Il s’agit d’un
dialogue entre l’image et le texte.
Loin de Médine ( Albin Michel, 1991 ) c’est la prise en charge du texte sacré, la
culture Arabo-musulmane et surtout les sources de cette religion ( l’Islam) qui
produisent un fresque sur le prophète et les femmes qui faisaient partie de sa vie pour
répondre à une situation historique de la vie Algérienne.
Après, il y’a eu Vaste est la prison (Albin Michel, 1995), elle publie Le blanc de
l‟Algérie (Albin Michel, 1996), c’est une réaction face à la perte violente et choquante
De ses confrères, de ses amis artistes et de beaucoup de ses connaissances qui sont
massacrées en Algérie pendant la décennie noire. A cette époque, la terreur s’exacerbe
En Algérie et DJEBAR arrête finalement de rêver d’un « Islam ouvert et égalitaire »,
après que l’écriture et impuissante et « le sang ne sèche pas dans la langue » 1. Dans ce
roman considéré par quelques critiques comme roman-témoignage DJEBAR lance un
long cri de douleur et de désespoir, elle a écrit ce roman seulement pour manifester sa
peine et sa souffrance pour une Algérie qu’a enterré ses morts pendant un longtemps.
Cette tragédie qui a fait DJEBAR qui cherche une Algérie ouverte, avenante et
hospitalière.
En effet, DJEBAR accuse les crimes commis au nom d’un dogmatisme Assassin.
Elle dénonce aussi le massacre d’intellectuels Algériens, de poètes, journalistes,
dramaturges, sociologues….tel que Abdelkader ALLOULA, Tahar DJAOUT, Youssef
SEBTI, Mahfoud BOUCEBCI, M’haned BOUKHOBZA…..

1
Assia. Djebar, « Idiome de l'exil et langue de l'irréductibilité », discours prononcé à Francfort pour la
remise des prix de la paix, 2000.

12
Elle a lancé le cri de tout un peuple qui ne veut que vivre dans la compréhension et
adhère dans un monde moderne que DJEBAR défend de toutes ses forces.
Elle manifeste son refus de la violence presque dans chaque page du roman, son
refus s’exprime dés le titre à travers l’emploi du « blanc » comme étant la couleur du
deuil. Un travail sur la mémoire collective, mais il ne l’est pas. L’importance de cet
ouvrage se situe dans le fait qu'elle entreprend l’idée que la culture de l’oubli mène au
désespoir, à l’ignorance de soi et des autres.
Ensuite il y’a eu Les nuits de Strasbourg (Actes sud, 1997), puis Oran langue
morte (Actes sud, 1997), dans une suite de nouvelles et de récits, il s’agit d’une
ouverture vers le cimetière. Des vivants et des morts avec une rare maîtrise de la langue
Française et de l’arabe, Assia DJEBAR grave ses douleurs et son abattement dans un
état de méconnaissance, d’ignorance et de deuil infini. C’est avec une tempête froide né
d’un amour déçu que DJEBAR s’entreprend aux années noires de l’Algérie.
Ces nouvelles sont inspirés par le tragique d’un quotidien se situant sur une frontière
impossible à tracer entre vie et trépas, exil et retour, colère et tendresse, comme entre la
France et l’Algérie, ces deux pays aux destins liés.
Dans Ces voix qui m‟assiègent (Albin Michel, 1999), Assia DJEBAR explore dans
cet ouvrage ce qui a nourri son œuvre et la nourrit toujours à travers toutes les voix des
femmes qu’elle ramène à la vie dans son français à elle, tissé de toutes ces langues, le
Français, l’arabe dialectal et le berbère. C’est une question extrêmement complexe
puisque le français est pour elle une langue non choisie et qu’elle perçoit les voix de ses
personnages dans d’autres langues :

« la multiple voix qui m‟assiègent- celles de mes personnages dans mes textes de
fiction, je les entend, pour la plupart en arabe, un arabe dialectal, ou même un arabe
que je comprend mal, mais dont la respiration manque et le souffle m‟habite d‟une
1
façon immémoriale" .

1
Assia. Djebar, « Ces voix qui m'assiègent ». Paris, Albin Michel, 1999. P 29

13
Cette œuvre témoigne du parcours d’une femme en écriture , dans laquelle elle
évoque, sa jeunesse et ses quatre premiers romans, c’est une mosaïque de polyphonie,
un devoir de transmission dans une écriture mélange de léger, de sensuel et de tragique,
d’histoire et d’Histoire.
La femme sans sépulture (Albin Michel, 2002) ce court récit se veut la biographie
d’une femme engagée pour l’indépendance Algérienne. Mais l’originalité de ce roman
tient surtout à sa construction polyphonique, à son style d’écriture très perfectionné et
enfin à son porté symbolique. Ce roman s’inscrit dans le combat d’Assia DJEBAR
« contre la répression et la misogynie » au Maghreb. Mais surtout la composition et
l’écriture rendent cette ouvrage une magistrale célébration d’harmonie cosmique et
culturelle. La femme sans sépulture, remonte à la surface de l’oubli de resplendissants
portraits de femmes.
Dans, La disparition de la langue française (Albin Michel, 2003), Assia DJEBAR
raconte une histoire dans l’Histoire personnelle, elle aborde des thèmes essentiels
comme l’amour, l’esprit de révolte, l’histoire d’un pays indépendant, la sensualité, la
diversité des langues, les traditions et l’apprentissage. Elle étudie des personnages, fait
connaître leurs psychologies, leurs évolutions, leurs aventures et leurs Divers
facettes….mais elle n’a pas oublié d’ancrer son roman dans l’Histoire, celle de son pays
et de la France aussi. La mémoire individuelle et collective est le thème principal dans
ce roman dans lequel Assia DJEBAR cherche parfois à amuser le lecteur en utilisant le
registre comique, d’autres fois à susciter sa curiosité, sa pitié, son admiration, sa crainte
face à la fatalité (le tragique), et encore à exciter sa réaction, sa reflation et prise de
position…
Enfin, dans Nulle part dans la maison de mon père (Sedia, 2007), c’est une œuvre
qui se distingue des autres ouvrages par l’intimité de son écriture. Dans ce roman Assia
DJEBAR laisse libre la parole à sa propre mémoire, un mémoire ressuscité avec

14
Émotion sur le fond de l’histoire de son peuple mais l’auteur refuse de qualifier son
œuvre d’autobiographique.
L’histoire, la fiction, la force de l’imaginaire et l’amour du français - langue
appropriée- sont les problématiques majeures dans ces romans.
En ce qui concerne son amour du français Assia DJEBAR affirme :

« Cette langue est devenu la mienne, tout au moins en écriture, le français est donc
le lien de creusement de mon travail, espace de ma méditation, ou de ma rêverie, cible
de mon utopie peut-être, je dirais même : tempo de ma respiration, au jour le jour »

« La langue française pour moi est devenu une langue également de mémoire, une
langue qui finalement, était le tombeau des martyrs" 1.

A part la création et la production littéraire, Assia DJEBAR est reconnu aussi dans
le domaine cinématographique dans la mesure où elle a réalisé en 1977 un long
métrage, La nouba des femmes du mont Chenoua qui a eu le prix de la critique à la
Biennale de Venise. Elle a réalisé aussi un autre film en1982, La Zerda ou les chants de
l‟oubli.
Auparavant, elle met en scène un drame musical en cinq actes : Fille d‟Ismail dans
le vent et la tempête, à l’été 2009 à Rome, dans une production du teatro du Roma. Elle
a écrit aussi : Aicha et les femmes de Médine, drame musical en trois actes.
Ses œuvres littéraires sont traduits en vingt trois langues et plusieurs d’ouvrages
étudient ses œuvres en français, en anglais, en allemand et en Italien.

1-3 Les prix littéraires :

Assia DJEBAR a acquiert de nombreux honneurs et prix durant son itinéraire


littéraire et artistique dont le prix de la critique international à la Biennal Maeterlinck
(Bruxelles 1995), international literary neustadt prize( États-Unis 1996) , prix
Marguerite Yourcenar (Boston 1997), le prix international de Palmi ( Italie 1998),

1
http:// www.africultures.com

15
Prix de la revue d’études françaises (France 1999), elle est élu membre de l’académie
royale de langue et de littérature française de Belgique (1999), puis elle a obtenu le prix
de la paix des libraires et éditeurs allemands (Francfort 2000), ensuite elle a eu le
doctorat Honoris Causa des universités d’Osnabrück (Allemagne), de Vienne
(Autriche), de Concordia (Montréal 2005). Un colloque international lui a été consacré
en novembre 2003, à la maison des écrivains à Paris (actes publiés en 2005) avant
d’obtenir le prix International Grinzane Cavour pour la lecture (Turin, Italie 2006). Elle
est élue à l’académie française, le 16 juin 2005 au fauteuil de M.georges Vedel (5 eme
fauteuil)

1-4 L’accès à l’académie française :

À présent, Assia DJEBAR fait partie de l’académie française où elle a été élue le
16 juin 2005, elle est la première personnalité maghrébino-algérienne à se frayer une
place parmi « les immortels » dans l’institution prestigieuse française qui a été fondé en
1635 par Richelieu pendant que les tenants de la littérature en France refuse de lui
accorder sa place méritée comme écrivain de langue française.
Initialement, les fauteuils de l’académie sont réservés aux hommes, l’accès à
l’académie française n’a été permis aux femmes qu’en 1980 avec l’admission du Belge
Margueritte Yourcenar, elle compte maintenant quatre femmes parmi laquelle et la
dernière la romancière Algérienne Assia DJEBAR.
La nomination d’Assia DJEBAR à l’académie Française a été pour l’Algérie un
événement capital surtout sur les plans culturels, politique et civilisationel. A cet
événement majeur dans sa vie professionnelle, Assia DJEBAR s’est exprimé :

« Je suis très touchée qu‟à l‟académie, on ait accepté de voir qu‟il y „avait chez
moi un vrai entêtement d‟écrivain en faveur de la littérature, par mes racines de langue
arabe, de culture musulmane » 1.

1
"une Algérienne à l'académie française", le quotidien d'Oran, le 18 juin2005

16
2- « Les Nuits de Strasbourg »:
2-1 La publication :
« Les Nuits de Strasbourg » est le deuxième roman qu’Assia DJEBAR publie
aux éditions Actes sud, pour la collection « un endroit où aller », le roman est publié en
1997, et traduit en plusieurs langues dans le monde, paru après Oran, langue morte (
Actes sud, 1997).
En effet, Assia DJEBAR a débuté réellement le travail sur Les Nuits de
Strasbourg en 1993 pendant un séjour à Strasbourg, ce leu expressif que la romancière a
toujours besoin parce qu’elle compare souvent ses romans à des constructions
architecturales à partir desquels elle peut bâtir et construire ses textes. Pendant ce
séjour, elle fut membre du parlement international des écrivains lorsqu’un de ses
proches fut assassiné, face à ce décès cruel, elle a abandonné le manuscrit et donna trois
autres titres parmi lesquels « Le blanc de l‟Algérie » -qui été une rédaction très urgente-
où elle exprime son deuil et sa colère face à une Algérie déchirée, noyée dans le sang et
la peur.
Elle se remet à continuer la rédaction de son roman pendant un séjour aux Etats-
Unis et plus exactement à Louisianne et le publie en 1997.

17
2-2 Le Résumé de l’ouvrage:

Le roman commence par un préambule, prend pour intitulé, « la ville » rapporte


l’évacuation de la ville de Strasbourg en septembre 1939 par les troupes allemands qui
font fuir et exiler sa population. Puis on se trouve à cinquante ans après dans la même
ville, entre le 12 et le 21 mars 1989, il s’agit dans cette période d’explorer la vie de
l’héroïne Thelja et de plusieurs autres personnages aux multiples destins et aux avenirs
incertains. Thelja dont le nom en arabe signifie neige, fille d’un maquisard tué pendant
la guerre d’Algérie, laisse mari et enfant en Algérie et débarque à Paris pour rédiger un
mémoire d’histoire sur le chef-d’œuvre d’une Abbesse du Moyen-âge, Herrade de
Lands Berg, lorsqu’elle fait la connaissance d’un Strasbourgeois qui s’appelle François
de vingt ans son aîné dans un café situé face au jardin du Luxembourg à Strasbourg où
elle est allé le rejoindre, ils se livrent durant neufs nuits à leurs ébats, en affrontant les
interdits et accomplissant leurs désirs laissant aussi libre cours à leurs sexualité, cette
sexualité constitue l’acte qui permet à chacun de ce couple de découvrir ses peines et
ses douleurs.

Le deuxième couple est formé par Eve -l’amie d’enfance De Thelja- et Hans, Eve
est une juive d’origine sépharade, tombé amoureuse de Hans après la séparation avec
son mari et leurs enfants. Hans est un allemand, enseignant à l’université de Heidelberg.
Dans ce couple, les rapports ne sont pas toujours facile à gérer surtout en ce qui
concerne la langue de Hans « l’allemand » qu’Eve refuse carrément de parler ni de
l’entendre. La haine est installé au sein du couple suite à cette opposition et ce n »est
qu'après faire recours au « serment de Strasbourg » 1qu’Eve décide de pardonner à son
amant toutes les atrocités que son peuple a commises envers les siens.

1
Serments de Strasbourg: pacte conclu entre Louis le Germanique et Charles le Chauve contre leurs
frères Lothaire (842), par lequel les deux armées expriment non seulement leurs volontés de faire la paix
mais aussi leur acceptation pacifique de la langue et de la culture de l'autre. Ce document constitue le
premier texte connu écrit en langue Romaine et Allemande.

18
Le troisième couple est formés d’Irma, orthophoniste juive et Karl, alsacien fils de
pieds noirs 1, ils vivent et partagent ensemble des moments intimes mais le fait qu'Irma
n’a pas pu connaître ses parents complique la relation et malgré qu’elle a enfin retrouvé
sa mère, cette dernière refusa tout contact avec elle.

Il y’en a aussi Jacqueline et Ali, Jacqueline est une alsacienne de père Allemand,
vivait en France après 1945. Elle partage sa relation amoureuse avec Ali ; Algérien, fils
de Touma, la voisine d’Eve et la mère de Aicha, l’épouse d’une Alsacien. La relation de
ce couple se termine par la mort de Jacqueline assassiné par son amant Ali.

On trouve aussi un autre personnage féminine ; la maghrébine Djamila qui joue le


rôle d’Antigone dans la pièce Antigone de Sophocle dont Jacqueline est metteur en
scène, Djamila éprouve des sentiments très fort envers Jacqueline mais ne les faire
ouvertement qu’après sa mort.
Finalement, et après avoir passé neuf nuits avec François, Thelja disparaît
subitement pour réapparaître une nuit, six mois plus tard, à Strasbourg.

1
se dit des Français installés en Algérie avant l'indépendance de ce pays en 1962.

19
Deuxième chapitre
Entre la culture et l’espace : poétique de l’interculturel dans
le roman de la lecture

20
Nous nous efforcerons au cours du présent chapitre, par le parcours que nous
suivrons et les points que nous aborderons de faire le lien entre la notion de culture,
interculturel, multiculturalisme, dans leurs contexte occidental. Pour cela nous partirons
du concept de « culture » que nous essayerons de comprendre et de définir de la
manière qui, à notre sens, peut nous rapprocher des autres concepts qui sont, en plus de
celui de « interculturalité » thème central, de tout le chapitre, tout aussi important pour
l’objectif que nous nous sommes tracés.
Nous voulons par le présent chapitre, que notre lecteur arrive à suivre avec nous
les différents étapes qui vont nous rapprocher petit à petit vers ce que nous entendons
par l’expression « espace interculturel », et ceci, à notre sens-ne peut être bien fait- sans
que les éléments que nous posons comme clés dans le chapitre à savoir la culture,
l’interculturel, le multiculturalisme ne soient assemblés entre eux comme les pièces
d’un puzzle que l’on reconstruit dans la réalité à partir d’une image présente
virtuellement dans l’esprit.

1- La culture; c’est quoi ?

Il est difficile, de nos jours, de trouver un concept aussi difficile à cerner que celui
de « culture », globalement, on peut distinguer :
1/ "une acception élitiste du terme- mais qui en est l’usage courant-, où, « culture »
désigne l’ensemble des connaissances qui distinguent l’homme cultivé de l’être inculte,
à savoir un patrimoine philosophique, artistique et littéraire" 1.
2/ "une acception non-hiérarchique hérité de l’ethnologie où le terme de culture désigne
l’ensemble des systèmes symboliques transmissibles dans et par une collectivité quelle
qu’elle soit, les sociétés primitives y compris " 2.

1
AMOSSY (Ruth), "culture",dans ARON (Paul), SAINT JACQUES (Denis) et VIALA (Alain),dir, le
dictionnaire du littéraire, Paris, P,U,F.2002; P. 129.
2
AMOSSY (Ruth), "culture",dans ARON (Paul), SAINT JACQUES (Denis) et VIALA (Alain),dir, le
dictionnaire du littéraire, Paris, P,U,F.2002; P. 129.

21
1-1 Etymologie :

L’étymologie du mot culture, du mot latin « colère » (cultiver, honorer, habiter)


suggère que la culture se réfère à l’activité humaine. Selon ses utilisations le mot
« culture » prend des significations contradictoires et différentes.
"Le terme latin (cultura) suggère donc l’action de cultiver, en particulier dans le
domaine de l’agriculture. Le terme de culture est employé en éthologie ; Cicéron fut le
premier à appliquer le mot cultura à l’être humain" 1.

1-2 Pluralité de définition :

Différentes définitions du mot culture reflètent les différentes théories pour


comprendre ou évaluer l’activité humaine. En 1952, Clyde Kluckhohm et Alfred
Kroeber ont écrit plus de 200 différentes définitions du mot culture dans leur livre
Culture : A critical review of concepts and définitions.

Selon le dictionnaire encyclopédique illustré Hachette 2004, le concept « culture »


désigne :

 Travail de la terre visant à la rendre productive.


 Ensembles des connaissances acquises par un individu.
 Ensembles des activités soumises à des normes socialement et historiquement
différenciées, et des modèles de comportements transmissibles par
l’éducation, propre à un groupe social donné.
Le terme de « culture », d’abord appliqué au travail de la terre, voici ce que disent,
à ce propos J. Charpentreau et R.KÆS : « la culture, ce n‟était au départ que l‟image
d‟un paysan allant travailler sa pièce de terre cultivée alors que une autre est laissé en
friche, dans son état naturel et ce qu‟est cultivé, qui va subsister jusque dans le sens
figuré du mot culture » 2.

1
fr.wikipedia.org/wiki/Culture.
2
J. Charpentreau et R.KÆS, la culture populaire en France, coll. Vivre son temps, les Editions
Ouvrieres, Paris, 1962, p. 9.

22
Le mot « culture » désigne donc au départ, un objet du monde que l’homme a
élaborer et transformer de ses facultés par rapport à un autre objet du monde qui lui a
conservé son état originel, le mot culture acquiert un sens qui va vite l’opposer à un
autre mot : c’est celui de « nature » ; lorsque nous appliquons le concept de culture à
une œuvre d’art ou à un outil, à une pensée philosophique ou à un champs travaillé ,
cela sous-tend une présence d’homme, puisque c’est ce que l’homme va transformer de
l’état originel (naturel) qui devient « culturel ».

La culture est alors un fait de l’homme, elle est l’acte qu’il exerce sur ce qui existe
déjà dans la nature et dans ses nature, et c’est même l’une des caractéristiques que le
différencie des animaux qui eux, utilisent ce que leurs offrent la nature sans
transformation, pour ce point, un meilleur exemple s’impose ; c’est l’exemple de la
cuisine qui comme le dit W. Bouzar « est un moyen universel de transformation de la
nature en culture ». La cuisine est moyen qui rappelle à l’esprit d’autres faits culturels
universels et intemporels tel que le feu et la cuisson, qui reste pour W. Bouzar, « les
symboles fondamentaux par lesquels la culture se distingue de la nature ».

Voici La définition que donne l’UNESCO de la culture :

« La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l‟ensemble des
traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une
société ou un groupe social. Elle englobe autre les arts et les lettres, les modes de vie,
les droits fondamentaux de l‟être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les
croyances » 1.

CLANET Claude a essayé aussi de sa part de définir le concept de « culture »


comme : « un ensemble de systèmes de significations propres à un groupe ou à un sous-
groupe, ensembles de significations prépondérantes, qui apparaissent comme valeurs et

1
langues.superforum.fr

23
Donnent naissance à des règles et à des normes que le groupe conserve et s‟efforce de
transmettre, et par lesquelles il se particularise, se différencie des groupes voisins » 1.

"Au plan individuel, la culture est l’ensemble des connaissances acquises,


l’instruction, le savoir d’un être humain.
Au plan collectif, la culture représente également l'ensemble des structures
sociales, religieuses….et les comportements collectifs tels que les manifestations
artistiques, intellectuelles….qui caractérisent une société" 2.
"La culture se définit comme un ensemble de connaissances transmis par des
systèmes de croyance, par le raisonnement ou l’expérimentation, qui la développent au
sein du comportement humain en relation avec la nature et le monde environnant. Elle
comprend ainsi tout ce qui est considéré comme acquisition de l‟espèce,
indépendamment de son héritage instinctif, considéré comme naturel et inné. Ce mot
reçoit alors des définitions différentes selon le contexte auquel on se réfère" 3.
Dans, Primitive culture, ouvrage publié en 1871, Edward Tylor s’était fait la porte
parole des anthropologues de son temps, parlant d’un « tout complexe qui inclut la
connaissance, la croyance, l‟art, la morale, la loi, la coutume, et toutes les autres
aptitudes et habitudes acquises par l‟homme en tant que membre de la société » 4.

Les sociologues pour leurs part se sont consacrés, ainsi que l’observait déjà Guy
ROCHER dans le premier volume de son Introduction (rocher, 1970, p.111), à l’étude
de « manière de penser, de sentir et d’agir plus au moins formalisées qui, étant apprises
et partagées par une pluralité de personnes, servent, d’une façon à la fois objective et
symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte ».
Tout cela va faire remonter l’histoire de la culture à très loin, en effet, on ne peut
trouver une meilleure réponse à la question : « quand commence la culture ? »

1
Claude CLANET. L’interculturel : introduction aux approches interculturelles en éducation et en
sciences humaines, Toulouse, PUM, 1990.
2
www.affection.org › Forums › LA Culture
3
fr.wikipedia.org.
4
G.FERREOL et G.JUCQUOIS. Dictionnaire de l'altérité et des relations interculturelles, Armand
Colin, Paris, 2004. P. 81.

24
Que celle qu’a donnée W. Bouzar qui dit que c’est :

« ….à partir du moment où, dans la nuit du temps, l‟homme doit maîtriser
la nature y compris sa propre nature, où il doit forger son premier outil, où il
tente d‟exorciser son angoisse devant les inconnus et les mystères de cette même
nature et où il trace des signes sur les parois des grottes : (c‟est à partir de ce
moment là que) commence la nature… » 1.

W. Bouzar dans cette citation insiste une fois encore sur l’opposition culture /
nature, y inclut une dimension non moins importante qui est la dimension sociale. La
dimension Sociale de la culture intervient presque comme une dynamique qui permet le
développement du fait culturel. D’après ce que dit W. Bouzar nous comprenons que la
culture est produite de l’individu et pour l’individu, nous détectons aussi que la culture
va lui permettre d’établir des liens avec ses semblables d’alors ou ceux qui allaient lui
succéder ( tracer des signes sur les parois).

1-3 La définition communicationnelle de la culture :

«…toute culture est développé et partagée par une communauté humaine;


renvoie donc à un groupe social, ce qui situe le niveau d‟analyse entre les
particularités Individuelles et les caractéristiques universelles de l‟espèce
humaine. À l‟intérieur de cette délimitation, le champ est vaste et les découpages
pertinents restent à définir. En pratique, un individu appartient simultanément à
plusieurs groupes sociaux et participe de plusieurs cultures... » 2
Sylvie Chevrier

Etant donné les réserves que Kuper a exprimé quant à l’extension de la notion
anthropologique de la culture pour inclure les phénomènes de l’évolution culturelle
résultants des contacts et d’échanges entre les groupes, en raison de mettre le groupe

1
Wadi BOUZAR, « La culture en question », Paris, Ed. Silex et Alger, Ed. SNED, 198
2
Chevrier, 2003: 27

25
Social comme unité de base du fonctionnement de la culture, la définition présentée ici
est qualifiée de « communicationnelle » et non d’ « anthropologique ». Cette définition
partage la visée descriptive des anthropologues mais elle ne met pas bien l’action sur
l’unité culturelle du groupe, que sur les liens entre la communication et la culture. Le
qualificatif « communicationnel » identifie la communication comme le processus qui
permet de relier les trois aspects de la culture qui nous parait important de prendre en
considération dans une définition globale. Ces trois aspects sont : l’actualisation de la
culture au niveau des interactions au sein d’un groupe.
Le référant culturel implicite dans les actes de l’individu ; et la dimension
symbolique ou « éthique » de la culture liées à des tensions entre déférents groupes au
sein de la structure sociétale 1.
La définition minimale de la culture pourrait être ; « un ensemble cohérent de
savoirs socialement transmis et associés à un groupe social ». Cette définition reste
tributaire, bien évidemment d’explications supplémentaires en ce qui concerne le
fonctionnement du phénomène culturel. Le groupe social (et non pas la société elle-
même) est l’unité minimale de la culture. L’ensemble de savoir (être et faire) qui
constitue la culture est intériorisé par les membres du groupe sous la forme de traits
comportementaux et de traits cognitifs qui leurs permettent de comprendre
l’environnement social et d’interagir avec lui. Les savoirs sont liées à l’activité et aux
conditions matériels du groupe, à une vision de son passé et à leurs place dans la
société. Ils peuvent inclure aussi, des représentations sociales, des mythes, un savoir
faire et savoir être liés à divers contextes sociaux (les codes et les pratiques). Les
savoirs sont associés à un système de valeur (l‟individu peut vivre et extérioriser son
appartenance à un groupe social montrant et exprimant les traits comportementaux de
ce groupe). Leur développement, évolution et perpétuation dépendent d’une éventuelle
activité propre au groupe (transmission culturelle par la socialisation / la sociabilité) 2,
de l’interaction sociale au sein du groupe, et de l’interaction sociale de ce groupe avec
d’autres groupes.

1
dans l'ouvrage qu'il consacre à e sujet, Jean Caune identifie de nombreuses problématiques qui relient la
culture et la communication dans les sociétés actuelles. La définition que nous donnons ici prend
seulement en considération le rôle de la culture dans les relations interpersonnelles.
2
Terme défini par le Dictionnaire encyclopédique des sciences de l'information et de la communication
comme l'" appropriation par le sujet des traits constitutifs de l'identité sociale d'appartenance". (Lamizet
et Silem, 1997: 520).

26
1-4 La culture sociétale :

L’ancrage de la culture dans le groupe ne suppose pas, que chaque culture est
totalement différente des autres cultures. Par contre, des groupes qui ont nombreux
membres en commun sont susceptibles de partager en grande partie leur savoir culturel.
D’autres facteurs peuvent privilégier la similitude culturelle entre collectifs Qui se

distinguent symboliquement au sein d’une même structure sociétale. Pour régler les
interactions au sein d’une société, les institutions de cette dernière (politiques,
éducatives, juridiques, économiques,…) privilégient certaines modalités d’interactions
par rapport à d’autres dans « l’espace public » où elles interviennent. Elles cherchent à
asseoir leurs propre légitimité par rapport à cet espace public, en valorisant la vision de
l’unité de groupement sociétal, par rapport à des variables historiques, politiques,
culturelles, linguistiques, etc. ces institutions cherchent une pression sur les individus et
sur les groupes sociaux pour atteindre un alignement de leurs pratiques par rapport aux
normes de la société iconisées, de telles pressions institutionnelles deviennent visibles
dans les sociétés, dans ces sociétés , les différents groupes revendiquent leurs
différences selon les modalités admises et valorisées institutionnellement au sein de la
société.
Un parallèle peut être dressé entre la manière dont les institutions influencent la
culture, et le processus de standardisation de la langue.

D’un point de vue sociolinguistique, l’individu appartient à plusieurs groupes


sociolinguistiques, dont celui de la langue standardisée. Il peut mobiliser différents
variétés linguistiques en fonction de la situation sociale dont laquelle il se trouve, et en
fonction de l’image qu’il veut donner de lui. Si les dialectes de la plupart des groupes
linguistiques restent compréhensibles, certains d’entre eux peuvent se définir par
opposition à la langue normalisés, fréquemment pour des raisons identitaires, on peut
prendre comme exemple, la survie ou la renaissance de certains patois en France, et
encore les codes comme le verlan, peuvent être expliqué par une volonté de se

27
Démarquer, à travers une appartenance exclusive. Par contre, la langue standardisée
représente une force d’harmonisation qui rapproche les déférents dialectes, c’est ce qui
a été constaté dans de nombreux pays au cours de leur histoire linguistique.
Sur le plan culturel, l’évolution dans une société commune apparaît comme un facteur
de nivellement partiel des valeurs, des représentations et des pratiques diversifiées,
paradoxalement, les différents groupes revendiquent des différences symboliques dans
le cadre d’une structure social. Le groupe sociétal reste un niveau privilégié
d’appartenance culturelle, du fait de l’influence de ce groupe à travers ses institutions
sur la culture des groupes qui le constituent.

L’appartenance nationale n’est pas donc considérée comme la source primaire


d’homogénéité culturelle, mais comme une source de référence commune pour les
individus culturellement hétérogènes qui se réclament de différents groupes au sein
d’une société.
Car une société n’est qu’un groupe comme les groupes qui la constituent mais
différent par son ordre, il résulte donc qu’une culture sociétale peut aussi faire partie
d’une société de niveau supérieur et d’en subir les pressions institutionnelles.
Enfin, cette définition de la culture nous permet d’expliquer l’existence de cultures
transnationales –entre sociétés d’ordre nationales- en mettant en avant la position des
groupes dans leur structure sociétale nationale. Cette position peut faire une influence
sur la culture d’un groupe lorsqu’elle préfigure ses rapports avec d’autres groupes.
Ainsi, si deux sociétés possèdent des structures sociétales semblables, cela augmente les
chances que les individus de ces deux sociétés dans les groupes homologues aient des
traits culturelles communs 1 . Ce qui fait que le contact entre les membres de ces deux
groupes sur le plan inter sociétal peut servir à augmenter les ressemblances constatées 2

1
dans quelle mesure les lignes de clivage entre groupement sociétaux nommés "civilisations
"correspondent à des différences profondes dans la structure sociale? Question pour la recherche
transculturelle.
2
le contact entre groupes homologues dans des sociétés différentes mène parfois à la création de
nouveaux liens de solidarité.

28
2- La structure de la culture :
La métaphore de la culture n’exprime pas la complexité de la culture que l’on peut
ramener selon Demorgon, on ne peut ramener " à une énumération de traits culturels "
Demorgon s’inscrit dans une tradition de chercheurs prônent une conception
systématique de la culture. Edward Hall propose une structure à la culture fondée sur le
modèle linguistique, composée de schémas, de notes, et de séries 1, dont les notes
seraient les plus profondes et les schémas seraient les manifestations superficielles de la
culture. L’idée d’un système en profondeur dont les manifestations les plus visibles
cachent les croyances et les valeurs souvent implicites. La métaphore dite de
« l’oignon » (Hofstede, 1991 : 9 : trompenaars et Hampden Turner, 1993 :23 ; Spencer-
Oatey, 2000 :5) suggère également une structure à multiples niveaux, dans laquelle la
configuration de chaque niveau dépend du niveau inférieur :

Artefacts et produits

Systèmes et institutions

Croyances, attitudes
et conventions

Valeurs et
présupposés
de base

Rites et comportements

Figure 1 : manifestation de la culture à déférents niveaux de profondeur.

1
Hall, 1984: 121

29
Dans la version de Spencer-Oatey, présentée ici, les traits culturels les plus superficiels
et les plus facilement observables sont divisés entre les produits de la culture et les
artefacts, et les rites et les comportements associées à ses membres.
Ceux-ci sont motivés par les cercles intérieurs (les couches inférieurs du modèle),
par les croyances et par les institutions qui reposent sur le système axiologique de ce
groupe. Une telle représentation structurale permet de comprendre la façon dont les
cultures peuvent évoluer, ainsi que les différents niveaux de sens impliqués dans les
interactions à plusieurs cultures, et l’apprentissage des différentes cultures par l’individu
lors de sa socialisation dans divers groupes sociaux.

2-1 La culture au niveau individuel :

On a vu plus haut que la culture est définie par rapport à un groupe social ou un
groupe sociétal, elle se manifeste dans tout les cas à travers les actes et les
représentations des individus. Donc, le rapport entre les individus et les cultures qu’ils
rencontrent au cours de leurs socialisation est très complexe. Effectivement, réconcilier
une vision de l’individu élaboré par sa socialisation, qui tire sa façon de réfléchir et ses
valeurs propres de sa culture, et l’image d’un individu multiculturel marqué par des
cultures plus au moins compatibles, et capables de manifester des comportements et des
valeurs peu réconciliables à différents moments, à l’image des « hooligans à col blanc ».
L’individu possède t-il autant de « soi » que de groupe d’appartenance ? Anthony
Giddens rejette cette hypothèse en faveur de l’idée d’un rapport entre l’individu et les
différentes cultures et identités que l’homme peut mobiliser en fonction du contexte
social. Pour exprimer ce rapport, il faut, au premier lieu, distinguer le rôle de la culture
au niveau de la cognition de l’individu appelée ici (le rôle cognitif de la culture de
l‟individu), et d’autre part, l’utilisation des cultures par l’individu (cultures de
socialisation), dans ses interactions sociales.

30
2-2 L’évolution de la culture :

L’évolution d’une culture se matérialise à travers les interactions sociales intra et


inter groupes. Le hasard des interactions peut engendrer l’émergence des nouveaux
traits, l’autres traits peuvent disparaître, devenus incompatibles avec les nouvelles
conditions matérielles (technologique ou sociétales, par exemple), alors que d’autres
peuvent être désinvestis symboliquement, pour être considérés comme plus au moins
important par les membres du groupes.
Contrairement à ce qu’ont pu croire certains anthropologues, selon Denys Cuche,
la culture :
« N‟est pas un système clos ni une tradition à conserver, mais une
construction sociale en constant renouvellement et dont une des fonctions est de
garder constamment les frontières d‟une collectivité particulière ».

Barth souligne, cette évolution peut être encouragée par le contact intergroupe.
L’évolution culturelle occasionnée par ce phénomène est due à la conscientisation et à
la symbolisation de certains traits culturels, et manifestes dans le comportement des
membres du groupe.

Néanmoins, les tensions identitaires entre les groupes au sein d’une société, en
plus le contact quotidiens dans certains conditions peuvent mener à un rapprochement
entre les idéologies des groupes, les pratiques et les valeurs, un rapprochement favorisé
par les appartenance croisées de certains membres, et les pressions des institutions
sociétales.

Dans sa forme la plus simple, l'évolution culturelle liée au contact entre les groupes
s’apparente à une dialectique entre l’harmonisation et la différenciation des valeurs. Les
influences culturelles exercées par les groupes sociaux les une sur les autres doivent être
Liées à un contexte de réception. Sur ce point, le parallèle peut être dressé avec une

31
autre source d’évolution culturelle ; le contact des membres d’un groupe avec des
produits culturelles étrangers. Dans ce point C.L.Strauss affirme : « le transfert pur et
simple de valeurs idéologiques d‟une culture à une autre reste extrêmement rare ». Au
contraire, le contact avec un artefact étranger peut aboutir tout aussi bien à la
différenciation culturelle et non seulement identitaire qu’à un éventuel rapprochement
voire à un nivellement des valeurs.
Il ne faut surtout pas croire que ce que nous venons de dire sur la culture limite son
sens, parce que les sens du mot culture sont multiples et les définitions que nous avons
cité ici à propos de cette notion sont seulement résumé très sommairement puisque
comme le dit M. Boutefnouchet : « la culture est la vie » 1, c’est pour cela qu’on
pouvait en donner des définitions psychologiques, biologiques, économiques,
juridiques, religieuses et encore d’autres.
La culture est une manière d’être au monde, c’est une manière d’être spécifique
d’un homme ou d’une société ; elle est donc vivante puisqu’elle est l’expression de
l’individu et de sa société, elle est aussi le résultat de leurs histoire et le rapport de leurs
fondement à la nature.

2-3-1 La culture, utilité ou besoin ?

Qu’est ce que la culture apporte à l’homme comme service ? qu’est ce que pourrait
perdre l’homme si il n’avait pas accéder à la culture ?
En ce qui concerne les services que nous rend la culture, A.J.Greimas a développé
un exemple en analysant un objet d’une plate utilisé, sa seule spécificité n’est que le fait
d’être le produit d’une transformation faite par l’homme : une simple serrure de marque
Dogon à propos de laquelle il nous dit : « voila une chose du monde parmi d‟autres qui
a son utilité évidente : fermer al maison, mais elle est aussi une divinité protectrice de
la demeure et de plus un fort bel ouvrage. Participant aux trois dimensions de la
culture : fonctionnelle, mythique et esthétique » 2 . Et de Greimas de conclure que c’est
par ce caractère tridimensionnel que la culture nous sert.

1
M. Boutefnouchet, la culture en Algérie: mythe et réalité, coll. Etude culturelles, SNED, Alger, 1982,
p.16
2
A.G.Greimas, de l'imperfection, Perigueux, Ed. P. Flanc, 1987, P.91, In J.M.Floch, identités visuelles,
op. Cit. P. 193

32
Donc la culture est utile, et son utilité dépasse tout cela, parce qu’elle répond à un
besoin collectif ; c’est l’aspiration que nous avons à l’immortalité qui nous pousse à
vouloir dépasser notre condition humaine, il s’agit donc d’un besoin de transcendance,
et d’un aspiration vers l’immortalité, comme l’affirme W. Bouzar, ce sont ces
réalisations culturelles que l’homme appelle à disparaître, laisse derrière lui comme
trace de son traversé en tant qu’individu et en tant qu’espèce.

2-3-2 La perception de la culture :

On a largement conceptualisé autour de la « culture », il est impératif maintenant


de voir comment se fait la concrétisation de la culture, comment cette notion passe du
concept au percept, de l’ambigu vers le visible et le perceptible ?

C’est avec nos sens que nous identifions les faits culturels aussi avec la comparaison.
D’abord, avec nos sens parce qu’ils sont notre lien avec le monde qui nous entoure, et
c’est à travers eux que nous puissions faire la distinction entre ce qui est naturel et ce
qui est culturel ; donc le fait culturel est perceptible et passe toujours par la
comparaison.
Du point de vue anthropologique, qui est la plus générale et la plus simple, ce qui
est culturel sera perçu comme étant ce qui excède le biologique soit dans
l’environnement de l’homme ou dans l’homme lui-même. Du point de vue social, la
culture est considérée par l’ensemble des idées, des techniques, des types de
comportement et d’attitudes et des connaissances qui caractérise tel ou tel groupe social.

à première vue, il nous parait que nos sens ( la vue, l’ouïe, le gout, l’adorât, le
toucher) soient plus invités quand il s’agit d’un fait de culture porté par le matériel c.à.d.
l’objet concret que nous voyons, touchons, sentons ou goutons. Nos sens ne sont pas
moins sollicités lorsqu’il s’agit de ce qu’est culturel mais non pas matériel comme les
sentiments tel que l’amour et tout autre sentiments qui naissent en nous naturellement
mais que nous vivons culturellement.

33
Nous savons maintenant également c’est quoi la culture et quand elle a
commencé, la culture est donc un plus ajouté à la nature, elle est née avec l’homme et
s’est développé au sein du groupe. Le dictionnaire de l’académie de 1878 donnerait
raisons à des définitions péjoratives à la culture dont voici un : « esprit naturel et sans
culture » 1.
En lisant se que dit Bouzar à propos de la naissance de la culture, nous décelons
aussi que a culture a été un outil doublement important pour l’homme dés le départ ;
d’une part, cet outil va permettre à l’homme de survivre en lui offrant des armes
puisque il était inarmé dans un monde hostile. D’autre part, la culture va lui permettre
de rendre cette survie de plus en plus meilleure. C’est ce qui nous rapproche de la
distinction qu’a fait M. Boutefnouchet entre ce qu’il appelle une culture vitale et une
culture d‟amélioration.
Une culture vitale c’est celle qui sert à fournir à l’homme les moyens de s’adapter
dans la nature, si les animaux ont des dents, canines et des griffes pour tuer, chasser et
se défendre…l’homme est par contre naturellement désarmé et c’est en cherchant à
s’adapter qu’il va fabriquer le couperet et le coteau qui seraient des remplaçants des
armes qu’il ne possède pas. C’est deux outils sont des exemples parfaits de la culture
vitale. Juste après, l’homme ne va pas limiter sa pensée juste à ce qu’est utilitaire à lui
pour survivre mais il va penser à esthétiser sa vie en pensant à l’esthétique ; il va créer
donc des armes et des outils allant du bassement utilitaire aux véritable objets d’art
pouvant refléter la personnalité de leurs créateur voire tout un modèle idéologique et
culturel.
Une culture d’amélioration peut être illustrée par les objets mais elle est beaucoup plus
visible à travers les relations sociales et dans les comportements de groupe.

Certes, c’est dans la vie sociale que s’est développé le mieux. Cette culture
d’amélioration peut être illustrée par nombre d’activités humaines comme les systèmes
politiques, économiques, juridiques et religieux. Aussi par les échanges commerciaux et
toutes autres sortes d’échanges qui peuvent être effectués entre individus ou entre
groupes.

1
J.Caharpentereau et .Kaes, op. Cit. P. 09

34
2-3-3 La culture d’ « en face » :

Comme nous l’avons dit plus haut, le fait culturel est une chose percevable avec
les sens ; ces sens sont les mêmes pour les hommes, que ces hommes soient blancs ou
noirs, du nord ou du sud, riches ou pauvres, est ce que c’est impératif qu’avec ces sens –
identiques- nous percevons tout la même culture, partout la même ?
Avec ces sens identiques comme nous avons déjà dit et face à un autre qu’est autre
et nous à la fois, nous faisons l’identification d’un fait culturel en le comparant et
l’opposant à un autre fait de culture et pas seulement identifions le culturel en
l’opposant au naturel, dans ce sens nous faisons de l’autre qu’est nous un autre qui n’est
pas nous par le seul fait de culture, dans ce contexte, W. Bouzar souligne : « La culture
n‟est pas seulement un artefact qui démarque l‟homme de la réalité objective de la
nature, mais encore qui le distingue de son semblable humain " 1.

Lorsqu’on regarde notre semblable sous l’angle de la culture, il s’agit d’un autre
moyen de perception, lorsque sa culture est autre et différente, nous oublions que sous
cette différence il n’y a que cette autre qu’est nous et c’est dans ce sens que nous
comprenons ce que dit W. Bouzar : « d‟un semblable, d‟un même, l‟homme a tendance
à faire un autre » 2.

La culture est alors tout ce qui démarque l’homme de la nature et lui démarque
aussi de son semblable ; c’est ce qui nous oblige à croire qu’il n’y a pas une seule
culture mais des cultures percevables toujours par la comparaison que nous
entreprenons chaque fois lorsqu’on se confronte à un fait de culture quoi qu’il soit
ordinaire, habituel ou ne le soit pas.

1
op. Cit. P. 22
2
Ibid.

35
Entre nous et l’autre s’établit une communication, c’est une sorte de
communication de culture à culture et non pas de personne à personne, s’établit aussi un
dialogue entre ce qui fait la différence culturelle et entre ce qui nous rapproche
culturellement.

Cette communication et ce dialogue nous amènent tout droit vers le concept


d’interculturalité, puisque comme le dit J. Demorgon 1: « le point de départ de
l‟interculturel est l‟ego et l‟alter », nous essayerons donc dans les éléments qui suivent
de développer le concept d’interculturalité. On aborde le rapport des cultures sous
l’angle de l’impératif, de l’utilité et de la nécessité.

3- La problématique de l’interculturalité :

«…dès cette époque, j‟ai appris à accepter les gens tels qu‟ils étaient,
africains ou Européens, tout en restant pleinement moi-même. Ce respect et cette
écoute de l‟autre quel qu‟il soit et d‟où il vienne, dès l‟instant que l‟on est soi-
même bien enraciné dans sa propre fois et sa propre identité, seront d‟ailleurs
plus tard l‟une des leçons majeurs que je recevrai de Tierno Bokar …»

Amadou Hampaté Bâ.

La mondialisation des marchés économiques et le flux croissant de populations


qu’elle engendre amène de plus en plus les individus à communiquer à l’échelle
planétaire, à rencontrer, à échanger, à vivre et travailler avec des interlocuteurs issus de
contextes linguistiques et socioculturels extrêmement variés. Dans ce contexte,
C.L.Strauss affirme :« L‟exclusive fatalité ou encore l‟unique tare qui puisse affliger un
groupe humain et l‟empêcher de réaliser pleinement sa nature ; c‟est d‟être seul ».

1
J. Demorgon, L'histoire interculturelle des sociétés, Paris, Anthropos, 2002, P. 59

36
Ces propos sont un plaidoyer qui condamne l’homme à vivre en société, à entretenir
des liens avec son semblable s’il veut donner un sens à sa vie. Il est inconcevable qu’il
se replie sur lui-même. Ces propos servent de fil conducteur pour aborder la question
qui nous préoccupe, celle de l’interculturalité.
Il est indispensable en premier lieu d’essayer de définir ce concept, même si sa
définition continue d’évoluer.
Le préfixe « inter » d’interculturel indique une mise en relation et une prise en
considération des interactions entre les groupes, les individus, les cultures et les
identités 1.
Un consensus semble se dégager c’est certains spécialistes de la culture qui
définissent l’interculturalité comme : « l’interaction, l’échange et la communication
entre les Cultures où une personne reconnaît et accepte la réciprocité d’autrui », il
renvoie donc au contact, au dialogue, à l’acception et à la tolérance, de telle manière
que chacun offre à chacun « l‟harmonie d‟un enrichissement réciproque », cela dit que
le champ de l’interculturalité pose la question du dialogue des cultures et des
civilisations, par la même occasion celle des rapport que doivent entretenir les groupes
humains, la présence d’un étranger est alors indispensable ( étranger par rapport à celui
qui parle ) dans une situation interculturelle, ce qui signifie que le champs de
l’interculturalité est déterminé par l’opposition entre le « nous » et le « eux », les autres
( autres pays, autres cultures), certes dans un esprit qu’on peut appeler laudatif
(valorisant les différences) mais qui maintient, malgré tout, les frontières, plus qu’il ne
crée une nouvelle entité mettons qu’il construit des ponts.
Vivre ensemble exige donc qu’on parvienne à un consensus interindividuel qui
admette les diverses manières de voir de notre communauté d’appartenance et
auxquelles nous adhérons. Dans ce sens, la lutte contre l’ethnocentrisme et
l’égocentrisme est inéluctable.

1
TAJFEL(1959) in AZZI Assaad Elia et KLEIN Olivier, «La psychologie sociale et les relations
intergroupes » Dunod, 1998.

37
Il n’est plus question de considérer son point de vue personnel comme étant le
bon, et d’affirmer que le seul angle sous lequel notre personne voit le monde est le
meilleur , le plus conforme ou encore l’unique. Il n’est plus question surtout de penser à
une société humaine dont les mentalités et les modes de pensée seraient puisées dans
l’utopie : société parfaite, civilisation parfaite, culture Parfaite. La mondialisation doit
être remodelée et repensée de manière consciente et lucide en dehors de tout
déterminisme culturel et de tout sens commun.

Il n’est plus question de « diviser pour régner ni d’unifier pour mieux dominer ».
L’univers interculturel doit comprendre toutes les sphères culturelles qui manifestent
l’unité dans la diversité ; c’est la globalité où tous les systèmes découvrent leur place et
leur importance.

Car aucun culture inscrite dans l’interculturalisme ne peut vivre en autarcie, isolée
des autres, mais en étroite corrélation malgré la complexité des tissus sociaux et des
régimes politiques, ce qui s’exprime dans les éléments qu’on va les citer qui
représentent la démarches interculturelle 1.

 Se décentrer, c’est jeter sur le groupe et sur soi un regard extérieur, l’objectif de ce
fait est d’apprendre à objectiver son propre système de références, et à s’en distancier
donc à admettre l’existence d’autres perspectives.
 Se mettre à la place des autres, c’est développer son empathie, s’envisager dans
une autre perspectives. Appréhender une culture veut dire dépasser une vision
parcellaire et ne jamais la réduire à une énumération de caractéristiques et de faits
culturels, ne pas généraliser et ne pas classer.
 Coopérer. C’est faire la démarche d’essayer de comprendre l’autre en dépassant
les préjugés.
 Comprendre comment l‟autre me perçoit et comment il perçoit la réalité. A
travers le décodage correct des messages émis, ce qui nous oblige à connaître certains
nombres de données telles que la grille de comportement de notre interlocuteur.

1
http://www.memoireonline.com

38
De nombreux travaux de recherches ont été menés sur la problématique
interculturelle. Hostede a été parmi les premiers qu’a élaborés une grille d’analyse de la
culture, qui servira à tous les praticiens. Selon Hostede, l’homme doit faire face à trois
types de problème : la relation avec les autres, la gestion du temps, et la façon dont il
traite avec le monde extérieur. à ces types de problématiques, les différentes cultures
apportent des réponses différentes qui peuvent être analysées selon 7 dimensions :
Universalisme ou particularisme, individualisme ou collectivisme, objectivité ou
subjectivité, degré d’engagement envers une personne ou une situation, statut attribué
ou statut acquis, attitude à l’égard du temps, volonté de contrôle de la nature.

3-1 Les relations avec les autres :

Dés les cultures primitives, les cultures considèrent qu’une solution qu’ a résolu
un problème doit toujours être appliquée. En cela, elles préfèrent appliquer la règle, la
norme. Elles cherchent toujours la solution à portée générale, quels que soit les autres
cas particulier. Par contre, les cultures particularistes accordent plus d’attention aux
circonstances conjoncturelles et aux obligations relationnelles. Confrontés à un
problème, les particularistes sont à la recherche d’une solution adaptée à la situation
particulière.
Pour les cultures universalistes, une solution qui a résolu un problème une fois doit
toujours être appliquée ; c’est pour cela qu’elles préfèrent appliquer la règle, la norme.
Elles cherchent, à portée générale, la solution en négligeant les cas particuliers. Par
contre, les cultures particularistes accordent leurs attentions aux circonstances
conjoncturelles et aux obligations relationnelles. En cas d’être confronté à un problème,
les particularistes cherchent une solution adaptée à la situation particulière.
L’individualisme se définit comme une orientation fondamentale vers soi-même, et
le collectivisme comme une orientation fondamentale vers des objectifs et des buts
communs. Ces deux types perçoivent de façons déférentes les organisations.

39
Dans les cultures qui favorisent l’individu, l’organisation est un moyen au service
des intérêts de chacun. Les rapports sont régis par des liens abstraits et réglés par des
contrats. Pour les collectivistes, l’organisation est un ensemble social où chacun
contribue de sa part au développement de l’ensemble et où les membres établissent des
relations entre eux.

Dans certains pays, les émotions peuvent être exprimées différemment, pour
certain nationalité, il est naturel d’exposer les états d’âme mais pour d’autres cela est
mal perçu. Les affectifs admettent les attitudes guidées par les sentiments c.à.d.
subjectives. Au contraire, Les neutres privilégient les attitudes objectives,
dépassionnées et rationnelles, ils évitent surtout d’exprimer leurs sentiments. Les
neutres insistent à ne jamais manifester leurs émotions surtout sur le lieu du travail,
c’est eux qui disent que l’attitude affective accuse un manque de maîtrise et
d’objectivité. Les styles et les rythmes de communication sont représentatifs de ces
deux façons de gérer les sentiments, le silence dans la communication sera perçu
comme un échec pour les occidentaux alors que pour les asiatiques, le silence n’est
qu’une simple pause qui permet l’assimilation des informations, le ton de la voix aussi a
plusieurs interprétations. Les sociétés à culture neutre considèrent les changements de
ton comme une manque de maîtrise de soi, des pays latins, considèrent que
l’interlocuteur prend son rôle à cœur.

La vie privée dévoilée et la personnalité dépendent aussi des cultures ; certains


changent de comportements selon le contexte dans lequel il se trouve, tandis que d’autre
garde les mêmes attitudes en tous lieux. Les gens qui compartimentent leurs vies sont
spécifiques. A l’inverse, les diffus ne balisent pas de frontières entre les différents
aspects de la vie. Ainsi, les cultures diffuses considèrent la vie privée comme liées à la
vie professionnelle, alors qu'un individu appartenant à une culture spécifique va
effectuer un clivage entre leur vie privée et leur vie professionnelle.

40
La position sociale est de nature différentes selon les groupes sociaux ; dans
plusieurs cultures, le statut social est décerné en fonction de l’origine, de l’âge, de la
profession,… dans d’autres cultures, le statut social est acquiert par ses réalisations, ses
actions et ses succès, dans ce cas, le statut attribué est conféré par un état, d’autre, le
statut acquis est le résultat d’une action.

3-1-1 L’attitude vis-à-vis de l’environnement :

Le rapport à l’environnement est l’élément culturel qui se réfère au noyau dur de


la culture. Certains pensent qu’ils peuvent contrôler la nature, ces membres sont
beaucoup plus orientés vers eux-mêmes, ils considèrent l’organisation comme une
obéissance. D’autres, pensent que l’homme doit accepter les lois de l’environnement, se
laissent guider par ces lois et veulent vivre enharmonie avec la nature, ces gens sont
orientés beaucoup plus vers l’extérieur.

3-1-2 L’espace est le contexte de communication :

1
Hall ajoute deux composantes aux sept dimensions qui facilitent la
compréhension et le déchiffrage des étrangers. Selon lui, la personne a autour d’elle une
bulle personnelle d’espace qui s’étend et se contracte selon les éléments qui suivent :
l’état émotionnel, la relation des personnes environnantes, l’arrière-plan culturel et
l’activité qui se déroule. Peu nombreux sont les gens qui sont autorisés de pénétrer ce
territoire mobile pour de courtes périodes de temps. Les changements dans cette bulle
Personnelle d’espace peuvent rendre les gens mam à l’aise et agressifs, les êtres
humains intègrent au cours de leurs vie des centaines d’indices spéciaux.

1
Op. Cit. P. 26

41
Ils s’absorbent de la signification de ces indices dans le contexte de leur culture.
La plupart des gens ne pensent pas que la distance personnelle est un modèle culturel,
c’est pour cela que les indices spéciaux étrangers sont toujours mal interprétés. Lorsque
un étranger apparaît agressif cela peut dire seulement que sa distance personnelle est
différente que la notre.
Selon Hall, c’est les contextes de communication qui expriment les variations
culturelles. Un contexte c’est l’ensemble d’informations qui entourent un événement ;
il est donc étroitement liés à la signification de l’événement, les éléments qui donnent
une signification à un événement sont variantes selon les cultures. Dans ce cas, on peut
distinguer un contexte riche où la plupart des informations sont dans la personne, et le
contraire, un contexte pauvre de communication dans lequel, une grande masse
d’informations est transmise dans le cadre explicite.

3-2 L’interculturel, réalité ou nécessité :

Nous avons vu dans les pages précédentes que le point de départ de la notion de
l’interculturalité est le « nous » et « l‟autre », ce qui signifie que l’interculturel est une
sorte de rapport comme tout les rapports que les hommes entretiennent entre eux
excepté que c’est un rapport de culture à culture, un rapport qui donne lieu à divers
interactions entre moi et autrui, ces interactions font naître ce qu’on peut appeler une
communication culturelle qu’a mis en jeu tant le verbal que la non verbal comme le
souligne M.A. Pretceille 1.

Ces interactions vont construire un véritable discours entre l’ego et l’alter ou entre
ce que J. Demorgon 2 préfère appeler l’identité et l’altérité, ce discours va poser autant
de questions sur soi comme ce qu’il en posera sur l’autre puisque : « toute mise en
question de l‟autre ne peut qu‟être doublée d‟une question sur soi » 3.

1
M. A. Pretceille, vers une pédagogie interculturelle , Paris, Anthropos, 1996, P. 109
2
J. Demorgon, l'histoire interculturelle des sociétés, Paris, Anthropos, 2002, P. 59
3
M. A. Pretceille, ibid.

42
Dans le passé, les rapports de culture à culture était très limités si en dit pas
inexistant, et à cause des divers types d’échanges qui s’effectuent entre les individus et
les sociétés, en plus le formidable développement des moyens de communication et de
transport, les espaces qui séparaient tant les sociétés sont devenus de plus en plus
réduits ; et le contact des culture n’est pas ce qui était avant. C’est à cause de cela que
l’interculturel est devenu une réalité que nous vivons à longueur de journée, puis que le
contact avec l’autre est devenu presque permanent.

Aujourd’hui, nous vivons les différences culturelles comme nous ne l’avons jamais
vécu, ces différences étant presque côtoyée quotidiennement mais notre connaissance de
l’autre est à compléter puisque une véritable connaissance de l’autre ne peut que
dégager sur une connaissance de soi.
Autrement dit, comment mieux connaître l’autre, peut-il nous être profitable ?
M.A. Pretceille affirme que mieux nous connaissons l’autre, plus le bénéfice que
nous en tirons est grand car la majorité de nos rapports et nos comportements avec
l’autre sont influencés par un nombre de stéréotypes et préjugées « apparaissent lorsque
la connaissance diminue et que l‟affectivité augmente » 1, et c’est à M.A. Pretceille
d’enchaîner que :

«…. Connaître l‟autre est à même de nous placer dans une situation où ,
l‟ignorance diminuant au profit de la connaissance, permettrait par là même à la raison
de prendre le pas sur l‟affectivité ; ce qui nous mènerait à aborder l‟autre sans
préjugés ni stéréotypes : comme différent certes mais comme ayant le même droit à la
différence que le notre sans jugement de valeur ni classifications dans une quelconque
échelle de normes préétablies par nous- mêmes et pour nous-mêmes…. » 2.

1
R. Bastide, le prochain et le lointain, In, M. A. Pretceille, ibid.
2
Ibid.

43
L’interculturel négocie les espaces de vie de chaque culture dans la richesse de sa
spécificité et la complémentarité de son essence en vue de la nécessaire sauvegarde du
patrimoine génétique culturel humain. « Notre science n‟est qu‟une goûte d‟eau, notre

Ignorance est un océan », nous sommes en devoir de méditer cette vérité première
oublieuse que nous sommes de nos limites tant physiques qu’intellectuelles.

L’interculturel représente alors une chance et une richesse lorsqu’elle est vécu
comme une amorce de dialogue, d’échange entre les différentes communautés, mais
l’expérience quotidienne démontre que les groupes minoritaires sont souvent victimes
de discrimination, de racisme, d’arbitraire ou de toutes attitudes jugée contraire à la
dignité humaine. En se repliant sur eux-mêmes, ils sont condamnés ainsi à la
ghettoïsation.

3-3 L’interculturel entre identité et altérité :

Aujourd’hui, on assiste à de changements qui structurent et accélèrent l’évolution


des sociétés. L’apparition de l’interculturel reste jusqu’alors-dans les sciences
humaines- une perspective dont les contours ne cessent de se former. L’interculturel est
un domaine récent, intégré largement dans les sciences sociales, il est aussi un fait de
société qu’on vit à longueur de la journée.

Nous tenterons ici d’aborder la notion d’interculturel comme un fait de société et


comme une pratique, et c’est par rapport à cette pratique que nous le situerons dans
notre recherche en tant qu’un domaine particulier d’investigation, qui nous intrigue et
nous interpelle et nous oblige à introduire quelques concepts et quelques notions qui
nous aidera à justifier notre approche.

La problématique de l’interculturalité doit faire recours à des concepts opératoires


qui lui semblent appropriés. Ces concepts sont sans doute susceptibles de structurer et
d’orienter notre problématique de l’interculturalité.

44
Entre l’identité et l’altérité, cette dernière implique nécessairement une
objectivation des jugements, ce qui veut dire que la culture de l’autre doit
obligatoirement être prise dans une perspective et une dimension large et complexe pour
éviter de l’envisager Comme un regard sur certains réalités ; on ne doit pas prendre
l’altérité sous l’angle de la simple description culturelle qui risque de généraliser et de
décontextualiser la culture. Cette démarche réclame sans cesse la compréhension de
l’autre dans sa complexité, on se rapproche d’une perspective relationnelle que
TODOROV prône dans la conquête de l’Amérique : « Si comprendre n‟est pas
accompagné d‟une reconnaissance de l‟autre comme sujet, cette compréhension risque
d‟être utilisée aux fins de l‟exploitation du prendre, le savoir sera subordonné aux
pouvoir » 1.

C’est une relation ambivalente qui exige la distinction entre l’altérité et l’identité,
l’importance de l’autre, en référence avec « je » mais non pas par opposition dans le
langage de J.P.Sartre, il n’existe pas de « pour soi sans pour autrui » 2, donc, chacun
s’inscrit dans un groupe de sujets et l’identité de chacun ne saurait se constituer sans
eux. On se fait au milieu des autres et par eux, c’est la condition fondamentale pour que
« je » sois un sujet et « l’autre » soit aussi. Cette interaction entre les individus et
l’environnement affirme que : « le soi en tant que objet nait dans l‟expérience
sociale »3. Si donc « je » est un autre, « l’autre » est en même temps un « je », alors,
différence et identité se trouvent conjointes ici dans le concept de diversité.
L’interculturel se trouve au carrefour des revendications pour une transformation
des attitudes, désormais, il est un puissant levier de la réflexion et de l’action :

« L‟individu s‟éprouve lui-même, comme tel, non pas directement, mais


seulement indirectement en se plaçant aux divers points de vue des autres
membres du même groupe social, ou au point de vue généralisé de tout le groupe
social auquel il appartient » 4.

1
Tzvetan, TODOROV.la conquête de l'Amerique. La question de l'autre, Paris, Seuil, 1982, P. 138
2
, J. Paul, SARTRE. l'être et le néant, Paris, Gallimard, 1943. P. 83
3
George Herbert, MEAD. L'esprit, le soi et la société, Paris, PUF, 1963, P. 119
4
George Herbert, MEAD. Ibid, P. 11

45
La représentation de l’identité ne se comprend pas seulement dans ses relations à la
collectivité dont elle se veut l’image. Elle s’élabore aussi en cas de confrontation
permanente à d’autres identités.

Dans le cas de notre recherche, l’objet est dans le discours littéraire et plus
précisément c’est le texte littéraire qui nous faire découvrir un imaginaire social et
culturel. Il s’agit dans ce lieu de centrer la réflexion sur les frontières du culturel et de
l’interculturel dans le texte littéraire. Effectivement, la littérature est issue d’une société
et de ses cultures, c’est pour cette raison qu’elle peut offrir différentes manières de
partir à la recherche d’une culture étrangère et de sa diversité, dans un contexte donné à
un moment donné. Elle ouvre des portes sur des modes de pensée, des rapports au
monde, des modes de vie, des conflits, des valeurs, des mythes, des images de soi et de
l’autre, mis en praxis par des personnages réels ou fictifs dans une histoire s’inspirant
d’un contexte social et culturel dans lequel l’auteur est ancré. Le texte littéraire est donc
un point de réconciliation entre le singulier et l’universel par le truchement d’un
individu (l’écrivain) :« Il s‟agit de l‟incarnation de l‟universalité à travers une
personne vivante, mortelle, qui à travers son témoignage unique, son écriture
singulière, contient et traduit à la fois le tout, l‟entier » 1.

L’interculturel est avant tout une pratique, il représente une réalité mouvante et
complexe, il ne s’agit pas d’une abstraction, on le voit, le sent, au cours des
changements et mutations sociaux et politiques. Il s’inscrit dans une dialectique moi-
autre, c’est une véritable relation de complémentarité entre le soi et l’autre, « l’autre »
est un partenaire et allié perpétuel et continuel du moi.

1
HEGEL George Wilhelm Frridirich, Phénoménologie de l'esprit, Paris, Aubier (trad. Française), 1944,
In Le français dans le monde/ Juillet, P. 09

46
La relation du moi et de l’autre fait construire des phénomènes identitaires
proprement dit, l’identité se réalise par rapport à un domaine de référence
automatiquement perçu comme antagoniste.

Le placement de l’interculturel à l’intersection des deux notions identité-altérité


nous amène directement à une perspective interactionniste qui redéfinit la différence
entre ces deux unités, ces deux concepts qui se définissent mutuellement. Il s’agit donc
de relativiser les différences culturelles en les intégrants dans une perspective
réciproque dans un contexte historique, social et idéologique.

Nous cherchons ici à nous intégrer dans la compréhension des cultures aussi dans
la connaissance des niveaux du savoir, nous essayerons d’adopter une approche
réflexive dont l’objectif serait de percevoir à travers des hommes, des comportements,
des mœurs, des attitudes….l’expression d’une culture. Pour cela, il nous semble que le
texte littéraire peut nous permettre cette approche. Cette orientation active et subjective
suppose une élaboration personnelle et une construction personnelle aussi. Ce n’est pas
question de dégager une culture vraie, originale, pure et authentique, mais surtout
d’admettre l’inscription dans l’espace et dans le temps, non pas des la culture seulement
mais aussi de l’appropriation de la culture même.

3-4 La ville comme espace du dialogue interculturel :

Au cours du XX siècle, les villes ont été caractérisées par plusieurs tendances qui
ont provoqué des changements en leur sein, elles se sont complexifiées à cause de
l’accroissement de la diversité culturelle, ce qui a engendré leur territorialisation et leur
fragmentation.
" La fragmentation et la territorialisation des villes est le résultat de l’anonymat
légitime que la ville offre aux individus, en les libérant des regards collectif propre à la
compagne. Cependant, des critiques se sont élevées à l’égard de cet anonymat, qui était

47
Considéré au premier temps comme positif, il est perçu certains comme un désastre
qu’il faut combattre, surtout au moyen des espaces publics en tant que lieux de
rencontre, de convivialité et de sociabilité. Un espace public est un lieu public favorable
a l’échange et à la communication, il est le lieu où les citoyens quels que soient leurs
origines, leurs culture, leurs langues…ont le droit d’exercer leurs libertés et leurs droits,
notamment leurs droit à se réunir, à se rassembler et à exprimer leurs opinions.
Les surfaces, les nombres d’habitants et les volumes des villes n’ont cessé
d’augmenter ce qui implique que les espaces urbains sont susceptibles d’inviter au
dialogue interculturel. De plus, le multiculturalisme qui caractérise aujourd’hui les
villes rend nécessaire les interactions entre les habitants, et de ce fait, l’importance d’un
espace public adapté au nouveau contexte qui pourrait aider au renforcement da la
cohésion interne de la ville" 1.

En effet, le multiculturalisme et la complexité des villes ont pour conséquence que


les traditions sociales, religieuses et politiques se mêlent dans l’espace public, c’est au
niveau local d’un espace d’interactions quotidiennes entre les individus peut se réaliser :

« C‟est au niveau local que le conflit entre les besoins de la communauté et les
aspects plus formels de la citoyenneté apparaissent de façon évidente. L‟état
définit et garantit des droits fondamentaux universels, mais c‟est au niveau des
localités que s‟établissent les droits de représentation et de participation
multiethniques »

Favorisant les échanges quotidiens entre les citadins.

1
www.pourlasolidarite.eu/La-ville-comme-espace-du-dialogue?lang=fr

48
4- Espace et roman :

La littérature est un art qui se déroule dans le temps, toit comme la musique, avec
un commencement, un milieu et une fin, et une logique qui assure la cohésion. Mais
pratique de la littérature- l’expérience de dire ou les expériences traduits à travers un
texte littéraire- comporte plus qu’une pratique d’un processus temporel ; elle est aussi
l’expérience d’un monde et univers très particulier, avec des sensations, des sentiments
propre à lui et surtout avec des lieux ; il y’a donc un espace littéraire.

Avant de commencer notre étude, une brève définition du concept « espace »


s’impose : selon le dictionnaire encyclopédique illustré Hachette 2004, le concept
« espace » désigne: « l‟étendue indéfinie contenant, englobant tous les objets, toutes les
étendues finies ».
L’homme fait partie de cette étendue, alors il est fondamental pour lui de
reconnaître l’espace qui l’environne, d’y trouver des repères qui donnent un sens à la
place qui l’occupe. « Être désorienté dans l‟espace est une aliénation » 1 . L’espace est
aussi les champs dans lequel se déploient la volonté et l’action humaine. « Il est une
réserve de buts, haïssables ou désirables » 2 . S'il impose ses limites physiques, il s’offre
aussi comme matériau à modeler, à travailler pour remplir des fonctions diverses :
fonctions primaires de l’abri et du lieu nourricier, fonctions socio-économique,
idéologiques,…etc. l’espace devient alors un système signifiant ; les structures sociales,
idéologiques, axiologiques, s’y projettent et deviennent lisibles dans les réalités
concrètes des lieux et des objets.

« La perception des caractères physiques de l‟environnement est inséparable


de l‟évaluation affective, esthétique, normative voire social- évaluation qui
s‟appuie sur la perception des objets mais la dépasse en complexité et en
signification » 3.

1
E. T. Hall, La dimension cachée, 1959, trad. Seuil, Paris, 1978, P. 134
2
C. Levy-Leboyer, Psychologie et environnement, P.U.F? Paris, 1980, P. 17
3
Ibid. P. 55

49
Si l’espace réel est en soi une construction signifiante, tout discours sur l’espace,
notamment le discours littéraire est donc construction signifiante au second degré. Louri
Lotman donne de l’espace littéraire cette définition :

«Un ensemble d‟objet homogènes (de phénomènes, d‟états fonction, de


figures, de significations changeantes, etc.) entre lesquels il y a des relations
semblables aux relations spatiales habituelles (la continuité, la distance, etc.). de
plus, en considérant un ensemble donné d‟objets comme espace, on fait
abstraction de toutes les propriétés de ces objets, sauf celles qui sont définies par
ces relations d‟apparence spatiale prises en considération» 1.

Mais cet espace reste pourtant difficile à caractériser par contre l’art plastique t
l’architecture créent un espace précis par l’organisation de la matière. Contrairement à
la peinture qui évoque un espace à partir ses techniques particulières. L’espace de la
littérature reste imaginaire. La question qui se pose est tout à fait primordial et porte sur
le caractère fondamental de l’espace que représente la littérature : de quel ordre est
l’espace que nous rencontrons en lisant ?

La narratologie nous a appris à considérer l’espace d’une fiction comme le cadre


autour des actions, comme la scène d’un théâtre où se déroule une action. Mais, par là,
on risque de masquer le fait que l’espace n’est pas seulement un cadre immuable des
actions et situations humaines ; on oublierait le fait tout à fait fondamental que les
actions et les situations humaines énoncés dans un texte littéraire ne sont pas seulement
situées dans l’espace, mais qu’elles créent de l’espace. Pour comprendre ce qui est
l’espace de la littérature, il faut prendre appui sur le fait que la littérature ébauche son
univers à partir de l’horizon de l’expérience immédiate de l’homme historique, et donc
analyser l’espace qui est représenté et qualifié à partir des actions et des situations
humaines.

1
Louri, LOTMAN. La structure du texte artistique (trad. Gallimard, Paris, 1975)

50
La spécialité de l’expérience ne se réduit pas à un espace simple c'est-à-dire à un
espace théorique mais elle renvoie à un espace vécu qui juxtapose tout un faisceau de
spécialité ; Michel Serres affirme :

« …mon corps habite autant d‟espace qu‟en ont formé la société, le groupe
ou le collectif. La maison euclidienne, la rue et son réseau, le jardin ouvert et
fermé, l‟église ou les espaces clos du sacré, l‟école et ses variétés à point fixe, et
l‟ensemble des organigrammes. C‟est qu‟une culture, en général, construit dans
son histoire et par elle, une intersection originale entre de telles variétés, un
nœud des connexions bien précis, et particulier… » 43.

Le monde historique que nous habitons nous transmet une série de conception
d’espace, de constructions sociales et historique qui sont matérialisées dans les cadres
de nos vies.

L’espace vécu n’est pas un espace théorique, et l’expérience vive et concrète de


l’espace pas une simple appréciation d’une spatialité abstraite.

La construction de l’espace vécu dont parle M. Serres comporte au moins trois


moments : il y a tout d’abord, les formations historiques d’espaces divers donnés qui
déterminent l’expérience concrète. Ensuite, il y a des usages particuliers de ces espaces,
les façons dont ils sont actualisés dans les vies historiques des hommes.

En troisième lieu, à coté des espaces et des constructions spatiales, que nous imposent
l’héritage historique et les transformations de ces espaces opérées par la pratique
sociale. L’espace vécu se forme comme une organisation des éléments spacieux à partir
des principes historiques de leurs coordination afin d’obtenir l’articulation d’un espace
précis et local. On pourrait faire une distinction entre un espace de sentiment, un espace
d’intuition et un espace d’action, notre réflexion sera centrée sur ce dernier.

43
Michel, SERRES. Hermes IV la distribution, Minuit. Coll." Critique". 1977, P. 201-202

51
Il existe aussi un espace de communication romanesque, qui englobe les quatre
protagonistes : le lecteur, l’auteur, le narrateur, le personnage. On peut en effet
envisager leurs relations en termes (métaphorique) de distance et de proximité,
d’approche et de recul.

4-1 L'espace, une composante essentiel du roman et de l'unité de


l'œuvre:

Créer un roman, c’est forcement se donner un cadre pour l’action-vaste ou intime,


familier ou lointain, inquiétant ou sécurisant. Dans ce cadre seront situées les actions du
héros comme celles des protagonistes.
De même, créer une fiction, c’est faire se succéder ces actions selon une chronologie
compréhensible. Temps et espace sont donc bien des les deux coordonnées essentielles
du récit de fiction dans la mesure où celui-ci transmute des données du réel.
Mais l’espace dans la fiction joue bien d’autres rôles que celui de simple cadre.

L’espace dans ce cas n’est pas un espace réaliste, tourné vers le réel, qu’il s’agirait
simplement de représenter, mais plutôt un espace poétisé, abstrait en ce sens qu’il est en
relation avec la vie intérieure du lecteur. Il s’appuie sur certaines propriétés de la
réception et de la perception du monde réel par le lecteur et, en même temps, il est
porteur de valeurs culturellement déterminées.
Pourtant cet espace riche de signification ne pourra exister pleinement que s’il est
mis en relation avec l’interprétation de l’espace réel par le lecteur. En effet, l’espace
dans la fiction et l’espace réel ne sont pas coupés l’un de l’autre.
" L’espace dans la fiction est donc double, il donne à l’œuvre sa cohérence et sa
vraisemblance. Il permet de rendre concrets par des images des désirs, des croyances,
des préoccupations du lecteur. Il est, pour cela, un espace signifiant et actif, en relation,
non pas seulement avec son œil mais avec son regard. Il faut donc envisager cet espace

52
Dans la fiction d’une part, sur le plan de la production, comme déterminant d’unité
artistique de l’œuvre dans son rapport à la réalité, et d’autre part, sur le plan de la
réception, comme déterminant d’adhésion et la satisfaction du lecteur.
L’espace est une notion relativement délaissée par les narratologues au bénéfice de
celle de personnage (Propp, Greimas, Todorov…), de vision (Booth, Genette….) et
surtout de temps (Genette, Ricardeau, Ricœur…). L’étude de l’espace est parfois
abordée dans le cadre de la description. Ce déficit d’études peut s’expliquer par la
moins grande évidence de la composante espace dans le récit essentiellement verbal. Ce
n’est assurément plus du tout le cas dans l’album où l’image renforce au contraire le
poids de cette composante" 1.
" L’espace dans la fiction de l’album est, en effet, constitué des lieux variés et
contrastés, situés sur différents plans : espace d’habitation, espace de promenade ;
espace rêvés ou espace réels ; espace conventionnel ou espace inédits. Ces espaces sont
souvent placés dans des relations d’équivalence, d’opposition ou de symétrie. Ils se
Distinguent et s’opposent par quelques traits distinctifs en fonctionnement binaire et en
nombre relativement limité. Il va de soi qu’entre ces extrêmes des situations médianes,
des formes de progression peuvent être envisagées. En voici une liste provisoire,
assortie d’exemples :

 Opposition clos/ouvert
 Opposition réel/irréel
 Opposition lumineux/obscur.
 Opposition désert/ habité.
 Opposition urbain/rural.
 Opposition haut/bas.
 Opposition profond/ en surface.
 Opposition uni/ éclaté.

1
lije.univ-lemans.fr/ColloqueLIJE/programme.html

53
Ces espaces forment donc l’unité de l’œuvre et offrent au lecteur des traits
sémantisés. Ainsi le haut est souvent valorisé car il est signe d’élévation sociale et de
développement. Certes, ils ont bien d’autres significations. Ils fonctionnent d’abord
comme moyen de reconnaissance et de différenciation. Il est significatif en effet qu’en
reconnaisse le style d’un auteur a une certain façon de situer l’action dans des lieux
privilégiés, récurrents, voire obsessionnels : les rues d’une grande ville chez Pommaux,
les jardins public chez Elzbizta, les maisons chez Anthony Browne. L’espace contribue
donc à identifier un style, un auteur " 1.

4-2 Les techniques littéraires de la représentation de l’espace :

Les espaces vécus, momentanés et strictement locaux, liés à des situations précises
sont à la base de la représentation littéraire de l'espace qui ne se limite pas à la
désignation d'une localité donnée parce que les désignations tracent le plan d'un lieu réel
ou imaginaire. Ces désignations sont in évitables mais elles ne représentent pas un
espace proprement dit.
Les espaces vécus ne peuvent pas être désignés ; parce que chaque espace est
singulier qu'il faut les reconstruire chacun dans leur complexité individuelle. Le texte se
présente alors comme une sorte de tissu qui tisse les moments d'une sensation ou d'une
intuition d'espace donné et par là reproduit la singularité de l'espace vécu (d'action).
L'image textuelle de l'espace construit une schématisation 43 c'est-à-dire qu'elle ébauche
une image possible en indiquant un nombre de repères offerts à la synthèse de la
conscience imaginante.
La schématisation propose pour la représentation de l'espace une série de relation
spatialisantes, ce qui rend la représentation de l'espace un réseau complexe de relations.
Le texte littéraire, particulièrement le roman, qui, plus que tout autre genre peut être
accorde aux représentations spatiales une place prépondérante:

1
ibid

54
"L'espace" écrit J.Weisgerber :
" constitut une des matières premières de la texture romanesque. Il est
intimement lié non seulement au "point de vue", mais encore au temps de
l'intrigue, ainsi qu'à une foule de problèmes stylistiques, psychologiques,
thématique, qui, sans posseder de qualités spatiales à l'origine, en acquirent
cependant en littérature comme dans le langage quotidien" .1

D'autres auteurs comme C. Grivel 2 ou H. Mitterand soulignent encore ce caractère


fondamental de l'espace dans l'élaboration de l'œuvre romanesque:" C'est le lieu qui
fonde le récit,…. parce que l'événement a besoin d'un ubi en autant que d'un quid ou
d'un quando:c'est le lieu qui donne à l'action l'apparence de la vérité" 3.

L'espace romanesque, c'est d'abord l'espace représenté c.à.d. L'espace de la


diegese 4, espace fictif que le texte littéraire donne à voir, avec ses lieux, ses décors, ses
paysages, ses objets, ses formes, ses personnages en mouvement. Réalistes ou non, tous
les romans s'inscrivent dans une topographie, un espace concret où se déploie l'activité
du corp, qu'il se contente d'enregistrer des perceptions on exerce une action sur le
monde.
Cet ensemble d'objets, de lieux, de mouvements, de structures spatiales est un
carrefour, où se rencontrent et se conjuguent un imaginaire singulier et le déterminisme
socio-historique et littéraire qui pèsent sur toutes créations. Mais l'écriture romanesque
s'empare aussi de l'espace comme d'un objet poétique.
Elle développe à travers les tropes, les réseaux connotatifs et symboliques, tout un
langage spatial particulièrement riche du fait que ces figures poétique reposent par
définition sur un transfert, un déplacement sémantique. L'espace signifiant se met alors
au service de l'écriture poétique, qui révèle à son tour un imaginaire spatial spécifique et
fait surgir un signifié second.

1
J. Weisgerber, L'espace Romanesque, Ed. L'âge d'homme, Lausanne, 1978, P. 19
2
C. Grivel, Production de l'intérêt romanesque, Mouton, Paris-La Hay, 1973
3
H. Mitterrand, Le discours du roman P.U.F. Paris, 1980, P. 194
4
mais l'espace de l'énonciation peut se déployer dans le texte.

55
Le texte littéraire nous donne accès à un espace trôné, son image reste incomplète,
indiquant seulement un nombre restreint de relations, laissant à l'imagination de finir
l'image à partir des repères données.
L'auteur, s'il veut évoquer l'espace dans lequel évoluent des personnages doit
recourir à la description et interrompre pour un temps déterminé le cours de son récit.
Différemment, l'espace d'un roman n'est jamais qu'un espace verbal. Ce phénomène,
relève des conflits existant entre la simultanéité de la vision objectale et la successivité
inhérente à l'écriture qui se déroule, elle, selon une linéarité incontournable.
La représentation scripturale d'un lieu ou d'un objet pose le vieux problème du
rapport des "mots" au "choses" ou du "texte" au "monde", bref de la linguistique
référentielle. Cette confrontation est tout particulièrement appelée par la nature même
d'une esthétique romanesque massivement figurative qui joue des ressources
instrumentales d'un langage capable de construire à travers les mots l'illusion de la
réalité.
Le choix, le dosage et la répartition des éléments qui permettront de faire "voir" le
milieu évoqué varient selon l'esthétique propre à chaque roman. On pourrait distinguer
dans le traitement de l'espace deux grandes tendances suivant que la représentation
spatiale occupe ou non une place importante dans les textes considérés.

La première tendance s'occupe de " l'abstraction du décor" (demandant un


investissement puissant de l'imaginaire), mais cette abstraction ne signifie d'ailleurs pas
que l'espace ne joue aucun rôle dans le roman. Chaque lieu possède au contraire une
fonction mythique comme l'a clairement montré Geneviève Idt 1 ; l'Angleterre étant le
"lieu de la perdition", l'Amérique le "lieu des êtres sans âmes", l'Afrique le " lieu de
disparition"…etc.

Une importance particulière est accordé par la deuxième tendance à la description


de l'espace c.à.d. l'insistance sur le décor (tentative de créer le réel par l'écriture, avec

1
André, GIDE. Les faux-monnayeurs, analyse critique par Geneviève IDT, Hatier, "profil d'une œuvre"
5.1970, p.45

56
Notation scrupuleuse des formes, des couleurs, des lumières et des dimensions), le
scripteur prend alors soin de noter scrupuleusement tous les détails qui donneront au
décor évoqué l'illusion d'une présence consistante.
Pour le romancier, décrire c'est à la fois écrire et choisir, le discours réaliste a
1
élaboré une rhétorique de la description que Philippe Hamon a étudiée avec précision.
Parmi les différentes possibilités techniques qui s'offrent au romancier, retenons à titre
d'illustration d'un des schémas descriptifs tel qu'on le trouve dans le premier chapitre de
Michel Strogoff 2.

" À travers les vitres des vastes baies arrondies en plein cintre, la lumière dont les
salons étaient imprègnes, tamisée par une buée légère, se manifestait au-dehors
comme un reflet d'incendie et tranchait vivement avec la nuit qui, pendant
quelques heures, enveloppait ce palais étincelant. Ainsi ce contraste attirait-il
l'attention de deux des invités que les danses ne réclamaient pas. Lorsqu'ils
s'arrêtaient aux embrasures des fenêtres, ils pouvaient apercevoir quelques
clochers, confusément estompes dans l'ombre, qui profilaient ça et là leurs
énormes silhouettes […]. Ils entendaient aussi le pas des patrouilles […]. Plus
bas encore, devant la façade, des masses sombres se détachaient sur les grands
cônes de lumières que projetaient les fenêtres du palais-neuf.
C'étaient des bateaux qui descendaient le cours d'une rivière, dont les eaux,
piquées par la lueur vacillante de quelques fanaux, baignaient les premières
assisses des terrasses".
Ce type de description de l'espace romanesque requiert n personnage susceptible de
voir quelques choses, l'existence de ce que Ph. Hamon appelle un "milieu transparent"
(porte ouverte, fenêtre, vitrine, vitre,…etc.) et l'arrêt momentané du déroulement
narratif comme du "regardant". Ph. Hamon synthétise ces exigences par la formule
suivante:

1
Philippe HAMON," qu'est ce qu'une description?", poétique, n°12, 1972, PP 465-485
2
Jules VERNE, Michel STROGOFF, LGF, Poche Jules VERNE, n°2034, PP. 3-4

57
Notation un verbe notation objet
De D'un milieu à
1 personnage d'une perception transparent décrire
Pause

La description inaugurale dans Michel Strogoff se lit alors:


- 1/un personnage: le narrateur implicite, puis "ceux des invités que les danses ne
réclamaient pas".
-2/ notation d'une pause " lorsqu'ils s'arrêtaient".
-3/ verbes de perception: " ils pouvaient percevoir" " ils voyaient"…..
-4/ notation d'un lieu transparent: "à travers les vitres", "aux embrassures des fenêtres".
-5/objets à décrire: "quelques clochers", "de nombreuses sentinelles", "des
bateaux"…objets liées entre eux par des embrayeurs descriptifs:" au-dessous", "plus bas
encore"…( la description faite par un personnage fixe étant généralement ordonnée de
haut en bas ou de bas en haut, de gauche à droite ou de droite à gauche).

La représentation de l'espace varie selon les procèdes descriptifs choisis par le


romancier: panoramique horizontal ou vertical( choix de repères et de détails perçus par
un observateur qui laisse errer son regard autour de lui , de bas en haut ou de haut en
bas) description statique ou ambulatoire, selon qu'il s'agit d'une vue fixe ou d'un
Environnement découvert par un personnage en mouvement; fiscaux de détails
caractéristiques, l'œil ne retient que certains éléments représentatifs; cadrage,
perspective, l'avant scène se détache nettement sur un fond estompé; tous mode
d'organisation enfin qui confèrent l'espace décrit sa tonalité et qui permettent au
romancier d'attribuer selon ses vœux une fonction déterminée à la spatialité dans son
œuvre.

58
4-3 Les fonctions de l'espace romanesque :

Le roman situe l'action et les personnages dans un espace imaginaire dont la


fonction, la nature, l'organisation et les modes de descriptions sont très divers, ils
varient:
- En fonction de l'époque, selon la conception qu'on se fait de l'espace planétaire, plus
au moins géocentrique, de la topographie nationale, plus au moins centré autour de
capital, selon l'attention portée à la nature ou aux objets.
- En fonction du genre: roman picaresque, roman d'aventure; où le héro se déplace
sans cesse; roman d'analyse, romans intimistes; où l'action se resserre e n un seul lieu.
-En fonction de la sensibilité propre à l'auteur, claustrophobe ou agoraphobe,
craignant le vide ou l'encombrement, aimant la spirale ou la ligne droite.
Dans la littérature romanesque à effet représentatifs qui aujourd'hui encore domine,
le lieu n'est pas gratuit, ce n'est pas un lieu depuis en soi; il s'inscrit dans l'économie du
récit à travers un dressage rhétorique implicite de la lecture. Le lecteur en présence
d'une description, ne peut pas ne pas penser in pietto, que "quelque chose va se passer
là".
Il est devenu commun depuis Balzac de considérer que le décor est à l'image d'un
personnage, qu'il influe sur lui et le façonne. L'espace rejoint alors les procédés de
caractérisation dont il a déjà été question. Le caractère d'un héro nous est signifie à
travers les détails matériels qui constituent le cadre de sa vie quotidienne.

Les différentes utilisations de l'espace concordent toutes qu'il symbolise "l'âme" et


le destin des personnages ou qu'il aide à fournir, de façon plus au moins habile, une
explication des caractères, l'espace sert surtout de décor. Or une des fonctions les plus
importantes de l'espace est de permettre à l'action de se dérouler c.à.d. sert de support
aux déplacements des personnages, entrées, sorties et traversées; promenades, visites,
évasions, effractions, voyages, explorations, déménagements…

59
L'espace se matérialise en voies de passages, routes, rues, ponts, couloirs, escaliers;
en issues; frontières, seuils, portes. On peut y reconstituer des itinéraires et tenter de les
réduire à des schémas simples:
-l'exil (la métamorphose p.119), la fuite (madame Bovary. P.131).
-l'errance ( les voyages de Gil Blas. de Santillane; les traversées des U.S.A. dans Sur la
route", de Keronac).
- l'aller et retour, le périple; voyage en plusieurs étapes, avec retour au point de départ
(l'odyssée, germinal, p. 134).
-l'initiation, la conquête; entrée avec franchissement d'obstacles (le procès, p.149).
L'espace permet aussi à l'intrigue d'évoluer. Un déplacement sépare deux êtres
aimés, permet une rencontre. Mais parfois, il remplit également une autre mission. Dans
certains œuvres l'espace dépasse cette fonction purement pratique pour devenir un
élément constitutif fondamental, un véritable agent qui conditionne, jusqu'à l'action
romanesque elle-même. Il n'est pas indifférent que l'étranger se déroule en Algérie et
non, come la chute, à Amsterdam, "dans une ville de canaux et de lumière froide".
Meursault, le meurtrier en qui le juge d'instruction voit l'antéchrist, est bien plutôt la
victime d'un drame solaire et de nombreux indices dans le roman convergent (la lumière
électrique aveuglante dans la morgue, le soleil sur la plage, son reflet sur le
coteau…etc.) pour associer lumière et mort. On montrerait de la même façon le rôle
essentiel de la spatialité dans les romans de Saint Exupery qui tous, d'une manière ou
d'une autre, mettent en scène les efforts de l'homme et de la machine pour vaincre
l'espace (le désert).
L'espace peut aussi être un décor de l'action, dans ce cas l'espace est soumis aux
regards des personnages, il est déterminé par:
- La situation du spectateur face au spectacle dont on peut prendre pour exemple,
Germinal, p.21.
- Les relations entre le paysage et l'état d'âme de celui qui le perçoit, on trouve cette
optique dans à la recherche du temps perdu, p.146.

60
L'espace sert aussi le projet premier de l'auteur: retenir l'œil de l'enfant, capter son
attention. L'inscription de l'espace de l'action est le résultat de choix plastiques
concertés qui visent à frapper le regard pour mieux attirer le lecteur vers l'histoire
fictive.
Mais l'important semble être que le choix des lieux de l'action serve étroitement la
construction de cette fiction:

- L'auteur peut multiplier ces lieux. On a d'abord toutes une série de fictions qui
privilégient les espaces très ouverts: se sont en général des récits d'itinérance, qui
inscrivent la fiction dans le genre des récits d'aventures (je suis parti! Ou John
Cerise d'Alain Mets, l'école des loisirs). Dans ce cas, le récit peut être circulaire
(retour au point de départ: par exemple, l'Afrique de Zigomar de Philippe
Corentin, l'école des loisirs).
- L'auteur peut alterner les lieux de l'action. Certaines fictions sont fondées sur
une opposition entre les lieux: familiers/sauvages (Max et les maximonstres de
Maurice sendak, l'école des loisirs), réels/imaginaires (où est donc passé Jules? De
John Birmingham, Flammarion), proches/lointains (Idora d'Alex Godard, Seuil
Jeunesse).
- L'auteur peut faire d'un lieu un actant du récit: l'aube d'Uri Sulewitz
(circonflexe), Ma vallée de Claude Ponti (l'école des loisirs), certains album
documentaire comme Le vieux verger de V. Luff (l'école des loisirs). Certains
fictions valorisent des réalités naturelles(le vent par exemple, dans la tempête de
Florence Seyvos et Claude Ponti, (l'école des loisirs), qui deviennent ainsi de
véritables actants du récit…les espaces ont donc des sens, c'est-à-dire qu'ils
entrent à part entière dans les éléments donnés à interpréter.

61
Il peut être proposé en explication de traits psychologique des personnages (ainsi la
théorie des climats dans Les lettres persanes, de Montesquieu, 1721, par exemple). Il
peut aussi traduire des causalités en fantasmes; la mine est vue comme un monstre dans
Germinal, de Zola, la ville comme lieu de dangers dans le roman Balzacien; ou au
contraire, la nature est le lieu qui suscite les confidences romantiques. A l'inverse,
l'espace fictif devient moyen de critique de l'existant, dans l'utopie. Mais plus encore,
sous l'influence des visions poétiques de l'espace, les lieux ont aussi été envisagés, par
Proust en particulier non comme des localisations, mais comme des iles dans l'espace,
des monades, de "petits univers à part" (Poulet p.50). Chez Flaubert, le refus du réel par
l'héroïne fait que l'espace est constamment investi par la psychologie (par les rêves
notamment). Chez Proust, l'espace est présenté sous la forme d'un lieu intérieur, qui
possède une dimension supplémentaire, "une certaine profondeur de durée" (Poulet,
p.34). Ainsi non seulement l'écrivain s'accorde-t-il de la métamorphose du temps en
espace, mais il s'y installe, la pousse à l'extrême et en fait le fondement même de son
œuvre.
Le roman a retenu ensuite cette fascination de l'espace en approfondissant souvent
cette quête de regard, dans le nouveau roman, comme dans le roman contemporain.

62
Troisième chapitre
Les rapports entre l’existant au non-existant

63
La rencontre avec l'autre occasionne automatiquement la rencontre avec sa
mémoire collective qui est omniprésente directement ou indirectement. C'est ce qu'on
trouve dans les relations entre les personnages de les nuits de Strasbourg, dont chaque
couple se compose de deux personne d'origines différentes, de cultures aussi différentes
et de religions différentes, c'est pour ça qu'Eve avoue à Thelja qu'elle est dans sa
relation avec l'Allemand "[…] " en paradis " pour la volupté, " en enfer " pour la
mémoire" (70) . C'est à partir de ces idées qu'Assia DJEBAR a construit le roman,
repensant et repansant la ville de Strasbourg :

"Dans ce roman , je crois que j'ai, à ma manière, re-penser (et peut être,
pour faire un jeu de mots français facile ou "penser" peut être "panser", tenter
d'adoucir des blessures), oui, j'ai re-pensé, à partir des blessures du passé, une
ville comme Strasbourg: ville frontière, ville autrefois dite "libre", et ayant oscillé
tant de fois entre autorité française puis allemande, puis française, "la ville des
routes" l'appelait-on au moyen âge" 1.

La romancière algérienne a choisis cette ville frontière, situé entre la France et


l'Allemagne non pas arbitrairement mais elle a une signification très importante.
L'importance de cette ville pour la construction de ce roman parait dans l'utilisation de
son nom même dans le titre même de l'œuvre , à travers aussi le commencement du
roman par un prologue intitulé " la ville", et à partir du prologue, le nom " Strasbourg"
accompagne la lecture constamment Strasbourg est apparu comme un lieu de rencontre
des mémoires individuelles et des mémoires collectives. Ce n'est pas donc les individus
seulement qui sont les porteurs de la mémoire collective, mais il y en a aussi d'autre
comme " les lieux de mémoires".

" Nous sommes les habitants d'un lieu comme, à part au moins égale, d'une
mémoire. Un lieu n'est que de mémoire, en fait".2

1
Fatma-Zohra, Imalayene .op. Cit, 180
2
Mohammed, Dib, Tlemcen où les lieux de l'écriture, Paris, Editions Revue noire, 1994, P. 83

64
Pour enrichir notre réflexion, une définition de la mémoire collective est indispensable.
Pour définir ce qu'on entend par la notion de "mémoire collective", il faut citer l'un de
ses premiers théoriciens, le sociologue français Maurice Halbwachs qu'a écrit Les
cadres sociaux de la mémoire, publié en 1925 à Strasbourg, cette ville qu'est d'après les
mots du protagoniste Thelja " la cité de toutes les mémoires " (346).

Selon Halbwachs, il y a interaction étroite entre la mémoire individuelle et la


mémoire collective dans deux sens : la mémoire individuelle se passe dans et dépend
d'un Cadre social, donc collectif ; et dans d'autres sens, c'est la mémoire collective d'un
groupe quine peut se manifester et se réaliser que dans les mémoires individuelles.

Si on essaye d'adapter cela à notre corpus, on pourrait affirmer que la mémoire


individuelle est placée dans un cadre collectif qu'est celui d'un groupe d'individus autour
du protagoniste Thelja d'un coté, et celui de Strasbourg avec sa " mémoire Alsacienne
"(81) de l'autre coté. Pour cette finalité, Assia DJEBAR a besoin de plusieurs individus
d'origines, de pays et de cultures différentes, car selon Halbwachs, se sont les individus
qui portent la mémoire collective 1. En portant leurs souvenirs personnelles et aussi
d'une collectivité. Ces souvenirs sont instaurés plus au moins consciemment dans leurs
2
comportements, leurs gestes, leurs modes de vie et de pensée, leurs corps etc.la
mémoire individuelle est aussi un lieu de rencontre de plusieurs pensée de mémoire
collective 3 différentes (Algérienne, Alsacienne, Allemande, Française).

Thelja est entourée d'un groupe d'individus, son amant, ses amis et d'autres qu'elle
rencontre durant son séjour en Alsace. Toutes les personnages du roman lui livrent leurs
souvenirs de leurs propres histoire, et ceux par rapport à la ville de Strasbourg et ses
environs. Par la suite, à chaque fois qu'elle se promene à travers les rues de la ville de
Strasbourg, touts ces souvenirs se mélangent et s'entrecroisent avec ses souvenirs
individuels.

1
Maurice, Halbwachs. (1997) la mémoire collective. Edition critique établie par Gérard Namer. Paris :
Albin Michel (1 er éd. 1950 chez PUF°? 78-81.
2
l'idée que le corps féminin est porteur de mémoire est récurrente dans les œuvres de Djebar.
3
Maurice, Halbwachs.op. Cit. 72

65
Strasbourg qui représente l'espace principale dans ce roman sert un lieu de
rencontre de mémoires collectives, automatiquement, rencontre de cultures et e
civilisations, c'est le principe fondamental de l'interculturel, ce qui fait de Strasbourg un
espace interculturel par excellence à travers sa situation géographique entre le monde
latin et le monde germanique, aussi à travers ses rapports historiques avec la France,
l'Algérie et l'Allemagne, et enfin à travers les langues qui y circulent qui sont les grands
porteurs de cultures et de représentations interculturelles.

La mémoire collective d'Assia DJEBAR est enraciné en Algérie, et la plupart de


ses œuvres parlent de sa mémoire Algérienne, dans lesquelles elle parle surtout des
femmes comme porteurs et gardiennes de la mémoire et qui la préservent et
transmettent de génération en génération.

Pour la première fois, Assia DJEBAR place son lieu d'action au cœur de l'Europe.
Dans ce roman, DJEBAR est à la rencontre de la mémoire collective européenne,
exactement Alsacienne, voire Strasbourgeoise, elle se pose la question suivante:
1
comment garder mémoire de son pays tout en pensant une ville d'Europe ? , en
entrecroisant les mémoires collectives et en démontrant des points communs comme les
blessures et les hantises dont le mémoire Alsacienne aussi connue plus qu'Algérienne.
Elle a des traces de morts et de sang, tels que la guerre Franco-allemande de 1870-71,
de la première et la seconde guerre mondiale.

Dans les nuits de Strasbourg, on trouve la confrontation entre les mémoires ou


histoires collectives opposées: la mémoire Algérienne face à la mémoire française, la
mémoire juive à la rencontre de l'allemande...Mais la question qui se pose est la
suivante : comment ce rencontre des mémoires influence-t-il les relations entre les
personnages ? Assia DJEBAR nous donne la question suivante :

1
Fatma-Zohra, Imalayene. Op. Cit, 182

66
"[…] les deux couples sont dans les langues avec les histoires collectives
opposées, marquées par des traces de conflits qui, malgré eux, peuvent se
réveiller dans l'amour. Comment la parole- est- avec elle, la mémoire obscure,
engourdie- - vient quelques fois bloquer, s'entreposer, au lieu d'accompagner ou
de rendre plus présentes les caresses" 1.

La France, l'Allemagne et l'Algérie, ces trois nations ou collectivité qui prennent


part à l' " Entrecroisement des civilisations, c'est-à-dire à ce jeu complexe et confus fait
d'alliances, d'échanges, de luttes, d'influences spontanément reçus ou imposées par la
force " 2.

C'est autour de l'Alsace que nous allons organiser notre dernier chapitre en voulant
démontrer que l'Alsace joue le rôle d'un lien entre les trois nations. Avec sa capitale Strasbourg
qui se situe entre la France et l'Allemagne a aussi des points communs avec l'Algérie.

1
ibid. 182
2
Jean. Poirier, (1978). Aliénation culturelle et heteroculturelle, in : Michaud, Guy (dir.). (1978). Identités
collectives et relations interculturelles.

67
1- Strasbourg : espace de rencontre et de mémoire :

Strasbourg, qui offre son intitulé au roman, y se représente plus qu'un simple lieu,
une des personnages principaux, DJEBAR compare souvent ses ouvrages surtout ses
romans à des constructions architecturales afin d'expliquer son besoin de lieux
expressif. Strasbourg pour DJEBAR est un de ces lieux. C'est pour cette raison qu'elle
nous accompagne tout au long de la lecture comme lieu central et périphérique à la fois.
La très grande importance de Strasbourg pour le roman et pour l'enrichissement de notre
problématique nous oblige à rappeler son histoire. Strasbourg fut anciennement appelé "
Argentatorum" sous les romains, mais après à l'époque de l'invasion des alamans
pendant laquelle elle fut détruite, et suite à sa destruction elle a perdu ce nom. Après, la
ville connu une deuxième naissance sous le nom de "Strasburgum" d'où vient
Strasbourg 1 , ce qui signifie selon son étymologie " ville des routes " ou " ville forte de
2
la route" . Ces routes qui se croisent et font de Strasbourg un carrefour, c'est aussi
grâce à ces deux fleuves, le Rhin et l'Ill, Strasbourg est connu comme carrefour fluvial
3
et routier . Elle est aussi appelé "la ville des ponts". La métaphore du "pont" et de
"carrefour" a une grande signification dans l'œuvre d'Assia DJEBAR " les nuits de
Strasbourg".
Géographiquement, Strasbourg est situé entre la France et l'Allemagne, et
historiquement aussi, cette ville se présente comme " ville carrefour " où se croisent
plusieurs langues, cultures et civilisations, tout comme Assia DJEBAR dans l'écriture
est " un carrefour" 4 . La romancière Algérienne affirme :

"[…] se tient toujours vigilante à la croisée. Croisée des langues, des


idiomes, des histoires, des cultures, des images et des récits miroités. Croisée à
tous les sens : éclatement et convergence; intersection et ouverture " 5.

1
c'est à leurs présence [les Alamans] qu'il convient d'attribuer l'apparition d'un mot nouveau pour désigner le
camp crée jadis par l'armée romaine entre les bras de l'Ill.
2
CF. Perillon, Marie-Christine. (1994). Histoire de la ville de Strasbourg. Lyon. Les éditions du Parc, 9.
3
Georges, livet. op. Cit. 6
4
Leila, Zhour. (2001). Assia Djebar ou l'impossible exil, in : Algerie Littérature/ Action 47-48, janvier- février,
200-204
5
Mireille. Calle-Gruber. (2201): Assia Djebar ou la résistance de l'ecriture : regards d'un écrivain d'Algérie,
Paris: Maisonneuve et Larose, 251.

68
Selon le dictionnaire des symboles, le mot "pont" signifie ce qui permettre le
passage d'une rive à l'autre, il symbolise donc le passage et son caractère fréquemment
périlleux. Ce médiateur est le soi qui relie les mondes pour les empêcher de se disperser,
alors il a une dimension morale, rituelle, religieuse. " La vile de ponts" donc n'a qu'une
seule signification, c'est le caractère interculturel de Strasbourg qu'en fait un lieu de
rencontre et de passage entre divers mondes, cultures et civilisations…

On pourrait aussi dire que le pont symbolise la transition entre deux états intérieurs,
entre deux unités en conflits : il peut indiquer l'issue d'une situation conflictuelle qu'il
faut traverser.

C'est le cas des couples des nuits de Strasbourg dont Thelja et François, Eve et Hans
sont des bons exemples. Chaque couple représente une situation conflictuelle surtout à
cause de leurs histoires. Le cas de Thelja -la protagoniste principale- par exemple
qu’après avoir quitté une vie stable en Algérie laissant derrière elle un mari et un enfant
qui la réclame en vain, elle décide de passer neuf nuits successives avec un français
presque de vingt cinq ans son ainé. Mais son prénom "François" désigne sa hantise,
parce que son père a été exécuté par l'armée française peut avant sa naissance. C'est ce
qui explique son désir ardent d'effacer sa mémoire d'un passé qui la hante depuis
toujours :

" Je ne saurai répondre ; je tenterai de comprendre devant vous ce que je


quête confusément. Et la vérité qui, en moi, se dérobe surgira quand je vous ferai
face"(p. 50)

François est un français qui vit à Strasbourg et qui du fait qu'il n'est plus un jeune
homme porte en lui plusieurs décennies du passé de cette ville. Ce qui dans ce roman
relève de l'histoire et donc centré essentiellement sur la relation entre la France et
l'Allemagne.
L'histoire est donc une source de conflits inter personnages, on trouve le même
exemple chez un autre couple mixte qui épreuve souvent un souhait d'effacer toutes

69
Traces de généalogie; c'est d'Eve, la juive algérienne qu'a des problèmes avec son amant
allemand Hans à cause de conflits historique entre les juifs et l'empire coloniale
Allemande.

"Après l'entrée des allemands en juin 1940 et au cours de l'été, quand soixante-
dix pour cent des habitants furent de retour, naturellement, les juifs de la ville ne
revinrent pas" (p. 81)

Ce couple attend un enfant après leurs réconciliations, cet enfant représente pour eux
l'espoir de couper tout liens avec leurs ancêtres, ce qui signifie qu'après la
réconciliation, il y'aura une nouvelle vie :

Avant que l'enfant n'arrive, nous avons éteint tout souvenir de généalogie" (p. 238)

Strasbourg est aussi appelé " ville des routes" qui font de leurs croisée –entre eux et
avec les fleuves (le Rhin et l'Ill)- de strasbourg un carrefour; selon le dictionnaire des
symboles, l'importance symbolique du carrefour est universelle. Elle est liée à cette
situation de croisées des chemins, qui fait du carrefour un centre du monde, un véritable
centre du monde pour celui qui s'y trouve placé. Les carrefours sont hantés par les
génies, généralement redoutable, que l'homme a intérêt à se concilier. Dans toutes les
traditions, on adressé aux carrefours des obélisques, des autels, des pierres, des
chapelles, des inscriptions; dans notre corpus c'est la cathédrale qu'est adressé à ce
grand carrefour (Strasbourg) : c'est le lieu qui provoque à l'arrêt et à la réflexion. Il est
aussi lieu de passage d'un monde à un autre, d'une vie à une autre, de la vie à la mort.
Mais le carrefour, ce lieu de passage par excellence, est aussi l'endroit où l'on peut,
préservé par l'anonymat, se débarrasser des forces résiduelles, négatives, et aussi
dangereuses pour la communauté.

Le carrefour est aussi l'arrivée devant l'inconnu, et comme en face de l'inconnu, la


réaction humaine la plus fondamentale est la peur qu'est le premier aspect du symbole
de l'inquiétude.

70
Il peut aussi révéler le sentiment qu'on se trouve à la croisée des chemins et qu'une
orientation nouvelle, décisive, est à prendre. D'après l'enseignement symbolique de
toutes les traditions, un arrêt ou carrefour semble de rigueur, comme c'est une pause de
réflexion, de recueillement sacré, voire de sacrifice était nécessaire avant la poursuite de
chemin choisi 1 .

Chaque être est en lui-même un carrefour, où se croisent et se combattent les divers


aspects de sa personne. Le carrefour est aussi le lieu où l'on trouve les autres, aussi bien
extérieurs qu'intérieurs parce que, dans la véritable aventure humaine, l'aventure
intérieure, au carrefour, on ne retrouve jamais que soi : on a espéré une réponse
définitive, il y' a que de nouvelle routes, de nouvelles épreuves, de nouvelles marches
qui s'ouvrent.

Le carrefour n'est pas une fin. On ne s'y arrête que si l'on veut agir sur les autres, en
bien ou en mal, ou si, pour soi-même, on se découvre incapable de choisir : c'est alors le
lieu de la méditation, de l'attente, non de l'action. Mais, il est aussi le lieu de l'espérance
: la route suivie jusqu'ici n'était pas bouchée ; un nouveau carrefour offre une nouvelle
chance de choisir la bonne voie. Seulement les choix sont irréversibles. Pour nous
montrer toute la force de ce symbole, il y' a des contes dans lesquels le carrefour lui-
même s'efface, après le passage du héros : les problèmes du choix sont résolus.

Le choix de cette ville donc ne demeure pas un hasard pour Assia DJEBAR, elle
est un espace interculturel par excellence puisque par sa situation géographique,
Strasbourg est avantageuse d'une localisation très parfaite entre la France et l'Allemagne
c'est-à-dire entre les deux mondes ; latin d'une part et germanique de l'autre. Strasbourg
fut toujours un lieu de croisement et de rencontre de cultures et de religions différentes.

1
Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles : mythes, rêves, coutumes, gestes, formes,
figures, couleurs, nombres. Paris, Robert Laffont, S.A et Jupiter. 2004. P. 173.

71
Ainsi, cette même ville frontière a connu durant des siècles le passage de pouvoirs
politiques (citons ici les troupes Allemandes par exemple), djebar nous décrit la
situation de Strasbourg durant l'entrée de ces troupes:

" Strasbourg, blanche et fardée, tel le décor d'une tragédie fantôme, garde,
sous ce gel et en dépit de ces canalisations crevées, un air de majesté offensée.
Strasbourg, vidée dans une durée sans issue, se tait, se creuse et attend. Son
malheur s'exhibe, devant nul spectateur, toutefois ". (P. 34)

Les passages des personnages littéraires et historiques remarquables et d'émigrants


Algériens sont aussi mentionnés dans le roman. Autre part, Thelja, le protagoniste
principal, au cours d'une discussion avec son amant français François affiche son savoir
en lui racontant que de nombreuses futures reines et impératrices de la France sont
passées par cette ville. Selon elle, il y a eu d'abord " … la gentille et naïve polonaise,
Marie Leczinska", il y eut ensuite L'autrichienne, " la si belle Marie-Antoinette" et la
troisième, Autrichienne aussi, "…Marie-Louise, la princesse livrée par son père à
l'"ogre" que haïssent toutes les monarchies de la vieille Europe " (P. 195-196).

Strasbourg est aussi connu par le passage des écrivains très célèbres d'origines
divers, on peut citer des écrivains allemands comme Goethe, et Buchner ou des
écrivains Français tels que Hugo, René Char et Gérard de Nerval ou encore le
Britannique Canetti Elias, et ceux qui sont installé plus souvent dans la durée, les
" Français musulmans" (P. 290) venus chercher du travail.

La même ville a depuis très longtemps accueilli les mouvements d'autres


personnages qui sont des êtres nomades, ces nomades qui ne sont guerre chez eux mais
le nomadisme et la non fixation leurs offert un chez-soi; l'errance alors constitue leurs
seule possibilité de résidence dans un non-lieu, dans un lieu de transit fait de constant
va et viens.

72
L'existence dans cette ville carrefour –partagée entre deux rives- est un choix pour
les couples des nuits de Strasbourg, se choix se retrouve dans le couple d'Eve et de
Hans qui passe le Rhin chaque semaine pour la voir comme Tristan et son amante Iseult
auquel Eve le compare. Ce passage d'une rive à une autre assure une communion
intime:
" C'est lui qui vient à moi chaque week-end et souvent un autre jour non fixé à
l'avance ! Il traverse le Rhin. Il arrive à l'entrée de Strasbourg. A Haute pierre,
Maille Beatrice ". (P. 69-70).

Cette existence et cette vie donne à Eve le plaisir de pouvoir garder sa liberté et
pour chacun d'autres, une liberté de mouvement et de déplacement pour que personne
n'ait le sentiment de dépendance de l'autre, ce qui exprime sa décision de prendre la
fuite laissant derrière elle un mari et un enfant parce qu'elle n'a pas pu supporter et allant
à Strasbourg et accorder l'allégresse d'une vie nomade.

Par contre Eve, le protagoniste principale Thelja refuse carrément de s'engager dans
une relation conjugale avec son amant François, elle montre tout au long du roman
qu'elle ne compte pas rester dans cette ville de passage, en insistant sur deux mots : "
vagabonde" et " éphémère".

" Je viendrai neuf nuits ! Pour vous ! " (p .49)

Elle exprime ce qu'elle cherche enterre étrangère, c'est la liberté totale :

" Plus je me sens ainsi passagère dans une ville d'Europe, […], l'ivresse de
déambuler, de gouter l'errance, plongée dans une telle intensité ! Jamais, pourvu
que je marche, je ne cesserai de me sentir légère…" (p. 51).

Le fort sentiment de nomadisme chez Thelja lui faire changer d'hotel à chacune de leurs
neufs nuits passées avec son amant François :

73
"[…] pourquoi? Peut être une façon de lui faire sentir, chaque soir, qu'il doit
devenir nomade ! Sans attaches, comme moi, mais dans sa propre ville, celle de
son passé, celle où il travaille ! Peut être qu'ainsi il ressentira, chaque matin,
combien je suis prête, à tout instant à partir : je ne suis pas venus pour une "
liaison", comme on dit ici,…" (p. 109)

Strasbourg est pour Thelja l'espace favorable au dialogue et à l'échange avec


l'autre, ce qui montre que le choix de cette ville n'est jamais une coïncidence ou un
hasard pour elle :

Ce que je ne vous ai pas livré à Paris, je sais que je vais le dire là, dans cette
ville. […] depuis deux ans, à Paris, je vis voyez-vous, suspendue! (p. 42-43).

Dans le roman, Thelja passe ses jours faisant des promenades travers Strasbourg,
les places, les quartiers, les rues...Assia DJEBAR explore l'espace; Strasbourg; ville
frontière qui sert de décor au roman, devient le lieu idéal des actions interculturelles.

L'importance de Strasbourg comme un espace d'action est paru à travers sa


description dans le prologue, " la ville livrée à elle-même ". " la ville autrefois vidée "
(p. 319), " nombril de l'Europe " (p. 350). Après son dépeuplement, la ville, après
cinquante ans, est de nouveau repeuplée. Strasbourg devient un espace romanesque
plein de signes et de significations qui sont fait après une époque de négation et de vide
du sens. Le choix des personnages -venus des quatre directions du monde- circulent
dans le roman pour nous dessiner une nouvelle portrait de cette ville " Strasbourg " ; une
ville de rencontres et de dialogues, d'échanges et au même temps de désaccords avec
d'autre histoires, langues, cultures, d'autres traditions …

Le portrait de Strasbourg comme il est dessiné dans l'œuvre d'Assia DJEBAR est
surtout illustré par deux images de la ville : la première est celle de Strasbourg vidée et
enneigée lors de l' "exode" (P. 11), le deuxième est celle de sa cathédrale, chef-d'œuvre
architectural, qu'elle présente une occupation importante dans la pensée de Thelja.

La première image nous amène à la partie suivante; les événements historiques


comme lieux de rencontre et de mémoires.

74
2- Strasbourg ; lieu de rencontre et de mémoire historique :

Les qualités d'Assia DJEBAR en tant que historienne et mémorialiste ont fait des
Nuits de Strasbourg le lieu où elle cite toute une énumération des faits et des
événements historiques, cette énumération ne peut pourtant jamais être complète.
Djebar veut inscrire dans le roman sa propre vision de l'histoire. Elle a choisi
l'évacuation de Strasbourg les 2, 3 et 4 septembre comme points de départ du roman, car
la ville attendait avec peur l'arrivée de l'armée allemande. Strasbourg vidée de ses
habitants est resté ainsi une ville déserte (excepté les casernes pleines de soldats)
1
jusqu'au juin 1940 ,selon l'expérience d'Assia DJEBAR, le moment d'arrivée des
troupes allemande est un épisode historique inconnu par la plupart des français surtout
pour ceux qui ne sont pas originaire de la région Alsace-Loraine. Dans le prologue
DJEBAR rappelle cette évacuation tombée dans l'oubli, elle tente aussi de remplir un
trou de mémoire collective, de combler le vide qu'elle ressent et qui lui provoque la
fiction:
C'est ce vide qui m'a fasciné. C'est grâce à ce vide que j'ai pu faire vivre, à
Strasbourg, mes personnages imaginaires […] écrire dés lors une fiction a consister
pour moi a combler ce vide : certes, j'ai commencé par décrire-par resituer - - le plus
exactement possible, avec précision et détails concrets le vide de la ville, durant l'hiver
1939-1940( les rues livrées aux chiens, aux chats, aux rats)

Puis c'est la liberté du romancier qui paraitre, après une quarantaine de pages de
ce prélude, je suis passée, cinquante ans après, 1989. 2

Le choix de l'année 1989 comme un repère temporel est assez significatif, dans
cette année l'événement le plus marquant dans l'histoire de l'Allemagne est la chute du
mur séparant le RDA de la RFA, cette date est importante aussi sur le plan européen,
voire international, parce qu'elle a fait un tournant capital dans la guerre froide.

1
Marie-Christine. Perillon, (1994). Histoire de la ville de Strasbourg. Lyon : Les éditions du parc.
2
Fatma-Zohra. Imalayene, Op. Cit. 181

75
DJEBAR nous rapporte à travers les lignes de son roman d'autres événements
historiques essentiels surtout de l'histoire franco-allemande. On commence par le
serment de Strasbourg qu'est la date historique la plus éloignée rappelée dans le roman.
C'est dans le chapitre intitulé "le serment" de la sixième nuit, que l'on y fait allusion.

Ce serment appartient à l'histoire des strasbourgeois et l'histoire des français à la


fois comme Eve le dit à Hans : " le serment de Strasbourg, tu sais ce que c'est? […]
c'est votre histoire pourtant: celle de cette ville, la tienne aussi puisque tu es allemand,
celle des français. (234).

Les frères Louis le Germanique et Charles le Chauve (le fils de louis le pieux et
petit-fils de Charlemagne) se rencontrent à Strasbourg le 14 février 842 pour fixer
l'alliance contre leurs frère Lothaire, une alliance que ne va pas durer longtemps. Les
deux frères qui représentent la Francia occidentalis (Charles) et la Francia orientalis
(Louis) puis leurs armées prêtent serment. Eve dit dans Les nuits de Strasbourg, qu'il
s'agit d'un "acte politique"(236), car les deux frères se prennent la ferme résolution
d'une assistance mutuelle pour contraindre le troisième frère d'arrêter la guerre de
succession.

Au même temps, le serment de Strasbourg était "surtout un échange linguistique"


(236) de grande part, selon Lepape, ce sont le serment de Strasbourg qui "[…] marquent
la naissance conjointe de la France et de l'Allemagne, sous le signe de la
reconnaissance mutuelle de leurs spécificité linguistique sur la ruine de l'idée impériale
latine" 1.

Ce qui s'est passé c'est que Louis, le frère ainé, jurat en parlant la langue romaine,
celle de son frère. Puis, la même chose s'est produite : Charles prêta son serment en
langue Germanique. C'est ce qui pousse Eve à proposer à Hans de faire: après une
longue période de litiges et d'incompréhension concernant leurs langues, elle veut enfin
parler sa langue, l'Allemand.

1
Pierre, Lepape. (2003). Le pays de la littérature. Des serments de Strasbourg à l'enterrement de Sartre.
Paris : Seuil, P. 20.

76
La deuxième époque importante dans l'histoire de cette ville est évoquée indirectement
à travers la citation de différents personnages historiques ; c'est la période entre 1681 et
1870 pendant lequel Strasbourg était une région française. Parce que à l'issue de la
guerre de 1648, par le traité de Westphalie, l'Alsace est réintégré à la France mais
Strasbourg est resté ville libre mais pas longtemps puisqu'elle est isolée.

Lorsqu'elle est encerclé par les troupes de Louis XIV, en septembre 1681, Strasbourg
cesse toute résistance et devient Français. Et par la description de passages de futures
reines de France à Strasbourg que ce changement de nationalité est rappelé:

"Elles arrivaient en royale escorte jusqu'à Strasbourg où se déroulait leur


mariage par procuration…après quoi, elles rejoignaient Paris en qualité de nouvelles
reines de France" (194)

Le protagoniste principal Thelja, dans une conversation avec son amant François
lui donne des exemples (194-196): le passage de la polonaise Marie Leczinska, future
épouse de Louis XV, Marie-Antoinette venant de l'Autriche pour être exécuter à Paris.

Une autre reine Autrichienne, Marie-Louise de Habsbourg, qu'était la deuxième épouse


de Napoléon et aussi impératrice française.

Suite à la défaite de la France en 1870 et du traité de Francfort de 1871, l'Alsace


devient Reichsland, c.à.d. "terre d'empire", par cela, Strasbourg devient de nouveau
allemande après une résistance héroïque. Une autre date historique du 24 aout 1870, les
allemands ont bombardé la ville terriblement et changeant le centre-ville en ruine.

Un nouvelle espace s'ouvre au fur et à mesure; c'est le lien de Strasbourg avec


l'Algérie. Historiquement, et suite à la défaite des alsaciens contre la Prusse, un nombre
très important d'Alsacien et de Lorrains prennent le chemin de l'exil vers des régions
Françaises, parmi lesquels vers l'Algérie. Parmi les raison capitale de cette immigration
fut le refus de devenir Allemand.

77
Selon le traité de Francfort, (10mai1871), les habitants de ces territoires avaient le
choix de choisir leur0 nationalité. Les alsaciens-lorrains bénéficiaient de la "patriotique
tendresse" d'un gouvernement Français qui souhaite leur faire retrouver un peu de leurs
terre perdue, en compensation où ils pourraient prendre un nouveau départ. Dans les
nuits de Strasbourg, c'est le personnage de Karl qui établit ce lien entre l'Alsace et
l'Algérie, car il est le fils d'un Alsacien partis en 1871 et "expatrié pour ne pas devenir
un citoyen Allemand" (282).La situation de Karl contrairement à son amant Irma, qui
souffre de ses origines généalogiques non adéquate à son attachement géographique.
Karl est "un Alsacien d'ailleurs":

[…] son père, autrefois colon en Algérie de l'ouest, prés de Mostaganem, un petit
port sur la cote, son père était revenu, peu après 1962, dans l'Alsace ancestrale.il
était issu d'une lignée d'Alsacien partis en 1871, expatriés pour ne pas devenir
citoyens allemands : trois générations après cet exode en Algérie coloniale, la
famille paternelle de Karl se retrouvait de retour. De retour vraiment?... (P281-
282).

Les véritables attaches de Karl se trouve loin en Algérie et non pas comme le
pensent ses amis "Alsacien d'origine", mais il a aménagé sa vie dans l'Alsace en restant
prisonnier d'un passé oublié:

[…] je me rappelle une odeur : une odeur d'encens et de foins mouillé, un peu
rance, que ma mère décelait sur mes habits, sur ma peau, le soir, avant de me
déshabiller pour prendre mon bain du soir ! Cette odeur…je crois qu'elle seule
me reste de ce pays demeuré mystérieux pour moi ! (P. 285).

En plus de ce lien historique qui relie l'alsace avec l'Algérie, il ya aussi un


mouvement d'émigration entre les deux nations, ce que la protagoniste découvre lors
d'une visite chez le père de Marey. Elle a découvert que beaucoup de " français
musulmans"- des colonisés- sont venus en France pour travailler. Cette vague
d'émigration a continué jusqu'à nos jours comme l'écrivaine le comprend lors d'un
séjour à Strasbourg en 1993:

78
"Et lorsque je suis revenue en Alsace et à Strasbourg en particulier, j'ai demandé
quelle était l'émigration maghrébine, on m'a dis que des Algériens, il y en a 25000
en Alsace et un grand nombre à Strasbourg et il y a également de marocains"

A travers l'entourage des personnages des nuits de Strasbourg, Ali, Jacqueline,


Touma, sa sœur Aicha, Djamila et son groupe théâtral, le sujet de l'immigration
s'impose dans l'œuvre d'Assia DJEBAR. Il s'agit là d'immigrés de la première
génération (Touma), de la deuxième génération (Djamila qui né en France), c'est à
travers leurs présence aussi la présence de personnages Algériens comme Thelja et Eve
que les événements historiques apparaissent dans le roman comme lieux de mémoires
Algériens; c'est le souvenir de la guerre d'Algérie chez Thelja et Touma, l'enlèvement de
la smala de l'émir Abdelkader qui est l'événement qui suscite la guerre la plus brutale
menée par les français en Algérie. C'est un lieu de mémoire par excellence bien gravé
dans la mémoire Algérienne.

D'autres événements historiques sont cités dans le roman, parmi lesquels, l'exode
de 1962, après le commencement du rapatriement des pieds-noirs.

La libération de Strasbourg par la division Leclerc après la fin de la seconde


guerre mondiale, est le dernier événement historique décrit dans le roman; à la suite de

Cet événement, les alliés ont occupé l'Allemagne. Concernant Strasbourg, l'armée
française s'y installa pour rester plus de cinquante ans, ce qui éprouve chez Thelja un
sentiment d'indignation: si elle était Allemande, elle sentirait son pays occupé:

" Je sentirais vraiment mon pays occupé! Je ne le supporterais pas"(198)

Son amant François lui rappelle que cinquante-ans n'est rien:

« […] cinquante ans, c'est hier vois-tu et particulièrement sur ces deux rives
de Rhin, cinquante ans, c'est aujourd'hui, encore! Bien sur, tu le vois bien, tout a
été reconstruits, au moins les pierres, les maisons et jusqu'aux statues remises sur
leurs socle…mais les êtres? Ils accumulent, strate sur strate, des couches de passé
contradictoires, après quoi, ils se taisent ». (200).

79
Thelja prouve beaucoup d'amour pour François, mais la violente histoire de
colonisation et de guerre entre leurs deux nations complique ce genre de relations
intimes entre un Algérien et un Français, mais François a essayer de la persuader qu'il
n'a aucune relation avec les événements de la guerre d'Algérie :

" La guerre chez toi?...je ne trouvai ni en Alsace, ni en Algérie (il a comme une
absence, il ajoute très vite, avec un accent amer qui la surprend). Ni même en
France!"

Malgré tout ses arguments, elle a continué de voir en lui, l'ennemi, "le Français".

Les personnages qui sont d'origine des deux rives du Rhin gardent en eux les lieux
de mémoires de l'Histoire franco-allemand, écrit par les différentes guerres.

80
3- Strasbourg ; lieu de rencontre et de mémoire linguistique :

Comment communiquer avec l'autre ? Comment écrire avec une langue qui porte
en soi des morts et leurs sangs ? Comment décrit la violence du passé et celle aussi du
présent à l'époque de l'esquisse des nuits de Strasbourg avec le terrorisme des parties
intégristes Algériens ? Ces questions et d'autres sont des problématiques majeurs en ce
qui concerne la langue et son caractère comme porteuse de culture et de mémoire chez
Assia DJEBAR.

La problématique de la mémoire de langue empire dans des espaces où il y a


plusieurs langues, comme le cas d'Alsace et de l'Algérie. Ces deux territoires sont en
parallèles en ce qui concerne la langue, l'Alsace avec ses trois langues; le français et
l'allemand comme des langues officielles, et l'Alsacien un dialecte, ces trois langues
font de ce l'Alsace un territoire plurilingue. L'Algérie aussi est un territoire plurilingue
avec ses trois langues; l'arabe, le berbère et le français.

La politique des langues radicales est ce qui rapproche l'Alsace de l'Algérie, et


c'est ce que DJEBAR désigne comme "la guerre des langues"; ce qui exprimé par les
tentatives de supprimer une langue parlée ou plusieurs pour des raisons politiques dans
ces deux territoires. Différents mécanismes sont adoptés pour la suppression d'une
langue; on cite ici ce qui est arrivé à la langue arabe en Algérie, c'est l'interdiction de
l'enseignement de cette langue à partir de 1883, le changement des noms géographiques,
et le bannissement de la vie publique. En ce qui concerne le berbère aussi, c'est l'a
tentative d'en supprimer la culture. Ce qui les oblige à commencer après l'indépendance
à transmettre aux élèves Algériens leurs racines culturelles arabes. Mais l'écriture du
passé en arabe est une sorte de suppression de la mémoire historique, ce qui emmène un
déracinement de la population berbère.

81
L'histoire de la politique linguistique en Algérie rappelle la situation linguistique de
l'Alsace, ce territoire multilingue ou ce triangle linguistique plutôt est ce qui explique la
coexistence de trois noms pour la ville de Strasbourg; Strasbourg, straβburg et
Schdroosburi.

Le conflit historique des langues commence avec l'installation des Francs et des
Alamans au Vème siècle, ces peuples Germaniques entrainent la disparition de la langue
galloromaine et l'installation du francique et l'Alémanique qui existeront jusqu'à nos
jours come dialectes alsaciens. Après XVIème siècle, le Hochdeutsch (l'Allemand
littéraire) deviendra une langue standard de l'Allemagne. Peu à peu, cette langue
s'imposera comme une langue écrite, conservé à l'usage oral. L'annexion de l'Alsace à la
France facilite la diffusion de la Française et après la révolution française la langue
allemande est mise en cause, contrairement au français qui gagne toute l'importance.

Suite à la guerre franco-allemande de 1870, le Hochdeutsch réacquit son statut de


langue première, après la défaite de l'Allemagne après la première guerre mondiale.
Puis une germanisation totale-des mots français de personnes, de lieux
géographiques…etc.- s'est produite pendant l'occupation de l'Alsace par les national-
socialistes Allemands. Mais après la victoire des alliés, le français revient de nouveau à
cet espace supprimant l'Allemand. Dés la fin des années 60, on se rend compte que
l'Alsacien présente un élément de la mémoire collective et du patrimoine. Tout ça
favorise l'enseignement bilingue.

Avec cet arrière-plan d'histoire linguistique et l'entrecroisement de langues dans


les nuits de Strasbourg, la langue est un lieu de mémoire qui se présente comme un des
moteurs du roman, car c'est à travers elle que les liens interindividuelles entre les
personnages du roman se déterminent : la langue peut provoquer différents sentiments
Envers l'autre.

82
Dans le couple de Thelja et François, le français porte pour Thelja les traces de
sang de son père et ses ancêtres, morts durant la guerre d'Algérie. Le français est la
langue de leurs relation que la protagoniste bannir pour échapper à ce conflit de
mémoire de langue :

"Où se tapit la langue, dans tout cela ? se redit-elle, entêtée." Eh bien, elle se
ferme, la langue ! (227).

Pour Hans et Eve, l'Allemand représente une langue de conflit parce qu'elle est
pour Eve un lieu de mémoire de l'extermination des juifs, elle refuse de se rendre en
Allemagne et même de parler l'allemand :

"Moi, je ne lui parle pas dans "sa" langue, (tu le sais, toi, que j'ai appris au
lycée l'allemand. Par défi.) Mais je ne parlerai pas avec lui cette langue." (69).

" Jamais, jamais, moi née d'un père juif andalou et de mère juive berbère,
jamais, je ne mettrai les pieds en Allemagne. Même pas pour un jour! Me
préserver!..." (68).

Mais cohabiter dans la différence oblige à une transformation des cultures et des
mentalités et oblige aussi à un élargissement des pensées et des idées. Un échange très
riche s'établit entre les couples des nuits de Strasbourg où différentes langues, cultures
et traditions s'entremêlent faisant une pluralité. Cette situation oblige à la
communication. Une communication qui ne se réalise qu'à travers le truchement de la
langue.

Le langage est un thème important dans les nuits de Strasbourg, les couples de ce
roman veulent créer une forme de langage multiple entre eux, ainsi les langues qui
circulent dans cet espace représentent pour eux un vaste champ d'exercices :

"L'amour, dit-il amusé, serait donc nos exercices de prononciation, de rythme, de


phrasé…"(P. 225)

83
Dans ce roman, il ne s'agit non seulement de dialogue des personnages mais des mots de
leurs langues aussi, il y a différents espaces qui s'entrecroisent pour former un sens
nouveau, et c'est à Irma d'essayer de faire ce rapprochement avec Karl:

« Alsace, Algérie : les deux mots tanguaient soudain. Elle leur trouva une
résonance commune, une musique qui semblait les accoupler, à moins que se ne
fut plutôt une même blessure ancienne, des cicatrices en creux qui, conjuguées,
risqueraient de réapparaitre…oui, vraiment, une algie sourde les reliait : Alsace,
Algérie ». (P. 285)

Historiquement, l'Alsace et l'Algérie sont deux pays qui ont connu le même sort
tragique et continuent de souffrir. Ce rencontre et ce rapprochement font naitre un
vocable nouveau, étrange et étranger. Thelja va essayer de comprendre et expliciter le
sens de ce mot qui nait après une recherche, affrontement, entrecroisement et
interpénétration des langues. Ce mot devient palpable par la voix et le toucher :

"Elle répète le vocable si doux, le module, laisse jouer sa musique : un


roucoulement. Puis elle détend ses cuisses, entrouvre ses lèvres, entend encore là, tout
prés, le mot précieux et rare, presque exotique, autour d'eux voletant". (P. 272)

Dans la dernière nuit que Thelja offre à François, nait ce néologisme d'un langage
hybride; c'est la naissance d'Alsagérie.
Les cultures s'emmêlent lorsque les langues se mêlent, Alsagérie est un mot métis
fait de l'union de deux espaces, Alsace et Algérie, mais la prononciation de ce mot
serait-il fait dans la langue de Thelja ou dans celle de François?

-Alsace, Algérie…non, plutôt Alsagérie!


-Alsagérie, en quelle langue ce mot? Dans la tienne, dans la mienne ?
-redis ce mot dans ce noir de notre chambre, redis-le!

84
Ces deux espaces ne peuvent se rallier pour former un tout homogène, mais il
donnerait naissance à un espace d'entre deux dans un mouvement d'interaction
réciproque, un espace de tangage-langage. Les différents imaginaires linguistiques et
culturels de ces deux espaces s'unissent pour donner vie à une nouvelle unité
linguistique et un nouvel espace d'invention et de création.

Eve et Hans choisit un mot médiateur qui unirait leur deux pays mais font une
sorte de serment; Eve qui refuse de pratiquer l'allemand et a fait la promesse de ne
jamais mettre ses pieds sur le sol Allemand, décide de faire face à la frontière
linguistique qui les sépare en parlant la langue de l'autre et à établir un vrai dialogue
entre leurs mémoires collectives en faisant " la paix linguistique". Elle prend possession
de ce langue, se laisse traverser par ses mots, par ses lettres, la narratrice affirme:

[…] la voix un peu étouffée, commença en langue germanique le même serment;


sa voix peu à peu s'éclaircit, elle ne déforma rien des consonances, ni du rythme de la
langue de Hans qui l'écoutait, ému :

…je te soutiendrais mon frère Louis de mon aide en toute chose, comme on doit
justement soutenir son frère… (P. 237-238)

En rejoignant son amant dans sa langue, elle a enfin pu sécher le sang dans cette
langue haie puisqu'elle est porteuse de mémoire collective très lourde:

" O mon amour […] toute guerre, entre nous, est finie ! Avant que l'enfant arrive,
nous avons éteint tout souvenir de généalogie!..." (P. 238).

Le troc linguistique entre Eve et Hans est pour celui-ci plus qu'une déclaration
d'amour, un signe de solidarité, et de fraternité entre leurs deux peuples. Eve n'a pas
inventé une langue mais elle a pu concrétiser un territoire où les langues peuvent
communiquer et dialoguer entre elle:

85
"Qui donc, songea Hans, autant que moi dut être bouleversé en entendant
son amante le traiter de "frère", lui promettre, en terme de fraternité si profonde,
fidélité…jamais, se dit-il encore, une belle étrangère portant un enfant d'un
homme sans avoir pourtant accepté le moindre de ses mots, jamais une femme
venant de la Francia occidentale, ne se sera ainsi totalement donnée". (P. 238).

DJEBAR contrairement à d'Eve, a accepté le français, en le choisissant, mais ce


n'était pas le cas dés le début:

"Quand on vit en colonisation, il est évident que l'on doit continuer son
cursus en la langue dominante, c'est elle qui va ouvrir les portes…le français ne
fut donc pas un choix : la francophonie, pour les générations nées en période
coloniale, gardera longtemps l'ombre de cette contrainte" 1.

Les Nuits de Strasbourg nous a montré que ce ne sont pas les personnages
seulement qui réalisent la paix, le contact et l'échange dans cet espace "Strasbourg" mais
aussi, ce sont toutes les langues qu'y véhiculent en transportant leurs cultures et leurs
civilisations.

Les personnages de cette espace font face à un défi, c'est le dialogue de soi avec les
autres, les liens avec l'autre se multiplient où chaque liens s'exprime pour faire entendre
ses convictions et ses valeurs dans une perspective interculturelle visant la différence et
la pluralité.

La rencontre des couples mixtes de ce roman vise à installer un espace culturel


synonyme d'échange dialogique avec l'autre; un échange basé surtout sur l'équilibre
entre unité et diversité, similitude et altérité. L'appartenance de ces personnages aux
différents nations, religions, civilisations n'empêche pas une ouverture sur les autres,
l'échange et la reconnaissance.

1
Fatima-Zohra, Imalayene. op. Cit. 28.

86
Les personnages de cette espace font face à un défi, c'est le dialogue de soi avec
les autres, les liens avec l'autre se multiplient où chaque liens s'exprime pour faire
entendre ses convictions et ses valeurs dans une perspective interculturelle visant la
différence et la pluralité.

La rencontre des couples mixtes de ce roman vise à installer un espace culturel


synonyme d'échange dialogique avec l'autre; un échange basé surtout sur l'équilibre
entre unité et diversité, similitude et altérité. L'appartenance de ces personnages aux
différents nations, religions, civilisations n'empêche pas une ouverture sur les autres,
l'échange et la reconnaissance.

Ce roman d'Assia DJEBAR apparait comme le lieu de la réalisation du


multiculturalisme qui découle du refus d'une culture unique et fermé sur elle-même.
Assia DJEBAR historienne et mémorialiste, a voulu susciter et instaurer une idéologie
de respect et de tolérance envers les autres, c'est une façon peut-être de montrer qu'un
projet de société pluriculturelle est concevable ce qui est exprimée clairement par le
choix de cet espace romanesque "Strasbourg", les personnages du roman, ses
événements historiques et ses langues.

87
Conclusion

88
Dans ce travail de recherche, pourtant inachevé, nous avons essayer plus au
moins d’aborder l’interculturel sous l’angle de l’espace. Cependant, nous avons une
conviction que nous n’avons pas apporté toutes les réponses attendus, mais il se peut
que nous avons provoquer des interrogations qui trouveront des réponses dans d’autres
travails de recherche.

Notre étude a indiqué que Les Nuits de Strasbourg est un roman de dialogue
entre différentes mémoires individuelles et collectives. C’est un roman de dialogue par
excellence et une expression d’un désir de bâtir un pont pour le passage d’une nation à
une autre, d’une histoire à une autre et d’une langue à une autre. Dans cette œuvre, il
s’agit d’une tentative de démontrer que les frontières entre les nations, les mémoires
individuelles et collectives peuvent être franchies.

Notre problématique a été de savoir comment l’interculturel se définit à travers


l’étude’ de l’espace ?
Notre étude de ce roman nous a permis de dégager trois interprétations
différentes :

Dans un premier lieu, nous avons déduit dans notre travail de recherche que
l’interculturel peut se définit à travers l’étude de l’espace, de sa position géographique
et de l’influence de celle-ci sur l’échange et le contact des cultures.

En deuxième lieu, une étude de l’histoire d’un lieu peut nous montrer que les
événements historiques qui se déroulent dans cette espace peuvent aboutir à
l’installation ou l’instauration des faits culturels différents correspondent à différentes
périodes historiques.

Finalement, ce sont les langues qui circulent dans un espace ou un lieu donné qui
définissent l’échange culturel, prenant en considération que les longues sont
véhiculaires de traits et de faits culturels .

Notre trois hypothèses sont alors confirmés.

89
Assia DJEBAR a su dans ce roman représenté les relations entre les êtres et les
lieux, et indiqué que les lieux interagissent entre eux et avec d’autres composantes du
roman tel que les personnages pour exprimer que l’espace est une composante
essentielle dans le roman comme nous l’avons évoqué dans le deuxième chapitre.

Les Nuits de Strasbourg, se place à Strasbourg, une ville de routes et de ponts


destinées à la rencontre, le rapprochement et le retrouvailles des êtres, de leurs
mémoires (individuelles et collectives) et de leurs cultures. Ces cultures qui se mêlent et
s’entremêlent pour unir des langues en créant des espaces nouveau « Alsagerie » :

« L‟une des manières les plus efficaces de changer l‟esprit étroit des gens,
de les ouvrir à d‟autres mentalités et à d‟autres modes de vie, consiste en des
innovations linguistiques. Lorsque es langues se mêlent, lorsque les nouveautés
s‟expriment dans de nouvelles expressions, les perspectives s‟adaptent et les
véritables échanges entre les gens trouvent leurs commencements » 1 .

Les personnages de cette espace font face à un défi, c'est le dialogue de soi avec les
autres, les liens avec l'autre se multiplient où chaque liens s'exprime pour faire entendre
ses convictions et ses valeurs dans une perspective interculturelle visant la différence et
la pluralité.

Seulement un véritable dialogue entre les cultures peut aider à surmonter les
blessures des chocs interculturels surtout ceux qui sont issus de conflits historique.
L’ouverture sur l’autre permet une ouverture vers une avenir sans choc des cultures
favorisée par la rencontre et l’altérite entre les personnes appartenant à des cultures
différentes.

1
Alison, Rice. (2004). “Alsagérie” : Croisements de langues et d‟histoires de l‟Algérie à Strasbourg
dans Les Nuits de Strasbourg d‟Assia Djebar”, in: Bonn, Charles (éd.). Paroles Déplacées, Migrations
identitaires et génériques entre l‟Algérie et la France, dans la littérature des deux rives, Tome 2. Article
consulté à cette adresse :www.limag.com/Textes/ColLyon2003/Tome2Mars2004.pdf

90
La rencontre des couples mixtes de ce roman vise à installer un espace culturel
synonyme d'échange dialogique avec l'autre; un échange basé surtout sur l'équilibre
entre unité et diversité, similitude et altérité. L'appartenance de ces personnages aux
différents nations, religions, civilisations n'empêche pas une ouverture sur les autres,
l'échange et la reconnaissance.

Ce roman d'Assia DJEBAR apparait comme le lieu de la réalisation du


multiculturalisme qui découle du refus d'une culture unique et fermé sur elle-même.
Assia DJEBAR historienne et mémorialiste, a voulu susciter et instaurer une idéologie
de respect et de tolérance envers les autres, c'est une façon peut-être de montrer qu'un
projet de société pluriculturelle est concevable ce qui est exprimée clairement par le
choix de cet espace romanesque "Strasbourg".

91
Bibliographie

92
Corpus étudié :

DJEBAR , Assia. 1997. Les Nuits de Strasbourg. Coll. « un endroit où aller ». Paris : Actes
sud, 405 p.

Les œuvres d’Assia DJEBAR :

DJEBAR, Assia. 1957. La Soif. Paris : Julliard, 165 p.

.1958. Les impatients. Paris: Julliard, 239 p.

1962. Les enfants du nouveau monde. Paris : Julliard, 165 p.

.1967. Les alouettes naïves. Paris : Julliard.

.1980. Femmes d‟Alger dans leurs appartement. Paris : des femmes, 167p.

.1985. L‟amour, la fantasia. Paris : Albin Michel, 258p.

.1987. Ombre sultane. Paris : JC Lattes, 173p.

.1991. Loin de Médine. Paris : Albin Michel, 313p.

.1995. Vaste et la prison. Paris : Albin Michel, 352p.

1996. Le blanc de l‟Algérie. Paris : Albin Michel, 250p.

.1997. Oran, langue morte. Coll. « un endroit où aller ». Paris : Actes sud,

379 p.

.1999. Ces voix qui m‟assiègent…en marge de ma francophonie. Paris :

Albin Michel.

.2002. La femme sans sépulture. Paris : Albin Michel, 218p.

. 2003. La disparition de la langue française. Paris : Albin Michel, 294p.

.2007. Nulle part dans la maison de mon père. Sedia.

93
Essais et thèses d’Assia DJEBAR :

DJEBAR, Assia, « la langue dans l‟espace ou l‟espace dans la langue », in mise en


scène d‟écrivains : A. Djebar, N. Brossard, M. Gagnon, F. Theoret, les Editions de
Griffon d’argile (coll. Trait d’union), 1993.
IMALAYENE, Fatma, Zohra. (Assia DJEBAR), le roman Maghrébin Francophone.
Entre les langues, entre les cultures : quarante ans d’un parcours : Assia DJEBAR.
1957-1997, thèse de doctorat, université Paul- Valery, Montpellier III, 1999.

Articles et thèses sur Les Nuits de Strasbourg :

ELBAZ, Robert, « « Les Nuits de Strasbourg » ou l’entre-deux du discours romanesque


maghrébin », in : Bonn, Charles et al, Algérie : nouvelles écritures, Paris, éd.
L’Harmattan, 2002.
RICE, Alison, « Alsagerie » : croisement des langues et d’histoires de l’Algérie à
Strasbourg dans Les Nuits de Strasbourg d’Assia Djebar », in : Bonn, Ch., Paroles
déplacées, Migrations identitaires et générique entre l‟Algérie et la France dans la
littérature des deux rives, Paris, éd. L’Harmattan, 2004.
WOLFGANG, Asholt, « les villes transfrontalières d’Assia Djebar », in : Call-Gruber,
Mireille, Assia Djebar, nomade entre les murs…, Paris, Maisonneuve & Larose, 2005.

Œuvres critiques :
ACHOUR, Christiane & BEKKAT Amina, « clefs pour la lecture des récits,
convergences critiques », Tell, Blida, 2002.
BONNET Véronique, Itinéraire et contact de cultures, « frontières de la francophonie,
francophonie sans frontières », L’Harmattan, Paris, 2002.
BORILLO Andrée, « L’espace et son expression en français », Ophrys, 1998.
C. Grivel, Production de l'intérêt romanesque, Mouton, Paris-La Hay, 1973.
C. Levy-Leboyer, Psychologie et environnement, P.U.F? Paris, 1980.
Calle-Gruber, Mireille. (2201): Assia Djebar ou la résistance de l'ecriture : regards
d'un écrivain d'Algérie, Paris: Maisonneuve et Larose.
CF. Halbwachs, Maurice. (1997) la mémoire collective. Edition critique établie par

94
CF. Perillon, Marie-Christine. (1994). Histoire de la ville de Strasbourg. Lyon. Les
éditions du Parc, 9.
CLANET Claude. L’interculturel : introduction aux approches interculturelles en
éducation et en sciences humaines, Toulouse, PUM, 1990.
CUCHE, Denys, « la notion de culture dans les sciences sociales », Ed. La découverte,
coll. REPERES, 2004.
DEJEUX Jean, « que sais-je la littérature maghrébine d’expression française », Presses
universitaires de France, 1992.
Dib, Mohammed, Tlemcen où les lieux de l'écriture, Paris, Editions Revue noire, 1994.
DUMONT, Pierre, « l’interculturel dans l’espace francophone ». L’Harmattan, 2001.
E. T. Hall, La dimension cachée, 1959, trad. Seuil, Paris, 1978.
Gérard Namer. Paris : Albin Michel (1 er éd. 1950 chez PUF°?.
GIDE, Les faux-monnayeurs, analyse critique par Geneviève IDT, Hatier, "profil d'une
œuvre" 5.1970
H. Mitterrand, Le discours du roman P.U.F. Paris, 1980.
J. Charpentreau et R.KÆS, la culture populaire en France, coll. Vivre son temps, les
Editions Ouvrières, Paris, 1962.
J. Demorgon, L'histoire interculturelle des sociétés, Paris, Anthropos, 2002.
J. Weisgerber, L'espace Romanesque, Ed. L'âge d'homme, Lausanne, 1978.
Jules VERNE, Michel STROGOFF, LGF, Poche Jules VERNE, n°2034.
KLAUS, Peter, « Littérature et identité (nationale) dans les cultures francophones
contemporaines : un parallèle surprenant dans la création littéraire Algérienne et
Québécoise ». Tangence, no 59, Janvier 1999.
L’autobiographie en situation interculturelle II, sous la coordination de Afifa
BERERHI, Tell, 2004.
LADMIRAL, Jean-René, LIPIANSKY, Edmond-Marc, La communication
interculturelle, Paris, Armand Colin (Bibliothèque Européenne des sciences de
l’éducation), 1989.
LOTMAN, Louri, La structure du texte artistique (trad. Gallimard, Paris, 1975).
LÜSEBRINK, Hans-Jürgen, « L‟espace de l‟autre. Perceptions littéraires et discursives
de l‟espace colonial ». Tangence no 51 , 1998.
MEAD, George Herbert, L'esprit, le soi et la société, Paris.
PARAVY Florence, « L‟espace dans le roman Africain francophone
contemporaine » (1970-1990), L’Harmattan, 1999.

95
Philippe HAMON," qu'est ce qu'une description?", poétique, n°12, 1972
Poirier, Jean. (1978). Aliénation culturelle et heteroculturelle, in : Michaud, Guy (dir.).
(1978). Identités collectives et relations interculturelles.
SARTRE, J. Paul, l'être et le néant, Paris, Gallimard, 1943.
SERRES, Michel, Hermes IV la distribution, Minuit. Coll." Critique". 1977.
TODOROV, Tzvetan, la conquête de l'Amérique. La question de l'autre, Paris, Seuil,
1982.
VINSONNEAU Geneviève, « L’identité culturelle », Paris, Armand Colin, 2002.
Wadi BOUZAR, La culture en question, Paris, Ed. Silex et Alger, Ed. SNED, 1982.
WEBER Edgard, Maghreb arabe et occident français, jalons pour une (re)connaissance
interculturelle, Presses universitaires du Murail, Toulouse, 1989.
Zhour, Leila(2001). Assia Djebar ou l'impossible exil, in : Algerie Littérature/ Action
47-48, janvier- février, 200-204

Dictionnaires :

CHEVALIER, Jean & GHEERBRANT, Alain, « Dictionnaire des symboles », Robert


Laffont / Jupiter, Paris, 1982.
Dictionnaire de l’Altérité et des relations interculturelles. Sous la direction de Gilles
FERREOL et Guy JUCQUOIS, Armand colin, Paris, 2003.
Dictionnaire encyclopédique Auzo. Sous la direction de Le Roy Ladurie, Emmanuel,
2005.
Dictionnaire Hachette. Sous la direction de Ghislaine Stora. Ed. 2004, Paris,2003.
Le dictionnaire du littéraire, Sous la direction de Paul ARON, Denis SAINT-
JACQUES et Alain VIALA, Presses universitaires de France, 2002.

Articles de journaux :

"Une Algérienne à l'académie française", le quotidien d'Oran, le 18 juin2005.


« Le sacre de l‟Algérie qui avance. Un parcours exemplaire », La dépêche de Kabylie,
Samedi 18 juin 2005.
« De l‟Algérie à l‟académie », Le figaro, vendredi 17 juin 2005.

96
HEGEL George Wilhelm Frridirich, Phénoménologie de l'esprit, Paris, Aubier (trad.
Française), 1944, In Le français dans le monde/ Juillet.

Sites internet :

[http:/www.limag.com/].
[http:/www.mondialisations.org/php/public/art.php ?id=5681&=fr].
[http:/www.remue.net/article.php3 ?id_article=681].
ABDALLAH-PREITCELLE, Martine et PORCHER, Louis, Education et
communication interculturelle, presses universitaires de France, 1996.
BONN, Charles, Limag : Littérature du Maghreb ( Algérie, Maroc, Tunisie), In
DJEBAR, Assia, idiome de l’exil et langue de l’irréductibilité, discours prononcé à
Francfort pour la remise des prix de la paix, 2000. In
http:// www.africultures.com
WIKIPEDIA, l’Encyclopedie libre, In [http://fr. Wikipedia.org/].
fr.wikipedia.org
www.tizi-medjbar.info/articles.php?lng=fr&pg=519.

97
Table des matières :

Introduction ………………………………………………………………….. 04

Premier chapitre
Assia DJEBAR : vie et œuvres

1-Un parcours artistique exemplaire…………………………………………...09


1-1 Biographie d’Assia DJEBAR .……………………………………….…09
1-2 Bibliographie .………………………………………………………...…10
1-3 Les prix littéraires .…………………………………………………...…15
1-4 L’accès à l’académie française .…………………………………………16
2- « Les Nuits de Strasbourg »:
2-1 la publication …………………………………...……………………....17
2-2 -le résumé ……………………………………………………….……...18
Deuxième chapitre
Entre la culture et l’espace : poétique de l’interculturel dans
le roman de la lecture

1- La culture; c’est quoi ?............................................................................... 21


1-1 Etymologie .…………………………………………………………..22
1-2 Pluralité de définition .………………………………………………..22
1-3 La définition communicationnelle de la culture ……………………...25
1-4 La culture sociétale …………………………………………………..27
2- La structure de la culture .……………………………….…………………29
2-1 La culture au niveau individuel .…………………………….………..30
2-2 L’évolution de la culture .…………………………………………….31
2-3-1 La culture, utilité ou besoin ?............................................................32

98
2-3-2 La perception de la culture .……………………………………….33
2-3-3- La culture d’ « en face » .………………………………...………..35
3- La problématique de l’interculturalité .……………...………………..…...36
3-1 Les relations avec les autres .………………………………………....39
3-1-1 L’attitude vis-à-vis de l’environnement……………………..…41
3-1-2 L’espace est le contexte de communication .………….……....41
3-2 L’interculturel, réalité ou nécessité .………………………………….42
3-3 L’interculturel entre identité et altérité . ……………………………..44
3-4 La ville comme espace du dialogue interculturel .…………………....47
4- Espace et roman .………………………………………….……………….49
4-1 L'espace, une composante essentiel du roman et de l'unité de
l'œuvre …………………………………………………………….….52
4-2 Les techniques littéraires de la représentation de l’espace . ……….…54
4-3 Les fonctions de l'espace romanesque.………………………………..59

Troisième chapitre
Les rapports entre l’existant au non-existant

1- Strasbourg : espace de rencontre et de mémoire …………….…………...68


2- Strasbourg ; lieu de rencontre et de mémoire historique .………………...75
3- Strasbourg ; lieu de rencontre et de mémoire linguistique ……………..…81

Conclusion…………………………………………………..………….88

Bibliographie ………………………………………………………………….92

99
Résumé :

Dernièrement, l’écriture littéraire s’intéresse largement de la notion d’interculturalité et


du contact de cultures. Ce contact se manifeste et se distingue à travers plusieurs facteurs
telque « l’espace ». ce travail de recherche vise à montrer le rapport entre « espace et
interculturalité » dans le roman d’Assia DJEBAR « Les Nuits de Strasbourg ».
Dans ce roman, la rencontre à Strasbourg des personnages issus de cultures différentes
nous amène à s’interroger sur la spécificité interculturelle de cette ville et comment l’espace
peut définir l’interculturel. Trois hypothèses sont formulés : une étude de la situation
géographique, du rapport de l’histoire et de la situation linguistique.
Nos trois hypothèses viennent nous confirmer que le choix de cette espace par DJEBAR
n’est pas hasardeux parce qu’il révèle une grande richesse culturelle et interculturelle.

Abstract.

Recently, the literary writing has interested greatly in the " interaction and communication
cultures". This communication appears through different factors awing which " the space ".
This research is interested in uncovering and explaining the relation between " the long
distance place" and the cultural communication in the novel of Assia DJEBAR "Strasburg's
nights".
In this novel and in this city, different characters from different cultures meet this
meeting pushes us to ask about the specification of cultural interaction in this city and how
can the space relies the latter what makes us facing three hypothesis : specification of the
geographical situation the historical factor and the linguistic position.
Those hypothesis ensured that the writer s choice of the space was not by chance because it
revealed big cultural riches.

:‫ملخص‬

‫أصبحج انكخابت األدبٍت حٓخى بصٕسة ٔاسؼت بًٕضٕع حذاخم ٔحٕاصم انزقافاث ْزا انخٕاصم انزي ٌخجهى ٌٔظٓش يٍ خالل‬
ً‫انؼذٌذ يٍ انؼٕايم انخً يٍ بٍُٓا انبؼذ انًكاًَ ٌٓخى ْزا انبحذ بإبشاص ٔحٕضًح انصهت بٍٍ انبؼذ انًكاًَ ٔ انخٕاصم انزقاف‬
. ‫فً سٔاٌت انكاحبت آسٍا جباس نٍانً سخشاسبٕسؽ‬
‫ ْزا االنخقاء ْٕ يا ٌذفؼُا إنى انخساؤل‬، ‫فً يذٌُت سخشاسبٕسؽ حهخقً شخصٍاث راث اَخًاء رقافً يخخهف‬، ‫فً ْزِ انشٔاٌت‬
‫ ْٕٔ يا ٌجؼهُا أياو رالد‬، ‫ ٔكٍف ًٌكٍ نهبؼذ انًكاًَ حجسٍذ ْزا األخٍش‬،‫حٕل خصٕصٍت انخذاخم انزقافً فً ْزِ انًذٌُت‬
. ‫ انؼايم انخاسٌخً ٔانٕضؼٍت انهغٌٕت‬، ً‫ خصٕصٍت انًٕقغ انجغشاف‬: ‫فشضٍاث‬
.‫ْزِ انفشضٍاث أكذث نُا أٌ اخخٍاس انكاحبت نٓزا انبؼذ انًكاًَ نى ٌكٍ يحض انصذفت ألَّ كشف نُا ػٍ رشاء رقافً كبٍش‬

100
101

Vous aimerez peut-être aussi