Conversations Intimes Avec Le Bouddha - Thich Nhat Hanh

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CONVERSATIONS INTIMES

AVEC LE BOUDDHA

Toucher la Terre

Thich Nhât Hanh


Sommaire

INTRODUCTION.....................................................................................................3

LIVRE I : LE BONHEUR EST ICI ET MAINTENANT............................................6

LIVRE II : DE LA BOUE POUSSE UNE FLEUR DE LOTUS..............................24

LIVRE III : UNE PRATIQUE PROFONDE CONTRIBUE À UN MONDE


MEILLEUR............................................................................................................43

LIVRE IV : LA PRATIQUE DE LA VISION PROFONDE TRANSCENDE LA


NAISSANCE ET LA MORT .................................................................................55

ANNEXE ..............................................................................................................61
INTRODUCTION
La pratique du Nouveau Départ

« Au pied de la montagne,
Coule un ruisseau.
Son eau lave et guérit
Toute sorte de maladie. »
Ces vers font partie d’une cérémonie traditionnelle au Vietnam, celle du
« Nouveau Départ ». Ils furent composés sous la dynastie Tang par le Maître Zhi Xuan,
également connu comme l’Enseignant National Wu Da (811-883 de l’ère chrétienne). Le
terme vient du chinois « chan hui », qui désigne l’expression du regret pour des erreurs
commises dans le passé, associée à l’aspiration profonde de se transformer et de changer
désormais de comportement ; la conscience de cette capacité de transformation permet de
ne pas nous sentir coupable. L’eau de ce ruisseau est le nectar de la compassion, capable
de laver toute mauvaise action du passé afin de laisser revenir la joie de vivre.
Cette cérémonie vise principalement à utiliser la bonté aimante et la compassion,
par une pratique du regard profond évoquée dans le chapitre « Porte universelle » du
Soutra du Lotus1. Il s’agit de focaliser l’attention sur la bonté aimante et la compassion de
manière à faire naître et à développer l’énergie de ces deux qualités. L’énergie de la
pleine conscience et de la concentration peut aussi faire jaillir de ces deux éléments tout
un courant de nectar grâce auquel tout acte mauvais peut être purifié. D’où cette
appellation donnée par Maître Wu Da de « Nouveau Départ par la Bonté Aimante et la
Compassion », que les pratiquants simplifient couramment en « Nouveau Départ par
l’Eau »2.
Ce recueil présente plutôt une pratique de Nouveau Départ par la Terre : en
touchant la Terre, nous nous mettons en contact avec elle, nous prenons refuge en elle,
nous recevons son énergie de densité et de solidité. Dans ce geste, nous nous laissons
embrasser par elle, afin qu’elle transforme notre ignorance, notre souffrance et notre
désespoir. La Terre est partout. Où que nous soyons, nous pouvons la toucher pour
recevoir son énergie de stabilité et de non-peur. Et quand nous pouvons entrer dans un
contact profond avec elle, en suivant notre respiration, la paix regagne notre cœur.
Le titre complet de cette pratique pourrait être « Nouveau Départ par la
Concentration sur la Densité et la Solidité de la Terre, et par les Touchers de la Terre »,
mais pour simplifier, nous l’appelons « Nouveau Départ par la Terre ». La solidité et la
densité sont les deux caractéristiques de la Terre. Dans la préface du Soutra de
Ksitigarbha, le Bodhisattva3 est loué ainsi : « Comme la Terre, Ksitigarbha est solide,
dense, et doté d’une grande capacité à embrasser tous les êtres. »4 L’énergie de la pleine
conscience et de la concentration suscitée pendant le contact avec la Terre a le pouvoir de
1
Discours, enseignement du bouddhisme mahayana.
2
Le titre complet de cette pratique de purification est « Pratique du Nouveau Départ par l’Eau, et par la
Concentration sur la Bonté Aimante et de la Compassion ».
3
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se libérer.
nous éveiller, de nous transformer, de nous purifier et de nous apporter immédiatement
joie de vivre, aussi bien pendant la pratique qu’après celle-ci.
Chaque méditation proposée ici est une petite conversation avec le Bouddha, dont
chacun peut bénéficier en trouvant un passage qui correspond à sa propre situation.
Chaque méditation peut être pratiquée seule ou bien comme faisant partie des cérémonies
de Toucher de la Terre pour le Nouveau Départ.
Cette pratique peut être individuelle ou collective. Seul, nous pouvons utiliser le
CD sur lequel les méditations sont lues par des moines et des moniales du Village des
Pruniers. En groupe, une personne dotée d’une voix expressive et animée par une forte
énergie de pleine conscience et de concentration pourra lire le texte pendant que les
autres écouteront. Pendant la lecture, nous pourrons nous tenir debout ou bien agenouillés
en joignant les mains. Nous pouvons préférer lire « nous » et « nous-mêmes » au lieu de
« je » et « moi-même ». Après la lecture de chaque passage, la personne qui lit le texte
invite la cloche5 et chacun touchera la Terre en s’allongeant dans la position de
prosternation, ou en s’agenouillant et en se penchant vers l’avant afin que le front et les
avant-bras touchent le sol. Après au moins trois respirations profondes, tout le monde se
relève quand un demi son de cloche est invité6. Les personnes qui ne peuvent pas se
prosterner complètement sont invitées à simplement joindre les mains et à s’incliner
légèrement vers l’avant.
Nous touchons la Terre en silence et demeurons dans cette position pendant toute
la longueur de trois respirations au moins, ou plus longtemps, afin d’avoir assez de temps
pour contempler profondément. Durant ce moment, nous confions complètement tout
notre corps et notre esprit à la Terre, la laissant nous embrasser et transformer en nous la
souffrance et les obstacles. Si nécessaire, nous pouvons répéter la lecture d’un même
passage et toucher la Terre une deuxième fois. Pratiquer ainsi nous procurera un
sentiment de joie. Nos difficultés seront transformées, notre corps et notre esprit
deviendront plus légers.
Les présentes méditations visent à aborder les questions et les difficultés réelles
d’une quadruple communauté de pratiquants, incluant moines, moniales, laïcs hommes et
femmes. Ce qui nous met tous en relation, c’est notre aspiration profonde à vivre une vie
éveillée, en paix et en harmonie avec nous-mêmes et les autres ; c’est notre désir de
guérir les blessures qui ont marqué en profondeur notre corps et notre esprit ; c’est aussi
notre engagement à servir la société. Certaines parties des méditations s’adressent aux
moines et aux moniales, alors que d’autres sections visent plutôt les pratiquants laïques.
Quelle que soit notre place, il se peut qu’au premier abord certains passages des
méditations ne s’appliquent pas directement à notre situation présente ; et pourtant, en
regardant profondément, nous pourrons trouver le moyen d’établir un lien avec chaque
partie du texte. Que nous pratiquions seul ou en tant que communauté, ces méditations
4
Soutra mahayana dans le Canon Chinois, il tire son origine de l’Asie Centrale et fut traduit de sanskrit en
chinois. Il décrit les vies passées du Bodhisattva Ksitigarbha, son vœu et ses pratiques, ainsi que les
bénéfices qui échoient à ceux qui lui rendent hommage.
5
Dans notre tradition, la cloche est comme le Bouddha qui nous rappelle de revenir au moment présent.
Pour cette raison, nous préférons dire « inviter » la cloche à sonner en signe de respect.
6
Pour inviter un demi son de cloche, on pose le bâton à la fois légèrement et fermement sur le rebord de la
cloche et en le tenant là, ce qui permet de produire un son court et relativement sourd.
guidées peuvent nous aider tout doucement à guérir les divisions et le malaise que nous
entretenons au-dedans de nous-mêmes. Nous pouvons très bien, quelques jours après une
session de pratique, désirer avoir une discussion avec d’autres pratiquants afin de
partager les expériences et les compréhensions profondes qui apparaissent avec le
Toucher de la Terre.
Si vous appréciez cette pratique, vous pouvez vous y consacrer une fois toutes les
semaines, tous les mois, ou au moins deux fois par an. La Terre est là partout, et quand
vous êtes en contact avec elle, vous pouvez être en paix.
LIVRE I : Le bonheur est ici et maintenant

1. Visualiser mon maître, le Bouddha Sakyamuni


Cher Bouddha, je me mets en contact avec toi. Je te vois jeune homme à
Kapilavastu7. Je te vois aussi ascète qui médite dans les forêts sauvages 8. Je te vois assis
en méditation au pied de l’arbre de la Bodhi9, bien solidement. Je te visualise et te vois
maître noble et respectueux qui instruisait ses disciples sur le Pic des Vautours 10 ou dans
le monastère d’Anathapindika11. Je te vois moine errant dont les pas en pleine conscience
laissent encore des traces dans les royaumes de la vallée du Gange. Je te vois aussi vieux
maître âgé de quatre-vingts ans, allongé entre deux arbres shalas dans la posture du lion,
vivant tes derniers instants dans ce monde12.
Cher Maître, tu avais un corps en très bonne santé. Tu as vécu jusqu’à quatre-
vingts ans à une époque où la médecine n’était pas aussi avancée et efficace
qu’aujourd’hui. Je m’incline avec toute ma sincérité et mon respect devant ton corps de
transformation Sakyamuni, et devant le roi Suddhodana et la reine Maya 13, envers
lesquels je suis plein de reconnaissance pour avoir donné la vie à un maître aussi
extraordinaire.
Silence pendant quelques respirations

Le front et les quatre membres sur le sol, je touche la Terre avec gratitude devant
toi, Sakyamuni mon Maître, qui t’es manifesté sur cette Terre.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
7
Capitale du clan des Sakya auquel appartenait Siddhartha Gautama, le futur Bouddha. C’était là que se
trouvait le palais du roi Suddhodana, son père, où Siddhartha aurait séjourné jusqu’à l’âge de 29 ans.
Aujourd’hui, c’est une grande région, principalement au Népal, et en partie en Inde.
8
Pendant six ans, Siddhartha pratiqua les austérités avec cinq autres ascètes méditants. Cf. Thich Nhât
Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 15.
9
Constatant que les austérités ne l’avaient pas mené à une plus grande compréhension du monde,
Siddhartha décida de délaisser les austérités extrêmes et de se concentrer sur la méditation, traçant la voie
du milieu qui consiste à nier les excès. Il s’assit sous l’arbre de la Bodhi et fit le vœu de ne pas bouger de
cette place avant d’avoir atteint la Vérité. Au quarante-neuvième jour à l’aube, il atteignit l’Eveil parfait.
(Cf. ibid., chapitre 18.) Cet arbre se situait à Bodh Gaya (site de pèlerinage aujourd’hui), dans l’état de
Bihar. Il est aussi connu sous le nom de figuier des pagodes ou pipal. C’est un arbre appartenant au genre
ficus (ficus religiosa) de la famille des Moracées.
10
Sur cette montagne se situait le monastère où le Bouddha résidait souvent pendant les trente dernières
années de sa vie. Le Pic des Vautours, lieu de pèlerinage, est aussi connu sous le nom de Gridhakuta. Il se
situe aujourd’hui à Rajgir, une ville du district de Nalanda, dans l’état de Bihar.
11
Monastère offert au Bouddha par le riche marchand Anathapindika et le prince Jeta, un des monastères
bouddhistes les plus connus. (Cf. ibid., chapitre 39 et 40.) Le Bouddha y a passé 19 saisons des pluies, et
c’était là qu’il délivrait le plus de discours. Aujourd’hui, c’est un parc historique, lieu de pèlerinage avec
des restes de plusieurs bâtiments connus comme Sahet-Mahet.
12
Le Bouddha entra en nirvana près de la localité de Kushinagara (lieu de pèlerinage aujourd’hui), allongé
entre deux arbres shalas, aussi connus sous le nom de sal, (shorea robusta, une diptérocarpée) arbre d’Inde
employé dans les constructions. (Cf. ibid., chapitre 80 et 81.)
13
Cf. ibid., chapitre 6.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant ton père, le roi
Suddhodana, et devant ta mère, la reine Maya.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

2. Reconnaître Bouddha dans ma Sangha14, dans le Dharma15 et en


moi-même
Cher Bouddha, je vois ta présence dans ta communauté de pratique. Je suis
comme le roi Prasenajit16 qui, chaque fois qu’il voyait ta Sangha monastique, était en
contact avec ta grandeur et fortifiait sa foi, son amour et son admiration envers toi. Tu as
transmis la vision profonde et la compassion à des personnes innombrables, monastiques
et laïques. Ces disciples sont tous ta continuation ; d’une manière ou d’une autre, tous ils
sont toi-même.
Cher Maître, je te vois en cet instant dans la quadruple Sangha composée des
moines, des moniales et des pratiquants laïques hommes et femmes. Je te vois dans les
pratiques intelligentes qui mènent toujours à la transformation et à la guérison. Je te
reconnais dans l’énergie de sagesse et de compassion qui habite non seulement les
personnes mais aussi la littérature, la poésie, l’architecture, la musique et bien d’autres
expressions culturelles et artistiques. Je te reconnais en moi-même, dans mes semences
de sagesse et d’amour lorsque je les laisse guider mon comportement. Permets-moi de
toucher la Terre une fois devant toi, afin d’entrer en contact avec ta présence en moi, dans
ma Sangha, dans les pratiques répandues à travers le monde, et dans toute la beauté, la
bonté que tu as pu cultiver au sein de la civilisation humaine.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je me mets en contact avec toi, Honoré-de-
par-le-Monde17, mon maître présent en moi et autour de moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant le Bouddha


Dipankara qui a prédit ton Eveil, mon maître18.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

14
Communauté de pratique.
15
Enseignements du Bouddha.
16
Roi de l’empire de Kosala, dont la capitale était à Savatthi. C’était le deuxième plus grand et plus
puissant pays après Magadha dans le Sud-Est. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-
Claude Lattès, 1996, chapitre 77.
17
L’une des dix qualités du Bouddha.
18
Cf. ibid., chapitre 36.
3. Faire naître la grande compréhension et l’amour infini pour le
vrai bonheur
Cher Bouddha, toi mon maître et ma Sangha 19 avez donné naissance à ma vie
spirituelle et continuez à me nourrir chaque jour. Je suis ton disciple, ton jeune frère, ta
jeune sœur et ton enfant. Je veux être ta belle continuation. Tu n’as pas recherché le
bonheur dans la popularité, la richesse, le sexe, le pouvoir et la bonne chère. Ton bonheur
est la grande liberté, l’amour infini et la compréhension parfaite. Grâce à la
compréhension parfaite, aucune situation n’a pu obstruer ta voie spirituelle ou
t’emprisonner dans des pensées erronées ; tu n’as pensé, ni dit et ni rien fait qui puisse
créer de la souffrance à toi-même et aux autres. Grâce à cette compréhension parfaite, tu
as, cher Bouddha, l’amour infini qui enveloppe tous les êtres. Cet immense amour
soulage, libère et offre la paix et le bonheur à d’innombrables êtres. La compréhension
parfaite et l’amour infini t’ont apporté une immense liberté et le vrai bonheur.
Mon désir le plus cher est de marcher sur tes traces, cher Maître. Je fais le vœu de
ne pas chercher le bonheur dans les cinq plaisirs des sens, sachant que la richesse, la
popularité, le sexe, le pouvoir et la bonne chère ne peuvent pas m’apporter le bonheur
véritable. Je comprends qu’en courant après les objets de convoitise, je me rendrai
esclave de ces choses et m’attirerai beaucoup de souffrance. Je suis déterminé à ne pas
rechercher un bonheur fondé sur une position, un diplôme, du pouvoir, de l’argent ou du
sexe. Je fais le vœu de pratiquer tous les jours, afin de faire naître la compréhension,
l’amour et la liberté. Ces éléments ont la capacité de faire mon véritable bonheur, celui de
ma famille et de ma Sangha, maintenant et dans le futur.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant toi, mon cher
Maître, et devant le Vénérable Baddhiya 20 pour contempler profondément mon vœu et le
fortifier.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

4. Revenir au moment présent pour vivre le bonheur ici et


maintenant
Cher Bouddha, je reconnais l’oubli et la distraction comme une énergie
d’habitude puissante en moi. Je me laisse souvent submerger par des peines ou des
regrets du passé. Je rate ainsi de nombreuses occasions d’être en contact avec les
merveilles de la vie dans le moment présent. Je vois beaucoup d’entre nous incapables de
vivre notre vie dans l’instant présent : le passé est devenu une prison qui nous enferme ;
nous passons notre temps à pleurer, à nous lamenter et à regretter ce que nous avons
perdu. Nous laissons filer l’occasion de profiter de ce qui est frais, beau, merveilleux, qui
pourrait nous nourrir et nous transformer dans le moment présent. Nous ne savons pas
19
Communauté de pratique.
20
Avant de devenir moine, Baddhiya était gouverneur des provinces du nord dans le clan Sakya. Une fois
tard le soir, pendant sa méditation assise, ce disciple du Bouddha réalisa combien il était libre et heureux et
ne put s’empêcher de s’exclamer deux fois : « Oh, quel bonheur! » Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de
Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 38.
être en contact avec le ciel bleu, les nuages argentés, les saules verts, les fleurs jaunes, le
chant des pins, le murmure des ruisseaux à la campagne, le gazouillis des oiseaux ou les
rires des enfants sous le soleil matinal dans le square.
Nous ne savons pas non plus toucher les merveilles qui sont en nous. Nous ne
voyons pas que nos yeux sont deux joyaux, qu’il nous suffit de les ouvrir pour être tout
de suite touchés par le monde qui s’offre dans un paradis de formes et de couleurs. Nous
ne voyons pas que nos oreilles sont deux miraculeux organes sensoriels : il nous suffit de
prêter l’oreille pour entendre immédiatement le murmure du vent à travers les branches
des pins, le chant joyeux des rossignols ou la voix de la marée montante qui joue, le
matin, une majestueuse symphonie. Notre cœur, nos poumons, notre cerveau, mais aussi
notre capacité de percevoir, de penser ou de visualiser sont également de pures
merveilles. Un verre d’eau claire ou une orange mûre dans notre main en sont tout autant.
Et pourtant, nous sommes incapables de toucher de telles manifestations de la vie, car
nous ne savons pas utiliser la respiration consciente et les pas en pleine conscience pour
nous entraîner à revenir au moment présent.
Cher Bouddha, je te prie d’être le témoin de mon engagement. Je te promets de
changer de comportement. Je sais que le bonheur n’est pas une idée abstraite, ni une
promesse lointaine pour l’avenir. Il est vraiment présent pour moi avec toutes ses
merveilles. La petite allée de terre rouge bordée d’herbe verte, ces mignonnes petites
fleurs jaunes et mauves, ce ruisseau chantant où reposent tranquillement les cailloux au
fond de son lit : voilà le monde du bonheur. Mon paradis est fait non seulement de
bouquets de lotus et de boutons de chrysanthèmes, mais aussi de boue et de compost pour
nourrir les racines du lotus et les branches du chrysanthème. Il semble y avoir naissance
et mort. Mais si je regarde en profondeur, je verrai que la naissance et la mort sont
interdépendantes : l’un est impossible sans l’autre. Et si je regarde plus profondément
encore, je ne vois plus ni naissance ni mort mais seulement manifestations. Je sais que si
je pratique assidûment tous les jours, je pourrai faire naître l’énergie de la pleine
conscience, de la concentration et de la vision profonde. Cette énergie me permettra
toujours de retourner au moment présent pour entrer dans le paradis. Je n’ai pas besoin
d’attendre la désintégration de ce corps pour y entrer. Je peux y être immédiatement, avec
un peu d’énergie de pleine conscience, de concentration et de vision profonde. Cette
énergie, je peux la faire naître avec mes pas, ma respiration attentifs et mon regard
profond.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite harmonie, je touche la Terre trois fois afin d’entrer
profondément en contact avec toi, cher Bouddha, et avec le bonheur ici et maintenant.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

5. Arrêter la course pour revenir au moment présent


Cher Bouddha, certains d’entre nous avons des trajets d’une heure en voiture ou
en train pour aller au travail, et la même chose pour en revenir. Et une fois rentrés à la
maison, malgré la fatigue, nous devons encore préparer à manger et faire le ménage. Il
faut aussi penser à payer les factures, le loyer ou l’emprunt logement, l’électricité, l’eau,
le téléphone, les impôts. Et puis s’ajoutent d’autres problèmes comme la maladie, le
chômage, les accidents de la route… Voilà notre vie jour après jour, toujours occupée et
constamment sous pression, créant en nous de la peur et de l’anxiété. La plupart d’entre
nous vivons notre vie comme une course permanente. Nous nous dépêchons de finir une
tâche pour vite passer à la suivante. Une tâche n’est pas finie qu’une autre apparaît, et
c’est sans fin. Nous sommes également attachés à nos habitudes : nous ne supportons pas
de rester oisifs ; nous remplissons tout notre temps de toutes sortes d’occupations. Cent
ans passent en un éclair, comme dans un rêve. Mais je ne veux pas de ce mode de vie. Je
veux vivre pleinement et librement chaque instant de ma vie quotidienne. Je veux suivre
la pratique de vivre heureux dans le moment présent que tu nous as enseignée. Pour cela,
je veux en faire moins et vivre de manière à ce que chaque instant m’apporte de la joie.
Cher Maître, c’est seulement faute d’avoir vécu pleinement le moment présent,
pris dans ma course perpétuelle, que je n’ai pas eu la chance de toucher toutes les
merveilles de la vie. En regardant profondément, je me rends compte à quel point ces
merveilles sont disponibles : une goutte de rosée, un brin d’herbe, un rayon de soleil, un
nuage, jusqu’à une étoile… Dans le passé, j’ai vagabondé comme un enfant prodigue,
fuyant le moment présent à la recherche d’un bonheur illusoire dans le futur. En cet
instant, je suis éveillé par tes enseignements qui m’apprennent à vivre heureux dans le
moment présent. Je reconnais le monde du bonheur qui est juste là, pour moi.

Le monde est plein de trésors.


Je vous offre ce matin
Une poignée de diamants
Qui brillent jour et nuit.

Chaque minute est un joyau


Qui renferme la terre, l’océan et le ciel.
Il suffit d’une respiration légère
Pour que tous ces miracles se produisent.

Les oiseaux chantent, les pins murmurent et les fleurs s’épanouissent ;


Le ciel bleu et les nuages blancs sont là ;
Le regard brille, plein d’amour ;
Le sourire emplit le cœur.

Toi, la personne la plus riche sur Terre,


Tu erres depuis si longtemps.
Cesse de faire l’enfant prodigue,
Reviens et reçois ton héritage.

Offrons-nous le bonheur.
Vivons pleinement l’instant.
Laissons partir tout ce courant de souffrance
Et choyons la vie au creux de nos mains21.

21
Poème de Thich Nhât Hanh intitulé Notre véritable héritage, extrait de Une flèche, deux illusions,
éditions Dangles, 2000.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit parfaitement dans l’ici et le maintenant, je touche la Terre trois


fois pour vraiment m’arrêter et entrer en contact avec les merveilles de la vie en moi et
autour de moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

6. Prendre soin du moment présent, c’est construire un bel avenir


Cher Bouddha, je me rappelle que tu nous as enseigné de ne pas regretter le passé,
et de ne pas nous perdre dans le souci et la peur du futur. Nombreux d’entre nous sommes
noyés dans les inquiétudes et les peurs, ce qui nous enlève la capacité de vivre pleinement
et profondément le moment présent. J’ai le droit et la possibilité de faire des projets pour
le futur et d’établir des fondations pour construire mon avenir, mais ce n’est pas une
raison pour me laisser entraîner par les soucis ou la peur du futur. En réalité, la substance
même du futur est le présent. Si je sais comment prendre en charge et vivre profondément
le moment présent en évitant de penser, de dire et de faire ce qui est négatif, si je sais
comment penser, dire et faire seulement ce qui peut apporter la compréhension, l’amour,
la paix et le bonheur, alors je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour construire un bel
avenir. Je comprends que si je m’occupe du présent avec toute ma sagesse et tout mon
cœur, je fais déjà tout mon possible pour l’avenir et je n’ai plus à m’inquiéter pour le
futur. Le souci et la peur sont des énergies négatives, des obstacles dans la construction
du bonheur à la fois présent et futur. Je sais que je peux mettre fin au souci en apprenant à
vivre en pleine conscience, dans la stabilité et la liberté, et à faire naître plus d’énergie de
compréhension et d’amour.
Qu’adviendra-t-il du monde ? Mes enfants et les enfants du monde auront-ils une
chance de vivre libres et heureux ? Cela dépend de ma manière de vivre le présent. Si je
n’apprends pas à vivre dans la simplicité et si je ne suis pas heureux et satisfait d’une vie
simple et pleine de fraternité, mes enfants, mes petits-enfants, tous les enfants du monde
et moi-même n’aurons pas d’avenir. Si nous continuons à courir après le pouvoir, la
reconnaissance et la richesse, non seulement nous nous privons du temps de vivre dans la
paix et la liberté, mais nous continuerons aussi à surexploiter les ressources de la Terre, à
détruire l’environnement et à entretenir la haine et les conflits dans le monde. Et nous
serons privés d’avenir, nous et notre environnement.
Cher Maître, je fais le vœu de dévouer ma vie à illuminer de cette prise de
conscience chaque instant de ma vie quotidienne ainsi que le cœur de chaque être autour
de moi. Je suis convaincu que c’est le mode de vie le plus beau, celui par lequel je prends
la suite de ta sagesse, de ton aspiration et de ton action.
Silence pendant quelques respirations

En faisant le vœu de maintenir cette prise de conscience durablement, je touche la


Terre trois fois devant toi, cher Bouddha, dont l’action reflète parfaitement la vision
profonde22.
22
L’une des dix qualités du Bouddha.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

7. Pratiquer la marche méditative23 pour revenir au moment


présent
Cher Bouddha, dans le passé, j’avais l’habitude de courir, avec pour seul désir
d’arriver le plus vite possible. Je ne savais pas comment vivre dans la paix, la tranquillité
et la liberté. Depuis que j’ai appris la marche méditative, je me suis beaucoup transformé.
Mais ma pratique de la marche méditative n’est pas aussi solide que je le souhaiterais,
tous mes pas ne sont pas faits en pleine conscience. Je vois autour de moi tant de
personnes incapables de vivre dans le moment présent car elles n’ont pas encore eu la
chance de pratiquer la méditation marchée. Cher Maître, tu m’as enseigné que la vie n’est
disponible que dans le moment présent ; c’est pourquoi je veux que chacun de mes pas
me ramène à l’instant présent. Je suis déterminé à marcher en me concentrant sur ma
respiration et sur le contact entre mes pieds et ma belle planète chaque fois que je fais un
pas. Je ne parlerai pas en marchant. S’il y a quelque chose à dire, je m’arrêterai pour me
concentrer sur mes paroles ou sur l’écoute. Puis je continuerai mon chemin après avoir
fini de parler ou d’écouter. Si la personne qui m’accompagne ne connaît pas encore cette
pratique, je m’arrêterai pour la lui expliquer. Ainsi, je pourrai faire chaque pas avec tout
mon cœur, pour revenir au moment présent et entrer en contact profond avec la vie et le
paradis du présent. Les merveilles de la vie que sont les fleurs, les cailloux, le ruisseau,
l’écureuil, le chant des oiseaux, le vent, jusqu’à la lune et les étoiles, sont là en cet instant
même. C’est un vrai miracle d’être encore vivant, d’avoir encore deux jambes en pleine
forme et de marcher en toute liberté sur cette planète Terre.
Cher Maître, je te promets d’organiser ma vie de manière à pratiquer la marche
méditative chaque fois que j’ai besoin de me déplacer à pied, que la distance soit longue
ou courte : de ma chambre à la salle de bain, de la cuisine aux toilettes, du rez-de-
chaussée au premier étage ou de chez moi à l’arrêt de bus. Dans un parc, au bord d’une
rivière, à l’aéroport ou au supermarché, où que je sois, j’aurai toujours la même façon de
marcher. Je fais le vœu de faire naître et de propager l’énergie de la liberté, du bien-être,
de la stabilité, de la joie et du bonheur où que j’aille.
Cher Bouddha, tu t’es autrefois promené librement, dans toute la région du
Gange. Chaque endroit où tu passais devenait un lieu sacré. Je veux moi aussi marcher
avec tes deux pieds pour voyager à travers les cinq continents. Ainsi, toute la planète
Terre deviendra une planète sacrée. Cher Bouddha, tu as autrefois choisi la Terre comme
ton royaume. Je te promets formellement d’en prendre bien soin. Je veux continuer ton
aspiration en partageant tes enseignements et tes pratiques sur les cinq continents. Je sais
que la pratique de la marche méditative à elle seule me permettra déjà de continuer en
beauté ton œuvre et celle de ta Sangha24. J’ai en mémoire les paroles que le roi
Prasenajit25 t’adressait : chaque fois qu’il voyait ta Sangha marcher en pleine conscience,
23
Pour les pratiquants qui utilisent une chaise roulante, vous pouvez ajuster les termes de ce texte en faisant
référence à « se déplacer en chaise roulante » plutôt que « marcher ». N’hésitez pas à faire preuve de
créativité pour que la pratique soit vivante et appropriée à votre situation.
24
Communauté de pratique.
25
Roi de l’empire de Kosala, dont la capitale était à Savatthi. C’était le deuxième pays le plus grand et le
plus puissant après Magadha dans le Sud-Est. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-
dans la solidité et la liberté, sa foi envers toi augmentait. Je suis déterminé à faire comme
ta Sangha, cher Bouddha, pour que quiconque me voit marcher sente jaillir en lui ou en
elle un profond respect envers toi.
Silence pendant quelques respirations

De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois afin d’être en contact avec toi, cher
Bouddha et avec le Vénérable Assaji, source d’inspiration par sa manière de marcher26.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

8. Marcher comme Bouddha, comme une rivière et non pas comme


une goutte d’eau solitaire
Cher Bouddha, tu as marché sur cette planète Terre en être libre. Beaucoup
d’entre nous ne pouvons pas faire comme toi ! Nous ne savons que courir. Nous courons
vers le futur croyant que le bonheur ne peut pas être trouvé dans le moment présent. Nous
marchons sur terre mais notre esprit est dans les nuages comme des somnambules sans
savoir où nous allons.
Je sais que si je le veux vraiment, je peux faire comme toi. Cher Maître, je fais le
vœu de suivre tes pas, et de toujours marcher en être libre et éveillé. Je veux qu’à chaque
pas, mes pieds touchent profondément la Terre, conscient que je marche sur la Terre
réelle et non dans un rêve. En marchant ainsi, je pourrai toucher toutes les merveilles du
cosmos. Je fais le vœu de marcher de telle sorte que mes pieds, comme un sceau,
impriment sur la Terre les marques de la liberté, de la joie et du bonheur. De tels pas
apporteront la guérison à mon corps, à mon esprit, et à toute la planète Terre.
Pendant la marche méditative en plein air avec ma Sangha27, je serai conscient du
grand bonheur que cela représente de marcher avec elle. Grâce à la pratique de la
respiration consciente et de la marche méditative, je ferai naître l’énergie de pleine
conscience et de concentration afin de contribuer à cette grande force d’énergie de la
Sangha. J’ouvrirai mon corps et mon cœur pour laisser cette énergie collective entrer en
moi, me protéger et me transporter comme une rivière. Je sais qu’en confiant mon corps,
mon esprit et ma souffrance à la Sangha pendant la marche méditative, je me laisse
envelopper, nourrir, guérir et transformer par elle. C’est pourquoi je veux m’entraîner à
marcher non pas comme une goutte d’eau solitaire mais comme une rivière. Pendant la
marche lente dans la salle de méditation, je marcherai de la même façon, et je combinerai
chaque pas avec une inspiration ou une expiration. Je fais le vœu de marcher de telle
sorte que chacun de mes pas nous nourrisse, ma Sangha et moi-même, d’une énergie de
liberté et de stabilité.
Silence pendant quelques respirations

Claude Lattès, 1996, chapitre 77.


26
Ce disciple du Bouddha, par sa manière de marcher, inspira Moggallana qui chercha ensuite le Bouddha
pour lui demander d’être son maître. Cf. ibid., chapitre 29.
27
Communauté de pratique.
Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant toi,
l’enseignant inégalé28, afin de graver dans mon cœur ce vœu de marcher comme toi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

9. M’asseoir comme Bouddha


Cher Maître, je rêve de m’asseoir comme toi, calme et solide. Je veux avoir une
prestance comme la tienne. J’ai appris à m’asseoir le dos bien droit mais sans raideur, la
tête bien droite, ni penchée vers l’avant ni vers l’arrière, les épaules détendues, les mains
posées l’une sur l’autre avec légèreté. Dans cette posture, je me sens à la fois solide et
détendu. Je sais qu’à mon époque, la plupart des gens sont trop occupés. Peu de gens ont
la chance de s’asseoir tranquillement dans une totale liberté intérieure. Je fais le vœu de
pratiquer la méditation assise de manière à ce que la joie et le bonheur soient possibles
durant toute l’assise. Que je sois dans la position du lotus, du demi-lotus, en tailleur, sur
les talons ou sur une chaise avec mes deux pieds bien au sol, je suis assis en personne
libre. Je m’entraîne à m’asseoir tranquillement en suivant ma respiration consciente pour
reconnaître et calmer mes sensations et mes émotions. Ainsi, mon corps et mon esprit se
posent et s’apaisent. Avec cette pratique, j’allume la lampe de ma conscience : j’ai la
chance d’unifier mon corps et mon esprit, de faire naître en moi la sensation de la joie et
du bonheur. Je regarde profondément mes perceptions, mes autres formations mentales 29
lorsqu’elles se manifestent. Je contemple leur nature pour voir l’origine de leur
manifestation.
Cher Bouddha, je ne vois pas la méditation assise comme un effort à faire, qui
force et emprisonne mon corps et mon esprit, ou comme un dur labeur capable de me
procurer un certain bonheur dans un lointain futur. Au contraire, je suis déterminé à
m’asseoir de manière à ressentir la joie et le bonheur, et à me sentir immédiatement
nourri. Dans les générations passées, beaucoup de mes ancêtres génétiques n’ont jamais
eu l’occasion de goûter au bonheur de l’assise en pleine conscience. Je fais le vœu de
m’asseoir aussi pour eux. Je veux m’asseoir pour mon père, ma mère, mes frères et mes
sœurs. Si la méditation assise me nourrit, elle nourrit également ceux que j’aime. Chaque
respiration, chaque moment de contemplation, chaque sourire pendant la méditation
assise peut devenir un cadeau pour eux et pour moi-même, un cadeau qui nous nourrit
tous en même temps. Je n’oublierai pas qu’il vaut mieux aller au lit de bonne heure pour
ne pas m’assoupir pendant la méditation assise le lendemain matin. Si j’ai sommeil, je
demanderai à la Sangha30 l’autorisation de m’agenouiller pour réveiller mon corps et mon
esprit et éviter de gaspiller mon temps en dormant pendant la session de méditation
assise.
Pendant le repas, pendant le partage du Dharma31, les enseignements ou bien au
travail, je m’entraînerai à m’asseoir dans la solidité et la liberté comme pendant la
méditation assise. Je ne m’assoirai ni penché à droite, ni à gauche, ni appuyé contre le
mur comme je l’ai fait par le passé. Sur la colline, à la plage, au pied d’un arbre, sur un
28
L’une des dix qualités du Bouddha.
29
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérence, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
30
Communauté de pratique.
31
Discussion des enseignements du Bouddha.
rocher, dans la salle de séjour, dans le bus, dans une manifestation contre la guerre ou
pendant un jeûne pour les droits de l’Homme, je m’assoirai de la même façon. Je n’irai
pas m’asseoir dans des bars, des lieux de prostitution, des casinos, dans des lieux de
médisance ou de bavardage, sauf dans l’intention d’y apporter de l’aide.
Je suis déterminé à m’asseoir comme toi et pour toi, cher Bouddha, toi qui m’as
donné naissance dans cette vie spirituelle. Je suis conscient que si chacun dans le monde
est capable de s’asseoir calmement, la paix et le bonheur se répandront sûrement sur cette
Terre.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite harmonie, je touche la Terre trois fois devant toi, mon
cher Maître, et devant le Vénérable Baddhiya qui a goûté la joie et le bonheur de la
méditation assise32.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

10. Participer à l’œuvre de Bouddha par la pratique quotidienne de


l’établissement heureux dans le moment présent
Cher Bouddha, à l’époque où tu t’es manifesté sur cette Terre en tant que
Sakyamuni, tu as voué ta vie entière à libérer les êtres de leur souffrance. En ce temps-là,
il n’y avait ni avions, ni bateaux, ni trains, ni bus. Et pourtant, tu as sillonné de nombreux
pays dans la plaine du Gange. Tu allais seulement à pied. Et chacun de tes pas était fait en
pleine conscience. Partout où tu allais, tu amenais ton énergie de solidité et de liberté. Tu
as pratiqué pour t'établir heureux dans le moment présent pendant tes quarante-cinq
années d’enseignement et de service. Tu apportais ton aide à tout le monde, rois 33,
hommes d’affaire34, intellectuels35, manuels36, bandits37, riches38, pauvres39, intouchables40,
hommes, femmes41, jeunes42, âgés, à tout âge et à toutes les castes sans discrimination.
Ton travail a eu une influence profonde et durable, et il s’est perpétué jusqu’à
aujourd’hui. Moi qui suis ton disciple, je fais le vœu de pratiquer de tout mon cœur, dans
la paix et la joie, afin de participer à cette mission de compréhension et d’amour que tu
m’as transmise. Je suis déterminé à suivre la pratique de vivre heureux dans le moment
présent, que ce soit pendant la méditation assise, la méditation marchée ou les repas en
pleine conscience, que je parle, que j’écoute ou que je travaille. Je fais le vœu de
32
Avant de devenir moine, Baddhiya était gouverneur des provinces du nord dans le clan Sakya. Une fois
tard le soir, pendant sa méditation assise, ce disciple du Bouddha réalisa combien il était libre et heureux et
ne put s’empêcher de s’exclamer deux fois : « Oh, quel bonheur! » Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de
Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 38.
33
Cf. ibid., chapitre 28, 30, 41, 42, 66.
34
Cf. ibid., chapitre 39.
35
Cf. ibid., chapitre 54.
36
Cf. ibid., chapitre 49.
37
Cf. ibid., chapitre 53.
38
Cf. ibid., chapitre 33, 38.
39
Cf. ibid., chapitre 1.
40
Cf. ibid., chapitre 43, 57.
41
Cf. ibid., chapitre 55.
42
Cf. ibid., chapitre 19, 20, 25.
pratiquer la pleine conscience dans toutes mes activités quotidiennes, quand je cuisine,
quand je passe le balai, quand je fais la lessive, les courses, du jardinage, quand je
conduis, quand je vais au travail, quand je produis et quand je consomme.
En conduisant une voiture, je ne penserai ni au passé ni au futur. Je ne me
laisserai pas emporter par les projets ou par l’anxiété. Je pratiquerai la respiration
consciente pour voir, par exemple, mon grand-père en moi conduire avec moi, même si
en son temps il n’avait pas appris à le faire. Je vois clairement mon grand-père en moi, et
je peux regarder et observer les choses avec ses yeux. Cher Bouddha, je te vois aussi en
train de conduire pour moi ; et tu conduis toujours en pleine conscience. Chaque fois que
je m’arrête à un feu rouge, je retourne à ma respiration consciente ; je me détends, le dos
contre le siège, et je souris. Le feu rouge est comme une cloche de pleine conscience me
rappelant de revenir au moment présent. Je suis alors reconnaissant envers le feu rouge
comme envers un ami de pratique qui me ramènerait à la pleine conscience. Dans un
embouteillage, je respirerai en pleine conscience et je sourirai en pratiquant : « Je suis
chez moi, je suis arrivé. » Je sais que cette manière de conduire m’évitera les tensions et
me donnera au contraire la chance et la joie de contempler profondément. Ma pratique
sera la même quand ce n’est pas moi qui conduis. Je respirerai consciemment et aurai
ainsi l’occasion d’être en contact avec les paysages qui défilent, la campagne, les champs,
les collines, les rivières ou la mer. Je trouverai des moyens habiles pour rappeler au
conducteur et aux autres passagers de pratiquer avec moi, afin de faire naître la pleine
conscience, la concentration juste et la joie durant tout le voyage. La vie est là dans le
moment présent. Chacune de mes respirations me ramène au moment présent pour être en
contact avec la vie.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant toi, l’Eveillé
parfait43, et devant le Vénérable Kassapa qui a reçu tes yeux du vrai Dharma 44, le trésor
de ta grande compréhension45.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

11. Faire la cuisine en pleine conscience


Cher Bouddha, avant de commencer mon travail dans la cuisine, j’allume à
chaque fois un bâton d’encens pour débuter la pratique de la cuisine en pleine conscience,
et la cuisine devient alors une chaleureuse salle de méditation. En laissant l’eau du
robinet couler dans la bassine pleine de légumes, je la contemple pour voir sa nature
merveilleuse. Je vois l’eau prendre sa source à la cime des montagnes ou dans les
profondeurs de la terre et couler jusqu’à ma cuisine. Je sais aussi qu’il y a des endroits sur
cette planète où l’eau manque, où les gens doivent marcher des kilomètres sous le soleil
43
L’une des dix qualités du Bouddha.
44
Enseignements du Bouddha.
45
Un jour, lors d’un rassemblement, le Bouddha resta silencieux alors que tous les moines attendaient son
enseignement. Soudain, sans dire un mot, il souleva une fleur de lotus et la montra à toute l’assemblée.
Parfaitement établi dans le moment présent, Mahakassapa fut le premier à comprendre ce geste et à sourire
à la beauté de la fleur, alors que toute l’assemblée demeurait perplexe. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces
de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 51.
pour aller remplir des seaux et les porter ensuite jusqu’à leur maison. Ici, l’eau est
disponible à tout moment, il suffit d’ouvrir le robinet. Une simple coupure de quelques
heures, et me voilà tout désemparé. C’est pourquoi je sais que l’eau est précieuse. Il en va
de même pour l’électricité, celle qui me permet d’allumer la lumière ou de faire bouillir
de l’eau. Il me suffit d’être conscient que l’eau et de l’électricité me sont facilement
accessibles pour qu’immédiatement, la joie emplisse mon cœur.
Je peux couper les légumes ou faire la cuisine en pleine conscience et aussi avec
amour. Je sais que travailler avec amour ne me fatigue pas alors que, si je me sens obligé
de cuisiner pour les autres, je perds toute ma joie. Devant une tomate, une carotte ou un
morceau de tofu, je peux également regarder en profondeur et voir leur nature
merveilleuse et leur origine dans la terre, le soleil, la pluie et la graine. En préparant le
thé, je peux regarder en profondeur afin de voir les plantations de thé sur les hauts
plateaux en Asie ou les collines brumeuses de l’Inde. Je peux travailler en silence avec
ma famille et mes amis. Chacun d’entre nous peut ainsi préparer le repas en pleine
conscience, dans l’amour et la joie. C’est un grand bonheur d’avoir la chance de faire la
cuisine pour ma famille ou ma Sangha46.
Cher Maître, je m’organiserai de façon à avoir assez de temps et d’énergie pour
faire mon travail dans la détente et la liberté, sans avoir à me presser. Je te promets de ne
pas parler dans la cuisine, et surtout de ne pas médire et de ne pas aborder de sujets
préjudiciables au bonheur de ma famille ou de ma Sangha. Je suis conscient que les
énergies d’amour et de compassion présentes dans la cuisine pénètrent directement dans
la nourriture que je prépare pour ceux que j’aime.
Silence pendant quelques respirations

De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant le Bodhisattva de la


Cuisine47, le priant d’être témoin de mon aspiration et de ma détermination à bien
pratiquer la méditation dans la cuisine.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

12. Manger avec gratitude


Cher Bouddha, je fais le vœu de faire naître en moi la gratitude chaque fois que je
m’assieds à table pour le repas. Je sais que le moment du repas est aussi un moment de
méditation. En mangeant, je nourris non seulement mon corps physique mais aussi ma
conscience. Les mains jointes, je pratique la respiration consciente pour ramener mon
esprit à mon corps. Dans cet état de concentration calme et paisible, je regarde la
nourriture sur la table ou dans mon assiette, et je pratique cette contemplation :
Cette nourriture est un cadeau de l’univers tout entier, de la Terre, du Ciel,
d’innombrables êtres vivants et le fruit de beaucoup de travail.
En tant que laïc, je dois aller travailler chaque jour pour gagner de l’argent et
pouvoir ainsi nourrir ma famille. Pourtant, je n’en retire pas l’idée que cette nourriture
m’appartient, ni que c’est moi qui la produis. En regardant le contenu de mon assiette, je

46
Communauté de pratique.
47
Ce Bodhisattva est présent dans la cuisine de tous les monastères pour y assurer avec amour une
alimentation bonne et saine.
vois très clairement que c’est un cadeau de tout le cosmos. J’y vois les rayons du soleil et
la pluie. J’y vois également les plantations, les vergers de pommiers et de pruniers, les
potagers, l’engrais, les abeilles et les papillons butinant de fleur en fleur, les graines
semées qui deviennent plantes. J’y vois aussi celui qui fait la récolte, qui la vend et celui
qui cuisine. Tous les êtres de l’univers ont contribué à l’existence de la pomme, de la
prune et du morceau de pain que je tiens dans ma main. Mon cœur s’emplit de gratitude
et de bonheur. En mâchant le pain et la nourriture, je cultive la pleine conscience ainsi
que ce bonheur, sans me laisser entraîner dans le passé, le futur ou les pensées
insignifiantes du présent. Chaque bouchée me nourrit, ainsi que mes ancêtres et mes
descendants déjà présents en moi. Et j’aime mâcher la nourriture avec ce poème:

En mangeant dans la dimension ultime


Je nourris des générations d’ancêtres
Et tous mes descendants.
Ensemble, nous frayons un chemin
Et nous avançons en beauté48.

Ma nourriture est faite d’aliments comestibles et d’impressions sensorielles. La


nourriture comestible est le pain et tout ce qui entre dans mon corps par la bouche. La
nourriture des impressions sensorielles est la joie et la compassion que je touche pendant
le repas. Lorsque je mange en pleine conscience, je fais naître compassion, liberté et joie,
et je nourris ainsi toute ma famille et toute la Sangha 49. Cela correspond à la deuxième
contemplation :
Je mange cette nourriture en pleine conscience et avec gratitude pour être digne
de la recevoir.
En pratiquant la troisième contemplation : je reconnais et transforme mes
formations mentales négatives, par exemple l’avidité, qui m’empêchent de manger avec
modération. 50
L’excès de nourriture nuit à ma santé et à ma pratique. Si je prends mes repas
dans une communauté monastique ou dans une collectivité, je me souviendrai de cette
contemplation en faisant la queue pour me servir et en remplissant mon bol ou mon
assiette. Cette contemplation me rappellera de ne prendre que le strict nécessaire, afin de
préserver la paix et la légèreté dans mon corps. En tant que moine ou moniale, je sais que
mon bol à aumône est un instrument de mesure. Alors je l’utilise pour m’entraîner à me
servir une quantité juste suffisante pour moi, même si la nourriture est très appétissante…
En regardant cette nourriture, je vois bien que c’est un cadeau de la Terre, du Ciel,
et le fruit de beaucoup de travail. En tant que moine ou moniale, je vois que c’est un don
qui m’est offert par des laïcs et également par toi, cher Bouddha. Le jour de mon
ordination, en me donnant un bol, tu m’as dit qu’avec lui, je n’aurais plus peur d’avoir
faim si je pratiquais correctement. Maintenant, à la fin de chaque repas, le bol dans mes
deux mains, je me tourne vers toi pour te remercier : Merci, cher Maître, de m’avoir
donné de quoi manger. Mon cœur est plein de gratitude envers toi, c’est-à-dire envers la

48
Poème extrait de Chants du Cœur de Thich Nhât Hanh, Sully, 2009, page 279.
49
Communauté de pratique.
50
Cf. les Cinq Contemplations dans l’annexe en fin d’ouvrage.
Terre, le Ciel, tous les êtres, le dur labeur et l’amour de tant de gens, notamment ceux qui
ont cuisiné ce bon repas.
Silence pendant quelques respirations

Cher Bouddha, je touche la Terre trois fois devant toi, le plus digne de respect et
d’offrande51, afin d’exprimer ma gratitude envers la Terre, le Ciel et tous les êtres, et
nourrir le bonheur en moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

13. Manger avec Bouddha et avec la Sangha52


Cher Bouddha, chaque fois que je mange, je me rappelle de consommer
seulement des aliments qui me nourrissent et entretiennent ma santé. J’ai déjà fait
l’expérience que manger peut me rendre malade. C’est pourquoi, en faisant les courses,
en cuisinant et en mangeant, je dois faire naître en moi la pleine conscience, pour ne pas
ingérer des aliments susceptibles de causer lourdeur ou malaise, même s’ils paraissent
délicieux. S’ils ne sont pas sains, je m’abstiendrai de les manger, malgré leur apparence
appétissante. Je ne veux pas qu’ils m’alourdissent et torturent, ni moi, ni mes ancêtres et
mes descendants en moi.
Cher Maître, je fais la promesse de transformer l’habitude que j’ai de grignoter
quand je me sens mal. Chaque fois que la souffrance, le sentiment de solitude ou les
soucis montent en moi, je pratiquerai la respiration consciente pour les reconnaître et les
embrasser, m’évitant ainsi d’aller au réfrigérateur prendre quelque chose à manger pour
fuir mon malaise ou combler le vide en moi.
Cher Bouddha, même si je suis végétarien, je n’en tire aucune gloire car je sais
que les végétaux ont aussi des sensations, qu’ils font tout pour vivre. Pendant le repas, je
contemplerai le but de ma vie, qui est de pratiquer afin de transformer ma souffrance et
être au service de tous les êtres. Voulant progresser sur ce chemin de compréhension et
d’amour, éclairé par cette conscience, je recevrai la nourriture avec gratitude. C’est la
cinquième contemplation que je pratique :
Je reçois cette nourriture car je veux bâtir ma Sangha, cultiver la fraternité et
servir tous les êtres.53
Cher Bouddha, c’est une chance de pouvoir m’asseoir et partager mes repas avec
ma famille, mes amis ou ma Sangha. Ces moments nourrissent mon bonheur et je les
chéris beaucoup. Je m’assieds bien détendu, le dos bien droit. J’apprends à manger de
manière à ce que le bonheur et la liberté soient possibles pendant tout ce temps. Je mâche
tranquillement, attentivement, en ayant bien conscience des aliments dans ma bouche. Le
plus souvent, je mâche jusqu’à trente fois, jusqu’à ce que la nourriture devienne un
liquide doux et succulent avant d’être avalé. De temps en temps, je m’arrête pour être en
contact avec ma famille génétique ou spirituelle autour de moi et en moi. La puissante
énergie de pleine conscience et de concentration autour de moi me protège et me soutient.

51
L’une des dix qualités du Bouddha.
52
Communauté de pratique.
53
Cf. les Cinq Contemplations dans l’appendice en fin d’ouvrage.
Et quand je mange, je fais à mon tour naître cette énergie pour nourrir ma famille, mes
amis et ma Sangha.
En tant que moine ou moniale, je te promets, cher Maître, de ne manger qu’en
présence de ma communauté pour fortifier ma pratique. J’éviterai de manger seul dans
ma chambre et en dehors des repas, sauf si je suis malade ou qu’une tâche particulière à
accomplir m’empêche de rentrer à temps pour le repas avec la Sangha. Si je dois manger
seul, je m’entraînerai à toucher ta présence, cher Bouddha, et la présence de ma famille et
de ma Sangha en moi pour prendre le repas avec vous tous.
Cher Bouddha, il ne fait aucun doute que ta communauté et toi étiez très heureux
de partager ensemble vos repas, que ce soit sur le Pic des Vautours 54, dans le monastère
de la Bambouseraie55, dans le monastère d’Anathapindika56 ou dans la Grande Forêt près
de la cité de Vesali57. Aujourd’hui, si j’ai assez de pleine conscience et de concentration
pendant le repas avec ma Sangha, je pourrai aussi voir ta présence. Je pourrai te voir à
mes côtés me regarder et me sourire.
Silence pendant quelques respirations

De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, mon cher Maître, afin
d’exprimer mes regrets concernant les erreurs commises dans mon comportement
alimentaire. Je fais le vœu de suivre tes enseignements à ce sujet, afin d’être un bon
exemple pour mon entourage et mes descendants.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

14. Vivre dans la maison de Bouddha


Cher Bouddha, grâce aux bonnes graines que mes ancêtres et moi avons semées,
j’ai la chance en cette vie d’être ton disciple et de prendre part à ton œuvre. J’ai une
famille spirituelle considérable : elle se compose des bodhisattvas 58, des nobles maîtres et
d’innombrables générations de pratiquants monastiques et laïques, partout dans le monde.
Je fais le vœu de vivre profondément ma vie, de rester conscient à chaque instant que je
demeure dans ta maison, que je porte ta robe, mange ta nourriture et accomplis ton
travail.
A partir du moment où je sais comment m’asseoir, je suis dans ta maison, cher
Bouddha, où que je sois. Chaque fois que je m’assieds en pleine conscience, le dos bien
54
Sur cette montagne se situait le monastère où le Bouddha résidait souvent pendant les trente dernières
années de sa vie. Le Pic des Vautours, lieu de pèlerinage, est aussi connu sous le nom de Gridhakuta. Il se
situe aujourd’hui à Rajgir, une ville du district de Nalanda, dans l’état de Bihar.
55
Grande et belle forêt au nord de la cité Rajagaha également connue sous le nom de Venuvana, le premier
monastère offert au Bouddha par le roi Bimbisara. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-
Claude Lattès, 1996, chapitre 30.
56
Monastère offert au Bouddha par le riche marchand Anathapindika et le prince Jeta, un des monastères
bouddhistes les plus connus. (Cf. ibid., chapitre 39 et 40.) Le Bouddha y a passé 19 saisons des pluies, et
c’était là qu’il délivrait le plus de discours. Aujourd’hui, c’est un parc historique, lieu de pèlerinage avec
des restes de plusieurs bâtiments connus comme Sahet-Mahet.
57
Vesali était la capitale de Licchavi, ville très grande, très riche, très peuplée avec une abondance de
nourriture et l’une des premières républiques du monde. A côté de la cité était une grande forêt, Mahavana,
s’étendant jusqu’au Himalaya.
58
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se libérer.
droit, mon corps et mon esprit détendus, un léger sourire sur mes lèvres, alors je suis assis
dans la maison de l’Eveillé. Je peux m’y asseoir non seulement dans la salle de
méditation, mais aussi dans une salle de classe, dans un parc, à la gare, dans une réunion,
devant mon ordinateur au travail ou au volant de ma voiture. Chaque fois que je retourne
à ma respiration consciente, que j’arrive à faire naître la pleine conscience et la
concentration en respirant, je suis nourri par l’énergie de la joie et de la paix et je suis
dans ta maison. Où que j’aille, lorsque je fais des pas libres, solides, paisibles dans le
bonheur, je marche dans ta maison. Je peux y rester continuellement, en faisant la cuisine,
le ménage, en lavant le linge. J’ai le droit d’y vivre vingt-quatre heures par jour, que je
sois moine, moniale ou laïc.
L’habit que je porte est aussi la robe de l’Eveillé, même si ce n’est pas la robe
sanghati59 ou la longue robe monastique. Porter ta robe signifie porter la robe de la prise
de refuge et de la pratique des entraînements à la pleine conscience ; la robe d’une vie
faite de simplicité et d’humilité. Aucune robe n’est aussi belle, aucune ne tient aussi
chaud que la tienne, cher Bouddha.
Je mange la nourriture de l’Eveillé chaque fois que je fais naître la gratitude en
mangeant et que je nourris en moi le Bouddha, mon maître et ma Sangha 60. En mangeant
ta nourriture, je nourris non seulement mon corps et mon esprit, mais aussi ceux des
générations passées et futures. En mangeant dans la pleine conscience et la liberté, je suis
nourri par toi, cher Bouddha, et je te nourris aussi, toi ainsi que ma famille génétique et
spirituelle. En tant que moine ou moniale, je sais que dès l’instant où j’ai reçu la robe
sanghati et le bol à aumône, j’ai abandonné toute peur de ne pas avoir de quoi manger,
me vêtir et m’abriter, car j’ai été admis dans la maison de l’Eveillé pour porter ta robe et
me nourrir de ta nourriture. Tant que je pratiquerai les entraînements à la pleine
conscience et les manières raffinées, la quadruple Sangha61 prendra soin de me nourrir et
de me vêtir, car j’ai été reconnu comme ton enfant, cher Bouddha. Ainsi, je n’ai plus peur
d’avoir faim, d’avoir froid ou d’être seul.
Cher Maître, tant que j’ai en moi de la gratitude, je suis heureux. Je suis
reconnaissant d’avoir eu la chance de rencontrer les Trois Joyaux 62. Le Bouddha, le
Dharma63 et la Sangha m’ont sauvé, nourri et protégé. J’éprouve également de la
reconnaissance pour mes parents, mes enseignants, mes maîtres, mes amis et tous les
êtres. J’éprouve de la reconnaissance pour tous ceux qui ont créé un environnement et des
conditions favorables à ma pratique, à ma transformation, à mon élan pour apporter de
l’aide à moi-même et aux autres. Je te promets, cher Bouddha, de m’appliquer à vivre
dans la pleine conscience avec diligence pour toujours me souvenir que j’ai beaucoup de
chance et que je bénéficie de toutes les conditions favorables pour pratiquer et être
heureux. Je suis déterminé à pratiquer de tout mon cœur et de développer ma pleine
conscience afin d’alimenter continuellement en moi cette flamme de gratitude. Je suis
déterminé à ne jamais tomber dans l’ingratitude, à ne jamais me conduire comme un
enfant gâté, plein de récriminations et aveugle aux conditions de bonheur qui existent
effectivement. Je te promets, cher Bouddha, de ne jamais oublier ce que j’ai reçu de toi,
de mes parents, de mes enseignants, de mes amis et de tous les êtres. La pleine
59
Robe cérémoniale des moines et des moniales.
60
Communauté de pratique.
61
La communauté faite des moines, des moniales, des laïcs hommes et femmes.
62
Le Bouddha, le Dharma et la Sangha.
63
Enseignements du Bouddha.
conscience m’aide à maintenir en moi la gratitude, à me rappeler de ne pas être ingrat et à
continuer ma vie dans le bonheur à chaque instant.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, cher
Bouddha, qui comprend parfaitement le monde 64, et devant tous mes nobles maîtres. Je
vous prie d’être témoins de ma sincérité et de mon aspiration profonde.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

15. Profiter de ma vitalité et de mon temps grâce à la sagesse de


l’impermanence
Cher Bouddha, en cultivant la vision profonde de l’impermanence en moi, je
comprends bien ce que tu nous as enseigné, et je le contemple chaque jour :

- Je vais vieillir. C’est certain. Je ne peux en aucun cas échapper à la vieillesse.


- Je vais tomber malade un jour. C’est certain. Je ne peux en aucun cas échapper à
la maladie.
- Je vais mourir un jour. C’est certain. Je ne peux en aucun cas échapper à la mort.
- Tout ce qui m’est cher et que je chéris aujourd’hui, j’en serai séparé un jour. C’est
certain. Je ne peux en aucun cas échapper à cette séparation.

En approfondissant ma vision de l’impermanence, je suis capable de chérir


précieusement le temps que j’ai, ma vitalité, mon énergie. Cher Maître, tu as su utiliser
ton temps, ton énergie et ta jeunesse pour réaliser ton œuvre de libération et d’Eveil, et
pour nous la transmettre. Je veux être comme toi, capable d’utiliser mon temps, ma
vitalité et mon énergie non pour poursuivre le pouvoir, la popularité, le profit ou une
position sociale, mais plutôt pour vivre profondément, pratiquer, transformer ma
souffrance, développer une vision profonde et faire naître l’amour. Moi qui suis ton
enfant, ta continuation, je fais le vœu de ne pas gaspiller mon temps mais de prendre en
charge ta travail pour les générations futures.
En cultivant la sagesse de l’impermanence, je vois aussi combien est précieuse la
présence de ceux que j’aime, mes parents, mon Maître, mes amis, mes frères et mes
sœurs, dans ma famille génétique et dans ma famille spirituelle. Je sais que ceux que
j’aime sont tout aussi impermanents que moi. C’est pourquoi je chéris leur présence.
Souvent, je vis dans l’oubli et l’ignorance, me figurant qu’ils seront toujours là auprès de
moi, toute ma vie durant, qu’ils resteront toujours comme ils sont, qu’ils ne vieilliront
jamais, qu’ils ne tomberont jamais malades et que jamais ils ne seront absents de ma vie.
Dans ces moments-là, je ne chéris pas leur présence, je ne sais pas y trouver joie et
bonheur. Au contraire, je ne leur adresse pas la parole et je ne suis pas très gentil avec
eux. Ma colère parfois me pousse même à souhaiter qu’ils n’existent plus. En ignorant
leur présence, je suscite en eux souffrance, désespoir, tristesse et colère. Il m’arrive
même parfois de me montrer froid et ingrat vis à vis de mes parents, mon frère, ma sœur,
mon maître, mes frères et sœurs spirituels ou la partenaire envers qui je me suis engagé.
64
L’une des dix qualités du Bouddha.
De tout mon cœur, cher Maître, je veux prendre un Nouveau Départ devant toi. Je
te promets de ne pas répéter ces erreurs. J’apprendrai à dire des mots comme :
- « Papa, tu es toujours là, bien en vie, auprès de moi, quel bonheur ! » ;
- ou « Quelle joie d’avoir un frère (une sœur) aussi solide que toi à mes côtés ! » ;
- ou « Comme j’ai de la chance de t’avoir auprès de moi, ma petite Maman ! » ;
- ou « La vie est plus belle lorsque tu es là avec moi, avec toute ta fraîcheur… »
Je suis déterminé à utiliser la parole aimante, tout d’abord envers ceux que j’aime, puis
envers tous.
Silence pendant quelques respirations

De tout cœur, je touche la Terre devant toi, maître des deux mondes, celui des
hommes et des dieux65, et te prie d’être témoin de mes vœux sincères.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

De tout cœur, je touche la Terre devant le Vénérable Rahula qui s’engagé dans la
pratique spirituelle dès son très jeune âge, et le prie de me soutenir sur mon chemin.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

65
L’une des dix qualités du Bouddha.
LIVRE II : De la boue pousse une fleur de lotus

1. Etudier pour transformer la souffrance


Cher Bouddha, nous avons soif d’étude. Mais souvent nous le faisons pour en
retirer un avantage, comme la célébrité, la fortune ou une position sociale privilégiée,
plutôt que pour nous ouvrir l’esprit et découvrir des pratiques capables de transformer
notre propre souffrance et celle de la société. Parmi nous, nombreux sont ceux qui
n’étudient que pour obtenir un diplôme, pour faire preuve d’éloquence dans les débats ou
montrer leur érudition. Cher Bouddha, je n’ai pas envie de disserter à l’infini sur les
enseignements profonds des soutras66, sur les différentes écoles du bouddhisme, sur le
non-soi, l’impermanence, la compassion, la bonté aimante et la libération, et de rester très
attaché à mes idées. Je ne veux pas vivre dans la colère, l’arrogance, la jalousie,
incapable de communiquer avec les autres et de les comprendre. Je veux transformer ma
propre souffrance et arrêter d’en causer aux autres.
Cher Maître, tu as dispensé de nombreux enseignements à tes disciples laïcs ; je
promets de consacrer du temps à l’étude de ces soutras. Je m’efforcerai également
d’étudier les soutras destinés aux moines et aux moniales pour comprendre profondément
tes enseignements sur les Quatre Nobles Vérités 67, le Noble Chemin Octuple68, les Cinq
Facultés69, les Cinq Énergies70, les Sept Facteurs d’Éveil71, les Six Paramitas72, la Voie du
Milieu73 et l’Interdépendance. Si j’ai à cœur d’écouter et d’apprendre tes enseignements,
c’est pour transformer ma souffrance, cultiver la compréhension et l’amour, et réaliser la
libération en moi comme tu l’as enseigné dans plusieurs de tes discours. Dans le Soutra
de la Maîtrise du Serpent74, tu nous enseignes que l’étude du Dharma 75 ne doit pas avoir
pour but d’argumenter dans des débats pour savoir qui a raison et qui a tort, mais de
transformer notre souffrance et d’atteindre la libération.
Cher Maître, je te le promets, chaque fois que j’étudierai les soutras et leurs
commentaires, surtout ceux du Mahayana 76, je me poserai toujours cette question : « Quel

66
Discours faits par le Bouddha.
67
Souffrance, causes de la souffrance, cessation de la souffrance et chemin menant à la cessation de la
souffrance. Cf. Thich Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
68
Vue juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens d’existence justes, diligence juste, pleine
conscience juste et concentration juste. Cf. ibid.
69
Foi, diligence, pleine conscience, concentration et vision profonde. Cf. ibid.
70
Energies générées par la foi, la diligence, la pleine conscience, la concentration et la vision profonde. Cf.
ibid.
71
Pleine conscience, investigation des phénomènes, diligence, joie, légèreté, concentration et équanimité.
Cf. ibid.
72
Six perfections : générosité, préceptes, patience, diligence, concentration et vision profonde. Cf. ibid.
73
Voie qui transcende tous les pairs d’opposés des notions comme être/non-être, naissance/mort,
venir/partir, même/différent, etc. Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 78.
74
Cf. l’annexe en fin d’ouvrage. Pour les explications détaillées et les commentaires, cf. Thich Nhât Hanh,
Le Silence foudroyant, Albin Michel, 1997.
75
Enseignements du Bouddha.
76
Grand Véhicule, école bouddhiste apparue vers le 1 er siècle après J.C. dans le sud de l’Inde. Cette école
s’est propagée et a prospéré plus tard dans des pays voisins comme la Chine, la Corée, le Japon, le
rapport ces enseignements si profonds ont-ils avec l’expérience que je fais de la
souffrance en moi et autour de moi dans le monde ? Comment étudier ce soutra pour
l’intégrer au mieux à ma pratique quotidienne et transformer mes afflictions et mes
difficultés réelles ? » Tu as dit que les laïcs peuvent aussi, par la pratique, se libérer du
monde des naissances et des morts et atteindre la non-mort, à condition d’organiser notre
vie quotidienne de manière à trouver le temps pour la pratique. Je te promets de faire de
mon mieux pour écouter attentivement les expériences des autres dans les partages du
Dharma, et de ne pas prendre la parole pour faire étalage de mes connaissances. Je
n’engagerai pas de débat ou de discussion ; je me contenterai de partager ma propre
expérience de pratique, à la lumière des enseignements reçus.
Cher Maître, en tant que moine, moniale, je fais le vœu d’apprendre et de
pratiquer pour devenir un enseignant, une enseignante du Dharma authentique, capable
de transformer ma souffrance, de libérer les autres de la leur et d’être au service de tous
les êtres. Beaucoup de gens ont accompli de hautes études bouddhiques ou sont titulaires
d’un doctorat en bouddhisme, sans pour autant que leurs connaissances bouddhiques les
aient aidés à transformer leur souffrance et à créer la paix et le bonheur. J’apprendrai en
priorité ce que je pourrai mettre en pratique dans ma vie quotidienne, et ensuite ce qui
pourra m’éclairer dans ma pratique et dans de voie au service de tous les êtres. Je refuse
d’étudier dans le seul but de devenir savant ou savante. Je veux apprendre pour
transformer ma souffrance, avoir l’expérience suffisante et aider les autres à transformer
la leur. Ainsi, je continuerai ton œuvre, cher Bouddha. Une fois seulement que j’aurai
bien compris la pratique bouddhique, je commencerai à compléter mes connaissances
avec des études en psychologie, en sciences, en histoire des systèmes de pensée et des
civilisations. Ces matières m’aideront à enseigner et à partager le bouddhisme au monde
d’aujourd’hui de façon plus appropriée et efficace.
Silence pendant quelques respirations

Dans le passé, je me suis parfois égaré sur mon chemin de pratique. Maintenant,
pour exprimer ma détermination à reprendre le bon chemin indiqué par toi, cher
Bouddha, l’enseignant inégalé, je touche la Terre devant toi et devant le Bodhisattva
Manjusri doté de la grande compréhension, capable de trancher toute souffrance77.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant le Vénérable


Ananda qui a consigné tous tes enseignements78, cher Maître.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Vietnam, etc. Elle est aussi appelée le bouddhisme de l’Ecole du Nord. Le Soutra du Lotus, le Soutra
d’Avatamsaka, le Soutra du Diamant, le Soutra du Cœur, par exemple, appartiennent à cette école et sont
bien connus pour les enseignements merveilleux qui s’y trouvent.
77
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 39.
78
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 2, 52.
Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre devant le Vénérable Subhuti 79,
afin de me souvenir de mettre toujours en pratique ce que j’étudie.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

2. Maintenir à chaque instant la concentration sur l’impermanence


Cher Bouddha, j’aimerais t’exprimer mes regrets pour les erreurs que je commets
dans ma façon de penser. Je veux prendre un Nouveau Départ. Alors que j’ai appris que
toute chose est impermanente et que j’ai moi-même parlé de l’impermanence avec
éloquence aux autres, je garde encore cette habitude d’agir comme si les choses étaient
permanentes. Je sais que mon corps physique est en constant changement. Des cellules de
mon corps naissent et meurent sans arrêt chaque jour. Il en est de même pour mes
sensations, mes perceptions, mes formations mentales80 et ma conscience. Alors qu’elles
changent continuellement, je fais comme si elles étaient toujours les mêmes, comme si
celles d’aujourd’hui étaient exactement identiques à celles d’hier. Ma conscience mentale
est capable de reconnaître la nature impermanente des choses, de comprendre que mon
corps, mes sensations, mes perceptions, mes formations mentales et ma conscience sont
comme cinq rivières constamment en train de couler et de changer jour et nuit. Il est vrai
que je ne peux pas me baigner deux fois dans le même fleuve. Je sais que mes sentiments
de colère ou de joie apparaissent, demeurent un moment pour finalement disparaître et
être remplacés par un autre sentiment. Malgré cette connaissance, je garde l’habitude de
me comporter comme si j’étais exactement la même personne qu’il y a dix ans, comme si
en moi existait un soi permanent, une âme éternelle. Je sais que la croyance en une âme
éternelle est une vue fausse qui est au fondement d’un grand nombre de perceptions
erronées et de beaucoup de souffrance. Mais mon énergie d’habitude est si profondément
ancrée que j’ai encore tendance à agir comme si j’étais une âme éternelle. Mon
attachement à un soi permanent est bien solide, en sommeil dans les profondeurs de ma
conscience. Et comme dans ma vie quotidienne, je ne suis pas assez diligent dans ma
pratique pour le reconnaître à chaque instant, je lui laisse souvent dicter ma conduite. Je
sais que je peux faire bien mieux.
Je te promets, cher Maître, qu’à partir de cette minute, chaque fois que je serai en
contact avec moi-même ou avec toute autre chose autour de moi, j’allumerai la pleine
conscience de l’impermanence, et je maintiendrai à chaque instant cette vision profonde.
La connaissance intellectuelle de l’impermanence ne suffit pas à transformer mon
habitude à agir avec mon petit soi séparé. C’est par une concentration ferme et continue
sur l’impermanence à tout moment de la vie quotidienne que je serai capable de
transformer cet attachement à l’idée d’un soi, bien enfouie dans ma conscience profonde.

De nouveau, le jour touche à sa fin,


Ta vie s’enfuit.
Regarde profondément !
79
Le Vénérable Subhuti a posé une question très pratique au Bouddha, qui enseigna à la suite le Soutra du
Diamant. Pour le texte entier du soutra, les explications détaillées et les commentaires, cf. Thich Nhât
Hanh, Le Silence foudroyant, Albin Michel, 1997.
80
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérence, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
Qu’as-tu fait ?
A quoi as-tu passé tout ce temps ?
Consacre-toi à la méditation,
Mets-y tout ton cœur.
Vis pleinement chaque instant,
Libre de tout souci, de toute anxiété.
Conscient de l’impermanence,
Ne laisse pas filer tes jours dans l’inutile81.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite concentration, je touche la Terre trois fois devant toi,
cher Bouddha, afin de renforcer ma détermination de transformer mon habitude d’agir
avec mon petit soi séparé.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

3. Reconnaître et calmer mes émotions fortes, ma souffrance pour


en découvrir les racines
Cher Bouddha, grâce à la pratique de la respiration consciente et de la marche
méditative, je réussis à être conscient de ce qui se passe autour de moi et à reconnaître les
formations mentales82 présentes en moi. Je sais que je porte, enfouies au fond de moi, les
blessures laissées par mes ancêtres et mes parents et celles qui m’ont marqué depuis mon
enfance jusqu’à aujourd’hui. Il y a des moments où des sensations et des émotions de
peine et de souffrance montent en moi. Si je ne sais pas comment les reconnaître, les
embrasser et les apaiser, je risque d’avoir des paroles ou des gestes nuisibles pour
l’harmonie de ma famille ou de ma communauté, et de causer encore plus de dégâts en
moi-même. Je veux me rappeler tes enseignements, cher Maître, pratiquer la respiration
consciente et la marche méditative pour faire naître plus d’énergie de pleine conscience
dans ma vie quotidienne. Cette énergie-là me permettra de reconnaître et d’apaiser mes
sensations et mes émotions négatives. Je sais que je ne dois pas les réprimer lorsqu’elles
jaillissent, car cette réaction ne fait qu’aggraver la situation.
Cher Maître, grâce à tes enseignements, je sais que ces sensations et ces émotions
naissent en grande partie de mes perceptions erronées et de ma vision étroite. J’ai des
perceptions fausses de moi et des autres, de mon bonheur et de ma souffrance que je
n’arrive pas à lâcher et qui me font souffrir. Je me suis infligé beaucoup de souffrance
avec mes propres idées, par exemple en pensant que le bonheur et la souffrance viennent
de facteurs extérieurs alors qu’ils ne sont que mes propres créations mentales. Ma façon
de regarder, d’écouter, de comprendre et de juger me fait souffrir, moi et ceux que j’aime.
Je sais qu’en lâchant prise de ces idées, j’aurai plus de chance d’être heureux. Une fois
que j’aurai réussi à les abandonner, mes sensations et mes émotions de peine et de
souffrance n’auront plus de support pour se manifester.

81
Poème de l’impermanence, extrait de Chants du Cœur de Thich Nhât Hanh, Sully, 2009, page 40.
82
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérence, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
Cher Bouddha, je te promets de m’entraîner, à partir de cet instant, à regarder en
profondeur pour voir que l’essentiel de ma souffrance a son origine dans ma façon de
regarder et de comprendre, dans mes idées et mes perceptions. Je ne ferai plus de
reproche à quiconque quand je souffrirai. Au contraire, je reviendrai en moi-même pour
reconnaître les racines de ma souffrance dans mes idées et mes perceptions erronées. Je
sais qu’il y a encore en moi beaucoup d’ignorance, ce qui rend mes perceptions souvent
fausses, et là est la cause de ma souffrance. Je regarderai profondément pour pouvoir les
abandonner. Je méditerai également pour aider les autres à lâcher prise de leurs
perceptions ; ainsi ils pourront se libérer à leur tour.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre et deviens un avec Manjusri, le


Bodhisattva de la Grande Compréhension83.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre et deviens un avec le


Vénérable Sariputta, Maître de la Grande Sagesse.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

4. Pratiquer l’écoute profonde pour trouver les racines de la


souffrance
Cher Bouddha, je ne fais plus de reproches aux autres et ne les accuse plus d’être
responsables de ma souffrance depuis que je suis capable de revenir en moi-même pour
être à son écoute et d’en reconnaître la cause dans mes perceptions. Je peux aussi écouter
profondément les autres pour les aider à reconnaître les causes de leur souffrance dans
leurs propres perceptions. Je pourrai également utiliser des moyens habiles, notamment la
parole aimante, pour les aider à prendre conscience que leur souffrance vient de leur
manière de regarder et de comprendre les choses. Une fois qu’ils seront capables de voir
cela, ils cesseront eux aussi de blâmer et de garder du ressentiment contre les autres. Au
contraire, ils comprendront qu’en abandonnant leurs perceptions erronées, ils seront
libres et heureux.
Cher Maître, je connais beaucoup de gens qui, grâce à leur écoute profonde et leur
parole aimante, ont réussi à transformer leur état d’esprit, à lâcher prise des malentendus,
à rétablir la communication et à retrouver le bonheur. Je te promets qu’à partir de
maintenant, au lieu de faire des reproches et de blâmer les autres, je ferai de mon mieux
pour pratiquer l’écoute profonde et la parole aimante.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite concentration, je touche la Terre devant Avalokita, le


Bodhisattva de l’Écoute Profonde84.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
83
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 39.
84
Cf. ibid., page 38.
1 demi son de cloche et on se relève.

De tout mon cœur, je touche la Terre devant Manjusri, le Bodhisattva de la


Grande Compréhension85.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant notre frère aîné
Sariputta, Maître de la Grande Sagesse.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

5. Écouter avec compassion pour soulager la souffrance de l’autre


Cher Bouddha, je sais qu’il me faut encore du temps pour apprendre la pratique
de l’écoute profonde, une qualité du Bodhisattva Avalokita 86. Bien que j’aie beaucoup de
bonne volonté pour écouter en profondeur, cette pratique devient difficile pour peu que la
tristesse et la colère soient stimulées en moi pendant que j’écoute. Il se peut que l’autre
personne ne connaisse pas encore la pratique de la parole aimante. Ses paroles peuvent
encore contenir des reproches, des jugements et des accusations, arrosant en moi les
graines de la tristesse, de l’irritation, de la colère et de la jalousie. Quand ces formations
mentales87 se manifestent, je perds ma capacité à écouter en profondeur et je ne peux plus
continuer à écouter. La porte de mon cœur se ferme et même si je ne dis rien, l’autre
personne a l’impression de parler à un mur.
Cher Maître, je suis tes enseignements, et chaque fois que la tristesse, l’irritation
ou la colère monte en moi, je retourne immédiatement à ma respiration consciente. Je
respire doucement, lentement pour l’embrasser. Je me rappelle que je suis là, en train
d’écouter profondément l’autre personne pour l’aider à exprimer sa souffrance et à lâcher
prise. Ma pratique de l’écoute profonde est celle de la bonté aimante et de la compassion.
Si je n’ai pas ces éléments dans mon cœur à ce moment-là, je ne pratique pas vraiment
l’écoute profonde. Le retour à la respiration consciente permettra à l’énergie de la bonté
aimante et de la compassion de regagner mon cœur ; ainsi, je pourrai continuer à écouter
en profondeur.
Si je n’y parviens pas, je m’excuserai auprès de cette personne, en lui disant par
exemple : « Je suis désolé. Je ne me sens pas bien aujourd’hui pour continuer à t’écouter
avec attention. J’aimerais te demander, s’il te plaît, de continuer à t’écouter demain. » Je
te promets, cher Bouddha, de faire de mon mieux pour ne pas tomber dans le piège de la
pratique formelle dénuée de substance. Je te demande pardon pour mes échecs antérieurs
dans cette pratique. Je fais le vœu de mieux faire les prochaines fois.
Silence pendant quelques respirations

85
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 39.
86
Cf. ibid., page 38.
87
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérance, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant
Avalokita, le Bodhisattva de la Grande Compassion et devant Sadaparibhuta, le
Bodhisattva du Respect Constant88.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

6. Apprendre le silence
Cher Bouddha, dans le premier discours donné aux cinq moines dans le Parc des
Cerfs, tu as mentionné la pratique de la parole juste, une des huit pratiques du Noble
Chemin Octuple89. Ma propre pratique de la parole juste est encore faible. Souvent, par le
passé, la maladresse m’a fait dire des choses qui ne correspondaient pas à la vérité. J’ai
probablement menti pour dissimuler mes faiblesses, ou bien pour embellir l’image qu’on
allait se faire de moi. J’ai parfois dit des mensonges par crainte d’être jugé ou critiqué ; je
l’ai fait parfois dans mon propre intérêt ou pour me disculper, ou par arrogance ou par
jalousie ; je l’ai fait aussi pour amener la personne qui m’écoutait à haïr et jalouser aussi
l’objet de ma haine et de ma jalousie. J’ai tenu des propos qui ont divisé et entravé la
communication entre moi et les autres, à cause de mes perceptions fausses, de mon
immaturité, de la colère, de l’amour-propre ou de la jalousie. Je sais que quand la
communication devient difficile et se coupe, le bonheur disparaît pour laisser place à la
souffrance. Le souvenir de ces moments me remplit de remords. Cher Bouddha, je veux
prendre un Nouveau Départ. A partir de cet instant, je fais le vœu de ne plus répéter ces
erreurs.
Cher Maître, tu as consacré beaucoup de temps à enseigner le Dharma 90 à ta
quadruple Sangha, faite des moines, des moniales et des pratiquants laïques hommes et
femmes. Tes paroles ouvrent l’esprit de tous ceux qui t’écoutent, les aident à abandonner
leurs perceptions fausses. Elles leur montrent un chemin qui les élève, les encouragent,
les consolent, leur inspirent une foi plus solide et leur donnent plus d’énergie pour
avancer. Parfois tu restais silencieux, calme, souriant, sans répondre aux questions
posées. Car tu voyais qu’à certains moments le noble silence et le silence foudroyant
étaient encore plus puissants et plus éloquents que les mots 91. Je rêve d’être comme toi,
de parler seulement quand c’est nécessaire, de rester silencieux quand il le faut. Je sais
que par le passé, j’ai trop parlé. J’ai prononcé des paroles futiles aussi bien pour moi que
pour ceux qui m’écoutaient. J’ai également dit des choses qui ont causé de la souffrance
aux autres ainsi qu’à moi-même.
Je te promets, cher Maître, d’essayer désormais de parler moins et de retourner à
la respiration consciente aussi souvent que nécessaire, pour reconnaître en moi les
formations mentales d’irritation, d’amour-propre et de jalousie. Si l’on me demande
pourquoi je ne parle pas, je serai sincère en disant qu’il y a en moi de l’irritation, de
88
Dans le Soutra du Lotus, chaque fois que Sadaparibhuta rencontre quelqu’un, sans exception, même si la
personne se moque de lui, l’insulte ou le frappe, il s’incline devant elle pour la saluer avec tout son respect.
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 38 et 40.
89
Vue juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens d’existence justes, diligence juste, pleine
conscience juste et concentration juste. Cf. Thich Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La
Table Ronde, 2000.
90
La Voie.
91
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 51 et 69.
l’ennui, de la tristesse ou de la jalousie, et que j’ai peur de créer de la souffrance avec
mes paroles. Je demanderai à m’exprimer à un autre moment, lorsque mon cœur sera plus
paisible. En me comportant ainsi, je me protège et protège en même temps l’autre
personne. Je sais que je ne dois pas non plus réprimer mes émotions. C’est pourquoi
j’utiliserai ma respiration consciente pour reconnaître ces émotions et en prendre soin, et
pour regarder en profondeur afin d’en découvrir les racines. En pratiquant ainsi, je
pourrai calmer et transformer la souffrance en moi.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi, cher Bouddha,
qui es le plus éloquent grâce à ton silence noble et foudroyant, et qui pratique
parfaitement la parole juste.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre devant le Vénérable


Rahula, Maître de la Belle Discrétion.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

7. Prendre un Nouveau Départ avec une autre personne


Cher Bouddha, je te promets de faire attention à ne dire aucune parole susceptible
de causer la disharmonie, la division ou une scission dans ma famille ou dans ma
communauté de pratique. Chaque fois que j’ai des difficultés avec un membre de ma
famille ou de ma Sangha92, je chercherai tous les moyens possibles pour les résoudre et
clarifier mes perceptions. Je n’irai pas me plaindre de cette personne aux autres membres
de ma famille ou de ma Sangha. Je ne veux pas que l’énergie négative de ma tristesse ou
de mes peines les affecte ou diminue leur joie et leur énergie. La maladresse m’a déjà
conduit à agir ainsi par le passé ; c’est pourquoi aujourd’hui je veux reconnaître mes
erreurs et prendre un Nouveau Départ.
Je sais que j’ai le droit et la responsabilité de parler directement à la personne
concernée de mes difficultés et de mes problèmes, en choisissant le moment et le lieu
appropriés pour m’adresser à elle avec la parole aimante. Je n’emploierai pas de mots de
reproche, de critique ou d’accusation. Je parlerai de mes difficultés et de ma souffrance
avec l’espoir qu’elle me comprenne. Je parlerai en étant bien conscient que certaines de
mes paroles peuvent venir de mes perceptions fausses sur moi-même et sur elle. Je lui
demanderai de bien vouloir m’aider et d’éclairer mes perceptions si elles sont erronées.
Dans ce partage, je pourrai aussi l’aider à abandonner ses perceptions erronées me
concernant, ce qui nous aidera tous les deux.
Cher Maître, pour pouvoir parler ainsi, je te promets de pratiquer la respiration
consciente ou la marche méditative avant de lui adresser la parole, pour avoir le cœur
ouvert et paisible. Pendant que je parlerai, il se peut que des blessures en moi soient
touchées et que de la colère monte. Si cela se produit, j’arrêterai de parler et je retournerai

92
Communauté de pratique.
à ma respiration consciente pour reconnaître ces formations mentales 93 et leur sourire. Je
demanderai à la personne qui m’écoute de m’accorder quelques instants de pause.
J’attendrai que mon cœur retrouve sa paix et son calme pour continuer à exprimer mes
sentiments.
Puis lorsque l’autre personne parlera, je l’écouterai profondément avec un cœur
calme, paisible et sans préjugé. Je m’entraînerai à l’écouter avec compassion dans le seul
but de la comprendre. Je sais qu’une fois que je l’aurai comprise, je pourrai l’accepter et
l’aimer. Si en l’écoutant, je trouve dans son propos des points qui ne correspondent pas à
la vérité, je ne l’interromprai pas. Au contraire, je continuerai à l’écouter attentivement
pour trouver les causes de ses perceptions erronées, pour comprendre ce que j’ai pu faire
et dire pour amener de tels malentendus. Ainsi, je saurai comment me comporter les jours
suivants pour l’aider à rectifier ses perceptions. Après l’avoir écoutée jusqu’au bout, je
joindrai mes paumes de main pour la remercier d’avoir partagé ouvertement avec moi de
manière sincère. Je contemplerai en profondeur tout ce qu’elle m’a dit pour que ma
compréhension et ma capacité à vivre en harmonie avec elle se développent jour après
jour. Je suis conscient qu’en ouvrant graduellement notre cœur et notre esprit l’un à
l’autre, nous pourrons abandonner nos perceptions erronées, nos jugements, nos critiques
l’un de l’autre.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite harmonie, je touche la Terre trois fois devant


Avalokita, le Bodhisattva de l’Ecoute Profonde et Compatissante94.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

8. Pratiquer la parole juste pour la réconciliation entre deux


personnes
Cher Bouddha, je te promets de m’entraîner désormais à parler avec
compréhension et amour pour résoudre les conflits entre moi et les autres. Je parlerai de
telle sorte à apporter la réconciliation entre les membres d’une famille ou d’une Sangha 95,
entre différents groupes de la société et entre différentes nations. Je ne dirai pas de
paroles porteuses de discrimination, ethnique ou religieuse. Je pratiquerai de manière à
parler de ce qui est sain et bon, de ce qui est beau, de ce qui est gentil et positif, mais
aussi des réelles difficultés et souffrances des différents membres impliqués dans un
conflit, afin de les aider à mieux se comprendre. Une fois qu’ils se seront compris l’un et
l’autre, je les aiderai à se rencontrer et à pratiquer la réconciliation et l’acceptation
mutuelle. Je suis déterminé à ne pas dire une chose d’un côté et autre chose de l’autre
côté, qui les ferait se haïr et s’éloigner davantage l’un de l’autre.
Si quelqu’un vient à moi pour se plaindre de sa souffrance qu’il croit causée par
quelqu’un d’autre, je pratiquerai d’abord l’écoute profonde pour soulager ses peines. Si je
reconnais des perceptions fausses dans ses paroles, j’utiliserai des moyens habiles pour
93
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérance, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
94
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 38.
95
Communauté de pratique.
l’aider à regarder plus profondément dans la situation, à rectifier sa perception et ainsi à
réduire sa souffrance. Je lui demanderai de parler des difficultés, des souffrances de
l’autre personne, ainsi que de ses qualités et de ses traits aimables pour qu’il se les
rappelle et voie la situation avec plus de clarté. Je l’encouragerai à approcher l’autre
personne ou le groupe pour qu’ils puissent s’asseoir ensemble et rétablir la
communication. S’il le désire, je l’accompagnerai volontiers pour le soutenir et l’aider à
dire tout ce qu’il n’a pas encore été capable de dire à l’autre personne. J’éviterai de
m’allier à une personne en m’opposant à une autre, ce qui causerait de la disharmonie et
du malheur dans la famille ou dans la communauté.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant nos deux frères
aînés Sariputta et Mahamoggallana, excellents réconciliateurs dans la Sangha96.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

9. Exprimer la gratitude
Cher Bouddha, je suis déterminé à prononcer des phrases que dans le passé, mes
habitudes, mon ignorance ou mes maladresses m’empêchaient encore de dire.
J’apprendrai à dire des paroles comme :
- Chérie, je suis tellement heureux d’entendre ta voix au téléphone ;
- Maman, sais-tu combien tu m’as transmis de tes belles qualités, de tes talents et
de ton amour ?
- Cher enfant, j’ai souvent été maladroit ; il m’est arrivé de ne pas comprendre tes
difficultés et ta souffrance, ce qui m’a amené à dire et faire des choses qui t’ont
causé de la peine. Je le regrette beaucoup. Je suis désolé et je te promets de ne pas
répéter ces erreurs. S’il te plaît, montre-moi que tu m’aimes en m’aidant à tenir
cette promesse ;
- Cher Maître, cher ami, cher Papa, chère Maman, cher enfant, je chéris tellement
les moments que je peux vivre auprès de toi. J’ai tant de chance de pouvoir
chaque jour me réjouir de ce bonheur !
- Cher Maître, comme j’ai de la chance de t’avoir près de moi, de marcher à tes
côtés, recevant toute la solidité de ta pratique ;
- Chère Sœur, voir une sœur telle que toi, intelligente, diligente dans la pratique et
pleine de bonheur me donne une grande confiance dans l’avenir de la Voie du
Dharma97 ;

Cher Bouddha, je profite aussi de cette occasion pour te dire en confidence ma


gratitude et mon affection. Si tu n’étais pas là, si tes enseignements n’étaient pas là, si la
Sangha98 n’était pas là pour mettre en pratique et faire vivre ces enseignements, comment
96
Lors de la division de la Sangha du Bouddha causé par Devadatta, 400 moines quittèrent le Bouddha
pour se joindre à Devadatta. Plus tard, ils suivirent Sariputta et Mahamoggallana pour retourner au
Bouddha et exprimer leur regret. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès,
1996, chapitre 71 à 74.
97
Enseignements du Bouddha.
98
Communauté de pratique.
pourrais-je être ce que je suis aujourd’hui ? Sans aucun doute, mes ancêtres et moi avons
semé de bonnes graines dans les vies passées ; c’est pourquoi j’ai dans cette vie la chance
de te rencontrer, et de recevoir tes justes et merveilleux enseignements. Tant de blocs
d’angoisse et d’ignorance en moi ont été pulvérisés par ta vision profonde et ton Eveil !
Je te dois tant ! Des millions de vies ne suffiraient pas pour te témoigner toute ma
gratitude.
Silence pendant quelques respirations

Je touche la Terre trois fois devant toi, cher Maître, afin d’exprimer la profonde
gratitude que j’éprouve envers toi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

10. Guérir les blessures du passé par la pratique du Nouveau


Départ
Cher Bouddha, le passé a laissé des blessures dans mon corps et dans mon esprit.
Alors que je m’établis dans le moment présent, corps et esprit unifiés, je peux toujours
rester en contact avec mon passé. Les erreurs que j’ai commises et la souffrance que j’ai
causée dans le passé sont encore gravées en moi. Je peux les reconnaître, leur sourire. À
partir de maintenant, je fais le vœu d’être plus habile pour ne pas penser, parler ou me
comporter de la même façon que dans le passé, afin d’éviter de commettre de nouvelles
erreurs.
Cher Maître, tu as enseigné que tout vient de l’esprit. Les erreurs sont créées par
l’esprit, mais elles sont aussi transformées par lui. Dès que je peux reconnaître en moi les
marques laissées par la souffrance ou les erreurs du passé, et à chaque fois que je fais le
vœu de ne pas répéter cette souffrance et ces erreurs-là, les blessures en moi commencent
à guérir.

Toutes les erreurs viennent de l’esprit.


Une fois l’esprit purifié,
Où trouver une trace d’erreur ?
Après un Nouveau Départ,
Mon cœur est léger comme les nuages blancs
Qui depuis toujours flottent en liberté99.
Silence pendant quelques respirations

De tout mon cœur, je touche la Terre devant le Vénérable Angulimala qui se


transforma complètement après son Nouveau Départ et devint le Maître de la non-
violence100.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

99
Extrait de Chants du Cœur de Thich Nhât Hanh, Sully, 2009, page 161.
100
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 56.
De tout mon cœur, je touche la Terre devant le Bodhisattva 101 de la Détermination
du Nouveau Départ.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

11. Gérer l’énergie sexuelle par une consommation en pleine


conscience
Cher Bouddha, je sais que l’espèce humaine est une espèce animale, et que
l’énergie sexuelle est naturellement présente en chacun de nous. Mais n’ayant pas su
comment la gérer, nous avons causé beaucoup de souffrance à nous-mêmes et à notre
entourage. J’ai vu des carrières brisées, des familles désunies, des enfants privés du
bonheur familial et assoiffés d’amour. L’amour et la sexualité sont deux choses
distinctes ; ignorant cela, nous nous lançons souvent dans les plaisirs sexuels qui ne
s’assouvissent jamais. Moi-même, j’ai laissé les graines de désir sexuel être arrosées en
regardant des films et en lisant des magazines et des livres contenant beaucoup d’images
qui stimulent le désir sexuel. Et chaque fois que ce désir monte en moi, il provoque de
l’agitation, me fait perdre le contrôle, et m’empêche d’être moi-même.
Cher Maître, tu nous as enseigné cette vérité que le corps et l’esprit sont une seule
et même réalité. Ainsi, je sais que ce tout ce qui arrive à mon corps arrive également à
mon esprit. C’est pourquoi, pour prendre soin de mon esprit, je fais le vœu de prendre
bien soin de mon corps, de ne pas laisser arroser en moi les graines de désir sexuel. Je
suis déterminé désormais à ne pas faire des lectures, regarder des films, écouter ou tenir
des propos qui stimulent l’énergie sexuelle. Je suis déterminé à ne pas utiliser le
téléphone ou l’ordinateur pour être en contact avec des sons ou des images qui
provoquent le désir sexuel. Je ferai attention également de ne rien consommer qui puisse
voiler ma clairvoyance comme l’alcool ou d’autres stupéfiants, par exemple. Conscient
que la masturbation peut gâcher la source d’énergie saine du corps et de l’esprit, je te
promets de ne pas me laisser entraîner dans cet acte. Je suis également déterminé à
œuvrer pour le développement de la prise de conscience du tort causé par la stimulation
artificielle de l’énergie sexuelle.
Cher Bouddha, sachant que le désir sexuel effréné cause du tort et que l’amour
véritable est source de bonheur, je suis déterminé à développer en moi la bonté aimante,
la compassion, la joie et la non-discrimination 102 pour mon propre bonheur, celui de ma
famille et de mon entourage.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois afin de renforcer ma
détermination à gérer mon énergie sexuelle par une consommation en pleine conscience.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

101
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
102
Les quatre esprits illimités. Cf. Thich Nhât Hanh, Enseignements sur l’Amour, Albin Michel, 1999.
12. Diriger mon énergie sexuelle vers l’aspiration à servir les
autres
Cher Bouddha, durant cette vie et les vies précédentes, à cause de notre ignorance,
de notre incapacité à protéger notre corps et notre esprit et à créer un environnement
culturel et social sain, nous nous sommes laissés aller à des actes sexuels irresponsables.
En tant que société, nous n’avons pas su voir que l’énergie sexuelle, faute de la
reconnaître en nous et de la gérer de manière maîtrisée, pouvait porter atteinte à
l’individu, à la famille et à la société dans leur corps et dans leur esprit. Je sais que
certains font de l’argent avec la sexualité, en faisant commerce des corps et par la vente
de sons, d’images ou d’objets. Partout sont affichées des images suscitant le désir sexuel,
que ce soit dans les livres et revues, sur les panneaux publicitaires, dans les films à la
télévision, au cinéma, sur des disques ou sur internet. Les jeunes sont particulièrement
victimes de cette propagande. Les graines du désir sexuel en eux sont arrosées tous les
jours, plusieurs fois par jour. Il y a un nombre alarmant d’adolescents et d’adolescentes,
souvent très jeunes, qui sont attirés dans les filets d’une activité sexuelle malsaine. Je vois
que cette expérience du sexe sans amour chez ces jeunes gens est un drame et une
calamité. Ils grandissent en ayant exercé ce que l’on peut appeler le sexe vide, sans
possibilité de connaître l’amour véritable. Des sévices sexuels ont été et sont encore
infligés à des enfants, parfois à nos propres enfants ou à des jeunes membres de notre
famille. Nous avons malgré nous causé des ruptures et de la souffrance, qui se
transmettent de génération en génération.
Aujourd’hui, je me suis éveillé. Je vois à présent ces erreurs pour lesquelles je
souhaite exprimer mon plus profond regret. Je veux prendre un Nouveau Départ. Je suis
déterminé à apprendre et à mettre en pratique le troisième et le cinquième entraînements à
la pleine conscience103, cher Maître, pour maîtriser mon corps, mon énergie sexuelle et
mon esprit. Je m’engage à faire tout mon possible pour ménager un environnement sain à
tous les niveaux de la société, et particulièrement pour les jeunes générations. Je pourrai
ainsi diriger toute mon énergie dans la direction de l’ouverture, de la sagesse et de la
compassion, pour la mettre au service de tous les êtres dans le monde. Et en retour, cette
aspiration me nourrit et dynamise mon énergie. C’est exactement ce que décrit le
Bouddha quand il parle de la volition comme un des quatre aliments 104. Je sais que si mon
esprit d’amour et mon aspiration profonde à libérer tous les êtres de leur souffrance sont
forts, mon énergie sexuelle n’aura pas assez de vigueur pour me dominer, et être cause de
nuisance en moi et autour de moi. Cher Bouddha, je te demande de me guider pour
accomplir cette démarche dans la lumière de la compréhension et de la compassion.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, cher
Bouddha, et devant tous mes nobles maîtres ancestraux de tous les temps. Je vous prie de
me soutenir dans mon aspiration profonde.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

103
Cf. l’appendice en fin d’ouvrage.
104
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 205.
13. Empêcher la propagation des maladies par une conduite
sexuelle responsable
Cher Bouddha, cela me réchauffe le cœur de te parler et de te confier ce qui est
dans le profond de mon cœur. Je sens ta présence dans chaque cellule de mon corps. Et je
sais que tu écoutes tout ce que je te confie avec beaucoup de compassion. S’il te plaît,
accorde-moi ton amour et ton soutien. Protège-moi et donne-moi la force de transformer
dans la société les situations malsaines et corrompues par l’énergie de désirs sexuels
inappropriés. Je sais bien que si je ne suis pas solide dans ma pratique de la pleine
conscience, la graine du désir sexuel sera arrosée en moi tous les jours par la
consommation irréfléchie de mes organes sensoriels. Chaque fois que cette graine est
arrosée, je suis la proie du désir sexuel, mon corps et mon esprit ne sont plus en paix, car
ce désir me pousse à trouver tous les moyens possibles de le satisfaire.
Des comportements sexuels irresponsables détruisent chaque jour des millions de
vies, et faute de pratiquer la pleine conscience, j’aurai vite fait d’en devenir moi-même la
victime. Dans le monde entier, la faux de la mort des maladies telles que le sida et
d’autres maladies sexuellement transmissibles font des ravages et tranchent des millions
de vies toutes les heures. Notre monde se laisse brûler par le feu de la soif sexuelle.
Sachant que les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience 105 sont exactement le
bon remède pour notre monde, je te promets, cher Maître, de les mettre en pratique de
tout mon cœur et de les partager habilement avec mon entourage. Je ferai tout ce qui est
en mon pouvoir pour contribuer à empêcher la propagation du sida et de toute autre
maladie sexuellement transmissible, à diminuer la souffrance engendrée par de telles
maladies. Cher Bouddha, cher Bodhisattva Avalokita106, accordez-nous votre compassion.
Versez sur notre planète en gouttes rafraîchissantes le nectar de votre amour immense. Je
sais que seul l’amour véritable, le sens des responsabilités et une claire prise de
conscience peuvent sauver notre monde.
Silence pendant quelques respirations

Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre devant le Bodhisattva 107
de la Saveur du Nectar de la Compassion. Puisse son énergie transformer et faire cesser
les actes qui me sont dictés par des désirs inappropriés en moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre devant le Vénérable


Punna, grand Maître de la non-peur au service du Dharma108.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

105
Cf. l’annexe en fin d’ouvrage.
106
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 38.
107
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
108
Ce Maître n’eut aucune peur de se faire tuer pour aller dans des régions pleines de violence afin de
partager le Dharma. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre
67.
14. Pratiquer les entraînements à la pleine conscience et les
manières raffinées pour me protéger
Cher Bouddha, en tant que moines et moniales, nous avons la chance de mener
une vie de chasteté. Nous savons très bien que notre aspiration ne peut se réaliser qu’avec
l’abandon total des attachements sexuels. C’est pourquoi je fais le vœu de mettre en
pratique tous les préceptes et les manières raffinées du Vinaya 109, pour ma propre
protection et celle des autres. Je suis conscient qu’une relation sexuelle briserait ma vie
monastique, nuirait à la vie des autres et m’empêcherait de réaliser mon aspiration à
servir tous les êtres. Je suis déterminé à ne pas prendre à la légère les manières raffinées
établies pour m’aider à conserver ma liberté, à ne jamais avoir l’arrogance de les
considérer comme de petits règlements futiles. Je me garderai de penser que j’ai assez de
liberté intérieure et de force spirituelle pour ne pas avoir besoin de pratiquer les manières
raffinées que tu as établies.
Cher Maître, je sais que l’attachement mène au désir et que la graine de
l’attachement est présente en moi. Elle attend simplement d’être arrosée pour germer,
s’enraciner et se développer. Je suis conscient que l’énergie de l’attachement, une fois
qu’elle se manifeste, me fait perdre la paix de mon corps et de mon esprit et me prive de
la possibilité d’aimer tous les êtres avec équanimité. Les formes d’attachement peuvent
être très subtiles. Si je ne me protège pas avec la pratique des manières raffinées, je
donnerai à l’attachement une chance de s’enraciner dans mon corps et mon esprit,
affaiblissant la qualité de ma pratique et de celle de toute la Sangha 110. Si je suis sous
l’emprise de l’attachement, je serai aussitôt privé de ma liberté et je priverai l’autre de la
sienne. Je vois bien que tels sont les obstacles que l’attachement dressera sur mon chemin
de pratique. Je suis déterminé à ne pas chercher à me trouver seul avec une personne de
l’autre sexe qui m’est chère. Je te promets, cher Maître, de ne pas tenir des propos ou
faire des gestes susceptibles d’arroser les graines d’attachement en moi et chez l’autre
personne, qu’elle soit moine, moniale ou laïque.
Comme nous sommes tes enfants, cher Bouddha, nous sommes frères et sœurs
d’une même famille. Cette fraternité a le pouvoir de nous nourrir et de nous protéger sur
notre chemin de pratique et de service. Je te promets de ne jamais dépasser la relation
purement fraternelle. La pratique des préceptes et des manières raffinées, le soutien et les
conseils de mes frères et sœurs dans la Sangha sont des moyens nécessaires pour m’aider
à cultiver la fraternité et m’empêcher de me diriger dans la direction de l’attachement
sexuel. Je suis déterminé à toujours écouter attentivement les conseils et les
encouragements que mon maître et ma Sangha me donnent. Si un membre de la Sangha
me signale que je commence à montrer des signes d’attachement émotionnel, je joindrai
alors les mains pour recevoir cette remarque avec gratitude, sans chercher à nier, à
justifier, sans faire de reproche à cette personne ni me fâcher contre elle.
Cher Bouddha, en tant que pratiquant laïque, je n’ai pas la chance de vivre vingt-
quatre heures par jour dans cet environnement de pratique continuelle qu’est une Sangha
monastique. Je sais que je dois alors observer et pratiquer le troisième entraînement à la

109
Les manières raffinées sont un ensemble de directions pour vivre la vie quotidienne dans la pleine
conscience. Avec les Dix Préceptes de Novice, les courts poèmes de pratique quotidienne, les manières
raffinées forment l’étude et la pratique de base des moines et des moniales novices et font partie du Vinaya.
Cf. Thich Nhât Hanh, Entrer dans la liberté, Edition Dangles, 2000.
110
Communauté de pratique.
pleine conscience111 avec beaucoup de solidité, afin de ne pas permettre aux pensées, aux
sons et aux images érotiques d’arroser en moi les graines de désir inapproprié. Cher
Bouddha, je fais le serment d’user de mon temps libre pour étudier le Dharma 112, pour
écouter et chanter des chants de pratique, pour participer à des partages du Dharma 113,
pour organiser des sessions de pratique en Sangha, ou pour me mettre au service d’autrui
en coopérant à des projets de développement culturel et d’aide sociale. Dès que
l’occasion se présente, j’irai à un centre de pratique pour profiter des retraites, des
enseignements du Dharma et des partages sur le Dharma. Je suis déterminé à participer
régulièrement à des cérémonies de récitation des entraînements à la pleine conscience. Je
fais le vœu de développer l’esprit d’amour en moi tous les jours, car je comprends que
cette énergie d’amour et de compréhension, une fois qu’elle sera puissante en moi,
m’empêchera d’être emporté par la tentation de désirs pernicieux.
Silence pendant quelques respirations

Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre pour graver cet
engagement dans mon cœur.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

De tout cœur, je touche la Terre devant le Vénérable Upali, Maître du Vinaya et


devant la Vénérable Mahagotami, Sœur aînée de la communauté des bhikshunis 114 afin de
recevoir votre énergie et votre soutien.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

15. Prendre refuge pour vivre dans le bonheur


Cher Bouddha, ma pratique quotidienne des entraînements à la pleine conscience
m’apporte beaucoup de confiance. Souvent, je me trouve dans des situations difficiles et,
dans la confusion, je ne sais pas quoi faire ni quelle décision je dois prendre. Mais chaque
fois que je me souviens des Cinq Entraînements à la Pleine Conscience 115, je vois
clairement la direction à suivre. C’est le chemin de la compréhension et de l’amour
qui me préserve la liberté et me protège en m’aidant à éviter de causer de la souffrance à
moi-même et aux autres. Cher Maître, plus j’avance sur le chemin que tu m’as montré et
qui a rendu ma vie plus heureuse, plus je me sens proche de toi. Mon cœur est rempli de
reconnaissance envers toi, envers mes amis et tous ceux qui me soutiennent dans cette
voie. Je comprends pourquoi toi, cher Bouddha, tes enseignements et mes amis
pratiquants, vous êtes considérés comme les Trois Joyaux, car sans vous, comment
aurais-je pu profiter de ces outils dans ma vie ? Je réalise que je trouve refuge en vous.
Cette prise de refuge vient naturellement du regard profond et de mes expériences vécues.
Ce n’est pas de la dévotion, ce qui me rendrait dépendant de quelqu’un ou de quelque
111
Cf. l’annexe en fin d’ouvrage.
112
Enseignements du Bouddha.
113
Discussion des enseignements du Bouddha.
114
Moniales pleinement ordonnées. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès,
1996, chapitre 45.
115
Cf. l’annexe en fin d’ouvrage.
chose, mais au contraire, c’est le fruit de ma prise de conscience et de mon regard
profond au quotidien. Chaque instant de ma vie peut être l’occasion de consolider cette
prise de refuge. Plus celle-ci s’approfondit, plus se développent en moi la confiance, la
solidité, la paix et le bonheur.
En tant que moine, moniale, je veux prendre refuge dans ma communauté de
pratique. Sachant que la vision collective est plus claire et plus sage que ma vision
individuelle, je te promets, cher Maître, de toujours écouter et suivre volontiers les
décisions prises par ma Sangha116, même celles concernant ma propre vie, par exemple
les moments de visite à ma famille et leur durée, le monastère où je séjournerai… Je
comprends qu’il est de mon devoir de fournir à ma communauté toutes les informations
nécessaires pour lui permettre de prendre la meilleure décision possible. Après avoir
partagé mon point de vue sur tous les aspects, je pratiquerai le lâcher-prise pour accueillir
la décision collective avec un cœur bien ouvert.
Cher Maître, dans le Soutra sur le disciple vêtu de blanc117, tu as enseigné que la
pratique de la prise de refuge et des entraînements à la pleine conscience nous apporte un
bonheur immédiat dans le moment présent. J’ai une foi solide en cet enseignement pour
en avoir moi-même fait l’expérience directe. Que nous soyons moines, moniales ou laïcs,
nous te promettons de mener une pratique régulière de la prise de refuge. Car tant que
l’énergie des Trois Joyaux est présente en nous, nous nous sentons protégés, solides, et
notre pratique des entraînements à la pleine conscience et des manières raffinées 118 ne
présente aucune difficulté.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi, cher Bouddha,
qui me montre la Voie dans cette vie.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant les entraînements à
la pleine conscience, le chemin de la compréhension et de l’amour.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toutes les personnes
et tous les éléments qui me soutiennent dans cette Voie.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

16. Cultiver le bonheur avec la foi juste et la diligence juste


Cher Bouddha, je vois tant de gens souffrir dans le monde. Ils détruisent leur
corps et leur esprit, simplement parce qu’ils n’ont pas encore la foi, le chemin. Comme tu

116
Communauté de pratique.
117
Pour le texte entier et les commentaires, cf. Thich Nhât Hanh, Changer l’avenir, Albin Michel, 2000.
118
Ensemble de directions pour vivre la vie quotidienne dans la pleine conscience. Cf. Thich Nhât Hanh,
Entrer dans la liberté, Edition Dangles, 2000.
nous as dit, une bête de somme croulant sous son fardeau ne souffre pas forcément, alors
qu’un être humain ignorant du chemin qui est le sien dans la vie endure une véritable
souffrance. Je suis conscient d’avoir beaucoup de chance: j’ai un chemin à suivre et j’en
ai confiance. Chaque fois que j’applique tes enseignements dans ma vie quotidienne, je
vois un soulagement et une transformation. Je sens l’énergie de la pleine conscience, de
la concentration et de la vision profonde s’accroître en moi. Elle m’aide à surmonter mes
blocages et ma souffrance. Ainsi ma foi est fondée sur mon expérience de vie et non sur
une promesse. Cette foi en moi est une énergie basée sur une compréhension claire et non
sur de la superstition. Plus j’apprends et pratique tes enseignements, cher Maître, plus ma
foi se fortifie et m’apporte du bonheur. J’ai une grande foi en toi, en tes enseignements,
en ta communauté de pratique et en ma vie de pratique. Je n’ai pas à avoir peur de quoi
que ce soit, et c’est le plus grand des bonheurs.
Cher Bouddha, ayant l’énergie de la foi, je fais le vœu de pratiquer la pleine
conscience avec mon corps, ma parole et mon esprit afin d’avancer, dans tous mes actes,
chaque jour avec force et courage sur le chemin de la transformation et de la guérison
pour moi-même et pour les autres. Je suis convaincu que l’énergie de la foi peut m’aider
à réaliser cette aspiration.
En suivant tes instructions, cher Maître, je suis déterminé à pratiquer l’attention
juste, c’est-à-dire à ne prêter attention qu’à des pensées, images et sons qui arrosent de
bonnes graines en moi, afin de ranimer les formations mentales 119 pures et belles dans ma
conscience où elles prendront la place des formations négatives. Je suis déterminé à
pratiquer aussi la diligence juste. Je ne veux en aucun cas, par mes contacts ou ma
consommation irréfléchie, arroser dans ma conscience les graines négatives de la
violence, de la haine, de l’attachement, etc. Je ne veux laisser aucune chance à ces
graines d’être arrosées, de se manifester ou de grandir. S’il arrive que mes graines
négatives soient arrosées et se manifestent dans mes paroles, actes ou pensées, je
chercherai tous les moyens de les renvoyer tout au fond de ma conscience sous leur
forme initiale de semence. Je sais que si elles se manifestent régulièrement, elles se
développeront très vite. Si elles restent longtemps dormantes au fond de ma conscience,
elles ne feront que s’affaiblir. Grâce au chant, à l’étude de tes enseignements et à la
fréquentation d’amis pratiquants assidus, j’invite mes formations mentales positives
comme la bonté aimante, la compassion, la joie, la non-discrimination… à se manifester
régulièrement. Je chercherai tous les moyens de les maintenir aussi longtemps que
possible dans ma conscience mentale. Si elles se manifestent durablement et sont
entretenues, elles auront la chance de grandir, de réaliser beaucoup de transformation et
d’apporter le bonheur à moi-même, ainsi qu’à mon entourage.
Cher Maître, tu m’as appris comment produire les cinq sortes d’énergie que sont
la foi, la diligence, la pleine conscience, la concentration et la vision profonde. L’énergie
de la foi produit celle de la diligence, qui produit à son tour celle de la pleine conscience,
de la concentration et de la vision profonde, et qui, en retour, développe encore la foi 120.
Je touche la Terre devant toi, cher Bouddha, et devant mes nobles maîtres ancestraux en
faisant le vœu de pratiquer chaque jour pour produire et renforcer à l’intérieur de moi ces
sources d’énergie précieuse.
119
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérence, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
120
Ce sont les Cinq Facultés et les Cinq Energies. Cf. glossaire et Thich Nhât Hanh, Le Cœur des
Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi, cher Bouddha,
l’enseignant inégalé121.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant Mahasthamaprapta,


le Bodhisattva122 de la Grande Energie afin de recevoir son soutien.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

121
L’une des dix qualités du Bouddha.
122
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
LIVRE III : Une pratique profonde contribue à un monde
meilleur

1. Nourrir et protéger mes ancêtres et mes descendants grâce à la


consommation en pleine conscience
Cher Maître, tu as enseigné dans le soutra d’Avatamsaka que l’un contient le
tout123. En regardant profondément dans le moment présent, je peux vivre et toucher non
seulement le passé mais également le futur. Dans l’instant présent, je peux voir et toucher
également en moi mes enfants, mes petits-enfants et toutes les générations futures.
Prendre soin de moi, c’est prendre soin d’eux. M’aimer, c’est les aimer. Ce que je
m’offre, je leur offre aussi. Et plusieurs fois par jour, je peux m’offrir ce qu’il y a de plus
beau : des pas en pleine conscience, faits dans la paix, dans la solidité et dans la liberté.
De tels pas me nourrissent, nourrissent mes ancêtres en moi, et toutes les générations de
mes descendants déjà présentes en moi, attendant de se manifester. Chaque respiration en
pleine conscience, en paix et en liberté est aussi un cadeau que je peux offrir. La joie et la
vitalité qu’elle m’apporte, elle les apporte aussi à mes ancêtres et à mes descendants, à
l’instant même. Lorsque je mange, je nourris également le corps de mes ancêtres et de
mes descendants. Lorsque je m’assois en méditation, je les nourris spirituellement. Mon
désir profond est de dévouer chaque instant de ma pratique à nourrir mes ancêtres et mes
descendants. Je suis conscient que chaque respiration, chaque pas, chaque sourire, chaque
regard fait en pleine conscience est un acte d’amour véritable.
Les aliments matériels ou spirituels que j’introduis dans mon corps et mon esprit
doivent être sains. Je refuse de me nourrir d’aliments toxiques, qu’ils soient absorbés par
la bouche, par les sens124, par la volition ou par la conscience. Je suis déterminé à ne
consommer aucun produit toxique, qu’il s’agisse de nourriture comestible, de lectures, de
films, de musiques, de chansons ou de conversations. Je ne veux pas nourrir mes ancêtres
et mes descendants avec des aliments contenant des toxines comme l’avidité, la haine, la
violence et le désespoir. Je veux les nourrir uniquement avec des aliments sains et
nourrissants, qui purifient et transforment. Je sais que la pratique de la consommation en
pleine conscience est le remède le plus efficace pour la protection de mes ancêtres, de
mes descendants, et de la mienne propre. En consommant ainsi, j’exprime mon respect et
mon amour les plus profonds à mes ancêtres et à tous mes descendants, aussi bien qu’à
moi-même.
La seule chose que je souhaite transmettre à mes descendants, ce sont les fruits de
ma pratique quotidienne : les énergies de compréhension et d’amour. Les seuls mots et
les seules actions que je souhaite leur transmettre sont ceux qui viennent directement de
la vue juste, de la pensée juste et de la parole juste. Je fais le vœu de vivre le moment
présent de manière à leur assurer un bel avenir. Je sais que si mes descendants sont

123
Ce soutra porte un autre titre : Soutra de l’Ornementation fleurie. C’est un soutra mahayana du III ème
siècle de l’ère chrétienne.
124
L’aliment absorbé par les sens fait référence à ce que l’on consomme avec les six organes sensoriels :
yeux, oreilles, nez, langue, corps, esprit.
présents en moi en cet instant, je serai également là en eux dans le futur. Le présent et le
futur inter-sont125.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, mon
cher Maître, qui a la compréhension véritable et parfaite 126, et devant le Vénérable
Mahamoggallana, grand Maître de la Piété Filiale127.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

2. Cultiver la compassion et le bonheur en réduisant ma


consommation de viande
Cher Bouddha, je suis très heureux d’être végétarien, ou de pouvoir l’être en
partie128. Cette alimentation me permet de nourrir mon amour, fondation du bonheur dans
ma vie. En regardant autour de moi, je vois beaucoup d’espèces vivantes contraintes de se
manger les unes les autres pour rester en vie. L’araignée doit manger la mouche ou le
papillon. Le serpent doit manger la grenouille. L’oiseau doit manger le ver de terre ou le
poisson. Le chat doit manger la souris. Le tigre doit manger le cerf. Je suis plein de
reconnaissance de ne pas avoir à manger la chair d’êtres vivants pour survivre. Je sais que
les bodhisattvas129 n’ont jamais le cœur de manger la chair des êtres vivants. Je veux moi
aussi vivre comme un bodhisattva.
Cher Bouddha, dans le Soutra des Quatre Sortes d’Aliments, tu nous as enseigné à
manger en pleine conscience, à manger de façon à maintenir et à développer en nous la
compassion. Dans ce soutra, tu nous as permis de voir qu’en mangeant la chair d’êtres
vivants, nous mangeons la chair de notre propre enfant130. Dans les pays développés, la
consommation de viande et d’alcool est énorme, ce qui fait des ravages dans notre corps
et notre esprit mais aussi dans la population des pays pauvres. La production de viande et
d’alcool mobilise une part tout à fait disproportionnée des terres et des ressources,
contribuant ainsi indirectement à la pauvreté et à la faim dans le monde entier. Alors que
chaque jour, plus de quarante mille enfants dans le monde meurent de faim et de
malnutrition, une quantité gigantesque de riz, de blé, de maïs et d’orge est utilisée pour la
production d’alcool et l’alimentation du bétail destiné à la boucherie. Je comprends ce
que tu veux dire, cher Maître. En buvant de l’alcool et en mangeant de la viande dans ces
conditions, nous manquons de pleine conscience et nous ne nourrissons pas l’amour en
nous. Nous agissons comme si nous mangions la chair de notre propre bébé. Si les

125
Sous la lumière de l’inter-être : ceci est parce que cela est. C’est l’interdépendance, l’existence mutuelle
de toutes choses.
126
L’une des dix qualités du Bouddha.
127
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 66.
128
En Asie, il est de tradition pour les laïcs qui ne sont pas pleinement végétariens de consommer des repas
sans viande et sans poisson au moins deux jours par mois ou plus, avec la possibilité d’augmenter ce
rythme jusqu’à vingt-six ou vingt-huit jours par mois.
129
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
130
Cf. l’annexe en fin d’ouvrage.
quarante mille enfants qui meurent de faim chaque jour dans le monde ne sont pas nos
propres enfants, de qui le sont-ils ?
C’est pourquoi, cher Bouddha, je fais le vœu sincère d’être végétarien,
complètement ou au moins partiellement, et je sais que je serai en paix et heureux en
suivant ce régime. Les plats végétariens sont délicieux, et si en cuisinant et en mangeant,
nous sommes conscients d’être en train de cultiver l’amour, ces plats seront alors encore
plus délicieux, bien plus que des plats cuisinés avec de la viande. Je me sens plein
d’enthousiasme en voyant qu’aujourd’hui, le nombre de végétariens augmente de plus en
plus, surtout en Europe et en Amérique. Il y a maintenant des restaurants végétariens dans
toutes les grandes villes. Beaucoup de gens sont végétariens car ils savent ce régime
bénéfique à leur santé physique et mentale. D’autres le sont pour cultiver leur
compassion. Je suis aussi très heureux de voir en Occident des organisations soutenir la
lutte pour la protection des animaux. Elles empêchent les humains d’abuser de la vie des
autres espèces vivantes et de leur causer de la souffrance, par exemple en s’opposant à la
tuerie des animaux utilisés pour des expérimentations néfastes et dangereuses.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant toi, cher
Bouddha, et fais le vœu d’être toujours conscient de la souffrance de toutes les espèces
sur cette planète, de manger de manière à maintenir ma compassion éveillée et à réduire
la souffrance des êtres vivants131.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

3. Protéger mon environnement en consommant des produits


biologiques
Cher Bouddha, depuis la seconde moitié du siècle dernier, la prise de conscience
écologique est heureusement devenue de plus en plus claire. Nous sommes nombreux à
encourager la protection de l’environnement pour que l’élevage et l’agriculture cessent de
détruire la Terre comme au siècle dernier. Combien de forêts ont été abattues pour
devenir des pâturages destinés à l’élevage des bétails et à la production de viande ! Et les
déchets produits par l’élevage industriel ont gravement pollué la terre et les sources
d’eau. L’usage de produits chimiques toxiques dans l’agriculture a également été très
nuisible aux êtres vivants, à la terre, à l’eau et à l’air. Notre planète Terre subit de
nombreux désastres simplement parce que nous, les humains sommes avides.
Il a fallu aux astronautes quitter la Terre et la regarder de la lune pour voir
combien elle était belle et fragile. Il a fallu qu’ils quittent la Terre et qu’elle leur manque
pour remplir leur cœur d’amour pour elle et pour faire naître leur détermination de la
protéger. Grâce à la pleine conscience, je n’ai pas à aller jusqu’à la lune parce que tu
m’as ouvert les yeux, cher Maître. Je fais aujourd’hui le vœu de manger et de boire en
pleine conscience, de m’abstenir de consommer viande et alcool, de faire tous les efforts
pour encourager et soutenir une agriculture saine, respectueuse de la vie des êtres vivants
et de l’environnement. Dans mon jardin, que ce soit à la maison ou au monastère,
j’apprendrai à produire des légumes et des fruits biologiques. Au marché, je ferai de mon
131
Extrait de la 4e des Cinq Contemplations, cf. l’annexe en fin d’ouvrage.
mieux pour acheter des fruits et légumes biologiques, et ainsi soutenir le travail des
fermiers qui les produisent. S’il faut, je mangerai moins pour avoir les moyens d’acheter
des produits biologiques.
Silence pendant quelques respirations

De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois pour demander pardon à notre
Mère la Terre. Elle m’a nourri, embrassé et protégé pendant des vies et des vies. Et
pourtant, elle est victime de notre inconscience et de tous les dégâts que nous avons
causés. Cher Bouddha, chers maîtres ancestraux, soyez les témoins de ma sincérité dans
ces trois touchers de la Terre.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

4. Choisir des moyens d’existence justes


Cher Bouddha, je veux pratiquer un mode de vie juste. Je fais le vœu de ne pas
avoir une profession susceptible de nuire à la compassion en moi. Mettant en pratique le
premier et le deuxième des Cinq Entraînements à la Pleine Conscience, je fais le vœu de
ne pas exercer un métier qui m’obligerait à tuer des êtres vivants, à polluer ou à détruire
l’environnement. Je ne vais pas non plus gagner ma vie par une activité qui exploite mes
frères et sœurs humains ou leur cause du tort. Je suis déterminé à ne pas investir dans des
sociétés dont le but est le profit de quelques uns, privant ainsi les autres de leurs moyens
d’existence et polluant notre planète.
Cher Maître, si un mauvais choix ou la pression des circonstances m’ont poussé
dans cette voie, je te promets de chercher toutes les possibilités de me désengager
progressivement pour trouver des moyens d’existence justes. Je sais que je trouverai un
grand bonheur dans l’exercice d’un métier qui me permette de nourrir en moi la
compassion chaque jour et de réaliser mon aspiration de soulager la souffrance dans le
monde. Travailler par exemple comme infirmier, médecin, psychothérapeute, travailleur
social, enseignant, chercheur en science ou spécialiste de l’environnement m’offre la
possibilité de pratiquer la compréhension et l’amour, et de satisfaire mon besoin d’aider
les gens autour de moi. Je sais que beaucoup d’autres métiers peuvent aussi m’aider à
avancer dans cette direction.
Je veux vivre dans la simplicité et éviter de consommer trop. Plutôt que de passer
ma vie à gagner plus d’argent, je veux prendre le temps de vivre en profondeur et en toute
liberté mes moments de travail et toutes mes activités au service des autres. Je suis
déterminé à ne pas céder à l’avidité et à ne pas prétexter un manque d’argent pour
multiplier les activités professionnelles ou les petits travaux supplémentaires. Je ne
rechercherai pas le bonheur dans la consommation et des occupations continuelles. Je
privilégierai au contraire de la liberté intérieure et de l’amour pour trouver le bonheur
véritable.
En tant que moine, moniale, je ne construirai jamais un ermitage ou un temple
pour moi-même, pour y vivre seul(e) à l’écart de la Sangha 132 comme un tigre hors de la
jungle133. Je ne jouerai pas sur la superstition, n’utiliserai aucune technique magique ou
divinatoire, et ne monnayerai pas les cérémonies de soutien spirituel, que ce soit les
132
Communauté de pratique.
funérailles ou les cérémonies pour les défunts. Je suis également déterminé(e) à ne pas
me perdre dans des travaux qui, sous l’apparence d’un service pour la Sangha, peuvent
répondre à d’autres motivations ; la construction d’un monastère, la fabrication d’une
statue du Bouddha, l’organisation de cérémonies ou de retraites peuvent dissimuler la
quête de louanges, d’un profit ou du pouvoir. Je te promets, cher Maître, d’accomplir
uniquement les tâches que m’a confiées la Sangha, et de toujours œuvrer en collaboration
avec mes frères et sœurs, monastiques et laïcs. Je suis déterminé(e) à écouter
profondément tous les membres de ma Sangha pour harmoniser nos idées et nos opinions
et parvenir à une vision et à une sagesse collectives comme fondement de toute décision.
Je pourrai ainsi laisser derrière moi tout amour-propre et tout attachement à mon ego,
cultiver la fraternité, et progresser sur le chemin de la transformation de la souffrance.
Des travaux de construction ou d’organisation sont pour nous une opportunité de
travailler ensemble, d’éliminer notre habitude de croire et de vouloir montrer que notre
point de vue est le meilleur, refusant ainsi toute valeur à celui des autres. Je sais que seul
un travail collectif dans l’harmonie constitue le service pour le Bouddha, le Dharma 134 ou
la Sangha, que cela seul a la capacité d’aider le monde.
Cher Maître, j’ai commis beaucoup d’erreurs par le passé, je me laissais emporter
par le travail, je m’engageais sans le savoir sur le chemin de la quête de louanges, d’un
profit ou du pouvoir en croyant servir ma Sangha. Maintenant que tu m’as ouvert les
yeux, je veux en toute sincérité prendre un Nouveau Départ.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant
Samantabhadra, le Bodhisattva de la Grande Action135.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

5. Poursuivre l’œuvre de Bouddha en préservant la planète Terre


Cher Bouddha, tu es un enfant de la Terre. Tu as choisi cette planète comme lieu
de pratique et de service. Sur ton chemin, tu as formé d’innombrables bodhisattvas 136
capables de protéger cette planète et sa beauté. Je me souviens que devant l’Assemblée
du Lotus, au moment où tu as appelé les bodhisattvas, des centaines de milliers d’entre
eux ont surgi de la Terre et se sont présentés devant la communauté. Ils t’ont fait la
promesse de demeurer sur cette planète pour la protéger, et aussi pour continuer ton
œuvre.
Cher Bouddha, je suis moi aussi un enfant de la Terre. Je veux moi aussi
participer à la protection de notre belle planète. Je veux trouver le moyen, à mon niveau
d’être un bodhisattva parmi ces milliers de bodhisattvas surgis de la Terre. Aujourd’hui ta
Sangha137 est présente dans presque tous les pays du monde, non seulement en Asie, mais
133
Les vietnamiens disent que, comme un tigre qui quitte la jungle va sûrement se faire tuer par les
hommes, un moine ou une moniale qui quitte sa Sangha va sûrement échouer dans sa vie monastique.
134
Enseignements du Bouddha.
135
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 39.
136
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
137
Communauté de pratique.
aussi en Europe, en Afrique, en Amérique, en Australie et en Océanie. Nous sommes
partout, et nous faisons le vœu de rester avec ta Sangha en ce monde afin de poursuivre
ton œuvre au service de tous les êtres.

Dans ce monde, pour toujours,


Je fais le vœu de rester avec ma Sangha
Afin d’aider tous les êtres.
En cet instant,
Les montagnes et les rivières sont les témoins de ce vœu sincère.
Je m’incline devant toi, le Compatissant,
Et te prie de m’envelopper de ton énergie.138

Cher Bouddha, je me manifeste à partir de la Terre Mère, et je retournerai à elle


pour continuer à me manifester des milliers de fois encore. Avec ma Sangha, je
continuerai à transformer le compost en fleurs, à protéger la vie et à œuvrer pour faire de
cette planète un monde de bonheur. Je sais que la compréhension et l’amour sont les
éléments de base pour construire le paradis ; c’est pourquoi je suis déterminé à les
cultiver à chaque instant de ma vie quotidienne.
Silence pendant quelques respirations

Corps et esprit parfaitement ici et maintenant, je touche la Terre devant le


Bodhisattva qui Rafraîchit la Terre, et devant le Bodhisattva qui Soutient la Terre pour
consolider mon engagement envers notre Mère la Terre, envers notre belle planète.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

De tout mon cœur, je touche la Terre devant le Vénérable Punna, grand Maître de
la non-peur au service du Dharma139.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

6. Prendre refuge dans la Terre


Cher Bouddha, je me souviens que juste avant ton Eveil, au pied de l’arbre de la
Bodhi , Mara141 est apparu et t’a posé des questions dans l’intention de te décourager.
140

138
Extrait du chant intitulé Protection et Transformation, cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully,
2009, page 165.
139
Ce Maître n’eut aucune peur de se faire tuer pour aller dans des régions pleines de violence afin de
partager le Dharma. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre
67.
140
Constatant que les austérités ne l’avaient pas mené à une plus grande compréhension du monde,
Siddhartha (le futur Bouddha) décida de délaisser les austérités extrêmes et de se concentrer sur la
méditation, traçant la voie du milieu qui consiste à nier les excès. Il s’assit sous l’arbre de la Bodhi et fit le
vœu de ne pas bouger de cette place avant d’avoir atteint la Vérité. Au quarante-neuvième jour à l’aube, il
atteignit l’Eveil parfait. (Cf. ibid., chapitre 18.) Cet arbre se situait à Bodh Gaya (site de pèlerinage
aujourd’hui), dans l’état de Bihar. Il est aussi connu sous le nom de figuier des pagodes ou pipal. C’est un
arbre appartenant au genre ficus (ficus religiosa) de la famille des Moracées.
141
Démon, tentateur ou le mal. Il représente l’inverse de la nature du Bouddha.
Mara a demandé : « Qui es-tu, toi, pour oser croire que tu vas atteindre le fruit de l’Eveil
parfait ? Depuis combien de vies as-tu pratiqué ? Et tu oses maintenant penser qu’en
vingt-quatre heures tu vas réaliser la Voie ? Qui peut être témoin et démontrer que ce que
tu dis est la vérité ? » Cher Bouddha, quand Mara t’a posé ces questions, tu as posé ta
main droite sur la Terre, et tu lui as répondu : « La Terre est là pour prouver que mes
paroles disent la vérité. » Alors la Terre a tremblé, et Mara s’est retiré.
Cher Bouddha, comme j’aurais eu envie de te contempler assis bien solide sur la
Terre, avec la main droite dans la position du Toucher de la Terre 142. Chaque fois que je
visualise cette scène, je me sens très ému. La Terre a été témoin de tes manifestations
durant des milliers de vies, et de tes succès répétés dans chaque vie. La Terre a été pour
toi un refuge sûr, qui t’a permis de te manifester des millions de fois dans de merveilleux
corps de transformation, pour pratiquer et pour servir. Tu fus jadis le Bouddha Vipashyin,
tu seras dans l’avenir le Bouddha Maitreya, et encore bien d’autres corps de
transformation ! Tu te manifestes à partir de la Terre et toujours tu y retournes pour te
manifester de nouveau. La Terre est pour toi un refuge solide. Je sais que comme toi, je
peux prendre refuge dans la Terre, et qu’ainsi je pourrai développer comme moi l’énergie
de solidité et une capacité d’acceptation sans borne.

Le Bouddha est un joyau qui brille infiniment.


Il a réalisé l’Eveil parfait il y a des milliers de vies.
Sereinement assis en méditation sur la montagne,
De son front jaillit une auréole
Illuminant tout le Pic des Vautours143,
Eclairant parfaitement les six destinées de la confusion144.
Retrouvons-nous à l’Assemblée Nagapushpa145,
Et continuons la lignée authentique.
Je prends refuge dans le Bouddha toujours présent !146

Cher Bouddha, je sais qu’en touchant profondément la Terre quand je suis assis,
quand je marche ou quand je suis allongé, je peux recevoir son énergie pour continuer ton
œuvre.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois afin d’entrer en
contact profond avec elle et recevoir son énergie de solidité et d’inclusivité147 infinie.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

142
Cette position de la main, détendue et drapée au-dessus du genou pour pouvoir toucher le sol, est connue
sous le nom du mudra Bhumisparsha, le sceau du Toucher de la Terre.
143
Sur cette montagne se situait le monastère où le Bouddha résidait souvent pendant les trente dernières
années de sa vie. Le Pic des Vautours, lieu de pèlerinage, est aussi connu sous le nom de Gridhakuta. Il se
situe aujourd’hui à Rajgir, une ville du district de Nalanda, dans l’état de Bihar.
144
L’enfer, les royaumes des esprits affamés, des bêtes, des démons guerriers, des humains et des dieux.
145
L’Assemblée dans laquelle le Bouddha Maitreya enseignera.
146
Extrait des Louanges aux Trois Joyaux, cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 223.
147
Capacité d’embrasser et d’accepter tous les êtres vivants, toutes les formes de vie sans exception.
7. Etre solide comme la Terre
Cher Bouddha, j’écoute tes conseils. Je m’entraîne à m’asseoir avec solidité, et à
toucher la Terre avec calme et profondeur.

Ici, au pied d’un arbre,


Ici, dans une pièce vide et calme,
Ici, sur un petit coussin,
Ici, sur l’herbe verte et fraîche,
Assieds-toi, mon enfant.

Assieds-toi bien droit,


Assieds-toi bien solide,
Assieds-toi bien en paix.
Ne laisse pas tes pensées t’emporter dans le ciel, mon enfant.
Ton fondement collé à la Terre,
Sois un avec elle.
Tu es revenu à la Terre,
Souris mon enfant.
La Terre va te transmettre sa stabilité,
Sa paix et sa liberté.
Soutenant ta respiration consciente,
Arborant un sourire paisible,
Tu maintiens ce contact avec la Terre.

Parfois tu échoues, mon enfant.


Tu es assis sur terre,
Mais en réalité tu flottes dans les airs,
Habitué que tu es à errer dans le cercle du samsara
Et à faire naufrage dans l’océan des illusions.
Mais la Terre, elle, est patiente et constante.
Elle t’attend.
Elle te protège depuis des milliers de vies,
Et te sera toujours fidèle.
Elle sait que tu reviendras.
Elle t’accueillera,
Tout aussi fraîche que la première fois.
L’amour ne dit jamais que c’est la dernière fois.

La Terre est la Mère aimante.


Alors, pourrait-elle jamais cesser de t’attendre, patiemment ?

Reviens à la Terre, mon enfant,


Et tu verras.
Comme cet arbre là-bas,
Les fleurs et les feuilles de ton âme
Seront luxuriantes
Une fois que tu sauras entrer en contact avec la Terre.148

Cher Bouddha, je suis tes conseils. Je m’entraîne à faire des pas solides sur la
planète Terre, et à la toucher profondément :

Le chemin silencieux t’accueille, mon enfant,


Le chemin aux senteurs d’herbe et de fleurs,
Le chemin au milieu des prairies parfumées,
Où subsistent les traces de ton enfance,
Et celles de la main de maman.
Poses-y des pas calmes et légers,
Des pas détendus et paisibles.
Touche fermement la Terre avec tes pieds
Et ne laisse pas tes pensées t’emporter dans le ciel, mon enfant.
Reviens sans cesse à ce chemin.
Ce chemin est ton ami.
Il te transmettra
Sa paix,
Sa force.
Soutenant ta respiration consciente,
Tu maintiens ce contact avec la Terre.

Que chaque pas soit pour la Terre un baiser de ton pied,


Que chaque pas soit pour elle une caresse,
Que sa trace, comme le sceau de l’empereur
Donne l’ordre au maintenant de revenir régner sur l’ici.
Ainsi la vie sera là,
La vitalité s’exprimera pleinement,
Les merveilles se manifesteront,
Les visages prendront des couleurs,
Les souffrances se transformeront,
Et le corps et l’esprit seront en paix.

Parfois tu échoues, mon enfant.


Tu marches sur ce chemin silencieux
Mais en réalité tu flottes dans les airs,
Habitué que tu es à errer dans le cercle du samsara
Et à faire naufrage dans l’océan des illusions.
Mais le chemin, lui, est patient et constant.
Il t’attend.
Ce chemin familier, fidèle,
Il sait bien que tôt ou tard tu reviendras.
Et il accueillera les pas de ton retour.

148
Poème de Thich Nhât Hanh intitulé Toucher la Terre, extrait de Une flèche, deux illusions, éditions
Dangles, 2000.
Tout aussi frais que la première rencontre.
L’amour ne dit jamais que c’est la dernière fois.
Ce chemin, c’est un vieil ami.
Il t’attend avec une infinie patience,
Qu’il soit recouvert de poussières rouges,
Enfoui sous un tapis de feuilles d’automne,
Rendu boueux par la pluie,
Ou pris sous une couche de neige glacée.
Reviens, mon enfant, reviens sur ce chemin,
Et tu verras.
Comme cet arbre là-bas,
Les fleurs et les feuilles de ton âme
Seront luxuriantes
Une fois que tu sauras entrer en contact avec la Terre. 149
Silence pendant quelques respirations

Je touche la Terre de mon front, de mes bras et de mes genoux, en lui confiant
tout mon corps et toute mon âme. Je fais le vœu, désormais, de pratiquer les Touchers de
la Terre, la méditation assise et marchée, de façon à sentir que la Terre est ma fondation
solide.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

8. Développer en moi les qualités de la Terre pour embrasser et


transformer tout, sans discrimination
Cher Bouddha, étant ton enfant, Ksitigarbha est mon frère aîné. C’est un grand
bodhisattva150, qui a formé un vœu très profond : il n’aura de cesse de travailler à secourir
les êtres des enfers, jusqu’à ce que ceux-ci soient totalement vides 151. Ksitigarbha signifie
la nature solide, stable et dense de la Terre, sa capacité à contenir et à embrasser.
Cher Bouddha, je trouve son nom très beau. Comme le Bodhisattva sait que la souffrance
et les afflictions sont sans limite, son aspiration et son action pour servir tous les êtres
sont également sans limite. Tant qu’il y aura sur cette planète de la souffrance et des
afflictions, il en soulagera tous les êtres inlassablement. Notre monde a besoin de
personnes comme lui, et je veux lui apporter mon soutien. Je vois partout se constituer les
royaumes infernaux du malentendu, de la haine et de la violence. Et en même temps, je
vois partout des boddhisattvas en grand nombre, qui agissent pour y porter secours avec
courage.
Cher Bouddha, tu enseignas un jour au Vénérable Rahula quand il était enfant
comment développer en lui les qualités de la Terre, en lui disant : « Cher enfant, apprends
à être comme la Terre. Lorsque quelqu’un verse sur la Terre une chose pure et parfumée

149
Poème de Thich Nhât Hanh intitulé Toucher la Terre, extrait de Une flèche, deux illusions, éditions
Dangles, 2000.
150
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
151
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 39.
comme des fleurs ou du bon lait, la Terre n’en tire pas orgueil. Et lorsque quelqu’un verse
sur la Terre une chose sale et puante comme de l’excrément, de l’urine, du sang, du pus
ou du crachat, la Terre n’en éprouve ni honte, ni haine, ni colère. La Terre peut recevoir,
embrasser et transformer toute chose, sans aucune discrimination. »152 Je sais que le
Boddhisattva Ksitigarbha a la même énergie de solidité et d’inclusivité 153 que la Terre, et
qu’il est ainsi capable de tout embrasser et de tout transformer. Je veux moi aussi
apprendre et développer en moi les qualités de la Terre, comme ont pu le faire le
Bodhisattva Ksitigarbha et le Vénérable Rahula. J’ai en moi le complexe d’infériorité, la
honte et les peines. Je touche la Terre pour qu’elle embrasse ce complexe, cette honte et
ces peines en moi, et qu’ensemble nous les transformions. Et un jour, le fruit de l’amour
et de la joie apparaîtra dans mon cœur comme dans le monde.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant Ksitigarbha qui
embrasse avec solidité et sans discrimination tous ceux qui souffrent.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

Corps et esprit en parfaite harmonie, je touche la Terre devant le Vénérable


Rahula pour développer en moi la capacité d’embrasser tous les êtres sans discrimination.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

9. Etre un avec la Terre


Cher Bouddha, quand je regarde la Terre profondément, je peux y voir la présence
du soleil et sa chaleur qui aident toute chose à naître et à grandir. Si cette planète est si
belle, c’est grâce à la chaleur du soleil. Je peux aussi y voir les ruisseaux d’eau fraîche
couler depuis les profondeurs. Sans l’eau, comment y aurait-il de la vie sur cette planète ?
Je peux également sentir la présence de l’air et de tous les gaz dans l’atmosphère, comme
l’oxygène, le carbone… Sans ces gaz, il n’y aurait pas de vie, et il n’y aurait pas non plus
la beauté du saule vert, des chrysanthèmes dorés, des fleurs jaunes, toutes ces petites
merveilles de la nature. Partout je peux voir les quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le
feu. Ils inter-sont154 et se relient les uns aux autres. Ils inter-sont également dans mon
corps de manière merveilleuse.
Je veux toucher la Terre avec mon front, mes deux bras, mes deux jambes, afin de
sentir que je suis un avec la Terre Mère, que je suis un avec la lumière du soleil, avec les
rivières, les lacs, l’océan, et avec les nuages dans le ciel immense… Les quatre éléments
présents dans mon corps et les quatre éléments présents dans le cosmos ne sont pas des
réalités séparées. Je veux retourner à la Terre Mère pour prendre refuge en elle et pour
voir en moi sa nature solide.
Silence pendant quelques respirations

152
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 49.
153
Capacité d’embrasser et d’accepter tous les êtres vivants, toutes les formes de vie sans exception.
154
Sous la lumière de l’inter-être : ceci est car cela est. C’est l’interdépendance, l’existence mutuelle de
toutes choses.
De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant le Vénérable Sariputta et le
Vénérable Rahula qui ont très bien pratiqué l’inclusivité 155 et la non-discrimination afin
de devenir comme la Terre156.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

155
Capacité d’embrasser et d’accepter tous les êtres vivants, toutes les formes de vie sans exception.
156
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 49 et 62.
LIVRE IV : La pratique de la vision profonde transcende la
naissance et la mort

1. Toucher l’essence de la pratique pour faire naître la


concentration et la vision profonde
Cher Bouddha, je m’en veux car souvent, j’ai pratiqué correctement la forme mais
pas assez le contenu. En offrant de l’encens, en touchant la Terre, pendant la méditation
assise ou marchée et pendant le chant, j’ai souvent laissé mon esprit vagabonder dans le
passé ou le futur, s’emprisonner dans des soucis ou se perdre dans des pensées
insignifiantes concernant le présent. Je sais que pratiquer seulement la forme n’apporte
aucun fruit, ni à moi, ni à ma Sangha 157. Je ne pense pas que cela vienne d’une hypocrisie
quelconque, mais je comprends qu’en pratiquant ainsi, j’ai laissé passer beaucoup
d’occasions. Allumer un bâton d’encens, faire un pas ou une inspiration en pleine
conscience sont autant de chances pour moi de faire naître l’énergie de la pleine
conscience et de la concentration. Je sais qu’avec l’énergie de la pleine conscience et de
la concentration, j’aurai toujours une vision profonde. Et pourtant, il arrive que je ne me
concentre pas en offrant de l’encens, en marchant ou en respirant. Ceux qui ne pratiquent
pas ne sont pas conscients de ce qu’ils font quand ils agissent, se mettent debout,
s’assoient, rient ou parlent et fonctionnent en pilotage automatique. Moi je suis
pratiquant, et pourtant je fais comme eux. Je ris et je parle, je suis debout ou assis sans
savoir ce que je fais.
Cher Maître, je te promets de faire mieux à partir de cet instant, pour faire naître
davantage l’énergie de pleine conscience et de concentration à chaque moment de ma vie
quotidienne. Je sais que non seulement cette énergie m’aide à guérir et à transformer mon
corps et mon esprit, mais aussi qu’elle soutient beaucoup les autres membres de ma
Sangha et élève la qualité de leur pratique. Cher Bouddha, laisse-moi, je te prie, toucher
la Terre devant toi, afin de graver cette compréhension dans mon cœur.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi qui as
merveilleusement atteint la rive de la liberté158 et qui me montres le chemin.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

2. Pratiquer la reconnaissance pure pour ne pas me perdre dans le


moment présent
Cher Bouddha, selon tes enseignements, retourner au moment présent ne signifie
pas pour autant avoir la capacité de s’y établir. Ce qui se passe dans l’instant présent peut

157
Communauté de pratique.
158
L’une des dix qualités du Bouddha.
aussi m’emporter et je peux m’y perdre. Parfois je fuis ce qui est en train d’arriver,
parfois je m’y agrippe ; dans les deux cas je m’y perds. Je sais que la haine et
l’attachement m’empêchent d’être moi-même. Cependant quelquefois, sans le vouloir, je
fais preuve d’aversion ou d’attachement dans mes réactions. La pleine conscience m’aide
à reconnaître ce qui se passe, et me permet également de savoir si je me laisse emporter
même dans le moment présent. C’est pour cela que je suis tes instructions, cher Maître. Je
sais que la pleine conscience est d’abord la capacité de la pure reconnaissance, ce qui
veut dire reconnaître sans s’attacher ni fuir. Cette reconnaissance pure m’aide à faire
naître et à maintenir l’énergie de solidité et de liberté.
Cher Bouddha, tu nous as enseigné que la solidité et la liberté sont les deux
caractéristiques essentielles du nirvana159 et du monde de la non-naissance et de la non-
mort. C’est pourquoi je te promets, cher Bouddha, que dans ma vie quotidienne, je serai
plus diligent dans la pratique de la reconnaissance pure. Lorsque je me laverai les mains,
je saurai que je me lave les mains. Lorsque je tiendrai mon bol dans mes mains, je saurai
que je le tiens dans mes mains. Lorsque l’irritation montera, je serai conscient qu’elle
monte. Lorsque l’attachement se manifestera, j’en serai conscient. Je m’entraînerai à
reconnaître tout ce qui se passe et à sourire, sans anxiété, sans complexe ni de supériorité,
ni d’infériorité, ni d’égalité160.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, le
Bouddha du présent, devant Kassapa, le Bouddha du passé et devant Maitreya, le
Bouddha à venir. Je vous prie d’être témoins de ma sincérité et de ma détermination dans
cette pratique spirituelle.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

3. Contempler l’inter-être161 pour me libérer de la naissance et de


la mort
Cher Bouddha, comme tu l’as enseigné, les gens dans le monde sont souvent
emprisonnés dans des concepts tels qu’être et non-être, éternité ou annihilation. Je sais
que l’idée d’un soi immortel est une vue fausse et que l’idée d’annihilation en est une
autre. Cher Maître, tu m’as enseigné à ne m’attacher à aucun de ces extrêmes, que ce soit
l’éternité ou l’annihilation. Je me dis que dans ma vie quotidienne, je devrais faire des
efforts pour voir clairement la nature de non-éternité et de non-annihilation de mes cinq
agrégats162 et de toute chose autour de moi. La vision profonde de l’impermanence me
montre que rien ne peut être qualifié d’existence ou d’être véritable. Chaque chose,
159
Etat de l’extinction de toute notion, la libération parfaite, but ultime de tous les pratiquants bouddhistes.
160
Le complexe d’égalité consiste à croire qu’étant aussi bien que les autres, nous devrions être traités et
considérés exactement de la même manière qu’eux. Dans la psychologie occidentale, le complexe
d’infériorité est considéré comme un obstacle à une bonne santé mentale, mais dans le bouddhisme, le
complexe de supériorité et le complexe d’égalité sont également considérés comme des obstacles car tous
les trois complexes sont fondés sur l’idée d’un soi séparé.
161
L’interdépendance, l’existence mutuelle de toutes choses : ceci est parce que cela est.
162
Les cinq skandhas ou agrégats sont les éléments qui constituent une personne : corps, sensation,
perception, formation mentale et conscience.
chaque phénomène est une manifestation merveilleuse, sans réalité propre séparée, sans
nature propre séparée. Ceci se manifeste, car cela se manifeste. Cela se manifeste à partir
de ceci. Ceci se trouve en cela, et cela existe en ceci.
Cher Maître, tu as dépensé beaucoup d’énergie pour nous apprendre et pour nous
rappeler encore et encore que l’œuvre la plus noble d’un pratiquant est celle de l’Eveil. Et
pourtant, j’ai gaspillé beaucoup de mon temps si précieux à la poursuite d’une carrière
dans le monde, d’une reconnaissance publique, d’un confort matériel, d’une position
sociale. Je sais que je peux faire bien mieux. Je suivrai ton conseil, cher Maître. Je
contemplerai l’impermanence, l’interdépendance, la vacuité et l’inter-être, afin de faire
l’expérience profonde que tout ce qui existe a la nature de non-naissance et de non-mort,
de non-venir et de non-partir, de non-être et de non non-être, de non-éternité et de non-
annihilation. Tu nous as ouvert toute grande la porte de la non-naissance et de la non-
mort. Il me suffit de suivre tes enseignements pour y entrer. Je sais que le but ultime d’un
pratiquant est de réaliser la nature de non-naissance et de non-mort pour se libérer du
cercle du samsara163 et atteindre la plus haute liberté.
Silence pendant quelques respirations

Cher Bouddha, avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi
qui as la sagesse véritable et parfaite164, et devant le Vénérable Kaccayana 165 afin de
m’entraîner à penser juste et me libérer des naissances et des morts.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

4. Faire un avec la rivière de la vie, mes ancêtres et mes


descendants génétiques et spirituels
Cher Bouddha, je suis conscient du courant de vie qui coule en moi, contenant
tous mes ancêtres et tous mes descendants. Toutes les générations de mes ancêtres
spirituels et génétiques sont présentes en moi ; je suis leur continuation ; je n’ai pas de soi
séparé. Je m’entraîne à lâcher prise de tout ce que je crois être moi ou mien, pour ne faire
plus qu’un avec ce courant de vie. Il coule en moi, je suis ce courant, et non un soi
séparé.
J’ai mes ancêtres spirituels : les nobles maîtres, les patriarches et matriarches de
tous les temps166, encore vivants ou déjà morts. Ils sont tous en moi. Ils m’ont transmis
des graines de paix, de compréhension, d’amour et de bonheur. Grâce à eux, j’ai en moi
des ressources de paix, de joie, de vision profonde et de compassion. Parmi mes ancêtres
spirituels, certains ont mené à la perfection leur pratique des entraînements à la pleine
conscience, de la compréhension et de la compassion. Mais il en existe d’autres qui
avaient encore des lacunes dans ces pratiques. Néanmoins, je m’incline devant eux tous
et les accepte sans exception comme mes ancêtres spirituels. Moi-même, j’ai des
faiblesses et rencontre encore des obstacles dans ces pratiques. Conscient de mes défauts

163
Le samsara est le cycle des naissances et des morts dans lequel on est pris au piège de sa souffrance.
164
L’une des dix qualités du Bouddha.
165
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 78.
166
Jésus-Christ, Marie mère de Dieu, Abraham, Moïse, Isaac, Jacob, Sarah, Rébecca et Ruth, Mohamed,
Ali et leurs descendants, le Bouddha et les bodhisattvas.
et de mes faiblesses, j’ouvre mon cœur pour accepter également tous mes descendants
spirituels. Parmi eux, certains m’inspirent de l’admiration par leur pratique. D’autres sont
encore aux prises avec des difficultés et traversent des hauts et des bas sur leur chemin de
pratique. Je les accepte tous, sans exception.
Il en va de même pour ma famille génétique. J’accepte tous les ancêtres de mes
lignées paternelles et maternelles, avec toutes leurs qualités, leurs beautés, leurs défauts
et leurs faiblesses. J’ouvre mon cœur pour accepter également tous mes descendants
génétiques, avec tous les talents, les qualités et les faiblesses de chacun. Tous mes
ancêtres spirituels et génétiques sont présents en moi. Je suis eux et ils sont moi. Je n’ai
pas de soi séparé. Nous faisons tous partie d’un seul et même courant de vie qui toujours
coule merveilleusement.
Silence pendant quelques respirations

Cher Bouddha, je touche la Terre trois fois pour me détacher de l’idée que je suis
une réalité indépendante de mes ancêtres et de mes descendants, et pour me libérer de
toute la colère que je nourris encore envers eux, de toutes les peines et de toutes les
souffrances qui restent encore en moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

5. Faire un avec tous les êtres


Cher Bouddha, je me vois comme la vie qui se déploie dans l’espace sous toutes
ses formes merveilleuses. Je vois que je suis étroitement lié à toutes, à chaque être et à
chaque espèce. La souffrance et le bonheur de tous les êtres et de toutes les espèces sont
ma propre souffrance et mon propre bonheur. Je ne fais qu’un avec celui ou celle qui est
né handicapée, qui est devenu invalide du fait de la guerre, d’un accident ou de la
maladie. Je suis un avec tous ceux qui sont pris dans des situations de guerre,
d’oppression, d’injustice. Je suis un avec tous ceux qui n’ont jamais trouvé le bonheur
dans leur famille et dans la société, qui sont privés de racines et de paix intérieure, qui ont
soif de compréhension et d’amour. Ils sont tous à la recherche de la beauté, de la vérité et
du bien, auxquels ils puissent s’accrocher et croire. Je ne fais qu’un avec celui qui, sur le
point de mourir, est dans l’effroi de ne pas savoir ce qu’il va devenir. Je suis l’enfant qui
vit dans la misère, le dénuement, les maladies, cet enfant aux membres maigres comme
des allumettes, cet enfant sans avenir. Je suis aussi celui qui fabrique des armes pour les
vendre aux pays pauvres.
Je suis la grenouille qui nage dans l’étang, mais aussi la couleuvre qui a besoin de
se nourrir de grenouilles. Je suis la chenille et la fourmi, et aussi l’oiseau à l’affût de ses
proies, les chenilles et les fourmis. Je suis la forêt abattue, je suis l’eau, l’air et la rivière
pollués, mais je suis aussi celui qui abat la forêt, qui pollue l’air et la rivière. Je me vois
dans toutes les espèces et toutes les espèces sont en moi.
Je suis un avec les grands êtres qui ont réalisé la non-naissance et la non-mort, et
qui sont capables de porter un regard serein sur la naissance et la mort, le bonheur et la
souffrance. Je suis un avec les personnes bonnes et sages de par le monde, rayonnant de
paix, de compréhension et d’amour, capables de toucher les éléments nourrissants et
guérissants, des merveilles de la vie. Je fais un avec ces personnes qui, avec tout l’amour
de leur cœur bienveillant et toute la force de leurs bras agissants, sont capables
d’embrasser totalement ce monde. J’ai en moi assez de paix, de joie et de liberté pour
offrir la non-peur et la joie de vivre à tous les êtres vivants autour de moi. Je ne me sens
pas du tout isolé. La présence des grands êtres dans le monde, leur compassion et leur
joie de vivre me soutiennent et m’empêchent de sombrer dans le désespoir. Ils m’aident à
vivre pleinement ma vie dans la joie et la paix, et à lui donner un sens. Je me vois en
chacun et chacune d’eux, et ils sont tous en moi.
Silence pendant quelques respirations

Cher Bouddha, je touche la Terre pour être en contact avec la souffrance de toutes
les espèces dans le monde entier, pour faire naître et grandir en moi l’énergie de la
compassion. Je touche la Terre trois fois pour reconnaître que je ne fais qu’un avec tous
les grands bodhisattvas167 présents aujourd’hui dans ce monde, et pour recevoir leur
énergie solide, sans limite.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

6. Dépasser l’idée d’un corps limité


Cher Bouddha, je vois que ce corps constitué des quatre éléments, terre, eau, air et
feu n’est pas vraiment moi, et que je ne suis pas limité par ce corps. Je suis tout un
courant de vie, formé par mes ancêtres génétiques et spirituels, qui depuis la nuit des
temps se déverse dans le présent et continuera encore de couler dans l’avenir pendant des
milliers d’années. Je suis un avec mes ancêtres et mes descendants. Je suis la vie qui se
manifeste sous d’innombrables formes. Je suis un avec tous les êtres humains et avec
toutes les espèces, qu’ils soient heureux ou souffrants, qu’ils vivent sans peur ou dans
l’angoisse. En ce moment, je suis présent partout dans le monde, dans le passé aussi bien
que dans le futur. La désintégration de ce corps ne peut me toucher, tout comme la chute
des fleurs de prunier n’affecte pas le prunier. Je vois que je suis comme une vague à la
surface de l’océan. Je me vois dans toutes les autres vagues et je vois toutes les autres
vagues en moi. La manifestation ou la disparition de la vague n’enlève rien à la présence
de l’océan. Mon corps du Dharma168 et ma vie spirituelle ne sont affectés ni par la
naissance ni par la mort. Je suis capable de voir ma présence avant que mon corps ne soit
manifesté et après qu’il se sera décomposé. Je peux voir ma propre présence en dehors de
ce corps même dans le moment présent. Quatre-vingts ou quatre-vingts dix ans ne
représentent pas ma durée de vie ; ma durée de vie, tout comme celle d’une feuille ou
d’un bouddha, est sans limite. J’ai dépassé l’idée que je suis un corps séparé de toutes les
autres manifestations de la vie dans le temps et dans l’espace.
Silence pendant quelques respirations

Cher Bouddha, je touche la Terre trois fois afin d’abandonner l’idée que je suis ce
corps séparé des autres manifestations de la vie, et de réaliser ma nature de non-naissance
et de non-mort.

167
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
168
Corps de la pratique ou corps spirituel.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

7. Chevaucher les vagues de la naissance et de la mort


Cher Bouddha, lors de mes confidences, je pense à toi sous la forme du corps de
Sakyamuni il y a deux mille six cents ans. Je sais que tu es toujours là sous la forme de
milliers d’autres corps. Je sais aussi que tu es présent en moi, que je suis ta continuation.
Je suis l’un de tes innombrables corps. Comme tu m’as ouvert les yeux, je comprends
aussi que tu n’es pas limité par le temps et l’espace. Ta durée de vie est infinie. La
naissance, la mort, le flot changeant des apparences ne peuvent t’affecter car tu as réalisé
la non-naissance. Je suis conscient qu’en touchant ma propre nature de non-naissance et
de non-mort, je verrai également que ma durée de vie est illimitée. Je chevaucherai moi
aussi les vagues de la naissance et de la mort comme toi et les grands bodhisattvas169 ; une
fois réalisées le non-né et le non-mort, le flot changeant des apparences de la naissance et
de la mort ne pourra alors plus me toucher. Je te promets, cher Maître, de pratiquer
assidûment et de tout mon cœur, de ne pas me laisser accaparer par les soucis et les
projets, de ne pas laisser filer le temps et les occasions de pratiquer. S’il te plaît, sois mon
témoin et mon soutien. Je touche la Terre avec gratitude, pour te remercier de m’avoir
écouté et soutenu dans ma pratique.
Silence pendant quelques respirations

Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois afin d’entrer en
contact avec toi, cher Bouddha, avec ta durée de vie illimitée, et aussi avec ma propre
durée de vie illimitée.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.

169
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
ANNEXE

Les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience

Les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience expriment la vision bouddhiste d’une


spiritualité éthique mondiale. Ils sont la pratique concrète des Quatre Nobles Vérités 170 et
du Chemin Octuple enseignés par le Bouddha. Ils nous montrent le chemin de la
compréhension et de l’amour véritables, menant à la transformation, à la guérison et au
bonheur de l’individu et du monde. Ils nous permettent d’approfondir notre vision de
l’inter-être171, c’est-à-dire la Vue Juste, pouvant dissoudre tout fanatisme, toute
discrimination, toute peur et tout désespoir. Lorsque nous pratiquons les Cinq
Entraînements dans notre vie quotidienne, nous sommes déjà sur le chemin des
bodhisattvas172. Conscients de la chance que nous avons d’être sur ce chemin, nous
n’avons plus à nous faire de soucis pour le présent ni à avoir peur du futur.

Premier Entraînement : Protection de la vie


Conscient-e de la souffrance provoquée par la destruction de la vie, je suis déterminé-e à
cultiver ma compréhension de l’inter-être et ma compassion, afin d’apprendre comment
protéger la vie des personnes, des animaux, des plantes et des minéraux. Je m’engage à
ne pas tuer, à ne pas laisser tuer et à ne soutenir aucun acte meurtrier dans le monde, dans
mes pensées ou dans ma façon de vivre. Je comprends que toute violence causée
notamment par le fanatisme, la haine, l’avidité, la peur, a son origine dans une vue
dualiste et discriminante. Je m’entraînerai à tout regarder avec ouverture, sans
discrimination ni attachement à aucune vue, ni à aucune idéologie, pour œuvrer à
transformer la violence et le dogmatisme qui demeurent en moi et dans le monde.

Deuxième Entraînement : Bonheur véritable


Conscient-e de la souffrance provoquée par le vol, l’oppression, l’exploitation et
l’injustice sociale, je suis déterminé-e à pratiquer la générosité dans mes pensées, dans
mes paroles et dans mes actions de la vie quotidienne. Je partagerai mon temps, mon
énergie et mes ressources matérielles avec ceux qui en ont besoin. Je m’engage à ne rien
m’approprier qui ne m’appartienne. Je m’entraînerai à regarder profondément afin de voir
que le bonheur et la souffrance d’autrui sont étroitement liés à mon propre bonheur et à
ma propre souffrance. Je comprends que le bonheur véritable est impossible sans
compréhension et amour, et que la recherche du bonheur dans l’argent, la renommée, le
pouvoir ou le plaisir sensuel génère beaucoup de souffrance et de désespoir.

170
Souffrance, causes de la souffrance, cessation de la souffrance et chemin menant à la cessation de la
souffrance.
171
L’interdépendance, l’existence mutuelle de toutes choses : ceci est parce que cela est.
172
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
J’approfondirai ma compréhension du bonheur véritable qui dépend davantage de ma
façon de penser que de conditions extérieures. Si je suis capable de m’établir dans le
moment présent, je peux vivre heureux-se ici et maintenant, dans la simplicité,
reconnaissant que de nombreuses conditions de bonheur sont déjà disponibles en moi et
autour de moi. Conscient-e de cela, je suis déterminé-e à choisir des moyens d’existence
justes afin de réduire la souffrance et de contribuer au bien-être de toutes les espèces sur
Terre, notamment en agissant pour inverser le processus du réchauffement planétaire.

Troisième Entraînement : Amour véritable


Conscient-e de la souffrance provoquée par une conduite sexuelle irresponsable, je suis
déterminé-e à développer mon sens de la responsabilité et à apprendre à protéger
l’intégrité et la sécurité de chaque individu, des couples, des familles et de la société. Je
sais que le désir sexuel et l’amour sont deux choses distinctes, et que des relations
sexuelles irresponsables, motivées par l’avidité, génèrent toujours de la souffrance de part
et d’autre. Je m’engage à ne pas avoir de relation sexuelle sans amour véritable ni
engagement profond, à long terme et connu de mes proches. Je ferai tout mon possible
pour protéger les enfants des abus sexuels et pour empêcher les couples et les familles de
se désunir par suite de comportements sexuels irresponsables. Sachant que le corps et
l’esprit ne font qu’un, je m’engage à apprendre les moyens appropriés de gérer mon
énergie sexuelle. Je m’engage à développer la bonté aimante, la compassion, la joie et la
non-discrimination en moi, pour mon propre bonheur et le bonheur d’autrui. Je sais que la
pratique de ces quatre fondements de l’amour véritable me garantira une continuation
heureuse dans l’avenir.

Quatrième Entraînement : Parole aimante et écoute profonde


Conscient-e de la souffrance provoquée par des paroles irréfléchies et par l’incapacité à
écouter autrui, je suis déterminé-e à apprendre à parler à tous avec amour et à développer
une écoute profonde qui soulage la souffrance et apporte paix et réconciliation entre moi-
même et autrui, entre groupes ethniques et religieux, et entre les nations. Sachant que la
parole peut être source de bonheur comme de souffrance, je m’engage à apprendre à
parler avec sincérité, en employant des mots qui inspirent à chacun la confiance en soi,
nourrissent la joie et l’espoir, et œuvrent à l’harmonie et à la compréhension mutuelle. Je
suis déterminé-e à ne rien dire lorsque je suis en colère. Je m’entraînerai à respirer et à
marcher alors en pleine conscience, afin de reconnaître cette colère et de regarder
profondément ses racines, tout particulièrement dans mes perceptions erronées et dans le
manque de compréhension de ma propre souffrance et de la souffrance de la personne
contre laquelle je suis en colère.
Je m’entraînerai à dire la vérité et à écouter profondément, de manière à réduire la
souffrance chez les autres et en moi-même, et à trouver des solutions aux situations
difficiles. Je suis déterminé-e à ne répandre aucune information dont je ne suis pas
certain-e et à ne rien dire qui puisse entraîner division, discorde ou rupture au sein d’une
famille ou d’une communauté. Je m’engage à pratiquer la diligence juste 173 afin de
173
Empêcher les graines négatives dans notre conscience du tréfonds qui ne se sont pas encore manifestées
de se manifester dans notre mental ; aider nos formations mentales négatives qui se manifestent déjà dans
cultiver ma compréhension, mon amour, mon bonheur et ma tolérance, et de transformer
jour après jour les semences de violence, de haine et de peur qui demeurent en moi.

Cinquième Entraînement : Transformation et guérison


Conscient-e de la souffrance provoquée par une consommation irréfléchie, je suis
déterminé-e à apprendre à nourrir sainement et à transformer mon corps et mon esprit, en
entretenant une bonne santé physique et mentale par ma pratique de la pleine conscience
lorsque je mange, bois ou consomme. Afin de ne pas m’intoxiquer, je m’entraînerai à
observer profondément ma consommation des quatre sortes de nourritures : les aliments
comestibles, les impressions sensorielles, la volition et la conscience. Je m’engage à ne
pas faire usage d’alcool, ni d’aucune forme de drogue et à ne consommer aucun produit
contenant des toxines comme certains sites Internet, jeux, films, émissions de télévision,
livres, magazines ou encore certaines conversations. Je m’entraînerai régulièrement à
revenir au moment présent pour rester en contact avec les éléments nourrissants et
porteurs de guérison qui sont en moi et autour de moi, et à ne pas me laisser emporter par
des regrets et des peines quant au passé, ou par des soucis et des peurs concernant le
futur. Je suis déterminé-e à ne pas utiliser la consommation comme un moyen de fuir la
souffrance, la solitude et l’anxiété. Je m’entraînerai à regarder profondément dans la
nature de l’interdépendance de toute chose, afin qu’en consommant, je nourrisse la joie et
la paix, tant dans mon corps et ma conscience que dans le corps et la conscience
collective de la société et de la planète.

notre mental à retourner dans notre conscience du tréfonds sous forme de graines ; arroser nos graines
positives pour qu’elles se manifestent dans notre mental ; maintenir aussi longtemps que possible nos
formations mentales positives qui se manifestent déjà dans notre mental.
Les Cinq Contemplations

L’Introduction
Le Bouddha nous invite à manger en pleine conscience, à nous établir dans le
moment présent afin d’entrer en contact profond avec la nourriture et avec la
communauté de pratique qui nous entoure, sans nous laisser entraîner par les regrets du
passé et les soucis concernant le futur. Mangeons de manière à ce que la paix, la liberté et
la fraternité soient disponibles tout au long du repas.
Chers frères et sœurs, au son de la cloche, pratiquons les cinq contemplations.

Les Cinq Contemplations


1. Cette nourriture est le cadeau de l’univers tout entier : de la Terre, du Ciel, d’innom-
brables êtres vivants et le fruit de beaucoup de travail.
2. Mangeons-la en pleine conscience et avec gratitude pour être dignes de la recevoir.
3. Reconnaissons et transformons nos formations mentales négatives, par exemple l’avi-
dité, qui nous empêchent de manger avec modération.
4. Mangeons de manière à maintenir notre compassion éveillée, à réduire la souffrance
des êtres vivants, à préserver notre planète et à inverser le processus du réchauffement
planétaire.
5. Nous recevons cette nourriture car nous voulons bâtir notre Sangha174, cultiver la fra-
ternité et servir tous les êtres.

174
Communauté de pratique.
Soutra des Quatre Sortes d’Aliments
(N° 373 dans le Samyuktagama)

Ainsi ai-je entendu le Bouddha enseigner, un jour où il demeurait encore au


monastère d’Anathapindika175, dans le Parc de Jeta non loin de Shravasti. Ce jour-là, le
Bouddha dit aux bhikshus176 : « Il existe quatre sortes d’aliments qui permettent aux êtres
vivants de grandir et de survivre. Quelles sont ces quatre sortes d’aliments ? La première
sorte est la nourriture que nous consommons par la bouche, la seconde par les organes
sensoriels, la troisième par la volition et la quatrième par la conscience.

« Chers frères, comment un bhikshu devrait-il regarder profondément l’aliment


qu’il consomme par la bouche ? Supposons qu’un couple a un fils dont il prend soin en le
choyant avec beaucoup d’amour. Un jour, ce couple veut traverser avec l’enfant un désert
très dangereux, afin d’émigrer vers un autre pays. Au cours du voyage, tous trois tombent
dans une famine extrême, ayant fini toute leur réserve de nourriture. Ne trouvant aucune
solution, les parents se disent : « Nous avons un seul fils que nous adorons de tout notre
cœur. Si nous le mangeons, nous survivrons et sortirons de ce danger. Sinon, nous
mourrons tous les trois. » Après s’être ainsi concertés, les parents tuent leur fils tout en
pleurant, essaient de le manger pour avoir assez d’énergie et sortir du désert.

« Chers frères, pensez-vous que ce couple a mangé leur fils parce qu’ils voulaient
savourer la saveur de sa chair ou encore pour apporter de la nourriture à leur corps afin de
le rendre plus beau ?
— Non, cher Maître, répondirent les bhikshus.
— Sont-ils forcés, demanda le bouddha, de manger leur fils chéri pour survivre et
sortir du chemin dangereux et déserté ?
— Ceci est vrai, Seigneur Bouddha, répliquèrent les moines.
— Chers frères, enseigna le Bouddha, chaque fois que vous consommez la nourritu-
re par la bouche, il faut apprendre à contempler de cette manière, afin de voir la
nourriture et de la comprendre profondément. Ayant une vision et une compré-
hension aussi profondes de la nourriture consommée par la bouche, votre attache-
ment et vos désirs disparaîtront. Lorsque l’attachement s’est dissout, toutes les
formations internes basées sur les objets des cinq désirs disparaissent également
dans le cœur du noble disciple qui s’entraîne et pratique vraiment. Nous devons
revenir à cette vie de souffrance uniquement tant que les formations internes nous
attachent encore.

175
Monastère offert au Bouddha par le riche marchand Anathapindika et le prince Jeta, un des monastères
bouddhistes les plus connus. (Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996,
chapitre 39 et 40.) Le Bouddha y a passé 19 saisons des pluies, et c’était là qu’il délivrait le plus de
discours. Aujourd’hui, c’est un parc historique, lieu de pèlerinage avec des restes de plusieurs bâtiments
connus comme Sahet-Mahet.
176
Moines pleinement ordonnés.
« Chers moines, comment un bhikshu devrait-il contempler la nourriture
consommée par ses organes des sens ? Visualisons une vache dépecée. Où qu’elle aille,
tous les insectes s’accrochent à elle pour lui sucer le sang, qu’ils viennent de la terre, des
poussières ou des plantes. Si elle s’allonge par terre, tous les insectes venant de la terre
s’accrocheront à elle pour la manger. Si elle descend dans l’eau, tous les êtres vivants
dans l’eau feront de même. Si elle est dans l’air, tous les insectes qui volent dans l’air
feront de même. Qu’elle soit allongée ou debout, elle ressent la douleur et le harassement
dans son corps. Chers frères, il faut contempler ainsi lorsque vous consommez par vos
organes des sens, afin de voir et de comprendre profondément. Ayant une vision et une
compréhension aussi profondes de la nourriture consommée par vos organes des sens,
vous ne vous attacherez plus aux trois sortes de sensations 177. Sans attachement aux trois
sortes de sensations, le noble disciple qui s’entraîne et pratique vraiment n’a plus besoin
de faire des efforts parce qu’il a fait tout ce qui est à faire.
« Chers frères, comment un bhikshu devrait-il contempler sa volition comme
nourriture ? Imaginons un bourg ou un village à côté qui prend feu. Il est complètement
brûlé et l’on ne voit plus ni aucun feu ni aucune fumée. À ce moment-là, un gentilhomme
sage et intelligent veut se diriger dans la direction du bonheur et non pas dans la direction
de la souffrance, dans la direction de la vie et non pas dans la direction de la mort. Il
pense alors ceci : « dans cet endroit où il y a eu un grand incendie, bien qu’il n’y ait plus
ni fumée ni flammes, si je ne l’évite pas et que j’y rentre, je mourrai certainement. Cela
ne fait aucun doute. Réfléchissant ainsi, le gentilhomme décide d’éviter ce bourg ou ce
village. Chers frères, il faut contempler ainsi votre volition comme nourriture afin de la
voir et de la comprendre profondément. Ayant une vision et une compréhension aussi
profondes de la nourriture de votre volition, vous mettrez fin aux trois sortes de désirs.
Ayant mis fin aux trois sortes de désirs, le noble disciple qui s’entraîne et pratique
vraiment n’a plus besoin de faire des efforts, parce qu’il a fait tout ce qui était à faire.

« Chers frères, comment un bhikshu devrait-il contempler la nourriture


consommée par sa conscience ? Supposons que le garde du roi vient d’arrêter un
criminel. Il l’attache et l’amène au roi. Parce qu’il a commis un vol, on punit le criminel
en perçant son corps de trois cents coups de lance, ce qui lui cause une douleur atroce
jour et nuit. Chers frères, il faut contempler ainsi la nourriture consommée par votre
conscience afin de la voir et de la comprendre profondément. Ayant une vision et une
compréhension profondes de la nourriture consommée par votre conscience, vous
parviendrez également à une vision et à une compréhension profondes de votre corps et
de votre esprit. Une fois qu’il voit et comprend parfaitement son corps et son esprit, le
noble disciple qui s’entraîne et pratique vraiment n’a plus besoin de faire des efforts,
parce qu’il a fait tout ce qui est à faire. »

Après que le Bouddha eut fini ce discours, les bhikshus furent enchantés de mettre
ces enseignements en pratique.

177
Sensation agréable, sensation désagréable et sensation neutre.
Soutra de la Maîtrise du Serpent

Ainsi ai-je entendu le Bouddha enseigner, un jour où il demeurait encore au


monastère d’Anathapindika178, dans le Parc de Jeta non loin de Shravasti. À cette époque,
le bhikshu179 Arittha, qui avait été dresseur de vautours avant d’entrer dans les ordres,
croyait à tort ce qui suit : « D’après ce que je comprends des enseignements de l’Eveillé,
se réjouir des plaisirs sensuels ne constitue aucun obstacle à la pratique. »
Quand cette affirmation parvint aux oreilles de plusieurs bhikshus, ceux-ci allèrent
voir Arittha et lui demandèrent : « Frère Arittha, as-tu vraiment dit que, selon ce que tu
avais compris des enseignements du Bouddha, se réjouir des plaisirs sensuels ne
constituait aucun obstacle à la pratique ?
— Oui, chers amis, cela est vrai, répondit le bhikshu Arittha. Je crois que le Boudd-
ha ne considère pas les plaisirs des sens comme un obstacle à la pratique.
— Frère Arittha, dirent les bhikshus, ne dénature pas les enseignements du Bouddha
et ne le calomnie pas. Le Bouddha n’a jamais dit de telles choses. Au contraire,
frère Arittha, le Bouddha a utilisé de nombreux exemples pour nous dire que les
plaisirs des sens sont un obstacle à la pratique. Tu devrais abandonner ta vue
fausse. »
Mais le moine Arittha n’écoutait pas les conseils des bhikshus. Il s’accrochait à sa
vue fausse, et persistait à soutenir que sa pensée était la vérité et que tous les autres se
trompaient. Les bhikshus intervinrent en vain jusqu’à trois fois, puis ils arrêtèrent et
partirent. Ils se rendirent auprès du Bouddha, se prosternèrent aux pieds du Seigneur,
s’assirent à ses côtés et lui racontèrent ce qui s’était passé. Le Bouddha demanda à l’un
des bhikshus d’aller inviter Arittha à venir. Il réprimanda ce dernier, puis enseigna aux
bhikshus :

«
Moines, vous devez étudier profondément et correctement le sens de mes
enseignements avant de les mettre en pratique. Si vous n’avez pas encore compris
correctement la signification de telle ou telle parole, questionnez-moi d’abord ou
demandez à l’un de vos aînés dont la connaissance du Dharma est plus avancée, ou à un
frère dont la pratique touche à l’excellence. Pourquoi ? Un certain nombre de personnes,
sans la vision profonde, ont mal saisi la lettre ou l’esprit des enseignements et elles ont
compris à l’envers ce qui a été dit dans des soutras sous forme de poésie ou de prose, de
prédictions, d’abrégés versifiés, de production interdépendante, de métaphores, de propos
spontanés, de citations, d’histoires relatives aux vies précédentes, de phénomènes
merveilleux, de commentaires détaillés ou d’éclaircissements au moyen de définitions.
Ces personnes ont étudié dans l’intention de l’emporter dans des débats et non de
pratiquer pour atteindre la libération. Animées par de tels motifs, elles s’emprisonnent
dans la forme et ne reçoivent pas la vraie signification des enseignements. Elles
178
Monastère offert au Bouddha par le riche marchand Anathapindika et le prince Jeta, un des monastères
bouddhistes les plus connus. (Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996,
chapitre 39 et 40.) Le Bouddha y a passé 19 saisons des pluies, et c’était là qu’il délivrait le plus de
discours. Aujourd’hui, c’est un parc historique, lieu de pèlerinage avec des restes de plusieurs bâtiments
connus comme Sahet-Mahet.
179
Moine pleinement ordonné.
connaissent nombre de difficultés, endurent des épreuves inutiles et se fatiguent
finalement en pure perte.
« Elles sont semblables à un homme qui tente d’attraper des serpents dans la
nature. Aussitôt qu’il en voit un grand, il tend la main pour saisir son corps et ainsi, celui-
ci se retourne et le mord au poignet, à la jambe ou à une quelconque partie de son corps.
Capturer un serpent de la sorte n’apporte rien et au contraire, ne peut que provoquer des
malheurs. C’est parce que cet homme ne connaît pas l’art d’attraper des serpents. Une
personne qui n’étudie pas le Dharma intelligemment est pareille. Ne sachant pas
comment étudier, elle peut comprendre le contraire de ce qui est enseigné. Cependant,
une personne intelligente sait comment saisir habilement à la fois la lettre et l’esprit d’un
soutra. Ainsi, elle ne comprendra pas les enseignements à contresens. Elle n’étudie pas
dans le but de faire étalage de son savoir ou d’argumenter avec autrui. Elle le fait dans le
but de trouver le chemin de la libération. C’est pourquoi elle ne souffre pas de dur labeur
et ne se fatigue pas. Elle est semblable à un chasseur de serpent qui sait se servir d’une
fourche : dans la nature, aussitôt qu’il aperçoit un grand serpent, il appuie immédiatement
la fourche sur son cou et saisit sa tête avec la main. Alors, même si le serpent brandit sa
queue, s’enroule autour de son poignet, de sa jambe ou de toute autre partie de son corps,
il ne pourra le mordre. Parce que la personne maîtrise la technique, elle n’a pas besoin de
travailler dur et ne se fatigue point. Lorsqu’un fils ou une fille de bonne famille étudie un
soutra, il ou elle devrait faire preuve d’une grande habileté de manière à ne pas
comprendre la lettre et l’esprit à contresens et afin de saisir le véritable enseignement. Il
ou elle ne devrait pas étudier dans le dessein de spéculer et de débattre, mais seulement
dans le but de rechercher la libération. Il ou elle ne connaîtra alors ni le dur labeur, ni la
fatigue.
« Chers frères, je vous ai répété maintes fois l’exemple du radeau, j’ai bien insisté
sur la nécessité de reconnaître le moment où il faut abandonner le radeau et ne plus vous
y accrocher. Imaginez qu’un jour, l’eau se déverse de la montagne, forme un torrent en
crue et emporte sur son passage tous les biens. Un homme veut traverser le torrent mais,
il ne trouve ni pont ni barque. « Il me faut aller à l’autre rive, réfléchit-il, mais quel est le
moyen le plus sûr d’y parvenir ? » Après avoir examiné la situation, il ramasse des
branches et branchages afin de les assembler en un radeau pour gagner l’autre rive en
toute sécurité. Mais une fois arrivé de l’autre côté, le voilà qui pense : « J’ai consacré tant
de temps et d’énergie pour confectionner ce radeau qui m’a emmené jusqu’ici. Je ne
devrais pas le jeter. Je vais continuer mon chemin en l’emportant sur mes épaules ou sur
ma tête. » Et ainsi, il reprend sa route en emportant le radeau. Chers moines, pensez-vous
qu’il est utile d’agir ainsi ?
— Certes non, Honoré-par-le-Monde, répondirent les bhikshus.
— Que devrait faire cet homme pour que le radeau soit encore utile ?… Il devrait
penser comme ceci : « Ce radeau m’a aidé à franchir le torrent en sécurité. À
présent, il vaut mieux le laisser sur l’eau ou sur la berge afin qu’une autre
personne puisse s’en servir. » Chers bhikshus, serait-il plus bénéfique de penser et
d’agir ainsi ?
— Sans nul doute, Honoré-par-le-Monde, acquiescèrent les moines.
— C’est pourquoi, je vous ai parlé maintes fois de l’exemple du radeau, enseigna le
Bouddha. Il faut abandonner même le Dharma, pour ne rien dire du non-Dharma.
« Chers bhikshus, il existe six fondements aux vues, autrement dit, six sortes de
fausses perceptions qu’il faut abandonner. Quels sont-ils ces six fondements ?
« Premièrement, il s’agit du corps physique. Qu’il appartienne au passé, au
présent ou au futur, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur, subtil ou grossier, laid ou beau,
proche ou lointain, ce corps n’est pas mien, n’est pas moi, n’est pas le soi (atma). Un
bhikshu devrait regarder profondément afin de saisir la vérité à propos du corps.
« Deuxièmement, il s’agit des sensations.
« Troisièmement, il s’agit des perceptions.
« Quatrièmement, il s’agit des formations mentales.
« Que ces phénomènes appartiennent au passé, au présent ou au futur, qu’ils
soient à l’intérieur ou à l’extérieur, subtils ou grossiers, laids ou beaux, proches ou
lointains, ils ne sont pas miens, ne sont pas moi, ne sont pas le soi.
« Cinquièmement, il s’agit de la conscience : quoi que nous voyions, entendions,
percevions, sachions, saisissions, observions et pensions, maintenant ou à un autre
moment, tout cela n’est pas mien, n’est pas moi, n’est pas le soi.
« Finalement, il s’agit du monde. Certains croient : « Le monde est le soi. Le soi
est le monde. Le monde est moi. Je continuerai d’exister sans le moindre changement
après ma mort. Je suis éternel. Jamais je ne disparaîtrai. » Nous devrions méditer afin de
comprendre que le monde n’est pas mien, n’est pas moi, n’est pas le soi. Nous méditons
ainsi afin de saisir la vérité concernant le monde. »
Après avoir entendu ces paroles, un bhikshu se leva, découvrit son épaule droite,
joignit ses mains avec respect et demanda au Bouddha : « Honoré-par-le-Monde,
l’angoisse et l’anxiété peuvent-elles provenir d’une cause interne ?
— Peut-être, répondit le Bouddha. Si une personne perçoit et parle comme ceci :
«
Cette chose-là n’existait pas dans le passé. Elle est venue à l’existence, mais à
présent, elle n’existe plus. » En percevant et en disant cela, cette personne pourrait
se sentir triste, se lamenter, pleurer et se frapper la poitrine jusqu’à la folie. Voilà
l’angoisse et l’anxiété provenant d’une cause interne.
— Honoré-par-le-Monde, reprit le bhikshu, une cause externe peut-elle mener à
l’angoisse et à l’anxiété ?
— Peut-être, répondit le Bouddha. Supposons qu’une personne perçoive et déclare :
«
Ceci est le soi. Ceci est le monde. Ceci est moi. J’existerai à jamais. » Puis, si
elle rencontre le Bouddha ou un de ses disciples dotés de la compréhension et de
l’intelligence nécessaires pour lui enseigner comment abandonner les perceptions
fausses sur l’attachement au corps, au soi, à l’objet appartenant au soi ; comment
abandonner l’orgueil, les formations internes et les afflictions, peut-être la per-
sonne pensera-t-elle alors : « Alors, c’est fini. Je dois tout abandonner. Je ne suis
pas le monde. Je ne suis pas moi-même. Je ne suis pas le soi. Je n’existerai pas à
jamais. Après la mort, je serai complètement anéanti. Il ne reste plus rien à aimer,
de quoi se réjouir ni de quoi se souvenir. » Et cette personne peut se sentir triste,
se lamenter, pleurer et se frapper la poitrine jusqu’à la folie. Voilà la cause exter-
ne qui peut mener à l’angoisse et l’anxiété.
« Moines, demanda le Bouddha, percevez-vous le soi et les cinq agrégats 180
comme quelque chose de permanent, d’immuable et éternel ?
— Non, Vénérable Maître.

— Existe-il quelque chose que nous percevons, saisissons avec le désir et l’attache-
ment et qui ne provoque ni l’anxiété, ni la fatigue, ni les pleurs, ni la souffrance,
ni le désespoir ?
— Non, Honoré-par-le-Monde.
— Voyez-vous un fondement d’une vue du soi qui ne provoque ni l’anxiété, ni la fa-
tigue, ni les pleurs, ni la souffrance, ni le désespoir ?
— Non, Vénérable Maître.
— Très bien. Chaque fois qu’il y a l’idée du moi, il y a également l’idée du mien.
Quand il n’existe pas d’idée du moi, l’idée du mien ne saurait exister. Le moi et
le mien sont des concepts qui ne peuvent être ni saisis ni établis. Si ces fausses
perceptions surgissent en nous, elles deviendront des formations internes. Celles-
ci sont créées à partir des concepts qui ne peuvent être ni saisis ni établis. Voyez-
vous que ces formations internes ne sont rien d’autre que des fausses perceptions
et qu’une chaîne des résultats de ces dernières, comme dans le cas du bhikshu
Arittha ?

« Si à travers les six objets des sens (le corps, la sensation, la perception, la
formation mentale, la conscience et le monde), le bhikshu ne donne pas naissance à l’idée
d’un moi ou d’un mien, il ne sera pas attaché par les liens de la vie. Détaché des liens de
la vie, il transcendera la peur. La peur transcendée, il atteindra donc le Nirvana. Il
comprendra que pour lui, le cycle de souffrance est terminé, qu’une vie pure est
accomplie, que ce qui était à faire est fait, qu’il se libère de la naissance et de la mort et
qu’il touche la vérité des choses telles qu’elles sont. Un tel bhikshu a comblé et franchi le
fossé, détruit le rempart, déverrouillé complètement la porte et s’est regardé droit dans le
miroir de la plus noble compréhension.
« Bhikshus, tel est le cas du Tathâgata 181 et des bhikshus qui ont atteint la
libération. Les déités Indra182, Prajapati183, Brahma184 et ceux qui les entourent ont beau
s’évertuer à chercher, ils ne sauraient trouver la moindre trace de la base de la conscience
du Tathâgata. Je vous ai souvent dit : « Le Tathâgata est l’état noble, l’état de fraîcheur
dans lequel ni la chaleur fébrile, ni la lamentation ne se trouvent. » Plusieurs religieux et
brahmanes, m’ayant entendu tenir de tels propos, m’ont calomnié en affirmant que je
disais des mensonges, que je n’étais pas honnête : « Le moine Gautama185 préconise une
180
Les cinq skandhas ou agrégats sont les éléments qui constituent une personne : corps, sensation,
perception, formation mentale et conscience.
181
L’un des dix noms du Bouddha, ce qui signifie celui qui ne vient de nulle part et qui ne va nulle part,
celui qui vient de l’ainsité.
182
Un des douze dieux hindous qui règnent à l’Est et qui protège le Bouddha et le Dharma.
183
Dieu créateur dans la mythologie indienne et aussi un dieu dans les Vedas.
184
Dieu créateur dans le Brahmanisme.
185
Nom de famille du Bouddha Sakyamuni.
théorie nihiliste et la doctrine de la non-existence absolue, alors qu’en fait, les êtres
vivants existent bel et bien. » Mais le Tathâgata n’a jamais prôné de telles choses. En
vérité, il enseigne seulement la pratique de la cessation de la souffrance menant à l’état de
la non-anxiété. Qu’il soit insulté, provoqué, diffamé ou frappé, le Tathâgata ne se met
jamais en colère et ne se laisse jamais aller ni à la haine ni à la vengeance. Si une
personne insulte, diffame et frappe le Tathâgata, comment celui-ci réagit-il ? Il pense :
«
Si une personne respecte, vénère, se prosterne devant ou couvre d’offrandes le
Tathâgata, ce dernier ne sera pas fier. Il pensera tout simplement que cette personne agit
ainsi seulement à cause du fruit de l’Eveil et de la transformation dans la personne du
Tathâgata. »
Après avoir entendu les paroles du Bouddha, les bhikshus, animés d’une joie
profonde, mirent ses enseignements en pratique.

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