Conversations Intimes Avec Le Bouddha - Thich Nhat Hanh
Conversations Intimes Avec Le Bouddha - Thich Nhat Hanh
Conversations Intimes Avec Le Bouddha - Thich Nhat Hanh
AVEC LE BOUDDHA
Toucher la Terre
INTRODUCTION.....................................................................................................3
ANNEXE ..............................................................................................................61
INTRODUCTION
La pratique du Nouveau Départ
« Au pied de la montagne,
Coule un ruisseau.
Son eau lave et guérit
Toute sorte de maladie. »
Ces vers font partie d’une cérémonie traditionnelle au Vietnam, celle du
« Nouveau Départ ». Ils furent composés sous la dynastie Tang par le Maître Zhi Xuan,
également connu comme l’Enseignant National Wu Da (811-883 de l’ère chrétienne). Le
terme vient du chinois « chan hui », qui désigne l’expression du regret pour des erreurs
commises dans le passé, associée à l’aspiration profonde de se transformer et de changer
désormais de comportement ; la conscience de cette capacité de transformation permet de
ne pas nous sentir coupable. L’eau de ce ruisseau est le nectar de la compassion, capable
de laver toute mauvaise action du passé afin de laisser revenir la joie de vivre.
Cette cérémonie vise principalement à utiliser la bonté aimante et la compassion,
par une pratique du regard profond évoquée dans le chapitre « Porte universelle » du
Soutra du Lotus1. Il s’agit de focaliser l’attention sur la bonté aimante et la compassion de
manière à faire naître et à développer l’énergie de ces deux qualités. L’énergie de la
pleine conscience et de la concentration peut aussi faire jaillir de ces deux éléments tout
un courant de nectar grâce auquel tout acte mauvais peut être purifié. D’où cette
appellation donnée par Maître Wu Da de « Nouveau Départ par la Bonté Aimante et la
Compassion », que les pratiquants simplifient couramment en « Nouveau Départ par
l’Eau »2.
Ce recueil présente plutôt une pratique de Nouveau Départ par la Terre : en
touchant la Terre, nous nous mettons en contact avec elle, nous prenons refuge en elle,
nous recevons son énergie de densité et de solidité. Dans ce geste, nous nous laissons
embrasser par elle, afin qu’elle transforme notre ignorance, notre souffrance et notre
désespoir. La Terre est partout. Où que nous soyons, nous pouvons la toucher pour
recevoir son énergie de stabilité et de non-peur. Et quand nous pouvons entrer dans un
contact profond avec elle, en suivant notre respiration, la paix regagne notre cœur.
Le titre complet de cette pratique pourrait être « Nouveau Départ par la
Concentration sur la Densité et la Solidité de la Terre, et par les Touchers de la Terre »,
mais pour simplifier, nous l’appelons « Nouveau Départ par la Terre ». La solidité et la
densité sont les deux caractéristiques de la Terre. Dans la préface du Soutra de
Ksitigarbha, le Bodhisattva3 est loué ainsi : « Comme la Terre, Ksitigarbha est solide,
dense, et doté d’une grande capacité à embrasser tous les êtres. »4 L’énergie de la pleine
conscience et de la concentration suscitée pendant le contact avec la Terre a le pouvoir de
1
Discours, enseignement du bouddhisme mahayana.
2
Le titre complet de cette pratique de purification est « Pratique du Nouveau Départ par l’Eau, et par la
Concentration sur la Bonté Aimante et de la Compassion ».
3
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se libérer.
nous éveiller, de nous transformer, de nous purifier et de nous apporter immédiatement
joie de vivre, aussi bien pendant la pratique qu’après celle-ci.
Chaque méditation proposée ici est une petite conversation avec le Bouddha, dont
chacun peut bénéficier en trouvant un passage qui correspond à sa propre situation.
Chaque méditation peut être pratiquée seule ou bien comme faisant partie des cérémonies
de Toucher de la Terre pour le Nouveau Départ.
Cette pratique peut être individuelle ou collective. Seul, nous pouvons utiliser le
CD sur lequel les méditations sont lues par des moines et des moniales du Village des
Pruniers. En groupe, une personne dotée d’une voix expressive et animée par une forte
énergie de pleine conscience et de concentration pourra lire le texte pendant que les
autres écouteront. Pendant la lecture, nous pourrons nous tenir debout ou bien agenouillés
en joignant les mains. Nous pouvons préférer lire « nous » et « nous-mêmes » au lieu de
« je » et « moi-même ». Après la lecture de chaque passage, la personne qui lit le texte
invite la cloche5 et chacun touchera la Terre en s’allongeant dans la position de
prosternation, ou en s’agenouillant et en se penchant vers l’avant afin que le front et les
avant-bras touchent le sol. Après au moins trois respirations profondes, tout le monde se
relève quand un demi son de cloche est invité6. Les personnes qui ne peuvent pas se
prosterner complètement sont invitées à simplement joindre les mains et à s’incliner
légèrement vers l’avant.
Nous touchons la Terre en silence et demeurons dans cette position pendant toute
la longueur de trois respirations au moins, ou plus longtemps, afin d’avoir assez de temps
pour contempler profondément. Durant ce moment, nous confions complètement tout
notre corps et notre esprit à la Terre, la laissant nous embrasser et transformer en nous la
souffrance et les obstacles. Si nécessaire, nous pouvons répéter la lecture d’un même
passage et toucher la Terre une deuxième fois. Pratiquer ainsi nous procurera un
sentiment de joie. Nos difficultés seront transformées, notre corps et notre esprit
deviendront plus légers.
Les présentes méditations visent à aborder les questions et les difficultés réelles
d’une quadruple communauté de pratiquants, incluant moines, moniales, laïcs hommes et
femmes. Ce qui nous met tous en relation, c’est notre aspiration profonde à vivre une vie
éveillée, en paix et en harmonie avec nous-mêmes et les autres ; c’est notre désir de
guérir les blessures qui ont marqué en profondeur notre corps et notre esprit ; c’est aussi
notre engagement à servir la société. Certaines parties des méditations s’adressent aux
moines et aux moniales, alors que d’autres sections visent plutôt les pratiquants laïques.
Quelle que soit notre place, il se peut qu’au premier abord certains passages des
méditations ne s’appliquent pas directement à notre situation présente ; et pourtant, en
regardant profondément, nous pourrons trouver le moyen d’établir un lien avec chaque
partie du texte. Que nous pratiquions seul ou en tant que communauté, ces méditations
4
Soutra mahayana dans le Canon Chinois, il tire son origine de l’Asie Centrale et fut traduit de sanskrit en
chinois. Il décrit les vies passées du Bodhisattva Ksitigarbha, son vœu et ses pratiques, ainsi que les
bénéfices qui échoient à ceux qui lui rendent hommage.
5
Dans notre tradition, la cloche est comme le Bouddha qui nous rappelle de revenir au moment présent.
Pour cette raison, nous préférons dire « inviter » la cloche à sonner en signe de respect.
6
Pour inviter un demi son de cloche, on pose le bâton à la fois légèrement et fermement sur le rebord de la
cloche et en le tenant là, ce qui permet de produire un son court et relativement sourd.
guidées peuvent nous aider tout doucement à guérir les divisions et le malaise que nous
entretenons au-dedans de nous-mêmes. Nous pouvons très bien, quelques jours après une
session de pratique, désirer avoir une discussion avec d’autres pratiquants afin de
partager les expériences et les compréhensions profondes qui apparaissent avec le
Toucher de la Terre.
Si vous appréciez cette pratique, vous pouvez vous y consacrer une fois toutes les
semaines, tous les mois, ou au moins deux fois par an. La Terre est là partout, et quand
vous êtes en contact avec elle, vous pouvez être en paix.
LIVRE I : Le bonheur est ici et maintenant
Le front et les quatre membres sur le sol, je touche la Terre avec gratitude devant
toi, Sakyamuni mon Maître, qui t’es manifesté sur cette Terre.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
7
Capitale du clan des Sakya auquel appartenait Siddhartha Gautama, le futur Bouddha. C’était là que se
trouvait le palais du roi Suddhodana, son père, où Siddhartha aurait séjourné jusqu’à l’âge de 29 ans.
Aujourd’hui, c’est une grande région, principalement au Népal, et en partie en Inde.
8
Pendant six ans, Siddhartha pratiqua les austérités avec cinq autres ascètes méditants. Cf. Thich Nhât
Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 15.
9
Constatant que les austérités ne l’avaient pas mené à une plus grande compréhension du monde,
Siddhartha décida de délaisser les austérités extrêmes et de se concentrer sur la méditation, traçant la voie
du milieu qui consiste à nier les excès. Il s’assit sous l’arbre de la Bodhi et fit le vœu de ne pas bouger de
cette place avant d’avoir atteint la Vérité. Au quarante-neuvième jour à l’aube, il atteignit l’Eveil parfait.
(Cf. ibid., chapitre 18.) Cet arbre se situait à Bodh Gaya (site de pèlerinage aujourd’hui), dans l’état de
Bihar. Il est aussi connu sous le nom de figuier des pagodes ou pipal. C’est un arbre appartenant au genre
ficus (ficus religiosa) de la famille des Moracées.
10
Sur cette montagne se situait le monastère où le Bouddha résidait souvent pendant les trente dernières
années de sa vie. Le Pic des Vautours, lieu de pèlerinage, est aussi connu sous le nom de Gridhakuta. Il se
situe aujourd’hui à Rajgir, une ville du district de Nalanda, dans l’état de Bihar.
11
Monastère offert au Bouddha par le riche marchand Anathapindika et le prince Jeta, un des monastères
bouddhistes les plus connus. (Cf. ibid., chapitre 39 et 40.) Le Bouddha y a passé 19 saisons des pluies, et
c’était là qu’il délivrait le plus de discours. Aujourd’hui, c’est un parc historique, lieu de pèlerinage avec
des restes de plusieurs bâtiments connus comme Sahet-Mahet.
12
Le Bouddha entra en nirvana près de la localité de Kushinagara (lieu de pèlerinage aujourd’hui), allongé
entre deux arbres shalas, aussi connus sous le nom de sal, (shorea robusta, une diptérocarpée) arbre d’Inde
employé dans les constructions. (Cf. ibid., chapitre 80 et 81.)
13
Cf. ibid., chapitre 6.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant ton père, le roi
Suddhodana, et devant ta mère, la reine Maya.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je me mets en contact avec toi, Honoré-de-
par-le-Monde17, mon maître présent en moi et autour de moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
14
Communauté de pratique.
15
Enseignements du Bouddha.
16
Roi de l’empire de Kosala, dont la capitale était à Savatthi. C’était le deuxième plus grand et plus
puissant pays après Magadha dans le Sud-Est. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-
Claude Lattès, 1996, chapitre 77.
17
L’une des dix qualités du Bouddha.
18
Cf. ibid., chapitre 36.
3. Faire naître la grande compréhension et l’amour infini pour le
vrai bonheur
Cher Bouddha, toi mon maître et ma Sangha 19 avez donné naissance à ma vie
spirituelle et continuez à me nourrir chaque jour. Je suis ton disciple, ton jeune frère, ta
jeune sœur et ton enfant. Je veux être ta belle continuation. Tu n’as pas recherché le
bonheur dans la popularité, la richesse, le sexe, le pouvoir et la bonne chère. Ton bonheur
est la grande liberté, l’amour infini et la compréhension parfaite. Grâce à la
compréhension parfaite, aucune situation n’a pu obstruer ta voie spirituelle ou
t’emprisonner dans des pensées erronées ; tu n’as pensé, ni dit et ni rien fait qui puisse
créer de la souffrance à toi-même et aux autres. Grâce à cette compréhension parfaite, tu
as, cher Bouddha, l’amour infini qui enveloppe tous les êtres. Cet immense amour
soulage, libère et offre la paix et le bonheur à d’innombrables êtres. La compréhension
parfaite et l’amour infini t’ont apporté une immense liberté et le vrai bonheur.
Mon désir le plus cher est de marcher sur tes traces, cher Maître. Je fais le vœu de
ne pas chercher le bonheur dans les cinq plaisirs des sens, sachant que la richesse, la
popularité, le sexe, le pouvoir et la bonne chère ne peuvent pas m’apporter le bonheur
véritable. Je comprends qu’en courant après les objets de convoitise, je me rendrai
esclave de ces choses et m’attirerai beaucoup de souffrance. Je suis déterminé à ne pas
rechercher un bonheur fondé sur une position, un diplôme, du pouvoir, de l’argent ou du
sexe. Je fais le vœu de pratiquer tous les jours, afin de faire naître la compréhension,
l’amour et la liberté. Ces éléments ont la capacité de faire mon véritable bonheur, celui de
ma famille et de ma Sangha, maintenant et dans le futur.
Silence pendant quelques respirations
Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant toi, mon cher
Maître, et devant le Vénérable Baddhiya 20 pour contempler profondément mon vœu et le
fortifier.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Corps et esprit en parfaite harmonie, je touche la Terre trois fois afin d’entrer
profondément en contact avec toi, cher Bouddha, et avec le bonheur ici et maintenant.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Offrons-nous le bonheur.
Vivons pleinement l’instant.
Laissons partir tout ce courant de souffrance
Et choyons la vie au creux de nos mains21.
21
Poème de Thich Nhât Hanh intitulé Notre véritable héritage, extrait de Une flèche, deux illusions,
éditions Dangles, 2000.
Silence pendant quelques respirations
De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois afin d’être en contact avec toi, cher
Bouddha et avec le Vénérable Assaji, source d’inspiration par sa manière de marcher26.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Corps et esprit en parfaite harmonie, je touche la Terre trois fois devant toi, mon
cher Maître, et devant le Vénérable Baddhiya qui a goûté la joie et le bonheur de la
méditation assise32.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant toi, l’Eveillé
parfait43, et devant le Vénérable Kassapa qui a reçu tes yeux du vrai Dharma 44, le trésor
de ta grande compréhension45.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
46
Communauté de pratique.
47
Ce Bodhisattva est présent dans la cuisine de tous les monastères pour y assurer avec amour une
alimentation bonne et saine.
vois très clairement que c’est un cadeau de tout le cosmos. J’y vois les rayons du soleil et
la pluie. J’y vois également les plantations, les vergers de pommiers et de pruniers, les
potagers, l’engrais, les abeilles et les papillons butinant de fleur en fleur, les graines
semées qui deviennent plantes. J’y vois aussi celui qui fait la récolte, qui la vend et celui
qui cuisine. Tous les êtres de l’univers ont contribué à l’existence de la pomme, de la
prune et du morceau de pain que je tiens dans ma main. Mon cœur s’emplit de gratitude
et de bonheur. En mâchant le pain et la nourriture, je cultive la pleine conscience ainsi
que ce bonheur, sans me laisser entraîner dans le passé, le futur ou les pensées
insignifiantes du présent. Chaque bouchée me nourrit, ainsi que mes ancêtres et mes
descendants déjà présents en moi. Et j’aime mâcher la nourriture avec ce poème:
48
Poème extrait de Chants du Cœur de Thich Nhât Hanh, Sully, 2009, page 279.
49
Communauté de pratique.
50
Cf. les Cinq Contemplations dans l’annexe en fin d’ouvrage.
Terre, le Ciel, tous les êtres, le dur labeur et l’amour de tant de gens, notamment ceux qui
ont cuisiné ce bon repas.
Silence pendant quelques respirations
Cher Bouddha, je touche la Terre trois fois devant toi, le plus digne de respect et
d’offrande51, afin d’exprimer ma gratitude envers la Terre, le Ciel et tous les êtres, et
nourrir le bonheur en moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
51
L’une des dix qualités du Bouddha.
52
Communauté de pratique.
53
Cf. les Cinq Contemplations dans l’appendice en fin d’ouvrage.
Et quand je mange, je fais à mon tour naître cette énergie pour nourrir ma famille, mes
amis et ma Sangha.
En tant que moine ou moniale, je te promets, cher Maître, de ne manger qu’en
présence de ma communauté pour fortifier ma pratique. J’éviterai de manger seul dans
ma chambre et en dehors des repas, sauf si je suis malade ou qu’une tâche particulière à
accomplir m’empêche de rentrer à temps pour le repas avec la Sangha. Si je dois manger
seul, je m’entraînerai à toucher ta présence, cher Bouddha, et la présence de ma famille et
de ma Sangha en moi pour prendre le repas avec vous tous.
Cher Bouddha, il ne fait aucun doute que ta communauté et toi étiez très heureux
de partager ensemble vos repas, que ce soit sur le Pic des Vautours 54, dans le monastère
de la Bambouseraie55, dans le monastère d’Anathapindika56 ou dans la Grande Forêt près
de la cité de Vesali57. Aujourd’hui, si j’ai assez de pleine conscience et de concentration
pendant le repas avec ma Sangha, je pourrai aussi voir ta présence. Je pourrai te voir à
mes côtés me regarder et me sourire.
Silence pendant quelques respirations
De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, mon cher Maître, afin
d’exprimer mes regrets concernant les erreurs commises dans mon comportement
alimentaire. Je fais le vœu de suivre tes enseignements à ce sujet, afin d’être un bon
exemple pour mon entourage et mes descendants.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, cher
Bouddha, qui comprend parfaitement le monde 64, et devant tous mes nobles maîtres. Je
vous prie d’être témoins de ma sincérité et de mon aspiration profonde.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
De tout cœur, je touche la Terre devant toi, maître des deux mondes, celui des
hommes et des dieux65, et te prie d’être témoin de mes vœux sincères.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
De tout cœur, je touche la Terre devant le Vénérable Rahula qui s’engagé dans la
pratique spirituelle dès son très jeune âge, et le prie de me soutenir sur mon chemin.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
65
L’une des dix qualités du Bouddha.
LIVRE II : De la boue pousse une fleur de lotus
66
Discours faits par le Bouddha.
67
Souffrance, causes de la souffrance, cessation de la souffrance et chemin menant à la cessation de la
souffrance. Cf. Thich Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
68
Vue juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens d’existence justes, diligence juste, pleine
conscience juste et concentration juste. Cf. ibid.
69
Foi, diligence, pleine conscience, concentration et vision profonde. Cf. ibid.
70
Energies générées par la foi, la diligence, la pleine conscience, la concentration et la vision profonde. Cf.
ibid.
71
Pleine conscience, investigation des phénomènes, diligence, joie, légèreté, concentration et équanimité.
Cf. ibid.
72
Six perfections : générosité, préceptes, patience, diligence, concentration et vision profonde. Cf. ibid.
73
Voie qui transcende tous les pairs d’opposés des notions comme être/non-être, naissance/mort,
venir/partir, même/différent, etc. Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 78.
74
Cf. l’annexe en fin d’ouvrage. Pour les explications détaillées et les commentaires, cf. Thich Nhât Hanh,
Le Silence foudroyant, Albin Michel, 1997.
75
Enseignements du Bouddha.
76
Grand Véhicule, école bouddhiste apparue vers le 1 er siècle après J.C. dans le sud de l’Inde. Cette école
s’est propagée et a prospéré plus tard dans des pays voisins comme la Chine, la Corée, le Japon, le
rapport ces enseignements si profonds ont-ils avec l’expérience que je fais de la
souffrance en moi et autour de moi dans le monde ? Comment étudier ce soutra pour
l’intégrer au mieux à ma pratique quotidienne et transformer mes afflictions et mes
difficultés réelles ? » Tu as dit que les laïcs peuvent aussi, par la pratique, se libérer du
monde des naissances et des morts et atteindre la non-mort, à condition d’organiser notre
vie quotidienne de manière à trouver le temps pour la pratique. Je te promets de faire de
mon mieux pour écouter attentivement les expériences des autres dans les partages du
Dharma, et de ne pas prendre la parole pour faire étalage de mes connaissances. Je
n’engagerai pas de débat ou de discussion ; je me contenterai de partager ma propre
expérience de pratique, à la lumière des enseignements reçus.
Cher Maître, en tant que moine, moniale, je fais le vœu d’apprendre et de
pratiquer pour devenir un enseignant, une enseignante du Dharma authentique, capable
de transformer ma souffrance, de libérer les autres de la leur et d’être au service de tous
les êtres. Beaucoup de gens ont accompli de hautes études bouddhiques ou sont titulaires
d’un doctorat en bouddhisme, sans pour autant que leurs connaissances bouddhiques les
aient aidés à transformer leur souffrance et à créer la paix et le bonheur. J’apprendrai en
priorité ce que je pourrai mettre en pratique dans ma vie quotidienne, et ensuite ce qui
pourra m’éclairer dans ma pratique et dans de voie au service de tous les êtres. Je refuse
d’étudier dans le seul but de devenir savant ou savante. Je veux apprendre pour
transformer ma souffrance, avoir l’expérience suffisante et aider les autres à transformer
la leur. Ainsi, je continuerai ton œuvre, cher Bouddha. Une fois seulement que j’aurai
bien compris la pratique bouddhique, je commencerai à compléter mes connaissances
avec des études en psychologie, en sciences, en histoire des systèmes de pensée et des
civilisations. Ces matières m’aideront à enseigner et à partager le bouddhisme au monde
d’aujourd’hui de façon plus appropriée et efficace.
Silence pendant quelques respirations
Dans le passé, je me suis parfois égaré sur mon chemin de pratique. Maintenant,
pour exprimer ma détermination à reprendre le bon chemin indiqué par toi, cher
Bouddha, l’enseignant inégalé, je touche la Terre devant toi et devant le Bodhisattva
Manjusri doté de la grande compréhension, capable de trancher toute souffrance77.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Vietnam, etc. Elle est aussi appelée le bouddhisme de l’Ecole du Nord. Le Soutra du Lotus, le Soutra
d’Avatamsaka, le Soutra du Diamant, le Soutra du Cœur, par exemple, appartiennent à cette école et sont
bien connus pour les enseignements merveilleux qui s’y trouvent.
77
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 39.
78
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 2, 52.
Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre devant le Vénérable Subhuti 79,
afin de me souvenir de mettre toujours en pratique ce que j’étudie.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Corps et esprit en parfaite concentration, je touche la Terre trois fois devant toi,
cher Bouddha, afin de renforcer ma détermination de transformer mon habitude d’agir
avec mon petit soi séparé.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
81
Poème de l’impermanence, extrait de Chants du Cœur de Thich Nhât Hanh, Sully, 2009, page 40.
82
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérence, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
Cher Bouddha, je te promets de m’entraîner, à partir de cet instant, à regarder en
profondeur pour voir que l’essentiel de ma souffrance a son origine dans ma façon de
regarder et de comprendre, dans mes idées et mes perceptions. Je ne ferai plus de
reproche à quiconque quand je souffrirai. Au contraire, je reviendrai en moi-même pour
reconnaître les racines de ma souffrance dans mes idées et mes perceptions erronées. Je
sais qu’il y a encore en moi beaucoup d’ignorance, ce qui rend mes perceptions souvent
fausses, et là est la cause de ma souffrance. Je regarderai profondément pour pouvoir les
abandonner. Je méditerai également pour aider les autres à lâcher prise de leurs
perceptions ; ainsi ils pourront se libérer à leur tour.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant notre frère aîné
Sariputta, Maître de la Grande Sagesse.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
85
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 39.
86
Cf. ibid., page 38.
87
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérance, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant
Avalokita, le Bodhisattva de la Grande Compassion et devant Sadaparibhuta, le
Bodhisattva du Respect Constant88.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
6. Apprendre le silence
Cher Bouddha, dans le premier discours donné aux cinq moines dans le Parc des
Cerfs, tu as mentionné la pratique de la parole juste, une des huit pratiques du Noble
Chemin Octuple89. Ma propre pratique de la parole juste est encore faible. Souvent, par le
passé, la maladresse m’a fait dire des choses qui ne correspondaient pas à la vérité. J’ai
probablement menti pour dissimuler mes faiblesses, ou bien pour embellir l’image qu’on
allait se faire de moi. J’ai parfois dit des mensonges par crainte d’être jugé ou critiqué ; je
l’ai fait parfois dans mon propre intérêt ou pour me disculper, ou par arrogance ou par
jalousie ; je l’ai fait aussi pour amener la personne qui m’écoutait à haïr et jalouser aussi
l’objet de ma haine et de ma jalousie. J’ai tenu des propos qui ont divisé et entravé la
communication entre moi et les autres, à cause de mes perceptions fausses, de mon
immaturité, de la colère, de l’amour-propre ou de la jalousie. Je sais que quand la
communication devient difficile et se coupe, le bonheur disparaît pour laisser place à la
souffrance. Le souvenir de ces moments me remplit de remords. Cher Bouddha, je veux
prendre un Nouveau Départ. A partir de cet instant, je fais le vœu de ne plus répéter ces
erreurs.
Cher Maître, tu as consacré beaucoup de temps à enseigner le Dharma 90 à ta
quadruple Sangha, faite des moines, des moniales et des pratiquants laïques hommes et
femmes. Tes paroles ouvrent l’esprit de tous ceux qui t’écoutent, les aident à abandonner
leurs perceptions fausses. Elles leur montrent un chemin qui les élève, les encouragent,
les consolent, leur inspirent une foi plus solide et leur donnent plus d’énergie pour
avancer. Parfois tu restais silencieux, calme, souriant, sans répondre aux questions
posées. Car tu voyais qu’à certains moments le noble silence et le silence foudroyant
étaient encore plus puissants et plus éloquents que les mots 91. Je rêve d’être comme toi,
de parler seulement quand c’est nécessaire, de rester silencieux quand il le faut. Je sais
que par le passé, j’ai trop parlé. J’ai prononcé des paroles futiles aussi bien pour moi que
pour ceux qui m’écoutaient. J’ai également dit des choses qui ont causé de la souffrance
aux autres ainsi qu’à moi-même.
Je te promets, cher Maître, d’essayer désormais de parler moins et de retourner à
la respiration consciente aussi souvent que nécessaire, pour reconnaître en moi les
formations mentales d’irritation, d’amour-propre et de jalousie. Si l’on me demande
pourquoi je ne parle pas, je serai sincère en disant qu’il y a en moi de l’irritation, de
88
Dans le Soutra du Lotus, chaque fois que Sadaparibhuta rencontre quelqu’un, sans exception, même si la
personne se moque de lui, l’insulte ou le frappe, il s’incline devant elle pour la saluer avec tout son respect.
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 38 et 40.
89
Vue juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens d’existence justes, diligence juste, pleine
conscience juste et concentration juste. Cf. Thich Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La
Table Ronde, 2000.
90
La Voie.
91
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 51 et 69.
l’ennui, de la tristesse ou de la jalousie, et que j’ai peur de créer de la souffrance avec
mes paroles. Je demanderai à m’exprimer à un autre moment, lorsque mon cœur sera plus
paisible. En me comportant ainsi, je me protège et protège en même temps l’autre
personne. Je sais que je ne dois pas non plus réprimer mes émotions. C’est pourquoi
j’utiliserai ma respiration consciente pour reconnaître ces émotions et en prendre soin, et
pour regarder en profondeur afin d’en découvrir les racines. En pratiquant ainsi, je
pourrai calmer et transformer la souffrance en moi.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi, cher Bouddha,
qui es le plus éloquent grâce à ton silence noble et foudroyant, et qui pratique
parfaitement la parole juste.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
92
Communauté de pratique.
à ma respiration consciente pour reconnaître ces formations mentales 93 et leur sourire. Je
demanderai à la personne qui m’écoute de m’accorder quelques instants de pause.
J’attendrai que mon cœur retrouve sa paix et son calme pour continuer à exprimer mes
sentiments.
Puis lorsque l’autre personne parlera, je l’écouterai profondément avec un cœur
calme, paisible et sans préjugé. Je m’entraînerai à l’écouter avec compassion dans le seul
but de la comprendre. Je sais qu’une fois que je l’aurai comprise, je pourrai l’accepter et
l’aimer. Si en l’écoutant, je trouve dans son propos des points qui ne correspondent pas à
la vérité, je ne l’interromprai pas. Au contraire, je continuerai à l’écouter attentivement
pour trouver les causes de ses perceptions erronées, pour comprendre ce que j’ai pu faire
et dire pour amener de tels malentendus. Ainsi, je saurai comment me comporter les jours
suivants pour l’aider à rectifier ses perceptions. Après l’avoir écoutée jusqu’au bout, je
joindrai mes paumes de main pour la remercier d’avoir partagé ouvertement avec moi de
manière sincère. Je contemplerai en profondeur tout ce qu’elle m’a dit pour que ma
compréhension et ma capacité à vivre en harmonie avec elle se développent jour après
jour. Je suis conscient qu’en ouvrant graduellement notre cœur et notre esprit l’un à
l’autre, nous pourrons abandonner nos perceptions erronées, nos jugements, nos critiques
l’un de l’autre.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant nos deux frères
aînés Sariputta et Mahamoggallana, excellents réconciliateurs dans la Sangha96.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
9. Exprimer la gratitude
Cher Bouddha, je suis déterminé à prononcer des phrases que dans le passé, mes
habitudes, mon ignorance ou mes maladresses m’empêchaient encore de dire.
J’apprendrai à dire des paroles comme :
- Chérie, je suis tellement heureux d’entendre ta voix au téléphone ;
- Maman, sais-tu combien tu m’as transmis de tes belles qualités, de tes talents et
de ton amour ?
- Cher enfant, j’ai souvent été maladroit ; il m’est arrivé de ne pas comprendre tes
difficultés et ta souffrance, ce qui m’a amené à dire et faire des choses qui t’ont
causé de la peine. Je le regrette beaucoup. Je suis désolé et je te promets de ne pas
répéter ces erreurs. S’il te plaît, montre-moi que tu m’aimes en m’aidant à tenir
cette promesse ;
- Cher Maître, cher ami, cher Papa, chère Maman, cher enfant, je chéris tellement
les moments que je peux vivre auprès de toi. J’ai tant de chance de pouvoir
chaque jour me réjouir de ce bonheur !
- Cher Maître, comme j’ai de la chance de t’avoir près de moi, de marcher à tes
côtés, recevant toute la solidité de ta pratique ;
- Chère Sœur, voir une sœur telle que toi, intelligente, diligente dans la pratique et
pleine de bonheur me donne une grande confiance dans l’avenir de la Voie du
Dharma97 ;
Je touche la Terre trois fois devant toi, cher Maître, afin d’exprimer la profonde
gratitude que j’éprouve envers toi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
99
Extrait de Chants du Cœur de Thich Nhât Hanh, Sully, 2009, page 161.
100
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 56.
De tout mon cœur, je touche la Terre devant le Bodhisattva 101 de la Détermination
du Nouveau Départ.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois afin de renforcer ma
détermination à gérer mon énergie sexuelle par une consommation en pleine conscience.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
101
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
102
Les quatre esprits illimités. Cf. Thich Nhât Hanh, Enseignements sur l’Amour, Albin Michel, 1999.
12. Diriger mon énergie sexuelle vers l’aspiration à servir les
autres
Cher Bouddha, durant cette vie et les vies précédentes, à cause de notre ignorance,
de notre incapacité à protéger notre corps et notre esprit et à créer un environnement
culturel et social sain, nous nous sommes laissés aller à des actes sexuels irresponsables.
En tant que société, nous n’avons pas su voir que l’énergie sexuelle, faute de la
reconnaître en nous et de la gérer de manière maîtrisée, pouvait porter atteinte à
l’individu, à la famille et à la société dans leur corps et dans leur esprit. Je sais que
certains font de l’argent avec la sexualité, en faisant commerce des corps et par la vente
de sons, d’images ou d’objets. Partout sont affichées des images suscitant le désir sexuel,
que ce soit dans les livres et revues, sur les panneaux publicitaires, dans les films à la
télévision, au cinéma, sur des disques ou sur internet. Les jeunes sont particulièrement
victimes de cette propagande. Les graines du désir sexuel en eux sont arrosées tous les
jours, plusieurs fois par jour. Il y a un nombre alarmant d’adolescents et d’adolescentes,
souvent très jeunes, qui sont attirés dans les filets d’une activité sexuelle malsaine. Je vois
que cette expérience du sexe sans amour chez ces jeunes gens est un drame et une
calamité. Ils grandissent en ayant exercé ce que l’on peut appeler le sexe vide, sans
possibilité de connaître l’amour véritable. Des sévices sexuels ont été et sont encore
infligés à des enfants, parfois à nos propres enfants ou à des jeunes membres de notre
famille. Nous avons malgré nous causé des ruptures et de la souffrance, qui se
transmettent de génération en génération.
Aujourd’hui, je me suis éveillé. Je vois à présent ces erreurs pour lesquelles je
souhaite exprimer mon plus profond regret. Je veux prendre un Nouveau Départ. Je suis
déterminé à apprendre et à mettre en pratique le troisième et le cinquième entraînements à
la pleine conscience103, cher Maître, pour maîtriser mon corps, mon énergie sexuelle et
mon esprit. Je m’engage à faire tout mon possible pour ménager un environnement sain à
tous les niveaux de la société, et particulièrement pour les jeunes générations. Je pourrai
ainsi diriger toute mon énergie dans la direction de l’ouverture, de la sagesse et de la
compassion, pour la mettre au service de tous les êtres dans le monde. Et en retour, cette
aspiration me nourrit et dynamise mon énergie. C’est exactement ce que décrit le
Bouddha quand il parle de la volition comme un des quatre aliments 104. Je sais que si mon
esprit d’amour et mon aspiration profonde à libérer tous les êtres de leur souffrance sont
forts, mon énergie sexuelle n’aura pas assez de vigueur pour me dominer, et être cause de
nuisance en moi et autour de moi. Cher Bouddha, je te demande de me guider pour
accomplir cette démarche dans la lumière de la compréhension et de la compassion.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, cher
Bouddha, et devant tous mes nobles maîtres ancestraux de tous les temps. Je vous prie de
me soutenir dans mon aspiration profonde.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
103
Cf. l’appendice en fin d’ouvrage.
104
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 205.
13. Empêcher la propagation des maladies par une conduite
sexuelle responsable
Cher Bouddha, cela me réchauffe le cœur de te parler et de te confier ce qui est
dans le profond de mon cœur. Je sens ta présence dans chaque cellule de mon corps. Et je
sais que tu écoutes tout ce que je te confie avec beaucoup de compassion. S’il te plaît,
accorde-moi ton amour et ton soutien. Protège-moi et donne-moi la force de transformer
dans la société les situations malsaines et corrompues par l’énergie de désirs sexuels
inappropriés. Je sais bien que si je ne suis pas solide dans ma pratique de la pleine
conscience, la graine du désir sexuel sera arrosée en moi tous les jours par la
consommation irréfléchie de mes organes sensoriels. Chaque fois que cette graine est
arrosée, je suis la proie du désir sexuel, mon corps et mon esprit ne sont plus en paix, car
ce désir me pousse à trouver tous les moyens possibles de le satisfaire.
Des comportements sexuels irresponsables détruisent chaque jour des millions de
vies, et faute de pratiquer la pleine conscience, j’aurai vite fait d’en devenir moi-même la
victime. Dans le monde entier, la faux de la mort des maladies telles que le sida et
d’autres maladies sexuellement transmissibles font des ravages et tranchent des millions
de vies toutes les heures. Notre monde se laisse brûler par le feu de la soif sexuelle.
Sachant que les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience 105 sont exactement le
bon remède pour notre monde, je te promets, cher Maître, de les mettre en pratique de
tout mon cœur et de les partager habilement avec mon entourage. Je ferai tout ce qui est
en mon pouvoir pour contribuer à empêcher la propagation du sida et de toute autre
maladie sexuellement transmissible, à diminuer la souffrance engendrée par de telles
maladies. Cher Bouddha, cher Bodhisattva Avalokita106, accordez-nous votre compassion.
Versez sur notre planète en gouttes rafraîchissantes le nectar de votre amour immense. Je
sais que seul l’amour véritable, le sens des responsabilités et une claire prise de
conscience peuvent sauver notre monde.
Silence pendant quelques respirations
Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre devant le Bodhisattva 107
de la Saveur du Nectar de la Compassion. Puisse son énergie transformer et faire cesser
les actes qui me sont dictés par des désirs inappropriés en moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
105
Cf. l’annexe en fin d’ouvrage.
106
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 38.
107
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
108
Ce Maître n’eut aucune peur de se faire tuer pour aller dans des régions pleines de violence afin de
partager le Dharma. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre
67.
14. Pratiquer les entraînements à la pleine conscience et les
manières raffinées pour me protéger
Cher Bouddha, en tant que moines et moniales, nous avons la chance de mener
une vie de chasteté. Nous savons très bien que notre aspiration ne peut se réaliser qu’avec
l’abandon total des attachements sexuels. C’est pourquoi je fais le vœu de mettre en
pratique tous les préceptes et les manières raffinées du Vinaya 109, pour ma propre
protection et celle des autres. Je suis conscient qu’une relation sexuelle briserait ma vie
monastique, nuirait à la vie des autres et m’empêcherait de réaliser mon aspiration à
servir tous les êtres. Je suis déterminé à ne pas prendre à la légère les manières raffinées
établies pour m’aider à conserver ma liberté, à ne jamais avoir l’arrogance de les
considérer comme de petits règlements futiles. Je me garderai de penser que j’ai assez de
liberté intérieure et de force spirituelle pour ne pas avoir besoin de pratiquer les manières
raffinées que tu as établies.
Cher Maître, je sais que l’attachement mène au désir et que la graine de
l’attachement est présente en moi. Elle attend simplement d’être arrosée pour germer,
s’enraciner et se développer. Je suis conscient que l’énergie de l’attachement, une fois
qu’elle se manifeste, me fait perdre la paix de mon corps et de mon esprit et me prive de
la possibilité d’aimer tous les êtres avec équanimité. Les formes d’attachement peuvent
être très subtiles. Si je ne me protège pas avec la pratique des manières raffinées, je
donnerai à l’attachement une chance de s’enraciner dans mon corps et mon esprit,
affaiblissant la qualité de ma pratique et de celle de toute la Sangha 110. Si je suis sous
l’emprise de l’attachement, je serai aussitôt privé de ma liberté et je priverai l’autre de la
sienne. Je vois bien que tels sont les obstacles que l’attachement dressera sur mon chemin
de pratique. Je suis déterminé à ne pas chercher à me trouver seul avec une personne de
l’autre sexe qui m’est chère. Je te promets, cher Maître, de ne pas tenir des propos ou
faire des gestes susceptibles d’arroser les graines d’attachement en moi et chez l’autre
personne, qu’elle soit moine, moniale ou laïque.
Comme nous sommes tes enfants, cher Bouddha, nous sommes frères et sœurs
d’une même famille. Cette fraternité a le pouvoir de nous nourrir et de nous protéger sur
notre chemin de pratique et de service. Je te promets de ne jamais dépasser la relation
purement fraternelle. La pratique des préceptes et des manières raffinées, le soutien et les
conseils de mes frères et sœurs dans la Sangha sont des moyens nécessaires pour m’aider
à cultiver la fraternité et m’empêcher de me diriger dans la direction de l’attachement
sexuel. Je suis déterminé à toujours écouter attentivement les conseils et les
encouragements que mon maître et ma Sangha me donnent. Si un membre de la Sangha
me signale que je commence à montrer des signes d’attachement émotionnel, je joindrai
alors les mains pour recevoir cette remarque avec gratitude, sans chercher à nier, à
justifier, sans faire de reproche à cette personne ni me fâcher contre elle.
Cher Bouddha, en tant que pratiquant laïque, je n’ai pas la chance de vivre vingt-
quatre heures par jour dans cet environnement de pratique continuelle qu’est une Sangha
monastique. Je sais que je dois alors observer et pratiquer le troisième entraînement à la
109
Les manières raffinées sont un ensemble de directions pour vivre la vie quotidienne dans la pleine
conscience. Avec les Dix Préceptes de Novice, les courts poèmes de pratique quotidienne, les manières
raffinées forment l’étude et la pratique de base des moines et des moniales novices et font partie du Vinaya.
Cf. Thich Nhât Hanh, Entrer dans la liberté, Edition Dangles, 2000.
110
Communauté de pratique.
pleine conscience111 avec beaucoup de solidité, afin de ne pas permettre aux pensées, aux
sons et aux images érotiques d’arroser en moi les graines de désir inapproprié. Cher
Bouddha, je fais le serment d’user de mon temps libre pour étudier le Dharma 112, pour
écouter et chanter des chants de pratique, pour participer à des partages du Dharma 113,
pour organiser des sessions de pratique en Sangha, ou pour me mettre au service d’autrui
en coopérant à des projets de développement culturel et d’aide sociale. Dès que
l’occasion se présente, j’irai à un centre de pratique pour profiter des retraites, des
enseignements du Dharma et des partages sur le Dharma. Je suis déterminé à participer
régulièrement à des cérémonies de récitation des entraînements à la pleine conscience. Je
fais le vœu de développer l’esprit d’amour en moi tous les jours, car je comprends que
cette énergie d’amour et de compréhension, une fois qu’elle sera puissante en moi,
m’empêchera d’être emporté par la tentation de désirs pernicieux.
Silence pendant quelques respirations
Corps, parole et esprit en parfaite unité, je touche la Terre pour graver cet
engagement dans mon cœur.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi, cher Bouddha,
qui me montre la Voie dans cette vie.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant les entraînements à
la pleine conscience, le chemin de la compréhension et de l’amour.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toutes les personnes
et tous les éléments qui me soutiennent dans cette Voie.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
116
Communauté de pratique.
117
Pour le texte entier et les commentaires, cf. Thich Nhât Hanh, Changer l’avenir, Albin Michel, 2000.
118
Ensemble de directions pour vivre la vie quotidienne dans la pleine conscience. Cf. Thich Nhât Hanh,
Entrer dans la liberté, Edition Dangles, 2000.
nous as dit, une bête de somme croulant sous son fardeau ne souffre pas forcément, alors
qu’un être humain ignorant du chemin qui est le sien dans la vie endure une véritable
souffrance. Je suis conscient d’avoir beaucoup de chance: j’ai un chemin à suivre et j’en
ai confiance. Chaque fois que j’applique tes enseignements dans ma vie quotidienne, je
vois un soulagement et une transformation. Je sens l’énergie de la pleine conscience, de
la concentration et de la vision profonde s’accroître en moi. Elle m’aide à surmonter mes
blocages et ma souffrance. Ainsi ma foi est fondée sur mon expérience de vie et non sur
une promesse. Cette foi en moi est une énergie basée sur une compréhension claire et non
sur de la superstition. Plus j’apprends et pratique tes enseignements, cher Maître, plus ma
foi se fortifie et m’apporte du bonheur. J’ai une grande foi en toi, en tes enseignements,
en ta communauté de pratique et en ma vie de pratique. Je n’ai pas à avoir peur de quoi
que ce soit, et c’est le plus grand des bonheurs.
Cher Bouddha, ayant l’énergie de la foi, je fais le vœu de pratiquer la pleine
conscience avec mon corps, ma parole et mon esprit afin d’avancer, dans tous mes actes,
chaque jour avec force et courage sur le chemin de la transformation et de la guérison
pour moi-même et pour les autres. Je suis convaincu que l’énergie de la foi peut m’aider
à réaliser cette aspiration.
En suivant tes instructions, cher Maître, je suis déterminé à pratiquer l’attention
juste, c’est-à-dire à ne prêter attention qu’à des pensées, images et sons qui arrosent de
bonnes graines en moi, afin de ranimer les formations mentales 119 pures et belles dans ma
conscience où elles prendront la place des formations négatives. Je suis déterminé à
pratiquer aussi la diligence juste. Je ne veux en aucun cas, par mes contacts ou ma
consommation irréfléchie, arroser dans ma conscience les graines négatives de la
violence, de la haine, de l’attachement, etc. Je ne veux laisser aucune chance à ces
graines d’être arrosées, de se manifester ou de grandir. S’il arrive que mes graines
négatives soient arrosées et se manifestent dans mes paroles, actes ou pensées, je
chercherai tous les moyens de les renvoyer tout au fond de ma conscience sous leur
forme initiale de semence. Je sais que si elles se manifestent régulièrement, elles se
développeront très vite. Si elles restent longtemps dormantes au fond de ma conscience,
elles ne feront que s’affaiblir. Grâce au chant, à l’étude de tes enseignements et à la
fréquentation d’amis pratiquants assidus, j’invite mes formations mentales positives
comme la bonté aimante, la compassion, la joie, la non-discrimination… à se manifester
régulièrement. Je chercherai tous les moyens de les maintenir aussi longtemps que
possible dans ma conscience mentale. Si elles se manifestent durablement et sont
entretenues, elles auront la chance de grandir, de réaliser beaucoup de transformation et
d’apporter le bonheur à moi-même, ainsi qu’à mon entourage.
Cher Maître, tu m’as appris comment produire les cinq sortes d’énergie que sont
la foi, la diligence, la pleine conscience, la concentration et la vision profonde. L’énergie
de la foi produit celle de la diligence, qui produit à son tour celle de la pleine conscience,
de la concentration et de la vision profonde, et qui, en retour, développe encore la foi 120.
Je touche la Terre devant toi, cher Bouddha, et devant mes nobles maîtres ancestraux en
faisant le vœu de pratiquer chaque jour pour produire et renforcer à l’intérieur de moi ces
sources d’énergie précieuse.
119
Toute manifestation dans le mental comme l’amour, la tolérence, la colère, la jalousie, etc. Cf. Thich
Nhât Hanh, Le Cœur des Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
120
Ce sont les Cinq Facultés et les Cinq Energies. Cf. glossaire et Thich Nhât Hanh, Le Cœur des
Enseignements du Bouddha, La Table Ronde, 2000.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi, cher Bouddha,
l’enseignant inégalé121.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
121
L’une des dix qualités du Bouddha.
122
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
LIVRE III : Une pratique profonde contribue à un monde
meilleur
123
Ce soutra porte un autre titre : Soutra de l’Ornementation fleurie. C’est un soutra mahayana du III ème
siècle de l’ère chrétienne.
124
L’aliment absorbé par les sens fait référence à ce que l’on consomme avec les six organes sensoriels :
yeux, oreilles, nez, langue, corps, esprit.
présents en moi en cet instant, je serai également là en eux dans le futur. Le présent et le
futur inter-sont125.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, mon
cher Maître, qui a la compréhension véritable et parfaite 126, et devant le Vénérable
Mahamoggallana, grand Maître de la Piété Filiale127.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
125
Sous la lumière de l’inter-être : ceci est parce que cela est. C’est l’interdépendance, l’existence mutuelle
de toutes choses.
126
L’une des dix qualités du Bouddha.
127
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 66.
128
En Asie, il est de tradition pour les laïcs qui ne sont pas pleinement végétariens de consommer des repas
sans viande et sans poisson au moins deux jours par mois ou plus, avec la possibilité d’augmenter ce
rythme jusqu’à vingt-six ou vingt-huit jours par mois.
129
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
130
Cf. l’annexe en fin d’ouvrage.
quarante mille enfants qui meurent de faim chaque jour dans le monde ne sont pas nos
propres enfants, de qui le sont-ils ?
C’est pourquoi, cher Bouddha, je fais le vœu sincère d’être végétarien,
complètement ou au moins partiellement, et je sais que je serai en paix et heureux en
suivant ce régime. Les plats végétariens sont délicieux, et si en cuisinant et en mangeant,
nous sommes conscients d’être en train de cultiver l’amour, ces plats seront alors encore
plus délicieux, bien plus que des plats cuisinés avec de la viande. Je me sens plein
d’enthousiasme en voyant qu’aujourd’hui, le nombre de végétariens augmente de plus en
plus, surtout en Europe et en Amérique. Il y a maintenant des restaurants végétariens dans
toutes les grandes villes. Beaucoup de gens sont végétariens car ils savent ce régime
bénéfique à leur santé physique et mentale. D’autres le sont pour cultiver leur
compassion. Je suis aussi très heureux de voir en Occident des organisations soutenir la
lutte pour la protection des animaux. Elles empêchent les humains d’abuser de la vie des
autres espèces vivantes et de leur causer de la souffrance, par exemple en s’opposant à la
tuerie des animaux utilisés pour des expérimentations néfastes et dangereuses.
Silence pendant quelques respirations
Corps et esprit en parfaite unité, je touche la Terre trois fois devant toi, cher
Bouddha, et fais le vœu d’être toujours conscient de la souffrance de toutes les espèces
sur cette planète, de manger de manière à maintenir ma compassion éveillée et à réduire
la souffrance des êtres vivants131.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois pour demander pardon à notre
Mère la Terre. Elle m’a nourri, embrassé et protégé pendant des vies et des vies. Et
pourtant, elle est victime de notre inconscience et de tous les dégâts que nous avons
causés. Cher Bouddha, chers maîtres ancestraux, soyez les témoins de ma sincérité dans
ces trois touchers de la Terre.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant
Samantabhadra, le Bodhisattva de la Grande Action135.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
De tout mon cœur, je touche la Terre devant le Vénérable Punna, grand Maître de
la non-peur au service du Dharma139.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
138
Extrait du chant intitulé Protection et Transformation, cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully,
2009, page 165.
139
Ce Maître n’eut aucune peur de se faire tuer pour aller dans des régions pleines de violence afin de
partager le Dharma. Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre
67.
140
Constatant que les austérités ne l’avaient pas mené à une plus grande compréhension du monde,
Siddhartha (le futur Bouddha) décida de délaisser les austérités extrêmes et de se concentrer sur la
méditation, traçant la voie du milieu qui consiste à nier les excès. Il s’assit sous l’arbre de la Bodhi et fit le
vœu de ne pas bouger de cette place avant d’avoir atteint la Vérité. Au quarante-neuvième jour à l’aube, il
atteignit l’Eveil parfait. (Cf. ibid., chapitre 18.) Cet arbre se situait à Bodh Gaya (site de pèlerinage
aujourd’hui), dans l’état de Bihar. Il est aussi connu sous le nom de figuier des pagodes ou pipal. C’est un
arbre appartenant au genre ficus (ficus religiosa) de la famille des Moracées.
141
Démon, tentateur ou le mal. Il représente l’inverse de la nature du Bouddha.
Mara a demandé : « Qui es-tu, toi, pour oser croire que tu vas atteindre le fruit de l’Eveil
parfait ? Depuis combien de vies as-tu pratiqué ? Et tu oses maintenant penser qu’en
vingt-quatre heures tu vas réaliser la Voie ? Qui peut être témoin et démontrer que ce que
tu dis est la vérité ? » Cher Bouddha, quand Mara t’a posé ces questions, tu as posé ta
main droite sur la Terre, et tu lui as répondu : « La Terre est là pour prouver que mes
paroles disent la vérité. » Alors la Terre a tremblé, et Mara s’est retiré.
Cher Bouddha, comme j’aurais eu envie de te contempler assis bien solide sur la
Terre, avec la main droite dans la position du Toucher de la Terre 142. Chaque fois que je
visualise cette scène, je me sens très ému. La Terre a été témoin de tes manifestations
durant des milliers de vies, et de tes succès répétés dans chaque vie. La Terre a été pour
toi un refuge sûr, qui t’a permis de te manifester des millions de fois dans de merveilleux
corps de transformation, pour pratiquer et pour servir. Tu fus jadis le Bouddha Vipashyin,
tu seras dans l’avenir le Bouddha Maitreya, et encore bien d’autres corps de
transformation ! Tu te manifestes à partir de la Terre et toujours tu y retournes pour te
manifester de nouveau. La Terre est pour toi un refuge solide. Je sais que comme toi, je
peux prendre refuge dans la Terre, et qu’ainsi je pourrai développer comme moi l’énergie
de solidité et une capacité d’acceptation sans borne.
Cher Bouddha, je sais qu’en touchant profondément la Terre quand je suis assis,
quand je marche ou quand je suis allongé, je peux recevoir son énergie pour continuer ton
œuvre.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois afin d’entrer en
contact profond avec elle et recevoir son énergie de solidité et d’inclusivité147 infinie.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
142
Cette position de la main, détendue et drapée au-dessus du genou pour pouvoir toucher le sol, est connue
sous le nom du mudra Bhumisparsha, le sceau du Toucher de la Terre.
143
Sur cette montagne se situait le monastère où le Bouddha résidait souvent pendant les trente dernières
années de sa vie. Le Pic des Vautours, lieu de pèlerinage, est aussi connu sous le nom de Gridhakuta. Il se
situe aujourd’hui à Rajgir, une ville du district de Nalanda, dans l’état de Bihar.
144
L’enfer, les royaumes des esprits affamés, des bêtes, des démons guerriers, des humains et des dieux.
145
L’Assemblée dans laquelle le Bouddha Maitreya enseignera.
146
Extrait des Louanges aux Trois Joyaux, cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 223.
147
Capacité d’embrasser et d’accepter tous les êtres vivants, toutes les formes de vie sans exception.
7. Etre solide comme la Terre
Cher Bouddha, j’écoute tes conseils. Je m’entraîne à m’asseoir avec solidité, et à
toucher la Terre avec calme et profondeur.
Cher Bouddha, je suis tes conseils. Je m’entraîne à faire des pas solides sur la
planète Terre, et à la toucher profondément :
148
Poème de Thich Nhât Hanh intitulé Toucher la Terre, extrait de Une flèche, deux illusions, éditions
Dangles, 2000.
Tout aussi frais que la première rencontre.
L’amour ne dit jamais que c’est la dernière fois.
Ce chemin, c’est un vieil ami.
Il t’attend avec une infinie patience,
Qu’il soit recouvert de poussières rouges,
Enfoui sous un tapis de feuilles d’automne,
Rendu boueux par la pluie,
Ou pris sous une couche de neige glacée.
Reviens, mon enfant, reviens sur ce chemin,
Et tu verras.
Comme cet arbre là-bas,
Les fleurs et les feuilles de ton âme
Seront luxuriantes
Une fois que tu sauras entrer en contact avec la Terre. 149
Silence pendant quelques respirations
Je touche la Terre de mon front, de mes bras et de mes genoux, en lui confiant
tout mon corps et toute mon âme. Je fais le vœu, désormais, de pratiquer les Touchers de
la Terre, la méditation assise et marchée, de façon à sentir que la Terre est ma fondation
solide.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
149
Poème de Thich Nhât Hanh intitulé Toucher la Terre, extrait de Une flèche, deux illusions, éditions
Dangles, 2000.
150
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
151
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 39.
comme des fleurs ou du bon lait, la Terre n’en tire pas orgueil. Et lorsque quelqu’un verse
sur la Terre une chose sale et puante comme de l’excrément, de l’urine, du sang, du pus
ou du crachat, la Terre n’en éprouve ni honte, ni haine, ni colère. La Terre peut recevoir,
embrasser et transformer toute chose, sans aucune discrimination. »152 Je sais que le
Boddhisattva Ksitigarbha a la même énergie de solidité et d’inclusivité 153 que la Terre, et
qu’il est ainsi capable de tout embrasser et de tout transformer. Je veux moi aussi
apprendre et développer en moi les qualités de la Terre, comme ont pu le faire le
Bodhisattva Ksitigarbha et le Vénérable Rahula. J’ai en moi le complexe d’infériorité, la
honte et les peines. Je touche la Terre pour qu’elle embrasse ce complexe, cette honte et
ces peines en moi, et qu’ensemble nous les transformions. Et un jour, le fruit de l’amour
et de la joie apparaîtra dans mon cœur comme dans le monde.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant Ksitigarbha qui
embrasse avec solidité et sans discrimination tous ceux qui souffrent.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
152
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 49.
153
Capacité d’embrasser et d’accepter tous les êtres vivants, toutes les formes de vie sans exception.
154
Sous la lumière de l’inter-être : ceci est car cela est. C’est l’interdépendance, l’existence mutuelle de
toutes choses.
De tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant le Vénérable Sariputta et le
Vénérable Rahula qui ont très bien pratiqué l’inclusivité 155 et la non-discrimination afin
de devenir comme la Terre156.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
155
Capacité d’embrasser et d’accepter tous les êtres vivants, toutes les formes de vie sans exception.
156
Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996, chapitre 49 et 62.
LIVRE IV : La pratique de la vision profonde transcende la
naissance et la mort
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi qui as
merveilleusement atteint la rive de la liberté158 et qui me montres le chemin.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
157
Communauté de pratique.
158
L’une des dix qualités du Bouddha.
aussi m’emporter et je peux m’y perdre. Parfois je fuis ce qui est en train d’arriver,
parfois je m’y agrippe ; dans les deux cas je m’y perds. Je sais que la haine et
l’attachement m’empêchent d’être moi-même. Cependant quelquefois, sans le vouloir, je
fais preuve d’aversion ou d’attachement dans mes réactions. La pleine conscience m’aide
à reconnaître ce qui se passe, et me permet également de savoir si je me laisse emporter
même dans le moment présent. C’est pour cela que je suis tes instructions, cher Maître. Je
sais que la pleine conscience est d’abord la capacité de la pure reconnaissance, ce qui
veut dire reconnaître sans s’attacher ni fuir. Cette reconnaissance pure m’aide à faire
naître et à maintenir l’énergie de solidité et de liberté.
Cher Bouddha, tu nous as enseigné que la solidité et la liberté sont les deux
caractéristiques essentielles du nirvana159 et du monde de la non-naissance et de la non-
mort. C’est pourquoi je te promets, cher Bouddha, que dans ma vie quotidienne, je serai
plus diligent dans la pratique de la reconnaissance pure. Lorsque je me laverai les mains,
je saurai que je me lave les mains. Lorsque je tiendrai mon bol dans mes mains, je saurai
que je le tiens dans mes mains. Lorsque l’irritation montera, je serai conscient qu’elle
monte. Lorsque l’attachement se manifestera, j’en serai conscient. Je m’entraînerai à
reconnaître tout ce qui se passe et à sourire, sans anxiété, sans complexe ni de supériorité,
ni d’infériorité, ni d’égalité160.
Silence pendant quelques respirations
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois devant toi, le
Bouddha du présent, devant Kassapa, le Bouddha du passé et devant Maitreya, le
Bouddha à venir. Je vous prie d’être témoins de ma sincérité et de ma détermination dans
cette pratique spirituelle.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Cher Bouddha, avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre devant toi
qui as la sagesse véritable et parfaite164, et devant le Vénérable Kaccayana 165 afin de
m’entraîner à penser juste et me libérer des naissances et des morts.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
163
Le samsara est le cycle des naissances et des morts dans lequel on est pris au piège de sa souffrance.
164
L’une des dix qualités du Bouddha.
165
Cf. Thich Nhât Hanh, Chants du Cœur, Sully, 2009, page 78.
166
Jésus-Christ, Marie mère de Dieu, Abraham, Moïse, Isaac, Jacob, Sarah, Rébecca et Ruth, Mohamed,
Ali et leurs descendants, le Bouddha et les bodhisattvas.
et de mes faiblesses, j’ouvre mon cœur pour accepter également tous mes descendants
spirituels. Parmi eux, certains m’inspirent de l’admiration par leur pratique. D’autres sont
encore aux prises avec des difficultés et traversent des hauts et des bas sur leur chemin de
pratique. Je les accepte tous, sans exception.
Il en va de même pour ma famille génétique. J’accepte tous les ancêtres de mes
lignées paternelles et maternelles, avec toutes leurs qualités, leurs beautés, leurs défauts
et leurs faiblesses. J’ouvre mon cœur pour accepter également tous mes descendants
génétiques, avec tous les talents, les qualités et les faiblesses de chacun. Tous mes
ancêtres spirituels et génétiques sont présents en moi. Je suis eux et ils sont moi. Je n’ai
pas de soi séparé. Nous faisons tous partie d’un seul et même courant de vie qui toujours
coule merveilleusement.
Silence pendant quelques respirations
Cher Bouddha, je touche la Terre trois fois pour me détacher de l’idée que je suis
une réalité indépendante de mes ancêtres et de mes descendants, et pour me libérer de
toute la colère que je nourris encore envers eux, de toutes les peines et de toutes les
souffrances qui restent encore en moi.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Cher Bouddha, je touche la Terre pour être en contact avec la souffrance de toutes
les espèces dans le monde entier, pour faire naître et grandir en moi l’énergie de la
compassion. Je touche la Terre trois fois pour reconnaître que je ne fais qu’un avec tous
les grands bodhisattvas167 présents aujourd’hui dans ce monde, et pour recevoir leur
énergie solide, sans limite.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Cher Bouddha, je touche la Terre trois fois afin d’abandonner l’idée que je suis ce
corps séparé des autres manifestations de la vie, et de réaliser ma nature de non-naissance
et de non-mort.
167
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
168
Corps de la pratique ou corps spirituel.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
Avec gratitude et de tout mon cœur, je touche la Terre trois fois afin d’entrer en
contact avec toi, cher Bouddha, avec ta durée de vie illimitée, et aussi avec ma propre
durée de vie illimitée.
1 son de cloche et on touche la Terre pendant au moins 3 respirations.
1 demi son de cloche et on se relève.
169
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
ANNEXE
170
Souffrance, causes de la souffrance, cessation de la souffrance et chemin menant à la cessation de la
souffrance.
171
L’interdépendance, l’existence mutuelle de toutes choses : ceci est parce que cela est.
172
Toute personne qui suit le chemin de l’Eveil, pour sa propre libération et pour aider les autres à se
libérer.
J’approfondirai ma compréhension du bonheur véritable qui dépend davantage de ma
façon de penser que de conditions extérieures. Si je suis capable de m’établir dans le
moment présent, je peux vivre heureux-se ici et maintenant, dans la simplicité,
reconnaissant que de nombreuses conditions de bonheur sont déjà disponibles en moi et
autour de moi. Conscient-e de cela, je suis déterminé-e à choisir des moyens d’existence
justes afin de réduire la souffrance et de contribuer au bien-être de toutes les espèces sur
Terre, notamment en agissant pour inverser le processus du réchauffement planétaire.
notre mental à retourner dans notre conscience du tréfonds sous forme de graines ; arroser nos graines
positives pour qu’elles se manifestent dans notre mental ; maintenir aussi longtemps que possible nos
formations mentales positives qui se manifestent déjà dans notre mental.
Les Cinq Contemplations
L’Introduction
Le Bouddha nous invite à manger en pleine conscience, à nous établir dans le
moment présent afin d’entrer en contact profond avec la nourriture et avec la
communauté de pratique qui nous entoure, sans nous laisser entraîner par les regrets du
passé et les soucis concernant le futur. Mangeons de manière à ce que la paix, la liberté et
la fraternité soient disponibles tout au long du repas.
Chers frères et sœurs, au son de la cloche, pratiquons les cinq contemplations.
174
Communauté de pratique.
Soutra des Quatre Sortes d’Aliments
(N° 373 dans le Samyuktagama)
« Chers frères, pensez-vous que ce couple a mangé leur fils parce qu’ils voulaient
savourer la saveur de sa chair ou encore pour apporter de la nourriture à leur corps afin de
le rendre plus beau ?
— Non, cher Maître, répondirent les bhikshus.
— Sont-ils forcés, demanda le bouddha, de manger leur fils chéri pour survivre et
sortir du chemin dangereux et déserté ?
— Ceci est vrai, Seigneur Bouddha, répliquèrent les moines.
— Chers frères, enseigna le Bouddha, chaque fois que vous consommez la nourritu-
re par la bouche, il faut apprendre à contempler de cette manière, afin de voir la
nourriture et de la comprendre profondément. Ayant une vision et une compré-
hension aussi profondes de la nourriture consommée par la bouche, votre attache-
ment et vos désirs disparaîtront. Lorsque l’attachement s’est dissout, toutes les
formations internes basées sur les objets des cinq désirs disparaissent également
dans le cœur du noble disciple qui s’entraîne et pratique vraiment. Nous devons
revenir à cette vie de souffrance uniquement tant que les formations internes nous
attachent encore.
175
Monastère offert au Bouddha par le riche marchand Anathapindika et le prince Jeta, un des monastères
bouddhistes les plus connus. (Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996,
chapitre 39 et 40.) Le Bouddha y a passé 19 saisons des pluies, et c’était là qu’il délivrait le plus de
discours. Aujourd’hui, c’est un parc historique, lieu de pèlerinage avec des restes de plusieurs bâtiments
connus comme Sahet-Mahet.
176
Moines pleinement ordonnés.
« Chers moines, comment un bhikshu devrait-il contempler la nourriture
consommée par ses organes des sens ? Visualisons une vache dépecée. Où qu’elle aille,
tous les insectes s’accrochent à elle pour lui sucer le sang, qu’ils viennent de la terre, des
poussières ou des plantes. Si elle s’allonge par terre, tous les insectes venant de la terre
s’accrocheront à elle pour la manger. Si elle descend dans l’eau, tous les êtres vivants
dans l’eau feront de même. Si elle est dans l’air, tous les insectes qui volent dans l’air
feront de même. Qu’elle soit allongée ou debout, elle ressent la douleur et le harassement
dans son corps. Chers frères, il faut contempler ainsi lorsque vous consommez par vos
organes des sens, afin de voir et de comprendre profondément. Ayant une vision et une
compréhension aussi profondes de la nourriture consommée par vos organes des sens,
vous ne vous attacherez plus aux trois sortes de sensations 177. Sans attachement aux trois
sortes de sensations, le noble disciple qui s’entraîne et pratique vraiment n’a plus besoin
de faire des efforts parce qu’il a fait tout ce qui est à faire.
« Chers frères, comment un bhikshu devrait-il contempler sa volition comme
nourriture ? Imaginons un bourg ou un village à côté qui prend feu. Il est complètement
brûlé et l’on ne voit plus ni aucun feu ni aucune fumée. À ce moment-là, un gentilhomme
sage et intelligent veut se diriger dans la direction du bonheur et non pas dans la direction
de la souffrance, dans la direction de la vie et non pas dans la direction de la mort. Il
pense alors ceci : « dans cet endroit où il y a eu un grand incendie, bien qu’il n’y ait plus
ni fumée ni flammes, si je ne l’évite pas et que j’y rentre, je mourrai certainement. Cela
ne fait aucun doute. Réfléchissant ainsi, le gentilhomme décide d’éviter ce bourg ou ce
village. Chers frères, il faut contempler ainsi votre volition comme nourriture afin de la
voir et de la comprendre profondément. Ayant une vision et une compréhension aussi
profondes de la nourriture de votre volition, vous mettrez fin aux trois sortes de désirs.
Ayant mis fin aux trois sortes de désirs, le noble disciple qui s’entraîne et pratique
vraiment n’a plus besoin de faire des efforts, parce qu’il a fait tout ce qui était à faire.
Après que le Bouddha eut fini ce discours, les bhikshus furent enchantés de mettre
ces enseignements en pratique.
177
Sensation agréable, sensation désagréable et sensation neutre.
Soutra de la Maîtrise du Serpent
«
Moines, vous devez étudier profondément et correctement le sens de mes
enseignements avant de les mettre en pratique. Si vous n’avez pas encore compris
correctement la signification de telle ou telle parole, questionnez-moi d’abord ou
demandez à l’un de vos aînés dont la connaissance du Dharma est plus avancée, ou à un
frère dont la pratique touche à l’excellence. Pourquoi ? Un certain nombre de personnes,
sans la vision profonde, ont mal saisi la lettre ou l’esprit des enseignements et elles ont
compris à l’envers ce qui a été dit dans des soutras sous forme de poésie ou de prose, de
prédictions, d’abrégés versifiés, de production interdépendante, de métaphores, de propos
spontanés, de citations, d’histoires relatives aux vies précédentes, de phénomènes
merveilleux, de commentaires détaillés ou d’éclaircissements au moyen de définitions.
Ces personnes ont étudié dans l’intention de l’emporter dans des débats et non de
pratiquer pour atteindre la libération. Animées par de tels motifs, elles s’emprisonnent
dans la forme et ne reçoivent pas la vraie signification des enseignements. Elles
178
Monastère offert au Bouddha par le riche marchand Anathapindika et le prince Jeta, un des monastères
bouddhistes les plus connus. (Cf. Thich Nhât Hanh, Sur les traces de Siddharta, Jean-Claude Lattès, 1996,
chapitre 39 et 40.) Le Bouddha y a passé 19 saisons des pluies, et c’était là qu’il délivrait le plus de
discours. Aujourd’hui, c’est un parc historique, lieu de pèlerinage avec des restes de plusieurs bâtiments
connus comme Sahet-Mahet.
179
Moine pleinement ordonné.
connaissent nombre de difficultés, endurent des épreuves inutiles et se fatiguent
finalement en pure perte.
« Elles sont semblables à un homme qui tente d’attraper des serpents dans la
nature. Aussitôt qu’il en voit un grand, il tend la main pour saisir son corps et ainsi, celui-
ci se retourne et le mord au poignet, à la jambe ou à une quelconque partie de son corps.
Capturer un serpent de la sorte n’apporte rien et au contraire, ne peut que provoquer des
malheurs. C’est parce que cet homme ne connaît pas l’art d’attraper des serpents. Une
personne qui n’étudie pas le Dharma intelligemment est pareille. Ne sachant pas
comment étudier, elle peut comprendre le contraire de ce qui est enseigné. Cependant,
une personne intelligente sait comment saisir habilement à la fois la lettre et l’esprit d’un
soutra. Ainsi, elle ne comprendra pas les enseignements à contresens. Elle n’étudie pas
dans le but de faire étalage de son savoir ou d’argumenter avec autrui. Elle le fait dans le
but de trouver le chemin de la libération. C’est pourquoi elle ne souffre pas de dur labeur
et ne se fatigue pas. Elle est semblable à un chasseur de serpent qui sait se servir d’une
fourche : dans la nature, aussitôt qu’il aperçoit un grand serpent, il appuie immédiatement
la fourche sur son cou et saisit sa tête avec la main. Alors, même si le serpent brandit sa
queue, s’enroule autour de son poignet, de sa jambe ou de toute autre partie de son corps,
il ne pourra le mordre. Parce que la personne maîtrise la technique, elle n’a pas besoin de
travailler dur et ne se fatigue point. Lorsqu’un fils ou une fille de bonne famille étudie un
soutra, il ou elle devrait faire preuve d’une grande habileté de manière à ne pas
comprendre la lettre et l’esprit à contresens et afin de saisir le véritable enseignement. Il
ou elle ne devrait pas étudier dans le dessein de spéculer et de débattre, mais seulement
dans le but de rechercher la libération. Il ou elle ne connaîtra alors ni le dur labeur, ni la
fatigue.
« Chers frères, je vous ai répété maintes fois l’exemple du radeau, j’ai bien insisté
sur la nécessité de reconnaître le moment où il faut abandonner le radeau et ne plus vous
y accrocher. Imaginez qu’un jour, l’eau se déverse de la montagne, forme un torrent en
crue et emporte sur son passage tous les biens. Un homme veut traverser le torrent mais,
il ne trouve ni pont ni barque. « Il me faut aller à l’autre rive, réfléchit-il, mais quel est le
moyen le plus sûr d’y parvenir ? » Après avoir examiné la situation, il ramasse des
branches et branchages afin de les assembler en un radeau pour gagner l’autre rive en
toute sécurité. Mais une fois arrivé de l’autre côté, le voilà qui pense : « J’ai consacré tant
de temps et d’énergie pour confectionner ce radeau qui m’a emmené jusqu’ici. Je ne
devrais pas le jeter. Je vais continuer mon chemin en l’emportant sur mes épaules ou sur
ma tête. » Et ainsi, il reprend sa route en emportant le radeau. Chers moines, pensez-vous
qu’il est utile d’agir ainsi ?
— Certes non, Honoré-par-le-Monde, répondirent les bhikshus.
— Que devrait faire cet homme pour que le radeau soit encore utile ?… Il devrait
penser comme ceci : « Ce radeau m’a aidé à franchir le torrent en sécurité. À
présent, il vaut mieux le laisser sur l’eau ou sur la berge afin qu’une autre
personne puisse s’en servir. » Chers bhikshus, serait-il plus bénéfique de penser et
d’agir ainsi ?
— Sans nul doute, Honoré-par-le-Monde, acquiescèrent les moines.
— C’est pourquoi, je vous ai parlé maintes fois de l’exemple du radeau, enseigna le
Bouddha. Il faut abandonner même le Dharma, pour ne rien dire du non-Dharma.
« Chers bhikshus, il existe six fondements aux vues, autrement dit, six sortes de
fausses perceptions qu’il faut abandonner. Quels sont-ils ces six fondements ?
« Premièrement, il s’agit du corps physique. Qu’il appartienne au passé, au
présent ou au futur, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur, subtil ou grossier, laid ou beau,
proche ou lointain, ce corps n’est pas mien, n’est pas moi, n’est pas le soi (atma). Un
bhikshu devrait regarder profondément afin de saisir la vérité à propos du corps.
« Deuxièmement, il s’agit des sensations.
« Troisièmement, il s’agit des perceptions.
« Quatrièmement, il s’agit des formations mentales.
« Que ces phénomènes appartiennent au passé, au présent ou au futur, qu’ils
soient à l’intérieur ou à l’extérieur, subtils ou grossiers, laids ou beaux, proches ou
lointains, ils ne sont pas miens, ne sont pas moi, ne sont pas le soi.
« Cinquièmement, il s’agit de la conscience : quoi que nous voyions, entendions,
percevions, sachions, saisissions, observions et pensions, maintenant ou à un autre
moment, tout cela n’est pas mien, n’est pas moi, n’est pas le soi.
« Finalement, il s’agit du monde. Certains croient : « Le monde est le soi. Le soi
est le monde. Le monde est moi. Je continuerai d’exister sans le moindre changement
après ma mort. Je suis éternel. Jamais je ne disparaîtrai. » Nous devrions méditer afin de
comprendre que le monde n’est pas mien, n’est pas moi, n’est pas le soi. Nous méditons
ainsi afin de saisir la vérité concernant le monde. »
Après avoir entendu ces paroles, un bhikshu se leva, découvrit son épaule droite,
joignit ses mains avec respect et demanda au Bouddha : « Honoré-par-le-Monde,
l’angoisse et l’anxiété peuvent-elles provenir d’une cause interne ?
— Peut-être, répondit le Bouddha. Si une personne perçoit et parle comme ceci :
«
Cette chose-là n’existait pas dans le passé. Elle est venue à l’existence, mais à
présent, elle n’existe plus. » En percevant et en disant cela, cette personne pourrait
se sentir triste, se lamenter, pleurer et se frapper la poitrine jusqu’à la folie. Voilà
l’angoisse et l’anxiété provenant d’une cause interne.
— Honoré-par-le-Monde, reprit le bhikshu, une cause externe peut-elle mener à
l’angoisse et à l’anxiété ?
— Peut-être, répondit le Bouddha. Supposons qu’une personne perçoive et déclare :
«
Ceci est le soi. Ceci est le monde. Ceci est moi. J’existerai à jamais. » Puis, si
elle rencontre le Bouddha ou un de ses disciples dotés de la compréhension et de
l’intelligence nécessaires pour lui enseigner comment abandonner les perceptions
fausses sur l’attachement au corps, au soi, à l’objet appartenant au soi ; comment
abandonner l’orgueil, les formations internes et les afflictions, peut-être la per-
sonne pensera-t-elle alors : « Alors, c’est fini. Je dois tout abandonner. Je ne suis
pas le monde. Je ne suis pas moi-même. Je ne suis pas le soi. Je n’existerai pas à
jamais. Après la mort, je serai complètement anéanti. Il ne reste plus rien à aimer,
de quoi se réjouir ni de quoi se souvenir. » Et cette personne peut se sentir triste,
se lamenter, pleurer et se frapper la poitrine jusqu’à la folie. Voilà la cause exter-
ne qui peut mener à l’angoisse et l’anxiété.
« Moines, demanda le Bouddha, percevez-vous le soi et les cinq agrégats 180
comme quelque chose de permanent, d’immuable et éternel ?
— Non, Vénérable Maître.
— Existe-il quelque chose que nous percevons, saisissons avec le désir et l’attache-
ment et qui ne provoque ni l’anxiété, ni la fatigue, ni les pleurs, ni la souffrance,
ni le désespoir ?
— Non, Honoré-par-le-Monde.
— Voyez-vous un fondement d’une vue du soi qui ne provoque ni l’anxiété, ni la fa-
tigue, ni les pleurs, ni la souffrance, ni le désespoir ?
— Non, Vénérable Maître.
— Très bien. Chaque fois qu’il y a l’idée du moi, il y a également l’idée du mien.
Quand il n’existe pas d’idée du moi, l’idée du mien ne saurait exister. Le moi et
le mien sont des concepts qui ne peuvent être ni saisis ni établis. Si ces fausses
perceptions surgissent en nous, elles deviendront des formations internes. Celles-
ci sont créées à partir des concepts qui ne peuvent être ni saisis ni établis. Voyez-
vous que ces formations internes ne sont rien d’autre que des fausses perceptions
et qu’une chaîne des résultats de ces dernières, comme dans le cas du bhikshu
Arittha ?
« Si à travers les six objets des sens (le corps, la sensation, la perception, la
formation mentale, la conscience et le monde), le bhikshu ne donne pas naissance à l’idée
d’un moi ou d’un mien, il ne sera pas attaché par les liens de la vie. Détaché des liens de
la vie, il transcendera la peur. La peur transcendée, il atteindra donc le Nirvana. Il
comprendra que pour lui, le cycle de souffrance est terminé, qu’une vie pure est
accomplie, que ce qui était à faire est fait, qu’il se libère de la naissance et de la mort et
qu’il touche la vérité des choses telles qu’elles sont. Un tel bhikshu a comblé et franchi le
fossé, détruit le rempart, déverrouillé complètement la porte et s’est regardé droit dans le
miroir de la plus noble compréhension.
« Bhikshus, tel est le cas du Tathâgata 181 et des bhikshus qui ont atteint la
libération. Les déités Indra182, Prajapati183, Brahma184 et ceux qui les entourent ont beau
s’évertuer à chercher, ils ne sauraient trouver la moindre trace de la base de la conscience
du Tathâgata. Je vous ai souvent dit : « Le Tathâgata est l’état noble, l’état de fraîcheur
dans lequel ni la chaleur fébrile, ni la lamentation ne se trouvent. » Plusieurs religieux et
brahmanes, m’ayant entendu tenir de tels propos, m’ont calomnié en affirmant que je
disais des mensonges, que je n’étais pas honnête : « Le moine Gautama185 préconise une
180
Les cinq skandhas ou agrégats sont les éléments qui constituent une personne : corps, sensation,
perception, formation mentale et conscience.
181
L’un des dix noms du Bouddha, ce qui signifie celui qui ne vient de nulle part et qui ne va nulle part,
celui qui vient de l’ainsité.
182
Un des douze dieux hindous qui règnent à l’Est et qui protège le Bouddha et le Dharma.
183
Dieu créateur dans la mythologie indienne et aussi un dieu dans les Vedas.
184
Dieu créateur dans le Brahmanisme.
185
Nom de famille du Bouddha Sakyamuni.
théorie nihiliste et la doctrine de la non-existence absolue, alors qu’en fait, les êtres
vivants existent bel et bien. » Mais le Tathâgata n’a jamais prôné de telles choses. En
vérité, il enseigne seulement la pratique de la cessation de la souffrance menant à l’état de
la non-anxiété. Qu’il soit insulté, provoqué, diffamé ou frappé, le Tathâgata ne se met
jamais en colère et ne se laisse jamais aller ni à la haine ni à la vengeance. Si une
personne insulte, diffame et frappe le Tathâgata, comment celui-ci réagit-il ? Il pense :
«
Si une personne respecte, vénère, se prosterne devant ou couvre d’offrandes le
Tathâgata, ce dernier ne sera pas fier. Il pensera tout simplement que cette personne agit
ainsi seulement à cause du fruit de l’Eveil et de la transformation dans la personne du
Tathâgata. »
Après avoir entendu les paroles du Bouddha, les bhikshus, animés d’une joie
profonde, mirent ses enseignements en pratique.