(2016) CASTELLOTTI, DEBONO Et HUVER, D'une Didactique Contextualisée À Une Didactique Diversitaire
(2016) CASTELLOTTI, DEBONO Et HUVER, D'une Didactique Contextualisée À Une Didactique Diversitaire
(2016) CASTELLOTTI, DEBONO Et HUVER, D'une Didactique Contextualisée À Une Didactique Diversitaire
La notion de contexte a occupé une place centrale dans la constitution d’un domaine
« didactologie-didactique des langues » (DDdL), en réaction aux finalités d’une « linguistique
appliquée » partant d'un « objet langue » et s'adressant à un « sujet épistémique » (Porquier &
Py, 2004). Depuis plusieurs décennies en effet, le contexte apparait comme omniprésent dans
de nombreux travaux du domaine, mais sans pour autant qu’ait été mené de façon approfondie
un travail de débat et de conceptualisation sur cette notion, son évolution et ses usages,
excepté (partiellement) dans l’ouvrage de Porquier et Py (2004) et dans quelques articles
(notamment Coste, 2006 ; Castellotti & Moore, 2008). Il s’agira dans ce texte de s’interroger
de façon plus approfondie sur cette question : qui introduit et mobilise le contexte, qui le
définit et pour quelles finalités ? Est-ce que l’introduction puis le développement de la notion
a infléchi les orientations en DDdL et, le cas échéant, de quelles façons ? Quelle en est la
pertinence, dans une perspective « diversitaire », c’est-à-dire dans une perspective qui
considère la diversité non pas seulement comme une thématique, mais comme un principe
épistémologique (mais aussi politique et ontologique) structurant de la DDdL (et des sciences
humaines)
Après un indispensable retour historique sur la notion de contexte, ce texte 1 propose
d’examiner certains de ses usages problématiques, avant de proposer une alternative
« diversitaire », fondée sur une conceptualisation autre (phénoménologique – herméneutique)
de la notion de diversité. Nous soutiendrons que cette alternative est particulièrement
susceptible de faire face aux dérives technicistes et aux récupérations politiques des notions
issues de notre domaine et que, plus largement, elle re-pose la question de la responsabilité du
chercheur en DDdL en considérant le travail de conceptualisation comme une modalité
d’intervention essentielle, quoiqu’actuellement dévalorisée, du chercheur en DDdL.
1
Ce texte prolonge et approfondit les présentations effectuées dans un panel organisé par les trois auteurs dans le
cadre du colloque Contexte global et contextes locaux. Tensions, convergences et enjeux en didactique des
langues (Université Paris Sorbonne, 23-24-25 janvier 2014), qui a déjà donné lieu à la publication de trois textes
disponibles en ligne :
http://fipf.org/sites/fipf.org/files/actes_colloque_contexte__global_et_contextes_locaux_sorbonne_nouvelle_pari
s_3_2014.pdf.
à la contextualisation dont nous verrons ici que les soubassements et les dynamiques restent à
questionner.
2
Voir la base de données étymologique du CNRTL : http://www.cnrtl.fr/etymologie/
3
Nous nous en tiendrons ici à la DDdL uniquement, bien que la notion ait aussi fait l’objet de réflexions et de
questionnements dans d’autres domaines (notamment en sociolinguistique), dont il serait nécessaire
d’approfondir les inter-influences avec notre domaine.
4
Galisson, R. & Coste, D. 1976. Dictionnaire de didactique des langues. Paris : Hachette.
5
Moirand, S. 1982. Enseigner à communiquer en langue étrangère. Paris : Hachette.
6
Dabène, L. 1994. Repères sociolinguistiques pour l’enseignement des langues. Paris : Hachette : pp. 39, 35,
133.
7
Dabène, L. et al. 1990. Variations et rituels en classe de langues. Paris : Didier/CREDIF.
Les années 1980 constitueraient donc une charnière dans l’évolution des usages, celle-ci se
traduisant principalement par une montée en puissance de l’intérêt pour les circonstances dans
lesquelles se déroulent les apprentissages et enseignements de langues, parallèlement à un
abandon relatif des références à la « matière linguistique ».
L’insistance sur les situations, contextes, milieux et autres environnements relève alors surtout
de la volonté de réagir à des formes d’universalisme ayant cours en DDdL et surtout en
didactique du FLE, instrument de diffusion du français. L’importance accordée à la diversité
des « circonstances » ou « conditions » dans lesquelles se déroulent l’enseignement et
l’apprentissage du français peut aussi s’expliquer comme une volonté d’élargissement et de
diversification des « terrains » de sa diffusion, ayant tendance à se réduire. D’autres facteurs,
à la même période, concourent à renforcer ce mouvement. On notera en particulier la parution
d’ouvrages « clés » renforçant plus directement certaines influences, comme celle de
l’ethnographie de la communication (cf. notamment la parution en 1984 de Vers la
compétence de communication de D. Hymes)8, celle de la sociologie (cf. notamment la
parution en 1982 de Ce que parler veut dire de P. Bourdieu), ou encore celle de la psychologie
socioconstructiviste (cf. les recherches s’appuyant sur les travaux de Vygotsky, ainsi que la
plus grande diffusion des travaux anglo-saxons en DDdL, avec notamment la parution de la
« somme » de H.H. Stern, Fundamental Concepts of Language Teaching en 1983).
Outre ces publications qui ont eu, à des degrés divers, un poids direct sur l’évolution de la
réflexion en DDdL et son inscription pragmatique9, on peut aussi penser que, plus largement
et de façon plus diffuse, les tendances constatées ont pu être inspirées par d’autres travaux
ainsi que par un certain nombre d’évolutions sociohistoriques en cours, d’idées latentes se
diffusant peu à peu et qui s’affirmeront plus explicitement dans les années 90, comme par
exemple les travaux développés en anthropologie et plus généralement l’émergence des
études « postcoloniales » ; parallèlement et sur un autre plan, on peut attribuer une influence à
la prise de conscience plus ou moins explicite de la perte d’importance grandissante du
français et à l’« émergence » de la catégorie FLS visant à diversifier l’enseignement du
français à la fois hors de France et en France ; enfin, une forme de préfiguration du
changement de « nature » de la construction européenne et de la globalisation croissante est
probablement aussi à envisager, l’ensemble de ces facteurs contribuant à renforcer une remise
en question des formes traditionnelles d’universalisme et les questionnements sur les
possibles adaptations et diversifications. On entre alors probablement dans une « nouvelle
ère », où le terme contexte sert principalement à contester cet universalisme, mais sans
véritablement poser les questions politiques de fond liées à ces changements.
8
Dans leur ouvrage de 2004, R. Porquier et B. Py considèrent cette influence comme déterminante dans
l’évolution observée : « L’extension de la notion de contexte linguistique à celle de contexte de situation et, déjà,
de contexte social, est développée, à partir des années 1960, par la sociolinguistique et l’ethnographie de la
communication » (p. 48) et attribuent plus particulièrement à Hymes le développement de cette influence.
9
Cette filiation pragmatique était déjà installée à cette période, par les références récurrentes de l’approche
communicative aux travaux d’Austin et de Searle, traduits en français dès le début des années 70.
cours de cette période, on peut retrouver des indices récurrents d’une influence pragmatique 10.
L’attention est alors focalisée sur le « comportement langagier », et l’évolution vers une
conception de plus en plus marquée par l’interactionnisme et l’ethnométhodologie renforce
une primauté de l’action comme explicative en tant que telle :
« le contexte n’est pas défini par l’analyste mais par les activités, les perspectives, les
interprétations situées des participants – dont il s’agit de rendre compte » (Gajo et
Mondada 2000 : 22)11.
Ici, tout indique que ce sont les actions et les traces langagières elles-mêmes qui, de façon
transparente, produisent le sens, dont le chercheur ne ferait que « rendre compte », comme si
tout était « donné » dans les signes produits au cours de l’interaction verbale.
La parution en 2004 du livre de R. Porquier et B. Py Apprentissage d’une langue étrangère,
contextes et discours, dont un des objectifs est de problématiser et de situer la notion de
contexte et son utilisation dans le champ de l’apprentissage et de l’enseignement des langues,
est déterminante pour la visibilité de la notion, d’autant plus compte tenu de la notoriété des
auteurs. Dans cet ouvrage, ceux-ci rappellent tout d’abord que « tout apprentissage est
socialement situé » (p. 5), et définissent le contexte comme une notion « émique », résultant
d’une élaboration critique de la notion de « situation » :
« La situation serait une notion primitive (“étique“), le contexte, une notion technique
(“émique“) pouvant procurer des critères et des outils d’analyse, et retenant ce qui des
situations serait jugé pertinent dans une perspective d’observation ou d’analyse. Ainsi,
dans la complexité empirique objective d’une instance d’acquisition ou d’apprentissage,
seraient retenus comme composantes du contexte, comme traits contextuels, ce qui de la
situation peut être considéré comme critères contextuels pertinents, selon le point de vue
adopté. » (Porquier et Py, 2004 : 50).
Le contexte, dans cette perspective, serait alors la représentation « technico-scientifique » de
l’ensemble des éléments situationnels retenus pour l’analyse des situations en question, selon
un « point de vue » dont on ne sait pas comment il « se construit ». On retrouve ici une forme
d’extériorisation, mentionnée au début de ce texte, dans le passage de la situation au contexte,
même si, dans la suite de l’ouvrage, les auteurs insistent sur des formes d’émergence du
contexte à partir des activités situées des participants aux interactions. Nous reviendrons ci-
dessous sur certaines conséquences de ces évolutions.
Cet ouvrage contribue en tout cas à « installer » durablement la notion dans le paysage de la
DDdL et à instaurer comme « incontournable » dans toute étude la prise en compte de « traits
contextuels qui ne […] sont accessibles de l’extérieur que par des entretiens, des enquêtes ou
des relations personnelles. » (Ibid. : 53). S’ouvre alors une période au cours de laquelle le
contexte « est partout »12 et où on en voit se décliner divers avatars.
10
Pour une explicitation du rôle de la pragmatique en DDdL, voir Debono, 2013.
11
Gajo, L. & Mondada, L. 2000. Interactions et acquisitions en contexte. Modes d'appropriation de
compétences discursives plurilingues par de jeunes immigrés. Fribourg : Éditions universitaires.
12
Véronique Castellotti, co-auteure de ce texte, a elle-même, dans certains de ses travaux, contribué à la
diffusion du terme, après avoir notamment tenté, sans succès, d’y substituer celui de paysage. Cela s’est fait en
particulier avec la volonté de mettre en question les tendances fortement uniformisantes en DDdL, en particulier
du point de vue de la diffusion du FLE, de réfléchir sur les enjeux des situations d’appropriation et de prendre en
compte, dans la recherche, les représentations des principaux protagonistes de celle-ci (y compris celles des
chercheur-e-s) : voir notamment Castellotti, V. & Chalabi, H. (dir.) 2006. Le français langue étrangère et
seconde. Des paysages didactiques en contexte. Paris : L’Harmattan et Castellotti & Moore (2008).
avec en particulier la notion de « culture éducatives », conçue comme étroitement corrélée à
des contextes dont la dimension nationale est saillante, ce qui en renforce la stabilité et le
figement et en accentue le déterminisme :
« En s’intéressant aux contextes, on fait entrer dans le champ de la didactique la pluralité
des conditions de transmission des savoirs, on considère comme déterminant pour la
connaissance didactique le poids des facteurs nationaux, linguistiques, ethniques,
sociologiques et éducatifs […]. Il faut donc apprendre à décrire les contextes, à savoir en
dégager les traits constitutifs, à mieux connaître l’évolution des pratiques pédagogiques à
travers les époques, à les relier à une culture nationale dont on doit étudier la rencontre
avec d’autres usages culturels […]. La notion de « culture éducative » porte d’abord l’idée
que les activités éducatives et les traditions d’apprentissage forment comme un ensemble
de contraintes qui conditionnent en partie enseignants et apprenants. » (Chiss et Cicurel,
2005 : 6).
Les contextes sont ici définis (et semblent même « s’imposer ») a priori, en fonction de
« cultures » censées être soigneusement séparées par des frontières, en particulier nationales ;
il ne s’agit plus que de les « décrire » pour expliquer comment ils « conditionnent » les usages
didactiques. On notera que ce type de contextualisation, que l’on peut qualifier
d’essentialisante ou culturaliste, entre en contradiction avec tous les discours sur
l’interculturel qui se développent de manière exponentielle à la même période en DDdL,
notamment dans les travaux du Conseil de l’Europe. Cette contradiction dans les termes –
une contextualisation assignante vs un interculturel désassignant – ne semble pourtant pas
alerter outre-mesure, et la nuance apportée par le terme de contextualisation (en remplacement
de celui de contexte, pour marquer le dynamisme du processus) ne remet pas fondamentalement
en cause ce hiatus13.
A cette période, en outre, le CECRL prend de plus en plus d’importance et, avec lui,
l’affirmation d’une « perspective actionnelle », alors que la notion de situation, qui couvrait
au départ de cette chronologie un empan large, est repliée dans la plupart des cas au niveau de
ce qui se passe dans la classe, de façon à la recentrer étroitement sur « [l’espace concerné par]
les conditions / circonstances de la transmission » (Beacco, 2005 : 60). On assiste donc, en
30 ans, à une sorte de croisement inversé : le contexte, d’abord focalisé sur du « micro-
linguistique » devient peu à peu une catégorie « macro-géo-socio-politico-linguistique »,
tandis que la situation, renvoyant initialement aux circonstances socio-historiques, est peu à
peu cantonnée à du « micro-didactique ». Le glissement de contexte à terrain est provoqué à
ce moment, principalement, par une présence de plus en plus forte de sociolinguistes dans les
projets et publications se réclamant de la DDdL, qui conçoivent les caractéristiques
sociolinguistiques de ces terrains comme dictant les fondements des orientations didactiques :
« seul le « terrain » et son observation ont imposé la notion d’hétérogénéité des situations
[…] Toute recherche sociodidactique commence par étudier la spécificité du terrain où elle
s’inscrit, avant de chercher à mettre au jour des corrélations parfois généralisables ou
transférables entre les différents paramètres qui la composent. » (Rispail & Blanchet,
2011 : 65-66)14.
Dans les évolutions constatées, le « contexte » relève donc en grande partie d’une pensée
étroitement déterministe, tout en renvoyant à deux courants. Dans le premier, le contexte n’est
que l’« environnement » ou le « milieu », il relève alors d’une forme d’extériorité, qui
« colorerait » ou « influencerait » les caractéristiques des situations d’appropriation des
13
Sur la nécessité de rappeler combien la contextualisation culturaliste est contre-productive en DDdL, voir par
exemple Debono et Pierozak (2015).
14
Rispail, M. & Blanchet, P. 2011. « Principes transversaux pour une sociodidactique dite « de terrain ». In
Blanchet, P. & Chardenet, P. (dir.). Guide pour la recherche en didactique des langues et des cultures. Approches
contextualisées. AUF/EAC, p. 65-69.
langues, de façon directe, en privilégiant certains facteurs (nationaux, ou encore géo-
sociolinguistiques ou encore de types de publics, etc.). Cette conception est largement sous-
jacente aux travaux s’appuyant sur des « terrains » (sociolinguistiques notamment) qu’on
pourrait délimiter ou sur des « histoires » dont on ne retient que quelques aspects fortement
figés et stéréotypés, comme le supposé « héritage confucianiste » que beaucoup de travaux
situés en Asie convoquent comme une évidence, et de façon assez caricaturale.
Dans le deuxième courant, le contexte est partout, toujours fluctuant, « émergeant » à chaque
instant des interactions verbales qui le « configurent », comme le théorisent les
ethnométhodologues (voir notamment Gajo & Mondada 2000), sans inscription historique et
politique forte. Ainsi par exemple, la typologie proposée par R. Porquier et B. Py (2004)
identifie des paramètres qui regroupent de fait la quasi-totalité 15 des dimensions de situations
d’appropriation des langues. Les auteurs précisent que la pertinence des paramètres retenus
est fonction du « point de vue adopté » (2004 : 50) mais, le plus souvent, les recherches
menées en DDdL s’abstiennent de préciser le « point de vue » à partir duquel elles isolent
certains des paramètres, pourquoi et comment elles privilégient ceux-là plutôt que d’autres et
comment / en fonction de quoi / pour quel projet se construit l’interprétation du / de la
chercheur-e à partir de ces étapes de description, de tri et d’analyse. La question se pose alors
autant de la notion de contexte que de l’usage qui en est fait, en posant cette notion comme
une évidence, pour éviter au/ à la chercheur-e d’argumenter son interprétation en explicitant
son positionnement. Que l’on postule une forme de d’évidence et de transparence
déterministes du sens ou que l’on envisage plusieurs interprétations possibles, les choix des
chercheur-e-s ne sont jamais argumentés à partir d’un retour réflexif sur leur propre
expérience et les résultats conduisent à déterminer de la même façon les orientations
didactiques, sans questionnement sur la responsabilité que (ne) prennent (pas) les chercheurs
(voir ci-dessous).
18
Coste, D. 1986. « Didactique et diffusion du français langue étrangère. Questions de priorité », ELA, n° 64, p.
17-30. Ce texte insiste notamment sur « le dilemme [qui] renvoie à la distinction entre didactique des langues et
diffusion d’une langue » ; la contextualisation permet notamment de masquer ce dilemme, en mêlant les deux
« logiques ».
19
Robillard, D. de, 2008, Perspectives alterlinguistiques, Paris, L’Harmattan, 2 Vol.
20
Les travaux de recherche développant ces questions ne distinguent d’ailleurs pas, le plus souvent, entre
« contextualisation » et « adaptation » (voir par exemple Vilpoux, C. 2013. La rénovation de l'enseignement du
français dans les universités en Ukraine : une analyse didactique contextualisée. Thèse de doctorat sous la
direction de P. Blanchet, Université Rennes 2).
21
Cf. par exemple : Castellotti, V. & Nishiyama, J.N. 2011. « Contextualiser le CECR ? ». In Castellotti, V. &
Nishiyama, N. (dir.), Des contextualisations du CECR : le cas de l’Asie de l’Est, Le Français dans le monde,
Recherches et applications, n° 50, pp. 11-18 et Coste, D. 2007. « Le Cadre européen commun de référence pour
les langues. Contextualisation et/ou standardisation ? ». Communication au Colloque international de la FIPF, Le
cadre européen, une référence mondiale ? Sèvres, juin 2007,
[http://www.francparler.org/dossiers/cecr_perspectives.htm#cecr_reference].
Suite à cette réflexion historicisante, on peut donc se demander dans quelle mesure les
contextualisations didactiques s’opposent aux politiques de diffusion universalisante qu’elles
prétendent combattre, ou ne font que leur donner un aspect acceptable, tout en les renforçant
par la grâce d’une notion réduite au statut de simple outil technique. Pour ce faire, nous
effectuerons un détour contrastif par la notion de glocalisation, dont il n’est pas inutile de
comprendre le cheminement qui, à bien des égards, comporte des similarités, des points de
convergence : ce n’est ainsi pas un hasard de voir actuellement circuler les termes de glocal et
de glocalisation en DDdL22. La comparaison se veut donc heuristique.
22
Cf. par exemple : Coste, D. 2013. « Diffusion, appropriation, glocalisation ». In : Castellotti, V. (dir.). Le(s)
français dans la mondialisation. Fernelmont : Éditions modulaires européennes, p. 447-463.
23
Pour une bonne introduction à cette pensée, voir la synthèse de J.-L. Porquet (un des spécialistes français de
l’œuvre de J. Ellul) dans l’ouvrage collectif, 2013. Radicalité. 20 penseurs vraiment critiques. Paris :
L’échappée.
24
Ellul, J. 2006. Penser globalement, agir localement (Chroniques journalistiques), Paris : Pyremonde, 4e de
couverture.
25
Attac, 2001. Agir local, penser global. Paris : Mille et une nuits.
26
« Le retrait relatif du national au Nord et de ses tutelles, engendré par la mondialisation, réactive le "régional""
et le "local". On a forgé le vocable "glocal" pour désigner cette nouvelle articulation du global et du local. Le
plus souvent, cette instrumentalisation du local par le global sert d’alibi à la poursuite de la désertification du
tissu social et n’est qu’un sparadrap collé sur une plaie béante, autrement dit un discours d’illusion et de
diversion. » (Latouche, 2006 : 290).
2.1.2. Reprises et instrumentalisations
Pour C. Vignali, le concept « penser global, agir local » est devenu la formule des affaires du
XXe siècle (« The concept of ‘think global, act local’ has become the business phrase of the
twentieth century » ; Vignali, 2001 : 98). Ce succès dans le monde des affaires rejaillit
naturellement sur les notions corollaires de « glocal »/« glocalisation » : quelques clics sur
internet suffisent pour en trouver des illustrations très explicites, du logo (« Glocal business
solutions »27) au slogan publicitaire (« Is your business glocal ? Think globally and act
locally »28).
Dans cette perspective affairiste, que devient l’idée ellulienne, quelle(s) nouvelle(s)
signification(s) prend-elle ? Il n’y a pas/peu d’ambiguïté dans ce réinvestissement, le terme de
glocalisation désignant l’action d’adapter « un produit ou un service spécifiquement à chaque
lieu ou culture où il est vendu »29. L’idée de glocalisation, traduction de la formule « penser
global, agir local », initialement contestataire, altermondialiste, est donc comprise, dans le
monde des affaires, comme une stratégie économique d’adaptation aux marchés locaux, dans
une perspective d’ajustement à la demande/clientèle locale30. L’exemple le plus connu de cette
stratégie économique, à la fois marketing et managériale, est celui des fameux burgers
« glocaux » de McDonald’s : du « Maharaja Mac » en Inde aux « McLaks » en Norvège, en
passant par les « McHuevo » uruguayen (pour d’autres exemples et une information plus
complète sur le sujet, voir l’article déjà cité de Vignali, 2001 31). McDonald’s n’est bien sûr pas
la seule firme à pratiquer cette stratégie de glocalisation : on peut donner les exemples de
Starbucks dans l’alimentaire toujours, ou de Disneyland ou de Sony dans d’autres secteurs.
Le parcours est donc celui d’une idée marxienne (Ellul), devenue une antienne
altermondialiste (Attac) et écologiste (Latouche), et qui est également utilisée par ceux-là
mêmes qui se situent à peu de choses près à l’opposé de l’échiquier politique. Dès lors, se
pose la question : mutatis mutandis, ce qui est possible pour la notion de « glocalisation »
dans le champ politico-économique (reprises, détournements, instrumentalisations) l’est-il
également pour la notion, similaire à bien dès égards, de « contextualisation » dans le champ
de la DDdL ? La comparaison peut contribuer (indirectement) à attirer l’attention des
didacticiens sur les possibles récupérations de leurs concepts, mais aussi, et peut-être surtout,
sur la manière même de concevoir une conceptualisation didactique qui ne contienne pas « en
germe » de possibles dérives technicistes (cf. infra).
27
Source : http://www.glocalsolutions.net/corporate_advisor.html
28
Source : http://yfsmagazine.com/2011/10/11/5-steps-to-reverse-engineer-your-business-strategy-in-24-hours-
and-go-glocal
29
Source : Article « Glocalization » de Wikipedia (en anglais) : « Glocalization (a portmanteau of globalization
and localization) is a term denoting the adaptation of a product or service specifically to each locality or culture
in which it is sold ». (Dernière révision 11 mai 2014, numéro de version : 608084760.)
30
Les marketeurs et managers ont en effet rapidement compris le revers de l’imposition « par le haut » de
modèles de management, de modes et de produits de consommation, celle-ci générant des résistances chez les
acteurs, devenant ainsi contre-productive.
31
On pourrait aussi mentionner, pour l’anecdote : « Le jambon-fromage, dernier-né de la stratégie "glocale" de
McDonald's en France », La Tribune, 10/01/2013 : « À l'occasion de ce lancement, le senior vice-président de
McDonald's France et Europe du Sud, Nawfal Trabelsi, expliquait au Figaro : "Depuis une dizaine d'années,
nous avançons davantage vers un McDo à la française." »
culturelle, (malgré des homogénéisations » parfois problématiques desdits « contextes , cf.
supra). La contextualisation est donc une notion que l’on a opposée – et que l’on oppose
maintenant presque « classiquement » – aux différents travers et errances de l’universalisme
méthodologique contre lesquelles la DDdL s’est érigée depuis quelque temps déjà.
Contextualiser serait adapter l’offre didactique au « terrain » local, à l’opposé d’une
imposition « par le haut » (parfois rapprochée d’une forme de néo-colonialisme) qui consiste
à exporter à travers le monde des méthodologies préconçues (et des méthodes : la
marchandise n’étant jamais loin). Ainsi P. Blanchet n’est pas loin de considérer la « didactique
contextualisée » comme « altermondialiste »32. Une contextualisation « humaniste »
s’opposerait ainsi à une globalisation/mondialisation « déshumanisée » : l’idée en est que la
réflexion didactique peut se faire de manière globale (par la mise en réseaux des enseignants
et chercheurs) en prenant en compte les caractéristiques locales.
Nous avons constaté, pour la sphère économique, que la maxime d’origine ellulienne « penser
global, agir local » et les dynamiques qu’illustrent les termes de « glocal/glocalisation »
pouvaient être détournées de leur objectif initial. N’en va-t-il pas de même de la « didactique
contextualisée » ? Un seul exemple servira ici à illustrer ce possible glissement de sens dans
la réception, institutionnelle en particulier, d’une notion didactique.
2.2.2. Un exemple de glissement de sens : la notion de « contexte » dans les discours
institutionnels entourant le projet IFADEM
Pourquoi parler de ce projet Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres
(IFADEM) plutôt que d’un autre ? D’abord, certainement par manque d’originalité : l’appel à
communication du colloque dont est issu ce texte le mentionnait parmi les exemples de
coopération Nord/Sud, pointant par ailleurs les problèmes de « contextualisation » de ces
programmes, qui produiraient un « transfert de méthodologies se fai[sant] généralement à sens
unique » (texte de l’appel). Ensuite, et surtout, parce que le projet est piloté par deux des
institutions les plus importantes de la Francophonie : l’Organisation internationale de la
Francophonie (OIF) et l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF).
Dans la perspective d’une comparaison des reprises et réinvestissements des notions de
« glocalisation » et de « contextualisation », nous nous intéresserons moins ici aux problèmes
de contextualisation didactiques en tant que tels qu’aux discours institutionnels sur les enjeux
et objectifs de cette contextualisation.
Voici un exemple de discours institutionnel, concernant IFADEM, émanant de deux
représentants de l’OIF et de l’AUF :
« IFADEM s’est donné pour objectif principal l’amélioration des compétences des
enseignants du cycle fondamental dans le domaine de l’enseignement du et en
français ». […]
Pierre-Jean Loiret et Jean-René Bourrel : […] Notre premier travail a été de réunir les
renseignements nécessaires à la compréhension des systèmes éducatifs locaux et de
s’appuyer sur les résultats de la recherche en éducation afin d’analyser ce qui avait
auparavant été mis en œuvre comme dispositif de formation à distance dans les pays
du Sud, y compris en commandant des études spécifiques. Des lectures de rapports et
des missions de préparation ont permis de maitriser les contextes locaux,
l’organisation des systèmes éducatifs et surtout, ces informations nous ont permis de
32
« Français à l’université : Y a-t-il un rapport entre contextualisation et mondialisation ?
P. Blanchet : Oui, si on pense que contextualiser, c’est comprendre, « historiciser », diversifier, partager. Cette
vision est à l’opposé d’une standardisation de masse qui aurait pour seul critère le chiffre et pour seule valeur la
rationalisation utilitaire. Ce serait donc, à une époque où se déploient plus qu’auparavant des circulations
intensives de messages, de personnes et de biens, une solution de rechange à une mondialisation déshumanisée
et antisociale. Ce serait une facette de l’exception culturelle. Les didactiques contextualisées (car, bien sûr, ce
concept n’a de sens qu’au pluriel) comme « didactiques altermondialistes » ? Je n’y avais pas songé, mais
l’hypothèse est séduisante… » (Blanchet, 2009 : n.p.)
comprendre comment s’y intégrer. Notre volonté a, en effet, été d’éviter à tout prix de
créer un corps étranger qui viendrait s’ajouter, ou pire se substituer, à l’organisation
académique du pays, mais tout au contraire de réussir à s’y intégrer. » (Loiret et
Bourrel, dans Loiret et al. 2010. Nous soulignons.)
N’a-t-on pas ici, dans cette volonté affichée de « maîtrise des contextes locaux », une
rhétorique assez similaire à celle de la « glocalisation » ? Comme nous l’avons noté
précédemment, les marketeurs et managers ont bien compris que l’imposition d’un modèle
« global » extérieur trop manifeste comportait des limites en provoquant des réactions de rejet
du « corps étranger » : ainsi, le burger Maharaja n’a pas vocation à se substituer, mais à
s’intégrer dans la culture culinaire indienne (ou à « pénétrer » le marché local pour employer
un terme plus économique). N’est-ce pas une logique comparable (i.e. viser à « maitriser les
contextes locaux » pour mieux « réussir à s’y intégrer ») qui exprimée ici par les représentants
de l’OIF et de l’AUF ? Sous couvert de prise en compte de la diversité des contextes et de
refus de l’universalisme (imposition d’un « corps étranger »), n’a-t-on pas affaire à une forme
de diffusionnisme qui avance masqué33, sous le même « masque » d’une utilisation détournée
de la notion de « contextualisation » ?
En outre, s’il s’agit de s’intégrer à un contexte préexistant, cela pourrait laisser penser que
l’idée de réciprocité n’est pas envisagée comme centrale, et que le contexte est bien pensé,
comme nous l’avons souligné, dans une idée d’extériorité des sujets à celui-ci.
On peut supposer que, dans les actions concrètes mises en place dans le cadre du projet
Ifadem, ainsi que dans les discours des didacticiens des langues y participant, les choses sont
probablement plus nuancées. Il reste que les reprises institutionnelles des concepts didactiques
sont loin d’être sans effet sur leur évolution ni sur l’évolution de leur force heuristique. Ceci
devrait alerter fortement les didacticiens des langues : comme ils sont fréquemment amenés,
du fait de l’histoire du domaine et / ou de l’évolution du métier d’enseignant-chercheur, à
collaborer avec les institutions, c’est en effet la question de leur responsabilité qui se trouve
ici posée, comme nous le verrons plus loin. Mais auparavant, nous nous demanderons quelles
sont les dimensions qui sont principalement visées par la contextualisation et les implications
de ces choix sur la DDdL.
41
Cf. également la « loi de Durrenmatt » selon laquelle toute technologie qui est inventée sera nécessairement
appliquée et ce, quelle qu’en soit la pertinence.
42
En DDdL, l’intervention est en effet implicitement considérée comme d’ordre exclusivement pratique et
direct, sous forme principalement de descriptions et de prescriptions, dispensées par des experts et destinées à
être appliquées sur des « terrains » sociaux, définis et circonscrits. Nous proposerons ci-dessous une autre
conception de l’intervention ou de l’implication.
43
Cette démarche d’épistémologisation appelle à être combinée avec une explicitation réflexive des manières
dont le chercheur fait sens, à partir de quelles expériences et pour quels projets – ce dont nous ne pourrons traiter
ici pour des raisons de concision (cf. pour cela de Robillard 2013, Castellotti 2015).
3.2. Vers une conception diversitaire de la diversité
Souvent présentée comme un antidote au « poison » d’un universalisme uniformisant (Huver,
2015), la diversité est actuellement une notion très fortement mobilisée dans le domaine de la
DDdL. En général, il s’agit d’une catégorie institutionnelle, renvoyant à des dimensions
visibles, traçables, qu’il est facile d’objectiver puis de traiter (les niveaux, les appartenances
nationales, etc.), et/ou d’une thématique qu’il s’agit de « prendre en compte » (via la
contextualisation, par exemple). Dans une conception diversitaire de la diversité, celle-ci est
pensée sous un tout autre angle : en la conceptualisant à partir d’une orientation
phénoménologique-herméneutique, c’est-à-dire en la considérant comme première,
constitutive, globale, non directement « appréhendable »44, elle devient, fondamentalement,
un principe épistémologique et politique transversal, qui vient saper les bases mêmes de ce
qui construit l’universalisme, à savoir l’homogénéisation et la transparence du sens 45. La
diversité n’est plus alors une juxtaposition d’éléments vus de l’extérieur comme divers, ce qui
ne serait qu’un prolongement du postulat et/ou de l’idéal d’homogénéité, mais le fondement
même de l’expérience humaine, des processus socio-historiques et des relations qui en
découlent. Le travail d’interprétation des individus, en tant qu’êtres socialisés et historicisés,
se substitue alors aux structures et aux nomenclatures, si bien que ce sont les histoires et les
projets (individuels ou collectifs) qui fondent les catégorisations opérées et leur donnent sens
(Castellotti, 2009 ; Huver, 2014) ;
Cette conception ne se résume donc plus du tout à une diversité de « contextes »
prédéterminés, ni même de « situations » évolutives, mais renvoie à une diversité
d’expériences, d’enjeux, d’histoires, de projets, donc de personnes, de parcours, de relations.
Elle est par ailleurs diversement perçue et interprétée (et non pré-existante à l’activité
d’interprétation, ni en tant que telle, ni dans les catégories qu’elle vise à identifier) et est donc
fondamentalement ancrée dans l’expérience des personnes ou des groupes interprétants ; ceci
vaut également (premièrement ?) pour le chercheur, ce qui interroge la « scientificité » même
de son activité46.
Dès lors, le sens est à concevoir non seulement comme pluriel car expérientiel, perçu
différemment par chacun, mais aussi comme pétri d’altérité et, de ce point de vue, au moins
partiellement « inaccessible »47. Plus exactement, cette altérité fondamentale suppose des
formes de traduction, qui ne peuvent pas passer par des procédures technicisées et
reproductibles (i.e. des outils, des protocoles, des démarches) mais par l’instauration d’une
relation et d’un projet (au moins partiellement) partagé. La réflexivité occupe par conséquent
une position centrale, « en tant que processus de constitution du sens des autres solidairement
par transformation à partir du nôtre (…), [pour] susciter des conflits productifs en cela que
nos propres repères implicites sont instabilisés et donc visibilisés si nous parvenons à
44
Cette orientation postule en effet que nous avons une expérience perceptive de la diversité, que nous en faisons
sens « intuitivement », dans notre présence au monde, aux autres, de façon implicite et que ce n’est qu’ensuite, et
sur cette base « anté-prédicative », que se fondent, s’élaborent, s’organisent nos expériences rationnelles,
explicites, notamment avec le langage qui ne produit pas et n’épuise pas à lui seul la totalité du sens (cf. de
Robillard (2013) et Castellotti (2015) sur la base notamment des réflexions de Romano C., 2010, Au cœur de la
raison, la phénoménologie. Paris : Gallimard).
45
Cf. par exemple : Castellotti, 2015 ; de Robillard, 2013, mais aussi : Jucquois, G. 1999. « La diversité... de la
diversité. Quand la langue se conjugue avec la science ». DiversCité Langues, Vol . IV,
http://www.teluq.uquebec.ca/diverscite/entree.htm.
46
Cf. par exemple : Feldman, J. 2002. « Objectivité et subjectivité en science. Quelques aperçus ». Revue
européenne des sciences sociales, XL-124, http://ress.revues.org/577; Stengers, I. 1993. L’invention des sciences
modernes. Paris : La Découverte.
47
Goï, C., Huver, E. & Razafimandimbimanana, E. (coord.). 2014. « Inaccessibles, altérités, pluralités : trois
notions pour questionner les langues et les cultures en éducation ». Glottopol. n°23. http://glottopol.univ-
rouen.fr/numero_23.html.
imaginer que d’autres créent du sens pour être de manière très différente de la nôtre
jusqu’alors » (Robillard, 2013 : 53).
Au lieu de se focaliser comme elle le fait depuis plusieurs décennies sur des « centrations »
successives (la langue, la méthode, l’apprenant, le contexte,…), qui ne font que déplacer le
curseur sur des objets – toujours largement/finalement réifiés – en évitant une réflexion
véritablement « centrale », la recherche en DDdL ne peut trouver un avenir qu’en pensant,
fondamentalement, la diversité humaine constitutive des situations d’appropriation. Cela
implique de s’intéresser d’abord aux parcours50 de ceux qui s’y engagent, aux relations qui
les caractérisent, au statut que, en tant que chercheur-e-s, nous pouvons leur attribuer à travers
les interprétations que nous en faisons et qui sont aussi tributaires de nos parcours et des
50
Donc à la fois à leur histoires et à leurs projets.
relations que nous instaurons par nos implications dans ces situations et par notre
positionnement vis-à-vis des institutions. De ce positionnement découle une autre conception
de l’intervention, qui prend ses distances avec une perspective ingénierique et scientifique
induisant les problématiques instrumentalisations (politiques, éditoriales, etc.) des notions
qu’elle construit. Pour la didactique contextualiste, l’intervention est en effet déterminée par
l’analyse pré-établie de la description de contextes, et se réduit le plus souvent à prescrire, en
fonction de cette description, les contenus et / ou modalités censées être les mieux
« adaptées » au terrain considéré (dans une logique similaires aux instrumentalisations de la
notion de « glocalisation » en économie). Dans une didactique diversitaire, il s’agit de penser
avec les personnes concernées ce qui, en fonction de leurs histoires, parcours, projets,
traversés par des enjeux, permet de situer des orientations pour leurs appropriations
linguistiques et culturelles. Sur la base de ce travail et de son interprétation, le chercheur
s’implique en proposant ses réflexions situées, argumentées, informées par sa propre histoire
(qui suis-je pour vous proposer cela ?) et en désévidenciant, en explicitant les notions qui
l’aident à penser et à « comprendre » les situations. Cette entreprise ne peut qu’être
imparfaite, nécessairement, ces « compréhensions » étant toujours contingentes,
momentanées ; mais la reconnaissance de cette finitude n’est-elle pas la seule voie s’offrant
au chercheur-formateur soucieux d’éviter les dérives de l’universalisme triomphant et du
contextualisme technicisant ?
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33
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