Logique Temporelle
Logique Temporelle
Logique Temporelle
Bruno Gnassounou
2021-22
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est doive nécessairement exister, et que tout ce qui n’est pas doive nécessairement
ne pas exister ; car ce n’est pas la même chose de dire que tout être, quand il est, est
nécessairement, et de dire, d’une manière absolue, qu’il est nécessairement. – C’est
la même distinction qui s’applique aux propositions contradictoires. Chaque chose,
nécessairement, est ou n’est pas, sera ou ne sera pas, et cependant si on envisage
séparément ces alternatives, on ne peut pas dire laquelle des deux est nécessaire. Je
prends un exemple. Nécessairement il y aura demain une bataille navale ou il n’y
en aura pas ; mais il n’est pas nécessaire qu’il y ait demain une bataille navale, pas
plus qu’il n’est nécessaire qu’il n’y en ait pas. Mais qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas
demain une bataille navale, voilà qui est nécessaire. Et puisque les propositions sont
vraies en tant qu’elles se conforment aux choses mêmes, il en résulte évidemment
que si ces dernières se comportent d’une manière indéterminée et sont en puissance
de contraires, il en sera nécessairement de même pour les propositions contradic-
toires correspondantes. C’est bien là ce qui se passe pour les êtres qui n’existent
pas toujours ou qui ne sont pas toujours non existants. Il faut alors nécessairement
que l’une des deux propositions contradictoires soit vraie et l’autre fausse, mais ce
n’est pas forcément celle-ci plutôt que celle-là : en fait, c’est n’importe laquelle, et
bien que l’une soit vraisemblablement plus vraie que l’autre, elle n’est pas pour le
moment vraie ou fausse. Par suite, il n’est évidemment pas nécessaire que de deux
propositions opposées entre elles comme l’affirmation et la négation, l’une soit vraie
et l’autre fausse. En effet, ce n’est pas à la manière des choses qui existent que se
comportent celles qui, n’existant pas encore, sont seulement en puissance d’être ou
de ne pas être, mais c’est de la façon que nous venons d’expliquer. »
2 Logique polymodale
Remarquons : (1) nous avons interprété les modalités en termes de monde pos-
sibles ; (2) nous nous sommes restreints à utiliser un seul opérateur modal, l’opérateur
de nécessité, qui, par l’usage de la négation, permettait d’en définir un deuxième,
l’opérateur de possibilité (♦p =df ¬¬p), qu’on appelle le « dual » de l’opérateur de
nécessité. Mais on peut relâcher cette double condition.
Tout d’abord, pourquoi ne pas interpréter les éléments de W comme des instants
du temps, notés tn , et pourquoi ne pas interpréter la relation R comme une relation
entre ces instants tn ? On interprétera autrement la formule p. Elle signifie désormais
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que, en un instant t, p est vrai à tout instant t0 qui est en relation avec t, pour t, t0 ∈
W . On peut interpréter la relation d’accessibilité comme la relation de postériorité
temporelle. p signifie alors que p sera toujours vrai. Dans ce cas, au lieu du symbole
, on utilise plutôt le symbole « G », et on écrit : Gp. On définit, grâce à la négation,
l’opérateur dual, signifiant qu’il n’est pas vrai que p sera toujours faux, c’est-à-
dire : « Il sera vrai que p ». On utilise le symbole F , plutôt que ♦, pour ce faire :
F p =df ¬G¬p. En d’autres termes, de même que « ♦p est vrai dans le monde w »
signifie qu’il existe un monde possible w0 , accessible à w, où p est vrai, de même « F p
est vraie au temps t » signifie qu’il existe au moins un instant t0 , postérieur à t, où
p est vrai.
Mais en second lieu, nous voudrions sûrement pouvoir représenter des propositions
dont la vérité est passée, et non seulement future. Du point de vue sémantique cela
signifie que, sur le même ensemble d’instants W , nous voudrions définir une seconde
relation entre les instants qui représentera la relation d’antériorité. En le faisant,
nous pourrons dire qu’une proposition a toujours été vraie dans le passé, ce que l’on
notera Hp. Le dual de l’opérateur H est noté P , de sorte que P p pourra être lu
comme « il a été le cas dans le passé que p ». Hp est vrai en un instant t ssi p est
vrai à tous les instants t0 antérieurs à t. Et P p est vrai à un instant t, s’il existe
au moins un instant t0 antérieur à t où p est vrai. Comme cette logique comprend
deux opérateurs (avec leurs opérateurs duals), on a affaire à un exemple de logique
« polymodale » ou peut-être mieux « plurimodale ».
Une fois le langage de ce qu’on appelle « la logique des temps » (tense logic) mis en
place, on peut exprimer certaines formules intéressantes, par exemple : P ϕ ⇒ GP ϕ.
En d’autres termes : « tout ce qui est arrivé sera désormais toujours arrivé », ce qui
semble une vérité générale à propos du temps, quelle que soit la manière dont on le
conçoit.
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3 Sémantique pour la logique temporelle minimale
On peut construire de la façon suivante notre sémantique. On se donne une in-
terprétation sous forme d’un triplet hW, {R, S}, vi, où
vt (Gp) = 1 ssi pour tout instant t0 tel que tRt0 , vt0 (p) = 1
vt (F p) = 1 ss’il existe un temps t0 tel que tRt0 et vt0 (p) = 1
vt (Hp) = 1 ssi pour tout instant t0 tel que tSt0 , vt0 (p) = 1
vt (P p) = 1 ss’il existe un temps t0 tel que tSt0 et vt0 (p) = 1
En réalité, dans les logiques temporelles, on pose que la relation S qui représente la
relation d’antériorité est exactement la relation converse de la relation de postériorité
R. En d’autres termes, si on a ti Rtj , alors on a tj Sti , et inversement ; ce qui revient
à dire que, si un premier instant est postérieur à un second instant, alors ce second
instant est antérieur au premier instant : ti Rtj est équivalent à tj Rti . La formule veut
donc aussi bien dire que t0 est postérieur à t, que t est antérieur à t0 . C’est pourquoi
on peut se contenter des règles d’évaluation suivantes, plus naturelles, avec la seule
relation R :
vt (Gp) = 1 ssi pour tout instant t0 tel que tRt0 , vt0 (p) = 1
vt (F p) = 1 ss’il existe un temps t0 tel que tRt0 et vt0 (p) = 1
vt (Hp) = 1 ssi pour tout instant t0 tel que t0 Rt, vt0 (p) = 1
vt (P p) = 1 ss’il existe un temps t0 tel que t0 Rt et vt0 (p) = 1
W = {t0 , t1 , t2 , t3 , t4 }
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R = {(t0 ; t1 ), (t1 ; t2 ), (t2 ; t3 ), (t3 ; t4 ), (t0 ; t4 ), (t1 ; t3 )}
vt0 (p) = vt1 (p) = vt2 (p) = vt3 (p) = vt4 (p) = 1
vt0 (q) = vt3 (q) = 1 et vt1 (q) = vt2 (q) = vt4 (q) = 0.
p p p p p
t0 t1 t2 t3 t4
q ¬q ¬q q ¬q
. Exercices :
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3.1 Axiomatisation de Kt
On peut axiomatiser « Kt », en ajoutant au calcul des propositions, les axiomes
et règles suivants :
– GP : p ⇒ GP p
« Ce qui est aura toujours été »
– HF : p ⇒ HF p
« Si quelque chose est le cas, alors pour tout moment du passé, il était vrai que ce
serait le cas plus tard »
Les deux premières règles KH et KG sont les analogues de l’axiome K pour les
opérateurs H et G, comme le sont les deux règles de nécessitation temporelle NG et
NH par rapport à la règle de nécessitation dans K.
Les deux axiomes GP et GH assurent que les opérateurs H et G correspondent à
des relations temporelles converses. On peut ainsi montrer que si l’on suppose qu’un
cadre temporel quelconque est tel que l’une de ses relations et la converse de l’autre,
alors ces deux formules sont valides dans ces cadres, et inversement.
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qui ne dépendent d’aucune présupposition particulière sur la nature de la relation
d’antériorité (ou de postérité) temporelle.
Réflexivité (REF) : Gp ⇒ p ou Hp ⇒ p ou ⇒ F p ou p ⇒ P p
Transitivité (TRANS) : Gp ⇒ GGp ou Hp ⇒ HHp ou F F p ⇒ F p, P P p ⇒ P p
Linéarité dans le futur (LINF) : P F p ⇒ (P p ∨ p ∨ F p)
Linéarité dans le passé (LINP) : F P p ⇒ (P p ∨ p ∨ F p)
Linéarité (LIN) : (F P p ∨ P F p) ⇒ (P p ∨ p ∨ F p)
Pas de commencement (NONC) : Hp ⇒ P p
Pas de fin (NONF) : Gp ⇒ F p
Densité (DENS) : GGp ⇒ Gp ou F p ⇒ F F p
Induction vers le futur (INDG ) : F p ∧ G(p ⇒ F p) ⇒ GF p
Induction vers le passé (INDH ) : P p ∧ H(p ⇒ P p) ⇒ HP p
Bon ordre (BO) : H(Hp ⇒ p) ⇒ Hp)
Complétude de Dedekind pour le futur (DEDEF) : F Gp∧F ¬p ⇒ F (Gq ∧¬P Gp)
Complétude de Dedekind pour le passé (DEDEP) : P Hp∧P ¬q ⇒ P (Hq∧¬F Hp)
On peut en fonction des combinaisons d’axiomes choisies (et donc des classes de
cadres qui correspondent) construire les logiques temporelles suivantes :
Logiques Axiomes
Kt KG + KH + GP + GH
S4t Kt + REF + TRANS
Lt Kt + TRANS + LIN
Nt Lt + NONF + INDG + BO
Zt Lt + NONC + NONF + INDG + INDH
Qt Lt + NONC + NONF + DENS
Rt Lt + NONC + NONF + DENS + DEDEF+ DEDEP