L'Évolution de La Guerre

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Df. La guerre est un conflit dans lequel se pratiquent des actes de violence armée, organisée et collective.

Rq. La guerre n'est pas un phénomène nouveau, c'est sans doute au contraire, une des actions humaines les plus anciennes. Il existe plusieurs
types de guerres et plusieurs raisons de faire la guerre qui traversent l’histoire.
Cependant, la guerre a connu une évolution importante au XXe siècle : la guerre classique, conduite aux moyens d’armées qui s’affrontent face-
à-face, est apparue trop couteuse, en termes de vies humaines et en termes de ressources, après les deux Guerres Mondiales. Une nouvelle guerre,
dite « moderne » s’est alors développée, lorsqu’a émergé un nouvel ordre mondial.

Section 1. Les diverses formes de la guerre

La guerre est un phénomène protéiforme.

•Elle peut être une guerre de conquête (ou défensive pour le territoire agressé) qui a pour but d’agrandir son territoire ou de piller le territoire
ennemi. Il s’agit de la forme la plus ancienne de la guerre. Elle n'a pas pour but la destruction de la partie adverse. Elle est interétatique, ou en
tout cas elle émane de deux entités politiques distinctes.

•Le conflit peut avoir lieu à l'intérieur d'une entité politique, il s'agit alors de guerre civile, de guerre d'indépendance ou de guerre coloniale.
Le but est alors pour une partie d'une population de s'émanciper d'une tutelle jugée trop lourde ou illégitime, et pour l'autre de maintenir l'unité
nationale. La guerre révolutionnaire vise quant à elle à renverser le pouvoir politique, jugé arbitraire et liberticide, pour le remplacer par un
gouvernement populaire.

•La guerre peut également être plus complexe et concerner plus de deux belligérants. Il s'agit des guerres de religions, qui cette fois
n'opposent plus deux entités politiques mais deux

•groupes religieux, pas nécessairement structurés, le groupe des croyants orthodoxes et les autres, les infidèles, les mécréants, les hérétiques.
Le but est alors de convertir à la « vraie foi » ou d'éliminer les non ou mal croyants.

•Enfin, la guerre peut être supra-étatique, comme les deux conflits mondiaux. Elle repose sur des alliances internationales et a pour but de
faire reconnaître (ou de refuser) une domination politique et idéologique internationale, voire de détruire l'ennemi. Il s'agit alors d'une guerre
totale, un conflit armé qui mobilise toutes les ressources disponibles de l'État. Elle ne concerne plus uniquement des objectifs militaires mais,
souvent source d'union sacrée entre tous les partis politiques, elle cherche à mobiliser la nation autour de l’armée en impliquant l'ensemble de
la société et ses moyens. En cherchant à affaiblir l’adversaire, les belligérants provoquent des destructions combinées civiles autant que
militaires. Cette forme de guerre impose une gestion étatisée et centralisée, et repose sur le soutien de tous les secteurs de la population, au
moyen en particulier de la propagande.

•A ces formes de guerre se joignent parfois des corollaires comme la guerre économique ou la guerre psychologique dont le but est
d’affaiblir l'adversaire pour permettre un triomphe militaire effectif.

Rq. Ces formes de guerre peuvent être d'intensités diverses. Ainsi, selon l'intensité du conflit, on distingue la guerre totale (qui vise la destruction
complète de l'adversaire) de la guerre limitée (qui a lieu pour atteindre un objectif précis et qui est limitée dans ses objectifs et dans ses moyens).
Contrairement aux idées reçues, la guerre totale n'est pas une invention du XXe siècle comme le montre par exemple les guerres puniques où lors de
la troisième (149-146), l’incantation de Caton l'Ancien « Carthago delenda est » (« Carthage doit être détruite ») fut suivie à la lettre : la cité fut
brûlée, rasée et les survivants vendus en esclavage.

Enfin la guerre peut être de durée très variable, de quelques jours (l'exemple le plus frappant est la Blitzkrieg, la « guerre éclair », qui a permis à
Hitler de conquérir les Pays-Bas en 4 jours, la Pologne en 21 et la France en 46) à de nombreuses années (comme la guerre de Cent Ans qui s’étend
de 1337 à 1453).

Aux diverses formes de guerre correspondent diverses sortes de paix.

•La paix peut être une paix par l’empire : l’exemple-type est la pax romana imposée par Rome avec la participation des peuples soumis à un
système associatif dont elle reste l’inspiratrice et la maîtresse.

•La paix peut s'obtenir par l’équilibre des puissances à travers des systèmes d’alliances qui se traduisent par des traités de paix (dont l’efficacité
est douteuse et qui sont parfois solidifiés par des échanges d’otages, des mariages politiques…). C'est par exemple le cas de la Sainte Alliance
créée en 1815 regroupant la Russie, l'Autriche et la Prusse, ou encore de l'OTAN établie en 1949.

•La paix peut émerger de l'épuisement mutuel des adversaires : c’est un temps de latence qui aboutit soit à une reprise des hostilités soit à
l’instauration d’une paix plus durable.
•La paix peut également s'installer par disparition des causes de l’affrontement.

•Enfin, la paix peut apparaître par interdépendance lorsque disparaissent d’un commun accord les enjeux de l’affrontement (c'est le cas de
l’essor des relations franco-allemandes à partir de 1945).

La guerre a connu plusieurs formes et organisations, elle a eu des buts variés et son armement n'a cessé d'évoluer jusqu'à nos jours.

§ 1. L’évolution historique de la guerre

Df. Durant l’Antiquité, la guerre connaît un processus d’institutionnalisation sous l’égide des cités, un droit de la guerre qui repose sur des règles
simples : immunité des ambassadeurs, des prêtres et des non-combattants, ensevelissement des morts, construction de trophées, partage du
butin, organisation de la conquête. Ce droit de la guerre antique inclut l’ennemi dans un cadre juridique commun équivalent à un cadre culturel
commun.

La cité repose sur le système de la milice : tout citoyen qui peut subvenir à ses besoins (ayant des biens à défendre), se procure son armement et participe
à la défense.

Ex. Les Spartiates, peuple guerrier par excellence, inventent la phalange, première véritable formation tactique, composée de huit lignes
d'hommes, fortement armés et protégés de boucliers. Les techniques et la stratégie militaire se développent ; Alexandre le Grand, premier
conquérant à l’échelle mondiale, développe la technique d'encerclement dite du marteau (la cavalerie) et de l'enclume (l'infanterie).
Avec Rome apparaît l’armée régulière dont le recrutement et l’équipement sont organisés de manière administrative, financés par l’impôt et encadrés
par un corps d’officier d’état ; l'organisation de l'armée se rationalise davantage.

La chute de l'Empire romain d'Occident en 476 a entraîné de profonds bouleversements dans l'organisation militaire des nouvelles entités politiques qui
sont apparues à sa place. Aux légions romaines, armée permanente sous les ordres de l'empereur succède un nouveau type d'armée, non permanente,
l'armée médiévale : l’ost.

• La tradition germanique est de convoquer tous les hommes libres au plaid et à la guerre ; en contrepartie ils ne reçoivent pas de solde, car la
compensation est espérée dans le butin. Charlemagne tente de codifier les modalités de convocation à l'ost et la composition de cette armée.
Ceux qui ne sont pas venus à l’ost paient une lourde amende, le hériban (s’ils ne peuvent pas payer, ils sont réduits en esclavage).

• En raison de l'affaiblissement du pouvoir central mérovingien, puis carolingien, une multitude de petites armées seigneuriales voit le jour.
Chaque seigneur dispose librement de ses propres forces, recrutées parmi ses vassaux. Ces osts se regroupent à l'appel du roi pour former
l'« ost royal », l’armée royale.

• Les hommes d'armes servent pour un temps déterminé (de quarante à soixante jours). Le seigneur pourvoit sa troupe en armes, en munitions
et en vivres. S'ils sont eux-mêmes chevaliers ou barons, les vassaux emmènent avec eux leurs soldats.

• En Europe, avant l’époque moderne, la guerre est saisonnière : les armées prennent leur quartier d’hiver et le printemps marque la reprise des
hostilités. Elle se déroule selon une séquence d’opérations que constitue la « campagne », ponctuée de batailles et de sièges. Les batailles
rangées, violentes et sanglantes sont rares.

Rq. L'art militaire évolue, la cavalerie prend le pas sur l'infanterie. En raison des progrès de la métallurgie permettant de créer des armes plus
solides, mais aussi plus coûteuses, donc réservées à l'élite, le coût de l'équipement limite la levée des hommes aux plus riches, si bien que l'armée
tend en quelque sorte à se professionnaliser. C'est ainsi qu’apparaît la chevalerie.

Deux conceptions de la guerre s'opposent rapidement, celle des armées en ligne et celle des armées mobiles qui enchaînent les razzias, les pillages, les
fuites et le harcèlement des troupes adverses.

Ex. C'est d'ailleurs cette dernière tactique, qui repose sur le mouvement, qui explique en partie le succès de l'armée mongole sous la houlette de
Gengis Khan au XIIIème siècle.
Avec des troupes souvent inférieures de moitié à celles de leurs adversaires, les Mongols s'appuient sur leur cavalerie légère et sur leurs archers à
cheval pour casser les lignes ennemies (grâce à la masse et à la vitesse des troupes). Ainsi, lorsque la cavalerie mongole rencontre une cavalerie
lourde, ses cavaliers légers, plus rapides, utilisant des arcs et organisés en unités articulées, harcèlent les formations de cavalerie lourdes, qui se
ruent à la poursuite, sans réussir à engager le combat. Désemparées, ces unités perdent de leur compacité, et sont dispersées lorsque les Mongols
entrent au contact.

En Europe, à partir du XIVe siècle, la nature de la guerre change, avec l'apparition de nouvelles armes (arbalètes, artillerie).

Rq. La bataille d'Azincourt sonne le glas de la chevalerie et marque le développement des archers. On assiste à la création de véritables
compagnies de mercenaires, composées de soldats professionnels, qui s'engagent pour le compte du plus offrant. Le lien qui unissait le seigneur et
ses vassaux dans l'ost s'estompe progressivement, en même temps que le système féodal se transforme.
Charles VII, par l'ordonnance de 1445 disperse les anciennes bandes armées pour les remplacer par une armée permanente directement sous
l'autorité du roi.

Puis, sous l’Ancien Régime, la guerre s’étatise et devient le monopole de l’État.

Rq. Au début du XVIIème siècle, la taille de l’armée est très réduite et son budget en temps de paix est très faible.
Il n’y a seulement quelques régiments permanents, soit environ 10 000 hommes. Ils sont complétés au besoin par des mercenaires, qui se révèlent
plutôt de mauvais soldats, car ils ont généralement intérêt à faire durer les guerres, et ils se livrent régulièrement au pillage. En 1636 lors de la guerre
contre l’Empire et l’Espagne, Richelieu crée un Ministère de la Guerre. Les armées privées sont interdites, il n’y aura plus qu’une seule armée, celle du
Roi de France.

La Révolution met en place la conscription des citoyens-soldats contre la double menace de l’ennemi intérieur (les Vendéens) et extérieur (les puissances
monarchiques européennes coalisées).

Les guerres napoléoniennes bouleversent complètement les conceptions sur l’art de la guerre.

Rq.
Avant Napoléon, les États européens avaient des armées relativement petites, avec une forte proportion d’étrangers et de mercenaires combattant
parfois leur pays d’origine pour une puissance étrangère. Les innovations militaires de la deuxième moitié du XVIIIe siècle préparent cependant le
concept de « nation en guerre » (la guerre nationale remonte à la bataille de Valmy de 1792 qui oppose les Français aux Austro-prussiens).
Napoléon innove dans l’usage de la mobilité pour compenser son infériorité numérique, notamment lors de la campagne d’Italie ou de la bataille
d'Austerlitz. Le rôle de l’artillerie est considérablement accru ; elle forme désormais des unités mobiles et indépendantes, et plus seulement en appui
des autres unités comme auparavant. Napoléon standardise les calibres des canons, de façon à faciliter les approvisionnements et à assurer une
meilleure compatibilité entre les pièces.
Surtout, la conduite de la guerre est changée : le but recherché est la destruction des armées adverses (et donc lui infliger des pertes maximales
pendant et après la bataille, par une poursuite de cavalerie légère).

Au XIXème siècle, l’armée se démocratise et s’industrialise. En France, l'aristocratie qui dirigeait les armées laisse progressivement sa place à un État-
major professionnel formé dans des écoles militaires.

Sy. Le choc des deux conflits mondiaux fut retentissant. Ils marquent l'échec de l'ordre mondial soutenu par les puissances européennes coloniales
puis par la Société des Nations. Ces guerres ont atteint une échelle et une intensité inconnues jusqu’alors. Elles se déroulent sur plusieurs fronts, sur
une bonne partie de la planète.
Elles ont donné naissance, non pas à une paix mais à ce qu'on a appelé la Guerre Froide.

§ 2. La prévention et l'encadrement de la guerre

• La diplomatie est le premier moyen pour éviter la guerre.

Les relations diplomatiques sont très anciennes. Dès l'Antiquité, les souverains envoient des émissaires pour conduire des négociations spécifiques. Au
Moyen Âge, l'ambassade envoyée par Charlemagne en 797 est célèbre pour être revenue, 5 ans plus tard, chargée de magnifiques cadeaux (dont un
éléphant albinos) offerts par le calife de Bagdad. Au XIIIème siècle, le Devisement du monde rédigé par Marco Polo est considéré comme l'ancêtre des
rapports diplomatiques.
C'est à cette époque que la diplomatie se développe, les relations consulaires apparaissent lorsque les républiques marchandes italiennes cherchent à
protéger les intérêts de leurs commerçants se rendant en Orient.
Elle se professionnalise après le congrès de Vienne de 1815 puis se modernise au XXème siècle. Elle se recentre alors sur le commerce et la culture
tandis que les nouveaux moyens de transports et de communication facilitent les contacts directs au plus haut niveau de l’Etat.

• Cependant, la diplomatie ne réussit pas toujours à éviter les conflits. En cas d’échec diplomatique, on a longtemps cherché à limiter la guerre
par des lois définissant à la fois le droit à la guerre (jus ad bellum) et ce qui était ou non permis au sein de cette guerre (jus in bello).

Ex. Ainsi, les premières traces d'un code de conduite en cas de guerre se trouvent dans le Code d'Hammourabi, du XVIIIe siècle avant notre ère,
qui précise que le fort ne doit pas opprimer le faible. Les religions monothéistes contiennent également des règles prônant le respect de l'adversaire et
la protection des civils et des vaincus. Ainsi dans le Deutéronome figurent des interdictions en temps de guerre de couper les arbres fruitiers,
d'empoisonner une source, de détruire les récoltes, de mutiler un homme, etc.

Df.
Selon Augustin d’Hippone, il est permis de guerroyer sous trois conditions : si la cause est juste, si la guerre est menée dans de bonnes
intentions, si elle est sous la conduite d’une autorité légale.
Thomas d'Aquin dans la Somme théologique démontre que la guerre n’est pas toujours un péché. Elle sera juste si elle respecte trois conditions :
1.Elle doit être décidée par l’autorité politique légitime, qui cherche le bien de tous. Elle ne saurait être le fait d’un individu ou d’un groupe
qui défend ses intérêts. Elle est une affaire publique et non privée.

2.Elle doit être engagée en vertu d’une cause juste comme, par exemple, se défendre contre un agresseur.

3.Il faut, en outre, que la guerre soit menée selon une bonne intention, car il ne suffit pas que la cause soit juste : on pourrait profiter de la
juste cause pour mener une guerre en vue d’accroître ses richesses, ce qui serait injuste. Cela peut également signifier, par extension, que
celui qui fait la guerre doit la faire de façon juste.
Que la guerre soit juste ne veut cependant pas dire qu’elle soit un bien ; elle n’est qu’un mal pour en empêcher un autre qui serait pire. Elle
doit par conséquent viser la paix.

• Grotius, au XVIIe siècle, publie le droit de la guerre et de la paix. Pour lui, la guerre juste est conçue comme la poursuite d’un droit par la force
armée. Ce qui importe ici est avant tout la justesse de la cause.

L’évolution du concept de guerre après Grotius jusqu’à la fin du XVIIIe siècle est marquée, dans l’ensemble, par une lente dérive allant de l’idée de guerre
juste vers celle de guerre régulière.

Ex. Pour Rousseau, la guerre ne peut être qu’une « relation d’État à État ». Kant souligne que le « droit à la guerre est, pour un État, le
moyen licite de défendre son droit contre un autre État, (…) même si la raison moralement pratique exprime en nous son veto irrésistible : il ne
doit pas y avoir de guerre ».

• Lorsque la guerre ne peut être évitée, chaque belligérant s'efforce d'améliorer le plus possible ses chances de victoire rapide et au moindre
coût. A chaque époque, presque à chaque guerre, de nouvelles innovations techniques permettent de rendre la guerre plus efficace.

Ex. Ainsi, au Moyen Âge, le feu grégeois dont les byzantins se sont servis jusqu’au XIIIe siècle pour défendre leur cité, est un mélange incendiaire
dont la composition est mal connue. La poudre, qui fait son apparition en Europe vers 1250 ouvre une nouvelle ère.

La guerre chimique dont l’origine remonte à l’empoisonnement des puits est mentionnée dans l’Ancien Testament. Au Moyen Âge, il est fait mention,
surtout pendant les sièges des croisades, de projection par des machines de cadavres d’hommes ou d’animaux frappés de la peste. Puis en raison du
développement de la chimie, la véritable guerre chimique fait ses débuts pendant la guerre des tranchées.

L'armement n'a cessé de se développer, des épées aux armures, du mousquet aux canons, du char égyptien antique au char moderne en passant par
le canon apparu en 1346 lors de la bataille de Crécy opposant les Français aux Anglais.
C’est durant la bataille de Fleurus de 1794 que l’on utilise la première fois des ballons pour espionner les positions ennemies.
Cette course à l'armement suscite certaines innovations technologiques, comme le télégraphe Chappe, qui permet à Carnot de communiquer avec les
armées françaises combattant sur les frontières. Ce système perdure après 1815.

Section 2. La / les guerres modernes

Df. Pour tenter de circonvenir la guerre, un droit international s'est mis en place, avec plus ou moins de réussite.

Au XIXe siècle, une étape importante vers la constitution d’un droit de la guerre a lieu en 1863 lorsque le président des États-Unis demande à un juriste,
Francis Lieber, de mettre au point une série d'instructions pour les soldats engagés dans la guerre de Sécession. C'est avec la Conférence sur la paix de
La Haye de 1899 qu'un ensemble de lois sur la guerre apparaît.

§ 1. L'encadrement de la guerre

Le droit international des conflits armés recouvre trois branches : le droit de la guerre ou droit de La Haye ; le droit international humanitaire ou droit de
Genève et le droit de la maîtrise des armements.

• Le droit de la Guerre

Il repose sur plusieurs principes. La nation qui veut déclarer la guerre doit déclarer le point sur lequel porte le différend et formuler ses revendications ; elle
doit accepter la médiation d'une tierce nation pour éviter le conflit armé ; elle doit déclarer la guerre, et donner un ultimatum avant de commencer une
attaque, respecter les ambassadeurs, respecter les trêves et les lieux d'asiles, ne pas nuire plus qu'il n'est nécessaire.
Deux injonctions fondamentales découlent de ce dernier principe, soit la distinction entre populations civiles et combattants, et le principe de
proportionnalité, c’est-à-dire ne recourir qu'à des violences et des moyens de violence proportionnés aux objectifs qui sont ceux d'un conflit armé
particulier. La première injonction a pour conséquence l'interdiction du meurtre des femmes et des enfants, voire de soldats ne portant pas les armes. La
seconde injonction implique d'éviter de tuer inutilement des soldats, de détruire inutilement des ressources, une fois l'objectif de la guerre atteint, et de
n'employer que des armes adaptées à ce que requiert l'objectif de guerre.
Rq. En somme, la guerre n'est pas un acte de sauvagerie, elle ne doit pas donner lieu à des cruautés sans raison, à des actes de violence
inutiles : tout n'est pas permis, même si la guerre sort du cours ordinaire du gouvernement, car elle relève d'un objectif politique que s'est donné
la puissance gouvernante.

Enfin, en cas de succès, il faut s'en tenir aux buts de guerre, traiter avec l'ennemi, et accepter la paix lorsqu'on a obtenu satisfaction.

Ce système repose sur l'idée qu'il existe un droit de la guerre qui concerne d'une part, le jus ad bellum, soit le droit de faire la guerre ou d'entrer en guerre,
supposant un motif légitime, et elle suppose également une déclaration de guerre qui prévient l'adversaire : la guerre est un acte loyal ; et d'autre part,
le jus in bello, soit le droit pendant la guerre, qui implique de se comporter en soldats investis d'une mission pour laquelle toutes les violences ne sont pas
autorisées.

• Le droit international humanitaire

Il se fonde sur un grand nombre de traités, en particulier sur les 


Conventions de Genève de 1949 
et leurs Protocoles additionnels, ainsi que sur une série d’autres traités ayant trait à des aspects spécifiques du droit. Il existe par ailleurs un ensemble
considérable de règles coutumières qui lient tous les États et toutes les parties qui participent à un conflit.
Si le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est le gardien du droit international humanitaire et le défenseur des victimes de la guerre, la mise en
œuvre des Conventions de Genève relève de la responsabilité des États parties à un conflit, qui s'engagent à « respecter et faire respecter » cette
Convention « en toutes circonstances ». Le statut de la Cour pénale internationale (CPI) prévoit qu'elle juge les crimes de guerre, c'est-à-dire les infractions
graves définies comme telles dans les Conventions de Genève. La Cour internationale de justice (CIJ) peut être appelée à se prononcer sur l'applicabilité
de la IVe Convention sur un territoire occupé. Elle l'a fait à titre consultatif à propos des territoires palestiniens occupés.

• Le droit de la maîtrise des armements

Il regroupe les conventions internationales interdisant, limitant ou réglementant l’emploi de certaines armes et munitions (armes chimiques et biologiques,
mines antipersonnel, balles explosives, etc.).

Rq. C'est une vieille idée : en 1139, le pape interdit l'utilisation des arbalètes dans les combats entre chrétiens ; il s'agit de la première
tentative de contrôler l'armement.

Le droit de la maîtrise des armements complète les traités internationaux relatifs au désarmement. En effet, si le désarmement général et complet,
développé sans succès par la SDN puis par l'ONU, n'a pas abouti, les deux grandes puissances de la Guerre Froide ont imposé la maîtrise des armements
(avec plus ou moins de succès) pour favoriser la dissuasion et le statu quo. Plusieurs accords ont été signés en ce sens mais ils sont difficiles à négocier et
posent un important problème de surveillance. Le Traité de non-prolifération des armes nucléaires, signé en 1968 entre les États-Unis, l'URSS et le
Royaume-Uni a été peu respecté.

La Communauté internationale s'est alors posé un nouveau défi, réglementer le commerce des armes. Il s'agit, outre l’interdiction de certains types
d'armes, de rendre plus transparent un commerce international qui demeure secret et opaque.
Ces efforts sont partis de la campagne « Contrôlez les armes » lancée par un collectif d'ONG et ont abouti en 2006 au vote d'une résolution de l'ONU
devant permettre de réguler le commerce des armes entre États et de prévenir les trafics illicites. Cependant, en juillet 2012, les États-Unis, la Russie et la
Chine ont fait ajourner la signature du traité, et ce malgré un large consensus en sa faveur.

Au fond, seule l'agression place un État en état de légitime défense prévu par la charte de l'ONU et lui permet de réagir.

Df. La guerre préemptive, qui consiste à contrer une agression imminente en anticipant le conflit est considérée comme légitime. En revanche, la
guerre préventive, qui se justifie par une menace potentielle et susceptible de se concrétiser dans un temps plus lointain, n'est pas considérée comme
légitime. Cette distinction, entre deux types de guerres qui anticipent un conflit, a pris toute son importance à propos de l'Irak en 2003 : les
partisans de cette guerre la qualifiaient de préemptive, ses opposants de préventive (et donc illégitime). L’absence d'armes de destruction massive a
donné raison à ces derniers.

Cependant, le recours à la force d'un État peut être rendu légitime s'il défend une « cause juste ». L'idée du droit d’ingérence contre les tyrans et
oppresseurs, en violation de la souveraineté nationale, est mise en pratique.

Ex. Elle a justifié l’action de l’OTAN en Serbie en 1999 sans l’aval du Conseil de Sécurité de l’ONU. En 2003, cette notion a partiellement fait
accepter l’invasion de l’Irak par les États-Unis et leurs alliés, en passant outre le Conseil de Sécurité de l’ONU.

§ 2. Les conflits contemporains

Trois voies d'interprétation principales de l'organisation ou de la désorganisation du monde se sont dégagées depuis dix ans.

• Une première tendance estime que la constitution d'un monde politiquement unifié est en cours, tant par l'effet de la mondialisation que par la
généralisation des aspirations démocratiques.

• Une deuxième approche estime que, du point de vue de la puissance militaire, le monde se polarisera en quelques ensembles régionaux dans
lesquels les USA, le Japon, la Chine ou la Russie joueront un rôle capital.

• Une troisième tendance prévoit la généralisation des guerres civiles, ethniques, religieuses ou nationales, en même temps qu'une
décomposition interne des États sous l'effet du terrorisme ou de dérives mafieuses.

Bien sûr, ces trois analyses ne sont pas exclusives les unes des autres. De plus, la dimension économique des conflits, et notamment l'accès aux matières
premières et aux ressources hydrauliques, risque de provoquer davantage de conflits.
Rq. Le problème est que les dispositions d'encadrement de la guerre ne sont plus adaptées à la guerre moderne.
Ainsi, certains critiques ont suggéré que les Conventions de Genève, qui ne s'appliquent qu’aux conflits armés internationaux (à l'exception de l'article
3 commun aux quatre Conventions, qui couvre également les conflits armés non internationaux) n'étaient plus adaptées aux types de guerres
contemporaines qui opposent les armées régulières aux groupes armés, à une époque où la plupart des conflits ont lieu au sein des États et non entre
eux.
Les partisans des traités, dont le Comité international de la Croix-Rouge, soutiennent que les règles sont toujours pertinentes et que les Conventions,
ainsi que leurs Protocoles additionnels, continuent de fournir le meilleur cadre disponible pour protéger les civils et les personnes qui ne combattent
plus.
Malgré l'enthousiasme des partisans du droit international, force est de constater que ces règles sont respectées quand les États le veulent bien (les
États-Unis refusent d'appliquer aux combattants détenus à Guantánamo la convention de Genève relative aux prisonniers de guerre) et de toutes
façons, elles ne s’appliquent pas aux groupes armés qui ne les ont pas reconnues officiellement.

Car la nature des conflits a changé.


Pendant la Guerre Froide, un équilibre mondial se met en place, une bipolarisation du monde, dominée par deux États géants dotés d’armes absolues. Les
menaces étaient alors lourdes, stables.
Une fois cet équilibre aboli, à partir de 1991, de nouveaux conflits sont apparus. Ces conflits, généralement identitaires ont abouti à des revendications
territoriales qui ont divisé ou même fait imploser certains États (l'ex-Yougoslavie par exemple). Aux guerres classiques obéissant à certains codes ont
succédé des guerres nouvelles, la plupart du temps, des conflits locaux qui s’émancipent des règles martiales. Ces conflits ne sont plus liés à la
décolonisation ou à la domination d'une superpuissance ; ils sont caractérisés par le rôle important des acteurs non-gouvernementaux et la fragmentation
de la violence au sein même de la société civile.

Un pluralisme politique, religieux, économique s’est développé ; le danger est devenu diffus, rapide, fugace. Hier structurées et hiérarchisées, les entités
dangereuses sont désormais dispersées, indépendantes, rendues presque invisibles lorsqu'elles se fondent dans la population civile. La guerre ne se fait
plus (ou presque plus) entre États mais entre une coalition d’états et une ou des entités nomades, déterritorialisées et transnationales.

De plus, la distinction traditionnelle faite entre les phases de conflit et de post-conflit est remise en cause car ces violences non-étatiques ont tendance à
perdurer malgré des accords de paix formels. Ainsi, la signature d'un accord de paix en 2006 pour trouver une issue au conflit du Darfour n'a pas arrêté les
hostilités entre les factions et les groupes tribaux.

La situation est d'autant plus complexe que la guerre s'est, dans une certaine mesure, privatisée.
L'évolution des activités mercenaires est spectaculaire. Elles sont devenues des entreprises militaires et de sécurité privée légalement constituées au sein
d’Etats démocratiques. Or, la sous-traitance des tâches militaires pose le problème fondamental de la divergence des intérêts entre les États et les sociétés
de mercenaires et le contrôle de ces services.

La logique des conflits n’est plus linéaire,


il n’y a pas ou peu de front constitué mais des actions soudaines, dispersées, dont les civils sont plus affectés. Ainsi, des milices ou des bandes armées
entreprennent ici et là de contrôler des populations par intimidation, corruption ou violence et se livrent à des pillages, au racket ou à la contrebande. En
réaction, les États adoptent des sanctions, des embargos, des mesures punitives (comme des bombardements par exemple). Aux chefs de guerre
classiques se sont substitués les seigneurs de guerre, plus nombreux, plus insaisissables aussi.

Ex. L'exemple le plus frappant est celui de l’Etat Islamique.


Il s’agit d’une organisation islamique qui a proclamé le 29 juin 2014 l'instauration d'un califat sur les territoires irakiens et syriens qu'elle contrôle. Son
essor est notamment lié aux déstabilisations géopolitiques causées par les guerres en Irak puis en Syrie. L'État islamique est classé comme
organisation terroriste par de nombreux États et est accusé par les Nations unies, la Ligue arabe, les États-Unis et l'Union européenne d'être
responsable de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, de nettoyage ethnique et de génocide. Il pratique également la destruction
systématique des vestiges du passé multi millénaire dans le périmètre fluctuant des régions qu'il contrôle par les armes.
Depuis août 2014, une coalition internationale de vingt-deux pays intervient militairement contre cette organisation. Il s'agit donc d'une guerre inédite
de vingt-deux États contre une entité religieuse et politique autoproclamée qui s’impose par la force tout en affrontant la coalition. Et pour l'instant, la
coalition ne parvient pas à circonvenir l'action de Daesh, malgré des frappes aériennes nombreuses et malgré l'intervention récente de la Russie.

Les États et l’ONU se veulent des pacificateurs, ils souhaitent instaurer une paix mondiale.
La Communauté internationale est ainsi conduite à créer les structures élémentaires de paix et de sécurité, et à assumer des responsabilités qui relèvent
normalement des affaires intérieures des États. En revanche, certaines organisations non gouvernementales cherchent à créer du désordre, à défier le
pouvoir de l’État et à médiatiser leurs actions pour pouvoir ensuite imposer leur autorité.

De nouveaux mythes apparaissent, ceux de la guerre propre et de la guerre zéro-mort.


Les bombardements stratégiques, les frappes chirurgicales sont censés y parvenir, sans résultat (les bombardements du Kosovo ont, par leurs bavures,
fait des milliers de victimes civiles que l’OTAN prétendait vouloir protéger, intervention ni légitime ni proportionnelle, en violation avec ces deux principes du
droit humanitaire).

Sy. Avec les nouveaux moyens de guerre, non seulement les armes atomiques, mais surtout les armes électroniques, les drones, la guerre se
dépersonnalise. Ces moyens nouveaux aseptisent la guerre, la rendent commune, acceptable, d'autant plus qu'elle a lieu loin de l'Occident.

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