Cours de Droit Des Sociétés

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----------------------------------------------------------------- ESCS – Cours de « Droit des sociétés » – 2ème année – 2010/2011

Le « droit des sociétés » est l’ensemble des règles juridiques qui régissent la
constitution, le fonctionnement, la dissolution des sociétés ainsi que leur restructuration et
groupement. Ces sociétés sont des acteurs principaux de la vie des affaires et constituent
des instruments indispensables de l’économie moderne. Elles traduisent le phénomène de
concentration et d’union économique qui exige l’association de plusieurs personnes afin
de créer une force économique susceptible de s’imposer à la concurrence.
L’importance qu’acquièrent ces entités appelle à s’interroger sur leur définition
(I), nature juridique (II), classification (III) et réglementation (IV).
I- Définition de la « société »
La notion de « société » a évolué au fil du temps (1). Cette notion doit être
distinguée des notions voisines (2).
(1) – Evolution de la notion de société
Le législateur tunisien a définit la notion de « société », d’une manière générale,
depuis 1906 au sein de l’article 1249 du Code des obligations et des contrats (C.O.C.)
comme étant : « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs biens
ou leur travail ou tous les deux à la fois en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Cette
définition s’appliquait, avant, aux sociétés civiles et commerciales. Elle n’est valable
aujourd’hui que pour les sociétés civiles.
Pour les sociétés commerciales, cette définition a été mise à jour en 2000 avec la
promulgation du Code des sociétés commerciales (C.S.C.). Son article 2 alinéa premier
dispose que la société commerciale est « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes
conviennent d’affecter en commun leurs apports, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de
l’économie qui pourrait résulter de son activité ». Cependant, l’alinéa 2 du même article
ajoute que la société commerciale peut être constituée par un associé unique et cite
l’exemple de la société unipersonnelle à responsabilité limitée (SUARL).
Cette définition appelle les observations suivantes. D’une part, le législateur de
2000 a élargit l’organe. La société commerciale peut résulter, exceptionnellement, d’un
acte unilatéral. Elle ne suppose pas forcément une pluralité de personnes mais un

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associé unique suffit. D’autre part, il a élargit la finalité de la société commerciale. Elle
ne vise pas seulement la réalisation de bénéfices en augmentant l’actif et le partage de
ces bénéfices entre les associés mais encore la réalisation d’économies en empêchant
l’actif social de diminuer (EX. : constitution d’une société pour fabriquer des pièces
accessoires à un coût moins cher au lieu de déléguer leur fabrication à un sous traitant).
(2) – Notions voisines
La notion de « société » doit être distinguée de notions voisines.
En premier lieu, la « société » diffère de « l’association » par sa finalité. En
effet, « l’association » est « une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en
commun, de façon permanente, leurs connaissances ou leurs activités, dans un but autre que de
partager des bénéfices » (article 1 de la loi du 7/11/1959 sur les associations).
En second lieu, la « société » diffère de « l’entreprise » par sa nature et forme.
« L’entreprise » est une notion économique reconnue par le législateur, qui désigne
« l’ensemble de moyens humain et matériel visant la réalisation d’une activité économique ». Elle
peut prendre une forme sociétaire comme elle peut prendre une forme individuelle.
Cette seconde forme d’exploitation est plus fréquente pour des activités de petite
dimension. Sa constitution est simple et sa gestion est libre. Il est à noter cependant
que la différence entre ces deux entités a été atténuée avec l’apparition en 2000 de la
société unipersonnelle à responsabilité limitée qui ressemble, dans sa forme, à
l’entreprise individuelle.
II- Classification des « sociétés »
Les sociétés sont nombreuses et variées. On peut citer différentes catégories de
sociétés opérant sur le marché. Il en est ainsi des sociétés étrangères ou sociétés
nationales, sociétés internationales ou multinationales, sociétés publiques ou semi
étatiques, sociétés résidentes ou non résidentes, etc.
Ces différents types de sociétés ne nous concernent pas dans le cadre limité de
ce cours. On s’intéresse plutôt des sociétés nationales privées. On peut les classer en
des sociétés civiles et des sociétés commerciales (1) ou en des sociétés de personnes,
de capitaux ou hybrides (2).
D’autres classifications sont possibles basées sur le critère de la personnalité
morale (faute d’immatriculation au registre de commerce, la société en participation est

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dépourvue de la personnalité morale), ou le critère du nombre d’associés (la SUARL


est la seule société qui n’exige pas une pluralité d’associés), etc.
1- Société civile, société commerciale
Selon la nature de leur activité, les sociétés peuvent être civiles ou commerciales.
Deux questions se posent : quels sont les critères de distinction (a) et quel est l’intérêt
de la distinction (b).
(a) – Critères de distinction
La société qui n’est pas commerciale est automatiquement une société civile. Le
législateur tunisien a définit d’une manière large la commercialité d’une société. La
société est commerciale soit par la forme (a-1), soit par l’objet (a-2).
(a-1) – Critère de l’objet social
La société est commerciale lorsque l’activité qu’elle exerce et qui est inscrite
dans son objet social est une activité commerciale. L’expression « commerce », dans le
langage courant, désigne toute activité qui consiste à acheter pour vendre. Dans le
langage juridique, elle est définie de manière plus large. Elle désigne l’ensemble des
activités permettant aux richesses de passer des producteurs aux consommateurs.
L’activité est commerciale d’une part, lorsqu’elle consiste, au sens de l’article 2 du
Code de commerce (C.C.), en une activité de spéculation, entremise, circulation ou
production exception faite de l’activité agricole, des professions libérales et des
activités artisanales (Loi n° 15 du 16/2/2005 relative à l’organisation du secteur des
métiers). D’autre part, lorsqu’elle est exercée, en application de l’article 3 du C.C. à
titre professionnel et dans le but de réaliser des bénéfices. Il faut ajouter, par ailleurs,
au sens de l’article 4 du C.C., qu’est considérée commerciale toute activité accessoire,
même civile, accomplie pour les besoins des activités précédentes.
(a-2) – Critère de la forme sociale
La société peut être également commerciale par la forme si elle adopte l’une des
formes juridiques suivantes et quelque soit son objet, même civil : société à responsabilité
limitée SARL, société en commandite par action SCA, société anonyme SA (article 7 du
CSC) ou société unipersonnelle à responsabilité limitée (article 150 du CSC).
(b) – Intérêt de la distinction

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La distinction est intéressante à plusieurs points de vue. Le droit applicable à ces


deux types de sociétés est différent (b-1). Les droits et obligations de chaque entité
diffèrent (b-2).
(b-1) – Droit applicable
Les sociétés commerciales sont régies par des règles spéciales contenues dans le
C.S.C. et par les règles générales du COC relatives aux sociétés. Certaines sociétés
particulières sont soumises à des textes spéciaux leur prévoyant un statut spécifique,
comme les sociétés d’investissement, les sociétés à capital variable, etc.
La société est civile lorsqu’elle n’est pas commerciale. En effet, toute société qui
n’est pas commerciale est civile. Les sociétés civiles sont régies par les articles 1249 et
suivants du COC. Ces articles s’appliquent également aux sociétés commerciales. Ils
constituent le droit commun des sociétés. Parmi les sociétés civiles le COC cite les
sociétés agricoles (art. 1365), les sociétés coopératives de travail (art. 1442), les sociétés
fudiciaires (art. 1284)…
La société civile diffère de la société commerciale. D’une part, sa constitution
est plus souple. D’autre part, son organisation est du fait des associés qui sont libre de
choisir le mode de contrôle et de gestion.
(b-2) – Droits et obligations
Contrairement à la société civile, la société commerciale bénéficie de certains
droits spécifiques. D’abord, elle peut avoir droit à un fonds de commerce. Ensuite, en
cas de cessation du paiement, elle a droit à l’application de procédures collectives.
Enfin, En cas de litige, elle est soumise à la compétence de la chambre commerciale du
Tribunal de première instance (article 40 du Code des procédures civiles et
commerciales (C.P.C.C.).
La société commerciale est, en revanche, soumise à des obligations propres.
D’une part, elle est obligée de tenir une comptabilité commerciale (article 7 du C.C. et
Loi n° 112-30 du 30/12/1996 relative au système comptable des entreprises). D’autre
part, elle est obligée de s’immatriculer au registre de commerce du Tribunal de
première instance dans le ressort duquel se trouve son siège social (article 4 du C.SC.).
En pratique, les sociétés civiles sont peu répondues et de peu d’importance. Les
sociétés commerciales constituent des instruments indispensables et des acteurs

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principaux de l’économie moderne. Ce type de groupement mérite l’attention. C’est


pourquoi notre cours se limitera à l’étude du régime juridique relatif à ces sociétés
commerciales.
2- Société de personnes, de capitaux ou hybride
Il faut commencer par observer que toutes les sociétés civiles sont des sociétés
de personnes. En revanche, les sociétés commerciales peuvent être des sociétés de
personnes (a), de capitaux (b) ou hybrides (c). Il est utile de souligner que cette
distinction est flexible. Elle peut être atténuée, en pratique, par le jeu de clauses
statutaires aménageant, dans les limites légales, le contenu de la distinction telle que
prévue par les textes.
(a) - La société de personnes
C’est une société dans laquelle les rapports personnels et la qualité de la
personne de l’associé sont fondamentaux. Cette société repose sur l’intuitus personae.
Il en est ainsi de la société au nom collectif (art. 54 -66 CSC), la société en commandite
simple (art. 67-76) et la société en participation (art. 77- 89).
Ces sociétés ont les caractéristiques suivantes : d’abord, les associés se
connaissent personnellement. Ensuite, l’associé ne peut céder ses parts sociales sans le
consentement de tous les autres associés. Encore, la faillite, le décés ou l’incapacité de
l’un des associés peut conduire à la dissolution de la société, sauf délibération unanime
de continuer. Enfin, la responsabilité des associés pour les dettes sociales est
personnelle, solidaire et non limitée au capital social mais s’étend sur leur patrimoine
personnel.
(b) - La société de capitaux ou par action
Contrairement à la société de personnes, la société de capitaux est une structure
dépersonnalisée. En effet, dans cette société l’élément important n’est pas la personne
de l’associé mais plutôt l’apport au capital. Cette société repose sur l’intuitus pecuniae.
Il en est ainsi de la société anonyme et la société en commandite par action.
Ces sociétés se caractérisent d’abord par le fait que les associés ne se
connaissent pas forcément. Ensuite, la négociabilité des actions est libre et intervient
sans le consentement des autres associés. Par ailleurs, les évènements qui touchent un
associé, tels que le décès, l’incapacité, etc., sont sans effet sur l’existence de la société.

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Enfin, La responsabilité des associés est limitée à leur apport. Les créanciers sociaux
ne peuvent pas poursuivre le patrimoine personnel des associés.
(c) - La société hybride
C’est une société qui est à cheval entre la société de personnes et la société de
capitaux. Le législateur a prévu une seule forme de société hybride, à savoir la société à
responsabilité limitée (SARL et SUARL). Son régime juridique emprunte, à la fois, du
régime de la société de personnes et de la société de capitaux. Elle s’apparente à la
première en ce sens que la personne de l’associé importe. En effet, les parts sociales ne
peuvent être cédées qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant
au moins les trois quarts du capital social (article 109 alinéa 1 du C.S.C.). Elle
s’approche de la seconde en ce sens que la responsabilité des associés est limitée à leur
apport.
III- Règlementation des « sociétés »
La réglementation des « sociétés » en Tunisie est une réglementation nationale.
Elle a connue une évolution en trois étapes différentes, à savoir : la phase antérieure à
l’indépendance (1), la phase postérieure à l’indépendance (2) et la phase postérieure à
la promulgation du C.S.C. (3).
(1) – Phase antérieure à l’indépendance
Le premier texte règlementant les sociétés en Tunisie est le C.O.C. promulgué le
15/12/1906 et toujours en vigueur. Dans son titre IX contenant les articles 1226-1451,
il a régit les sociétés civiles principalement et les sociétés commerciales accessoirement,
à défaut d’un texte particulier. Il a règlementé quelques formes de sociétés civiles à
vocation essentiellement agricole. Ce texte fondamental a été complété par des décrets
beylicaux insérant la réglementation française relative aux sociétés commerciales dans
le droit tunisien. C’est le droit français, en cette période, qui a été appliqué en Tunisie.
On peut citer à titre indicatif, d’abord, le décret du 28/2/1930 relatif aux sociétés de
capitaux. On cite, ensuite, le décret du 5/5/1930 instituant les SARL. On cite, enfin, le
décret du 23/2/1950 relatif aux formalités de publicité.

(2) – Phase postérieure à l’indépendance

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Après l’indépendance du pays, le législateur a unifié les textes éparpillés


régissant les sociétés commerciales en Tunisie. L’unification a eu lieu par la loi n° 59
du 5/10/1959 portant promulgation du Code de commerce. Ce Code a prévu un titre
3 relatif aux sociétés commerciales. Ce texte qui s’est avéré lacuneux fut complété par
plusieurs textes éparpillés en 1988 et 1992.
(3) – Phase postérieure à la promulgation du C.S.C.
La dispersion des textes a conduit le législateur tunisien à les rassembler et les
promulguer dans un code unique. Une refonte totale du droit des sociétés
commerciales a vu le jour avec l’avènement du Code des sociétés commerciales
promulgué par la loi n° 93 du 3/11/2000 abrogeant les articles de 14 à 188 du C.C.
Les anciennes dispositions du code de commerce relatives aux sociétés sont abrogées
et remplacées. Ce nouveau Code a été par la suite modifié et complété par plusieurs
textes postérieurs à maintes reprises afin de le mettre en harmonie avec l’évolution de
la réalité. Il s’agit, d’abord, de la loi n° 117 du 6/11/2001 ajoutant un titre 6 au C.S.C.
intitulé : « Groupe de sociétés ». Il s’agit, ensuite, de la loi n° 12 du 26/1/2005 relative
à la réduction du montant de constitution des sociétés. Il s’agit, encore, de la loi n° 65
du 27/7/2005 relative au comblement des insuffisances du texte de 2000. Il s’agit, par
ailleurs, de la loi n° 96 du 18/10/2005 relative au renforcement de la sécurité
financière. Il s’agit, au surplus, de la loi n° 69 du 27/12/2007 relative à l’initiative
économique. Il s’agit, aussi, de la loi n° 01 du 5/1/2009 relative au groupe de sociétés.
Il s’agit, enfin, de la loi n° 16 du 16/3/2009 qui a modifié plusieurs articles du C.S.C.
Ce Code est actuellement composé de cinq livres relatifs à des dispositions communes
aux différentes formes de sociétés, sociétés de personnes, sociétés à responsabilité limitée,
sociétés par actions, fusions scissions, transformation et groupements de sociétés.
Les règles du COC relatives aux sociétés demeurent applicables même après la
promulgation du CSC. Ces règles constituant le droit commun des sociétés en général
ont toujours une vocation subsidiaire à régir les sociétés commerciales.
IV- Plan du cours
Le législateur tunisien a adhéré, au sein du C.S.C., à la classification des sociétés
commerciales en des sociétés de personnes, de capitaux et sociétés à responsabilité limitée. Il a
prévu des règles communes aux différentes formes de sociétés relatives à leur constitution,

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fonctionnement et dissolution dans les articles 1 à 53. Il a prévu, également, des règles
spécifiques à chaque forme de société. En effet, les sociétés de personnes sont régies par les
articles 54 à 89. Les sociétés à responsabilité limitée sont règlementées par les articles 90 à 159.
Les sociétés de capitaux sont règlementées par les articles 160 à 407 du C.S.C.
Ce cours, préparé en coordination avec le cours de « droit des affaires » déjà
enseigné aux étudiants de la deuxième année, ne traitera pas les règles communes ni les
règles spécifiques aux sociétés de personnes, qui ont fait l’objet du cours de droit des
affaires. Ce cours se limite à l’étude des règles spécifiques aux sociétés à responsabilité
limitée. Il s’agit d’étudier, d’abord, les sociétés pluripersonnelles à responsabilité limitée
(Partie 1). Il s’agit d’étudier, ensuite, les sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée
(Partie 2). Il s’agit d’étudier, enfin, la répression pénale dans la S.A.R.L. (Partie 3).

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L’examen de cette forme sociale porte successivement sur sa constitution (Chapitre 1),
son fonctionnement (Chapitre 2), sa transformation (Chapitre 3), sa cession (Chapitre 4) et sa
dissolution (Chapitre 5).
Chapitre 1

La SARL n’est valablement constituée que si elle respecte certaines conditions (Section
1). L’irrespect de ces conditions implique des sanctions (Section 2). Un régime spécial s’applique
pour la constitution de SARL en ligne (Section 3).
Section 1- Les conditions de constitution
La constitution de la SARL pluripersonnelle est soumise à des conditions générales qui
s’appliquent à toutes les formes de société (ces conditions sont étudiées dans le cours de droit des
affaires mentionnés plus haut à l’introduction). Elle est également soumise à des conditions
particulières spécifiques à cette forme sociale. Ces conditions particulières sont soit des
conditions de fond (Sous section 1), soit des conditions de forme (Sous section 2).
Sous section 1- Les conditions de fond
Ces conditions sont relatives à l’objet social (Paragraphe 1), au capital social (Paragraphe
2) et au nombre d’associé (Paragraphe 3).
Paragraphe 1- L’objet social
La SARL peut, en principe, exercer toute activité civile ou commerciale. Toutefois,
l’article 94 du C.S.C. interdit à la SARL d’exercer une activité d’assurance, de banque et autre
institution financière ou établissement de crédit sous peine de nullité.
Paragraphe 2- Le capital social
Le législateur n’a pas imposé un capital maximum. Par contre, il a exigé un capital minimum.
En 1959 le Code de commerce exige un minimum de 300 dinars pour les sociétés de presse et 1000
dinars pour les autres. En 2000, avec la promulgation du C.S.C., ce capital a été ramené à 5.000 D
pour les sociétés de presse et 10.000D pour les autres. En 2005 (loi n° 12 du 26/1/2005), ce minimum
a été unifié à 1.000D. En 2007, la loi n° 69 du 27/12/2007 relative à l’initiative économique a
supprimé toute exigence de capital minimum. Le choix est libre pour les associés.
Le capital est composé d’apport en numéraire et en nature. L’évaluation de l’apport en nature
s’effectue selon l’article 100 du CSC. Si la valeur de l’apport ne dépasse pas 3000 D, l’évaluation
peut être faite par les associés. Si la valeur dépasse ce montant, elle doit être faite par un commissaire
aux apports désigné par les associés ou par un le président du Tribunal de première instance à la
demande d’un associé par une ordonnance sur requête.

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Le capital doit être intégralement souscrit et libéré et déposé dans compte bancaire de la
société. Le gérant ne peut retirer ces fonds qu’après l’immatriculation de la société, d’après l’article
98 du CSC.
Paragraphe 3- Le nombre d’associés
L’article 93 du CSC prévoit un nombre maximum d’associés qui ne peut dépasser 50. S’il le
dépasse, la SARL doit se transformer en une société par actions dans un délai de un an ou réduire le
nombre. A défaut, tout intéressé peut demander la dissolution judiciaire de la société.
Le nombre minimum d’associé ne peut être inférieur à deux. Si les parts sociales se réunissent
entre les mains d’une seule personne, la société se transforme en une SUARL, d’après l’article 93 du
CSC.
Sous section 2- Les conditions de forme
La SARL doit obéir aux conditions de forme communes ainsi qu’à des conditions de
forme particulières. Ces conditions particulières ont trait à l’acte constitutif (Paragraphe 1) et à la
procédure de constitution (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 – La préparation de l’acte constitutif
La constitution de la SARL exige la rédaction d’un écrit. L’écrit doit être signé par tous
les associés ou leur mandataire (Art. 96 al. 1). S’il y a un apport d’un immeuble immatriculé,
l’écrit doit être rédigé selon l’article 377 et ss. Du CDR. S’il y a un apport d’un fonds de
commerce, l’écrit doit être rédigé conformément à l’article 190 du C.C.
Cet écrit doit contenir des mentions obligatoires. En plus des mentions communes prévues
à l’article 9 du CSC relatives à la forme, durée, dénomination sociale, siège social, objet social,
capital social, etc., le statut de la SARL doit contenir des mentions particulières prévues à l’article
91, 96, 97et 100 du CSC. Il s’agit, notamment, de la répartition des apports en numéraire et en
nature et leur évaluation, l’indication de l’institution bancaire et financière habilitée à recevoir les
apports en numéraire, l’indication des modalités de libération, du gérant et de la date de clôture
des états financiers annuels, l’identité des associés, l’indication de la répartition intégrale des
parts représentants des apports en numéraire ou en nature et la libération totale de leur valeur, etc.
Toute SARL constituée en violation des articles 93 à 100 est nulle d’après l’article 104 du CSC.
Paragraphe 2 – La procédure de constitution
La SARL obéit à des procédures générales de constitution valable avec toutes les formes
de sociétés. Cependant certaine spécificité se manifeste. En effet, l‘immatriculation de la SARL
au registre de commerce s’effectue selon les procédures et les délais prévues aux règles
communes (article 14 du CSC). L’article 103 du CSC précise dans son alinéa premier qu’à défaut

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d’immatriculation, la SARL est considérée comme une société à responsabilité limitée en cours
de construction. Elle est soumise au régime de la société en nom collectif de fait.
Section 2 – Les sanctions d’inobservation des règles de constitution
Les sanctions sont de deux types. Elles rappellent les sanctions communes.
D’une part, l’inobservation des règles posées par les articles 93 à 100 du CSC est
sanctionnée d’après l’article 104 du CSC par la nullité. La société nulle ne disparaît pas. Elle est
considérée comme une société au nom collectif afin de ne pas nuire aux tiers. Les associés sont
alors personnellement et solidairement responsables. La régularisation est possible. Elle
s’effectue par les associés. Elle peut s’effectuer par tout intéresser si la nullité est fondée sur la
violation d’une règle de publicité. Ce dernier doit agir en référé pour désigner un mandataire qui
se charge de la régularisation en application de l’article 108 du CSC.
D’autre part, les règles de la responsabilité seront mises en jeu. La responsabilité peut être
civile. Les gérants et les associés auxquels la nullité est imputable sont solidairement
responsables à l’égard des autres associés et des tiers des dommages issus de l’annulation. Elle
peut pénale. L’article 146 du CSC sanctionne par l’emprisonnement les associés faisant de
fausses déclarations dans les statuts ou toute personne attribuant de mauvaise foi aux apports en
nature une valeur supérieure à leur valeur réelle.
Section 3 – La constitution d’une SARL en ligne
La loi n° 89 du 31/12/2004 relative aux procédures de constitution de société en ligne a
autorisé la constitution de certaines formes de société en ligne. Il s’agit de la SARL, la SUARL et
la SA sous le respect de certaines conditions. D’abord, la société doit exercer une activité régie
par les dispositions du Code d’incitation aux investissements promulgué par la loi n° 120 du
27/12/1993. Parmi ces activités, on cite : l’agriculture et pêche, artisanat, tourisme, formation
professionnelle, transport, environnement, etc. D’autre part, le capital social de la société ne doit
pas comporter des apports en nature parce que la constitution en ligne suppose que l’opération
soit dématérialisée.
La constitution et l’échange de documents nécessaires et le paiement des droits exigibles
auront lieu par des moyens électroniques fiables conformément à la législation en vigueur relative
aux échanges électroniques promulguée par la loi n° 83 du 09/8/2000. La constitution par voie
électronique dispense de la présentation sur papier des documents nécessaires à l’organe
responsable de cette tâche à savoir l’API.

Chapitre 2

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Pour que la SARL fonctionne, plusieurs organes doivent intervenir à savoir, l’organe de gestion
ou gérant (Section 1), les organes de délibération (Section 2) et les organes de contrôle (Section 3).
Section 1 – Le gérant de la SARL
Plusieurs questions méritent l’étude à savoir le statut du gérant (Sous section 1), le rôle du
gérant (Sous section 2) et la responsabilité du gérant (Sous section 3).
Sous section 1 – Le statut du gérant
Ce statut se caractérise par des règles relatives à sa nomination (Paragraphe 1) et à la
cessation de ses fonctions (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 – Nomination du gérant
Les associés bénéficient d’une liberté dans le choix du gérant. Ils peuvent désigner un ou
plusieurs gérants dans les statuts (gérant statutaire) ou par acte postérieur (gérant non statutaire).
Il peut être désigné parmi les associés ou les tiers. Le gérant peut exercer sa fonction à titre
salarié ou gratuit. La rémunération du gérant peut être fixée par les statuts ou par le délibération
des associés. Elle peut être fixe, proportionnelle ou les deux à la fois. La durée de fonction du
gérant est fixée par les statuts ou par la décision séparée de nomination. En cas de silence, la
durée du mandat sera de trois ans renouvelable (article 112 du CSC).
On note, cependant, que la gérance ne peut être exercée que par une personne physique
d’après l’article 112 du CSC. Cette exigence se justifie par le fait que la personne morale n’a pas
d’existence physique (elle ne peut signer des contrats, négocier des transactions, etc.).
Paragraphe 2 – Cessation des fonctions du gérant
Les fonctions du gérant peuvent cesser suite à sa démission (I) ou à sa révocation (II).
(I) – La démission du gérant
Le CSC n’a pas régi cette question. Les statuts peuvent la règlementer. A défaut, deux cas
se présentent. D’une part, pour le gérant statutaire, sa démission nécessite la modification des
statuts. Elle doit être approuvée par des associés représentant les ¾ au moins du capital social
dans une assemblée générale extraordinaire d’après l’article 122 du CSC. D’autre part, pour le
gérant non statutaire, il peut démissionner sans l’approbation des associés et même avec leur
désapprobation pourvu qu’il ne porte pas préjudice à la société.
(II) – La révocation du gérant
D’après l’article 122 du CSC, la révocation du gérant statutaire est possible par une
décision des associés réunis en une assemblée générale extraordinaire et représentant au moins ¾
du capital social. Elle est possible, quant au gérant non statutaire nommé par un acte séparé, par
une décision des associés représentant la simple majorité. Le gérant associé majoritaire est, par

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conséquent, irrévocable. C’est pourquoi, l’article 122 du CSC a permit à tout associé représentant
¼ du capital social au moins de veiller à une révocation judiciaire pour cause légitime.
Sous section 2 – Les pouvoirs du gérant
Le gérant d’une SARL joue un rôle très important. C’est pourquoi il bénéficie de pouvoirs
considérables. Il convient de distinguer entre ses pouvoirs à l’égard des associés (Paragraphe 1)
et ses pouvoirs à l’égard des tiers (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 - Pouvoirs du gérant à l’égard des associés
Le gérant dispose de pouvoirs larges. Cependant, l’article 113 du CSC prévoit des
limitations de deux types. D’une part, il prévoit des limitations conventionnelles. Il autorise les
associés à fixer des limites. Ils peuvent répartir les pouvoirs de gérance entre plusieurs gérants. Ils
peuvent aussi limiter ses pouvoirs en imposant par exemple la nécessité de l’obtention de
l’autorisation préalable des associés pour les opérations importantes comme les actes de cession
des biens sociaux. D’autre part, il prévoit des limitations légales. En effet, le gérant ne peut pas
effectuer des actes ne relevant pas de l’objet social ou qui ne sont pas conformes à l’intérêt social.
Il faut remarquer que la notion « d’intérêt social » est une notion floue qui a fait l’objet
de controverse. La jurisprudence a proposé deux critères pour définir l’acte anti-social, à savoir
l’absence de contrepartie (acte ne procure aucun bénéfice à la société) et la présence d’un risque
(acte faisant courir à la société un risque anormal ou exceptionnel).
Paragraphe 2 – Pouvoirs du gérant à l’égard des tiers
Le gérant est le représentant légal de la société (art. 112 CSC). D’après l’article 114 du
CSC, qui consacre la règle de la plénitude des pouvoirs du gérant, tous les actes accomplis par le
gérant au nom de la société relevant de ses pouvoirs engagent la société à l’égard des tiers. Par
ailleurs, même si le gérant dépasse ses pouvoirs, la société demeure engagée vis-à-vis des tiers.
En effet, le gérant dépasse ses pouvoirs lorsqu’il ne respecte pas l’objet social, l’opposition d’un
co-gérant ou les limitations statutaires. C’est le principe de l’inopposabilité du dépassement à
l’égard des tiers qui découle de la théorie de l’apparence et vise à sécuriser les tiers.
Ce principe admet, toutefois, une exception. Le dépassement est, par contre, opposable au
tiers de mauvaise foi. La société peut se délier de ses engagements et annuler les actes conclus si
elle prouve que les tiers ne pouvaient pas ignorer les dépassements.
Sous section 3 – La responsabilité du gérant
On distingue la responsabilité civile (Paragraphe 1) de la responsabilité pénale (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – Responsabilité civile du gérant


La responsabilité diffère selon que la société est in bonis (I) ou en difficulté (II).

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(I) - Société in bonis


Lorsque la société est en bon état financier (= in bonis), le gérant n’est pas présumé
responsable. Pour engager sa responsabilité, envers la société, les associés ou les tiers, l’article
117 du CSC exige la preuve de sa faute. L’article 117 du CSC précise que la faute peut être une
faute de régularité (violation de la loi, des statuts ou des PV de l’AG) ou une faute de gestion.
Il est important de noter que la notion de « faute de gestion » est d’une appréciation délicate :
s’agit-il de toute simple négligence ou faut-il une faute caractérisée, une fraude ? La jurisprudence
apprécie objectivement cette faute en adoptant le standard d’un dirigeant normalement prudent et
diligent placé dans les mêmes circonstances ou encore le standard du bon père de famille.
Une fois la preuve de faute est apportée, la responsabilité du gérant est mise en œuvre,
selon l’article 118 du CSC, soit par une action individuelle (exercée par chaque associé en son
nom propre), soit par une action sociale (exercée par le gérant ou un ou plusieurs associés
regroupés au nom et pour le compte de la société).
L’exercice de l’action sociale est, en principe, de la compétence du gérant qui est le
représentant légal de la société et qui est normalement le seul habilité à agir en justice pour la
défendre. Toutefois, l’article 118 CSC a autorisé les associés à intenter ce type d’action social
lorsqu’elle vise à poursuivre le gérant même en responsabilité. Mais, cet article a prévu des
limitations. Après la réforme du 16 mars 2009, l’article 118 alinéa 2 du CSC autorise l’exercice
de cette action à l’associé unique ou les associés groupés représentant 10% du capital social
(avant la réforme, c’était 25%). Il faut atteindre ce pourcentage au moment de l’exercice de cette
action selon l’alinéa 3 de ce même article. Si ce pourcentage change après avoir intenter l’action,
l’action n’est pas éteinte.
L’article 119 du CSC donne un caractère d’ordre public à cette action. Toute clause
statutaire limitant l’exercice de l’action sociale ou y renonçant est nulle d’après cet article dans
son alinéa premier. Elle est également nulle d’une nullité absolue, toute décision de l’assemblée
générale limitant (exigeant l’accord préalable de l’AG) ou interdisant l’exercice de l’action en
responsabilité contre le gérant fautif (alinéa 2 de ce même article).
D’après l’article 120 du CSC, l’action en responsabilité (individuelle ou sociale) se
prescrit par trois ans à compter de la survenance du fait dommageable ou de sa révélation, s’il a
été dissimulé. Elle se prescrit par 10 ans, à compter de la survenance du fait dommageable ou de
sa révélation, s’il a été dissimulé, si ce fait constitue un crime.

(II) – Société en difficulté

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Lorsque la société souffre de difficultés financières et économiques, son gérant, de droit


ou de fait, est menacé de poursuites en responsabilité civile. Deux types de poursuites peuvent
être engagées à son égard.
En cas d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de faillite, le gérant
peut être rendu responsable de tout ou partie du passif social d’après l’article 121 du CSC s’il a
commit des fautes de gestion.
D’une part, l’article 121 du CSC a permis la poursuite du gérant d’une SARL par une
action en comblement de l’insuffisance d’actif social. Le législateur a instauré une présomption
de faute pèsent sur le gérant en cas d’insuffisance d’actif. C’est au gérant d’apporter la preuve de
diligence dans la gestion de la société et son respect de l’intérêt social. Il doit prouver que les
difficultés de la société ne résultent pas de sa faute mais de circonstances extérieures à son fait
comme le changement dans la conjoncture économique.
Cette action ne peut être intentée qu’en cas d’ouverture d’une procédure de règlement
judiciaire ou de faillite et qu’à la demande de l’administrateur judiciaire, du syndic de la faillite
ou de tout créancier. Le tribunal peut présumer le gérant responsable et le condamner à payer
l’insuffisance de l’actif social, partiellement ou totalement, à partir de son patrimoine personnel.
Cependant, la présomption de responsabilité est une présomption simple (= présomption
susceptible d’une preuve contraire). Ce dernier échappe à la responsabilité s’il prouve sa
diligence dans la gestion et l’absence de faute de sa part.
Ce type d’action se prescrit par trois ans à compter de la date du jugement de règlement
judiciaire ou déclaratif de faillite.
D’autre part, l’article 596 du Code du commerce a prévu la possibilité de poursuivre le
gérant de fait ou de droit par une action en extension de la faillite ouverte contre la SARL. Le
tribunal peut déclarer d’étendre la faillite à toute personne responsable, entre autres le gérant sous
certaines conditions : d’une part, lorsqu’il est prouvé qu’il a conclus des actes de commerce dans
son intérêt personnel (EX : règlement de ses dépenses personnelles au moyen de fonds sociaux).
D’autre part, lorsqu’il est prouvé qu’il a disposé des biens sociaux comme de ses propres biens
(EX : encaissement sur son compte personnel de chèque destiné à la société).
Paragraphe 2 – Responsabilité pénale du gérant
Certains comportements du gérant d’une SARL constitue des infractions et sont
sanctionnés pénalement. Il s’agit, d’une manière générale, des comportements suivants : d’abord,
le déclaration d’informations erronées et trompeuses. Ensuite, les actions contraires à l’intérêt
social. Enfin, L’abstention d’accomplir certaines obligations.
Plus spécifiquement, et d’après les articles 145, 146 et 147 du CSC, le gérant d’une SARL peut
encourir une peine d’emprisonnement et/ou d’amende dans les cas suivants : l’ouverture d’une

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souscription publique à des valeurs mobiliers, la présentation de comptes annuels ne reflétant pas la
situation véritable de la société, l’abus de biens sociaux, l’abus de pouvoir contrairement à l’intérêt
social dans un but personnel ou pour favoriser une autre société, le défaut de convocation de
l’assemblée des associés au moins une fois par an, le défaut d’établissement d’un inventaire ou rapport
de gestion pour chaque exercice, etc. (L’étude des infractions et des sanctions commises par le gérant en détails sera
faite dans le titre 3 de ce cours relatif à la « Répression pénale dans la SARL »).

Section 2 – Les organes de délibération : les assemblées des associés


Elles sont règlementées par les articles 126 à 140 du CSC. La participation personnelle ou via un
représentant des associés aux assemblées est un droit d’ordre public (article 129 du CSC). La convocation à
une assemblée générale se fait par le gérant, le commissaire aux comptes ou un ou plusieurs associés détenant
le ¼ du capital social au moins (25%). Toute clause statutaire contraire est nulle (article 127 du CSC). Tout
associé, quelque soit sa portion dans le capital social, peut, pour justes motifs, demander au juge des référés
d’ordonner la convocation d’une assemblée générale. Les décisions des AG sont obligatoires et s’imposent à
tous les associés présents, absents ou qui ont voté contre. Ces décisions doivent être enregistrées dans un procès
verbal (PV) d’AG qui doit être signé par les associés, enregistrés à la recette des finances, immatriculé et publié.
On distingue les assemblées ordinaires (Sous section 1) des assemblées extraordinaires (Sous section 2).
Sous section 1 – Les assemblées générales ordinaires
Ces assemblées se réunissent pour discuter des questions qui n’ont pas pour objet de
modifier les statuts. Une assemblée générale doit obligatoirement être tenue dans six mois de la
clôture de l’exercice. Les délibérations de cette assemblée sont adoptées suite à un vote par des
associés représentant plus de la moitié du capital social. A défaut, une seconde convocation doit
être faite. Les décisions, dans ce cas, sont adoptées à la majorité des voix des associés présents
quelque soit la proportion du capital qu’ils détiennent (article 130 du CSC). Le législateur n’a pas
fixé une liste des décisions qui devront être prises par cette assemblée.
Sous section 2 – Les assemblées générales extraordinaires
Ces assemblées statuent sur toutes les questions relatives à la modification des statuts. La
délibération de cette assemblée doit être approuvée par des associés représentant au moins les ¾
du capital social (article 131 du CSC). Les statuts ne peuvent pas prévoir une majorité supérieure
et peuvent prévoir une majorité inférieure. Certaines décisions exigent l’unanimité (EX : le
changement de la nationalité de la société – article 132 du CSC).
Section 3 – Les organes de contrôle
Il y a deux types de contrôle, à savoir un contrôle interne (Sous section 1) et un contrôle
externe (Sous section 2).

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Sous section 1 – Contrôle interne


Le contrôle « interne » est celui effectué par des personnes faisant partie de la société, à
savoir ses associés. Afin de contrôler la gestion de la société, les associés bénéficient d’un droit à
l’information et d’un droit de poser des questions écrites au gérant, notamment à l’occasion des
AG. Le gérant doit y répondre. Ces réponses sont consignées sur le PV des AG.
L’associé a, également, un droit de prendre connaissance des documents relatifs à la
gestion, comptes annuels et rapport de commissaires aux comptes concernant les trois derniers
exercices (article 128 alinéa 4 du CSC).
Sous section 2 – Contrôle externe
Le contrôle « externe » est celui effectué par des personnes extérieures à la société. Il est
possible de distinguer le contrôle de gestion (Paragraphe 1) du contrôle de comptabilité (Paragraphe 2).
Paragraphe 1- Contrôle de gestion
Ce type de contrôle constitue un contrôle subjectif et assez délicat. En effet, c’est la
vérification de la prise de bonnes décisions de gestion par le gérant. Autrement, c’est l’examen de
l’opportunité de telle ou telle opération ou acte. Il peut être effectué par un expert de gestion (I)
ou par un contrôleur de gestion (II).
(I)- Contrôle par un expert de gestion
Le législateur autorise les associés à contrôler la gestion de la SARL en demandant la
désignation d’un expert en gestion au sein de l’article 139 du CSC. Cette demande peut être faite
auprès du Tribunal de première instance siégeant en référé, par un associé ou plusieurs détenant
au moins 10% du capital social.
L’expert désigné après accomplissement de sa mission, doit notifier on rapport au gérant
de la société qui doit l’annexer au rapport du commissaire aux comptes et le présenter à l’AG
pour que les associés y prennent connaissance.
Tout associé, qui constate à partir de ce rapport une faute de gestion de la part du gérant,
peut s’appuyer sur ce rapport pour intenter une action en responsabilité contre ce dernier.
(II)- Contrôle par un contrôleur de gestion
Le droit commun autorise, par ailleurs, tout intéressé d’agir en justice pour demander la
désignation d’un contrôleur de gestion, lorsque ses droits sont menacés par un danger imminent. La
désignation peut avoir lieu par le biais d’une action en référé ou par le biais d’une ordonnance sur requête
demandant du président du TPI de nommer un contrôleur de gestion comme mesure conservatoire
destinée à éviter la commission par le gérant d’actes irréversibles portant préjudice à la société.
Paragraphe 2- Contrôle de comptabilité
Ce type de contrôle s’effectue par les professionnels neutres et impartiaux, à savoir les
commissaires aux comptes (CAC). Il s’agit d’un contrôle plutôt objectif vise à vérifier le sérieux

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de la comptabilité, sa sincérité et sa conformité aux règes comptables. Il exclut tout contrôle des
actes de gestion et de leur opportunité.
Le Code de commerce de 1959 n’a pas prévu de CAC pour les SARL. Le CSC promulgué
en 2000 a imposé, dans son article 13, la désignation d’un CAC pour toutes les sociétés
commerciales. Mais, pour les sociétés autres que les sociétés de capitaux cette désignation n’est
pas automatique. Elle est conditionnée. Le régime juridique applicable au CAC dans la SARL
(attributions, obligations, droits, responsabilités, missions…) est le même celui de la SA.
D’ailleurs l’articles 125 du CSC renvoie sur ces questions aux articles 258 à 273 du CSC relative
à la SA. Cependant, la désignation du CAC dans la SARL obéie à un régime juridique spécifique.
Il est désigné par l’AGO à la majorité simple (123 CSC), pour une période de trois ans (125 CSC)
On distingue la désignation légale (I) de la désignation conventionnelle (II).
(I)- Désignation légale du CAC
Avant 2005 l’article 123 du CSC imposait la désignation obligatoire d’un CAC dans toute
SARL dont le capital est supérieur ou égal à 20 mille dinars. La loi N° 96 du 18/10/2005 est venu
changer cette règle. Depuis l’article 13 du CSC exonère les SARL pendant le premier exercice de
la désignation d’un CAC et l’impose lorsque deux critères de trois sont remplis, à savoir : total
bilan (TB), total produits hors TVA (TPHTVA) et nombre d’employés (NE). Le décrêt N° 1546
du 06/6/2006 (annexé au CSC) a définit les chiffres comme suit :
 Si TB=100MD, TPHTVA=300MD et NE=10, la désignation d’un CAC est obligatoire. Il
peut être un comptable.
 Si TB=1500MD, TPHTVA=2000MD et NE=30, la désignation d’un CAC est obligatoire.
Il doit être un expert comptable.
(II)- Désignation conventionnelle du CAC
Le rôle du CAC est de contrôler et de garantir une transparence de la comptabilité afin de
sécuriser la société et les associés. C’est pourquoi, les associés peuvent opter pour une
désignation conventionnelle d’un CAC même dans les cas ou la loi ne les oblige pas.
Cette désignation peut être statutaire (124-2 du CSC). En cas de silence des statuts, deux
situations se présentent :
 Un ou plusieurs associés ayant 10% du Capital social peuvent demander à l’AG la
désignation d’un CAC. L’AG est libre d’accepter ou de refuser (123-2 du CSC).
 Un ou plusieurs associés ayant 20% du Capital social peuvent demander à l’AG la
désignation d’un CAC. L’AG est obligée de le désigner. A défaut, ces associés ont le
droit, d’après l’article 124-1 du CSC, de saisir le président du TPI par le biais d’une
ordonnance sur requête afin de demander la désignation d’un CAC.

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Chapitre 3

La SARL peut se transformer en d’autres formes de sociétés.


La transformation de la SARL en société en nom collectif ou société en commandite
simple ou par actions se réalise d’après l’article 143 du CSC par une décision de l’assemblée
générale extraordinaire prise à l’unanimité des associés sous peine de nullité.
La transformation de la SARL en une société anonyme peut se faire selon deux
procédures différentes. D’une part, pour la SARL ayant un capital social supérieur à cent mille
dinars, la décision de transformation est prise à la majorité des associés représentant au moins la
moitié du capital social à peine de nullité.
D’autre part, pour la SARL ayant un capital social inférieur à cent mille dinars, la
décision de transformation est prise par l’assemblée générale extraordinaire à la majorité des ¾
du capital social après présentation d’un rapport spécial sur la situation de la société élaboré par
un expert comptable ou un comptable d’après l’article 144 du CSC alinéa 2 à peine de nullité.
La SARL peut se transformer aussi en une SUARL si toutes les parts sociales se trouvent
réunies entre les mains d’une seule personne d’après l’article 93 du CSC dans son alinéa 4. Cette
transformation exige la modification des statuts relativement à la répartition des parts sociales, à
l’identité des associés, à la forme sociale, à la dénomination le cas échéant, à la gérance, etc. Elle
exige aussi le respect des formalités d’enregistrement, d’immatriculation et de publicité (article
436 du CSC).
La SARL se transforme aussi lorsque le nombre maximum des associés dépasse 50. Dans
ce cas, l’article 93-1 du CSC l’oblige de se transformer en une société par actions dans un délai
de un an à moins que le nombre soit réduit à 50. A défaut, tout intéressé peut demander la
dissolution judiciaire de cette société.
Chapitre 4

Le régime juridique de la cession dans une SARL est mixte : libre et limité. Il dépend de
la qualité du cessionnaire : un associé (Section 1) ou un tiers (Section 2).
Section 1- Cession à un associé
En principe, la cession à un associé est libre. Cette règle se justifie par le fait que les
associés se connaissent. Cette cession n’a pas besoin de l’accord des associés.

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Cependant, des limitations conventionnelles sont possibles à condition qu’elle ne soit pas
plus sévères que les limitations légales prévues par l’article 109 du CSC. Les limitations plus
sévères ne sont pas valables.
Section 1- Cession à un tiers
Le législateur n’a pas définit le « tiers ». Toutefois, la lecture des textes (notamment 141
du CSC) permet de considérer que les héritiers ne sont pas des « tiers ».
Cette cession est caractérisée par son caractère limité. On distingue les limitations légales
(Sous section 1) des limitations conventionnelles (Sous-section 2).
Sous section 1- Limitations légales
L’article 109 du CSC limite la cession à un tiers dans la SARL par la nécessité d’obtenir
l’accord des associés rassemblés dans une AGE rendu à la majorité absolue. Ce texte impose une
procédure de notification obligatoire et préalable au cédant, qui doit présenter une demande à la
société et aux associés pour les informer du projet de cession, du cessionnaire, du prix, etc. En
cas de silence pour trois mois, la cession est acceptée implicitement. En cas de refus de cession.
L’AG doit présenter une proposition d’achat par les associés eux même, par la société ou
proposer un acquéreur qu’elle accepte. Elle peut renégocier le prix, et ce dans un délai de trois
mois du refus. Si aucune proposition n’a été formulée dans ce délai, l’associé devient libre de
cèder ses parts à la personne de son choix.
Sous section 1- Limitations conventionnelles
L’article 109 du CSC autorise les associés de limiter la cession conventionnellement. Il
pose un principe selon lequel toute convention des parties contraire aux limitations légales est
nulle. Cependant, il autorise les clauses plus souples, comme la réduction des délais ou de la
majorité.
Chapitre 5

La dissolution de la SARL obéit aux règles communes de dissolution de toutes les formes
de sociétés quant à ses causes et ses effets. Toutefois, certaines règles spéciales à la SARL
s’appliquent relativement aux causes de la dissolution.
D’abord, l’article 141 alinéa 1 prévoit que le décès d’un associé n’implique pas la
dissolution de la SARL et ajoute que toute clause statutaire contraire est nulle. Ensuite, le
redressement judiciaire, la faillite ou la perte de capacité d’un associé ne conduit pas à la
dissolution de la SARL d’après l’article 142 du CSC alinéa 2. Enfin, la perte de la SARL plus de
la moitié de son capital n’entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Mais, selon
l’article 142 du CSC, une assemblée extraordinaire sera convoquée pour se prononcer soit sur la

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dissolution anticipée de la société ou l’augmentation de son capital social, soit sur la réduction du
capital social. A défaut, tout intéressé peut demander la dissolution judiciaire.

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Le CSC a introduit en 2000 cette nouvelle forme de société. Elle est constituée par l’acte
de volonté d’une seule personne. Cet associé unique décide d’affecter une partie de son
patrimoine personnel pour l’exercice d’une activité économique en vue de réaliser des bénéfices
ou des économies et de ne supporter les pertes qui peuvent en résulter que jusqu’à concurrence de
son apport.
Le choix de cette forme sociétaire est avantageux sur plusieurs plans. D’une part, il
permet de procurer à l’entrepreneur individuel une sécurité financière en lui évitant d’exposer son
patrimoine personnel à l’emprise de ses créanciers professionnels. D’autre part, il permet de
moraliser le droit des sociétés par l’élimination des sociétés fictives constituées réellement par
une seule personne qui opte pour la forme sociale dans le but de limiter sa responsabilité.
La SUARL est une variante des SARL. Elle est soumise au régime juridique de la SARL
d’après l’article 148 du CSC. Toutefois, les dispositions des articles 126 à 132 du CSC sont
inapplicables à la SUARL. Elle est aussi soumise à un régime juridique spécial lui est propre
objet des articles 148 à 159 du CSC.
Il convient d’examiner le régime spécial de la SUARL relativement à sa constitution
(Section 1), son fonctionnement (Section 2) et sa dissolution (Section 3).
Section 1 – Constitution de la SUARL
LA SUARL peut être constituée ab initio. Seule une personne physique peut créer une
SUARL. Cette personne physique ne peut être associé unique de plus d’une SUARL. Elle ne peut
être crée par une personne morale. L’associé unique est nécessairement le gérant de la société. En
cas d’apport en nature, l’associé unique désigne un commissaire aux apports. A défaut, l’associé
unique sera responsable personnellement à l’égard des tiers de la valeur attribuée à l’apport. Il
s’expose à une peine d’emprisonnement d’après l’article 158 du CSC alinéa 2. Les statuts de la
SUARL contiennent les mêmes mentions que la SARL. Ils doivent être publiés selon les mêmes
procédures suivies pour la SARL. Le capital social est réparti en parts sociales. L’associé unique
peut les céder librement dans leur totalité. A partir de la publication de la cession, la société
continue avec le nouvel associé. La cession peut être faite en faveur de plusieurs cessionnaires.
La société devient pluripersonnelle.
La SUARL peut être constituée en cours de fonctionnement de la société. Elle résulte,
dans ce cas, de la transformation d’une autre forme sociétaire suite à la réunion des parts d’une
société de personne ou une SARL entre les mains d’un seul associé.
La constitution d’une SUARL en ligne est possible. Le même régime de constitution
d’une SARL pluripersonnelle, décrit plus haut, s’applique en application de la loi n° 89 du
31/12/2004 relative aux procédures de constitution de sociétés en ligne.
Section 2 – Fonctionnement de la SUARL

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Le fonctionnement de la SUARL obéit pour l’essentiel aux mêmes règles que celles de la
SARL avec certaines adaptations.
La gérance de la SUARL est assurée par l’associé unique. L’article 154 du CSC interdit à ce
dernier de déléguer la gestion de la société à un tiers. Il a tous les pouvoirs du gérant dans une
société pluripersonnelle. La loi le soumet à des obligations précises souvent accompagnées de
sanctions pénales. Ainsi, il doit établir un rapport de gestion, un inventaire et des états financiers
auxquels il doit annexer un rapport du commissaire aux comptes s’il en existe un. A défaut, il
s’expose à une peine d’amende d’après l’article 159 du CSC. S’il présente un bilan inexact en vue
de dissimuler la situation véritable de la société, il s’expose à une peine d’emprisonnement et /ou
une amende (article 158 du CSC). Il doit aussi respecter l’autonomie patrimoniale de la société.
L’associé unique exerce les attributions normalement confiées à la collectivité des
associés. Les règles de la SARL relatives à la consultation des associés sont logiquement
écartées. C’est pourquoi l’article 153 du CSC déclare inapplicables les dispositions des articles
126 à 132 du CSC sur les assemblées générales. L’exclusion est logique. Il appartient à l’associé
unique d’exercer les pouvoirs qui reviennent aux assemblées générales dans les sociétés
pluripersonnelles. A cet effet, il est chargé d’approuver ou désapprouver les états financiers et
tous les documents relatifs à la gestion et à la comptabilité (article 153 du CSC). Il prend les
décisions relatives aux résultats. Il signe toutes les décisions et les consigne dans un registre
spécial qui doit être tenu conformément aux dispositions de l’article 154 du CSC. Tout acte prit
en violation de cet article est nul. Tout intéressé peut saisir le juge de référés en vue d’en
ordonner la suspension d’exécution d’après l’article 154 du CSC.
Section 3 – Dissolution de la SUARL
La société est dissoute par l’incapacité, la faillite ou le décès de l’associé unique. Mais, le
décès de l’associé unique n’entraîne pas nécessairement la dissolution de la société. Si l’associé
unique laisse un seul héritier, celui-ci peut continuer la société. S’il laisse plusieurs héritiers, ils
peuvent cèder leurs parts successorales à l’un d’entre eux ou continuer l’exploitation en tant que
société pluripersonnelle et modifier les statuts et procéder aux formalités de publicité nécessaires.

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Il s’agit de répondre aux questions suivantes : est ce que le droit tunisien reconnaît une
responsabilité pénale à la S.A.R.L., en tant que personne morale ? (Section 1) et quels sont les
actes objet de la répression pénale dans la SARL ? (Section 2).

Section 1 – Responsabilité pénale de la personne morale

Il est clair que la SARL régulièrement immatriculée au registre de commerce acquière la


personnalité morale. Autrement dit, avec cette formalité un être fictif va avoir naissance. La
question qui se pose est celle de savoir si le droit tunisien réprime pénalement cet être en raison
des infractions que commet son représentant ?

La réponse n’est pas aisée. Cette question problématique a fait l’objet d’une vive controverse.
La controverse a divisé ainsi la doctrine (Chapitre 1) que la législation (Chapitre 2).

Chapitre 1 – Controverse doctrinale

Deux tendances doctrinales ont vu le jour.

Une première tendance soutenait le principe d’irresponsabilité pénale de la personne


morale. Elle s’appuyait sur plusieurs arguments notamment l’impossibilité d’infliger une sanction
pénale d’emprisonnement à une personne morale dépourvue de corps et d’esprit et ne pouvant
commettre matériellement des infractions ni d’avoir une intention criminelle.

Une seconde tendance, à l’opposé, affirmait le principe de la responsabilité pénale de la


personne morale s’appuyant sur le fait que l’absence d’existence physique n’est jamais un
obstacle à l’application de sanctions pécuniaires. En effet, si la personne morale est dépourvue de
corps sur lequel on peut appliquer des sanctions physiques privatives de liberté, elle est titulaire
d’un patrimoine sur lequel on peut appliquer des sanctions monétaires.

Chapitre 2 – Controverse législative

La position prise par le législateur français (Paragraphe 1) diffère de celle prise par la
législateur tunisien (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 – Position du droit français

Depuis la réforme de 1994 par la loi n° 204 du 9 mars 2004, le nouveau Code pénal
français a consacré dans son article 121-2 d’une manière claire et expresse une responsabilité
pénale générale des personnes morales pour toutes les infractions commises par leurs
représentants. Cet article dispose, en effet, que : « les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat,
sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou
représentants ».

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Depuis cette date, les sociétés en droit français, entre autres la S.A.R.L., assument une
responsabilité pénale générale pour les comportements de leurs représentants constituants une
infraction pénale. Il en est différemment pour le droit tunisien.

Paragraphe 2 – Position du droit tunisien

La position du droit tunisien sur cette question est, à ce jour, confuse et contradictoire. La
question n’a pas été tranchée d’une manière définitive.

D’une part, on constate l’absence d’un texte juridique général qui reconnaît ou méconnaît
une responsabilité pénale générale pour les personnes morales. D’autre part, il est possible de
détecter des textes spéciaux dans l’un ou dans l’autre sens.

Certains textes spéciaux, d’un côté, reconnaissent une telle responsabilité lorsque les représentants
de la personne morale agissant en son nom et pour son compte commettent des infractions. Il en est ainsi
l’exemple de l’article 412 du Code de commerce qui punit d’une amende de 500 à 5.000 dinars toute banque
déclarant sciemment une provision d’un chèque inférieure à la provision existante.

D’autres textes spéciaux, d’un autre côté, méconnaissent une telle responsabilité. Il est
possible de citer l’article 45 de la loi n° 64 du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix qui
applique des sanctions personnelles aux représentants de la personne morale. Il dispose, en effet, que :

Article 45. - Lorsque le contrevenant est une personne morale, les peines prévues ci-dessus sont

applicables personnellement et selon le cas aux présidents-directeurs généraux, directeurs ou gérants et en général

à toute personne ayant qualité pour représenter la personne morale. Les complices sont punis des mêmes peines.

Cependant, aucun texte spécial n’a reconnu cette responsabilité aux SARL. En revanche, cette
responsabilité spéciale est reconnu à la SA notamment par l’article 263 du Code du C.S.C. qui fait
encourir à la SA qui ne désigne pas un commissaire aux comptes une amende de 2.000 à 20.000 D.

Section 2 – Les actes objet de la répression pénale

La société est, évidemment, un acteur principal de l’économie nationale. C’est pourquoi,


le législateur lui accorde beaucoup d’intérêt, veuille à la contrôler dans les différentes étapes de
sa vie et réprime pénalement plusieurs actes et faits survenants au moment de sa constitution
(Paragraphe 1), son fonctionnement (Paragraphe 2) et sa dissolution (Paragraphe 3). Il faut noter,
par ailleurs, que le législateur a réservé certaines infractions pour la SUARL (Paragraphe 4).

Paragraphe 1 – Au moment de la constitution

Le législateur a incriminé plusieurs actes au moment de la constitution de la société. Il


s’agit des actes qui suivront.

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(I) – Les problèmes de l’immatriculation au registre de commerce

L’immatriculation au registre de commerce du tribunal de première instance dans le


ressort duquel est situé le siège social est sans doute une formalité fondamentale. En effet, elle
donne naissance à la personne morale et constitue une protection aux tiers. C’est pourquoi le
législateur a qualifié les actes et faits suivants comme étant des infractions pénales :

1- Le défaut d’immatriculation, le défaut de rectification des informations ou l’irrespect


de l’ordonnance du juge du registre de commerce est une infraction sanctionnée d’une amende de
100 à 1000 DT et de 20 à 2000 DT en cas de récidive (‫)في صورة العود‬, d’après l’article 68 de la loi
n° 37 du 9 mai 1995 relative au registre de commerce.

2- L’indication d’informations inexactes ou incomplètes dans le registre de commerce est


sanctionnée d’une amende de 100 à 500 DT ou de 200 à 2000 DT en cas de récidive, d’après
l’article 69 de la loi n° 37 de 1995 précitée.

3- Le défaut de mention du numéro d’immatriculation et du nom du tribunal dans les


factures, note de commande, tarifs et documents publicitaires et toute correspondance est
sanctionnée d’une amende de 100 à 1000 DT ou de 200 à 2000 DT en cas de récidive, d’après
l’article 70 de la loi n° 37 de 1995 précitée.

(II) – L’inobservation des formalités de publicité

C’est une infraction qui s’applique au dirigeant de la SARL et qui le sanctionne par une
amende de 300 à 3000 DT, d’après l’article 20 du CSC.

(III) – L’ouverture d’une souscription publique à des valeurs mobilières

C’est une infraction qui s’applique également au dirigeant de la SARL et qui le sanctionne
par l’emprisonnement de 16 jours à 6 mois ou d’une amende de 1000 à 3000 DT ou les deux
sanctions à la fois, d’après l’article 145 du CSC.

(IV) – La fausse déclaration des associés

C’est une infraction qui s’applique aux associés qui dans l’acte constitutif de la société ou
lors d’une augmentation du capital social font sciemment de fausses déclarations. Elle les
sanctionne d’une peine d’emprisonnement d’un an à 5 ans et d’une amende de 500 à 5000 DT,
d’après l’article 146/1 du C.S.C.

(V) – L’évaluation frauduleuse des apports en nature

C’est une infraction qui s’applique à toutes les personnes qui sciemment et de mauvaise
foi font attribuer à des apports en nature une évaluation supérieure à leur valeur réelle. Elle les

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sanctionne d’une peine d’emprisonnement d’un an à 5 ans et d’une amende de 500 à 5000 DT,
d’après l’article 146/2 du C.S.C.

Paragraphe 2 – En cours de fonctionnement

Le législateur a incriminé certains actes du gérant. Il s’agit de l’entrave des travaux du


commissaire aux comptes (I) la gestion illicite (II), l’abus de biens sociaux (III) et la distribution
de dividendes fictives (IV).

I – L’entrave des travaux du commissaire aux comptes

C’est l’article 13 sexies du C.SC. ajouté par la loi n° 96 du 18/10/2005 qui punit tout
dirigeant qui entrave les travaux du Commissaires aux comptes o qui refuse de lui fournir, à sa
demande, par tout moyen qui laisse une trace écrite, les documents nécessaires à l’exercice de
leurs missions. Il le sanctionne par un emprisonnement de six mois et d’une amende de 5000 D
ou de l’une des ces deux peines.

II – La gestion illicite

L’article 147 du C.S.C. sanctionne, d’une amende de 500 à 5000 D, le gérant qui commet
les actes illicites suivants :

● manque à l’établissement pour chaque exercice d’un inventaire, bilan ou rapport de gestion,

● manque à la convocation de l’assemblée des associés au moins une fois par an,

● manque à la communication aux associés un mois avant la tenus de l’assemblée générale des
états financiers, du rapport de gestion, des décisions proposées et le cas échéant du rapport du
commissaire aux comptes,

● manque à la consultation des associés en vue de prendre les mesures nécessaires dans le mois
qui suit l’approbation des états financiers lesquels ont fait apparaître que les fonds propres de la
société sont au dessous de la moitié du capital social suite aux pertes subies.

● manque aux dispositions de l’article 123 du C.S.C. relatives à la désignation du commissaire aux comptes.

III – L’abus de biens sociaux

L’article 146/3 du C.S.C. sanctionne d’un emprisonnement d’un an à 5 ans et d’une


amende de 500 à 5000 D le gérant qui a sciemment présenté des états financiers annuels non
sincères ou qui a fait de mauvaise foi des biens ou du crédit de la société un usage contraire à
l’intérêt social dans un dessein personnel ou pour favoriser une autre entreprise.

IV – La distribution de dividendes fictifs

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Le législateur a incriminé la distribution de dividendes fictifs dans les SARL depuis la


promulgation du Code de commerce de 1959 en tant que délit pénal au sein de l’article 169 de ce
Code. Ce délit a été supprimé par l’arrivée du C.S.C. en 2000. Cependant, cette suppression de ce
texte spécial ne signifie pas que le gérant est exonéré dorénavant de toute sanction lorsqu’il
commet un tel acte. En fait, la jurisprudence a cherché dans le droit commun un fondement
textuel général pour incriminer ce type d’acte. Il s’agit de l’article 297/2 du Code pénal relatif à
l’abus de confiance parce que le délit de distribution s’apparente à un abus de confiance à l’égard
de la société et des associés. Cet article sanctionne l’auteur de l’infraction de dix ans
d’emprisonnement et d’une amende de 240 D lorsqu’il est soit mandataire, employé, ouvrier ou
serviteur du possesseur de l’objet détourné.

Paragraphe 3 – Lors de la dissolution

Les articles 49 à 53 du C.S.C. incrimine la conduite illicite du liquidateur et prévoit à son


encontre diverses sanctions de différents degrés.

Paragraphe 4 – Actes incriminés spécifiques à la SUARL

L’associé unique dans une SUARL est sanctionné pour la réalisation de certains actes.
Deux types de sanctions sont applicables.

D’une part, une sanction de 1 à 5 ans et une amende de 500 à 5000 D ou de l’une de ces
deux peines seulement en vertu de l’article 158 du C.S.C. pour les fausses déclaration dans l’acte
constitutif ou lors d’une augmentation du capital, la surévaluation d’un apport en nature, la
présentation d’un bilan inexact, l’abus des biens sociaux.

D’autre part, une sanction de 500 à 5000 D en vertu de l’article 159 du C.S.C. pour le
défaut de préparation de l’inventaire, des états financiers annuels et du rapport de gestion dans un
délai de 3 mois à compter de la clôture des comptes et pour la non prise des mesures légales
nécessaires en cas de pertes par la société d’un tiers de ses fonds propres ou plus.

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