Un Aperçu de La Musique de Chambre Française Au Xixe Siècle

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2006 —— François-Emmanuel de Wasseige.

Un aperçu de la musique de
chambre française au XIX e
siècle
Si l'idée que « les Français ne sont pas musiciens » reste solide-
ment ancrée dans les esprits, nul ne songerait plus à affirmer qu'il
en fut toujours ainsi. Charpentier, Couperin, Rameau, Marais, Cam-
pra, Delalande et bien d'autres ont pris à présent la place qu'ils mé-
ritent dans l'histoire de la musique.

En revanche, si l'on examine la période qui va de la fin du XVIIIe


siècle au début du XXe, la constatation inverse s'impose. Certes,
Berlioz, Debussy et Ravel appartiennent au grand répertoire »1.

Précisons cependant que d'une part, ces compositeurs se révèlent


comme des exceptions émergeant d'un apparent désert, et que
d'autre part, ils n'ont pas été particulièrement attiré par la musique
de chambre. En effet, Berlioz n'a composé que six piècettes insigni-
fiantes comme Rêverie et Caprice op. 8 pour violon et piano,
Chasse à la grosse bêtepour hautbois et basson ainsi que quatre
autres pages perdues; on ne peut bien entendu négliger les véri-
tables chefs-d'œuvre que constituent les quatuors à cordes de Ra-
vel et Debussy, le trio avec piano et la sonate pour violon du pre-
mier, ainsi que la sonate pour violon et la sonate pour violoncelle
du second. Coups d'essai, coups de maître. Toutefois, le catalogue
de la musique de chambre de ces deux compositeurs est resté fort
mince, et surtout, en ce qui nous concerne, leurs œuvres n'appar-
tiennent plus à l'esthétique du XIXe siècle.

Examinons les deux autres illustres noms liés à l'histoire de la mu-


sique en France durant cette période. Chopin (tout de même un
peu polonais...) n'a composé qu'une sonate pour violoncelle et un
trio à clavier, pièces certes bien écrites mais n'arrivant pas à la che-
ville de ses géniales œuvres pianistiques. Quant à Franck, il consti-
tue l'autre « cas » : né Belge, on peut cependant l'assimiler à un
musicien français, eu égard à l'important rôle qu'il a joué dans
l'Hexagone. Le premier tour d'horizon terminé, qui donc reste-t-il en
piste pour animer la scène française de la musique de chambre au
XIXe siècle ?

Contexte

Vers 1800, la vogue de la musique lyrique sévit par l'intermédiaire


des Méhul, Berton, Boieldieu, Le Sueur, Catel, Cherubini ou Grétry,
ne laissant que très peu de place à la musique de chambre. De
plus, la révolution française n'a évidemment pas favorisé ce style
instrumental qui se pratiquait d'abord dans les salons où ne se cô-
toyait que du «beau monde» et où, en fin de compte, la virtuosité
l'emportait sur l'Essence musicale que recèle la musique de
chambre. Cependant, des prémices s'étaient dessinés au travers
de la trentaine de quatuors à cordes de Pierre Vachon (2201-1803)
et des douze quatuors de Hyacinthe Jadin (1769-1800). Las, jus-
qu'en 1850, Paris est surtout pris d'assaut par des artistes étran-
gers dont le destin devient souvent inséparable de l'art français
comme Viotti, Cherubini, Pleyel, Kalkbrenner, Reicha, Herz, Thal-
berg, Chopin et Liszt qui se sont distingués en tant qu'instrumen-
tistes virtuoses, mais n'ont pas œuvré - en tout cas de manière si-
gnificative- dans le domaine de la musique de chambre.

Les débuts

Quelques compositeurs, dont la postérité n'a pas retenu le nom à


juste titre, écrivent des pages sans grande importance tombant
dans le piège de la mode de l'air varié (Platel, 1777-1835; Baillot,
1771-1842) ou succombant à la virtuosité de salon, comme Rode
(1774-1830) avec ses «Quatuors brilliants» dont le premier violon
ignorerait presque les trois autres instruments !

Par contre, Alexandre Boëly (1785-1858), Georges Onslow (1784-


1853) puis Louise Farrenc (1804-1875) et Charles Valentin Alkan
(1813-1888) occupent une place bien plus importante que nous ne
leur laissons encore actuellement (même si la reconnaissance que
nous leur accordons a quelque peu progressé durant ces dernières
années) : ils constituent le premier réel ferment de la musique ins-
trumentale française entre l'avènement du Premier Empire (1804)
et la chute du Second (1870). Ils n'eurent certes pas la vie facile
pour faire passer leur message, comme le souligne Brigitte Fran-
çois-Sappey : «Quelle chance était donnée à des compositeurs,
entièrement occupés de musique instrumentale «sérieuse», dans la
France de Stendhal et Balzac, soucieuse de mondanité et de pros-
périté, toute bruissante des gloires étrangères et d'airs d'opéras ?»
2 De fait, la musique de chambre doit aussi faire face au renouveau

de l'opéra (Gounod, Bizet) et à la création de l'opérette (Offenbach,


Chabrier, Delibes,...). La France ne possédant pas de réelle tradi-
tion en musique de chambre, Boëly, Onslow et Alkan se basent sur
les «modèles» germaniques : Beethoven, Schubert, Spohr, Men-
delssohn, Schumann, etc, pour préparer l'avènement de la véritable
Ecole Française de musique de chambre.
Tournant

Les années 1850 forment un tournant : Boëly et Alkan dispa-


raissent, tandis que naissent les premières œuvres de Théodore
Gouvy (1819-1898), Édouard Lalo (1823-1892) et Camille Saint-
Saëns (1835-1921). La musique de chambre est lancée, certes pé-
niblement, mais son évolution sera consolidée par la création de
plusieurs sociétés dont la célèbre Société Nationale de Musique,
fondée en 1871 par Saint-Saëns, Castillon (1838-1873), Duparc et
Bussine. A partir des années 1870, outre Saint-Saëns qui continue
à composer inlassablement, Castillon (1838-1873), Fauré (1845-
1924), Chausson (1855-1899) et d'Indy (1851-1931) écrivent leurs
premiers opus, sauf Franck (1822-1890), qui en est déjà à ses
chefs-d'œuvre, et Lalo qui, après une longue période d'abstinence
pour cause de découragement, compose ses derniers opus. Ce re-
gain d'inspiration créatrice correspond, selon Jean Gallois, au fait
que « le nationalisme, mis à mal par la défaite de Sedan, vient
fouetter les énergies. C'est déjà tout un programme que la devise
de la Société Nationale de Musique : "Ars Gallica". Ce deviendra
une sorte d'impératif moral, esthétique d'écrire de la musique fran-
çaise, même si elle reste plus ou moins marquée par le mage de
Bayreuth. »3

C'est ici qu'il faut mentionner la seconde influence germanique due


à Wagner et parvenue en France principalement par l'intermédiaire
de Franck : sur les bases acquises, le franckisme donne un élan
définitivement novateur.

Conclusion

La musique de chambre française, qui s'est heurtée durant les


trois-quarts du XIXe siècle au dédain suscité par l'immense succès
de l'opéra et de l'opéra comique, s'est, grosso modo, développée
laborieusement en quatre étapes :

les balbutiements des Vachon, Jadin et consort;


les prémices, grâce à Boëly, Alkan, Farrenc et Onslow;

les grands débuts : Gouvy, Lalo et Saint-Saëns;

le début de la vraie reconnaissance, enfin, grâce à tous les compo-


siteurs qui œuvrent dans les années 1870 et suivantes.

Du point de vue stylistique, la base provient essentiellement de la


musique allemande via les professeurs et les voyages d'Alkan,
Onslow, Boëly, Farrenc et Gouvy. Lalo et Saint-Saëns poursuivent
dans cette voie, y apportant progressivement la verve et l'élégance
typiquement françaises. C'est alors que le travail discret de Franck,
en tant que compositeur et pédagogue, commence à porter ses
fruits : ses grandes innovations comme le chromatisme et la forme
cyclique sont reconnus, défendus et repris par ses disciples Cas-
tillon, Chausson et d'Indy, également grands admirateurs de Wag-
ner. Cependant, Ars Gallica oblige, Chausson déclare en 1886 : «Il
nous faut déwagneriser».

Par la suite, la musique de chambre française connaîtra un nouvel


âge d'or grâce aux périodes de maturité de Fauré (1845-1924) et
d'Indy (1851-1931), puis de Pierné (1863-1937), Magnard (1865-
1914), Koechlin (1867-1950), Roussel (1869-1937), Vierne (1870-
1937), Tournemire (1870-1939) et Schmitt (1870-1958) qui feront
les beaux jours de la France musicale durant la première moitié du
XXe siècle.

François-Emmanuel de Wasseige

Notes

1. B. Duteurtre, in 150 Ans de Musique Française, p. 14


2. 150 Ans de Musique Française, p. 54
3. idem, p. 105

Répertoire (sélectif)
Ce répertoire, classé par ordre chronologique, omet volontairement
les sonates (violon & piano; violoncelle & piano) pour se limiter aux
principaux trios, quatuors, quintettes, etc.

Trios avec piano


(sauf mention contraire : violon & violoncelle)

Onslow, 9 trios, 1806-1823


Franck, trio op. 6, 1834 ; 3 trios op. 1, 1839-1842 ; trio op. 2,
1842
Alkan, >trio op. 30, 1841
Onslow, trio op. 83, vers 1850
Lalo, trio op. 7, 1850 ; trio op. -, 1852
Farrenc, trio op. 33, ? 1850-1855 ; trio op. 34, ? 1850-1855 ;
trio op. 44 (cl, vc), 1861 ; trio op. 45 (fl, vc), 1862
Gouvy, 5 trios, 1853-1863
Castillon, trio op. 4, 1870 ; trio op. 17 b, 1870
Lalo, trio op. 26, 1880
Chausson, trio op. 3, 1881
d'Indy, trio op. 29 (cl ou v, vc), 1887
Saint-Saëns, trio op. 92, 1892

Quatuors à cordes

Onslow, 35 quatuors
Boëly, 4 quatuors op. 27 à 30, 1827
Lalo, quatuor op. 19, 1859
Chausson, quatuor op. 35 (inachevé) ?
Castillon, quatuor n° 1 op. 3, 1867 ; quatuor n° 2 (inachevé) ?
Franck, quatuor en ré majeur, 1889
d'Indy, quatuor op. 35, 1890 ; quatuor op. 45, 1897
Saint-Saëns, quatuor op. 112, 1899

Quatuors avec piano


Saint-Saëns, quatuor en mi bémol majeur, 1853
Gouvy, Sérénade, 1865
Castillon, quatuor op. 7, 1870
Saint-Saëns, quatuor en si bémol majeur, 1875
Fauré, quatuor op. 15, 1875-1876
d'Indy, quatuor op. 7, 1878-1888
Fauré, quatuor op. 45, 1885/1886
Chausson, quatuor op. 30, 1897

Quintettes à cordes

Onslow, 34 quintettes (2 vc)


Gouvy, Sérénade (4r & cb), 1853 ; quintette avec 2 violon-
celles, 1876

Quintettes avec piano

Farrenc, quintette op. 30 (avec cb), 1842 ; quintette op. 31


(avec cb) ? 1845-1850
Onslow, quintette op. 70 (avec cb), 1846 ; quintette op. 76
(avec cb), 1849
Lalo, quintette, ?
Saint-Saëns, quintette op. 14, 1855
Gouvy, quintette, 1861
Castillon, quintette op. 1, 1870
d'Indy, scherzo, 1871
Franck , quintette en fa mineur, 1879
Magnard, quintette op. 8 (p & vents), 1894

Autres combinaisons instrumentales

Onslow, sextuor op. 30 fl, cl, cor, bn, cb, 1806-1826 ; nonette op.
77, fl, hb, cl, cor, bn, 3o, cb, 1849 ; sextuor op. 77 bis, fl, cl, cor, bn,
cb, p, 1849 ; septuor op. 79, fl, hb, cl, cor, bn, cb, p, 1849 ; quintette
op. 81, fl, hb, cl, cor, bn, 1850
Farrenc, Nonette op. 38 3o, cb, hb, cl, cor, b, ? 1850-1855 ; Sextuor
op. 40, p, cl, fl, hb, cor, bn, 1851-1852

Saint-Saëns, Sérénade op. 15, p, org, v, vc, 1866 ; Romance op.


27, p, org, v, 1868 ; Les Odeurs de Paris, 2 tp, hp, p, cordes, 1870

Massenet, Introduction et variations, fl, hb, cl, cor, bn, 4r, cb, 18220

Saint-Saëns, Septuor op. 65, tp, p, 4r, cb, 1881

Gouvy, Octuor, fl, hb, 2 cl, 2 cors, 2 bn, 1882

d'Indy, Suite dans le style ancien, tp, 2 fl, 4r, 1886

Saint-Saëns, Carnaval des Animaux, 1886 ; Caprice sur des airs


danois et russes, fl, hb, cl, p, 1887

Gouvy, 2 Sérénades, fl, 4r, cb, 1890

Chausson, Concert op. 21, v, p, 4r, 1891

Saint-Saëns, Barcarolle op. 108, v, vc, org, p, 1897

Gouvy, Suite gauloise, fl, 2 hb, 2 cl, 2 cors, 2 bn, 1898

3o = trio à cordes ; 4r = quatuor à cordes; bn = basson; cb =


contrebasse; cl = clarinette; fl = flûte; hb = hautbois; org = orgue; p
= piano; tp = trompette; v = violon; vc = violoncelle

Bibliographie

150 Ans de Musique française, Actes Sud, Biennale de la Mu-


sique Française, Lyon, 1991
COBBETT, Walter W. Dictionnaire encyclopédique de la mu-
sique de chambre, compl. sous la dir. de C. Mason, ed. fr. re-
vue et complétée par A. Pâris, Robert Laffont, Bouquins, 1999
DUFOURCQ, Norbert, La Musique française, Larousse, Paris,
1949
DUMESNIL, René, La Musique française romantique, 1944
FAUQUET, Joël-Marie, Les Sociétés de musique de chambre
à Paris de la Restauration à 1870, Paris, Klincksieck, 1986
HONEGGER, Marc, La Musique française de 1830 à 1914,
Kassel, 1962
La LAURENCIE, Lionel de, « Les Débuts de la musique de
chambre en France », Revue de Musicologie, XV, 1934
LANDORMY, Paul, La Musique de chambre en France de
1850 à 1871, S.I.M., août-septembre 1911
LANDORMY, Paul, La musique française de la Marseillaise à
la mort de Berlioz, Paris, 1944
MONGRÉDIEN, Jean, La Musique en France, des Lumières
au romantisme : 1789-1830, Flammarion, 1986
ROBERT, Frédéric, La Musique française au XIXe siècle,
P.U.F., Paris, 1963/R 1970.
TRANCHEFORT, François-René, Guide de la Musique de
Chambre, Fayard, Paris, 1989.
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Dimanche 6 Mai, 2018

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