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Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

La réingénierie des réseaux logistiques de la Supply Chain.


Une démarche axée sur la création de valeur et la robustesse.
Alain Martel et Walid Klibi
Chapitre 7

L'optimisation des réseaux logistiques

Combien de centres de distribution (CD), de centres de transbordements, de centres de


production et d'assemblage une entreprise devrait-elle implanter pour satisfaire ses besoins
évolutifs, où devraient-ils être situés et quelle devrait être leur mission ? Ce sont ces questions
qui sont abordées dans ce chapitre. Comme indiqué au chapitre 1, la démarche de réingénierie
d'un réseau logistique nécessite la modélisation et l'optimisation de la structure matérielle de ce
réseau. Ce chapitre a pour objectif de préciser la nature du problème de conception de réseaux
logistiques et son lien avec la stratégie logistique de l'entreprise, et de présenter des modèles
d’optimisation de base qu'on peut résoudre pour faciliter la réingénierie du réseau.

La première section aborde la nature et les enjeux des problèmes de design de réseaux et la
deuxième discute, à l'aide d'une représentation en graphe d'activités, quelques stratégies de
déploiement qu'on retrouve souvent en pratique. La section trois présente un modèle
d'optimisation de réseau de base qui vise à minimiser les coûts logistiques et discute la
modélisation de plusieurs de ses variantes. La quatrième section, porte sur la maximisation de la
valeur ajoutée par un réseau logistique en proposant des extensions du modèle de design de base
qui promeuvent les incitants valorisés par les clients de l'entreprise. La section cinq propose une
approche de modélisation par activité pour le design d'un réseau logistique général, et elle se
penche plus spécifiquement sur les caractéristiques des réseaux manufacturiers. La section six
aborde la notion d'économies d'échelle et montre comment les prendre en compte dans les
modèles de design de réseaux logistique. Ces quatre dernières sections sont accompagnées
d'exemples pratiques modélisés et résolus avec le solveur d'Excel.

1. PROBLEMATIQUE DE CONCEPTION DE RESEAUX LOGISTIQUES


On a établi au chapitre 1 que le réseau logistique de l’entreprise couvre l’ensemble de ses
installations d’approvisionnement, de production, de distribution et de vente, ainsi que celles de
ses partenaires (fournisseurs, sous-traitants, transporteurs...) et clients. On a également souligné
que la capacité d'un réseau logistique à remplir sa mission dépend largement de la prédisposition

Alain Martel et Walid Klibi 1


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

de sa structure matérielle à offrir les capacités requises de production et de distribution, et les


performances désirées de coûts, de niveau de service, de réactivité, etc. Les capacités requises
pour fabriquer et distribuer les produits sont fournies par des technologies dédiées ou flexibles de
production, d'assemblage, de manutention et de distribution. Le déploiement physique de ces
capacités sur le territoire géographique permet d'offrir à l'entreprise des leviers de coûts, des
effets d'échelle, de la flexibilité, des opportunités de service et des avantages de proximité des
marchés.

Lorsqu'on aborde cette problématique stratégique dans son ensemble, en plus de décider où
implanter les centres de production et de distribution, quelles sources d'approvisionnement
utiliser et quelles technologies exploiter dans chaque installation, on doit anticiper combien de
produits fabriquer avec les technologies de production choisies et, si la demande est saisonnière,
combien de stock saisonnier accumuler chaque saison dans les espaces de stockage sélectionnés.
Lorsque l'entreprise opère dans plusieurs pays, on doit aussi tenir compte des taux de change, des
droits de douane, des barrières non tarifaires, des subventions disponibles, des prix de transfert et
des impôts corporatifs. Ces décisions stratégiques seront abordées graduellement dans ce
chapitre et les deux chapitres suivants. Comme la Figure 1 l’illustre, la première chose à faire
pour prendre ces décisions d’une façon éclairée est d’élaborer conceptuellement un réseau
logistique potentiel qui incorpore toutes les options possibles. Les éléments de ce réseau
potentiel peuvent typiquement être découpés en trois parties majeures: les sources
d'approvisionnement, le réseau des installations de production-distribution et les clients, ces
derniers étant souvent regroupés en zone de demande. À partir de ce genre de réseau potentiel, il
reste à choisir parmi l’ensemble des options offertes celles qui sont susceptibles de créer le plus
de valeur pour l’entreprise.

Sources d'approvisionnement

Flux d'approvi-
-sionnement

Vers les installations du réseau


Flux internes

Centre de  Centre de  Sous‐traitant


Production‐Distribution Distribution / CD publique
demande
Flux de

Vers les zones de demande


Clients
Figure 1 : Éléments d’un réseau logistique potentiel

2 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

Dans un réseau logistique potentiel, plusieurs opportunités de déploiement sont identifiées et


l'on doit décider lesquelles retenir. En d’autres mots, on doit préciser comment redéployer le
réseau logistique existant et redéfinir la mission de chacune des installations retenues. Comme la
représentation simplifiée à la Figure 2 l’illustre, le réseau logistique potentiel doit représenter la
stratégie logistique de l'entreprise en spécifiant les opportunités envisageables de déploiement
d'une ou de plusieurs installations internes et de partenaires. Lorsqu’on a réussi à construire un
réseau logistique potentiel reflétant la stratégie logistique de l'entreprise, il faut décider quelles
installations, parmi celles que l’on envisage, seront fermées, transformées ou construites, quelles
activités seront externalisées et quelle sera la mission spécifique de chacun des sites retenus. Ce
qui peut conduire à l’ajout, la fermeture ou la réorganisation de certaines installations, et à la
sous-traitance de certaines activités de production ou de distribution, etc. Comme l'illustre cette
figure, on pourrait par exemple décider d’implanter une seule usine d’assemblage de produits
finis parmi les trois envisagées dans le monde pour bénéficier d’économies d'échelles, ou bien
implanter un nouveau centre de distribution parmi deux localisations potentielles pour mieux
desservir les marchés locaux.
Sources d'approvisionnement
RÉSEAU LOGISTIQUE POTENTIEL
Flux d'approvi-
-sionnement

Vers les installations du réseau


Flux internes

Centre de Centre de Sous-traitant


Production-Distribution Distribution / CD publique
demande
Flux de

Vers les zones de demande


Clients Usine de fabrication focalisée

DÉPLOIEMENT RETENU
Sous-traitant

Nouveau fournisseur
Nouveau marché

Nouveau CD

Figure 2 : Décisions stratégiques de déploiement

Les problèmes de conception de réseaux logistiques sont difficiles à résoudre de manière


globale. Ceci est en grande partie dû à la complexité et au nombre extrêmement élevé d’options à
considérer et à évaluer. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire d’utiliser un modèle
d’optimisation pour élaborer de bons designs. Compte tenu de l’ampleur du problème, il peut
d’ailleurs être extrêmement difficile de trouver la solution optimale de ces modèles
d’optimisation. C'est pour ces raisons que la plupart des modèles d'aide à la conception de

Alain Martel et Walid Klibi 3


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

réseaux logistiques s’attaquent uniquement à un sous ensemble des questions soulevées ci-haut,
en optimisant des sous-réseaux qui se concentrent uniquement sur un ou deux échelons du réseau
logistique global. Ces modèles simplifiés s'appuient sur plusieurs approximations (entre autres au
niveau des coûts et revenus pertinents), négligent certaines décisions importantes, et évacuent
certains aspects importants en pratique (ex. : dynamique, incertitude...). Afin de bien comprendre
les difficultés rencontrées, voici un aperçu des facteurs qui contribuent à la complexité des
modèles à résoudre :

 L’étendue des décisions à prendre. La complexité du modèle de décision à résoudre dépend


du nombre et de la nature des variables de décisions, principalement binaires, qui en font
partie. Dans certains cas, pour simplifier, on suppose que les flux entre les sites (CD, usines,
clients) sont prédéterminés; on a alors un problème de localisation pure, c.-à-d. qu’il n’inclut
que des choix de sites. Dans d’autres cas, le site des installations est prédéterminé et il ne
reste qu’à préciser leur mission en termes des produits à traiter et des activités logistiques à
accomplir; c’est ce que l’on appelle un problème d'allocation pure. Dans la majorité des cas,
ces deux problématiques sont combinées; on a alors un problème de localisation-allocation
qui est beaucoup plus difficile à résoudre. À ce problème de base peuvent s’ajouter des
décisions d’approvisionnement, d’acquisition de capacité, de sélection de technologie et de
choix de produit-marchés. Les problèmes de conception de réseaux logistiques à résoudre
sont donc en général beaucoup plus complexes que les problèmes de localisation-allocation
classiques.

 La qualité de l'anticipation des coûts et des revenus logistiques. Pour mieux évaluer la
performance des décisions stratégiques, les décisions opérationnelles de transport, de
production et de stockage qui en découle, et les flux monétaires associés, doivent être
anticipés aussi précisément que possible. Il est évident que l’inclusion explicite de ces
décisions opérationnelles dans les modèles de design conduira à des programmes
mathématiques extrêmement difficiles à résoudre. Il faut donc trouver le meilleur compromis
possible entre la précision du modèle et sa solvabilité, à travers des approximations
judicieuses des coûts et revenus opérationnels pertinents. Plus l’anticipation est fine, plus le
modèle est précis mais difficile à résoudre, et vice-versa. Par exemple, pour le problème de
localisation-allocation, de nombreux modèles avec différentes anticipations des coûts de
transport ont été proposés (ex. : estimation des coûts origine-destination par analyse de
régression à partir d'un historique, inclusion d'un sous-ensemble des routes les plus
intéressantes, etc.), dont un modèle intégré de localisation et routage qui inclut explicitement
le choix de routes de livraison dans le modèle stratégique. On devrait toujours utiliser un
modèle aussi simple que possible, sans altérer la nature fondamentale du problème.
 L’ampleur des ressources potentielles considérées. S’il n’y a qu’une installation à
localiser, ou un fournisseur à sélectionner ou un produit-marché à choisir, la problématique

4 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

se réduit alors à un problème de choix multicritère classique, tel qu’illustré aux chapitres 4, 5
et 6. Lorsqu’il y a plusieurs installations à localiser, de multiples fournisseurs potentiels,
différentes options de capacité ou des choix à faire entre des opportunités d’expansion des
produits-marchés, la combinatoire du problème donne lieu à des programmes mathématiques
de grande taille beaucoup plus complexes.

 Le nombre et la disparité des produits. Lorsque les produits fabriqués/distribués sont


relativement uniformes, ils peuvent être regroupés dans une famille et considérés comme un
seul produit dans les modèles de décision utilisés. Lorsque les produits fabriqués/distribués
n’utilisent pas tous la même technologie de production, d’entreposage ou de transport, on
doit avoir recours à des modèles multi-produits beaucoup plus élaborés.

 L'ampleur des produits-marchés à desservir. Lorsqu'on tient compte, comme discuté au


chapitre 2, du fait que la batterie d'incitants offerte par l'entreprise affecte la création de
valeur, la définition des produits-marchés à desservir devient cruciale. Un produit-marché est
un ensemble de clients dans une région géographique qui recherche des produits et des
incitants similaires. Selon le portefeuille d’incitant que l'entreprise veut associer à ses
produits, le nombre de produits-marchés à distinguer peut s’accroître rapidement. Lorsque
différents moyens logistiques (ex. : points de découplage, ou temps de réponse offert par la
proximité dépôt-client et le mode de transport utilisé) sont nécessaires pour desservir des
produits-marchés distincts convenablement, il faut les différencier dans le modèle de design.
Par exemple, un découplage de la chaîne logistique axé sur la fabrication pour stock (MTS),
la fabrication à la commande (MTO) ou le VMI (Vendor Managed Inventory) a une influence
directe sur les temps de réponse, la flexibilité et les prix. De même, les délais, la qualité de
service, les prix et les garanties environnementales offertes ne peuvent pas être les mêmes
lorsqu’on utilise le transport ferroviaire ou routier. Le nombre de produits-marchés que
l'entreprise doit distinguer pour mieux caractériser son offre a un impact important sur la
complexité du modèle de design.
 La complexité des processus de production-distribution. Le nombre et la taille des
installations d’un réseau logistique dépendent aussi de la nature de ses processus de
production-distribution. Il est clair que lorsque le processus de fabrication nécessite plusieurs
étapes (nomenclature multi-niveaux) ou que la distribution s'opère sur plusieurs échelons, la
modélisation du réseau logistique à déployer est beaucoup plus complexe. Si on veut trouver
le nombre, la localisation et la mission des centres de distribution régionaux à opérer, et que
tout le reste du réseau (usines, entrepôts nationaux...) n’est pas remis en question, le modèle à
résoudre est beaucoup plus simple que si l’ensemble du réseau est considéré. Le problème
devient particulièrement complexe si l’on doit prendre simultanément des décisions reliées
aux sous-réseaux de production et de distribution de l'entreprise, c.-à-d. des décisions qui
touchent tous les éléments du rectangle central illustré à la Figure 1. Lorsqu’en plus des
installations à localiser, il y a des options de réaménagement des bâtiments ou

Alain Martel et Walid Klibi 5


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

d’externalisation des activités à considérer, la problématique donne lieu à des programmes


mathématiques de grande taille beaucoup plus complexes, entre autres parce que les
économies d’échelle doivent alors être prises en compte.

 La nature des objectifs à optimiser. Sur la base des notions introduites au chapitre 2,
l’objectif fondamental poursuivi par l’entreprise est la maximisation de la valeur ajoutée. La
prise en compte explicite de cet objectif conduit à des problèmes très difficiles, compte tenu
de la modélisation de la relation entre les revenues et les incitants de vente, en plus de tous
les aspects reliés aux économies d’échelle, à l'écologisation et aux risques à considérer dans
le calcul du rendement du capital utilisé par l'entreprise. Si l’on se restreint à la minimisation
du coût pertinent total du système, comme on le fera initialement dans ce chapitre, cela
simplifie beaucoup le problème. Cette simplification est adéquate lorsqu’on suppose que la
demande est prédéterminée et que les incitants qui influencent les revenus de l’entreprise
sont indépendants de la structure de son réseau logistique, ce qui est rarement le cas en
pratique. D’autre part, si les économies d’échelle associées aux choix structuraux ne sont pas
trop prononcées, on peut faire l’hypothèse que les décisions de design engendrent seulement
des coûts fixes et des coûts variables, ce qui ramène le problème à un programme linéaire
avec variables binaires plus simple à résoudre. Par ailleurs, l'inclusion de mesures de
variabilité de la performance du réseau face au risque conduit à la non-linéarité de la fonction
d’évaluation et rend donc le problème de conception de réseaux plus difficile à résoudre.

 La nature des contraintes à considérer. Plusieurs contraintes doivent être prises en compte
dans ce problème pour obtenir des solutions réalistes. Les plus difficiles à modéliser sont
sans doute les contraintes commerciales et techniques reliées aux activités de production et
de distribution. Les sites choisis et les installations existantes ont aussi une capacité limitée et
elle doit être prise en compte. Par ailleurs, parmi les plus importantes sur le plan stratégique
sont les contraintes de service. Typiquement, on veut s’assurer que chaque client pourra être
servi à l’intérieur d’un temps raisonnable, qui dépend évidemment de la distance entre les
clients et les points de service. Suivant les contextes, on veut parfois s’assurer que chaque
client ne sera servi que par un seul point de service, ou bien exiger que chaque client puisse
être servi par plus qu'un point de service pour avoir une meilleure résilience en cas
d’accidents ou de désastre. En univers risqué, on doit aussi modifier les contraintes pour tenir
compte des recours possibles.
 L’incertitude liée à l’environnement d'affaires. Au moment de prendre les décisions
stratégiques de déploiement, on est face à une incapacité de déterminer le véritable état de
l’environnement d’affaires qui prévaudra lorsque le réseau logistique conçu sera en activité.
Il faudrait idéalement préciser l’état de cet environnement durant un horizon de planification
de plusieurs années couvrant quelques cycles de réingénierie constitués de périodes de
planification. Pour cela, il faut clairement identifier les types d’événements et de tendances
qui sont susceptibles d’affecter le réseau logistique dans le futur, et adopter une approche de

6 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

prise de décisions sous incertitude. Ces approches probabilistes font souvent intervenir un
ensemble de scénarios de futurs plausibles et rendent le modèle d'optimisation très difficile à
résoudre. Négliger totalement ces aspects importants en pratique peut toutefois diminuer la
qualité des solutions obtenues.
La prise en compte de tous ces éléments dans l’analyse conduit à la formulation et la résolu-
tion de programmes mathématiques de grande taille. Dans ce chapitre, après avoir examiné diffé-
rentes stratégies de déploiement possibles, nous montrons comment modéliser les éléments de
base du problème, de façon à bien faire comprendre ses différentes dimensions. Pour simplifier,
on suppose que toutes les données du problème sont connues et que l’environnement d’affaires
est stable, c.-à-d. qu’il demeurera le même durant la vie du réseau. Ceci permet d’optimiser le
réseau pour une année type. Ces hypothèses simplificatrices seront relâchées dans les chapitres
subséquents. La majorité des modèles élaborés peuvent être résolus avec des logiciels
d’optimisation commerciaux comme CPLEX (www.ibm.com), Xpress (www.fico.com) ou Gu-
robi (www.gurobi.com). Dans certains cas, les non-linéarités présentes ou la taille du problème
peuvent nécessiter l’utilisation de méthodes de solution spécialisées.

2. STRATEGIES DE DEPLOIEMENT
La base d’une stratégie logistique, on l’a vu, est l'offre distinctive à faire aux clients de l'en-
treprise pour créer de la valeur. L’entreprise doit toutefois mettre un grand nombre de moyens en
œuvre pour livrer cette offre. Les clients sont nécessairement dispersés géographiquement, et les
sources de matières premières et de ressources à utiliser pour fabriquer-distribuer les produits-
services de l’entreprise le sont aussi. Le choix et l’organisation spatiale des ressources durables
de l’entreprise en centres d’activité dans des bâtiments sont donc au cœur des moyens requis
pour matérialiser son offre. C’est le déploiement des ressources durables qui détermine les des-
sins de flux entre sources et clients dans le réseau logistique. Il a un impact majeur sur les coûts
encourus et les incitants offerts. Oui, mais quelle est le meilleur déploiement à adopter, c.-à-d. la
meilleure structure de réseau logistique ? Lorsqu’on examine les réseaux logistiques implantés
par les entreprises, on remarque une grande variété de structures, dépendant du secteur industriel,
des incitants visés et de la doctrine logistique retenue.

Deux approches complémentaires peuvent être adoptées pour aborder cette question diffi-
cile. D’une part, en observant le réseau logistique d’entreprises réelles qui ont du succès, on peut
dégager les structures types utilisées pour favoriser certains incitants ou certaines doctrines.
Cette approche d’intelligence, qui va du réel vers le conceptuel, sera adoptée dans cette section.
Alternativement, on peut utiliser une approche de réingénierie qui va du conceptuel vers le réel.
Les éléments fondamentaux de la stratégie logistique de l’entreprise sont alors fondus dans une

Alain Martel et Walid Klibi 7


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

représentation conceptuelle du réseau désiré et on se sert ensuite de cette représentation pour


concevoir un réseau physique optimal. Cette approche sera adoptée dans les sections subsé-
quentes de ce chapitre. Dans un cas comme d’en l’autre, on a besoin d’un formalisme pour la
représentation conceptuelle d’un réseau logistique et des éléments fondamentaux de doctrine qui
s’y rattache. Le formalisme de cartographie utilisé à cette fin dans ce livre est le graphe d'activi-
tés présenté au chapitre 4, soit un graphe orienté des activités internes et externes de l'entreprise
qui reflète les choix stratégiques de la direction, les contraintes imposées par la technologie et les
pratiques de l'industrie.

La stratégie de déploiement la plus simple dans un contexte de fabrication pour stock (MTS)
consiste à garder des stocks de produits finis dans les usines qui les fabriquent et à livrer les pro-
duits commandés par les clients directement de ces usines. Cette façon de faire génère des éco-
nomies d’échelle pour les coûts de stockage, mais elle augmente significativement les coûts de
transports parce que les expéditions ne sont pas consolidées. La structure du réseau logistique
ainsi obtenu est illustrée sur la Figure 3 avec le graphe d'activités correspondant. Cette stratégie
de déploiement est plus adéquate dans un contexte de fabrication sur mesure ou de personnalisa-
tion de masse. Comme on l’a vu à la fin du chapitre 5, une variante à cette stratégie consiste à
utiliser des centres de consolidation entre les usines et les clients. Cette consolidation se fait sou-
vent par un transporteur qui se charge de grouper les commandes dans ses centres de transbor-
dement et permet ainsi de réduire les coûts de transport. Ceci serait représenté sur le graphe
d’activité de la Figure 3 en ajoutant une activité de groupage/éclatement-transbordement après le
stockage avec un mouvement de transport inter-sites. Le réseau déployé inclurait alors des sites
intermédiaires de transbordement. Cette stratégie est souvent utilisée par les entreprises qui ven-
dent leurs produits en ligne.
Réseau déployé Graphe d’activités
correspondant

Sources
… d'approvisionnement S
1 upply
Offre

Matières 
premières
Centres de production-distribution
2
Production
2 2 2 2 2

3 3 3 3 3

3
Stockage

Produits 
finis

… 4Supply
Demande
Clients

Figure 3 : Déploiement avec envois directs à partir de centres de production-distribution

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Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

Une deuxième stratégie de déploiement typique consiste à utiliser des centres de production
et de distribution distincts, tel qu’illustré à la Figure 4. Sur le graphe d'activités, la production et
le stockage sont alors liés par des arcs de transport inter-sites. Sur le réseau déployé correspon-
dant, un échelon supplémentaire est ajouté pour stocker les produits provenant des centres de
production et les expédier vers les clients. Cette stratégie s’applique aussi à des entreprises de
distribution pure ou l’échelon de production est alors évidemment absent. Dans ce contexte, le
transport et le stockage sont d’ailleurs souvent externalisés. C’est ce qu’Amazon fait par exemple
pour distribuer ses produits. Cette stratégie rapproche les stocks des zones de demande, ce qui
permet d'améliorer significativement le niveau de service de l'entreprise. Cependant elle aug-
mente les coûts de stockage, principalement lorsque le taux de rotation des stocks sur les sites
d'entreposage est faible. Lorsque la demande des clients est élevée, on peut se contenter
d’implanter quelques centres de distribution régionaux et utiliser du transport en charges com-
plètes pour les livraisons. Lorsqu’on a plusieurs petits clients avec des exigences de livraisons
pour le jour même ou le lendemain, il peut être nécessaire d’implanter plusieurs dépôts locaux et
d’élaborer des routes de livraison vers les clients. Ce type de réseau est certes plus performant en
terme de service, mais il augmente les coûts logistiques : le nombre élevé de sites accroît les
coûts fixes, le nombre et la longueur des tournées de livraison génère des coûts de transport im-
portants, et la décentralisation des stocks augmente les coûts d’immobilisation. Cette variante se
rencontre souvent dans un contexte de distribution de pièces de rechange.
Réseau déployé Graphe d’activités
correspondant

Sources
… d’approvisionnement
S
1 upply
Offre

Matières 
Centres de production et de distribution premières

2 2 2 2 2
2
Production

3
Entreposage dans 3
3
un CD ou chez Stockage
un distributeur
Produits 
finis

4Supply
… Demande
Clients

Figure 4 : Déploiement avec centres intermédiaires de distribution

Une troisième stratégie de déploiement fréquemment utilisée dans un contexte de distribu-


tion est illustrée à la Figure 5. On voit sur le graphe d'activités qu’un transbordement des pro-
duits provenant des fournisseurs externes précède leur stockage dans des magasins. En procé-
dant, dans un/ou plusieurs sites de transbordement, à l’éclatement des charges provenant des

Alain Martel et Walid Klibi 9


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

fournisseurs puis au groupage des produits à expédier aux magasins on cherche à favoriser les
économies d'échelle sur le transport de marchandises. Walmart a été un des pionniers de cette
stratégie. Le client dans ce contexte vient lui-même chercher la marchandise au magasin, qu’il
s’agisse d’un point de vente (ex. magasin Walmart) ou d’un point de cueillette. Ce dernier cas est
illustré par l'entreprise française de vente en ligne Cdiscount (www.cdiscount.fr) qui utilise les
sites des supermarchés Casino pour points de cueillette. On tire ainsi avantage des ressources
d’un réseau existant, mais on ne peut qu’offrir une variété de produits limitée sur les sites. Ce
type de structure peut aussi être exploité pour les retours de marchandise.
Réseau déployé Graphe d’activités
correspondant

Sources
S
1 upply
… d’approvisionnement Offre

Produits 
finis

2
Centres de
2
… 2
transbordement Transbordement

Produits 
finis

Magasins 3
3 3 3 Stockage

Produits 
finis

4
… Supply
Demande
Clients

Figure 5 : Déploiement avec centres de transbordement et points de cueillettes

Réseau déployé Graphe d’activités


correspondant

Fournisseurs S
1 upply
1 2 3 Offre
2, 3
1, 2
Centres de
production
3 2 2 Fabrication 3
Fabrication
Comp. 4 Comp. 5
2
Produits 4
4 5 4 Fabrication 5 Fabrication
Comp. 6 Comp. 7

1 2 3 6 7  5
6 2 3 1 2 6
6 Assemblage
4 2 5
2 1
1 8, 9
7 6
7
2 3 4 Supply
Demande
. . . Zones de
demande 8 9

Nomenclature des produits

Figure 6 : Déploiement d’un réseau manufacturier

10 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

Les trois stratégies qu'on vient d'exposer se distinguent par la nature des réseaux de distribu-
tion mis en place. Pour plusieurs entreprises, c'est plutôt la production qui représente le cœur de
métier et la stratégie de déploiement porte alors principalement sur la forme du réseau manufac-
turier. Pour ces entreprises, la configuration du réseau doit tenir compte de la nomenclature des
produits fabriqués, ainsi que des spécificités techniques du processus et des technologies de pro-
duction. Le graphe d'activités illustré à la Figure 6 reflète le cas d’une entreprise de fabrication à
la commande (MTO) qui réalise plusieurs activités de fabrication de composants et d’assemblage
de produits finis. La figure illustre le lien entre le graphe d’activités et la nomenclature des pro-
duits. Le réseau déployé montre que l’entreprise opère actuellement une usine focalisée sur la
fabrication du composant 5 (activité 3), une usine regroupant les activités 2, 4 et 5 et deux usines
d’assemblage à partir desquelles les produits commandés sont expédiés aux clients. Générale-
ment, le graphe d'activités d’une entreprise manufacturière incorpore plusieurs activités de fabri-
cation hiérarchisées, organisées par produit ou par processus technologique, et considère une
combinaison de mouvements inter et intra sites. Ces graphes d'activités se traduisent par un ré-
seau déployé ayant une structure multi-échelons avec plusieurs sites de fabrication intégrés ou
dédiés, et plusieurs sites d’assemblage-distribution de produits finis. Il est clair que les stratégies
de production-distribution des entreprises multinationales conduisent à un graphe d'activités et
un réseau déployé assez complexe. D’autre part, dans plusieurs contextes, le réseau d'approvi-
sionnement peut être beaucoup plus élaboré que dans les exemples ci-dessus et inclure un niveau
de stockage ou de transbordement des matières premières.

En résumé, la structure matérielle du réseau logistique d’une entreprise s'avère fortement re-
liée à son contexte industriel et à l'environnement d'affaires (marchés, concurrence, partenaires,
etc.), mais surtout découle de sa stratégie logistique. Chaque entreprise a ses spécificités et on ne
peut pas se limiter à l’examen de quelques structures génériques de réseaux logistique pour trou-
ver celle qui s'adapte le mieux à un cas particulier. Les stratégies de déploiement discutées pré-
cédemment présentent des solutions partielles qui peuvent être adéquates pour un sous-ensemble
de produits, pour un marché/pays donné, ou bien un contexte concurrentiel particulier, mais qui
sont insuffisantes dans la majorité des cas. Le choix de la structure optimale doit plutôt découler
de la stratégie logistique développée par l'entreprise, tenant compte des enjeux clés de niveau de
service, des processus de demande et des types de produits, et s'appuyant sur une optimisation du
réseau potentiel à déployer afin de trouver les meilleurs compromis entre tous les éléments de
performance désirés (économies d'échelles, flexibilité, risque…). Devrait-on avoir une source
d'approvisionnement unique pour les matières premières ou bien un ensemble de fournisseurs
éventuellement loin des marchés et/ou locaux ? Devrait-on avoir une grande usine centralisée
pour la fabrication de tous les produits ou bien un réseau de petites usines proches des marchés ?
Devrait-on avoir un entrepôt centralisé pour desservir tous les clients ou bien un réseau d'entre-

Alain Martel et Walid Klibi 11


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

pôts locaux ? C'est pour répondre à ces questions stratégiques qu’on aborde la modélisation des
problèmes de design de réseaux logistiques dans les sections qui suivent.

3. PROBLEMES DE DESIGN DE RESEAUX LOGISTIQUES


Comme discuté précédemment, parmi les décisions clés de la problématique de réingénierie
de réseaux logistiques on trouve les décisions de localisation-allocation. Ces décisions prises
simultanément permettent de fixer la structure matérielle du réseau et de prévoir les flux de
marchandises qui circuleront à travers les installations déployées durant la période de
planification choisie pour l'étude. Dans cette section nous allons d'abord traiter la conception
d'un réseau de distribution en nous concentrant sur la minimisation des coûts pertinents. Nous
étudierons ensuite la conception d'un réseau de production-distribution et finirons par l’examen
de variantes de ces deux problèmes de localisation-allocation.

3.1 Design d’un réseau de distribution

Dans un premier temps, examinons le cas où les décisions de localisation des installations
concernent un seul échelon de sites intermédiaires dans le but d'assurer l'acheminement de
produits finis vers des clients. Ce cas est illustré à la Figure 7 par un graphe d'activités, les
ressources potentielles à disposition et le réseau potentiel résultant. Comme on le voit dans ce
graphique, une famille de produits provenant de sources d'approvisionnement externes doit être
acheminée vers des zones de demande (clients) par le biais de centres de distribution
intermédiaires. On doit donc déterminer quels centres de distributions (CD) devraient être
ouverts, et quelle sera leur mission, compte tenu de la capacité disponible et de la demande totale
des clients, de façon à minimiser le coût total encouru (CT) pour la période de planification
considérée (typiquement, une année représentative).
Graphe Ressources
Réseau potentiel
d’activités disponibles

1Supply
1 Implicite Produit
Offre

Site
envisagé
Centres de distribution (CD) w  LW

5 Yw …
2
Distribution
x 2
3
6

4 Fwl
1
3Supply
Demande …
Zones de demande l  LD
Zone de demande

Figure 7 : Problème de design d’un réseau de distribution à un échelon

12 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

Plus spécifiquement, on suppose que :

 Les produits distribués sont similaires. On peut donc les regrouper dans une seule famille et
faire comme s’il n’y avait un seul produit.
 Le réseau doit être conçu à partir de zéro et la plateforme (voir le chapitre 4) du centre de
distribution (CD) implanté sur les sites envisagés est prédéterminée.
 Les coûts d’opération sont linéaires et on veut concevoir le réseau qui minimise le total des
coûts pertinents pour l’année considérée.

Pour formuler le problème, on a besoin des ensembles suivants :

LW : Ensemble des sites de distribution envisagés ( w  LW )


LD : Ensemble des zones de demande (regroupement de points de livraison) à desservir
( l  LD )

Les données de base du problème sont représentées par la notation suivante :


dl : Demande des points de livraison regroupés dans la zone l durant l'année considérée
bwE
: Espace maximal de stockage du site w (en palettes, m2, m3… selon le cas)
 : Taux de rotation des stocks cycliques et de sécurité de l’entreprise (voir chapitre 2)
e : Espace de stockage occupé par un produit (en palettes, m2, m3… selon le cas)
 : Ratio du niveau de stock maximal gardé dans les CD durant l’année sur le niveau de
stock annuel moyen, soit (niveau maximal)/(niveau moyen).

Les coûts pertinents suivants doivent être pris en compte :

cw : Valeur moyenne d’un produit gardé en stock dans le CD w  LW (incluant le prix


d’achat, ainsi que les coûts de transport amont, d’immobilisation en transit, de
réception et de mise en stock)
rw : Taux du coût d’immobilisation des stocks (voir chapitre 2), plus taux par unité
monétaire ($, €…) de stock chargé pour l’espace occupée en moyenne durant l’année
lorsque le CD w appartient à une tierce partie.
cwl : Coût unitaire de cueillette, d’expédition, de transport et d’immobilisation des stocks
en transit associé à l’approvisionnement de la zone de demande l à partir du CD w
f wl : Coût unitaire total encouru pour le ravitaillement de la zone de demande l à partir du
site w
yw : Coût fixe (loyer ou annuité plus frais fixe d’exploitation) associé à l’ouverture et à
l’exploitation de la plateforme du site w durant l’année considérée (voir chapitre 2)

Pour décrire une solution, les variables de décision suivantes sont requises :
Yw : Variable binaire égale à 1 si le site w est ouvert, et 0 autrement
Fwl : Quantité de produits fournie à la zone de demande l durant l'année par le site w

Alain Martel et Walid Klibi 13


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Pour un CD w donné, le débit annuel de produit correspond à la somme des flux sortants,
soit : X w   lLD Fwl . Pour fournir un service adéquat, le niveau moyen des stocks requis durant
l’année est obtenu en divisant le débit par le taux de rotation des stocks de l’entreprise, ce qui
donne : I w  X w /  . En pratique, le niveau des stocks n’est pas toujours égal à sa moyenne an-
nuelle. Étant donné que les camions qui font les livraisons et les expéditions transportent des lots
de produits (ce qui engendre des stocks cycliques), à certains moments, le stock en main peut
être sensiblement plus élevé que la moyenne annuelle. Évidemment, l’espace de stockage du CD
doit être suffisant pour accommoder ces niveaux d’inventaire plus élevés. L’espace de stockage
requis dans le CD est donc e I w  (e /  ) X w . Le débit dans les CD doit par conséquent respec-
ter la contrainte suivante : X w  bw où bw  (  / e )bwE .

Pour ce qui est des coûts pertinents, à la valeur cw des articles stockés dans le CD w, on doit
ajouter les coûts de stockage et de livraison aux clients. Comme on l’a vu au chapitre 2, le coût
d’immobilisation des stocks est donné par l’expression (rwcw ) I w  (rwcw /  ) X w . Le coût unitaire
total encouru pour l'approvisionnement de la zone de demande l à partir du site w est donc :
f wl  cw  (rwcw /  )  cwl . Il s’ensuit que le modèle d'optimisation de base suivant peut être utilisé
pour trouver la structure optimale du réseau logistique :

C RL  min  ywYw  f wl Fwl (1)


wLW wLW lLD

sujet aux
- contraintes de demande

F wl  dl , l  LD (2)
wLW

- contraintes de capacité des CD

F wl  bwYw , w  LW (3)
lLD

- contraintes de non-négativité
Yw  0 ,1 , w  LW , Fwl  0, w  LW , l  LD (4)

Il s’agit d’un modèle de programmation linéaire classique qui peut être résolu, entre autres,
avec les solveurs imbriqués dans Excel. À cause de la nature binaire ({0,1}) des variables de lo-
calisation, l'inclusion d'un nombre très important de sites potentiels dans le modèle mathéma-
tique rendrait le problème plus difficile à résoudre.

Exemple  
Le réseau potentiel illustré à la Figure 8 porte sur la distribution d'une famille de produits
vers un ensemble de marchés en passant par des installations intermédiaires. Cinq marchés qui
regroupent les clients d'un même pays ont été définis : Allemagne, France, Italie, Espagne et Por-

14 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

tugal. Les articles peuvent être acheminés vers ces cinq marchés à travers trois centres de distri-
bution potentiels situés à Düsseldorf, Turin et Toulouse. Ces sites potentiels appartiennent à un
3PL avec lequel l’entreprise veut négocier une entente basée sur un débit maximal de 500 pro-
duits par an pour chaque site. Les coûts unitaires de distribution prévus sont indiqués sur les arcs,
et les coûts fixes d’exploitation des installations sont inscrits près des CD. On désire déterminer
quels CD utiliser ainsi que préciser la mission des installations retenues.
Produit 1

CD Dusseldorf Toulouse Turin


w  LW y1  27 K € 1
y2  35 K € 2
y3  23K € 3

180 140
160 150
125 160 130 145 130 130 130 160 170
120 150
f wl

Clients
l  LD 4 5 6 7 8

Allemagne France Italie Espagne Portugal


Demande d 4  150 d5  175 d 6  100 d 7  175 d8  250
Figure 8 : Réseau logistique potentiel de l’exemple

Le tableur Excel utilisé pour trouver la solution optimale de cet exemple et les paramètres du
Solveur qui s’y rattachent sont inclus à la Figure 9. Le tableau du haut est utilisé pour spécifier
les paramètres du problème en termes de coûts, de capacités et de demande. Le deuxième tableau
contient les variables de décision du problème et permet d'implanter les contraintes de capacité
des entrepôts et de satisfaction de la demande. Il inclut les décisions de flux des CD vers les
marchés et les décisions binaires d'ouverture pour les trois sites. Notez aussi qu’on doit dans ce
cas calculer le côté droit des contraintes, puisque la capacité disponible dépend des décisions
d’ouverture des installations, c.-à-d. des variables 0-1 associées aux sites. Notez finalement qu’il
a été nécessaire de définir ces variables explicitement comme des variables binaires dans le Sol-
veur.

La solution optimale obtenue en matière d'ouverture de sites et de flux vers les marchés se
trouve dans le deuxième tableau de la Figure 9. Elle suggère de ne pas utiliser le site de Tou-
louse. L'entrepôt de Düsseldorf couvrira la demande de l'Allemagne, de la France et de
l’Espagne. L'entrepôt de Turin aura pour mission de servir l'Italie et le Portugal. Dans ce tableau,
la colonne de capacité en excès présente des valeurs non-négatives, ce qui valide que la somme
des livraisons pour un site ouvert est inférieure à la capacité disponible. De même, la rangée des
demandes à la fin du tableau valide que la somme des flux de produits vers un marché donné soit
exactement égale à sa demande totale.

Alain Martel et Walid Klibi 15


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Figure 9 : Tableur Excel et paramètres du Solveur pour l’exemple

3.2 Design d’un réseau de production-distribution


Le modèle de base qu'on vient de résoudre considère une structure de réseau avec un seul
échelon de sites de distribution et une seule famille de produits (Figure 7). Examinons mainte-
nant le cas d’un réseau qui inclut simultanément des installations de production et de distribution
et qui traite plusieurs familles de produits. Comme la Figure 10 l'illustre, le graphe d'activités
associé à ce nouveau problème stipule que les produits sont fabriqués à l’aide de technologies
distinctes et qu’ils sont ensuite stockés avant d’être vendus aux clients. L’entreprise envisage
l’implantation de quelques centres de production-distribution (CPD) qui peuvent fabriquer
l’ensemble ou une partie des produits et distribuer ces produits directement aux zones de de-
mande à proximité. Elle envisage aussi l’exploitation de centres de distribution (CD) pour facili-
ter l’accès aux marchés plus éloignés. Ceci se traduit sur le réseau potentiel de la Figure 10 par
deux échelons de sites intermédiaires.
Graphe d’activités Ressources Réseau potentiel
disponibles
1Supply
1
Offre Implicite
… pP

Centre de
1 {P} production-distribution (CPD)

Production Production
Yu … u  LU
produit 1
… produit P
4
1 {P}
x 5

2
3
Yw … w  LW
Distribution 6
1
P

Supply
Demande
Centre de Zone de demande
… l  LD
distribution (CD)

Figure 10 : Problème de design d’un réseau de production-distribution à deux échelons

Les principales caractéristiques du problème sont les suivantes :

16 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

 Les produits finis sont fabriqués pour stock, et ils sont expédiés aux clients soit directement
à partir d’un CPD ou via un CD. Tous les produits d’une famille nécessitent la même
technologie de production, de manutention et de transport et utilisent la même méthode de
pilotage des flux.
 Le réseau doit être conçu à partir de zéro et les plateformes de CD ou de CPD implantées sur
les sites envisagés sont prédéterminées. La plateforme de certains CPD permet de fabriquer
seulement un sous-ensemble des familles de produits.
 Les coûts d’opération sont linéaires et on veut concevoir le réseau qui minimise le total des
coûts pertinents pour l’année considérée.
Pour formuler un modèle de design, on a besoin des ensembles suivants :
P : Ensemble des familles de produits fabriqués ( p  P )
D
Lp : Ensemble des zones de demande qui commandent le produit p (avec LD   p LDp )
LU : Ensemble des sites de production-distribution (usines)
Pu  P : Sous-ensemble des familles de produit qui peuvent être fabriqués dans le CPD u  LU
LW : Ensemble des sites de distribution
L  L  LW
S U

Les données requises pour compléter l’analyse sont les suivantes :


d pl : Demande du produit p par la zone de demande l durant l'année considérée
ep : Taille moyenne des produits de la famille p (dans une unité standard appropriée :
conteneur, palette, m2, m3...)
bs : Expéditions annuelles maximale du site s  LS (en unités de produit standard) aux
zones de demande imposées par l’espace de stockage disponible ( bs  (  /  )bsE )
bpu : Capacité de production du produit p au CPD u
Les coûts pertinents suivants doivent être pris en compte :
P
cpu : Coût unitaire moyen de production du produit p au CPD u (incluant la valeur des
matières premières achetées, les coûts de réception et les coûts de manufacture)
S
c ps : Coût moyen de stockage au centre s par unité de flux du produit p ( cSps  rs c ps /  , c ps
étant la valeur du produit p au site s)
c psl : Coût unitaire de cueillette, d’expédition, de transport et d’immobilisation des stocks en
transit associé à la livraison du produit p au nœud l  LW  LD à partir du site s  LS
f pul  c Ppu  cSpu  c pul , u  LU , l  LD
f puw  c Ppu  c puw , u  LU , w  LW
f pwl  cSpw  c pwl , w  LW , l  LD
Notons que les coûts de transport sur un arc spécifique du réseau dépendent du mode de transport
qui serait utilisé pour cet arc, de si on expédie en charge complète ou partielle et, dans ce dernier

Alain Martel et Walid Klibi 17


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

cas, de la taille moyenne des chargements (voir chapitre 2 et chapitre 5).

Dans ce cas, les variables de décision suivantes sont requises :


Ys : Variable binaire égale à 1 si la plateforme du site s  LS est implantée, et 0 autrement
Fpwl : Flux des produits p fournis à la zone de demande l durant l'année à partir du CD w
Fpul : Flux des produits p fournis à la zone de demande l durant l'année à partir du CPD u
Fpuw : Flux des produits p livrés par l'usine u à l'entrepôt w durant l'année
Les trois types de variables d'acheminement des produits sont illustrés à la Figure 11 pour un
produit p et un CPD u donné.
u

Fpuw
w w w  LW
Fpwl Fpul

l l l l l l l l  LDp
Demande d pl
CPD CD Client

Figure 11 : Réseau logistique pour le produit p fabriqué au CPD u

Le modèle d'optimisation suivant peut être utilisé pour trouver la structure optimale du ré-
seau logistique :
C RL  min  yY   
s s
pP uLU wLW
f puw Fpuw     f psl Fpsl
pP sLS lLDp
(5)
sLS

sujet aux
- contraintes de demande
 Fpsl  d pl , p  P, l  LDp (6)
sLS

- contraintes de capacité de production


 Fpul   Fpuw  bpuYu , u  LU , p  Pu (7)
lLDp wLW

- contraintes de capacité de distribution


 e p (  Fpsl )  bsYs ,
pP
s  LS (8)
lLDp

- contraintes d'équilibre des flux aux sites intermédiaires


 Fpuw   Fpwl , p  P, w  LW (9)
uLU lLDp

- contraintes de non-négativité
Ys  0 ,1 , s  LS ; Fpuw , Fpsl  0, p  P , s  LS , l  LD (10)
Ce problème d’optimisation dans les réseaux peut être résolu facilement avec les solveurs dispo-

18 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

nibles sur le marché.

Exemple 
En reprenant l'exemple précédent, on suppose maintenant qu'on a deux familles de produits
dans le réseau issues d'une ou plusieurs usines. Deux sites de production-distribution potentiels
ont été identifiés : Berlin et La Haye. Ces CPD doivent alimenter les CD à ouvrir parmi les trois
sites potentiels (Toulouse, Düsseldorf et Turin) en fonction de leur capacité et de la demande des
clients. La Figure 12 illustre la structure du réseau potentiel de distribution à partir des entrepôts
pour chaque produit et les flux d'approvisionnement des CD à partir des CPD. À ce réseau
s’ajoutent les flux pour les livraisons directes des produits à partir des usines. L'ensemble des
données du problème en termes de coûts, de capacités et de demande sont fournies dans les deux
tableaux de la Figure 13.

Le programme linéaire à résoudre avec le solveur d’Excel et la solution optimale se trouvent


à la Figure 14. Cette solution peut être interprétée comme suit :
 L’usine de La Haye devrait être ouverte et utilisée pratiquement à sa pleine capacité; sa mis-
sion sera de fabriquer tous les produits requis, d'approvisionner les deux CD ouverts et aussi
de livrer directement une partie de la demande des produits en France en Espagne et au Portu-
gal. L'usine à Berlin ne devrait pas être ouverte.

 Les entrepôts de Düsseldorf et de Turin devraient être ouverts et servir à satisfaire totalement
les demandes de l'Allemagne, de l'Italie et du Portugal; ainsi qu’une partie de la demande de
produit 2 non servi par l'usine pour la France. L’entrepôt de Toulouse ne devrait pas être ex-
ploité.

Produit 1 Produit 2
La Haye u=3 Berlin u=4 La Haye u=3 Berlin u=4
y3  210 K € y4  270 K € y3  210 K € y4  270 K €
CPD
u  LU 120 90 150
120
86 116 126 106 116 146 156 136

CD Dusseldorf Toulouse Dusseldorf Toulouse


Turin Turin
w  LW y5  55 K € 5 y6  65 K € 6 y7  45 K € 7 y5  55 K € 5 y6  65 K € 6 y7  45 K € 7
79 62 29 49 42 80 50 43
32 29 63
24 56 62 46 32 72 25 57 63 30 47 33 32 30 73
22 56 23 57

Clients
l  LD 8 9 10 11 12 8 9 10 11 12

Allemagne France Italie Espagne Portugal Allemagne France Italie Espagne Portugal
Demande
d1,8  150 d1,9  175 d1,10  100 d1,11  175 d1,12  250 d 2,8  600 d 2,9  450 d 2,10  300 d 2,11  275 d 2,12  425

Figure 12 : Structure du réseau potentiel de ravitaillement à partir des entrepôts

Alain Martel et Walid Klibi 19


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Figure 13 : Données de l'exemple à 2 échelons avec 2 produits

Figure 14 : Solution optimale de l'exemple à 2 échelons avec 2 produits

3.3 Variantes des problèmes de base

Plusieurs variantes des problèmes de localisation-allocation que nous venons d’étudier


peuvent être envisagées. Nous en discutons quelques-unes dans les paragraphes qui suivent.

Contraintes de service 

On peut exiger que tous les entrepôts qui servent un client soient situés à l’intérieur d'une
distance (exprimée en unités de distance ou de temps) maximale du client. Plutôt que d’inclure
ces contraintes explicitement dans le modèle, il est plus efficace d’éliminer a priori les arcs non
admissibles. Lorsque le critère de service utilisé s’appuie sur les temps de réponse, par exemple,
on élimine l'arc (s, l) si TRsl  TRlmax où :
TRsl : Temps de réponse moyen lorsqu’un produit est fourni au client l  LD par le site s  LS

20 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

TRlmax : Temps de réponse maximal admissible pour le client l  LD

Comme l'illustre la Figure 15a) l'ensemble de sites admissibles pour un client donné est
réduit en fonction de la contrainte de service. En procédant ainsi, il faut toutefois s’assurer que
chaque client peut être desservi par au moins un site. Sinon, il n’y aura pas de solution réalisable.
s
w Fpwl  Owl d pl
TRsl  TR max
Sources
O …
l
wl  1, Owl  0 l d pl
s multiples wLW

s w’ Fpw 'l  Ow 'l d pl

s vs

s l
TRsl Fpwl  Owl d pl
max
Source
unique O wl  1, Owl  {0,1} w l d pl
TR l
wL
W

a) Contrainte de service b) Contrainte de distribution


Figure 15 : Illustration de variantes typiques

Sites dédiés au transbordement  
Le graphe d'activités présenté à la Figure 7 pour concevoir un réseau de distribution stipule
que les produits vendus doivent être stockés dans un entrepôt et livrés aux clients à partir de cet
entrepôt. Dans plusieurs contextes de distribution, comme discuté à la section 2, on ne garde pas
de stocks intermédiaires et, pour réduire les coûts de transport, on consolide les flux de produit
en provenance des fournisseurs dans des plateformes de transbordement (crossdocking). En plus
de la durée des transports, les délais de livraison aux clients dépendent alors des temps de ré-
ponse des fournisseurs et de la durée des transbordements. Pour tenir compte de cette particulari-
té dans le modèle d'optimisation (1)-(4) il suffit de redéfinir le débit annuel maximal bw , w  LW ,
utilisé dans la contrainte (3). Au lieu d’être calculé à partir de l’espace de stockage disponible et
du taux de rotation des stocks comme à la section 3.1, il dépend alors de la capacité de réception,
consolidation et livraison de la plateforme. Des données sur l'agencement et nombre de portes ou
quais dédiés et sur les moyens de manutention disponibles doivent alors être utilisées pour l'es-
timer. Évidemment, l’activité de stockage à la Figure 10 pourrait aussi être remplacée par du
transbordement. Il suffirait alors d’adapter la contrainte (8) en conséquence dans le modèle de
design de réseau de production-distribution présenté précédemment.

Prise en compte des sources d'approvisionnement  
Dans le modèle d’optimisation d’un réseau de distribution (1)-(4) les décisions de sélection
des fournisseurs ainsi que les flux d’approvisionnement sont implicites. Dans certains contextes,
ces décisions sont primordiales et il faut les considérer explicitement. C'est typiquement le cas

Alain Martel et Walid Klibi 21


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

pour les réseaux de ravitaillement des points de service d’entreprises comme France Télécom ou
Hydro-Québec (voir chapitre 1). Dans ce cas, on considère l'ensemble LV des sources
d’approvisionnement et l’ensemble Pv des produits vendus par chaque fournisseur v  LV . En
plus des paramètres définis précédemment, on a besoin des données suivantes :
b pv : Quantité maximale de produit p  Pv qui peut être fournie durant l’année par le
fournisseur v  LV
f pvw : Coût unitaire associé aux flux de produit p  Pv du fournisseur v  LV vers le CD
w  LW (inclut le prix d'achat demandé par le fournisseur, le coût de transport vers le
CD et le coût de réception au CD)
yv : Coût fixe encouru lors de la signature d’un contrat avec le fournisseur v  LV
Les variables de décision additionnelles suivantes sont aussi nécessaires :
Yv : variable binaire égale à 1 si le fournisseur v  LV est sélectionné, et 0 autrement
Fpvw : Flux des produits p expédiés du fournisseur v  LV au CD w  LW durant l'année.
Il s’en suit que le modèle d'optimisation suivant peut être utilisé pour trouver la structure op-
timale du réseau de ravitaillement avec sélection de fournisseurs :
C RL  min  ylYl   f
pP wLW lLDp
pwl Fpwl    
pP vLV wLW
f pvw Fpvw (11)
lLV  LW

sujet aux
- contraintes de demande
F pwl  d pl , p  P, l  LDp (12)
wL W

- contraintes de capacité des CD


F
pP
pwl  bwYw , w  LW (13)
lLDp

- contraintes de capacité des fournisseurs

F pvw  b pv Yv v  LV , p  Pv (14)
wLW

- contraintes d'équilibre des flux aux CD


F pvw  F pwl , p  P, w  LW (15)
vLV lLDp

- contraintes de non-négativité
Yl  0 ,1 , l  LV  LW ; Fpvw , Fpwl  0 , p  P , v  LV , w  LW , l  LD (16)

Restriction sur les sites  
Si on veut que certains sites soient absolument inclus, on impose ces restrictions en fixant
les Ys correspondants a priori. Par exemple, si dans notre problème le CD 1 est déjà ouvert et ne
doit pas être fermé alors on fixera a priori Y1  1 pour le maintenir ouvert. On peut aussi vouloir

22 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

limiter le nombre total de CD, de CPD ou de sites s max dans le réseau. On ajoute alors une borne
supérieure du type :
 Ys  smax
sLS

Pour un sous-ensemble LS  LS de sites répondants à un critère donné, en ajoutant la contrainte


 sLS Ys  1 on s'assure qu'il y aura au plus un site de sélectionné dans le sous-ensemble. Par
contre, en ajoutant la contrainte  sLS Ys  1 on s'assure qu'il y aura au moins un site de choisi
dans le sous-ensemble.

Dans certains cas, un produit p peut être incompatible avec la plateforme de certains sites
potentiels, faute d'espace ou d'équipement de manutention adéquat par exemple. Dans ce cas, on
doit tout simplement définir en conséquence des sous-ensembles de sites admissibles par produit
LSp et de produits admissibles par site Ps et utiliser ces sous-ensembles au lieu de l’ensemble au
complet dans les formulations.

Bornes sur les débits dans les plateformes  
Les contraintes (8) imposent des bornes supérieures sur les quantités de flux stockées dans
les CD. Si, en pratiques, il n'y a pas de contraintes de capacité pour un CD (ex. : entrepôt public),
on définit les bw correspondants comme la demande maximale qui peut passer par le CD et on
pose e p  1 dans la relation (8). Les contraintes (8) sont nécessaires même s’il n’y a pas de res-
trictions sur la capacité parce qu’elles garantissent qu’aucun flux ne passera par les sites qui ne
sont pas choisis.

Si l’on veut qu’un CD ne soit ouvert que si son débit total durant l’année excède une borne
inférieure prédéterminée bw , on ajoute la contrainte :
 e p (  Fpwl )  bwYw , w  LW
pP
(17)
lLDp

De même, dans le cas où il n’y a pas de livraisons directes, si l'on veut qu'une usine ne soit utili-
sée que si le niveau d'activité annuel total excède une borne inférieure prédéterminée bu , on
ajoute la contrainte suivante :
  Fpuw  buYu , u  LU
pP wLW
(18)

Source unique pour chaque client 
En pratique il arrive, pour des raisons de service, qu’on désire que les expéditions vers un
client donné proviennent d’un seul site2. Pour tenir compte de cette contrainte, on doit définir les
2
À l’ère de l’Internet, les processus de vente et de livraison sont généralement découplés, le premier ayant lieu par
exemple au siège social et le second dans un CD. L’exigence d’une source d’expédition unique est par conséquent
moins pertinente que dans le passé.

Alain Martel et Walid Klibi 23


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

variables binaires suivantes :


1 si le client l est affecté au site s
Vsl   , s  LS , l  LD
0 autrement

La variable Vsl peut être interprétée comme la proportion de la demande du client l satisfaite
à partir du site s. Le schéma de la Figure 15b) illustre comment ces variables binaires peuvent
être utilisées dans un réseau de distribution pour imposer une source unique d’expédition. Lors-
qu’on utilise ces variables, les flux entre les sites et les clients sont données par l’expression :
Fpsl  d plVsl , p  P, s  LS , l  LDp . Pour obtenir un design avec des sources uniques, il suffit de
remplacer les contraintes (6) dans le modèle d’optimisation d’un réseau de production-
distribution par les contraintes suivantes :

V sl 1 , l  LD (19)
sL
S

Fpsl  d plVsl  0 , p  P, s  LS , l  LDp (20)


Vwl  0,1 , s  LS , l  LD (21)
Lorsque la contrainte (21) est relâchée, c.-à-d. lorsqu’on la remplace par Vsl  0, s  LS , l  LD ,
ce modèle est équivalent au précédent. Par contre, lorsque les Vsl sont des variables binaires, le
modèle garantit que chaque client sera approvisionné par un seul site.

4. LA MAXIMISATION DE LA VALEUR
Nous venons de présenter des modèles de localisation-allocation visant la minimisation des
coûts d'investissement et d'exploitation pertinents pour le design de réseaux logistiques. Comme
on l’a vu au chapitre 2, il ne suffit toutefois pas de minimiser les coûts pour créer de la valeur; il
faut plutôt maximiser la valeur ajoutée en tenant aussi compte des revenus pertinents. Dans cette
optique, l’objectif de cette section est d'orienter les modèles de base précédents vers la maximi-
sation de la valeur économique ajoutée. Évidemment, ceci présuppose que les revenus soient in-
fluencés par les incitants fournis par le réseau logistique et cette section examine différentes fa-
çons de les modéliser. Pour le moment, on ne tient pas compte de l’impact des impôts (autrement
dit, on suppose que  = 0).

La façon la plus simple d’aborder cette problématique est de calculer le profit de l'entreprise
sur la base du revenu total des ventes duquel on soustrait le coût total du système pendant la pé-
riode de temps considérée. De façon générale, lorsqu’on désire maximiser les profits on doit
remplacer la fonction économique (5) du modèle précédent de design d'un réseau de production-
distribution par la fonction suivante :
EVARL  max R
pP lLDp
pl (d pl ) - [  
pP uLU wLW
f puw Fpuw     f psl Fpsl +  ysYs ]
pP sLS lLDp
(22)
sLS

24 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

où d pl est la quantité de produit p vendue dans la zone de demande l et R pl (d pl ) est le revenu


total des ventes de produit p dans la zone l. La complexité du modèle ainsi obtenu dépend de la
nature de la demande d pl et des fonctions de revenu R pl (d pl ) , l  LDp , p  P . Si la demande d pl
est prédéterminée et R pl (d pl ) est indépendant des variables de décision du modèle de design,
alors le premier terme de (22) est une constante et il suffit de minimiser les coûts ( C RL ), comme
nous l’avons fait à la section précédente, pour obtenir la solution optimale. Autrement, d pl de-
vient une variable de décision, ou une fonction de certaines variables de décision du modèle de
design, qui se situe à l’intérieur d’une plage de valeurs
d pl  d pl  d pl , p  P, l  LDp (23)
où d pl et d pl sont, respectivement, une borne inférieure dictée par les objectifs de pénétration de
marché de la firme et une borne supérieure correspondant à la part de marché maximale que
l’entreprise peut obtenir, compte tenu de sa stratégie marketing et de la position occupée par les
concurrents. On examine trois façons de faire dans les paragraphes suivants.

La demande en tant que variable de décision 
Considérons d’abord la demande d pl comme une variable de décision. La complexité du
problème dépend alors de la nature de la fonction de revenu R pl (d pl ) . Si les revenus se calculent
avec l’expression R pl (d pl )  u pl (d pl )d pl , et que le prix unitaire u pl (d pl ) est une fonction linéaire
de la demande d pl , la fonction économique du modèle est quadratique. Le modèle est alors plus
compliqué, mais il peut être résolu par la majorité des solveurs commerciaux. Si, par contre, le
prix de vente u pl du produit p dans la zone de demande l est indépendant de la demande d pl , le
modèle obtenu demeure linéaire et il n’est pas beaucoup plus difficile à résoudre que le modèle
de minimisation des coûts.
Données
Coûts des flux Marchés Sites
Site Allemagne France Italie Espagne Portugal Capacité Coût fixe
Dusseldorf 125 € 120 € 150 € 160 € 180 € 500 27 000 €
Toulouse 160 € 130 € 145 € 130 € 150 € 500 35 000 €
Turin 140 € 130 € 130 € 160 € 170 € 500 23 000 €
Demande min 100 125 75 125 200
Demande max 300 325 275 325 400
Prix de vente 240 € 230 € 220 € 200 € 190 €
Variables de décisions
Flux Marchés Capacité
Ouverture
Site Allemagne France Italie Espagne Portugal en excès
Dusseldorf 300 200 0 0 0 1 0
Toulouse 0 0 0 325 175 1 -
Turin 0 125 275 0 100 1 -
Demande 300 325 275 325 275
Fonction Economique
Coût Ouverture Flux Revenues
Dusseldorf 27 000 € 61 500 € 118 000 €
Toulouse 35 000 € 68 500 € 98 250 €
Turin 23 000 € 69 000 € 108 250 €
Total 85 000 € 199 000 € 324 500 € 40 500 €

Figure 16 : Exemple de solution d’un modèle de maximisation de la valeur ajoutée

Alain Martel et Walid Klibi 25


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Illustrons ce dernier cas à l’aide d’une variante de l'exemple de la Figure 8. Les tableaux à la
Figure 16 fournissent les données complémentaires requises, soit le prix de vente du produit et
les bornes sur la demande pour les différents marchés. Pour ce modèle de maximisation de la va-
leur ajoutée, la solution optimale indique qu'il est plus intéressant économiquement de vendre le
plus possible dans les marchés les plus rentables (Allemagne, France, Italie et Espagne) et de
vendre autant que la capacité le permet dans le marché le moins rentable (Portugal). La solution
obtenue est différente du cas de minimisation du C RL , et elle recommande d'ouvrir les trois en-
trepôts et de les utiliser à leur pleine capacité.

Analyse de la sensibilité de la demande à l’offre de l’entreprise 
Supposons maintenant que la demande d pl est influencée par deux incitants : les délais de
livraison au client et le prix de vente. Supposons aussi qu’une relation du type :
d pl  g pl (u pl ,TRl ) , p  P, l  LDp (24)
peut être établie entre la demande d pl d’une part et, d’autre part, le prix u pl du produit p et le
temps de réponse TRl (ou la distance maximale entre le client et le point d’expédition) offerts
aux clients de la zone l.La façon la plus simple d’aborder ce problème est de procéder par ana-
lyse de sensibilité, en examinant une plage de valeurs possibles pour les variables
u pl , p  P, l  LDp et TRl , l  LD . Si le problème inclut un grand nombre de produits et/ou de sites,
le nombre de cas à explorer peut être extrêmement élevé. Pour contourner cette difficulté, on
suppose généralement que l’offre de l’entreprise sera la même pour toutes les zones de demande
l  LD , et on se limite à des variations de prix exprimées en termes d’un pourcentage
d’augmentation ou de diminution du prix de base de chacun des produits. Pour des prix donnés,
u op , p  P , et un temps de réponse donné TR o , on évalue les demandes avec la relation (24), les
revenus engendrés avec la relation :
R RL    R pl (d pl )   u op (  d pl ) (25)
pP lLDp pP lLDp

et on trouve la solution optimale du modèle de minimisation des coûts (5)-(10), en éliminant a


priori tous les arcs qui ne respectent pas le temps de réponse TR o . Pour un prix donné, on peut
ensuite tracer un graphique des courbes de revenus ( R RL ) et de coûts ( C RL ) du système logis-
tique en fonction du temps de réponse, comme la Figure 13 du chapitre 2 l’illustre. En analysant
ces courbes et les valeurs ajoutées EVARL  R RL  C RL associées pour quelques vecteurs de prix,
on en arrive à choisir le design de réseau le plus adéquat parmi les solutions obtenues.

Optimisation de l’offre de l’entreprise 
L’approche d’analyse de sensibilité précédente devient rapidement laborieuse et elle ne
permet pas de tenir compte du fait qu’en pratique l’offre de l’entreprise est généralement modu-

26 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

lée par produit-marché. On peut généraliser cette approche en modélisant les incitants que
l’entreprise peut offrir à l’aide de variables binaires. Un produit-marché k  K est typiquement
défini par une région géographique couvrant un ensemble de zones de demande LDk  LD dans
laquelle un ensemble de produits Pk  P est mis en marché de la même façon. Par exemple,
considérons deux clients localisés l’un près de l’autre. L’un d’eux achète un produit standard fa-
briqué pour stock qu’il désire recevoir rapidement, disons du papier d’impression standard.
L’autre achète un papier d’impression spécialisé fabriqué sur commande. Quoique les deux
clients soient voisins, ils ne font pas partie du même produit-marché parce qu’ils ne recherchent
pas les mêmes incitants. On suppose dans ce qui suit que les zones de demande l  LD sont défi-
nies de façon à ce qu’elles n’appartiennent qu’à un seul produit-marché dénoté par k (l ) .

Afin d’obtenir des commandes dans ces produits-marchés, l'entreprise doit développer diffé-
rentes offres pour satisfaire les clients mieux que ses concurrents. Supposons, comme précé-
demment, que les incitants de l'offre se limitent au temps de réponse et au prix des produits. Une
offre peut être formalisée à l’aide d’une politique quantifiant les incitants proposés. Pour chaque
produit-marché k un ensemble de politiques J k peut être envisagé. Le produit-marché auquel
une politique j est associée est dénoté par k ( j ) . Une politique j  J k pour le produit-marché
k  K est caractérisée par :
 un prix u jp pour chaque produit p  Pk ;
 un temps de réponse maximum TR j ;
 un coût fixe w j associé à son utilisation (publicité, documentation, stocks en consigna-
tion…) ;
 une borne supérieure d jpl sur la demande du produit p  Pk dans la zone l  LDk correspon-
dant à la part de marché maximale que l’entreprise peut obtenir avec cette politique.
Le temps de réponse TR j limite les points d’expédition qui peuvent être utilisés pour satisfaire
les demandes des clients d’une zone l  LDk ( j ) . L'exemple de la Figure 17 illustre les points
d’expéditions admissibles vers une zone de demande l pour un produit p donné avec trois offres
de service distinctes, compte tenu de la proximité des différents sites du réseau logistique poten-
tiel. Le sous-ensemble des sites qui peuvent être utilisés pour expédier le produit p vers la zone
de demande l  LDk ( j ) en respectant la politique j est dénoté par S jpl  LS .

Pour sélectionner les meilleures offres, on a besoin des variables de décision suivantes :
Wj : Variable binaire égale à 1 si la politique j est sélectionnée pour le produit-marché
k ( j ) et 0 sinon
Fjpsl : Flux de produits p fournis à la zone de demande l durant l'année à partir du site
s  S jpl lorsque la politique j  J k (l ) est sélectionnée (cette variable de décision

Alain Martel et Walid Klibi 27


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

remplace la variable de flux Fpsl utilisée précédemment)


1 3
2

CPD
5
S1 pl  1, 2,3, 4, 5, 6, 7 4
CD
S 2 pl  4,5, 6, 7

S3 pl  6, 7 6 7 l
Zone de
l 7 demande

Figure 17 : Ensemble de sites d’expédition admissibles pour différentes politiques

Lorsqu’on utilise cette approche pour choisir les offres et la structure de réseau qui maximi-
sent la valeur ajoutée, il faut remplacer le modèle de minimisation (5)-(10) étudié à la section
précédente par le programme linéaire avec variables binaires suivant :
EVARL  max     (u jp  f psl )F jpsl -   f puw Fpuw -  ysYs   w jW j (26)
pP lLDp jJ k (l ) sS jpl pP uLU wLW sLS jJ

sujet aux
- contraintes de demande
W j d pl   Fjpsl  W j d jpl , p  P, l  LDp , j  J k ( l ) (27)
sS jpl

W
jJ k
j 1 kK (28)

- contraintes de capacité de production


 Fjpsl  F puw  bpuYu , u  LU , p  Pu (29)
lLDp jJ k (l ) wLW

- contraintes de capacité de distribution


 e ( 
pP
p
jJ k (l )
Fjpsl )  bsYs , s  LS (30)
lLDp

- contraintes d'équilibre des flux aux sites intermédiaires


F puw   jJ k (l )
Fjpwl , p  P, w  LW (31)
uL U
lLDp

- contraintes de non-négativité
Ys  0 ,1 , s  LS ; W j  0 ,1 , j  J ; Fpuw , F jpsl  0, p  P , s  LS , l  LD , j  J k (l ) (32)

Dans ce modèle, les contraintes de demandes originales (6) sont remplacées par (27) et (28).
Cette dernière contrainte stipule qu’on ne peut pas sélectionner plus qu’une politique pour un
produit-marché k . Par contre, on peut décider de ne pas servir un produit-marché, ce qui se pro-
duit lorsque la somme des W j est nulle. La contrainte (28) indique que les expéditions de produit
p vers une zone de demande l doivent respecter les bornes sur la demande imposées par la poli-
tique choisie. Les autres contraintes du modèle ont simplement été adaptées pour tenir compte du
fait que les flux Fjpsl vers les zones de demande dépendent maintenant de la politique j choisie.

28 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

La fonction économique (26) a finalement été modifiée pour tenir compte du revenu des ventes
et du coût fixe des politiques choisies.

Évidemment, comme pour le problème de localisation-allocation classique, toutes sortes de


variantes de ces problèmes de maximisation de la valeur ajoutée peuvent être rencontrées et
l’analyse doit être adaptée en conséquence.

5. OPTIMISATION D'UN RESEAU LOGISTIQUE GENERAL


Dans les modèles d’optimisation précédents, pour simplifier la formulation, les activités et
les sources d’approvisionnement ne sont prises en compte qu’implicitement. Toutefois, lorsqu’on
veut faire le design d’un réseau logistique avec un processus manufacturier complexe comme
celui qui est illustré aux figures 18 et 19, on doit tenir compte explicitement des sources
d’approvisionnement ainsi que des activités et des recettes (nomenclatures) associées.

Examinons le cas d’une entreprise qui possède les caractéristiques suivantes :


 L’ensemble P des familles de produits considéré inclut des matières premières, des
composants intermédiaires et des produits finis. Le lien entre les produits est explicité par un
graphe d’activité, tel qu’illustré à la Figure 18. On traite le cas d’un graphe d’activité
quelconque. Aux activités de fabrication on associe des recettes qui précisent la quantité de
produits intrants requise pour fabriquer chaque produit extrant. On définit ainsi l’équivalent
d’une nomenclature de produit, tel qu’illustré à la Figure 20.
 Certaines des activités peuvent être sous-traitées.
 On doit choisir des fournisseurs parmi un ensemble de sources potentielles l  LV . Le
contrat avec les fournisseurs précise le prix des produits Pl  P offerts et un montant
minimal d’achat durant l’année. La quantité maximale de produits qui peut être fournie par
le fournisseur est aussi précisée.
 On suppose que les zones de demande l  LD sont situées géographiquement dans des
produits-marchés distincts k  K (états, regroupements de code postaux…), que les zones
demandent les produits Pl  P , et que le prix de vente des produits dépend du produit-
marché.
 On est dans un contexte de réingénierie d’un réseau logistique existant, c.-à-d. que certaines
plateformes sont déjà implantées sur des sites mais que des sites additionnels sont aussi
considérés. La plateforme des centres de distribution (CD) et des centres de production-
distribution (CPD) potentiels est prédéterminée, c.-à-d. qu’on connait les activités qu’ils
peuvent accomplir et la capacité disponible. Les sites existants peuvent être fermés.
 Les coûts d’opération sont linéaires et on veut concevoir le réseau qui maximise la valeur
économique ajoutée pour l’année considérée.

Alain Martel et Walid Klibi 29


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Graphe d’activités Ressources disponibles


1Supply
1
Offre

1, 2, 3

2 2
Usinage

4
3 Fabrication
composant 6
4 Fabrication
composant 7
x 6

3
2

4
2

3 4

Zones de demande 5

6 7
6
5

5
6

5
Assemblage 6
6

8, 9 6

6
Distribution

8, 9 Types de localisation :

7 Supply
Demande Fournisseur Site du Site Sous-traitant
potentiel réseau actuel potentiel potentiel

Figure 18 : Graphe d’activité et ressources disponibles pour une entreprise manufacturière

Fournisseurs
1 2 3

Centres de
1Supply
1
Offre
7 production-
2
1, 2, 3 distribution
2 2
Usinage

4 2 p=5
4
3 Fabrication
composant 6
4 Fabrication
composant 7
x 6

3
2

4
2

3 4

5
3 4 3 4
6 7  5
6
5

5
6
Zones de demande
5
Assemblage 6
6

8, 9 6
5
6
Distribution 6 5
8,9
7 Supply
6 10
Demande
8 6 9 6 6 11 6 12 6

13 . . . Zones de
demande

Figure 19 : Réseau potentiel

Les sources d’approvisionnement, les sites du réseau et les zones de demande définissent un
ensemble L de localisations physiques et pour les distinguer, comme précédemment, on spécifie
les sous-ensembles LV , LS et LD . La nature d’un site l  LS est précisée par l’ensemble des acti-
vités Al  AS que sa plateforme permet de réaliser. On se souviendra que AS peut contenir des
activités de production, de stockage ou de groupage/éclatement-transbordement. Certains de ces
sites peuvent être ceux de sous-traitants qui accomplissent des activités de production ou de dis-
tribution. Dans les représentations graphiques (voir Figures 18 et 19), l’icône des sites indique
quelles activités peuvent être accomplies dans les plateformes.

30 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

Activités Recettes Nomenclature

1, 2, 3
1 2 2 3
2
Usinage
g14=2 g24=3 g25=1 g35=2

4, 5 4 5
1 2 3 Matières premières
2 4
4 2 2 3 1 2
3 Fabrication
composant 6 g46=1 g26=2 4 5
2
6 6 2 1 Composants
1
7 6
4
4 2 3 4
4 Fabrication
g47=2 8 9 Produits finis
composant 7
7
7
5, 6, 7  7 6 6 5
5  : Produits
Assemblage g78=2 g68=3 g69=4 g59=1

8 9
8, 9
Figure 20 : Recettes associées aux activités de production (nomenclature des produits)

La nature du réseau potentiel obtenu pour le problème de design considéré est illustrée à la
Figure 19. Comme pour tous les réseaux, il est constitué de nœuds et d’arcs. On notera toutefois
que dans ce cas, les arcs ne vont pas d’un site vers un autre, comme précédemment, mais plutôt
d’une activité effectuée dans un site vers une activité effectuée dans le même site ou dans un
autre site. Les nœuds du réseau sont donc identifiés par des paires (localisation, activité), et les
arcs vont d’un nœud (l , a) vers un nœud (l , a ') du site l ou vers le nœud (l ', a ') d’un autre site.
Évidemment, à chaque arc est aussi associé un produit p. Si on prend l’arc (7,2)(6,5) à la Fi-
gure 19, par exemple, étant donné qu’il va de l’activité a = 2 à l’activité a’ = 5, on voit immédia-
tement sur le graphe d’activité que le produit associé est p = 5. Dans certains cas, il y plus qu’un
produit entre deux activités. Par exemple, le mouvement entre les activités 12 contient les pro-
duits 1, 2,3 . Par conséquent, il y a 3 arcs parallèles, un pour chaque produit, entre les fournis-
seurs et l’activité 2, dans le réseau. Ces arcs parallèles et les numéros de produits n’ont pas étés
représentés à la Figure 19 pour ne pas encombrer le schéma.

Une représentation générale du réseau potentiel obtenu est fournie à la Figure 21. Pour sim-
plifier la notation, on peut associer un numéro unique à chaque nœud du réseau. A un nœud
(l , a) quelconque, on associe ainsi un nombre n et, pour faire le lien entre ces deux identifiants,
on utilise les pointeurs l (n) et a(n) qui indiquent, respectivement, la localisation et l’activité
associées au nœud n. Dans ce qui suit, on va utiliser l’un ou l’autre de ces identifiants, de façon
interchangeable, dépendant de ce qui est le plus commode. Un arc du réseau peut ainsi être re-
présenté par un triplet ( p, n, n ') . L’ensemble de tous les nœuds du réseau est dénoté par N.
Comme pour les localisations, pour distinguer les types de nœuds on définit :

Alain Martel et Walid Klibi 31


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

NV : Ensemble des nœuds d’approvisionnement (paires (l ,1), l  LV )


NS : Ensemble des nœuds de production-distribution (paires (l , a ), l  LS , a  AS )
ND : Ensemble des nœuds de demande (paires (l , a ), l  LD )
Le pointeur k (n) indique le produit-marché qui inclut le nœud de demande n  N D . Pour les
nœuds dans N S , on distingue aussi les sous-ensembles suivants :

NF : Ensemble des nœuds de fabrication-assemblage (paires (l , a ), l  LS , a  AF )


NE : Ensemble des nœuds d’entreposage-stockage (paires (l , a ), l  LS , a  AE )
NG : Ensemble des nœuds de consolidation-transbordement (paires (l , a ), l  LS , a  AG )
Finalement, voulant faciliter la navigation dans le réseau, pour chaque nœud n, on définit les en-
sembles de nœuds prédécesseurs et successeurs suivants:

N pn : Ensemble de destinations des arcs sortant du nœud n pour le produit p

N pn : Ensemble d’origines des arcs entrant au nœud n pour le produit p

De même, pour chaque produit p, on définit les sous-ensembles suivants:


Pa : Ensemble des produits sortants de l'activité a  A \{a}
Pa : Ensemble des produits intrants à l'activité a  A \{1}
La nature de la plateforme d’un site détermine ses coûts fixes et d’exploitation, ainsi que la
capacité de production-distribution des activités associées. Pour modéliser ces coûts et capacités
on a besoin de la notation suivante :
g pp ' : Quantité de produit p requise pour fabriquer une unité de produit p '
q pa : Capacité consommée durant l’activité a  AS par unité de produit p  Pa
 pn ' n : Taux de rotation des stocks cycliques et de sécurité du produit p dans le nœud de
stockage n  N E lorsqu’il est approvisionné à partir du nœud n '
 pa : Ratio du niveau de stock maximal de produit p gardé dans l’activité a  AE sur le
niveau de stock annuel moyen, soit (niveau maximal)/(niveau moyen)
bn : Niveau d’activité maximal du nœud n (capacité de production lorsque n  N F et débit
maximal lorsque n  N E  N G )
bn : Niveau minimal d’activité dans le nœud n requis pour que le site l ( n) soit ouvert
bnE : Espace de stockage maximal du nœud n  N E (en palettes, m2, m3… selon le cas)
cApn : Coût unitaire d’activité (production pour n  N F et débit pour n  N E  N G ) pour le
produit p dans le nœud n
S
c pn : Coût de stockage annuel moyen d’une unité de produit p dans le nœud n  N E
yl : Coût fixe (loyer ou annuité, plus frais fixe d’exploitation) associé à l’exploitation de la
plateforme du site l  LS durant l’année considérée
yl : Coût d’ouverture du site l  LS (approvisionnement initial des stocks de sécurité,
embauche du personnel, installation des systèmes de gestion…)

32 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

yl : Coût de fermeture du site l  LS (entrées/sorties de fonds liées au repositionnement ou


à la liquidation des ressources du site)
Yl 0 : Paramètre binaire indiquant l’état du site l  LS au moment de la décision de design
( Yl 0  1 si le site est déjà ouvert et Yl 0  0 s’il s’agit d’un site potentiel)
Notons que les coûts encourus pour les sites externes (sous-traitants, entrepôts publics…) et in-
ternes sont modélisés de la même façon. Pour les sites externes, les coûts variables sont toutefois
généralement beaucoup plus élevés et les coûts fixes beaucoup plus faibles.
d’approvisionnement

Fournisseur 1 Fournisseur l  LV
(l ,1)  N V Nœud (1,1) . . . Nœud (l,1)
Arcs

(l , a)  N S p

l  LS
(l , a ) : n  N F
Arcs internes

p
l '  LS
p  P( a ,a ')

(l ', a ') : n '  N G


(l , a ') : n '  N E

p
Arcs de demande

p

(l , a )  N D
Zone 1
. . . Zone l  LD
Nœud (1, a ) Nœud (l , a )

Figure 21 : Représentation générale du réseau potentiel

Pour modéliser les contrats avec les fournisseurs potentiels, on a besoin de la notation sui-
vante :
b pl : Quantité maximale de produit p  Pl qui peut être fournie par la source l  LV
bl : Borne inférieure sur le montant annuel des achats spécifiée dans le contrat du
fournisseur l  LV
c Vpl : Prix unitaire demandé par le fournisseur l  LV pour le produit p  Pl
ylV : Coût fixe encouru lors de la signature d’un contrat avec le fournisseur l  LV
Pour capturer les revenus et les coûts variables associés aux arcs du réseau on utilise la nota-
tion suivante :
ukp : Prix de vente du produit p sur le marché régional k
f pnn ' : Coût unitaire des déplacements sur l’arc ( p, n, n ') , incluant les coûts pertinents de
transaction, de réception, d’expédition, de transport et d’immobilisation des stocks en
transit pour les arcs inter-sites et les coûts de manutention pour les arcs intra-sites
Finalement, pour optimiser la structure du réseau logistique, on a besoin des variables de
décision suivantes :

Alain Martel et Walid Klibi 33


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Yl : 1 si le site l  LS est en activité durant l’année considérée, 0 autrement


Yl  : 1 si le site l  LS est ouvert au début de l’année, 0 autrement
Yl  : 1 si le site l  LS est fermé au début de l’année, 0 autrement
Yl V : 1 si le fournisseur l  LV est choisi, 0 autrement
X pn : Niveau d’activité du nœud n pour le produit p (quantité produite lorsque n  N F et
débit lorsque n  N E  N G )
Fpnn ' : Flux de produit p entre le nœud n et le nœud n ' (transport si l (n)  l (n ') ou
manutention si l (n)  l (n ') )
Plusieurs contraintes doivent être spécifiées pour obtenir un design réalisable. D’abord, les
contrats d’approvisionnement comportent les restrictions suivantes :

 Fp (l ,1) n  Yl V b pl l  LV , p  Pl (33)
nN 
p ( l ,1)

Yl V bl    c Vpl Fp (l ,1) n l  LV (34)


pPl nN 
p ( l ,1)

La contrainte (33) stipule que la capacité des fournisseurs doit être respectée. La contrainte (34)
nous assure que le total des achats durant l’année sera suffisant pour couvrir le montant minimal
spécifié dans le contrat.
Plusieurs contraintes s’appliquent aussi aux sites de production-distribution. D’abord, on
doit s’assurer que l’état des sites est bien pris en compte, c.-à-d. qu’on peut fermer seulement des
plateformes déjà en place et ouvrir seulement les nouveaux sites potentiels :
Yl  Yl   Yl   Yl 0 l  LS (35)

On doit ensuite s’assurer que l’équilibre des flux dans le réseau et les recettes associées aux
nœuds de production sont respectés. Cette problématique est illustrée à la Figure 22 pour le
nœud d’assemblage (6,5). Les recettes des produits sortants (8 et 9) sont illustrées à l’intérieur du
nœud. Pour chaque produit, la quantité assemblée doit être égale aux expéditions totales vers les
nœuds de stockage et par conséquent :
X 8(6,5)  F8(6,5)(8,6)  F8(6,5)(9,6)  F8(6,5)(6,6)  F8(6,5)(10,6)  F8(6,5)(11,6)  F8(6,5)(12,6)
X 9(6,5)  F9(6,5)(8,6)  F9(6,5)(9,6)  F9(6,5)(6,6)  F9(6,5)(10,6)  F9(6,5)(11,6)  F9(6,5)(12,6)
D’autre part, pour fabriquer les produits finis 8 et 9 on a besoin des composants 5, 6 et 7. Ces
composants viennent des activités de fabrication 2, 3 et 4 des plateformes 4, 5 et 7. Les compo-
sants reçus de ces nœuds doivent être suffisant pour fabriquer les quantités requises de produits
finis, compte tenu des recettes associées, et par conséquent il faut que :
2X 8(6,5)  F7(5,4)(6,5)  F7(4,4)(6,5)
3 X 8(6,5)  4 X 9(6,5)  F6(5,3)(6,5)  F6(4,3)(6,5)
X 9(6,5)  F5(4,2)(6,5)  F5(7,2)(6,5)

34 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

l5 l4
(4,2) l7
(5,4) (5,3)
(7,2)
(4,4) (4,3)

F6 (5,3)( 6,5) F6( 4,3)( 6,5)


l6
(6,5) p=7 p=6 p=5

2 3 4 1
X 8(6,5) p=8 X 9 (6,5) p=9 a5

F9 (6,5)(12,6 )
F8( 6,5)(8,6) F9 (6,5)(6,6 )

(6,6)
(8,6) (9,6) (10,6) (11,6) (12,6)

Figure 22 : Sous-réseau associé au nœud d’assemblage (6,5)

De façon générale, les contraintes à respecter sont donc :


X pn   Fpnn ' n  N S , p  Pa( n ) (36)
n 'N 
pn

 g pp ' X p ' n   Fpn ' n n  N F , p  Pa( n ) (37)


p 'Pa( n ) n 'N 
pn

Pour les nœuds de distribution, on remplace (37) par la relation d’équilibre des flux à
l’entrée suivante :
X pn   Fpn ' n n  N G  N E , p  Pa( n ) (38)
n 'N 
pn

Évidemment, les contraintes de capacité et de flux minimal des plateformes doivent aussi
être respectées :

b nYl ( n )   q pa ( n ) X pn  b nYl ( n ) n NS (39)


pPa( n )

La capacité des nœuds de stockage dépend généralement de l’espace disponible plutôt que du
débit. Pour ces nœuds, s’il n’y a pas de contrainte de débit, on peut donner une grande valeur ar-
bitraire à la capacité b n dans (39). La contrainte doit toutefois être préservée pour que le modèle
d’optimisation soit valide. Les contraintes d’espace disponible suivantes doivent aussi être ajou-
tées :
 ep pa(n) (  Fpn 'n  pn 'n )  bnEYl (n) n  N E (40)
pPa( n ) n 'N 
pn

Les objectifs de pénétration de marché et les demandes potentielles doivent aussi être res-
pectés :
d pl   Fpn ( l ,a )  d pl l  LD , p  Pl (41)
nN 
p ( l ,a )

Alain Martel et Walid Klibi 35


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Il ne reste qu’à formuler une fonction économique pour obtenir le modèle de design de ré-
seau logistique désiré. Tel qu’indiqué précédemment, l’entreprise veut maximiser la valeur éco-
nomique ajoutée pour l’année considérée. Lorsqu’on ne tient pas compte des impôts, la fonction
à maximiser est la suivante :
max  
pP nN D n 'N 
uk ( n ) p Fpn ' n
Revenu des ventes
pn

  ylYl   yl Yl  ylYl  Coût fixe des plateformes


lLS

   (c V
pl '  f pnn ' ) Fpnn '
pP nN V
n 'N 
pn
Coût des matières premières
  c Apn X pn
nN S
pPa( n ) Coût des activités
 c ( S
pn Fpn ' n  pn ' n )
pP nN E n 'N 
pn
Coût d’immobilisation des stocks
   f pnn ' Fpnn '
pP nN S n 'N 
pn
Coût des flux sortants
  ylVYl V (42)
lLV Coût fixe des contrats d’approvisionnement

On veut donc maximiser (42) sujet aux contraintes (33)-(41) et aux restrictions habituelles de
non-négativité et de valeur binaire des variables de décision. Pour une entreprise réelle, ce pro-
gramme linéaire avec variables binaires peut inclure des milliers de variables et de contraintes.
Dans la majorité des cas, il peut toutefois être résolu efficacement avec un solveur commercial
comme CPLEX, Xpress ou Gurobi.

6. LA PRISE EN COMPTE DES ECONOMIES D'ECHELLE


On a supposé dans les modèles précédents que tous les coûts variables pertinents sont li-
néaires. La discussion des coûts logistiques au Chapitre 2 souligne ce n'est pas toujours le cas en
pratique et que plusieurs activités logistiques permettent de réaliser des économies d'échelles.
Plus spécifiquement, on a vu que les coûts d’immobilisation des stocks, les coûts des flux dans
les installations et les coûts des matières premières sont souvent concaves puisque le coût margi-
nal diminue lorsqu’il y a augmentation du niveau d’activité. Pour ce qui est des achats de ma-
tières premières, les économies d’échelles viennent généralement d’escomptes de quantité ce qui
donne lieu à des fonctions linéaires par partie. L’approche proposée à la section précédente pour
modéliser des contrats d’approvisionnement permet de tenir compte de ce type d’escomptes. Les
économies d’échelles liées aux flux dans les installations résultent typiquement de l’utilisation de
technologies plus performantes lorsque les volumes augmentent. On examinera cette probléma-
tique en détail au prochain chapitre qui porte sur la planification de la capacité. Finalement, tel
qu’illustré à la Figure 9 du Chapitre 2, le niveau moyen d’inventaire requis dans un point de

36 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

stockage pour fournir un service adéquat décroit marginalement lorsque les débits annuels aug-
mentent, ce qui se traduit par des économies d’échelle pour les coûts d’immobilisation des
stocks. C’est à la modélisation de ces coûts qu’on s’intéresse plus spécifiquement dans cette sec-
tion.

Dans les modèles de la section 7.3, les expéditions X ps   lLD Fpsl du produit p vers les
p

zones de demande et le taux de rotation des stocks de l’entreprise  étaient utilisés pour calculer
le niveau moyen des stocks du site s, soit I ps  X ps /  p , et le coût unitaire d’immobilisation des
stocks cSps  rc ps /  , c ps étant la valeur d’un produit p stocké au site s. Les coûts
d’immobilisation des stocks C psI ( X ps )  cSps X ps étaient par conséquent linéaires. Comme on l’a
vu au chapitre 2, le niveau moyen des stocks de produit p au site s est plus judicieusement repré-
senté à l’aide d’une fonction concave stock-débit I ps  a p X ps p , les paramètres a p et bp étant
b

estimés par régression. Les coûts d’immobilisation des stocks sont alors donnés par la fonction
de puissance C psI ( X ps )  (rc ps a p ) X ps p . Lorsqu’on tient ainsi compte des économies d’échelle,
b

les coûts unitaires d’immobilisation des stocks cSps doivent être enlevés du coût unitaire des flux
f psl utilisé dans le modèle (5)-(10), et les coûts de stockage  sLS  pP C ps I
(X ps ) doivent être
s

ajoutés à la fonction économique (5).

a) approximation linéaire par partie b) coûts unitaires successifs


Figure 23 : Méthodes de linéarisation de fonctions de coût concaves

La façon la plus simple de tenir compte des économies d’échelle est d’approximer C psI ( X ps )
par une fonction linéaire par partie, tel qu’illustré à la Figure 23a). On divise l’axe des X ps en
intervalles et on joint les points sur la courbe au début et à la fin des intervalles par des droites.
Pour incorporer ces fonctions polygonales dans le modèle, on a besoin des données et variables
suivantes :
m ps : Nombre d’intervalles utilisés pour la variable X ps
i
X ps : Borne supérieure de l’intervalle i pour la variable X ps ( X ps 0
 0 dénote la borne
inférieure du premier intervalle)
Si
c ps : Pente de la droite du iième segment de l’approximation linéaire par partie de C psI ( X ps )
z ips : Valeur à l’origine de la iième droite d’approximation de C psI ( X ps )

Alain Martel et Walid Klibi 37


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Z ips : Variable binaire égale à 1 si X ips1  X ps  X ips , et 0 autrement


X ips : Variable continue donnant les expéditions du produit p vers les zones de demande à
partir du point de stockage s lorsqu’on se trouve dans l’intervalle i
Dans le modèle, on n’utilise pas les variables X ps explicitement mais plutôt les copies X ips
associées à chaque intervalle i  1,..., m ps . Les débits ne pouvant se situer que dans un intervalle,
à l’optimum, un seul des X ips , i  1,..., m ps , sera non-négatif et les autres seront nuls, et par con-
séquent ils peuvent être calculés avec l’expression X ps   i ps1 X ips . Pour que le modèle utilise la
m

fonction linéaire associée à chaque intervalle, et que le lien entre les variables de débit ( X ps ) et
de flux ( Fpsl ) se fassent bien, les contraintes suivantes doivent être ajoutées :

 X ips   lLD Fpsl , s  LS , p  Ps


m ps
i 1 p

X ips1Z ps
i
 X ps
i
 X ips Z ips , s  LS , p  Ps , i  1,..., m ps


m ps
i 1
Z ips  1 , s  LS , p  Ps ; Z ips  {0,1} , s  LS , p  Ps , i  1,..., m ps

Finalement, les fonctions concaves C psI ( X ps ) ajoutées à la fonction économique doivent être
remplacées par l’approximation linéaire par partie Cˆ psI ( X ps )  z ips Z ps
i
 cSpsi X ips , i  1,..., m ps . Le
modèle résultant est un programme linéaire avec variables binaires qui peut être résolu avec les
solveurs commerciaux. Toutefois, il incorpore un très grand nombre de variables binaires et il
peut être difficile à résoudre.

Une autre méthode, qui n’exige pas l’ajout de variables binaires, peut être utilisée pour ap-
proximer les économies d’échelle. Cette méthode, tel qu’illustré à la Figure 23b) s’appuie sur le
calcul de coûts unitaires cSps pour un débit donné X ps de produit p à la sortie du point de stock-
age s. La difficulté avec cette méthode est qu’on ne connait pas les débits optimaux lorsqu’on
calcule les prix unitaires. On doit donc résoudre le modèle (5)-(10) à plusieurs reprises en pre-
( i 1)
nant à chaque itération i les coûts unitaires cS(psi ) estimés à l’aide des débits X ps   lLD Fpsl ( i 1)
p
( i 1) ( i 1)
qui étaient optimaux à l’itération (i-1) précédente, c.-à-d. en calculant cS(psi )  C psI ( X ps ) X ps .
Le seul changement à faire au modèle (5)-(10) à chaque itération est de remplacer les coûts uni-
taires des flux f psl par leurs nouvelles valeurs
(i )
f pul  c Ppu  cS(pui )  c pul , u  LU , l  LD ; (i )
f pwl  cS(pui )  c pwl , w  LW , l  LD
Les coûts ainsi calculés se stabilisent normalement après quelques itérations. On trouvera les dé-
tails nécessaires pour implanter cette approche dans Martel (2005).

On vient d’examiner l’impact de fonctions stock-débit I ps ( X ps ) concaves sur les coûts


d’immobilisation des stocks et on a vu comment traiter les économies d’échelles qui en décou-
lent. Rappelons-nous que ces fonctions ont aussi un impact sur l’espace de stockage requis et par
conséquent sur les contraintes (8). Lorsque I ps ( X ps ) est concave, ces contraintes sont non-

38 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

linéaires. Toutefois, les deux trucs qu’on vient de voir pour linéariser les coûts peuvent aussi être
utilisés pour linéariser les contraintes d’espace de stockage. Notons finalement que ces trucs
peuvent aussi être utilisés pour introduire des économies d’échelle dans le modèle de maximisa-
tion de la valeur économique ajoutée étudié à la section 7.4, ainsi que dans le modèle général
proposé à la section 7.5.

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40 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

International Journal of Production Economics, 102, 358-378.

Questions de récapitulation 
1. Pourquoi dit-on que le problème d’optimisation de la structure d’un réseau logistique est
complexe ? Quels sont les facteurs à considérer dans ce problème ?
2. Comment peut-on utiliser un graphe d’activité pour formaliser la stratégie logistique d’une
entreprise ?
3. Quelle est la différence entre un problème de localisation et un problème d’allocation ?
4. A quoi servent les variable 0-1 lors de la modélisation de réseaux logistiques ?
5. Qu’est qu’une contrainte d’équilibre des flux ? Est-ce que ces contraintes sont toujours
nécessaires ?
6. Quelles sortes de difficultés supplémentaires sont rencontrées lorsqu’on veut modéliser un
réseau qui inclut un processus manufacturier complexe ?
7. Comment peut-on procéder pour tenir compte de contraintes de service sans compliquer les
modèles formulés ?
8. Qu’est qu’on doit faire pour s’assurer que chaque client sera desservi par un seul fournisseur
lorsqu’on formule un modèle d’optimisation de réseau logistique ?
9. Comment peut-on procéder pour tenir compte des économies d’échelle sur les coûts
d’immobilisation des stocks tout en préservant la linéarité des modèles d’optimisation ?

Exercices 
1. Une entreprise québécoise a réussi jusqu’à maintenant à satisfaire la demande de ses clients
à partir de son usine située dans la région de Québec. On prévoit toutefois une forte
croissance des ventes pour l’an prochain dans les deux marchés desservis par l’entreprise
(l’est et l’ouest du Québec). L’entreprise envisage donc la construction d’une autre usine
pour laquelle deux sites potentiels ont été identifiés : un à Rimouski et l’autre à Longueuil.
Les données amassées sont les suivantes :

Coûts de transport Coût variable


($ par tonne) de Capacité Coûts fixes
production (tonne) (1 000 $)
Marché 1 Marché 2 ($ par tonne)
Usine de Québec 600 400 1 000 1 000 4 000
Plateforme de Rimouski 1 000 200 1 000 1 000 5 900
Plateforme de Longueuil 300 700 1 000 1 000 6 200

Potentiel du marché (tonnes) 800 700

Alain Martel et Walid Klibi 41


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

Les produits vendus peuvent être regroupés dans une seule famille et le prix de vente des
produits de cette famille est de 50 000 $ par tonne sur les deux marchés.
a) Dessinez un graphe d’activité qui correspond à ce contexte.
b) Formulez un modèle d’optimisation pour résoudre ce problème.
c) Implantez votre modèle sur Excel et utilisez le pour déterminer s’il faut construire une
nouvelle usine et, dans l’affirmative, sur quel site ?
2. La compagnie Expro a développé cinq (5) nouveaux marchés qui représentent des demandes
annuelles de 150, 175, 100, 175 et 250 tonnes de marchandises respectivement.
Actuellement, la compagnie n'a pas de centre de distribution qui couvrent ces territoires. On
a donc l'intention de négocier une entente avec un prestataire logistique pour l’exploitation
de 2 ou 3 centres de distribution d'une capacité maximale de 500 tonnes chacun pour
desservir ces marchés. Trois sites potentiels ont été identifiés : Charlotte, Philadelphia et
Columbus. Les coûts de transport par tonne entre chacun de ces sites et les différents
marchés sont fournis dans le tableau suivant :
Marchés
Site 1 2 3 4 5
Charlotte 3$ 7$ 12 $ 5$ 8$
Philadelphia 12 $ 5$ 5$ 6$ 4$
Columbia 7$ 8$ 2$ 3$ 2$

Les coûts d'implantation d'un CD, la valeur moyenne des produits en stock, et les taux de
stockage chargé par le prestataire pour chacun des sites sont les suivants :
Coût Valeur Taux
Site implantation produits stockage
Charlotte 9 500 $ 110 $ 20%
Philadelphia 10 000 $ 130 $ 18%
Columbia 9 600 $ 115 $ 19%

Sachant que le taux de rotation des stocks de l’entreprise est de 4, et son taux du coût
d’immobilisation des stocks de 10%, formulez un modèle de programmation linéaire pour
résoudre ce problème. Quels sites devrait-on choisir et quel est le coût de cette décision ?

3. Le réseau logistique potentiel illustré à la figure suivante porte sur la production et la


distribution de deux familles de produits. Deux usines potentielles peuvent fabriquer les
deux produits. Les articles peuvent être acheminés vers trois marchés à travers deux
entrepôts : le premier est déjà l’objet d’un contrat avec un 3PL qui limite le débit annuel à
150 000 produits. Le deuxième correspond à un contrat alternatif avec un autre 3PL. Les
coûts fixes de cette alternative sont plus élevés, mais les coûts variables sont plus faibles et,

42 Alain Martel et Walid Klibi


Chapitre 7: L'optimisation des réseaux logistiques

à toutes fins pratiques, il n’y a pas de limites de capacité. Les coûts unitaires de transport
sont indiqués sur les arcs et les coûts unitaires de production (stockage) sur les nœuds. Les
coûts fixes d’exploitation des installations et les niveaux de capacité sont fournis dans le
tableau qui suit. On désire déterminer quelles usines et quels entrepôts utiliser ainsi que
préciser la mission des installations retenues.

u=3 u=4 u=3 u=4


Usines 3

1 1

w=5 w=5 w=6


w=6
CD

Clients 7 8 9 7 8 9

Demande

Capacité de Capacité de production


Site Coûts fixes
distribution p=1 p=2
u=3 400 000 $ 210 000 120 000
u=4 500 000 $ 230 000 150 000
w=5 100 000 $ 150 000
w=5 200 000 $ -

4. Supposons qu’une entreprise fait face à un problème d’optimisation de réseau comme celui
qui est décrit à la Figure 10, mais qu’en plus elle a le choix entre plusieurs moyens de
transport pour expédier les produits des CPD aux CD. Étant donné que tous les produits sont
vendus en palettes, il est possible d’expédier plusieurs produits dans chaque chargement et,
pour chaque moyen de transport envisagé, la taille des chargements et les délais de livraison
sont connus. Soit :
M uw : Ensemble des options de transport pour l’arc (u, w)
m
Auw : Coût fixe encouru lorsqu’on utilise le moyen de transport m  M uw sur l’arc (u, w)
m
c puw : Coût unitaire encouru pour expédier le produit p sur l’arc (u, w) avec le moyen de
transport m  M uw
Les coûts de transport ont été estimés par régression à partir de l’historique d’expédition ou
des taux offerts par les transporteurs (voir le chapitre 5). En partant de la formulation

Alain Martel et Walid Klibi 43


La conception de chaînes logistiques créatrices de valeur

proposée à la section 3.2, élaborez un modèle qui permet d’optimiser le réseau tout en
choisissant les moyens de transport.
5. Supposons qu’une entreprise manufacturière comme celle qui est décrite à la section 5 fait
face à une demande saisonnière, c.-à-d. que lorsqu’on décompose la période de temps
considérée (disons une année) en un ensemble T = {t} de saisons, on se rend compte que la
demande maximale d plt , t  T , des zones de demande n’est pas la même d’une saison à
l’autre. Pour faire face à ces fluctuations de demande, l’entreprise doit moduler sa production
et garder des stocks saisonniers de produits finis. Soit :
cSpnt : Coût unitaire d’immobilisation des stocks du produit p dans le nœud n  N E pour la
saison t
X pnt : Niveau d’activité du nœud n pour le produit p à la saison t
Fpnn 't : Flux de produit p entre le nœud n et le nœud n ' à la saison t
I pnt : Stock saisonnier de produit p entreposé au nœud n  N E à la fin de la saison t
Utilisez cette notation supplémentaire pour proposer un modèle d’optimisation de la structure
du réseau manufacturier de l’entreprise qui tient compte de la saisonnalité de la demande.
Notez que les stocks saisonniers doivent être inclus dans le modèle pour permettre de lisser la
production sur une période d’un an. Les stocks saisonniers au début et à la fin de l’année
doivent donc être égaux. Autrement dit, on peut prendre pour acquis que I pn 0  I pn T , pour
tout p et n.

6. Inclure une variante du cas SportStuff

44 Alain Martel et Walid Klibi

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