Rapport Certification Comptes Securite Sociale
Rapport Certification Comptes Securite Sociale
Rapport Certification Comptes Securite Sociale
CERTIFICATION
DES COMPTES DU
RÉGIME GÉNÉRAL DE
SÉCURITÉ SOCIALE
Exercice 2020
Certification des comptes du régime général de sécurité sociale - mai 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
regard des critères de l’audit d’états financiers1. Elles peuvent aussi prendre
la forme d’une limitation à l’étendue des travaux d’audit, si le certificateur
n’a pas été en mesure de recueillir les éléments probants qui lui permettent
de conclure à l’absence d’anomalie significative sur des éléments dont
dépend la fiabilité des états financiers.
Charges soumises à la
Produits soumis à la certification de la Cour Md€ Md€
certification
Produits recouvrés par le réseau des URSSAF Charges des branches
363,6 474,1
pour les branches du régime général du régime général
Produits apportés au régime général par l’État et
74,2
des transferts internes à la sécurité sociale
Sous-total régime général 437,8 474,1
Prestations versées pour
Produits apportés par l'État et les collectivités
52,6 le compte de l’État et des 52,6
territoriales (hors régime général)
collectivités territoriales
Produits recouvrés par le réseau des URSSAF
105,6
pour d’autres attributaires (hors régime général)
Total 596,1 Total 526,6
Source : Cour des comptes
A-A : AGIRC-ARRCO.
Source : Cour des comptes
Ces charges atteignent, en incluant celles financées par des tiers (soit
51,5 Md€ pour la branche famille et 1,2 Md€ pour la branche maladie),
526,6 Md€ en 2020, contre 491,1 Md€ en 2019.
5 Les montants ici indiqués sont des montants bruts. Toutes ces mesures ne sont pas
traduites par des charges supplémentaires, certaines visant à compenser de moindres
financements par les organismes de sécurité sociale.
6 Données provisoires.
7 Le chiffrage porte uniquement sur l’impact du changement de taux de CSG. L’impact
sur les autres cotisations sociales n’a pas été précisé à la Cour.
8 Montant inscrit dans les comptes au titre de l’année 2020.
9 Impact en trésorerie.
Les principales observations formulées par la Cour sur les comptes
de 2020 sont les suivantes.
Activité de recouvrement
Le réseau des URSSAF a été fortement sollicité tout au long de
l’année 2020 pour mettre en œuvre des mesures visant à atténuer les
conséquences des mesures de restriction d’activités sur la situation
financière des employeurs de salariés comme des travailleurs
indépendants. Ces mesures, mises en œuvre dans des délais très contraints,
ont fortement mobilisé et affecté la mission même des organismes du
recouvrement, compte tenu des reports massifs de prélèvements sociaux et
de la suspension de toute activité de recouvrement amiable et forcé du mois
de mars jusqu’à la fin de l’année.
Dans ce contexte, les modifications apportées aux modalités d’appel
des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants au
cours de l’année (report des appels, abattement du revenu servant de base
au calcul des appels provisionnels, puis suspension des paiements)
débouchent sur un risque significatif de sous-évaluation des produits liés à
ces appels. En outre, le montant comptabilisé des exonérations et de l’aide
au paiement aux employeurs les plus affectés par les mesures
administratives liées à la crise sanitaire ne revêt pas un caractère exhaustif.
Enfin, les méthodes d’estimation des dépréciations de créances sur les
cotisants ont été modifiées, afin de prendre en compte les spécificités des
créances nées au cours de l’année 2020. Si une méthode ad hoc n’était pas
contestable en soi, elle a été appliquée, sans justification suffisante, à une
partie seulement des créances avec des taux conventionnels, choisis au sein
d’un large éventail. Il ressort de ces trois constats des incertitudes majeures
et des désaccords sur les comptes de l’activité de recouvrement et les
montants notifiés à ses attributaires.
Par ailleurs, les travaux structurels engagés afin d’améliorer
l’efficacité du dispositif de maîtrise des risques ont été réduits. Si la plupart
des chantiers se sont poursuivis (par exemple, les travaux visant à adapter les
référentiels de procédure nationaux et à rénover les processus majeurs de
l’activité de recouvrement ou la finalisation de la cartographie des risques du
centre national Pajemploi), ils ne pourront avoir de traduction qu’au mieux
en 2021. En conséquence, peu de progrès ont pu être constatés en 2020.
C’est le cas notamment des travaux portant sur la définition
d’indicateurs synthétiques mesurant les risques financiers résiduels relatifs
aux données déclarées par les cotisants et aux opérations effectuées par les
organismes du recouvrement, qui ont très peu progressé. Contrairement
aux branches de prestations du régime général, cette absence limite les
possibilités d’appréciation de l’efficacité des dispositifs de contrôle
interne, a fortiori dans le contexte de l’année 2020, où de tels indicateurs
auraient fourni des éléments utiles pour apprécier les impacts financiers
des circonstances exceptionnelles de gestion liées à la crise sanitaire.
Branche famille
En 2020, les organismes de la branche famille ont eux aussi exercé
leurs missions dans un contexte marqué par la crise sanitaire, qui les a
conduits, afin d’assurer la continuité des ressources des allocataires, à
adapter leur organisation et à alléger leur dispositif de contrôle interne.
Ainsi, les montants d’indus et de rappels détectés en 2020 par des
contrôles sur pièces ou sur place ont diminué (1,1 Md€ au total, contre
1,2 Md€ en 2019) face à des risques d’erreurs déclaratives qui, eux, ne se
sont pas réduits.
Le constat récurrent de l’insuffisance des actions de contrôle au
regard du niveau des risques affectant les données déclarées par les
allocataires souligne la nécessité d’étendre l’acquisition d’une partie de ces
données directement auprès de tiers (employeurs, autres organismes
sociaux et administrations de l’État). À cet égard, la menée à bien des
chantiers, engagés par la CNAF, visant à utiliser les données rassemblées
dans le dispositif ressources mutualisé, mis en place pour calculer les aides
au logement en fonction des revenus contemporains, pour attribuer
également le RSA et la prime d’activité est un enjeu essentiel pour le
paiement à bon droit de ces prestations et la fiabilité des comptes.
Par ailleurs, si le risque financier résiduel propre aux opérations
effectuées par la branche (« métier ») s’améliore par rapport à 2019 (il
représente 1,4 % du montant des prestations légales, soit 1 Md€), cette
évolution doit être appréciée avec prudence car l’échantillon servant au
calcul de l’indicateur se fonde sur une période (novembre 2019 – mars
2020) non affectée par la crise sanitaire.
Branche vieillesse
En 2020, la branche vieillesse a pris directement en charge la
liquidation des retraites des artisans et commerçants, à la suite à la
suppression du régime social des indépendants (RSI), définitivement
achevée au 31 décembre 2019.
La CNAV a apporté en 2020 certaines améliorations au dispositif de
maîtrise des risques d’inexactitude ou d’absence d’exhaustivité des
opérations effectuées par les caisses de retraite.
Toutefois, les erreurs à caractère définitif qui affectent les
prestations de retraite nouvellement attribuées (831 000 en 2020) ont
continué à augmenter, alors même que la branche vieillesse est celle dont
le fonctionnement habituel a été le moins affecté par le contexte de crise
sanitaire. Ainsi, une prestation sur six nouvellement attribuée ou révisée en
2020 a comporté au moins une erreur financière en faveur ou au détriment
des assurés. Dans plusieurs caisses métropolitaines, cette proportion atteint
une prestation sur cinq.
Entre 2016 et 2020, la proportion des prestations de retraite affectées
par une erreur de portée financière a augmenté de près de moitié, de 11,5 %
à 16,4 %, et l’incidence financière de ces erreurs a plus que doublé, de
0,9 % à 1,9 % du montant des prestations nouvelles.
Les erreurs qui portent sur le montant mensuel des pensions de
retraite affectent la situation des assurés et les charges de la branche
vieillesse pendant toute la durée du service de ces prestations. Ainsi, les
erreurs intervenues en 2020, si elles ne sont pas recherchées et corrigées
a posteriori, auront un impact financier cumulatif de 1,6 Md€ au titre du
paiement de ces prestations leur vie durant aux personnes nouvellement
retraitées, contre 1,1 Md€ pour celles de l’année précédente.
14 Organismes de sécurité sociale qui recouvrent les prélèvements sociaux et gèrent les
prestations des branches maladie, AT-MP et vieillesse en Guadeloupe, en Guyane, à la
Martinique et à La Réunion.
15 Cet élément explicatif n’est pas repris dans la suite du présent rapport.
A - La position de la Cour
Au terme des vérifications dont elle rend compte au chapitre III du
présent rapport, la Cour constate qu’il ne lui est pas possible d’exprimer
une position sur les comptes de l’activité de recouvrement de l’exercice
2020, signés le 22 avril 2021 par le directeur et la directrice comptable et
financière de l’ACOSS.
La Cour constate qu’elle est dans l’impossibilité de certifier que, au
regard des règles et principes comptables qui leur sont applicables, les
comptes combinés de l’activité de recouvrement de l’exercice 2020 sont
réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat, de la situation
financière et du patrimoine de l’activité de recouvrement, en raison du
caractère significatif, cumulatif et diffus des cinq motifs suivants et de leur
interaction :
- motif n°1 : les produits et créances notifiés par l’ACOSS à ses
attributaires sont affectés par des incertitudes majeures et des désaccords,
compte tenu des incidences des modalités d’appel en 2020 des cotisations
et contributions sociales des travailleurs indépendants, des modalités
d’estimation des dépréciations des créances nées en 2020 et de l’absence
d’exhaustivité des montants comptabilisés au titre des dispositifs
d’accompagnement des entreprises les plus affectées par la crise sanitaire ;
- motif n°2 : les dispositifs généraux de contrôle interne, au surplus allégés
sur l’exercice dans le contexte de la crise sanitaire, ne procurent qu’une
assurance limitée sur la maîtrise des risques de portée financière auxquels
est exposée l’activité de recouvrement ;
- motif n°3 : en raison de faiblesses persistantes, les dispositifs de maîtrise
des risques relatifs aux principaux processus de l’activité de recouvrement
couvrent insuffisamment les risques de portée financière ;
- motif n°4 : la justification des comptes est affectée par des désaccords
portant sur la comptabilisation des produits et des charges ainsi que par
des limitations et incertitudes portant sur les enregistrements comptables
et sur les estimations comptables ;
- motif n°5 : une partie des produits à recevoir au titre des remises dues
par les entreprises pharmaceutiques est affectée par des incertitudes. La
procédure de suivi des litiges gérés par le CEPS ne procure pas une
assurance raisonnable sur le niveau de leur provisionnement.
Motif n°1 : les produits et créances notifiés par l’ACOSS à ses attributaires
sont affectés par des incertitudes majeures et des désaccords, compte tenu
des incidences des modalités d’appel en 2020 des cotisations et
contributions sociales des travailleurs indépendants, des modalités
d’estimation des dépréciations des créances nées en 2020 et de l’absence
d’exhaustivité des montants comptabilisés au titre des dispositifs
d’accompagnement des entreprises les plus affectées par la crise sanitaire.
Ce motif se fonde sur les 3 constats d’audit suivant.
Constat n°3 : compte tenu de la spécificité des créances sur les employeurs
de salariés du secteur privé et des travailleurs indépendants nées en 2020
(19,1 Md€), l’ACOSS a défini une méthode ad hoc de dépréciation. Le
choix de l’ACOSS, insuffisamment documenté, d’appliquer cette méthode
à une partie seulement des créances nées en 2020 et de retenir au titre de
celle-ci une hypothèse médiane de taux de dépréciation au sein d’un
ensemble d’hypothèses conventionnelles engendre une incertitude sur le
montant total des dépréciations de ces créances (10,6 Md€).
Alors que les limites à la méthode traditionnelle n’ont pas été levées
cette année (cf. constat n°31), l’ACOSS a appliqué une méthode ad hoc
propre aux créances nées en 2020. Ce choix apparaît opportun au regard de
la nature intrinsèquement différente de la plupart des créances nées en
2020. En effet, elles résultent de facultés de report de paiement des
prélèvements sociaux accordées à l’ensemble des cotisants dans le contexte
21 Alors que 1,4 Md€ de crédits ont été ouverts au budget de l’État par les lois de
finances rectificatives de l’année 2020 afin de compenser la sécurité sociale.
22 Sur un total de 39,7 Md€ de créances (tous exercices de naissance confondus) à la clôture.
23 Sur les employeurs de salariés, les taux de dépréciation sont respectivement de 63 % pour
la méthode habituelle (3,7 Md€ de dépréciations) contre 42 % (2,7 Md€) pour la méthode
ad hoc ; sur les travailleurs indépendants, de 76 % (2,4 Md€) contre 51 % (1,8 Md€).
L’audit interne
Constat n°11: L’audit interne procure une assurance limitée sur l’efficacité
des dispositifs de maîtrise des risques internes à l’activité de recouvrement.
Dans le contexte de la crise sanitaire, plusieurs audits de
l’ordonnateur ont été reportés à 2021. S’agissant des travaux menés par les
auditeurs qui concourent à la validation des comptes des organismes de
base par la directrice comptable et financière, la couverture de certains
enjeux et la profondeur des audits ont été réduits.
25
Article 65 de la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020.
Constat n°24 : la réalité d’une partie des créances concernées par des
taxations d’office est incertaine.
Lorsque les cotisants ne transmettent pas la déclaration annuelle de
leurs revenus professionnels, les URSSAF leur notifient les prélèvements
sociaux dont ils sont redevables suivant un calcul forfaitaire (« taxation
d’office »). Une partie de ces taxations d’office ne sont pas régularisées à
la suite de la production par les cotisants de déclarations de leurs revenus
professionnels. C’est notamment le cas quand les cotisants cessent leur
activité sans en informer les organismes sociaux, et que ces derniers
n’apprécient pas si l’absence de déclaration a pour cause l’absence de toute
activité au titre de l’exercice considéré.
En 2020, les appels de prélèvements sociaux en taxation d’office se
sont élevés à 1,5 Md€ (1,3 Md€ en 2019).
Malgré l’annulation chaque année de montants significatifs de
créances correspondant à des taxations d’office (0,3 Md€ en 2020, après
0,7 Md€ en 2019), dans le cadre du plan de fiabilisation des revenus des
travailleurs indépendants, les créances de taxations d’office non
régularisées atteignaient encore 4,2 Md€ au 31 décembre 2020 (3,6 Md€
fin 2019), dont 0,8 Md€ pour les taxations d’office portant sur plusieurs
exercices (1 Md€ fin 2019).
Constat n°25 : le contrôle des soldes créditeurs (3,8 Md€) et des montants
remboursés aux cotisants (1,1 Md€) couvre insuffisamment les risques
correspondants et la mesure du risque financier résiduel de ces opérations
manque de fiabilité.
26
Ce dispositif permet de calculer automatiquement la régularisation des cotisations
relatives à l’exercice N-1, d’ajuster en conséquence les cotisations provisionnelles de
l’exercice N et d’informer le cotisant des appels de cotisations relatifs à l’exercice N+1.
Motif n°4 : la justification des comptes est affectée par des désaccords
portant sur la comptabilisation des produits et des charges ainsi que par des
limitations et incertitudes portant sur les enregistrements comptables et sur
les estimations comptables.
27
Les prélèvements automatisés visant à recouvrer les créances relevant de cette vague
ont été suspendus dès janvier 2021.
28
SAEEC (système d’analyse auxiliaire et extra-comptable) ne contient pas les
majorations de retard et pénalités, les crédits à affecter, les avoirs, les frais de justice,
ni les résultats des données modifiées par des transactions qui, par un forçage du
système d’information, régularisent les cas d’anomalies de répartition.
Motif n°5 : une partie des produits à recevoir au titre des remises dues par
les entreprises pharmaceutiques est affectée par des incertitudes. La
procédure de suivi des litiges gérés par le CEPS ne fournit pas une
assurance raisonnable sur le niveau de leur provisionnement.
Constat n°34 : des incertitudes affectent une partie des montants calculés
et comptabilisés au titre des remises dues par les entreprises concernées sur
les prix publics des médicaments et des dispositifs médicaux.
Alors que les conditions prévues par les dispositions de l’article
L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale étaient remplies, aucun produit
à recevoir n’a été comptabilisé en 2019 au titre des remises liées à des
produits de santé bénéficiant d’une autorisation temporaire d’utilisation
(ATU) et post-ATU, en contradiction avec les règles et principes
comptables en vigueur29. Ces produits, d’un montant de 0,7 Md€, ont été
comptabilisés dans les comptes de l’activité de recouvrement en 2020 alors
qu’ils se rapportent à l’exercice 2019. Cette erreur n’a pas été corrigée au
bilan d’ouverture au 1er janvier 2020, ce qui conduit à majorer les produits
de l’exercice 2020.
Une partie des produits à recevoir comptabilisés en 2020 au titre des
remises relatives aux médicaments (3 258 M€) et aux dispositifs médicaux
(78 M€) définies respectivement aux articles L. 162-18 et L. 165-4 du code
de la sécurité sociale est affectée par des incertitudes significatives : les
échanges contradictoires avec les entreprises pharmaceutiques n’étaient
pas finalisés au moment où ont été arrêtés les comptes définitifs (15 mars) ;
le CEPS n’a pas disposé de l’ensemble des données de la CNAM et de
l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) nécessaires
au calcul de ces produits à recevoir. À défaut de données exhaustives et
fiables, certaines remises n’ont pu être calculées ou ne l’ont été que
partiellement ; d’autres l’ont été par extrapolation.
De manière spécifique, malgré des progrès dans le recensement des
contrats et le calcul des remises, l’exhaustivité des produits à recevoir de
remises au titre des dispositifs médicaux n’est pas démontrée, l’outil de
gestion de ces remises n’assurant pas une piste d’audit complète.
29
Cf. réserve n°4, constat n°23, du rapport de certification des comptes du régime
général de l’exercice 2019, La Documentation française, disponible sur
www.ccomptes.fr.
Constat n°2 : les contrôles demeurent imparfaitement mis en œuvre par les
services administratifs et ceux du contrôle médical, et ne couvrent pas
encore ou faiblement les enjeux qui s’attachent aux mesures nouvelles.
Les dispositifs de maîtrise des risques ne prennent pas suffisamment
en compte les enseignements tirés des contrôles des exercices précédents
et les évolutions de la réglementation relative aux prestations.
Si la CNAM définit progressivement des plans de contrôle liés aux
mesures nouvelles (comme le dispositif d’indemnisation pour perte
d’activité des professionnels de santé), ces derniers demeuraient
incomplets en fin d’exercice (indemnités journalières dérogatoires), non
mis en œuvre (lutte contre les fraudes) ou en cours de définition (télésanté).
500 incidents n’étaient que partiellement résolus ; leur impact financier n’a
pas été évalué par la CNAM31.
Constat n°4 : les dispositifs de lutte contre les fraudes sont inadaptés au
regard des enjeux auxquels l’assurance maladie est exposée, et ont une
portée encore plus limitée en 2020.
En 2020, 127 M€ de préjudices financiers ont été détectés au titre de
fraudes et d’activités fautives, contre 287 M€ en 2019. Ce montant ne
représente que 0,6 % des prestations versées (soit 208 Md€ pour les deux
branches maladie et AT-MP). Il se décompose en un préjudice subi de
103 M€ (226 M€ en 2019) et un préjudice évité de 24 M€ (61 M€ en 2019).
Le rapprochement des montants valorisés au titre de préjudices financiers
subis, d’indus notifiés à ce titre et d’indus comptabilisés fait apparaître des
anomalies qui affectent l’exhaustivité et l’exactitude des créances
enregistrées.
La CNAM n’évalue pas encore le montant des fraudes commises
par les établissements, les professionnels et les assurés, ce qui prive
l’assurance maladie d’un instrument indispensable d’appréciation de
l’efficacité du dispositif de lutte contre les fraudes et d’orientation des
efforts de prévention et de détection.
Bien que le montant de la fraude ne soit pas estimé, la prise en
compte insuffisante des risques de fraudes dans la conception actuelle des
dispositifs de contrôle interne et de lutte contre les fraudes et les pratiques
fautives, notamment le caractère globalement insuffisant de contrôles de
toute nature au regard d’indices convergents d’anomalies, ne permet pas
d’exclure que des anomalies significatives affectent à ce titre les comptes
des branches maladie et AT-MP.
En outre, le contexte de crise sanitaire s’est accompagné d’une
réduction des contrôles effectués par les services administratifs des caisses
et d’une extension de zones de risques d’erreurs et de fraude, même si de
nouveaux risques ont donné lieu à des actions de détection de fraudes.
De plus, la mise en œuvre de certains contrôles par les caisses reste
marquée par un recours inégal aux outils informatiques mis à leur disposition.
Les limites persistantes de certains outils (défaut de mise à jour régulière du
référentiel des transporteurs, etc.) affectent l’efficacité des contrôles.
Par ailleurs, les indus relatifs aux fraudes sont constatés et mis en
recouvrement sur deux années seulement, et non sur la totalité de la période
de cinq années précédant l’application de la prescription d’ordre public, ce
qui a pour effet de les minorer au détriment de l’assurance maladie.
Enfin, les critères de comptabilisation des indus frauduleux fixés par
la CNAM peuvent conduire dans certains cas (période de contestation non
échue, procédure judiciaire en cours, etc.) à constater des créances qui ne
sont certaines ni dans leur principe, ni dans leur montant.
Pour leur part, les requêtes de détection des fraudes internes sont
conçues en réponse à des cas, peu nombreux, de fraude avérée. Elles ne
prennent pas suffisamment en compte, notamment, les risques de fraude
résultant de l’action conjointe d’agents de l’assurance maladie et de
personnes tierces à cette dernière.
L’audit interne
Cette réserve est justifiée par les trois constats d’audit suivants.
Constat n°6 : une part significative des assurés ayant des droits ouverts à
l’assurance maladie n’en remplissent pas les conditions. Les charges indues
qui en résultent pour l’assurance maladie ne sont pas évaluées.
Au regard des éléments produits par la direction de la sécurité sociale
devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la fraude aux
prestations sociales (27 juillet 2020), la Cour a estimé, dans une
communication à la commission des affaires sociales du Sénat 32 qu’au
moins 3 millions d’assurés avaient des droits ouverts à tort à une prise en
charge de leurs frais de santé par l’assurance maladie.
La CNAM n’estime pas le nombre d’assurés en question, ni la part de
ceux pour lesquels l’assurance maladie prend en charge à tort des frais de
santé et les charges correspondantes. Dans ces conditions, la représentation
donnée par les états financiers de la branche maladie de ses droits et
obligations à l’égard de tiers essentiels (établissements et professionnels de
santé en tiers payant et assurés) est affectée d’une incertitude significative.
Constat n°7 : malgré des progrès notables, le périmètre encore étroit des
contrôles portant sur le respect des conditions d’attribution des droits des
assurés expose l’assurance maladie à des risques élevés de prise en charge
à tort de dépenses de santé, dont la portée n’est pas évaluée.
La vérification du respect des conditions de la PUMa - activité ou
résidence stable et régulière en France - est assurée par des croisements de
fichiers d’assurés de l’assurance maladie avec la DGFiP (contribuables) et
le ministère de l’intérieur (ressortissants étrangers en France) et par des
contrôles sur pièces sur la situation d’une partie des assurés dont ces
croisements ne permettent pas de corroborer le bien-fondé des droits. La
CNAM indique avoir procédé en 2020 à 69 500 fermetures de droits à la
suite d’actions de contrôle.
32Cour des comptes, La lutte contre la fraude aux prestations : des progrès trop lents,
un changement d’échelle indispensable, rapport au Parlement, septembre 2020,
disponible sur www.ccomptes.fr.
33 Au titre de 2019, 1,9 million d’assurés (comme en 2018) dont 0,6 million d’assurés
bénéficiaires également de la complémentaire santé solidaire estimé par la CNAM
(0,9 million au titre de 2018).
34 Alors que Pôle emploi ne rapproche pas son propre fichier d’allocataires de celui de
au bout de six mois (12 mois pour ceux échus avant 2020). Ainsi, le titre de séjour
d’environ 184 000 assurés était échu fin 2020 depuis au moins six mois, dont 108 000
depuis au moins 12 mois, et ce très majoritairement avant 2020 (en particulier, avant la
mesure de prolongation de la durée de leur validité).
37 Une fois la carte invalidée par l’assurance maladie dans la base de gestion des cartes,
une tentative d’utilisation dans une pharmacie entraîne une invalidation de la puce de
la carte par son utilisateur.
38 À la suite de l’invalidation d’une carte, la prise en charge de frais de santé est bloquée
ou simplement signalée par des contrôles automatisés. Les prises en charge signalées,
sans que le paiement soit bloqué, sont estimées par la CNAM à 4,9 M€ à fin décembre
2020 en cas de flux de facturation télétransmis (4,4 M€ en 2019).
39 Acquisition des Droits Intégrés.
40 Dont 96 700 bénéficiaires concernés par la deuxième mesure de prolongation pour
Réserve n°3 : compte tenu des insuffisances du contrôle interne, les prises
en charge de frais de santé en facturation directe sont affectées par des
erreurs financières de portée très significative, dont l’évaluation porte sur
un champ incomplet et manque de fiabilité.
Cette réserve est justifiée par les six constats d’audit suivants.
49 Pour calculer le montant moyen des erreurs à un niveau agrégé, la CNAM pondérait
à tort les montants moyens d’erreurs par le nombre de factures au niveau de la
population au lieu de retenir le nombre d’erreurs extrapolées à la population.
50 Selon la CNAM, la valeur centrale statistique de cet indicateur, après correction, est
passée de 2,8 Md€ en 2017 à 1,5 Md€ en 2018 avant de remonter à 1,9 Md€ en 2019.
Constat n°14 : les prises en charge de frais de santé liquidées par les
mutuelles (4,6 Md€) pour le compte du régime général d’assurance
maladie ne font pas l’objet d’un contrôle suffisant par la CNAM.
En l’absence d’un dispositif d’échanges de données, l’assurance
maladie ne peut vérifier la correcte prise en compte, par les mutuelles
délégataires du régime général, des avis rendus par le service médical.
Les rapports qu’établissent les mutuelles sur le contrôle interne
applicable aux frais de santé qu’elles règlent pour le compte de l’assurance
maladie, et son examen par les auditeurs des CPAM, n’apportent pas
d’éléments probants sur son efficacité. Les audits internes réalisés par les
mutuelles ont d’ailleurs été largement suspendus en 2020 dans le contexte
de la crise sanitaire. Les premiers résultats de nouveaux tests réalisés par
la CNAM sur le processus de liquidation de la MGEN, qui restent à
consolider, mettent en évidence des fragilités liées aux contrôles
automatisés sur ce processus.
Constat n°15 : les séjours facturés par les établissements de santé publics
et privés sont insuffisamment contrôlés et le risque financier résiduel n’est
pas évalué, ce qui limite le niveau d’assurance sur la correcte prise en
charge des dépenses correspondantes par l’assurance maladie.
Les séjours tarifés à l’activité (T2A) effectués dans les
établissements de santé publics et privés non lucratifs (« ex-DG ») sont
financés par l’assurance maladie sur le fondement d’arrêtés pris par les
agences régionales de santé (ARS) au vu de l’activité valorisée qu’ils
déclarent dans e-PMSI. Les contrôles opérés par les ARS sur cette
valorisation et, au vu des opinions exprimées par leurs commissaires aux
comptes51, par une partie des établissements concernés sont insuffisants
pour prévenir le risque d’erreurs de portée significative.
51Seuls six établissements publics de santé (dont l’APHP) ont bénéficié d’un dispositif
d’audit aménagé pour la clôture de leurs comptes 2019. Le cycle des recettes, liées
notamment aux facturations de séjours, constitue désormais le premier motif de réserves
sur les comptes (39 % des réserves).
Constat n°20 : le contrôle interne des pensions d’invalidité (6,5 Md€), qui
porte en particulier sur la date de stabilisation de l’état de santé de l’assuré
et les déclarations de ressources, couvre insuffisamment les risques
d’absence de liquidation comme de versement injustifié de ces prestations.
Le dispositif de contrôle interne est partiellement déployé par le
service médical. Les faiblesses du contrôle des arrêts de travail de longue
durée déployé par le service médical, accentuées par l’impossibilité de
convoquer les assurés durant la période de confinement, conduisent à
prévenir insuffisamment le risque de mise en invalidité tardive des assurés
concernés qui doit intervenir au moment où leur état de santé est stabilisé.
De ce fait, l’assurance maladie est exposée au risque de versements
injustifiés d’indemnités journalières, en lieu et place de pensions
d’invalidité, après la date de stabilisation.
S’agissant du processus administratif de gestion de ces prestations,
les contrôles effectués par la CNAV ne procurent qu’une assurance
partielle sur la fiabilité des données de salaires reportées aux comptes de
carrière pris en compte pour le calcul des pensions d’invalidité (moyenne
des salaires des dix meilleures années).
La fiabilité des processus administratifs d’attribution et de mise à
jour des pensions est fragilisée par le caractère ponctuel des contrôles
réalisés sur les déclarations périodiques de ressources transmises par les
assurés, ce qui limite le niveau d’assurance quant à l’exactitude des
pensions versées aux assurés.
L’absence de supervision des contrôles effectués par les directions
comptables et financières limite le niveau d’assurance que procure le
contrôle des prestations liquidées préalablement à leur mise en paiement
pour la maîtrise des risques qui en affectent l’attribution et le calcul. En
outre, les limites fonctionnelles des outils utilisés affectent la restitution
des résultats des contrôles.
Compte tenu des limites du système d’information, l’absence de
revalorisation différenciée des pensions, bien que prévue par la LFSS 2020,
en application de consignes données par la direction de la sécurité sociale53,
induit une surévaluation du montant des pensions versées aux assurés
percevant plus de 2 000 € de pensions d’invalidité.
Réserve n°6 : la justification des comptes est affectée par des limitations
aux travaux d’audit et des désaccords portant, notamment, sur des écritures
d’inventaire relatives, en particulier, à la comptabilisation des provisions
et des charges pour prestations de soins.
Cette réserve est justifiée par les huit constats d’audit suivants.
55 L’arrêté ministériel du 24 mars 2021 fixant les dotations a été publié le 28 mars.
56 Ces débours correspondent aux dépenses ayant un lien direct avec les sinistres, qui
seront versées dans le futur aux victimes, une fois leur état de santé stabilisé.
57 Le montant de créances brutes est de 1,3 Md€ au 31 décembre 2020.
Dans un sens opposé, les retards de traitement des dossiers RCT par
les caisses dans le contexte de la crise sanitaire induisent un risque de sous-
évaluation des produits de l’exercice, qu’une enquête partielle de la CNAM
ne permet pas d’écarter.
Depuis 2016, la CNAM reconduit chaque année le même taux de
dépréciation des créances de RCT (52,9 %). Les modalités d’estimation de
ce taux ne sont pas documentées, dans un contexte où l’application
informatique de gestion des créances ne retrace toujours pas de manière
fiable les données relatives aux recouvrements et aux annulations futures
de produits et de créances. En outre, le dispositif d’identification des
créances douteuses ne couvre pas toutes les situations comportant un risque
de non-recouvrement. Enfin, le dénouement de la dépréciation
comptabilisée n’est pas analysé durant l’exercice suivant, ce qui réduit le
niveau d’assurance sur son estimation.
Réserve n°7 : les incertitudes et désaccords relevés par la Cour sur les
comptes de l’activité de recouvrement affectent les principaux postes de
produits et de créances de cotisations et de contributions sociales de la
branche maladie.
Il est renvoyé aux constats de la Cour sur les comptes de l’activité
de recouvrement de l’exercice 2020 (cf. partie I supra), notamment aux
constats n°1, 2, 3, 34 et 35.
- réserve n°6 : les incertitudes et désaccords relevés par la Cour sur les
comptes de l’activité de recouvrement affectent les principaux postes de
produits et de créances de cotisations sociales de la branche AT-MP.
Par ailleurs, sans remettre en cause son opinion, la Cour appelle de
nouveau l’attention sur un point particulier relatif à la compréhension des
états financiers de la branche AT-MP.
L’annexe aux comptes de la branche AT-MP ne mentionne pas
d’engagements pluriannuels à l’égard des titulaires de rentes pour
incapacité permanente à fin 2020, appréciés et évalués en fonction des
règles de droit en vigueur à cette date. Ces engagements significatifs, qui
peuvent être évalués de manière fiable, portent sur des prestations ayant un
objet identique à celui de prestations pour lesquelles l’État reconnaît des
passifs à ce même titre (sous la forme de provisions pour charges).
59 Sur cette question, voir Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de
financement de la sécurité sociale, octobre 2018, Chapitre VIII - La tarification des
accidents du travail et maladies professionnelles : une gestion lourde, un caractère
incitatif à renforcer, p. 281-318, La Documentation française, disponible sur
www.ccomptes.fr.
Réserve n°5 : la justification des comptes est affectée par des limitations
et des désaccords portant, notamment, sur les écritures d’inventaire.
Cette réserve est motivée par les cinq constats d’audits suivants.
Réserve n°6 : les incertitudes et désaccords relevés par la Cour sur les
comptes de l’activité de recouvrement affectent les principaux postes de
produits et de créances de cotisations sociales de la branche AT-MP.
Il est renvoyé à l’opinion formulée par la Cour sur les comptes de
l’activité de recouvrement de l’exercice 2020 (cf. partie I supra),
notamment aux constats n°2 et 3.
A - La position de la Cour
Au terme des vérifications dont elle rend compte au chapitre III du
présent rapport, la Cour estime avoir collecté les éléments probants
nécessaires pour fonder sa position sur les comptes de l’exercice 2020 de
la branche famille, signés le 15 avril 2021 par le directeur et le directeur
comptable et financier de la CNAF.
Constat n°3 : les risques liés aux évolutions des applications informatiques
et aux incidents d’exploitation, en particulier ceux présentant une incidence
majeure sur les applications sensibles, sont imparfaitement maîtrisés.
Malgré des améliorations, la gestion des changements informatiques
présente encore des faiblesses. En particulier, l’absence de tests exhaustifs
prévient insuffisamment les risques de régression fonctionnelle des
applications de gestion des prestations légales et de comptabilité.
Bien qu’en diminution par rapport à 2019 (- 14 %), le nombre
d’incidents affectant les applications sensibles de la branche a continué à
s’inscrire à un niveau élevé en 2020. Parmi ces incidents, ceux ayant un
impact majeur ont augmenté par rapport à 2019 (+ 5 %). C’est en
particulier le cas pour l’application de gestion des prestations légales
(+ 30 %).
Par ailleurs, la CNAF éprouve des difficultés à clôturer les incidents
dans le respect des objectifs de qualité prévus, en particulier pour les
incidents avec un impact majeur (seuls 51 % sont résolus dans les délais
requis), ce qui fait peser un risque sur la disponibilité et la performance des
applications sensibles.
Enfin, le dispositif de contrôle interne relatif au déversement des
flux de données de l’application de gestion des prestations légales vers
l’application de gestion des paiements, puis celle de comptabilité générale
Constat n°5 : les procédures et les outils sur lesquels reposent la gestion
des tiers (bailleurs de loyers, débiteurs de pensions alimentaires) et celle
des bénéficiaires de prestations ne permettent toujours pas de garantir la
fiabilité de leurs données d'identification.
La branche famille gère dans ses bases de données 6,8 millions de
tiers physiques et moraux et environ 42 millions de bénéficiaires de
prestations au titre de plus de 13,6 millions de foyers. Malgré les progrès
constatés dans certaines CAF, les données d’identification des tiers,
principalement les personnes physiques (bailleurs, débiteurs de pensions
alimentaires, tutelles), présentent toujours une fiabilité insuffisante. Des
actions programmées par la CNAF pour l’améliorer ont été reportées à 2021.
L’absence de base unique de référencement des tiers expose la
branche au risque de création de tiers en doublons entre plusieurs CAF,
enregistrés avec des données d’identification différentes, et à celui d’erreur
dans les données prises en compte pour le versement à un tiers, alors que
la base de référencement propre à chaque CAF (TIERSI) ne permet pas
d’assurer la traçabilité des contrôles effectués.
Constat n°6 : bien que leur emploi progresse en 2020, les procédés
informatisés d’acquisition des données de situation des allocataires ne
couvrent que partiellement les risques d’erreur affectant les données
déclarées et prises en compte pour attribuer les prestations.
La part des déclarations et des pièces justificatives dématérialisées
transmises par les allocataires continue d’augmenter, atteignant 73,4 % en
2020, contre 63,7 % en 2019, selon un nouvel indicateur établi par la
CNAF. Néanmoins, les télé-procédures restent insuffisamment
développées, alors qu’elles intègrent des contrôles automatisés permettant
aux allocataires de prendre connaissance et de corriger, dès leur déclaration
en ligne, d’éventuelles incohérences dans les données qu’ils transmettent.
La part des foyers d’allocataires dont les revenus fiscaux de
l’exercice précédent n’ont pu être fournis par la direction générale des
finances publiques (DGFiP), du fait de données d’identification différentes
entre l’administration fiscale et les CAF ou de l’absence de déclaration
fiscale a fortement diminué, tout en restant élevée (2,2 millions de foyers,
soit 9,6 % du total, contre 12,2 % en 2019, selon les données
communiquées par la CNAF). En outre, le calendrier de transmission des
données de revenus fiscaux par la DGFiP conduit à retarder le contrôle des
ressources annuelles des allocataires.
Cette situation a pour effet de réduire l’étendue possible des
vérifications et corrections des déclarations des allocataires. Pour autant,
bien qu’une estimation réalisée par la CNAF début 2020 fasse apparaître
un enjeu financier significatif (430 M€ de prestations versées à ces
allocataires au titre du seul mois de janvier 2020 hors prime d’activité et
RSA), la branche ne mène pas de contrôles compensatoires ciblés sur ces
mêmes foyers.
Constat n°7 : les faiblesses du dispositif de maîtrise des risques liés aux
données déclaratives ont été accrues par l’allègement des contrôles
intervenu dans le contexte de la crise sanitaire.
Dans le contexte de la crise sanitaire, les montants de prestations
versés, portés notamment par la progression de la prime d’activité et du
RSA, ont augmenté. En revanche, l’impact financier global des actions de
contrôle a diminué (1,1 Md€ d’indus et de rappels, contre 1,2 Md€ en
2019), sous l’effet de la diminution du nombre de contrôles sur place, dont
le rendement unitaire est le plus élevé, et malgré le redéploiement des
contrôles sur pièces vers ceux à plus fort rendement.
La forte diminution du nombre de contrôles sur place (- 37 %), du
fait de l’état d’urgence sanitaire et de ses suites, combinée à une forte
hétérogénéité des résultats entre contrôleurs et entre CAF, a réduit
l’efficacité du dispositif de sécurisation des données déclaratives.
Développées dans le contexte de la crise sanitaire, les modalités
alternatives au contrôle sur place domiciliaire étaient encore peu mises en
œuvre par les CAF en 2020.
Par ailleurs, la disparité des modalités de réalisation des contrôles
sur pièces entre agents et entre CAF affecte la portée de ces actions de
maîtrise des risques. Les actions de supervision sont insuffisantes et le
rattachement aux différents types de contrôles de l’évaluation financière
des indus et rappels propres à ces derniers n’est pas fiabilisée.
62 CNAM pour les prestations en espèces, CNAV pour les retraites, ministère de
l’intérieur pour l’interruption prématurée du séjour en France de ressortissants
étrangers, DGFiP s’agissant du fichier des comptes bancaires.
63 La CNAV constituant une exception à cet égard.
Constat n°10 : malgré la mise en œuvre de nouveaux outils, les risques liés
à la prestation d'accueil du jeune enfant (10,5 Md€ en 2020) restent
insuffisamment couverts par les dispositifs de contrôle interne. De surcroît,
ces dispositifs ont été allégés dans le contexte de la crise sanitaire.
La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) a quatre
composantes : la prime à la naissance ou à l’adoption (0,5 Md€),
l’allocation de base (3,1 Md€), la prestation partagée d’éducation de
l’enfant (PreParE, 0,9 Md€) et le complément de libre choix du mode de
garde (CMG, 5,9 Md€), qui compense pour partie le coût de la garde d’un
enfant par une structure agréée ou une assistante maternelle agréée.
Malgré la diffusion par la CNAF de nouveaux outils, le dispositif de
maîtrise des risques continuer à présenter des insuffisances, liées à une
application inégale des consignes par les CAF et à l’absence de
supervisions internes aux services ordonnateurs et de contrôles du directeur
comptable et financier, malgré les fréquentes erreurs qui affectent la prise
en compte de certains paramètres de la prestation (comme la situation
professionnelle des allocataires).
La crise sanitaire a conduit à alléger le dispositif de maîtrise des
risques en matière de justificatifs attendus des allocataires (attestation de
l’employeur justifiant de la quotité de travail à temps partiel ouvrant droit
à la PreParE, attestation mensuelle de complément de mode de garde en
établissement), sans que des contrôles compensatoires soient mis en œuvre.
Alors que la législation prévoit que le droit au CMG est ouvert à
compter du premier jour du mois civil précédent celui au cours duquel la
demande est déposée, la CNAF retient, à tort, la date de la première
manifestation de l’allocataire, même lorsque son dossier est incomplet, ce
qui est de nature à majorer les charges de prestations.
Enfin, les contrôles mis en œuvre par les CAF sur la validité des
agréments des assistantes maternelles et des établissements requis par la
règlementation en vigueur couvrent insuffisamment le risque de versement
à tort des prestations, du fait de l’absence d’échanges de données
informatisés avec la base recensant ces agréments, dont la gestion relève
respectivement des conseils départementaux et des DIRECCTE.
Constat n°13 : si leur niveau est comparable à celui de 2019, les indicateurs
de qualité de la liquidation traduisent toujours une efficacité insuffisante
du contrôle interne et des disparités entre les CAF.
L’indicateur mesurant la fréquence des erreurs de liquidation des
dossiers avant contrôle éventuel des directions comptables et financières
(IQL0) s’établit à 5,7 % (soit - 0,2 point par rapport à 2019). Celui
mesurant les erreurs non corrigées 6 mois après la liquidation s’établit à
3,4 % (- 0,1 point).
Ces fréquences d’erreurs, mesurées par les directions comptables et
financières des CAF sur la production des services ordonnateurs de leur
propre caisse, traduisent une efficacité perfectible du contrôle interne. Le
déploiement d’une vérification croisée entre CAF est trop récent (octobre
2020) pour réduire notablement la part des disparités entre caisses
imputable à l’hétérogénéité de la détection d’anomalies.
67 Compte tenu de la taille de l’échantillon, le taux est compris, avec une probabilité de
95 %, entre 4,5 % et 6,5 % du montant des prestations versées, soit respectivement
3,3 Md€ et 4,7 Md€.
68 Compte tenu de la taille de l’échantillon, le taux est compris, avec une probabilité de
95 %, entre 1,2 % et 1,7 % du montant des prestations versées, soit respectivement
0,86 Md€ et 1,24 Md€.
69 La période de contrôle habituelle a été reconduite en 2020 afin de garantir la
Par ailleurs, les contrôles sur place portant sur les structures
financées au titre de l’action sociale ont été réduits de moitié et les risques
de fraudes sont insuffisamment couverts. Ils font apparaître une incidence
financière moyenne en forte progression (+ 30,5 %), que la CNAF explique
par un ciblage accru des contrôles sur les établissements présentant les
situations les plus à risque.
Enfin, les contrôles spécifiques sur les données déclarées par les
structures d’accueil des jeunes enfants afin de bénéficier d’aides
exceptionnelles (721 M€) ne couvrent pas certains risques d’erreurs et sont
mis en œuvre en dehors du système d’information, ce qui affecte la fiabilité
de leurs résultats.
Pour 2020, l’indicateur de risque financier résiduel affectant les
prestations d’action sociale collective du fait de données déclaratives
erronées a été suspendu, ce qui induit une limitation à l’audit74.
tenir compte du fait que le montant définitif (réel) de la charge, constaté lors de
l’exercice N+1, est en général d’un montant inférieur aux données déclarées par les
structures. Pour calculer le montant de cette décote, la CNAF se fonde sur les taux de
régularisation des charges observés au cours des cinq derniers exercices connus lors de
la clôture des comptes (soit les exercices 2014 à 2018 pour les comptes 2020).
Réserve n°4 : les incertitudes et désaccords relevés par la Cour sur les comptes
de l’activité de recouvrement affectent les principaux postes de produits et de
créances de cotisations et contributions sociales de la branche famille.
Il est renvoyé sur ce point à l’opinion formulée par la Cour sur les
comptes de l’activité de recouvrement de l’exercice 2020 (cf. partie I
supra), notamment aux constats n°1, 2 et 3.
A - La position de la Cour
Au terme des vérifications dont elle rend compte au chapitre III du
présent rapport, la Cour estime avoir collecté les éléments probants
nécessaires pour fonder sa position sur les comptes de l’exercice 2020 de
la branche vieillesse, signés le 15 avril 2021 par le directeur et par le
directeur comptable et financier de la CNAV.
76 L’existence d’un dispositif de financement des déficits jusqu’en 2023 conduit à lever
le point mentionné dans le rapport de certification des comptes de 2019 relatif à
l’incertitude d’un apurement de la dette du fonds vis-à-vis de la CNAV.
Constat n°4 : alors que le montant de la fraude potentielle n’est pas estimé,
les risques de fraude sont insuffisamment couverts par le dispositif défini
au plan national et mis en œuvre par les caisses de retraite.
La CNAV n’évalue pas le montant de la fraude aux prestations de
retraite, ce qui la prive d’un indispensable instrument d’appréciation de
l’efficacité de son dispositif et d’orientation des efforts de prévention et de
détection. Une estimation des principaux risques est prévue pour 2021.
Le dispositif de prévention et de lutte contre les fraudes externes
demeure inégalement mis en œuvre par les caisses de retraite. Le procédé
automatisé de sélection des dossiers à contrôler (OCDC) détecte une
fréquence croissante d’irrégularités à caractère potentiellement frauduleux.
77 Les prestations de retraite restent liquidées à partir des données du SNGC jusqu’à ce
que le RGCU s’y substitue, en 2021.
78 Un problème est la conséquence d’un incident majeur ou de nombreux incidents
L’audit interne
Constat n°13 : une grande partie des révisions de droit liées aux
majorations dues au titre du minimum contributif et de la pension de
réversion ne peuvent toujours pas être effectuées.
En 2020, le nombre de majorations de la pension de réversion et du
minimum contributif en attente de calcul pour les salariés a continué
d’augmenter (1,4 million de majorations en instance au 31 décembre 2020
pour un montant provisionné de 0,6 Md€), tandis que plus des trois-quarts
des majorations en faveur des travailleurs indépendants restaient en attente
de calcul (près de 442 000 majorations en instance pour un montant
provisionné de 0,1 Md€).
La fiabilisation de la qualité et de l’exhaustivité des informations
contenues dans le répertoire d’échange inter-régimes de retraite (EIRR),
dont dépend le calcul de ces majorations, s’est ralentie, aucune opération
notable n’étant intervenue en 2020. Elle dépend, notamment, de la capacité
de l’ensemble des régimes partenaires et de la CNAV à développer des
correctifs informatiques, dont les plus importants ont été repoussés à 2021.
Réserve n°4 : les prestations de retraite sont affectées par des erreurs à
caractère définitif, en faveur ou au détriment des assurés sociaux, dont le
nombre et l’incidence financière ont continué à s’accroître en 2020.
Cette réserve est motivée par les cinq constats d’audit suivants.
80 Les centres nationaux délégués d’Orléans et de Strasbourg pour les dossiers traités
dans l’Outil retraite et l’établissement d’Auray pour ceux liquidés dans ASUR.
81 Droits personnels, droits dérivés, droits non contributifs (ASPA notamment),
avantages complémentaires (majoration enfant, majoration tierce personne, etc.).
82 Compte tenu de la taille de l’échantillon, la fréquence des erreurs est comprise, avec
une probabilité de 95 %, entre 15,7 % et 17,1 %. Dans le détail, la fréquence des erreurs
atteint 23,8 % pour l’ASPA, 22,4 % pour les révisions de droits propres, 16,3 % pour
les attributions de droits propres et 10 % pour celles de droits dérivés.
soit 1,4 %). Rapporté au montant des prestations légales mises en paiement en 2020,
l’impact net sur les comptes annuels serait une minoration des charges de 50 M€.
87 En 2020, ont été contrôlés non seulement les premières attributions de droits, mais
aussi les seconds droits à retraite (droit dérivé faisant suite à un droit propre par
exemple). Sur ce périmètre élargi, le taux d’incidence financière s’établit à 1,1 %.
88 En 2019, en « fourchette haute », le TIF s’établissait à 0,4 %, soit 0,4 Md€.
Réserve n°5 : Les incertitudes et désaccords relevés par la Cour sur les
comptes de l’activité de recouvrement affectent les principaux postes de
produits et de créances de cotisations sociales de la branche vieillesse.
Il est renvoyé sur ce point à l’opinion formulée par la Cour sur les
comptes de l’activité de recouvrement de l’exercice 2020 (cf. partie I
supra), notamment aux constats n°1, 2 et 3.
91Soit 34 dossiers représentant 4,3 % de l’échantillon 2020 (784 dossiers), contre 3,6 %
de l’échantillon 2019 (1 120 dossiers).
Chapitre II
- réserve n°2 : les réserves exprimées par la Cour sur les comptes combinés
des branches maladie et AT-MP concernent la CNAM en sa qualité de
caisse nationale qui attribue aux entités combinées des deux branches des
dotations couvrant les charges comptabilisées par ces entités.
92 L’existence d’un dispositif de financement des déficits jusqu’en 2023 conduit à lever
le point mentionné dans le rapport de certification des comptes de 2019 relatif à
l’incertitude d’un apurement de la dette du fonds vis-à-vis de la CNAV.
96Les comptes définitifs de l’ACOSS ont fait l’objet d’une nouvelle transmission le
17 mars 2021.
2019
PASSIF (en M€) 2020 Variation
publié
CAPITAUX PROPRES
Dotations, apports 45,8 45,4 0,8%
Réserves combinées 399,1 416,8 -4,3%
Report à nouveau 180,0 -0,7 -
Résultat de l'exercice (excédent ou déficit) -17,8 -17,8 0,0%
Subventions d'investissement 0,1 0,1 19,0%
TOTAL DES CAPITAUX PROPRES 607,2 444,0 36,8%
PROVISIONS
Provisions au titre de la gestion administrative 27,0 25,0 8,1%
Provisions au titre de la gestion du recouvrement 3 482,9 3 748,2 -7,1%
Autres provisions pour charges 32,4 30,0 8,0%
TOTAL DES PROVISIONS 3 542,3 3 803,2 -6,9%
DETTES FINANCIERES
Dépôts reçus d'autres organismes de sécurité sociale (<1 an) 408,0 403,9 1,0%
Prêts Caisse des dépôts et consignations (<1an) 0,2 0,2 -2,1%
Billets de trésorerie / Neu Commercial Papers 17 755,5 6 742,1 163,4%
Euro commercial papers 44 749,7 19 792,8 126,1%
Autres 6,8 1,6 326,7%
TOTAL DES DETTES FINANCIERES 62 920,3 26 940,6 133,6%
PASSIF CIRCULANT
Dettes à l'égard des cotisants 2 738,4 1 657,4 65,2%
Versements directs 65,3 0,0 -
Dettes à l'égard de l'Etat et entités publiques 4 753,5 2 712,9 75,2%
Dettes à l'égard d'organismes et autres régimes de sécurité sociale 51 996,4 45 739,7 13,7%
Compte de suivi financier CCMSA 266,7 205,2 29,9%
Compte de suivi financier Fonds CMU 453,6 386,3 17,4%
Compte de suivi financier CPSTI 332,1 0,0 -
Autres comptes de suivi financier 106,0 0,0 -
Dettes au titre de la gestion administrative 228,4 222,3 2,8%
Créditeurs divers 5 539,8 3 959,5 39,9%
Comptes transitoires ou d'attente 2 482,7 1 317,3 88,5%
Instruments financiers 1 752,0 350,2 400,2%
Produits constatés d'avance 639,6 576,9 10,9%
TOTAL DES AUTRES DETTES 71 354,4 57 127,7 24,9%
TOTAL PASSIF 138 424,1 88 315,4 56,7%