Conflit Rwandais Nkurunziza Charles 01

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LE CONFLIT RWANDAIS

par Charles Nkurunziza

TABLE DES MATIERES


1.INTRODUCTION 2. LA NATURE DU CONFLIT RWANDAIS

2.1. Les parties en conflit. 2.1.1 Les Hutu 2.1.2 Les Tutsi 2.2. Lobjet du conflit.
3. LE PROCESSUS CONFLICTUEL

3.1. La reconqute des royaumes Hutu. 3.1.1. Les femmes Tutsi 3.1.2. Le roi Tutsi munyiginya serviteur du roi Hutu 3.1.3. La provocation de mauvais sort 3.2. La soumission multisculaire du serf Hutu au seigneur Tutsi 3.2.1. Les mythes et lgendes 3.2.2. Le code sotrique de la royaut 3.2.3. LUbuhake 3.2.3.1. La notion de lUbuhake 3.2.3.2. Les consquences de lUbuhake 3.2.3.2.1 Sur le plan individuel 3.2.3.2.2. Sur le plan social 3.2.3.2.3. Sur le plan politique 3.3. Emancipation et Rvolution de 1959 3.3.1. Radicalisation du conflit rwandais 3.3.2. Le Mouvement dmancipation 3.3.3. La Rvolution de 1959 3.4. Le Rwanda : Rpublique indpendante 3.4.1. Sous la Premire Rpublique 3.4.2. Sous la Deuxime Rpublique 3.5. La guerre de reconqute du pouvoir avec toutes ses tragdies 3.5.1. Du dbut de la guerre par le FPR la conclusion de lAccord de Paix dArusha. 3.5.1.1 La guerre doctobre 1990 3.5.1.2 Les changements institutionnels 3.5.2. LAccord de Paix sArusha
4. LA CATASTROPHE DAVRIL 1994

4.1. La guerre ultime de reconqute du pouvoir : prparatifs 4.2. Une guerre sauvage et trs meurtrire
5. LES CONSEQUENCES DE LA GUERRE

5.1. Sur le plan matriel 5.2. Sur le plan humain 6. LA SITUATION DEPUIS LINSTALLATION DU FPR AU POUVOIR A KIGALI 6.1. Sur le plan politique 6.2. Sur le plan judiciaire 6.3. Sur le plan social
7. CONCLUSION

1. INTRODUCTION
La guerre de reconqute du pouvoir par le FPR-Inkotanyi qui a dtruit le Rwanda et qui a abouti la situation que le peuple rwandais vit aujourdhui constitue coup sr, lpisode la plus horrible du conflit rwandais travers lhistoire de ce pays. Ici, la question qui vient videmment lesprit est de savoir en quoi consiste ledit conflit. Le conflit rwandais est n partir du moment o le Tutsi sest engag ne jamais partager avec le Hutu dans son pays. Et toute lhistoire du Rwanda est depuis, construite sur cette terrible ralit. Comme on le sait, la guerre de reconqute du pouvoir par le FPR au Rwanda aura fait verser trop de sang des rwandais, toutes les ethnies confondues, et les consquences sur tous les plans sont incalculables. Cest sur cet ensemble de donnes quil va falloir rflchir profondment, dans ce travail, pour dgager une vision commune de la ralit rwandaise. Dans cette rflexion, nous nous appuierons essentiellement sur Les Aspects essentiels du problme rwandais , document ralis par le Groupe Charles Nkurunziza (Bukavu, mai 1995) C. Nkurunziza

2. LA NATURE DU CONFLIT RWANDAIS


Il va falloir ici dfinir les parties au conflit et lobjet de ce conflit.

2.1. Les parties en conflit.


Selon le document du groupe prcit, lhistoire du Rwanda nous apprend que les trois ethnies qui peuplent le Rwanda sont arrives dans ce pays par vagues successives. Les Twa ou les Pygmodes furent les premiers occupants ; ils vivaient de la chasse et de la cueillette. Suivirent ensuite les Hutu dorigine Bantoue ; ils constituaient le groupe numriquement le plus important et sadonnaient avant tout lagriculture. Les Tutsi Hamites enfin, arrivrent au Rwanda entre le XIIme et le XVme sicle ; ils se consacrrent principalement llevage de la vache longues cornes. Dans cette tude, on remarquera que seuls les Tutsi et les Hutu sont concerns parce que les Twa avaient un statut tout fait particulier dans la socit rwandaise ; ils ntaient pas considrs comme des personnes humaines part entire.

2.1.1 Les Hutu


Dorigine Bantoue, les Hutu sont les dfricheurs du Rwanda pour pouvoir y habiter et lexploiter sur le plan de lagriculture et de llevage en vue de se nourrir de faon satisfaisante. Ce sont les Hutu qui ont impos ce pays le nom de RWANDA, du verbe KWANDA signifiant avoir la vocation de slargir, dtre grand . Ce sont toujours ces Hutu qui lont, les premiers, politiquement organis en y crant des royaumes par clan ( Abagesera, Abazigaba, Abungura, Abacyaba,).Le Rwanda tait alors une vritable nation dans la quelle les royaumes indpendants taient juxtaposs dans la paix. Cest dans ce contexte que le Tutsi est arriv au Rwanda.
Un vieux de race Muhutu(Photo C. EEMAN in A. Kagame, Les organisations socio-familiales de lancien Rwanda) [N.d.l.r. Pour plus de dtails sur l'ethnie Hutu lire: Les trois races, une tude ethnographique de l'Abb Alexis Kagame]

2.1.2 Les Tutsi


Les Tutsi Hamites sont arrivs au Rwanda derrire leurs troupeaux, en nomades. Ils taient pacifiques, et par consquent, ils ne furent pas repousss par les autochtones trouvs sur place (Abasangwabutaka). Cest dans cette nouvelle ambiance que les nouveaux arrivants ont donn au roi Hutu des Bazigaba du Mubali le nom symbolique de Kabeja que lhistoire a retenu et qui signifie en langue hima (ka-beije = lessez-les venir). Le Mubali est la rgion rwandaise par laquelle les Tutsi du clan des Abanyiginya ont pris le premier contact avec le Rwanda. Aprs un certain temps derrance, toujours derrire leurs troupeaux, ils se fixrent enfin Gasabo, au bord du lac Muhazi.
Un vieux Mututsi (Photo R. [N.d.l.r. Pour plus de dtails sur l'ethnie Tutsi lire: Les trois races, une BOURGROIS in A. Kagame, tude ethnographique de l'Abb Alexis Kagame] Les organisations sociofamiliales de lancien Rwanda)

2.2. Lobjet du conflit.


Installs Gasabo, les Tutsi se sont organiss et ont cr un petit royaume, copie de ce quils avaient trouv sur place. Cest dans cette atmosphre quest ne lide de conqurir les royaumes Hutu et dexclure dfinitivement les Hutu de lexercice du pouvoir au Rwanda. Comme on sen aperoit aisment, le conflit rwandais ne tient autre chose qu linterdiction absolue impose au Hutu par le Tutsi, de participer lexercice du pouvoir, en le rduisant au rang de serf et desclavage. Cest sur ce conflit et sur ses divers aspects qua t construit lessentiel de lhistoire du Rwanda.

3. LE PROCESSUS CONFLICTUEL
Depuis que les Tutsi Banyiginya se sont dcids conqurir les royaumes pacifiques Hutu, lhistoire du Rwanda est essentiellement marque par le conflit rwandais qui venait dtre dclench. Le Hutu a t rduit au rang desclave et de serf, et cela pendant des sicles. Il a fallu lmancipation et la rvolution de 1959 pour que le Hutu retrouve sa libert et jouisse de tous ses droits quil allait perdre hlas ! par suite une tragique guerre de reconqute du pouvoir de 1990 par les fils des seigneurs Tutsi chasss du pouvoir par la rvolution de 1959.

3.1. La reconqute des royaumes Hutu.


Pour les conqurants Tutsi Banyiginya, la destruction des royaumes Hutu a t une tche de longue haleine, si bien que les dernires conqutes furent ralises par le colonisateur allemand tout au dbut du 20me sicle dans les prfectures de Ruhengeri et de Gisenyi. Au cours des guerres de destruction des royaumes Hutu, les Tutsi Banyiginya ont utilis des armes de natures diffrentes selon la situation du royaume Hutu dans le collimateur. Cest ainsi quen plus des armes classiques, les Tutsi Banyiginya se sont servis dautres armes particulirement efficaces suivantes :

3.1.1. Les femmes Tutsi


Lorsque le monarque Tutsi constatait quil ne pouvait pas vaincre le roi Hutu par les armes classiques, il cessait les combats et la guerre de conqute tait oublie momentanment pour faire croire la situation pacifique entre les royaumes belligrants. Par la suite, le monarque Tutsi pouvait donner sa propre fille en mariage lennemi qui ne se doutait de rien. La fille ainsi donne en mariage avait une mission sacre de tout faire pour faciliter son pre la tche de tuer son mari avec tous les siens. Cest ainsi que le royaume de Nduga t conquis par les Tutsi Banyiginya. Aprs une longue et dure guerre de conqute contre le Nduga, le roi munyiginya Mibambwe I Sekarongoro a donn en mariage sa fille Nyirantorwa Mashira, roi du Nduga avec une mission prcise de faciliter lassassinat de son mari par son pre. Le projet fut excut comme il avait t prpar.

3.1.2. Le roi Tutsi munyiginya serviteur du roi Hutu


Lorsquun monarque Tutsi munyiginya constatait que le roi Hutu dans le collimateur tait plus fort que lui, il se camouflait et se prsentait lui dans des conditions de serviteur et lui demandait dtre son service. Le serviteur Tutsi tait souvent prfr aux autres et entrait dans la vie quotidienne de son matre . A loccasion juge opportune, il lassassinait purement et simplement. Cest ainsi que le roi Hutu Nzira du Bugara fut tu par RuganzuNdori qui stait prsent sous le pseudonyme de Cyambarantama et le royaume des Bagara fut annex celui des Banyiginya.

3.1.3. La provocation de mauvais sort


Le monarque Tutsi munyiginya faisait tout pour pouser une fille de la famille Hutu rgnante. Aprs un arrangement criminel, la femme revenait dans sa famille et faisait tout pour avoir

enceinte. Lenfant qui en naissait tait videmment le fils du roi, mari de la mre. C est cet enfant qui, un jour devenu grand, participait une guerre dagression contre le pays de son pre biologique pour y tre tu. Le sang ainsi vers provoquera un jour la destruction du royaume Hutu considr, au profit du royaume Tutsi des Banyiginya. Ce phnomne a exist notamment sous Yuhi II Gahima, monarque Tutsi munyiginya contre le royaume Hutu des Benengwe sous Samukende et sa femme Benginzage connue sous le surnom de Nyagakecuru. La nice de Nyagakecuru marie Yuhi II Gahima a eu, aprs des arrangements avec son mari, des rapports sexuels avec le mari de sa tante. A terme, elle a mis au monde un garon qui on imposa un nom significatif de Binama . Cest ce dernier qui, devenu grand, alla verse son sang sur la terre des Benengwe pour faciliter tt ou tard son annexion au royaume des Banyiginya.

3.2. La soumission multisculaire du serf Hutu au seigneur Tutsi


Cette soumission du Hutu vaincu tait le fruit des mythes et lgendes des Tutsi Banyiginya ; elle tait institutionnalise par le code sotrique et matrialise par le systme dUbuhake.

3.2.1. Les mythes et lgendes


Conscient de sa force trs minime et du caractre essentiellement pacifique du Hutu (muntu), le Tutsi (hamite) sest prsent ce dernier comme, au cours des gnrations et au moyen de divers artifices, comme un tre surhumain nappartenant pas au commun des mortels. Le Tutsi a fait croire au Hutu quil tait dorigine divine. Une lgende veut que lanctre des Banyiginya (Sabizeze) tait n du cur dun buf porteur de bons augures (Imana yeze), quil tait tomb du ciel (Kigwa), et que ctait lui qui avait tout invent ( Gihanga cyahanze inka ningoma) ; que par consquent il lui revenait de droit de rgner sur le Rwanda, et dy rgner sans partage. Aprs des guerres de conqute du pouvoir, les Hutu tombaient aisment dans les griffes du Tutsi. Ce fut la premire manifestation du conflit rwandais. En effet, partir de ce moment, le hamite nomade est devenu mu-tutsi du verbe de la langue rwandaise archaque gutuka (bnir). [n.d.l.r. explication d'Alexis Kagame sur la signification et l'origine du terme "Mututsi"] Depuis, pour la culture hamite Tutsi du Rwanda, le Tutsi tait celui qui avait tait bni par des dieux, le comblant de biens et de bonheur (gutunga no gutunganirwa) devenant ainsi noble et seigneur. Tandis que les Hutu ainsi subjugs devaient changer leur statut juridique et social. Ils devenaient manants (hutu) et serf, la disposition de leur seigneur pour lui offrir leurs forces, et en retour pouvoir subsister. [n.d.l.r. explication d'Alexis Kagame sur la signification et l'origine du terme "Muhutu"] Les monarques Hutu devaient cder leur titre de roi (umwami) au chef des Hamites pour devenir des Bahinza (matres des pluies et des rcoltes).

3.2.2. Le code sotrique de la royaut


Ce code sotrique tait la fois une constitution dans le sens moderne du terme, et un ensemble de rgles regissant des pratiques occultes, mythiques et magiques (imitsindo) ; et lapplication de ses dispositions requrait de nombreuses consultations divinatoires appropries. Ce code de la dynastie des Banyiginya tait compos de pomes couvrant tous les domaines intressant la dynastie. Chaque pome tait confi une famille et se transmettait de pre en fils travers des gnrations. Lensemble Le mwami (ici Musinga) dans sa hutte royale de des dtenteurs de ces pomes Nyanza, entour des Abiru, les dtenteurs du code constituait le collge des biru qui sotrique. Source: taient des conseillers spciaux du pouvoir sous lautorit dun doyen http://www.benjaminsehene.com/histoire.htm ou grand mwiru intronisateur, ncessairement du clan des Abatsobe. Les familles matri-dynastiques (Abega par exemple) taient exclues de la connaissance du code sotrique. Laccs au code sotrique de la Reine Mre Nyiramavugo II Nyiramongi du clan des Abega fut la cause lointaine des vnements tragiques de Rucunshu. Le code sotrique tant lme du systme politique des Banyiginya, le conflit rwandais en est lmanation. En effet, ce code avait plac le pouvoir au dessus de tout, mme de la vie. Aux termes de ce code, lexercice du pouvoir tait la prrogative exclusive du roi munyiginya, prrogative qui se transmettait de pre en fils. Le roi munyiginya exerait un droit absolu de vie et de mort sur ses sujets ; il devait par consquent mettre mort quiconque pouvait y prtendre sans remplir les conditions du code sotrique. Signalons en passant, que tuer pour le maintien du pouvoir tait un devoir sacr pour le monarque munyiginya. Il lui tait strictement interdit dabdiquer. Si le cas devait se prsenter, il devait se donner la mort ; et ainsi permettre que le pouvoir reste dans sa ligne (Kwitangira ingoma) [n.d.l.r. Alexis Kagame
donne l'exemple de Ruganzu I Bwimba (vers 1400) qui se sacrifia pour viter que son royame soit annex par le Gisaka rival].

Cest pourquoi, lorsquun monarque tutsi tuait un roi hutu qui lui rsistait, il devait le mutiler et orner le tambour - emblme de la dynastie de ses organes gnitaux pour signifier que le royaume hutu en question tait, mythiquement et dfinitivement, teint. Le Hutu tait, comme on la vu, rduit la condition de sous-homme au service de son seigneur. Cest le sens des vers suivants, extraits dun vieux pome dynastique : Harabaye ntihakabe Hapfuye imbwa nimbeba Hasigara inka ningoma ;signifiant, tout simplement, quaprs une lutte acharne, les chiens et les rats on fini par cder leur place la vache et le tambour. En dautres termes, les royaumes Hutu ont t, finalement, dfinitivement conquis par le Tutsi. Comme on le voit, cest le code sotrique qui a radicalis cette situation pour toujours.

3.2.3. LUbuhake
De toutes les armes que le Tutsi a utilises pour rduire le Hutu lesclavage, la plus redoutable et la plus efficace fut le systme dUbuhake. 3.2.3.1. La notion de lUbuhake Ctait un systme de relations sociopolitiques entre des individus ou, mme, entre des institutions. Il tait linspiration du contrat dUbugererwa des royaumes Hutu dont il est diffrent quant son objet et son but. Lobjet de l Ubuhake tait la vache au lieu dtre la terre, et il avait lieu entre deux personnes se trouvant aux rangs sociaux diffrents. Le plus puissant sengageait protger le faible ainsi que tous les siens dans toutes les circonstances et pour autant que leurs relations dUbuhake ntaient pas dfinitivement interrompues. Lautre partie, quant elle, sengageait excuter parfaitement tous les ordres reus de son protecteur. Par cet engagement, le protg La vache tait l'objet et l'lment central du cessait de sappartenir ou dappartenir sa famille pour devenir lhomme la systme de l'Ubuhake. disposition de son patron. Signalons quen ralit, la vache ainsi reue restait partie intgrante de la proprit du seigneur, le Mugaragu nen tant que simple usufruitier. Cest--dire que, sous nimporte quel prtexte, le Shebuja pouvait reprendre toutes les vaches que le Mugaragu dtenait. Mme quiconque propritaire de vaches obtenues en dehors dUbuhake (imbata) pouvait se les voir dpouiller par un plus puissant, sans la possibilit daucun recours. Quand la situation allait bien, la relation entre les deux parties tait hrite dans le mme ordre, de pre en fils pendant des gnrations entires. 3.2.3.2. Les consquences de lUbuhake Linstitution de lUbuhake a produit des consquences particulirement graves sur les plans individuel, social et politique. 3.2.3.2.1 Sur le plan individuel Par le truchement de lUbuhake, le Tutsi voulait faire du Hutu un type dhommes assujetti et essentiellement vou son service. Sur ce plan individuel les consquences furent : a)Lgocentrisme (inda nini) Ainsi asservi, le Hutu devait depuis, dpenser ses forces quotidiennement, au profit du seigneur Tutsi pour avoir de quoi mettre sous la dent . Ainsi, pendant des gnrations, le Hutu nayant dautres proccupations que son ventre , a fini par acqurir pour de bon le

caractre dgocentrisme incompatible avec la gestion des affaires de la communaut. [n.d.l.r.un rcit populaire corrobore intitul 'Umurage n'umuvumo bya Kibaza' corrobore cette constatation]. b)Le manque de clairvoyance et de prsence desprit (kutibaza-kudashishoza) Tout au long de son ducation, le futur seigneur Tutsi tait quotidiennement soumis des exercices physiques (guhamiliza) militaires (kumasha), il tait associ des jeux favorisant le dveloppement mental et intellectuel tel que le Gisoro ainsi qu des sances spciales pour acqurir des mcanismes de lart oratoire (gutarama) ncessaires dans lexercice du pouvoir. Tandis que le jeune Hutu du mme ge, linstar de son pre ou au secours de celui-ci, devait soccuper chaque jour des travaux durs, fatigants et de toute autre sale besogne que la famille du seigneur ddaignait. Les activits dordre intellectuel constituaient la moindre de ses proccupations, et cela pendant des sicles. [n.d.l.r.un rcit populaire corrobore intitul 'Umurage n'umuvumo bya Kibaza' corrobore cette constatation]. Cest ce qui explique pourquoi, souvent le Hutu na pas toujours discern les piges (amayeri) que le Tutsi lui a tendus pendant des gnrations entires. Les exemples abondent dans lhistoire du Rwanda. c)Une peur irraisonne, permanente et traumatisante (Umususu) Ctait une peur constante inspire par tout ce que le seigneur Tutsi, en sa qualit de propritaire de la personne du Hutu, pouvait faire de mal son esclave sans dfense. [n.d.l.r.un
rcit populaire corrobore intitul 'Umurage n'umuvumo bya Kibaza' (dernier paragraphe) corrobore cette constatation]

De tout ce qui prcde lon se rend aisment compte que le Hutu est devenu, au cours des sicles un robot au service de son seigneur. Il lui faut beaucoup de temps et de patience et surtout de dtermination pour reconqurir sa qualit dhomme. 3.2.3.2.2. Sur le plan social Le systme dUbuhake tait le fondement essentiel des relations sociales dans les Rwanda ancien. De nos jours ses squelles se font encore ressentir. Les relations entre Hutu et Tutsi taient ncessairement bases sur lUbuhake ; pour le Tutsi, le Hutu devait tre naturellement son service. A la limite, linverse tait concevable: un Tutsi pouvait se constituer un umugaragu du Hutu - muhinza mais court terme et pour un objectif bien dtermin. Cest dire que lorsque le Tutsi navait pas russi liminer le Muhinza par les armes, ou quil ne lavait pas pu en lui donnant sa fille en mariage, il se rapprochait de lui sous les apparences dun umugaragu, en vue de le faire disparatre sans difficults. Cest ce que Ruganzu II Ndoli a fait sous le pseudonyme de Cyambarantama, pour tuer le dernier monarque du Bugara, Nzira. [n.d.l.r.lire l'histoire du roi Ruganzu II Ndoli]. Plus prs de nous encore, pour ne parler que de cela, quand le Gnral Major Juvnal Habyarimana a accd la tte de l Etat, le Tutsi sest approch de lui de telle sorte quil tait devenu le vrai dtenteur du pouvoir. Un proverbe rwandais dit, ce sujet que lorsque tu loges le Tutsi au cur de ton foyer, il tenlve ta femme (umututsi umusembereza ikweru akaguca haruguru). La vrit sur ce quil cherchait obtenir a t rvle en 1980 lors de ce quil a t convenu

dappeler Affaire Lizinde . Monsieur Lizinde, alors chef de service du renseignement et auteur du livre La dcouverte de Kalinga ou la fin dun mythe, a dnonc le danger que constituait lemprise des Tutsi sur le pouvoir rpublicain. Il fut accus son tour, et pour cette cause, de nourrir des ambitions pour renverser le pouvoir en place. A partir de son moment, les Tutsi jurrent de prendre le pouvoir par la force. Par ailleurs, le systme dUbuhake avait atteint un tel degr de perversion que le mugaragu tait plus fier dtre esclave de son matre Tutsi que dtre fils de son pre biologique. Cela devait se concrtiser dans la conduite de tous les jours. Cest ainsi quun Hutu au service dun seigneur Tutsi tait apprci dans ses agissements en fonction de la bravoure ou de la mdiocrit de son matre. Dans certains cas, lorsquune famille de Hutu (au sens large) avait donn des bagaragu une autre famille de Tutsi pendant des gnrations, la premire abandonnait son clan dorigine pour adopter celui de la deuxime (Abanyiginya, Abega, AbageserabAbazirankende) mais sans pour autant devenir Tutsi. Mme au cas de mariage, le Hutu gendre du Tutsi pouvait bnficier de beaucoup de faveurs mais jamais il ne pouvait changer de statut pour devenir Tutsi. Pour le Tutsi, la nature des choses tait telle que le Hutu pouvait atteindre un certain degr de perfection, mais jamais galer le Tutsi (zirungwe zange zibe isogo!) [n.d.l.r. Sur ce
point, Alexis Kagame confirme qu'un Hutu pouvait devenir 'politiquement' Tutsi en acqurant ds richesses bovine mais qu'il restait 'racialement' (i.e. ethniquement) Hutu. Cfr. paragraphe 33 de Les trois races].

Dans les relations dUbuhake, le mensonge et lintrigue taient les rgles du jeu substantielles. En effet, laction de guhakwa comportait entre autres pratiques, pour le mugaragu, dire son matre des choses agrables loreille, mme sil sagissait des contre -vrits, pourvu quil soit attentivement et favorablement cout (ukuli wabwiye shobuja niko umuhakishwaho).Pour cela, le mugaragu devait couvrir son seigneur de louanges en voquant ses actes de bravoure, mais surtout en compliquant au moyen des intrigues souvent cruelles, la vie dun ou des collgues bagaragu adversaires pour rester seul dans les faveurs du seigneur. Mais ces manoeuvres constituaient une armes double tranchant : en cas de dcouverte, le coupable recevait un chtiment exemplaire ; au niveau de la Cour, il tait souvent mis mort, car, comme dit un proverbe rwandais, le mensonge est celui dont lauteur est convaincu de la culpabilit (ikinyoma ni igitsinzwe). Signalons enfin quen cas de commise fodale (kunyaga ukeza, kwunra)contre un chef, par exemple par suite dune faute grave, ses vaches taient transfres un autre chef avec lensemble des bagaragu sous ses ordres (le ban et larrire-ban). Ceci pour signifier tout simplement que lhomme tait subordonn la vache. Voil, en rsum, en quoi le systme dUbuhake a faonn les relations sociales dans le Rwanda ancien. On aura remarqu aisment, que les traits caractristiques du systme nont pas encore totalement disparu de la vie des rwandais lheure actuelle. 3.2.3.2.3. Sur le plan politique LUbuhake, institution fondamentale de la monarchie fodale, avait cr au niveau le plus lev dans chaque rgion du pays une pyramide de chefs reprsentant le pouvoir central (le

Mwami). Cest ainsi quon retrouvait dans chaque rgion un chef des terres (umutware wubutaka), un chef des pturages (umutware wumukenke), et au dessus de tous, un chef de larme (umutware wingabo), reprsentant le Mwami en tout. Au sommet de tout le systme, trnait le Mwami avec des pouvoirs exorbitants dont le droit de vie et de mort sur tous ses sujets. Par ailleurs, pour jouir de ses droits, tout rwandais devait appartenir une arme comme il devait avoir un shebuja dans des conditions que lon sait. Du coup, tout citoyen rwandais appartenait larme de son shebuja. Cest aussi dans ces conditions quil pouvait jouir du droit dester en justice au niveau des chefs et de la Cour et avec lassistance de son shebuja. Quiconque propritaire de vaches obtenues en dehors dUbuhake (imbata) pouvait se les voir dpouiller par un plus puissant, sans la possibilit de recourir la protection dun plus puissant encore. Voil en quelques lignes le systme d Ubuhake, vritable base de la dynastie des Banyiginya, qui a jou un rle considrable dans lassujettissement du Hutu et, par consquent, dans la cration du conflit rwandais. Cest dans cet tat de choses que ltranger europen est arriv au Rwanda.

3.3. Emancipation et Rvolution de 1959 3.3.1. Radicalisation du conflit rwandais


Cest avec larrive des colonisateurs que le conflit rwandais sest radicalis. En effet, cest le belge qui, la demande des seigneurs Tutsi, a dcid que lappartenance ethnique soit obligatoirement mentionne dans le livret didentit parce que les droits taient attachs lethnie. Ce fut ainsi que selon Monseigneur Classe, seul le Tutsi qui de par ses qualits suprieures et son sens de commandement, tait bien indiqu pour gouverner sans partage le Rwanda . Cest dans cette ambiance que le Groupe Scolaire dAstrida a t fonde pour former des jeunes Tutsi (indatwa) destins succder leurs pres ; tandis que les jeunes Hutu devaient se contenter du catchumnat, des coles artisanales, etc. Exceptionnellement, les enfants Hutu pouvaient tre admis frquenter les coles de moniteurs et des sminaires.

Mgr Classe, 1920 Source: Ian A cette poque, linstitution de lUbuhake a aussi beaucoup volu. L Linden, Church Ubuhake ntait plus quun simple contrat de clientlisme entre le Hutu and Revolution in et le Tutsi que le colonisateur a compens par linstauration de la corve Rwanda, 1979. (akazi) et de la taille (uburetwa), auquel le Hutu tait soumis au profit du seigneur Tutsi et du colonisateur. Le manquement ces deux nouvelles obligations tait sanctionn par la bastonnade (ikiboko)et la prison (umunyururu). Mais pour lAdministration belge, un Hutu qui parvenait possder 20 vaches au moins, accdait automatiquement au statut de Tutsi (kwihutura) et tait automatiquement exempt de lobligation de la corve et de la taille. [n.d.l.r. Sur ce point, Alexis Kagame confirme qu'un Hutu pouvait devenir 'politiquement' Tutsi en
acqurant des richesses bovines mais qu'il restait 'racialement' (i.e. ethniquement) Hutu. Cfr. paragraphe 33 de Les trois races]. Cest dans cette ambiance que le mouvement de lmancipation du Hutu allait

natre et conduire le pays la Rvolution.

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3.3.2. Le Mouvement dmancipation


Tout a commenc par llaboration par la puissance tutrice, dun plan dcennal qui, tenant compte des progrs jusque l raliss, prvoyait une srie dactions mener au cours de la dcennie suivante. Cest dans ce cadre que fut pris le dcret du 14 juillet 1952 portant rorganisation du Ruanda-Urundi, texte qui prvoyait notamment llection des conseillers tous les chelons du pouvoir. Quelques rares Hutu qui avaient frquent lcole commenaient manifester leurs ides dmocratiques. Cest dans ce contexte que ladministration tutrice contraignit le Mwami Mutara III Rudahigwa nommer des Hutu aux postes de sous-chefs et surtout supprimer pour lavenir, linstitution dUbuhake qui ne correspondait plus lvolution des choses de lpoque.
Les leaders du Parmehutu, la tte de ceux qui ont conduit le Rwanda au rgime rpublicains. De gauche droite:M.V. Kayuku, G. Kayibanda, D. Mbonyumutwa, B. Bicamumpaka.

[n.d.l.r. L'opposition des nobles Tutsi - grands bagaragu de lIbwami- est explicitement exprime dans un crit datant du 18 mai 1958 connu sous le titre de 'Deuxime crit de Nyanza']. Il y eut beaucoup de

Source: http://www.opjdr.org/photo_gallery.htm

Au cours de lanne 1954, le Mwami, sous pression du colonisateur, prit une dcision capitale de supprimer le systme d Ubuhake en ordonnant quil y et un partage de vaches dtenues par le mugaragu, entre celui-ci et son shebuja.

ractions ngatives dans les milieux conservateurs Tutsi, mais un pas de gant venait dtre fait dans la libration du Hutu. Quelques temps plus tard, ce fut le tour de la corve tre supprime dans les mmes conditions. Mais les Tutsi conservateurs se ligurent pour combattre cette volution pourtant irrversible. Les leaders Hutu acquis aux idaux dmocratiques ragirent en publiant en date du 24 mars 1957 un document rest clbre intitul le Manifeste des Bahutu . Dans ce document, pour la premire fois le systme fodo-monarchiste tait publiquement mis en cause et la question Hutu-Tutsi pose clairement ; le conflit rwandais y tait bien circonscrit et des solutions concrtes proposes.

3.3.3. La Rvolution de 1959


En rponse au Manifeste des Bahutu , les grands serviteurs Tutsi de la cour alors prsents Nyanza au nom de leurs congnres ragirent trs ngativement, par une lettre du 17 mai 1958 adresse au monarque dalors. Dans cette lettre, les auteurs dclaraient que les Tutsi et les Hutu navaient rien de commun. Ils crivaient en substance ce qui suit : comment les Bahutu rclament maintenant leurs droits au partage du patrimoine commun. Ceux qui rclament le partage du patrimoine commun sont ceux qui ont entre eux des liens de fraternit. Or les relations entre nous (Batutsi) et eux (Bahutu) ont t de tous temps jusqu' prsent bases sur le servage ; il n'y a donc entre eux et nous aucun fondement de fraternit.

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En effet quelles relations existent entre Batutsi, Bahutu et Batwa ? Les Bahutu prtendent que Batutsi, Bahutu et Batwa sont fils de KANYARWANDA, leur pre commun. Peuvent-ils dire avec qui Kanyarwanda les a engendrs, quel est le nom de leur mre et de quelle famille elle est ? Les Bahutu prtendent que Kanyarwanda est pre des Batutsi, Bahutu et Batwa ;or nous savons que Kigwa est de loin antrieur Kanywarwanda et que consquemment Kanyarwanda est de loin postrieur l' existence des trois races Bahutu, Batutsi et Batwa, qu? il a trouves bien constitues. Comment ds lors Kanyarwanda peut-il tre pre de ceux qu? il a trouvs existants ? Est-il possible d' enfanter avant d'exister ? Les Bahutu ont prtendu que Kanyarwanda est notre pre commun, le Ralliant de toutes les familles Batutsi, Bahutu et Batwa : or Kanyarwanda est fils de Gihanga, de Kazi, de Merano, de Randa, de Kobo, de Gisa, de Kijuru, de Kimanuka, de Kigwa.Ce Kigwa a trouvee les Bahutu dans le Rwanda. Constatez donc, s'il vous plat, de quelle faon nous, Batutsi, pouvons tre frres des Bahutu au sein de Kanyarwanda, notre grand pre. L'histoire dit que Ruganzu a tu beaucoup de Bahinza (roitelets). Lui et les autres de nos rois ont tu les Bahinza et ont ainsi conquis les pays des Bahutu dont ces Bahinza taient rois. On en trouve tout le dtail dans l' Inganji Kalinga .Puisque donc nos rois ont conquis le pays des Bahutu en tuant leurs roitelets et ont ainsi asservi les Bahutu, comment maintenant ceux-ci peuvent-ils prtendre tre nos frres ? [
N.d.l.r. Lire l'entiret de l'crit connu sous le titre de 'Voici le dtail historique du rgne des Banyiginya au Rwanda']

Par consquent, les Hutu devaient rester soumis aux Tutsi comme toujours. Dans ces conditions, il ne manquait quune occasion pour dclencher la rvolution. Le processus rvolutionnaire a t acclr par la mort inopine du Mwami Mutara III Rudahigwa sans descendance et sa succession par son demi-frre Kigeli IV Ndahindurwa dans des circonstances restes obscures. [ N.d.l.r. Lire: 'La
mort de Mutara III et l avnement de Kigeli V' par M. A. Maus, colon belge et membre du Conseil Sprieur du Pays. Selon lui, l'accession du Mwami Kigeri V Ndahindurwa au trne est un coup d'Etat. ] A lavnement de

celui-ci, des assassinats furent organiss pour intimider et dcourager les leaders Hutu, mais sans succs. La goutte qui devait La mre et la veuve de Rudahigwa pendant la crmonie de funrailles du faire dborder le vase fut l mwami, en 1959 agression en date du 1 novembre 1959, par des Source: http://www.benjaminsehene.com/histoire.htm jeunes gens Tutsi contre un sous-chef Hutu de Ndiza, Dominique Mbonyumutwa. La Rvolution tait dclenche. Celle-ci a essentiellement consist dans le soulvement massif du peuple rwandais contre des structures fodales multisculaires qui avaient cart le Hutu de la participation lexercice du pouvoir dans son pays, en le rduisant la condition desclave pour le compte du Tutsi. Les Tutsi extrmistes qui nacceptaient pas les

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changements dmocratiques se sont exils ltranger pour y organiser des attaques terroristes. Les lections dmocratiques organises aux mois de juin - juillet 1960 ont confirm la situation en donnant une majorit crasante (Bourgmestres et Conseillers Communaux) au Parti du Mouvement de lEmancipation Hutu (PARMEHUTU), mais toujours, dans le cadre de la monarchie [N.d.l.r. cliquez ici pour voir les dtails des rsultats des lctions communales] Cest dans ce contexte que feu Prsident Grgoire Kayibanda, alors prsident du MDR PARMEHUTU, forma un gouvernement provisoire ; ctait le 26 octobre 1960. A cette occasion il devait notamment dclarer : Cest aujourdhui en effet, quun gouvernement reprsentatif et un parlement galement reprsentatif sont mis en place. Aujourdhui la dmocratie, la dmocratie libratrice a vaincu la fodalit, la fodalit, sous quelque forme quelle soit, sous quelque forme quelle puisse tre, elle est vaincue dfinitivement, elle est abolie dfinitivement, nous la rejetons dfinitivement. Une solution au conflit rwandais tait encore une fois trouve et proclame solennellement : la dmocratie. Le nouveau Mwami avait quitt le Rwanda depuis avril 1960 et un problme institutionnel grave tait aussi pos. Le gouvernement alors mis en place convoqua tous les lus du peuple en congrs Gitarama pour leur demander de se prononcer sur une formule dfinitive qui convenait au pays compte tenu de lvolution de la situation. Ctait le 28 janvier 1961.Tous les Conseillers Communaux, tous les Bourgmestres, les Dputs et les membres du Gouvernement Provisoire runis en ce jour mmorable, dcidrent labolition de la monarchie et proclamrent la Rpublique. Notre pays allait sappeler, depuis, la REPUBLIQUE RWANDAISE rgie par des institutions dmocratiques avec un drapeau rouge, jaune et vert comme Le drapeau emblme de la Nation. adopt par le congrs de Cest cet vnement que, consciemment ou non, certains milieux ont Gitarama du dsign sous lexpression de Coup dEtat de Gitarama oubliant quil 28 janvier sagissait dune oeuvre ralise par les reprsentants du peuple rwandais. 1961. Le R y Cette dcision des lus du peuple rwandais allait, la demande des sera ajout le adversaires de la dmocratie, tre confirme par le peuple lui-mme lors du 1 juillet 1962 Rfrendum organis et supervis par lOrganisation des Nations Unies en date du 25 septembre 1961.

3.4. Le Rwanda : Rpublique indpendante


Comme on la vu, les ennemis du peuple rwandais nont jamais accept la meilleure solution au conflit rwandais. Ils ont toujours combattu la dmocratie. Sous la I re et la II me Rpubliques, ils nont fait que changer de stratgies selon la conjoncture du moment jusquau dclenchement de la guerre doctobre 1990.

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3.4.1. Sous la Premire Rpublique


Le problme Rwandais est concrtis par une srie de guerres de reconqute du pouvoir par les anciens seigneurs fodo-monarchiques. Depuis la victoire de la Rpublique dmocratique, le Rwanda a t victime de nombreuses agressions terroristes des Inyenzi en provenance des pays limitrophes. Chaque fois, les complices de lintrieur devaient payer de leur vie, et les agresseurs en profitaient pour accuser les Hutu des crimes de gnocide. A ce sujet, feu le Prsident de la Rpublique Grgoire Kayibanda a, plusieurs reprises, invit les Inyenzi abandonner leurs actes criminels et ainsi pargner des vies humaines. A lune de ces occasion, en date du 11 mars 1963, il devait dclarer notamment : Les vies humaines qui malgr notre vigilance ont pri par terrorisme ne Grgoire gagnent rien tre couvertes par les bruits de vos calomnies lgard du Kayibanda. Gouvernement de la Rpublique. Qui est gnocide ? Posez-vous honntement la question et rpondez-y du fond de votre conscience. Les Tutsi rests au pays qui ont peur dune fureur populaire que font natre vos incursions sont-ils heureux de vos comportements ? Qui est gnocide ? Ceux qui vous appuient et financent vos menes terroristes et fratricides vous rappellent-ils que les Bahutu ne se laisseront jamais malmens, et qu vos coups, ils nentendent pas du tout opposer un hrosme qui serait dailleurs de mauvais aloi. Qui est gnocide ? Les Inyenzi nont jamais entendu cet appel. Au contraire, ils ont multipli leurs aventures meurtrires jusquen 1967, anne au cours de la quelle ils ont lanc leur dernire attaque de la srie contre le peuple rwandais. Ils ont d faire un constat amer selon lequel ils ne pouvaient pas arracher au peuple un pouvoir chrement et dmocratiquement acquis. A partir de ce moment, les Inyenzidcidaient darrter leurs attaques pour un certain temps mais sans abandonner lide de reprendre le pouvoir au Rwanda. Ils allaient changer de stratgie et sorganiser, en vue datteindre un jour, leur objectif ; ce quils firent sans attendre. Ils allaient profiter dune situation de crise grave qui caractrisa la fin des annes 60. En effet, suite une divergence entre la vielle classe dirigeante et une nouvelle gnration de dirigeants rwandais, divergence qui devait conduire au phnomne nfaste de division trs grave au sein de la classe politique baptis alors Guta umurongo , le Rwanda allait tre srieusement secou pendant un certain temps. Les Tutsi devaient donc saisir cette occasion pour sinfiltrer dans tous les secteurs de la vie nationale (fonction publique, entreprises publiques et prives, coles, Universit Nationale etc.), et surtout pour dtourner lattention des jeunes dirigeants Hutu en leur donnant leurs filles en mariage. En agissant de la sorte, il est vident que les Tutsi ne cherchaient pas contribuer rsoudre le conflit rwandais, mais plutt endormir les dirigeants Hutu pour reprendre le pouvoir le moment venu. Le procd tait devenu classique. La dcouverte de toutes ces manoeuvres et les actes de gnocide contre les Hutu du Burundi en 1972 provoqurent des troubles que connut le Rwanda au cours des annes 1972-1973. Signalons que lesdits troubles se sont produits au moment o les Inyenzi se prparaient lancer de

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nouvelles attaques contre le Rwanda, en provenance surtout du Burundi et de lOuganda. Cest pour mettre fin ces troubles quun groupe dofficiers suprieurs de la Garde Nationale sous la conduite du Gnral Major Juvnal Habyarimana prit le pouvoir en date du 5 juillet 1973. La Deuxime Rpublique venait de voir le jour.

3.4.2. Sous la Deuxime Rpublique


A la naissance de la IIme Rpublique, ses fondateurs staient assigns la mission de mettre fin aux troubles ethniques qui secouaient le pays depuis plusieurs mois. Mais en plus, ils nourrissaient une noble ambition de crer et maintenir un climat de Paix et dunit nationale, vritables bases dun Dveloppement harmonieux et durable. Trois mots cls qui allaient constituer la devise du Mouvement Rvolutionnaire National pour le Dveloppement (MRND). Effectivement, dans le cadre du MRND, le Rwanda connut, ne pas en douter, un dveloppement socio-conomique sans prcdent de son histoire. Pour concrtiser cette unit nationale, le peuple rwandais tait confondu avec le Parti MRND. Dans ce cadre, et sous certaines conditions impliquant la Prsident rconciliation et la dmocratie, le conflit rwandais allait Le encore une fois trouver une solution. Mais cette solution na Habyarimana. pas pu vritablement voir le jour parce que, comme toujours, le Tutsi ny tenait pas.

Juvnal

En effet, comme cela a t dit plus haut, le Tutsi na jamais abandonn lide de rcuprer le pouvoir et de lexercer sans partage. Comme toujours dans de pareilles conditions, profitant de ce climat de paix et dunit nationale (le Hutu y croyait trs profondment), le Tutsi a russi sinfiltrer dans les plus hautes instances de lEtat (guhakwa) pour prendre le pouvoir laise au moment quil jugera le plus opportune. Feu le Prsident Juvnal Habyarimana et son entourage immdiat taient devenus, pendant des annes, des otages du Tutsi. Ce dernier tait parvenu contrler tout le secteur conomique, tandis que le Hutu sesquintait quotidiennement dans des activits de routines administratives sans lendemain. Il a fallu attendre la crise de 1980 (Affaire Lizinde) pour dcouvrir les desseins sataniques du Tutsi. Suite la dcouverte de leurs manoeuvres lors de lclatement de lAffaire Lizinde, les Tutsi dcidrent de semparer du pouvoir au Rwanda par la force. Cest ce quils tentrent de faire, la chute du dictateur ougandais Idi Amin Dada. Mais cette attaque na pas eu lieu parce quil y eut conflit de gnration au sein des Inyenzi mmes. Ce sont les vieux qui voulaient attaquer, tandis que les jeunes estimaient que ctaient trop tt. Ils eurent raison. Par ailleurs, Museveni avait besoin de leur concours pour conqurir lOuganda, il stai engag les aider leur tour conqurir le Rwanda. Le pacte fatal pour le Rwanda tait conclu. En effet, depuis que Museveni a pris le pouvoir Kampala, les Tutsi ont t mis trs laise. Ils pris tout leur temps pour prparer la guerre de reconqute du pouvoir au Rwanda, par des entranements massifs, des achats darmes et par lintoxication de lopinion internationale par tous les moyens. Museveni qui, au cours de sa guerre de conqute de lOuganda avait bnfici dun appui substantiel du gouvernement rwandais, faisait croire partout que le Rwanda ne pouvait, en aucun cas, tre envahi de lOuganda. Les autorits rwandaises y ont cru alors mme que des actes de reconnaissance et de sabotage, de

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la part de larme ougandaise, taient de plus en plus nombreux sur le sol rwandais, surtout du ct de la frontire nord-est. A partir dun certain temps, les Tutsi, nagure, trouvaient en Habyarimana leur sauveur pour avoir supprim le PARMEHUTU, apport paix aux Tutsi et unit tout le peuple rwandais, se mirent dcrier sa dictature impose au peuple rwandais au sein du MRND ainsi que tous les obstacles opposs par le rgime en place au retour des rfugis Tutsi. Les fils des Inyenzi taient donc dtermins intervenir militairement pour librer le peuple rwandais de ladite dictature et pour permettre aux rfugis de regagner leur patrie. Quel prtexte ! Signalons ici que, pour le Tutsi, le concept de dictature dcoule de lide quil se fait de luimme. En effet, tant n pour commander (kuvukana imbuto), culturellement le Tutsi considre que tout ce qui se fait sans lui ou en dehors de lui na aucune valeur. Cest ainsi que la Rvolution de 1959 nen fut pas une (ce fut plutt le dbut des massacres !) et que la gestion des affaires de lEtat par la majorit du peuple rwandais, pendant plus de trente ans, fut qualifie de mdiocre parce que dictatoriale. Il appartient lHistoire de juger. [ N.d.l.r. Lire
'L' Histoire des Rois que supposent les Pomes Episodiques... ' ( 6 & 7) o Alexis Kagame donne l'exemple de la priode de "veuvage" (occupation par les Banyabungo) entre les rgnes de Ndahiro II Cyamatare (vers 1550) et son successeur Ruganzu II Ndoli(vers 1580).] En ce qui concerne le problme des rfugis Tutsi, il

faut rappeler ici quaprs de multiples tractations, ce problme avait dj trouv une solution approprie. Cest dans ce cadre quil fut convenu que les rfugis pouvaient visiter le Rwanda pour se rendre compte de ses possibilits daccueil (occasion sans pareilles pour des oprations de reconnaissance par le FPR) pour leur permettre, en dfinitive, soit de venir sinstaller au Rwanda, soit de rester ltranger avec des facilits de visiter les familles se trouvant au Rwanda, soit enfin, dacqurir une nouvelle nationalit, tout en jouissant des mmes facilits. [ N.d.l.r. Lire 'Commentaires d'Edouard Karemera sur Rwanda, le droit l'espoir , livre
crit par le Gnral de Brigade Leonidas Rusatira ' (titre 3, paragraphes 3.1 et 3.2). En contredisant Lonidas Rusatira, Edouard Karemera, ancien ministre et membre du comit central du MRND l'poque du monopartisme, claire le lecteur sur la position du gouvernement rwandais au sujet du retour des rfugis Tutsi.]

Ainsi donc, aprs stre bien prpars et quips et avec le concours maximum de lOuganda, les jeunes Tutsi, membres de la NRA (National Resistance Army, arme ougandaise) estimant que le moment tait venu, dclenchrent une guerre dagression contre le Rwanda en vue de reconqurir le pouvoir. Ctait le 01/10/1990. Ce fut la fin dune poque.

3.5. La guerre de reconqute du pouvoir avec toutes ses tragdies


Cest en fait la dernire pisode d processus conflictuel au Rwanda qui a abouti la tragdie la plus grave de lhistoire du pays, et o le problme rwandais sest pos avec plus dacuit que jamais. Labsence de volont ou plutt le refus dlibr du Tutsi de trouver une solution approprie au dit problme a entran le dmantlement de la nation rwandaise toute entire. Cette pisode a, jusqu ce jour, connu deux phases : la phase qui va, prcisment, du dclenchement de la guerre la conclusion de lAccord dArusha, et celle qui dbute avec la reprise des hostilits en date du 06 avril 1994.

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3.5.1. Du dbut de la guerre par le FPR la conclusion de lAccord de Paix dArusha.


Sous le prtexte mis en vidence plus haut, les fils des Inyenzi membres de la NRA dclenchrent, contre le Rwanda, une guerre dagression sous la dnomination de Front Patriotique Rwandais (FPR-Inkotanyi) ; ctait le 1er octobre 1990. Depuis, rien na plus t comme avant dans la vie des rwandais. En effet, jusqu cette date et depuis plusieurs annes, le Rwanda tait devenu selon la Banque Mondiale, un modle de dveloppement intgral dans toute la rgion sub-saharienne. Les ethnies vivaient en une symbiose telle que dans certains cas, la confusion tait totale. Daucuns croyaient que les ethnies comme telle taient en voie de disparition. Mais comme on la vu, le Tutsi ny croyait pas. Il a plutt profit de ce contexte pour sinfiltrer dans les hautes instances de lEtat pour les renverser le moment venu. Depuis le dclenchement de cette maudite guerre donc, non seulement les relations entre rwandais ont t bouleverses mais aussi des changements importants ont t oprs au niveau des institutions de lEtat (Constitution du 10 juin 1991 et Accord de Paix dArusha du 04 aot 1993). 3.5.1.1 La guerre doctobre 1990 Cette guerre clair qui a clat Kagitumba dans la corne du nord-est du Rwanda, avait pour objectif la prise de Kigali endans trois jours. Mais ds le deuxime jour de bataille, les Forces Armes Rwandaises neutralisaient les combattants du FPR et mme leur Commandant en Chef en la personne du Gnral Major Fred Rwigema, ancien commandant adjoint de la NRA et vice-ministre de la dfense du Gouvernement Ougandais y perdit la vie. Aprs ces combats trs rudes au Mutara, le FPR fut repouss en dehors de la frontire rwandaise, fin octobre 1990. Mais, ds les premiers jours du mois de novembre suivant, lennemi relana ses attaques contre les communes rwandaises frontalires avec lOuganda (Muvumba, Kiyombe, Cyumba, Kivuye de Byumba et Butaro de Ruhengeri), cette fois-ci sous forme de gurilla. A partir de ce moment, la population civile tait directement concerne. Ce fut en effet, le dbut dune srie de crimes de droit international humanitaire commis par le FPR. La guerre contre le Rwanda devenait alors une trs grave proccupation non seulement pour le Rwanda, mais aussi, comme on le verra plus loin, pour la sous rgion. Cest dans ce contexte que des changements institutionnels importants ont t oprs au niveau de lEtat. 3.5.1.2 Les changements institutionnels Ces changements ont t introduits par la Constitution du 10 juin 1991. En effet, dans son discours du 05 juillet 1990, le Chef de lEtat avait promis doprer des changements profonds (aggiornamento) au sein des institutions de lEtat. Une commission ad hoc fut cre. Elle proposa un projet de constitution qui fut promulgue la date susmentionne. Comme cela a t dit, cette Constitution a apport des changements considrables. On en indiquera deux qui sont, coup sr, les plus importants. La Constitution du 10 juin 1991 a dune part, introduit le multipartisme dans les pays, le MRND cessant dtre parti unique et dautre part, cr une nouvelle institution, savoir le Premier Ministre, Chef du Gouvernement qui devait partager les pouvoirs avec le Prsident de la Rpublique. Comme on sen aperoit, ces changements taient de nature, y croit-on, permettre lavnement dun rgime vritablement dmocratique auquel mme les rfugis rwandais pouvaient participer. Et de ce fait, le conflit rwandais allait, encore une fois, trouver une solution adquate. Mais hlas! ctait mconnatre le Tutsi qui, comme on la vu, avait depuis trs longtemps, cart lide de

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partager le pouvoir avec le Hutu. Il tait dtermin, par consquent, semparer, tt ou tard, de ce pouvoir par force. Sur le plan interne, cette constitution a t applique tant bien que un mal. A ce sujet on peut citer, notamment, ladoption de la loi du 18 juin 1991 sur les partis politiques. Les partis politiques ont, donc, t crs ; ils ont prolifr et en trs peu de temps, ils ont dpass la quinzaine. Le Premier Ministre a t nomm aussi. Dans un premier temps, il tait issu du MRND et, depuis que les partis politiques opposs au MRND se sont organiss ctait un militant du MDR qui dirigeait le Gouvernement. Le FPR qui gagnait de plus en plus de terrain et de poids, a su exploiter trs adroitement la situation pour dtruire lunit des hutu dj prcaire son avantage. Pour finir, ctait pratiquement le MRND et le FPR et leurs allis respectifs. Cest dans ce contexte politique que les ngociations dArusha allaient tre entames.

3.5.2. LAccord de Paix sArusha


Comme cela a t dit plus haut, ds les premiers mois, la guerre contre le Rwanda tait devenue lobjet de proccupation pour la sous-rgion. De nombreux contacts entre Chefs dEtat furent organiss ce sujet. Cest dans ce cadre que le Prsident de la Rpublique, alors Son Excellence le Gnral Major Juvnal Habyarimana a effectu plusieurs dplacements pour rencontrer ses pairs Mwanza (le 17/10/1990), Gbadolite (le 26/10/1990), Goma (le 20/2/1991), Zanzibar (le 17/2/1991) et Dar es-Salaam (le 19/7/1991 et du 5 au 7 /3/1991). Par la suite, un accord de cessez-le-feu devait tre conclu Nsele (le 29/3/1991) et amend Gbadolite (le 16/9/1991) et Arusha (le 12/7/1992). Tout cela en vain, les fils des Inyenzi tant dtermins prendre le pouvoir par force. Des ngociations directes entre le Gouvernement rwandais et le FPR-Inkotanyi la Communaut Internationale y souscrit. Lesdites ngociations devaient se drouler Arusha en Rpublique Unie de Tanzanie. Elles devaient aboutir la conclusion dun accord de paix entre le Gouvernement Rwandais et le FPR-Inkotanyi. Rappelons que cet accord a t ngoci et conclu dans un contexte politique extrmement tendu. En effet, depuis la rencontre de Bruxelles en juin 1992 entre les partis dits dopposition (au MRND et Habyarimana) et le FPR, la division entre les dirigeants Hutu tait consomme au profit du FPR-Inkotanyi qui occupait dj une certaine portion du territoire national. Ces partis, regroups au sein de ce que certains de leurs dirigeants appelaient alors, Forces Dmocratiques de Changement (FDC), dclaraient couvrir essentiellement toute la rgion du Nduga et dautres rgions semblables, pour dire que leurs adhrents taient perscuts par les Bakiga du MRND-CDR au mme titre que les Tutsi en gnral, faon astucieuse pour le FPR dendormir la faction de hutu sa solde pour sinfiltrer dans tous les coins du pays sans beaucoup de difficults. Cest donc dans un tel contexte que les ngociations dArusha se sont droules. Le reprsentant du Gouvernement rwandais tait issu du MDR, parti principal dopposition. Il tait strictement interdit aux citoyens rwandais (sous peine dtre qualifi dennemi de la paix) de formuler des vux ou de donner de simples avis dans le cadre de ces ngociations de paix dArusha. Il va de soi, que dans ces conditions, le FPR allait, en fin de compte, obtenir plus quil ne demandait et, mme, plus quil ne mritait. LAccord de Paix a t sign Arusha par le Prsident de la Rpublique, le Gnral Major Juvnal Habyarimana du ct rwandais et par le Prsident du FPR-Inkotanyi le Colonel

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Alexis Kanyarengwe. Pour des raisons ci-haut voques, la conclusion de cet accord est intervenue dans lindiffrence gnralise de tous les rwandais. Cependant, ils gardaient lespoirs que les anomalies constates allaient tre corriges par les lections qui devaient tre organises vers la fin de la priode de transition. Mais encore une fois hlas ! ctait se tromper grossirement sur le Tutsi qui navait jamais abandonn sa logique de gouverner seul. En effet, malgr les avantages exorbitants et non mrits que lAccord de Paix dArusha accordait au FPR, ce dernier ntait pas dispos lappliquer, car le Tutsi aurait t amen, un tant soit peu, partager le pouvoir avec le Hutu, alors que pour lui, cela lui est culturellement prohib. Il est remarquer, par ailleurs, que dans le cadre des croyances et pratiques occultes, magiques et mythiques (imitsindo), le Tutsi, comme tel ne sest jamais senti li par cet accord de paix, ce dernier ntant du dbut la fin, que luvre des Bahutu du nord (Abakiga) mais lavantage du Tutsi. Autrement dit, lAccord de Paix dArusha labor et conclu pas les Hutu devait servir de tremplin aux Tutsi pour prendre le pouvoir et draciner les Hutu. Cest cela la vrit sur le fameux Accord de Paix dArusha. Toujours au sujet de cet accord, le point de vue actuel des du FPR au pouvoir Kigali na pas chang ; il est exprim avec un certain cynisme dans le journal Imboni No 003, dont lextrait suivant : Cependant, part que cet (accord d) Arusha nous reconduit sous le pouvoir semblable celui dIkinani [le prsident Juvnal Habyarimana], il ne prsente aucun autre avantage. Il na pas empch la guerre de reprendre, alors quil avait t conclu pour cela. Il na pas pu carter le gnocide [itsembabwoko] alors quil avait t conclu pour empcher Ikinani de le commettre. Il na pas russi le retour des rfugis et leur rinstallation comme il le prtendaitArusha nexiste plus, il est mort. Il est mort et il ne peut pas ressusciter. Tout cela se passe de commentaire. Pour toutes les raisons ci-haut mentionnes, lAccord de Paix dArusha a t donc conclu mais il na pas t appliqu comme ctait prvu. Aucun rendez-vous de mise en place des institutions prvues par lui, pourtant fix de commun accord, na t respect. Entre temps, les leaders Hutu des partis politiques membres des FDC avaient dcouvert le jeu du FPR, leur alli, et sen taient dsolidariss. A partir de ce moment, le FPR commit une srie dassassinats contre les Hutu pour prparer, dirait-on, la catastrophe sans prcdent qui allait dtruire la nation rwandaise toute entire depuis le dbut du mois davril 1994.

4. LA CATASTROPHE DAVRIL 1994


[N.d.l.r. Lire "Rwanda:Histoire Secrte" surtout la partie o l' auteur-Abdul Ruzibiza- parle du droulement de l' apocalypse]

Cette catastrophe vient de la guerre de reconqute du pouvoir au Rwanda dclenche en date du 06/04/1994 en violation flagrante de larticle 1 de lAccord de Paix dArusha. Cette guerre sauvage et meurtrire a produit des consquences incalculables.

4.1. La guerre ultime de reconqute du pouvoir : prparatifs


[N.d.l.r. Lire "Rwanda:Histoire Secrte", surtout la partie o l' auteur-Abdul Ruzibiza- parle des prparatifs du chaos]

Lhorrible guerre qui a ensanglant le Rwanda a t soigneusement prpare si bien que

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Kigali et de tout le pays a t trs soigneusement prpare depuis longtemps. Las activits officielles de reconnaissance du terrain par le FPR se sont effectues dans le cadre dun organisme cr par lOUA (Organisation de lUnit Africaine) en application dun accord de cessez-le-feu. Il sagit du Groupe dObservateurs Militaires Neutres (GOMN ) qui comptait cinq officiers du FPR parmi ses membres. Le GOMN avait accs tout sans restriction aucune. Mais ces activits se sont intensifies avec le soutien substantiel des lments belges de la Mission des Nations Unies pour lAssistance au Rwanda (MINUAR) qui taient chargs de la protection de la ville de Kigali. Grce lappui des casques bleus belges, le FPR a russi installer ses hommes et leurs matriels, sans aucune difficult, dans la ville de Kigali et travers tout le pays. Cest dans ce contexte que le FPR est parvenu infiltrer ses brigades dans toute la zone gouvernementale (voir ce sujet Le non-dit sur les massacres au Rwanda No 2 par lASBL SOLIDAIRE-RWANDA). Mais le comble a t atteint quand, sous prtexte de protger ses hommes membres des institutions de Transition Base Elargie, le FPR a t autoris a installer officiellement un bataillon (600 soldats) dans la ville de Kigali un vritable cheval de Troie et encore dans le palais du Conseil National de Dveloppement (Parlement). Ctait cette unit dlite qui, le moment venu, avait la mission de mettre Kigali feu et sang.

Le Prsident Paul Kagame, commandant en chef des troupes du FPR l'poque de la reconqute du pouvoir. http://www.gov.rw

Par ailleurs, aprs la signature du fameux Accord de Paix dArusha, le FPR-Inkotanyi a labor un document dans lequel il a consign ses objectifs et des diverses stratgies appliquer pour atteindre ces derniers. Ctait un vritable plan concert ou complot contre le peuple rwandais comme cela a t soulign dans Quand lgitime dfense devient gnocide. En outre, avant la reprise de cette terrible guerre contre le Rwanda, un jeune officier, responsable du service de renseignement de larme ougandaise, en la personne du Major Paul Kagame, fut, pour des raisons certaines dimitsindo hiss au grade de Gnral Major pour pouvoir chasser du pouvoir le Gnral Major Juvnal Habyarimana et, du mme coup, les Hutu en gnral. Rappelons que Fred Rwigema, avait t rig, en son temps, au mme grade en prsence du Chef de lEtat rwandais alors en visite Kampala en 1988, pour pouvoir diriger les opration de guerre dite doctobre 1990 au cours de laquelle Kigali devait tre pris endans trois jours, comme on le sait dj. Enfin, pour dclencher la guerre contre le Rwanda sans sinquiter de rien, le FPR stait empar des media du monde occidental et avait mis en garde les puissances trangres contre toute ingrence dans cette guerre.

4.2. Une guerre sauvage et trs meurtrire


Lorsque le FPR a estim que le moment de semparer du pouvoir par force tait venu, il choisit, comme le fait marquer Quand lgitime dfense devient gnocide, dexcuter une partie du scnario No 4 de son plan macabre: Rupture des accords dArusha et recomposition dun gouvernement en cartant par la force

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militaire et populaire Habyarimana et ses satellites dans un dlai ne dpassant pas neuf mois partir de la signature des accord de paix. En effet, ctait mercredi 06 avril 1994 20h30, soit 08 mois et 02 jours aprs la signature de lAccord de Paix dArusha, que lavion qui ramenait du sommet de Dar-es-Salaam le Prsident Juvnal Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira ainsi que leurs dlgations respectives, fut abattu au moment ou il se prparait atterrir lAroport International Grgoire Kayibanda de Kanombe Kigali. Ce lche et ignoble assassinat fut le dclenchement des massacres sans prcdents dans lhistoire du Rwanda. En effet, pour le FPR, Habyarimana assassin, il fallait continuer lexcution du plan tel que prvu ; cest-dire lextermination des satellites de Habyarimana (ou llite Hutu). Mais, Dieu merci, le FPR sest tromp dans ses sombres calculs. Il croyait que le Hutu quil fallait draciner tait toujours le mme que celui des annes 50. Au contraire, lassassinat de Habyarimana a t un catalyseur pour lunit de tout le peuple Hutu face lennemi dclar. A la trs grande surprise des Tutsi et de leurs allis, main dans la main et avec lappui des forces armes rwandaises, les Hutu se sont dfendus comme ils lont pu trois mois durant. Il a fallu lintervention de la communaut internationale, longtemps intoxique par la propagande mensongre de lennemi, pour dcrter un embargo militaire injuste et injustifi contre le peuple rwandais en vue de garantir une victoire militaire au FPR, en violation flagrante de lAccord de Paix dArusha quelle avait pourtant cautionn. Il faut remarquer que cest sur cette rsistance farouche du peuple Hutu dans lexercice de son droit de lgitime dfense que le FPR fonde ses accusations absurdes relatives au gnocide commis lendroit des Tutsi par des Hutu. Comme on le verra un peu plus bas, cest tout le contraire. Aprs lintervention des puissances de ce monde en faveur du FPR, le Rwanda tait compltement exsangue (voir les tmoignages dans Le non-dit sur les massacres au Rwanda No 1 et 2) ; le peuple rwandais (une partie qui a chapp lextermination) a quitt son pays pour se constituer rfugis ltranger. Pour avoir une ide prcise sur les responsabilits de la tragdie du peuple rwandais jusqu ce jour il faut lire notamment : Le peuple rwandais accuse, document ralis par le Ministre de la Justice (Gouvernement en Exile) ; Executive Intelligence Review (EIR) du 19 aot 1994 et du 28 octobre 1994, une revue britannique qui souligne le rle particulier jou par la Grande Bretagne dans cette maudite guerre.

5. LES CONSEQUENCES DE LA GUERRE


Pour saisir lampleur des consquences de cette guerre par le FPR-Inkotanyi, il suffira de les considrer sur les plans matriel et humain.

5.1. Sur le plan matriel


Le Rwanda tait certes un des pays les plus pauvres du monde, mais il tait parvenu se suffire dans des domaines diversifis. En effet, sa devise est Libert, Coopration, Progrs . Depuis que le Rwanda a accd la souverainet internationale, il sest attel la concrtisation de cette devise, malgr les interruptions dues de multiples attaques des Inyenzi. Mais pour la 2me Rpublique, dans le cadre du MRND, le Rwanda avait atteint un degr de dveloppement tel que la Banque Mondial et le Fond Montaire International le prennent en modle de dveloppement subsaharien. Cest dailleurs pour cette raison, selon la revue EIR, que la Grande Bretagne a contribu la destruction du Rwanda. La guerre a donc

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peuple rwandais avait ralise avec beaucoup de sueur, depuis son accession lindpendance. En effet, en plus de destruction des infrastructures, les biens abandonns par les rfugis ou les dplacs sont soit pills, soit confisqus, sans aucune possibilit de rcupration.

5.2. Sur le plan humain


La guerre dagression qui a endeuill le Rwanda depuis le mois doctobre 1990 est la plus catastrophique de son histoire. En effet, partir de ce moment, des dizaines de milliers de personnes ont t tues tout au long de la frontire rwando-ougandaise, dautres ont t portes disparues, et beaucoup dautres se sont dplaces, tant ainsi oblig dabandonner leurs biens. A cette poque, le FPR sest rendu coupable dune srie de crimes de guerre et de crimes contre lhumanit dont on ne parle presque jamais, et par consquent restent impunis. Mais cest partir du 6 avril 1994 que le FPR a manifest ses intentions vritables en violant de faon flagrante lAccord de Paix dArusha quil avait sign. Par l, le FPR a montr quil ne tenait pas rsoudre le conflit rwandais de faon pacifique. Il voulait liminer toute personnalit qualifie de satellite de Habyarimana , cest--dire toute personne dethnie Hutu. Cest cela le gnocide. Depuis la date de triste mmoire du 06 avril 1994, le Tutsi a tu le Hutu, le Hutu sest vaillamment dfendu. Les chiffres exacts des morts ne sont pas connus mais ils dpassent srement deux millions. Les rescaps ont, depuis lembargo dcrt par le Conseil de Scurit des Nations Unies, Les rfugis hutus sur la route de l'exil. pris le chemin de lexile. Cest tout un rumburak.website.pl peuple qui sest dplac en dehors de son territoire national. Fait sans prcdent dans lHistoire de lHumanit. A ltranger, le peuple rwandais vit tant bien que mal avec lassistance des organisations humanitaires ; tandis qu Kigali, un gouvernement daventuriers, fils des Inyenzi est mis en place grce lappui massif des puissances de ce monde qui ont, comme on la vu, contraint le peuple rwandais lexile. Ce gouvernement ne fait quarrter ou tuer les Hutu qui nont pas pu fuir. Comme on le voit, le conflit rwandais est loin dtre rsolu.

6. LA SITUATION DEPUIS LINSTALLATION DU FPR AU POUVOIR A KIGALI


La guerre la plus tragique de lhistoire du Rwanda aura dur prs de cinq ans. Kigali a t pris le 4 juillet et, le 19 juillet 1994 a t install, la victoire tait totale. Depuis, plus rien na t plus comme avant et cest sur tous les plans.

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6.1. Sur le plan politique


Il faut noter ici que la victoire militaire du FPR a plac lAccord de Paix dArusha entre parenthses. Cest dire que la seule volont du FPR victorieux devait simposer (suppression du MRND, cration de linstitution de viceprsident , etc.). En mettant en place des institutions ternellement provisoires. pour dmarrer le nouveau rgime, le FPR sest rallier un certain nombre de Hutu de service dits Hutu modrs pour accomplir des missions quils ne reconnaissaient pas. Quand lobjectif est atteint, le Hutu responsable devient indsirable et est souvent dclar gnocidaire (Cas de Faustin Twagiramungu, Pasteur Bizimungu, Pierre Clestin Rwigema, etc.). Aujourdhui, le rgime fait tout pour dtruire la majorit numrique des Hutu pour pouvoir organiser des lections son avantage. Lorganisation administrative locale a t tellement L' ancien Prsident hutu chambarde quil nest pas aise de retrouver la situation Pasteur Bizimungu, longtemps davant la tragdie. Donc, le droit de proprit sur le terrain prsent comme symbole de la est totalement mis en cause. rconciliation entres les Hutus et les Tutsis.

6.2. Sur le plan judiciaire


Ce qui est remarquable ici, c est quil sagit de la justice du vainqueur au vaincu. Les personnalits Hutu qui ne sont pas tues sont purement et simplement jetes en prison sans aucun dossier. Le nombre de personnes se trouvant dans cette situation est toujours suprieur 100.000. Cest dire que matriellement, les dtenus jugs sont trs peu nombreux, les dtenus librs encore trs peu nombreux. Beaucoup de dtenus meurent en prison. En plus, la justice sans dfense dans le systme Gacaca nest quun moyen efficace pour coller lethnie Hutu ltiquette de gnocide. Bref, la justice du FPR est un instrument politique parfait pour lui permettre de rgner sur le Rwanda sans partage et sans inquitude pour toujours. A ltranger, les Rwandais Hutu sont justiciables du Tribunal Pnal Internationale pour le Rwanda (TPIR) sis Arusha en Tanzanie. La curiosit dans les comptences Des milliers de suspects du gnocide croupissent toujours de cette juridiction, cest que dans les geles rwandaises. Source: www.visiontv.ca dans une situation bien

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dtermine, elle est habilit juger les faits secondaires conscutifs (lgitime dfense) un fait principal (assassinat du Prsident Habyarimana) tout en passant sous silence ce dernier pour, coup sr, mettre labri le rgime du FPR. Ds lors, il est clair que cette juridiction nest quun moyen pour les grands de ce monde, de soutenir le rgime du FPR. Par ailleurs, en date du 7 avril 2000, e Gouvernement belge a avou sa part de responsabilit dans la tragdie qui a endeuill le Rwanda. Ds lors, la question qui reste pose est de savoir comment lEtat belge peut sarroger le droit de juger les Hutu rwandais prsums gnocidaires sans tre juge et partie ! Seule lhistoire pourra y rpondre.

6.3. Sur le plan social


Avant la Rvolution de 1959, le droit tait attach lethnie, sous le rgime du FPR, les ethnies ne figurent plus dans les cartes didentit mais une situation nouvelle a t cre. Les rwandais sont diviss en deux catgories : les rescaps et les gnocidaires . Et le citoyen est trait en fonction du groupe auquel il appartient. Cette situation se fait particulirement sentir dans les domaines de la sant, de lducation, du travail et de lconomie en gnral.

7. CONCLUSION
Le rgime du FPR depuis sa victoire militaire a plac le Rwanda dans une situation pire que celle qui existait avant la rvolution rwandaise parce que les temps ont chang et les esprits ont t de plus en plus ouverts alors que lobjet du conflit rwandais na aucunement chang. Oui, le conflit rwandais saggrave de jour en jour et le nombre de victimes se gonfle dans les mmes proportions. Il appartient aujourdhui la communaut internationale, si elle croit encore au caractre sacr des droits de lhomme de se dfaire des piges du FPR, de pencher sur des raison profondes de ce conflit et de trouver une solution dfinitive approprie permettant tous les rwandais de jouir de tous leurs droits de citoyens rwandais.

Lisez galement:
LE CONFLIT RWANDAIS:Origines, Dveloppement et Stratgies de sortie (Dr. Anastase Shyaka)

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