Roland Jaccard - La Tentation Nihiliste

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Roland Jaccard – La tentation nihiliste

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# [...] le suicide comme la folie ne sont peut-être que d'habiles tours de passe-passe destinés à conjurer
l'angoisse du vide.
(La tentation nihiliste, p.4, Quadrige/PUF,n°126)

# Vouloir survivre sans une prière à marmonner, sans un crime à caresser, sans un délire où se calfeutrer,
autant se faire sauter la cervelle. Nous ne nous soutenons que des rêves qui nous traversent.
(La tentation nihiliste, p.7, Quadrige/PUF,n°126)

# [...] ce proverbe britannique : " Il y a deux sortes de mariages. Celui où la fille s'aperçoit qu'elle s'est
trompée d'homme en allant à l'autel ; celui où elle s'en aperçoit en en revenant. "
(La tentation nihiliste, p.14, Quadrige/PUF,n°126)

# C'est parce qu'on a cru entrevoir l'éternité dans le regard de la femme désirée qu'on se réveille
chaque matin dans le lit de Procuste : amputé de ses rêves, mais ajusté aux dimensions de la réalité.
Brigand légendaire de l'Attique qui dépouillait et torturait les voyageurs. Il les étendait sur un lit et
raccourcissait ou étirait leurs membres à la mesure exacte du lit (lit de Procuste). Thésée lui fit subir le
même supplice. [PLI]
(La tentation nihiliste, p.15, Quadrige/PUF,n°126)

# Comme l'affirment, non sans panache, les plus cyniques parmi les psychanalystes, l'amour consiste à
donner ce que l'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas. Ces prémisses acceptées, ne reste plus aux
hommes qu'à se payer le corps des femmes - et aux femmes à se payer la tête des hommes, en ayant
toujours à l'esprit qu' " un suicide réussi vaut mieux qu'un coït raté " (Roland Topor).
(La tentation nihiliste, p.16, Quadrige/PUF,n°126)

# Il en est du plaisir comme de l'argent : on trime beaucoup pour en gagner peu et on dépense tout pour
ne jouir de rien.
(La tentation nihiliste, p.16, Quadrige/PUF,n°126)

# N'en déplaise aux adeptes de l'exaltation amoureuse et de la " plénitude de vie ", ce sont rarement la
grâce, le charme, la virginité ou quelque attribut physique et moral qui provoquent le désir. Les vertus
suscitent parfois l'amour, souvent l'ennui, jamais la convoitise.
(La tentation nihiliste, p.19, Quadrige/PUF,n°126)

# Et qu'est-ce qu'un ami, sinon quelqu'un qui respecte vos nerfs ?


(La tentation nihiliste, p.20, Quadrige/PUF,n°126)

# Vouloir des enfants, c'est vouloir se venger de son passé. C'est pour la femme faire don à sa propre
mère de sa haine et pour l'homme rivaliser avec son père ou avec Dieu dans le fantasme imbécile d'une
postérité. Et c'est pour chaque couple un remède au désespoir. Quand la vie a trompé nos attentes,
quand on a renoncé à se créer soi-même, quand on pressent que tout est foutu, alors plutôt que
de se rendre à la morgue, on convie sa famille et ses proches dans un lieu plus sinistre encore,
parce que plus kitsch : la maternité.
(La tentation nihiliste, p.23, Quadrige/PUF,n°126)

# C'est le confort qui permet au désespoir cosmique de s'épanouir. Le ventre vide, on ne désespère
jamais de l'univers.
(La tentation nihiliste, p.24, Quadrige/PUF,n°126)

# Exigeons de pouvoir mourir en beauté. Et n'oublions jamais qu'il y a dans le suicide moins de folie qu'on
voudrait le croire et plus de clairvoyance qu'on oserait l'imaginer.
(La tentation nihiliste, p.25, Quadrige/PUF,n°126)

# Mais vient le temps où l'on apprend qu'il n'est de pire ennemi pour soi que soi-même et qu'il faut un
courage d'une toute autre nature pour affronter ses propres idées. Penser, c'est toujours penser contre
soi.
(La tentation nihiliste, p.31, Quadrige/PUF,n°126)

# Nous nous flattons d'aimer l'homme, mais nous haïssons notre voisin. Et rien ne nous réconforte autant
que les malheurs d'autrui.
(La tentation nihiliste, p.33, Quadrige/PUF,n°126)

# Le drame de l'homme se joue moins dans la certitude de son néant que dans son entêtement à
ne point s'y résigner.
(La tentation nihiliste, p.40, Quadrige/PUF,n°126)

# Qu'est-ce qu'une thérapie, en définitive, sinon l'apprentissage de la discrétion et de l'hypocrisie ? On y


troque ses angoisses contre des sarcasmes, on ne se rebelle plus contre l'injustifiable ; on signe un
compromis avec la réalité.
(La tentation nihiliste, p.40, Quadrige/PUF,n°126)

# [Se regarder dans la glace] est se souvenir que, passé un certain âge, nous sommes les sculpteurs de
notre propre visage.
(La tentation nihiliste, p.43, Quadrige/PUF,n°126)

# On l'a souvent relevé, mais le fait demeure troublant : aucune civilisation, aucune autre culture -
historique ou exotique - n'a jamais disposé d'autant d'instruments d'identification et, par conséquent,
d'homogénéisation de la société. Or, aucune n'a connu pareille crise d'identité.
(La tentation nihiliste, p.45, Quadrige/PUF,n°126)

# La maladie est le dernier refuge de la créativité.


(La tentation nihiliste, p.45, Quadrige/PUF,n°126)

# [...] renoncer aux apparences et vaincre son nom sont la seule victoire à laquelle nous puissions
prétendre.
(La tentation nihiliste, p.48, Quadrige/PUF,n°126)

# [...] et si nous devions revivre tout ce que nous avons fait du point de vue de ceux à qui nous l'avons
fait ?
(La tentation nihiliste, p.57, Quadrige/PUF,n°126)

# " Je connais la mort, je suis un de ses vieux employés ; on la surestime, croyez-m'en. Je puis vous le
dire : ce n'est presque rien du tout. Nous sortons des ténèbres et nous rentrons dans les ténèbres "
(Thomas Mann).
(La tentation nihiliste, p.60, Quadrige/PUF,n°126)

# On n'écrit vraiment que sur la planche de son cercueil. L'ennui, avec la plupart des auteurs, c'est que,
faute de cercueil, ils utilisent une planche à repasser : leur livres sont de vénérables teintureries qui ne
servent qu'à défriper le linge sale des lecteurs et leur donner l'illusion de porter des vêtements neufs.
(La tentation nihiliste, p.64, Quadrige/PUF,n°126)

# Écrire quand on n'a pas atteint le degré zéro du dégoût devrait être passible d'une peine de prison.
(La tentation nihiliste, p.65, Quadrige/PUF,n°126)

# À ceux qui, inquiets, frustrés, oppressés, éructent contre le destin, les dieux, les démons, les
princes, le triomphe de la masse et de la technique, je préfère ceux qui chuchotent, en passant,
cette simple phrase : " Je ne sais plus où j'en suis. "
(La tentation nihiliste, p.67, Quadrige/PUF,n°126)

# " Quand le pire a été évité, c'est nécessairement faux quelque part. " (Bram van Velde)
(La tentation nihiliste, p.71, Quadrige/PUF,n°126)

# [...] rien ne vaut la lecture d'une gazette pour apaiser les cataclysmes d'une âme.
(La tentation nihiliste, p.75, Quadrige/PUF,n°126)

# On refuse au nihiliste le titre de philosophe, on lui reproche d'usurper sa place et de singer la pensée
sans la pensée même : le philosophe doit être le phare de l'humanité, et l'on ne conçoit pas que ce phare
puisse éclairer un charnier ou, pis, une mer d'insignifiance.
(La tentation nihiliste, p.143, Quadrige/PUF,n°126)

# J'étais arrivé à un âge où toutes les femmes que je désirais auraient pu être ma fille.
(Une fille pour l'été, p.9, Éd. Zulma, 2000)

# Rien n'est plus facile à imiter qu'un sentiment pour celui qui n'en éprouve plus.
(Une fille pour l'été, p.10, Éd. Zulma, 2000)

# On ne vit jamais qu'une expérience unique sous des formes variées.


(Une fille pour l'été, p.10, Éd. Zulma, 2000)

# Les mots sont là pour cacher la vérité : malheur à celui qui ne le sent pas et qui se laisse
hypnotiser par les jeux du langage.
(Une fille pour l'été, p.13, Éd. Zulma, 2000)

# Quoique que vous fassiez, vous le regretterez [...]. Mais si vous ne le faites pas, vous le regretterez plus
encore...
(Une fille pour l'été, p.17, Éd. Zulma, 2000)

# Les mêmes événements se reproduisent sans cesse aux mêmes endroits, sous une forme légèrement
différente - ne serait-ce que pour nous donner l'illusion du changement - mais, fondamentalement, nous
reproduisons de l'identique avec un acharnement sans faille. Au regard froid de l'historien qui décompose
l'événement, il faut substituer celui de l'artiste ou du philosophe qui en reconstituent l'unité profonde.
(Une fille pour l'été, p.24, Éd. Zulma, 2000)

# Les femmes nous préfèrent pour ce que nous taisons et qu'elles pressentent, que pour ce que nous
affirmons et que soit elles ne comprennent pas, car cela les éblouit, soit elles comprennent trop bien, ce
qui conduit droit à la catastrophe.
(Une fille pour l'été, p.24, Éd. Zulma, 2000)

# [...] la gloire n'est que le deuil du bonheur et je n'ai jamais aspiré à hypnotiser mes contemporains en les
prenant au piège de mes fantasmes esthétiques, politiques ou religieux.
(Une fille pour l'été, p.25, Éd. Zulma, 2000)

# [...] Maupassant avait fait sien cet aphorisme de Schopenhauer que Cioran tenait pour décisif : "
On peut considérer notre vie comme un épisode qui trouble inutilement la béatitude et le repos du
néant. "
(Une fille pour l'été, p.26, Éd. Zulma, 2000)

# Se prêter aux autres, oui. Mais ne se donner qu'à soi.


(Une fille pour l'été, p.31, Éd. Zulma, 2000)

# [Le narrateur a environ 60 ans et la jeune femme, 20 ans. - GGJ]


Elle était à l'âge de la jouissance, moi à l'âge du plaisir , si l'on veut bien admettre que la jouissance est
liée à l'excitation du nouveau et le plaisir à celui de la répétition.
(Une fille pour l'été, p.32, Éd. Zulma, 2000)

# [...] vieillir, c'est devenir le comédien de ses premières sincérités.


(Une fille pour l'été, p.41, Éd. Zulma, 2000)

# [...] mon rêve prétentieux : comprendre le monde en soulignant quelques phrases dans les livres
et préparer notre mort en recopiant des aphorismes douteux.
[Il ne faut pas oublier que Jaccard est l'auteur du Dictionnaire du parfait cynique, recueil d'aphorismes,
Livre de Poche n°4138 -GGJ]
(Une fille pour l'été, p.52, Éd. Zulma, 2000)

# Seules les promesses non tenues ont un avenir.


(Une fille pour l'été, p.56, Éd. Zulma, 2000)

# [...] la solitude n'est possible que très jeune quand on a devant soi tous ses rêves ou très vieux avec
derrière soi tous ses souvenirs.
(Une fille pour l'été, p.59, Éd. Zulma, 2000)

# [...] la seule raison que nous avons de nous engager dans quelque chose, c'est la certitude que cela
ratera. Sans cette certitude, nous n'entreprendrions jamais rien.
(Une fille pour l'été, p.63, Éd. Zulma, 2000)

# La moindre phrase un peu sincère est un réquisitoire aveugle, plein d'incompréhension et d'injustice,
simplificateur à l'extrême.
(Une fille pour l'été, p.69, Éd. Zulma, 2000)

# Qu'est-ce que la fidélité sinon le désir de poursuivre le même combat avec le même ennemi ?
(Une fille pour l'été, p.72, Éd. Zulma, 2000)

# La meilleure manière de conserver une excellente opinion des philosophes universitaires est de les
éviter.
(Une fille pour l'été, p.79, Éd. Zulma, 2000)

# Mourir est encore la plus sûre manière de se simplifier l'existence.


(Une fille pour l'été, p.86, Éd. Zulma, 2000)

# On croit aimer un être et on en découvre un autre. La faute ne lui en incombe pas. C'est l'amour qui est
une erreur. Nous sommes comme deux boules de billard, se frôlant et s'entrechoquant. Ne nous berçons
pas d'illusions : on ne rencontre jamais personne.
(Une fille pour l'été, p.88, Éd. Zulma, 2000)

# L'ennui est la plus stérile des passions humaines. La plus excitante est d'éveiller une
adolescente qui s'ennuie.
(Une fille pour l'été, p.89, Éd. Zulma, 2000)

# Le suicide, après tout, n'est jamais qu'une révolution ratée : on se tue à défaut de pouvoir tuer
les autres.
(Une fille pour l'été (Dernières nouvelles de Topor), p.107, Éd. Zulma, 2000)

# [...] l'insomnie est mère de lecture.


(Une fille pour l'été (Dernières nouvelles de Topor), p.111, Éd. Zulma, 2000)

# Dans un monde bien fait, on devrait pouvoir échanger une femme de quarante ans contre deux de vingt.
(Dictionnaire du parfait cynique, p.65, Livre de Poche/biblio n°4138)
# GROSSESSE : Quelle femme, si les femmes étaient " sensées ", accepteraient pour une minute
d'épilepsie une maladie d'une année ?
(Dictionnaire du parfait cynique, p.74, Livre de Poche/biblio n°4138)

# Les maladies sont les voyages du pauvre ; elles le transportent au-delà de lui-même.
(Dictionnaire du parfait cynique, p.91, Livre de Poche/biblio n°4138)

# Le principal ressort du pouvoir, qu'il soit religieux ou politique : sécréter la culpabilité dont il
prétend nous libérer.
(Dictionnaire du parfait cynique, p.116, Livre de Poche/biblio n°4138)

# Il en est des différentes formes de psychothérapie comme des religions ou des partis politiques : moins
on en attend, mieux on se porte.
(Dictionnaire du parfait cynique, p.121, Livre de Poche/biblio n°4138)

# REMARIAGE : Le triomphe de l'espérance sur l'expérience.


(Dictionnaire du parfait cynique, p.124, Livre de Poche/biblio n°4138)

*****************

lège de Christian MISTRAL.


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1.6.08
HOMO SUM, ET HUMANI NIHIL A ME ALIENUM PUTO
Qui a jamais compris Terence?

Les Romains, gras et déjà languides, depuis le beau milieu de leur dégénérescence insoupçonnée, les
Romains au moins se sentirent interpellés un peu, et beaucoup pleurèrent.

On ne sait plus qui fut Terence, ni s'émouvoir à ses sentences. Et si le temps avait un sens, même
circulaire, il a bien viré de vecteur, astheure; il s'écoule à rebours, sablier retourné comme un verre à
shooter.

Outre avoir foutrement soif, je suis un oppossum, un humain nihiliste ou un putois aliéné.
Publié par Mistral à l'adresse 05:38
4 commentaires:

Bacchus a dit…

«On refuse au nihiliste le titre de philosophe, on lui reproche d'usurper sa place et de singer la pensée
même: le philosophe doit être le phare de l'humanité, et l'on ne conçoit pas que ce phare puisse éclairer
un charnier ou, pis, une mer d'insignifiance.»

Rolland Jacquard, La Tentation Nihiliste.


1 juin 2008 16:25
Bacchus a dit…

J'ai cité ça de mémoire, ça m'a donné envie de le relire.

J'ai aussi lamentablement écorché le nom de l'auteur et il ne le méritait pas.

C'est «Roland Jaccard». Je lui demande pardon.

Excellent livre, une plaquette d'une centaine de page.


1 juin 2008 17:16
Mistral a dit…

Merci m'sieur B!
1 juin 2008 19:24
Mercurius Mendax a dit…

Montaigne l'avait bien repris, lui aussi et j'ai bien aimé votre réappropriation qui le fait utilement
remonter à la surface.
6 juin 2008 09:53

*************

http://libredecroire.sosblog.fr/antichretiens-athees-b3/Agonie-et-suicide-de-la-societe-occidentale-
b3-p5.htm

http://www.epigraphe.org/?lestitres=1

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