Histoire de L Algerie A La Periode Coloniale 1830 1962

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 3

REVUE PROJET - MONDE

Histoire de l’Algérie à la période


coloniale (1830-1962)
Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari
Tengour et Sylvie Thénault - La Découverte/Barzakh, 2012, 717 p.,
28,50 €

À l’heure de la polémique sur les excuses que la France devrait formuler pour les
crimes de la colonisation, ce livre collectif marque une date dans l’histoire de l’Algérie
coloniale. Il se présente comme une encyclopédie, rassemblant les articles d’historiens
algériens, français et autres. Soixante-dix-neuf auteurs ont contribué à cet ouvrage
monumental, publié simultanément en France et en Algérie à l’occasion du
cinquantième anniversaire de l’indépendance algérienne. Il faut remonter presque
cinquante ans en arrière pour trouver une œuvre d’une même ampleur : Charles-
Robert Ageron et Charles-André Julien, avec l’ Histoire de l’Algérie contemporaine aux
Presses universitaires de France en 1964. Les auteurs ont délibérément choisi de
relativiser l’hypertrophie de la guerre d’indépendance en la replaçant dans le temps
long pour mieux en montrer les racines. Les cinq chapitres, qui suivent une
progression chronologique, sont divisés en cinq rubriques. Les deux premières
dégagent les logiques en présence de part et d’autre du rapport de domination
coloniale ; la troisième est consacrée aux lieux et espaces, la quatrième aux acteurs, la
cinquième au contexte. La première période est celle de la prise de contrôle du
territoire algérien par les troupes françaises entre 1830 et 1880. La conquête débute
presque par hasard, pour sauver le régime de Charles X aux abois et chasser les
Ottomans et les pirates qui gênaient le commerce en Méditerranée. Aucun plan n’a été
prévu pour imposer la domination française. Celle-ci se fera brutalement : pillages,
déplacement de populations, massacres de masse. Cette stratégie de « conquête
totale » se prolongea face à la résistance des populations algériennes, incarnée par la
figure légendaire d’Abd el Kader, mais poursuivie par beaucoup d’autres. Confréries
religieuses appelant au djihad, grève de l’impôt, insurrections spontanées ou
organisées face aux abus de la politique coloniale, les forces hostiles à la présence

1
REVUE PROJET - MONDE

française retardèrent l’appropriation du territoire jusqu’aux années 1880. Pendant la


deuxième période (1880-1918), l’ordre colonial se met en place. La distinction
instaurée par le code de l’indigénat en 1865 entre les citoyens français et les Algériens
(sujets de nationalité française mais privés de citoyenneté) établit une fracture sociale,
spatiale et politique. Aux injustices créées par la colonisation répondent la naissance
puis l’essor des premiers mouvements de résistance politiques. Le blocage des
autorités françaises, illusionnées par la victoire de 1918, empêche toute évolution. La
situation empire pendant l’entre-deux-guerres. L’hésitation sur la manière de
considérer les Algériens et leur territoire s’exprime par la situation particulière faite à
ce territoire au sein de l’empire français. Divisée en trois départements, depuis 1848,
l’Algérie n’est pas considérée comme une colonie mais comme un prolongement du
territoire métropolitain. Elle est rattachée au ministère de l’Intérieur mais dirigée par
un gouverneur général. La politique d’assimilation ne concerne que le territoire et les
nombreux colons venus d’Europe, dont les enfants bénéficient du droit du sol. Les
Français musulmans (et juifs jusqu’au décret Crémieux de 1870), en revanche, restent
en marge des droits civiques. La France mène, au fond, une politique coloniale, d’où
une situation explosive qui conduira à l’idée que seule la lutte armée permettra
d’améliorer le sort du peuple algérien. Plus classique, la dernière partie du livre traite
de la guerre d’indépendance. Les massacres du Nord-Constantinois de 1945
représentent le moment fondateur de l’« esprit d’indépendance ». La guerre est
étudiée dans toutes ses dimensions et l’actualisation des connaissances ouvre de
futures pistes de réflexion ou d’études, par exemple sur la dimension internationale
du conflit ou le rôle joué par la littérature algérienne de langue arabe comme lieu de
résistance à la déculturation coloniale. L’héritage de la période coloniale demeure très
présent en Algérie comme en France. Les liens avec l’Algérie sont toujours forts, ne
serait-ce qu’à travers les rapports compliqués qu’entretiennent les mémoires. Le
conflit algérien ne fut officiellement reconnu comme « guerre » qu’en 1999 par le
gouvernement de Lionel Jospin. La loi du 23 février 2005 appelant à célébrer les
« aspects positifs de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord »
est venue raviver le conflit mémoriel entre les rives de la méditerranée. Du côté
algérien, la mémoire a été un enjeu politique permettant au régime de légitimer son
pouvoir. Cette histoire faussée a amputé les Algériens les plus jeunes d’une partie
importante de leur passé. Cet ouvrage devrait pouvoir combler les lacunes créées par
la mémoire officielle. L’ambition de cette initiative éditoriale est donc de contribuer à la
popularisation d’une histoire partagée et critique de l’Algérie à la période coloniale.
Une histoire sans tabous, indispensable quand la permanence des blessures et des
récits biaisés continue d’entretenir, de part et d’autre de la Méditerranée, des tensions.
La volonté de mise à distance explique la sécheresse de certains articles, mais cette
Histoire de l’Algérie à la période coloniale est un formidable outil pour permettre un
rapprochement des mémoires entre la France et l’Algérie et faciliter la réconciliation

2
REVUE PROJET - MONDE

souhaitée.

Acheter Histoire de l’Algérie à la période coloniale sur La Procure

Jules Sylla
11 December 2012

Vous aimerez peut-être aussi