1 - Rappels Sur L'histoire de L'algérie Coloniale
1 - Rappels Sur L'histoire de L'algérie Coloniale
1 - Rappels Sur L'histoire de L'algérie Coloniale
Dominique Lejeune
gros commerçants :
- les milieux éco. marseillais sont les seuls favorables à l'expédition d'Alger, encore
n'avaient-ils pas invoqué d'autre argument que la nécessité d'assurer contre les
corsaires du Dey la sécurité de la navigation en Méditerr. : ils ne paraissent pas
songer que la prise d'Alger pourrait être le prélude à une œuvre de colo.
- une fois Alger prise, les Marseillais ont souvent agi X idée de limitation ou
d'abandon de la conquête. De plus, désir du régime de détourner les énergies de
Marseille et de sa région (politiquement assez hostiles à la monarchie de Juillet) vers
l'Algérie
les saint-simoniens :
- forte propagande pour l'Algérie, par ex.
- imp. pour tout monde arabe, d'une manière générale
- Enfantin :
* expression de "la communication des deux mers" et de "la jonction des deux mers"
(pour canal de Suez)
* "apostolat princier" auprès du duc d'Orléans : lettres adressées d'Algérie (par deux
intermédiaires)
- de toutes façons, sans qu'on puisse à proprement parler trouver chez eux une
doctrine systématique de l'expansion outre-mer, la plupart des premiers socialistes fr.
se montrèrent fav. aux principes généraux d'une colo. nouvelle
imp. des saint-simoniens :
- un saint-simonisme idéologique : union de l'Orient et de l'Occident : installations,
écrits, etc.
- puis un "saint-simonisme pratique", avec diff. moyens d'action :
- des Sociétés d'Études, comme la Soc. d'études pour le canal de Suez (1846), dont la
concession (obtenue en 1854) fut en quelque sorte "confisquée" par de Lesseps, qui,
après, ignora superbement les saint-sim. !
- subventions à des explorations, c. celles de Henri Duveyrier, fils de saint-sim.
(Charles D.), cf. l'obsession saint-simonienne de la jonction Algérie-Afrique
subsaharienne
- des influences personnelles, la plus imp. étant celles sur Napoléon III
- influence intellectuelle très large dans vaste sphère d'opinion : quasi-vacuité de la
planète >>> espoir d'exp. pacifique !
expédition décidée dans but redonner lustre au régime (la rive g. du Rhin étant
impossible…), avant les élections 1830 :
- conseil des ministres décide 31 janvier de s'occuper des vieilles affaires algériennes :
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 3
- envoi de troupes a facilité rév. Juillet 1830 (plus absence du min. de la Guerre)
- legs onéreux de la Restauration pour la monarchie de Juillet. Impossible
d'abandonner cette conquête de la Restauration sans porter atteinte au prestige du
nouveau régime >>> instructions à Bertrand Clauzel (1772-1842), successeur de
Bourmont, parlent de la formation d'un "importante colo." (malgré la fureur de l'opp.
libérale, qui insiste sur le coût de l'opération), celles des Établissements français en
Afrique (sic).
mais politique d'attente 1830-1834 (Pierre Berthezène, René Savary, Jean-Baptiste
Drouet d'Erlon) : l' "occupation restreinte" :
- rappels de troupes (troubles intérieurs)
- désir de ménager l'Angleterre est essentiel
- un parti "anticoloniste" à la Chambre, mené par l'éco. Hippolyte Passy, dénonçant
inlassablement le coût excessif de la colo.
l'initiative décisive vient de l'émir Abd el-Kader (1807-1883, est donc alors très
jeune) :
- famille de marabouts de Mascara (Oranie)
- appui / confrérie relig. des Quadria
- quiproquo / accord 1834 passé avec le général (Louis Alexis Desmichels, 1779-1845)
cdt la div. d'Oran : titre d'émir et armes. D. a cru s'en faire un allié, alors qu'Abd el-
Kader s'est servi des armes pour éliminer ses rivaux
- Abd el-Kader bat les Français à la bataille de La Macta (juin 1835) >>> Clauzel nommé
Gouverneur général des Possessions françaises du Nord de l'Afrique
Clauzel pénètre dans l'int., mais gouv. fr. le soutient mollement >>> défaite de
Constantine (fin 1836) >>> on en revient à la "politique d'occupation restreinte" (1837-
fin 1839). Mais prise de Constantine le 13 octobre 1837.
en plus, le général Bugeaud conclut avec Abd el-Kader traité de La Tafna (mai 1837),
qui accorde à l'émir la majeure partie de l'Oranie et de l'Algérois, contre une vague
reconnaissance de la suz. fr. Obscurités de rédaction
novembre 1839 : Abd el-Kader, à la tête d’un État théocratique, proclame la "guerre
sainte" >>> phase décisive s'ouvre et l'année 1840 est une année charnière. En 1839
d'ailleurs, décision gouv. : "le pays occupé par les Français dans le nord de l'Afrique
sera à l'avenir désigné sous le nom d'Algérie".
à [Jean-Baptiste] Richard de Radonvilliers. Il semble avoir été d’usage chez les seuls
adversaires de la colonisation, les "anticolonistes" comme on disait alors, et avoir
disparu avec eux pendant toute la période d’expansion coloniale. Le mot
décolonisation fut repris après la Révolution soviétique par le leader communiste
indien Manabendra Nath Roy [1887-1954] […] ». 1
1
Charles-Robert Ageron, p. 331 de J.-Fr.Sirinelli dir., Dictionnaire historique de la vie politique française au XXe
siècle, PUF, 1995, 1 068 p., réédition, 2003, coll. « Quadrige », 1 254 p.
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 6
- 130 000 Europ. en 1851 (pour la première fois, Français > autres Europ.)
les hésitations et revirements du Second Empire :
- d'abord retour à l'adm. milit., celle du général Randon, qui règne en maître / A. >>>
1858 :
* méthode du "cantonnement" : terres de parcours enlevées aux tribus pour les
attribuer aux colons
* concession de vastes domaines à de grandes compagnies de colonisation, c. la
Compagnie genevoise (20 000 ha en 1853, près de Sétif)
- puis un éphémère ministère de l'Alg. & des Colo. (1858-1860) :
* confié au prince Jérôme puis à Chasseloup-Laubat
* l'Algérie est administrée depuis Paris, c. les départements fr.
* l'autorité milit. est subordonnée au pouvoir civil
* maintien du "cantonnement", mais suppression des concessions
* = expérience d'assimilation, qui donne satisfaction à la minorité européenne, mais
menace gravement cohésion des cadres éco. et soc. de la population musulmane
- 3e phase, le "royaume arabe" :
* régime plus proche du protectorat que de la colonie
* sous l'influence d'un voyage de Napoléon III en Alg. et d'un saint-simonien qui s'était
converti à l'Islam (Ismaël Urbain)
* Napoléon III : "Je suis l'empereur des Arabes aussi bien que des Français". N III fut le
premier homme d’État français à préconiser une politique d’association entre les
peuples « arabe » et européen en Algérie, tout en évoquant l’assimilation et la « fusion
des races » comme une lointaine et incertaine éventualité.
* s'associe à une politique fav. aux grandes entreprises capitalistes. Ex. : dans province
de Constantine 400 000 ha sont partagés entre 110 personnes, ailleurs : 100 000 ha
pour la Société alg. !
* s'associe à un régime militaire, celui du maréchal Aimable Pélissier, 1794-1864 (>>>
1864), limitant strictement l'adm. civile à la côte et limitant le cantonnement (et même :
des terres sont rendues aux tribus !)
* cette politique a été la seule politique clairvoyante et généreuse que la France ait
tenté en Alg.
les autres éléments :
- une révolte localisée (ouest) en 1864-1865
- des catastrophes naturelles (vols de sauterelles, sécheresses) entraînèrent famines et
épidémies à partie de 1866 >>> le recensement de 1872 ne compte que 2 125 000
indigènes, soit une diminution d’un quart
- pop. europ. est de 290 000 en 1860, dont seulement un peu plus de la 1/2 sont des
Français !
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 9
Conclusion du II :
pertes militaires françaises 1830-1857 : plus de 100 000 morts, en grande majorité à
l’hôpital
des bases nouvelles, pour un nouvel empire colo., grâce à des considérations
politiques, au jeu des personnalités, aux questions de prestige, qui ont compté bien
davantage que les impératifs éco.
mais la colo. n’est pas une grande cause nationale !
mais dév. au sein d’un vaste scepticisme au sujet de la « vocation » colo. fr. :
- on parle de « notre incapacité éprouvée à coloniser » (Valland, intendant en chef de
l’armée d’Afrique, en 1830)
- Tocqueville : « le commerce maritime n’est qu’un appendice de [l’] existence de la
France »
- Lucien Anatole Prévost-Paradol (1829-1870), journaliste qui publie en 1868 La France
nouvelle, livre au gros succès, déplore l’attachement obstiné des Français au sol natal,
incompatible avec la colo. Prévost-Paradol voit dans l'Alg. un prolongement de la
métropole et la véritable chance de survie fr. au XXe siècle
- toutefois, dès la fin du Second Empire, l’indiff. de l’op., tout au – éclairée, est sans
doute – forte qu’on ne l’affirme généralement
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 10
colonial passa de 900 000 kilomètres carrés en 1876 à plus de 10 millions à la Belle
Époque et de 6 à 55 millions d’habitants.
Cartes 1898 et 1911
Un grand nombre de communards condamnés furent déportés en Algérie et en
Nouvelle-Calédonie
insurrection de 1871 :
- cause essentielle : fin du régime militaire paraît aux musulmans être la fin de leurs
garanties
- insurrection violente janvier-octobre 1871 dans toute Kabylie (sous la conduite de
Mohammed el-Hadj-el-Mokrani)
- puissante répression, dont nombreuses condamnations à la déportation en Guyane
et à la Nlle-Calédonie
conséquences :
- crainte du banditisme pousse les colons à réclamer toujours davantage de sévérité à
l'égard des Alg. musulmans
- nombreuses juridiction spéciales, dont le code de l'indigénat, qui dresse liste
abondante des infractions spéciales aux indigènes (vol, désobéissance, vagabondage,
absence de plus de trois jours pour aller au marché, etc.)
- de nouvelles terres de colonisation sont trouvées dans les 500 000 ha séquestrés au
détriment des révoltés de 1871
Revenons sur ces points. L’Algérie connut donc l’insurrection de 1871,
provoquée par l’abolition du régime militaire qui parut aux chefs musulmans être
la fin de leurs garanties et de leurs privilèges. Par contre, le décret Crémieux ne
joua pas du tout, contrairement à ce que l’on affirma — point innocemment — par
la suite en métropole. Ce fut une insurrection violente (janvier-octobre 1871) dans
toute la Kabylie, sous la conduite du grand seigneur (ayant le titre de bachagha)
Mohammed el-Hadj el-Mokrani (1815-1871), écrasée par une puissante
répression, dont de nombreuses condamnations à la déportation en Guyane et à
la Nouvelle-Calédonie. La conséquence directe fut la confiscation de près d’un
demi-million d’hectares de bonnes terres, confiées surtout à des Alsaciens ayant
opté pour la France. Les conséquences lointaines furent la haine soulevée chez les
Algériens dépossédés, la crainte du « banditisme » chez les colons, qui les poussa
à réclamer toujours davantage de sévérité à l’égard des Algériens musulmans et la
mise sur pied de nombreuses juridictions spéciales, dont le code de l’indigénat, qui
dressait la liste abondante des infractions spéciales aux indigènes. La pénétration
vers le Sud fut reprise, avec l’espoir de la construction d’un chemin de fer
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 12
transsaharien, des réussites (El Goléa fut atteint) et des échecs (massacre de la
mission Flatters en 1881) 4.
4
B.Carrière, « Le transsaharien », Acta Geografica, n° 74, pp. 23-39.
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 13
5
Voir G.Salkin, Le triple destin de Jules Harmand, médecin, explorateur, diplomate, Economica, 1992, 129 p.,
son médiocre démarquage dans la notice bio-bibliographique de Julie d’Andurain, Colonialisme ou impérialisme ?
Le parti colonial en pensée et en action, Léchelle, Zellige, 2017, 448 p., pp. 23-33. Pour aller plus loin, lire N.Broc,
Dictionnaire illustré des explorateurs français du XIXe siècle, CTHS, 1988-1999, 4 vol.
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 14
métaphore » qu'il ne fallait pas prendre à la lettre, selon l'expression de Jules Ferry
dans son rapport de la commission sénatoriale d'enquête de 1892. Cette situation dura
sans changement fondamental jusqu'à la fin de la Troisième République.
a) L’économie
Après la chute de l'Empire et la fin du régime militaire, la Troisième République
relança vigoureusement la colonisation officielle, en séquestrant les terres des insurgés
de 1871. En dix ans, 347 268 hectares furent concédés et 197 villages furent créés. La
colonisation officielle continua jusqu'en 1928 à créer des villages, et jusqu'en 1936 à
distribuer des lots de fermes.
En même temps, de nouvelles lois favorisèrent la constitution de la propriété
individuelle et les transactions privées. Après le sénatus-consulte de 1863 (qui avait
servi à accélérer la division de la propriété tribale, contre les intentions de N III), la loi
Warnier du 26 juillet 1873 soumit l'établissement de la propriété au droit civil français,
selon lequel « nul n'est tenu de rester dans l'indivision ». Cette loi permit à l'acquéreur
d'une part de copropriété indigène d'obliger tous les copropriétaires à céder leur bien
pour un prix dérisoire. Elle fut abrogée par la loi du 22 avril 1887, qui prit la relève du
sénatus-consulte de 1863, et qui fut complétée par celles du 16 avril 1897 et du 11
août 1926.
Sous la pression des contributions de guerre et des séquestres infligés aux rebelles
de 1871, des impôts et des amendes, les indigènes furent contraints de vendre de plus
en plus de terres aux colons. Ainsi, en ajoutant le solde positif des transactions privées
aux concessions officielles, la colonisation acquit en moins de trente ans plus du double
de la superficie qu'elle avait occupée en quarante ans, de 1830 à 1870. L'expansion de
la propriété coloniale, momentanément freinée par la guerre de 1914 à 1918, reprit
ensuite et s'accéléra pendant la crise économique des années 1930.
Le colonat européen possédait 480 000 hectares en 1870, 2 345 000 en 1930, et
2 726 700 en 1950. Par comparaison, les propriétés indigènes couvraient 7 562 977
hectares en 1930 et 7 349 100 hectares en 1950. La part de la superficie agricole
appropriée par les colons (23,67 % en 1930, 27,6 % en 1950) peut sembler relativement
modérée, si l'on oublie que ceux-ci ne représentaient pas plus que 2 % de la population
agricole totale en 1950. De plus, le nombre de propriétés européennes diminua, de
34 821 en 1930 à 17 129 en 1950, alors qu'il augmentait chez les indigènes de 617 544
en 1930 à 630 732 en 1950. Ainsi, la superficie moyenne d’une propriété passa chez les
Européens de 89,69 hectares en 1930 à 123,73 hectares en 1950, et chez les musulmans
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 16
6
Citons le cas particulier d'Émile-Félix Gautier (1864-1940), professeur d'allemand au collège Chaptal qui était
en même temps… répétiteur de malgache à l'École des Langues orientales et qui deviendra professeur à l'École
supérieure des lettres (puis Faculté) d'Alger. Ce personnage à la curieuse carrière avait été élève d'histoire à l'E.N.S.
mais avait échoué à l'Agrégation : un congé réparateur outre-Rhin l'autorisa à passer avec succès le concours en
allemand ; son don des langues lui permit aussi d'explorer Madagascar à partir de 1892, année qui le voit entrer à
la Société de Géographie. Il soutint d'ailleurs une thèse de… géographie sur la Grande Ile, et, une fois nommé à
Alger, il publiera une grande œuvre géographique sur l'Algérie.
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 17
patrimoine. Mais dans une grande partie du pays, les colons possédaient la plupart des
terres fertiles, et ils étaient les principaux employeurs. Et dans les secteurs non
agricoles, les plus grandes entreprises appartenaient généralement aux Européens.
La dépossession foncière avait-elle été délibérément voulue ? Pas entièrement. Les
premiers colonisateurs avaient d'abord projeté d'implanter en Algérie une petite et
moyenne paysannerie française, soit en refoulant les indigènes vers le désert (comme
le réclamaient les colonistes les plus exaltés), soit en partageant avec eux les terres
cultivables, suffisamment vastes pour les deux populations. Les « bureaux arabes »
s'étaient efforcés de faciliter leur coexistence.
Pourtant, des colons avaient très tôt eu recours au travail des indigènes, soit comme
khammes (preuve que la colonisation ne manquait pas de terres selon Napoléon III),
soit comme journaliers pour les grands travaux de défrichement ou pour les récoltes.
Dès 1851, le ministère de la Guerre avait approuvé la généralisation de leur emploi
pour pallier la rareté et la cherté des salariés français, qui pouvaient aisément accéder
à la propriété de lots de colonisation.
Mais, dans les régions qui bénéficièrent longtemps d'un afflux d'immigrants
étrangers pauvres, tels que les Espagnols en Oranie, ceux-ci avaient la préférence des
colons. Par la suite, au contraire, la mécanisation croissante des grands domaines
réduisit fortement leurs besoins de main-d'œuvre, et les salaires qu'ils distribuaient,
aggravant d'autant le surpeuplement relatif des campagnes, et le mécontentement des
fellahs prolétarisés.
Dès 1880 avait été fondé un Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie, dont Hubert Bonin
s’est fait l’historien 7.
L’Algérie subit le contrecoup de toutes les crises et de tous les ralentissements
économiques français ; second grave problème, les paysans ont une situation
démographique et administrative telle que leurs terres sont de moins en moins
productives. La création en 1908 des Sociétés indigènes de prévoyance et de secours
(comme en Algérie) n’atténuera qu’à peine le fléau, car elles profiteront surtout aux
gros propriétaires terriens. Le 26 avril 1901 éclate l’insurrection de Margueritte (Aïn
Torki), qui dure jusqu’au 1er mai et se solde par un procès à Montpellier en 1903 (27
condamnations, au maximum à perpétuité).
b) La culture
L’Algérie compte, en 1881, 35 000 juifs, citoyens français depuis le
décret Crémieux du 24 octobre 1870 (8), limité dans son application par le décret
7
H.Bonin, Un outre-mer bancaire méditerranéen. Histoire du Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie (1880-1997),
Publications de la Société française d’histoire d’outre-mer, 2004, 370 p.
8
Notice par M.Abitbol, dans J.-J.Becker & A.Wieviorka dir., Les Juifs de France de la Révolution française à nos
jours, Liana Levi, 1998, 445 p., pp. 109-111.
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 18
en matière d’école, la IIIe République fut résolument assimilatrice >>> lois Jules
Ferry sont appliquées >>> EN de La Bouzaréah avec une « section spéciale », mais :
- manque de places
- les « musulmans » envoient peu leurs enfants à l’école avant la 1ère GM, quand elle
existe à proximité
- deux types d’enseignement élémentaire, l’européen et l’ « indigène », dit plus tard
« franco-musulman »
- dans le secondaire, lycée d’Alger dès 1835, 2 autres et 7 collèges dans l’entre-deux-
guerres
- une véritable Université, à Alger, fondée en 1909 en regroupant les 4 facultés créées
en 1879
En outre, une École coloniale fonctionnait depuis le 22 novembre 1889 dans le but
de former des magistrats et des fonctionnaires, mais son recrutement n’était pas
9
Pierre Birnbaum, Un mythe politique, la « République juive », de Léon Blum à Pierre Mendès France, Fayard,
1988, 417 p., réédition, Gallimard, 1995, 417 p. et sa bibliographie. Aussi : P.Birnbaum, « Les juifs d'État dans
les guerres franco-françaises du boulangisme au Front populaire », Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, janvier-
mars 1992, pp. 26-44.
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 19
encore tel qu’elle puisse pourvoir à tous les postes ouverts. Elle restait d’ailleurs peu
prestigieuse et mal connue. Enfin, une multiplicité de textes régla le sort des
différentes colonies.
On le dit, les Français n’ont jamais beaucoup émigré : en 1911, il y a quand même
1 400 000 expatriés et descendants d’expatriés — 600 000 en Algérie, 170 000 dans le
reste de l’Afrique, 279 000 en Europe, 300 000 en Amérique du Nord et du Sud —, alors
qu’habitent en France 1 160 000 étrangers, soit 2,8 % de la population totale et un peu
plus qu’en 1881 (2,6 % de la population totale).
L’Algérie est le seul territoire qui ressortisse à la catégorie de la
colonisation de peuplement et non d’exploitation : un demi-million d’Européens
l’habitent, dont une bonne partie sont des citadins et non ces propriétaires terriens
qui ont mis en valeur les céréales, les cultures maraîchères et la vigne, depuis les
temps du phylloxéra en France. Le commerce extérieur est entièrement assuré par
des bateaux français et il n’y a pas de droits de douane entre la métropole et
l’Algérie. En conséquence, celle-ci subit le contrecoup de toutes les crises et de
tous les ralentissements économiques français ; second grave problème, les
paysans ont une situation démographique et administrative telle que leurs terres
sont de moins en moins productives. Les Sociétés indigènes de prévoyance (S.I.P.)
créées en 1893 ne résolvent guère la question. Le 26 avril 1901 éclate l’insurrection
de Margueritte (Aïn Torki), qui dure jusqu’au 1er mai et se solde par un procès à
Montpellier en 1903 (27 condamnations, au maximum à perpétuité).
Le peuplement européen échoua également dans la maîtrise de l'espace algérien.
Contrairement au rêve coloniste d'enraciner dans toute l'Algérie une petite ou
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 20
Les Senoussistes, installés à Koufra à partir de 1895, avait progressé vers le Tchad
(français).
10
Un ouvrage canonique à bien connaître : Ch.-A.Julien & Ch.-R.Ageron, Histoire de l'Algérie contemporaine,
tome II, De l'insurrection de 1871 au déclenchement de la guerre de libération (1954), PUF, 1979, 648 p.
11
Qui sera même fugitivement, grâce à la grande crise américaine, la première du monde, en 1932-1933.
12
P.Assouline, Albert Londres. Vie et mort d'un grand reporter. 1884-1932, Balland, 1989, 632 p.
13
Exemple fort célèbre, celui de Lucas Gridoux (pseudonyme de Lucas Grimberg, 1896-1952), dans le rôle de
l’inspecteur Slimane de Pépé le Moko, après avoir joué Judas pour Julien Duvivier et s’être imposé comme le
« traître » du cinéma français.
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 22
apparaissant dans les classes d’histoire du Secondaire en 1925 (14). Des lieux communs
coloniaux apparaissent dans la rhétorique politique, comme l’expression « provinces
d’outre-mer », comme l’adage « la Méditerranée traverse la France comme la Seine
travers Paris », etc. Seule la certitude d’un traitement plus élevé attire dans l’empire
quelques militaires et fonctionnaires, toujours soucieux de revenir au plus vite en
métropole ! Il y a néanmoins des exceptions, quelques passionnés d’aventure toujours,
et, caractéristique de l’entre-deux-guerres, des amoureux du Sahara 15.
Carte Sahara (D.Bouche)
Surtout, un très large public manifeste un intérêt passionné pour les
grandes randonnées automobiles, en particulier les Croisières noire (1925) et jaune
(1933). Quotidiennement, le monde colonial tient une place accrue dans la presse
et la « littérature coloniale » se développe ; les milieux catholiques connaissent
l’importance de la communauté catholique, indigène, d’Indochine (deux millions
de fidèles sur 23 millions d’habitants en 1939, soit un pourcentage considérable) ;
l’Exposition coloniale de Marseille, en 1922, la deuxième après celle de 1906,
connaît un réel succès qui tient en haleine le public quant à la préparation de celle
de Paris en 1931, largement suivie par la presse. En réalité c’est dès 1919 qu’est
envisagée une exposition coloniale à Paris, il est vrai nationale, en 1920 une loi
prévoit une exposition coloniale interalliée en 1925, elle est reportée à 1928 puis
1929. Entretemps une nouvelle loi lui avait donnée l’intitulé, définitif, d’Exposition
coloniale internationale. En 1927 Lyautey, démis de son poste au Maroc et fort
dépressif, reçoit en compensation la direction de l’exposition. Il se passionne pour
cela et demande un nouveau report, à 1931 (16).
Quelques groupes de pression anciens se renforcent, le Redressement
français de Mercier 17 et la Ligue maritime et coloniale naissent. Cependant
l’apogée du sentiment colonial, de l’idée coloniale, se situera, non pas comme il a
été souvent dit au moment de l’exposition de Vincennes, mais à la Libération…
La culture de masse des années 30 peut être symbolisée par
l’Exposition de Vincennes (1930).
14
Une copieuse géographie coloniale française sera introduite dans l'enseignement primaire (1938) et secondaire
(1937).
15
M.Roux, Le désert de sable. Le Sahara dans l'imaginaire des Français (1900-1994), L'Harmattan, 1996, 204 p.
16
D.Grandsart, Paris 1931. Revoir l’exposition coloniale, Paris, Éditions FVW, Distribution Vilo, 2010, 263 p.,
passim.
17
Notice par O.Dard, dans J.-C.Daumas dir., Dictionnaire historique des patrons français, Flammarion, 2010,
1 614 p., pp. 1211-1214, Laurence Badel, Un milieu libéral et européen. Le grand commerce français. 1925-1948,
Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 1999, 576 p., passim, et F.Monnet, André Tardieu
et la rénovation de la République, thèse, Genève, 1990, 507 p., pp. 77 & suiv. Aussi M.Lévy-Leboyer & H.Morsel,
tome II de l'Histoire de l'électricité en France, Fayard, 1995, 1 438 p., passim.
D.Lejeune, RAPPELS SUR L’HISTOIRE DE L’ALGERIE COLONIALE 23
Conclusion du cours
en fait, c'est après la Libération, et non en 1931, c. il est accoutumé de le dire, que se
situe en Fr. l'apogée de l'idée colo.
Nous avons débordé de l’événementiel, et c’est tant mieux ! Et… essayé de nous en
tenir à l’histoire…