Brutails-1917-La Mairie Et La Jurade de Bordeaux

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REVUE HISTORIQUE

DE BORDEAUX

ET DU

DÉPARTEMENT DE LA GIRONDE

DIXIÈME ANNÉE
NUMÉRO I. - JANVIER-FÉVRIER 1917

SOMMAIRE :
PAGES.
J.-A. BRUTAILS La mairie et la jurade de Bordeaux . 5
Abbé E. DOUAT Une paroisse rurale à la fin du XVIII' siècle . 12
བྱ་བ་ འ
Michel LHÉRITIER . La Révolution à Bordeaux de 1789 à 1791 (Suite) 22
B. SAINT-JOURS . . Le sable des Landes et ses eaux (Suite et fin). 37
Mélanges .. Fouilles aux Allées Damour, par M. H. B.-F. 51
Lancret ou Watteau ?, par M. M. DE L.. 52
L'ancienne chaire de Saint-Projet de Bordeaux, par
3

M. J.-A. B. . 55
Le cuivre de la gravure de Nicolas Dupuis, par
M. G. D.-D.... 55
Notes de viographie bordelaise. La rue Bongrand .
La rue Rolland . La rue de Fleurus, par M Mar
guerite CASTEL. 56
Chronique. 59
Index bibliographique . 62

BORDEAUX

FERET & FILS M. MOUNASTRE - PICAMILH


LIBRAIRES LIBRAIRE
9, Rue de Grassi , 9 45, Rue Porte - Dijeaux, 45

LIBOURNE : M. MALEVILLE, LIBRAIRE .

1917
CONSEIL D'ADMINISTRATION

Président. - M. le D' G. MARTIN , membre de la Société des Archives


historiques de la Gironde .
Secrétaire. - M. G. DUCAUNNÈS - DUVAL , archiviste municipal .
Trésorier . - M. F. THOMAS , membre de la Société des Archives histo
riques de la Gironde.
Archiviste. M. BARRERE , avocat à la Cour d'appel.
M. J. BENZACAR, professeur à la Faculté de Droit de
Bordeaux .

Commissaires. M. Sam MAXWELL, président de la Société des Archives


historiques de la Gironde .
M. G. CIROT, professeur à la Faculté des Lettres de
Bordeaux .

COMITÉ DE RÉDACTION

MM. BARRERE (J.) , avocat à la Cour d'appel .


BENZACAR (J. ) , professeur à la Faculté de Droit de Bordeaux .
BROUILLARD (R. ) , secrétaire- adjoint de la Société des Archives
historiques de la Gironde.
BRUTAILS (J.-A. ), archiviste du département de la Gironde .
CIROT (G. ), professeur à la Faculté des Lettres de Bordeaux .
COURTEAULT (P.) , professeur à la Faculté des Lettres de Bor
deaux, vice - président de la Société des Archives historiques
de la Gironde.
GAILLARD (abbé Albert) , membre de la Société des Archives histo
riques de la Gironde.

Secrétaire-Gérant : DUCAUNNÈS - DUVAL (G. ) , archiviste municipal de


Bordeaux.

La Revue historique de Bordeaux paraît tous les deux mois ; elle


forme chaque année un volume d'environ 500 pages .
Le prix de l'abonnement annuel est de 10 francs pour la France
et 11 fr. 50 pour l'étranger ; frais de recouvrement, 50 centimes en
sus. - Le numéro , 2 fr. 50.
On peut s'abonner soit en s'adressant directement à M. F. THOMAS ,
trésorier de la Revue, 63 , rue Minvielle, soit chez un des libraires
ci- contre .
Adresser la correspondance et les communications
Aux Archives municipales .

Les articles publiés par la " Revue Historique " n'engagent que la
responsabilité de leurs auteurs. Les manuscrits ne sont pas rendus .
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V.15

LA MAIRIE ET LA JURADE DE BORDEAUX

On sait que Barckhausen écrivit , vers 1890, un essai sur les insti
tutions municipales de Bordeaux au Moyen Age 1. On sait aussi
que lorsque Barckhausen a traité une question , il faut un certain
courage pour la reprendre. Ce courage, M. Bémont l'a eu et j'ai
grand plaisir à dire que nous devons nous en féliciter. C'est que
M. Bémont dispose, sur le Bordeaux du XIIe siècle, d'une documen
tation remarquable ; s'agit-il d'interpréter un texte , il en réunit
plusieurs, rapproche, compare et là où d'autres ne voient rien, il
fait la lumière et découvre parfois la vérité. Le contraste entre les
deux méthodes est suggestif au possible : Barckhausen, qui était
surtout juriste, cherche vainement l'acte constitutif de la commune
bordelaise et il exprime le regret que cet acte se soit perdu ³ ;
M. Bémont, qui est plutôt historien , étudie les faits , scrute les
circonstances et il conclut que l'organisation municipale de notre
ville a pu résulter de l'ensemble de ces circonstances et de ces faits,
qu'elle a pu surgir spontanément , en dehors d'une concession royale ;
Bordeaux, qui a eu d'assez bonne heure une commune, n'aurait
pas eu de charte de commune. On s'expliquerait assez mal, en effet,
que notre cité, possédant un pareil titre , n'en ait pas conservé de
vestiges .
On se rend compte dès à présent que les origines de nos institu
tions municipales sont obscures .

Depuis au moins le viie siècle, l'histoire civile de Bordeaux est donc


pour nous une page blanche. Je souscris très volontiers à ces paroles
de M. Jullian : « Il est malaise de croire qu'il n'y ait point eu pendant
six siècles de corps municipal à Bordeaux ... Il est difficile d'expliquer
par un réveil subit la puissance de l'idé communale au XIIIe siècle ;

1. Essai sur le régime législatif de Bordeaux au Moyen Age, en tête du Livre des
Coulumes, Archives municipales de Bordeaux ; in-4 °, 1890 .
2. Les institutions municipales de Bordeaux au Moyen - Age, la Mairie el la Jurade.
Extrait de la Revue historique, année 1916 .
3. Op. cit., p. xxxv.
6 LA MAIRIE ET LA JURADE DE BORDEAUX
7
l'histoire des institutions n'offre pas de ces brusques changements .
Il est plus logique de supposer à Bordeaux une longue habitude
d'administration commune et la persistance d'un collège de chefs
municipaux issus de la cité et regardés comme ses représentants. »>

Une fois de plus , M. Jullian a fait preuve de son habituelle péné


tration . Toutefois , il me sera permis de faire quelques réserves sur
les derniers mots que je viens de reproduire après M. Bémont . S'il
fallait se prononcer sur la phrase par laquelle la citation est close ,
je demanderais la disjonction . « Une longue habitude d'adminis
tration commune » : j'approuverais avec enthousiasme. « La persis
tance d'un collège de chefs municipaux » : je m'abstiendrais ou je
voterais contre .
Les habitants d'une ville ont des droits, des charges et des inté
rêts communs : une qoutume et une condition à défendre contre
les empiètements, des impositions à payer, des murs à réparer ;
qu'on le veuille ou non , ils forment une collectivité et « l'adminis
tration commune » s'impose nécessairement. Est-ce à dire que cette
gestion est confiée à un corps constitué ? C'est une autre affaire.
Dans son cours , que j'ai eu le bonheur de suivre à l'École des
Hautes Études , Giry professait , si j'ai bonne mémoire, que l'orga
nisation municipale disparut de nos villes peu après la chute de
l'Empire, pour ne reparaître que longtemps plus tard , avec les
communes. Si cette organisation avait persisté du viie au XIe siè
cle, nous en trouverions sûrement quelques traces . Il faut chercher
une autre solution du problème .
Mais nous devons nous appliquer à ne pas apporter dans
l'étude de ces temps reculés nos tournures d'esprit modernes et
ce besoin de précision auquel nous habitue l'usage constant du
droit écrit. A la base des institutions contemporaines , nous trouvons
inévitablement des textes législatifs ; il en était autrement jadis .
D'autre part, les forces sociales qui travaillaient notre cité ne diffé
raient pas aussi essentiellement qu'on pourrait le croire des forces
qui sont présentement en action ; c'est l'organisme qui a changé :
avant la fin du XIe siècle, maires et jurats n'existaient pas ; à leur
place, la vie locale mettait en mouvement des organes dont la
fonction normale était tout autre.
Des phénomènes analogues ne sont pas rares dans l'ancienne
France. Prenons, par exemple, l'administration rurale : elle était
très rudimentaire et franchement insuffisante ; mais il y avait la
juridiction. Ne cherchez pas dans les ordonnances ou les édits com*
LA MAIRIE ET LA JURADE DE BORDEAUX 7

ment celle-ci supplée aux lacunes de celle-là ; il n'en est pas moins
vrai que, dans la réalité des faits, la juridiction joue un rôle adminis
tratif, si bien qu'aujourd'hui encore des communes se prévalent de
leur ancien attachement à telle juridiction pour obtenir un rang de
choix dans la classification des vins ; il apparaît par les Recognicio
nes que la prévôté de Barsac était, dès le XIIIe siècle, bien autre.
chose qu'un simple ressort judiciaire ; d'après le même document ,
d'autres prévôtés ou sénéchaussées prêtaient leurs cadres au service
fiscal ; d'autres encore, à la fin de l'Ancien régime, constituaient
de véritables syndicats de paroisses .
Une autre institution pouvait s'adapter aux manifestations de
l'activité communale : c'est l'église, avec ses paroisses et ses confré-
ries . On ne connaît pas assez le parti que notre pays a tiré autrefois
des confréries et spécialement de la fabrique , laquelle était la con
frérie principale . La confrérie était la seule association possible :
comme aujourd'hui le syndicat, elle servait à des fins bien diverses .
A Bordeaux, la première réunion connue de la commune se tient
dans le cloître de Saint -André ¹ ; en 1261 , il est ordonné que « chaque
nouveau citoyen sera inscrit sur le rôle de la paroisse où il aura élu
domicile » 2. Je considère comme très probable que, durant le haut
Moyen Age et jusqu'à l'organisation formelle de la municipalité ,
paroisses et confréries fournirent à notre ville et à bien d'autres
des prétextes et des lieux de réunion , des groupements tout faits.
Ainsi s'administrait cette population à laquelle le sentiment de sa
solidarité créait, dans les circonstances difficiles ou solennelles ,
une âme unique.
On s'est quelquefois demandé à quelle date cette collectivité
amorphe a pris figure de commune, avec des magistrats munici
paux. Barckhausen faisait état d'une déposition de 1262 , dans
laquelle un vieillard parle du maire qui était en fonctions au moment
de la mort du roi Richard , soit en 1199. M. Bémont , jugeant peut
être ce témoignage négligeable, l'a passé sous silence. J'avoue être
frappé de la concordance entre l'assertion dont il s'agit et ce fait
que, peu après , le 4 février 1200 , n. st ., la chancellerie royale adres
sait une lettre « aux jurats et aux bourgeois de Bordeaux 5 » .

1. Bémont, op. cit. , p. 12.


2. Bémont, op. cit., p. 34.
3. Introduction au Livre des Coutumes, p. xxxv. M. Jullian ( Histoire de Bordeaux,
p. 136 ) retient ce document et la date de 1199.
4. A la rigueur, jurati ne prouverait pas grand'chose, ce mot désignant quelquefois
les membres de la commune qui sont liés par le serment ; mais la forme de la phrase
ne permet guère cette interprétation : « Juratis et burgensibus Burdeg. »
5 Bémont, op. cit., pp. 7-8:
8 LA MAIRIE ET LA JURADE DE BORDEAUX

En 1205, Bordeaux fut assiégé par Alphonse de Castille ; le


29 avril 1206, le roi d'Angleterre remercia les prud'hommes de notre
ville et de plusieurs autres qui lui avaient «< conservé la possession
de leur pays » 1. Le lendemain, le même souverain écrivait aux
« maire, jurats et fidèles de Bordeaux » 2. Sur quoi, M. Bémont
ajoute :
Entre ces mentions toutes fraîches du maire et l'invasion de la
Gascogne par le roi de Castille, n'y a- t-il qu'une coïncidence purement
fortuite? Je croirais plutôt que, menacés par l'attaque espagnole ...
les Bordelais prirent sur eux-mêmes d'organiser la résistance, qu'ils
mirent alors à leur tête des magistrats pris dans leur sein et qu'enfin
le roi, acceptant les faits accomplis, reconnut tacitement le maire et
la commune qu'ils s'étaient spontanément donnés ³.

Que ce soit en 1206 , à l'occasion du siège de la ville, que ce soit


quelques années plus tôt, il paraît établi que les Bordelais s'érigè
rent en commune ; le pouvoir royal s'inclina devant le fait accompli
et homologua l'usurpation .
Un pareil processus est quelque peu déconcertant . M. Bémont ,
qui possède admirablement l'histoire de notre province à cette
époque, a donné d'autres preuves et plus graves de l'indiscipline
des Bordelais en 1219, le sénéchal « nous apprend que la province
est menacée à la fois par le roi de France et par les barons du pays.
qui ravagent la terre du roi, prennent ses bourgeois et les mettent
à rançon » ; en 1222 , le souverain se plaint que les bourgeois de
Bordeaux aient osé se liguer avec des seigneurs et avec d'autres
villes , s'emparer de plusieurs châteaux , brûler le port de Branne
et poussé l'irrévérence jusqu'à frapper d'une contribution les
hommes du roi dans l'Entre-deux-Mers 5 ; en 1235, les Bordelais
injurient le sénéchal, enlèvent le château royal , mettent la main
sur les revenus du roi , chassent ses sergents 6 ; en 1240, Gaillard
Colom, créancier du comte de Toulouse et de quelques villes age
naises , « délivre tout simplement des lettres de marque contre les
marchands et s'empare de leurs marchandises » 7. Et je ne dis rien.
des troubles causés par les factions , du « désordre social produit
par les rivalités des grandes familles dans le sein de la bourgeoisie

1. Bémont, op. cit., p. 8.


2. Bémont, op. cit. , p. 10.
3. Bémont, op. cit., p. 10.
4. Bémont, op. cit., p. 13.
5. Bémont, op. cit., p. 14.
6. Bémont, op. cit. , p. 21 .
7. Bémont, op. cit., p. 25.
LA MAIRIE ET LA JURADE DE BORDEAUX 9

bordelaise » ¹ . M. Bémont a pu parler d ' « une sorte d'autonomie


presque républicaine » 2. Sur cette autonomie se greffait trop sou
vent une anarchie violente . Quand un peuple prend de telles licen
ces, c'est vraiment pour lui une peccadille de s'octroyer un maire
et des jurats.
Nous savons qu'en 1206, la chancellerie avait admis l'existence
de ce maire et de ces jurats . En 1224, on alla plus loin pour récom
penser la ville des préparatifs qu'elle avait faits en vue de résister
à une invasion française, Henri III lui concéda expressément une
commune et un maire électif :

Cet acte est d'une importance capitale ; c'est le premier où le souve


rain anglais reconnaisse formellement les institutions que s'étaient
données les Bordelais "³.

La loi municipale de Bordeaux, fixée en 1261 , rappelle ces Éla


blissements de Rouen auxquels mon regretté maître Giry a consacré
une magistrale étude ; le régime bordelais ne reproduisait pas
exactement la charte de Rouen ; il en était une imitation , une adap
tation assez libre .
M. Bémont, après l'avoir soigneusement analysé, en suit l'évo
lution à travers le XIIIe siècle : Bordeaux de 1261 à 1294. Les factions
el la restriction des libertés communales. — Bordeaux de 1293 à 1302.
L'occupation française. - Bordeaux de 1303 à 1340. Les factions et
l'intervention royale. Institutions municipales de Bordeaux telles
qu'elles apparaissent fixées vers l'année 1375 .
Dans ce dernier chapitre , l'auteur passe en revue les classes de
la société bourgeoisie, au sens juridique du mot , plèbe, clergé,
noblesse . Du tableau, je détache quelques traits .

La plèbe nous est mal connue . Dans un régime qui repose sur la
propriété foncière, elle a peu de droits et la loi s'occupe rarement
d'elle . A Bordeaux comme ailleurs, elle devait se composer de tous les
travailleurs manuels non possesseurs de biens-fonds : ouvriers , servi
teurs à gage, sans compter les miséreux et les fainéants .

Tout cela est exact, pourvu qu'il soit bien entendu cependant
que , parmi les ouvriers , beaucoup avaient des biens-fonds . Une
pratique déjà longue des documents m'induit à penser que le prolé
tariat n'avait pas au Moyen Age le développement inquiétant

1. Bémont, op. cit. , p. 70 .


2. Bémont, op. cit., p. 93.
3. Bémont, op. cit., p. 16.
4. Bémont, op. cit. , p. 77.
To LA MAIRIE ET LA JURADE DE BORDEAUX

auquel il atteint présentement : le nombre des possesseurs du sol


était très élevé . Notre démocratie a été injuste envers le fief : le
fief roturier, la censive, était une institution éminemment démo
cratique, favorable à la division de la propriété foncière. C'était
un bail perpétuel, avec faculté de résiliation au profit du preneur ;
le travailleur qui avait pour toute fortune ses bras et son courage

prenait à cens une ou plusieurs terres : tantôt il était cultivateur
les laboradors de vinha sont fréquemment cités parmi les tenanciers
de la banlieue bordelaise.-―――― tantôt ils étaient hommes de métier
et ils joignaient la culture à leur profession : tisserands, maçons ,
charpentiers, bouchers, forgerons, terrassiers, etc. Ils étaient ainsi
quasi-propriétaires . De plus, à la longue et par la force des choses ,
les charges du contrat diminuaient et tombaient ; la tenure se
convertissait en alleu . Le tenancier accédait à la propriété ¹ .
Si l'on veut savoir quelles idées maîtresses se dégagent du
mémoire de M. Bémont, les voici exposées par lui-même . Il a voulu
faire connaître, non pas l'ensemble des institutions municipales de
Bordeaux , qui étaient complexes, mais la mairie et la jurade . Encore
a-t-il dû s'abstenir de comparer la jurade, d'origine normande et
française, au consulat, qui est languedocien .

Pour ne point m'aventurer hors de Bordeaux, je constate en termi


nant que, si cette ville a été chercher au dehors la forme première de
ses institutions , elle les a faites siennes par la manière originale de les
appliquer. C'est, comme on l'a montré, par une suite de petites révo
lutions intérieures qu'elle a peu à peu conquis une sorte d'autonomie
presque républicaine ; pendant le premier tiers du XIe siècle, ses
progrès , ses empiétements, si l'on veut , ont été constants et la royauté
anglaise n'a guère fait autre chose que confirmer ses usurpations .
Maîtresse du pouvoir, la haute bourgeoisie n'a pas su l'exploiter ;
elle s'est laissé affaiblir par des rivalités intestines ; ses fautes ont
alors fourni à la royauté le moyen et l'occasion de confisquer une
partie des libertés municipales 'dont les chefs des factions avaient si
cruellement abusé . Elle a cessé de commander et n'a plus été qu'une
classe sociale satisfaite et asservie 2.

Le petit volume de M. Bémont est le premier chapitre d'un livre


qui est dès à présent écrit en entier. Que ce premier chapitre soit

1. Le dépouillement des cartulaires, terriers et lièves fournirait la matière d'une


statistique attachante. Sur les maçons tenanciers ou propriétaires, voir mon étude sur
Deux chantiers bordelais ( extrait du Moyen Age, 1899-19011, pp. 48 et ss. - Sur la
répartition des biens-fonds entre les classes sociales au XVIIe siècle, voir mon Intro
duction au Cartulaire de Saint-Seurin, p. XLI-XLII.
2. Bémont, op. cit . , p. 93.
LA MAIRIE ET LA JURADE DE BORDEAUX 11

appelé à rendre des services et qu'il comble une grosse lacune, il


est à peine besoin de le dire . Paul Viollet déplorait amèrement
qu'un pareil travail n'existât point . Le voilà fait, et de main de
maître. Une fois de plus , M. Bémont a bien mérité de Bordeaux et
du Sud-Ouest ¹.
J.-A. BRUTAILS .

1. P. 7, il est question d'une charte de 1199 qui abolit les usages dits luch, vinada,
bech ; ce dernier mot ne devait-il pas être corrigé beth et ne désigne-t-il pas le vetitum
vini? - P. 12. M. Bémont parle du prieuré de Saint-Jacques : nous disons, à Bordeaux,
le prieuré de Saint-James : il existe encore une rue de ce nom. — P. 47 et 48 , il faut lire
Saint-Seurin au lieu de Sainte-Croix,

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