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Avis

du Conseil Economique, Social et Environnemental

Quelle dynamique urbaine pour un


aménagement durable du littoral ?

Auto-saisine

www.cese.ma
Avis
du Conseil Economique, Social et Environnemental

Quelle dynamique urbaine pour un


aménagement durable du littoral ?

Auto-saisine
Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi organique n°128-12,


le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est autosaisi afin
de préparer un avis sur la dynamique urbaine et l’aménagement du littoral.
Dans ce cadre, le Bureau du Conseil a confié à la Commission chargée des
affaires de l’environnement et du développement durable l’élaboration
dudit avis.
Lors de sa 134ème Session Ordinaire tenue le 26 mai 2022, l’Assemblée
Générale du CESE a adopté à l’unanimité l’avis intitulé : « quelle dynamique
urbaine pour un aménagement durable du littoral ? ».
Élaboré sur la base d’une approche participative, l’avis est le résultat d’un
large débat entre les différentes catégories qui composent le Conseil, des
auditions organisées avec les principales parties prenantes concernées., ainsi
que d’une consultation lancée sur la plateforme digitale de participation
citoyenne du Conseil « ouchariko.ma »1.

1-Annexe 3 : résultats de la consultation lancée à travers la plateforme de participation citoyenne « ouchariko.ma»
sur l’aménagement durable du littoral.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

1. Synthèse

L’avis du Conseil Économique, Social et Environnemental, intitulé : « quelle dynamique urbaine


pour un aménagement durable du littoral ? », examine un écosystème hébergeant plus de
la moitié de la population et représentant un important pôle d’attraction pour différentes
infrastructures et activités économiques. Néanmoins, le littoral subit, de manière croissante,
plusieurs pressions dues notamment, à une urbanisation non-maitrisée menaçant son équilibre
écologique, et obérant sa contribution à un développement durable et résilient.
Conscient du caractère préoccupant, voire alarmant, de l’état actuel du littoral, les pouvoirs
publics ont mis en place un cadre juridique et institutionnel qui comprend particulièrement
la loi 81.12 sur le littoral et le plan national du littoral (PNL), adoptés en conformité avec les
engagements internationaux du pays. Il demeure que les mesures découlant dudit cadre n’ont
pas eu, à ce jour, d’impacts significatifs sur l’aménagement et le développement durable du
littoral, en raison notamment du caractère pléthorique de l’arsenal législatif et réglementaire
et un niveau insuffisant de cohérence entre les textes relatifs au littoral et les instruments et
documents d’urbanisme. A cela s’ajoute la multiplicité des intervenants qui rend la gouvernance
du littoral complexe et peu performante.
En outre, la mobilisation du foncier, au niveau du littoral, constitue une autre problématique
majeure qui entrave le processus de planification urbaine. En effet, le foncier, particulièrement
fragmenté sur cet espace, ne se prête guère à des opérations intégrées et partant valorisantes
pour les investissements réalisés.
Il en résulte un littoral qui se caractérise par une occupation abusive de certaines de ses parties,
un étalement urbain peu contrôlé, notamment sur les rivages, ainsi que l’accélération de
nombreux phénomènes : pollution, érosion côtière, surexploitation et exploitation illicite des
ressources (pillage du sable), altération des paysages, etc.
Au vu de ce qui précède, il apparait clairement que toute intervention efficace, à même d’assurer
une pleine adéquation entre les objectifs escomptés et la réalité des pratiques, ne saurait
s’abstraire d’une vision globale et concertée, socle d’une planification urbaine du territoire
innovante et adaptée.
C’est ainsi que le CESE plaide pour un aménagement durable du littoral dans le sens d’une
urbanisation maitrisée assurant un équilibre entre le développement, la préservation et la
valorisation de cet écosystème. La concrétisation d’une telle vision permettra d’atténuer
significativement les pressions croissantes sur cet écosystème vulnérable, de renforcer la
résilience de ce milieu et de promouvoir l’effectivité des droits environnementaux. Dans ce sens,
il est recommandé de mettre en œuvre un ensemble de mesures dont il est permis de citer, ci-
après, les plus importantes :
Ÿ veiller à la bonne application des dispositions de la loi 81.12 relative au littoral, et assurer son
effectivité, notamment par la mise en œuvre des instruments de planification spécifiques
au littoral (PNL) et la confection des instruments non-encore élaborés à date (schémas
régionaux du littoral) ;

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Ÿ assurer une articulation optimale entre les documents d’urbanisme (SNAT, SRAT, SDAU, PA),
les programmes territoriaux (PDR, PAC, etc.) et les politiques sectorielles d’une part, et la loi
sur le littoral d’autre part ;
Ÿ accorder aux communes, conformément aux principes de la démocratie locale et de de
la décentralisation, des prérogatives décisionnelles en matière d’aménagement de leur
territoire, de planification urbaine et d’élaboration des documents d’urbanisme ;
Ÿ repenser la gouvernance et la gestion des zones littorales en vue de renforcer la coordination
inter-institutionnelle. Cette coordination peut être assurée, dans certaines zones littorales
spécifiques, par des agences spéciales (Agence Marchica) ;
Ÿ mettre en place une nouvelle génération de documents d’urbanisme conçues sur la base
d’une démarche sous-tendue par  :
- des études scientifiques et l’implémentation des normes d’une gestion intégrée du littoral ;
- la participation de la société civile et de la population dans toutes les étapes du processus
à travers des études de terrain, des enquêtes, des sondages et des réunions publiques.
Ÿ mettre en place des mécanismes de financement innovants et durables pour faciliter la mise
en œuvre des documents d’urbanisme et d’aménagement du territoire, à travers:
- le développement de formules de partage de la plus-value foncière dégagée des
opérations d’aménagement et d’équipement de terrains et d’affectation des sols, entre les
propriétaires fonciers, les collectivités territoriales et les aménageurs ;
- l’instauration d’un système de compensation pour certains types de dommages
occasionnés au littoral, sous forme de travaux de réparation ou de réaménagement durable
après exploitation.
Ÿ assainir la situation des constructions situées dans le domaine public maritime ou dans la
bande des 100 mètres interdite à la construction. Cela passerait notamment par une réforme
du cadre juridique en vigueur sur l’occupation temporaire du domaine public de l’État.
Cet avis, élaboré sur la base d’une approche participative avec l’ensemble des parties prenantes,
est le résultat d’un large débat entre les différentes catégories qui composent le Conseil ainsi
que des auditions organisées avec les principaux acteurs concernés. Il s’est également basé sur
une consultation lancée sur la plateforme digitale de participation citoyenne « Ouchariko ».
À ce titre, les citoyens, ayant répondu à la consultation, ont fait montre d’un grand intérêt à
l’urbanisation durable du littoral dans son articulation avec l’aménagement du territoire. Les
opinions recueillies au moyen de cette consultation ont enrichi substantiellement les conclusions
et les recommandations de l’avis.

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Dynamique urbaine et aménagement du littoral : intérêt du sujet 

Le Maroc jouit d’une position géographique privilégiée et de deux façades maritimes, atlantique
et méditerranéenne, s’étendant sur une zone côtière de 3500 kilomètres de long. Très convoité,
le littoral national connaît, selon le dernier recensement de la population, un taux d’urbanisation
élevé et la concentration de plus de la moitié de la population. C’est aussi un pôle privilégié
d’infrastructures et d’activités économiques qui génèrent une grande partie de la richesse du
pays.
Le littoral est à la fois une richesse biologique, un écosystème fragile, un capital naturel et un
potentiel de développement. L’enjeu est ainsi de trouver un équilibre entre la valorisation et la
préservation du littoral . Au Maroc, le littoral pose des problématiques liées au degré de prise
en compte d’une approche durable dans la gestion de ce milieu naturel vulnérable, ainsi qu’à la
pression anthropique accrue sur cet écosystème, dans un contexte de changement climatique.
Cette situation peut s’expliquer par de nombreuses lacunes, notamment les insuffisances liées à
la gestion du littoral (telles que les politiques publiques, notamment celles liées à l’aménagement
du territoire et la multiplicité des intervenants).
Cet état de fait a conduit à une occupation abusive de certaines parties du littoral, à un
étalement urbain incontrôlable (notamment sur le rivage ), ainsi qu’à l’accélération de nombreux
phénomènes néfastes et dangereux (pollution, érosion côtière, surexploitation des ressources,
altération des paysages, etc.). Autant de facteurs qui affectent l’équilibre écologique de ce milieu
et les conditions de vie de la population, réduisant le potentiel de développement durable et
résilient du territoire.
Afin de remédier à ces problématiques, plusieurs dispositions ont été prises notamment sur le
plan normatif. Il y a lieu de citer, à ce titre, l’adoption de la loi 81-12 sur le littoral en 20152. Cette
loi spécifique vient compléter les dispositions légales relatives à l’urbanisme et l’environnement.
Elle introduit les principes de gestion intégrée du littoral, et ce, dans le respect des engagements
du Maroc à l’échelle internationale, notamment la Convention de Barcelone pour la protection
du milieu marin et du littoral de la Méditerranée et son Protocole sur la Gestion Intégrée des
Zones Côtière (GIZC). Il convient aussi de mentionner le décret n° 2.21.965 portant approbation
du plan national du littoral (PNL) prévu par la loi 81.12 et adopté en 2022. Le PNL vise, entre
autres, à instaurer une bonne gouvernance du littoral susceptible de protéger, préserver et
prévenir l’écosystème littoral contre la dégradation, tout en valorisant son potentiel.
Au vu de ce contexte, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a
considéré l’urgence et la nécessité de se pencher sur la question de la dynamique urbaine du
littoral national dans la perspective de contribuer à la mise en place d’un aménagement durable
de ce territoire. Dans cet avis, le Conseil dresse un premier bilan de la mise en œuvre du dispositif
normatif et juridique encadrant l’aménagement et l’urbanisation du littoral, analyse la politique
d’aménagement du territoire et de la planification urbaine, identifie les facteurs qui entravent un

2 - Saisi par la chambre des conseillers, le CESE a émis en 2014 un avis sur le projet de loi n°81-12 relatif au littoral - https://www.cese.ma/
media/2020/10/Avis-Projet-de-loi-n%C2%B081.12-relative-au-littoral%E2%80%8B.pdf

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aménagement durable du littoral et propose enfin, d’esquisser les contours d’une dynamique
urbaine du littoral qui prend en compte valablement les principes du développement durable.
L’intérêt du présent avis est dicté par les enjeux actuels et futurs du littoral, lesquels appellent une
refonte profonde du mode d’aménagement de ce territoire. Dans un contexte de changement
climatique, où le littoral subira des pressions transformatrices, notamment l’élévation des
niveaux de mer, qui va accentuer, entre autres, l’érosion côtière, les inondations et la submersion
de plusieurs parties de cet espace. La plupart des États côtiers se trouveront face à de nombreux
défis. Il s’agit notamment du déplacement (parfois forcé) des populations et des infrastructures
qui peut engendrer des risques de conflits, notamment dans les régions où les ressources sont
déjà sous pression (sols, eaux, etc.).
Face à cette dynamique à long terme qui nécessite une réflexion participative impliquant toutes
les forces vives de la nation, la présente auto-saisine vise en priorité à alerter sur la nécessité de
sauvegarder le littoral marocain contre les dynamiques de dégradation en cours. Il s’agit ensuite
d’engager une réflexion susceptible d’assurer la pérennité de cet écosystème face aux risques
résultant à la fois des pressions anthropiques et des conséquences du changement climatique.

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

1. Le littoral : définition et approche du CESE


Le Conseil Économique, Social et Environnemental retient une définition large du littoral3 qui
inclut, comme prévu par la loi 81.12, de façon dynamique tout le territoire en interaction avec
la mer et non seulement le rivage. Cela implique que la bande du littoral s’élargit de plusieurs
kilomètres, voire de dizaines de kilomètres pour intégrer, outre les villes et les agglomérations
côtières, les communes de l’arrière-pays qui, par l’effet de la présence humaine et des activités
installées sur leur territoire, ont un impact sur l’interface terre-mer (pollution, déchets urbains,
affluents et rejets, exploitation du sable, etc.) ou en subissent les effets.
S’appuyant sur cette définition large, le présent avis examine la dynamique d’urbanisation du
littoral dans ses dimensions démographiques, économiques, sociales et environnementales.
L’urbanisation est repensée suivant une approche basée sur les principes de développement
durable et l’effectivité des droits (les droits à un environnement sain, à l’eau, à l’alimentation, au
bien-être et à l’accès au rivage).

2. Les engagements internationaux du Maroc en matière de littoral


En matière d’urbanisation durable du littoral, le Maroc demeure pleinement lié par toutes les
obligations découlant de ses engagements internationaux : la Convention de Barcelone4 et son
Protocole GIZC5 et l’Agenda 2030 pour le développement durable (ODD). 
La Convention de Barcelone fixe un ensemble d’obligations, telles que l’application du principe
de pollueur-payeur et celui de précaution pour prévenir la dégradation de l’environnement,
entreprendre des études d’impact sur l’environnement pour les projets d’activités d’envergure,
et l’engagement pour la promotion de la gestion intégrée du littoral. De même, la Convention
vise, entre autres, la conservation de la biodiversité, la coopération scientifique et l’innovation
technologique, la mise à niveau de l’arsenal juridique, ainsi que l’information et la participation
du public.
Quant au protocole GIZC additionnel à la Convention de Barcelone, celui-ci fournit un cadre
juridique pour introduire et encadrer la gestion intégrée des zones côtières dans la mer
Méditerranée. Il revient à chaque pays membre la possibilité de l’appliquer à l’ensemble de son
espace littoral.
Le Protocole GIZC institue une zone non constructible d’une largeur de 100 m du littoral, et
appelle les pays à mettre en place des instruments juridiques nationaux comportant des critères
d’utilisation durable de cette zone, notamment :
Ÿ identifier et délimiter, en dehors des aires protégées, des espaces libres où l’urbanisation et
d’autres activités sont limitées ou, le cas échéant, interdites ;

3 - Cf. annexe n°1 : littoral, urbanisation : quelles définitions ?


4 - La Convention de Barcelone, adoptée le 16 février 1976, est entrée en vigueur en 1978 et a été ratifiée par le Maroc le 15 janvier 1980. Cet
instrument multilatéral régional est destiné à la protection et à l’amélioration du milieu marin en mer Méditerranée dans une optique de
durabilité.
5 - La Convention de Barcelone a été amendée et complétée par 7 protocoles, dont le Protocole de gestion intégrée des zones côtières (GIZC),
adopté en 2008, entré en vigueur en 2011 et ratifié par le Maroc le 21 septembre 2012.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Ÿ limiter le développement linéaire des agglomérations et la création de nouvelles


infrastructures de transport le long de la côte ;
Ÿ veiller à ce que les préoccupations d’environnement soient intégrées dans les règles de
gestion et d’utilisation du domaine public maritime ;
Ÿ organiser l’accès libre et gratuit du public à la mer et le long du rivage.
Une étude du CEPF (critical ecosystem partnership fund) publiée en 20116, et dont les conclusions
demeurent toujours d’actualité, a réalisé le bilan du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie en matière
de gestion intégrée des zones côtières. L’étude a relevé une faible assimilation du concept et la
persistance de facteurs qui entravent la GIZC, notamment :
Ÿ un littoral basé toujours sur une gestion centralisée ;
Ÿ un mode de fonctionnement insuffisamment adapté aux exigences de la GIZC ;
Ÿ des limites au niveau des capacités et du pouvoir des acteurs locaux et régionaux ;
Ÿ une pluralité des acteurs et chevauchement des mandats et des rôles au niveau de plusieurs
institutions impliquées dans la gestion du littoral ;
Ÿ une insuffisance du dialogue entre les institutions compétentes ;
Ÿ des ressources financières insuffisantes pour la mise en œuvre des plans d’actions
d’aménagement.
Par ailleurs, les objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 se trouvent au cœur
des engagements internationaux du Maroc. Les ODD impliquent la nécessité de mettre en
œuvre des mesures facilitant la mise en place d’une dynamique urbaine et un aménagement
durable du littoral. Ces obligations découlent notamment des ODD 11 (faire en sorte que les
villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables) et 14
(conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins
du développement durable).

3. Le littoral marocain à la fois un capital naturel, une opportunité et un


défi
3.1 Le littoral : un capital naturel et un espace attrayant pour les populations et les
activités économiques
Le littoral marocain représente un territoire précieux doté de richesses naturelles considérables.
En termes de biodiversité, le littoral compte de nombreuses zones humides, une flore terrestre
composée de 7.000 espèces (dont 1.360 endémiques) et une faune marine de près de 7.820
espèces (dont 236 endémiques)7. Le littoral abrite aussi des ressources naturelles de la plus
grande importance : forêts, eaux, sols et de nombreux matériaux.

6 - Capitalisation sur les expériences GIZC par pays - Critical Ecosystem Partnership Fund (CEPF) - 2011
7 - Département de l’aménagement du territoire national et de l’urbanisme, « Elaboration de la stratégie nationale de gestion intégrée du
littoral – Phase 2 : Diagnostic stratégique du littoral et scénario prospectif », 2017

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

L’intérêt de préserver ce territoire aux écosystèmes remarquables a incité le Maroc à classer 38


aires du littoral en tant que « sites d’intérêt biologique et écologique » (SIBE), d’une superficie
totale de 205.000 hectares8. Il a également répertorié plusieurs zones du littoral en tant que sites
RAMSAR9.
Le littoral représente une proportion importante du territoire national. En effet, sur la base du
découpage administratif en vigueur, le Maroc compte 9 régions littorales sur les douze régions
que compte le pays, ainsi que 42 préfectures ou provinces littorales auxquelles appartiennent
183 communes côtières.

Régions, provinces et communes littorales

Il y a lieu de souligner l’importance de la migration des populations vers ce territoire très


convoité, ainsi que l’édification d’infrastructures et le développement de nombreuses activités
économiques, dont l’industrie, les activités portuaires, le tourisme, la pêche, l’aquaculture,
l’agriculture et l’immobilier. En effet, 51% de la population nationale et 70% de la population
urbaine sont concentrées dans les zones littorales10. Plusieurs indicateurs témoignent également
du poids économique important du littoral, avec la concentration de 90% des industries et
l’accaparation de 95% des exportations par les zones côtières11.

8 - 12 sites de priorité 1, 17 de priorité 2 et 12 de priorité 3 : Embouchure de la Moulouya, Sebkha Bou Areg, Cap des 3 Fourches, Jbel MOUSSA,
Oued Tahadart, Marais Larache, Merja Oulad Skhar, Merja Halloufa, Merja Zerga, Falaise Sidi Moussa, Bou Regreg, Ilot de Skhirat, Jorf Lasfar, Sidi
Moussa Oualidia, Dunes d’Essaouira, Archipel d’Essaouira, Embouchure du Tamri, Cap Ghir, Foum Assaka, Embouchure du Drâa, Embouchures
des oueds Chbeyka-Al Wa’er, Baie de Khnifiss, Pointe d’Awfist, Baie de Dakhla, Lac de Sidi Boughaba.
9 - Un site RAMSAR désigne une « zone humide d'importance internationale » inscrite sur la liste établie par la Convention de Ramsar par un
État partie. Cette Convention, ratifiée par le Maroc en 1980 et officiellement appelée « Convention relative aux zones humides d'importance
internationale », aussi couramment appelée « Convention sur les zones humides », est un traité international adopté le 2 février 1971 pour
la conservation et l’utilisation durable des zones humides. Un site RAMSAR doit répondre à un ensemble de critères, tels que la présence
d’espèces vulnérables.
10 - Le développement durable du littoral et des espaces côtiers - Projet de jumelage Maroc-UE pour la convergence réglementaire
environnementale.
11 - Département de l’aménagement du territoire national et de l’urbanisme, « Elaboration de la stratégie nationale de gestion intégrée du
littoral – Phase 2 : Diagnostic stratégique du littoral et scénario prospectif », 2017

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

3.2. Un territoire marqué par une grande diversité, mais fragilisé par une
urbanisation porteuse de pressions et de risques
} Côte méditerranéenne
La façade méditerranéenne présente une variété d’espaces littoraux. Il s’agit principalement
de 4 zones :
La côte de Tanger et du Détroit de Gibraltar : la littoralisation est principalement marquée par
la métropolisation de la ville de Tanger et le projet du Port de Tanger-Med. Devenue un pôle
économique et industriel de premier plan, la région de Tanger a connu ces dernières années
une extension forte et accélérée de son espace urbain, qui n’est pas toujours conforme aux
normes de l’urbanisme.
La côte de Tétouan : non loin de Tanger, la ville de Tétouan est une destination touristique très
prisée . Le paysage de son littoral est marqué par la présence de résidences touristiques le long
de sa côte.
La côte rifaine centrale : Le littoral au nord des provinces d’Al Hoceima et Chefchaouen
est relativement épargné en raison de son enclavement naturel et des reliefs hétérogènes
(topographie accidentée). Néanmoins, cette portion du littoral est marquée par la présence
d’activités touristiques et de pêche, ainsi que de foyers d’une extension urbaine non-maîtrisée.
La côte orientale : le paysage du littoral prend des formes disparates, avec d’abord la province
de Driouch qui s’inscrit dans le continuum de la côte rifaine centrale, puis la zone de Nador où
se situent deux projets littoraux distinctifs: le port Nador West et le projet d’aménagement de
la lagune de Marchica. Enfin, tout à l’est, se trouve la province de Berkane dont la littoralisation
est principalement tirée par le tourisme balnéaire et le projet touristique réalisé à Saidia dans le
cadre du plan Azur.
Hormis les zones encore épargnées des effets de l’urbanisation, les différentes dynamiques de
littoralisation de la côte méditerranéen ont favorisé l’ensablement et l’érosion côtière à l’origine
de pollutions des eaux et des sols, notamment en période estivale.
} Côte atlantique
La façade atlantique du Maroc présente aussi 4 zones de littoral distinctes :
Ÿ La zone de l’Atlantique Nord : un territoire à prédominance rurale avec une agriculture
intensive dans les plaines du Gharb et du Loukkos. L’agriculture côtière a entrainé une
dégradation permanente des sols et des ressources en eaux souterraines, une intrusion
marine et une pollution chimique. Pour les provinces d’Asilah et Larache, la littoralisation est
surtout tirée par l’urbanisation et le tourisme.
Ÿ La zone de l’Atlantique central : c’est la zone la plus exposée aux effets d’une littoralisation
très prononcée et peu maîtrisée. Occupant une large étendue, de Kénitra à Safi, cette zone
abrite le plus grand pôle urbain et économique du Maroc. Cette bande du littoral concentre
des agglomérations urbaines, des infrastructures, des industries et des activités (commerce,
tourisme, agriculture). L’impact sur le littoral dans cette zone est très préoccupant , avec

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

des niveaux très élevés de rejets urbains et industriels, de pollution terrestre et marine, ainsi
qu’une érosion du trait de côte due au phénomène d’extraction excessive du sable.
Ÿ La zone de l’Atlantique sud : la littoralisation de cette zone est marquée par une extension
urbaine et des activités touristiques dans la région d’Essaouira. Un pôle urbain autour
d’Agadir, avec l’installation d’importantes infrastructures (routières, portuaires, etc.), des
investissements touristiques et des activités industrielles et agricoles. Le pôle de Guelmim
Oued Noun est essentiellement porté sur le tourisme et la pêche.
Ÿ La zone de l’Atlantique Grand sud : C’est la zone relativement la plus préservée en raison d’une
littoralisation récente. La zone connaît toutefois une urbanisation croissante, principalement
à Laayoune et Dakhla, et une expansion des activités touristiques, halieutiques et agricoles,
de plus en plus denses, sur le littoral.
En attendant l’élaboration d’une vision globale du développement du littoral et une plus grande
cohérence des politiques sectorielles concernées, les multiples et importantes formes de
pression subies par les zones côtières continueront d’être à l’origine de nombreux phénomènes
alarmants, tels que la pollution, la spéculation foncière et l’urbanisation non-maîtrisée. Autant
de facteurs qui concourent à la dégradation des écosystèmes littoraux et de la qualité de vie et
du bien-être des populations. Ainsi, au Maroc, la dégradation du littoral entraîne un coût total
estimé à 2,5 milliards DH, soit 0,27% du PIB12.
Le littoral fait également face à d’autres risques induits par le changement climatique qui ont
des répercussions non négligeables sur la dynamique d’urbanisation des zones littorales. Il s’agit
en particulier des risques suivants :
Ÿ une hausse du niveau des mers située entre 29 et 82 cm d’ici la fin du 21ème siècle (2081-
2100) par rapport à la période 1986-2005 13 ;
Ÿ des houles plus fréquentes et plus fortes ;
Ÿ le réchauffement et l’acidification des océans ;
Ÿ la modification des courants marins ;
Ÿ une accélération du recul de certaines parties du littoral ;
Ÿ des submersions marines plus fréquentes ;
Ÿ une fragilisation des cordons dunaires et des ouvrages de protection ;
Ÿ une dégradation des écosystèmes maritimes et côtiers.
À titre d’exemple, la plage de Ain Diab à Casablanca a subi une érosion d’environ 35 m entre
1987 et 201614.

12 - « Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc », rapport élaboré par le département de l’environnement et la banque mondiale,
2017
13 - 5ème rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur les changements climatiques et leurs évolutions
futures.
14 - Étude de Gestion durables des plages et du littoral au Maroc dans le cadre du programme Plages Propres 2012 et 2016 (Fondation
Mohammed VI pour la protection de l’environnement ; Direction générale des collectivités territoriales).

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Réponses des participants sur « ouchariko.ma »

Sur l’ensemble des citoyen(ne)s ayant répondu au sondage lancé par le CESE sur l’urbanisation
durable du littoral, 85% déclarent être insatisfaits de l’état du littoral national.

4. Le littoral : un espace qui cristallise un ensemble de contraintes


entravant son aménagement durable
4.1. Un contexte marqué par une pléthore de politiques et d’instruments
La Charte nationale d’aménagement du territoire (CNAT) lancée en 2001 et le Schéma national
d’aménagement du territoire (SNAT) lancé en 2004 constituent, avec la Stratégie nationale de
développement durable (SNDD) - adoptée en 2017 -, les trois principales références nationales
de l’aménagement du territoire. Ces instruments concourent à faire du développement du
territoire un développement durable. Ils définissent en particulier quelques principes et règles
généraux en vue d’implémenter une urbanisation durable du littoral.
La Charte nationale d’aménagement du territoire et du développement durable (CNAT)
La charte constitue un cadre qui définit les objectifs, les principes et les grandes orientations
de la politique nationale d’aménagement du territoire. La mise en œuvre de la charte repose
sur la mise en place d’instruments de planification spatiale hiérarchisée couvrant les échelles
nationales, régionales et locales.
En tant qu’outil de cadrage de la politique publique d’aménagement du territoire, la charte
souligne l’importance particulière du cordon littoral qui est livré déplorablement aux différentes
formes d’agression qui risquent d’empirer et de créer des situations irréparables, voire irréversibles.
Elle énonce les principes d’aménagement des zones littorales et fixe des orientations en vue de
préserver et valoriser les zones fragiles, en s’appliquant, entre autres, à freiner toutes les formes
d’abus et de dégradation et à doter les côtes marocaines de schémas directeurs d’aménagement.
Le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT)
Le SNAT est un instrument de planification spatiale et un document de référence pour
l’aménagement de l’ensemble du territoire national sur une durée de 25 ans. Il fixe les objectifs,
les orientations, les plans de développement global, et décrit les besoins et les priorités.
Le SNAT constitue un cadre de référence pour les différentes politiques publiques et sectorielles,
ainsi que pour les différents plans et stratégies, économiques, sociaux, environnementaux, et
ceux afférents à l’aménagement du territoire.
Validé en 2004, le SNAT n’a pas manqué d’introduire le concept de la gestion intégrée des zones
côtières et de recommander la préservation et la mise en valeur du littoral selon les principes
suivants :
Ÿ instaurer les mécanismes de protection des zones fragiles ;
Ÿ encadrer les activités d’exploitation des ressources naturelles ;

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Ÿ fixer les conditions d’extension du littoral pour la construction et le trafic routier ;


Ÿ adopter des mesures spéciales de préservation des zones d’intérêt touristique ou urbain,
notamment en limitant l’urbanisation aux abords du littoral.
Par ailleurs, le SNAT requiert que les Schémas régionaux d’aménagement du territoire (SRAT) des
régions côtières comportent un volet spécifiquement consacré au littoral.
Il convient de signaler que le département chargé de l’aménagement du territoire a élaboré
plusieurs études stratégiques en vue d’évaluer le SNAT. Dans ce contexte, un débat national
a été lancé en 2017 pour définir les orientations de la politique publique de l’aménagement
du territoire (OPPAT) et ce, dans la perspective d’élaborer un nouveau cadre référentiel pour
l’aménagement du territoire de notre pays.
Par ailleurs, il a été procédé à l’élaboration du Schéma National de l’Armature Urbaine (SNAU)
dont l’objectif est « d’éclairer les décideurs, quant à la structuration et le renforcement de
l’armature urbaine nationale, permettant à cet effet, d’analyser les différentes composantes du
système urbain national, décliner les différents dysfonctionnements à surmonter ainsi que les
opportunités à saisir. Cet outil vise également à construire une vision prospective du paysage
urbain national, à définir les orientations stratégiques et à identifier les priorités d’actions et
de réformes indispensables pour la mise à niveau et le renforcement de l’armature urbaine
nationale »15.
La Stratégie nationale de développement durable (SNDD)
La SNDD, élaborée par le Maroc pour donner suite à la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement, tenue à Rio en 1992, a été adoptée par le Conseil des
ministres du 25 juin 2017. La SNDD intervient dans une perspective de concrétiser les engagements
internationaux du pays et de renforcer son exemplarité en matière d’environnement et de
développement durable. En ce sens, elle accorde une attention particulière aux territoires
sensibles, notamment le littoral. De même qu’elle préconise, dans le cadre de son axe stratégique
n°11, d’aligner l’urbanisme sur les principes de développement durable. A cet effet, la SNDD
identifie les objectifs suivants :
Ÿ Objectif 68 : prendre en compte le développement durable dans l’élaboration des documents
d’urbanisme ;
Ÿ Objectif 69 : améliorer le processus de conception et d’approbation des documents
d’urbanisme ;
Ÿ Objectif 70 : intégrer les problématiques de préservation de la biodiversité urbaine dans les
politiques urbaines.

Réponses des participants sur « ouchariko.ma »

Sur l’ensemble des citoyen(ne)s ayant répondu au sondage lancé par le CESE sur l’urbanisation
durable du littoral, 81% soutiennent la nécessité d’une réforme des politiques d’urbanisme et
considèrent la mesure comme «très importante».

15 - Déclaration de la ministre de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la Ville , « Village du Maroc à
Abidjan » - Décembre 2019.

17
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

4.2. Les textes juridiques et Les documents d’urbanisme n’explicitent pas


suffisamment les questions liées au littoral
Le Dahir du 16 avril 1914 constitue la première loi en matière d’urbanisme au Maroc. Cette loi,
qui a permis la genèse des villes modernes, définit les modalités de mise en œuvre du plan de la
ville, fixe les modalités de création par les particuliers de groupes d'habitations, et enfin définit la
réglementation de l'acte de bâtir.
La législation nationale relative à l’urbanisme n’a cessé de s’enrichir et d’évoluer au fil du temps,
aussi bien à l’époque du Protectorat qu’après l’Indépendance. Actuellement, le dispositif
juridique national compte une pléthore de textes régissant l’urbanisme
Encadré : principaux textes régissant l’urbanisme

Dahir du 25 juin 1960 relatif au développement des agglomérations rurales


Ce dahir a institué un cadre juridique pour contrôler l’évolution de la construction dans les
agglomérations rurales. Il institue le Plan de Développement des Agglomérations Rurales
(PDAR).
Loi n° 12-90 du 17 juin 1992 relative à l’urbanisme
Cette loi a pour objet de définir les différents documents d’urbanisme (SDAU16, plan de zonage,
PA17,etc.), qui constituent les principaux instruments de planification urbaine, et de fixer les
règlements de construction. Les dispositions et les modalités d’application de cette loi sont
explicitées par le décret d’application n° 2-92-832.
Loi n° 25-90 du 17 juin 1992 relative aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements
Cette loi et son décret d’application n° 2-92-833 ont pour objet de définir le lotissement, le
morcellement et le groupement d’habitations, les obligations et les droits du lotisseur ainsi
que les sanctions pénales en cas d’infractions.
Loi organique n°113-14 du 7 juillet 2015 relative aux communes 
La loi organique des communes définit en matière d’urbanisme, les compétences de la
commune et du président du conseil de la commune, notamment en matière de respect
des règlements contenus dans les plans d’orientation de l’aménagement de l’urbanisme, de
schémas de l’aménagement et de développement et de documents d’aménagement du
territoire et d’urbanisme ; d’exécution des dispositions du plan d’aménagement et du plan
de développement de la commune ; de délivrance des autorisations de construction, de
lotissement, etc.
Le règlement général de construction du 12 juin 2019
Le règlement est approuvé en vertu du décret n° 2-18-577 et a pour objet de fixer la forme
et les conditions de délivrance des autorisations et des pièces exigibles en application de la
législation relative à l’urbanisme et aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements.

16 - SDAU : Schéma directeur d’aménagement urbain


17 - PA : Plan d’aménagement

18
Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Il demeure que ces textes et documents ne comportent pas de dispositions explicites concernant
les questions environnementales et littorales.

4.3. Des contraintes structurelles entravent la planification urbaine


En dépit des efforts consentis par les pouvoirs publics en vue d’organiser l’aménagement du
territoire, de mettre en place une urbanisation moderne, notamment par la généralisation des
documents d’urbanisme18, il existe un ensemble de dysfonctionnements qui impactent le bilan
de la politique d’urbanisation et les perspectives de développement économique et social du
Maroc. Il en résulte notamment une divergence entre les objectifs des documents d’urbanisme
et la réalité et une dégradation des zones urbaines.

a. Planification urbaine : évolution lente de la décentralisation et de la participation


citoyenne
Les documents d’urbanisme, principaux instruments de planification urbaine, sont élaborés à
l’initiative de l’autorité gouvernementale chargée de l’aménagement du territoire national et
de l’urbanisme. Il revient ainsi à l’agence urbaine de préparer, au niveau de chaque préfecture
ou province, les projets de documents d’urbanisme dans les limites territoriales de son ressort19.
En vertu de la loi organique n°113-14 relative aux communes, celles-ci sont compétentes en
matière d’urbanisme, pour émettre un avis sur les documents d’aménagement du territoire
et d’urbanisme. Elles sont également chargées de veiller au respect des choix et règlements
contenus dans les plans d’orientation de l’aménagement de l’urbanisme, les schémas de
l’aménagement et de développement et l’exécution de leurs dispositions.
Force est de constater que l’implication des citoyens dans le processus d’élaboration des
documents d’urbanisme, notamment le projet de plan d’aménagement, n’intervient pas lors de
la phase de conception, ni dans celle de l’exécution. En effet, le projet du plan d’aménagement
donne lieu à une enquête publique d’un mois qui se déroule concomitamment à l’examen du
projet par le (s) conseil (s) communaux intéressés. Cette enquête a pour objet de permettre au
public de prendre connaissance du projet et de formuler d’éventuelles observations (art 25 de
la loi n°12-90).
L’analyse de certaines expériences internationales20 (France, Belgique, Angleterre, etc.) montre
que l’élaboration des documents d’urbanisme est une compétence dévolue à la commune et
aux élus locaux en concertation avec les acteurs publics concernés et les citoyens. Ce mode de
gouvernance recommandé par le protocole GIZC de la Convention de Barcelone appelle à une
large participation citoyenne lors des phases d’élaboration et de mise en œuvre des stratégies,
plans et programmes ou projets littoraux ; une participation qui implique, toujours selon la
Convention, des organes consultatifs, des enquêtes ou auditions publiques.

18 - D’après le ministère en charge de l’aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville, les
documents d’urbanisme couvrent 80 % du territoire national, Réponse de la ministre lors d’une séance des questions orales à la Chambre des
conseillers – janvier 2022.
19 - Conformément à l’article 3 du Dahir portant loi n° 1-93-51 du 22 rebia I 1414 ( 10 septembre 1993 ) instituant les agences urbaines
20 - Voir annexe 2 : expériences internationales en matière d’urbanisme

19
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

b. Absence de vision intégrée du développement urbain


La planification urbaine est un outil, parmi d’autres, au service du développement durable d’un
territoire. L’enjeu est de concilier le développement du tissu urbain, le bien-être et la qualité de
vie de la population, et la nécessité impérieuse de préserver l’environnement et les ressources
naturelles. Ainsi, les choix retenus dans les documents d’urbanisme sont, a priori, censés
émerger d’un diagnostic global du territoire, d’une bonne connaissance de ses spécificités et
d’une réflexion prospective capable d’anticiper les besoins futurs et d’intégrer les enjeux de
développement à moyen et long terme. Cette démarche, implique la nécessité de mener une
étude détaillée préalablement à l’élaboration de tout document d’urbanisme. Une étude qui
porterait sur une analyse globale du contexte local, notamment l’état réel de l’urbanisation ; les
données géographiques, économiques et environnementales du territoire ; les caractéristiques
sociales, culturelles et sociologiques de la population ; la vision des citoyens, de la société civile
et des opérateurs économiques du développement du territoire, etc.  Et ce, en prenant en
considération les politiques publiques, ainsi que les orientations, les stratégies et les programmes
de développement territorial qui impactent le territoire en question.
Dans les faits, l’établissement des documents d’urbanisme est confié à un bureau d’études suite
à un appel d’offre. Il s’avère que, selon plusieurs acteurs auditionnés, la majorité des documents
n’intègrent pas valablement les grands enjeux de développement sur le plan national et
territorial et ne prennent pas suffisamment en considération les spécificités locales et régionales
et les dimensions socioculturelles et environnementales et leurs articulations spatiales. Par
conséquent, ces documents ne peuvent pas constituer la base d’une planification urbaine
innovante.

c. Complexité des procédures d’établissement des documents d’urbanisme


La réflexion sur la planification urbaine d’un territoire constitue un projet collectif qui requiert un
maximum de transparence, un débat ouvert et une large participation.
Cependant, force est de constater que la procédure d’élaboration d’un document d’urbanisme
est un parcours long et complexe et manquant parfois de clarté. L’approbation de tout document
demeure tributaire de l’avis de 33 intervenants ainsi que de 113 signatures21.
Cette complexité procédurale est de nature à favoriser des pratiques illégales, des délits d’initié
et d’autres pratiques douteuses. De plus, une agence urbaine est tenue d’élaborer des dizaines
de documents d’urbanisme pour répondre aux besoins des communes de son ressort . Or, en
raison des moyens limités des agences urbaines et de la complexité de la procédure, l’élaboration
d’un document d’urbanisme prend beaucoup de temps et peut même durer des années22 ; une
situation peu visible pour les investisseurs et les citoyens.

21 - Réponse de la ministre lors d’une séance des questions orales à la Chambre des conseillers – janvier 2022.
22 - Exemple de Tanger : lancée en janvier 2016, la procédure d’élaboration du plan d’aménagement de la ville de Tanger, pôle urbain et
économique de la plus grande importance, n’a toujours pas abouti, à date de rédaction de cet avis.

20
Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

d. Documents d’urbanisme : un besoin de souplesse et d’adaptabilité


Au terme d’un processus d’élaboration long et complexe , nous nous retrouvons face à un
document d’urbanisme rigide, partiellement applicable, ne s’inscrivant dans le cadre d’une
vision intégrée et durable de l’urbanisation du territoire. Le ministère chargé de l’aménagement
du territoire national et de l’urbanisme estime en effet que « le territoire se développe d’une
manière considérable alors que le document reste figé, raison pour laquelle il faut reconsidérer
cela et délivrer des documents plus souples à l’effet d’encourager l’investissement »23. Ainsi,
l’action des pouvoirs publics se trouve focalisée davantage sur le rattrapage et la mise à niveau
de l’existant que sur l’anticipation basée sur la mise en œuvre de documents d’urbanisme
pertinents.
Afin d’assouplir les documents d’urbanisme, la législation marocaine prévoit la possibilité de
déroger aux règles fixées par un plan d’aménagement, en vertu de l’article 19 de la loi 12-90
relative à l’urbanisme. Cette procédure a été instaurée pour la première fois en vertu de la
circulaire conjointe du ministère de l’intérieur et de celui chargé de l’habitat en date du 12 juin
1995. Successivement, d’autres circulaires sont venues encadrer et ajuster cette procédure (en
1999, 2001, 2003 et 2010)24. Dernièrement, la loi n° 47-18 portant sur la réforme des centres
régionaux d’investissement25 a doté les commissions régionales unifiées d’investissement du
pouvoir d’accorder des dérogations en matière d’urbanisme.
Le recours à la dérogation au Maroc a, certes, permis de surmonter, en partie, la rigidité des
documents d’urbanisme et de promouvoir l’investissement et le logement social, mais son bilan
suscite des interrogations au regard de la lenteur et de la complexité qui marquent la procédure
et de certaines dérives26 relevées dans sa mise en œuvre. Il convient, cependant, de noter que,
dans la pratique, la procédure de dérogation est suspendue depuis deux ans27.
De l’avis de plusieurs acteurs auditionnés, l’expérience semble consacrer une règle de fait
largement admise, selon laquelle « un document d’urbanisme n’est établi que pour être
partiellement appliqué ».
Réponses des participants sur « ouchariko.ma »

Sur l’ensemble des citoyen(ne)s ayant répondu au sondage lancé par le CESE sur l’urbanisation
durable du littoral, 70% ont proposé d’améliorer l’applicabilité des documents d’urbanisme.

23 - Réponse de la ministre lors d’une séance des questions orales à la Chambre des conseillers – janvier 2022.
24 - Avis élaboré par le CESE à la demande de la chambre des Représentants, « Etude d’impact des dérogations dans le domaine de l’urbanisme »,
2014
25 - Publiée au Bulletin Officiel du 21 février 2019
26 - Avis élaboré par le CESE à la demande de la chambre des Représentants, « Etude d’impact des dérogations dans le domaine de l’urbanisme »,
2014
27 - Source : président de la Région Casablanca-Settat – audition du 12/01/2022.

21
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

4.4. La complexité de la gestion du foncier constitue une entrave à l’aménagement


du territoire
Il s’agit d’une problématique majeure qui entrave tout le processus de développement du
Maroc. Le foncier, notamment littoral, subit les effets du morcellement, ce qui conduit , au fil
du temps, à un parcellaire composé de petites portions, du fait du souhait des ayants-droits à
préserver une façade sur la mer lors des divisions successives des terrains côtiers. La disposition
du parcellaire, ainsi créée, favorise les constructions hétéroclites et empêche un aménagement
approprié de ces zones. Souvent, l’état parcellaire ne se prête guère à des opérations intégrées
et valorisantes de l’investissement sur le littoral. Par conséquent, l’espace côtier est soumis à une
urbanisation intense dans des conditions juridico-foncières éminemment complexes.
Etant donné que l’immatriculation foncière est volontaire et non exhaustive, le foncier marocain
(y compris le littoral) demeure affecté par les effets du morcellement et par un statut juridique
complexe (« Melk », « Terres collectives », « Guich », « Habous », etc.).
Une telle situation réduit substantiellement la portée et l’applicabilité des documents
d’urbanisme, bride le processus d’aménagement et de développement du territoire et ouvre la
voie à une urbanisation non-maitrisée. Une telle situation affecte le territoire national en général
et le littoral en particulier.
Au regard de ces aspects, le protocole GIZC préconise la mise en place, dans le cadre d’une
gestion intégrée du littoral, d’instruments et de mesures appropriés de politique foncière, y
compris lors du processus de planification. Il recommande également d’adopter des mécanismes
d´acquisition, de cession, de donation ou de transfert de biens au profit du domaine public
dans les zones côtières. Ainsi, la France a créé, dans cette perspective, « Le conservatoire du
littoral » qui a pour mission d’identifier, d’acquérir et d’aménager les espaces naturels du littoral.

4.5. Gouvernance et aménagement du littoral : un bilan mitigé

a. Loi sur le littoral : un texte ambitieux et une mise en œuvre lente


La loi 81-12 sur le littoral « établit les principes et les règles fondamentaux d'une gestion intégrée
durable du littoral en vue de sa protection, de sa mise en valeur et de sa conservation ». La loi
se fixe comme objectifs de:
Ÿ préserver l’équilibre des écosystèmes du littoral et protéger le patrimoine naturel et culturel,
les sites historiques, archéologiques, écologiques et les paysages naturels ;
Ÿ prévenir, lutter et réduire la pollution et la dégradation du littoral et assurer la réhabilitation
des zones et des sites pollués ou détériorés ;
Ÿ assurer le libre accès du public au rivage de la mer ;
Ÿ promouvoir une politique de recherche et d’innovation en vue de valoriser le littoral et ses
ressources.

22
Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

En matière d’aménagement et d’urbanisme, la loi sur le littoral institue :


Ÿ une zone non constructible, adjacente au rivage d’une largeur de cent mètres (100 m);
Ÿ une zone de retrait des infrastructures de transport dans une largeur de 2000 m;
Ÿ la prise en compte par le SRAT, les documents d’urbanisme et tout autre plan ou schéma
sectoriel concerné des dispositions du plan national et du schéma régional du littoral.
En outre, la loi exige que toute création d’agglomération ou toute extension d’agglomérations
existantes soient envisagées vers les espaces les plus éloignés du littoral, sauf dans les cas
justifiés dans les documents d’urbanisme, suivant des critères liés à la configuration des lieux ou
à la nécessité de créer des zones d’activités économiques exigeant, en raison de leur nature, la
proximité de la mer.
Le plan national du littoral : un long processus de concertation
La loi 81.12 prévoit l’élaboration d’un Plan national du littoral (PNL). Le PNL détermine les
orientations et les objectifs généraux à atteindre en matière de protection, de mise en valeur
et de conservation du littoral ; intègre la dimension de protection du littoral dans les politiques
sectorielles ; définit les moyens permettant l’harmonisation entre les projets de développement
à réaliser sur le littoral ; et prévoit les mesures à prendre pour prévenir, lutter et réduire la pollution
du littoral.
Le projet de plan national du littoral a été élaboré par la commission nationale de la gestion
intégrée du littoral, conformément aux dispositions de la loi 81.12 et son décret d’application
n° 2-15-769 du 15 décembre 2015. La commission nationale a approuvé le projet de PNL, le 14
février 2020, et le Conseil de gouvernement a adopté, jeudi 5 mai 2022, le projet de décret n°
2.21.965 portant approbation du plan national du littoral.
L’élaboration du PNL s’est déroulée en trois phases. D’abord un diagnostic de la situation du
littoral, puis une formulation du projet de PNL, et enfin la mise en place d’un dispositif de
monitoring et de reporting au gouvernement.
Un retard dans l’élaboration des schémas régionaux du littoral (SRL)
La loi du littoral prévoit également des SRL sans pour autant exiger l’existence du PNL (art 7).
Il convient, à ce titre, de signaler qu’un certain nombre de régions concernées ont lancé des
rencontres de concertation préliminaires avant le démarrage officielle du processus d’élaboration
de leurs SRL. La région de Rabat-Salé-Kénitra est actuellement la seule région à entamer la
procédure d’élaboration de son SRL, et ce, dans le cadre du programme de coopération conjoint
Italie-Banque Mondiale (AGREED) relatif à la mise en œuvre de l’approche GIZC. Ce projet de SRL
est actuellement soumis, conformément à l’article 9 de la loi 81.12, à la commission régionale
pour avis. Fondé sur une vision à l’horizon 2040, le projet comprend six objectifs stratégiques,
déclinés sous forme d’objectifs opérationnels :
Ÿ asseoir un modèle de gouvernance opérationnel et spécifique au littoral de la région.
Ÿ promouvoir la R&D pour assurer le développement durable du littoral de la région.

23
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Ÿ informer et sensibiliser les populations côtières de la zone SRL sur les potentialités littorales,
sur les menaces de sa dégradation et sur les risques littoraux.
Ÿ planifier et réguler l’occupation de l’espace conformément aux dispositions de la loi sur le
littoral.
Ÿ protéger, réhabiliter et conserver l’écosystème littoral, et prévenir les risques de sa
dégradation.
Ÿ valoriser durablement les ressources terrestres et marines du littoral Rabat-Salé-Kénitra.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de souligner que la loi 81.12 relative au littoral constitue une
avancée certaine vers l’instauration d’une gestion intégrée des espaces littoraux, conformément
aux engagements internationaux du Maroc. Cette loi contribue, effectivement, à combler un
vide juridique, édicte les principes et les lignes directrices d’un développement durable et
institue le cadre d’une planification intégrée du littoral. Il convient toutefois de rappeler que ce
texte a besoin d’être amélioré et enrichi. Le CESE a déjà émis dans son avis sur le projet de cette
loi en 201428 un certain nombre d’observations et de recommandations. Il avait ainsi relevé, en
particulier, la persistance de lacunes spécifiques au niveau de la gouvernance du littoral ainsi
que l’imprécision des mécanismes facilitant l’intégration des politiques sectorielles.
En revanche, il est difficile de mesurer l’impact de la mise en œuvre de la loi 81.12 sur le terrain,
notamment en ce qui concerne l’urbanisation du littoral dont les dysfonctionnements continuent
de persister. Cela est dû, entre autres, à la lenteur dans l’élaboration de deux instruments
essentiels (le plan national du littoral et les schémas régionaux du littoral), au retard dans la
mise à jour des documents d’urbanisme conformément à la loi et à la difficulté d’appliquer les
principes et les orientations énoncés.

b. Une insuffisance en matière de convergence des politiques publiques et une faible


cohérence de la planification territoriale du littoral
Le littoral est un territoire soumis aux interventions simultanées de plusieurs départements et
entités publics. Ces différents acteurs élaborent et mettent en œuvre des politiques publiques
sectorielles et des programmes sans réelle convergence à même d’assurer la cohérence de
l’action publique décentralisée en matière de gestion du littoral.
La liste des principaux acteurs clés impliqués dans la gouvernance et la gestion du littoral comprend
au plan central le département de l’environnement, le département de l’aménagement du
territoire national et de l’urbanisme, le ministère de l’intérieur, le département de l’équipement,
le département de l’eau, le ministère de l’agriculture, de la pêche maritime, et des eaux et forêts.
Au niveau régional, la liste comprend les collectivités territoriales, les autorités locales et les
services déconcentrés.
En dépit de la promulgation de la loi 81.12 qui institue une approche basée sur une gestion
intégrée du littoral, les acteurs auditionnés soulignent la persistance d’une gouvernance
caractérisée par le manque de coordination et le chevauchement des missions.

28 - Saisine n° 13/2014 de la Chambre des Conseillers en date du 26 septembre 2014, dont l’objet est d’émettre l’avis du CESE sur le projet de loi
n°81-12 relatif au littoral - https://www.cese.ma/media/2020/10/Avis-Projet-de-loi-n%C2%B081.12-relative-au-littoral%E2%80%8B.pdf

24
Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Principaux plans et programmes intervenant dans la planification territoriale du littoral

Réponses des participants sur « ouchariko.ma »

Il existe, selon les participants, quatre principaux facteurs qui expliquent les dysfonctionne-
ments au niveau de l’urbanisation des zones côtières. Il s’agit respectivement de l’incohérence
des politiques publiques (26%), du mode de gouvernance et la multiplicité des acteurs inter-
venants sur le littoral (26%), de l’ineffectivité des documents d’urbanisme (23%) et de la pro-
blématique de gestion du foncier (18%)

c. Un autre mode de gouvernance du littoral


Le Maroc a expérimenté ces dernières années un autre mode de gouvernance du littoral à
travers la création d’agences spéciales ayant chacune pour mission de planifier, aménager et
développer une zone spécifique du littoral. Tel est le cas de l’Agence pour l’aménagement de la
vallée du Bouregreg et l’Agence pour l’aménagement du site de la lagune de Marchica.
Le cas de Marchica
En 2008, le Maroc a lancé le projet d’aménagement du site de la lagune de Marchica dans la
région de Nador. Il vise à valoriser les richesses naturelles d’une portion du littoral national et à y
créer un pôle de développement durable, tout en répondant aux exigences environnementales.

Lagune Marchica : superficie : 115 km2 – longueur : 25 kms

25
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Le projet d’aménagement de la lagune de Marchica comporte plusieurs chantiers structurants,


notamment une réhabilitation environnementale par la dépollution de la lagune et
l’aménagement paysager, la valorisation du secteur de la pêche artisanale et de l’aquaculture, la
création d’une nouvelle ville (Béni Nsar), la restructuration et requalification urbaine des zones
sous-équipées, l’ouverture de nouveaux territoires à l’urbanisation et la création de nouveaux
pôles d’activités.
Afin de mettre en œuvre ce projet stratégique, l’État a créé en vertu de la loi n° 25-10 l’agence
Marchica comme entité spéciale, sous forme d’établissement public doté de la personnalité
morale et de l’autonomie financière. L’agence a pour mission de réaliser l’aménagement et la
mise en valeur, dans le respect rigoureux de l’écosystème et des milieux marins et terrestres,
d’une zone littorale englobant la lagune de Marchica. 
Par ailleurs, afin de permettre à la nouvelle entité une maîtrise totale de l’ensemble des processus
requis pour mener à bien sa mission, l’État a doté l’agence Marchica d’un statut privilégié en lui
conférant les attributions et prérogatives de plusieurs acteurs publics :
Ÿ en matière d’urbanisme, à l’intérieur de la zone délimitée, l’agence Marchica exerce
les attributions d’une agence urbaine et des communes, notamment les pouvoirs
de veiller sur le respect des lois et règlements relatifs à l’urbanisme, d’établir un plan
d’aménagement, d’accorder les autorisations de lotir, de morceler, de créer des groupes
d’habitations, ainsi que de délivrer les permis de construire et d’habiter et les certificats de
conformité. Par ailleurs, il est accordé une primauté au plan d’aménagement élaboré par
l’agence sur les documents d’urbanisme et tout autre plan sectoriel. 
Ÿ en matière d’aménagement et de développement urbain, l’agence est chargée de jouer
le rôle d’aménageur et de développeur de la zone qui lui est confiée. Pour ce faire, elle
peut rechercher et mobiliser les financements nécessaires à la réalisation du programme
d’aménagement, acquérir les terrains nécessaires aux projets d’aménagement et de
développement, par voie d’acquisition à l’amiable ou d’expropriation ; et réaliser ou faire
réaliser dans un cadre conventionnel les travaux nécessaires au développement et à
l’urbanisation.
Ÿ Dans le domaine du foncier, sont transférés à l’agence, à titre gratuit et en pleine propriété,
les biens du domaine de l’État, y compris les domaines forestiers, situés dans sa zone
d’intervention et qui lui sont nécessaires pour la réalisation des aménagements publics ou
d’intérêt public. S’agissant des parcelles du domaine public nécessaires à l’agence pour
la réalisation des missions de service public, qui lui sont confiées, elles sont gérées par le
directeur de l’agence qui jouit des pouvoirs reconnus aux autorités gouvernementales
compétentes. En cas d’acquisition des biens immeubles nécessaires à l’exercice de ses
activités, ou en cas d’opérations d’expropriation par d’autres personnes morales, l’agence
exerce, par délégation, ses droits de puissance publique en matière d’expropriation pour
cause d’utilité publique et d’occupation temporaire.
A travers son mode de gouvernance, le projet de Marchica a considérablement transformé cet
espace naturel et l’ensemble de la région. Néanmoins, il y a lieu de dresser un bilan d’étape
et d’évaluer les réalisations à la lumière des objectifs fixés en vue d’assurer la durabilité de ce
chantier structurant.

26
Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Vue de l’aménagement moderne de la Corniche de Nador réalisé par l’Agence Marchica

L’Agence Marchica représente une forme innovante et efficace de la gouvernance du littoral


qui a permis de pallier les dysfonctionnements liés à l’aménagement et la gestion du littoral.
Néanmoins, selon les acteurs auditionnés, il s’agit d’une expérience difficile à transposer ou
à généraliser à l’ensemble du littoral national eu égard aux exigences de la mise en œuvre
de la régionalisation avancée et du principe de libre administration. En effet, les collectivités
locales élues doivent demeurer le centre de décision locale et régionale dans le domaine de
l’aménagement et de la gestion de leurs territoires, y compris l’urbanisation du littoral.

d. Explorer la voie de l’élaboration d’une stratégie nationale de gestion intégrée du littoral


Le département de l’aménagement du territoire national et de l’urbanisme a mené une étude
pour définir une vision prospective et une stratégie de gestion intégrée du littoral marocain
cohérente avec les principes et les objectifs de la loi 81-12 relative au littoral et complémentaire
au PNL. Elle vise principalement à :
Ÿ faire émerger un nouveau modèle de développement du littoral;
Ÿ prévenir et atténuer la dégradation du littoral et restaurer les sites dégradés;
Ÿ développer la connaissance, les outils de veille et de communication.
Pour ce faire, il est proposé, principalement, d’asseoir une gouvernance du littoral, d’assurer
la prise en compte des dispositions de la loi sur le littoral (et de la SNDD) dans les stratégies
sectorielles, de garantir l’engagement des parties prenantes institutionnelles et le financement
de la stratégie.

5. Pour une urbanisation durable du littoral


Partant du diagnostic de l’état actuel du littoral au Maroc, le CESE plaide pour l’instauration
urgente d’un équilibre entre le développement, la préservation et la valorisation du littoral. La
concrétisation de cette vision permettra d’atténuer ou d’éliminer la pression croissante sur cet
écosystème vulnérable.

27
Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

A cet effet, l’urbanisation côtière est vue comme la voie préconisée pour le développement
durable de ce territoire, dont les retombées favoriseront la promotion des droits et le
développement durable du pays.
Cependant, comme susmentionné, cet avis vise essentiellement le court et moyen termes en
vue d’alerter sur l’urgence de protéger le littoral de la dégradation progressive des dynamiques
(effets de la non-durabilité), pour engager par la suite une réflexion collective susceptible
d’assurer à cet écosystème une durabilité à long terme face aux risques de pression anthropique
et aux risques liés au climat.
Pour concrétiser cette vision, le Conseil propose une série de recommandations s’articulant
autour de deux axes prioritaires : 1) la mise en place d’une gouvernance participative, efficace
et efficiente du littoral ; et 2) la refonte de la politique d’urbanisation basée sur les principes
de territorialisation, de participation citoyenne, de respect des droits fondamentaux et de
préservation de l’environnement et des ressources naturelles.
Axe 1 : Mise en place d’une gouvernance participative, efficace et efficiente du littoral

1. Accélérer la mise en œuvre du principe de gestion intégrée du littoral par l’application


effective de la loi 81.12 relative au littoral, notamment par :
Ÿ la mise en œuvre des instruments de planification spécifiques au littoral (PNL) et
l’accélération du processus d’élaboration des Schémas régionaux du littoral(SRL), à l’initiative
du département chargé de l’aménagement du territoire ou à la demande des conseils des
régions concernés. Il convient également de parachever l’élaboration du SRL de la région
Rabat-salé-Kénitra ;
Ÿ l’articulation entre les documents d’urbanisme (SNAT, SRAT, SDAU, PA), les programmes
territoriaux (PDR, PAC, etc.) et les politiques sectorielles d’une part, et la loi sur le littoral
d’autre part .
2. Repenser la gouvernance et la gestion des zones littorales en vue de renforcer la coordination
inter-institutionnelle. Cette coordination peut être assurée, dans certaines zones littorales
spécifiques, par les agences spéciales (à l’instar de l’agence de Marchica) tout en veillant à
impliquer les instances élues dans ce processus.
3. Restructurer l’arsenal de documents, schémas et plans intervenant dans l’aménagement et
la planification du territoire, l’urbanisme et le littoral (SNAT, SRAT, SDAU, PA, PDAR, PNL, SRL,
etc.), en vue de construire un dispositif allégé d’instruments cohérents et judicieusement
hiérarchisés, au service d’une urbanisation et d’un développement durables.
4. Assainir la situation des constructions situées dans le domaine public maritime ou dans
la bande des 100 mètres interdite à la construction. Cela passera par une réforme du
cadre juridique en vigueur sur l’occupation temporaire du domaine public de l’État et un
réaménagement des côtes conforme aux dispositions légales sur le littoral. En outre, les
atteintes graves affectant le littoral et l’accès au rivage doivent être sanctionnées, notamment
en procédant à la libération du domaine public.

28
Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Axe 2 : Refonte de la politique d’urbanisation du littoral basée sur les principes de
territorialisation, de participation citoyenne, de respect des droits fondamentaux et de
préservation de l’environnement et des ressources naturelles

5. accorder aux communes, conformément aux principes de la démocratie locale et de de


la décentralisation, des prérogatives décisionnelles en matière d’aménagement de leur
territoire, de planification urbaine et d’élaboration des documents d’urbanisme. Cette action
requiert la mise en place de mesures d’accompagnement telles que :
Ÿ la formation et la responsabilisation des élus et des ressources humaines des collectivités
locales, ainsi que leur sensibilisation aux enjeux environnementaux, climatiques et littoraux,
tout en veillant à la simplification et la transparence des procédures ;
Ÿ l’allocation de moyens humains et financiers à même de renforcer les capacités des
collectivités locales, conformément à l’article 141 de la Constitution.
6. mettre en place une nouvelle génération de documents d’urbanisme conçues sur la base
d’une démarche sous-tendue par  :
Ÿ l’intégration dans le processus d’élaboration de ces documents d’une démarche basée sur :
- le renforcement de la participation de la société civile et des populations à toutes les
étapes du processus à travers des études de terrain, des enquêtes, des sondages et des
concertations publiques ;
- la mise en place d’un aménagement du territoire et d’une planification urbaine basés sur
des études scientifiques, sur les critères de développement durable et, dans le cas du
littoral, sur les normes d’une gestion intégrée de ce territoire.
Ÿ l’élaboration des instruments normatifs et techniques permettant d’élaborer des documents
d’urbanisme souples, sans besoin de recours à des procédures de dérogation. La flexibilité
des documents d’urbanisme implique aussi de simplifier les procédures d’approbation, de
modification et de révision desdits documents.
Ÿ le renforcement de l’aspect « opérationnalisation » des documents d’urbanisme décrivant
les initiatives, les programmes, les échéances, les partenaires et les moyens financiers de leur
mise en œuvre. À cette fin, il serait donc avantageux de renforcer la capacité des communes
à maîtriser un certain nombre d’instruments issus des lois, tout en instaurant des procédures
simplifiées et des incitations fiscales. Parmi ces instruments, il y a lieu de citer :
- la mise en place de zones d’aménagement concertées, en autorisant un organisme public
à entreprendre l’aménagement et l’équipement de toute une zone, suite à une acquisition
foncière, une expropriation ou un remembrement, avec possibilité de rétrocéder des
parcelles à des promoteurs privés ou à des ONG ;
- la mise en œuvre du principe de dation. Il s’agit d’un échange en nature permettant aux
propriétaires privés de céder leurs biens immeubles à la commune ou à un aménageur
(public ou privé), en échange d’une rétrocession de lots viabilisés ou de biens immobiliers
bâtis.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

7. Doter la planification urbaine d’instruments efficaces de gestion et de développement du


foncier permettant une meilleure maîtrise du processus d’urbanisation, notamment par :
Ÿ la création à l’échelle régionale, avec l’appui de la direction des domaines de l’Etat,
d’une agence foncière chargée de la gestion du foncier pour le compte de l’État et des
collectivités territoriales. Cette entité doit être dotée des pouvoirs d’acquisition, de cession
et de gestion stratégique du foncier, y compris l’expropriation pour cause d’utilité publique
et la constitution de réserves foncières nécessaires à l’aménagement du territoire et à la
préservation du littoral.
Ÿ la mise en place de programmes intensifs d’immatriculation groupée, notamment dans les
zones littorales.
Ÿ la mise en place d’une procédure de remembrement urbain qui peut être déclenchée soit à
l‘initiative d’une autorité publique ou de propriétaires fonciers.
Ÿ la consécration du principe fondamental d’équité foncière dans tous les processus de gestion
foncière, de planification urbaine et d’aménagement du territoire. Cela implique notamment
que l’affectation de biens immeubles à des servitudes d’utilité publique doit donner lieu à
une procédure d’acquisition amiable soit par expropriation, soit par juste indemnisation ;
8. Développer des mécanismes de financement innovants pour faciliter la mise en œuvre des
documents d’urbanisme, éviter le sous-équipement des villes et mener à bien les opérations
de réhabilitation et de rénovation, notamment dans les zones littorales. Pour ce faire, il est
préconisé de:
Ÿ développer des formules de partage, entre les propriétaires fonciers, les communes et
les aménageurs, de la plus-value foncière dégagée des opérations d’aménagement et
d’équipement de terrains et d’affectation des sols ;
Ÿ renforcer la contribution du Fonds d’équipement communal et du système bancaire au
financement des opérations d’extension, de réhabilitation et de rénovation urbaines des
collectivités territoriales ;
Ÿ instaurer un système de compensation pour certains types de dommages au littoral sous
forme de travaux de réparation, de réaménagement durable après exploitation, voire de
compensation pécuniaire ;
Ÿ moderniser et améliorer le processus de recouvrement des impôts locaux.
9. Attribuer aux communes l’entière responsabilité d’instruire les dossiers et de délivrer les
autorisations d’urbanisme en s’appuyant sur le guichet unique dématérialisé. Il convient pour
cela de  :
Ÿ simplifier et rendre les procédures d’autorisation d’urbanisme plus souples et plus
transparentes ;
Ÿ permettre aux services compétents de l’État de contrôler la qualité de service de la gestion
des autorisations par les communes, notamment à travers la plateforme numérique rokhas.
ma ;

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Ÿ évaluer en permanence et de façon transparente les performances des communes en


matière d’urbanisme, notamment par le développement d’un label de qualité. Il s’agit
d’encourager les communes des zones littorales à promouvoir la durabilité et l’attractivité
du territoire à travers des actions et des projets labellisés.
10. Collaborer avec les universités et les instituts de recherche pour développer et mener des
programmes de recherche scientifique multidisciplinaires sur le littoral.
11. Mettre en place un observatoire national du littoral comme un mécanisme de veille et d’aide
à la décision dans le domaine du littoral.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Annexes 
Annexe 1 : Littoral, urbanisation : quelles définitions ?

Littoral
Une première définition indique que le littoral correspond à la zone d’influence de la mer sur
la terre et réciproquement de la terre sur la mer ; une influence exacerbée notamment par les
activités humaines (infrastructures, habitat, industrie, tourisme, pêche, agriculture, extraction du
sable, etc.). Telle est la définition des géographes.
La Convention de Barcelone, ratifiée par le Maroc, approche la notion du « littoral » en définissant
dans son protocole GIZC le terme « zone côtière » comme étant « l'espace géomorphologique de
part et d'autre du rivage de la mer où se manifeste l'interaction entre la partie marine et la partie
terrestre à travers des systèmes écologiques et systèmes de ressources complexes comprenant
des composantes biotiques et abiotiques coexistant et interagissant avec les communautés
humaines et les activités socio-économiques pertinentes »29.
Quant à la loi 81.12 relative au littoral, celle-ci retient une définition juridique restrictive du littoral.
Ainsi, au sens de son article 2, on entend par « littoral » la zone côtière constituée : 
Ÿ côté terre : du domaine public, tel que fixé par le dahir du 1er juillet 1914 sur le domaine
public, lequel est défini par le rivage de la mer jusqu’à la limite des plus hautes marées, ainsi
qu’une zone de 6 mètres mesurée à partir de cette limite. Font également partie du littoral
les eaux maritimes intérieures (estuaires, baies, lagunes…), ainsi que les marais salants et les
zones humides communiquant avec la mer et les cordons dunaires côtiers ; 
Ÿ côté mer : du rivage de la mer et de l’étendue des eaux maritimes situées au-delà de ce
rivage jusqu’à une distance en mer de 12 miles marins (22 km).
Par ailleurs, la loi 81.12 institue une zone non constructible, adjacente au littoral, d’une largeur
de cent mètres (100 m), calculée à partir de la limite terrestre du littoral. 

Littoral au sens de la loi 81.12 relative au littoral

29 - Article 2 du Protocole GIZC.

32
Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

La notion de littoral n’a donc pas de définition consacrée. Selon le contexte et les approches, ce
terme peut désigner des zones géographiques différentes.
Urbanisation
L’urbanisation est un processus, maîtrisé ou subi, qui se caractérise par l’expansion des centres
urbains et des agglomérations humaines au détriment des espaces ruraux, des zones agricoles
et des écosystèmes naturels.
Il convient de noter le lien et la différence entre les termes « urbanisation » et « urbanisme ». En
effet, l’urbanisme est un processus volontaire censé se dérouler en amont de l’urbanisation, et
qui consiste à concevoir et mettre en place la façon dont les villes et les espaces péri-urbains
sont aménagés, organisés et construits.
Par ailleurs, l’urbanisation est un concept large qui couvre l’ensemble des transformations et
des activités liées aux agglomérations humaines qui affectent un territoire. Tel est le cas des
infrastructures (ports, aéroports, transport, logement, zones industrielles…), et des diverses
activités économiques (industries, services, tourisme…).

Annexe 2 : Expériences internationales en matière d’urbanisme

1- France
a. Urbanisme en France : spécificités du littoral
Le code de l’urbanisme français exige que le SCoT et le PLU fassent l’objet d’une évaluation
environnementale et décrète une bande littorale de 100 mètres interdite à l’urbanisation.
La loi française comporte aussi des dispositions spécifiques aux documents d’urbanisme des
communes littorales :
Ÿ Détermination des capacités d’accueil des espaces urbanisés ;
Ÿ Préservation des coupures d’urbanisation (SCoT et PLU doivent prévoir des espaces naturels
présentant le caractère d’une coupure d’urbanisation) ;
Ÿ Réservation des espaces remarquables ou caractéristiques et des milieux nécessaires au
maintien des équilibres biologiques ;
Ÿ Servitudes de passage sur le littoral.
b. Les documents d’urbanisme en France
Les deux principaux instruments de planification urbaine en France sont le schéma de cohérence
territoriale (SCoT), équivalent du SDAU au Maroc, et le plan local d’urbanisme (PLU), équivalent
du PA.
Le schéma de cohérence territoriale (SCoT)
Le SCoT est un document d’urbanisme qui, à l’échelle d’un territoire couvrant plusieurs
communes, détermine l’organisation spatiale et les grandes orientations de développement.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Le plan local d’urbanisme (PLU)


Le PLU traduit un projet global d’aménagement et d’urbanisme d’une commune et fixe en
conséquence les règles d’aménagement et d’utilisation des sols. Il doit être compatible avec les
orientations du Scot.
Scot et PLU sont des documents d’urbanisme :
Ÿ élaborés à l’initiative et sous la responsabilité des communes, et validés par un arrêté
préfectoral avant leur entrée en vigueur ;
Ÿ font l’objet d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet,
les habitants, les associations locales, etc. ;
Ÿ sont basés sur un diagnostic et reposent sur un projet de territoire décrit par des objectifs de
développement et d’aménagement du territoire.
2- Angleterre
a. Angleterre : une gestion pragmatique de l’urbanisme
Le droit anglais fait preuve de pragmatisme en matière de gestion urbaine et confère une grande
souplesse aux documents d’urbanisme (la loi « Town and Country Planning Act » est le principal
instrument juridique de l’urbanisme). L’autorité compétente pour délivrer les autorisations est le
district qui est un conseil élu local équivalent d’une commune.
Flexibilité
Le droit anglais de l’urbanisme institue le concept de « development » et fixe les critères
pour exiger ou non l’obtention d’une autorisation. Ainsi, certaines opérations relatives à des
changements de zoning ou à des travaux de rénovation ne nécessitent pas d’autorisation.
D’autre part, la conformité ou non-conformité aux documents d’urbanisme n’est pas toujours
déterminant pour l’octroi des autorisations.
Zones dispensées d’autorisation
Les « Simplified planning zones » sont des zones où les opérateurs sont exemptés de l’obligation
d’autorisation, sous réserve d’observer les règles d’aménagement prévues. Cette formule est
notamment déployée pour encourager l’investissement ou promouvoir l’urbanisation d’un
secteur du territoire.
Pré-autorisation (Outline planning permission)
Les porteurs des grands projets peuvent solliciter un accord préalable sur la base d’un dossier
sommaire, avant de soumettre au district dans une deuxième étape une demande d’autorisation
officielle.
Pourvoi en appel
La loi accorde au porteur de projet la possibilité de faire appel devant le Secrétariat d’Etat à
l’environnement de la décision du district en cas de refus d’octroi de l’autorisation, d’absence de
décision dans le délai prescrit, ou suite à un octroi conditionnel de l’autorisation.

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

b. La planification urbaine en Angleterre


La planification urbaine en Angleterre est basée principalement sur deux instruments : « National
planning policy framework » et « Local plan ».
National planning policy framework
Le « National planning policy framework » est un document de référence de l’aménagement
du territoire national dans une perspective de développement durable sensible, entre autres,
à la question du littoral. Il constitue un cadre de planification territoriale pour l’ensemble des
politiques publiques et pour les instruments locaux de planification urbaine.
Local plan
Le « local plan » est un instrument de planification urbaine et de développement du territoire
d’une commune. Le « local plan », qui relève de la compétence du district, doit être actualisé
tous les cinq ans. L’élaboration du « local plan » est accompagnée d’une large consultation
locale et le processus d’adoption nécessite comme étape ultime l’approbation du secrétaire
d’État à l’environnement. Ce dernier désigne un inspecteur qui a pour seule mission de s’assurer
de la compatibilité du « local plan » avec les lois et le cadre normatif en vigueur.

Annexe 3 : Résultats de la consultation lancée à travers la plateforme de


participation citoyenne « ouchariko.ma » sur l’aménagement durable du littoral

Dans le cadre de l’élaboration de son avis sur l’aménagement et l’urbanisation durables du


littoral, le CESE a sollicité, du 11 au 24 mai 2022, la contribution des citoyen(ne)s à travers sa
plateforme « ouchariko.ma ». Le nombre d’interaction avec le sujet est de 16281 dont 528
répondants au sondage. Ces interactions font ressortir globalement la perception des citoyen(e)
s par rapport aux défis et aux enjeux du littoral, ainsi que les perspectives pour mettre en œuvre
un aménagement durable et une urbanisation harmonieuse des zones côtières du Maroc. Ces
résultats ont été pris en compte au niveau de l’avis du CESE intitulé « qulle dynamique urbaine
pour un aménagement durable du littoral ? ».
Les résultats du sondage montrent qu’une grande majorité des participants (85%) est insatisfaite
de l’état d’aménagement et d’urbanisation du littoral national, alors que le pourcentage de ceux
qui en sont satisfaits ne dépasse pas 11% (graphique n°1).

Graphique n°1: Perception de l’aménagement


des zones côtières

85%

11%
4%

Sati sfait(e) Insatisfai t(e) Sans opinion

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Il existe, selon les participants, quatre principaux facteurs qui expliquent les dysfonctionnements
au niveau de l’urbanisation des zones côtières. Il s’agit respectivement de l’incohérence des
politiques publiques (26%), du mode de gouvernance et la multiplicité des acteurs intervenants
sur le littoral (26%), de l’ineffectivité des documents d’urbanisme (23%) et de la problématique
du foncier (18%) (graphique n°2).

Concernant les mesures proposées pour mettre en œuvre une urbanisation et un aménagement
durables du littoral et assainir l’existant, les résultats de la consultation montrent en effet
l’importance accordée par les citoyennes et les citoyens à un ensemble d’actions qu’ils jugent
« très importantes », à savoir (graphiques de 3 à 8) :
Ÿ la réforme de la politique d’urbanisme (81%);
Ÿ l’amélioration de l’applicabilité des documents d’urbanisme (70%);
Ÿ la promotion de la recherche scientifique sur le littoral (78%);
Ÿ le renforcement de la démocratie participative par une implication régulière et active des
citoyen(ne)s et de la société civile dans le processus de planification urbaine (66%);
Ÿ la réforme du foncier (67%);
Ÿ la simplification des procédures de délivrance des autorisations d’urbanisme (48%).

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

En conclusion, et malgré la technicité du sujet, la consultation sur la plateforme « ouchariko.


ma » témoigne de l’intérêt accordé par les citoyennes et les citoyens aux problématiques
liées à l’urbanisation du littoral. Les opinions exprimées font état des dysfonctionnements qui
marquent le processus d’urbanisation et d’aménagement du littoral et préconisent les actions à
même de favoriser la durabilité de ce processus.

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Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental

Annexe 4 : liste des acteurs auditionnés


Le Conseil économique, social et environnemental tient à exprimer ses vifs remerciements
aux différents acteurs, organismes, institutions et experts ayant participé aux auditions. Un
remerciement particulier s’adresse aux acteurs ayant envoyé des contributions écrites.

- Ministère de la transition énergétique et de développement


durable
- Ministère de l’Aménagement du Territoire National, de
Départements ministériels l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville
- Ministère de l’Intérieur
- Ministère de l’équipement et de l’eau

- Fondation
Mohammed VI pour la Protection de
l’Environnement.
Associations et
organisations non - Conseil national de l’ordre des architectes du Maroc
gouvernementales - Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement
- Surfrider Foundation Maroc

- Commune urbaine de Tanger


Collectivités territoriales - Conseil de la région de Casablanca - Settat
- Conseil de la région de Souss - Massa
- M. Abdelwahed El Idrissi
- M. Abdelouahed Fikrat
Experts
- M. Abdellah Laouina
- M. Mansour Majid

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Annexe 5:liste des membres de la Commission

Aabane Ahmed Baba Ksiri Abderrahim


Alaoui Nouzha Laabaid Abderrahim
Benkaddour Mohammed
Mokssit Abdalah
(Président de la Commission)
Bencherki Abdelkrim Mouttaqi Abdellah
Bensami Khalil
Riad M’Hammed
(Rapporteur du thème)
BoukhalfaBouchta Rouchati Mina
Boujida Mohamed Sijilmassi Tariq
Bouzaachane Ali Ziani Moncef
Chahbouni Nour-eddine Zidouh Brahim
Albert Sasson Faher Kamalddine
Gaouzi Sidi Mohamed Driss Elyazami
Ilali Idriss Mohamed Benalilou
Lamrani Amina Amina Bouayach

Experts ayant accompagné la commission

Expert permanent au Conseil Mohamed El Khamlichi


Traducteur Youssef Satane

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Quelle dynamique urbaine pour un aménagement durable du littoral ?

Conseil Economique, Social et Environnemental

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Conseil Economique, Social et Environnemental

1, angle rues Al Michmich et Addalbout, Secteur 10, Groupe 5


Hay Riad , 10 100 - Rabat - Maroc
Tél. : +212 (0) 538 01 03 00 Fax +212 (0) 538 01 03 50
Email : [email protected]

42 www.cese.ma

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