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Habitat en milieu rural 

:Vers
un habitat durable et intégré
dans son environnement

Rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental

Auto - Saisine n°33/2018

www.cese.ma
Conseil Economique, Social et Environnemental

Habitat en milieu rural :


Vers un habitat durable et intégré
dans son environnement

Auto - Saisine n°33/2018


Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu L’assiste
Auto - Saisine n°33/2018

• Conformément à l’article 6 de la loi organique N°128-12 relative à son organisation et


à son fonctionnement, Le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) s’est
autosaisi, afin de préparer un rapport et avis sur le thème relatif à l’«Habitat en milieu
rural : Vers un habitat durable et intégré dans son environnement». Dans ce cadre, le
Bureau du Conseil a confié à la commission permanente chargée de la régionalisation
avancée et du développement rural et territorial l’élaboration du présent rapport.
• Lors de sa 89ème session Ordinaire tenue le 30 Août 2018, l’Assemblée Générale du
Conseil économique, social et environnemental a adopté à l’unanimité ce rapport intitulé
« Habitat en milieu rural : Vers un habitat durable et intégré dans son environnement ».

Le Conseil Economique Social et Environ-


nementalprésente son rapport :

Habitat en milieu rural :


Vers un habitat durable et intégré
dans son environnement

Rapport préparé par :

La commission de la régionalisation avancée


et du développement rural et territorial
Conseil Economique, Social et Environnemental

Dépôt légal : 2018MO2141


ISBN : 978-9954-635-35-3
ISSN : 2335-9234

Conseil Economique Social et Environnemental

Impression : Canaprint

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Sommaire

Introduction .................................................................................................................13
Objectifs et démarche méthodologique ................................................................15
Démarche méthodologique......................................................................................16
I.Eléments Proéminents du contexte ......................................................................17
1-Habitat rural, normes, définitions et typologies...............................................17
a.Droit d’accès à un logement décent..............................................................17
b.Habitat rural : un cadre de vie plus large qu’un simple logement...........18
c. Evolution historique, typologies et richesse patrimoniale et architecturale
de l’habitat rural.19
2-L’habitat rural dans les politiques publiques................................................... 26
a. Des interventions de rattrapage réduites à des expériences pilotes
conçues sans aucune réelle politique nationale de l’habitat rural..........26
b. Principales causes de l’échec ou la limitation des résultats des
interventions de l’Etat et des collectivités territoriales en matière d’habitat
rural .29
II.Eléments d’analyse et d’appréciation de l’habitat rural ..................................31
1- Choc et contre-choc démographique non pris en considération et
urbanisation accélérée des espaces ruraux...........31
2-Principales caractéristiques de l’habitat rural ..................................................33
a.Données sur l’habitat rural..............................................................................33
b.Développement social et accès aux services de base................................35
c. La promotion de l’habitat rural est intimement lié au développement
économique et la diversification des activités.... 36
d. Habitat rural exige plus d’efforts face aux risques des changements
climatiques dans un pays parmi les plus exposés aux catastrophes
naturelles récurrentes.....38
3-Problématique particulière des centres ruraux émergents ..........................40
a. Définition, typologie et indicateurs du développement des centres
ruraux émergent au Maroc .... 40

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Conseil Economique, Social et Environnemental

b.Centres ruraux émergents : Entre enjeu politique et spéculation foncière 


43
c. Centres ruraux émergents : Une dynamique démographique élevée en
l’absence d’un développement économique et social soutenu ...44

4- Cadre juridique et réglementaire peu adapté aux spécificités du milieu


rural .45
a.Un dispositif juridique pléthorique, mais déficient ..................................45
b. L’urbanisation galopante au détriment des terrains agricoles parfois le
plus riches .50
c.Difficultés de mise en œuvre des textes juridiques....................................51
d. Foncier : Persistance des dysfonctionnements et contraintes d’ordre
juridique, institutionnel et managérial qui pèsent lourdement sur l’habitat
et les terres à forte production agricole.. 53
5-Gouvernance de l’habitat rural et mobilisation de financement................. 54
a.Pour une approche régionale en faveur de l’habitat rural........................54
b.Mobilisation réduite de financement en faveur de l’habitat rural .........57
III. Des insuffisances accrues en matière de recherche, de formation et de
communication en faveur de l’habitat rural ......59
1-Formation, recherche et innovation dans le domaine de l’habitat rural ... 59
a. La recherche et l’innovation technologique: outil déterminant pour
comprendre les problématiques de l’habitat rural............................................
. 59
b. L’habitat rural : présence limitée dans le cursus de formation des
architectes et des aménagistes.......61
2- Communication et diffusion de l’information : Instruments efficaces de
conduite de changement et de promotion de l’habitat rural ......63
IV.Enseignements tirés du Benchmark international sur l’habitat rural .........65
V.Pistes d’inflexions en faveur d’un habitat rural salubre...................................69
VI.Recommandations pour un habitat rural décent et durable.........................77
Annexes ........................................................................................................................85
Annexe - 1 : groupe de travail issu de la commission permanente chargée de
la régionalisation avancée, des développements rural et territorial.. 87
Annexe - 2 : liste bibliographiques.........................................................................89

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Annexe - 3 : liste des acteurs auditionnés............................................................. 91


Annexes - 4 : Eléments tirés du Benchmark international en matière d’habitat
rural.93

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Conseil Economique, Social et Environnemental

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Introduction

Au Maroc, la population du monde rural enregistre encore des taux élevés de


vulnérabilité et de précarité (79,4% des personnes pauvres et 64% des personnes
vulnérables) et un taux d’analphabétisme de 47,7% contre 22,2% dans l’urbain pour la
population âgée de 10 ans et plus1. Cette population  qui a connu jusqu’à présent des
mutations lentes  de son mode de vie, mode d’habiter,…, est en train de vivre, voire de
subir des transformations sociales accélérées, en raison des évolutions sociologiques
et du développement rapide des moyens de communication notamment l’accès à la
téléphonie mobile, aux réseaux sociaux et à Internet.
La dynamique de cette population engendre un accroissement de ses besoins entre
autres l’accès à un logement décent qui garantit son bien-être mais aussi un accès
au niveau du territoire aux services de base et à l’emploi, moyennant la mise en place
des projets structurants capables de créer de la richesse au niveau local et régional.
Toutefois, en l’absence d’une politique publique intégrée dans le domaine de l’habitat
rural on assiste à un développement rapide des habitats isolés, qui nécessitent pour
les équiper une infrastructure plus coûteuse (l’électrification, l’adduction d’eau
potable, assainissement, stations d’épuration…), mais aussi plus de temps en matière
d’études et d’exécution.
De même, l’absence de politique en matière d’habitat rural a favorisé une croissance
tendancielle non maitrisée des centres ruraux émergents et des habitats groupés,
qui au lieu de constituer une opportunité de regroupement réussie de la population
afin de bénéficier à moindre coût des services de l’Etat et des possibilités de
développement, se sont transformés en véritable défi social, économique et
sécuritaire où les problèmes se compliquent et deviennent plus graves à cause du
manque de planification anticipée, d’infrastructures de base adaptées et de système
de gouvernance adéquat.
Face à cette situation d’urgence, et au retard enregistré en matière d’élaboration
d’une vision et d’une stratégie de la part des pouvoirs publics, un certain nombre
d’élus locaux se sentent dépassés et croient que la principale réponse simplificatrice
pour résorber les insuffisances et les retards accumulés au niveau des zones rurales en
matière d’habitat consiste à donner plus d’autorisations de construire de la manière la
plus simple et la plus facile, en réponse aux doléances de la population. Ils continuent
d’agir dans ce domaine avec des outils règlementaires, des rythmes et systèmes de
planification et d’action en déphasage total avec les nouveaux besoins, et à des
interventions partielles  et réactionnelles, qui compliquent davantage la situation, au
moment où les dérogations qui représentent un outil de souplesse correctionnel et
exceptionnel pour intervenir sur des cas isolées, sont devenues la règle et n’ont fait
qu’empirer la situation dans certaines zones .

1 - HCP, Recensement Général de la Population et de l’Habitat 2014

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Conseil Economique, Social et Environnemental

Or, des tentatives d’intervention pour l’amélioration de la qualité de l’habitat rural


et ses rôles socio-économiques ont été menées par l’Etat, mais les actions réalisées
dans le cadre des projets pilotes, élaborées sans concertation, ni participation de la
population sont restées très distancées dans le temps et leur impact est limité et
donc, n’ont pas répondu à la problématique complexe de l’habitat en milieu rural.
Par ailleurs, il a été relevé le manque d’évaluation et de capitalisation sur ces expériences
qui sont restées sans suite, faisant perdre au Maroc des possibilités énormes consistant
à faire du chantier de développement de l’habitat rural, un moyen d’amélioration
du cadre de vie des citoyens et de promotion de l’attractivité des territoires ruraux
et par conséquent un levier majeur de développement économique en exploitant
les potentialités et les richesses architecturales et patrimoniales que renferment nos
territoires.
Ainsi, et afin de comprendre l’importance de ce chantier et ses effets sur plusieurs
facteurs de développement du monde rural, une lecture éclairée de certaines données
et indicateurs, interpelle tous les acteurs concernés, d’une part pour la mise à niveau
du monde rural afin qu’il ne soit pas un fardeau et un frein au développement du
pays, et d’autre part pour garantir aux populations rurales le droit d’accès aux services
essentiels de base.
Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’article 31 de la constitution consacre
à toute personne le droit de disposer d’un logement décent tout en liant le principe
de la dignité humaine, au droit à un habitat salubre. Toutefois, force est de noter
que ce droit est faiblement respecté en milieu rural car il enregistre un retard
considérable aussi bien dans le domaine de l’habitat qu’en matière de conditions
minimales pour mener une vie bienséante. Le rôle de l’État, garant de la solidarité
nationale et régionale, est capital car il doit intervenir pour accompagner et encadrer
les habitants du monde rural et les impliquer dans toutes actions visant à promouvoir
leur logement en respectant la diversité des habitats et leurs multiples fonctions
(bâtiments pour logement, bâtiments destinés à l’élevage, à la conservation et le
conditionnement à usage agricole et ceux destinés aux services publics ….).
Dans ce cadre, le Conseil économique social et environnemental, après la réalisation
de deux rapports portant respectivement sur le développement du monde rural
et des zones montagneuses, qui lui ont permis d’approcher d’avantage les grands
défis liés à la question de l’habitat rural et aux centres ruraux, a décidé d’approfondir
l’analyse de cette question d’importance capitale sous les aspects liés à l’approche
droit, aux aspects juridiques , à la gouvernance et à la mobilisation des financements
en faveur de l’habitat rural.
Ce rapport en pointant le déficit d’études et d’analyses ciblées, approfondies et
globales embrassant des aspects autres que techniques, autour de la question de
l’habitat en milieu rural, ambitionne d’analyser et d’apprécier  la situation de l’habitat
rural au Maroc  et des programmes et actions  mis en œuvre pour son  développement,
avec une lecture attentive des concepts, des connaissances, des approches et des
domaines ayant trait à cette thématique. Mais aussi  d’analyser des  aspects majeurs

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

tels que les carences du cadre juridique/normatif, la problématique du foncier2 et les


dysfonctionnements liés aux pratiques administratives en matière de gestion et de
gouvernance de l’habitat en  milieu rural.
Le but est  d’interpeller les pouvoirs publics pour se mobiliser en adoptant une
analyse renouvelée et en développant  de nouvelles méthodes appropriées en faveur
de l’habitat rural . Le rapport proposera aussi des recommandations opérationnelles
pouvant aider les collectivités territoriales, notamment les régions et les autres  acteurs
concernés (sur le plan national, régional  et local) à concevoir une vision concertée
dédiée à l’habitat rural intégrant les spécificités et les diversités des milieux ruraux3 et
des habitations (l’habitat individuel, dispersé, groupé, centres ruraux émergents) tout
en garantissant le droit à un habitat digne en faveur des ménages ruraux.

Objectifs et démarche méthodologique


Ce rapport ambitionne les objectifs suivants :
■ Contribution à l’amélioration d’un cadre de vie décent pour les populations rurales
pauvres avec des habitats ruraux salubres
■ Contribution à la réduction de disparités régionales et sociales en matière d’habitat;
■ l’intégration effective de la question de l’habitat rural dans une politique publique
et une stratégie nationale dédiée; tout en tenant compte des transformations
sociales et de la dynamique de la population rurale;
■ L’adoption d’une analyse renouvelée et le développement de méthodes
appropriées permettant une mobilisation des acteurs concernés, à l’échelle
régionale et locale.
Pour ce faire, il a été procédé à :
■ L’analyse de l’état des lieux de l’habitat rural au Maroc : les enjeux et les
problématiques de l’habitat rural dans son ensemble, les expériences menées par
l’Etat dans le domaine de l’habitat rural ;
■ L’identification des facteurs clés de réussite et de valorisation de l’habitat en
milieu rural en termes de planification, de réglementation/Aspects juridiques,
de préservation et amélioration du patrimoine culturel/capital immatériel,
d’attractivité économique, sociale, culturelle et environnementale, notamment
des centres émergeants et enfin de modalités de gouvernance, notamment
territoriale et locale ;

2 - La problématique du foncier fait l’objet d’un d’un autre rapport du CESE en cours d’élaboration.
3 - Les types des milieux ruraux au Maroc : on distingue plusieurs milieux ruraux qui diffèrent :
- Selon leurs situations par rapport au milieu urbain : le périurbain, le rural profond, le rural intermédiaire.
- Selon leurs situations géographiques : zones montagneuses, zones côtières, zones désertiques… .
- Selon le système de production agricole : zones bours, zones irriguées, zones forestières, zones sylvo-pastorales ou
agro-sylvo-pastorales… .

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Conseil Economique, Social et Environnemental

■ La réalisation d’un benchmark international en termes de retour d’expérience en


matière de conception, de planification, de gouvernance et de gestion de l’habitat
en milieu rural;
Ÿ Proposition des pistes d’inflexions et des recommandations opérationnelles.

Démarche méthodologique
La méthodologie retenue pour l’élaboration du rapport et de l’Avis du CESE s’est basée
essentiellement sur une approche participative et prospective visant la promotion de
l’habitat rural. A ce titre, la commission s’est appuie dans ses travaux sur:
1. Les conclusions des analyses des rapports et des données disponibles sur le sujet
de l’auto-saisine;
2. L’organisation d’auditions et d’ateliers de travail avec les représentants des acteurs
institutionnels, des chercheurs, du secteur privé et des composantes de la société
civile (associations, collectivités territoriales, organisations professionnelles,….) :7
rencontres avec des personnes ressources (Professeurs, chercheurs,…) et 15
séances d’auditions ont été organisées (Voir annexe n°3);
3. Les conclusions du benchmark international en relation avec l’habitat en milieu
rural.
4. Visites de terrain (habitat dispersé, agglomération, centres émergeants): région de
Casablanca-Settat(province d’El-Jadida), et région de Draa Tafilalt (province d’Er-
Rachidia),
5. Débat et enrichissement par les membres de la commission et au sein des instances
du Conseil (bureau, catégories, AG,).

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

I. Eléments Proéminents du contexte

1- Habitat rural, normes, définitions et typologies

a. Droit d’accès à un logement décent


Le droit de tout marocain à un logement décent est garanti d’abord par les
conventions et déclarations internationales ratifiées ou adoptées par le Maroc, qui
ont une primauté sur le droit interne. Il convient de citer la Déclaration universelle des
droits de l’homme du 10 décembre 1948 qui a inscrit le droit au logement, comme un
des éléments du droit à un niveau de vie suffisant au même titre que l’alimentation,
l’habillement, les soins médicaux et les services sociaux nécessaires.
Les Objectifs de Développement Durable (ODD) ont accordé également une
importance particulière au développement social et à l’amélioration des conditions
de vie des citoyennes et citoyens. Il s’agit en particulier de l’objectif n° 3 « Permettre
à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous », l’objectif n°6 «
Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable
des ressources en eau » et l’objectif n°10 « Réduire les inégalités dans les pays et d’un
pays à l’autre ».
La déclaration de Quito sur les villes et les établissements humains viables pour tous
dans le cadre du Nouveau Programme pour les villes, est venue confortée le lien
entre l’urbain et le rural et l’importance qu’il faut accorder au processus d’urbanisation
pour les générations actuelles et futures en réaffirmant « l’engagement mondial à
promouvoir un développement urbain durable, qui constituera une étape essentielle
sur la voie d’un développement durable intégré et coordonné aux niveaux mondial,
régional, national, infranational et local, avec la participation de tous les acteurs
concernés »4.
La constitution marocaine de 2011 reconnaît dans son article 31 le droit au logement.
La charte sociale du CESE5 a exhorté les pouvoirs publics à garantir le droit d’accès
à un logement salubre, en consacrant un objectif à ce droit, consistant à améliorer
les conditions d’accès à un logement convenable pour toute la population. Le droit
au logement signifie le droit pour chaque individu de disposer d’un endroit décent
et adapté à son bien-être social. Toutefois, selon certains acteurs auditionnés, le
droit d’accès à l’habitat rural ne semblerait pas être une priorité à l’instar des droits
fondamentaux notamment l’accès aux services de base comme la santé, l’éducation,
l’eau,...,

4 - Nouveau programme pour les villes, Habitat III, Déclaration de Quito sur les villes et les établissements humains
viables pour tous, Nations Unies, octobre 2016.
5 - Rapport de CESE « Pour une nouvelle charte sociale : Des normes à respecter et des objectifs à contractualiser »,
Auto-Saisine n°1/2011

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Conseil Economique, Social et Environnemental

Le CESE a identifié et préconisé également des indicateurs de suivi et de mesures de


progrès liés à cet objectif, qui figurent dans le Référentiel de la charte sociale. Il s’agit
notamment de l’effectif des sans-abris, des indicateurs sur l’existence et l’accès aux
services de base dans les zones d’habitation en particulier en milieu rural.
Bien que le Maroc reconnaisse la valeur constitutionnelle du droit au logement
(Constitution 2011 art. 31) et que ce droit est également implicite dans plusieurs
textes internationaux sur les droits de l’homme reconnaissant le droit à des conditions
de vie digne (PIDESC art. 11) et plus particulièrement à un logement décent, force est
de constater que le respect de ces dispositions ne se concrétise pas réellement dans
les faits car le monde rural est confronté actuellement à des problèmes graves liés
non seulement à l’insuffisance des services sociaux de base et de pauvreté, mais aussi
aux conditions déplorables de l’habitat rural qui reste insalubre et généralement
inachevé.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les expériences de développement ayant
privilégié l’approche strictement physique ont montré leurs limites, puisque même si
elles permettent d’obtenir des réalisations quantitatives, la considération de l’élément
humain au cœur des stratégies et plans de développement ne suit plus. Aujourd’hui,
les organismes internationaux et les acteurs de la société civile organisée exhortent
les pays et les gouvernements pour adopter véritablement une approche basée sur
le droit qui donne plus de primauté à l’élément humain dans toute stratégie et action
de développement.
Or, si cette approche est bien maitrisée dans certains domaines et dans certains milieux,
dans d’autres, comme l’habitat en milieu rural, elle pâtit encore des insuffisances
accrues qui pèsent lourdement sur le niveau de vie des populations rurales et sur
la persistance des problèmes d’exclusion et de pauvreté de ces populations et de
fragilité des milieux ruraux.

b. Habitat rural : un cadre de vie plus large qu’un simple logement


Plusieurs définitions6 de l’habitat et du logement existent en relation avec l’espace
et son organisation. L’habitat rural est plus large que la simple habitation. Les
types d’habitat différent selon la couche sociale des ménages, l’organisation de la
communauté, les relations avec l’environnement immédiat de cet habitat, etc.
Dans les années 1970, René. Lebeau a défini l’habitat rural comme «le mode de
répartition des maisons paysannes à l’intérieur d’un finage donné compris comme le
territoire sur lequel un groupe rural, une communauté de paysans, s’est installé, pour

6 - Habitat : espace qui offre des conditions qui conviennent à la vie et au développement d’une espèce animale ou
végétale. L’habitat d’un animal, d’une plante, de l’Homme …
- Habitat : ensemble des conditions d’organisation et de peuplement par l’Homme du milieu où il vit. Habitat rural,
urbain; habitat aggloméré, dispersé, disséminé, groupé.
- Le logement est un élément de l’habitat : Un logement est un lieu d’habitation. C’est un local, un appartement ou
une maison et plus généralement tout endroit où une ou plusieurs personnes peuvent s’abriter, en particulier pour
se détendre, dormir, manger et vivre en privé. C’est un endroit pour s’abriter (héberger) le jour et la nuit.

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

le défricher et le cultiver, sur lequel il exerce des droits agraires »7. De cette définition
il découle les caractéristiques propres au milieu rural : la «ruralité» ou la «paysannerie»
qui renvoient à des paramètres de l’existence humaine à la fois :
- Culturels (sédentarité ou mobilité suivant les conditions géographiques et
climatiques),
- Sociologiques (relations communauté/foyer/individu) et
- Economiques (espace agro-sylvo-pastoral mis en valeur/conditions socio-juridiques
d’accès aux ressources et leur utilisation…).
Ainsi, et compte tenu de la réalité du monde rural marocain, l’habitat rural n’est en
aucun cas synonyme de logement. Une confusion est souvent faite entre le logement
et l’habitat. En effet, le logement est différent de l’habitat en milieu rural, qui est resté
une réelle problématique depuis des années. En fait, l’habitat rural est avant tout une
unité spatiale fonctionnelle qui assure à la fois le logement pour les ménages ruraux,
et assume des fonctions liées au mode de vie des populations rurales. Ces fonctions
peuvent être liées à l’agriculture (dépôt du matériel agricole, magasin, entrepôt pour
emmagasiner la production agricole, etc), à l’élevage (écurie, bergerie, entrepôt des
aliments, etc.) à l’artisanat (forge, tissage, etc.) et à d’autres activités économiques et
sociales pratiquées en milieu rural.
Par ailleurs, l’habitat rural est étroitement lié à des institutions communautaires
(madrasa, greniers collectifs, dar Jmaa, etc.) et à d’autres institutions à caractère
collectif (souk hebdomadaire, mosquée, zaouïa, etc.).
Par conséquent, on ne peut pas parler de l’habitat sans évoquer la vie sociale des
citoyennes et citoyens ruraux qui se traduit par des liens de solidarité très forts encore
présents et palpables lors de l’organisation de divers évènements comme le mariage,
la naissance, l’enterrement, la circoncision, etc.

c. Evolution historique, typologies et richesse patrimoniale et


architecturale de l’habitat rural
Le monde rural recèle des potentialités et des valeurs culturelles et patrimoniales
inédites qui nécessitent un entretien continu pour les préserver et les exploiter de
façon plus rationnelle. Ces richesses se manifestent particulièrement dans le domaine
de l’habitat et du logement, puisque la diversité des paysages naturels et des
communautés rurales marocaines offre une pluralité originale en matière d’habitat
(fixe ou mobile, collectif ou individuel/ CRE, douar, dchar, qsar, …) et d’espaces ruraux
(montagne, côtes, plaines, oasis, désert, plateaux,…).

7 - (René Lebeau, Les grands types de structures agraires dans le monde, 1972).
- Espace rural : peut avoir différentes définitions selon plusieurs dimensions : écologique, socio-économique,
spatiale et politico-administrative,

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Conseil Economique, Social et Environnemental

Grands traits historiques de différents types d’habitations rurales marocaines


A l’instar des pays de l’Afrique du Nord, le Maroc dispose d’un historique riche et
varié en matière d’habitat rural. Un domaine qui a subi une évolution mémorable au
fil des années que ce soit sur le plan de mode de construction en matériaux locaux
périssables ou sur l’utilisation de cet habitat comme espace polyvalent. Cet espace
est partagé entre plusieurs usages : logement et séjour des habitants, préparation de
l’alimentation, réserves/stockages des produits agricoles, activités de fabrication ou
de transformation de ces produits, stabulation / bâtiment des animaux domestiques.
Les mutations de la société marocaine n’ont pas eu beaucoup d’impact sur l’habitat
rural. En effet, il a été révélé que « dans les campagnes marocaines, on trouve un
habitat où se marque par étapes successives toute l’évolution de la vie nomade à
la vie sédentaire: des tentes, les khaïma, susceptibles de déplacements, des huttes
faites d’armatures de roseaux entrelacés et recouvertes de branchages que l’on
nomme noualas et qui peuvent être déplacées sur une faible distance, des maisons
aux murs de terre recouvertes d’un toit de chaume à double pente, des maisons
carrées en pierre, à un étage, coiffées d’un toit terrasse, des agriculteurs berbères du
Moyen et du Haut Atlas, et des maisons de maçonnerie recouverte en terrasse. Ces
dernières, constituant l’habitat rural traditionnel sédentaire, se groupent en villages,
essentiellement en montagnes »8.
Dans la région des Doukkala, plus particulièrement dans la commune rurale de
Haouzia, relevant de la province d’El-Jadida, les Tazotas, est un type d’habitat très
ancien, unique au Maroc et au Mexique. Construit en pierre sèche, c’est-à-dire
sans mortier. Ce type d’habitat était destiné auparavant au logement, mais avec
l’évolution qui a marqué la campagne marocaine, il est utilisé pour le stockage des
produits agricoles (blé, orge, fève,..). Aujourd’hui, certains Tazotas ont été utilisés pour
le tourisme en tant que richesse historique de la région.
Dans les zones oasiennes, les habitats et les modes de vie constituent historiquement
un capital immatériel original, mais malheureusement la recherche scientifique n’a
pas investie beaucoup dans ce domaine. En ce qui concerne les Ksour et Kasbahs,
plus de 86 ksour et 300 kasbahs ont été inventoriés dans la région de Souss-Massa-
Draa dont près de 200 kasbahs sont dans un état de délabrement avancé9.

8 - Shama Atif, Modèles d’habitats entre persistances et mutations- Typologie de logements marocains, 201/2011,
p.46.
9 - Source : Ministère de la Culture : 2014. Éléments pour une vision : Patrimoine 2020.

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Encadré1 : les ksour et les kasbahs : un type d’habitat original et millénaire


Les ksour sont des villages communautaires entourés ou non d’enceintes,
organisés autour d’une rue centrale et comportant une ou plusieurs kasbahs. Les
kasbahs désignent des demeures seigneuriales fortifiées élevées à des endroits
stratégiques à l’intérieur ou en bordure des ksour. Ayant joué un rôle fondamental
durant des siècles, ce patrimoine bâti, construit en terre et/ou en pierre, porte en
lui l’expression d’un savoir-faire millénaire et d’une adaptation en symbiose avec
l’environnement naturel, les conditions climatiques du milieu et les caractéristiques
socio-économiques de la population concernée. Au Sud de l’Atlas, ce patrimoine
apporte un témoignage sur l’histoire de la région et représente un aspect de l’art
amazigh. Ces habitations aux architectures si typiques traduisent l’intelligence de
l’adaptation de l’Homme à son milieu ainsi que l’esprit de solidarité qui régnait au
sein des communautés. Ce sont toutes ces valeurs qui ont valu à cette architecture
d’être reconnue par l’UNESCO à travers l’inscription du ksar d’Aït Ben Haddou, situé
à proximité d’Ouarzazate, sur la Liste du Patrimoine Mondial.
Source : Ministère de la Culture : 2014. Éléments pour une vision : Patrimoine 2020,p : 20

Lors de la visite de terrain à Er-Rachidia, il a été constaté que l’état de ces habitations,
symboles millénaires d’un art de construction authentique, est alarmant et reflète
l’image d’une dégradation avancée. En effet, elles sont aujourd’hui menacées par
de nombreux facteurs exogènes et endogènes pouvant les exposer au risque de
disparition si l’Etat et les collectivités territoriales tardent d’intervenir pour protéger ce
patrimoine. Des initiatives ont été prises pour réhabiliter certains ksour dans le cadre
du programme de valorisation durable des ksour et kasbahs du PNUD.
Par ailleurs, en plus des problèmes de foncier et de l’incapacité administrative de
répondre aux besoins élémentaires minimaux liés à la réhabilitation d’anciennes
bâtisses ou à l’édification de nouvelles constructions, les personnes consultées
évoquent la nécessité d’assurer un minimum de confort mais surtout d’hygiène : les
pièces à coucher doivent être ensoleillées, aérées; la maison ne doit pas être humide.
L’habitation doit être dotée d’une arrivée d’eau potable et d’une évacuation des eaux
usées qui n’impacte pas l’agriculture et les rares sources d’eau de la région, vallée
de ziz. La nécessité d’éviter une trop grande promiscuité est également énoncée :
une chambre pour les parents, une autre pour les garçons et une pour les filles. La
nécessité de respecter les consignes relatives à la séparation totale entre le logement
destiné à la famille et les locaux réservés aux animaux a été aussi évoquée, car en effet
cette obligation n’est pas encore observée partout.
Dans ce contexte, et en raison de la portée de ces habitats, la préservation de ce
patrimoine culturel, architectural et immatériel (ksour et kasbahs) nécessite la mise
en place par l’Etat d’une stratégie globale et concertée impliquant tous les acteurs
concernés et à leur tête la région, la province, la commune, les agences urbaines, les
populations locales et les ayants-droits.

21
Conseil Economique, Social et Environnemental

Le secteur privé lui aussi peut apporter des bonnes pratiques pour la valorisation de
ces ksour et kasbahs moyennant un appui, notamment technique, afin de les rendre
plus attractifs pour les touristes nationaux et internationaux. A ce propos, et comme il
a été observé lors de la visite de terrain à la province d’Er-Rachidia, le Ksar d’El Khorbat10
illustre parfaitement l’exemple type d’une initiative privée qui a réussie à réhabiliter
et rénover ce patrimoine tout en préservant son caractère ancestrale. Cela a permis
de dynamiser le secteur touristique via la création d’un musé qui renferme les grands
traits historiques et les matériaux locaux de la région, utilisés pour la réhabilitation de
ce ksar. Des activités d’artisanat ont été également crées en faveur des femmes qui y
habitent. Cette initiative mérite d’être dupliquée dans d’autres régions.
Il existe aussi d’autres types d’habitat notamment, les tentes bédouins de l’oriental,
la tabouyahyaoute dans le Draa et l’anti atlas, le troglodyte du Moyen Atlas, etc. qui
doivent être recensés pour procéder à leur réhabilitation et valorisation du fait de leur
richesse culturel et patrimonial.
Les douars11 qui constituent la forme d’organisation la plus répandue en milieu rural
ont subi une série de transformation marquant l’évolution de la société marocaine.
Dans certaines régions, ces douars ont évolué en petit village et par la suite en centre
rural émergent disposant des infrastructures groupées beaucoup plus avantageuses
que le douar. Mais ces douars nécessitent un diagnostic approfondi pour connaitre
leur situation et procéder à leur réhabilitation ou à leur transformation tout en
préservant les caractéristiques et les modes de construction avec les matériaux
locaux. Il s’agit de valoriser le patrimoine et la diversité des milieux ruraux, tout en
profitant des avantages qu’offrent les nouvelles technologies de l’information afin de
relever les nouveaux défis auxquels la société marocaine doit faire face.
De ce bref aperçu, il ressort que l’identification de types de l’habitat rural marocain
reflète la multiplicité des conditions socio-économiques, culturelles, et climatiques
qui définissent leurs traits distinctifs et l’évolution remarquable de mode de logement
et d’habitat au fil des années. Les éléments culturels et historiques sont déterminants
pour appréhender la réalité de l’habitat rural marocain, mais à cela il faut associer le
mode d’organisation de l’espace et la plurifonctionnalité de l’habitation.
Il est donc nécessaire de faire confiance aux potentialités locales humaines,
économiques, culturelles, sociales, traditionnelles de ces espaces et d’œuvrer pour
les mettre en valeur, les considérer comme richesses et patrimoines à développer,
à adapter aux évolutions du monde d’aujourd’hui. Ce qui n’est surement pas une
négation des modes, des valeurs et des pratiques traditionnelles.
Dans ce cadre, l’habitat rural est désormais, une composante essentielle du capital
matériel et immatériel du fait de l’existence d’une richesse importante des modes
de construction des cadres bâtis, du savoir-faire local, de la technologie propre
aux spécificités des milieux ruraux et à leur diversité. Pour ce faire, il est temps de

10 - Ksar El Khorbat, à Tinejdad, province d’Er-Rachidia


11 - le « Douar », Groupement humain élémentaire : cellule de base composée d’un ensemble de foyers réunis par
des liens réels ou fictifs de la parenté qui peut admettre bien des accommodements en acceptant un certain nombre
d’étrangers (‘berrani’).

22
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

développer cette composante en lien avec le développement territorial et local dans


la perspective de conserver le cachet culturel et patrimoniale rural et de le valoriser
en tant que levier de promotion et de création de richesse. Parallèlement à cela, il
est fondamentalement intéressant d’œuvrer pour le respect des identités culturelles
locales, de leurs modes de vie, de leurs organisations sociales. La modernisation
ne doit pas être un asservissement des populations rurales à un modèle empreint
« d’universalité » et « d’urbanité » mais comme moyen de rehausser et de faire
évoluer les structures sociales traditionnelles tout en préservant leurs caractéristiques
et valeurs12 .
Or, lors des auditions organisées par le CESE, il a été souligné l’importance du
patrimoine culturel et architectural de l’habitat rural, mais malheureusement ce
patrimoine est menacé de dégradation, de destruction et de perdition face aux
architectures de caractère citadin basées sur le béton, la brique et le ciment. De
ce fait, le pisé est de plus en plus délaissé, les métiers locaux liés à ces formes de
construction traditionnelle (métier spécifique: tabouyahyaout, kasbah, tabout, portier
en bois, tente nomade, etc.) ainsi et que des institutions communautaires (Zaouiya,
dar Jmaaa, ….) sont de plus en plus abandonnés. De ce fait, le défis de préservation
de la diversité des habitats en milieu rural s’impose et interpelle les décideurs et
les responsables concernés afin que ce patrimoine fort important ne risque pas de
disparaitre un jour.
Enfin, la compréhension de l’habitat rural ne peut être posée dans les mêmes termes
qu’en milieu urbain et ne présente pas les mêmes évolutions et caractéristiques qui
restent fortement liées à chaque type de territoire et milieux ruraux. Les connaissances
portant sur l’habitat rural dans sa globalité demeurent très limités, mis à part
quelques experts dans des domaines précis comme l’architecture et la géographie,
qui ont abordés la question de l’habitat, les études sur les aspects sociaux, culturels et
économiques de l’habitat en milieu rural sont rares.
Typologies et richesse patrimoniale et architecturale de l’habitat rural
De par son patrimoine naturel et culturel, le monde rural renferme des spécificités
considérables liées aux différentes types de son architecture et aux modes de
construction de l’habitat allant de l’architecture très simple des douars à une
architecture plus élaborée des zones de montagnes (Atlas, des oasis, sud,…). Mais
avec l’émergence de centres ruraux/ centres urbains, cette architecture a perdu son
âme car elle a été modifiée et risque d’être effacée par l’avènement d’une modernité
qui néglige le recours aux matériaux locaux, la préservation de la tradition et la
valorisation du patrimoine riche et varié des espaces ruraux.

12 - Audition de l’Ordre national des architectes, du 27 février 2018

23
Conseil Economique, Social et Environnemental

Encadré 2 : patrimoine et paysage de l’habitat rural


« Le bâti n’est qu’un aspect du patrimoine de l’habitat rural qui comporte aussi
les paysages. Là, l’application des mesures de protection reste surtout l’expression
de la volonté des politiques locales ou régionales, à travers un travail de collecte
des savoir-faire, ainsi que d’un relevé des singularités. Le rôle de la recherche est
ici de rendre compte de la persistance de ces singularités, des processus de leur
sélection et de leur recomposition par les générations actuelles. Les chercheures
(Davallon, Micoud, Tardy, 1997 : 195) sur les modalités patrimoniales d’un
territoire, précisent que le patrimoine rural se veut plus large que le patrimoine
ethnologique. Il s’ouvre continuellement à de nouveaux objets, empiétant sur un
espace géographique toujours plus vaste et s’étalant sur une chronologie de plus
en plus contemporaine.” Les mêmes auteurs insistent sur le fait que le patrimoine
serait ainsi “une manière très subtile pour les groupes nouveaux d’apparaître en se
dotant d’entrée de jeu d’une grande légitimité. Ce constat ne va pas sans interroger
l’enjeu que constitue le patrimoine et donc sa légitimité ».
Source : Nathalie Ortar, 2002. « La campagne, le patrimoine et les citadins. Entre souvenir et oubli (Compte-rendu
de deux ouvrages récents) » Comptes rendus d’ouvrages,(http://www.ethnographiques.org/2002/Ortar

L’habitat rural est très diversifié et on registre autant de types architecturaux que des
espaces ruraux . Cette diversité peut être décrite selon plusieurs typologies d’habitats
ruraux en fonction de ses spécificités, de l’histoire et de leur existence symbolique,
de leur richesse patrimoniale, de la proximité aux moyennes de développement
économique et social, et aux grandes villes (habitat mobile, ksour, kasbah, habitat
dispersé, habitat troglodyte du Moyen Atlas, ….):
- De prime à bord, il convient de distinguer entre l’habitat fixe et mobile :
. L’habitat fixe ou habitat sédentaire est un habitat qui n’entraine pas de
déplacement des gens, il est construit généralement par les matériaux locaux
et garde le mode fonctionnel intégrant à la fois le logement et l’abri pour les
animaux et produits d’exploitation agricole.
. L’habitat des nomades qualifiés souvent de l’habitat mobile (l’habitat dans les
tentes) dont le mode de vie de la population est caractérisé par la pratique de
l’élevage et les déplacements fréquents motivés par la recherche de zones de
pâturage et de points d’eau. L’effectif de la population nomade recensée au 1er
septembre 2014 s’élève à 25274 personnes, 95% d’entre elles se concentrent
dans quatre régions situées à l’Est et au Sud du pays : Draa-Tafilalet, Guelmim-
Oued Noun, Laayoune-Sakia El Hamra et Souss-Massa.
- Selon les matériaux de construction, on peut différencier entre l’habitat en
dur (pierre, brique cuite, etc.) et l’habitat sommaire (en chaume, Nouala, etc.).
En fonction des régions et des territoires, des usages et des habitudes peuvent
exister tant dans la planification que dans le mode d’organisation de l’activité de
construction des habitats et de leurs extensions comme la réalisation des annexes
internes et externes (enclos-zriba, four-ferran, la cour-el haouch etc…).

24
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

- D’autres types d’habitat peuvent êtres avancés selon la nature des modes de vie
et le degré des mutations socio spatiales. En effet, l’habitat rural est influencé aussi
par la nature du relief. De ce fait, l’habitat en montagne suit le plus souvent les
pentes des montagnes, les villages sont longés le long des versants et surplombe
les terres agricoles au fonds des vallées, alors que les villages des plaines en bour
se caractérisent par leur morphologie ronde et occupent le plus souvent les zones
incultes. L’habitat des zones arides oasiennes se concentre d’une manière groupée
et compactée dans un espace réduit en superficie et prend de la hauteur (2 à 3
étages) pour optimiser l’exploitation de l’espace réservé au bâti.
- La proximité aux villes est un facteur déterminant de la typologie des habitats en
milieux ruraux. Plus le village est proche de la ville, plus il reflète l’architecture citadine
(le périurbain) alors que le rural profond conserve encore des traits spécifiques de
l’habitat rural fonctionnel englobant le logement avec une écurie pour les animaux,
un magasin/entrepôt pour le stockage des aliments et de production, une unité
d’artisanat, etc.
- La Typologie selon l’entité ethnique et tribale, qui persiste encore dans certaines
régions du Maroc. A titre d’exemple dans les oasis de Draa, les habitats ne reflètent
pas les mêmes architectures  et diffèrent selon l’ethnie des occupants (draoua,
amazighe, arabe, chorfa, juif, etc.).
- Le taux d’équipement et d’accès aux infrastructures de base et aux services
sociaux demeure un facteur essentiel de l’habitat rural. Le plus souvent les villages
des zones montagneuses dans le Rfi, le Moyen Atlas, l’Anti Atlas et le Haut Atlas
et des villages dans l’oriental et les espaces oasiens se caractérisent par un faible
taux d’accès aux infrastructures de base (route, eau potable, électricité, etc.). Ces
zones enregistrent aussi des taux d’enclavement et d’analphabétisme très élevés.
L’accès aux soins médicaux demeure aussi très faible. En effet, le rapport du CESE
sur le développement des zones montagneuses, confirme cette situation, vu que
le niveau de développement humain est alarmant puisque 42,5% de la population
vivant dans ces zones sont analphabètes et que le taux de pauvreté (8.76%) y est
supérieur à la moyenne nationale qui est de 3,5%.
- A noter aussi que, la taille des concentrations détermine la typologie de l’habitat.
On distingue entre l’habitat individuel le plus souvent dispersé et l’habitat collectif
(compacté comme le cas des douars, groupement de l’habitat en fonction de sa
taille, ) allant d’un petit village à un grand village, puis un centre rural émergent,
dchar, qsar, … etc.
- A noter aussi, que la taille des concentrations détermine la typologie de l’habitat.
On distingue aussi entre (compacté comme le cas des douars, groupement de
l’habitat en fonction de sa taille, etc.), allant d’un petit village à un grand village,
puis un centre rural émergent, dchar, qsar, etc,
Selon cette classification, chaque type d’habitat exige des interventions spécifiques.
A titre d’exemple, l’intervention dans une zone de montagne doit se focaliser sur un
aménagement rural le long des cours d’eau (réseau d’eau potable, d’assainissement,
route, et services sociaux par vallée). Les priorités et les défis de l’habitat oasien

25
Conseil Economique, Social et Environnemental

sont plutôt liés à la préservation du patrimoine des ksour. Les plans et les concepts
proposés pour chaque type d’habitat conçus en dehors des réalités des populations
locales destinataires, risquent d’être exposés à des difficultés d’adoption et d’usage et
un rejet total par les populations.

2- L’habitat rural dans les politiques publiques


Depuis l’indépendance, peu d’intérêt a été accordé à l’habitat en milieu rural. En effet,
depuis cette date, les interventions de l’Etat dans le secteur sont restées très localisées
et consistaient beaucoup plus en des actions d’amélioration de l’accessibilité des
populations rurales. En fait, l’Etat ne s’est jamais doté d’une véritable politique
d’intervention sur le secteur de l’habitat rural. Cette partie sera consacrée à l’examen
de la situation de l’habitat rural, à la lumière des initiatives prises par l’Etat tout en
dégageant les insuffisances ayant contribuées à l’échec de ces interventions.

a. Des interventions de rattrapage réduites à des expériences pilotes


conçues sans aucune réelle politique nationale de l’habitat rural
Si on remonte avant l’indépendance, et précisément durant la période coloniale,
les interventions du Protectorat ont porté essentiellement sur la ville et l’habitat
urbain. Durant cette période, la question de la sécurité a été préoccupante en milieu
rural et l’habitat rural a été aggloméré et fortifié, géré en tant que bien commun,
utilisant les matériaux locaux biosourcés. L’auto-construction a constitué l’originalité
de l’habitat rural basée sur la main d’œuvre locale. Ce type d’habitat a privilégié la
gouvernance locale axée sur des institutions coutumières traditionnelles de gestion
communautaire (Jemaa) et sur le modèle du bien commun.
Pendant cette période, on a assisté également à l’émergence de la première
construction hors habitat aggloméré de prestige. Les matériaux locaux biosourcés
utilisés restent les mêmes, ainsi que l’auto-construction et le recours à la main
d’œuvre spécialisée locale, la gouvernance de l’habitat est coloniale en négociant
avec la Jemaa.
Après l’indépendance, les premières interventions des pouvoirs publics en matière
d’habitat ont porté essentiellement sur la ville et le développement de l’habitat
urbain. Par rapport au rural, malgré que l’Etat ait instauré le dahir n° 1-60-063 du 30
hija 1379 du 25 juin 1960 relatif au développement des agglomérations rurales, il
fallait attendre le Plan de développement économique et social de 1968 – 1972 pour
que l’Etat commence à s’intéresser à la question de l’habitat rural13.
Depuis cette date, les interventions de l’Etat dans le secteur de l’habitat rural sont
restées très localisées et ponctuelles. En fait, l’Etat n’a pas accordé beaucoup d’intérêt
au Schémas d’aménagement et d’orientation de l’espace rural, son intervention
est souvent orientée uniquement désenclavement, (routes, électricité,…), le
développement du monde rural et particulièrement l’habitat rural n’a pas été une

13 - M. Abdelaziz ADIDI, Professeur de l’Enseignement Supérieur, Directeur de l’institut National d’Aménagement et


d’Urbanisme, audition du 14 mars 2017

26
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

préoccupation de l’Etat, au même titre que la ville et les villes nouvelles. De même,
le développement social en milieu rural, et notamment l’ingénierie sociale échappe
souvent aux décideurs locaux, régionaux et nationaux lors de l’élaboration des
programmes et plans de développement.
Le secteur de l’habitat rural à l’inverse de ce qui s’est passé dans la ville, n’a jamais
été doté d’une véritable stratégie d’intervention conçue avec et pour les ménages
ruraux eux-mêmes. Cette intervention a été réduite dans la plupart des cas à
plusieurs tentatives dans le cadre des programmes ou des expériences pilotes visant
le groupement des habitations et le développement de l’habitat en milieu rural.
Dans ce contexte, seulement deux principales expériences ont été menées par
les pouvoirs publics dans le domaine de l’habitat en milieu rural. La première
expérience a été lancée au début des années 60, il s’agit de l’expérience des Unités
Rurales d’Equipement et de Fonctionnement (UREF), lancée par l’Office National des
Irrigations (ONI).
Elle avait pour objectif la valorisation des investissements agricoles à travers la
mise en place d’un plan directeur d’équipement rural où l’habitat occupe une
place révolutionnaire à l’époque14. Le vecteur central était le regroupement des
habitats pour réduire le coût des investissements des infrastructures de base et des
équipements. Elle a aussi pour but :
- la détermination des limites des communes rurales, des chefs-lieux de communes,
des centres ruraux et des douars ainsi que leur classification,
- la création de centres nouveaux ou accolés à des agglomérations d’habitat
existantes, appelés «unités rurales » dont la distance aux exploitations est en
générale de 2,5 km,
- la lutte contre l’habitat dispersé
- l’accompagnement de la modernisation du monde rural et la réussite de l’opération
du remembrement, devenu déterminant pour les UREF, afin de répondre à la
question de succession.
Cependant, cette expérience a connu des blocages à tous les niveaux qui ont limité
l’usage final de ces habitations. Citons à cet égard l’attachement des agriculteurs à
leurs douars, l’éloignement des exploitations agricoles des équipements de base et la
difficulté du déplacement de la population du douar vers le village. A cela s’ajoute la
faiblesse des revenus et des moyens financiers des ménages ruraux pour acquérir ces
logements malgré que l’Etat ait mis en place la possibilité de recours au financement
via le crédit agricole, l’endettement des paysans qui a concerné la participation à la
valorisation du remembrement15, le versement d’une redevance pour utilisation de

14 - Logement et habitat, Haut-Commissariat au Plan. Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques, 2005,


http://www.abhatoo.net.ma/maalama-textuelle/developpement-economique-et-social/developpement-social/
logement-et-habitat/politique-d-habitat/problematique-de-l-habitat-rural
15 - Il s’agit des programmes de remembrement rural qui a été introduit et réglementé par le dahir n° 1-62-105
du 27 moharram 1382 (30 juin 1962) et complété et modifié par le dahir 1-69-32 du 10 joumada I 1389 (25 juillet
1969) du code des investissements agricoles. Les premiers programmes de remembrement ont été engagés dans

27
Conseil Economique, Social et Environnemental

l’eau d’irrigation et les crédits de campagne et d’investissement en matériel et enfin


le statut juridique des lots en copropriété16.
La deuxième expérience pilote a été réalisée entre 1968 et 1972, elle a été baptisée
«  Villages PAM : Programme Alimentaire Mondial ». Les critères de choix des villages
ont été portés sur la densité de la population, la proximité d’un centre urbain,
les potentialités économiques, la proximité d’un axe routier, l’existence d’une
infrastructure de santé et d’éducation, etc. La superficie des logements est fixée à
environ 160 mètres carrés, et le logement a été livré clés en main.
Bien que certains villages accolés à une activité agricole ont pu réussir, cette
expérience a connu généralement un échec pour plusieurs raisons : les logements ont
été construit sans consultation préalable de la population concernée. La livraison des
logements a été effectuée sans la réalisation simultanée des infrastructures de bases
notamment l’accès à l’eau et à l’électricité, insuffisance d’entrepôt et de bâtiments
pour bétail etc. Plusieurs villages PAM connaissent encore des problèmes soit du
complément d’infrastructure de base soit de leur assiette foncière non assainie.
D’autres initiatives ont été entreprises par l’Etat pour approcher l’habitat rural. Dans
le cadre du Plan quinquennal 1973-1977, l’Etat a planifié la construction de milliers
de logements ruraux avec la réhabilitation de plusieurs ksours et Kasbas. Mais peu
d’opérations ont été menées à travers la mobilisation de financement du Fond
Spécial de Développement Régional (FSDR) créé à l›occasion de la création de
nouvelles provinces entre la période 1974 et 1976. Ainsi, il y a eu proposition de trois
programmes:
- Programme de lotissements d’habitat dans les zones de mise en valeur agricole
(accompagner la dynamique des zones irriguées) ;
- Programme d’équipement de centres communaux dans les régions de culture
bour (un centre par commune) sur la base des SAR (schéma d’armature rurale);
- Programme de rénovation des ksours des vallées présahariennes (sauvegarder les
monuments, assurer la pérennité des ksours ).
Quant au programme Habitat Rural (HR) initié en même temps que le programme
Social d’habitat en milieu urbain, il prévoyait la construction d’une cinquantaine de
logements embryonnaires par opération avec un coût ne dépassant pas 15.000 DH
par logement17.

les zones irriguées compte tenu de l’importance des investissements consentis par l’Etat dans ces zones et dans le
but de préserver des zones d’habitat rural dans les schémas d’équipements agro-hydrauliques (source : Situation de
l’agriculture marocaine, document sur le foncier agricole, réalisé par le Conseil Général du Développement Agricole,
2005)
16 - Logement et habitat, Haut-Commissariat au Plan. Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques, 2005,
http://www.abhatoo.net.ma/maalama-textuelle/developpement-economique-et-social/developpement-social/
logement-et-habitat/politique-d-habitat/problematique-de-l-habitat-rural
17 - M. Abdelaziz ADIDI, Professeur de l’Enseignement Supérieur, Directeur de l’institut National d’Aménagement et
d’Urbanisme, audition du 14 mars 2017

28
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Entre 1995-1996, l’urbanisation en milieu rural s’est caractérisée par le développement


des centres ruraux par le biais de la mobilisation des terrains domaniaux environ 300 ha
(création des lotissements d’habitat adaptés aux activités agricoles et Renforcement
des équipements collectifs). Toutefois, cette démarche n’a jamais pu être concrétisée
sur le terrain.
Le ministère chargé de l’Habitat et de l’urbanisme a programmé, dans le cadre de la
loi de finances 98-99, le lancement d’un programme pilote de zones d’aménagement
progressif (ZAP) destinées soit à la prévention du développement de quartiers d’habitat
non réglementaire, au relogement des ménages bidonvillois, ou pour répondre à un
besoin de logement en milieu rural, dans des centres en développement.
Durant la période 2000-2005, une cinquantaine de ZAP a été initié à travers le Maroc
comptant 17.000 unités environ et nécessitant un investissement de l’ordre de 400
MDH dont 200 MDH reviennent à des subventions accordées par l’Etat. Parmi ces
ZAP, 70% a été initié en milieu rural.
Entre 2007 et 2012, Dans le cadre de la promotion de l’habitat rural, le Ministère
Délégué Auprès du Premier Ministre Chargé de l’Habitat et de l’Urbanisme a initié
quatre actions, à savoir :
- L’assistance Architecturale en Milieu Rural ;
- Les Centres Ruraux Emergents (CREM);
- Les Maisons de Services Publics ;
- Les Zones d’Aménagement Progressif (ZAP).
Que ce soit les deux expériences pilotes menées en matière d’habitat rural, ou les
autres initiatives entreprises par l’Etat pour approcher cet habitat, les résultats
enregistrés sont restés très timides.

b. Principales causes de l’échec ou la limitation des résultats des


interventions de l’Etat et des collectivités territoriales en matière
d’habitat rural
En l’absence d’une politique publique nationale de l’habitat rural, les interventions de
l’Etat de l’indépendance à nos jours sont restées inadaptées à la diversité des espaces
ruraux. Ce constat a été confirmé par tous les acteurs auditionnés18 puisque l’Etat
s’est limité à des programmes et des expériences pilotes, ponctuelles, disparates. Ces
expériences ont connu en général un échec, et ce type d’habitat n’a pas été apprécié
par les ménages ruraux notamment les agriculteurs car il ne tient pas compte des
particularités de la vie rurale et leur semble une conception similaire à celle qui se fait
en milieu urbain.
Ces expériences ont souffert également de beaucoup de biais méthodologiques
et la réflexion jusqu’à aujourd’hui est restée prisonnière de la réduction de l’habitat

18 - Personnes ressources (Pr. Driss GUERRAOUI, Directeur de l’INAU, Départements y compris celui de l’aménagement
de territoire et de l’urbanisme,.. .)

29
Conseil Economique, Social et Environnemental

à la problématique de logement. Considérées comme étant une planification de


rattrapage, toutes les interventions ont été réduites à des programmes pilotes, mais
pas de vision qui ambitionne l’élaboration d’une réelle politique nationale de l’habitat
rural.
Par ailleurs, il a été pointé aussi que les actions menées ne faisaient l’objet d’aucune
programmation participative dans le cadre d’une stratégie nationale durable
déclinée en plan d’action au niveau local et régional engageant d’une manière
élargie les responsables locaux et régionaux ainsi que les bénéficiaires et privilégiant
la convergence des actions et la mutualisation des efforts de tous les intervenants.
A cet égard, le citoyen est censé être accompagné en vue de construire avec et
pour lui et selon ses préoccupations tout en encourageant l’utilisation des matériaux
locaux et en rendant effectif les deux règlements19 existants et qui sont applicables
aux bâtiments conçus selon les techniques locales traditionnelles et dont la structure
porteuse utilise essentiellement la terre, la paille, le bois, le palmier, les roseaux ou
des matériaux similaires. Les matériaux couverts par ces règlements sont l’adobe,
l’adobe stabilisé, le bloc de terre comprimé, le pisé, le torchis, la bauge et le mortier
de terre. Il va falloir aussi garder le paysage architectural et les caractéristiques du bâti
en milieu rural en intégrant les évolutions technologiques nouvelles et le concept de
la durabilité.
Or, les expériences et programmes menés par l’Etat n’ont pris en considération ni les
spécificités propres de chaque région et localités ni la diversité géographique et les
dimensions sociale, culturelle, économique et ethnique des espaces ruraux, bien que
ces dimensions constituent des leviers majeurs pour le développement des localités
et régions et la promotion de l’habitat rural qui est malheureusement partie d’une
vision complètement erronée depuis l’indépendance.
Les différents gouvernements qui se sont succédés n’ont pas accordé beaucoup
d’importance au peu d’actions initiées dans le domaine de l’habitat rural ni élaboré
un programme de suivi de la réalisation de ces actions. Par conséquent, ces initiatives
sont restées limitées et aucune capitalisation ou une expertise n’a pu être faite dans
ce domaine.

19 - Décret n° 2-12-666 du 17 rejeb 1434 (28 mai 2013) approuvant le règlement parasismique pour les constructions
en terre et instituant le Comité national des constructions en terre et le Décret n° 2-12-666 du 17 rejeb 1434 (28 mai
2013) approuvant le règlement parasismique pour les constructions en terre et instituant le Comité national des
constructions en terre. (BO n°6206 du 21 Novembre 2013)

30
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

II. Eléments d’analyse et d’appréciation de l’habitat


rural

1- Choc et contre-choc démographique non pris en


considération et urbanisation accélérée des espaces ruraux
Après l’indépendance la population marocaine était à dominance rurale, à juste titre
en 1962, la population totale était 12.177 millions d’habitants, la population rurale
représentait 8.474 millions et la population urbaine uniquement 3.703 millions
d’habitants20.
L’espérance de vie en milieu rural était 43 (57 ans en milieu urbain), durant cette
période le Maroc a connu ce qu’on a appelé un choc démographique, avec des
ménages qui faisaient à peu près 5 à 6 personnes par ménage, un indice synthétique
de fécondité en milieu rural était 6,2 en 1962 et 7 en 197521.
Toutefois, à partir des années 80, le Maroc est passé par une phase marquée par un
début d’allongement de l’espérance de vie qui a été extrêmement rapide, mais surtout
une baisse de la mortalité infantile avec une stagnation de la taille des ménages qui a
dépassé les 6 à 7 personnes par ménages, en effet, l’indice synthétique de fécondité
en 1982 était 6,622.
Mais à cause de plusieurs facteurs économiques, culturelles…, un contre choc
démographique a été enregistré vers fin des années 90 début 2000, c’est-à-dire une
régression très rapide de la natalité, puisque l’indice synthétique de fécondité a chuté
jusqu’à 2.5 en milieu rural contre 2 en milieu urbain et 2,2 comme moyenne nationale.
Le taux de parité moyenne23 à 45-49 ans est de 3.5 au niveau national, alors qu’en
milieu rural, il est de 4,524. Quant à l’espérance de vie, elle a fortement progressé pour
atteindre 74,29 ans en 2015
Durant les périodes du choc comme du contre choc démographique, la politique
de l’Etat n’a pas intégré les transformations sociales et démographiques et ne les a
pas anticipé lors de l’élaboration des plans d’aménagement des territoires et de la
planification d’urbanisme notamment dans le secteur de l’habitat rural, des centres
ruraux et des zones périurbaines. En outre, l’absence d’une véritable politique impacte
encore l’évolution non maitrisée de ces espaces, avec un coût social et financier élevé.

20 - Centre d’études et de recherches démographiques, Projections de la population du Maroc par milieu de résidence,
2005-2030, HCP, Décembre 2007
21 - Les indicateurs sociaux du Maroc, 2011, HCP, p : 80
22 - Idem, les indicateurs sociaux du Maroc, 2011, HCP
23 - Cet indicateur qui exprime la progéniture finale est le nombre moyen d’enfants nés vivants d’une femme âgée de
45 à 49 ans pendant toute sa vie de procréation.
24 - Source : HCP Recensements Généraux de la Population et de l’Habitat (RGPH) de 2014.

31
Conseil Economique, Social et Environnemental

Durant la période du choc démographique, le milieu rural a enregistré des indicateurs


d’accroissement naturel (fécondité, âge au premier mariage, nombre d’enfant par
ménage, etc.) beaucoup plus importants que les milieux urbains. Mais, en raison de
l’insuffisance de politique de l’Etat capable de résorber et accompagner ce choc
(logement convenables, amélioration de cadre de vie des ruraux, renforcement des
habitats groupés, activités économiques diversifiées et soutenues, …) la population
surtout les jeunes ruraux se sont obligés d’immigrer vers les grandes villes en logeant
dans des habitats encore plus précaires au niveau des bidonvilles.
Cela, réclame par conséquent la nécessité d’avoir une politique volontariste de l’Etat
et des collectivités territoriales pour planifier la mise à niveau et le développement de
groupements d’habitations au niveau des territoires, en facilitant l’accès à la propriété
de terrains moyennant des mesures d’accompagnement et de soutien financier.
Actuellement avec le contre choc, il y a des zones rurales qui se vident aujourd’hui
grâce à la mobilité des personnes. Il importe d’enregistrer également un reclassement
de certaines localités rurales et de l’extension du périmètre urbain induisant une forte
urbanisation, cela se confirme par le taux d’urbanisation qui reste élevé en passant de
55,1% en 2004 à 60.3% , soit 33,8 millions d’habitants en 2014. Le graphique suivant
illustre l’évolution du taux d’urbanisation au Maroc.

Source : HCP, Recensement Général de la population et de l’habitat 2014

L’habitat en milieu rural sera aussi impacté par la dynamique démographique


de la population rurale. Le HCP indique que la population marocaine passerait
de 43,6 millions en 2050. Cette évolution démographique serait principalement
urbaine, en raison essentiellement de l’exode rural et de l’urbanisation des zones
rurales. Ainsi, les villes marocaines abriteraient, en 2050 près de 32,1 millions au
lieu de 20,4 millions en 2014. Alors que la population rurale connaîtrait un recul
de son effectif passant de 13,4 millions en 2014 à 11,4 millions vers 2050.
En ce qui concerne les ménages, ils passeraient de 4,8 à 10,6 millions entre 2014 et
2050 pour les urbains, tandis que les ruraux connaîtraient une augmentation de 2,5 à
3,1 millions avec une baisse de la taille des ménages (5,3 à 3,7), comme indiqué dans
le graphique ci-après.

32
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Source : HCP, audition du 19 décembre 2017

Cette transformation ne veut pas dire que les zones rurales se vident, mais le
taux d’accroissement n’est plus le même, et donc la politique de l’Etat doit
s’adapter à cette situation, en optimisant d’avantage, dans le cadre d’une
intervention volontariste et concertée, les affectations budgétaires destinés
aux habitats dispersés (routes très couteuses et d’adduction d’eau potable et
électricité…). Il s’agit en fait d’orienter les efforts plus vers les centres ruraux
pour mieux les redynamiser et les développer dans le futur au lieu qu’ils
continuent à subir des changements et des demandes non orientés qui
couteront plus chers à l’Etat.

2- Principales caractéristiques de l’habitat rural


L’habitat rural ne peut pas être isolé de son environnement économique et social
et par conséquent du développement du monde rural en général. En effet, avoir un
habitat salubre suppose la réunion de toutes les conditions nécessaires pour mener
un mode de vie acceptable. Parmi lesquelles on évoquera l’accès aux services de base
et aux infrastructures qui facilitent la circulation des hommes, des biens et services et
assurent le développement social et économique des ménages ruraux.

a. Données sur l’habitat rural


En se référant aux statistiques du haut-commissariat au plan et aux auditionnées
organisées par le Conseil, l’habitat rural concerne 2 676 001 logements tous types
confondus, répartis sur plus de 33 000 douars et centres ruraux au Maroc. En 2014
Le parc national de logements s’élevait à 8,86 millions d’unités d’habitation, dont
6,19 millions en milieu urbain (69,8%) et 2,68 millions en milieu rural (30,2%). Les
logements occupés représentent 79,8% de ce parc, les logements vacants 12,2% et
ceux secondaires et saisonniers 8%. Le milieu rural se caractérise par la prédominance
des logements occupés, soit 91,3% au lieu de 74,8% en milieu urbain, comme indiqué
dans le graphique suivant :

33
Conseil Economique, Social et Environnemental

Source : HCP- RGPH 2014

En milieu rural, on a deux types de logements, d’une part, le logement de type rural,
qui est le plus prépondérant avec 64,1%, et qui s’adapte à avec la réalité du terrain et
les caractéristiques des milieux, il a plusieurs fonctions  et est constitué d’un logement
pour les ménages et d’un espace dédié à la construction des bâtiments pour le bétail,
le stockage des aliments, outils et produits agricoles ; les activités commerciales et
artisanales…).
La stabilité et la qualité de vie au niveau de l’habitat rural rencontre un certain nombre
de problèmes et défis, dont on peut citer entre autres :
- Le non-respect de la spécificité et de la diversité architecturale locale des habitats
ruraux dans les nouvelles constructions, impacte ainsi l’attractivité des territoires,
- Les maisons marocaines modernes qui enregistrent une augmentation en nombre
et en pourcentage, passant de 13,6% en 2004 à 25,9% en 2014, ne reflètent aucune
spécificité locale ou nationale ;
- La plus grande majorité des ménages en milieu rural sont propriétaires (90%
contre 63% en milieu urbain), mais sans avoir pour leur majorité les titres fonciers
et exploitent le terrain sur la base d’une simple déclaration (à titre déclaratif sur le
plan réglementaire) ;
- La location de l’habitat reste une exception en milieu rural avec un pourcentage ne
dépassant pas 2% contre 28% en milieu urbain ;
- Un logement occupé sur trois en milieu rural est âgé de 50 ans et 19% des
logements occupés ont un âge inférieur à 10 ans. Le vieillissement des logements
en absence de programmes d’accompagnement des habitants ou d’incitation pour
la réhabilitation de leurs logements, constitue en plus de son impact négatif sur la
salubrité des logements et le bien-être de la population, une menace permanente
vis à vis des risques climatiques croissantes (inondation, érosion,…) ;
- L’augmentation de plus en plus rapide des logements secondaires ou saisonniers
aux alentours des grandes villes et au niveau des territoires. Ils ne sont pas
accompagnés par des dispositions réglementaires appropriées. A cela s’ajoute la
gestion discrétionnaire des demandes de construire des logements secondaires
en milieu rural. Ce sont les régions de Souss-Massa, de Casablanca-Settat et de

34
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Marrakech-Safi qui abritent presque 60% des logements secondaires ou saisonniers,


avec respectivement 24,9%, 17,9% et 16,8%.

b. Développement social et accès aux services de base


Les statistiques du HCP montrent que l’accès des ménages ruraux au réseau public de
l’eau courante a connu une amélioration significative puisque le taux d’accordement
à l’eau potable est passé de 18% à 38% de 2004 -2014. Malgré ces efforts, seuls 38%
des ménages ruraux bénéficient d’un réseau public d’eau courante. Les ménages qui
n’ont pas d’accès, font recours à d’autres modes d’approvisionnement en eau. Dans
ce cadre, 28% des ménages recourent à des fontaines, puits ou point d’eau équipés,
16% recourent à des points d’eau non équipé et 14% recourent à des sources et
oueds. Ainsi, 1,5 million des ménages ruraux ne disposent pas d’eau courante, et un
quart doivent parcourir une distance de 1km pour atteindre un point d’eau, soit une
durée de 30 minutes et plus.
Quant à l’accès au réseau public d’électricité, le taux est passé de 43% en 2004 à 85%
en 2014. En effet, 15% des ménages ruraux utilisent un autre mode d’éclairage que le
réseau public de distribution d’électricité (énergie solaire 2%, lampe à huile/bougies
5%, gaz butane 6% autre 2%)
S’agissant de mode d’évacuation des eaux usées qui pose un réel problème en milieu
rural, seulement la moitié des ménages ruraux ont une fosse septique, 26% des
ménages dispersent leurs déchets dans la nature, 21 % utilisent les puits perdus et
3% utilise le réseau public d’assainissement. Quant aux déchets ménagers, la majorité
des ménages ruraux 89% jette les déchets ménagers dans la nature, 5% recourent
aux camions des communes, 3% utilisent le bac à ordures de la commune et 2% font
recours à d’autres modes d’évacuations des déchets.
Un effort louable a été déployé en matière de renforcement de l’accessibilité de la
population rurale. Cela a eu un impact significatif sur l’amélioration de la distance
entre les logements ruraux et la route goudronnée. En effet, de 2004 à 2014, la part
des ménages ruraux ayant à parcourir une distance de 1 km ou moins pour atteindre
la route goudronnée est passée de 36% à 56% et la part des ménages ruraux ayant
à parcourir une distance de 5 km ou plus a baissée de 29% à 16%. Néanmoins, la
question d’accès à la route reste posée en fonction de type d’habitat (dispersés ou
groupés). De même, le coût de l’entretien des routes goudronnées demeure plus
élevé et la responsabilité des acteurs chargés de la réhabilitation des routes rurales
non classées et des pistes rurales, les plus utilisées en milieu rural, n’est pas encore
clarifiée davantage.
Les programmes d’infrastructure ((Programme d’Electrification Rurale Global (PERG),
programme d’Approvisionnement Groupé en Eau Potable des Populations Rurales
(PAGER), Programme National des Routes Rurales (PNRR1 et PNRR2)) ont contribué
véritablement à l’amélioration des conditions de conforts des ménages ruraux et
ce par l’affermissement du taux d’accès à l’eau potable, à l’électricité, etc. Dans ce
cadre, et au regard des résultats probants obtenus, Ces programmes notamment les
actions en cours doivent encouragées le regroupent des habitats dispersés en milieu

35
Conseil Economique, Social et Environnemental

rural afin d’optimiser le coût des équipements en infrastructure et de faire bénéficier


les populations rurales de tous les services de base nécessaire pour mener une vie
décente.
Par rapport à d’autres outils de communication et de connectivité qui constituent
désormais des éléments nécessaires pour garantir le confort de l’habitat, les données
du RGPH de 201425, dévoilent qu’en milieu rural 96,4% des ménages n’ont pas accès
à internet contre 72,5% en milieu urbain, au niveau national ce taux est de 80,7%.
De même, 74,6% ne possèdent pas un ordinateur, 94,3% en milieu rural contre
64,3% en milieu urbain. Aussi, 47,4% des ménages ne possèdent pas un poste radio
(44,6% en milieu urbain et 52,7% en milieu rural) et 16% ne possèdent pas d’antenne
parabolique (9,6% en milieu urbain et 28,2% en milieu rural). Par ailleurs, seulement
7,5% sont privés d’un poste de télévision (3,9% en milieu urbain et 14,3% en milieu
rural) et 5,7% ne disposent pas d’un téléphone portable (3,5% en milieu urbain et
9,7% en milieu rural).
Or, cette tendance visant le renforcement de la connectivité a été confirmée par
le nouveau programme pour les villes, consistant à «  promouvoir les échanges
et la connectivité entre le milieu urbain et le milieu rural en améliorant les
transports durables et l’éc-omobilité, ainsi que les réseaux et les infrastructures des
technologies de l’information et des communications, grâce à des instruments de
planification s’inscrivant dans une démarche urbaine et territoriale intégrée, l’objectif
étant de tirer parti au maximum du potentiel de ces secteurs pour améliorer la
productivité ; la cohésion sociale, économique et territoriale ; la sécurité et la viabilité
environnementale. Dans cette perspective, il importe d’assurer la connectivité entre,
d’une part, les villes, leurs environs, les zones périurbaines et les zones rurales et,
d’autre part, les zones terrestres et les zones maritimes» 26.
Ainsi, des progrès sensibles ont été accomplis en matière d’accès des ménages ruraux
aux services bases. Cependant un retard considérable du monde rural a été ressenti
dans certains domaines très sensibles comme l’habitat rural avec ses caractéristiques
historiques, architecturales et patrimoniales, l’assainissement qui pose un problème
délicat en milieu rural et dans les centres ruraux émergents, le mode d’évacuation
des déchets ainsi qu’en matière de raccordement des ménages ruraux au réseau
d’eau potable, d’électricité et de connectivité et au réseau routier /accessibilité.

c. La promotion de l’habitat rural est intimement lié au développement


économique et la diversification des activités
En milieu rural, l’habitat est considéré comme le pivot d’environ 1,5 million
d’exploitations agricoles27 car dans la majorité des cas il assure, en plus de logement
pour la famille, des fonctions multiples. Il s’agit de l’agriculture principale activité dont
25 - HCP, l’habitat au Maroc : Situation du parc de logements et statut d’occupation, RGPH 2014,
26 - Nouveau programme pour les villes, Habitat III, Déclaration de Quito sur les villes et les établissements humains
viables pour tous, Nations Unies, octobre 2016
27 - Audition, Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, Mardi
30 Janvier 2018

36
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

la superficie agricole utile représente 9 millions d’ha (12 % du territoire national) dont
1,6 million d’ha irrigués (2 % du territoire national)28, ainsi que d’autres activités non
agricoles liées aux services en faveur de la population rurale notamment les petits
métiers d’artisanat, de mécanisation et de transformation des produits agricoles.
Quoique ces activités n’aient pas connu un réel développement, elles contribuent
fortement à améliorer les ressources financières des populations rurales.
L’élaboration des politiques, des programmes et des moyens visant l’amélioration
de l’habitat rural dispersé ou groupé, doit tenir compte de la forte relation et des
interactions entre l’habitat rural et les activités économiques car il ne s’agit pas d’agir
et de développer l’habitat rural sans prévoir des actions économiques susceptibles
de procréer des revenus additionnels en faveur des habitants du monde rural.
En effet, l’amélioration des conditions de vie des populations et par conséquent
l’habitat rural suppose d’agir de façon complémentaire en considérant à la fois le
développement social à travers des programmes d’équipements publics mais aussi
des activités à caractère économique.
Étant donné la forte corrélation entre le développement économique et l’amélioration
de l’habitat rural dans sa globalité, le soutien des activités économiques en milieu
rural est devenu indispensable pour conforter le revenu des ménages ruraux. Cela
doit passer nécessairement par :
- Le développement de systèmes de production qui s’adaptent aux spécificités de
chaque région, en se basant sur la vocation des territoires et en concédant plus
d’intérêt à la promotion de l’agriculture solidaire ;
- la promotion de la dimension productive notamment l’établissement des règles
d’accès et de gestion collective des ressources foncières et hydriques dont dispose
le monde rural en prônant des formes de distribution appropriées en fonction de
l’espace et l’activité principale;
- le renforcement de l’attractivité du rural par un habitat durable (emploi
vert, économie circulaire,…) naturellement inséré dans son environnement
géographique et conçu dans la perspective d’assurer un développement social,
économique, culturel et environnemental équilibré et durable;
- comme mentionné dans les chapitres précédents, le monde rural recèle
des potentialités importantes et des richesses considérables. De ce fait, il est
véritablement opportun de valoriser ces atouts ainsi que la diversité du patrimoine
architectural, le savoir, le savoir-faire, pour en faire un levier de la production de
richesse et emploi en milieu rural ;
- la diversification des ressources de l’économie rurale par le renforcement des
activités non agricoles en milieu rural, notamment les services liés à l’agriculture
et à l’usage commercial (activité de loisir, activité verte, unités de transformation
de produits agricoles …), en raison de la faiblesse de ce créneau. En fait en 2016

28 - Audition, Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, Mardi
30 Janvier 2018.

37
Conseil Economique, Social et Environnemental

seulement 27 % de la population sont occupés dans l’activité non agricole (industrie


et services) contre 72,9% dans l’Agriculture, forêt et pêche29.
- La création des opportunités économiques, au niveau des zones rurales, autour de
secteurs porteurs comme le tourisme rural, l’agro-industrie, l’artisanat, la pêche,…)
est aussitôt inévitable en diversifiant les activités génératrices d’emplois permettant
à même d’améliorer le niveau de vie des populations rurales ;
- L’exploitation des classements de l’UNESCO des biosphères et zones Ramasar pour
développer l’attractivité et les retombées touristiques sur les populations rurales
etc.

d. Habitat rural exige plus d’efforts face aux risques des changements
climatiques dans un pays parmi les plus exposés aux catastrophes
naturelles récurrentes
L’impact du changement climatique sur le développement des populations vivant
en milieu rural demeure l’une des principales préoccupations à laquelle les pouvoirs
publics et acteurs concernés doivent faire face dans les prochaines années.
Or, la vulnérabilité est accentuée par différents facteurs notamment la structure du
tissu économique, l’aménagement territorial inadapté, le niveau de conscience et de
connaissance, le cadre légal, l’absence d’approche adaptée par territoire, etc.
Le changement climatique menace donc les systèmes alimentaires, les ressources
naturelles et le développement humain par les phénomènes de sécheresses,
d’inondations et des canicules. Les habitations spécifiques notamment dans les zones
montagneuses et oasiennes sont confrontées, en plus de déficit en équipement et
enclavement, pendant l’hiver, aux problèmes de froid et d’isolement par la chute des
neiges. Ces zones sont fortement exposées aux catastrophes naturelles (Grand Froid,
66% des inondations30, l’augmentation des précipitations, les périodes de chaleur
extrême et de la forte chute de neige,…) avec un niveau d’équipement en deçà de la
moyenne nationale et des moyens d’accès et de secours d’urgence très limités, avec
un retard en matière de mobilisation et d’intervention dans ces zones.
Malgré ces graves risques, qui sont très frappants cette années 2018 avec une chute
record da la neige, dans toutes les régions montagneuses, l’enjeu du changement
climatique n’a pas été encore traité en tant que phénomène structurant qui doit
être intégré dans la gestion quotidienne des responsables et acteurs concernés. Ceci
s’explique par :
- Le manque de vision claire et de plans d’actions appropriés.
- Les réglementations en matière d’urbanisme, y compris pour le rural, existantes
n’ayant pas été ajustées à la gestion du changement climatique et de leur impact
négatif sur les populations rurales et sur leurs biens (animaux, logements …).
29 - http://www.hcp.ma/Emploi-par-branche-d-activite-de-la-population-active-occupee-au-milieu-rural_a154.
html
30 - Rapport du CESE sur «  le développement du monde rural, défis et perspectives », Auto - Saisine n° 29/2017

38
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

- Bien que les autorités compétentes expriment la bonne volonté pour faire face à
ces risques à travers les distributions des aides aux personnes affectées, la réponse
est généralement lente et confrontée à des difficultés de préparation et de
sensibilisation des populations concernées ;
- La faiblesse de l’accompagnement et du soutien de la population surtout avant,
durant et après la période hivernale, pour une meilleure préparation à l’avance,
pour toute intervention de désenclavement ou équipements vitaux, pendant
l’hiver pour les réparations, le stockage de l’eau, des produits de base nécessaires
pour l’alimentation des humains mais aussi des animaux.
De même, les habitants dans ces zones, très touchés par les effets du changement
climatique, sont appelés à conserver les caractéristiques de leurs logements et le
mode de construction à travers l’utilisation des matériaux locaux adaptés aux risques
climatiques et la valorisation de leur technicité pour un habitat qui se veut durable et
résilient au Changement climatique.
Dans le cadre du développement durable, l’éco-construction et la construction
durable sont des modes extrêmement importants qu’il faut promouvoir car ils sont
intimement liés aux contextes, aux populations et à leurs traditions et savoir-faire.
L’objectif est de mettre aux services du patrimoine local (humain, matériel, artisanal)
les avancées technologiques et scientifiques pour les rendre plus performants et plus
fiables et mieux s’adapter aux exigences du développement de la société marocaine.
Par ailleurs, des pratiques comme la - construction dans les zones à risques notamment
les alluvions des rivières ou des oueds et dans les zones à forte érosion nuisent à
l’environnement et contribuent à la détérioration des habitats ruraux. Il est impératif
de renforcer le contrôle et de rendre effectif l’application des dispositions législatives
en vigueur pour interdire ce genre de pratiques.
Ainsi, l’enjeu de l’adaptation au changement climatique et à la préservation des
ressources naturelles doit être intégré dans les schémas d’aménagement du territoire
et dans les schémas d’armature rurale, car dans l’avenir, le climat affectera beaucoup
plus l’habitat rural car il est moins organisé que l’habitat en ville.
Il est aussi important que l’habitat rural puisse bénéficier davantage du Fonds de
Lutte contre les effets des Catastrophes Naturelles (FLCN) qui a été institué par la loi
de finances n°40-08 pour l’année budgétaire 2009.
Ces catastrophes naturelles visées par le FLCN concernent les inondations, les crues
torrentielles, les séismes, les chutes de pierres et de blocs, les glissements de terrains,
les phénomènes d’érosions du littoral et les tsunamis. Au titre de la période 2009-
2017, les ressources dudit compte, dont le montant globale s’élève à 2 819,28 MDH,
ont contribué entre autres au financement des opérations et des programmes ayant
trait aux actions de restauration et de reconstruction des installations endommagées :
les routes , pistes et ouvrages d’art, les infrastructures d’irrigation et l’habitat de façon
globale à travers la mise en place du programme d’urgence au profit des sinistrés

39
Conseil Economique, Social et Environnemental

des inondations31. Durant la même période, les dépenses de ce fonds d’un montant
de 2 232,66 MDH, ont permis de financer les opérations de lutte contre les effets
des catastrophes naturelles engagées par les différents intervenants. A ce titre, les
dépenses destinées à l’habitat au sens large ont atteint 100 MDH.

3- Problématique particulière des centres ruraux émergents


L’expérience des centres émergents entamée fin des années 70 et début des années
80 est conçue pour alléger les problèmes qu’a connus les zones périurbaines et les
douars évolués en centres et petits villages. Mais faute d’une planification concertée
à l’avance métrisant les caractéristiques socio-économiques et culturelles des
populations vivant dans ces centres, ces expériences n’ont pas pu répondre aux
objectifs fixés et les résultats obtenus sont restés faibles, sinon insignifiants par rapport
aux moyens mobilisés. Dans cette partie, il sera abordé les critères de qualification et
le niveau du développement de ces centres ainsi que l’impact des enjeux politiques
et électoraux sur l’émergence de ces centres et la dynamique démographique
enregistrée en l’absence d’un développement économique et social soutenu.

a. Définition, typologie et indicateurs du développement des centres


ruraux émergent au Maroc
Les centres ruraux sont désignés par le HCP dans le recensement de 2014 des
« centres urbains », ils sont au nombre de 149 centres dont la moitié (49%) ont une
population inférieure à 5.000 habitants, 21% ont plus de 10 000 habitants et 30%
entre 5000 et 10 000 habitants.
Il ressort des auditions organisées par le CESE qu’il n’y a pas une définition des centres
émergents, le département d’aménagement du territoire et de la politique de la
ville utilise l’appellation « centres ruraux émergents ». Dans ce cadre, il y a lieu de
distinguer entre une centralité rurale (centre d’une commune rurale) et un centre
rural émergent. Ce dernier désigne en fait une agglomération rurale dynamique, en
expansion et qui exige des actions publiques et une assise économique solide pour
la booster et la structurer.
Parmi les critères retenus pour qualifier ces centres en tant que centres urbains, il
convient de citer la démographie, les activités, le niveau d’équipement (disponibilité
des services de base notamment dispensaires, route, poste, bain public, école,…,),
les taux de développement humain, la position géographique et la proximité des
réseaux routiers et des agglomérations. Ces critères leur permettant d’évoluer vers
l’urbanisation, en offrant aux habitants les prestations administratives et sociales
nécessaires. Ces centres sont gérés par les communes rurales. Néanmoins ils sont
recensés statistiquement avec la population urbaine. Les nouveaux centres urbains
deviennent des villes, pourtant la plupart proviennent de la spéculation foncière.
Historiquement ce sont des douars ayant enregistré une dynamique sociale

31 - Rapport sur les comptes spéciaux du trésor, Projet de Loi de Finances pour l’année budgétaire 2018, Ministère de
l’Economie et des Finances

40
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

moyennant l’existence d’un minimum d’équipement en infrastructures de base


(santé, éducation, moyens de communication,..). Ce qui a attiré la population rurale
et les jeunes en particulier pour s’y installer malgré la persistance d’une activité
économique faiblement développée. La sècheresse répétée pousse encore les
ménages ruraux à quitter la campagne pour se loger dans les centres urbains qui
gardent un mode de vie de type rural.
Selon les statistiques du HCP, la population des centres urbains représente 3,4% de
la population marocaine. Les régions Rabat-Salé-Kénitra, Sous-Massa et Béni Mellal-
Khénifra comptent la moitié de cette population. Les centres urbains comptent 355
000 logements dont seulement 71% sont occupés, 22% vacants 7% de logements
sont secondaires ou saisonniers. De même, 28% des ménages des centres urbains
habitent dans des logements dont l’âge est inférieur à 10 ans et 19% des ménages de
ces centres sont des locataires contre 70% sont des propriétaires.
Sur le plan régional, les régions de Rabat-Salé-Kénitra et de Marrakech-Safi, présentent
les taux les plus importants des logements vacants au niveau des centres urbains
36% et 33%, respectivement, à cause des nouveaux centres urbains créés à savoir
Tamesna et Tamansourte.
En ce qui concerne le taux d’accès des ménages des centres urbains, il atteint
respectivement 90% pour le réseau public d’électricité et 84% à l’eau courante. Quant
à la disponibilité des éléments de confort, 97% des ménages disposent des toilettes,
39% des baignoires/douches et 10% ont un bain local.
Les centres émergents dont la plupart ont connu un développement tendanciel n’ont
pas pu engendrer un développement économique et social équilibré du territoire.
Or, ils devraient jouer un rôle important pour rapprocher le modèle urbain aux
populations vivant dans ces centres, réduire l’exode rural vers les villes et contribuer à
améliorer le niveau de vie de la population en facilitant l’accès aux services publics de
base. Cependant, ces centres sont confrontés à des défis majeurs et à des contraintes
structurelles profondes qui se traduisent principalement par:
- La prévalence de l’habitat anarchique et des bidonvilles, en parallèle avec l’exode
rural et la croissance démographique des ruraux au sein de ces centres. Cela
déclenche des problèmes de pauvreté, de marginalisation et de sécurité des
populations ;
- La détérioration du paysage urbain et urbanistique car ils ont été construits
généralement sans plan d’aménagement approprié. En effet, face aux rythmes
accélérés d’urbanisation, les CRE ne disposent pas dans leur majorité de plan
d’aménagement approprié, ce qui conduit vers une croissance spatiale anarchique
des habitats ;
- La complexité et multitude des régimes fonciers existant dans ces centres ;
- L’insuffisance des équipements et infrastructures de base, et manque de services
de proximité nécessaires pour assurer une vie décente en faveur des populations
rurales. Les taux d’accès aux infrastructures de base restent relativement faibles
notamment pour l’assainissement. Il est important que ces centres soient dotés des

41
Conseil Economique, Social et Environnemental

services de base nécessaires, ce qui peut améliorer les niveaux de développement


territorial ;
- La vulnérabilité et la fragilité du système socioéconomique (analphabétisme,
chômage, manque d’activités rattachées à l’agriculture, ...). Ces centres sont
caractérisés par une faible diversification économique, et le plus souvent centrée
sur l’agriculture.
Les défis et les contraintes, qui différent d’une région à l’autre et en fonction des
spécificités et de la répartition territoriale des populations demeurant dans ces
centres ainsi que des activités économiques, sociales et culturelles pratiquées,
nécessitent un traitement à part avec une nouvelle approche d’intervention qui tient
compte de la diversité de ces centres. Grace à la mobilité et le déplacement des
individus, ces centres ont accueilli lors de leur création un nombre important des
migrants venant des campagnes les plus proches. A cet égard, il convient de rappeler
que la mobilité sociale descendante est plus fréquente parmi les femmes (60,7%) et
les ruraux (44,4%), comparés aux hommes (24,1%) et aux urbains (19,3%). Quant à
la mobilité sociale ascendante est principalement masculine et urbaine (51,1% des
urbains et 14,8% des ruraux; (43,7% pour les hommes et 17,9% pour les femmes)32.
Ce phénomène a affecté entre autres les centres ruraux qui se sont développés à un
rythme irrégulier et non organisé.
En tant qu’espaces complexes dans leurs structures territoriales, sociales et
économiques, les centres émergents ont connu une extension souvent accélérée
sans que cette croissance ne soit accompagnée d’un décollage économique et social
approprié capable d’atténuer les contraintes qui s’opposent à un réel développement
territorial.
Le Ministère de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire et de la politique de
la ville est en cours d’élaborer une étude sur les centres émergents, portant sur
les caractéristiques des centres, leurs nombres, leurs besoins en équipement,
l’identification des critères de classification et de qualification et le renforcement de
leur capacités, , ….,. Mais la question qui se pose est celle de savoir est ce que cette
étude ambitionne d’apporter des réponses aux problématiques réelles soulevées
plus haut, notamment la mise en place d’une vision régionale concertée projetée à
long terme basée sur l’intégration des approches et de modes de gestion différentes
en phase avec les nouvelles mutations démographiques et socio-économiques qu’a
connues le monde rural et leur impact sur l’évolution et la dynamique des centres
ruraux. Cette étude débouchera – elle sur des programmes à caractère économique
pour procréer de l’emploi au profit des jeunes de ces centres ou s’agit-il uniquement
d’une étude qui trouvera le même destin que celles déjà réalisées sur ces centres.

32 - Rapport : Mobilité sociale intergénérationnelle au Maroc, Haut-Commissariat au Plan, 2011

42
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

b. Centres ruraux émergents : Entre enjeu politique et spéculation


foncière 
Bien que l’intervention au niveau des centres ruraux émergents figure parmi les
priorités fixées dans le programme du gouvernement 2017-202133, force est de
noter le manque d’une vision commune susceptible d’harmoniser et converger
les interventions publiques au niveau de ces territoires, qui devrait être déclinée en
actions concrètes dans les programmes de développement régionaux et les plans
d’action communaux. De ce fait, l’émergence de ces centres d’une manière accélérée
et non contrôlée interpelle aujourd’hui aussi bien les décideurs que les acteurs
politiques.
L’idée de création de ces centres au départ consistait à les considérer comme vecteur
de développement du milieu rural notamment pour les zones proches des villes
moyennes et grandes, mais ils font face aujourd’hui à de multiples contraintes déjà
citées auparavant. La prolifération des centres émergents de façon anarchique est le
résultat d’une spéculation foncière non maitrisée influencée en grande partie par les
enjeux politiques au niveau local.
Dans ce cadre, il importe de souligner que le découpage électoral intègre plusieurs
centres émergents et villages dans les circonscriptions électorales des villes (poids
considérable en faveur des villes) mais en termes de décision et de développement
économique, ce sont les villes qui en profitent par rapport à ces centres. Or, ces
centres sont gérés par les communes rurales dont les ressources financières sont
très limitées et proviennent en général de la TVA, ce qui rend leur implication très
faible en matière du développement de ces centres. A ceci, s’ajoute la faiblesse des
ressources humaines (rôle des élus et administration) pour la gestion des dossiers
liés à l’habitat plus particulièrement le suivi, l’octroi de permis et d’autorisations de
construire et le contrôle permanent de ces dossiers.
Ainsi, la gouvernance des centres émergents est à revoir car ils ont besoin d’une
gestion concertée qui définit les rôles et arrête les responsabilités des élus de la
commune rurale et de la province. Mais aussi ceux de la région en tant que collectivité
territoriale exerçant des compétences partagées avec l’Etat en matière de mise à
niveau du monde rural et du développement des zones montagneuses et oasiennes.
Tout cela nécessite de concevoir une politique globale en commençant par
l’identification des centres émergents, en arrêtant un plan pour leur aménagement et
leur réhabilitation, en se basant sur la vocation complémentaire de ces centres, tout
en limitant le phénomène de la « rurbanisation » de la campagne marocaine. Cette

33 - S’agissant de l’aménagement du territoire national et de l’habitat, le Chef de gouvernement a assuré lors de


sa dernière intervention devant le parlement que l’accent est mis sur la réhabilitation et le développement de
centres ruraux naissants, à travers la réalisation des documents d’urbanisme les concernant, précisant que le taux
de couverture en documents d’urbanisme dans les régions rurales a atteint 75% et que les efforts se poursuivront
pour couvrir le plus grand nombre possible de ces points. Par ailleurs, quatre conventions ont été signées à fin 2016
avec quatre régions. Ces conventions portent sur la réhabilitation de 369 communes rurales avec une enveloppe
budgétaire de 2,6 MMDH (Régions de Drâa-Tafilalet, Oriental, Béni Mellal-Khénifra et Guelmim-Oued Noun).

43
Conseil Economique, Social et Environnemental

politique doit être différente de celle de la ville, et essayera d’éviter le saupoudrage


des actions en faveur de ces centres.
S’agissant de la mise à niveau de ces centres, il importe de souligner la persistance
des difficultés en matière de convergence au niveau communal. En effet, intervenir
dans les centres émergents, consiste à renforcer l’émergence de l’armature des
zones rurales et créer les conditions nécessaires pour améliorer le cadre de vie des
populations vivant dans ces territoires et éviter leur déplacement vers les grandes
villes métropolitaines. Par ailleurs, faute d’une définition acceptable par tous les
acteurs, il est difficile de trouver un consensus sur les CER car toutes les collectivités
territoriales en l’occurrence, chaque commune rurale disposent de plus d’un centre
émergent, dans sa délimitation géographique. Ce qui exige la mobilisation des
moyens financiers nécessaires pour équiper ces centres en services sociaux de base
ainsi qu’en matière de collecte, de traitement et d’évacuation des déchets liquides et
solides qui posent un réel problème de santé au sein de ces agglomérations.

c. Centres ruraux émergents : Une dynamique démographique élevée


en l’absence d’un développement économique et social soutenu
Un développement accéléré de l’urbanisme a été observé durant ces dernières années
particulièrement avec l’émergence de nouveaux centres ruraux dont la population
a enregistré un accroissement sans précédent. A juste titre, la population de la
commune rurale de Moulay Abdellah34 , considérée comme centre rural émergent,
est passée de 12 000 à 74 000 habitants en 10 ans. Partant de cette évolution qui est
due à plusieurs facteurs (exode rural, construction anarchique, …) cette commune
rurale est finalement jointe à la ville malgré qu’elle garde le caractère rural. Les
centres ruraux ont connu une forte amplification depuis 2011, avec la multitude de
contraintes liées spécifiquement aux normes d’urbanisme et d’architecture pratiqués
dans ces centres.
Par ailleurs, il est temps de profiter d’atouts importants dont disposent les centres
ruraux pour déclencher réellement leur émergence. Il s’agit notamment de la
proximité d’axes routiers et d’autoroutiers, proximité de grandes villes, disponibilités
des ressources naturelles (minières en termes d’exploitation de sables, de marbres,
…, hydriques, forestières, pêches, …) et des services sociaux et éducatifs et
d’infrastructures. Ces avantages les habilitent à évoluer vers une petite ville capable
d’offrir aux habitants les prestations administratives et sociales utiles.
Or, malgré que certains centres aient bénéficié de ces équipements et atouts, la
plupart d’entre eux souffrent aujourd’hui des insuffisances accrues en matière de
développement économique, social et culturel, mais aussi de manque de plan
d’assainissement qui constitue un nouveau défi majeur, assez spécifique en milieu
rural, qui diffère d’ailleurs beaucoup de celui conçu en ville.
En plus de difficultés ayant trait à l’assainissement, aux circuits de transport et la
construction anarchique qui entravent leur développement, les centres émergents

34 - Visite de terrain à la Province d’El Jadida (cette commune est considérée comme centre rural émergent)

44
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

restent les moins dotés en services et en investissements publics susceptibles


d’assurer le bien-être des citoyens et enclencher une dynamique économique
inclusive et durable en faveur des populations demeurant dans ces centres. Il s’agit
en fait d’une question qui fait appel au document d’aménagement et d’urbanisme
(extension du périmètre bâti, schéma d’aménagement, plan d’assainissement, etc.)
permettant de garantir le passage des centres ruraux émergents d’un cadre des
spéculations foncières à un cadre de vie émanant d’un aménagement raisonné
pour un développement socio-économique avec toutes les infrastructures de base
nécessaires.
Il importe de souligner aussi le manque d’un programme de développement décliné
en projets et actions de développement permettant de promouvoir l’attractivité de
ces centres en renforçant l’intégration des services sociaux (santé, éducation, centre
de formation professionnelle, maison de la culture,..) et des secteurs porteurs (agricole
comme activité de base, le commerce et l’artisanat, tourisme,). Tout en corroborant
pour réussir le niveau d’urbanisme et permettre aux populations de ces centres d’être
actives en mettant l’accent sur la création de l’emploi.
Le but étant de faire bénéficier ces centres d’un statut intermédiaire lui permettant
de disposer de tous les services de proximité pour satisfaire les besoins des ménages
ruraux et par conséquent en faire une locomotive de développement économique
du milieu rural notamment des communes rurales avoisinantes. D’autant plus,
ériger ces centres en pôles de développement économique regroupant les activités
agricoles, industrielles et touristiques, permettra d’absorber les flux d’exode rural, de
stimuler la création de l’emploi et procurer des revenus additionnels au profit des
jeunes ruraux venant de la campagne pour s’installer dans ces centres.

4- Cadre juridique et réglementaire peu adapté aux spécificités


du milieu rural
Le cadre législatif met bien en évidence les règles et instruments visant la maîtrise
de la construction des habitations. Il identifie le rôle et arrête les obligations et les
interactions des différents acteurs intervenant dans ce domaine. Dans cette partie,
nous allons examiner et analyser le dispositif juridique régissant l’habitat en milieu
rural.

a. Un dispositif juridique pléthorique, mais déficient


Bien qu’il existe un cadre législatif et plusieurs textes réglementaires, qui sont
sensés d’une part,  mettre en évidence les règles  et instruments visant la maîtrise
de la planification territoriale et  la construction des habitations pour l’ensemble du
territoire urbain et rural, ou spécifiques au milieu rural et d’autre part,  identifier le
rôle et arrêter les obligations et les interactions des différents acteurs, on remarque
que la situation de l’habitat rural devient de plus en plus préoccupante, avec des
conséquences sociales et environnementales négatives.

45
Conseil Economique, Social et Environnemental

Il va sans dire que les territoires ruraux bénéficient de la couverture en documents


d’urbanisme, mais cette couverture ne suffit pas pour assurer une production
cohérente du sol rural et une organisation desdits territoires. Plusieurs textes législatifs
et réglementaires ont été consacrés au milieu rural. Le premier cadre juridique
remonte au début des années 60. Il s’agit du Dahir n° 1-60-063 du 30 Hija 1379 (25
juin 1960) relatif au développement des agglomérations rurales. Ce texte de loi avait
pour objectif l’élaboration de plans de développement permettant l’organisation, la
planification des centres ruraux ainsi que l’orientation et le contrôle de leur expansion.
Il convient de noter également que les premiers schémas d’armatures rurales
remontent aux années 70, ils ont conçus pour orienter la planification et
l’aménagement des espaces ruraux et leurs articulations avec les petites villes et
les grandes villes. Bien qu’ils n’aient pas de force juridique, il a été suggéré lors des
auditions et des visites de terrain de les élaborer en vue d’appréhender le lien entre
ville et campagne et réduire l’urbanisation accélérée de l’espace rural.
Les législations qui ont suivi ce dahir, notamment la loi n° 12-90 relative à l’urbanisme
et son décret d’application, ont défini des mécanismes pour organiser l’évolution des
zones rurales et y encadrer la construction, en instituant l’obligation de l’octroi d’une
autorisation de construire en milieu rural.
Selon l’article 4 de la loi n°12-90, le Schéma d’aménagement urbain (SDAU) a pour
objet de déterminer les choix et les options d’aménagement qui doivent régir
le développement harmonieux économique et social du territoire concerné, de
déterminer les zones nouvelles d’urbanisation et les dates à compter desquelles elles
pourront être ouvertes à l’urbanisation en préservant notamment les terres agricoles
et les zones forestières dont les limites sont fixées par voie réglementaire et de fixer
la destination générale des sols en déterminant la localisation des zones agricoles et
forestières. Le SDAU comprend des documents graphiques constitués notamment
par des cartes d’utilisation des sols dont celles définissant les zones agricoles et
forestières.
Quant au plan d’aménagement, ce document définit l’affectation des différentes
zones suivant l’usage principal telles que la zone d’habitat, la zone industrielle, la
zone commerciale, la zone touristique, la zone maraîchère, la zone agricole et zone
forestière35. En outre, les limites des zones agricoles et des zones forestières sont
fixées par décrets pris sur proposition du ministre chargé de l’agriculture après avis
de l’autorité gouvernementale chargée de l’urbanisme. Ces décrets, qui sont publiés
au Bulletin Officiel, sont accompagnés d’une carte de zonage agricole ou forestière
selon le cas.
Malgré cette panoplie de textes et d’instruments réglementaires, on relève les
éléments de déficience suivants :
- Les documents d’urbanisme sont généralement établis en l’absence de
référentiel stratégique et de cohérence, en l’occurrence les Schémas régionaux
d’aménagement du territoire (SRAT) devant davantage constituer un cadrage

35 - Voir l’article 19 de la loi 12-90 relative à l’urbanisme

46
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

d’orientation des Schémas directeurs d’aménagement urbain (SDAU), des plans de


développement des agglomérations rurales (PDAR) et des plans d’aménagement ;
- Les plans de développement et d’aménagement couvrant des espaces ruraux sont
établis pour une durée de validité de 10 ans, à l’échelle 1/2000. Toutefois, ils ne
s’étendent surtout le ressort territorial de la commune, ce qui incite à instituer des
plans ou schémas de structure à l’échelle 1/500 pour encadrer les douars ;
- Les limites des zones agricoles et des zones forestières, telles que définies au
niveau de la loi 12-90, sont à fixer par décret pris sur proposition du ministre de
l’agriculture, et ce après avis de l’autorité gouvernementale chargée de l’urbanisme.
Lesdits décrets doivent être sont publiés au Bulletin officiel et accompagnés
d’une carte de zonage agricole ou forestier. Ces cartes font toujours défaut, ce
qui influe négativement sur la protection et la préservation des terres agricoles et
du patrimoine forestier. Ainsi, ces zones vulnérables sont soumises aux risques de
l’étalement urbain et de la prolifération de l’habitat clandestin.
S’agissant de l’autorisation de construire, celle-ci suppose la réunion de plusieurs
conditions, mais son obligation n’est pas généralisée surtout le territoire national.
Son champ d’application et la procédure de son obtention sont encore marqués
d’ambiguïté générant une lenteur au niveau des procédures d’instruction des
dossiers et d’octroi des autorisations.36

36 - Selon l’article 40 de la loi 12-90 relative à l’urbanisme, Il est interdit de procéder à aucune construction sans qu’ait
été obtenu un permis de construire :
- Dans les communes urbaines : les municipalités et centres dotés de la personnalité morale et de l’autonomie
financière dits «centres autonomes» ;
- Les centres délimités : une partie du territoire d’une commune rurale, dont les limites sont fixées par voie
réglementaire ;
- Les zones périphériques des communes urbaines et centres délimités : des territoires ruraux avoisinant ces
agglomérations. Les zones périphériques des villes s’étendent sur quinze kilomètres à compter du périmètre
municipal ; celles des centres délimités sont définies dans chaque cas par l’acte réglementaire qui fixe le périmètre
du centre ;
- Et comme l’a indiqué l’article 1 de la loi 12-90, Dans le cas de chevauchement de deux zones périphériques, le
décret qui les institue ou à défaut un décret spécial fixe la limite de chacune d’elles ;
- Les zones à vocation spécifique : tout ou partie du territoire d’une ou plusieurs communes rurales, ayant une
vocation spécifique telle que touristique, industrielle ou minière et dont le développement urbain prévisible justifie
un aménagement contrôlé par l’administration ; ces zones sont délimitées par l’administration sur proposition
des conseils communaux compétents ou à défaut à la demande du gouverneur de la préfecture ou de la province
concernée ;
. à l›extérieur des périmètres susvisés et des agglomérations rurales dotées d›un plan de développement :
. le long des voies de communication ferroviaires et routières autres que les communales, sur une profondeur de
un kilomètre à compter de l’axe desdites voies ;
. le long des limites du domaine public maritime sur une profondeur de cinq kilomètres ;
. Lots des lotissements autorisés conformément à la législation en vigueur.
Et dans un contexte de gestion de l’espace rural, l’article 7 du Dahir n° 1-60-063 du 30 hija 1379 (25 Juin 1960) relatif
au développement des agglomérations rurales ajoute que « Dans les agglomérations rurales dotées d’un plan
de développement, il est interdit de procéder à aucune construction sans qu’ait été obtenue une autorisation de
construire délivrée par l’autorité locale. »

47
Conseil Economique, Social et Environnemental

La construction dans les périmètres d’irrigation et de mise en valeur Bour pose


des problèmes d’appréhension et d’interprétation des textes juridiques. Dans ces
périmètres, et particulièrement dans les zones de remembrement, les textes en
vigueur n’ont pas explicité une procédure de gestion des demandes de construire,
sachant que les autorisations ne sont octroyées qu’après accord de la commission de
remembrement.
De même, en dehors des aires ayant fait l’objet de remembrement rural, les périmètres
d’irrigation posent de grandes difficultés quant à l’instruction des demandes de
construire, vu le vide juridique en la matière37. Dans la pratique, on fait appliquer les
dispositions de la loi 12-90 qui régit la construction en dehors desdits périmètres.
Le permis de construire est délivré lorsque la construction projetée est reconnue
satisfaire aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, notamment aux
dispositions des documents d’urbanisme. En absence de tels documents, le président
du conseil communal peut dans les périmètres des communes urbaines, des centres
délimités et des zones à vocation spécifique, après avis de l’administration chargée
de l’urbanisme :
- soit surseoir à statuer sur les demandes de permis de construire ; le sursis doit être
motivé et ne peut excéder deux années ;
- soit délivrer le permis de construire si la construction projetée est compatible
avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement urbain, et à défaut
d›un schéma directeur, si elle est compatible avec la vocation de fait du secteur
concerné.
En dehors des communes urbaines, des centres délimités et des zones à vocation
spécifique, et lorsque l’affectation des terrains n’est pas définie par un plan
d’aménagement ou par un plan de zonage, le permis de construire est délivré si le
projet satisfait aux règles suivantes38 :
- La construction doit respecter une zone de recul de 10 m par rapport à la limite
d’emprise de la voie publique riveraine et de 5 m par rapport aux limites séparatives
de propriété.
- La superficie de la parcelle sur laquelle le projet est envisagé doit être égale ou
supérieure à 1 hectare ;
- La surface au sol constructible ne peut être supérieure au 1/50 de la superficie
totale de la parcelle, cette surface au sol ne pouvant excéder en aucun cas 800m² ;

37 - Contrairement aux demandes de construire, le morcellement, selon la loi 34-94, est bien défini dans les périmètres
d’irrigation et de mise en valeur en bour. Il est institué dans ces périmètres une superficie minimum d’exploitation en
deçà de laquelle les propriétés agricoles qui y sont situées ne peuvent être divisées ni en droit ni en fait. Dans les
périmètres d’irrigation, la superficie minimum d’exploitation est fixée à 5 ha. A l’extérieur des périmètres d’irrigation, la
superficie minimum d’exploitation est définie comme une superficie suffisante pour dégager un revenu permettant
de couvrir la rémunération, calculée sur la base du salaire annuel minimum agricole garanti, de deux travailleurs
agricoles. Ladite superficie minimum d’exploitation est fixée par arrêté du ministre de l’agriculture dans chaque zone,
compte tenu de ses potentialités agricoles.
38 - Voir les articles 45 & 46 de la loi 12-90 relative à l’urbanisme.

48
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

- La hauteur maximale de la construction ne peut excéder 8,50 m, toute superstructure


comprise.
Toutefois, des mesures dérogatoires sont prévues par la loi39. Dans le cas où les
conditions fixées en termes de superficie et de hauteur ne peuvent être remplies en
raison de l’état du parcellaire de la zone concernée, le permis de construire peut être
accordé après avis conforme d’une commission, quelle que soit la superficie de la
parcelle ; laquelle doit s’assurer que la construction dont la réalisation est envisagée ne
favorise pas une urbanisation dispersée menaçant, notamment, la vocation de ladite
zone40. La loi a instauré des restrictions et des souplesses. Cependant, ces restrictions
semblent être insuffisantes du fait des dérogations non maitrisées. Aussi, et malgré
les souplesses annoncées, on a encore du mal à gérer lucidement et efficacement les
demandes de construire en milieu rural. Les contradictions sont dans tous les sens
(voir figure en annexe).
S’agissant de la procédure d’instruction de l’autorisation de construire, celle-ci peut
être résumée dans l’organigramme figurant en annexe.
Par ailleurs, les documents d’urbanisme tels qu’ils sont élaborés se soucient peu des
spécificités des territoires ruraux. Or, L’urbain et le rural sont deux milieux différents
et présentent des caractéristiques nécessitant des textes et outils spécifiques pour
pouvoir valoriser l’habitat rural au vu du savoir-faire, du potentiel de développement
local et des atouts locaux.
La règlementation n’arrive ni à préserver ni à développer la diversité, la richesse
et l’identité architecturale de l’habitat rural. En effet, l’urbanisation non contrôlée
contribue à la disparition de l’identité architecturale de chaque région et la
défiguration des paysages des différents territoires à cause d’une tendance d’habitats
inachevés qui se banalise. Ceci est dû d’une part, à l’existence d’un arsenal juridique
qui reste généralement inadapté et inappliqué, et d’autre part à cause du recours
à la dérogation devenue presque la règle, ouvrant des voies défigurant le paysage
architectural de l’espace rural.
Les pratiques spatiales sont disqualifiées par des modèles venus d’ailleurs. Le cadre
juridique cité auparavant n’a pas prévu de lois normes relatives au  paysage ni une
application effective des textes  préservant les techniques constructives locales
liées aux territoires et leur capital immatériel. De ce fait, l’architecture traditionnelle
marocaine, incomprise notamment des  acteurs concernés est battue en brèche par
de nouvelles formes constructives pourtant inadaptées, directement venues de la
ville et du monde industriel notamment des Bâtiments et des Travaux Publics (ciment
industriel et armatures de béton) et qui se sont répandues dans tout le monde rural
anarchiquement, polluant le paysage et l’environnement41 .

39 - Voir l’article 35 du décret n° 2-92-832 pris pour l’application de la loi 12-90


40 - Cette commission est présidée par le représentant de l’autorité gouvernementale chargée de l’urbanisme, et
comprend les représentants des départements chargés des travaux publics, de l’agriculture et de l’habitat.
41 - Mme. Salima Naji, ingénieur architecte, note sur l’audition organisée en mars 2017

49
Conseil Economique, Social et Environnemental

Malgré l’arsenal juridique existant,  le développement anarchique des centres ruraux
émergents et le développement continu d’habitat insalubre aux alentours des
périphéries des villes se poursuivent. L’habitat dispersé, ayant des conséquences sur
les terres agricoles et rendant de plus en plus complexe l’intervention de l’Etat pour
leur garantir les services de base, prend une importance grandissante durant ces
dernières années.

b. L’urbanisation galopante au détriment des terrains agricoles


parfois le plus riches
Il ressort de l’examen de l’arsenal juridique qu’il existe un déphasage entre les textes
d’urbanismes et la réalité de terrain en matière d’urbanisme notamment pour le
milieu rural. Ce qui a entrainé une urbanisation accélérée de l’espace rural à tel point
qu’on s’interroge dans certaines régions oû se termine la ville et où commence la
campagne.
Cela se confirme de plus en plus par une urbanisation galopante au détriment des
terrains agricoles à forte production qui constitue aujourd’hui un réel enjeu politique
et de sécurité alimentaire. Malgré, les lois et mécanismes instaurés pour la protection
des terres agricoles contre l’urbanisation, ils restent souvent inappliqués et peu
adaptés aux spécificités du milieu rural, d’autant plus que le degré d’effectivité de
ces lois n’a fait l’objet d’aucune évaluation permettant de mesurer leurs effets. A juste
titre, il convient de rappeler qu’entre 1990 et 2011 la perte est de 80 000 ha de terres
agricoles autour de 113 centres urbains et ruraux répartis au niveau du Royaume,
dont près de 28 000 ha au niveau des périmètres de la grande hydraulique. Le taux
de déperdition des terres agricoles est d’environ 4000 ha/an42.
Il est important aussi de procéder à l’évaluation de l’impact et du coût de la
réglementation et des pratiques actuelles, autorisant la construction dans une
superficie supérieur à 1ha en bour et 5 ha en irriguée, dans le sens d’une revue des
dispositifs réglementaires, permettant  à même de sauvegarder les zones d’habitations
groupées. Mais cela nécessite une  planification  concertée qui répond aux besoins
des populations rurales et qui optimise et améliore la qualité des interventions
de l’Etat en matière d’infrastructure et d’équipement, tout en assurant un modèle
économique environnementale viable protégeant  les ressources en eau et sol.
En dépit de l’existence de plusieurs dispositions juridiques régissant le milieu rural, il
ressort des auditions organisées auprès de différents acteurs et de la visite de terrain
qu’il y a un mélange entre urbain et rural en matière d’habitat et les textes sont
disparates et à peine assimilés.
Par ailleurs, la pratique sur le terrain a révélé des difficultés qui entravent
l’aboutissement des demandes d’autorisations de construire, telles que l’obligation
de fournir des documents techniques et administratifs couteux, ainsi que l’exigence
d’avoir la superficie minimale constructible (un hectare). Il s’agit en fait d’imposer  
un minimum parcellaire pour construire en milieu rural  afin de  contrecarrer la
42 - Ministère de l’agriculture, de la pêche maritime et du développement rural et des eaux et forêts, audition du 30
janvier 2018

50
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

construction de logements secondaires sur des petites superficies et au même temps 


préserver le potentiel agricole et éviter le mitage urbain.

c. Difficultés de mise en œuvre des textes juridiques


Bien que l’aspect juridique semble avoir touché l’essentielle en matière d’habitat
rural, il existe divers textes  qui restent peu appropriés et mal appliqués. La lourdeur
et la complexité des procédures d’élaboration, de révision et d’approbation des
documents d’urbanisme posent de vrais problèmes en matière d’habitat rural.
De  même, les documents d’urbanisme n’ont pas accordé beaucoup d’intérêt  à la
diversité et aux spécificités des territoires locaux. Les propositions d’aménagement
de territoire, qui demeurent déconnectées des soucis d’avoir un habitat rural décent, 
sont dans la plupart des cas en déphasage avec les réalités socio-économiques et
culturelles des ménages ruraux, et  négligent souvent le capital immatériel et le
patrimoine architectural des espaces ruraux. 
En ce qui concerne les acteurs responsables de l’habitat en milieu rural, les auditions
ont révélé la multiplicité des intervenants et l’absence de coordination en matière
d’élaboration et d’exécution des documents d’urbanisme. Les communes, acteurs
essentiels dans ce domaine sont insuffisamment impliquées dans la réalisation des
actions et des plans. En plus, il a été constaté l’insuffisance des ressources financières
et la non fixation des délais de réalisation pour ceux qui souhaitent choisir les modes
nouveaux de constructions en milieu rural.
Les difficultés d’interprétation des textes juridiques et des procédures sont multiples.
A souligner les ambiguïtés liées au recours à l’architecte et aux ingénieurs spécialisés
dans les projets de construction. Ce recours est obligatoire43 :
- dans les communes urbaines, les centres délimités et leurs zones périphériques,
ainsi que dans les zones à vocation spécifique.
- En dehors de ces périmètres, l’obligation de recourir auxdits professionnels pour
toute construction de bâtiments publics ou à usage du public.
En outre, le recours à l’architecte n’est obligatoire que pour la conception ou la
modification architecturale de l’œuvre lorsqu’il s’agit de constructions dont la
superficie cumulée des planchers est égale ou inférieure à 150 mètres carrés. Dans
le cas contraire, le suivi des travaux de construction par un architecte n’est pas exigé.
Ainsi, Au-delà des espaces et cas précités, le recours aux architectes et aux ingénieurs
spécialisés n’est pas obligatoire. En outre, les difficultés liées à l’obligation d’autorisation
de construire persistent. Il faut arbitrer entre la généralisation du champ d’application
de l’autorisation de construire, à l’instar des législations de la France et de l’Egypte44,
et les spécificités locales et la vulnérabilité des ménages.

43 - Voir les articles 50 & 51 de la loi 12-90 relative à l’urbanisme.


44 - En France, le champ d’application du permis de construire couvre tout le territoire du pays. En urbain comme en
rural, l’autorisation de construire est exigée pour toute construction ou travaux y relatives selon la loi du 15 Juin 1943.
En Egypte, et selon la loi 106 de 1976 (modifié par la loi n°30 de 1980, loi n°54 de 1984, loi n°99 de 1986 et la loi n°25
de 1992), il est impérativement interdit de procéder dans tout le territoire égyptien à aucune construction, travaux,

51
Conseil Economique, Social et Environnemental

Dans la pratique, il y a beaucoup d’indécision et d’aberrations en marge de la loi,


ce qui mène rend nécessaire de trancher les questions du champ d’application de
l’autorisation de construire et du champ du recours obligatoire aux professionnels.
La gestion des espaces ruraux souffre encore de dysfonctionnements multiples
et d’interprétation différenciée des textes juridiques. La gestion urbaine dépend
largement des circonstances locales. Ainsi, les configurations sont multiples et
corolaires du charisme, du rayonnement politique et du positionnement des
membres des commissions d’instruction des dossiers. Les pratiques sont tributaires
des logiques d’acteurs et des situations locales et non d’une politique exercée suivant
un cadrage réglementaire et institutionnel pondéré.
L’adaptation des lois existantes aux  spécificités du milieu rural ou la promulgation d’une
loi spécifique à l’aménagement de l’espace rural ont figuré parmi les revendications
de la plupart des personnes rencontrées lors de la visite de terrain effectuée à la
province  d’El-Jadida et d’Errachidia. Faute d’une réglementation plus adaptée aux
diversités  du milieu rural avec des procédures facilement opérationnelles, des conflits
et des confrontations quotidiennes persistent  entre les autorités locales, la commune
rurale et les habitants pour lutter contre la construction non autorisée en milieu rural.
De ce fait, une rectification des lois d’aménagement et d’urbanisme est désormais
nécessaire en vue de les adapter aux besoins du monde rural, en distinguant  entre
l’urbain et le rural, centre émergents et douars. La question de la superficie autorisée
pour la construction (supérieur à 1ha)  pose un vrai problème en milieu rural malgré
la publication des circulaires ministérielles45 facilitant la construction en milieu rural.
Enfin, d’autres difficultés demeurent encore posées notamment en matière de
gestion des dossiers de constructions, de lotissements et de morcellements en milieu
rural. Cette réalité  a été révélée par les acteurs  auditionnés et ceux rencontrés durant
la visite de terrain et qui concerne notamment le faible recours aux professionnels
lors de la construction de l’habitat rural et par l’insuffisance de l’assistance technique
accordé aux populations rurales pour surmonter  l’amalgame persistante en matière
d’interprétation et de compréhension du contenu des documents d’urbanisme et
particulièrement les dispositions afférentes aux modes de construction en milieu
rural. Il a été aussi évoqué la question de l’obligation ou non des autorisations de
construire et de morceler en milieu rural et la gestion discrétionnaire des demandes
de construire des logements secondaires en milieu rural.

élargissement, modification, consolidation, démolition ou réalisation de finitions extérieures, tel qu’il est déterminé
dans le règlement d’exécution, seulement après obtention d’une autorisation de l’administration compétente.
45 - Circulaire conjointe du Ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville et le Ministre de l’Intérieur
qui interdit les dérogations dans les zones irrigués (en 2010) ; Cette circulaire est citée, ci-haut, dans le contexte de
facilitation de la construction en milieu rural.
- - Circulaire n° N° 220 / Ministère de l’Intérieur/Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Architecture et de
l’Aménagement du Territoire (DGUAAT) relative à la législation applicable aux agglomérations rurales dotées d’un
plan de développement homologue (juin 1995)
- - Circulaire n°257/DIAEA/DA/SAF du Ministre de l’Agriculture et de la Pêche Maritime (en 2014) relative à
l’urbanisation des terres agricoles qui instaure une procédure de suivi et de contrôle de l’urbanisation des terres
agricoles et l’institution des comités de vigilance national et régionaux .

52
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

d. Foncier  : Persistance des dysfonctionnements et contraintes d’ordre


juridique, institutionnel et managérial qui pèsent lourdement sur
l’habitat et les terres à forte production agricole
Le foncier est un élément clé sur lequel repose la politique de l’Etat dans le domaine
de l’aménagement du territoire et de la planification urbaine, mais sa gestion est
confrontée à de fortes contraintes structurelles et juridiques combinées à des réalités
sociales et des pratiques coutumières. Il convient de rappeler que le cadre juridique
et réglementaire qui régit une diversité de statuts fonciers (terrains collectifs, Melk,
Habous,...) et l’insécurité foncière qui est leur trait commun constituent une entrave
majeure pour le développement socio-économique du milieu rural et des zones
périphériques des villes. A titre d’exemple les terrains collectifs ou présumés collectifs
sont estimés à 15 millions ha : Près de 14.000.000 Ha en milieu rural (12.000.000 de
terrains de parcours et 2.000.000 Ha de terrains agricoles) / 300.000 Ha en milieu
urbain et suburbain46.
Ainsi, et au vu des spécificités, de la diversité de l’habitat rural et du chevauchement
entre l’urbain et le rural, la problématique du foncier doit être abordée au niveau de
3 espaces :
- le périmètre urbain et surtout les zones périurbaines et leur influence sur l’habitat
en milieu rural ;
- l’espace rural prêt à rejoindre, dans le court ou le moyen terme, le périmètre urbain.
Cet espace devient ainsi une opportunité qui conduit à la spéculation foncière, ce
qui déclenche le surcroit des prix du foncier;
- Les espaces ruraux spécifiques en raison de leur diversité socio-économique et
spatiale notamment les zones oasiennes, les zones montagneuses, littorales et le
rural profond.
Le chevauchement entre périmètre d’irrigation et périmètre urbain revêt une
grande importance en l’absence de système d’arbitrage fluide et ingénieux entre les
besoins en sol urbanisable et les étendues des périmètres d’irrigation. A cet effet,
et afin de contrôler le problème de la spoliation foncière et d’anticiper les conflits
fonciers, il est nécessaire de clarifier davantage les droits de propriété des terres, en
activant le processus de leur enregistrement et de renforcer les démarches ayant
trait à l’indentification avec précision des terres réellement disponibles pour mieux
maitriser leur usage.
Par ailleurs, il convient de signaler que le Conseil Economique, Social et
Environnemental a été saisi par le Chef du Gouvernement, en date du 24 janvier
2018, afin qu’il réalise une étude portant sur une stratégie nationale de la politique
foncière de l’Etat, et un plan d’action pour sa mise en œuvre. Cette étude est en cours
d’élaboration.

46 - Étude relative à l’élaboration de la Stratégie Nationale de Gestion du Foncier, Ministère de l’Urbanisme et de


l’Aménagement du Territoire Secrétariat Général, Janvier 2016.

53
Conseil Economique, Social et Environnemental

5- Gouvernance de l’habitat rural et mobilisation de


financement

a. Pour une approche régionale en faveur de l’habitat rural


La question de l’habitat reste un sujet très complexe et difficile à cerner du fait de
l’évolution extrêmement rapide qu’a connue le Maroc sur le plan démographique,
politique et social, de l’intervention de plusieurs acteurs et de la diversité des espaces
et des milieux ruraux. Bien que le Ministère de l’urbanisme, de l’aménagement du
territoire et de la politique de la ville est le premier responsable de la question de
l’habitat y compris en milieu rural, certains départements interviennent dans l’habitat
rural en fonction de leurs prérogatives. Chaque secteur intervenait séparément selon
ses moyens et donc leur contribution demeure limitée dans le temps et l’espace, et
par conséquent la conception et la construction des habitations rurales sont livrées
souvent à l’initiative individuelle des habitants eux-mêmes.
Or, si les options générales de l’habitat rural doivent être définies au plan national, la
mise en œuvre doit passer obligatoirement par des programmes territoriaux. Mais
cela est tributaire de la résolution d’un grand problème demeurant encore posé et qui
réside dans la faible voire l’absence de coordination entre les partenaires concernés
au niveau territorial et local avec une implication limitée des élus et des acteurs locaux.
La région est le niveau idoine pour assurer une telle coordination puisque elle est plus
proche des élus et des services déconcentrés de l’Etat (wali, gouverneur, services des
départements, élus locaux,….). A ce niveau, l’article 91 de la loi organique n° 111-14,
relative aux régions, stipule que celles-ci exercent les compétences partagées entre
elle et l’Etat dans les domaines du développement rural notamment la mise à niveau
du monde rural, le développement des zones montagneuses et le développement
des zones oasiennes.
Ainsi, la région doit jouer un rôle important dans le domaine de l’habitat en milieu
rural, en mobilisant les compétences nécessaires et les capacités requises y compris
celles des élus. Le Conseil régional aura donc une grande responsabilité sur le plan
stratégique et en matière d’aménagement de territoire et de l’espace rural. la région
œuvre en concertation avec tous les acteurs et en s’inscrivant dans les grandes
orientations inscrites dans la vision nationale dédiée à l’habitat rural, à l’élaboration
d’une réelle politique régionale de cet habitat qui devrait être déclinée en actions
concrètes au niveau des provinces/préfectures et communes rurales tout en tenant
compte des spécificités et du patrimoine local de chaque région.
La province a certes des compétences et d’expériences nécessaires permettant une
bonne gestion de l’habitat rural. En effet, les attributions juridiques de cette collectivité
stipulent que la Province est le cadre territorial le plus indiqué pour la promotion et
le développement rural car l’article 26 de la loi organique n°112-14 précise que parmi
les trois commissions permanentes constituées par le conseil provincial, une est
chargée du développement rural et urbain, la promotion des investissements, l’eau,
l’énergie et l’environnement. De ce fait, la province œuvre également à la promotion
du développement social du milieu rural, comme indiqué dans l’article 78 ci-dessous :

54
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Encadré 3 : Article 78 de la loi organique n°112-14


La préfecture ou la province est chargée, à l’intérieur de son ressort territorial, des
missions de promotion du développement social, notamment en milieu rural
de même que dans les espaces urbains. Ces missions concernent également le
renforcement de l’efficacité, de la mutualisation et de la coopération entre les
communes sises sur le territoire de la préfecture ou de la province.
A cet effet, la préfecture ou la province œuvre à :
- rendre disponible les équipements et les services de base notamment en milieu
rural ;
- mettre en œuvre le principe de mutualité entre les communes, à travers la
réalisation d’actions, l’offre de prestations et la réalisation de projets ou d’activités
en relation principalement avec le développement social dans le milieu rural ;
- lutter contre l’exclusion et la précarité dans les différents secteurs sociaux

Il ressort de ces dispositions que la province, en accord avec les échelons territoriaux
pourra contribuer à améliorer le cadre de vie des citoyens vivant en milieu rural
notamment en ce qui concerne le soutien des populations rurales pour les aider à
acquérir un habitat salubre. Les outils dont dispose la province/préfecture à savoir
le plan de développement de province et préfecture (PDPP) constitue un cadre
inédit de programmation et d’opérationnalisation des actions, en harmonie avec les
plans d’action communaux (PAC) et les Plan du développement régionaux (PDR),
visant la promotion de l’habitat en milieu rural et particulièrement les centres ruraux
émergents.
De par leurs prérogatives, les communes rurales, collectivité territoriale de proximité
de la population, ont un rôle primordial en matière de promotion et gestion de
proximité de l’habitat rural. Dans ce cadre, la Section III relative à l’urbanisme et
l’aménagement du territoire de la loi organique n°113-14 relative aux communes, et
conformément à son article 85, stipule que :

55
Conseil Economique, Social et Environnemental

Encadré 4 : article 85 de la loi organique n°113-14 relative aux communes


Sous réserve des lois et règlements en vigueur, la commune est compétente
en matière d’urbanisme dans ce qui suit : (i) veiller au respect des choix et
des règlements contenus dans les plans d’orientation de l’aménagement de
l’urbanisme, les schémas de l’aménagement et de développement et tous les
autres documents d’aménagement du territoire et d’urbanisme (ii) examiner et
d’approuver les règlements communaux de construction conformément aux
lois et à la réglementation en vigueur (iii) l’exécution des dispositions du plan
d’aménagement et du plan de développement rural concernant l’ouverture de
nouvelles zones d’urbanisation conformément à des modalités et des conditions
fixées par voie législative et (iv) la mise en place d’un système d’adressage de la
commune dont le contenu et les modalités d’élaboration et d’actualisation sont
fixés par décret pris sur proposition de l’autorité gouvernementale chargée de
l’intérieur.

Toutefois, ces communes ont besoin d’un soutien permanent notamment pour
la nouvelle génération des élus, composée généralement des jeunes et des
entrepreneurs. Cette génération a besoin d’un plan de formation et de renforcement
des capacités entre autres l’assistance technique dans le domaine de gestion des
dossiers de construction en milieu rural, en lui accordant les moyens nécessaires
d’attraction. Certaines communes rurales disposent également d’un minimum de
personnel peu qualifié pour suivre techniquement le dossier d’habitation. Cela a un
impact réel sur l’habitat rural et la gestion quotidienne des demandes de logement.
Sur un autre plan, il a été constaté la faiblesse en matière d’application et d’effectivité
des textes juridiques disponibles relatifs à l’habitat rural. Il est temps, de les actualiser
pour les adapter aux évolutions économiques, sociales et démographiques des
populations rurales et à leurs besoins en matière de logement. Sans oublier de
les ajuster en fonction des spécificités des espaces ruraux et de types d’habitats
(dispersé, groupé, ksour, Kasbah, nomade, …), et d’anticiper le devenir des douars
dont la plupart ne sont pas délimités et ne disposent pas des plans d’aménagement/
plan de développement des agglomérations rurales pour leur développement ce
qui pose le problème de redressement de ces douars et de leur réhabilitation tout en
gardant leurs spécificités paysagées.
Par ailleurs, une approche territoriale dédiée à l’habitat rural est indispensable
pour apporter les solutions adéquates et conformes aux demandes spécifiques de
chaque région. Dans ce cadre il est important de renforcer le rôle de tous les acteurs
intervenants au niveau territorial et local notamment les délégations régionales de
l’Etat chargées de l’habitat et les Agences urbaines et de procéder au changement
de l’appellation de ces entités en Agence d’urbanisme. Dans le nouveau découpage,
le rôle de la région est primordial notamment pour assurer plus de coordination
auprès du wali et de provinces et préfectures dans le domaine de l’urbanisme et
plus particulièrement l’élaboration de schémas directeurs dédiés à l’habitat rural. Il
importe aussi de renforcer l’assistance technique et juridique au sein des agences

56
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

urbaines au profit des milieux ruraux en créant un service dédié à l’habitat rural dans
l’organigramme fonctionnel de ces établissements.
Cette ambition du développement de l’habitat rural doit être confortée par la nécessité
de mettre en œuvre les moyens et les instruments prévus par la constitution et les
trois lois organiques relatives à l’organisation des collectivités territoriales, au profit du
développement de l’habitat en milieu rural à l’instar des autres programmes et action
du développement. A cet égard, les établissements de coopération intercommunale
et les groupements des collectivités territoriales, les mécanismes de coopération,
de partenariat et de contractualisation entre les différentes parties prenantes sont
autant d’instruments à mobiliser pour réguler les problèmes posés en matière
d’aménagement de l’espace rural et d’élaboration des schémas d’orientation de
l’urbanisation et des plans actualisés de développement des agglomérations rurales .
En outre, l’amélioration de la gestion des affaires ayant trait aux problématiques du
développement rural en particulier de l’habitat, passe inévitablement par la mise en
œuvre d’une gestion moderne moyennant des objectifs axés sur des indicateurs de
suivi et de mesures de progrès. A cet effet, l’article 250 de la loi n°111-14 organique des
régions précise que l’Etat met en place des outils permettant à la région d’adopter des
systèmes de gestion modernes, notamment les indicateurs de suivi, de réalisation et
de performance, des mécanismes d’évaluation régulière, interne et externe ainsi que
les systèmes d’information. Ces outils doivent être mis au service du développement
territorial et concrétisé réellement lors de l’exécution des plans et projets à caractère
économique et social.

b. Mobilisation réduite de financement en faveur de l’habitat rural


Le manque de véritables stratégies et de programmes dédiés à l’habitat rural rend
difficile la planification et la mobilisation des ressources financières nécessaires
à la promotion de l’habitat rural. En effet, il a été pointé la faiblesse de politique
budgétaire et de financement des programmes de l’habitat rural ; les budgets de
l’Etat sont destinés généralement au désenclavement du monde rural et non pas
à l’habitat rural. D’autant plus que l’habitat rural est considéré souvent comme non
prioritaire par rapport aux autres besoins (eau potable, routes, électricité, …) aussi
bien pour l’Etat que pour les populations rurales elles-mêmes.
Quant au financement de l’habitat en milieu rural par les habitants eux-mêmes, force
est de constater que le recours des ruraux aux crédits reste très faible en comparaison
avec les ménages urbains. En effet, ces derniers recourent plus que les ruraux à la
construction à crédit et plus particulièrement à l’achat à crédit (15,6%) qui est un
mode presque inexistant en milieu rural (0,6%)47.
Les facteurs qui sont à l’origine de cette situation sont multiples, le financement de
logement en milieu rural est fortement attaché au foncier et à l’immatriculation des
terres, à la mentalité des ménages ruraux qui préfèrent souvent la construction de
logement moyennant l’aide des membres de la famille vivant dans les grandes villes
ou à l’étranger et des voisins. La situation financière des familles et leur niveau de vie
47 - ONDH, rapport des premiers résultats de l’enquête panel de ménages, 2012

57
Conseil Economique, Social et Environnemental

constituent également un grand défi qui empêche les ménages ruraux à s’orienter
vers les banques pour bénéficier des prêts au logement.
Historiquement la construction de l’habitat en milieu rural est supportée par les
ménages eux-mêmes du fait de l’utilisation des matériaux locaux et de l’auto-
construction s’appuyant essentiellement sur une main d’œuvre locale à moindre
coût. Le recours aux financements externes ne constitue pas une priorité chez la
majorité des ménages ruraux. Cette réalité a été confirmée par l’ONDH puisque que
les ruraux construisent généralement leurs logements sans recours aux crédits et
l’accès au financement via des banques reste très limité voire absent en milieu rural.
En effet, plus de la moitié des ménages ruraux (54,9%) accèdent à la propriété du
logement par la construction sans crédit et près du tiers par l’héritage (31,2%).
S’agissant du recours aux crédits en faveur de l’habitat rural, des banques peuvent
intervenir pour octroyer un crédit de construction en milieu rural s’il est réglementé
et si les habitants ruraux expriment un besoin à ce sujet car tout cela est lié à la
mentalité des ménages ruraux et à l’offre présentée par les établissements de
crédits. Ce type de financement pourra faire l’objet des conventions et de contrats
programmes entre les bénéficiaires et les établissements bancaires.
Des financements peuvent être mobilisés également dans le cadre du Fonds de
solidarité habitat et intégration urbaine, le Fonds du développement de l’espace
rural et des zones montagneuses pour venir en aide à la revalorisation des centres
ruraux, la réhabilitation des habitats en milieu rural ( mise à niveau des douars, ..) et
l’aménagement des espaces ruraux répondant aux exigences requises permettant
de garantir un habitat décent.
La mobilisation des moyens financiers pourra se faire aussi dans le cadre du Fonds de
mise à niveau sociale destiné à la résorption des déficits en matière de développement
humain, d’infrastructures et d’équipements et Fonds de solidarité interrégionale
visant une répartition équitable des ressources, en vue de réduire les disparités entre
les régions,..). La recherche des financements dans le cadre des Fonds issus de la
coopération internationale notamment le Fonds d’Adaptation et le Fonds Vert pour
le Climat est une piste à explorer pour en faire bénéficier l’habitat rural aussi.

58
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

III. Des insuffisances accrues en matière de recherche,


de formation et de communication en faveur de
l’habitat rural

Un habitat rural décent, disposant de tous les éléments de conforts et respectant


l’environnement requiert la dynamisation et le renforcement des instruments
importants à savoir (i) la recherche et la formation pour combler les insuffisances
pointées dans ce domaine et (ii) la communication et la diffusion de l’information
portant sur les différents outils de préservation et de valorisation de la diversité de
l’habitat rural.

1- Formation, recherche et innovation dans le domaine de


l’habitat rural

a. La recherche et l’innovation technologique: outil déterminant pour


comprendre les problématiques de l’habitat rural
L’examen de la production scientifique et technique reflète un déficit accrus de
connaissances en matière d’habitat en milieu rural, car il existe très peu d’études
suffisamment précises, ciblés, approfondies et globales autour de la question de
l’habitat rural. En effet, cette thématique n’attire pas beaucoup les chercheurs
universitaires à l’instar de ce qui se fait dans les autres domaines. Seuls les éléments
du patrimoine architectural situé en milieux ruraux qui ont suscité l’intérêt des
universitaires et des architectes  notamment dans le cas des ksour, des kasbah et des
greniers collectifs. Par ailleurs, certains chercheurs ont pu réaliser des études sur des
habitats spécifiques (habitat nomade, habitat type taboyahyaoute, etc.) des thèses et
des mémoires universitaires ont traité le milieu rural dans sa globalité. L’habitat rural
n’a pas bénéficié des investigations scientifiques élargies qui touchent également les
aspects économiques, sociaux, anthropologiques et environnementaux.
Mais, malgré la diversité des habitats ruraux et l’amplification du rythme des mutations
spatiales et économique qui les affectent, la production de la connaissance sur ses
problématiques demeurent très limitées. De ce fait, aucun acteur (administration,
collectivités locales, boite d’expertise et bureau d’étude) ne peut stipuler qu’il maitrise
les problématiques de l’habitat rural au Maroc. Les seules références scientifiques
remontent à la période coloniale et au début de l’indépendance (Laoust, Meunier,
j. Terrasse, Montagne, Hensens, etc.). Cela, suppose que soit réalisé un véritable
inventaire des habitats dispersé, groupé, des douars, des centres émergents, ksour et
kasbah et que soit institué un suivi du devenir des habitats ainsi recensés (rénovation,
réhabilitation, éco-construction, …).
Ainsi, il est primordiale que les établissements de l’enseignement supérieur et de
la recherche (IAV Hassan II, ENA Meknès et ENA architecture – Rabat, INAU, Faculté

59
Conseil Economique, Social et Environnemental

notamment les départements de géographie et de sociologie, …) lancent des


programmes de recherches appropriés pour combler les lacunes pointées en la
matière.
Eu égard aux demandes et déficits qui perpétuent en terme d’aménagement et
de planification stratégique notamment des centres ruraux et de la production de
l’habitat rural qui préserve son patrimoine culturel et architectural, ces recherches
doivent se focaliser notamment sur :
1. La typologie de l’habitat rural selon les spécificités régionales, locales et tribales
des « grands villages » qui se transforment dans le temps en centre ruraux. Jusqu’
à présent, le Maroc ne dispose pas d’une définition claire institutionnelle ou
scientifique du village ou douar ni d’une typologie des habitats ruraux (distancé,
compacté, aggloméré, mobile etc.). Toutes les études et les interventions en
milieu rural se basent sur la commune comme unité de base. La définition d’une
liste officielle des villages, des douars et des centres ruraux et leurs typologies
peuvent aider le décideur à mieux intervenir dans le milieu rural, et à des échelles
plus fines ;
2. Les mutations affectant l’habitat rural : les connaissances sur l’habitat rural
remontent à la période coloniale. Or, l’espace rural a connu d’importantes
mutations à la fois au niveau spatial, architectural, économique, social et politique.
Ces mutations sont plus fortes des espaces périurbains et ceux situés le long
des routes. Dans certains, cas, il est impossible de définir et d’arrêter la limite de
l’habitat rural de l’urbain, du fait du chevauchement entre les deux espaces. Ces
transformations doivent désormais faire l’objet de recherche et d’expertise pour
mieux comprendre les réalités actuelles de l’habitat rural et anticiper la planification,
l’aménagement des territoires et l’investissement dans la restructuration des
espaces ruraux ;
3. Les centres ruraux émergents doivent figurer comme une priorité de la recherche
et de l’innovation. En effet, plusieurs centres sont évolués en ville moyenne/
municipalité et constituent ainsi un cadre de vie pour des dizaines de milliers
de citoyens. Néanmoins, jusqu’à nos jours, les pouvoirs publics ne disposent pas
d’une typologie actualisée de ces centres ni d’un suivi de leurs situations et de
leurs évolutions socio-économiques et démographiques et ni d’une stratégie
concertée, intégrée et territorialisée;
4. Les recherches ayant trait aux valeurs patrimoniales de certains éléments de
l’habitat rural notamment les Kasbah, les ksour, l’habitat troglodyte du Moyen
Atlas, l’habitat en pisé et la tente nomade. Or, ce sont des éléments patrimoniaux
très affectés par d’importantes mutations et subits un processus accéléré de
dégradation et de disparition continue. Un renforcement des moyens humains
et financiers des institutions opérant dans ce domaine notamment le Centre de
Conservation et de Réhabilitions du Patrimoine Architectural des zones atlasiques
et sub-atlasiques (CERKAS) relevant du ministère de la culture, est nécessaire pour
que cette institution entame des recherches - action ambitionnant la réservation
non seulement des ksour set kasbah du versant sud de l’atlas mais de tous les
habitats à valeur patrimoine.

60
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

5. Le lancement des études appropriées en matière d’innovation qui permettent


d’assure un équipement moderne de la maison rurale en terme de confort
(climatisation et isolation thermique, énergie solaire et éolienne, connectivité,
système d’absorbation de fumée, aspects sanitaires, préservation et innovation
en matière de collecte de l’eau (puis, Khatara , Matfia),..) tout en améliorant les
formes existantes ;
6. La construction durable en milieu rural comme axe important de recherche
et d’innovation, qui doit intégrer des critères sociaux (, diversité culturelle, le
droit à un logement décent, …) environnementaux (estimation de l’empreinte
écologique, efficacité énergétique, évaluation, prévention et gestion des risques
et catastrophes naturelles,…) économiques (utilité et efficacité économique et
appropriation et gestion par des structures locales) et des critères de participation
(implication des acteurs sociaux, économiques, politiques, concertation avec les
parties prenantes, formation et renforcement des capacités culturelles,..).
7. L’éco-construction et l’architecture durable qui doivent être basées sur une
approche scientifique et technique visant la conception et l’amélioration des
outils de production, et favorisant l’utilisation des matériaux de construction
naturels et locaux et la mise en œuvre des principes, processus et procédés de
constructions durables notamment en pierre et en terres ;
8. l’établissement d’une nouvelle boite à outils plus appropriée au milieu et à
l’habitat rural (contextualisée, intégrée, souple et concertée) car il n’existe que des
outils spécifiques à l’urbain qui montrent un décalage lorsqu’ils sont appliqués
en milieu rural. Des éléments sont disponibles pour construire une boite à outil
dédiée spécifiquement au milieu rural;
9. l’élaboration d’un référentiel national des bonnes pratiques en matière d’habitat
rural en fonction des régions et espaces ruraux et avec l’implication et la
participation effective de tous les acteurs concernés.
10. La création des pôles de compétence au niveau territorial autour de l’habitat
rural en mobilisant de l’expertise et de la recherche dans les sciences sociales,
économiques, anthropologiques, culturelles et historiques;

b. L’habitat rural : présence limitée dans le cursus de formation des


architectes et des aménagistes
Les institutions compétentes pour dispenser des formations embrassant la thématique
de l’habitat rural sont essentiellement l’INAU et l’ENA Ecole nationale d’architecture.
Aujourd’hui, hormis un enseignement général au niveau de l’ENA d’architecture
dispensant des cours théoriques qui touchent le monde rural, il n’existe aucune
formation spécifique à l’habitat rural.
De ce fait, la production de l’habitat rural se fait d’une manière spontanée par les
ménages ruraux eux-mêmes. Par ailleurs, force est de constater que ces dernières
années, la nouvelle réglementation de construction en milieu rural n’a pas eu que
des effets négatifs sur les valeurs patrimoniales des habitats récemment construites ;

61
Conseil Economique, Social et Environnemental

étant donné que les modèles architecturaux (plans, matériaux de construction,…)


proposés par les architectes sont inspirés du modèle urbain. L’innovation dans ce
domaine intégrant les transformations de la société marocaine est très limitée. Or, le
peu d’initiatives innovantes existantes restent localisées et ignorées, elles ne sont ni
soutenues, ni évaluées et généralisées.
Ainsi, l’intégration de l’habitat rural, ses spécificités et ses problématiques demeure
nécessaire dans les cursus de formation à l’ENA d’architecte et l’INAU. Il s’agit d’asseoir
des formations spécialisées sur l’habitat rural au sein de ces deux institutions au
profit des architectes et des aménagistes, car Il y a une revendication légitime pour
impliquer les enseignants chercheurs en matière d’habitat en milieu rural. Ceci reste
cependant tributaire de l’accumulation des recherches et de l’expertise sur l’habitat
rural. La formation doit se focaliser sur les techniques en terme de :
1. Restauration des habitats et du patrimoine architectural rural (Ksour, kasbahs,
etc.). Il est à noter qu’à à l’heure actuelle, le nombre des architectes spécialisés en
restauration patrimoniale est très limité ;
2. Aménagement des centres ruraux et l’élaboration des plans de développement
de ces centres, des villages et des douars ;
3. Maîtrise des techniques de construction durable en matériaux locaux (pierre
sèches, briques cuites, pisée, etc.)
4. Conception de plans architecturaux traditionnels adaptés aux besoins actuels des
ménages ruraux agricoles ;
5. Renforcement des capacités des différents intervenants dans le domaine
de l’habitat rural (responsables administratifs et élus locaux, société civile et
population ) principalement sur les aspects de gestion du dossier d’urbanisme
et de modes de construction en milieu rural ainsi qu’en matière d’intégration
des outils les plus appropriés au milieu rural ;Introduction des innovations pour
mieux exploiter le savoir-faire local et les matériaux locaux qui sont en train d’être
abandonnés et améliorer la technicité de l’habitat rural à la lumière des exigences
de la durabilité et de résilience contre les changements climatiques.
6. Réhabilitation des architectures historiques en leur dotant d’une nouvelle
vocation sociale, culturelle ou économique ;
7. Construction des nouveaux bâtiments publics selon les principes de l’éco-
construction avec des matériaux locaux biosourcés ;
8. Soutien au développement d’une filière locale d’éco-construction avec l’accès
aux matériaux spécifiques disponibles au niveau des communes (terre, pierre)
mais aussi aux matériaux biosourcés liés aux pratiques agricoles et sylvicole (bois
de palmier, laurier rose, roseau, olivier, etc.) ;

62
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

2- Communication et diffusion de l’information : Instruments


efficaces de conduite de changement et de promotion de
l’habitat rural
Le développement de l’habitat rural qui répond aux besoins de la population, tout
en respectant les normes de planification des constructions et l’identité culturelle
de chaque territoire,  et intégrant de plus en plus les innovations en la matière qui
optimisent l’utilisation des matériaux locaux et la consommation d’énergie,  n’exige
pas uniquement des efforts législatifs, réglementaires et techniques, mais aussi un
réel changement de la perception que font les différents acteurs sur l’habitat rural et
une mise à niveau informationnel et un partage d’expériences et de données sur les
avancées réalisées.
Cela requiert une conduite de changement culturel et comportemental, à travers le
développement de nouvelles approches et  canaux de communication dans le cadre
d’une stratégie nationale dédiée.  En effet, l’entrée exceptionnelle des technologies
de communication et d’information a eu un véritable impact sur le mode de vie
de la  population vivant aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. Malgré cela,
faut-il savoir combien de personnes peuvent-elles vraiment se dire bien informés et
accèdent facilement à l’information?. Pour mieux valoriser les retombées positives de
ces technologies,  il est important d’adopter une approche appropriée d’intervention 
particulièrement en milieu rural permettant à même d’apporter des solutions aux 
problématiques posées en l’occurrence celles entravant le  développement socio-
économique des espaces ruraux et l’amélioration de cadre de vie des ménages
ruraux. Car ces ménages ont besoin d’un accompagnement permanent en vue de les
amener à adhérer aisément aux propositions de changement concernant les modes
de construction, de réhabilitation et d’exploitation optimale du savoir-faire local.
Toutefois, il  convient de rappeler que l’examen des aspects relatifs au processus
de communication et d’information autour de l’habitat rural moyennant  les
canaux habituels révèle une carence affirmée que ce soit au niveau des acteurs
institutionnels qu’au niveau des acteurs associatifs et des élus locaux. Ce constat se
manifeste amplement dans la mauvaise compréhension des dispositifs juridiques et
réglementaires, les difficultés que pose le foncier dans le domaine de construction
en milieu rural et en matière de  valorisation du patrimoine culturel et architectural
de l’habitat rural,  et ce par manque de communication et de partage d’information
en faveur des citoyens et parties prenantes concernés directement par ces questions
qui deviennent très visibles et constituent un réel obstacle face au changement.
D’autant plus que la population rurale a besoin d’un accompagnement et de soutien
perpétuels en raison de son faible niveau de formation et de qualification.
Bien que  l’habitat en milieu rural recèle  des potentialités considérables   ayant trait
aux bonnes pratiques utilisées dans le mode de construction avec les matériaux
locaux, basé sur un savoir-faire local séculaire,  à la préservation du patrimoine riche
des espaces ruraux et de  l’identité de chaque région, à l’utilisation des techniques
de préservation de l’environnement notamment les stations d’épuration, la collecte
d’eau moyennant les petits barrage collinaires,  ces potentialités ne sont pas assez

63
Conseil Economique, Social et Environnemental

connues, ni partagées et diffusées à l’ensembles des acteurs concernés et en


particulier les populations rurales dans le cadre d’un programme de communication
élaboré à cet égard.
Par ailleurs, un effort de sensibilisation et d’implication effective des acteurs
intervenants notamment les architectes, les agences urbaines, les départements
concernés, la société civile et les médias est nécessaire pour produire des documents
de communication, supports et contenus médiatiques concernant  la diversité de
l’habitat rural, espaces bâtis et non bâtis, le rôle des espaces verts, les espaces réservés
aux activités touristiques. L’objectif étant de partager ces contenus avec les ménages
ruraux et tous ceux qui souhaitent intervenir en milieu rural en vue d’investir et
contribuer à relever le niveau de vie et  le bien être de ces populations.
En outre, un  déficit de communication est ressenti également au niveau de la
créativité et de l’innovation technique notamment dans le mode construction en
valorisant les matériaux locaux, l’aménagement des espaces, l’aide et l’appui financier
à offrir aux populations rurales pour la réhabilitation ou l’éco-construction. Ce déficit
s’observe aussi au niveau des méthodes d’économie d’énergie (utilisation de l’énergie
propre /solaires, éolien), des stations d’épuration des eaux usées, d’utilisation de
bonne pratique dans le domaine du tourisme notamment la valorisation des gites et
l’habitat à toit léger /caravane à usage touristique.
Face à ces insuffisances, et conscient de l’importance de la composante
communication et diffusion de l’information autour de l’habitat rural, il est impératif
de mettre en place  une stratégie  de communication qui ambitionne une réelle
conduire de changement acceptable aussi bien par tous les acteurs concernés
que par la population rurale. Cette stratégie doit être conçue et élaborée avec la
participation de tous les acteurs à l’échelle centrale, régionale et locale (Ministère
de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la
Ville, régions, province et commune, agences urbaines, ENA d’architecture, société
civile  et médias) avec des objectifs précis, un budget conséquent et des indicateurs
d’impact clairs et mesurables.
Une telle stratégie doit comprendre parmi ses axes  la production des supports
numériques, des fiches et documents de communication sur l’habitat rural en
tant que patrimoine culturel et architectural, des sites web dédiés, des émissions
télévisées spécialisées, des formations, des campagnes de sensibilisation  portant
sur la  valorisation du patrimoine architectural et culturel des espaces ruraux et sur
l’utilisation des matériaux locaux biosourcés dans la réhabilitation et  la construction
des habitats ruraux.

64
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

IV. Enseignements tirés du Benchmark international


sur l’habitat rural

Les investigations menées dans le domaine de l’habitat rural ont été enrichies par une
ouverture sur quelques bonnes pratiques à l’international. L’examen des expériences
vécues par d’autres pays sur l’habitat en milieu rural a été réalisé sous forme d’une
analyse documentaire afin de s’en inspirer et d’en tirer les enseignements adéquats
en la matière.
Le choix a été porté sur quelques pays déjà très avancés dans ce domaine et qui ont
développé des politiques et des instruments juridiques spécifiques à l’habitat rural.
Il s’agit des pays d’Amérique du Nord/Canada (Québec), d’Europe (France) et d’Asie
(Inde et Ouzbékistan). L’analyse de ces expériences a été basée sur une compilation
de bonnes pratiques en matière de politiques de logement en milieu rural, du cadre
réglementaire et législatif, de préservation du patrimoine et du paysage de l’habitat
rural, de gouvernance au niveau local, régional et central et d’accès aux financements.
Les principaux enseignements tirés sont synthétisés dans ce qui suit, le détail figure
en annexe 4.

65
Conseil Economique, Social et Environnemental

Encadré n°5 : Synthèse de quelques éléments importants du benchmark

Politiques, stratégies et cadre réglementaire spécifique à l’habitat rural


- L’examen des expériences dans ce domaine a fait ressortir la forte volonté et l’engagement des
pouvoirs publics en faveur du développement de l’habitat rural, qui remontaient au début du
siècle dernier notamment pour le cas de la France ou du Canada (Québec)). Cela a été traduit par
la mise en place des politiques publiques gouvernementales dédiées à l’habitat en milieu rural en
vue de le promouvoir et d’augmenter la quantité de logements et d’améliorer leur qualité;
- Cette volonté a été corroborée par la mise en place d’un arsenal juridique adapté aux spécificités
de l’habitat rural en France par exemple la première loi sur l’habitat rural date de 1922 ;
- la préservation du patrimoine de l’espace rural, du bâti et le développement des communes rurales
et des habitations a figurée parmi les programmes et actions prioritaires des acteurs concernés.
A ce niveau, beaucoup d’outils législatifs et financiers ont été mis en place en vue de préserver
le patrimoine architectural de l’habitat rural, tout en introduisant les nouvelles techniques de
construction et de réhabilitation du bâti  ;
- Les expériences étudiées dans le cas de l’Inde et d’Ouzbékistan montrent l’engagement du
gouvernement pour améliorer les logements des populations pauvres en milieu rural en
mobilisant des financements nationaux mais aussi à travers l’appui des organismes internationaux.
En partenariat avec le Ministère Indien du développement rural (MRD), le PNUD, par le biais du
projet Gouvernance et moyens de subsistance accélérés (GOALS), contribue à la promotion de
logements abordables pour les ruraux pauvres. En effet, l’Inde vise à construire 30 millions de
maisons pour les pauvres en 2022, ce qui signifie construire cinq millions de maisons par année
dans les zones rurales. Cet appui a été porté sur :
i. la proposition de 100 modèles appropriés de constructions des maisons rurales, approuvés par
les gouvernements des États et par un organisme central ;
ii. la formation d’une main d’œuvre locale qualifiée, notamment les maçons, les ouvriers ayant un
savoir-faire local, avec l’utilisation de divers matériaux de construction de logements tels que le
bambou, la boue, le bois etc.
iii. l’engagement du secteur privé à soutenir le secteur du logement rural, tout en facilitant un accès
suffisant des ménages ruraux pauvres à des matériaux de construction de qualité, appropriés et
abordables ;
iv. l’amélioration de la viabilité financière des services fournis, en construisant des opérations
autour du développement intégré de l’habitat plutôt que de l’approche sectorielle habituelle
du logement, de l’assainissement, etc. il s’agit d’assurer une convergence entre différents
programmes gouvernementaux sur les moyens déployés et l’inclusion financière ;
v. L’intégration des besoins en eau potable, assainissement et énergie solaire dans les différentes
typologies du logement en milieu rural.
- Parmi les outils de réglementation adoptés par le gouvernement d’Ouzbékistan dans le secteur
du bâtiment et de la planification et de zonage, Il existe le nouveau code intitulé «Architecture-
Planification de l’organisation des territoires dans les zones rurales» (APOT). Conçu avec un horizon
temporel de 10 à 15 ans, l’APOT constitue la base des documents d’urbanisme dans les zones
rurales. Il fournit des conseils aux agences de régulation et acteurs concernés sur :
vi. le zonage, et l’approvisionnement en eau,
vii. le traitement des déchets et l’approvisionnement en chaleur et électricité.

66
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

l’opportunité d’introduire des solutions d’énergie durable, ce qui peut permettre des économies
d’échelle dans la production d’énergie, l’utilisation de l’eau, etc.

Tendances favorisant l’intégration de l’évolution des matériaux locaux et celle des


besoins des ménages ruraux
- L’évolution à la fois des matériaux locaux de construction et des besoins des ménages ruraux ont
été intégrées dans les plans et documents d’urbanisme. En effet, Jadis l’Homme n’utilisait que des
matériaux bruts que l’on trouvait dans la nature et n’avait besoin que d’un abri et d’un feu. Mais
actuellement, on assiste à un changement des besoins en matière de logement puisque l’Homme
exige de maisons plus attractives, plus confortables, plus fonctionnelles, plus lumineuses, plus
divertissantes, plus écologiques.
- Aujourd’hui en France, l’Homme veut des maisons qui respectent l’environnement. Ainsi, on se fait
installer des panneaux solaires, des fenêtres plus grandes pour laisser passer les rayons de soleil,
des récupérateurs d’eau de pluies pour le jardinage, le compost au lieu de l’engrais et le recyclage
des papiers, du verre et du plastique.
- Des actions ont été entreprises par les acteurs concernés pour contribuer à l’entretien des paysages
des espaces ruraux, à l’amélioration des conditions de vie, à l’accroissement de l’économie rurale et
au maintien des populations dans l’arrière-pays.

Mobilité et exode des populations des villes vers les campagnes


- La mobilité des personnes de la ville vers la campagne est un phénomène qui se développe aussi
bien dans les pays en développement que ceux développés:
i. En France, après deux siècles d’exode rural, le mouvement entre villes et campagnes s’est inversé
à partir des années 1970. Ainsi, jusqu’à la fin des années 1990, la population des campagnes a
augmenté légèrement plus vite que celle des villes. Le phénomène s’est fortement amplifié au
cours de la dernière décennie : entre 1999 et 2009, le taux d’évolution de la population au sein
des espaces ruraux a été deux fois plus élevé qu’au sein des espaces urbains (11,6 % contre 4,9
%). Les dynamiques démographiques positives touchent la majorité des espaces ruraux. Elle
mettait en avant deux phénomènes : la péri-urbanisation croissante et le renforcement de la
fonction résidentielle dans les espaces à dominante rurale.
ii. Au Québec, le concept « d’embourgeoisement rural »48 fait référence au mouvement des urbains
de classe moyenne vers les milieux ruraux. Ceux-ci furent initialement attirés par un foncier bâti
peu coûteux et, par un style de vie naturel, sain et paisible dans la campagne. Dans ce cadre, des
initiatives et solutions ont été adoptées par des municipalités ou des municipalités régionales
de comté (MRC) rurales pour faciliter l’accès à la propriété et au logement et minimiser ainsi
les effets pervers de l’embourgeoisement rural. Trois types de politiques sont considérés (i) des
politiques résidentielles pour jeunes et aînés qui se concrétisent, entre autres, par des dons
de terrains, des exemptions de taxes ou des constructions de résidences de transition, (ii) des
politiques d’accueil accompagnées de trousses de bienvenue ou de paniers d’accueil et (iii)
des politiques familiales pour faciliter l’intégration des jeunes familles qui veulent s’installer en
milieu rural.

48 - Myriam Simard et Laurie Guimond, Que penser de l’embourgeoisement rural au Québec ? Visions différenciées
d’acteurs locaux, Département de sociologie, Faculté des sciences sociales, Université Laval, septembre–décembre
2012

67
Conseil Economique, Social et Environnemental

- Ce phénomène, conjugué à des transformations progressives des sociétés et à l’évolution croissante


des besoins en habitat disposant des conditions vitales pour une vie décente, nécessitent une
connaissance approfondie des différentes typologies des habitats, du bâti et non bâti. Plusieurs
enquêtes et études ont été réalisées en France par exemple pour savoir la disponibilité du bâti, du
non bâti et des espaces agricoles. Ceci aidera les décideurs et les responsables locaux et régionaux
dans la prise de décisions quant à l’affectation des terres et à leur utilisation.

Gouvernance de l’habitat rural portée en grande partie  par les régions, communes,
municipalités et les départements déconcentrés concernés
- L’habitat et le logement en milieu rural font partie des rôles et responsabilités des gouvernements
centraux mais aussi des gouvernements provinciaux, des administrations régionales et
municipales, des communes et des départements déconcentrés. A juste titre, en France, les
principaux acteurs intervenants directement dans le domaine de l’habitat en milieu rural, sont le
Ministère du logement et de l’égalité des territoires, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH/avec
des délégations dans chaque départements, les régions , les Conseils d’architecture, d’urbanisme
et d’environnement (CAUE), Implantés dans chaque département et les Sociétés d’investissement
pour le développement rural (SIDER). Ces acteurs contribuent fortement à la promotion de l’habitat
rural et à l’amélioration des conditions de vie des citoyens et à la préservation du patrimoine du
cadre du bâti de l’espace rural.

Un financement en faveur de l’habitat rural soutenu par les pouvoirs publics,


collectivités locales, coopération internationale et banques 
Le financement de l’habitat en milieu rural est supporté par l’Etat, les régions et les administrations
régionales concernées par l’habitat. En France le développement du monde rural a bénéficié du
budget des pouvoirs publics, du crédit agricole et des aides de l’Union européenne dans le cadre
des projets Leader+. Le Fonds européen agricole de développement rural (FEADER) est instrument
unique de financement, créé également par la Commission européenne, pour la période 2007-2013
en vue de renforcer la politique de développement rural.
- En plus des budgets de l’Etat, l’habitat dans les zones rurales a bénéficié aussi des financements
via la coopération internationale notamment le PNUD (cas de Inde). Pour le cas d’Ouzbékistan,
les pouvoirs publics ont utilisé les moyens locaux et ont cherché les ressources de financement
moyennant le recours au Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), au PNUD et aux banques.

68
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

V. Pistes d’inflexions en faveur d’un habitat rural


salubre

Le Conseil Economique, Social et Environnemental mesure l’ampleur des mutations


socio-économiques et politiques et des évolutions démographiques de la société
marocaine et leur effet sur la relation entre l’urbain et le rural et par conséquent sur le
développement humain et la croissance du pays.
Par ailleurs, il convient de rappeler que l’Etat a mobilisé des investissements importants
dans le cadre des programmes et actions lancés début des années 90 (Programme
d’Electrification Rurale Global (PERG), programme d’Approvisionnement Groupé
en Eau Potable des Populations Rurales (PAGER), Programme National des Routes
Rurales (PNRR1 et PNRR2), services sociaux de base,...) en vue de désenclaver le monde
rural. Or, malgré le peu d’initiatives prises en matière de promotion de l’habitat rural,
aujourd’hui, compte tenu de la dynamique de la population et l’émergence de
nouveaux besoins exprimés par les populations rurales quant à l’amélioration de leur
cadre de vie, un regain d’intérêt s’impose avec acuité et qui exhorte les pouvoirs
publics à s’intéresser davantage à l’habitat rural en mettant en place les moyens
nécessaires pour son développement.
Dans ce cadre, le Conseil a identifié quelques points d’inflexions qui appellent une
vigilance particulière et une anticipation volontariste pour répondre aux demandes
pressantes en matière d’amélioration des modes de vie des populations rurales et
particulièrement leurs habitations.
Ainsi, dix points d’inflexions ont été identifiés à partir (i) de l’analyse de différentes
facettes de la problématique de l’habitat rural, (ii) des débats avec les acteurs
auditionnés à ce sujet et (iii) des constations fruits des concertations menées sur le
terrain auprès des différents acteurs rencontrés lors de la visite organisée dans deux
régions (provinces d’Er-Rachidia et d’El-Jadida).
1. Absence d’une vision concertée et intégrée qui oriente et cadre les
interventions de l’Etat et des différents acteurs en matière d’habitat rural
Cette réalité pointée par tous les acteurs concernés au sujet de l’habitat rural
engendre :
- Absence de véritable politique ou stratégie de l’Etat dans le domaine de l’habitat
rural qui met au centre le citoyen rural et prend en considération ses besoins, sa
dignité et son bien-être ;
- L’insuffisance en matière de préservation du patrimoine architectural, culturel et du
capital immatériel national spécifique aux habitations du monde rural ;
- Dégradation de l’environnement à la fois par les effets des aléas climatiques et par
l’action de l’Homme et faible maitrise des risques des catastrophes naturelles sur
l’habitat en milieu rural ;

69
Conseil Economique, Social et Environnemental

- Manque d’une planification concertée des centres ruraux émergents, visant une
mise à niveau des centres existants, une délimitation et indentification de ces
espaces à partir des critères objectifs pouvant déterminer le niveau d’équipement
en services de base et d’investissements publics afin de garantir une vie décente
en faveur des citoyens et enclencher une dynamique économique inclusive et
durable en faveur des jeunes et des femmes.
2. L’habitat rural ne dispose pas d’une stratégie qui prend en considération
le cours le moyen et le long terme, ni de programme d’action dédié
Il en résulte :
- Des politiques de rattrapage visant la réhabilitation corrective de l’anarchie née des
abus administratifs et électoraux (spéculation foncière) menées sans anticipation,
engendrant ainsi des résultats limités qui creusent davantage les inégalités des
chances ;
- Des programmes destinés à réduire le coût de des infrastructures dédiées à l’habitat
dispersé, mais qui demeurent non cadrés par des dispositions réglementaires,
discontinus dans le temps, incohérents et ne répondant pas aux besoins de la
population.;
- Des programmes et projets qui ne prennent pas en considération les dynamiques
démographiques les transformations sociales, les mentalités, l’évolution et les
besoins des populations;
- Absence de financement et d’accompagnement dédiés spécifiquement aux
ménages ruraux, dans le cadre des plans de développement des agglomérations
rurales pour la réhabilitation, la restauration et la construction des habitats;
- Le recours souvent aux dérogations du faite que l’assise juridique est inadaptée,
n’intégrant pas les particularités du milieu rural;
- Des programmes et projets pilotes non structurés qui n’ont pas abouti à un
développement soutenu de l’habitat rural. Ces programmes sont élaborés en
l’absence d’un plan d’accompagnement et d’encadrement instructif et d’une
règlementation favorisant leur réussite;
- Manque d’évaluation des programmes et projets réalisés en matière d’habitat rural.
3. Cadre législatif et règlementaire inadapté aux spécificités et à la diversité
de l’habitat rural
- Persistance d’une législation insuffisante et inadaptée, sans aucune harmonie avec
les dispositions de la constitution de 2011 ;
- la législation consacrée à l’habitat rural n’a pas évolué au même rythme que la
transformation de la société marocaine afin de pouvoir répondre aux nouveaux
défis et besoins de la population rurale;

70
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

- Malgré que l’aménagement et la construction en milieu rural sont régis par le


Schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU), le Plan d’aménagement et le
Plan de développement des agglomérations rurales (PDAR), cette réglementation
reste inadaptée aux différents contextes, aux habitats dispersés et groupés et à la
diversité du patrimoine architectural, culturel et naturel des espaces ruraux ;
- Faible intégration de l’aménagement des douars et des centres ruraux dans les
plans d’action des communes et les documents d’urbanisme (Schémas régionaux
d’aménagements du territoire, plans du développement des agglomérations
rurales) ;
- Au regard des contraintes d’application et des insuffisances des textes législatifs
ayant trait spécifiquement à l’habitat rural, les responsables adoptent une politique
non écrite laissant la place à des pratiques informelles.
4. Foncier élément décisif de l’habitat rural, caractérisé par la dualité de
régimes et la complexifié de l’arsenal juridique
- Faible protection des terres agricoles contre l’urbanisation:
- le patrimoine foncier agricole productif est insuffisamment sécurisé et se livre à
la spéculation et aux aléas du marché contrôlé généralement par les promoteurs
immobiliers;
- l’accroissement de la pression sur les terres à forte production agricole aussi bien
dans les périmètres irrigués que dans les zones bour;
- le chevauchement et le conflit entre périmètre d’irrigation et périmètre urbain
et l’absence de système d’arbitrage fluide et ingénieux entre les besoins en sol
urbanisable et les étendues des périmètres d’irrigation;
- Faiblesse en matière d’orientation et d’application de mesures contraignantes
exigeant l’extension de la construction des habitats nouveaux sur les terrains non
agricoles au lieu de s’étendre sur les meilleures terres agricoles;
5. Insuffisance et discontinuité des moyens de financements dédiés à
l’habitat rural, inscrits dans la politique budgétaire de l’Etat
- Faiblesse de politique budgétaire et de financement des programmes de l’habitat
rural. Les budgets de l’Etat sont destinés généralement au désenclavement du
monde rural et non pas à l’habitat rural ;
- Le manque de stratégies et de programmes dédiés rend difficile la planification
des budgets en faveur de l’habitat rural, d’autant plus, qu’il est considéré souvent
comme non prioritaire aussi bien pour l’Etat que pour les citoyens ruraux eux-
mêmes ;
- L’utilisation de financements internationaux de certains projets pilotes reste
conjoncturelle ou ponctuelle, sans aucune capitalisation sur les bonnes pratiques
tirées de ces projets initiés par la coopération internationale, engendrant ainsi une

71
Conseil Economique, Social et Environnemental

rupture et une discontinuité dans le temps. La gouvernance de ces financements


souffre de plusieurs déficiences, et de l’absence d’évaluation et d’audit systématique ;
- Absence de possibilité de recours au crédit pour le financement des logements en
faveur des populations du monde rural et manque de mécanismes qui puissent
faire bénéficier l’habitat rural de financements mobilisés par l’Etat dans le cadre des
actions de développement;
- Faible valorisation de la fonction économique des habitats ruraux (ksour, gite, ..)
et des bâtiments administratifs surtout les structures à vocation économique
comme les souks, abattoirs,…, qui n’ont pas eu l’attention méritée pour les rénover
et les réhabiliter afin d’améliorer leur développement et leur contribution dans
l’économie des communautés locales ;
- La fonction culturelle des habitats ruraux n’a pas été suffisamment valorisée
et accompagnée pour permettre aux institutions traditionnelles de gestion
communautaire et aux espaces de culte tels que les Zaouiyas, les mosquées,
« hammam », « faranne » (boulangerie) …) de jouer pleinement leur rôle dans la vie
sociale des citoyennes et citoyens ruraux ;
6. Des pratiques de gestion de l’habitat rural ne répondant pas aux
spécifiques du territoire
- L’insuffisance de l’effectivité de la loi et de la reddition des comptes, considérée
comme élément clé de toute gouvernance responsable. Elle devrait incomber
à toute autorité ou partie prenante dépositaire ou en charge de la gestion des
dossiers ayant trait à l’habitat rural ;
- La spéculation foncière affectant particulièrement les terres agricoles à forte
production est le retentissement d’une gestion irresponsable du patrimoine foncier
destiné à l’habitation en milieu rural et dans les zones préurbaines. La surévaluation
du coût du foncier au Maroc est un enjeu de taille qui se traduit par des rentes
colossales et pèsent lourd dans la politique de l’urbanisme et sur le pouvoir d’achat
des citoyens, mais malheureusement ce sujet n’a pas été fermement combattu ;
- Faible participation des acteurs en particulier de la société civile dans la conception,
la mise en œuvre, l’évaluation et le réajustement des actions pilotes dédiées à
l’habitat rural;
- Persistance des actes ou pratiques d’infractions assimilées à la corruption, l’abus du
pouvoir, le clientélisme, le népotisme et le manque de vois de recours ;
- Multiplicité des intervenants (agences, communes, départements concernés, …)
et faible concertation entre eux, d’une part et les intéressés d’autre part. Le rôle et
la délimitation des responsabilités de chaque intervenant à l’échelle régionale et
locale dans le domaine de l’habitat rural méritent d’être clarifiés davantage;
- Documents d’urbanismes (schéma directeur d’aménagement urbain, plan
d’aménagement, plan de zonage, Plan de développement) ne sont pas généralisés
au niveau de toutes les régions, ni adaptés au contexte et à l’état du milieu rural
(zone d’habitations, zone pour le bétail, zone pour le stockage des denrées agricoles,

72
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

schéma directeur rural délimitant les douars et les centres ruraux émergents …)
avec des plans types actualisés en fonction des espaces ruraux à savoir les plaines,
les zones oasiennes et montagneuses;
- Manque de contrôle et d’intervention à postériori et faible capacité de réagir
légalement et rapidement en vue de réguler les différents occasionnés par les
conflits et d’éviter la destruction des biens déjà construits;
- Absence d’un système d’information et de communication autour de l’habitat rural
impliquant tous les acteurs et parties prenantes (région, communes, départements
concernés, architectes, …).
7. Dégradation du paysage et déperdition du patrimoine architectural,
culturel et sa diversité
- La perte de l’identité et du patrimoine des territoires engendre :
. la perte de leur attractivité ce qui impact davantage le développement
économique local durable de ces territoires;
. La sous exploitation de la richesse et la diversité du patrimoine architectural
comme levier économique des territoires qui doit profiter aux populations locales
et renforcer l’attraction des investisseurs ;
- La dégradation du paysage et du patrimoine architectural et culturel est la
répercussion de plusieurs facteurs notamment :
. Manque d’un cadre législatif et règlementaire approprié relatif au respect de
l’esthétique des façades extérieurs des habitats ruraux qui valorise et protège la
spécificité architecturale de chaque région;
. Les chartes et les normes architecturales d’aménagement de l’extérieur ne sont
pas respectées (les bâtiments administratifs donnent généralement le mauvais
exemple);
. Insuffisance en matière d’identification, de recensement et de connaissance
approfondie du patrimoine national architectural et culturel mentionnant le
cachet de chaque région;
. Absence de chartes de l’éco-construction et de la préservation du patrimoine
architectural et paysager pouvant offrir une nouvelle dynamique alternative au
processus d’urbanisation ou de standardisation/ uniformité architecturale en
milieu rural
. Insuffisance de partage et de duplication de bonnes pratiques relatives à la
préservation du cadre bâti architectural et culturel de l’habitat rural;
. Déficit en matière d’innovation dans le domaine de construction locale liée
aux territoires permettant à même de développer les techniques et les outils
de construction en milieu rural et perte des métiers locaux (Maalm,…) qui ont
besoin d’être valorisés et accompagnés dans un cadre règlementaire incitatif;

73
Conseil Economique, Social et Environnemental

8. Des rapports entre ville et campagne insuffisamment pris en considération

- l’accélération de l’urbanisation de l’espace rural génère un chevauchement


entre l’urbain et le rural, et ce par:
. le manque d’une vision régionale ou locale projetée à long terme articulée
autour des problèmes liés aux aspects économiques et ceux de programmation
des équipements et des infrastructures de base;
. la spéculation foncière non combattue aussi bien dans les villes et les zones
périurbaines que dans le monde rural. La valeur de l’immobilier est surévaluée et
la régulation de ce problème n’a pas eu suffisamment d’attention des décideurs
concernés;
- L’extension urbaine non maitrisée et la limite entre le rural et l’urbain pose un
problème de taille à tous les niveaux économique, social, sécuritaire et sanitaire.
Elle a pour conséquence :
. Le développement des ceintures de pauvreté aux alentours des grandes villes
nées de l’éclatement de vieux douars qui ont reçus des arrivées massives des
citoyens de la campagne, sans formation ni accompagnement de proximité. Il
s’agit d’un afflux de population sans aucune assise économique réelle (la ville doit
préparer l’arrivée des gens quel que soit leur origine rurale ou urbaine) ;
. L’urbanisation des petites villes n’a pas donné la priorité aux équipements
marchands, à l’artisanat et aux activités reliées à l’agriculture;
. Des constructions considérées souvent comme des habitats secondaires
sans activité économique, demeurant généralement vacants ce qui accentue
le développement des habitats dispersés dont le coût des équipements en
infrastructures de base est très élevé ;
. La présence des zones dites   « grises » entre la ville et la campagne qui posent
un réel problème d’ordre social, économique et sécuritaire et des difficultés à
préserver les zones protégées et les ceintures vertes;
9. Des menaces environnementales affectant l’habitat en milieu rural
- Accentuation de la dégradation de l’environnement et faible application des
mesures protégeant l’habitat rural :
. les effets du changement climatique occasionnés par les inondations, les crues,
les sècheresses, la neige, la chaleur, l’ensablement, etc., ne sont pas suffisamment
pris en considération dans les politiques publiques bien qu’ils touchent en premier
lieu les logements ruraux particulièrement ceux des zones montagneuses et
oasiennes ;
. L’assainissement en milieu rural pose un sérieux problème notamment pour les
centres émergents, les ksour et kasbah. Il est faiblement maitrisé et peu intégré
dans les documents d’urbanisme.

74
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

- Des pratiques qui nuisent à l’environnement et contribuent à la détérioration


des habitats:
. Constructions dans les zones à risques notamment les alluvions des rivières ou des
oueds et dans les zones à forte érosion en l’absence de contrôle et d’application
des dispositions législatives en vigueur pour interdire ce genre de pratiques;
. Régression des modes de construction s’appuyant sur les matériaux locaux (pisé
pour les murs principaux et les adobes destinés aux petits murs en hauteur, aux
arcades, aux piliers ou à la décoration) et favorisant des pratiques écologiques
autour des maisons (plantation de cactus, d’arbres, …) pour faire face aux aléas
climatiques ;
. Négligence souvent des fondations/maçonneries des maisons rurales fortement
influencées par l’infiltration de l’eau et la pénétration des eaux usées ce qui
expose l’habitat à l’effondrement;
. Peu d’appui et soutien de l’habitat rural menacé par les risques des catastrophe
naturelles notamment pour les ménages les plus pauvres qui n’ont pas les
moyens nécessaires pour réhabiliter leurs maisons ;
. Faible intégration dans les documents d’urbanisme des actions d’amélioration
de l’hygiène et de la propreté qui touchent la vie quotidienne des habitants
notamment des centres émergents et des zones oasiennes.
10. Manque de recherche, d’innovation et de formations appropriées au sujet
de l’habitat rural
- L’habitat rural connait des insuffisances accrues en matière de recherche et
d’innovation dans le mode de construction tout en conservant les matériaux
locaux ainsi que dans les conditions d’amélioration de confort de la maison
rurale:
. Déficit de connaissances et d’études précises, ciblées, approfondies et globales
autour de la question de l’habitat (typologie, diversité des habitats ruraux, rythme
des mutations spatiales, sociales et économiques,….) ;
. Faiblesse en matière d’innovation et d’exploitation des martiaux locaux qui sont
en train d’être abandonnés cédant la place à l’utilisation des matériaux exogènes
(béton de ciment, métal) peu maîtrisée par les habitants du milieu rural. La
restauration de l’habitat rural respectant l’environnement doit s’appuyer sur les
formes locales et les procédés locaux tout en construisant intelligemment;
. Insuffisance en matière d’innovation qui assure un équipement moderne de la
maison rurale en termes de confort (climatisation et isolation thermique, énergie
solaire et éolienne, connectivité, système d’absorbation de fumée, aspects
sanitaires, préservation et innovation en matière de collecte d’eau (puis, Khatara,
Metfia),...). Il s’agit d’améliorer sans détruire les formes existantes;

75
Conseil Economique, Social et Environnemental

- Il existe une carence en matière de formation, sur l’habitat rural et une faible
implication des établissements de formation, d’enseignement et de recherche
aux initiatives et programmes de développement de l’habitat rural :
. Insuffisance de modules de formation portant sur l’habitat rural (connaissances
des matériaux locaux, planification et documents d’urbanisme,..) destinés aux
architectes et aux aménagistes ;
. Absence de programmes de renforcement des capacités des différents
intervenants dans le domaine de l’habitat rural;
. Difficultés à renouveler et à valoriser les métiers et le savoir-faire local développés
dans les modes de construction traditionnelle par les habitants du milieu rural,
particulièrement dans les zones oasiennes, montagneuses et dans les plaines;
. Manque de suivi et de capitalisation sur des expériences réussies pour partager
et s’approprier les bonnes pratiques par les collectivités et les populations, en
vue de les généraliser au lieu de rester dans des projets pilotes ( expériences
des stations d’épuration, pratiques d’architecture qui prône les matériaux locaux,
innovation en matière d’utilisation de l’énergie dans les activités domestiques,
…).

SA : Situation actuelle, SC : Situation ciblée, A : Actions à mettre en place

76
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

VI. Recommandations pour un habitat rural décent et


durable

Partant de la réflexion menée en matière d’habitat rural et compte tenu de l’ampleur


des mutations socio-économiques et politiques et des évolutions démographiques
de la société marocaine et leurs effets sur la relation entre l’urbain et le rural, le Conseil
formule des recommandations en vue contribuer au débat qui vient d’être lancé
par le gouvernement et les autres acteurs concernés afin de les aider à asseoir une
véritable politique publique dédiée à l’habitat rural . Elles s’articulent autour de trois
axes déclinés en 12 Recommandations avec des mesures opérationnelles :
- Recommandations d’ordre stratégique
- Recommandations relatives au dispositif juridique et réglementaire
- Recommandations à caractère managérial et opérationnel

Recommandations d’ordre stratégique


1. Doter l’habitat rural d’une vision concertée et intégrée et d’une stratégie
dédiée :
- Une vision qui ambitionne l’élaboration d’une réelle politique nationale de l’habitat
rural et qui oriente et cadre les interventions de l’Etat et des différents acteurs
concernés ;
- Une vision nationale globale doit tenir compte des spécificités des territoires et être
élaborée en concertation avec les régions : Chaque territoire développe une vision
en fonction de ses spécificités et de sa vocation, de son patrimoine et de sa richesse
culturelle et historique ;
- Une stratégie dédiée à l’habitat rural  qui s’inscrit dans les grandes lignes de la
vision précitée, qui prend en considération le cours, le moyen et le long terme et
qui s’adapte aux spécificités territoriales (zones de plaines, de montagnes, zones
oasiennes et littorales). Le conseil recommande de veiller à:
- L’intégration des composantes de la stratégie dans les PDR et les SRAT ;
- La prise en considération de la transition démographique, de la mobilité des
populations et des transformations sociales qui font émerger de nouveaux besoins
des populations rurales ;
- La mise en place de mécanismes d’incitation au regroupement des habitats dans
l’espace, la réduction de la dispersion et le développement de centres socialement
et économiquement durables qui répondent aux besoins de la population ;
- Renforcement des moyens financiers et humains existant et l’affectation de
nouveaux moyens pour une bonne mise en œuvre de cette stratégie au niveau
régional ;

77
Conseil Economique, Social et Environnemental

- l’élaboration d’un système de suivi et évaluation de cette stratégie avec des


indicateurs de résultats et de progrès liés à l’habitat rural et aux conditions de
conforts et d’amélioration du cadre de vie et développement de l’attractivité et de
l’économie de ces territoires
2. Concevoir dans le cadre de la stratégie des programmes d’action
anticipatifs qui rompent avec les politiques et programmes de rattrapage
sectoriels :
- Intégrer l’aménagement des centres ruraux et des douars dans la vision de
l’aménagement du territoire, dans les documents d’urbanisme et dans les plans
d’action communaux (il faut clarifier la différence entre centres ruraux, centres
émergents et douars) ;
- Prévoir de nouvelles approches d’accompagnement de la population pour
conduire le changement et favoriser l’acceptation et l’appropriation des projets et
programmes qui leurs sont dédiés ;
- Intégrer dans les programmes locaux de développement de l’habitat rural des
actions de préservation de l’identité de certains sites territoriaux, tout en répondant
au besoin de modernisation et en luttant contre la défiguration du paysage
architectural et culturel des habitats et des sites ;
3. Procéder à une réforme en profondeur du foncier en tant qu’élément
décisif de l’habitat rural, (un rapport du CESE sur le sujet est en cours
d’élaboration, pour juin 2019) :
- Activer le processus qui vise la résolution de la problématique du foncier (multitude
des statuts fonciers, complexité des procédures administratives et multiplicité des
acteurs intervenants dans le secteur) dont l’impact affecte véritablement l’habitat
rural ;
- Rendre obligatoire les mécanismes instaurés pour la protection des terres agricoles
contre l’urbanisation et la perte de leurs potentiels et rôles économiques à cause
de la dispersion des habitats.
- Prévoir dans la stratégie nationale de la politique foncière de l’Etat, des solutions
opérationnelles permettant aux populations rurales d’accéder à un logement
décent en prenant en considération la dynamique différentiée des territoires, la
mobilité des citoyens, la nature du foncier et la diversité des espaces ruraux ;

Recommandations relatives au dispositif juridique et réglementaire


4. Mettre en place un cadre législatif et règlementaire adapté aux spécificités
de l’habitat rural :
- Procéder au recueil et à l’actualisation de toutes les dispositions législatives
consacrées à l’habitat rural groupé ou dispersé en considérant les évolutions socio-
économiques, démographiques, politiques et culturelles de la société marocaine

78
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

dans la perspective d’élaborer un code juridique spécifique aux différents types


d’habitat rural. A cet égard, le Conseil préconise de :
- Accélérer la généralisation des documents d’urbanismes (schéma directeur
d’aménagement urbain, plan d’aménagement, plan de zonage, Plan de
développement des agglomérations rurales actualisés, schémas d’armatures
rurales,…) au niveau de toutes les régions ;
- Délimiter les périmètres des agglomérations rurales notamment les douars et les
centres ruraux émergents;
- Élaborer des plans locaux d’urbanisme pour orienter la réhabilitation des douars et
des agglomérations rurales qui connaissent une pression en matière d’urbanisation ;
- Adapter dans le cadre d’une approche participative tous les plans au contexte et
aux spécificités de l’habitat rural (habitations, bâtiment pour le bétail, entrepôts
pour le stockage des denrées agricoles,…) avec possibilités de recours à des plans
types concertés ;
- Encadrer les décisions par dérogations en adaptant et en rendant effectif les
documents d’urbanisme, les plans du développement des agglomérations rurales
et en veillant au respect de la durée d’élaboration des documents d’urbanisme
tout en prévoyant des dates limites pour l’élaboration et l’approbation de ces
documents ;
- Intégrer dans les documents d’urbanisme le problème de l’assainissement
et d’épuration des eaux usées en milieu rural qui pose un sérieux problème
notamment pour les centres émergents, les ksour et kasbah ;
5. Mettre en place les mécanismes nécessaires et efficaces pour préserver,
valoriser et développer le patrimoine culturel, architectural et la diversité 
de l’habitat rural et lutter contre sa déperdition :
- Procéder à l’identification et au recensement général du patrimoine national
architectural et culturel en mentionnant le cachet de chaque région et élaborer un
schéma national de préservation du paysage et du patrimoine de l’habitat rural ;
- Adopter une législation, une règlementation, des chartes et des normes
architecturales d’aménagement qui protègent les spécificités architecturales de
chaque région ;
- Faire connaître et rendre effective la législation existante et veiller au respect du
cachet et de l’architecture des façades extérieurs des habitats ruraux, tout en luttant
contre la défiguration du paysage de l’habitat rural ;
- Asseoir un cadre règlementaire incitatif pour préserver et accompagner les métiers
locaux (Maalm,…), valoriser le savoir-faire local et le cadre de bâti des espaces
ruraux et veiller au partage des bonnes pratiques relatives à la préservation du
cadre bâti architectural et culturel de l’habitat rural et à la richesse et diversité des
modes et moyens de construction ;

79
Conseil Economique, Social et Environnemental

- Développer et appliquer des chartes de l’éco-construction, avec une conception


qui se doit d’être économe en énergie et en eau, voire d’utilisation de l’énergie
solaire, en répondant aux nouveaux besoins de la vie moderne des populations,
tout en préservant le patrimoine architectural et paysager ;
- Mettre en place un cadre et une conception renouvelés de l’assistance architecturale
et technique en milieu rural, qui prennent en considération les spécificités locales
(Cette assistance peut prendre la forme d’un encadrement technique gratuit des
bénéficiaires résidant dans les zones rurales, à travers l’élaboration de plans d’auto-
construction et de plans modèles, ou via l’élaboration de plans de restructuration et
réorientation de l’urbanisme au niveau des douars, centres ruraux, ksour, Kasbah,…);
- Impliquer les acteurs publics et privés dans la valorisation de la richesse et de la
diversité du patrimoine architectural, pouvant offrir une nouvelle dynamique
alternative au processus d’urbanisation, en mettant les mécanismes incitatifs
nécessaires pour attirer des investisseurs nationaux et internationaux notamment
dans le domaine du tourisme, en évitant l’uniformité architecturale en milieu rural
et la production en masse axée sur l’usage issu de la construction en béton;
- Mettre en place les mécanismes financiers et réglementaires nécessaires pour
développer l’innovation dans le domaine de la construction locale et promouvoir
de nouvelles techniques de construction qui combinent modernité et authenticité.

Recommandations à caractère managérial et opérationnel


6. Diversifier et développer les outils et mécanismes de financement de
l’habitat rural :
- Prévoir des budgets pour le financement de la stratégie nationale et des programmes
destinés à l’habitat rural (mise à niveau, réhabilitation et nouvelles constructions) au
niveau régional et local, sur la base d’un recensement des différents types d’habitats
(douars, centres émergents, ksour, kasbah, …) ;
- Budgétiser des financements pour réhabiliter les autres types d’habitats en
milieu rural (bâtiments administratifs et de services, habitats économiques (souks
réhabilités, abattoirs), habitats communautaires) afin d’améliorer leur contribution
économique et de les faire jouer pleinement leur rôle dans la vie sociale et culturelle
des citoyennes et citoyens ruraux;
- Prévoir des financements pour la mise à niveau et la réhabilitation des douars et
des maisons traditionnelles menaçant ruine en milieu rural, à travers des aides ou
des subventions directes de l’Etat et d’un appui technique gratuit en fonction des
spécificités de chaque régions et espace rural;
- Faire bénéficier l’habitat rural de financements mobilisés dans le cadre du Fonds de
solidarité habitat et intégration urbaine et le Fonds du développement de l’espace
rural et des zones montagneuses ;

80
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

- Mobiliser pour l’habitat rural des financements dans le cadre de la coopération


internationale notamment le Fonds d’Adaptation et le Fonds Vert pour le Climat ;
7. Adopter une gouvernance territoriale responsable et cohérente en
matière d’habitat rural :
- Veiller au respect de l’autorité de la loi consacrée par la constitution, les lois
organiques des collectivités territoriales et les textes juridiques existant régissant le
domaine de l’habitat rural;
- Rendre effectif le principe de la reddition des comptes en réponse aux
dysfonctionnements liés aux documents d’urbanisme et prévoir des voies de
recours en diffusant largement l’information et en la rendant accessible aux des
citoyennes et citoyens;
- Répartir les rôles de façon précise entres tous les acteurs au niveau central et
territorial dans un souci de cohérence et de complémentarité tout en assurant plus
d’efficacité et d’efficience des actions et programmes relatifs à la promotion de
l’habitat rural;
- Renforcer l’assistance technique et juridique au sein des agences urbaines, qui
doivent être transformées en agences d’urbanisme, au profit des milieux ruraux en
créant un service dédié à l’habitat rural dans l’organigramme fonctionnel de ces
établissements ;
- Lutter contre les actes ou pratiques d’infractions assimilées à la corruption, l’abus
du pouvoir, le clientélisme, le népotisme et le manque de recours, notamment
dans le domaine de l’habitat rural;
- Concrétiser les dispositions relatives aux instances de concertation prévues par
les lois organiques des collectivités territoriales et renforcer leur rôle en tant que
force de proposition dans la conception, l’élaboration, la mise en œuvre et le
réajustement des actions dédiées à l’habitat rural;
- Mettre en place des mesures contraignantes pour protéger les terres agricoles à
forte production tout en assurant une gestion responsable du patrimoine foncier
destiné à l’habitat en milieu rural et dans les zones préurbaines;
8. Elaborer une stratégie concertée, intégrée et territorialisée de
développement des centres ruraux émergents. A cet égard, le Conseil
recommande :
- Arrêter une définition consensuelle de ces centres ruraux émergents/ centres
urbains avec des critères précis d’indentification et de classification ;
- Mettre en place des outils de planification notamment les schémas d’orientation
de l’urbanisation, comme mesure transitoire en attendant la couverture des centres
ruraux par des documents d’urbanisme adaptés ;

81
Conseil Economique, Social et Environnemental

- Veillez d’urgence à mettre à niveau les centres ruraux qui se sont développés sans
plans d’aménagement afin d’améliorer le cadre de vie des populations notamment
l’assainissement et la mise en place des stations d’épuration ;
- Faire bénéficier les centres ruraux émergents d’un statut intermédiaire lui
permettant de disposer de tous les services de proximité pour satisfaire les besoins
de ménages ruraux et par conséquent en faire une locomotive de développement
économique et social de leur microrégion ou localité ;
9. Faire des relations ville-campagne une opportunité pour créer les
conditions les plus propices à un développement économique et social
favorable aussi bien pour le rural que l’urbain :
- Instaurer dans le cadre d’une vision régionale, un certain équilibre entre la ville et
la campagne dans le processus du développement en vue de cerner l’extension
urbaine et garantir une affectation équilibrée entre l’espace bâti (centres urbains et
ruraux ) et le non bâti, ( terres à usage pour l’agriculture urbaine, les forêts urbaines
ou usage agricole..), en assurant de manière plus forte les moyens de connexion
nécessaires ( routes, train, tramway,...) ;
- Elaborer des schémas d’armatures rurales en vue de restructurer l’espace rural et
d’assurer l’articulation entre les villes, les centres ruraux et urbains ;
- Accompagner l’urbanisme des petites villes par la mise en place des équipements
marchands, des actions de l’économie sociale et solidaire autour de l’artisanat, du
tourisme et des activités reliées à l’agriculture ;
10. Protéger l’habitat rural contre les menaces environnementales et les
catastrophes naturelles
Renforcer les moyens de lutte contre la dégradation de l’environnement et rendre
effectif l’application des mesures existantes afin de protéger l’habitat rural :
- Intégrer dans les politiques publiques les risques des catastrophes naturelles (les
inondations, les crues, les sècheresses, la neige, les vagues de chaleur, l’ensablement,
séismes, etc), qui touchent les logements ruraux particulièrement ceux des zones
montagneuses et oasiennes;
- Renforcer le contrôle et l’application des dispositions législatives en vigueur pour
interdire les constructions dans les zones à risques notamment les lits des rivières
ou des oueds et dans les zones exposées à une forte érosion;
- Prendre en considération, pour certaines régions, lors de la construction en milieu
rural la « réglementation antisismique spécifique aux constructions en terre» (RPCT)
en vue d’assurer la sécurité des bâtiments traditionnels ou modernes construits en
terre et les protéger contre les tremblements de terre et l’effondrement;
- Faire bénéficier davantage l’habitat rural exposé aux risques des catastrophes
naturelles du Fonds de lutte contre les effets des catastrophes naturelles (FLCN)
institué par la loi de finances n°40-08 pour l’année budgétaire 2009, tel qu’elle a été
modifiée et complétée;

82
Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

- Appliquer les mesures interdisant les pratiques qui nuisent à l’environnement et


contribuent à la détérioration des habitats en milieu rural :
- Encourager le mode de construction en matériaux locaux en utilisant des pratiques
écologiques autour des maisons (plantation de cactus, d’arbres, …) pour faire
face aux aléas climatiques, en exigeant des fondations/maçonneries lors de la
construction des maisons rurales pour éviter l’infiltration de l’eau et la pénétration
des eaux usées et par conséquent l’effondrement de l’habitat;
- Activer le Programme national d’assainissement rural (PNAR) pour rattraper le retard
en matière d’assainissement et d’épuration des eaux usées en milieu rural qui pose
un sérieux problème notamment pour les centres émergents, les ksour et kasbah;
- Développer de nouvelles approches et mécanismes de gestion innovante en
matière de valorisation énergétique durable des déchets ménagers et assimilés
déversés dans des décharges anarchiques (transition vers une économie circulaire
dans le secteur de la gestion des déchets) afin de réduire les impacts de ces déchets
tant sur le plan économique que social et sur la santé et l’environnement ainsi que
sur les habitations ruraux ;
- Valoriser les déchets organiques en amont de l’agriculture en faveur du
développement économique de l’habitat rural;
- Encourager l’usage des matériaux locaux dans toute nouvelle construction à
caractère privé comme public ayant vocation à accueillir le public (mosquées,
bâtiments administratifs, hébergements touristiques,…).
11. Faire de la formation, de la recherche et de l’innovation un levier de
promotion et de valorisation du patrimoine architectural et naturel de
l’habitat rural
- Impliquer les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche (IAV
Hassan II, ENA Meknès, INAU, Ecole nationale d’architecture (ENA) de Rabat et les
facultés notamment les départements de géographie et de sociologie, …) dans les
programmes de recherches et de l’innovation dans le domaine de l’habitat rural et
en les dotant de moyens financiers et humains substantiels;
- Intégrer des formations spécialisées sur l’habitat rural dans les cursus de formation
à l’Ecole Nationale d’Architecture (ENA) et l’Institut National d’Aménagement et
d’Urbanisme (INAU) ;
- Intégrer dans les centres /établissements de formation professionnelle au niveau
territorial, des formations ou modules dédiés à l’habitat rural pour renouveler et
valoriser les métiers et le savoir-faire local ;
- Prévoir des programmes de renforcement des capacités des différents intervenants
dans le domaine de l’habitat rural (responsables administratifs et élus locaux,
société civile et population ) principalement sur les aspects de compréhension et
de gestion des documents d’urbanisme et de modes de construction en milieu
rural ainsi qu’en matière d’intégration des matériaux les plus appropriés au milieu
rural ;

83
Conseil Economique, Social et Environnemental

12. Mettre en place une stratégie de communication et d’information


autour de l’habitat rural pour accompagner la population et les acteurs
concernés. Une telle stratégie aura comme ambition de mener une
réelle conduite de changement dans les modes de construction, de
réhabilitation et d’exploitation optimale du savoir-faire local. Cette
stratégie  de communication doit :
- Etre conçue et élaborée avec la participation de tous les acteurs à l’échelle centrale,
régionale et locale (Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme,
de l’Habitat et de la Politique de la Ville, régions, province et commune, agences
urbaines, ENA d’architecture, société civile  et médias ;
- Favoriser le développement des activités visant les acteurs concernés et la
population rurale, avec un budget dédié et des objectifs et indicateurs d’impact
clairs et mesurables ;
- Comprendre parmi ses axes  la production des supports numériques, des fiches et
documents de communication sur l’habitat rural en tant que patrimoine culturel
et architectural, des sites web dédiés, des émissions télévisées spécialisées, des
formations, des campagnes de sensibilisation  portant sur la  valorisation du
patrimoine architectural et culturel des espaces ruraux et sur l’utilisation des
matériaux locaux biosourcés dans la réhabilitation et  la construction des habitats
ruraux.

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Annexes

Acronymes :
- CREM : Centres Ruraux Emergents
- CR : Commune rurale
- ENA : Ecole Nationale d’Agriculture de Meknès ;
- ENA : École Nationale d’Architecture
- UREF : Unités Rurales d’Equipement et de Fonctionnement
- HCP : Haut-Commissariat au Plan ;
- HP : Habitat rural ;
- IAV : Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II ;
- Institut National d’Aménagement et d’urbanisme (INAU),
- ONI : Office National des Irrigations
- ODD : Objectifs de Développement Durable
- PNAR : Programme national d’assainissement rural
- PDPP : Plans de Développement des Provinces et Préfectures ;
- PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement
- PDAR : Plans de développement des agglomérations rurales
- PDR : Programmes de Développement Régionaux ;
- PAC : Programme d’Actions Communal ;
- PAM/ Villages : Programme Alimentaire Mondial
- PHR : Programme Habitat Rural ;
- RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitat ;
- SRAT : Schéma régional d’Aménagement des territoires
- SAR : Schéma d’Armature Rurale
- ZAP : Zones d’Aménagement Progressif

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Conseil Economique, Social et Environnemental

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Annexe - 1 : groupe de travail issu de la commission permanente


chargée de la régionalisation avancée, des développements rural et
territorial

Président de la Commission M. Abderrahim Ksiri


Rapporteur Mme. Mina Rouchati
M. Mohamed Dahmani
M. Abdelmoula Abdelmoumni
M. Mohamed El Khadiri
Mme. Zahra Zaoui
Membres M. Abderrahim Ksiri
M. Abderrahman kandila
M. Driss BELFADLA,
M. Mohamed Wakrim
M. Abdelhai Bessa

Expert Sénior permanent M. Omar Benida

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Conseil Economique, Social et Environnemental

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Annexe - 2 : liste bibliographiques

- Centre d’études et de recherches démographiques, Projections de la population du


Maroc par milieu de résidence, 2005-2030, HCP, Décembre 2007 ;
- Décret n° 2-12-666 du 17 rejeb 1434 (28 mai 2013) approuvant le règlement
parasismique pour les constructions en terre et instituant le Comité national des
constructions en terre et le Décret n° 2-12-666 du 17 rejeb 1434 (28 mai 2013)
approuvant le règlement parasismique pour les constructions en terre et instituant
le Comité national des constructions en terre. (BO n°6206 du 21 Novembre 2013) ;
- David GOEURY, géographe et chercheur dans l’urbanisation durable des cités
oasiennes, note d’audition, mars 2018
- Étude relative à l’élaboration de la Stratégie Nationale de Gestion du Foncier,
Ministère de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire Secrétariat Général,
Janvier 2016 ;
- Enquête nationale sur la consommation et les dépenses des ménages au Maroc,
HCP, 2016
- Habitat au Maroc : Situation du parc de logements et statut d’occupation, HCP,
RGPH 2014 ;
- Indicateurs sociaux du Maroc, 2011, HCP, p : 80 ;
- Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme, audition du 14 mars 2017 ;
- Jean-Marie Vincent, Conservation du patrimoine rural et politique qualitative de
l’habitat, libre : habitat rural quelle nouvelle dynamique, 2007 ;
- Logement et habitat, Haut-Commissariat au Plan. Centre d’Etudes et de Recherches
Démographiques, 2005,
- Myriam Simard et Laurie Guimond, Que penser de l’embourgeoisement rural au
Québec ? Visions différenciées d’acteurs locaux, Département de sociologie, Faculté
des sciences sociales, Université Laval, septembre–décembre 2012 ;
- Ministère de la Culture : 2014. Éléments pour une vision : Patrimoine 2020,p : 20
- Ministère de l’agriculture, de la pêche maritime et du développement rural et des
eaux et forêts, audition du 30 janvier 2018 ;
- Nouveau programme pour les villes, Habitat III, Déclaration de Quito sur les villes et
les établissements humains viables pour tous, Nations Unies, octobre 2016 ;
- Nathalie Ortar, 2002. « La campagne, le patrimoine et les citadins. Entre souvenir
et oubli (Compte-rendu de deux ouvrages récents) » Comptes rendus d’ouvrages 
(http://www.ethnographiques.org/2002/Ortar;
- Ordre national des architectes, audition, du 27 février 2018 ;
- Point sur : l’habitat rural entre 1999 et 2009 : des évolutions contrastées, n° 179
Décembre, 2013 ;
- Projet PNUD (2016-2020) de contribution à la mise en œuvre de l’Accord de Paris
sur les changements climatiques: Efficacité énergétique des logements ruraux en
Ouzbékistan

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Conseil Economique, Social et Environnemental

- Rapport de CESE « Pour une nouvelle charte sociale : Des normes à respecter et des
objectifs à contractualiser », Auto-Saisine n°1/2011 ;
- Rapport «Développement du monde rural, défis et perspectives », CESE, Auto-
Saisine n°29/2017,
- René Lebeau, Les grands types de structures agraires dans le monde, 1972 ;
- Recensement Général de la population et de l’habitat, HCP, 2014 ;
- Rapport du CESE sur « le développement du monde rural, défis et perspectives »,
Auto - Saisine n° 29/2017 ;
- Rapport des premiers résultats de l’enquête panel de ménages, ONDH, 2012 ;
- Rapport de synthèse sur l’état des lieux du secteur du foncier /Assises nationales
sur le thème : La politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement
économique et social, Chef de gouvernement, décembre 2015 ;
- Rapport sur les comptes spéciaux du trésor, Projet de Loi de Finances pour l’année
budgétaire 2018, Ministère de l’Economie et des Finances ;
- Rapport : Mobilité sociale intergénérationnelle au Maroc, Haut-Commissariat au
Plan, 2011
- ROY, Claudine, l’habitat en bref :. Les conditions d’habitation des ménages québécois
vivant en milieu rural, Société d’habitation du Québec, mai 2006 ;
- Rapport présenté par M. Michel de Beaumesnil: un atout pour le monde rural : la
valorisation du bâti agricole, Conseil économique et social, France, 2006 ;
- Shama Atif, Modèles d’habitats entre persistances et mutations- Typologie de
logements marocains, 201/2011, p.46 ;
- Salima Naji, ingénieur architecte, rapport d’audition, mars 2017 ;
- Situation de l’agriculture marocaine, document sur le foncier agricole, réalisé par le
Conseil Général du Développement Agricole, 2005).

Site web :
- http://www.abhatoo.net.ma/maalama-textuelle/developpement-economique-
et-social/developpement-social/logement-et-habitat/politique-d-habitat/
problematique-de-l-habitat-rural
- http://www.hcp.ma/Emploi-par-branche-d-activite-de-la-population-active-
occupee-au-milieu-rural_a154.html
- http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/logement-et-politique-du-
logement/
- http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/07/30/malgre-sa-croissance-l-inde-
reste-rurale-et-pauvre_4704527_3244.html
- http://www.in.undp.org/content/india/en/home/operations/projects/poverty_
reduction/rural-housing.html

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Annexe - 3 : liste des acteurs auditionnés

Activités Acteurs auditionnés

- M. DRISS GUERRAOUI, Professeur d’Economie, Secrétaire


Général du CESE
- M. Abdelaziz ADIDI / Directeur de l’Institut National
d’Aménagement et d’Urbanisme,
- Mme. Salima Naji, Ingénieur Architecte,
- M. Abdelwahed El Idrissi, Enseignant chercheur à l’INAU,
Rencontres avec des
personnes ressources  - M. Houssain Tahouati, Enseignant –chercheur, responsable
d’un atelier d’architecture, École Nationale d’architecture,
- M. Hassan RAMOU, Enseignant –chercheur, en urbanisme et
développement des espaces ruraux / Université Mohamed
V, Rabat,
- M. David GOEURY, géographe et chercheur dans
l’urbanisation durable des cités oasiennes
1. Haut-commissariat au Plan HCP
2. Ministère de l’aménagement du territoire, de l’habitat, de
l’urbanisme et de la politique de la ville
3. Observatoire National du Développement Humain
(ONDH)
4. Ministère de l’Intérieur
Acteurs institutionnels 5. Ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique
et organismes et de l’Eau
6. Ministère de l’agriculture, de la pêche maritime, du
développement rural et des eaux et forêts
7. Ecole nationale d’architecture
8. Ordre national des architectes
9. Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers (F.N.P.I.)
10. Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD)

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1. Groupe crédit agricole du Maroc


2. Agence Nationale de la Conservation Foncière, du
Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC
3. Office National de l’électricité et de l’eau
Atelier de travail
4. Chambre d’agriculture de la région de Beni Mellal –
Khenifra
5. Association marocaine du développement agricole et
rural, Région de Casa-Settat

- Région de Drâa-Tafilalet/ Province d’Er-Rachidia


Visites de terrain
- Région de Casablanca-Settat : Province d’El Jadida
- Réaliser un benchmark international en termes de retour
d’expérience sur l’habitat rural à partir des pratiques dans
Benchmark ce domaine de certains pays :
International . d’Amérique du Nord/Canada (Québec),
. d’Europe (France) et
. d’Asie (Inde et Ouzbékistan).

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Annexes - 4 : Eléments tirés du Benchmark international en matière


d’habitat rural

Des éléments importants tirés des expériences internationales en matière d’habitat rural. Pays
d’Amérique Canada (Québec), d’Europe (France) et d’Asie (Inde et Ouzbékistan)

Cas du Canada (Québec)49


Les politiques et les programmes menés en matière de logement sont des stratégies gouvernementales
pour augmenter la quantité de logements, améliorer leur qualité et réduire leurs coûts. La majorité
des logements canadiens ont été construits après la Deuxième Guerre mondiale. Par conséquent, la
qualité des logements canadiens témoigne de leur construction récente, et moins de 6% des maisons
requièrent des réparations majeures.
Les gouvernements provinciaux peuvent déléguer leur responsabilité en matière de logement aux
administrations régionales et municipales. En effet, les municipalités ont aussi la responsabilité de la
planification et de la prestation de services publics comme l’approvisionnement en eau, les égouts,
les routes, les parcs et les écoles.
Dans les zones non aménagées ou rurales, les districts régionaux ou les gouvernements provinciaux
réglementent l’utilisation des terres et fournissent les services nécessaires.
la Société d’habitation du Québec (SHQ) réalise des études qu’elle publie sur la question de l’habitat
rural.
Le milieu rural est ainsi subdivisé en quatre types :
- Les zones d’influence métropolitaine », influence qualifiée de « forte, modérée, faible ou nulle »,
selon la proportion des travailleurs occupant des emplois dans les centres urbains. Pour diverses
raisons, dont la possibilité de subdiviser les milieux ruraux à des fins d’analyse, cette définition
basée sur le degré d’interdépendance a été préférée à la définition de Statistique Canada
qui distingue les « régions rurales » et les « régions urbaines » surtout d’après leur densité de
population.
- Les zones dites d’influence forte correspondent généralement à la périphérie immédiate des
grandes agglomérations, dont le développement finit souvent par rejoindre des sociétés rurales
établies depuis longtemps.
- Les zones d’influence métropolitaine modérée et faible, où vit la majorité de la population
rurale, forment des territoires moins proches des grandes villes et comprennent l’arrière-pays des
centres de services et des chefs-lieux. Elles sont ce qui se rapproche le plus de l’idée qu’on se fait
habituellement du milieu rural.
- les zones d’influence métropolitaine nulle, souvent situées en région éloignée, sont le lieu de vie
d’un grand nombre d’autochtones et de travailleurs œuvrant dans les ressources naturelles.
Par rapport à l’évolution démographique, elle a été sensiblement différente selon les milieux, au
cours des dernières années. Les ménages ruraux comptent davantage de familles, mais celles-
ci comprennent relativement un plus grand nombre de couples sans enfants. Ils sont plus âgés,
davantage propriétaires, ont des revenus moins élevés et leurs logements sont en moins bon état et
de moindre valeur, mais plus abordables financièrement qu’en milieu urbain. De même, les mises en
chantier continuent d’y favoriser les maisons individuelles, qui constituent déjà la grande majorité des
logements ruraux.

49 - http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/logement-et-politique-du-logement/
- L’habitat en bref : ROY, Claudine. Les conditions d’habitation des ménages québécois vivant en milieu rural, Société
d’habitation du Québec, mai 2006,

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Des caractéristiques importantes ont été soulevées :


- Si les logements ruraux sont plus grands, ils nécessitent toutefois plus souvent des réparations,
selon leurs occupants, et c’est surtout le cas pour les logements des propriétaires.
- Dans l’ensemble des territoires ruraux, 10,6 % des logements auraient besoin de réparations
majeures, comparativement à 7,1 % en milieu urbain.
- Dans les zones d’influence métropolitaine, souvent situées dans des régions aux conditions
climatiques rigoureuses, la proportion de logements nécessitant des réparations majeures monte
à près de 16 %.
- Il faut dire que les logements ruraux sont relativement plus anciens que les logements urbains;
les immeubles bâtis avant 1946 représentent en effet 22,7 % du parc résidentiel rural, contre
seulement 13,1 % du parc urbain.
- Le milieu rural n’est pas monolithique : les caractéristiques des ménages et des logements varient
beaucoup d’une région à l’autre;
- Les diverses situations que vivent les populations des milieux ruraux sont avant tout tributaires de
l’activité économique, très variable sur le territoire.
- Les solutions envisagées en matière de logement doivent donc être modulées en fonction de
cette diversité, selon les besoins des ménages, dans une approche s’appuyant sur la connaissance
que les décideurs locaux ont de leur milieu.
Quelques initiatives et solutions ont été adoptées par des municipalités ou des municipalités
régionales de comté (MRC) rurales pour faciliter l’accès à la propriété et au logement et minimiser
ainsi les effets pervers de l’embourgeoisement rural. Trois types de politiques sont considérés50 :
- des politiques résidentielles pour jeunes et aînés qui se concrétisent, entre autres, par des dons de
terrains, des exemptions de taxes ou des constructions de résidences de transition;
- des politiques d’accueil accompagnées de trousses de bienvenue ou de paniers d’accueil;
- des politiques familiales pour faciliter l’intégration des jeunes familles qui veulent s’installer en
milieu rural;
- Le concept « d’embourgeoisement rural » fait référence au mouvement de migrants urbains de
classe moyenne vers les milieux ruraux. Ceux-ci furent initialement attirés par un foncier bâti peu
coûteux et, plus récemment, par un style de vie naturel, sain et paisible dans la campagne.
Cela entraîne notamment une hausse continue du prix du foncier, une augmentation des rénovations
et des constructions, une recomposition sociale des milieux ruraux, un écart disproportionné des
revenus et du niveau d’éducation dans la population rurale ainsi qu’une demande croissante de biens
et de services citadins (ex. : épiceries fines, restaurants, cafés, médecine douce…).
- Il renvoie donc à un phénomène à la fois physique, économique, social et culturel, d’où sa
complexité. Il est lié autant à la venue de villégiateurs de fins de semaine que de nouveaux
résidents ruraux permanents.

50 - Source: Myriam Simard et Laurie Guimond, Que penser de l’embourgeoisement rural au Québec ? Visions
différenciées d’acteurs locaux, Département de sociologie, Faculté des sciences sociales, Université Laval, septembre–
décembre 2012

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Cas de la France51 :
Remonte au début du siècle dernier (le premier rapport qui traite la question de l’habitat rural a été
élaboré par le CESE Français en 1954), l’intervention des pouvoirs publics français sur le logement
populaire est constante mais son efficacité ne devient tangible que depuis les années cinquante.
Cette intervention a pour objet de favoriser la rénovation et la restauration de l’habitat en milieu rural
en préservant le bâti ancien des villages. Cette action contribue, tout en participant à l’entretien des
paysages, à l’amélioration des conditions de vie, à l’accroissement de l’économie rurale et au maintien
des populations dans l’arrière-pays.
Par ailleurs, une politique départementale a été mise en place en 1983, afin de préserver le patrimoine
architectural et de soutenir les particuliers pour les travaux de rénovation du bâti, particulièrement en
zones de montagne et rurales.
Caractéristiques de l’habitat rural
- L’habitat individuel est prépondérant dans les espaces ruraux : 9 logements sur 10 sont des
maisons dont près des trois quarts constituent de l’habitat isolé. Cette caractéristique constante
sur la période prédomine au sein des nouvelles constructions : 86,5 % des logements construits
entre 1999 et 2009 sont de l’individuel.
- Les logements sont plus grands qu’au sein des espaces urbains (95 m2 par logement contre 76
m2) et les personnes disposent davantage de surface (41 m2 par personne contre 35 m2);
- Plus des trois quarts des ménages sont propriétaires. La part de locataires est constante sur la
période 1999-2009 et s’établit à 19,1 %,
- Entre 1998 et 2007, si la construction neuve croissait globalement de 45 % en France métropolitaine,
elle s’est accrue de 130 % dans les communes rurales, alors qu’elle ne gagnait que 4 % dans les
villes de plus de 100 000 habitants et baissait de 26 % dans l’agglomération parisienne;
Parmi les documents d’urbanisme, il convient de citer le Schéma de cohérence territoriale (SCOT), le
Plan local d’urbanisme (PLU) et les cartes communales. Les PLU sont ceux qui peuvent agir le mieux
en faveur d’éléments bâtis, à l’échelle communale. Avec la loi urbanisme et habitat de juillet 2003
et celle du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, les PLU sont davantage
adaptés à souci patrimonial des espaces ruraux. Or, pour conserver l’identité architecturale du territoire
auquel appartient la commune, les PLU peuvent spécifier des règles esthétiques à respecter pour les
nouvelles constructions ou les réhabilitations de bâtiments.

51 - Sources :
- Rapport présenté par M. Michel de Beaumesnil: un atout pour le monde rural : la valorisation du bâti agricole,
Conseil économique et social, France, 2006
- Jean-Marie Vincent, Conservation du patrimoine rural et politique qualitative de l’habitat, libre : habitat rural
quelle nouvelle dynamique, 2007 ;
- Le point sur : l’habitat rural entre 1999 et 2009 : des évolutions contrastées, n° 179 Décembre, 2013

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S’agissant des intervenants, il convient de souligner que plusieurs acteurs participent à la promotion
de l’habitat en milieu rural. Il s’agit entre autres du Ministère du logement et de l’égalité des territoires,
de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH): établissement public a pour objet d’améliorer l’habitat en
matière de sécurité, de confort, de salubrité, d’équipement, ou encore d’accessibilité et d’adaptation
aux personnes handicapées physiques/ Avec des délégations dans les départements; Les Conseils
d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE): Implantés dans chaque département, les
CAUE ont pour mission d’informer, de former et de sensibiliser les opérateurs, publics ou privés, et les
collectivités locales, sur la qualité architecturale et l’insertion paysagère d’une nouvelle construction
ou d’une réhabilitation de bâtiments anciens. Le rôle des régions, des départements déconcentrés
et des communes est primordial car ils interviennent de façon régulière et importante pour assurer
la mise en valeur du patrimoine architecturel de l’espace rural. les Sociétés d’investissement pour
le développement rural (SIDER) : La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires
ruraux stipule que les SIDER ont notamment pour objet de favoriser dans les zones de revitalisation
rurale l’acquisition et la transformation en logements de bâtiments à vocation agricole qui ne sont
plus exploités.
Évolution de l’habitat rural
- Les maisons rurales et bourgeoises ont été évoluées en France (du 15ème au 19ème siècle) :
mode de construction, toitures, les murs sont en pierres de taille, …)
- Aujourd’hui, les lotissements sont réalisés sous forme de petit villages ou l’étude architecturale et
paysagère sont privilégiés
- L’évolution à la fois des matériaux de construction et des besoins des ménages ruraux:
Ÿ Autrefois l’Homme n’utilisait que des matériaux bruts que l’on trouvait dans la nature et n’avait
besoin que d’un abri et d’un feu;
Ÿ Actuellement, l’Homme a besoin de maisons plus attractives, plus confortables, plus
fonctionnelles, plus lumineuses, plus divertissantes, plus écologiques;
Financement:
- Budget de l’Etat, crédit agricole, régions et départements
- les aides de l’union européenne
Cas de l’Inde52:
Logement rural abordable pour tous53
- Dans le cadre la plus grande programmation de logements pour les pauvres en milieu rural,
l’Inde vise à construire 30 millions de maisons pour les pauvres en 2022, ce qui signifie construire
cinq millions de maisons par année dans les zones rurales. Une aide financière est fournie pour
la construction des maisons. Le PNUD s’est engagé à travailler en étroite collaboration avec le
gouvernement indien pour aider les pauvres à trouver des logements ruraux haut de gamme.
- En partenariat avec le Ministère du développement rural (MoRD), le PNUD, par le biais du
projet Gouvernance et moyens de subsistance accélérés (GOALS), contribue à la promotion de
logements abordables pour les ruraux pauvres.
- Le premier volet a consisté à offrir aux ménages bénéficiaires une gamme plus large de choix en
termes de conception de logements, de matériaux et de technologies de construction. Ces choix
sont adaptés aux conditions locales, visent à améliorer les avantages pour les utilisateurs et à
réduire l’empreinte environnementale du logement.

52 - http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/07/30/malgre-sa-croissance-l-inde-reste-rurale-et-
pauvre_4704527_3244.html
53 - http://www.in.undp.org/content/india/en/home/operations/projects/poverty_reduction/rural-housing.html

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Habitat en milieu rural :Vers un habitat durable et intégré dans son environnement

Quelques réalisations du projet


- Réalisation d’une étude et proposition de plans de logement appropriés, abordables et adaptés
pour 13 états (Assam, Bihar, Chhattisgarh, Jharkhand, Madhya Pradesh, Maharashtra, Manipur,
Meghalaya, Odisha, Sikkim, Tripura, Uttar Pradesh et Bengale occidental).
- Proposition de plus de 100 modèles de logements, approuvés par les gouvernements des États et
approuvés par un organisme central
- Plus de 500 maçons formés au travail en bloc et plus de 50 formés au traitement du bambou et à
la construction en bambou
- Des modules et des outils traditionnels pour divers matériaux de construction de logements tels
que le bambou, la boue, le bois etc. sont en cours de développement
- L’intégration des besoins en eau potable, assainissement et énergie domestique dans les
Typlogies du logement est en cours,
Regarder vers l’avenir pour conforter l’habitat rural
- Identification des partenaires existants et potentiels dans les chaînes d’approvisionnement pour
les habitats ruraux intégrés ;
- Élaboration de modèles de prestation technique, financière et institutionnelle pour renforcer
l›environnement axé sur les entreprises afin d›améliorer les habitats ruraux ;
- Démonstration d’entreprises viables, de modèles de financement et de systèmes de livraison
institutionnels ;
- Mettre l’accent sur l’engagement du secteur privé à soutenir le secteur du logement rural. Cette
initiative permettra la mise à l’échelle et garantira un accès suffisant des ménages ruraux pauvres
à des matériaux de construction de qualité, appropriés et abordables ;
- Améliorer la viabilité financière des services fournis, en construisant des projets autour du
développement intégré de l’habitat plutôt que de l’approche sectorielle habituelle du logement,
de l’assainissement, etc. L’initiative visera également à établir une convergence entre différents
programmes gouvernementaux sur les moyens de subsistance et l’inclusion financière.
- Aider les gouvernements nationaux et locaux à relever les défis de l’élargissement du programme
de logement rural pour les pauvres, sans compromettre la qualité ou le contexte local
Permettre au PNUD de développer et de travailler en étroite collaboration avec les groupements de
producteurs locaux, le secteur privé et les institutions financières pour innover et améliorer l’accès aux
matériaux de construction composites

Cas de la république d’Ouzbékistan54 :


- Population en 2016 était de 31,8 millions d’habitants, dont 60% environ de ruraux. Avec un revenu
national brut par habitant qui s’établissait à 2 130 USD en 201555,
- Le secteur agricole représente environ 25% des emplois du pays, et sa part dans le produit
intérieur brut est estimée à 17,6% (2014). Environ 40% de la population rurale ouzbek exerce des
activités en rapport avec l’agriculture ;
- En réponse au taux de croissance annuel projeté de 2,7% de la population rurale, le gouvernement
de l’Ouzbékistan investit massivement dans les nouvelles zones rurales et périurbaines grâce à
son programme d’État sur le logement pour un développement rural durable.

54 - Projet PNUD (2016-2020) de contribution à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur les changements climatiques:
Efficacité énergétique des logements ruraux en Ouzbékistan
55 - Projet de modernisation et de diversification de l’agriculture, République d’Ouzbékistan, FIDA, novembre 2017

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- Le principal outil de réglementation adopté par le gouvernement d’Ouzbékistan pour réduire les
émissions de GES dans le secteur du bâtiment a été l’introduction et le renforcement progressif
des exigences de performance thermique dans les codes du bâtiment.
- A partir d’un projet PNUD-FEM en 2009, dix codes de construction couvrant les bâtiments publics
régulant les performances thermiques des différents éléments de construction (toitures,
chauffage, ventilation) ont été révisés et les exigences d’efficacité énergétique
ont été renforcées à 50% selon le type de bâtiment :
Ÿ Deux des codes révisés ont été approuvés en 2010, et
Ÿ sept autres ont été approuvés et sont entrés en vigueur en juin 2011. Par conséquent, les
conceptions standard de maisons rurales ont été ajustées en 2011 pour se conformer aux
nouvelles exigences.
Ÿ Le dixième code révisé, qui comprenait une section sur l’efficacité énergétique a été approuvé
en 2012;
- En plus des codes du bâtiment, les codes d’aménagement du territoire et de zonage influencent
également la construction de logements en milieu rural. Le placement des bâtiments dans les
zones urbaines et rurales est régi par le code WНK 2.07.01. Il y a des exigences minimales pour la
quantité de lumière du jour qui devrait atteindre les salles de séjour, les chambres et les cuisines;
ceux-ci sont spécifiés dans le code КМК 2.01.05;
- Il existe également des règlements de planification et de zonage qui se rapportent spécifiquement
au Programme (Rural Housing Programme (RHP)), comme le nouveau code intitulé «Architecture-
Planification de l’organisation des territoires dans les zones rurales» /APOT (SHNK 2.07.04-12).
- L’APOT constitue la base des documents d’urbanisme dans les zones rurales et il est conçu avec
un horizon temporel de 10 à 15 ans. L’APOT fournit des conseils aux agences de régulation et
sur le plan budgétaire, non seulement sur le zonage, mais aussi sur l’approvisionnement en
eau, le traitement des déchets et l’approvisionnement en chaleur et électricité. Sa portée offre
l’opportunité d’introduire des solutions d’énergie durable ou de planification en matière de
construction, ce qui peut permettre des économies d’échelle dans la production d’énergie,
l’utilisation de l’eau et d’autres domaines;
En matière de Financement
- La croissance rapide du logement rural a été soutenue par un marché hypothécaire en croissance
rapide. Toutes les maisons construites dans le cadre du Programme de logement rural sont
transférées aux propriétaires ;
- Les pouvoirs publics ont utilisé les moyens locaux et ont cherché les ressources de financement
moyennant le recours au Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), au PNUD et aux banques.

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Figure : Champ d’application et conditions de recevabilité de l’autorisation de construire

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AR : Accusé de Réception - CI : Commission d’Instruction - DA : Demande d’Autorisation - DP : Documents Principaux


- JO : Jours Ouvrables - LRAR : Lettre Recommandée avec Accusé de Réception- P/GP : Petit / Grand Projet

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