Rivette - La Regle Du Jeu

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JACQUES RIVETTE

MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES

FONDS D'INTERVENTION CULTUREL ET ARTISTIQUE

REGIONE PIEMONTE

ASSESSORATO ALLA CULTURA

Copyright'© Centre Culturel Français de 1ùrin


Museo Nazionale del Cinema di Torino
C E\THE C t · L lT H E L F H A \ �: A 1 s Il c Î1 · H1 \ • M t· s Eo N A/1o\ALc Il u. C 1 \ F \I A Il 1 Îo J( 1 \ o

L A R E G L E D U JE U
DIRECTION GÉNÉRALE DE LA MANIFESTATION MUSEO NAZIONALE DEL CINEMA, TOR!NO
Jean Esselinck Roberto Morano, Paolo Bertetto

DIRECTION SCIENTIFIQUE ET CATALOGUE RÉGIONE PIEMONTE ASSESSORATO ALLA CULTURA


Sergio Toffetti Rita Marchiori, Amanzio Borio,
Marilù Re Fiorentin
RÉDACTION DU CATALOGUE
Daniela Giuffrida MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES,P ARIS
Claude Mathis, Identités et Echanges Culturels
CONCEPTION GRAPHIQUE ET DIRECTION ARTISTIQUE Marie-Christine de Navacelle, Germaine Graff,
Pier Vincenzo Livio Jeanine Deunf, Division des Programmes
Dominique Fourrey, Téléthèque Centrale
ASSISTANTE À LA RÉALISATION GRAPHIQUE
Valeria Motti Curtaz Martine Marignac, Maurice Denchant, Rosalie
Lecan, Pierre Grise Productions, Paris
SOURCES ICONOGRAPHIQUES Gérard et Valérie Vaugeois, Les Films de
Les Cahiers du cinéma !'Atalante, Paris
Les Films du Losange Madeleine Morgenstern, Dominique Holveck,
Les Films du Carrosse Les Films du Carrosse, Paris
Pierre Grise Productions Régine Vial, Les Films du Losange, Paris
Les Films de !'Atalante Bella de Beauregard, Bela Productions, Paris
Jacques Aumont Francis Denel, Pascale Poher, Institut National
de !'Audiovisuel, Paris
TRADUCTIONS Denys Piningre, AMIP, Paris
Dominique Oletti Vittorio de Paolis, BIM, Roma
Nicole Werly Ameriga Caddedu , Union 2C, Torino
Thierry Jousse, Claudine Paquot et Catherine
ÜRGANISATION DE LA RÉTROSPECTIVE Frochen Les Cahiers du cinéma, Paris
Daniela Giuffrida, Michel Leopardo
CENTRE CULTUREL FRANÇAIS
Thérèse Cirigliano, Fiorenzo Chiereghin,
Christine Foureau

Nous REMERCIONS POUR LEUR COLLABORATION


Louis Aubinat, Janine Bazin et André
S. Labarthe , Serge Daney, Jacques Deniel,
Danielle Gan, Alain Marchand

Nos REMERCIEMENTS VONT AUSSI À


Teresa Cavassa et Giuseppe Pelazza
du Museo Nazionale del Cinema di Torino et à
la revue Cicim de l 'Institut Français
de Munich pour les deux textes
de François Thomas
Il lavoro di indagine critica e di divulgazione dell'opera dei più importanti autori della Nouvelle Vague, av­
viato con sistematicità da! Centre Culturel Français a partire da! 1988, prosegue con questa retrospettiva dedi­
cata a Jacques Rivette. Ulteriore contributo alla conoscenza di uno dei momenti più significativi della storia
della cinematografia francese contemporanea, la presente rassegna coniuga ancora una volta la suggestione
della spettacolo con il rigore storico e critico, di cui questo catalogo costituisce una precisa testimonianza.
Come già per Rohmer, Truffaut, Godard e Rouch, questa retrospettiva che si contraddistingue per la sua com­
pletezza, viene presentata infatti l'intera produzione del regista francese, dai primi cortometraggi della se­
conda metà degli anni '50 fino al recentissimo La belle noiseuse, vincitore del Grand Prix de Cannes 1991. Ne!
variegato panorama degli eventi culturali offerti dalla nostra regione, gli incontri con il cinema francese rea­
lizzati da! Centre Culturel di Torino costituiscono armai un atteso, apprezzato appuntamento, e non solo per
i cultori e gli specialisti: ne è una riprova anche quest'ultima rassegna.

Le travail de recherche critique et de divulgation de l'œuvre des plus importants auteurs de la Nouvelle Vague,
lancé d'une manière systématique par le Centre Culturel Français de Turin à partir de 1988, se poursuit avec
cette rétrospective dédiée àjacques Rivette. Contribution supplémentaire à la connaissance d'un des mo­
ments les plus significatifs de l'histoire du cinéma français contemporain, la rétrospective associe encore une
fois la suggestion du spectacle à la rigueur historique et critique, dont ce catalogue constitue un témoignage
précis. Comme ce fut déjà le cas pour Rohmer, Truffaut, Godard et Rouch, cette rétrospective se distingue éga­
lement par son caractère exhaustif: toute la production du cinéaste français est en effet présentée: des pre­
miers courts métrages de la seconde moitié des années cinquante au tout récent La Belle noiseuse, qui a obte­
nu le Grand Prix de Cannes 1991. Dans le panorama varié des événements culturels qu'offre notre région,
les rencontres avec le cinéma français réalisées par le Centre Culturel Français de Turin constituent désor­
mais un rendez-vous attendu et apprécié et non pas seulement par les amateurs et les spécialistes; cette der­
nière rétrospective en est la confirmation.
G1 USEPPE FuLcH ER! , Assessore alla Cultura , Regione Piemonte

Il Museo Nazionale del Cinema è insieme impegnato a recuperare e a far conoscere il cinema muto e il cinema
classico e a proporre ed interpretare le esperienze più complesse e più innovative del cinema contemporaneo.
Jacques Rivette è certamente uno dei protagonisti di quel processo di trasformazione della scrittura filmica e
dell'idea stessa di cinema che si è realizzato in Europa e ne! monda a partire dagli anni Cinquanta. Elaborare una
scrittura della realtà e al tempo stesso definire nuove strutture e nuovi mode Ili formali è stata la sintesi complessa
elaborata dalla Nouvelle Vague, e certo Rivette è uno degli autori che ha interpretato questa operazione nelle for­
me più radicali. Diversamente da altri autori della Nouvelle Vague, più vicini a modelli narrativi omologati, Rivet­
te ha sviluppato una logica di ricerca sempre più rigorosa, superando gli standard della comunicazione cinema­
tografica diffusa, per dare vita di volta in volta a strutture originali e anomale. Questa operazione per la forma dif­
ficile inscrive pienamente Rivette all'intemo delle problematiche della modemità artistica proprio corne l'investi­
gazione ossessiva sulla dimensione del tempo Io radica al centra della ricerca della modemità filmica. La propo­
sta di una retrospettiva Rivette costituisce quindi un'operazione significativa per approfondire la conoscenza del
cinema contemporaneo, anche perchè Rivette è certo conosciuto in Italia molto meno di quanta meriterebbe.
E insieme la retrospettiva Rivette rappresenta la conclusione ideale di quell'attraversamento metodico del piane­
ta Nouvelle Vague che il Centre Culturel Français e il Museo Nazionale del Cinema hanno realizzato negli ultimi
anni: un percorso conoscitivo che ha trovato nelle retrospettive Rouch e Rivette, organizzate tra maggio e giugno
1991, il momento di massima tensione cinetecaria ed ha insieme confermato il legame profondo che unisce il Mu­
seo Nazionale del Cinema con la Cinémathèque Française, e la cultura torinese e italiana con la cultura francese.

Le Musée National du Cinéma s'est donné une double tâche, celle de sauver et de faire connaître le cinéma muet
et classique et celle de proposer et d'interpréter les expériences plus complexes et plus innovatrices du cinéma con­
temporain.Jacques Rivette est sans aucun doute un des protagonistes de ce processus de traniformation de l'écri­
ture filmique et de l'idée même du cinéma qui s'est réalisé en Europe et dans le monde à partir des années cin­
quante. Elaborer une écriture de la réalité et en même temps définir de nouvelles structures et de nouveaux
modèles formels, voilà ce que fut la synthèse complexe élaborée par la Nouvelle Vague; etJacques Rivette est cer­
tainement un des auteurs qui a interprété cette opération dans ses formes les plus radicales. A la différence des
autres auteurs de la Nouvelle Vague, plus proches des modèles narratifs reconnus,]acques Rivette a développé
une logique de recherche toujours plus rigoureuse, dépassant les standards de la communication cinémato­
graphique de grande diffusion pour faire naître d'une/ois à l'autre des structures originales et anomales. Cette
opération difficile inscrit pleinement Jacques Rivette à l'intérieur des problématiques de la modernité artistique
comme l'investigation obsessive sur la dimension du temps, et le place au centre de la recherche de la modernité
filmique. L'idée d'organiser une rétrospective sur Jacques Rivette constitue donc une opération significative pour
approfondir la connaissance du cinéma contemporain parce que Jacques Rivette est connu en Italie bien sûr,
mais moins qu'il le mériterait. La rétrospective sur Jacques Rivette représente également la conclusion idéale de
cette traversée méthodique de la planète Nouvelle Vague que le Centre Culturel Français de Turin et la Musée Na­
tional du Cinéma ont réalisée ces dernières années: un parcours cognitif qui a trouvé dans les rétrospectives dé­
diées àjean Rouch et àJacques Rivette, organisées entre mai et juin 1991, son moment de tension maxima du
point de vue cinématographique et a confirmé en même temps le lien profond qui unit le Musée National du
Cinéma avec la Cinémathèque Française et la culture turinoise et italienne avec la culture française.
ROBERTO MORANO, Presidente PAOLO BERTETTO, Coordinatore scientifico
La Bande des quatre
Con l'omaggio che rendiamo oggi a Jacques Rivette, si chiude al Centre Culturel Français di Torino un ci­
clo di Javari durato quattro anni e dedicato alla Nouvelle Vague. Nel 1988, infatti, inauguravamo con
l'omaggio dedicato a Eric Rohmer, la nostra prima retrospettiva completa -tutti i film, lungo e cortome­
traggi- corredata da un catalogo critico per il quale avevamo richiesto articoli originali a critici cinemato­
grafici francesi e italiani; l'anno successivo, forti del successo di questa prima retrospettiva, è a François
Truffaut che abbiamo deciso di dedicare il nostro seconda lavoro e, nel 1990, il Museo Nazionale del Ci­
nema di Torino ci raggiungeva ne! nostro sforzo e il nostro "terzo uomo" è stato naturalmente]ean-Luc
Godard. La retrospettiva e il catalogo dedicati a Jean Rouch che abbiamo portato a termine ne! maggio
1991, non rappresenta che una digressione apparente poiché l'omaggio reso ai cineasti della Nouvelle
Vague non poteva non passare attraverso colui che tutti hanno riconosciuto corne uno dei Joro padri spi­
rituali ... ma Jacques Rivette era sicuramente il nostro quarto moschettiere, quello della "banda" dei fon­
datori della "Gazette du cinéma", colui che, pur essendo stato uno dei capofila incontestati della Nouvel­
le Vague, ne è indubbiamente il più marginale e il meno conosciuto da! grande pubblico... Questi quat­
tro anni di lavoro, questi cinque cataloghi hanno segnato un approfondimento delle relazioni del "Cen­
tre" con l'insieme dei suoi partner, siano essi francesi o italiani, privati o istituzionali; l'aiuto eccezionale
del Ministero degli Affari Esteri ci è stato assicurato sin dall'inizio ed è cresciuto nel tempo; allo stesso
modo la Regione Piemonte ci ha sempre sostenuti con la più grande costanza e la più grande fiducia, di­
mostrando cosl quale importanza essa attribuisca all'apertura culturale sull'altro versante delle Alpi. Aitre
istituzioni pubbliche italiane, corne la Città di Torino e la Provincia, ci hanno incoraggiati, partecipando
talvolta a questa serie di manifestazioi cinematografiche. Ma soprattutto, il Museo Nazionale del Cinema
di Torino è diventato a partire dall'omaggio a Jean-Luc Godard, il nostro partner privilegiato. Tutte le no­
stre retrospettive sono state realizzate in stretta collaborazione; al di là di una partecipazione completa
aile difficoltà di elaborazione, il Museo ci ha apportato una garanzia scientifica importante presso il Mon­
do del Cinema nel suo insieme e le nostre ultime pubblicazioni sono anche le sue. Infine, la Divisione dei
Programmi del Ministero degli Affari Esteri, che ha attualmente in preparazione un omaggio a Jacques Ri­
vette destinato a essere proposto ai Centri Culturali Francesi all'estero, ha espresso il desiderio che una
edizione speciale del catalogo realizzato a Torino in équipe franco-italiana, accompagni questa manife­
stazione. Noi ce ne rallegriamo e speriamo che questa forma di collaborazione culturale tra due paesi si
rinnovi in altri punti d'Europa o del mondo e che trovi altri Centri Culturali Francesi corne iniziatori.

Avec l'hommage que nous rendons aujourd'hui à Jacques Rivette, c'est un cycle de travail de quatre ans
consacré à la Nouvelle Vague qui s'achève au Centre Culturel Français de Turin. En 1988 en effet, nous
lancions, avec l'hommage à Eric Rohmer, notre première rétrospective complète -tous les films longs et
courts métrages- accompagnée d'un catalogue critique pour lequel nous avions demandé des articles
originaux à des spécialistes du cinéma choisis en France et en Italie; puis l'année suivante, forts du
succès de cette première rétrospective, c'est à François Truffaut que nous avions décidé de dédier notre
second travail; et, en 1990, le Musée National du Cinéma de Turin nous rejoignait dans notre effort et
notre "troisième homme" fut naturellementjean-Luc Godard. La rétrospective et le catalogue 'Jean Rouch"
que nous avons achevés en mai 1991 n'est qu 'apparemment un détour, car l'hommage rendu aux réa­
lisateurs de la Nouvelle Vague se devait de passer à un moment donné par celui que tous ont reconnu
comme l'un de leurs pères spirituels.. . Mais Jacques Rivette bien sûr était notre quatrième mousquetaire,
celui de la "bande" des fondateurs de la "Gazette du Cinéma", celui aussi qui, tout en étant un chef de
file incontesté de la Nouvelle Vague, en est sans doute le plus marginal et le moins connu du grand pu­
blic... Ces quatre années de travail, ces cinq catalogues, ont marqué un approfondissement des relations
du Centre avec l'ensemble de ses partenaires, qu'ils soient français ou italiens, privés ou institutionnels;
l'aide exceptionnelle du Ministère des Affaires Etrangères nous a été acquise dès l'origine, et elle s'est aJ.r
profondie avec le temps; de même, la Région Piémont nous a toujours soutenus, avec la plus grande con­
stance et la plus grande confiance, prouvant ainsi combien lui paraît importante l'ouverture culturelle
sur l'autre versant des Alpes. D'autres institutions publiques italiennes, la Ville de Turin et la Province
notamment, nous ont encouragés parfois en participant à cette série de manifestations cinémato­
graphiques. Mais surtout, le Musée National du Cinéma de Turin est devenu notre partenaire privilégié
et depuis l'hommage àjean-Luc Godard toutes nos rétrospectives ont été réalisées en collaboration étroi­
te avec lui; au delà d'une participation complète aux difficultés d'élaboration, le Musée nous a apporté
une caution scientifique importante auprès du Monde du Cinéma dans son ensemble et nos dernières
publications sont aussi les siennes. Enfin, la Division des Programmes du Ministère des Affaires Etrangè­
res qui bâtit actuellement un hommage à Jacques Rivette destiné à être proposé aux Centres Culturels
Français à !'Etranger a souhaité qu'une édition spéciale du catalogue que nous réalisons à Turin, en
équipe franco-italienne, accompagne cette manifestation; nous nous en réjouissons, et nous espérons
que cette forme de collaboration culturelle entre deux pays, se renouvellera dans d'autres points d 'Euro­
pe ou du monde et aura d'autres Centres Culturels Français pour initiateurs.
]EA N Es s ELINcK Directeur du Centre Culturel Français de Turin
La Bande des quatre
s 0 M M A R I 0

11 SERGIO TOFFETTI LE MANI DI KANT

13 LES MAINS DE KANT

SUSSURRI E GRIDA CRIS Ef CHUCHOTEMENTS

15 SERGE DANEY LE VEILLEUR. CONVERSAZIONE CON JACQUES RIVETTE

29 LE VEILLEUR. ENTRETIEN AVEC JACQUES RIVETTE

41 SERGIO TOFFETTI LE TENTAZIONI DI MAZZARINO. CONVERSAZIONE CON PASCAL BONITZER

51 LES TENTATIONS DE MAZARIN. ENTRETIEN AVEC PASCAL BONITZER

63 FRANÇOIS THOMAS L'IMMAGJNE DEL SUONO. CONVERSAZIONE CON PIERRE GAMET

71 L'IMAGE DU SON. ENTRETIEN AVEC PIERRE GAMET

79 SERGIO TOFFETTI L'ARGENT DE POCHE. CONVERSAZIONE CON MARTINE MARIGNAC

83 L'ARGENT DE POCHE. ENTRETIEN AVEC MARTl!\E MARIGNAC

87 NORTH BY NORTHWEST. CONVERSAZJONE CON BULLE ÜGIER

91 NORTH BY NORTHWEST. ENTRETIEN AVEC BULLE ÜGIER

IL TEMPO DELLA CRITICA LE TEMPS DE LA CRITIQUE

95 JACQUES AUMONT IL PASSATORE

105 LE PASSEUR

115 PAOLO MEREGHETTI JACQUES RIVETTE CRITICO

121 JACQUES RIVETTE CRITIQUE

LETTERE SUL CINEMA LETTRES SUR IB CINÉMA

129 MARC CHEVRIE LE AVVENTURE DELLA FINZJONE

133 LES AVENTURES DE LA FICTION

139 ADRIANO APRÀ LA GEOGRAFIA DEL LABIRINTO

145 LA GÉOGRAPHIE DU LABYRINTHE

151 THIERRY ]OUSSE ÜUT ÜNE: Nou ME TANGERE. LA COMUNITÀ INCONFESSATA

155 ÜUT ÜNE: Nou ME TANGERE. LA COMMUNAUTÉ INAVOUÉE

··159 FRANÇOIS THOMAS 1 FILM "PARALLELI": MUSICA E SUONO IN DIRETTA

165 LES FILMS "PARALLELES": MUSIQUE ET SON DIRECTS

171 JEAN-LOUIS LEUTRAT IL NOME DEL PORTO

179 LE NOM DU PORT

187 FABRICE REVAULT D'ALLONNE JACQUES RIVETTE, CJNEASTA DUALE

189 JACQUES RIVETTE, CINÉASTE OUELLE

191 ANNE-MARIE FAUX UN DISCRETO FURFANTE

195 UNE BIEN DISCRETE CRAPULE

199 FILMOGRAHA FILMOGRAPHIE

203 BIBLIOGRAF/A BIBLIOGRAPH/H


Pans nous appartient
L E M A N 1 D 1 KA N T

SERGIO TOFFETTI

CHE FINE FA.Af.Nl? "UNA STANZETIA NE! PRESS! DELLA PORTE MAILLOT. FINE GIUGNO: ALLE CINQUE DELLA SERA.LA MACCHI­
NA DA PRESA PANORAMICA SULLA PROSPETIIVA DEI TETII DI PARIGI PO!, CON UN CARRELLO INDIETRO, INQUADRA ANNE ( GIO­
VANE STUDENTESSA DI UNA VENTINA D'ANNI) , AL TAVOLO DI LAVORO: STA RIPETENDO, A MEZZA VOCE, UN PEZZO DELLA TEM­
PESTA DI SHAKESPEARE. ANNE, MORMORANDO:

Fuu FATHOM FIVE THY FATHER UES;


ÜF HIS BONES ARE CORAL MADE,
THOSE ARE PEARLS THAT WERE HIS EYES,
NOTHING OF HIM THAT DOTH FADE...

IL RUMORE DI UNA PORTA INTERROMPE ANNE, LE FA ALZARE LA TESTA: SI SENTONO DEI PASS! ALLONTANARS!
NEL CORRIDOIO. ANNE LI ASCOLTA DISTRATIAMENTE, PO! RIPRENDE IL TESTO DELLA CANZONE DI ARIEL:

NOTHING OF HIM THAT DOTH FADt�


BUTDOTH SUFFER A SEA-CHANGE
fNTO SOMETHING RICH AND STRANGE ..

Sr FERMA DI NUOVO, VISIBILMENTE INFASTIDITA DAL CALDO DEI PRIM! GIORNI D'ESTATE, ASCOLTA ANCORA,
PER UN ATIIMO, IL BRUSIO DELLA STRADA. UN SUONO DI SINGHIOZZI, DI GEMIT!, VICINISSIMO, LA FA SUSSULTARE: SEMERA PRO­
VENIRE DA UNA STANZA VICINA. Sr ALZA, VA ALLA PORTA . " ( PARIS NOUS APPAR77ENT, SCENA !).
. .

La chiaroveggenza dei posteri, smascherando i giochi incrociati del caso e della ne­
cessità, ci consente di riconoscere oggi più agevolmente l'evidenza di un destino negli incipit dei
quattro della Nouvelle Vague . E infatti: Eric Rohmer sceglie di affermare, ne! 1 948 sulla "Revue du
cinéma " , la sua predilezione per un cinema capace di essere "arte dello spazio" ; Jean-Luc Godard,
sulla "Gazette du cinéma" si confronta con House of the Strangerdi]oseph Mankiewicz, in un'an­
ticipazione quasi profetica della sua attuale condizione di "straniero in terra straniera" nella galas­
sia delle immagini e dei suoni; François Truffaut esordisce sui "Cahiers du cinéma" dichiarando
immediatamente che "gli estremi Io toccano " . Quanto a Rivette, contrariamente a Rohmer, ci ap­
pare fin dall'inizio convinto che il cinema, lasciatasi alle spalle l"'età classica", stesse ormai prepa­
rando la propria modernità . Tuttavia, anche nel suo caso, il titolo del primo articolo sulla "Gazette"
diretta da Rohmer, Nous ne sommes plus des innocents, prefigura gli sviluppi che , dopo la scena
iniziale di Paris nous appartient, prenderà, con il primo film, tutto il resto del suo cinema.

La prima sequenza di Paris nous appartient, pone infatti una domanda la cui solu­
zione , naturale ed ovvia nell"'età classica del cinema" , puo diventare addirittura impossibile quan­
do il cinema, "perdu ta la sua innocenza" , entra nell'epoca della modernità: "che fine fa Anne"? Ri­
s posta semplice, se l'aurore ed il suo pubblico convivono pacificamente all'interno di un sistema
di riferimenti culturali ed antropologici unanimemente condivisi. Risposta che, nella complicità
del reciproco gioco delle parti tra autore e pubblico, si è ben disposti, rispettivamente, a far aspet­
tare e ad aspettare per circa un'ora e mezza, il tempo "classico" della finzione cinematografica. Na­
turalmente anche il tempo classico, lungi dall'essere lineare , risulta dinamizzato al suo interno da
terribili tempeste, accelerazioni, rallentamenti che ne fanno un tempo della "durata reale" , il tem­
po "bergsoniano" per eccellenza . Interessante notare (di nuovo senza insistere , ma senza nulla to­
gliere ai giochi del caso e della necessità), che la definizione dei codici di scansione e di misura del
tempo cinematografico, si ritrova integralmente inscritta tra le due date di uscita di due opere di
Henri Bergson: il Saggio sui dati immediati della coscienza che , nel 1 889, anticipa di pochi anni
l'invenzione dei Lumière, e Ilpensiero e il movente che, ne! 1934, coïncide con l'instaurazione del­
le strutture hollywoodiane di articolazione del racconto cinematografico. Ma ben altra è ormai la
dimensione di Anne , cui ben si addice corne definizione questa frase di Martin Heidegger: "questo
esistente che noi stessi sempre siamo e che ha, tra le aitre, la possibilità del domandare , noi Io in­
dichiamo con il termine esserci "(Essere e Tempo) . Anne infatti non vive più la durata corne exten­
sio animi, tempo condensato e tempo dilatato del racconto cinematografico e della vita reale . An­
ne, corne tutti i successivi personaggi rivettiani, "è qui ne! tempo" , la sua esistenza è sempre la sua
1 2

LE M A N I D I KA N T

possibilità, ed è costitutivamente orientata e diretta verso il futuro. La perdita dell'innocenza dun­


que, quella di Anne, del suo au tore, la nostra, implica in primo luogo Io smarrimento della fiducia in
una fine postulata corne assiomatica: non si sa quale, e quando, sarà la fine perché non c'è più cer­
tezza condivisa su quali siano i fini. 0 meglio, è venuta meno la convinzione assoluta che si possa
determinare logicamente (e, in anni più recenti, anche ideologicamente) un regolatore esterno
dell'esistenza , "un fine" . In questo senso Jacques Rivette, con Paris nous appartient, non si limita
semplicemente a proporre delle risposte, fa molto di più , cambia il modo e il senso delle domande.
Ed allora non più : "Che fine/a Anne?", ma "Che fine ha Anne?" , con le ovvie le conseguenze sui rac­
conto cinematografico. Il film infatti diventa un documentario che segue, per un tratto, l'itinerario
dei protagonisti verso la ricerca e il perseguimento dei loro fini, con le complicazioni dovute al fatto
che, corne diceva Renoir, "ognuno ha le sue ragioni" e che , tanto nella "finzione " quanto nella
"realtà" , puè> anche esserci chi, corne l'autore, si muove sempre con un "secondo fine" perché, co­
rne ricorda Rivette citando Kleist, "per ritrovare l'innocenza, bisogna davvero fare il grande giro at­
traverso il sapere". Ed è ora proprio questo "giro attraverso il sapere" che in fondo distingue Jacques
Rivette dal grande iniziatore della "modernità cinematografica", Roberto Rossellini. C'è infatti tra lo­
ro la differenza che passa tra l'immediatezza e la mediazione, tra l'evidenza spinta fino alla tautolo­
gia di chi contempla Io splendore del vero, e una ricerca.del possibile, rischiosa e incerta, che è uno
dei contrassegni della modernità. Rivette, in altri termini, si pone, da "moderno" , il problema della
modernità corne processo, Rossellini, è moderno, e "il suo segreto - corne <lice Rivette - è quello di
muoversi con una libertà continua, e d'un solo e semplice movimento, nell'eterno visibile" (Lettera
su Rossellini). Il segreto, in altri termini, è "il genio del cristianesimo", che Io stesso Rossellini, con la
perdita progressiva dell'"innocenza", è tuttavia destinato in qualche misura ad obliare progressiva­
mente , trovandosi egli stesso messo di fronte al problema della durata, cioè di un altro senso del
tempo. Jacques Rivette o della modernità, dunque. Ma d'altra parte il cinema è un linguaggio.

LE AVVENTURE DEU.A LUCE "D'altra parte il cinema è un linguaggio" . E' André Ba­
zin che, in chiusura del suo celebre articolo sull' Ontologia dell 'immaginefotografica, lascia scivo­
lare questa semplice considerazione , a rischio di rimettere egli stesso in discussione fin da subito
quello che sarebbe diventato uno dei caposaldi teorici della modernità nel cinema . Non a caso Ri­
vette, rivendicando il primato della messa in scena, si preoccupa a più riprese di negare al cinema
Io statuto di linguaggio, in una contrapposizione tuttavia forse solo apparente . Ma qui conviene ,
per un momento, parlar d'altro , in fondo anche la critica, adeguando il linguaggio che le è pro­
prio, deve farsi "impura" corne il cinema che persegue. Parliamo dunque delle avventure della lu­
ce.Verso la fine dell' 800 la conoscenza raggiunta dal mondo fisico sembrava praticamente com­
pleta. La teoria della gravitazione universale e le leggi della meccanica erano chiaramente stabili­
te , mentre la teoria di Maxwell rendeva conto dei fenomeni elettromagnetici. Restavano perè>
aperti alcuni problemi sui comportamento della luce, la cui soluzione segna l'inizio della fine del­
la fisica classica e porta alla fisica quantistica. La rivoluzionaria ipotesi di Max Planck ( 1 900), se­
condo cui l'assorbimento e l'emissione delle radiazioni avvengono per quantità discrete di ener­
gia, permette infatti di considerare la luce corne costituita da un insieme di "quanti " , detti "fotoni" ,
con la conseguente riesumazione della teoria corpuscolare della luce già descritta da Newton. La
verifica del fatto che la luce si comporti corne composta da "onde elettromagnetiche" in ceri:i tipi
di esperimenti (propagazione rettilinea, diffrazione , rifrazione, interferenza, birifrangenza) e co­
rne composta da "fotoni" in altri casi (effetto fotoelettrico , ecc . ) , induce cosl i fisici dei primi del
'900 ad accettare l'idea di una natura dualistica della luce, e l'insieme degli esperimenti dimostra
1 Le informazioni sugli
che esiste una ben precisa connessione tra le quantità che ne definiscono i due aspetti 1 .Il mondo
sviluppi della fisica moderna si
devono alla collaborazione entra nella sua modernità scientifica attraverso le avventure della luce. Perché stupirsi allora che il
di Antonella Toffetti. cinema, arte della luce per eccellenza, partecipi dell'ambiguità costituiva della sua definizione .
Non sarà più dunque Ontologia o Linguaggio, ma Ontologia e Linguaggio, elementi di una natu­
ra dualistica che, verificati in particolari esperimenti, servono ad analizzare fenomeni diversi: il
cinema che è ed il cinema che significa. Forte resterà sempre la tentazione di rinchiudersi nel pri­
mo , nei periodi in cui non si è più sicuri che , corne diceva Rossellini, "le cose stanno li" .- corne i
grammatici nella decadenza dall'Impero Romano, corne gli angelologi in Bisanzio assediata, co­
rne i semiologi negli anni di piombo, e Io stesso Rivette non ne è passato indenne con Duelle e No­
roît. Ma un buon motivo, tuttavia, continua ad esistere per correre le avventure della messa in sce­
na. Ce Io ricorda Rivette, citando Péguy nella sua Lettera su Rossellini: "Il kantismo ha la mani pu­
re, ma non ha mani" . Eccola, una ragione per accettare la sfida, ed è forse la stessa che spinge da
sempre Jacques Rivette: rendere visibili le mani di Kant.
L E s M A I N S D E KA N T

SERGIO TOFFETTI

ET QUELLE FIN POUR ANNE? UNE PETITE CHAMBRE DE BONNE AUX ENVIRONS DE LA PORTE MAILLOT. FIN JUIN: IL EST
CINQ HEURES DU SOIR. LA CAMÉRA PANORAMIQUE SUR LA PERSPECTIVE DES TOITS DE PARIS PUIS, PAR TRAVELLING ARRIERE, RE­
CADRE SUR ANNE (J EUNE ÉTUDIANTE D'UNE VINGTAINE D'ANNÉES) , À SA TABLE DE TRAVAIL: ELLE RÉPETE, À Ml-VOIX, UN MOR­
CEAU DE LA TEMPETE DE SHAKESPEARE. ANNE MURMURE:

Fuu PATHOM HVE THY FATHER LIES;


ÜF HIS BONES ARE CORAL MADE,
THOSE ARE PEARLS THAT WERE HIS EYES,
NOTHING OF HIM THAT DOTH FADE...

UN BRUIT DE PORTE INTERROMPT ANNE, LUI FAIT LEVER LA TETE: ON ENTEND DES PAS S'ÉLOIGNER DANS LE
COULOIR. ANNE LES ÉCOUTE DISTRAITEMENT ET REPREND LE TEXTE DE LA CHANSON D'ARIEL:

NOTHING OF HIM THAT DOTH FADE,


BUTDOTH SUFFER A SEA-CHANGE
fNTO SOMETHING RICH AN D STRANGE ..

ELLE S'ARRETE DE NOUVEAU, VISIBLEMENT ACCABLÉE PAR LA CHALEUR DES PREMIERS JOURS DE L'ÉTÉ, ÉCOUTE
UN INSTANT, DISTRAITEMENT, LES RUMEURS DE LA VILLE. UN BRUIT DE SANGLOTS, DE GÉMISSEMENTS, TOUT PROCHE, LA FAIT SUR­
SAUTER: CELUI-CI SEMBLE VENIR D'UNE CHAMBRE VOISINE. ELLE SE LEVE, VA À LA PORTE...11 (PARIS NOUS APPARTIENT, SCENE 1)

La clairvoyance de la postérité, démasquant les jeux croisés du hasard et de la néces­


sité, nous permet de reconnaître aujourd'hui plus aisément l'évidence d'un destin dans les incipit des
quatre de la Nouvelle Vague. En fait: Eric Rohmer choisit d'affirmer, en 1948, dans la "Revue du Ciné­
ma", sa prédilection pour un cinéma capable d'être "art de l'espace"; Jean-Luc Godard, dans la "Gazet­
te du Cinéma" fait une critique de House of the stranger de ]oseph Mankiewicz, dans une anticipation
quasi prophétique de son actuelle condition "d'étranger en terre étrangère" dans la galaxie des images
et des sons; François Truffaut débute dans les "Cahiers du Cinéma" en déclarant immédiatement que
"les extrêmes le touchent". Quant à Rivette, contrairement à Rohmer, il nous apparaît dès le début con­
vaincu que le cinéma, ayant laissé derrière lui !"'âge classique", prépare désormais sa propre moder­
nité. Pourtant, même dans son cas, le titre du premier article dans la "Gazette" dirigée par Rohmer,
Nous ne sommes plus des innocents, annonce, après la scène initiale de Paris nous appartient, les dé­
veloppements que prendra, dès le premier film, tout le reste de son cinéma. La première séquence de
Paris nous appartient, pose en fait une question dont la solution, naturelle et évidente dans !"'âge clas­
sique du cinéma", peut devenir tout bonnement impossible lorsque le cinéma, "une fois perdue son in­
nocence", entre dans l'époque de la modernité: "Et quelle fin pour Anne?" Réponse simple: si l'auteur et
son public cohabitent pacifiquement à l'intérieur d'un système de références culturelles et anthropolo­
giques unanimement partagées. La réponse est que, dans la complicité du jeu de rôles réciproque entre
auteur et public, on est prêt respectivement à faire attendre et à attendre environ une heure et demie, le
temps "classique" de la fiction cinématographique. Même le temps classique, loin d'être linéaire, est
dynamisé en son sein par de terribles tempêtes, des accélérations, des ralentissements qui en font un
temps de la "durée réelle", le temps "bergsonien" par excellence. Il est intéressant de noter encore une
fois sans trop insister, mais sans rien enlever aux jeux du hasard et de la nécessité, que la définition des
codes de scansion et de mesure du temps cinématographique, se retrouve intégralement inscrite entre
les dates de sortie de deux œuvres d'Henri Bergson: l' Essai sur les données immédiates de la con­
science qui, en 1889, devance de quelques années seulement l'invention des frères Lumière, et La Pen­
sée et le Mouvant qui, en 1934, coïncide avec l'instauration des structures hollywoodiennes de l'articu­
lation du récit cinématographique. Mais toute autre est désormais la dimension d'Anne à laquelle on
peut ajouter, comme définition, cette phrase de Martin Heidegger: "cet être existant que nous sommes
toujours nous-mêmes et qui a, entre autres, la possibilité de questionner, nous le caractérisons par le
terme l'être-là" (L 'Etre et le Temps) . Anne, en fait, ne vit plus la durée comme extensio animi, temps
condensé et temps dilaté du récit cinématographique et de la vie réelle. Anne, comme tous les person­
nages rivettiens successifs, "est là dans le temps", son existence est toujours sa possibilité, elle est con­
stitutivement orientée et dirigée vers le futur. La perte de l'innocence donc, celle d'Anne, celle de son
14

L ES M AI N S D E KANT

auteur, la nôtre, implique en premier lieu la perte de confiance dans une fin prévue a priori comme
axiomatique: on ne sait pas quelle, ni quand sera la fin parce qu'il n'y a plus de certitude partagée sur
quelles sont les fins. Et qui mieux est, il existe moins la conviction absolue qu'il peut se déterminer lo­
giquement (et dans un passé récent, même idéologiquement) un régulateur externe de l'existence,
"une fin" . En ce sens Jacques Rivette, avec Paris nous appartient, ne se limite pas simplement à pro­
poser des réponses, il fait beaucoup plus, il change le mode et le sens des questions. Et ce n'est plus
"Et quelle fin pour Anne?" mais "Et Anne, à quelle fin?", avec les conséquences évidentes sur le récit
cinématographique. Le film, en fait, devient un documentaire qui suit, pour une part, l'itinéraire des
acteurs vers la recherche et la poursuite de leurs fins, avec les complications dues au fait que, comme
disait Renoir, "chacun a ses raisons" et que, tant dans la "fiction" que dans la "réalité" , il peut y avoir
aussi celui qui, comme l'auteur, se déplace toujours avec "une seconde fin" parce que, comme le rap­
pelle Rivette en citant K leist, "pour retrouver l'innocence, il faut vraiment faire le grand tour par le sa­
voir" . Et c'est précisément ce "grand tour par le savoir" qui au fond distingue Jacques Rivette du grand
maître de la "modernité cinématographique" , Roberto Rossellini. En fait, il existe entre eux la différen­
ce qui existe entre l'immédiateté et la médiation, entre l'évidence poussée jusqu'à la tautologie de qui
contemple la splendeur du vrai, et une recherche du possible, risquée et incertaine, qui est une des
marques de la modernité. Rivette, en d'autres termes, se pose, en tant que "moderne", le problème de
la modernité comme procédé, Rossellini lui est moderne, et "son secret - comme dit Rivette - est celui
de se mouvoir avec une liberté continue et d'un seul et simple mouvement, dans l'éternel visible" (Let­
tre sur Rossellini). Le secret, en d'autres termes, est "le génie du christianisme" que ce même Rosselli­
ni, avec la perte progressive de !"'innocence'' , est pourtant destiné d'une certaine manière à oublier
progressivement, se trouvant confronté lui-même au problème de la durée , c'est-à-dire d'un autre
sens du temps. Jacques Rivette ou de la modernité, donc. Mais d'autre part le cinéma est un langage.

LEs AVENTURES DE LA LUMIERE. "D'autre part le cinéma est un langage". C'est André
Bazin qui, en conclusion de son célèbre article sur !' Ontologie de l'image photographique, fait glis­
ser cette simple considération, au risque de remettre lui-même immédiatement en question ce qui
serait devenu un des fondements théoriques de la modernité au cinéma. Ce n'est pas un hasard si Ri­
vette, revendiquant la primauté de la mise en scène , se préoccupe à plusieurs reprises de nier au
cinéma le statut de langage : mais l'opposition entre les deux termes n'est peut-être qu'apparente .
Mais il convient ici, pour le moment, de parler d'autre chose, au fond même la critique, en adaptant
le langage qui lui est propre , doit se rendre "impure" comme le cinéma qu 'elle poursuit. Parlons
alors des aventures de la lumière .A la fin du XIXème la connaissance du monde physique semblait
pratiquement complète . La théorie de la gravitation universelle et les lois de la mécanique étaient
clairement définies alors que la théorie de Maxwell rendait compte des phénomènes électromagné­
tiques. Des questions restaient ouvertes sur les problèmes du comportement de la lumière dont les
solutions devaient marquer la fin de la physique classique et amener à la physique quantique. L'hy­
pothèse révolutionnaire de Max Planck 0900) selon laquelle l'absorption et l'émission des radia­
tions se produisent par petites quantités d'énergie, permet en fait d'envisager la lumière comme un
ensemble de "quanta", dits "photons" , avec, par conséquent, l'exhumation de la théorie corpuscu­
laire de la lumière déjà décrite par Newton. La vérification du fait que la lumière se comporte com­
me étant composée d"'ondes électromagnétiques" dans certains types d'expériences (propagation
rectiligne, diffraction, réfraction, interférence, biréfringence) et comme une composition de "pho­
tons" dans d'autres cas (effet photoélectrique, etc . . . ), conduit les physiciens du début de notre siècle
à accepter une nature dualiste de la lumière et l'ensemble des expériences démontre qu'il existe un
1 Les
informations sur les
développements de la lien bien précis entre les quantités qui en définissent les deux aspects 1. Le monde entre dans sa mo­
physique moderne sont dues à dernité scientifique à travers les aventures de la lumière . Pourquoi s'étonner alors que le cinéma, qui
Antonella Toffetti.
est l'art de la lumière par excellence, participe à l'ambiguïté constitutive de sa définition. Il ne s'agira
donc plus d'Ontologie ou Langage mais d'Ontologie et Langage, éléments d'une nature dualiste
qui, après vérification dans des expériences particulières, servent à analyser des phénomènes di­
vers: le cinéma qui est et le cinéma qui signifie. La tentation de s'enfermer dans ce dernier restera
toujours forte, dans des périodes où l'on n'est plus sûr, comme disait Rossellini, que "les choses en
sont là" . Comme les grammairiens de la décadence de l'Empire Romain, comme les "angéologues"
dans Byzance assiégée, comme les sémiologues dans les années de plomb , Rivette même n'en est
pas sorti indemne avec Duelle et Noroît. Mais pourtant il continue d'exister un bon motif pour courir
les aventures de la mise en scène. Rivette nous le rappelle, citant Péguy dans sa Lettre sur Rossellini:
"Le kantisme a les mains pures, mais il n'a pas de mains" . Voilà une raison pour accepter le défi et
c'est peut-être la même qui pousse depuis toujours Jacques Rivette: rendre visible les mains de Kant.
L A V E D E T T A

SERGE D A NEY

CONVERSAZIONE CON JACQUES RIVETTE

Si è scritto molto su Fautrier, soprattutto Paulhan, che !'importante in lui è la questione della fi­
gura umana . Fautrier ha dipinto gli ostaggi durante e dopa la guerra, ed è certamente quello che
ha detto "non si puà dipingere came prima ". Ed è came se nello stesso momento, ne! cinema, gen­
te came Rossellini, che tu hai molto ammirato, dicesse qualcosa di equivalente, "non si puà più
filmare came prima". La dif.ferenza tra la pittura e il cinema, forse, è che in Fautrier tutto si è
concentrato sui volta, sullafigura umana, ifigurata in senso proprio, mentre net cinema si è co­
munque continuato a mostrare volti, personaggi, attori. E poi, guardando i tuai film, qualcosa
colpisce, tu non sei a.ffatto un cineasta dei volti umani, non che non t'interessino, solo non sei un
cineasta che in un 'azione, in un momento patetico, o fatidico, o anche drammaturgicamente
importante, faccia un primo piano sull'attrice o sull'attore. Ed è una casa ta/mente sistematica
che vorrei chiederti: che cos'è il volta umano per te? Sono case che tu hai molto ammirato nei ci­
neasti del passato, came Dreyer o Bresson . Godard, ad esempio, continua a filmare i volti. Che
cos'è dunque per te un volta? Bisogna rispettarlo perché è troppo intima, oppure non 5i ha più il
diritto difi/mare i volti came faceva Griffith e bisogna /are altrimenti?

Non penso che sia questione di diritti. E' che non ho voglia di frammentarlo, ci so­
no moiti cineasti che , in modo cosciente o incosciente , funzionano su quest'idea del corpo fram­
mentato: non solo il volto , puo essere qualunque parte del corpo , ma è evidente che il volto è la
parte privilegiata . Ma, quando mi capita di guardare ne! mirino , ho sempre la tendenza a tirarmi
indietro, anche se dopo mi dispiace, perché il volto da solo . . . Ho voglia di vedere le mani, e se ve­
do le mani, ho comunque voglia di vedere il corpo. Si, ho sempre voglia di vedere il corpo nella
sua interezza, e subito dopo quello della persona nell'ambiente , di fronte aile persone in rapporto
aile quali quel corpo agisce, reagisce, mu ove, subisce . . .

Credo d i non avere i l temperamento , i l gusto o il talento per fare u n cinema di


montaggio, il mio è un cinema che, al contrario, funziona sulla continuità degli avvenimenti, presi
più o meno nella loro globalità. Non è un rifiuto di mostrare dei volti, spesso vorrei forzarmi ad av­
vicinarmi ai volti, e sono molto fiero quando di colpo riesco a dire: adesso faccio un'inquadratura
di un volto . Ma talvolta mi capita anche di non tenerle al montaggio, perché effettivamente non
c'entrano niente con il resto del film.

Forse, l 'unicafilm chefa un po' eccezione èLa religieuse, non hai avuto questa
tentazione con Karina?

Ah no , perché davvero Karina , corne Juliet o Bulle . . . quel che mi piace in loro e an­
che in attori corne Jean-Pierre Léaud o Jean-Pierre Kalfon, è per l'appunto la totalità del loro cor­
po. So che quel che dico è vero solo per metà, perché un cineasta corne Jean-Luc, che filma in mo­
do molto ravvicinato, sa bene che pur riprendendo un dettaglio in modo molto ravvicinato, si ha
la sensazione di quel che non si filma , e riprendendo il volto , o un'altra parte del corpo , si ha la
sensazione del resto del corpo, ma è una fiducia che tuttavia io non ho. Tornando a Fautrier tutta­
via, sono stato molto colpito da un testo di Malraux, in cui dice che cio che interessa Fautrier quan­
do dipinge dei volti, delle donne, dei nudi, non è il corpo, ma la carne . Quando dipinge dei pae­
saggi, non è il paesaggio, ma l'idea umana del vegetale. E' davvero la materia, i suoi ostaggi non
sono ritratti, ma carne, con un segno che indica: ostaggio.

Non hai forse la sensazione di aver un po' continuato Fautrier? Nella misura in
cui nei tuaifilm si ha spesso il sentimento che se sifilmassero davvero i corpi, sifilmerebbe la car­
ne. Ad esempio, colpisce molto che nei tuai film (che non sono certo esageratamente puritani) ci
sia una grande franchezza nella descrizione delle scene sessuali; quando arrivano, è la sessua­
lità ad esserefi/mata e nient'altro: non i preliminari, la seduzione, il gioco di sguardi, da cui per
l'appunto la domanda che tifacevo sui volta, perché non siamo ne! sistema: l'amore puà nascere
da uno sguardo, ma piuttosto: i corpi si urtano gli uni con gli a/tri. E ancora mi chiedo se non ci
sia un principio a cui tienifermamente, e cioè: eventualmente si è disposti a lottare perché il de-
16

L A VE D E T T A

siderio sessuale abbia diritto di cittadinanza, vedi La religieuse, ma non deve entrare ne! gioco
di seduzione dei corpi. Fa forse parte anche questo dell 'idea che non si puà tagliare, all 'interno
della vita della gente, qualcosa che sarebbe lo sguardo, il volta o la sessualità? C'èforse una sorta
di legge dell 'ambiente, la gente è circondata da qualcosa che l 'oltrepassa ed a cui reagisce meglio
che puà, con i mezzi della specie umana?

E' piuttosto che agni volta le scene a cui alludi, quelle dell' Amourfou, di Hurle­
vent, le ho filmate senza particolare piacere, perché avevo la sensazione che fossero necessarie al­
la logica dei personaggi. Ed è forse questo a dar loro quel taglio puramente fisico di cui tu parli. Da
tempo ho voglia di fare un film sull'approccio dei corpi, gli sguardi sui corpi, ma forse non Io faro
mai, ho moita paura perché è molto difficile e non ho ancora trovato il metodo che permetterebbe
di farlo in modo da sembrare giusto.

ln un articolo che avevifatto per i "Cahiers " su Rossellini, c'era scritto di una foto­
grafia in cui si vede ilpittore difronte al sua modello, non èforse Tintoretto, Susanna e i vegliardi,
o qualche casa delgenere? Non saràforse la scena primaria, un po' rimossa, quella di cui tu dici:
un giorno lafarà? E casa t 'impedisce difarlo adesso?

Ma è proprio il fatto di sapere quai è Io statuto del pittore e che casa deve essere
nella finzione . E' questo che non riesco a determinare.

Per te il pittore deve stare nella finzione, altrimenti è un voyeur, un fuifante?

Sl, ma d'altro canto casa fa? E' davvero pittore? E' un attore che pretende di esserlo?
La sua pittura si vede o no? Oppure si incentra tutto sullo sguardo dicendo che la pittura è off? E nel
contempo questo richiede un'impudicizia davanti alla quale ho sempre un po' esitato. Bisognereb­
be che trovassi il pudore dell'impudore. L'approccio giusto all'impudicizia, se no rischia di essere
della pornografia.

ln quale momento ci si rende canto che un film è partita in modo straordinario?


Ad esempio L'amour fou, fin dai primi minuti si sa che la casa èfatta.

Le case andavano da sole, perché a tutta prima c'era jean-Pierre Léaud che faceva
le sue prove con gli attori, ed abbiamo cominciato a fare per due giorni puramente un reportage.
La finzione si è insinuata poco a poco all'interno di tutto cio . E poi abbiamo approfittato della ve­
locità acquisita. E' straordinario quando capita.

D 'altronde, nell'intervista sull'Amour fou, tu dici: credo che si devonofare le case


facili, e quelle difficili vanna lasciate ai pedanti di turno.
Pensa sempre Io stesso. Si puo fare, ma talvolta è difficile trovare case facili.
Tu sei nato a Rouen . Si dice satire o scendere a Parigi?
Si dice andare a Parigi. Né satire né scendere, è talmente piatto tra Rouen e Parigi.
Ma Rouen non era più sopportabile o Parigi era la "ville lumière ", la città del cinema.
Per fare del cinema non c'era altra soluzione .

Era net '49 e, came nei romanzi di Balzac, tu casa avevi in tasca? Un indirizzo,
un numero di telefono?

Avevo un tale di Rouen, che ho peraltro perso subito di vista . Mi aveva data ap­
puntamento in una libreria di Place Saint Sulpice , che oggi non c'è più . Sono arrivato a Parigi al
mattino. Un arnica mi ospitava, ma abitava lontano, in banlieue. Il gestore della libreria era un gio­
vane attore che Io faceva per campare . Si chiamava jean Gruault (e una delle sue amiche era Su­
zanne Schiffman) , e fin dal primo giorno mi ha detto: c'è il cineclub del Quartiere Latina che ridà
Les Dames du Bois de Boulogne presentato da Maurice Scherer. Il film l'avevo visto una volta a
Millau . Ma siccome era una sera di temporale, la proiezione veniva continuamente interrotta dai
salti di corrente . Era molto bello, dava al film una suspense supplementare . Dunque !'ho rivisto
tutto di seguito ed è anche l'unica volta che ho visto la prima versione, quella che Bresson ha poi
tagliato perché la gente protestava per due scene del film piuttosto provocanti.
17

L A VE D E T T A

Scherer lo conoscevi già dunque?


Lo conoscevo perché aveva scritto due o tre pezzi su "Les Temps Modernes" e su "Combat" dove
c'era, il sabato , una pagina sui cinema con la cronaca di "Objectif 49" e con articoli di Bazin,
Leenhart, Doniol-Valcroze e di Scherer che aveva scritto articoli che mi avevano molto colpito, as­
sai diversi da cio che scriveva Bazin.

E quanta tempo c 'è voluto prima che cifosse quella che si puà chiamare la banda
dei quattro? Cioè Truffaut, Rohmer, Godard e tu .

E' stato molto veloce, perché Scherer-Rohmer !'ho conosciuto in quei giorni, anche
se molto superficialmente , e sia con Jean-Luc che con François ci siamo incontrati nei mesi se­
guenti. Allo Studio Parnasse ridavano La Règle du jeu. Un martedi ci vado, all'epoca si sapeva che
bisognava andarci il martedi: dopo c'era il dibattito. Io ero con Gruault ed ecco che ti arriva una
specie di monellaccio, e Gruault gli dice : to' , hai messo la cravatta oggi? E lui risponde : si, in onore
di Renoir, ed era François . Credo che sia la prima volta che !'ho visto , mentre Jean-Luc credo di
averlo incontrato alla Cinémathèque . Ma Suzanne Io conosceva già perché andavano entrambi al­
la So�bona , a filmologia , una cosa nuovissima all'epoca . Credo che Jean-Luc facesse finta di lau ­
rearsi per far contenti i suoi genitori, Suzanne, credo che sia arrivata fino alla fine di un.a laurea in
estetica o qualcosa del genere .

E tu, eri laureato in lettere?

Avevo cominciato a Rouen, per passare il tempo, ma fare latino e greco, insomma!
Adesso mi dispiace, perché vorrei saperli leggere , ma in quegli anni pensavo troppo al cinema .

C'era comunque l1DHEC, non ci bai pensato?

Certo che ci ho pensato, era anche il genere di cose che rassicuravano i miei geni­
tori, una scuola tutto sommato seria, con concorso d'ammissione e via dicendo, dunque mi sono
presentato, avevo preparato il concorso per un anno, da solo, alla biblioteca di Rouen. Ho passato
Io scritto, poi mi sono fatto stangare ail' orale, e allora mi sono detto: capiterà diversamente, nell'at­
tesa, sopravviviamo, andiamo al cinema, alla Cinémathèque. Poi, quando hanno cominciato, pri­
ma "La gazette du cinéma" , poi i "Cahiers " , scriviamo quel che ci viene in mente , mai comunque
per diventare critico, François si che Io era davvero un critico, io non ne ho mai avuto l'intenzione.
Ma di quando in quando era un buon esercizio mettere nero su bianco, con grande sforzo, qual­
che idea su un cineasta, su un certo problema di cinema in rapporto a un determinato film. Non
era tanto per i sol di che si guadagnavano ai "Cahiers " , perché Dio sa se eravamo mal pagati, prati­
camente non pagati del tutto .

Al momento del tuo arriva a Parigi, il campo intellettuale e critico è tutto somma­
to piuttosto strutturato, c 'è il dopoguerra, c 'è la sinistra e la destra, ci sono i marxisti e i cristiani e
poi, net monda della critica, c 'è da un lato Scherer, che un po 'più vecchio di voi ed ha dunque
un ruolo in qualche misura propulsore, poi c 'è la figura di Bazin . Tu came ti situavi rispetto a
tutto cià? Sinistra o destra, per cominciare.

Ad essere sinceri, all'epoca , non era questo il mio dilemma principale. Devo dire
pero che era un periodo in cui tendevo piuttosto a leggere "Combat", un giornale comunque di si­
nistra. E poi, in effetti, i tempi cominciavano a farsi duri, c'era l'appello di Stoccolma, arriva anche
la Guerra di Corea, e dunque c'è stato un periodo in cui andavo spesso aile riunioni del Partito Co­
munista, anche se solo per vedere i film vietati dalla censura, film di Ivens, cose del genere .

Non vorrei dire di esser proprio stato tentato da! PC in quel momento , ma co­
munque. Ne parlo u n po' con Gruault che mi dice: soprattutto non fare questa stupidaggine,
e io me ne tiro fu ori. La P olitica è diventata, nei fatti , per moiti anni, la politica degli autori, e
a l l o r a c ' e ra la polemica c o n " Po s it i f" c h e pretendeva di essere la rivista di sinistra , c o n i
" Cahiers" che erano dunque collocati corne rivista di destra . I nsomma , credo che né Kast, né
Bazin, né D oniol-Valcroze potessero farsi dei complessi rispetto ai fulmini di guerra di " Posi­
tif'' , comunque tutto cio ci faceva piuttosto ridere con François .
18

L A V E D E T T A

La Religieuse. c o l l . ··cahiers d u c i n é m a "


19

L A VE D E T T A

Chi è Bazin per voi?


E' difficile parlarne, per me è la sola persona che abbia mai incontrato ad avermi dato la sensazio­
ne di quella parola che ha l'aria un po' stupida, ma che con lui acquistava un senso piuttosto sem­
plice ed ovvio, la santità, era un santo laico, innanzi tutto per il modo di essere in rapporto agli al­
tri. Bazin è un riferimento che conta, resta comunque il primo ad aver realmente pensato l'ontolo­
gia del cinema, per riprendere la sua definizione, e questo resta.

Tu dici dunque che non volevi/are il critico, eppure bai scritto, e con uno stile che è
di gran lunga ilpiù tagliente e ilpiù ajfilato delperiodo. Che cos 'era questa risolutezza? Bra la vo­
glia di tracciare una linea tra cià che era buono e cià che non Io era, o di cercare una definizione?

Cercare una definizione , sl, e poi l 'essere tagliente corrispondeva abbastanza al


mio carattere dell'epoca, visto che avevo la reputazione vera o falsa di essere il Saint Just del grup­
po, a me piaceva di più l'idea di essere un po' un'eminenza grigia, e tutto sommato Saint Just era
l'eminenza grigia di Robespierre .

E Robespierre chi era, François?

Sl, era François, mentre ci mancavano terribilmente i Danton. Siamo stati obbligati
a fabbricarci dei Danton di paccottiglia, che perà non reggevano i colpi!

E]ean-Luc chi sarebbe stato a/fora, nella rivoluzionefrancese?

Non so, Camille Desmoulin, ma no, insomma , non è bello nei suoi confronti! Io
credo che la Nouvelle Vague corrisponda nel cinema, da tutti i punti di vista, a cià che è stato l'Im­
pressionismo in pittura, ed è Renoir d'altronde che ha fatto questo paragone , intanto perché c'era
la volontà di uscire fuori. Di colpo, semplificare tutto, approfittare del fatto che c'è una fase della
tecnica che permette di andare fuori, corne ha detto Renoir, che citava per altro suo padre : è per il
fatto che c'è il colore in tubetti che si puà uscire e dipingere davvero sui motivo. Per noi era ugua­
le, abbiamo beneficiato delle prime pellicole rapide , in effetti sono state davvero messe a punto
tre o quattro anni dopo, verso il 6 1/62 , per Paris nous appartient non le avevamo ancora, ma co­
minciava, e anche il suono leggero, il Nagra, è arrivato verso il 6 1/62 , ed è per questo che i nostri
primi film sono dei film post sincronizzati, perché all'epoca il suono classico voleva dire il camion,
una cosa orribile, non si poteva fare una cosa simile. Fatte le debite proporzioni, resta comunque
vero che c'è un punto in comune, i film della Nouvelle Vague portano la stessa freschezza che por­
tava l 'Impressionismo, anche negli aneddoti, nelle storie, quel modo di !avare Io sguardo rispetto
al cinema degli studi, al contempo per il punto di vista sulle storie raccontate, ma anche per il pun­
to di vista visivo, insomma un immagine pulita .

Tu conosci la/rase scritta da Deleuze su Godard, quando dice che è molto popola­
to all'interno di se stesso, è una bella/rase, e dice bene dove ci troviamo un po ' tutti, e anche dove
sta il cinema, e si potrebbe benissimo applicarla anche a te, perché quando si vedono i tuai film,
tu sei popolato da tutti i personaggi dei film degli altri, preferisci la compagnia deifilm a quella
della gente di cinema, ma cià non ti impedisce tuttavia di essere un uomo solo, e insomma, c 'è la
solitudine scelta, la solitudine subita, è difficile rendersene conta, chissà se anche tu te ne sei
sempre reso esattamente conta? 0 a un certo punto ti sei detto, va bene, farà ilpezzo di strada che
mi tacca cos� tutto sommato da solo?

Ma insomma, non mi sento affatto solo corne dici tu ! D'accordo, all'inizio c'erano i
primi film e , comunqu e , Paris nous appartient sono riuscito a portarlo a termine solo perché
François, soprattutto, e poi Chabrol mi ci hanno veramente spinto a farlo . Poi, ovviamente, tutti
noi, del gruppo dei " Cahiers " , abbiamo seguito più o meno bene la nostra strada , ma anche con
i l itigi, con i malintesi e via di seguito, senza mai perderci di vista. In un certo senso, la stessa
grande "querelle" tra ]ean-Luc e François era ancora un segno di attenzione reciproca. Cià che
sarebbe stato davvero grave , è l'indifferenza. Io non mi sono mai sentito solo, anche sui piano
della produzione, perché ho lavorato con pochi produttori , prima è stato Beauregard per due
film, poi Stéphane Tchalgadjeff per quattro o cinque, in mezzo Barbet per Céline e Le pont du
Nord e adesso è Martine Marignac. Tutte le volte sono persone con cui, anche se non ci si vede
20

L A V E D E T T A

tutti i giorni . . . insomma, ho sempre sentito da parte loro tutta l'attenzione di cui erano capaci ri­
s petto a quel che cercavamo di fare .

ln aitreparole, tu stai con la gente quando ci favori! Si. Quando il lavoro è finito,
nessuno sa più dove sei, e anche tu non bai voglia di vederli, non c 'è quella convivialità . . .

Quando il lavoro è finito, e non penso neppure che sia tipico solo del cinema, cre­
do capiti anche agli scrittori alla fine di un lavoro molto lungo, effettivamente è un momento d'in­
tervallo. Credo che ci siano due tipi di cineasti, ci sono quelli, che invidio, che possono effettiva­
mente avere dei progetti agganciati gli uni agli altri, corne era François . Per me no, un progetto fa
sparire tutti gli altri che potevo avere, e allora in effetti, dopo, c'è un momento di vuoto, ma che
non è sempre vissuto nell'angoscia, davvero!

Per riprendere questa questione della solitudine, trovo che per un cineasta sia
qualcosa di molto particolare, perché il cinema è un 'arte che si fa con malte cose della società,
con macchine, gente, soldi, tempo, e riel tuo caso si direbbe che quando fai film sei ne! mondo
reale, quando ilfilm è finito, tu non bai maccbina, possiedi pochissime cose, qualche libro, di­
scbi, è come se tu ti mettessi fuori da cià che rappresenta il sociale per la gente, diciamo. E trovo
che per un cineasta, specialmente visto che tu non sei uno che, essendo solo, abbia fatto film su
persane sole, al contrario, non ci sono quasi mai personaggi soli nei tuoi film, questo l 'hai piutto­
sto esorcizzato . . . non come se avessi confuso la vita e !'opera, ma come se l 'operafosse invece tut­
to cià che si accetta di vivere nella vita, non bai a volte la sensazione cbe sia un po ' al limite, cbe
sia pericoloso?

E' la sensazione che si ha, talvolta, verso le tre del mattino, e a quel punto diventa
difficile continuare a dormire! Ma durante il giorno, io non resto poi tanto in casa, esco per andare
al cinema, mi piace molto prendere la metropolitana, è un contatto superficiale con la città, ma co­
munque è un contatto, perché la metropolitana ad esempio costringe a guardare la gente , a volte
le persone vogliono che le si guardi, per i loro discorsi, per il modo in cui si portano, ci sono moiti
comportamenti eccentrici nella metropolitana, è un posto da commedia e, secondo me , nessuno è
davvero riuscito a farlo vedere, un po' Vecchiali in Once More. Naturalmente, non si tratta di una
profonda conoscenza del sociale, ma forse io credo di più aile conoscenze diagonali, aile impre­
gnazioni, ai giornali anche , perché mi piace molto leggere i giornali e ci passo un sacco di tempo.
Il mondo dei cineasti è un po' una società segreta , ci sono persone ne! mondo che hanno visto i
tuoi film, e per loro è stata una cosa importante, e tu non ci pensi mai, oppure, qualche volta, ti di­
ci: ma non ci sarà mica una specie di effetto Rivette, tutto sommato? A tutti i cineasti capita di rice­
vere lettere dall'altro capo del mondo, è molto sorprendente , ed è sempre molto piacevole, è la
prova che il film ha girato, e va oltre quel che la gente effettivamente ti scrive. Io sono stato molto
contento di ricevere delle lettere da una ragazza californiana , ne! retro c'era l 'impronta della sua
mano in rosso, dunque non era necessario aprirle per sapere che riguardavano Céline etJulie. La
mia sensazione è che si tratti piuttosto di una società segreta assai diffusa più che di un grande ef­
fetto di massa, ovviamente non è proprio questo il caso, sfortunatamente per i produttori dei film.
I complotti non sono necessariamente negativi: ogni film è un piccolo complotto, che puè> funzio­
nare oppure no . In ogni film c'è un po' della società segreta: Out One era un film su un complotto
positivo, utopico, ed in effetti, interamente nello spirito di Jean Pierre Léaud.

ln certo quai modo qualunque cineasta è ossessionato dall 'idea che non si filma
mai cià che si vede. C'è qualche cosa che ritoma spesso in quel che tu scrivevi da critico, ed è il
fatto che il cinema, giusto cielo, non è un linguaggio!

No, il cinema non è un linguaggio. E' veramente la cosa che mi aveva colpito quan­
do ho visto tutt'a un tratto i grandi film del Muto. Non i film tardi, i muti degli anni Quindici o Ven­
ti, ma per l'appunto Griffith, Stiller, neanche Lang o Murnau , ed era quella forza di sguardo sulla
realtà che era possibile all'epoca, corne se si fosse in uno stato di innocenza poi irrimediabilmente
scomparso. Il primo breve testo che ho scritto, si chiamava Nous ne sommes plus innocents, ed è
davvero la sensazione, molto forte , che più la storia del cinema si sviluppa, più il tempo passa, più
ci si allontana dall'innocenza , ma qui sembra d'obbligo citare la famosa frase di Kleist: "Per ritro­
vare l'innocenza, bisogna davvero fare il grande giro attraverso il sapere, è l'unica possibilità" .
2 1

L A VE D E T T A

Di recente bai visto qualche film che ti ha data la sensazione che tutto potesse ri­
cominciare, che era bello, eraforte, era inatteso?
Ne ho visti anche parecchi. Un film che mi ha colpito molto è stato Peau de vache di Patricia Ma­
zuy, volevo che mi piacesse semplicemente per gli attori che ci recitano . Ma è un film che mi ha
colpito per diverse ragioni, il rapporto tra le persone, e cosl via, perché fin dall'inizio si sente che si
va verso qualche cosa, ed effettivamente, più il film si sviluppa più è forte, più i rapporti tra i per­
sonaggi diventano intensi e al tempo stesso misteriosi, e si arriva di colpo su una scena talmente
stupefacente che una settimana dopo ho avuto voglia di rivedere il film, per il piacere, e anche per
verificare effettivamente quella scena , casa vi succedeva, il modo in cui era filmata; perché alla
prima visione mi aveva quasi dato l'impressione delle scene che si sognano; infatti mi capita assai
spesso di sognare che sto vedendo un film, ho visto cose magnifiche, ma a quel punto mi sveglia­
vo, e non potevo più rivederle. Questo era effettivamente sullo schermo, non l'avevo mica sogna­
to. E' l'ultima scena, in cui jean-François Stevenin parte sulla strada, questa ne! mio ricordo è una
prima inquadratura, ce n'è una seconda in cui si vede Sandrine Bonnaire corrergli incontro, rag­
giungerlo, cercare di fermarlo, ed essi continuano a camminare abbastanza a lungo, parlando, fi­
no al momento in cui cadono l'uno nelle braccia dell'altro, in cui si baciano, in cui jean-François si
gira verso Sandrine Bonnaire e le dice : "Parti con me, con la piccola"; tutto è fatto in una sola in­
quadratura, a mano creJo, un po' mosso, ma sui movimento, e anche qui è molto bello; la macchi­
na da presa accompagna i personaggi, ecco che si passa bruscamente su un primo piano di Jean­
François che è soltanto il suo sguardo su Sandrine Bonnaire dopa aver posta la domanda, è un'in­
quadratura cortissima, e subito dopo il controcampo, il primo piano di Sandrine Bonnaire che non
risponde, che Io guarda, e poi Io sguardo, il suo sguardo comincia a muoversi, anche lei comincia
a muoversi, e là si capisce da! sua movimento che lei va al posta in cui stava jean-François , ma egli
non c'è più, e la macchina da presa continua a seguirla, la macchina da presa è dietro di lei, la se­
guiamo anche noi, facciamo tutto un movimento dietro di lei, e si vede jean-François che si allon­
tana sulla strada, ferma un camion che viene verso di noi e sale sul camion, e tutto all'interno di
quella inquadratura , che è partita sui volta di lei, e tutto è capitato , tutto , la reazione di Jean­
François al fatto che lei non rispondeva alla sua domanda , la sua partenza, tutto è capitato fuori
campo, Io si è visto unicamente sui viso di Sandrine Bonnaire e ne! suo movimento, ed è finira ,
egli è partita, se ne va, è praticamente l'ultima inquadratura del film. Questa inquadratura l'ho tro­
vata veramente magica, era molto ben filmata e al tempo stesso faceva passare davvero l'emozio­
ne tramite un'invenzione della macchina da presa - ma credo che si debba essere cineasti per ve­
derlo - comunque in modo molto semplice.

Il tuo primofilm si cbiama Paris nous appartient, ma, subito dopa, c 'è una piccola
/rase che dice: ''Parigi non appartiene a nessuno ", firmata Charles Péguy. A chi credere?

Ma "Paris nous appartient" è ancora Péguy che lo dice, un paragrafo prima, facen­
do una serie di considerazioni sui fatto che Parigi non appartiene soltanto a quelli che si alzano
presto, corne dice il proverbio, ma anche a quelli che restano a Parigi durante l'estate e preparano
l'inverno che verrà . Mi era piaciuto cominciare con questa affermazione-negazione che era un
movimento dialettico, per usare un termine pretenzioso, che eventualmente dopa poteva essere
ripreso dalla narrazione, comunque , anche il cinema è affermazione-negazione, è dialettico , visto
che c'è l'immagine e il nero che si alternano sullo schermo.

L 'alternanza del giorno e della natte. Ma in Paris nous appartient c 'è la parola ap­
partenere, cbe cos 'è che ti appartiene?

Ma cos'è che appartiene a chiunque? Credo che al di fuori della propria pelle . . . , e
poi, si è davvero sicuri che ci appartenga proprio, che ne siamo i proprietari, è una sensazione che
non sempre abbiamo.

Vista che baifatto deifilm, si puà dire, bene, la tua opera ti appartiene, ma tu sa­
resti d 'accordo?

No , non mi appartiene affatto, anzi, se c'è qualcosa di cui si viene spossessati sono
proprio le cose che si fanno, sono case che non ci appartengono mai, né prima né durante né do­
po, io penso che sia Io stesso per gli scrittori, anche per i pittori che pure possono guardare a lun-
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L A V E D E T T A

J ac q u e s R i vette , Serge Daney, C l a i re D e n i s , Rivette, le Veilleur, C i n é m a de notre tem p s , co l l . "Cahiers d u c i n é m a "


23

L A VE D E T T A

go i loro quadri . . . ho l'impressione che uno scrittore scriva un libro che gli piacerebbe leggere , an­
che se non credo sia proprio cos!, e comunque sono proprio quelli che non si possono leggere, è
certo, che i soli film che non potro mai vedere sono quelli che ho girato io, perché ci sono sempre
troppi ricordi di tutto quel che è capitato in ogni momento e ugualmente penso che gli scrittori
debbano ricordarsi anche loro, ma in un film ci sono necessariamente più aneddoti, credo che ne!
cinema, di forte, ci sia proprio il fatto che si incontrino moite persone, gli attori naturalmente, ma
anche quelli che non stanno sullo schermo e che sono spesso importantissimi, non solo le persone
con cui si lavora per la sceneggiatura, per i dialoghi, ma quelli dell'equipe tecnica, a volte i più im­
portanti. E questo è straordinario, anche se qualche volta difficile, perché girare un film non è sem­
pre idilliaco! Credo comunque che sia impossibile vedere un film dopo fatto, comunque è impossi­
bile per me, e credo che per tutti i cineasti rivedere un film, senza che i fantasmi ritornino di colpo . . .

Ma sono poi davvero deifantasmi? Vista che al tempo stesso stanno tutti li. Sei con­
tenta di vederli, ti capita di incontrarli.

Certo che vuoi vederli ma, voglio dire, Bulle dell' Amourfou e Bulle di Le pont du
Nord sono due rapporti completamente diversi, Io era il periodo, e anche i nostri rapporti erano dif­
ferenti, perché erano passati moiti altri film tra questi due, io non ho affatto gli stessi ricordi. Ed è
per questo che sono molto contento di a ver facto sei film con Bulle, e spero di aver l'occasione di
farne altri ancora, perché è un percorso comune. Ci sono anche momenti di vita privata, il fatto che
quando abbiamo girato L 'amourfou Pascale fosse una bambina, poi quella bambina è cresciuta, è
diventata un'attrice che ha girato con sua madre su un piano di parità e poi, nella Bande des qua­
tres, anche se non se ne parla mai, se non è il soggetto del film, la presenza di Pascale era molto for­
te tra Bulle e me, insomma, era impossibile fare quella storia senza pensare continuamente a lei.

C'è qua/casa in Surena di Corneille che mi fa pensare ai tuai film, ilfatto che la
curiosità, net senso proprio del termine, ci giochi un ruolo importante, ci sono intere scene su
"dimmi chi è, se non è lui, è lui ", e per deduzione si capisce chi ama chi, e per me questa è una
delle grandi costanti dei tuai film. Si tratta, semplicemente, della curiosità, che è al tempo stesso
un "brutto difetto " ma anche cià che fa si che tutto diventi interessante . . . Mi sembra che per te sia
la regina delle virtù .

Certamente, il giorno in cui sparisse la curiosità, non resterebbe che mettersi a letto
e aspettare ['ultimo respiro, credo che la curiosità sia la sola cosa che mandi avanti le cose, che fac­
cia agire, in tutti i campi.

S� certo, ma io pensavo alla curiosità ne! senso più semplice del termine, che casa
viene subito dopa? Che casa c 'è dietro l 'angolo, ma solo una casa, non i segreti dell 'universo, non
ifini ultimi?

Si tratta da un lato del sentimento che si vorrebbe ovviamente far provare allo spet­
tatore perché abbia voglia di restare, di aspettare almeno la scena seguente . Puà darsi che quella
non gli interessi molto, ma che abbia voglia di vedere quella che viene dopo.

Se leggi le tre grandi analisi che Corneille ha scritto corne prefazione a/le sue ope­
reprima di scrivere gli ultimi favori, egli si pane esclusivamente questioni analoghe, unicamente
sulla struttura, corne mantenere l 'interesse.

Certo, sl, ma questo è l'obbligo di mettere il tempo dalla propria parte . Lo fanno
tutti i narratori.

Dunque la questione è che la curiosità tiene in esercizio: came si dice ne! calcio,
giocare i tempi supplementari, cioè mettere il tempo dalla propria parte, guadagnare tempo, ma
guadagnarlo goccia a goccia, non troppo, perché poi non si saprebbe casafarsene, e a volte si ha
la sensazione che tu sia quasi una specie di Sharazade, anche se siamo partiti da Corneille.

Ma a questo proposito io penso che Sharazade sia la patrona di tutti coloro che
cercano di giocare con la finzione .
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L A V E D E T T A

A n n a Kari n a , La Religieuse
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L A VE D E T T A

Proviam o a p rendere u n cineasta qualu nque doue ci sia più della sala c uriosità, in Fritz
Lang c 'è la m o rale!

L'ho incontrato una volta per un'intervista che ho fatto per interposta Lotte Eisner
perché non parlavo abbastanza bene l'inglese , e la cosa che mi aveva colpito di più , era che parla­
va soltanto di morale, rispetto agli spettatori quanto meno . . .

Ma la morale per te non èforse il modo di procurare agli spettatori del tempo sup­
plementare, del tempo difinzione, che ci sia sempre qualcosa dopa, ma senza fare torto a nessu­
no, cioè che la curiosità non diventi voyeurismo, violenza, l 'infame piccole segreto freudiano,
non è per casa in queste acque che /ai navigare la tua morale? La morale di Sharazade . . . Gua­
dagnare tempo senza rubarlo a nessuno, ecco.

Si, e nello stesso tempo, mantenendo, in effetti, un pudore, forse eccessivo rispetto
ai segreti delle persone, cioè, voglio dire , dei personaggi, che forse avrebbero voglia di essere se
non violentati, almeno che si forzassero un po' di più certe loro difese.

S� perché ilpersonaggio dice "e io, e io ", e poi l 'attore attraverso di lui, mentre tu
dici no, la storia, il movimento complessivo, è un po ': la storia o ilpersonaggio, bisognerebbe sce­
gliere, e il personaggio . . . vuole qua/casa.

Ma il personaggio per me è sempre legato all'attore, e io non voglio violentare l'at­


tore . Perché il rapporte non passa attraverso una storia scritta, ma attraverso una storia che si fa
durante le riprese, c'è corne un contratto con l'attore , e io mi sento incapace di abbordare certe co­
se, perché sarebbe una violenza . . . cosi si lascia indovinare, o forse tocca a lui lasciar intravvedere
un segreto che non verrà comunque messo in mostra .

Ti si sente spesso dire che ifilm che vedi sono troppo corti, che sarebbero meglio più
lunghi, e tu stesso haifatto soventefilm molto lunghi, ci tieni proprio a questa idea della lunghezza?

Ho l'impressione che nei film di cinquant'anni fa ci fosse effettivamente un'arte della concisione ,
della condensazione degli avvenimenti, delle idee , che è vertiginosa, e che è andata completa­
mente perduta, perché c'è un'epoca per ogni cosa, insomma, perché siamo passati, corne direbbe
Deleuze, in un'epoca in cui il tempo non ha più la stessa velocità, né la stessa densità, né Io stesso
"tempo" , corne se ci fosse un prima e un dopo Antonioni, che è stato effettivamente uno dei cinea­
sti che ha marcato questa modifica della durata, e che nelle durate dei film a soggetto di oggi, ci
vogliano tre ore dove cinquant'anni fa ne bastava una.

Tre oreper raccontare la stessa storia o per riuscire a raccontare una storia?

Non la stessa storia, ho rivisto ad esempio It Happened One Night New York-Mia­
mi di Capra, e sono rimasto assolutamente sbalordito dalla sua modernità, perché in un certo sen­
S'o è il primo "road movie" . Si tratta, in effetti, di un viaggio da Miami a New York con degli inci­
denti, ora in camion, ora in autostop , mezzi di fortuna , con una progressione nei sentimenti dei
personaggi e con gigantesche parentesi dove la storia si ferma, c'è la canzone del giovanotto al tra­
pezio volante con tutte le strofe e ogni volta , naturalmente, Capra trova nuove idee per ogni stro­
fa , il tutto diventa sempre più stupefacente . . . e dura un'ora e mezza. Adesso , sono convinto che
per andare da Miami a New York, in un film con la stessa densità di situazioni e di personaggi, un
cineasta serio non potrebbe farcela in meno di tre ore , dunque i mezzi di locomozione sono più
lenti di cinquant'anni fa.

E tu credi che la differenza stia nelfatto che uno corne Capra quando cominciava
a raccontare la sua storia sapeva già all 'incirca came andava a fin ire, e che a partire di là, pote­
va inventare molto netfrattempo, sia con digressioni, sia con ellissi, mentre a partire da un certo
punto e per ragioni difonda, di morale, per un cineasta moderno, post antonioniano came te, è
stato impossibile dire: comincio il mio film e so che finirà bene o male che sia . . .

Si, è Io scioglimento che è divenuto impossibile.


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!. A V E D E T T A

J a c q u e s R i vette , Paris nous . . . dunque non c 'è più scioglimento, tutti i tempi diventano cielici o circolari, e questo puà du rare
appartient, co l l . " un 'ora, due ore, dieci ore, dunque non sarebbe tanto la storia ilproblema, ma ilfatto che si è persa,
C a h i e rs du c i néma"
eforse soltanto gli americani l 'hanno mai avuta, la coscienza della parola 'jine ".

Bisogna anche dire che oggi i giomalisti non sposano più delle miliardarie tanto fa­
cilmente corne al tempo di Clark Gable e Claudette Colbert.

E quando sei tornato sulla terra con Le pont du Nord è stato col sentimento di "è
ora di smetterla di tentare il diavolo e di prendersi per Prometeo, torniamo al monda corne è ". Ma
gli anni '80, ce Io ricordiamo bene, all 'inizio sono comunque stati ruggenti, eujbrici, ludici, e si
sente che c 'è qualcosa non di volontaristico ma di molto voluto nell 'itinerario che segue Le pont
du Nord, che ti permette di entrare a tua volta negli anni '80.

Diciamo piuttosto che dopa Out mi sembrava impossibile nei film parlare del mondo contempo-
27

L A VE D E T T A

raneo, del mondo che si chiama reale, e mi era venuta una voglia molto forte di storie, più o meno
fantastiche, che non ho neanche filmato tutte, perché intanto il primo progetto tra Out e Céline et
Julie, era Phœnix, da fare con Jeanne Moreau , Juliet Berto et Michael Lonsdale , una storia attorno
al mito di Sarah Bernhardt mischiata un po' al Fantôme de l 'opéra di Gaston Leroux . . . Poi sono se­
guite delle storie effettivamente diverse l'una dall'altra, ma che avevano in comune il rifiuto totale
della Francia degli anni '70. Dopo qualche film più o meno riuscito, sfortunati sono soprattutto gli
ultimi due, Noroît et Merry Go Round, sono andato a trovare Bulle e le ho detto: bisogna assoluta­
mente che cerchiamo di rifare un film insieme . L'idea era che non eravamo usciti del tutto da quel
triste periodo, e che anzi sarebbe continuato, e dunque era necessario fare la nostra parte, e per
farcela, bisognava mettere tutto in una storia, ed è per questo motivo che in Le pont du Nord c'è
questa insistenza, che dieci anni dopo puô sembrare aneddotica, sui "casi" della fine degli anni
' 70 , il caso de Broglie, il suicidio di Boulin, l'assassinio di Mesrine, corne sintomi. Il film non è sta­
to affatto girato nell'euforia dei primi anni '80, ma anzi con l'impressione di essere, in Francia, in
un paese bloccato. Allora, puô darsi che la morte di Bulle, fosse in qualche modo, del tutto incon­
sciamente da parte mia , un'allusione a Renoir, quando dice che bisogna uccidere un innocente
perché le cose possano continuare . . .

Mentre staifacendo i tuoifilm, da u n lato ne sei ilpadrone, m a sei anche ilprimo


spettatore di qualcosa che nasce in quel momento, e sei comunque tu che la/ai nascere.

La sensazione che ho in quei momenti, è quella di non essere padrone di un bel


nulla, perché veramente c'è tutta una macchina che si è messa in moto, e d'altra parte c'è una logi­
ca del film che è la più forte e che bisogna cercare di rispettare, in aitre parole non si puo fare quel
che si vuole! Per altro , è meglio quando si ha una sensazione di questo genere , perché ci si sente
guidati, ci si dice no, non gira, oppure si funziona , per istinto.

Talvolta con Pascal Bonitzer cerchiamo di discutere tutto cio in modo più raziona­
le , ma non troppo, perché se si è in moiti ad avere l'impressione che davvero una cosa è impossi­
bile, bisogna prenderla per buona . Un film, in effetti, non ha alcuna possibilità di esistere davvero
se non si ha, molto alla svelta, la sensazione che ci sono cose possibili e aitre no. C'è una fase a
partire dalla quale il film esiste, corne se ci fosse un oggetto sepolto, diciamo una statua, ma puô
anche essere un vaso un po' sbrecciato, e di cui si è dissotterrato per caso un pezzetto, dopo, biso­
gna dunque cercare di tirarlo fuori tutto senza rovinarlo. Questo aiuta ad andare avanti. Leggevo
un'edizione di Edgar Poe in cui il curatore faceva notare che Baudelaire , in testi corne Genesi di
un poema, traduce sempre con plan (piano) là dove Edgar Poe scrive plot, ma effettivamente in
plotc'è un elemento dinamico che plan non dà, c'è già tutta la trama in plot, una parola che mi pia­
cerebbe poter naturalizzare corne francese , per dire quale è la sensazione . . .

Mi chiedo se plot e "complotto " non siano etimologicamente legati . ! ln agni casa,
. .

qualcosa dipreesistente dunque c 'è sempre, sia di malefico, che sarebbe il complotto, sia di benefi­
co, che è ilfilm. Ma le cose, ad esempio, si rivelano possibili o impossibili anche a livello delle scel­
te tecniche, ad esempio non sifan no campi-controcampi perché ilfilm li rifiuta assolutamente.

La conversazione tra jacques Naturalmente! E ogni film ha le sue regole tecniche . Un cineasta corne Oshima ha
Rivette e Serge Daney spinto molto avanti il fatto che ogni film ha davvero la sua tecnica, alcuni con scene molto brevi,
è tratta dal film Jacques Rivette altri con piani sequenza . E' vero, questo dipende anzitutto dai mezzi materiali, per un film corne
le Veilleurdiretto da Claire
Denis in collaborazione con Le pont du Nord eravamo poveri, non c'erano macchinisti, avevamo una piccola macchina a 1 6
Serge Daney, prodotto mm, dunque abbiamo fatto piani fissi, panoramiche , a volte Willie u s a l a macchina a mano per
dajanine Bazin, certe inquadrature che non si possono fare altrimenti e cosi via . . .
André S. Labanhe e Alain
Plagne per la serie Cinéma de
notre temps, 1990. Ci si riscalda a colpi di Valéry. Ma tra l'Arte e la Santità, si avrà ben il diritto di esitare un po '? Vero?
28

L A V E D E T T A

Fej r i a D e l i b a , Caro l i n e Champetier, La Bande des qua tre


L E V E I L L E U R

SERGE D A NEY

E NTRET I EN AVEC JACQ U E S R I VETTE

On a beaucoup écrit à propos de Fautrier, surtout Paulhan, que l 'important chez


lui, c 'était la question de lafigure humaine. Fautrier a peint les otages pendant et après la guerre,
et il est certainement celui qui a dit on ne peut plus peindre comme avant. Il semble qu 'au même
moment dans le cinéma, des gens comme Rossellini, que tu as beaucoup admiré, devaient dire
quelque chose d 'équivalent, on ne peut plus filmer comme avant. La différence entre la peinture
et le cinéma peut-être, c 'est que chez Fautrier, cela s 'est concentré sur le visage, sur la figure hu­
maine, défigurée au sens propre, dans le cinéma, on a continué quand même à montrer des vi­
sages, despersonnages, des acteurs. Et puis en voyant tesfilms, quelque chosefrappe, c 'est que tu
n 'es pas du tout un cinéaste des visages humains, non pas que cela ne t 'intéresse pas, mais tu n 'es
pas un cinéaste, qui dans une action, dans un moment pathétique, ou fatidique, ou même dra­
maturgiquement important fait un gros plan sur l 'actrice ou sur l 'acteur. Et c 'est tellement
systématique quej 'aimerais te demander: qu 'est-ce que c 'est le visage humain pour toi.? Alors que
tu as beaucoup admiré cela chez des cinéastes du passé, comme Dreyer ou Bresson. Godard par
exemple, lui continue à filmer les visages. C'est quoi pour toi un visage? Est-ce qu 'ilfaut le respec­
terparce que c 'est trop intime, ou n 'a-t-on plus le droit defilmer les visages comme Griffith lefai­
sait, et qu 'ilfautfaire autrement?

Je ne pense pas que ce soit une question de droit. C'est que je n'ai pas envie de le
morceler, il y a beaucoup de cinéastes qui de façon consciente ou inconsciente, fonctionnent sur
cette idée du corps morcelé : pas seulement le visage , ça peut être n'importe quelle partie du corps
mais il est évident que c'est le visage la partie privilégiée . Et quand il m'arrive de regarder dans
l'œilleton, j 'ai toujours tendance, après parfois je m'en veux, à reculer, parce que le visage tout
seul . . . j'ai envie de voir les mains, et si je vois les mains , j'ai quand même envie de voir le corps .
Oui, j'ai toujours envie de voir le corps dans son entier, et du coup également celui de la personne
dans le décor, face aux personnes par rapport auxquelles ce corps agit , réagit, bouge , subit . . . Je
crois que je n'ai pas le tempérament, le goût ou le talent de faire un cinéma de montage, c'est un
cinéma au contraire qui fonctionne davantage sur la continuité des événements, pris plus ou
moins dans leur globalité . Ce n'est pas un refus de montrer des visages, je voudrais souvent me
forcer à m'approcher des visages, et je suis très fier quand je réussis brusquement à dire: tiens, là je
vais faire un plan de visage . Mais parfois il m'arrive également de ne pas les garder au montage
parce qu'effectivement ils n'ont rien à faire avec le reste du film.

Peut-être que le seulfilm quifait un peu exception, c 'est La Religieuse, tu n 'as pas
eu cette tentation avec Karina?

Ah non, parce que vraiment Anna, comme Juliet ou comme Bulle . . . ce qui me plaît
dans elles et aussi bien dans des comédiens comme Jean-Pierre Léaud ou Jean-Pierre Kalfon, c'est
justement la globalité de leurs corps. Je sais que ce que je dis n'est qu'à moitié vrai, parce qu'un
cinéaste comme Jean-Luc, qui filme de façon très rapprochée, sait que tout en filmant le détail, on
a le sentiment de ce que l'on ne filme pas, on a, en filmant le visage ou une autre partie du corps,
la sensation du reste du corps, c'est une confiance que je n'ai pas. Mais au sujet de Fautrier j 'ai été
frappé par un texte de Malraux où il dit que ce qui intéresse Fautrier quand il peint des visages, des
femmes et des nus, ce n'est pas le corps, c'est la chair. Quand il peint des paysages, ce n'est pas le
paysage, c'est l'idée humaine du végétal. C'est vraiment la matière, ses otages ne sont pas des por­
traits, c'est effectivement de la chair avec un signe qui indique: otage .

Est-ce-que tu n 'as pas le sentiment d 'avoir continué un petit peu Fautrier? Dans la
mesure où dans tesfilms on a souvent le sentiment que si on filmait vraiment les corps, on filme­
rait la chair. Par exemple, c 'est trèsfrappant dans tesfilms (qui ne sont pas exagérément puri­
tains) qu 'il y a une grande franch ise dans la description des scènes sexuelles; lorsqu 'elles arri­
vent, c 'est la sexualité qui estfilmée et rien d 'autre: pas les préliminaires, la séduction, le jeu des
regards, d 'où justement la question que je te posais sur le visage parce qu 'on n 'est pas dans le sys­
tème: l 'amour peut naître d 'un regard, mais plutôt: les corps butent les uns sur les autres. Et là
30

LE VE I L L E U R

aussi je me demande si ce n 'est pas un principe auquel tu te tiensfermement qui est: on se battrait
éventuellement pour que le désirsexuel ait droit de cité, cf La Religieuse, mais il n y a pas à rentrer
dans le jeu de séduction des corps. Est-ce que ça fait partie de la même idée qu 'on ne peut pas
découper, à l'intérieur de la vie des gens, quelque chose qui serait le regard, ou le visage, ou leur se­
xualité? Qu 'il y a une sorte de loi de l'environnement, les gens sont environnés par quelque chose
qui les dépasse et ils réagissent à ça du mieux qu 'ilspeuvent, avec les moyens de l 'espèce humaine.

C 'est plutôt qu'à chaque fois, les scènes auxquelles tu fais allusion , celles dans
l'Amourfou, dans Hurlevent, je les ai filmées sans plaisir particulier parce que j'avais le sentiment
qu'elles étaient nécessaires à la logique des personnages. Ce qui leur donne peut-être ce côté pu­
rement physique dont tu parles. )'ai envie depuis longtemps, peut-être je ne le ferai jamais, de fai­
re une film sur l'approche des corps, les regards sur les corps, mais j'ai très peur de le faire parce
que c'est très difficile et je n'ai pas encore trouvé la méthode qui permettrait de le faire d'une façon
qui semblerait juste .

Dans un article que tu avais fait dans les "Cahiers " sur Rossellini, il y avait écrit
d'une photo où on montre le peintre en face de son modèle, est-ce que ce n 'est pas le Tintoret, Su­
zanne et les vieillards, ou quelque chose comme ça? Est-que ce n 'est pas la scène primitive, un petit
peu refoulée dont tu as dit: je la ferai un jour? Et qu 'est-ce qui t'empêche de lefaire maintenant?

C'est de savoir justement quel est le statut du peintre et ce qui doit être dans la fic­
tion. C'est cela que je n'arrive pas à déterminer.

Pour toi le peintre doit être dans la fiction, sinon c 'est un voyeur et une crapule,
n 'est-ce pas?
Oui, mais d'autre part que fait-il? Est-il réellement peintre? Est-ce un comédien qui
se prétend peintre? Est-ce que l 'on voit sa peinture ou pas? Est-ce que l'on centre tout uniquement
sur le regard en disant que la peinture est off? Et en même temps ça demande une impudeur de­
vant laquelle j'ai toujours un peu hésité . Il faudrait que je trouve la pudeur de l'impudeur. L'ap­
proche juste de l'impudeur, autrement ça risque d'être de la pornographie.

A quel moment sait-on qu 'un film a un point de départ extraordinaire? Par exem­
ple L'Amour fou, dès les premières minutes on sait que c 'est gagné.

Les choses se passaient d'elles-même parce que d'emblée c'était Jean-Pierre qui
était dans ses répétitions avec les comédiens et on a commencé en faisant purement du reportage
pendant deux jours. On a glissé la fiction peu à peu à l'intérieur de ça. Et après on a profité de la vi­
tesse acquise. C'est formidable quand ça arrive.

Et d 'ailleurs dans l 'entretien sur L'Amour fou, tu dis: je crois qu 'ilfautfaire les
choses faciles et laisser les choses difficiles aux cuistres de service.
Je pense toujours la même chose. On y arrive, mais parfois c'est difficile de trouver des choses faciles.
Toi tu es né à Rouen . Est-ce qu 'on dit monter ou descendre à Paris.?
On dit aller à Paris! Non, on ne dit ni monter ni descendre, c'est tellement plat entre Rouen et Paris.
Rouen ça n 'étaitplus supportable ou Paris était la ville lumière, la ville du cinéma?
Parce que pour faire du cinéma il n'y avait pas d'autre solution.

C'était en 49 et comme dans les romans de Balzac, tu avais quoi en poche? Une
adresse, un numéro de téléphone?

)'avais quelqu'un qui était rouannais, que j'ai tout de suite perdu de vue d'ailleurs .
Il m'avait donné rendez-vous dans une librairie , Place Saint-Sulpice , qui n'existe plus . Je suis ar­
rivé à Paris le matin. )'avais un ami qui m'hébergeait mais qui habitait dans la lointaine banlieue.
Le gérant de la librairie était un jeune comédien qui gagnait sa vie comme ça. Il s'appelait Jean
Gruault (et une de ses copines était Suzanne Schiffman) , et dès le premier jour, il m'a dit : il y a le
ciné-club du Quartier Latin qui repasse Les Dames du Bois de Boulogne et c 'est Maurice Scherer
qui va faire la présentation. Le film je l'avais vu une fois à Millau. Comme c'était un soir d'orage, la
projection était interrompue périodiquement parce que l'électricité sautait . C'était très beau , ça
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LE VE I L L E U R

donnait au film un suspense supplémentaire. Donc là je l'ai revu en continuité et c'est la seule fois
où j'ai vu la première version, que Bresson ensuite a recoupée parce que les gens protestaient sur
deux passages très provocants du film.

Tu connaissais déjà donc Maurice Scherer?

Je le connaissais parce qu'il avait écrit deux ou trois articles dans "Les Temps Mo­
dernes" , dans "Combat " où il y avait une page cinéma , les samedis, avec la chronique d'"Objectif
49" et des articles de Bazin, Leenhart, Doniol-Valcroze et de Scherer qui avait écrit des articles qui
m'avaient beaucoup frappé, assez différent de ce qu'écrivait Bazin.

Et combien de temps cela a pris avant qu 'il y ait eu ce qu 'on peut appeler la bande
des quatre? C'est-à-dire Trujfaut, Rohmer, Godard et toi.

Ça s'est fait assez vite parce que Scherer-Rohmer je l'ai connu ce jour-là très fugiti­
vement, mais tant Jean-Luc que François, on s'est rencontrés dans les mois qui ont suivi. Il y avait
La Règle du jeu qui repassait au Studio Parnasse . ]'y vais le mardi, ça se savait à l'époque qu'il fal­
lait y aller le mardi: il y avait le débat après . Là donc j'étais avec Gruault et il y a une espèce de ga­
lopin qui arrive comme ça, et Gruault lui dit : tiens tu as mis une cravate aujourd'hui? Et il lui a
répondu : oui en l'honneur de Renoir, et c'était François! Je crois que c'est la première fois que je
l'ai vu , et Jean-Luc je crois que c'est à la Cinémathèque qu'on l'a connu . Mais Suzanne le connais­
sait déjà puisqu 'ils allaient tous les deux à la Sorbonne à la filmologie, un truc nouveau à l'époque.
Jean-Luc, je crois, faisait semblant de faire une licence pour faire plaisir à ses parents et Suzanne, je
crois qu'elle a été jusqu 'au bout d'une licence d'esthétique ou quelque chose comme ça.

Et toi tu avais une licence de lettres?

J'avais commencé une vague licence à Rouen pour m'occuper, mais refaire du latin
et du grec, alors non! Maintenant je le regrette parce que j'aimerais bien pouvoir lire du latin et du
grec mais à l'époque je pensais trop au cinéma.

Il y avait quand même déjà L 'IDHEC, tu y as pensé ou pas?

]'y ai pensé bien sûr. Surtout que c'était le genre de choses qui rassurait mes pa­
rents, une école quand même sérieuse avec concours d'entrée et tout , donc je m'étais présenté ,
j'avais préparé le concours pendant un an tout seul à la bibliothèque de Rouen. J'ai passé l'écrit, et
puis je me suis fait coller à l'oral et je me suis dit: ça sera autrement, en attendant survivons, allons
voir des films, allons à la Cinémathèque .

Ensuite, quand il y eu la "Gazette du cinéma" d'abord puis les "Cahiers'' , écrivons


ce qu'on pense, enfin non pas pour devenir critique, François lui il l'était profondément, moi je
n'ai jamais eu l'intention. Mais de temps en temps c'était un bon exercice de mettre noir sur blanc
difficilement ce qu'on pensait à propos de tel cinéaste ou de tel problème de cinéma par rapport à
tel ou tel film. Ce n'était pas tellement pour l'argent qu'on gagnait aux "Cahiers " , parce que Dieu
sait qu'on était mal payé, pas payé du tout pratiquement.

Donc quand tu arrives à Paris, le champ intellectuel et critique est quand même
très structuré, ily a l 'après-guerre, il y a la gauche et la droite, il y a les marxistes et les chrétiens et
puis dans le monde de la critique ily a d 'une part Scherer qui est un peu plus âgé que vous, donc
qui a un rôle un peu moteur et puis il y a lafigure de Bazin, comment tu te positionnes par rap­
port à tout ça? D 'abord gauche-droite.

Pour être très franc, ce n'était pas mon clivage principal de l'époque! Je dois dire
que c'est une période où j 'ai plutôt tendance à lire "Combat" qui était quand même un quotidien
de gauche . Et comme c'est l'époque où ça se durcit effectivement, il y a l'appel de Stockholm . . . ça
vient avec la Guerre de Corée en plus, et donc il y a eu une période où j'allais souvent dans les
réunions du PC, mais uniquement pour voir les films interdits par la censure , plutôt des films
d'Ivens , des trucs comme ça. Je ne dis pas que je suis tenté par le PC à ce moment-là, mais quand
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L E V E I L L E U R

B u l l e O g i e r , L 'A mour fou, col l . " C a h i e rs d u c i néma"


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LE VEI L L E U R

même . J'en parle un peu à Gruault qui me dit : surtout ne fais pas cette connerie, moi j'en sors. La
Politique c'est devenu , en fait, la politique des auteurs pendant plusieurs années, alors il y avait
ces querelles avec "Positif" qui se voulait la revue de gauche et donc les "Cahiers" qui étaient posi­
tionnés revue de droite. Bon, je crois que ni Kast, ni Bazin, ni Doniol-Valcroze n'avaient de com­
plexe à avoir par rapport aux foudres de guerre de "Positif' mais, avec François, tout ça nous fai­
sait plutôt rigoler!

Qui est Bazin pour vous?

C'est difficile d'en parler, moi c 'est la seule personne que j 'aie jamais rencontrée
qui m'a donné le sentiment de ce mot qui a l'air un peu bête mais qui avec lui avait un sens très
simple et très évident, la sainteté, c'était un saint laïque d'abord par la façon d'être par rapport aux
gens. Bazin reste une référence qui compte, c'est quand même le premier, qui a réellement pensé
l'ontologie du cinéma, pour reprendre son vocabulaire et ça reste .

Donc tu dis que tu ne voulaispas être critique, et en même temps tu as écrit, et avec
un style qui est, de loin le plus tranchant et le plus acéré de l 'époque. C'était quoi ce tranchant?
C'était l'envie de tracer une ligne entre ce qui était bien, et ce qui n 'était pas bien, ou de chercher
une définition?

Chercher une définition , oui, et puis le côté tranchant , ça correspondait assez à


mon caractère de l 'époque, puisque j'avais cette réputation vraie ou fausse d'être le Saint Just du
groupe, j 'aimais bien l'idée d'être un peu une éminence grise et enfin oui, Saint Just était quand
même l'éminence grise de Robespierre .

Et qui était Robespierre alors, c 'était François?

Ah c'était François, tandis qu'on manquait cruellement de Danton! On a été obligé


de se fabriquer des Danton de pacotille , mais qui ne tenaient pas le choc!

Etjean-Luc, qui aurait-il incarné?

Je ne sais pas, Camille Desmoulin, non, quand même , ce n'est pas gentil! Moi, je
crois que la Nouvelle Vague correspond bien dans le cinéma à ce qu'a été l 'impressionnisme dans
la peinture, à tous points de vue, d'abord parce que c'est la volonté de sortir, c'est Renoir d'ailleurs,
qui a fait ce rapprochement. Brusquement, de tout simplifier, de profiter de ce qu'il y a un stade de
la technique, qui permet d'aller dehors, comme Renoir l'a dit, bon il citait son père: c'est parce qui
il y a la peinture dans les tubes qu'on peut aller dehors, peindre vraiment sur le motif. Nous pareil,
on a bénéficié des premières pellicules rapides, en fait ça été vraiment au point 3 , 4 ans après, vers
61/62, on les avait pas encore pour Paris nous appartient, mais ça venait, et le son léger, le Nagra,
c'est venu également vers 60/6 1 , c'est pourquoi nos premiers films sont des films post synchro­
nisés parce qu'à l'époque, le son classique c'était le camion c'était l'horreur, on pouvait pas faire
ça. Mais c'est vrai qu'il y a ce point commun, toutes proportions gardées, nos films, les films Nou­
velle Vague apportent cette fraîcheur qu'apportait l'impressionnisme, même dans les anecdotes,
dans les histoires, cette façon de laver le regard par rapport au cinéma de studios, à la fois le point
de vue sur les histoires racontées, mais aussi le point de vue visuel, enfin, une image nettoyée.

Tu connais la ph rase qu 'avait écrite Deleuze, sur Godard, en disant, il est très
peuplé à l 'intérieur de lui-même, cette belle phrase dit bien où est ce qu 'on en est tous un petit peu,
et puis où en est le cinéma et on pourrait aussi te l 'appliquer, parce que quand tu vois desfilms, tu
es peuplé de tous lespersonnages desfilms des autres, tu préfères la compagnie desfilms à celle du
monde du cinéma, mais il n 'empêche quand même que tu es quelqu 'un de seul, et que, bon il y a
la solitude choisie, la solitude subie, c 'est difficile de savoir, est-ce que tu l 'as toujours su en un
sens? Ou à un moment tu as dit bon, jeferais mon bonhomme de chemin comme ça, quand mê­
me plutôt seul?

Moi je ne me sens pas si seul que tu le dis enfin! D 'accord, au début il y avait les pre­
miers films et, en tout cas , Paris nous appartient, je ne l'ai fait que parce que surtout François et
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après lui Chabrol m'ont vraiment poussé à le faire . Après, c'est évident que chacun de nous , de
l 'équipe des " Cahiers " , a suivi plus ou moins bien son propre chemin, mais même avec les dis­
putes, avec les malentendus et tout, sans se perdre de vue . D'une certaine façon cette grande que­
relle entre Jean-Luc et François était encore une marque d'attention réciproque. Ce qui aurait été
très grave, c'est l'indifférence . Je ne me suis jamais senti seul, même sur un plan de production,
parce que j'ai travaillé avec assez peu de producteurs , ça a été d'abord Beauregard pour deux
films, ensuite Stéphane Tchalgadjeff pour 4 ou 5, entre temps Barbet pour Céline et Le Pont du
Nord et maintenant c'est Martine Marignac. A chaque fois, ce sont des personnes qui, même si on
ne se voit pas tout le temps , enfin , moi, j'ai toujours senti de leur part une attention aussi juste
qu'ils pouvaient, par rapport à ce qu'on essayait de faire .

C'est-à-dire que tu es avec les gens quand tu travailles avec eux?

Oui

Quand le travail estfini, plus personne ne sait où tu es, toi même, tu n 'aspas envie
de les voir, il n y a pas cette convivialité . . .

Quand le travail est fini, mais j e ne pense pas que ça soit particulier au cinéma, je
crois que ça arrive à des romanciers à la fin d'un travail assez long, effectivement c'est un moment
d'entracte. Je crois qu'il y a deux sortes de cinéastes, il y a ceux que j'envie, qui peuvent avoir ef­
fectivement des projets enchaînés les uns aux autres comme l'était François. Non, un projet détruit
finalement tous ceux que je pouvais avoir, alors en effet après il y a un moment de vide , mais qui
n'est pas toujours vécu dans l'angoisse .

Pour en revenir à cette histoire de solitude, je trouve que pour un cinéaste, c 'est
quelque chose d 'assez particulier, puisque le cinéma c 'est un art qu 'on fait avec beaucoup de
choses de la société, avec des machines, des gens, de l 'argent, du temps, et dans ton cas on dirait
que quand tufais lefilm tu es dans le monde réel, quand lefilm estfini, toi tu n 'as pas de voiture,
tu possèdes peu de choses, tu as des livres, des disques, c 'est comme si tu te mettais offde ce qui re­
présente pour les gens le social disons. Et je trouvais que pour un cinéaste, surtout comme tu n 'es
pas quelqu 'un qui, seul, a fait desfilms sur les gens seuls, au contraire, il n y a quasiment pas de
personnage seul dans aucun de tes films, tu as plutôt exorcisé ça . . . comme si tu n 'avais pas
confondu, la vie et l 'œuvre, si l 'œuvre au contraire était tout ce qu 'on accepte de ne pas vivre
dans la vie, est ce que quelquefois tu n 'as pas le sentiment que c 'est limite, que c 'est dangereux?

C'est le sentiment qu'on a, éventuellement, vers 3 heures du matin et à ce moment­


là c'est très difficile de rester endormi! Mais pendant la journée , je ne reste pas tellement chez moi,
je sors pour voir des films, et j 'aime bien prendre le métro, c'est un contact superficiel avec la ville,
mais un contact quand même parce que le métro par exemple oblige à regarder les gens, parfois
les gens veulent qu'on les regarde par leur discours, par la façon dont ils se tiennent, il y a beau­
coup de conduites excentriques dans le métro, c'est un endroit de comédie très fort, à mon avis,
personne n'est arrivé vraiment à montrer ça, un petit peu Vecchiali dans Once more.

Evidemment , c'est pas une connaissance profonde du social , je crois plus, peut­
être, aux connaissances diagonales, aux imprégnations, aux journaux aussi, parce que j 'aime bien
lire les journaux, je passe assez de temps à ça. Le monde des cinéastes, c'est un peu une société se­
crète, il y a des gens dans le monde qui ont vu tes films, ça a été important pour eux, et tu n'y pen­
ses jamais , ou quelquefois tu te dis : mais il y a une sorte d'effet Rivette après tout? Ça arrive à tous
les cinéastes de recevoir des lettres de l 'autre bout du monde , très surprenantes, et toujours très
agréables, c'est la preuve que le film a circulé, c'est en dehors de ce que les personnes en question
écrivent. ]'avais été très content de recevoir des lettres d'une jeune fille de Californie, il y avait au
dos l'empreinte de sa main rouge, donc il n'y avait pas besoin de l'ouvrir, pour savoir que c'était à
propos de Céline etjulie. Mon sentiment est que c'est plutôt une société secrète très diffusée et non
pas évidemment un gros effet massif de société, ça malheureusement pour les producteurs des
films, c'est pas le cas . Les complots ne sont pas forcément négatifs : chaque film est un petit com­
plot , ça marche ou ça ne marche pas, il y a un côté société secrète pour chaque film: Out One était
un film sur un complot positif, utopique, en fait entièrement dans l'esprit de Jean -Pierre Léaud.
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LE V E I L LE U R

D 'une certaine façon, n 'importe quel cinéaste est obsédé par l 'idée que on ne filme jamais ce
qu 'on voit . . . Ily a quelque chose qui revient souvent dans ce que tu écrivais comme critique, c 'est
que, bon dieu, le cinéma n 'est pas un langage!

Non, le cinéma n'est pas un langage . C'est vraiment la chose qui m' avait frappée
quand j'ai vu brusquement les grands films du Muet . Pas les muets tardifs les muets des années 1 5-20,
Griffith, Stiller justement, même pas Lang ou Murnau, c'était cette force du regard sur la réalité qui à
ce moment-là a été possible, comme si il y avait eu un état d'innocence , ensuite irrémédiablement
disparu. C'est le tout premier petit texte que j'avais écrit, il s'appelait Nous ne sommesplus innocents,
et c'est vraiment le sentiment très fort que plus l'histoire du cinéma se déroule, plus le temps passe,
plus on s'éloigne de l'innocence, mais là on va être obligé de citer la fameuse phrase de Kleist : "Pour
retrouver l'innocence, il faut faire justement le grand détour par le savoir, c'est la seule chance" .

Est-ce que t u a s v u un film récemment, qui t 'as donné le sentiment que ç a recom­
mençait, c 'était bien, c 'étaitfort, c 'était inattendu?

]'en ai même vu plusieurs' Un film qui m'a beaucoup frappé, c'est Peau de vache de
Patricia 'Mazu y, j'avais envie de l'aimer à cause des comédiens qui jouent dedans tout simplement.
C'est un film qui m'a touché pour des quantités de raisons, le rapport entre les gens et tout, mais
parce que dès le début , on sent qu'il va vers quelque chose , et effectivement, plus le film avance
plus il est fort, plus les rapports entre les personnages deviennent plus intenses et en même temps
plus mystérieux, et on arrive brusquement sur une scène tellement sidérante, que j'ai eu envie de
revoir le film une semaine après, pour le plaisir, et aussi pour vraiment vérifier cette scène, ce qui se
passait dedans, la façon dont elle était filmée; parce qu'elle m'avait presque donné le sentiment à la
première vision des scènes qu'on rêve; enfin ça m'arrive assez souvent de rêver que je suis en train
de voir un film, j 'ai vu des choses magnifiques, mais là je me réveillais, et je ne pouvais plus le re­
voir. Ça c'était effectivement sur l'écran, je ne l'avais pas rêvé!
C'est la dernière scène où Jean-François Stevenin part sur la route , ça c'est un premier plan dans
mon souvenir, et il y en a un deuxième où on voit Sandrine Bonnaire courir vers lui, le rattraper, es­
sayer de l'arrêter, et ils continuent à marcher tous les deux assez longtemps, en parlant , jusqu 'au
moment où ils tombent dans les bras l'un de l'autre, où ils s'embrassent, où Jean-François se tourne
vers Sandrine Bonnaire, et lui dit : "Pars avec moi, avec la petite" ; tout ça s'est fait en un seul plan, à
la main, je crois, un peu bousculé, mais sur le mouvement bon, là encore c'est très beau; la caméra
accompagne les personnages, là on passe brusquement sur un gros plan de Jean-François qui est
purement son regard sur Sandrine Bonnaire après avoir posé la question, c'est un plan assez court,
et aussitôt après le contrechamp, le gros plan de Sandrine Bonnaire, qui ne répond pas, qui le re­
garde , et puis le regard, son regard commence à bouger, elle même commence à bouger, et là on
comprend dans son mouvement, elle va à la place où était Jean-François, mais il n'est plus là, et la
caméra continue à le suivre , la caméra est derrière elle, on la suit, on fait tout un mouvement der­
rière elle, et on voit Jean-François qui s'éloigne sur la route, et qui arrête un camion qui vient vers
nous et qui monte dans le camion, tout ça à l'intérieur de ce plan, qui est parti sur le visage d'elle,
tout s'est passé, tout, la réaction de Jean-François sur le fait qu'elle ne répondait pas à sa demande,
le fait qu'il parte, tout ça s'est passé off, on l'a uniquement sur le visage de Sandrine Bonnaire, et son
mouvement, et c'est fini, il est parti, il s'en va, c'est pratiquement le dernier plan du film. Ce plan je
l'ai trouvé vraiment magique, c'était très bien filmé et en même temps il faisait passer l'émotion vrai­
ment avec une invention de la caméra . . . Je crois qu'il faut être cinéaste pour le voir, enfin, en tout
cas, de façon très simple.

Ton premierfilm s 'appelle Paris nous appartient, mais, immédiatement, il y a une


petite phrase qui dit: "Paris n 'appartient à personne " signé Charles Péguy. Qui croire?

Mais "Paris nous appartient" , c 'est aussi Péguy qui le dit un paragraphe avant , en
faisant tout un développement sur le fait que Paris n'appartient pas seulement aux personnes qui
se lèvent tôt comme le dit le proverbe, mais aussi à celles qui restent à Paris pendant l'été, et qui
préparent l 'hiver qui va venir. Ça m'avait plu de commencer par cette affirmation-négation qui
était un mouvement dialectique, pour employer un mot prétentieux, qui éventuellement, après,
serait repris par la narration, de toute façon le cinéma aussi c'est affirmation-négation, c'est dialec­
tique puisque c'est l'image , le noir alterné sur l 'écran.
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L E V E I L L E U R

Bulle Ogier, L 'alternance du jour et de la nuit. Mais Paris nous appartient, il y a le mot appartenir, qu 'est-ce
La Bande des quatre qui t 'appartient à toi?

Q u ' est-ce qui appartient à qui que ce soit' Je crois qu 'en dehors de sa propre peau,
et même est-ce qu'on es t vraiment sûr qu'elle nous appartient, qu'on en est l e propriétaire , c ' est un
sentiment qu'on n'a pas toujours .

Puisque tu as.fait desjilms, on peut dire: ton amure t 'appartient, mais même cela,
est-ce que tu le dirais?

Non, ça n ' appartient pas, c ' est au contra ire , que si il y a quelque chose dont on est
dépossédé , c ' est bien les choses qu'on a faites , c ' est des choses qui ne nous appartiennent jamais,
ni avant ni pendant ni après , je pense que c ' est la même chose pour les écrivains , même pour les
peintres qui parfois peuvent regarder leurs tableaux, longtemps et. . . j'ai l ' impression q u ' u n écri-
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LE VE I L L E U R

vain écrit un livre qu'il aimerait lire, encore que je ne crois pas que ce soit comme ça, et c'est ceux­
là qu'on ne peut pas lire en tout cas, c'est sûr. Quant aux seuls films que je ne pourrais jamais voir,
c'est ceux que j'ai tournés, parce qu'il y a toujours trop de souvenirs de tout ce qui s'est passé au­
tour de chaque moment et de même je pense que les écrivains doivent se souvenir eux aussi, mais
il y a forcément plus d'anecdotes sur un film, je crois que c'est ça quand même qui est fort dans le
cinéma, c'est qu'on rencontre beaucoup de personnes, les comédiens bien sûr, mais aussi celles
qui ne sont pas sur l'écran, mais qui sont souvent très importantes, pas seulement les personnes
avec qui on travaille pour le scénario, pour les dialogues, même les personnes de l'équipe , parfois
les plus importantes. Et ça c'est formidable , même si parfois c'est difficile, parce que c 'est pas
toujours idyllique un tournage! Et je crois que c'est impossible de revoir un film après coup, enfin
pour moi c'est impossible, et je crois que pour tous les cinéastes de revoir un film, sans brusque­
ment que tous les fantômes reviennent. . .

Est-que c 'est vraiment des fantômes? Parce qu 'en même temps les gens sont là . Tu
es content de les voir, tu les recroises.

Oui, certains que tu veux les voir, mais je veux dire Bulle de L 'Amourfou, Bulle du
Pont du nord c 'est deux rapports complètement différents , parce que les personnages étaient
différents, l'époque l'était, nos rapports même étaient différents, puisqu 'il s'était passé plusieurs
films entre les deux, je n'ai pas du tout les mêmes souvenirs . C'est pourquoi je suis très content
d'avoir fait six films avec Bulle, et j 'espère avoir l'occasion d'en faire encore d'autres parce que
c'est un accompagnement. Il y a des moments de vie privée même, le fait que quand on a tourné
L 'A mourfou Pascale était une petite fille, ensuite cette petite fille a grandi, elle est devenue une
comédienne qui a tourné avec sa mère un rôle à égalité et puis, dans la Bande des quatre, même si
on n'en parle jamais, ce n'est pas le sujet du film, mais la présence de Pascale était très forte, entre
Bulle et moi, enfin, c'était impossible de faire cette histoire sans penser à elle tout le temps.

Il y a quelque chose dans Suréna de Corneille qui m 'a fait penser à tes films, c 'est
que la curiosité au sens strict du terme y joue un très grand rôle, il y a des scènes entières sur: "dis
moi qui c 'est, si ce n 'est pas lui, c 'est lui ", on trouve par déduction qui aime qui, et pour moi c 'est
une des grandes constantes de tesfilms. C'est tout bêtement la curiosité qui est à la fois un "vilain
dé/aut "et quelque chose qui fait que tout devient intéressant . . . Il me semble que pour toi c 'est la
reine des vertus.

Absolument, le jour où la curiosité disparaît il n'y a plus qu'à se coucher et attendre


le dernier soupir, je crois que la curiosité c'est la seule chose qui fait bouger, qui fait agir, dans tous
les domaines.

Oui, bien sûr, mais moi je pensais à la curiosité au sens plus simple du terme,
qu 'est-ce qu 'il y a juste après? Quelle est la chose qu 'on cache, mais juste une chose, pas les secrets
de l'univers, pas lesfins dernières?

Ça, c'est d'une part le sentiment qu'évidemment on voudrait faire éprouver par le
spectateur, pour qu'il ait envie de rester, qu'il attende au moins la scène d'après. Peut-être que cel­
le-là ne l'intéresse pas beaucoup , mais qu'il a envie de voir la suivante.

Quand tu lis les trois grands examens que Corneille a écritpour servir de préface à
son édition, avant d'écrire les dernières pièces, c 'est entièrement ce genre de question qu 'il se po­
se, uniquement sur la structure, comment maintenir l 'intérêt.

Bien sûr, oui oui, mais ça c'est l'obligation de mettre le temps de son côté . . Tous
les raconteurs d'histoire toujours font ça.

Et donc leproblème c 'est que la curiosité entraîne comme on dit enfootball, jouer
les prolongations, c 'est-à-dire mettre le temps de son côté, gagner du temps, mais en gagner gout­
te à goutte, pas trop parce qu 'après on ne saurait pas quoi en faire, et quelquefois on a le senti­
ment que tu es une sorte de Schéhérazadefinalement, même si on estparti de Corneille.
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Ça je pense que Schéhérazade est la patronne de toutes les personnes qui essaient de jouer avec la
fiction.

je prends n 'importe quel cinéaste où il y a plus que de la curiosité, il y a la morale


chez Fritz Lang!

Je l'ai rencontré une fois pour un entretien qui s'était passé par Lotte Eisner inter­
posée puisque je ne parlais pas assez bien l'anglais, et ça c'est la chose qui m'avait frappé : il ne
parlait que de morale, par rapport aux spectateurs quand même . . .

Et est-ce que pour toi la morale ce n 'est pas de procurer aux spectateurs du temps
supplémentaire, du temps defiction qu 'il y ait toujours quelque chose après, mais qui ne fasse de
tort à personne, c 'est-à-dire que ce ne soitpas une curiosité qui soit du voyeurisme, du viol, l 'infâ­
me petit secretfreudien, est-ce que c 'estpas dans ces eaux-là, que toi, tu as mis la morale? La mo­
rale de Schéhérazade . . . Gagner du temps sans le voler à personne, voilà.

Oui, et en même temps, en ayant en effet une pudeur, peut-être excessive, par rap­
port aux secrets même des personnes, enfin je veux dire des personnages qui peut-être finale­
ment auraient envie d'être, sinon violés, tout au moins poussés davantage dans certains de leurs
retranchements.

Oui, parce que le personnage dit "et moi, et moi '', et puis ! 'acteur à travers lui, et
toi tu dis non, l'histoire, le mouvement global, c 'est un peu: l 'histoire ou le personnage, ilfaudrait
choisir, et le personnage . . . veut quelque chose.

Mais le personnage pour moi est toujours lié au comédien, et je ne veux pas violer
le comédien. Puisque le rapport ne passe pas par une fiction écrite à l'avance mais par une fiction
qui se fait en même temps que le tournage, il y a un contrat avec le comédien, et certaines choses
je me sens incapable de les aborder, parce que ce serait une violence . . . donc on laisse deviner, ou
c'est à lui peut-être de laisser entrevoir un secret qui ne sera pas en tout cas étalé.

Très souvent on t 'entend dire que les films que tu vois sont trop courts, qu 'ils se­
raient mieux plus longs, toi-même tu asfait souvent desfilms très longs, donc (u tiens à cette idée
de longueur.

J'ai l'impression que il y avait effectivement dans les films d'il y a 50 ans un art de la
brièveté, de la condensation des événements, des idées, qui est vertigineux, et qui a été complète­
ment perdu , parce que il y a des époques pour toutes les choses , enfin, parce qu'on est passé ,
comme le dirait Deleuze, dans une époque où le temps n'a plus la même vitesse, ni la même den­
sité, ni le même tempo, comme si il y avait un avant et un après Antonioni, qui a été effectivement
un des cinéastes qui ont marqué cet infléchissement de la durée, et que maintenant dans les
durées des fictions contemporaines, il faut 3 heures là où il en fallait une, il y a 50 ans.

Trois heures pour raconter la même histoire ou pour réussir à raconter une histoire ?

Pas la même histoire, j 'ai revu par exemple Jt Happened One Night New York-Mia­
mi de Capra , j'ai été absolument sidéré par sa modernité d'abord, parce que d'une certaine façon
c'est le premier Road Movie. C'est, en effet un voyage de Miami à New York avec des incidents ,
tantôt c'est l'autocar, tantôt c'est le stop, les moyens de fortune, avec une progression dans les sen­
timents des personnages et avec des gigantesques parenthèses où l'histoire s'arrête, il y a la chan­
son du jeune homme au trapèze volant dont on a tous les couplets, et à chaque fois, bien sûr, Capra
trouve des nouvelles idées pour chaque couplet, ça devient de plus en plus étonnant . . . et ça dure
une heure et demi . Maintenant, je suis persuadé que pour aller de Miami à New York, dans un film
qui aurait la même densité de situation et de personnages, un cinéaste sérieux, ne pourrait pas fai­
re ça en moins de trois heures, donc les moyens de locomotion ils sont plus lents qu'il y a 50 ans .

Et tu crois que ce qui fait la différence, c 'est que quelqu 'un comme Capra, quand
il commençait à raconter son histoire, il savait en gros comment elle allaitfinir, et que à partir de
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LE VEI L L E U R

là, ilpouvait inventer beaucoup entre temps, soit dans la digression, soit dans l'ellipse, alors qu 'à
partir d 'un certain moment et pour des raisons de fond, de morale, il a été impossible pour un
cinéaste moderne post antonionnien comme toi, de dire, je commence mon film etje sais qu 'ilfi­
nira soit bien soit mal. . Oui, c'est le dénouement qui est devenu impossible .
.

. . . donc s 'il n '.Y a plus de dénouement, tous les temps deviennent cycliques ou circulaires, et ça
peut durer une heure, deux heures, dix heures, donc ça serait moins l 'histoire qui serait un pro­
blème que le fait qu 'on a perdu et peut-être que seuls les américains l 'ontjamais eue, la bonne
conscience du mot Fin.

Faut dire que maintenant , les journalistes n'épousent plus des milliardaires aussi
facilement qu'à l'époque de Clark Gable et de Claudette Colbert .

Et quand tu es revenu sur terre avec le Le Pont du Nord, c 'était avec le sentiment de
"on arrête de tenter le diable ou de se prendre pour Prométhée et on revient au monde tel qu 'il
est ". On se souvient quand même que les années 80, au début elles ont été rugissantes, euphori­
ques, ludiques, enfin, on sent qu 'il y a quelque chose pas de volontariste, mais de très volontaire
dans la démarche qui fait Le Pont du Nord, et qui te permet deprendre à ton tour les années 80.

C'est plutôt que après Out one ça me semblait impossible de parler, dans les films,
du monde contemporain, du monde qu'on appelle réel, et j'ai eu une envie très forte de fictions,
plus ou moins fantastiques, que je n'ai pas toutes filmées, puisque d'abord le premier projet , entre
Out et Céline et Julie, c'était Phœnix, qu'on voulait faire avec Jeanne Moreau , Juliet Berto et Mi­
chael Lonsdale, une histoire autour du mythe de Sarah Bernard mélangé un peu au Fantôme de
l 'opéra de Gaston Leroux . . .

Et ce qui a suivi, c'était effectivement des histoires différentes les unes des autres,
mais qui avaient en commun de refuser totalement la France des années 70. Après des films plus
ou moins réussis, surtout les deux derniers Noroît et Merry Go Round, sont des films malheureux,
j 'ai été trouver Bulle en lui disant , il faut absolument qu'on essaie de refaire un film ensemble.
L'idée c'était qu'on n'était pas sorti du tout de ces moments malheureux, et au contraire que ça al­
lait durer, et puis qu'il fallait qu'on en prenne notre parti, mais que pour faire ça, il fallait qu'on
mette tout dans une fiction, et c'est pourquoi, dans Le Pont du Nord, il y a cette insistance qui peu
paraître anecdotique 1 0 ans après, sur les affaires de la fin des années 70, que ce soit !'Affaire de
Broglie, le suicide de Boulin, ou l'assassinat de Mesrine, comme symptômes. Et le film a été tourné
pas du tout dans l'euphorie du début des années 80, mais au contraire , avec l'impression d'être
dans un pays, la France, bloqué. Alors peut-être que la mort de Bulle, c'était quand même, très in­
consciemment de ma part, ce à quoi faisait allusion Renoir, qu'il faut tuer un innocent pour que les
choses puissent continuer . . .

Quand tu es en train defaire lefilm, d 'un côté tu en es le Maître d'œuvre, mais tu


es aussi le premier spectateur de quelque chose qui naît en même temps, et c 'est quand même toi
qui lefais naître.

Le sentiment que j'ai à ce moment-là, c'est que je suis Maître de rien du tout, c'est
que il y a vraiment toute une machine qui a été mise en route , mais que d'autre part il y a une logi­
que du film, qui est la plus forte, et qui faut essayer de respecter, et qu'on ne fait pas ce qu'on veut!
C'est bien d'ailleurs quand on a ce sentiment-là, parce que on se sent guidé, on se dit bon, ça ne
marche pas, ça fonctionne à l'instinct. On essaie parfois avec Pascal Bonitzer, de discuter de ça de
façon plus rationnelle , mais pas trop, parce que si on est plusieurs à avoir ce sentiment que vrai­
ment , çà ce n'est pas possible, il faut s'y tenir. Un film en effet, n'a aucune chance d'exister vrai­
ment que si on a assez vite le sentiment qu'il y a des choses qui sont possibles et d'autres qui ne le
sont pas . Il y a un stade à partir duquel le film existe, comme si il y avait un objet, on peut dire une
statue , mais ça peut être simplement un vase un peu ébréché qui est enfoui, où on a par hasard dé­
terré un petit bout , et après il faut essayer de le sortir sans trop l'abîmer; ça aide à avancer. Je lisais
une édition d'Edgar Poe où l'annotateur remarque que Baudelaire, dans des textes comme Genè­
se d 'un poème, traduit toujours par plan, ce que Edgar Poe écrit plot, mais effectivement il y a un
élément dynamique dans plot que plan ne donne pas, il y a déjà le sujet dans plot , c'est un mot,
que j'aimerais bien pouvoir naturaliser français, pour dire quel est le sentiment. . .
40

LE VE I L L E U R

J a c q u e s R i vette , Pascale je me demande si plot et complot ne son t pas ézymologiquement reliés . J Mais enfin il y a toujours
.

O g i e r , Le Pont du Nord donc quelque chose depréexistant, soit de maléfique, qui serait le complot, soit de bénéfique, qui
est lefilm. Mais est-ce quepar exemple les choses sontpossibles ou impossibles aussi au n iveau des
choix techniques, par exemple, on ne fera jamais de champ contrechamp parce que c 'est lefilm
qui le refuse totalement.

Bien sür1 et chaque film a ses propres règles techniques. Un cinéaste comme Oshi­
1 L'entretien <le Serge Daney ma a poussé très loin le fait que chaque film a vraiment sa technique, certains très découpés, d'au­
avec Jacques Rivette fait partie
tres c'est des plans séquence . C'est vrai, ça dépend d'abord des moyens matériels, sur un film
à l ' origine du film
Jacques Rivette, le Veilleur de comme le Le Pont du Nord on est pauvre, on n'a pas de machinistes , on est avec la petite caméra
Claire Denis en e<>llaborntion 16mm, donc on fait des plans fixes, parfois Willie prend la caméra à la main pour certains plans
avec Serge Daney, prod u i t par
qu'on ne peut pas faire autrement et tout . . .
Janine Bazin, André S . Labarthe
et Alain Plagne dans la série
Cinéma de notre temps, 1 990. O n se réchauffe à coup de Valéry. Mais entre l 'A rt et la Sainteté, o n peut peut-être hésiter ? Non ?1
L E T E N T A Z I O N I D 1 M A Z Z A R I N O

SERGIO TOFFETTI

l NTERV I STA CON P ASCA L B ON I TZER

ln principio era la critica. Che rapporta aveva con ifilm diJacques Rivette in quel periodo?

C'è ben poco da dire sui mio rapporta critico con Rivette. Ho scritto una recensione
di Céline et Julie vont en bateau nel periodo in cui i "Cahiers" erano ancora una rivista piuttosto
militante , e credo che sia uno dei rari pezzi, se non l 'unico, che mi sia mai stato respinto . Il film mi
aveva interessato molto, era qualche anno dopo l'uscita dell'Anti Edipo di Deleuze e Guattari, e fa­
cevo un accostamento tra il percorso delle due ragazze e ciè> che Lacan dice della schizofrenia.
Credo che non fosse piaciuto, perché all'epoca Deleuze, considerato troppo anarchico, non era
ancora troppo ben visto dai "Cahiers " , la cui linea politica era ancora impregnata di maoismo . Si
stava uscendo dall'ultra-goscismo, ma non se ne era ancora del tutto fuori. Per contro, avevo avu­
to una reazione di esasperazione, di cui oggi comunque mi pento, davanti alla versione di tredici
ore di Out One. Non ero dunque particolarmente "rivettiano" , anche se ero rimasto assai colpito,
ben prima di entrare ai "Cahiers " , da Paris nous appartient. Una storia magnifica. Ciè> che m'inte­
ressava enormemente era l 'aspetto di complotto che trascina i personaggi nella storia , era l 'uso
fantastico di Parigi, una cosa che mi impressionava moltissimo, ed era quel taglio da film polizie­
sco e fantastico, il tutto con uno sguardo davvero particolare.

Rivette, per i suoi aspetti "avanguardistici ", si è sempre collocato un po ' a parte ri­
spetto agli a/tri cineasti della Nouvelle Vague.

Si, effettivamente, c'è una frase in Paris nous appartient in cui il regista dice: "Tutto
avviene su un altro piano " . E questo mi aveva colpito , corne se la frase avesse un significato in rap­
porta a tutto il film e a tutto il percorso di Rivette. Mi interessa molto, il fatto che le cose avvengano
su un certo piano, ma che , nello stesso tempo, ci sia un altro livello dove acquistano un senso dif­
ferente. In Rohmer, che è al tempo stesso vicino e lontano da Rivette, anche se i suoi film passano
per essere puramente psicologici e morali, si trova spesso un aspetto del genere, c'è sempre un al­
tro piano della storia che non è percettibile direttamente. Ed effettivamente, Rivette è colui che ha
spinto più lontano la libertà di questo modo di procedere , cioè non ha cercato corne gli altri cinea­
sti della Nouvelle Vague, ad eccezione di Godard, non dico di rientrare nei ranghi, ma almeno, per
cosi dire, di fare dei film un po' più conformi agli standard commerciali. Egli ha sempre cercato di
continuare il suo cammino nel modo più libero .

Lei non crede che si passa trovare una corrispondenza singolare trajean Rouch e
Rivette. Uno fa documentari, l 'altro film di finzione, e tuttavia sempre finzioni che sono dei do­
cumentari sulla costruzione di unafinzione.

Un rapporta in effetti c'è. Intanto per l'impiego di elementi non finzionali per alimen­
tare una finzione o un mito. E poi soprattutto per la grande libertà istituzionale che evidentemente
implica anch'essa limiti e problemi, e c'è anche, ovviamente, l'aspetto di marginalità di Jean Rouch.

ln realtà, volevo spingermi un po 'più in là. Rouch dice sempre che bisognafilma­
re case che han no in sé la propria messa in scena. Mentre in Rivette ritorna, per l 'appunto, il tema
del teatro, dunque di qualche casa che ha in sé la propria messa in scena.

Si, possiamo dire che in Rouch ciô che prende il posto del teatro sono i rituali, i riti,
insomma tutto ciè> che implica il suo interesse per l'Africa, diciamo che l'Africa è per Rouch ciè> che
il teatro è per Rivette.

Quali sono gli elementi essenziali a suo avviso nel cinema di Rivette?

Ciè> che mi interessa di più sono le cose che hanno attinenza con il fantastico con­
temporaneo, insomma, Deleuze accosta Rivette a Nerval. Non so se sia un'analogia del tutto giusti­
ficata, credo che anzi a Rivette dispiaccia persino un po', ma in ogni caso, per me, ciè> che costituisce
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LE T E N T A Z I O N I D I M A Z Z A R I N O

il fascino dei suoi film è il facto che sia il cineasta francese che riesce a creare un fantastico assoluta­
mente originale, restando al tempo stesso assolutamente moderno per quanto riguarda la scrittura.

Anche quando faceva il critico, Rivette pensava sempre che il cinema dovesse en­
trare in contatto con aitre cose, che bisognassefarlo entrare in risonanza con altri piani di signi­
ficazione.

E' ciè> che Bazin chiamava il cinema impuro, il cinema che entra in comunicazione
col teatro e con aitre cose; nell'ultimo film che abbiamo fatto si tratta della pittura. Effettivamente,
Jacques ha bisogno di far dialogare il cinema, in modo polifonico e carnevalesco, con un altro tipo
di rappresentazione che sia, in qualche modo, contraddittoria. Tra i cineasti della Nouvelle Vague ,
Truffaut era forse il solo a non avere questa concezione del cinema impuro, o forse , faceva sem­
plicemente entrare in risonanza i suoi film con una concezione classica della messa in scena, era
quello il suo punto di risonanza. Comunque , lui era quello in cui era più spiccato l 'aspetto del
"classicismo" francese. Truffaut si situa nella tradizione dell'autobiografia romanzata, visto che le
avventure di Antoine Doinel , che gli sono servite da guida , anche se ha fatto altri film, restano la
cotonna vertebrale della sua opera. Detto ciè>, credo tuttavia ci sia stato un cambiamento d'indiriz­
zo nell'itinerario di Truffaut, che avrebbe potuto scegliere una strada assai più avanguardistica in
linea col suo film più audace che è Tirez sur lepianiste, se l'insuccesso commerciale non l'avesse
condotto a perseguire una struttura più classica . Mi sembra insomma, che se il film avesse avuto
grande successo, il suo percorso avrebbe potuto essere un po' differente .

Questo rapporta complesso ed ambiguo con il successo, è comune a quasi tutti i ci­
neasti della Nouvelle vague. Le Signe du Lion di Rohmer, ad esempio, è anche un film su/le rela­
zioni tra scacco e riuscita.

Non bisogna dimenticare che Le Signe du Lion è il solo film di Rohmer con i dialo­
ghi di Gégauff, e credo che il modello fosse per l'appunto Gégauff che ha avuto una grandissima
influenza sulla maggior parte dei cineasti della Nouvelle Vague, Rivette e Truffaut esclusi. E' ov­
vio, ad esempio, che ha enormemente influenzato Chabrol, visto che ha scritto per lui moite sce­
neggiature . Penso che abbia segnato in qualche modo anche Godard e, per quanto riguarda il
dandismo, ha marcato in modo evidente anche Rohmer, visto che ci sono personaggi alla Gégauff
in tutti i suoi film. Per Rivette questo perè> non vale.

Lei ha cominciato a lavorare corne sceneggiatore di Rivette in L 'amour par terre,


net 1983. E' stata un'esperienza divertente, ma anche inquietante, perché il modo di lavorare era
completamente diverso. Si trattava di una storia del tutto aleatoria, con un sacco di cose di cui ave­
vamo preso nota progressivamente nel corso di conversazioni estremamente libere che si teneva­
no a casa mia o in qualche bar con Jacques. C'era anche Marilù Parolini, che era la terza, perché
con Jacques per scrivere una sceneggiatura bisogna essere in tre, è il numero giusto. Dunque, un
celebre autore invita a casa sua due ragazze perché recitino in una pièce che ha scritto per un'uni­
ca rappresentazione che è al tempo stesso una sorta di funzione segreta per una donna.

Questa la struttura di partenza che Jacques aveva dato, e su cui si innestava, questa
era la mia impressione, più o meno qualunque cosa. Abbiamo riso un sacco durante le conversa­
zioni preliminari, durate mesi e mesi. E poi era tutto cos! irreale, in fondo , non sapevo nemmeno
se il film si sarebbe fatto davvero. Alla fine, riunite tutte le componenti, quando Jane Birkin, un po'
suo malgrado , aveva accettato di fare il film, mi sono trovato a <lover organizzare attraverso la
scrittura tutti quegli elementi completamente disparati e deliranti che avevamo addizionato man
mano, ed ho avuto qualche momento di panico. Dovevo scrivere, all'interno del film, una specie
di commedia alla Guitry, senza saper da che parte cominciare. Era un po' angosciante la libertà
estrema che Jacques si era data, infine tutti accettavano di fare il film, attori, produttore , sceneg­
giatore , tutta la troupe, senza sapere che film si sarebbe fatto. Questo è un po' sempre il modo di
lavorare di Rivette. Si arriva sui luogo delle riprese praticamente nudi, insomma c'è un ambiente,
una troupe , degli attori, un vago piano di lavorazione . Bisogna dire che la presenza di Suzanne
Schiffman, che era all'epoca prima assistente di Jacques, è stata utilissima per introdurre una par­
venza di razionalità. Io non ero ancora abituato a Jacques e dunque avevo scarsissimo controllo
sulla situazione. Quel che dovevo fare era riempire le scene che avevamo, cercare di far si che esi-
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LE T E N T A Z I O N I D I M A Z Z A R I N O

stessero, che ci fossero non solo dei dialoghi, delle parole, ma che facessero comunque avanzare
in qualche modo un intrigo estremamente nebuloso. Insomma , non so che impressione possa
averle fatto il film.

ln ejfetti, non si puà certo dire che si tratti di unfilm in cui la razionalità gioca un
ruolo di primo piano. Foi c 'è sempre quel gioco di specchi . . .

Ah, si, quel che va detto è che avevamo comunque dei punti d'appoggio, solo che
erano straordinariamente disparati. Dunque, il gioco di specchi, le premonizioni, le allucinazioni
che le ragazze provano a contatto con Dussolier che è una specie di mago prestigiatore, derivano
da un racconto di Schnitzler, La predizione, in cui un giovane, a contatto di un mago , aveva una
visione di se stesso situata in un futuro imprecisato e si vedeva morto, con una vecchia cicatrice al­
la tempia, vegliato da delle donne, e dunque cercava di evitare tutto ciè> che poteva avvicinarlo a
quella visione funesta . Allora avevamo preso la visione premonitoria che appariva non più al ma­
go, ma al soggetto, ed è un po' l'equivalente delle visioni che ci sono in Céline etjulie, l 'aspetto
che più mi aveva colpito ne! film. Adesso non so più se funziona oppure no. E' una cosa estrema­
mente arbitraria.

Quai è il modo di lavorare di Rivette sui set in rapporta alla sceneggiatura?

E' molto semplice. Ci si dà un po' di anticipa, vale a dire che io scrivo l'inizio un po'
prima delle riprese in modo che ci sia qualche spunto per cominciare il film, e poi scrivo il seguito
sui set secondo il piano di lavorazione . Tra una ripresa e l 'altra Io faccio leggere a Jacques che a
volte corregge, a volte no, se non gli piace Io riscrivo e se gli sta bene Io si passa man mano ai com­
medianti. Il grosso problema è che c'è un controllo assai relativo delle cose, particolarmente della
durata del film. Jacques adora dilungarsi, ma è evidente che ciè> deriva anche da questo modo di
lavorare . Il controllo della durata è molto più difficile che quando si scrive prima, perché se ci so­
no lungaggini si puè> tagliare o condensare . Ovviamente questo con Jacques non si fa mai.

Fer quale motiva scrivere direttamente sut set?

Il motivo dichiarato, ed è un motivo molto valido sotto certi aspetti, è che tutti si
trovano in stato d'urgenza, di pericolo, e ciè> dà una freschezza e una nervosità tutte particolari agli
avvenimenti, alla recitazione, alla messa in scena. Si è obbligati a inventare in diretta il modo in cui
le cose capitano, da ciè> deriva il clima speciale che c'è nei film di Jacques.

Questo vale ancheper lo sviluppo delfilm, ossia sapevate quale sarebbe stata lafine o no?

In linea di massima la fine era nota. Quel che capita sempre perè>, è che a due terzi
delle riprese ci si accorge che non si riuscirà a rispettare la fine più o meno prevista, che in genera­
le è sempre piuttosto complicata, perché nel modo in cui si fanno i film di Jacques c'è una sorta di
impossibilità di concludere . Allora Suzanne Schiffman ha avuto un ruolo determinante ne! dire a
Jacques, negli ultimi giorni di lavorazione, che era impossibile riuscire a fare tutto quel che voleva,
che bisognava tagliare , semplificare, altrimenti non si sarebbe terminato il film, non ci sarebbe sta­
ta nessuna fine. Cosi, gli ultimi due giorni, abbiamo avuto una specie di briefing con Suzanne per
poter girare la scena finale . E' stato molto duro, devo dire. La fine dei film di Jacques . . . Non mi vie­
ne in mente nessun film di Jacques in cui la fine non abbia un po' un carattere di disastro, non di
provvisorio, proprio di caduta, di tristezza. Ho visto riprese che filavano dritte con Jacques, e aitre
no, ma quando si gira c'è una specie di febbre, una specie di angoscia, di fascinazione che si impa­
dronisce della gente e, alla fine, negli ultimi due o tre giorni, tutto crolla, si ha corne un'impressio­
ne di inconcludenza. Jacques s'innervosisce, ti cade addosso un senso di decomposizione, è mol­
to duro .

Gli attori lavorano su una sceneggiatura data? Faro/a per parola? Dunque Rivet­
te bara un po ' quando parla dei suoifilm?

No, non credo proprio. Semplicemente, ne! periodo in cui sono arrivato io, aveva de­
ciso di smetterla con l'improvvisazione, col lasciar ricamare liberamente gli attori su un canovaccio.
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L E T E N T A Z I O N I D I M A Z Z A R I N O

Pascal Bonitzer, Suzanne Sch iffm a n , L 'A mour par terre, col l . ' C a h i e rs d u c i néma"
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L E T E N T A Z I O N I D I M A Z Z A R I N O

Gli attori dovevano imparare e dire un testo. Solo che questo testo, era effettivamente fatto in una re­
lativa improvvisazione, visto che bisognava inventare la scena praticamente all'ultimo momento.

E' un modo di lavorare sulla sceneggiatura che deve sentire molto l 'influenza di
tutto quel che succede durante le riprese. Anche dei sentimenti, delle emozioni occasionali, se a
un certo punto capita qualcosa tre lei e un attore, il giorno dopa il ruolo dell 'attore nella sceneg­
giatura risulterà forzatamente un po ' diverso?

Assolutamente! Quel che capita sui set influisce in qualche modo sullo sviluppo
del film, sulle scene , sui dialoghi . . .

Cioè lei si vendica degli attori, qualche volta le scappa u n tira mancino . . .

No, perà, ad ogni buon conto, i sentimenti esistono, e poi anche gli attori reagisco­
no, e quando si propone lo'ro qualcosa all'ultimo momento, siccome anch'essi corne tutti gli altri na­
vigano a vista, possono ben dire: "non capisco", "non sono capace di farlo'', "questi dialoghi mi sem­
brano ridicoli'' , insomma, succede . E in quel caso Io sceneggiatore-dialoghista è molto solo, perché
Jacques sta Il, ridacchia, dice: "Pascal, la tua scena è da buttare, non la vogliono" . Anche quando lui
!'ha accettata, se gli attori decidono che non gli sta bene, devo difendere la mia scena tutto da solo .

Qual è il metodo di lavoro di Rivette? Cira motte volte la stessa scena?

Quando decide di fare una certa cosa, se ci sono problemi, non esita a fare moite ri­
prese piuttosto di cambiare idea. All'inizio soprattutto non gli importa di accumulare ritardo, a ri­
schio di accorgersi verso la fine della lavorazione che il ritardo è difficile da colmare , e che non
riuscirà ad ottenere uno sforamento.

Dopa, lei si occupa anche del montaggio, che casa capita al montaggio?

Al montaggio ci vado il meno possibile, perché , tanto per cominciare , a Jacques


non interessa troppo il parere degli altri. Non cerca mai di fare dei tagli, cioè tutto cià che è girato
è montato, puà giocare all'interno di cià che viene montato, puà cambiare il posto di qualche in­
quadratura, ma tutto cià che è girato è montato . ln moiti film di Jacques ci sono case che mi chie­
do davvero perché le ha tenute . Per ogni film è la stessa storia , cerchiamo di dirgli che sarebbe
molto meglio se si tagliasse un quarto d'ora che ci sembra troppo lungo, stessa cosa per !'ultimo
film. Jacques non taglia mai nulla.

Comunque è lui che segue il montaggio?

Certamente, controlla tutto, monta il film man mano. In questi casi, ci propone una
visione del film in una certa fase, fa qualche piccolo taglio, stringe un po' per il ritmo, ma non è una
fase per me di grande interesse. Quando lavoro con Téchiné, ad esempio, ci possono essere tagli
giganteschi; André fa un lavoro enorme al montaggio, sperimenta un sacco di cose, corne tagliare
certe sequenze o certe scene, spostarle . Allora ci sono davvero fasi del film molto differenti l'una
dall'altra. Ma non è certo il caso di Rivette. Dunque, tutto si gioca sui set, cioè sui set ci sono tre vo­
lontà che si incrociano, Io sceneggiatore, gli attori, il regista . Forse per questo al montaggio ci sono
cosl pochi interventi, non si sa più qual'è la volontà che si incrocia, a parte quella del regista . . . Jac­
ques ha l'abitudine di montare con Nicole Lubtchansky, salvo La bande des quatre montato con
Catherine Quesemand, che ha fatto del resto un ottimo lavoro . Nicole conosce Jacques assai bene,
ed è piuttosto docile rispeuo a quel che vuole, anche se qualche volta è esasperante. Dunque, non
credo che ci siano conflitti tra Jacques e la sua montatrice, sono cose che capitano nei film, le mon­
tatrici talvolta vogliono avere la loro parte di controllo sui materiali e litigano col regista .

La seconda sceneggiatura è stata per Hurlevent.

Hurlevent, un anno dopo, è stata un'esperienza piuttosto sofferta. Jacques aveva vi­
sto le illustrazioni di Cime tempestose fatte da Balthus. So che aveva in mente due progetti, uno per
Miou-Miou che non ha funzionato, e d'un tratto si è deciso per un adattamento, a modo suo, di Ci-
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LE T E N T A Z I O N I D I M A Z Z A R I N O

me tempestose. Voleva fare nel sud della Francia un film solare, che sarebbe stato una trasposizione
francese, negli anni Venti o Trenta, all'epoca dunque dei disegni di Balthus, di Cime tempestose. .
L'errore, seconda me, è dipeso dal fatto che in un caso del genere il metodo abituale non era tanto
produttivo. Visto che c'era una storia assai rigorosa, credo si dovesse scrivere la sceneggiatura in
anticipa. E poi le condizioni di lavorazione sono state piuttosto difficili, perché Jacques alla fine ha
girato con Renato Berta e non con Willy Lubtchansky, il suo operatore abituale . Berta è un grande
operatore, ma diciamo che con lui le cose hanno funzionato solo a metà; poi non c'era il tecnico del
suono che Jacques voleva, l'ambientazione era molto bella, ma molto difficile. E poi, ha scelto mol­
to tardi i due giovani attori, Lucas Belvaux et Fabienne Babe, e credo abbia continuato ad avere dei
dubbi fino alla fine . Per cui erano tutti nervosi, anche Suzanne Schiffman era in totale disaccordo
con tutte le scelte di Jacques. Il clima sui set era molto difficile e io, corne dialoghista, ho avuto vari
problemi a padroneggiare gli aspetti di "storia contadina" . Io sono comunque un parigino, e ho
l'impressione che anche Jacques non fosse davvero nel suo elemento, infatti l'associazione che si fa
naturalmente è quella tra Jacques e Parigi. La lavorazione tuttavia, anche se è stata dura, ha avuto
momenti di grande fascina. Il film è stato girato in due ambienti, e nel primo, in Ardèche, pur con
tutte le difficoltà, mi ricordo di essermi molto divertito. L'ultima parte, girata vicino a Sommière, nel­
la bellissima scenografia del castello, era già molto più dura, avevamo un ritardo enorme, che non si
è mai riusciti davvero a colmare . I rapporti s'invelenivano giorno per giorno ed abbiamo finito in
modo molto laborioso. Inoltre, c'era una specie di microbo, avevamo tutti l'influenza, era ottobre e
mi ricordo che alla fine del film tutti andavano alla ricerca di fazzoletti di carta, ormai impossibili da
trovare sui set.Quell'atmosfera di disastro di cui parlavo all'inizio, si era molto accentuata in occasio­
ne di Hurlevent. Siamo rientrati in treno. Insomma, è aneddotico, ma comunque fa parte anche que­
sto del clima dei film di Jacques. Il viaggio in TGV è durato dodici ore, c'era sciopero, a Liane siamo
stati dirottati, insomma mi ricordo, con tutti i bagagli, quel ritorno è stato davvero spaventoso.

Ne!film si vede tutto quel che è successo?

Non so dirlo esattamente. Pensa che il film sia in gran parte fallito, per varie ragioni:
gli attori scelti non erano necessariamente i più adatti, anche sui dialoghi il lavoro avrebbe potuto
essere migliore, malgrado tutto per6, da! film spira un clima di malinconia tutto particolare . L'ho ri­
visto recentemente e !'ho trovato molto triste ma molto bello, pur con tutti i difetti che ci trovo.

Si puà dire che Rivette cerca di mettere nei film il realismo possibile, cioè le case
che capitano sui set.

Si, effettivamente . E' quel suo modo di utilizzare gli elementi dell'ambiente, di sce­
nografie un po' fantastiche ma che tuttavia esistono, che hanno una realtà. Jacques è molto sensi­
bile ai luoghi, agli attori, e per i suoi film è qualcosa di straordinariamente importante trovare atto­
ri che gli piacciano e con cui ci sia comunicazione . Bisogna che anche il luogo abbia qualcosa di
magico. C'è sempre un elemento magico nei film di Jacques. Questo rapporta con il reale è un
rapporta magico. E credo che quando la magia funziona, sullo schermo si veda.

Invece non ha un gran rapporlo con la macchina da presa.

Niente affatto , resta molto importante il rapporta di complicità che ha con Lubt­
chansky. Jacques ha l 'impressione che Lubtchansky traduca i suoi desideri, cioè egli ha bisogno
comunque di avere grande fiducia nell'inquadratura e nella luce. La luce è molto importante nei
suoi film, ha un ruolo fondamentale . La luce solare, ad esempio, per i due film fatti ne! sud: Hurle­
vente !'ultimo, La belle noiseuse. Per altro due film che parlano in qualche modo della pittura, poi­
ché Hurleventera il romanzo di Emily Brontë ma anche i dipinti di Balthus, e La belle noiseuse. è la
novella di Balzac ma anche la pittura di Bernard Dufour.

lnsomma, ci sono sempre degli elementifisici in atto, si tratta, forse, del massimo
di realismo possibile. Neifilm in rapporta col teatro contano molto la voce e la presenza degli at­
tori, altrimenti è lafisicità della luce.

Sl, anche il rapporta col teatro è qualcosa di molto fisico. E' difficile a dirsi, perché
c'è qualcosa di molto fisico e al tempo stesso di estremamente aereo, sublimato. Anche la luce è
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LE T E N T A ZI O NI DI M A Z Z A RI N O

qualcosa di molto carnale e al tempo stesso molto etereo, e il teatro ha qualcosa di estremamente
materiale, perché il legno del palcoscenico . . . ma al tempo stesso è qualcosa che astrattizza enor­
memente la finzione .

Come ben dimostra La bande des quatre .

Del resto non è il primo film di Rivette sui teatro. L 'amourfou ruotava già attorno a
una messa in scena diAndromaca. Questa volta il film ruota attorno a una commedia di Marivaux.
0 meglio, diciamo che la commedia di Marivaux è il contrappunto della finzione che era assoluta­
mente un'altra cosa, perché c'era, corne sempre, una specie di complotto, di segreto, un'attrice le­
gata a un delinquente in fuga che deteneva delle carte che un poliziotto cercava . Eravamo dunque
partiti al tempo stesso da un lavoro sui teatro, una compagnia teatrale, Marivaux, e d'altra parte da
un processo reale che aveva molto colpito Jacques, forse perché c'era coinvolta un'attrice. Si tratta
di un criminale contro cui la polizia si è molto accanita perché è uno che ha scritto dei libri, Knobel
Spiess, e la sua arnica è Marie Rivière , l'attrice di Rohmer che recita ad esempio in Le Rayon vert.
C'è stato un processo, e sembra che le prove raccolte contro di lui fossero molto dubbie . Jacques
era stato molto colpito sia dal processo, sia dal ruolo ricoperto, un po' suo malgrado, da Marie Ri­
vière che testimoniava a favore di Knobel Spiess, e gli era venuta l'idea di raccontare la storia di un
ragazzo preso nella trappola di una macchinazione poliziesca e che aveva corne arnica una giova­
ne attrice. Ecco dunque il carattere reale dei film di Jacques, che ama talvolta ispirarsi a cose estre­
mamente immediate , presenti oggi, cose che legge sui giornale. Ovviamente poi tutto viene tra­
sposto in una finzione che non ha più molto a vedere con la realtà .

!!film è molto hello.

lnsomma, per me gli ultimi due , La bande des quatre e La belle noiseuse, sono
quelli che più si avvicinano al lavoro che mi auguravo di fare con Jacques. La bande des quatre è
un film un po' sopravvissuto, perché all'inizio si trattava del ritorno di Phœnix, un vecchio proget­
to, molto costoso, di cui Jacques aveva scritto un trattamento con Eduardo de Gregorio una decina
d'anni prima e la cui attrice principale doveva essere Jeanne Moreau . Voleva riprendere degli ele­
menti di questo vecchio progetto , che raccontava la storia di u n ' attrice di teatro , tipo Sarah
Bernhardt, ma in un contesto un po' fantastico. Abbiamo visto a lungo Jeanne Moreau , le abbiamo
spiegato l'inizio di una storia che verteva sui rapporti tra un'attrice che dirige un corso di teatro e
una delle sue allieve. E poi, alla fine , Jeanne Moreau ha desistito , era il periodo in cui riprendeva
col teatro, incominciava una nuova carriera con Gruber, il monologo di Zerlina. Credo che Rivette
non c'entrasse più tanto coi suoi progetti, e forse la cosa la spaventava anche un po' . Dai canto
mio, per essere sinceri, ero piuttosto sollevato, avevo moita paura di un film con Jeanne Moreau.
Jacques invece per un certo periodo è caduto in una grande depression e , ma poi è ripartito
sull'idea di concentrare la storia molto meno sulla direttrice che sulle allieve, e ne è risultato La
bande des quatre, la storia di quattro ragazze e di una quinta. Cosa anche secondo me assai più in­
teressante . Allora corne sempre abbiamo elaborato una storia con un sacco di cose che partivano
in tutte le direzioni. Arrivati sui set, c'era più o meno una logica dell'intrigo ma non completa e ,
all'inizio delle riprese, Jacques è caduto contemporaneamente i n preda a una malattia e d a l pani­
co, e dopo tre giorni abbiamo dovuto fermarci. Era fuori discussione riprendere a girare prima di
avere un'idea assolutamente precisa della fine del film. Abbiamo cercato di lavorare durante la
settimana in cui Jacques era malato. Il clima tra noi era piuttosto deleterio, eravamo Christine Lau­
rent, la co-sceneggiatrice, io e Jacques che non credeva più a nulla. A un certo punto Christine ha
avuto l ' idea di chiamare corne consulente Eduardo de Gregorio che ha lavorato molto con Jac­
ques. Eduardo è stato ad ascoltarci, ha dato un paio di suggerimenti molto saggi, siamo ripartiti, e
il film si è svolto in un clima magico. A Rivette l 'ambiente del teatro deve esser piaciuto moltissi­
mo, visto che subito dopo ha messo in scena una Berenice. Non si tratta della Berenice più celebre,
quella di Racine, ma di Tito e Berenice di Corneille, ma è anche Bajazet di Racine, e all'inizio voleva
montare anche una pièce di Marivaux. Cioè le cose erano andate cos! bene con le giovani attrici che
ha avuto voglia di prolungare il lavoro.

Corn 'erano le messe in scena?

Io le ho trovate appassionanti, con grandi approssimazioni sulle luci e su un po' di aitre cose che,
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LE T E N T A Z I O N I D I M A Z Z A R I N O

apparentemente, non gli sono state perdonate. Comunque è stato un disastro di critica e di pubbli­
co . Jacques ha accusato duramente il colpo. Tutto è capitato un po' corne se il clima felice di La
bande des quatre, la sorte commerciale del film, piuttosto buona, avesse bisogno di una sorta di
contropartita. Non vorrei fare della facile psicologia, credo che Jacques avesse voglia di prolunga­
re l'esperienza di teatro che aveva fatto ne! film con del teatro vero. Del resto non era la prima vol­
ta, aveva già fatto una messa in scena teatrale di La religieuse, che era stata un altro fiasco. Comun­
que, ho trovato assai interessanti le indicazioni di dizione che aveva dato , che rispettavano la di­
zione del verso classico.

E che riprendevano il lavoro delfilm sulla dizione ?

No, perché in questo caso si trattava di versi, mentre ne! film è un testo in prosa. Era
un lavoro, molto bello, sui verso di Corneille e di Racine, comunque . . . C'è stato anche qualche at­
tore che è scoppiato all'inizio della piece, e ha funzionato tutto molto male.

Normalmente Rivettefa lavorare modo duramente gli attori?

No, duramente no . . . Chiede molto, perché ovviamente si è in una situazione in cui


gli attori devono dare moltissimo, e in condizioni molto difficili.

Eccoci dunque all'ultimo film, La belle noiseuse

E' stato una scommessa un po' folle, corne sempre . Rivette voleva fare un adatta­
mento di Un chefd'œuvre inconnu di Balzac, già presente in La bande des quatre sotto forma di un
racconto delirante e menzognero fatto a una delle ragazze da un poliziotto che dice di essere cac­
ciatore di quadri rubati, e parla di un quadro, La belle noiseuse, che è anche un'allusione a Balzac. E'
la sola scena del film che Jacques aveva riscritto, ritenendo che l'avessi fatta troppo corta, che non
mi soffermassi abbastanza sui racconto, sui quadro, sulla Belle noiseuse. . . C'era già dunque qual­
cosa che gli stava a cuore . In seguito il progetto gli è tornato in mente e ci si è decisi per il Chef
d'œuvre inconnu, corne sempre, un adattamento impossibile . Il romanzo di Balzac è la storia del
pittore Frenhofer, ed è il giovane Nicolas Poussin, che non ha ancora fatto nulla, che rende visita
al vecchio maestro. Ne! film non siamo più nella Parigi del XVII secolo, ma ne! sud della Francia
ne! XX. Dunque non è più la stessa pittura, né la stessa nozione di capolavoro, né la stessa storia, è
tuttavia sempre questione dell'ultimo quadro.

Allora è venuta l'idea di utilizzare la pittura di Bernard Dufour, di cui Jacques cono­
sceva !'opera, e che era interessato a partecipare all'esperienza . Ne! ruolo del pittore Jacques vole­
va Michel Piccoli, e credo che anche lui abbia trovato l'esperienza interessante. E' la storia del rap­
porto tra l'artista che sta invecchiando, la sua opera e il suo modello, quasi un autoritratto un po'
sfalsato di Jacques, e il film anche se Jacques nella vita è molto giovanile, non so tra l'altro se gli pia­
cerà sentirsi dire una cosa del genere, ha un aspetto testamentario. All'inizio mi spaventava molto
una cosa: la storia si svolgeva in cinque giorni che corrispondono a cinque sedute di posa. E mi
chiedevo corne si possono riempire di finzione e di cinema delle sedute di posa, a priori sembra
impossibile perché non capita nulla : c'è il modello che posa, l'artista che dipinge . Cosa mai puà
succedere? Si possono mettere dei dialoghi in bocca ai personaggi, ma cosa gli si puà far dire? Era
molto preoccupante . E tanto ci sentivamo a nostro agio, c'era anche Christine Laurent corne co­
sceneggiatrice, ne! cominciare la storia, cioè l'arrivo dei personaggi ne! castello che è la casa del
pittore, il rapporto iniziale tra i personaggi, eccetera, tanto è stato difficile quando siamo arrivati al
nocciolo costitutivo della finzione, il momento in cui la ragazza arriva nell 'atelier del pittore e deve
posare , perché là non riuscivamo più a sapere cosa vol esse esattamente Jacques . All'inizio faceva­
mo delle scene che giudicava decisamente troppo corte, scene che si sono moltiplicate, ingiganti­
te, corne una specie di film dentro il film, peraltro è proprio cosi che Jacques presentava le cose
agli attori. Diceva: "Ci sono tre film, quello che capita ne! castello, il film dell'atelier, cioè la posa, e
poi la fine, corne si modificano i rapporti tra i personaggi quando il quadro sta per essere termina­
to" . Per lui erano proprio tre film. Ed effettivamente il secondo è stato piuttosto difficile e relativa­
mente conflittuale tra Jacques e noi. In cambio, si è trattato di un momento di grazia per Emanuel­
le Béart e Michel Piccoli che erano praticamente sempre soli. Anche le condizioni di lavoro erano
estremamente difficili per tutta la troupe, perché nell'atelier faceva un caldo spaventoso.
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L E T E N T A Z I O N I DI M A Z Z A R I '.'J O

A sentirlo raccontare, ci si riconoscono in eifetti degli aspetti autobiografici, che ben corrispon­
dono al problema del rapporta interno-esterno cui lei accennava a proposito dei precedentifilm
di Rivette, e al momentofinale come stadia differente, anche conjlittuale, con il resto delfilm.

S l , le condizioni i n c u i si gira si riflettono un p o ' nella finzione . Il fatto d i prendere


la pittura, il teatro, è evidentemente, in qualche modo, un autoritratto dell'artista, e si tratta sempre
di un ritratto dell'artista mentre crea, almeno a partire da L 'amourfou. Anzi, è già cosl per Paris
nous appartient, che è anche la storia di un regista teatrale, ancora un ritratto sfalsato di Rivette, in­
somma, del cineasta intento a creare.

Chi/a il ruolo di Rivette in La bande des quatre ?

Se è proprio necessario mettere un nome su qualcuno, diciamo che potrebbe esse­


re la parte di Constance Dumas, quella che interpreta Bulle Ogier. Le cose non sono forse cosl
meccaniche, ma è evidente, per ciè> che riguarda La belle noiseuse, l'aspetto di autobiografia poe­
tica, è un trasparente ritratto d'artista , era evidente anche per Jacques , quanto a noi, avevamo tutti
l'impressione che fosse il film che più parlava di lui stesso.

Prima di arrivare alla sceneggiatura e alfilm, che nascono man ma no insieme,


che cosa avviene durante i vostri incontri?

Di tutto un po' , è la fase di elaborazione delle grandi linee della storia, ma anche
della biografia dei personaggi. Perché per il lavoro preliminare che facciamo, bisogna pur avere
dei punti d'appoggio, ed una cosa che mi diverte molto è scrivere la vita dei personaggi: dove so­
no nati, che cosa facevano da piccoli, di che vivevano i loro genitori; e dunque dar loro una perso­
nalità, artificiale ma che corrisponde a qualche cosa, una storia inventata di sana pianta, ma che
puè> servire a dar loro un passato in modo tale che questo passato rispunti fuori, abbia un'influen­
za. All'epoca della Bande des quatre ci siamo serviti molto delle discussioni con le ragazze , che
raccontavano delle storie utili a elaborare i loro personaggi.

Per La belle noiseuse, abbiamo costruito i personaggi un po' in funzione dei pittori
esistenti. Abbiamo frugato molto nelle raccolte di interviste, negli scritti di pittori, nei libri scritti da
o su pittori contenenti pensieri, aforismi, idee . . . Ad esempio mi è stato molto utile per l'immagine
di Frenhofer, il pittore di La belle noiseuse, un libro di interviste a Bram Van Velde di Charles Juliet.
Abbiamo anche utilizzato interviste di Matisse , infatti ci sono idee di Matisse , definizioni di Bram
Van Velde sulla pittura che abbiamo utilizzato senza pudore, e che sono serviti a costruire la per­
sonalità e il pensiero del pittore . Poi c'è la biografia dei personaggi. Siccome il giovane Nicolas
non è Poussin, ma un pittore di oggi, allora che tipo di pittura vuol fare? Da dove viene?

Perché e corne ha incontrato la ragazza che gli serve da modella e che cederà a
Frenhofer? E lei, che cosa vuol fare? Tutto ciè> permette di costruire la personalità , il passato dei
personaggi, e toma fuori nell'azione . D 'altronde in La belle noiseuse come in La bande des quatre,
ci si rende conto che c'è pochissima azione reale, ma moita memoria, cose del passato che ritorna­
no . E questo è il frutto delle note che prendo, ed anche della ventina di pagine che devo scrivere
per ottenere l 'anticipo sugli incassi , perché , anche se non abbiamo una sceneggiatura, bisogna
pur dare un'idea del film e un soggetto.

Si rimetta adesso nei pan ni del critico, qua! 'è la posizione di Rivette rispetto al
cinema francese di oggi?

Credo sia piuttosto eccentrica, o decentrata . In Francia c'è questa generazione del­
la Nouvelle Vague che è davvero un caso storico, perché resta comunque difficile situare Godard
o Rivette. Sono personaggi talmente in disparte rispetto aile condizioni della produzione abituale.
E ' per il fatto che esistono piccoli produttori indipendenti corne Martine Marignac che Jacques
puè> continuare a fare film. Ed è perché i suoi film, malgrado tutto, continuano ad avere un pubbli­
co che egli puè> continuare a fare del cinema . Ma resta sempre un'impressione di fragilità . Se La
bande des quatre avesse avuto la stessa sorte di Hurlevent, potevamo ben dirci che la carriera di
Jacques era finita . Che il film funzioni è una questione di sopravvivenza.
50

LE T E N T A Z I O N I D I M A Z Z A R I N O

E' un modello di cinema d'autore che continua.


Si, è l'incarnazione del cinema d'autore che la generazione della Nouvelle Vague ha difeso in se­
de critica prima di fare dei film. Ed essi l 'incarnano realmente attraverso i film che fanno , ma è
una cosa molto a rischio, anche se c'è tutta una linea di giovani cineasti che continua ad andare in
questa direzione .

Difendono quell 'idea di un cinema d 'autore che avevano difeso all 'epoca anche
contra gli sceneggiatori, dunque è una casa che riguarda anche lei.

Si, sono sceneggiatore di Jacques, ma ciè> non significa che . . .

Non si sente dunque anche lei un po ' autore?

No, perché in fondo ciè> che la politica degli autori difendeva è qualcosa a cui an­
ch'io credo fermamente. Insomma, non è mica per caso che ho lavorato tanto a lungo ai "Cahiers " ,
abbastanza comunque d a sapere che è la messa i n scena che determina tutto e non i l testo. Yale a
dire che non credo in ciè> contro cui si battevano i "Cahiers du cinéma'', nell'idea dello sceneggia­
tore re che il regista doveva illustrare, corne nelle sceneggiature di Aurenche e Bost odiate da Truf­
faut, corne è noto, che erano degli sceneggiatori re, con stilemi d'autore, un pensiero che si espri­
meva attraverso i personaggi, eccetera . A questo non credo assolutamente . A me, quel che inte­
ressa, è divertirmi a lavorare con Rivette, è cercare di cavarmela nelle cose impossibili che Rivette
mi domanda. Comunque, è la messa in scena che è importante.

Ma non le Viene la tentazione, non dico di essere uno sceneggiatore re, ma alme­
no uno "sceneggiatore Mazzarino ".

Un po' si, certamente, si, l'Eminenza grigia, è ovvio . . . Ho comunque l'impressione


di aver messo in qualche modo il mio marchio sui film, perché le scene scritte sono molto impor­
tanti, e siamo comunque io e Christine Laurent che le scriviamo. E i dialoghi sono dialoghi che ab­
biamo scritto noi, certamente . Ma tutto sta all'interno di un sistema che è il sistema di Jacques Ri­
vette, il sistema della sua messa in scena. Penso che se mi capitasse di scrivere una sceneggiatura
dall'inizio alla fine , non andrei certo dopo a chiedere a Jacques Rivette, o a chiunque altro, di gi­
rarla, me la girerei da solo.
L E s T E N T A T I O N S D E M A Z A R I N

SERGIO TOFFETTI

CONVERSAT I ON AVEC P ASCA L B ONITZER

Au départ était la critique. A cette époque quel a été votre rapport avec lesfilms deJacques Rivette?

Mon rapport critique avec Rivette, ça ira très vite . ]'avais fait une critique de Céline
et Julie vont en bateau à l'époque où les "Cahiers" étaient encore une revue assez militante et je
crois que c'est l'une des très rares, sinon la seule critique, qu'ils m'ont jamais refusée . ]'avais été très
intéressé par le film, c'était quelques années après la sortie de l 'Anti-œdipe de Deleuze et Guattari,
et je rapprochais le parcours des deux jeunes filles de ce que Lacan disait du schizo. Et je crois que
ça avait déplu , parce que, à l'époque, Deleuze, considéré trop anarchiste, n'était pas encore très
bien vu par les "Cahiers'' , dont la ligne politique était encore très imprégnée de maoïsme . On était
en train de sortir de l'ultra-gauchisme, mais pas complètement dehors . Par ailleurs j'avais eu une
réaction d'exaspération, que je regrette d'ailleurs aujourd'hui, devant la version de treize heures de
Out One. Donc je n'étais pas particulièrement "rivettien" , même si j'avais été très impressionné
bien a vant d' être aux " Cahiers" par Paris nous appa rtient. Une histoire magnifique . Ce qui
m'intéressait énormément c'était l'aspect de complot dans lequel les personnages s'enfonçaient
dans l 'histoire , c'était l'utilisation fantastique de Paris qui était quelque chose qui me touchait
énormément, et c'était le côté à la fois film policier et fantastique, le tout avec un regard spécial.

Rivette, avec son côté "avant-gardiste ", a toujours marché un peu à côté par rap­
port aux autres réalisateurs de la Nouvelle Vague?

Oui, effectivement, il y a cette phrase dans Paris nous appartient où le metteur en


scène dit: "Tout se passe sur un autre plan " . Et ça m'avait frappé comme étant une phrase qui si­
gnifiait quelque chose par rapport au film tout entier et à la démarche de Rivette . Et c'est quelque
chose qui m'intéresse beaucoup, que les choses se passent sur un certain plan, mais qu'en même
temps il y ait un autre plan où elles prennent sens différemment. Chez Rohmer, qui est à la fois
proche et éloigné de Rivette , bien que ses films passent pour purement psychologiques et mo­
raux, on trouve aussi ce côté-là, il y a toujours un autre plan de l'histoire qui n'est pas perceptible
directement. Alors, effectivement, Rivette est celui qui a poussé le plus loin la liberté de cette dé­
marche, c'est-à-dire qu'il n'a pas cherché comme les autres cinéastes de la Nouvelle Vague, enfin
Godard excepté, je ne dis pas rentrer dans le rang, mais, enfin, disons à faire des films un peu plus
conformes aux standards commerciaux. Il a toujours essayé de poursu ivre sa démarche de la
façon la plus libre.

Vous ne pensez pas qu 'on peut trouver par contre une correspondance singulière
entrejean Rouch et Rivette? L 'unfait des documentaires, l'autre desfictions, mais ce sont toujours
desfictions qui sont des documentaires sur la construction d'unefiction.

Il y a effectivement un rapport . C'est-à-dire d'abord, l 'utilisation d'éléments non


fictiotmels pour nourrir une fiction ou un mythe. Il y a surtout cette grande liberté institutionnelle
qui évidemment comporte ses limitations et ses problèmes, et il y a Je côté marginal aussi de Jean
Rouch bien sûr.

Mon idée estpoussée un peu plus loin. Rouch dit toujours qu 'ilfautfilmer des cho­
ses qui ont en soi sa propre mise en scène. Tandis que dans Rivette revient, justement, le thème du
théâtre, donc de quelque chose qui a en soi sa propre mise en scène.

Oui, disons que ce qui prendrait la place du théâtre chez Rouch ce serait les rituels,
les rites, enfin tout ce qui fait qu'il s'intéresse à l'Afrique, disons que l'Afrique serait à Rouch ce que
le théâtre est à Rivette.

Quels sont lespointsfondamentaux que vous trouvez dans le cinéma de Rivette?

Ce qui m'intéresse Je plus ce sont les choses qui relèvent du fantastique contemporain, enfin De-
52

L E S T E N T A TI O N S D E M A Z A RI N

leuze rapproche Rivette de Nerval . Moi, je ne sais pas si c'est une analogie entièrement justifiée, je
crois qu'elle gêne un peu Rivette, mais en tout cas pour moi, ce qui fait le charme extrêmement
fort de ses films, c'est qu'il est le cinéaste français qui réussit à créer un fantastique absolument ori­
ginal, et qui est absolument moderne en même temps dans son écriture .

Même quand il était critique, Rivettepensait toujours que le cinéma devait rentrer
en contact avec d 'autres choses, qu 'ilfallait lefaire entrer en résonance avec d 'autres plans de si­
gnifications.

C'est ce que Bazin appelait le cinéma impur, le cinéma qui entre en communica­
tion avec le théâtre, avec autre chose ; le dernier film qu'on a fait c'est avec la peinture . Effective­
ment Jacques a ce besoin de faire dialoguer le cinéma de façon polyphonique ou carnavalesque
avec un autre type de représentation qui, d'une certaine façon, est contradictoire.

Parmi les cinéastes de la Nouvelle Vague, peut-être Truffaut était le seul à ne pas
avoir cette conception du cinéma impur; ou bien ilfaisait entrer en résonance sesfilms avec une
conception classique de la mise en scène, cela étant son point de résonance. En tout cas il avait le
côté le plus "classique "français.

Truffaut se situe dans la tradition de l 'autobiographie romancée , puisque les aven­


tures d'Antoine Douane!, qui lui ont servi de guide même s'il a fait d'autres films, c'est la colonne
vertébrale de son œuvre . Cela dit, je crois quand même qu'il y a eu un changement d 'aiguillage
dans la démarche de Truffaut, qu'il aurait pu choisir une voie assez avant-gardiste dans la lignée
de son film le plus audacieux qui est Tirez sur lepianiste, si l'échec commercial ne l'avait pas con­
duit à rechercher une structure plus classiqu e . Et il me semble que si ce film avait eu un grand
succès, la démarche aurait été peut-être un peu différente.

Ce rapport complexe et a mbigu avec le succès, est commun à presque tous les
cinéastes de la Nouvelle Vague. Le Signe du Lion de Roh mer, par exemple, est aussi un film sur les
relations entre échec et réussite.

Il ne faut pas oublier que Le Signe du Lion est le seul film de Rohmer dont Gégauff
a fait les dialogues et je crois que le modèle était aussi Gégauff, qui a une très grande influence sur
la plupart des cinéastes de la Nouvelle Vague, Rivette et Truffaut exceptés. Enfin, il a évidemment
énormément influencé Chabrol puisqu'il a fait le scénario de beaucoup de ses films. Je pense qu'il
a marqué d'une certaine façon Godard aussi et, sur le dandisme , il a évidemment marqué Rohmer
puisqu'il y a des personnages gégauviens dans tous ses films. Rivette, non, ce n'était pas ça.

Vous avez commencé à travailler comme scénariste de Rivette pour L'Amour par
terre, en 1983.

C'était une expérience assez marrante, mais aussi inquiétante, parce que c'était une
façon de travailler complètement différente. Il s'agissait d'une histoire entièrement aléatoire où il y
avait énormément de choses dont on avait pris note au fur et à mesure de conversations extrême­
ment libres qu'on avait chez moi ou au café avec Jacques. Il y avait aussi Marilù Parolini qui était la
troisième, puisque avec Jacques pour écrire le scénario il faut qu'on soit trois, c'est le bon chiffre .
Donc, un auteur célèbre invite chez lui deux filles pour qu'elles jouent une pièce qu'il a écrite pour
une unique représentation qui est, en même temps, une espèce de fonction secrète par rapport à
une femme. Ça c'était la structure donné au départ par Jacques . Là-dessus se greffait, j 'avais l 'im­
pression, à peu près n'importe quoi. On a énormément ri au cours des conversations préliminaires
qui ont duré des mois . Et puis c'était très irréel, je ne savais pas au fond si le film se réaliserait. Fina­
lement quand les éléments ont été réunis, quand un peu malgré elle Jane Birkin a accepté de le fai­
re, je me suis trouvé à organiser par l'écriture tous ces éléments complètement disparates et déli­
rants qu 'on avait additionnés au fur et à mesure, et j'ai eu un petit moment de panique .

Je devais écrire à l'intérieur du film une sorte de comédie à la Guitry, dont je n'avais
pas la moindre idée. C'était un peu angoissant la liberté extrême que Jacques s'était donnée, fina­
lement tout le monde acceptait de faire le film, acteurs, producteur, scénariste, toute l'équipe, sans
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L E S T E N T A TI O N S D E M A Z A RI N

savoir quel film allait se faire . C'est toujours la façon de travailler de Rivette. On arrive sur le tour­
nage à peu près tout nu , enfin on a un décor, une équipe , des acteurs, un vague plan de travail. Il
faut dire que la présence de Suzanne Schiffman qui était première assistante de Jacques à l'épo­
que, a été très utile pour introduire un semblant de rationalité. Moi je n'étais pas habitué non plus
à Jacques, donc j'avais très peu de contrôle sur la situation. Ce qu'il fallait que je fasse , c'était rem­
plir les scènes dont on avait essayé de faire en sorte qu'elles existent, qu'il y ait non seulement du
dialogue, des mots, mais quand même qu'elles fassent avancer d'une certaine façon une intrigue
extrêmement nébuleuse . Enfin je ne sais pas quelle impression vous a fait le film?

En effet, on peut pas dire que soit un film où la rationalité joue en premier plan.
Parce qu 'il y a toujours cejeu de miroirs . . .

Ah oui, ce qu'il faut dire c'est qu'on avait quand même des points d'appui, simple­
ment extraordinairement disparates. Donc les jeux de miroirs, les prémonitions, les hallucinations
que les filles éprouvent au contact de Dussolier qui est une sorte de prestidigitateur magicien, ça
vient d'une nouvelle de Schnitzler, La Prédiction, où un jeune homme, au contact d'un magicien,
avait une vision de lui-même située dans un avenir indéterminé et il se voyait mort, avec une an­
cienne cicatrice à la tempe, veillé par des femmes, et donc il essayait d'éviter tout ce qui le rappro­
chait de cette vision funeste . Alors on avait pris la vision prémonitoire qui apparait non pas au ma­
gicien mais au sujet, et c'est un peu l'équivalent des visions qu'il y a dans Céline etjulie, qui était ce
qui m'avait le plus impressionné dans le film. Alors je ne sais plus très bien si ça fonctionne ou pas .
C 'est extrêmement arbitraire .

Quelle est la façon de travailler de Rivette sur le plateau, par rapport au scénario?

C'est très simple. On se donne un peu d'avance , c'est-à-dire que j 'écris le début un
peu avant le tournage de façon à ce qu'il ait quelques biscuits pour commencer le film, et j'écris la
suite selon le plan de travail sur le plateau . Entre les prises je donne ça à lire à Jacques qui fait des
corrections ou pas, et si ça ne lui plaît pas, je réécris, si ça lui plaît on le donne aux comédiens au
fur et à mesure . Le gros problème c'est qu'il y a un contrôle des choses très relatif, notamment la
durée du film. Jacques il adore faire long, mais il est évident que ça tient aussi à cette façon de tra­
vailler. Le contrôle de la durée est beaucoup plus difficile que quand on écrit avant et qu'on
s 'aperçoit qu'il y a des longueurs qu'on coupe ou qu 'on peut condenser. On fait jamais ça avec
Jacques évidemment.

Quelle est la raison d 'écrire directement sur leplateau?

La raison donnée qui est très valable à certains égards, c'est que tout le monde se
trouve en état d'urgence, en état de danger, et que ça donne une fraîcheur, une nervosité particu­
lières aux événements, au jeu, à la mise en scène . On est obligé d'inventer en direct la façon dont
les choses se passent et ça donne un climat spécial qui est celui des films de Jacques.

Cela regarde aussi le déroulement dufilm, c 'est-à-dire lafin était connue ou non?

En principe la fin était connue. Ce qui se passe toujours , c'est qu'on s'aperçoit au
deuxième tiers du tournage qu'on n'arrivera pas à tenir la fin plus ou moins prévue, qui en général
est toujours extrêmement compliquée, parce qu'il y a une sorte d'impossibilité de conclure dans la
façon dont les films de Jacques se font.

Alors Suzanne Schiffman a eu un rôle décisif pour dire à Jacques, dans les derniers
jours du tournage, que c'était impossible de faire tout ce qu 'il voulait faire, qu'il fallait couper, sim­
plifier, sans quoi le film ne se terminait pas, sans quoi on n'aurait pas de fin . Et donc on a eu une
espèce de briefing avec Suzanne dans les deux derniers jours du tournage, pour arriver à tourner la
scène finale. ça a été très dur, je dois dire. La fin des films de Jacques . . . je ne connais pas un film de
Jacques où la fin n'a pas un caractère un peu de désastre , pas de provisoire, non, de chute , de ca­
fard. ]'ai connu des tournages qui se passaient bien, d'autres qui se passaient mal avec Jacques, mais
au cours du film il y a une espèce de fièvre, une espèce de d'angoisse, de charme qui tient les gens,
et à la fin, dans les deux ou trois derniers jours, tout retombe et on a l'impression de traîner. Jacques
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L E S T E N T A T I O N S D E M A Z A R I N

La Religieuse. col l . " C a h i e rs s'éteint, on a un sentiment de décomposition qui se met à descendre sur vous, c'est assez dur.
du c i n é m a "

Les acteurs travaillent sur le scénario donné? Y compris les mots? C'est à dire que
Rivette triche un peu quand il parle de ses.films?

Non, je ne crois pas du tout! Simplemenc, dans la période où je suis incervenu , il avait
décidé d'en finir avec l' improvisation, avec le fait que les acteurs brodent librement sur un canevas. Les
acteurs devaient apprendre et dire le texte donné . S implement ce texte était effectivement fait dans une
relative improvisation, pu isqu 'il fallait inventer la scène pratiquement au dernier moment.

Cette.façon de travailler sur le scénario, en:fin va être beaucoup in:fluencée par ce


qui se passe sur le plateau non? Même par les sentiments, les émotions occasionelles, si à un mo­
ment donné il y a quelque chose qui se passe entre vous et un acteur, lejour suivant son rôle par
rapport au scénario changejàrcément?
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L E S T E N T A TI O N S D E M A Z A RI N

Absolument! Ce qui se passe sur le plateau influe d'une certaine façon sur le déroulement du film,
sur les scènes , sur les dialogues . . .

Ça veut dire que vous vous vengez, vous brimez les acteurs . . .

Non, mais de toute façon, bien sûr les sentiments existent, e t puis les acteurs
réagissent aussi, quand on leur propose au dernier moment un truc à jouer, comme ils naviguent à
vue comme tout le monde , ils peuvent très bien dire : "je ne comprends pas " , "je ne saurai pas le
faire" , "je trouve ces dialogues ridicules" , enfin ça arrive. A ce moment-là le scénariste-dialoguiste
est très seul parce que Jacques est là, il rigole, il dit: "Pascal ta scène est par terre, on n'en veut pas'' .
Même si lui, il l'a acceptée, si les acteurs décident qu'ils n'en veulent pas, il faut que je défende ma
scène tout seul.

Quelle est la méthode de tournage de Rivette? Est qu 'ilfait beaucoup de prises?

Quand il a décidé de faire telle chose , s'il y a des problèmes, il n'hésite pas à faire
beaucoup de prises plutôt que de changer d'idée. Au début il n'hésite pas à prendre du retard,
quitte ensuite à ce que vers la fin du tournage il s'aperçoive que le retard est difficile à rattraper et
qu'il n'obtiendra pas de dépassements .

Et après, vous suivez aussi le montage, qu 'est-ce qui arrive au montage?

Au montage, j'y vais le moins possible parce que, d'abord, Jacques ne s'intéresse
pas trop aux avis des autres. Il n'essaie jamais de faire des coupes, c'est-à-dire que tout ce qui est
tourné est monté , il peut jouer, à l 'intérieur de ce qui est monté , il peut changer la place de tel ou
tel plan, mais tout ce qui est tourné est monté . Sur beaucoup de films de Jacques il y a des choses
dont je me demande vraiment pourquoi il les a gardées . Sur chaque film c'est la même comédie ,
on essaie de lui dire que ça serait beaucoup mieux si un quart d'heure qui nous paraît très long
était supprimé, et c'est arrivé aussi pour le dernier. Jacques ne supprime jamais rien.

En tout cas c 'est lui qui suit le montage?

Absolument, il contrôle tout, il monte le film au fur et à mesure . Dans ces cas-là, il
nous demande une vision du film à un certain stade, il fait des petites coupes, des resserrements
pour le rythme, mais c'est pas un stade très intéressant pour moi. Quand je travaille avec Téchiné
par exemple, il peut y avoir des coupes gigantesques, André fait un énorme travail au montage, il
essaie énormément de choses, soit de couper certaines séquences ou scènes, soit de les changer
de place . Et alors , vraiment il y a des états du film qui sont très différents les uns des autres . C'est
pas du tout le cas avec Rivette.

Donc tout se joue sur le plateau, c 'est-à-dire, sur le plateau il y a trois volontés qui
se croisent, le scénariste, les acteurs et le réalisateur. Peut-être c 'estpour cela qu 'au montage ily a
très peu d 'interventions, parce qu 'on ne sait plus quelle est la volonté qui se croise, si ce n 'est pas
celle du réalisateur. . .

Jacques a l'habitude de monter avec Nicole Lubtchansky, enfin sauf La Bande des
quatre qui a été monté avec Catherine Quesemand, c'était très bien d'ailleurs ce qu'elle a fait. Ni­
cole connaît Jacques très bien et elle est assez docile à ce qu'il veut même si c'est parfois exaspé­
rant. Donc je crois qu'il n'y a pas de conflit entre Jacques et sa monteuse, ça peut arriver dans les
films, les monteuses quelquefois veulent avoir leur pan de maîtrise sur le matériau et se disputent
avec le metteur en scène .

Le deuxième scénario c 'était pour Hurlevent .

Hurlevent, un ans plus tard, ça a été une expérience assez douloureuse . Jacques
avait vu les illustrations des Hauts de Hurlevent faites par Balthus . Je sais qu'il avait deux projets
en tête , un pour Miou-Miou qui n'a pas marché, et du coup il s'est décidé pour une adaptation à sa
manière des Hauts de Hurlevent. Il voulait faire dans le sud de la France un film solaire, et qui se-
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L E S T E N T A TI O N S D E M A Z A RI N

rait donc une transposition française dans les années 20 ou 30, enfin à l'époque des dessins de
Balthus, des Hauts de Hurlevent.

L'erreur à mon avis , c'est que sur un truc comme ça, la méthode habituelle ne ri­
mait pas à grand chose . Puisqu 'on avait quand même une histoire assez rigoureuse, je crois qu'il
fallait écrire le scénario à l'avance. Et puis les conditions de tournage ont été difficiles parce que
Jacques finalement a tourné avec Renato Berta et pas avec son opérateur habituel, Willy Lubt­
chansky. Berta est un grand opérateur, mais ça s'est passé à moitié bien avec lui disons; il n'avait
pas non plus l'ingénieur du son qu 'il voulait, le décor était très beau mais très difficile . Et puis, les
deux jeunes acteurs, Lucas Belvaux et Fabienne Babe, il les a choisis très tard, et je crois avec des
doutes jusqu'à la fin. Alors tout le monde était très énervé . Suzanne Schiffman également était en
désaccord total avec tous les choix que faisait Jacques. Il y a eu une ambiance très difficile sur le
plateau, et moi, en tant que dialoguiste, j'ai eu beaucoup de mal à maîtriser tout l'aspect "histoire
paysanne" . Je suis quand même un parisien, et j'ai l'impression que Jacques aussi n'était pas vrai­
ment dans son élément parce que on associe à juste titre Jacques et Paris, d'une certaine façon.
Le tournage même s'il a été très dur, il a eu énormément de charme à certains égards . Le film a été
tourné sur deux décors , et sur le premier, en Ardèche, avec toutes les difficultés qu'il y avait, je me
souviens de m'être énormément amusé . La dernière partie , tournée près de Sommières dans le
très beau décor du château , c'était déjà beaucoup plus dur, on prenait énormément de retard, qui
n'a jamais pu être vraiment comblé . Les rapports s'envenimaient de jour en jour et on a terminé
très laborieusement. En plus il y a une espèce de microbe, on avait tous une grippe , c'était en oc­
tobre et je me souviens que à la fin du film, tout le monde était à la recherche de mouchoirs en pa­
pier, qu'on ne trouvait absolument plus sur le plateau . Cette atmosphère de désastre dont je par­
lais au début s'était très accentué au moment de Hurlevent. On est rentré en train. Bon, c'est anec­
dotique, mais après tout, ça fait partie du climat des films de Jacques aussi. Le voyage en TGV a
duré douze heures, il y avait grève , à Lyon on a été détourné, enfin je me souviens, avec tous les
bagages, ce retour a été absolument effroyable .

En tout cas, toutes ces choses-là qui se sont passées, ça se voit dans lefilm?

Je ne sais pas très bien. Je pense que le film est raté en grande partie, pour plusieurs
raisons : les acteurs choisis n'étaient pas forcément les meilleurs , sur les dialogues aussi le travail
aurait pu être bien meilleur, mais malgré tout il y a un climat de mélancolie qui sort du film qui est
très particulier Je l'ai revu récemment et l'ai trouvé extrêmement triste mais assez beau quand mê­
me, avec tous les pépins que j'y vois .

On peut dire que Rivette essaie de mettre dans lefilm le réalisme possible, c 'est-à­
dire les choses qui se passent sur le plateau .

Effectivement oui. C'est cette façon d'utiliser les éléments d e décor, des décors u n
peu fantastiques mais q u i existent e n même temps, q u i ont une réalité . Jacques e s t très sensible
aux lieux, aux acteurs, c'est évidemment quelque chose d'extraordinairement important dans ses
films de trouver les acteurs qui lui plaisent et avec qui il se passe quelque chose . Il faut aussi que le
lieu ait quelque chose de magique. Il y a toujours un élément magique dans les films de Jacques.
Ce rapport au réel c'est un rapport magique. Et je crois que quand la magie fonctionne, ça passe
sur l'écran.

Par contre il n 'a pas un grand rapport avec la caméra!

Si, parce que c'est quand même très important la complicité qu'il a avec Lubtchanski.
Il a l'impression que Lubtchanski traduit ses désirs, c'est-à-dire qu'il a besoin quand même d'avoir
une très grande confiance dans le cadre et dans la lumière. C'est très important la lumière dans ses
films , ça joue énormément . La lumière solaire par exemple, pour les deux films faits dans le sud:
Hurlevent et le dernier, La Belle noiseuse. D'ailleurs , ce sont deux films qui parlent de la peinture
d'une certaine façon, puisque Hurlevent, c'était le roman certes mais aussi les peintures de Balthus.
Et La Belle noiseuse, c'est la nouvelle de Balzac mais aussi la peinture de Bernard Dufour.

Enfin il y a toujours des éléments physiques qui agissent, c 'est, peut- être, le maximum de réalisme
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L E S T E N T A T I O N S D E M A Z A R I N

possible. Dans les films en rapport avec le théâtre, ce sont la voix et la présence des acteurs qui
comptent beaucoup, sinon c 'est la ''physicité " de la lumière.

Oui, même le rapport au théâtre est quelque chose de très physique . C'est difficile
à dire parce qu 'il y a quelque chose d'extrêmement physique et en même temps d'extrêmement
aérien, de sublimé . La lumière aussi est quelque chose de très charnel et en même temps de très
éthéré, et le théâtre a quelque chose d'extrêmement matériel, parce que les planches . . . et c'est en
même temps quelque chose qui "abstractise" énormément la fiction.

Ce que démontre très bien La Bande des quatre . . .

Ce n'est pas l e premier film de Rivette sur le théâtre, du reste . L 'A mourfou tournait
déjà autour d'une mise en scène d 'Andromaque. Cette fois le film tourne autour d'une comédie de
Marivaux. Ou bien, disons que la comédie de Marivaux est le contrepoint de la fiction qui était
tout à fait autre chose , puisqu'il y avait, c'est toujours pareil, une sorte de complot, de secret, une
actrice liée à un délinquant en fuite, qui détenait des papiers qu'un policier cherchait.

On était parti à la fois donc d'un travail sur le théâtre , une troupe de théâtre , Mari­
vaux, et d'autre part d'un procès réel qui avait beaucoup frappé Jacques peut-être parce que une
actrice y était mêlée . Enfin, c'est tout simplement d'un délinquant contre qui la police s'est beau­
coup acharnée parce qu'il a écrit des livres, Knobel Spiess, et son amie c'est Marie Rivière, l'actrice
de Rohmer qui joue notamment dans Le Rayon vert. Il y a eu un procès où semble-t-il les preuves
qu'on avait accumulées contre lui étaient extrêmement douteuses. Jacques avait été très ému à la
fois par ce procès , par le rôle qu'y jouait un peu malgré elle Marie Rivière qui témoignait pour
Knobel Spiess , et l'idée qui lui était venue c'était de raconter l'histoire d'un garçon pris au piège
d'une machination policière et qui avait pour amie une jeune comédienne . Donc il y a aussi le ca­
ractère réel des films de Jacques, qui aime de s'inspirer quelquefois de choses qui sont extrême­
ment immédiates, présentes aujourd'hui, choses qu'il lit dans le journal . Evidemment ensuite tout
est transposé dans une fiction qui n'a pas grand-chose à voir avec la réalité .

Lefilm est très beau.

Enfin, pour moi, les deux derniers , La Bande des quatre et La Belle noiseuse, sont
les plus proches du travail que je souhaitais faire avec Jacques. La Bande des quatre est un film un
peu rescapé, parce que au départ c'était la résurgence d'un vieux projet, Phœnix, très cher, dont
Jacques avait écrit un traitement avec Eduardo de Gregorio une dizaine d'années auparavant et
dont l'actrice principale devait être Jeanne Moreau . Il voulait reprendre des éléments de ce vieux
projet qui racontait l'histoire d'une actrice de théâtre, genre Sarah Bernhardt, mais dans un cadre
un peu fantastique . Pendant très longtemps on a rencontré Jeanne Moreau, on lui a expliqué le
début d'une histoire qui portait sur les rapports entre une actrice qui dirigeait un cours de théâtre
et l'une de ses élèves. Et puis finalement Jeanne Moreau s'est désistée, c'était l'époque où elle re­
prenait le théâtre , entamait une nouvelle carrière avec Gruber, le monologue de Zerline.

Je crois que Rivette ne cadrait plus tout à fait avec ses projets , et puis peut-être ça
l'effrayait aussi un peu. Moi je dois dire , pour être franc, j'étais plutôt soulagé, j'avais très peur d'un
film avec Jeanne Moreau . Mais Jacques, il a plongé dans une grande déprime pendant un bon mo­
ment, et puis il est reparti sur l'idée de reconcentrer l'histoire beaucoup moins sur la directrice que
sur les élèves et c 'est devenu La Bande des quatre, l'histoire de quatre jeunes filles et une cin­
quième . Et moi, je trouvais ça beaucoup plus intéressant. Alors c'est pareil , on a élaboré une fic­
tion où il y avait énormément de choses qui partaient dans tous les sens. Quand on est arrivé sur le
tournage on avait une logique à peu près de l'intrigue mais pas complète et, au début du tournage,
Jacques a eu un coup, à la fois de maladie et de panique, qui a arrêté le tournage au bout de trois
jours . Il n'était pas question de reprendre le tournage avant d'avoir une idée absolument précise
de la fin du film. On a essayé de travailler pendant la semaine de la maladie de Jacques. Le climat
était très délétère entre nous , il y avait Christine Laurent, donc co-scénariste, moi et Jacques qui ne
croyait plus en rien. L'idée de Christine à un moment a été de faire venir comme consultant Eduar­
do de Gregorio qui a travaillé beaucoup avec Jacques . Eduardo nous a écouté, a fait une ou deux
suggestions très judicieuses, on est reparti, et le film s'est déroulé dans un climat magique.
58

L E S T E N T A T J O '.\; S D E M A Z A R I N

J e a n - P i e rre Kalfo n , B u l l e O g 1 e r , J ac q u e s R i vette , L 'A mour fou


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L E S T E N T A T I O N S D E M A Z A R I N

Rivette doit avoir bien aimé l 'ambiance du théâtre, vu qu 'il a mis en scène tout de suite après une
Bérénice .

Ce n'est pas la Bérénice plus célèbre de Racine, c'est Tite et Bérénice de Corneille ,
mais c 'est aussi Bajazet de Racine , et au départ il voulait monter aussi une pièce de Marivaux.
C'est-à-dire que les choses se sont tellement bien passées avec les jeunes comédiennes qu'il a eu
envie de prolonger le travail .

Comment se passaient les mises en scène?

Moi, je les ai trouvées très passionnantes , avec de grandes approximations sur


l'éclairage, sur un certain nombre de choses qui semble-t-il n'ont pas été pardonnées. En tout cas ça
a été un désastre sur le plan critique et public . Jacques a très durement accusé le coup. Tout s'est
passé un peu comme si le climat heureux de La Bande des quatre, le destin commercial du film as­
sez bon, avait besoin d'une sorte de contre partie. Enfin je ne voudrais pas faire de psychologie fa­
cile , je crois que Jacques avait envie en tout cas de prolonger l'expérience de théâtre dans le film
qu'il avait fait en vrai théâtre . Et c'était pas la première fois d'ailleurs, il avait déjà fait une mise en
scène théâtrale de La Religieuse, qui avait été un échec aussi. En tout cas, je trouvais très intéres­
santes les indications de diction qu'il avait données, qui respectaient la diction du vers classique

Et qui reprenaient le travail sur la diction du film?

Non, puisque là ça jouait quand même sur le vers, alors que dans le film c'est une
pièce en prose. C'était un travail , assez beau , sur le vers cornélien et racinien, mais bon . . . Il y a
aussi quelques acteurs qui ont craqué au début de la pièce et cela s'est mal passé.

Rivette travaille très durement avec les acteurs normalement?

Non , durement non . . . Il demande beaucoup parce que évidemment on est dans
une situation où les acteurs ont à donner énormément, et dans des conditions assez difficiles.

Mais venons-en au dernierfilm, La Belle noiseuse.

Ça a été un pari un peu fou , comme toujours . Il voulait faire une adaptation du
Chef d 'œuvre inconnu de Balzac dont il est question dans La Bande des quatre déjà, sous forme
d'un récit délirant et mensonger que le policier fait à l'une des jeunes filles, il se prétend chercheur
de tableaux volés, il parle d'un tableau qui est La Belle noiseuse, et c'est une allusion à Balzac . C'est
la seule scène dans le film que Jacques avait réécrite parce qu'il trouvait que je l'avais faite trop
courte , que je ne m'appesantissais pas assez sur le récit, sur le tablea u , sur La Belle noiseuse. . .
Donc il y avait quelque chose qui lui tenait à cœur. Ensuite l e projet lui est revenu e n tête et on
s'est décidés pour le Chef d 'œuvre inconnu, une adaptation impossible comme toujours . Le ro­
man de Balzac c'est l'histoire du peintre Frenhofer, et c'est le jeune Nicolas Poussin qui n'a encore
rien fait qui vient rendre visite au vieux maître. Dans le film, ça ne se passe plus à Paris au :XVUème
siècle, mais dans le sud de la France au X:Xème. Donc ce n'est pas la même peinture, pas la même
notion du chef d'œuvre , pas la même histoire , mais il est toujours question du tableau ultime.
Alors l'idée c'était d'utiliser la peinture de Bernard Dufour, dont Jacques connaissait l'œuvre , et
qui a été intéressé par une participation à l'expérience. Pour le rôle du peintre Jacques voulait Mi­
chel Piccoli, et je crois que l'expérience l'a beaucoup intéressé lui aussi.

C'est l'histoire du rapport entre l'artiste vieillissant, son œuvre et son modèle, c'est
une sorte d'autoportrait décalé de Jacques, et le film, même Jacques est quelqu 'un de très jeune
dans la vie, je ne sais pas si ça lui plairait de l'entendre, a un côté testamentaire . Il y avait une cho­
se qui m'effrayait beaucoup au départ: l 'histoire se passait en cinq jours qui correspondaient à
cinq séances de pose . Je me disais comment est-ce qu'on peut remplir de fiction et de cinéma des
séances de pose, a priori ça paraît impossible parce que rien ne se passe: il y a le modèle qui pose ,
il y a l'artiste qui peint. Et qu'est-ce qui peut se passer? On peut mettre des dialogues dans la bou­
che des personnages , mais qu'est-ce qu'on va leur faire dire? C'était extrêmement inquiétant. Il y
avait aussi Christine Laurent comme co-scénariste . Et autant on s'est senti à l'aise pour commencer
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L ' I M M A G I N E D E L S U O N O

l 'histoire , c'est-à-dire l 'arrivée des personnages dans le château qui est la maison du peintre , le
rapport entre les personnages au début etc . . . autant, quand on est arrivé à ce qui constituait pro­
prement la fiction, le moment où la jeune fille arrive dans l'atelier du peintre et doit poser, ça a été
difficile parce que là on n'arrivait plus à savoir ce que Jacques voulait exactement. D 'abord on fai­
sait des scènes qu'il jugeait beaucoup trop courtes, ces scènes se sont multipliées, sont devenues
gigantesques, comme une espèce de film à l 'intérieur du film, c'est d'ailleurs ainsi que Jacques
présentait les choses aux acteurs. Il disait : "Il y a trois films, ce qui se passe dans le château , le film
de l'atelier, c'est-à-dire la pose, et puis la fin, comment les rapports entre les personnages se modi­
fient après que le tableau est en voie d'achèvement. " C'était trois films pour lui. Et effectivement le
deuxième film a été extrêmement difficile, relativement conflictuel entre Jacques et nous. En re­
vanche, ça a été un moment de grâce pour Emanuelle Béart et Michel Piccoli qui étaient pratique­
ment seuls. Et c'était des conditions de travail extrêmement difficiles pour toute l'équipe parce
que dans l'atelier il faisait une chaleur effroyable.

A vous entendre, on y trouve en effet un certain côté autobiographique, et qui correspond bien au
problème du rapport intérieur-extérieur, dont vous parliez à propos des précédents films de Ri­
vette, et comme stade différent, conflictuel même, avec le reste du film.

Oui, les conditions du tournage se réfléchissent un peu dans la fiction . Le fait de


prendre la peinture, le théâtre, c'est évidemment, d'une certaine façon, un autoportrait de l'artiste ,
c'est toujours un portrait de l'artiste en train de créer au moins depuis L 'amourfou. Et c'est comme
ça déjà au moment de Paris nous appartient qui est aussi l'histoire d'un metteur en scène de théâ­
tre, qui est toujours un portrait décalé de Rivette, enfin du cinéaste en train de créer.

Quijoue le rôle de Rivette dans La Bande des quatre ?

S'il faut absolument mettre un nom sur quelqu 'un, disons que ce serait le rôle de
Constance Dumas, celui que joue Bulle Ogier. Les choses ne sont peut-être pas aussi mécaniques,
mais c'est évident, en ce qui concerne La Belle noiseuse, l'aspect d'autobiographie poétique, le
portrait de l 'artiste est transparent, c'était flagrant pour Jacques lui-même, on avait tous l 'impres­
sion que c'était le film qui parlait le plus de lui-même .

Avant d 'arriver au scénario et au film, qui se font au fur et à mesure ensemble,


qu 'est-ce qui se passependant vos rencontres?

N'importe quoi, c'est le stade d'élaboration des grandes lignes de l'histoire , mais
aussi de la biographie des personnages. Parce que le travail préliminaire qu'on fait, puisqu'il faut
bien quand même pouvoir s 'appuyer sur quelque chose et ça c'est un truc qui m'amuse beau­
coup, c'est décrire la vie des personnages: où ils sont nés, qu 'est-ce qu'ils ont fait quand ils étaient
petits , de quoi vivaient leurs parents ; et donc de leur donner une personnalité , artificielle mais
correspondant à quelque chose, et une histoire inventée de toutes pièces mais pouvant servir à
leur donner un passé de telle façon que ce passé ressurgisse, influence. A l'époque de La Bande
des quatre on s'est beaucoup servi des discussions avec les jeunes comédiennes elles-mêmes, qui
racontaient des histoires qui servaient à élaborer leur personnage . Pour La Belle noiseuse, on a
construit les personnages un peu en fonction de peintres existants.

On a beaucoup pioché aussi dans des recueils d'entretiens, des écrits de peintres,
des livres écrits par ou sur des peintres contenant des pensées, des aphorismes, des idées. Je me
suis beaucoup servi par exemple pour l'image du peintre de La Belle noiseuse Frenhofer, d'un li­
vre d'entretiens avec Bram Van Velde par Charles Juliet. On a utilisé aussi des entretiens de Ma­
tisse, enfin il y a des idées de Matisse, des formules de Bram Van Velde sur la peinture qu'on a uti­
lisées sans vergogne, qui ont servi à construire la personnalité et la pensée du peintre . Et puis il y a
la biographie des personnages. Comme le jeune Nicolas n'est pas Poussin , mais un peintre d'au­
jourd'hui, alors quelle sorte de peinture est-ce qu 'il veut faire? D'où il vient? Pourquoi et comment
il a rencontré la jeune fille qui lui sert de modèle et qu'il va donc prêter à Frenhofer? Et elle qu'est­
ce qu'elle veut faire? Tout cela permet de construire la personnalité , le passé des personnages, ça
intervient dans l'action. D'ailleurs dans La Belle noiseuse comme dans La Bande des quatre, on se
rend compte qu'il y a très peu d'action réelle, mais beaucoup de remémoration, de choses du pas-
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L E S T E N T A T I O N S D E M A Z A R I N

sé qui reviennent. Et ça c'est le fruit des notes que je prends et aussi de la vingtaine de pages que je
dois écrire pour l'avance sur recette , parce que, même s'il n'y a pas de scénario, il faut bien donner
une idée du film et une matière .

Si vous vous replongez, dans votre rôle de critique, quelle est la position de Rivette
par rapport au cinéma français d 'aujourd 'hui?

Je crois qu'elle est très excentrique ou excentrée en tout cas . On a en France cette
génération de la Nouvelle Vague qui est un cas historique quand même , parce qu'il est extrême­
ment difficile de situer Godard ou Rivette. Ce sont des personnages tellement à part des conditions
de la production habituelle . C'est parce qu'il existe des petits producteurs indépendants comme
Martine Marignac que Jacques peut continuer à faire des films . C'est parce que ses films malgré tout
continuent à avoir un public qu'il peut continuer à faire du cinéma . Mais on a toujours le sentiment
que c'est très fragile. Si La Bande des quatre avait eu le même sort que Hurlevent on pouvait se di­
re que la carrière de Jacques était terminée . C'était une question de survie que le film marche.

C'est un modèle de cinéma d 'auteur qui continue.

Oui, c'est l'incarnation du cinéma d'auteur que la génération de la Nouvelle Vague


a défendu en tant que critique avant de faire des films. Et ils l' incarnent réellement à travers les
films qu'ils font, mais c'est très menacé, même s'il y a toute une ligne de jeunes cinéastes qui conti­
nuent à aller dans ce sens.

Ils défendent cette idée du cinéma d 'auteur qu 'ils avaient défendue à l 'époque
aussi contre les scénaristes, donc vous y êtes concerné . . .

Oui, j e suis scénariste de Jacques, ça ne veut pas dire que . . .

Vous ne vous sentez pas auteur vous non plus?

Non, puisque finalement ce que défendait la politique des auteurs , c'est quelque
chose auquel je crois complètement aussi . Enfin, ce n'est pas un hasard si j'ai travaillé aux "Ca­
hiers" pendant longtemps, assez pour savoir que c'est la mise en scène qui détermine tout et non
pas le texte . C'est-à-dire que je ne crois pas en ce contre quoi se battaient les "Cahiers du Cinéma " ,
en l ' idée d u scénariste r o i q u e l e metteur en scène illustrait, c'était l e s scénarios d e Aurenche e t
Bost haïs p a r Truffaut, c'est connu , q u i étaient l e s scénaristes rois avec l e s mots d'auteur, une pen­
sée qui s'exprimait à travers les personnages , etc . Je ne crois absolument pas à ç a . Moi, ce qui
m'intéresse, ce qui m'amuse dans le travail avec Rivette, c'est d'essayer d'arriver à m'en sortir avec
les impossibilités que Rivette me demande . Mais donc, c'est la mise en scène qui est importante .

Mais n 'existe-t-il pas la tentation sinon d 'être un "scénariste roi '', du moins d 'être
un scénariste "Mazarin "?

Oui, un petit peu , bien sûr, oui, l'Eminence grise, c'est évident. )'ai quand même
l'impression d'avoir mis d'une certaine façon ma marque sur les films , parce que les scènes écrites,
c'est quand même moi et Christine Laurent qui les écrivons . Et les dialogues , sont les dialogues
qu'on a écrits, bien sûr. Mais tout cela à l'intérieur d'un système, qui est le système de Jacques Ri­
vette, le système de sa mise en scène . Je crois que si j'écrivais un scénario entièrement, je n'irais pas
ensuite demander à Jacques Rivette ou à qui que ce soit de le tourner, je le tournerais moi-même .
62

L E S T E \ T A T I 0 \ S D E M A 7. A !\ 1 \

J ac q u e s R i vette , tournage de L 'A mour fou. co l l . " C a h i e r s du c i n é m a .


L ' I M M A G I N E D E L S U 0 N 0

F RA N Ç O I S T H O M A S

I NTERVISTA CON P IERRE G A M ET

Quale è stato il sua itinerario professionale prima di Du elle, il sua primo film perJacques Rivette?

Mi sono iscritto ne! 1964 alla scuola di Cinema di via Vaugirard, <love sono rimasto
due anni ottenendo un diploma da tecnico specializzato a indirizzo "sonoro " . L'insegnamento a
Vaugirard era prevalentemente teorico e io non avevo ancora maturato nessuna esperienza. Mi
sono allora orientato verso !'IDHEC <love ho trascorso un anno e <love ho potuto davvero far pra­
tica del suono sui set. Con un compagno ho realizzato a Neuilly una trentina di brevi film promo­
zionali. Dopo il servizio militare ho fatto esperienza per due o tre anni su tutto ciè> che potesse ri­
guardare la registrazione audio: documenti, reportages, televisione, sempre alla giraffa. In seguito
ho fatto Etica Minorcon BertrandVan Effenterre e Le Milieu du Monde di Alain Tanner, i miei pri­
mi film corne tecnico del suono. Bertrand Van Effenterre era l'assistente di Jacques Rivette per un
progetto intitolato Lesfilles du soleil et de la lune, ed è stato lui a farmi incontrare Rivette .

Era un progetto che riguardava quattro film prodotti da Sunchild. Stéphane Tchal­
gadjieff era un produttore coraggioso (che è poi fallito) , un' avventuriera che produceva i film di
Marguerite Duras o di Straub . I quattro film avrebbero dovuto realizzarsi in successione, ma dopo
i primi due Rivette era esausto, in ogni caso Stéphane ci ha liberati dall'impegno . Avevo ricevuto
una proposta per un film in Svizzera e sono partito. In seguito hanno iniziato il terzo film - quello
con Albert Finney e Leslie Caron - e la riprese sono durate, cosi mi è stato detto , due giorni. Il pri­
mo giorno hanno piazzato tutto e l'indomani Rivette ha preparato un movimento di macchina di
una complicazione inaudita. Hanno girato una o due inquadrature , hanno preparato quella suc­
cessiva e Jacques, estenuato, è scomparso dalla circolazione corne soltanto lui sa fare .

Questi quattro film avevano un comune punto di partenza?

Jacques aveva scritto una sintesi di tre pagine, ogni film era riassunto in una sola
pagina . A partire da questo canovaccio i due sceneggiatori, Marilù Parolini e Eduardo De Grego­
rio, sviluppavano la trama giorno per giorno. Da quando conosco Jacques !'ho sempre visto lavo­
rare in questo modo . non !'ho mai visto scrivere una riga di testo . Per me questa serie di film rap­
presentava innanzitutto un'esperienza unica sui piano della musica. La scommessa propostami da
Rivette - io ero allora un giovanissimo tecnico del suono - era che la musica fosse presente sulla
scena e che interpretasse una vera parte in risposta a quel che capitava a livello drammatico . La
presenza di Jean Wiener in Duelle è eccezionale. Sapevo che in certe scene avrebbe suonato, ma
non sapevo cosa. In funzione di quanto sentiva quando si cominciava a girare egli si metteva a
suonare in diretta una musica che era sempre in armonia con la recitazione degli attori. In cerce in­
quadrature Io si sentiva fuori campo; talvolta non Io si vedeva proprio e in aitre occasioni Io si sco­
priva al termine di una panoramica. Egli appariva spesso , ma non parlava mai . Penso che nono­
stante tutto per talune scene avesse fatto un lavoro preliminare di organizzazione con Rivette , in
particolare per la sequenza del ballo che abbiamo girato a Pigalle in un locale notturno: in quel ca­
so la sua musica era stata preparata, aveva un brano ben preciso da suonare. In Noroît il cerna ve­
niva generalmente provato prima . I fratelli Cohen-Sola! non si lanciavano che raramente in una
improvvisazione totale. Per esempio si sono divertiti un mondo durante il sontuoso banchetto a
base di granceole che per me è stato davvero un incubo da registrare .

La scena più improvvisata era il duello con la spada , sui contrafforti, tra Humbert
Balsan e Larrio Ekson: i musicisti si sono scatenati, era la libertà totale. La scena invece in cui Ge­
raldine Chaplin e Kika Markham recitavano il testo di Tourneur, era stata provata poco prima . I
musicisti entravano con un ritmo o una frase musicale , ma non c'era moita scioltezza. E' stata
un'esperienza entusiasmante , m non mi è mai più stata riproposta . In ogni caso è un'idea che frul­
la sempre nella testa di Rivette e non è detto che un giorno non torni a sperimentarla. Jacques non
sopporta la musica composta a posteriori (in Hurlevent ha usato della musica classica) , e già in
L 'amour par terre era intenzionato a ripetere l'esperienza. L'idea era che fosse presente sulla sce­
na un dispositivo per produrre basi ritmiche azionato da! padrone di casa Jean-Pierre Kalfon, che
64

L ' I M M A G I N E D E L S U O N O

sarebbe stato anche una sorta di presentatore musicale e avrebbe programmato i ritmi a piacere .
In casa si sarebbe sempre sentita musica, talvolta "off" , talvolta "in", corne nel caso dei musicisti di
Noroît. Dopo le riprese Rivette avrebbe aggiunto una musica realizzata da strumenti secondo i rit­
mi programmati da Kalfon in diretta . Ancora una volta la musica non sarebbe stata un supporto
all'azione ma avrebbe svolto un vero e proprio ruolo all'interno del film, un ruolo vivo .

Questa idea ha avuto un tentativo di realizzazione?

No. Con Jacques ci siamo recati alla Yamaha. Oggi gli strumenti sono ancor più so­
fisticati, ma all'epoca esistevano dei pianoforti Yamaha in grado di memorizzare dei brani e che
contenevano anche una funzione per i ritmi. Bisognava sentire Jacques scatenarsi sulla tastiera!
Era eccitatissimo e faceva un rumore infernale. Tremavo all'idea di avere quel marchingegno in
scena ed ero impaziente di sapere che cosa dovevamo aspettarci. Con Jacques non c'è mai né pre­
cisione né rigore. Sono idee in ebollizione : "Sarebbe opportuno fare questo: gli altri non lo fanno
quindi bisogna assolutamente farlo" . Quando, dopo la prima settimana di ripresa, siamo arrivati
nella casa, era stato piazzato un organo con cui Kalfon avrebbe dovuto suonare , ma poi Jacques
non vi ha più pensato e si è concentrato, sui suoi personaggi, aveva capito che Io strumemo , che
non dominava completamente, sarebbe stato un ostacolo sul piano sonoro, perché avrebbe limi­
tato le sue possibilità di montaggio.

Quali vincoli poneva al tecnico del suono il sistema musicale di Duelle e di Noroît?

Erano innanzitutto vincoli per la messa in scena : se la musica è già presente in di­
retta , è evidente che non si puo più tagliare un dialogo e si è obbligati a filmare quasi sempre in
piano-sequenza. Questo non preoccupava Rivette che ha un vivo senso del ritmo nel piano-se­
quenza: più sono lunghi più si sente a suo agio. Egli ama creare eventi nuovi da una ripresa all'al­
tra : la musica era una fonte supplementare di casualità . Per l'equipe audio il problema principale
era riuscire a registrare correttamente le voci in funzione del livello sonoro della musica , ottenen­
do una buona comprensione dei dialoghi.

Credo che oggi utilizzerei un'altra tecnica, ma all'epoca avevo scelto un sistema
più rischioso: non disponendo di un Nagra a doppia pista , lavoravo in mono, su un solo Nagra .
Eravamo totalmente dipendenti dal livello musicale , dai diversi livelli sonori che potevano "so­
vrapporsi" gli uni agli altri, per esempio, se all'improvviso i musicisti si scatenavano e gli attori non
ne tenevano conto . Era mio compito andare dai musicisti e in certi momenti per certe battute ,
chiedere loro di abbassare il volume. Ed erano proprio i musicisti a modulare il volume . Il mio as­
sistente seguiva il testo con la giraffa accompagnando i movimenti degli attori che si spostavano
continuamente , mentre con un microfono nascosto , vicino ai musicisti, io facevo il dosaggio . Io
modulavo subito il volume,"live " , in diretta e consegnavo a Jacques Rivette il bilanciamento paro­
le-musica. Non si potevano apportare né ritocchi né spostamenti alla musica. La mia registrazione
veniva missata una volta per tutte . Era molto angosciante , ma allo stesso tempo molto eccitante .
Ad ogni ripresa lavoravo senza rete. Ma Jacques non ha mai sottolineato eventuali miei errori.

Un giorno, avrei quasi pianto . Era all' inizio di Noroît, quando Geraldine Cha­
plin scopre il fratello in riva al mare e mormora alcune frasi in inglese antico, con la risacca del
mare e i fratelli Cohen-Sola! che si mettevano a suonare due enormi contrabbassi " off" , appe­
na fuori inquadratura , me ne ricorderè> per tutta la vita: non si sente una sala parafa del dia­
logo. Ero disperato. Si trattava di un'inquadratura molto ampia e non potevo registrare il testa
con la giraffa senza entrare in campo . Avevo messo dei microfoni nascosti nel lichene , nella
sabbia con il mare che li ricopriva. Anche se avessi potuto usare microfoni HF senza fili non
sarebbe servito perché gli attori erano bagnati.

Sono andato più volte da Jacques per dirgli che non potevo fare nulla ma egli mi ri­
spondeva "Io capisco tutto! Capisco tutto, nessun problema" . In realtà la registrazione in diretta era
molto tenue, cioè si intuiva appena il testo. Parlo dell'originale, perché Jacques , in fase di missag­
gio, ha ancora aggiunto il fragore delle onde del mare tanto che non si sentiva più nulla di quel po­
co di dialogo che era riuscito a registrare. In realtà si sarebbe trattato semplicemente di qualche fra­
se da doppiare in studio: avevo registrato a parte i contrabbassi, dunque si poteva ricostruire tutto
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L ' I M M A G I N E D E L S U O N O

rimettendo il rumore del mare e ottenendo un dialogo chiaro. Ma con Jacques niente sincronizza­
zione. Aveva fatto tornare Geraldine Chaplin da Madrid per registrare delle voci "off" ma non le ha
fatto rifare queste battute. Dopo il missaggio, all'uscita del film tutti gli dieevano: "Magnifico, straor­
dinario, ma all'inizio non si capisee nulla" ! E' stato neeessario che almeno dieci persane gli dieesse­
ro: "Jacques, ti assicuro che non si capisee niente del dialogo iniziale, è davvero irritante" . Allora ha
avuto questa idea geniale di mettere dei sottotitoli, un vero oltraggio per il tecnico del suono. Io
l'ho sempre seguito nella sua follia, ma in questa circostanza era andato troppo avanti per me. Ero
completamente sconvolto, quel tira dei sottotitoli proprio non mi andava giù . Baba, mia moglie,
seconda assistente nel film, ha inveee avuto una reazione positiva dieendomi che era una sorta di
allusione verso lo spettatore: chi ama Rivette Io capirà . Se ha voluto abbondare con il fragore del
mare è perché ne sentiva la neeessità .

In fondo è lui che padroneggia il suo film, è lui che ha voluto questa colonna sono­
ra, bisogna prendere il film cosi cosi com'è. Mettere dei sottotitoli è una gag rivettiana . Noroît è eer­
tamente il film più pazzo che io abbia mai fatto . Nori ho mai vissuto una tale avventura. Ci trovava­
mo questa volta fuori Parigi, a Fort Lalatte , in un magnifico castello aile prese con quello che in
fondo era un film d'avventura . A parte La religieuse, era la prima volta che Jacques si trovava in
mezzo alla natura , che lasciava Parigi. Non c'era più la Cinémathèque per Rivette . . . e la follia è rad­
doppiata . Jacques era particolarmente eccitato all'idea di girare in esterni, con imbarcazioni, con
seene di zuffe e duelli. Era per lui la possibilità di fare un film d'azione , di fare quello che aveva si­
curamente sognato vedendo numerosi film di pirati. Per la maggior parte del tempo non si sapeva
che casa si sarebbe fatto . C'era una gioia condivisa da tutti noi tecnici a scoprire ogni mattina ci6
che gli sceneggiatori avevano ideato nella notte . Era già il principio di Duelle, con la differenza
che a Parigi c'erano moite più riunioni e discussioni.

Una volta a b b iamo girato tutta l a notte in riva a l mare e la marea saliva; era
giunto il momento di spostare la cinepresa per non essere inghiottiti, ma Jacques voleva con­
tinuare a girare . Le riprese stesse erano una specie di avventura che noi vivevamo attraverso
personaggi un po' rocamboleschi. Ricorderà sempre Bernadette Lafont, ne] ruolo di capo dei
pirati, per i suoi rumorosissimi pantaloni. Faceva uno strano effetto quando la si sentiva arri­
vare da! fondo di u n corridoio: ogni volta che si voltava era su una battuta e il rumore dei pan­
taloni copriva il dialogo. E questo affascinava Jacques. Se avessi avuto la malaugurata idea di
far cambiare i pantaloni, mi avrebbe fucilato sui posto.

Rivette desidera veramente che i dialoghi siano comprensibili?

Si, per lui è sempre importante. In modo particolare i testi di Cyril Tourneur in No ­
roît: anche se si trattava di un inglese incomprensibile per la maggior parte degli spettatori, voleva
che fosse perfetto. Il suo atteggiamento è diverso da quello di Godard. Se un autobus parte sulla
battuta di un attore , Godard troverà più interessante il rumore dell'autobus. Rivette è ben feliee
che si verifichino incidenti sonori , purché il testo sia comprensibile. Quando si verifica un inci­
dente - e Dio sa quanti ne accadono nei film di Jacques - gliene parlo, ma lui arriccia il naso ; è
qualcosa di cui non gli piaee parlare, lo irrita . Va a fare un giro, poi quando toma rifà la ripresa, e
questa volta non sarà disturbata . Sistematicamente pero egli sviluppa l'altra; durante il montaggio,
se c'è un rumore veramente fastidioso, non esita a prendere tre frasi nella ripresa n. 5 pur avendo
sviluppato la 2, e se la sincronizzazione non è buona fa poi gli aggiustamenti parola per parola.

In Merry Go Round la musica non è registrata sulla scena, ma si alterna alla nar­
razione, came le scene di inseguimento trajoe Dallesandro e Hermine Karagheuz. L 'integrazio­
ne ne/film di queste parentesi era previstafin dall'inizio?

Credo che la decisione sia stata presa alla fine delle riprese . Merry Go Round, per
quanta riguarda la costruzione della vicenda , è stato il caso più difficile . Non avevo mai visto cosi
pochi appunti per un film. Un gran numero di scene è stato rimaneggiato in fase di montaggio, di­
rei persino che Jacques ha completamente ricostruito il film durante il montaggio. Quando girava­
mo il film non c'era nessuna coerenza . Accostavamo le seene le une alle aitre senza sapere in qua­
le direzione si proeedeva . Ad un eerto punto il film girava a vuoto , tanto che Jacques ha deciso di
sospendere per qualche giorno, perché nemmeno lui si ritrovava nella sua vieenda . Ad un eerto
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L ' I M M A G I N E D E L S U O N O

J a c q u e s R ivette , Hurlevent punto sembrava addirittura che il film fosse bloccato . Le riprese procedevano cosl lentamente che
io non ho potuto ultimare il lavoro essendo impegnato con u n altro film . Ho pero registrato in un
pomeriggio , a casa diJuliet Berto , la musica improvvisata di Barre Phillips e John Surma n , che ave­
vano pero provato secondo le indicazioni di Jacques e concordandola con l u i .

I l ricordo che mi è rimasto di Merry Go Round è il nostro rincorrere con macchina


da presa e Nagra gli attori che continuavano a inseguirsi l ' u n l ' altro. La scommessa di fondo del
film era l'uso della macchina da presa a spalla . La scena era poco illuminata , col minimo di l u c e .
Bisognava girare molto in fretta , Jacques voleva il massimo d e l l a immediatezza con gli attori . Stra­
namente , invece, quando !l;'jaria Schneider e Joe Dallesandro entrano in una grande casa e pranza­
no a !urne di candela, Jacques decide di " costru ire" la sequenza . Willy Lubtchansky aveva fatto un
grande lavoro di illuminazione . Nel bel mezzo del film, ne risulta una sequenza con moiti più stac­
chi, più elaborata . Ma per me Merry Go Round non è u n film veramente compiuto e ben padro­
neggiato . Con Jacques sovente dipende dalla forma fisica ed intellettuale che egli ha durante le ri-
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L ' I M M A G I N E D E L S U O N O

prese . E in quell'occasione non riusciva a sentire il suo film e si sentiva a disagio . Eppure non vi è
alcun dubbio che alla fine egli abbia realizzato un film strutturato, poiché Jacques secondo me è
oggi uno dei migliori montatori esistenti .

Quale tipo di collaborazione si era instaurata durante le riprese di questi quattro


film, fra l'equipe audio e l 'operatore capo William Lubtchansky?

Attualmente è più di una collaborazione: è una famiglia. Willy adora il suono. Co­
nosce le difficoltà delle inquadrature di Rivette e sa bene in quali problemi ci troviamo continua­
mente , cosicché c'è sempre tra noi un aiuto reciproco. Quando diamo qualche disturbo per un
problema di ombre si risolve tutto in fretta. Penso che sia l'operatore con cui c'è maggiore intesa
e con cui il lavoro procede più speditamente . Il suono Io appassiona e si diverte talvolta a pro­
vocarci con le ultime novità tecniche ; quando ci vede aile prese con dei problemi, ci lancia un
" Perché non metti dei microfoni-cravatta? Microfoni cravatt a ! " Ma sa bene che mi piace il " M
1 60 " 1 . Se ci fosse capitato un operatore che cura le luci senza tener conta dei nostri problemi, i l
suono sarebbe ben diverso. Ci tengo a sottolinearlo: s e i n un film i l suono è d i buona qualità, si­
gnifica che un operatore è stato comprensivo con chi manovra la giraffa e fa ombra sulla scen à .
La qualità del suono è spesso legata al fatto che il microfono sia anche solo cinquanta centimetri
più "icino. Quando Rivette apre la finestra e fa suonare il violoncello questi cinquanta centime­
tri sono determinanti; basta un piccolo sforzo di un operatore che metta uno schermo per na­
scondere un' ombra perché si possa evitare di usare degli HF. Ci si imbatte talvolta in operatori
meno disposti a collaborare con ! ' audio e che sapendo che la colonna sonora verrà ritoccata ,
non tengono canto dei problemi audio . Con Willy non è mai accaduto. Egli ricompone l'illumi­
nazione adattandosi ai nostri problemi. Benché il mio operatore alla giraffa, Bernard Chaumeil,
non manchi di anticipare le nostre esigenze .

La colon na sonora di L'amour par terre è molto più "nitida ", priva di rumori inu­
tili rispetto a quella di Noroît anch 'esso girato in parte in esterni. A che casa è dovuto?
-

La regia di Rivette - il legame è evidente - era essa stessa meglio padroneggiata. Egli
aveva più tempo per impostare la messa in scena, per riflettere sui movimenti della cinepresa . Bo­
nitzer scriveva degli appunti che ci consegnava il giorno prima : era un vantaggio rispetto a Noroît,
quando li ricevevamo la mattina stessa . Nonostante la regia fosse ancora sempre fluida e mobile ,
era perô molto più "elaborata" e provata in precedenza. Per noi tecnici questa organizzazione è im­
portante . Gli spostamenti degli attori, benché sempre approssimativi (con Rivette non si fa uso di
nastro isolante per gli attori), venivano provati due o tre volte .

ln Noroît si andava allo sbaraglio dopo la prima prova. Jacques non voleva assoluta­
mente che la scena si organizzasse e diventasse meccanica. In L 'amour par terre l'ambiente era re­
lativamente silenzioso, e anch'io credo che, avendo aile mie spalle un maggior numero di film, fos­
si in grado di controllar meglio la situazione. Benché con Jacques non Io sia mai veramente (il suo
motto è "perché semplificare quando si puè> complicare?"). Poi era molto più facile avere una buo­
na qualità del suono perché non dovevamo più lottare contra gli elementi naturali corne in Breta­
gna . Infatti L 'amourpar terre si svolge prevalentemente in interni nella famosa casa di Saint-Cloud 2 .
Questo non significa che le inquadrature fossero semplici, ma gli incidenti sonori erano più con­
trollabili. In compenso Jacques si adoperava con la sua regia per complicarsi la vita in ogni scena .
Ricordo alcune scene in cui lavoravamo carponi . Dato che Jacques è magro passa dovunque, ma
quando la cinepresa insieme con l'operatore , e l'équipe audio (che è il minimo) deve seguire Io
stesso percorso allora improvvisamente non si passa più! Eravamo costretti ad una ginnastica incre­
dibile. Tutti i tecnici del suono che hanno lavorato con Rivette vi diranno che i suoi film fanno parte
dei lavori più difficili da registrare correttamente. E' inaudito quanti spostamenti faccia l'equipe di
un film di Rivette. Ed è per questo che io adora lavorare con Jacques: egli mette aile strette noi tec­
nici . Che si tratti di illuminazione, di audio o di altri aspetti, ci obbliga a dare il meglio di noi stessi, a
rischiare corne egli fa ogni giorno ad ogni minuto.

Ha utilizzato microfoni HF in L'amour par terre?

Raramente . E' una tecnica che non amo particolarmente. Riconosco che è indispensabile, che mi-
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L ' I M M A G I N E D E L S U O N O

gliora e rende più sciolta la regia (non ci sono più vincoli di ombre e luce) , ma trovo che si va ver­
so la facilità e che in fondo qualità e rigore del suono ne risentono.
Ritengo che un suono debba rispettare le dimensioni, la spazialità di un'immagine , la logica della
messa in scena . Se un regista vuole assolutamente che si sentano "presenti" degli attori che si tro­
vano a cento metri dalla cinepresa, si è costretti ad usare microfoni HF, ma non si puà dire che sia
coerente . Io cerco di far in modo che gli attori vengano registrati in funzione della loro condizione
reale. Ed anche se con la giraffa ottenevo un suono meno nitido , corne ad esempio in Passe ton
Bac d 'abord di Pialat, trovavo coerente il modo di lavorare .

Quando ho iniziato a lavorare con Jacques non avevo scelta perché non potevo di­
sporre di microfoni HF. Ma questo fa parte della scommessa che ho fatto con lui e alla quale, fino­
ra non sono mai venuto meno. Poiché a Jacques piace molto la giraffa, mi sono prefisso - ed è esal­
tante - di risolvere sempre questi problemi con una giraffa, di trovare la soluzione più semplice e
razionale , senza moltiplicare i microfoni, restando flessibile al massimo per poter seguire la sua
mobilissima cinepresa. Ed è ogni volta una grande soddisfazione sia per per il giraffista che per il
tecnico del suono.

In Duelle e Noroît ho lavorato con un giraffista molto in gamba, Michel Kharat. In


Noroît il suono non era sempre di buona qualità, perché si lavorava all'interno di inquadrature con
focali larghe , con personaggi a cavallo in immense pianure , e con un vento assordante. Qualsiasi
inquadratura di un film di Rivette ci obbliga a superare difficoltà il più rapidamente possibile. C'è
una sorta di voluttà ne! vedere gli attori passare da una stanza all'altra, nel nascondere i microfoni,
ne! chiedere all'assistente di andare a cogliere con la giraffa, proprio all'ultimo momento una bat­
tuta; quando l'attore passa sotto la cinepresa io mi metto carponi per registrare la breve frase che
deve pronunciare , poi il giraffista si occupa del resto della scena . Abbiamo sempre fatto cosi :
quando l'architettura Io permetteva si faceva tutto con la giraffa e quando la cinepresa si spostava
da una stanza all'altra, si utilizzavano i microfoni. In L 'amourpar terre eravamo soltanto due, Ber­
nard Chaumeil ed io, con l'aiuto di qualche tirocinante, ma abbiamo lavorato con il Beyer 160.

Ci sono state, è vero, delle situazioni in cui ho adoperato dei microfono HF, ma ra­
ramente. Eccone un esempio: siamo in cima a una scalinata, André Dussolier ritrova jane Birkin, si
volta e le rivolge alcune parole prima di uscire sulla scalinata; egli si trovava con le spalle alla gi­
raffa e l'inquadratura era talmente ampia che non sentivo una parola di quello che diceva ed ero
quindi costretto a mettergli un microfono HF, ma solo per questa breve frase , per ricuperare
l'informazione che mi mancava . C'è anche una scena importante che abbiamo girato in esterni,
con effetto notte, e che non avrei mai potuto registrare con la giraffa: mi riferisco alla scena in cui
Geraldine Chaplin distrugge la statua dell'amore e si lancia in un lungo discorso. C'era tutto un
gioco di scena coreografico da realizzare e quando lei si trovava molto lontano dalla cinepresa
non sentivo nulla perché eravamo in pieno giorno, con il traffico di Saint-Cloud, mentre la scena
era ambientata di notte . Jacques diceva : "Metteremo delle rane" ; ma questo non avrebbe impedito
di sentire il traffico. Ho quindi usato un HF, e questo ci permetteva di avere la voce di Geraldine
più presente . Se avessimo usato costantemente sei microfoni HF, avremmo certo ottenuto una
bella voce di petto, ma non ci sarebbero stati tutti quei rumori casuali, quell'acustica che caratte­
rizza il castello di Noroît o la casa di L 'amourpar terre.

Capita, nonostante tutto, che Rivette aggiunga effetti sonori?

Si, ma è raro. Il principio stesso del cinema di Rivette, per quanto concerne le ver­
sioni francesi è il suono in diretta. Si utilizzano invece gli effetti sonori per le versioni cosiddette in­
ternazionali. E' raro perà che egli aggiunga soltanto suoni. In L 'amourpar terre, durante la ripresa
è passato un elicottero ,ed egli ha non solo conservato questa registrazione ma ha deciso di ag­
giungeme un altro solo nella colonna sonora . Quando Jane Birkin recita la piece teatrale, si sente
il rumore del mare . In realtà durante le riprese io avevo mandato in play-back dei rumori di foresta
esotica, ma Jacques li ha sostituiti con il mare . Questo dà all'inquadratura una straordinaria poten­
za. In fase di missaggio il mixer controlla i suoni in diretta, ma è Io stesso Rivette a tenere i poten­
ziometri dei rumori d'ambiente , e li mette generalmente a un volume più elevato di quanto non si
usi abitualmente . E' molto vicino a Godard, con la differenza che Godard padroneggia meglio la
tecnica. 0 piuttosto Godard utilizza il procedimento inverso, poiché prende il testo e la musica, la-
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L ' I M M A G I N E D E L S U O N O

sciando tutti gli effetti all'addetto del missaggio. Ho visto Godard missare Detective-. , lavorava uni­
camente ad orecchio, facendo andare e venire la musica in modo completamente arbitrario (tran­
ne che per lui evidentemente) . Meravigliava osservare con quale regolarità lavorasse. Jacques,
quanto a lui, ha la stessa precisione coi rumori d'ambiente, il mare, il vento e gli uccelli.

Il missaggio, neifilm di Rivette, ha maggiore o minore importanza che in quelli di


a/tri registi?

In un film di Jacques Rivette il numero di bande sonore è piuttosto limitato : tre o


quattro, mentre si pu6 arrivare fino a quindici bande in un missaggio . La sua banda sonora è già
molto ricca di imprevisti sonori ed egli si limita ad aggiungerne altri. Il lavoro di missaggio consiste
in gran parte nel colmare i brevissimi spazi che si possono creare quando egli sostituisce , in tutto o
in parte , una frase con un'altra (in L 'amour par terre il suono era completamente frazionato) , o
nell'armonizzare i raccordi sonori tra un'inquadratura e l'altra. La colonna sonora esiste già virtual­
mente ne! suono diretto.

L 'esperienza musicale di Du elle e di Noroît era dunque anche un 'esperienza di


missaggio che consisteva nell'avere, già missati, musica e suoni in diretta?

Esatto . Missati su una sola pista . E la presenza della musica impediva di aggiungere
altro: c'era già tutto.

Seconda Lei, si puà riconoscere lo stile di un tecnico del suono?

A dire il vero, è molto meno evidente che per un operatore capo. Le colonne sono­
re cui penso immediatamente sono quelle di Jean-Pierre Ruh per i film di Rohmer. E' un suono di
una purezza incredibile che rende il calore di una voce corne nessun altro . Da giovane adoravo
Jean-Pierre Ruh. Sapevo che lavorava con un valido giraffista e ne! modo più semplice possibile.
Lavoriamo con Io stesso tipo di microfono il 160.

Siamo degli "anziani" che restano legati a questo tipo di microfono più per ragioni
estetiche che tecniche. Si potrebbe parlare anche di William Sivell, o di Bonfanti, che appartiene al­
la generazione di Jean-Pierre Ruh e che anche lui missava personalmente i suoi film. Aveva una pre­
dilezione per la registrazione audio ad alto rischio. Era un tipo che non aveva esitazioni ed accettava
una colonna sonora molto ricca, densa , carica di elementi piuttosto che renderla asettica. Ritengo
che la colonna sonora di un film debba costituire un tutto con l'immagine, con la storia o con la fol­
lia di un regista. Le più belle colonne sonore sono quelle in cui c'è osmosi tra messa in scena e tecni­
ca del suono. Per quanto mi riguarda credo che questa osmosi sia ben realizzata nei film di Rivette.
Se metto a confronto l'un con l'altro questi quattro film, vi riconosco una continuità con un migliora­
mento ne! caso di L 'amourpar terre. Purtroppo non ho visto Le pont du nord, ma siccome tutto era
registrato con microfono HF, credo che vi debba essere una significativa differenza .

La lavorazione del sonoro dipende comunque molto dalla messa in scena. Ho avu­
to la fortuna di lavorare con Godard, Rivette et Resnais, tre registi con cui il lavoro non pu6 non es­
1 Il Beyer M 160 a doppio
sere eccitante per i rischi che si debbono correre . La colonna sonora in definitiva è sempre opera
nastro, è un microfono molto del regista, è una colonna sonora di Jacques Rivette o di Jean-Luc Godard. Io, Pierre Gamet, non
direzionale che permette avrei mai osato presentare una colonna sonora corne quella all'inizio di Noroît e forse avrei fatto
di attenuare i rumori parassiti e
rende panicolarmente bene il male: in realtà è Jacques che si è preso questa responsabilità ed ha sentito il bisogno di avere que­
calore e la grana della voce . sto magma sonoro . Noi tecnici del suono, passiamo il nostro tempo a costruire bande sonore il più
2 La villa Gounod a Saint­
possibile nitide, ma non è questo l'aspetto più importante. Noi facciamo la nostra scelta , con la no­
Claude ha anche fatto da
comice a Toutfeu toutflamme stra sensibilità diamo un colore al suono ma in fondo dovrebbe essere il regista a fare il missaggio
di Jean-Paul Rappeneau del film. Godard ha sentito l'esigenza di fare lui stesso, con il Nagra, la registrazione audio di alcu­
0982), La Belle Captive di
ni dei suoi film o dei suoi video. E' lui che è andato più in là, corne regista . E corne per caso ritro­
Alain Robbe-Grillet 0982) e
Bérénice di Raoul Ruiz 0983). viamo Godard e Rivette al missaggio, aile manopole , aile prese con la materia.
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L ' I M M A G I N E D E L S U O N O

J a c q u e s R i vette , Jane B i rki n , L 'A mour par terre.


L 1 I M A G E D U S 0 N

FRANÇ O I S THOMAS

E NTRET I EN AVEC P I ERRE G A M ET

Quel a été votre intinéraire professionnel avant Du elle, votrepremierfilm pourJacques Rivette?

Je suis rentré en 1 964 à ['Ecole de Cinéma de la rue de Vaugirard où je suis resté


deux ans et où j'ai obtenu un Brevet de Technicien Supérieur option son. L'enseignement à Vaugi­
rard étant surtout théorique, je n'avais aucune expérience. Je me suis alors dirigé vers L'IDHEC où
j'ai passé un an et où j'ai pu vraiment pratiquer la prise de son sur un plateau . J'ai fait avec un ca­
marade , à Neuilly, une trentaine de petits films de promotion. Après le service militaire, je me suis
fait la main pendant deux ou trois ans sur tout ce qui pouvait se présenter pour enregistrer du son:
documentaires, reportages , télévision, tout cela à la perche . Puis j'ai fait Erica Minar avec Ber­
trand Van Effenterre et Le Milieu du Monde d'Alain Tanner, mes premiers films en tant qu'ingé­
nieur du son. Bertrand Van Effenterre s'est trouvé être l'assistant de Jacques Rivette sur un projet
qui s'appelait Lesfilles du soleil et de la lune, et c'est lui qui m'a fait rencontrer Rivette.

C 'était un projet qui portait en fait sur quatre films , et que produ isait Sunchild.
Stéphane Tchalgadjieff était un producteur courageux (il a fait faillite depuis) , un aventurier qui
produisait les films de Marguerite Duras ou de Straub. Les quatre films devaient s'enchaîner les
uns à la suite des autres, mais au bout des deux premiers Rivette était extrêmement fatigué , en
tous cas Stéphane nous a libérés . J'avais eu une proposition de film en Suisse, et j'ai dû partir. En­
suite ils ont commencé le troisième film - celui avec Albert Finney et Leslie Caron -, et le tournage
m'a-t-on dit a duré deux jours . Le premier jour ils ont fait la mise en place, et le lendemain Rivette
a préparé un mouvement d 'appareil d'une complication insensée . Ils ont tourné un ou deux
plans, ils ont préparé le suivant, et Jacques, exténué, a disparu de la circulation comme lui seul sait
le faire .

Ces quatrefilms avaient-ils un point de départ commun?

Jacques avait écrit un synopsis qui devait faire trois pages, chaque film étant ré­
sumé en à peine une page . A partir de cette trame les deux scénaristes, Marilù Parolini et Eduardo
de Gregorio , faisaient avancer l'intrigue au jour le jour. Depuis que je connais Jacques, je l'ai tou­
jours vu fonctionner de cette façon . Je ne l'ai jamais vu écrire une ligne de texte . Pour moi, cette
série de films représentait avant tout une expérience unique sur le plan de la musique. Le pari que
me proposait Rivette -j 'étais tout jeune ingénieur du son-, c'était que la musique soit présente sur
le plateau , qu'elle joue son propre rôle en réponse à ce qui allait se passer dramatiquement.

La présence de Jean Wiener dans Duelle est formidable. Je savais que dans certains
décors il allait jouer, mais j'ignorais quoi. En fonction de ce qu'il entendait quand on commençait
à tourner, il se mettait à jouer, en direct, une musique qui était toujours en harmonie avec le jeu
des comédiens. Dans certains plans on l'entendait "off" ; parfois on ne le voyait jamais, et à d'autres
moments on le découvrait au détour d'un panoramique . Il était souvent dans l ' image , mais il
n'intervenait jamais verbalement. Je pense que pour certaines scènes il avait fait malgré tout un
travail préalable de mise en place avec Rivette , notamment pour la séquence du bal que nous
avons tournée à Pigalle dans une boîte de nuit: là sa musique avait été travaillée , il avait un mor­
ceau bien précis à jouer. Dans Noroît, le thème était généralement répété avant. Les frères Cohen­
Solal ne se lançaient pas dans une improvisation totale, sauf par moments. Par exemple ils s'en
sont donné à cœur joie pendant cet immense banquet, avec des araignées de mer, qui m'est tou­
jours resté comme un cauchemar à enregistrer. La scène la plus improvisée, c'était le duel à l'épée ,
sur les remparts, entre Humbert Balsan et Larrio Ekson: les musiciens se sont déchaînés, c'était la
liberté totale. En revanche , quand Géraldine Chaplin et Kika Markham disaient le texte de Tour­
neur, c'était répété un peu avant. Les musiciens mettaient en place un rythme ou une phrase musi­
cale , mais ce n'était pas extrêmement huilé . L'expérience était passionnante, jamais on ne me l'a
reproposée depuis. En tous cas c'est une idée qui trotte toujours dans la tête de Rivette , et peut­
être qu'un jour j'y aurai droit à nouveau . Jacques ne supporte pas la musique faite après coup
(dans Hurlevent il a mis de la musique classique) , et déjà dans L 'A mourpar terre il avait eu l'inten-
72

L ' I M A G E D U S O N

tion de renouveler cette expérience. L'idée était qu'une boîte à rythmes soit présente sur le pla­
teau et soit mise en route par le maître de maison, Jean-Pierre Kalfon, qui aurait aussi été une sor­
te de meneur de jeu musical. I l aurait programmé des rythmes à sa guise. C'était une maison où
l'on aurait toujours entendu une musique , laquelle aurait été tantôt "off' , tantôt "in", comme pour
les musiciens de Noroît. Après le tournage, Rivette aurait ajouté une musique jouée par des instru­
ments aux rythmes programmés par Kalfon en direct. Là encore la musique n'aurait pas été le sup­
port de l'action mais aurait joué un vrai rôle dans le film, un rôle vivant.

Cette idée a-t-elle connu un début d 'exécution?

Non. Nous sommes allés avec Jacques visiter la Yamaha . C'est encore beaucoup
plus sophistiqué maintenant, mais à l'époque il existait des pianos Yamaha où l'on pouvait mettre
en mémoire des morceaux, et qui contenaient aussi une boîte à rythmes. Il fallait entendre Jacques
taper sur l'orgue! Il était excité comme une puce, ça faisait un bruit d'enfer. Je tremblais à l'idée
d'avoir cet engin sur le plateau , et j 'étais impatient de voir ce qui nous attendait. Avec Jacques, ce
n'est jamais précis, ce n'est jamais rigoureux. Ce sont des idées qui pétillent: "Ce serait bien de fai­
re ça: les autres ne le font pas, alors il faut absolument qu'on le fasse".

Quand nous sommes arrivés dans la maison après la première semaine de tour­
nage, un orgue était en place sur lequel Kalfon était censé jouer, et puis ça lui est complètement
sorti de l 'esprit. Jacques s'est concentré sur ses personnages, il s'est aperçu que cette machine ,
qu'il ne dominait pas tout à fait, allait le coincer sur le plan sonore en limitant ses possibilités de
montage .

Quelles sont les contraintes qu 'imposait à l 'ingénieur du son le dispositif musical


de Duelle et de Noroît?

Cela entraînait tout d'abord des contraintes pour la mise en scène: dans la mesure
où la musique est déjà présente dans le direct, il est évident qu'on ne peut plus découper dans un
dialogue, si bien qu'on est obligé de filmer la plupart du temps en plan-séquence . Ce n'est pas fait
pour ennuyer Rivette : il a un sens aigu du rythme dans les plans-séquences, et plus un plan est
long et tortueux, plus il adore ça. Il aime bien créer des accidents d'une prise à l'autre : la musique,
c'était une source d'accident supplémentaire .

Pour l'équipe du son, la contrainte principale était de parvenir à enregistrer correc­


tement les voix en fonction du niveau sonore de la musique, d'obtenir malgré tout une bonne in·
telligibilité des dialogues. Je pense qu'aujourd'hui j 'utiliserais une autre technique , mais à cette
époque j'avais choisi un système plus dangereux: comme je ne disposais pas d'un Nagra bi-piste
je travaillais en mono, sur un seul Nagra . Nous étions complètement dépendants du niveau musi­
cal, des différents niveaux sonores qui pouvaient se "masquer" les uns les autres, par exemple s
tout à coup les musiciens se déchaînaient et que les acteurs n'en tenaient pas compte .

C 'était à moi d'aller voir les musiciens et de leur demander, à tel moment par rap·
port à telle réplique, d'essayer de descendre un tout petit peu . Et ce sont eux, les musiciens , qu
nous faisaient la balance. Mon assistant suivait le texte avec la perche, suivait les allées et venue�
des comédiens (ils se déplaçaient sans cesse), tandis qu'avec un autre micro dissimulé près de�
musiciens je faisais mon dosage . Je faisais la balance tout de suite, "live " , en direct, je livrais à Jac­
ques Rivette mon propre équilibre musique-paroles. On ne pouvait ni retoucher, ni décaler la mu·
sique. Ma bande était mixée une fois pour toutes. C'était très angoissant et en même temps très ex·
citant. A chaque prise je travaillais sans filet. Jacques ne m'en a jamais voulu d'échouer par mo·
ments . Un jour, j'en ai presque pleuré . C 'était au début de Noroît, quand Géraldine Chaplin dé
couvre son frère au bord de la mer et murmure quelques phrases en vieil anglais, avec le ressac d(
la mer et les frères Cohen-Sola!, avec deux immenses contrebasses "off' , bord-cadre, qui se met
taient à jouer, je m'en souviendrai toute ma vie: on n 'entendpas un traître mot du dialogue. ]'étai�
catastrophé . C'était un plan assez large, et je ne pouvais pas enregistrer le texte à la perche sarn
rentrer dans le champ. J'avais mis des micros dans le lichen, dans le sable, avec la mer qui les re
couvrait. Même si j'avais pu disposer de micros HF sans fil cela n'aurait pas marché car les corné
diens étaient trempés.
73

L ' I M A G E D U S O N

Je suis allé voir Jacques plusieurs fois pour lui dire que je ne pouvais absolument rien faire, et il me
répondait "Moi, j 'entends tout! ]'entends tout, pas de problème!" En fait le direct était très fragile,
c'est-à-dire qu'on devinait le texte. Je parle du direct original, car Jacques au mixage a rajouté de
la mer et des vagues, si bien qu'on n'entendait plus du tout le peu de dialogue que j'avais pu enre­
gistrer. A vrai dire, cela représentait tout au plus quelques phrases à doubler en auditorium: j'avais
enregistré à part les contrebasses, on pouvait tout reconstituer, remettre de la mer, et obtenir un
dialogue propre. Avec Jacques, pas de synchro. Il avait fait revenir Géraldine Chaplin de Madrid
pour enregistrer des voix off, mais il ne lui a pas fait refaire ces répliques. Après le mixage, à la sor­
tie de la projection, tout le monde lui a dit: "C'est formidable , c'est extraordinaire, mais au début
on n'y comprend rien! " Il a fallu qu'il y ait au moins dix personnes qui lui disent: "Jacques, je t'as­
sure, on ne comprend rien au dialogue du début, c'est quand même agaçant" . Alors il a eu cette
idée géniale de mettre des sous-titres, ce qui est quand même la honte pour l'ingénieur du son.

] ' a i toujours foncé avec lui dans sa folie , mais là il était allé trop loin pour moi .
] 'étais complètement décomposé, le coup des sous-titres m'était resté là. Baba, ma femme , qui
était seconde assistante dans le film, a eu une bonne réaction en me disant que c 'était un clin
d'œil: les gens qui aiment Rivette comprendront ça. S'il a mis autant de mer, c'est qu'il en sentait la
nécessité . En définitive c'est lui qui maîtrise son film, c'est lui qui a voulu cette bande-son, il faut
prendre le film tel qu'il est. Mettre des sous-titres, c'est un gag rivettien. Noroît, c'est bien le film le
plus fou que j 'aie jamais fait. Jamais je n'ai vécu une telle aventure.

Nous nous retrouvions cette fois en dehors de Paris, à Fort Lalatte, dans un château
splendide , avec ce qui était en fin de compte un film d'aventures. A part La Religieuse, c'était la
première fois que Jacques se retrouvait dans la nature, qu'il quittait Paris. Il n'y avait plus de Ciné­
mathèque pour Rivette . . . et la folie a redoublé . Il y avait une excitation terrible de la part de Jac­
ques à l'idée de tourner en extérieurs, avec des bateaux, des scènes de bagarre et des duels. C'était
pour lui la possibilité de faire un film avec de l'action, de faire ce dont il avait sans doute rêvé à tra­
vers les innombrables films de pirates qu'il avait vus. La plupart du temps, on ignorait où on allait.
Il y avait une joie partagée à découvrir chaque matin, nous autres techniciens, ce que les scéna­
ristes avaient inventé dans la nuit.

C'était déjà le principe de Due/le, à cela près qu'à Paris nous avions beaucoup plus
de réunions et de discussions . Un jour nous avons tourné au bord de la mer toute la nuit, et la
marée montait; le moment était venu d'enlever la caméra sous peine d'être engloutis, mais Jacques
voulait continuer à tourner. Le tournage était en lui-même une sorte d'aventure que nous vivions à
travers des personnages un peu rocambolesques. Le souvenir que je garderai toujours de Berna­
dette Lafont en chef des pirates, c'est celui de son pantalon qui faisait un vacarme de tous les dia­
bles . Cela donnait un effet très drôle quand on l'entendait arriver du fond d'un couloir: chaque fois
qu'elle se retournait, c'était sur une réplique, et le bruit du pantalon recouvrait le dialogue. Cela ra­
vissait Jacques. Si j'avais eu le malheur de faire changer le pantalon, il m'aurait fusillé tout de suite .

Rivette souhaite-t-il réellement qu 'on entende les dialogues?

Oui. En ce qui le concerne, c'est toujours important. Particulièrement les textes de


Cyril Tourneur dans Noroît: même si c'était un anglais incompréhensible pour la plupart des spec­
tateurs, il tenait à ce que ce soit bien. Il n'a pas du tout la même démarche que Godard. Si un auto­
bus démarre sur la réplique d'un comédien, Godard aura tendance à trouver le bruit du bus plus
intéressant. Pour Rivette plus il y aura d'accidents sonores et mieux ce sera, mais tout en gardant
l'intelligibilité du texte . Quand il intervient un accident -et Dieu sait s'il s'en présente sur les films
de Jacques- et que je vais lui en parler, il fait la moue ; c'est quelque chose à la limite dont il ne veut
pas parler, ça l'énerve . Il part faire deux ou trois tours, il revient et il refait la prise . Elle sera propre.
Mais systématiquement il tirera quand même l'autre . Au montage, ça ne lui fait pas peur, s'il y a un
bruit qui le gêne vraiment, de prendre trois phrases dans la prise n°5 alors qu'il a tiré la 2, même si
ce n'est pas synchrone, et de recaler ensuite mot par mot.

Dans Merry-Go-Round la musique n 'estpas enregistrée sur leplateau mais elle al­
terne avec lafiction, de même que les scènes depoursuite entrejoe Dallesandro et Hermine Kara­
gheuz. Etait-il prévu dès le départ que ces parenthèses oniriques seraient intégrées au film?
74

L ' I M A G E D U S O N

J ane B i r ki n , Lazslo Zsabo, L 'Amour par terre, col l . " C a h i e rs d u c i n é m a "


75

L ' I M A G E D U S O N

Je pense que la décision a été prise à la fin du tournage . Merry-Go-Round, c'est pire que tout sur le
plan de l'histoire . Jamais je n'ai vu aussi peu de notes réunies sur un film que sur celui-ci. Un grand
nombre de scènes ont été retravaillées au montage, je dirais même que Jacques a reconstruit son
film de fond en comble au montage. Quand nous tournions le film il n'y avait aucune cohérence.
Nous alignions les scènes les unes après les autres, sans du tout savoir où nous allions. Le film a fi­
ni par se mordre la queue, et Jacques a décidé d'arrêter quelques jours car il était lui-même perdu
dans son histoire. A un moment on a même cru que le film s'était vraiment arrêté . Le tournage traî­
nait tellement que je n'étais plus libre , et j'ai dû partir travailler sur un autre film.

En revanche j'ai enregistré en une après-midi, chez ]uliet Berto, l'improvisation de


Barre Phillips et John Surman, qu'ils avaient tout de même répétée sur les indications de Jacques,
en se mettant d'accord avec lui. Le souvenir que j'ai de Merry-Go-Round, c'est que nous passions
notre temps à courir avec la caméra et un Nagra après des acteurs qui n'arrêtaient pas de se courir
après les uns les autres. Le pari du film, c'était la caméra à l'épaule. C'était très peu éclairé, avec le
minimum de lumière. Il fallait qu'on tourne très vite, Jacques voulait le plus de souplesse possible
avec les comédiens . Et curieusement, quand Maria Schneider et Joe Dallesandro pénètrent dans
une grande maison et déjeunent à la chandelle, Jacques a décidé d"'installer" cette séquence . Wil­
ly Lubtchanski avait fait un travail d'éclairage absolument fou. Au cœur du film, c'est une séquen­
ce beaucoup plus découpée, beaucoup plus élaborée. Mais pour moi Merry-Go-Round n'est pas
un film totalement achevé et maîtrisé. Avec Jacques c'est souvent fonction de la forme physique et
intellectuelle qu'il a pendant le tournage . Et là il ne sentait pas son film, il était mal à l 'aise. Pourtant
il ne fait aucun doute qu'à l'arrivée il a fait un film qui se tient, car Jacques est pour moi l'un des
plus grands monteurs qui existent.

Dans quelle mesure existait-il, sur le tournage, une collaboration entre l 'équipe
du son et William Lubtchanski, le chef opérateur des quatrefilms dont nous parlons?

Maintenant, c'est davantage qu'une collaboration; c'est une famille . Willy adore le
son. Il connaît la complexité des plans de Rivette, il sait très bien dans quel pétrin nous nous trou­
vons la plupart du temps, si bien qu'il y a toujours une aide réciproque entre nous. Dès qu'on est
gêné par un problème d'ombre, ça se règle à toute vitesse . Je pense que c'est l'opérateur avec qui
la complicité est la plus grande , et avec qui nous travaillons le plus vite . C'est quelqu'un qui est
passionné par le son, et il s'amuse parfois à nous provoquer sur les dernières techniques; quand il
nous voit en train de résoudre des problèmes, il nous lance "T'as qu'à mettre des micro-cravates! "
Mais il sait bien que j 'aime le M 1601 . Si nous étions tombés sur un opérateur qui fait son travail de
lumière sans tenir compte de nos problèmes, ce ne serait pas le même son. Je tiens à le dire : si le
son est bon dans un film, c'est qu'un opérateur a été compréhensif avec la personne qui tient une
perche et qui fait de l'ombre dans un décor. La qualité d'un son tient souvent à ce que le micro est
plus près de cinquante centimètres. Quand Rivette ouvre la fenêtre ou fait jouer un violoncelle,
cinquante centimètres de gagnés, c'est déterminant; un petit effort de ]'opérateur qui met un volet
pour cacher une ombre, et on n'a pas besoin de mettre des HF. On tombe parfois sur des opéra­
teurs qui sont moins enclins à collaborer avec le son et qui, sachant que le son sera refait, ne tien­
nent pas compte des problèmes sonores. Avec Willy, ça n'a jamais existé. Il reconstruit sa lumière ,
il compose avec nos problèmes. C'est lui qui peut maîtriser ça, pas nous. Encore que mon perch­
1 Le Beyer M 160 à double ru­
man, Bernard Chaumeil, anticipe les coups.
ban est un micro très direction­
nel qui permet d'atténuer les La bande sonore de L'Amour par terre est beaucoup plus "propre ·; dépouillée des
bruits parasites et restitue par­
ticulièrement bien la chaleur et bruits parasites, que celle de Noroît, qui était pourtant aussi tourné en partie en extérieurs. A
la tessiture de la voix. quoi est-ce dû?

La mise en scène de Rivette - c'est lié - était-elle même beaucoup plus maîtrisée. Il
avait beaucoup plus de temps pour mettre en scène, pour réfléchir à ses mouvements d'appareil.
Bonitzer écrivait des feuillets qui étaient distribués la veille: c'était un avantage par rapport à No­
roît où nous les recevions le matin . Même si la mise en scène est toujours aussi fluide , aussi mo­
bile, c'était beaucoup plus "travaillé" et répété . Et c'est important pour nous, techniciens, cette mi­
se en place. Les déplacements des comédiens, même si c'était approximatif (on ne met pas des
chattertons aux comédiens quand on fait un film de Jacques Rivette), étaient répétés deux ou trois
fois. Alors que dans Noroît on se lançait à l'eau beaucoup plus vite, au bout d'une répétition. ]ac-
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L ' I M A G E D U S O N

ques ne voulait surtout pas que ça s'installe, que ça devienne mécanique . Dans L 'Amourpar terre
nous étions dans des décors relativement silencieux, et je pense qu'ayant derrière moi un peu plus
de films je maîtrisais mieux les choses. C'était beaucoup plus "facile", encore que ce ne soit jamais
facile avec Jacques (sa devise, c'est "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?"),
d'avoir une bonne qualité sonore car nous n'avions plus à lutter contre les éléments naturels que
nous trouvions en Bretagne . En revanche L 'A mour par terre se déroule presque tout entier en
intérieurs, dans la fameuse maison de Saint-Cloud2 . Cela ne signifie pas que les plans n'étaient pas
compliqués, mais les accidents sonores étaient plus maîtrisables . En revanche Jacques s'arran­
geait, avec sa mise en scène, pour nous compliquer la vie à chaque plan. ]'ai le souvenir de plans
où nous étions par terre, à quatre pattes. Comme Jacques est mince, il passe partout, mais quand la
caméra, l'opérateur, l'assistant et l'équipe du son (et ça, c'est un minimum) doivent suivre le mê­
me chemin , d'un seul coup ça ne passe plus! Nous étions contraints à une gymnastique in­
croyable . Tous les ingénieurs du son qui ont travaillé avec Rivette vous diront que ses films font
partie des travaux les plus difficiles à enregistrer correctement. Les déplacements de l'équipe d'un
film de Rivette, c'est absolument ahurissant. C'est pour cela que j 'adore travailler avec Jacques: il
nous pousse dans nos retranchements, nous les techniciens. Que ce soit à la lumière, au son ou à
d'autres postes, il nous oblige à donner le meilleur de nous-mêmes, et à prendre des risques com­
me lui-même en prend quotidiennement, à chaque minute .

Avez-vous utilisé les micros HF dans L'Amour par terre?

Très peu . C'est une technique que je n'affectionne pas particulièrement. Je recon­
nais qu'elle est indispensable , qu'elle améliore , assouplit la mise en scène (il n'y a plus de con­
traintes d'ombres, de lumière) , mais je trouve qu'on va vers la facilité et que finalement la qualité
et la rigueur du son s'en ressentent. ]'estime qu'un son doit respecter les dimensions, l'aération
d'une image, qu'il doit respecter la logique d'une mise en scène. Si un metteur en scène tient abso­
lument à ce que l'on entende très "présents" des comédiens qui se trouvent à cent mètres de la
caméra , vous êtes bien obligé de mettre des micros HF, mais il reste que ce n'est pas cohérent.
]'essaie de faire en sorte que les comédiens soient enregistrés en fonction de leur valeur réelle .
Même si avec une perche j ' obtenais un son un peu "sale " , par exemple dans Passe ton bac
d 'abord de Pialat, j'y voyais une cohérence dans la façon de travailler. Quand j'ai commencé à tra­
vailler avec Jacques il se trouve que je n'avais pas le choix puisque je ne disposais pas de micro
HF. Mais cela fait partie du pari que j 'aime bien tenir avec lui, et que je pense avoir réussi jusqu'à
présent: puisque Jacques aime bien la perche, j'ai toujours pris comme principe -c'est exaltant- de
toujours résoudre ces problèmes avec une perche, de trouver la solution la plus rationnelle et la
plus simple possible, sans multiplier les micros , et de rester souple afin de suivre cette caméra
extrêmement mobile qui est la sienne. Et à chaque fois c'est un régal pour le perchman aussi bien
que pour l'ingénieur du son.

J'ai fait Duelle et Noroît avec un perchman très habile, Michel Kharat. Dans Noroît
le son n'était pas toujours très bon parce qu'on travaillait en limite cadre dans des focales larges ,
avec des personnages à cheval dans de grandes plaines, et avec un vent assourdissant. Le moindre
plan d'un film de Rivette nous impose de contourner les difficultés le plus rapidement possible . Il
y a une espèce de jouissance à voir les comédiens passer d'une pièce à l 'autre, à dissimuler les mi­
cros, à demander à l'assistant d'aller juste au tout dernier moment chercher telle réplique avec une
perche; quand le comédien passe sous la caméra , je suis à quatre pattes pour enregistrer le petit
bout de phrase qu'il a à dire , puis mon perchman fait le reste de la scène . On s'est toujours dé­
brouillé comme ça: quand l'architecture le permettait, on faisait tout avec la perche, et quand la
caméra circule d'une pièce à l ' autre , on disposait des micro s . Dans L 'A mo u r pa r terre nous
n'étions que deux, Bernard Chaumeil et moi, avec des coups de main des stagiaires, mais on a fait
ça avec le Beyer 160.

Il y a eu pourtant, c'est vrai, des cas de figure où j'ai mis des micros HF, mais très
peu . En voici un exemple: nous sommes en haut des escaliers, André Dussollier retrouve Jane Bir­
kin, se retourne et lui dit quelques mots avant de sortir sur le perron; de dos, à la perche, c'était un
plan tellement large que je n'entendais pas un mot de ce qu'il disait. ]'étais donc obligé de lui met­
tre un micro HF, mais juste sur cette petite phrase afin de récupérer l ' information qui me man­
quait. Il y a aussi une scène importante que nous avons tournée en extérieur, en nuit américaine ,
77

L ' I M A G E D U S O N

et que je n'aurais jamais pu faire à la perche : je veux parler de la scène où Géraldine Chaplin casse
la statue de l'Amour et se lance dans un grand discours . Elle avait tout un jeu de scène, toute une
chorégraphie à exécuter, et quand elle était très loin de la caméra je n'entendais absolument rien
car nous étions en plein jour, avec la circulation de Saint-Cloud, alors que la scène était censée se
passer la nuit. Jacques me disait: "On mettra des grenouilles"; cela n'aurait pas empêché qu'on en­
tende les voitures . J'ai donc mis un HF, ce qui nous permettait d'avoir la voix de Géraldine plus
présente. Si nous avions mis des micros HF sans arrêt, nous aurions obtenu une voix de poitrine
toujours bien présente, mais il n'y aurait pas eu tous ces accidents, cette acoustique qu'il y a dans
le château de Noroît ou la maison de L 'A mourpar terre.

Arrive-t-il à Rivette, malgré tout, de rajouter des bruitages?

Ça lui arrive, mais c'est rare. Le principe même du cinéma de Rivette, en ce qui con­
cerne les versions françaises, c'est le son direct. En revanche on fait un bruitage pour ce qu'on ap­
pelle les versions internationales. Mais il est rare qu'il rajoute des sons seuls. Dans L 'Amourpar ter­
re un hélicoptère est passé pendant une prise, et non seulement c'est cette prise qu'il a gardée, mais
il a décidé de rajouter un autre hélicoptère en son seul. Quand Jane Birkin joue la pièce de théâtre,
on entend le bruit de la mer. En fait sur le tournage j'avais envoyé en play-back des bruits de forêt
exotique , et Jacques les a remplacés par la mer. Cela donne au plan une puissance extraordinaire.

Au mixage le mixeur a les directs, mais c'est Rivette qui a les potentiomètres où se
trouvent les ambiances, et qui les met généralement à un niveau beaucoup plus fort que la norme
habituelle. Il est assez proche de Godard, à cela près que Godard maîtrise mieux la technique. Ou
pour mieux dire Godard emprunte la démarche inverse, puisqu 'il prend le texte et la musique en
laissant tous les effets au mixeur. J'ai vu Godard mixer Détective-. il faisait ça uniquement à l'oreille,
il faisait aller et venir la musique de façon complètement arbitraire (sauf pour lui, bien sûr) . C'était
étonnant de voir avec quelle régularité il travaillait. Jacques a la même précision avec les am­
biances, la mer, le vent, les oiseaux.

Le mixage a -t-il plus ou moins d 'importance dans les films de Rivette que dans
ceux d 'autres metteurs en scène?

Sur un film de Jacques Rivette le nombre de bandes est plutôt limité: trois ou qua­
tre, alors qu'on peut avoir quinze bandes dans un mixage . Sa bande sonore est déjà bien chargée
en accidents divers, et il se contente d'en rajouter d'autres. Le travail de mixage consiste en grande
partie à boucher les petits trous qui peuvent se produire quand il remplace une phrase ou même
un morceau de phrase par un autre (dans L 'A mourpar terre, le son était complètement morcelé) ,
ou à bien harmoniser les raccords sonores d'un plan à l'autre. La bande sonore est virtuellement là
dans le direct.

L 'expérience musicale de Du elle et de Noroît était donc aussi une expérience de


mixage, qui consistait à avoir, déjà mixés, la musique et le direct.

Voilà. Mixés sur une seule piste . Et à cause de la musique il ne pouvait guère ajou­
2La villa Gounod à Saint-Cloud ter quoi que ce soit: tout était déjà là.
a également servi de cadre à
Toutfeu toutjlamme de ]ean­ A votre avis, peut-on reconnaître le style d 'un ingénieur du son?
Paul Rappeneau (1982), La
Belle Captive d'Alain
Robbe-Grillet (1982) et A vrai dire, c'est nettement moins évident que pour un chef opérateur. Les bandes
Bérénicede Raoul Ruiz (1983). son qui me viennent tout de suite à l'esprit, ce sont celles de Jean-Pierre Ruh pour les films de Roh­
mer. C'est un son d'une pureté incroyable, qui restitue la chaleur d'une voix comme aucun autre .
Quand j'étais jeune j 'idolâtrais Jean-Pierre Ruh . Je savais qu'il travaillait avec un excellent perch­
man, et le plus simplement possible. On travaille avec le même type de micro, le 160. Nous som­
mes des "vieux" qui nous accrochons à ce type de micro, mais pour des raisons plus esthétiques
que techniques. On pourrait parler aussi de William Sivell, ou de Bonfanti , qui appartient à la
génération de Jean-Pierre Ruh et qui, lui, mixait aussi ses films. Il avait un goût pour la prise de son
à haut risque. C'est quelqu 'un qui n'hésitait pas à avoir une bande-son bien riche , bien pleine ,
chargée d'éléments, plutôt que de la rendre aseptisée .
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L ' I M A G E D U S O N

Jane B i rk i n , Geral d i n e j 'estime que la bande-son d ' u n film doit faire u n tout avec une image , avec une histoire , avec la fo­
C h ap l i n , A n d ré D u s so l i e r , lie d ' u n metteur en scène . Les plus belles bandes-son ce sont celles où il y a osmose entre la mise
L 'Amour par terre.
e n scène et le technicien du son. En ce qui me concerne , j e crois que cette osmose a assez bien
pris dans les films de Rivette . Si j e mets ces quatre films bout à bout, j 'y reconnais une continu ité ,
avec une amélioration pour L 'A mour par terre. Je n'ai malheureusement pas vu Le Pont du Nord,
ma • .� comme là tout était fait au micro HF, j e pense qu ' il doit y avoir u ne différence très nette . Le
travail du �'Jn est de toute façon très dépendant de la mise en scèn e . j'ai eu la chance d'avoir tra­
vaillé avec Godard, Rivette et Resnais, qui sont trois metteu rs e n scène avec q u i votre travail va
forcément e tre excitant parce q u ' ils vous font prendre des risques. La bande-son en définitive est
toujours maîtrisée par le metteur en scène , c'est une bande-son de Jacques Rivette , ou de Jean-Luc
Godard. Moi, Pierre Gamet, j e n 'aurais jamais osé présenter une bande-son comme celle du début
de Noroît, et j 'aurais peut-être eu tort; en fait c ' est lui, Jacques, qui a pris cette responsabilité , et qui
a éprouvé le besoin d'avoir ce magma sonore .

Nous, ingénieurs du son, nous passons notre vie à faire la bande-son la plus propre
possible, ce n'est peut-être pas ça qui est le plus important. Nous faisons notre choix, avec notre
sensibilité nous donnons une couleur au son, mais, à la limite , ce devrait être le metteur en scène
qui mixe les films . Godard, lui, a éprouvé le besoin de faire lui-même, au Nagra , la prise de son de
certains de ses films ou de ses expériences vidéo. C'est lui qui a été le plus loin en tant que metteur
en scène . Et comme par hasard nous retrouvons Godard et Rivette au mixage, aux manettes, avec
la matière entre les mains.
L ' A R G E N T D E P 0 C H E

S E R G I O T O F FETTI

l NTERV I STA CON M ART I NE M AR I G NAC

Le pont du Nord è stato il primo film di Rivette che lei ha fatto came produttrice

Era il 1 98 1 , io facevo ancora l'ufficio stampa e avevo deciso di diventare produttri­


ce. Jacques era uscito da un lungo periodo in cui non faceva film, e aveva un progetto di film con i
Films du Losange , suo ultimo produttore, cioè Barbet Schroeder e Margaret Menegoz, ma né l'uno
né l'altra avevano il tempo di occuparsi della produzione del film.

L 'espressione "aver il tempo di occuparsi della produzione ", non nasconde un


rapporta, un impiego del tempo particolare in rapporta alla produzione di un film di Rivette?

Ovviamente si. Perché produrre un film di Rivette significa una presenza quotidia­
na, permanente, di durata indeterminata. Comunque, durante le riprese e all'incirca nei due mesi
precedenti, vuol dire 24 ore su 24. Un lavoro a tempo pieno, visto che il suo metodo di lavoro, che
consiste ne! non scrivere una sceneggiatura , ma nell'avere soltanto uno schema , lui lo chiama uno
scheletro, presuppone per quanto riguarda la produzione un dialogo costante con la messa in sce­
na, perché , per poter aggiustare i conti, bisogna parlarsi tutti i giorni, poiché ogni giorno si viene a
sapere qualcosa di quel che capita durante le riprese .

E' vero dunque che ifilm di Rivette han no sempre diversi padri, cioè, a parte il regi­
sta stesso, nella "famiglia " rivettiana c 'è uno sceneggiatore che scrive man ma no durante le riprese,
gli attori che devono accettare la sceneggiatura e ilproduttore che deve vedere quanta costa . . .

Ne! mio caso, direi piuttosto una madre, visto che sono una donna e preferisco es­
sere madre piuttosto che padre , ma è assolutamente vero . E' un metodo di lavoro che necessita
un'equipe assolutamente solidale di almeno sette o otto persone, perché è necessario che, ognu­
no al suo livello, attori, sceneggiatore, produttore, assistente e direttore tecnico si tengano conti­
nuamente in contatto per poter lavorare .

Dunque ta storia produttiva entra afarparte delta "storia personale "dei varifilm?

Si, è vero. Ma siccome si tratta comunque di una cosa un po' complicata, non è cer­
to un caso se Rivette è estremamente fedele ai suoi collaboratori tecnici, perché non è facile entra­
re ne! suo sistema, e quando qualcuno ci è entrato e si sente a suo agio, è meglio continuare . Dun­
que, in effetti, per riprendere la metafora, esiste incontestabilmente una "famiglia" rivettiana, sia a
livello dei tecnici che degli attori che dei produttori. Perché se io sono entrata in questa famiglia, è
perché nella famiglia c'ero già attraverso Barbet, attraverso i Films du Losange, insomma, c'è Ri­
vette , c'è Rohmer, c'è la Nouvelle Vague, c'è Godard, è tutta la stessa famiglia.

Vuol raccontarci ora ta storia produttiva dei varifilm?

Le pont du Nord, è la storia più folle, perché non c'era neanche una lira . Jacques
aveva avuto un problema di salute abbastanza grave, aveva interrotto !'ultimo film dopo il secon­
do giorno di riprese, ed era rimasto quattro anni senza girare. Poi si è tirato fuori da una lunga de­
pressione, e si è rivolto ovviamente ai suoi amici, Bulle Ogier, Barbet Schroeder. E quando è an­
dato a trovarli, credo che non avesse nessuna idea precisa, se non il desiderio di ricominciare a la­
vorare , desiderio che tutti nella sua "famiglia" condividevano, e dunque è un po' un film di cui tut­
ti sono stati coautori , insomma , fondamentalmente Bulle Ogier e sua figlia Pascale. Credo che
l'equipe tecnica fosse composta da non più di dodici persone, non avevamo un soldo, e ciô ha de­
terminato una serie di punti fermi. E' in questi casi che deve esistere un rapporto molto saldo tra la
messa in scena e la produzione, e Le pont du Nord è un esempio tipico . Uno degli imperativi di­
pendeva dal fatto che non c'erano i mezzi per avere le luci, e dunque il film si sarebbe girato tutto
con la luce naturale. Da qui l'idea che Bulle Ogier uscisse di prigione e fosse claustrofobica e non
potesse entrare in luoghi chiusi. Ecco qua , è un principio di sceneggiatura del film derivato, in ef-
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L ' A R G E N T D E P O C H E

fetti, da un imperativo economico. Perché , io credo che ci siano delle leggende da sfatare, cioè
che Rivette è considerato corne qualcuno che non ha assolutamente il senso del denaro, in rap­
porto a Godard, che al contrario sarebbe quello che non pensa che ai soldi. E' vero che Rivette,
contrariamente a Truffaut, Godard o Rohmer, non ha montato la sua casa di produzione . E' anche
vero che i problemi di soldi Io scocciano, ma è del tutto falso pensare che Rivette non sia coscien­
te dei problemi di soldi. E l'esempio di Le pont du Nord è ovviamente il più calzante , ma ce ne so­
no altri. Quando abbiamo cominciato con Hurlevent, ad esempio, ci hanno rifiutato l 'anticipo su­
gli incassi, e noi abbiamo eliminato due settimane di lavorazione , abbiamo cambiato un sacco di
cose per adattarci alla situazione economica.

Hurlevent, è un film che ha avuto una storia produttiva piuttosto complicata.

Ma tutti i film di Rivette sono complicati da punto di vista produttivo, e non è nem­
meno il solo, non è che sia di un artista maledetto, si tratta semplicemente della storia di quel che
si chiama cinema d'autore, il che significa, semplicemente, che le reti televisive ritengono che sia
una cosa impossibile da passare aile otto è mezza di sera . E dunque non pagano. Ecco tutto. Devo
dire, nel caso di Rivette, che l 'unica rete televisiva che ha sempre sostenuto i suoi film è Canal + .
Per fortuna i n Francia abbiamo l'anticipa sugli incassi, u n sistema d i contributi piuttosto efficiente,
che permette alla gente di girare.

Comunque Hurlevent è effettivamente un caso particolare, perché per la prima


volta ci è stato rifiutato l'aiuto del Centro nazionale della cinematografia, che resta il supporta cui
ci si appoggia per tutti i film difficili. E dunque siamo stati obbligati a fare a meno di due milioni di
finanziamento, il che rappresentava all'epoca il 30% del budget, visto che il film doveva costare
circa sei o sette milioni. E poi, alla fine, gli abbiamo fatto vedere il film , e abbiamo avuto l'anticipa
sugli incassi a film finito . In casi del genere, si fa sempre la stessa cosa, e questa è un po' l'idea del­
la famiglia rivettiana, cioè che bisogna fare il film Io stesso, e dunque tutti diventano coproduttori
del film. I tecnici vengono pagati di meno, le ore straordinarie non vengono pagate, e ci si dà tutti
un po' da fare . Ne! caso di Le pont du Nord è stato semplicissimo, visto che nessuno era pagato .
Per Hurlevent tutti sono stati pagati, anche se un po' di meno, e siccome il film sfortunatamente
non ha funzionato, non c'è nemmeno stata una percentuale sugli incassi.

Poi c 'è stato La bande des quatre che è andato invece molto bene.

Insomma, tutto è relativo . E' un po' l'idea che quelli del mestiere si fanno di un film
che funziona o che non funziona . La bande des quatre ha avuto un enorme successo di critica,
mentre Hurlevent è stato accolto molto meno bene, ma in realtà La bande des quatre ha fatto esat­
tamente le stesse presenze di L 'amourpar terre, direi dunque che La bande des quatre ha più da­
to l'impressione del successo di quanta non sia davvero stato in termini reali un successo econo­
mico. E' stato invece un film che è piaciuto a tutti quelli che l'hanno visto. Il lavoro di uscita è stato
fatto dai Films du Losange, dunque tutto in famiglia, e con una grande intelligenza, cosa normale
quando un produttore distribuisce i film che ha prodotto.

Lei mi sembra dunque rassegnata, senza speranza di raggiungere infine un suc­


cesso economico. Non le dispiace?

No, no, non ho affatto perso le speranze, ne abbiamo le prove tutti i giorni. Come
Rohmer, che per cinque anni non fa una presenza, e poi, bruscamente, Pauline à la plage ha un
gran successo. Perché La femme de l 'aviateur, un film che ho fatto uscire io, che è il primo della
serie Comédie et Proverbes, fa quarantamila presenze a Parigi, e Pauline à la plage trecentomila,
non Io so. E non c'è nessuno che lavori nel cinema che possa rispondere corne mai Rohmer tutt'a
un tratto diventi alla moda . Dunque non sono affatto rassegnata, semmai il contrario. Il pubblico
infatti è capriccioso, e noi dobbiamo stare al di là dei suoi capricci. Io penso che quando si produ­
cono film corne quelli di Rivette, e grazie a Dio anche di tanti altri, non Io si fa per un utile imme­
diato. Li si produce anzitutto perché si è convinti che sono film necessari, vitali per noi, per la no­
stra cultura , per il cinema . Io faccio questo mestiere perché dei Rivette esistano. Certo, bisogna
pure che ci viva, ma se è per far fortuna, sarebbe meglio che aprissi un bar. Oppure che produces­
si qualcos'altro da Rivette , Akermann, Godard . . . Insomma , Sauve qui peut ha avuto un enorme
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L ' A R G E N T D E P O C H E

successo , due anni dopo facciamo uscire Passion, ed è una catastrofe. E allora, cosa significa? Che
Sauve qui peut è un capolavoro mentre Passion è un film di merda? Non c'entra niente , invece ho
la convinzione assoluta e totale, ma siamo in molti ad averla, che tra dieci anni e per tutta la storia
del cinema, Godard, Akermann, Rivette resteranno. Io non credo che Alla ricerca del tempo per­
duto abbia tirato centocinquantamila copie quando è uscito. Ma credo che ci fosse un editore che
l'ha fatto uscire , questo è cio che conta.

Poi, ne! 1983, è la volta di L'amour par terre?

L 'amourpar terre è un film fortunato, . senza complicazioni. Come sempre , Rivette


sparisce per sei mesi e poi, un giorno, arriva in ufficio e dice : "Ci siamo! Si gira tra due mesi"! Que­
sto significa che ha qualcosa in testa . Allora prendo il telefono e chiamo la "banda" . Dunque ov­
viamente Bonitzer, prima c'era anche Suzanne Schiffman, ma non si tratta di una sola persona, è
tutta un'equipe . E io so che a me tocca ricominciare il mio percorso di guerra, che è sempre Io stes­
so per quanto riguarda i finanziamenti, non c'è bisogno di moita immaginazione . Ci sono dunque
due casi possibili, i film per cui posso cavarmela con i nostri soci abituali e i film per cui devo fare
tutto il giro di quelle benedette reti televisive, e questa per me è la cosa più difficile , perché non ci
stanno, i film sono troppo lunghi, ecc . , ecc . . .

Ma La belle noiseuse sta li a dimostrare che si puà semprefarce/a .

Per La belle noiseuse è andato tutto liscio, un po' corne nel caso di L 'amourpar ter­
re. Insomma, liscio . . . per quasi un anno Jacques ha esitato tra due progetti. E credo che, in effetti,
abbia parlato dell'idea di Le chef-d 'œuvre inconnu di Balzac, della pittura e cosl via durante le ri­
prese del documentario che ha fatto con Claire Denis e Serge Daney , jacques Rivette: le veilleur,
una trasmissione che è la continuazione di Cinéastes de notre temps e che Janine Bazin e André
Labarthe hanno riprese per la Sept. Ne ha parlato con Serge , con Claire, più che altro off record,
anche se quel che si vede all'inizio della trasmissione non sta certo li per caso . E da quel che mi ha
detto , in effetti, credo che sia Claire Denis, che ha dimostrato un grande entusiasmo per l'idea di
un libero adattamento di Le chef-d 'œuvre inconnu, a spingerlo in questa direzione . Jacques ha co­
minciato a lavorare con Pascal Bonitzer e Christine Laurent diventata, dopo La bande des quatre ,
la complice femminile al posto di Suzanne Schiffman. E molto rapidamente Jacques mi ha detto :
"Frenhofer è Michel Piccoli" . Io ho preso il telefono e ho chiamato : "Michel, Jacques Rivette ha un
progetto per te, puoi richiamarmi?" , e due giorni dopo Michel Piccoli mi ha richiamato dicendomi:
" Cosa? Rivette? Me ne frego di che cosa sia, per me va bene " ! Allora gli ho spiegato la novella di
Balzac e lui: "Digli che mi sta bene fare il pittore, ma se preferisce posso fare anche il modello " . Poi
si è posto ovviamente il problema della parte della ragazza, Jacques ha esitato tra due o tre attrici,
ma quando si è deciso ha avuto quella che voleva . Lei ha accettato subito . E poi è arrivata Jane
Birkin, che fa già parte della famiglia, visto che c'era in L 'amourpar terre, ma il personaggio di Ja­
ne, la moglie di Piccoli, nella novella di Balzac non c'è. E Jacques ha aspettato a lungo prima di
proporglielo, perché non sapeva corne si sarebbe sviluppato il personaggio. Insomma , sapeva
che voleva aggiungere una donna alla storia, ma non sapeva se il ruolo sarebbe stato abbastanza
importante per Jane .

E in tutto cià, quale è stato il suo ntolo?

Io, ovviamente, ho il ruolo del produttore, il ruolo di seguire tutto passo passo, e di
cercare di trovare i soldi che servono, perché, a volte , mi tirano dei colpi mica male. Si parte su un
piccolo film da tre milioni che si puo fare di corsa, e si finisce col ritrovarsi in uno da dodici milio­
ni, perché nel frattempo, nello sviluppo, hanno aggiunto un castello in Spagna . Insomma, scher­
zo, ma neanche tanto.

Da quel che lei mi dice, tuttavia, nasce corne l 'impressione di una complicità che
oltrepassa il ntolo delproduttore.

No, io penso che questa complicità sia indispensabile tra ogni produttore e ogni regista per qua­
lunque film. Certo è pero che nel caso di Rivette, visto che non c'è quella specie di parapetto che è
una sceneggiatura , parapetto o fonte di tutte le idiozie e di tutti i malintesi possibili, significa una
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L ' A R G E N T D E P O C H E

J ac q u e s R i vette maggior disponibilità sui piano quantitativo , ma su quello qualitativo per me non cambia n u l l a .
Ho con Chantal Akermann esattamente Io stesso rapporto c h e con Jacques.

E con Godard?

Con Jean-Luc era esattamente Io stesso. Lui è corne Rivette . Sono persone estrema­
mente possessive , ed è anche normale che sia cosi. Io credo che produttore-regista sia una cop­
pia, con tutto cià che implica di compl icità , liti, sgridate , di " mi arrabbio " , di "parto sbattendo la
porta " , " ritorno dalla scala di sicurezza " , ecc . . . E poi ci sono divorz i , separazioni, riconciliazioni,
tradimenti, insomma . Cos! ci sono coppie che continuano ma ci sono anche starie d'amore fulmi­
nanti che durano il tempo di un film.
L ' A R G E N T D E P 0 C H E

S E R G I O T O F F ETTI

E NTRET I EN AVEC M ART I NE M AR I G N AC

Vous avez commencé à/aire la production desfilms de Rivette, avec Le Pont du Nord . .

C'était en 1 98 1 , à l'époque j'étais encore attaché de presse et j'avais décidé de de­


venir productrice. Jacques sortait d'une longue période sans tournage , et il avait le projet d'un film
avec Les Films du Losange, qui était son dernier producteur, c'est-à-dire Barbet Schroeder et Mar­
garet Menegoz, et ni l'un, ni l 'autre n'avaient le temps de s'occuper de la production du film.

La phrase "avoir le temps de s 'occuper de la production ", est-ce qu 'elle cache une
relation, un emploi du temps particulierpar rapport à laproduction d'un film de Rivette?

Oui, absolument. Parce que produire un film de Rivette, c'est une présence quoti­
dienne, permanente d'une durée indéterminée . En tout cas pendant le tournage, et en gros pen­
dant les deux mois qui précèdent, c'est 24 heures sur 24. Un travail à temps plein, dans la mesure
où sa méthode de travail, qui consiste à ne pas écrire de scénario, à n'avoir que des schémas, il ap­
pelle ça un squelette lui, suppose évidemment en terme de production un dialogue constant avec
la mise en scène puisque pour chiffrer le film, il faut se parler tous les jours, puisque tous les jours
on apprend quelque chose de ce qu'il va se passer pendant le tournage .

C'est donc vrai que lesfilms de Rivette ont toujours plusieurs pères, c 'est-à-dire, à part
le réalisateur lui-même, dans la 'famille " rivettienne il y a un scénariste qui écrit au fur et à mesure
sur le tournage, les acteurs qui doivent accepter le scénario et le producteur qui doit le chiffrer. . .

Dans mon cas précis, moi, j e dirais plutôt: mère, parce que j e suis une femme donc
je préfère être mère que père, mais c'est tout à fait vrai. C'est une méthode de travail qui nécessite
une équipe totalement soudée au moins de sept ou huit personnes, puisqu 'il faut que chacun à
son niveau, comédiens, scénariste , producteur, assistant et régisseur soit en état de communica­
tion permanente pour pouvoir travailler.

Donc l'histoire de la productionfaitpartie de l' "histoirepersonnelle " de chaquefilm?

Oui c'est vrai. Mais comme c'est quand même un petit peu compliqué , c'est vrai
aussi que ce n'est pas du tout un hasard si Rivette est d'une extrême fidélité avec ses équipes tech­
niques, parce que ce n'est pas facile de rentrer dans ce système, et quand quelqu'un est rentré et
s'y sent à l 'aise et s'y sent bien, il vaut mieux continuer. Donc , en fait, pour reprendre la méta­
phore, il y a une famille rivettienne, incontestablement, aussi bien au niveau des techniciens que
des comédiens et que des producteurs! Car si moi, je suis rentrée dans cette famille, c'est parce
que j'étais déjà dans la famille, à travers Barbet, à travers Les Films du Losange , enfin bon, c'est Ri­
vette, c'est Rohmer, c'est la Nouvelle Vague, c'est Godard, c'est la même famille .

Est-ce que vous nous raconteriez l 'histoire de la production des différentsfilms.

Le Pont du Nord. , c'est l'histoire la plus folle puisqu'il y avait zéro franc, zéro cen­
time! Jacques avait eu un accident de santé assez sérieux et il avait interrompu au bout du deu­
xième jour de tournage le dernier film, et il était resté quatre ans sans tourner. Et puis il a resurgi
d'une très longue dépression, et évidemment il est allé vers ses amis, Bulle Ogier, Barbet Schroe­
der. Et quand il est venu les voir, je crois qu'il n'avait aucune idée, si ce n'est le désir de recommen­
cer à travailler, désir qui était partagé par tout le monde dans cette famille, et donc c'est un film ou
tout le monde a été co-auteur, enfin, essentiellement Bulle Ogier et sa fille Pascale. Je crois que la
totalité de l'équipe technique faisait douze personnes, nous n'avions pas du tout d'argent, donc
des principes se sont déterminés. C'est là où le rapport entre la mise en scène et la production doit
exister très fort et Le Pont du Nord. est un exemple typique . Un des impératifs était qu'on n'avait
pas les moyens d'avoir de la lumière, et donc le film se tournerait entièrement en lumière natu­
relle. D 'où l'idée que Bulle Ogier sortait de prison et était claustrophobe, et ne pouvait rentrer
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L ' A R G E N T D E P O C H E

dans aucun lieu fermé. Voilà, ça c'est un des principes scénaristiques du film qui en fait découle
d'un impératif économique. Car, je crois qu 'il y a des légendes qu'il faut détruire , c'est-à-dire Ri­
vette est considéré comme celui qui n'a aucun sens de l'argent, par rapport à Godard, qui au con­
traire serait celui qui ne pense qu'à l'argent. Il est vrai que Rivette contrairement à Truffaut, à Go­
dard, à Rohmer, n'a pas monté sa maison de production. Il est vrai aussi que les problèmes d'ar­
gent l'emmerdent, mais il est totalement faux de penser que Rivette n'est pas conscient des pro­
blèmes d'argent. Et l'exemple du Pont du Nord est est évidemment le plus frappant, mais il y en a
d'autres. Quand on a commencé sur Hurlevent, par exemple, on a eu un refus d'avance sur re­
cette, on a enlevé deux semaines de tournage , on a changé plein de choses pour s'adapter à une
situation économique.

Hurlevent, c 'est unfilm qui a eu une histoire de production compliquée également . .

Mais, tous les films de Rivette sont des films compliqués en production, et il n'est
pas le seul, ce n'est pas du tout un artiste maudit, c'est simplement l'histoire de tout ce qu'on ap­
pelle le cinéma d'auteur qui signifie tout simplement que les chaînes de télévision considèrent que
ça ne se diffuse pas à vingt heures trente. Donc les chaînes ne paient pas. Voilà! Je dois dire dans le
cas de Rivette, que la seule chaîne de télévision qui a toujours soutenu tous ses films est Canal + .
Nous avons heureusement e n France, u n système d'aide, l'avance sur recette , assez efficace qui
permet à ces gens de tourner. Alors Hurlevent, effectivement, est un cas particulier dans la mesure
où, pour la première fois nous a été refusée l'aide du CNC, qui est quand même le palier sur lequel
on s'appuie pour tous les films difficiles . Et donc, on a été obligé de se passer de deux millions de
financement, ce qui représentait quand même à l'époque 30% du budget, puisque le film devait
coûter à peu près six ou sept millions. Et puis finalement, on leur a montré le film, et on a eu l'avan­
ce sur recette sur le film terminé . Mais dans ces cas-là, on fait toujours la même chose, et c'est ça
l'idée de la famille rivettienne, c'est qu'il faut tourner quand même, donc tout le monde devient co­
producteur du film. Les techniciens sont payés moins cher, les heures supplémentaires ne sont pas
payées et chacun fait un effort. Dans le cas du Pont du Nord, cela a été très simple puisque per­
sonne n'était payé. Dans le cas de Hurlevent, tout le monde a été payé, mais moins, et par ailleurs
comme le film n'a pas marché malheureusement, il n'y a pas eu de remontée de recette.

Après il y a eu La Bande des quatre qui par contre a bien marché, non?

Enfin tout ça est très relatif. C'est l'image que le métier se fait d'un film qui marche
ou qui ne marche pas. La Bande des quatre a eu un énorme succès critique alors que Hurlevent a
été beaucoup moins bien accueilli, mais en réalité La Bande des quatre a fait exactement le même
nombre d'entrées que L 'Amourpar terre, je dirais donc que La Bande des quatre a plus donné une
impression de succès qu'un succès réel en terme économique. Par contre, c'est un film qui a fait
plaisir à tous ceux qui l'ont vu . Le travail de sortie a été fait par Les Films du Losange, encore dans
la famille donc, avec énormément d'intelligence, ce qui est normal lorsque des producteurs distri­
buent les films qu'ils ont produits .

Vous me semblez résignée, sans espoir d 'avoirfinalement un succès économique.


ça ne vous gênepas?

Non, non, ce n'est pas sans espoir, on ·en a la preuve tous les jours. C'est Eric Roh­
mer qui pendant cinq ans ne fait pas une entrée, et puis, brutalement Pauline à la plage fait un
succès. Pourquoi est-ce que La Femme de l 'aviateur, ça c'est moi qui l'ai sorti, qui est le premier de
la série Comédies et Proverbes, fait quarante mille entrées à Paris, et Pauline à la plage trois cent
mille , cela je ne le sais pas. Et il n'existe pas un seul professionnel qui puisse répondre à la ques­
tion pourquoi d'un coup Rohmer devient à la mode . Donc je ne suis pas du tout résignée, c'est l'in­
verse . C'est que le public est capricieux, et que ce que nous avons à faire c'est d'être au-delà de ces
caprices. Je pense que quand on produit des films comme ceux de Rivette et de pas mal d'autres,
Dieu merci, on ne les produit pas pour un revenu immédiat. On les produit d'abord parce qu'on
est convaincu que ce sont des films nécessaires, vitaux pour nous, pour notre culture , pour le
cinéma . Moi je fais ce métier pour que des Rivette existent. Bon, il faut bien que j 'en vive, mais si
c'est pour faire fortune, je crois que j'aurais intérêt à ouvrir un bar. Ou alors, à produire autre cho­
se que Rivette, Akermann, Godard . . . Bon, Sauve qui peut a fait un énorme succès, deux ans plus
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L ' A R G E N T D E P O C H E

tard, on sort Passion, c'est une catastrophe . Et alors, qu 'est-ce que ça veut dire? Que Sauve qui
peut est un chef-d'œuvre et que Passion est un film de merde! ça n'a rien à voir, en revanche , la
conviction absolue et radicale que j 'ai, et que nous sommes un certain nombre à partager, c'est
que dans dix ans , et dans toute l 'histoire du cinéma , Godard, Akermann, Rivette resteront. Je ne
crois pas qu '.A la recherche du temps perdu ait été tiré à cent cinquante mille exemplaires quand il
est sorti. Mais je crois qu'il y a eu un éditeur qui l'a sorti, et c'est ça qui est important.

Après, en 1983, c 'est L'Amour par terre ?

L '.A mour par terre c'est un film heureux, sans chaos . Comme toujours Rivette dis­
paraît pendant six mois, et puis un jour il débarque dans le bureau, il dit: "ça y est! On tourne dans
deux mois"! Ça veut dire que quelque chose dans sa tête est prêt. Alors on décroche le téléphone ,
on appelle la Bande . . Alors bon évidemment c'est d'abord Bonitzer, avant il y avait aussi Suzanne
Schiffman, enfin ce n'est pas une personne unique, c'est une équipe . Et puis, moi, je sais que je re­
prends le parcours du combattant, qui c'est toujours le même en terme de financement, il n'y a pas
beaucoup d'imagination à avoir. Donc il y a deux cas de figure, disons qu 'il y a les films où je peux
m'en sortir avec nos partenaires habituels et les films où il faut faire le forcing de ces satanées chaî­
nes de télévision, et là pour moi c'est ce qu'il y a de plus difficile parce qu'ils ne veulent pas, parce
que les films sont trop longs, etc, etc . . .

Mais La Belle noiseuse est là pour démontrer qu 'on peut toujours réussir.

La Belle noiseuse, ça a été vite , un peu comme L 'A mourpar terre. Enfin, vite . . . pen­
dant pratiquement un an Jacques a hésité entre deux projets . Et, je crois que, en fait il a parlé de cet­
te idée du Chef-d 'œuvre inconnu de Balzac, de la peinture etc . . . pendant le tournage du docu­
mentaire qu'il a tourné avec Claire Denis et Serge Daney, ]acques Rivette: le veilleur, une émission
qui est la reprise de Cinéastes de notre temps et que Jeanine Bazin et André Labarthe ont repris pour
la Sept. Il en a parlé avec Serge, avec Claire, plutôt off record, encore que les choses qu'on voit au
début de l'émission, ce ne sont pas tout à fait un hasard .. Et d'après ce qu'il m'a dit, en fait, je crois
que c'est Claire Denis, qui a eu un enthousiasme absolu pour cette idée d'une très libre adaptation
du Chef-d 'œuvre inconnu, qui l'a poussé dans cette direction. Jacques a commencé à travailler
avec Pascal Bonitzer et Christine Laurent qui depuis La Bande des quatre est devenu la complice
féminine qui remplace Suzanne Schiffman. Et très vite, Jacques m'a dit: "Frenhofer c'est Michel Pic­
coli " . Moi j 'ai décroché mon téléphone et j'ai dit: "Michel, Jacques Rivette a un projet pour toi, est­
ce que tu peux me rappeler?" et quarante-huit heures après Michel Piccoli m'a rappelée me disant:
"Quoi? Rivette? Je m'en fous de ce que c'est, je dis oui!" Alors je lui ai expliqué la nouvelle de Balzac
et il m'a dit: "Bon, dis-lui que je veux bien faire le peintre, mais que si ça l'arrange je peux faire le
modèle aussi " . Et ensuite s'est évidemment posé le problème du rôle de la jeune fille, Jacques a hé­
sité entre deux ou trois comédiennes, mais lorsqu'il s'est décidé il a eu la comédienne qu'il souhai­
tait. Elle a accepté tout de suite . Et puis est arrivée Jane Birkin, qui fait déjà partie de la famille puis­
qu'elle était dans L '.Amour par terre, mais le personnage de Jane, la femme de Piccoli, n'existe pas
du tout dans la nouvelle de Balzac. Et Jacques a longtemps hésité à le lui proposer parce qu'il ne sa­
vait pas comment ce personnage allait se développer. Enfin, il savait qu'il voulait rajouter une fem­
me dans cette histoire, mais il ne savait pas si le rôle serait suffisamment important pour Jane .

Et dans tout cela quelle a été votre rôle?

J'ai évidemment le rôle du producteur, le rôle de su ivre tout ça pas à pas, et d'es­
sayer de trouver les finances qui vont avec, parce que quelques fois, ils me font des gags pas tristes
hein! On part sur un petit film à trois millions qu'on fait en courant, et puis on se retrouve sur un
film à douze millions parce qu'entre temps, dans l 'évolution , ils ont rajouté un château en Es­
pagne , enfin, je plaisante . . . mais à peine .

Mais, dans ce que vous me dites, il y a comme l 'impression, d 'une complicité qui
dépasse Le rôle du producteur.

Non, je pense que cette complicité , elle est indispensable entre tout producteur et
tout metteur en scène quel que soit le film. Il est sür que dans le cas de Rivette, comme on n'a pas
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L ' A R G E N T D E P O C H E

B u l l e O g i e r , Jean-Pie rre cet espèce de garde-fou qu 'est u n scénario , garde-fou ou objet de toutes les idioties et de tous les
K a l fo n , L 'Amou fou, malentendus possibles, c'est q u a ntitativement plus de disponibilités mais q u a litativement pour
ph oto Z u c c a ,
moi, ça ne change pas . j'ai exactement la même relation avec Chantal Akermann q u ' avec Jacques.
c o l l . " C a h i ers d u c i n é m a "

r:t avec Godard?

Avec jean-Lu c c 'était exactement la même chose aussi. Lui c 'est comme Rivette . Ce
sont des gens extrêmement possess ifs mais, en même temps c'est normaL Moi j e crois que pro­
du cteur-metteu r en scène c'est u n couple, avec tout ce que ça su ppose de complicité , de bagarres,
d'engueulades, de "je me fâche " , de "je pars en claquant la porte " , "je reviens par l 'escalier de se­
cours" etc . , , Et puis il y a des divorces , des séparations, des réconcil iations , des trahisons, voilà .
Alors il y a des couples q u i d u rent et il y a a u s s i des histo ires d ' amour fu lgurantes q u i d u rent l e
temps d ' u n fil m ,
N 0 R T H B y N O R T H W E S T

S E R G I O T O F F ETTI

I NTERVISTA CON B U L L E Ü G IER

L'amour fou è ilfilm con cui lei/a il sua ingresso, contemporaneamente, nel cinema e ne! monda
di Jacques Rivette, monda che lei a vrà occasione difrequentare con grande assidu ità, nei
trent'a nni che seguiranno.

Tutto è cominciato, negli anni Sessanta , quando lavoravo in un gruppo di teatro, il


gruppo di Marc O . , che all'epoca era davvero all'avanguardia a Parigi. Era il periodo del teatro im­
provvisato e Rivette, che amava molto il teatro, veniva a vedere tutte le nostre rappresentazioni. Io
non avevo mai fatto del cinema, ma Rivette mi aveva già proposto la parte di una suora in La reli­
gieuse. A me pero non interessava perché amavo il teatro più di qua lu nque altra cosa , e poi mi
sembrava che per una panicina non ne valesse la pena.

Ma corne è poi arrivata a girare L'amour fou ?

Dopo La religieuse, Jacques aveva pensato di fare L 'amourfou e siccome mi vede­


va spesso con Jean-Pierre Kalfon, che faceva parte del gruppo, ha trasformato la coppia teatrale in
coppia d'attori cinematografici. Sapeva infatti che se l'avessimo fatto insieme , ci conoscevamo ab­
bastanza bene perché funzionasse .

ln questa prima esperienza, comunque, lei ha trovato un ambiente che non era
poi tanto differente da/ teatro.

Esatto, tanto per cominciare mi sono ritrovata assieme agli stessi attori. C 'era Mi­
chel Moretti che faceva parte del gruppo, anche i musicisti che suonano nel teatro di Kalfon ne!
film ne facevano parte , in fondo Rivette vi aveva preso un sacco di gente .

Qua! era il modo di lavorare?

Per sei mesi ci siamo visti con Rivette. C'era un canovaccio, una storia cui aveva la­
vorato anche Marilù Parolini, all'epoca fotografa dei "Cahiers " . Aveva avuto una storia con Rivette,
ma ormai era finita. Nel film, in realtà, tutti avevano una storia d'amore che stava finendo e si sono
dunque tutti ispirati aile proprie esperienze . Tutte le sequenze erano ovviamente concepite da Ri­
vette , ma poi ci dava la libertà di inventarle sui momento.

E cià ha attivato una collaborazione con Rivette, anzi un rapporta più di compli­
cità che di collaborazione, che subito dopa ha data origine a Out One .

Jacques ha poi voluto spingere la sua esperienza d'improvvisazione molto al limi­


te , perché nell'Amour/ou c'erano comunque delle sequenze, delle scene scritte da lui e da Marilù
Parolini. Mentre in Out One si trattava letteralmente di improvvisazione selvaggia. Nessun attore
sapeva che cosa avevano fatto gli altri il giorno prima . Io avevo già fatto la stessa esperienza
nell A m ourJou, e allora mi interessava mediamente . Ero già un po' stufa dell'improvvisazione . Ho
'

visto il film quest'inverno, la versione di dodici ore, e ne sono rimasta molto colpita . Mi è parso che
gli episodi di Juliet Berto e Jean-Pierre Léaud siano corne dei piccoli cortometraggi all'intemo di
quell'enorme fiume. E poi mi sono divertira a rivedere il modo di vita, le persone di quel periodo .

A partire dalfilm successivo, Céline et Julie, lei comincia ad essere coinvolta an­
cheper quanta riguarda la sceneggiatura, vale a dire che la complicità aumenta .

Yale a dire che la complicità era già molto forte nell'Amourfou. I o non conoscevo
il cinema, non sapevo proprio cosa fosse , né cosa fosse una macchina da presa . E dunque avevo la
forza dell'innocenza. Il mio profilo . . . per me era Io stesso, non avevo le inquietudini che hanno
tutti gli attori. Traevo solo un grande piacere dal giocare i vari ruoli. In Out One ero già un po' me­
no ingenua, perché nel frattempo avevo fatto altri film. Jacques, dopo Out One, e l 'esperienza con
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N O R T H B Y N O R T H W E S T

Juliet Berto, aveva pensato di fare un nuovo film con lei. Juliet ha scelto la sua partner, che era Do­
minique Labourier, e hanno costruito la storia delle due ragazze . Poi, c'era la casa coi fantasmi. Al­
lora Juliet ha scelto corne fantasmi Marie-France Pisier e me . Siamo partiti a lavorare su un raccon­
to di Henry James . Comunque tutto mescolato con aitre cose . E poi il tono, il modo di recitare, i ri­
ferimenti al cinema. Io ho guardato molto al modo di comportarsi delle attrici dell'inizio del sono­
ro, corne Greta Garbo, mi ci sono ispirata per il modo di muoversi, la gestualità. Ci riunivamo da
Marie-France Pisier con Eduardo de Gregorio, all'epoca sceneggiatore , e Jacques, e studiavamo
corne costruire i due fantasmi. A me era venuto in mente di essere emofila , con dei fiori. . . tutta una
serie di piccoli particolari che definiscono un personaggio. Marie-France Pisier invece, che è più
cerebrale di me, scriveva i suoi testi, mentre i miei li scriveva Eduardo. In Céline etJulie c'è moita
improvvisazione tra le due ragazze. Ne! film ci sono due parti, la parte in cui Juliet Berta e Domini­
que Labourier improvvisano e la parte della casa che è più scritta. Abbiamo inventato noi i nostri
personaggi, ma i dialoghi erano scritti. Non è affatto spontaneo, e del resto si vede. Per contro, ne!
film successivo che ho fatto con lui, Duelle, Jacques ha cominciato con il nuovo sistema di scrive­
re i dialoghi ogni giorno con i suoi sceneggiatori.

Sono andate bene le riprese? E' unfilm piuttosto complicato Du elle, vero?

Si, molto complicato. Infatti, all'inizio, Juliet ed io eravamo molto amiche e poi, co­
rne nella finzione, siamo arrivate alla fine del film che non ci rivolgevamo più la parola . Eravamo
molto aggressive l'una con l'altra .

Neifilm di Rivette, apparentemente, c 'è sempre un rapporta tra scena e riprese in


cui lafinzione e la realtà si influenzano molto a vicenda . Comunque, per lei si tratta di un 'espe­
rienza che ! 'ha un po ' accompagnata per tutta la sua vita professionate.

Professionale e affettiva , perché c'è comunque stato quel film con mia figlia . . . fini­
to male , corne nella realtà. E !'ultimo, La bande des quatre, è la verità, ci sono io che passo il testi­
mone alla nuova generazione di attrici. Dopo Duelle, negli anni Settanta, ho girato parecchi film in
cui, a parte Terza generazione di Fassbinder, facevo sempre la donna borghese , ed ero proprio
stufa . Allora ho scritto a Jacques e gli ho domandato se potevamo lavorare ancora insieme , par­
tendo da! seguito di Terza generazione, cioè i terroristi che escono di prigione. Era solo un punto
di partenza. Niente affatto sviluppato . Jacques era pronto per lavorare , l ' idea gli è piaciuta , era
proprio solo uno spunto, poi ha preso quota nella sua testa e gli è venuta voglia di fare un film su
Parigi perché , corne dice lui, "ogni dieci anni faccio un film con Parigi corne attrice" : Paris nous
appartient, Out One dove Parigi gioca comunque molto, e poi Le pont du Nord, il terza film che
ha corne vedette Parigi. Allora abbiamo lavorato insieme. All'inizio non aveva pensato a mia figlia
Pascale, ma a Juliet Berta , che pero in quel momento era occupata a fare i suoi film. Cosi ha poi
pensato a una ragazza giovane , e perché no a Pascale , che gli era piaciuta molto nella piece di
Kleist, Caterina di Heilbronn, messa in scena da Rohmer. Dopo aver fatto entrare me ne! cinema ,
trovava divertente far esordire anche la seconda Ogier. Ci ha dato da leggere Don Chisciotte. In­
fatti io sarei Sancho Panza e Pascale Don Chisciotte, cioè un personaggio idealista . Ma poi ci siamo
ispirate a un sacco di aitre cose , ad esempio la donna più matura e quella più giovane, un po' co­
rne i due cow boys che arrivano in città , il vecchio pieno d'esperienza e il giovane pazzerellone a
cui insegna a cavarsela.

Come neifilm di Howard Hawks?

Proprio cosi. Pascale ci ha poi messo moite cose della sua adolescenza . Le cose che
amava, il suo modo di vestirsi. Ha preso spunto dai ragazzi che frequentava quando aveva sedici
anni, a scuola. Abbiamo affrontato tutti i soggetti importanti, i terni dell'amore e . . . non mi ricordo
neanche più quali, del resta, perché non mi sono mai più sentira di rivedere il film. La cosa più tri­
ste è che Pascale diceva: "sarà il mio libro di fotografie per i miei bambini" , e invece è piuttosto il
contrario.

Poi arriva La bande des quatre ?

E' partita da lontano La bande des quatre. Jacques aveva da tempo l'idea di fare un
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N O R T H B Y N O R T H W E S T

film con Jeanne Moreau su una grande attrice di teatro . Hanno lavorato anche molto insieme . Poi,
tutt'a un tratto, Jeanne, a dire il vero, !'ha mollato perché aveva un progetto più sicuro. Dopo aver
fatto passare due o tre mesi, Jacques ha dunque deciso di invertire le parti:. l'attrice-insegnante di
teatro non sarebbe più stata il punto centrale, ma di partire dalle allieve corne soggetti principali.

Sipuà ben dire, tuttavia, che il vero centra del racconto è la direttrice della scuola,
il puntoferma attorno a cui ruota tutto il resta.

Mi ha fatto passare il testimone, in un certo senso . Erano esattamente vent'anni che


avevo fatto con lui L 'amourfou. E siccome lavoro molto in teatro adesso, ed a lui piace quel che
faccio sulla scena, mi ha dunque chiesto di fare l'insegnante di teatro. Cosa che io non volevo, per­
ché avevo la sensazione di non riuscire a fare il professore, un professore severo, che proibisce di
fumare, che sgrida quelli che arrivano in ritardo. Allora mi ha detto: "senti bene, questa volta non
ti chiedo di dare delle idee né di improvvisare, ti propongo una parte corne qualunque altro regi­
sta : non importa se si tratta di una segretaria o di una donna poliziotto o di un'avvocatessa'' . E io:
"non mi ci trovo affatto nella parte del pedagogo , e visto che i tuoi film assomigliano comunque
un po' alla gente che c'è dentro, non capisco perché vuoi proprio me" . E' stato il primo film che ho
fatto con Jacques corne un'attrice ingaggiata per girare un film.

Ma lei resta comunque unafigura centrale ne! cinema di Rivette.

Diciamo che tutti gli altri attori hanno lavorato altrove all'inizio. Juliet Berto con
Godard, Jean-Pierre Léaud con Truffaut. Io sono invece un'attrice puramente "rivettiana" , per cosi
dire . E questo mi fa piacere , perché penso che siano film che contano nella storia del cinema . E'
stata una grande fortuna. Quel che è importante non è fare cinquanta film, che sono più o meno
quelli che ho fatto, peraltro, ma è fare dei film che fanno muovere le cose . Io credo che il cinema
di Rivette ha messo in movimento qualcosa. Credo , ad esempio, che Bernardo Bertolucci quando
ha fatto il suo Tango a Parigi, si fosse trovato stranamente impregnato dall' Amourfou. Non c'en­
tra niente ma, in qualche modo , tutte le scene di Maria Schneider e Brando nell'appartamento . . .
credo che L 'amourfou sia stato u n film che !'ha colpito molto .

Bella idea, non ci avevo mai pensato.

Voglio dire che i film di Rivette contano . Ce ne sono di più riusciti e altri che Io so­
no meno . Out One è davvero puramente sperimentale . Céline etjulie è una cosa completamente
differente da tutto ciè> che si è potuto vedere . Le pont du Nord per me è il film più poetico di Jac­
ques. E non c'è nulla di più difficile che essere poetici al cinema, cosa che anzi, in generale , è in­
sopportabile. Adesso ho visto il film con Piccoli e Jane Birkin. Per Rivette è il film che più si avvici­
na a L 'amourfou. Tutti i miei anni di lavoro sono stati contrassegnati da un Rivette. Quanti ne ho
fatti, in fin dei conti? Uno, due , tre . . . sei! Sono moiti? In ogni caso questi film per me sono stati dei
punti di svolta. A partire dall' Amourfou tutta la gente del mestiere, dopo aver visto il film in proie­
zione privata, ha cominciato a chiedermi di lavorare con loro . Da Tanner per La salamandre a
Barbet-Schroeder, ecc . E' stato il punto di partenza. Ma il film che mi sta più a cuore resta , ovvia­
mente , Le pont di:t' Nord. Abbiamo lavorato davvero molto con Pascale, Susanne Schiffman e J ac­
ques Rivette, a tavola , a casa mia. E' vero che quel che c'è stato di più importante nella mia vita
d'attrice al cinema, è Rivette. Per tutti i film che ho facto. Fino al punto di fare un film con mia figlia.
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N O R T H B Y N O R T H W E S T

J a c q u e s R i vette . B u l l e O g i e r , La Bande des quatre, photo H e r m i n e Kara g h e u z .


N 0 R T H B y N O R T H W E S T

S E R G I O T O F F ETTI

E NTRET I EN AVEC B U L L E Ü G I ER

C'est avec L'Amour fou que vous êtes entrée, à la/ois, dans le cinéma et dans le monde dejac­
ques Rivette.

Ça a commencé, dans les années soixante, lorsque je travaillais dans un groupe de


théâtre, le groupe de Marc O . , qui était vraiment à la pointe à l'époque à Paris . C'était l'époque du
théâtre improvisé, et comme Rivette aimait beaucoup le théâtre il venait voir toutes nos créations.
Je n'avais jamais fait de cinéma, mais Rivette m'avait déjà demandé de tourner une nonne dans La
Religieuse. Mais moi cela ne m'intéressait pas parce que j'aimais plus que tout le théâtre, et je trou­
vais que ce petit rôle ne valait pas la peine .

Finalement, c 'est arrivé comment ce tournage de L'Amour fou ?

Après La Religieuse, Jacques a envisagé de faire L 'Amourfou et comme il me voyait


souvent avec Jean-Pierre Kalfon qui faisait partie du groupe, il a déplacé le couple du théâtre au
couple d'acteurs au cinéma. Il savait que si on le faisait ensemble, on se connaissait suffisamment
pour bien fonctionner.

Dans cette première expérience, vous avez en.fin trouvé au cinéma une ambiance
qui n 'étaitpas tellement différente du théâtre?

Voilà , je me suis retrouvée avec les mêmes acteurs d'ailleurs . Il y avait là Michel
Moretti qui faisait partie du groupe, il y avait les musiciens qui jouaient dans le théâtre de Kalfon
dans le film qui en faisaient aussi partie, au fond Rivette a pris pas mal d'éléments.

Quelle était la façon de travailler?

Pendant six mois on s'est vus avec Rivette. Il y avait un canevas, une histoire à la­
quelle Marilù P arolini a travaillé aussi. Elle était photographe des "Cahiers" à cette époque . Elle
avait une histoire avecJacques Rivette qui était finie. Mais dans ce film tout le monde avait une his­
toire d'amour en fin de course et alors tout le monde était très inspiré par ses propres expériences.
Toutes les séquences étaient bien sûr envisagées par Rivette et après il nous donnait la liberté de
les inventer sur le coup.

Et cela a déclenché une collaboration avec Rivette qui est plus une complicité
qu 'une simple collaboration, et qui tout de suite après a abouti à Out one .

Après, Jacques a voulu pousser son expérience d'improvisation très au bout, puis­
que dans ! 'Amourfou il y avait quand même des séquences, des scènes écrites par lui et par Marilù
Parolini. Tandis que dans Out one c'était littéralement de l'improvisation sauvage . Aucun acteur
ne savait ce que l'autre avait fait le jour d'avant. Moi, j'avais déjà fait cette expérience sur l 'Amour
fou alors cela m'intéressait moyennement. J'étais déjà un peu lassée par l'improvisation. J'ai vu le
film cet hiver, les douze heures. J'étais assez impressionnée, j 'ai remarqué que les passages de Ju­
liet Berto et de Jean-Pierre Léaud sont. . . c'est comme des petits courts métrages à l'intérieur de cet
énorme fleuve . Et puis, ça m'a amusé de revoir tous les costumes, les gens de l'époque.

A partir dufilm suivant Céline et Julie, vous commencez à être concernée aussi au
niveau du scénario, c 'est à dire que la complicité augmente?

C'est à dire que la complicité était très forte sur ! 'Amourfou. Moi, je ne connaissais
pas le cinéma, je ne savais pas ce que c'était que le cinéma, ce que c'était qu'une caméra. Et donc
j'avais la force de l'innocence. Ça m'était égal, mon profil, je n'avais pas l'inquiétude de la caméra
qu 'ont tous les acteurs . Je prenais seulement le plaisir de jouer les situations . Dans Out one j 'étais
déjà un peu moins naïve parce que j'avais déjà fait d'autres films entre temps . Jacques avait envi-
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N O R T H B Y N O R T H W E S T

sagé, après Out one, après la collaboration avec Juliet, de faire un nouveau film avec elle. Juliet a
choisi sa partenaire qui était Dominique Labourier. Ils ont construit l'histoire de ces deux filles et
après il y avait cette maison avec les fantômes et à ce moment-là Juliet a choisi des fantômes, c'est
à dire moi et Marie-France Pisier. Et nous avons travaillé là-dessus d'après une nouvelle de Henry
James. Enfin ça se mélange avec d'autres choses . Et puis le ton, la façon de jouer etc . . les référen­
ces sur le cinéma. Je me suis beaucoup référée aux attitudes des actrices de l'époque du début du
cinéma parlant, comme Greta Garbo, je m'en suis inspirée sur la façon de bouger, sur la gestuelle .
On se réunissait chez Marie-France Pisier avec Eduardo de Gregorio à cette époque, le scénariste,
et Jacques, et on réfléchissait: comment définir les deux fantômes. Et moi j ' avais envisagé d'être
hémophile, avoir des fleurs . . . tout plein de petits détails qui construisent un personnage. Et Marie­
France qui est plus cérébrale que moi, elle écrivait ses textes, tandis que pour moi c'était Eduardo
qui écrivait.

Dans Céline etjulie il y a beaucoup d'improvisation des deux filles . Il y a deux par­
ties dans le film, la partie où Juliet Berto et Dominique Labourier improvisaient et la partie de la
maison qui est très écrite . On a inventé nos personnages mais les dialogues étaient écrits . Ce
n'était pas spontané et ça se voit d'ailleurs . Par contre , dans le film suivant que j 'ai fait avec lui,
Duelle, Jacques a commencé cette nouvelle fonction d'écrire les dialogues chaque jour avec ses
scénaristes.

Et lefilm s 'était bien passé? C'est un film compliqué Duelle, non?

Oui très compliqué. Et finalement on était très amies au départ Juliet et moi et on
est arrivé, c'est comme dans la fiction, à plus du tout se parler à la fin du film. On avait quelques
agressivités l'une envers l'autre .

Dans lesfilms de Rivette, apparemment il y a toujours cette relation entre scène et


tournage, où la fiction et la réalité s 'injluencent beaucoup réciproquement. En tout cas cela a été
pour vous, une expérience qui vous a un peu suivie dans toute votre vie professionnelle.

Professionnelle et sentimentale puisque il y a quand même ce film avec ma fille . . .


qui va mal e t qui finit mal comme l a réalité . Et l e dernier, La Bande des quatre, c'est l a vérité , je
passe le flambeau à la nouvelle génération de comédiennes. Après Duelle, dans les années soi­
xante-dix, j 'ai tourné plusieurs films où je faisais toujours une femme bourgeoise , à part le film de
Fassbinder La Troisième génération, et j 'en avais marre . Alors j 'ai écrit à Jacques et je lui ai de­
mandé si on ne pouvait pas retravailler ensemble, en partant de la continuité de La Troisième
génération, c'est à dire les terroristes qui sortent de prison. C'était juste le point de départ.

Ce n'était pas très développé . Jacques était prêt à travailler, c'était une idée qui lui a
plu , c'était juste le départ, et puis après ça a marché dans sa tête et il a eu envie de faire un film sur
Paris parce que - comme il a dit - "tous les dix ans je fais un film avec Paris comme acteur": Paris
nous appartient, et aussi Out one c'est quand même énormément dans Paris, et puis Le Pont du
Nord c'était le troisième film dont Paris était aussi la vedette . Alors nous avons travaillé ensemble.
Au départ il n'avait pas envisagé ma fille Pascale, mais Juliet Berto, à ce moment-là était occupée à
faire ses propres films . Et donc après il a pensé à une jeune fille, et pourquoi pas Pascale qu'il
avait beaucoup aimée dans la pièce de Kleist, Catherine de Heilbronn. mise en scène par Rohmer.
Après m'avoir fait commencer au cinéma , il trouvait ça joli, de faire commencer la deuxième
Ogier. Il nous a donné à lire Don Quichotte. Et comme quoi moi je serai le Sancho Pança et Pascale
le Don Quichotte, c'est à dire un personnage idéaliste . Après on a pris plein de références , d'idées,
la femme plus âgée la femme plus jeune, l'idée des deux cow-boys qui arrivent en ville, le vieux
qui a l'expérience, le jeune qui est tout fou , à qui il apprend à se débrouiller.

Comme dans lesfilms de Howard Hawks.

Voilà. Pascale a mis ensuite beaucoup de choses de son adolescence . Des choses
qu'elle aimait, sa façon de s'habiller. Elle a pris beaucoup de choses des garçons qu'elle fréquen­
tait, quand elle avait seize ans, à l 'école . On a abordé tous les sujets importants , les sujets de
l'amour et. . . je ne me rappelle plus lesquels d'ailleurs parce que je n'ai pas eu envie de revoir ce
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N O R T H BY N O R T H W E S T

film. La grande tristesse c'est que Pascale disait: "ce sera mon livre de photos pour mes enfants " , et
là c'est plutôt le contraire.

Et après c 'est La Bande des quatre qui arrive.

C'est parti de loin La Bande des quatre. Jacques avait depuis très longtemps l'idée
de faire une film avec Jeanne Moreau sur une grande actrice de théâtre . Et ils ont travaillé beau­
coup ensemble et d'un coup Jeanne l'a laissé tomber parce qu'elle avait un projet plus sûr. Après
avoir laissé passer deux, trois mois Jacques donc, a décidé de faire le contraire : l'actrice-profes­
seur de théâtre n'était plus le point central, mais de partir des élèves comme sujets principaux.

On peut dire aussi que le vrai centre du récit c 'est la directrice de l 'école, le point
ferme autour duquel tout le reste tourne.

Il m'a fait passer le flambeau à la jeune génération, d'une certaine manière . ça fait
exactement vingt ans que j'avais fait L 'A mourfou avec lui. Il m'a demandé , comme je fais beau­
coup de théâtre maintenant, et qu 'il aime bien ce que je fais sur scène , de faire le professeur de
théâtre. Ce que je ne voulais pas parce que je n'avais pas le sentiment que je pourrais être un prof,
un prof sévère qui interdit de fumer, qui engueule les gens qui arrivent en retard.

Alors il m'a dit: " écoute , cette fois je ne te demande pas de donner des idées ni
d'improviser, je te propose un rôle comme n'importe quel metteur en scène : si c'est une secrétai­
re, ou si c'est une une femme-flic ou si c'est une avocate". Et moi: "Je ne me sens pas pédagogue ,
e t comme t e s films quand même ça ressemble un p e u a u x gens q u i sont dedans, je ne vois p a s
pourquoi t u m e choisis moi " . C'était le premier film que j ' a i fa i t avec Jacques comme u n e actrice
engagée pour tourner dans un film.

Mais, quand même, vous restez unefigure centrale dans le cinéma de Rivette.

Disons que tous les autres acteurs ont travaillé ailleurs au départ. Juliet Berto avec
Godard, Jean-Pierre Léaud avec Truffaut. Moi je suis purement l'actrice "rivettienne" si on peut di­
re . Et ça me fait très plaisir, parce que je pense que ce sont des films qui comptent dans l'histoire
du cinéma. C'est une énorme chance . Ce qui est important ce n'est pas de faire cinquante films ,
c'est ce que j 'ai fait d'ailleurs, plus ou moins, mais c'est de faire des films qui font bouger. Je crois
que le cinéma de Rivette a fait bouger les cho�es. Je crois même que, par exemple, Bernardo Ber­
tolucci quand il a fait son Tango à Paris, bizarrement il avait été imprégné par l'Amourfou. Cela
n'a pas de rapport mais quand même toutes les scènes entre Maria Schneider et Brando dans l'ap­
partement. . . je crois que c'était un film qui l'a bien touché l'Amourfou.

je n 'avais jamais réfléchi à cela, c 'est une belle idée.

Je veux dire que les films de Rivette ça compte . Il y en a qui sont plus ou moins
réussis plus ou moins bien. Out one c'est vraiment purement expérimental. Céline etJulie c'est
une chose complètement différente de tout ce que l'on a pu voir. Le Pont du Nord c'est pour moi
le film le plus poétique de Jacques. Et il n'y a rien de plus difficile que d'être poétique au cinéma,
c'est à dire que , vraiment, en général c'est insupportable. Et là j'ai vu le film avec Piccoli et Jane
Birkin. Pour lui c'est son film qui se rapproche le plus de L 'Amourfou.

Toutes mes années de travail ont été ponctuées par un Rivette. Au fond j'en ai fait
combien? Un, deux, trois . . . six! C'est beaucoup? En tout cas ces films ont été des tournants pour
moi. A partir de L 'Amourfou, tous les gens de la profession qui ont vu ce film en projection privée,
après m'ont demandé de travailler avec eux. Que ce soit Tanner avec La Salamandre ou Barbet­
Schroeder, etc . . . ça été le démarrage . Mais le film qui me tient le plus a cœur, c'est évidemment Le
Pont du Nord. On a travaillé vraiment beaucoup avec Pascale et Suzanne Schiffman et Jacques Ri­
vette , à la table , à la maison.

C'est vrai que ce qui a été le plus important dans ma vie d'actrice au cinéma , c'est
Rivette. Par tous les films que j'ai faits. Cela a été jusqu'à faire un film avec ma fille.
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N O R T H B Y N O R T H W E S T

B u l l e O g i e r , La Bande des quatre


I L PA S S AT O R E

J A C Q U E S A U M O NT

Jacques Rivette ha smesso completamente di fare il critico oltre vent'anni fa 1 : esattamente all'epo­
ca in cui, dopo L 'amourfou e nonostante tutte le difficoltà, sapeva con sicurezza di essere un ci­
neasta . Oggi, rispetto alla sua attività critica , ama tenere un punto di vista indulgente ma distacca­
to, lontano. La sua vocazione, Io <lice senza ambagi, non era di esser critico, ma cineasta: e se resta
obbligato a riconoscere di esser stato comunque un critico di cinema, è solo per negare immedia­
tamente ogni motivo d'interesse a tutto cio che ha scritto: semplice esercizio d'apprendistato . Uni­
co, tra i quattro pilastri dei " Cahiers du cinéma" gialli, rifiuta sistematicamente che si rieditino i
suoi scritti.
La visione teleologica che Rivette ha di se stesso (la voca:i:ione del cineasta) dice il
vero almeno su un punto: è sempre da cineasta che ha voluto vedere i film. Fin da! suo secondo
articolo per i "Cahiers du cinéma" , Ioda Hitchcock perché realizza: "dei film per registi" (26/49)2,
corne del resto Howard Hawks, Jean Renoir, Roberto Rossellini. Il giovane critico, aveva 25 anni,
si mette subito su un piede, non di eguaglianza, ma di connivenza con i cineasti che ammira. Que­
sta connivenza sarà in seguito singolarmente manifesta nei confronti dei suoi contemporanei,
François Truffaut o Jean-Marie Straub (che condivide la sua ammirazione per Hawks) ; più sor­
prendente resta comunque un simile sentimento in un giovanotto nei confronti di maestri: ci vuo­
le una bella sicurezza di sé.

La connivenza si definisce corne intesa a mezze parole, ma qui si tratta di ben altro:
del sentimento di far parte di una confraternita, forse di una setta , quella dei cineasti, e più in ge­
nerale degli artisti. La visione del cineasta sui cinema, del pittore sulla pittura, dell'artista sull'arte,
da quando gli artisti esistono in quanto tali corne gruppo sociale separato , è stata costantemente
rivendicata corne il segno , ad un tempo professionale e sostanziale, che li distingue. Vedere i film
da cineasta è tipico dei cineasti, è cio che li definisce, la garanzia che si fa parte della banda . Il che
non è privo di conseguenze: ne vedremo qualcuna sullo stile del critico Jacques Rivette, che non
temeva certo l'esoterismo .

"Esoterismo" , tuttavia , è forse un po' eccessivo . L'idea della specificità dello sguar­
do artistico sull'arte si accompagna in effetti, sempre di più in Rivette con questa concessiva : se
l 'artista è il solo a essere sempre nell'arte , ognuno puo, per contro, essere artista quando gli va.
Quest'idea trova la sua forma compiuta in occasione dell'affare Langlois (ne! 1 968: il contesto era
1 Salvo errori, il suo ultimo alto favorevole) . "Chi sono gli spettatori della Cinémathèque"7 Dei cineasti in potenza. E io spero d'al­
critico è stata l'intervista con
Marguerite Duras pubblicata tronde che la maggior parte di loro diventino cineasti in realtà . Ma anche coloro che non faranno
nei "Cahiers du cinéma" n. 217, neanche un film [. . .), se hanno voglia di vedere i film di Griffith [. . .), i film contemporanei [ . . . ) , i film
onobre 1970.
che si faranno domani, è perché sono già cineasti in potenza" 0 99/37) . Tra il cineasta attuale e il
2 I riferimenti delle citazioni
dai "Cahiers du cinéma" cineasta virtuale, che sia critico o spettatore, la differenza è solo di grado, non di natura : vedere i
comporteranno soltanto film e farli partecipa della stessa attività globalmente artistica. Da questo credo della "nouvelle va­
l'indicazione del numero e poi
della pagina, (26/49 va dunque gue" , Rivette è colui che ha tratto le conseguenze più ampie: ognuno puo essere cineasta ne! tem­
letto: "Cahiers du cinéma" n. po di un film. 3
26, pagina 49).
3 L'idea è talmente forte che
infiltra, corne è noto, tutto Il cinema non è la letteratura, il cinematografo non è relativo al linguaggio. Questa
l'itinerario teorico degli anni prima verità (la ritroveremo più avanti) spiega forse perché colui che parla dei film da cineasta
sessanca e settanta in Francia: non si trovi a tutta prima a suo agio con questa letteratura, la critica scritta. Cosi Rivette non è mai
da Christian Metz e Raymond
Bellour, a lutta la corrente stato critico di film cosi bravo e convincente corne oralmente . Qui bisogna pure che entri ne! per­
dell'analisi del film, ognuno sonale. Mi sono trovato accanto a Jacques Rivette quasi tutti i giorni, da! 1967 al 1 970 ai "Cahiers'' ,
mira va a una comprensione in
alla Cinémathèque, al ristorante, nella metropolitana e, qualche volta, nelle reciproche abitazioni.
profondità del cinema o del
film, che flirtava con l'idea di La sua conversazione era incessantemente nutrita dei film che aveva visto o rivisto (aveva cose
ritrovarci qualcosa nuove da dire tanto su lntolerance o su un Charlot che sulle ultime uscite degli Champs-Elysées) ,
dell'approccio del cineasta .
4 Visto che pongo una
e io ho sempre, negli occhi e nelle orecchie, la fiamma dello sguardo che ti fissa parlando, con il
domanda, devo rispondere: ad grande sorriso che te ne <lice una ben buona, la parlantina sciolta, più entusiastica che autoritaria,
altri due della stessa "banda" e quell'inimitabile gestualità da direttore <l'orchestra, con le mani che sferzano l'aria corne per da­
devo l'aver amato e imparato il
cinema: Sylvie Pierre re il tempo aile idee . Chi corne lui sapeva difendere un film, avanzare una tesi ardita, spesso ereti­
e jean Narboni. ca, chi corne lui fu, per me, per tutti noi, un pedagogo?4
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I L P A S S A T O R E

Pedagogo, critico orale , Io è altrettanto nelle sue apparizioni pubbliche . La prima parte del saggio
filmato che gli ha dedicato Claire Denis5, termina con la magistrale spiegazione di un film, in cui si
vede e si sente Rivette dire perché Io ha commosso la fine di Peaux de vaches di Patricia Mazu y. In
questo finale (faccio una parafrasi) , i rapporti tra i personaggi diventano sempre più intensi e mi­
steriosi, corne in un sogno, ma un sogno tanto più meraviglioso che puà rivedersi all'infinito. Ri­
vette descrive questa scena con sempre maggior precisione, fino ad appuntare la radice del so­
gno, dell'emozione, dell'arte nell'ultima inquadratura, dove Stevenin parte fuori campo su un pri­
mo piano di Sandrine Bonnaire : "facendo passare l'emozione con un'invenzione della macchina
da presa" . E poi, dopo quest'ammirevole descrizione, che designa più di quanto non dimostri, di
colpo, questo: "ma credo che si debba essere cineasti per vederlo" .

Perché allora non riconoscersi corne critico? Senza dubbio i n riferimento a un'idea
del buon critico che è un ideale. Che cos'è il buon critico? Qualcuno che possiede delle qualità ra­
re, varie e contraddittorie (corne dire che non ce ne sono moiti, neppure ai "Cahiers du cinéma").
Il gusto per cominciare : deve essere sicuro, cioè (prima contraddizione) immediato ma duraturo;
bisogna saper riconoscere i buoni film, i buoni autori . Ma il giudizio di gusto - tutti i critici sono
kantiani - deve fondare il suo credito su un'idea generale del cinema , al tempo stesso (seconda
contraddizione) stabile e duttile , che tiene canto degli insegnamenti della storia e delle smentite
parziali prodotte dalla storia ne! suo farsi. A questi patti la sua retorica saprà essere ad un tempo
(terza contraddizione) seduttrice e logica .

Il giovane Rivette è brusco: non c'è analiticità in lui, ma più sovente giudizi sinteti­
ci, che si preoccupa scarsamente di fondare . Un film è un film, si dà corne un tutto, e sembra allo­
ra più produttivo dire questo dono che spiegarlo. Atteggiamento, è ovvio, più comprensibile in un
cineasta, e quando ] . R. parla (in Le veilleur) della "società segreta" che si costituisce per ogni film,
o del "vuoto " , dell'impoverimento che causa la fine del film, e ancora dell'impossibilità per lui di
vedere davvero i suoi film, è la stessa idea: un film è un'esperienza totale, assoluta, esigente , vam­
pirica, di cui si puà soltanto dire : mi ha divorato. Unico modo di dire il film corne dono o divora­
zione : l'evidenza. E ' , ricordiamocelo, la prima parola del primo articolo di Rivette sui "Cahiers" (il
secondo è "genio"). L'evidenza è, per definizione, cià che non si puè> analizzare, e che d'altronde
non c'è bisogno di analizzare . Ciè> puè> implicare convinzione, ma non senza una parte di rischio
appena si cerca di qualificare l'evidenza . Dire ad esempio che in Hawks non c'è "nessun flash­
back, nessune ellissi" (23/ 1 9) si espone subito a una smentita, poiché, senza andare a cercare nel­
la sua opera esempi di flashback, in effetti minoritari, è chiaro al contrario che l'ellissi, e non sol­
tanto ne! Grande son no di cui è corne il motiva stesso , è la tecnica narrativa favorita del grande
Howard.

Cià che non si puà spiegare si puà soltanto sentire : "Cià che è buono, è che tutte
queste belle pensate vi vengono dopa: non si pensa sui momento che a ciè> che si vede, si va fino
in fondo [. . .] Questa adesione totale , immediata , questa innocenza di spettatore infine ritrovata,
l'impossibilità ugualmente di parlare direttamente di questo film [. .. ] , sono queste le prove più im­
mediate della totale riuscita di Jean Renoir" (recensione di The Southerner, "La Gazette du ciné­
ma" , n. 2, giugno 1 950) : l'evidenza è una qualità tanto più forte perché indimostrabile . Cosi, del ci­
nemascope: "l'evidenza è il suo primo atout" (31/46) ; o ancora, se The Naked Spurè il capolavoro
di Mann, "corne giustificare una simile affermazione? Ecco la cosa più difficile" (29/60) . Il limite di
questa qualità è questa qualità stessa: non è evidente che cià che si vede . Presentando alla Setti­
mana dei "Cahiers" ne! 1965 il film di Gilles Groulx Le chat est dans le sac che gli era piaciuto mol­
to, Rivette trova da dire solo questo : "Siamo tutti dei gatti ne! sacco", e se ne va .

In mancanza della dimostrazione, resta il giudizio, la storia dei giudizi di gusto .


Quelli di Rivette sembrano oggi notevolmente buoni, forse in proporzione ad una certa ristrettez­
za, ad una certa rigidità che fece si che, più ancora di altri, si limita a frequentare con acuto senso
dell'esclusività pochi autori "de chevet" (non c'è mai nelle sue scelte o nelle sue esclusioni la fan­
tasia che ci mette sovente il Godard critico) . Coltivata a detrimento della sua razionalizzazione ,
l'intuizione paga e, all'occasione, Rivette prende partita, in modo chiaro e netto, con la sicurezza
di chi scommette ogni volta tutto il suo capitale . Dire chiaro e tondo, ne! 1956, che a parte Bresson
e Renoir, l'unico film vivo dell'anno era Et Dieu . . . créa lajemme per il suo "tono nuovo" (71/22) ,
richiedeva ad esempio una libertà e un'acutezza di giudizio che non si trovano dappertutto .
97

I L P A S S A T O R E

In seno al quartetto di base dei "Cahiers " , Rivette occuperà a fondo un posto intermedio. Da un la­
to , un eccellente critico, Truffaut, che aveva la penna vivace , divertente , cattiva, il talento dello
scopritore , del pioniere, e che allo stesso tempo si preoccupava di difendere le sue posizioni: di
tutti i testi di quei giovani turchi, l 'unico ad esser davvero passato alla storia non è forse quella sua
Certaine tendance du cinémafrançais 7 Dall'altro, due "cattivi" critici, che parlavano d'aitre cose
che non di film, che non giustificavano i loro gusti, che coltivavano il paradosso e la piroetta (Go­
dard), o si preoccupavano più di sistema e di scrittura che di scelta e di difesa dei film (Rohmer) .

Continuare a questo punto significherebbe impegnarsi in una direzione se non pe­


ricolosa almeno imbrogliata . Colpisce tuttavia che una sorta di regola di proporzionalità inversa
sembri essere rinvenibile tra la qualità dei critici e la qualità dei futuri cineasti . Non, certamente,
che Truffaut sia stato chiaramente un cattivo cineasta, ma la sua opera ineguale, che moltiplica le
vie cieche, gli errori, gli entusiasmi effimeri, non ha - e credo avrà sempre meno alla distanza - la
tenuta di quella di Godard, di Rohmer, di Rivette. Ora , corne si puo spiegare tutto cio, senza entra­
re in un dubbio percorso psicologizzante? Mi arrischio soltanto a questo, senza darmi davvero la
pena di puntellarlo: cio che differenzia Truffaut dagli altri tre, è il rapporto con i personaggi dei lo­
ro film. Truffaut, solo, si identifica con i "suoi" personaggi, e direi che con loro si identifica troppo,
al punto di non saperli più guardare . Ora, è Io spettatore che deve potersi identificare; il cineasta
invece deve guardare, unicamente guardare . Un sintomo chiarificatore di cio che forse fu un ec­
cesso di sentimentalismo , puè> essere ancora questo : quando Truffaut recita , nei suoi film o in
quelli degli altri, è sempre da melodranuna, mentre Rohmer fa la statua di cera, e Godard il corpo
burlesco. Rivette, invece, non recita mai.

Si vede ora perché queste considerazioni portino su un pendio scivoloso: parlavo


poco fa delle mani di Jacques Rivette, dei loro gesti musicali ed eloquenti, bisognerebbe adesso
parlare dei corpi. Ma dov'è il corpo di Rivette? Sempre in sala e mai sullo schermo . Perché? Perché
egli è, anzitutto e sempre, un cinefilo, e se interpreta un ruolo, è sempre quello dello spettatore .
Nevrosi cinefilica : "So che ho davvero cominciato a capire il cinema [ . . . ] solo grazie alla Ciné­
mathèque Française [. . . ], e so che questo è stato vero per me non soltanto ne! momento in cui ero
ancora un giovanotto , ma anche oggi. Ho bisogno di vedere continuamente i film di Griffith, ho
bisogno di vedere continuamente i film di Ejzenstejn, i film di Murnau , ma ho bisogno anche di ve­
dere i film contemporanei" 0 99/37) . Jacques Rivette è la sola persona che io conosca ad aver visto
tutti i film, assolutamente tutti, da 45 anni, ma andare oltre vorrebbe dire cominciare a parlare di
lui intimamente. Come dire che non è possibile.

Lo stile è l'uomo, forse . Quello di Rivette è per Io meno netto e tagliente , corne è
normale per chi pratichi la critica dell'evidenza . Se non Io vedete corne io Io vedo , sembra dire
senza posa, è perché siete ciechi. Pierre Kast, un giorno, glielo rimprovera sui " Cahiers " : "Come
d'abitudine, le affermazioni di Rivette sono delle tautologie perfette" (71/87) , e in Le veilleur, lui
stesso se ne ricorda: "Avevo la reputazione di essere il Saint-Just d'un Robespierre che era Truf­
faut" . Questo "terrorismo" si manifesta attraverso un gusto costante per la formula perentoria o
d'urto . Ta vola rotonda sui cinema francese , 1957, Bazin: "Sono dell'avviso che sia Rivette a comin­
ciare . E' lui che ha l'opinione più violenta e più netta" . Rivette: "Non un'opinione , una formula, il
cinema francese è un cinema inglese che si ignora" (7 1/16). Oppure, a proposito dell'uomo hawk­
siano: "Termine del suo progresso, la sua vecchiaia Io giudica" , in cui il perfetto bilanciamento
5 Jacques Rivette: le veilleur,
prodotto da Janine Bazin e dell'alessandrino impreziosisce l'aspetto convenzionale dell'idea (23/18) .
André Labarthe, realizzato da
Claire Denis e Serge Daney, Ma s e Io stile è spesso e volentieri altezzoso, non è forse per acquistare quota e , a d
1990. Cfr. l'articolo di Anne­
Marie Faux sui film. esempio, poter accompagnare e corne autentificare l e "parole grosse" , quelle che g i à n e ! 1 9 5 0 si s a
6 Su questo punto Jacques d i n o n poter p i ù utilizzare senza pinze (il primo articolo scritto d a Rivette si intitola Nous ne som­
Rivette non è probabilmente
mesplus innocents)? Modernità, gioventù , sono parole-chiave, probabilmente oggi meno convin­
affatto cambiato, e continua .a
far parte di quella famiglia di centi usate corne sono state dalla mediatizzazione del culto della giovinezza, da! sospetto sulla
"poveri in spirito" cui modernità e dall'eccesso di confidenza che con lei ci si è presi. Ma la vera pietra angolare del di­
appartengono anche Straub­
Huillet e Garre!. Sulla scorso è questa trinità: verità, povertà, santità . Soprattutto si moltiplicano i vibranti elogi della po­
"povertà" di Garre! cfr. Anne­ vertà, in positivo : è lei che , in Angel Face, ha costretto Preminger a una trovata d'ingegno permet­
Marie Faux, Eloge de la tendogli di dimostrare di essere più di un abile artigiano (32/42); e in negativo: se il cinema fran­
pauvreté, in Philippe Garre/,
Dunkerque, Studio 43/ Pantin, cese è brutto, dipende dal fatto che quelli che potrebbero fare dei film situati socialmente, che po­
Ciné 104, 1988, pp 21-24. trebbero salvarlo, sono rovinati dai soldi, mancano di spirito di povertà (7 1/85) 6 .
98

I L P A S S A T O R E

Jean Narbon i , Jean-Marie Strau b , J a c q u e s R ivette et Danièle H u i l let, Utrecht, 1 968


99

I L P A S S A T O R E

L'altezzosità , in tutte le accezioni salvo il sussiego, è un po' per lui una seconda natura. Parlando di
nuovo a mio nome e a nome della "mia" immagine di Rivette , la collegherei volentieri a un altro
tratto, la capacità di conoscere i propri limiti. Quando "entrai" ai "Cahiers" ne! 1 967, Rivette era, al
tempo stesso, il punto di riferimento cinefilico (aveva visto tutto) , morale (viveva asceticamente
per il cinema) e scientifico (era l'Uomo che ne sapeva su tutto) . Un aneddoto puè> dare la misura
della sua curiosità bulimica, della sua incapacità a sopportare che un campo della conoscenza po­
tesse sfuggirgli: nel 1 968 o 1 969, sapendo che io conoscevo un po' di matematica , voile che gli fa­
cessi studiare niente meno che l'enorme trattato di Bourbaki: le matematiche, più l'eleganza quasi
artistica del loro rimodellamento . (Ci tennero comunque alcune sedute, cui assistettero anche Syl­
vie Pierre , Jean Narboni, Dominique Villain e il compositore Claude Eloy; s'interruppero prima
che giungessimo alla fine del primo fascicolo: decisamente faceva troppa resistenza) . Ma si tratta
pur sempre di un'immagine tarda, quella della maturità, quella di un'epoca in cui Rivette aveva già
dei discepoli, ed era toccato anche a lui, suo malgrado, di diventare un giovane maestro. Agli ini­
zi, l'altezzosità, l'erudizione, la curiosità verso (e contro) tutto ebbero maggiori difficoltà a rifluire
in una scrjttura critica.

Non sembra dubbio allora che il suo esempio, e forse il suo mentore , fosse Eric
Rohmer, tanto è impressionante il mimetismo stilistico (d'altro canto Maurice Scherer-Rohmer, un
po' più vecchio, aveva anche più esperienza, perché aveva già scritto su "Combat", su "Les temps
modernes", aveva fondato " La Gazette du cinéma'' . Un testo cosi importante corne la Lettre sur
Rossellini (46/1 4-26) , fonte di tutta un'attuale "doxa" del "cinema moderno" , potrebbe essere pre­
sa in più di un punto per un pasticcio, a cominciare dalle sue scelte retoriche, già tanto datate da
sembrare preziosistiche: falsa lettera, falso appello al lettore, abbozzo di un falso dialogo.

L'amore per la cultura, il disagio di fronte alla scrittura, la scelta di una lingua "clas­
sica" fino al preziosismo, dànno ai suoi primi testi un'andatura merlettata; corne questo , ad esem­
pio, del 1953, su Monkey Business: "Ma il nemico si è ora infiltrato nell'uomo stesso: il sottile vele­
no del ringiovanimento, la tentazione della giovinezza, di cui sappiamo da tempo corne non sia
l'astuzia più sottile del maligno - tanto scimmia quanto bassotto - se una rara intelligenza la tiene in
scacco" (23/17) , dove il riferimento a Faust (il Maligno corne bassotto) fa concorrenza alla citazio­
ne biblica ("il nemico" per "il diavolo"), e <love il senso scivola sull'ondeggiamento delle parole.

Progressivamente questo stile si alleggerirà , diventerà sempre più aereo, facile , e


in fin dei conti quasi disinvolto . Uno storico dei "Cahiers du cinéma" , potrebbe qui interrogarsi
sulla probabile influenza giovanile degli scherni e dell'insolenza di Truffaut e dell'ironia godardia­
na, in un paragrafo corne il seguente: "Quando il signor Hitchcock consacra il suo immenso talen­
to a illustrare le trentadue posizioni del masochismo cristologico, dico uffa, e vado a vedere La
main au collet. Quando il signor Bresson comincia a prendersi per Abel Gance e vuol rimpiazza­
re la polivisione con la vista a un decimo per l'occhio sinistro (il destro essendo già partita) , dico
riuffa, e ritorno al Bois de Boulogne" (73/38) . Ma questo stile resterà uno stile, tipico di Rivette, e la
maggior sicurezza di sé, la disinvoltura , l 'ironia, andranno del pari con un gusto rinnovato per il
gioco di parole, il marinismo, la frase ornata , corne in questa ultimissima notula del 1 969 su The
Touchables di Bob Freeman: "Freeman è , cosi si <lice, un fotografo: e il suo film, in effetti, sono fo­
tografie: dall'alto, da! basso, da sinistra, da destra, carine, schifose, più , o meno, di traverso, (qua­
si) chiare, (non poco) sfocate, tagliate in piccoli pezzi e messe una in fila all'altra; vale a dire che
bisogna sopportare dei quarti d'ora di gangster inglesi per intravvedere, qua e là, fuggitivamente,
le quattro gattine che pure sono la sola giustificazione ideologica dell'impresa; anche se si muovo­
no troppo (contraddicendo, coi loro spostamenti che muovono continuamente le linee, il princi­
pio stesso dell'arte hypopennavedonbaileyiana) , e male (meglio leggere l'elogio della follia: non
basta avere il fuoco al culo/corpo per esserlo)" (2 1 1/65) .

Il critico dell'evidenza si definisce a tutta prima per i suoi gusti, ma la caratteristica


del gusto, cosi si dice, è di essere arrischiato, perché ha la garanzia solo in se stesso. Si ha talvolta
l'impressione che questi gusti vengano rimessi in causa a ogni proiezione, che il bisogno di vede­
re e rivedere senza posa i classici sia anche un bisogno di sapere dove si è, di fare il punto sulla re­
lazione con loro, di verificare che restano per noi sempre importanti, che li amiamo sempre. Tra il
1953 e il 1957, ad esempio, si puo trovare una piccola palinodia hitchockiana . / Co nfess viene lo­
dato perché si basa su "ciè che è fondamentalmente il cinema : quel legame tra qualche cosa di
100

I L P A S S A T O R E

esterno e di segreto che un gesto improvviso rivela senza spiegare" (26/50) , ma The Wrong Man
suscita un rifiuto (vedi un po' sopra la formula tagliente e azzardata sulle "trentadue posizioni cri­
tiche"), e The Trouble with Hany suscita imbarazzo (Faut-il brûler Hany?, 58/14) . D'altronde , tra
i due , egli si chiede se Hitchcock non sia piaciuto superficialmente , per le sue astuzie di sceneg-
giatura, piuttosto che per quello che ha saputo davvero fare (53/40) . Ma questi moti del sentimen­
.
to derivano da un amore accordato una volta per tutte . Hitchcock è un maestro, un autore, negar­
lo è fuori questione.

Non si rischia invece molto a supporre che se i suoi gusti non cambiano, o solo in
misura minore, è necessariamente perché si tratta dei gusti dell'adolescenza o, chissà, dell'infanzia,
coltivati e sviluppati. Se Hawks, ancora più di Hitchcock, resta l'amore permanente e indiscusso, è
ad esempio perché è il cineasta che meglio si puo paragonare a Corneille ("due grandi tragici tenta­
ti dalla commedia" ( 1 53/4 1 1 ) . E Corneille è forse l'autore classico che Rivette ammira ed ama di più
lungo tutta la sua vita (il vecchio Corneille era di Rouen come il giovane Rivette). In Le veilleur, uno
dei più forti momenti di entusiasmo è suscitato dalla recitazione di qualche verso di Suréna7. Ma a
questo polo classico (che condivide con Jean-Marie Straub) , Rivette aggiunge senza posa nuove
ammirazioni, vale a dire nuovi amori, perché per lui ammirare significa amare. Griffith, Murnau ,
Ejzenstejn , diventano per lui altrettanto fondamentali, veri e propri oggetti del bisogno e della
pulsione di vedere .

E' cosi che il gusto , con la sua casualità e la sua arbitrarietà , diventa poco a poco,
strato su strato, una cultura personale , <love l'arbitrio si cancella di fronte alla logica (quella della
storia) . In questa cultura, cio che si incontra e che piace, sono degli autori ("politique des auteurs"
oblige) , ma questi autori se sono, ovviamente, dei maestri, restano anzitutto uomini, coi quali in­
trattenere rapporti da uomo a uomo. Incontrando Preminger nel dicembre 1953 per un'intervista,
Rivette dice una frase: "la cortesia è il segno dei grandi cineasti" (29/7), la cui assurdità è solo ap­
parente : un grande cineasta, un maestro, si distingue anche per le sue qualità di uomo che , tutto
sommato, potrebbero anche essere cio che meglio Io definisce.

Gli autori del pantheon rivettiano sono anzitutto degli inventori di soggetti, di terni,
di contenuti. Il "genio" di Hawks è provato anche dalle intenzioni di sceneggiatura, e forse in mi­
sura ancora maggiore che dalle sue invenzioni di macchina, e scappa un sorriso a vedere Rivette
spingersi fino ad accreditargli, ad esempio , la sceneggiatura di The 1b ing. Ma, un po' più tardi,
Fritz Lang verrà lodato, e questa volta in modo molto logico, per essere " il cineasta del concetto"
(76/50) , e Rivette avrà varie occasioni per dire che preferisce "la vecchia scuola , Hawks , Hitch­
cock, Lang" (32/44) , perché credono anzitutto aile loro storie, a differenza di Preminger che , per
gran cineasta che sia, non è in realtà un autore perché crede soltanto alla messa in scena.

Di nuovo, malgrado un apparente cambio di bandiera, la posizione si mantiene si­


gnificativamente stabile perché è dialettica : l'autore è un uomo di contenuto, ma a condizione di
non fermarsi al contenuto, di farlo diventare cinema. "L'astrazione fa sempre la posta ai film che
pretendono di trovare ne\ contenuto la loro più profonda giustificazione: la tesi, morale o politica,
ha moiti rischi di divorare i suoi propagandisti" , <lice nel 1950 ("Gazette du cinéma, 5/5) . Ma per
aggiungere subito dopo che un buon film è quello che , partendo dall'idea, la fa passare al concre­
to del film. E' questa dialettica che separerà sempre di più Rivette da! suo maestro Rohmer, che ne\
1956, ad esempio, gli farà includere Nuit et brouillard tra i dieci migliori film dell'anno, e che ne!
1957 gli permetterà di affermare ancora più nettamente : "Il primo dovere di un cineasta francese
sarebbe quello di cercare quel che c'è di nuovo, di fondamentale, nella società in questi ultimi an­
ni. Poi, potrebbe trattare qualunque problema, perché ormai possiederebbe la chiave" (7 1/90) .

Ed infatti, se il cinema americano, non quello francese, resta il preferito ed ha dato


più autori, è proprio per la sua capacità di sviluppare un corretto rapporta tra la sceneggiatura e il
visibile, tra la preoccupazione del contenuto e quella della messa in scena . Per trovare il punto
d'equilibrio dell'estetica autoristica secondo Rivette, bisognerebbe mettere su un piatto della bi­
lancia le affermazioni sui contenuto, e sull'altro, ad esempio, queste aitre del 1950: "E' provato una
volta di più che la parola "sceneggiatura " non ha alcun senso, che non c'è, né mai ci sarà , una
"sceneggiatura" ; un film è della gente che cammina, si abbraccia, deve (sic) , si dà addosso; uomi­
ni che agiscono sotto i nostri occhi, e ci obbligano ad accompagnarli nelle loro azioni, a condivi-
1 0 1

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dere la loro vita, a partecipare ai mille piccoli incidenti che fanno un'esistenza, e ci interessano or­
mai allo stesso titolo" ("La Gazette du cinéma" , 2/2) . Il concetto di messa in scena, in Rivette corne
negli altri moschettieri hitchcock-hawksiani, è evidentemente la chiave di questa dialettica : "E
quando io parlo di idee, voglio ben dire idee di messa in scena o anche, dovessi pur dare scanda­
l o , di inquadratura o di successione dei piani, le sole di cui oggi io mi senta di riconoscere la
profondità e che possano raggiungere la figura segreta, fine di ogni opera d'arte" (27/59-60) . Con­
cetto fluttuante e paradossale che ha la sua consistenza non in quanto concetto, ma solo in cio che
bisognerebbe chiamare una concretezza concettuale (vedi, alla fine del primo episodio del Veil­
leurcome Rivette, con due occhiate, trova e definisce gli assi, visivi e "scenici" , di uno spazio dato,
quasi per una specie di riflesso da cineasta, per l'appunto) .

In linea generale , si sa corne questa nozione ha giocato un ruolo di "copertura"


concettuale, dando riparo a concezioni del cinema piuttosto diverse. In Rivette la gamma è vasta,
e va dal cinema dell'ineffabile e del religioso alla Rohmer-Mourlet, al cinema critico e materialista
alla Ejzenstejn, semplicemente perché, per lui, è sinonimo della pratica stessa del cinema, e sta al
cinema corne la pennellata e il colore alla pittura, corne il ritmo e la melodia alla musica: "da qua­
rant'anni i maestri hanno mostrato le vie; non saremo noi a rinnegare il loro esempio, ma piuttosto
a compierlo fino in fondo. Si, la nostra generazione sarà quella del cinemascope, quella dei registi
infine degni di questo nome : capaci di muovere sulla scena illimitata dell'universo le creature del
nostro spirito" (31/48) .

Cio spiega, ad esempio, la spettacolare evoluzione di Rivette ris petto al montaggio.


Negli anni cinquanta il montaggio è serenamente inesistente, negato corne inessenziale poiché il
cinema non è un linguaggio. Nel 1 956 Rivette vede alla Cinémathèque Française una copia di La
vendetta di Crimilde, bellissima per qualità dell'immagine , ma le cui bobine, cioè le inquadrature ,
sono state mescolate, e si indigna dell'indignazione del pubblico: che cosa importa in effetti, poi­
ché si tratta comunque di una storia di rumore e di furore, e il disordine stesso della sua presenta­
zione ne mette soltanto in maggior rilievo il genio (57 /36) .

Al cinema-pensiero, a tutto cio che assomiglia alla "cine-lingu a " , Rivette oppone
ostinatemente il cinema-arte visiva: "che lascia libero il cineasta di tentare non di commuovere ma
di scuotere il pensiero e di rinnovarlo con gli choc discontinui di effetti cui la bellezza non deriva
dal senso, ma il senso dalla bellezza" (26/50) ; altrove Ioda la discrezione di Hitchcock, che "resta
volontariamente al di qua del suo oggetto e rifiuta di sottolineare l'essenziale , per presentarcelo
semplicemente" ("Gazette " , 4/4) ; oppure è la volta del panegirico del cinemascope, coronamento
e consacrazione della storia del cinema (ben più del parlato che, in fondo, era già in nuce nel mu­
to, concordando in questo con Bazin) (3 1 /45).

Eppure, dieci o dodici anni dopo, Rivette si farà con identico ardore turiferario del
montaggio: "Se ogni pensiero coerente del montaggio è de facto pensiero critico, ogni forma di ri­
fiuto, o di disdegno del montaggio, non implica forse una mentalità teologica , cioè l'accettazione
del mondo corne è, se non la rassegnazione almeno la contemplazione passiva di cio che è corne
pura presenza, senza Storia né mediazione, con tutti i concetti di permanenza e di destino legati a
questa ideologia"? (2 1 0/27) . Opportunistico cambio di bandiera , preoccupazione di accordare i
7Questa presenza,più o meno suoi violini alla tonalità dominante? Probabilmente. Del resto c'eravamo tutti.
esplicita, ricorre
frequentemente ne! suo lavoro Ma la contraddizione è solo apparente : il montaggio, esattamente corne il "non­
critico. Il suo articolo su Land
of the Pharaos (1955, 53/40) si montaggio " , non va feticizzato corne estetica , perché sono entrambi varianti possibili, e in fondo
intitola "Aprèa Agésilas - titolo equivalenti, di un identico atteggiamento, di una stessa posizione che è quella dell'autore, del ci­
misterioso se non ci si ricorda neasta, del regista: "Montare, non equivarrebbe dunque ad aggiungere ma a togliere Cil ritirarsi in
del celebre epigramma di
Boileau a proposito delle azione), non a fare, ma a disfare : il negativo all'opera. Bisogna vedere il film corne residuo, il reti­
ultime due piece di Corneille: colo delle tracce lasciate dal doppio processo di un'azione (le riprese, processo di accumulazione)
"Après Agésilas, Hélas! Mais
après Attila, Holà". Del pari,
e della sua negazione Cil montaggio, processo di consunzione)" (210/20) . Come Ejzenstejn, col tra­
malgrado le sue riserve, Rivette scorrere dei giorni passati alla Cinémathèque, si è aggiunto a Lang e a Hawks, il montaggio si è sur­
non giudicà Land of the rettiziamente aggiunto alla panoplia della messa in scena, l'ha complicata, dialettizzata, oltrepassa­
Pharaos una catastrofe.
ta pur confermandola . La sola cosa ad essere sempre, e conseguentemente, rifiutata, è l'espressivo,
ciô che attira l'attenzione su di sé iri quanto significante. Se l' Oifeo di Cocteau, nel 1 950, viene criti­
cato, è per aver troppo voluto "fare del cinema" , per aver ceduto troppo alla superstizione dell"'an-
1 02

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Betty S c h n e i d e r . J e a n - C l a u d e B r i a l y , Paris nous appartient


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I L P A S S A T O R E

golo vivo " , quegli angoli "che tengono senza dubbio il titolo di una vita cosi esuberante da ucci­
dere ciô che cade ne! loro campo e da spogliare le cose e l'attore dalla loro stessa esistenza, per
appropriarsela interamente. [. . .] Ogni forma rara sotto cui ci appare la realtà, rischia di captare so­
lo l 'attenzione e di distoglierla da! vero" ("Gazette " , 5/2) . Vent'anni dopo, stesso disgusto verso
l'espressionismo in tutte le sue forme (a proposito di Piave sut mio villaggio di Aleksandar Petro­
vic) : "Eccesso di segni esteriori di compiacenza che non vengono ripresi ma accumulati, non mol­
tiplicati ma esasperati fino a riempire tutta la trama" (2 1 3/65) .

La distanza temporale ci aiuta a comprendere. Cià che è in gioco, non è la scelta tra
un cinema della scena e un cinema del montaggio, si sa bene del resto che Rivette li praticherà en­
trambi (a Utrecht ne! 1 968 Jean-Marie Straub dichiarava che i due film recenti il cui montaggio
l'aveva maggiormente colpito erano Gli uccelli e La religieuse), ma piuttosto la scelta tra un cine­
ma moderno, condizione stessa dell'arte del cinema, e un cinema invischiato in una concezione
arcaica dell'arte, quella del "cattivo" muto, dell'espressionismo, d'una volontà d'arte germanica e
pesante. E' per questo che il testo fondamentale di tutto il pensiero di Rivette resta, per sempre , la
sua magnifica Lettre sur Rossellini, la cui influenza è stata cosi viva in questi ultimi anni.

Ma per quali motivi Rossellini è l 'inventore del cinema moderno (e dunque per cià
stesso il più importante dei cineasti) ? Le ragioni questa volta sono articolate , e anche in modo
chiaro: perché non è ancora arrivato al suo punto d'arrivo finale, non fa film finiti, ma film che non
finiscono, perché lavora per linee, ha il senso dell'abbozzo e del suo tempo; perché i suoi film so­
no film egotistici, film d'amatore.

La modernità , e qui siamo al cuore di ciô che Rivette pensa da sempre , è prima di
tutto attività. Se Rossellini è il moderno, è perché ha Io sguardo più attivo, anche se non il più sot­
tile (è Renoir) , né il più acuto (è Hitch) ; è perché si dedica alla cattura delle apparenze. Da cui
l'importanza, nella sua estetica, di due tratti che Rivette cineasta riprodurrà senza posa e che Rivet­
te critico difenderà costantemente: l'amore della diretta ( Viaggio in ltalia è quasi televisione, dice
Rivette con incredibile preveggenza) , e l'amore del saggio, vera lingua universale dell'arte moder­
na che permette di superare il "bello stile": "Prima di questo film la deliziosa ricerca del gesto vero
era la fine del cinema" , qui invece esiste una superiore assenza di retorica" (46/26).

Nulla da aggiungere, oggi, a queste tesi che, giusto ritorno delle cose, ci sembrano
evidenti, di un'evidenza rivettiana. Tutt'al più ci sarebbe da fare qualche taglio, ma non è nemrne­
no certo, Ad esempio tutto ciô che mirava a legare la modernità al cattolicesimo in quanto religio­
ne scandalosa, che rende il nostro corpo partecipe del mistero divino, corne il cinema che, per es­
senza, è un'arte in cui "nulla esiste se non incarnato " .

Si p u ô definire un cinema seconda Rivette?

Probabilmente no, se si vuole una definizione netta, scolpita ne! marmo. In lui c'è
troppo della spugna o , per dirla meglio, egli è troppo Polifilo (per riprendere Io pseudonimo for­
giatosi da! buon La Fontaine) , per darci quello che potrebbe assomigliare a un trattato. Ma la virtù
della spugna diventa evidente quando la si strizza: restituisce quel che ha assorbito . Rivette non è
mai stato avaro dt:!l suo sapere, ! 'ha sempre trasmesso, fatto passare.

Se c'è un cinema secondo Rivette non puô che essere - siamo autoristi anche noi -
che il cinema di Rivette. La formula, se una ci vuole, è ben nota : quella del segreto. "Ciô che è fon­
damentale al cinema: il legame tra qualche cosa d'esterno e di molto segreto, che un gesto imprevi­
sto svela senza spiegare". Questa formula, che è quella di 1 Conjess, è già stata citata e non racchiu­
de forse tutta l'estetica di Paris nous appartient a di Out One? Cinema del segreto rivelato e della
scoperta progressiva di questo segreto, in primo luogo da parte del regista, perché, in fin dei conti,
ecco cos'è un regista: colui che, ne! cinema, realizza l'ideale dell'arte moderna, l'ideale del "io-non­
cerco-io-trovo" : ''L'arte vive non obbligatoriamente del nuovo, ma della scoperta" (31/46) .

E' solo a questo prezzo che il cineasta sarà non soltanto nella modernità, ma, sem­
plicemente (e per quanto riguarda il cinema la cosa coincide), nell'arte.
1 04

I L P A S S A T O R E

B i r g itta J u s l i n , Paris nous appartient


L E P A S S E U R

JA C Q U E S A U M O NT

Jacques Rivette a totalement cessé d'être critique il y a plus de vingt ans1 : précisé­
ment à la même époque où, après L 'A mourfou et nonobstant toutes les difficultés, il savait à coup
sûr qu'il était cinéaste. Aujourd'hui, il adopte volontiers, sur son activité critique, un point de vue
indulgent, mais détaché , lointain . Sa vocation, il le dit sans ambages, n'était pas d'être critique
mais cinéaste ; s'il est bien forcé de reconnaître qu 'il a tout de même été un critique de cinéma ,
c'est pour dénier aussitôt tout intérêt à ce qu'il a écrit : simple exercice d'apprenti. Seul des quatre
piliers des Cahiers du cinéma jaunes, il refuse systématiquement que l'on réédite ses écrits.

La vision téléologique qu'a Rivette de lui-même (la vocation du cinéaste) dit le vrai
sur au moins un point : c'est toujours en cinéaste qu'il a voulu voir les films . Dès son deuxième ar­
ticle pour les Cahiers du cinéma, il Joue Hitchcock de réaliser " des films pour metteur en scène ..
(26/49)2 , comme d'ailleurs Howard Hawks , Jean Renoir, Roberto Rossellini. Le jeune critique, il
avait 25 ans, se met donc d'emblée sur un pied, non d'égalité, mais de connivence avec les cinéastes
qu 'il admire . Cette connivence sera, par la suite , singulièrement manifeste envers ses contempo­
rains, François Truffaut ou Jean-Marie Straub (qui partage son admiration pour Hawks); plus surpre­
nant est un tel sentiment, d'un jeune homme envers des maîtres: il y faut une belle sûreté de soi.

La connivence se définit comme entente à demi-mot, mais ici il s'agit de bien plus :
du sentiment de faire partie d'une confrérie , peut-être d'une secte, celle des cinéastes, et plus lar­
gement des artistes. La vision du cinéaste sur Je cinéma, du peintre sur la peinture, de l'artiste sur
l'art, ont constamment été revendiquées, depuis qu'il existe des artistes socialement séparés com­
me tels, comme la marque , professionnelle et essentielle à la fois, qui les distingue. Voir les films
en cinéaste est Je propre des cinéastes, ce qui les définit, ce qui garantit que l'on fait partie de la
bande . Cela ne va pas sans conséquences : nous en verrons quelques-unes sur Je style du critique
Jacques Rivette, qui ne craignit pas l 'ésotérisme .
1 Sauf erreur, son dernier geste
de critique fut l'entretien
avec Marguerite Duras publié "Esotérisme" , d'ailleurs, est peut-être excessif. L'idée de la spécificité du regard ar­
dans les Cahiers du cinéma tiste sur l 'art s'accompagne en effet, de plus en plus, chez Rivette, de cette concessive : si l'artiste
n. 217, octobre 1970. est le seul à être tout le temps dans l'art, chacun peut, en revanche, être artiste à ses heures . Cette
2 Les références des citations
extraites des Cahiers du idée trouve sa forme achevée au moment de l 'affaire Langlois (en 1 968 : le contexte s'y prêtait) .
cinéma comporteront ·Qui sont les spectateurs de la Cinémathèque ? Des cinéastes en puissance. Et j'espère d'ailleurs
seulement l'indication du que la majorité d'entre eux deviendront des cinéastes en réalité . Mais même ceux qui ne feront
numéro, puis de la page (26/49
est à lire: Cahiers du cinéma, pas un film, [ . . . ] ceux-là, s'ils ont envie de voir les films de Griffith, [ . . . ] les films contemporains,
n. 26, page 49). [. . . ] les films qui se feront demain, c'est parce qu 'ils sont déjà des cinéastes en puissance ·{1 99/37) .
3 L'idée est si forte qu'elle
Entre le cinéaste actuel et Je cinéaste virtuel , qu 'il soit critique ou spectateur, la différence n'est
infiltra, comme on sait, toute
la démarche théorique des que de degré, non de nature ; voir et faire les films participent de la même activité globalement ar­
années soixante et tistique . Ce credo de la "Nouvelle Vague" , Rivette est celui qui en a tiré les conséquences les plus
soixante-dix en France : de
Christian Metz et étendues : chacun peut être cinéaste, Je temps d'un film3.
Raymond Bellour à toute
la vague de l'analyse de films, Le cinéma n'est pas la littérature , le cinématographique n'est pas langagier. Cette
chacun visait une
compréhension en profondeur vérité première (nous la retrouverons plus loin) explique peut-être que celui qui parle des films en
du cinéma, ou du film, qui flir­ cinéaste ne soit pas d'emblée à l'aise avec cette littérature, la critique écrite . Aussi bien. Jacques Ri­
tait avec l'idée qu'elle retrou­ vette n'a jamais été aussi bon, aussi convaincant critique de films, que par oral.
vait quelque chose d'une
approche de cinéaste. Ici, il me faut bien être un peu personnel . J'ai côtoyé Jacques Rivette quasi journellement, de 1 967 à
4 Puisque je pose cette ques­ 1 970, aux Cahiers, à la Cinémathèque, au restaurant, dans le métro ou parfois chez l'un ou l'autre
tion, je dois y répondre ; à
d'entre nous. Sa conversation était incessamment nourrie des films qu'il venait de voir ou de revoir
deux autres de la même
"bande", je dois d'avoir aimé et (d 'Intolérance ou d'un Charlot, il avait autant de choses neuves à dire que des sorties des Champs­
appris le cinéma : Sylvie Pierre, Elysées), et j'ai toujours, dans l'œil et l'oreille, la flamme du regard qui vous fixait en parlant, avec Je
Jean Narboni.
s Jacques Rivette, le veilleur,
grand sourire de qui vous en dit une bien bonne, le débit assuré (plus enthousiaste qu'autoritaire),
produit par Janine Bazin et et cette inimitable gestuelle de chef d'o,rchestre, mains cinglant l'air comme pour donner le tempo
André Labarthe, réalisé par des idées . Qui, aussi bien que lui, savait défendre un film, offrir une thèse osée, volontiers héréti­
Claire Denis, avec Serge
Daney, 1990. Voir l'article que, qui, autant que lui, fut - pour moi, pour nous tous - un pédagogue ? 4Pédagogue, critique oral,
d'Anne-Marie Faux sur ce film. il l 'est aussi bien dans ses apparitions publiques. De l'essai filmé que lui a consacré Claire Denis5 ,
1 06

L E P A S S E U R

la première partie se termine par une magistrale explication de film, où l'on voit et entend Rivette
dire pourquoi la fin de Peaux de vaches, de Patricia Mazuy, l'a ému . Dans cette fin (je paraphrase) ,
les rapports entre les personnages deviennent de plus en plus intenses et mystérieux, comme
dans un rêve, mais un rêve d'autant plus merveilleux qu'il peut indéfiniment se revoir. Rivette dé­
crit cette scène de plus en plus précisément, jusqu 'à épingler, dans le dernier plan, où Stévenin
part off sur un gros plan de Bonnaire, " faisant passer l'émotion avec une invention de la caméra •,
la racine du rêve, de l'émotion, de l'art. Et puis, après cette admirable description, qui désigne plus
qu'elle ne démontre, ceci, abruptement : " mais je crois qu'il faut être cinéaste pour le voir "·

Pourquoi, alors, ne pas se reconnaître comme critique ?

Sans doute en référence à une idée du bon critique qui est un idéal . Qu'est-ce qu'un
bon critique ? Quelqu'un qui possède des qualités rares, nombreuses et contradictoires (autant dire
qu'il n'y en a pas eu beaucoup, même aux Cahiers du cinéma). Le goût d'abord ; il doit être sûr,
c'est-à-dire (première contradiction) immédiat mais durable ; il faut savoir reconnaître les bons
films, les bons auteurs . Mais le jugement de goût - tout critique est kantien - doit fonder son crédit
sur une idée générale du cinéma, à la fois (seconde contradiction) stable et souple, qui tienne comp­
te des enseignements de l'histoire et des démentis partiels qu'apporte l'histoire en train de se faire .
C'est à ce prix que sa rhétorique saura être à la fois (troisième contradiction) séductrice et logique.

Le jeune Rivette est abrupt : pas d'analytisme chez lui, mais plus souvent des juge­
ments synthétiques, que l'on se soucie peu de fonder. Un film est un film, il se donne comme un
tout, et il paraît alors plus précieux de dire ce don que de l'expliquer. Attitude plus compréhen­
sible chez un cinéaste, bien sûr, et lorsque J.R. parle (dans Le Veilleur) de la "société secrète" qui
se constitue pour chaque film, ou du "vide" , de la déplétion que cause la fin du film, et encore de
l ' impossibilité pour lui de vraiment voir ses propres films , c 'est la même idée : un film est une
expérience totale, absolue, exigeante, vampirique, on ne peut en dire que ceci : il m'a dévoré .
Seule façon de dire le film comme don ou dévoration : l'évidence. C'est, on s'en souvient, le pre­
mier mot du premier article de Rivette aux Cahiers (le second est "génie"). L'évidence est, par défi­
nition, ce qu'on ne peut analyser, et qu'il n'y a d'ailleurs pas besoin d'analyser. Cela peut emporter
la conviction - mais cela n'est pas sans une part de risque, dès qu'on cherche à qualifier l'évidence .
Dire par exemple que chez Hawks il n'y a " nul flashback, nulle ellipse " (23/ 1 9) s'expose aussitôt
au démenti, car, sans aller chercher dans son œuvre quelques exemples de flashbacks , en effet
minoritaires, il est clair au contraire que l'ellipse, et pas seulement dans le Grand Sommeil dont el­
le est comme le motif même, est la technique narrative favorite du grand Howard.

Ce qui ne peut s'expliquer peut seulement se sentir : " Ce qui est bon, c'est que tou­
tes ces belles pensées vous viennent après ; on ne pense sur le moment qu'à ce qu'on voit, on mar­
che à fond [ . . . ] . Cette adhésion totale, immédiate, cette innocence de spectateur enfin retrouvée ,
l 'impossibilité également de parler directement de ce film [ . . . ] , telles sont les preuves l e s plus
immédiates de la totale réussite de Jean Renoir · (critique de The Southerner, Gazette du cinéma,
n 2, juin 1 950) : l'évidence est une qualité d'autant plus forte qu'elle est indémontrable . Ainsi, du
cinémascope, " l'évidence est le premier atout · (3 1/ 46) ; ou bien, si The Naked Spur est le chef­
d'œuvre de Mann, " comment justifier pareille affirmation ? Voilà qui est plus difficile ,, (29/60) . La
limite de cette qualité est cette qualité même : n'est évident que ce qui se voit. Présentant, à la Se­
maine des Cahiers en 1 965, le film le Chat dans le sac (de Gilles Groulx) , qu'il aimait beaucoup,
Rivette ne trouva à dire que ceci : " Nous sommes tous des chats dans le sac ,, - et s'éclipsa.

À défaut de la démonstration, reste le jugement, l 'histoire des jugements de goût.


Ceux de Rivette paraissent aujourd'hui remarquablement bons - peut-être à proportion d'une cer­
taine étroitesse , d'une certaine rigidité qui fit que , plus encore que d'autres, il fréquenta avec un
sens aigu de l'exclusivité quelques auteurs "de chevet" (il n'y a pas, dans ses choix ni ses exclu­
sions, la fantaisie qu'y met souvent Godard critique) . Cultivée au détriment de sa rationalisation,
l'intuition paye, et, à l'occasion, Rivette prend parti, de manière claire et nette, avec l'assurance de
qui parie à chaque fois tout son capital. Dire tout de go, en 1956, que le seul film vivant de l'année,
à part Bresson et Renoir, était Et Dieu . . . créa la femme, pour son " ton neuf " (71/22), demandait
par exemple une liberté et une acuité de jugement qui ne se trouvaient pas partout. Au sein du
quatuor de base des Cahiers, Rivette occuperait au fond une place intermédiaire . D'un côté , un
1 07

L E P A S S E U R

excellent critique , Truffaut, qui eut la plume vive , amusante , méchante , le talent du dénicheur, du
pionnier, et en même temps le souci de justifier ses positions : de tous les textes de ces jeunes
Turcs , le seul à être vraiment passé à l ' h istoire n 'est-il pas sa Certaine tendance du cinéma
français ? De l'autre côté , deux "mauvais" critiques, parlant d'autre chose que des films , ne justi­
fiant pas leurs goûts, cultivant le paradoxe et la pirouette (Godard) ou se souciant davantage de
système et d'écriture que de choix et de défense des films (Rohmer) .

Poursuivre ici engagerait dans une voie, sinon périlleuse, du moins embrouillée . Il
est tout de même frappant qu'une sorte de règle de proportionnalité inverse semble être repérable
entre la qualité des critiques et la qualité des futurs cinéastes. Non, certes, que Truffaut ait été fran­
chement un mauvais cinéaste, mais son œuvre inégal, qui multiplie les impasses, les erreurs, les
enthousiasmes éphémères, n'a pas - et, je crois, aura de moins en moins avec le recul - la tenue de
celui de Godard, de Rohmer, de Rivette.

Or, comment cela s'expliquerait-il, si l'on ne veut pas entrer dans une douteuse dé­
marche psychologisante ? Je risque seulement ceci, sans prendre la peine de vraiment l'étayer : ce
qui différencie Truffaut cinéaste des trois autres, c'est le rapport aux personnages de leurs films.
Truffaut, seul, s'identifie à "ses" personnages, et je dirais qu 'il s'identifie trop à eux, au point de ne
plus savoir les regarder. Or, c'est le spectateur qui doit pouvoir s'identifier ; le cinéaste, lui, doit re­
garder, uniquement regarder. Un symptôme éclairant, de ce qui fut peut-être un excès de senti­
mentalité , serait encore celui-ci : lorsque Truffaut joue, dans ses propres films ou dans d'autres,
c'est toujours en mélodrame - quand Rohmer fait la figure de cire , et Godard le corps burlesque.
Rivette, lui, ne joue jamais.

On voit pourquoi ces considérations mènent sur une pente glissante : je parlais tout
à l'heure des mains de Jacques Rivette, de leurs gestes musicaux et éloquents, il faudrait maintenant
parler de corps. Mais où est le corps de Rivette ? Toujours dans la salle, jamais sur l'écran. Pourquoi?
parce qu'il est, avant tout et toujours, cinéphile, que s'il joue un rôle, c'est toujours celui du specta­
teur. Névrose cinéphile : · Je sais que je n'ai vraiment commencé à comprendre le cinéma [. . . ] que
par la Cinémathèque Française [ . . . ], et je sais que ceci a été vrai pour moi non seulement au mo­
ment où j'étais encore un jeune homme, mais encore aujourd'hui. j'ai besoin de voir perpétuelle­
ment les films de Griffith, j'ai besoin de voir perpétuellement les films d'Eisenstein, les films de Mur­
nau , mais j'ai besoin de voir aussi les films contemporains . " (1 99/37) . Jacques Rivette est la seule
personne que je connaisse qui ait vu tous les films, absolument tous, depuis 45 ans, mais en dire da­
vantage serait commencer à parler, intimement, de lui. Autant dire que ce n'est pas possible.

Le style est peut-être l'homme . Celui de Rivette est, à tout le moins, tranché et tran­
chant, comme il est normal pour qui pratique la critique d'évidence. Si vous ne le voyez pas com­
me je le vois, semble-t-il dire sans cesse, c'est que vous êtes aveugle. Pierre Kast, un jour, le lui re­
procha dans les Cahiers : " Comme d'habitude, les affirmations de Rivette sont des tautologies par­
faites · (7 1/87) - et, dans Le Veilleur, lui-même se souvient: • J'avais alors la réputation d'être le
Saint Just d'un Robespierre qui était Truffaut "· Ce "terrorisme" se manifeste par un goût constant
pour la formule péremptoire ou la formule frappante . Table ronde sur le cinéma français, 1957,
Bazin : " Je suis d'avis que ce soit Rivette qui commence . C'est lui qui a l'opinion la plus violente et
la plus nette " - Rivette : " Pas une opinion, une formule, le cinéma français est un cinéma anglais
qui s'ignore• (7 1/16). Ou ceci, à propos de l'homme hawksien : " Terme de son progrès, sa vieilles­
se le juge " - où le parfait balancement de l'alexandrin rehausse le côté convenu de l'idée (23/18).

Mais si le style est volontiers hautain, n'est-ce pas pour prendre de la hauteur, et,
par exemple , pour accompagner et comme authentifier les grands mots, ceux que déjà en 1950 on
sait ne plus pouvoir utiliser sans pincettes (le premier article jamais écrit par Rivette s'appellait
Nous ne sommes plus innocents) ? Modernité , jeunesse, sont des termes-clefs , sans doute moins
convaincants aujourd'hui, usés qu'ils ont été par la médiatisation du culte de la jeunesse , par le
soupçon sur la modernité et l'excès de jeu avec elle . Mais la vraie pierre angulaire du discours est
cette trinité : vérité, pauvreté, sainteté . Les éloges, vibrants, de la pauvreté, surtout, se multiplient,
_
positivement (elle est ce qui, dans Angel Face, a contraint Preminger à l 'ingéniosité, lui permettant
de démontrer qu'il est plus qu'un habile technicien (32/42]) et négativement (si le cinéma français
est mauvais , c'est que ceux qui pourraient faire des films socialement situés, qui le sauveraient,
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L E P A S S E U R

Lisel otte Pulver, Anna Karina. La Religieuse


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sont pourris par le fric, manquent d'esprit de pauvreté [7 1/85))6. La hauteur, en tous les sens sauf
la morgue, est chez lui un peu une seconde nature . Parlant à nouveau en mon nom et au nom de
"mon" image de Rivette , je la rattacherais volontiers à un autre trait, celui du savoir sans limites.
Lorsque j' "entrai" aux Cahiers en 1 967, Rivette était à la fois la référence cinéphilique (il avait tout
vu) , morale (il vivait pour le cinéma, en ascète) et savante (il était l'Homme qui en savait sur tout) .
Une anecdote donnera la mesure de sa curiosité boulimique, de son incapacité à supporter qu'un
domaine de la connaissance lui échappât : en 1 968 ou 69, sachant que je connaissais un peu les
mathématiques, il voulut que je lui fisse étudier rien de moins que l'énorme traité de Bourbaki : les
mathématiques plus l'élégance quasi artistique de leur refaçonnage. (Il y eut bel et bien quelques
séances, où siégèrent aussi Sylvie Pierre , Jean Narboni, Dominique Villain et le compositeur Jean­
Claude Eloy ; elles s'arrêtèrent avant que nous parvinssions à la fin du premier fascicule : décidé­
ment, cela résistait trop) .

Mais cette image est tardive, c'est celle de la maturité, celle d'une époque où, déjà ,
Rivette avait des disciples, était, à son corps défendant, u n jeune maître à son tour. À s e s débuts, l a
hauteur, l 'érudition, la curiosité envers ( e t contre) tout eurent plus d e m a l à se couler dans une
écriture critique. Que son exemple, alors, et peut-être son mentor, fût Eric Rohmer, semble peu
douteux, tant le mimétisme stylistique est frappant (d'ailleurs , Maurice Schérer-Rohmer, un peu
plus âgé, était aussi plus expérimenté, il avait écrit dans Combat, dans les Temps modernes, fondé
la Gazette du cinéma).

Un texte aussi important que la Lettre sur Rossellini (46/14-26) , source de toute une
doxa actuelle du "cinéma moderne " , pourrait passer en maint endroit pour un pastiche , à com­
mencer par ses choix rhétoriques, datés déjà au point de sembler précieux : fausse lettre , fausse
interpellation du lecteur, amorce de faux dialogue. L'amour de la culture , la gêne devant l'écriture ,
le choix d'une langue "classique" jusqu 'à la préciosité , donnent à ses premiers textes une allure
chantournée ; ceci, par exemple, de 1953, sur Monkey Business : " Mais l'ennemi s'est maintenant
glissé en l'homme même : le subtil poison de jouvence, la tentation de la jeunesse dont nous sa­
vons depuis longtemps qu'elle n'est pas la ruse la plus subtile du malin -tantôt singe et tantôt bas­
set -lorsqu 'une rare intelligence le tient en échec • (23/17) - où la référence à Faust (le Malin en
basset) le dispute à la référence biblique ("l'ennemi" pour "le diable"), où le sens glisse sur l'on­
doiement des mots .

Progressivement, ce style s'allègera, deviendra de plus en plus aérien, aisé, et pres­


que, au bout du compte, désinvolte . Un historien des Cahiers du cinémà, ici, pourrait s'interroger
sur la probable influence de la gouaille et de l'insolence de Truffaut, de l'ironie godardienne, dans
un paragraphe comme celui-ci : " Quand M. Hitchcock consacre son immense talent à illustrer les
trente-deux positions du masochisme christique , je dis zut et je vais revoir la Main au collet.
Quand M. Bresson commence à se prendre pour Abel Gance et veut remplacer la polyvision par la
vue à un dixième pour l'œil gauche (le droit étant déjà crevé) , je dis rezut et je retourne au Bois de
Boulogne ,, (73/38) .

Mais ce style restera un style , propre à Rivette, et la plus grande sûreté de soi, la
désinvolture , l 'ironie iront de pair avec un goût renouvelé pour le calembour, le gongorisme , la
6 Sur ce point, Jacques Rivette phrase ornée , comme dans cette toute dernière notule, de 1969 (sur The Touchables, de Bob Free­
n'a probablement pas varié man) : " Freeman est, dit-on, photographe : et son film, en effet, photographies : d'en haut, d'en
d'un iota, et continue de faire bas, de gauche, de droite , jolies , putains, plus, ou moins , de travers, (presque) nettes, (pas mal)
panie de cette famille des
"pauvres en esprit" où l'on floues - coupées en petits morceaux et mises bout à bout : c'est dire qu'il faut supporter des quarts
trouverait aussi Straub-Huillet d'heure de gangsters anglais pour entrevoir, par ci par là, fugitivement, les quatre minettes qui
et Garre!. (Cf. , sur la "pauvreté"
sont pourtant la seule justification idéologique de l'entreprise ; encore bougent-elles trop (contre­
de ce dernier, A.-M. Faux,
"Éloge de la pauvreté", disant perpétuellement par leur mouvement déplaceur de lignes le principe même de l'art hypo­
Philippe Garre/, Studio 43, pennavedonbaileyien) et mal (mieux lire l ' éloge de la folie : il ne suffit pas d ' avoir le feu au
Dunkerque et Ciné 104,
Pantin, 1988, 21-24). cul/corps pour l'être) " (21 1/65)

Le critique de l'évidence se définit, d'abord, par ses goûts, mais le propre du goût,
on l'a dit, est d'être risqué, puisqu 'il n'a sa garantie qu'en lui-même. On a parfois l'impression que
ces goûts sont remis en cause à chaque projection, que le besoin de voir et revoir sans cesse les
classiques est aussi un besoin de savoir où l'on en est, de faire le point sur la relation avec eux, de
1 10

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vérifier qu'ils sont bien toujours, pour nous, aussi importants, que nous les aimons toujours . Entre
1953 et 1957, par exemple , se repérerait une petite palinodie hitchcockienne . 1 Confess est loué
de se fonder sur " ce qui est fondamentalement le cinéma : ce lien entre quelque chose d'extérieur
et de très secret, qu'un geste imprévu dévoile sans expliquer ,, (26/50) , mais 7be Wrong Man sus­
cite le refus (voir, un peu plus haut, la formule tranchante et osée sur les " trente-deux positions
christiques ..) et The Trouble With Hany suscite l'embarras (.. Faut-il brûler Harry ? " [58/41]). D'ail­
leurs, entre les deux, il se demande si Hitchcock n'a pas plu superficiellement, par ses astuces de
scénario , davantage que par ce qu'il a vraiment fait (53/40) . Mais ces mouvances du sentiment
sont le fait d'un amour accordé une fois pour toutes. Hitchcock est un maître, un auteur, il n'est ja­
mais question de le renier.

On ne prend pas grand risque en supposant que, si ses goûts ne changent pas, ou de
façon mineure, c'est forcément que ce sont, cultivés et développés, les goûts de l'adolescence -ou
qui sait, de l'enfance . Si Hawks , plus encore que Hitchcock, reste l'amour permanent, indiscuté,
c'est par exemple qu'il est le cinéaste que l'on peut le mieux comparer à Corneille (.. deux grands tra­
giques tentés par la comédie " [53/41]). Or, Corneille est peut-être l'auteur classique qu'il admire et
aime le plus, toute sa vie (le vieux Corneille était de Rouen, comme le jeune Rivette) . Dans Le Veil­
leur, l'un de ses moments de plus fort enthousiasme est suscité par la récitation de vers de Suréna7 .
Mais, à ce pôle classique (qu 'il partage avec un Jean-Marie Straub) , il ajoute , sans cesse , de nou­
velles admirations, c'est-à-dire de nouvelles amours, puisque pour lui, admirer c'est aimer. Griffith,
Murnau, Eisenstein, lui deviennent également essentiels, deviennent l'objet du besoin et de la pul­
sion de voir. C'est ainsi que le goût, avec ses aléas et son arbitraire, devient petit à petit, strate après
strate, une culture personnelle, où l'arbitraire s'efface devant la logique (celle de l'histoire).

Dans cette culture, ce qu'on rencontre et que l'on aime, ce sont des auteurs ("poli­
tique des auteurs" oblige), mais ces auteurs, s'ils sont, bien sûr, des maîtres , sont avant tout des
hommes, avec qui l'on entretient une relation d'homme à homme . Rencontrant Preminger en dé­
cembre 1 9 5 3 , pour l'interviewer, il a ce mot : ,, la gentillesse est le signe des grands cinéastes ,,
(29/7) - dont l 'absurdité n'est qu'apparente : un grand cinéaste , un maître, se distingue aussi par
des qualités d'homme. À tout prendre, elles seraient même sa meilleure définition.

Aussi bien les auteurs du panthéon rivettien sont-ils avant tout des inventeurs de
sujets, de thèmes, de contenus. Le "génie" de Hawks est prouvé autant et plus par ses intentions
scénaristiques que par ses inventions de caméra, et l'on peut sourire de voir Rivette aller jusqu'à le
créditer, par exemple , du scénario de 7be 7bing. Mais, un peu plus tard, Fritz Lang sera loué, de
façon cette fois très logique, pour être " le cinéaste du concept " (76/50) , et Rivette redira en main­
te occasion qu'il préfère " la vieille école, Hawks , Hitchcock, Lang ,, (32/44) , parce qu'ils croient
d'abord à leurs sujets, à la différence d'un Preminger, qui, si grand cinéaste soit-il, n'est pas exacte­
ment un auteur puisqu'il ne croit qu'à la mise en scène.

Là encore , malgré d'apparents retournements de veste , la position est remarqua­


blement constante, parce qu'elle est dialectique : l'auteur est homme de contenu , mais à condition
de ne pas en rester au contenu , de le faire devenir cinéma . " L'abstraction guette toujours les films
qui prétendent trouver en leur contenu leur plus profonde justification : la thèse, morale ou politi­
que , risque fort d'y dévorer ses propagandistes • , dit-il en 1950 (Gazette du cinéma, 5/5) , mais
pour ajouter aussitôt que le bon film est celui qui, partant de l'idée, la fait passer au concret du
film. C'est cette dialectique qui , de plus en plus clairement, séparera Rivette de son maître Roh­
mer; qui, par exemple, en 1956, lui fera mettre Nuit et Brouillard parmi les dix meilleurs films de
l'année ; qui, en 1 957, lui permettra d'affirmer plus nettement encore : " Le premier devoir d'un
cinéaste français serait de chercher ce qu'il y a de neuf, fondamentalement, dans la société, depuis
ces dernières années.

Et ensu ite , il pourrait traiter n ' importe l e q u e l de ces problème s , parce q u ' i l
possèderait la clef ,, (7 1/90) . S i , pourtant, l e cinéma américain, non l e cinéma français, est préféré,
a donné davantage d'auteurs, c'est précisément en raison de sa capacité à développer un rapport
juste entre le scénario et le visible, entre la préoccupation du contenu et celle de la mise en scène .
Pour trouver le point d'équilibre de l'esthétique auteuriste selon Rivette, il faudrait mettre dans un
plateau de la balance les phrases sur le contenu , dans l'autre , ceci par exemple, de 1 950 : " Il est
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L E P A S S E U R

prouvé une fois de plus que le mot de "scénario " n'a aucun sens , qu'il n'y a pas, et jamais , de
"scénario" ; un film, ce sont des gens qui marchent, s'embrassent, doivent [sic] , se cognent dessus;
des hommes qui agissent sous nos yeux, et nous obligent à les accompagner dans leurs actes , à
partager leur vie, à participer aux mille petits incidents qui font une existence, et nous intéressent
désormais au même titre " (Gazette, 2/2) .

Le concept de "mise en scène" , chez Rivette comme chez les autres mousquetaires
du hitchcocko-hawksisme, est évidemment la clef de cette dialectique. ,, Et quand je parle d'idées,
j 'entends bien d'idées de mise en scène ou même, dussé-je scandaliser, de cadrage ou de succes­
sion des plans, les seules dont je veuille aujourd'hui reconnaître la profondeur et qui puissent at­
teindre la figure secrète, but de toute œuvre d'art " (27/59-60) . Concept flottant et paradoxal, il n'a
guère de consistance en tant que concept, mais seulement dans ce qu'il faudrait appeler une con­
crétude conceptuelle (voir, à la fin du premier épisode du Veilleur, comment Rivette , en deux
coups d'œil, repère et définit les axes, visuels et "scéniques" , d'un espace donné, par une sorte de
quasi-réflexe de metteur en scène, justement) .

Généralement, on sait comment cette notion a joué le rôle de "couverture" concep­


tuelle, abritant des conceptions du cinéma bien différentes. Chez Rivette, la gamme est vaste , elle
va du cinéma de l'ineffable et du religieux, à la Rohmer-Moudet, au cinéma critique et matéria­
liste, à la Eisenstein, tout simplement parce que pour lui, elle est synonyme de la pratique même
du cinéma, elle est au cinéma ce que la touche et la couleur sont à la peinture, le rythme et la mélo­
die à la musique : ,, depuis quarante ans les maîtres ont montré les voies ; nous ne saurions renier
leur exemple , mais l'accomplir enfin . Oui, notre génération sera celle du cinémascope , celle des
metteurs en scène, enfin dignes de ce titre : mouvant sur la scène illimitée de l'univers les créatures
de notre esprit ,, (31/48) .

C'est ce qui explique , par exemple, sa spectaculaire évolution à propos du montage . Dans les
années cinquante , celui-ci est, tout bonnement, inexistant, nié , comme inessentiel , puisque le
cinéma n'est pas un langage . En 1956 il voit à la Cinémathèque Française une copie de La Ven­
geance de Kriemhilde, d'admirable qualité d'image, mais dont les bobines, voire les plans, ont été
mélangés, et il s'indigne de l'indignation du public : quelle importance, en effet, puisque de toutes
façons, c'est une histoire de bruit et de fureur, et que le désordre même de sa présentation n'en fait
que mieux ressortir le génie (57 /36) . Au cinéma-pensée, à tout ce qui ressemble à la "ciné-lan­
gue" , il oppose alors obstinément le cinéma-art-visuel : ,, libre au cinéaste de tenter moins d'émou­
voir que d'ébranler la pensée et la renouveler par les chocs discontinus d'effets dont la beauté ne
vienne pas du sens, mais le sens de la beauté " (26/50) ; ailleurs, il loue la discrétion de Hitchcock,
qui " reste volontairement en deçà de son objet et se refuse à souligner l 'essentiel, pour simple­
ment nous le présenter " (Gazette, 4/4) ; ailleurs encore, ce sera le panégyrique du cinémascope,
couronnement et consécration de l'histoire du cinéma (bien plus que le parlant, qui était, au fond,
déjà en germe dans le muet - en celà il s'accorde avec Bazin) (3 1/45) .

Or, dix ou douze ans plus tard, il se fera, avec la même ardeur, le thuriféraire du
montage : ,, Si toute pensée cohérente du montage est de facto pensée critique, toute forme de re­
fus, ou de dédain, du montage, n'implique+elle pas la mentalité théologique, c'est-à-dire l'accep­
7 Cette présence, explicite ou tation du monde tel qu'il est et, sinon la résignation, à tout le moins la contemplation passive de
non, de Corneille, hante son l'étant-là comme pure présence, sans Histoire ni médiation, et tous concepts de permanence et de
travail critique. Son article sur destin liés à cette idéologie ? " (2 1 0/27) . Retournement de veste opportuniste, souci d'accorder ses
Land ofthe Pharaohs (l955,
53/40) s'intitule "Après violons théoriques à la tonalité dominante ? Sans doute . Nous en étions tous là.
Agésilas" -titre mystérieux si
on ne se souvient pas de la
Mais la contradiction n'est qu'apparente, car le montage , pas plus que le non-mon­
célèbre épigramme de Boileau
à propos de deux des tage, ne sont à fétichiser comme esthétiques , l 'un et l 'autre sont des variantes possibles, au fond
dernières pièces de Corneille •
équivalentes, d'une même attitude, d'tme même position qui est celle de l'auteur, du cinéaste, du
Après Agésilas, Hélas !
Mais après Attila, Holà ' ".Aussi metteur en scène : ,, Monter, ce ne serait donc pas ajouter mais retirer (le retrait en action), non fai­
bien, malgré ses réserves, re, mais dé-faire : le négatif à l'œuvre . Il faut voir le film comme résidu , le réseau des traces laissées
Rivette ne jugeait pas que par le double processus d'une action (la prise de vues, processus d'accumulation) et de sa néga­
Terre des Pharaons
fût une catastrophe. tion (le montage, processus de consumation) " (2 1 0/20). Comme Eisenstein s'est, au fil des jours
passés à la Cinémathèque, ajouté à Lang et à Hawks , subrepticement le montage s'est ajouté à la
panoplie de la mise en scène, il l'a compliquée, dialectisée, dépassée en la maintenant.
1 1 2

L E P A S S E U R

A n n a K a r i n a . La Religieuse
1 1 3

L E P A S S E U R

La seule chose qui restera toujours, et conséquemment, refusée , c'est l'expressif, ce qui attire l'at­
tention sur soi-même en tant que signifiant. Si 1 0rph ée de Cocteau est critiqué, en 1950, c'est pour
'

avoir trop voulu "faire du cinéma " , pour avoir trop cédé à la superstition de [ ' "angle vivant" , ces
angles " qui tiennent sans doute leur titre d'une vie si exubérante qu 'ils tuent ce qui tombe en leur
champ et dépouillent chaque chose et l'acteur de leur existence même, pour se l'approprier toute .
[ . . . ) Toute forme rare sous laquelle nous apparaît la réalité risque de capter seule l'attention et de
la détourner du véritable. · (Gazette, 5/2) . Vingt ans après , même dégoût envers l ' expression­
nisme sous toutes ses guises (à propos de Ilpleut dans mon village, d'Aleksandar Petrovic) : "
Excès des signes extérieurs de complaisance qui ne sont pas repris, mais ressassés, non multipliés,
mais exaspérés, jusqu 'à remplir toute la trame [ . . . ] ( 2 1 3/65) .
..

Le recul du temps nous aide ici a comprendre . Ce qui est en jeu, ce n'est pas le
choix entre un cinéma de la scène et un cinéma du montage, et l 'on sait de reste qu'il pratiquera
les deux (à Utrecht en 1 968, Jean-Marie Straub déclarait que les deux films récents dont le mon­
tage l'avait le plus impressionné étaient Les Oiseaux et La Religieuse) - mais bien plutôt le choix
entre un cinéma moderne , condition même de l'art du cinéma , et un cinéma englué dans une
conception archaïque de l'art, celle du "mauvais" muet, de l'expressionnisme , d'un vouloir-d'art
germanique et lourd. C'est pourquoi le texte fondamental de la pensée de Rivette critique reste, à
jamais, sa magnifique Lettre sur Rossellini, dont l'influence a été si vive ces dernières années.

Pourquoi Rossellini est-il l'inventeur du cinéma moderne (et pourquoi, à ce titre, le


plus important des cinéastes) ? Les raisons , cette fois, sont articulées , et nettement : parce qu'il
n'est pas encore arrivé à son point d'aboutissement final , qu'il ne fait pas des films finis, mais des
films qui n'en finissent pas, parce qu'il travaille par lignes , a le sens de l 'ébauche et du datage ; par­
ce que ses films sont des films égotistes, des films d'amateur.

La modernité - et ici, nous sommes au cœur de ce à quoi Rivette croit, a cru et croit
toujours - est avant tout activité . Si Rossellini est le moderne, c'est qu'il a le regard le plus actif, si­
non le plus subtil (c'est Renoir) ni le plus aigu (c'est Hitch); c'est qu'il s'attache à la capture des ap­
parences. D 'où l 'importance, dans son esthétique , de deux traits que Rivette cinéaste n'aura de
cesse de reproduire, que Rivette critique défendra toujours : l'amour du direct (Voyage en Italie
est presque, dit-il avec une incroyable prescience, de la télévision) et l'amour de l 'essai, véritable
langue universelle de l'art moderne, et qui permet de dépasser le "beau style" : " Avant ce film, la
recherche délicieuse du geste vrai était la fin du cinéma ; ici, il existe une absence de rhétorique
supérieure " (46/26) Rien à ajouter, aujourd'hui, à ces thèses , qui, juste retour des choses, nous
semblent évidentes, d'une évidence rivettienne . Tout au plus y aurait-il (ce n'est pas certain) un
peu à y retrancher, et par exemple tout ce qui visait à relier la modernité au catholicisme, en tant
que celui-ci est une religion scandaleuse, qui fait que notre corps participe au mystère divin, com­
me le cinéma, de par son essence , est un art où " rien n'existe qu 'incarné "·

Peut-on définir un cinéma selon Rivette ?

Non, sans doute , si l'on veut une définition tranchée , gravée dans le marbre . Il a
trop, chez lui, de l'éponge - ou , pour le dire noblement, il est trop Polyphile (ce pseudo que s'était
forgé le bon La Fontaine) - pour livrer ce qui ressemblerait à un traité . (Mais la vertu de l'éponge
apparaît lorsqu 'on la presse : elle restitue ce qu'elle a absorbé. Rivette n'a jamais été avare de son
savoir, il l'a toujours transmis, fait passer) .

S'il y a un cinéma selon Rivette, il ne peut d'ailleurs -soyons nous aussi auteuristes­
être autre que le cinéma de Rivette. La formule, s'il en faut une, est bien connue : c'est celle du se­
cret. " Ce qui est fondamentalement le cinéma : ce lien entre quelque chose d'extérieur et de très
secret, qu'un geste imprévu dévoile sans expliquer " : cette formule sur I Confess, que j 'ai déjà
citée , n'est-elle pas toute l'esthétique de Paris nous appartient ou de Out Oné?. Cinéma du secret
révélé, et de la découverte progressive de ce secret, par le metteur en scène au premier chef, car
c'est cela, enfin, un metteur en scène : celui qui, en cinéma, réalise l'idéal de l'art moderne, l'idéal
du "je-ne-cherche-pas-je-trouve" : " L'art vit non obligatoirement du nouveau mais de la trouvaille"
(31/46) . C'est à ce prix seulement que le cinéaste sera, non seulement dans la modernité, mais tout
simplement (et, pour le cinéma, cela revient au même) dans l'art.
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L E P A S S E U R

La Religieuse
J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I C O

P A O L O M E R E G H ETTI

"Quando ho scritto la mia prima critica, e Rivette ne ha parlato male, per me è stato infinitamente
più grave che non ricevere , qui a Cannes, neanche una piccola palma o avere un grande fallimen­
to su un altro film" . Cosi )ean-Luc Godard ricordava, durante il festival 1 990, il ruolo e l'importan­
za di Jacques Rivette all'intemo del gruppo dei "Cahiers du cinéma" e nessun'altra dichiarazione
potrebbe sintetizzare meglio l'importanza e l'autorità che il futuro regista aveva saputo (e potuto)
esercitare ne! dibattito critico di quei fertilissimi anni Cinquanta .

E infatti , ne! gruppo dei "giovani turchi" arrivati ai " Cahiers" dalla " Gazette " di
Scherer/Rohmer, la figura di Rivette prende subito un posto di rilievo per la sicurezza dei suoi giu­
dizi, per la passione con cui li sostiene (e per il sarcasmo con cui ribatte aile posizioni critiche se­
condarie) ma soprattutto per l 'originalità del suo discorso critico , preoccupato di difendere so­
prattutto delle idee di cinema più che delle scuole o dei registi, interessato maggiormente ad un
discorso teorico (cos'è la modemità? cos'è la mise en scènéi) piuttosto che ad un percorso più ana­
litico su questo o quel film. "Cio che è , è", scriveva Rivette in chiusura del suo secondo articolo sui
" Cahiers" (quello celeberrimo sulla genialità di Hawks) e questa icasticità critica, questa certezza
apodittica che non ammette repliche o posizioni diverse, spiegano meglio di mille esempi l'atteg­
giamento verso il cinema, e verso la critica, che ha contraddistinto il percorso di Jacques Rivette
critico ai "Cahiers du cinéma'' .

Un'originalità subito riconosciuta corne centrale per lo sviluppo della rivista e non
solo della futura Nouvelle Vague cinernatografica, corne sottolinea anche Antoine de Baecque che
sceglie proprio la rivettiana Lettre sur Rossellini, apparsa sui numero 46, corne il testo che rneglio di
ogni altro riassurne ed esemplifica un certo atteggiarnento della rivista e dei suoi redattori verso il
cinema e le scritture critiche. Nell 'introduzione a Les Cahiers du cinéma, histoire d'une revue 1 de
Baecque scrive : "Tutti i momenti forti della rivista si ricollegano cosl, in un modo o in un altro, alla
Lettera a Rossellini, scritta da Jacques Rivette nell'aprile 1955, con cui metteva sottosopra l 'equili­
brio di un nurnero per dichiarare lungamente il suo amore . Quello che Rivette scrive allora per giu­
stificarsi è il segno di questo gioco di scritture che si sono incrociate nei "Cahiers": "Bisogna scusa­
re i solitari; quello che scrivono assomiglia aile lettere d'arnore che hanno sbagliato indirizzo" . A
questo punto deve servire la rivista: una scatola dove saranno raccolte le scritture d'amore indiriz­
zate agli autori di cinema" . E a costruire quella "scatola'', Jacques Rivette contribuirà non poco.

Quando Rivette esordisce sui "Cahiers'', con una recensione di Scedroe leto di Boris
Bamet, sta per cornpiere venticinque anni e anche se ha cominciato a scrivere di cinema solo un
paio d'anni prima, sui pochi numeri della "Gazette du cinéma" , si è già conquistato una certa fama
tra i gruppi di cinefili che animano il panorama cinernatografico parigino. Certamente è ben noto
a Jacques Doniol-Valcroze, che ha attaccato con veemenza a proposito della seconda edizione del
festival di Biarritz (di cui Valcroze , con Bazin e Cocteau , era stato uno degli ispiratori se non pro­
prio degli organizzatori) proprio dalle colonne della "Gazette" : in nome della priorità della mise
1 Antoine de Baecque, les
en scène, Rivette attacca una concezione critica che , "mettendo deliberatamente il cinema a rimor­
Cahiers du cinéma. Histoire chio della peggior letteratura" , arriva al "puro disprezzo del cinema, messo in rnostra con compia­
d'une revue, Paris, Cahiers du cenza sulle terrazze dei caffé " . Non sono certo frasi tenere , che il giovanissimo critico ribadisce
cinéma , 199 1 .
nella chiusura dell'articolo, dove , con una di quelle frasi taglienti e "definitive" che contraddistin­
guono il suo stile di scrittura ("Non ci resta che dare il nostro verdetto: 'Objectif' ci aveva convoca­
to, ma non è venuto all'appuntamento . Che conclusioni tirame , se non questa : Obiettivo distrut­
to?"), arriva addirittura a dare per distrutto proprio il ruolo cinematografico di "Objectif 49", che
poi era il gruppo di cui faceva parte, oltre a Doniol-Valcroze, anche Io stesso Bazin e da cui sareb­
bero nati i "Cahiers du Cinéma " .

Non si puo certo dire che Rivette avesse dunque qualche forma d i reverenziale ri­
spetto quando , seguendo Scherer/Rohmer e Lucas/Godard, esordisce corne recensore s u i
"Cahiers " . Certamente sapeva benissimo cosa voleva difendere e cosa voleva attaccare , quale idea
di cinema intendesse sostenere e quali registi imporre .
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J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I C O

Rivette non scriverà molto sui "Cahiers " . Nei diciassette anni in cui collabora alla rivista , da! feb­
braio 1953 al novembre 1 969 (di cui tre passati corne redattore capo , da! 1 963 al 1 965), Rivette
sembra centellinare i suoi interventi: le recensioni veramente importanti non sono più di una tren­
tina; ancor meno le sue interviste. Ma né Rohmer né Truffaut né Godard sapranno essere cosi pre­
senti nel "cuore" della rivista o cosi mirati negli obiettivi da colpire.

Già l'attacco del primo articolo (di quelli che non ammettono repliche) riveta la sua
decisa volontà di entrare direttamente nel cuore del dibattito critico (o almeno di quello che per
Rivette dovrebbe essere il dibattito critico) , nel cuore dei problemi. "Si tace spesso la verità" , co­
mincia Rivette, e rimette subito in gioco la gerarchia di valori che dimentica Boris Barnet per privi­
legiare, nella cinematografia sovietica, altri registi meno "autori" di lui. Perché questo è, da subito,
il grande criterio di discernimento, la linea di spartiacque : da una parte gli " autori" (corne Hitch­
cock o Renoir, qui entrambi citati espressamente, a cui naturalmente ne andrà aggiungendo altri) ,
i maestri della mise en scène, i campioni della modernità; dall'altra tutti gli altri, e soprattutto i criti­
ci che non capiscono le sue idee .

Diversamente da Bazin, e da moiti altri recensori, Rivette non parla di un film per
scoprirne le trame segrete , i rimandi possibili, per analizzarne il percorso creativo o espressivo .
Quando parla di un film Rivette Io fa soltanto perchè quel certo film o quel certo regista possono
aiutarlo a spiegare pubblicamente la sua idea di cinema . Idea che si puà ridurre a due concetti
centrali, legati indissolubilmente l'uno all'altro: la mise en scène e la modernità . Per Rivette il cine­
ma moderno, quello da privilegiare e da imitare, non puà essere altro: dimenticando impegno so­
ciale o ridondanze letterarie, superando la dicotomia forma e contenuto, per lui si riconosce sol­
tanto ed esclusivamente nell'arte astratta della mise en scène. (Una parentesi: se quello che spinge
Rivette a parlare di un film è il fatto che ci veda gli elementi fondamentali della propria idea di ci­
nema, è evidente che l'atteggiamento di fondo del critico verso !'opera analizzata non puà essere
che quello dell'amore , della partecipazione totale e passionale che si puà provare non con la testa
ma con il cuore . Il primo approccio , che poi per Rivette è anche l 'unico, sarà dunque quello
dell'amore . Lo dichiara immediatamente , fin dalla sua prima recensione : "Dirà subito senza altri
artifici che io amo questo film" e Io ripeterà spesso anche in aitre recensioni) .

A partire dai suoi primissimi interventi, Rivette fa capire al lettore di avere già ben
messo a fuoco l'idea di mise en scène corne categoria critica : essa puà essere soltanto l 'attenzione
rivolta aile forme concrete che si muovono all'interno dell'inquadratura, al rapporta con cui sono
disposte, al ritmo con cui sono fatte agire l'una in relazione all'altra . E ' , questo, una specie di spiri­
tualismo delle cose concrete (dove naturalmente "concreti" sono non solo i corpi ma anche i pia­
ni, le inquadrature, i ritmi del montaggio) che dovrebbe spingere Io spettatore a guardare soltanto
"alla precisione di ogni singolo passo - e al ritmo deciso dell'andatura - di ogni singolo colpo - e al
cedimento progressivo del corpo sotto i col pi" , perchè, corne insegna Howard Hawks, gli eroi de­
vono interessare per le loro gesta , non per i loro sentimenti: "egli filma delle azioni, speculando
sui potere delle loro sole apparenze; che ci importa dei pensieri di John Wayne mentre va incon­
tro a Montgomery Clift, o di quelli di Bogart durante un pestaggio?" . Allo stesso modo, ad esem­
pio, per cui Nicholas Ray è affascinante non certo per le storie che racconta ma per le sue " idee di
mise en scène' , per "le inquadrature o le successioni dei piani, i soli di cui voglia oggi riconoscere
la profondità" aggiunge con sarcasmo .

Rivette non vu oie rischiare di cadere nelle vecchie contraddizioni in cui vede muo­
versi André Bazin (verso cui non ha l'amore reverente di un Truffaut e a cui non risparmia qualche
stoccata, corne fa, ad esempio, nel pezzo appena citato su Ray, prendendo le distanze dalla più fa­
mosa delle sue intuizioni critiche, quella della profondità di campo), non vuole farsi contagiare da
una cinefilia che dà ancora troppa importanza ai discorsi contenutistici e agli schieramenti morali­
stici, che privilegia la "sceneggiatura" a scapito della "regia" , che rifiuta Hitchcock perchè vuole
giudicare le storie che racconta e non limitarsi solo ad ammirare came le racconta. Difendendo re­
gisti tradizionalmente sottovalutati, corne Otto Preminger, che sui "Cahiers" diventa uno dei suoi
cavalli di battaglia preferiti , Rivette impone la sua idea di mise en scène corne "creazione di un
complesso preciso di personaggi e di décors, una rete di rapporti, un'architettura delle relazioni
che si muove ed è corne sospesa nello spazio'' , identifica il cinema "con il gioco dell'attore e
dell'attrice, dell'eroe e del décor, del verbo e del volto, della mano e dell'oggetto" . Naturalmente
1 17

J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I C O

questi concetti si identificano con il cinema di alcuni autori, a cui Rivette fa continuamente riferi­
mento e che spesso cita nelle recensioni quasi allo stesso modo con cui i filosofi scolastici si rifa­
cevano all'autorità di Aristotele: Renoir, prima di tutti, e poi Welles e tutta una generazione di ci­
neasti americani di cui è il principale e intransigente difensore sui " Cahiers " : naturalmente
Howard Hawks (di cui esalta la "evidente genialità" sul n. 23 e recensisce La regina delle piramidi
sui n. 53), poi Hitchcock (di cui recensisce sul n. 26 Io confessa, sicuramente uno degli articoli più
belli pubblicati sulla rivista negli anni Cinquanta, e poi sul n. 58 La congiura degli innocenti), Fritz
Lang (di cui recensisce L 'alibi era perfetto sul n. 76, "altro testo cristallino" per usare il giudizio di
Antoine de Baecque) , Nicholas Ray (Il temerario sui n. 27) , il già citato Preminger (Seduzione
mo rtale su! n. 32, Santa Giovanna su! n. 73, Buongiomo tristezza!su! n. 82) e più in generale quei
registi che all'inizio degli anni Cinquanta sembrano essere riusciti a divincolarsi dalle imposizioni
degli studios per percorrere autonome strade d'aurore, corne Richard Brooks, Anthony Mann, Ro­
bert Aldrich e il già citato Ray, quattro àutori a cui Rivette dedica un appassionato articolo genera­
le (Note su una rivoluzione, sui n. 54) che avrà perà il torto di rivelarsi troppo ottimista sui destini
del cinema indipendente .

Dell'olimpo rivettiano fanno parte anche l 'amatissimo Ophüls, Mizoguchi (la cui
esaltazione va di pari passo con la stroncatura di Kurosawa), Ingmar Bergman (di cui scrive sui n.
84 una bellissima recensione di Estate d 'amore) , ma il vero campione del cinema secondo Rivette
è l ' italiano Roberto Rossellini. E' lui il paladino del cinema moderno , l 'esempio da seguire e da
imitare, il "metteur en scène" per eccellenza, dal cui film Viaggio in !tafia prende spunto per scri­
vere la famosa Lettera, giustamente considerata uno degli snodi fondamentali del percorso critico
di Jacques Rivette.

"Nella lettera su Rossellini, pubblicata nell'aprile del 1955, si puà riconoscere il ri­
tratto completo di Rivette" , scrive ancora de Baecque nella sua storia dei " Cahiers". "La sua diffi­
denza verso i giudizi degli altri, per cominciare . Quando i critici non capiscono Rossellini, sono lo­
ro che si sbagliano . . . Rivette ritrova là i suoi vecchi avversari, al caso "Objectif 49" e i redattori (Do­
niol, Kast, Bazin) che ne sono usciti, attaccati sui loro gusto per un cinema letterario" . E poi, anco­
ra, il gusto per la scrittura, analitica per un verso e polemica per l'altro, necessarie entrambe per in­
trodurre il senso più autentico di lutta la Jettera, la dichiarazione d'amore : "Ammiro in modo parti­
colare ! 'ultimo film di Rossellini. Per quali motive Ah, ecco che la cosa diventa subito più difficile;
non posso invocare davanti a voi il trasporto , l 'emozione , la gioia: è un linguaggio che non am­
mettete affatto corne prova; Io capite almeno, spero. (E se no, Dio vi metta sulla buona strada)" . E
ancora: "Se c'è un cinema moderno, eccolo ( . . . ) .

Mi sembra impossibile vederé Viaggio i n /tafia senza sentire con l'evidenza d i una
sferzata che questo film apre una breccia, e che il cinema intero deve passarvi dentro, sotto pena
di morte" . Per spiegare i motivi di questa modernità, Rivette rivendica fino in fondo il valore delle
scelte stilistiche rosselliniane , che non vogliono "dimostrare" ma solo "mostrare" , che mettono in
scena personaggi che non vogliono "raccontare" ma soltanto "agire " : "ecco che Rossellini non fil­
ma più solo le sue idee, corne in Stromboli o in Europa 51, ma la sua vita più quotidiana; e questa
vita è 'esemplare' nell'accezione goethiana; che tutto vi sia insegnamento, e dopo tutto anche l'er­
rore'' . Oppure , in un passo precedente : "ogni scena, ogni episodio vi torneranno alla memoria
non corne una successione di inquadrature e di angolazioni, una successione più o meno armo­
niosa di immagini più o meno straordinarie, ma corne un'ampia frase melodica, un arabesco con­
tinuo, un tratto unico implacabile che conduce con sicurezza gli esseri verso cià che essi ignorano
ancora, e racchiude nella traiettoria un universo fremente e definitivo" .

E poi, verso la fine di questo testo diviso in sedici paragrafi, quando sottolinea "la
novità sorprendente della recitazione, che qui è corne spenta , uccisa sempre più da un'esigenza
più alta ; tutti i gesti, gli slanci, tutti gli sfavillii devono cedere a questa costrizione intima che li ob­
bliga a cancellarsi e a scorrere via nella stessa umiltà affrettata, corne pressata di arrivare al termine
e di finirla . Questa maniera di svuotare gli attori deve spesso farli ribellare , ma c'è un tempo per
ascoltarli, e un altro per farli tacere . Se volete la mia opinione , credo che questa sia la vera recita­
zione del cinema di domani" . Inevitabile che questo approccio porti a esplicitare una lettura tutta
spiritualistica del cinema di Rossellini, se non addirittura cattolica, che spinge Rivette ad usare una
terminologia che si puà senza problemi definire cristologica: "ancora una volta l'idea si è fatta car
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J A C Q l: E S !{ I V E T T E C R I T J C O

La Religieuse ne, ! 'opera, l a verità a venire si sono fatte la vita stessa del l ' a rtista , che non puô fare ormai nulla che
evada da qu esto polo, da questo pu nto magnetico - E anche noi, orma i , ho paur a , non potremo
più uscire da questo cerchio centrale , da questo ritomello fondamentale ripreso in coro : che il cor­
po è anima , l'altro me stesso, l 'oggetto verità e messaggio " . E più avanti : " Rossellini non è solo cri­
stiano ma cattolico: cioè cama le fi no allo scandalo ( . . . ) che anche il nostro corpo partecipi al mi­
stero divino , a immagine di quello di Cristo , ecco qualcosa che non è per tutti i gusti, e c'è decisa­
rnente in questo culto, che fa della presenza carnale uno dei suoi dogmi , un senso concreto , pe­
sante , quasi sensuale, della materia e della carne, che ripugna molto ai puri spiriti ; la loro "evolu­
zione intellettu ale"non permette loro di partecipare a misteri cos! gross i " . Decisamente il trasferi­
mento dei dogmi cattolici (specie quelli che riguardano il mistero della carne e della sua spiritua­
lità) verso i principi della mise en scène cinematografica non è mai stato spinto cos! lontano corne
fa Rivette in questa sua lettera. E in questo senso, sottol inea de Baecqu e , ''Jacques Rivette esprime
una concezione quasi caravaggesca del cinema , in qu anto pittore del l ' J ncarnazione, e si ispira di­
rettamente , addirittura letterariamente in certi passi, a l l 'opera di Charles Peguy"' .
1 19

J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I C O

Queste referenze non erano certo una novità all'interno del gruppo dei " Cahiers " , dove i dogmi
cattolici dell'eucarestia (l"'incarnazione" , il suo "rituale rinnovarsi" ne lia messa e nella "transustan­
ziazione") si possono facilmente ritrovare nei fondamenti dell'apporto teorico di un Bazin o di un
Rohmer: "il 'periodo classico' del cinema non è altro che l'interpretazione cattolica del mondo ap­
plicata al campo della mise en scène: mostrare la carne (il corpo di Cristo) , mostrare degli oggetti
(l'ostia) e in essi vedere l'universalità del mondo e della sua anima (la natura divina)" , corne sinte­
tizza perfettamente de Baecque.

In fondo erano gli anni in cui la filosofia esistenzialista aveva ridato vigore a moite
forme di spiritualismo; in cui il percorso di alcuni grandi maestri della pittura, corne Braque, Cha­
gall , o Matisse , trovava diretta ispirazione nei momenti della liturgia ecclesiale ; e il pensiero di
Teillhard de Chardin (morto ne! 1955) cominciava a diffondersi e a diffondere quella visione, pa­
leontologica e teologica insieme, che predicava la "potenza spirituale della materia'' . Ma questo
spiritualismo in Rivette si accende di nuove valenze per una ragione in più ; l'atteggiamento di fon­
do con cui guarda e scive sui film, non è quello di un critico che disseziona un oggetto morto, con
gli strumenti di un entomologo (necessariamente un po' necrofilo), ma piuttosto quello di un regi­
sta, e quindi cerca di procedere per immagini piuttosto che per ragionamenti, per metafore piutto­
sto che per dimostrazioni, per dichiarazioni d'amore piuttosto che per principi teorici.

Ed è proprio la scrittura di Rivette, di fronte a Rossellini senza più freni nel dichia­
rare il suo amore , che rivela meglio e più in profondità tutte le valenze di questo atteggiamento ,
che è da regista prima che da critico : "Con l'apparizione di Viaggio in Italia, tutti i film si sono im­
provvisamente invecchiati di dieci anni; niente di più impietoso della giovinezza, di questa intru­
sione categorica del cinema moderno, in cui possiamo finalmente riconoscere cio che attendiamo
confusamente. Non spiaccia agli spiriti tristi, è questo che li colpisce e li importuna, questo che ha
ragione oggi, è questo che è vero da! 1 9 5 5 . Ecco il nostro cinema , noi che ci prepariamo a nostra
volta a fare dei film" . Una profezia che si rivelerà ben presto realizzabile e che aggiunge alla Lette­
ra su Rossellini, una valenza in più , quella di essere una "specie di messa in opera , di messa in pa­
role della mise en scène " , corne nota ancora Antoine de Baecque, "perchè Io stile stesso della scrit­
tura è, fra tutti quelli dei critici della rivista, il più vicino a quella che sarà la sperimentazione rivet­
tiana della mise en scène. La volontà , nell'utilizzazione continua del punto e virgola , di non rom­
pere la frase ma di ritmarla , è la stessa volontà che si potrà riconoscere poi nella utilizzazione che
farà del piano sequenza. La stessa passione per le deviazioni improvvise, per quei giri che permet­
tono di non perdere le improvvisazioni e gli azzardi delle riprese sono già espressi chiaramente in
questo suo articolo" .

Un tema, questo, su cui Rivette tornerà a più riprese, con sempre maggior determi­
nazione e sicurezza, corne nella conclusione della recensione di Estate d'amore: "La critica ideale
di un film non potrebbe che essere una sintesi delle domande che fondano questo film: dunque
un'opera parallela, la sua rifrazione nell'ambito verbale . Ma il difetto di questa sarebbe di essere
ancora fatta di parole , sottomesse all'analisi e aile sue regole . La sola critica di Estate d 'amore ha
per titolo Il settimo sigillo: la sola critica reale di un film non puà essere che un altro film" , in que­
sto modo segnando l 'unica, profonda differenza che divise Rivette dall'amico e maestro Rohmer,
più attento quest'ultimo a definire in maniera teorica gli ambiti dei suoi interventi, più coinvolto il
primo a vivere direttamente nell'intimità del cinema .

Naturalmente non tutti all'interno del gruppo redazionale dei "Cahiers" sono d'ac­
cordo con le posizioni critiche di Rivette, con le sue certezze cinematografiche . In un dibattito sul­
la situazione del cinema francese (n. 7 1 ) , questo dissidio viene reso pubblico, pubblicando in ma­
niera quasi stenografica (corne voleva la "filosofia delle interviste" messa a punto dalla rivista), Io
scontro che vede da una parte Rivette e dall'altra Pierre Kasr. La cosa interessante, pero, non è tan­
to la querelle tra i due critici destinata a venir risolta nei fatti con il maggior peso che Rivette e le
sue idee critiche, avrebbero sempre più preso nella redazione della rivista , ma piuttosto il rilievo
degli appounti fatti da Kast, che mettono perfettamente a fuoco il grado di intransigente certezza
che sta alla base dell'atteggiamento critico di Rivette: "Come sempre le affermazioni di Rivette so­
no perfette tautologie. Far piazza pulita di Pierre Boulle dicendo che è vecchio di cinquant'anni mi
sembra ridicolo. Cosl pure dire a priori: 'Huston è finito ! ' , mi sembra assolutamente scandaloso" . E
in un altro intervento: "Non sono assolutamente d'accordo con gli a priori di Rivette . Mi oppongo
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J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I C O

del tutto a questa opinione che egli erige immediatamente a giudizio . E perlomeno strano che si
cerchi di basare il complesso del ragionamento e della discussione sui fatto che Rivette ha più o
meno apprezzato Elena e il film di Vadim" .

Ma quello che puo sembrare strano a Kast, non Io sembra a Bazin, che riconosce al
giovane critico "il punto di vista più netto" e proprio per questo (oltre che per la sua "violenza")
decide di dargli la parola per primo nel citato dibattito redazionale sui cinema francese . E ' una
specie di investitura pubblica, che certifica anche davanti ai lettori quello che era già certificato
negli incontri e nelle discussioni di redazione : Jacques Rivette è l 'animatore del gruppo e i suoi
giudizi hanno un valore assoluto . Lo ricorda Godard durante la conferenza stampa del festival di
Cannes 1 990, e Io sottolinea anche nell'intervista che apre il volume jean-Luc Godard parjean­
Luc Godard: "Se mi piaceva molto un film e Rivette diceva 'è una cazzata' , io concordavo con lui.
C'era un lato staliniano in quei rapporti. Era corne se lui avesse posseduto la verità cinematografi­
ca, diversa da quella degli altri". Un giudizio su cui concorda anche Jean Douchet: "Il grande par­
latore era Rivette. Era l'anima segreta del gruppo, il pensatore nascosto, un po' censore . Non per
niente Io chiamavano 'Père Joseph' . Il suO giudizio era sempre molto ruvido, spesso contradditto­
rio, non esitava a bruciare quello che prima aveva adorato" .

A trent'anni d i distanza con i l senno d i poi certe prese d i posizione rivettiane sem­
brano anche più che discutibili. Difficilmente qualcuno oggi potrebbe difendere questo passato,
fatto scivolare nella recensione di Le mauvais rencontre (n. 52): "Il romanzo del XX secolo, si sa,
non è riuscito ad assumere l'eredità di quello del XIX; si sa anche che questa eredità è stato il cine­
ma ad assicurarla. Come Hitchcok continua il romanzo inglese o Hawks Stevenson, Astruc riesce
qui nella moderna Educazione sentimentale che la maggior parte dei romanzieri contemporanei
non è riuscita a scrivere" . C'è moita esagerazione , ma anche molto amore per il cinema . Quello
stesso amore che in altri articoli si fonde a volte meglio a volte meno bene con i rimandi letterari
che Rivette (indubbiamente bu on lettore almeno quanta bu on spettatore) spesso utilizza per spie­
gare il senso di un film o di un regista (cosi Barnet richiama Marivaux, Ophüls Schnitzler, Premin­
ger Bernard Shaw, per Hitchcock e Hawks cita Corneille e la musica di Bach, per Mizoguchi Rilke
ed Elliot, per Bergman si passa da Beckett a Simenon a Spinoza . . . ) .

M a queste esagerazioni non inficiano certo i l ruolo che Rivette si conquista all'in­
terno della rivista e che Io porta, con la rivoluzione grafica (e non solo grafica) del n. 160, a venir
nominato redattore-capo, in coppia con Jean-Louis Ginibre. Piuttosto è interessante notare corne,
proprio a partire da questo momento, gli interventi di Rivette critico si assottiglino sempre più , fi­
no a sparire definitivamente in concomitanza con la"svolta marxista" del 1 970. Certo, i punti fermi
del discorso critico di Rivette oramai sono patrimonio di tutti, e proprio su quelli si puo dire che i
"Cahiers" abbiano costruito il nuovo corso della rivista, ma rimane comunque aperto il problema
di questa rarefazione.

Il nome di Rivette si vede associato praticamente solo a delle interviste , sempre


molto interessanti e ricche di sottintesi teorici, ma diversamente da quelle pubblicate sui "Cahiers"
gialli spesso in coppia con Truffaut ("Riva ut e Trufette" , li aveva ribattezzati Bazin) , queste sem­
brano ancora più legate al percorso del Rivette regista più che a quello del Rivette critico (e mi si
perdoni la dicotomia che contraddice quanta scritto più sopra , ma il ruolo di redattore-capo di
una rivista corne i "Cahiers" mi sembra avesse dovuto perolmeno imporre un ripensamento dei
propri interventi di scrittura . E questo ha valore soprattutto se si tiene conto che Rivette non si
"stanca" del cinema né viene troppo assorbito dal suo cammino professionale , perché continua a
frequentare con regolarità e con passione il cinema, corne si puo dedurre dalle brevissime note
critiche su opere ulteriori che in quel periodo sigla per la rubrica dei film usciti in prima visione) .

Dai novembre 1 969, con l'intervista a Marguerite Duras la firma di Jacques Rivette
scompare dai "Cahiers" (che naturalmente continueranno a occuparsi di lui corne regista) : la sua
carriera di critico pubblico finisce e con lui se ne va forse !'ultimo dei grandi moralisti della critica
francese , l 'oltranzista della mise en scène, magari discutibile nei suoi giudizi taglienti, ma indi­
spensabile se si pensa al contributo che ha dato nell'indicare un percorso critico a più di una ge­
nerazione e di cui oggi in anni in cui sembra essersi smarrito ogni tipo di orientamento cinemato­
grafico sentiamo sempre più la struggente mancanza .
J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I Q U E

P A O L O M E R E G H E TTI

"Quand j'ai écrit ma première critique, et que Rivette en a dit du mal , pour moi , cela
a été infiniment plus grave que le fait de ne pas recevoir, ici à Cannes, la moindre petite palme, ou
d'avoir subi un grand échec sur un autre film" . C'est ainsi que Jean-Luc Godard rappelait, pendant le
festival 1990, le rôle et l'importance de Jacques Rivette au sein du groupe des "Cahiers du cinéma " ,
e t aucune autre déclaration n e saurait mieux résumer l'importance e t l'autorité que l e futur metteur
en scène avait su (et pu) exercer dans le débat critique de ces très fertiles années cinquante.

Et en effet, dans le groupe des "jeunes turcs " , arrivés aux " Cahiers " après avoir
séjourné à la "Gazette" de Scherer/Rohmer, la figure de Rivette prend aussitôt une place de relief,
grâce à l'assurance de ses jugements, à la passion avec laquelle il les soutient (et au sarcasme avec
lequel il réplique aux positions critiques contraires) , mais surtout grâce à l 'originalité de son dis­
cours critique , attentif à défendre surtout des idées de cinéma, plutôt que des écoles ou des met­
teurs en scène, s'intéressant à un discours théorique (qu'est-ce que la modernité? qu'est-ce que la
mise en scène?) , avant qu'à un parcours plus analytique sur tel ou tel film. "Ce qui est, est" , écrivait
Rivette en conclusion de son second article dans les "Cahiers" (celui très célèbre sur le génie de
Hawks); et c'est cet aspect incisif de sa critique , cette certitude apodictique qui n'admet point de
réplique ou de position différente, qui, mieux que mille exemples, expliquent l'attitude envers le
cinéma , et envers la critique , qui a caractérisé le parcours de Jacques Rivette critique aux "Cahiers
du cinéma" .

Une originalité qui fut reconnue aussitôt comme centrale dans l e développement
de la revue , et non seulement dans le développement de la future Nouvelle Vague cinématogra­
phique, comme le soulignait Antoine de Baecque aussi, lequel choisit justement la Lettre sur Ros­
sellini de Rivette, parue dans le numéro 46, comme le texte qui mieux que tout autre résume et
exemplifie une certaine attitude critique de la revue et de ses rédacteurs envers le cinéma et en­
vers les écritures critiques. Dans son introduction à Les Cahiers du cinéma/Histoire d'une revue 1 ,
d e Baecque écrit: "Tous les moments forts de l a revue s'apparentent ainsi, d'une façon o u d'une
autre, à la Lettre sur Rossellini, écrite par Jacques Rivette en avril 1 9 5 5 , bousculant l 'organisation
d'un numéro pour déclarer longuement sa ferveur. Ce que Rivette écrit alors pour se justifier est le
signe de ces jeux d'écritures croisées par les 'Cahiers ' : "Il faut excuser les solitaires; ce qu'ils écri­
vent ressemble aux lettres d'amour qui se sont trompées d'adresse" . La revue. doit servir à cela :
une boîte où seraient recueillies les écritures d'amour adressées aux auteurs de cinéma . Et Jacques
Rivette contribuera beaucoup à la construction de cette 'boîte"' .

Quand Rivette fait ses débuts dans les "Cahiers " , avec un compte rendu critique de
Scedroe leto de Boris Barnet, il n'a pas encore tout à fait vingt cinq ans; et même s'il a commencé à
écrire sur le cinéma à peine deux ans auparavant, dans les quelques numéros de la " Gazette du
cinéma" , il s'est déjà acquis une certaine réputation au sein des groupes de cinéphiles qui animent
le panorama cinématographique parisien . Jacques Doniol-Valcroze le connaît certainement fort
1
Antoine de Baecque, Les Ca­ bien, lui que Rivette a attaqué avec véhémence à propos de la seconde édition du festival de Biar­
hiers du cinéma. Histoire ritz (dont Valcroze, avec Bazin et Cocteau était l'un des inspirateurs, pour ne pas dire l'un des or­
d'une revue, Paris, Cahiers du ganisateurs) , et justement dans les colonnes de la "Gazette " : au nom de la priorité de la mise en
cinéma, 199 1 .
scène , Rivette attaque une conception critique qui, "en mettant délibérément le cinéma à la re­
morque de la pire littérature" , en arrive au "tout simple mépris du cinéma , complaisamment af­
fiché aux terrasses des cafés" .

Ce ne sont pas là des affirmations bien tendres, que le jeune critique répète en clô­
ture de son article où, avec une de ces phrases tranchantes et "définitives" qui caractérisent sa ma­
nière d'écrire ("Il nous reste aussi à donner notre verdict: 'Objectif nous avait convoqué , il ne fut
pas au rendez-vous. Quelle conclusion en tirer, sinon celle-ci: Objectif détruit?"), il arrive même à
considérer comme détruit justement le rôle cinématographique d'"Objectif 49", qui d'ailleurs était
le groupe dont faisait partie Doniol-Valcroze, mais aussi Bazin lui-même, et qui donnerait nais­
sance aux "Cahiers du cinéma" . On ne saurait donc dire que Rivette utilisait une forme de respect
1 22

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révérentiel quand, suivant Scherer/Rohmer et Lucas/Godard, il débute comme critique dans les
" Cahiers " . Il savait certainement très bien ce qu 'il voulait défendre et ce qu'il voulait attaquer,
quelle idée de cinéma il entendait soutenir et quels metteurs en scène imposer.

Rivette n'écrira pas beaucoup dans les "Cahiers " . En dix-sept ans de collaboration
à la revue, de février 1953 à novembre 1 969 (dont trois années passées comme rédacteur en chef,
de 1 963 à 1 965), Rivette semble doser ses interventions: il n'y a pas plus d'une trentaine de criti­
ques vraiment importantes, et moins d'interviews encore . Mais ni Rohmer, ni Truffaut, ni Godard
ne sauront être aussi présents au "cceur" de la revue , et aussi précis dans les cibles à atteindre.

Déjà, l 'attaque dans le premier article (de celles qui n'admettent pas de réplique)
révèle sa ferme volonté d'entrer directement au cceur du débat critique (ou du moins de ce qui
pour Rivette devrait être le débat critique) , au cceur des problèmes. "on tait souvent la vérité " ,
commence Rivette, e t i l remet aussitôt e n jeu cette hiérarchie des valeurs qui oublie Boris Barnet
pour privilégier, dans le cinéma soviétique, d'autres metteurs en scène moins "auteurs" que lui.
Parce que c'est bien là, d'emblée , que se situe le grand critère de discernement, la ligne de par­
tage : d'un côté , les "auteurs" (comme Hitchcock ou Renoir, ici tous deux expressément cités, et
auxquels d'autres encore viendront évidemment s'ajouter) , les maîtres de la mise en scène , les
champions de la modernité; de l'autre, tous les autres, et surtout les critiques qui ne comprennent
pas ses idées .

Contrairement à Bazin comme à beaucoup d'autres critiques, Rivette ne parle pas


d'un film pour en découvrir les trames secrètes, les possibles renvois, pour analyser son parcours
créatif ou expressif. Quand il parle d'un film, Rivette ne le fait qu'en tant que ce film précis, ou ce
metteur en scène, peuvent l'aider à expliquer publiquement sa propre idée du cinéma . Idée que
l'on peut ramener à deux concepts centraux, indissolublement liés l'un à l'autre: ceux de mise en
scène et de modernité . Pour Rivette , le cinéma moderne , celui qu 'il faut privilégier et imiter, ne
saurait être autre : oubliant l 'engagement social ou les redondances littéraires, dépassant la dicho­
tomie forme et contenu , on ne le reconnaît, selon lui, que dans l'art abstrait de la mise en scène, et
nulle part ailleurs. (Une parenthèse : si ce qui pousse Rivette à parler d'un film est le fait qu'il y voit
des éléments fondamentaux de sa propre idée du cinéma, il est évident que l'attitude de fond du
critique envers l'ceuvre analysée ne peut être qu'une attitude d'amour, de participation totale et
passionnelle, que l'on sent non pas avec sa tête mais avec son cceur. La première approche, qui
est pour Rivette la seule, sera donc celle de l'amour. C'est ce qu'il déclare immédiatement, dès sa
première critique: "Je dirai aussitôt et sans autre artifice que j 'aime ce film", ce qu'il répétera sou­
vent encore dans d'autres critiques) .

Dès ses toutes premières interventions, Rivette fait comprendre au lecteur qu'il a
déjà bien mis au point l'idée de la mise en scène en tant que catégorie critique: elle ne peut être
que l 'attention adressée aux formes concrètes qui se meuvent à l'intérieur d'un plan, au rapport
avec lequel elles sont disposées, au rythme avec lequel on les fait agir l'une par rapport à l'autre .
C'est là une sorte de spiritualisme des choses concrètes (où naturellement les corps sont "con­
crets" , mais aussi les plans , les cadrages , les rythmes du montage), qui devrait pousser le specta­
teur à ne regarder que "la précision de chaque pas-et le rythme décidé de chaque démarche-de
chaque coup-et l'affaissement progressif du corps sous les coups" . Parce que, comme nous l'en­
seigne Howard Hawks, les héros doivent nous intéresser par leurs hauts faits, et non par leurs sen­
timents: "il filme des actions, en spéculant sur le pouvoir de leurs seules apparences: que nous im­
porte les pensées de John Wayne marchant vers Montgomery Clift, celles de Bogart pendant un
passage à tabac? " . De la même manière par exemple, Nicholas Ray nous fascine non pas certes
pour les histoires qu 'il raconte , mais pour ses "idées de mise en scène" , pour "de cadrage ou de
succession des plans, les seules dont je veuille aujourd'hui reconnaître la profondeur" ajoute-t-il
avec sarcasme .

Rivette ne veut pas prendre le risque de tomber dans les vieilles contradictions où
il voit s'agiter André Bazin (envers lequel il n'a pas l'amour respectueux d'un Truffaut, et auquel il
n'épargne pas la moindre pointe , comme il le fait par exemple dans l'article sur Ray que nous ve­
nons à peine de citer, en prenant ses distances d'avec la plus célèbre de ses intuitions critiques,
celle sur la profondeur de champ) , il ne veut pas se laisser contaminer par une cinéphilie qui don-
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ne trop d'importance encore aux discours sur le contenu et aux positions moralistes, qui privilégie
le "scénario" aux dépens de la "mise en scène", qui refuse Hitchcock parce qu'elle veut juger les his­
toires qu'il raconte et non pas se limiter à admirer le comment il les raconte. En défendant des met­
teurs en scène traditionnellement sous-évalués comme Otto Preminger, qui devient, dans les "Ca­
hiers", l'un de ses chevaux de bataille préférés, Rivette impose son idée de mise en scène, comme
celle d'une "création d'un complexe précis de personnages et de décors, un réseau de rapports, une
architecture de relations, mouvante et comme suspendue dans l'espace"; il identifie le cinéma "avec
le jeu de l'acteur et de l'actrice, du héros et du décor, du verbe et du visage, de la main et de l'objet".

Naturellement, ces concepts s'identifient avec le cinéma de certains auteurs, aux­


quels Rivette fait continuellement référence et qu'il cite souvent dans ses comptes rendus critiques,
à la manière presque des philosophes scolastiques renvoyant à l'autorité d'Aristote : Renoir, avant
tout, et puis Welles et toute une génération de cinéastes américains dont il est le principal défen­
seur, le plus intransigeant aussi, dans les "Cahiers " : naturellement, Howard Hawks (dont il exalte
"l'évident génie " dans le numéro 23, et il fait également le compte rendu critique de Land of the
Pharaons dans le n. 53), et puis Hitchcock (avec une critique de 1 Confess dans le n. 26, sans doute
l'un des plus beaux articles parus dans la revue au cours des années Cinquante, et dans le n. 58, une
critique de Trouble With Harry) , Fritz Lang (avec une critique de Beyond a Reasonable Doubt dans
le n. 76, un "autre texte cristallin encore" pour reprendre le jugement d'Antoine de Baecque) , Ni­
cholas Ray ( The Lusty Man, dans le n. 27) , Otto Preminger que nous avons déjà cité (A ngel Face,
dans le n. 32, Saintjoan, dans le n. 73, Bonjour tristesse.', dans le n. 82), et plus en général, ces met­
teurs en scène qui au début des années Cinquante, semblent être parvenus à se libérer des imposi­
tions des studios, pour parcourir des chemins d'auteur autonomes, comme Richard Brooks, Antho­
ny Mann, Robert Aldrich, et encore Ray dont nous avons déjà parlé, quatre auteurs auxquels Ri­
vette consacre un article général plein de passion (Notes sur une révolution, dans le n. 54), qui aura
le tort cependant de se révéler trop optimiste sur les destinées du cinéma indépendant.

D 'autres auteurs appartiennent encore à ['Olympe de Rivette: le très aimé Ophuls,


Mizoguchi (dont l'exaltation va de pair avec l'éreintage de Kurosawa) , Ingmar Bergmann (il écrit
dans le n. 84 un très beau compte rendu critique à Sommarlek) ; mais le véritable champion du
cinéma selon Rivette , c'est l ' italien Roberto Rossellini. C'est lui le paladin du cinéma moderne,
l'exemple à suivre et à imiter, le metteur en scène par excellence , celui dont le film Viaggio in /ta­
fia inspire la célèbre Lettre, considéré à juste titre comme l'une des articulations fondamentales du
parcours critique de Jacques Rivette.

"Dans la Lettre sur Rossellini publiée en avril 1955, on reconnaît l'entier portrait de
Rivette" , écrit encore de Baecque dans son histoire des "Cahiers " . "Sa méfiance envers le jugement
des autres tout d'abord. Quand les critiques ne comprennent pas Rossellini, ce sont eux qui se
trompent . . . Rivette retrouve là de vieux adversaires, en l'occurrence "Objectif 49" et les rédacteurs
(Doniol , Kast, Bazin) qui en sont issus, pris à partie pour le goût du cinéma littéraire " . Et puis en­
core , le goût de l 'écriture , analytique d'un côté , et polémique de l 'autre , écritures toutes deux
nécessaires pour introduire le sens plus authentique de toute la lettre , la déclaration d'amour:
"]'admire tout spécialement le dernier film de Rossellini. Pour quels motifs? Ah, voilà qui devient
aussitôt plus difficile; je ne peux pas invoquer devant vous le transport, l'émotion, la joie: c'est un
langage que vous n'admettez guère en preuve ; le comprenez-vous du moins, je l 'espère . (Et si­
non, Dieu vous y mette)" . Et encore: "S'il est un cinéma moderne, le voilà ( . . . ) Il me semble impos­
sible de voir Voyage en Italie sans éprouver de plein fouet l'évidence que ce film ouvre une brè­
che , et que le cinéma tout entier y doit passer sous peine de mort"

Pour expliquer les motifs de cette modernité, Rivette revendique jusqu'au bout la
valeur des choix stylistiques rosselliniens , qui n'entendent pas "démontrer" , mais seulement
"montrer" , qui mettent en scène des personnages qui ne veulent pas "raconter" mais seulement
"agir" : "Voilà que Rossellini ne filme plus ses idées seulement comme dans Stromboli ou Europe
51, mais sa vie la plus quotidienne ; mais cette vie est ' exempla ire ' , dans l ' acception la plus
goethéenne : que tout y soit enseignement, et tout aussi bien l 'erreur" . Ou bien dans un passage
précédent: "chaque scène , chaque épisode , vous reviendront à la mémoire non comme une suc­
cession de plans et de cadrages, une suite plus ou moins harmonieuse d'images plus ou moins
éclatantes, mais comme une large phrase mélodique, une arabesque continue, un seul trait impla
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Jean-Pierre Kalfo n . B u l l e cable qui conduit sûrement les êtres vers ce q u ' ils ignorent encore et enclôt dans sa trajectoire u n
O g i e r , L 'A mour fou. col l . univers frémissant et définitif .
"Cahiers d u cinéma

Et puis, vers la fin de ce texte partagé en seize paragraphes, lorsqu ' il souligne : " La
nouveauté saisissante du j e u , q u i est ici comme éteint, tué au fu r et à mesure par u n e exigence
plus haute; tous les gestes , les élans, tous les flamboiements doivent céder à cette contrainte in­
time qui les oblige à s'effacer et s ' écouler dans la même humilité hâtive , comme pressée d'aller au
terme et d'en finir. Cette façon de vider les acteurs doit les révolter souvent, mais il est u n temps
pour les écouter, et u n autre pour les faire taire . Si vous voulez mon opinion, je crois que tel est le
vrai jeu du cinéma de demain " .

I l est inévitable qu'une telle approche mène à expliciter u n e lecture toute spiritua­
l iste du cinéma de Rossellini, voire catholique même , qui pousse Rivette à utiliser une terminolo­
gie que l'on peut sans aucun problème définir comme christologique : "une fois encore , l ' idée s'est
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faite chair, l'œuvre, la vérité à venir se sont faites la vie même de l'artiste, qui ne peut plus désor­
mais rien faire qui s'évade de ce pôle, de ce point magnétique - Et nous aussi désormais, j'en ai
peur, nous ne pourrons plus guère sortir de ce cercle central, de ce refrain fondamental repris en
chœur: que le corps est âme, l'autre moi-même , l 'objet vérité et message" . Et plus loin: "Rossellini
n'est seulement chrétien, mais catholique; c'est-à-dire charnel jusqu'au scandale ( . . . ) que notre
corps aussi participe au mystère divin, à l'image de celui du Christ, voilà qui n'est pas du goût de
tout le monde , et il y a décidément dans ce culte , qui fait de la présence charnelle l'un de ses dog­
mes , un sens concret, pesant, quasi sensuel , de la matière ne leur permet plus de participer à
d'aussi grossiers mystères" . Décidément, le transfert des dogmes catholiques (ceux surtout qui
concernent le mystère de la chair et de sa spiritualité) sur les principes de la mise en scène cinéma­
tographique n'a jamais été poussé aussi loin que ne le fait Rivette dans sa Lettre.

Et en ce sens, souligne de Baecque, "Jacques Rivette exprime une conception qua­


si caravagesque du cinéma, le peintre de l ' Incarnation, et s ' inspire très directement, presque
littéralement à certains moments, de l'œuvre de Charles Péguy" . Ces références ne représentaient
certes pas une nouveauté au sein du groupe des "Cahiers " , où l'on peut facilement retrouver les
dogmes catholiques de l'eucharistie ("l'Incarnation" , son "renouvellement rituel" dans la messe et
la "transsubstantation") dans les fondements de l'apport théorique de Bazin ou de Rohmer: "L"âge
classique' du cinéma n'est pas autre chose qu'une interprétation catholique du monde appliquée
au domaine de la mise en scène : montrer la chair (le corps du Christ) , montre des objets (l'hostie)
et en eux voir l'universalité du monde et son âme (la nature divine) " , comme le résume parfaite­
ment de Baecque. Au fond, c'étaient les années où la philosophie existentialiste avait redonné vi­
gueur à bien des formes de spiritualisme; où le parcours des grands maîtres de la peinture comme
Braque , Chagall ou Matisse trouvait une inspiration directe dans les moments de la liturgie
ecclésiastique; et la pensée de Teilhard de Chardin (mort en 1955) commençait à se répandre et à
répandre cette vision, à la fois paléontologique et théologique, qui prêchait la "puissance spiri­
tuelle de la matière " . Mais chez Rivette, ce spiritualisme s'enflamme de nouvelles valeurs pour une
raison de plus: l'attitude de fond avec laquelle il regarde et écrit sur les films n'est pas celle d'un cri­
tique qui dissèque un objet mort, avec les instruments d'un entomologue (nécessairement un peu
nécrophile), mais plutôt celle d'un metteur en scène qui parle d'un autre metteur en scène, et qui
essaie donc de procéder par les iinages plutôt que par le raisonnement, par la métaphore plutôt
que par la démonstration, par la déclaration d'amour plutôt que par les principes théoriques.

Et c'est justement l'écriture de Rivette , sans plus aucune retenue dans sa déclara­
tion d'amour envers Rossellini, qui révèle au mieux, et plus en profondeur, toutes les valeurs de
cette attitude qui est une attitude de metteur en scène plutôt que de critique : "Par l'apparition de
Voyage en Italie, tous les films ont soudain vieilli de dix ans; rien de plus impitoyable que la jeu­
nesse, que cette intrusion catégorique du cinéma moderne , où nous pouvons enfin reconnaître
que nous attendions confusément. N'en déplaise aux esprits chagrins, c'est cela qui les choque ou
les importune, qui a raison aujourd'hui, c'est cela qui est vrai en 1955. Voilà notre cinéma, à nous
qui nous apprêtons à notre tour à faire des films " . Une prophétie qui se révèlera bien vite réali­
sable, et qui ajoute , à la Lettre sur Rossellini, une valeur en plus, celle d'être une "sorte de mise en
œuvre , de mise en mots de la mise en scène" , comme le fait remarquer encore Antoine de Baec­
que , "Car le style même de !'écrivain est, de tous ceux des critiques de la revue, le plus proche de
ce que sera l'expérimentation rivettienne de la mise en scène. La volonté, dans une utilisation sans
cesse répétée du point-virgule, de ne pas couper la phrase mais de la rythmée , volonté que l'on re­
connaîtra ensuite dans son utilisation du plan-séquence. La même passion du détour, de ces bou­
cles qui permettent de saisir les improvisations et les hasards d'un tournage, passion que Rivette
exprime clairement dans son article".

C'est là un des thèmes sur lesquels Rivette reviendra à plusieurs reprises, avec une
détermination et une certitude toujours plus grandes, comme dans sa conclusion à la critique de
Sommarlek: " La critique idéale d'un film ne pourrait être qu'une synthèse des questions qui fon­
dent ce film: donc une œuvre parallèle, sa réfraction dans le milieu verbal . Mais le défaut de celle­
ci est d'être encore faite de mots, soumis à l'analyse et aux contours. La seule critique de Sommar­
lek à pour titre Le septième sceau; la seule critique véritable d'un film ne peut être qu'un autre
film". Par là, il marque la seule, profonde différence qui sépara Rivette de son maître et ami Roh­
mer, ce dernier plus attentif à définir théoriquement les domaines de ses interventions, le premier
1 26

J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I Q U E

Jean-Pie rre Kalfo n , B u l l e plus impliqué à vivre directement dans l'intimité du cinéma . Naturellement, à l'intérieur du grou­
O g i e r , L 'A mour fou, col l . pe rédactionnel des "Cahiers " , tout le monde ne partageait pas les positions critiques de Rivette,
" Cahiers d u c i n é m a
ou ses certitudes cinématographiques. Dans un débat autour de la situation du cinéma français ,
(n. 7 1) cette dissension est rendue publique, par la publication presque sténographique (comme
le voulait la "philosophie des interviews" mise au point par la revue) , de la dispute qui voyait d'un
côté Rivette, et de l'autre Pierre Kast. Ce qui est intéressant ici, cependant, ce n'est pas tant la que­
relle entre les deux critiques, destinée à être résolue dans les faits par la plus grande importance
que , devait prendre plus tard Rivette, dans la rédaction de la revue, et bien sûr ses idées critiques;
mais plutôt ce qui est ici intéressant, c'est le poids des remarques faites par Kast, qui font appa­
raître nettement le degré d'intransigeante certitude qui est la base de l'attitude critique de Rivette :
"Comme d'habitude , les affirmations de Rivette sont des tautologies parfaites. Balayer Pierre Boul­
le d'un trait de plume en disant qu 'il a cinquante ans, me paraît ridicule. De même , la façon de di­
re par un a priori : 'Huston c'est fini!' me paraît absolument scandaleux et effarrant " . Et dans une
autre intervention: "Je ne partage pas du tout les a priori de Rivette . C 'est son opinion qu 'il érige
1 27

J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I Q U E

immédiatement en jugement. Il est pour le moins bizarre d'essayer de fonder l'ensemble du rai­
sonnement et de la discussion sur le fait que Rivette a aimé, ou n'a pas aimé , Eléna et le film de Va­
dim" ._Mais ce qui peut sembler étrange pour Kast ne l'est pas pour Bazin, lequel reconnaît au jeu­
ne critique "le point de vue le plus net" , et en vertu justement de cela (outre que pour sa "vio­
lence") décide de lui donner la parole en premier, dans le débat rédactionnel déjà cité sur le ciné­
ma français. C 'est une sorte d'investiture publique, qui atteste , devant les lecteurs aussi, ce qui
s'était déjà vérifié dans les rencontres et dans les discussions de la rédaction: Jacques Rivette est
l'animateur du groupe, et ses jugements ont une valeur absolue. Godard le rappellent pendant la
conférence de presse du festival de Cannes 1 990, et le soulignera encore l'interview qui ouvre le
volume jean-Luc Godard parjean-Luc Godard: "J'aimais beaucoup un film et si Rivette disait
'C'est de la connerie' , je disais comme lui. Il y avait un côté stalinien dans ces rapports-là. C'était
comme s'il avait détenu la vérité cinématographique , différente de celle des autres" . Un jugement
sur leque! Jean Doucher est d'accord lui aussi: "Le grand discoureur, c'était Rivette . C'était l'âme
secrète du groupe, le penseur occulte , un peu censeur. On l 'appelait d'ailleurs 'le Père Joseph' .
Son jugement était toujours très abrupt, très contradictoire, n'hésitant à brûler ce qu'il avait adoré" .

A trente ans d e distance, e t une fois que l'on sait c e que l 'on sait, certaines positions
apparaissent même comme étant plus que discutables . Difficilement, quelqu 'un pourrait au­
jourd'hui défendre ce passage, qui avait été fait glisser dans le compte rendu critique de Les mau­
vaises rencontres (n. 52): " Le roman du XXème siècle , on le sait, a échoué à prendre la succession
de celui du XIXème ; on sait aussi que cette succession , c 'est le cinéma qui l ' a assurée . Comme
Hitchcock continue le roman anglais, ou Hawks Stevenson, Astruc réussit ici la moderne Educa­
tion Sentimentale que la plupart des romanciers contemporains ont failli à écrire " . Il y a ici beau­
coup d'exagération, mais aussi beaucoup d'amour pour le cinéma . Ce même amour qui, dans
d'autres articles, se fonde parfois mieux, parfois moins bien aussi, avec les renvois littéraires que
Rivette (au moins aussi bon lecteur que bon spectateur) utilise souvent pour expliquer le sens
d'un film ou d'un metteur en scène (ainsi, Barnet rappelle Marivaux, Ophuls Schnitzler, Preminger
Bernard Shaw; pour Hitchcock et Hawks , il cite Corneille et la musique de Bach, pour Mizoguchi
Rilke et Elliot, pour Bergman, il passe de Beckett à Simenon, à Spinoza . . . ) .

Mais ces affirmations n'entachent certes pas le rôle que Rivette conquiert a u sein
de la revue: avec la révolution graphique (et non seulement graphique) du n . 160, il est nommé
rédacteur en chef, en compagnie de Jean-Louis Ginibre . Il est plutôt intéressant de remarquer
comme les interventions critiques de Rivette, justement à partir de ce moment-là, se font de plus
en plus rares , pour disparaître ensuite définitivement en correspondance avec le "tournant mar­
xiste" de 1 970. Certes, les points fermes du discours critique de Rivette sont désormais un patri­
moine commun, et c'est justement sur ces points-là que les " Cahiers" ont construit le "nouveau
cours" de la revue, mais le problème de la raréfaction des ses présences n'est pas encore résolu . Le
nom de Rivette n'est pratiquement plus associé qu'à des interviews, toujours très intéressants et ri­
ches de sous-entendus théoriques, mais contrairement à celles publiées dans les "Cahiers" jaunes
souvent en association avec Truffaut ("Rivaut et Trufette" , comme les avait rebaptisés Bazin), ces
dernières semblent plus liées encore au parcours d'un Rivette metteur en scène plutôt qu 'à celui
d'un Rivette critique (et que l 'on me pardonne la dichotomie qui contredit ce que j'ai affirmé plus
haut, mais le rôle de rédacteur en chef d'une revue comme les "Cahiers" aurait dû au moins, me
semble-t-il , imposer une réflexion sur ses interventions d'écriture. Et cela a une valeur surtout si
l 'on tient compte du fait que Rivette ne se "lasse " pas du cinéma, ni même qu'il est trop absorbé
par son cheminement professionnel puisqu 'il continue à fréquenter régulièrement et avec pas­
sion le cinéma, comme on peut en juger d'après les très brèves notes critiques sur des œuvres ab­
solument mineures qu 'à cette période il signe pour la rubrique des films sortis en exclusivité) .

En novembre 1969, avec l 'interview à Marguerite Duras, Jacques Rivette donne sa


dernière signature au "Cahiers" (qui bien sûr continueront à s'occuper de lui comme metteur en
scène) : c'est là que se clôt sa carrière de critique public; avec lui, disparaît peut-être le dernier
grand moraliste de la critique française , l'extrémiste de la mise en scène, discutable peut-être dans
ses jugements tranchants, mais indispensable si l'on pense à la contribution apportée dans l'indi­
cation d'un parcours critique à plus d'une génération; et dans les années d'aujourd'hui, où toute
orientation cinématographique , quelle qu'elle soit, semble s'être perdue, nous en ressentons tou­
jours plus la poignante absence .
1 28

J A C Q U E S R I V E T T E C R I T I Q U E

J ean-Pie rre Kalto n , B u l l e O g i e r , L 'A mour fou, coll. " C a h i e rs d u c i néma"


L E A V V E N T U R E D E L L A F I N Z I O N E

MARC CHEVRIE

" M A L ' I N D O M AN I M ATT I NA . . . "

LA REGOLA DEL GIOCO . Nei due primi film di Rivette, Paris nous appartient e La religieuse, si in­
staura un universo: teatro, complotto, labirinto. Ne! terzo, L 'amourfou, si inaugura un metodo: la
non premeditazione. Elemento comune a questi tre film, e solo a loro , una seriosità, una gravità
esistenziale, il peso di un vissuto . Out One segna un giro di volta, quello del gioco. Rivette <lice :
"All'inizio, l'unica idea era quella del gioco, in tutti i sensi del termine: gioco della recitazione, gio­
co dei personaggi tra loro, ma anche gioco ne! senso in cui giocano i bambini e gioco corne si dice
che c'è del gioco tra le parti di un assemblaggio L . . l, per riequilibrare l'aspetto falsamente vissuto di
L 'amourJou. "1 Naturalmente il teatro c'era anche nei film precedenti (le prove di Pericle in Paris
nous appartient), l'allegra complicità delle novizie nella seconda parte della Religieuse, le regres­
sioni infantili di Kalfon e Bulle Ogier in L 'amourfou. E già ne! suo cortometraggio Le coup du ber­
ger, tratto da un aneddoto non particolarmente personale stile Dames du Bois de Boulogne, la vo­
ce off di Rivette commentava gli sviluppi dell'intrigo corne le "mosse" di una partita a scacchi di cui
enunciava le regole e che surdeterminava l'insieme ("L'indomani mattina, la partita continua, Clai­
re fa avanzare l'alfiere"). Con Out One, l'idea del gioco si estende a tutti i livelli del film. Dai teatro
alle riprese (gioco del caso) e dalle riprese aile esistenze che Rivette mette in scena. Il mondo è un
gioco delle parti e il film un gioco dell'oca (Le Pont du Nord) . E anche in film apparentemente cosi
poco ludici, piuttosto tristi e senza spirito, corne Duelle, Noroît, Hurlevent, è chiaro che gli attori in­
terpretano personaggi fittizi e che questi stessi personaggi interpretano delle parti. Ed i suoi film rac­
contano appunto la ricerca e l'invenzione di ciè> che questi ruoli ricoprono di verità e d'illusione.

Un film di Rivette è dunque un gioco da bambini. I suoi personaggi, Céline , Julie e


tutte le aitre , si divertono , corne lui con i suoi attori, e noi con loro , tutti insieme . Come diceva
Katherine Hepbum in una commedia di Hawks: "It's only a game"! Tuttavia questo "only" non va
preso soltanto ne! suo senso restrittivo: nulla infatti di più cruciale , nulla di più serio . "Sei tu che
non sei serio a non credere in nulla , è facile essere scettici", rimprovera in Out One Françoise Fa­
bian a Jean Bouise che considera una semplice farsa quel gusto del complotto e delle relazioni
strane ("a me gli occhi"). Quel che si vede in Rivette è corne, il gioco, a forza d'esser praticato si­
stematicamente , divenga realtà, riveli qualcosa dei personaggi corne degli attori. Se c'è terrore, e
spesso terrore politico, dipende da! fatto che si gioca a farsi paura, ma senza mai dimenticare che
il gioco è là per scongiurare questo terrore, per sovvertire le potenze e l 'ordine che l 'impongono .
A questo proposito, dice tutto la geniale parodia del processo in La bande des quatre, grande sce­
na comica che condensa emblematicamente il cinema di Rivette.

Per i suoi personaggi, le uniche regole sono quelle del gioco con cui essi stessi si
giocano. Delle regole infatti ci saranno anche , ma non le si conosce, bisogna immaginarle: indovi­
narle o inventarle, fa Io stesso. La regola principale, allora, che fa funzionare tutto benissimo, è
quella degli "enfants terribles " : "stare al gioco" . Il gioco della finzione . E in Rivette sono anzitutto i
luoghi che dànno il senso della finzione , le grandi case di Out One, Céline etJulie, L 'amour par
terre o La bande des quatre, sempre frequentate da spiriti, scarole magiche, scarole da starie, luo­
1 "Nouvelle critique", n. 63 2 Le ghi <love tutto è possibile, perché vi si nasconde sempre qualche cosa: un segreto, un tesoro , un
dichiarazioni di Jacques fantasma . Non si tratta più allora di sapere se questo tesoro esista davvero. Basta crederci e nessu­
Rivette sono estratti di no dubiterà più a lungo . Come l'illusione a teatro, la fede e la storia stessa si producono soltanto
interviste comparse in "Cahiers
du cinéma", n. 204, settembre per l'onnipotenza del desiderio che qualcuno ha di far andare le cose per un certo verso . Perché la
1 968 e n. 327, settembre 1 98 1 ; finzione, in Rivette, non è ciè> che manipola con artifici della trama i personaggi, ma ciè> che viene
e i n "Cinématographe", n.76, dato in pasto alle loro domande e ai loro giochi. Nei personaggi di Rivette c'è una straordinaria ca­
marzo 1982.
pacità di auto-fabulazione , la gioia di viversi corne attori di una finzione che li trascina e di cui cer­
cano la chiave , rispetto alla qua1e misurano tutto ciè> che gli capita, e su cui si fanno delle idee e si
raccontano delle storie. Queste idee , queste storie, fanno il film. Dall'eroina di Paris nous appar­
tient a quelle di La bande des quatre, attraverso la Juliet Berto di Out One, Céline e Julie o Baptiste
di Le pont du Nord, si vede il senso del cammino: dalla paranoia esistenziale al rischio della falsa
finzione (che Duelle probabilmente mescola nel modo più armonico) . Il paradosso è che i film di
Rivette, pur se ludici, gioiosi, talvolta anche comici, funzionano in modo essenzialmente decetti­
vo. "Only a game " : il gioco non finisce di finire o finisce con un colpo di scena mai abbastanza for-
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L E A V V E N T U R E D E L L A F I N Z I O N E

te e che spesso, con la stessa rapidità con cui si rompe il bicchiere di whisky con cui Lucia , nella
Bande des quatre, era pronta ad avvelenare il poliziotto, spezza il gioco e tutta l 'impalcatura para­
noica pazientemente edificata da! film in una sorta di giocoso autoaffondamento. Nulla deve ac­
cumularsi, e si ritorna sempre, poco o troppo, dopo qualche "giro", alla casella di partenza: "Merry
Go Round'' .

Questa ludica "jouissance" , questa vita avventurosa, questa ricerca che non finisce
mai, implica evidentemente che il tempo prenda una consistenza differente , un valore diverso che
se si trattasse solo d'illustrare le fasi successiva di una sceneggiatura . Ci6 suppone per il film una
velocità e un'agilità che rendano invisibili i trucchi del mago e dell'acrobata, ma al tempo stesso la
capacità di prendersi il proprio tempo, di lasciare che le cose si scoprano . Si è evocata spesso la
lunghezza insolita dei film di Rivette. Fatto sta che la sua trama non progredisce per concatenazio­
ni lineari e logiche , ma viene continuamente fatta ondeggiare corne un funambolo sui vuoto, si ir­
radia e si perde in una successione di brusche biforcazioni secondo il gioco del "e adesso non c'è
più" corne si dice in Queneau, e che Céline etjulie, con i suoi "ma l 'indomani mattina" , ha spinto al
limite. La questione non è dunque: corne va a finire, ma corne va a continuare, rimbalzare , devia­
re, spuntare? Come non va a finire? Piacere feuillettonesco di Out One o delle Scènes de la vie pa­
rallèles. Perché Rivette prende alla lettera il fatto che un racconto è ci6 che differisce la propria
conclusione, e che ci6 che si oppone a questa conclusione, è il racconto stesso. Infatti si tratta so­
prattutto di un gioco e il piacere del gioco, è bruciare da! desiderio che finisca, pur volendo arden­
temente che continui.

Ma allora, se ci sono solo delle parti, se è solo un gioco, che cosa resta davvero nei
film di Rivette. Questo turbine ludico non è tanto il segno di una paura della gravità o della serietà,
quanto il ritrarsi, quasi fobico, da ogni scontro diretto, frontale, violento (salvo per il tramite degli
adattamenti: La Religieuse, Noroît, Hurlevent) con un soggetto che resiste , e consiste in un com­
plesso di traumi, di affetti e di pulsioni; è il rifiuto netto di ogni "punto di fissazione" , che si rap ­
presenta soltanto in quella fuga perpetua e quasi danzata che dà ai suoi film, per femminile che sia
il suo universo, quella sorta di leggerezza un po' asessuata . Rivette non vuol credere che al gioco.
Dunque alla messa in scena, che diventa il suo stesso soggetto. L'unico, quello del vero e del falso.
Ed eccoci a teatro.

IL FILM E IL sua DOPPIO . A teatro, diceva ]ouvet, si recita, al cinema si ha recitato.


Tutto Rivette sta qui. Il cinema è la sicurezza del prodotto finito, la registrazione di ci6 che non c'è
già più, è un mondo di fantasmi. Nei film di Rivette ci saranno dunque soltanto scomparsi e "reve­
nants" (spesso maschili) con, tra i due, un medium (spesso femminile) . Il teatro, al contrario, è il
pericolo dell'istante, il qui e ora del gesto e della parola, la presenza fisica dei corpi. Ecco perché
da sempre Rivette fa del cinema col teatro. Per mettere al presente il "c'era una volta" . D 'altronde,
"se si prende una storia che tratta più o meno dappresso di teatro , si è nella verità del cinema ( . . .]
Perché è la storia della verità e della menzogna, non ce ne sono aitre al cinema: è necessariamen­
te una ricerca sulla verità con mezzi che sono necessariamente menzogneri" 2 . Vecchia lezione di
Renoir.

Condizione e obbligo della rappresentazione: dire la verità attraverso l'apparenza,


la maschera , l 'artificio . Claude, in La bande des quatre: " Recitare , non è mentire , è cercare la ve­
rità''. Per l'attore: cercare la verità attraverso la menzogna; per il cineasta: moltiplicare la menzo­
gna del cinema attraverso quella del teatro . La sola verità è la realtà grezza, registrata, di ci6 che
l'attore fa sulla scena e davanti alla macchina da presa. "Che cosa fa lei davvero nella vita?" , chiede
Juliet Berto al giocatore di scacchi di Out One. "Davvero? Ma io non faccio niente di falso"'

E siccome lei si stupiva di vederlo giocare da solo con un avversario immaginario


(Max alla fine di Le pont du Nord, lezione di karatè : "devi pensare a un nemico immaginario"), lui
le ribatte: "E lei, a che gioco gioca"? "A uno qualunque, ma non da sola'' . Rivette non ha un sogget­
to (corne il teatro) che Io spinga a filmare e sut quale possa incentrare il film. Ha dei progetti attor­
no ai quali riunire una troupe (e di cui il teatro è una metafora) . Nella ris posta che dà all'inchiesta
di "Libération", il problema per lui non è "perché filmare" , ma "con chi" . Ed è esattamente questo
che egli filma . "Il teatro è la versione "civile" del cinema, è il suo volto della comunicazione verso il
pubblico, mentre una troupe cinematografica è un complotto, è interamente rinchiusa in se stes-
1 3 1

L E A V V E N T U R E D E L L A F I N Z I O N E

sa, e nessuno è ancora riuscito a filmare la realtà del complotto" . Salvo che cio che gli interessa nel
teatro non è affatto il suo versante pubblico, ma l'opposto. Le sole rappresentazioni che abbia mai
filmato, in L 'amour par terre, sono spettacoli privati e clandestini di teatro da camera . Cio che gli
interessa sono le prove (di Pericle in Paris nous appartient, di A ndromaca in L 'amourfou, di
Eschilo in Out One, di Corneille, Racine o Marivaux in La bande des quatre) : è la realtà del lavoro
ne! suo farsi, grazie alla quale il film mette "en abyme" la sua stessa elaborazione, ma anche il se­
greto del lavoro in comune , le complicità che tesse, la preparazione di un colpo, insomma, la co­
spirazione .

Rivette ha inventato, con qualche altro, la "politique des auteurs " . Da critico, egli
ha proclamato soprattutto il primato della messa in scena: "La nostra generazione sarà quella dei
"metteurs en scène " : capaci di muovere sulla scena illimitata dell'universo le creature del nostro
spirito " . Nei titoli di testa dei suoi film non si legge mai "un film di Jacques Rivette'', ma "mise en
scène : Jacques Rivette" . Vecchio sogno , tra l'altro, del film corne impresa collettiva , prodotto di
una complicità da non porre soltanto platealmente a servizio del film, di un "cinema che non im­
pone nulla, in cui si cerca di suggerire le cose , di vederle venire , in cui è anzitutto questione di un
dialogo a tutti i livelli, con gli attori, con la situazione, con la gente che si incontra" . Nella scompar­
sa finale di Constance che, alla fine della Bande des quatre, lascia le attrici abbandonate a se stes­
se, sta il grande paradosso rivettiano, il fantasma, che risale all'Amourfou, della scomparsa del re­
gista . Esserci ma fuori campo , presenziare ma farsi invisibile , rifiutare ogni programmazione di
sceneggiatura e programmare cio che non si programma decidendo del caso e della libertà lascia­
ti agli attori e ai personaggi, fare corne se non si fosse il direttore d'orchestra e continuare ad esse­
re a dispetto di tutto . Come spiega il regista interpretato da Lonsdale in Out One: "Non è un eserci­
zio con uno scopo preciso. E' uno stato infantile di disponibilità . E' un gioco" . E Rivette: "Io conti­
nuo a pensare che un film sia più interessante se capitano delle cose tra diverse persone [. . .] In ef­
fetti, ci sono due responsabilità in un film, quella di dire: cominciamolo, e quella di dire: finiamolo
[ . . . ) Ma tutto cio che resta tra questi due poli, penso che sia più interessante se c'è un'apertura, an­
che se è un'apertura tattica , una manovra" .

Creare le condizioni per suscitare l 'imprevisto poi far finta d i sparire, letteralmente :
nascondersi, ecco il suo stratagemma. Cio che Rivette ammira in Altman o in Cassavetes: fare finta
di non essere demiurgo, "quell'impressione che qualcosa succeda, qualcosa di più , che non era
previsto" e che capita non per una decisione di messa in scena o per effetto di un controllo, ma
"perché un certo numero di persone si sono trovate riunite insieme in una data circostanza, corne
per caso".

POLITICA DELLA SCENEGGIATURA. Nell'apparente assenza di un autore-demiurgo,


bisogna pure che qualcuno o qualcosa ne porti le insegne, la maschera, ed è la surdeterminazione
di un deus ex machina, di una legge "mabusiana" , in aitre parole: il complotto . Il teatro si situa sui
versante della realtà del lavoro , della ricerca incessante di una verità , del gioco, insomma della
messa in scena. Il complotto su quello della paranoia e della congettura, della premeditazione e
della menzogna, del terrore, insomma della sceneggiatura : manovra d'infiltrazione, organizzazio­
ne segreta, terrorismo, pedinamento, indizi di una società clandestina, di pratiche losche e rigoro­
samente parallele, dove si decidono, a sua insaputa, le sorti del mondo . Grande gioco dell'orga­
nizzazione sociale.

La legge stessa è sempre soltanto un'altra regola . Il mondo di Rivette è sempre a


doppio fondo, tra il lusco e il brusco , ed è connesso, da un lato, con la cospirazione mondiale di
Paris nous appartient, il traffico d'opere d'arte e di falsi condoni di pena di La bande des quatre ,
passando per il misterioso complotto di Out One ispirato alla prefazione di L 'histoire des Treize di
Balzac, o il retroterra terroristico di Le pont du Nord, insomma con cià che potremmo ancora defi­
nire , balzacchianamente, "l'altra faccia della storia contemporanea" . Il complotto è cio che non si
vede, è l'invisibile, è cià che provoca, in Rivette, la paura della Legge e del Potere : che sono, lette­
ralmente, infilmabili, perché non hanno volto, ma soltanto reti d'influenza. Il complotto esiste sol­
tanto per cio che se ne dice, cio che se ne immagina o cio che si sospetta sui davanti della scena :
sta perè> sempre fuori campo, perché è tra le quinte che si tirano i fili. Quest'altra faccia della Storia
è anzitutto quella della sceneggiatura, di quel che ci sta sotto, i suoi sotterranei oscuri, e il com­
plotto - o ciè> che il termine riassume - che mette in moto la macchinazione. Gli sceneggiatori di Ri-
132

L E A V V E N T U R E D E L L A F I N Z I O N E

vette (corne tutti gli sceneggiatori, solo che lui se ne rende conto e ne approfitta) , non sono altro
che degli intriganti, dei cospiratori che lavorano a dare alla premeditazione il volto del caso e
all'artificio quello della naturalezza, grazie a tutto un sistema di coincidenze, di significazioni, di
rimandi , di implicazioni reciproche che , con le sue piste che si biforcano , le sue incognite , gli
enigmi non svelati, le sparizioni, i confronti fatti o evitati, fanno in modo che il complotto si identi­
fichi con le giravolte di una sceneggiatura che sembra invece organizzarsi sui momento. E' il mo­
do di mettere la sceneggiatura nef film, corne qualcosa con cui i personaggi devono confrontarsi,
in un labirinto di cui devono trovare l'uscita . E questa uscita, la libertà, la verità, è cio che sempre
cercano i personaggi di Rivette attraverso le prove dell'illusione . E' qui che il complotto, con le sue
ambiguità riaffermate, il suo gioco di maschere e di identità, le sue false verità e le sue false men­
zogne, i suoi veri documenti falsi e le sue false apparenze , raggiunge il teatro (salvo che la verità
del complotto si finisce sempre per scoprirla, corne si dice nella Bande des quatre, mentre a teatro
non si finisce mai di cercarla) . Bisogna vedere i film di Rivette, comunque vengano messi in scena
(ma la messa in scena è cio attraverso cui la finzione si libera da ogni programmazione) , corne dei
documentari su una finzione che dei personaggi giocano a inventare sotto i nostri occhi.

Questa finzione è sempre la stessa a partire da Paris nous appartient che è la cellu­
la base da cui procede tutto il suo cinema, che egli non smette mai di rielaborare, di variare, di ri­
fare, sia in parte sia integralmente, e di cui non cessa di rimettere in gioco le figure cercando nuo­
ve combinazioni. Sia perché i suoi film programmano con forza un sistema di idee fisse, una ga­
lassia di ossessioni (tutte connesse con un sistema formale, con cio che fa il cinema all'epoca - la
nascita della Nouvelle Vague - in cui comincia a prendere coscienza di se stesso e di cio che in lui
sta finendo) . Sia perché, a partire dal momento in cui Rivette comincia a muoversi in modo più av­
venturoso , senza una sceneggiatura e senza una struttura narrativa rigidamente determinate , " a
occhio " , corne dicono i marinai , Paris nous appartient - e p o i man mano i film che n e deriveranno
- costituisce un punto fermo a cui riferirsi, una riserva in cui pescare.

Pochi cineasti fanno corne lui tabula rasa all'inizio di ogni progetto: bisogna rein­
ventare le regole ogni volta . "Chi dipinge sulla base di un progetto fa una pittura piatta . Bisogna
uccidere a poco a poco le idee che si sono avute" (Paulhan, Braque, lepatron). La sua forza è la
velocità e la densità di irradiamento della finzione a partire da questo nulla che è forse, ancora una
volta, tattico. Ma pochi cineasti, comunque , rifanno sempre lo stesso film fino a ta! punto , mante­
nendo una rotta cosi costante e cosi poco evolutiva a dispetto delle apparenti sbandate (Hurle­
vent), riprendendo instancabilmente e variando sulle stesse tonalità identici motivi, ricapitolando
e ridistribuendo le carte del loro cinema corne fa Rivette.

Cio che è importante in lui, non sono tanto le carte , che restano sempre le stesse,
ma Io sviluppo della partita, che non è mai lo stesso, e i gesti e i volti dei giocatori che cambiano.
L E s A V E N T U R E S D E L A F I C T I O N

MARC CHEVRIE

" M A I S L E L EN D E M A I N M AT I N . . . "

LA REGLE nu JEU . Il y a, dans les deux premiers films de Rivette, Paris nous appartient et La Reli­
gieuse, la mise en place d'un univers (théâtre , complot, labyrinthe) . Dans le troisième , L 'A mour
fou, l 'inauguration d'une méthode (la non-préméditation) . Avec, communs à ces trois films et à
eux seuls, un sérieux, une gravité existentielle, le poids d'un vécu. Out One marque un tournant,
celui du jeu. Rivette: "Au départ, la seule idée était celle du jeu dans tous les sens du mot: jeu d'ac­
teurs , jeu des personnages entre eux, aussi bien le jeu au sens où les enfants jouent et aussi jeu
comme on dit qu'il y a du jeu entre les parties d'un assemblage (. .. ) pour contre-carrer le côté faus­
sement vécu de L 'Amourfou" ("Nouvelle Critique n° 63) .

Il y avait, dans les films précédents, bien sûr le théâtre (les répétitions de "Périclès"
dans Paris nous appartient) , la complicité joueuse des novices dans la seconde partie de La Reli­
gieuse, les régressions infantiles de Kalfon et Bulle Ogier dans L 'A mourfou. Et déj à , dans son
court métrage Le coup du berger, qui tirait une anecdote a priori pas très personnelle du côté des
Dames du Bois de Boulogne, la voix off de Rivette commentait les rebondissements de l 'intrigue
comme les coups d'une partie d 'échecs dont elle énonçait les règles et qui surdéterminait l 'en­
semble ("Le lendemain matin; la partie continue ; Claire avance son fou " ) . A partir d 'Out One,
l'idée de jeu s'étend à tous les niveaux du film. Du théâtre au tournage (jeu de hasard) et du tour­
nage aux vies qu'il met en scène . Le monde est un jeu de rôles et le film un jeu de l'oie (Le Pont du
Nord) . Et même dans des films apparemment pas très ludiques, plutôt sombres et sans humour,
Duelle, Noroît, Hurlevent, il est assez clair que les acteurs jouent des personnages fictifs et que ces
personnages eux-mêmes jouent des rôles . Ce que racontent les films de Rivette, c'est la recherche
et l 'invention de ce que ces rôles recouvrent de vérité et d'illusion.

Un film de Rivette, c'est donc un jeu d'enfants . Ses personnages, Céline et Julie et
toutes les autres, s 'amusent, comme lui avec ses acteurs , et nous avec eux-tous réunis. Comme
disait j adis Katharine Hepburn dans une comédie de Hawks: "lt's only a game ! " . Le " only" n'est
pas à prendre seulement dans son sens restrictif: rien de plus crucial, rien de plus sérieux. "C'est
toi qui n'est pas sérieux de ne croire à rien, c'est facile d'être sceptique", reproche dans Out One
Françoise Fabian à Jean Bouise qui tient pour une farce ce goût du complot et des relations bi­
zarres" (suivez mon regard) . Ce qu'on voit chez Rivette, c'est comment le jeu, à force d'être prati­
qué systématiquement, devient une réalité, révèle quelque chose des personnages comme des
acteurs. S 'il y a terreur, et terreur politique souvent, il y a aussi qu'on joue à se faire peur, mais sans
jamais oublier non plus que le jeu est là pour la conjurer, cette terreur, et pour subvertir les puis­
sances et l 'ordre qui l 'imposent. De cela , la géniale parodie de procès de La Bande des quatre,
grande scène comique qui condense emblématiquement le cinéma de Rivette, dit tout.

Pour ses personnages, les seules règles sont celles du jeu qu 'ils se jouent à eux-mê­
mes . Car ce n'est pas qu'il n'y a pas de règles, c'est qu'on ne la connaît pas, qu'il faut l'imaginer: la
deviner ou l 'inventer, c'est pareil . La règle principale, alors, qui fait tout aller de soi, c'est celle des
Note: "enfants terribles" : c'est de "jouer le jeu " . Le jeu de la fiction. Et chez lui, ce sont d'abord les lieux,
les propos de Jacques Rivette qui fictionnent, toujours hantés, grandes maisons d 'Out One, L 'A mour par terre ou La Bande des
reproduits ici sont extraits
d'entretiens parus dans les quatre, boîtes à malice, boîtes à fiction, lieux de tous les possibles parce que toujours s'y cache
Cahiers du cinéma n. 204, quelque chose : un secret, un trésor, un fantôme. Alors, il ne s'agit pas de savoir si ce trésor existe
septembre 1968 et n. 327 vraiment. Il s'agit d'y croire et personne n'en doute longtemps. Comme l ' illusion au théâtre , la
septembre 1 98 1 , ainsi que
dans Cinématographe croyance et l'histoire elle-même ne se produisent que par la toute puissance du désir de chacun
n. 76, mars 1 982. qu'elle se produise .

Car la fiction, chez Rivette , ce n'est pas ce qui manipule , par des artifices de récit,
les personnages, c'est ce qui est donné en pâture à leurs questions et à leurs jeux. Il y a chez les
personnages de Rivette une extraordinaire capacité d'auto-fabulation, la jubilation de se vivre
comme les acteurs d'une fiction qui les emporte et dont ils cherchent la clé, au compte de laquelle
ils reversent tout ce qui leur arrive , sur laquelle ils se font des idées et se racontent des histoires.
Ces idées, ces histoires, font le film . De l 'héroïne de Paris nous appartient à celles de La Bande
1 34

L E S A V E :\ T li l\ E S D E L A F I C T I O �

J e a n - P i e rre Kalfon , L 'A mour fou, p h oto Z u c c a , col l . " C a h i e r s d u c i n é m a "


1 35

L E S A V E N T U R E S D E L A F I C T I O N

des quatrevia la ]uliet Berto d 'Out One, Céline et Julie ou Baptiste du Pont du Nord, de la paranoïa
existentielle au risque de la fausse fiction (que Duelle sans doute mêle le plus harmonieusement) ,
on voit le sens du chemin.

Le paradoxe est que les films de Rivette, pour être ludiques, jubilatoires et parfois
comiques, fonctionnent d'une manière essentiellement déceptive . "Only a game": le jeu n'en finit
pas de finir ou finit par un coup de théâtre jamais bien gros et qui souvent, aussi vite que se brise le
verre de whisky par lequel, dans La Bande des quatre, Lucia s'apprêtait à empoisonner le flic, cas­
se le jouet et l 'échafaudage paranoïaque que le film avait patiemment édifié dans une sorte de
joyeux sabordage. Rien ne doit s'accumuler, on en revient toujours, peu ou prou , après quelques
tours, à la case départ: "Merry go round" .

Cette jouissance ludique, cette vie aventureuse, cette recherche qui n e finit jamais,
impliquent évidemment que le temps prend une autre consistance , une autre valeur que s'il s'agis­
sait d'illustrer seulement les phases successives d'un scénario. ça suppose pour le film une vitesse
et une agilité qui rendent invisibles les trucs du magicien ou de l'acrobate, et tout à la fois de pren­
dre son temps, celui de laisser les choses se découvrir. On a souvent évoqué la longueur peu com­
mune des films de Rivette. C'est que son récit ne progresse pas par enchaînements linéaires et lo­
giques, ne cesse d'être déporté comme un funambule au-dessus du vide , s'étoile et se perd dans
une suite de brusques bifurcations selon le jeu du "et voilà-t-y-pas" comme on dit chez Queneau ,
que Céline etjulie avec ses "mais le lendemain matin" a poussé à son comble. La question n'est
donc pas: comment ça va finir, mais: comment ça va continuer, rebondir, dévier, surgir' Comment
ça va ne pas finir? Plaisir feuilletonesque d 'Out One ou des Scènes de la vie parallèles. Parce que
Rivette prend au pied de la lettre qu'un récit, c'est ce qui diffère son propre achèvement, et que ce
qui s 'oppose à cet achèvement, c'est le récit même . Parce que surtout c'est un jeu et que la jouis­
sance du jeu , c'est brûler que ça finisse tout en désirant ardemment que ça continue.

Mais alors, s'il y a seulement des rôles , seulement du jeu , qu'est-ce qu'il y a vrai­
ment dans les films de Rivette? Ce tourbillon ludique est moins le signe d'une peur de la gravité ou
du sérieux que le refoulement, la phobie presque , de tout affrontement direct, frontal, violent
(sauf par le biais d'adaptations, La Religieuse, Noroît, Hurlevent) avec un sujet qui résiste, consiste
en un complexe de traumas, d'affects et de pulsions, qui fasse problème et prête à conséquences ,
le refus d e tout point defixation dont i l s e joue seulement dans une dérobade perpétuelle e t pres­
que dansée qui donne à ses films , aussi féminin que soit son univers, cette sorte de légèreté un
peu asexuée. Il ne veut croire qu'au jeu . Donc à la mise en scène . Qui devient son propre sujet, le
seul, celui du vrai et du faux. Nous voilà au théâtre .

LE FILM Er SON DOUBLE . Au théâtre , disait Jouvet, on joue ; au cinéma, on a joué.


Tout Rivette est là. Le cinéma, c'est la sécurité du produit fini, l'enregistrement de ce qui déjà n'est
plus, c'est un monde de fantômes. Dans les films de Rivette, il n'y aura donc que des disparus et
des revenants (souvent masculins) , avec entre les deux des médiums (plutôt féminins). Le théâtre,
à l'inverse, c'est le péril de l'instant, le ici et maintenant du geste et de la parole, la présence physi­
que des corps. Voilà pourquoi depuis toujours Rivette fait du cinéma avec du théâtre . Pour mettre
le "il était une fois" au présent. Par ailleurs, "si on prend un sujet qui traite du théâtre de près ou de
loin, on est dans la vérité du cinéma ( . . . ). Parce que c'est le sujet de la vérité et du mensonge , et
qu'il n'y en a pas d 'autres au cinéma: c ' est forcément une interrogation sur la vérité avec des
moyens qui sont forcément mensongers" . Vieille leçon renoirienne .

Condition et contrainte de la représentation: dire la vérité par l'apparence, les mas­


ques, l 'artifice . Claude , dans La Bande des quatre: "Jouer, c'est pas mentir, c'est chercher la vé­
rité " . Pour l 'acteur: chercher la vérité par le mensonge ; pour le cinéaste : en multipliant le men­
songe du cinéma par celui du théâtre . La seule vérité , c'est la réalité brute, enregistrée, de ce que
l 'acteur fait sur la scène et devant la caméra . "Qu'est-ce que vous faites, en vrai, dans la vie?", de­
mande ]uliet Berta au joueur d'échecs d 'Out One. "En vrai? Mais je fais rien en faux! " .

Et comme elle s'étonnait de l e voir jouer tout seul avec un partenaire imaginaire (Max
à Baptiste à la fin du Pont du Nord, leçon de karaté: "Il faut que tu penses à un ennemi imaginaire")
et qu'il lui rétorque: "Et vous, vous jouez à quoi?" "A n'importe quoi, mais pas toute seule" . Rivette n'a
136

L E S A V E N T U R E S D E L A F I C T I O N

pas un sujet (par exemple le théâtre) qui le pousserait à filmer et sur lequel il centrerait le film. Il a des
projets autour desquels réunir une troupe (et dont le théâtre est la métaphore). Comme il le répon­
dait à l'enquête de Libération, la question pour lui n'est pas: pourquoi filmer? mais: avec qui?.

Et c'est cela même qu'il filme . "Le théâtre , c'est la version "civile" du cinéma, c'est
son visage de la communication vers le public; alors qu'une équipe de film, c'est un complot, c'est
complètement fermé sur soi, et personne n'est encore arrivé à filmer la réalité du complot" . Sauf
que ce qui l 'intéresse dans le théâtre, ce n'est justement pas son versant public, c'est son envers.
Les seules représentations qu'il ait jamais filmées , dans L 'A mour par terre, sont des spectacles
privés et clandestins de théâtre d'appartement. Ce qui l'intéresse, ce sont les répétitions (de "Péri­
clès" dans Paris nous appartient, d'"Andromaque" dans L 'A mourfou, d'Eschyle dans Out One, de
Corneille, Racine ou Marivaux dans La Bande des quatre) : c'est la réalité du travail en train de se
faire par lequel le film met en abîme sa propre élaboration, mais aussi le secret du travail en com­
mun, les complicités qu'il tisse, la préparation d'un coup, bref, la conspiration.

Rivette a inventé, avec quelques autres, la "politique des auteurs". Il a surtout pro­
clamé, critique , la primauté de la mise en scène: "Notre génération sera celle des metteurs en scè­
ne: mouvant sur la scène illimitée de l'univers les créatures de notre esprit " . Au générique de ses
films, on ne lit jamais "un film de Jacques Rivette" mais "mise en scène: Jacques Rivette" . Vieux rê­
ve aussi du film comme entreprise collective , produit d'une complicité au lieu que cette compli­
cité soit platement au service du film, d"'un cinéma qui n'impose rien, où l'on essaie de suggérer
les choses, de les voir venir, où c'est d'abord un dialogue à tous les niveaux, avec les acteurs, avec
la situation, avec les gens qu'on rencontre" .

Dans l a disparition finale d e Constance laissant ses actrices livrées à elles-même à


la fin de La Bande des quatre, il y a le grand paradoxe rivettien, le fantasme, qui date de L 'Amour
fou, de la disparition du metteur en scène . Etre là mais hors champ, présent mais se faire invisible,
refuser toute programmation scénarique et programmer ce qui ne se programme pas en décidant
du hasard et de la liberté laissée aux acteurs et aux personnages, faire comme si on n'était pas le
chef d'orchestre et l'être en dépit de tout.

Comme l'explique le metteur en scène joué par Lonsdale dans Out One-. "c'est pas
un exercice avec un but précis. C'est un état enfantin de disponibilité . . . C'est un jeu " . Rivette: "Je
continue à penser qu'un film est plus intéressant s'il se passe des choses entre différentes personnes
( . . . ) En fait, il y a deux responsabilités dans un film, celle de dire: on le commence, et celle de dire:
on le finit ( . . . ) Mais tout le reste entre les deux, je pense que c'est plus intéressant s'il y a une ouver­
ture, même si cette ouverture est tactique, si c'est une manœuvre" . Créer les conditions de surgisse­
ment de l 'imprévu puis faire mine de s'éclipser, littéralement: s'effacer, voilà son stratagème . Ce
qu'il admire chez Altman ou Cassavetes: faire semblant de ne pas être démiurge, "cette impression
que quelque chose arrive, quelque chose vient en plus, qui n'était pas prévu" et qui se produit non
par décision de mise en scène ou par un effet de maîtrise, mais "parce qu'un certain nombre de gens
se sont trouvés réunis ensemble par certaines circonstances, comme par accident".

P o u TI QUE D U SCÉNARIO . En l 'absence apparente d'un auteur-démiurge , il faut


bien quelqu'un ou quelque chose qui en porte le chapeau , qui en soit le masque, c'est la surdéter­
mination d'un deus ex machina, d'une loi mabusienne, en un mot: le complot. Le théâtre est du
côté de la réalité du travail, de la recherche incessante d'une vérité, du jeu, bref de la mise en scè­
ne. Le complot du côté de la paranoïa et de la conjecture, de la préméditation et du mensonge, de
la terreur, bref, du scénario: manœuvres d'infiltration, organisations secrètes, terrorisme, filatures
-bribes d'une société clandestine, de pratiques louches et très exactement parallèles où se décide
à son insu la marche du monde. Grand jeu de l'organisation sociale. La loi elle-même n'est jamais
qu'une autre règle.

Le monde de Rivette est à double fond, entre chien et loup, et relève pour une part,
de la conspiration mondiale de Paris nous appartient aux trafics d'œuvres d'art et fausses remises
de peines de La Bande des quatre en passant par le mystérieux complot d 'Out One inspiré de la
préface de "L'histoire des Treize" de Balzac ou l'arrière-fond terroriste du Pont du Nord, de ce
qu'on pourrait balzaciennement -encore- nommer "l'envers de l'histoire contemporaine" . Le corn-
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L E S A V E N T U R E S D E L A F I C T I O N

plot, c'est ce qu'on ne voit pas, c'est l'invisible , et c'est ce qui fait chez Rivette la terreur de la Loi et
du Pouvoir: être, littéralement, infilmables, puisqu 'ils n'ont pas de visage , seulement des réseaux
d'influence . Le complot n'existe que par ce qu'on en dit, ce qu'on en imagine ou ce qu'on en
soupçonne sur le devant de la scène : toujours hors-champ puisque que c'est depuis les coulisses
qu'on en tire les ficelles.

Cet envers de ! 'Histoire , c'est d'abord celui du scénario , ses dessous, ses souter­
rains obscurs et le complot -ou ce qu'on résume par là- ce qui met en branle sa machination. Les
scénaristes de Rivette (comme tous les scénaristes, mais lui en tient compte et s'en sert) ne sont
rien d'autre que des intrigants, des conspirateurs travaillant à donner à la préméditation le visage
du hasard et à l'artifice le visage du naturel, par tout un système de coïncidences, de significations,
de renvois, d' implications réciproque s , qui font q u e , avec ses p istes qui b ifurquent, ses in­
connues, ses énigmes non levées, ses disparitions , ses recoupements qui se font ou pas, le com­
plot s 'identifie aux tours et aux détours d'un scénario qui paraît alors se tramer dans l 'instant.
Façon de mettre le scénario dans le film, comme quelque chose à quoi doivent s'affronter les per­
sonnages, dans un labyrinthe dont ils doivent trouver la sortie .

Et cette sortie, la liberté, la vérité , c'est toujours, à travers les épreuves de l'illusion,
ce que cherchent les personnages de Rivette. C'est là que le complot, avec ses ambiguïtés mainte­
nues, ses jeux de masques et d'identités, ses fausses vérités et ses faux mensonges, ses vrais-faux
papiers et ses faux-semblants rejoint le théâtre (sauf que la vérité du complot finit toujours par se
savoir, dit-on dans La Bande des quatre, alors qu'au théâtre on n'en finit jamais de la chercher) . Il
faut voir les films de Rivette, aussi mis en scène soient-ils (mais la mise en scène, c'est ce par quoi
la fiction se délivre de toute programmation) comme des documentaires sur une fiction que des
personnages jouent à inventer sous nos yeux.

Cette fiction est toujours la même depuis Paris nous appartient qui est la cellule de
base dont tout son cinéma procède, qu'il ne cesse de retravailler, de varier, de refaire, soit par par­
tie, soit en entier, dont il ne cesse de remettre en jeu et de combiner les figures. A la fois parce que
ce film programme très fortement un système d'idées fixes, une galaxie d'obsessions (qui toutes
ont à voir avec un système formel, avec ce qui /ait le cinéma au moment, l 'émergence de la Nou­
velle Vague, où il est en train de prendre conscience de lui-même et de ce qui en lui finit). Et parce
qu'à partir du moment où Rivette va s'avancer de façon plus aventureuse, sans scénario ni matière
fictionnelle aussi strictement déterminés, "à l'estime" , comme disent les marins, Paris nous appar­
tient -puis au fur et à mesure les films qui en naîtront- va constituer un repère auquel se référer,
une réserve dans laquelle puiser.

Peu de cinéastes à ce point font table rase au commencement de chaque projet: les
règles sont à réinventer à chaque fois. "Qui peint d'après son projet ne fait qu'une peinture plate .
Il faut tuer peu à peu les idées qu'on a eues" (Paulhan, "Braque le patron"). Sa force, c'est la vitesse
et la densité de constellation de la fiction à partir de ce rien qui est peut-être, encore une fois, tac­
tique. Mais peu de cinéastes, aussi, refont à ce point toujours le même film, maintiennent un cap
aussi constant et aussi peu évolutif en dépit d'embardées apparentes (Hurlevent), inlassablement
reprenant et variant sur le même mode les mêmes motifs, récapitulant et redistribuant les cartes de
leur cinéma comme le fait Rivette.

C'est que l 'important, pour lui, ce sont moins les cartes, qui sont toujours les mê­
mes , que le déroulement jamais identique de la partie , et que les gestes et que les visages des
joueurs, qui changent.
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L E S A V E N T U R E S D E L A F I C T I O N

J u l ie! B e rta , Céline et Julie vont en bateau, c o l l . "Cah iers d u c i n é m a "


L A G E O G R A F I A D E L L A B I R I N T O

A D R I A N O A P RÀ

ln Paris nous appartient la fascinazione dell'intreccio, o dell'intrigo, che è uno dei terni maggiori
del cinema di Rivette, viene esposta e giustificata. Partendo dal cinema di Fritz Lang, che qui viene
citato esplicitamente , (la sequenza di Metropolis proiettata in casa di George) , Rivette cerca di in­
trecciare due codici, quello del cinema americano poliziesco e quello del neorealismo . L'eredità
neorealistica della Nouvelle Vague è naturalmente tutta particolare: la si potrebbe ricondurre a un
solo autore, Rossellini, se non emergesse anche un altro dato, che gli stessi cineasti usavano rias­
sumere con la formula: parlare soltanto delle cose che si conoscono . Di qui l 'ambientazione di
moiti dei primi film della Nouvelle Vague, le situazioni e i personaggi di tutti i giorni (all'interno,
naturalmente, di "un piccolo mondo'' , quello di intellettuali borghesi caratterizzati dalla loro mar­
ginalità e dalla loro inquietudine nei confronti di una società respinta più che combattuta).

Anche Godard coniugava Hawks, Cocteau e il cinema-verità in Fino all'ultimo re­


spira. Ma in Rivette l 'operazione è meno "cinematografica " ; ha , in qualche modo , un'ambizione
maggiore: verificare l'intrusione di un tema astratto (quello dell'intrigo, appunto, e della paranoia
che Io accompagna e Io produce) su una base verosimile: gli srudenti, i salotti, le strade di una gio­
ventù alla ricerca nostalgica, e già votata allo scacco , di un eroismo perduto , vista corne la gio­
ventù tout court con i suoi drammi d'amore di classica memoria. Parigi ci appartiene? 0 essa è in­
vece una città da! volto doppio , trappola che ci ossessiona ne! nostro vivere quotidiano, labirinto
da dove solo l'illusione di essere giovani ci tiene distanti? Anne subisce un'esperienza che è innan­
zitutto di maturazione : una educazione sentimentale, il cui classico percorso è perô ostacolato da
quelle che sono, agli occhi di Rivette, le prerogative della maturità : l'uscita da! sogno della giovi­
nezza per entrare, ad occhi aperti, in quello, assai più tangibile , e privo di illusioni, dell'età adulta .
Questa società adulta non sa che farsene dell'amore ingenuo di Anne o della purezza artistica di
Gérard. Non sa che farsene neppure della sofferenza di Terry e di Philippe . E' a suo agio solo
nell'universo popolato da creature senza ideali corne Pierre , corne Georges, corne Boileau . La vit­
tima sacrificale, Juan, non serve a placare !'ira degli dei, e altre vittime seguiranno la prima. La ve­
rità è che non siamo più in un mondo classico, governato da leggi precise , ma in quello ambiguo e
caotico della modernità, che si nutre di vittime per potersi riprodurre.

Il piccolo mondo verosimile della Parigi di Rivette e compagni non trova riscatto
nell'intrigo langhiano. Esso non vi aleggia corne un fantasma carico di presagi, ma vi cala dentro,
ne è l 'altra faccia , faccia degradata di modelli più energici (e terrorizzanti : la macchina sociale di
Beyond a Reasonable Doubt è ben più seria , ben più concretamente collegabile con la società
americana di cui Lang ci fornisce qui un'implacabile immagine) . Anne credeva di giocare e si tro­
va mischiata a cose serie, ma presto dovrà accorgersi della vanità delle sue illusioni corne di questi
fantasmi. Dietro la morte del compagno spagnolo Juan o quella di Gérard non si nasconde nulla di
concreto, se non queste illusioni che si sono messe in scena, se non il teatro della nostra clispera­
zione. E' corne se il film ci raccontasse il tentativo di alcuni personaggi di dare forma ai nostri fan­
tasmi e di promuoverli a uno statuto sociale; di uscire da! proprio isolamento e di sentirsi parte di
1 Cfr. Lettre sur Rossellini,
un gruppo, se non di una collettività, e di dare cosi senso al proprio impotente gesticolare - anche
"Cahiers du cinéma" , n. 46, se questo gruppo fa paura, anche se in esso si cela la morte. Né Metropolis né Guernica (che s'in­
avril 1954; et La main. , travede in casa di Terry), corne due immagini della reazione e della rivoluzione , saranno mai rag­
"Cahiers du cinéma'', n. 76,
novembre 1957, p. 1 37). giunte dai personaggi di Paris nous appartient, che vivono ancora in un universo che li mima e di
cui, al massimo, è la coscienza impotente . Questo universo è un universo teatrale, che ha perduto
il suo classicismo e la sua possibilità di armonia . Gérard Io spiega ad Anne : solo la musica puè> ri­
condurre in ordine i fili di una situazione caotica, la musica che Juan ha registrato sui nastro per la
messa in scena del Pericle, nastro che è andato perduto e che , quando lo sentiremo (in casa di
Terry), nulla avrà più di quel fascino politico, quell'eco della guerra di Spagna e della resistenza,
che potevamo subodorare all'inizio . Ma, dicevo, in questo film i terni cari a Rivette vengono espo­
sti e giustificati. Poiché qui i morti hanno un corpo, la paranoia viene dichiarata, gli intrecci ven­
gono sciolti. Anne (al contrario per esempio di Colin in Out One) porta avanti la sua inchiesta per
motivi precisi, psicologicamente giustificati: il suo amore per Gérard e la rivelazione che Philippe
ubriaco le fa una notte . Juan è qualcuno che ha un nome , delle amicizie , delle tracce precise . E la
140

LA G E O G R A F I A D E L L A B I R I N T O

scena in cui si vede il cadavere di Gérard, corne il flash (attribuito ad Anne : ma è il segno che ha
colto, per la prima volta, il meccanismo dell'intrigo) in cui vediamo Terry uccidere con un colpo di
pistola Pierre , queste scene non hanno, in ultima analisi altra funzione che quella di sciogliere il
mistero, di concludere insomma, per riportare senunai il terrore e l'angoscia ad un altro livello, più
impercettibile , meno tangibile , ma non meno concretamente cinamatografico: quello delle ulti­
missime inquadrature della campagna, dove il senso è diffuso e non più fittizio: la nostalgia, si po­
trebbe dire , per la realtà (in quanto opposta al teatro) più che per la natura.

Insonuna, dal labirinto di Paris nous appartient alla fine si esce; un residuo di psi­
cologismo (emergente soprattutto nel personaggio di Anne) un fondo di credibilità che accompa­
gna tutte le situazioni ci rendono il film tutto sommato familiare, l 'intrigo verosimile (e di fatto non
so più quale "caso" è venuto, qualche tempo dopo il film, a verificare nella realtà politica francese
la finzione) . Rivette non ha ancora conquistato due elementi maggiori del suo cinema: la frantu­
mazione del personaggio e la struttura matematica dell'intreccio che caratterizzeranno invece,
dieci anni dopo, quel remake di Paris che è Out One.

Sembrerebbe che La religieuse insista ancora di più sulla nozione di personaggio


centrale , fortemente caratterizzato psicologicamente, a tutto tondo corne si dice; l'opposto di cio
che Rivette individuava nel cinema di Fritz Lang. Ma in questo film l'accentramento del personag­
gio si confronta con la frantumazione di un universo, quello del potere, al cui confronto esso soc­
combe. Suzanne oppone una coscienza primitiva, primaria, del bene e del male, della libertà e
della violenza, a una società che la respinge, e in cui essa viene reclusa. I due conventi, col loro si­
stema di celle, di cappelle, di chiostri, vengono filmati corne labirinti (e non importa se sono pri­
gioni o castelli di libertinaggio) , e Anna Karina corne una mosca presa in trappola, che tenta di­
speratamente di uscire fuori (è questa disperazione , il rapporta fisico fra un corpo e dei muri, che
Rivette privilegia) . Alla fine Suzanne si ribella al labirinto, di cui non ha mai accettato le leggi né
subito il fascino (al contrario di Anne o di Colin), ma scavalca il muro solo per ricadere in un "fuo­
ri" che è l 'immagine speculare del "dentro" . Nel gioco di specchi e di maschere, nel trionfo della
teatralità (la sequenza finale della festa), Suzanne suggella col proprio suicidio l'impossibilità per
l'uomo morale, di sopravvivere. In questo film, peraltro, il contesto storico permette di dare nome
e volto al potere, analizzato al di fuori della metafisica, non corne universo astratto (o non solo)
ma nelle sue determinazioni storiche, politiche ed economiche. In questo film, in cui la morbidez­
za del piano-sequenza alla Mizoguchi è corretta - criticata - dall'uso del suono e del montaggio
(del taglio) alla Straub, Rivette riesce meglio che negli altri suoi film a respingere il fascino del labi­
rinto e l'attrazione per il vuoto che lo ossessionano. Senza rinunciare né all'uno né all'altra, Rivet­
te qui si confronta con meno distanze con la materia del cinema, a cui fa giocare il ruolo di trasfor­
matore in termini fisici di quella metafisica dell'Idea che sovrasta altri suoi film.

Il teatro e il corpo vengono affrontati ancor più direttamente in L 'amourfou. In Pa­


ris nous appartient la messa in scena di Pericle non rappresentava la presenza del Teatro tanto be­
ne quanto l'ossessione paranoica del complotto che genera e muove i personaggi e la loro storia.
D 'altra parte gli attori appaiono diretti per somigliare assai più ai modelli saggistici individuati in
Viaggio in !tafia o in Beyond a Reasonable Doubt 1. In La Religieuse (tutto iscritto nella coscienza
critica della finzione filmica, di cui i tre colpi che lo aprono sono il rivelatore più che una compia­
ciuta strizzatina d'occhio agli spettatori avvertiti), l'emergenza del corpo - corne lavoro sull'attore -
non ha ancora cessato di uniformarsi a modelli classici (per continuare a citare Rivette critico, alla
fisicità degli attori hawksiani, e hollywoodiani in genere , dove "i passi dell'eroe tracciano le figure
del suo destino")2. Con L 'amourfou fa perentoriamente ingresso il "nuovo cinema" e la sua nuova
coscienza critica . L'elemento da cui Rivette parte , e che porta alle sue estreme conseguenze, è
quello del cinema diretto: le cui maggiori connessioni sono non tanto con Rouch (è il caso di Go­
dard) quanto con cineasti americani corne John Cassavetes (Faces, per esempio, che tuttavia è un
film posteriore) . Voglio dire che non è tanto l'intrusione della verità nella finzione, o il trasformar­
si di quella in questa a interessarlo, quanto più semplicemente il tentativo di un'uscita dal teatro e
dal suo gioco di maschere per pervenire a una rappresentazione della "vita" di cui la tecnica del ci­
nema diretto aiuti a cogliere, quasi didascalicamente , le coordinate. Il modello classico di un tale
cinema è Renoir. Film corne La ch ienne o Madame Bova ry appaiono oggi corne documenti sui
comportamento borghese o piccolo-borghese, sulle sue determinazioni socio-economiche, sulla
storia cioè che determina la vita privata delle persone in un preciso contesto . Renoir si serve del
141

L A G E O G R A F I A D E L L A B I R I N T O

cinema (per esempio della narrazione) a fini sociali. In Rivette, invece, il cinema rischia sempre di
emergere in primo piano, di affascinare e accecare . La durata insolita del film permette di sfuggire
alla determinazione del racconto, sicchè si puè> dire (cosa del tutto insolita) che è il comportamen­
to ad essere il dato emergente del film, e solo sullo sfondo possiamo intravedere una storia, che
funziona vagamente da supporto di questo documentario primo; mentre di solito assistiamo a sto­
rie entro cui s'infiltra un comportamento . Questo fatto non è senza importanza. Il film di Rivette
(corne quelli di altri suoi colleghi: vedi Faces, Portrait ofjason, Blue Movie, nonchè La maman et
la putain) ambisce a fondare un cinema antropologico, in cui lo spettatore non si pone di fronte a
uno spettacolo da cui vuol essere intrattenuto ma di fronte a un saggio da cui vuole trarre una co­
noscenza: la conoscenza, che solo il nuovo medium puè> fornirci, del comportamento dell'uomo,
e in particolare dell'uomo privato. Finora noi abbiamo conosciuto l'uomo privato solo guardando
noi stessi, o le persone che ci sono vicine. Gli altri li vediamo sempre e solo, necessariamante, in
situazioni pubbliche: conosciamo l'uomo della strada, lo incontriamo nei locali, negli uffici, nelle
fabbriche. Di quello che fa in casa, da solo, sappiamo poco o niente .

Una delle grandi " invenzioni" del cinema è stata proprio questa: gettare un occhio
nella vita privata delle persone . Ma il cinema Io ha fatto con una serie tale di precauzioni e di dife­
se da pervenire a un altro accecamento: Hollywood e le sue storie d'amore sono un modello cul­
turale del comportamento privato che passa attraverso i codici in parte già superati, dell'eroe, del­
la bellezza, se non necessariamente della situazione eccezionale. Ma già Rossellini insegna qual­
cosa di diverso quando filma Anna Magnani e Francesco Grandjacquet sulle scale di casa di Roma
città aperta, o la Bergman in Europa 51, in Viaggio in /talia, e soprattutto in Siamo donne. Il moti­
vo è che la vita privata non è più una zona cosi separata dalla vita pubblica da richiedere tante pre­
cauzioni per essere accostata. La sua "verità" non è più accecante per chi, corne Rossellini, vive la
vita moderna in profondità e ne percepisce le trasformazioni rispetto all'epoca passata. Il diafram­
ma pubblico/privato è sempre meno netto; i mass media fanno della casa stessa una strada, e l 'oc­
chio tecnologico del cinema è sempre meno un voyeur e sempre di più un'estensione dell'uomo,
corne appunto Siamo donne insegna . Ciè> non toglie, naturalmente, che filmare non sia un gesto
innocente, ma sottomesso a regole, e quindi alla messa in scena di una finzione (niente Zavattini,
insomma) . Ma queste regole non vengono occultate : l ' attore è dichiaratamente il tramite di
un'operazione conoscitiva; è già attore televisivo.

L 'amourfou sembra mordersi la coda, e ritrovare alla fine quella fascinazione dello
spettacolo, o almeno della scena, che sembrava aver respinto. Il fatto è che il comportamento fil­
mato da Rivette è privo di determinazioni di classe; non solo, ma si fonda su una separazione tipi­
camente borghese fra pubblico e privato (fra scena teatrale e scena familiare) , separazione regi­
strata corne tale, contemplata fino alla fascinazione, mai risolta . Non che tale separazione resista :
infatti il film è la storia di una disgregazione, la storia di un'impossibile armonia, il tentativo già de­
stinato allo scacco di tenere separati, di filmare con scene distinte, il teatro e la vita. Esse finiscono
per interferire fra di loro, e di annullarsi a vicenda . Ma sembra che il piacere delle riprese consi­
stesse proprio in questa epica della distruzione . L'alternarsi fra le due scene produce una situazio­
ne speculare di fascinazione. Chiusi nell'appartamento o ne! palcoscenico, né il gruppo né l'indivi­
duo possono sfuggire, corne topi avvelenati, alla morte !enta, che Rivette sembra guardare con rigo­
re antropologico e insieme con singolare godimento. E' insomma l'occhio del cinema a interessarlo
2 Cfr Génie de Howard Hawks, più di ogni altra cosa, e questo sguardo affascinato si tiene distante dalla realtà filmata, non osa mai
"Cahiers du cinéma", analizzarl a , frantumarl a , ricomporl a . La macchina da presa nell'appartamento è " invisibile " ; e
n. 23, maggio 1953. l'emergenza del 1 6mm a teatro è improduttiva. Se il merito di Rivette è qui di scoprire la scena priva­
ta al di fuori dello spettacolo, il suo limite è di restare affascinato da tale scoperta e di vedere quindi
il comportamento privato in astratto, per quanta "documentaristicamente" esso sia filmato.

Renoir è un grande documentarista. Rossellini un grande storico. Rivette indubbia­


mente filma una realtà più "moderna" , più vicina aile nostre preoccupazioni quotidiane, ma da un
punto di vista meno generale, più coinvolto e più irretito con le cose che filma. Gli manca un pun­
to di vista morale , una scelta. Non necessariamente per impotenza, ma perché questa scelta è as­
sente nel labirinto della modernità che filma. Se La Religieuse è in questo senso un'eccezione (Su­
zanne "esce" da! labirinto con un gesto morale) , lo è perè> all'interno del classicismo: la bellezza
del film è autorizzata dalla rinuncia di Rivette alla modernità caotica . Out One: Spectre (non ho vi­
sto la versione di 12 ore e 40 del film, che certamente complicherebbe questo discorso) pone il la
142

L A G E O G R A F I A D E L L A B I R I N T O

Dom i n i q u e Labou r i e r , J u l i et birinto al centro del film. Ma questo centro agisce per assenza. Colin Qean-Pierre Léaud) e Frédé­
B e rta, Céline et rique Quliet Berto) sono i giovani, cioè i marginal i , corne Anne e Suzanne. Essi vivono soli e subi­
Julie vont en bateau
scono la città , cioè la vita aggregata , il gruppo. Ma l a Joro inqu ietudine , la Joro nostalgia dell'ordi­
ne, cioè del l ' appartenenza a u n gru p p o , a una dimensione sociale, quale che essa sia, l i fa agire
per recuperarl a . Essi vogliono sfuggire a l labirinto senza senso della Joro solitudine e finiscono
per precipitare nel labirinto di gruppo, prodotto da Joro stessi. Parigi finisce per appartenergli, ma
essa è soltanto il meccanismo di una finzione, che l i allontana ancora di piü da una conoscenza
della realtà . Rispetto a Paris nous appartient Rivette fa u n passo avanti fondamental e .

Rinuncia al " neorealismo " di q u e l film e I o immette tutto ne lia tecnica d e l l ' improv­
visazione ; mentre la finzione , i meccanismi del racconto , diventano ] \mica linea che coordina e
"dà senso" ai vari blocchi d ' improvvisazione . Solo che qu esta linea è spezzata ; non è neanche una
linea, anzi, ma una sinuosa curva a spirale che si avvicina a u n fantomatico centre) , sempre intravi­
sto e sempre spostato in avanti ( Igor, corne Juan in Paris) .
143

L A G E O G R A F I A D E L L A B I R I N T O

Non c'è più spazio per le psicologie , non c'è più un personaggio a tutto tondo (corne ancora An­
ne) che garantisca, con la sua continuità , un ordine. Ci sono soltanto degli attori e il lavora che essi
compiono sui loro corpo e sulla lora voce . In questo senso le scene di teatra non fanno che esibire
un lavoro che nel film è costante. Gli attori recitano Out One non un testo definito e definitivo; essi
provano, e Rivette si riserva al montaggio di innestare questa "verità" , questa concretezza fisica, in
un labirinto paranoico di cui essi sono le vittime prima ancora che i pratagonisti . Colin riceve un
messaggio misterioso e nel tentativo di decifrarlo scopre l'esistenza di un complotto diretto anche
contra di lui; ma è vera anche che questo complotto non esiste fino a quando lui non lo rimette in
funzione con la sua inchiesta, sicchè si scoprirà che lui fa parte del complotto tanto quanto gli altri,
e che questo complotto (privo di obiettivi) è solo quello del racconto, è quello che permette a Ri­
vette di fabbricare un film. Il complotto è quello che gli spettatori costruiscono mettendo in relazio­
ne fra di lora le diverse tessere di questo mosaico; e la paranoia di Colin non è diversa da quella
dello spettatore abituato all'ordine del racconto che si ritrava in una sala per più di quattra ore, im­
possibilitato a orientarsi e costretto a inventarsi un intreccio, fra i tanti che potrebbero costruirsi. E
questo perché la sala e lo schermo sono ancora i luoghi di un rituale, <love confluiscono le contrad­
dizioni e le angosce non risolte fuori di essi. Insomma, è ancora lo specchio affascinante e accecan­
te a funzionare. Devo dire perà che il passo avanti di Rivette è ricco d'insegnamenti. Se il film non è
un'alternativa allo "spettacolo'' , esso è perà una messa in crisi definitiva di esso, una sorta di con­
densazione ed esibizione di tutte le ricerche che, da Godard ad Oshima, hanno operato nel cinema
moderno per distruggere la buona coscienza della finzione e della narrazione . E' costantemente
percepibile negli attori questo sforzo di entrare in una finzione che non gli appartiene; ma essi non
padraneggiano la finzione, corne un attore brechtiano, la percepiscono con paura e affascinamen­
to. Sono le vittime della modernità, cosl poco care a Rossellini, uccelli ciechi che danzano la loro vi­
talità nel momento in cui hanno perso ogni possibilità di orientamento. Questo orientamento as­
sente, e questa confusione esibita, sono politici. Alla politica il film rimanda costantemente, ma in
maniera metaforica: la politica è l'ordine nella polis, e lo spettro di questo ordine è il fascismo.

Ma un fascismo (ancor più di quello esplicito in Paris) sfuggente e misterioso, me­


tafisico (diversamente da quello dei film di Robert Kramer, con cui ci sono stati recipraci scambi) .
E' chiara che non è più possibile contrapporre un bene a un male, corne ancora era possibile ai
tempi assai sognanti della nouvelle vague, quando si opponeva la guerra di Spagna a Metropolis.
Ma questa rinuncia a rinchiudersi nel sogno della politica non basta a far fare un passo avanti .
Quando entriamo finalmente nella stanza misteriosa della villa sul mare , dove sembra celarsi, co­
rne in un racconto di Borges, il centra, non vediamo che una galleria di specchi: che forse non ci
affascina più corne in un film di Hitchcock , ma che certo non ci aiuta a orientarci. E' chiara che
l 'orientamento, la scelta, l'azione non sono più dipendenti da un centra, che l'universo in cui vi­
viamo si spiega secondo una logica del decentramento: ma solo una coscienza nostalgica vede in
questo decentramento un labirinto senza fine.

Ma un orientamento, almeno, esiste nel cinema di Rivette, ed è l'insegnamento del


cinema stesso. Il testo sul montaggio3 , già rivettiano nella sua struttura, è un po' la chiave teorica dei
suoi ultimi film, anche se credo che esso vada letto in connessione con la metafisica assai articolata e
produttiva dei suoi testi su Rossellini e su Lang. Con esso, e con i film che da esso derivano, riuscia­
mo assai bene ad orientarci in quell'universo chiuso in se stesso, che spesso funziona metaforica ­
l Cfr. "Cahiers du cinéma", n. mente rispetto all'altro, che è il cinema (in particolare il cosiddetto "nuovo cinema"). In esso i codici,
210, marzo 1 969. certo molto complessi, travano un senso, e perfino un segno ideologico. E nella misura in cui Out
4 Cfr l'intervista Le temps
One vuole essere un film che funziona unicamente all'interno del codice cinematografico, esso è un
déborde a cura di Jacques
Aumont, Jean-Louis Comolli, film positiva. Manca in esso l'ambiguità di L 'amourfou, la sua accecante "verità" . Se Claire e Séba­
Jean Narboni e Sylvie Pierre, stien vivono per noi un dramma in cui possiamo tutti più o meno riconoscerci (e che Rivette tenta di
"Cahiers du cinéma" n. 204,
criticare opponendolo in maniera "aperta" al dramma classico, quallo raciniano) , Colin e Frédéri­
settembre 1968.
s Geografia del labirinto è que, Sophie, o Thomas, o Emilie, recitano unicamente e costantemente in funzione di un racconto
stato pubblicato cinematografico, ed in esso esauriscono l'esibizione del proprio corpo. Nulla "esiste" fuori del film.
originariamente in Adriano
Aprà (a cura di), Il cinema di Se il film si pone non corne universo chiuso in sé ma corne un'emergenza di quell'universo chiuso in
Jacques Rivette, Quaderno sé che è il cinema, tutto si spiega. Anche Rivette è d'accordo nel dire che "cià che c'è di più impor­
inforrnativo n. 62, 1 0° Mostra tante politicamente è l'atteggiamento che il cineasta prende in rapporto a tutti i criteri estetici, in­
Internazionale del Nuovo
Cinema, Pesaro, 1974. somma cosiddetti estetici, che reggono l'arte in generale, l'espressione cinematografica fra triple vir­
golette in particolare"4 . Allora il film appare chiara, ogni paranoia si dissolve , e siamo pronti per
fabbricare altri films .
1 44

L A G E O G R A F I A D E L L A B I R I N T O

J u l ie! Berio, Dom i n i q u e Labo u r i e r , Céline et Julie vont en bateau, col l . " C a h i e r s d u c i n é m a "
L A G É O G R A P H I E D U L A B Y R I N T H E

A D R I A N O A P RÀ

Dans Paris nous appartient, la fascination pour l'histoire , ou pour l'intrigue , qui est l'un des thè­
mes majeurs du cinéma de Rivette, est exposée et justifiée . En partant du cinéma de Fritz Lang, ici
explicitement cité (la séquence de Metropolis projetée chez George) , Rivette essaie de nouer deux
codes, celui du cinéma policier américain, et celui du néo-réalisme . L'héritage néo-réaliste de la
Nouvelle Vague est naturellement tout à fait particulier: on pourrait le ramener à un seul auteur,
Rossellini, si une autre donnée n'émergeait pas, et que les cinéastes eux-mêmes aimaient résumer
par cette formul e : ne parler que des choses que l'on connaît . D'où le "milieu" dans lequel se
déroulent bien des premiers films de la Nouvelle Vague, avec des situations et des personnages de
tous les jours (au sein naturellement d'un " petit monde " , celui des intellectuels bourgeois , ca­
ractérisés par leur marginalité et par leur inquiétude, face à une société qu'ils repoussaient plutôt
qu'ils ne la combattaient) .

Godard lui aussi conjugait Hawks , Cocteau et le "cinéma-vérité " dans A bout de
souffie. Mais chez Rivette, l'opération est moins "cinématographique"; il a, en quelque sorte, une
ambition plus grande : vérifier l'intrusion d'un thème abstrait (celui de l'intrigue justement, et de la
paranoïa qui l'accompagne et le produit) sur une base vraisemblable : les étudiants, les salons, les
rues d'une jeunesse en proie à une quête nostalgique, et déjà vouée à l'échec, d'un héroïsme per­
du , vue comme la jeunesse tout court, avec ses drames d'amour de mémoire classique . Paris nous
appartient-il? Ou est-ce au contraire une ville au visage double, piège qui nous obsède dans notre
vie quotidienne , labyrinthe duquel seule l 'illusion d'être jeune nous tient à distance? Anne subit
une expérience qui est avant tout une expérience de mûrissement: une éducation sentimentale
dont le parcours classique est pourtant semé par les obstacles que sont, aux yeux de Rivette , les
prérogatives de la maturité : la sortie du rêve de la jeunesse pour entrer, les yeux ouverts, dans ce­
lui bien plus tangible , et sans illusions, de l'âge adulte . Cette société adulte qui ne sait que faire de
l 'amour naïf d'Anne , ou de la pureté artistique de Gérard. Ni de la souffrance de Terry et de Phi­
lippe non plus. Elle n'est à son aise que dans un univers peuplé de créatures sans idéaux comme
Pierre , comme George , comme Boileau . Juan, la victime sacrificielle , ne sert point à calmer la
colère des dieux, et d'autres victimes suivront la première. La vérité est que nous ne sommes plus
dans un monde classique, gouverné par des lois précises, mais dans le monde ambigu et chaoti­
que de la modernité, qui se nourrit de ses victimes pour pouvoir se reproduire.

Le petit monde vraisemblable du Paris de Rivette et compagnie ne parvient pas à se


racheter dans l'intrigue langien. Il n'y flotte pas comme un fantôme chargé de présages, mais il y
plonge , il en est l'autre visage, le visage dégradé de modèles plus énergiques (et terrorisants : la
machine sociale de Beyond a Reasonable Doubt est bien plus sérieuse , plus concrètement ratta­
chable à cette société américaine dont Lang nous donne une image implacable) . Anne se croyait
en train de jouer, et elle se trouve mêlée à des choses sérieuses , elle devra bien vite se rendre
compte de la vanité de ses illusions comme de ses fantômes. Derrière la mort de son compagnon
Juan, ou celle de Gérard, il ne se cache rien de concret, sinon ces mêmes illusions qui se sont mi­
ses en scène, sinon le théâtre de notre désespoir. C'est comme si le film nous racontait la tentative
de certains personnages de donner forme à leurs propres fantômes, de leur donner un statut so­
cial ; de sortir de leur isolement et de se sentir appartenant sinon à une collectivité, du moins à un
groupe, et de donner par là un sens à leurs gestes impuissants - même si ce groupe fait peur, mê­
me s'il recèle la mort en lui. Ni Metropolis, ni Guernica (que l'on entrevoit chez Terry) , comme
deux images de la réaction et de la révolution ne seront jamais atteints par les personnages de Pa­
ris nous appartient, vivant encore dans un univers qui les mime et dont il est tout au plus la cons­
cience impuissante . Cet univers est un univers théâtral, qui a perdu son classicisme et sa possibi­
lité d'harmonie . Gérard l'explique à Anne : seule la musique peut remettre de l'ordre dans les fils
d'une situation cahotique, la musique que Juan a enregistrée sur un ruban magnétique pour la mi­
se en scène de Péric/es, ruban qui a été perdu et qui, quand nous l'entendrons (chez Terry) n'aura
plus rien de cette fascination politique , de cet écho de la guerre d'Espagne et de la résistance, que
nous pouvions y pressentir au début. Mais, disais-je, dans ce film, les thèmes chers à Rivette sont
exposés et justifiés. Puisqu 'ici en effet les morts ont un corps, la paranoïa est déclarée, les nœuds
146

L A G É O G R A P H I E D U L A B Y R I N T H E

de l'histoire sont dissouts . Anne (contrairement à Colin dans Out One par exemple) poursuit son
enquête pour des motifs précis, psychologiquement justifiés: son amour pour Gérard et la révéla­
tion que Philippe, ivre, lui fait une nuit. Juan est quelqu'un qui a un nom, des amitiés, des traces
précises. Et la scène où l'on voit le cadavre de Gérard, comme le flash (attribué à Anne: mais c'est
là le signe qu'elle a saisi, pour la première fois, le mécanisme de l'intrigue) où l'on voit Terry tuer
Pierre d'un coup de revolver, ces scènes n'ayant pour autre fonction, en dernière analyse , que de
dénouer le mystère, de conclure en somme, pour rapporter plutôt la terreur et l'angoisse à un au­
tre niveau , plus imperceptible, moins tangible, mais non pas moins concrètement cinématogra­
phique, à savoir celui des tout derniers plans sur la campagne , où le sens est diffus et non plus fic­
tif: la nostalgie , pourrait-on dire , envers la réalité (en tant qu'elle s'oppose au théâtre) plutôt
qu'envers la nature .

En somme , à la fin on sort, du labyrinthe de Paris nous appartient; un résidu de


psychologisme (émergeant surtout dans le personnage d'Anne) , un fond de crédibilité qui accom­
pagne toutes les situations rendent le film tout compte fait familier, l'intrigue vraisemblable (et en
effet, il se trouve qu'il s'est produit un "càs" réel , je ne sais plus lequel , venu en vérifier la fiction,
quelque temps après le film, dans la réalité politique française) . Rivette n'a pas encore conquis
deux éléments fort importants de son cinéma : l ' éc latement du personnage et l a structure
mathématique de l'intrigue qui caractériseront dix ans plus tard au contraire ce remake de Paris
qu'est Out One.

Il semblerait que La Religieuse insiste encore plus sur la notion de personnage cen­
tral, fortement caractérisé psychologiquement, en ronde-bosse comme on dit: l'opposé de ce que
Rivette voyait dans le cinéma de Fritz Lang. Mais dans ce film, la concentration du personnage se
confronte à l'éclatement d'un univers, l 'univers du pouvoir, en face duquel il a le dessous . Su­
zanne oppose une conscience primitive, primaire, du bien et du mal, de la liberté et de la violence,
à une société qui la repousse, et dans laquelle elle est cloîtrée . Les deux couvents, avec leur systè­
me de cellules, de chapelles, de cloîtres, sont filmés comme des labyrinthes (peu importe que ce
soient des prisons ou des châteaux de libertinage) , et Anna Karina comme une mouche prise au
piège, qui tente désespérément d'en sortir (c'est ce désespoir, ce rapport physique entre un corps
et des murs que Rivette privilégie) . Finalement, Suzanne se révolte contre le labyrinthe, dont elle
n'a jamais accepté les lois ni même subi la fascination (contrairement à Anne ou à Colin) , mais elle
ne saute par dessus le mur que pour retomber dans un "dehors" qui est l'image spéculaire du "de­
dans" . Dans le jeu de miroirs et de masques, dans le triomphe de la théâtralité (la séquence finale
de la fête) , Suzanne scelle de son propre suicide l'impossibilité, pour l 'homme moral, de survivre.
D'ailleurs, dans ce film, le contexte historique permet de donner un nom et un visage au pouvoir,
analysé hors de la métaphysique , non pas (ou non pas seulement) comme un univers abstrait,
mais dans ses déterminations historiques, politiques et économiques . Dans ce film, où la légèreté
du plan - séquence à la Mizoguchi est corrigée, critiquée, par une utilisation du son et du montage
(du découpage) à la Straub, Rivette réussit là mieux que dans ses autres films, à repousser la fasci­
nation du labyrinthe et l 'attirance du vide qui l 'obsèdent. Sans renoncer ni à l 'une ni à l 'autre , Ri­
vette se mesure ici, avec moins de distance, à la matière du cinéma, à laquelle il fait jouer le rôle de
transformateur, en termes physiques, de cette métaphysique de l'idée qui domine d'autres de ses
films.

Le théâtre et le corps sont affrontés plus directement encore dans L 'A mourfou.
Dans Paris nous appartient, la mise en scène de Péric/es ne représentait pas aussi bien la présen­
ce du théâtre que cette obsession paranoïaque du complot qui engendre et fait agir les person­
nages et leur histoire . D'autre part, les acteurs semblent dirigés pour ressembler bien plus à des
modèles essayistes mis en évidence dans Voyage en Italie ou dans Beyond a Reasonable Doubt 1 .
Dans La Religieuse (entièrement inscrit dans l a conscience critique de l a fiction filmique, dont les
trois coups qui l 'ouvrent sont le révélateur plutôt qu'un clin d'œil complaisant au spectateur aver­
ti), l'émergence du corps - comme travail sur l 'acteur - n'a pas encore cessé de s'uniformiser aux
modèles classiques (pour continuer à citer le Rivette critique , à la nature physique des acteurs de
Hawks , d'Hollywood en général , où "les pas du héros tracent les figures de son destin"2 . Avec
L 'A mourfou, c'est le "nouveau cinéma" et sa nouvelle conscience critique qui font une entrée
péremptoire. L'élément dont part Rivette, et qu 'il porte jusqu 'à ses extrêmes conséquences, est ce­
lui du cinéma direct: dont les connexions les plus importantes ne se font pas tant avec Rouch (ce
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L A G É O G R A P H I E D U L A B Y R I N T H E

qui est le cas de Godard) qu 'avec plutôt des cinéastes américains comme John Cassavetes (Faces,
par exemple, qui est cependant un film postérieur) . Je veux dire que ce n'est pas tant l'intrusion de
la vérité dans la fiction , ou la transformation de la première en la seconde , qui l 'intéresse, mais
plutôt et tout simplement une tentative de sortie du théâtre et de son jeu de masques, pour parve­
nir à une représentation de la "vie" dont la technique du cinéma direct aiderait à saisir, de manière
presque didactique , les coordonnées. Renoir est bien le modèle classique d'un tel cinéma . Des
films comme La Ch ienne ou Madame Bovary apparaissent aujourd'hui comme des documen­
taires sur le comportement bourgeois ou petit-bourgeois, sur ses déterminations socio-économi­
ques, c'est-à-dire sur 1 'histoire qui détermine la vie privée des personnes dans un contexte précis.
Renoir se sert du cinéma (de la narration par exemple) à des fins sociales. Chez Rivette au contrai­
re, le cinéma risque toujours d'émerger en premier plan, de fasciner et d'aveugler. La durée inso­
lite du film permet d'échapper à la détermination du récit, de sorte que l 'on peut dire (chose tout à
fait insolite) que c'est le comportement qui est la donnée émergente du film, et que ce n'est que
sur le fond que l'on peut entrevoir une histoire , qui fonctionne vaguement comme support à ce
documentaire premier; alors que d'habitude, on assiste à des histoires dans lesquelles un compor­
tement s'infiltre . Ce fait n'est pas sans importance . Le film de Rivette (comme ceux d'autres de ses
collègues: voir Faces, Portrait ofJason, Blue Movie, mais aussi La Maman et la putain) a l'ambi­
tion de fonder un cinéma anthropologique, dans lequel le spectateur ne se pose pas face à un
spectacle dont il veut être entretenu , mais face à un essai dont il veut tirer une connaissance: la
connaissance, que seul le nouveau médium peut lui procurer, du comportement de l'homme , et
en particulier de l'homme privé.

Nous n'avons connu l'homme privé , jusqu 'à présent, qu'en nous regardant nous­
mêmes , ou les personnes qui nous sont proches. Les autres nous les voyons toujours et seule­
ment, nécessairement, dans des situations publiques: nous connaissons l'homme de la rue , nous
le rencontrons dans les lieux publics, dans les bureaux, dans les usines. De ce qu'il fait chez lui,
nous savons peu de choses, ou même rien. Voici alors l'une des grandes "inventions" du cinéma:
jeter un œil dans la vie privée des personnes. Mais le cinéma l'a fait avec une série telle de précau­
tions et de défenses qu'il en est arrivé à un autre aveuglement: Hollywood et ses histoires d'amour
sont un modèle culturel du comportement privé qui passe à travers des codes, en partie dépassés
déj à , du héros, de la beauté , voire de la situation exceptionnelle. Mais Rossellini déjà enseigne
quelque chose de différent lorsqu'il filme Anna Magnani et Francesco Grandjacquet sur les esca­
liers de leur maison, dans Rome ville ouverte-, ou Bergman dans Europa 51, dans Voyage en Italie,
et surtout dans Siamo donne. Le motif en est que la vie privée n'est plus une zone aussi séparée
de la vie publique, et exige donc bien moins de précautions si l 'on veut s'en approcher. Sa "vérité"
n'est plus aveuglante pour quelqu'un qui, comme Rossellini, vit la vie moderne en profondeur, et
en perçoit les transformations par rapport à l'époque passée. Le diaphragme public/privé est tou­
jours moins net: les médias font de la maison même une rue ; et l'œil technologique du cinéma est
toujours moins voyeur et toujours plus un prolongement de l 'homme , comme nous l 'enseigne
Siamo donne justement. Ce qui n'empêche pas , naturellement, que filmer n'en soit pas pour au­
tant un geste innocent, mais un geste soumis à des règles, et donc à la mise en scène d'une fiction
(Zavattini n'a rien à voir ici, en somme) . Mais ces règles ne sont pas occultées : l 'acteur est manifes­
tement l'intermédiaire d'une opération cognitive; c'est déjà un acteur de télévision.

1 Cfr. Lettre sur Rossellini, "Ca­ L 'A mourfou semble se mordre la queue, et retrouver à la fin cette fascination du
hiers du cinéma", n. 46, avril spectacle, ou du moins de la scène, qu'il semblait avoir repoussée. Le fait est que le comportement
1954; et La main, " filmé par Rivette est sans déterminations de classe ; non seulement, mais il se fonde sur une sépa­
Cahiers du cinéma",
n. 76, novembre 1957). ration typiquement bourgeoise entre ce qui est public et ce qui est privé (entre scène théâtrale et
2 Cfr. Génie de Howard Hawks, scène familiale) , séparation enregistrée en tant que telle, contemplée jusqu 'à la fascination, jamais
"Cahiers du cinéma",
résolue . Non pas qu'une telle séparation résiste : en effet, le film est l'histoire d'une désagrégation,
n. 23, mai 1953.
l'histoire d'une impossible harmonie, une tentative déjà vouée à l 'échec de garder séparés, de les
filmer comme des scènes distinctes, le théâtre et la vie. Elles finissent par interférer l'une dans l'au­
tre , et par s'annuler réciproquement. Mais il semble que le plaisir du tournage consiste justement
dans cette épique de la destruction . L' alternance entre les deux scènes produit une situation
spéculaire de fascination . Enfermés dans un appartement ou sur une scène , ni l 'individu , ni le
groupe ne peuvent échapper, comme des rats empoisonnés, à la mort lente, que Rivette semble
regarder avec une rigueur anthropologique, et en même temps avec une singulière jouissance .
C'est en somme l'œil du cinéma qui l 'intéresse plus que toute autre chose, et ce regard fasciné se
148

L A G É O G R A P H I E D U L A B Y R I N T H E

J u l iet B e rto , Out One tient à distance de la réal ité filmée , il n 'ose jamais l ' analyser, la briser, la recomposer. La caméra .
dans l'appartement est " invisibl e " ; et au théâtre , l 'émergence du 1 6mm est stéril e . Si le mérite de
Rivette est ici celui de découvrir la scène privée hors du spectacle , sa l imite est d 'être fasciné par
cette même découverte , et de voir donc l e comportement privé dans l ' a bstrait, et ce bien qu ' il soit
filmé " à la manière d'un documentaire " . Renoir est u n grand documentariste . Rossellini un grand
historien. Sans doute , Rivette filme une réalité plus " mo derne " , plus proche de nos préoccupa­
tions qu otidiennes , mais d'un point de vue moins généra l , où il apparaît plus impliqué , plus séduit
par les choses filmées . I l lui fait défaut u n point de vue mora l , un choix. Non pas nécessairement
par impuissance , mais parce que ce choix est absent du labyrinthe de l a modernité qu ' il filme . S i ,
d a n s ce sens-là, La Religieuse e s t une exception (Suzanne "sort" du labyrinthe p a r un geste moral),
elle l 'est cependant à [ 'intérieur du classicisme : la beauté du film est autorisée par l e renoncement
de Rivette à la cahotique modernité . Out One: Spectre (je n'ai pas vu la version de 1 2h40' du film,
qui compliquerait certainement ce discours) pose le labyrinthe au centre du film. Mais ce centre
agit par absence . Colin (Jean-P ierre Léaud) et Frédérique (Juliet Berto) sont les jeunes gens , c 'est­
à-dire les marginaux, comme Anne et Suzanne. Ils vivent seuls et subissent la ville, c'est-à-dire la
149

L A G É O G R A P H I E D U L A B Y R I N T H E

vie communautaire , le groupe. Mais leur inquiétude, leur nostalgie de l'ordre, c'est-à-dire leur ap­
partenance à un groupe, à une dimension sociale , quelle qu'elle soit, les fait agir pour la récupé­
rer. Ils veulent échapper au labyrinthe insensé de leur solitude , et ils finissent par se précipiter
dans le labyrinthe de groupe, celui qu 'ils produisent eux-mêmes. Paris finit par leur appartenir,
mais la ville n'est que le mécanisme d'une fiction qui les éloigne plus encore d'une connaissance
de la réalité . Par rapport à Paris nous appartient, Rivette fait ici un pas fondamental en avant. Il re­
nonce au "néo-réalisme" de ce film, et il le plonge tout entier dans la technique de ! 'improvisation;
alors que la fiction, les mécanismes du récit, deviennent la ligne unique qui coordonne et "donne
du sens" aux différents blocs d'improvisation. Sauf que cette ligne est brisée; et ce n'est même pas
une ligne, mais une courbe sinueuse en spirale qui s'approche d'un centre fantomatique , toujours
entrevu et toujours déplacé vers l'avant (Igor, comme Juan dans Paris) . Il n'y a plus de place pour
les psychologies, il n'y a plus de personnage en ronde-bosse (comme l'était encore Anne) qui ga­
rantit, par sa continuité , un ordre.

Il n'y a plus que des acteurs et le travail qu 'ils accomplissent sur leur corps et sur
leur voix. Dans ce sens, les scènes de théâtre ne font qu'exhiber un travail qui dans le film est
constant. Les acteurs ne jouent pas, dans Out One, un texte défini et définitif; ils répètent; et Rivette
se réserver de greffer, au montage, cette "vérité" , ce caractère physique concret, dans un laby­
rinthe paranoïaque dont ils sont les victimes avant même encore que d'en être les protagonistes.
Colin reçoit un message mystérieux, et, dans sa tentative de le déchiffrer, il découvre l'existence
d'un complot dirigé contre lui aussi; mais il est également vrai que ce complot n'existe pas tant
qu 'il ne le remet pas en fonction avec son enquête ; de sorte qu'il se découvrira comme faisant par­
tie de ce complot tout autant que les autres, et que ce complot (sans objectifs) n'est que celui du
récit; c 'est le complot qui permet à Rivette de fabriquer un film. Le complot, c'est celui que les
spectateurs construisent lorsqu 'ils mettent en relation entre elles, les différentes pièces de la mo­
saïque ; et la paranoïa de Colin n'est pas différente de celle du spectateur habitué à l'ordre du récit,
et qui se retrouve dans une salle pendant plus de qu atre heu res , mis dans l ' impossibilité de
s'orienter, contraint à inventer pour lui-même une intrigue parmi toutes celles qui pourraient se
construire . Et cela parce que la salle et l'écran sont encore les lieux d'un rituel, où viennent con­
fluer les contradictions et les angoisses qui n'ont pas encore été résolus hors de ces lieux.

En somme, c'est encore le miroir fascinant et aveuglant qui fonctionne. Je dois dire
cependant que le pas en avant fait par Rivette est plein d'enseignements. Si le film n'est pas une alter­
native au "spectacle" , il n'en est pas moins cependant sa définitive mise en question, une sorte de
condensation et d'exposition de toutes les recherches qui, de Godard à Oshima, ont opéré dans le
cinéma moderne, pour détruire la bonne conscience de la fiction et de la narration. Cet effort pour
entrer, de la part des acteurs, dans une fiction qui ne leur appartient pas, est constamment percep­
tible; mais ils ne maîtrisent pas la fiction, comme les acteurs brechtiens, ils la perçoivent avec crainte
et fascination. Ils sont les victimes de la modernité, si peu chères à Rossellini, oiseaux aveugles qui
dansent leur vitalité au moment même où ils ont perdu toute possibilité de s'orienter. Elles sont poli­
tiques, cette orientation absente et cette confusion affichée. Et le film renvoie constamment à la poli­
tique, mais de manière métaphorique: la politique, c'est l'ordre dans la polis, et le spectre de cet or­
dre, c'est le fascisme. Mais un fascisme (plus encore que ce fascisme explicite de Paris) fuyant, mys­
térieux, métaphysique (différemment de celui des films de Robert Kramer, avec lequel il y eut des
3 Cfr. "Cahiers du cinéma", échanges réciproques) . Il est clair qu'on ne peut plus opposer un bien à un mal, comme cela était en­
n°2!0, mars 1 969. core possible en ces temps très rêveurs de la Nouvelle Vague, quand on opposait la guerre d'Es­
pagne à Metropolis. Mais ce renoncement à s'enfermer dans le rêve de la politique n'est pas suffisant
" Cfr. l'entretien
Le temps déborde par Jacques pour faire faire un pas en avant. Lorsque nous entrons finalement dans la pièce mystérieuse de la vil­
Aumont. Jean-Louis Comolli, la sur la mer, où semble se cacher, comme dans un récit de Borgès, le centre, nous ne voyons qu'une
Jean Narboni, Sylvie Pierre,
galerie de glaces: qui ne nous fascine plus peut-être comme dans un film d'Hitchcock, mais qui ne
"Cahiers du cinéma"
n. 204, sept. 1 968. nous aide certes pas à nous orienter. Il est clair que l'orientation, le choix, l'action, ne dépendent plus
5 Géographie du labyrinthe a d'un centre , que l'univers où nous vivons s'explique selon une logique de décentralisation : mais
été dèjà publié dans: Adriano
seule une conscience nostalgique voit, dans cette décentralisation, un labyrinthe sans fin. Mais il est
Aprà, Il cinema di
Jacques Rivette, au moins, dans le cinéma de Rivette, une orientation, qui est l'enseignement du cinéma même . Le
Quaderno informativo texte sur le montage3 (rivettien déjà dans sa structure) est un peu comme la clé théorique de ses der­
n. 62, Mostra lnternazionale
del Nuovo Cinema , niers films, même si je crois qu'il faut le lire en liaison avec la métaphysique très structurée et produc­
Pesaro, 1974. tive de ses textes sur Rossellini et sur Lang. Avec ce texte, et avec les films qui en dérivent, nous par­
venons très bien à nous orienter dans cet univers clos en lu i-même , qui souvent fonctionne
1 50

L A G É O G R A P H I E D U L A B Y R I N T H E

Jean-Pierre Léau d , Out One métaphoriquement par rapport à l'autre, qu'est le cinéma (en particulier ce que l'on appelle le "nou­
veau cinéma"). En lui, les codes, certes très complexes, trouvent un sens, et même un signe idéologi­
que. Et dans la mesure où Out One veut être un film qui fonctionne uniquement à l'intérieur du code
cinématographique, c'est un film positif. En lui, il manque l'ambiguité de L 'A mourfou, sa "vérité"
aveuglante. Si Claire et Sébastien vivent pour nous un drame dans lequel nous pouvons tous plus ou
moins nous reconnaître (et que Rivette tente de critiquer en l'opposant de manière "ouverte" au drame
classique, racinien), Colin et Frédérique, Sophie, ou Thomas, ou Emilie, jouent uniquement et cons­
tamment en fonction d'un récit cinématographique, et épuisent en lui l'exhibition de leur corps. Rien
n"'existe" hors du film. Si le film se pose non pas comme un univers clos sur soi-même, mais comme
l'émergence de cet univers clos en soi-même qu'est le cinéma, tout s'explique. Rivette est d'accord lui
aussi pour dire que "ce qui est politiquement le plus important, c'est l'attitude que le cinéaste prend par
rapport à tous les critères esthétiques, en somme soi-disant esthétiques, qui soutiennent l'art en géné­
ral, et l'expression cinématographique, mise entre triple guillemets, en particulier4. Alors le film de­
vient clair, toute paranoïa se dissout, et nous sommes prêts à fabriquer d'autres films5.
0 U T Ü N E N 0 L I M E T A N G E R E

T H I E R RY J O U S S E

L A CO M UN I T À I NCON F ESSATA

"SE NUMEROS! INDIVIDU! CONCORRONO AD UNA STESSA AZIONE, E SONO TUTTI INSIEME CAUSA DI UNO STES­
SO EFFETTO, IO LI CONSIDERO TUTTI, PER QUESTO , COME UN SIN GO LARE TUTT'UNO" , ( SPINOZA, E11CA)1 .

I n Out One: Noli m e Tangere è presente una certa esigenza comunitaria. D i che al­
tro si tratta infatti, se non di riunire in uno stesso spazio-tempo, un gruppetto di persone legate ad
un progetto comune, anche se incerto , o forse comune proprio perché incerto? Parlo dei perso­
naggi, degli attori, ma anche degli spettatori. Ideare, elaborare, costruire, uno "stare insieme" nel
tempo reale di una performance , questo è il progetto immenso, potremmo dire prometeico, del
quarto film di Jacques Rivette. Ma di comunità non ce n'è soltanto una in Out One. All'origine , co­
rne in tutti i film di Rivette, c'è il teatro, substrato del testo , basamento, fondamenta segrete e allo
stesso tempo apparenti dell'Universo. E chi dice teatro, dice evidentemente compagnia teatrale .
Compagnia in condizione di massima tensione o di rilassamento, direi quasi di singolare inopero­
sità. Out One si apre con esercizi fisici o forse spirituali. Chissà? Un gruppo misterioso inventa una
coreografia sconosciuta . Quello che vediamo è allo stesso tempo improvvisazione collettiva e
danza di vita . Si tratta in ogni caso di un mezzo per preparare sia l 'attore che Io spettatore all'espe­
rienza che entrambi vivranno. E poiché in Rivette non c'è mai nient'altro che della registrazione
pura - in questo è di una esemplare fedeltà a André Bazin - tutto avviene in diretta.

Anche vent'anni dopo la sensazione di immediatezza rimane intatta . E questo vale


per le dodici ore e mezza di questo film davvero eccezionale, in tutti i sensi. In Out One ci sono
due compagnie , corne due mondi paralleli, che sembrano agire con segreta complicità od oscura
rivalità, nata da una discordia antica e forse dimenticata, in ogni caso in una evidente complemen­
tarità. Gli uni provano (ma è il termine esatto?) I sette contra Tebe-, gli altri allestiscono Prometeo
incatenato. Tutti cospirano alla propria rovina o piuttosto a quella del teatro. Per definizione , nei
film di Rivette, un lavoro teatrale, uno spettacolo, non raggiunge mai la sua forma definitiva . La
sua ragion d'essere è quella di un "work in progress" incessante , infinito, eterno , intenninabile ,
corne se la fine , ne! doppio senso di termine e di scopo, sempre rinviata , svanisse progressiva­
mente . Eschilo rimarrà dunque a livello di frammento . Più che in qualsiasi altro film di Rivette ,
l'assenza di finalità è inserita al centro stesso del progetto. Il gruppo dei Sette contra Tebe non ha
mai avuto l'intenzione di condurre a termine la rappresentazione teatrale. Il suo progetto è l 'as­
senza di progetti. Ed ecco che si annuncia la scommessa: corne creare la durata nell'istantaneità .
Come costruire una comunità che abbia il potere di dissolversi al primo segno di compiutezza, e
dunque di finitudine? Non è semplice. Si ha un bel dire, c'è sempre un dolore ne! non finire cio che
si è iniziato, anche quando l 'incompiutezza sia al centro stesso di questo lavoro. Il problema, in­
somma, è di non compiere !'opera, di restare nella no man 's land tra il formale e l'informale.

Questione sempre di spostamento. E ' chiaro che non è più questione soltanto di
teatro, ma di cinema. 0 ancora che il teatro non è altro che la metafora, ne! senso letterale di spo­
stamento, del cinema. 0 allora che teatro e cinema sono una cosa sola. Qui, più che altrove !'hap­
1 Spinoza, Etica, II parte, pening fornisce la ragion d'essere del cinema . Si tratta della distribuzione dei corpi nello spazio. Si
Della Spirito. tratta di inventare una scenografia nomade . Non accade niente in queste prove, talvolta noiose,
talvolta intense, sempre ripetitive. Necessità del teatro per alimentare il cinema, ma anche insuffi­
cienza del teatro, sempre troppo rigido. Cosl i momenti più belli di Out One sono quelli in cui il
teatro è corne disfatto dall'interno. Sia che un membro del gruppo abbandoni all'improvviso un la­
voro, che pure ha corne regola l'assenza di vincoli. Sia che il teatro si dislochi, inattivo, corne un
corpo la cui struttura ceda progressivamente . Deriva di un mondo chiuso verso l'esterno . Deriva
del teatro verso il cinema . Deriva del film verso il mare, spazio levigato che viene a dissolvere i le­
gami o a ricomporli (nessuno ancora Io sa) . L'altro gruppo che a poco a poco sembra delinearsi
sotto i nostri occhi è quello dei Tredici. Bisognerebbe essere pedagogo , corne puo esserlo Eric
Rohmer, qui nelle vesti di un esperto di Balzac, che spiega a Jean-Pierre Léaud, sordomuto, l'origi­
ne di questo mondo segreto. Accontentiamoci di precisare che il gruppo dei Tredici interviene in
Balzac all'interno di una trilogia singolare composta da Ferragus, La duchesse de Langeais e La fil­
le aux yeux d'or. La cosa più strana in questa trilogia, è che i Tredici, che sembrano ail' origine del
1 52

O U T O N E : N O L ! M E T A N G E R E

progetto, intervengono pochissimo, ed anzi sempre di mena in ciascuno dei tre racconti . Come
spiega Rohmer, che fa anche alcune utilissime allusioni ad aitre opere di Balzac (Le deputé d'Arcis
ou L 'envers de l'histoire contemporaine), i Tredici costituiscono soltanto una società segreta .

Il complotto è piuttosto vago. E' forse questa assenza di un significato consolidato


che ha affascinato Rivette? Forse. E' a Rohmer che è assegnato il ruolo di pronunciare la parola­
chiave del film: l'associazione, termine che d'altronde egli trova definito dalla stessa penna di Bal­
zac . L'associazione contro la società. La comunità contro il collettivo. Non siamo forse molto lon­
tani dalle teorie anarchiche , pensa a quelle di Stirner (L 'unico e la sua proprietà) o ancora di un
certo socialismo utopistico corne quello di Louis Blanc. Siamo anche vicini a quella logica della
comunità, che Blanchot, riferendosi a Bataille, definisce in La communauté inavouable.

Guardando Out One dobbiamo rileggere, sospesa agni altra attività, le pagine che
Blanchot dedica al Maggio 68: "Senza progetto: era questa la caratteristica angosciante e allo stes­
so tempo fortunata di una forma di società unica , che non si lasciava comprendere , che non era
chiamata a permanere , a insediarsi, nemmeno tramite i molteplici "comitati" con cui si simulava
un ordine disordinato, una specializzazione imprecisa"2. 0 ancora più avanti: "Presenza innocen­
te, 'comune presenza' (René Char) , ignara dei suai limiti, politica per il rifiuto di escludere e la co­
scienza di essere l 'immediato-universale, che ha corne sola sfida l'impossibile , ma è privo di vo­
lontà politiche determinate . . . "3. Siamo ben lontani dal cinema, mi direte! Non tanto, forse . Perché
il pensiero di Blanchot, per i suai legami con l'Aperto, l'Indeterminato, ci immerge nel cuore di
Out One e del cinema di Rivette. I Tredici, dunque, sono una forma di associazione . I legami sono
molto deboli e molto stretti allo stesso tempo . Noi navighiamo dall'uno all'altro, mentre mancano
all'appello due membri fondamentali di questa confraternita dalle regole vaghe , Igor e Pierre .
Questi due personaggi, eternamente assenti, sono i motori essenziali di questa finzione deambu­
latoria. L'unità minima della comunità , cosi corne del film, è l'alleanza, relazione ondivaga che si
crea e si stringe nella scena piuttosto che nell'inquadratura. Per Rivette si tratta di sperimentare,
corne in un grande gioco delle probabilità, le molteplici combinazioni del gruppo. Come moleco­
le o atomi che si aggregano e si disaggregano, le alleanze si creano e si sciolgono, finendo col de­
lineare una cartografia inedita e mutevole.

Il metodo rivettiano è osservare ciè> che accade tra due o più individui lanciati co­
rne dadi su una pista . Ed è per questo che la forma del film risulta più spaziale che temporale. Se
infatti Out One ha bisogno di dodici ore e mezza per raggiungere tutta la sua ampiezza, non è per­
ché il film sia un'esperienza della durata, ma piuttosto perché si tratta di un dispiegarsi nello spa­
zio. Il tempo di Out One è trasformato in spazio. D'altra parte tutti i modelli proposti dal film sono
di ordine spaziale: linee della mana, cartina di Parigi, laboratori di improvvisazione, gioco di scac­
chi, poesia di Lewis Carroi (tratta da La caccia allo snualo). La geografia ha definitivamente sosti­
tuito la storia. In questo Rivette si avvicina alla teoria rohmeriana di un cinema inteso corne arte
dello spazio. Di qui il fatto che il film è composta unicamente di percorsi, tragitti, deambulazioni.
Di qui ancora il fatto che un membro del gruppo esiste soltanto nelle sue relazioni con un altro
membro del gruppo. E se fosse solo dovrebbe sdoppiarsi corne Jacques Doniol-Valcroze alias
Étienne Loinod (nome del suo personaggio in Out One ed anche suo pseudonimo quando era re­
2 Maurice Blanchot, La
dattore capo ai "Cahiers du cinéma") che gioca a scacchi contro se stesso prima di essere disturba­
communauté inavouable, to da quella monella di juliet Berto.
Editions de Minuit, p. 52.
3 Ibidem. p. 53.
1 Ibidem, p 56.
Se Io spazio ha preso il potere , che ne è della narrazione? Essa è un enigma , allo
5 L'autore ringrazia Marie­ stesso tempo gioco e lavoro . Gioco , perché dalle improvvisazioni selvagge e quasi infantili alle
Christine Damiens e Gérard molteplici variazioni numerologiche, l'universo di Jacques Rivette si è sempre retto sull'istanza lu­
Vaugeois, Les Films de
!'Atalante e Thérèse. dica, pronta in certi momenti fondamentali a farsi riafferrare dalla violenza dei corpi. Pensa a quei
momenti di crisi che evocano irresistibilmente L 'amourfou in cui ]ean-Pierre Léaud lotta con se
stesso, urlando e sbattendosi contro i muri; penso alla scena in cui Bulle Ogier, alle soglie della
follia , affronta Bernadette Lafont fino al limite dell'isteria . Il Gioco in Out One è per esempio la mi­
tomania di Juliet Berto che incarna un personaggio proteiforme e vacuo, pronto ad assumere lutte
le identità, a recitare tutti i ruoli, e che sembra, un po' corne in Céline etjulie, creare la narrazione
seconda la sua fantasia e i suoi umori molteplici e mutevoli. Sono anche questi rituali inesplicati,
carte timbrate (Léaud) o pugnali a forma di croce (Berto). Sono ancora queste variazioni criptogra-
1 53

O U T O N E : N O L ! M E T A N G E R E

fiche, numerologiche e anagrammatiche che costellano il film. 1 Tredici naturalmente, ma anche i


Sette contra Tebe, i Sette guerrieri, o ancora gli "un-dici" (" in-dizi")" e infine l'inevitabile citazione
di Nerval: "La tredicesima ritorna, è ancora la prima e sempre I'unica"(recitata da Bulle Ogier) .

E' qui che il gioco richiede l'interpretazione , quindi il lavoro . Ci sono due perso­
naggi un po' diversi in Out One-. Jean-Pierre Léaud e Juliet Berto . Più solitari degli altri (seppure) ,
essi sono allo stesso tempo i sostituti dello spettatore, i messaggeri e gli interpreti della narrazione
enigmatica . 0 piuttosto i medium - corne Jean-Pierre Léaud sordomuto, piuttosto allucinato - di
un film dalle armonie esoteriche . Salvo che qui la lettura , la decodifica, cioè l'interpretazione , è
una forma di inganno (cosl corne Léaud è un falso sordomuto), vale a dire non avviene mai. Esiste
solo il verbo "interpretare" , ossia l'atto ne! suo processo e non il sostantivo, cioè il risultato. La nar­
razione aleatoria di Out One è aperta e destinata a restarlo. La vicenda è un alone, un fantasma, a
mo' di racconto "pointilliste " . Essa continua a vagare rifiutando di insediarsi. Tutto accade corne se
ci fosse soltanto più un "mac-guffin" elevato all'ennesima potenza .

1 Tredici, motore della narrazione , rappresentano il contratto , minimo e massimo


al tempo stesso, con Io spettatore (in ragione del livello di coinvolgimento e di convinzione), rap­
presentano l 'assicurazione del film in un certo senso (cioè ne! senso in cui si stipula una polizza) .
Cià che conta preservare è l'istante, l'istantaneo, l'effimero. Out One ris ponde a questo paradosso:
corne durare senza installarsi ne! tempo della storia . C'è in Out One tutta una strategia del dile­
guarsi, dello scivolare via, dello scomparire , dell'evanescenza, tutto un gioco acrobatico che per­
mette al film di sfuggire all'Essere del film e di restar sospeso, fuori da qualsiasi determinazione . La
"suspence" lascia il posto alla "sospensione" .

Raramente l a grave leggerezza d i Jacques Rivette è stata cosl brillantemente e cosi


seriamente mobilitata. Personaggi simili a proiettili lanciati ne! presente di un montaggio che pre­
serva l'inatteso. Uno spazio della probabilità retto da una logica della biforcazione . Un gioco in cui
si tratta di inventare soltanto o ad ogni istante le proprie leggi e le proprie regole. Un esercizio di
disponibilità, di complicità, di attenzione verso l'altro . Un film-feuilletton, serial, workshop, free­
jazz, che oscilla continuamente tra l'articolazione e la disarticolazione . Un modello di architettura
utopica che potrebbe dissolversi in qualsiasi momento. Si, Out One è tutto questo allo stesso tem­
po e molto altro ancora. Ma ancor più importante è che, al termine di questo film-happening, noi
sappiamo che qualcosa si è disegnato a nostra insaputa, all'insaputa degli attori, all'insaputa del
regista, all'insaputa del film stesso. Questo qualcosa è proprio la comunità, l'esigenza della comu­
nità . Comunità fragile e fluttuante , destinata sempre alla rovina , nata per morire, per deteriorarsi,
per annegare nel mare (quello che poco a poco prende il potere sui film) o a svanire nel bianco
dello schermo e della luce . "Ci si separà subito, senza nulla lasciare, senza che si fossero formati
quegli strascichi nostalgici in cui si altera la manifestazione autentica ( . . . ) .

Ore c ' è , ora è sparito: ignora le strutture che potrebbero stabilizzarlo. Presenza e
assenza se non sono confuse almeno si alternano virtualmente" (M. Blanchot)4. Non c'è la parola
"fine" ma la grande risata di Michael Lonsdale sulla spiaggia abbandonata. Gli spettatori rimango­
no ancora uniti, corne le membra di uno stesso corpo, le parti di uno stesso edificio, poi si dilegua­
no lasciando anche loro l'area vuota . E' la fine? Forse no . . . 5
1 54

O U T O N E : N O L ! M E T A N G E R E

B u l l e O g i e r . Out One
O U T 0 N E N 0 L 1 M E T A N G E R E

T H I E R RY J O U S S E

L A CO M M UNAU T É INAVOU É E

"QUE SI PLUSIEURS INDIVIDUS CONCOURENT À UNE MEME ACTION EN SORTE QU'ILS SONT TOUS
ENSEMBLE CAUSE D 'UN MEME EFFET, JE LES CONSIDERE TOUS , EN CELA , COMME UNE MEME
CHOSE SINGULIERE " . (SPINOZA, ETHIQUE) 1

Dans Out One: Noli me Tangere, quelque chose d'une exigence communautaire se
dit. De quoi d'autre s'agit-il que de mettre ensemble dans un même espace-temps, une poignée
d'individus liée par un projet commun quoiqu'incertain ou justement commun parce qu'incertain?
Je parle des personnages, des acteurs aussi bien que des spectateurs. Concevoir, construire, bâtir
un être ensemble dans le temps réel d'une performance, tel est le projet démesuré , prométhéen
pourrait-on dire, du quatrième film de Jacques Rivette. Des communautés, il n'y en a pas qu'une
seule dans Out One. A l'origine, comme dans tout film de Rivette, il y a le théâtre, sous-texte, sou­
bassement, fondation secrète bien qu'apparente de l'Univers. Et qui dit théâtre, dit bien sûr trou­
pe . Troupes en état d'intensité maximale ou de relâchement, j'allais dire de désœuvrement singu­
lier. Out One s'ouvre sur la monstration d'exercices physiques ou peut-être bien spirituels. Qui le
sait? Un groupe mystérieux invente une chorégraphie inconnue. Ce que nous voyons est à la fois
une improvisation collective et une danse de vie; en tout cas, nous assistons à la mise en condition
de l'acteur et du spectateur, préalable indispensable à l'expérience que, l'un comme l'autre , nous
allons vivre . Et comme chez Rivette, il n'y a jamais rien eu d'autre que de l'enregistrement pur - en
cela, il est d'une exemplaire fidélité à André Bazin - tout se passe en direct.

Même 20 ans après que cela a eu lieu , la sensation d'immédiateté reste intacte. Ce­
ci vaut pour les 1 2h30 d'un film exceptionnel dans tous les sens du mot.

Dans Out One, il y a deux troupes comme deux mondes parallèles qui semblent
agir dans une secrète complicité ou dans une obscure rivalité , née d'une discorde ancienne et
peut-être oubliée , en tout cas dans une évidente complémentarité. Les uns répètent (est-ce bien le
mot?) Les Sept contre Thèbes. Les autres montent Prométhée enchaîné. Tous conspirent à leur per­
te ou plutôt à la perte du théâtre . Par définition, une pièce, un spectacle n'atteint jamais, dans un
film de Rivette, sa forme définitive . Sa raison d'être est celle d'un work in progress incessant, infini,
éternel, interminable, comme si la fin, au double sens de terme et de but, toujours différée, s'éva­
nouissait progressivement. Eschyle restera donc à l'état fragmentaire . Plus que dans n'importe
quel autre film de Rivette, l'absence de finalité est inscrite au cœur même du projet. Le groupe des
Sept contre Thèbes n'a jamais eu l 'intention de mener à terme la représentation théâtrale. Son pro­
jet est l 'absence de projet. Justement, voilà bien la gageure qui s'annonce: comment durer dans
l'instantané? Comment bâtir une communauté qui ait le pouvoir de se dissoudre au premier signe
de complétude, donc de finitude? Ce n'est pas si simple. On a beau dire, il y a toujours une douleur
à ne pas finir ce qu'on a commencé, même si l'inachèvement est au cœur de ce travail.

En somme , le problème est bien de ne pas faire œuvre . Demeurer dans le no


1 Spinoza, Ethique,
man 's land entre le formel et l'informel. Affaire de déplacement toujours. On aura compris qu'il
Ilème partie, De L 'Esprit, n'est plus seulement question de théâtre mais bien de cinéma. Ou encore que le théâtre n'est que
coll. L'Ordre Philosophique, la métaphore, au sens strict de déplacement, du cinéma . Ou bien qi.ême que le théâtre et le cinéma
Editions du Seuil , p.95.
ne font qu'un. Ici plus qu'ailleurs, le happening donne la raison d'être du cinéma . Il est question
de la répartition des corps dans l'espace .

Il est question d'inventer une scénographie nomade . Il n'y a rien d'autre qui se joue
dans ces répétitions, parfois fastidieuses, parfois intenses, toujours ressassantes. Nécessité du
théâtre pour nourrir le cinéma . Mais aussi insuffisance du théâtre , toujours trop rigide . Ainsi, les
plus beaux moments de Out One sont ceux où le théâtre est comme défait de l'intérieur. Soit qu'un
membre du groupe s'évade subitement d'un travail pourtant régi par l'absence de contrainte. Soit
que le théâtre se disloque , désœuvré, comme un corps dont la charpente s'affaisserait progressi­
vement. Dérive d'un monde clos vers le dehors. Dérive du théâtre vers le cinéma . Dérive du film
vers la mer, espace lisse qui vient dissoudre les liens ou les recomposer, nul ne le sait encore .
1 56

O U T O N E N O L ! M E T A N G E R E

L'autre groupe qui, peu à peu, semble se dessiner sous nos yeux, c'est celui des Treize . Il faudrait
être pédagogue , comme peut l'être Eric Rohmer, incarnant ici un spécialiste de Balzac qui expli­
que à Jean-Pierre Léaud, en sourd-muet, l'origine de ce monde secret. Contentons-nous de préci­
ser que le groupe des Treize intervient chez Balzac dans une trilogie curieuse composée de Ferra­
gus, La Duchesse de Langeais et La Fille aux yeux d 'or. Le plus étrange dans cette trilogie , c'est
que les Treize, qui semblent à l'initiative du projet, n'y agissent que fort peu et même de moins en
moins dans chacun des trois récits . Comme l 'explique Rohmer, qui ne s'interdit pas quelques allu­
sions fort utiles à d'autres ouvrages balzaciens (Le Député d 'A rcis ou L 'Envers de l 'histoire contem­
poraine), les Treize forment à peine une société secrète . Le complot y est plus que brumeux. Est­
ce cette absence même de sens établi qui a séduit Jacques Rivette? Peut-être . C'est à Rohmer qu'est
dévolu le rôle de prononcer le mot-clé du film: l'association, mot qu'il trouve d'ailleurs défini sous
la plume-même de Balzac .

L'association contre la société . La communauté contre le collectif. On n'est peut­


être pas si loin des théories anarchistes, je pense à celles de Stirner (L 'Unique et sa propriété) ou
encore d'un certain socialisme utopique, celui de Louis Blanc par exemple. On est aussi très pro­
che de cette logique de la communauté telle que Blanchot, empruntant le concept à Bataille, la
définit dans La Communauté inavouable. Il faut, en même temps que nous voyons Out One, re­
lire toutes affaires cessantes, les pages consacrées par Blanchot à Mai 68: "Sans projet: c'était là le
trait à la fois angoissant et fortuné, d'une forme de société incomparable qui ne se laissait pas sai­
sir, qui n'était pas appelée à subsister, à s'installer, fût-ce à travers les multiples "comités" par les­
quels se simulait un ordre désordonné, une spécialisation imprécise" 2 ou encore un peu plus loin:
"Présence innocente, 'commune présence' (René Char) , ignorant ses limites, politique par le refus
de ne rien exclure et la conscience d'être , telle quelle , l ' immédiat-universel , avec l 'impossible
comme seul défi, mais sans volontés politiques déterminées ··3

Voilà qui nous éloigne singulièrement du cinéma , me direz-vous! Peut-être pas


tant que cela . Car la pensée de Blanchot, par sa relation à !'Ouvert et à l 'indétermination , nous
plonge au cœur-même de Out One et du cinéma de Rivette . Les Treize donc, sont une manière
d'association . Les liens y sont à la fois très lâches et très serrés. Ainsi, naviguons-nous de l'un à
l'autre tandis que manquent à l'appel deux pièces maîtresses de cette confrérie aux règles incer­
taines, Igor et Pierre . Ces deux individus , éternellement absents, sont les moteurs essentiels de
cette fiction déambulatoire. L'unité minimale de la communauté comme du film est l'alliance, rela­
tion flottante qui se joue et se noue dans la scène plutôt que dans le plan. Il s'agit bien pour Rivette
d'expérimenter, comme dans un grand jeu de probabilités, les multiples combinaisons du groupe.
Tels des molécules ou des atomes qui s 'agrègent et se désagrègent, les alliances se font et se
défont, finissant par dessiner une cartographie inédite et changeante .

Observer ce qui se passe entre deux ou plusieurs individus jetés comme des dés
sur une piste, telle est la méthode rivettienne. C'est ainsi que la forme du film est moins temporelle
que spatiale . Car si Out One nécessite 1 2h30 pour prendre toute son ampleur, ce n'est pas parce
que le film est une expérience de la durée, mais bien parce qu'il est déploiement dans l'espace . Le
temps de Out One est proprement spatialisé. D'ailleurs, tous les modèles proposés par le film sont
d'ordre spatial : lignes de la main, plan de Paris, ateliers d'improvisation, jeu d'échecs, poème de
2 Maurice Blanchot, La
Lewis Carroll (extrait de La Chasse au Snark) . La géographie a définitivement supplanté l'histoire .
Communauté inavouable, Ce en quoi Rivette retrouve ainsi la théorie rohmérienne d'un cinéma, art de l'espace. De là que le
Editions de Minuit, p.52. film ne soit fait que de parcours , de trajets , de déambulations . De là encore qu'un membre du
3 Ibidem. p.53.
4 Ibidem, p 56. groupe n'existe que dans ses relations avec un autre membre du groupe. Quand bien même il se­
5 Remerciements à Marie­ rait seul, il devrait se dédoubler comme Jacques Doniol-Valcroze alias Etienne Loinod (nom de
Christine Damiens et Gérard
son personnage dans Out One qui est aussi l'un de ses anciens noms de plume , du temps où il
Vaugeois pour les films
de )'Atalante. était rédacteur en chef des "Cahiers du cinéma") jouant aux échecs contre lui-même avant d'être
Remerciements à Thérèse dérangé par l'espiègle Juliet Berto .

Si l'espace a pris le pouvoir, que devient alors la fiction? Elle est énigme , tout à la
fois jeu et travail. Jeu, car des improvisations sauvages et presque enfantines aux multiples varia­
tions numérologiques, l'univers de Jacques Rivette n'a jamais été mené que par l'instance ludique,
quitte à être ressaisie à certains instants fondamentaux, par la violence des corps . Je pense à ces
moments de crise , évoquant irrésistiblement L 'A mourfou, où Jean Pierre Léaud se débat contre
1 57

O U T O N E N O L ! M E T A N G E R E

lui-même, criant, se cognant contre les murs; où Bulle Ogier, aux portes de la folie, fait face à Ber­
nadette Lafont jusqu 'à la limite de l'hystérie . Le jeu dans Out One, c'est par exemple la mythoma­
nie de Juliet Berto , incarnant un personnage protéiforme et vacant, prêt à endosser toutes les
identités, à jouer tous les rôles , et qui semble , un peu comme dans Céline et]ulie, créer la fiction
au gré de la fantaisie et de ses humeurs multiples et changeantes. Ce sont aussi ces rituels inexpli­
qués , cartes tamponnées (Léaud) ou poignards en croix (Berto) . Ce sont encore ces variations
cryptographiques, numérologiques et anagrammatiques qui parsèment le film. Les Treize bien
sûr, mais aussi bien les Sept contre Thèbes, les Sept guerriers, ou bien les un dix (indices), ou en­
core l 'inévitable citation de Nerval : "La treizième revient, c'est encore la première et toujours la
seule . " (récitée par Bulle Ogier) .

C'est ici que le jeu appelle l'interprétation, donc le travail . Il y a deux personnages
un peu à part dans Out One: Jean-Pierre Léaud etJuliet Berto . Plus solitaires que les autres (encore
que) , ils sont à la fois les substituts du spectateur, les messagers et les interprètes de la fiction
cryptée. Ou plutôt les médiums, tel Jean-Pierre Léaud sourd-muet un brin halluciné, d'un film aux
harmoniques ésotériques. Sauf qu 'ici le déchiffrage , le décodage , en un mot l 'interprétation est
une manière de leurre (de même que Léaud est un faux sourd-muet), c'est-à-dire qu'elle n'a jamais
vraiment lieu . N'existe que le verbe "interpréter" , c 'est-à-dire l 'acte dans son procès, et non le
substantif, c'est-à-dire le résultat. C'est donc bien que la fiction aléatoire de Out One est ouverte et
destinée à le demeurer.

L'histoire est un halo, un fantôme, jouant comme récit en pointillés. Elle rôde mais
refuse de s'installer. Tout se passe comme s'il n'y avait plus qu'un " mac-guffin" élevé à la puis­
sance n. Les Treize , carburant de la fiction, c'est le contrat, à la fois minimal et maximal (selon le
degré d'engagement et de croyance) , avec le spectateur, l 'assurance (au sens où l 'on contracte
une police) du film, en quelque sorte . Mais ce qu'il importe de préserver, c'est bien l'instant, l'ins­
tantané, l'éphémère. Out One répond à ce paradoxe : comment durer sans s'installer dans le temps
de l'histoire . Il y a dans Out One, toute une stratégie de l'évaporation, du glissement, de la dispari­
tion, de l'évanouissement, tout un jeu de funambule qui permet au film d'échapper à !'Etre du film
et de rester suspendu , hors de toute détermination. Le suspense fait place au suspens . Rarement,
la légéreté grave de Jacques Rivette aura été aussi brillamment et aussi sérieusement mobilisée.
Des personnages comme des projectiles jetés dans le présent d'un montage qui préserve l'inatten­
du . Un espace probabilitaire régi par une logique de la bifurcation. Un jeu où il s'agit seulement
d'inventer ses propres lois , ses propres règles à chaque instant. Un exercice de disponibilité , de
complicité , d'attention à l 'autre . Un film-feuilleton, sériai, workshop , free-jazz, qui oscille sans
arrêt de l'articulation vers la désarticulation. Un modèle d'architecture utopique qui pourrait se
dissoudre à tout moment.

Oui, Out One est à la fois tout cela et bien d'autres choses encore . Plus important
encore, au terme de ce film-happening, nous savons que quelque chose s'est dessiné , à notre in­
su , à l ' insu des acteurs, à l ' insu du metteur en scène , à l'insu du film-même . Ce quelque chose ,
c'est bien la communauté , l'exigence de la communauté . Communauté fragile et flottante , des­
tinée toujours à la perte , née pour mourir, pour se décomposer, pour se noyer dans la mer (celle
qui, peu à peu , prend le pouvoir sur le film) ou s'évaporer dans le blanc de l'écran et de la lumière .
"On se sépara instantanément, sans qu'il y eût de reste, sans que se soient formées ces séquelles
nostalgiques dans lesquelles s'altère la manifestation véritable ( . . . ) Il est là, il n'est plus là; il igno­
re les structures qui pourraient le stabiliser. Présence et absence , sinon confondues, du moins
s'échangeant virtuellement. " (M. Blanchot)4. Pas de mot fin, mais le grand éclat de rire de Michael
Lonsdale sur la plage désertée. Les spectateurs demeurent encore un moment, associés , comme
les membres d'un même corps, les parties d'un même édifice , puis se dissolvent dans l'air, lais­
sant, eux aussi, place nette . C'est la fin? Peut-être pas 5..
1 58

O U T O N E : N O L I M E T A N G E R E

Jul iet Berto, Due/le


I F 1 L M ' P A R A L L E L I

FRAN Ç O I S THOMAS

M US I CA E S UONO I N D I RETTA

Perché la colonna sonora, anziché essere composta dopo le riprese , non potrebbe essere registra­
ta ne! momento stesso in cui si gira? Perché i musicisti non possono essere in scena allo stesso tito­
lo degli attori, anziché farsi udire arbitrariamente da un luogo misterioso?
Questo strano percorso, che Jacques Rivette ha voluto tentare nei suoi film "paralleli" Duelle, No­
-

roît e Merry Go Round è legato ad una nuova concezione del "suono in diretta" di cui Rivette è in
Francia uno dei più ferventi fautori, insieme con Rohmer e Straub.

Duelle e Noroît sono rispettivamente la seconda e la terza parte di una tetralogia


incompiuta intitolata dapprima Lesfilles de/eu e successivamente Scènes de la vie parallèle-. pun­
to di partenza, ispirato alla mitologia celtica, erano i quaranta giorni di tregua in cui, tra l'ultima lu­
na d'inverno e la prima luna di primavera , i morti tornavano sulla terra. Secondo Rivette " il rap­
porto tra i quattro film era tenue, si trattava veramente di un quadro molto va go . . . Esisteva una
progressione tra i quattro, un crescendo di complessità legato all'intervento della musica sull'azio­
ne " 1 . Rivette non ha avuto occasione di precisare questo rapporto musicale tra i quattro film se
non per dichiarare che "questa esperienza di musica in diretta è qualcosa che vorrei portare avan­
ti; in Duelle e Noroît erano solo gli inizi; lo si faceva con una certa timidezza pensando : andremo
più in là con il quarto"2

Merry Go Round benché non faccia parte di questa tetralogia incompiuta è, per di­
versi aspetti, molto vicino a Duelle e Noroît. Oltre alla presenza di scene parallele alla "fiction" e ad
un approccio del suono e della musica che prolunga quello di questi due film, Merry Go Round,
ha in comune con essi Io stesso splendore plastico ( i tre film, fotografati di William Lubtchansky,
costituiscono una trilogia sotto il profilo dell'immagine), Io stesso uso delle convenzioni di un ge­
nere determinato (il fantastico in Duelle, il film d'avventura in Noroît e il poliziesco in Merry Go
Round), la stessa risoluzione dei conflitti grazie ad un duello in un campo "magnetico", la stessa
sfortuna di pubblico e di critica. Occorre forse ricordare che il film più fiamrneggiante di Rivette,
Noroît, è stato distribuito in Germania, prima che in Francia?
Musica o suono in diretta, musica e suono in diretta : questo problema che è al centro dell'attività
creativa di Rivette, viene qui affrontato attraverso una breve analisi del sistema sonoro di questi tre
film.

"Questa è la realtà: perchè manipolarla?" : questa professione di fede del realismo,


formulata da Rossellini, sembrerebbe privilegiare il suono in diretta rispetto a qualsiasi altra tecni­
ca, eppure Rossellini, corne quasi tutto il cinema italiano, ha sempre praticato la postsincronizza­
zione. In Rivette invece l'uso generalizzato del suono in diretta non è legato ad una volontà di rea­
lismo, ma risponde piuttosto all'intento di barare in modo esplicito con la realtà .

Quando Rivette per tutta la durata di L 'amourfou o di Noroît mette in primo pia­
no rumori e suoni di fondo a scapito dei dialoghi, questa evidente manipolazione dei materiali
1 "Cahiers du cinéma", sonori contribuisce a evidenziare l 'impossibilità intrinseca di un qualsivoglia realismo uditivo :
n. 323-324. più pretende di essere obiettiva e neutrale, più la registrazione diretta restituisce suoni che l'orec­
2 "Cahiers du cinéma" , n. 327.
chio umano, più selettivo, udrebbe appena. La tecnica di Rivette, tuttavia , è fondata sull'autenti­
3 Il film descrive, infatti, una
regressione infantile. cità del suono e lo spettatore deve considerare " reale" qualsiasi suono udito nei suoi film degli
4 "PositiP', n. 104, aprile 1 969. anni '70 (il suono in diretta viene chiamato in inglese " real sound") . Questo contratto stipulato tra
Rivette e il suo pubblico è paradossalmente rinforzato dalla presenza di suoni immotivati o acci­
dentali. Rivette auspica o addirittura provoca gli incidenti durante le riprese , e la casualità per lui
è una buona artefice . Ad esempio ne! finale di L 'amourfou: "Durante le riprese dell'ultima scena
- dichiara Rivette - un ragazzino è passato fuori campo correndo e poiché si filmava con il sonoro
in diretta abbiamo registrato anche il suo grido. E non era possibile apportare modifiche essendo
cià contrario al principio stesso del film; per di più in questo caso si trattava di una 'casualità og­
gettiva' davvero sconvolgente3 che non avrei mai osato organizzare in anticipo"4 . Il principio di
non tagliare e , quantomeno in apparenza, di nulla aggiungere al suono in diretta permetterà - ne!
caso - di far meglio accettare allo spettatore il fantastico o l'irreale.
160

F I L M ' P A R A L L E L I '

Quando le due " infermiere " di Céline etjulie vont en bâteau lasciano la " rappresentazione" si
odono calorosi applausi segno della presenza di "fantasmi" testimoni della scena registra ta. Il suo­
no "reale" è garanzia stessa dell'irrealtà.

In Rivette , anche quando il film non si svolge in un luogo chiuso o su un'isola, il


suono in diretta è legato ad una sensazione di chiusura e talvolta di accerchiamento: nella foresta
di Merry Go Round gli acuti stridii di uccelli alla Hitchcock creano una minaccia esclusivamente
sonora. I rumori d'ambiente non sembrano provenire dall'interno dell'inquadratura, ma da tutt'in­
torno allo schermo, corne se l'immagine fosse continuamente aggredita da cio che la circonda.

Anche Merry Go Round , il film di Rivette che "respira" di più , resta nonostante cio
caratterizzato da un confine: il mare . Nelle scene oniriche a ripetizione in cui Hermine Karagheu­
ze è di volta in volta accerchiata da serpenti o inseguita da )oe Dallesandro, si sente talvolta un ru­
more pressocché indistinto che lascia immaginare un fuori campo cui lo spettatore è libero di at­
tribuire una pluralità di significati: un altrove inaccessibile, liberazione , minaccia ("Lei, signora, ha
paura del rumore del mare" dice Geraldine Chaplin in Noroît) . . o semplice presenza sonora senza
.

conseguenze . Nell'ultima scena compare il mare: e sottolinea il momento in cui per i due perso­
naggi "bloccati" entrambi , sia pur in modo diverso, la fuga in avanti non è più possibile e ove la
narrazione , costretta in un vicolo cieco, non puo più proseguire .

Il rumore fragoroso del mare, che appare sullo sfondo in numerose sequenze di
Noroît, non si colloca in un secondo piano sonoro ma pervade l 'immagine al punto da sembrare
situato ad un altro livello di realtà . Una simile concezione del suono in diretta sembra dover esclu­
dere qualsiasi utilizzo della colonna sonora, elemento estraneo al falso "reale" che il film registra e
che annullerebbe il patto del suono in diretta . I film di Rivette nascono sempre da un conflitto tra
le diverse componenti del cinema, analogo all'antagonismo che si iscrive nella trama drammatica .
L o schema fondamentale è noto : i n Rivette si contrappongono improvvisazione e manipolazione ,
casualità e controllo . Tutti i suoi film oscillano tra il libero arbitrio dei personaggi e il complotto
forse immaginario che li minaccia, tra l'improvvisazione degli attori (e talvolta della stessa sceneg­
giatura) e il rigore del montaggio. Se in altri, corne Rohmer l 'elemento aleatorio è dato dall'inter­
vento della casualità all'interno di un quadro rigorosamente determinato, in Rivette la funzione
della casualità è di comporre una combinatoria. Ed è questo contrasto che, nella colonna sonora ,
mette a confronto dialoghi e rumori registrati sulla scena da una parte, e dall'altra questa esigenza
difficile da ridiscutere che il film comprenda anche della musica , che rimane tuttavia un' intrusio­
ne arbitraria.

Infatti, dopo aver chiesto a Philippe Arthuys la musica di Paris nous appartient e a
jean-Claude Eloy quella, molto elaborata, di La religieuse 5, Rivette ha poi temporaneamente rifiu­
tato la musica da film. Questa scelta riguarda paradossalmente i suoi film più lunghi: L 'amour
fou6 , il mitico Out One e Celine etjulie vont en bâteau. E' vero che film corne questi basati a tal
punto sui meccanismi dell'attenzione traggono beneficio dall'assenza della musica. La continuità
dei rumori di fondo induce Io spettatore ad una concentrazione che si rinnova ad ogni cambia­
mento di luogo e quindi di "scenografia sonora' "(se i personnagi entrano in un caffé è una ventata
sonora che li investe), ad una vera e propria tensione/attenzione ipnotica. La persona che vive in
5 Il film cercava di collegare gli una stanza affacciata su una via rumorosa è veramente sensibile a questo rumore solo quando si
interventi musicali e il suono in trova in uno stato di tensione nervosa; nelle scene di appartamento in L 'amourfou è questa ten­
diretta altemandoli per mezzo
di rumori ottenuti sione che Rivette ricrea conferendo un ruolo smisurato ai rumori provenienti dalla strada . Gli uni­
musicalmente. Come diceva ci elementi musicali accettati saranno allora quelli che si integrano all'azione, musica non da film
Rivette "la colonna sonora è
diventata integralmente una
ma da teatro (in L 'A mourfou e Out One) o d'appartamento ed evidentemente registrata contem­
partitura" ("Cahiers du poraneamente ai rumori di fondo. In Céline etJulie vont en bâteau film dal montaggio particolar­
Cinéma", n. 204, sett.1968). mente frammentato, questa scelta nasce da un vero e proprio misticismo del suono in diretta .
6 L 'A mourfou ospita una
breve parentesi musicale dopa
ben quattro ore di proiezione. E' improbabile che Io spettatore possa distinguere un pianoforte registrato in diret­
Questa tregua inattesa ta da uno sincronizzato successivamente , eppure Rivette non accetta il minimo compromesso ri­
concessa allo spettatore non
figura nella versione ridotta (2 spetto alla sua scelta iniziale, tanto è vero che nelle scene di cabaret - egli dice - "persino la musica
ore e 10 minuti). del pianoforte nei numeri di juliet (Berto) e Dominique (Labourier) è registrata completamente in
7 "Cahiers du Cinéma",
diretta , inquadratura per inquadratura, con i suoni in sincrono, il che - tra l'altro - ha comportato
n.237 Sett 1981
difficoltà nel montaggio. "7 .
161

F I L M ' P A R A L L E L I '

Singolare metodo di ripresa? Forse, perô si tratta semplicemente di quello degli inizi del cinema so­
noro, quando l'inserimento di un brano sinfonico richiedeva la presenza sulla scena di cinquanta
musicisti. Prima che si generalizzasse l'uso della "musica da film" i registi giustificavano sovente la
musica grazie a una fonte presente nell'immagine e dovevano utilizzar vari sotterfugi: il più straor­
dinario per la sua incongrua necessità e forse, in Thunderbolt di Sternberg (1 929), la presenza di un
quartetto vocale e di un pianoforte nel braccio della morte di una prigione.

Musica motivata, musica arbitraria: il cinema di Rivette è esemplare per il fatto che
per lui questa dicotomia originaria costituisce ancora un problema, ma anche perchè egli ha ten­
tato, nei suoi film "paralleli", di combinare questi due approcci apparentemente contraddittori. In
Duelle, Noroît, e Merry Go Round, parallelamente alla narrazione, rispettivamente uno, tre e due
musicisti improvvisano in diretta . Si tratta di un modo di associare l'improvvisazione musicale a
quella degli attori ( più o meno rilevante secondo i film) ma soprattutto di estendere semplice­
mente alla musica il principio del suono in diretta8, conferendo dunque una forma di logica e di
coerenza alla colonna sonora . La maggior parte dei cineasti, dovendosi misurare con il carattere
composito della colonna sonora , con la sua partitura in tre settori dai confini mutevoli, (cui ag­
giungerei il silenzio, se qui non fosse escluso da! suono in diretta), tracta in effetti la voce, il rumore
e la musica corne tre materiali distinti.

Altri invece cercano di avvicinarli, persino di confonderli: diminuendo le differen­


ze di sonorità ( rendere musicale la voce o il rumore, ridurre a rumore voce e musica fino ad assi­
milare , per precisi effetti, un rumore a un dialogo) , incorporandole in una composizione sonora
8 Secondo Rivette, "non c'è un
momemo, né nel pianoforte di rigorosa ed omogenea , oppure - ed è la tecnica adottata da Rivette nei suoi film "paralleli" - ten­
Wiener(Duel/e), né nei tre tando di applicare la stessa regola aile diverse forme di suono . Questa generalizzazione della ri­
musicisti (Noroît), persino presa in diretta comporta tuttavia un procedimento estremamente irrealistico, quale la presenza
quando essi non compaiono
sullo schermo, non c'è un non giustificata dei musicisti in scena .
momento che sia
successivamente rivisto in fase In Duelle, senza prender parte all'azione, il pianista Jean Wiener ed il suo strumen­
di missaggio" ("Cahiers du
cinéma", n. 327). to occupano con discrezione un angolo negli interni più vari, cosi corne i tre strum�ntisti di Noroît
9 In virtù della regola di Rivette (flauto , basso e percussioni) nelle diverse sale del castello . Fan quasi parte della tappezzeria, e
secondo cui "tutte le regole
non sono mai ripresi al centro dello schermo , ma talvolta una carrellata laterale li fa entrare in
debbono essere violate una
volta" ("Cahiers du Cinéma", n. campo, rendendo più evidente l'incoerenza della loro presenza.
204), Noroît lascia tuttavia che
il momento della musica
interferisca brevemente con la Duelle et Noroît innalzano una sorta di barriera tra il gruppo dei musicisti e quello
narrazione quando l'attrice più degli attori che recitano attorno a loro, cosi corne accade in Céline etJulie tra le due spettatrici-in­
giovane e più giocosa, ·
fermiere (Juliet Berto e Dominique Labourier) e le attrici-fantasma (Bulle Ogier e Marie-France Pi­
passando davanti agli
strumentisti, prende per un sier); una barriera implicita, quasi un vetro che invisibilmente separa 9 e che conferma in maniera
attimo il loro tamburo. Allo eloquente il carattere magnetico che assumono in Rivette i rapporti tra gli esseri: in Out One Spec­
stesso modo nel dancing di tre <love attori di teatro si dedicano ad esercizi allo specchio, Bulle Ogier alzando la mano ordina
Due/le la musica di Jean
Wiener si trova legata ad una "Non procedere oltre" a jean-Pierre Léaud che si trova letteralmente bloccato da una lastra di vetro
situazione: accompagna le invisibile. Questa separazione spaziale tra i musicisti e il racconto è ancora più radicale in Merry
evoluzioni dei ballerini.
10 I film di Rivette mostrano Go Round: il contrabbasso e il clarinetto basso suonano di fronce al microfono che li registra , in
sovente, se non uno studio improvvisato e dall'inizio aile fine del film le inquadrature dei musicisti si alternano ai­
costantememe, la difficoltà di le immagini della narrazione .
far nascere la loro narrazione.
Noroît, per esempio, trae
origine da un caos da cui si Si tratta di un modo capovolto di trasformare una "musica da film" in suono in di­
staccherà progressivamente retta o piuttosto in musica in diretta: se proprio ci deve essere la musica è meglio non barare e mo­
per cominciare ad organizzarsi
e il suono accentua questo strare da <love proviene . La musica in Merry Go Round assume il ruolo di elemento motore che
processo: il dialogo, anima l'azione . Il film trae origine da! gesto lento di un suonatore di contrabbasso che, in primo
inizialmente impercettibile (al piano, mostra il suo archetto e Io appoggia su una corda w
pumo che tal une battu te in
francesesono sottotitolate)
acquisterà chiarezza a poco a La musica di Duelle e di Noroît, per quanto avesse un carattere ambiguo,non si al­
poco nonostante i rumori in
lontanava molto da una musica di accompagnamento. Nel tentativo di conferire alla musica arbi­
diretta più che mai sfrenati,
mentre la musica in diretta, traria una motivazione, Rivette finiva col <lare un carattere arbitrario (rispetto alla narrazione) alla
inizialmente informale, si musica motivata ( dall'immagine) .
trasformerà bruscamente in
melodia quando Larrio Ekson
trascina Bernadette Lafont in In Merry Go Round i termini sono capovolti: questa volta è la narrazione a com­
un "pas de deux" indiavolato. mentare la musica , vera e proprio substrato del film. La musica di Merry Go Round fa propria la
1 62

F 1 L :vt l' A R A L L E L f

Bernad ette Lafont, G e r a l d i n e C h a p l i n , Noroît, c o l l . " C a h i e r s d u c i n é m a "


163

F I L M ' P A R A L L E L I '

consueta antinomia di Rivette : da un lato è improvvisata e dunque libera e aperta; dall 'altro , in
virtù del montaggio, costruisce e structura il film costituendo essa stessa elemento di manipolazio­
ne ; ne deriva dunque che Merry Go Round è allo stesso tempo il film più libero e più sbrigliato di
Rivette, ma anche il più ripiegato su se stesso.

Se i film "paralleli" di Rivette inseriscono musica, rumori e dialoghi in un dispositi­


vo sonoro ermetico, questo avviene per conservare loro, all'interno di questa structura, una mag­
gior libertà: senza dubbio quella che scaturisce dall'improvvisazione o dalla semi-improvvisazio­
ne , ma anche quella di svilupparsi autonomamente senza che la musica sia per esempio costretta
a sottolineare il dialogo o a collegarsi a questo o a quel rumore per produrre un determinato effet­
to. E vero che in Noroît la musica entra talvolta in stretto rapporta con i dialoghi, o almeno con i
frammenti in inglese di Tbe Revenger's Tragedy di Cyril Tourneur (1 607), il lavoro teatrale che ser­
ve da punto di partenza a Rivette. In una scena tra Geraldine Chaplin e Kika Markham che implica
numerosi versi di Tourneur, le sottolineature del flauto intervengono alla fine del verso o dopo la
cesura principale:

Who can perceive this // save that eternal eye That sees through flesh and ail? //
Weil, if anything be damned, oppure le due parti di uno stesso verso ("ls man's meat in these
days ,// and in the morning") vengono ciascuna sottolineata , quasi alla sillaba, da una frase del
flauto. Ma in questo caso si tratta di un testo preesistente e per di più in versi; allo stesso modo il
gong in l'Amourfou serve a sottolineare le cesure di Andromaca.

Rette da un stesso principio, le tre forme di suono - voce , musica e rumore - restano
tuttavia indipendenti, oppure se una dipendenza esiste, è quella della disgiunzione radicale. In
Merry Go Round mentre musica e rumore possono mescolarsi, musica e dialogo restano separati
alternandosi in modo reciproco . ln Duelle invece, gli interventi del pianoforte , sempre collocati
all'interno di una scena dialogata , rafforzano l'unità della sequenza e contribuiscono a collocarla
in uno spazio; nell'ultima parte del film, quando i dialoghi si fanno più rari ed i personaggi entra­
no in mondi "paralleli " , il pianoforte diventa superfluo. Questa rarefazione del dialogo, che è pro­
gressiva in Duelle, riguarderà Noroît e Merry Go Round ne! loro complesso - il che è un modo dav­
vero curioso di adattare un lavoro teatrale - al punto che l'intreccio di Noroît è in gran parte lascia­
to all'immaginazione dello spettatore.

Nei film " paralleli" di Rivette le conversazioni vere e proprie sono piuttosto rare
oppure straordinariamente smisurate. Ad eccezione di due o tre conversazioni lunghe, la maggior
parte dei dialoghi in Merry Go Round è costituita da frammenti, mentre le repliche sibilline di
Duelle e Noroît spesso consentono l'immediata comprensione da parte dell'interlocutore, ma non
della spettatore che non possiede la chiave che gli consentirebbe di chiarirne i misteri: l'importan­
te è che l'essenziale sia taciuto e resti un segreto .

Noroît moltiplica i monologhi e i falsi dialoghi in cui i due interlocutori non si rivol­
gono l'un l'altro, ma anche le grida, gli urli, le prove vocali che assumono l'aspetto di esercizi tea­
trali. Storielle , formule magiche e parabole (Duelle) , filastrocche in parte recitate e in parte cantate
(Noroît) , condizione ipnotica di un ipnotizzatore (Merry Go Round), tentazione della metrica (già
presente prima sia attraverso le prove teatrali in Paris nous appartient, L 'A mourfou e Out One, sia
l'introduzione dissimulata di alessandrini classici in Céline etjulie) tutte forme della parola che
congiurano per impedire l'instaurarsi di veri e propri dialoghi. Si potrebbe dimostrare facilmente
la stessa cosa a proposito dei rumori e della musica, corne se l'associarsi perfetto dei suoni all'in­
terno del meccanismo dovesse comportare la loro disgregazione , la loro polverizzazione persino
la loro assenza di significato : battute difficilmente udibili o "sfasate" (allusioni e citazioni enigma­
tiche) , rumori superflui, musica talvolta informale.

Ne! tentativo di ridurre Io scarto tra la casualità e il controllo, Rivette non fa altro che
accentuarlo , conferendogli la massima ampiezza . Più stimola il caso e l'improvvisazione più egli
aumenta il rigore del controllo e della manipolazione; e più cerca di <lare compattezza alla struttu­
ra , più gli elementi che la compongono si rivelano erratici . La tecnica di Rivette , la sua ricerca di
una coerenza sonora a qualsiasi costo, di una associazione logica tra voce, musica e rumore è pos­
sibile solo a prezzo di numerosi paradossi : potranno mai essere paralleli gli angoli di un triangolo?
1 64

F I L M ' P A R A L L E L I '

Joe Dallessandro, Maria Schneider, Merry Go Round, col l . "Cahiers du cinéma"


L E s F 1 L M S " P A R A L L E L E S "

F RA N Ç O I S T H O M A S

M US I QUE E T SON D I RECTS

Pourquoi la musique, au lieu d'être composée après le tournage, ne serait-elle pas


enregistrée sur le plateau, pendant que tourne la caméra? Pourquoi, au lieu de se faire entendre
arbitrairement d'un lieu mystérieux, les musiciens ne seraient-ils pas présents dans l ' image , au
même titre que les comédiens? Cette démarche étrange, que Jacques Rivette a tentée dans ses
films " parallèles" - Duelle, Noroît et Meny-Go-Round - met en jeu toute une conception du son di­
rect, dont Rivette est en France, avec Rohmer ou Straub, l'un des plus fervents inconditionnels.

Duelle ( l 975) et Noroît ( 1 976) sont respectivement les volets 2 et 3 d'une tétralogie
inachevée intitulée Lesfilles du jeu puis Scènes de la vie parallèle dont le point de départ, inspiré
par la mythologie celtique, était les quarante jours de répit pendant lesquels, entre la dernière lu­
ne d'hiver et la première lune de printemps, les morts revenaient sur terre . Selon Rivette, "le rap­
port des quatre films était flou, c'était vraiment un cadre très vague . . . Il y avait une progression
des quatre , une progression de complication liée à l'intervention de la musique sur l'action" l . Ri­
vette n'a pas eu l'occasion de préciser ce rapport musical entre les quatre films , sinon pour décla­
rer que "cette expérience de musique en direct est quelque chose que j ' aurais envie de pour­
suivre; dans Duelle et Noroît, c'était le début; on le faisait avec certaines timidités, en se disant: on
ira plus loin dans le quatrième"2•

Meny-Go-Round ( l 977) , s'il ne fait pas partie de cette tétralogie inachevée, est par
bien des aspects extrêmement proche de Duelle et Noroît. Outre l a présence de scènes "pa­
rallèles" à la fiction et une approche du son et de la musique qui prolonge celle de ces deux films,
Merry-Go-Round partage notamment avec eux une même splendeur plastique (les trois films ,
photographiés par William Lubtchanski, forment visuellement une trilogie) , le même emploi des
conventions d'un genre déterminé (le fantastique dans Duelle, le film d'aventure dans Noroît et le
film policier dans Meny-Go-Round), la même résolution des conflits par un duel dans un champ
"magnétique" . . . et la même infortune publique et critique. Faut-il rappeler que s'il a été distribué
en Allemagne fédérale, le film le plus flamboyant de Rivette, Noroît, est toujours inédit en France?

Musique ou son direct, musique et son direct: cette question, au cœur de la créa­
tion rivettienne , est ici abordée de deux façons parallèles et espérons-le complémentaires, au
moyen d'une brève analyse du dispositif sonore de ces trois films .

"Les choses sont là: pourquoi les manipuler?": cette profession de foi du réalisme,
formulée par Rossellini, semblerait privilégier le son direct à l'exclusion de tout autre procédé , et
pourtant Rossellini, comme presque tout le cinéma italien, a toujours pratiqué la postsynchronisa­
tion. Chez Rivette, inversement, l'emploi généralisé du son direct ne relève pas d'une volonté de
réalisme , mais répond bien plutôt au parti pris de tricher explicitement avec le réel. Lorsque Ri­
vette, tout au long de L 'A mourfou ou de Noroît, met les bruits et les ambiances au premier plan,
au détriment des dialogues, cette manipulation ostensible des matériaux sonores contribue à met­
tre au jour l'impossibilité intrinsèque d'un quelconque réalisme auditif: plus il prétend à la neutra­
1"Cahiers du Cinéma",
n. 323-324. lité et l 'objectivité, plus l'enregistrement direct restitue des sons que l'oreille humaine , plus sélec­
2 "Cahiers du Cinéma", tive, n'entendrait qu'à peine. La démarche de Rivette n'en est pas moins fondée sur l'honnêteté du
n. 327.
3 Dans la mesure où le film
son, et le spectateur doit tenir pour "réel" (son direct se dit "real sound" en anglais) tout son enten­
décrit une régression infantile. du dans ses films des années 1 970.
4 "Positif", n . 1 04, avril 1 969.

Ce contrat passé entre Rivette et son public est paradoxalement renforcé par la pré­
sence de sons immotivés ou accidentels. Rivette souhaite sinon provoque les incidents de tour­
nage, et le hasard, chez lui, fait bien les choses. Ainsi à la fin de L 'Amourfou: "Pendant que nous
tournions ce dernier plan, déclare Rivette , un gosse est passé hors-champ en courant et, comme
nous filmions tout en son direct, nous avons enregistré son cri. Il n'était pas question d'y toucher
puisque c'était le principe même du film; et puis là, nous avons eu droit à un 'hasard objectif' assez
terrifiant3 que je n'aurais jamais osé préméditer."4 . Le principe de ne rien retrancher et, au moins
en apparence, de ne rien ajouter au son direct permettra d'autant mieux, le cas échéant, de faire
166

L E S F I L M S " P A R A L L E L E S "

accepter au spectateur le fantastique ou l 'irréalité. Les deux "infirmières" de Céline etJulie vont en
bateau quittent-elles la "représentation" , nous entendons des applaudissements nourris qui attes­
tent la présence de "fantômes" témoins de la scène enregistrée par la caméra . Le son "réel" est le
gage même de l'irréel.

Chez Rivette, même lorsque le film ne se déroule pas dans un lieu clos ou dans une
île, le son direct est lié à une sensation d'enfermement, et parfois d'encerclement: dans la forêt de
Merry-Go-Round, des cris aigres d'oiseaux hitchcockiens introduisent une menace purement so­
nore . Les ambiances ne semblent pas provenir de l ' intérieur du cadre , mais de tout autour de
l'écran, comme si l 'image était sans cesse agressée par ce qui l 'entoure . Merry-Go-Round, celui
des films de Rivette qui "respire" le plus, est cependant pourvu d'une limite: la mer.

Dans les scènes oniriques à répétition où Hermine Karagheuze est tour à tour en­
cerclée par des serpents et poursuivie par Joe Dallesandro , on entend parfois un bruit relative­
ment indistinct qui suggère un hors-champ auquel le spectateur est libre d'attribuer telle ou telle
valeur: ailleurs inaccessible, libération, menace ("Vous avez peur du bruit de la mer, Madame" , dit
Geraldine Chaplin dans Noroît) . . . ou simple présence sonore sans conséquence. Vient la dernière
séquence, et cette fois la mer apparaît dans l'image : elle marque Je moment où , les deux person­
nages étant diversement "coincés" , la fuite en avant n'est plus possible, où la fiction, acculée dans
une impasse, ne peut se dépasser. Le bruit fracassant de la mer qu'on voit en arrière-plan dans plu­
sieurs séquences de Noroît n 'est pas situé lui-même dans un arrière-plan sonore , mais envahit
l'image tout entière, au point de paraître situé à un autre niveau de réalité .

Une telle conception du son direct semble devoir exclure toute utilisation de la
musique de film, élément sonore extérieur au faux "réel" que le film enregistre , et qui briserait le
contrat du son direct. Les films de Rivette procèdent toujours d'un conflit entre les divers maté­
riaux du cinéma, analogue à l 'antagonisme qui s'inscrit dans la trame dramatique . La figure fonda­
mentale en est connue: s'opposent chez Rivette l 'improvisation et la manipulation, Je hasard et Je
contrôle. Chacun de ses films oscille entre le libre-arbitre des personnages et Je complot peut-être
imaginaire qui les menace, entre l'improvisation des comédiens (et parfois du scénario lui-même)
et la rigueur du montage. Si chez d'autres, comme Rohmer, l 'aléatoire se définit par l'intervention
du hasard à l 'intérieur d'un cadre rigoureusement déterminé, chez Rivette la fonction de l'aléa est
de susciter une combinatoire. C'est un tel conflit qui, dans la bande sonore, met aux prises les dia­
logues et les bruits enregistrés sur le plateau d'une part, et de l 'autre cette exigence difficile à re­
mettre en cause que le film comprenne de la musique, intrusion pourtant arbitraire .

De fait, après avoir demandé à Philippe Arthuys la musique de Paris nous appar­
tient et à Jean-Claude Eloy celle, très élaborée, de La Religieusé', Rivette a momentanément refusé
la musique de film. Ce parti pris concerne paradoxalement les films les plus longs de Rivette :
L 'Amourfou 6 , le mythique Out One, et Céline etJulie vont en bateau . Il est vrai que des films qui
jouent à ce point sur les mécanismes de l'attention bénéficient de l'absence de musique de film. La
permanence des ambiances oblige le spectateur à une concentration qui ravive chaque change­
ment de lieu et donc de "décor sonore " (les personnages entrent-ils dans un café , c'est tout un
5 Le film cherchait à relier les bloc sonore qui les assaille) , à une tension/attention hypnotique .
interventions musicales et le
son direct, à les faire se relayer
au moyen notamment Qu'une pièce située s u r r u e soit bruyante , la personne q u i y v i t n ' y e s t vraiment
d'intermédiaires fournis par sensible qu'en état de tension nerveuse; dans les scènes d'appartement de L 'Amourfou, c'est cet­
des bruits obtenus musicale­ te tension que Rivette recrée en accordant une place démesurée aux bruits qui montent de la rue .
ment. Comme le disait Rivette,
"la bande sonore est devenue Les seuls éléments musicaux tolérés seront alors ceux qui s'intègrent à l'action, musique non pas
complètement une partition" "de film" mais de théâtre (dans L 'Amourfou et Out One) ou d'appartement, et bien sûr enregistrée
("Cahiers du cinéma", n. 204,
en même temps que les ambiances. Dans Céline etJulie vont en bateau, film au montage particu­
septembre 1968).
6 L 'A mourfou accueille lièrement découpé, ce parti pris procède d'un véritable mysticisme du son direct. Il est plus que
pourtant une brève respiration douteux que le spectateur puisse faire Je partage entre un piano enregistré en direct et un piano
musicale après quelques
quatre heures de projection. postsynchronisé, mais Rivette se refuse à la moindre tricherie avec son principe de départ, si bien
Ce répit inattendu accordé au que dans les scènes de cabaret, dit-il, "même la musique de piano des numéros de Juliet (Berto) et
spectateur ne figure pas dans Dominique (Labourier) est prise complètement en direct, plan par plan, avec les sons synchrones,
la version courte (2h l0)
7 "Cahiers du cinéma", n.237,
ce qui, en passant, n'a pas été commode à monter après" 7. Curieuse méthode de tournage? Peut­
septembre 198 1 . être , mais c'est tout simplement celle des débuts du parlant, où l'emploi d'un morceau symphoni-
167

L E S F I L M S " P A R A L L E L E S "

que nécessitait la présence sur le plateau de cinquante musiciens . Avant que ne se généralise
l'emploi de la "musique de film" , les réalisateurs justifiaient le plus souvent la musique par une
source visible dans l'image, et devaient recourir à divers subterfuges dont le plus admirable par sa
nécessité incongrue est peut-être, dans Thunderbolt de Sternberg (1 929) , la présence d'un qua­
tuor vocal et d'un piano dans le "couloir de la mort" d'une prison.

Musique motivée, musique arbitraire: le cinéma de Jacques Rivette est exemplaire


en cela que pour lui cette dichotomie originelle pose encore problème, mais aussi parce qu 'il a
tenté , dans ses films "parallèles" , de combiner ces deux approches en apparence contradictoires.
Dans Duelle, Noroît et Merry-Go-Round, parallèlement à la fiction, un, trois, puis deux musiciens
improvisent en direct. C 'est là une façon d'associer l 'improvisation musicale à l 'improvisation
(plus ou moins importante selon les films) des comédiens , mais surtout d'étendre purement et
simplement le principe du son direct à la musique 8, et donc de donner une forme de cohérence et
de logique à la bande sonore . Confrontés au caractère composite de la bande sonore , à sa parti­
tion en trois domaines aux frontières mouvantes (auxquels on ajouterait un quatrième, le silence,
si le son direct, ici, ne l'excluait) , la plupart des cinéastes traitent en effet la voix, le bruit et la musi­
que comme trois matériaux sans grand rapport entre eux.

D ' autres au contraire tentent de les rapprocher, voire de les confondre , soit en
réduisant l'écart des sonorités (musicaliser la voix ou le bruit, réduire la voix et la musique à une
rumeur, voire assimiler, lors d'effets ponctuels, un bruit à du dialogue) , soit en les incorporant
dans une composition sonore rigoureuse et homogène, soit encore - et c'est la démarche adoptée
par Rivette dans ses films "parallèles" - en tentant d'appliquer aux différentes formes de son une
8 Selon Rivette, "il n'y a pas un
moment, tant du piano de règle identique . Cette généralisation du son direct implique cependant un procédé hautement
Wiener (Due/le) que des trois irréaliste , la présence non justifiée des musiciens dans le cadre .
musiciens (Noroît), même
quand ils ne sont pas du tout
dans l'image, il n'y a pas un Dans Duelle, sans participer en rien à l'action, le pianiste Jean Wiener et son instru­
moment qui soit repris ensuite ment occupent un coin discret dans les intérieurs les plus divers, comme les trois instrumentistes
au mixage" ("Cahiers du de Noroît (tlûte , basse et percussions) dans les différentes salles du château . Ils font pour ainsi di­
cinéma", n.327).
9 En vertu de la règle re partie du décor: ils ne sont jamais cadrés au centre de l'image, mais parfois un travelling latéral
rivettienne selon laquelle les fait rentrer dans le champ, rendant plus manifeste l 'incongruité de leur présence. Duelle et No­
"toutes les règles doivent être
roît dressent un interdit entre le corps des musiciens et celui des comédiens qui évoluent auprès
contredites une fois" ("Cahiers
du cinéma", n. 204), Noroît d'eux, comme Céline etjulie entre les deux spectatrices-infirmières Quliet Berto et Dominique La­
laisse pourtant l'espace de la bourier) et les actrices-fantômes (Bulle Ogier et Marie-France Pisier) ; interdit implicite, tel une vi­
musique interférer brièvement
avec celui de la fiction lorsque tre de verre invisible 9, et qui confirme éloquemment la nature magnétique , chez Rivette, des rap­
la plus jeune et la plus joueuse ports entre les êtres: dans Out One Spectre, où des comédiens de théâtre se livrent à des exercices
des comédiennes, passant de miroir, Bulle Ogier étend la main et ordonne "Pas plus loin!" à Jean-Pierre Léaud, qui se trouve
devant les instrumentistes,
s'empare un instant de leur littéralement bloqué par une vitre invisible.
tambour. De même, dans le
dancing de Due/le, la musique Cette séparation spatiale des musiciens et de la fiction est dans Merry-Go-Round
de jean Wiener est un moment
en situation: elle accompagne plus radicale encore : le contrebassiste et la clarinette basse, dans u n studio d'enregistrement
les évolutions des danseurs. improvisé, jouent devant le micro qui les enregistre , et du début à la fin du film les plans des
10 Les films de Rivette
musiciens entrecoupent les images de la fiction. C 'est là une manière inversée de transformer
déploient souvent
sinon toujours la difficulté de une "musique de film" en son direct, ou plutôt en musique directe : s'il doit y avoir de la musi­
faire naître leur fiction. Noroît que, autant ne pas tricher et montrer d'où elle provient. La musique, dans Merry-Go-Round, est
par exemple prend naissance
dans un chaos dont il se déta- désignée ni plus ni moins comme l 'élément moteur, comme l'instigateur de la fiction. Le film
chera progressivement pour est engendré par le geste lent du contrebassiste qui, dans le premier plan, déploie son archet et
commencer à s'organiser, et le l'applique sur une corde r n
son ne manque pas d'accen­
tuer ce processus: le dialogue,
à l'origine inaudible (au point L a musique d e Due/le e t d e Noroît avait beau être d e statut ambigu , elle n e différait
que certaines répliques en pas essentiellement d'une musique d'accompagnement. En cherchant à donner à la musique arbi­
français sont sous-titrées), ga-
gnera peu à peu en netteté traire un caractère motivé, Rivette aboutissait en un sens à pourvoir la musique motivée (par l'ima­
malgré les bruits directs plus ge) d'un caractère arbitraire (en regard de la fiction). Dans Merry-Go-Round, les termes sont ren­
que jamais déchaînés, tandis
versés: c'est la fiction qui, pour une fois, illustrera la musique , véritable substrat du film. La musi­
quda musique directe, tout
d'abord informelle, se consti­ que de Merry-Go-Round prend à son compte l'habituelle antinomie rivettienne : d'un côté elle est
tuera brusquement en mélodie improvisée, donc libre, ouverte; de l'autre, par la vertu du montage, elle construit le film, le struc­
quand Larrio Ekson entraîne
Bernadette Lafont dans un pas ture , est une instance de manipulation. Il en découle que Merry-Go-Round est à la fois le film le
de deux endiablé. plus libre, le plus vagabond de Rivette et son film en fin de compte le plus clos sur lui-même.
1 68

L E S F I L M S " P A R A L L E L E S "

Fabianne Babe. Lucas Belvaux. Hurlevent


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L E S F I L M S " P A R A L L E L E S "

Si les films "parallèles" de Rivette font entrer la musique, comme les bruits et les dialogues, dans
un dispositif sonore hermétique , c'est pour mieux leur laisser, à l'intérieur de cette structure, une
forme de liberté : celle , sans doute , qui résulte de l 'improvisation ou de la semi-improvisation,
mais aussi celle de se développer chacun de son côté, sans que la musique soit par exemple con­
trainte de ponctuer le dialogue ou de s 'enchaîner avec tel ou tel bruit pour produire un effet
donné . Dans Noroît il est vrai, la musique entre parfois en étroite relation avec les dialogues, ou du
moins avec les fragments en anglais de Tbe Revenger's Tragedy de Cyril Tourneur (1 607) , la pièce
qui servit de point de départ à Rivette. Dans une scène entre Geraldine Chaplin et Kika Markham
qui comporte plusieurs vers de Tourneur, les accentuations de la flûte interviennent en fin de vers
ou après sa coupe principale :

Who can perceive this,//save that eternal eye


That sees through flesh and all?//Well, if anything be damned,

ou bien les deux segments d'un même vers ("Is man's meat in these days,// and in
the morning") se voient chacun soulignés à la syllabe près par une phrase de flûte . Mais c'est qu'il
s'agit d'un texte préexistant et, qui plus est, versifié: de même le gong, dans L 'A mourfou, sert à
marquer les césures d 'Andromaque.

Gouvernées par un même principe, chacune des formes de son - voix, musique et
bruit- reste pourtant indépendante, ou si dépendance il y a, c'est celle de la disjonction radicale.
Dans Merry-Go-Round, alors que la musique et le bruit peuvent se mêler, musique et dialogue
sont séparés, l'une prend le relais de l'autre et réciproquement.

Dans Duetle au contraire , les interventions du piano, toujours situées à l'intérieur


d'une scène dialoguée, renforcent l 'unité de la séquence et contribuent à l 'installer dans un es­
pace ; dans la dernière partie du film, quand les dialogues se raréfient et que les personnages en­
trent dans des mondes "parallèles", le piano devient superflu . Cette raréfaction du dialogue, pro­
gressive dans Duelle, concernera Noroît et Merry-Go-Round dans leur entier - ce qui est une bien
curieuse façon d'adapter une pièce de théâtre - , au point que l 'intrigue de Noroît est en grande
partie laissée à l'imagination du spectateur.

Dans les films "parallèles" de Rivette, les conversations proprement dites sont ra­
res , ou démesurément distendues. Hormis deux ou trois longues conversations, la majeure partie
des dialogues de Merry-Go-Round n'est constituée que de bribes, tandis que les répliques sibyl­
lines de Duelle ou Noroît sont bien souvent destinées à ce que l'interlocuteur comprenne à demi­
mot, mais pas le spectateur, lequel ne détient pas le chiffre qui lui permettrait d'élucider les mystè­
res : l'important est que l'essentiel soit tu, et qu'il reste un secret.

Noroît multiplie les monologues, les faux dialogues où les deux interlocuteurs ne
s'adressent pas l'un à l 'autre , mais aussi les cris , les hurlements , les essais de voix qui prennent
l 'apparence d'exercices de théâtre . Histoires drôles, formules magiques et paraboles (Duelle) ,
comptines mi-parlées, mi-chantées (Noroît) , état hypnotique d'un magnétiseur (Merry-Go­
Round), tentation de la métrique (déjà présente antérieurement, soit par le biais de répétitions
théâtrales dans Paris nous appartient, L 'A mourfou et Out One, soit par l'inclusion dissimulée
d'alexandrins classiques dans Céline etjulie) , autant de formes de la parole qui se conjurent pour
enrayer l 'instauration de véritables dialogues. On démontrerait aisément la même chose des
bruits ou de la musique, comme si l 'association parfaite des sons à l 'intérieur du dispositif devait
entraîner leur effritement, leur émiettement, voire leur absence de sens: répliques peu audibles ou
"décalées" (allusions et citations énigmatiques) , bruits parasites, musique parfois informelle .

En cherchant à réduire l'écart entre le hasard et le contrôle, Rivette ne fait au con­


traire que l'accentuer, lui accorder sa plus grande amplitude. Plus il sollicite le hasard et l'improvi­
sation, plus il accroît la rigueur du contrôle et de la manipulation; et plus il cherche à resserrer la
structure , plus les éléments qui la composent se révèlent erratiques. La démarche de Rivette, sa re­
cherche coûte que coûte d'une cohérence sonore , d'une association logique entre voix, musique
et bruit n'est possible qu'au prix de bien des paradoxes: les angles d'un triangle pourront-ils ja­
mais être parallèles?
1 70

L E S F I L M S " P A H A L L E L E S "

Fabianne B a b e , O l i v i e r Torres , Hurlevent, p h oto Caro l i n e T h i ve l , c o l l . " C a h i e r s d u c i n é m a "


I L N 0 M E D E L P 0 R T 0

J E A N - L O U I S L E UTRAT

" E ORA IMMERGIAMOCI ANCOR PIU PROFONDAMENTE NEI CERCHI INESTRICABILI DELL'INFERNO PARIG!Nü" .
(GÉRARD D E NERVAL, lh'S NUITS D 'OCTOBRE, VJ/: LE CAFÉ DES À VEUGLES)

All'inizio di Le pont du Nord, una ragazza di nome Baptiste arriva a Parigi in motori­
no. Arriva da lontano, da un'uscita della tangenziale e la cinepresa segue con una panoramica il
suo percorso circolare fino a quando si avvicina ne! bel mezzo dell'inquadratura. Allora, cambian­
do direzione per attraversare Io spazio dietro di lei, volge le spalle alla cinepresa. In una successiva
inquadratura spostata di 1 80° si trova di fronte all'obiettivo. La prima figura presentata dalla messa
in scena è quella del capovolgimento, dell'inversione . Prima di riprendere il cammino e dopo aver
rivolto uno sguardo circolare al paesaggio urbano, Baptiste lancia una sfida alla capitale: "A noi
due, Babilonia! " . Insieme con il ricordo di Rastignac toma alla memoria quello del titolo di un altro
film di Jacques Rivette, Paris nous appartient. "A noi due" puo significare non solo sfida, ma ap­
propriazione : Babilonia la grande con le sue seduzioni e le sue dissolutezze, i suoi giardini pensili
e la doppia cerchia di mura, appartiene "a noi due".

A questo punto del film, l'incontro con Marie Lafée, benché non sia ancora avvenu­
to, è già fin d'ora scritto ne! destino di Baptiste . Il pro logo di Le pont du Nord propone il capovolgi­
mento cosl corne il primo lungometraggio di Rivette, il cui titolo è esso stesso reversibile. Baptiste
ha una bussola che consulta prima di entrare ne! labirinto della città . Il Nord: Noroît (Nord e oca),
North by Northwest (l'organizzazione segreta, il territorio degli Stati Uniti corne gioco dell'oca) . La
dualità : Duelle (il ponte corne qualcosa che collega due rive) . Il cerchio: Merry Go Round, la gio­
stra ma anche la ruota della lotteria . La grande città: " . . . Se la Parigi di Feuillade ha effettivamente
fornito uno dei fili che tessono la trama di quella di Rivette, altri fili sono senza esitazione da colle­
gare alla Babilonia di Griffith e alla Babele di Lang, ed il suo punto nodale va situato senza dubbio
nel cuore di uno degli inferni labirintici dijorge Luis Borges. Babilonia, veniamo a sapere, vive sot­
to il segno della casualità-regina: la lotteria. Ma il caso non sarà forse la forma sotto cui si manifesta­
no i complotti divini? Non ci sono mai coincidenze, o meglio non ci sono mai semplici coincidenze;
quale dei due aspetti di tale alternativa è il più terribile?"1 .

Dopo il prologo inizia la prima delle quattro giornate che organizzano la struttura
temporale del film e che impongono un'altra grande figura rivettiana, l'avvicendamento : fra due
donne e fra due luci, quella solare e quella lunare2. Questa figura si presenta all'inizio del film ne!
montaggio parallelo dell'ingresso delle due donne in Parigi. Baptiste segue un percorso definito,
1 Michel Delahaye, L 'idée lungo il quale fa degli incontri che intuiamo significativi; si sposta in motorino da un luogo all'altro
maîtresse ou le complot sans senza tempi morti, con un atteggiamento costantemente vigile e osservatore (da cui, nel montag­
maître, "Cahiers du cinéma"
n . 1 28, février 1962, p.42. gio , i raccordi sui suo sguardo) . Marie Lafée invece vaga a piedi, apparentemente senza meta, in
2 Cfr: Gilles Deleuze, L '/mage­ uno spazio relativamente limitato; i gesti che compie sono prosaici, sembra stanca e poco attenta
temps, Ed. de Minuit, 1985, p. a ciè che la circonda, tranne che ai luoghi chiusi che accuratamente evita.
20-21 ; trad. it. L 'immagine­
tempo, Milano, Ubu Libri; e Les
trois cercles de Rivette, Fin dalle loro prime apparizioni, queste donne sono associate a oggetti o cose che
"Cahiers du cinéma" n. 416, sono un po' il loro emblema. Maria è associata a inferriate e alberi: la prigione, la trappola (è stata ar­
février 1 989, p . 1 8-19.
3 Sulla facciata della locanda restata per una rapina nell'ambito di una serie di azioni terroristiche) , e la libertà . Baptiste è inqua­
della Mela d'oro si pub drata con attorno l'armatura di gru o edifici in costruzione o in demolizione. Un certo numero di in­
leggere: Stazione per il cambio
dizi permette di associarla a un prode cavaliere e il suo motorino ad un bianco destriero: il suo casco,
dei cavalli. Marie ricorda che
andando in campagna per la il cavallo dipinto su un furgoncino che si trova sui suo percorso, la parola "cavalcatura" che appare
prima volta aveva esclamato su un manifesta, o "estrier" ("destrier-étrier", destriero, staffa) che si legge su di una insegna3. Sem­
"E' bello il cavallo bianco' "
4 La spirale della chiave di
pre all'inizio del film, in una scena in cui Baptiste mette fine ad un litigio tra alcuni bambini compare
violino annuncia quella del due volte una chiava di violino, una volta su di un muro dietro ai bambini e un'altra volta in cima alla
gioco dell'oca. Quando scala che Baptiste sale dopo aver emesso la sua sentenza. La posizione di queste chiavi di violino fa
Baptiste incontra Max per la
prima volta percorre con la sua nascere l'accostamento "chiave di violino, chiave del regno dei cieli'', e non si puo non pensare alla
motocicletta un percorso che "clé des champs" , cioè la libertà di cui dispone Marie4 . 1 due personaggi continuano dunque ad esse­
disegna la forma di una chiave re associati nonostante, o forse proprio a causa, delle loro differenze . Tutto contribuisce ad insistere
di violino. Vedi Les trois cercles
de Rivette, op. cit. sull'idea di dualità, persino particolari futili all'apparenza (i due croissants comprati da Marie) .
172

I L N O M E D E L P O R T O

1 percorsi di Baptiste e di Marie s'intersecano sotto il segno del leone. In effetti, il percorso di Bapti­
ste è costellato di statue di questo animale, isolato o in coppia. Quattro luoghi diversi si giustap­
pongono. Dapprima due piazze, una con due leoni e l'altra (Place de la République) con uno sol­
tanto; in entrambi i casi quattro inquadrature in movimento che descrivono un "percorso circolare"
sono separate da tre inquadrature di Baptiste in motorino, filmata con carrellata all'indietro. In se­
guito le statue di due leoni su una facciata vengono presentate in due inquadrature separate da
un'immagine di Baptiste . All'ultima statua, quella della piazza Denfert-Rochereau,viene riservato
un trattamento particolare: Baptiste vi gira attorno due volte ed è voltandosi per guardare la statua
di spalle, che per non investire Marie cade sull'asfalto e perde il suo bianco destriero. La caduta vie­
ne in un certo senso preparata da un'inquadratura di stacco sulla statua del leone, ravvicinata corne
la vede Baptiste . Il montaggio, la successione delle inquadrature sono essenziali in questa sequen­
za. La contrapposizione tra il movimento attribuito a Baptiste e l'immobilità delle statue è rovescia­
ta da! fatto che Baptiste, ripresa da una distanza pressoché identica, irrigidita in un atteggiamento
statico, mentre i leoni vengono visti da angolature diverse, da distanze variabili, e in una posizione
che varia da statua a statua, prima in posizione diritta, quindi distesa passando attraverso una posi­
zione accovacciata. In questo insieme appare una sola inquadratura di Marie, quasi un ricordo del
montaggio parallelo iniziale . Questa scena contrasta per la sua immobilità (inquadratura fissa e
personaggio in posizione seduta), ma è insidiosamente contaminata dall'ambiente circostante. Ma­
rie ci è mostrata appoggiata contro una cancellata (corne una gabbia) mentre mangia il suo secon­
do croissant, di cui getta i resti attraverso le sbarre in direzione di un convoglio di métro (o piuttosto
del R.E.R) . L' idea del leone s'insinua allora in diversi modi: mediante l'associazione con il marchio
della Metro (MGM) , o attraverso la R raddoppiata di R . E . R . , onomatopea che richiama il ruggito
dell'animale, o ancora perchè Marie assume per un attimo la posizione di un Cristo in croce, con la
testa inclinata sulla spalla, suggerendo cosl l'immagine di una santa data in pasto ai leoni.

Il primo incontro di Baptiste a Parigi, prima dei leoni, è quello con Max su di una
moto nera , una sorta di ruggente leone . L'associazione con questo personaggio ritorna alla fine
della seconda giornata, quando le due donne si chiudono in un cinema per passare la notte : Max
si aggira davanti all'ingresso della sala e l'inquadratura che appare immediatamente dopo è quella
di una testa di leone . Il film è costellato di questi animali. Nella prima giornata essi sono associati
alla terra su cui camminano, si accovacciano o si distendono, oppure all'aria allorché una ripresa
dal basso verso l 'alto mostra la loro testa stagliata contro il cielo . La seconda giornata inizia con
delle statue di leone che fanno zampillare l 'acqua attorno ad una vasca. Nella quarta giornata il
leone diventa un drago "bifida" , "guardiano dei ponti'' che sputa fuoco.

Alla fine della terza giornata viene proposta un'altra associazione . Marie esclama :
"Tutto questo non esiste più . . . Il lupo cattivo, mamma oca, il re dei gatti, la vecchia scimmia della
montagna . . . il serraglio insomma" ! E Baptiste aggiunge a questa lista i leoni e i giochi. Il leone ap­
partiene alla categoria di animali da fiaba e da leggenda, il che permette d'altronde di collegarlo
con il gioco dell'oca e a doppio titolo: per il tramite delle "fiabe di mamma oca" e grazie al caratte­
re regale del felino che entra in relazione con il nobile gioco.

Oltre a queste successioni e all'allusione a Eric Rohmer la successione delle statue


risveglia incessantemente delle corrispondenze. Inaugura questa serie la Babilonia della storia
con la sua strada processionale ornata di leoni (per non parlare dei combattimenti dell'eroe Gilga­
mesh) . Un fumetto di Jacques Tardi del 1 977, Le savantfou (Le avventure straordinane di Adèle
Blanc-Sec) riserva un posta importante al leone della piazza Denfert-Rochereau5 . Poi altri ricordi
alla rinfusa: il primo dei quattro animali che circondano il trono di Dio nell'Apocalisse e che asso­
miglia ad un leone coperto d'occhi dinnanzi e dietro (il trono si erge ne! cielo: "Sali quassù e ti mo­
strerè> ciè> che deve accadere in seguito " , Apocalisse 4, l); la Bestia, i leoni fedeli che accompagna­
no i cavalieri o ancora i leoni di Ottobre (invece di rizzarsi qui si sdraiano) : il film porta evidenzia­
ta una data "ottobre o novembre 1 980: molto tempo fa" (si pensa anche a Les nuits d'octobre ) . Sul­
la piazza Denfert-Rochereau un cartello indica la direzione della città di Lione6 . . . I leoni insomma
sembrano trovar posta in quella sorta di gioco dell'oca che Rivette inventa per il sua film. La loro
successione potrebbe proprio rappresentare le successive caselle dell'oca. Con le due donne nel­
le veci dei dadi. Quando Baptiste decide di accompagnare Marie, un succedersi di campi-contro­
campi le mostra mentre compiono movimenti circolari, corne dadi che rotolano . Le fotografie che
illustrano Nadja, costituisco a loro modo, un gioco di questo tipo: "Prenderè> corne punto di par-
173

I L N O M E D E L P O R T O

tenza !'Hotel des Grands Hommes . . . " .Colpisce la pluralità dei significati possibili. E tutti gli indizi
sono ambigui. 1 leoni, ad esempio sono di sostegno oppure sono avversar? I l rosso e il nero sono i
colori collegati a Marie (sostituisce la sua gonna nera con una rossa, porta guanti e foulard rassi, an­
che la sua rubrica è rossa); il suo ragazzo si chiama Julien (di cognome fa Lerouge, ma si veste color
"grigio-muro"). Un ritaglio di giornale cita Io squadrone nero e il passato di Marie evoca le Brigate
Rosse . . . Sono elementi che vanno in direzione dell'indeterminatezza tra sinistra e destra. Baptiste è
piuttosto legata al bianco e al blu, colori che ben si adattano a un cavaliere di ventura o al Battista .

1 nomi dei personaggi, cosi corne i nomi dei luoghi entrano in questo grande gioco
nebuloso (!'Etoile, l'Arco di Trionfo , Denfert "e dannazione " , la Défense, Io spiazzo del drago
ecc . ) . Nell'ultima parte del film, il vocabolario relativo al fuoco unisce colonna sonora (giocare col
fuoco, sono bruciato, riscalda, andarsene in fumo) e immagine (il drago che sputa fiamme) e con­
tinua nella fantasia ("Fuoco" corne si <lice nei giochi) . Il percorso del gioco dell'oca su di una pian­
tina di Parigi viene interpretato dalle protagoniste corne una ragnatela posa ta sulla città (ma la città
stessa è una "vera ragnatela") o corne un drago ripiegatosi attorno alla sua coda. "Il gioco dell'oca
è per "les canards" <lice un personaggio. Dave "canard" non significa anatra ma giornale; i ritagli di
giornale portano tutti due lettere greche che ritroviamo sui fonda nero delle caselle del gioco che
possiedono Baptiste e Marie; cosi il percorso tra i fatti di cronaca è paragonato a quello nella città
(le lettere greche derivano probabilmente da! fatto che "il nobile gioco dell'oca deriva dai greci").
Il gioco dell'oca prevede delle fermate del métro o corne una Via Crucis . A causa del suo nome
Marie Lafée viene crocifissa tra il sacra e il profana , un po' santa e un po' fata .

Tutte le inquadrature in cui appaiono i leoni sui percorso di Baptiste hanno corne
sottofondo musicale un tango di Astor Piazzolla, "tra la musica da bordello e quella da Chiesa", se­
conda Jacques Rivette: rovesciamento, conflitto, ossimoro. "Ce ne sono due o tre echi, riprese in
altri momenti del film, corne dei soffi": Lo stesso accade per i Jeoni. Se l'associazione di queste im­
magini con questa musica è "una delle poche libertà che Rivette si è concesso, bisogna dire che es­
sa è straordinariamente vantaggiosa, euforica . . . " (Serge Daney) . Effettivamente questa successio­
ne di statue Jegate in un certo senso al movimento della cinepresa ed al ritmo del tango argentino,
è un turbinio, ripetitivo corne il ritornello, un'immagine della necessità, di questo destina cui Bap­
tiste crede. Mentre il succedersi delle inquadrature e delle azioni che accompagnano l'ingresso di
Marie a Parigi, suggerisce invece l'idea della casualità. Marie crede profondamente ne! libero arbi­
trio: dimostra a Baptiste che i suoi movimenti sono regolati soltanto dalla sua volontà ("un passo a
sinistra, due passi a destra"). Fin dall'esordio dunque il film si presenta sotto gli auspici del caso e
della necessità, e neppure il montaggio sfugge a questa logica.

La scelta della musica di Piazzolla deriva da una circostanza fortuita : " . . . un collage
successivo, in fase di montaggio. C'era, all'inizio, nella copia su cui si Javorava, una sequenza di
tre minuti senza sonoro . Perché non fosse troppo noioso durante le prime proiezioni di lavoro,
abbiamo pensato di registrare un disco, poi ci siamo talmente abituati a questa musica che abbia­
5 In un altro album di Tardi, Le
mo deciso di Jasciarla 7. Alla fine del film, poiché la cinepresa aveva rigato la pellicola , Rivette deci­
démon de la tour Eijfa, viene
annunciato un lavoro teatrale il se di aggiungere aitre due rughe, in modo da disegnare sull'immagine la croce del mirino. L'inci­
cui titolo è "Gli ultimi giorni di dente è completamente rientrato: infatti a questo punto del film i personaggi cedono il posta agli
Babilonia" e Parigi è definita
"l'oltraggiosa città che tenta attori, la finzione del complotto ad uno scontro dai toni lucidi, di conseguenza anche l'immagine
invano di eguagliare si sdoppia o piuttosto si offre a questo sguardo che non si stacca da questi corpi, che li tiene nel
Babilonia" . In Le savant/ou mirino (il suo "sguardo abbraccia tutto ciè> che si muove"). Rivette integra l'incidente al dialogo dei
hanno un loro ruolo la statua
di Raspail in piazza Denfert­ personaggi, poiché Marie parla di ripartire da zero, di fare tabula rasa, di tirarci una riga su.
Rochereau, davanti alla cui
base passa Marie e le fontane, Il gioco linguistico è organizzato con tale minuziosità, che il risultato è di una rara
regalo di un eccentrico, che
omano le piazze parigine complicazione . Per esempio una scena inizia con un'osservazione di Marie, una mattina al merca­
(informazioni gentilmente to: "Le persane sono molto piccole questa mattina " . Poi Io stesso personaggio compra dei "piccoli
fomite da Hervé]oubert­
mandarini" e delle scarpe che sarebbero adatte a Minnie Mouse. Il nesso è nella nozione di picco­
Laurencin). 6 In seguito, un
ritaglio di giomale fa lezza . "Mini" entra anche in associazione con "Max", massimo, e ricorda una canzone di Jacques
riferimento al "Rapt de Lyon" : Dutronc , "Minimax " . Fra i ritagli di giornale sfogliati, uno si riferisce aile future riprese di Sauve
Marie è staca arrestata per a ver
panecipato ad una rapina al qui peut (la vie): "Dutronc ritroverà Godard . . . in Svizzera" , ma Marie Jegge : "Dutronc corre ad oc­
Credit Lyonnais di Sant-Ouen. chi chiusi in mezzo alla nebbia svizzera , senza ben sapere che cosa Io aspetta" . Il riferimento fa
7 Jacques Rivette, Intervista, parte di un gioco che i cineasti della ex Nouvelle Vague hanno praticato con immenso piacere. In
"Cahiers du Cinéma" , n. 327,
settembre 198 1 , pag. 1 1 . Le pont du Nord, si affiancano i nomi di Doinel, Tati, i titoli Les Grandes espaces, La Prisonnière,
174

I L N O M E D E L P O R T O

Pascale et B u l l e O g i e r , Le Pont du Nord


175

I L N O M E D E L P O R T O

Kagemusha, le allusioni a Walt Disney, Laurel e Hardy . . . Il "mouse" di Minnie Mo use appartiene al
genere "serraglio" , ma anche , per la pronuncia francese "maousse'', alla serie "maxi" (di cui fa par­
te Hardy) . Gli stessi nomi degli attori sono travolti da questo turbinio: i piccoli mandarini si chia ­
mano clementine, <lice la venditrice : il nome di Clementi non è lontano .

Ogier indica il fante di cuori ne! gioco di carte che occupa un posto importante ne!
film ( il gioco delle tre carte, il mazzo che Julien mescola) . Meglio ancora, Baptiste è simile al cava­
liere su di un cavallo bianco de L 'Apocalisse di San Giovanni, ne! momento del combattimento
con il drago viene mostrata una pala meccanica, con la scritta "Poclain" nell'atto di demolire una
casa : tutti questi elementi riuniti formano il nome Jean-Baptiste Poquelin! Alla fine del film, Max e
Baptiste sono sui "ponte del mattatoio" ('abbattoirs'), circondati da edifici che crollano e Marie è
stata uccisa ('abattue') . Esempi simili si potrebbero moltiplicare . Rivette ricorre al gioco sotto di­
verse forme . "Non è un gioco" dicono Julien e Baptiste a Marie . E Julien: "Lasciami giocare un po'
con la mia fortuna" . Nei giochi del film predominano la competizione , il caso e il simulacro, per ri­
prendere le categorie di Roger Callois (Agôn, Alea, Mimicry) : "L' agon e l' alea esprimono atteggia­
menti opposti, e in qualche modo simmetrici , ma obbediscono ambedue a una stessa legge , la
creazione artificiale , fra i giocatori, di condizioni di assoluta eguaglianza, che la realtà nega invece
agli uomini. (. . . ) Il gioco, agon o alea che sia, è dunque un tentativo di sostituire , alla normale con­
fusione dell'esistenza ordinaria, delle situazioni ottimali. Questo sono tali che il ruolo del merito o
del caso vi si mostra preciso e indiscutibile . (. . . ) Nell'uno e nell'altro modo, si evade dal mondo fa­
cendo lo altro . Si puè> evadere anche facendosi altro. A questo bisogno risponde la mimicry. 8

Il nobile gioco dell'oca si fonda contemporaneamente sui percorso fisso delle 63


caselle e sulla casualità delle cifre prodotte dai dadi. Baptiste , che si è "preparata ad una vira di
azione e di avventura" e che si dedica ogni mattina a esercizi di karaté, porta una maschera, recita
un personaggio, che sta tra quelli letterari corne Perceval o Don Chisciotte e gli eroi televisivi co­
rne Albator o Kung Fu. All'inizio del film lei porta uno chignon da samurai e alla fine una pettina­
tura "da leonessa". Secondo Youssef Ishaghpour: "Oggetti, edifici e luoghi hanno una loro esi­
stenza propria indipendentemente dalla presenza di un contenuto. Perché cessino di esistere
semplicemente nell'esteriorità, la narrazione dovrebbe integrarli al senso, trasformarli in simboli.
Ma questo non puè> che accadere su di una mappa . Cosl ad esempio avviene quando la mappa di
Parigi viene interpretata corne un gioco dell'oca. E' possibile far ciè> per colora che credono all'esi­
stenza di un significato, narrativo o fantasmagorico; gli occhi, i leoni, il drago, il destino, l'avventu­
ra per la ragazza; la politica e l'amore per la donna uscita di prigione . Ma soltanto la fantasmagoria,
il puro immaginario permettono di sopravvivere, mentre la vicenda - la vita, se le si attribuisce un
senso - è mortale. (. .. ) Il gioco dell'oca genera l'itinerario: ponti, pozzi, prigione, tomba, locanda,
labirinto . . . l 'ordinamento puramente formale della fiaba. Una struttura cosl formale è necessaria
perchè tutto ha un carattere insignificante , vago, ma è sufficiente che due persone si incontrino
una seconda volta perchè si produca l'evento"9. E' sufficiente vedere l'uso che del "nobile gioco"
fa Giulio Verne in Le testament d 'un excentrique per capire corne fa Rivette. Non c'è una casella
finale ne! suo gioco, non una fortuna da conquistare o da riconquistare cosl corne non c'è una ve­
ra e propria casella di partenza.

Marie esce di prigione all 'inizio del film e il ponte è il capolinea del suo viaggio . In
8 Roger Caillois, Lesjeux et les maniera piuttosto simbolica il labirinto viene distrutto: poiché nel grande gioco esso è una sorta di
hommes, Coll. Idées, doppio speculare , la sua scomparsa designa il carattere fantomatico del gioco stesso. Un articolo
Gallimard, 1958; trad. it. di giornale parla di un uomo che "corre nella nebbia" , la locandina di un film porta la scritta "l'om­
lgiochi e gli uomini, Milano,
Bompiani, 198 1 . bra del guerriero " . Qu esta atmosfera evanescente e onirica ha corrispondenti letterari espliciti .
9 Youssef Ishaghpour, Quando si ipotizza che un personaggio possa essersi perso "corne una foglia al vento" e quando si
Cinéma contemporain. De ce
parla di un sogno "strano e vivido" , è difficile non pensare al poeta trascinato da! "vento contra­
côté du miroir, Ed. De la
Différence 1986, pag. 228-229. rio"' "simile ad una foglia morta" e al suo "sogno familiare" 10 . Gilles Deleuze ha proposto un altro
1 0 Una delle poesie delle Fêtes
riferimento, Gérard de Nerval. E' la predilezione per le fiabe e le vecchie leggende a permettere
galantes è intitolata L 'a mour
par terre che è anche il titolo
questo accostamento. Il vagabondare per Parigi ricorda l 'episodio di Aurelia in cui il narra tore, te­
del successive film di stimone di un litigio, cerca di separare i contendenti, "in queste terre di nessuno che stanno tra la
Jacques Rivette. città e i suoi sobborghi . . . ". Quando Marie Lafée si reca all 'Etoile per incontrare Julien, raccoglie
una rosa: sono qui riuniti alcuni terni del poema El Desdichado. Marcel Proust scrive che in Silvia
"persino gli esseri non sono che le ombre di un sogno" , espressione che ben si addice a personag­
gi che lottano contro nemici immaginari, o ascoltano suoni che non provengono da alcun
1 76

I L N O M E D E L P O R T O

Pascale et B u l l e O g i e r , luogo (corne Io spettatore che sente il rumore di elicotteri che non vede mai) . L'ombra degli amici
L e Pont d u Nord della Nouvell e Vague aleggia corne un sorridente rimpianto su questo film, proprio corne l ' ombra
del grande racconto langhiano. Il film di Rivette fa pensare aile onde di cui parla Roberto Calasso : " I l
gesto mitico è un'onda c h e , nell'infrangersi, disegna un profila, corne i dadi formano un numero . M a
ritirandosi accresce nella risacca la complicazione indominata, e a l l a fine la commistione, il disordi­
ne, da cui nasce un ulteriore gesto mitico " 1 1 . L'universo di Le pont du Nord, fatto di riminiscenze , di
allusioni, appare e si dilegua al tempo stesso . Le parole che usa Marie in cima all'Arco di Trionfo de­
signano scogliere battute dal vento di mare e le banchine di un porto , inoltre lei chiede a julien se la
porterà a mangiare le ostriche . Più tardi Marie dice di essere stanca di stare "in cima a questo molo " .
Partire , lasciare l a riva , ripararsi i n fondo a d un porto , sono clichés contraddittori , appena delineati
da alcune parole lanciate in una conversazione Hper Jii 2 . Seconda Giorgio Agamben questa instabi­
lità è la caratteristica del rito e del gioco, " operazioni che intervengono sui significanti della diacro­
nia e della sincronia, trasformando i significanti diacronici in sincronici e viceversa " 1 3. L'ambiguità ri­
spetto al farnoso frammento di Eracl ito : "il Tempo è un bambino che gioca spostando le pedine : la
J A C Q l! E S R I V E T T E L A R E G L E D U J E U

J a c q ues R ivette , tournage de


Hurle ven t,
p hoto Carol i n e T h i ve l ,
co l l . " C a h i e r s d u C i n é m a .

Hurle ven t
II

J A C Q U E S R I V E T T E L A R E G L E D U J E U
III

J A C Q U E S R I V E T T E L A R E G L E D U J E U

I n es de M e d e i ro s , La Bande
des qua tre

Bulle Ogier,
La Bande des quatre

B u l l e O g i e r , Pascale O g i e r ,
Le Pont d u Nord.
col l . "Cahiers du c i n éma"

Céline e t Julie vont en bateau,


col l . " C a h i ers du c i n éma"

A n n a Karina La Religieuse,
col l . " C a h i e rs du c i n éma"
IV

J A C Q U E S R I V E T T E L A R E G L E D U J E U

La Bande des qua tre


J u l iet Berto, Céline et Julie
vont en bateau,
col l . " C a h i ers d u c i néma"

J a c q u e s R ivette ,
La Belle noiseuse

J u l i e! Berta, Céline et Julie


vont en bateau,
col l . " C a h i e rs du c i néma"

J a n e B i r k i n , L 'Amour par
terre, p hoto M. Jamet, co l l .
" C a h i e r s d u c i néma"
V

J A C Q U E S R I V E T T E L A R E G L E D U J E U
VI

J A C Q U E S R I V E T T E L A R E G L E D U J E U

J a c q u e s R i vette ,
J a n e B i r k i n , tournage d e
L 'A mour p a r terre,
co l l . " C a h i ers du c i néma"

M i chel P i c co l i , Emman u e l l e
B é a r t , La Belle noiseuse

Pascale O g i e r ,
Le Pont d u Nord,
c o l l . " C a h i ers du c i néma"
VII

J A C Q U E S R I V E T T E : L A R E G L E D U J E U
V111

J A C Q U E S R I V E T T E L A R E G L E D U J E U

B u l l e O g i e r , Jacques Rivette
La Bande des qua tre

Céline et Julie
vont en bateau,
coll " C a h i ers d u c i n é m a "
177

I L N O M E D E L P O R T O

regalità di un bambino" , rientra proprio in questa logica dell'instabile. Alcuni hanno interpretato il
gioco cui si dedica il Tempo corne un gioco dei dadi, cioè un gioco d'azzardo, mentre altri vi vedono
piuttosto il gioco della dama , quindi un gioco guerriero in cui si tratta di vincere per conquistare la
regalità . Di qui l'importanza dei leoni , emblemi del nobile gioco ed anche della sua posta . Aion, il
Tempo corne essenza intima del divenire (Marcel Conche), è un bambino che gioca. Di qui tutto cio
che ne! film allude all'infanzia, in particolare le fiabe e cià che è legato alla miniaturizzazione.

Baptiste e Marie si incontrano corne questi due binari inquadrati dapprima separa­
tamente, poi sovrapposti, immagine del clinamen lucreziano . Questo incontro è sempre aleatorio
. "Aleatorio si dice di cio che dipende da! corso del tempo, e non di cio che esistendo potrebbe non
essere più , ma non potrebbe non essere esistito" 14. Marcel Conche affianca a questa definizione
una distinzione tra aleatorio e possibile da una parte, e aleatorio e probabile dall'altra: l'ordine del
possibile non comporta gradazioni, mentre tra il possibile e l'impossibile ci sono tutte le sfumatu­
re dell'aleatorio: quanto al probabile , esso "introduce il non-aleatorio nell'aleatorio" . "Possibile o
probabile?" si chiede un personaggio del film Passion di Jean-Luc Godard. Più o meno aleatorio
sarebbe la risposta di Rivette. Si tratta di un elemento che permette di definire le caratteristiche dei
due cineasti. Uno lavora con o contro il caso, l'altro vive in intimità con esso. Accanto a loro, la fi­
gura esemplare di Friz Lang, questo cineasta ossessionato da! problema della padronanza ha con­
tinuamente trasformato gli incontri fortuiti in segni di un destino implacabile . In un film corne
Rancho Notorious i riferimenti e le allusioni ai giochi d'azzardo sono numerosi corne in Le pont du
Nord. E' sufficiente un piccolo particolare perché la macchina si avvii.

Il destino di Beth, la fidanzata di Vern, dipende dalla pressione di un piede su di


una staffa, cosl corne quello di Altar e di Frenchie è legato alla pressione del piede di Frenchie sui
meccanismo che ferma la ruota del gioco . Poco dopo un'inquadratura mostra i piedi di Altar, che
ha sollevato il vestito per superare una pozzanghera . L'idea del Rubicone non è lontana, tanto più
che Vern all'inizio del film, incomincia la sua avventura solitaria attraversando un corso d'acqua
che segna il confine tra i due territori . In Le pont du Nord è Baptiste che taglia Io spazio stradale
prima di entrare in Parigi, oppure è Marie che carre in mezzo al traffico per raggiungere l'arco di
trionfo . La stessa frase pronunciata da Cesare oltrepassando il Rubicone, puo essere interpretata
in due modi: se si tratta di Alea iacta est significa "il dado è tratto ! " , ma se fosse /acta alea esta, l'im­
perativo si tradurrebbe "che la sorte ne sia tratta! " .

Tuttavia Cesare s i sarebbe espresso in greco all'imperativo: "Che i l dado sia tratto " ! .
"Tra indicativo e imperativo la differenza è notevole. ' I l dado è tratto significa': g l i dei vogliono co­
sl e io Cesare mi inchino davanti alla volontà degli dei". 'Che il dado sia tratto' significa: io lancio il
dado, io solo e senza scusanti, non più io mi sottometto al destino, ma io sono il destino"15. "A noi
due Babilonia" è l 'equivalente di " Che il dado sia tratto" . Baptiste si proietta per la sua sola vo­
lontà, nella capitale e viene a rotolare ai piedi di Marie . La sua traiettoria ha un andamento aereo,
facile e trascinante corne la musica di Piazzolla : sia i leoni che la giovane donna sono staccati dal
suolo dall'inquadratura . Questo percorso puo essere considerato corne un ammaestramento del
nobile animale (si distende) che sembra tuttavia lanciare da lontano il malocchio, cosicché Bapti­
ste ritrova duramente il contatto con la terra : "Denfert et dannazione" ! . Una volta tratto il dado, bi­
sogna pure che "appaia" una faccia piuttosto che l'altra, e quando Baptiste prende la decisione di
1 1 Roberto Calasso, Le nozze
affrontare la capitale, questa decisione è in un certo senso cieca perché lei non sa esattamente a
di Cadmo e Armonia, Milano, che cosa si espone . Tutt'al più si puo essere furbi corne Cesare che si espresse corne un imperati­
Adelphi, 1988. vo, ma Io fece in greco in maniera che i suoi soldati, che conoscevano poco questa lingua, com­
12 Rivette invita alla ricerca di
titoli corne La Marie du port o prendessero un indicativo! Cosl jacques Rivette, gioca in questo modo al "trictrac del mondo":
Marie pour mémoire. . .

13 Cfr. Giorgio Agamben,


"E' un film che corne spesso accade ai film che faccio (è qualcosa che ho sempre
Infanzia e storia.
14 Marcel Conche L 'Aléatoire, voglia di fare e che talvolta funziona, talvolta no) , che sembra partire in una certa direzione nella
Ed. De Mégare, 1989, pag. 1 2 prima mezz'ora, fa una prima svolta dopo un'altra mezz'ora, una seconda mezz'ora dopo, una ter­
1 5 Marcel Conche, op cil.
1 6 Jacques Rivette, Entretien,
za ancora ai tre-quarti del film . . . " 1 6 . Il risultato , seconda il regista è aleatorio Come si legge
"Cahiers du cinéma", n. 327, nell' Iliade: "E' con la vela che il timoniere guida la nave veloce sui mare tempestoso a dispetto del
settembre 198 1 . vento " . Venti scomposti, maestrale e altri hurlevent, creano confusione in tutte le direzioni dello
spazio, questo mare che i greci chiamano, tra l'altro , Pontas, parola che in latino (pons) indica il
ponte, cioè il "superamento" di un corso d'acqua, l'atto stesso con cui si decide di lanciare i dadi o
attraverso il quale viene deciso del nostro destina.
1 78

I L N O M E D E L P O R T O

Pascale et B u l l e O g i e r , Le Pont du Nord


L E N O M D U P 0 R T

J E A N - L O U I S L E UTRAT

" ET MAINTENANT, PLONGEONS-NOUS PLUS PROFONDÉMENT ENCORE DANS LES CERCLES INEXTRICABLES DE
L'ENFER PARISIEN . ( GÉRARD DE NERVAL. LES NUITS D 'OCTOBRE, V//: LE CAFÉ' DES A VEUGLES)

Au début du Pont du Nord , une jeune fille nommée Baptiste entre dans Paris en
mobylette . Elle vient de loin par un échangeur du périphérique , et la caméra suit son chemine­
ment circulaire par un panoramique jusqu' à ce qu'elle s'approche plein cadre . Alors, changeant
de route pour traverser l'espace derrière elle, elle tourne le dos à la caméra . Recadrée ensuite à
1 80°, elle fait face à l'objectif. La première figure inscrite par la mise en scène est celle du renverse­
ment, du retournement. Avant de reprendre sa route, et après avoir jeté un regard circulaire sur le
paysage urbain, Baptiste lance un défi à la capitale : "A nous deux, Babylone! " . Avec le souvenir de
Rastignac revient celui du titre d'un autre film de Jacques Rivette, Paris nous appartient. "A nous
deux" peut ne pas désigner seulement un affrontement, mais une appropriation: Babylone la
grande , avec ses séductions et ses turpitudes, ses jardins suspendus et sa double enceinte , nous
appartient "à nous deux". A cet endroit du film, bien que la rencontre avec Marie Lafée ne se soit
pas encore produite , elle est pour Baptiste d'ores et déjà écrite sur le grand rouleau . La formule "à
nous deux" revêt donc une double signification . Ainsi le prologue du Pont du Nord met-il en
avant le retournement, comme le premier long métrage de Rivette dont le titre est lui-même réver­
sible. Baptiste possède une boussole qu'elle consulte avant de pénétrer dans le labyrinthe de la
ville. Le Nord: Noroît (Nord et oie) , North by Northwest (l'organisation secrète, le territoire des
Etats-Unis comme jeu de l'oie) . La dualité : Duelle (le pont comme ce qui relie deux bords) . Le cer­
cle: Merry-go-round, le manège mais aussi la roue de la loterie . La grande ville: " . . . si le Paris de
Feuillade a effectivement fourni un des fils qui tissent la trame de celui de Rivette, les autres, il ne
faut pas hésiter à les relier à la Babylone de Griffith et à la Babel de Lang et sans doute faut-il en si­
tuer le nœud au cœur d'un des enfers labyrinthiques de Jorge Luis Borgès . Babylone , y appre­
nons-nous , vit sous le signe du hasard-roi: la loterie . Mais le hasard ne serait-il pas la forme sous la­
quelle se manifestent les complots de dieux? Il n'y a jamais de coïncidences, il n'y a jamais que
coïncidences; des deux faces de cette alternative quelle est la plus terrible?"1

Après le prologue commence la première des quatre journées qui organisent la


structure temporelle du film et qui imposent une autre grande figure rivettienne, l 'alternance : en­
tre deux femmes, entre deux lumières, l 'une solaire et l'autre lunaire2. Cette figure apparaît au dé­
but du film dans le montage parallèle des entrées des deux femmes dans Paris . Baptiste effectue
un parcours orienté au cours duquel elle fait des rencontres que l'on devine significatives; elle se
déplace en mobylette d'un lieu à un autre, sans temps mort, vigilante, ne cessant d'observer (d'où ,
dans Je montage, des raccords sur son regard) . Marie Lafée, elle , erre à pied, apparemment sans
1 Michel Delahaye, L'idée
maîtresse ou le complot sans but défini, dans un espace relativement restreint; les gestes qu'elle accomplit sont prosaïques, elle
maître, "Cahiers du cinéma" semble lasse et peu attentive à ce qui l'environne, sinon aux lieux clos qu'elle évite. Dès Jeurs pre­
n . 1 28, février 1962, p.42
2 Cfr: Gilles Deleuze,
mières apparitions, ces femmes sont associées à des objets ou à des choses qui sont comme leur
L 'image-temps, Ed. de Minuit, blason. Marie l 'est à des grilles et à des arbres: la prison, le piège (elle a été incarcérée pour un
1985, p. 20-2 1 ; Les trois cercles hold-up commis dans un programme d'actions terroristes), et la liberté . Baptiste est cadrée avec,
de Rivette, "Cahiers du cinéma"
n. 416, février 1989, p. 18-19. autour d'elle, l'armature de grues ou d'édifices en voie de construction ou de destruction.
3 Sur la façade de l'Auberge de
la pomme d'or on peut lire: Un certain nombre d'indices permettent de l'associer, elle, à un preux chevalier, et
Poste de chevaux. Marie
rappelle qu'allant à la sa mobylette à un blanc coursier: son casque, le cheval peint sur une fourgonnette qui se trouve
campagne pour la première sur sa route , le mot "mouture" sur une affiche, ou "estrier" (destrier, étrier) sur une enseigne3. Tou­
fois, elle s'est écriée "il est jours au début du film, dans une scène où Baptiste tranche un conflit entre des enfants, à deux re­
beau le cheval blanc"
4 (4) La spirale de la clé de sol prises apparaît une clé de sol, une fois sur un mur derrière les enfants, et une autre au sommet de
annonce celle du jeu de l'oie. l'escalier que grimpe Baptiste aussitôt son jugement rendu . La position de ces clés entraîne le jeu
Lorsqu'elle croise Max pour la
première fois, Baptiste
"clé de sol , clé du royaume des cieux", et l'on ne peut pas ne pas penser à la clé des champs dont
parcoun avec sa motocyclette dispose Marie4 . Les deux personnages ne cessent donc d'être associés malgré, ou à cause de leurs
un trajet qui dessine la forme différences . Tout concourt à insister sur l'idée de dualité, jusque des détails apparemment futiles
d'une clé de sol. Voir les trois
cercles de Rivette selon (les deux croissants achetés par Marie , par exemple) . Les routes de Baptiste et de Marie se croisent
G. Deleuze, an. cit. sous le signe du lion. En effet, le parcours de la première est jalonné de statues de cet animal, isolé
180

L E N O M D U P O R T

ou par deux. Quatre lieux différents sont juxtaposés . D'abord deux places, l 'une avec deux lions,
l 'autre (la République) avec un seul , les deux fois, quatre plans en mouvement décrivant une "cir­
cum-ambulation" sont séparés par trois plans de Baptiste en mobylette filmée en travelling arrière.
Puis les statues de deux lions sur une façade sont présentées en deux plans séparés par un plan de
Baptiste . La dernière statue, celle de la place Denfert-Rochereau, bénéficie d'un traitement parti­
culier: Baptiste en fait deux fois le tour, et c'est en se retournant pour regarder la statue dans son
dos que , pour ne pas renverser Marie , elle tombe sur la chaussée et perd son blanc coursier. La
chute est en quelque sorte programmée par un plan de coupe de la statue du lion rapprochée
transcrivant la vision de Baptiste . Le montage, l 'ordre de succession des plans sont essentiels dans
ce passage. L'opposition entre le mouvement attaché à Baptiste et l'immobilité des statues est ren­
versée par le fait que Baptiste, cadrée à une distance presque identique semble figée dans une at­
titude unique, alors que les lions sont vus sous des angles différents, à des distances variables et
dans des postures qui changent d'une statue à l'autre, allant de la position debout à la position al­
longée en passant par la position assise. Un seul plan de Marie apparaît dans cet ensemble comme
un souvenir du montage parallèle initial . Ce plan contraste par son immobilité (plan fixe et per­
sonnage assis) , mais il est insidieusement contaminé par son entourage. Marie est montrée ap­
puyée contre une grille (comme une cage) mangeant son second croissant dont elle jette les restes
à travers les barreaux en direction d'une rame de métro (du R.E.R. plutôt) . L'idée du lion s'insinue
alors de diverses façons : soit par l'association avec le logo de la métro (M . G . M . ) , soit par le R re­
doublé de R.E.R. , onomatopée valant pour le rugissement de l 'animal, soit encore parce que Marie
adopte fugitivement l 'attitude d'un Christ en croix, la tête appuyée sur l 'épaule, et que l ' image
d'une sainte livrée aux lions est alors suggérée.

La première rencontre que fait Baptiste dans Paris, avant les lions, est celle de Max
sur une moto noire , sorte de lion rugissant. Cette association avec ce personnage ressurgit à la fin
de la deuxième journée quand les deux femmes s'enferment dans une salle de cinéma pour passer
la nuit: Max rôde devant l'entrée de cette salle; le plan qui suit immédiatement est celui d'une tête
de lion. Ces animaux jalonnent le film. Dans la première journée, ils sont associés à la terre sur la­
quelle ils marchent, s'asseoient ou s'allongent, ou à l 'air lorsqu'une contre-plongée montre leur tê­
te contre le ciel . La deuxième journée débute par des statues de lion crachant de l 'eau autour
d'une vasque. Dans la quatrième journée le lion devient un dragon "bifide" , "gardien des ponts " ,
q u i crache le feu .

A la fin d e la troisième journée , une autre association est indiquée. Marie s'écrie :
"Tout cela n'existe plus . . . le grand méchant loup, ma mère l'oye, le roi des chats, le vieux singe de
la montagne . . . La ménagerie, quoi!" Et Baptiste ajoute à cette liste les lions et les yeux. Le lion ap­
partient au bestiaire des contes et des légendes, ce qui permet d'ailleurs sa conjonction avec le jeu
de l'oie , et doublement: par l 'intermédiaire des contes de ma mère l'oye et par le caractère royal
du félin qui entre en relation avec le noble jeu.

Par-delà ces suggestions et par-delà le clin d'œil à Eric Rohmer, la succession des
statues ne cesse d'éveiller des échos. La Babylone de !'Histoire inaugure cette série avec sa voie
processionnelle ornée de lions (sans parler des combats du héros Gilgamesh) . Une bande des­
sinée de Jacques Tardi de 1 977, Le Savantfou (Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec)
accorde une place importante au lion de la place Denfert-Rochereau5 . Puis viennent à l'esprit pê­
le-mêle le premier des quatre animaux qui entoure le trône de Dieu dans L 'Apocalypse et qui res­
semble à un lion couvert d'yeux par devant et par derrière (le trône se dresse dans le ciel: "Monte
ici et je te montrerai ce qui doit arriver ensuite " , Apocalypse 4, 1 ) , la Bête , les lions fidèles qui ac­
compagnent les chevalier, ou encore les lions d 'Octobre (au lieu de se dresser, ici ils s'allongent) :
le film porte en exergue une date "octobre ou novembre 1 980: il y a déjà longtemps" (on pense
aussi aux Nuits d 'octobre) . Sur la place Denfert-Rochereau un panneau indique la direction de la
ville de Lyon6 . . . Enfin, les lions prennent place dans le jeu de l 'oie que Rivette invente pour son
film. Leur succession pourrait bien représenter la série des cases de l'oie. Quant aux deux femmes
elles tiendraient lieu de dés . Quand Baptiste décide d'accompagner Marie , elles sont montrées
dans une suite de champs-contrechamps tandis qu'elles effectuent des mouvements tournants
comme des dés qui roulent. Les photographies qui illustrent Nadja composent à leur manière un
jeu de cette espèce: "Je prendrai pour point de départ l'hôtel des Grands Hommes . . . "
La pluralité des signifiés possibles est frappante . Et tous les signes sont indécis. Par exemple , les
18 1

L E N O M D U P O R T

lions sont-ils des auxiliaires ou des adversaires? Le rouge et le noir sont des couleurs attachées à
Marie (elle change sa jupe noire pour une rouge , porte des gants , un foulard rouges, même son
carnet d'adresses est de cette couleur) : son ami se prénomme Julien (il se nomme Lerouge, mais
se vêt "couleur de muraille"). Une coupure de presse mentionne l'escadron noir, et le passé de
Marie évoque les brigades rouges . . . De telles notations vont dans le sens de l'indétermination en­
tre la gauche et la droite. Baptiste est plutôt liée au blanc et au bleu , couleurs qui conviennent bien
à un redresseur de torts, ou au Baptiste. Les noms des personnages comme les noms de lieux en­
trent dans ce grand jeu nébuleux (!'Etoile , !'Arc de Triomphe, Denfert "et damnation" , la Défense,
l 'esplanade du dragon, etc) . Dans la dernière partie du film, le vocabulaire relatif au feu associe
bande son (jouer avec le feu , je suis brûlé, ça réchauffe , partir en fumée) et bande image (le dra­
gon crachant des flammes) et se prolonge dans la fantaisie ("tu brûles" , comme on dit dans les
jeux) . Le tracé du jeu de l'oie sur un plan de Paris est interprété par les protagonistes comme une
toile d'araignée posée sur la ville (mais la ville elle-même est "une vraie toile d'araignée") ou com­
me un dragon replié autour de sa queu e . " Le jeu de l'oie, c'est pour les canards" dit un person­
nage: il faut entendre "canard" au sens de journal; les coupures de presse portent toutes deux let­
tres grecques associées que l'on retrouve sur chaque case du jeu sur fond noir que détiennent
Baptiste et Marie; ainsi le cheminement parmi les faits divers est rapproché du parcours dans la vil­
le (les lettres grecques proviennent probablement du fait que "le noble jeu de l'oie" est "renouvelé
des Grecs " ) . Le jeu de l 'oie comporte des stations comme les lignes du métro ou un chemin de
croix. Par son nom Marie Lafée est crucifiée entre le sacré et le profane, la sainte et la fée .

S u r tous les plans où apparaissent l e s lions dans le parcours d e Baptiste s'entend


un tango de Astor Piazzolla, "entre la musique de bordel et la musique d'église" , selon Jacques Ri­
vette : renversement, tiraillement, oxymore. "Il y en a comme ça deux, trois petits échos à d'autres
moments du film, qui viennent comme des bouffées dans l'air" : il en va de même pour les lions . Si
l 'alliance de ces images et de cette musique est "l'une des rares facilités que se soit autorisé" Ri­
vette, elle est "extraordinairement payante, euphorique . . . " (Serge Daney) . C'est que cette suite de
statues , enchaînée en quelque sorte par le mouvement de la caméra et celui du tango argentin est
un tournoiement, un tourbillon, répétitif comme la ritournelle, une figure de la nécessité , ce destin
auquel croit Baptiste, alors que la suite des plans et des actions accompagnant l'entrée de Marie
dans Paris, offre plutôt une configuration hasardeuse. Marie est une adepte du libre-arbitre : elle
démontre à Baptiste que ses mouvements sont commandés par sa seule volonté ("un pas à gau­
che , deux pas à droite"). D'entrée de jeu le film se présente donc sous les auspices du hasard et de
la nécessité , et le montage lui-même n'échappe pas à cette logique. Le choix de la musique de
Piazzolla résulte d'une circonstance fortuite: " . . . un collage après coup au montage . Il y avait, dès
le début, dans la copie de travail, une séquence de trois minutes où il n'y avait aucun son, et pour
que ce ne soit pas trop triste à voir dans les premières projections de travail, on a dit: on va repi­
quer un disque, et puis on s'est habitués à ce disque et on l'a laissé"7. A l 'autre bout du film, la
5 Dans un autre album caméra ayant rayé la pellicule, Rivette décide de rajouter deux autres traits qui dessinent sur l'ima­
de Tardi, Le Démon de la Tour
ge une croix de viseur. L'accident est parfaitement récupéré : en effet, à ce moment les person­
Eiffel, une pièce de théâtre est
annoncée dont le titre est "Les nages cèdent le pas aux acteurs, la fiction du complot à un affrontement sur le mode ludique, par
derniers jours de Babylone" , et conséquent l'image elle-même se dédouble, ou plutôt se donne alors pour ce regard qui ne lâche
Paris est définie comme
"l'orgueilleuse cité qui tente pas ces corps, qui les garde dans sa ligne de mire (son "regard plane sur tout ce qui bouge"). Ri­
vainement d'égaler Babylone" vette intègre l'accident au dialogue des personnages puisque Marie parle de repartir à zéro, de fai­
Dans Le Savantfou, jouent un re table rase, de tirer un trait.
rôle la statue de Raspail, place
Denfert-Rochereau, devant le
socle de laquelle passe Marie, Le jeu avec les mots est monté avec une minutie telle que le résultat est d'une rare
et les fontaines, dons d'un intrication . Par exemple, une scène commence par une remarque de Marie un matin sur un mar­
excentrique, qui ornent les
places parisiennes ché : " Les gens sont très petits ce matin " . Ensuite , le même personnage achète de "petites manda­
(renseignements aimablement rines" et des chaussures qui lui semblent devoir convenir à Minnie Mouse . Le lien se fait sur la no­
fournis par Hervé
tion de petitesse . "Mini" entre aussi en association avec "Max" maximum, et rappelle une chanson
Joubert-Laurencin).
6 Ensuite, une coupure de de Jacques Dutronc, "Minimax". Parmi les coupures de presse feuilletées l 'une se réfère au tour­
journal fait référence au "Rapt nage à venir de Sauve qui peut (la vie): "Dutronc va retrouver Godard . . . en Suisse" , et Marie lit
de Lyon"; Marie a été
incarcérée pour avoir participé cette phrase: "Les yeux fermés Dutronc fonce dans le brouillard suisse sans savoir très bien ce qui
à un hold-up du Crédit l'attend" . La référence rentre dans un jeu que les cinéastes de l'ex-Nouvelle Vague ont pratiqué
Lyonnais de Saint-Ouen avec délectation . Dans Le Pont du Nord, se côtoient les noms de Doinel , de Tati , les titres Les
7 Jacques Rivette, Entretien,
"Cahiers du cinéma", n. 327, Grands espaces, La Prisonnière, Kagemusha, les allusions à Walt Disney, Laurel et Hardy . . . Le
septembre 1 98 1 , p. 1 1 . "mouse" de Minnie Mouse appartient à la série " ménagerie " , mais aussi par la prononciation
182

L E N O M O U P O R T

Pascale O g i e r , Le Pont du Nord


183

L E N O M D U P O R T

française "maousse" , à la série "maxi" (dans laquelle entre Hardy) . Les noms même des acteurs
sont pris dans ce tourbillon: les petites mandarines se nomment des clémentines dit la vendeuse à
Marie; le nom de Clémenti n'est pas loin. Ogier désigne le valet de cœur dans le jeu de cartes qui
occupe une place importante dans le film (le bonneteau, les cartes que bat Julien . . . ). Mieux en­
core: Baptiste est semblable au cavalier sur un cheval blanc de ! 'Apocalypse dejean; au moment
de son combat avec le dragon, une pelle mécanique avec le nom "Poclain" est montrée détruisant
une maison: tous ces éléments rassemblés composent le nom Jean-Baptiste Poquelin! A la fin du
film, Max et Baptiste sont sur le "pont des abattoirs" alors qu'autour d'eux des édifices s'écroulent
et que Marie a été abattue . . . De tels exemples peuvent être multipliés.

Le jeu sous diverses formes est donc mis à contribution par Rivette. "Ce n'est pas un
jeu " disent Julien et Baptiste à Marie . Et Julien: "Laisse-moi jouer un peu avec ma chance" . Dans
les jeux du film prédominent le rôle de la compétition, du hasard et du simulacre, pour reprendre
les catégories de Roger Caillois (Agôn, Alea, Mimicry) : "L 'agôn et l 'alea traduisent des attitudes
opposées et en quelque sorte symétriques, mais ils obéissent tous deux à une même loi, la créa­
tion artificielle entre les joueurs des conditions d'égalité pure que la réalité refuse aux hommes.
( . . . ) Le jeu, agôn ou alea, est donc une tentative pour substituer, à la confusion normale de l'exis­
tence courante , des situations parfaites. Celles-ci sont telles que le rôle du mérite et du hasard s'y
montre net et indiscutable . ( . . . ) De l 'une ou de l'autre façon, on s'évade du monde en le faisant au­
tre . On peut aussi s'en évader en se faisant autre . C'est à quoi répond la mimicry"8.

Le noble jeu de l'oie repose à la fois sur le parcours fixe des soixante-trois cases et
sur le hasard des chiffres auquel les dés jetés donnent lieu . Baptiste, qui s'est "préparée à une vie
d'action et d'aventure" et qui se livre chaque matin à des exercices de karaté porte un masque,
joue un rôle, entre des personnages de la littérature comme Perceval ou Don Quichotte, et des hé­
ros de séries télévisées comme "Albator" ou "Kung Fu " . Au début du film elle a au sommet de sa
tête le chignon des samouraïs et à la fin elle porte une coiffure "à la lionne". Selon Youssef Ishagh­
pour: "Objets, bâtiments et lieux ont leur existence propre , indépendamment d'un contenu . Pour
qu 'ils cessent d'être là simplement dans l ' extériorité , la fiction devrait les intégrer au sens, les
transformer en symboles . Mais cela ne peut le devenir que sur une carte . Ainsi fait-on du plan de
Paris en l 'interprétant comme un jeu de l'oie. Ne peuvent le faire que celles qui croient à un sens,
fiction ou fantasmagorie , les yeux, les lions, le dragon, le destin, l'aventure pour la jeune fille, la
politique, l'amour pour la femme sortie de prison. Mais seule la fantasmagorie, le pur imaginaire
permettent de survivre, la fiction -la vie, si on lui attribue un sens- est mortelle . (. . . ) Le jeu de l'oie
produit l'itinéraire -pont, puits, prison, tombeau, auberge , labyrinthe . . . , l 'ordonnance purement
formelle de la fable . S'il faut une structure aussi formelle , c'est que tout a un caractère insignifiant,
indécis, mais il suffit que deux personnes se rencontrent une deuxième fois, pour qu'il y ait événe­
ment"9 . Il suffit de voir l'utilisation que fait Jules Verne du "noble jeu" dans Le testament d 'un ex­
centrique pour saisir comment Rivette en use. Il n'y a pas de case ultime dans son jeu, pas de for­
tune à conquérir, ou à reconquérir, pas plus qu'il n'est véritablement de case de départ.

Marie sort de prison au début du film, et le pont est le terminus de son voyage. Assez
symboliquement le labyrinthe est détruit: étant dans le grand jeu comme une mise en abîme, il dési­
gne par sa disparition le caractère fantomatique de ce dernier. Un article de journal parle d'un hom­
8 Roger Caillois, Lesjeux et les me "fonçant dans le brouillard", l'affiche d'un film porte l'inscription "l'ombre du guerrier'' . Cette at­
hommes, Coll. Idées, mosphère floue et onirique a des correspondants littéraires explicites. Lorsque l'hypothèse est émi­
Gallimard, 1 958, p.60. se à propos d'un personnage qu'il puisse être perdu "comme une feuille au vent", et lorsqu'on parle
9 Youssef Ishaghpour, Cinéma
contemporain. De ce côté du d'un rêve "étrange et pénétrant", il est difficile de ne pas penser au poète emporté par "le vent mau­
miroir, Ed. de la Différence, vais " , "pareil à la feuille morte" et à son "rêve familier" rn Gilles Deleuze a mis en avant une autre
1986, p. 228-229.
10 L'un des poèmes des Fêtes référence, Gérard de Nerval . La prédilection pour les contes et les vieilles légendes permet ce rap­
galantes est nommé "L'Amour prochement. L'errance dans Paris rappelle l'épisode dans Aurélia où le narrateur, témoin d'une dis­
par terre", titre du film suivant pute, essaie de séparer les combattants, puis vagabonde "dans les terrains vagues qui séparent le
de Jacques Rivette.
faubourg de la barrière . . . " Lorsque Marie Lafée se rend à !'Etoile pour rencontrer Julien elle ramasse
une rose : quelques-uns des motifs du poème "El Desdichado" sont ici rassemblés . Marcel Proust
écrit que dans Sylvie "même les êtres ne sont que les ombres d'un rêve" , formule qui convient à des
personnages qui luttent contre des ennemis imaginaires, ou écoutent des sons venus de nulle part
(comme le spectateur qui entend des hélicoptères qu'il ne voit jamais) . L'ombre des amis de la Nou­
velle Vague plane comme un regret souriant sur ce film, tout comme l'ombre du grand récit Jan
1 84

L E N O M D U P O R T

J a n e B i rki n , A n d ré D u s so l i e r , gien. Le film de Rivette est à l ' image de ces vagues dont parle Roberto Calasso: "Le geste mythique
L 'Amour par terre est une vague qui, au moment où elle se brise , dessine u n profi l , comme les dés jetés forment un
nombre . Mais en se retirant, elle accroît dans le ressac la complication indomptée et, à l a fin , le mé­
lange, le désordre d'où n aît u n geste myth ique u ltérieur· u L ' u n i vers d u Pont du Nord, fa it de
réminiscences, d ' allusions, se présente et s 'évapore en même temps . Au sommet de ! 'Arc de Tri­
omphe, les mots q u 'utilise Marie désignent des fal aises battues par le vent du large et les quais
d'un port; de p l u s , elle demande à j u l i e n s ' il l ' emmènera manger des h uître s . P l u s tard, Marie
s 'exaspère de rester "au bout de ce quai" . Partir, quitter la rive, s 'abriter au fond d ' u n port, ce sont
des clichés contradictoires bien légèrement esqu issés par des mots jetés dans une conversation
tout à tracn

Cette i n s t a b i l i t é , G i o r g i o A g a m b e n en fa i t la c a ra c t é r i s t i q u e du rite et du j e u ,
" opérations qui interviennent sur les signifiants de la diachronie et de la synchronie, transformant
les signifiants diachroniques en signifiants synchroniques, et vice versa·· u La confusion sur le fa-
185

L E N O M D U P O R T

meux fragment d'Héraclite : "le Temps est un enfant qui joue en déplaçant les pions : la royauté
d'un enfant" , entre tout à fait dans cette logique de l'instable . On a vu dans le jeu auquel se livre le
Temps un jeu de dés , c'est-à-dire un jeu de hasard, alors qu'une autre interprétation y voit un jeu
de dames, c'est-à-dire un jeu guerrier où il s'agit de vaincre pour acquérir la royauté. De là l'impor­
tance des lions, emblèmes du noble jeu ainsi que de son enjeu . A ion, le Temps comme essence in­
time du devenir (Marcel Conche) , est un enfant qui joue . De là tout ce qui renvoie à l'enfance dans
le film, notamment les contes et ce qui relève de la miniaturisation.

Baptiste et Marie se rencontrent comme ces deux voies de chemin de fer cadrées
d'abord séparées, puis se chevauchant, image du clinamen lucrécien. Cette rencontre est toujours
aléatoire . "Aléatoire" se dit de ce qui est dans la dépendance du cours du temps, non de ce qui,
étant, peut ne plus être mais ne peut pas ne pas avoir été" 14 . Marcel Conche assortit cette définition
d'une distinction entre aléatoire et possible d'une part, et aléatoire et probable d'autre part: l 'ordre
du possible ne comporte pas de degrés, alors qu'entre le possible et l'impossible il y a tous les de­
grés de l'aléatoire; quant au probable, il "introduit le non-aléatoire dans l 'aléatoire " . "Possible ou
probable?" se demande un personnage du film Passion de Jean-Luc Godard. Plus ou moins aléa­
toire serait la réponse de Rivette.

C 'est là un point qui permet de définir chacun des deux cinéastes . L'un travaille
avec ou contre le hasard, l'autre vit en intimité avec lui. A leurs côtés, la figure de Fritz Lang exem­
plaire , car ce cinéaste hanté par la maîtrise la plus grande n'a cessé de transformer les rencontres
fortuites en signes d'un destin implacable. Dans un film comme Rancho Notorious, les références
ou les allusions aux jeux de hasard sont aussi nombreuses que dans Le Pont du Nord. Il suffit d'un
petit détail pour que se mette en branle la machine infernale. Le destin de Beth, la fiancée de Vern,
tient à la pression d'un pied sur un étrier, comme celui de Altar et de Frenchie se noue sur la pres­
sion du pied de Frenchie sur le mécanisme qui arrête la roue du jeu . Peu après, un plan montre les
pieds de Altar alors qu'elle vient de relever sa robe pour franchir une flaque d'eau . L'idée du Rubi­
con n'est pas loin d'autant que Vern, au début du film, engage son aventure solitaire en traversant
un cours d'eau servant de frontière entre deux territoires. Dans Le Pont du Nord, c'est Baptiste
coupant l'espace routier avant de pénétrer dans Paris, ou c'est Marie courant à travers le flot de la
circulation pour atteindre !'Arc de Triomphe .

La phrase même de César franchissant le Rubicon est sujette à double interpréta­


tion : s ' il s ' agit de A lea jacta est, elle signifie "le sort en est jeté " , mais si ce fut jacta alea esto,
l ' impératif se traduit "Que le sort en soit jeté " ! . Cependant César se serait exprimé en gre c , à
l'impératif: " Que le dé soit jeté ! " . "De l'indicatif à l 'impératif, la différence est grande . 'Le sort en est
jeté' signifie : les dieux le veulent ainsi, et je m'incline , moi, César, devant la volonté des dieux.
'Que le dé soit jeté' signifie: je lance le dé, moi seul et sans excuse; non plus: je me soumets au des­
tin, mais: je suis le destin"15. "A nous deux, Babylone! " équivaut à "Que le dé soit jeté ! " . Baptiste se
propulse par sa seule volonté dans la capitale et vient rouler aux pieds de Marie . Sa trajectoire
prend une allure aérienne, aussi facile et entraînante que la musique de Piazzolla: les lions ainsi
que la jeune femme sont détachés du sol par le cadrage. Ce trajet peut être considéré comme un
dressage du noble animal (il s'allonge) qui semble néanmoins jeter un sort de loin, si bien que
Baptiste retrouve durement le contact avec la terre: "Denfert et damnation" ' . Le dé jeté, il faut bien
11 Roberto Calasso, Les noces qu'une face "tombe" plutôt qu'une autre, et lorsque Baptiste prend la décision d'affronter la capi­
de Cadmos et Hannonie,
tale , cette décision est pour une part aveugle car elle ne sait pas exactement à quoi elle s'expose .
Gallimard, 199 1 , p. 289.
12 Rivette invite à la recherche Tout au plus peut-on ruser comme César qui s'exprima par un impératif, mais le fit en grec de sor­
de titres, comme La Marie du te que ses soldats qui savaient mal cette langue entendissent un indicatif! Ainsi Jacques Rivette
port, ou Marie pour mémoire
13 Voir Giorgio Agamben,
joue-t-il de cette façon au "trictrac du monde" : "C'est un film qui, comme souvent les films que je
Enfance et Histoire, fais (c'est quelque chose que j'ai toujours envie de faire et qui, parfois marche bien, parfois mar­
Ed. Payot, 1 989, p . 1 0 1 . che mal), qui fait semblant de partir dans une certaine direction la première demi-heure , prend un
1 4 Marcel Conche, L 'Aléatoire,
Ed. de Mégare, 1989, p. 1 2. premier tournant au bout d'une demi-heure , en prend un deuxième une demi-heure après , un
15 Marcel Conche, op cit. troisième encore aux trois-quarts du film· "16. Le résultat, selon le réalisateur, est "aléatoire " . Com­
1 6 Jacques Rivette,
me il est dit dans L 'Iliade: "C'est par la métis que sur la mer vineuse l'homme de barre guide le na­
Entretien, "Cahiers du cinéma",
n. 327, septembre 198 1 . vire rapide en dépit du vent" . Des vents désordonnés , noroît et autres hurlevent, entraînent la
confusion de toutes les directions de l 'espace, cette mer que les Grecs nomment, entre autres,
Pontas, mot qui, en latin (pons), désigne le pont, c'est-à-dire le "franchissement" d'un cours d'eau,
acte même par lequel on décide de lancer les dés, ou à travers lequel il est décidé de nous.
186

L E N O M D U P O R T

•·

Jane B i rki n , Geral d i n e Chapl i n , L 'A mour p a r terre


R I V E T T E C I N E A S T A D U A L E

FABRICE REVAULT D 'ALLONNE

Dipenderà forse d a u n nome che, corne i l suo, evoca l e due rive inseparabili del fiume? Fatto sta,
comunque, che Rivette mi sembra per eccellenza il cineasta della dualità . Dualità , d'altro canto,
iscritta a fondo nella sua vita : il critico feroce e partigiano che è stato, l'uomo affabile e ritroso che è.

Dualità che , corne è noto, frequenta tutto il cinema rivettiano: il teatro/la realtà . 0
meglio: il teatro corne verità del reale. Verità soggiacente o latente che il suo cinema fa vedere, ri­
veta . Non sono infatti lungi dal pensare che Rivette sia, tra i moderni, colui che braccando corne as­
solutamente moderna la verità nascosta del reale, in realtà la designi: ed essa sarebbe allora la sua
teatralità . (Qualcosa del genere poteva esserci in Truffaut, o in Rohmer, ma lasciamo perdere) . Det­
to comunque di passata, questa dualità la si ritrova altrettanto bene per quel che riguarda la luce :
trovata e/o aggiunta, naturalistica e/o teatralizzata . Da Duelle a La bande des quatre, ad esempio .

Tuttavia, c'è un altra (?) dualità che è fondamentale per tutti i moderni e per Rivette
in particolare : il progetto o il controllo da un lato, Io spuntare e il sorgere dall'altro . Tutti i suoi film
mi sembrano corne un progetto di un'intelligenza e di una padronanza diaboliche, pur rimanendo
totalmente aperti a cio che puo solo arrivare nel momento in cui si gira, particolarmente, beninte­
so, la recitazione degli attori. Certo , il film moderno è spesso (secondo l'espressione di Rohmer) la
registrazione dell'incontro tra il progetto ideale e i casi, accidenti, asperità o resistenze del reale,
cioè anzitutto e in conclusione , in Rivette , la realtà degli attori o la verità degli esseri . Cià nono­
s t a n t e , Rivette è c o l u i c h e .s i s p i n g e p i ù l o n t a n o in q u e s to i n c o n t r o tra t e r m i n i d u a l i ,
antagonisti/complementari: progetto/caso, ideale/reale. lnoltre i l progetto rivettiano , che s i ag­
giunge sempre a quello più generale , puo darsi in realtà non sia che pura apertura all'incontro, al­
lo spuntare o al sorgere , corne in Out One. Anche se il progetto dei progetti, resta pur sempre in
Rivette almeno l'incontro (con gli attori) in quanto tale .

Altra nota sulla luce . Spesso Rivette non ha altri progetti luminosi che quello di ca­
varsela con le lu ci del mondo (natura o cultura) , corne in Paris nous appartient o in Le pont du
Nord. Tuttavia, puo esserci un progetto di illuminazione , corne in Duelle, Hurlevent o La bande
des quatre. Ma egli non farà mai passare le luci davanti all'attore: prima studia con gli attori corne
recitare una certa scena, quali posizioni e quali spostamenti richiede ; le luci, studiate allora nel
modo più semplice e più veloce, ne risultano di conseguenza . Detto in altri termini, il progetto Clu­
minoso) non puo andare contra l'incontro (con gli attori), perché questo costituisce l'alfa e l'ome­
ga di ogni progetto rivettiano. ln effetti, bisognerebbe parlare anche di un'altra dualità : tra regista
e attori, tra recettore e donatori, tra chi calcola dietro le quinte e chi si espone in pubblico. lnfine ,
e soprattutto, varrebbe la pena di riflettere sui rapporti complessi e multipli tra queste due coppie:
teatro/realtà, progetto/nascita spontanea. Ma sia il lettore a inoltrarsi a piacer suo in queste vertigi­
nosa riflessione . . . lmportanza, dunque, della dualità. E allora perché non perseguirla fino in fon­
do, divertendosi a setacciarne l'onnipresenza corne in un gioco di piste rivettiano? Siano dunque
ore tre le nostre piste, per non rinchiudersi nel due.

1) L 'una/l 'altra. C'è, assai spesso in Rivette la coniugazione di due donne . Due fi­
gure, due facce di una medaglia . Come si vede fin <lai titoli di alcuni film. Cosi Céline etjulie. 1a ti­
mida e l'avventurosa (con possibilità di scambio) . 0 Le pont du Nord: la normale (realtà) e l'illumi­
nata (teatralità) , per tacer del fatto che si tratta di un duo d'attrici madre e figlia. 0 ancora Duelle. la
bruna e la bionda, la fredda e la calda, la lunare e la solare. Giocando sulla coppia solare/lunare ,
anche i n termini d i luce , Rivette ritrova i l primo principio teatrale significante (giorno/noue, cal­
do/freddo, vita/morte, bene/male , ecc . ) : la bipolarità fondatrice del teatro (raddoppiamento di
personalità, gioco di maschere) trovando un punto d'appoggio sulla bipolarità naturale. E si ritor­
na cosi alla coppia teatro/natura . .

2 ) Qui/Là. Assai frequente resta i n Rivette l a tessitura di due spazi. Due luoghi di
cui uno è in genere situato sui versante della realtà, l 'altro su quello del teatro; anche se esiste sem­
pre una comunicazione tra "qui" e "là'' , se ci sono sempre vasi comunicanti, scambi, contamina-
188

R I V E T T E , C I N E A S T A D U A L E

zioni, imbricazioni. Cosi in Céline etjulie, l'appartamento e la villa. Cosi ancora in Hurlevent, la
casa in alto e quella in basso . Cosi infine in La bande des quatre, la casa comune e il corso di tea­
tro, anche se la casa diventa il luogo del teatro e il teatro luogo d'abitazione . Si noterà che Rivette è
uno straordinario traghettatore rra le due rive : qui e là, realtà e teatralità; ma resta comunque inte­
so che le due rive si confondono, si toccano, formando in realtà uno stesso e unico luogo.

3) Individuo/gruppo. Mi sembra che La bande des quatre giochi su una dualità


nuova, più singolare e più recente , tra l'individuo e il gruppo . Dualità sicuramente fondamentale
per Io steso Rivette, che ne interseca aitre e non delle meno importanti (regista/troupe artistica e
tecnica, autore individuale/clima di produzione , ribelle solitario/società del consenso) , ma di cui
bisogna sottolineare che riesce ad esprimersi soltanto ora . Probabilmente per ragioni ad un tempo
personali - maturazione dell'artista e dell'opera che acquisisce una certa gravità - e collettive - la
nostra epoca evidenzia più che mai la problematica individuo/gruppo Ce il film, a ben vedere, non
si ritrae certo da! dire a questa società le sue "quattro" verità) .

Ma nella Bande des quatre si sono comunque due solitari: Thomas (Benoît Régent)
e Constance (Bulle Ogier) . Il che implica due nuove dualità : uomo (maturo)/ donna (giovane) ,
tra Thomas e le apprendiste attrici; adulti maturi/giovani immature , tra Thomas e Constance da un
lato e la banda dall'altro. Restando inteso che questi due solitari per la loro età, uno per sesso , l'al­
tra per funzione, ci rinviano allo statuto di Rivette relativamente alla giovinezza, soprattutto fem­
minile. Ci sarebbero aitre coppie da poter cogliere nell'opera di Rivette : il gioco delle tracce è
aperto, e non ho dubbi che ce ne siano numerose aitre , più o meno esplicite (parola di Rivette) .
Ma poco importa questo ludico inventario: l'essenziale è misurare corne una (o due) prima dua­
lità, puo generame diverse aitre , seconde, terze, quarte .
R I V E T T E C I N É A S T E D U E L

F A B R I C E R E V A U LT D ' A L L O N N E S

Cela tiendrait-il à son nom, évoquant les deux rives inséparables du fleuve? Toujours est-il que Ri­
vette m'apparaît comme le cinéaste par excellence de la dualité. Laquelle s'inscrit d'ailleurs au plus
profond de son existence: le critique féroce et exposé qu 'il fut, l'homme affable et effacé qu'il est.

Dualité dont on sait qu'elle hante tout le cinéma rivettien: le théâtre/la réalité . Ou
mieux: le théâtre comme vérité du réel. Vérité sousjacente ou latente , que son cinéma donne à
voir, révèle. Je ne suis en effet pas loin de penser que Rivette est celui des modernes qui, traquant
comme tout moderne le vérité enfouie du réel , la désigne : elle serait sa théâtralité . (Il pouvait y
avoir de cela chez Truffaut, il pourrait y avoir de cela chez Rohmer, mais laissons cela) . (Soit dit en
passant, cette dualité se retrouve aussi bien en termes de lumière : rencontrée et/ou apportée, na­
turaliste et/ou théâtralisée. De Duelle à La Bande des quatre, par exemple .)

Cependant, il est une autre (?) dualité capitale pour tout moderne et pour Rivette
en particulier: le projet ou la maîtrise/le jaillissement ou surgissement. Tout film de lui m'apparaît
comme un projet d'une intelligence et d'une maîtrise diaboliques, cependant qu'il demeure tota­
lement ouvert à ce qui ne peut advenir qu'au moment de la prise - notamment, bien entendu , le
jeu des acteurs . Certes, le film moderne est volontiers (selon l'expression de Rohmer) l'enregistre­
ment de la rencontre entre le projet idéel et les aléas ou accidents, aspérités ou résistances du réel
- c'est-à-dire d'abord et enfin la réalité des acteurs ou vérité des êtres, chez Rivette. Néanmoins, Ri­
ve tte est c e l u i q u i va le p l u s l o i n dans cette rencontre entre termes d u e l s , antagonistes­
complémentaires: projet/aléas, idéel/réel. Encore le projet rivettien, qui intègre toujours celle-ci,
peut-il n'être que pure ouverture à la rencontre , au jaillissement ou surgissement, comme dans
Out one. Si bien que le projet des projets, chez Rivette au moins, c'est finalement la rencontre
(avec les acteurs) elle-même . Nouvelle remarque, en passant, quant à la lumière .

Souvent Rivette n'a d'autre projet lumineux que de faire avec les lumières du mon­
de (nature ou civilisation) , comme dans Paris nous appartient ou Le Pont du Nord, etc . Toutefois,
il peut y avoir projet d'éclairage, comme dans Duelle, Hurlevent, ou La Bande des quatre. Mais ja­
mais Rivette ne fait passer l'éclairage avant l'acteur: il voit d'abord, avec les comédiens, comment
jouer telle scène , quels emplacements et déplacements se proposent; les éclairages, conçus alors
au plus simple et au plus vite , n'ont qu'à suivre . Autrement dit il n'est pas question que le projet
(lumineux) aille à l'encontre de la rencontre (avec les acteurs) puisque celle-ci constitue l'alpha et
l'oméga de tout projet rivettien.) En fait, c'est d'une nouvelle dualité qu'il faudrait parler: réalisa­
teur/acteurs , récepteur/donneurs , calculateur en coulisse/fonceurs en public - mais glissons,
pour le moment. Enfin et surtout il conviendrait de méditer sur les rapports complexes, multiples,
entre ces deux couples : théâtre/réel, projet/surgissement. Mais je laisse le lecteur s'engouffrer à
loisir dans cette vertigineuse réflexion . . . Importance , donc , de la dualité . Dès lors , pourquoi ne
pas la traquer plus avant, s'amuser à en cerner l 'omniprésence, comme en un jeu de pistes rivet­
tien? Soient trois pistes (pour ne pas s'enfermer dans le deux) .

1 L'une/l 'autre : il y a bien souvent conjugaison de deux femmes, chez Rivette .


Deux figures ou faces d'une médaille . Cela s'entend d'ailleurs jusque dans tels titres de film. Ainsi
Céline etjulie-. 1a craintive et l'aventurière (avec réversion) ou encore Duelle-. la brune et la blonde ,
la froide et la chaude, la lunaire et la solaire . En jouant sur le couple solaire/lunaire, en termes de
l u mière a u s s i b i e n , Rivette retro u v a i t le p r i n c i p e théâtral s i g n ifiant p r e m i e r ( j o u r/n u i t ,
chaud/froid, vie/mort, bien/mal, etc) : la bipolarité fondatrice d u théâtre (dédoublement d e per­
sonnalité , jeu de masques) s'appuyant ainsi sur la bipolarité naturelle. Où l'on retrouve le couple
théâtre/nature . . . Ou encore , Le Pont du Nord: la normale (réalité) et !'allumée (théâtralité) - outre
qu'il s'agissait d'un duo d'actrices mère/fille.

2 Ici/là: il y a bien souvent tissage de deux espaces , chez Rivette. Deux lieux dont
l'un est volontiers du côté du réel et l'autre du côté du théâtre; encore que cela communique entre
190

R I V E T T E , C I N É A S T E D U E L

ici et là, qu'il y ait effet de vases communiquants , échanges, contaminations , imbrications. Ainsi
dans Céline etjulie, l'appartement et la villa. Ainsi encore dans Hurlevent, la demeure du haut et
celle du bas. Ainsi enfin dans la Bande des quatre, la maison commune et le cours de théâtre - ce­
pendant la maison devient lieu de théâtre , et Je théâtre lieu d'habitation . On remarquera que Ri­
vette est un formidable filmeur de l'espace entre ces deux lieux (la lande de Hurlevent, le train de
La Bande des quatre) , un formidable passeur entre les deux rives: ici et là, réalité et théâtralité -
entendu que ces rives se confondent, se rejoignent, ne forment en vérité qu'un seul et même lieu .

31 Individu/groupe : il me semble que La Bande des quatre joue d'une nouvelle


dualité , plus singulière et plus récente , entre l 'individu et le groupe. Dualité assurément essen­
t i e l l e p o u r Rivette l u i -même , qui e n r e c o u p e d ' a u tres et non des moindres (metteur en
scène/équipe artistique et technique; auteur singulier/production ambiante; rebelle solitaire/so­
ciété consensuelle) , mais dont il faut souligner qu'elle (ne) s'exprime (que) désormais .

Sans doute pour des raisons tout à la fois personnelles - maturation de l'artiste et de
l'œuvre, qui acquiert une certaine gravité - et collectives - notre époque pose plus que jamais cette
problématique individu/groupe (or le film ne se prive pas, à bien des égards, de dire à cette société
ses . . . quatre vérités) .Il y a d'ailleurs deux solitaires, dans ce film: Thomas (Benoît Régent) et Cons­
tance (Bulle Ogier) . Ce qui amène deux nouvelles dualités: homme (mûr)/femmes (jeunes) , entre
Thomas et les apprenties comédiennes; adultes matures/jeunes immatures, entre Thomas et Cons­
tance d'une part et la bande d'autre part. Etant entendu que ces deux solitaires par leur âge, l'un
deux par son sexe, et l'autre par sa fonction, nous renvoient au statut de Rivette lui-même relative­
ment à la jeunesse, a fortiori féminine. Il y aurait d'autres couples à traquer dans l'œuvre de Rivette:
Je jeu de pistes est ouvert, et je ne doute pas qu'il y en ait de multiples, plus ou moins explicites (foi
de Rivette' ) . Mais qu' importe ce ludique inventaire : l'essentiel est de mesurer combien une (ou
deux) dualité(s) première(s) peut en engendrer diverses autres, secondes, tierces, quartes.
U N D I S C R E T O F U R F A N T E

ANNE-MARIE FAUX

à Ja n i n e

"J EANNE CASTEL VIDE PER LA PRIMA VOLTA FAUTRIER NEL 1 9 2 1 IN UN !NCONTRO Dl PITTORI ALLA GALLERIA
FABRE . ERA VEST!TO DI GRIGIO, SE NE STAVA IN DISPARTE E FACEVA PENSARE A UN GIOVANE PADRE DOMENI­
CANO. J EANNE CASTEL, CHE LO TROVAVA PALLIDO , GLI CONFIDO Dl ESSERE GUARITA DALL'ANEMIA BEVENDO
PER TUTTO L'INVERNO DELL'ouo Dl FEGATO Dl MERLUZZO . FAUTRIER LA RlNGRAZIO EDUCATAMENTE" 1

Prime immagini del Veilleur2: Jacques Rivette, le mani dietro la schiena , si sposta
da un quadro all'altro di Fautrier, silenzioso e rapido . Potrebbe essere l'abbozzo di una storia,
questo corpo scuro tra tristi quadri senza volto, e Rivette, per la prima volta, si farebbe attore (Go­
dard, Truffaut, Rohmer Io sono stati; in pieno i primi due, più di sfuggita il terzo) . Più che un cor­
po, una sagoma in azione - "Hawks filma delle azioni speculando sui potere della loro sola appa­
renza"·3 - che non cercherebbe di farsi notare, ma solo di demarcare Io spazio, la scenografia .

In questa marcatura discreta si giustifica il fatto che Rivette preferisce i corpi ai vol­
ti: il volto "segue" il corpo , mentre il corpo abita un luogo, attraversa Io spazio e si fa definire da es­
so: "i passi dell'eroe tracciano le figure del suo destino"4. Il soggetto della finzione rivettiana, Io si
sa, Io si vede, è anzitutto il luogo : labirinti, passaggi, reticoli segreti che navigano tra la strada, la
scena , la casa, i personaggi.

In questi luoghi perennemente tortuosi circolano anche dei fantasmi che gli eroi
cercano o non cercano, apostrofano o ignorano, complici e nemici allo stesso tempo. Fuori della
spazio, nessuna narrazione , nessuna possibilità di regia . I volti, se appaiono, appaiono dopa e mai
in primo piano . "Anna , Juliet, Bulle rappresentano questo modo globale con cui il corpo si muove
e reagisce" . Questo corpo-magma è fatto anzitutto di carne . "Fautrier non è il corpo, è la carne"5, e
al regista spetta il lavoro di trasformare questa materia in storia . In Rivette questa storia finirebbe
con l'apparizione in primo piano del volta .

Il volto concentra e formalizza il racconto, mentre il corpo Io moltiplica e Io fa con­


tinuamente progredire (corpo centrifuga contra volto centripeto)? Il volta insomma , esisterebbe
soltanto "dopo" il film; questione di pudore senz'altro ma anche di fede salda nell'azione pura del
gesto, del movimento, da cui nascono e si propagano i racconti. Questo gusto evidente per il mo­
vimento senza fine, per il gesto sospeso farebbe quasi di Rivette un regista astratto, astrazione che
nasce da questa tensione presente nei film che non delineano mai un ordine definitivo e che pre­
feriscono al significato immediato del primo piano, alla bellezza sempre un po' greve di un volto,
la grazia modesta di una figura che si sposta ne! divenire .

Un film di Rivette potrebbe essere questo : corpi senza storia incontrano un luogo
nel quale entrano in fusione - in finzione - e un uomo, da lontano, guarda . All'intersezione del trio
materia/scena/sguardo la storia puo prendere corpo , pur mantenendo aperto e mobile questo
punto di intersezione . Un film di Godard Io si potrebbe descrivere al contrario: da distanza ravvi­
'Jean Paulhan, Fautrier, Musée cinata un uomo contempla dei particolari ("ha egli posto la bellezza sulle sue ginocchia"?) in un
d'Art Moderne de la Ville de luogo che deve ancora nascere; da questi particolari (corpi e volti in Godard non vengono trattati
Paris, 1964. distintamente) partono dei frammenti di storie la cui globalità rimarrà fuori campo. Rivette è catto­
2 Jacques Rivette, le Veilleur
de Claire Denis in lico, Godard è protestante e l'asserzione non è una semplice fantasia: se questo insegue l'avventu­
collaborazione con Serge ra del corpo nascituro, il corpo sofferente di una divinità chiamata Maria, quello osserva una storia
Daney, prodotto da Janine
già realizzata e percio stesso dissacrata , il corpo sofferente di una donna corne tante . Corpo incar­
Bazin, André S. Labarthe et
Alain Pagne nellla serie nato alla ricerca della pienezza in Rivette, intellettualizzato e alla ricerca della polverizzazione in
Cinéma de notre temps, 1990. Godard. Rivette filma dei "corpi-destino" in racconti non ancora sviluppati e Godard filma la stori­
J Jacques Rivette, Génie de
Howard Hawks, "Cahiers du
cità dei volti in racconti universali.
cinéma" , n. 23.
" Ibidem. Cosl in Le veilleursi vede il corpo di Jacques Rivette (a proposito di Godard egli di­
' Serge Daney che cita André
Malraux. ce: "pur filmando il particolare , si ha la sensazione di cio che non si filma "). Vi si vedono anche il
suo volto e le sue mani, un volto immobilizzato dal pudore e completamente assorto in cio che di­
ce, mani volubili che tracciano movimenti continui nello spazio: "cosl siamo certi sin dalle prime
192

C i\ D I S C R E T O F U R F A N T E

Benoît Régent, I n es de pulsazioni che non rinunceranno , ma manterranno fino all'ultimo tutte le loro promesse " 6 . I l volto
M e d e i ro s , e le mani raccontano la storia d i j acques Rivette : Roue n , Parigi , i "Cahiers du cinéma " , i suoi film e
La Bande des quatre
quelli degli altri : mi sia consentita u n ' ultima osservazione sui ·Tratto " : grazia e goffaggine indisso­
lubilmente legate . Qui e là intravvedete una grazia giovane , bru s c a , rigida e maldestra e la cui spi­
gliatezza tuttavia sconcerta , quella a mio avviso propria dell' adolescenza , di quell ' età ingrata in
c u i i gesti più sconvolgenti e più riusciti scaturiscono sorprendentemente da u n corpo ornato di
grazia abbagliante " 7 . Storia narrata con la modestia della cinefilia, per sopravvivere, prima di rea­
lizzare i propri film (stesso pu dore di Bulle Ogier ne! parlare del regista : non si svela u n uomo ri­
servato ) . Rivette non dirà che cosa è un regista : direbbe piuttosto cio che non è: " non solo u n regi­
sta non deve essere un dittator e , ma non deve essere nemmeno un padre " 8 . Preferisce parlare del
suo rapporto con i suoi fantasmi piuttosto che della sua regia : "gli unici film che non potrô mai ve­
dere sono qudli che ho girato perché ritornano tutti i fantasmi, tutti i ricord i " . Lascerebbe quasi
credere ch e un regista n o n esiste , o che almeno non è ciô che si pens a , (gli si crede volentieri) ; tut­
ti i suoi film gli sfu ggono e dunque il suo ruolo non sarebbe cosl importante. Né dittatu ra , né p a -
193

U N D I S C R E T O F U R F A N T E

temità, ma pianificazione di un "oggetto sepolto di cui si dissotterra una parte facendone uscire il
resto senza danneggiarlo" .

Il regista ora vigila ora finge di dormire per portare alla luce (almeno in parte) un
tesoro nascosto . "Quando incomincio, mi sembra che il mio quadro sia dall'altra parte , coperto
soltanto da questa polvere bianca, la tela. Mi basta soltanto spolverare . Ho una piccola spazzola
per tirar fuori il blu , un'altra per il verde o il giallo: i miei pennelli. Quando tutto è spolverato , il
quadro è terminato"9. Rivette libera quest'altra tela, il corpo, per vedere se ne risulterà un destino .
Egli rimuove i dettagli superflui per contemplare una storia nel suo farsi. "Quanto tempo grava su
ogni gesto ; non si sa ancora cosa accadrà, quando e corne; si intuisce l'evento ma senza vederlo
avanzare; tutto è al contempo inevitabile e accidentale: il sentimento stesso del futuro nella trama
impossibile di ciè> che dura" 10 .

Prima esigenza per un regista, corne nota giustamente Serge Daney, è avere dalla
propria parte il tempo, senza rubarlo a nessuno, goccia a goccia, perché a voler guadagnare trop­
po tempo , non si sa più che fame. Questa scommessa sui tempo onestamente rubato è l'oggetto
del complotto e Rivette preferisce parlare del suo rapporto con i suoi fantasmi o lo dice , ogni film
è un complotto, insieme di irresponsabilità e curiosità ("la regina delle virtù"). Senza irresponsabi­
lità non c'è rischio né libertà, senza curiosità non c'è film, e neanche vita; "e, suspense puramente
formale: corne sarà l 'inquadratura? e non: che cosa ci sarà nell'inquadratura"?1 1 . Ed è questa su­
spense, che non è semplice esigenza drammaturgica, a muovere il cineasta, ad obbligarlo a lasciar
vagare Io sguardo sui film, i libri, la strada , gli attori, una passeggiata che, quando Daney gli parla
di solitudine, Rivette definisce gusto del "sociale per impregnazione" .

C'è un paradosso apparente i n Rivette : ne! momento della conversazione in cui


Daney evoca la solitudine - e la solitudine del regista si vede a occhio nudo - Rivette finge di esse­
re sorpreso, e questo meraviglia Daney. Questo momento è il più bello di Le veilleur, perché è evi­
dente che in realtà nessuno dei due interlocutori è sorpreso, né della domanda, né della risposta,
e la scena presenta due fierezze che si incontrano e conversano. Nessuno più di Rivette è solo e al
tempo stesso curioso del mondo, e non è raro infatti incontrarlo, fuori e solo, in mezzo a tutto e a
tutti. Rivette è uno dei personaggi dei suoi film: egli parla di ciè> che gli altri fanno, sono e dicono,
ma mai di ciè> che egli fa , è o dice. Nessuna traccia di narcisismo d'aurore , nessuna apparente
preoccupazione della propria immagine, ma piuttosto dell'immagine altrui, nessuna rivendicazio­
ne, ovviamente, a proposito di qualsivoglia successione o di una supposta posterità . Egli legge :

Che tutto muoia con me Signora, che mi importa


Chi calpesta dopa la mia morte la terra che mi porta
Sentiranno trafiggere da lampi nove/li
Questi nostri avi la natte dei loro avelli?
Respireranno l 'aria ove vivere lifaranno
Questi nipoti che a stento li seguiranno
E non faranno forse che !or disonorare
E il sangue avranno sol per tralignare.

6 Jacques Rivette, Rivette appartiene ai suoi film perché il suo corpo agisce e reagisce, i suoi gesti rac­
Le veilleur, cit. contano una storia di cui non viene offerta la chiave . Bisogna credere a ciè> che dice soltanto guar­
7 Jacques Rivette, Lettre sur
dando le sue mani e corne lascia scomparire il suo volto dietro ad un particolare, il sorriso . Biso­
Rossellini, "Cahiers du
cinéma", n. 46. gna lasciare che il pudore del volto si imponga attraverso Io splendore delle mani.
8 Jacques Rivette, Entretiens à
propos de "L 'amourfou ", Dunque Rivette dice il vero: corne tutti gli artisti, è un furfante le cui mani nascon­
"Cahiers du cinéma'', n. 204.
9 Georges Braque. dono il volto, la cui curiosità genera discrezione, e la cui solitudine non sarebbe altro che la magi­
I O Jacques Rivette, Lettre sur
strale presenza fra noi. Ultima finezza (malandrina?) del film: il segreto di Rivette resterà tale: Le
Rossellini, cil.
1 1 Jacques Rivette, veilleur non ne svelerà il contenuto , ma l'intensa emozione . "Ci si inganna quando Io si crede alto.
su Nicht Versohnt, E' piuttosto di statura media e sembrerebbe estremamente minuto se non fosse per una sorta di fu­
"Cahiers du cinéma", n. 210. rore contenuto, che gli conferisce statura e densità . Questo furore scoppia talvolta in una risata. E'
1 2 Jean Paulhan, Fautrier, cit.
una risata di testa , a stento rassicurante . Fautrier non sorride . Egli è franco, brusco, salino, molto
solido: in lui tutto è proporzionato . Ha Io sguardo duro tipico degli uomini che fanno dell'osserva­
zione un lavoro continuo"1 2.
194

U N D I S C R E T O F U R F A N T E

Fejria D e l i b a , Laurence Côte , I nes de M e d e i ro s , Caro l i n e Champetier, La Bande des quatre


U N E B 1 E N D I S C R E T E C R A P U L E

ANNE-MARIE FAUX

à Ja n i n e

"J EANNE CASTEL APERÇUT FAUTRIER EN 1 9 2 1 , DANS UNE RÉUNION DE PEINTRES, GALERIE FABRE . IL ÉTAIT
VETU DE GRIS, SE TENAIT À L'ÉCART ET FAISAIT SONGER À UN JEUNE PERE DOMINICAi!\. J EANNE CASTEL, QUI LE
TROUVAIT PALE, LUI CONFIA QU'ELLE S'ÉTAIT GUÉRIE DE L'ANÉMIE EN BUVANT, TOUT UN HIVER, DE L'HUILE DE
FOIE DE MORUE . FAUTRJER LA REMERCIA POLIMENT. "1 .

Premières images du Veilleui2: Jacques Rivette, les mains dans le dos, se promène
d'un tableau à l'autre de Fautrier, silencieux et rapide. Ce pourrait être l'amorce d'une fiction, ce
corps sombre parmi de sombres peintures sans visages et Rivette, pour la première fois, serait ac­
teur (Godard, Truffaut, Rohmer l'ont été; pleinement pour les deux premiers , plus fugitivement
pour le troisième) . Plus qu'un corps, une silhouette en action, "Hawks filme des actions, en spécu­
lant sur le pouvoir de leurs seules apparences"3 qui ne chercheraient pas à se faire remarquer mais
àn marquer l'espace, le décor. Dans ce marquage discret se justifie le fait que Rivette préfère les
corps au visage; le visage "prend la suite" du corps pendant que le corps, lui, habite un lieu , tra­
verse l'espace et se fait remarquer par lui, "les pas du héros tracent les figures de son destin"4 .

Le sujet de la fiction rivettienne, on le sait, on le voit, c'est d' abord le lieu : laby­
rinthes , passages, réseaux, secrets qui naviguent entre la rue , la scène , la maison, les personnages.
Dans ces lieux toujours complexes circulent aussi des fantômes que les héros cherchent ou ne
cherchent pas, apostrophent ou ignorent, complices et ennemis en même temps. Hors l 'espace,
nulle fiction, nulle possibilité de mise en scène .

Les visages, s'ils viennent, viennent après, et jamais en gros plan. "Anna , Juliet, Bul­
le, c'est cette façon globale dont le corps bouge et réagit'' . Ce corps-magma est d'abord fait de
chair. "Fautrier, ce n'est pas le corps , c'est la chair"S et au metteur en scène revient le travail de
transformer cette matière en histoire . Chez Rivette, cette histoire-là s'arrêterait avec l 'apparition en
gros plan du visage. Le visage concentre et formalise le récit tandis que le corps le multiplie et le
fait sans cesse bouger (corps centrifuge contre visage centripète?) . Le visage n'existerait en som­
me "qu'après" le film; question de pudeur sans doute mais aussi croyance très forte en l'action pu­
re du geste , du mouvement d'où naissent et se propagent les récits. Ce goût marqué pour le mou­
vement sans fin , le geste suspendu ferait presque de Rivette un cinéaste abstrait, abstraction ve­
nue de cette tension dans les films qui n'inscrivent jamais d'ordre définitif, et qui préfèrent à la si­
gnification immédiate du gros plan, à la beauté toujours un peu lourde d'un visage, la grâce ef­
facée d'une silhouette en déplacement et en devenir.

Un film de Rivette pourrait être cela: des corps sans histoire rencontrent un lieu
dans lequel ils entrent en fusion - en fiction - et un homme, comme de loin, regarde. A l 'intersec­
tion du trio matière/décor/regard, l 'histoire peut prendre corps, tout en maintenant ouvert et mo­
bile ce point d'intersection. A l 'inverse décrirait-on un film de Godard: de très près un homme
contemple des détails (a-t-il "assis la beauté sur ses genoux"?) dans un lieu encore à naître; de ces
détails (corps et visages chez Godard ne sont pas traités distinctement) partent des fragments
1 jean Paulhan, Fautrier,
Musée d'Art Moderne de la d'histoires dont le tout demeurera hors-champ . Rivette est catholique , Godard est protestant, et
Ville de Paris 1964 l 'assertion n'est pas de pure fantaisie : si le premier traque l 'aventure du corps à naître , le corps
2 Jacques Rivette, le Veilleur,
film de Claire Denis en souffrant d'une divinité nommée Marie, le second observe une histoire déjà advenue et par là mê­
collaboration avec Serge me désacralisée, le corps souffrant d'une femme comme une autre . Corps incarné en recherche de
Daney, produit par Janine plénitude chez Rivette, intellectualisé et en recherche de fragmentation chez Godard. Rivette fil­
Bazin, André Labarthe et Alain
Plagne dans la série Cinéastes me des corps destins dans des récits non encore dénoués et Godard filme l'historicité des visages
de notre temps, 1990 dans des récits universels.
3 Jacques Rivette, génie de
Howard Hawks, Cahiers du
cinéma n.23 Ainsi Dans le Veilleur voit-on le corps de Jacques Rivette (à propos de Godard, il
4 id. dit: "tout en filmant le détail, on a le sentiment de ce qu'on ne filme pas . " ) . L'on y voit aussi son vi­
5 Serge Daney citant André
sage et ses mains, visage immobilisé par la pudeur et tout entier absorbé par ce qu'il dit, mains vo­
Malraux
lubiles qui tracent des mouvements incessants dans l'espace : "ainsi sommes-nous assurés dès les
premières pulsations que ceux-ci non plus n'abandonneront pas, mais tiendront à l'excès toutes
1 96

U N E B I E N D I S C R E T E C R A P U L E

G e r a l d i n e C h a p l i n , Jacques leurs promesses' 6 . Le visage et les mains racontent l ' h istoire de Jacques Rivette : Roue n , Paris, les
R i vette , L 'Amour par terre, Cahiers du cinéma, ses films et ceux des a u tres - " permettez-moi une dernière remarque sur le
photo Dav i d Boeno, col l .
Trait: la grâce et la gaucherie indissolublement liées . Saluez ici et là u n e grâce jeune, brusque et
"Cahiers d u c i né m a " .
raidie , maladroite et dont l ' a isance pourtant déconcerte , celle même à mes yeux de l ' adolescence ,
de l ' âge ingra t , où les gestes les plus bou leversants , les plus réussis, jaillissent ainsi par su rprise
d'un corps guindé par une grâce aiguë . "7 .

Histoire racontée avec modestie d e la cinéphilie comme mode d e s u rvie, avant que
de faire ses propres films (même pudeur de Bulle Ogier pour parler du cinéaste : on ne dévoile pas
u n homme secret) . Rivette ne dira pas ce q u ' est un metteur en scène, il dirait plutôt ce que ça n'est
pas " non seulement le metteur en scène ne doit pas être u n dictateur, mais il ne doit pas non plus
être u n père . "8 . I l préfère parler de son rapport aux fantômes plutôt que de sa mise en scène " les
seuls films que je ne pourrai j amais voir c'est ceux que j'ai tournés , car tous les fantôme s , tous les
souvenirs reviennent" . Il ferait presque croire qu'un metteur en scène ça n ' existe pas ou que, pour
197

U N E B I E N D I S C R E T E C R A P U L E

le moins, ça n'est pas ce que l'on croit (on le croit volontiers) ; tous ses films lui échappent, il n'y se­
rait donc pas pour grand chose . Ni dictature , ni paternité mais seulement mise en plans d'un "ob­
jet enfoui dont on déterre un bout et dont il faut sortir le reste sans trop l'abîmer" .

Le metteur en scène veille, fait l'endormi pour mettre à (demi) jour un trésor caché .
"Quand je commence, il me semble que mon tableau est de l'autre côté, seulement couvert de cet­
te poussière blanche, la toile. Il me suffit d'épousseter. J'ai une petite brosse à dégager le bleu , un
autre, le vert ou le jaune : mes pinceaux. Lorsque tout est nettoyé, le tableau est fini."9. Rivette dé­
gage cette autre toile, le corps, pour voir s'il en adviendra un destin. Il époussette les détails super­
flus pour regarder une histoire se faire . "Quel poids de temps soudain donné à chaque geste; on
ne sait pas encore ce qui va être, quand, comment; on pressent l'événement mais sans le voir pro­
gresser; tout y est accident, aussitôt inévitable; le sentiment même de l'avenir dans la trame impos­
sible de ce qui dure . " 1 0

Première nécessité pour le cinéaste , comme le remarque justement Serge Daney:


mettre le temps de son côté sans le voler à personne, goutte à goutte, car à trop vouloir gagner de
temps on ne sait plus qu'en faire. Ce pari sur le temps honnêtement volé, c'est l'objet du complot
et, Rivette le dit, tout film est un complot, mélange d'irresponsabilité et de curiosité ("la reine des
vertus"). Sans irresponsabilité pas d'aléas ni de liberté , sans curiosité pas de film et ni même de
vie; "et, suspense purement formel: qu 'est-ce que va être le plan? et non: qu'est-ce qui va être dans
le plan?"n C 'est ce suspense, qui ne saurait être simple nécessité dramaturgique, qui meut le
cinéaste et l 'oblige à promener son regard sur les films, les livres, la rue , les acteurs , promenade
que Rivette nomme , lorsque Daney lui parle de solitude, goût du "social par imprégnation" .

Il y a ce paradoxe apparent chez Rivette: à ce moment de la conversation ou Daney


évoque la solitude - et la solitude du cinéaste se voit à l'œil nu - Rivette feint d'être surpris, ce qui
surprend Daney. Cet instant est le plus beau du Veilleurcar l 'on perçoit bien qu'en réalité ni l'un ni
l ' autre des interlocuteurs n'est surpris , ni par la question, ni par la réponse, et cela donne alors
l'image de deux fiertés qui se rencontrent et conversent. On ne saurait être plus seul que Rivette ni
plus curieux du monde et il n'est pas rare en effet de le rencontrer, dehors et seul, au milieu de tout
et de tous. Rivette est l 'un des personnages de ses films: il parle de ce que font, sont et disent les
autres mais jamais de ce que lui fait, est ou dit. Pas de trace de narcissisme d'auteur, aucun souci
apparent de l'image de soi mais des images de l 'autre , pas de revendication, bien sûr, à propos
d'une quelconque succession ou d'une supposée postérité. Il lit:

Que tout meure avec moi Madame, que m 'importe


Qui foule après ma mort la terre qui me porte.
Sentiront-ilspercerpar un éclat nouveau
Ces illustres aïeux la nuit de leurs tombeaux?
Respireront-ils l 'air où lesferont revivre
Ces neveux qui peut-être auront peine à les suivre
Peut-être neferont que les déshonorer
Et n 'en auront le sang que pour dégénérer?

6 Jacques Rivette, id Rivette appartient à ses films parce que son corps agit et réagit, ses gestes racontent
7 Jacques Rivette, Lettre sur une histoire dont la clé n'est pas donnée . Il faut croire ce qu'il dit juste à regarder ses mains et lais­
Rossellini, "Cahiers du ser s'effacer son visage derrière un détail , le sourire . Il faut laisser s'imposer la pudeur du visage
cinéma", n. 46.
8 Jacques Rivette, Entretiens à par l 'éclat des mains . Donc Rivette dit vrai: comme tous les artistes, il est une crapule dont les
propos de "L 'Amourfou", mains cachent le visage, dont la curiosité engendre la discrétion et dont la solitude ne serait que la
"Cahiers du cinéma", n. 204.
magistrale présence au milieu de nous.
9 Georges Braque.
1 0 Jacques Rivette, Lettre sur
Rossellini, cit. Ultime subtilité (crapuleuse?) du film: le secret de Rivette demeurera bien gardé : le
1 1Jacques Rivette, à propos de
Nicht Vers6hnt, "Cahiers du Veilleur n 'en dévoilera pas le contenu mais l'intense émotion. "On se trompe quand on le croit
cinéma", n. 210. grand. Il est plutôt moyen et semblerait extrêmement mince, n'était une sorte de fureur contenue,
1 2 Jean Paulhan, Fautrier, cit. qui lui donne de la taille et de la densité. Cette fureur éclate parfois de rire . C'est un rire de tête, à
peine rassurant. Fautrier ne sourit pas . Il est simple , rapide, salin, extrêmement bien campé: chez
lui, toutes les parties sont à l'échelle . On lui voit le regard dur des hommes chez qui l'observation
est un travail continueP 2 .
1 98

C N E B I E N D ! S C l{ E T E C !{ A l' l L E

J a n e B i r k i n . La Belle noiseuse
F 1 L M 0 G R A p H 1 E

D A N I E L A G I U F F R I D A ET S E R G I O T O F F ETTI

Jacques Rivette est né à Rouen le Ier mars 1 928. Il s'installe à Paris en 1 949 où il tente, sans succès. le concours d'entrée
à l'lllHEC. En 1 950 il écrit, dans la "Gazette du Cinéma " , la revue fondée par Eric Rohmer, deux articles restés célèbres :
Nous ne sommes plus des innocents (n. 1 , mai 1 950) et 7be Southerner ( n . 2, juin 1 950). De 1953 à 1 969 il collabore aux
"Cahiers du Cinéma " . li en deviendra le rédacteur en chef de 1 963 à 1 965 succédant ainsi à Eric Rohmer. li sera assistant
au montage de Jean Mitry, assistant metteur en scène de Jacques Becker pour Ali-Baba et les Quarante Voleurs ( 1 954)
et de Jean Renoir pour French Cancan (J 954), cameraman de François Truffaut pour Une Visite ( l 954) et d'Eric Rohmer
pour Bérénice ( l 95 4 ) . En 1955 il commence à travailler avec François Truffaut, Jean-Luc Godard et Charles Bitsch au
scénario des Quatrejeudis sans pour autant achever le projec . Le projet de réaliser avec Jean Gruault, La Cité restern éga­
lement inachevé . Le film aura du être produit par Roberto Rossellini. En 1 957, après avoir tourné le Coup du Berger, le
court métrage qui marque ses débuts de metteur en scène, il collabore à la production télévisée jean Renoir parle de
son art de Jean-Marie Coldcfy, une série d'interviews de Renoir réalisées par Jean-Marie Coldefy, Janine Bazin, Jacques
Rivette: Le Cinéma et la parole (22'), Les Progrès de la tech n ique (23'), Le Retour au naturel 0 5 ' ) .
En 1 990 un documentaire : ]acques Rivette, l e Veilleu r ( Cinéma de notre Temps) lui a été consacré . (pr La Sept; prejani­
ne Bazin . André S. Labarthe, Alain Plagne; r Cla ire Denis; col/ Serge Daney, int. Jacques Rivette).

1 949 Aux QUATRE COINS d 20 ' : 1 6 mm te: mo Denise de Casabia nca; scgJean-Jacques Fabre; co­
s/ Giet Magrini; cons tee Michel Delahaye ; int Anna Kari­
1 950 ù;: QUADR!llE prJean-Luc Godard: int Anne- n a ( S u z a n n e S i m o n i n ) , Liselotte Pulver ( M a d a m e de
Marie Cazalis, jean-Luc Godard: d 40': 1 6 mm. Chelles), Micheline Presle (Madame de Moni), Francine
Bergé (Sœur Sa inte Christophe), Christiane Lenier (Ma­
1952 LE DIVERTISSEMENT in/ Sacha Briquet, Olga dame Simonin), Francisco Rabal (Don Morel), Wolfgang
Waren; c/ 40'; 1 6 mm Reichmann (Père Lemoine), Catherine Diamant (Sœur
Sa inte Cécile), Yori Bertin (Sœur Sainte Thérèse), Franci­
1 956 LE Coup DU BERGER pr (Claude Chabrol), Les ne Berger (Sœur Cristina), Jean Martin (M. Hébert), An­
Films de la Pléiade, Pierre Braunberger; se Jacques Rivet­ nik Morice, Danièle Palmera, Gilette Barbier, Michel De­
te, Claude Chabrol , Charles Bitsch; /(b/n, 35mm, l x l , 33) lahaye; d 135'
Charles Bitsch; m François Couperin; ma Denise de Ca­
sabianca ; assJean-Marie Straub; int Virginie Vitry, Anne 1 967 JEAN RENOIR lE PATRON ( Cinéastes d e notre
Doat, Etienne Loinod (pseud. Jacques Doniol-Valcroze), temps) preJanine Bazin e André S. Labarthe; pr ORTF : f
jean-Claude Brialy; d 30' Pierre Mareschal; so Guy Solignac; m oJean Eustache; int
jean Renoir, Marcel Dalio, Pierre Braunberger, Catherine
1 958-60 PARIS NOUS APPARTIENT pr (Claude Chabrol) Rouvel:
AJYM, (François Truffaut) LesFilms du Carrosse; dis Con­ 1. La recherche du relatij(d 94'30"; dijfl 8 .0 l . î 967
temporary; ar]ean Herman , Suzanne Schiffman; se Jac­ 2. La direction des acteurs ( d 90')
ques Rivette, jean Gruault; /(b/n, 35mm, l x l ,33) Charles 3 . La règle et / 'exception ( d 76'; d/{[8.02 . 1 967) .
Bitsch; m Philippe Arthuys ; so Christian Hacksp ill; mo
Denise de Casabianca ; int Betty Schneider (Anne Gou­ 1 967-68 L'AMOUR FOU pre Roger Scipion; pr Cocinor­
pil), Gianni Esposito (Géra rd Lenz), Françoise Prévost Marceau, Sogexportfilm/Georges de Beauregard; dis Co­
(Te rry Yo k ) , D a n i e l C r o h e m ( P h i l i p p e K a u ffm a n ) , cinor; ar Philippe Fourastié; se Jacques Rivette, Marilù
François M a istre ( P i e r r e ) , J e a n - C l a u d e B r i a l y (J e a n ­ Parolini ; f( J x l ,85) Alain Levent (35mrn) , Etienne Becker
Marc) , Birgitta Juslin, Noelle Leiris , Monique le Poirier, ( 1 6mm); aop Patrice Wyers; m jean-Claude Eloy; so Ber­
Malka Ribowska, Louise Roblin, Anne Zamire, Paul Bi­ nard Aubouy (35mm), Jean-Claude Laureux (1 6mm); mo
scigl i a , Jean-P ierre Delage, jean Martin, Henri Poirier, N i c o l e L u h t c h a n s k y ; a m o A n n e D u b o t ; sc ript Lyd i e
André Thorent, Claude Chabrol, jea n-Luc Godard , Jac­ M a h i a s ; photo Pie rre Z u c c a ; i n t B u l l e O g i e r ( C l a i re ) ,
ques Demy, Jacques Rivette; d l 40'; sortie Paris 1 96 1 . jean-Pierre Ka lfon (Sébastien/Pyrrhus) , ]osée Destoop
(Marta/Hermione), Michèle Moretti (Michèle) , Célia (Cé­
1 965-66 SUZANNE SIMONIN, !A RELIGIEUSE DE DENIS DI­ lia/ Andromaque), Françoise Godde (Françoise/Cléone) ,
DEROT pr Rome-Pa ris Films/ P roductions Georges de M a d d l y B a my ( M a d d ly/ C é p h i s e ) , L i l i a n e B o r d o n i
Beau regard/ Societé Nouvelle de Cinématographie; dpr (Puck), Yves Beneyton (Yves/Oreste/Pylade), Dennis
René Démoulin; dis S . N C ; a r Philippe Fourastié; s " La Be rry (Denn is/ Pylade/Oreste), Michel Dela haye (Mi­
Religieuse " , Denis Diderot; se Jean G ruault, Jacques Ri­ chel/Phœnix) , André S . Labarthe, Didier Leon (Didier),
vette ; dia/jean Gruault: j(col . , 35mm, l x l ,85) Alain Le­ C l a u d e - E r i c R i c h a rd ( P h i l i p p e ) ; d 2 5 2 ' ; s o rtie P a ­
vent; op Claude Zidi; m jean-Claude Eloy; so Guy Viller- ris , 1 5/0 1/1969.
200

F I L M O G R A P H I E

1 970-7 1 Our 1: Nou ME TANGERE pr Sunchild Produc­ (Stéphane Tchalgadjieff) Sunchild ; dis Les Films de !'Ata­
tions (Stéphane Tchalgadjeff); se Jacques Rivette, Suzan­ lante; ar Bertrand van Effenterre; se Eduardo De Grego­
ne S c h i ffm a n ; f ( c o l , 1 6 m m , l x l , 3 3 ) P i e rre-Wi l l i a m rio, Marilù Parolini; /(35mm, col .) William Lubtchansky;
Glenn; so René-jean Bouyer; mo Nicole Lubtchansky; int aop Dominique Cha puis, Robert Alazraky; décor Eric Si­
Pierre Baillot (Quentin), juliet Berto (Frédérique), jean mon; ass décorjean-Pierre Bazerolle; cos/ Renée Renard;
Bouise (Warok), Marcel Bonozet (Nicolas), Marc Chapi­ m Robert Cohen-Solal , Jean-Cohen-Solal; so Pierre Ga­
teau (un joueur de football), Sylvain Corthay (Achille), met; perchman Michel Kharat; mo Jacques Rivette; script
Michel Delahaye (un ethnologue), Jacques Doniol-Val­ Lydie Mahias; dir tee Christian Danzas; maquillage Thi
croze (Etienne), Françoise Fabian (Lucie) , Hermine Ka­ Laon Nguyen; csq el Robert B e u l e n s ; csq mac André
ragheuze (Marie), Bernadette Lafont (Sarah), jean-Pierre Atellian; photo Moniquejamet; presse Lucienne Mardore;
Léaud (Colin), Alain Libolt (Renaud), Michael Lonsdale int Bernadette Lafont (Giulia, chef du gang des contre­
(Thomas), Edwine Moatti (Béatrice), Michèle Moretti (Li­ bandiers) , Géraldine Chaplin (Morag, le vengeur) , Kika
l i ) , B u l l e Ogier (Pauline-Emilie), B ernadette O n froy Markham (Erika, sa complice), Babette Lamy (Régine,
(Bergamotte), Karen Puig (Elaine), Eric Rohmer (spécia­ sœur de lait de Giulia), Elisabeth Medveczky (Elisa, sa fil­
liste d e Balzac), Christian de Tillière; d 1 2h 4 0 ' ; l ère le), Danièle Rosencranz (Celia, suivante de Régine), Ca­
projection publique Maison de la Culture, Le Havre 9- role Laurenty (Charlotte, suivante de Régine), Anne-Ma­
1 0/09/ 1 97 1 . rie Fijal (Piao, le fou de la cour) , Humbert Balsan (Jacob,
amant de Giulia), Larrio Ekson (Ludovico, amant de Giu­
1971-72 Our 1 : SPECTRE mo D .de Casabianca; d 255'. lia), Anne-Marie Reynaud (Arno, l ieutenant de Giulia),
Georges Gatecloud (Tugoual, frère d'Arno), Anne Bedou
1 973-74 CÉIJNE Ill' }UUE VONT IN BATEAU: PHANI'OM LA­ (Romain, femme d' Arno) , Marie-Christine Moreau-Mey­
DIES OVER PARI S pr Les Films du Losange e Action Films, nard (Tony, homme de main d'Arno); d l 20'.
Les Films Christian Fechner, Les Films 7 , Renn Produc­
tions, Saga, Simar Production, Vincent Malle Produc­ 1 977-78 MERRY Go ROUND pr (Stéphane Tchalgadjieff)
tions; pre Barbet Schroeder; dis NEF; a r Luc Béraud, Pa­ S u n c h i l d P r o d u c t i o n , I N A ; dis G a u m o n t ; ar L y d i e
scal Lemaître; se Julie! Berta, Dominique Labourier, Bul­ M a h i a s ; B e n j a m i n Legra n d , M i c h e l K l o c h e n d l e r ; s e
le Ogier, Marie-France Pisier, Jacques Rivette ; coll s e Eduardo de Gregorio, Suzanne Schiffman, jacques Rivet­
Eduardo de Gregorio; sujet du film dans le film ("Phan­ te; dia/ Eduardo de Gregorio; j(coul) William Lubtchan­
tom Ladies over Paris") Henry James ("The Other Hou­ sky; aop Dominique Chapuis, Caroline Champetier, so
se", "A Romance of Certain Old Clothes"); f (col, 16nun > Pierre Gamet; perch man Bernard Chaumeil; m Barre
35mm) Jacques Renard; aop Michel Cenet; m jean-Marie Phillips (contrebasse) , John Surman (clarinette); enregi­
Sénia; so Paul Laine; perchman Gilbert Pereira; mo Nico­ strement m Adrian Nataf; m o Nicole Lubtchansky amo
le Lubtchansky; amo Cris Tullio Altan; mixage Elvire Ler­ Catherine Quesemand; mix Claude Villand; 2' équipe so
ner; script Irina Lhomme; maquillage Ronaldo Abre u ; Henri Roux, Patrice Noia; script Margot Catalaa; dir tee
intJu liet Berta (Céline), Dominique Labourier (Julie), Christian Danzas; ass dir tecn Pierre Wallon; maquillage
Bulle Ogier (Camille), Marie-France Pisier (Sophie), Bar­ Paul Le Maronel ; int Maria Schneider (Léa), Joe Dalle­
bet Schroeder (Olivier) , Philippe Clevenot ( G u i l o u ) , sandro (Ben), Françoise Prévost (Renée Novich), Mauri­
Nathalie Asnar (Madlyn) , Marie-Thérèse Saussure (Pou­ ce Garre! (Julius Danvers), Danièle Gégauff (Elisabeth),
pie), jean Douchet (Dédé), Adèle Taffetas (Alice), Anne Jean-François Stévenin (décorateur) , Sylvie Meyer (Syl­
Zamire (Lil), Monique Clément (Myrtille), Jérôme Ri­ vie), Michel Berta (Jérôme), Dominique Erlanger (la se­
chard (Julien), Michael Graham (Boris) , jean-Marie Sénia crétaire), Frédéric Mitterrand (le conseil), Hermine Kara­
( Cyrille), Jean-Claude Biette, Jean Eustache, Jean-Clau­ gheuze (l'autre), Pascale Dauman (l'infirmière), Marc La­
de Ramer e Michael Caine (spectateurs au cabaret), Jean brousse, Jean Hernandez (les deux complices), Benja­
Eustache e Jacques Bontemps (lecteurs à la bibliothè­ min Legrand (le chauffeur), Florence Bernaras (la femme
que); d l 92'; sortie Paris, 20-09- 1 974. du cimetière), Humbert Balsan (le chevalier); d l60'.

1 976 DUEllE pr (Stephane Tchalgadjieff) Sunchild , 1980 PARIS s ' :e-; vA pr Paris Audiovisuel; comm Bul­
INA, Jacques Roitfeld; dis Gaumont; se dia! Eduardo De le Ogier, Pascale Ogier; f(cou l , 16 mm) William Lubt­
G regorio, Marilù Paro l i n i , Jacques Rivette; /William chansky; mo Nicole Lubtchansky; d 40'; repérages "Le
Lubtchansky; décor Eric Simon; mJean Wiener; mo Nico­ Pont du Nord " .
le Lubtchansky, Cris Tullio-Altan; int juliet Berta (Leni),
Bulle Ogier (Viva), Jean Babilée (Pierrot), Hermine Kara­ 1 980 li! PoNT DU NoRD pr (Barbet Schroeder) Les
gheuze, (Lucie), Nicole Garcia (Jeanne-Elsa), Claire Na­ Films du Losange, Lyric I nternational , La Cecilia, Jean­
deau (Sylvia Stern), Elisabeth Wiener; d 1 18'; sortie Pari­ Pierre Mahot; pre Margaret Menegoz, Martine Marignac;
gi 1 5/09/1 976. dis G e r i k D i st r i b u t i o n ; se J a c q u e s Rivett e , S u z a n n e
S c h i ffma n , B u l l e O g i e r , P a s c a l e O g i e r ; dia /Jérôme
1 976 NoROIT dpr Marc Maurette , Danièle Rosen­ Prieur; j(couL) William Lubtchansky, Caroline Champe­
cranz; ass pr Stella Quef; spr Roberta Nevers ; pr INA, tier, Matthieu Schiffman; m Astor Piazzolla ("Liber Tan-
20 1

F I L M O G R A P H I E

go" , "Violent Tango"); so Georges Prat, Gérard Lecas; mo fédéral de l'intérieur (Francia)/ Berne, Sofica lnvestima­
'iicole Lubtchansky, Catherine Quesemand; script Lydie ge, Cana l + : dis Les Films du Losange ; a r Lorra ine Gro­
M a h i a s ; int B u l l e Ogier ( M a r i e Lafé e ) , Pascale Ogier leau; se Jacques Rivette, Pascal Bonitzer, Christine Lau­
(Baptiste), Pierre Clémenti Qulien) , jean-François Stéve­ rent; dia/ Pascal Bonitzer, Christine Laurent; /Caroline
n i n (Max 1 ) , B e n j a m i n Ba ltimore (Max 2 ) , Steve Baes Champetier; décor Emmanuel de Chauvigny; cost Lau­
(Max 3 ) , joe D a n n (joueur de Bonto) , Matthieu Schiff­ rence Stru z ; m a Catherine Quesemand; int Bulle Ogier
man ( u n hongrois), Julien Lidsky, Antoine G u revitch, (Constance), Benoît Régent (Thomas), Laurence Cote
M a rc Tru sc e l l i (les trois enfa nts) ; d 1 27 ' ; sortie Paris, (Claude), Fejria Deliba (Anna), Bernadette Giraud (Joy­
24/03/ 1 982 ce), Ines de Medeiros (Lucia), Nathalie Richard (Cécile),
lrina Dalle (la postu lante), Dominique Rousseau (Pauli­
1 983 L'AMOUR PAR TERRE pr(Martine Ma rignac) La ne), Pascal Salkin (Corinne), Agnès Sourdillon Qeanne) ,
Cécilia , Ministère de la Culture; pra Michelle Crétel; dpr Françoise Muxel (Lou ise) , Irène Jacob (Marina), Caroline
Pierre Wallonar; dis Gaumont; se Pascal Bonitzer, Marilù Gasser (Raphaelle), Karine Bayard (Sophie); d 160'; sor­
Parolini, Jacques Rivette, Suzanne Schiffman; dia/ Pascal tie Paris, 8/02/ 1 989; France-Suisse,
Bonitzer, Marilù Paroli ni; / (cou!) William Lubtchansky;
aop Caroline Champetier; décorRoberto Plate: ass décor 1990 ù. BEUE NOISEUSE pr dis (Martine Marignac)
Simon Duhamel; cost Renée Renard; so Pie rre Gamet; Pierre Grise Production ; co prGeorges Reinhart Produc­
p e rc h m a n Bernard Chaumeil; mo Nicole Lubtchansky; tions (Zurigo), FR 3, Canal + , Sofica I nvestimage 1 e 2 ,
a m o Louise de Champfleury; m ix Gérard Lamps ; ma­ Centre '.\ational du Cinéma , la Région Languedoc-Roussil­
quillage Françoise Andrejka; ph o to Moune Jamet; int Gé­ lon; sc Jacques Rivette , Pascal Bonitzer, Christine Laurent;
ra ldine Chaplin (Charlotte), Jane Birkin (Emily), André coll se Bernard Dufour; s Honoré du Balzac; ( " Le chef­
Dussolier (Paul), Jean-Pierre Kalfon (Clément Roque­ d' œuvre inconnu "): dia! Pascal Bonitzer, Christine Lau­
maure), Facundo Bo (Facundo), Laszlo Szabo (Virgil), rent ; / CEastmancolor L 66) William Lubtchansky; sa Flo­
Sandra Monta igu (Eléonore), Isabelle Linnartz (Béatri­ rian Eidenbenz; décor Emmanuel de Chauvigny; mo 'iico­
ce), Eva Roelens (Justine); d l 25'; sortie Paris, 17/10/84 , lc Lubtchansky; cost Laurence Struz; script Lydie Mahias;
maquillage Susan Robertson ; . int Michel piccoli (Frenho­
1 985 HURLEVENJ' pr(Martine Marignac) La Cécilia , fer), Jane Birkin (Liz) , Emmanuelle Béart (Marianne), Ma­
Renn Productions, Ministère de la Culture; dis AMLF; se rianne Denincourt (jul ienne) , David Bursztein (Nicolas) ,
Pascal Bonitzer, Jacques Rivette, Suzanne Schiffman, s Gilles Arbona (Porbus); d 225'; Francia/ Svizzera ,
Emily Brante ( "Wuthering Heights"); dia/ Pascal Bonit­
zer; /(coul) Renato Berta ; décorManu Chauvigny; so Alix L E G E N n E : -aop • assistant opérateur ar • assistant
-

metteur en scène col • couleur coll • collaboration


Conte; ma Nicole Lubtchansky; int Lucas Belvaux, Fa­
- -

- cons tee • conseiller technique cost • costumes


- -

bienne Babe, Olivier Cruveillier, Olivier Torres, Isabelle csq el • chef électricien csq mac • cbef machiniste
-

de Poncheville, Sandra Montaigu , Philippe Morier-Ge­ - d • durée dia/ • dialogues dir tee • régisseur
- - -

noud; d l 30'; sortie Paris, 9/ 1 0/ 1 985, dis • distribution dpr • délégué à la production / •
- -

(directeur de la photographie) image int • interpré­


-

tation m • musique mo • montage photo • pho­


ù.
- - -

1 988 BANDE DES QUATRE pr (Martine M arignac)


tographe de plateau pr • production pra • produc­
- -

Pierre Grise Productions; co pr Limbo Film, La Sept, Mini­ teur adjoint pre • producteur exécutif s • sujet - sc
- -

stère de la Culture et de la Communication, Département • scénario so • son spr • secrétaire de production


- -

Le C o u p du berger
202

F I L M O G R A P H I E

M i c hel P i c c o l i Emman u e l l e Béart, La Belle noiseuse


B 1 B L 1 0 G R A p H 1 E

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