Attieke
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Abstract
A socio-economic and technological survey was conducted
encompassing producers of attieké (a fermented cassava couscous) in
Abidjan in order to determinate difficulties for the promotion of this activity.
It was found that small women's individual businesses, with low education
level, decide on their activity according to their capacity and the socio-
economic environment. They are integrated in the family economy by both
the production place, which is confused with the producer residence, that by
the time sharing between productive activities and the family activities. The
production is carried out traditionally in arduous conditions according to the
traditional experience of the producer and not on a theoretical and rational
knowledge. Three types of attiéké (garba, agbodjama, normal) occurred
whose the most met nationally is the normal type, which is an acid food,
relatively poor in protein, high moisture content over than 45% and with an
absence of Salmonella, which can ensure consumer safety.
Professionalization and training of producers, establishment of good practice
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Résumé
Une enquête socio-économique et technologique a été réalisée auprès
des productrices d’attiéké (couscous de manioc fermenté) de la ville
d’Abidjan afin de déterminer les freins à la promotion de cette activité. Il en
est ressorti que celles-ci, de niveau d’instruction faible, se présentent suivant
de petites entreprises qui décident de leur activité en fonction des moyens et
de l’environnement socio-économique. Elles sont intégrées dans l'économie
familiale tant par le lieu de production qui est confondu avec le lieu de
résidence que par le partage du temps entre les activités productives et les
activités familiales. La production s’effectue artisanalement dans de pénibles
conditions suivant leur expérience traditionnelle et non sur un savoir
théorique et rationnelle. La professionnalisation et la formation des
productrices, l’instauration de guides de bonnes pratiques, la labellisation et
la normalisation, sont entre autres, les propositions pour la promotion de
cette activité. Trois types d’attiéké (garba, agbodjama, normal) sont produits
dont le plus rencontré est le normal, un aliment acide, relativement pauvre en
protéine, de forte teneur en humidité (plus de 45%) et présentant une absence
en salmonelle, pouvant garantir la sécurité du consommateur.
1. INTRODUCTION
La racine du manioc (Manihot esculenta Crantz) constitue la
quatrième production végétale pour sa contribution (92 842 000 de tonnes en
1992) à l’alimentation de la population mondiale après le riz (365 961 000 de
tonnes), le blé (338 361 000 de tonnes) et le maïs (112 953 000 de tonnes)
(Bokanga, 2001; Koko et al., 2014). La production annuelle mondiale est
estimée à environ 237 millions de tonnes en 2010. Le Nigeria en est le plus
gros producteur (37 504 100 de tonnes).Viennent ensuite le Brésil (24 354
000 de tonnes) et l’Indonésie (23 908 500 de tonnes). La production annuelle
de la Côte d’Ivoire est de 2,45 millions de tonnes (FAOSTAT, 2010). Eu
égard à sa brève durée de vie après-récolte, différentes technologies aussi
variables les unes que les autres sont utilisées en fonction des régions, des
habitudes alimentaires et des produits à obtenir. La transformation de la
racine du manioc améliore sa digestibilité, son attrait, la stabilité des produits
dérivés, augmente leur durée de conservation et permet de réduire leur teneur
en composés cyanogéniques. Les techniques sont multiples et font intervenir
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2. MATERIEL ET METSHODE
2.1. Méthode de travail
L’étude s’est déroulée de janvier à juin 2014 en raison de la forte
activité de production de l’attiéké en cette période de l’année, et à Abidjan à
cause de son statut de première ville de Côte d’Ivoire, lieu d’intense activité
de production et commerciale d’attiéké, et région d’origine de ce mets. La
méthode d’échantillonnage adoptée dans le cadre de ce travail est
l’échantillonnage en grappes à trois degrés d’unités avec, au niveau primaire
les neuf communes enquêtées de la ville d’Abidjan (Abobo, Adjamé,
Attécoubé, Cocody, Koumassi, Marcory, Port-Bouet, Treichville et
Yopougon), au niveau secondaire les sites de production et au niveau
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3. RESULTATS ET DISCUSSION
3.1. Profil et organisation des productrices
En Côte d’Ivoire, l’attiéké fait l’objet d’importantes transactions et
constitue la source de revenus de nombreuses femmes de niveau d’étude
modeste, peu organisées qui ont fait de sa production une activité à part
entière. Le profil de celles-ci est similaire à ceux observés dans la production
du gari et du chikwangue qui sont deux mets issus de la fermentation de la
racine de manioc respectivement au Bénin et au Congo (Trèche, 1995;
Massamba et al., 2001). En effet, les productrices d’attiéké d’Abidjan sont
majoritairement (97,8 %) âgées de 25-40 ans et plus, présentent
généralement (97,8 %) une ancienneté dans ce métier de plus d’un an. Elles
sont essentiellement de niveau d’instruction du primaire (37,8 %), du
secondaire (31,1%), illettrées (25,6%) contre seulement 5,6% de niveau
universitaire. Elles sont originaires du sud (71,1 %), du centre (10%), de l’est
(7,8%), de l’ouest (6,7%), du nord (3,3%) de la Côte d’Ivoire contre 1,1% de
ressortissants ouest-africains. Elles habitent essentiellement à proximité des
sites de production (90 %) et effectuent cette activité soit seules (58,9 %) ou
soit regroupées ou associées (41,1 %). Comparativement au mode de
production seule, le mode de production en groupe semble être relativement
récent et serait dû à des mutations (plutôt qu’à des facteurs socio-culturels)
liées à l’urbanisation croissante de la ville d’Abidjan et de l’adaptation
nécessaire que cela implique. Deux raisons peuvent expliquer cette
conséquence de l’urbanisation. D’abord, les mesures d’hygiène et de
salubrité publique emmènent les pouvoirs publics à confiner les productrices
si possible sur un seul espace géographique afin de faciliter la gestion des
déchets issus de cette activité. Une deuxième raison vient de la volonté, des
productrices, de se regrouper en équipes ou en mini-entreprises ou mini GVC
(groupements à vocation coopérative) où les tâches sont réparties suivant une
chaîne (mini-spécialisation); ce mode d’organisation favorise une meilleure
flexibilité et adéquation entre la gestion du temps et les autres activités de la
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braisé au feu, soit bouilli à l’eau, soit frais c’est-à-dire sans aucun traitement
préalable) appliqué aux racines de manioc épluchées lors de la préparation de
celui-ci, il n’existe pas de différence fondamentale dans le diagramme des
opérations conduisant à la préparation de l’attiéké. Si l’appellation suivant le
groupe ebrié de ‘’magnan’’ désigne couramment ce ferment ou levain
traditionnel de manioc (suivant 97,8 % des productrices), d’autres
appellations ‘’lidjrou’’ et ‘’bédé fon’’… existent. Trois types sont rencontrés:
le magnan ‘’braisé’’ (utilisé par 24,4 % des productrices), le magnan
‘’bouilli’’ (utilisé par 75,6 % des productrices) et le magnan ‘’frais’’ (utilisé
par 0 % des productrices enquêtées). La non-utilisation du ferment
traditionnel de manioc de type frais par les productrices d’Abidjan alors que
ce type de ferment traditionnel de manioc a déjà été décrit par Tetchi et al.
(2012) comme celui utilisé par les productrices d’ethnie abouré de Bonoua
(à plus de 100 Km d’Abidjan) montre que le type de ferment ou levain
traditionnel de manioc est typique du terroir ou du groupe ethnique de la
localité de production. Comparé à d’autres mets (gari, lafun, fufu, agbelima,
bikedi, mapoka, chikwangué, …), le recours au ferment traditionnel,
préalablement élaboré, tout comme le pied de cuve est une pratique courante
en industrie de fermentation. Contrairement à la fermentation solide de la
pâte de manioc pratiquée en Afrique Occidentale, le procédé de rouissage
des racines entières est celui appliqué en Afrique Centrale. Ce procédé
consiste à laisser ramollir les racines de manioc dans un bain d’eau. Suivant
les productrices enquêtées, les caractéristiques organoleptiques de l’attiéké
obtenu à partir du ferment traditionnel ‘’magnan braisé’’ sont
respectivement meilleures que celles obtenues avec les ferments traditionnels
‘’magnan bouilli’’ et ‘’magnan frais’’. Cela supposerait des activités
fermentaires (bactéries lactiques, acétiques, levures, Bacillus…) différentes
selon le type de ferment traditionnel. Dans la majorité des cas (pour 85,4 %
des productrices), le rôle exact de ce ferment traditionnel, à savoir de levain
ou de responsable du procédé fermentaire de la pâte de manioc est bien
connu des productrices. Aussi, sa préparation est variable (plus de 91,1 % de
productrices utilisent une quantité variable de manioc se situant entre 5-20
%). Toutefois, une durée exacte de fermentation est en général pratiquée
suivant 80,9 % des productrices. Paradoxalement, malgré la pénibilité de
leurs conditions de travail, les productrices en général (pour 78,9 %) ne
souhaitent pas une réduction de la durée de préparation du ferment
traditionnel qui est de l’ordre de 2-3 jours. Les productrices traditionnelles à
l’unanimité (100%) affirment que sans le ferment traditionnel, il n’est point
possible d’obtenir de l’attiéké. Aussi, l’étape de fermentation de la racine de
manioc en ferment traditionnel magnan est impactée respectivement par la
durée de fermentation (38% des réponses), la température de fermentation
(35% des réponses), la qualité de la racine de manioc (15% des réponses),
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les productrices elles mêmes est similaire à celle observée dans le cas du gari
au Bénin (Trèche, 1995).
Figure 1 : Organisation de la distribution de l’attiéké- Attiéké distribution organization : à
gauche : Attiéké normal (conditionnement de 500 F CFA en sachet plastique), à droite :
Attiéké garba en panier de raphia recouvert de feuilles de bananier ou Tomatococus danielli
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5. CONCLUSION
Ce travail présente le courage dont font preuve ces productrices
traditionnelles, de faible niveau d’instruction, qui sans formation adéquate
(gestion d’entreprise, sécurité sanitaire des aliments…), s’organisent tant
bien que mal entre les activités familiales et la production quotidienne
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d’attiéké qu’elles en ont fait un travail à part entière, source de revenus pour
la famille mais aussi pour l’économie nationale. Au regard des conditions
pénibles de leur métier, les recherches sur la mécanisation et l’automatisation
des différentes étapes du procédé de production sont à encourager afin de
garantir une qualité constante de la production. Pour la promotion de la
filière, il est nécessaire d’entreprendre une série d’actions à court-terme
telles:
- la formation des productrices à la sécurité sanitaire des denrées
alimentaires (hygiène alimentaire, HACCP), à la gestion d’entreprise
(marketing, comptabilité,…)
- l’instauration d’une politique de gestion des déchets issus de cette
activité, particulièrement au niveau de l’environnement de travail afin
d’éviter des contaminations croisées du produit fini
- la professionnalisation des productrices déjà organisées en GVC
(cartes d’identité professionnelle, accords de crédits…)
Aussi, pour l’attiéké garba, une étude sur ses caractéristiques
physico-chimiques et microbiologiques est nécessaire.
A long terme, vu l’impact de la modernité où les équipements
traditionnels (en bois) ont tendance à disparaître au profit des équipements
modernes (en plastique ou en acier), il est important de labéliser les
différents types d’attiéké afin de garantir une appellation de terroir surtout
pour les productions des campagnes hors de la ville d’Abidjan.
Enfin, un guide de bonnes pratiques de production et la normalisation
de cette denrée alimentaire seraient des atouts pour l’exportation vu les
obligations des agences de sécurité sanitaire des pays occidentaux.
REMERCIEMENT
Les auteurs adressent leurs sincères remerciements au programme de
productivité agricole en Afrique de l’Ouest (contrat N°55/PPAAO/2012) et à
l’agence universitaire de la francophonie pour le financement de cette
recherche (convention BAO-2013-02-U-52220FT3B0), de même qu’aux
évaluateurs pour tout le suivi accordé à notre étude, la relecture et les
corrections pertinentes apportées au texte.
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