Un Tableau Universel de La Culture Et de La Science
Un Tableau Universel de La Culture Et de La Science
Un Tableau Universel de La Culture Et de La Science
de la culture
et de la science
Y
PSYCHOLOGIE DE L'HOMME
DANS L'ANTARCTIQUE
NW.
"***»*
XVIe
1963
ANNÉE
NUMERO 6
PUBLIÉ EN
9 ÉDITIONS Pages
Française
4 HISTOIRE DE L'HUMANITÉ
Anglaise
Un tableau universel de la culture et de la science
Espagnole
par Guy Métraux
Russe
Japonaise
14 LES SUMÉRIENS A L'ÉCOLE
Italienne
par Sir Leonard Wool ley
18 DÉCOUVERTE DU VERRE
20 LA CROIX-ROUGE
l'empire de Babylone. Ce
bas-relief represente le
prince en adoration de¬
vant Shamash, dieu de
la justice, comme le per¬
sonnage debout sous le
croissant de la stèle d'Ur-
Nammur, où la même
scène se répète à l'ex¬
trême droite dans la
composition suivante,
elle, parfaitement intacte.
Il s'agit probablement
d'une représentation
conventionnelle d'une
scène d'adoration.
N'en langue
i dans ce premier volume qui paraît d'abord
anglaise et qui traite de la préhis¬
plus de dix ans de travaux, disposant d'un organe exécutif
et d'un secrétariat, la Commission a fait appel à des
toire et des débuts de la civilisation ni dans les cinq érudits du monde entier pour l'élaboration de l'
autres qui vont lui faire suite, on ne retrouvera l'histoire commune.
sans précédent
les aspects les plus divers du développement de la science
et de la culture. Ces articles étalent demandés par les
auteurs des volumes à leurs collègues du monde entier,
savants de tous les pays et de toutes les idéologies, pour
servir à la préparation de l'ouvrage principal.
sons d'être et les règles d'action de l'Unesco, Car, à tous témoigne d'une surprenante
les stades du développement des sociétés humaines, ont fantaisie poétique. Ci-contre,
une plaque de coquille ornant
figuré, d'une façon plus ou moins bien définie et complexe,
et la culture et la science. une lyre découverte dans
la tombe d'un roi d'Ur (en¬
L'homme préhistorique que décrit Jacquetta Hawkes viron 2.500 ans av. J.-C).
Sur un fond d'émail noir, de
dans le volume I appliquait plus ou moins consciemment
délicates saynètes gravées
certains principes scientifiques lorsqu'il utilisait une
représentent des animaux
fronde, façonnait un silex, ou découvrait l'avantage de humanisés : gazelles affron¬
l'Irrigation ou de la rotation pour l'agriculture. La civili¬ tées; ours qui danse; lion
sation de Sumer présentait une complexité remarquable qui porte un vase; chien,
par ses structures, ses hiérarchies de valeurs, ses relations poignard à la ceinture, tenant
Internes, complexité qui la différenciait grandement de une table chargée de vic¬
l'Egypte. Sumer et l'Egypte dépendaient pourtant, pour tuailles; âne musicien. Si le
Volume I : Prehistory and the Beginnings of Grâce à l'appui de l'Unesco, cette méthode de travail
Civilization (La préhistoire et les débuts de la a pu être portée à l'échelle mondiale. Ainsi, parmi les his¬
Civilisation) toriens dont les commentaires ont servi à la révision du
par Jacquetta Hawkes et Sir Leonard Woolley, volume I, on trouve des spécialistes soviétiques, des pré¬
920 pages,
historiens américains et britanniques, des archéologues
(Londres, George Allen and Unwin, Ltd., 1963) français, italiens et allemands, des savants japonais, es¬
75 shillings
(New York; Harper and Row, 1963) 12 S 50 pagnols, mexicains, indiens. Pour la rédaction du premier
(Edition française en préparation). volume, Jacquetta Hawkes et Sir Leonard Woolley ont
bénéficié de plus de quatre-vingts commentaires critiques
Volume II : Les Empires de l'Ancien Mondé,* présentés par des savants de renommée mondiale.
par Luigi Paretti, avec la collaboration de Paolo
Brezzi et de Luciano Petech. Paraîtra en 1964.
D'autre part, les commentaires qui, pour des raisons
Volume III : Les peuples et les cultures, de 400 à d'interprétation historique ou même d'idéologie, ont été
1200 ap. J.-C, par Gaston Wiet, Vadime Eliséeff et rejetés par les directeurs de volume, figurent sous forme
Philippe Wolff. Paraîtra en 1965.
de notes préparées par des conseillers de rédaction.
Volume IV : Le Monde, de 1200 à 1775, par Louis
Gottschalk, avec la collaboration de L.C. MacKinney Ainsi, dans le chapitre consacré à la notion du déve¬
et E.H. Pritchard. Paraîtra en 1964. loppement intellectuel, la thèse soutenue par Jacquetta
Volume V : Le dix-neuvième siècle, par Charles Hawkes sur les origines du langage donne lieu aux com¬
Morazé et divers collaborateurs. Paraîtra en 1965. mentaires d'un spécialiste américain, le Dr Sturtevant,
qui professe une opinion différente. De même, grâce à des
Volume VI : Le vingtième siècle, par Caroline F.
Ware, K.M. Panikkar et J. Romein, paraîtra à la fin notes très détaillées, Sir Leonard Woolley a été en mesure
de 1963. d'établir un véritable dialogue avec des savants indiens
Lé volume I de « L'Histoire de l'Humanité » sur les origines de la civilisation aryenne. Il a pu égale¬
paraîtra en espagnol à la fin de 1963 ou au début de ment échanger des arguments .avec des savants marxistes
1964 (Editorial Sudamericana, Buenos-Aires). D'au¬ à propos de certaines institutions sociales qui, dans la
tres éditions en français, italien, allemand, japonais, dialectique matérialiste, ont une place qui leur est contes¬
arabe, etc., sont en préparation. « L'Histoire de tée par d'autres écoles de pensée.
l'Humanité » sortira également en livre de poche
aux États-Unis. Par le truchement des notes, et cela sans nuire à la
* Titres provisoires.
Photo University Museum, Philadelphie
continuité du récit, la Commission Internationale a été n'a pas été sans difficultés. La diffusion des manuscrits
en mesure d'attirer l'attention du lecteur sur la richesse originaux en plus de deux cents exemplaires, l'analyse de
de la pensée historique au xx* siècle et sur les différences commentaires souvent très volumineux, ont demandé de
d'interprétation qui en découlent. La Commission s'est tous les collaborateurs une très grande patience et, sur¬
abstenue de prendre position sur ces questions controver¬ tout, la volonté de reviser leurs opinions à la lumière de
sées dont l'interprétation est très souvent liée à une philo¬ données souvent nouvelles qui provenaient de collègues
sophie de l'histoire ; elle n'a pas demandé à ses collabo¬ dont Ils ne partageaient pas la pensée mais dont les argu¬
rateurs d'introduire dans leur texte des points de vue qui ments étaient convaincants.
n'étaient pas les leurs, mais elle a veillé à ce que, dans
La naissance de cette puvre, en plein xx* siècle, se pro¬
la mesure où elle disposait d'avis qualifiés, ceux-ci figurent
duit à un moment clé de l'histoire des hommes, au moment
dans les volumes sous forme de notes ou d'appendices. Un
où se prépare une conscience de civilisation étendue à
savant suisse, le professeur A.-G. Bandl, de l'Université
l'humanité tout entière.
de Berne, et un érudlt français, le professeur Jean Leclant,
de l'Université de Strasbourg, ont été chargés de préparer Car, pour reprendre les termes de René Maheu, Direc¬
ce matériel critique pour le volume I. teur général de l'Unesco, dans l'avant-propos du volume I,
cette « tente, pour la première fois, de composer
L'élaboration de cet ouvrage sous les auspices de une histoire universelle de l'esprit humain à partir de la
l'Unesco et sous la responsabilité de la Commission inter¬
pluralité des points de vue de mémoire et de réflexion
nationale, dans une ambiance de coopération mondiale, qu'offrent les diverses cultures existantes ». Elle « s'écarte
des optiques traditionnelles de l'histoire, qui, comme on
sait, accordent une importance prépondérante aux déter¬
minations politiques ou économiques, voire militaires... Ce
travail historique est lui-même un fait culturel, de nature
à exercer une influence, par son esprit et ses méthodes,
sur l'évolution présente de la culture. Et sans doute est-ce
là sa destination ultime ».
Les « Cahiers d'Histoire mondiale » (revue trimestrielle
d'histoire) sont publiés par la Commission Internationale
pour une Histoire du développement scientifique et culturel
Guy Métraux est secrétaire général de la Commission Inter¬
de l'Humanité; édités par les Editions de la Baconnière,
nationale pour l'Histoire du développement scientifique et culturel
Boudry-Neuchâtel, Suisse, ils comprennent des articles en
de l'Humanité, depuis la création de cette Commission. Docteur
français, en anglais et en espagnol. Le dernier numéro est
en philosophie de l'Université de Yale, il est codirecteur des
consacré au développement des sciences en Italie.
Cahiers d'Histoire mondiale, publiés par la Commission, et
auteur de l'ouvrage « Exchange of Persons; the Evolution of "¡
Cross-Cultural Education », publié par Social Sciences Research
Council, New York, 1952.
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (suite)
LA CONSCIENCE
Le développement de la conscience : grand conscient de la main a-t-il développé une autre faculté
thème de l'histoire. Rien ne compte davantage humaine essentielle, la parole (2). On a constaté que les
que la croissance et l'exercice de la noblesse humaine. Tel mouvements de la main commandaient des mouvements
est nécessairement le jugement de l'humaniste ; mais si correspondants de la bouche, et il se peut qu'une habitude
l'on ajoute que c'est par ces dons que Dieu nous a fait de communiquer par gestes ait aidé à émettre des sons
concevoir la divinité, ce sera sans doute le jugement de volontaires.
tout le monde.
Là encore, toutefois, il faut être prudent quand on
Dans le passé animal de l'homme, considéré comme l'un tente d'établir des rapports de cause à effet. De même que
des primates, l'acuité croissante de la vue aux dépens du les singes et certains autres primates ont des mains qui
sens plus rudimentaire de l'odorat, qui accompagnait la pourraient accomplir des tâches délicates si leur cerveau
vie arboricole, avait contribué à élever les facultés men¬ était à la hauteur, de même leurs lèvres, leur palais et
tales ; seuls les oiseaux, les carnivores et les primates leurs cordes vocales sont probablement capables de parler.
ont, sur la rétine, une tache d'une sensibilité particulière C'est le pouvoir cérébral qui leur fait défaut.
qui permet une grande précision de la vue. On a beau jeu de dire que le besoin d'une vision aiguë,
Quand la vision stéréoscopique s'ajouta à l'acuité, tandis la capacité manuelle, la nécessité de dépecer des proies,
que l'habitude de saisir les branches et d'attraper des la réflexion préméditée nécessaire pour faire des outils
bestioles ou des fruits leur eût fait la main souple, un ont conduit à la multiplication des cellules cérébrales
nouveau progrès fut possible. Le singe, palpant un objet
inconnu, en même temps qu'il l'examine, nous offre une
bonne image des premières lueurs de l'appréhension
consciente conjuguée avec l'adresse.
dans les crânes hominiens et humains, tandis que la mul¬ S'il est préférable de manier les causes avec circonspec¬
tiplication même des cellules provoquait, à son tour, une tion, il est hors de doute que l'affermissement des forces
nouvelle subtilité fonctionnelle. On peut aussi faire état mentales apparut avec l'énorme développement du cortex
d'une autre idée, chère aux biologistes, que « l'homme est cérébral dans le cerveau. Les deux hémisphères creux de la
un singe fRtal », autrement dit l'homme a évolué dans le matière cérébrale sont si vastes qu'ils se sont profondé¬
sens d'une ressemblance au primate jeune, et non au ment repliés et enroulés sur eux-mêmes pour se loger
primate adulte ; le retard de la maturité physique a dans la boîte crânienne.
SUITE PAGE 10
la partie dans le tout, et l'homme dans l'univers dont sa générales que le grotesque, le bestiaire fantastique, et
conscience semblait le séparer. Cette voie conduisait aux autres manifestations artistiques, qui reparaissent
constamment.
rites, à l'art, à la fol religieuse, au mysticisme, et à
certains secteurs de la philosophie. La métaphore, la Bien que bon nombre de personnes se refusent à
comparaison, les rapports symboliques et autres formes accepter cette idée de l'hérédité des formes mentales,
unificatrices constituaient les moyens mis en iuvre, et elle est sans doute bien plus plausible que celle qui nous
les fins poursuivies sont essentiellement non pratiques et fait naître avec une « carte blanche s> spirituelle. Nous
non matérielles. sommes cependant tout prêts à accepter cette idée quand
L'incontestable faiblesse de l'archéologie en tant que
il s'agit de l'instinct, bien que le legs lnstinctuel du passé
paraisse extrêmement confus.
base valable de l'histoire tient à ce qu'elle dépend sans
recours des vestiges matériels, ce qui entraîne à mettre Les oiseaux tisserands, par exemple, quand ils ont été
l'accent sur la première des élevés pendant six générations avec d'autres oiseaux, et
deux grandes voies de l'ef¬ privés des matériaux qui leur servent à faire leur nid,
fort humain. Ainsi, par peuvent encore à la septième génération tisser ces nids
exemple, jusqu'à la brusque ingénieux, dès qu'ils en ont l'occasion. A une certaine
apparition de l'art et des époque, dans un lointain passé, cette espèce a peu à peu
rites funéraires vers la fin poussé à la perfection une forme particulièrement insolite
de l'ère paléolithique, nous de construction de son habitat, dont le schéma est resté
n'avons pas le moindre in¬ fixé dans le cerveau et le système nerveux de l'oiseau, si
dice de l'existence inté¬ bien qu'il peut être reproduit à tout moment par réfé¬
rieure et unificatrice bien rence à un plan « instinctif ».
que celle-ci ait dû sans Sans doute, alors, n'est-il pas impossible à l'homme
cesse s'amplifier et se nuan¬ d'hériter des modèles à un niveau plus créateur, à partir
cer, même pendant sa vie d'expériences répétées pendant vingt mille générations ?
extravertie et pratique du Ou bien, les ayant hérités, qu'il puisse leur trouver une
caillou taillé à la hache de expression dans les mythes et d'autres formes culturelles ?
silex. Dans cette scène rituelle
Du moins, la possibilité est-elle assez grande pour qu'il
Au niveau intellectuel, peinte sur la paroi d'une caverne soit contraire à la science de l'écarter, surtout quand on
à Cogul, dans le nord-est de
nous pouvons supposer une examine la diffusion des caractères culturels. Quand deux
l'Espagne, dessins de femmes en
capacité grandissante de peuples, qui vivent assez loin l'un de l'autre, possèdent en
longues tuniques. D'après Burkitt
distinguer les idées et de commun un outil, un motif, un mythe, il y a eu peut-être
tirer les leçons du passé au transmission due au commerce, aux migrations, ou à l'in¬
profit de l'avenir. Au niveau de l'Imagination dut se dé¬ fluence diffuse. Il faut chercher à
velopper le pouvoir de peindre les choses (et en particu¬ établir l'existence de ces contacts,
lier les objets désirables, comme le gibier) quand elles mais s'ils ne peuvent être décelés, il
n'étaient pas devant les yeux, pouvoir comparable à celui n'y a alors qu'une explication possi¬
de visualiser l'outil achevé dans un informe bloc de ble : ce caractère représente deux
pierre. expressions distinctes d'un schéma
mental commun.
La beauté de. la forme d'une hache elle-même peut
constituer une preuve de la première apparition du sens Que les êtres humains aient hérité
esthétique. On a même émis l'hypothèse que les plus beaux ou non un patrimoine mental de ce
de ces outils, qui semblent plus délicatement ouvragés que genre, il est certain que du passé
ne l'exigeait leur emploi pratique, ont pu devenir objets nous apportons avec nous bien plus
de culte, comme les haches cérémonielles de Calédonie, que notre corps. Quarante mille ans
ou les masses d'arme, en argent Inoffensif, que l'on après la mort du dernier néander-
exhibait dans les occasions solennelles en Europe occi¬ thalien, l'Homo sapiens charrie en¬
dentale.
core un héritage très vivant de pas¬
Sans que l'on puisse affirmer que ces outils aient eu sions et de tendances émotives ac¬
une signification particulière pour l'imagination un quis au cours des âges. La curiosité
mana leurs proportions harmonieuses montrent qu'il Le sorcier, mi- même, le désir de découvrir, est une
y a 250 000 ans, l'esprit créateur avait déjà les lois, l'exi¬ homme, mi-bête, mi- émotion dont il est prouve qu'elle
gence formelle qui, quelle qu'en soit l'origine, demeure dieu, peint et gravé existe déjà dans l'animal. Certains
encore valable pour nous. sur la paroi d'une
hommes de notre temps se plaisent à
caverne dans le sud-
La réflexion sur l'origine de ces jugements esthétiques ouest de la France.
penser qu'ils sont rationalité pure,
conduit à la question des schémas mentaux de toutes et de même virtuellement, leurs
D'après un dessin du
sortes. Il est parfaitement possible que le sentiment qu'a Musée de l'Homme, Paris contemporains, cependant que d'au¬
l'homme de la rigueur ou de la beauté de certaines propor¬ tres sont convaincus que notre es¬
pèce est incapable de mener à bien
tions ait découlé de sa participation au monde naturel,
animé ou inanimé, organique et mathématique, dont il un dessein rationnellement conçu.
était issu. Le déroulement de l'histoire humaine, au cours duquel
Mais au-delà, selon une théorie aussi répandue que tant de grands peuples se sont précipités à leur perte,
contestée, les êtres humains naîtraient avec certains semble étayer cette dernière opinion. Quelques rationa¬
schémas de l'espèce en évolution. Ils les hériteraient, exac¬ listes seraient plus heureux qu'il en fût autrement, mais
tement comme les parties pareillement évoluées de leur si nous perdions notre héritage passionnel et son pouvoir
corps ; mais puisqu'il est mental, cet héritage tendrait à prodigieux sur l'imagination, tout l'élan créateur de notre
10 se faire jour dans des formes culturelles, et de manière espèce serait bientôt flétri, et la vie momifiée....
plus manifeste dans des mythes religieux, qui, en dépit
des différences d'expression qui varie avec la culture, 1" partie, chapitre IV « L'esprit »
MW*
i-~m»
NAISSANCE DE L'ART
bable qu'on puisse imaginer et le fait est qu'il est aussi nauté, ils étaient nourris pendant tout le temps qu'ils
impossible de l'expliquer que tout autre des grands jail¬ passaient à travailler dans les grottes.
lissements de génie créateur qui, pour le bonheur de
D'autre part, il y a la question de l'utilité de l'art
l'humanité, jalonnent le cours de l'histoire. Les causes
nous ne voulons pas parler de la satisfaction qu'il pro¬
du flux et du reflux des facultés de l'âme humaine res¬
cure à ses créateurs, mais de l'usage qu'en fait la société.
tent le plus souvent enveloppées de mystère. Toutefois,
Il est rare qu'une vigoureuse tradition artistique ne ré¬
sans prétendre aller jusqu'au fond des choses/ il est pos¬
ponde pas à quelque nécessité d'ordre pratique, et dans
sible d'expliquer et d'interpréter ces mouvements.
les sociétés primitives où les activités intellectuelles, pra¬
D'une part, on peut déterminer quels facteurs permet¬ tiques et religieuses, restent plus ou moins confondues,
tent l'apparition de l'art. Bien que la prospérité maté¬ l'art doit toujours faire partie intégrante de la vie quo¬
rielle ne puisse jamais engendrer directement le génie tidienne.
gination des adversaires. Même au XX* siècle, où la vie gion de la fécondité qui devait connaître un grand déve¬
est bien plus strictement compartimentée, personne ne loppement en Eurasie, comme le prouvent la légende du
songe un instant à se demander si le peintre travaille bennu et les autres cristallisations du concept de la
pour s'exprimer ou pour vendre ses toiles. Essayer de déesse-mère...
séparer l'art, la magie et la religion dans la vie inté¬
grée des hommes primitifs est une absurdité due à un
goût exagéré de l'analyse.
Íes témoignages d'un troisième genre nous
L'art pariétal jouait certainement un rôle dans les
prouvent qu'il existait des liens étroits entre
activités magiques et religieuses. Il servait en particulier
l'art pariétal et les activités magico-relig'ieuses : nous
à la célébration des rites « sympathiques », qui reposent
voulons parler des dessins qui représentent des hommes
sur la conviction qu'analogie ou correspondance vaut
déguisés en animaux, ou peut-être des créatures fantas¬
identité, et que ce que l'on fait à une image ou à un
tiques participant à la fois de l'homme, de l'animal et
objet symbolique affectera la partie correspondante de
de la divinité, comme le « Grand Sorcier » de la grotte
l'objet réel. Cette idée, extrêmement répandue, se retrouve
des Trois-Frères. D'ailleurs, toute cette grotte proclame
même dans les sociétés civilisées. Quand la pomme de
son caractère de sanctuaire aussi clairement que n'im¬
terre fut introduite en Europe, beaucoup de gens s'ima¬
porte quelle chapelle. Des passages creusés dans le roc
ginèrent qu'elle donnait la lèpre parce que l'aspect de
conduisent à une petite salle dont les parois sont couvertes
certains tubercules évoquaient cette maladie. De nos
d'un lacis de gravures représentant toutes sortes d'ani¬
jours, encore, même en Europe et en Amérique, il y a des
maux, parmi lesquels on remarque le groupe étrange
gens qui, pour provoquer la mort de leur ennemi, fabri¬
formé par un homme pourvu d'une tête de bison et d'au¬
quent une image à sa ressemblance et la transpercent de
tres attributs animaliers qui danse avec deux singulières
coups d'épingles. Cet envoûtement est tout à fait analo¬
bêtes hybrides visiblement en état de rut. De cette pièce
gue à un procédé magique utilisé par les chasseurs de
part un tunnel aux parois également gravées, qui monte
l'époque paléolithique.
en spirale jusqu'à une fenêtre située à près de quatre
De nombreuses peintures, en effet, comportent l'image mètres, au-dessus du sol ; là, le prêtre-sorcier qui officiait
dessinée ou gravée de javelots et de flèches perçant les pouvait faire des apparitions spectaculaires et dominer
flancs des animaux représentés. La grotte de Lascaux les fidèles réunis. C'est avec saisissement que l'on découvre
nous en offre de nombreux exemples. A Niaux, se trouve alors, peinte et gravée sur la roche, juste en face de cette
la célèbre silhouette de bison tracée autour de trois ouverture, l'image du Sorcier lui-même, avec des attributs
petites cupules naturelles, chacune ornée d'une flèche phalliques, des ramures de cerf sur la tête, et le regard
pour lui donner l'apparence d'une blessure... fixe d'un hypnotiseur.
Si une forme de magie sympathique servait à assurer L'élément magique, si important dans l'art pariétal,
une bonne chasse, une autre avait pour but la perpétua¬ devait jouer un rôle moindre dans l'art mobilier. Il est
tion de la vie. Certains dessins représentent indubitable¬ probable que lorsque l'image d'un cerf, d'un mammouth
ment des femelles gravides. Au Tue d'Audoubert, les ou d'un bouquetin était gravée sur un propulseur, c'est
images soigneusement différenciées d'un bison mâle et parce qu'on croyait qu'elle rendrait celui-ci efficace contre
d'un bison femelle, ainsi que les traces prouvant que des les animaux représentés. Mais, d'autre part, on peut tenir
cérémonies magiques se déroulaient dans la grotte, évo¬ pour certain qu'elle était en partie exécutée pour la joie
quent clairement des rites de fertilité. Ces préoccupa¬ de la créer et de la regarder, car l'effet produit est émi¬
12
tions allaient beaucoup plus loin que celles de la magie nemment décoratif. Cette remarque s'applique encore
sympathique, et elles posaient déjà les bases d'une reli mieux aux petits objets sculptés, comme la spatule en
forme de poisson de la grotte de Rey, aux silhouettes primitifs : c'est, au sanctuaire de Montespan, le mode¬
d'animaux gravées sur os, et même à la magnifique tête lage d'ours auquel était adaptée une tête naturelle.
de cheval du Mas d'Azil ainsi qu'au cheval de la grotte Toutes les autres réalisations servaient sans doute à la
des Espélugues, à Lourdes. Quel autre but que la déco¬
magie, mais c'étaient aussi des uuvres d'art, déjà dans
ration put viser l'artiste qui a gravé à La Mouthe un
la ligne de ce que nous appelons l'art « humaniste ».
bouquetin sur sa lampe ?
Elles évoquent les dessins et peintures de la Chine plus
qu'aucun autre art, et l'on sait que les artistes chinois se
Il est hors de doute que l'art pariétal et, à un moin¬
sont inspirés des rapports qu'ils concevaient entre l'hom¬
dre degré, l'art mobilier, jouaient un rôle dans le culte
me et la nature.
des animaux, en partie magique et en partie véritable¬
ment religieux, sur lequel reposait toute l'existence de L'art pariétal prouve à l'évidence que les artistes de
ces peuples de chasseurs. Le rang social de chaque indi¬ l'âge de pierre s'identifiaient avec intensité aux animaux
vidu et la survivance même de la tribu dépendaient entiè¬ qu'ils représentaient. A mesure qu'ils prenaient mieux
rement de la reproduction des troupeaux de gibier et du conscience d'eux-mêmes, en partie parce qu'ils avaient
succès de la chasse. L'art répondait au caractère pres¬ appris à s'exprimer au moyen du langage (facteur qui a
sant de ces deux impératifs. Pour utilitaires qu'elles soient, dû également leur permettre d'accroître leur maîtrise en
de telles préoccupations ne sauraient être dissociées d'un tant que créateurs d'images), ces hommes ont senti le
besoin de réaffirmer leurs liens avec la nature.
élan religieux vers une certaine forme de communion
avec les animaux et la nature en général, d'une « par¬
ticipation mystique ».
ques et des mimiques leur suffisent pour établir les cor¬ Mise à part l'utilité pratique de l'art dans le domaine
respondances indispensables à la magie sympathique. de la magie, cet élément de communion avec les
Une identité d'apparence entre l'image et l'objet réel n'a animaux représentés montre que l'activité des artistes
jamais été considérée comme indispensable à l'efficacité s'intégrait parfaitement à la vie religieuse de la société
des rites. Et, cependant, de tous les documents paléolithi¬ dont ils faisaient partie.
ques que nous possédons, il en est un, et un seul, qui 13
rappelle par certains côtés l'attirail macabre et inartis¬ JACQUETTA HAWKKS
tique qu'utilisent souvent les sorciers chez les peuples 1" partie, chapitre VU, « Art et religion -,
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (suite)
Les personnes sachant lire et écrire étaient pro- syllabe, et se terminent par des phrases complètes et des
proportlonnellement plus nombreuses parmi les extraits d'auteurs classiques. D'autres portent des textes
Sumériens et dans la Babylonie ancienne qu'en Egypte. de caractère religieux, qui étaient sans doute dictés ou
Il y avait les « petits » scribes et 'les « grands » scribes, donnés à apprendre par caur. De nombreuses tablettes se
les scribes des temples et les scribes « royaux » du palais, rapportent aux mathématiques : on y trouve des tables de
les scribes qui étalent de hauts fonctionnaires et les scribes multiplication, des règles pour l'extraction des racines
spécialisés dans une certaine forme de travail adminis¬ carrées et cubiques, etc., ainsi que des problèmes de géo¬
tratif, les maîtres d'école et les tabellions, ces derniers métrie appliquée, relatifs, par exemple, à l'arpentage des
beaucoup plus recherchés en raison de l'immense impor¬ champs ou au volume d'une masse de terre à transporter,
tance du commerce intérieur et extérieur, et aussi parce à calculer d'après les dimensions de l'excavation. Il y a
que la loi exigeait des documents écrits dans tous les enfin des tablettes consacrées aux « belles-lettres », dont
litiges soumis aux tribunaux. Il est vraisemblable qu'à certaines nous ont conservé le texte d'un ouvrage clas¬
part ces scribes professionnels, qui se comptaient par mil¬ sique en grande faveur décrivant la vie des écoliers...
liers, les hommes d'affaires tenaient à acquérir au moins
Les écoles étaient réservées aux garçons. Il y avait des
quelques rudiments de savoir, pour leur usage personnel ;
femmes-scribes, et certains spécimens de leur travail sont
11 est certain, en tout cas, que les écoles où l'on formait les
parvenus jusqu'à nous, mais nous ne savons pas où elles
scribes devaient être fort nombreuses... Le meilleur exem¬
recevaient leur instruction ; les textes qui se rapportent
ple connu est celui de l'école Installée à Ur dans une
aux écoles ne font jamais mention d'élèves du sexe
maison privée, à l'époque de Larsa (vers 1780 av. J:-C.)...
féminin...
U SCRIBE
pour les faire, en les corrigeant (avant la correction défi¬ le fouette à son tour parce qu'il a « traîné dans la rue »,
nitive, effectuée par le maître) et en le fouettant lorsqu'il et recommence sous prétexte qu'il « n'est pas vêtu conve¬
méritait une punition. nablement » et qu'il y avait d'autres membres du person¬
nel devant la porte d'entrée ; finalement le directeur lui
La discipline était sévère. Les élèves pouvaient être gar¬
reproche de « mal écrire » et le bat une nouvelle fols.
dés très longtemps « en retenue » ; on leur donnait sans
doute des pensums, bien que les exemples 'connus' d'élèves Le malheureux demande à son père d'attendrir les
ayant à « faire » cinquante ou cent « lignes » en guise de « puissances supérieures » par les moyens habituels ; le
punition ne remontent qu'à l'époque néo-babylonienne ; père invite donc le directeur chez lui, le remercie de tout
la punition habituelle consistait en coups de baguette, ce qu'il a fait pour instruire son fils, lui offre de la nour¬
généreusement distribués par les moniteurs comme par les riture et du vin, lui fait cadeau d'un costume neuf et lui
j'ai déjeuné, j'ai confectionné ma (nouvelle) tablette, je tes frères puisses-tu être le guide, de tes amis le chef, de
l'ai écrite et terminée ; alors on m'a donné des leçons à tous les élèves le meilleur. Tu as bien travaillé à l'école,
apprendre, et l'après-midi on m'a assigné des devoirs. La tu es devenu un homme Instruit. » L'élève peut alors
classe finie, je suis rentré à la maison, et j'ai trouvé mon prétendre au glorieux titre de « Sumérien »...
père assis à l'intérieur. Je lui ai dit quels devoirs j'avais Il s'agit naturellement d'un tableau satirique poussé
à faire, je lui ai récité ma tablette, et il a été très content. » jusqu'à la caricature. Il est évident que les maîtres, tout
au moins dans les écoles privées, tiraient leurs ressources
Ce jour-là, l'élève a eu de la chance, mais le lendemain,
des sommes versées par les élèves, et ne devaient pas être
les choses se passent autrement : « Quand je me suis
fâchés de recevoir à l'occasion une gratification supplé¬
levé ce matin, je suis allé dire à ma mère : « Donne-moi
mentaire ; 11 faut également reconnaître que les méthodes
mon déjeuner, je veux aller à l'école. » Ma mère m'a
d'enseignement étaient primitives et parfois brutales ;
donné deux petits pains et je suis parti. A l'école, le
mais les écoles de Mésopotamie n'en dispensaient pas
surveillant « de service » m'a demandé : « Pourquoi es-tu
moins une instruction solide, et contribuaient à entretenir
en retard ? » Effrayé, le cpur battant, je suis entré et je
me suis incliné devant le maître. » le respect général dont bénéficiait le savoir en tant que tel.
LES PREMIERS
ASTRONOMES
DE CHINE
ET DE BABYLONE
Mais les annales de Chou nous apprennent que, dans bonne heure à amasser un ensemble de données qui
la trente-huitième année du règne de l'empereur « Shang devait, finalement, constituer le matériau de la science.
Ti-hsin (1137 av. J.-C), Chou-wen-wang, prince de Chou, Les tout premiers calculs étalent relatifs à la durée du
fit offrir un sacrifice, parce que l'éclipsé ne se produisait jour et de la nuit au cours des diverses saisons, au lever
pas au jour dit » ; elle avait eu lieu le seize du mois, selon et au coucher de la lune, et à l'apparition et à la dispa¬
le calendrier, au lieu du quinze. rition de Vénus. Dès l'époque de la Troisième Dynastie
d'Ur (vers 2100 av. J.-C), les textes des augures, qui
mêlent les prévisions astrologiques aux observations astro¬
ECI permet d'induire, à coup sûr, si l'interpré- nomiques prouvent quelle méticuleuse attention était
'tation est correcte, que dès le douzième siècle accordée aux phénomènes célestes (3). Ainsi la soixante-
av. J.-C, les astronomes chinois savaient calculer les troisième tablette de la grande série astrologique
éclipses de lune à l'avance, et avec assez de sûreté pour « Enma, Anu, Enlil », composée entre 1400 et 900 av. J.-C,
qu'une erreur de vingt-quatre heures suffit à alarmer les contient une liste des levers héllaques et des couchers de
autorités. L'inscription d'Anyang pourrait laisser suppo¬ Vénus pendant vingt et un ans du règne de Ammlzaduga ;
ser qu'ils étaient aussi savants deux siècles plus tôt. les observations ont dû être faites à l'époque de ce règne,
c'est-à-dire à la fin du dix-septième ou au début du sei¬
(1) Le professeur J. Leclant (France) suggère de se zième siècle av. J.-C. Mais il ne s'agit là que d'observation
référer à un passage de l'inscription du Portail de Bubas- pure, soigneusement établie pendant une période considé¬
tis, à Karnak, relative à l'an 15, de Takelot II, c'est-à-dire rable ; il n'est pas question de théorie scientifique...
à peu près 820 ans av. J.-C.
R. A. Caminos, « La Chronique du prince Osorkon » Les documents en notre possession nous autorisent à
(Rome 1958) : « Le ciel n'a pas dévoré la lune », dont déclarer que vers 1200 av. J.-C. les bases de la véritable
l'interprétation a fait couler des flots d'encre. recherche astronomique, telle que la définit le profes¬
(2) Signalons que la date est contestée par certains seur Neugebauer, étaient bel et bien établies à Babylone.
érudits. Par ailleurs, il semble vraisemblable, bien qu'on ne puisse
(3) Deux exemples peuvent illustrer le caractère de ces catégoriquement l'affirmer, que la pensée scientifique se
prédictions. On lit dans l'un, qui date de l'époque de la dessine à propos des données rassemblées grâce à une
Première Dynastie de Babylone : « Si le ciel est sombre observation précise, et que certains résultats, assez som¬
le premier jour, l'année sera mauvaise. Si le ciel est clair maires et approximatifs, ont été acquis, qui vont être pré¬
quand paraît la nouvelle lune, l'année sera bonne. » Dans
cisés, au cours du millénaire suivant, par la science astro¬
un autre, plus compliqué, relevé sur les tablettes de Ammi-
nomique qu'hériteront les Grecs.
zaduga, on lit : « Si Vénus disparaît à l'ouest le quinzième
jour de Sabatu, restant trois jours hors du ciel, et si elle
apparaît à l'est le dix-huitième jour de Sabatu, catas¬
trophe des rois ; Adad apportera les pluies, Ea les eaux Sir LEONARD WOOLLEY
souterraines ; salutations d'un roi à un roi. » 2' partie, chapitre VII, « Les Sciences »
LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE
DES MÉDECINS
... Dans le monde antique, la médecine lone en voyage au pays des Hittites vaient être importées en Mésopotamie,
était sans doute le plus internationalisé a pu y être retenu de force. Des déplace¬ comme le ricin de l'Elam et le cardamone
de tous les arts. Un médecin égyptien ments personnels de cette sorte n'étaient d'Anatolie.
célèbre pouvait fort bien entreprendre un pas très rares, mais la meilleure preuve
Mais s'il est prouvé que dans tout
long voyage pour aller soigner un per¬ de l'universalité de la médecine est le
le Proche et le Moyen-Orient l'art de
sonnage important. fait que les ouvrages médicaux circu¬
guérir bénéficiait d'une certaine liberté en
laient librement d'un pays à l'autre ; des
C'est ainsi que Parimachou l'Egyptien ce qui concerne l'échange des services et
copies hittites de tablettes babyloniennes
fut appelé en Asie Mineure au che¬ des connaissances, il ne faut pas oublier
traitant de médecine ont été déterrées à
vet du roi de Tarkhuntash. Ramsès II, que, de l'avis général, les remèdes agis¬
Bogazköy, et il est évident que la phar¬
d'après un texte plus récent, envoya saient moins par leur vertu propre que
macopée et les prescriptions conformes
le médecin de sa cour à Hattousa par celle des rites magiques dont s'ac¬
étaient dans une certaine mesure le bien
pour guérir Bentzesh, belle-slur du roi compagnait leur administration.
commun de tous les médecins orientaux.
hittite Hattousil ; le médecin n'ayant pas
Pour réussir, un médecin devait connaî¬
réussi à chasser le démon qui s'était
Cette internationalisation, jointe à la tre les deux aspects de son art ; cette
emparé de la malade, on note avec inté¬ dualité limitait le caractère international
grande renommée des médecins de Mé¬
rêt que le pharaon fut contraint de lui de la médecine : car les dieux n'étaient
sopotamie, explique pourquoi tant de
expédier une effigie sacrée du dieu Khon- pas partout les mêmes, et telle incarna¬
plantes sont désignées dans les langues
sou, grâce à laquelle la guérison put être tion qui faisait merveille à Babylone pou¬
européennes par leur nom mésopotamien,
menée à bien.
venu par le canal du grec (et plus tard vait fort bien tomber à Memphis dans
expliquer comment un médecin de Baby gère et que les herbes elles-mêmes de 2" partie, chapitre VU, < Les Sciences »
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (Suite)
DÉCOUVERTE
DU VERRE
A leur activité principale, les potiers égyptiens
ajoutèrent bientôt la fabrication de récipients
en fritte émaillée. La technique de remaillage
avait été inventée au début de l'ère des dynasties ;
on l'appliqua d'abord à de petits objets taillés dans
la steatite ou moulés en fritte (la fritte est une pâte
à base de silice), mais son usage ne tarda pas à
s'étendre à la fabrication des vases ; elle fut bientôt
connue dans les autres contrées, et dans le pays
de Sumer on trouve d'assez nombreuses perles
de fritte émaillée qui datent des premières dynasties. '
La couche d'émail était, on le comprend, du verre,
et l'on connaît une douzaine d'objets entièrement
en cette matière (pour la plupart des grains de faibles
dimensions) qui semblent bien remonter à une époque
relativement ancienne en Egypte, à la onzième
et à la douzième , dynastie, en Mésopotamie aux
environs de l'an 2100 av. J.-C. En fin de compte,
. c'est à la Mésopotamie qu'il faut sans doute attribuer
la priorité en ce domaine, car on a trouvé à Eridou
un assó¿ gros morceau de verre brut, qui provient,
pense-t-on, du stock de matière première de quelque
fabricant. Mais un peu avant l'an 1600 (av. J.-C.) on
s'aperçut que de minces baguettes de verre coloré,
à demi-fondues, pouvaient être enroulées autour d'un
noyau en forme de bouteille, et que, réchauffées, elles
s'aggloméraient en une masse compacte que l'on
pouvait alors polir ; on apprit ensuite à « peigner »
la surface molle de façon à donner aux baguettes
une forme ondée, ce qui permettait à l'artisan de
varier le dessin à son gré ; on obtenait finalement
un petit vase polychrome, lustré et relativement trans¬
lucide, différent de tout ce que l'on connaissait à
l'époque.
18
M1:
fa-*v*
:«J
\1&
;jr
*1
-Sit
m
*<'m
Km
Attitudes hiératiques, visages expressifs même quand Sumériens pieux tenaient à avoir leur effigie dans les
ils témoignent d'un certain sens du grotesque de la part temples, les mains jointes dans l'attitude de la prière.
du portraitiste, telles sont les statues de Sumer. Il y Le pays de Sumer s'étendait dans la partie méridionale
avait à Sumer deux sortes de statues : celles des dieux, de la région fertile comprise entre le Tigre et l'Euphrate.
destinées aux sanctuaires, et celles de leurs adorateurs, La domination politique de Sumer prit fin environ 2.000 ans
comme ce groupe découvert à Tell Asmar. En effet, les av. J.C., lors de la conquête du pays par les envahisseurs.
\
La Première Conven¬
tion de Genève
« Pour l'améliora¬
tion du sort des mili¬
taires blessés dans
les armées en cam¬
pagne » (à gauche)
fut signée par les re¬
présentants de 12
pays le 22 août 1 864.
Avec elle la Croix-
législation internatio¬
nale. Aujourd'hui 91
Etats sont parties delà
Convention de Genè¬
ve, élargie.
Photo Boissonnas-Genève
LA CROIX-ROUGE
LE CENTENAIRE D'UN EMBLÈME UNIVERSEL
Phoco OMS
«Depuis trois jours, je soigne les blessés de Solferino,
et j'ai donné des soins à plus d'un millier de malheureux.
Nous avons eu 40000 blessés, tant alliés qu'Autrichiens,
à cette terrible affaire. Les médecins sont insuffisants
et j'ai dû les remplacer, tant bien que mal, avec quelques
femmes du pays et les prisonniers bien portants... »
e jeune homme qui écrit ces Ugnes, fébrile- qu'U sent confusément le besoin de faire connaître aux
iment, les larmes aux yeux, sur un coin de table gens Influents de sa cité tranquille l'horreur d'un champ
souUlé de sang, vient à peine d'avoir 31 ans. de bataille qu'il quittera brisé de fatigue et d'émotion.
H s'appeUe Jean-Henry Dunant. Il est l'aîné d'une riche Hanté par le souvenir terrifiant de la Chiesa Maggiore,
famiUe genevoise. Entreprenant, voyageur, U veut faire il ne retrouvera quelque sérénité qu'en écrivant les pre¬
des affaires, de bonnes affaires. Il n'est pas venu sur mières Ugnes d'un petit livre de 128 pages qu'il ne des¬
ce champ de bataiUe pour y débaUer des caisses de char¬ tine tout d'abord qu' « à sa famille et à ses nombreux
pie, mais tout simplement pour présenter à l'empereur amis ». Tirage limité : 1 600 exemplaires hors commerce.
Napoléon m un mémoire concernant un projet de cons¬ Titre : « Un souvenir de Solferino ». Sujet : la bataille
truction de moulins à Mons Djémila, en Algérie. L'empe¬ et ses horreurs, la souffrance des blessés abandonnés,
reur caracole au loin, au miUeu de son état-major cha¬ leurs cris, leurs pleurs, leur agonie dont il garde vivace
marré ; U a bien d'autres soucis en tête. le lancinant souvenir. En conclusion, l'auteur propose la
formation en tous pays de « sociétés de secours » dont
Les cris des blessés atteints de gangrène, les gémisse¬
le but serait de faire donner des soins aux blessés en
ments des mourants bouleversent les plans de l'élégant
temps de guerre.
voyageur. H oubUe ce qui l'amène. Arrivé au soir de la
bataiUe, le 24 juin 1859, il ne cesse, depuis, de courir en Le Uvre sort de presse en 1862. Dunant l'envoie au
tous sens au miUeu du charnier. Tout-Genève, aux gouvernements, aux hommes de lettres,
aux princes. L'Europe est bouleversée. Les Goncourt affir¬
Dans une église de Castiglione, la Chiesa Maggiore, une
ment que c'est « plus beau, mille fols plus beau
seule ambulance fonctionne. Dunant organise les secours
qu'Homère ; on sort de ce Uvre avec le maudlssement de
volontaires, fait apporter, par les femmes de la petite
la guerre ». Dickens en publie des extraits dans sa revue
ville, du Unge, de l'eau, de la charpie, lave les plaies,
donne à boire, distribue des citrons, du tabac ; fait « Ubé- « AU the Year Round ». Le roi de Saxe invite Dunant
rer » des médecins autrichiens prisonniers de guerre pour pour lui dire : « Une nation qui ne se joindrait pas à
qu'Us soignent les blessés. Aidé de paysannes itaUennes, cette oeuvre d'humanité se mettrait au ban de l'opinion
U soigne et réconforte de ses mains plus d'un minier de pubUque en Europe. » Isabelle II, reine d'Espagne, orga-
blessés. S'U a le temps d'écrire à Genève, en pleine
nuit, c'est qu'U est incapable de trouver le sommeil ; c'est
SUITE PAGE 22
CROIX ROUGE (Suite)
action Internationale en suscitant, avec l'appui du gou¬ tiaires prêts à souscrire des engagements précis au
vernement de chaque pays intéressé, la création de socié¬ nom de leurs gouvernements est envisagée. La Confé¬
tés nationales de secours aux blessés militaires. dération Helvétique invite vingt-cinq Etats à participer
à une conférence diplomatique à Genève, à partir du
Les cinq amis tiennent à Genève leur première réunion, 8 août 1864. Il faut vaincre la défiance, apaiser les sus¬
le 17 février 1863, sous la présidence du général Dufour, ceptibilités, les oppositions. La Bavière et le Vatican
vétéran des campagnes napoléoniennes, dont la person¬ n'envoient pas de représentants. Les Russes se montrent
nalité est la caution Internationale du mouvement. On
tout d'abord hésitants. L'Autriche est persuadée que son
décide de s'ériger en « Comité International et Perma¬ service sanitaire est parfait. Plus d'une fois, les négocia¬
nent de Secours aux Blessés Militaires ». Huit mois plus tions butent. Finalement, après sept séances laborieuses,
tard, le « Comité » réussit à provoquer la réunion d'une la première Convention de Genève charte fondamen¬
« Conférence Internationale » afin de « pourvoir à l'in¬ tale de la Croix-Rouge, dite « Convention pour l'Amélio¬
suffisance du service sanitaire dans les armées en cam¬ ration du sort des militaires blessés dans les Armées en
pagne ». Des délégués of flcleux de seize pays, médecins campagne » est signée par douze pays, le 22 août 1864.
et hauts fonctionnaires, se réunissent à Genève pour Elle restera ouverte d'ailleurs à l'adhésion des puissances
approuver les suggestions du « Comité ». non signataires.
On parle de la neutralité des blessés et du personnel L'événement passe pourtant presque inaperçu dans le
sanitaire, qui doivent être désormais protégés par un monde. Quant à Dunant, qui avait couru d'un bout à
signe dlstlnctif : une croix rouge sur fond blanc qui re¬ l'autre de l'Europe pendant cinq années, il a quelque peu
produit le drapeau même de la Suisse, avec des couleurs négUgé ses propres affaires. Ses entreprises algériennes
inversées signe qui sera reconnu avec le temps par périclitent. Il fait banqueroute. Ruiné, face au scandale,
chiers de la Croix-Rouge
(ci-dessous) auxquels tra¬
vaillaient plus de 3 000
Photos Croix-Rouee
personnes.
22
Photo OMS
Photo Croix-Rouge - Anphoto, Amsterdam Aujourd'hui, quand une calamité naturelle frappe une région du monde où les ressources locales sont Insuf¬
fisantes pour aider les sinistrés, la Ligue des Société de la Croix-Rouge organise les secours. En 1953, les
digues se rompirent aux Pays-Bas (ci-dessus) : 80 000 sinistrés. 129 millions de francs suisses sont distri¬
bués aux victimes cette année-là, des inondations en Yougoslavie, au Japon et aux Indes, des tremblements
de terre en Grèce et en Turquie s'étant ajoutés à la catastrophe hollandaise.
il choisit l'exil. Financier malchanceux, il avouera, plus Dunant sauvera encore quelques condamnés à mort
tard : « qu'homme de lettres, il n'entendait rien aux lors de la Commune de Paris, l'année suivante, avant de
affaires. » sombrer dans une misère qui le conduit, à travers l'Eu¬
rope, tantôt jusqu'aux bancs des salles d'attente de gares,
C'est alors que succédant au général Dufour, Gustave
tantôt jusqu'au refuge momentané que lui offrent par¬
Moynier devient président du Comité International.
fois de rares amis, à Londres, à Paris, ou à Stuttgart...
Dunant rompt tout contact avec Genève. Bientôt, c'est
la guerre austro-prusienne de 1886. De graves difficultés Il tente de fonder une « Alliance Universelle de l'Ordre
surgissent. On reproche au service volontaire d'être mal et de la Civilisation », donne à Londres des conférences
organisé, aux délégués d'être mal informés de la situation sur la condition des prisonniers de guerre, expose un
et des besoins. L'aide arrive beaucoup trop tard, et sou¬ projet de « Haute Cour Internationale d'Arbitrage », s'in¬
vent, en abondance, là où ce n'est pas nécessaire. Les téresse à la cause anti-esclavagiste, et s'en vient échouer,
premiers trains sanitaires manquent d'infirmiers. Les un beau jour, discrètement, en Suisse, à l'hospice de
blessés ne son pas toujours soignés en temps voulu. Heiden, dans le canton d'Appenzell. Il vit là en misan¬
thrope, des trois francs par jour que lui verse un ami.
Entre-temps, Dunant s'est installé à Paris. Lorsque
Il n'a pas encore 70 ans. Il en paraît 80. Il se reprend
éclate la guerre franco-allemande, il s'efforce, tant bien
à lancer des appels pacifistes, des programmes humani¬
que mal, de rappeler aux ministres français l'existence
taires. S'acharne à rédiger des mémoires qui ne sont que
de la Convention de Genève signée par la France. Il tente
la longue plainte d'un homme torturé. Il reste là, oublié
de faire proclamer « villes de blessés » certaines agglo¬
de sa patrie et du monde, jusqu'au jour où un journaliste,
mérations importantes de la région parisienne.
qui le croyait mort depuis longtemps, le découvre dans
son fauteuil, avec sa longue barbe blanche, son regard
doux et triste, sa parole toujours éloquente.
cinq sociétés nationales offrent leurs secours aux belligé¬ mier Prix Nobel de la Paix avec Frédéric Passy. Celui
rants. De part et d'autre du front, ambulances et lazarets, que les combattants de Solferino surnommaient « l'Hom¬
protégés par le signe de la croix rouge, arrachent à la me en Blanc » s'éteint paisiblement le 30 octobre 1910.
mort des mUliers de blessés. En dépit des difficultés, la Presque à la sauvette! Il ne veut pas de cortège. Seul, le
« Société Française de Secours aux blessés » lance trente- charpentier du village conduit son cercueil jusqu'au cime¬
quatre ambulances sur le front. C'est encore peu... à tière, sur une simple charette à bras.
Worth, à Gravelotte, à Sedan, 11 y a des granges pleines Tandis que Jean-Henry Dunant meurt dans -une gloire
du râle des mourants, tout comme à Solferino... Côté bien tardive, la Croix-Rouge et son Comité International
allemand, où les fonds réunis s'élèvent à 70 millions de (autorité collégiale indépendante, dont tous les membres
marks, il n'y a cependant que deux médecins et une di¬ sont citoyens suisses, au maximum 25, et réélus tous les
zaine d'infirmiers pour mille blessés... 3 ans) rayonne déjà sur le monde entier. Grâce aux
Le Comité International expédie 7 000 colis, organise contributions versées par les Etats, aux dons privés, aux
un service de correspondance entre les blessés soignés collectes, elle agit partout : pendant la guerre du Trans¬
par l'adversaire et leurs familles. On réexpédie ainsi jus¬ vaal, pendant la guerre russo-japonaise... A la veille de
qu'à 1 000 lettres par jour. Les gouvernements versent la Première Guerre Mondiale, elle est prête à appliquer
d'importantes contributions aux sociétés nationales, les sans défaillance ses principes essentiels : humanité, im¬
dons affluent. Une liste de blessés français en AUemagne partialité, neutralité, indépendance.
et de prisonniers allemands en France est pubUée à 23
De 1914 à 1918, l'agence centrale des prisonniers de
l'usage des familles. De nombreux convois de blessés sont
rapatriés à travers la Suisse. SUITE PAGE 24
CROIX ROUGE (Suite)
envoie Jusqu'à 18 000 réponses par Jour. 450 000 malades Puissamment organisée, elle dispose d'un cerveau coor¬
et blessés sont échangés. 2 000 000 de colis sont distribués, dinateur installé à Genève le Comité Consultatif de
tandis que de 1919 à 1922, 500 000 prisonniers de guerre Secours en cas de désastre d'entrepôts Internationaux,
sont rapatriés. Chaque société nationale agit selon ses et d'un réseau de télécommunications qui assure une
possibilités. C'est ainsi qu'en 1918 les dépenses de la Ualson constante avec les techniciens de chaque société
Croix-Rouge britannique se sont élevées à 20 000 livres nationale. Un manuel des Actions Internationales de
sterling (280 000 francs français)... Secours, véritable guide des secours en cas de désastre,
codifie la tâche des spécialistes lors des actions de grande
envergure : épidémies, inondations, tremblements de
terre et autres cataclysmes naturels, aide aux réfugiés
et, d'une manière générale, toutes sortes de secours inter¬
H Puis c'est la guerre civile en Espagne. Il nationaux.
faut déployer des trésors de diplomatie
pour obtenir le droit d'agir dans un En dix ans, de 1947 à 1957, la valeur globale des secours
conflit d'Ethiopie, c'est la guerre du coordonnés par cette Ligue a été de 400 000 000 de francs
Chaco, c'est la guerre d'Ethiopie, c'est la suisses. Ces actions internationales sont une nouvelle
guerre de Chine... C'est 1939-1945. Pen¬ preuve de la solidarité du monde de la Croix-Rouge.
dant cinq ans, le comité international
Intervient dans les camps de prisonniers, n ne se passe pas d'année qu'on ne fasse appel aux
en faveur des internés civils, des déportés. Ses délégués, sociétés s C'est ainsi qu'en i 1953, lorsque les digues
dont certains trouveront la mort en accomplissant leur hollandaises cédèrent devant la mer, que des milliers de
mission, réussiront même à pénétrer dans des camps de gens furent ruinés, eurent leurs maisons emportées,
concentration. 4 000 personnes travaillent à l'agence cen¬ furent privés de la terre qu'ils cultivaient, que le sol,
trale des prisonniers de guerre qui reçoit 53 000 000 de salé, était devenu inutilisable après le départ des eaux,
lettres, classe 40 000 documents chaque jour. 10 000 000 de un vaste mouvement de générosité fut déclenché. La
messages civils sont transmis de pays belUgérants à pays Croix-Rouge Néerlandaise reçut des secours de 39 sociétés
belligérants par les soins du comité international de la nationales, pour une valeur de 14 639 000 francs suisses.
1960 est aussi une année terrible : Inondations en Grèce,
Croix-Rouge qui achemine pour les seuls militaires déte¬
nus en Allemagne 36 000 000 de colis représentant 3 mil¬ un séisme au Pérou, une famine au Brésil, un tremble¬
liards de francs suisses. 40 navires frappés de la croix ment de terre à Agadir, au Maroc, qui laisse 18 000 sans-
rouge sillonnent les mers, chargés de vivres, de blessés, abri. Les sociétés envoient du personnel et des dons dé¬
de malades. passant 10 000 000 de francs suisses.
Partout où le sang coule, au fil des conflits, la Croix- Les activités si diverses des sociétés de la Croix-Rouge,
Rouge étend son champ d'action : la Grèce, la Palestine, qui vont des écoles d'Infirmières aux secouristes atomi¬
Suez, Chypre, l'Indochine, le Liban, Cuba, la Rhodésle, ques, font de celles-ci de véritables services pubUcs indis¬
l'Algérie, le Congo, le Laos, le Népal, le Yémen. Partout, pensables aux collectivités tant nationales que supra¬
eUe proteste avec efficacité contre la souffrance. nationales.
DE LA SOLITUDE
ANTARCTIQUE
Photo officielle australienne par George Lowe
26
ivre dans une station antarctique, c'est vivre Dans ce milieu, certains des problèmes les plus graves
en vase clos, dans un miUeu où l'on peut étu¬ sont liés aux différences d'ordre social et intellectuel pro¬
dier de près l'homme et son comportement. Les obser¬ fondément enracinées chez les individus. Ils surgissent
vations effectuées sur de petits groupes humains dans surtout, semble-t-U, parmi ceux dont le niveau d'Intelli¬
ces régions lointaines fournissent des indications précieu¬ gence et de culture est le plus bas.
ses aux sociologues préoccupés par les réactions de l'in¬
L'homme qui éprouve un sentiment profond d'infériorité
dividu dans les sociétés urbaines plus complexes. A ce
se montre agressif et de rapports difficiles ; aussi devient-
titre, ce ne sont pas les moins importantes des recherches
il impopulaire, son moral se détériore progressivement,
entreprises sur les' continents polaires. (Nous rappelons
tandis que s'installe souvent en lui un véritable complexe
que le numéro de janvier 1962 était entièrement consacré
de persécution. A l'inverse, des complexes de supériorité
à l'Antarctique, Terre internationale de la Science.)
apparaissent fréquemment : les jeunes savants frais
émoulus de l'Université, font facilement montre d'une cer¬
Pendant de longs mois, les hommes qui hivernent dans
taine arrogance intellectuelle ; mais, avec le temps, l'in¬
une station antarctique n'ont plus aucun contact avec le
fluence de la station tend à corriger plutôt qu'à accentuer
monde civilisé, si ce n'est par radio. Leur sentiment de
ce défaut.
complet isolement est accentué par nombre de priva¬
tions : manque de compagnie féminine, de confort et Dans ces stations antarctiques, l'homme comprend géné¬
à plus forte raison de luxe, manque de variété des ali¬ ralement d'Instinct qu'U lui faut réfréner ses émotions ;
ments et des boissons, absence de distractions, étroitesse il est rare, par exemple, que des querelles graves se ter¬
du cercle des relations humaines. minent en rixes, comme ce serait le cas dans les pays
d'origine. Les membres d'une équipe semblent être natu¬
Les tensions qui se manifestent sont surtout d'ordre rellement conscients du caractère irrévocable qu'auraient
psychologique, qu'elles surgissent entre les Individus, entre ces échanges de coups dans un miUeu fermé où ils sont
les groupes ou entre le chef et son équipe. Ces difficultés Inexorablement amenés à se rencontrer chaque jour.
psychologiques sont aggravées par les bouleversements
MulUn et Connery ont noté en 1959, à propos des sta¬
physiologiques que provoquent les changements du rythme
tions antarctiques américaines, que le mal de tête semblait
diurne du corps pendant des périodes de jour continu ou
être le trouble psychosomatique le plus fréquent, et qu'U
de nuit continue, et l'influence dépressive du vent violent,
du ciel brumeux et du froid intense.
sévissait plutôt parmi les savants et les officiers que chez
les matelots. A leur avis, 11 faUait en voir l'origine dans le
Dans une grande vUle, un homme présentant des bizar¬ sentiment aigu de la nécessité de réprimer son agressivité,
reries de caractère préjugés étranges ou faiblesses gê¬ la différence de fréquence s'expllquant par le fait que le
nantes peut souvent maintenir son équilibre simplement premier de ces groupes poussait plus loin cet effort.
en évitant les situations traumatisantes. Il lui est beau¬
Dans les stations austraUennes, les troubles psychoso¬
coup plus difficile d'éluder ce genre de problèmes dans une
station retirée du monde, où il lui est pratiquement impos¬ matiques étaient surtout d'ordre digestif, sous forme de 27
sible de camoufler ses faiblesses. Au demeurant, l'homme
n'éprouve même plus le désir de les cacher. SUITE PAGE 28
SOLITUDE ANTARCTIQUE (Suite)
D'après ce que nous avons pu observer, les hommes sem SUITE PAGE 30
Photo H. Evans - ANARE
29
SOLITUDE
ANTARCTIQUE
(suite)
RÉFRIGÉRATEUR NA¬
TUREL. Le dépôt de vivres
est taillé à même la glace.
L'alimentation tient une
de ces petites attentions flatteuses qui sont monnaie cou¬ et sont heureux de voir leurs camarades apprécier leur
rante dans l'atmosphère familiale, où l'entourent la gen¬ compétence.
tillesse et l'affection de sa mère, de sa femme, de ses
enfants. La seconde qualification essentielle est l'absence
d'égoïsme, qui Implique notamment que l'on ait des égards
Un chef de groupe avisé peut faire beaucoup pour s'as¬ pour ses compagnons de travail. Je classerai la tolérance
surer la confiance et la bonne volonté de ses hommes en immédiatement après : tolérance pour l'opinion des autres,
leur dispensant des éloges mérités, en veillant à ce que pour leurs particularités, pour leurs petites faiblesses.
tous soient informés des résultats particulièrement remar¬
quables obtenus par l'un ou l'autre d'entre eux et en ayant L'optimisme a aussi son importance, je crois. Je me
soin, dans les rapports publiés, de rendre hommage à leur garde des pessimistes et des sceptiques comme de la peste.
travail. Le sens de l'aventure, une vive curiosité sont souhaitables,
mais nous avons vu d'excellents équipiers n'avoir ni l'une,
De toute évidence, c'est une tâche très délicate que de ni l'autre.
sélectionner le personnel d'une base de l'Antarctique.
L'expérience m'a appris à écarter surtout les personnalités Il faut surtout du caractère, du courage, un tempéra¬
égocentriques, qui risquent de rompre l'unité du groupe. ment « accrocheur », car l'année est longue et les diffi¬
Mais, si l'égotlsme est toujours dangereux, une certaine cultés qui assaillent l'homme sont nombreuses.
ambition et une certaine fierté sont indispensables à l'in¬
dividu pour lui fournir le ressort nécessaire quand les cir¬ Pourtant, douze mois d'Antarctique peuvent constituer
constances deviennent critiques. Si l'on peut trouver un une expérience enrichissante. Indépendamment des satis¬
homme non dénué d'ambition, fier de ses capacités, ardent factions certaines qu'apportent des connaissances nouvel¬
à se distinguer, mais en même temps d'esprit modeste et les, des aventures vécues et la contemplation de paysa¬
exigeant envers lui-même, on aura affaire à une combi¬ ges magnifiques, on y peut découvrir ce- qu'est la vraie
naison vraiment très dynamique. camaraderie d'hommes capables de mettre au service d'une
cause commune leur bonne humeur, leur générosité, leur
La première et la plus Importante des qualifications à courage et leur dévouement.
exiger des membres d'une expédition, c'est qu'ils aiment
leur travail. Sur le continent antarctique, c'est l'efficacité
qui sert surtout de critère aux hommes pour se juger les Phillip Garth Law est, depuis 1949, directeur de la Division
uns les autres. Ceux qui ménagent leurs efforts, qui lam¬ antarctique au Département des Affaires étrangères de l'Australie.
binent ou se montrent incompétents dans leur spécialité Il a dirigé les Expéditions nationales australiennes de Recherches
30 seront très mal vus de leurs compagnons. Au contraire, antarctiques qui ont établi, en 1954, la première station perma¬
ceux qui travaillent efficacement éprouvent une double nente australienne à Mawson. Son article est inspiré d'un exposé
satisfaction : ils ont le sentiment d'avoir fait utile qu'il a publié dans Medical Journal d'Australie (20-2-1960).
Nos lecteurs nous écrivent
PLAIDOYER POUR L'ESPÉRANTO rels et spirituels qui donnent à une train de se créer dans la Langue
langue sa qualité de langue ». Ainsi, internationale, ignorant tout de l'es¬
une langue est d'abord un phénomène prit humaniste qui anime cette langue,
On a souvent écrit des sottises sur
« naturel » puisque l'espéranto « ar¬ M. van Kuyk a tenté de définir toute
la langue internationale, et sur le
tificiel » est une « contradiction in langue de telle manière que l'espé¬
problème contemporain d'une langue
terminis » ; puis, dans la ligne sui¬ ranto soit éliminé en tant que langue.
mondiale. Mais on a rarement vu
vante, voilà une langue basée sur
tissu d'absurdités analogue à la lettre
« des supports culturels », c'est-à- Mais, néanmoins, même dans ce
de M. van Kuyk, que vous avez
dire sur des données essentiellement cadre extrêmement étroit et parfai¬
publiée dans votre numéro de mars
sociales qui, selon M. van Kuyk, lui tement inacceptable, l'espéranto restait
1963.
confèrent sa qualité de langue. Ce que au rang de langue, alors que des mil¬
M. van Kuyk dit : « L'espéranto l'auteur entend par « supports cultu¬ liers de langues « naturelles » s'en
est une langue artificielle déjà une rels et spirituels » n'est pas clair, trouvaient exclues justement celles
contradiction in terminis... » On pour¬ puisqu'une langue en tant que telle qui juste auparavant faisaient figure
rait peut-être admettre l'emploi du même celle qui serait dans la phase de langues « naturelles », puisque si
mot « naturel » comme description la plus rudimentaire de son dévelop¬ le mot « naturel » doit être employé
imagée de la création spontanée d'une pement représente la plus grande quand on parle des langues, il pour¬
langue qui a atteint une certaine valeur particulière, liée à ce qui rait éventuellement être clairement
phase de son développement, bien forme toutes les autres valeurs cultu¬ appliqué avec toutes les réserves
que d'un point de vue rigoureusement relles de l'humanité. convenables seulement aux langues
scientifique, il soit absolument erroné et aux « formes locales des langues »
d'appliquer ce terme à une langue. U semble que M. van Kuyk veuille qui ne sont jamais parvenues à la
Une langue ne peut apparaître et dire plutôt qu'il ' s'agit des valeurs phase d'expression littéraire, comme
évoluer comme quelque chose de culturelles créées dans une langue, et l'a fait observer, il y a plus d'un
« naturel »; elle résulte du fait social. sans doute surtout des valeurs litté¬ siècle, le fameux linguiste Max Müller.
raires. S'il en était ainsi, il y aurait
Antoine Meillet, linguiste de répu¬ bien peu de véritables langues dans M. van Kuyk voudrait nous faire
tation mondiale, écrivait : « Le lan¬ le monde. croire que son t étude de l'espéranto »
gage est une institution qui relève du lui a donné la conviction que « cette
groupe social... »; et le linguiste russe, Selon l' maîtresse de Meillet
langue n'est point propre à un emploi
A. S. Cikobava, établit nettement que et Cohen dans « Les Langues du
commun et, par conséquent, elle ne
« le langage est un phénomène so¬ monde », le nombre des langues se peut guère contribuer à la construc¬
cial ». Aucun linguiste ou sociologue situe entre 2 500 et 3 500, non com¬
tion de chemins praticables entre les
contemporain sérieux ne nierait cette prises les « formes locales ». Il n'y nations ». Ce n'est pas la simple
vérité fondamentale. Et une société, en a guère que 25 qui soient des
étude, mais plutôt l'utilisation prati¬
dans le sens où un groupe de per¬ langues importantes par leur qualité
que de la Langue internationale dans
sonnes emploie un langage donné d'expansion, et du point de vue de tous les secteurs des relations interna¬
pour satisfaire à des besoins de com¬ l'expression écrite, alors qu'il n'y a tionales qui a convaincu du contraire
préhension mutuelle, peut être que 40 ou 50 langues qui possèdent des centaines de milliers d'hommes et
comme l'histoire le montre une une littérature, importante ou non. de femmes de toutes les nations.
tribu, une nation, une communauté Si le critère pour définir une langue
religieuse, une classe ou même une est vraiment « le support culturel » Le grand écrivain russe Léon Tols¬
caste, ou n'importe quel groupement pris dans cette acception, des milliers toï, qui « était capable après deux
social, sans exclure une collectivité de langues qui existent dans le monde heures d'études seulement, sinon
internationale, employant la Langue d'aujourd'hui, ou qui ont existé au¬ d'écrire, au moins de lire facilement
internationale, dans le but d'assurer trefois, ne sont tout simplement pas cette langue » (vol. 67, page 101
des communications internationales. des langues. de l'édition russe de ses
écrivait, en 1889, que « cette langue
II n'existe pas de langues « natu¬ L'espéranto, d'autre part, dans le¬
satisfaisait pleinement les besoins »
relles » ou « non naturelles », mais quel une littérature passablement
et qu'il « s'efforcerait de la répandre »
seulement des langues comme instru¬ riche a déjà été créée, tant traduite
ments de communication sociale.
(vol. 64, page 34) du mieux qu'il le
qu'originale (la Bibliothèque de l'As¬
pourrait.
C'est pourquoi le terme « naturel » sociation Britannique d'espéranto
ne peut s'appliquer à une langue, car compte plus de 30 000 titres), l'espé¬ Enfin, M. van Kuyk nous avertit
il entraîne à traiter de manière non ranto dans lequel sont publiés divers qu'il vaut mieux étudier l'anglais, le
scientifique un phénomène social, illustrés et revues littéraires ou scien¬ russe, le chinois, l'arabe, le français
comme s'il était un phénomène bio¬ tifiques et des périodiques spécia¬ ou l'espagnol que l'espéranto. Les
logique, ce qui provoque des fautes lisés, qui est largement utilisé dans langues étrangères ont évidemment
capitales et amène à de fausses les émissions radiophoniques, les été enseignées depuis nombre d'an¬
conclusions. De plus, la formule a congrès et les conférences internatio¬ nées dans les écoles de tous les pays
priori « langue artificielle » contra¬ naux, dans les échanges scientifiques, du monde. Des millions d'heures de
diction in terminis est complète¬ et qui intervient de différentes ma¬ travail leur sont consacrées chaque
ment dénuée de sens. nières dans les contacts internationaux, semaine, et le résultat indiscutable,
En outre, je ne puis comprendre l'espéranto, donc, fait probablement c'est qu'après plusieurs années d'étu¬
partie des 25 et quelques langues des, les élèves, dans l'immense majo¬
comment quelqu'un, qui déclare que
l'Espéranto, en tant que langue « arti¬
importantes par leur qualité d'expan¬ rité des cas, sont juste capables de
ficielle » constitue une « contradiction sion, et pour le moins des 40 ou 50 dire dans la langue qu'ils ont
autres langues « culturelles ». La « apprise » qu'ils ne savent pas la
in terminis », peut en même temps
conférence générale de l'Unesco dans parler, ou à peine plus. Tout cet effort
déclarer qu'il l'a parlée (chose selon
sa résolution du 10 décembre 1954 pour apprendre les langues étrangères
lui impossible) si cela a vraiment
souligne entre autres choses « le a-t-il résolu le problème de la langue?
été le cas. Si le mot « logique »
résultat atteint par l'espéranto dans le Evidemment non : avant la première
garde encore une signification, il sem¬
domaine des relations intellectuelles guerre mondiale, le français était plus
ble parfaitement impossible d'appren¬
internationales et le rapprochement ou moins l'unique langue diploma¬
dre une langue qui n'existe pas,
puisqu'elle ne peut avoir de fonction
des peuples du monde » et reconnaît tique ; il y avait deux langues offi¬
que « ces résultats coïncident avec les cielles à la Société des Nations ; il y.
en tant que langue.
buts et l'idéal de l'Unesco ». en a cinq aux Nations-Unies, et
M. Van Kuyk dit que la Langue
internationale « ne peut être viable Ignorant tout des valeurs cultu¬
puisqu'il manque les supports cultu relles déjà créées et sans cesse en SUITE PAGE 32
31
Nos lecteurs nous écrivent
(Suite)
L'échelle de Jacob
gl ;:: yr-^r-.:-'^-'^:^-..^^*.
¿Si
ÏM
<**s \ Xi
Le neuvième ciel
WT NE REMARQUABLE REUSSITE.
ÏACS SOUTERRAINS. En Arménie, cements. Ces recherches archéologiques *-' « Harmonies Universelles », ouvrage
des hydrologues arméniens viennent de sous-marines sont effectuées par les mem¬ en deux volumes magnifiquement illustrés,
découvrir sous le lac Sevan, qui a plus de bres d'une organisation finlandaise affiliée vient de paraître (imprimé par Braun et Cie)
1 400 km2, un second lac souterrain dont la à la Fédération mondiale des activités sub¬ sous le haut patronage de « l'Union inter¬
superficie dépasse 700 km2. Sous la vallée aquatiques. Cet organisme, qui groupe nationale pour la Conservation de la
de l'Ararat existe un lac de quarante mil¬ vingt-neuf nations, a pour objectif essen¬ Nature ». Pour tous renseignements et
liards de mètres cubes d'eau, qui alimente tiel de protéger les sites sous-marins qui commandes, s'adresser à M. Francis Brunei,
plus de 1 000 puits artésiens. D'autres lacs Conseil international des Sciences de la
présentent une importance archéologique et
souterrains viennent également d'être scientifique. Vie, Information et Culture, 6, rue Joubert,
découverts en Arménie : leurs eaux seront Paris (9e). Prix des deux volumes : 200 F
utilisées pour l'irrigation. franco, uniquement par souscription, avec
possibilité de règlement en quatre, huit et
TACÓLE INTERNATIONALE. Une école douze mensualités.
-*-^ secondaire internationale destinée à
PNEU POUR LA GLACE. On met
préparer les étudiants africains à l'ensei¬
actuellement à l'essai, en Grande-Bre¬ gnement supérieur sera inaugurée en octo¬
tagne, un nouveau pneu pour la glace. Il bre prochain en Nigeria, sous l'égide du J^ ESTIVAL DE CINEMA. Le Troisième
contient des milliers de fils. d'acier spécial festival du Cinéma de Moscou aura
Collège universitaire d'Ibadan. L'école sera
hachés et placés dans un mélange de gom¬ lieu du 7 juillet au 21 juillet. Au premier
mixte et pourra accueillir cinq cents élèves
me utilisé pour la bande de roulement. Son festival, en 1959, 44 pays participaient et
dont quelques pensionnaires. Le programme
adhérence est parfaite. 134 films avaient été projetés. Au second,
comprendra les matières suivantes : anglais,
en 1961, 55 pays participaient, et 251 films
langues vivantes, histoire, géographie, ma¬
avaient été projetés.
thématiques, science, musique et arts. Des
MAISON D'OS. Des archéologues sovié¬ relations seront établies avec les écoles de
tiques ont découvert dans la région divers pays.
de Briansk un logement fait en os de "JOUETS EDUCATIFS. A l'exposition
mammouth par des hommes qui vivaient ** « Apprendre à vivre » les enfants
il y a 17 000 ou 18 000 ans. Ce gîte avait d'Ibadan, en Nigeria, ont fait connaissance
PRIX KALINGA DU CINEMA. Un
pour fondations 18 crânes de mammouths; avec toute une gamme de jouets éducatifs,
prix Kalinga du cinéma d'un montant
des os tubulaires servaient à la carcasse des du simple jeu de cubes aux jeux de construc¬
de deux mille livres sterling sera décerné,
murs. Il avait 150 m2. Un grand âtre était tion les plus complexes. Les jouets éduca¬
en 1964, par un jury international constitué
disposé à l'entrée. On a découvert dans tifs et mécaniques peuvent remplir un rôle
par le Directeur Général de l'Unesco. Le
cette singulière maison des ossements hu¬ important en Afrique, en familiarisant les
sujet du film doit être une réalisation excep¬
mains, des instruments destinés à travailler enfants avec les techniques modernes et en
tionnelle dans le domaine de l'éducation, de
le silex, des coquillages percés. leur facilitant ainsi l'apprentissage des scien¬
la science ou de la culture. Le film doit
ces élémentaires.
avoir été fait entre le 1" janvier 1963 et
le 30 juin 1964. La durée de la projection
CENTRE DE SCIENCES SOCIALES.
ne doit pas être inférieure à vingt-cinq mi¬
Un centre européen de coordination nutes. Les films d'imagination sont exclus.
de recherches dans le domaine des sciences
Les candidatures ne peuvent être présen¬
sociales vient d'être fondé à Vienne. Il
tées que par l'intermédiaire des Commis¬ En bref
aura pour objet de stimuler la recherche sions nationales pour l'Unesco, qui donne¬
comparative, avec la collaboration des cen¬ ront tous renseignements au sujet du règle¬
tres nationaux. Un comité directeur vient
ment du prix Kalinga.
d'être nommé, composé d'éminents spécia¬
listes. Le centre commencera ses travaux
M D'après les statistiques de l'OMS, trois
enfants naissent toutes les secondes. Le
avant la fin de l'année. Trois grands thèmes
FORMATION TECHNIQUE. Le Bureau monde doit relever un double défi, démo¬
ont été définis : la planification globale, les
international du Travail vient de déci¬ graphique et alimentaire, pour nourrir à
conceptions fondamentales de l'aide aux
der la création d'un centre international de leur faim toutes ces bouches nouvelles.
pays en voie de développement, et les
perfectionnement professionnel et techni¬
conséquences économiques et sociales du
désarmement.
que, destiné plus particulièrement aux pays
en voie de développement. Le centre sera Trente-huit millions de malades du pian
installé à Turin (Italie) et formera des ont été soignés à la pénicilline pendant la
ouvriers qualifiés, des techniciens, des campagne internationale menée de 1950 à
DOUR LA JEUNESSE. Une grande
agents de maîtrise, des cadres supérieurs et 1962. De 10 à 20 % il y a dix ans, la pro¬
- conférence internationale sur la jeu¬ portion des malades est tombée autour de
des instructeurs. Le gouvernement italien
nesse doit avoir lieu en 1964, sous les aus¬
contribuera aux frais de gestion du centre, 0,5 % à la fin de 1962.
pices de l'Unesco, à Grenoble. Pour la pré¬
et mettra à sa disposition trois cents bour¬
parer et élaborer un programme d'études u
ses d'études annuelles. z
sur l'éducation extra-scolaire des jeunes, un Les savants soviétiques envisagent de <
ai
comité de 17 experts, auxquels s'étaient tirer parti des courants aériens de ¡a tropo-
joints des observateurs de I'ONU, de la pause, couche atmosphérique située à 10 km
FAO et de l'OIT, vient de se réunir au SCOUTS INFIRMIERS. En Nigeria, un
d'altitude. L'énergie des vents y est de 1 000
siège de l'Unesco, à Paris. D'ici 1964, groupe de scouts infirmiers aide une
à 2 000 fois supérieure à l'énergie éolienne
l'Unesco va procéder à une étude sur les équipe sanitaire de l'OMS et de l'UNICEF des couches de basse altitude. Une station
objectifs de l'éducation extra-scolaire des à dépister dans les villages des maladies
électrique serait envoyée dans la tropopause,
jeunes. Par ailleurs l'attention des experts comme le pian, la gale et la variole. En
au moyen d'un aérostat, et pourrait produire
s'est portée sur les problèmes particuliers trois ans, les scouts ont examiné 140 000
de l'énergie électrique qui reviendrait moins <
aux pays en voie de développement, et personnes de tous âges et vacciné 86 % cher que dans les centrales rurales.
des jeunes en milieu rural. d'entre elles contre la variole. De plus, O
Z
grâce à leur activité, le pian a complète¬
ment disparu. A la fin de 1952, l'Unesco comptait
¥JECHERCHES SOUS-MARINES. Des 445 fonctionnaires au Siège, contre 223 u
Chaque mois
UN MILLION ET DEMI
DE PERSONNES LISENT
LE COURRIER DE L'UNESCO