Un Tableau Universel de La Culture Et de La Science

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Un tableau universel

de la culture

et de la science

Y
PSYCHOLOGIE DE L'HOMME

DANS L'ANTARCTIQUE

NW.

"***»*

Le climat implacable, les privations de toutes sortes,


l'isolement, la longue réclusion imposée par la nuit
polaire, mettent à rude épreuve le caractère et la santé
des hommes appelés à vivre, terrés en petits groupes,
dans les stations scientifiques de l'Antarctique (ci-dessus,
l'accès d'une base taillée dans la glace). Phillip Law, chef
des expéditions antarctiques australiennes, a pu étudier
les troubles psychologiques et physiologiques qui af¬
fectent les équipes polaires. (Voir article page 26)

Photo © Jacques Masson Expéditions Polaires Françaises


Le
Courrier JUIN

XVIe
1963

ANNÉE

NUMERO 6

PUBLIÉ EN
9 ÉDITIONS Pages

Française
4 HISTOIRE DE L'HUMANITÉ
Anglaise
Un tableau universel de la culture et de la science
Espagnole
par Guy Métraux
Russe

Allemande 8 LA CONSCIENCE ET LE CERVEAU

Arabe par Jacquetta Hawkes

U.S.A. 10 LA NAISSANCE DE L'ART

Japonaise
14 LES SUMÉRIENS A L'ÉCOLE
Italienne
par Sir Leonard Wool ley

16 LES ASTRONOMES DE CHINE ET DE BABYLONE

17 LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DES MÉDECINS

18 DÉCOUVERTE DU VERRE

20 LA CROIX-ROUGE

Le centenaire d'un emblème universel

par Hubert d'Havrincourt

26 PSYCHOLOGIE DE LA SOLITUDE ANTARCTIQUE


NOTRE COUVERTURE

Les épreuves de la nuit polaire


Statue d'homme barbu.vieille
de 4.000 ans, seul buste de
par Phillip Law
pierre découvert dans les
ruines de Mohenjo-daro, cen¬ 31 NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT
tre urbain de la vallée de l'In-
dus. La pierre, inexistante
dans la région, devait être im¬
32 LA DIVINE COMÉDIE DE DANTE EN ESPÉRANTO
portée, comme à Sumer. Les
deux bandeaux montrent des
détails de T'Étendard" d'Ur,
(British Museum), panneau à
34 LATITUDES ET LONGITUDES
double face incrusté de co¬
quillages et de lapis lazuli,
représentant des scènes de
la vie sumérienne.

Photos Josephine Powell,


et British Museum

Mensuel publié par : Ventes et distribution :


L'Organisation des Nations Unies pour l'Education, Unesco, place de Fontenoy, Paris-7*.
la Science et la Culture
Belgique : Louis de Lannoy, 22, Place de Brouckère, Bruxelles.
Bureaux de la Rédaction :

Unesco, Place de Fontenoy, Paris-7", France


Directeur-Rédacteur en Chef :

Sandy Koffler Les articles et documents non-copyright peuvent être reproduits à


condition d'être accompagnés de la mention « Reproduit du Courrier
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René Caloz justificatifs devront être envoyés à la direction du Courrier. Les articles
signés ne pourront être reproduits qu'avec la signature de leur auteur.
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Les manuscrits non sollicités par la Rédaction ne sont renvoyés que
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paraissant dans le Courrier expriment l'opinion de leurs auteurs et
Edition anglaise : Ronald Fenton (Paris)
non pas nécessairement celles de l'Unesco ou de la Rédaction.
Edition espagnole : Arturo Despouey (Paris)
Edition russe : Veniamin Matchavariani (Moscou) ABONNEMENT ANNUEL : 7,00 francs français ;
Edition allemande : Hans Rieben (Berne) lOOfr belges; 8 fr suisses; IO/-stg. Envoyer les
Edition arabe : Abdel Moneim El Sawl (Le Caire) souscriptions par mandat C.C.P. Paris 12598-48,
Edition japonaise : Shin-lchi Hasegawa (Tokyo) Librairie Unesco, Place de Fontenoy, Paris.
MC «3-1-181 F
Edition italienne : Maria Remiddi (Rome)
Maquettiste : Toute la correspondance concernant la Rédaction
Robert Jacquemin doit être adressée au nom du Rédacteur en Chef,
Un motif de la stèle
d'Ur-Nammur (ci-contre),
vers 2600 av. J.-C, pré¬
sente une étroite parenté
avec le bas-relief qui
orne le Code Législatif
de Hammurabi, prince
qui vécut autour de l'an
2000 av. J.-C, et fut le
véritable fondateur de

l'empire de Babylone. Ce
bas-relief represente le
prince en adoration de¬
vant Shamash, dieu de
la justice, comme le per¬
sonnage debout sous le
croissant de la stèle d'Ur-
Nammur, où la même
scène se répète à l'ex¬
trême droite dans la
composition suivante,
elle, parfaitement intacte.
Il s'agit probablement
d'une représentation
conventionnelle d'une
scène d'adoration.

Photo University Museum, Philadelphie

Toutes les illustrations


des pages 4 à 19 sont
tirées de " History of
Mankind", 1er volume.
TOIRE DE L'HUMANITÉ
Un tableau universel
de la culture et de la science

L e volume I de l'Histoire du développement


^scientifique et culturel de l'humanité paraît
(artisanat, manufacture, échanges), le développement des
langues parlées, de l'écriture et de l'enseignement, la vie
au cours de ce mois de juin. Cette première réalisation religieuse, les progrès et les applications de la science, les
d'une vaste entreprise constitue un événement tant dans formes de l'expression artistique.
le domaine des sciences historiques que dans celui de la
L'analyse que fait Jacquetta Hawkes des origines du
compréhension mutuelle des peuples.
langage dans la première partie du Volume I, Sir Leonard
En effet, bien des divergences qui divisent encore les Woolley en donne la suite lorsqu'il examine la formation
hommes remontent à un lointain passé. Et pourtant, et la différenciation des langages parlés à Sumer, en
comme le dit dans la préface de l'ouvrage le professeur Egypte et en Chine. Ce thème est repris au volume n de
Paulo E. de Berrêdo Carneiro du Brésil, président de la l'Histoire, dans lequel le professeur Luigl Paretl étudie les
Commission internationale pour l'Histoire du développe¬ principaux langages entre 1 200 av. J.-C. et 400 av. J.-C.,
ment scientifique et culturel de l'Humanité, l'analyse des dont le grec, le latin et le sanscrit. De même, le lecteur
antécédents historiques des peuples met en évidence les pourra suivre le développement de la science et de ses
liens qui les rapprochent : applications à travers l'histoire, depuis ses origines dans
la plus haute antiquité jusqu'au xx* siècle. Toutefois, il ne
« Au-delà des différences de races, de climats, de struc¬
sera jamais question d'une science c française > ou
tures économiques et de systèmes d'idées, l'histoire révèle
« russe » ou « américaine » ; il sera simplement parlé de
l'identité fondamentale des divers groupes humains et
son développement et de ce qu'y ont apporté, au cours
permet de saisir, dans bien des cas, de profondes analo¬
des siècles, des Français, des Russes ou des Américains.
gies entre les transformations qu'ils ont subies depuis le
paléolithique jusqu'à nos jours. En considérant, en effet,
l'histoire humaine dans son ensemble, on s'aperçoit que
la marche de son évolution s'est accomplie à travers des
oscillations plus ou moins étendues et plus ou moins lon¬
gues, dont la vitesse seule a varié d'un peuple à l'autre. a nécessité d'un tel projet avait été mise en
Les diverses civilisations, surgies au cours des âges, corres¬ 'évidence au cours de la conférence des minis¬
WzfíSíf

pondent à des stades plus ou moins avancés de cette évo¬


tres de l'Education tenue en pleine guerre mondiale à
lution générale. On les retrouve, d'ailleurs, presque toutes Londres. Julian Huxley en reprit l'idée lorsqu'il définit,
disséminées encore dans le monde d'aujourd'hui. La société en 1946, les grandes lignes de l'action de l'Unesco. La
contemporaine présente ainsi l'aspect d'une mosaïque où Conférence générale de cette Organisation examina ce
les cultures les plus diverses voisinent et s'affrontent. projet dès 1949 et, après de multiples études et réunions
d'experts, définit la conception de l'ouvrage.

En 1951 se constituait, sous les auspices de l'Unesco, la


Commission internationale pour une Histoire du dévelop¬
pement scientifique et culturel de l'humanité. Au cours de

N'en langue
i dans ce premier volume qui paraît d'abord
anglaise et qui traite de la préhis¬
plus de dix ans de travaux, disposant d'un organe exécutif
et d'un secrétariat, la Commission a fait appel à des
toire et des débuts de la civilisation ni dans les cinq érudits du monde entier pour l'élaboration de l'
autres qui vont lui faire suite, on ne retrouvera l'histoire commune.

nationale de tel ou tel peuple, de telle ou telle société. Ce


Toutes les personnalités directement associées à ce pro¬
qui s'y développe, c'est l'analyse détaillée de leurs contin¬
jet ont eu nettement conscience de l'envergure de leur
gences économiques et sociales, de leur vie religieuse et
tâche. Tous savaient dès le début que leur travail serait
affective, de leurs moyens d'expression artistique, de leur
soumis à la critique sévère que toute innovation appelle.
pensée scientifique. Et cela en comparaison avec les formes
Tous savaient également que cette devait répondre
revêtues par ces mêmes expériences chez d'autres peuples
à l'attente d'un vaste public mondial. D'autre part, au
à la même époque. Ainsi, dans un chapitre du volume I
contraire de ce que les savants font d'habitude, ils se
consacré à l'urbanisation de la société, Sir Léonard Wool-
devaient de travailler plus ou moins en public : non seu¬
ley examine les formes de ce phénomène social et écono¬
lement les modalités de l'exécution du projet devaient
mique en Egypte, à Sumer, dans la vallée de l'Indus et en
être examinées périodiquement par la Conférence géné¬
Chine ; mais il ne conte pas dans la manière traditionnelle
rale de l'Unesco, mais encore les historiens et les savants
les mille péripéties de l'histoire de l'Egypte, de Sumer, de
du monde entier devaient être informés du déroulement
la vallée de l'Indus ou de la Chine.
des travaux.

Du premier au dernier volume, qu'il s'agisse de la Pré¬


Depuis 1953, les Cahiers d'Histoire Mondiale, revue tri¬
histoire ou du xx" siècle, les têtes de chapitres présentent
en effet une grande similitude. Après une introduction qui mestrielle éditée par la Commission, a publié le plan de
situe chronologiquement les événements historiques ser¬
rédaction de l'Histoire, certains chapitres à paraître dans
les différents volumes ainsi que d'importants articles sur
vant de cadre au développement des grandes institutions
culturelles et humaines, on examine tour à tour la vie en
société et les structures sociales, les activités économiques SUITE PAGE 6
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (Suite;
BESTIAIRE

Une entreprise FANTASTIQUE

sans précédent
les aspects les plus divers du développement de la science
et de la culture. Ces articles étalent demandés par les
auteurs des volumes à leurs collègues du monde entier,
savants de tous les pays et de toutes les idéologies, pour
servir à la préparation de l'ouvrage principal.

A tous 11 a été demandé de traiter toutes les questions


dans le cadre le plus large : celui de l'expérience humaine.
En se limitant au développement culturel et scientifique,
l'ouvrage vise à cette universalité qui caractérise les rai¬ A Sumer, l'art animalier

sons d'être et les règles d'action de l'Unesco, Car, à tous témoigne d'une surprenante
les stades du développement des sociétés humaines, ont fantaisie poétique. Ci-contre,
une plaque de coquille ornant
figuré, d'une façon plus ou moins bien définie et complexe,
et la culture et la science. une lyre découverte dans
la tombe d'un roi d'Ur (en¬
L'homme préhistorique que décrit Jacquetta Hawkes viron 2.500 ans av. J.-C).
Sur un fond d'émail noir, de
dans le volume I appliquait plus ou moins consciemment
délicates saynètes gravées
certains principes scientifiques lorsqu'il utilisait une
représentent des animaux
fronde, façonnait un silex, ou découvrait l'avantage de humanisés : gazelles affron¬
l'Irrigation ou de la rotation pour l'agriculture. La civili¬ tées; ours qui danse; lion
sation de Sumer présentait une complexité remarquable qui porte un vase; chien,
par ses structures, ses hiérarchies de valeurs, ses relations poignard à la ceinture, tenant
Internes, complexité qui la différenciait grandement de une table chargée de vic¬
l'Egypte. Sumer et l'Egypte dépendaient pourtant, pour tuailles; âne musicien. Si le

leur subsistance, de conditions analogues : leurs destinées bestiaire reproduit, comme


étalent liées à celles des fleuves. dans la. fable, les gestes et
les occupations humaines,
les hommes se métamor¬
Pour atteindre le but assigné par la Commission inter¬
nationale, les directeurs de volume ont travaillé en coo¬ phosent parfois en animaux;
ainsi le personnage-scorpion
pération. Leurs manuscrits, préparés selon un plan établi
(à droite, motif agrandi), suivi
par le professeur Ralph E. Turner et approuvé par la d'une facétieuse chevrette.

UN OUVRAGE Commission, ont fait l'objet d'une révision méticuleuse à


la suite d'une très large diffusion parmi les Commissions
nationales de l'Unesco dans tous les Etats membres. Des

EN SIX VOLUMES commentaires détaillés sur chaque manuscrit ont permis


de mettre au point et de compléter la rédaction des textes
en y incorporant les suggestions des spécialistes.

Volume I : Prehistory and the Beginnings of Grâce à l'appui de l'Unesco, cette méthode de travail
Civilization (La préhistoire et les débuts de la a pu être portée à l'échelle mondiale. Ainsi, parmi les his¬
Civilisation) toriens dont les commentaires ont servi à la révision du
par Jacquetta Hawkes et Sir Leonard Woolley, volume I, on trouve des spécialistes soviétiques, des pré¬
920 pages,
historiens américains et britanniques, des archéologues
(Londres, George Allen and Unwin, Ltd., 1963) français, italiens et allemands, des savants japonais, es¬
75 shillings
(New York; Harper and Row, 1963) 12 S 50 pagnols, mexicains, indiens. Pour la rédaction du premier
(Edition française en préparation). volume, Jacquetta Hawkes et Sir Leonard Woolley ont
bénéficié de plus de quatre-vingts commentaires critiques
Volume II : Les Empires de l'Ancien Mondé,* présentés par des savants de renommée mondiale.
par Luigi Paretti, avec la collaboration de Paolo
Brezzi et de Luciano Petech. Paraîtra en 1964.
D'autre part, les commentaires qui, pour des raisons
Volume III : Les peuples et les cultures, de 400 à d'interprétation historique ou même d'idéologie, ont été
1200 ap. J.-C, par Gaston Wiet, Vadime Eliséeff et rejetés par les directeurs de volume, figurent sous forme
Philippe Wolff. Paraîtra en 1965.
de notes préparées par des conseillers de rédaction.
Volume IV : Le Monde, de 1200 à 1775, par Louis
Gottschalk, avec la collaboration de L.C. MacKinney Ainsi, dans le chapitre consacré à la notion du déve¬
et E.H. Pritchard. Paraîtra en 1964. loppement intellectuel, la thèse soutenue par Jacquetta
Volume V : Le dix-neuvième siècle, par Charles Hawkes sur les origines du langage donne lieu aux com¬
Morazé et divers collaborateurs. Paraîtra en 1965. mentaires d'un spécialiste américain, le Dr Sturtevant,
qui professe une opinion différente. De même, grâce à des
Volume VI : Le vingtième siècle, par Caroline F.
Ware, K.M. Panikkar et J. Romein, paraîtra à la fin notes très détaillées, Sir Leonard Woolley a été en mesure
de 1963. d'établir un véritable dialogue avec des savants indiens
Lé volume I de « L'Histoire de l'Humanité » sur les origines de la civilisation aryenne. Il a pu égale¬
paraîtra en espagnol à la fin de 1963 ou au début de ment échanger des arguments .avec des savants marxistes
1964 (Editorial Sudamericana, Buenos-Aires). D'au¬ à propos de certaines institutions sociales qui, dans la
tres éditions en français, italien, allemand, japonais, dialectique matérialiste, ont une place qui leur est contes¬
arabe, etc., sont en préparation. « L'Histoire de tée par d'autres écoles de pensée.
l'Humanité » sortira également en livre de poche
aux États-Unis. Par le truchement des notes, et cela sans nuire à la

* Titres provisoires.
Photo University Museum, Philadelphie

continuité du récit, la Commission Internationale a été n'a pas été sans difficultés. La diffusion des manuscrits
en mesure d'attirer l'attention du lecteur sur la richesse originaux en plus de deux cents exemplaires, l'analyse de
de la pensée historique au xx* siècle et sur les différences commentaires souvent très volumineux, ont demandé de
d'interprétation qui en découlent. La Commission s'est tous les collaborateurs une très grande patience et, sur¬
abstenue de prendre position sur ces questions controver¬ tout, la volonté de reviser leurs opinions à la lumière de
sées dont l'interprétation est très souvent liée à une philo¬ données souvent nouvelles qui provenaient de collègues
sophie de l'histoire ; elle n'a pas demandé à ses collabo¬ dont Ils ne partageaient pas la pensée mais dont les argu¬
rateurs d'introduire dans leur texte des points de vue qui ments étaient convaincants.
n'étaient pas les leurs, mais elle a veillé à ce que, dans
La naissance de cette puvre, en plein xx* siècle, se pro¬
la mesure où elle disposait d'avis qualifiés, ceux-ci figurent
duit à un moment clé de l'histoire des hommes, au moment
dans les volumes sous forme de notes ou d'appendices. Un
où se prépare une conscience de civilisation étendue à
savant suisse, le professeur A.-G. Bandl, de l'Université
l'humanité tout entière.
de Berne, et un érudlt français, le professeur Jean Leclant,
de l'Université de Strasbourg, ont été chargés de préparer Car, pour reprendre les termes de René Maheu, Direc¬
ce matériel critique pour le volume I. teur général de l'Unesco, dans l'avant-propos du volume I,
cette « tente, pour la première fois, de composer
L'élaboration de cet ouvrage sous les auspices de une histoire universelle de l'esprit humain à partir de la
l'Unesco et sous la responsabilité de la Commission inter¬
pluralité des points de vue de mémoire et de réflexion
nationale, dans une ambiance de coopération mondiale, qu'offrent les diverses cultures existantes ». Elle « s'écarte
des optiques traditionnelles de l'histoire, qui, comme on
sait, accordent une importance prépondérante aux déter¬
minations politiques ou économiques, voire militaires... Ce
travail historique est lui-même un fait culturel, de nature
à exercer une influence, par son esprit et ses méthodes,
sur l'évolution présente de la culture. Et sans doute est-ce
là sa destination ultime ».
Les « Cahiers d'Histoire mondiale » (revue trimestrielle
d'histoire) sont publiés par la Commission Internationale
pour une Histoire du développement scientifique et culturel
Guy Métraux est secrétaire général de la Commission Inter¬
de l'Humanité; édités par les Editions de la Baconnière,
nationale pour l'Histoire du développement scientifique et culturel
Boudry-Neuchâtel, Suisse, ils comprennent des articles en
de l'Humanité, depuis la création de cette Commission. Docteur
français, en anglais et en espagnol. Le dernier numéro est
en philosophie de l'Université de Yale, il est codirecteur des
consacré au développement des sciences en Italie.
Cahiers d'Histoire mondiale, publiés par la Commission, et
auteur de l'ouvrage « Exchange of Persons; the Evolution of "¡
Cross-Cultural Education », publié par Social Sciences Research
Council, New York, 1952.
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (suite)

Le premier volume de << l'Histoire de l'Humanité » comprend deux parties :


« La Préhistoire » par Jacquetta Hawkes, et « Les débuts de la Civilisation »
par Sir Leonard Woolley, archéologues de réputation mondiale. En 920 pages
abondamment illustrées ce volume retrace le passé humain jusqu'à l'Age de
Bronze et aux civilisations qui s'épanouirent il y a plus de 3000 ans à Sumer, en
Egypte, dans l'Elam, en Phenicie, en Crète, en Anatolie, en Inde et en Chine.
« La Préhistoire et les Débuts de la Civilisation » montrent ce que pouvait
être un homme des cavernes, un chasseur de l'Age de pierre, un tisserand, un
ouvrier du fer ou un paysan, comment naquirent les techniques, l'artisanat et les
arts, comment se développèrent les langues et les systèmes d'écriture. Le lec¬
teur mesure l'évolution humaine : les premiers tâtonnements des hommes-singes
d'Afrique et d'Asie tâchant de fabriquer des outils, de maîtriser le feu et de
constituer un langage, les mystères de la civilisation de la Vallée de l'Indus,
la fameuse « Grande Ville fortifiée de Shang », fondement même de la civilisa¬
tion chinoise. « Le Courrier de l'Unesco » est heureux de présenter dans les
pages qui suivent quelques passages choisis de cette monumentale.
Photo Gouvernement de l'Inde,
Département d'Archéologie

LA CONSCIENCE
Le développement de la conscience : grand conscient de la main a-t-il développé une autre faculté
thème de l'histoire. Rien ne compte davantage humaine essentielle, la parole (2). On a constaté que les
que la croissance et l'exercice de la noblesse humaine. Tel mouvements de la main commandaient des mouvements

est nécessairement le jugement de l'humaniste ; mais si correspondants de la bouche, et il se peut qu'une habitude
l'on ajoute que c'est par ces dons que Dieu nous a fait de communiquer par gestes ait aidé à émettre des sons
concevoir la divinité, ce sera sans doute le jugement de volontaires.

tout le monde.
Là encore, toutefois, il faut être prudent quand on
Dans le passé animal de l'homme, considéré comme l'un tente d'établir des rapports de cause à effet. De même que
des primates, l'acuité croissante de la vue aux dépens du les singes et certains autres primates ont des mains qui
sens plus rudimentaire de l'odorat, qui accompagnait la pourraient accomplir des tâches délicates si leur cerveau
vie arboricole, avait contribué à élever les facultés men¬ était à la hauteur, de même leurs lèvres, leur palais et
tales ; seuls les oiseaux, les carnivores et les primates leurs cordes vocales sont probablement capables de parler.
ont, sur la rétine, une tache d'une sensibilité particulière C'est le pouvoir cérébral qui leur fait défaut.
qui permet une grande précision de la vue. On a beau jeu de dire que le besoin d'une vision aiguë,
Quand la vision stéréoscopique s'ajouta à l'acuité, tandis la capacité manuelle, la nécessité de dépecer des proies,
que l'habitude de saisir les branches et d'attraper des la réflexion préméditée nécessaire pour faire des outils
bestioles ou des fruits leur eût fait la main souple, un ont conduit à la multiplication des cellules cérébrales
nouveau progrès fut possible. Le singe, palpant un objet
inconnu, en même temps qu'il l'examine, nous offre une
bonne image des premières lueurs de l'appréhension
consciente conjuguée avec l'adresse.

On a fait grand cas du rôle qu'auraient joué, dans l'évo¬


lution humaine, la main et le pouce opposable ; rôle
important, certes, mais uniquement au service du cerveau
en éveil. Les mains des grands singes seraient parfaite¬
ment capables des plus fins travaux si l'esprit les mettait
à l'ouvrage ; les singes pourraient être horlogers s'ils
avaient conçu la notion du temps.

Un autre élément stimula le développement mental chez


nos ancêtres, quand Ils quittèrent les arbres où leur régime
alimentaire était presque exclusivement végétarien, et
qu'ils commencèrent à vivre, dans une certaine mesure, à
découvert, et à manger de la viande (1). Il se peut que les
constituants chimiques fondamentaux de la viande aient
été utiles à leurs cerveaux ; il est certain que sa valeur
nutritive, beaucoup plus grande que celle des végétaux et
des fruits les a délivrés du besoin de manger sans cesse".
Chose plus décisive encore : la nécessité de tuer, de
D'après Singer.
dépouiller et de broyer une nourriture carnée, chez une
On a pensé pendant des années que les premiers hommes
créature à la face relativement aplatie, sans griffes, sans
étaient apparus en Asie, mais aujourd'hui on admet générale¬
crocs, peut l'avoir conduite d'abord à utiliser, puis à fabri-
ment que l'humanité est née en Afrique.- C'est en Afrique
g quer des outils. Dès le début de la fabrication, nos ancêtres que l'on a découvert l'Australopithèque (ci-dessus, recons¬
atteignaient un niveau radicalement supérieur de concen¬ titution près d'un chimpanzé) qui, il y a un million d'années,
tration visuelle et d'habileté manuelle. Peut-être l'usage marchait debout et taillait des outils de pierre.
par

ET LE CERVEAU Jacquetfa Hawkes

dans les crânes hominiens et humains, tandis que la mul¬ S'il est préférable de manier les causes avec circonspec¬
tiplication même des cellules provoquait, à son tour, une tion, il est hors de doute que l'affermissement des forces
nouvelle subtilité fonctionnelle. On peut aussi faire état mentales apparut avec l'énorme développement du cortex
d'une autre idée, chère aux biologistes, que « l'homme est cérébral dans le cerveau. Les deux hémisphères creux de la
un singe fRtal », autrement dit l'homme a évolué dans le matière cérébrale sont si vastes qu'ils se sont profondé¬
sens d'une ressemblance au primate jeune, et non au ment repliés et enroulés sur eux-mêmes pour se loger
primate adulte ; le retard de la maturité physique a dans la boîte crânienne.

allongé le temps de l'apprentissage, et permis le dévelop¬


pement du cerveau.

Ce jeu des effets et des causes peut paraître très


convaincant après coup. Mais rappelons-nous que, pen¬ La dimension importante du lobe frontal et
dant des milliers d'années, les Egyptiens semblaient avoir temporal est particulièrement caractéristique
d'excellentes raisons de penser que le lever de Sirius était de l'homme ; les lobes comprennent, parmi des millions
la cause de la crue du Nil. Aussi bien, peut-être la cause de cellules nerveuses, plusieurs groupes qui ne sont pas
ultime de l'éveil du cerveau, du développement de la prise assujettis à des fonctions précises, mais aux réserves de
de conscience qui s'y est opérée, nous demeure-t-elle aussi la mémoire et de ses associations. Mémoire et association
cachée qu'aux Egyptiens les sources du Nil. tendant au -pouvoir de l'imaginaire, telles sont les capa¬
cités nécessaires à une totale prise de conscience de sol,
à la notion du passé et de l'avenir, à la prévoyance Intel¬
ligente, et à l'édification des traditions, facteurs de
cohésion dans la longue vie de l'espèce....

La conscience, qui s'est renforcée avec l'élaboration du


cortex cérébral, rendant l'homme de plus en plus maître
de ses actes, plus sensible à sa séparation de la nature,
allait prendre deux grandes directions contraires. L'une
l'amenait à contrôler le milieu. Elle le conduisait, en pre¬
mier lieu, à faire des outils, puis entraînait tout le pro-

SUITE PAGE 10

(1) Le Professeur A. C. Blanc (Italie) fait remarquer que bon


nombre d'auteurs contestent que nos ancêtres aient commencé
à s'adapter à vivre à découvert après avoir eu un mode de vie
arboricole ; ils pensent, au contraire, que la vie des singes dans
les arbres constitue une forme de spécialisation par laquelle n'a
jamais passé l'espèce humaine.

(2) Pour le Professeur Débetz (UJIJ5J!.), l'usage de la main,


D'après Le Gros Clark dans le processus de l'acte de travail et de la transformation
L'homme de Pékin, reconstitution d'après les restes décou¬ pratique des objets bruts pour la satisfaction des besoins maté¬
riels de l'homme, a conditionnera formation et le développe¬
verts dans les grottes Choukoutien, près de Pékin. Les ves¬
ment de ses facultés spirituelles : pensée, attention, mémoire ;
tiges des grottes prouvent que cet hommes qui les habitaient
il a nuancé et amélioré des fonctions psychiques comme la sen¬
savaient tailler des outils grossiers et entretenir le feu. sation et la perception. Le besoin de communiquer, qui décou¬
D'après le crâne de ces hommes, leur cerveau avait la dimen¬ lait d'activités collectives, préparait nécessairement les linéa¬
sion analogue de celui de l'homme moderne. ments, puis le développement du langage.
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (Suite)

Le legs mental des primates


cessus accéléré de notre progrès scientifique et technique. semblent souvent garder une unité sous-jacente univer¬
Ici, l'analyse, la division du tout en parties distinctes, selle et intemporelle.
constituait les moyens mis en suvre, et les fins poursui¬ A un niveau plus élevé et plus complexe, ces arché¬
vies sont totalement pratiques et matérielles. types pourraient correspondre à un sens sans aucun doute
L'autre direction tendait à assurer la réintégration de inné de la rigueur esthétique, et à des tendances aussi,

la partie dans le tout, et l'homme dans l'univers dont sa générales que le grotesque, le bestiaire fantastique, et
conscience semblait le séparer. Cette voie conduisait aux autres manifestations artistiques, qui reparaissent
constamment.
rites, à l'art, à la fol religieuse, au mysticisme, et à
certains secteurs de la philosophie. La métaphore, la Bien que bon nombre de personnes se refusent à
comparaison, les rapports symboliques et autres formes accepter cette idée de l'hérédité des formes mentales,
unificatrices constituaient les moyens mis en iuvre, et elle est sans doute bien plus plausible que celle qui nous
les fins poursuivies sont essentiellement non pratiques et fait naître avec une « carte blanche s> spirituelle. Nous
non matérielles. sommes cependant tout prêts à accepter cette idée quand
L'incontestable faiblesse de l'archéologie en tant que
il s'agit de l'instinct, bien que le legs lnstinctuel du passé
paraisse extrêmement confus.
base valable de l'histoire tient à ce qu'elle dépend sans
recours des vestiges matériels, ce qui entraîne à mettre Les oiseaux tisserands, par exemple, quand ils ont été
l'accent sur la première des élevés pendant six générations avec d'autres oiseaux, et
deux grandes voies de l'ef¬ privés des matériaux qui leur servent à faire leur nid,
fort humain. Ainsi, par peuvent encore à la septième génération tisser ces nids
exemple, jusqu'à la brusque ingénieux, dès qu'ils en ont l'occasion. A une certaine
apparition de l'art et des époque, dans un lointain passé, cette espèce a peu à peu
rites funéraires vers la fin poussé à la perfection une forme particulièrement insolite
de l'ère paléolithique, nous de construction de son habitat, dont le schéma est resté
n'avons pas le moindre in¬ fixé dans le cerveau et le système nerveux de l'oiseau, si
dice de l'existence inté¬ bien qu'il peut être reproduit à tout moment par réfé¬
rieure et unificatrice bien rence à un plan « instinctif ».
que celle-ci ait dû sans Sans doute, alors, n'est-il pas impossible à l'homme
cesse s'amplifier et se nuan¬ d'hériter des modèles à un niveau plus créateur, à partir
cer, même pendant sa vie d'expériences répétées pendant vingt mille générations ?
extravertie et pratique du Ou bien, les ayant hérités, qu'il puisse leur trouver une
caillou taillé à la hache de expression dans les mythes et d'autres formes culturelles ?
silex. Dans cette scène rituelle
Du moins, la possibilité est-elle assez grande pour qu'il
Au niveau intellectuel, peinte sur la paroi d'une caverne soit contraire à la science de l'écarter, surtout quand on
à Cogul, dans le nord-est de
nous pouvons supposer une examine la diffusion des caractères culturels. Quand deux
l'Espagne, dessins de femmes en
capacité grandissante de peuples, qui vivent assez loin l'un de l'autre, possèdent en
longues tuniques. D'après Burkitt
distinguer les idées et de commun un outil, un motif, un mythe, il y a eu peut-être
tirer les leçons du passé au transmission due au commerce, aux migrations, ou à l'in¬
profit de l'avenir. Au niveau de l'Imagination dut se dé¬ fluence diffuse. Il faut chercher à
velopper le pouvoir de peindre les choses (et en particu¬ établir l'existence de ces contacts,
lier les objets désirables, comme le gibier) quand elles mais s'ils ne peuvent être décelés, il
n'étaient pas devant les yeux, pouvoir comparable à celui n'y a alors qu'une explication possi¬
de visualiser l'outil achevé dans un informe bloc de ble : ce caractère représente deux
pierre. expressions distinctes d'un schéma
mental commun.
La beauté de. la forme d'une hache elle-même peut
constituer une preuve de la première apparition du sens Que les êtres humains aient hérité
esthétique. On a même émis l'hypothèse que les plus beaux ou non un patrimoine mental de ce
de ces outils, qui semblent plus délicatement ouvragés que genre, il est certain que du passé
ne l'exigeait leur emploi pratique, ont pu devenir objets nous apportons avec nous bien plus
de culte, comme les haches cérémonielles de Calédonie, que notre corps. Quarante mille ans
ou les masses d'arme, en argent Inoffensif, que l'on après la mort du dernier néander-
exhibait dans les occasions solennelles en Europe occi¬ thalien, l'Homo sapiens charrie en¬
dentale.
core un héritage très vivant de pas¬
Sans que l'on puisse affirmer que ces outils aient eu sions et de tendances émotives ac¬
une signification particulière pour l'imagination un quis au cours des âges. La curiosité
mana leurs proportions harmonieuses montrent qu'il Le sorcier, mi- même, le désir de découvrir, est une
y a 250 000 ans, l'esprit créateur avait déjà les lois, l'exi¬ homme, mi-bête, mi- émotion dont il est prouve qu'elle
gence formelle qui, quelle qu'en soit l'origine, demeure dieu, peint et gravé existe déjà dans l'animal. Certains
encore valable pour nous. sur la paroi d'une
hommes de notre temps se plaisent à
caverne dans le sud-
La réflexion sur l'origine de ces jugements esthétiques ouest de la France.
penser qu'ils sont rationalité pure,
conduit à la question des schémas mentaux de toutes et de même virtuellement, leurs
D'après un dessin du
sortes. Il est parfaitement possible que le sentiment qu'a Musée de l'Homme, Paris contemporains, cependant que d'au¬
l'homme de la rigueur ou de la beauté de certaines propor¬ tres sont convaincus que notre es¬
pèce est incapable de mener à bien
tions ait découlé de sa participation au monde naturel,
animé ou inanimé, organique et mathématique, dont il un dessein rationnellement conçu.
était issu. Le déroulement de l'histoire humaine, au cours duquel

Mais au-delà, selon une théorie aussi répandue que tant de grands peuples se sont précipités à leur perte,
contestée, les êtres humains naîtraient avec certains semble étayer cette dernière opinion. Quelques rationa¬
schémas de l'espèce en évolution. Ils les hériteraient, exac¬ listes seraient plus heureux qu'il en fût autrement, mais
tement comme les parties pareillement évoluées de leur si nous perdions notre héritage passionnel et son pouvoir
corps ; mais puisqu'il est mental, cet héritage tendrait à prodigieux sur l'imagination, tout l'élan créateur de notre
10 se faire jour dans des formes culturelles, et de manière espèce serait bientôt flétri, et la vie momifiée....
plus manifeste dans des mythes religieux, qui, en dépit
des différences d'expression qui varie avec la culture, 1" partie, chapitre IV « L'esprit »
MW*

i-~m»

Photo R. Perret-Musée de l'Homme, Paris


Le Paléolithique, ou Age de pierre, témoigne d'une riche floraison artistique : les oeuvres d'art qui
furent alors réalisées supportent la comparaison avec celles qui virent le jour au cours de ces dix
mille dernières années. On a découvert un grand nombre de peintures et de gravures dans les
cavernes, en Europe et en Afrique. Ci-dessus,, le Chasseur masqué, peinture rupestre du Sahara.

NAISSANCE DE L'ART

oI n a pu dire que l'apparition de l'art paléolithi¬


que est l'événement historique le plus impro¬
furent dispensés de chasser une partie
qu'en échange des services qu'ils rendaient à la commu¬
du temps, et

bable qu'on puisse imaginer et le fait est qu'il est aussi nauté, ils étaient nourris pendant tout le temps qu'ils
impossible de l'expliquer que tout autre des grands jail¬ passaient à travailler dans les grottes.
lissements de génie créateur qui, pour le bonheur de
D'autre part, il y a la question de l'utilité de l'art
l'humanité, jalonnent le cours de l'histoire. Les causes
nous ne voulons pas parler de la satisfaction qu'il pro¬
du flux et du reflux des facultés de l'âme humaine res¬
cure à ses créateurs, mais de l'usage qu'en fait la société.
tent le plus souvent enveloppées de mystère. Toutefois,
Il est rare qu'une vigoureuse tradition artistique ne ré¬
sans prétendre aller jusqu'au fond des choses/ il est pos¬
ponde pas à quelque nécessité d'ordre pratique, et dans
sible d'expliquer et d'interpréter ces mouvements.
les sociétés primitives où les activités intellectuelles, pra¬
D'une part, on peut déterminer quels facteurs permet¬ tiques et religieuses, restent plus ou moins confondues,
tent l'apparition de l'art. Bien que la prospérité maté¬ l'art doit toujours faire partie intégrante de la vie quo¬
rielle ne puisse jamais engendrer directement le génie tidienne.

artistique, aucune société ne peut entretenir des artis¬


Deux théories s'affrontent depuis longtemps au sujet de
tes sans disposer d'une certaine marge économique, n
l'art des cavernes : pour les uns, il s'agit d'une activité
est donc hors de doute que l'abondance du gibier dans
d'ordre esthétique, d'un effort de l'artiste pour s'expri¬
le sud-ouest de l'Europe, à la fin du pleistocene, a été
mer et créer de la beauté ; pour les autres, d'une acti¬
l'une des causes fondamentales du développement de l'art vité de caractère pratique, entreprise pour s'assurer une
paléolithique. Les artistes étaient sans doute aussi des
bonne chasse. Mais le problème n'existe que dans l'ima- Í1
chasseurs, mais il est très probable qu'à mesure qu'ils
devinrent plus habiles et se spécialisèrent davantage, ils SUITE PAGE 12
Photo Max Begouen, Musée de l'Homme

HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (Suite)

Les images des premiers sanctuaires

gination des adversaires. Même au XX* siècle, où la vie gion de la fécondité qui devait connaître un grand déve¬
est bien plus strictement compartimentée, personne ne loppement en Eurasie, comme le prouvent la légende du
songe un instant à se demander si le peintre travaille bennu et les autres cristallisations du concept de la
pour s'exprimer ou pour vendre ses toiles. Essayer de déesse-mère...
séparer l'art, la magie et la religion dans la vie inté¬
grée des hommes primitifs est une absurdité due à un
goût exagéré de l'analyse.
Íes témoignages d'un troisième genre nous
L'art pariétal jouait certainement un rôle dans les
prouvent qu'il existait des liens étroits entre
activités magiques et religieuses. Il servait en particulier
l'art pariétal et les activités magico-relig'ieuses : nous
à la célébration des rites « sympathiques », qui reposent
voulons parler des dessins qui représentent des hommes
sur la conviction qu'analogie ou correspondance vaut
déguisés en animaux, ou peut-être des créatures fantas¬
identité, et que ce que l'on fait à une image ou à un
tiques participant à la fois de l'homme, de l'animal et
objet symbolique affectera la partie correspondante de
de la divinité, comme le « Grand Sorcier » de la grotte
l'objet réel. Cette idée, extrêmement répandue, se retrouve
des Trois-Frères. D'ailleurs, toute cette grotte proclame
même dans les sociétés civilisées. Quand la pomme de
son caractère de sanctuaire aussi clairement que n'im¬
terre fut introduite en Europe, beaucoup de gens s'ima¬
porte quelle chapelle. Des passages creusés dans le roc
ginèrent qu'elle donnait la lèpre parce que l'aspect de
conduisent à une petite salle dont les parois sont couvertes
certains tubercules évoquaient cette maladie. De nos
d'un lacis de gravures représentant toutes sortes d'ani¬
jours, encore, même en Europe et en Amérique, il y a des
maux, parmi lesquels on remarque le groupe étrange
gens qui, pour provoquer la mort de leur ennemi, fabri¬
formé par un homme pourvu d'une tête de bison et d'au¬
quent une image à sa ressemblance et la transpercent de
tres attributs animaliers qui danse avec deux singulières
coups d'épingles. Cet envoûtement est tout à fait analo¬
bêtes hybrides visiblement en état de rut. De cette pièce
gue à un procédé magique utilisé par les chasseurs de
part un tunnel aux parois également gravées, qui monte
l'époque paléolithique.
en spirale jusqu'à une fenêtre située à près de quatre
De nombreuses peintures, en effet, comportent l'image mètres, au-dessus du sol ; là, le prêtre-sorcier qui officiait
dessinée ou gravée de javelots et de flèches perçant les pouvait faire des apparitions spectaculaires et dominer
flancs des animaux représentés. La grotte de Lascaux les fidèles réunis. C'est avec saisissement que l'on découvre
nous en offre de nombreux exemples. A Niaux, se trouve alors, peinte et gravée sur la roche, juste en face de cette
la célèbre silhouette de bison tracée autour de trois ouverture, l'image du Sorcier lui-même, avec des attributs
petites cupules naturelles, chacune ornée d'une flèche phalliques, des ramures de cerf sur la tête, et le regard
pour lui donner l'apparence d'une blessure... fixe d'un hypnotiseur.

Si une forme de magie sympathique servait à assurer L'élément magique, si important dans l'art pariétal,
une bonne chasse, une autre avait pour but la perpétua¬ devait jouer un rôle moindre dans l'art mobilier. Il est
tion de la vie. Certains dessins représentent indubitable¬ probable que lorsque l'image d'un cerf, d'un mammouth
ment des femelles gravides. Au Tue d'Audoubert, les ou d'un bouquetin était gravée sur un propulseur, c'est
images soigneusement différenciées d'un bison mâle et parce qu'on croyait qu'elle rendrait celui-ci efficace contre
d'un bison femelle, ainsi que les traces prouvant que des les animaux représentés. Mais, d'autre part, on peut tenir
cérémonies magiques se déroulaient dans la grotte, évo¬ pour certain qu'elle était en partie exécutée pour la joie
quent clairement des rites de fertilité. Ces préoccupa¬ de la créer et de la regarder, car l'effet produit est émi¬
12
tions allaient beaucoup plus loin que celles de la magie nemment décoratif. Cette remarque s'applique encore
sympathique, et elles posaient déjà les bases d'une reli mieux aux petits objets sculptés, comme la spatule en
forme de poisson de la grotte de Rey, aux silhouettes primitifs : c'est, au sanctuaire de Montespan, le mode¬
d'animaux gravées sur os, et même à la magnifique tête lage d'ours auquel était adaptée une tête naturelle.
de cheval du Mas d'Azil ainsi qu'au cheval de la grotte Toutes les autres réalisations servaient sans doute à la
des Espélugues, à Lourdes. Quel autre but que la déco¬
magie, mais c'étaient aussi des uuvres d'art, déjà dans
ration put viser l'artiste qui a gravé à La Mouthe un
la ligne de ce que nous appelons l'art « humaniste ».
bouquetin sur sa lampe ?
Elles évoquent les dessins et peintures de la Chine plus
qu'aucun autre art, et l'on sait que les artistes chinois se
Il est hors de doute que l'art pariétal et, à un moin¬
sont inspirés des rapports qu'ils concevaient entre l'hom¬
dre degré, l'art mobilier, jouaient un rôle dans le culte
me et la nature.
des animaux, en partie magique et en partie véritable¬
ment religieux, sur lequel reposait toute l'existence de L'art pariétal prouve à l'évidence que les artistes de
ces peuples de chasseurs. Le rang social de chaque indi¬ l'âge de pierre s'identifiaient avec intensité aux animaux
vidu et la survivance même de la tribu dépendaient entiè¬ qu'ils représentaient. A mesure qu'ils prenaient mieux
rement de la reproduction des troupeaux de gibier et du conscience d'eux-mêmes, en partie parce qu'ils avaient
succès de la chasse. L'art répondait au caractère pres¬ appris à s'exprimer au moyen du langage (facteur qui a

sant de ces deux impératifs. Pour utilitaires qu'elles soient, dû également leur permettre d'accroître leur maîtrise en

de telles préoccupations ne sauraient être dissociées d'un tant que créateurs d'images), ces hommes ont senti le
besoin de réaffirmer leurs liens avec la nature.
élan religieux vers une certaine forme de communion
avec les animaux et la nature en général, d'une « par¬
ticipation mystique ».

Sous cet aspect religieux, l'art paléolithique nous appa¬


raît comme un authentique effort d'expression, et ses u n poète moderne a dit que « l'image poétique
montre l'artiste cherchant à exprimer son
créateurs comme de véritables artistes. De même que les
unité avec tout ce qui existe et tout ce qui a Jamais
peintres du Moyen Age travaillaient uniquement pour
existé » : cette observation est aussi vraie des plus anciens
l'église chrétienne, et que les peintres contemporains ven¬
que des plus modernes des artistes. On a plusieurs fois
dent leurs toiles pour décorer des appartements ou meu¬
essayé de nous faire croire que les peintres des cavernes
bler des collections, les peintres de l'époque de la der¬
utilisaient comme modèles des cadavres d'animaux, et
nière glaciation ont pu, avec beaucoup plus de logique,
que le jeu des ombres leur avait suggéré l'idée de tracer
se mettre au service des pratiques magiques liées à la
eux-mêmes des formes sur les parois des grottes. De telles
chasse et à la reproduction sans cesser pour autant
hypothèses ne peuvent que nous égarer. Quiconque
d'être des artistes.
connaît un peu le processus de la création artistique sait
Depuis leur époque, de nombreux peuples primitifs bien que des artistes travaillant dans les entrailles de la
ont vécu sur notre globe, mais aucun n'a jamais créé terre, loin du monde extérieur, devaient conserver en eux
un art représentatif comparable au leur. Les primi¬ la vision brûlante et chargée d'émotion des animaux
tifs qui, comme certains aborigènes australiens, exé¬ autour desquels ' s'organisait toute leur existence. L'acte
cutent encore des images d'un effet impressionnant pour créateur, comme toujours lorsqu'il s'agit d'art véritable,
servir aux rites magiques de la chasse, n'ont ni leur réa¬ était déjà accompli dans leur imagination ; la couleur
lisme ni leur habileté technique. En fait, ils ne font et le burin ne servaient qu'à matérialiser leur vision
souvent aucun effort de réalisme : des dessins symboli¬ intérieure.

ques et des mimiques leur suffisent pour établir les cor¬ Mise à part l'utilité pratique de l'art dans le domaine
respondances indispensables à la magie sympathique. de la magie, cet élément de communion avec les
Une identité d'apparence entre l'image et l'objet réel n'a animaux représentés montre que l'activité des artistes
jamais été considérée comme indispensable à l'efficacité s'intégrait parfaitement à la vie religieuse de la société
des rites. Et, cependant, de tous les documents paléolithi¬ dont ils faisaient partie.
ques que nous possédons, il en est un, et un seul, qui 13
rappelle par certains côtés l'attirail macabre et inartis¬ JACQUETTA HAWKKS
tique qu'utilisent souvent les sorciers chez les peuples 1" partie, chapitre VU, « Art et religion -,
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (suite)

LES SUMÉRIENS A L'ÉCOLE


par Sir Leonard Woolley

Les personnes sachant lire et écrire étaient pro- syllabe, et se terminent par des phrases complètes et des
proportlonnellement plus nombreuses parmi les extraits d'auteurs classiques. D'autres portent des textes
Sumériens et dans la Babylonie ancienne qu'en Egypte. de caractère religieux, qui étaient sans doute dictés ou
Il y avait les « petits » scribes et 'les « grands » scribes, donnés à apprendre par caur. De nombreuses tablettes se
les scribes des temples et les scribes « royaux » du palais, rapportent aux mathématiques : on y trouve des tables de
les scribes qui étalent de hauts fonctionnaires et les scribes multiplication, des règles pour l'extraction des racines
spécialisés dans une certaine forme de travail adminis¬ carrées et cubiques, etc., ainsi que des problèmes de géo¬
tratif, les maîtres d'école et les tabellions, ces derniers métrie appliquée, relatifs, par exemple, à l'arpentage des
beaucoup plus recherchés en raison de l'immense impor¬ champs ou au volume d'une masse de terre à transporter,
tance du commerce intérieur et extérieur, et aussi parce à calculer d'après les dimensions de l'excavation. Il y a
que la loi exigeait des documents écrits dans tous les enfin des tablettes consacrées aux « belles-lettres », dont
litiges soumis aux tribunaux. Il est vraisemblable qu'à certaines nous ont conservé le texte d'un ouvrage clas¬
part ces scribes professionnels, qui se comptaient par mil¬ sique en grande faveur décrivant la vie des écoliers...
liers, les hommes d'affaires tenaient à acquérir au moins
Les écoles étaient réservées aux garçons. Il y avait des
quelques rudiments de savoir, pour leur usage personnel ;
femmes-scribes, et certains spécimens de leur travail sont
11 est certain, en tout cas, que les écoles où l'on formait les
parvenus jusqu'à nous, mais nous ne savons pas où elles
scribes devaient être fort nombreuses... Le meilleur exem¬
recevaient leur instruction ; les textes qui se rapportent
ple connu est celui de l'école Installée à Ur dans une
aux écoles ne font jamais mention d'élèves du sexe
maison privée, à l'époque de Larsa (vers 1780 av. J:-C.)...
féminin...

... C'était une petite école : elle ne pouvait guère


Mais nous connaissons des exemples de personnes cha¬
accueillir que deux douzaines d'élèves, mais elle est pro¬ ritables qui, ayant recueilli .(« arraché aux mâchoires
bablement typique des établissements de l'époque, et il d'un chien ») un bébé abandonné, mettaient le comble
est certain qu'elle ne se contentait pas de dispenser un
à leurs bienfaits en envoyant l'enfant « apprendre l'art
enseignement élémentaire, mais qu'elle recevait des élè¬ du scribe » dans une. école...
ves de tout âge.
... Les études étalent longues : elles s'étendaient sur de
Certaines des tablettes de forme bombée qu'on y a trou¬ nombreuses années, « depuis l'enfance jusqu'à la matu¬
vées portent d'un côté le modèle exécuté par le maître rité », mais au bout de deux ans, le jeune élève pouvait
et de l'autre les tentatives de l'élève pour reproduire ce obtenir le titre de duosar tur (scribe-adjoint) ; on lui
modèle ; elles commencent pas des signes monosyllabi¬ confiait alors le soin d'aider un élève débutant en lui assi¬
ques, suivis de listes de mots débutant tous par la même gnant des exercices, en lui montrant comment s'y prendre

U SCRIBE

Même lorsqu'il n'occupait plus de force, et il dort jusqu'à l'aube plié


pas un poste officiel, le en deux, parce qu'il a l'échiné et les
scribe avait toute l'arro¬
genoux brisés... Le barbier rase du matin
gance intellectuelle d'un au soir; il ne s'assied jamais, sauf pour
homme instruit, et le plus avaler son repas ; il court sans cesse d'une
grand mépris pour le tra¬ maison à une autre pour trouver des clients.
vail manuel. On trouve
Il use ses bras pour se remplir l'estomac,
d'amusants exemples de semblable à l'abeille qui doit manger son
ces traits de caractère
propre miel... Le paysan porte toujours le
d a n s les Instructions
même vêtement Sa voix est aussi rauque
d'Akhtoy, fils de Doua-
que celle d'un corbeau. Ses1, doigts sont
ouf, ouvrage qui remonte peut-être, à la toujours occupés, et il a les bras desséchés
XIo Dynastie, mais qui resta très longtemps par les vents. Quand par hasard il peut
en vogue : nous y voyons un père qui s'arrêter un instant, c'est dans la boue
conduit son fils à l'école et l'incite à bien
qu'il prend son repos. Bien portant, il vit
travailler en lui faisant un tableau de tous
avec ses bêtes ; malade, c'est parmi ses
les métiers, et en lui montrant qu'aucun, ne bêtes qu'il se couche sur la terre nue. A
Ce portrait d'homme taillé
peut se comparer, même de loin, à l'heu¬ peine est-il rentré chez lui le soir qu'il est dans la pierre est celui d'un
reuse profession de scribe. obligé de repartir. » C'est pourquoi « tu Sumérien inconnu qui vécut il
« Je n'ai jamais vu, dit-il, le forgeron dois avoir à c d'apprendre. Rien ne y a près de 5.000 ans. L'atti¬
chargé d'une ambassade, mais je l'ai vu peut se comparer à l'instruction. Le profit tude méditative, l'expression
que tu tireras de l'école, même en seul jour réfléchie ne sont pas sans rap¬
peiner à la gueule de sa fournaise, les
peler celles du fameux scribe
doigts comme la peau d'un crocodile, et il de travail, te restera acquis pour l'éternité
égyptien (à gauche) aujourd'hui
sentait plus mauvais que le frai de pois¬ au Musée du Louvre à Paris.
son... Le tailleur de pierre lutte contre la Sir LEONARD WOOLLEY
14
Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague
dureté de toutes sortes de roches. Quand 2e partie, chapitre III
il a terminé sa besogne, ses bras n'ont « La structure sociale »
La grande chanteuse. Ainsi fut
nommée cette statue trouvée à
Mari dans la partie septentrionale
du pays de Sumer, surl'Euphrate.
Il s'agit peut-être d'une artiste
qui divertit de sa danse et de ses
chants la cour des rois de Mari,
2500 ans av. J.C.
Photo Musée de Damas.

Dessin History of Mankind

A Ur, il y a plus de 37 siècles, les écoles publiques


s'étaient multipliées. On en a dégagé une, dont
voici le plan (ci-dessous). Le bâtiment avait été
spécialement aménagé, et comprenait une cour
intérieure, des salles et des lavabos. L'école pou¬
vait recevoir quelque 25 élèves d'âges divers. A
l'origine annexes des temples, les écoles summé-
riennes s'étaient laïcisées; on y enseignait les dis¬
ciplines les plus diverses, de la botanique aux
mathématiques en passant par la géographie et
la grammaire. Elles étaient de hauts lieux du savoir.

pour les faire, en les corrigeant (avant la correction défi¬ le fouette à son tour parce qu'il a « traîné dans la rue »,
nitive, effectuée par le maître) et en le fouettant lorsqu'il et recommence sous prétexte qu'il « n'est pas vêtu conve¬
méritait une punition. nablement » et qu'il y avait d'autres membres du person¬
nel devant la porte d'entrée ; finalement le directeur lui
La discipline était sévère. Les élèves pouvaient être gar¬
reproche de « mal écrire » et le bat une nouvelle fols.
dés très longtemps « en retenue » ; on leur donnait sans
doute des pensums, bien que les exemples 'connus' d'élèves Le malheureux demande à son père d'attendrir les
ayant à « faire » cinquante ou cent « lignes » en guise de « puissances supérieures » par les moyens habituels ; le
punition ne remontent qu'à l'époque néo-babylonienne ; père invite donc le directeur chez lui, le remercie de tout

la punition habituelle consistait en coups de baguette, ce qu'il a fait pour instruire son fils, lui offre de la nour¬
généreusement distribués par les moniteurs comme par les riture et du vin, lui fait cadeau d'un costume neuf et lui

maîtres eux-mêmes. t glisse au doigt un anneau ; l'élève s'empresse autour de


lui, révélant en même temps à son père tout ce qu'il sait
Tout cela nous est clairement expliqué dans le texte
déjà de l'art d'écrire sur des tablettes.
concernant « la vie des écoliers ». « Qu'as-tu fait à
l'école ?» « J'ai compté (ou « récité ») ma tablette, Le directeur, comblé, manifeste son enthousiasme : « De

j'ai déjeuné, j'ai confectionné ma (nouvelle) tablette, je tes frères puisses-tu être le guide, de tes amis le chef, de
l'ai écrite et terminée ; alors on m'a donné des leçons à tous les élèves le meilleur. Tu as bien travaillé à l'école,
apprendre, et l'après-midi on m'a assigné des devoirs. La tu es devenu un homme Instruit. » L'élève peut alors
classe finie, je suis rentré à la maison, et j'ai trouvé mon prétendre au glorieux titre de « Sumérien »...
père assis à l'intérieur. Je lui ai dit quels devoirs j'avais Il s'agit naturellement d'un tableau satirique poussé
à faire, je lui ai récité ma tablette, et il a été très content. » jusqu'à la caricature. Il est évident que les maîtres, tout
au moins dans les écoles privées, tiraient leurs ressources
Ce jour-là, l'élève a eu de la chance, mais le lendemain,
des sommes versées par les élèves, et ne devaient pas être
les choses se passent autrement : « Quand je me suis
fâchés de recevoir à l'occasion une gratification supplé¬
levé ce matin, je suis allé dire à ma mère : « Donne-moi
mentaire ; 11 faut également reconnaître que les méthodes
mon déjeuner, je veux aller à l'école. » Ma mère m'a
d'enseignement étaient primitives et parfois brutales ;
donné deux petits pains et je suis parti. A l'école, le
mais les écoles de Mésopotamie n'en dispensaient pas
surveillant « de service » m'a demandé : « Pourquoi es-tu
moins une instruction solide, et contribuaient à entretenir
en retard ? » Effrayé, le cpur battant, je suis entré et je
me suis incliné devant le maître. » le respect général dont bénéficiait le savoir en tant que tel.

Mais le maître est justement en train de corriger la


tablette qu'il a remplie la veille, et, ne la jugeant pas 15
satisfaisante, il administre une correction à l'élève. Puis
2e partie, chapitre VI,
le surveillant « chargé de faire respecter le règlement » « Langage, écriture, éducation »
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (suite)

LES PREMIERS
ASTRONOMES
DE CHINE

ET DE BABYLONE

L'opinion populaire attribue à tort aux Meso¬


potamiens, et plus encore aux Egyptiens, une
profonde connaissance des phénomènes astronomiques.
Certes, il existe en Egypte et ailleurs divers édifices
orientés sur les corps célestes ; et pour qui n'a rien à
redouter des astres, cela paraît mystérieux et supposer
des connaissances scientifiques fort absconses. En réalité,
cela ne suppose rien de tel ; il s'agit du résultat d'une
observation attentive de' faits que l'on aurait cru dange¬
reux de négliger.

La simple observation des corps célestes, si on la pour¬


suit attentivement, suffit à montrer que leurs positions
relatives changent et se répètent dans un laps de temps
défini ; ces mouvements peuvent être reliés aux périodes
agricoles, ou déterminer eux-mêmes les dates des céré¬
monies religieuses. Le Soleil, la Lune et les planètes étaient
des dieux qui, en tant que dieux, exerçaient une influence
directe sur le destin de l'homme. La vie civile dépendait
de la succession régulière des jours, des mois et des
années, tous fixés par le cours du Soleil et de la Lune,
et pareillement les dieux qui se déplaçaient dans les
spères les plus hautes apportaient sur la terre la paix ou
la guerre, les catastrophes ou la prospérité ; il fallait donc
surveiller leurs mouvements, et si possible les interpréter
à la lumière de l'expérience ou de l'analogie.

Aussi, dès la plus haute antiquité, de tels phénomènes


furent-ils observés et consignés, ce qui ne veut pas dire Le triomphe de Naram-Sin, roi d'Akkad (vers
que l'astronomie était née ; l'intérêt que les hommes por¬ 2.300 av. j.C.) a été placé par le sculpteur sous le
taient aux corps célestes concernait, d'une part, le calen¬ signe des étoiles, symbole divin. L'artiste a atteint ici
à un rare équilibre entre la représentation drama¬
drier, de l'autre, l'astrologie. Le professeur Neugebauer
tique de la scène et la disposition décorative. Cette
l'a formulé de manière nette et magistrale : « L'astro¬ stèle de Mésopotamie est, à cet égard, un des plus
nomie n'a pas son origine dans la reconnaissance des remarquables documents de l'époque.
Photo Chuzeviile. Musée du Louvre, Paris
constellations irrégulières, ni dans l'invention de divinités
célestes ou astrales ; l'astronomie scientifique n'a pas
commencé avant que l'on ait tenté de prédire, même
grossièrement, des phénomènes astronomiques tels les tence concertée, ils n'aient pas senti la nécessité de pour¬
phases de la Lune. » Tentative qui eut lieu plus tard... suivre plus avant.

Aussi bien, nous ne trouvons aucune référence aux


éclipses de lune dans les textes égyptiens (1) ; les Egyp¬

c'avant 'EST seulement au cours du premier millénaire


J.-C. que les astronomes babyloniens
tiens durent y voir des événements isolés, provoqués par
une cause surnaturelle, et par suite, imprévisibles et sans
réussirent à prédire la durée des lunaisons, et les Egyptiens rapport avec le cours normal des choses.
ne tinrent, plus tard, ces connaissances que de Babylone. En Chine, une inscription d'Anyang sur ivoire constitue
En fait, le passage de l'observation à la prévision fut la toute première mention d'une éclipse qui eut lieu « au
bouché aux Egyptiens par le caractère rudimentaire de quinzième jour de la douzième lune de la vingt-neuvième
leur système mathématique, qui ne pouvait se prêter aux année du roi Wou-Ting », soit le 23 novembre 1311 avant
calculs compliqués qu'exige l'astronomie. Il semblerait J.-C. (2), ce qui révèle une préoccupation, sinon une véri¬
16
qu'ayant obtenu, par de très simples observations, les table connaissance, antérieure à celle des Egyptiens. L'ins¬
dates agricoles et cérémonielles nécessaires à une exis- cription en elle-même n'est pas assez explicite pour
prouver que l'intérêt porté à l'éclipsé dépassait le simple Les Babyloniens, dont le système mathématique, beau¬
enregistrement d'un phénomène extraordinaire : le coup plus complexe que celui des Egyptiens permettait les
document fait d'ailleurs partie d'un oracle, ce qui peut calculs astronomiques, poussèrent beaucoup plus loin leurs
faire douter de sa valeur scientifique. connaissances astronomiques et commencèrent de très

Mais les annales de Chou nous apprennent que, dans bonne heure à amasser un ensemble de données qui
la trente-huitième année du règne de l'empereur « Shang devait, finalement, constituer le matériau de la science.
Ti-hsin (1137 av. J.-C), Chou-wen-wang, prince de Chou, Les tout premiers calculs étalent relatifs à la durée du
fit offrir un sacrifice, parce que l'éclipsé ne se produisait jour et de la nuit au cours des diverses saisons, au lever
pas au jour dit » ; elle avait eu lieu le seize du mois, selon et au coucher de la lune, et à l'apparition et à la dispa¬
le calendrier, au lieu du quinze. rition de Vénus. Dès l'époque de la Troisième Dynastie
d'Ur (vers 2100 av. J.-C), les textes des augures, qui
mêlent les prévisions astrologiques aux observations astro¬
ECI permet d'induire, à coup sûr, si l'interpré- nomiques prouvent quelle méticuleuse attention était
'tation est correcte, que dès le douzième siècle accordée aux phénomènes célestes (3). Ainsi la soixante-
av. J.-C, les astronomes chinois savaient calculer les troisième tablette de la grande série astrologique
éclipses de lune à l'avance, et avec assez de sûreté pour « Enma, Anu, Enlil », composée entre 1400 et 900 av. J.-C,
qu'une erreur de vingt-quatre heures suffit à alarmer les contient une liste des levers héllaques et des couchers de
autorités. L'inscription d'Anyang pourrait laisser suppo¬ Vénus pendant vingt et un ans du règne de Ammlzaduga ;
ser qu'ils étaient aussi savants deux siècles plus tôt. les observations ont dû être faites à l'époque de ce règne,
c'est-à-dire à la fin du dix-septième ou au début du sei¬

(1) Le professeur J. Leclant (France) suggère de se zième siècle av. J.-C. Mais il ne s'agit là que d'observation
référer à un passage de l'inscription du Portail de Bubas- pure, soigneusement établie pendant une période considé¬
tis, à Karnak, relative à l'an 15, de Takelot II, c'est-à-dire rable ; il n'est pas question de théorie scientifique...
à peu près 820 ans av. J.-C.
R. A. Caminos, « La Chronique du prince Osorkon » Les documents en notre possession nous autorisent à

(Rome 1958) : « Le ciel n'a pas dévoré la lune », dont déclarer que vers 1200 av. J.-C. les bases de la véritable
l'interprétation a fait couler des flots d'encre. recherche astronomique, telle que la définit le profes¬
(2) Signalons que la date est contestée par certains seur Neugebauer, étaient bel et bien établies à Babylone.
érudits. Par ailleurs, il semble vraisemblable, bien qu'on ne puisse
(3) Deux exemples peuvent illustrer le caractère de ces catégoriquement l'affirmer, que la pensée scientifique se
prédictions. On lit dans l'un, qui date de l'époque de la dessine à propos des données rassemblées grâce à une
Première Dynastie de Babylone : « Si le ciel est sombre observation précise, et que certains résultats, assez som¬
le premier jour, l'année sera mauvaise. Si le ciel est clair maires et approximatifs, ont été acquis, qui vont être pré¬
quand paraît la nouvelle lune, l'année sera bonne. » Dans
cisés, au cours du millénaire suivant, par la science astro¬
un autre, plus compliqué, relevé sur les tablettes de Ammi-
nomique qu'hériteront les Grecs.
zaduga, on lit : « Si Vénus disparaît à l'ouest le quinzième
jour de Sabatu, restant trois jours hors du ciel, et si elle
apparaît à l'est le dix-huitième jour de Sabatu, catas¬
trophe des rois ; Adad apportera les pluies, Ea les eaux Sir LEONARD WOOLLEY

souterraines ; salutations d'un roi à un roi. » 2' partie, chapitre VII, « Les Sciences »

LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE

DES MÉDECINS
... Dans le monde antique, la médecine lone en voyage au pays des Hittites vaient être importées en Mésopotamie,

était sans doute le plus internationalisé a pu y être retenu de force. Des déplace¬ comme le ricin de l'Elam et le cardamone

de tous les arts. Un médecin égyptien ments personnels de cette sorte n'étaient d'Anatolie.

célèbre pouvait fort bien entreprendre un pas très rares, mais la meilleure preuve
Mais s'il est prouvé que dans tout
long voyage pour aller soigner un per¬ de l'universalité de la médecine est le
le Proche et le Moyen-Orient l'art de
sonnage important. fait que les ouvrages médicaux circu¬
guérir bénéficiait d'une certaine liberté en
laient librement d'un pays à l'autre ; des
C'est ainsi que Parimachou l'Egyptien ce qui concerne l'échange des services et
copies hittites de tablettes babyloniennes
fut appelé en Asie Mineure au che¬ des connaissances, il ne faut pas oublier
traitant de médecine ont été déterrées à
vet du roi de Tarkhuntash. Ramsès II, que, de l'avis général, les remèdes agis¬
Bogazköy, et il est évident que la phar¬
d'après un texte plus récent, envoya saient moins par leur vertu propre que
macopée et les prescriptions conformes
le médecin de sa cour à Hattousa par celle des rites magiques dont s'ac¬
étaient dans une certaine mesure le bien
pour guérir Bentzesh, belle-slur du roi compagnait leur administration.
commun de tous les médecins orientaux.
hittite Hattousil ; le médecin n'ayant pas
Pour réussir, un médecin devait connaî¬
réussi à chasser le démon qui s'était
Cette internationalisation, jointe à la tre les deux aspects de son art ; cette
emparé de la malade, on note avec inté¬ dualité limitait le caractère international
grande renommée des médecins de Mé¬
rêt que le pharaon fut contraint de lui de la médecine : car les dieux n'étaient
sopotamie, explique pourquoi tant de
expédier une effigie sacrée du dieu Khon- pas partout les mêmes, et telle incarna¬
plantes sont désignées dans les langues
sou, grâce à laquelle la guérison put être tion qui faisait merveille à Babylone pou¬
européennes par leur nom mésopotamien,
menée à bien.
venu par le canal du grec (et plus tard vait fort bien tomber à Memphis dans

de l'arabe), tandis que d'autre part, les l'oreille d'un sourd...


Le même Hattousil, négociant un traité
avec Kadashman-Enil II de Babylone, tablettes signalent expressément que cer¬ 17
est fort embarrassé lorsqu'il lui faut tains de ces noms sont d'origine étran¬ SIR LEONARD WOOLLEY

expliquer comment un médecin de Baby gère et que les herbes elles-mêmes de 2" partie, chapitre VU, < Les Sciences »
HISTOIRE DE L'HUMANITÉ (Suite)

DÉCOUVERTE
DU VERRE
A leur activité principale, les potiers égyptiens
ajoutèrent bientôt la fabrication de récipients
en fritte émaillée. La technique de remaillage
avait été inventée au début de l'ère des dynasties ;
on l'appliqua d'abord à de petits objets taillés dans
la steatite ou moulés en fritte (la fritte est une pâte
à base de silice), mais son usage ne tarda pas à
s'étendre à la fabrication des vases ; elle fut bientôt
connue dans les autres contrées, et dans le pays
de Sumer on trouve d'assez nombreuses perles
de fritte émaillée qui datent des premières dynasties. '
La couche d'émail était, on le comprend, du verre,
et l'on connaît une douzaine d'objets entièrement
en cette matière (pour la plupart des grains de faibles
dimensions) qui semblent bien remonter à une époque
relativement ancienne en Egypte, à la onzième
et à la douzième , dynastie, en Mésopotamie aux
environs de l'an 2100 av. J.-C. En fin de compte,
. c'est à la Mésopotamie qu'il faut sans doute attribuer
la priorité en ce domaine, car on a trouvé à Eridou
un assó¿ gros morceau de verre brut, qui provient,
pense-t-on, du stock de matière première de quelque
fabricant. Mais un peu avant l'an 1600 (av. J.-C.) on
s'aperçut que de minces baguettes de verre coloré,
à demi-fondues, pouvaient être enroulées autour d'un
noyau en forme de bouteille, et que, réchauffées, elles
s'aggloméraient en une masse compacte que l'on
pouvait alors polir ; on apprit ensuite à « peigner »
la surface molle de façon à donner aux baguettes
une forme ondée, ce qui permettait à l'artisan de
varier le dessin à son gré ; on obtenait finalement
un petit vase polychrome, lustré et relativement trans¬
lucide, différent de tout ce que l'on connaissait à
l'époque.

CETTE découverte peut être attribuée à la Syrie,


d'où proviennent les spécimens connus les plus
anciens, mais dès le début de la XVIIIe Dynastie
les Egyptiens s'en étaient emparés et fabriquaient
des vases d'une qualité supérieure à tout ce que les
Syriens avaient jamais produit. Ils appliquaient la
même technique à la confection de « perles » de
verroterie, grosses boules incrustées d'« yeux », ou
rosettes polychromes. Gais et attrayants, faciles à
transporter et relativement peu fragiles, ces orne¬
ments convenaient parfaitement aux échanges avec
les pays barbares ou moins civilisés ; on en exporta
aux quatre coins du monde, vers l'ouest, en Italie
et dans toute l'Europe, jusqu'en Grande-Bretagne,
vers l'est, en Chine et en Indonésie l'analyse
spectrographique a prouvé que les - perles incrus¬
tées » trouvées à Lo-yang, capitale du pays des
Chou, ont une composition identique à celles de Qau,
en Egypte.
Les Chinois ¡mitèrent ces « perles » importées
d'une façon si parfaite que les perles polychromes
fabriquées en Chine du sud ne se distinguent des
perles d'importation que parce qu'elles contiennent
une quantité appréciable de baryum, dont les verres
d'Egypte et de Syrie ne renferment pas la moindre
trace, ainsi que du plomb, métal qui n'apparaît dans
les verres occidentaux que peu de temps avant l'ère
chrétienne. Les faits semblent prouver que le verre
à base de plomb a été inventé par les Chinois ;
cette invention a eu des conséquences d'une portée
considérable, mais elle représente l'aboutissement
d'expériences suggérées par les perles de verre à
base de silice, de soude et de chaux importées du
Proche-Orient.

SIR LEONARD WOOLLEY

2' partie, chapitre IV


« Techniques, Arts et Métiers »

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Photo Oriental Institute, Université de Chicago

Attitudes hiératiques, visages expressifs même quand Sumériens pieux tenaient à avoir leur effigie dans les
ils témoignent d'un certain sens du grotesque de la part temples, les mains jointes dans l'attitude de la prière.
du portraitiste, telles sont les statues de Sumer. Il y Le pays de Sumer s'étendait dans la partie méridionale
avait à Sumer deux sortes de statues : celles des dieux, de la région fertile comprise entre le Tigre et l'Euphrate.
destinées aux sanctuaires, et celles de leurs adorateurs, La domination politique de Sumer prit fin environ 2.000 ans
comme ce groupe découvert à Tell Asmar. En effet, les av. J.C., lors de la conquête du pays par les envahisseurs.
\

La Première Conven¬
tion de Genève
« Pour l'améliora¬
tion du sort des mili¬
taires blessés dans
les armées en cam¬

pagne » (à gauche)
fut signée par les re¬
présentants de 12
pays le 22 août 1 864.
Avec elle la Croix-

Rouge acquérait des


bases solides dans la

législation internatio¬
nale. Aujourd'hui 91
Etats sont parties delà
Convention de Genè¬

ve, élargie.
Photo Boissonnas-Genève

LA CROIX-ROUGE
LE CENTENAIRE D'UN EMBLÈME UNIVERSEL

par Hubert d'Havrincourf

Phoco OMS
«Depuis trois jours, je soigne les blessés de Solferino,
et j'ai donné des soins à plus d'un millier de malheureux.
Nous avons eu 40000 blessés, tant alliés qu'Autrichiens,
à cette terrible affaire. Les médecins sont insuffisants
et j'ai dû les remplacer, tant bien que mal, avec quelques
femmes du pays et les prisonniers bien portants... »

Henry Dunant (1828-1910)

e jeune homme qui écrit ces Ugnes, fébrile- qu'U sent confusément le besoin de faire connaître aux
iment, les larmes aux yeux, sur un coin de table gens Influents de sa cité tranquille l'horreur d'un champ
souUlé de sang, vient à peine d'avoir 31 ans. de bataille qu'il quittera brisé de fatigue et d'émotion.

H s'appeUe Jean-Henry Dunant. Il est l'aîné d'une riche Hanté par le souvenir terrifiant de la Chiesa Maggiore,
famiUe genevoise. Entreprenant, voyageur, U veut faire il ne retrouvera quelque sérénité qu'en écrivant les pre¬
des affaires, de bonnes affaires. Il n'est pas venu sur mières Ugnes d'un petit livre de 128 pages qu'il ne des¬
ce champ de bataiUe pour y débaUer des caisses de char¬ tine tout d'abord qu' « à sa famille et à ses nombreux
pie, mais tout simplement pour présenter à l'empereur amis ». Tirage limité : 1 600 exemplaires hors commerce.
Napoléon m un mémoire concernant un projet de cons¬ Titre : « Un souvenir de Solferino ». Sujet : la bataille
truction de moulins à Mons Djémila, en Algérie. L'empe¬ et ses horreurs, la souffrance des blessés abandonnés,
reur caracole au loin, au miUeu de son état-major cha¬ leurs cris, leurs pleurs, leur agonie dont il garde vivace
marré ; U a bien d'autres soucis en tête. le lancinant souvenir. En conclusion, l'auteur propose la
formation en tous pays de « sociétés de secours » dont
Les cris des blessés atteints de gangrène, les gémisse¬
le but serait de faire donner des soins aux blessés en
ments des mourants bouleversent les plans de l'élégant
temps de guerre.
voyageur. H oubUe ce qui l'amène. Arrivé au soir de la
bataiUe, le 24 juin 1859, il ne cesse, depuis, de courir en Le Uvre sort de presse en 1862. Dunant l'envoie au
tous sens au miUeu du charnier. Tout-Genève, aux gouvernements, aux hommes de lettres,
aux princes. L'Europe est bouleversée. Les Goncourt affir¬
Dans une église de Castiglione, la Chiesa Maggiore, une
ment que c'est « plus beau, mille fols plus beau
seule ambulance fonctionne. Dunant organise les secours
qu'Homère ; on sort de ce Uvre avec le maudlssement de
volontaires, fait apporter, par les femmes de la petite
la guerre ». Dickens en publie des extraits dans sa revue
ville, du Unge, de l'eau, de la charpie, lave les plaies,
donne à boire, distribue des citrons, du tabac ; fait « Ubé- « AU the Year Round ». Le roi de Saxe invite Dunant
rer » des médecins autrichiens prisonniers de guerre pour pour lui dire : « Une nation qui ne se joindrait pas à
qu'Us soignent les blessés. Aidé de paysannes itaUennes, cette oeuvre d'humanité se mettrait au ban de l'opinion
U soigne et réconforte de ses mains plus d'un minier de pubUque en Europe. » Isabelle II, reine d'Espagne, orga-
blessés. S'U a le temps d'écrire à Genève, en pleine
nuit, c'est qu'U est incapable de trouver le sommeil ; c'est
SUITE PAGE 22
CROIX ROUGE (Suite)

L'idéalisme réaliste de Henry Dunant


nlse un « Comité permanent pour les blessés aux aimées ». tous les« gouvernements, exception faite pour le choix du
Les rois de Prusse et de Suède, le tsar, l'empereur des croissant rouge et du lion et soleil rouge d'Iran.
Français accordent leur soutien. Dunant fait une tournée Cependant, la guerre prusso-danolse de 1864 montre
triomphale des cours européennes. qu'il faut faire beaucoup plus, car les délégués du Comité
Tant et si bien qu'un beau Jour, avec quatre de ses amis auprès des belUgérants sont réduits au rôle d'observa¬
teurs. Ils doivent se contenter d'une mission d'informa¬
suisses : un général, Guillaume-Henri Dufour, un avocat,
Gustave Moynier, et deux médecins, Maunolr et Appia, tion, qui leur permet toutefois une utile propagande. La
Dunant décide que le moment est venu de tenter une réunion d'une conférence internationale de plénipoten¬

action Internationale en suscitant, avec l'appui du gou¬ tiaires prêts à souscrire des engagements précis au

vernement de chaque pays intéressé, la création de socié¬ nom de leurs gouvernements est envisagée. La Confé¬

tés nationales de secours aux blessés militaires. dération Helvétique invite vingt-cinq Etats à participer
à une conférence diplomatique à Genève, à partir du
Les cinq amis tiennent à Genève leur première réunion, 8 août 1864. Il faut vaincre la défiance, apaiser les sus¬
le 17 février 1863, sous la présidence du général Dufour, ceptibilités, les oppositions. La Bavière et le Vatican
vétéran des campagnes napoléoniennes, dont la person¬ n'envoient pas de représentants. Les Russes se montrent
nalité est la caution Internationale du mouvement. On
tout d'abord hésitants. L'Autriche est persuadée que son
décide de s'ériger en « Comité International et Perma¬ service sanitaire est parfait. Plus d'une fois, les négocia¬
nent de Secours aux Blessés Militaires ». Huit mois plus tions butent. Finalement, après sept séances laborieuses,
tard, le « Comité » réussit à provoquer la réunion d'une la première Convention de Genève charte fondamen¬
« Conférence Internationale » afin de « pourvoir à l'in¬ tale de la Croix-Rouge, dite « Convention pour l'Amélio¬
suffisance du service sanitaire dans les armées en cam¬ ration du sort des militaires blessés dans les Armées en
pagne ». Des délégués of flcleux de seize pays, médecins campagne » est signée par douze pays, le 22 août 1864.
et hauts fonctionnaires, se réunissent à Genève pour Elle restera ouverte d'ailleurs à l'adhésion des puissances
approuver les suggestions du « Comité ». non signataires.

On parle de la neutralité des blessés et du personnel L'événement passe pourtant presque inaperçu dans le
sanitaire, qui doivent être désormais protégés par un monde. Quant à Dunant, qui avait couru d'un bout à
signe dlstlnctif : une croix rouge sur fond blanc qui re¬ l'autre de l'Europe pendant cinq années, il a quelque peu
produit le drapeau même de la Suisse, avec des couleurs négUgé ses propres affaires. Ses entreprises algériennes
inversées signe qui sera reconnu avec le temps par périclitent. Il fait banqueroute. Ruiné, face au scandale,

Quand la guerre éclata


en Europe en 1939 (à
gauche) des millions de
personnes durent fuir,
des familles étalent dis¬
persées, d'innombrables
hommes, femmes et en¬
fants furent déportés et
internés. La Croix-Rouge
constituait le plussouvent
le dernier recours pour
retrouver des parents (cl-
contre) ou obtenir des
nouvelles des disparus.
D'innombrables deman¬

des de recherches parve¬


naient au quartier général
de la Croix-Rouge à Ge¬
nève, tant pour des
combattants que pour des
civils. L'espoir résidait
dans les énormes fi¬

chiers de la Croix-Rouge
(ci-dessous) auxquels tra¬
vaillaient plus de 3 000
Photos Croix-Rouee
personnes.

22

Photo OMS
Photo Croix-Rouge - Anphoto, Amsterdam Aujourd'hui, quand une calamité naturelle frappe une région du monde où les ressources locales sont Insuf¬
fisantes pour aider les sinistrés, la Ligue des Société de la Croix-Rouge organise les secours. En 1953, les
digues se rompirent aux Pays-Bas (ci-dessus) : 80 000 sinistrés. 129 millions de francs suisses sont distri¬
bués aux victimes cette année-là, des inondations en Yougoslavie, au Japon et aux Indes, des tremblements
de terre en Grèce et en Turquie s'étant ajoutés à la catastrophe hollandaise.

il choisit l'exil. Financier malchanceux, il avouera, plus Dunant sauvera encore quelques condamnés à mort
tard : « qu'homme de lettres, il n'entendait rien aux lors de la Commune de Paris, l'année suivante, avant de
affaires. » sombrer dans une misère qui le conduit, à travers l'Eu¬
rope, tantôt jusqu'aux bancs des salles d'attente de gares,
C'est alors que succédant au général Dufour, Gustave
tantôt jusqu'au refuge momentané que lui offrent par¬
Moynier devient président du Comité International.
fois de rares amis, à Londres, à Paris, ou à Stuttgart...
Dunant rompt tout contact avec Genève. Bientôt, c'est
la guerre austro-prusienne de 1886. De graves difficultés Il tente de fonder une « Alliance Universelle de l'Ordre

surgissent. On reproche au service volontaire d'être mal et de la Civilisation », donne à Londres des conférences

organisé, aux délégués d'être mal informés de la situation sur la condition des prisonniers de guerre, expose un
et des besoins. L'aide arrive beaucoup trop tard, et sou¬ projet de « Haute Cour Internationale d'Arbitrage », s'in¬
vent, en abondance, là où ce n'est pas nécessaire. Les téresse à la cause anti-esclavagiste, et s'en vient échouer,
premiers trains sanitaires manquent d'infirmiers. Les un beau jour, discrètement, en Suisse, à l'hospice de
blessés ne son pas toujours soignés en temps voulu. Heiden, dans le canton d'Appenzell. Il vit là en misan¬
thrope, des trois francs par jour que lui verse un ami.
Entre-temps, Dunant s'est installé à Paris. Lorsque
Il n'a pas encore 70 ans. Il en paraît 80. Il se reprend
éclate la guerre franco-allemande, il s'efforce, tant bien
à lancer des appels pacifistes, des programmes humani¬
que mal, de rappeler aux ministres français l'existence
taires. S'acharne à rédiger des mémoires qui ne sont que
de la Convention de Genève signée par la France. Il tente
la longue plainte d'un homme torturé. Il reste là, oublié
de faire proclamer « villes de blessés » certaines agglo¬
de sa patrie et du monde, jusqu'au jour où un journaliste,
mérations importantes de la région parisienne.
qui le croyait mort depuis longtemps, le découvre dans
son fauteuil, avec sa longue barbe blanche, son regard
doux et triste, sa parole toujours éloquente.

Alors vient la gloire qui s'est bien fait attendre : 1897,


J out
Pour
de même,
la première
c'est
fois
la réussite
dans
de
l'histoire,
son idée.
vingt- Prix du Congrès International de Médecine ; 1901, pre¬

cinq sociétés nationales offrent leurs secours aux belligé¬ mier Prix Nobel de la Paix avec Frédéric Passy. Celui

rants. De part et d'autre du front, ambulances et lazarets, que les combattants de Solferino surnommaient « l'Hom¬

protégés par le signe de la croix rouge, arrachent à la me en Blanc » s'éteint paisiblement le 30 octobre 1910.
mort des mUliers de blessés. En dépit des difficultés, la Presque à la sauvette! Il ne veut pas de cortège. Seul, le
« Société Française de Secours aux blessés » lance trente- charpentier du village conduit son cercueil jusqu'au cime¬
quatre ambulances sur le front. C'est encore peu... à tière, sur une simple charette à bras.
Worth, à Gravelotte, à Sedan, 11 y a des granges pleines Tandis que Jean-Henry Dunant meurt dans -une gloire
du râle des mourants, tout comme à Solferino... Côté bien tardive, la Croix-Rouge et son Comité International
allemand, où les fonds réunis s'élèvent à 70 millions de (autorité collégiale indépendante, dont tous les membres
marks, il n'y a cependant que deux médecins et une di¬ sont citoyens suisses, au maximum 25, et réélus tous les
zaine d'infirmiers pour mille blessés... 3 ans) rayonne déjà sur le monde entier. Grâce aux
Le Comité International expédie 7 000 colis, organise contributions versées par les Etats, aux dons privés, aux
un service de correspondance entre les blessés soignés collectes, elle agit partout : pendant la guerre du Trans¬
par l'adversaire et leurs familles. On réexpédie ainsi jus¬ vaal, pendant la guerre russo-japonaise... A la veille de
qu'à 1 000 lettres par jour. Les gouvernements versent la Première Guerre Mondiale, elle est prête à appliquer
d'importantes contributions aux sociétés nationales, les sans défaillance ses principes essentiels : humanité, im¬
dons affluent. Une liste de blessés français en AUemagne partialité, neutralité, indépendance.
et de prisonniers allemands en France est pubUée à 23
De 1914 à 1918, l'agence centrale des prisonniers de
l'usage des familles. De nombreux convois de blessés sont
rapatriés à travers la Suisse. SUITE PAGE 24
CROIX ROUGE (Suite)

Solidaire dans tous les désastres


de contribuer au bien-être de l'humanité, de coordonner
guerre où les belUgérants adressent les renseignements
concernant les prisonniers, classe 5 000 000 de fiches, les efforts en cas de calamité nationale.

envoie Jusqu'à 18 000 réponses par Jour. 450 000 malades Puissamment organisée, elle dispose d'un cerveau coor¬
et blessés sont échangés. 2 000 000 de colis sont distribués, dinateur installé à Genève le Comité Consultatif de
tandis que de 1919 à 1922, 500 000 prisonniers de guerre Secours en cas de désastre d'entrepôts Internationaux,
sont rapatriés. Chaque société nationale agit selon ses et d'un réseau de télécommunications qui assure une
possibilités. C'est ainsi qu'en 1918 les dépenses de la Ualson constante avec les techniciens de chaque société
Croix-Rouge britannique se sont élevées à 20 000 livres nationale. Un manuel des Actions Internationales de
sterling (280 000 francs français)... Secours, véritable guide des secours en cas de désastre,
codifie la tâche des spécialistes lors des actions de grande
envergure : épidémies, inondations, tremblements de
terre et autres cataclysmes naturels, aide aux réfugiés
et, d'une manière générale, toutes sortes de secours inter¬
H Puis c'est la guerre civile en Espagne. Il nationaux.
faut déployer des trésors de diplomatie
pour obtenir le droit d'agir dans un En dix ans, de 1947 à 1957, la valeur globale des secours
conflit d'Ethiopie, c'est la guerre du coordonnés par cette Ligue a été de 400 000 000 de francs
Chaco, c'est la guerre d'Ethiopie, c'est la suisses. Ces actions internationales sont une nouvelle
guerre de Chine... C'est 1939-1945. Pen¬ preuve de la solidarité du monde de la Croix-Rouge.
dant cinq ans, le comité international
Intervient dans les camps de prisonniers, n ne se passe pas d'année qu'on ne fasse appel aux
en faveur des internés civils, des déportés. Ses délégués, sociétés s C'est ainsi qu'en i 1953, lorsque les digues
dont certains trouveront la mort en accomplissant leur hollandaises cédèrent devant la mer, que des milliers de

mission, réussiront même à pénétrer dans des camps de gens furent ruinés, eurent leurs maisons emportées,
concentration. 4 000 personnes travaillent à l'agence cen¬ furent privés de la terre qu'ils cultivaient, que le sol,
trale des prisonniers de guerre qui reçoit 53 000 000 de salé, était devenu inutilisable après le départ des eaux,
lettres, classe 40 000 documents chaque jour. 10 000 000 de un vaste mouvement de générosité fut déclenché. La

messages civils sont transmis de pays belUgérants à pays Croix-Rouge Néerlandaise reçut des secours de 39 sociétés
belligérants par les soins du comité international de la nationales, pour une valeur de 14 639 000 francs suisses.
1960 est aussi une année terrible : Inondations en Grèce,
Croix-Rouge qui achemine pour les seuls militaires déte¬
nus en Allemagne 36 000 000 de colis représentant 3 mil¬ un séisme au Pérou, une famine au Brésil, un tremble¬
liards de francs suisses. 40 navires frappés de la croix ment de terre à Agadir, au Maroc, qui laisse 18 000 sans-
rouge sillonnent les mers, chargés de vivres, de blessés, abri. Les sociétés envoient du personnel et des dons dé¬
de malades. passant 10 000 000 de francs suisses.

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, on pro¬


cède à une codification du « Droit de Genève ». Les
quatre conventions du 12 août 1949 en sont aujourd'hui
la base Juridique :
Au cours des dix dernières années, la Li¬
AméUoration du sort des blessés et des malades dans
gue a répondu à 97 appels internatio¬
les forces armées en campagne. naux en faveur de 47 pays appartenant
Amélioration du sort des blessés, des malades et des à tous les continents, pour aider les vic¬
naufragés des forces armées sur mer. times des désastres les plus divers. L'idée
n'est pas de faire ce que d'autres font
Traitement des prisonniers de guerre.
déjà, mais d'intervenir en cas de néces¬
Protection des personnes civiles en temps de guerre. sité.

Partout où le sang coule, au fil des conflits, la Croix- Les activités si diverses des sociétés de la Croix-Rouge,
Rouge étend son champ d'action : la Grèce, la Palestine, qui vont des écoles d'Infirmières aux secouristes atomi¬
Suez, Chypre, l'Indochine, le Liban, Cuba, la Rhodésle, ques, font de celles-ci de véritables services pubUcs indis¬
l'Algérie, le Congo, le Laos, le Népal, le Yémen. Partout, pensables aux collectivités tant nationales que supra¬
eUe proteste avec efficacité contre la souffrance. nationales.

Née sur un champ de bataille, la Croix-Rouge reste


cependant une force de paix qui doit en toute circons¬
tance être capable de soulager la souffrance humaine de
l'homme, tout en sauvegardant les valeurs humaines. Ce
Pour maintenir en temps de paix l'élan
n'est pas une institution, c'est un mouvement qui doit
acquis pendant la guerre par les sociétés
constamment s'adapter, tout en sachant rester disponible.
nationales, Henry P. Davison, qui pré¬
side la Croix-Rouge américaine à la fin Aujourd'hui, la Croix-Rouge internationale doit plus
de la Première Guerre Mondiale, proposa,
que jamais tenir compte des nécessités du moment, et
dès 1919, l'union de toutes les sociétés
même, envisager les dangers atomiques. Récemment, le
nationales. Cette année-là, le 5 mai, est
directeur de la Croix-Rouge japonaise a posé le problème.
née la Ligue des Sociétés de la Croix-
Il ne s'est pas borné à prendre parti pour une préparation
Rouge, du Croissant-Rouge et du Lion et Soleil Rouge.
des Croix-Rouges à la guerre nucléaire ; Il a préconisé
Cette fédération, depuis lors, ne cesse de se manifester certaines mesures concrètes, comme la formation de mé¬
sur tous les points du globe où U y a de la souffrance, decins spécialistes de la radio-activité. Il a insisté, notam¬
chaque fois que l'ampleur des secours dépasse les possi- ment, sur la nécessité impérieuse d'une coordination de
biUtés des pays sinistrés. toutes les Croix-Rouges dans le domaine de la connais¬
sance des dangers radio-actifs, et des méthodes de traite¬
Ainsi se concrétise l'idée d'Henry Dunant qui réclamait
ment. La Croix-Rouge n'a jamais failU à son rôle, à ce
en 1875 l'organisation de secours internationaux lors
rôle que prévoyait Ernest Renan en écrivant à Dunant
d'Inondations dans le Midi de la France. La ligue groupe
pour le féliciter :
24 aujourd'hui 88 sociétés totalisant 155 000 000 de membres.
Elle se donne pour tâche d'encourager dans chaque pays « Vous avez créé la plus grande du siècle. L'Eu¬
l'étabUssement d'une société de Croix-Rouge nationale, rope n'en aura peut-être que trop besoin... s
ARRACHÉS
A LA PARALYSIE
Au Maroc, en 1959, 10 000 personnes devinrent paralysées mières et autres membres du personnel médical furent envoyés
après avoir consommé une huile frelatée. 50 % d'entre elles par la Croix-Rouge et les Sociétés du Croissant-Rouge pour
étalent âgées de moins de dix-huit ans. Le ministère de la organiser et surveiller le traitement des malades (nos photos).
Santé, au Maroc, la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et La phase internationale de cette campagne terminée, et des
l'Organisation mondiale de la Santé ont lancé une campagne milliers de personnes guéries, le personnel médical marocain
pour leur réadaptation. Médecins, ph.ysioth.erapist.es, infir poursuivra la tâche nécessaire à la réadaptation des malades.

Photos © Erik Dreyer


PSYCHOLOGIE

DE LA SOLITUDE

ANTARCTIQUE
Photo officielle australienne par George Lowe

26
ivre dans une station antarctique, c'est vivre Dans ce milieu, certains des problèmes les plus graves
en vase clos, dans un miUeu où l'on peut étu¬ sont liés aux différences d'ordre social et intellectuel pro¬
dier de près l'homme et son comportement. Les obser¬ fondément enracinées chez les individus. Ils surgissent
vations effectuées sur de petits groupes humains dans surtout, semble-t-U, parmi ceux dont le niveau d'Intelli¬
ces régions lointaines fournissent des indications précieu¬ gence et de culture est le plus bas.
ses aux sociologues préoccupés par les réactions de l'in¬
L'homme qui éprouve un sentiment profond d'infériorité
dividu dans les sociétés urbaines plus complexes. A ce
se montre agressif et de rapports difficiles ; aussi devient-
titre, ce ne sont pas les moins importantes des recherches
il impopulaire, son moral se détériore progressivement,
entreprises sur les' continents polaires. (Nous rappelons
tandis que s'installe souvent en lui un véritable complexe
que le numéro de janvier 1962 était entièrement consacré
de persécution. A l'inverse, des complexes de supériorité
à l'Antarctique, Terre internationale de la Science.)
apparaissent fréquemment : les jeunes savants frais
émoulus de l'Université, font facilement montre d'une cer¬
Pendant de longs mois, les hommes qui hivernent dans
taine arrogance intellectuelle ; mais, avec le temps, l'in¬
une station antarctique n'ont plus aucun contact avec le
fluence de la station tend à corriger plutôt qu'à accentuer
monde civilisé, si ce n'est par radio. Leur sentiment de
ce défaut.
complet isolement est accentué par nombre de priva¬
tions : manque de compagnie féminine, de confort et Dans ces stations antarctiques, l'homme comprend géné¬
à plus forte raison de luxe, manque de variété des ali¬ ralement d'Instinct qu'U lui faut réfréner ses émotions ;
ments et des boissons, absence de distractions, étroitesse il est rare, par exemple, que des querelles graves se ter¬
du cercle des relations humaines. minent en rixes, comme ce serait le cas dans les pays
d'origine. Les membres d'une équipe semblent être natu¬
Les tensions qui se manifestent sont surtout d'ordre rellement conscients du caractère irrévocable qu'auraient
psychologique, qu'elles surgissent entre les Individus, entre ces échanges de coups dans un miUeu fermé où ils sont
les groupes ou entre le chef et son équipe. Ces difficultés Inexorablement amenés à se rencontrer chaque jour.
psychologiques sont aggravées par les bouleversements
MulUn et Connery ont noté en 1959, à propos des sta¬
physiologiques que provoquent les changements du rythme
tions antarctiques américaines, que le mal de tête semblait
diurne du corps pendant des périodes de jour continu ou
être le trouble psychosomatique le plus fréquent, et qu'U
de nuit continue, et l'influence dépressive du vent violent,
du ciel brumeux et du froid intense.
sévissait plutôt parmi les savants et les officiers que chez
les matelots. A leur avis, 11 faUait en voir l'origine dans le
Dans une grande vUle, un homme présentant des bizar¬ sentiment aigu de la nécessité de réprimer son agressivité,
reries de caractère préjugés étranges ou faiblesses gê¬ la différence de fréquence s'expllquant par le fait que le
nantes peut souvent maintenir son équilibre simplement premier de ces groupes poussait plus loin cet effort.
en évitant les situations traumatisantes. Il lui est beau¬
Dans les stations austraUennes, les troubles psychoso¬
coup plus difficile d'éluder ce genre de problèmes dans une
station retirée du monde, où il lui est pratiquement impos¬ matiques étaient surtout d'ordre digestif, sous forme de 27
sible de camoufler ses faiblesses. Au demeurant, l'homme
n'éprouve même plus le désir de les cacher. SUITE PAGE 28
SOLITUDE ANTARCTIQUE (Suite)

Le 'cafard ' des nuits polaires


dyspepsie et de diverses douleurs abdominales. Les maux blent accepter avec philosophie ce manque d'activité
de tête y sont moins fréquents et ne "se rencontrent pas sexueUe. Leur attitude peut se résumer en une phrase :
particulièrement chez les intellectuels, sauf parmi des in¬ « On n'y peut rien et, moins on y pense, mieux cela vaut. >
dividus surmenés et trop consciencieux, astreints jour Certains facteurs tendent du reste à facUiter les choses :
après Jour aux durs travaux d'observation et à l'entretien tout d'abord, les hommes de la station sont à l'abri des
d'instruments scientifiques dans des conditions difficiles. sollicitations qui abondent en miUeu civilisé (joUes flUes,
La répression des penchants agressifs semble n'avoir joué publicité, illustrations et films suggestifs, etc.) ; d'autre
qu'un rôle secondaire. part, 11 s'opère indubitablement une sublimation de l'éner¬
gie sexuelle dans l'effort physique quotidien.
Parmi les autres troubles, il faut citer l'Insomnie et ses
conséquences, ainsi que les douleurs rhumatismales. Les L'alimentation revêt la plus grande importance dans
unes et les autres se sont manifestées sur les bases fran¬ l'Antarctique, non seulement parce que la rigueur du cU-
çaises et argentines. Les observateurs argentins ont aussi mat et la dureté du travail stimulent l'appétit, mais aussi
noté que le changement d'eau et d'aliments provoquait des parce que la nourriture offre une compensation psycholo¬
troubles gastro-intestinaux bénins chez plus de 40 % des gique aux privations.
hommes récemment arrivés dans l'Antarctique. Il est pos¬
sible que ces perturbations soient en partie d'origine psy¬ Les troubles mentaux graves restent rares en raison du
chosomatique. soin apporté à la sélection des équipes, mais les névroses
plus ou moins marquées y sont assez fréquentes. EUes se
produisent souvent chez des hommes qui, dans ces condi¬
tions difficiles, prennent conscience de leur inaptitude dans
certains domaines et éprouvent un profond sentiment
'année en année, les graphiques établis dans d'insuffisance face à des problèmes que seul un compor¬
'les stations pour enregistrer l'évolution du tement névrotique leur permet d'éluder. Us adoptent alors,
moral révèlent une constance assez remarquable. Le ni¬ pour cacher leur insuffisance, une attitude d'agressivité ou
de fanfaronnade.
veau est bas au début, lorsque les hommes de relève vien¬
nent d'arriver, manquant d'assurance dans ce milieu
Le mal du pays, l'appréhension devant l'environnement,
inconnu, mal à l'aise devant l'expérience de leurs prédé¬
les problèmes famiUaux, les antipathies violentes, tous ces
cesseurs, dont ils attendent le départ avec impatience pour facteurs peuvent provoquer des symptômes névrotiques.
pouvoir être seuls devant leurs possessions et leurs respon¬ L'état anxieux du chef autoritaire qui ne peut obtenir
sabilités nouvelles. Le moral atteint son apogée au moment
l'adhésion de son équipe fournit un autre exemple de com¬
ou le navire qui emporte l'ancienne équipe lève l'ancre
portement névrotique. C'est un processus complexe, auquel
et, pendant plusieurs mois, l'activité générale et l'en¬ contribuent de nombreuses influences : blessures d'amour-
thousiasme se maintiennent à un niveau très élevé.
propre, sentiment d'échec, tendance à pousser son effort
Puis, vient la longue nuit d'hiver, les sorties se font à la Umite de la résistance physique, réaction à l'antago¬
plus rares, le soleil disparaît peu à peu, et le moral se nisme d'autres membres du groupe.
dégrade plus ou moins selon les équipes. L'enthousiasme
revient avec le retour du soleil et, de nouveau, les hommes
s'affairent à préparer leurs expéditions de printemps et
d'été. Les deux derniers mois du séjour marquent une
pointe, avec la perspective de la prochaine relève, car le
désir d'achever leurs travaux incite les hommes à redou¬
bler d'efforts. S:|'les
ELON des observations faites par Rohrer sur
bases antarctiques instaUées par les Etats-
Pendant le retour, leur comportement offre un contraste Unis à l'occasion de l'Année géophysique internationale,
marqué avec celui du voyage d'aller : Ils manifestent de six hommes évacués de ces bases par les autorités améri¬
la léthargie, un manque d'exubérance, et même une atti¬ caines à la suite d'examens psychiatriques avaient tous
tude désabusée ; ils tendent à s'isoler, semblent vidés de manifesté des symptômes de troubles mentaux dans un
tout sentiment intense et de tout Intérêt, si ce n'est le délai d'une à quatre semaines après leur arrivée au camp.
désir d'arriver rapidement au port. Les stations austraUennes ont fourni des exemples ana¬
Le fléchissement du moral, au milieu de l'hiver, s'ac¬ logues, les cas les plus graves survenant entre deux et huit
compagne généralement d'Insomnie chez la plupart des semaines après le départ du navire qui assurait la relève.
hommes. Cela ne tire guère à conséquence si l'équipe est De toute évidence, l'action traumatisante du milieu, est
nombreuse ; le phénomène étant assez généraUsé, il est Immédiate et brutale. Les crises les plus aiguës observées
accepté comme normal. dans l'Antarctique surviennent généralement chez les
jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Dans un groupe restreint, au contraire, la situation ris¬
que d'être plus grave. Nous le savons tous ; rien n'est pire, La différence des niveaux de culture constitue générale¬
pour l'insomnie, que d'y penser, et il est difficile de rassu¬ ment l'obstacle le plus sérieux à la constitution d'un groupe
rer un homme qui est seul à en souffrir parmi quatre ou heureux travalUant en harmonie. Quels peuvent être les
cinq compagnons dont le sommeil reste profond. sujets d'intérêt commun ? Comment le chef peut-U empê¬
cher la formation de petites coteries aux repas, les hom¬
mes plus instruits se groupant au bout de la table pour
y débattre de questions hautement phUosophiques, tandis
que les autres, lassés de ces conversations d'inteUectuels,
essaient de les interrompre par des plaisanteries ? C'est
L'insomnie tend à se manifester plutôt au c là que le cinéma démontre sa valeur sociale, non pas tant
de l'hiver, où la nuit dure 24 heures, que pen¬ parce qu'il fournit aux hommes un moyen d'évasion, mais
dant les journées ininterrompues de l'été. Sans doute la parce qu'il leur offre des sujets de conversations en même
différence est-elle imputable au regain d'activité exté¬ temps qu'une distraction commune, et l'occasion d'un plai¬
rieure que la période estivale amène avec elle. sir partagé.
Le problème sexuel est l'un des plus difficiles qui se pose Un trait psychologique marqué, qui est commun aux
à l'observateur dans les stations antarctiques. Nous som¬ stations antarctiques, est le besoin Intense qu'éprouvent
mes peu renseignés sur les bouleversements et les anoma¬ beaucoup d'hommes de voir leurs mérites reconnus et
lies que provoque le manque de compagnie féminine. Nous appréciés, réaction particuUèrement nette chez ceux qui
savons en tout cas qu'aucune autre privation ne compte souffrent de forts complexes d'infériorité. Certes, ce désir
autant pour les hommes isolés sur les bases. D'ailleurs, le est parfaitement normal, mais U se trouve accentué lors¬
problème dépasse largement celui des simples relations que l'homme isolé là-bas fait le compte des difficultés,
sexuelles. Je serais tenté de dire, pour un certain nombre des privations et des dangers auxquels U s'expose pour
de raisons, que dans ce domaine les privations au sens accomplir sa tâche. Celle-ci achevée, U s'attend naturel¬
étroit du terme n'ont pas l'importance qu'on serait tenté lement à quelque témoignage de satisfaction. H se peut
oo de leur accorder ; c'est l'absence générale de société fémi- aussi que, dans son Isolement antarctique, U manque aussi
nine qui se fait surtout sentir.

D'après ce que nous avons pu observer, les hommes sem SUITE PAGE 30
Photo H. Evans - ANARE

Dans une nature désolée, battue par les bliz¬


zards, l'hiver antarctique est une rude épreuve VILLAGE DU FROID
pour les équipes polaires, même quand elles
vivent dans un véritable « village » comme Photo (©) Jacques Masson - Expéditions Polaires Françaises
celui ci-dessus, à la base australienne de
Mawson. A droite : un grand moment dans la
vie d'une base polaire : la relève d'une équipe
par une autre (ici, 1 la station française Dumont-
d'Urville, en Terre Adélie). Retour au foyer
pour les uns, début d'une grande aventure
pour les autres; on échange les nouvelles et
les expériences. Ci-dessous, un spectacle inso¬
lite sur la glace, le temps d'une escale : des
acrobates de music-hall, en tournée polaire,,
distraient de leur solitude les scientifiques
de la station soviétique en dérive « Pôle
Nord 1 ». Dans l'Arctique comme dans
l'Antarctique, tous les efforts sont faits pour
soutenir le moral des hommes durant leur

long isolement au sein d'une nature hostile.

Photo V. Egorov - Tass

29
SOLITUDE

ANTARCTIQUE
(suite)

RÉFRIGÉRATEUR NA¬
TUREL. Le dépôt de vivres
est taillé à même la glace.
L'alimentation tient une

grande place dans les préoc¬


cupations quotidiennes des
hommes de l'Antarctique.
Leur appétit est en propor¬
tion de leurs efforts physi¬
ques et des rigueurs du cli¬
mat. En outre, dans leur
existence de privations, la
nourriture Joue un rôle de
compensation psychologique.
Photo Jacques Masson Expéditions Polaires françaises

Des hommes d'une trempe solide

de ces petites attentions flatteuses qui sont monnaie cou¬ et sont heureux de voir leurs camarades apprécier leur
rante dans l'atmosphère familiale, où l'entourent la gen¬ compétence.
tillesse et l'affection de sa mère, de sa femme, de ses
enfants. La seconde qualification essentielle est l'absence
d'égoïsme, qui Implique notamment que l'on ait des égards
Un chef de groupe avisé peut faire beaucoup pour s'as¬ pour ses compagnons de travail. Je classerai la tolérance
surer la confiance et la bonne volonté de ses hommes en immédiatement après : tolérance pour l'opinion des autres,
leur dispensant des éloges mérités, en veillant à ce que pour leurs particularités, pour leurs petites faiblesses.
tous soient informés des résultats particulièrement remar¬
quables obtenus par l'un ou l'autre d'entre eux et en ayant L'optimisme a aussi son importance, je crois. Je me
soin, dans les rapports publiés, de rendre hommage à leur garde des pessimistes et des sceptiques comme de la peste.
travail. Le sens de l'aventure, une vive curiosité sont souhaitables,
mais nous avons vu d'excellents équipiers n'avoir ni l'une,
De toute évidence, c'est une tâche très délicate que de ni l'autre.
sélectionner le personnel d'une base de l'Antarctique.
L'expérience m'a appris à écarter surtout les personnalités Il faut surtout du caractère, du courage, un tempéra¬
égocentriques, qui risquent de rompre l'unité du groupe. ment « accrocheur », car l'année est longue et les diffi¬
Mais, si l'égotlsme est toujours dangereux, une certaine cultés qui assaillent l'homme sont nombreuses.
ambition et une certaine fierté sont indispensables à l'in¬
dividu pour lui fournir le ressort nécessaire quand les cir¬ Pourtant, douze mois d'Antarctique peuvent constituer
constances deviennent critiques. Si l'on peut trouver un une expérience enrichissante. Indépendamment des satis¬
homme non dénué d'ambition, fier de ses capacités, ardent factions certaines qu'apportent des connaissances nouvel¬
à se distinguer, mais en même temps d'esprit modeste et les, des aventures vécues et la contemplation de paysa¬
exigeant envers lui-même, on aura affaire à une combi¬ ges magnifiques, on y peut découvrir ce- qu'est la vraie
naison vraiment très dynamique. camaraderie d'hommes capables de mettre au service d'une
cause commune leur bonne humeur, leur générosité, leur
La première et la plus Importante des qualifications à courage et leur dévouement.
exiger des membres d'une expédition, c'est qu'ils aiment
leur travail. Sur le continent antarctique, c'est l'efficacité
qui sert surtout de critère aux hommes pour se juger les Phillip Garth Law est, depuis 1949, directeur de la Division
uns les autres. Ceux qui ménagent leurs efforts, qui lam¬ antarctique au Département des Affaires étrangères de l'Australie.
binent ou se montrent incompétents dans leur spécialité Il a dirigé les Expéditions nationales australiennes de Recherches
30 seront très mal vus de leurs compagnons. Au contraire, antarctiques qui ont établi, en 1954, la première station perma¬
ceux qui travaillent efficacement éprouvent une double nente australienne à Mawson. Son article est inspiré d'un exposé
satisfaction : ils ont le sentiment d'avoir fait utile qu'il a publié dans Medical Journal d'Australie (20-2-1960).
Nos lecteurs nous écrivent
PLAIDOYER POUR L'ESPÉRANTO rels et spirituels qui donnent à une train de se créer dans la Langue
langue sa qualité de langue ». Ainsi, internationale, ignorant tout de l'es¬
une langue est d'abord un phénomène prit humaniste qui anime cette langue,
On a souvent écrit des sottises sur
« naturel » puisque l'espéranto « ar¬ M. van Kuyk a tenté de définir toute
la langue internationale, et sur le
tificiel » est une « contradiction in langue de telle manière que l'espé¬
problème contemporain d'une langue
terminis » ; puis, dans la ligne sui¬ ranto soit éliminé en tant que langue.
mondiale. Mais on a rarement vu
vante, voilà une langue basée sur
tissu d'absurdités analogue à la lettre
« des supports culturels », c'est-à- Mais, néanmoins, même dans ce
de M. van Kuyk, que vous avez
dire sur des données essentiellement cadre extrêmement étroit et parfai¬
publiée dans votre numéro de mars
sociales qui, selon M. van Kuyk, lui tement inacceptable, l'espéranto restait
1963.
confèrent sa qualité de langue. Ce que au rang de langue, alors que des mil¬
M. van Kuyk dit : « L'espéranto l'auteur entend par « supports cultu¬ liers de langues « naturelles » s'en
est une langue artificielle déjà une rels et spirituels » n'est pas clair, trouvaient exclues justement celles
contradiction in terminis... » On pour¬ puisqu'une langue en tant que telle qui juste auparavant faisaient figure
rait peut-être admettre l'emploi du même celle qui serait dans la phase de langues « naturelles », puisque si
mot « naturel » comme description la plus rudimentaire de son dévelop¬ le mot « naturel » doit être employé
imagée de la création spontanée d'une pement représente la plus grande quand on parle des langues, il pour¬
langue qui a atteint une certaine valeur particulière, liée à ce qui rait éventuellement être clairement

phase de son développement, bien forme toutes les autres valeurs cultu¬ appliqué avec toutes les réserves
que d'un point de vue rigoureusement relles de l'humanité. convenables seulement aux langues
scientifique, il soit absolument erroné et aux « formes locales des langues »
d'appliquer ce terme à une langue. U semble que M. van Kuyk veuille qui ne sont jamais parvenues à la
Une langue ne peut apparaître et dire plutôt qu'il ' s'agit des valeurs phase d'expression littéraire, comme
évoluer comme quelque chose de culturelles créées dans une langue, et l'a fait observer, il y a plus d'un
« naturel »; elle résulte du fait social. sans doute surtout des valeurs litté¬ siècle, le fameux linguiste Max Müller.
raires. S'il en était ainsi, il y aurait
Antoine Meillet, linguiste de répu¬ bien peu de véritables langues dans M. van Kuyk voudrait nous faire
tation mondiale, écrivait : « Le lan¬ le monde. croire que son t étude de l'espéranto »
gage est une institution qui relève du lui a donné la conviction que « cette
groupe social... »; et le linguiste russe, Selon l' maîtresse de Meillet
langue n'est point propre à un emploi
A. S. Cikobava, établit nettement que et Cohen dans « Les Langues du
commun et, par conséquent, elle ne
« le langage est un phénomène so¬ monde », le nombre des langues se peut guère contribuer à la construc¬
cial ». Aucun linguiste ou sociologue situe entre 2 500 et 3 500, non com¬
tion de chemins praticables entre les
contemporain sérieux ne nierait cette prises les « formes locales ». Il n'y nations ». Ce n'est pas la simple
vérité fondamentale. Et une société, en a guère que 25 qui soient des
étude, mais plutôt l'utilisation prati¬
dans le sens où un groupe de per¬ langues importantes par leur qualité
que de la Langue internationale dans
sonnes emploie un langage donné d'expansion, et du point de vue de tous les secteurs des relations interna¬
pour satisfaire à des besoins de com¬ l'expression écrite, alors qu'il n'y a tionales qui a convaincu du contraire
préhension mutuelle, peut être que 40 ou 50 langues qui possèdent des centaines de milliers d'hommes et
comme l'histoire le montre une une littérature, importante ou non. de femmes de toutes les nations.
tribu, une nation, une communauté Si le critère pour définir une langue
religieuse, une classe ou même une est vraiment « le support culturel » Le grand écrivain russe Léon Tols¬
caste, ou n'importe quel groupement pris dans cette acception, des milliers toï, qui « était capable après deux
social, sans exclure une collectivité de langues qui existent dans le monde heures d'études seulement, sinon
internationale, employant la Langue d'aujourd'hui, ou qui ont existé au¬ d'écrire, au moins de lire facilement
internationale, dans le but d'assurer trefois, ne sont tout simplement pas cette langue » (vol. 67, page 101
des communications internationales. des langues. de l'édition russe de ses
écrivait, en 1889, que « cette langue
II n'existe pas de langues « natu¬ L'espéranto, d'autre part, dans le¬
satisfaisait pleinement les besoins »
relles » ou « non naturelles », mais quel une littérature passablement
et qu'il « s'efforcerait de la répandre »
seulement des langues comme instru¬ riche a déjà été créée, tant traduite
ments de communication sociale.
(vol. 64, page 34) du mieux qu'il le
qu'originale (la Bibliothèque de l'As¬
pourrait.
C'est pourquoi le terme « naturel » sociation Britannique d'espéranto
ne peut s'appliquer à une langue, car compte plus de 30 000 titres), l'espé¬ Enfin, M. van Kuyk nous avertit
il entraîne à traiter de manière non ranto dans lequel sont publiés divers qu'il vaut mieux étudier l'anglais, le
scientifique un phénomène social, illustrés et revues littéraires ou scien¬ russe, le chinois, l'arabe, le français
comme s'il était un phénomène bio¬ tifiques et des périodiques spécia¬ ou l'espagnol que l'espéranto. Les
logique, ce qui provoque des fautes lisés, qui est largement utilisé dans langues étrangères ont évidemment
capitales et amène à de fausses les émissions radiophoniques, les été enseignées depuis nombre d'an¬
conclusions. De plus, la formule a congrès et les conférences internatio¬ nées dans les écoles de tous les pays
priori « langue artificielle » contra¬ naux, dans les échanges scientifiques, du monde. Des millions d'heures de
diction in terminis est complète¬ et qui intervient de différentes ma¬ travail leur sont consacrées chaque
ment dénuée de sens. nières dans les contacts internationaux, semaine, et le résultat indiscutable,
En outre, je ne puis comprendre l'espéranto, donc, fait probablement c'est qu'après plusieurs années d'étu¬
partie des 25 et quelques langues des, les élèves, dans l'immense majo¬
comment quelqu'un, qui déclare que
l'Espéranto, en tant que langue « arti¬
importantes par leur qualité d'expan¬ rité des cas, sont juste capables de
ficielle » constitue une « contradiction sion, et pour le moins des 40 ou 50 dire dans la langue qu'ils ont
autres langues « culturelles ». La « apprise » qu'ils ne savent pas la
in terminis », peut en même temps
conférence générale de l'Unesco dans parler, ou à peine plus. Tout cet effort
déclarer qu'il l'a parlée (chose selon
sa résolution du 10 décembre 1954 pour apprendre les langues étrangères
lui impossible) si cela a vraiment
souligne entre autres choses « le a-t-il résolu le problème de la langue?
été le cas. Si le mot « logique »
résultat atteint par l'espéranto dans le Evidemment non : avant la première
garde encore une signification, il sem¬
domaine des relations intellectuelles guerre mondiale, le français était plus
ble parfaitement impossible d'appren¬
internationales et le rapprochement ou moins l'unique langue diploma¬
dre une langue qui n'existe pas,
puisqu'elle ne peut avoir de fonction
des peuples du monde » et reconnaît tique ; il y avait deux langues offi¬
que « ces résultats coïncident avec les cielles à la Société des Nations ; il y.
en tant que langue.
buts et l'idéal de l'Unesco ». en a cinq aux Nations-Unies, et
M. Van Kuyk dit que la Langue
internationale « ne peut être viable Ignorant tout des valeurs cultu¬
puisqu'il manque les supports cultu relles déjà créées et sans cesse en SUITE PAGE 32

31
Nos lecteurs nous écrivent
(Suite)

l'Unesco en a huit, dont quatre lan¬


gues de travail.
Telle est la réalité qui coûte d'énor¬
mes efforts humains et nécessite d'im¬
menses ressources matérielles. L'espé¬
ranto n'a pas pour but de supprimer
les langues nationales, mais de dissi¬
per le chaos, dans l'intérêt de la
compréhension internationale à tous
les degrés et en même temps dans l'in¬
térêt des langues nationales, grandes et
petites, qui représentent les plus pré¬
cieux trésors culturels de toutes les
nations.

En outre, la connaissance de l'es¬


péranto n'empêche pas ceux qui ont
le don, ou le goût d'étudier les lan¬
gues, d'apprendre des langues étran¬
gères. Au contraire, les expériences
faites dans les écoles de divers pays
ont montré que la connaissance de
l'espéranto, dont la structure gramma¬
ticale et la facilité syntaxique ont des
qualités logiques, aide non seulement
à apprendre des langues étrangères,
mais aussi à mieux comprendre sa
propre langue littéraire. Je possède,
quant à moi, sept langues j'ai écrit
des livres et études spécialisées dans
cinq d'entre elles et j'en comprends
sept autres ; je puis dire, par expé¬
rience personnelle, que la connais¬
sance de l'espéranto m'a beaucoup Dante Alighieri

aidé à apprendre ces langues, et que


même avec ces connaissances linguis¬
tiques passablement vastes, je me
trouve sans cesse presque quotidienne¬
ment aux prises avec les difficultés
que soulève le problème de la langue.

En lisant la lettre de M. van Kuyk,


je me suis souvenu de ce qu'écrivait le
professeur P. Bargellini, l'un des plus
remarquables critiques d'art italiens
d'aujourd'hui, dans sa brillante pré¬
face à l'édition en espéranto de la
Divine Comédie de Dante, qui va
paraître dans quelques semaines dans
la série « Orient-Occident », de l'As¬
sociation universelle d'Espéranto. Le
professeur Bargellini faisant le point
sur la situation de Dante à la fin du
quinzième siècle, remarque que « les
humanistes, eux aussi, avaient modi¬
fié leur attitude à l'égard du « poète
populaire », et qu'un érudit comme
Christoforo Landino, qui faisait au
Studio de Florence des conférences sur
la rhétorique... était en droit de faire
un commentaire sur le poème de
Dante, sans se disqualifier, ni comme
érudit ni comme latiniste ». Près de
deux siècles devaient passer avant que
les érudits osent reconnaître ce chef-
d'ceuvre de la littérature mondiale
sans crainte de compromettre leur
dignité, leur prestige et leur réputa¬
tion en s'occupant d'un poème écrit
en langue « populaire ». La Langue
internationale n'est pas la seule langue
qui a dû affronter, et qui affronte
encore, les barrières des préjugés et
de la superstition.
Professeur Ivo Lapenna
Secrétaire général
de l'Association Universelle
pour l'Espéranto
32

L'échelle de Jacob
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Le neuvième ciel

Michel-Ange et Botticelli ont illustré «La


Divine Comédie» de Dante. Mais les dessins

de l'un et de l'autre ont disparu : ceux de


Michel-Ange dans un naufrage au XVII siè¬
cle ; ceux de Botticelli, du moins la plupart,
dans l'incendie d'un bunker à Berlin pen¬
dant la dernière guerre. Par bonheur, les
dessins de Botticelli nous ont été conser¬

vés à travers des reproductions dont nous


donnons quelques-unes ici. Les planches
de ce grand peintre florentin du XVo siècle
illustreront une traduction en espéranto par
Giovanni Peterlongo de «La Divine Comédie»
à paraître aux Éditions SIEI, Milan, dans une
édition bilingue, en octobre prochain.
parition. Le kangourou est recherché pour
sa chair : en 1960/1961, 2 500 000 kilos
de viande de kangourou ont été exportés.
Le koala est également en voie d'extinction.
Selon un zoologue australien, trente-cinq

Latitudes et Long espèces de marsupiaux animaux pourvus


d'une poche ventrale dans laquelle ils trans¬
portent leurs petits après leur naissance
ont déjà disparu.

WT NE REMARQUABLE REUSSITE.
ÏACS SOUTERRAINS. En Arménie, cements. Ces recherches archéologiques *-' « Harmonies Universelles », ouvrage
des hydrologues arméniens viennent de sous-marines sont effectuées par les mem¬ en deux volumes magnifiquement illustrés,
découvrir sous le lac Sevan, qui a plus de bres d'une organisation finlandaise affiliée vient de paraître (imprimé par Braun et Cie)
1 400 km2, un second lac souterrain dont la à la Fédération mondiale des activités sub¬ sous le haut patronage de « l'Union inter¬
superficie dépasse 700 km2. Sous la vallée aquatiques. Cet organisme, qui groupe nationale pour la Conservation de la
de l'Ararat existe un lac de quarante mil¬ vingt-neuf nations, a pour objectif essen¬ Nature ». Pour tous renseignements et
liards de mètres cubes d'eau, qui alimente tiel de protéger les sites sous-marins qui commandes, s'adresser à M. Francis Brunei,
plus de 1 000 puits artésiens. D'autres lacs Conseil international des Sciences de la
présentent une importance archéologique et
souterrains viennent également d'être scientifique. Vie, Information et Culture, 6, rue Joubert,
découverts en Arménie : leurs eaux seront Paris (9e). Prix des deux volumes : 200 F
utilisées pour l'irrigation. franco, uniquement par souscription, avec
possibilité de règlement en quatre, huit et
TACÓLE INTERNATIONALE. Une école douze mensualités.
-*-^ secondaire internationale destinée à
PNEU POUR LA GLACE. On met
préparer les étudiants africains à l'ensei¬
actuellement à l'essai, en Grande-Bre¬ gnement supérieur sera inaugurée en octo¬
tagne, un nouveau pneu pour la glace. Il bre prochain en Nigeria, sous l'égide du J^ ESTIVAL DE CINEMA. Le Troisième
contient des milliers de fils. d'acier spécial festival du Cinéma de Moscou aura
Collège universitaire d'Ibadan. L'école sera
hachés et placés dans un mélange de gom¬ lieu du 7 juillet au 21 juillet. Au premier
mixte et pourra accueillir cinq cents élèves
me utilisé pour la bande de roulement. Son festival, en 1959, 44 pays participaient et
dont quelques pensionnaires. Le programme
adhérence est parfaite. 134 films avaient été projetés. Au second,
comprendra les matières suivantes : anglais,
en 1961, 55 pays participaient, et 251 films
langues vivantes, histoire, géographie, ma¬
avaient été projetés.
thématiques, science, musique et arts. Des
MAISON D'OS. Des archéologues sovié¬ relations seront établies avec les écoles de
tiques ont découvert dans la région divers pays.
de Briansk un logement fait en os de "JOUETS EDUCATIFS. A l'exposition
mammouth par des hommes qui vivaient ** « Apprendre à vivre » les enfants
il y a 17 000 ou 18 000 ans. Ce gîte avait d'Ibadan, en Nigeria, ont fait connaissance
PRIX KALINGA DU CINEMA. Un
pour fondations 18 crânes de mammouths; avec toute une gamme de jouets éducatifs,
prix Kalinga du cinéma d'un montant
des os tubulaires servaient à la carcasse des du simple jeu de cubes aux jeux de construc¬
de deux mille livres sterling sera décerné,
murs. Il avait 150 m2. Un grand âtre était tion les plus complexes. Les jouets éduca¬
en 1964, par un jury international constitué
disposé à l'entrée. On a découvert dans tifs et mécaniques peuvent remplir un rôle
par le Directeur Général de l'Unesco. Le
cette singulière maison des ossements hu¬ important en Afrique, en familiarisant les
sujet du film doit être une réalisation excep¬
mains, des instruments destinés à travailler enfants avec les techniques modernes et en
tionnelle dans le domaine de l'éducation, de
le silex, des coquillages percés. leur facilitant ainsi l'apprentissage des scien¬
la science ou de la culture. Le film doit
ces élémentaires.
avoir été fait entre le 1" janvier 1963 et
le 30 juin 1964. La durée de la projection
CENTRE DE SCIENCES SOCIALES.
ne doit pas être inférieure à vingt-cinq mi¬
Un centre européen de coordination nutes. Les films d'imagination sont exclus.
de recherches dans le domaine des sciences
Les candidatures ne peuvent être présen¬
sociales vient d'être fondé à Vienne. Il
tées que par l'intermédiaire des Commis¬ En bref
aura pour objet de stimuler la recherche sions nationales pour l'Unesco, qui donne¬
comparative, avec la collaboration des cen¬ ront tous renseignements au sujet du règle¬
tres nationaux. Un comité directeur vient
ment du prix Kalinga.
d'être nommé, composé d'éminents spécia¬
listes. Le centre commencera ses travaux
M D'après les statistiques de l'OMS, trois
enfants naissent toutes les secondes. Le
avant la fin de l'année. Trois grands thèmes
FORMATION TECHNIQUE. Le Bureau monde doit relever un double défi, démo¬
ont été définis : la planification globale, les
international du Travail vient de déci¬ graphique et alimentaire, pour nourrir à
conceptions fondamentales de l'aide aux
der la création d'un centre international de leur faim toutes ces bouches nouvelles.
pays en voie de développement, et les
perfectionnement professionnel et techni¬
conséquences économiques et sociales du
désarmement.
que, destiné plus particulièrement aux pays
en voie de développement. Le centre sera Trente-huit millions de malades du pian
installé à Turin (Italie) et formera des ont été soignés à la pénicilline pendant la
ouvriers qualifiés, des techniciens, des campagne internationale menée de 1950 à
DOUR LA JEUNESSE. Une grande
agents de maîtrise, des cadres supérieurs et 1962. De 10 à 20 % il y a dix ans, la pro¬
- conférence internationale sur la jeu¬ portion des malades est tombée autour de
des instructeurs. Le gouvernement italien
nesse doit avoir lieu en 1964, sous les aus¬
contribuera aux frais de gestion du centre, 0,5 % à la fin de 1962.
pices de l'Unesco, à Grenoble. Pour la pré¬
et mettra à sa disposition trois cents bour¬
parer et élaborer un programme d'études u
ses d'études annuelles. z
sur l'éducation extra-scolaire des jeunes, un Les savants soviétiques envisagent de <
ai
comité de 17 experts, auxquels s'étaient tirer parti des courants aériens de ¡a tropo-
joints des observateurs de I'ONU, de la pause, couche atmosphérique située à 10 km
FAO et de l'OIT, vient de se réunir au SCOUTS INFIRMIERS. En Nigeria, un
d'altitude. L'énergie des vents y est de 1 000
siège de l'Unesco, à Paris. D'ici 1964, groupe de scouts infirmiers aide une
à 2 000 fois supérieure à l'énergie éolienne
l'Unesco va procéder à une étude sur les équipe sanitaire de l'OMS et de l'UNICEF des couches de basse altitude. Une station
objectifs de l'éducation extra-scolaire des à dépister dans les villages des maladies
électrique serait envoyée dans la tropopause,
jeunes. Par ailleurs l'attention des experts comme le pian, la gale et la variole. En
au moyen d'un aérostat, et pourrait produire
s'est portée sur les problèmes particuliers trois ans, les scouts ont examiné 140 000
de l'énergie électrique qui reviendrait moins <
aux pays en voie de développement, et personnes de tous âges et vacciné 86 % cher que dans les centrales rurales.
des jeunes en milieu rural. d'entre elles contre la variole. De plus, O
Z
grâce à leur activité, le pian a complète¬
ment disparu. A la fin de 1952, l'Unesco comptait
¥JECHERCHES SOUS-MARINES. Des 445 fonctionnaires au Siège, contre 223 u

plongeurs, opérant en liaison avec des fonctionnaires et experts sur le terrain. En ci


O
34 archéologues ont fait d'intéressantes décou¬ S O.S. KANGOUROU. Une campagne 1962, la proportion s'est inversée; il y
vertes au large des côtes de Finlande. Des vient d'être entreprise en Australie avait 790 fonctionnaires et experts sur le
épaves ont été reconnues à divers empla pour sauver les kangourous en voie de dis terrain contre 460 au Siège.
Une fenêtre ouverte sur le monde

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LE COURRIER DE L'UNESCO

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d'excellents documents photographiques. Ils don¬
nent une image vivante de la diversité infinie des
peuples et des pays, de l'humanité en évolution,
des grandes aventures de la science, des problèmes
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ALBANIE. N. Sh. Botimeve, Naim Frasherï, Tirana. velle
», 36, rue Roux, B.P. 111, Port-au-Prince. 46, Varsovie 10 (zl. 50). PORTUGAL. Dias & An-
ALLEMAGNE. : R. Oldenbourg Verlag, Unesco-Vertrieb HONGRIE. Kultura, P. O. Box 149, Budapest 62. drada Lda, Livraria Portugal, Rua do Carmo, 70, Lisbonne.
für Deutschland, Rosenheimerstrasse 145, Munich 8. ILE MAURICE. Nalanda Co. Ltd., 30 Bourbon Str. ROUMANIE. Cartime'x Str. Aristide-Briand 14-18.
Unesco Kurier (Edition allemandeseulement) Bahrenfelder Port-Louis. INDE. Orient Longmans Private Ltd. : P.O.B. 134-135, Bucarest. ROYAUME-UNI. H. M.
Chaussee 160, Hamburg-Bahrenfeld, CCP 276650. 17 Chittaranjan Avenue, Calcutta 13. Indian Mercantile Stationery Office, P.O. Box 569, Londres S.E.I. (10/-).
(DM 8). AUTRICHE. Verlag GeorgFromme et C, Chamber, Nicol Rd., Bombay 1; 3 6a. Mount Road, SÉNÉGAL. La Maison du livre, 13, av. Roune. Dakar.
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Brouckère, Bruxelles. C. C. P. 3380.00. BRɬ Dublin (10/-). ISRAEL, fßlumstein's Bookstores, 40, rue du Marché, Genève. CCP. 1-236. Pour « La
SIL. Librairie de la Fundaçao Getulio Vargas, 186, Ltd., 35, Allenby Road and 48, Nahlat Benjamin Street, Courrier » seulement : Georges Los m a z, 1 , rue des Vieux-
Praia de Botafogo. Caixa Postal 4081, Rio de Janeiro. Tel-Aviv. (1$ 5.50). ITALIE. Librería Commíssíonaria Grenadiers, Genève, C.C.P. 1-4811 (Fr. S 8). TCHɬ
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DANEMARK. Ejnar Munksgaard A/S, Tidsskriftafde- Librairie Antoine A. Naufal et Frères B. P. 656, Bey LAVIE. Jugoslovenska-Knîjga, Terazij« 27/11, Belgrade.
Bouleversé par les horreurs dont il a été le témoin sur le c'est, en 1863, la naissance de la Croix-Rouge (voir article
champ de bataille de Solferino en 1859, le citoyen gene¬ page 20). Ci-dessus, évoqué par le film « D'Homme à
vois Henry Dunant n'a de cesse que soient reconnues Homme », Henry Dunant brandissant pendant le siège
les idées que lui a inspirées cette terrible expérience. Et de Paris en 1870 le drapeau désormais célèbre.

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