Ponts Caissons en BP

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R.

Soltani

CHAPITRE 1
Ponts en béton précontraint construits par encorbellements successifs

1.1. Introduction
Ce mode de construction consiste à exécuter l'essentiel du tablier d'un pont sans cintre ni
échafaudages au sol, en opérant par tronçons successifs dénommés voussoirs, chacun de ces
éléments étant construit en encorbellement par rapport à celui qui le précède. Après exécution
d'un voussoir, les câbles de précontrainte qui aboutissent à ses extrémités sont mis en tension,
ce qui permet de les plaquer contre les voussoirs précédents et de constituer ainsi une console
auto-porteuse pouvant servir d'appui pour la suite des opérations.
La construction s'effectue :
• en général symétriquement, de part et d'autre d'une pile, de façon à minimiser les moments
transmis à cet appui lors de l'exécution; la double console obtenue est alors dénommée fléau
(Figure 1.1);
• parfois dissymétriquement, d'un seul côté d'un fléau, l'autre fléau étant déjà clavé avec la
travée adjacente (Figure 1.2);
• exceptionnellement à partir d'une culée, le moment de renversement apporté par la console
étant alors équilibré par un contrepoids dimensionné en conséquences et faisant partie du
tablier lui-même (Figure 1.3).

Fig. 1.1. Construction symétrique depuis une pile

Fig. 1.2. Construction en sur-encrobellement

Fig. 1.3. Construction par encorbellement successifs à partir de travées contrepoids

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1.2. Conception générale


1.2.1. Domaine d’emploi
La construction par encorbellements successifs permet de réaliser des ouvrages en béton
précontraint très variés. En effet :
• la gamme des portées envisageables est très large (entre 40 et 200 m, voire 300 m),
• la voie portée peut avoir n'importe quelle géométrie tant en plan qu'en long ;
• entre 60 et 100 m, le tablier de l'ouvrage peut être de hauteur constante ou variable ;
• la méthode peut être mise en œuvre quelles que soient les caractéristiques naturelles de la
brèche (profondeur importante, versants abruptes, sols de très mauvaise qualité, site
maritime, etc.).

2.2.2. Répartition des travées


Les ouvrages les plus simples comportent des travées principales toutes égales. Cette
disposition permet de réaliser des fléaux tous identiques, ce qui simplifie la conception des
matériels de pose ou de bétonnage et améliore les rendements.
Les travées de rive ont généralement une longueur supérieure à celle d'un demi-fléau. La
longueur supplémentaire, qui mesure 10 à 20 pour cent de la longueur des travées principales,
est habituellement construite sur cintre car cette méthode est généralement la plus
économique. Elle permet un bon équilibrage des moments dans les différentes travées sous les
charges d'exploitation et garantit des réactions d'appui positives sur les culées.

Fig. 1.4. Distribution des portées d’un pont simple construit par encorbellement

L'exemple de la figure 1.5 montre un ouvrage comportant plusieurs grandes travées, justifiées
par un gabarit de navigation important, et une série de travées de portées plus réduites - donc
plus économiques - franchissant des zones inondables mais non navigables.

Fig. 1.5. Pont associant des grandes travées en rivière et des travées plus courtes à terre

L'exemple de la figure 1.6 présente un autre ouvrage comportant une grande travée dans la
partie la plus profonde de la vallée à franchir et des travées plus courtes ailleurs.

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Fig. 1.6. Pont comportant des travées de portées variables fonctions de la profondeur de la
brèche

Dans ces deux cas, il faut souligner que la transition entre grandes et petites travées s'opère
par une travée ayant comme portée la moyenne des deux portées courantes. On notera
également que les travées de rive ont comme longueur 60 % des travées courantes adjacentes.
Pour les ouvrages de hauteur constante, il est néanmoins possible de concevoir des travées
inégales en décalant les clavages. On peut ainsi décaler légèrement l'implantation de certaines
piles qui seraient mal placées (Figure. 1.7).

Fig. 1.7. Léger décalage  des piles d’un ouvrage de hauteur constante (le décalage des
clavages ’est alors du double de )

1.2.3. Élancement et forme de l'intrados


1.2.3.1. Hauteur constante
Lorsque les portées principales d'un ouvrage sont inférieures à 65/70 m, le tablier le plus
économique est en général de hauteur constante, car les gains apportés par la simplification
des outils de coffrage du tablier (équipages mobiles ou cellule de préfabrication) et du
ferraillage sont bien supérieurs aux gains de matière possible. Dans ce cas, la hauteur du
tablier est comprise entre un 1/20 à 1/25 de la portée maximale, avec toutefois un minimum
de 2,20 m pour permettre une circulation satisfaisante à l'intérieur du caisson.

1.2.3.2. Hauteur variable paraboliquement


Au-delà de 65 m/70 m, les efforts dans les fléaux deviennent très importants et nécessitent
une hauteur sur pile qui se révèle surabondante en travée. Il devient donc économiquement
intéressant de réaliser un tablier de hauteur variable.
Pour ces ouvrages, la variation de hauteur entre la clef et la pile est généralement parabolique
(Figure 1.8). Le fléau doit être symétrique pour que sa stabilité en construction soit plus facile
à assurer. La partie de la travée de rive coulée sur cintre ou en sur encorbellement est toujours
de hauteur constante (même hauteur qu'à la clé).

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Dans les cas courants, la hauteur sur pile h p est comprise entre 1/16 et 1/18 de la portée de la
travée considérée. La hauteur à la clef est en général comprise entre le 1/30 et le 1/35 de cette
même distance, avec un minima de 2,20 m permettant un cheminement aisé dans le caisson.
Une étude montre qu'on peut appliquer pour un tablier sur appuis simples les relations
suivantes :

- sur pile :

- à la clef :

avec l portée principale en mètres.

Fig. 1.8. Hauteur variable paraboliquement

Quelques ouvrages ont également été conçus avec une variation de hauteur linéaire sur
20 à 25 pour cent de la longueur de la travée principale, le reste des travées étant de
hauteur constante (Figure 1.9). Cette solution, assez simple à exécuter, n'est utilisée que
pour des portées modestes. Elle est choisie parfois pour des raisons architecturales,
parfois pour dégager un gabarit légèrement plus important qu'un intrados parabolique.
Elle nécessite la présence d'une entretoise au niveau du changement de pente, pour
reprendre la composante verticale de la compression dans le hourdis inférieur.

Fig. 1.9. Hauteur variable linéairement

1.2.4. Conditions d’appui


La majorité des ponts construits par encorbellements successifs reposent sur des appuis
simples en service alors que pendant la construction, ils sont encastrés sur piles grâce
aux dispositifs de stabilité des fléaux. Les appuis définitifs sont dans la plupart des cas
des appareils d'appui à pot d'élastomère. Lorsque les piles sont très hautes, il est
souvent préférable d'encastrer le tablier en tête de pile (Figure 1.10). Cette solution
offre l'avantage de simplifier la construction et l'exploitation de l'ouvrage puisqu'il n'y a
ni dispositifs de stabilisation provisoire des fléaux, ni appareils d'appui.
Toutefois, les piles et la travée centrale forment un portique sensible aux déformations
linéaires du tablier sous les effets de la température, du retrait et du fluage. Si les piles
sont courtes et massives, leur grande rigidité provoque des moments et des efforts

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tranchants qu'elles ne peuvent en général pas supporter. Cette solution n'est donc viable
que pour des ouvrages de grande hauteur aux piles élancées.

Fig. 1.10. Tablier encastré sur deux piles composées chacune de deux voiles parallèles

1.2.5. Choix d'une section transversale


Les importants porte-à-faux réalisés en phase de construction imposent d'utiliser une section
transversale présentant une bonne résistance à la torsion. C'est l'une des raisons qui conduit
les projeteurs à adopter des sections en forme de caisson. Ces sections comportent également
un hourdis inférieur qui abaisse le centre de gravité et confère au câblage une bonne efficacité
sur pile, ce qui est fondamental, la construction par encorbellements successifs aboutissant à
de très importants moments négatifs.

1.2.5.1. Monocaissons simples


Pour des largeurs de tablier inférieures à 20 m, la solution la plus économique est presque
toujours constituée par un caisson à deux âmes (Figure 1.11), avec deux hourdis en dalle
pleine. Jusqu'à 15 ou 16 m de largeur, le hourdis supérieur est en béton armé. Au-delà, il est
fréquemment précontraint transversalement par des câbles de faible puissance. Ce type de
caisson autorise toutes les lois de variation de la hauteur du tablier (constante, parabolique,
etc.).

Fig. 1.11. Morphologie d’un caisson simple monocellulaire

1.2.5.2. Monocaissons nervurés ou braconnés


Pour des largeurs de tablier comprises entre 18 et 25 m ou plus, la solution la plus courante est
constituée par un caisson à deux âmes, avec un hourdis supérieur nervuré et un hourdis
inférieur en dalle pleine (Figure 1.12).
Les nervures sont disposées à raison d'une par voussoir courant, soit une tous les 3 à 4 m.
Dans les ouvrages les moins larges, les nervures sont en béton armé et leur hauteur est
constante entre les âmes. Lorsque les tabliers sont très larges, les nervures ont une géométrie
plus élaborée et sont précontraintes par des câbles de puissance moyenne (12T15 ou 19T15).

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La présence de nervures complique le coffrage du tablier et donc l'exécution des voussoirs.


Avant de choisir une nervuration transversale, il est donc utile de vérifier le gain de poids
obtenu par rapport à un hourdis précontraint plus épais mais d'épaisseur constante. De plus,
les câbles extérieurs ne doivent pas percuter les nervures près des entretoises sur pile. On
prévoie donc près des piles, soit des réservations dans les nervures, soit des nervures moins
hautes laissant passer les câbles.

Fig. 1.12. Exemple de caisson large à hourdis nervuré précontraint

Pour des largeurs de tablier comprises entre 18 et 25 m, il est également possible de projeter
des tabliers avec un hourdis d'épaisseur constante longitudinalement, sans nervures, mais
souvent précontraint (Fig. 1.13). Les âmes sont généralement verticales et des bracons en
acier ou en béton armé sont disposés sous les encorbellements. Les bracons peuvent aussi être
remplacés par deux voiles latéraux en béton très inclinés (Figure 1.14).

Fig. 1.13. Exemple de caisson large avec bracons métalliques

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Fig. 1.14. Exemple de caisson large avec voiles latéraux minces

1.2.5.3. Bicaissons
Pour des largeurs importantes, il est aussi possible de projeter un tablier comportant deux
caissons liés par leurs encorbellements intérieurs (Figure 1.15). Cette structure se prête
particulièrement bien à la construction de tabliers larges préfabriqués puisqu'elle est obtenue
en construisant deux tabliers étroits côte à côte, puis en les clavant transversalement.
Comme les monocaissons simples, les bicaissons sont compatibles avec toutes les lois de
variation de la hauteur du tablier (constante, parabolique, linéaire, etc.).

Fig. 1.15. Exemple de tablier composé de deux caissons clavé transversalement

1.2.5.4. Monocaissons à trois âmes


Pour des largeurs comprises entre 15 et 20 m, il est possible de projeter des caissons à trois
âmes (Figure 1.16). Ces structures sont peu utilisées et ceci pour cause :
• leur exécution est difficile et coûteuse car il faut utiliser deux noyaux coffrants ;
• à coût identique, on leur préfère souvent des structures avec bracons ou nervures
transversales, d'esthétique plus agréable ;
• certains ouvrages de ce type ont donné lieu à des pathologies importantes, en raison de la
difficulté de prévoir la répartition des efforts entre les âmes.

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Fig. 1.16. Exemple de caisson à trois âmes

1.2.5.5. Prédimensionnement d’une section transversale simple


La figure 1.17 précise les notations utilisées.

Fig. 1.17. Notations utilisées pour un caisson monocellulaire

1.2.5.5.1. Hourdis supérieur


Dans un caisson simple, les âmes sont souvent implantées au quart de la largeur du caisson (C
= B / 4). Le hourdis supérieur est une dalle pleine dont l'épaisseur varie transversalement pour
s'adapter aux efforts transversaux à reprendre.
Son épaisseur en extrémité e1 dépend du dispositif de retenue choisi :
- 16 à 18 cm en cas de garde-corps,
- 23 cm en cas de barrière normale BNl,
- 24 cm en cas de barrière normale BN4.

e2 1/7 à 1/8 de la largeur de l'encorbellement mesurée au début du gousset pour un hourdis en


béton armé. En béton précontraint, on peut diminuer cette valeur.

Son épaisseur à mi-portée e4 est égale à D/25 ou D/30, voire D/35 pour des caissons très
larges précontraints transversalement, avec un minimum de 20 cm. À l'encastrement, la valeur
e3 peut être estimée en mètre à 0,10 + D/25 (D désigne ici l'entraxe des âmes exprimé en
mètres). En général, on vérifie également :
e3 > e2 - 0,10 m et e3 > 1.5 e4

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Compte tenu de ce qui précède, l'épaisseur moyenne du hourdis d'un caisson simple s'établit à
22 à 26 cm, non compris les goussets de raccordement aux âmes du caisson. La précontrainte
transversale permet de réduire d'environ 10 % les dimensions e2, e3 et e4 si on dispose de
suffisamment de place pour loger les câbles de fléau. Il convient d'apporter une grande
importance aux conditions de bon enrobage des câbles transversaux ainsi qu'aux conditions
d'ancrage de ces câbles aux extrémités du hourdis ; ces conditions peuvent en effet aussi
déterminer l'épaisseur du hourdis à son extrémité.

1.2.5.5.2. Epaisseur des âmes


Les âmes du caisson sont la plupart du temps inclinées car cette disposition facilite le
décoffrage et réduit la largeur des têtes de pile. Les parements extérieurs des âmes sont aussi
souvent de meilleure qualité lorsqu'elles sont inclinées. L'inclinaison couramment adoptée est
comprise entre 10 et 30 %. Longitudinalement, l'épaisseur des âmes est généralement
constante pour les ponts de hauteur variable et variable pour un tablier de hauteur constante.
Lorsqu'un épaississement est nécessaire près des piles, la variation se fait brutalement (par
redans et naturellement par l'intérieur) pour faciliter l'exécution. Verticalement, les âmes sont
presque toujours d'épaisseur constante sur toute leur hauteur.
La plupart du temps, les câbles de fléau sont ancrés dans le gousset supérieur ou dans un
bossage haut. Dans ce cas, l'âme n'étant pas entamée par les câbles, son épaisseur peut être
réduite au strict minimum pour résister à l'effort tranchant en service en bénéficiant de la
réduction importante apportée par le relevage des câbles extérieurs. Toutefois, en
construction, on ne bénéficie pratiquement d'aucune réduction de l'effort tranchant, car les
câbles extérieurs ne sont pas encore tendus. L'épaisseur totale Ea des deux âmes peut être
estimée à Ea = L/275 + l,25  B/L - 0,125, relation dans laquelle L est la portée principale et B
la largeur du hourdis supérieur (Ea, L et B exprimés en mètres).
Il arrive parfois qu'on souhaite faire descendre les câbles de fléaux dans les âmes, pour
augmenter la réduction d'effort tranchant apportée par la précontrainte.
Pour des portées supérieures à 100 mètres environ et dans certains projets particulièrement
optimisés, les âmes sont parfois épaissies au voisinage du hourdis supérieur. Dans ce cas,
l'épaisseur des âmes doit également respecter un certain nombre de conditions relatives au
bon bétonnage et à l'ancrage des câbles de fléau sur la tranche des voussoirs :
- a > 2(e + 2d + V) + g, avec V = 7 cm minimum (cheminée de bétonnage et de vibration) ;
- a > 2D avec D enrobage des plaques donné par les agréments des systèmes de précontrainte
en fonction de la résistance du béton (en première estimation, on peut prendre D = 18 cm pour
des câbles 12T13 et D = 20 cm pour des câbles 12T15) ;
- a > 3g avec g = 7 cm pour des câbles 12T13 et g = 8 cm pour des câbles 12T15.

Fig. 1.18. Epaisseur des âmes

On peut ajouter que la résistance à l'effort tranchant impose de conserver une épaisseur utile
d'âme Ea égale à 0,26 + L/500, avec Ea et L en mètres. Cette formule (un peu plus défavorable

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que la précédente pour les faibles portées et les caissons peu larges), donne de bons résultats
pour des portées comprises entre 70 et 170 m, et pour des largeurs de tablier inférieures à 15
m. Pour des tabliers plus larges, cette épaisseur doit être augmentée.

1.2.5.5.3. Epaisseur du hourdis inférieur


L'épaisseur du hourdis inférieur est minimale à la clef et maximale sur pile. Les lois de
variation de l'épaisseur en fonction de l'abscisse horizontale sont soit linéaire, soit
parabolique, soit du 4ème degré. Cette dernière loi de variation permet de maintenir l'épaisseur
minimum du hourdis sur une grande longueur et de gagner du poids. Des variations
d'épaisseur en escalier, dites aussi "à la demande" sont parfois adoptées. Dans les parties
coulées sur cintre, l'épaisseur du hourdis inférieur reste constante et égale à celle de la clef.
Dans la partie centrale des travées, le hourdis inférieur doit être aussi mince que possible (18 à
22 cm) pour limiter le poids propre du caisson. Pour les ouvrages larges, la flexion
transversale est prépondérante, et l'épaisseur est plutôt de l'ordre de 25 cm. Dans les ouvrages
de conception ancienne, ce hourdis recevait des câbles de continuité qu'il fallait protéger
contre la corrosion par une couverture de béton au moins égale à un demi-diamètre de gaine.
La puissance des câbles augmentant, cette disposition a cependant fini par poser des
problèmes de fissuration liés à la diffusion de la force de précontrainte au voisinage des
ancrages. Aujourd'hui, les câbles de continuité sont logés dans les goussets inférieurs des
caissons et la condition d'enrobage précisée ci-dessus ne concerne plus le hourdis. Il est
cependant souhaitable de caler l'épaisseur minimale du hourdis Ec pour que la nappe
supérieure de son ferraillage transversal ne percute pas les gaines des câbles dans les goussets.
Il est également bon que cette épaisseur ne soit pas inférieure au tiers de l'épaisseur des âmes,
pour que le caisson puisse être considéré comme indéformable transversalement.

Fig. 1.19. Détail du hourdis inférieur

1.2.5.5.4. Dimensionnement des goussets supérieurs


Les goussets supérieurs doivent remplir plusieurs fonctions qui, en général, conditionnent
leurs dimensions :
• ils épaississent le hourdis dans des zones où les efforts transversaux sont importants ;
• leur forme d'entonnoir facilite le bétonnage des âmes ;
• ils abritent les câbles de fléaux et assurent leur enrobage ;
• ils permettent les déviations des câbles de fléaux qui précédent leur ancrage ;
• ils épaississent les nœuds âmes/hourdis supérieur pour que ceux-ci puissent encaisser les
efforts dus à la diffusion des câbles de fléaux, maintenant presque toujours ancré dans ces
nœuds.
Dans les ouvrages coulés en place, des blocs en béton préfabriqués incluant les ancrages des
câbles de fléau sont encore parfois utilisés pour pouvoir tendre ces câbles quelques heures
seulement après le bétonnage des voussoirs. Ces blocs doivent alors trouver leur place dans
les nœuds âmes/hourdis. Ils peuvent donc aussi influencer les dimensions des goussets
supérieurs.

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Compte tenu de ce qui précède, les goussets sont dessinés et pris en compte de manière
empirique dans les calculs de dégrossissage et ne sont fixés précisément qu'après
détermination précise du câblage de fléau et du ferraillage transversal.

30°    45°

Fig. 1.20. Exemple de détail du gousset supérieur

1.2.5.5.5. Dimensionnement des goussets inférieurs


Outre leur rôle mécanique de transition entre les âmes et le hourdis inférieur, les goussets
inférieurs doivent loger les câbles de continuité intérieure (Figure 2.21).

Fig. 2.21. Détail des goussets inférieurs

Les goussets inférieurs sont normalement coffrés par la partie inférieure du noyau central du
coffrage du voussoir. Leur pente est alors comprise entre 40 et 45° pour favoriser
l'écoulement du béton et éviter la formation de nids de cailloux ou de défauts de bétonnage.
Quand le hourdis inférieur est large, la pente des goussets par rapport à l'horizontale peut
descendre à 15 voire 10°, pour permettre une bonne reprise des efforts de flexion transversale.
Dans ce cas, les goussets ne sont pas coffrés, mais simplement talochés pendant le bétonnage.
Les câbles de continuité intérieurs ou câbles éclisses sont ancrés dans des bossages en
excroissance, situés à la liaison entre les âmes et le hourdis inférieurs (Figure 1.22). Ces
bossages présentent une longueur en général un peu inférieure à celle des voussoirs courants.
Ils sont exécutés en même temps que le reste du voussoir.

Fig. 1.22. Bossage d’ancrage des câbles de continuité inférieurs


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1.2.6. Découpage en voussoirs


Le découpage en voussoirs se déduit de la géométrie longitudinale de l’ouvrage. On
distingue :
- les voussoirs courants ;
- les voussoirs sur pile ;
- les voussoirs de clavage.

Fig. 1.23. Découpage en voussoirs

1.2.6.1. Voussoirs courants


La longueur des voussoirs courants est constante et varie de 2,50 à 4 m, voire 5 m, suivant les
ouvrages. Lorsque les voussoirs sont coulés en place, les deux critères de choix sont le temps
de bétonnage et la réduction du nombre de cycles et donc de voussoirs. Cette volonté
d'optimisation peut parfois conduire à réaliser des voussoirs de différentes longueurs pour un
demi-fléau. Lorsque les voussoirs sont préfabriqués, le principal critère de détermination de la
longueur est la limitation du poids de ces voussoirs. En effet, les voussoirs préfabriqués
doivent être déplacés avec des engins spécifiques, dont la capacité est forcément limitée. On
notera toutefois que plus les voussoirs sont courts, plus la géométrie du fléau est difficile à
respecter. Quelle que soit la méthode retenue, on peut considérer que les voussoirs sont
d'autant plus longs que la section transversale est modeste. Ainsi, on retiendra des voussoirs
de 2,5 à 3 m pour les ouvrages très larges ou de grandes portées, et des voussoirs plus longs -
3 à 4 m - pour des ouvrages étroits ou de portées modestes.

1.2.6.2. Voussoirs sur pile


Pour les ouvrages coulés en place, le voussoir sur pile mesure en général au moins 8 m, de
façon à pouvoir supporter les deux équipages mobiles en position d'exécuter la première paire
de voussoirs. Pour monter la paire d'équipages sur le voussoir sur pile, il faut en effet lui
donner une longueur égale à deux fois celle des voussoirs courants augmentée de cinquante
centimètres à un mètre. Le voussoir sur pile représente un volume de béton très important qui
peut rarement être bétonné en une seule phase. D'autre part, son coffrage doit être conçu pour
résister sans se déformer à d'importantes poussées du béton frais. Pour les ouvrages coulés en
place comportant un faible nombre de piles, il peut être intéressant de réduire la longueur du
VSP. Dans ce cas, le deuxième voussoir de la première paire est exécuté après déplacement
du premier équipage. Le déséquilibre du fléau avant montage du second équipage est
important, mais admissible compte tenu des faibles bras de levier à ce stade de la
construction.
Pour les ouvrages préfabriqués, les dimensions du voussoir sur pile sont souvent
incompatibles avec la capacité des engins de transport et de pose des voussoirs. On découpe
donc les VSP en deux voire trois parties assemblées par précontrainte.

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1.2.6.3. Voussoirs de Clavage


La longueur des voussoirs de clavage varie considérablement selon la technique utilisée. Pour
les ouvrages coulés en place, la longueur des voussoirs de clavage est légèrement inférieure à
celle des voussoirs courants car l'un des équipages mobiles est généralement utilisé pour leur
exécution. Toutefois, le voussoir de clavage ne doit pas être trop petit pour pouvoir démonter
sans trop de difficulté le coffrage intérieur de l'équipage. Le voussoir de clavage nécessite un
coffrage particulier, en général en bois, démontable en éléments suffisamment petits pouvant
être évacués par un trou d'homme. La longueur du voussoir de clavage doit aussi permettre le
recouvrement des armatures longitudinales et la mise en tension des câbles de fléau des
derniers voussoirs. Leur longueur minimale est ainsi d'environ deux mètres.
Pour les ouvrages préfabriqués, on cherche à réaliser le clavage, pour des raisons
économiques, avec l'outil le plus simple possible. Ce clavage est ainsi réduit à sa plus simple
expression, sa longueur ne dépassant pas 15 à 20 cm. Un clavage aussi court est exécuté en
béton non-armé et ne permet pas de tendre les câbles de fléaux habituellement mis en place
dans les derniers voussoirs courants. Ceux-ci ne sont donc précontraints avant clavage que par
le brêlage provisoire.

1.3. Conception du câblage longitudinal


Le tracé des câbles de précontrainte résulte du mode de construction et des phases successives
rencontrées. Les câbles peuvent se regrouper en différentes familles :
• les câbles de fléau, nécessaires à l'assemblage des voussoirs successifs,
• les câbles de continuité destinés à reprendre toutes les actions complémentaires appliquées à
la structure après réalisation des f léaux.

Pour un ouvrage à trois travées, la cinématique de mise en tension de ces différents câbles est
alors la suivante :
• mise en tension de câbles de fléau intérieurs au béton pour assembler les voussoirs courants
(Figure 1.24) ;
• mise en tension de câbles de continuité intérieurs au béton (ou câbles éclisses), pour
solidariser les parties coulées sur cintre des travées de rive aux deux fléaux (Figure 2.25) ;
• mise en tension de câbles de continuité intérieurs au béton (ou câbles éclisses) à la clef de la
travée principale pour assurer la continuité de la structure (Figure 2.26) ;
• mise en tension de câbles de continuité extérieurs au béton, filants sur une ou plusieurs
travées, pour reprendre les compléments de charge.

Fig. 1.24. Câbles de fléau

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Fig. 1.25. Câbles de continuité intérieurs des travées de rive

Fig. 1.26. Câbles de continuité intérieurs de la travée centrale

1.3.1. Précontrainte de fléau


Les câbles de fléau sont dimensionnés :
• en construction, pour assembler les voussoirs successifs et pour reprendre les moments
négatifs dus au poids propre des fléaux et aux charges de chantier ;
• en service, pour participer, avec les câbles de continuité extérieurs au béton, à la reprise des
moments négatifs dus aux charges permanentes et d'exploitation.

Ces câbles sont situés au voisinage de la fibre supérieure du tablier pour s'opposer
efficacement à des moments négatifs. Dans la quasi-totalité des cas, ils sont intérieurs au
béton afin d'obtenir un excentrement maximal.
Dans les conceptions anciennes, ces câbles subissaient quasi systématiquement des déviations
verticales à leurs extrémités et leurs ancrages étaient implantés dans les âmes. Le principal
avantage de cette disposition était la réduction de l'effort tranchant due à l'inclinaison des
câbles, particulièrement favorable à proximité des piles.
Cette disposition présentait par contre des inconvénients :
• la présence de câbles dans les âmes crée un obstacle vis-à-vis du bétonnage ;
• l'encombrement des plaques d'ancrage impose une épaisseur minimale d'âme importante
(classiquement de l'ordre de 45 cm) ;
• les câbles de fléau subissent des déviations angulaires Importantes, ce qui est pénalisant vis-
à-vis des pertes par frottement.

Dans les conceptions actuelles classiques, la réduction d'effort tranchant est apportée par le
câblage de continuité extérieur au béton. Il n'est donc plus nécessaire de descendre les câbles
dans les âmes à leurs extrémités, et ils peuvent être ancrés directement dans les nœuds
supérieurs. Les inconvénients des anciens câblages de fléau sont ainsi évités.
Les câbles de fléau subissent des déviations verticales et des déviations en plan dans le nœud
supérieur. Dans la mesure du possible, les déviations verticales sont dissociées des déviations
horizontales. Le tracé des câbles doit être rectiligne dans la traversée des joints.

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Elévation

Fig. 1.27. Câblage de fléau classique

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Fig. 1.28. Câblage de fléau peigné : vue en plan et détail des goussets

1.3.2. Précontrainte de Continuité


De façon générale, les câbles de continuité sont destinés à reprendre toutes les actions
complémentaires appliquées à la structure après réalisation des fléaux.
Dans les conceptions anciennes, ces câbles étaient tous intérieurs au béton. Ils régnaient en
travée dans le hourdis inférieur et étaient ancrés dans des bossages faisant saillie au-dessus de
celui-ci, ou relevés dans les âmes et ancrés dans des encoches ménagées dans l'extrados du
tablier. Le nombre important de câbles conduisait à les répartir sur toute la largeur du hourdis
inférieur, ce qui a occasionné d'importantes pathologies.
Aujourd'hui, la précontrainte de continuité est en général mixte, c'est-à-dire composée à la
fois de câbles intérieurs au béton et de câbles extérieurs au béton.

1.3.3. Câbles de continuité intérieurs


Les câbles de continuité intérieurs au béton appelés souvent "câbles éclisses" règnent sur la
partie centrale des travées courantes et dans les extrémités des travées de rive (Figures 1.29 et
1.30). Ces câbles s'opposant à des moments positifs, sont situés dans les goussets inférieurs et
sont ancrés dans des bossages situés à la jonction âme-hourdis inférieur (Figure 1.31).

Fig. 1.29. Câbles de continuité intérieurs en travée de rive

Fig. 1.30. Câbles de continuité intérieurs en travée courante

16
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.31. Bossages des câbles de continuité intérieurs

La précontrainte intérieure de continuité est dimensionnée de façon à reprendre au moins le


retrait après clavage, les effets thermiques - gradient thermique et variation uniforme de
température - et les effets d'adaptation de la structure pendant les phases de construction, entre
le coulage des bétons de clavage et la mise en tension de la précontrainte extérieure de
continuité.
Pour les travées de rive, la précontrainte intérieure de continuité reprend également le poids
de la partie coulée sur cintre.

1.3.4. Câbles de continuité extérieurs


Les câbles de continuité extérieurs sont destinés à reprendre :
• en complément des câbles de continuité intérieurs, les moments positifs en travée dus aux
charges permanentes (y compris retrait et redistribution d'effort; due au fluage) et aux
charges d'exploitation ;
• en complément des câbles de fléau, les moments négatifs sur pile dus aux charges
permanentes et d'exploitation.

En élévation, ils sont donc situés près du hourdis inférieur en travée et près du hourdis
supérieur sur appuis. En plan, les câbles de continuité extérieurs sont situés près des âmes.
Les câbles sont déviés par les entretoises sur piles et par des entretoises intermédiaires
(déviateurs) en travée, ce qui conduit à un tracé polygonal, rectiligne par tronçons. Les
déviateurs en travée sont en général situés entre le tiers et le quart de la travée (Figure 1.32).

Suivant la longueur de l'ouvrage et le nombre de travées, ils peuvent être filants d'un bout à
l'autre du tablier, ou se recouvrir en régnant sur deux ou trois travées successives, voire plus.
Compte tenu des difficultés liées à l'enfilage et à l'injection, lorsqu'ils sont ondulés, leur
longueur doit être limitée à 200 m environ. Cette valeur peut être légèrement dépassée,
notamment pour permettre à un câble de régner sur deux travées lorsque celles-ci ont une
portée supérieure à 100 m.

17
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.32. Câbles de continuité extérieurs

Il est intéressant de noter que dans un câblage mixte, les câbles extérieurs participent
largement à la reprise des moments négatifs sur appuis. Il en résulte une nette diminution du
câblage de fléau par rapport aux ouvrages anciens pour lesquels les câbles de fléau devaient
reprendre la totalité des moments négatifs.

1.4. Flexion transversale


Dans un ouvrage de hauteur constante, les calculs en flexion transversale sont menés dans la
section courante. Dans un ouvrage de hauteur variable, ils sont menés généralement dans une
section près de la pile et dans la section de clef. Ceci permet de prendre en compte les
différences de comportement entre deux sections de hauteurs extrêmes, la section proche de la
pile, de hauteur plus importante, étant plus souple que celle de clef.
Dans une section du tablier, les principales sections à justifier sont en général les suivantes :
• hourdis supérieur : à la racine de l'encorbellement, au droit du gousset côté intérieur, et au
centre de la dalle ;
• dans les âmes : au niveau du centre de gravité et aux extrémités supérieure et inférieure ;
• hourdis inférieur : à la racine du gousset principalement.

Fig. 1.33. Sections à justifier

En fonction du type de tablier à traiter, on peut déterminer les efforts transversaux de


différentes manières :
• avec un modèle 2 D ;
• avec un modèle 3 D ;
• à l'aide d'un modèle aux éléments finis.

2.4.1. Calcul avec modèle 2 D (abaques + calcul en cadre)


Pour le hourdis supérieur, il est possible de déterminer les efforts à partir d'abaques, soit
intégrant directement les anciennes charges réglementaires françaises (abaques de Thénoz
avec les charges du fascicule 61 titre II, du BTl du SETRA et de son complément), soit plus

18
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

générales (Pücher ou Homberg), c'est-à-dire sur lesquelles on peut appliquer les charges d'un
règlement quelconque (par exemple, l'Eurocode 1) ou même des charges non définies par un
règlement. Les abaques de Thénoz et de Pücher ne concernent que les dalles d'épaisseur
constante, alors que celles de Homberg prennent en compte une variation d'épaisseur.
Pour les ouvrages classiques (caisson monocellulaire), on détermine les efforts à l'aide des
abaques de dalle bi-encastrée pour les charges situées entre les âmes et des abaques de dalle
encastrée pour les charges situées sur les encorbellements. On injecte ensuite les moments
obtenus à l'encastrement aux nœuds supérieurs d'un modèle 2 D représentant une tranche de
caisson de longueur unitaire (Figure 2.34).

Fig. 1.34. Principe de la méthode de calcul avec abaques

Ce calcul est donc tout à fait valable pour les charges réparties telles que le poids propre ou
les équipements. Pour les charges concentrées (charges routières), il s'agit d'une
approximation puisque d'une part, l'effort n'est pas réparti uniformément le long de
l'encastrement, et d'autre part, on ne représente pas la diffusion des efforts depuis le hourdis
supérieur vers les âmes et le hourdis inférieur. Des calculs à l'aide d'éléments finis ont montré
cependant une assez bonne précision de ce type de calcul pour le hourdis supérieur lorsque les
âmes sont suffisamment rigides. Cela reste valable pour la partie supérieure des âmes, la
diffusion des efforts n'étant pas encore importante. Ce calcul est cependant beaucoup moins
représentatif pour la partie inférieure du caisson.
Au terme de ces calculs, les moments transversaux s'exerçant dans le caisson sont :
• M abaque + M cadre pour le hourdis supérieur central ;
• M cadre dans les âmes et le hourdis inférieur ;
• M abaque dans les encorbellements.

Pour l'introduction des moments aux nœuds du cadre, il faut ajouter le moment dû à l'effort
tranchant déterminé au bord théorique de la dalle, en le multipliant par la distance entre cet
encastrement théorique et le nœud supérieur situé dans l'axe de l'âme (Figure 1.35) ; cet effort
tranchant n'est pas fourni par les abaques.

19
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.35. Positions relatives des efforts calculés l'encastrement du hourdis (pour les abaques)
et du nœud supérieur du cadre modélisé sur lequel on applique les efforts

L'effet de cadre étant fonction de la rigidité des âmes (fonction de la hauteur et de l'épaisseur)
et dans une moindre mesure de l'épaisseur du hourdis inférieur, dans un ouvrage de hauteur
variable, ces calculs sont presque toujours menés d'une part pour la section sur pile, d'autre
part pour la section de clef.

2.4.2. Calcul avec modèle 3 D


Pour les éléments de section non courante, un calcul en 2 D est souvent trop simpliste et très
éloigné de la distribution réelle des efforts. Il s'agit, par exemple :
• des voussoirs sur pile (même pour les caissons classiques) ;
• des voussoirs déviateurs de câbles extérieurs ;
• des caissons monocellulaires très larges ;
• des caissons à nervures transversales ;
• des caissons multicellulaires ;
• des caissons comportant des bracons.

Il est alors nécessaire d'opter pour une autre modélisation (à barres en 3 D ou en éléments
finis de coques) permettant de traduire les variations locales de la structure (nervures,
épaississements d'âme, entretoises sur appui ou déviatrices, etc.) ou un fonctionnement non
homogène.

Fig. 1.36. Modélisation en éléments finis coques

Quelques règles élémentaires peuvent être indiquées pour réaliser une modélisation en
éléments coques:
• Les conditions aux limites ont une grande importance, et les extrémités du modèle
présentent des efforts complètement perturbés. En conséquence, il faut modéliser une
longueur assez grande pour disposer d'une zone "utile" non perturbée suffisante.
Généralement, on peut considérer que la zone à annuler correspond à environ 2 à 3 fois la
hauteur de la section. À titre d'exemple, si l'on modélise une travée entière, on la prolonge
de chaque côté par un tronçon de trois hauteurs (Figure 1.37).
• Pour appliquer les efforts généraux correctement, il convient également de prolonger le
modèle en coques par des barres représentant le tablier lui-même avec ses caractéristiques de
section.
• Bien entendu, le tronçon de coques et les barres sont reliés par un ensemble de barres rigides
disposées en "araignée"".
• La forme des éléments ne doit pas être trop dilatée aussi bien en "plan" qu'en épaisseur : il
est ainsi souhaitable d'avoir un rapport maximum entre les dimensions en plan et l’épaisseur
voisin de 2, une forme pas trop éloignée d’un rectangle (sinon, utiliser des éléments

20
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

triangulaires) lui-même ayant un rapport de dimensions n’excédant pas 2. En conséquence,


les hourdis ou les âmes peuvent être décomposés en éléments de 0,50 à 0,60 m environ en
plan, les entretoises ou les déviateurs ayant des épaisseurs maximum de 0,50 à 0,60 m
également.

Fig. 1.37. Découpage d’un tablier en éléments finis de coques

Les éléments de "coques " ne sont en revanche pas du tout adaptés pour représenter
correctement les parties massives d'un voussoir sur pile (entretoise et bossage par exemple) ;
il est alors parfois nécessaire d'utiliser des éléments "volumiques", ce qui présente d'autres
difficultés, notamment pour analyser les efforts et en tirer le ferraillage correspondant (Figure
1.38). Cette méthode doit donc être réservée à des cas particuliers et nécessite un haut niveau
de compétence dans la modélisation à l'aide de tels éléments.

Fig. 1.38. Découpage d’un tablier en éléments finis de volumes

1.5. Stabilité des fléaux


1.5.1. Principe de justification
Pendant la construction des ponts par encorbellements successifs, il est nécessaire d'assurer la
stabilité des fléaux sur leur pile avant clavage avec le fléau voisin ou avec la partie coulée sur
cintre, en travée de rive, près des culées.
L'accident à éviter est le basculement du fléau sur le chevêtre de la pile. Pour évaluer ce
risque, deux types de situations créant des déséquilibres sont à envisager :
• une situation temporaire de construction alors que le fléau est en déséquilibre sous l'effet du
poids d'un voussoir construit ou posé avant son symétrique, de charges de chantier non
symétriques et d'un vent ascendant s'exerçant sur l'un des demi fléaux ;
• une situation accidentelle qui correspond à la chute d'un équipage mobile ou d'un voussoir
préfabriqué.

Les combinaisons d'actions à utiliser relèvent de l'état limite d'équilibre statique et de l’état
limite de résistance.

1.5.2. Actions à prendre en compte


21
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Les charges à prendre en compte pour cette phase particulière de construction du fléau sont
celles d'une situation d'exécution. Le BPEL91 distingue, pour cette situation, les charges
permanentes (G), les charges d'exécution connues QPRC (en grandeur et en position) ou
aléatoires (QPRA) enfin, des actions variables comme le vent (W) ou un gradient thermique
(). Des situations accidentelles sont aussi envisagées ; elles comportent des charges
permanentes, des charges de chantier et une action accidentelle (FA).

1.5.2.1. Charges permanentes


Les charges permanentes doivent être évaluées en tenant compte de la géométrie précise du
tablier et notamment des entretoises, déviateurs, bossages et autres singularités
morphologiques de la structure.
Le poids G du fléau est calculé avec un poids volumique  de 25 KN/m3 d'après les plans de
coffrage.

Dans le cas d’utilisation de granulats à forte ou faible densité, la masse volumique du béton t,
du tablier (précontraint et armé) est évaluée à partir de la masse volumique du béton seul b
mesurée sur éprouvette de béton sans armatures à 1’aide de la formule suivante :


t  b   7.85   
7.85

avec  : ratio total d’armatures passives et actives (en t/m3).

On prend en général  = 0,18 à 0,22 t/m3 pour des ponts construits par encorbellement
classiques. On notera que les BHP présentent des densités plus importantes que celles des
bétons traditionnels. Pour ces bétons, il faut ainsi ajouter environ 50 Kg/m3 aux valeurs
précédentes.
Le poids du demi-fléau situé du côté du déséquilibré est majoré de 2 % (Gmax) alors que le
poids de son symétrique est minoré de 2 % (Gmin).
Pour les calculs de dégrossissage, il existe des formules simplifiées pour appréhender le poids
d'un fléau. Par exemple, si B1 désigne la section sur pile et B0, la section de clef, si la hauteur
du caisson varie paraboliquement et l'épaisseur du hourdis inférieur linéairement, on peut
approcher le poids du demi-fléau et la position de son centre de gravité par les formules
suivantes (formules de Krawsky) :

p
 B1  2B0  lf
3
d
 1 5B0  lf
B 
4   B1  2B0 

avec If longueur du demi-fléau.

22
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.39. Evaluation du poids d’un demi-fléau

1.5.2.2. Charges variables d'exécution


Le BPEL distingue les charges de chantier connues en grandeur et en position des charges
aléatoires que le projeteur doit prendre en compte de façon forfaitaire.

1.5.2.2.1 Charges de chantier connues


Les charges connues sont celles dont on peut préciser le poids et la position dans chaque
phase de construction, par exemple poutres de lancement, grues servant à la mise en place des
voussoirs, équipages mobiles,.... En cas d'incertitude importante sur les poids ou positions, on
fixe des valeurs caractéristiques maximale et minimale introduites de la façon la plus
défavorable.
Pour les ouvrages coulés en place, il s'agit principalement du poids de l'équipage mobile noté
QPRC1, dont la valeur courante varie de 0,30 à 0,90 MN suivant la longueur des voussoirs et la
largeur du tablier. Au stade du dégrossissage, on considère parfois que le poids de l'équipage
peut être égal à la moitié du voussoir le plus lourd. En réalité, ce poids dépend fortement du
système retenu pour rigidifier l'équipage mobile sous le poids du béton frais. Avec des
systèmes complexes comportant des barres de précontrainte, le poids d'acier de charpente peut
être fortement réduit.
Pour les ouvrages préfabriqués, il s'agit surtout des réactions des pieds de la poutre de
lancement en cours de pose des voussoirs.
Dans les calculs, ces charges doivent être majorées de + 6 % du côté du demi-fléau le plus
lourd ou minorée de 4 % du côté opposé (QPRCI max ou QpRci min) selon le même principe que
pour le poids propre des fléaux.

1.5.2.2.2. Charges de chantier aléatoires


Les charges de chantier aléatoires correspondent aux matériaux stockés sur le tablier (par
exemple rouleaux de câbles), aux petits engins de chantier (par exemple compresseurs), aux
personnels et aux actions climatiques diverses et négligées par ailleurs (pression ascendante
du vent sous un demi-fléau).
Pour couvrir les charges de chantier inconnues, on utilise :
• une charge répartie (Qpra1) de 200 N/m2 sur un demi-fléau dans les cas courants (portée <
120 m) ; cette charge, qui inclut l'effet vertical du vent sous réserve que le site ne soit pas
exposé, s'applique sur les voussoirs terminés et sur l'équipage mobile ;
• une charge concentrée (Qpra2) de (50 + 5 b) kN appliquée en bout de fléau, à l'extrémité du
dernier voussoir terminé (b désigne la largeur du hourdis supérieur du caisson exprimée en
mètres) ; cette charge représente le poids des rouleaux de câbles, des compresseurs, du petit
matériel, etc. Ces charges sont disposées de façon à produire l'effet le plus défavorable.

23
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Pour les ouvrages de plus de 120 mètres de portée, les intensités des charges Qpra1 et Qpra2
doivent être calculées en fonction du matériel effectivement utilisé sur le chantier.

1.5.2.3. Effet vertical du vent


La charge Qpra1 du paragraphe précédent n'inclut l'effet vertical du vent que pour des ouvrages
de portée inférieure à 120 mètres.
Pour les autres ouvrages, y compris pour des ouvrages de portées plus modestes mais exposés
à des vents forts et fréquents, par exemple dans des vallées encaissées ou dans des zones
instables de fortes rafales de vent sont courantes, il convient de prendre en compte une charge
complémentaire.
L'effet complémentaire du vent (Qw) est alors équivalent à une charge uniforme d'une
intensité de 100 à 200 N/m2 suivant les caractéristiques du site. Si l'on souhaite réduire cette
charge pour les très grandes portées (au-delà de 200 mètres), une étude spécifique prenant en
compte la nature du site et les conditions climatiques locales est indispensable.
Cette charge répartie s'applique verticalement de bas en haut sur le maître couple horizontal
d'un demi-fléau. Longitudinalement, cet effort s'applique depuis l'extrémité de l'équipage
mobile jusqu'à la file de cales provisoires située du même côté (ou, par simplification, jusqu'à
l'axe de la pile). Transversalement, la largeur d'application est celle du hourdis supérieur du
caisson.

1.5.2.4. Effet horizontal du vent


L'effet horizontal du vent n'est à prendre en compte que dans des cas particuliers, pour des
ouvrages de grande hauteur dans des sites exposés à des vents importants et irréguliers du fait
de la morphologie des lieux. Ces sites sont souvent des vallées en bord de mer ou en
montagne, ou des sites exposés à des vents connus pour leur forte intensité (mistral par
exemple).
Dans ce cas, on considère que l'un des deux demi-fléaux est soumis à une charge uniforme
Qw1. Cette charge est à apprécier au cas par cas pour chaque projet. L'intensité de cette charge
dépend en particulier de l'altitude du tablier et de la rugosité du site.

1.5.3. Combinaisons d’actions


La justification des fléaux doit être effectuée vis-à-vis de :
• l'état limite ultime d'équilibre statique, où l'on vise à assurer la stabilité des fléaux sur leur
pile ;
• l'état limite ultime de résistance, pour les différents organes mis en place spécifiquement
pour assurer la stabilité ainsi que pour les éléments sollicités au cours de ces phases, en
particulier les piles et têtes de pile et leurs fondations.

1.5.3.1. Combinaisons en situation temporaire de construction (type A)


1.5.3.1.1. Cas des ouvrages coulés en place
Combinaison A1: 1.1 G max  G min   1.25  QPRC1max  QPRC1min  QPRA1  QPRA2  Qw  Erreur !
Signet non défini.Combinaison A2 :
0.9  G max  G min   1.25  QPRC1max  QPRC1min  QPRA1  QPRA2  Qw 
24
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Dans ces formules, Qw désigne l'action supplémentaire du vent à prendre en compte pour les
ouvrages de plus de 120 mètres de portée ou exposés à des vents forts et fréquents.

Fig. 1.40. Situation temporaire de construction à considérer pour les ouvrages coulés en place

1.5.3.1.2. Cas des ouvrages préfabriqués


Combinaison A1: 1.1 G max  G min   1.25  QPRC1max  QPRC1min  QPRA1  QPRA2  Qw 
Combinaison A2 : 0.9  G max  G min   1.25  QPRC1max  QPRC1min  QPRA1  QPRA2  Qw 

Fig. 1.41. Situation temporaire de construction à considérer pour les ouvrages préfabriqués

1.5.3.2. Combinaisons accidentelles de construction (type B)


Ces combinaisons sont utilisées pour la justification vis-à-vis des états limites ultimes de
résistance sous combinaison accidentelle des organes destinés à assurer l'encastrement
provisoire ainsi que des appuis et fondations supportant les fléaux.
En situation accidentelle, l'ouvrage doit pouvoir résister à la chute d'un équipage mobile ou à
la chute d'un voussoir dans le cas d'un ouvrage préfabriqué.

Combinaison B1: 1.1 G max  G min   FA   QPRC1max  QPRC1min  QPRA1  QPRA2  Qw 


Combinaison B2 : 0.9  G max  G min   FA   QPRC1max  QPRC1min  QPRA1  QPRA2  Qw 

25
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.42. Situation accidentelles à considérer pour les ouvrages coulés en place

Fig. 1.43. Situation accidentelles à considérer pour les ouvrages préfabriqués

1.5.4. Justification et dimensionnement des organes d'ancrage


On étudie ici uniquement le cas particulier de la stabilité des fléaux reposant sur deux files de
cales provisoires et cloués sur leurs piles par deux files de câbles (Figure 1.44). Pour ces
calculs, le voussoir sur pile est supposé indéformable. La position de chaque cale ou appui
provisoire tient compte d'une erreur de pose de 5 centimètres (dans le sens d'un
rapprochement de ces appuis provisoires).

Fig. 1.44. Schéma de clouage sur pile par câble

1.5.4. Calcul du nombre de câbles


On calcule M et N pour chacune des quatre combinaisons A1, A2, B1, et B2. On note e la
distance entre axes des deux files de cales d'appui provisoire et d la distance entre un câble et
la file de cale opposée (Figure 1.45).
On calcule tout d'abord l'excentricité de la résultante des efforts : M/N.
Dans le cas où M/N < e/2, le fléau ne risque pas de basculer ; les câbles de clouage ne sont
donc théoriquement pas nécessaires ; on dispose toutefois, par sécurité, un minimum de deux
paires de câbles (Par exemple, une paire de câbles 12T15 par file de cales). On a :

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

N M N M
Ra    Fi2 et R b    Fi2
2 e 2 e
avec
Fi2  2  1  p   p0  s : force d'une file de deux câbles avec p % de pertes)
p0  min  0.8f prg ,0.9f peg 

fprg et fpeg, limites de rupture et élastique et s section du câble.

Les valeurs de e et de d découlent des dimensions du voussoir et de la tête de pile. Il est


difficile de donner des conseils sur les valeurs minimum de e et de d car celles-ci dépendent
beaucoup de la longueur du fléau et de la largeur du caisson. Des valeurs de 3,00 à 3,50 m
sont courantes pour e et d, ce qui nécessite des têtes de pile de 4,50 à 5,00 m de largeur.

Fig. 1.45. Efforts dans les câbles et réactions d'appui

Dans le cas où M/N > e/2, des câbles de clouage doivent rétablir l'équilibre du fléau. Pour
calculer le nombre de câbles à disposer, on distingue le cas des combinaisons de type A de
celui des combinaisons de type B.

a) Situation temporaire de construction (combinaisons A)


Le fléau ne doit pas décoller. La précontrainte doit donc compenser la réaction de
soulèvement de la cale A sous l'action de M et N

N M
Ra    Fi  0
2 e
N M
R b    Fi
2 e

avec Fi  n  1  p   p0  s : force des n câbles d’une file avec p % de pertes)

d’où
M N

n e 2
s 1  p   p0

b) Situation accidentelle (combinaisons B)


Sous l'action de la résultante N et du moment M des charges appliquées au fléau, le voussoir
sur pile reste en équilibre par surtension Tg des câbles d'une file d'appuis provisoires et
compression Rb, des cales de l'autre file d'appui (Figure 1.46).

27
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.46. Basculement du fléau avec surtension des câbles

Il est possible d'écrire l'équilibre des efforts appliqués au voussoir sur pile, lorsqu'il tourne
d'un angle d autour d'une file de cales et que les câbles s'allongent ou se raccourcissent :

Fg  Fi  Tg  Ful (1)


Fd  Fi  Td (2)
Tg d
 (3)
Td ed
Ne
 Fg  d   M  Fd  d  e   0 (4)
d
R b  Fg  Fd  N  0 (5)

Fg et Fd désignent les tensions dans chaque file de câbles, Fi leur force initiale, Ful leur tension
limite à l'ELU, Tg et Td, les variations de tension de chaque file de câbles (positives pour
un allongement des câbles). On notera que Td est soit négatif, soit positif mais inférieur à
Tg, suivant la position des cales par rapport aux câbles.
On tire Fg, et Fd en fonction de Ful et Fi des équations (1), (2) et (3) et on reporte dans (4). On
sait aussi que :

f peg
Ful  n  s
p
Fi  n 1  p  p0  s

p = 1 pour les combinaisons accidentelles.

On en déduit :

 N e  d
Ful   M  
 2  k

28
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

avec

f peg
k  1  p   p0   2d  e  e  d   d 2   d  e 2 
p  

Il faut ensuite vérifier la rotation du fléau en cas d'accident, sous l'effet de l'allongement des
câbles. En effet, plus les câbles sont longs, plus la rotation sera importante.

Pour des câbles de longueur libre L, l'allongement, L peut être évalué à L  . La rotation
Es
du voussoir sur pile est alors de :

L 
tan     
d Es

1.5.5. Calcul de la surface des cales


1.5.5.1. Situation normale d'exécution (combinaisons A)
La surface des cales est telle qu'elles sont comprimées à fbu sous la réaction maximum Rb.
Comme le béton des cales et celui du chevêtre de la pile sont frettés, leur résistance
caractéristique en compression peut être augmentée. L'article A.8.4.23 du BAEL91 fixe cette
contrainte à :

 f 
f cf  f cj   1  2f e 
 f cj 

avec f pourcentage d'acier du seul noyau fretté, borné supérieurement à 0,04 ;


fbu résistance limite du béton à l'ELU :

0.85  f cf
f bu 
  b
fc28 résistance caractéristique du béton à la compression
b = 1,50 pour les combinaisons de type A
 = 1,00 charges de longue durée d'application

D'autre part, pour les cales placées sur des bossages d'appui hauts et massifs, la contrainte de
compression dans le béton du bossage est limitée pour éviter le fendage de la pile (article
A.8.4 et annexe E.8 du BAEL 91). La valeur à ne pas dépasser est fclim= K fbu
avec :

 4a b    4 a 0   4 b0 
k  1  3   0  0    1    1    3.3
 3 a b   3 a   3 b 

29
Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.47. Dimensions en plan d’une cale et de son bossage

La contrainte à ne pas dépasser est alors :

fcmax = Min (fclim ; fcf)

En supposant que l'on a deux cales de dimensions a  b par ligne d'appui, on a :

Rb
S  2a b 
f c max

2.5.5.2 Situation accidentelle (combinaisons B)


On applique le même principe, mais sous combinaison accidentelle. On a ainsi :
b = 1,15 pour les combinaisons de type B
 = 0.85 charges de courte durée d'application.

On vérifie tout d'abord qu'il y a bien décollement du fléau avec le nombre de câbles
déterminés précédemment. Pour cela, on calcule Ra et Rb comme si le fléau ne décollait pas :

On en déduit la surface des cales S par la même formule que celle donnée dans le paragraphe
précédent. Les dimensions des cales ainsi déterminées doivent être augmentées de 5 à 10
centimètres pour l'enrobage des frettes.

N M
Ra    Fi
2 e
N M
R b    Fi
2 e

Si Ra est positif, il n'y a pas décollement et on en déduit la surface des cales S par la formule :

Rb
S  2a b 
f c max

Si Ra est positif, il n'y a pas décollement et on en déduit la surface des cales S par la formule :

Rb
S  2a b 
f c max

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Si Ra est négatif, on résout les équations (1) à (5), mais avec cette fois Fg = Fj + Tg, < Ful
(Fi est cette fois connue).
La résolution donne :

e  k 
Rb    Fi  k 4  N  3  M 
k1  2e 

avec
k1  d   d  e 
2

k 2  d 3  e   2d  e    d  e 
k 3  2  k1  e 2
k2
k 4   2d  e  
e  d2

Les dimensions des cales ainsi déterminées doivent être augmentées de 5 à 10 centimètres
pour l'enrobage des frettes.

1.6. Analyse globale longitudinale


Plusieurs logiciels ont été développés par diverses institutions pour calculer les structures
précontraintes par post-tension. Ces logiciels sont fondés sur des modèles linéaires élastiques
aux éléments finis 2D ou 3D constitués d’éléments de poutre. Des méthodes manuelles ou des
logiciels généraux de calcul des systèmes poteau-poutre peuvent être utilisés en l’absence de
logiciels de calcul spécialisés.
La modélisation par éléments finis consiste à discrétiser une poutre rectiligne à inertie
variable en un certain nombre N d’éléments finis de poutres prismatiques interconnectés par
des points communs appelés nœuds. Le nombre d’éléments ou la localisation des nœuds sont
choisis de manière à capturer de façon raisonnablement précise le comportement de la
structure. La figure 1.48 montre une poutre rectiligne de section variable discrétisé en quatre
éléments.

Fig. 1.48. Poutre discrétisé en 4 éléments prismatiques

1.6.1. Tabliers des ponts droits simplement appuyées sur les piles
Pour la majorité des phases de clavage et pendant la phase d’exploitation, le fonctionnement
mécanique d’un pont à encorbellements est celui d’une poutre continue. Les sollicitations sont

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

déterminées par une modélisation 2D ou par la méthode des trois moments ou celle des
foyers. La figure 1.49 montre un modèle numérique utilisé pour le calcul d’un pont à poutre
caisson construit en encorbellement successif en exploitation. Dans le sens longitudinal, les
nœuds sont localisés au niveau des supports et en section courantes des travées. Le nombre de
nœuds est défini de manière à représenter au mieux la géométrie de la poutre. Dans le cas de
cet ouvrage les nœuds additionnels (3, 15, 17, 22, 35 et 47) ont été considérés afin de
dimensionner la poutre vis-à-vis de l’effort tranchant dans la section située à une distance d de
l’axe de la pile. Deux autres nœuds (1 et 49) ont été ajoutés à l’arrière des appuis de rive afin
de tenir compte de l’ancrage des câbles de précontrainte. Les nœuds représentés sur la Figure
1.49 sont situés au niveau du centre de gravité des sections.

Fig. 1.49. Modèle numérique d’un pont à trois travées simplement appuyée sur les poutres

Les éléments poutres considérés sont à 2 nœuds ayant chacun 3 degrés de liberté (2 translation
et une rotation) comme il est illustré sur la Figure 1.50.

Fig. 1.50. Elément poutre à deux nœuds ayant chacun trois degrés de liberté

Pour rappel, la méthode des trois moments est basée sur la résolution d’un système
d’équations linéaires de la forme :

 c1  a 2  M1  b2 M 2  2  1

...............................................

 bi M i1   ci  a i 1  M i  bi 1M i 1  i 1  i
...............................................

 b n 1M n 2   c n 1  a n  M n 1  n  n 1

Mi sont les moments hyperstatiques de continuité au droit des appuis intermédiaires


numérotés de 1 jusqu’à n.

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

ai, bi et ci, fonction des caractéristiques géométriques, sont appelés fonction de souplesse et
sont calculés par les formules suivantes :

li 2 li li 2
 x  dx x  x  dx  x  dx

a i  1  
0
 li  EI i (x)
bi 

0
1  
li  li  EI i (x)
ci   
0

 l i  EI i (x)

i et i sont les angles de rotation à l’origine et à l’extrémité de la ième travée supposée
simplement appuyée sous l’effet des charges extérieures.

li li
 x  dx
 
x dx
i  M iso  x   1   i  M iso  x 
0
 li  EI i (x) 0
li EI i (x)

Miso est le moment fléchissant dans la travée de portée l i supposé simplement appuyée sous
l’effet des charges extérieures.

1.6.2. Tabliers des ponts droits encastrés dans les piles


La figure 1.51 montre l’exemple de la section transversale d’un pont caisson construit en
encorbellement successifs. Le tablier est constitué par un mono-caisson en cinq âmes, dont
ceux de l’extrémité sont inclinés et encastré dans les piles. Les piles sont constituées de deux
colonnes circulaires pleines. La pile est fondée sur deux pieux forés.

Fig. 1.51. Section transversale d’un pont caisson construit en encorbellement successifs

La figure 1.52 montre le modèle numérique utilisé pour déterminer les sollicitations globales
dans le sens longitudinale.

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.52. Modélisation numérique d’un tablier encastré dans les piles

La figure 1.53 montre la modélisation numérique de la pile de pont.

Fig. 1.53. Modélisation de la pile de pont

Un élément rigide est ajouté au modèle numérique afin de simuler la liaison rigide entre le
centre de gravité du tablier et celui de la pile. Cet élément rigide permet ainsi la détermination
des efforts internes au sommet de la pile. Le fût de la pile est modélisé par un élément ayant
une aire et un moment d’inertie le double de l’aire et du moment d’inertie des deux colonnes.
Dans cet exemple, la fondation de la pile, constituée par deux pieux forés, est modélisée de
façon similaire à celle des deux colonnes de la pile. L’emplacement du point de fixation par
rapport au point 102 a été déterminé après une étude sur l’interaction sol-fondation. La
fondation de la pile peut aussi être modélisée par des ressorts dont les rigidités sont
déterminées en étudiant l’interaction sol-pieux.

1.6.3. Ponts courbes


La rigidité torsionnelle élevée des caissons sous l’effet de charges asymétriques les rend
particulièrement efficaces sur des structures courbées horizontalement. Cependant, la
conception et la construction de ponts courbes sont beaucoup plus complexes et
problématiques que celles des ponts droits typiques. La norme américaine AASHTO LRFD
(Load and Résistance Design Factor) Bridge recommande des modèles de simulation
numérique selon le rapport entre la portée et le rayon de courbure exprimée en fonction de
l’angle  (Figure 1.54).

 Les tabliers de pont à courbure peu prononcée (L/R  0.2 ou   12°) peuvent être
analysés comme des ponts droits. Aucune considération de la courbure du tablier n’est à
prendre en compte pour l’analyse longitudinale.

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.53. Paramètres à prendre en compte pour évaluer la courbure du tablier

 Les tabliers à courbure moyenne (0.2< L/R  0.6 ou 12°<   34°) sont modélisés à l’aide
des éléments finies linéiques de poutres tridimensionnels à 2 nœuds. Chaque nœud à 6
degrés de liberté (3 translations + 3 rotations). Les éléments sont définis entre les nœuds
localisés au centre de gravité des sections et doivent représenter aussi fidèlement que
possible la géométrie de la structure. La distance entre les nœuds associés à élément de
poutre est déterminée de manière à ce que l’angle  défini dans la figure 1.53 soit inférieur à
3.5° (L/R  0.06).

Fig. 1.54. Modélisation 3D par éléments de type poutre

La figure 1.55 montre l’exemple d’un modèle 3D du type poutre au droit d’une pile.

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.55. Détail du modèle numérique au droit d’une pile avec chevêtre

Des éléments rigides inclinés sont utilisés afin de reproduire l’effet des diaphragmes sur la
rigidité de la pile. Autres éléments rigides sont utilisés pour tenir compte de la liaison entre les
éléments de la pile ayant des épaisseurs différentes et de la rigidité des appareils d’appui.

 Les tabliers à courbure prononcée (L/R > 0.6 ou  > 34°) sont analysés à l’aide de modèles
3D en éléments finis, telle que le modèle en grillage ou le modèle éléments finis de coque.

Les ponts très biais ou à courbure prononcée ne peuvent être analysés avec les modèles par
éléments finis de poutre (spine beam). Dans ce cas l’analyse longitudinale des ponts caissons
est réalisée à l’aide d’un modèle de grillage ou d’un modèle par éléments finis de coque.
La méthode de grillage consiste à assimiler le tablier en caisson en un réseau de poutres
spatiales dont les caractéristiques reproduisent aussi fidèlement que possible le comportement
du tablier réel. La figure 1.55 montre la discrétisation de la section transversale pour l’analyse
longitudinale d’un pont construit par encorbellement par le modèle de grillage. La figure 1.56
montre une vue en perspective du modèle de grillage.

Fig. 1.55. Discrétisation de la section transversale pour le modèle de grillage

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.56. Vue en perspective du modèle de grillage

Le modèle de grillage est plus simple et donne des résultats directs sous la forme des efforts
internes dans les poutres (moments, efforts tranchants, torsions…). Cependant, la simplicité
de ce modèle vient au prix de la perte de précision dans l’évaluation des forces dans les
éléments de contreventements. L’imprécision créée par ce type de modèle peut être minimisée
avec l’utilisation d’une répartition des poutres appropriée.
La modélisation complète de la structure par des éléments de coques donne de l’information
additionnelle sur les éléments locaux que les autres types de modèles ne sont pas en mesure
de fournir. Cependant, l’utilisation d’éléments de coques donne des résultats sous la forme de
contraintes internes. Comme les codes en vigueur permettent de calculer la résistance des
sections sous la forme de moment de flexion, d’effort de cisaillement ou de torsion, les
résultats obtenus ne peuvent donc pas être utilisés directement. Les contraintes internes
doivent être intégrées sur toute la section pour obtenir les efforts globaux agissant sur la
membrure. Ce processus requiert beaucoup de temps et d’énergie. La qualité des résultats
dépend aussi de plusieurs facteurs comme la concentration de contraintes due au décalage en
cisaillement et les discontinuités des sections causées par les raidisseurs et les goussets. Les
contraintes sont grandement influencées par le type d’éléments de plaque et les méthodes
d’intégrations utilisés. La figure 1.57 montre l’exemple d’un modèle élément fini de coque
utilisé pour l’analyse d’un tablier courbe construit en encorbellement.

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Ponts en béton précontraints construits en encorbellement successifs M.R. Soltani

Fig. 1.57. Modèle par éléments finis de coque pour un monocaisson à trois âmes

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