Précis de Méthodologie Juridique

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Précis de méthodologie juridique,

publications des facultés universitaires Saint-Louis, 2000


Voici le lien vers cette publication: Précis de méthodologie juridique - Introduction - Presses de l’Université Saint-
Louis (openedition.org)

Introduction, p29-34
11. Connaître le droit, c'est, dans notre système juridique, d'abord connaître « la loi »1. Cette vérité
élémentaire est trop souvent perdue de vue, et pas seulement par les étudiants... Toute étude juridique
suppose la recherche et la lecture attentive des textes relatifs à la matière examinée.

2Par « législation », on entend ici l'ensemble des règles générales de conduite édictées par les
autorités2 auxquelles l'ordre juridique reconnaît cette compétence 3.

3On observera qu'à côté de telles règles existent des normes dont l'expression originaire ne résulte pas
d'une formulation par l'autorité compétente 4, et qui ne relèvent pas de ce qu'il est convenu d'appeler le
droit écrit. Leurs sources, dont l'importance varie en fonction des matières et de l'époque, sont la
coutume et les principes généraux du droit. C'est la jurisprudence qui en constitue le lieu d'émergence.

412. La recherche législative n'est pas seulement l'étape la plus fondamentale de la démarche heuristique
du juriste ; elle est également celle qui présente le plus de difficultés, en raison de la «  surproduction
normative » et de l'instabilité qui caractérisent notre système juridique ; facteurs auxquels s'ajoute le
morcellement des compétences législatives.

5Bossuet écrivait déjà :

« On perd la vénération pour les lois quand on les voit si souvent changer. C'est alors que les nations
semblent chanceler comme troublées et privées de vin, ainsi que parlent les prophètes. L’esprit de vertige
les possède et leur chute est inévitable (...). C’est l'état d’un malade inquiet, qui ne sait quel mouvement
donner (...). On tombe dans cet état quand les lois sont variables et sans consistance, c'est-à-dire quand
elles cessent d'être des lois »5.

6Dans notre pays, au XIXe siècle, Edmond Picard publie une étude consacrée à la « confection vicieuse des
lois ». Il relève l'état de confusion et d'instabilité de la législation et cite, à ce propos, M. Savart qui,
en 1857, estimait à 10.000 le nombre de lois et règlements en Belgique et s'alarmait de ce qu'il s’agissait
« d'un véritable labyrinthe où l'on chercherait en vain un fil conducteur »6.

7Depuis — et singulièrement au cours des dernières décennies —, le phénomène s'est considérablement


amplifié, rendant pour ainsi dire obsolète le célèbre précepte de Montesquieu : « Il ne faut toucher aux
lois qu'avec des mains tremblantes »7.

8Il s'agit là d'une situation générale 8 qui trouve son origine profonde, notamment, dans l'évolution de
l'« Etat-providence »9
9Sans entrer dans le détail de cette question qui nécessiterait de multiples développements, on se
bornera à constater que la transformation du rôle de l'Etat entraîne nécessairement une mutation de la
fonction normative. En raison des sollicitations nombreuses et fatalement contradictoires que les groupes
sociaux adressent au système juridique, la « norme » s'avère souvent incapable de régir autre chose que
des secteurs de plus en plus limités de la vie sociale 10. En outre, la nécessité d'adapter les moyens
d'action de l'autorité aux réalités du moment — besoin qui s'accroît dans la mesure de l'implication de
l'Etat dans les différents domaines de la vie en société (économique, social, culturel, éthique, etc.) —
explique l'instabilité de l’ordre juridique qui connaît d'incessantes modifications. La loi a vu atténuer, non
seulement sa généralité, mais également sa permanence.

10Le phénomène de « segmentation » du système normatif est encore accru par un deuxième facteur, qui
n'est vraisemblablement pas sans lien avec celui qui vient d'être exposé : il s’agit de la multiplication et
de la dispersion des centres de décision. La diffusion — en Europe principalement — de modèles
politiques inspirés de près ou de loin du fédéralisme aboutit à un éclatement des législateurs. Ce
processus est évidemment marqué dans notre pays : nous aurons l'occasion d'en montrer les
conséquences concrètes sur l'état de la législation. Mais il n'est pas inconnu ailleurs, sous des formes plus
ou moins accomplies11. Or, la loi de l'Etat, qui est traditionnellement la forme régulatrice par excellence,
se voit singulièrement démystifiée dès lors qu'apparaissent, à côté d’elle, des normes émanant
d'instances « régionales ». Il en est de même des normes d'origine européenne : nous touchons là au
troisième facteur de complexité de notre système juridique.

11L'irruption du droit communautaire européen entraîne, elle aussi, une redistribution de la fonction
normative qui concerne, aujourd'hui, l'ensemble de notre système juridique. Point n'est besoin d'insister
sur le nombre de règles d'origine européenne que recèle notre ordre juridique. Quant aux normes
édictées par des autorités belges, on ne dénombre plus les réformes dictées par la nécessité de les
adapter aux dispositions européennes.

12Ajoutons que cette « inflation normative » n'a nullement contribué à améliorer la qualité formelle des
textes dans un pays où la « technique législative » ou « légistique » ne suscite encore que trop peu
d'intérêt12, singulièrement dans la formation juridique 13. Il en résulte des approximations, des difficultés
d’interprétation, des erreurs...

13La difficulté de la recherche normative provient de ce que, malgré l'évolution qui vient d'être
sommairement évoquée, peu d'efforts ont, à ce jour, été consentis par les autorités belges pour assurer
un accès aisé à la législation 14. Cette recherche n'est possible que grâce à l'existence de différents
instruments qui, pour l'essentiel, relèvent encore de l'initiative privée et se complètent mutuellement. Si
les praticiens du droit s'accommodent plus ou moins de cette situation, tel n'est évidemment pas le cas
du citoyen, pour qui la présomption de connaissance de la loi relève de la fiction.

1413. Après avoir brossé un rapide tableau de ce que nous appellerons le « paysage normatif » (chapitre
I), nous présenterons les principaux instruments de recherche en ce domaine (chapitre II). Les textes ainsi
trouvés doivent être lus, compris, interprétés. Dans cette perspective, nous nous attacherons à mettre en
lumière certains aspects relatifs à la présentation formelle des textes, avant d'initier les étudiants au
maniement des travaux préparatoires qui permettent, dans certains cas, de mieux saisir la portée du
texte (chapitre III). Cette première partie s'achèvera par la description du système conventionnel de
références qu'il convient d'utiliser pour désigner les textes ainsi que les travaux préparatoires (chapitre
IV).

NOTES
1 Sans qu'il soit besoin de rappeler la différence entre « loi formelle » et « loi matérielle », précisons qu'on
entend ici la « loi » au sens large et matériel d'acte normatif. Le sens strict du mot « loi » désigne l'acte,
pris sous la forme de loi, par le pouvoir législatif fédéral. Sauf indication contraire, le mot « loi » sera pris,
ci-après, dans son sens large et matériel.

2 Il faut y inclure les normes formulées  en vertu des règles édictées par les autorités compétentes. On
pense ici aux normes trouvant leur origine, non dans un acte unilatéral, mais dans la rencontre de
volontés (p. ex. : les conventions collectives de travail ; voy.  infra, n  15).
o

3 Ces règles sont, en principe, sanctionnées par la contrainte publique. Il ne peut évidemment être
question d’envisager ici la question de la juridicité d'une disposition obligatoire dépourvue d'une telle
sanction.

4 Ou en vertu des règles édictées par celle-ci (voy.   supra, note 2).

5 J.-B. BOSSUET,  Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte,  livre I, art. IV, 8ème proposition,
éd. critique par J. Le Brun (coll. Les classiques de la pensée politique), Genève, Librairie Droz, 1967,
p. 28-29.

6 E. PICARD,  De la confection vicieuse des lois en Belgique et des moyens d'y remédier,  introduction
à  Pand. b., t. VI, Bruxelles, Larcier, 1881, p. LVIII.

7 Cité par R. HENRION, « Les lois oubliées »,  J.T., 1987, p. 261.

8 Un courant de critique tend, depuis plusieurs années, à dénoncer l'inflation législative sans précédent
que nous connaissons aujourd’hui.
Voy. par exemple : J.-P. HENRY, « Vers la fin de l'état de droit ? »,  Rev. dr. publ., 1977, p. 1207-1235 ;
N. NITSCH, « L'inflation juridique et ses conséquences »,  Arch. phil. dr., t. XXVII, 1982, p. 161-179 ;
P. AMSELEK, « L'évolution générale de la technique juridique dans les sociétés occidentales »,  Rev. dr.
publ., 1982, p. 275-294 ;  L'inflation législative et réglementaire en Europe,  Paris, Ed. du Centre national
de la recherche scientifique, 1986 ; J.-Cl. BÉCANE et M. COUDERC,  La loi (coll. Méthodes du droit), Paris,
Dalloz, 1994, spéc. p. 82 et s. ainsi que p. 194 et s. Ajoutons que le Conseil d'Etat de France a, dans
son  Rapport public 1991, consacré un chapitre à l'insécurité juridique née des changements incessants
dans tous les domaines. Ce rapport a été publié dans   La sécurité juridique, Liège, Ed. du Jeune Barreau de
Liège, 1993, p. 159-194 ; voy. spéc. p. 161-178.
Pour la Belgique, on mentionnera notamment Ch. HUBERLANT, « La présomption de la connaissance de la
loi »,  Les présomptions et les fictions en droit. Etudes publiées par Ch. Perelman et P. Foriers  (Travaux du
Centre national de recherches de logique), Bruxelles, Bruylant, 1974, p. 186-228 ; M. GRÉGOIRE, « Le rôle
du droit dans la cité »,  J.T., 1982, p. 269-274 ; Ph. QUERTAINMONT, « Le déclin de l'Etat de
droit »,  J.T., 1984, p. 273-280 ; R. HENRION, « Les lois oubliées »,  J.T., 1987, p. 261-264 ; J. LECLERCQ, « De
la décadence de la loi à l'insécurité et à la violence »,  Rev. dr. pén. crim., 1981, p. 111-161 ; X. ARBOS,
« Notes sur la crise de la régulation étatique »,  R.I.E.J., 1991, p. 123-142 ; J. DUMORTIER, M. PENNINCKX et
Y. TIMMERMANS, « Qui est encore censé connaître la loi ? Une proposition pour un meilleur accès à la
législation belge »,  J.T., 1993, p. 253-263, spéc. p. 257 ; J. LELIARD, « Over de (on)toegankelijkheid van
onze wetgeving »,  R.W., 1995, p. 209-218 ; B. JADOT et F. OST (dir.),  Elaborer la loi aujourd'hui, mission
impossible  ?, Actes du colloque organisé par le CEDRE à la Maison des Parlementaires le 22 octobre 1998,
Bruxelles, Publ. F.U.S.L., 1999.

9 Voy. à ce sujet, notamment, X. ARBOS,  art. cit. (voy. note précédente), p. 124 et s. ; X. DELGRANGE,
L. DETROUX et H. DUMONT, « La régulation en droit public »,  Elaborer la loi..., op. cit., p. 35-106.

10 Témoignent de cette atténuation du caractère général de la norme, la segmentation assez marquée du


droit dans certains secteurs professionnels, de même que le recours de plus en plus fréquent au
mécanisme de la dérogation. Sur ce dernier point, voy. F. LEURQUIN - DE VISSCHER,  La dérogation en droit
public, Bruxelles, Bruylant, 1991.

11 Cette diffusion du pouvoir normatif atteint évidemment un degré d'accomplissement considérable


lorsque, comme c'est le cas actuellement en Belgique, la norme étatique se démembre en normes
« régionales » ou « communautaires » sans qu'existe une hiérarchie entre celles-ci et celle-là. On notera
toutefois que ce système se fonde sur le principe des compétences exclusives. D'autres formes de
redistribution de la fonction normative s'accompagnent du maintien d'une hiérarchie entre la norme
étatique et la norme « infra-étatique ». Dans les deux cas, cependant, il s'agit d’une évolution contribuant
à la complexité de l'ordre juridique.

12 On soulignera toutefois que la Belgique a joué un rôle non négligeable en matière de légistique. On se
référera spécialement à l'ouvrage de Chr. LAMBOTTE,  Technique législative et codification. Notes et
exemples, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1988. L'auteur, qui fut Premier référendaire au Conseil d'Etat, y
livre les fruits d'une expérience incomparable... Voy. aussi H. COREMANS et M. VAN DAMME,  Beginselen van
wetgevingstechniek en behoorlijke regelgeving, Brugge, Die Keure, 1994. Voy. aussi L. SILANCE, « Langage
juridique et langage usuel »,  Le langage et le droit, sous la direction de L. Ingber et P. Vassart, Bruxelles,
Nemesis, 1991, p. 143 ; H. COUSY, « Over wetgeving gesproken »,  Jura Falconis 1991-1992, p. 14 et
L. WINTGENS, « Rationeel recht. Een essay over wetgevingstheorie »,  T.P.R., 1992, p. 703 ; M. ADAMS et
L. WINTGENS (dir.),  Wetgeving in théorie en praktijk. Wetgevingstheorie  legisprudentie, Antwerpen-
Apeldoorn, Maklu, 1994 ; F. OST, « Le temps virtuel des lois contemporaines ou comment le droit est
traité dans la société de l'information »,  J.T., 1997, p. 53-57 ; S. DEBAENE, R. VAN KUYCK et
B. VAN BUGGENHOUT, « Normen voor goede kwaliteit van wetgeving »,  R.W., 1998, p. 833-846. Pour la
France, voy. J.-Cl. BÉCANE et M. COUDERC,  La loi (coll. Méthodes du droit), Paris, Dalloz, 1994, p. 187 et s. ;
D. REMY,  Légistique. L'art de faire des lois, Paris, Romillat, 1994. La qualité formelle des textes européens
— dont certains sont transposés littéralement en droit interne — laisse souvent à désirer et constitue une
source d'opacité. Elle est due, notamment, aux conditions de leur élaboration, qui suppose généralement
des compromis entre des traditions juridiques différentes, mais aussi à l'absence d’un organe assumant
une fonction comparable à celle qu'exerce, en droit interne, la section de législation du Conseil d'Etat. Des
réactions existent à l'égard de cette situation. Voy., en ce sens, la résolution (93/C 166/01) du Conseil du
8 juin 1993 relative à la qualité rédactionnelle de la législation communautaire,   J.O.C.E., n   C 166 du 17
o

juin 1993, p. 2 ainsi que l'accord interinstitutionnel du 22 décembre 1998 sur les lignes directrices
communes relatives à la qualité rédactionnelle de la législation communautaire,   J.O.C E., n   C 73 du 17
o

mars 1999.

13 Voy. notamment P. DELNOY, « Pour une nouvelle génération de légistes »,  J.T., 1979, p. 653 ; IDEM, « La
rédaction des textes »,  La sécurité juridique, Liège, Ed. du Jeune Barreau de Liège, 1993, p. 139-
158 ; IDEM, « Pour un (ou plusieurs) corps de légistes »,  Elaborer la loi aujourd'hui, mission impossible  ?,
op. cit., p. 197-206 ; F. LEURQUIN-DE VISSCHER, « Pertinence et praticabilité des procédures d'évaluation des
lois en droit belge »,  Elaborer la loi..., op. cit., p. 229-243.

14 Sur cette question, de même que pour une comparaison avec la situation prévalant dans certains pays
étrangers, on consultera utilement l’article de J. DUMORTIER, M. PENNINCKX et Y. TIMMERMANS, « Qui est encore
censé connaître la loi ? Une proposition pour un meilleur accès à la législation belge »,  J.T., 1993, p. 253-
263. Ce constat devra sans doute être nuancé à l'avenir, non seulement en raison du développement de la
base de données JUSTEL (Ministère de la Justice)  (infra, n   102.3), mais aussi du rôle qu'est appelé à jouer
o

le bureau de coordination du conseil d'Etat   (infra, n   102.4).


o

Chapitre I. Le paysage normatif


(p35-77)
14. L'étude des sources du droit ne relève pas de l'enseignement de la méthodologie juridique, au sens
où elle est conçue dans ce  Précis. Le présent chapitre ne fait pas pour autant double emploi avec le cours
de « sources et principes du droit ». Le propos est autre. Il s’agit, dans le prolongement de la
problématique dégagée dans l'introduction, d'attirer l'attention sur un certain nombre d'éléments utiles à
la correcte mise en oeuvre de la démarche heuristique.

2Nous dresserons d'abord, sous forme de rappel 15, un inventaire très sommaire des principales normes
qui constituent notre système juridique (section 1). Dans une perspective plus dynamique, il conviendra,
ensuite, de dégager, quant à leurs implications pratiques, certains aspects de l'évolution du système
normatif (section 2). Cet examen nous permettra de déceler les exigences et les difficultés de la recherche
normative (section 3).
SECTION 1. BREF APERÇU DES SOURCES NORMATIVES
315. Les sources normatives sont ordonnées selon le principe de   hiérarchie, lequel constitue, selon le
Conseil d'État, « un principe fondamental de l'ordonnancement juridique, qui trouve son expression
notamment dans l'article 159 de la Constitution »16.

4a) En  droit interne, on distingue schématiquement :

 le niveau de la Constitution ;
 le niveau « législatif » :
 les lois spéciales et les lois ordinaires17 ;
 les actes émanant du législateur des autorités fédérées, dans les matières relevant de leurs
compétences, et dont l'intensité de la force obligatoire est équivalente à celle de la loi : les
décrets du Conseil régional wallon, du Conseil de la Communauté française, du Conseil
flamand, du Conseil de la Communauté germanophone, de l'Assemblée de la Commission
communautaire française ; les ordonnances du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et
de l'Assemblée réunie de la Commission communautaire commune ;
 le niveau réglementaire que nous qualifierons de « général » (fédéral, régional ou communautaire)18 :
 les arrêtés royaux et les arrêtés ministériels ;
 les arrêtés pris par les Gouvernements19 communautaires et régionaux, de même que par les
collèges des commissions communautaires française, flamande et commune en Région de
Bruxelles-Capitale ; les arrêtés pris par les membres de ces organes collégiaux ;
 les règlements pris par le groupe linguistique français (Assemblée) de la Commission
communautaire française, le groupe linguistique néerlandais (Assemblée) de la Commission
communautaire flamande et l'Assemblée réunie de la Commission communautaire commune ;
 les règlements pris par des organes administratifs créés dans le cadre de la décentralisation par services ;
ces règlements se rencontrent surtout dans les secteurs de la finance (règlements de la Commission
bancaire et financière, de la Banque nationale, de l'Office de contrôle des assurances,...) et de la sécurité
sociale (règlements du comité de gestion des soins de santé de l'I.N.A.M.I., du comité de gestion de
l'ONEM,...)20 ; on relèvera également les règles déontologiques édictées par les ordres professionnels 21.
 les règlements que nous qualifierons de « locaux » :
 les règlements provinciaux ;
 les règlements communaux ;
 les règlements d'agglomération (en Région de Bruxelles-Capitale) ;
 les règlements édictés par les organes territoriaux intracommunaux.

5Les circulaires ministérielles ne sont, en principe, pas des règlements. Qu'elles se présentent sous la
forme de commentaires d'une législation ou d'instructions données par le ministre aux agents soumis à
son autorité, elles ne revêtent généralement aucune force obligatoire à l'extérieur de l'administration 22.

6A ce tableau succinct, il convient d'ajouter les normes trouvant leur origine dans la rencontre de
volontés. On évoque ici, essentiellement, les conventions collectives de travail et les accords de
coopération.

7Les conventions collectives de travail constituent l'une des expressions les plus originales du droit des
groupes professionnels23.

8Le mécanisme des accords de coopération entre État, communautés et régions a été introduit par la
réforme de 1988. Ces accords peuvent avoir pour objet « la création et la gestion conjointes de services
et institutions communes ou le développement d'initiatives en commun »24 : ils ne portent alors aucune
disposition de caractère normatif. D’autres accords peuvent, au contraire, contenir de véritables règles de
droit, de « nature » réglementaire ou législative, selon le cas 25.
9L'échange des consentements est généralement accompagné d'un acte unilatéral d'autorité valant   erga
omnes, qui lui communique, en quelque sorte, son caractère réglementaire.

10Rappelons, enfin, que notre ordre juridique contient des normes édictées avant la création de l'État
belge et qui n’ont, jusqu'à présent, été abrogées ni expressément ni implicitement.

Le texte le plus ancien encore en vigueur en droit belge est la Paix de Saint-Jacques du 5 avril 1487. Ce règlement

« approuvé avec force de loi » le 28 avril 1487 par Jean de Horn, Prince de Liège, concerne les   areines (galeries

d'écoulement pratiquées pour assécher les travaux des mines). Vient ensuite l'édit de Charles-Quint du 10 décembre

1547 relatif aux épaves. Plus nombreuses sont les dispositions datant des époques française et hollandaise.

Il convient d'être particulièrement attentif au fait que l'intensité de la force obligatoire de ces textes est celle que leur

reconnaissait l'ordre juridique dans lequel ils sont nés.

Ainsi, alors que les décrets sont, aujourd'hui, les actes de niveau législatif des communautés et des régions, on doit

savoir qu'ils étaient, sous l'Empire, des actes du pouvoir exécutif, encore que l'intensité de leur force obligatoire était

variable, l'Empereur ayant usurpé le pouvoir législatif : certains décrets datant de cette époque sont considérés

comme des actes à valeur législative, tandis que d'autres ne se voient reconnaître qu'un caractère réglementaire 26.

Plus étonnant encore est le cas de certains avis émis par le Conseil d’État de France sous le Consulat et l'Empire. Un

règlement du 5 nivôse an VIII prévoyait, en son article 11, que le gouvernement pouvait demandait au Conseil d'État

de « développer le sens des lois ». Les avis ainsi rendus, approuvés par le Chef de l'État et transmis aux autorités

intéressées, avaient les effets de la loi27. Certains d'entre eux ont encore aujourd'hui force de loi en Belgique 28.

11b) Par ailleurs, point n'est besoin d'insister sur l'importance croissante des sources de   droit
international (conventions internationales : pensons, par exemple, à la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) et, plus particulièrement, du droit
communautaire européen (traités ; droit communautaire dérivé : règlements et directives).

1216. Le principe de hiérarchie qui, comme on l'a dit d'emblée, préside à l'ordonnancement des multiples
normes que comporte le système juridique, permet de déterminer leur validité et d'assurer la cohérence
du système. En droit interne, la Constitution l'emporte sur les normes de niveau législatif qui, quant à
elles, priment sur les dispositions réglementaires. D'autre part, la jurisprudence a consacré la primauté du
droit international sur le droit interne. Plus délicate est la question de savoir si la norme internationale
l'emporte également sur la Constitution 29.

13Le principe de hiérarchie — et ceci nous intéresse plus directement dans ce cours de méthodologie —
doit guider la démarche heuristique. Il va de soi, en effet, que la recherche normative portera d'abord sur
les textes de niveau supérieur (Constitution, lois, décrets,...) et, ensuite seulement, sur les dispositions
réglementaires. Fréquemment, d'ailleurs, la présence, dans la norme de niveau législatif, d'habilitations
accordées au pouvoir exécutif (Roi, Gouvernements communautaires et régionaux) indique l'existence
possible d'arrêtés d'exécution ; il appartient, dès lors, au lecteur de vérifier si l'habilitation a été mise en
œuvre et si elle l'a été correctement (voy.   infra, n  115).
o

Par exemple, la loi du 1er avril 1969 instituant un revenu garanti aux personnes âgées ( M.B., avril 1969) sera

recherchée avant l'arrêté royal du 29 avril 1969 portant règlement général en matière de revenu garanti aux

personnes âgées (M.B., 1er mai 1969), qui met en oeuvre certaines des habilitations prévues par la loi du 1er avril

1969.
14Si une correcte méthodologie de la  recherche exige pareille antériorité, les dispositions de niveau
législatif et celles de niveau réglementaire n'en demeurent pas moins complémentaires et devront donc
faire l'objet d'une  lecture parallèle. Bien souvent d'ailleurs, la portée réelle de la norme supérieure
n'apparaîtra qu’à la lecture de l'arrêté d'exécution.

L'affirmation qui précède relève de l'évidence dans de nombreux cas, ceux dans lesquels le degré de généralité de la

norme supérieure (loi, décret, ordonnance) ne permet pas d'y trouver la réponse à la question que l'on se pose : celle-

ci figurera alors clans un texte de niveau réglementaire. Ainsi, par exemple, celui qui s'interroge sur le délai dans

lequel un recours peut être introduit auprès du Conseil d'Etat ne trouvera dans les lois sur le Conseil d'État,

coordonnées le 12 janvier 1973, que l'habilitation permettant au Roi de déterminer ce délai.

Mais il n'en est pas toujours ainsi. Il peut arriver que les éléments d'information recherchés se trouvent   à la fois dans

un texte de niveau législatif et dans un règlement. Un exemple illustre le propos. L'article 1er de la loi du 27 juin

1969 revisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs   (M.B., 25 juillet 1969)

détermine le champ d'application de ladite loi : les travailleurs et les employeurs liés par un contrat de louage de

travail. L'article 2, quant à lui, permet au Roi, notamment, d'étendre à certaines personnes non visées par l'article 1er

l'application de la loi ou, inversement, de soustraire de celle-ci certaines catégories de travailleurs. On le voit

aisément : l'article 1er de la loi ne peut se lire indépendamment des arrêtés pris en vertu de l'article 2. Il convient, dès

lors, d'éviter une lecture distraite du texte de niveau législatif, spécialement lorsque celui-ci contient déjà une

réponse partielle à la question que l'on se pose : on sera particulièrement attentif à découvrir l'existence de

règlements d’exécution.