Perez Les Processus Cognitifs Impliqués

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A.N.A.E.

, 2012; 118; 00-00 LES PROCESSUS COGNITIFS IMPLIQUÉS DANS L’ACQUISITION DE L’ORTHOGRAPHE : DICTÉE VS COPIE

Les processus cognitifs impliqués


dans l’acquisition de l’orthographe :
dictée vs copie
M. PÉREZ*, H. GIRAUDO, A. TRICOT
* Laboratoire CLLE, Bureau 615, Maison de la recherche, Université de Toulouse - Le Mirail,
5, allées Antonio-Machado, 31058 Toulouse cedex 9, France. E-mail : [email protected]
Affiliations : Laboratoire CLLE (CNRS) et Université de Toulouse.

RÉSUMÉ : Les processus cognitifs impliqués dans l’acquisition de l’orthographe: dictée vs copie
Les tâches de copie et de dictée sont fréquemment utilisées dans la recherche sur l’écriture manus-
crite et dans les situations d’apprentissage à l’école.
Malgré cette utilisation fréquente, peu ou pas d’études comparatives de ces deux tâches en termes
de processus cognitifs ont été menées. Cet article vise à modéliser les structures et les processus
cognitifs en jeu pour comprendre la part de la copie et de la dictée dans l’acquisition de l’ortho-
graphe.
Mots clés : Copie – Dictée – Mémoire – Processus cognitif – Orthographe.
SUMMARY: Cognitive processes involved in spelling acquisition: dictation vs copy
Copying and dictation tasks are widely used by research on handwriting as well as by learning
situations in a school context.
Despite this frequent use, very few or any comparative studies of these two tasks, in terms of
cognitive processes, are available. This paper aims at modeling cognitive structures and processes
involved, in order to understand the part of the copy and the dictation in spelling acquisition.
Key words: Copy – Dictation – Memory – Cognitive process – Handwriting.
RESUMEN: Los procesos cognitivos implicados en la adquisición de la ortografía: dictado vs
copia
En las investigaciones sobre la escritura manuscrita así como en la escuela, en situaciones de
aprendizaje, se utilizan con frecuencia las tareas de dictado y de copia.
Pese a este uso habitual, poco o nada se ha realizado en términos de estudios comparativos, sobre
los procesos cognitivos implicados en las dos tareas. Este artículo pretende ofrecer una modelización
de las estructuras y procesos cognitivos involucrados, que nos permita entender la parte de la copia
y del dictado en la adquisición de la ortografía.
Palabras clave: Copia – Dictado – Memoria – Proceso cognitivo – Ortografía.

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L
es travaux expérimentaux sur l’écriture manuscrite mots sur leur écriture. Ainsi, pour étudier l’acquisition de
ont souvent pris appui, outre la tâche de dénomina- l’orthographe des mots en français, la copie a-t-elle été uti-
tion écrite d’images (Bonin, 2007), sur les tâches de lisée (Kandel & Valdois, 2005 ; Lambert, Alamargot,
copie et de dictée. Ce choix n’est pas fortuit puisqu’il repose Laroque & Caporossi, 2011 ; Lambert, Kandel, Fayol &
sur la possibilité qu’offrent ces deux tâches de contrôler les Espéret, 2007), au même titre que la dictée (Bonin, Collay
caractéristiques des unités écrites que les sujets doivent pro- & Fayol, 2008 ; Delattre, Bonin & Barry, 2006 ; Sprenger-
duire. En revanche, rares sont les analyses comparatives de Charolles & Casalis, 1995).
l’influence respective de ces deux tâches sur la production Les recherches sur la production écrite ont donné lieu à l’éla-
d’écriture et plus particulièrement sur l’acquisition de boration d’un certain nombre de modèles théoriques. Outre
l’orthographe. Jolly, Huron, Albaret et Gentaz (2010) ont celui proposé par Van Galen en 1991, déjà cité, on peut men-
bien conduit ce type de comparaison mais leur travail s’est tionner celui de Hayes et Flower (1980) ou encore celui de
basé sur la production de lettres isolées. La production de ce Kellog (1998) qui concernent tous deux la production de
type d’unité a également été l’objet de nombreuses textes et ses relations avec la mémoire de travail (Alamargot,
recherches (Bara & Gentaz, 2010 ; Chartrel & Vinter, 2006 ; Lambert & Chanquoy, 2005). En ce qui concerne la produc-
Chartrel & Vinter, 2008 ; Meulenbroek & Van Galen, 1988) tion de mots, celui proposé par Kandel et al. (2011) a été éla-
consacrées aux aspects visuels et moteurs lors de la copie de boré à partir de tâches de copie. Pour ce qui est de la dictée,
lettres isolées par des enfants et des adultes. nous retiendrons celui de Rapp, Epstein et Tainturier (2002).
Selon Kandel et Valdois (2006), la copie constitue une À notre connaissance, aucun modèle n’a jamais été pro-
tâche intéressante dans la mesure où elle permet d’étudier posé qui présenterait une comparaison de ces deux types de
l’acquisition de l’orthographe dans une perspective tâches, copie et dictée, de même qu’il ne semble pas exis-
d’action et de perception. Les résultats de leur étude confè- ter d’analyse comparative de leur influence respective sur
rent à la syllabe un rôle central dans l’articulation des la production écrite de mots du point de vue des processus
processus de perception et de production impliqués dans la cognitifs.
production orthographique. En effet, au cours de l’acquisi- Cette analyse comparative fera ainsi l’objet de notre article.
tion, les enfants passeraient d’une stratégie de traitement Dans la lignée des principes connexionnistes de McClelland
lettre à lettre à un traitement du mot dans sa globalité et Rumelhart (1981) qui privilégient les modèles d’activa-
(Kandel, Valdois & Orliaguet, 2003), mais entre les deux tion interactive, nous y proposons un modèle comparatif
extrêmes, l’unité syllabique s’imposerait comme étant la des tâches de copie et des tâches de dictée. Dans un
plus à même d’assurer la transition entre l’input visuel et premier temps et dans le but de faire surgir les phénomènes
l’output moteur. Ces résultats sont en accord avec ceux de de charge cognitive liés aux caractéristiques orthogra-
Humblot, Fayol et Longchamp (1994) qui, dans une phiques des mots à copier, des pseudo-mots ont été
approche développementale avec des enfants de CP et de construits en fonction de leur régularité orthographique et
CE1, ont analysé les levers de regards et les pauses, afin en vertu des règles phonotactiques du français. Dans un
d’établir une interaction entre la taille des unités perçues et second temps, des mots familiers et réguliers ont été sélec-
produites et le degré d’expertise des scripteurs. Kandel, tionnés afin d’examiner les effets d’interaction entre les
Alvarez et Vallée (2006) poursuivent dans le même sens et représentations phonologiques et orthographiques.
vont même après leur analyse de productions d’adultes Quel que soit le type de production écrite de mots isolés
francophones, hispanophones ou bilingues, et à la suite de (écriture spontanée, dénomination écrite d’images, copie,
Levelt et Wheeldon (1994) pour la production orale, dictée), le recours à des structures cognitives communes à
jusqu’à évoquer la possible existence d’un « syllabaire toutes ces productions est un passage obligé. Sont inhé-
mental » (p. 27). La syllabe émergerait donc comme une rentes à toutes ces tâches trois sortes de mémoire interne :
unité fondamentale dans la production écrite de mots. la mémoire à long terme, la mémoire de travail et la
Comme le montrent les résultats de Kandel, Peereman, mémoire à court terme (Baddeley, 1993).
Grosjacques et Fayol (2011) dans leur analyse de l’impact La mémoire à long terme est illimitée : à ce titre, elle repré-
relatif de la fréquence des bigrammes et de la structure syl- sente une ressource pour l’exécution de la tâche. Il s’agit ici
labique sur la production manuscrite, cette assertion va à d’une instance interne qui contient à la fois les programmes
l’encontre du modèle de Van Galen (1991). En effet, selon moteurs dont dépend l’exécution grapho-motrice de la
ce dernier modèle, les représentations orthographiques des trace et le lexique mental qui réunit les représentations
mots encodent uniquement des informations sur les lettres phonologique, orthographique et sémantique des mots. La
et plus précisément des informations sur leur identité et mémoire de travail, par son caractère limité, représente
leur ordre d’apparition dans le mot. davantage une contrainte qu’une ressource. Son rôle est
Les lettres et les syllabes ne sont pourtant pas les seules double. D’une part, lorsque le mot est connu, elle assure en
unités infralexicales à avoir été étudiées au travers de utilisant la voie d’adressage, la récupération en mémoire à
tâches de copie de mots, il en va de même pour les long terme des représentations phonologiques et/ou ortho-
graphèmes (Kandel & Spinelli, 2010) et les morphèmes graphiques du mot, ainsi que celle de sa représentation
(Kandel, Alvarez & Vallée, 2008 ; Weingarten, Nottbusch sémantique. D’autre part, lorsque le mot n’est pas connu,
& Will, 2004). Mais au-delà de l’étude des unités de traite- elle met en œuvre la voie d’assemblage par laquelle se
ment dont il a été question jusqu’ici, d’autres facteurs ont réalise, en fonction de la tâche à exécuter, la conversion des
été abordés. Entre autres, l’acquisition de l’orthographe phonèmes en graphèmes (pour l’écriture spontanée, la
des mots a donné lieu à des recherches sur l’influence des dénomination écrite de mots ou la dictée) ou bien celle des
caractéristiques orthographiques et sémantiques de ces graphèmes auxquels on associera des phonèmes qui à leur

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tour seront transformés en graphèmes (dans le cas d’une réponse. La mémoire de travail continue de renforcer, par
tâche de copie). La mémoire à court terme offre de son côté la voie d’assemblage, le processus de conversion déjà
une capacité encore plus limitée que celle de la mémoire de activé des phonèmes en graphèmes. Elle récupère le pro-
travail et fait donc peser une contrainte plus lourde encore. gramme moteur contenu en mémoire à long terme et le
C’est elle qui sera directement concernée par la modalité pseudo-mot, par définition inconnu, peut être produit sans
sensorielle de l’input. Ces deux derniers types de mémoire erreur. L’output écrit est conforme à l’input auditif.
interne seront ceux qui auront le plus à subir les effets En situation de copie, le pseudo-mot « tomine » est avant
d’une éventuelle charge cognitive. tout un input visuel. Il est néanmoins possible qu’il soit
La mémoire à long terme, la mémoire de travail et la aussi, par un processus de vocalisation interne lors de sa
mémoire à court terme, instances internes au scripteur, lecture, un input auditif. Comme pour la dictée, mémoire à
représentent donc soit une ressource soit des contraintes au court terme, mémoire de travail et mémoire à long terme
moment de la réalisation de tâches de production écrite de sont sollicitées simultanément. La mémoire de travail met en
mots. Parmi ces tâches, la copie a pour spécificité de œuvre un processus de conversion graphèmes-phonèmes-
fournir à l’exécutant le mot à copier, c’est-à-dire un input graphèmes tandis que les formes de surface phonologique,
visuel qui n’est pas moins qu’une mémoire externe à orthographique et sémantique contenues en mémoire à long
laquelle le scripteur peut se référer en cas de besoin. En terme sont activées et entrent en concurrence. La lecture du
d’autres termes, dans l’exécution de la tâche de copie, cet mot à copier, autrement dit le recours à la mémoire externe
input visuel qu’est le mot à copier constitue une ressource (i.e., l’input visuel disponible et non soumis à variations)
à l’instar de la mémoire à long terme dans toute tâche de inhibe toutes ces représentations et vient renforcer le proces-
production écrite de mots. sus de conversion graphèmes-phonèmes-graphèmes déjà à
Si l’on compare à présent copie et dictée, on peut donc l’œuvre dans la mémoire de travail. L’output écrit semble
avancer que la copie a l’avantage sur la dictée de proposer donc avoir plus de chances d’être conforme à l’input visuel.
au scripteur une mémoire externe d’autant plus précieuse Des erreurs orthographiques sont certes possibles, mais elles
qu’elle est disponible à tout moment et qu’elle ne peut être sont davantage liées à une perception erronée de l’input
soumise à variation. Par ailleurs, les deux tâches diffèrent (i.e. des erreurs dans la lecture du mot à copier) qu’à un
par la nature de l’input initial : auditif dans le cas de la échec de la voie d’assemblage utilisée face à l’impossibilité
dictée, il devient visuel lors de la copie. On peut dès lors de trouver dans le lexique mental en mémoire à long terme
poser l’hypothèse que le succès de chacune des tâches la forme de surface correspondant à l’input.
pourrait dépendre des caractéristiques orthographiques des En effet, cette impossibilité existe en copie tout comme en
mots proposés. dictée. Mais alors qu’en dictée la mémoire à long terme est
Que se passe-t-il lorsque le pseudo-mot « tomine » doit être la seule ressource apte à alimenter la mémoire de travail,
écrit sous dictée (cf. figure 1) ? « tomine » est un pseudo- en copie vient s’ajouter une seconde ressource, la mémoire
mot régulier en ce sens où chaque phonème correspond à externe, qui interagit avec la mémoire à long terme et
un graphème simple. Autrement dit la régularité orthogra- consolide le processus de conversion graphèmes-phonèmes-
phique se définit ici comme la correspondance univoque graphèmes.
entre une lettre et un son et vice-versa. En situation de
dictée, mémoire à court terme, mémoire de travail et Figure 1. Modélisation des processus cognitifs impliqués lors du traitement
mémoire à long terme sont simultanément sollicitées par de pseudo-mots réguliers (e.g., tomine) en dictée et en copie.
l’input auditif /tomin/. Dans la mémoire de travail, une
conversion phonèmes-graphèmes s’opère, alors qu’au sein
de la mémoire à long terme, toutes les formes de surface
potentiellement reliées à l’input se présentent et entrent en
concurrence ainsi que le décrit Dehaene (2007) lorsqu’il
cite la métaphore du Pandémonium de Selfridge (1959)
dans sa présentation des processus impliqués dans la
reconnaissance des lettres au cours de la lecture (pp. 74-75).
Le pseudo-mot /tomin/ n’existe certes pas en mémoire à
long terme, mais la récupération par la mémoire à court
terme de cet input auditif a activé les représentations pho-
nologiques, orthographiques et sémantiques présentes dans
le lexique mental qui peuvent lui être associées, comme par
exemple tomate, tome, mine, etc. Si le degré d’expertise du
scripteur dans la correspondance phonèmes-graphèmes
n’est pas suffisant, la compétition entre chacune de ces
formes différentes et variées demeure et peut donner lieu,
au moment de l’écriture du mot, à un output orthographi-
quement erroné. A contrario, chez un scripteur expert,
aucune de ces représentations de surface n’est sélectionnée
dans la mesure où aucune d’entre elles ne correspond
précisément à l’input entendu. C’est l’échec de la voie
d’adressage, la mémoire à long terme ne fournit pas de

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Dans la copie ou la dictée d’un pseudo-mot tel que (i.e. celle qui conduira à une production orthographique
« purrate » (cf. figure 2), les processus engagés sont les aux correspondances phonographémiques les plus fré-
mêmes que ceux décrits plus haut. « Purrate » est orthogra- quentes, autrement dit « stilo ») peut interférer avec sa
phiquement irrégulier puisqu’au phonème /R/ correspond le représentation orthographique dans la mesure où deux
bigramme « rr » au lieu du graphème simple « r ». Ce issues concurrentes sont possibles (soit « i », soit « y ») et
pseudo-mot ne peut être correctement orthographié sans la production sous dictée pourra ainsi donner soit « stilo »
exposition préalable du scripteur à sa forme écrite. Autre- via la voie d’assemblage, soit « stylo » via l’adressage
ment dit, la production écrite sous dictée, de par le caractère (selon le modèle de lecture DRC de Coltheart, Rastle,
strictement auditif de l’input, a de forts risques d’être Perry, Langdon & Ziegler, 2001). Aucune de ces deux
erronée. En effet, en dictée, en supposant que les corres- productions ne peut être considérée comme résultant d’une
pondances phonie-graphie soient respectées (i.e. la forme tâche d’apprentissage. En effet, la première production (i.e.
produite correspond bien à la séquence /pyRat/), la produc- « stilo ») signe une représentation orthographique erronée,
tion la plus plausible serait « purate », et même si le scrip- inaccessible ou instable mais dans tous les cas issue de la
teur était prévenu de la présence d’une irrégularité, d’autres voie d’assemblage prédominante dans cette situation. La
formes écrites seraient possibles (e.g. « puratte », « purhate », seconde production (i.e. « stylo ») est quant à elle, la
« purathe », etc.). C’est donc la copie seule qui peut preuve de la présence et de l’accessibilité de la forme
permettre la production de la forme orthographiquement orthographique normée dans le lexique mental, forme déjà
correcte de ce pseudo-mot, dans la mesure où la mémoire acquise et qu’il est donc inutile d’acquérir. Si l’on définit
externe est la seule à pouvoir signaler au scripteur non seu- l’apprentissage d’un mot comme l’introduction et la stabi-
lement la présence d’une irrégularité mais aussi le type lisation en mémoire à long terme des représentations
d’irrégularité et sa localisation dans le pseudo-mot. phonologique, orthographique, sémantique et grapho-
motrice de ce mot (ou en d’autres termes comme la trans-
Figure 2. Modélisation des processus cognitifs impliqués lors du traitement formation de ces représentations en formes normées, sta-
de pseudo-mots irréguliers (e.g., purrate) en dictée et en copie.
bles et aisément récupérables), on voit bien que la dictée ne
peut prendre part qu’à la construction de la représentation
phonologique. Quant à la construction des trois autres
représentations, elle doit être prise en charge par d’autres
types de tâches. À l’instar de la dictée, la copie pure et
simple d’un mot ne peut prétendre à participer à la
construction de sa représentation sémantique. Si la part
qu’elle peut prendre dans la construction de la représenta-
tion phonologique nous semble équivalente à celle de la
dictée sous certaines conditions (notamment une certaine
maîtrise des processus de conversion phonèmes-graphèmes-
phonèmes), nous pensons en revanche que, de par la possi-
bilité qu’elle offre au scripteur de recourir à une mémoire
externe, son importance est primordiale à l’heure d’acquérir
forme orthographique et patron grapho-moteur. Néanmoins,
les caractéristiques orthographiques du mot à copier
doivent être prises en compte. Si le mot « stylo » est déjà
présent en mémoire à long terme, une tâche de copie visant
l’acquisition de cette forme normée est cependant utile
pour en faciliter l’accessibilité. Est-ce à dire que pour
autant la tâche de copie ne présente pas d’autre intérêt ?
Nous pensons le contraire même si elle perd les spécificités
d’une tâche d’apprentissage. La représentation orthogra-
phique déjà présente n’est plus à acquérir mais est
renforcée non seulement par la mémoire externe mais aussi
Introduisons à présent dans le modèle le mot « stylo » (cf. par l’exécution motrice de la trace qui laisse en mémoire à
figure 3). Ce mot est familier mais il est irrégulier orthogra- long terme une trace mnésique supplémentaire. A contrario,
phiquement puisque le phonème /i/ s’y écrit avec le si la représentation orthographique est absente, peu acces-
graphème « y », beaucoup plus rare que le graphème « i » sible ou non correctement codée en mémoire à long terme,
(1 % et 99 % respectivement selon Catach, 1995). L’écri- la simple exposition du scripteur au mot à copier (i.e. la
ture sous dictée, toujours en supposant que la forme écrite simple lecture du mot) entraîne un conflit entre représenta-
produite corresponde bien à la séquence entendue /stilo/, tion phonologique, représentation orthographique et
peut être correcte (« stylo ») ou erronée (« stilo »). La mémoire externe. Ce conflit est rapidement remporté par
production sera conditionnée par l’activation de la repré- cette mémoire externe qui n’est plus une représentation
sentation orthographique de l’input dans le lexique mental : mais la forme orthographique normée, fixe et non soumise
soit le mot est correctement codé orthographiquement et à variation, du mot « stylo ». Cette norme extérieure vient
accessible, soit il ne l’est pas. Dans ce dernier cas, « stylo » donc renforcer non seulement le processus de conversion
étant un mot irrégulier, sa représentation phonologique graphèmes-phonèmes-graphèmes opéré par la mémoire de

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travail comme dans le cas de mots réguliers, mais aussi la de l’orthographe, le choix de l’une ou l’autre des deux
représentation orthographique stockée dans le lexique tâches sera fonction des caractéristiques orthographiques
mental, en mémoire à long terme ainsi que son accessibi- des mots.
lité. Mémoire à long terme et mémoire externe entrent À notre connaissance il n’existe pas dans la littérature
alors en interaction. Dès lors, nous sommes en présence d’études comparatives de ces deux tâches, ce qui nous
d’une authentique tâche d’apprentissage de la forme ortho- conduit à nous interroger sur la validité d’une telle compa-
graphique du mot. L’acquisition du patron grapho-moteur raison. Dictée et copie sont-elles des tâches comparables ?
n’en est pas pour autant mise à l’écart : elle se réalise Elles ont en commun de conduire à une production écrite à
simultanément à celle de la forme orthographique, et cette partir d’une information linguistique contrainte. Selon
simultanéité entraîne un renforcement mutuel des diverses Alamargot, Lambert et Chanquoy (2005), « pour la psycho-
représentations antérieures (phonologique, orthographique logie cognitive, la production écrite de textes consiste à
et motrice), renforcement qui conduit à la transformation transformer des informations référentielles en une trace
de ces représentations en formes normées stables, aisément linguistique linéaire, respectant une visée communicative »
récupérables par la mémoire de travail et en conséquence, (p. 3). Dès lors, dictée et copie de mots pourraient être défi-
prêtes à être utilisées dans toute situation de production nies comme des tâches de production écrite qui visent à
écrite. Il est également important de noter que dans le cas transformer une information linguistique contrainte « en
des mots irréguliers, le patron moteur intégrant l’irrégularité une trace linguistique linéaire », elle aussi contrainte. Ces
du mot (i.e., « y » et non pas « i ») se trouverait fortement contraintes qui pèsent sur l’information linguistique et sur
associé à sa forme orthographique permettant ainsi de la production revêtent plusieurs aspects. D’une part,
récupérer la norme via le geste moteur. l’information est imposée de l’extérieur : aucun choix n’est
laissé au scripteur. D’autre part, elles sont d’ordre phono-
Figure 3. Modélisation des processus cognitifs impliqués lors du traitement
de mots familiers mais irréguliers (e.g., stylo) en dictée et en copie.
logique, orthographique et grapho-moteur : les productions
du scripteur doivent être conformes aux mots qui ont été
dictés ou proposés à la copie. Et c’est là qu’intervient la
différence fondamentale entre dictée et copie, à savoir la
modalité de l’information linguistique à laquelle doit se
soumettre le scripteur : alors qu’en dictée cette information
est orale, elle est écrite en copie. En d’autres termes, en
dictée, le point de départ de la tâche est un input auditif tan-
dis qu’il est visuel en copie. Néanmoins, cette dernière
assertion doit être nuancée en ce sens que la dictée contient
des composantes visuelles mises en jeu par le processus de
révision qui vise à évaluer la production en cours (Alamargot
et al., 2005), tout comme la copie présente des caractéris-
tiques auditives (les processus, évoqués précédemment, de
vocalisation interne liés à la perception et à la lecture du
mot à copier).
En dictée, l’information fournie est exclusivement phono-
logique (les processus de révision ne peuvent intervenir
qu’après réception du stimulus auditif), ce qui crée une
distorsion entre les contraintes de l’information et les
contraintes de la production : il incombera au scripteur
d’assurer seul la bonne réception de cette information
phonologique et de la transformer en information orthogra-
phique et en trace grapho-motrice, avec pour seules
ressources ses connaissances préalables contenues dans
son lexique mental (i.e. l’activation des formes séman-
Le modèle que nous venons d’exposer s’applique à établir tiques, phonologiques, orthographiques et grapho-motrices
une comparaison entre copie et dictée en termes d’interac- adéquates et l’inhibition des formes concurrentes) et ses
tions entre contextes et structures cognitives. Dans les deux compétences dans le processus de conversion phonèmes-
tâches sont impliquées la mémoire à court terme et la graphèmes opéré par la mémoire de travail. La dictée
mémoire de travail qui, de par leur capacité limitée, sont pourrait donc être une tâche efficace à l’heure d’évaluer
chacune une contrainte lors de l’exécution de chacune des chacune de ces deux ressources.
tâches. Participe également la mémoire à long terme qui, La copie, pour sa part, place le scripteur devant une informa-
au contraire, parce qu’elle est illimitée, constitue une res- tion orthographique puisque visuelle. Mais cette information
source. Néanmoins c’est parce qu’elle est illimitée qu’elle est également phonologique : les processus de vocalisation
peut être aussi le champ de nombreuses compétitions entre interne auxquels l’exposition au mot à copier le conduit
représentations concurrentes. La spécificité de la copie est font du scripteur un lecteur. Enfin, cette information peut
qu’elle ajoute à ces trois structures cognitives une autre être aussi grapho-motrice, surtout lorsque le scripteur
mémoire, la mémoire externe qu’est le mot à copier. Par assiste avant la copie au processus d’écriture du mot à
ailleurs, puisque dictée et copie participent à l’acquisition copier. En bref, l’adéquation entre contraintes de l’infor-

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mation et contraintes de la production est plus grande en classifier les mots à écrire en dictée ou en copie en fonction
copie. L’information linguistique de départ et la production de leur régularité orthographique et de l’expertise des
attendue y sont de même nature. Les représentations scripteurs et, enfin, de déterminer clairement non seulement
internes (i.e. les connaissances préalables) sont moins les temps auxquels dictée et copie doivent être proposées
soumises à des phénomènes de compétition neutralisés par mais aussi les objectifs visés par chacune de ces deux
le recours à la mémoire externe qu’est le mot à copier, et le tâches, en fonction de leurs spécificités propres.
processus de conversion phonèmes-graphèmes se convertit
en un processus de conversion graphèmes-phonèmes- Remerciements
graphèmes, faisant de la copie une tâche essentielle dans Ce travail a bénéficié du soutien financier de l’European
l’apprentissage de la lecture. Science Foundation (ESF) pour le programme de recherche
Dictée et copie seraient donc deux tâches différentes malgré en réseau intitulé « European Network on Word Structure:
leurs points communs. Si la dictée conduit à une nécessaire Cross-disciplinary Approaches to Understanding Word
transformation d’une information auditive et phonologique Structure in the Languages of Europe ».
initiale, il serait peut-être plus juste de parler, pour la copie,
non plus d’une transformation d’une trace initiale visuelle, RÉFÉRENCES
phonologique et orthographique mais de sa réplication par ALAMARGOT, D., LAMBERT, E. & CHANQUOY, L. (2005). La Pro-
un autre sujet. Si nous pensions dictée et copie en terme de duction écrite et ses relations avec la mémoire. Approche neuropsycholo-
trajectoire, nous pourrions dire qu’un mot produit sous dic- gique des apprentissages de l’enfant, 17, pp. 41-46.
tée est le résultat d’un mouvement allant des structures BADDELEY, A.D. (1993). La Mémoire humaine. Théorie et pratique.
cognitives internes au scripteur vers le monde externe, sous Grenoble : P.U.G. (ouvrage originel publié en 1990).
l’effet d’un stimulus externe et avec une distorsion entre le BARA, F. & GENTAZ, E. (2010). Apprendre à tracer les lettres : une
stimulus (auditif) et la réponse (visuelle et motrice). C’est revue critique. Psychologie française, 55, pp. 129–144. doi: 10.1016/
en ce sens que la dictée constitue une tâche dont l’objectif j.psfr.2010.01.001.
est davantage d’évaluer le produit d’un apprentissage que BONIN, P. (2007). Approche cognitive de la production verbale de mots.
de laisser une trace dans le système cognitif du scripteur. Bruxelles : De Boeck.
De son côté, un mot copié part d’un stimulus externe BONIN, P., COLLAY, S. & FAYOL, M. (2008). La Consistance orthogra-
phique en production verbale écrite : une brève synthèse. L’Année psycho-
visuel, pénètre les structures cognitives internes en y laissant logique, 108(3), pp. 517-546.
une trace motrice et en ressort sous la forme d’une réponse
CATACH, N. (1995). L’Orthographe française. Paris: Nathan.
visuelle et motrice, ce qui en fait une tâche d’apprentissage
dans laquelle stimulus et réponse sont davantage en adé- CHARTREL, E. & VINTER, A. (2006). Rôle des informations visuelles
dans la production de lettres cursives chez l’enfant et l’adulte. L’Année
quation. La copie de mots notamment irréguliers permet- psychologique, 106, pp. 45-66.
trait d’encoder en mémoire à long terme une trace
CHARTREL, E. & VINTER, A. (2008). The impact of spatio-temporal
mnésique motrice associée à leur représentation lexicale, constraints on cursive letter handwriting in children. Learning and
cette trace pourrait ensuite être utilisée pour récupérer plus Instruction, 18, pp. 537-547. doi:10.1016/j.learninstruc.2007.11.003.
facilement la forme orthographique normée. COLTHEART, M., RASTLE, K., PERRY, C., LANGDON, R. &
ZIEGLER, J. (2001). DRC: A Dual Route Cascaded model of visual word
Des prédictions expérimentales ont été faites sur la base du recognition and reading aloud. Psychological Review, 108, pp. 204-256.
modèle proposé. En vue d’en vérifier la consistance, elles doi: 10.1037//0033-295X.108.1.204.
devront être testées aussi bien auprès de normo-scripteurs DELATTRE, M., BONIN, P. & BARRY, C. (2006). Written spelling to
que chez des sujets présentant des troubles du langage dictation: Sound-to-spelling regularity affects both writing latencies and
durations. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and
écrit. Il est donc nécessaire de comparer expérimentale- Cognition, 32, pp. 1330–1340. doi: 10.1037/0278-7393.32.6.1330.
ment les deux tâches en tenant compte des caractéristiques HAYES, J. R. & FLOWER, L. S. (1980). Identifying the organization of
orthographiques des mots proposés. Cette comparaison ne writing processes. In L. W. Gregg et E. R. Steinberg (Eds.), Cognitive
peut s’effectuer qu’auprès de scripteurs ayant des connais- processes in writing (pp.3-30). Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum.
sances orthographiques préalables minimales. Elle ne peut HUMBLOT, L., FAYOL, M. & LONGCHAMP, K. (1994). La Copie de
dès lors être envisagée avant le cours préparatoire, niveau mots en C.P. et en C.E.1, activités métalinguistiques à l’école. Repères, 9.
de scolarité au cours duquel l’apprentissage du code écrit JOLLY, C., HURON, C., ALBARET, J.C. & GENTAZ, E. (2010).
tant dans sa réception que dans sa production commence à Approche comparative des tracés de lettres d’une enfant atteinte d’un
être formalisé et devient systématique. De plus, conduire trouble d’acquisition de la coordination et scolarisée en CP avec ceux
d’enfants ordinaires de GSM et CP. Psychologie française, 55, pp. 145-170.
cette comparaison dans une perspective développementale
peut nous renseigner sur l’influence de l’expertise sur les KANDEL, S., ALVAREZ C. & VALLÉE, N. (2006). Syllables as proces-
sing units in handwriting production. Journal of Experimental Psychology:
productions en fonction de l’une ou l’autre des deux Human Perception and Performance, 32(1), pp. 18-31. doi: 10.1037/0096-
tâches. Une telle étude ne s’arrêtera pas à comparer les 1523.32.1.18.
seules variables statiques (i.e. les erreurs d’orthographe, la KANDEL, S., ALVAREZ C. & VALLÉE, N. (2008). Morphemes also
lisibilité) mais s’attachera également à analyser les variables serve as processing units in handwriting production. In M. Baciu (Ed.),
dynamiques dans chacune des deux tâches (i.e., les pauses, Neuropsychology and Cognition of language Behavioral, Neuropsycholo-
leur durée, leur localisation dans le mot produit, la vitesse gical and Neuroimaging Studies of Spoken and Written Language (pp. 87-
100). Kerala, India: Research Signpost.
d’exécution, la pression, etc.). Elle pourrait avoir des
implications pédagogiques importantes, au sens où elle KANDEL, S., PEEREMAN, R., GROSJACQUES, G. & FAYOL, M. (2011).
For a psycholinguistic model of handwriting production: Testing the syllable-
permettrait de définir des priorités dans l’apprentissage de bigram controversy. Journal of Experimental Psychology: Human Percep-
l’écriture lié à celui de la lecture, d’aider les enseignants à tion and Performance, 37(4), pp. 1310-1322. doi: 10.1037/a0023094.

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LES PROCESSUS COGNITIFS IMPLIQUÉS DANS L’ACQUISITION DE L’ORTHOGRAPHE : DICTÉE VS COPIE

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